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(Charles Joseph) Marty-Laveaux - -Release Date: March 31, 2016 [EBook #51612] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 *** - - - - -Produced by Hélène de Mink and the Online Distributed -Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was -produced from images generously made available by the -Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - - - - - - -Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le -typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et -n'a pas été harmonisée. - - - - - LES - - GRANDS ÉCRIVAINS - - DE LA FRANCE - - NOUVELLES ÉDITIONS - - PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION - - DE M. AD. REGNIER - - Membre de l'Institut - - - - - ŒUVRES - DE - P. CORNEILLE - TOME VII - - - - - PARIS--IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET CIE - Rue de Fleurus, 9 - - - - - ŒUVRES - DE - P. CORNEILLE - - NOUVELLE EDITION - - REVUE SUR LES PLUS ANCIENNES IMPRESSIONS - ET LES AUTOGRAPHES - - ET AUGMENTÉE - - de morceaux inédits, des variantes, de notices, de notes, - d'un lexique des mots et locutions remarquables, d'un - portrait, d'un fac-simile, etc. - - PAR M. CH. MARTY-LAVEAUX - - - TOME SEPTIÈME - - - PARIS - LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET CIE - BOULEVARD SAINT-GERMAIN - 1862 - - - - - AGÉSILAS - - TRAGÉDIE - - 1666 - - - - -NOTICE. - - -_Agésilas_ fut joué pour la première fois sur le théâtre de -l'Hôtel de Bourgogne, suivant toute apparence au mois de février -1666, et non «à la fin d'avril» comme l'ont dit les frères -Parfait[1]. Les funérailles de la reine Anne d'Autriche, morte le -19 janvier[2], et le deuil que la cour prit à cette occasion, -interrompirent tout divertissement et durent contribuer au peu de -succès de l'ouvrage. Robinet s'exprime ainsi dans sa _Lettre en -vers à Madame_ du 6 mars 1666: - - Ne vous mettez point aux fenêtres - Ni n'allez point traîner vos guêtres - Pour voir des masques, ces jours gras, - Bonnes gens, vous n'en verrez pas. - Messieurs les foux de tous étages - Seront une fois de faux sages, - Pour le respect (bien entendu) - Par tout françois justement dû - Aux cendres de cette princesse, - Que nous pleurons encor sans cesse. - Mais vous avez pour supplément - Le noble divertissement - Que vous donnent les doctes veilles - De l'aîné des braves Corneilles: - Son charmant _Agésilaus_, - Où sa veine coule d'un flus - Qui fait admirer à son âge - Ce grand et rare personnage. - -Cette faible louange trouva peu d'écho. La pièce ne suscita ni -cabale, ni libelles, ni parodies: elle tomba obscurément, et nous -ne pouvons même retrouver la trace de cette chute, dont le -souvenir ne nous a guère été conservé que par deux vers d'une -épigramme, que Boileau fit à l'occasion d'_Attila_[3]. - -Un concurrent redoutable venait de se faire jour. _Agésilas_ -parut trois mois après l'_Alexandre_ de Racine. «La révolution -qui se fit alors dans les sentiments du public, dit Jolly[4], le -parti que prit le plus grand nombre en faveur du nouveau poëte, -forment une époque à laquelle on peut rapporter la naissance d'un -genre inconnu de tragédie, où l'amour dominoit sur toutes les -autres passions. M. Quinault l'avoit ébauché avec quelque succès, -dix ans auparavant[5], mais non pas avec autant d'éclat.» - -«_Agésilas_, comme nous l'apprennent les frères Parfait[6], n'a -jamais été remis au théâtre.» - -Le privilége de cette tragédie a été donné à Corneille le -«vingt-quatrième mars 1666,» et l'Achevé d'imprimer a pour date: -«le 3. iour d'Avril 1666.» - -Voici le titre exact de la pièce dans l'édition originale: -AGESILAS, TRAGEDIE. En Vers libres rimez[7]. Par P. Corneille. _A -Rouen, et se vend à Paris, chez Guillaume de Luyne, Libraire -Iuré, au Palais_.... M.DC.LXVI. _Auec priuilege du Roy._ Le -volume, de format in-12, se compose de deux feuillets, de 88 -pages, et d'un dernier feuillet contenant le privilége. - - [1] _Histoire du Théâtre françois_, tome X, p. 21. - - [2] Voyez Robinet, _Lettre_ du 24 janvier 1666, et la - _Gazette_ du 23 janvier, p. 95. Les dictionnaires biographiques - indiquent le 20 janvier comme date de la mort de la Reine. - - [3] Voyez ci-après la Notice d'_Attila_, p. 101. - - [4] _Avertissement_ en tête du _Théâtre_ de Corneille, - p. LXV. - - [5] Voyez tome VI, p. 469 et la note 1. - - [6] _Histoire du Théâtre françois_, tome X, p. 27. - - [7] «On prétend que la mesure des vers qu'il employa - dans _Agésilas_ nuisit beaucoup au succès de cette tragédie. Je - crois au contraire que cette nouveauté aurait réussi, et qu'on - aurait prodigué les louanges à ce génie si fécond et si varié, - s'il n'avait pas entièrement négligé dans _Agésilas_, comme dans - les pièces précédentes, l'intérêt et le style.» (Voltaire, - _Préface d'Agésilas_.)--On sait que Voltaire a fait à son tour, - dans _Tancrède_, un essai non pas des vers libres inégaux, mais - des vers croisés. - - - - -AU LECTEUR. - - -Il ne faut que parcourir les _Vies d'Agésilas_ et _de Lysander_ -chez Plutarque, pour démêler ce qu'il y a d'historique dans cette -tragédie[8]. La manière dont je l'ai traitée n'a point d'exemple -parmi nos François, ni dans ces précieux restes de l'antiquité -qui sont venus jusqu'à nous; et c'est ce qui me l'a fait choisir. -Les premiers qui ont travaillé pour le théâtre, ont travaillé -sans exemple, et ceux qui les ont suivis y ont fait voir quelques -nouveautés de temps en temps. Nous n'avons pas moins de -privilége. Aussi notre Horace, qui nous recommande tant la -lecture des poëtes grecs par ces paroles: - - _Vos exemplaria Græca_ - _Nocturna versate manu, versate diurna_[9], - -ne laisse pas de louer hautement les Romains d'avoir osé quitter -les traces de ces mêmes Grecs, et pris d'autres routes: - - _Nil intentatum nostri liquere poetæ; - Nec minimum meruere decus, vestigia Græca - Ausi deserere_[10]. - -Leurs règles sont bonnes; mais leur méthode n'est pas de notre -siècle; et qui s'attacheroit à ne marcher que sur leurs pas, -feroit sans doute peu de progrès, et divertiroit mal son -auditoire. On court, à la vérité, quelque risque de s'égarer, et -même on s'égare assez souvent, quand on s'écarte du chemin battu; -mais on ne s'égare pas toutes les fois qu'on s'en écarte: -quelques-uns en arrivent plus tôt où ils prétendent, et chacun -peut hasarder à ses périls. - - [8] Voyez ci-après, p. 8, note 11. - - [9] «Feuilletez nuit et jour les modèles que les Grecs - nous ont laissés.» (_Art poétique_, vers 268 et 269.) - - [10] «Nos poëtes n'ont négligé aucune tentative, et - n'ont pas mérité peu de gloire en osant abandonner les traces des - Grecs.» (_Ibidem_, vers 285-287.) - - - - -LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES -D'_AGÉSILAS_. - - - ÉDITION SÉPARÉE. - - 1666 in-12. - - - RECUEILS. - - 1668 in-12; | 1682 in-12. - - - - -ACTEURS[11]. - - - AGÉSILAS, roi de Sparte. - LYSANDER, fameux capitaine de Sparte. - COTYS, roi de Paphlagonie[12]. - SPITRIDATE, grand seigneur persan. - MANDANE, sœur de Spitridate. - ELPINICE, } filles de Lysander. - AGLATIDE, } - XÉNOCLÈS, lieutenant d'Agésilas. - CLÉON, orateur grec, natif d'Halicarnasse. - -La scène est à Ephèse. - - [11] Agésilas régna de l'an 399 à l'an 361. On sait que - Plutarque a écrit sa vie ainsi que celle de Lysandre. Le même - auteur nomme Cotys et Spitridate, mais il ne les donne point pour - prétendants aux filles d'Agésilas. Il dit dans la vie de ce roi: - «Il.... passa jusqu'au royaume de Paphlagonie, où il fit alliance - auec le roy Cotys, qui rechercha affectueusement son amitié.... - comme fit aussi Spitridates, lequel abandonna Pharnabazus pour se - rendre à Agesilaus.... Il (_Spitridates_) auoit.... vne fort - belle fille preste à marier, qu'Agesilaus feit espouser à ce roy - Cotys.» (_Vie d'Agésilas_, chapitre XI, traduction d'Amyot.) - Quant à Mandane, c'est un personnage d'invention. Il en est - presque de même d'Elpinice et d'Aglatide. Plutarque ne les nomme - pas, et nous dit seulement à leur sujet, dans la _Vie de - Lysandre_ (chapitre XXX), que les Spartiates «condamnèrent en - grosse amende deux citoyens, qui auoient fiancé ses deux filles - du viuant de leur pere, et puis les refuserent quand ilz virent - qu'à sa mort il se trouua.... pauure.» Xénoclès et Cléon sont - indiqués par Plutarque, le premier au chapitre XVI de la _Vie - d'Agésilas_, le second au chapitre XX, et dans la _Vie de - Lysandre_: voyez ci-après, p. 37, note 1. - - [12] Région de l'Asie Mineure, entre le Pont et la - Bithynie. - - - - -AGÉSILAS. - -TRAGÉDIE. - - - - -ACTE I. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -ELPINICE, AGLATIDE. - - AGLATIDE. - - Ma sœur, depuis un mois nous voilà dans Éphèse[13], - Prêtes à recevoir ces illustres époux - Que Lysander, mon père, a su choisir pour nous; - Et ce choix bienheureux n'a rien qui ne vous plaise. - Dites-moi toutefois, et parlons librement, 5 - Vous semble-t-il que votre amant - Cherche avec grande ardeur votre chère présence? - Et trouvez-vous qu'il montre, attendant ce grand jour, - Cette obligeante impatience - Que donne, à ce qu'on dit, le véritable amour? 10 - - ELPINICE. - - Cotys est roi, ma sœur; et comme sa couronne - Parle suffisamment pour lui, - Assuré de mon cœur, que son trône lui donne, - De le trop demander il s'épargne l'ennui. - Ce me doit être assez qu'en secret il soupire, 15 - Que je puis deviner ce qu'il craint de trop dire, - Et que moins son amour a d'importunité, - Plus il a de sincérité. - Mais vous ne dites rien de votre Spitridate: - Prend-il autant de peine à mériter vos feux 20 - Que l'autre à retenir mes vœux? - - AGLATIDE. - - C'est environ ainsi que son amour éclate: - Il m'obsède à peu près comme l'autre vous sert. - On diroit que tous deux agissent de concert, - Qu'ils ont juré de n'être importuns l'un ni l'autre: 25 - Ils en font grand scrupule; et la sincérité - Dont mon amant se pique, à l'exemple du vôtre, - Ne met pas son bonheur en l'assiduité. - Ce n'est pas qu'à vrai dire il ne soit excusable: - Je préparai pour lui, dès Sparte, une froideur 30 - Qui, dès l'abord, étoit capable - D'éteindre la plus vive ardeur; - Et j'avoue entre nous qu'alors qu'il[14] me néglige, - Qu'il se montre à son tour si froid, si retenu, - Loin de m'offenser, il m'oblige, 35 - Et me remet un cœur qu'il n'eût pas obtenu. - - ELPINICE. - - J'admire cette antipathie - Qui vous l'a fait haïr avant que de le voir, - Et croirois que sa vue auroit eu le pouvoir - D'en dissiper une partie; 40 - Car enfin Spitridate a l'entretien charmant, - L'œil vif, l'esprit aisé, le cœur bon, l'âme belle. - A tant de qualités s'il joignoit un vrai zèle.... - - AGLATIDE. - - Ma soeur, il n'est pas roi, comme l'est votre amant. - - ELPINICE. - - Mais au parti des Grecs il unit deux provinces; 45 - Et ce Perse vaut bien la plupart de nos princes[15]. - - AGLATIDE. - - Il n'est pas roi, vous dis-je, et c'est un grand défaut. - Ce n'est point avec vous que je le dissimule, - J'ai peut-être le cœur trop haut; - Mais aussi bien que vous je sors du sang d'Hercule[16]; 50 - Et lorsqu'on vous destine un roi pour votre époux, - J'en veux un aussi bien que vous. - J'aurois quelque chagrin à vous traiter de reine, - A vous voir dans un trône assise en souveraine, - S'il me falloit ramper dans un degré plus bas; 55 - Et je porte une âme assez vaine - Pour vouloir jusque-là vous suivre pas à pas. - Vous êtes mon aînée, et c'est un avantage - Qui me fait vous devoir grande civilité; - Aussi veux-je céder le pas devant[17] à l'âge, 60 - Mais je ne puis souffrir autre inégalité. - - ELPINICE. - - Vous êtes donc jalouse, et ce trône vous gêne - Où la main de Cotys a droit de me placer! - Mais si je renonçois au rang de souveraine, - Voudriez-vous y renoncer? 65 - - AGLATIDE. - - Non, pas sitôt: j'ai quelque vue - Qui me peut encore amuser. - Mariez-vous, ma sœur; quand vous serez pourvue, - On trouvera peut-être un roi pour m'épouser. - J'en aurois un déjà, n'étoit ce rang d'aînée 70 - Qui demandoit pour vous ce qu'il vouloit m'offrir, - Ou s'il eût reconnu qu'un père eût pu souffrir - Qu'à l'hymen avant vous on me vît destinée. - Si ce roi jusqu'ici ne s'est point déclaré, - Peut-être qu'après tout il n'a que différé, 75 - Qu'il attend votre hymen pour rompre son silence. - Je pense avoir encor ce qui le sut charmer; - Et s'il faut vous en faire entière confidence, - Agésilas m'aimoit, et peut encor m'aimer. - - ELPINICE. - - Que dites-vous, ma sœur? Agésilas vous aime! 80 - - AGLATIDE. - - Je vous dis qu'il m'aimoit, et que sa passion - Pourroit bien être encor la même; - Mais cet amusement de mon ambition - Peut n'être qu'une illusion. - Ce prince tient son trône et sa haute puissance 85 - De ce même héros dont nous tenons le jour; - Et si ce n'étoit lors que par reconnoissance - Qu'il me temoignoit de l'amour, - Puis-je être sans inquiétude - Quand il n'a plus pour lui que de l'ingratitude, 90 - Qu'il n'écoute plus rien qui vienne de sa part[18]? - Je ne sais si sa flamme est pour moi foible ou forte; - Mais la reconnoissance morte, - L'amour doit courir grand hasard. - - ELPINICE. - - Ah! s'il n'avoit voulu que par reconnoissance 95 - Être gendre de Lysander, - Son choix auroit suivi l'ordre de la naissance, - Et Sparte, au lieu de vous, l'eût vu me demander; - Mais pour mettre chez nous l'éclat de sa couronne - Attendre que l'hymen m'ait engagée ailleurs, 100 - C'est montrer que le cœur s'attache à la personne. - Ayez, ayez pour lui des sentiments meilleurs. - Ce cœur qu'il vous donna, ce choix qui considère - Autant et plus encor la fille que le père, - Feront que le devoir aura bientôt son tour; 105 - Et pour vous faire seoir où vos desirs aspirent, - Vous verrez, et dans peu, comme pour vous conspirent - La reconnoissance et l'amour. - - AGLATIDE. - - Vous voyez cependant qu'à peine il me regarde: - Depuis notre arrivée il ne m'a point parlé; 110 - Et quand ses yeux vers moi se tournent par mégarde.... - - ELPINICE. - - Comme avec lui mon père a quelque démêlé, - Cette petite négligence, - Qui vous fait douter de sa foi, - Vient de leur mésintelligence, 115 - Et dans le fond de l'âme il vit sous votre loi. - - AGLATIDE. - - A tous hasards, ma sœur, comme j'en suis mal sûre, - Si vous me pouviez faire un don de votre amant, - Je crois que je pourrois l'accepter sans murmure. - Vous venez de parler du mien si dignement.... 120 - - ELPINICE. - - Aimeriez-vous Cotys, ma sœur? - - AGLATIDE. - - Moi? nullement. - - ELPINICE. - - Pourquoi donc vouloir qu'il vous aime? - - AGLATIDE. - - Les hommages qu'Agésilas - Daigna rendre en secret au peu que j'ai d'appas, - M'ont si bien imprimé l'amour du diadème, 125 - Que pourvu qu'un amant soit roi, - Il est trop aimable pour moi. - Mais sans trône on perd temps: c'est la première idée - Qu'à l'amour en mon cœur il ait plu de tracer; - Il l'a fidèlement gardée, 130 - Et rien ne peut plus l'effacer. - - ELPINICE. - - Chacune a son humeur: la grandeur souveraine, - Quelque main qui vous l'offre, est digne de vos feux; - Et vous ne ferez point d'heureux - Qui de vous ne fasse une reine. 135 - Moi, je m'éblouis moins de la splendeur du rang; - Son éclat au respect plus qu'à l'amour m'invite: - Cet heureux avantage ou du sort ou du sang - Ne tombe pas toujours sur le plus de mérite. - Si mon cœur, si mes yeux en étoient consultés, 140 - Leur choix iroit à la personne, - Et les hautes vertus, les rares qualités - L'emporteroient sur la couronne. - - AGLATIDE. - - Avouez tout, ma sœur: Spitridate vous plaît. - - ELPINICE. - - Un peu plus que Cotys; et si votre intérêt 145 - Vous pouvoit résoudre à l'échange.... - - AGLATIDE. - - Qu'en pouvons-nous ici résoudre vous et moi? - En l'état où le ciel nous range, - Il faut l'ordre d'un père, il faut l'aveu d'un roi, - Que je plaise à Cotys, et vous à Spitridate. 150 - - ELPINICE. - - Pour l'un je ne sais quoi m'en flatte, - Pour l'autre je n'en réponds pas; - Et je craindrois fort que Mandane, - Cette incomparable Persane, - N'eût pour lui des attraits plus forts que vos appas. 155 - - AGLATIDE. - - Ma sœur, Spitridate est son frère, - Et si jamais sur lui vous aviez du pouvoir.... - - ELPINICE. - - Le voilà qui nous considère. - - AGLATIDE. - - Est-ce vous ou moi qu'il vient voir? - Voulez-vous que je vous le laisse? 160 - - ELPINICE. - - Ma sœur, auparavant engagez l'entretien; - Et s'il s'en offre lieu, jouez d'un peu d'adresse, - Pour votre intérêt et le mien. - - AGLATIDE. - - Il est juste en effet, puisqu'il n'a su me plaire, - Que je vous aide à m'en défaire. 165 - - -SCÈNE II. - -SPITRIDATE, ELPINICE, AGLATIDE. - - ELPINICE. - - Seigneur, je me retire: entre les vrais amants - Leur amour seul a droit d'être de confidence, - Et l'on ne peut mêler d'agréable présence - A de si précieux moments. - - SPITRIDATE. - - Un vertueux amour n'a rien d'incompatible 170 - Avec les regards d'une sœur. - Ne m'enviez point la douceur - De pouvoir à vos yeux convaincre une insensible: - Soyez juge et témoin de l'indigne succès - Qui se prépare pour ma flamme; 175 - Voyez jusqu'au fond de mon âme - D'une si pure ardeur où va le digne excès; - Voyez tout mon espoir au bord du précipice; - Voyez des maux sans nombre et hors de guérison; - Et quand vous aurez vu toute cette injustice, 180 - Faites-m'en un peu de raison. - - AGLATIDE. - - Si vous me permettez, Seigneur, de vous entendre, - De l'air dont votre amour commence à m'accuser, - Je crains que pour en bien user - Je ne me doive mal défendre. 185 - Je sais bien que j'ai tort, j'avoue et hautement - Que ma froideur doit vous déplaire; - Mais en cette froideur un heureux changement - Pourroit-il fort vous satisfaire? - - SPITRIDATE. - - En doutez-vous, Madame, et peut-on concevoir...? 190 - - AGLATIDE. - - Je vous entends, Seigneur, et vois ce qu'il faut voir: - Un aveu plus précis est d'une conséquence - Qui pourroit vous embarrasser; - Et même à notre sexe il est de bienséance - De ne pas trop vous en presser. 195 - A Lysander mon père il vous plut de promettre - D'unir par notre hymen votre sang et le sien; - La raison, à peu près, Seigneur, je la pénètre, - Bien qu'aux raisons d'État je ne connoisse rien. - Vous ne m'aviez point vue, et facile ou cruelle, 200 - Petite ou grande, laide ou belle, - Qu'à votre humeur ou non je pusse m'accorder, - La chose étoit égale à votre ardeur nouvelle, - Pourvu que vous fussiez gendre de Lysander. - Ma sœur vous auroit plu s'il vous l'eût proposée; 205 - J'eusse agréé Cotys s'il me l'eût proposé. - Vous trouvâtes tous deux la politique aisée; - Nous crûmes toutes deux notre devoir aisé. - Comme à traiter cette alliance - Les tendresses des cœurs n'eurent aucune part, 210 - Le vôtre avec le mien a peu d'intelligence, - Et l'amour en tous deux pourra naître un peu tard. - Quand il faudra que je vous aime, - Que je l'aurai promis à la face des Dieux, - Vous deviendrez cher à mes yeux; 215 - Et j'espère de vous le même. - Jusque-là votre amour assez mal se fait voir; - Celui que je vous garde encor plus mal s'explique: - Vous attendez le temps de votre politique, - Et moi celui de mon devoir. 220 - Voilà, Seigneur, quel est mon crime; - Vous m'en vouliez convaincre, il n'en est plus besoin; - J'en ai fait, comme vous, ma sœur juge et témoin: - Que ma froideur lui semble injuste ou légitime, - La raison que vous peut en faire sa bonté 225 - Je consens qu'elle vous la fasse; - Et pour vous en laisser tous deux en liberté, - Je veux bien lui quitter la place. - - -SCÈNE III. - -SPITRIDATE, ELPINICE. - - SPITRIDATE. - - Elle ne s'y fait pas, Madame, un grand effort, - Et feroit grâce entière à mon peu de mérite, 230 - Si votre âme avec elle étoit assez d'accord - Pour se vouloir saisir de ce qu'elle vous quitte. - Pour peu que vous daigniez écouter la raison, - Vous me devez cette justice, - Et prendre autant de part à voir ma guérison, 235 - Qu'en ont eu vos attraits à faire mon supplice. - - ELPINICE. - - Quoi? Seigneur, j'aurois part.... - - SPITRIDATE. - - C'est trop dissimuler - La cause et la grandeur du mal qui me possède; - Et je me dois, Madame, au défaut du remède, - La vaine douceur d'en parler. 240 - Oui, vos yeux ont part à ma peine, - Ils en font plus de la moitié; - Et s'il n'est point d'amour pour en finir la gêne, - Il est pour l'adoucir des regards de pitié. - Quand je quittai la Perse, et brisai l'esclavage 245 - Où, m'envoyant au jour, le ciel m'avoit soumis, - Je crus qu'il me falloit parmi ses ennemis - D'un protecteur puissant assurer l'avantage. - Cotys eut, comme moi, besoin de Lysander; - Et quand pour l'attacher lui-même à nos familles, 250 - Nous demandâmes ses deux filles, - Ce fut les obtenir que de les demander. - Par déférence au trône il lui promit l'aînée; - La jeune me fut destinée. - Comme nous ne cherchions tous deux que son appui, 255 - Nous acceptâmes tout sans regarder que lui. - J'avois su qu'Aglatide étoit des plus aimables, - On m'avoit dit qu'à Sparte elle savoit charmer; - Et sur des bruits si favorables - Je me répondois de l'aimer. 260 - Que l'amour aime peu ces folles confiances! - Et que pour affermir son empire en tous lieux, - Il laisse choir souvent de cruelles vengeances - Sur qui promet son cœur sans l'aveu de ses yeux! - Ce sont les conseillers fidèles 265 - Dont il prend les avis pour ajuster ses coups; - Leur rapport inégal vous fait plus ou moins belles, - Et les plus beaux objets ne le sont pas pour tous. - A ce moment fatal qui nous permit la vue - Et de vous et de cette sœur, 270 - Mon âme devint toute émue, - Et le trouble aussitôt s'empara de mon cœur; - Je le sentis pour elle tout de glace, - Je le sentis tout de flamme pour vous; - Vous y régnâtes en sa place, 275 - Et ses regards aux miens n'offrirent rien de doux. - Il faut pourtant l'aimer, du moins il faut le feindre; - Il faut vous voir aimer ailleurs: - Voyez s'il fut jamais un amant plus à plaindre, - Un cœur plus accablé de mortelles douleurs. 280 - C'est un malheur sans doute égal au trépas même - Que d'attacher sa vie à ce qu'on n'aime pas; - Et voir en d'autres mains passer tout ce qu'on aime, - C'est un malheur encor plus grand que le trépas. - - ELPINICE. - - Je vous en plains, Seigneur, et ne puis davantage, 285 - Je ne sais aimer ni haïr; - Mais dès qu'un père parle, il porte en mon courage - Toute l'impression qu'il faut pour obéir. - Voyez avec Cotys si ses vœux les plus tendres - Voudroient rendre à ma sœur l'hommage qu'il me rend. 290 - Tout doit être à mon père assez indifférent, - Pourvu que vous et lui vous demeuriez ses gendres. - Mais à vous dire tout, je crains qu'Agésilas - N'y refuse l'aveu qui vous est nécessaire: - C'est notre souverain. - - SPITRIDATE. - - S'il en dédit un père, 295 - Peut-être ai-je une sœur qu'il n'en dédira pas. - Ce grand prince pour elle a tant de complaisance, - Qu'à sa moindre prière il ne refuse rien; - Et si son cœur vouloit s'entendre avec le mien[19].... - - ELPINICE. - - Reposez-vous, Seigneur, sur mon obéissance, 300 - Et contentez-vous de savoir - Qu'aussi bien que ma sœur j'écoute mon devoir. - Allez trouver Cotys, et sans aucun scrupule.... - - SPITRIDATE. - - Perdriez-vous pour moi son trône sans ennui? - - ELPINICE. - - Le voilà qui paroît. Quelque ardeur qui vous brûle, 305 - Mettez d'accord mon père, Agésilas et lui. - - -SCÈNE IV. - -COTYS, SPITRIDATE. - - COTYS. - - Vous voyez de quel air Elpinice me traite, - Comme elle disparoît, Seigneur, à mon abord. - - SPITRIDATE. - - Si votre âme, Seigneur, en est mal satisfaite, - Mon sort est bien à plaindre autant que votre sort. 310 - - COTYS. - - Ah! s'il n'étoit honteux de manquer de promesse! - - SPITRIDATE. - - Si la foi sans rougir pouvoit se dégager! - - COTYS. - - Qu'une autre de mon cœur seroit bientôt maîtresse! - - SPITRIDATE. - - Que je serois ravi, comme vous, de changer! - - COTYS. - - Elpinice pour moi montre une telle glace, 315 - Que je me tiendrois sûr de son consentement. - - SPITRIDATE. - - Aglatide verroit qu'une autre prît sa place - Sans en murmurer un moment. - - COTYS. - - Que nous sert qu'en secret l'une et l'autre engagée - Peut-être ainsi que nous porte son cœur ailleurs? 320 - Pour voir notre infortune entre elles partagée, - Nos destins n'en sont pas meilleurs. - - SPITRIDATE. - - Elles aiment ailleurs, ces belles dédaigneuses; - Et peut-être, en dépit du sort, - Il seroit un moyen et de les rendre heureuses, 325 - Et de nous rendre heureux par un commun accord. - - COTYS. - - Souffrez donc qu'avec vous tout mon cœur se déploie. - Ah! si vous le vouliez, que mon sort seroit doux! - Vous seul me pouvez mettre au comble de ma joie. - - SPITRIDATE. - - Et ma félicité dépend toute de vous. 330 - - COTYS. - - Vous me pouvez donner l'objet qui me possède. - - SPITRIDATE. - - Vous me pouvez donner celui de tous mes vœux: - Elpinice me charme. - - COTYS. - - Et si je vous la cède? - - SPITRIDATE. - - Je céderai de même Aglatide à vos feux. - - COTYS. - - Aglatide, Seigneur! Ce n'est pas là m'entendre, 335 - Et vous ne feriez rien pour moi. - - SPITRIDATE. - - Ne vous devez-vous pas à Lysander pour gendre? - - COTYS. - - Oui; mais l'amour ici me fait une autre loi. - - SPITRIDATE. - - L'amour! il n'en faut point écouter qui le blesse, - Et qui nous ôte son appui. 340 - L'échange des deux sœurs n'a rien qui l'intéresse, - Nous n'en serons pas moins à lui; - Mais de porter ailleurs sa main[20], qui leur est due, - Seigneur, au dernier point ce sera l'irriter, - Et sa protection perdue, 345 - N'avons-nous rien à redouter? - - COTYS. - - Si je n'en juge mal, sa faveur n'est pas grande, - Seigneur, auprès d'Agésilas; - Il n'obtient presque rien de quoi qu'il lui demande. - - SPITRIDATE. - - Je vois qu'assez souvent il ne l'écoute pas; 350 - Mais pour un différend frivole, - Dont nous ignorons le secret, - Ce prince avoueroit-il un amour indiscret, - D'un tel manquement de parole? - Lui qui lui doit son trône, et cet illustre rang 355 - D'unique général des troupes de la Grèce, - Pourroit-il le haïr avec tant de bassesse, - Qu'il pût autoriser ce mépris de son sang? - Si nous manquons de foi, qu'aura-t-il lieu de croire? - En aurions-nous pour lui plus que pour Lysander? 360 - Pensez-y bien, Seigneur, avant qu'y hasarder - Nos sûretés et votre gloire. - - COTYS. - - Et si ce différend, que vous craignez si peu, - Lui fait pour notre hymen refuser un aveu[21]? - - SPITRIDATE. - - Ma sœur n'a qu'à parler, je m'en tiens sûr par elle. 365 - - COTYS. - - Seigneur, l'aimeroit-il? - - SPITRIDATE. - - Il la trouve assez belle, - Il en parle avec joie, et se plaît à la voir. - Je tâche d'affermir ces douces apparences; - Et si vous voulez tout savoir, - Je pense avoir de quoi flatter mes espérances. 370 - Prenez-y part, Seigneur, pour l'intérêt commun. - Quand nous aurons tous deux Lysander pour beau-père, - Ce roi s'allie à vous, s'il devient mon beau-frère; - Et nous aurons ainsi deux appuis au lieu d'un. - - COTYS. - - Et Mandane y consent? - - SPITRIDATE. - - Mandane est trop bien née 375 - Pour dédire un devoir qui la met sous ma loi. - - COTYS. - - Et vous avez donné pour elle votre foi? - - SPITRIDATE. - - Non; mais à dire vrai, je la tiens pour donnée. - - COTYS. - - Ah! ne la donnez point, Seigneur, si vous m'aimez, - Ou si vous aimez Elpinice. 380 - Mandane a tout mon cœur, mes yeux en sont charmés; - Et ce n'est qu'à ce prix que je vous rends justice. - - SPITRIDATE. - - Elpinice ne rend votre foi qu'à sa sœur, - Et ce n'est qu'à ce prix qu'elle-même se donne. - - COTYS. - - Hélas! et si l'amour autrement en ordonne, 385 - Le moyen d'y forcer mon cœur? - - SPITRIDATE. - - Rendez-vous-en le maître. - - COTYS. - - Et l'êtes-vous du vôtre? - - SPITRIDATE. - - J'y ferai mon effort, si je vous parle en vain; - Et du moins, si ma sœur vous dérobe à toute autre, - Je serai maître de ma main. 390 - - COTYS. - - Je ne le puis celer, qui que l'on me propose, - Toute autre que Mandane est pour moi même chose. - - SPITRIDATE. - - Il vous est donc facile, et doit même être doux, - Puisqu'enfin Elpinice aime un autre que vous, - De lui préférer qui vous aime; 395 - Et du moins vous auriez l'honneur, - Par un peu d'effort sur vous-même, - De faire le commun bonheur. - - COTYS. - - Je ferois trois heureux qui m'empêchent de l'être! - J'ose, j'ose vous faire une plus juste loi: 400 - Ou faites mon bonheur dont vous êtes le maître, - Ou demeurez tous trois malheureux comme moi. - - SPITRIDATE. - - Eh bien! épousez Elpinice: - Je renonce à tout mon bonheur, - Plutôt que de me voir complice 405 - D'un manquement de foi qui vous perdroit d'honneur. - - COTYS. - - Rendez-vous à votre Aglatide, - Puisque votre cœur endurci - Veut suivre obstinément un faux devoir pour guide: - Je serai malheureux, vous le serez aussi. 410 - - -FIN DU PREMIER ACTE. - - [13] Voyez Plutarque, _Vie d'Agésilas_, chapitre VII. - - [14] L'édition de 1692 et Voltaire d'après elle ont - changé _qu'alors qu'il_ en _que lorsqu'il_. - - [15] Lysandre, envoyé par Agésilas au pays de - l'Hellespont, «practiqua et fit rebeller contre son maistre vn - capitaine persien nommé Spitridates, vaillant homme de sa - personne, et qui estoit grand ennemy de Pharuabazus, et auoit vne - armée qu'il mena à Agesilaus.» (Plutarque, _Vie de Lysandre_, - chapitre XXIV, traduction d'Amyot.) - - [16] Lysandre était «vn de ceux-la qui estoient - descendus de la vraye race d'Hercules, et qui neantmoins - n'auoient point de part à la royauté.» (Plutarque, _ibidem_, - chapitre XXIV.)--Entre tous les Héraclides établis à Sparte, les - deux maisons des Eurytionides et des Agiades étaient les seules - qui eussent le droit de succéder au trône. Agésilas appartenait à - la première. - - [17] Voyez au tome VI, p. 391, note 1. - - [18] «Après la mort d'Agis, Lysander, qui.... auoit plus - de credit et d'authorité en la ville de Sparte que nul autre, - entreprit de faire tomber la royauté sur Agesilaus.» Ensuite ce - fut encore Lysandre qui détermina Agésilas à passer en Asie et - lui fit obtenir tout ce qu'il demandait aux Spartiates pour la - conduite de la guerre; mais arrivé à Éphèse, Agésilas «eut - incontinent à desplaisir l'honneur qu'il vit que on y faisoit à - Lysander.... Parquoy il commença à se porter de ceste sorte - enuers luy: .... il contredisoit à tous ses conseilz, et toutes - les entreprises que il mettoit en auant, mesmement celles - ausquelles il se monstroit plus affectionné, il n'en faisoit pas - vne, ains en prenoit d'autres à executer plustost que celles-la.» - (Voyez Plutarque, _Vie d'Agésilas_, chapitres III, VI et VII.) - - [19] _Var._ Et si ce cœur vouloit s'entendre avec le - mien.... (1666 et 68) - - [20] On lit: «_la_ main,» dans l'édition de 1692 et dans - celle de Voltaire (1764). - - [21] _Var._ Lui fait pour notre hymen refuser son - aveu[21-a]. (1666 et 68) - - [21-a] Cette leçon a été reproduite par l'édition de 1692 et - par celle de Voltaire (1764). - - - - -ACTE II. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -SPITRIDATE, MANDANE. - - SPITRIDATE. - - Que nous avons, ma sœur, brisé de rudes chaînes! - En Perse il n'est point de sujets; - Ce ne sont qu'esclaves abjets[22], - Qu'écrasent d'un coup d'œil les têtes souveraines: - Le monarque, ou plutôt le tyran général, 415 - N'y suit pour loi que son caprice, - N'y veut point d'autre règle et point d'autre justice, - Et souvent même impute à crime capital - Le plus rare mérite et le plus grand service; - Il abat à ses pieds les plus hautes vertus, 420 - S'immole insolemment les plus illustres vies, - Et ne laisse aujourd'hui que les cœurs abattus - A couvert de ses tyrannies. - Vous autres, s'il vous daigne honorer de son lit, - Ce sont indignités égales: 425 - La gloire s'en partage entre tant de rivales, - Qu'elle est moins un honneur qu'un sujet de dépit. - Toutes n'ont pas le nom de reines, - Mais toutes portent mêmes chaînes, - Et toutes, à parler sans fard, 430 - Servent à ses plaisirs sans part à son empire; - Et même en ses plaisirs elles n'ont autre part - Que celle qu'à son cœur brutalement inspire - Ou ce caprice, ou le hasard. - Voilà, ma sœur, à quoi vous avoit destinée, 435 - A quel infâme honneur vous avoit condamnée - Pharnabaze[23], son lieutenant: - Il auroit fait de vous un présent à son prince, - Si pour nous affranchir mon soin le prévenant - N'eût à sa tyrannie arraché ma province. 440 - La Grèce a de plus saintes lois, - Elle a des peuples et des rois - Qui gouvernent avec justice: - La raison y préside, et la sage équité; - Le pouvoir souverain par elles limité, 445 - N'y laisse aucun droit de caprice[24]. - L'hymen de ses rois même y donne cœur pour cœur; - Et si vous aviez le bonheur - Que l'un d'eux vous offrît son trône avec son âme, - Vous seriez, par ce nœud charmant, 450 - Et reine véritablement, - Et véritablement sa femme. - - MANDANE. - - Je veux bien l'espérer: tout est facile aux Dieux; - Et peut-être que de bons yeux - En auroient déjà vu quelque flatteuse marque; 455 - Mais il en faut de bons pour faire un si grand choix. - Si le roi dans la Perse est un peu trop monarque, - En Grèce il est des rois qui ne sont pas trop rois: - Il en est dont le peuple est le suprême arbitre; - Il en est d'attachés aux ordres d'un sénat; 460 - Il en est qui ne sont enfin, sous ce grand titre, - Que premiers sujets de l'État. - Je ne sais si le ciel pour régner m'a fait naître, - Et quoi qu'en ma faveur j'aye encor vu paroître, - Je doute si l'on m'aime ou non; 465 - Mais je pourrois être assez vaine - Pour dédaigner le nom de reine - Que m'offriroit un roi qui n'en eût[25] que le nom. - - SPITRIDATE. - - Vous en savez beaucoup, ma sœur, et vos mérites - Vous ouvrent fort les yeux sur ce que vous valez. 470 - - MANDANE. - - Je réponds simplement à ce que vous me dites, - Et parle en général comme vous me parlez. - - SPITRIDATE. - - Cependant et des rois et de leur différence - Je vous trouve en effet plus instruite que moi. - - MANDANE. - - Puisque vous m'ordonnez qu'ici j'espère un roi, 475 - Il est juste, Seigneur, que quelquefois j'y pense. - - SPITRIDATE. - - N'y pensez-vous point trop? - - MANDANE. - - Je sais que c'est à vous - A régler mes desirs sur le choix d'un époux: - Mon devoir n'en fera point d'autre; - Mais quand vous daignerez choisir pour une sœur, 480 - Daignez songer, de grâce, à faire son bonheur - Mieux que vous n'avez fait le vôtre. - D'un choix que vous m'aviez vous-même tant loué, - Votre cœur et vos yeux vous ont désavoué; - Et si j'ai, comme vous, quelques pentes secrètes, 485 - Seigneur, si c'est ainsi que vous les rencontrez, - Jugez, par le trouble où vous êtes, - De l'état où vous me mettrez[26]. - - SPITRIDATE. - - Je le vois bien, ma sœur, il faut vous laisser faire: - Qui choisit mal pour soi choisit mal pour autrui; 490 - Et votre cœur, instruit par le malheur d'un frère, - A déjà fait son choix sans lui. - - MANDANE. - - Peut-être; mais enfin vous suis-je nécessaire? - Parlez: il n'est desirs ni tendres sentiments - Que je ne sacrifie à vos contentements. 495 - Faut-il donner ma main pour celle d'Elpinice? - - SPITRIDATE. - - Que sert de m'en offrir un entier sacrifice, - Si je n'ose et ne puis même déterminer - A qui pour mon bonheur vous devez la donner? - Cotys me la demande, Agésilas l'espère. 500 - - MANDANE. - - Agésilas, Seigneur! Et le savez-vous bien? - - SPITRIDATE. - - Parler de vous sans cesse, aimer votre entretien, - Vous donner tout crédit, ne chercher qu'à vous plaire.... - - MANDANE. - - Ce sont civilités envers une étrangère, - Qui font beaucoup d'éclat, et ne produisent rien. 505 - Il jette par là des amorces - A ceux qui, comme nous, voudront grossir ses forces; - Mais quelque haut crédit qu'il me donne en sa cour, - De toute sa conduite il est si bien le maître, - Qu'au simple nom d'hymen vous verriez disparoître 510 - Tout ce qu'en ses faveurs vous prenez pour amour. - - SPITRIDATE. - - Vous penchez vers Cotys, et savez qu'Elpinice - Ne veut point être à moi qu'il ne soit à sa sœur! - - MANDANE. - - Je vous réponds de tout, si vous avez son cœur. - - SPITRIDATE. - - Et Lysander pourra souffrir cette injustice? 515 - - MANDANE. - - Lysander est si mal auprès d'Agésilas, - Que ce sera beaucoup s'il en obtient un gendre; - Et peut-être sans moi ne l'obtiendra-t-il pas: - Pour deux, il auroit tort[27], s'il osoit y prétendre. - Mais, Seigneur, le voici; tâchez de pressentir 520 - Ce qu'en votre faveur il pourroit consentir. - - SPITRIDATE. - - Ma sœur, vous êtes plus adroite; - Souffrez que je ménage un moment de retraite: - J'aurois trop à rougir, pour peu que devant moi - Vous fissiez deviner de ce manque de foi. 525 - - -SCÈNE II. - -LYSANDER, SPITRIDATE, MANDANE, CLÉON. - - LYSANDER. - - Quoique en matière d'hyménées - L'importune langueur des affaires traînées - Attire assez souvent de fâcheux embarras, - J'ai voulu qu'à loisir vous pussiez[28] voir mes filles, - Avant que demander l'aveu d'Agésilas 530 - Sur l'union de nos familles. - Dites-moi donc, Seigneur, ce qu'en jugent vos yeux, - S'ils laissent votre cœur d'accord de vos promesses, - Et si vous y sentez plus d'aimables tendresses - Que de justes desirs de pouvoir choisir mieux. 535 - Parlez avec franchise, avant que je m'expose - A des refus presque assurés, - Que j'estimerai peu de chose - Quand vous serez plus déclarés; - Et n'appréhendez point l'emportement d'un père: 540 - Je sais trop que l'amour de ses droits est jaloux, - Qu'il dispose de nous sans nous, - Que les plus beaux objets ne sont pas sûrs de plaire. - L'aveugle sympathie est ce qui fait agir - La plupart des feux qu'il excite; 545 - Il ne l'attache pas toujours au vrai mérite: - Et quand il la dénie, on n'a point à rougir. - - SPITRIDATE. - - Puisque vous le voulez, je ne puis me défendre, - Seigneur, de vous parler avec sincérité: - Ma seule ambition est d'être votre gendre; 550 - Mais apprenez, de grâce, une autre vérité: - Ce bonheur que j'attends, cette gloire où j'aspire, - Et qui rendroit mon sort égal au sort des Dieux, - N'a pour objet.... Seigneur, je tremble à vous le dire; - Ma sœur vous l'expliquera mieux. 555 - - -SCÈNE III. - -LYSANDER, MANDANE, CLÉON. - - LYSANDER. - - Que veut dire, Madame, une telle retraite? - Se plaint-il d'Aglatide, et la jeune indiscrète - Répondroit-elle mal aux honneurs qu'il lui fait? - - MANDANE. - - Elle y répond, Seigneur, ainsi qu'il le souhaite, - Et je l'en vois fort satisfait; 560 - Mais je ne vois pas bien que par les sympathies - Dont vous venez de nous parler, - Leurs âmes soient fort assorties[29], - Ni que l'amour encore ait daigné s'en mêler. - Ce n'est pas qu'il n'aspire à se voir votre gendre, 565 - Qu'il n'y mette sa gloire, et borne ses plaisirs; - Mais puisque par son ordre il me faut vous l'apprendre, - Elpinice est l'objet de ses plus chers desirs. - - LYSANDER. - - Elpinice! Et sa main n'est plus en ma puissance! - - MANDANE. - - Je sais qu'il n'est plus temps de vous la demander; 570 - Mais je vous répondrois de son obéissance, - Si Cotys la vouloit céder. - Que sait-on si l'amour, dont la bizarrerie - Se joue assez souvent du fond de notre cœur, - N'aura point fait au sien même supercherie? 575 - S'il n'y préfère point Aglatide à sa sœur? - Cet échange, Seigneur, pourroit-il vous déplaire, - S'il les rendoit tous quatre heureux? - - LYSANDER. - - Madame, doutez-vous de la bonté d'un père? - - MANDANE. - - Voyez donc si Cotys sera plus rigoureux: 580 - Je vous laisse avec lui, de peur que ma présence - N'empêche une sincère et pleine confiance. - -(A Cotys.) - - Seigneur, ne cachez plus le véritable amour[30] - Dont l'idée en secret vous flatte. - J'ai dit à Lysander celui de Spitridate; 585 - Dites le vôtre à votre tour. - - -SCÈNE IV. - -LYSANDER, COTYS, CLÉON. - - COTYS. - - Puisqu'elle vous l'a dit, pourrois-je vous le taire? - Jugez, Seigneur, de mes ennuis: - Une autre qu'Elpinice à mes yeux a su plaire; - Et l'aimer est un crime en l'état où je suis. 590 - - LYSANDER. - - Ne traitez point, Seigneur, ce nouveau feu de crime: - Le choix que font les yeux est le plus légitime; - Et comme un beau desir ne peut bien s'allumer - S'ils n'instruisent le cœur de ce qu'il doit aimer, - C'est ôter à l'amour tout ce qu'il a d'aimable, 595 - Que les tenir captifs sous une aveugle foi; - Et le don le plus favorable - Que ce cœur sans leur ordre ose faire de soi - Ne fut jamais irrévocable. - - COTYS. - - Seigneur, ce n'est point par mépris, 600 - Ce n'est point qu'Elpinice aux miens n'ait paru belle; - Mais enfin (le dirai-je?) oui, Seigneur, on m'a pris, - On m'a volé ce cœur que j'apportois pour elle: - D'autres yeux, malgré moi, s'en sont faits les tyrans, - Et ma foi s'est armée en vain pour ma défense; 605 - Ce lâche, qui s'est mis de leur intelligence, - Les a soudain reçus en justes conquérants. - - LYSANDER. - - Laissez-leur garder leur conquête. - Peut-être qu'Elpinice avec plaisir s'apprête - A vous laisser ailleurs trouver un sort plus doux, 610 - Quand un autre pour elle a d'autres yeux que vous, - Qu'elle cède ce cœur à celle qui le vole, - Et qu'en ce même instant qu'on vous le surprenoit, - Un pareil attentat sur sa propre parole - Lui déroboit celui qu'elle vous destinoit. 615 - Surtout ne craignez rien du côté d'Aglatide: - Je puis répondre d'elle, et quand j'aurai parlé, - Vous verrez tout son cœur, où mon vouloir[31] préside, - Vous payer de celui qu'elle vous a volé. - - COTYS. - - Ah! Seigneur, pour ce vol je ne me plains pas d'elle. 620 - - LYSANDER. - - Et de qui donc? - - COTYS. - - L'amour s'y sert d'une autre main. - - LYSANDER. - - L'amour! - - COTYS. - - Oui, cet amour qui me rend infidèle.... - - LYSANDER. - - Seigneur, du nom d'amour n'abusez point en vain, - Dites d'Agésilas la haine insatiable: - C'est elle dont l'aigreur auprès de vous m'accable, 625 - Et qui de jour en jour s'animant contre moi, - Pour me perdre d'honneur m'enlève votre foi. - - COTYS. - - Ah! s'il y va de votre gloire, - Ma parole est donnée, et dussé-je en mourir, - Je la tiendrai, Seigneur, jusqu'au dernier soupir; 630 - Mais quoi que la surprise ait pu vous faire croire, - N'accusez, point Agésilas - D'un crime de mon cœur, que même il ne sait pas. - Mandane, qui m'ordonne à vos yeux de le dire, - Vous montre assez par là quel souverain empire 635 - L'amour lui donne sur ce cœur. - Ne considérez point si j'aime ou si l'on m'aime; - En matière d'honneur ne voyez que vous-même, - Et disposez de moi comme veut cet honneur. - - LYSANDER. - - L'amour le fera mieux; ce que j'en viens d'apprendre 640 - M'offre un sujet de joie où j'en voyois d'ennui: - Épouser la sœur de mon gendre, - C'est le devenir comme lui. - Aglatide d'ailleurs n'est pas si délaissée - Que votre exemple n'aide à lui trouver un roi; 645 - Et pour peu que le ciel réponde à ma pensée, - Ce sera plus de gloire et plus d'appui pour moi. - Aussi ferai-je plus: je veux que de moi-même - Vous teniez cet objet qui vous fait soupirer; - Et Spitridate, à moins que de m'en assurer, 650 - N'obtiendra jamais ce qu'il aime. - Je veux dès aujourd'hui savoir d'Agésilas - S'il pourra consentir à ce double hyménée, - Dont ma parole étoit donnée. - Sa haine apparemment ne m'en avouera pas: 655 - Si pourtant par bonheur il m'en laisse le maître, - J'en userai, Seigneur, comme je le promets; - Sinon, vous lui ferez connoître - Vous-même quels sont vos souhaits. - - COTYS. - - Ah! que Mandane et moi n'avons-nous mille vies, 660 - Seigneur, pour vous les immoler! - Car je ne saurois plus vous le dissimuler, - Nos âmes en seront également ravies. - Souffrez-lui donc sa part en ces ravissements; - Et pardonnez, de grâce, à mon impatience.... 665 - - LYSANDER. - - Allez: on m'a vu jeune, et par expérience - Je sais ce qui se passe au cœur des vrais amants. - - -SCÈNE V. - -LYSANDER, CLÉON. - - CLÉON. - - Seigneur, n'êtes-vous point d'une humeur bien facile - D'applaudir à Cotys sur son manque de foi? - - LYSANDER. - - Je prends pour l'attacher à moi 670 - Ce qui s'offre de plus utile. - D'un emportement indiscret - Je ne voyois rien à prétendre: - Vouloir par force en faire un gendre, - Ce n'est qu'en vouloir faire un ennemi secret. 675 - Je veux me l'acquérir: je veux, s'il m'est possible, - A force d'amitiés si bien le ménager, - Que quand je voudrai me venger, - J'en tire un secours infaillible. - Ainsi je flatte ses desirs, 680 - J'applaudis, je défère à ses nouveaux soupirs, - Je me fais l'auteur de sa joie, - Je sers sa passion, et sous cette couleur - Je m'ouvre dans son âme une infaillible voie - A m'en faire à mon tour servir avec chaleur. 685 - - CLÉON. - - Oui, mais Agésilas, Seigneur, aime Mandane: - Du moins toute sa cour ose le deviner; - Et promettre à Cotys cette illustre Persane, - C'est lui promettre tout pour ne lui rien donner. - - LYSANDER. - - Qu'à ses vœux mon tyran l'accorde ou la refuse, 690 - De la manière dont j'en use, - Il ne peut m'ôter son appui; - Et de quelque façon que la chose se passe, - Ou je fais la première grâce, - Ou j'aigris puissamment ce rival contre lui. 695 - J'ai même à souhaiter que son feu se déclare. - Comme de notre Sparte il choquera les lois, - C'est une occasion que lui-même il prépare, - Et qui peut la résoudre à mieux choisir ses rois. - Nous avons trop longtemps asservi sa couronne 700 - A la vaine splendeur du sang; - Il est juste à son tour que la vertu la donne, - Et que le seul mérite ait droit à ce haut rang. - Ma ligue est déjà forte, et ta harangue est prête[32] - A faire éclater la tempête, 705 - Sitôt qu'il aura mis ma patience à bout. - Si pourtant je voyois sa haine enfin bornée - Ne mettre aucun obstacle à ce double hyménée, - Je crois que je pourrois encore oublier tout. - En perdant cet ingrat, je détruis mon ouvrage; 710 - Je vois dans sa grandeur le prix de mon courage, - Le fruit de mes travaux, l'effet de mon crédit. - Un reste d'amitié tient mon âme en balance: - Quand je veux le haïr je me fais violence, - Et me force à regret à ce que je t'ai dit. 715 - Il faut, il faut enfin qu'avec lui je m'explique, - Que j'en sache qui peut causer - Cette haine si lâche, et qu'il rend si publique, - Et fasse un digne effort à le désabuser. - - CLÉON. - - Il n'appartient qu'à vous de former ces pensées; 720 - Mais vous ne songez point avec quels sentiments - Vos deux filles intéressées - Apprendront de tels changements. - - LYSANDER. - - Aglatide est d'humeur à rire de sa perte: - Son esprit enjoué ne s'ébranle de rien. 725 - Pour l'autre, elle a, de vrai, l'âme un peu moins ouverte, - Mais elle n'eut jamais de vouloir que le mien. - Ainsi je me tiens sûr de leur obéissance. - - CLÉON. - - Quand cette obéissance a fait un digne choix, - Le cœur, tombé par là sous une autre puissance, 730 - N'obéit pas toujours une seconde fois. - - LYSANDER. - - Les voici: laisse-nous, afin qu'avec franchise - Leurs âmes s'en ouvrent à moi. - - -SCÈNE VI. - -LYSANDER, ELPINICE, AGLATIDE. - - LYSANDER. - - J'apprends avec quelque surprise, - Mes filles, qu'on vous manque à toutes deux de foi: 735 - Cotys aime en secret une autre qu'Elpinice, - Spitridate n'en fait pas moins. - - ELPINICE. - - Si l'on nous fait quelque injustice, - Seigneur, notre devoir s'en remet à vos soins. - Je ne sais qu'obéir. - - AGLATIDE. - - J'en sais donc davantage: 740 - Je sais que Spitridate adore d'autres yeux; - Je sais que c'est ma sœur à qui va cet hommage, - Et quelque chose encor qu'elle vous diroit mieux. - - ELPINICE. - - Ma sœur, qu'aurois-je à dire? - - AGLATIDE. - - A quoi bon ce mystère? - Dites ce qu'à ce nom le cœur vous dit tout bas, 745 - Ou je dirai tout haut qu'il ne vous déplaît pas. - - ELPINICE. - - Moi, je pourrois l'aimer, et sans l'ordre d'un père! - - AGLATIDE. - - Vous ne savez que c'est d'aimer ou de haïr[33], - Mais vous seriez pour lui fort aise d'obéir. - - ELPINICE. - - Qu'il faut souffrir de vous, ma sœur! - - AGLATIDE. - - Le grand supplice 750 - De voir qu'en dépit d'elle on lui rend du service! - - LYSANDER. - - Rendez-lui la pareille. Aime-t-elle Cotys? - Et s'il falloit changer entre vous de partis.... - - AGLATIDE. - - Je n'ai pas besoin d'interprète, - Et vous en dirai plus, Seigneur, qu'elle n'en sait. 755 - Cotys pourroit me plaire, et plairoit en effet, - Si pour toucher son cœur j'étois assez bien faite; - Mais je suis fort trompée, ou cet illustre cœur - N'est pas plus à moi qu'à ma sœur. - - LYSANDER. - - Peut-être ce malheur d'assez près te menace. 760 - - AGLATIDE. - - J'en connois plus de vingt qui mourroient en ma place, - Ou qui sauroient du moins hautement quereller - L'injustice de la fortune; - Mais pour moi, qui n'ai pas une âme si commune, - Je sais l'art de m'en consoler. 765 - Il est d'autres rois dans l'Asie - Qui seront trop heureux de prendre votre appui; - Et déjà, je ne sais par quelle fantaisie, - J'en crois voir à mes pieds de plus puissants que lui. - - LYSANDER. - - Donc à moins que d'un roi tu ne veux plus te rendre? 770 - - AGLATIDE. - - Je crois pour Spitridate avoir déjà fait voir - Que ma sœur n'a rien à m'apprendre - Sur le chapitre du devoir. - Elle sait obéir, et je le sais comme elle: - C'est l'ordre; et je lui garde un cœur assez fidèle 775 - Pour en subir toutes les lois; - Mais pour régler ma destinée, - Si vous vous abaissiez jusqu'à prendre ma voix, - Vous arrêteriez votre choix - Sur une tête couronnée, 780 - Et ne m'offririez que des rois. - - LYSANDER. - - C'est mettre un peu haut ta conquête. - - AGLATIDE. - - La couronne, Seigneur, orne bien une tête. - Je me la figurois sur celle de ma sœur, - Lorsque Cotys devoit l'y mettre; 785 - Et quand j'en contemplois la gloire et la douceur, - Que je ne pouvois me promettre, - Un peu de jalousie et de confusion - Mutinoit mes desirs et me soulevoit l'âme; - Et comme en cette occasion 790 - Mon devoir pour agir n'attendoit point ma flamme.... - - ELPINICE. - - La gloire d'obéir à votre grand regret - Vous faisoit pester en secret: - C'est l'ordre; et du devoir la scrupuleuse idée.... - - AGLATIDE. - - Que dites-vous, ma sœur? qu'osez-vous hasarder, 795 - Vous qui tantôt...? - - ELPINICE. - - Ma sœur, laissez-moi vous aider, - Ainsi que vous m'avez aidée. - - AGLATIDE. - - Pour bien m'aider à dire ici mes sentiments, - Vous vous prenez trop mal aux vôtres; - Et si je suis jamais réduite aux truchements, 800 - Il m'en faudra[34] bien chercher d'autres. - Seigneur, quoi qu'il en soit, voilà quelle je suis. - J'acceptois Spitridate avec quelques ennuis; - De ce petit chagrin le ciel m'a dégagée, - Sans que mon âme soit changée. 805 - Mon devoir règne encor sur mon ambition: - Quoi que vous m'ordonniez, j'obéirai sans peine; - Mais de mon inclination, - Je mourrai fille, ou vivrai reine. - - ELPINICE. - - Achevez donc, ma sœur: dites qu'Agésilas.... 810 - - AGLATIDE. - - Ah! Seigneur, ne l'écoutez pas: - Ce qu'elle vous veut dire est une bagatelle; - Et même, s'il le faut, je la dirai mieux qu'elle. - - LYSANDER. - - Dis donc. Agésilas.... - - AGLATIDE. - - M'aimoit jadis un peu. - Du moins lui-même à Sparte il m'en fit confidence; 815 - Et s'il me disoit vrai, sa noble impatience - De vous en demander l'aveu - N'attendoit qu'après l'hyménée - De cette aimable et chère aînée. - Mais s'il attendoit là que mon tour arrivé 820 - Autorisât à ma conquête - La flamme qu'en réserve il tenoit toute prête, - Son amour est encore ici plus réservé; - Et soit que dans Éphèse un autre objet me passe, - Soit que par complaisance il cède à son rival, 825 - Il me fait à présent la grâce - De ne m'en dire bien ni mal. - - LYSANDER. - - D'un pareil changement ne cherche point la cause: - Sa haine pour ton père à cet amour s'oppose; - Mais n'importe, il est bon que j'en sois averti. 830 - J'agirai d'autre sorte avec cette lumière; - Et suivant qu'aujourd'hui nous l'aurons plus entière[35], - Nous verrons à prendre parti[36]. - - -SCÈNE VII. - -ELPINICE, AGLATIDE. - - ELPINICE. - - Ma sœur, je vous admire, et ne saurois comprendre - Cet inépuisable enjouement, 835 - Qui d'un chagrin trop juste a de quoi vous défendre, - Quand vous êtes si près de vous voir sans amant. - - AGLATIDE. - - Il est aisé pourtant d'en deviner les causes. - Je sais comme il faut vivre, et m'en trouve fort bien. - La joie est bonne à mille choses, 840 - Mais le chagrin n'est bon à rien. - Ne perds-je pas assez, sans doubler l'infortune, - Et perdre encor le bien d'avoir l'esprit égal? - Perte sur perte est importune, - Et je m'aime un peu trop pour me traiter si mal. 845 - Soupirer quand le sort nous rend une injustice, - C'est lui prêter une aide à nous faire un supplice. - Pour moi, qui ne lui puis souffrir tant de pouvoir, - Le bien que je me veux met sa haine à pis faire. - Mais allons rejoindre mon père: 850 - J'ai quelque chose encore à lui faire savoir. - - -FIN DU SECOND ACTE. - - [22] Voyez tome I, p. 169, note 1. - - [23] Pharnabaze, satrape d'une partie de l'Asie Mineure, - qui, après le retour d'Agésilas en Grèce, battit avec Conon, près - de Cnide, la flotte de Lacédémone. - - [24] _Var._ N'y laisse aucun droit au caprice. (1666 et - 68) - - [25] L'édition de 1692 a changé _qui n'en eût_ en _qui - n'auroit_. - - [26] L'édition de 1682 donne, par erreur: _mettez_, pour - _mettrez_. - - [27] Toutes les éditions publiées du vivant de Corneille - et celle de Voltaire (1764) portent _tout_, pour _tort_, qui est - évidemment la vraie leçon; c'est celle de Thomas Corneille - (1692). - - [28] Dans l'édition de Voltaire (1764): _puissiez_. - - [29] Il y a ici comme un souvenir des vers 359 et 360 de - _Rodogune_. Corneille du reste a souvent exprimé cette même idée - presque dans les mêmes termes. Voyez tome II, p. 308 et 309. - - [30] Voltaire fait des quatre derniers vers une scène à - part, la scène IV. - - [31] Voltaire (1764) a substitué _pouvoir_ à _vouloir_. - - [32] On dit que Lysandre vouloit faire étendre le droit - de parvenir à la royauté à tous les naturels spartiates, «à celle - fin que ce loyer d'honneur fust affecté non à ceux qui seroyent - descendus de la race d'Hercules, mais à tous ceux qui le - ressembleroient en vertu, laquelle l'auoit rendu luy-mesme egal - aux Dieux en honneur; car il esperoit bien que quand on jugeroit - ainsi de la royauté, il n'y auroit homme en la ville de Sparte - qui plus tost fust eleu roy que luy: au moyen de quoy, il attenta - premierement de le suader à ses citoyens par viues raisons, et à - ces fins apprit par cueur une harangue, que luy composa Cleon - halicarnassien sur ce propos.» (Plutarque, _Vie de Lysandre_, - chapitres XXIV et XXV, traduction d'Amyot; voyez aussi la _Vie - d'Agésilas_, chapitre XX.) - - [33] _Var._ Vous ne savez que c'est d'aimer ni de haïr. - (1666 et 68) - - [34] On lit: «Il m'en faudroit,» dans l'édition de 1692 - et dans celle de Voltaire (1764). - - [35] Ce vers et le suivant ont été omis, par erreur, - dans l'édition de 1682. - - [36] L'acte finit ici dans l'édition de 1666, qui n'a - point la scène VII. - - - - -ACTE III. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -AGÉSILAS, LYSANDER, XÉNOCLÈS. - - LYSANDER. - - Je ne suis point surpris qu'à ces deux hyménées - Vous refusiez, Seigneur, votre consentement: - J'aurois eu tort d'attendre un meilleur traitement - Pour le sang odieux dont mes filles sont nées. 855 - Il est le sang d'Hercule en elles comme en vous, - Et méritoit par là quelque destin plus doux; - Mais s'il vous peut[37] donner un titre légitime, - Pour être leur maître et leur roi, - C'est pour l'une et pour l'autre une espèce de crime 860 - Que de l'avoir reçu de moi. - J'avois cru toutefois que l'exil volontaire - Où l'amour paternel près d'elles m'eût réduit, - Moi qui de mes travaux ne vois plus autre[38] fruit - Que le malheur de vous déplaire, 865 - Comme il délivreroit vos yeux - D'une insupportable présence, - A mes jours presque usés obtiendroit la licence - D'aller finir sous d'autres cieux. - C'étoit là mon dessein; mais cette même envie, 870 - Qui me fait près de vous un si malheureux sort, - Ne sauroit endurer ni l'éclat de ma vie, - Ni l'obscurité de ma mort. - - AGÉSILAS. - - Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'envie et la haine - Ont persécuté les héros. 875 - Hercule en sert d'exemple, et l'histoire en est pleine, - Nous ne pouvons souffrir qu'ils meurent en repos. - Cependant cet exil, ces retraites paisibles, - Cet unique souhait d'y terminer leurs jours, - Sont des mots bien choisis à remplir leurs discours: 880 - Ils ont toujours leur grâce, ils sont toujours plausibles; - Mais ils ne sont pas vrais toujours; - Et souvent des périls, ou cachés ou visibles, - Forcent notre prudence à nous mieux assurer - Qu'ils ne veulent se figurer. 885 - Je ne m'étonne point qu'avec tant de lumières - Vous ayez prévu mes refus; - Mais je m'étonne fort que les ayant prévus, - Vous n'en ayez pu voir les raisons bien entières. - Vous êtes un grand homme, et de plus mécontent: 890 - J'avouerai plus encor, vous avez lieu de l'être. - Ainsi de ce repos où votre ennui prétend - Je dois prévoir en roi quel désordre peut naître, - Et regarde en quels lieux il vous plaît de porter - Des chagrins qu'en leur temps on peut voir éclater. 895 - Ceux que prend pour exil ou choisit pour asile - Ce dessein d'une mort tranquille, - Des Perses et des Grecs séparent les États. - L'assiette en est heureuse, et l'accès difficile; - Leurs maîtres ont du cœur, leurs peuples ont des bras; - Ils viennent de nous joindre avec une puissance - A beaucoup espérer, à craindre beaucoup d'eux; - Et c'est mettre en leurs mains une étrange balance, - Que de mettre à leur tête un guerrier si fameux. - C'est vous qui les donnez l'un et l'autre à la Grèce: 905 - L'un fut ami du Perse[39], et l'autre son sujet. - Le service est bien grand, mais aussi je confesse - Qu'on peut ne pas bien voir tout le fond du projet. - Votre intérêt s'y mêle en les prenant pour gendres; - Et si par des liens et si forts et si tendres 910 - Vous pouvez aujourd'hui les attacher à vous, - Vous vous les donnez plus qu'à nous. - Si malgré le secours, si malgré les services - Qu'un ami doit à l'autre, un sujet à son roi, - Vous les avez tous deux arrachés à leur foi, 915 - Sans aucun droit sur eux, sans aucuns bons offices, - Avec quelle facilité - N'immoleront-ils point une amitié nouvelle - A votre courage irrité, - Quand vous ferez agir toute l'autorité 920 - De l'amour conjugale et de la paternelle, - Et que l'occasion aura d'heureux moments - Qui flattent vos ressentiments? - Vous ne nous laissez aucun gage: - Votre sang tout entier passe avec vous chez eux. 925 - Voyez donc ce projet comme je l'envisage, - Et dites si pour nous il n'a rien de douteux. - Vous avez jusqu'ici fait paroître un vrai zèle, - Un cœur si généreux, une âme si fidèle, - Que par toute la Grèce on vous loue à l'envi; 930 - Mais le temps quelquefois inspire une autre envie. - Comme vous, Thémistocle avoit fort bien servi, - Et dans la cour de Perse il a fini sa vie. - - LYSANDER. - - Si c'est avec raison que je suis mécontent, - Si vous-même avouez que j'ai lieu de me plaindre, 935 - Et si jusqu'à ce point on me croit important - Que mes ressentiments puissent vous être à craindre, - Oserois-je vous demander - Ce que vous a fait Lysander - Pour leur donner ici chaque jour de quoi naître, 940 - Seigneur? et s'il est vrai qu'un homme tel que moi, - Quand il est mécontent, peut desservir son roi, - Pourquoi me forcez-vous à l'être? - Quelque avis que je donne, il n'est point écouté; - Quelque emploi que j'embrasse, il m'est soudain ôté: 945 - Me choisir pour appui, c'est courir à sa perte. - Vous changez en tous lieux les ordres que j'ai mis; - Et comme s'il falloit agir à guerre ouverte, - Vous détruisez tous mes amis, - Ces amis dont pour vous je gagnai les suffrages 950 - Quand il fallut aux Grecs élire un général[40], - Eux qui vous ont soumis les plus nobles courages, - Et fait ce haut pouvoir qui leur est si fatal: - Leur seul amour pour moi les livre à leur ruine; - Il leur coûte l'honneur, l'autorité, le bien; 955 - Cependant plus j'y songe, et plus je m'examine, - Moins je trouve, Seigneur, à me reprocher rien. - - AGÉSILAS. - - Dites tout: vous avez la mémoire trop bonne - Pour avoir oublié que vous me fîtes roi, - Lorsqu'on balança ma couronne 960 - Entre Léotychide[41] et moi. - Peut-être n'osez-vous me vanter un service - Qui ne me rendit que justice, - Puisque nos lois vouloient ce qu'il sut maintenir; - Mais moi qui l'ai reçu, je veux m'en souvenir. 965 - Vous m'avez donc fait roi, vous m'avez de la Grèce - Contre celui de Perse établi général; - Et quand je sens dans l'âme une ardeur qui me presse - De ne m'en revancher pas mal, - A peine sommes-nous arrivés dans Éphèse, 970 - Où de nos alliés j'ai mis le rendez-vous, - Que sans considérer si j'en serai jaloux, - Ou s'il se peut que je m'en taise, - Vous vous saisissez par vos mains - De plus que votre récompense; 975 - Et tirant toute à vous la suprême puissance, - Vous me laissez des titres vains. - On s'empresse à vous voir, on s'efforce à vous plaire; - On croit lire en vos yeux ce qu'il faut qu'on espère; - On pense avoir tout fait quand on vous a parlé. 980 - Mon palais près du vôtre est un lieu désolé; - Et le généralat comme le diadème - M'érige sous votre ordre en fantôme éclatant, - En colosse d'État qui de vous seul attend - L'âme qu'il n'a pas de lui-même, 985 - Et que vous seul faites aller - Où pour vos intérêts il le faut étaler. - Général en idée, et monarque en peinture, - De ces illustres noms pourrois-je faire cas - S'il les falloit porter moins comme Agésilas 990 - Que comme votre créature, - Et montrer avec pompe au reste des humains - En ma propre grandeur l'ouvrage de vos mains? - Si vous m'avez fait roi, Lysander, je veux l'être. - Soyez-moi bon sujet, je vous serai bon maître; 995 - Mais ne prétendez plus partager avec moi - Ni la puissance ni l'emploi. - Si vous croyez qu'un sceptre accable qui le porte, - A moins qu'il prenne une aide à soutenir son poids, - Laissez discerner à mon choix 1000 - Quelle main à m'aider pourroit être assez forte. - Vous aurez bonne part à des emplois si doux, - Quand vous pourrez m'en laisser faire; - Mais soyez sûr aussi d'un succès tout contraire, - Tant que vous ne voudrez les tenir que de vous[42]. 1005 - Je passe à vos amis qu'il m'a fallu détruire. - Si dans votre vrai rang je voulois vous réduire, - Et d'un pouvoir surpris saper[43] les fondements, - Ils étoient tout à vous; et par reconnoissance - D'en avoir reçu leur puissance, 1010 - Ils ne considéroient que vos commandements. - Vous seul les aviez faits souverains dans leurs villes, - Et j'y verrois encor mes ordres inutiles, - A moins que d'avoir mis leur tyrannie à bas, - Et changé comme vous la face des États. 1015 - Chez tous nos Grecs asiatiques - Votre pouvoir naissant trouva des républiques, - Que sous votre cabale il vous plut asservir: - La vieille liberté, si chère à leurs ancêtres, - Y fut partout forcée à recevoir dix maîtres[44]; 1020 - Et dès qu'on murmuroit de se la voir ravir, - On voyoit par votre ordre immoler les plus braves - A l'empire de vos esclaves. - J'ai tiré de ce joug les peuples opprimés: - En leur premier état j'ai remis toutes choses; 1025 - Et la gloire d'agir par de plus justes causes - A produit des effets plus doux et plus aimés. - J'ai fait, à votre exemple, ici des créatures, - Mais sans verser de sang, sans causer de murmures; - Et comme vos tyrans prenoient de vous la loi, 1030 - Comme ils étoient à vous, les peuples sont à moi. - Voilà quelles raisons ôtent à vos services - Ce qu'ils vous semblent mériter, - Et colorent ces injustices - Dont vous avez raison de vous mécontenter. 1035 - Si d'abord elles ont quelque chose d'étrange, - Repassez-les deux fois au fond de votre cœur; - Changez, si vous pouvez, de conduite et d'humeur; - Mais n'espérez pas que je change. - - LYSANDER. - - S'il ne m'est pas permis d'espérer rien de tel, 1040 - Du moins, grâces aux Dieux, je ne vois dans vos plaintes - Que des raisons d'État et de jalouses craintes, - Qui me font malheureux, et non pas criminel. - Non, Seigneur, que je veuille être assez téméraire - Pour oser d'injustice accuser mes malheurs: 1045 - L'action la plus belle a diverses couleurs; - Et lorsqu'un roi prononce, un sujet doit se taire. - Je voudrois seulement vous faire souvenir - Que j'ai près de trente ans commandé nos armées - Sans avoir amassé que ces nobles fumées[45] 1050 - Qui gardent les noms de finir[46]. - Sparte, pour qui j'allois de victoire en victoire, - M'a toujours vu pour fruit n'en vouloir que la gloire, - Et faire en son épargne entrer tous les trésors - Des peuples subjugués par mes heureux efforts. 1055 - Vous-même le savez, que quoi qu'on m'ait vu faire, - Mes filles n'ont pour dot que le nom de leur père[47]; - Tant il est vrai, Seigneur, qu'en un si long emploi - J'ai tout fait pour l'État, et n'ai rien fait pour moi. - Dans ce manque de bien Cotys et Spitridate, 1060 - L'un roi, l'autre en pouvoir égal peut-être aux rois, - M'ont assez estimé pour y borner leur choix; - Et quand de les pourvoir un doux espoir me flatte, - Vous semblez m'envier un bien - Qui fait ma récompense, et ne vous coûte rien. 1065 - - AGÉSILAS. - - Il nous seroit honteux que des mains étrangères - Vous payassent pour nous de ce qui vous est dû. - Tôt ou tard le mérite a ses justes salaires, - Et son prix croît souvent, plus il est attendu. - D'ailleurs n'auroit-on pas quelque lieu de vous dire, 1070 - Si je vous permettois d'accepter ces partis, - Qu'amenant avec nous Spitridate et Cotys, - Vous auriez fait pour vous plus que pour notre empire? - Que vos seuls intérêts vous auroient fait agir? - Et pourriez-vous enfin l'entendre sans rougir? 1075 - Vos filles sont d'un sang que Sparte aime et révère - Assez pour les payer des services d'un père. - Je veux bien en répondre, et moi-même au besoin - J'en ferai mon affaire, et prendrai tout le soin. - - LYSANDER. - - Je n'attendois, Seigneur, qu'un mot si favorable 1080 - Pour finir envers vous mes importunités; - Et je ne craindrai plus qu'aucun malheur m'accable, - Puisque vous avez ces bontés. - Aglatide surtout aura l'âme ravie - De perdre[48] un époux à ce prix; 1085 - Et moi, pour me venger de vos plus durs mépris, - Je veux tout de nouveau vous consacrer ma vie. - - -SCÈNE II. - -AGÉSILAS, XÉNOCLÈS. - - AGÉSILAS. - - D'un peu d'amour que j'eus Aglatide a parlé: - Son père qui l'a su dans son âme s'en flatte; - Et sur ce vain espoir il part tout consolé 1090 - Du refus que j'en fais aux vœux de Spitridate: - Tu l'as vu, Xénoclès, tout d'un coup s'adoucir. - - XÉNOCLÈS. - - Oui; mais enfin, Seigneur, il est temps de le dire, - Tout soumis qu'il paroît, apprenez qu'il conspire, - Et par où sa vengeance espère y réussir. 1095 - Ce confident choisi, Cléon d'Halicarnasse, - Dont l'éloquence a tant d'éclat, - Lui vend une harangue à renverser l'État[49], - Et le mettre bientôt lui-même en votre place. - En voici la copie, et je la viens d'avoir 1100 - D'un des siens sur qui l'or me donne tout pouvoir, - De l'esclave Damis, qui sert de secrétaire - A cet orateur mercenaire, - Et plus mercenaire que lui, - Pour être mieux payé vous les[50] livre aujourd'hui. 1105 - On y soutient, Seigneur, que notre république - Va bientôt voir ses rois devenir ses tyrans, - A moins que d'en choisir de trois ans en trois ans, - Et non plus suivant l'ordre antique - Qui règle ce choix par le sang; 1110 - Mais qu'indifféremment elle doit à ce rang - Élever le mérite et les rares services. - J'ignore quels sont les complices; - Mais il pourra d'Éphèse écrire à ses amis; - Et soudain le paquet entre vos mains remis 1115 - Vous instruira de toutes choses. - Cependant j'ai fait mon devoir. - Vous voyez le dessein, vous en savez les causes; - Votre perte en dépend: c'est à vous d'y pourvoir. - - AGÉSILAS. - - A te dire le vrai, l'affaire m'embarrasse; 1120 - J'ai peine à démêler ce qu'il faut que je fasse, - Tant la confusion de mes raisonnements - Étonne mes ressentiments. - Lysander m'a servi: j'aurois une âme ingrate - Si je méconnoissois ce que je tiens de lui; 1125 - Il a servi l'État, et si son crime éclate, - Il y trouvera de l'appui. - Je sens que ma reconnoissance - Ne cherche qu'un moyen de le mettre à couvert; - Mais enfin il y va de toute ma puissance: 1130 - Si je ne le perds, il me perd. - Ce que veut l'intérêt, la prudence ne l'ose; - Tu peux juger par là du désordre où je suis. - Je vois qu'il faut le perdre; et plus je m'y dispose, - Plus je doute si je le puis. 1135 - Sparte est un État populaire, - Qui ne donne à ses rois qu'un pouvoir limité: - On peut y tout dire et tout faire - Sous ce grand nom de liberté. - Si je suis souverain en tête d'une armée, 1140 - Je n'ai que ma voix au sénat; - Il faut y rendre compte; et tant de renommée - Y peut avoir déjà quelque ligue formée - Pour autoriser l'attentat. - Ce prétexte flatteur de la cause publique, 1145 - Dont il le couvrira, si je le mets au jour, - Tournera bien des yeux vers cette politique - Qui met chacun en droit de régner à son tour. - Cet espoir y pourra toucher plus d'un courage; - Et quand sur Lysander j'aurai fait choir l'orage, 1150 - Mille autres, comme lui jaloux ou mécontents, - Se promettront plus d'heur à mieux choisir leur temps. - Ainsi de toutes parts le péril m'environne: - Si je veux le punir, j'expose ma couronne; - Et si je lui fais grâce, ou veux dissimuler, 1155 - Je dois craindre.... - - XÉNOCLÈS. - - Cotys, Seigneur, vous veut parler[51]. - - AGÉSILAS. - - Voyons quelle est sa flamme, avant que de résoudre - S'il nous faudra lancer ou retenir la foudre. - - -SCÈNE III. - -AGÉSILAS, COTYS, XÉNOCLÈS. - - AGÉSILAS. - - Si vous n'êtes, Seigneur, plus mon ami qu'amant, - Vous me voudrez du mal avec quelque justice; 1160 - Mais vous m'êtes trop cher, pour souffrir aisément - Que vous vous attachiez au père d'Elpinice: - Non qu'entre un si grand homme et moi - Ce qu'on voit de froideur prépare aucune haine; - Mais c'est assez pour voir cet hymen avec peine 1165 - Qu'un sujet déplaise à son roi. - D'ailleurs je n'ai pas cru votre âme fort éprise: - Sans l'avoir jamais vue, elle vous fut promise; - Et la foi qui ne tient qu'à la raison d'État - Souvent n'est qu'un devoir qui gêne, tyrannise, 1170 - Et fait sur tout le cœur un secret attentat. - - COTYS. - - Seigneur, la personne est aimable: - Je promis de l'aimer avant que de la voir, - Et sentis à sa vue un accord agréable - Entre mon cœur et mon devoir. 1175 - La froideur toutefois que vous montrez au père - M'en donne un peu pour elle, et me la rend moins chère: - Non que j'ose après vos refus - Vous assurer encor que je ne l'aime plus. - Comme avec ma parole il nous falloit la vôtre, 1180 - Vous dégagez ma foi, mon devoir, mon honneur; - Mais si vous en voulez dégager tout mon cœur, - Il faut l'engager à quelque autre. - - AGÉSILAS. - - Choisissez, choisissez, et s'il est quelque objet - A Sparte, ou dans toute la Grèce, 1185 - Qui puisse de ce cœur mériter la tendresse, - Tenez-vous sûr d'un prompt effet. - En est-il qui vous touche? en est-il qui vous plaise? - - COTYS. - - Il en est, oui, Seigneur, il en est dans Éphèse; - Et pour faire en ce cœur naître un nouvel amour, 1190 - Il ne faut point aller plus loin que votre cour: - L'éclat et les vertus de l'illustre Mandane.... - - AGÉSILAS. - - Que dites-vous, Seigneur? et quel est ce desir? - Quand par toute la Grèce on vous donne à choisir. - Vous choisissez une Persane! 1195 - Pensez-y bien, de grâce, et ne nous forcez pas, - Nous qui vous aimons, à connoître - Que pressé d'un amour, qui ne vient pas de naître. - Vous ne venez à moi que pour suivre ses pas[52]. - - COTYS. - - Mon amour en ces lieux ne cherchoit qu'Elpinice; 1200 - Mes yeux ont rencontré Mandane par hasard; - Et quand ce même amour, de vos froideurs complice, - S'est voulu pour vous plaire attacher autre part, - Les siens ont attiré toute la déférence - Que j'ai cru devoir rendre[53] à votre aversion; 1205 - Et je l'ai regardée, après votre alliance, - Bien moins Persane de naissance - Que Grecque par adoption. - - AGÉSILAS. - - Ce sont subtilités que l'amour vous suggère, - Dont nous voyons pour nous les succès incertains. 1210 - Ne pourriez-vous, Seigneur, d'une amitié si chère - Mettre le grand dépôt en de plus sûres mains? - Pausanias[54] et moi nous avons des parentes; - Et jamais un vrai roi ne fait un digne choix - S'il ne s'allie au sang des rois. 1215 - - COTYS. - - Quand on aime, on se fait des règles différentes. - Spitridate a du nom et de la qualité; - Sans trône, il a d'un roi le pouvoir en partage; - Votre Grèce en reçoit un pareil avantage; - Et le sang n'y met pas tant d'inégalité, 1220 - Que l'amour où sa sœur m'engage - Ravale fort ma dignité. - Se peut-il qu'en l'aimant ma gloire se hasarde - Après l'exemple d'un grand roi, - Qui, tout grand roi qu'il est, l'estime et la regarde 1225 - Avec les mêmes yeux que moi? - Si ce bruit n'est point faux, mon mal est sans remède; - Car enfin c'est un roi dont il me faut l'appui. - Adieu, Seigneur: je la lui cède, - Mais je ne la cède qu'à lui. 1230 - - -SCÈNE IV. - -AGÉSILAS, XÉNOCLÈS. - - AGÉSILAS. - - D'où sait-il, Xénoclès, d'où sait-il que je l'aime? - Je ne l'ai dit qu'à toi: m'aurois-tu découvert? - - XÉNOCLÈS. - - Si j'ose vous parler, Seigneur, à cœur ouvert, - Il ne le sait que de vous-même. - L'éclat de ces faveurs dont vous enveloppez 1235 - De votre faux secret le chatouilleux mystère, - Dit si haut, malgré vous, ce que vous pensez taire, - Que vous êtes ici le seul que vous trompez. - De si brillants dehors font un grand jour dans l'âme; - Et quelque illusion qui puisse vous flatter, 1240 - Plus ils déguisent votre flamme, - Plus au travers du voile ils la font éclater. - - AGÉSILAS. - - Quoi? la civilité, l'accueil, la déférence, - Ce que pour le beau sexe on a de complaisance, - Ce qu'on lui rend d'honneur[55], tout passe pour amour? 1245 - - XÉNOCLÈS. - - Il est bien malaisé qu'aux yeux de votre cour - Il passe pour indifférence; - Et c'est l'en avouer assez ouvertement - Que refuser Mandane aux vœux d'un autre amant. - Mais qu'importe après tout? Si du plus grand courage 1250 - Le vrai mérite a droit d'attendre un plein hommage, - Seroit-il honteux de l'aimer? - - AGÉSILAS. - - Non, et même avec gloire on s'en laisse charmer; - Mais un roi, que son trône à d'autres soins engage, - Doit n'aimer qu'autant qu'il lui plaît 1255 - Et que de sa grandeur y consent l'intérêt. - Vois donc si ma peine est légère: - Sparte ne permet point aux fils d'une étrangère - De porter son sceptre en leur main; - Cependant à mes yeux Mandane a su trop plaire; 1260 - Je veux cacher ma flamme, et je le veux en vain. - Empêcher son hymen, c'est lui faire injustice; - L'épouser, c'est blesser nos lois; - Et même il n'est pas sûr que j'emporte son choix. - La donner à Cotys, c'est me faire un supplice; 1265 - M'opposer à ses vœux, c'est le joindre au parti - Que déjà contre moi Lysander a pu faire; - Et s'il a le bonheur de ne lui pas déplaire, - J'en recevrai peut-être un honteux démenti. - Que ma confusion, que mon trouble est extrême! 1270 - Je me défends d'aimer, et j'aime; - Et je sens tout mon cœur balancé nuit et jour - Entre l'orgueil du diadème - Et les doux espoirs de l'amour. - En qualité de roi, j'ai pour ma gloire à craindre, 1275 - En qualité d'amant, je vois mon sort à plaindre: - Mon trône avec mes vœux ne souffre aucun accord, - Et ce que je me dois me reproche sans cesse - Que je ne suis pas assez fort - Pour triompher de ma foiblesse. 1280 - - XÉNOCLÈS. - - Toutefois il est temps ou de vous déclarer, - Ou de céder l'objet qui vous fait soupirer. - - AGÉSILAS. - - Le plus sûr, Xénoclès, n'est pas le plus facile. - Cherche-moi Spitridate, et l'amène en ce lieu; - Et nous verrons après s'il n'est point de milieu 1285 - Entre le charmant et l'utile. - - -FIN DU TROISIÈME ACTE. - - [37] L'édition de 1682 a seule _veut_, au lieu de - _peut_. - - [38] L'édition de 1692 et Voltaire (1764) ont changé - _autre_ en _d'autre_. - - [39] On lit: «_de_ Perse,» dans les éditions de 1682, de - 1692 et dans celle de Voltaire (1764): c'est probablement une - erreur. - - [40] Voyez plus haut, p. 12, note 18. - - [41] Après la mort du roi Agis, frère d'Agésilas, - Lysandre porta ce dernier au trône, en soutenant que Léotychide - était bâtard, qu'il n'était point le fils d'Agis, mais - d'Alcibiade. Voyez la _Vie d'Agésilas_, chapitre III. - - [42] «Qu'il me soit permis de dire ici que, dans mon - enfance, le P. de Tournemine, jésuite, partisan outré de - Corneille, et ennemi de Racine, qu'il regardait comme janséniste, - me faisait remarquer ce morceau (_à partir du vers 976_), qu'il - préférait à toutes les pièces de Racine.» (Voltaire, _Préface - d'Agésilas_.)--L'idée première de cette partie de la scène est - dans le rapide entretien rapporté deux fois par Plutarque, dans - la _Vie de Lysandre_, chapitre XXIII, et dans la _Vie - d'Agésilas_, chapitre VIII. On peut voir aussi l'_Histoire - grecque_ de Xénophon, livre III, chapitre IV, 8 et 9. - - [43] Il y a ici une faute étrange dans l'édition de - 1682: _frapper_, pour _saper_. - - [44] «En toutes les villes où il passoit, si elles - estoyent gouuernées par authorité du peuple, ou qu'il y eust - quelque autre sorte de gouuernement, il (_Lysandre_) y laissoit - en chacune vn capitaine ou gouuerneur lacedœmonien, auec vn - conseil de dix officiers, de ceux qui parauant auoyent eu amitié - et intelligence auec luy.» (Plutarque, _Vie de Lysandre_, - chapitre XIII.) - - [45] «La pauvreté de Lysander, qui vint à estre - descouuerte à sa mort, rendit sa vertu plus claire et plus - illustre qu'elle n'estoit en son viuant, quand on veid que de - tant d'or et d'argent qui estoit passé par ses mains.... jamais - il n'en auoit aggrandy ny augmenté sa maison d'vne seule maille.» - (Plutarque, _Vie de Lysandre_, chapitre XXX, traduction - d'Amyot.) - - [46] Malherbe a dit à la fin d'une de ses odes: - - Apollon, à portes ouvertes, - Laisse indifféremment cueillir - Les belles feuilles toujours vertes - Qui gardent les noms de vieillir. - - Voyez l'édition de M. Lalanne, tome I, p. 188, pièce LIII. - - [47] Voyez plus haut, p. 8, note 11. - - [48] On lit _prendre_, au lieu de _perdre_, dans - l'édition de 1692. - - [49] Voyez ci-dessus, p. 37, note 32. - - [50] _Les_ (c'est-à-dire Lysandre et Cléon) est la leçon - de toutes les éditions publiées du vivant de Corneille. Thomas - Corneille (1692) et Voltaire (1764) y ont substitué _la_. - - [51] _Var._ Cotys, Seigneur, veut vous parler. (1666 et - 68) - - [52] _Var._ Vous ne venez à nous que pour suivre ses - pas. (1666 et 68) - - [53] Le mot _rendre_ est omis dans l'édition de 1682. - - [54] Pausanias fut pendant plusieurs années roi de - Lacédémone avec Agésilas. Les Spartiates le bannirent l'an 395 - avant Jésus-Christ. - - [55] Les éditions de 1666 et de 1668 portent - _d'honneurs_, au pluriel. - - - - -ACTE IV. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -SPITRIDATE, ELPINICE. - - SPITRIDATE. - - Agésilas me mande; il est temps d'éclater. - Que me permettez-vous, Madame, de lui dire? - M'en désavouerez-vous si j'ose me vanter - Que c'est pour vous que je soupire, 1290 - Que je crois mes soupirs assez bien écoutés - Pour vous fermer le cœur et l'oreille à tous autres, - Et que dans vos regards je vois quelques bontés - Qui semblent m'assurer des vôtres? - - ELPINICE. - - Que serviroit, Seigneur, de vous y hasarder? 1295 - Suis-je moins que ma sœur fille de Lysander? - Et la raison d'État qui rompt votre hyménée - Regarde-t-elle plus la jeune que l'aînée? - S'il n'eût point à Cotys refusé votre sœur, - J'eusse osé présumer qu'il eût aimé la mienne; 1300 - Et m'aurois dit moi-même, avec quelque douceur: - «Il se l'est réservée, et veut bien qu'on m'obtienne.» - Mais il aime Mandane; et ce prince, jaloux - De ce que peut ici le grand nom de mon père, - N'a pour lui qu'une haine obstinée et sévère 1305 - Qui ne lui peut souffrir de gendres tels que vous. - - SPITRIDATE. - - Puisqu'il aime ma sœur, cet amour est un gage - Qui me répond de son suffrage: - Ses desirs prendront loi de mes propres desirs; - Et son feu pour les satisfaire 1310 - N'a pas moins besoin de me plaire, - Que j'en ai de lui voir approuver mes soupirs. - Madame, on est bien fort quand on parle soi-même, - Et qu'on peut dire au souverain: - «J'aime et je suis aimé, vous aimez comme j'aime; 1315 - Achevez mon bonheur, j'ai le vôtre en ma main.» - - ELPINICE. - - Vous ne songez qu'à vous, et dans votre âme éprise - Vos vœux se tiennent sûrs d'un prompt et plein effet. - Mais que fera Cotys, à qui je suis promise? - Me rendra-t-il ma foi s'il n'est point satisfait? 1320 - - SPITRIDATE. - - La perte de ma sœur lui servira de guide - A tourner ses desirs du côté d'Aglatide. - D'ailleurs que pourra-t-il, si contre Agésilas - Ce grand homme ni moi nous ne le servons pas? - - ELPINICE. - - Il a parole de mon père 1325 - Que vous n'obtiendrez rien à moins qu'il soit content; - Et mon père n'est pas un esprit inconstant - Qui donne une parole incertaine et légère. - Je vous le dis encor, Seigneur, pensez-y bien: - Cotys aura Mandane, ou vous n'obtiendrez rien. 1330 - - SPITRIDATE. - - Dites, dites un mot, et ma flamme enhardie.... - - ELPINICE. - - Que voulez-vous que je vous die? - Je suis sujette et fille, et j'ai promis ma foi; - Je dépends d'un amant, et d'un père, et d'un roi. - - SPITRIDATE. - - N'importe, ce grand mot produiroit des miracles. 1335 - Un amant avoué renverse tous obstacles: - Tout lui devient possible, il fléchit les parents, - Triomphe des rivaux, et brave les tyrans. - Dites donc, m'aimez-vous? - - ELPINICE. - - Que ma sœur est heureuse. - - SPITRIDATE. - - Quand mon amour pour vous la laisse sans amant, 1340 - Son destin est-il si charmant - Que vous en soyez envieuse? - - ELPINICE. - - Elle est indifférente, et ne s'attache à rien. - - SPITRIDATE. - - Et vous? - - ELPINICE. - - Que n'ai-je un cœur qui soit comme le sien! - - SPITRIDATE. - - Le vôtre est-il moins insensible? 1345 - - ELPINICE. - - S'il ne tenoit qu'à lui que tout vous fût possible, - Le devoir et l'amour.... - - SPITRIDATE. - - Ah! Madame, achevez: - Le devoir et l'amour, que vous feroient-ils faire? - - ELPINICE. - - Voyez le Roi, voyez Cotys, voyez mon père: - Fléchissez, triomphez, bravez, 1350 - Seigneur, mais laissez-moi me taire. - - SPITRIDATE[56]. - - Venez, ma sœur, venez aider mes tristes feux - A combattre un injuste et rigoureux silence. - - ELPINICE. - - Hélas! il est si bien de leur intelligence, - Qu'il vous dit plus que je ne veux. 1355 - J'en dois rougir. Adieu: voyez avec Madame - Le moyen le plus propre à servir votre flamme. - Des trois dont je dépens elle peut tout sur deux: - L'un hautement l'adore, et l'autre au fond de l'âme; - Et son destin lui-même, ainsi que notre sort, 1360 - Dépend de les mettre d'accord. - - -SCÈNE II. - -SPITRIDATE, MANDANE. - - SPITRIDATE. - - Il est temps de résoudre avec quel artifice - Vous pourrez en venir à bout, - Vous, ma sœur, qui tantôt me répondiez de tout, - Si j'avois le cœur d'Elpinice. 1365 - Il est à moi ce cœur, son silence le dit, - Son adieu le fait voir, sa fuite le proteste; - Et si je n'obtiens pas le reste, - Vous manquez de parole, ou du moins de crédit. - - MANDANE. - - Si le don de ma main vous peut donner la sienne, 1370 - Je vous sacrifierai tout ce que j'ai promis; - Mais vous, répondez-vous que ce don vous l'obtienne, - Et qu'il mette d'accord de si fiers ennemis? - Le Roi, qui vous refuse à Lysander pour gendre, - Y consentira-t-il si vous m'offrez à lui? 1375 - Et s'il peut à ce prix le permettre aujourd'hui, - Lysander voudra-t-il se rendre? - Lui qui ne vous remet votre première foi - Qu'en faveur de l'amour que Cotys fait paroître, - Ne vous fait-il pas cette loi 1380 - Que sans le rendre heureux vous ne le sauriez être? - - SPITRIDATE. - - Cotys de cet espoir ose en vain se flatter: - L'amour d'Agésilas à son amour s'oppose. - - MANDANE. - - Et si vous ne pensez à le mieux écouter, - Lysander d'Elpinice en sa faveur dispose. 1385 - - SPITRIDATE. - - Ne me cachez rien, vous l'aimez. - - MANDANE. - - Comme vous aimez Elpinice. - - SPITRIDATE. - - Mais vous m'avez promis un entier sacrifice. - - MANDANE. - - Oui, s'il peut être utile aux vœux que vous formez. - - SPITRIDATE. - - Que ne peut point un roi? - - MANDANE. - - Quels droits n'a point un père? - - SPITRIDATE. - - Inexorable sœur! - - MANDANE. - - Impitoyable frère, - Qui voulez que j'éteigne un feu digne de moi, - Et ne sauriez vous faire une pareille loi! - - SPITRIDATE. - - Hélas! considérez.... - - MANDANE. - - Considérez vous-même.... - - SPITRIDATE. - - Que j'aime, et que je suis aimé. 1395 - - MANDANE. - - Que je suis aimée, et que j'aime. - - SPITRIDATE. - - N'égalez point au mien un feu mal allumé: - Le sexe vous apprend à régner sur vos âmes. - - MANDANE. - - Dites qu'il nous apprend à renfermer nos flammes; - Dites que votre ardeur, à force d'éclater, 1400 - S'exhale, se dissipe, ou du moins s'exténue, - Quand la nôtre grossit sous cette retenue, - Dont le joug odieux ne sert qu'à l'irriter. - Je vous parle, Seigneur, avec une âme ouverte; - Et si je vous voyois capable de raison, 1405 - Si quand l'amour domine, elle étoit de saison.... - - SPITRIDATE. - - Ah! si quelque lumière enfin vous est offerte, - Expliquez-vous, de grâce, et pour le commun bien, - Vous ni moi ne négligeons rien. - - MANDANE. - - Notre amour à tous deux ne rencontre qu'obstacles 1410 - Presque impossibles à forcer; - Et si pour nous le ciel n'est prodigue en miracles, - Nous espérons en vain nous en débarrasser. - Tirons-nous une fois de cette servitude - Qui nous fait un destin si rude. 1415 - Bravons Agésilas, Cotys et Lysander: - Qu'ils s'accordent sans nous, s'ils peuvent s'accorder. - Dirai-je tout? cessons d'aimer et de prétendre, - Et nous cesserons d'en dépendre. - - SPITRIDATE. - - N'aimer plus! Ah! ma sœur! - - MANDANE. - - J'en soupire à mon tour; 1420 - Mais un grand cœur doit être au-dessus de l'amour. - Quel qu'en soit le pouvoir, quelle qu'en soit l'atteinte, - Deux ou trois soupirs étouffés, - Un moment de murmure, une heure de contrainte, - Un orgueil noble et ferme, et vous en triomphez. 1425 - N'avons-nous secoué le joug de notre prince - Que pour choisir des fers dans une autre province? - Ne cherchons-nous ici que d'illustres tyrans, - Dont les chaînes plus glorieuses - Soumettent nos destins aux obscurs différends 1430 - De leurs haines mystérieuses? - Ne cherchons-nous ici que les occasions - De fournir de matière à leurs divisions, - Et de nous imposer un plus rude esclavage - Par la nécessité d'obtenir leur suffrage? 1435 - Puisque nous y cherchons tous deux la liberté, - Tâchons de la goûter, Seigneur, en sûreté: - Réduisons nos souhaits à la cause publique, - N'aimons plus que par politique, - Et dans la conjoncture où le ciel nous a mis, 1440 - Faisons des protecteurs, sans faire d'ennemis. - A quel propos aimer, quand ce n'est que déplaire - A qui nous peut nuire ou servir? - S'il nous en faut l'appui, pourquoi nous le ravir? - Pourquoi nous attirer sa haine et sa colère? 1445 - - SPITRIDATE. - - Oui, ma sœur, et j'en suis d'accord: - Agésilas, ici maître de notre sort, - Peut nous abandonner à la Perse irritée, - Et nous laisser rentrer, malgré tout notre effort, - Sous la captivité que nous avons quittée. 1450 - Cotys ni Lysander ne nous soutiendront pas, - S'il faut que sa colère à nous perdre s'applique. - Aimez, aimez-le donc, du moins par politique, - Ce redoutable Agésilas. - - MANDANE. - - Voulez-vous que je le prévienne, 1455 - Et qu'en dépit de la pudeur - D'un amour commandé l'obéissante ardeur - Fasse éclater ma flamme auparavant la sienne[57]? - On dit que je lui plais, qu'il soupire en secret, - Qu'il retient, qu'il combat ses desirs à regret; 1460 - Et cette vanité qui nous est naturelle - Veut croire ainsi que vous qu'on en juge assez bien; - Mais enfin c'est un feu sans aucune étincelle: - J'en crois ce qu'on en dit, et n'en sais encor rien. - S'il m'aime, un tel silence est la marque certaine 1465 - Qu'il craint Sparte et ses dures lois; - Qu'il voit qu'en m'épousant, s'il peut m'y faire reine, - Il ne peut lui donner des rois[58]; - Que sa gloire.... - - SPITRIDATE. - - Ma sœur, l'amour vaincra sans doute: - Ce héros est à vous, quelques lois qu'il redoute; 1470 - Et si par la prière il ne les peut fléchir, - Ses victoires auront de quoi l'en affranchir. - Ces lois, ces mêmes lois s'imposeront silence - A l'aspect de tant de vertus; - Ou Sparte l'avouera d'un peu de violence, 1475 - Après tant d'ennemis à ses pieds abattus. - - MANDANE. - - C'est vous flatter beaucoup en faveur d'Elpinice, - Que ce prince après tout ne vous peut accorder - Sans une éclatante injustice, - A moins que vous ayez l'aveu de Lysander. 1480 - D'ailleurs en exiger un hymen qui le gêne, - Et lui faire des lois au milieu de sa cour, - N'est-ce point hautement lui demander sa haine, - Quand vous lui promettez l'objet de son amour? - - SPITRIDATE. - - Si vous saviez, ma sœur, aimer autant que j'aime.... - - MANDANE. - - Si vous saviez, mon frère, aimer comme je fais, - Vous sauriez ce que c'est que s'immoler soi-même, - Et faire violence à de si doux souhaits. - Je vous en parle en vain. Allez, frère barbare, - Voir à quoi Lysander se résoudra pour vous; 1490 - Et si d'Agésilas la flamme se déclare, - J'en mourrai, mais je m'y résous. - - -SCÈNE III. - -SPITRIDATE, MANDANE, AGLATIDE. - - AGLATIDE. - - Vous me quittez, Seigneur; mais vous croyez-vous quitte, - Et que ce soit assez que de me rendre à moi? - - SPITRIDATE. - - Après tant de froideurs pour mon peu de mérite, 1495 - Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi? - - AGLATIDE. - - Non; mais le pouvez-vous, à moins que je la rende? - Et si je vous la rends, savez-vous à quel prix? - - SPITRIDATE. - - Je ne crois pas pour vous cette perte si grande, - Que vous en souhaitiez d'autre que vos mépris. 1500 - - AGLATIDE. - - Moi, des mépris pour vous! - - SPITRIDATE. - - C'est ainsi que j'appelle - Un feu si bien promis, et si mal allumé. - - AGLATIDE. - - Si je ne vous aimois, je vous aurois aimé, - Mon devoir m'en étoit un garant trop fidèle. - - SPITRIDATE. - - Il ne vous répondoit que d'agir un peu tard, 1505 - Et laissoit beaucoup au hasard. - Votre ordre cependant vers une autre me chasse, - Et vous avez quitté la place à votre sœur. - - AGLATIDE. - - Si je vous ai donné de quoi remplir la place, - Ne me devez-vous point de quoi remplir mon cœur? - - SPITRIDATE. - - J'en suis au désespoir; mais je n'ai point de frère - Que je puisse à mon tour vous prier d'accepter. - - AGLATIDE. - - Si vous n'en avez point par qui me satisfaire, - Vous avez une sœur qui vous peut acquitter: - Elle a trop d'un amant; et si sa flamme heureuse 1515 - Me renvoyoit celui dont elle ne veut plus, - Je ne suis point d'humeur fâcheuse, - Et m'accommoderois bientôt de ses refus. - - SPITRIDATE. - - De tout mon cœur je l'en conjure: - Envoyez-lui Cotys, ou même Agésilas, 1520 - Ma sœur, et prenez soin d'apaiser ce murmure, - Qui cherche à m'imputer des sentiments ingrats. - Je vous laisse entre vous faire ce grand partage, - Et vais chez Lysander voir quel sera le mien. - Madame, vous voyez, je ne puis davantage; 1525 - Et qui fait ce qu'il peut n'est plus garant de rien. - - -SCÈNE IV. - -AGLATIDE, MANDANE. - - AGLATIDE. - - Vous pourrez-vous résoudre à payer pour ce frère, - Madame, et de deux rois daignant en choisir un, - Me donner en sa place, ou le plus importun, - Ou le moins digne de vous plaire? 1530 - - MANDANE. - - Hélas! - - AGLATIDE. - - Je n'entends pas des mieux - Comme il faut qu'un hélas s'explique; - Et lorsqu'on se retranche au langage des yeux, - Je suis muette à la réplique[59]. - - MANDANE. - - Pourquoi mieux expliquer quel est mon déplaisir? 1535 - Il ne se fait que trop entendre. - - AGLATIDE. - - Si j'avois comme vous de deux rois à choisir, - Mes déplaisirs auroient peu de chose à prétendre. - Parlez donc, et de bonne foi: - Acquittez par ce choix Spitridate envers moi. 1540 - Ils sont tous deux à vous. - - MANDANE. - - Je n'y suis pas moi-même. - - AGLATIDE. - - Qui des deux est l'aimé? - - MANDANE. - - Qu'importe lequel j'aime, - Si le plus digne amour, de quoi qu'il soit d'accord, - Ne peut décider de mon sort? - - AGLATIDE. - - Ainsi je dois perdre espérance 1545 - D'obtenir de vous aucun d'eux? - - MANDANE. - - Donnez-moi votre indifférence, - Et je vous les donne tous deux. - - AGLATIDE. - - C'en seroit un peu trop: leur mérite est si rare, - Qu'il en faut être plus avare. 1550 - - MANDANE. - - Il est grand, mais bien moins que la félicité - De votre insensibilité. - - AGLATIDE. - - Ne me prenez point tant pour une âme insensible: - Je l'ai tendre, et qui souffre aisément de beaux feux; - Mais je sais ne vouloir que ce qui m'est possible, 1555 - Quand je ne puis ce que je veux. - - MANDANE. - - Laissez donc faire au ciel, au temps, à la fortune: - Ne voulez que ce qu'ils voudront; - Et sans prendre[60] d'attache, ou d'idée importune, - Attendez en repos les cœurs qui se rendront. 1560 - - AGLATIDE. - - Il m'en pourroit coûter mes plus belles années - Avant qu'ainsi deux rois en devinssent le prix; - Et j'aime mieux borner mes bonnes destinées - Au plus digne de vos mépris. - - MANDANE. - - Donnez-moi donc, Madame, un cœur comme le vôtre, - Et je vous les redonne une seconde fois; - Ou si c'est trop de l'un et l'autre, - Laissez-m'en le rebut, et prenez-en le choix. - - AGLATIDE. - - Si vous leur ordonniez à tous deux de m'en croire, - Et que l'obéissance eût pour eux quelque appas[61], 1570 - Peut-être que mon choix satisferoit ma gloire, - Et qu'enfin mon rebut ne vous déplairoit pas. - - MANDANE. - - Qui peut vous assurer de cette obéissance? - Les rois, même en amour, savent mal obéir; - Et les plus enflammés s'efforcent de haïr 1575 - Sitôt qu'on prend sur eux un peu trop de puissance. - - AGLATIDE. - - Je vois bien ce que c'est, vous voulez tout garder: - Il est honteux de rendre une de vos conquêtes, - Et quoi qu'au plus heureux le cœur veuille accorder, - L'œil règne avec plaisir sur deux si grandes têtes; 1580 - Mais craignez que je n'use aussi de tous mes droits. - Peut-être en ai-je encor de garder quelque empire - Sur l'un et l'autre de ces rois, - Bien qu'à l'envi pour vous l'un et l'autre soupire, - Et si j'en laisse faire à mon esprit jaloux, 1585 - Quoique la jalousie assez peu m'inquiète, - Je ne sais s'ils pourront l'un ni l'autre pour vous - Tout ce que votre cœur souhaite. - -(A Cotys.) - - Seigneur, vous le savez, ma sœur a votre foi[62], - Et ne vous la rend que pour moi. 1590 - Usez-en comme bon vous semble; - Mais sachez que je me promets - De ne vous la rendre jamais, - A moins d'un roi qui vous ressemble. - - -SCÈNE V. - -COTYS, MANDANE. - - MANDANE. - - L'étrange contre-temps que prend sa belle humeur! 1595 - Et la froide galanterie - D'affecter par bravade à tourner son malheur - En importune raillerie! - Son cœur l'en désavoue, et murmurant tout bas.... - - COTYS. - - Que cette belle humeur soit véritable ou feinte, 1600 - Tout ce qu'elle en prétend ne m'alarmeroit pas, - Si le pouvoir d'Agésilas - Ne me portoit dans l'âme une plus juste crainte. - Pourrez-vous l'aimer? - - MANDANE. - - Non. - - COTYS. - - Pourrez-vous l'épouser? - - MANDANE. - - Vous-même, dites-moi, puis-je m'en excuser? 1605 - Et quel bras, quel secours appeler à mon aide, - Lorsqu'un frère me donne, et qu'un amant me cède? - - COTYS. - - N'imputez point à crime une civilité - Qu'ici de général vouloit l'autorité. - - MANDANE. - - Souffrez-moi donc, Seigneur, la même déférence 1610 - Qu'ici de nos destins demande l'assurance. - - COTYS. - - Vous céder par dépit, et d'un ton menaçant - Faire voir qu'on pénètre au cœur du plus puissant, - Qu'on sait de ses refus la plus secrète cause, - Ce n'est pas tant céder l'objet de son amour, 1615 - Que presser un rival de paroître en plein jour, - Et montrer qu'à ses vœux hautement on s'oppose. - - MANDANE. - - Que sert de s'opposer aux vœux d'un tel rival, - Qui n'a qu'à nous protéger mal - Pour nous livrer à notre perte? 1620 - Seroit-il d'un grand cœur de chercher à périr, - Quand il voit une porte ouverte - A régner avec gloire aux dépens d'un soupir? - - COTYS. - - Ah! le change vous plaît[63]. - - MANDANE. - - Non, Seigneur, je vous aime; - Mais je dois à mon frère, à ma gloire, à vous-même. - D'un rival si puissant si nous perdons l'appui, - Pourrons-nous du Persan nous défendre sans lui? - L'espoir d'un renouement de la vieille alliance - Flatte en vain votre amour et vos nouveaux desseins. - Si vous ne remettez sa proie entre ses mains, 1630 - Oserez-vous y prendre aucune confiance? - Quant à mon frère et moi, si les Dieux irrités - Nous font jamais rentrer dessous sa tyrannie, - Comme il nous traitera d'esclaves révoltés, - Le supplice l'attend, et moi l'ignominie. 1635 - C'est ce que je saurai prévenir par ma mort; - Mais jusque-là, Seigneur, permettez-moi de vivre, - Et que par un illustre et rigoureux effort, - Acceptant les malheurs où mon destin me livre, - Un sacrifice entier de mes vœux les plus doux 1640 - Fasse la sûreté de mon frère et de vous. - - COTYS. - - Cette sûreté malheureuse - A qui vous immolez votre amour et le mien - Peut-elle être si précieuse - Qu'il faille l'acheter de mon unique bien? 1645 - Et faut-il que l'amour garde tant de mesure - Avec des intérêts[64] qui lui font tant d'injure? - Laissez, laissez périr ce déplorable roi, - A qui ces intérêts dérobent votre foi. - Que sert que vous l'aimiez? et que fait votre flamme 1650 - Qu'augmenter son ardeur pour croître ses malheurs, - Si malgré le don de votre âme - Votre raison vous livre ailleurs? - Armez-vous de dédains; rendez, s'il est possible, - Votre perte pour lui moins grande ou moins sensible; 1655 - Et par pitié d'un cœur trop ardemment épris, - Éteignez-en la flamme à force de mépris. - - MANDANE. - - L'éteindre! Ah! se peut-il que vous m'ayez aimée? - - COTYS. - - Jamais si digne flamme en un cœur allumée.... - - MANDANE. - - Non, non; vous m'en feriez des serments superflus: 1660 - Vouloir ne plus aimer, c'est déjà n'aimer plus; - Et qui peut n'aimer plus ne fut jamais capable - D'une passion véritable. - - COTYS. - - L'amour au désespoir peut-il encor charmer? - - MANDANE. - - L'amour au désespoir fait gloire encor d'aimer; 1665 - Il en fait de souffrir et souffre avec constance, - Voyant l'objet aimé partager la souffrance; - Il regarde ses maux comme un doux souvenir - De l'union des cœurs qui ne sauroit finir; - Et comme n'aimer plus quand l'espoir abandonne, 1670 - C'est aimer ses plaisirs et non pas la personne, - Il fuit cette bassesse, et s'affermit si bien, - Que toute sa douleur ne se reproche rien. - - COTYS. - - Quel indigne tourment, quel injuste supplice - Succède au doux espoir qui m'osoit tout offrir! 1675 - - MANDANE. - - Et moi, Seigneur, et moi, n'ai-je rien à souffrir? - Ou m'y condamne-t-on avec plus de justice? - Si vous perdez l'objet de votre passion, - Épousez-vous celui de votre aversion? - Attache-t-on vos jours à d'aussi rudes chaînes? 1680 - Et souffrez-vous enfin la moitié de mes peines? - Cependant mon amour aura tout son éclat - En dépit du supplice où je suis condamnée; - Et si notre tyran par maxime d'État - Ne s'interdit mon hyménée, 1685 - Je veux qu'il ait la joie, en recevant ma main, - D'entendre que du cœur vous êtes souverain, - Et que les déplaisirs dont ma flamme est suivie - Ne cesseront qu'avec ma vie. - Allez, Seigneur, défendre aux vôtres de durer: 1690 - Ennuyez-vous de soupirer, - Craignez de trop souffrir, et trouvez en vous-même - L'art de ne plus aimer dès qu'on perd ce qu'on aime. - Je souffrirai pour vous, et ce nouveau malheur, - De tous mes maux le plus funeste, 1695 - D'un trait assez perçant armera ma douleur - Pour trancher de mes jours le déplorable reste. - - COTYS. - - Que dites-vous, Madame? et par quel sentiment.... - - CLÉON[65]. - - Spitridate, Seigneur, et Lysander vous prient - De vouloir avec eux conférer un moment. 1700 - - MANDANE. - - Allez, Seigneur, allez, puisqu'ils vous en convient. - Aimez, cédez, souffrez, ou voyez si les Dieux - Voudront vous inspirer quelque chose de mieux. - - -FIN DU QUATRIÈME ACTE. - - [56] On lit dans l'édition de 1692: SPITRIDATE, _à - Mandane qui paroît_. Voltaire (1764) coupe ici la scène et fait - de ce qui suit la scène II, ayant pour personnages: MANDANE, - ELPINICE, SPITRIDATE. - - [57] Thomas Corneille (1692) et Voltaire après lui - (1764) ont ainsi modifié ce vers: - - Ose faire éclater ma flamme avant la sienne? - - [58] _Var._ Il ne peut lui donner de rois[58-a]. (1666 et - 68) - - [58-a] Cette leçon a été reproduite par l'édition de 1692 et - par Voltaire (1764). - - [59] «On trouve dans une lettre manuscrite d'un homme de - ce temps-là qu'il s'éleva un murmure très-désagréable dans le - parterre, à ces vers d'Aglatide.» (Voltaire, _Préface - d'Agésilas_.) - - [60] Il y a, par erreur, _perdre_, au lieu de _prendre_, - dans l'édition de 1682. - - [61] Voyez tome I, p. 148, note 3. - - [62] Voltaire fait des six derniers vers la scène VI - (voyez ci-dessus, p. 62, note 1), ayant pour personnages COTYS, - MANDANE, AGLATIDE. - - [63] Cet hémistiche a été ainsi modifié dans l'édition - de 1692: - - Le changement vous plaît. - - --Voltaire a gardé la leçon des éditions antérieures. - - [64] On lit: «Avec tant d'intérêts,» dans l'édition de - 1692 et dans celle de Voltaire (1764). - - [65] Voltaire fait de ce qui suit une scène à part, la - scène VIII (voyez ci-dessus, p. 62, note 1, et p. 72, note 2). - Dans les éditions anciennes, y compris celle de 1692, le nom de - CLÉON ne figure pas même en tête de la scène V. - - - - -ACTE V. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -AGÉSILAS, XÉNOCLÈS. - - XÉNOCLÈS. - - Je remets en vos mains et l'une et l'autre lettre - Que l'esclave Damis aux miennes vient de mettre. 1705 - Vous y verrez, Seigneur, quels sont les attentats.... - -(Il lui donne deux lettres, dont il lit l'inscription.) - - AGÉSILAS. - - AU SÉNATEUR CRATÈS, A L'ÉPHORE ARSIDAS. - Spitridate et Cotys sont de l'intelligence? - - XÉNOCLÈS. - - Non; il s'est caché d'eux en cette conférence; - Il a plaint leur malheur, et de tout son pouvoir; 1710 - Mais sa prudence enfin tous deux vous les renvoie, - Sans leur donner aucun espoir - D'obtenir que de vous ce qui feroit leur joie. - - AGÉSILAS. - - Par cette déférence il croit les mieux aigrir; - Et rejetant sur moi ce qu'ils ont à souffrir.... 1715 - - XÉNOCLÈS. - - Vous avez mandé Spitridate, - Il entre ici. - - AGÉSILAS. - - Gardons qu'à ses yeux rien n'éclate. - - -SCÈNE II. - -AGÉSILAS, SPITRIDATE, XÉNOCLÈS. - - AGÉSILAS. - - Aglatide, Seigneur, a-t-elle encor vos vœux? - - SPITRIDATE. - - Non, Seigneur; mais enfin ils ne vont pas loin d'elle, - Et sa sœur a fait naître une flamme nouvelle 1720 - En la place des premiers feux. - - AGÉSILAS. - - Elpinice? - - SPITRIDATE. - - Elle-même. - - AGÉSILAS. - - Ainsi toujours pour gendre - Vous vous donnez à Lysander? - - SPITRIDATE. - - Seigneur, contre l'amour peut-on bien se défendre? - A peine attaque-t-il qu'on brûle de se rendre: 1725 - Le plus ferme courage est ravi de céder; - Et j'ai trouvé ma foi plus facile à reprendre - Que mon cœur à redemander. - - AGÉSILAS. - - Si vous considériez.... - - SPITRIDATE. - - Seigneur, que considère - Un cœur d'un vrai mérite heureusement charmé? 1730 - L'amour n'est plus amour sitôt qu'il délibère, - Et vous le sauriez trop si vous aviez aimé. - - AGÉSILAS. - - Seigneur, j'aimois à Sparte et j'aime dans Éphèse. - L'un et l'autre objet est charmant; - Mais bien que l'un m'ait plu, bien que l'autre me plaise, 1735 - Ma raison m'en a su défendre également. - - SPITRIDATE. - - La mienne suivroit mieux un plus commun exemple. - Si vous aimez, Seigneur, ne vous refusez rien, - Ou souffrez que je vous contemple - Comme un cœur au-dessus du mien. 1740 - Des climats différents la nature est diverse: - La Grèce a des vertus qu'on ne voit point en Perse. - Permettez qu'un Persan n'ose vous imiter, - Que sur votre partage il craigne d'attenter, - Qu'il se contente à moins de gloire, 1745 - Et trouve en sa foiblesse un destin assez doux - Pour ne point envier cette haute victoire, - Que vous seul avez droit de remporter sur vous. - - AGÉSILAS. - - Mais de mon ennemi rechercher l'alliance! - - SPITRIDATE. - - De votre ennemi! - - AGÉSILAS. - - Non, Lysander ne l'est pas; 1750 - Mais s'il faut vous le dire, il y court à grands pas. - - SPITRIDATE. - - C'en est assez: je dois me faire violence - Et renonce à plus croire ou mes yeux, ou mon cœur. - Ne m'ordonnez-vous rien sur l'hymen de ma sœur? - Cotys l'aime. - - AGÉSILAS. - - Il est roi, je ne suis pas son maître; 1755 - Et Mandane ni vous n'êtes pas mes sujets. - L'aime-t-elle? - - SPITRIDATE. - - Il se peut. Lui ferai-je connoître - Que vous auriez d'autres projets? - - AGÉSILAS. - - C'est me connoître mal; je ne contrains personne. - - SPITRIDATE. - - Peut-être qu'elle n'aime encor que sa couronne; 1760 - Et je ne sais pas bien où pencheroit son choix, - Si le ciel lui donnoit à choisir de deux rois. - Vous l'avez jusqu'ici de tant d'honneurs comblée, - De tant de faveurs accablée, - Qu'à vos ordres ses vœux sans peine assujettis.... 1765 - - AGÉSILAS. - - L'ingrate! - - SPITRIDATE. - - Je réponds de sa reconnoissance, - Et qu'elle ne consent à l'espoir de Cotys - Que pour le maintenir dans votre dépendance. - Pourroit-elle, Seigneur, davantage pour vous[66]? - - AGÉSILAS. - - Non; mais qui la pressoit de choisir un époux? 1770 - - SPITRIDATE. - - L'occasion d'un roi, Seigneur, est bien pressante. - Les plus dignes objets ne l'ont pas chaque jour; - Elle échappe à la moindre attente - Dont on veut éprouver l'amour. - A moins que de la prendre au moment qu'elle arrive, 1775 - On s'expose aux périls de l'accepter trop tard, - Et l'asile est si beau pour une fugitive, - Qu'elle ne peut sans crime en rien mettre au hasard. - - AGÉSILAS. - - Elle eût peu hasardé peut-être pour attendre. - - SPITRIDATE. - - Voyoit-elle en ces lieux un plus illustre espoir? 1780 - - AGÉSILAS. - - Comme l'amour n'entend que ce qu'il veut entendre, - Il ne voit que ce qu'il veut voir. - Si je l'ai jusqu'ici de tant d'honneurs comblée, - De tant de faveurs accablée, - Ces faveurs, ces honneurs ne lui disoient-ils rien? 1785 - Elle les entendoit[67] trop bien en dépit d'elle: - Mais l'ingrate! mais la cruelle!... - Seigneur, à votre tour vous m'entendez trop bien. - Qu'elle aille chez Cotys partager sa couronne; - Je n'y mets point d'obstacle, et n'en veux rien savoir: 1790 - Soit que l'ambition, soit que l'amour la donne, - Vous avez tous deux tout pouvoir. - Si pourtant vous m'aimiez.... - - SPITRIDATE. - - Soyez sûr de mon zèle. - Ma parole à Cotys est encore à donner. - Mais si cet hyménée a de quoi vous gêner, 1795 - Mandane que deviendra-t-elle? - - AGÉSILAS. - - Allez, encore un coup, allez en d'autres lieux - Épargner par pitié cette gêne à mes yeux; - Sauvez-moi du chagrin de montrer que je l'aime. - - SPITRIDATE. - - Elle vient recevoir vos ordres elle-même. 1800 - - -SCÈNE III. - -AGÉSILAS, SPITRIDATE, MANDANE, XÉNOCLÈS. - - AGÉSILAS. - - O vue! ô sur mon cœur regards trop absolus! - Que vous allez troubler mes vœux irrésolus! - Ne partez pas, Madame. O ciel! j'en vais trop dire. - - MANDANE. - - Je conçois mal, Seigneur, de quoi vous me parlez. - Moi partir? - - AGÉSILAS. - - Oui, partez, encor que j'en soupire. 1805 - Que ce mot ne peut-il suffire! - - MANDANE. - - Je conçois encor moins pourquoi vous m'exilez. - - AGÉSILAS. - - J'aime trop à vous voir et je vous ai trop vue: - C'est, Madame, ce qui me tue. - Partez, partez, de grâce. - - MANDANE. - - Où me bannissez-vous? 1810 - - AGÉSILAS. - - Nommez-vous un exil le trône d'un époux? - - MANDANE. - - Quel trône, et quel époux? - - AGÉSILAS. - - Cotys.... - - MANDANE. - - Je crois qu'il m'aime; - Mais si je vous regarde ici comme mon roi - Et comme un protecteur que j'ai choisi moi-même, - Puis-je sans votre aveu l'assurer de ma foi? 1815 - Après tant de bontés et de marques d'estime, - A vous moins déférer je croirois faire un crime; - Et mon âme.... - - AGÉSILAS. - - Ah! c'est trop déférer, et trop peu. - Quoi? pour cet hyménée exiger mon aveu! - - MANDANE. - - Jusque-là mon bonheur n'aura qu'incertitude; 1820 - Et bien qu'une couronne éblouisse aisément.... - - SPITRIDATE. - - Ma sœur, il faut parler un peu plus clairement: - Le Roi s'est plaint à moi de votre ingratitude. - - MANDANE. - - Et je me plains à lui des inégalités - Qu'il me force de voir lui-même en ses bontés. 1825 - Tout ce que pour un autre a voulu ma prière, - Vous me l'avez, Seigneur, et sur l'heure accordé[68]; - Et pour mes intérêts ce qu'on a demandé - Prête à de prompts refus une digne matière! - - AGÉSILAS. - - Si vous vouliez avoir des yeux 1830 - Pour voir de ces refus la véritable cause.... - - SPITRIDATE. - - N'est-ce pas assez dire, et faut-il autre chose? - Voyez mieux sa pensée, ou répondez-y mieux. - Ces refus obligeants veulent qu'on les entende: - Ils sont de ses faveurs le comble, et la plus grande. 1835 - Tout roi qu'est votre amant, perdez-le sans ennui, - Lorsqu'on vous en destine un plus puissant que lui. - M'en désavouerez-vous, Seigneur? - - AGÉSILAS. - - Non, Spitridate. - C'est inutilement que ma raison me flatte: - Comme vous j'ai mon foible; et j'avoue à mon tour 1840 - Qu'un si triste secours défend mal de l'amour. - Je vois par mon épreuve avec quelle injustice - Je vous refusois Elpinice: - Je cesse de vous faire une si dure loi. - Allez; elle est à vous, si Mandane est à moi. 1845 - Ce que pour Lysander je semble avoir de haine - Fera place aux douceurs de cette double chaîne, - Dont vous serez le nœud commun; - Et cet heureux hymen, accompagné du vôtre, - Nous rendant entre nous garant de l'un vers l'autre, 1850 - Réduira nos trois cœurs en un. - Madame, parlez donc. - - SPITRIDATE. - - Seigneur, l'obéissance - S'exprime assez par le silence. - Trouvez bon que je puisse apprendre à Lysander - La grâce qu'à ma flamme il vous plaît d'accorder. 1855 - - -SCÈNE IV. - -AGÉSILAS, MANDANE, XÉNOCLÈS. - - AGÉSILAS. - - En puis-je pour la mienne espérer une égale, - Madame? ou ne sera-ce en effet qu'obéir? - - MANDANE. - - Seigneur, je croirois vous trahir - Et n'avoir pas pour vous une âme assez royale, - Si je vous cachois rien des justes sentiments 1860 - Que m'inspire le ciel pour deux rois mes amants. - J'ai vu que vous m'aimiez; et sans autre interprète - J'en ai cru vos faveurs qui m'ont si peu coûté; - J'en ai cru vos bontés, et l'assiduité - Qu'apporte à me chercher votre ardeur inquiète. 1865 - Ma gloire y vouloit consentir; - Mais ma reconnoissance a pris soin de la vôtre. - Vos feux la hasardoient, et pour les amortir - J'ai réduit mes desirs à pencher vers un autre. - Pour m'épouser, vous le pouvez, 1870 - Je ne saurois former de vœux plus élevés; - Mais avant que juger ma conquête assez haute, - De l'œil dont il faut voir ce que vous vous devez, - Voyez ce qu'elle donne, ou plutôt ce qu'elle ôte. - Votre Sparte si haut porte sa royauté, 1875 - Que tout sang étranger la souille et la profane: - Jalouse de ce trône où vous êtes monté, - Y faire seoir une Persane, - C'est pour elle une étrange et dure nouveauté; - Et tout votre pouvoir ne peut m'y donner place, 1880 - Que vous n'y renonciez pour toute votre race. - Vos éphores peut-être oseront encor plus; - Et si votre sénat avec eux se soulève, - Si de me voir leur reine indignés et confus, - Ils m'arrachent d'un trône où votre choix m'élève.... 1885 - Pensez bien à la suite avant que d'achever, - Et si ce sont périls que vous deviez braver. - Vous les voyez si bien que j'ai mauvaise grâce - De vous en faire souvenir; - Mais mon zèle a voulu cette indiscrète audace, 1890 - Et moi je n'ai pas cru devoir la retenir. - Que la suite, après tout, vous flatte ou vous traverse, - Ma gloire est sans pareille aux yeux de l'univers, - S'il voit qu'une Persane au vainqueur de la Perse - Donne à son tour des lois, et l'arrête en ses fers. 1895 - Comme votre intérêt m'est plus considérable, - Je tâche de vous rendre à des destins meilleurs. - Mon amour peut vous perdre, et je m'attache ailleurs, - Pour être pour vous moins aimable. - Voilà ce que devoit un cœur reconnoissant. 1900 - Quant au reste, parlez en maître, - Vous êtes ici tout-puissant. - - AGÉSILAS. - - Quand peut-on être ingrat, si c'est là reconnoître? - Et que puis-je sur vous si le cœur n'y consent? - - MANDANE. - - Seigneur, il est donné; la main n'est pas donnée; 1905 - Et l'inclination ne fait pas l'hyménée. - Au défaut de ce cœur, je vous offre une foi - Sincère, inviolable, et digne enfin de moi. - Voyez si ce partage aura pour vous des charmes. - Contre l'amour d'un roi c'est assez raisonner. 1910 - J'aime, et vais toutefois attendre sans alarmes - Ce qu'il lui plaira m'ordonner. - Je fais un sacrifice assez noble, assez ample, - S'il en veut un en ce grand jour; - Et s'il peut se résoudre à vaincre son amour, 1915 - J'en donne à son grand cœur un assez haut exemple. - Qu'il écoute sa gloire ou suive son desir, - Qu'il se fasse grâce ou justice, - Je me tiens prête à tout, et lui laisse à choisir - De l'exemple ou du sacrifice. 1920 - - -SCÈNE V. - -AGÉSILAS, XÉNOCLÈS. - - AGÉSILAS. - - Qu'une Persane m'ose offrir un si grand choix! - Parmi nous qui traitons la Perse de barbare, - Et méprisons jusqu'à ses rois, - Est-il plus haut mérite? est-il vertu plus rare? - Cependant mon destin à ce point est amer, 1925 - Que plus elle mérite, et moins je dois l'aimer; - Et que plus ses vertus sont dignes de l'hommage - Que rend toute mon âme à cet illustre objet, - Plus je la dois fermer à tout autre projet - Qu'à celui d'égaler sa grandeur de courage. 1930 - - XÉNOCLÈS. - - Du moins vous rendre heureux, ce n'est plus hasarder. - Puisqu'un si digne amour fait grâce à Lysander, - Il n'a plus lieu de se contraindre: - Vous devenez par là maître de tout l'État; - Et ce grand homme à vous, vous n'avez plus à craindre 1935 - Ni d'éphores ni de sénat. - - AGÉSILAS. - - Je n'en suis pas encor d'accord avec moi-même. - J'aime; mais, après tout, je hais autant que j'aime; - Et ces deux passions qui règnent tour à tour - Ont au fond de mon cœur si peu d'intelligence, 1940 - Qu'à peine immole-t-il la vengeance à l'amour, - Qu'il voudroit immoler l'amour à la vengeance. - Entre ce digne objet et ce digne ennemi, - Mon âme incertaine et flottante, - Quoi que l'un me promette, et quoi que l'autre attente, 1945 - Ne se peut ni dompter, ni croire qu'à demi: - Et plus des deux côtés je la sens balancée, - Plus je vois clairement que si je veux régner, - Moi qui de Lysander vois toute la pensée, - Il le faut tout à fait ou perdre ou regagner; 1950 - Qu'il est temps de choisir. - - XÉNOCLÈS. - - Qu'il seroit magnanime - De vaincre et la vengeance et l'amour à la fois! - - AGÉSILAS. - - Il faudroit, Xénoclès, une âme plus sublime. - - XÉNOCLÈS. - - Il ne faut que vouloir: tout est possible aux rois. - - AGÉSILAS. - - Ah! si je pouvois tout, dans l'ardeur qui me presse 1955 - Pour ces deux passions qui partagent mes vœux, - Peut-être aurois-je la foiblesse - D'obéir à toutes les deux. - - -SCÈNE VI. - -AGÉSILAS, LYSANDER, XÉNOCLÈS. - - LYSANDER. - - Seigneur, il vous a plu disposer d'Elpinice; - Nous devons, elle et moi, beaucoup à vos bontés; 1960 - Et je serai ravi qu'elle vous obéisse, - Pourvu que de Cotys les vœux soient acceptés. - J'en ai donné parole, il y va de ma gloire. - Spitridate, sans lui, ne sauroit être heureux; - Et donner mon aveu, s'ils ne le sont tous deux, 1965 - C'est faire à mon honneur une tache trop noire. - Vous pouvez nous parler en roi. - Ma fille vous doit plus qu'à moi: - Commandez, elle est prête, et je saurai me taire. - N'exigez rien de plus d'un père. 1970 - Il a tenu toujours vos ordres à bonheur; - Mais rendez-lui cette justice - De souffrir qu'il emporte au tombeau cet honneur, - Qui fait l'unique prix de trente ans de service. - - AGÉSILAS. - - Oui, vous l'y porterez, et du moins de ma part 1975 - Ce précieux honneur ne court aucun hasard. - On a votre parole, et j'ai donné la mienne; - Et pour faire aujourd'hui que l'une et l'autre tienne, - Il faut vaincre un amour qui m'étoit aussi doux - Que votre gloire l'est pour vous, 1980 - Un amour dont l'espoir ne voyoit plus d'obstacle. - Mais enfin il est beau de triompher de soi, - Et de s'accorder ce miracle, - Quand on peut hautement donner à tous la loi, - Et que le juste soin de combler notre[69] gloire 1985 - Demande notre cœur pour dernière victoire. - Un roi né pour l'éclat des grandes actions - Dompte jusqu'à ses passions, - Et ne se croit point roi, s'il ne fait sur lui-même - Le plus illustre essai de son pouvoir suprême. 1990 - -(A Xénoclès.) - - Allez dire à Cotys que Mandane est à lui; - Que si mes feux aux siens ne l'ont pas accordée, - Pour venger son amour de ce moment d'ennui, - Je veux la lui céder comme il me l'a cédée. - Oyez de plus. - -(Il parle à l'oreille à Xénoclès, qui s'en va[70].) - - -SCÈNE VII. - -AGÉSILAS, LYSANDER. - - AGÉSILAS. - - Eh bien! vos mécontentements 1995 - Me seront-ils encore à craindre? - Et vous souviendrez-vous des mauvais traitements - Qui vous avoient donné tant de lieu de vous plaindre? - - LYSANDER. - - Je vous ai dit, Seigneur, que j'étois tout à vous; - Et j'y suis d'autant plus, que malgré l'apparence, 2000 - Je trouve des bontés qui passent l'espérance, - Où je n'avois cru voir que des soupçons jaloux. - - AGÉSILAS. - - Et que va devenir cette docte harangue - Qui du fameux Cléon doit ennoblir la langue[71]? - - LYSANDER. - - Seigneur.... - - AGÉSILAS. - - Nous sommes seuls, j'ai chassé Xénoclès: 2005 - Parlons confidemment. Que venez-vous d'écrire - A l'éphore Arsidas, au sénateur Cratès? - Je vous défère assez pour n'en vouloir rien lire[72]; - Tout est encor fermé. Voyez. - - LYSANDER. - - Je suis coupable, - Parce qu'on me trahit, que l'on vous sert trop bien, 2010 - Et que par un effort de prudence admirable, - Vous avez su prévoir de quoi seroit capable, - Après tant de mépris, un cœur comme le mien. - Ce dessein toutefois ne passera pour crime - Que parce qu'il est sans effet; 2015 - Et ce qu'on va nommer forfait - N'a rien qu'un plein succès n'eût rendu légitime. - Tout devient glorieux pour qui peut l'obtenir, - Et qui le manque est à punir. - - AGÉSILAS. - - Non, non; j'aurois plus fait peut-être en votre place: 2020 - Il est naturel aux grands cœurs - De sentir vivement de pareilles rigueurs; - Et vous m'offenseriez de douter de ma grâce. - Comme roi, je la donne, et comme ami discret - Je vous assure du secret. 2025 - Je remets en vos mains tout ce qui vous peut nuire. - Vous m'avez trop servi pour m'en trouver ingrat; - Et d'un trop grand soutien je priverois l'État - Pour des ressentiments où j'ai su vous réduire. - Ma puissance établie et mes droits conservés 2030 - Ne me laissent point d'yeux pour voir votre entreprise. - Dites-moi seulement avec même franchise, - Vous dois-je encor bien plus que vous ne me devez? - - LYSANDER. - - Avez-vous pu, Seigneur, me devoir quelque chose? - Qui sert le mieux son roi ne fait que son devoir. 2035 - En vous de tout l'État j'ai défendu la cause, - Quand je l'ai fait tomber dessous votre pouvoir. - Le zèle est tout de feu quand ce grand devoir presse; - Et comme à le moins suivre on s'en acquitte mal, - Le mien vous servit moins qu'il ne servit la Grèce, 2040 - Quand j'en sus ménager les cœurs avec adresse - Pour vous en faire général. - Je vous dois cependant et la vie et ma gloire; - Et lorsqu'un dessein malheureux - Peut me coûter le jour et souiller ma mémoire, 2045 - La magnanimité de ce cœur généreux.... - - AGÉSILAS. - - Reprochez-moi plutôt toutes mes injustices, - Que de plus ravaler de si rares services. - Elles ont fait le crime, et j'en tire ce bien, - Que j'ai pu m'acquitter et ne vous dois plus rien. 2050 - A présent que la gratitude - Ne peut passer pour dette en qui s'est acquitté[73], - Vos services, payés d'un traitement si rude, - Vont recevoir de moi ce qu'ils ont mérité. - S'ils ont su conserver un trône en ma famille, 2055 - J'y veux par mon hymen faire seoir votre fille: - C'est ainsi qu'avec vous je puis le partager. - - LYSANDER. - - Seigneur, à ces bontés, que je n'osois attendre, - Que puis-je.... - - AGÉSILAS. - - Jugez-en comme il en faut juger, - Et surtout commencez d'apprendre 2060 - Que les rois sont jaloux du souverain pouvoir, - Qu'ils aiment qu'on leur doive, et ne peuvent devoir, - Que rien à leurs sujets n'acquiert l'indépendance, - Qu'ils règlent à leur choix l'emploi des plus grands cœurs; - Qu'ils ont pour qui les sert des grâces, des faveurs, - Et qu'on n'a jamais droit sur leur reconnoissance. - Prenons dorénavant, vous et moi, pour objet, - Les devoirs qu'il faudra l'un à l'autre nous rendre: - N'oubliez pas ceux d'un sujet[74], - Et j'aurai soin de ceux d'un gendre. 2070 - - -SCÈNE VIII. - -AGÉSILAS, LYSANDER, AGLATIDE conduite par XÉNOCLÈS. - - AGLATIDE. - - Sur un ordre, Seigneur, reçu de votre part, - Je viens, étonnée et surprise - De voir que tout d'un coup un roi m'en favorise, - Qui me daignoit à peine honorer d'un regard. - - AGÉSILAS. - - Sortez d'étonnement. Les temps changent, Madame, 2075 - Et l'on n'a pas toujours mêmes yeux ni même âme. - Pourriez-vous de ma main accepter un époux? - - AGLATIDE. - - Si mon père y consent, mon devoir me l'ordonne; - Ce me sera trop d'heur de le tenir de vous. - Mais avant que savoir quelle en est la personne, 2080 - Pourrois-je vous parler avec la liberté - Que me souffroit à Sparte un feu trop écouté, - Alors qu'il vous plaisoit, ou m'aimer, ou me dire - Qu'en votre cœur mes yeux s'étoient fait un empire? - Non que j'y pense encor; j'apprends de vous, Seigneur, 2085 - Qu'on change avec le temps, d'âme, d'yeux et de cœur. - - AGÉSILAS. - - Rappelez ces beaux jours pour me parler sans feindre; - Mais si vous le pouvez, Madame, épargnez-moi. - - AGLATIDE. - - Ce seroit sans raison que j'oserois m'en plaindre: - L'amour doit être libre, et vous êtes mon roi. 2090 - Mais puisque jusqu'à vous vous m'avez fait prétendre, - N'obligez point, Seigneur, cet espoir à descendre, - Et ne me faites point de lois - Qui profanent l'honneur de votre premier choix. - J'y trouvois pour moi tant de gloire, 2095 - J'en chéris à tel point la flatteuse mémoire, - Que je regarderois comme un indigne époux - Quiconque m'offriroit un moindre rang que vous. - Si cet orgueil a quelque crime, - Il n'en faut accuser que votre trop d'estime: 2100 - Ce sont des sentiments que je ne puis trahir. - Après cela, parlez; c'est à moi d'obéir. - - AGÉSILAS. - - Je parlerai, Madame, avec même franchise. - J'aime à voir cet orgueil que mon choix autorise - A dédaigner les vœux de tout autre qu'un roi: 2105 - J'aime cette hauteur en un jeune courage; - Et vous n'aurez point lieu de vous plaindre de moi, - Si votre heureux destin dépend de mon suffrage. - - -SCÈNE IX. - -AGÉSILAS, LYSANDER, COTYS, SPITRIDATE, MANDANE, ELPINICE, -AGLATIDE, XÉNOCLÈS. - - COTYS. - - Seigneur, à vos bontés nous venons consacrer, - Et Mandane et moi, notre vie. 2110 - - SPITRIDATE. - - De pareilles faveurs, Seigneur, nous font rentrer - Pour vous faire voir même envie. - - AGÉSILAS. - - Je vous ai fait justice à tous, - Et je crois que ce jour vous doit être assez doux, - Qui de tous vos souhaits à votre gré décide; 2115 - Mais pour le rendre encor plus doux et plus charmant, - Sachez que Sparte voit sa reine en Aglatide, - A qui le ciel en moi rend son premier amant. - - AGLATIDE. - - C'est me faire, Seigneur, des surprises nouvelles. - - AGÉSILAS. - - Rendons nos cœurs, Madame, à des flammes si belles; 2120 - Et tous ensemble allons préparer ce beau jour - Qui par un triple hymen couronnera l'amour! - -FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE. - - [66] L'édition de 1682 donne seule, par une faute - évidente, _nous_, au lieu de _vous_. - - [67] Ici, par une autre erreur, l'édition de 1682 porte - _attendoit_, pour _entendoit_. - - [68] Comparez ce vers au vers 1454 de _Cinna_, acte V, - scène I, et un peu plus loin, les vers 1982 et suivants aux vers - 1696 et suivants de la même pièce, acte V, scène III. - - [69] L'édition de 1682 donne, par erreur encore, - _votre_, pour _notre_. - - [70] Dans l'édition de Voltaire (1764): _Il parle bas à - Xénoclès, qui sort_. Voyez tome VI, p. 650, note 2. - - [71] Voyez ci-dessus, p. 37, note 32, et p. 52, vers 1096 - et suivants. - - [72] On lit ici dans l'édition de 1692 un vers de plus, - que Voltaire donne également: - - Avec moi n'appréhendez rien. - - [73] Ce vers a été omis dans l'édition de 1682. - - [74] _Var._ N'oubliez plus ceux d'un sujet. (1666 et - 68) - - - - - ATTILA - - ROI DES HUNS - - TRAGÉDIE - - 1667 - - - - -NOTICE. - - -«_Attila_, dit Voltaire au commencement de la _Préface_ qu'il a -placée en tête de cette pièce, parut malheureusement la même -année qu'_Andromaque_. La comparaison ne contribua pas à faire -remonter Corneille à ce haut point de gloire où il s'était élevé: -il baissait, et Racine s'élevait.» Tout en reconnaissant la -justesse de ces réflexions un peu banales, on ne doit pas oublier -qu'_Andromaque_ ne fut jouée que huit mois après _Attila_, et ne -put par conséquent entraver en rien le succès de cet ouvrage. Ce -fut à la troupe de Molière, établie au Palais-Royal, que -Corneille le confia. On lit dans le registre de Lagrange, sous la -date du 4 mars 1667: «_Attila_, pièce nouvelle de M. Corneille -l'aîné, pour laquelle on lui donna deux mille livres, prix fait.» - -Robinet racontant dans une _Lettre en vers à Madame_, du 13 mars -1667, une noce somptueuse, ajoute: - - Mais parlons un peu d'_Attila_; - Car ce fut cette pièce-là - Qui servit à ce grand régale - . . . . . . . . . . . . . . . . - Cette dernière des merveilles - De l'aîné des fameux Corneilles - Est un poëme sérieux, - Où cet auteur si glorieux, - Avecque son style énergique, - Des plus propres pour le tragique, - Nous peint, en peignant Attila, - Tout à fait bien ce règne-là, - Et de telle façon s'explique - En matière de politique, - Qu'il semble avoir, en bonne foi, - Été grand ministre ou grand roi. - Tel enfin est ce grand ouvrage - Qu'il ne se sent point de son âge, - Et que d'un roi des plus mal né - D'un héros qui saigne du nez, - Il a fait, malgré les critiques, - Le plus beau de ses dramatiques. - Mais on peut dire aussi cela - Qu'après lui le même _Attila_ - Est, par le sieur la Thorillère, - Représenté d'une manière - Qu'il donne l'âme à ce tableau - Qu'en a fait son parlant pinceau. - Toute la compagnie au reste (_La troupe du Roi, au Palais-Royal._) - Ses beaux talents y manifeste, - Et chacun selon son emploi - Se montre digne d'être au Roi. - Bref les acteurs et les actrices - De plus d'un sens font les délices - Par leurs attraits, et leurs habits, - Qui ne sont pas d'un petit prix; - Et mêmes une confidente (_Mlle Molière[75]._) - N'y paroît pas la moins charmante, - Et maint, le cas est évident, - Voudroit en être confident. - Sur cet avis, qui vaut l'affiche, - Voyez demain si je vous triche. - -La Thorillière père, d'après ce qu'on sait de son genre de talent[76], -était loin de posséder l'énergie sauvage qui eût été nécessaire pour -remplir dignement le rôle d'Attila; toutefois, un des plus grands -admirateurs de Corneille, Saint-Évremont, raisonnant à ce sujet de la -façon la plus surprenante, s'applaudissait de ce que son poëte de -prédilection avait rencontré un aussi médiocre interprète. Il -écrivait à M. de Lyonne: «A peine ai-je eu le loisir de jeter -les yeux sur _Andromaque_ et sur _Attila_; cependant il me -paraît qu'_Andromaque_ a bien l'air des belles choses.... Vous -avez raison de dire que cette pièce est déchue par la mort de -Montfleury; car elle avoit besoin de grands comédiens pour -remplir, par l'action, ce qui lui manque. _Attila_, au contraire, -a dû gagner quelque chose à la mort de cet acteur; un grand -comédien eût trop poussé un rôle assez plein de lui-même, et eût -fait faire trop d'impression à sa férocité sur les âmes tendres.» - -Le registre de Lagrange constate que la pièce eut vingt -représentations consécutives et trois autres encore dans la même -année: c'était, pour le temps, un véritable succès. Cela -n'empêcha point Boileau de faire cette épigramme si connue, si -facile à retenir: - - Après l'_Agésilas_, - Hélas! - Mais après l'_Attila_, - Holà! - -qui est devenue dans la bouche de bien des amateurs, et même de -beaucoup de critiques, une réponse sans réplique, une de ces fins -de non-recevoir aussi décisives que le _Tarte à la Crème_ du -marquis dans _la Critique de l'École des femmes_. - -Les faiseurs d'_ana_, qui aiment à exagérer les distractions et -la naïveté des hommes de génie, prétendent que ces vers ne -blessèrent nullement l'amour-propre, pourtant fort susceptible, -du poëte contre lequel ils étaient dirigés. «Corneille s'y méprit -lui-même, dit Monchesnay[77], et les tourna à son avantage, comme -si l'auteur avoit voulu dire que la première de ces pièces -excitoit parfaitement la pitié, et que l'autre étoit le _non plus -ultra_ de la tragédie.» - -On comprendrait mieux que Corneille eût effectivement pris le -change sur le passage suivant de la neuvième satire, où la -critique est plus indirecte et mieux déguisée: - - Tous les jours à la cour un sot de qualité - Peut juger de travers avec impunité; - A Malherbe, à Racan, préférer Théophile, - Et le clinquant du Tasse à tout l'or de Virgile. - Un clerc, pour quinze sous, sans craindre le holà, - Peut aller au parterre attaquer Attila, - Et si le roi des Huns ne lui charme l'oreille, - Traiter de Visigoths tous les vers de Corneille. - -Ce dernier vers nous indique, si je ne me trompe, un point qui -choquait tout particulièrement Boileau dans _Attila_: je veux -dire le choix des noms propres, choix si important à ses yeux et -au sujet duquel il disait quelque temps après dans l'_Art -poétique_ (chant III, vers 243 et 244): - - D'un seul nom quelquefois le son dur ou bizarre - Rend un poëme entier ou burlesque ou barbare; - -et Voltaire était bien du même avis lorsqu'il écrivait dans la -_Préface_ que nous avons déjà citée: «Corneille, dans sa tragédie -d'_Attila_, fait paraître Hildione, une princesse sœur d'un -prétendu roi de France; elle s'appelait Hildecone à la première -représentation; on changea ensuite ce nom ridicule[78].» -Qu'eût-ce été si Corneille, au lieu d'adopter à peu près, en le -francisant, le nom d'Ildico, qui lui était donné par Priscus et -Jornandès[79], eût connu les traditions du Nord et choisi les -formes plus pures de _Hiltgund_, _Hiltegunt_, «Hildegonde,» -qu'elles nous ont conservées[80]? - -Le privilége d'_Attila_ avait été accordé à Guillaume de Luyne -«le 25e jour de novembre 1666,» ce qui fait penser qu'à cette -époque cette pièce était déjà composée. L'Achevé d'imprimer est -du «vingtième novembre 1667,» et néanmoins, suivant un usage -aujourd'hui général dans la librairie, et qui, on le voit, était -déjà suivi dès cette époque, le frontispice de l'édition -originale porte la date de 1668. - -Le titre de l'ouvrage est ainsi conçu: ATTILA, ROY DES HVNS, -TRAGEDIE par P. Corneille, _A Paris, Guillaume de Luyne, Libraire -Iuré, au Palais_. M.DC.LXVIII. Le volume, de format in-12, se -compose de 4 feuillets et de 78 pages. Le libraire de Luyne avait -fait part de son privilége à Thomas Jolly et à Billaine. Nous -avons sous les yeux un exemplaire dont le titre, à l'adresse de -Jolly, porte _T._ (au lieu de _P._) _Corneille_. - - [75] C'est-à-dire Armande Béjart, femme de Molière, qui - remplissait le rôle de Flavie. - - [76] Voyez le Mazurier, _Galerie historique du théâtre - français_, tome I, p. 543. - - [77] _Bolæana_, 1742, in-12, p. 40 et 41. - - [78] _Préface d'Attila_, p. 7 et 8. Le nom est _Ildione_ - dans Corneille. - - [79] Voyez Jornandès, _de Getarum origine et rebus - gestis_, chapitre XLIX. Jornandès s'appuie sur l'autorité de - Priscus. - - [80] Voyez _Histoire d'Attila_.... par M. Amédée - Thierry, 1856, tome I, p. 226, et tome II, p. 307 et suivantes. - - - - -AU LECTEUR[81]. - - -Le nom d'Attila[82] est assez connu; mais tout le monde n'en -connoît pas tout le caractère. Il étoit plus homme de tête que de -main[83], tâchoit à diviser ses ennemis, ravageoit les peuples -indéfendus, pour donner de la terreur aux autres, et tirer tribut -de leur épouvante, et s'étoit fait un tel empire sur les rois qui -l'accompagnoient, que quand même il leur eût commandé des -parricides, ils n'eussent osé lui désobéir. Il est malaisé de -savoir quelle étoit sa religion: le surnom de _Fléau de -Dieu_[84], qu'il prenoit lui-même, montre qu'il n'en croyoit pas -plusieurs. Je l'estimerois arien, comme les Ostrogoths et les -Gépides[85] de son armée, n'étoit la pluralité des femmes, que je -lui ai retranchée ici. Il croyoit fort aux devins, et c'étoit -peut-être tout ce qu'il croyoit. Il envoya demander par deux fois -à l'empereur Valentinian[86] sa sœur Honorie[87] avec grandes -menaces, et en attendant[88], il épousa Ildione, dont tous les -historiens marquent la beauté[89], sans parler de sa naissance. -C'est ce qui m'a enhardi à la faire sœur d'un de nos premiers -rois[90], afin d'opposer la France naissante au déclin de -l'Empire. Il est constant qu'il mourut la première nuit de son -mariage avec elle. Marcellin dit qu'elle le tua elle-même[91], et -je lui en ai voulu donner l'idée, quoique sans effet[92]. Tous -les autres rapportent qu'il avoit accoutumé de saigner du -nez, et que les vapeurs du vin et des viandes dont il se chargea -fermèrent le passage à ce sang, qui, après l'avoir étouffé, -sortit avec violence par tous les conduits[93]. Je les ai -suivis sur la manière de sa mort; mais j'ai cru plus à propos -d'en attribuer la cause à un excès de colère qu'à un excès -d'intempérance. - -Au reste, on m'a pressé de répondre ici par occasion aux -invectives qu'on a publiées depuis quelque temps contre la -comédie[94]; mais je me contenterai d'en dire deux choses, -pour fermer la bouche à ces ennemis d'un divertissement si -honnête et si utile: l'un[95], que je soumets tout ce que j'ai -fait et ferai à l'avenir à la censure des puissances, tant -ecclésiastiques que séculières, sous lesquelles Dieu me fait -vivre: je ne sais s'ils en voudroient faire autant; l'autre, que -la comédie est assez justifiée par cette célèbre traduction de la -moitié de celles de Térence, que des personnes d'une piété -exemplaire et rigide ont donnée au public, et ne l'auroient -jamais fait[96], si elles n'eussent jugé qu'on peut innocemment -mettre sur la scène des filles engrossées par leurs amants, et -des marchands d'esclaves à prostituer[97]. La nôtre ne souffre -point de tels ornements. L'amour en est l'âme pour l'ordinaire; -mais l'amour dans le malheur n'excite que la pitié, et est plus -capable de purger en nous cette passion que de nous en faire -envie. - -Il n'y a point d'homme, au sortir de la représentation du -_Cid_, qui voulût avoir tué, comme lui, le père de sa maîtresse, -pour en recevoir de pareilles douceurs, ni de fille qui souhaitât -que son amant eût tué son père, pour avoir la joie de l'aimer en -poursuivant sa mort[98]. Les tendresses de l'amour content sont -d'une autre nature, et c'est ce qui m'oblige à les éviter. -J'espère un jour traiter cette matière plus au long, et faire -voir quelle erreur c'est de dire qu'on peut faire parler sur le -théâtre toutes sortes de gens, selon toute l'étendue de leurs -caractères. - - [81] Le titre _Au lecteur_ ne se trouve que dans - l'édition originale, 1668. Voyez tome VI, p. 357, note 1. - - [82] Attila, roi des Huns, qui commença à régner l'an de - Jésus-Christ 434 ou 435, était né, suivant toute apparence, dans - les dernières années du quatrième siècle. Il mourut en 453. - - [83] _Homo subtilis, antequam arma gereret, arte - pugnabat._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre - XXXVI.) Au chapitre précédent Jornandès dit de lui qu'il était - «très-fort par le conseil,» _consilio validissimus_. - - [84] «A quelle époque précise est née cette formule - fameuse d'_Attila flagellum Dei_, dont les légendaires et les - chroniqueurs ne font qu'un mot auquel ils laissent la physionomie - latine, même en langue vulgaire? On ne le sait pas: tout ce qu'on - peut dire, c'est qu'elle ne se trouve chez aucun auteur - contemporain, et que la légende de saint Loup.... écrite au - huitième ou neuvième siècle par un prêtre de Troyes, est le plus - ancien document qui nous la donne.» (_Histoire d'Attila_, par M. - Amédée Thierry, tome II, p. 248.) - - [85] Les mots: «et les Gépides,» ne sont pas dans - l'édition originale. - - [86] Les éditions de Thomas Corneille (1692) et de - Voltaire (1764) portent ici _Valentinien_, mais dans la liste des - acteurs, où ce nom propre reparaît, elles donnent, comme les - éditions publiées du vivant de l'auteur, _Valentinian_. - - [87] Voyez acte II, scène VI, vers 683-704.--On voit - comme Corneille met à profit les versions diverses qui se - rapportent à un fait historique; il a procédé d'une manière - analogue dans _Othon_ au sujet de la mort de Vinius. Voyez tome - VI, p. 654 et la note 2. - - [88] Justa Grata Honoria, petite-fille du grand - Théodose, fille de Constance III et de Placidie et sœur de - Valentinien III, née à Ravenne en 417, envoya son anneau à Attila - en le priant de la demander en mariage. Attila ne répondit point, - et quelque temps après Honoria fut enfermée à Constantinople, - puis à Ravenne, à cause de sa conduite scandaleuse avec son - intendant Eugénius. Ce fut alors qu'Attila réclama sa fiancée, - exigeant sa mise en liberté et la part qui lui revenait dans la - succession de son père, qui se composait, suivant le roi des - Huns, non-seulement de la moitié des biens personnels de - Constance, mais aussi de la moitié de l'empire d'Occident. - Valentinien répondit que sa sœur était mariée, et que d'ailleurs - l'Empire ne constituait pas un patrimoine de famille. Toutefois, - lorsque plus tard le pape Léon vint supplier Attila vainqueur - d'épargner Rome, celui-ci en se retirant déclara encore qu'il - reviendrait accabler l'Italie si on ne lui envoyait Honoria et - ses trésors. Voyez Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre - XLII. - - [89] Dans les deux impressions de 1668, l'édition - originale, aussi bien que le recueil, on lit: «et en - l'attendant.» - - [90] _Puellam, Ildico nomine, decoram valde, sibi in - matrimonium post innumerabiles uxores, ut mos erat gentis illius, - socians._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XLIX.) - - [91] «Qu'était-ce qu'Ildico? La tradition germaine en - fait une fille de roi, tantôt d'un roi des Franks d'outre-Rhin, - tantôt d'un roi des Burgondes.» (_Histoire d'Attila_, par M. - Amédée Thierry, tome I, p. 226.) - - [92] _Attila.... noctu mulieris manu cultroque - confoditur._ (Marcellini comitis _Chronicon_.) - - [93] _Vino somnoque gravatus, resupinus jacebat, - redundansque sanguis, qui ei solite de naribus effluebat, dum - consuetis meatibus impeditur, itinere ferali faucibus illapsus - eum exstinxit._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre - XLIX.) - - [94] On a prétendu que Corneille avait ici uniquement en - vue le traité _de la Comédie_ de Nicole, publié en 1659, et - réimprimé plus tard dans ses _Essais de morale_. Cela n'est pas - exact. Bien que les diverses situations du _Cid_ et les - imprécations de Camille dans _Horace_ fussent vivement blâmées - dans cet ouvrage (voyez chapitres VI et VII), Corneille n'avait - pas jugé à propos de répondre; il aurait eu, depuis 1659, de - fréquentes occasions de le faire. Il résulte de l'examen que nous - avons fait des ouvrages dirigés contre le théâtre que notre poëte - veut surtout parler ici d'un _Traité de la comédie et des - spectacles selon la tradition de l'Église, tirée des conciles et - des Saints-Pères_, publié en 1667. Ce qui l'émut, ce fut moins à - coup sûr la force des raisonnements, que le nom de l'auteur, qui - ne figure point sur le titre, mais qu'on trouve mentionné en - toutes lettres dans l'approbation des docteurs, et qui n'est - autre que «Mgr le prince de Conty.» Lorsqu'on sait à qui - s'adressent les paroles de Corneille, que jusqu'ici on pouvait - croire dirigées contre quelque obscur controversiste, on est - frappé de l'énergique indépendance du poëte. Il faut remarquer du - reste qu'il avait été attaqué avec une grande violence: _Cinna_, - _Pompée_, _Polyeucte_ même n'avaient pas été épargnés; enfin le - prince portait sur _le Cid_ cet étrange jugement, qui paraît - avoir surtout blessé Corneille: «Rodrigue n'obtiendroit pas le - rang qu'il a dans la comédie, s'il ne l'eût mérité par deux - duels, en tuant le Comte et en désarmant don Sanche; et si - l'histoire le considère davantage par le nom de Cid et par ses - exploits contre les Mores, la comédie l'estime beaucoup plus par - sa compassion pour Chimène et par ses deux combats particuliers. - Le récit même de la défaite des Mores y est fort ennuyeux et peu - nécessaire à l'ouvrage, étant certain qu'il n'y avoit nulle - rigueur en ce temps-là contre les duels, et n'y ayant pas - d'apparence que la sévérité du roi de Castille fût si grande en - cette matière, contre la coutume de son siècle, qu'il n'en pût - bien pardonner deux par jour, même sans le prétexte d'une - victoire aussi importante.» - - [95] Tel est le texte de toutes les éditions anciennes, - y compris celle de 1692. _L'un_ est employé ici neutralement; - Voltaire y a substitué le féminin: l'_une_. - - [96] Dans l'édition de 1692: «ce qu'elles n'auroient - jamais fait.» Voltaire (1764) a gardé l'ancienne leçon. - - [97] La traduction de Port-Royal, attribuée à le Maistre - de Saci, qui est désigné dans le privilége par le pseudonyme du: - «sieur de S. Aubin.» (Voyez le _Port-Royal_ de M. Sainte-Beuve, - tome II, p. 372 et note 2.) Voici le titre de ce volume: - _Comédies de Terence traduites en françois avec le latin à costé - et rendues tres-honnestes en y changeant fort peu de chose_.... A - Paris, chez la veuve Martin Durand.... M.DC.XXXXVII, in-12. Il ne - comprend que trois pièces: l'_Andrienne_, _les Adelphes_ et le - _Phormion_. - - -LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES -D'_ATTILA_. - - ÉDITION SÉPARÉE. - - 1668 in-12. - - RECUEILS. - - 1668 in-12; | 1682 in-12. - - [98] Corneille a déjà défendu son _Menteur_ par des - arguments tout à fait semblables. Voyez tome IV, p. 284. - - - - -ACTEURS[99]. - - - ATTILA, roi des Huns. - ARDARIC, roi des Gépides. - VALAMIR, roi des Ostrogoths. - HONORIE, sœur de l'empereur Valentinian. - ILDIONE, sœur de Mérouée[100], roi de France. - OCTAR, capitaine des gardes d'Attila. - FLAVIE, dame d'honneur d'Honorie. - -La scène est au camp d'Attila, dans la Norique[101]. - - [99] Presque tous les personnages de cette pièce sont - historiques. Voyez ci-dessus pour Attila, p. 103, note 82; pour - Honorie, p. 104, note 88; pour Ildione, p. 102, et p. 104, notes 91 - et 92. Le capitaine des gardes d'Attila et la dame d'honneur - d'Honorie sont les seuls rôles d'invention, encore faut-il - remarquer que le nom d'Octar n'est pas imaginaire; c'est celui de - l'oncle d'Attila: voyez Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, - chapitre XXXV. Le même historien dit au sujet d'Ardaric et - Valamir, qu'Attila les aimait plus que tous les autres petits - rois: _super cæteros regulos diligebat_. (Chapitre XXXVIII.) - - [100] C'est ainsi que ce nom est imprimé dans toutes les - éditions (avec un tréma de plus: _Meroüée_, pour marquer que - l'_u_ ne doit pas se prononcer comme un _v_).--Mérovée est nommé - dans Grégoire de Tours. «Quelques-uns affirment que de la race de - Chlogion[100-a] était le roi Mérovech, dont Childéric fut fils.» - _De hujus_ (Chlogionis) _stirpe quidam Merovechum regem fuisse - adserunt, cujus fuit filius Childericus_. (Livre II, fin du - chapitre IX.) - - [100-a] Il nomme un peu plus haut Chlogion (_Clodion_) «roi - des Francs.» - - [101] Province de l'empire romain, bornée au nord par le - Danube, comprise dans le diocèse d'Illyrie. - - - - -ATTILA. - -TRAGÉDIE. - - - - -ACTE I. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -ATTILA, OCTAR, SUITE. - - ATTILA. - - Ils ne sont pas venus, nos deux rois? qu'on leur die - Qu'ils se font trop attendre, et qu'Attila s'ennuie; - Qu'alors que je les mande ils doivent se hâter. - - OCTAR. - - Mais, Seigneur, quel besoin de les en consulter? - Pourquoi de votre hymen les prendre pour arbitres, 5 - Eux qui n'ont de leur trône ici que de vains titres, - Et que vous ne laissez au nombre des vivants - Que pour traîner partout deux rois pour vos suivants? - - ATTILA. - - J'en puis résoudre seul, Octar, et les appelle, - Non sous aucun espoir de lumière nouvelle: 10 - Je crois voir avant eux ce qu'ils m'éclairciront, - Et m'être déjà dit tout ce qu'ils me diront; - Mais de ces deux partis lequel que je préfère, - Sa gloire est un affront pour l'autre, et pour son frère; - Et je veux attirer d'un si juste courroux 15 - Sur l'auteur du conseil les plus dangereux coups, - Assurer une excuse à ce manque d'estime, - Pouvoir, s'il est besoin, livrer une victime; - Et c'est ce qui m'oblige à consulter ces rois, - Pour faire à leurs périls éclater ce grand choix; 20 - Car enfin j'aimerois un prétexte à leur perte: - J'en prendrois hautement l'occasion offerte. - Ce titre en eux me choque, et je ne sais pourquoi - Un roi que je commande ose se nommer roi. - Un nom si glorieux marque une indépendance 25 - Que souille, que détruit la moindre obéissance; - Et je suis las de voir que du bandeau royal - Ils prennent droit tous deux de me traiter d'égal. - - OCTAR. - - Mais, Seigneur, se peut-il que pour ces deux princesses - Vous ayez mêmes yeux et pareilles tendresses, 30 - Que leur mérite égal dispose sans ennui - Votre âme irrésolue aux sentiments d'autrui? - Ou si vers l'une ou l'autre elle a pris quelque pente, - Dont prennent ces deux rois la route différente, - Voudra-t-elle, aux dépens de ses vœux les plus doux, 35 - Préparer une excuse à ce juste courroux? - Et pour juste qu'il soit, est-il si fort à craindre - Que le grand Attila s'abaisse à se contraindre? - - ATTILA. - - Non; mais la noble ardeur d'envahir tant d'États - Doit combattre de tête encor plus que de bras, 40 - Entre ses ennemis rompre l'intelligence, - Y jeter du désordre et de la défiance, - Et ne rien hasarder qu'on n'ait de toutes parts, - Autant qu'il est possible, enchaîné les hasards. - Nous étions aussi forts qu'à présent nous le sommes, 45 - Quand je fondis en Gaule avec cinq cent mille hommes[102]. - Dès lors, s'il t'en souvient, je voulus, mais en vain, - D'avec le Visigoth détacher le Romain. - J'y perdis auprès d'eux des soins qui me perdirent: - Loin de se diviser, d'autant mieux ils s'unirent. 50 - La terreur de mon nom pour nouveaux compagnons - Leur donna les Alains, les Francs, les Bourguignons; - Et n'ayant pu semer entre eux aucuns divorces, - Je me vis en déroute avec toutes mes forces[103]. - J'ai su les rétablir, et cherche à me venger; 55 - Mais je cherche à le faire avec moins de danger. - De ces cinq nations contre moi trop heureuses, - J'envoie offrir la paix aux deux plus belliqueuses; - Je traite avec chacune, et comme toutes deux - De mon hymen offert ont accepté les nœuds, 60 - Des princesses qu'ensuite elles en font le gage - L'une sera ma femme et l'autre mon otage. - Si j'offense par là l'un des deux souverains, - Il craindra pour sa sœur qui reste entre mes mains. - Ainsi je les tiendrai l'un et l'autre en contrainte, 65 - L'un par mon alliance, et l'autre par la crainte; - Ou si le malheureux s'obstine à s'irriter, - L'heureux en ma faveur saura lui résister, - Tant que de nos vainqueurs terrassés l'un par l'autre - Les trônes ébranlés tombent aux pieds du nôtre. 70 - Quant à l'amour, apprends que mon plus doux souci - N'est.... Mais Ardaric entre, et Valamir aussi. - - -SCÈNE II. - -ATTILA, ARDARIC, VALAMIR, OCTAR. - - ATTILA. - - Rois, amis d'Attila, soutiens de ma puissance, - Qui rangez tant d'États sous mon obéissance, - Et de qui les conseils, le grand cœur et la main, 75 - Me rendent formidable à tout le genre humain, - Vous voyez en mon camp les éclatantes marques - Que de ce vaste effroi nous donnent[104] deux monarques. - En Gaule Mérouée, à Rome l'Empereur, - Ont cru par mon hymen éviter ma fureur. 80 - La paix avec tous deux en même temps traitée - Se trouve avec tous deux à ce prix arrêtée; - Et presque sur les pas de mes ambassadeurs - Les leurs m'ont amené deux princesses leurs sœurs. - Le choix m'en embarrasse, il est temps de le faire; 85 - Depuis leur arrivée en vain je le diffère: - Il faut enfin résoudre; et quel que soit ce choix, - J'offense un empereur, ou le plus grand des rois. - Je le dis le plus grand, non qu'encor la victoire - Ait porté Mérouée à ce comble de gloire; 90 - Mais si de nos devins l'oracle n'est point faux, - Sa grandeur doit atteindre aux degrés les plus hauts; - Et de ses successeurs l'empire inébranlable - Sera de siècle en siècle enfin si redoutable, - Qu'un jour toute la terre en recevra des lois, 95 - Ou tremblera du moins au nom de leurs François. - Vous donc, qui connoissez de combien d'importance - Est pour nos grands projets l'une et l'autre alliance, - Prêtez-moi des clartés pour bien voir aujourd'hui - De laquelle ils auront ou plus ou moins d'appui, 100 - Qui des deux, honoré par ces nœuds domestiques, - Nous vengera le mieux des Champs catalauniques[105]; - Et qui des deux enfin, déchu d'un tel espoir, - Sera le plus à craindre à qui veut tout pouvoir. - - ARDARIC. - - En l'état où le ciel a mis votre puissance, 105 - Nous mettrions en vain les forces[106] en balance: - Tout ce qu'on y peut voir ou de plus ou de moins - Ne vaut pas amuser le moindre de vos soins. - L'un et l'autre traité suffit pour nous instruire - Qu'ils vous craignent tous deux et n'osent plus vous nuire. 110 - Ainsi, sans perdre temps à vous inquiéter, - Vous n'avez que vos yeux, Seigneur, à consulter. - Laissez aller ce choix du côté du mérite - Pour qui, sur[107] leur rapport, l'amour vous sollicite: - Croyez ce qu'avec eux votre cœur résoudra: 115 - Et de ces potentats s'offense qui voudra. - - ATTILA. - - L'amour chez Attila n'est pas un bon suffrage; - Ce qu'on m'en donneroit me tiendroit lieu d'outrage, - Et tout exprès ailleurs je porterois ma foi, - De peur qu'on n'eût par là trop de pouvoir sur moi. 120 - Les femmes qu'on adore usurpent un empire - Que jamais un mari n'ose ou ne peut dédire. - C'est au commun des rois à se plaire en leurs fers, - Non à ceux dont le nom fait trembler l'univers. - Que chacun de leurs yeux aime à se faire esclave; 125 - Moi, je ne veux les voir qu'en tyrans que je brave: - Et par quelques attraits qu'ils captivent un cœur, - Le mien en dépit d'eux est tout à ma grandeur. - Parlez donc seulement du choix le plus utile, - Du courroux à dompter ou plus ou moins facile; 130 - Et ne me dites point que de chaque côté - Vous voyez comme lui peu d'inégalité. - En matière d'État ne fût-ce qu'un atome, - Sa perte quelquefois importe d'un royaume; - Il n'est scrupule exact qu'il n'y faille garder, 135 - Et le moindre avantage a droit de décider. - - VALAMIR. - - Seigneur, dans le penchant que prennent les affaires, - Les grands discours ici ne sont pas nécessaires: - Il ne faut que des yeux; et pour tout découvrir, - Pour décider de tout, on n'a qu'à les ouvrir. 140 - Un grand destin commence, un grand destin s'achève: - L'empire est prêt à choir, et la France s'élève; - L'une peut avec elle affermir son appui, - Et l'autre en trébuchant l'ensevelir sous lui. - Vos devins vous l'ont dit; n'y mettez point d'obstacles, 145 - Vous qui n'avez jamais douté de leurs oracles: - Soutenir un État chancelant et brisé, - C'est chercher par sa chute à se voir écrasé. - Appuyez donc la France, et laissez tomber Rome; - Aux grands ordres du ciel prêtez ceux d'un grand homme: 150 - D'un si bel avenir avouez vos devins, - Avancez les succès, et hâtez les destins. - - ARDARIC. - - Oui, le ciel, par le choix de ces grands hyménées, - A mis entre vos mains le cours des destinées; - Mais s'il est glorieux, Seigneur, de le hâter, 155 - Il l'est, et plus encor, de si bien l'arrêter, - Que la France, en dépit d'un infaillible augure, - N'aille qu'à pas traînants vers sa grandeur future. - Et que l'aigle, accablé par ce destin nouveau, - Ne puisse trébucher que sur votre tombeau. 160 - Seroit-il gloire égale à celle de suspendre - Ce que ces deux États du ciel doivent attendre, - Et de vous faire voir aux plus savants devins - Arbitre des succès et maître des destins? - J'ose vous dire plus. Tout ce qu'ils vous prédisent, 165 - Avec pleine clarté dans le ciel ils le lisent; - Mais vous assurent-ils que quelque astre jaloux - N'ait point mis plus d'un siècle entre l'effet et vous? - Ces éclatants retours que font les destinées - Sont assez rarement l'œuvre de peu d'années; 170 - Et ce qu'on vous prédit touchant ces deux États - Peut être un avenir qui ne vous touche pas. - Cependant regardez ce qu'est encor l'empire: - Il chancelle, il se brise, et chacun le déchire; - De ses entrailles même il produit des[108] tyrans; 175 - Mais il peut encor plus que tous ses conquérants. - Le moindre souvenir des Champs catalauniques - En peut mettre à vos yeux des preuves trop publiques: - Singibar, Gondebaut, Mérouée et Thierri[109], - Là, sans Aétius, tous quatre auroient péri. 180 - Les Romains firent seuls cette grande journée: - Unissez-les à vous par un digne hyménée. - Puisque déjà sans eux vous pouvez presque tout, - Il n'est rien dont par eux vous ne veniez à bout. - Quand de ces nouveaux rois ils vous auront fait maître, 185 - Vous verrez à loisir de qui vous voudrez l'être, - Et résoudrez vous seul avec tranquillité - Si vous leur souffrirez encor l'égalité. - - VALAMIR. - - L'empire, je l'avoue, est encor quelque chose; - Mais nous ne sommes plus au temps de Théodose; 190 - Et comme dans sa race il ne revit pas bien, - L'empire est quelque chose, et l'Empereur n'est rien. - Ses deux fils[110] n'ont rempli les trônes des deux Romes - Que d'idoles pompeux[111], que d'ombres au lieu d'hommes. - L'imbécile fierté de ces faux souverains, 195 - Qui n'osoit à son aide appeler des Romains[112], - Parmi des nations qu'ils traitoient de barbares - Empruntoit pour régner des personnes plus rares; - Et d'un côté Gainas, de l'autre Stilicon, - A ces deux majestés ne laissant que le nom, 200 - On voyoit dominer d'une hauteur égale - Un Goth dans un empire, et dans l'autre un Vandale[113]. - Comme de tous côtés on s'en est indigné, - De tous côtés aussi pour eux on a régné. - Le second Théodose[114] avoit pris leur modèle: 205 - Sa sœur à cinquante ans le tenoit en tutelle, - Et fut, tant qu'il régna, l'âme de ce grand corps, - Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts. - Pour Valentinian[115], tant qu'a vécu sa mère, - Il a semblé répondre à ce grand caractère: 210 - Il a paru régner; mais on voit aujourd'hui - Qu'il régnoit par sa mère, ou sa mère pour lui; - Et depuis son trépas il a trop fait connoître - Que s'il est empereur, Aétius est maître; - Et c'en seroit la sœur qu'il faudroit obtenir, 215 - Si jamais aux Romains vous vouliez vous unir: - Au reste, un prince foible, envieux, mol, stupide, - Qu'un heureux succès enfle, un douteux intimide, - Qui pour unique emploi s'attache à son plaisir, - Et laisse le pouvoir à qui s'en peut saisir. 220 - Mais le grand Mérouée est un roi magnanime, - Amoureux de la gloire, ardent après l'estime, - Qui ne permet aux siens d'emploi ni de pouvoir, - Qu'autant que par son ordre ils en doivent avoir. - Il sait vaincre et régner; et depuis sa victoire, 225 - S'il a déjà soumis et la Seine et la Loire, - Quand vous voudrez aux siens joindre vos combattants, - La Garomne et l'Arar[116] ne tiendront pas longtemps. - Alors ces mêmes champs, témoins de notre honte, - En verront la vengeance et plus haute et plus prompte; 230 - Et pour glorieux prix d'avoir su nous venger, - Vous aurez avec lui la Gaule à partager, - D'où vous ferez savoir à toute l'Italie - Qu'alors que[117] la prudence à la valeur s'allie, - Il n'est rien à l'épreuve, et qu'il est temps qu'enfin 235 - Et du Tibre et du Pô vous fassiez le destin. - - ARDARIC. - - Prenez-en donc le droit des mains d'une princesse - Qui l'apporte pour dot à l'ardeur qui vous presse; - Et paroissez plutôt vous saisir de son bien, - Qu'usurper des États sur qui ne vous doit rien. 240 - Sa mère eut tant de part à la toute-puissance, - Qu'elle fit à l'empire associer Constance[118]; - Et si ce même empire a quelque attrait pour vous, - La fille a même droit en faveur d'un époux. - Allez, la force en main, demander ce partage 245 - Que d'un père mourant lui laissa le suffrage[119]: - Sous ce prétexte heureux vous verrez des Romains - Se détacher de Rome, et vous tendre les mains. - Aétius n'est pas si maître qu'on veut croire: - Il a jusque chez lui des jaloux de sa gloire; 250 - Et vous aurez pour vous tous ceux qui dans le cœur - Sont mécontents du prince, ou las du gouverneur. - Le débris[120] de l'empire a de belles ruines: - S'il n'a plus de héros, il a des héroïnes. - Rome vous en offre une, et part à ce débris: 255 - Pourriez-vous refuser votre main à ce prix? - Ildione n'apporte ici que sa personne: - Sa dot ne peut s'étendre aux droits d'une couronne, - Ses Francs n'admettent point de femme à dominer; - Mais les droits d'Honorie ont de quoi tout donner. 260 - Attachez-les, Seigneur, à vous, à votre race; - Du fameux Théodose assurez-vous la place: - Rome adore la sœur, le frère est sans pouvoir; - On hait Aétius: vous n'avez qu'à vouloir. - - ATTILA. - - Est-ce comme il me faut tirer d'inquiétude, 265 - Que de plonger mon âme en plus d'incertitude? - Et pour vous prévaloir de mes perplexités, - Choisissez-vous exprès ces contrariétés? - Plus j'entends raisonner, et moins on détermine: - Chacun dans sa pensée également s'obstine; 270 - Et quand par vous[121] je cherche à ne plus balancer, - Vous cherchez l'un et l'autre à mieux m'embarrasser! - Je ne demande point de si diverses routes: - Il me faut des clartés, et non de nouveaux doutes; - Et quand je vous confie un sort tel que le mien, 275 - C'est m'offenser tous deux que ne résoudre rien[122]. - - VALAMIR. - - Seigneur, chacun de nous vous parle comme il pense, - Chacun de ce grand choix vous fait voir l'importance; - Mais nous ne sommes point jaloux de nos avis. - Croyez-le, croyez-moi, nous en serons ravis; 280 - Ils sont les purs effets d'une amitié fidèle, - De qui le zèle ardent.... - - ATTILA. - - Unissez donc ce zèle, - Et ne me forcez point à voir dans vos débats - Plus que je ne veux voir, et.... Je n'achève pas. - Dites-moi seulement ce qui vous intéresse 285 - A protéger ici l'une et l'autre princesse. - Leurs frères vous ont-ils, à force de présents, - Chacun de son côté rendus leurs partisans? - Est-ce amitié pour l'une, est-ce haine pour l'autre, - Qui forme auprès de moi son avis et le vôtre? 290 - Par quel dessein de plaire ou de vous agrandir.... - Mais derechef je veux ne rien approfondir, - Et croire qu'où je suis on n'a pas tant d'audace. - Vous, si vous vous aimez, faites-vous une grâce: - Accordez-vous ensemble, et ne contestez plus, 295 - Ou de l'une des deux ménagez un refus, - Afin que nous puissions en cette conjoncture - A son aversion imputer la rupture. - Employez-y tous deux ce zèle et cette ardeur - Que vous dites avoir tous deux pour ma grandeur: 300 - J'en croirai les efforts qu'on fera pour me plaire, - Et veux bien jusque-là suspendre ma colère. - - -SCÈNE III. - -ARDARIC, VALAMIR. - - ARDARIC. - - En serons-nous toujours les malheureux objets? - Et verrons-nous toujours qu'il nous traite en sujets? - - VALAMIR. - - Fermons les yeux, Seigneur, sur de telles disgrâces: 305 - Le ciel en doit un jour effacer jusqu'aux traces; - Mes devins me l'ont dit; et s'il en est besoin, - Je dirai que ce jour peut-être n'est pas loin: - Ils en ont, disent-ils, un assuré présage. - Je vous confierai plus: ils m'ont dit davantage, 310 - Et qu'un Théodoric qui doit sortir de moi - Commandera dans Rome, et s'en fera le roi[123]; - Et c'est ce qui m'oblige à parler pour la France, - A presser Attila d'en choisir l'alliance, - D'épouser Ildione, afin que par ce choix 315 - Il laisse à mon hymen Honorie et ses droits. - Ne vous opposez plus aux grandeurs d'Ildione, - Souffrez en ma faveur qu'elle monte à ce trône; - Et si jamais pour vous je puis en faire autant.... - - ARDARIC. - - Vous le pouvez, Seigneur, et dès ce même instant. 320 - Souffrez qu'à votre exemple en deux mots je m'explique. - Vous aimez; mais ce n'est qu'un amour politique; - Et puisque je vous dois confidence à mon tour, - J'ai pour l'autre princesse un véritable amour; - Et c'est ce qui m'oblige à parler pour l'empire, 325 - Afin qu'on m'abandonne un objet où j'aspire. - Une étroite amitié l'un à l'autre nous joint; - Mais enfin nos désirs ne compatissent point. - Voyons qui se doit vaincre, et s'il faut que mon âme - A votre ambition immole cette flamme; 330 - Ou s'il n'est point plus beau que votre ambition - Elle-même s'immole à cette passion. - - VALAMIR. - - Ce seroit pour mon cœur un cruel sacrifice. - - ARDARIC. - - Et l'autre pour le mien seroit un dur supplice. - Vous aime-t-on? - - VALAMIR. - - Du moins j'ai lieu de m'en flatter. 335 - Et vous, Seigneur? - - ARDARIC. - - Du moins on me daigne écouter. - - VALAMIR. - - Qu'un mutuel amour est un triste avantage, - Quand ce que nous aimons d'un autre est le partage! - - ARDARIC. - - Cependant le tyran prendra pour attentat - Cet amour qui fait seul tant de raisons d'État. 340 - Nous n'avons que trop vu jusqu'où va sa colère, - Qui n'a pas épargné le sang même d'un frère[124], - Et combien après lui de rois ses alliés - A son orgueil barbare il a sacrifiés. - - VALAMIR. - - Les peuples qui suivoient ces illustres victimes 345 - Suivent encor sous lui l'impunité des crimes; - Et ce ravage affreux qu'il permet aux soldats - Lui gagne tant de cœurs, lui donne tant de bras, - Que nos propres sujets sortis de nos provinces - Sont en dépit de nous plus à lui qu'à leurs princes. 350 - - ARDARIC. - - Il semble à ses discours déjà nous soupçonner, - Et ce sont des soupçons qu'il nous faut détourner. - A ce refus qu'il veut disposons ma princesse. - - VALAMIR. - - Pour y porter la mienne il faudra peu d'adresse. - - ARDARIC. - - Si vous persuadez, quel malheur est le mien! 355 - - VALAMIR. - - Et si l'on vous en croit, puis-je espérer plus rien? - - ARDARIC. - - Ah! que ne pouvons-nous être heureux l'un et l'autre! - - VALAMIR. - - Ah! que n'est mon bonheur plus compatible au vôtre! - - ARDARIC. - - Allons des deux côtés chacun faire un effort. - - VALAMIR. - - Allons, et du succès laissons-en faire au sort. 360 - - -FIN DU PREMIER ACTE. - - [102] «On portait à cinq cent mille hommes le nombre des - troupes d'Attila.» _Cujus exercitus quingentorum millium esse - numero ferebantur._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, - chapitre XXXV.) - - [103] Voyez plus loin, p. 113, le vers 102 et la note 105 - qui s'y rapporte. - - [104] On lit _vous donnent_ dans l'édition de 1692. - - [105] On désigne sous ce nom les plaines situées entre - Châlons-sur-Marne (_Catalaunum_) et Troyes, où Attila fut défait - en 451 par Aétius, général romain, qui avait réuni sous ses - ordres les Burgondes, les Saxons, les Alains, les Francs, les - Visigoths. - - [106] L'édition de 1692 et celle de Voltaire (1764) - portent _leurs forces_. - - [107] L'édition de 1682 donne _seul_, au lieu de _sur_, - ce qui n'a point de sens. - - [108] Voltaire (1764) a changé _des_ en _les_. - - [109] Chefs des alliés d'Aétius (voyez ci-dessus, p. - 113, note 1). Thierri (_Théodoric_), roi des Visigoths, périt - dans la bataille des Champs catalauniques. - - [110] Arcadius et Honorius. Le premier, empereur - d'Orient, était mort l'an de Jésus-Christ 408; le second, - empereur d'Occident, l'an 423. - - [111] Voyez, pour le genre du mot _idole_, tome VI, p. - 608, note 1, et le _Lexique_. - - [112] _Var._ Qui n'osoit à son aide appeler de Romains. - (1668) - - [113] Gainas, général goth, après avoir dominé pendant - quelque temps Arcadius, périt de la main des Huns, chez qui il - avait cherché un asile. Stilicon, tuteur d'Honorius et régent de - l'empire d'Occident, était Vandale d'origine. - - [114] Théodose II, fils d'Arcadius, régna en Orient - jusqu'à l'an 450. Sa sœur Pulchérie, qui monta sur le trône - après lui, mourut en 453, la même année qu'Attila. - - [115] Valentinien III, petit-fils de Théodose par sa - mère Placidie, fut empereur d'Occident de 425 à 455. Placidie - mourut en 450. - - [116] L'_Arar_, en latin _Arar_ et _Araris_, ancien nom - de la Saône. - - [117] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont - changé _Qu'alors que_ en _Que lorsque_. Nous avons eu déjà cette - même correction dans _Agésilas_, acte I, scène I, vers 33. Voyez - plus loin le vers 1589 (acte V, scène III), où Thomas Corneille - et Voltaire ont laissé tous deux _alors que_. - - [118] L'empereur Honorius donna à Constance, général - victorieux, la main de sa sœur Placidie, mère de Valentinien, et - lui conféra le titre d'Auguste, en 421. Constance mourut peu de - mois après. - - [119] Voyez ci-dessus, p. 104, note 88. - - [120] L'édition de 1682 et celle de 1692 ont l'une et - l'autre _les debris_, au pluriel, mais elles ont laissé le verbe - au singulier. - - [121] On lit _pour vous_, au lieu de _par vous_, dans - l'édition de 1682. - - [122] Ce vers et le précédent ont été omis par erreur - dans l'édition de 1682.--Comparez _Othon_, acte V, scène II, vers - 1601-1604 (tome VI, p. 645). - - [123] Théodoric, roi des Ostrogoths, né en 455, qui en - 493 se fit reconnaître roi d'Italie par l'empereur Anastase, - était fils de Theodemir, frère et successeur de Valamir. - - [124] _Bleda, rex Hunnorum, Attilæ, fratris sui, - insidiis interimitur._ (Marcellini comitis _Chronicon_; voyez - aussi Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XXXV.) - - - - -ACTE II. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -HONORIE, FLAVIE. - - FLAVIE. - - Je ne m'en défends point: oui, Madame, Octar m'aime; - Tout ce que je vous dis, je l'ai su de lui-même. - Ils sont rois, mais c'est tout: ce titre sans pouvoir - N'a rien presque en tous deux de ce qu'il doit avoir; - Et le fier Attila chaque jour fait connoître 365 - Que s'il n'est pas leur roi, du moins il est leur maître, - Et qu'ils n'ont en sa cour le rang de ses amis - Qu'autant qu'à son orgueil ils s'y montrent soumis. - Tous deux ont grand mérite, et tous deux grand courage; - Mais ils sont, à vrai dire, ici comme en otage, 370 - Tandis que leurs soldats en des camps éloignés - Prennent l'ordre sous lui de gens qu'il a gagnés; - Et si de le servir leurs troupes n'étoient prêtes, - Ces rois, tous rois qu'ils sont, répondroient de leurs têtes. - Son frère aîné Vléda, plus rempli d'équité, 375 - Les traitoit malgré lui d'entière égalité; - Il n'a pu le souffrir, et sa jalouse envie, - Pour n'avoir plus d'égaux, s'est immolé sa vie[125]. - Le sang qu'après avoir mis ce prince au tombeau, - On lui voit chaque jour distiller du cerveau[126], 380 - Punit son parricide, et chaque jour vient faire - Un tribut étonnant à celui de ce frère: - Suivant même qu'il a plus ou moins de courroux, - Ce sang forme un supplice ou plus rude ou plus doux, - S'ouvre une plus féconde ou plus stérile veine; 385 - Et chaque emportement porte avec lui sa peine. - - HONORIE. - - Que me sert donc qu'on m'aime, et pourquoi m'engager - A souffrir un amour qui ne peut me venger? - L'insolent Attila me donne une rivale; - Par ce choix qu'il balance il la fait mon égale; 390 - Et quand pour l'en punir je crois prendre un grand roi, - Je ne prends qu'un grand nom qui ne peut rien pour moi. - Juge que de chagrins au cœur d'une princesse - Qui hait également l'orgueil et la foiblesse; - Et de quel œil je puis regarder un amant 395 - Qui n'aura que pitié de mon ressentiment, - Qui ne saura qu'aimer, et dont tout le service - Ne m'assure aucun bras à me faire justice. - Jusqu'à Rome Attila m'envoie offrir sa foi[127], - Pour douter dans son camp entre Ildione et moi. 400 - Hélas! Flavie, hélas! si ce doute m'offense, - Que doit faire une indigne et haute préférence? - Et n'est-ce pas alors le dernier des malheurs - Qu'un éclat impuissant d'inutiles douleurs? - - FLAVIE. - - Prévenez-le, Madame; et montrez à sa honte 405 - Combien de tant d'orgueil vous faites peu de conte[128]. - - HONORIE. - - La bravade est aisée, un mot est bientôt dit: - Mais où fuir un tyran que la bravade aigrit? - Retournerai-je à Rome, où j'ai laissé mon frère - Enflammé contre moi de haine et de colère, 410 - Et qui, sans la terreur d'un nom si redouté, - Jamais n'eût mis de borne à ma captivité? - Moi qui prétends pour dot la moitié de l'empire.... - - FLAVIE. - - Ce seroit d'un malheur vous jeter dans un pire[129]. - Ne vous emportez pas contre vous jusque-là: 415 - Il est d'autres moyens de braver Attila. - Épousez Valamir. - - HONORIE. - - Est-ce comme on le brave - Que d'épouser un roi dont il fait son esclave? - - FLAVIE. - - Mais vous l'aimez. - - HONORIE. - - Eh bien! si j'aime Valamir, - Je ne veux point de rois qu'on force d'obéir; 420 - Et si tu me dis vrai, quelque rang que je tienne, - Cet hymen pourrait être et sa perte et la mienne. - Mais je veux qu'Attila, pressé d'un autre amour, - Endure un tel insulte[130] au milieu de sa cour: - Ildione par là me verroit à sa suite; 425 - A de honteux respects je m'y verrois réduite; - Et le sang des Césars, qu'on adora toujours, - Feroit hommage au sang d'un roi de quatre jours! - Dis-le-moi toutefois: pencheroit-il vers elle? - Que t'en a dit Octar? - - FLAVIE. - - Qu'il la trouve assez belle, 430 - Qu'il en parle avec joie, et fuit à lui parler. - - HONORIE. - - Il me parle, et s'il faut ne rien dissimuler, - Ses discours me font voir du respect, de l'estime, - Et même quelque amour, sans que le nom s'exprime. - - FLAVIE. - - C'est un peu plus qu'à l'autre. - - HONORIE. - - Et peut-être bien moins. 435 - - FLAVIE. - - Quoi? ce qu'à l'éviter il apporte de soins.... - - HONORIE. - - Peut-être il ne la fuit que de peur de se rendre; - Et s'il ne me fuit pas, il sait mieux s'en défendre. - Oui, sans doute, il la craint, et toute sa fierté - Ménage, pour choisir, un peu de liberté. 440 - - FLAVIE. - - Mais laquelle des deux voulez-vous qu'il choisisse? - - HONORIE. - - Mon âme des deux parts attend même supplice: - Ainsi que mon amour, ma gloire a ses appas; - Je meurs s'il me choisit, ou ne me choisit pas; - Et.... Mais Valamir entre, et sa vue en mon âme 445 - Fait trembler mon orgueil, enorgueillit ma flamme. - Flavie, il peut sur moi bien plus que je ne veux: - Pour peu que je l'écoute, il aura tous mes vœux. - Dis-lui.... mais il vaut mieux faire effort sur moi-même. - - -SCÈNE II. - -VALAMIR, HONORIE, FLAVIE. - - HONORIE. - - Le savez-vous, Seigneur, comment je veux qu'on m'aime? - Et puisque jusqu'à moi vous portez vos souhaits, - Avez-vous su connoître à quel prix je me mets? - Je parle avec franchise, et ne veux point vous taire - Que vos soins me plairoient, s'il ne falloit que plaire; - Mais quand cent et cent fois ils seroient mieux reçus, 455 - Il faut pour m'obtenir quelque chose de plus. - Attila m'est promis, j'en ai sa foi pour gage; - La princesse des Francs prétend même avantage; - Et bien que sur le choix il semble hésiter[131], - Étant ce que je suis j'aurois tort d'en douter. 460 - Mais qui promet à deux outrage l'une et l'autre[132]. - J'ai du cœur, on m'offense, examinez le vôtre. - Pourrez-vous m'en venger, pourrez-vous l'en punir? - - VALAMIR. - - N'est-ce que par le sang qu'on peut vous obtenir? - Et faut-il que ma flamme à ce grand cœur réponde 465 - Par un assassinat du plus grand roi du monde, - D'un roi que vous avez souhaité pour époux? - Ne sauroit-on sans crime être digne de vous? - - HONORIE. - - Non, je ne vous dis pas qu'aux dépens de sa tête - Vous vous fassiez aimer, et payiez ma conquête. 470 - De l'aimable façon qu'il vous traite aujourd'hui - Il a trop mérité ces tendresses pour lui; - D'ailleurs, s'il faut qu'on l'aime, il est bon qu'on le craigne. - Mais c'est cet Attila qu'il faut que je dédaigne. - Pourrez-vous hautement me tirer de ses mains, 475 - Et braver avec moi le plus fier des humains? - - VALAMIR. - - Il n'en est pas besoin, Madame: il vous respecte, - Et bien que sa fierté vous puisse être suspecte, - A vos moindres froideurs, à vos moindres dégoûts, - Je sais que ses respects me donneroient à vous. 480 - - HONORIE. - - Que j'estime assez peu le sang de Théodose - Pour souffrir qu'en moi-même un tyran en dispose, - Qu'une main qu'il me doit me choisisse un mari, - Et me présente un roi comme son favori! - Pour peu que vous m'aimiez, Seigneur, vous devez croire 485 - Que rien ne m'est sensible à l'égal de ma gloire. - Régnez comme Attila, je vous préfère à lui; - Mais point d'époux qui n'ose en dédaigner l'appui, - Point d'époux qui m'abaisse au rang de ses sujettes. - Enfin, je veux un roi: regardez si vous l'êtes; 490 - Et quoi que sur mon cœur vous ayez d'ascendant, - Sachez qu'il n'aimera qu'un prince indépendant. - Voyez à quoi, Seigneur, on connoît les monarques: - Ne m'offrez plus de vœux qui n'en portent les marques; - Et soyez satisfait qu'on vous daigne assurer 495 - Qu'à tous les rois ce cœur voudroit vous préférer. - - -SCÈNE III. - -VALAMIR, FLAVIE. - - VALAMIR. - - Quelle hauteur, Flavie, et que faut-il qu'espère - Un roi dont tous les vœux.... - - FLAVIE. - - Seigneur, laissez-la faire: - L'amour sera le maître; et la même hauteur - Qui vous dispute ici l'empire de son cœur, 500 - Vous donne en même temps le secours de la haine - Pour triompher bientôt de la fierté romaine. - L'orgueil qui vous dédaigne en dépit de ses feux - Fait haïr Attila de se promettre à deux; - Non que cette fierté n'en soit assez jalouse 505 - Pour ne pouvoir souffrir qu'Ildione l'épouse: - A son frère, à ses Francs faites-la renvoyer, - Vous verrez tout ce cœur soudain se déployer, - Suivre ce qui lui plaît, braver ce qui l'irrite, - Et livrer hautement la victoire au mérite. 510 - Ne vous rebutez point d'un peu d'emportement: - Quelquefois malgré nous il vient un bon moment. - L'amour fait des heureux lorsque moins on y pense; - Et je ne vous dis rien sans beaucoup d'apparence. - Ardaric vous apporte un entretien plus doux. 515 - Adieu: comme le cœur, le temps sera pour vous. - - -SCÈNE IV. - -ARDARIC, VALAMIR. - - ARDARIC. - - Qu'avez-vous obtenu, Seigneur, de la Princesse? - - VALAMIR. - - Beaucoup, et rien: j'ai vu pour moi quelque tendresse; - Mais elle sait d'ailleurs si bien ce qu'elle vaut, - Que si celle des Francs a le cœur aussi haut, 520 - Si c'est à même prix, Seigneur, qu'elle se donne, - Vous lui pourrez longtemps offrir votre couronne. - Mon rival est haï, je n'en saurois douter; - Tout le cœur est à moi, j'ai lieu de m'en vanter; - Au reste des mortels je sais qu'on me préfère, 525 - Et ne sais toutefois ce qu'il faut que j'espère. - Voyez votre Ildione; et puissiez-vous, Seigneur, - Y trouver plus de jour à lire dans son cœur, - Une âme plus tournée à remplir votre attente, - Un esprit plus facile! Octar sort de sa tente. 530 - Adieu. - - -SCÈNE V. - -ARDARIC, OCTAR. - - ARDARIC. - - Pourrai-je voir la Princesse à mon tour? - - OCTAR. - - Non, à moins qu'il vous plaise attendre son retour; - Mais, à ce que ses gens, Seigneur, m'ont fait entendre, - Vous n'avez en ce lieu qu'un moment à l'attendre. - - ARDARIC. - - Dites-moi cependant: vous fûtes prisonnier 535 - Du roi des Francs, son frère, en ce combat dernier? - - OCTAR. - - Le désordre, Seigneur, des Champs catalauniques - Me donna peu de part aux disgrâces publiques. - Si j'y fus prisonnier de ce roi généreux, - Il me fit dans sa cour un sort assez heureux: 540 - Ma prison y fut libre; et j'y trouvai sans cesse - Une bonté si rare au cœur de la Princesse, - Que de retour ici je pense lui devoir - Les plus sacrés respects qu'un sujet puisse avoir. - - ARDARIC. - - Qu'un monarque est heureux lorsque le ciel lui donne - La main d'une si belle et si rare personne! - - OCTAR. - - Vous savez toutefois qu'Attila ne l'est pas, - Et combien son trop d'heur lui cause d'embarras. - - ARDARIC. - - Ah! puisqu'il a des yeux, sans doute il la préfère. - Mais vous vous louez fort aussi du roi son frère. 550 - Ne me déguisez rien: a-t-il des qualités - A se faire admirer ainsi de tous côtés? - Est-ce une vérité que ce que j'entends dire, - Ou si c'est sans raison que l'univers l'admire? - - OCTAR. - - Je ne sais pas, Seigneur, ce qu'on vous en a dit[133]; 555 - Mais si pour l'admirer ce que j'ai vu suffit, - Je l'ai vu dans la paix, je l'ai vu dans la guerre, - Porter partout un front de maître de la terre. - J'ai vu plus d'une fois de fières nations - Désarmer son courroux par leurs soumissions[134]. 560 - J'ai vu tous les plaisirs de son âme héroïque - N'avoir rien que d'auguste et que de magnifique; - Et ses illustres soins ouvrir à ses sujets - L'école de la guerre au milieu de la paix[135]. - Par ces délassements sa noble inquiétude 565 - De ses justes desseins faisoit l'heureux prélude; - Et si j'ose le dire, il doit nous être doux - Que ce héros les tourne ailleurs que contre nous. - Je l'ai vu, tout couvert de poudre et de fumée, - Donner le grand exemple à toute son armée[136], 570 - Semer par ses périls l'effroi de toutes parts, - Bouleverser les murs d'un seul de ses regards, - Et sur l'orgueil brisé des plus superbes têtes - De sa course rapide entasser les conquêtes[137]. - Ne me commandez point de peindre un si grand roi: 575 - Ce que j'en ai vu passe un homme tel que moi; - Mais je ne puis, Seigneur, m'empêcher de vous dire - Combien son jeune prince est digne qu'on l'admire. - Il montre un cœur si haut sous un front délicat - Que dans son premier lustre il est déjà soldat: 580 - Le corps attend les ans, mais l'âme est toute prête. - D'un gros de cavaliers il se met à la tête, - Et l'épée à la main, anime l'escadron - Qu'enorgueillit l'honneur de marcher sous son nom. - Tout ce qu'a d'éclatant la majesté du père, 585 - Tout ce qu'ont de charmant les grâces de la mère, - Tout brille sur ce front, dont l'aimable fierté - Porte empreints et ce charme et cette majesté[138]. - L'amour et le respect qu'un si jeune mérite.... - Mais la Princesse vient, Seigneur, et je vous quitte. 590 - - -SCÈNE VI. - -ARDARIC, ILDIONE. - - ILDIONE. - - On vous a consulté, Seigneur; m'apprendrez-vous - Comment votre Attila dispose enfin de nous? - - ARDARIC. - - Comment disposez-vous vous-même de mon âme? - Attila va choisir; il faut parler, Madame: - Si son choix est pour vous, que ferez-vous pour moi? 595 - - ILDIONE. - - Tout ce que peut un cœur qu'engage ailleurs ma foi. - C'est devers vous qu'il penche; et si je ne vous aime, - Je vous plaindrai du moins à l'égal de moi-même: - J'aurai mêmes ennuis, j'aurai mêmes douleurs; - Mais je n'oublierai point que je me dois ailleurs. 600 - - ARDARIC. - - Cette foi que peut-être on est près de vous rendre, - Si vous aviez du cœur, vous sauriez la reprendre. - - ILDIONE. - - J'en ai, s'il faut me vaincre, autant qu'on peut avoir, - Et n'en aurai jamais pour vaincre mon devoir. - - ARDARIC. - - Mais qui s'engage à deux dégage l'une et l'autre[139]. 605 - - ILDIONE. - - Ce seroit ma pensée aussi bien que la vôtre; - Et si je n'étois pas, Seigneur, ce que je suis, - J'en prendrois quelque droit de finir mes ennuis; - Mais l'esclavage fier d'une haute naissance, - Où toute autre peut tout, me tient dans l'impuissance; 610 - Et victime d'État, je dois sans reculer - Attendre aveuglément qu'on me daigne immoler. - - ARDARIC. - - Attendre qu'Attila, l'objet de votre haine, - Daigne vous immoler à la fierté romaine? - - ILDIONE. - - Qu'un pareil sacrifice auroit pour moi d'appas! 615 - Et que je souffrirai s'il ne s'y résout pas! - - ARDARIC. - - Qu'il seroit glorieux de le faire vous-même, - D'en épargner la honte à votre diadème! - J'entends celui des Francs, qu'au lieu de maintenir.... - - ILDIONE. - - C'est à mon frère alors de venger et punir; 620 - Mais ce n'est point à moi de rompre une alliance - Dont il vient d'attacher vos Huns avec sa France, - Et me faire par là du gage de la paix - Le flambeau d'une guerre à ne finir jamais. - Il faut qu'Attila parle; et puisse être Honorie 625 - La plus considérée, ou moi la moins chérie! - Puisse-t-il se résoudre à me manquer de foi! - C'est tout ce que je puis et pour vous et pour moi. - S'il vous faut des souhaits, je n'en suis point avare; - S'il vous faut des regrets, tout mon cœur s'y prépare, 630 - Et veut bien.... - - ARDARIC. - - Que feront d'inutiles souhaits - Que laisser à tous deux d'inutiles regrets? - Pouvez-vous espérer qu'Attila vous dédaigne? - - ILDIONE. - - Rome est encor puissante, il se peut qu'il la craigne. - - ARDARIC. - - A moins que pour appui Rome n'ait vos froideurs, 635 - Vos yeux l'emporteront sur toutes ses grandeurs: - Je le sens en moi-même, et ne vois point d'empire - Qu'en mon cœur d'un regard ils ne puissent détruire. - Armez-les de rigueurs, Madame, et par pitié - D'un charme si funeste ôtez-leur la moitié: 640 - C'en sera trop encore, et pour peu qu'ils éclatent, - Il n'est aucun espoir dont mes désirs se flattent. - Faites donc davantage: allez jusqu'au refus, - Ou croyez qu'Ardaric déjà n'espère plus, - Qu'il ne vit déjà plus, et que votre hyménée 645 - A déjà par vos mains tranché sa destinée. - - ILDIONE. - - Ai-je si peu de part en de tels déplaisirs, - Que pour m'y voir en prendre il faille vos soupirs? - Me voulez-vous forcer à la honte des larmes? - - ARDARIC. - - Si contre tant de maux vous m'enviez leurs charmes, 650 - Faites quelque autre grâce à mes sens alarmés, - Madame, et pour le moins dites que vous m'aimez. - - ILDIONE. - - Ne vouloir pas m'en croire à moins d'un mot si rude, - C'est pour une belle âme un peu d'ingratitude. - De quelques traits pour vous que mon cœur soit frappé, 655 - Ce grand mot jusqu'ici ne m'est point échappé; - Mais haïr un rival, endurer d'être aimée, - Comme vous de ce choix avoir l'âme alarmée, - A votre espoir flottant donner tous mes souhaits, - A votre espoir déçu donner tous mes regrets, 660 - N'est-ce point dire trop ce qui sied mal à dire? - - ARDARIC. - - Mais vous épouserez Attila. - - ILDIONE. - - J'en soupire, - Et mon cœur.... - - ARDARIC. - - Que fait-il, ce cœur, que m'abuser, - Si, même en n'osant rien, il craint de trop oser? - Non, si vous en aviez, vous sauriez la reprendre, 665 - Cette foi que peut-être on est prêt[140] de vous rendre. - Je ne m'en dédis point, et ma juste douleur - Ne peut vous dire assez que vous manquez de cœur. - - ILDIONE. - - Il faut donc qu'avec vous tout à fait je m'explique. - Écoutez, et surtout, Seigneur, plus de réplique. 670 - Je vous aime: ce mot me coûte à prononcer; - Mais puisqu'il vous plaît tant, je veux bien m'y forcer. - Permettez toutefois que je vous die[141] encore - Que si votre Attila de ce grand choix m'honore, - Je recevrai sa main d'un œil aussi content 675 - Que si je me donnois ce que mon cœur prétend: - Non que de son amour je ne prenne un tel gage - Pour le dernier supplice et le dernier outrage, - Et que le dur effort d'un si cruel moment - Ne redouble ma haine et mon ressentiment; 680 - Mais enfin mon devoir veut une déférence - Où même il ne soupçonne aucune répugnance. - Je l'épouserai donc, et réserve pour moi - La gloire de répondre à ce que je me doi. - J'ai ma part, comme un autre, à la haine publique 685 - Qu'aime à semer partout son orgueil tyrannique; - Et le hais d'autant plus, que son ambition - A voulu s'asservir toute ma nation; - Qu'en dépit des traités et de tout leur mystère - Un tyran qui déjà s'est immolé son frère, 690 - Si jamais sa fureur ne redoutoit plus rien, - Auroit peut-être peine à faire grâce au mien. - Si donc ce triste choix m'arrache à ce que j'aime, - S'il me livre à l'horreur qu'il me fait de lui-même, - S'il m'attache à la main qui veut tout saccager, 695 - Voyez que d'intérêts, que de maux à venger! - Mon amour, et ma haine, et la cause commune - Crieront à la vengeance, en voudront trois pour une; - Et comme j'aurai lors sa vie entre mes mains, - Il a lieu de me craindre autant que je vous plains. 700 - Assez d'autres tyrans ont péri par leurs femmes: - Cette gloire aisément touche les grandes âmes, - Et de ce même coup qui brisera mes fers, - Il est beau que ma main venge tout l'univers[142]. - Voilà quelle je suis, voilà ce que je pense, 705 - Voilà ce que l'amour prépare à qui l'offense. - Vous, faites-moi justice; et songez mieux, Seigneur, - S'il faut me dire encor que je manque de cœur. - -(Elle s'en va[143].) - - ARDARIC. - - Vous préserve le ciel de l'épreuve cruelle - Où veut un cœur si grand mettre une âme si belle! 710 - Et puisse Attila prendre un esprit assez doux - Pour vouloir qu'on vous doive autant à lui qu'à vous! - - -FIN DU SECOND ACTE. - - [125] Voyez plus haut, p. 121, la note 124 du vers 342. - - [126] Voyez encore ci-dessus, p. 105 et la note 93. - - [127] Voyez ci-dessus, p. 104, note 1. - - [128] Malgré la rime, on lit ici _compte_, et non pas - _conte_, dans l'édition de 1692. Il en est de même au vers 1001 - (acte III, scène IV). Plus loin, dans le courant du vers 737 - (acte III, scène I), l'édition originale porte _comte_, et les - recueils de 1668, de 1682 et de 1692, _compte_. - - [129] Lorsque Boileau, quelques années plus tard, - traduisait ce vers d'Horace (_Art poétique_, vers 31): - - _In vitium ducit culpæ fuga, si caret arte,_ - - par - - Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire - - (_Art poétique_, chant I, vers 64), - - il se rapprochait de Corneille au moins autant que de son modèle. - - [130] Le genre du mot _insulte_ était encore douteux. - Voyez le _Lexique_. Voltaire (1764) a ainsi modifié le vers: - - Endure telle insulte au milieu de sa cour. - - [131] Voyez tome IV, p. 190, la variante du vers 936 du - _Menteur_, et le _Lexique_.--Voltaire (1764) a ajouté une - syllabe: - - Et bien que sur le choix il me semble hésiter. - - [132] Voltaire (1764) donne _l'un et l'autre_. Voyez - plus loin le vers 605. - - [133] Dans ce portrait de Mérovée et de son fils, - Corneille s'est appliqué à peindre Louis XIV et le grand Dauphin, - qui, né en 1661, était alors effectivement «dans son premier - lustre,» ou du moins en sortait à peine. - - [134] Ce mot, dont l'orthographe ordinaire dans - Corneille est _submissions_, est imprimé ici, dans toutes les - éditions, avec un accent circonflexe: _soûmissions_. - - [135] En 1666, il y avait eu à Compiègne et ailleurs de - grandes revues, «pour préparer les troupes aux expéditions de - l'année suivante.» (_Abrégé chronologique de l'Histoire de - France_, par le président Hénault, année 1666.) - - [136] Comparez les vers 277 et 278 du _Cid_ (tome III, - p. 120). - - [137] Il nous paraît à peu près certain que Corneille a - composé postérieurement à la représentation, qui avait eu lieu, - comme nous l'avons dit, au mois de mars 1667, ces vers où il fait - évidemment allusion à la campagne de Flandre, et aux récentes - conquêtes de Louis XIV, qui prit en personne, en juin, juillet et - août 1667, les villes de Tournai, de Douai, de Lille. Au siége de - cette dernière place, il s'exposa tellement que Turenne menaça de - se retirer s'il ne se ménageait davantage. L'impression de la - pièce, nous l'avons dit aussi, ne fut achevée que vers la fin de - novembre 1667. - - [138] Ici encore le poëte a en vue les exercices - militaires de l'année 1666. Robinet, le continuateur de la _Muse - historique_ de Loret, raconte, dans sa _Lettre à Madame_ du 14 - février, que le lundi 8, «proche Conflans, dans la plaine,» le - Roi fit la revue - - Des troupes de son cher Dauphin.... - Qui déjà l'amant de Bellone, - En ce lieu parut en personne - Dessus un petit Bucéphal, etc. - - La _Gazette_, dans les numéros du 8 mai et du 10 juillet, parle de - deux autres revues où le Dauphin figura soit à la tête de son - régiment, soit à la tête de sa compagnie. - - [139] Voyez plus haut, p. 127, la note du vers 461. Ici - ce n'est pas seulement Voltaire (1764), mais encore l'édition de - 1682 qui donnent: «l'un et l'autre.» - - [140] Telle est l'orthographe de ce mot dans toutes les - anciennes éditions, et même dans celle de Voltaire (1764). - - [141] Suivant son habitude, Thomas Corneille a corrigé - _die_ en _dise_. Voltaire a fait de même. - - [142] Voyez ci-dessus, p. 104. - - [143] Voltaire a supprimé ces mots, et il a ensuite - ajouté _seul_ au nom d'ARDARIC. - - - - -ACTE III. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -ATTILA, OCTAR. - - ATTILA. - - Octar, as-tu pris soin de redoubler ma garde? - - OCTAR. - - Oui, Seigneur, et déjà chacun s'entre-regarde, - S'entre-demande à quoi ces ordres que j'ai mis.... 715 - - ATTILA. - - Quand on a deux rivaux, manque-t-on d'ennemis? - - OCTAR. - - Mais, Seigneur, jusqu'ici vous en doutez encore. - - ATTILA. - - Et pour bien éclaircir ce qu'en effet j'ignore, - Je me mets à couvert de ce que de plus noir - Inspire à leurs pareils l'amour au désespoir; 720 - Et ne laissant pour arme à leur douleur pressante - Qu'une haine sans force, une rage impuissante, - Je m'assure un triomphe en ce glorieux jour - Sur leurs ressentiments, comme sur leur amour. - Qu'en disent nos deux rois? - - OCTAR. - - Leurs âmes, alarmées 725 - De voir par ce renfort leurs tentes enfermées, - Affectent de montrer une tranquillité.... - - ATTILA. - - De leur tente à la mienne ils ont la liberté. - - OCTAR. - - Oui, mais seuls, et sans suite; et quant aux deux princesses, - Que de leurs actions on laisse encor maîtresses, 730 - On ne permet d'entrer chez elles qu'à leurs gens; - Et j'en bannis par là ces rois et leurs agents. - N'en ayez plus, Seigneur, aucune inquiétude: - Je les fais observer avec exactitude; - Et de quelque côté qu'elles tournent leurs pas, 735 - J'ai des yeux tous[144] placés qui ne les manquent pas: - On vous rendra bon compte et des deux rois et d'elles. - - ATTILA. - - Il suffit sur ce point: apprends d'autres nouvelles. - Ce grand chef des Romains, l'illustre Aétius, - Le seul que je craignois, Octar, il ne vit plus. 740 - - OCTAR. - - Qui vous en a défait? - - ATTILA. - - Valentinian même. - Craignant qu'il n'usurpât jusqu'à son diadème, - Et pressé des soupçons où j'ai su l'engager, - Lui-même, à ses yeux même, il l'a fait égorger[145]. - Rome perd en lui seul plus de quatre batailles: 745 - Je me vois l'accès libre au pied de ses murailles; - Et si j'y fais paroître Honorie et ses droits, - Contre un tel empereur j'aurai toutes les voix: - Tant l'effroi de mon nom, et la haine publique - Qu'attire sur sa tête une mort si tragique, 750 - Sauront faire aisément, sans en venir aux mains, - De l'époux d'une sœur un maître des Romains. - - OCTAR. - - Ainsi donc votre choix tombe sur Honorie? - - ATTILA. - - J'y fais ce que je puis, et ma gloire m'en prie; - Mais d'ailleurs Ildione a pour moi tant d'attraits, 755 - Que mon cœur étonné flotte plus que jamais. - Je sens combattre encor dans ce cœur qui soupire - Les droits de la beauté contre ceux de l'empire. - L'effort de ma raison qui soutient mon orgueil - Ne peut non plus que lui soutenir un coup d'œil; 760 - Et quand de tout moi-même il m'a rendu le maître, - Pour me rendre à mes fers elle n'a qu'à paroître. - O beauté, qui te fais adorer en tous lieux, - Cruel poison de l'âme, et doux charme des yeux, - Que devient, quand tu veux, l'autorité suprême, 765 - Si tu prends malgré moi l'empire de moi-même, - Et si cette fierté qui fait partout la loi - Ne peut me garantir de la prendre de toi? - Va la trouver pour moi, cette beauté charmante; - Du plus utile choix donne-lui l'épouvante; 770 - Pour l'obliger à fuir, peins-lui bien tout l'affront - Que va mon hyménée imprimer sur son front. - Ose plus: fais-lui peur d'une prison sévère - Qui me réponde ici du courroux de son frère, - Et retienne tous ceux que l'espoir de sa foi 775 - Pourroit en un moment soulever contre moi. - Mais quelle âme en effet n'en seroit pas séduite? - Je vois trop de périls, Octar, en cette fuite: - Ses yeux, mes souverains, à qui tout est soumis, - Me sauroient d'un coup d'œil faire trop d'ennemis. 780 - Pour en sauver mon cœur prends une autre manière. - Fais-m'en haïr, peins-moi d'une humeur noire et fière; - Dis-lui que j'aime ailleurs; et fais-lui prévenir - La gloire qu'Honorie est prête d'obtenir. - Fais qu'elle me dédaigne, et me préfère un autre 785 - Qui n'ait pour tout pouvoir qu'un foible emprunt du nôtre: - Ardaric, Valamir, ne m'importe des deux. - Mais voir en d'autres bras l'objet de tous mes vœux! - Vouloir qu'à mes yeux même un autre le possède[146]! - Ah! le mal est encor plus doux que le remède. 790 - Dis-lui, fais-lui savoir.... - - OCTAR. - - Quoi, Seigneur? - - ATTILA. - - Je ne sai: - Tout ce que j'imagine est d'un fâcheux essai. - - OCTAR. - - A quand remettez-vous, après tout, d'en résoudre? - - ATTILA. - - Octar, je l'aperçois. Quel nouveau coup de foudre! - O raison confondue, orgueil presque étouffé, 795 - Avant ce coup fatal que n'as-tu triomphé! - - -SCÈNE II. - -ATTILA, ILDIONE, OCTAR. - - ATTILA. - - Venir jusqu'en ma tente enlever mes hommages, - Madame, c'est trop loin pousser vos avantages: - Ne vous suffit-il point que le cœur soit à vous? - - ILDIONE. - - C'est de quoi faire naître un espoir assez doux. 800 - Ce n'est pas toutefois, Seigneur, ce qui m'amène: - Ce sont des nouveautés dont j'ai lieu d'être en peine. - Votre garde est doublée, et par un ordre exprès - Je vois ici deux rois observés de fort près. - - ATTILA. - - Prenez-vous intérêt ou pour l'un ou pour l'autre? 805 - - ILDIONE. - - Mon intérêt, Seigneur, c'est d'avoir part au vôtre: - J'ai droit en vos périls de m'en mettre en souci, - Et de plus, je me trompe, ou l'on m'observe aussi. - Vous serois-je suspecte? Et de quoi? - - ATTILA. - - D'être aimée. - Madame, vos attraits, dont j'ai l'âme charmée, 810 - Si j'en crois l'apparence, ont blessé plus d'un roi; - D'autres ont un cœur tendre et des yeux, comme moi; - Et pour vous et pour moi j'en préviens l'insolence, - Qui pourroit sur vous-même user de violence. - - ILDIONE. - - Il en est des moyens plus doux et plus aisés, 815 - Si je vous charme autant que vous m'en accusez. - - ATTILA. - - Ah! vous me charmez trop, moi de qui l'âme altière - Cherche à voir sous mes pas trembler la terre entière[147]: - Moi qui veux pouvoir tout, sitôt que je vous voi, - Malgré tout cet orgueil, je ne puis rien sur moi. 820 - Je veux, je tâche en vain d'éviter par la fuite - Ce charme dominant qui marche à votre suite: - Mes plus heureux succès ne font qu'enfoncer mieux - L'inévitable trait dont me percent vos yeux. - Un regard imprévu leur fait une victoire; 825 - Leur moindre souvenir l'emporte sur ma gloire: - Il s'empare et du cœur et des soins les plus doux; - Et j'oublie Attila, dès que je pense à vous. - Que pourrai-je, Madame, après que l'hyménée - Aura mis sous vos lois toute ma destinée? 830 - Quand je voudrai punir, vous saurez pardonner; - Vous refuserez grâce où j'en voudrai donner; - Vous envoirez la paix où je voudrai la guerre; - Vous saurez par mes mains conduire le tonnerre; - Et tout mon amour tremble à s'accorder un bien 835 - Qui me met en état de ne pouvoir plus rien. - Attentez un peu moins sur ce pouvoir suprême, - Madame, et pour un jour cessez d'être vous-même; - Cessez d'être adorable, et laissez-moi choisir - Un objet qui m'en laisse aisément ressaisir. 840 - Défendez à vos yeux cet éclat invincible - Avec qui ma fierté devient incompatible; - Prêtez-moi des refus, prêtez-moi des mépris, - Et rendez-moi vous-même à moi-même à ce prix. - - ILDIONE. - - Je croyois qu'on me dût préférer Honorie 845 - Avec moins de douceurs et de galanterie; - Et je n'attendois pas une civilité - Qui malgré cette honte enflât ma vanité. - Ses honneurs près des miens ne sont qu'honneurs frivoles, - Ils n'ont que des effets, j'ai les belles paroles; 850 - Et si de son côté vous tournez tous vos soins, - C'est qu'elle a moins d'attraits, et se fait craindre moins. - L'auroit-on jamais cru, qu'un Attila pût craindre? - Qu'un si léger éclat eût de quoi l'y contraindre, - Et que de ce grand nom qui remplit tout d'effroi 855 - Il n'osât hasarder tout l'orgueil contre moi? - Avant qu'il porte ailleurs ces timides hommages - Que jusqu'ici j'enlève avec tant d'avantages, - Apprenez-moi, Seigneur, pour suivre vos desseins, - Comme il faut dédaigner le plus grand des humains; 860 - Dites-moi quels mépris peuvent le satisfaire. - Ah! si je lui déplais à force de lui plaire, - Si de son trop d'amour sa haine est tout le fruit, - Alors qu'on la mérite, où se voit-on réduit? - Allez, Seigneur, allez où tant d'orgueil aspire. 865 - Honorie a pour dot la moitié de l'empire; - D'un mérite penchant c'est un ferme soutien; - Et cet heureux éclat efface tout le mien: - Je n'ai que ma personne. - - ATTILA. - - Et c'est plus que l'empire, - Plus qu'un droit souverain sur tout ce qui respire. 870 - Tout ce qu'a cet empire ou de grand ou de doux, - Je veux mettre ma gloire à le tenir de vous. - Faites-moi l'accepter, et pour reconnoissance - Quels climats voulez-vous sous votre obéissance? - Si la Gaule vous plaît, vous la partagerez: 875 - J'en offre la conquête à vos yeux adorés; - Et mon amour.... - - ILDIONE. - - A quoi que cet amour s'apprête, - La main du conquérant vaut mieux que sa conquête. - - ATTILA. - - Quoi? vous pourriez m'aimer, Madame, à votre tour? - Qui sème tant d'horreurs fait naître peu d'amour. 880 - Qu'aimeriez-vous en moi? Je suis cruel, barbare; - Je n'ai que ma fierté, que ma fureur de rare: - On me craint, on me hait; on me nomme en tout lieu - La terreur des mortels et le fléau de Dieu[148]. - Aux refus que je veux c'est là trop de matière; 885 - Et si ce n'est assez d'y joindre la prière, - Si rien ne vous résout à dédaigner ma foi, - Appréhendez pour vous comme je fais pour moi. - Si vos tyrans d'appas retiennent ma franchise, - Je puis l'être comme eux de qui me tyrannise. 890 - Souvenez-vous enfin que je suis Attila, - Et que c'est dire tout que d'aller jusque-là. - - ILDIONE. - - Il faut donc me résoudre? Eh bien! j'ose.... De grâce[149], - Dispensez-moi du reste, il y faut trop d'audace. - Je tremble comme un autre à l'aspect d'Attila, 895 - Et ne me puis, Seigneur, oublier jusque-là. - J'obéis: ce mot seul dit tout ce qu'il souhaite; - Si c'est m'expliquer mal, qu'il en soit l'interprète. - J'ai tous les sentiments qu'il lui plaît m'ordonner; - J'accepte cette dot qu'il vient de me donner; 900 - Je partage déjà la Gaule avec mon frère, - Et veux tout ce qu'il faut pour ne vous plus déplaire. - Mais ne puis-je savoir, pour ne manquer à rien, - A qui vous me donnez, quand j'obéis si bien? - - ATTILA. - - Je n'ose le résoudre, et de nouveau je tremble, 905 - Sitôt que je conçois tant de chagrins ensemble. - C'est trop que de vous perdre et vous donner ailleurs; - Madame, laissez-moi séparer mes douleurs: - Souffrez qu'un déplaisir me prépare pour l'autre; - Après mon hyménée on aura soin du vôtre: 910 - Ce grand effort déjà n'est que trop rigoureux, - Sans y joindre celui de faire un autre heureux. - Souvent un peu de temps fait plus qu'on n'ose attendre. - - ILDIONE. - - J'oserai plus que vous, Seigneur, et sans en prendre; - Et puisque de son bien chacun peut ordonner, 915 - Votre cœur est à moi, j'oserai le donner; - Mais je ne le mettrai qu'en la main qu'il souhaite. - Vous, traitez-moi, de grâce, ainsi que je vous traite; - Et quand ce coup pour vous sera moins rigoureux, - Avant que me donner consultez-en mes vœux. 920 - - ATTILA. - - Vous aimeriez quelqu'un! - - ILDIONE. - - Jusqu'à votre hyménée - Mon cœur est au monarque à qui l'on m'a donnée; - Mais quand par ce grand choix j'en perdrai tout espoir, - J'ai des yeux qui verront ce qu'il me faudra voir. - - -SCÈNE III. - -ATTILA, HONORIE, ILDIONE, OCTAR. - - HONORIE. - - Ce grand choix est donc fait, Seigneur, et pour le faire 925 - Vous avez à tel point redouté ma colère, - Que vous n'avez pas cru vous en pouvoir sauver - Sans doubler votre garde, et me faire observer? - Je ne me jugeois pas en ces lieux tant à craindre; - Et d'un tel attentat j'aurois tort de me plaindre, 930 - Quand je vois que la peur de mes ressentiments - En commence déjà les justes châtiments. - - ILDIONE. - - Que ces ordres nouveaux ne troublent point votre âme: - C'étoit moi qu'on craignoit, et non pas vous, Madame; - Et ce glorieux choix qui vous met en courroux 935 - Ne tombe pas sur moi, Madame, c'est sur vous. - Il est vrai que sans moi vous n'y pouviez prétendre: - Son cœur, tant qu'il m'eût plu, s'en auroit su défendre; - Il étoit tout à moi. Ne vous alarmez pas - D'apprendre qu'il étoit au peu que j'ai d'appas. 940 - Je vous en fais un don: recevez-le pour gage - Ou de mes amitiés ou d'un parfait hommage; - Et forte désormais de vos droits et des miens, - Donnez à ce grand cœur de plus dignes liens. - - HONORIE. - - C'est donc de votre main qu'il passe dans la mienne, 945 - Madame, et c'est de vous qu'il faut que je le tienne? - - ILDIONE. - - Si vous ne le voulez aujourd'hui de ma main, - Craignez qu'il soit trop tard de le vouloir demain. - Elle l'aimera mieux sans doute de la vôtre, - Seigneur, ou vous ferez ce présent à quelque autre. 950 - Pour lui porter ce cœur que je vous avois pris, - Vous m'avez commandé des refus, des mépris: - Souffrez que des mépris le respect me dispense, - Et voyez pour le reste entière obéissance. - Je vous rends à vous-même, et ne puis rien de plus; 955 - Et c'est à vous de faire accepter mes refus. - - -SCÈNE IV. - -ATTILA, HONORIE, OCTAR. - - HONORIE. - - Accepter ses refus! moi, Seigneur? - - ATTILA. - - Vous, Madame. - Peut-il être honteux de devenir ma femme? - Et quand on vous assure un si glorieux nom, - Peut-il vous importer qui vous en fait le don? 960 - Peut-il vous importer par quelle voie arrive - La gloire dont pour vous Ildione se prive? - Que ce soit son refus, ou que ce soit mon choix, - En marcherez-vous moins sur la tête des rois? - Mes[150] deux traités de paix m'ont donné deux princesses, - Dont l'une aura ma main, si l'autre eut mes tendresses; - L'une aura ma grandeur, comme l'autre eut mes vœux: - C'est ainsi qu'Attila se partage à vous deux. - N'en murmurez, Madame, ici non plus que l'autre; - Sa part la satisfait, recevez mieux la vôtre; 970 - J'en étois idolâtre, et veux vous épouser. - La raison? c'est ainsi qu'il me plaît d'en user[151]. - - HONORIE. - - Et ce n'est pas ainsi qu'il me plaît qu'on en use: - Je cesse d'estimer ce qu'une autre refuse, - Et bien que vos traités vous engagent ma foi, 975 - Le rebut d'Ildione est indigne de moi. - Oui, bien que l'univers ou vous serve ou vous craigne, - Je n'ai que des mépris pour ce qu'elle dédaigne. - Quel honneur est celui d'être votre moitié, - Qu'elle cède par grâce, et m'offre par pitié? 980 - Je sais ce que le ciel m'a faite[152] au-dessus d'elle, - Et suis plus glorieuse encor qu'elle n'est belle. - - ATTILA. - - J'adore cet orgueil, il est égal au mien, - Madame; et nos fiertés se ressemblent si bien, - Que si la ressemblance est par où l'on s'entr'aime, 985 - J'ai lieu de vous aimer comme une autre moi-même[153]. - - HONORIE. - - Ah! si non plus que vous je n'ai point le cœur bas, - Nos fiertés pour cela ne se ressemblent pas. - La mienne est de princesse, et la vôtre est d'esclave: - Je brave les mépris, vous aimez qu'on vous brave; 990 - Votre orgueil a son foible, et le mien, toujours fort, - Ne peut souffrir d'amour dans ce peu de rapport. - S'il vient de ressemblance, et que d'illustres flammes - Ne puissent que par elle unir les grandes âmes, - D'où naîtroit cet amour, quand je vois en tous lieux 995 - De plus dignes fiertés qui me ressemblent mieux? - - ATTILA. - - Vous en voyez ici, Madame; et je m'abuse, - Ou quelque autre me vole un cœur qu'on me refuse; - Et cette noble ardeur de me désobéir - En garde la conquête à l'heureux Valamir. 1000 - - HONORIE. - - Ce n'est qu'à moi, Seigneur, que j'en dois rendre conte; - Quand je voudrai l'aimer, je le pourrai sans honte: - Il est roi comme vous. - - ATTILA. - - En effet il est roi, - J'en demeure d'accord, mais non pas comme moi. - Même splendeur de sang, même titre nous pare; 1005 - Mais de quelques degrés le pouvoir nous sépare; - Et du trône où le ciel a voulu m'affermir, - C'est tomber d'assez haut que jusqu'à Valamir. - Chez ses propres sujets ce titre qu'il étale - Ne fait d'entre eux et moi que remplir l'intervalle; 1010 - Il reçoit sous ce titre et leur porte mes lois; - Et s'il est roi des Goths, je suis celui des rois[154]. - - HONORIE. - - Et j'ai de quoi le mettre au-dessus de ta tête, - Sitôt que de ma main j'aurai fait sa conquête. - Tu n'as pour tout pouvoir[155] que des droits usurpés 1015 - Sur des peuples surpris et des princes trompés; - Tu n'as d'autorité que ce qu'en font les crimes; - Mais il n'aura de moi que des droits légitimes; - Et fût-il sous ta rage à tes pieds abattu, - Il est plus grand que toi, s'il a plus de vertu. 1020 - - ATTILA. - - Sa vertu ni vos droits ne sont pas de grands charmes, - A moins que pour appui je leur prête mes armes. - Ils ont besoin de moi, s'ils veulent aller loin; - Mais pour être empereur je n'en ai plus besoin. - Aétius est mort, l'empire n'a plus d'homme, 1025 - Et je puis trop sans vous me faire place à Rome. - - HONORIE. - - Aétius est mort! Je n'ai plus de tyran; - Je reverrai mon frère en Valentinian; - Et mille vrais héros qu'opprimoit ce faux maître - Pour me faire justice à l'envi vont paroître. 1030 - Ils défendront l'empire, et soutiendront mes droits - En faveur des vertus dont j'aurai fait le choix. - Les grands cœurs n'osent rien sous de si grands ministres: - Leur plus haute valeur n'a d'effets que sinistres; - Leur gloire fait ombrage à ces puissants jaloux, 1035 - Qui s'estiment perdus s'ils ne les perdent tous. - Mais après leur trépas tous ces grands cœurs revivent; - Et pour ne plus souffrir des fers qui les captivent[156], - Chacun reprend sa place et remplit son devoir. - La mort d'Aétius te le fera trop voir: 1040 - Si pour leur maître en toi je leur mène un barbare, - Tu verras quel accueil leur vertu te prépare; - Mais si d'un Valamir j'honore un si haut rang, - Aucun pour me servir n'épargnera son sang. - - ATTILA. - - Vous me faites pitié de si mal vous connoître, 1045 - Que d'avoir tant d'amour, et le faire paroître. - Il est honteux, Madame, à des rois tels que nous, - Quand ils en sont blessés, d'en laisser voir les coups. - Il a droit de régner sur les âmes communes, - Non sur celles qui font et défont les fortunes; 1050 - Et si de tout le cœur on ne peut l'arracher, - Il faut s'en rendre maître, ou du moins le cacher. - Je ne vous blâme point d'avoir eu mes foiblesses; - Mais faites même effort sur ces lâches tendresses, - Et comme je vous tiens seule digne de moi, 1055 - Tenez-moi seul aussi digne de votre foi. - Vous aimez Valamir, et j'adore Ildione: - Je me garde pour vous, gardez-vous pour mon trône; - Prenez ainsi que moi des sentiments plus hauts, - Et suivez mes vertus ainsi que mes défauts. 1060 - - HONORIE. - - Parle de tes fureurs et de leur noir ouvrage: - Il s'y mêle peut-être une ombre de courage; - Mais bien loin qu'avec gloire on te puisse imiter, - La vertu des tyrans est même à détester. - Irois-je à ton exemple assassiner mon frère? 1065 - Sur tous mes alliés répandre ma colère? - Me baigner dans leur sang, et d'un orgueil jaloux...? - - ATTILA. - - Si nous nous emportons, j'irai plus loin que vous, - Madame. - - HONORIE. - - Les grands cœurs parlent avec franchise. - - ATTILA. - - Quand je m'en souviendrai, n'en soyez pas surprise; - Et si je vous épouse avec ce souvenir, - Vous voyez le passé, jugez de l'avenir. - Je vous laisse y penser. Adieu, Madame. - - HONORIE. - - Ah! traître! - - ATTILA. - - Je suis encore amant, demain je serai maître. - Remenez la Princesse, Octar. - - HONORIE. - - Quoi? - - ATTILA. - - C'est assez. 1075 - Vous me direz tantôt tout ce que vous pensez; - Mais pensez-y deux fois avant que me le dire: - Songez que c'est de moi que vous tiendrez l'empire; - Que vos droits sans ma main ne sont que droits en l'air. - - HONORIE. - - Ciel! - - ATTILA. - - Allez, et du moins apprenez à parler. 1080 - - HONORIE. - - Apprends, apprends toi-même à changer de langage, - Lorsqu'au sang des Césars ta parole t'engage. - - ATTILA. - - Nous en pourrons changer avant la fin du jour. - - HONORIE. - - Fais ce que tu voudras, tyran, j'aurai mon tour. - -FIN DU TROISIÈME ACTE. - - [144] L'édition de 1692, aussi bien que celle de - Voltaire (1764), portent _tout_, invariable.--Dans l'édition - originale, de 1668, _tous_ est joint au participe par un trait - d'union, comme ne formant avec lui qu'un seul mot: - «tous-placés.» - - [145] Ce fut Valentinien lui-même qui tua de sa main - Aétius, l'année qui suivit la mort d'Attila: _Aetius, dux et - patricius, fraudulenter singuluris accitus intra palatium, manu - ipsius Valentiniani imperatoris occiditur_. (Idacii, episcopi - _Chronica_, édition de 1633, p. 35.) - - [146] _Var._ Vouloir qu'à mes yeux même un autre la - possède! (1668) - - [147] Jornandès (_de Getarum rebus gestis_, chapitre - XXXV) exprime énergiquement la terreur qu'inspirait Attila: _Vir - in concussionem gentium natus in mundo, terrarum omnium metus, - qui, nescio qua sorte, terrebat cuncta formidabili de se opinione - vulgata_. - - [148] Voyez ci-dessus, p. 103, note 84. - - [149] _Var._ Il faut donc m'y résoudre? Eh bien! - j'ose.... De grâce. (1668) - - [150] L'édition de 1682 donne, par erreur, _mais_, au - lieu de _mes_. - - [151] C'est la traduction du vers bien connu (Juvénal, - satire VI, vers 223): - - _Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas._ - - [152] Les deux éditions de 1668 ont _faite_; celles de - 1682, de 1692 et de Voltaire (1764) portent _fait_, sans accord. - - [153] Voltaire (1764) a remplacé _une autre moi-même_ - par _un autre moi-même_. - - [154] Attila est nommé ainsi dans Jornandès (_de Getarum - rebus gestis_, chapitre XXXVIII): _Attila rex omnium regum_. - - [155] Telle est la leçon des deux éditions antérieures à - 1682. Celle-ci porte _ton pouvoir_, pour _tout pouvoir_, ainsi - que l'édition de 1692. Voltaire a adopté comme nous la leçon - primitive: _tout_. - - [156] _Var._ Et pour ne plus souffrir de fers qui les - captivent. (1668)--Cette leçon a été reproduite par l'édition de - 1692. - - - - -ACTE IV. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -HONORIE, OCTAR, FLAVIE. - - HONORIE. - - Allez, servez-moi bien. Si vous aimez Flavie, 1085 - Elle sera le prix de m'avoir bien servie: - J'en donne ma parole; et sa main est à vous, - Dès que vous m'obtiendrez Valamir pour époux. - - OCTAR. - - Je voudrois le pouvoir: j'assurerois, Madame, - Sous votre Valamir mes jours avec ma flamme. 1090 - Bien qu'Attila me traite assez confidemment, - Ils dépendent sous lui d'un malheureux moment: - Il ne faut qu'un soupçon, un dégoût, un caprice, - Pour en faire à sa haine un soudain sacrifice; - Ce n'est pas un esprit que je porte où je veux. 1095 - Faire un peu plus de pente au penchant de ses vœux, - L'attacher un peu plus au parti qu'ils choisissent, - Ce n'est rien qu'avec moi deux mille autres ne puissent; - Mais proposer de front, ou vouloir doucement - Contre ce qu'il résout tourner son sentiment, 1100 - Combattre sa pensée en faveur de la vôtre, - C'est ce que nous n'osons, ni moi, ni pas un autre; - Et si je hasardois ce contre-temps fatal, - Je me perdrois, Madame, et vous servirois mal. - - HONORIE. - - Mais qui l'attache à moi, quand pour l'autre il soupire? - - OCTAR. - - La mort d'Aétius et vos droits sur l'empire. - Il croit s'en voir par là les chemins aplanis; - Et tous autres souhaits de son cœur sont bannis. - Il aime à conquérir, mais il hait les batailles: - Il veut que son nom seul renverse les murailles[157]; 1110 - Et plus grand politique encor que grand guerrier, - Il tient que les combats sentent l'aventurier[158]. - Il veut que de ses gens le déluge effroyable - Atterre impunément les peuples qu'il accable; - Et prodigue de sang, il épargne celui 1115 - Que tant de combattants exposeroient pour lui. - Ainsi n'espérez pas que jamais il relâche, - Que jamais il renonce à ce choix qui vous fâche. - Si pourtant je vois jour à plus que je n'attends, - Madame, assurez-vous que je prendrai mon temps. 1120 - - -SCÈNE II. - -HONORIE, FLAVIE. - - FLAVIE. - - Ne vous êtes-vous point un peu trop déclarée, - Madame? et le chagrin de vous voir préférée - Étouffe-t-il la peur que marquoient vos discours - De rendre hommage au sang d'un roi de quatre jours? - - HONORIE. - - Je te l'avois bien dit, que mon âme incertaine 1125 - De tous les deux côtés attendoit même gêne, - Flavie; et de deux maux qu'on craint également - Celui qui nous arrive est toujours le plus grand, - Celui que nous sentons devient le plus sensible. - D'un choix si glorieux la honte est trop visible; 1130 - Ildione a su l'art de m'en faire un malheur: - La gloire en est pour elle, et pour moi la douleur; - Elle garde pour soi tout l'effet du mérite, - Et me livre avec joie aux ennuis qu'elle évite. - Vois avec quel insulte[159] et de quelle hauteur 1135 - Son refus en mes mains rejette un si grand cœur, - Cependant que ravie elle assure à son âme - La douceur d'être toute à l'objet de sa flamme; - Car je ne doute point qu'elle n'ait de l'amour. - Ardaric qui s'attache à la voir chaque jour, 1140 - Les respects qu'il lui rend, et les soins qu'il se donne.... - - FLAVIE. - - J'ose vous dire plus, Attila l'en soupçonne: - Il est fier et colère; et s'il sait une fois - Qu'Ildione en secret l'honore de son choix, - Qu'Ardaric ait sur elle osé jeter la vue, 1145 - Et briguer cette foi qu'à lui seul il croit due, - Je crains qu'un tel espoir, au lieu de s'affermir.... - - HONORIE. - - Que n'ai-je donc mieux tu que j'aimois Valamir! - Mais quand on est bravée et qu'on perd ce qu'on aime, - Flavie, est-on sitôt maîtresse de soi-même? 1150 - D'Attila, s'il se peut, tournons l'emportement - Ou contre ma rivale, ou contre son amant; - Accablons leur amour sous ce que j'appréhende; - Promettons à ce prix la main qu'on nous demande; - Et faisons que l'ardeur de recevoir ma foi 1155 - L'empêche d'être ici plus heureuse que moi. - Renversons leur triomphe. Étrange frénésie! - Sans aimer Ardaric, j'en conçois jalousie! - Mais je me venge, et suis, en ce juste projet, - Jalouse du bonheur, et non pas de l'objet. 1160 - - FLAVIE. - - Attila vient, Madame. - - HONORIE. - - Eh bien! faisons connoître - Que le sang des Césars ne souffre point de maître, - Et peut bien refuser de pleine autorité - Ce qu'une autre refuse avec témérité. - - -SCÈNE III. - -ATTILA, HONORIE, FLAVIE. - - ATTILA. - - Tout s'apprête, Madame, et ce grand hyménée 1165 - Peut dans une heure ou deux terminer la journée, - Mais sans vous y contraindre; et je ne viens que voir - Si vous avez mieux vu quel est votre devoir. - - HONORIE. - - Mon devoir est, Seigneur, de soutenir ma gloire, - Sur qui va s'imprimer une tache trop noire, 1170 - Si votre illustre amour pour son premier effet - Ne venge hautement l'outrage qu'on lui fait. - Puis-je voir sans rougir qu'à la belle Ildione - Vous demandiez congé de m'offrir votre trône, - Que...? - - ATTILA. - - Toujours Ildione, et jamais Attila! 1175 - - HONORIE. - - Si vous me préférez, Seigneur, punissez-la: - Prenez mes intérêts, et pressez votre flamme - De remettre en honneur le nom de votre femme. - Ildione le traite avec trop de mépris; - Souffrez-en de pareils, ou rendez-lui son prix. 1180 - A quel droit voulez-vous qu'un tel manque d'estime, - S'il est gloire pour elle, en moi devienne un crime; - Qu'après que nos refus ont tous deux éclaté, - Le mien soit punissable où le sien est flatté; - Qu'elle brave à vos yeux ce qu'il faut que je craigne, - Et qu'elle me condamne à ce qu'elle dédaigne? - - ATTILA. - - Pour vous justifier mes ordres et mes vœux, - Je croyois qu'il suffît d'un simple: «Je le veux;» - Mais voyez, puisqu'il faut mettre tout en balance, - D'Ildione et de vous qui m'oblige ou m'offense. 1190 - Quand son refus me sert, le vôtre me trahit; - Il veut me commander, quand le sien m'obéit: - L'un est plein de respect, l'autre est gonflé d'audace; - Le vôtre me fait honte, et le sien me fait grâce. - Faut-il après cela qu'aux dépens de son sang 1195 - Je mérite l'honneur de vous mettre en mon rang? - - HONORIE. - - Ne peut-on se venger à moins qu'on assassine[160]? - Je ne veux point sa mort, ni même sa ruine: - Il est des châtiments plus justes et plus doux, - Qui l'empêcheroient mieux de triompher de nous. 1200 - Je dis de nous, Seigneur, car l'offense est commune, - Et ce que vous m'offrez des deux n'en feroit qu'une. - Ildione, pour prix de son manque de foi, - Dispose arrogamment et de vous et de moi! - Pour prix de la hauteur dont elle m'a bravée, 1205 - A son heureux amant sa main est réservée, - Avec qui, satisfaite, elle goûte l'appas - De m'ôter ce que j'aime, et me mettre en vos bras! - - ATTILA. - - Quel est-il, cet amant? - - HONORIE. - - Ignorez-vous encore - Qu'elle adore Ardaric, et qu'Ardaric l'adore? 1210 - - ATTILA. - - Qu'on m'amène Ardaric. Mais de qui savez-vous.... - - HONORIE. - - C'est une vision de mes soupçons jaloux; - J'en suis mal éclaircie, et votre orgueil l'avoue, - Et quand elle me brave, et quand elle vous joue; - Même, s'il faut vous croire, on ne vous sert pas mal - Alors qu'on vous dédaigne en faveur d'un rival. - - ATTILA. - - D'Ardaric et de moi telle est la différence, - Qu'elle en punit assez la folle préférence. - - HONORIE. - - Quoi? s'il peut moins que vous, ne lui volez-vous pas - Ce pouvoir usurpé sur ses propres soldats? 1220 - Un véritable roi qu'opprime un sort contraire, - Tout opprimé qu'il est, garde son caractère; - Ce nom lui reste entier sous les plus dures lois: - Il est dans les fers même égal aux plus grands rois; - Et la main d'Ardaric suffit à ma rivale 1225 - Pour lui donner plein droit de me traiter d'égale. - Si vous voulez punir l'affront qu'elle nous fait, - Réduisez-la, Seigneur, à l'hymen d'un sujet. - Ne cherchez point pour elle une plus dure peine - Que de voir votre femme être sa souveraine; 1230 - Et je pourrai moi-même alors vous demander - Le droit de m'en servir et de lui commander. - - ATTILA. - - Madame, je saurai lui trouver un supplice. - Agréez cependant pour vous même justice; - Et s'il faut un sujet à qui dédaigne un roi, 1235 - Choisissez dans une heure, ou d'Octar, ou de moi. - - HONORIE. - - D'Octar, ou.... - - ATTILA. - - Les grands cœurs parlent avec franchise, - C'est une vérité que vous m'avez apprise[161]: - Songez donc sans murmure à cet illustre choix, - Et remerciez-moi de suivre ainsi vos lois[162]. 1240 - - HONORIE. - - Me proposer Octar! - - ATTILA. - - Qu'y trouvez-vous à dire? - Seroit-il à vos yeux indigne de l'empire? - S'il est né sans couronne et n'eut jamais d'États, - On monte à ce grand trône encor d'un lieu plus bas. - On a vu des Césars, et même des plus braves, 1245 - Qui sortoient d'artisans, de bandoliers[163], d'esclaves; - Le temps et leurs vertus les ont rendus fameux, - Et notre cher Octar a des vertus comme eux. - - HONORIE. - - Va, ne me tourne point Octar en ridicule: - Ma gloire pourroit bien l'accepter sans scrupule, 1250 - Tyran, et tu devrois du moins te souvenir - Que s'il n'en est pas digne, il peut le devenir. - Au défaut d'un beau sang, il est de grands services, - Il est des vœux soumis, il est des sacrifices, - Il est de glorieux et surprenants effets, 1255 - Des vertus de héros, et même des forfaits. - L'exemple y peut beaucoup. Instruit par tes maximes, - Il s'est fait de ton ordre une habitude aux crimes: - Comme ta créature, il doit te ressembler. - Quand je l'enhardirai, commence de trembler: 1260 - Ta vie est en mes mains, dès qu'il voudra me plaire, - Et rien n'est sûr pour toi, si je veux qu'il espère. - Ton rival entre, adieu: délibère avec lui - Si ce cher Octar m'aime, ou sera ton appui. - - -SCÈNE IV. - -ATTILA, ARDARIC. - - ATTILA. - - Seigneur, sur ce grand choix je cesse d'être en peine: - J'épouse dès ce soir la princesse romaine, - Et n'ai plus qu'à prévoir à qui plus sûrement - Je puis confier l'autre et son ressentiment. - Le roi des Bourguignons, par ambassade expresse, - Pour Sigismond[164], son fils, vouloit cette princesse; 1270 - Mais nos ambassadeurs furent mieux écoutés. - Pourroit-il nous donner toutes nos sûretés? - - ARDARIC. - - Son État sert de borne à ceux de Mérouée; - La partie entre eux deux seroit bientôt nouée; - Et vous verriez armer d'une pareille ardeur 1275 - Un mari pour sa femme, un frère pour sa sœur: - L'union en seroit trop facile et trop grande. - - ATTILA. - - Celui des Visigoths faisoit même demande. - Comme de Mérouée il est plus écarté, - Leur union auroit moins de facilité: 1280 - Le Bourguignon d'ailleurs sépare leurs provinces, - Et serviroit pour nous de barre à ces deux princes. - - ARDARIC. - - Oui; mais bientôt lui-même entre eux deux écrasé - Leur feroit à se joindre un chemin trop aisé; - Et ces deux rois, par là maîtres de la contrée, 1285 - D'autant plus fortement en défendroient[165] l'entrée, - Qu'ils auroient plus à perdre, et qu'un juste courroux - N'auroit plus tant de chefs à liguer contre vous. - La princesse Ildione est orgueilleuse et belle; - Il lui faut un mari qui réponde mieux d'elle, 1290 - Dont tous les intérêts aux vôtres soient soumis, - Et ne le pas choisir parmi vos ennemis. - D'une fière beauté la haine opiniâtre - Donne à ce qu'elle hait jusqu'au bout à combattre; - Et pour peu que la veuille écouter un époux.... 1295 - - ATTILA. - - Il lui faut donc, Seigneur, ou Valamir, ou vous. - La pourriez-vous aimer? parlez sans flatterie. - J'apprends que Valamir est aimé d'Honorie; - Il peut de mon hymen concevoir quelque ennui, - Et je m'assurerois sur vous plus que sur lui. 1300 - - ARDARIC. - - C'est m'honorer, Seigneur, de trop de confiance. - - ATTILA. - - Parlez donc, pourriez-vous goûter cette alliance? - - ARDARIC. - - Vous savez que vous plaire est mon plus cher souci. - - ATTILA. - - Qu'on cherche la Princesse, et qu'on l'amène ici: - Je veux que de ma main vous receviez la sienne. 1305 - Mais dites-moi, de grâce, attendant qu'elle vienne, - Par où me voulez-vous assurer votre foi? - Et que seriez-vous prêt d'entreprendre pour moi? - Car enfin elle est belle, elle peut tout séduire, - Et vous forcer vous-même à me vouloir détruire. 1310 - - ARDARIC. - - Faut-il vous immoler l'orgueil de Torrismond[166]? - Faut-il teindre l'Arar[167] du sang de Sigismond? - Faut-il mettre à vos pieds et l'un et l'autre trône? - - ATTILA. - - Ne dissimulez point, vous aimez Ildione, - Et proposez bien moins ces glorieux travaux 1315 - Contre mes ennemis que contre vos rivaux. - Ce prompt emportement et ces subites haines - Sont d'un amour jaloux les preuves trop certaines: - Les soins de cet amour font ceux de ma grandeur; - Et si vous n'aimiez pas, vous auriez moins d'ardeur. 1320 - Voyez comme un rival est soudain haïssable, - Comme vers notre amour ce nom le rend coupable, - Comme sa perte est juste encor qu'il n'ose rien; - Et sans aller si loin, délivrez-moi du mien. - Différez à punir une offense incertaine, 1325 - Et servez ma colère avant que votre haine. - Seroit-il sûr pour moi d'exposer ma bonté - A tous les attentats d'un amant supplanté? - Vous-même pourriez-vous épouser une femme, - Et laisser à ses yeux le maître de son âme? 1330 - - ARDARIC. - - S'il étoit trop à craindre, il faudroit l'en bannir. - - ATTILA. - - Quand il est trop à craindre, il faut le prévenir. - C'est un roi dont les gens, mêlés parmi les nôtres, - Feroient accompagner son exil de trop d'autres, - Qu'on verroit s'opposer aux soins que nous prendrons, - Et de nos ennemis grossir les escadrons. - - ARDARIC. - - Est-ce un crime pour lui qu'une douce espérance - Que vous pourriez ailleurs porter la préférence? - - ATTILA. - - Oui, pour lui, pour vous-même, et pour tout autre roi, - C'en est un que prétendre en même lieu que moi. 1340 - S'emparer d'un esprit dont la foi m'est promise, - C'est surprendre une place entre mes mains remise; - Et vous ne seriez pas moins coupable que lui, - Si je ne vous voyois d'un autre œil aujourd'hui. - A des crimes pareils j'ai dû même justice, 1345 - Et ne choisis pour vous qu'un amoureux supplice. - Pour un si cher objet que je mets en vos bras, - Est-ce un prix excessif qu'un si juste trépas? - - ARDARIC. - - Mais c'est déshonorer, Seigneur, votre hyménée - Que vouloir d'un tel sang en marquer la journée. 1350 - - ATTILA. - - Est-il plus grand honneur que de voir en mon choix - Qui je veux à ma flamme immoler de deux rois, - Et que du sacrifice où s'expiera leur crime, - L'un d'eux soit le ministre, et l'autre la victime? - Si vous n'osez par là satisfaire vos feux, 1355 - Craignez que Valamir ne soit moins scrupuleux, - Qu'il ne s'impute pas à tant de barbarie - D'accepter à ce prix son illustre Honorie, - Et n'ait aucune horreur de ses vœux les plus doux, - Si leur entier succès ne lui coûte que vous; 1360 - Car je puis épouser encor votre princesse, - Et détourner vers lui l'effort de ma tendresse. - - -SCÈNE V. - -ATTILA, ARDARIC, ILDIONE. - - ATTILA, à Ildione. - - Vos refus obligeants ont daigné m'ordonner - De consulter vos vœux avant que vous donner[168]; - Je m'en fais une loi. Dites-moi donc, Madame, 1365 - Votre cœur d'Ardaric agréeroit-il la flamme? - - ILDIONE. - - C'est à moi d'obéir, si vous le souhaitez; - Mais, Seigneur.... - - ATTILA. - - Il y fait quelques difficultés; - Mais je sais que sur lui vous êtes absolue. - Achevez d'y porter son âme irrésolue, 1370 - Afin que dans une heure, au milieu de ma cour, - Votre hymen et le mien couronnent ce grand jour. - - -SCÈNE VI. - -ARDARIC, ILDIONE. - - ILDIONE. - - D'où viennent ces soupirs? d'où naît cette tristesse? - Est-ce que la surprise étonne l'allégresse, - Qu'elle en suspend l'effet pour le mieux signaler, 1375 - Et qu'aux yeux du tyran il faut dissimuler? - Il est parti, Seigneur; souffrez que votre joie, - Souffrez que son excès tout entier se déploie, - Qu'il fasse voir aux miens celui de votre amour. - - ARDARIC. - - Vous allez soupirer, Madame, à votre tour, 1380 - A moins que votre cœur malgré vous se prépare - A n'avoir rien d'humain non plus que ce barbare. - Il me choisit pour vous; c'est un honneur bien grand, - Mais qui doit faire horreur par le prix qu'il le vend. - A recevoir ma main pourrez-vous être prête, 1385 - S'il faut qu'à Valamir il en coûte la tête? - - ILDIONE. - - Quoi? Seigneur! - - ARDARIC. - - Attendez à vous en étonner - Que vous sachiez la main qui doit l'assassiner. - C'est à cet attentat la mienne qu'il destine, - Madame. - - ILDIONE. - - C'est par vous, Seigneur, qu'il l'assassine! - - ARDARIC. - - Il me fait son bourreau pour perdre un autre roi - A qui fait sa fureur la même offre qu'à moi. - Aux dépens de sa tête il veut qu'on vous obtienne; - Ou lui donne Honorie aux dépens de la mienne: - Sa cruelle faveur m'en a laissé le choix. 1395 - - ILDIONE. - - Quel crime voit sa rage à punir en deux rois? - - ARDARIC. - - Le crime de tous deux, c'est d'aimer deux princesses, - C'est d'avoir mieux que lui mérité leurs tendresses. - De vos bontés pour nous il nous fait un malheur, - Et d'un sujet de joie un excès de douleur. 1400 - - ILDIONE. - - Est-il orgueil plus lâche, ou lâcheté plus noire? - Il veut que je vous coûte ou la vie ou la gloire, - Et serve de prétexte au choix infortuné - D'assassiner vous-même ou d'être assassiné! - Il vous offre ma main comme un bonheur insigne, 1405 - Mais à condition de vous en rendre indigne; - Et si vous refusez par là de m'acquérir, - Vous ne sauriez vous-même éviter de périr! - - ARDARIC. - - Il est beau de périr pour éviter un crime: - Quand on meurt pour sa gloire, on revit dans l'estime; - Et triompher ainsi du plus rigoureux sort, - C'est s'immortaliser par une illustre mort. - - ILDIONE. - - Cette immortalité qui triomphe en idée - Veut être, pour charmer, de plus loin regardée; - Et quand à notre amour ce triomphe est fatal, 1415 - La gloire qui le suit nous en console mal. - - ARDARIC. - - Vous vengerez ma mort; et mon âme ravie.... - - ILDIONE. - - Ah! venger une mort n'est pas rendre une vie: - Le tyran immolé me laisse mes malheurs; - Et son sang répandu ne tarit pas mes pleurs. 1420 - - ARDARIC. - - Pour sauver une vie, après tout périssable, - En rendrois-je le reste infâme et détestable? - Et ne vaut-il pas mieux assouvir sa fureur, - Et mériter vos pleurs, que de vous faire horreur? - - ILDIONE. - - Vous m'en feriez sans doute, après cette infamie, 1425 - Assez pour vous traiter en mortelle ennemie; - Mais souvent la fortune a d'heureux changements - Qui président sans nous aux grands événements. - Le ciel n'est pas toujours aux méchants si propice: - Après tant d'indulgence, il a de la justice. 1430 - Parlez à Valamir, et voyez avec lui - S'il n'est aucun remède à ce mortel ennui. - - ARDARIC. - - Madame.... - - ILDIONE. - - Allez, Seigneur: nos maux et le temps pressent, - Et les mêmes périls tous deux vous intéressent. - - ARDARIC. - - J'y vais; mais en l'état qu'est son sort et le mien, 1435 - Nous nous plaindrons ensemble et ne résoudrons rien. - - -SCÈNE VII. - -ILDIONE[169]. - - Trêve, mes tristes yeux, trêve aujourd'hui de larmes! - Armez contre un tyran vos plus dangereux charmes: - Voyez si de nouveau vous le pourrez dompter, - Et renverser sur lui ce qu'il ose attenter. 1440 - Reprenez en son cœur votre place usurpée, - Ramenez à l'autel ma victime échappée, - Rappelez ce courroux que son choix incertain - En faveur de ma flamme allumoit dans mon sein. - Que tout semble facile en cette incertitude! 1445 - Mais qu'à l'exécuter tout est pénible et rude! - Et qu'aisément le sexe oppose à sa fierté - Sa douceur naturelle et sa timidité! - Quoi? ne donner ma foi que pour être perfide! - N'accepter un époux que pour un parricide! 1450 - Ciel, qui me vois frémir à ce nom seul d'époux, - Ou rends-moi plus barbare, ou mon tyran plus doux[170]! - - -FIN DU QUATRIÈME ACTE. - - [157] C'est la hâblerie du Matamore prise au sérieux. - Voyez _l'Illusion comique_, vers 233 (tome II, p. 447). - - [158] _Bellorum quidem amator, sed ipse manu temperans._ - (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XXXV.) Voyez - ci-dessus, p. 103 et la note 83. - - [159] L'édition de 1692 porte _quelle insulte_, au - féminin. Plus haut, au vers 424, p. 125, elle avait laissé ce mot - au masculin. Voltaire a mis le féminin aux deux endroits. - - [160] Tel est le texte de toutes les éditions anciennes, - et même encore de celle de Voltaire (1764). Il est conforme à - l'usage ordinaire de Corneille. Dans des éditions modernes on a - ajouté _ne_: «à moins qu'on n'assassine.» Voyez le _Lexique_. - - [161] Voyez ci-dessus, acte III, scène IV, vers 1069 et - 1070. - - [162] _Var._ Et me remerciez de suivre ainsi vos lois. - (1668, édition originale.) - - [163] _Bandolier_, _bandoulier_, de l'espagnol - _bandolero_, «voleur de campagne, qui vole en troupe et avec - armes à feu.» (_Dictionnaire de Furetière._) Voyez le - _Lexique_.--L'empereur Philippe, dit l'Arabe, était fils d'un - chef de brigands; Dioclétien était, selon les uns, l'affranchi - d'un sénateur, selon d'autres le fils d'un greffier; Galère avait - été berger, etc. - - [164] Il est parlé de Sigismond roi des Bourguignons au - chapitre LVIII de Jornandès. - - [165] Il y a le futur, _défendront_, dans l'édition de - 1682. - - [166] Torrismond, ou plutôt _Thorismond_, un des - vainqueurs d'Attila dans la bataille des Champs catalauniques, - était fils et successeur de Théodoric, roi des Visigoths, qui - périt dans cette bataille. - - [167] Voyez ci-dessus, p. 117, note 116. - - [168] Voyez acte III, scène II, vers 920. - - [169] Dans l'édition de Voltaire (1764): ILDIONE, - _seule_. - - [170] Voyez ci-dessus, p. 104, et p. 137, vers 693-704. - - - - -ACTE V. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -ARDARIC, VALAMIR. - -(Ils n'ont point d'épée l'un ni l'autre[171].) - - ARDARIC. - - Seigneur, vos devins seuls ont causé notre perte: - Par eux à tous nos maux la porte s'est ouverte; - Et l'infidèle appas de leur prédiction 1455 - A jeté trop d'amorce à notre ambition[172]. - C'est de là qu'est venu cet amour politique - Que prend pour attentat un orgueil tyrannique. - Sans le flatteur espoir d'un avenir si doux, - Honorie auroit eu moins de charmes pour vous. 1460 - C'est par là que vos yeux la trouvent adorable, - Et que vous faites naître un amour véritable, - Qui l'attachant à vous excite des fureurs - Que vous voyez passer aux dernières horreurs. - A moins que je vous perde, il faut que je périsse; 1465 - On vous fait même grâce, ou pareille injustice: - Ainsi vos seuls devins nous forcent de périr, - Et ce sont tous les droits qu'ils vous font acquérir. - - VALAMIR. - - Je viens de les quitter; et loin de s'en dédire, - Ils assurent ma race encor du même empire. 1470 - Ils savent qu'Attila s'aigrit au dernier point, - Et ses emportements ne les émeuvent point; - Quelque loi qu'il nous fasse, ils sont inébranlables: - Le ciel en a donné des arrêts immuables; - Rien n'en rompra l'effet; et Rome aura pour roi 1475 - Ce grand Théodoric qui doit sortir de moi[173]. - - ARDARIC. - - Ils veulent donc, Seigneur, qu'aux dépens de ma tête - Vos mains à ce héros préparent sa conquête? - - VALAMIR. - - Seigneur, c'est m'offenser encor plus qu'Attila. - - ARDARIC. - - Par où lui pouvez-vous échapper que par là? 1480 - Pouvez-vous que par là posséder Honorie? - Et d'où naîtra ce fils, si vous perdez la vie? - - VALAMIR. - - Je me vois comme vous aux portes du trépas; - Mais j'espère, après tout, ce que je n'entends pas. - - -SCÈNE II. - -ARDARIC, VALAMIR, HONORIE. - - HONORIE. - - Savez-vous d'Attila jusqu'où va la furie, 1485 - Princes, et quelle en est l'affreuse barbarie? - Cette offre qu'il vous fait d'en rendre l'un heureux - N'est qu'un piége qu'il tend pour vous perdre tous deux. - Il veut, sous cet espoir qu'il donne à l'un et l'autre, - Votre sang de sa main, ou le sien de la vôtre; 1490 - Mais qui le serviroit seroit bientôt livré - Aux troupes de celui qu'il auroit massacré; - Et par le désaveu de cette obéissance - Ce tigre assouviroit sa rage et leur vengeance. - Octar aime Flavie, et l'en vient d'avertir. 1495 - - VALAMIR. - - Euric[174], son lieutenant, ne fait que de sortir: - Le tyran soupçonneux, qui craint ce qu'il mérite, - A pour nous désarmer choisi ce satellite; - Et comme avec justice il nous croit irrités, - Pour nous parler encore il prend ses sûretés. 1500 - Pour peu qu'il eût tardé, nous allions dans sa tente - Surprendre et prévenir sa plus barbare attente, - Tandis qu'il nous laissoit encor la liberté - D'y porter l'un et l'autre une épée au côté. - Il promet à tous deux de nous la faire rendre, 1505 - Dès qu'il saura de nous ce qu'il en doit attendre, - Quel est notre dessein, ou pour en mieux parler, - Dès que nous résoudrons de nous entr'immoler. - Cependant il réduit à l'entière impuissance - Ce noble désespoir qui punit par avance[175], 1510 - Et qui se faisant droit avant que de mourir, - Croit que se perdre ainsi, c'est un peu moins périr; - Car nous aurions péri par les mains de sa garde; - Mais la mort est plus belle alors qu'on la hasarde. - - HONORIE. - - Il vient, Seigneur. - - -SCÈNE III. - -ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE, OCTAR. - - ATTILA. - - Eh bien! mes illustres amis, 1515 - Contre mes grands rivaux quel espoir m'est permis? - Pas un n'a-t-il pour soi la digne complaisance - D'acquérir sa princesse en perdant qui m'offense? - Quoi? l'amour, l'amitié, tout va d'un froid égal! - Pas un ne m'aime assez pour haïr mon rival! 1520 - Pas un de son objet n'a l'âme assez ravie - Pour vouloir être heureux aux dépens d'une vie! - Quels amis! quels amants! et quelle dureté! - Daignez, daignez du moins la mettre en sûreté: - Si ces deux intérêts n'ont rien qui la fléchisse, 1525 - Que l'horreur de mourir, à leur défaut, agisse; - Et si vous n'écoutez l'amitié ni l'amour, - Faites un noble effort pour conserver le jour. - - VALAMIR. - - A l'inhumanité joindre la raillerie, - C'est à son dernier point porter la barbarie. 1530 - Après l'assassinat d'un frère et de six rois, - Notre tour est venu de subir mêmes lois; - Et nous méritons bien les plus cruels supplices - De nous être exposés aux mêmes sacrifices, - D'en avoir pu souffrir chaque jour de nouveaux. 1535 - Punissez, vengez-vous, mais cherchez des bourreaux; - Et si vous êtes roi, songez que nous le sommes. - - ATTILA. - - Vous? devant Attila vous n'êtes que deux hommes; - Et dès qu'il m'aura plu d'abattre votre orgueil, - Vos têtes pour tomber n'attendront qu'un coup d'œil. - Je fais grâce à tous deux de n'en demander qu'une: - Faites-en décider l'épée et la fortune; - Et qui succombera du moins tiendra de moi - L'honneur de ne périr que par la main d'un roi. - Nobles gladiateurs, dont ma colère apprête 1545 - Le spectacle pompeux à cette grande fête, - Montrez, montrez un cœur enfin digne du rang. - - ARDARIC. - - Votre main est plus faite à verser de tel sang; - C'est lui faire un affront que d'emprunter les nôtres. - - ATTILA. - - Pour me faire justice il s'en trouvera d'autres; 1550 - Mais si vous renoncez aux objets de vos vœux, - Le refus d'une tête en pourra coûter deux. - Je révoque ma grâce, et veux bien que vos crimes - De deux rois mes rivaux me fassent deux victimes; - Et ces rares objets si peu dignes de moi 1555 - Seront le digne prix de cet illustre emploi. - - (A Ardaric.) - - De celui de vos feux je ferai la conquête - De quiconque à mes pieds abattra votre tête. - - (A Honorie.) - - Et comme vous paierez celle de Valamir, - Nous aurons à ce prix des bourreaux à choisir; 1560 - Et pour nouveau supplice à de si belles flammes, - Ce choix ne tombera que sur les plus infâmes. - - HONORIE. - - Tu pourrois être lâche et cruel jusque-là! - - ATTILA. - - Encor plus, s'il le faut, mais toujours Attila, - Toujours l'heureux objet de la haine publique, 1565 - Fidèle au grand dépôt du pouvoir tyrannique, - Toujours.... - - HONORIE. - - Achève, et dis que tu veux en tout lieu - Être l'effroi du monde, et le fléau de Dieu[176]. - Étale insolemment l'épouvantable image - De ces fleuves de sang où se baignoit ta rage. 1570 - Fais voir.... - - ATTILA. - - Que vous perdez de mots injurieux - A me faire un reproche et doux et glorieux! - Ce dieu dont vous parlez, de temps en temps sévère, - Ne s'arme pas toujours de toute sa colère; - Mais quand à sa fureur il livre l'univers, 1575 - Elle a pour chaque temps des déluges divers. - Jadis, de toutes parts faisant regorger l'onde, - Sous un déluge d'eaux il abîma le monde; - Sa main tient en réserve un déluge de feux - Pour le dernier moment de nos derniers neveux; 1580 - Et mon bras, dont il fait aujourd'hui son tonnerre, - D'un déluge de sang couvre pour lui la terre. - - HONORIE. - - Lorsque par les tyrans il punit les mortels, - Il réserve sa foudre à ces grands criminels, - Qu'il donne pour supplice à toute la nature, 1585 - Jusqu'à ce que leur rage ait comblé la mesure. - Peut-être qu'il prépare en ce même moment - A de si noirs forfaits l'éclat du châtiment, - Qu'alors que ta fureur à nous perdre s'apprête, - Il tient le bras levé pour te briser la tête, 1590 - Et veut qu'un grand exemple oblige de trembler - Quiconque désormais t'osera ressembler. - - ATTILA. - - Eh bien! en attendant ce changement sinistre, - J'oserai jusqu'au bout lui servir de ministre, - Et faire exécuter toutes ses volontés 1595 - Sur vous et sur des rois contre moi révoltés. - Par des crimes nouveaux je punirai les vôtres, - Et mon tour à périr ne viendra qu'après d'autres. - - HONORIE. - - Ton sang, qui chaque jour, à longs flots distillés[177], - S'échappe vers ton frère et six rois immolés, 1600 - Te diroit-il trop bas que leurs ombres t'appellent? - Faut-il que ces avis par moi se renouvellent? - Vois, vois couler ce sang qui te vient avertir, - Tyran, que pour les joindre il faut bientôt partir. - - ATTILA. - - Ce n'est rien; et pour moi s'il n'est point d'autre foudre, - J'aurai pour ce départ du temps à m'y résoudre. - D'autres vous envoiroient[178] leur frayer le chemin; - Mais j'en laisserai faire à votre grand destin, - Et trouverai pour vous quelques autres vengeances, - Quand l'humeur me prendra de punir tant d'offenses. - - -SCÈNE IV. - -ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE, ILDIONE, OCTAR. - - ATTILA, à Ildione. - - Où venez-vous, Madame, et qui vous enhardit - A vouloir voir ma mort qu'ici l'on me prédit? - Venez-vous de deux rois soutenir la querelle, - Vous révolter comme eux, me foudroyer comme elle, - Ou mendier l'appui de mon juste courroux 1615 - Contre votre Ardaric qui ne veut plus de vous? - - ILDIONE. - - Il n'en mériteroit ni l'amour ni l'estime, - S'il osoit espérer m'acquérir par un crime. - D'un si juste refus j'ai de quoi me louer, - Et ne viens pas ici pour l'en désavouer. 1620 - Non, Seigneur: c'est du mien que j'y viens me dédire, - Rendre à mes yeux sur vous leur souverain empire, - Rattacher, réunir votre vouloir au mien, - Et reprendre un pouvoir dont vous n'usez pas bien. - Seigneur, est-ce là donc cette reconnoissance 1625 - Si hautement promise à mon obéissance? - J'ai quitté tous les miens sous l'espoir d'être à vous; - Par votre ordre mon cœur quitte un espoir si doux, - Je me réduis au choix qu'il vous a plu me faire, - Et votre ordre le met hors d'état de me plaire! 1630 - Mon respect qui me livre aux vœux d'un autre roi - N'y voit pour lui qu'opprobre, et que honte pour moi! - Rendez, rendez-le-moi, cet empire suprême - Qui ne vous laissoit plus disposer de vous-même: - Rendez toute votre âme à son premier souhait, 1635 - Recevez qui vous aime, et fuyez qui vous hait. - Honorie a ses droits; mais celui de vous plaire - N'est pas, vous le savez, un droit imaginaire; - Et pour vous appuyer, Mérouée a des bras - Qui font taire les droits quand il faut des combats. 1640 - - ATTILA. - - Non, je ne puis plus voir cette ingrate Honorie - Qu'avec la même horreur qu'on voit une furie; - Et tout ce que le ciel a formé de plus doux, - Tout ce qu'il peut de mieux, je crois le voir en vous; - Mais dans votre cœur même un autre amour murmure, - Lorsque.... - - ILDIONE. - - Vous pourriez croire une telle imposture! - Qu'ai-je dit? qu'ai-je fait que de vous obéir? - Et par où jusque-là m'aurois-je pu trahir? - - ATTILA. - - Ardaric est pour vous un époux adorable. - - ILDIONE. - - Votre main lui donnoit ce qu'il avoit d'aimable; 1650 - Et je ne l'ai tantôt accepté pour époux - Que par cet ordre exprès que j'ai reçu de vous. - Vous aviez déjà vu qu'en dépit de ma flamme, - Pour vous faire empereur.... - - ATTILA. - - Vous me trompez, Madame; - Mais l'amour par vos yeux me sait si bien dompter, 1655 - Que je ferme les miens pour n'y plus résister. - N'abusez pas pourtant d'un si puissant empire: - Songez qu'il est encor d'autres biens où j'aspire, - Que la vengeance est douce aussi bien que l'amour; - Et laissez-moi pouvoir quelque chose à mon tour. 1660 - - ILDIONE. - - Seigneur, ensanglanter cette illustre journée! - Grâce, grâce du moins jusqu'après l'hyménée. - A son heureux flambeau souffrez un pur éclat, - Et laissez pour demain les maximes d'État. - - ATTILA. - - Vous le voulez, Madame, il faut vous satisfaire; 1665 - Mais ce n'est que grossir d'autant plus ma colère; - Et ce que par votre ordre elle perd de moments - Enfle l'avidité de mes ressentiments. - - HONORIE. - - Voyez, voyez plutôt, par votre exemple même, - Seigneur, jusqu'où s'aveugle un grand cœur quand il aime: - Voyez jusqu'où l'amour, qui vous ferme les yeux, - Force et dompte les rois qui résistent le mieux, - Quel empire il se fait sur l'âme la plus fière; - Et si vous avez vu la mienne trop altière, - Voyez ce même amour immoler pleinement 1675 - Son orgueil le plus juste au salut d'un amant, - Et toute sa fierté dans mes larmes éteinte - Descendre à la prière et céder à la crainte. - Avoir su jusque-là réduire mon courroux, - Vous doit être, Seigneur, un triomphe assez doux. 1680 - Que tant d'orgueil dompté suffise pour victime. - Voudriez-vous traiter votre exemple de crime, - Et quand vous adorez qui ne vous aime pas, - D'un réciproque amour condamner les appas? - - ATTILA. - - Non, Princesse, il vaut mieux nous imiter l'un l'autre: - Vous suivez mon exemple, et je suivrai le vôtre[179]. - Vous condamniez Madame à l'hymen d'un sujet; - Remplissez au lieu d'elle un si juste projet. - Je vous l'ai déjà dit; et mon respect fidèle - A cette digne loi que vous faisiez pour elle, 1690 - N'ose prendre autre règle à punir vos mépris. - Si Valamir vous plaît, sa vie est à ce prix: - Disposez à ce prix d'une main qui m'est due. - Octar, ne perdez pas la Princesse de vue. - Vous, qui me commandez de vous donner ma foi, - Madame, allons au temple; et vous, rois, suivez-moi. - - -SCÈNE V. - -HONORIE, OCTAR. - - HONORIE. - - Tu le vois, pour toucher cet orgueilleux courage, - J'ai pleuré, j'ai prié, j'ai tout mis en usage, - Octar; et pour tout fruit de tant d'abaissement, - Le barbare me traite encor plus fièrement. 1700 - S'il reste quelque espoir, c'est toi seul qu'il regarde. - Prendras-tu bien ton temps? Tu commandes sa garde; - La nuit et le sommeil vont tout mettre en ton choix; - Et Flavie est le prix du salut de deux rois. - - OCTAR. - - Ah! Madame, Attila, depuis votre menace, 1705 - Met hors de mon pouvoir l'effet de cette audace. - Ce défiant esprit n'agit plus maintenant, - Dans toutes ses fureurs, que par mon lieutenant: - C'est par lui qu'aux deux rois il fait ôter les armes, - Et deux mots en son âme ont jeté tant d'alarmes, 1710 - Qu'exprès à votre suite il m'attache aujourd'hui, - Pour m'ôter tout moyen de m'approcher de lui. - Pour peu que je vous quitte il y va de ma vie, - Et s'il peut découvrir que j'adore Flavie.... - - HONORIE. - - Il le saura de moi, si tu ne veux agir, 1715 - Infâme, qui t'en peux excuser sans rougir: - Si tu veux vivre encor, va, cherche du courage. - Tu vois ce qu'à toute heure il immole à sa rage; - Et ta vertu, qui craint de trop paroître au jour[180], - Attend, les bras croisés, qu'il t'immole à son tour, 1720 - Fais périr, ou péris; préviens, lâche, ou succombe: - Venge toute la terre, ou grossis l'hécatombe. - Si ta gloire[181] sur toi, si l'amour ne peut rien, - Meurs en traître, et du moins sers de victime au mien. - Mais qui me rend, Seigneur, le bien de votre vue[182]? - - -SCÈNE VI. - -VALAMIR, HONORIE, OCTAR. - - VALAMIR. - - L'impatient transport d'une joie imprévue: - Notre tyran n'est plus. - - HONORIE. - - Il est mort? - - VALAMIR. - - Écoutez - Comme enfin l'ont puni ses propres cruautés, - Et comme heureusement le ciel vient de souscrire - A ce que nos malheurs vous ont fait lui prédire[183]. 1730 - A peine sortions-nous, pleins de trouble et d'horreur, - Qu'Attila recommence à saigner de fureur, - Mais avec abondance; et le sang qui bouillonne - Forme un si gros torrent, que lui-même il s'étonne. - Tout surpris qu'il en est: «S'il ne veut s'arrêter, 1735 - Dit-il, on me paiera ce qu'il m'en va coûter.» - Il demeure à ces mots sans parole, sans force; - Tous ses sens d'avec lui font un soudain divorce: - Sa gorge enfle, et du sang dont le cours s'épaissit - Le passage se ferme, ou du moins s'étrécit[184]. 1740 - De ce sang renfermé la vapeur en furie - Semble avoir étouffé sa colère et sa vie; - Et déjà de son front la funeste pâleur - N'opposoit à la mort qu'un reste de chaleur, - Lorsqu'une illusion lui présente son frère, 1745 - Et lui rend tout d'un coup la vie et la colère: - Il croit le voir suivi des ombres de six rois, - Qu'il se veut immoler une seconde fois; - Mais ce retour si prompt de sa plus noire audace - N'est qu'un dernier effort de la nature lasse, 1750 - Qui prête à succomber sous la mort qui l'atteint, - Jette un plus vif éclat, et tout d'un coup s'éteint. - C'est en vain qu'il fulmine à cette affreuse vue: - Sa rage qui renaît en même temps le tue. - L'impétueuse ardeur de ces transports nouveaux 1755 - A son sang prisonnier ouvre tous les canaux; - Son élancement perce ou rompt toutes les veines, - Et ces canaux ouverts sont autant de fontaines - Par où l'âme et le sang se pressent de sortir, - Pour terminer sa rage et nous en garantir. 1760 - Sa vie à longs ruisseaux se répand sur le sable; - Chaque instant l'affoiblit, et chaque effort l'accable; - Chaque pas rend justice au sang qu'il a versé, - Et fait grâce à celui qu'il avoit menacé. - Ce n'est plus qu'en sanglots qu'il dit ce qu'il croit dire; - Il frissonne, il chancelle, il trébuche, il expire; - Et sa fureur dernière, épuisant tant d'horreurs, - Venge enfin l'univers de toutes ses fureurs. - - -SCÈNE VII. - -ARDARIC, VALAMIR, HONORIE, ILDIONE, OCTAR. - - ARDARIC. - - Ce n'est pas tout, Seigneur; la haine générale, - N'ayant plus à le craindre, avidement s'étale; 1770 - Tous brûlent de servir sous des ordres plus doux, - Tous veulent à l'envi les recevoir de nous. - Ce bonheur étonnant que le ciel nous renvoie - De tant de nations fait la commune joie; - La fin de nos périls en remplit tous les vœux, 1775 - Et pour être tous quatre au dernier point heureux, - Nous n'avons plus qu'à voir notre flamme avouée - Du souverain de Rome et du grand Mérouée: - La princesse des Francs m'impose cette loi. - - HONORIE. - - Pour moi, je n'en ai plus à prendre que de moi. 1780 - - ARDARIC. - - Ne perdons point de temps en ce retour d'affaires: - Allons donner tous deux les ordres nécessaires, - Remplir ce trône vide, et voir sous quelles lois - Tant de peuples voudront nous recevoir pour rois[185]. - - VALAMIR. - - Me le permettez-vous, Madame? et puis-je croire. 1785 - Que vous tiendrez enfin ma flamme à quelque gloire? - - HONORIE. - - Allez; et cependant assurez-vous, Seigneur, - Que nos destins changés n'ont point changé mon cœur. - - -FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE. - - [171] Dans Voltaire: «_ni l'un ni l'autre_.» - - [172] _Var._ A jeté trop d'amorce à votre ambition. - (1668) - - [173] Voyez ci-dessus, p. 120, note 123. - - [174] C'est encore un nom emprunté à Jornandès. Dans son - _Histoire des Goths_ (chapitre XLV), c'est celui du frère de - Théodoric, roi des Visigoths, tué aux Champs catalauniques. - - [175] L'édition de Voltaire (1764) a ici une leçon qui - altère le sens: «qu'il punit par avance.» - - [176] Voyez plus haut, p. 103, note 44. - - [177] _Sanguis, qui ci solite de naribus effluebat...._ - (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XLIX.) Voyez - ci-dessus, p. 105, note 93. - - [178] Ici Voltaire (1764), bien qu'il ait laissé - ailleurs (au vers 833 par exemple) _envoyerez_, donne - _enverroient_. - - [179] Après ce vers, l'édition de 1692 donne seule le - jeu de scène suivant: _Il montre Ildione à Honorie_; et après le - vers 1694, cette même édition ajoute: _à Ildione_. - - [180] L'édition originale porte _un jour_, pour _au - jour_. - - [181] Voltaire a changé «ta gloire» en «la gloire.» - - [182] Dans l'édition de Voltaire (1764), ce vers, - précédé des mots: HONORIE _à Valamir_, commence la scène VI. - - [183] Voyez ci-dessus, p. 174, vers 1599-1604. - - [184] Ce sont les mots déjà cités de Jornandès (_de - Getarum rebus gestis_, chapitre XLIX): _Redundansque sanguis.... - dum consuetis meatibus impeditur.... eum exstinxit_. - - [185] Jornandès (_de Getarum rebus gestis_, chapitre L) - rapporte que ce fut Ardaric qui le premier, après la mort - d'Attila, se souleva contre son fils, et qui par sa défection - délivra non-seulement sa propre nation, mais encore toutes les - autres, qui étaient également opprimées. - - - - - TITE ET BÉRÉNICE - - COMÉDIE HÉROÏQUE - - 1670 - - - - -NOTICE. - - -«Henriette d'Angleterre[186], belle-sœur de Louis XIV, voulut, -dit Voltaire dans la préface de son commentaire sur la _Bérénice_ -de Racine, que Racine et Corneille fissent chacun une tragédie -des adieux de Titus et de Bérénice. Elle crut qu'une victoire -obtenue sur l'amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait -le sujet, et en cela elle ne se trompait pas; mais elle avait -encore un intérêt secret à voir cette victoire représentée sur le -théâtre: elle se ressouvenait des sentiments qu'elle avait eus -longtemps pour Louis XIV, et du goût vif de ce prince pour elle. -Le danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans -la famille royale, les noms de beau-frère et de belle-sœur, -mirent un frein à leurs désirs; mais il resta toujours dans leurs -cœurs une inclination secrète, toujours chère à l'un et à -l'autre. Ce sont ces sentiments qu'elle voulut voir développés -sur la scène, autant pour sa consolation que pour son amusement. -Elle chargea le marquis de Dangeau, confident de ses amours avec -le Roi, d'engager secrètement Corneille et Racine à travailler -l'un et l'autre sur ce sujet, qui paraissait si peu fait pour la -scène. Les deux pièces furent composées dans l'année 1670, sans -qu'aucun des deux sût qu'il avait un rival[187].» - -Déjà, dans son _Siècle de Louis XIV_[188], Voltaire avait -expliqué le caractère de cette liaison du Roi et de Madame, et -marqué d'une manière plus précise quelle avait été l'intention de -cette princesse, en imposant à nos deux plus grands poëtes -tragiques une tâche si difficile et si dangereuse: «Il y eut -d'abord entre Madame et le Roi beaucoup de ces coquetteries -d'esprit et de cette intelligence secrète, qui se remarquèrent -dans de petites fêtes souvent répétées. Le Roi lui envoyait des -vers; elle y répondait. Il arriva que le même homme fut à la fois -le confident du Roi et de Madame dans ce commerce ingénieux. -C'était le marquis de Dangeau. Le Roi le chargeait d'écrire pour -lui; et la princesse l'engageait à répondre au Roi. Il les servit -ainsi tous deux, sans laisser soupçonner à l'un qu'il fût employé -par l'autre; et ce fut une des causes de sa fortune. Cette -intelligence jeta des alarmes dans la famille royale. Le Roi -réduisit l'éclat de ce commerce à un fonds d'estime et d'amitié -qui ne s'altéra jamais. Lorsque Madame fit depuis travailler -Racine et Corneille à la tragédie de _Bérénice_, elle avait en -vue, non-seulement la rupture du Roi avec la connétable -Colonne[189], mais le frein qu'elle-même avait mis à son -propre penchant, de peur qu'il ne devînt dangereux.» - -La malheureuse princesse ne devait pas assister à la lutte -littéraire qu'elle s'était promis de juger. C'est le 30 juin 1670 -qu'elle fut frappée d'une mort inattendue, qui est demeurée un -douloureux problème pour la science et pour l'histoire. Le 21 -août Bossuet faisait retentir les voûtes de Saint-Denis de -l'éloquente oraison funèbre qui a gravé à jamais dans toutes les -mémoires le vivant souvenir de Madame, et trois mois seulement -plus tard les deux pièces qu'elle avait tout à la fois inspirées -et commandées paraissaient sur le théâtre. - -Dans de telles circonstances, elles excitèrent une curiosité bien -facile à comprendre; mais les armes étaient loin d'être égales -entre les deux champions. Aux avantages réels et incontestables -que Racine, par la nature de son talent, avait sur Corneille en -un pareil sujet[190], le hasard ou l'habileté du jeune poëte et -de ses amis en avaient ajouté d'autres. Racine, dont la pièce fut -représentée à l'hôtel de Bourgogne, fut assez heureux pour voir -le rôle de Titus rempli par Floridor, et celui de Bérénice par la -Champmeslé; de plus sa tragédie jouée le 21 novembre, huit -jours avant celle de Corneille, eut ainsi tout le temps de gagner -à l'avance la faveur du public. - -Corneille, il est vrai, paraissait être plus avant que son -concurrent dans les bonnes grâces de Robinet, qui dans ses -_Lettres en vers_ évite de se prononcer sur la pièce de Racine, -et se contente de louer la pompe du spectacle et le talent des -acteurs. C'est d'une tout autre façon qu'il parle de l'ouvrage de -Corneille. Il commence par l'annoncer avec fracas; passant en -revue dans son numéro du 22 novembre les nouvelles du jour, il -s'exprime de la sorte: - - La première en forme d'avis, - Dont maints et maints seront ravis, - Est que ce poëme de Corneille, - Sa _Bérénice_ nompareille, - Se donnera pour le certain, - Le jour de vendredi prochain, - Sur le théâtre de Molière. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . - J'ajoute encor brièvement - Qu'on doit alternativement - Jouer la grande _Bérénice_, - Qu'on loue avec tant de justice, - Et _le Gentilhomme bourgeois_. - -Toutefois le vendredi 28 novembre Robinet n'assista pas, comme on -aurait pu le croire, à la première représentation de _Tite et -Bérénice_. Il s'en explique ainsi dans son numéro du lendemain -29: - - .. Je ne puis sortir la porte - Pour une raison assez forte. - Sans cela, par un beau souci, - J'eusse été dès hier aussi - Voir le chef-d'œuvre de Corneille, - Lequel parut une merveille - A la foule qui se trouva - A ce divin poëme-là, - Que _Bérénice_ l'on appelle, - D'un bout à l'autre toute belle, - Et qu'enfin la troupe du Roi - Joue à miracle, en bonne foi, - Se signalant dans l'héroïque, - Aussi bien que dans le comique. - -Ce n'est que plus tard, dans le numéro du 20 décembre, qu'on -trouve un compte rendu détaillé de la pièce: - - La _Bérénice_ de Corneille, - Qu'on peut, sans qu'on s'en émerveille, - Dire un vrai chef-d'œuvre de l'art, - Sans aucun mais, ni si, ni car, - Est fort suivie et fort louée, - Et même à merveille jouée - Par la digne troupe du Roi, - Sur son théâtre en noble arroi. - Mademoiselle de Molière - Des mieux soutient le caractère - De cette reine dont le cœur - Témoigne un amour plein d'honneur. - Cette autre admirable chrétienne[191], - Cette rare comédienne, - Mademoiselle de Beauval, - Savante dans l'art théâtral, - Fait bien la fière Domitie; - Et Mademoiselle de Brie, - Qui tout joue agréablement - Comme judicieusement, - Y pare grandement la scène[192], - Parlant avec cette Romaine, - Qui l'entretient confidemment - Dessus l'incommode tourment - Que lui cause, au fond de son âme, - Son ambition et sa flamme. - La Thorillière fait Titus, - Empereur orné de vertus, - Et remplit, dessus ma parole, - Dignement cet auguste rôle. - De même le jeune Baron, - Héritier, ainsi que du nom, - De tous les charmes de sa mère - Et des beaux talents qu'eut son père, - Y représente, en son air doux, - Domitian, au gré de tous, - Dans l'amour tendre autant qu'extrème - Dont ladite Romaine il aime. - Enfin leurs confidents aussi, - Dont à côté les noms voici, (_Les Srs Hubert, du Croisi et la Grange._) - Y font très-bien leur personnage, - Et dans un brillant équipage. - -Environ un mois après, la pièce était représentée à Vincennes -devant la cour. C'est la _Gazette_ qui nous l'apprend en ces -termes: «Le 21, Leurs Majestés, avec lesquelles étoient -Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orléans, Mme de -Guise et la duchesse d'Enghien, allèrent au château de Vincennes, -continuer les divertissements du carnaval: y ayant eu le soir la -représentation de la _Bérénice_ du sieur Corneille, par la troupe -du Roi dans l'antichambre de la Reine, puis le bal, où les -seigneurs et les dames parurent en un ajustement des plus -superbes et des plus brillants: ce qui fut précédé d'une -très-magnifique collation et suivi d'un souper non moins -splendide.» - -Corneille ne partageait pas l'enthousiasme de Robinet, et n'était -nullement satisfait de la façon dont sa pièce avait été jouée; il -en conserva même un si pénible souvenir, que six ans plus -tard il écrivait à Louis XIV, en le remerciant d'avoir fait -reparaître certains de ses ouvrages et en le priant d'étendre à -d'autres la même faveur, que s'il daignait leur accorder quelque -attention: - - .... _Bérénice_ enfin trouveroit des acteurs. - -Avouons, du reste, que les comédiens qui jouaient dans cette -pièce devaient être assez embarrassés pour exprimer certains -sentiments factices, et même pour comprendre quelques passages -obscurs. Cizeron Rival raconte à ce sujet une anecdote[193] dont -nous n'oserions pas garantir l'exactitude, mais qui est tout à la -fois trop piquante et trop connue pour qu'il soit permis de la -passer sous silence. «M. Despréaux distinguoit ordinairement deux -sortes de galimatias: le _galimatias simple_, et le _galimatias -double_. Il appeloit galimatias simple, celui où l'auteur -entendoit ce qu'il vouloit dire, mais où les autres n'entendoient -rien; et le galimatias double, celui où l'auteur ni les lecteurs -ne pouvoient rien comprendre.... Il citoit pour exemple ces -quatre vers de la tragédie de _Tite et Bérénice_ du grand -Corneille (acte I, scène II): - - Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme, - Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme, - Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort - Puissent dans quatre jours se promettre ma mort? - -Baron, ce célèbre acteur, devoit faire le rôle de Domitian dans -cette même tragédie, et comme il étudioit son rôle, l'obscurité -des vers rapportés ci-dessus lui donna quelque peine, et il en -alla demander l'explication à Molière, chez qui il demeuroit. -Molière, après les avoir lus, lui dit qu'il ne les entendoit pas -non plus: «Mais, attendez, dit-il à Baron; M. Corneille doit -venir souper avec nous aujourd'hui, et vous lui direz qu'il vous -les explique.» Dès que Corneille arriva, le jeune Baron alla lui -sauter au cou, comme il faisoit ordinairement, parce qu'il -l'aimoit, et ensuite il le pria de lui expliquer ces quatre -vers, disant à Corneille qu'il ne les entendoit pas. Corneille, -après les avoir examinés quelque temps, dit: «Je ne les entends -pas trop bien non plus; mais récitez-les toujours: tel qui ne les -entendra pas les admirera.» - -Ce reproche d'obscurité est le principal que les critiques aient -adressé à Corneille dans les écrits composés à l'occasion des -deux tragédies. La première brochure publiée à ce sujet, -intitulée: _la Critique de Bérénice_, par l'abbé de Villars, se -rapporte entièrement à la _Bérénice_ de Racine; elle a suivi la -première représentation de très-près, et nous serions même -embarrassé par la date du 17 novembre qu'elle porte, puisque la -pièce n'est que du 21, si un adversaire de l'abbé de Villars -n'avait relevé cette erreur au commencement de sa _Réponse_[194]. -En paraissant prendre la défense de la pièce de Racine, l'abbé de -Villars fait assez finement ressortir tous les défauts qu'on y -peut trouver. «Je ne puis souffrir, dit-il en terminant, que l'on -accuse le poëte de n'entendre pas le théâtre, qu'on le blâme -d'avoir voulu entrer en lice avec Corneille, et que Monsieur -***** s'écrie: - - _Infelix puer atque impar congressus Achilli[195]._» - -Après une telle conclusion, Corneille pouvait, ce semble, attendre avec -confiance la suite de cet examen ainsi annoncée par l'abbé de Villars: -«La semaine prochaine on verra la seconde partie de cette critique, qui -est sur la _Bérénice_ du Palais-Royal[196].» Mais notre poëte dut être -fort désagréablement surpris en voyant la façon dont commence cette -«seconde partie» de _la Critique_. La muse du cothurne, dit l'auteur, «a -refusé à Corneille ses faveurs accoutumées, au lieu de lui en accorder -de nouvelles; et par un caprice impitoyable, elle l'a fait entrer en -lice avec un aventurier qui ne lui en contoit que depuis trois jours; -elle l'a abandonné à sa verve caduque au milieu de la course, et s'est -jetée du côté du plus jeune[197].» - -Notre intention n'est pas d'analyser cette critique; elle -présente fort peu d'intérêt, et l'auteur paraît surtout -occupé de refaire à sa façon le plan de l'ouvrage qu'il examine. -Contentons-nous de constater que le dénoûment de _Tite et -Bérénice_ était alors généralement approuvé. Quoique le censeur -le blâme, il convient ainsi de l'effet qu'il produisait: «Vous -m'allez dire, je le vois bien, qu'il (_Corneille_) a été loué -universellement d'avoir bien fini; qu'on dit qu'il s'est surpassé -lui-même dans le dénoûment; et que sa catastrophe a été admirée -de tout le monde, en un sujet où elle étoit si difficile[198].» - -Dans la _Réponse à la Critique de la Bérénice de Racine_, par -Subligny[199], nous n'avons rien à recueillir, si ce n'est -peut-être une fade épigramme contre Corneille, qui a tout l'air -d'être de Subligny lui-même; voici le passage où elle se trouve: -«On dit de M. Corneille qu'il a voulu copier son Tite sur notre -invincible monarque et qu'il y a très-mal réussi, comme on voit -par la comparaison qui en a été faite en vers: - - Tite, par de grands mots, nous vante son mérite; - Louis fait, sans parler, cent exploits inouïs; - Et ce que Tite dit de Tite, - C'est l'univers entier qui le dit de Louis[200].» - -_Tite et Titus ou les Bérénices_, comédie en trois actes, -imprimée à Utrecht en 1673, est une critique beaucoup plus -délicate que les précédentes des pièces de nos deux illustres -tragiques. Le Tite de Corneille avec sa Bérénice viennent -implorer Apollon contre le Titus et la Bérénice de Racine, qu'ils -traitent d'imposteurs. Les plaidoyers prononcés de part et -d'autre font bien ressortir les défauts des deux pièces et -surtout les invraisemblances et les obscurités de la tragédie de -Corneille. Après avoir vainement tenté un accommodement, Apollon -rend enfin le jugement que nous allons rapporter: «Quant au -principal, à la vérité il y a plus d'apparence que Titus et sa -Bérénice soient les véritables, que non pas que ce soient les -autres; mais pourtant, quoi qu'il en soit, et toutes choses bien -considérées, les uns et les autres auroient bien mieux fait de -se tenir au pays d'Histoire, dont ils sont originaires, que -d'avoir voulu passer dans l'empire de Poésie, à quoi ils -n'étoient nullement propres, et où, pour dire la vérité, on les a -amenés, à ce qu'il me semble, assez mal à propos[201].» - -L'édition originale de la pièce de notre poëte a pour titre: TITE -ET BÉRÉNICE. _Comédie héroïque. Par P. Corneille. A Paris, chez -Loüis Billaine, au Palais.... M.DC.LXXI, auec priuilege du -Roy...._ Le volume, de format in-12, se compose de 4 feuillets et -de 44 pages. L'Achevé d'imprimer pour la première fois est du 3e -de février 1671. Le privilége, accordé à Corneille, mentionne la -«traduction en vers françois de _Thébaïde_ de Stace,» aujourd'hui -perdue, dont nous avons déjà parlé[202] et sur laquelle nous -aurons à revenir; il porte la date du «dernier jour de décembre, -l'an de grâce mil six cens soixante-dix.» Une note qui le termine -porte que «ledit sieur Corneille a cédé son droit de Privilége à -Thomas Jolly, Guillaume de Luyne, et Louis Billaine, pour la -Comédie de _Tite et Bérénice_ seulement.» - -Contre son habitude, Corneille n'a placé en tête de cette pièce -aucun avis au lecteur, mais seulement deux extraits de Xiphilin, -l'abréviateur de Dion Cassius. Il ne cite pas ce célèbre -passage de Suétone que Racine rapporte en l'abrégeant au -commencement de sa préface: «_Titus, reginam Berenicen, cui -etiam nuptias pollicitus ferebatur.... statim ab Urbe dimisit -invitus invitam_[203] C'est-à-dire que Titus, qui aimoit -passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu'on croyoit, lui -avoit promis de l'épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et -malgré elle, dès les premiers jours de son empire.» - -Ce mot que Racine rappelle ici, il ne l'a pas imité, tandis qu'on -lit dans la dernière scène de la pièce de Corneille: - - L'amour peut-il se faire une si dure loi? - --La raison me la fait malgré vous, malgré moi. - -La préface de Racine contient plus d'un passage qu'on pourrait -regarder, que l'auteur y ait pensé ou non, comme une allusion -désobligeante à l'ouvrage de son concurrent. Corneille avait cru -devoir ajouter des épisodes au sujet qui lui avait été donné: «Ce -qui m'en plut davantage, dit au contraire Racine, c'est que je le -trouvai extrêmement simple;» et il ajoute: «Il y en a qui pensent -que cette simplicité est une marque de peu d'invention. Ils ne -songent pas qu'au contraire toute l'invention consiste à faire -quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d'incidents a -toujours été le refuge des poëtes qui ne sentoient dans leur -génie ni assez d'abondance ni assez de force pour attacher durant -cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de -la violence des passions, de la beauté des sentiments et de -l'élégance de l'expression. Je suis bien éloigné de croire que -toutes ces choses se rencontrent dans mon ouvrage; mais aussi je -ne puis croire que le public me sache mauvais gré de lui avoir -donné une tragédie qui a été honorée de tant de larmes, et dont -la trentième représentation a été aussi suivie que la première.» - -Faire sonner si haut ces trente représentations si bien suivies, -c'était, à dessein ou non je le répète, appeler l'attention sur le peu -de succès de _Tite et Bérénice_, qui ne fut joué en tout que vingt et -une fois. L'ensemble de ces vingt et une représentations produisit une -somme totale de quinze mille trois cent soixante-seize livres dix sous, -qui se trouva fort inégalement répartie; car si la première recette fut -de dix-neuf cent treize livres dix sous, la dernière ne fut plus que de -deux cent six livres dix sous; encore faut-il remarquer que Molière -avait pris soin de faire jouer une seconde pièce avec celle de -Corneille à chacune des quatre dernières représentations, pour tâcher -d'attirer un peu plus de monde. Les registres de Lagrange, d'où sont -tirés ces renseignements, nous en fournissent encore un autre plus -précieux: ils nous font connaître le montant de la somme touchée par -Corneille. On y lit sous la date du 28 novembre 1670: «_Bérénice_, pièce -nouvelle de M. de Corneille l'aîné, dont on lui a payé deux mille -livres.» - -Outre cette interprétation maligne à laquelle peut se prêter la -préface de Racine, il semble qu'on puisse découvrir ou du moins -soupçonner une intention du même genre dans une des scènes de sa -tragédie même. Tite s'exprime ainsi chez Corneille (acte III, -scène V, vers 1027-1034): - - Eh bien! Madame, il faut renoncer à ce titre (_d'empereur_), - Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre. - Allons dans vos États m'en donner un plus doux; - Ma gloire la plus haute est celle d'être à vous. - Allons où je n'aurai que vous pour souveraine, - Où vos bras amoureux seront ma seule chaîne, - Où l'hymen en triomphe à jamais l'étreindra; - Et soit de Rome esclave et maître qui voudra! - -Titus, au contraire, dit chez Racine (acte V, scène VI): - - Je dois vous épouser encor moins que jamais: - Oui, Madame; et je dois moins encore vous dire - Que je suis prêt, pour vous, d'abandonner l'empire, - De vous suivre, et d'aller, trop content de mes fers, - Soupirer avec vous au bout de l'univers. - Vous-même rougiriez de ma lâche conduite: - Vous verriez à regret marcher à votre suite - Un indigne empereur, sans empire, sans cour, - Vil spectacle aux humains des foiblesses d'amour. - -Est-ce un simple hasard qui a produit entre le langage de Tite et -celui de Titus une opposition si vivement marquée? On pourrait -être tenté d'en douter; car il n'est pas absolument impossible -qu'une indiscrétion ait fait connaître à Racine ce passage de la -pièce de son rival, et qu'il se soit plu à réfuter d'avance les -idées qui y sont exprimées. - - [186] Henriette-Anne d'Angleterre, fille de Charles Ier, - roi d'Angleterre, et de Henriette-Marie de France, fille de Henri - IV; née à Exeter en 1644, mariée en 1661 à Philippe d'Orléans, - frère de Louis XIV, morte en 1670. - - [187] Fontenelle raconte le même fait, mais beaucoup - plus brièvement. Toutefois comme il est, à notre connaissance, le - premier qui en ait parlé, nous croyons utile de reproduire ici - son témoignage: «_Bérénice_ fut un duel dont tout le monde sait - l'histoire. Une princesse, fort touchée des choses d'esprit et - qui eût pu les mettre à la mode dans un pays barbare, eut besoin - de beaucoup d'adresse pour faire trouver les deux combattants sur - le champ de bataille, sans qu'ils sussent où on les menoit. Mais - à qui demeura la victoire? Au plus jeune.» (_Vie de Corneille_ - dans l'_Histoire de l'Académie françoise_ de Pellisson, publiée - par l'abbé d'Olivet en 1729, in-4º, p. 195.) En 1742, lorsque la - _Vie de Corneille_ parut pour la première fois dans les _Œuvres - de Fontenelle_, le passage que nous venons de citer ne subit - qu'un fort léger changement: «Feue Madame, princesse,» au lieu de - «une princesse.» (Tome III, p. 116 et 117.) Du reste, dans l'une - et l'autre publication, le mot _princesse_ est expliqué par cette - note au bas de la page: «Henriette-Anne d'Angleterre.» En 1747, - Louis Racine, dans ses _Mémoires_, rappelle fort sommairement le - même fait; il dit en parlant de _Bérénice_: «M. de Fontenelle, - dans la _Vie de Corneille_, son oncle, nous dit que _Bérénice_ - fut un duel.... Une princesse fameuse par son esprit et par son - amour pour la poésie avait engagé les deux rivaux à traiter le - même sujet.» (Pages 87 et 88.) - - [188] Chapitre XXV. - - [189] Marie Mancini, nièce du cardinal Mazarin, née à - Rome en 1639, épousa en 1661 le prince Colonna, connétable de - Naples; elle mourut vers 1715. Dans la tragédie de Racine (acte - IV, scène V), Bérénice dit à Titus: - - Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez! - - Au sujet de cette parole, on lit parmi les notes de Voltaire, qui - dans son _Théâtre de Corneille_ a commenté les pièces des deux - poëtes rivaux, la remarque suivante: «Ce vers si connu faisait - allusion à cette réponse de Mlle Mancini à Louis XIV: «Vous - m'aimez, vous êtes roi, vous pleurez, et je pars!» - - [190] «Pierre du Ryer, dit Jolly dans son - _Avertissement_ du _Théâtre de P. Corneille_ (p. LXX), fit - imprimer, en 1645, _Bérénice_, tragi-comédie en prose.» C'est - sans doute ce qui a amené l'auteur du _Dictionnaire portatif des - théâtres_ à dire: «Outre la tragédie de _Tite et Bérénice_ de - Pierre Corneille, ce sujet en a fourni deux autres sous le titre - simple de _Bérénice_: l'une de du Ryer, donnée en 1645, et qui - est en prose, et l'autre de l'illustre Racine.» Rien n'est plus - faux que cette assertion. La _Bérénice_ de du Ryer est un sujet - purement romanesque remis au théâtre en 1657 par Thomas - Corneille, sous le même titre de _Bérénice_. - - [191] Ce n'est pas simplement pour la rime, comme on - pourrait être tenté de le croire, que Robinet donne cette qualité - à Mlle de Beauval; il se préoccupe toujours beaucoup des - sentiments religieux des personnes de théâtre, et annonçant dans - son numéro du 6 décembre de la même année la mort d'une autre - actrice, il nous dit: - - Cette illustre comédienne, - Et non moins illustre chrétienne, - Par son décès des plus pieux, - Qui fait croire que dans les cieux - On aura colloqué son âme, - De de Villiers étoit la femme, - Qui fut aussi tout singulier - Dedans le comique métier, - Composant même en vers et prose, - Mais maintenant il se repose, - Faisant, je crois, tout ce qu'il faut - Pour monter à son tour là-haut. - - [192] Dans le rôle de Plautine, confidente de Domitie. - - [193] _Récréations littéraires ou Anecdotes et remarques - sur différents sujets_, recueillies par M. C. R*** (Cizeron - Rival). Paris et Lyon, 1765, in-12, p. 67-69. - - [194] _Recueil de dissertations_.... publié par Granet, - tome II, p. 223. - - [195] Virgile, _Énéide_, livre I, vers 475. - - [196] _Recueil_ de Granet, tome II, p. 206 et 207. - - [197] _Ibidem_, p. 209. - - [198] _Recueil de dissertations_.... publié par Granet, - tome II, p. 219. - - [199] _Ibidem_, tome II, p. 223 et suivantes. - - [200] _Ibidem_, tome II, p. 242 et 243. - - [201] _Recueil_ de Granet, tome II, p. 311 et - 312.--L'histoire en effet nous montre Bérénice, fille d'Agrippa, - roi de Judée, née l'an 28 de Jésus-Christ, comme une femme - corrompue, qui, après avoir épousé d'abord son oncle Hérode, roi - de Chalcis, puis Polémon, roi de Cilicie, lequel s'était fait - juif pour elle, fut répudiée par lui, à cause des débordements - auxquels elle se livrait. Titus, parvenu à l'empire à trente-neuf - ans, jugea indispensable de s'en séparer; elle était alors âgée - de cinquante et un ans. Il y a loin de là à l'héroïne de - Corneille et de Racine. On a prétendu il est vrai que la Bérénice - de Titus était une nièce de celle dont nous venons de parler, - mais cette interprétation ne s'est pas accréditée. Voyez le - _Dictionnaire historique_ de Bayle au nom de _Bérénice_, et la - _Dissertation sur Bérénice_, par M. Rey, dans les _Mémoires de la - Société des antiquaires de France_, nouvelle série, tome I, p. - 235 et suivantes. - - [202] Voyez l'_Avertissement_, tome I, p. XIII et XIV. - - [203] Suétone, _Vie de Titus_, chapitre VII. - - - - -EXTRAIT DE XIPHILIN - - -XIPHILINUS EX DIONE - -IN VESPASIANO, - -GUILLELMO BLANCO INTERPRETE[204]. - - -Vespasianus a senatu absens imperator creatur, Titusque et -Domitianus Cæsares designantur. - -Domitianus animum ad amorem Domitiæ filiæ Corbulonis -applicaverat, eamque, a Lucio Lamio Æmiliano viro ejus abductam, -secum habebat in numero amicarum, eamdemque postea uxorem duxit. - -Per id tempus Berenice maxime florebat, ob eamque causam cum -Agrippa fratre Romam venit. Is prætoriis honoribus auctus est; -ipsa habitavit in palatio, cœpitque cum Tito coire. Spes -erat eam Tito nuptum iri; jam enim omnia, ut si esset uxor, -gerebat. Sed Titus, quum intelligeret populum Romanum id moleste -ferre, eam repudiavit, præsertim quod de iis rebus magni -rumores[205] perferrentur. - - -IN TITO. - -Titus, ex quo tempore principatum solus obtinuit, nec cædes -fecit, nec amoribus inservivit; sed comis, quamvis insidiis -peteretur, et continens, Berenice licet in urbem reversa, fuit. - -Titus moriens se unius tantum rei pœnitere dixit: id autem quid -esset non aperuit, nec quisquam certo novit, aliud aliis -conjicientibus. Constans fama fuit, ut nonnulli tradunt, quod -Domitiam uxorem fratris habuisset. Alii putant, quibus ego -assentior, quod Domitianum, a quo certo sciebat sibi insidias -parari, non interfecisset, sed id ab eo pati maluisset, et quod -traderet imperium romanum tali viro. - - [204] L'abrégé de l'histoire de Dion Cassius par - Xiphilin a été imprimé pour la première fois en 1551, par Robert - Estienne, avec la traduction latine de Guillaume Blanc d'Alby, en - un volume in-4º. Il y a entre les extraits de Corneille et le - texte de 1551 deux ou trois différences insignifiantes, qu'il est - inutile de relever. Les phrases qu'il cite ne se suivent pas dans - Xiphilin: elles se trouvent aux p. 159, 160, 163, 164, 165, 169, - de l'édition princeps de Robert Estienne. En 1589 a paru chez - Lucas Bregel, à Paris, la traduction du même ouvrage par Antoine - Canque, «conseiller du Roy au siege presidial de Clermont en - Auvergne.» Nous en extrayons les passages qui correspondent à - ceux que Corneille a cités: - - «Estans les choses en tel estat, Vespasien fut par le Senat - declaré Empereur, et Titus et Domitianus Cæsars.... - - «Domitianus.... se tenoit la pluspart du temps en sa maison au - pont d'Alba, estant du tout affollé et asserui de l'amour de - Domitia fille de Corbulo, laquelle il auoit enleuee par force à - son mary Lucius Lamius Æmilianus, et pour lors il la tenoit - seulement auec luy comme sa concubine, mais du depuis il - l'espousa.... - - «En ce temps aussi le renom et bruict de Berenice estoit grand: - elle s'en alla à Rome en la compagnie de son frere Agrippa, auquel - on donna la dignité honoraire de Preteur, et elle eut pour sa - maison et demeure le Palais, où Titus l'entretenoit, et cuidoit-on - qu'il la deut espouser, car desia elle se comportoit comme son - espouse et femme legitime, mais Titus ayant senty le vent que les - Romains estoient malcontens de telles choses la renuoya en son - pays: aussi murmuroit-on fort à Rome de leur accointance.» - - * * * * * - - «Tout le temps que Titus iouyt seul de l'Empire se passa sans - meurtres et effusion de sang, il ne commit aucun acte par lequel - on peut iuger qu'il se laissast plus aller aux passions d'Amour. - Tellement que iaçoit qu'on luy eut machiné trahisons, il se - monstra neantmoins tousiours doux et clement mesmes enuers les - trahistres, et Berenice estant derechef venuë à Rome il se monstra - homme chaste et continent.... - - «Comme Titus rendit l'esprit, il dit qu'il auoit commis vn seul - peché duquel il se repentoit, mais il ne declaira pas quel, ny - personne ne le peut oncques asseurement sçauoir, les vns imaginans - vne chose, les autres vne autre[204-a]. On tient pour asseuré, à - ce que aucuns disent, qu'il se repentit d'auoir entretenu la femme - de son frere nommée Domitia: les autres, ausquels i'adioute foy, - de ce qu'ayant surprins Domitianus en manifeste trahison contre - luy, il ne l'auoit pas occis, ains auoit plustost choisi de - souffrir le malheur qui luy estoit aduenu, que de le faire tuer. - Ou bien de ce qu'il laissoit l'Empire Romain entre les mains d'vn - homme tel....» - - [204-a] Suétone, dans sa _Vie de Titus_, chapitre X, parle - aussi de ce regret de Titus mourant, et rejette, comme Xiphilin, - la première interprétation: _Suspexisse dicitur.... cœlum, - multumque conquestus eripi sibi_ _vitam immerenti: neque enim - exstare ullum suum factum pænitendum, excepto duntaxat uno. Id - quale fuerit, neque ipse tunc prodidit, neque cuiquam facile - succurrat. Quidam opinantur consuetudinem recordatum quam cum - fratris uxore habuerit; sed nullam habuisse persancte Domitia - jurabat, haud negatura, si qua omnino fuisset; imo etiam - gloriatura, quod illi promptissimum erat in omnibus probris._ - - [205] L'édition de 1679 a la faute étrange de _numero_, - pour _rumores_. - - * * * * * - - -LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES -DE _TITE ET BÉRÉNICE_. - - ÉDITIONS SÉPARÉES. - - 1671 in-12; | 1679 in-12. - - - RECUEIL. - - 1682 in-12[206]. - - [206] Le recueil de 1668 se termine par _Attila_. - - - - -ACTEURS[207]. - - - TITE, empereur de Rome, et amant de Bérénice. - DOMITIAN, frère de Tite, et amant de Domitie. - BÉRÉNICE, reine d'une partie de la Judée. - DOMITIE, fille de Corbulon. - PLAUTINE, confidente de Domitie. - FLAVIAN, confident de Tite. - ALBIN, confident de Domitian. - PHILON, ministre d'État, confident de Bérénice. - - -La scène est à Rome, dans le palais impérial. - - [207] La _Notice_ et les extraits qui précèdent - renferment les renseignements nécessaires sur les quatre premiers - personnages, qui appartiennent à l'histoire; les autres sont - d'invention. - - - - -TITE ET BÉRÉNICE. - -COMÉDIE HÉROÏQUE. - - - - -ACTE I. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -DOMITIE, PLAUTINE. - - DOMITIE. - - Laisse-moi mon chagrin, tout injuste qu'il est: - Je le chasse, il revient; je l'étouffe, il renaît[208]; - Et plus nous approchons de ce grand hyménée, - Plus en dépit de moi je m'en trouve gênée. - Il fait toute ma gloire, il fait tous mes désirs: 5 - Ne devroit-il pas faire aussi tous mes plaisirs[209]? - Depuis plus de six mois la pompe s'en apprête, - Rome s'en fait d'avance en l'esprit une fête, - Et tandis qu'à l'envi tout l'empire l'attend, - Mon cœur dans tout l'empire est le seul mécontent. 10 - - PLAUTINE. - - Que trouvez-vous, Madame, ou d'amer ou de rude - A voir qu'un tel bonheur n'ait plus d'incertitude? - Et quand dans quatre jours vous devez y monter, - Quel importun chagrin pouvez-vous écouter? - Si vous n'en êtes pas tout à fait la maîtresse, 15 - Du moins à l'Empereur cachez cette tristesse: - Le dangereux soupçon de n'être pas aimé - Peut le rendre à l'objet dont il fut trop charmé. - Avant qu'il vous aimât, il aimoit Bérénice; - Et s'il n'en put alors faire une impératrice, 20 - A présent il est maître, et son père au tombeau - Ne peut plus le forcer d'éteindre un feu si beau. - - DOMITIE. - - C'est là ce qui me gêne, et l'image importune - Qui trouble les douceurs de toute ma fortune: - J'ambitionne et crains l'hymen d'un empereur 25 - Dont j'ai lieu de douter si j'aurai tout le cœur. - Ce pompeux appareil, où sans cesse il ajoute, - Recule chaque jour un nœud qui le dégoûte. - Il souffre chaque jour que le gouvernement - Vole ce qu'à me plaire il doit d'attachement; 30 - Et ce qu'il en étale agit d'une manière - Qui ne m'assure point d'une âme toute entière. - Souvent même, au milieu des offres de sa foi, - Il semble tout à coup qu'il n'est pas avec moi, - Qu'il a quelque plus douce ou noble inquiétude. 35 - Son feu de sa raison est l'effet et l'étude; - Il s'en fait un plaisir bien moins qu'un embarras, - Et s'efforce à m'aimer; mais il ne m'aime pas. - - PLAUTINE. - - A cet effort pour vous qui pourroit le contraindre? - Maître de l'univers, a-t-il un maître à craindre? 40 - - DOMITIE. - - J'ai quelques droits, Plautine, à l'empire romain. - Que le choix d'un époux peut mettre en bonne main: - Mon père, avant le sien élu pour cet empire, - Préféra.... Tu le sais, et c'est assez t'en dire[210]. - C'est par cet intérêt qu'il m'apporte sa foi; 45 - Mais pour le cœur, te dis-je, il n'est pas tout à moi. - - PLAUTINE. - - La chose est bien égale, il n'a pas tout le vôtre: - S'il aime un autre objet, vous en aimez un autre; - Et comme sa raison vous donne tous ses vœux, - Votre ardeur pour son rang fait pour lui tous vos feux. - - DOMITIE. - - Ne dis point qu'entre nous la chose soit égale. - Un divorce avec moi n'a rien qui le ravale: - Sans avilir son sort, il me renvoie au mien; - Et du rang qui lui reste, il ne me reste rien. - - PLAUTINE. - - Que ce que vous avez d'ambitieux caprice, 55 - Pardonnez-moi ce mot, vous fait un dur supplice! - Le cœur rempli d'amour, vous prenez un époux, - Sans en avoir pour lui, sans qu'il en ait pour vous. - Aimez pour être aimée, et montrez-lui vous-même, - En l'aimant comme il faut, comme il faut qu'il vous aime; - Et si vous vous aimez, gagnez sur vous ce point - De vous donner entière, ou ne vous donnez point. - - DOMITIE. - - Si l'amour quelquefois souffre qu'on le contraigne, - Il souffre rarement qu'une autre ardeur l'éteigne; - Et quand l'ambition en met l'empire à bas, 65 - Elle en fait son esclave, et ne l'étouffe pas. - Mais un si fier esclave, ennemi de sa chaîne, - La secoue à toute heure, et la porte avec gêne, - Et maître de nos sens, qu'il appelle au secours, - Il échappe souvent, et murmure toujours. 70 - Veux-tu que je te fasse un aveu tout sincère? - Je ne puis aimer Tite, ou n'aimer pas son frère; - Et malgré cet amour, je ne puis m'arrêter - Qu'au degré le plus haut où je puisse monter. - Laisse-moi retracer ma vie en ta mémoire: 75 - Tu me connois assez pour en savoir l'histoire; - Mais tu n'as pu connoître, à chaque événement, - De mon illustre orgueil quel fut le sentiment. - En naissant, je trouvai l'empire en ma famille. - Néron m'eut pour parente, et Corbulon pour fille[211]; 80 - Et le bruit qu'en tous lieux fit sa haute valeur, - Autant que ma naissance enfla mon jeune cœur. - De l'éclat des grandeurs par là préoccupée, - Je vis d'un œil jaloux Octavie et Poppée[212]; - Et Néron, des mortels et l'horreur et l'effroi, 85 - M'eût paru grand héros, s'il m'eût offert sa foi. - Après tant de forfaits et de morts entassées, - Les troupes du Levant, d'un tel monstre lassées, - Pour César en sa place élurent Corbulon. - Son austère vertu rejeta ce grand nom: 90 - Un lâche assassinat en fut le prompt salaire[213]. - Mais mon orgueil, sensible à ces honneurs d'un père, - Prit de tout autre rang une assez forte horreur - Pour me traiter dans l'âme en fille d'empereur. - Néron périt enfin. Trois empereurs de suite[214] 95 - Virent de leur fortune une assez prompte fuite. - L'Orient de leurs noms fut à peine averti, - Qu'il fit Vespasian chef d'un plus fort parti. - Le ciel l'en avoua: ce guerrier magnanime - Par Tite, son aîné, fit assiéger Solyme; 100 - Et tandis qu'en Égypte il prit d'autres emplois, - Domitian ici vint dispenser ses lois. - Je le vis et l'aimai. Ne blâme point ma flamme: - Rien de plus grand que lui n'éblouissoit mon âme; - Je ne voyois point Tite, un hymen me l'ôtoit; 105 - Mille soupirs aidoient au rang qui me flattoit. - Pour remplir tous nos vœux nous n'attendions qu'un père: - Il vint, mais d'un esprit à nos vœux si contraire, - Que quoi qu'on lui pût dire, on n'en put arracher - Ce qu'attendoit un feu qui nous étoit si cher. 110 - On n'en sut point la cause; et divers bruits coururent, - Qui tous à notre amour également déplurent. - J'en eus un long chagrin. Tite fit tôt après - De Bérénice à Rome admirer les attraits. - Pour elle avec Martie il avoit fait divorce[215]; 115 - Et cette belle reine eut sur lui tant de force, - Que pour montrer à tous sa flamme, et hautement, - Il lui fit au palais prendre un appartement[216]. - L'Empereur, bien qu'en l'âme il prévît quelle haine - Concevroit tout l'État pour l'époux d'une reine, 120 - Sembla voir cet amour d'un œil indifférent, - Et laisser un cours libre aux flots de ce torrent. - Mais sous les vains dehors de cette complaisance, - On ménagea ce prince avec tant de prudence, - Qu'en dépit de son cœur, que charmoient tant d'appas, - Il l'obligea lui-même à revoir ses États. - A peine je le vis sans maîtresse et sans femme, - Que mon orgueil vers lui tourna toute mon âme; - Et s'étant emparé des plus doux de mes soins, - Son frère commença de me plaire un peu moins: 130 - Non qu'il ne fût toujours maître de ma tendresse, - Mais je la regardois ainsi qu'une foiblesse, - Comme un honteux effet d'un amour éperdu - Qui me voloit un rang que je me croyois dû. - Tite à peine sur moi jetoit alors la vue: 135 - Cent fois avec douleur je m'en suis aperçue; - Mais ce qui consoloit ce juste et long ennui, - C'est que Vespasian me regardoit pour lui. - Je commençois pourtant à n'en plus rien attendre, - Quand je vis en ses yeux quelque chose de tendre; 140 - Il me rendit visite, et fit tout ce qu'on fait - Alors qu'on veut aimer, ou qu'on aime en effet. - Je veux bien t'avouer que j'y crus du mystère, - Qu'il ne me disoit rien que par l'ordre d'un père; - Mais qui ne pencheroit à s'en désabuser, 145 - Lorsque, ce père mort, il songe à m'épouser? - Toi qui vois tout mon cœur, juge de son martyre: - L'ambition l'entraîne, et l'amour le déchire. - Quand je crois m'être mise au-dessus de l'amour, - L'amour vers son objet me ramène à son tour: 150 - Je veux régner, et tremble à quitter ce que j'aime, - Et ne me saurois voir d'accord avec moi-même. - - PLAUTINE. - - Ah! si Domitian devenoit empereur, - Que vous auriez bientôt calmé tout ce grand cœur! - Que bientôt.... Mais il vient. Ce grand cœur en soupire! - - DOMITIE. - - Hélas! plus je le vois, moins je sais que lui dire. - Je l'aime, et le dédaigne; et n'osant m'attendrir, - Je me veux mal des maux que je lui fais souffrir. - - -SCÈNE II. - -DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE. - - DOMITIAN. - - Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme, - Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme, 160 - Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort - Puissent dans quatre jours se promettre ma mort[217]? - - DOMITIE. - - Ce qu'on m'offre, Seigneur, me feroit peu d'envie, - S'il en coûtoit à Rome une si belle vie; - Et ce n'est pas un mal qui vaille en soupirer 165 - Que de faire une perte aisée à réparer. - - DOMITIAN. - - Aisée à réparer! Un choix qui m'a su plaire, - Et qui ne plaît pas moins à l'Empereur mon frère, - Charme-t-il l'un et l'autre avec si peu d'appas - Que vous sachiez leur prix[218], et le mettiez si bas? 170 - - DOMITIE. - - Quoi qu'on ait pour soi-même ou d'amour ou d'estime, - Ne s'en croire pas trop n'est pas faire un grand crime. - Mais n'examinons point en cet excès d'honneur - Si j'ai quelque mérite, ou n'ai que du bonheur. - Telle que je puis être, obtenez-moi d'un frère. 175 - - DOMITIAN. - - Hélas! si je n'ai pu vous obtenir d'un père, - Si même je ne puis vous obtenir de vous, - Qu'obtiendrai-je d'un frère amoureux et jaloux? - - DOMITIE. - - Et moi, résisterai-je à sa toute-puissance, - Quand vous n'y répondez qu'avec obéissance? 180 - Moi qui n'ai sous les cieux que vous seul pour soutien, - Que puis-je contre lui, quand vous n'y pouvez rien? - - DOMITIAN. - - Je ne puis rien sans vous, et pourrois tout, Madame, - Si je pouvois encor m'assurer de votre âme. - - DOMITIE. - - Pouvez-vous en douter, après deux ans de pleurs 185 - Qu'à vos yeux j'ai donnés à nos communs malheurs? - Durant un déplaisir si long et si sensible - De voir toujours un père à nos vœux inflexible. - Ai-je écouté quelqu'un de tant de soupirants - Qui m'accabloient partout de leurs regards mourants? - Quel que fût leur amour, quel que fût leur mérite.... - - DOMITIAN. - - Oui, vous m'avez aimé jusqu'à l'amour de Tite. - Mais de ces soupirants qui vous offroient leur foi - Aucun ne vous eût mise alors si haut que moi; - Votre âme ambitieuse à mon rang attachée 195 - N'en voyoit point en eux dont elle fût touchée: - Ainsi de ces rivaux aucun n'a réussi. - Mais les temps sont changés, Madame, et vous aussi. - - DOMITIE. - - Non, Seigneur: je vous aime, et garde au fond de l'âme - Tout ce que j'eus pour vous de tendresse et de flamme: - L'effort que je me fais me tue autant que vous; - Mais enfin l'Empereur veut être mon époux. - - DOMITIAN. - - Ah! si vous n'acceptez sa main qu'avec contrainte, - Venez, venez, Madame, autoriser ma plainte. - L'Empereur m'aime assez pour quitter vos liens, 205 - Quand je lui porterai vos vœux avec les miens. - Dites que vous m'aimez, et que tout son empire.... - - DOMITIE. - - C'est ce qu'à dire vrai j'aurai peine à lui dire, - Seigneur; et le respect qui n'y peut consentir.... - - DOMITIAN. - - Non, votre ambition ne se peut démentir. 210 - Ne la déguisez plus, montrez-la toute entière, - Cette âme que le trône a su rendre si fière, - Cette âme dont j'ai fait les plaisirs les plus doux, - Cette âme.... - - DOMITIE. - - Voyez-la cette âme toute à vous, - Voyez-y tout ce feu que vous y fîtes naître; 215 - Et soyez satisfait, si vous le pouvez être. - Je ne veux point, Seigneur, vous le dissimuler, - Mon cœur va tout à vous quand je le laisse aller; - Mais sans dissimuler j'ose aussi vous le dire, - Ce n'est pas mon dessein qu'il m'en coûte l'empire; 220 - Et je n'ai point une âme à se laisser charmer - Du ridicule honneur de savoir bien aimer. - La passion du trône est seule toujours belle, - Seule à qui l'âme doive une ardeur immortelle. - J'ignorois de l'amour quel est le doux poison, 225 - Quand elle s'empara de toute ma raison. - Comme elle est la première, elle est la dominante. - Non qu'à trahir l'amour je ne me violente; - Mais il est juste enfin que des soupirs secrets - Me punissent d'aimer contre mes intérêts. - Daignez donc voir, Seigneur, quelle route il faut prendre - Pour ne point m'imposer la honte de descendre. - Tout mon cœur vous préfère à cet heureux rival; - Pour m'avoir toute à vous, devenez son égal. - Vous dites qu'il vous aime; et je ne puis le croire[219], 235 - Si je ne vois sur vous un rayon de sa gloire. - On vous a vus tous deux sortir d'un même flanc; - Ayez mêmes honneurs ainsi que même sang. - Dites-lui que le droit qu'a ce sang à l'empire[220].... - - DOMITIAN. - - C'est là ce qu'à mon tour j'aurai peine à lui dire, 240 - Madame; et le devoir qui n'y peut consentir.... - - DOMITIE. - - A mes vives douleurs daignez donc compatir, - Seigneur: j'achète assez le rang d'impératrice, - Sans qu'un reproche injuste augmente mon supplice. - - DOMITIAN. - - Eh bien! dans cet hymen, qui n'en a que pour moi, 245 - J'applaudirai moi-même à votre peu de foi; - Je dirai que le ciel doit à votre mérite.... - - DOMITIE. - - Non, Seigneur; faites mieux, et quittez qui vous quitte; - Rome a mille beautés dignes de votre cœur; - Mais dans toute la terre il n'est qu'un empereur. 250 - Si mon père avoit eu les sentiments du vôtre, - Je vous aurois donné ce que j'attends d'un autre; - Et ma flamme en vos mains eût mis sans balancer - Le sceptre qu'en la mienne il auroit dû laisser. - Laissez à son défaut suppléer la fortune, 255 - Et n'ayez pas une âme assez basse et commune - Pour s'opposer au ciel qui me rend par autrui - Ce que trop de vertu me fit perdre par lui. - Pour peu que vous m'aimiez, aimez mes avantages: - Il n'est point d'autre amour digne des grands courages. - Voilà toute mon âme. Après cela, Seigneur, - Laissez-moi m'épargner les troubles de mon cœur. - Un plus long entretien ne pourroit rien produire - Qui ne pût malgré moi vous déplaire ou me nuire. - - -SCÈNE III. - -DOMITIAN, ALBIN. - - ALBIN. - - Elle se défend bien, Seigneur; et dans la cour.... 265 - - DOMITIAN. - - Aucun n'a plus d'esprit, Albin, et moins d'amour. - J'admire, ainsi que toi, dans ce qu'elle m'oppose, - Son adresse à défendre une mauvaise cause; - Et si pour m'assurer que son cœur n'est qu'à moi, - Tant d'esprit agissoit en faveur de sa foi; 270 - Si sa flamme au secours appliquoit cette adresse, - L'Empereur convaincu me rendroit ma maîtresse. - - ALBIN. - - Cependant n'est-ce rien que ce cœur soit à vous? - - DOMITIAN. - - D'un bonheur si mal sûr je ne suis point jaloux, - Et trouve peu de jour à croire qu'elle m'aime, 275 - Quand elle ne regarde et n'aime que soi-même. - - ALBIN. - - Seigneur, s'il m'est permis de parler librement, - Dans toute la nature aime-t-on autrement? - L'amour-propre est la source en nous de tous les autres: - C'en est le sentiment qui forme tous les nôtres; 280 - Lui seul allume, éteint, ou change nos desirs: - Les objets de nos vœux le sont de nos plaisirs. - Vous-même, qui brûlez d'une ardeur si fidèle, - Aimez-vous Domitie, ou vos plaisirs en elle? - Et quand vous aspirez à des liens si doux, 285 - Est-ce pour l'amour d'elle, ou pour l'amour de vous? - De sa possession l'aimable et chère idée - Tient vos sens enchantés et votre âme obsédée; - Mais si vous conceviez quelques destins meilleurs, - Vous porteriez bientôt toute cette âme ailleurs. 290 - Sa conquête est pour vous le comble des délices; - Vous ne vous figurez ailleurs que des supplices: - C'est par là qu'elle seule a droit de vous charmer; - Et vous n'aimez que vous, quand vous croyez l'aimer[221]. - - DOMITIAN. - - En l'état où je suis, les maux dont je soupire 295 - M'ôtent la liberté de te rien contredire; - Cherchons-en le remède, au lieu de raisonner - Sur l'amour où le ciel se plaît à m'obstiner. - N'est-il point de secret, n'est-il point d'artifice?... - - ALBIN. - - Oui, Seigneur, il en est. Rappelons Bérénice; 300 - Sous le nom de César pratiquons son retour, - Qui retarde l'hymen et suspende l'amour. - - DOMITIAN. - - Que je verrois, Albin, ma volage punie, - Si de ces grands apprêts pour la cérémonie, - Que depuis si longtemps on dresse à si grand bruit, 305 - Elle n'avoit que l'ombre, et qu'une autre[222] eût le fruit! - Qu'elle seroit confuse! et que j'aurois de joie! - Mais il faut que le ciel lui-même la renvoie, - Cette belle rivale; et tout notre discours - Ne la sauroit ici rendre dans quatre jours. 310 - - ALBIN. - - N'importe: en l'attendant préparons sa victoire; - Dans l'esprit d'un rival ranimons sa mémoire; - Retraçons à ses yeux l'image du passé, - Et profitons par là du cœur embarrassé[223]. - N'y perdez point de temps: allez, sans plus rien taire, - Tâter jusqu'en ce cœur les tendresses de frère. - Si vous ne l'emportez, il pourra s'ébranler; - S'il ne rompt cet hymen, il pourra reculer: - Je me trompe, ou son âme y penche d'elle-même. - S'il s'émeut, redoublez; dites que l'on vous aime; 320 - Dites qu'un pur respect contraint avec ennui - Une âme toute à vous à se donner à lui. - S'il se trouble, achevez: parlez de Bérénice, - De tant d'amour qu'il traite avec tant d'injustice. - Pour lui donner le temps de venir au secours, 325 - Nous aurons quatre mois au lieu de quatre jours. - - DOMITIAN. - - Mais j'aime Domitie; et lui parler contre elle, - C'est me mettre au hasard d'irriter l'infidèle. - Ne me condamne point, Albin, à la trahir, - A joindre à ses mépris le droit de me haïr: 330 - En vain je veux contre elle écouter ma colère; - Toute ingrate qu'elle est, je tremble à lui déplaire[224]. - - ALBIN. - - Seigneur, quelle mesure avez-vous à garder? - Quand on voit tout perdu, craint-on de hasarder? - Et si l'ambition vers un autre l'entraîne, 335 - Que vous peut importer son amour ou sa haine? - - DOMITIAN. - - Qu'un salutaire avis fait une douce loi - A qui peut avoir l'âme aussi libre que toi! - Mais celle d'un amant n'est pas comme une autre âme: - Il ne voit, il n'entend, il ne croit que sa flamme; 340 - Du plus puissant remède il se fait un poison, - Et la raison pour lui n'est pas toujours raison. - - ALBIN. - - Et si je vous disois que déjà Bérénice - Est dans Rome, inconnue, et par mon artifice? - Qu'elle surprendra Tite, et qu'elle y vient exprès 345 - Pour de ce grand hymen renverser les apprêts? - - DOMITIAN. - - Albin, seroit-il vrai? - - ALBIN. - - La nouvelle vous flatte: - Peut-être est-elle fausse; attendez qu'elle éclate; - Surtout à l'Empereur déguisez-la si bien.... - - DOMITIAN. - - Va: je lui parlerai comme n'en sachant rien. 350 - - -FIN DU PREMIER ACTE. - - [208] Le second hémistiche de ce vers est le premier du - vers 1050 de _Polyeucte_. - - [209] _Var._ Ne devoit-il pas faire aussi tous mes - plaisirs? (1679) - - [210] Voyez ci-après, p. 204, les vers 87-91 et la note - 213.--Dion Cassius (livre LXII, chapitre XXIII) rapporte que - Corbulon, ayant un grand pouvoir comme général, et une grande - renommée, aurait pu fort aisément se faire élire empereur, car - tous haïssaient Néron et tous l'admiraient lui-même; mais il - demeura soumis, et ne tenta point de révolte. - - [211] Il y a lieu de croire que Cnéius Domitius Corbulon - appartenait à l'illustre famille Domitia; l'empereur Néron était, - comme l'on sait, fils de Cnéius Domitius Ahenobarbus. En outre, - la sœur de Corbulon, Cæsonia, avait épousé Caligula: voyez Pline - l'ancien, livre VII, chapitre V. - - [212] Par une erreur singulière, les éditions de 1679 et - de 1682 portent toutes deux _Pompée_, pour _Poppée_, et un peu - plus loin, au vers 115, _Martine_, pour _Martie_. - - [213] Corbulon ayant appris, à son arrivée à Corinthe, - que Néron, qui l'avait mandé en Grèce, avait ordonné sa mort, se - frappa lui-même de son épée, l'an 67 après Jésus-Christ, et dit - en mourant: «Je l'ai mérité.» - - [214] Galba, Othon et Vitellius, qui régnèrent en 68 et - 69, et dont les trois règnes réunis ne durèrent que dix-huit - mois. - - [215] Suétone, au chapitre IV de la _Vie de Titus_, dit - que sa seconde femme se nommait Marcia Furnilla, et que Titus, - après en avoir eu une fille, fit divorce avec elle. - - [216] Il est dit dans le premier extrait de Xiphilin que - Bérénice habita dans le palais: _habitavit in palatio_: voyez - ci-dessus, p. 197. - - [217] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 191 et 192. - - [218] Les éditions publiées du vivant de Corneille - (1671-82) portent _leur prix_, corrigé par l'édition de 1692 en - _son prix_. Voltaire a gardé _leur_. - - [219] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont - changé la construction; ils donnent: «et je ne te puis croire.» - - [220] Domitien prétendait que Vespasien l'avait institué - cohéritier de l'empire, mais que le testament avait été falsifié. - Voyez Suétone, _Vie de Domitien_, chapitre II. - - [221] Ce morceau, souvent reproché à Corneille, pourrait - bien lui avoir été inspiré par le livre des _Maximes_ de la - Rochefoucauld, dont la première édition a paru en 1665, cinq ans - avant _Tite et Berenice_, et qui faisait encore le sujet de tous - les entretiens. La _maxime_ 262 commence ainsi: «Il n'y a point - de passion où l'amour de soi-même règne si puissamment que dans - l'amour.» - - [222] On lit «_un_ autre» dans l'édition de 1682. Voyez - le vers 1732 et la note 288 qui s'y rapporte. - - [223] Voltaire (1764) a ainsi modifié ce vers: - - Et profitons par là d'un cœur embarrassé. - - [224] Ce vers se trouve déjà dans _Pertharite_, acte II, - scène V, vers 744. - - - - -ACTE II. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -TITE, FLAVIAN. - - TITE. - - Quoi? des ambassadeurs que Bérénice envoie - Viennent ici, dis-tu, me témoigner sa joie, - M'apporter son hommage, et me féliciter - Sur ce comble de gloire où je viens de monter? - - FLAVIAN. - - En attendant votre ordre, ils sont au port d'Ostie. 355 - - TITE. - - Ainsi, grâces aux Dieux, sa flamme est amortie; - Et de pareils devoirs sont pour moi des froideurs, - Puisqu'elle s'en rapporte à ses ambassadeurs. - Jusqu'après mon hymen remettons leur venue: - J'aurois trop à rougir si j'y souffrois leur vue, 360 - Et recevois les yeux de ses propres sujets - Pour envieux témoins du vol que je lui fais; - Car mon cœur fut son bien à cette belle reine, - Et pourroit l'être encor, malgré Rome et sa haine, - Si ce divin objet, qui fut tout mon desir, 365 - Par quelque doux regard s'en venoit ressaisir. - Mais du haut de son trône elle aime mieux me rendre - Ces froideurs que pour elle on me força de prendre. - Peut-être, en ce moment que toute ma raison - Ne sauroit sans désordre entendre son beau nom, 370 - Entre les bras d'un autre un autre amour la livre: - Elle suit mon exemple, et se plaît à le suivre: - Et ne m'envoie ici traiter de souverain - Que pour braver l'amant qu'elle charmoit en vain. - - FLAVIAN. - - Si vous la revoyiez, je plaindrois Domitie. 375 - - TITE. - - Contre tous ses attraits ma raison endurcie - Feroit de Domitie encor la sûreté; - Mais mon cœur auroit peu de cette dureté. - N'aurois-tu point appris qu'elle fût infidèle, - Qu'elle écoutât les rois qui soupirent pour elle? 380 - Dis-moi que Polémon[225] règne dans son esprit, - J'en aurai du chagrin, j'en aurai du dépit, - D'une vive douleur j'en aurai l'âme atteinte; - Mais j'épouserai l'autre avec moins de contrainte; - Car enfin elle est belle, et digne de ma foi; 385 - Elle auroit tout mon cœur, s'il étoit tout à moi. - La noblesse du sang, la grandeur de courage, - Font avec son mérite un illustre assemblage: - C'est le choix de mon père; et je connois trop bien - Qu'à choisir en César ce doit être le mien. 390 - Mais tout mon cœur renonce à lui faire justice, - Dès que mon souvenir lui rend sa Bérénice. - - FLAVIAN. - - Si de tels souvenirs vous sont encor si doux, - L'hyménée a, Seigneur, peu de charmes pour vous. - - TITE. - - Si de tels souvenirs ne me faisoient la guerre, 395 - Seroit-il potentat plus heureux sur la terre? - Mon nom par la victoire est si bien affermi, - Qu'on me croit dans la paix un lion endormi: - Mon réveil incertain du monde fait l'étude; - Mon repos en tous lieux jette l'inquiétude; 400 - Et tandis qu'en ma cour les aimables loisirs - Ménagent l'heureux choix des jeux et des plaisirs, - Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre pôle, - Je n'ai qu'à faire un pas et hausser la parole[226]. - Que de félicité, si mes vœux imprudents 405 - N'étoient de mon pouvoir les seuls indépendants! - Maître de l'univers sans l'être de moi-même[227], - Je suis le seul rebelle à ce pouvoir suprême: - D'un feu que je combats je me laisse charmer, - Et n'aime qu'à regret ce que je veux aimer. 410 - En vain de mon hymen Rome presse la pompe: - J'y veux de la lenteur, j'aime qu'on l'interrompe, - Et n'ose résister aux dangereux souhaits - De préparer toujours et n'achever jamais. - - FLAVIAN. - - Si ce dégoût, Seigneur, va jusqu'à la rupture, 415 - Domitie aura peine à souffrir cette injure: - Ce jeune esprit, qu'entête et le sang de Néron[228] - Et le choix qu'en Syrie on fit de Corbulon[229], - S'attribue à l'empire un droit imaginaire, - Et s'en fait, comme vous, un rang héréditaire. 420 - Si de votre parole un manque surprenant - La jette entre les bras d'un homme entreprenant. - S'il l'unit à quelque âme assez fière et hautaine - Pour servir son orgueil et seconder sa haine, - Un vif ressentiment lui fera tout oser: 425 - En un mot, il vous faut la perdre, ou l'épouser. - - TITE. - - J'en sais la politique, et cette loi cruelle - A presque fait l'amour qu'il m'a fallu pour elle. - Réduit au triste choix dont tu viens de parler, - J'aime mieux, Flavian, l'aimer que l'immoler, 430 - Et ne puis démentir cette horreur magnanime - Qu'en recevant le jour je conçus pour le crime. - Moi qui seul des Césars me vois en ce haut rang - Sans qu'il en coûte à Rome une goutte de sang, - Moi que du genre humain on nomme les délices[230], 435 - Moi qui ne puis souffrir les plus justes supplices[231], - Pourrois-je autoriser une injuste rigueur - A perdre une héroïne à qui je dois mon cœur? - Non: malgré les attraits de sa belle rivale, - Malgré les vœux flottants de mon âme inégale, 440 - Je veux l'aimer, je l'aime; et sa seule beauté - Pouvoit me consoler de ce que j'ai quitté. - Elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre - Mes feux à s'assoupir, s'ils ne peuvent s'éteindre, - De quoi flatter mon âme, et forcer mes douleurs 445 - A souhaiter du moins de n'aimer plus ailleurs. - Mais je ne vois pas bien que j'en sois encor maître: - Dès que ma flamme expire, un mot la fait renaître, - Et mon cœur malgré moi rappelle un souvenir - Que je n'ose écouter et ne saurois bannir. 450 - Ma raison s'en veut faire en vain un sacrifice: - Tout me ramène ici, tout m'offre Bérénice; - Et même je ne sais par quel pressentiment - Je n'ai souffert personne en son appartement; - Mais depuis cet adieu, si cruel et si tendre, 455 - Il est demeuré vide, et semble encor l'attendre. - Va, fais porter mon ordre à ses ambassadeurs: - C'est trop entretenir d'inutiles ardeurs; - Il est temps de chercher qui m'en puisse distraire, - Et le ciel à propos envoie ici mon frère. 460 - - FLAVIAN. - - Irez-vous au sénat? - - TITE. - - Non; il peut s'assembler - Sur ce déluge ardent qui nous a fait trembler, - Et pourvoir sous mon ordre aux affreuses ruines - Dont ses feux ont couvert les campagnes voisines[232]. - - -SCÈNE II - -TITE, DOMITIAN, ALBIN. - - DOMITIAN. - - Puis-je parler, Seigneur, et de votre amitié 465 - Espérer une grâce à force de pitié? - Je me suis jusqu'ici fait trop de violence, - Pour augmenter encor mes maux par mon silence. - Ce que je vais vous dire est digne du trépas; - Mais aussi j'en mourrai, si je ne le dis pas. 470 - Apprenez donc mon crime, et voyez s'il faut faire - Justice d'un coupable, ou grâce aux vœux d'un frère. - J'ai vu ce que j'aimois choisi pour être à vous, - Et je l'ai vu longtemps sans en être jaloux. - Vous n'aimiez Domitie alors que par contrainte: 475 - Vous vous faisiez effort, j'imitois votre feinte; - Et comme aux lois d'un père il falloit obéir, - Je feignois d'oublier, vous de ne point haïr. - Le ciel, qui dans vos mains met sa toute-puissance, - Ne met-il point de borne à cette obéissance? 480 - La faut-il à son ombre, et que ce même effort - Vous déchire encor l'âme et me donne la mort? - - TITE. - - Souffrez sur cet effort que je vous désabuse. - Il fut grand, et de ceux que tout le cœur refuse: - Pour en sauver le mien, je fis ce que je pus; 485 - Mais ce qui fut effort à présent ne l'est plus. - Sachez-en la raison. Sous l'empire d'un père - Je murmurai toujours d'un ordre si sévère, - Et cherchai les moyens de tirer en longueur - Cet hymen qui vous gêne et m'arrachoit le cœur. 490 - Son trépas a changé toutes choses de face: - J'ai pris ses sentiments lorsque j'ai pris sa place; - Je m'impose à mon tour les lois qu'il m'imposoit, - Et me dis après lui tout ce qu'il me disoit. - J'ai des yeux d'empereur, et n'ai plus ceux de Tite; 495 - Je vois en Domitie un tout autre mérite, - J'écoute la raison, j'en goûte les conseils, - Et j'aime comme il faut qu'aiment tous mes pareils. - Si dans les premiers jours que vous m'avez vu maître - Votre feu mal éteint avoit voulu paroître, 500 - J'aurois pu me combattre et me vaincre pour vous; - Mais si près d'un hymen si souhaité de tous, - Quand Domitie a droit de s'en croire assurée, - Que le jour en est pris, la fête préparée, - Je l'aime, et lui dois trop pour jeter sur son front 505 - L'éternelle rougeur d'un si mortel affront. - Rome entière et ma foi l'appellent à l'empire: - Voyez mieux de quel œil on m'en verroit dédire, - Ce qu'ose se permettre une femme en fureur, - Et combien Rome entière auroit pour moi d'horreur. 510 - - DOMITIAN. - - Elle n'en auroit point de vous voir pour un frère - Faire autant que pour elle il vous a plu de faire. - Seigneur, à vos bontés laissez un libre cours; - Qui se vainc une fois peut se vaincre toujours: - Ce n'est pas un effort que votre âme redoute. 515 - - TITE. - - Qui se vainc une fois sait bien ce qu'il en coûte: - L'effort est assez grand pour en craindre un second. - - DOMITIAN. - - Ah! si votre grande âme à peine s'en répond, - La mienne, qui n'est pas d'une trempe si belle, - Réduite au même effort, Seigneur, que fera-t-elle? 520 - - TITE. - - Ce que je fais, mon frère: aimez ailleurs. - - DOMITIAN. - - Hélas! - Ce qui vous fut aisé, Seigneur, ne me l'est pas. - Quand vous avez changé, voyiez-vous Bérénice? - De votre changement son départ fut complice; - Vous l'aviez éloignée, et j'ai devant les yeux, 525 - Je vois presqu'en vos bras ce que j'aime le mieux. - Jugez de ma douleur par l'excès de la vôtre, - Si vous voyiez la Reine entre les bras d'un autre; - Contre un rival heureux épargneriez-vous rien, - A moins que d'un respect aussi grand que le mien? 530 - - TITE. - - Vengez-vous, j'y consens; que rien ne vous retienne. - Je prends votre maîtresse; allez, prenez la mienne. - Épousez Bérénice, et.... - - DOMITIAN. - - Vous n'achevez point, - Seigneur: me pourriez-vous aimer jusqu'à ce point? - - TITE. - - Oui, si je ne craignois pour vous l'injuste haine 535 - Que Rome concevroit pour l'époux d'une reine. - - DOMITIAN. - - Dites, dites, Seigneur, qu'il est bien malaisé - De céder ce qu'adore un cœur bien embrasé; - Ne vous contraignez plus, ne gênez plus votre âme, - Satisfaites en maître une si belle flamme; 540 - Quand vous aurez su dire une fois: «Je le veux,» - D'un seul mot prononcé vous ferez quatre heureux. - Bérénice est toujours digne de votre couche, - Et Domitie enfin vous parle par ma bouche; - Car je ne saurois plus vous le taire; oui, Seigneur, 545 - Vous en voulez la main, et j'en ai tout le cœur: - Elle m'en fit le don dès la première vue, - Et ce don fut l'effet d'une force imprévue, - De cet ordre du ciel qui verse en nos esprits - Les principes secrets de prendre et d'être pris. 550 - Je vous dirois, Seigneur, quelle en est la puissance, - Si vous ne le saviez par votre expérience. - Ne rompez[233] pas des nœuds et si forts et si doux: - Rien ne les peut briser que le trépas, ou vous; - Et c'est un triste honneur pour une si grande âme, 555 - Que d'accabler un frère et contraindre une femme. - - TITE. - - Je ne contrains personne; et de sa propre voix - Nous allons, vous et moi, savoir quel est son choix. - - -SCÈNE III. - -TITE, DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE. - - TITE. - - Parlez, parlez, Madame, et daignez nous apprendre - Où porte votre cœur, ce qu'il sent de plus tendre, 560 - Qui le possède entier de mon frère ou de moi? - - DOMITIE. - - En doutez-vous, Seigneur, quand vous avez ma foi? - - TITE. - - J'aime à n'en point douter, mais on veut que j'en doute: - On dit que cette foi ne vous donne pas toute, - Que ce cœur reste ailleurs. Parlez en liberté, 565 - Et n'en consultez point cette noble fierté, - Ce digne orgueil du sang que mon rang sollicite: - De tout ce que je suis ne regardez que Tite; - Et pour mieux écouter vos désirs les plus doux, - Entre le prince et moi ne regardez que vous. 570 - - DOMITIE. - - Qu'avez-vous dit de moi, Prince? - - DOMITIAN. - - Que dans votre âme - Vous laissez vivre encor notre première flamme; - Et qu'en faveur du rang si vous m'osez trahir, - Ce n'est pas tant aimer, Madame, qu'obéir. - C'est en dire un peu plus que vous n'aviez envie; 575 - Mais il y va de vous, il y va de ma vie; - Et qui se voit si près de perdre tout son bien, - Se fait armes de tout, et ne ménage rien. - - DOMITIE. - - Je ne sais de vous deux, Seigneur, à ne rien feindre, - Duquel je dois le plus me louer ou me plaindre. 580 - C'est aimer assez mal, que remettre tous deux - Au choix de mes désirs le succès de vos vœux; - Et cette liberté par tous les deux offerte - Montre que tous les deux peuvent souffrir ma perte, - Et que tout leur amour est prêt à consentir 585 - Que mon cœur ou ma foi veuille se démentir. - Je me plains de tous deux, et vous plains l'un et l'autre, - Si pour voir tout ce cœur vous m'ouvrez tout le vôtre. - Le prince n'agit pas en amant fort discret; - S'il ne m'impose rien, il trahit mon secret: 590 - Tout ce qu'il vous en dit m'offense ou vous abuse. - Mais ce que fait l'amour, l'amour aussi l'excuse[234]. - Vous, Seigneur, je croyois que vous m'aimiez assez - Pour m'épargner le trouble où vous m'embarrassez, - Et laisser pour couleur à mon peu de constance 595 - La gloire d'obéir à la toute-puissance: - Vous m'ôtez cette excuse, et me voulez charger - De ce qu'a d'odieux la honte de changer. - Si le prince en mon cœur garde encor même place, - C'est manquer de respect que vous le dire en face; 600 - Et si mon choix pour vous n'est point violenté, - C'est trop d'ambition et d'infidélité. - Ainsi des deux côtés tout sert à me confondre. - J'ai cent choses à dire, et rien à vous répondre; - Et ne voulant déplaire à pas un de vous deux, 605 - Je veux, ainsi que vous, douter où vont mes vœux. - Ce qui le plus m'étonne en cette déférence - Qui veut du cœur entier une entière assurance, - C'est que dans ce haut rang vous ne vouliez pas voir - Qu'il n'importe du cœur quand on sait son devoir[235], 610 - Et que de vos pareils les hautes destinées - Ne le consultent point sur ces grands hyménées. - - TITE. - - Si le vôtre, Madame, étoit de moindre prix.... - Mais que veut Flavian? - - -SCÈNE IV. - -TITE, DOMITIAN, DOMITIE, PLAUTINE, FLAVIAN, ALBIN. - - FLAVIAN. - - Vous en serez surpris, - Seigneur, je vous apporte une grande nouvelle: 615 - La reine Bérénice.... - - TITE. - - Eh bien! est infidèle? - Et son esprit, charmé par un plus doux souci.... - - FLAVIAN. - - Elle est dans ce palais, Seigneur; et la voici[236]. - - -SCÈNE V. - -TITE, DOMITIAN, BÉRÉNICE, DOMITIE, FLAVIAN, ALBIN, PHILON, -PLAUTINE. - - TITE. - - O Dieux! est-ce, Madame, aux reines de surprendre? - Quel accueil, quels honneurs peuvent-elles attendre, 620 - Quand leur surprise envie au souverain pouvoir - Celui de donner ordre à les bien recevoir? - - BÉRÉNICE. - - Pardonnez-le, Seigneur, à mon impatience. - J'ai fait sous d'autres noms demander audience: - Vous la donniez trop tard à mes ambassadeurs; 625 - Je n'ai pu tant attendre à voir tant de grandeurs; - Et quoique par vous-même autrefois exilée, - Sans ordre et sans aveu je me suis rappelée, - Pour être la première à mettre à vos genoux - Le sceptre qu'à présent je ne tiens que de vous, 630 - Et prendre sur les rois cet illustre avantage - De leur donner l'exemple à vous en faire hommage. - Je ne vous dirai point avec quelles langueurs - D'un si cruel exil j'ai souffert les longueurs: - Vous savez trop.... - - TITE. - - Je sais votre zèle, et l'admire, 635 - Madame; et pour me voir possesseur de l'empire, - Pour me rendre vos soins, je ne méritois pas - Que rien vous pût résoudre à quitter vos États, - Qu'une si grande reine en formât la pensée. - Un voyage si long vous doit avoir lassée. 640 - Conduisez-la, mon frère, en son appartement[237]. - Vous, faites-l'y servir aussi pompeusement, - Avec le même éclat qu'elle s'y vit servie - Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie. - - -SCÈNE VI. - -TITE, DOMITIE, PLAUTINE, PHILON. - - DOMITIE. - - Seigneur, faut-il ici vous rendre votre foi? 645 - Ne regardez que vous entre la Reine et moi; - Parlez sans vous contraindre, et me daignez apprendre - Où porte votre cœur ce qu'il sent de plus tendre[238]. - - TITE. - - Adieu, Madame, adieu. Dans le trouble où je suis, - Me taire et vous quitter, c'est tout ce que je puis. 650 - - -SCÈNE VII. - -DOMITIE, PLAUTINE. - - DOMITIE. - - Se taire et me quitter! Après cette retraite, - Crois-tu qu'un tel arrêt ait besoin d'interprète? - - PLAUTINE. - - Oui, Madame; et ce n'est que dérober au jour; - Que vous cacher le trouble où le met ce retour. - - DOMITIE. - - Non, non, tu l'as voulu, Plautine, que je vinsse 655 - Désavouer ici les vanités du prince, - Empêcher qu'un amant dont je n'ai pas le cœur - Ne cédât ma conquête à mon premier vainqueur: - Vois la honte qu'ainsi je me suis attirée. - Quand sa reine[239] a paru, m'a-t-il considérée? 660 - A-t-il jeté les yeux sur moi qu'en me quittant? - - PLAUTINE. - - Pensez-vous que sa reine ait l'esprit plus content? - Avant que vous quitter, lui-même il l'a bannie. - - DOMITIE. - - Oui, mais avec respect, avec cérémonie, - Avec des yeux enfin qui l'éloignant des miens, 665 - Lui promettoient assez de plus doux entretiens. - Tu me diras encor que la chose est égale, - Que s'il m'ose quitter, il chasse ma rivale. - Mais pour peu qu'il m'aimât, du moins il m'auroit dit - Que je garde en son âme encor même crédit: 670 - Il m'en auroit donné des sûretés nouvelles, - Il m'en auroit laissé quelques marques fidèles. - S'il me vouloit cacher le trouble où je le voi, - La plus mauvaise excuse étoit bonne pour moi. - Mais pour toute réponse, il se tait, et me quitte; 675 - Et tu ne peux souffrir que mon cœur s'en irrite! - Tu veux, lorsque lui-même ose se déclarer, - Que je me flatte encore assez pour espérer! - C'est avec le perfide être d'intelligence. - Sans me flatter en vain, courons à la vengeance; 680 - Faisons voir ce qu'en moi peut le sang de Néron, - Et que je suis de plus fille de Corbulon. - - PLAUTINE. - - Vous l'êtes; mais enfin c'est n'être qu'une fille, - Que le reste impuissant d'une illustre famille. - Contre un tel empereur où prendrez-vous des bras? 685 - - DOMITIE. - - Contre un tel empereur nous n'en manquerons pas. - S'il épouse sa reine, il est l'horreur de Rome. - Trouvons alors, trouvons un grand cœur, un grand homme, - Un Romain qui réponde au sang de mes aïeux; - Et pour le révolter, laisse faire à mes yeux. 690 - Juge, par le pouvoir de ceux de Bérénice, - Si les miens auront peine à s'en faire justice. - Si ceux-là forcent Tite à me manquer de foi, - Ceux-ci feront briser le joug d'un nouveau roi; - Et si de l'univers les siens charment le maître, 695 - Les miens charmeront ceux qui méritent de l'être. - Dis-le-moi, tu l'as vue, ai-je peu de raison - Quand de mes yeux aux siens je fais comparaison? - Est-elle plus charmante, ai-je moins de mérite? - Suis-je moins digne qu'elle enfin du cœur de Tite? 700 - - PLAUTINE. - - Madame.... - - DOMITIE. - - Je m'emporte, et mes sens interdits - Impriment leur désordre en tout ce que je dis. - Comment saurois-je aussi ce que je te dois dire, - Si je ne sais pas même à quoi mon âme aspire? - Mon aveugle fureur s'égare à tous propos. 705 - Allons penser à tout avec plus de repos. - - PLAUTINE. - - Vous pourriez hasarder un moment de visite, - Pour voir si ce retour est sans l'aveu de Tite, - Ou si c'est de concert qu'il a fait le surpris. - - DOMITIE. - - Oui; mais auparavant remettons nos esprits. 710 - - -FIN DU SECOND ACTE. - - [225] Polémon, roi de Cilicie. Voyez ci-dessus, p. 194, - note 201, et plus loin, p. 245, note 258. - - [226] «Le célèbre M. de Santeul, voulant composer des - vers sur la campagne d'Hollande de 1672, crut ne pouvoir mieux - faire que de traduire en latin ces huit vers (397-404).... Il - présenta au Roi ses vers latins sous ce titre: SUR LE DÉPART DU - ROI, et mit à côté ceux de M. Corneille.» (Jolly, _Avertissement - du Theâtre de Corneille_, p. LXIX et LXX.)--Santeul donne les - vers 403 et 404 avec une double variante: - - Pour envoyer l'effroi _sur_ l'un et l'autre pôle - Je n'ai qu'à faire un pas et hausser _ma_ parole. - - Voici sa traduction latine: - - _REX ITER MEDITANS._ - - _Sic cœptis favet usque meis Victoria, ut hostes - Me quoque pace data timeant, credantque leonem, - Qui male sopitos premit alto corde furores, - Ancipiti dudum meditans bella horrida somno; - Nec tam blanda Venus media dominatur in aula, - Quin, Marti tantum annuerim, mox palleat orbis._ - - (_J. B. Santolii Victorini_ opera poetica. Paris, M.DC.XCIV, - p. 211.) - - - [227] Ce vers est la contre-partie de celui que - Corneille a placé dans la bouche d'Auguste (_Cinna_, acte V, - scène III, vers 1696): - - Je suis maître de moi comme de l'univers. - - [228] Voyez plus haut, p. 204, le vers 80 et la note 211. - - [229] Voyez ci-dessus, p. 203, note 211. - - [230] Suétone commence ainsi sa _Vie de Titus: Titus.... - amor ac deliciæ generis humani_; et Eutrope, au livre VII de son - _Abrégé de l'Histoire romaine_ (chapitre XXI), dit au sujet du - même empereur: _Huic_ (Vespasiano) _Titus filius successit.... - vir omnium virtutum genere mirabilis adeo, ut amor et deliciæ - humani generis diceretur_. - - [231] «Il déclara qu'il n'acceptait le souverain - pontificat qu'afin de conserver toujours ses mains pures. Il tint - parole; car depuis ce moment, il ne fut ni l'auteur ni le - complice de la mort de personne.» _Nec auctor posthac cujusquam - necis, nec conscius._ (Suétone, _Titus_, chapitre IX.) - - [232] Voyez ci-après, p.247, la note 262 du vers 1112. - Après l'éruption du Vésuve, Titus tira au sort, parmi les - consulaires, des curateurs chargés de soulager les maux de la - Campanie. (Suétone, _Titus_, chapitre VIII.) - - [233] L'édition de 1692 donne _trompez_, pour _rompez_, - ce qui ne peut être qu'une faute d'impression. - - [234] Après ce vers, Voltaire a ajouté les mots: _à - Tite_. - - [235] C'est, avec une tournure un peu différente, le - vers 279 de _Sertorius_: - - Qu'importe de mon cœur, si je sais mon devoir? - - [236] Nous avons vu dans les extraits de Xiphilin (p. - 197 et 198) qu'après être venue une première fois à Rome avec son - frère Agrippa, du vivant de Vespasien, Bérénice y retourna sous - le règne de Titus. - - [237] Voltaire (1764) fait suivre ce vers de - l'indication: _à Flavian et Albin_. - - [238] Voyez plus haut, p. 223, le vers 570 et les vers - 559 et 560. - - [239] On lit ici: «_la_ Reine,» dans les éditions de - Thomas Corneille et de Voltaire, qui deux vers plus loin ont - maintenu l'un et l'autre: «_sa_ reine.» - - - - -ACTE III. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -DOMITIAN, BÉRÉNICE, PHILON. - - DOMITIAN. - - Je vous l'ai dit, Madame, et j'aime à le redire, - Qu'il est beau qu'à vous plaire un empereur aspire, - Qu'il lui doit être doux qu'un véritable feu - Par de justes soupirs mérite votre aveu. - Seroit-ce un crime à moins[240]? Seroit-ce vous déplaire, 715 - Après un empereur, de vous offrir son frère? - Et voudriez-vous croire, en faveur de ma foi, - Qu'un frère d'empereur pourroit valoir un roi? - - BÉRÉNICE. - - Si votre âme, Seigneur, en veut être éclaircie, - Vous pouvez le savoir de votre Domitie. 720 - De tous les deux aimée, et douce à tous les deux, - Elle sait mieux que moi comme on change de vœux, - Et sait peut-être mal la route qu'il faut prendre - Pour trouver le secret de les faire descendre, - Quelque facilité qu'elle ait eue à trouver, 725 - Malgré sa flamme et vous, l'art de les élever. - Pour moi, qui n'eus jamais l'honneur d'être Romaine, - Et qu'un destin jaloux n'a fait naître que reine, - Sans qu'un de vous descende au rang que je remplis, - Ce me doit être assez d'un de vos affranchis; 730 - Et si votre empereur suit les traces des autres, - Il suffit d'un tel sort pour relever les nôtres[241]. - Mais changeons de discours, et me dites, Seigneur, - Par quel ordre aujourd'hui vous m'offrez votre cœur. - Est-ce pour obliger ou Domitie ou Tite? 735 - N'ose-t-il me quitter à moins que je le quitte? - Et peut-il à son rang si peu se confier, - Qu'il veuille mon exemple à se justifier? - Me donne-t-il à vous alors qu'il m'abandonne? - - DOMITIAN. - - Il vous respecte trop: c'est à vous qu'il me donne, 740 - Et me fait la justice, en m'enlevant mon bien, - De vouloir que je tâche à m'enrichir du sien; - Mais à peine il le veut, qu'il craint pour moi la haine - Que Rome concevroit pour l'époux d'une reine. - C'est à vous de juger d'où part ce sentiment. 745 - En vain, par politique, il fait ailleurs l'amant; - Il s'y réduit en vain par grandeur de courage: - A ces fausses clartés opposez quelque ombrage; - Et je renonce au jour, s'il ne revient à vous, - Pour peu que vous penchiez à le rendre jaloux. 750 - - BÉRÉNICE. - - Peut-être; mais, Seigneur, croyez-vous Bérénice - D'un cœur à s'abaisser jusqu'à cet artifice, - Jusques à mendier lâchement le retour - De ce qu'un grand service[242] a mérité d'amour? - - DOMITIAN. - - Madame, sur ce point je n'ai rien à vous dire. 755 - Vous savez ce que vaut l'Empereur et l'empire; - Et si vous consentez qu'on vous manque de foi, - Vous pouvez regarder[243] si je vaux bien un roi. - J'aperçois Domitie, et lui cède la place. - - -SCÈNE II. - -DOMITIE, BÉRÉNICE, DOMITIAN, PHILON. - - DOMITIE. - - Je vais me retirer, Seigneur, si je vous chasse; 760 - Et j'ai des intérêts que vous servez trop bien - Pour arrêter le cours d'un si long entretien. - - DOMITIAN. - - Je faisois à la Reine une offre de service - Qui peut vous assurer le rang d'impératrice, - Madame; et si j'en suis accepté pour époux, 765 - Tite n'aura plus d'yeux pour d'autres que pour vous. - Est-ce vous mal servir? - - DOMITIE. - - Quoi? Madame, il vous aime? - - BÉRÉNICE. - - Non; mais il me le dit, Madame. - - DOMITIE. - - Lui? - - BÉRÉNICE. - - Lui-même. - Est-ce vous offenser que m'offrir vos refus? - Et vous doit-il un cœur dont vous ne voulez plus? 770 - - DOMITIE. - - Je ne sais si je puis vous dire s'il m'offense, - Quand vous vous préparez à prendre sa défense. - - BÉRÉNICE. - - Et moi, je ne sais pas s'il a droit de changer, - Mais je sais que l'amour ne peut désobliger. - - DOMITIE. - - Du moins ce nouveau feu rend justice au mérite. 775 - - DOMITIAN. - - Vous m'avez commandé de quitter qui me quitte, - Vous le savez, Madame; et si c'est vous trahir, - Vous m'avouerez aussi que c'est vous obéir. - - DOMITIE. - - S'il échappe à l'amour un mot qui le trahisse, - A l'effort qu'il se fait veut-il qu'on obéisse? 780 - Il cherche une révolte, et s'en laisse charmer. - Vous le sauriez, ingrat, si vous saviez aimer, - Et ne vous feriez pas l'indigne violence - De vous offrir ailleurs, et même en ma présence. - - DOMITIAN, à Bérénice. - - Madame, vous voyez ce que je vous ai dit: 785 - La preuve est convaincante, et l'exemple suffit. - - BÉRÉNICE. - - Il suffit pour vous croire, et non pas pour le suivre. - - DOMITIE. - - Allez, sous quelques lois qu'il vous plaise de vivre, - Vivez-y, j'y consens; mais vous pouviez, Seigneur, - Vous hâter un peu moins de m'ôter votre cœur, 790 - Attendre que l'honneur de ce grand hyménée - Vous renvoyât la foi que vous m'avez donnée. - Si vous vouliez passer pour véritable amant, - Il falloit espérer jusqu'au dernier moment; - Il vous falloit.... - - DOMITIAN. - - Eh bien! puisqu'il faut que j'espère, - Madame, faites grâce à l'Empereur mon frère, - A la Reine, à vous-même enfin, si vous m'aimez, - Autant qu'il le paroît à vos yeux alarmés. - Les scrupules d'État, qu'il falloit mieux combattre, - Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre: 800 - Réunissez des cœurs de qui rompt l'union - Cette chimère en Tite, en vous l'ambition. - Vous trouverez au mien encor les mêmes flammes - Qui, dès que je vous vis, charmèrent nos deux âmes. - Dès ce premier moment j'adorai vos appas; 805 - Dès ce premier moment je ne vous déplus pas. - Ai-je épargné depuis aucuns soins pour vous plaire? - Est-ce un crime pour moi que l'aînesse d'un frère? - Et faut-il m'accabler d'un éternel ennui - Pour avoir vu le jour deux lustres après lui, 810 - Comme si de mon choix il dépendoit de naître - Dans le temps qu'il falloit pour devenir son maître[244]? - Au nom de votre amour et de ce digne amant, - Madame, qui vous aime encor si chèrement, - Prenez quelque pitié d'un amant déplorable; 815 - Faites-la partager à cette inexorable; - Dissipez la fierté d'une injuste rigueur. - Pour juge entre elle et moi je ne veux que son cœur. - Je vous laisse avec elle arbitre de ma vie. - Adieu, Madame. Adieu, trop aimable ennemie. 820 - - -SCÈNE III. - -BÉRÉNICE, DOMITIE, PHILON. - - BÉRÉNICE. - - Les intérêts du prince[245] avancent trop le mien - Pour vous oser, Madame, importuner de rien; - Et l'incivilité de la moindre prière - Sembleroit vous presser de me rendre son frère. - Tout ce qu'en sa faveur je crois m'être permis, 825 - Après qu'à votre cœur lui-même il s'est remis, - C'est de vous faire voir ce que hasarde une âme - Qui sacrifie au rang les douceurs de sa flamme, - Et quel long repentir suit ces nobles ardeurs - Qui soumettent l'amour à l'éclat des grandeurs. 830 - - DOMITIE. - - Quand les choses, Madame, auront changé de face, - Je reviendrai savoir ce qu'il faut que je fasse, - Et demander votre ordre avec empressement - Sur le choix ou du prince ou de quelque autre amant. - Agréez cependant un respect qui m'amène 835 - Vous rendre mes devoirs comme à ma souveraine; - Car je n'ose douter que déjà l'Empereur - Ne vous ait redonné bonne part en son cœur. - Vous avez sur vos rois pris ce digne avantage - D'être ici la première à rendre un juste hommage[246]; 840 - Et pour vous imiter, je veux avoir le bien - D'être aussi la première à vous offrir le mien. - Cet exemple qu'aux rois vous donnez pour un homme, - J'aime pour une reine à le donner à Rome; - Et plus il est nouveau, plus j'ai lieu d'espérer 845 - Que de quelques bontés vous voudrez m'honorer. - - BÉRÉNICE. - - A vous dire le vrai, sa nouveauté m'étonne: - J'aurois eu quelque peine à vous croire si bonne; - Et je recevrois l'offre avec confusion - Si je n'y soupçonnois un peu d'illusion. 850 - Quoi qu'il en soit, Madame, en cette incertitude - Qui nous met l'une et l'autre en quelque inquiétude, - Ce que je puis répondre à vos civilités, - C'est de vous demander pour moi mêmes bontés, - Et que celle des deux qui sera satisfaite 855 - Traite l'autre de l'air qu'elle veut qu'on la traite. - J'ai vu Tite se rendre au peu que j'ai d'appas; - Je ne l'espère plus, et n'y renonce pas. - Il peut se souvenir, dans ce grade sublime, - Qu'il soumit votre Rome en détruisant Solyme, 860 - Qu'en ce siége pour lui je hasardai mon rang, - Prodiguai mes trésors, et mes peuples leur sang, - Et que s'il me fait part de sa toute-puissance, - Ce sera moins un don qu'une reconnoissance. - - DOMITIE. - - Ce sont là de grands droits; et si l'amour s'y joint, 865 - Je dois craindre une chute à n'en relever point. - Tite y peut ajouter que je n'ai point la gloire - D'avoir sur ma patrie étendu sa victoire, - De l'avoir saccagée et détruite à l'envi, - Et renversé l'autel du dieu que j'ai servi: 870 - C'est par là qu'il vous doit cette haute fortune. - Mais je commence à voir que je vous importune. - Adieu. Quelque autre fois nous suivrons ce discours. - - BÉRÉNICE. - - Je suis venue ici trop tôt de quatre jours; - J'en suis au désespoir et vous en fais excuse. 875 - - DOMITIE. - - Dans quatre jours, Madame, on verra qui s'abuse. - - -SCÈNE IV. - -BÉRÉNICE, PHILON. - - BÉRÉNICE. - - Quel caprice, Philon, l'amène jusqu'ici - M'expliquer elle-même un si cuisant souci? - Tite, après mon départ, l'auroit-il maltraitée? - - PHILON. - - Après votre départ il l'a soudain quittée, 880 - Madame, et s'est défait de cet esprit jaloux - Avec un compliment encor plus court qu'à vous. - - BÉRÉNICE. - - Ainsi tout est égal: s'il me chasse, il la quitte; - Mais ce peu qu'il m'a dit ne peut qu'il ne m'irrite: - Il marque trop pour moi son infidélité. 885 - Vois de ses derniers mots quelle est la dureté: - «Qu'on la serve, a-t-il dit, comme elle fut servie - Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie[247].» - Je ne le fais donc plus! Voilà ce que j'ai craint. - Il fait en liberté ce qu'il faisoit contraint. 890 - Cet ordre de sortir, si prompt et si sévère, - N'a plus pour s'excuser l'autorité d'un père: - Il est libre, il est maître, il veut tout ce qu'il fait. - - PHILON. - - Du peu qu'il vous a dit j'attends un autre effet. - Le trouble de vous voir auprès d'une rivale 895 - Vouloit pour se remettre un moment d'intervalle; - Et quand il a rompu sitôt vos entretiens, - Je lisois dans ses yeux qu'il évitoit les siens, - Qu'il fuyoit l'embarras d'une telle présence. - Mais il vient à son tour prendre son audience, 900 - Madame; et vous voyez si j'en sais bien juger. - Songez de quelle sorte il faut le ménager. - - -SCÈNE V. - -TITE, BÉRÉNICE, FLAVIAN, PHILON. - - BÉRÉNICE. - - Me cherchez-vous, Seigneur, après m'avoir chassée? - - TITE. - - Vous avez su mieux lire au fond de ma pensée, - Madame; et votre cœur connoît assez le mien 905 - Pour me justifier sans que j'explique rien. - - BÉRÉNICE. - - Mais justifiera-t-il le don qu'il vous plaît faire - De ma propre personne au prince votre frère? - Et n'est-ce point assez de me manquer de foi, - Sans prendre encor le droit de disposer de moi? 910 - Pouvez-vous jusque-là me bannir de votre âme? - Le pouvez-vous, Seigneur? - - TITE. - - Le croyez-vous, Madame? - - BÉRÉNICE. - - Hélas! que j'ai de peur de vous dire que non! - J'ai voulu vous haïr dès que j'ai su ce don: - Mais à de tels courroux l'âme en vain se confie; 915 - A peine je vous vois que je vous justifie. - Vous me manquez de foi, vous me donnez, chassez. - Que de crimes! Un mot les a tous effacés. - Faut-il, Seigneur, faut-il que je ne vous accuse - Que pour dire aussitôt que c'est moi qui m'abuse, 920 - Que pour me voir forcée à répondre pour vous! - Épargnez cette honte à mon dépit jaloux; - Sauvez-moi du désordre où ma bonté[248] m'expose, - Et du moins par pitié dites-moi quelque chose; - Accusez-moi plutôt, Seigneur, à votre tour, 925 - Et m'imputez pour crime un trop parfait amour. - Vos chimères d'État, vos indignes scrupules, - Ne pourront-ils jamais passer pour ridicules? - En souffrez-vous encor la tyrannique loi? - Ont-ils encor sur vous plus de pouvoir que moi? 930 - Du bonheur de vous voir j'ai l'âme si ravie, - Que pour peu qu'il durât, j'oublierois Domitie. - Pourrez-vous l'épouser dans quatre jours? O cieux! - Dans quatre jours! Seigneur, y voudrez-vous mes yeux? - Vous plairez-vous à voir qu'en triomphe menée, 935 - Je serve de victime à ce grand hyménée; - Que traînée avec pompe aux marches de l'autel, - J'aille de votre main attendre un coup mortel? - M'y verrez-vous mourir sans verser une larme? - Vous y préparez-vous sans trouble et sans alarme? 940 - Et si vous concevez l'excès de ma douleur, - N'en rejaillit-il[249] rien jusque dans votre cœur? - - TITE. - - Hélas! Madame, hélas! pourquoi vous ai-je vue? - Et dans quel contre-temps êtes-vous revenue! - Ce qu'on fit d'injustice à de si chers appas 945 - M'avoit assez coûté pour ne l'envier pas. - Votre absence et le temps m'avoient fait quelque grâce; - J'en craignois un peu moins les malheurs où je passe; - Je souffrois Domitie, et d'assidus efforts - M'avoient, malgré l'amour, fait maître du dehors. 950 - La contrainte sembloit tourner en habitude; - Le joug que je prenois m'en paroissoit moins rude; - Et j'allois être heureux, du moins aux yeux de tous, - Autant qu'on le peut être en n'étant point à vous. - J'allois.... - - BÉRÉNICE. - - N'achevez point, c'est là ce qui me tue. 955 - Et je pourrois souffrir votre hymen à ma vue, - Si vous aviez choisi quelque objet sans éclat, - Qui ne pût être à vous que par raison d'État, - Qui de ses grands aïeux n'eût reçu rien d'aimable, - Qui n'en eût que le nom qui fût considérable. 960 - «Il s'est assez puni de son manque de foi, - Me dirois-je, et son cœur n'en est pas moins à moi.» - Mais Domitie est belle, elle a tout l'avantage - Qu'ajoute un vrai mérite à l'éclat du visage; - Et pour vous épargner les discours superflus, 965 - Elle est digne de vous, si vous ne m'aimez plus. - Elle a toujours charmé le prince votre frère, - Elle a gagné sur vous de ne vous plus déplaire: - L'hymen achèvera de me faire oublier; - Elle aura votre cœur, et l'aura tout entier. 970 - Seigneur, faites-moi grâce: épousez Sulpitie, - Ou Camille, ou Sabine, et non pas Domitie; - Choisissez-en quelqu'une enfin dont le bonheur - Ne m'ôte que la main, et me laisse le cœur. - - TITE. - - Domitie aisément souffriroit ce partage; 975 - Ma main satisferoit l'orgueil de son courage; - Et pour le cœur, à peine il vous sait en ces lieux, - Qu'il revient tout entier faire hommage à vos yeux. - - BÉRÉNICE. - - N'importe: ayez pitié, Seigneur, de ma foiblesse. - Vous avez un cœur fait à changer de maîtresse; 980 - Vous ne savez que trop l'art de manquer de foi: - Ne l'exercerez-vous jamais que contre moi? - - TITE. - - Domitie est le choix de Rome et de mon père: - Ils crurent à propos de l'ôter à mon frère, - De crainte que ce cœur jeune et présomptueux 985 - Ne rendît téméraire un prince impétueux. - Si pour vous obéir je lui suis infidèle, - Rome, qui l'a choisie, y consentira-t-elle? - - BÉRÉNICE. - - Quoi? Rome ne veut pas quand vous avez voulu? - Que faites-vous, Seigneur, du pouvoir absolu? 990 - N'êtes-vous dans ce trône, où tant de monde aspire, - Que pour assujettir l'Empereur à l'empire[250]? - Sur ses plus hauts degrés Rome vous fait la loi! - Elle affermit ou rompt le don de votre foi! - Ah! si j'en puis juger sur ce qu'on voit paroître. 995 - Vous en êtes l'esclave encor plus que le maître. - - TITE. - - Tel est le triste sort de ce rang souverain, - Qui ne dispense pas d'avoir un cœur romain; - Ou plutôt des Romains tel est le dur caprice[251] - A suivre obstinément une aveugle injustice, 1000 - Qui rejetant d'un roi le nom plus que les lois, - Accepte un empereur plus puissant que cent rois. - C'est ce nom seul qui donne à leurs farouches haines - Cette invincible horreur qui passe jusqu'aux reines, - Jusques à leurs époux; et vos yeux adorés 1005 - Verroient de notre hymen naître cent conjurés. - Encor s'il n'y falloit hasarder que ma vie; - Si ma perte aussitôt de la vôtre suivie.... - - BÉRÉNICE. - - Non, Seigneur, ce n'est pas aux reines comme moi - A hasarder leurs jours pour signaler leur foi. 1010 - La plus illustre ardeur de périr l'un pour l'autre - N'a rien de glorieux pour mon rang et le vôtre: - L'amour de nos pareils la traite de fureur, - Et ces vertus d'amant ne sont pas d'empereur. - Mes secours en Judée[252] achevèrent l'ouvrage 1015 - Qu'avoit des légions ébauché le suffrage: - Il m'est trop précieux pour le mettre au hasard; - Et j'y pouvois, Seigneur, mériter quelque part, - N'étoit qu'affermissant votre heureuse fortune, - Je n'ai fait qu'empêcher qu'elle nous fût commune. 1020 - Si j'eusse eu moins pour elle ou de zèle ou de foi, - Vous seriez moins puissant, mais vous seriez à moi; - Vous n'auriez que le nom de général d'armée, - Mais j'aurois pour époux l'amant qui m'a charmée; - Et je posséderois dans ma cour, en repos, 1025 - Au lieu d'un empereur, le plus grand des héros. - - TITE. - - Eh bien! Madame, il faut renoncer à ce titre, - Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre. - Allons dans vos États m'en donner un plus doux; - Ma gloire la plus haute est celle d'être à vous. 1030 - Allons où je n'aurai que vous pour souveraine, - Où vos bras amoureux seront ma seule chaîne[253], - Où l'hymen en triomphe à jamais l'étreindra; - Et soit de Rome esclave et maître qui voudra[254]! - - BÉRÉNICE. - - Il n'est plus temps: ce nom, si sujet à l'envie, 1035 - Ne se quitte jamais, Seigneur, qu'avec la vie; - Et des nouveaux Césars la tremblante fierté - N'ose faire de grâce à ceux qui l'ont porté: - Qui l'a pris une fois est toujours punissable. - Ce fut par là qu'Othon se traita de coupable, 1040 - Par là Vitellius mérita le trépas; - Et vous n'auriez partout qu'assassins sur vos pas. - - TITE. - - Que faire donc, Madame? - - BÉRÉNICE. - - Assurer votre vie; - Et s'il y faut enfin la main de Domitie.... - Mais adieu: sur ce point si vous pouvez douter, 1045 - Ce n'est pas moi, Seigneur, qu'il en faut consulter. - - TITE, à Bérénice qui se retire[255]. - - Non, Madame; et dût-il m'en coûter trône et vie, - Vous ne me verrez point épouser Domitie. - Ciel, si vous ne voulez qu'elle règne en ces lieux, - Que vous m'êtes cruel de la rendre à mes yeux! 1050 - -FIN DU TROISIÈME ACTE. - - [240] Tel est le texte des anciennes éditions, y compris - celle de 1692. Voltaire a mis: «Serait-ce un crime à moi?» - - [241] Allusion à l'affranchi Félix. Voyez tome VI, p. - 597, la note du vers 510 d'_Othon_.--Racine parle aussi de - l'affranchi Félix, dans sa _Bérénice_ (acte II, scène II): - - De l'affranchi Pallas nous avons vu le frère, - Des fers de Claudius Félix encor flétri, - De deux reines, Seigneur, devenir le mari; - Et s'il faut jusqu'au bout que je vous obéisse, - Ces deux reines étoient du sang de Bérénice. - - L'une des deux Drusille que Félix épousa était sœur de Bérénice. - - [242] Tacite, au livre II des _Histoires_ (chapitre - LXXXI), raconte que le parti de Vespasien, au moment de son - avènement à l'empire, trouva une auxiliaire zélée dans la reine - Bérénice: _nec minore animo regina Berenice partes juvabat, - florens ætate formaque, et seni quoque Vespasiano magnificentia - munerum grata_. Voyez aussi plus loin, vers 861 et suivants. - - [243] L'édition de 1692 a changé _regarder_ en - _remarquer_. - - [244] Thomas Corneille et Voltaire ajoutent ici: _à - Bérénice_, et au-dessus de la seconde phrase du vers 820, - Voltaire seul: _à Domitie_. - - [245] L'édition de 1682 donne seule: «d'un prince,» pour - «du prince.» - - [246] Voyez ci-dessus, p. 226, les vers 631 et 632. - - [247] Voyez ci-dessus, p. 227, vers 642-644. - - [248] L'édition de 1682 porte seule _ma honte_ pour _ma - bonté_. - - [249] Toutes les éditions publiées du vivant de - Corneille portent ici _rejallit_, que l'édition de 1692 a changé - en _rejaillit_. Plus loin, au vers 1505, l'édition de 1671 est la - seule qui porte _rejaillît_: toutes les autres, même celle de - 1692, ont _rejallît_. - - [250] On a rapproché de ce passage ce vers que dit Néron - dans le _Britannicus_ de Racine (publié en 1669): - - Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire? - - (Acte IV, scène III.) - - [251] Racine, dans sa _Bérénice_ (acte II, scène II), - emploie le même mot: - - Soit raison, soit caprice, - Rome ne l'attend point pour son impératrice. - - Puis, quelques vers plus loin, il développe ainsi l'idée contenue - dans les vers 1001 et 1002 de Corneille: - - D'ailleurs, vous le savez, en bannissant ses rois, - Rome à ce nom, si noble et si saint autrefois, - Attacha pour jamais une haine puissante; - Et quoiqu'à ses Césars fidèle, obéissante, - Cette haine, Seigneur, reste de sa fierté, - Survit dans tous les cœurs après la liberté. - - [252] Voyez ci-dessus, p. 232, note 242. - - [253] Dans l'édition de 1692: «_feront_ ma seule - chaîne.» - - [254] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 196. - - [255] Voltaire (1764) a remplacé «qui se retire,» par - «qui sort.» - - - - -ACTE IV. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -BÉRÉNICE, PHILON. - - BÉRÉNICE. - - Avez-vous su, Philon, quel bruit et quel murmure - Fait mon retour à Rome en cette conjoncture[256]? - - PHILON. - - Oui, Madame: j'ai vu presque tous vos amis, - Et su d'eux quel espoir vous peut être permis. - Il est peu de Romains qui penchent la balance 1055 - Vers l'extrême hauteur ou l'extrême indulgence: - La plupart d'eux embrasse un avis modéré - Par qui votre retour n'est pas déshonoré, - Mais à l'hymen de Tite il vous ferme la porte: - La fière Domitie est partout la plus forte; 1060 - La vertu de son père et son illustre sang - A son ambition assure[257] ce haut rang. - Il est peu sur ce point de voix qui se divisent, - Madame; et quant à vous, voici ce qu'ils en disent: - «Elle a bien servi Rome, il le faut avouer; 1065 - L'Empereur et l'empire ont lieu de s'en louer: - On lui doit des honneurs, des titres sans exemples; - Mais enfin elle est reine, elle abhorre nos temples, - Et sert un Dieu jaloux qui ne peut endurer - Qu'aucun autre que lui se fasse révérer; 1070 - Elle traite à nos yeux les nôtres de fantômes. - On peut lui prodiguer des villes, des royaumes: - Il est des rois pour elle; et déjà Polémon[258] - De ce Dieu qu'elle adore invoque le seul nom; - Des nôtres pour lui plaire il dédaigne le culte: 1075 - Qu'elle règne avec lui sans nous faire d'insulte. - Si ce trône et le sien ne lui suffisent pas, - Rome est prête d'y joindre encor d'autres États[259], - Et de faire éclater avec magnificence - Un juste et plein effet de sa reconnoissance.» 1080 - - BÉRÉNICE. - - Qu'elle répande ailleurs ces effets éclatants, - Et ne m'enlève point le seul où je prétends. - Elle n'a point de part en ce que je mérite: - Elle ne me doit rien, je n'ai servi que Tite. - Si j'ai vu sans douleur mon pays désolé, 1085 - C'est à Tite, à lui seul, que j'ai tout immolé; - Sans lui, sans l'espérance à mon amour offerte, - J'aurois servi Solyme, ou péri dans sa perte; - Et quand Rome s'efforce à m'arracher son cœur, - Elle sert le courroux d'un Dieu juste vengeur. 1090 - Mais achevez, Philon; ne dit-on autre chose? - - PHILON. - - On parle des périls où votre amour l'expose: - «De cet hymen, dit-on, les nœuds si desirés - Serviront de prétexte à mille conjurés; - Ils pourront soulever jusqu'à son propre frère. 1095 - Il se voulut jadis cantonner contre un père; - N'eût été Mucian qui le tint dans Lyon, - Il se faisoit le chef de la rébellion, - Avouoit Civilis, appuyoit ses Bataves, - Des Gaulois belliqueux soulevoit les plus braves; 1100 - Et les deux bords du Rhin l'auroient pour empereur, - Pour peu qu'eût Céréal écouté sa fureur[260].» - Il aime Domitie, et règne dans son âme; - Si Tite ne l'épouse, il en fera sa femme. - Vous savez de tous deux quelle est l'ambition: 1105 - Jugez ce qui peut suivre une telle union. - - BÉRÉNICE. - - Ne dit-on rien de plus? - - PHILON. - - Ah! Madame, je tremble - A vous dire encor.... - - BÉRÉNICE. - - Quoi? - - PHILON. - - Que le sénat s'assemble. - - BÉRÉNICE. - - Quelle est l'occasion qui le fait assembler? - - PHILON. - - L'occasion n'a rien qui vous doive troubler; 1110 - Et ce n'est qu'à dessein de pourvoir aux dommages - Que du Vésuve ardent ont causés[261] les ravages[262]; - Mais Domitie aura des amis, des parents, - Qui pourront bien après vous mettre sur les rangs. - - BÉRÉNICE. - - Quoi que sur mes destins ils usurpent d'empire, 1115 - Je ne vois pas leur maître en état d'y souscrire. - Philon, laissons-les faire: ils n'ont qu'à me bannir - Pour trouver hautement l'art de me retenir. - Contre toutes leurs voix je ne veux qu'un suffrage, - Et l'ardeur de me nuire achèvera l'ouvrage. 1120 - Ce n'est pas qu'en effet la gloire où je prétends - N'offre trop de prétexte aux esprits mécontents: - Je ne puis jeter l'œil sur ce que je suis née - Sans voir que de périls suivront cet hyménée. - Mais pour y parvenir s'il faut trop hasarder, 1125 - Je veux donner le bien que je n'ose garder; - Je veux du moins, je veux ôter à ma rivale - Ce miracle vivant, cette âme sans égale: - Qu'en dépit des Romains, leur digne souverain, - S'il prend une moitié, la prenne de ma main; 1130 - Et pour tout dire enfin, je veux que Bérénice - Ait une créature en leur impératrice. - Je vois Domitian. Contre tous leurs arrêts - Il n'est pas malaisé d'unir nos intérêts. - - -SCÈNE II. - -DOMITIAN, BÉRÉNICE, PHILON, ALBIN. - - BÉRÉNICE. - - Auriez-vous au sénat, Seigneur, assez de brigue 1135 - Pour combattre et confondre une insolente ligue? - S'il ne s'assemble pas exprès pour m'exiler, - J'ai quelques envieux qui pourront en parler. - L'exil m'importe peu, j'y suis accoutumée; - Mais vous perdez l'objet dont votre âme est charmée: - L'audacieux décret de mon bannissement - Met votre Domitie aux bras d'un autre amant; - Et vous pouvez[263] juger que s'il faut qu'on m'exile, - Sa conquête pour vous n'en est pas plus facile. - Voyez si votre amour se veut laisser ravir 1145 - Cet unique secours qui pourroit le servir[264]. - - DOMITIAN. - - On en pourra parler, Madame, et mon ingrate - En a déjà conçu quelque espoir qui la flatte; - Mais je puis dire aussi que le rang que je tiens - M'a fait assez d'amis pour opposer aux siens; 1150 - Et que si dès l'abord ils ne les font pas taire, - Ils rompront le grand coup qui seul nous peut déplaire. - Non que tout cet espoir ne coure grand hasard, - Si votre amant volage y prend la moindre part: - On l'aime; et si son ordre à nos amis s'oppose, 1155 - Leur plus fidèle ardeur osera peu de chose. - - BÉRÉNICE. - - Ah! Prince, je mourrai de honte et de douleur, - Pour peu qu'il contribue à faire mon malheur; - Mais je n'ai qu'à le voir pour calmer ces alarmes. - - DOMITIAN. - - N'y perdez point de temps, portez-y tous vos charmes: - N'en oubliez aucun dans un péril si grand. - Peut-être, ainsi que vous, ce dessein le surprend; - Mais je crains qu'après tout son âme irrésolue - Ne relâche un peu trop sa puissance absolue, - Et ne laisse au sénat décider de ses vœux, 1165 - Pour se faire une excuse[265] envers l'une des deux. - - BÉRÉNICE. - - Quelques efforts qu'on fasse, et quelque art qu'on déploie, - Je vous réponds de tout, pourvu que je le voie; - Et je ne crois pas même au pouvoir de vos dieux - De lui faire épouser Domitie à mes yeux. 1170 - Si vous l'aimez encor, ce mot vous doit suffire. - Quant au sénat, qu'il m'ôte ou me donne l'empire, - Je ne vous dirai point à quoi je me résous. - Voici votre inconstante. Adieu, pensez à vous. - - -SCÈNE III. - -DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE. - - DOMITIE. - - Prince, si vous m'aimez, l'occasion est belle. 1175 - - DOMITIAN. - - Si je vous aime! Est-il un amant plus fidèle? - Mais, Madame, sachons ce que vous souhaitez. - - DOMITIE. - - Vous me servirez mal, puisque vous en doutez. - L'amant digne du cœur de la beauté qu'il aime - Sait mieux ce qu'elle veut que ce qu'il veut lui-même. - Mais puisque j'ai besoin d'expliquer mon courroux, - J'en veux à Bérénice, à l'Empereur, à vous: - A lui, qui n'ose plus m'aimer en sa présence; - A vous, qui vous mettez de leur intelligence, - Et dont tous les amis vont servir un amour 1185 - Qui me rend à vos yeux la fable de la cour. - Si vous m'aimez, Seigneur, il faut sauver ma gloire, - M'assurer par vos soins une pleine victoire; - Il faut.... - - DOMITIAN. - - Si vous croyez votre bonheur douteux, - Votre retour vers moi seroit-il si honteux? 1190 - Suis-je indigne de vous? suis-je si peu de chose - Que toute votre gloire à mon amour s'oppose? - Ne voit-on plus en moi ce que vous estimiez? - Et suis-je moindre enfin qu'alors que vous m'aimiez? - - DOMITIE. - - Non; mais un autre espoir va m'accabler de honte, 1195 - Quand le trône m'attend, si Bérénice y monte. - Délivrez-en mes yeux, et prêtez-moi la main - Du moins à soutenir l'honneur du nom romain. - De quel œil verrez-vous qu'une reine étrangère.... - - DOMITIAN. - - De l'œil dont je verrois que l'Empereur, mon frère, 1200 - En prît d'autres pour vous, ranimât son espoir, - Et pour se rendre heureux, usât de son pouvoir. - - DOMITIE. - - Ne vous y trompez pas: s'il me donne le change, - Je ne suis point à vous, je suis à qui me venge, - Et trouverai peut-être à Rome assez d'appui 1205 - Pour me venger de vous aussi bien que de lui. - - DOMITIAN. - - Et c'est du nom romain la gloire qui vous touche. - Madame? et vous l'avez au cœur comme en la bouche? - Ah! que le nom de Rome est un nom précieux, - Alors qu'en la servant on se sert encor mieux, 1210 - Qu'avec nos intérêts ce grand devoir conspire, - Et que pour récompense on se promet l'empire! - Parlons à cœur ouvert, Madame, et dites-moi - Quel fruit je dois attendre enfin d'un tel emploi. - - DOMITIE. - - Voulez-vous pour servir être sûr du salaire, 1215 - Seigneur? et n'avez-vous qu'un amour mercenaire[266]? - - DOMITIAN. - - Je n'en connois point d'autre, et ne conçois pas bien - Qu'un amant puisse plaire en ne prétendant rien. - - DOMITIE. - - Que ces prétentions sentent les âmes basses! - - DOMITIAN. - - Les Dieux à qui les sert font espérer des grâces. 1220 - - DOMITIE. - - Les exemples des Dieux s'appliquent mal sur nous. - - DOMITIAN. - - Je ne veux donc, Madame, autre exemple que vous. - N'attendez-vous de Tite, et n'avez-vous pour Tite - Qu'une stérile ardeur qui s'attache au mérite? - De vos destins aux siens pressez-vous l'union 1225 - Sans vouloir aucun fruit de tant de passion? - - DOMITIE. - - Peut-être en ce dessein ne suis-je intéressée - Que par l'intérêt seul de ma gloire blessée. - Croyez-moi généreuse, et soyez généreux: - N'aimez plus, ou n'aimez que comme je le veux. 1230 - Je sais ce que je dois à l'amant qui m'oblige; - Mais j'aime qu'on l'attende et non pas qu'on l'exige: - Et qui peut immoler son intérêt au mien, - Peut se promettre tout de qui ne promet rien. - Peut-être qu'en l'état où je suis avec Tite, 1235 - Je veux bien le quitter, mais non pas qu'il me quitte. - Vous en dis-je trop peu pour vous l'imaginer? - Et depuis quand l'amour n'ose-t-il deviner? - Tous mes emportements pour la grandeur suprême - Ne vous déguisent point, Seigneur, que je vous aime; - Et l'on ne voit que trop quel droit j'ai de haïr - Un empereur sans foi qui meurt de me trahir. - Me condamnerez-vous à voir que Bérénice - M'enlève de hauteur le rang d'impératrice? - Lui pourrez-vous aider à me perdre d'honneur? 1245 - - DOMITIAN. - - Ne pouvez-vous le mettre à faire mon bonheur? - - DOMITIE. - - J'ai quelque orgueil encor, Seigneur, je le confesse. - De tout ce qu'il attend rendez-moi la maîtresse, - Et laissez à mon choix l'effet de votre espoir: - Que ce soit une grâce, et non pas un devoir; 1250 - Et que.... - - DOMITIAN. - - Me faire grâce après tant d'injustice! - De tant de vains détours je vois trop l'artifice, - Et ne saurois douter du choix que vous ferez - Quand vous aurez par moi ce que vous espérez. - Épousez, j'y consens, le rang de souveraine; 1255 - Faites l'impératrice, en donnant une reine; - Disposez de sa main, et pour première loi, - Madame, ordonnez-lui d'abaisser l'œil sur moi. - - DOMITIE. - - Cet objet de ma haine a pour vous quelque charme. - - DOMITIAN. - - Son nom seul prononcé vous a mise en alarme: 1260 - Me puis-je mieux venger, si vous me trahissez, - Que d'aimer à vos yeux ce que vous haïssez? - - DOMITIE. - - Parlons à cœur ouvert. Aimez-vous Bérénice? - - DOMITIAN. - - Autant qu'il faut l'aimer pour vous faire un supplice. - - DOMITIE. - - Ce sera donc le vôtre encor plus que le mien. 1265 - Après cela, Seigneur, je ne vous dis plus rien. - S'il n'a pas pour votre âme une assez rude gêne, - J'y puis joindre au besoin une implacable haine. - - DOMITIAN. - - Et moi, dût à jamais croître ce grand courroux, - J'épouserai, Madame, ou Bérénice, ou vous. 1270 - - DOMITIE. - - Ou Bérénice, ou moi! La chose est donc égale, - Et vous ne m'aimez plus qu'autant que ma rivale? - - DOMITIAN. - - La douleur de vous perdre, hélas!... - - DOMITIE. - - C'en est assez: - Nous verrons cet amour dont vous nous menacez. - Cependant si la Reine, aussi fière que belle, 1275 - Sait comme il faut répondre aux vœux d'un infidèle, - Ne me rapportez point l'objet de son dédain - Qu'elle n'ait repassé les rives du Jourdain. - - -SCÈNE IV. - -DOMITIAN, ALBIN. - - DOMITIAN. - - Admire ainsi que moi de quelle jalousie - Au seul nom de la Reine elle a paru saisie; 1280 - Comme s'il importoit à ses heureux appas - A qui je donne un cœur dont elle ne veut pas! - - ALBIN. - - Seigneur, telle est l'humeur de la plupart des femmes. - L'amour sous leur empire eût-il rangé mille âmes, - Elles regardent tout comme leur propre bien, 1285 - Et ne peuvent souffrir qu'il leur échappe rien. - Un captif mal gardé leur semble une infamie: - Qui l'ose recevoir devient leur ennemie; - Et sans leur faire un vol on ne peut disposer - D'un cœur qu'un autre choix les force à refuser: 1290 - Elles veulent qu'ailleurs par leur ordre il soupire, - Et qu'un don de leur part marque un reste d'empire. - Domitie a pour vous ces communs sentiments - Que les fières beautés ont pour tous leurs amants, - Et craint, si votre main se donne à Bérénice, 1295 - Qu'elle ne porte en vain le nom d'impératrice, - Quand d'un côté l'hymen, et de l'autre l'amour, - Feront à cette reine un empire en sa cour. - Voilà sa jalousie, et ce qu'elle redoute, - Seigneur. Pour le sénat, n'en soyez point en doute, 1300 - Il aime l'Empereur, et l'honore à tel point, - Qu'il servira sa flamme, ou n'en parlera point; - Pour le stupide Claude il eut bien la bassesse - D'autoriser l'hymen de l'oncle avec la nièce[267]: - Il ne fera pas moins pour un prince adoré, 1305 - Et je l'y tiens déjà, Seigneur, tout préparé. - - DOMITIAN. - - Tu parles du sénat, et je veux parler d'elle, - De l'ingrate qu'un trône a rendue infidèle. - N'est-il point de moyens[268], ne vois-tu point de jour, - A mettre enfin d'accord sa gloire et son amour? 1310 - - ALBIN. - - Tout dépendra de Tite et du secret office - Qu'il peut dans le sénat rendre à sa Bérénice. - L'air dont il agira pour un espoir si doux - Tournera l'assemblée ou pour ou contre vous; - Et si sa politique à vos amis s'oppose, 1315 - Vous l'avez dit vous-même, ils pourront peu de chose. - Sondez ses sentiments, et réglez-vous sur eux: - Votre bonheur est sûr, s'il consent d'être heureux. - Que si son choix balance, ou flatte mal le vôtre, - Demandez Bérénice afin d'obtenir l'autre. 1320 - Vous l'avez déjà vu sensible à de tels coups; - Et c'est un grand ressort qu'un peu d'amour jaloux. - Au moindre empressement pour cette belle reine, - Il vous fera justice et reprendra sa chaîne. - Songez à pénétrer ce qu'il a dans l'esprit. 1325 - Le voici. - - DOMITIAN. - - Je suivrai ce que ton zèle en dit. - - -SCÈNE V. - -TITE, DOMITIAN, FLAVIAN, ALBIN. - - TITE. - - Avez-vous regagné le cœur de votre ingrate, - Mon frère? - - DOMITIAN. - - Sa fierté de plus en plus éclate. - Voyez s'il fut jamais orgueil pareil au sien: - Il veut que je la serve et ne prétende rien, 1330 - Que j'appuie en l'aimant toute son injustice, - Que je fasse de Rome exiler Bérénice. - Mais, Seigneur, à mon tour puis-je vous demander - Ce qu'à vos plus doux vœux il vous plaît d'accorder? - - TITE. - - J'aurai peine à bannir la Reine de ma vue. 1335 - Par quels ordres, grands Dieux, est-elle revenue? - Je souffrois, mais enfin je vivois sans la voir; - J'allois.... - - DOMITIAN. - - N'avez-vous pas un absolu pouvoir, - Seigneur? - - TITE. - - Oui; mais j'en suis comptable à tout le monde: - Comme dépositaire, il faut que j'en réponde. 1340 - Un monarque a souvent des lois à s'imposer; - Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser. - - DOMITIAN. - - Que refuserez-vous aux désirs de votre âme, - Si le sénat approuve une si belle flamme? - - TITE. - - Qu'il parle du Vésuve, et ne se mêle pas 1345 - De jeter dans mon âme un nouvel embarras. - Est-ce à lui d'abuser de mon inquiétude - Jusqu'à mettre une borne à son incertitude? - Et s'il ose en mon choix prendre quelque intérêt, - Me croit-il en état d'en croire son arrêt? 1350 - S'il exile la Reine, y pourrai-je souscrire? - - DOMITIAN. - - S'il parle en sa faveur, pourrez-vous l'en dédire? - Ah! que je vous plaindrois d'avoir si peu d'amour! - - TITE. - - J'en ai trop, et le mets peut-être trop au jour. - - DOMITIAN. - - Si vous en aviez tant, vous auriez peu de peine 1355 - A rendre Domitie à sa première chaîne. - - TITE. - - Ah! s'il ne s'agissoit que de vous la céder, - Vous auriez peu de peine à me persuader; - Et pour vous rendre heureux, me rendre à Bérénice - Ne seroit pas vous faire un fort grand sacrifice. 1360 - Il y va de bien plus. - - DOMITIAN. - - De quoi, Seigneur? - - TITE. - - De tout. - Il y va d'épouser sa haine jusqu'au bout, - D'en suivre la furie, et d'être le ministre - De ce qu'un noir dépit conçoit de plus sinistre: - Et peut-être l'aigreur de ces inimitiés 1365 - Voudra que je vous perde ou que vous me perdiez: - Voilà ce qui peut suivre un si doux hyménée. - Vous voyez dans l'orgueil Domitie obstinée; - Quand pour moi cet orgueil ose vous dédaigner, - Elle ne m'aime pas: elle cherche à régner, 1370 - Avec vous, avec moi, n'importe la manière. - Tout plairoit, à ce prix, à son humeur altière; - Tout seroit digne d'elle; et le nom d'empereur - A mon assassin même attacheroit son cœur. - - DOMITIAN. - - Pouvez-vous mieux choisir un frein à sa colère, 1375 - Seigneur, que de la mettre entre les mains d'un frère? - - TITE. - - Non: je ne puis la mettre en de plus sûres mains[269]; - Mais plus vous m'êtes cher, Prince, et plus je vous crains: - De ceux qu'unit le sang plus douces sont les chaînes, - Plus leur désunion met d'aigreur dans leurs haines; 1380 - L'offense en est plus rude, et le courroux plus grand, - La suite plus barbare, et l'effet plus sanglant. - La nature en fureur s'abandonne à tout faire, - Et cinquante ennemis sont moins haïs qu'un frère. - Je ne réveille point des soupçons assoupis, 1385 - Et veux bien oublier le temps de Civilis[270]: - Vous étiez encor jeune, et sans vous bien connoître, - Vous pensiez n'être né que pour vivre sans maître; - Mais les occasions renaissent aisément: - Une femme est flatteuse, un empire est charmant, 1390 - Et comme avec plaisir on s'en laisse surprendre, - On néglige bientôt les soins de s'en défendre. - Croyez-moi, séparez vos intérêts des siens. - - DOMITIAN. - - Eh bien! j'en briserai les dangereux liens. - Pour votre sûreté j'accepte ce supplice; 1395 - Mais pour m'en consoler, donnez-moi Bérénice. - Dût le sénat, dût Rome en frémir de courroux, - Vous n'osez l'épouser, j'oserai plus que vous; - Je l'aime, et l'aimerai si votre âme y renonce. - Quoi? n'osez-vous, Seigneur, me faire de réponse? 1400 - - TITE. - - Se donne-t-elle à vous, et ne tient-il qu'à moi? - - DOMITIAN. - - Elle a droit d'imiter qui lui manque de foi. - - TITE. - - Elle n'en a que trop; et toutefois je doute - Que son amour trahi prenne la même route. - - DOMITIAN. - - Mais si pour se venger elle répond au mien? 1405 - - TITE. - - Épousez-la, mon frère, et ne m'en dites rien. - - DOMITIAN. - - Et si je regagnois l'esprit de Domitie? - Si pour moi sa fierté se montroit adoucie? - Si mes vœux, si mes soins en étoient mieux reçus, - Seigneur? - - TITE, en rentrant. - - Epousez-la sans m'en parler non plus. 1410 - - DOMITIAN. - - Allons, et malgré lui rendons-lui Bérénice. - Albin, de nos projets son amour est complice; - Et puisqu'il l'aime assez pour en être jaloux, - Malgré l'ambition Domitie est à nous. - - -FIN DU QUATRIÈME ACTE. - - [256] Dans la _Bérénice_ de Racine (acte II, scène II), - Titus interroge de même son confident Paulin, et celui-ci lui - fait connaître, comme ici Philon à Bérénice, les dispositions des - Romains. - - [257] Telle est l'orthographe de toutes les éditions - données par Corneille. L'édition de 1692, et Voltaire d'après - elle, ont substitué le pluriel au singulier: «assurent ce haut - rang.» - - [258] Voyez plus haut, p. 194, note 201, et p. 216, vers - 381. L'historien Josèphe raconte au livre XX de ses _Antiquités - judaïques_, chapitre VII, 3, que Polémon, pour épouser Bérénice, - se fit circoncire; puis que Bérénice l'ayant quitté fort peu de - temps après le mariage, il renonça à la religion juive. - - [259] Dans la _Bérénice_ de Racine (acte II, scène II, - et acte III, scène I), il s'agit d'un semblable témoignage de - reconnaissance, de l'agrandissement des États de Bérénice. - - [260] Tacite raconte au livre IV de ses _Histoires_ - (chapitres LXXXV et LXXXVI) comment Mucien décida Domitien à - rester à Lyon, au lieu d'aller sur le théâtre même de la guerre. - Puis il ajoute: «Domitien comprit l'artifice; mais les égards - commandaient de ne pas l'apercevoir: on alla donc à Lyon. De là - on croit qu'il tenta par de secrets émissaires la foi de Cerealis - (_ou_ Cerialis, _le général qui commandait l'armée romaine - opposée au Batave Civilis_): il voulait savoir si ce chef lui - remettrait, en cas qu'il parût, l'armée et le commandement. Cette - pensée cachait-elle un projet de guerre contre son père, ou - cherchait-il à se ménager contre son frère des ressources et des - forces? la chose demeura incertaine.» _Intellegebantur artes; sed - pars obsequii in eo ne deprehenderentur: ita Lugdunum ventum. - Unde creditur Domitianus occultis ad Cerialem nunciis, fidem ejus - tentavisse an præsenti sibi exercitum imperiumque traditurus - foret: qua cogitatione bellum adversus patrem agitaverit, an opes - virisque adversus fratrem, in incerto fuit._ - - [261] Toutes les éditions anciennes, y compris celles de - Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764), donnent _causé_, - sans accord. - - [262] _Quædam sub eo fortuita ac tristia acciderunt: ut - conflagratio Vesevi montis in Campania._ (Suétone, _Titus_, - chapitre VIII.) Cette éruption de 79 est celle qui détruisit - Herculanum, Pompeies et Stabies, et dont Pline l'Ancien fut - victime. - - [263] Nous avons adopté la leçon de l'édition de 1692, - qui est aussi celle de Voltaire. Elle nous a paru préférable au - texte des éditions antérieures: «vous pourrez.» - - [264] _Var._ Cet unique secours qui pouvoit le servir. - (1671 et 79) - - [265] L'édition de 1682 porte, par erreur, «_un_ - excuse.» - - [266] On lit _marcenaire_ dans les deux éditions de 1682 - et de 1692. - - [267] Après la mort de Messaline, Claude épousa, avec - l'assentiment du sénat, sa nièce Agrippine, dont le fils Néron - avait déjà onze ans. Voyez Tacite, _Annales_, livre XII, - chapitres V-VII. - - [268] Voltaire (1764) a mis le singulier: _moyen_. - - [269] L'édition de 1682 donne seule: «en des plus sûres - mains.» - - [270] Voyez ci-dessus, p. 246, note 260. - - - - -ACTE V. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -TITE, FLAVIAN. - - TITE. - - As-tu vu Bérénice? aime-t-elle mon frère? 1415 - Et se plaît-elle à voir qu'il tâche de lui plaire? - Me la demande-t-il de son consentement? - - FLAVIAN. - - Ne la soupçonnez point d'un si bas sentiment; - Elle n'en peut souffrir non pas même la feinte. - - TITE. - - As-tu vu dans son cœur encor la même atteinte? 1420 - - FLAVIAN. - - Elle veut vous parler, c'est tout ce que j'en sai. - - TITE. - - Faut-il de son pouvoir faire un nouvel essai? - - FLAVIAN. - - M'en croirez-vous, Seigneur? évitez sa présence[271], - Ou mettez-vous contre elle un peu mieux en défense. - Quel fruit espérez-vous de tout son entretien? 1425 - - TITE. - - L'en aimer davantage, et ne résoudre rien. - - FLAVIAN. - - L'irrésolution doit-elle être éternelle? - Vous ne me dites plus que Domitie est belle, - Seigneur, vous qui disiez que ses seules beautés - Vous peuvent consoler de ce que vous quittez; 1430 - Qu'elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre - Vos feux à s'assoupir, s'ils ne peuvent s'éteindre. - - TITE. - - Je l'ai dit, il est vrai; mais j'avois d'autres yeux, - Et je ne voyois pas Bérénice en ces lieux. - - FLAVIAN. - - Quand aux feux les plus beaux un monarque défère, - Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire, - Et regarde l'amour comme un lâche attentat - Dès qu'il veut prévaloir sur la raison d'État. - Son grand cœur, au-dessus des plus dignes amorces, - A ses devoirs pressants laisse toutes leurs forces[272]; 1440 - Et son plus doux espoir n'ose lui demander - Ce que sa dignité ne lui peut accorder. - - TITE. - - Je sais qu'un empereur doit parler ce langage; - Et quand il l'a fallu, j'en ai dit davantage; - Mais de ces duretés que j'étale à regret, 1445 - Chaque mot à mon cœur coûte un soupir secret; - Et quand à la raison j'accorde un tel empire, - Je le dis seulement parce qu'il le faut dire, - Et qu'étant au-dessus de tous les potentats, - Il me seroit honteux de ne le dire pas. 1450 - De quoi s'enorgueillit un souverain de Rome, - Si par respect pour elle il doit cesser d'être homme, - Éteindre un feu qui plaît, ou ne le ressentir - Que pour s'en faire honte et pour le démentir? - Cette toute-puissance est bien imaginaire, 1455 - Qui s'asservit soi-même à la peur de déplaire, - Qui laisse au goût public régler tous ses projets, - Et prend le plus haut rang pour craindre ses sujets. - Je ne me donne point d'empire sur leurs âmes, - Je laisse en liberté leurs soupirs et leurs flammes; 1460 - Et quand d'un bel objet j'en vois quelqu'un charmé, - J'applaudis au bonheur d'aimer et d'être aimé. - Quand je l'obtiens du ciel, me portent-ils envie? - Qu'ont d'amer pour eux tous les douceurs de ma vie? - Et par quel intérêt.... - - FLAVIAN. - - Ils perdroient tout en vous. 1465 - Vous faites le bonheur et le salut de tous, - Seigneur; et l'univers, de qui vous êtes l'âme.... - - TITE. - - Ne perds plus de raisons à combattre ma flamme: - Les yeux de Bérénice inspirent des avis - Qui persuadent mieux que tout ce que tu dis. 1470 - - FLAVIAN. - - Ne vous exposez donc qu'à ceux de Domitie. - - TITE. - - Je n'ai plus, Flavian, que quatre jours de vie: - Pourquoi prends-tu plaisir à les tyranniser? - - FLAVIAN. - - Mais vous savez qu'il faut la perdre ou l'épouser? - - TITE. - - En vain donc à ses vœux tout mon amour s'oppose; 1475 - Périr ou faire un crime est pour moi même chose. - Laissons-lui toutefois soulever des mutins; - Hasardons sur la foi de nos heureux destins: - Ils m'ont promis la Reine, et doivent à ses charmes - Tout ce qu'ils ont soumis à l'effort de mes armes; 1480 - Par elle j'ai vaincu, pour elle il faut périr. - - FLAVIAN. - - Seigneur.... - - TITE. - - Oui, Flavian, c'est à faire[273] à mourir. - La vie est peu de chose; et tôt ou tard, qu'importe - Qu'un traître me l'arrache, ou que l'âge l'emporte? - Nous mourons[274] à toute heure; et dans le plus doux sort - Chaque instant de la vie est un pas vers la mort[275]. - - FLAVIAN. - - Flattez mieux les desirs de votre ambitieuse, - Et ne la changez pas de fière en furieuse. - Elle vient vous parler. - - TITE. - - Dieux! quel comble d'ennuis! - - -SCÈNE II. - -TITE, DOMITIE, FLAVIAN, PLAUTINE. - - DOMITIE. - - Je viens savoir de vous, Seigneur, ce que je suis. 1490 - J'ai votre foi pour gage, et mes aïeux pour marques - Du grand droit de prétendre au plus grand des monarques; - Mais Bérénice est belle, et des yeux si puissants - Renversent aisément des droits si languissants. - Ce grand jour qui devoit unir mon sort au vôtre, 1495 - Servira-t-il, Seigneur, au triomphe d'une autre? - - TITE. - - J'ai quatre jours encor pour en délibérer, - Madame; jusque-là laissez-moi respirer. - C'est peu de quatre jours pour un tel sacrifice; - Et s'il faut à vos droits immoler Bérénice, 1500 - Je ne vous réponds pas que Rome et tous vos droits - Puissent en quatre jours m'en imposer les lois. - - DOMITIE. - - Il n'en faudroit pas tant, Seigneur, pour vous résoudre - A lancer sur ma tête un dernier coup de foudre, - Si vous ne craigniez point qu'il rejaillît[276] sur vous. 1505 - - TITE. - - Suspendez quelque temps encor ce grand courroux. - Puis-je étouffer sitôt une si belle flamme? - - DOMITIE. - - Quoi? vous ne pouvez pas ce que peut une femme? - Que vous me rendez mal ce que vous me devez! - J'ai brisé de beaux fers, Seigneur, vous le savez; 1510 - Et mon âme, sensible à l'amour comme une autre, - En étouffe un peut-être aussi fort que le vôtre. - - TITE. - - Peut-être auriez-vous peine à le bien étouffer, - Si votre ambition n'en savoit triompher. - Moi qui n'ai que les Dieux au-dessus de ma tête, 1515 - Qui ne vois plus de rang digne de ma conquête, - Du trône où je me sieds puis-je aspirer à rien - Qu'à posséder un cœur qui n'aspire qu'au mien? - C'est là de mes pareils la noble inquiétude: - L'ambition remplie y jette leur étude; 1520 - Et sitôt qu'à prétendre elle n'a plus de jour, - Elle abandonne un cœur tout entier à l'amour. - - DOMITIE. - - Elle abandonne ainsi le vôtre à cette reine, - Qui cherche une grandeur encor plus souveraine. - - TITE. - - Non, Madame: je veux que vous sortiez d'erreur[277], 1525 - Bérénice aime Tite, et non pas l'Empereur; - Elle en veut à mon cœur, et non pas à l'empire[278]. - - DOMITIE. - - D'autres avoient déjà pris soin de me le dire, - Seigneur; et votre reine a le goût délicat - De n'en vouloir qu'au cœur, et non pas à l'éclat. 1530 - Cet amour épuré que Tite seul lui donne - Renonceroit au rang pour être à la personne! - Mais on a beau, Seigneur, raffiner sur ce point, - La personne et le rang ne se séparent point. - Sous les tendres brillants de cette noble amorce 1535 - L'ambition cachée attaque, presse, force; - Par là de ses projets elle vient mieux à bout; - Elle ne prétend rien, et s'empare de tout. - L'art est grand; mais enfin je ne sais s'il mérite - La bouche d'une reine et l'oreille de Tite. 1540 - Pour moi, j'aime autrement; et tout me charme en vous; - Tout m'en est précieux, Seigneur, tout m'en est doux; - Je ne sais point si j'aime ou l'Empereur ou Tite, - Si je m'attache au rang ou n'en veux qu'au mérite, - Mais je sais qu'en l'état où je suis aujourd'hui 1545 - J'applaudis à mon cœur de n'aspirer qu'à lui. - - TITE. - - Mais me le donnez-vous tout ce cœur qui n'aspire, - En se tournant vers moi, qu'aux honneurs de l'empire? - Suit-il l'ambition en dépit de l'amour, - Madame? la suit-il sans espoir de retour? 1550 - - DOMITIE. - - Si c'est à mon égard ce qui vous inquiète, - Le cœur se rend bientôt quand l'âme est satisfaite: - Nous le défendons mal de qui remplit nos vœux. - Un moment dans le trône éteint tous autres feux; - Et donner tout ce cœur, souvent ce n'est que faire 1555 - D'un trésor invisible un don imaginaire. - A l'amour vraiment noble il suffit du dehors; - Il veut bien du dedans ignorer les ressorts: - Il n'a d'yeux que pour voir ce qui s'offre à la vue, - Tout le reste est pour eux une terre inconnue; 1560 - Et sans importuner le cœur d'un souverain, - Il a tout ce qu'il veut quand il en a la main. - Ne m'ôtez pas la vôtre, et disposez du reste. - Le cœur a quelque chose en soi de tout céleste; - Il n'appartient qu'aux Dieux; et comme c'est leur choix, - Je ne veux point, Seigneur, attenter sur leurs droits. - - TITE. - - Et moi, qui suis des Dieux la plus visible image, - Je veux ce cœur comme eux, et j'en veux tout l'hommage. - Mais vous n'en avez plus, Madame, à me donner; - Vous ne voulez ma main que pour vous couronner. 1570 - D'autres pourront un jour vous rendre ce service. - Cependant, pour régler le sort de Bérénice, - Vous pouvez faire agir vos amis au sénat; - Ils peuvent m'y nommer lâche, parjure, ingrat: - J'attendrai son arrêt, et le suivrai peut-être. 1575 - - DOMITIE. - - Suivez-le, mais tremblez s'il flatte trop son maître. - Ce grand corps tous les ans change d'âme et de cœurs; - C'est le même sénat, et d'autres sénateurs. - S'il alla pour Néron jusqu'à l'idolâtrie, - Il le traita depuis de traître à sa patrie, 1580 - Et réduisit ce prince indigne de son rang - A la nécessité de se percer le flanc[279]. - Vous êtes son amour, craignez d'être sa haine - Après l'indignité d'épouser une reine. - Vous avez quatre jours pour en délibérer. 1585 - J'attends le coup fatal, que je ne puis parer. - Adieu. Si vous l'osez, contentez votre envie; - Mais en m'ôtant l'honneur n'épargnez pas ma vie. - - -SCÈNE III. - -TITE, FLAVIAN. - - TITE. - - L'impétueux esprit! Conçois-tu, Flavian, - Où pourroient ses fureurs porter Domitian, 1590 - Et de quelle importance est pour moi l'hyménée - Où par tous mes desirs je la sens condamnée? - - FLAVIAN. - - Je vous l'ai déjà dit, Seigneur: pensez-y bien, - Et surtout de la Reine évitez l'entretien. - Redoutez.... Mais elle entre, et sa moindre tendresse - De toutes nos raisons va montrer la foiblesse. - - -SCÈNE IV. - -TITE, BÉRÉNICE, PHILON, FLAVIAN. - - TITE. - - Eh bien! Madame, eh bien! faut-il tout hasarder? - Et venez-vous ici pour me le commander? - - BÉRÉNICE. - - De ce qui m'est permis je sais mieux la mesure, - Seigneur; et j'ai pour vous une flamme trop pure 1600 - Pour vouloir, en faveur d'un zèle ambitieux, - Mettre au moindre péril des jours si précieux. - Quelque pouvoir sur moi que notre amour obtienne, - J'ai soin de votre gloire; ayez-en de la mienne. - Je ne demande plus que pour de si beaux feux 1605 - Votre absolu pouvoir hasarde un: «Je le veux.» - Cet amour le voudroit; mais comme je suis reine, - Je sais des souverains la raison souveraine. - Si l'ardeur de vous voir l'a voulue[280] ignorer, - Si mon indigne exil s'est permis d'espérer, 1610 - Si j'ai rentré dans Rome avec quelque imprudence, - Tite à ce trop d'ardeur doit un peu d'indulgence. - Souffrez qu'un peu d'éclat, pour prix de tant d'amour, - Signale ma venue, et marque mon retour. - Voudrez-vous que je parte avec l'ignominie 1615 - De ne vous avoir vu que pour me voir bannie? - Laissez-moi la douceur de languir en ces lieux[281], - D'y soupirer pour vous, d'y mourir à vos yeux: - C'en sera bientôt fait, ma douleur est trop vive - Pour y tenir longtemps votre attente captive; 1620 - Et si je tarde trop à mourir de douleur, - J'irai loin de vos yeux terminer mon malheur. - Mais laissez-m'en choisir la funeste journée; - Et du moins jusque-là, Seigneur, point d'hyménée. - Pour votre ambitieuse avez-vous tant d'amour 1625 - Que vous ne le puissiez différer d'un seul jour? - Pouvez-vous refuser à ma douleur profonde.... - - TITE. - - Hélas! que voulez-vous que la mienne réponde? - Et que puis-je résoudre alors que vous parlez, - Moi qui ne puis vouloir que ce que vous voulez? 1630 - Vous parlez de languir, de mourir à ma vue; - Mais, ô Dieux! songez-vous que chaque mot me tue, - Et porte dans mon cœur de si sensibles coups, - Qu'il ne m'en faut plus qu'un pour mourir avant vous? - De ceux qui m'ont percé souffrez que je soupire. 1635 - Pourquoi partir, Madame, et pourquoi me le dire? - Ah! si vous vous forcez d'abandonner ces lieux, - Ne m'assassinez point de vos cruels adieux. - Je vous suivrois, Madame; et flatté de l'idée - D'oser mourir à Rome, et revivre en Judée, 1640 - Pour aller de mes feux vous demander le fruit, - Je quitterois l'empire et tout ce qui leur nuit. - - BÉRÉNICE. - - Daigne me préserver le ciel.... - - TITE. - - De quoi, Madame? - - BÉRÉNICE. - - De voir tant de foiblesse en une si grande âme! - Si j'avois droit par là de vous moins estimer, 1645 - Je cesserois peut-être aussi de vous aimer. - - TITE. - - Ordonnez donc enfin ce qu'il faut que je fasse. - - BÉRÉNICE. - - S'il faut partir demain, je ne veux qu'une grâce: - Que ce soit vous, Seigneur, qui le veuilliez pour moi, - Et non votre sénat qui m'en fasse la loi. 1650 - Faites-lui souvenir, quoi qu'il craigne ou projette, - Que je suis son amie, et non pas sa sujette; - Que d'un tel attentat notre rang est jaloux, - Et que tout mon amour ne m'asservit qu'à vous. - - TITE. - - Mais peut-être, Madame.... - - BÉRÉNICE. - - Il n'est point de peut-être, - Seigneur: s'il en décide, il se fait voir mon maître; - Et dût-il vous porter à tout ce que je veux, - Je ne l'ai point choisi pour juge de mes vœux. - - -SCÈNE V. - -TITE, BÉRÉNICE, DOMITIAN, ALBIN, FLAVIAN, PHILON. - -(Domitian entre[282].) - - TITE. - - Allez dire au sénat, Flavian, qu'il se lève: - Quoi qu'il ait commencé, je défends qu'il achève. 1660 - Soit qu'il parle à présent du Vésuve[283] ou de moi, - Qu'il cesse, et que chacun se retire chez soi. - Ainsi le veut la Reine; et comme amant fidèle, - Je veux qu'il obéisse aux lois que je prends d'elle, - Qu'il laisse à notre amour régler notre intérêt. 1665 - - DOMITIAN. - - Il n'est plus temps, Seigneur; j'en apporte l'arrêt. - - TITE. - - Qu'ose-t-il m'ordonner? - - DOMITIAN. - - Seigneur, il vous conjure - De remplir tout l'espoir d'une flamme si pure. - Des services rendus à vous, à tout l'État, - C'est le prix qu'a jugé lui devoir le sénat; 1670 - Et pour ne vous prier que pour une Romaine, - D'une commune voix Rome adopte la Reine; - Et le peuple à grands cris montre sa passion - De voir un plein effet de cette adoption. - - TITE. - - Madame.... - - BÉRÉNICE. - - Permettez, Seigneur, que je prévienne - Ce que peut votre flamme accorder à la mienne. - Grâces au juste ciel, ma gloire en sûreté - N'a plus à redouter aucune indignité. - J'éprouve du sénat l'amour et la justice, - Et n'ai qu'à le vouloir pour être impératrice. 1680 - Je n'abuserai point d'un surprenant respect - Qui semble un peu bien prompt pour n'être point suspect: - Souvent on se dédit de tant de complaisance. - Non que vous ne puissiez en fixer l'inconstance: - Si nous avons trop vu ses flux et ses reflux 1685 - Pour Galba, pour Othon, et pour Vitellius, - Rome, dont aujourd'hui vous êtes les délices[284], - N'aura jamais pour vous ces insolents caprices; - Mais aussi cet amour qu'a pour vous l'univers - Ne vous peut garantir des ennemis couverts. 1690 - Un million de bras a beau garder un maître, - Un million de bras ne pare point d'un traître: - Il n'en faut qu'un pour perdre un prince aimé de tous, - Il n'y faut qu'un brutal qui me haïsse en vous; - Aux zèles indiscrets tout paroît légitime, 1695 - Et la fausse vertu se fait honneur du crime. - Rome a sauvé ma gloire en me donnant sa voix: - Sauvons-lui, vous et moi, la gloire de ses lois; - Rendons-lui, vous et moi, cette reconnoissance - D'en avoir pour vous plaire affoibli la puissance, 1700 - De l'avoir immolée à vos plus doux souhaits. - On nous aime: faisons qu'on nous aime à jamais. - D'autres sur votre exemple épouseroient des reines - Qui n'auroient pas, Seigneur, des âmes si romaines, - Et lui feroient peut-être avec trop de raison 1705 - Haïr votre mémoire et détester mon nom. - Un refus généreux de tant de déférence - Contre tous ces périls nous met en assurance. - - TITE. - - Le ciel de ces périls saura trop nous garder. - - BÉRÉNICE. - - Je les vois de trop près pour vous y hasarder. 1710 - - TITE. - - Quand Rome vous appelle à la grandeur suprême.... - - BÉRÉNICE. - - Jamais un tendre amour n'expose ce qu'il aime. - - TITE. - - Mais, Madame, tout cède, et nos vœux exaucés.... - - BÉRÉNICE. - - Votre cœur est à moi, j'y règne; c'est assez[285]. - - TITE. - - Malgré les vœux publics refuser d'être heureuse, 1715 - C'est plus craindre qu'aimer. - - BÉRÉNICE. - - La crainte est amoureuse. - Ne me renvoyez pas, mais laissez-moi partir. - Ma gloire ne peut croître, et peut se démentir. - Elle passe aujourd'hui celle du plus grand homme, - Puisqu'enfin je triomphe et dans Rome et de Rome: - J'y vois à mes genoux le peuple et le sénat; - Plus j'y craignois de honte, et plus j'y prends d'éclat; - J'y tremblois sous sa haine, et la laisse impuissante; - J'y rentrois exilée, et j'en sors triomphante. - - TITE. - - L'amour peut-il se faire une si dure loi? 1725 - - BÉRÉNICE. - - La raison me la fait malgré vous, malgré moi[286]. - Si je vous en croyois, si je voulois m'en croire, - Nous pourrions vivre heureux, mais avec moins de gloire. - Épousez Domitie: il ne m'importe plus - Qui vous enrichissiez d'un si noble refus[287]. 1730 - C'est à force d'amour que je m'arrache au vôtre; - Et je serois à vous, si j'aimois comme une autre[288]. - Adieu, Seigneur: je pars. - - TITE. - - Ah! Madame, arrêtez. - - DOMITIAN. - - Est-ce là donc pour moi l'effet de vos bontés, - Madame? Est-ce le prix de vous avoir servie? 1735 - J'assure votre gloire, et vous m'ôtez la vie. - - TITE. - - Ne vous alarmez point: quoi que la Reine ait dit, - Domitie est à vous, si j'ai quelque crédit. - Madame, en ce refus un tel amour éclate, - Que j'aurois pour vous l'âme au dernier point ingrate, - Et mériterois mal ce qu'on a fait pour moi, - Si je portois ailleurs la main que je vous doi. - Tout est à vous: l'amour, l'honneur, Rome l'ordonne. - Un si noble refus n'enrichira personne, - J'en jure par l'espoir qui nous fut le plus doux: 1745 - Tout est à vous, Madame, et ne sera qu'à vous; - Et ce que mon amour doit à l'excès du vôtre - Ne deviendra jamais le partage d'une autre[289]. - - BÉRÉNICE. - - Le mien vous auroit fait déjà ces beaux serments, - S'il n'eût craint d'inspirer de pareils sentiments: 1750 - Vous vous devez des fils, et des Césars à Rome, - Qui fassent à jamais revivre un si grand homme. - - TITE. - - Pour revivre en des fils nous n'en mourons pas moins, - Et vous mettez ma gloire au-dessus de ces soins. - Du levant au couchant, du More[290] jusqu'au Scythe, 1755 - Les peuples vanteront et Bérénice et Tite; - Et l'histoire à l'envi forcera l'avenir - D'en garder à jamais l'illustre souvenir[291]. - Prince, après mon trépas soyez sûr de l'empire; - Prenez-y part en frère, attendant que j'expire. 1760 - Allons voir Domitie, et la fléchir pour vous. - Le premier rang dans Rome est pour elle assez doux; - Et je vais lui jurer qu'à moins que je périsse, - Elle seule y tiendra celui d'impératrice. - Est-ce là vous l'ôter? - - DOMITIAN. - - Ah! c'en est trop, Seigneur. 1765 - - TITE, à Bérénice. - - Daignez contribuer à faire son bonheur, - Madame, et nous aider à mettre de cette âme - Toute l'ambition d'accord avec sa flamme. - - BÉRÉNICE. - - Allons, Seigneur: ma gloire en croîtra de moitié, - Si je puis remporter chez moi son amitié. 1770 - - TITE. - - Ainsi pour mon hymen la fête préparée - Vous rendra cette foi qu'on vous avoit jurée, - Prince; et ce jour, pour vous[292] si noir, si rigoureux, - N'aura d'éclat ici que pour vous rendre heureux. - - -FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE. - - [271] Corneille avait dit dans _Polyeucte_ (acte II, - scène I, vers 388): - - M'en croirez-vous, Seigneur? ne la revoyez point. - - Voyez tome III, p. 505. - - [272] Ces six vers se trouvent déjà, avec quelques - variantes çà et là, dans _Sophonisbe_, où Lélius dit à Massinisse - (acte IV, scène III, vers 1373-1378): - - Mais quand à cette ardeur un monarque défère, - Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire; - Il repousse l'amour comme un lâche attentat, - Dès qu'il veut prévaloir sur la raison d'État; - Et son cœur, au-dessus de ces basses amorces, - Laisse à cette raison toujours toutes ses forces. - - Voyez tome VI, p. 529. - - [273] Telle est l'orthographe de toutes les éditions - anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692) et de - Voltaire (1764). - - [274] Il y a _Nous mourrons_, au futur, dans l'édition - de 1671, ce qui n'offre pas de sens. - - [275] On lit dans l'_Imitation de Jésus-Christ_ (livre - II, chapitre XII): «_Scias pro certo quia morientem te oportet - ducere vitam_.» Corneille a traduit ainsi ce passage: - - Pour maxime infaillible imprime en ta pensée - Que chaque instant de vie est un pas vers la mort. - - C'est ce dernier vers qu'il s'est rappelé et qu'il a reproduit - presque textuellement ici. Comme l'a remarqué M. Quittard, il - «redit par un tour différent ce que disent beaucoup de proverbes, - entre autres ceux-ci: le moment où l'on naît est le commencement - de la mort; le jour de la naissance est le messager de la mort; la - vie est le chemin de la mort; la mort commence avec la vie, etc.» - (_Études sur les proverbes français_, p. 65.)--Plusieurs poëtes - ont répété ce vers avec de légères variantes. Casimir Delavigne a - dit dans son _Louis XI_ (acte 1, scène IX): - - Chaque pas dans la vie est un pas vers la mort. - - [276] Voyez plus haut, p. 239, note 249. - - [277] _Var._ Non, Madame, et je veux que vous sortiez - d'erreur. (1671) - - [278] Cette idée revient plusieurs fois dans la - _Bérénice_ de Racine. Voyez le commencement de la scène IV du Ier - acte, et la fin de la scène II du IIe acte. - - [279] Néron entendant approcher les cavaliers qui - avaient ordre de l'amener vivant, s'enfonça le fer dans la gorge, - aidé de son secrétaire Épaphrodite. Voyez Suétone, _Vie de - Néron_, chapitre XLIX. - - [280] Il y a _voulue_ dans toutes les éditions - antérieures à 1692. Thomas Corneille a ainsi corrigé ce vers: - - Si l'ardeur de vous voir a voulu l'ignorer. - - Voltaire (1764) a supprimé l'accord irrégulier et donne l'hiatus: - «l'a voulu ignorer.» - - [281] Bérénice exprime le même désir à Titus dans la - tragédie de Racine (acte IV, scène V): - - Ah! Seigneur.... pourquoi nous séparer? - Je ne vous parle point d'un heureux hyménée. - Rome à ne vous plus voir m'a-t-elle condamnée? - Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez? - - [282] Voltaire (1764) a supprimé ces mots et placé - DOMITIAN en tête des noms des personnages. - - [283] Voyez ci-dessus, p. 247, note 262. - - [284] Voyez ci-dessus, p. 218, note 230.--Racine, dans sa - dernière scène, place également ce mot dans la bouche de - Bérénice: - - Bérénice, Seigneur, ne vaut point tant d'alarmes; - Ni que par votre amour l'univers malheureux, - Dans le temps que Titus attire tous ses vœux - Et que de vos vertus il goûte les prémices, - Se voye en un moment enlever ses délices. - - [285] _Var._ Votre cœur est à moi, j'y règne, et c'est - assez. (1671) - - [286] Voyez ci-dessus la _Notice_, (note 240) p. 195. - - [287] Voyez plus haut, p. 240, vers 971-974. - - [288] Ici, comme au vers 306 et comme plus bas au vers - 1748, on lit «_un_ autre» dans l'édition de 1682.--Voyez tome I, - p. 228, note 3-_a_. - - [289] Voyez la note 288 précédente. - - [290] Le mot est écrit ainsi dans toutes les anciennes - éditions, y compris celles de Thomas Corneille (1692) et de - Voltaire (1764). Voyez tome III, p. 136, note 2. - - [291] C'est Bérénice qui exprime cette idée chez Racine, - dans les derniers vers de la tragédie. Elle s'adresse à Titus et - à Antiochus. - - Adieu: servons tous trois d'exemple à l'univers - De l'amour la plus tendre et la plus malheureuse - Dont il puisse garder l'histoire douloureuse. - - [292] Tel est le texte des éditions publiées du vivant - de l'auteur. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont - changé, avec raison ce semble, _pour vous_ en _pour nous_. - - - - -PSYCHÉ - -TRAGÉDIE-BALLET - -1671 - - - - -NOTICE. - - -Le sujet de _Psyché_ était certes un des plus beaux que la fable -pût offrir à l'admiration d'une cour galante, curieuse des -merveilles des décorations et des machines, mais aimant avant -toutes choses l'expression élégante et fine des nuances les plus -délicates de la passion. - -Il dut, pour plus d'un motif, se présenter à la pensée de -Molière, chargé par le Roi de faire jouer pour le carnaval de -1671 une pièce à grand spectacle. D'abord, en 1656, Benserade -avait fait un ballet de _Psyché_, qui avait été dansé par Louis -XIV. Ensuite, si l'on en croit M. de Soleirol[293], il semble -résulter de l'examen d'une suite de quarante et un dessins de -costumes, que la troupe de notre grand comique avait déjà joué à -Rouen, en 1658, une _Psyché_: toutefois on manque absolument de -renseignements à cet égard, et la _Psyché_ de Rouen pourrait bien -n'être qu'un simple divertissement, imité du ballet de Benserade. -Enfin en 1669, deux ans avant la représentation de la pièce qui -nous occupe, la Fontaine s'était plu à imiter le récit d'Apulée -et à l'accommoder, avec un art infini, au goût et aux sentiments -modernes. Suivant une opinion qui ne manque pas de vraisemblance, -Molière est, sous le nom de Gélaste, l'un des quatre amis, de -caractère si différent, que nous présente la Fontaine au -commencement de son ouvrage. Il était donc naturel qu'il fût -préoccupé de ce sujet, et peut-être s'arrêta-t-il plus volontiers -encore à l'idée de le mettre à la scène, s'il est vrai qu'on lui -avait recommandé d'utiliser une décoration des enfers. Cette -décoration, conservée avec grand soin au Garde-Meuble[294], -trouvait naturellement sa place dans _Psyché_; mais il faudrait -se garder d'accorder trop de confiance à cette petite tradition. -Quoi qu'il en soit, il ne suffisait point d'avoir trouvé cet -heureux canevas, il fallait le remplir, et, malgré sa diligence -habituelle, Molière craignait de ne pas être en mesure de faire -représenter cet ouvrage au carnaval; il implora donc le secours -de Corneille, qui lui prêta son aide pendant une quinzaine de -jours[295], et se mit à écrire de verve la plus grande partie de -la pièce: ce fut lui qui fournit, entre autres scènes, la -charmante déclaration de Psyché[296], si délicate, si passionnée, -et par laquelle les _doucereux_, comme les appelait notre -illustre poëte tragique, durent assurément se laisser gagner. - -Cette pièce fut représentée dans une salle nouvelle que Louis XIV -avait fait construire tout exprès pour les divertissements de ce -genre. Dans son _Idée des spectacles anciens et nouveaux_[297], -l'abbé de Pure décrit ainsi «le grand et superbe salon que le Roi -conçut et fit faire fixe et permanent pour les divers spectacles, -et pour les délassements de son esprit et le divertissement de -ses peuples:» - -«Ce grand prince, qui se connoît parfaitement à tout, et qui a de -grandes pensées jusque dans les plus petites choses, en donna l'ordre et -le soin au sieur Gaspard Vigarani. Le lieu fut malaisé à choisir; et feu -Monsieur le Cardinal, en partant de Paris pour aller travailler à la -paix sur la frontière, avoit prétendu faire un théâtre de bois dans la -place qui est derrière son palais. L'espace étoit à la vérité assez -grand, mais le sieur Vigarani ne le trouva ni assez propre, ni assez -commode, soit pour la durée, soit pour la majesté, soit pour le -mouvement des grandes machines qu'il avoit projetées. Comme il étoit -aussi judicieux qu'inventif, il proposa de bâtir une salle grande et -spacieuse dans les alignements du dessein du Louvre, dont les dehors -symétriques avec le reste de la façade l'affranchiroient de toute ruine -et de tous changements. Le Roi agréa fort cette proposition, et les -ordres furent donnés à M. Ratabon[298] de hâter l'ouvrage, et au sieur -Vigarani de préparer ses machines. En voici les dimensions et le devis, -tant du dedans que du dehors, qui m'a été donné par le sieur Charles -Vigarani, fils de Gaspard.... Le corps de la salle est partagé en -deux parties inégales. La première comprend le théâtre et ses -accompagnements; la seconde contient le parterre, les corridors et loges -qui font face au théâtre, et qui occupent le reste du salon de trois -côtés, l'un qui regarde la cour, l'autre le jardin, et le troisième le -corps du palais des Tuileries. La première partie, ou le théâtre, qui -s'ouvre par une façade également riche et artiste, depuis son ouverture -jusqu'à la muraille qui est du côté du pavillon, vers les vieilles -écuries, a de profondeur vingt-deux toises. Son ouverture est de -trente-deux pieds sur la largeur ou entre les corridors et châssis qui -règnent des deux côtés. La hauteur ou celle des châssis est de -vingt-quatre pieds jusques aux nuages. Par-dessus les nuages jusqu'au -tirant du comble, pour la retraite ou pour le mouvement des machines, il -y a trente-sept pieds. Sous le plancher ou parquet du théâtre, pour les -enfers ou pour les changements des mers, il y a quinze pieds de -profond.... La seconde partie, ou celle du parterre, qui est du côté de -l'appartement des Tuileries, a de largeur entre les deux murs -soixante-trois pieds, entre les corridors quarante-neuf. Sa -profondeur, depuis le théâtre jusqu'au susdit appartement, est de -quatre-vingt-treize pieds; chaque corridor est de six pieds; et la -hauteur du parterre jusqu'au plafond est de quarante-neuf pieds. Ce -plafond a deux beautés aussi riches que surprenantes, par sa dorure et -par sa dureté. Celle-ci est toutefois la plus considérable, quoique la -matière en soit commune et de peu de prix, car ce n'est que du carton, -mais composé et pétri d'une manière si particulière, qu'il est rendu -aussi dur que la pierre et que les plus solides matières. Le reste de la -hauteur jusqu'au comble, où sont les rouages et les mouvements, est de -soixante-deux pieds. Il y a encore une manière aussi nouvelle que hardie -d'enter une poutre l'une dans l'autre et de confier aux deux, sur -quelque longueur que ce soit, toute sorte de pesanteur et de machine. Il -en a rendu raison à divers physiciens, et a sauvé par cette invention -et les dépenses d'avoir des poutres assez grandes ou assez fortes pour -de tels bâtiments, et le péril de les voir s'affaisser et même rompre -après fort peu de durée.» - -En tête du programme in-4º de la pièce, intitulé: «PSICHÉ, -tragi-comédie et ballet dansé devant Sa Majesté au mois de -Ianvier 1671,» et publié à Paris par Robert Ballard dans le -courant de la même année, se trouve une autre _description de la -sale_, beaucoup moins technique, et que nous croyons devoir -reproduire parce qu'elle éclaircit et complète la précédente; -elle est d'ailleurs beaucoup plus courte: - -«Le lieu destiné pour la représentation, et pour les spectateurs -de cet assemblage de tant de magnifiques divertissements, est une -salle faite exprès pour les plus grandes fêtes, et qui seule peut -passer pour un très-superbe spectacle. Sa longueur est de -quarante toises; elle est partagée en deux parties: l'une est -pour le théâtre, et l'autre pour l'assemblée. Cette dernière -partie est celle que l'on voit la première; elle a des beautés -qui amusent agréablement les regards jusques au moment où la -scène doit s'ouvrir. La face du théâtre, ainsi que les deux -retours, est un grand ordre corinthien, qui comprend toute la -hauteur de l'édifice. On entre dans le parterre par deux portes -différentes, à droit et à gauche; ces entrées ont des deux côtés -des colonnes sur des piédestaux, et des pilastres carrés élevés à -la hauteur du théâtre. On monte ensuite sur un haut dais réservé -pour les places des personnes royales et de ce qu'il y a de plus -considérable à la cour. Cet espace est bordé d'une balustrade par -devant, et de degrés en amphithéâtre tout à l'entour; des -colonnes, posées sur le haut de ces degrés, soutiennent des -galeries, sous lesquelles, entre les colonnes, on a placé des -balcons, qui sont ornés, ainsi que le plafond, et tout ce qui -paroît dans la salle, de ce que l'architecture, la sculpture, la -peinture et la dorure ont de plus beau, de plus riche, et de plus -éclatant.» - -Ajoutons que l'éclairage était des plus brillants: «Trente -lustres qui éclairent la salle de l'assemblée, lit-on en tête du -_prologue_ dans le même programme, se haussent pour laisser la -vue du spectacle libre dans le moment que la toile qui ferme le -théâtre se lève.» - -Cette belle salle ne servit que pour cet ouvrage: après les -représentations de _Psyché_, «elle fut abandonnée, jusqu'en 1716 -qu'on la raccommoda pour les ballets qui y furent exécutés[299].» - -La première représentation de _Psyché_ eut lieu, suivant toute -apparence, le 16 janvier. Il est vrai que la _Gazette_ donne la -date du 17; mais, comme en terminant son article le journaliste -annonce que ce divertissement fut continué le 17, on doit penser -qu'il y a une faute d'impression dans la première phrase. Voici, -du reste, le texte exact de ce compte rendu, dans lequel nous -supprimons seulement une analyse très-peu intéressante de -l'ouvrage: - -«Le 17 de ce mois, Leurs Majestés, avec lesquelles étoient -Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orléans, et tous -les seigneurs et dames de la cour, prirent pour la première fois, -dans la salle des machines, au palais des Tuileries, le -divertissement d'un grand ballet dansé dans les entr'actes de la -comédie de _Psyché_.... Ce pompeux divertissement.... fut -continué le 17, en présence du nonce du pape, de l'ambassadeur de -Venise, et de quelques autres ministres, qui en admirèrent la -magnificence et la galanterie, avouant, avec grand nombre -d'autres étrangers, qu'il n'y a que la cour de France et son -incomparable monarque qui puissent produire de si charmants et si -éclatants spectacles[300].» - -La _Gazette_ du 31 janvier nous apprend que la cour, qui s'était -établie pendant quelques jours à Vincennes[301], s'empressa, -aussitôt revenue, d'aller admirer de nouveau le spectacle qui -l'avait charmée: - -«Le 24, Leurs Majestés retournèrent en cette ville, où elles ont -continué plusieurs soirs le divertissement du grand ballet dansé -au palais des Tuileries dans la salle des machines, auquel il ne -se peut rien ajouter pour la magnificence des décorations, le -nombre des changements, la beauté du sujet, l'excellence des -concerts, et pour toutes les autres choses qui rendent ce -spectacle digne de la plus belle cour du monde[302].» - -Le programme de _Psyché_, dont nous avons extrait la _description -de la sale_ des Tuileries, renferme une explication détaillée des -décorations et des machines, une analyse sommaire de la pièce, et -des listes contenant non-seulement les noms des acteurs de la -troupe de Molière qui représentèrent les divers personnages, mais -encore ceux des chanteurs et des danseurs qui figuraient dans -chaque intermède. Ces détails, qui ne se rattachent en rien à la -part que Corneille prit à l'ouvrage, auraient ici peu d'intérêt; -ils trouveront plus naturellement leur place dans la nouvelle -édition des _Œuvres_ de Molière que prépare M. Soulié. Nous nous -sommes contentés de joindre en tête de la pièce, au nom de chaque -personnage, celui de l'acteur. _Psyché_, qui avait inauguré la -salle des Tuileries, ne fut jouée dans celle de Molière que -lorsqu'elle eut été réparée et agrandie, et d'importantes -améliorations datent de l'époque où elle y fut représentée. - -«Il a été résolu, dit Lagrange dans son _Registre_,... d'avoir -dorénavant, à toutes sortes de représentations, tant simples que -de machines, un concert de douze violons, ce qui n'a été exécuté -qu'après la représentation de _Psyché_. Sur ladite délibération -de la troupe, on a commencé à travailler auxdits ouvrages de -réparation et de décoration de la salle le 18e mars, qui étoit un -mercredi, et on a fini un mercredi 15e avril de la présente -année. Ledit jour, mercredi 15e avril, après une délibération de -la compagnie de représenter _Psyché_, qui avoit été faite pour le -Roi l'hiver dernier et représentée sur le grand théâtre du palais -des Tuileries, on commença à faire travailler tant aux machines, -décorations, musique, ballets, et généralement tous les ornements -nécessaires pour ce grand spectacle. Jusques ici les musiciens et -musiciennes n'avoient point voulu paroître en public; ils -chantoient à la comédie dans des loges grillées et treillissées; -mais on surmonta cet obstacle, et avec quelque légère dépense, on -trouva des personnes qui chantèrent sur le théâtre à visage -découvert, habillées comme les comédiens.... Tous lesdits frais -et dépenses pour la préparation de _Psyché_ se sont montés à -la somme de quatre mille trois cent cinquante-neuf livres quinze -sols. Dans le cours de la pièce, M. de Beauchamps a reçu de -récompense, pour avoir fait les ballets et conduit la musique, -onze cents livres, non compris les onze livres par jour que la -troupe lui a données tant pour battre la mesure à la musique que -pour entretenir les ballets.» - -Après tous ces préparatifs et de nombreuses répétitions, _Psyché_ -fut enfin représentée le 24 juillet[303], et procura trente-huit -belles recettes à la troupe de Molière. - -Nous n'avons pas les noms des acteurs qui jouèrent alors, mais il -est certain que la distribution des rôles différa très-peu, du -moins quant aux principaux personnages, de celle qui avait eu -lieu pour la représentation des Tuileries. La femme de Molière, -Armande Béjart, jouait Psyché, Baron l'Amour, et l'on prétend que -leur intimité date de cette époque[304]. - -Un an s'était à peine écoulé depuis ces représentations de -_Psyché_ au palais Royal, qu'on songeait déjà à reprendre cette -pièce. Nous lisons dans les «nouvelles du 30e de juillet jusques -au 6e d'août» du _Mercure galant_[305]: «On verra au commencement -de l'hiver le grand spectacle de _Psyché_ triompher encore sur le -théâtre du Palais-Royal.» En effet, le registre de Lagrange en -mentionne la reprise au 11 novembre 1672, et compte trente-deux -représentations, dont la dernière eut lieu le dimanche 22 janvier -1673. Sous la date du 27 décembre 1672, on lit: «Monsieur et -Madame sont venus aujourd'hui à _Psyché_ et ont eu deux bancs de -l'amphithéâtre, et pour cette fois et deux autres ils ont donné -quatre cent quarante livres.» - -«La tragi-comédie de _Psyché_, disent les frères Parfait[306], a -été reprise plusieurs fois, mais la plus brillante de ces -reprises est celle du 1er juin 1703.» Parvenus à cette année, ils -nous rendent ainsi compte de cette reprise[307]: «Le 1er -juin[308], les comédiens remirent au théâtre la tragédie-ballet -de _Psyché_, de M. Molière, qui eut vingt-neuf représentations, -la dernière le 1er août suivant. Ce qui contribua beaucoup au -succès de cette remise, c'est qu'indépendamment des dépenses que -la compagnie avoit faites pour donner cette tragédie avec éclat, -en y joignant de brillantes décorations, des machines dont -l'exécution étoit parfaite, et des ballets de goût et bien -rendus, l'actrice qui représentoit le personnage de Psyché[309] -et l'acteur qui jouoit celui de l'Amour[310], quoique excellents -tous deux, se surpassèrent encore dans ces deux rôles; on dit -qu'ils ressentoient l'un pour l'autre la plus vive tendresse, et -que leurs talents supérieurs ne furent employés que pour marquer -avec plus de précision les sentiments de leurs cœurs[311].» - -Il est certes fort surprenant que le père et le fils aient ainsi -produit successivement dans ce rôle une illusion à laquelle les -actrices mêmes qui jouaient avec eux ne pouvaient se soustraire, -et il est permis de soupçonner ces récits d'un peu d'exagération. -Il faut convenir toutefois que les temps sont bien changés, car -lorsqu'on voulut de nos jours reprendre _Psyché_ au Théâtre -français, on ne songea pas même à chercher un comédien assez -heureusement doué pour remplir le personnage difficile de -l'Amour, dont le rôle fut confié à une femme[312]. - -L'édition originale, de format in-12, a pour titre exact: PSICHÉ, -TRAGEDIE-BALLET, par I. B. P. Moliere. _Et se vend pour -l'autheur, à Paris, chez P. le Monnier, au Palais...._ M.DC.LXXI. - -Le volume se compose de 2 feuillets, de 90 pages et d'un -feuillet. Le privilége est du 31 décembre 1670, et par conséquent -antérieur d'une quinzaine de jours à la représentation. - -L'opéra de _Psyché_, joué neuf ans après la tragédie-ballet de -Molière, le 9 avril 1678, a, quant au plan, beaucoup d'analogie -avec cet ouvrage; on y a même conservé les intermèdes de -Quinault. Cette œuvre lyrique porte généralement le nom de -Thomas Corneille; mais Fontenelle passe pour y avoir eu part -aussi bien qu'à l'opéra de _Bellérophon_[313]. - - * * * * * - -En tête de l'édition originale et des diverses réimpressions de -_Psyché_, on lit l'Avis suivant: - - -LE LIBRAIRE AU LECTEUR. - -Cet ouvrage n'est pas tout d'une main. M. Quinault a fait les -paroles qui s'y chantent en musique, à la réserve de la plainte -italienne[314]. M. de Molière[315] a dressé le plan de la pièce -et réglé la disposition, où il s'est plus attaché aux beautés et -à la pompe du spectacle qu'à l'exacte régularité. Quant à la -versification, il n'a pas eu le loisir de la faire entière. Le -carnaval approchoit; et les ordres pressants du Roi, qui se -vouloit donner ce magnifique divertissement plusieurs fois avant -le carême, l'ont mis dans la nécessité de souffrir un peu de -secours. Ainsi il n'y a que le prologue, le premier acte, la -première scène du second, et la première du troisième, dont les -vers soient de lui. M. Corneille[316] a employé une quinzaine au -reste; et par ce moyen Sa Majesté s'est trouvée servie dans le -temps qu'elle l'avoit ordonné[317]. - - [293] _Molière et sa troupe_, p. 92 et 93. - - [294] Voyez _Anecdotes dramatiques_, tome II, p. 443. - - [295] Voyez ci-après, p. 288. - - [296] Acte III, scène III. - - [297] 1668, p. 311 et suivantes. - - [298] Contrôleur des bâtiments du Roi. - - [299] _Histoire du Théâtre françois_, par les frères - Parfait, tome XI, p. 126. - - [300] Numéro du 24 janvier 1671, p. 81-83. - - [301] Voyez ci-dessus la Notice de _Bérénice_, p. 190. - - [302] Pages 107 et 108. - - [303] Dans l'édition de Molière de 1682 on lit à la - suite du titre de _Psyché_: «Representée pour le Roy dans la - grande Salle des Machines du Palais des Tuilleries en Janvier, et - durant tout le Carnaval de l'année 1670. Par la Troupe du Roy. Et - donnée au Public sur le Theâtre de la Salle du Palais Royal, le - 24 juillet 1671.» - - [304] Voyez _la Fameuse Comédienne_, p. 33 et - suivantes. - - [305] Tome III, p. 369. - - [306] _Histoire du Théâtre françois_, tome XI, p. 132. - - [307] Tome XIV, p. 307. - - [308] Dans le premier des deux passages cités, les - frères Parfait donnent le 1er juin 1703 comme tombant au mardi, - dans le second comme tombant au mercredi. C'était en réalité au - vendredi, ce qui nous a engagé à supprimer la mention du jour. - - [309] Mlle Desmares. (_Note des frères Parfait._) - - [310] M. Baron fils. (_Note des mêmes._) - - [311] Un passage du prologue ajouté par Dancourt à la - comédie de _l'Inconnu_ de Thomas Corneille, lors de la reprise de - cet ouvrage le 21 août 1703, nous fait connaître un petit détail - assez curieux: - - MADEMOISELLE DESMARES. - - .... Nous venons de remettre _Psyché_ - Avec tout le succès qu'on s'en pouvoit promettre. - - CRISPIN. - - Oui, mais au double il a fallu la mettre, - Et le public s'en est presque fâché. - - [312] Les principaux rôles de cette pièce, jouée le 19 - août 1862, étaient ainsi distribués: _Jupiter_, Chéri; _Vénus_, - Mlle Devoyod; _l'Amour_, Mlle Fix; _Ægiale_, Mlle Rose Deschamps; - _Psyché_, Mlle Favart; _le Roi_, Maubant; _Aglaure_, Mlle - Tordeus; _Cydippe_, Mlle Ponsin; _Cléomène_, Worms; _Agénor_, - Ariste; _le Zéphire_, Mlle Rosa Didier; _Lycas_, Tronchet; _le - dieu d'un fleuve_, Verdellet. - - [313] Voyez le _Dictionnaire portatif des théâtres_, - article _Psyché_, et l'_Histoire de l'Académie royale des - inscriptions et belles-lettres_, tome XXVIII, p. 264. - - [314] Voyez ci-après, p. 309 et 310, vers 546-570. Les - paroles de cette plainte sont de Lully, qui composa les airs. - Voyez l'_Histoire du Théâtre françois_, tome XI, p. 127, note - _a_. - - [315] Tel est le texte de l'édition originale; les - suivantes donnent: «M. Molière.» - - [316] Dans les éditions de 1682 et de 1697: «M. - Corneille l'aîné.» - - [317] Si Corneille est intervenu dans l'impression de - _Psyché_, ce doit être pour l'édition originale; c'est celle que - nous suivrons. Au reste il n'y a entre elle et les éditions - postérieures qu'un petit nombre d'insignifiantes différences. - Nous avons fait imprimer en petit texte tout ce qui n'est pas de - Corneille; nous ne donnons ni notes ni variantes pour cette - portion de l'ouvrage, qui sera annotée dans l'édition de Molière - de M. E. Soulié. - - - - -LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES -DE _PSYCHÉ_. - - -ÉDITION SÉPARÉE. - - 1671 in-12. - - -RECUEILS[318]. - - 1676 in-12; - - 1682 in-12; - - 1697 in-12. - - [318] _Psyché_ n'a pas été, du vivant de Corneille, - réunie à ses œuvres. Les recueils indiqués ici sont ceux du - théâtre de Molière. - - - - -ACTEURS. - - - JUPITER. _Du Croisy[319]._ - - VÉNUS. _Mlle de Brie._ - - L'AMOUR. _Baron._ - - ÆGIALE, } { _Les petites la Thorillière - Grâces. { et_ _du Croisy[320]._ - PHAÈNE, } - - PSYCHÉ. _Mlle Molière._ - - LE ROI, père de Psyché. _La Thorillière._ - - AGLAURE, } sœurs de Psyché. { _Mlles Marotte et Boval._ - CYDIPPE, } { - - CLÉOMÈNE, } princes, amants { _Hubert et la Grange._ - AGÉNOR, } de Psyché. { - - LE ZÉPHIRE[321]. _Molière._ - - LYCAS. _Chateauneuf._ - - LE DIEU D'UN FLEUVE. _De Brie._ - - [319] Ces noms d'acteurs sont tirés du programme de - _Psyché_ dont nous avons parlé dans la _Notice_, p. 282 et 284. - - [320] Thérèse Lenoir de la Thorillière, née en 1660, - avait alors onze ans; Marie-Angélique du Croisy, née en 1658, en - avait treize.--Voyez p. 294 les vers 75 et 76. - - [321] Il faut remarquer que le «zéphir» qui chante au - troisième intermède est un autre personnage. Il était joué, nous - dit le programme, par un nommé «Iannot.» - - - - -PSYCHE. - -TRAGÉDIE-BALLET. - - - - -PROLOGUE. - - - La scène représente sur le devant un lieu champêtre, et dans - l'enfoncement un rocher percé à jour, à travers duquel on voit la - mer en éloignement. - - Flore paroît au milieu du théâtre, accompagnée de Vertumne, dieu - des arbres et des fruits, et de Palæmon, dieu des eaux. Chacun de - ces dieux conduit une troupe de divinités: l'un mène à sa suite - des Dryades et des Sylvains; et l'autre des dieux des fleuves, et - des Naïades. Flore chante ce récit pour inviter Vénus à descendre - en terre: - - Ce n'est plus le temps de la guerre: - Le plus puissant des rois - Interrompt ses exploits - Pour donner la paix à la terre. - Descendez, mère des Amours; 5 - Venez nous donner de beaux jours. - - (Vertumne et Palæmon, avec les divinités qui les accompagnent, - joignent leurs voix à celle de Flore, et chantent ces paroles:) - - CHŒUR DES DIVINITÉS DE LA TERRE ET DES EAUX, COMPOSÉ DE FLORE, - NYMPHES, PALÆMON, VERTUMNE, SYLVAINS, FAUNES, DRYADES ET NAÏADES. - - Nous goûtons une paix profonde; - Les plus doux jeux sont ici-bas: - On doit ce repos, plein d'appas, - Au plus grand roi du monde. 10 - Descendez, mère des Amours; - Venez nous donner de beaux jours. - - (Il se fait ensuite une entrée de ballet, composée de deux - Dryades, quatre Sylvains, deux Fleuves et deux Naïades; après - laquelle Vertumne et Palæmon chantent ce dialogue:) - - VERTUMNE. - - Rendez-vous, beautés cruelles; - Soupirez à votre tour. - - PALÆMON. - - Voici la reine des belles, 15 - Qui vient inspirer l'amour. - - VERTUMNE. - - Un bel objet toujours sévère - Ne se fait jamais bien aimer. - - PALÆMON. - - C'est la beauté qui commence de plaire; - Mais la douceur achève de charmer. 20 - - (Ils répètent ensemble ces derniers vers:) - - C'est la beauté qui commence de plaire; - Mais la douceur achève de charmer. - - VERTUMNE. - - Souffrons tous qu'Amour nous blesse: - Languissons, puisqu'il le faut. - - PALÆMON. - - Que sert un cœur sans tendresse? 25 - Est-il un plus grand défaut? - - VERTUMNE. - - Un bel objet toujours sévère - Ne se fait jamais bien aimer. - - PALÆMON. - - C'est la beauté qui commence de plaire; - Mais la douceur achève de charmer. 30 - - (Flore répond au dialogue de Vertumne et de Palæmon par ce - menuet, et les autres divinités y mêlent leurs danses:) - - Est-on sage, - Dans le bel âge, - Est-on sage - De n'aimer pas? - Que sans cesse 35 - L'on se presse - De goûter les plaisirs ici-bas. - La sagesse - De la jeunesse, - C'est de savoir jouir de ses appas. 40 - L'Amour charme - Ceux qu'il désarme; - L'Amour charme, - Cédons-lui tous: - Notre peine 45 - Seroit vaine - De vouloir résister à ses coups. - Quelque chaîne - Qu'un amant prenne, - La liberté n'a rien qui soit si doux. 50 - - (Vénus descend du ciel dans une grande machine avec l'Amour, son - fils, et deux petites Grâces, nommées Ægiale et Phaène; et les - divinités de la terre et des eaux recommencent de joindre toutes - leurs voix, et continuent par leurs danses de lui témoigner la - joie qu'elles ressentent à son abord.) - -CHŒUR DE TOUTES LES DIVINITÉS DE LA TERRE ET DES EAUX. - - Nous goûtons une paix profonde; - Les plus doux jeux sont ici-bas; - On doit ce repos, plein d'appas, - Au plus grand roi du monde. - Descendez, mère des Amours; 55 - Venez nous donner de beaux jours. - - VÉNUS, dans sa machine. - - Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allégresse: - De si rares honneurs ne m'appartiennent pas, - Et l'hommage qu'ici votre bonté m'adresse - Doit être réservé pour de plus doux appas. 60 - C'est une trop vieille méthode - De me venir faire sa cour; - Toutes les choses ont leur tour, - Et Vénus n'est plus à la mode. - Il est d'autres attraits naissants, 65 - Où l'on va porter son encens: - Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place; - Déjà tout l'univers s'empresse à l'adorer, - Et c'est trop que dans ma disgrâce - Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer. 70 - On ne balance point entre nos deux mérites: - A quitter mon parti tout s'est licencié, - Et du nombreux amas de Grâces favorites - Dont je traînois partout les soins et l'amitié, - Il ne m'en est resté que deux des plus petites, 75 - Qui m'accompagnent par pitié. - Souffrez que ces demeures sombres - Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur, - Et me laissez parmi leurs ombres - Cacher ma honte et ma douleur. 80 - -(Flore et les autres déités se retirent, et Vénus avec sa suite -sort de sa machine.) - - ÆGIALE. - - Nous ne savons, Déesse, comment faire, - Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler. - Notre respect veut se taire, - Notre zèle veut parler. - - VÉNUS. - - Parlez, mais si vos soins aspirent à me plaire, 85 - Laissez tous vos conseils pour une autre saison, - Et ne parlez de ma colère - Que pour dire que j'ai raison. - C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense - Que ma divinité pût jamais recevoir; 90 - Mais j'en aurai la vengeance, - Si les Dieux ont du pouvoir. - - PHAÈNE. - - Vous avez plus que nous de clartés, de sagesse, - Pour juger ce qui peut être digne de vous; - Mais pour moi, j'aurois cru qu'une grande déesse. 95 - Devroit moins se mettre en courroux. - - VÉNUS. - - Et c'est là la raison de ce courroux extrême. - Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant; - Et si je n'étois pas dans ce degré suprême, - Le dépit de mon cœur seroit moins violent. 100 - Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre, - Mère du dieu qui fait aimer, - Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre, - Et qui ne suis venue au jour que pour charmer, - Moi qui, par tout ce qui respire, 105 - Ai vu de tant de vœux encenser mes autels, - Et qui de la beauté, par des droits immortels, - Ai tenu de tout temps le souverain empire, - Moi dont les yeux ont mis deux grandes déités - Au point de me céder le prix de la plus belle, 110 - Je me vois ma victoire et mes droits disputés - Par une chétive mortelle! - Le ridicule excès d'un fol entêtement - Va jusqu'à m'opposer une petite fille! - Sur ses traits et les miens j'essuierai constamment 115 - Un téméraire jugement, - Et du haut des cieux où je brille, - J'entendrai prononcer aux mortels prévenus: - «Elle est plus belle que Vénus!» - - ÆGIALE. - - Voilà comme l'on fait; c'est le style des hommes: 120 - Ils sont impertinents dans leurs comparaisons. - - PHAÈNE. - - Ils ne sauroient louer, dans le siècle où nous sommes, - Qu'ils n'outragent les plus grands noms. - - VÉNUS. - - Ah! que de ces trois mots la rigueur insolente - Venge bien Junon et Pallas, 125 - Et console leurs cœurs de la gloire éclatante - Que la fameuse pomme acquit à mes appas! - Je les vois s'applaudir de mon inquiétude, - Affecter à toute heure un ris malicieux, - Et d'un fixe regard chercher avec étude 130 - Ma confusion dans mes yeux. - Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage, - Semble me venir dire, insultant mon courroux: - «Vante, vante, Vénus, les traits de ton visage: - Au jugement d'un seul, tu l'emportas sur nous; 135 - Mais par le jugement de tous - Une simple mortelle a sur toi l'avantage.» - Ah! ce coup-là m'achève, il me perce le cœur; - Je n'en puis plus souffrir les rigueurs sans égales, - Et c'est trop de surcroît à ma vive douleur 140 - Que le plaisir de mes rivales. - Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crédit, - Et si jamais je te fus chère, - Si tu portes un cœur à sentir le dépit - Qui trouble le cœur d'une mère. 145 - Qui si tendrement te chérit, - Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance - A soutenir mes intérêts, - Et fais à Psyché par tes traits - Sentir les traits de ma vengeance. 150 - Pour rendre son cœur malheureux, - Prends celui de tes traits le plus propre à me plaire, - Le plus empoisonné de ceux - Que tu lances dans ta colère. - Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel, 155 - Fais que jusqu'à la rage elle soit enflammée, - Et qu'elle ait à souffrir le supplice cruel - D'aimer et n'être point aimée. - - L'AMOUR. - - Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour: - On m'impute partout mille fautes commises, 160 - Et vous ne croiriez point le mal et les sottises - Que l'on dit de moi chaque jour. - Si pour servir votre colère.... - - VÉNUS. - - Va, ne résiste point aux souhaits de ta mère; - N'applique tes raisonnements. 165 - Qu'à chercher les plus prompts moments - De faire un sacrifice à ma gloire outragée. - Pars, pour toute réponse à mes empressements, - Et ne me revois point que je ne sois vengée. - - (L'Amour s'envole, et Vénus se retire avec les Grâces.--La - scène est changée en une grande ville, où l'on découvre, - des deux côtés, des palais et des maisons de différents ordres - d'architecture.) - - - - -ACTE I. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -AGLAURE, CYDIPPE. - - AGLAURE. - - Il est des maux, ma sœur, que le silence aigrit: 170 - Laissons, laissons parler mon chagrin et le vôtre, - Et de nos cœurs l'un à l'autre - Exhalons le cuisant dépit. - Nous nous voyons sœurs d'infortune; - Et la vôtre et la mienne ont un si grand rapport, 175 - Que nous pouvons mêler toutes les deux en une, - Et dans notre juste transport, - Murmurer à plainte commune - Des cruautés de notre sort. - Quelle fatalité secrète, 180 - Ma sœur, soumet tout l'univers - Aux attraits de notre cadette, - Et de tant de princes divers, - Qu'en ces lieux la fortune jette, - N'en présente aucun à nos fers? 185 - Quoi? voir de toutes parts, pour lui rendre les armes, - Les cœurs se précipiter, - Et passer devant nos charmes - Sans s'y vouloir arrêter! - Quel sort ont nos yeux en partage, 190 - Et qu'est-ce qu'ils ont fait aux Dieux, - De ne jouir d'aucun hommage - Parmi tous ces tributs de soupirs glorieux, - Dont le superbe avantage - Fait triompher d'autres yeux? 195 - Est-il pour nous, ma sœur, de plus rude disgrâce - Que de voir tous les cœurs mépriser nos appas, - Et l'heureuse Psyché jouir avec audace - D'une foule d'amants attachés à ses pas? - - CYDIPPE. - - Ah! ma sœur, c'est une aventure 200 - A faire perdre la raison; - Et tous les maux de la nature - Ne sont rien en comparaison. - - AGLAURE. - - Pour moi, j'en suis souvent jusqu'à verser des larmes. - Tout plaisir, tout repos par là m'est arraché; 205 - Contre un pareil malheur ma constance est sans armes. - Toujours à ce chagrin mon esprit attaché - Me tient devant les yeux la honte de nos charmes, - Et le triomphe de Psyché. - La nuit, il m'en repasse une idée éternelle, 210 - Qui sur toute chose prévaut: - Rien ne me peut chasser cette image cruelle; - Et dès qu'un doux sommeil me vient délivrer d'elle, - Dans mon esprit aussitôt - Quelque songe la rappelle, 215 - Qui me réveille en sursaut. - - CYDIPPE. - - Ma sœur, voilà mon martyre. - Dans vos discours je me voi; - Et vous venez là de dire - Tout ce qui se passe en moi. 220 - - AGLAURE. - - Mais encor, raisonnons un peu sur cette affaire. - Quels charmes si puissants en elle sont épars? - Et par où, dites-moi, du grand secret de plaire - L'honneur est-il acquis à ses moindres regards? - Que voit-on dans sa personne 225 - Pour inspirer tant d'ardeurs? - Quel droit de beauté lui donne - L'empire de tous les cœurs? - Elle a quelques attraits, quelque éclat de jeunesse: - On en tombe d'accord, je n'en disconviens pas; 230 - Mais lui cède-t-on fort pour quelque peu d'aînesse, - Et se voit-on sans appas? - Est-on d'une figure à faire qu'on se raille? - N'a-t-on point quelques traits et quelques agréments, - Quelque teint, quelques yeux, quelque air, et quelque taille - A pouvoir dans nos fers jeter quelques amants? - Ma sœur, faites-moi la grâce - De me parler franchement: - Suis-je faite d'un air, à votre jugement, - Que mon mérite au sien doive céder la place? 240 - Et dans quelque ajustement - Trouvez-vous qu'elle m'efface? - - CYDIPPE. - - Qui? vous, ma sœur? nullement. - Hier à la chasse près d'elle - Je vous regardai longtemps; 245 - Et sans vous donner d'encens, - Vous me parûtes plus belle. - Mais, moi, dites, ma sœur, sans me vouloir flatter, - Sont-ce des visions que je me mets en tête, - Quand je me crois taillée à pouvoir mériter 250 - La gloire de quelque conquête? - - AGLAURE. - - Vous, ma sœur, vous avez, sans nul déguisement, - Tout ce qui peut causer une amoureuse flamme. - Vos moindres actions brillent d'un agrément - Dont je me sens toucher l'âme; 255 - Et je serois votre amant, - Si j'étois autre que femme. - - CYDIPPE. - - D'où vient donc qu'on la voit l'emporter sur nous deux, - Qu'à ses premiers regards les cœurs rendent les armes, - Et que d'aucun tribut de soupirs et de vœux 260 - On ne fait honneur à nos charmes? - - AGLAURE. - - Toutes les dames, d'une voix, - Trouvent ses attraits peu de chose; - Et du nombre d'amants qu'elle tient sous ses lois, - Ma sœur, j'ai découvert la cause. 265 - - CYDIPPE. - - Pour moi, je la devine, et l'on doit présumer - Qu'il faut que là-dessous soit caché du mystère. - Ce secret de tout enflammer - N'est point de la nature un effet ordinaire: - L'art de la Thessalie entre dans cette affaire; 270 - Et quelque main a su sans doute lui former - Un charme pour se faire aimer. - - AGLAURE. - - Sur un plus fort appui ma croyance se fonde; - Et le charme qu'elle a pour attirer les cœurs, - C'est un air en tout temps désarmé de rigueurs, 275 - Des regards caressants, que la bouche seconde, - Un souris chargé de douceurs, - Qui tend les bras à tout le monde, - Et ne vous promet que faveurs. - Notre gloire n'est plus aujourd'hui conservée, 280 - Et l'on n'est plus au temps de ces nobles fiertés - Qui par un digne essai d'illustres cruautés, - Vouloient voir d'un amant la constance éprouvée. - De tout ce noble orgueil qui nous seyoit si bien, - On est bien descendu dans le siècle où nous sommes; 285 - Et l'on en est réduite à n'espérer plus rien, - A moins que l'on se jette à la tête des hommes. - - CYDIPPE. - - Oui, voilà le secret de l'affaire, et je voi - Que vous le prenez mieux que moi. - C'est pour nous attacher à trop de bienséance 290 - Qu'aucun amant, ma sœur, à nous ne veut venir; - Et nous voulons trop soutenir - L'honneur de notre sexe et de notre naissance. - Les hommes maintenant aiment ce qui leur rit; - L'espoir, plus que l'amour, est ce qui les attire, 295 - Et c'est par là que Psyché nous ravit - Tous les amants qu'on voit sous son empire. - Suivons, suivons l'exemple: ajustons-nous au temps; - Abaissons-nous, ma sœur, à faire des avances, - Et ne ménageons plus de tristes bienséances 300 - Qui nous ôtent les fruits du plus beau de nos ans. - - AGLAURE. - - J'approuve la pensée; et nous avons matière - D'en faire l'épreuve première - Aux deux princes qui sont les derniers arrivés. - Ils sont charmants, ma sœur, et leur personne entière 305 - Me.... Les avez-vous observés? - - CYDIPPE. - - Ah! ma sœur, ils sont faits tous deux d'une manière - Que mon âme.... Ce sont deux princes achevés. - - AGLAURE. - - Je trouve qu'on pourroit rechercher leur tendresse - Sans se faire déshonneur. 310 - - CYDIPPE. - - Je trouve que, sans honte, une belle princesse - Leur pourroit donner son cœur. - - -SCÈNE II. - - CLÉOMÈNE, AGÉNOR, AGLAURE, CYDIPPE. - - AGLAURE. - - Les voici tous deux, et j'admire - Leur air et leur ajustement. - - CYDIPPE. - - Ils ne démentent nullement 315 - Tout ce que nous venons de dire. - - AGLAURE. - - D'où vient, princes, d'où vient que vous fuyez ainsi? - Prenez-vous l'épouvante en nous voyant paroître? - - CLÉOMÈNE. - - On nous faisoit croire qu'ici - La princesse Psyché, Madame, pourroit être. 320 - - AGLAURE. - - Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agréable pour vous, - Si vous ne les voyez ornés de sa présence? - - AGÉNOR. - - Ces lieux peuvent avoir des charmes assez doux; - Mais nous cherchons Psyché dans notre impatience. - - CYDIPPE. - - Quelque chose de bien pressant 325 - Vous doit à la chercher pousser tous deux sans doute? - - CLÉOMÈNE. - - Le motif est assez puissant, - Puisque notre fortune enfin en dépend toute. - - AGLAURE. - - Ce seroit trop à nous que de nous informer - Du secret que ces mots nous peuvent enfermer. 330 - - CLÉOMÈNE. - - Nous ne prétendons point en faire de mystère: - Aussi bien malgré nous paroîtroit-il au jour; - Et le secret ne dure guère, - Madame, quand c'est de l'amour. - - CYDIPPE. - - Sans aller plus avant, princes, cela veut dire 335 - Que vous aimez Psyché tous deux. - - AGÉNOR. - - Tous deux soumis à son empire, - Nous allons de concert lui découvrir nos feux. - - AGLAURE. - - C'est une nouveauté sans doute assez bizarre - Que deux rivaux si bien unis. 340 - - CLÉOMÈNE. - - Il est vrai que la chose est rare, - Mais non pas impossible à deux parfaits amis. - - CYDIPPE. - - Est-ce que dans ces lieux il n'est qu'elle de belle, - Et n'y trouvez-vous point à séparer vos vœux? - - AGLAURE. - - Parmi l'éclat du sang, vos yeux n'ont-ils vu qu'elle 345 - A pouvoir mériter vos feux? - - CLÉOMÈNE. - - Est-ce que l'on consulte au moment qu'on s'enflamme? - Choisit-on qui l'on veut aimer? - Et pour donner toute son âme, - Regarde-t-on quel droit on a de nous charmer? 350 - - AGÉNOR. - - Sans qu'on ait le pouvoir d'élire, - On suit dans une telle ardeur - Quelque chose qui nous attire; - Et lorsque l'amour touche un cœur, - On n'a point de raisons à dire. 355 - - AGLAURE. - - En vérité, je plains les fâcheux embarras - Où je vois que vos cœurs se mettent. - Vous aimez un objet dont les riants appas - Mêleront des chagrins à l'espoir qu'ils vous jettent; - Et son cœur ne vous tiendra pas 360 - Tout ce que ses yeux vous promettent. - - CYDIPPE. - - L'espoir qui vous appelle au rang de ses amants - Trouvera du mécompte aux douceurs qu'elle étale; - Et c'est pour essuyer de très-fâcheux moments, - Que les soudains retours de son âme inégale. 365 - - AGLAURE. - - Un clair discernement de ce que vous valez - Nous fait plaindre le sort où cet amour vous guide; - Et vous pouvez trouver tous deux, si vous voulez, - Avec autant d'attraits, une âme plus solide. - - CYDIPPE. - - Par un choix plus doux de moitié, 370 - Vous pouvez de l'amour sauver votre amitié; - Et l'on voit en vous deux un mérite si rare, - Qu'un tendre avis veut bien prévenir par pitié - Ce que votre cœur se prépare. - - CLÉOMÈNE. - - Cet avis généreux fait pour nous éclater 375 - Des bontés qui nous touchent l'âme; - Mais le ciel nous réduit à ce malheur, Madame, - De ne pouvoir en profiter. - - AGÉNOR. - - Votre illustre pitié veut en vain nous distraire - D'un amour dont tous deux nous redoutons l'effet: 380 - Ce que notre amitié, Madame, n'a pas fait, - Il n'est rien qui le puisse faire. - - CYDIPPE. - - Il faut que le pouvoir de Psyché.... La voici. - - -SCÈNE III. - -PSYCHÉ, CYDIPPE, AGLAURE, CLÉOMÈNE, AGÉNOR. - - CYDIPPE. - - Venez jouir, ma sœur, de ce qu'on vous apprête. - - AGLAURE. - - Préparez vos attraits à recevoir ici 385 - Le triomphe nouveau d'une illustre conquête. - - CYDIPPE. - - Ces princes ont tous deux si bien senti vos coups, - Qu'à vous le découvrir leur bouche se dispose. - - PSYCHÉ. - - Du sujet qui les tient si rêveurs parmi nous, - Je ne me croyois pas la cause; 390 - Et j'aurois cru toute autre chose - En les voyant parler à vous. - - AGLAURE. - - N'ayant ni beauté ni naissance - A pouvoir mériter leur amour et leurs soins, - Ils nous favorisent au moins 395 - De l'honneur de la confidence. - - CLÉOMÈNE. - - L'aveu qu'il nous faut faire à vos divins appas - Est sans doute, Madame, un aveu téméraire; - Mais tant de cœurs près du trépas - Sont par de tels aveux forcés à vous déplaire, 400 - Que vous êtes réduite à ne les punir pas - Des foudres de votre colère. - Vous voyez en nous deux amis - Qu'un doux rapport d'humeurs sut joindre dès l'enfance; - Et ces tendres liens se sont vus affermis 405 - Par cent combats d'estime et de reconnoissance. - Du destin ennemi les assauts rigoureux, - Les mépris de la mort et l'aspect des supplices, - Par d'illustres éclats de mutuels offices, - Ont de notre amitié signalé les beaux nœuds; 410 - Mais à quelques essais qu'elle se soit trouvée, - Son grand triomphe est en ce jour; - Et rien ne fait tant voir sa constance éprouvée - Que de se conserver au milieu de l'amour. - Oui, malgré tant d'appas, son illustre constance 415 - Aux lois qu'elle nous fait a soumis tous nos vœux: - Elle vient, d'une douce et pleine déférence, - Remettre à votre choix le succès de nos feux; - Et pour donner un poids à notre concurrence, - Qui des raisons d'État entraîne la balance 420 - Sur le choix de l'un de nous deux, - Cette même amitié s'offre sans répugnance - D'unir nos deux États au sort du plus heureux. - - AGÉNOR. - - Oui, de ces deux États, Madame, - Que sous votre heureux choix nous nous offrons d'unir, - Nous voulons faire à notre flamme, - Un secours pour vous obtenir. - Ce que, pour ce bonheur, près du roi votre père, - Nous nous sacrifions tous deux, - N'a rien de difficile à nos cœurs amoureux; 430 - Et c'est au plus heureux faire un don nécessaire - D'un pouvoir dont le malheureux, - Madame, n'aura plus affaire. - - PSYCHÉ. - - Le choix que vous m'offrez, princes, montre à mes yeux - De quoi remplir les vœux de l'âme la plus fière, 435 - Et vous me le parez tous deux d'une manière - Qu'on ne peut rien offrir qui soit plus précieux. - Vos feux, votre amitié, votre vertu suprême, - Tout me relève en vous l'offre de votre foi; - Et j'y vois un mérite à s'opposer lui-même 440 - A ce que vous voulez de moi. - Ce n'est pas à mon cœur qu'il faut que je défère - Pour entrer sous de tels liens: - Ma main, pour se donner, attend l'ordre d'un père, - Et mes sœurs ont des droits qui vont devant les miens. - Mais si l'on me rendoit sur mes vœux absolue, - Vous y pourriez avoir trop de part à la fois; - Et toute mon estime, entre vous suspendue, - Ne pourroit sur aucun laisser tomber mon choix. - A l'ardeur de votre poursuite 450 - Je répondrois assez de mes vœux les plus doux; - Mais c'est, parmi tant de mérite, - Trop que deux cœurs pour moi, trop peu qu'un cœur pour vous. - De mes plus doux souhaits j'aurois l'âme gênée - A l'effort de votre amitié; 455 - Et j'y vois l'un de vous prendre une destinée - A me faire trop de pitié. - Oui, princes, à tous ceux dont l'amour suit le vôtre - Je vous préférerois tous deux avec ardeur; - Mais je n'aurois jamais le cœur 460 - De pouvoir préférer l'un de vous deux à l'autre. - A celui que je choisirois - Ma tendresse feroit un trop grand sacrifice; - Et je m'imputerois à barbare injustice - Le tort qu'à l'autre je ferois. 465 - Oui, tous deux vous brillez de trop de grandeur d'âme - Pour en faire aucun malheureux; - Et vous devez chercher dans l'amoureuse flamme - Le moyen d'être heureux tous deux. - Si votre cœur me considère 470 - Assez pour me souffrir de disposer de vous, - J'ai deux sœurs capables de plaire, - Qui peuvent bien vous faire un destin assez doux; - Et l'amitié me rend leur personne assez chère - Pour vous souhaiter leurs époux. 475 - - CLÉOMÈNE. - - Un cœur dont l'amour est extrême - Peut-il bien consentir, hélas! - D'être donné par ce qu'il aime? - Sur nos deux cœurs, Madame, à vos divins appas - Nous donnons un pouvoir suprême: 480 - Disposez-en pour le trépas; - Mais pour une autre que vous-même - Ayez cette bonté de n'en disposer pas. - - AGÉNOR. - - Aux princesses, Madame, on feroit trop d'outrage, - Et c'est pour leurs attraits un indigne partage 485 - Que les restes d'une autre ardeur. - Il faut d'un premier feu la pureté fidèle - Pour aspirer à cet honneur - Où votre bonté nous appelle; - Et chacune mérite un cœur 490 - Qui n'ait soupiré que pour elle. - - AGLAURE. - - Il me semble, sans nul courroux, - Qu'avant que de vous en défendre, - Princes, vous deviez bien attendre - Qu'on se fût expliqué sur vous. 495 - Nous croyez-vous un cœur si facile et si tendre? - Et lorsqu'on parle ici de vous donner à nous, - Savez-vous si l'on veut vous prendre? - - CYDIPPE. - - Je pense que l'on a d'assez hauts sentiments - Pour refuser un cœur qu'il faut qu'on sollicite, 500 - Et qu'on ne veut devoir qu'à son propre mérite - La conquête de ses amants. - - PSYCHÉ. - - J'ai cru pour vous, mes sœurs, une gloire assez grande, - Si la possession d'un mérite si haut.... - - -SCÈNE IV. - -LYCAS, PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE, CLÉOMÈNE, AGÉNOR. - - LYCAS. - - Ah! Madame. - - PSYCHÉ. - - Qu'as-tu? - - LYCAS. - - Le Roi.... - - PSYCHÉ. - - Quoi? - - LYCAS. - - Vous demande. - - PSYCHÉ. - - De ce trouble si grand que faut-il que j'attende? - - LYCAS. - - Vous ne le saurez que trop tôt. - - PSYCHÉ. - - Hélas! que pour le Roi tu me donnes à craindre! - - LYCAS. - - Ne craignez que pour vous, c'est vous que l'on doit plaindre. - - PSYCHÉ. - - C'est pour louer le ciel, et me voir hors d'effroi, 510 - De savoir que je n'aie à craindre que pour moi. - Mais apprends-moi, Lycas, le sujet qui te touche. - - LYCAS. - - Souffrez que j'obéisse à qui m'envoie ici, - Madame, et qu'on vous laisse apprendre de sa bouche - Ce qui peut m'affliger ainsi. 515 - - PSYCHÉ. - - Allons savoir sur quoi l'on craint tant ma foiblesse. - - -SCÈNE V. - -AGLAURE, CYDIPPE, LYCAS. - - AGLAURE. - - Si ton ordre n'est pas jusqu'à nous étendu, - Dis-nous quel grand malheur nous couvre ta tristesse. - - LYCAS. - - Hélas! ce grand malheur dans la cour répandu, - Voyez-le vous-même, princesse, 520 - Dans l'oracle qu'au Roi les destins ont rendu. - Voici ses propres mots que la douleur, Madame, - A gravés au fond de mon âme: - «Que l'on ne pense nullement - A vouloir de Psyché conclure l'hyménée; 525 - Mais qu'au sommet d'un mont elle soit promptement - En pompe funèbre menée; - Et que de tous abandonnée, - Pour époux elle attende en ces lieux constamment - Un monstre dont on a la vue empoisonnée, 530 - Un serpent qui répand son venin en tous lieux, - Et trouble dans sa rage et la terre et les cieux.» - Après un arrêt si sévère - Je vous quitte, et vous laisse à juger entre vous - Si par de plus cruels et plus sensibles coups 535 - Tous les Dieux nous pouvoient expliquer leur colère. - - -SCÈNE VI. - -AGLAURE, CYDIPPE. - - CYDIPPE. - - Ma sœur, que sentez-vous à ce soudain malheur - Où nous voyons Psyché par les destins plongée? - - AGLAURE. - - Mais vous, que sentez-vous, ma sœur? - - CYDIPPE. - - A ne vous point mentir, je sens que dans mon cœur 540 - Je n'en suis pas trop affligée. - - AGLAURE. - - Moi, je sens quelque chose au mien - Qui ressemble assez à la joie. - Allons, le destin nous envoie - Un mal que nous pouvons regarder comme un bien. 545 - - -PREMIER INTERMÈDE. - - La scène est changée en des rochers affreux, et fait voir en - éloignement une grotte effroyable.--C'est dans ce désert que - Psyché doit être exposée pour obéir à l'oracle. Une troupe de - personnes affligées y viennent déplorer sa disgrâce. Une partie - de cette troupe désolée témoigne sa pitié par des plaintes - touchantes et par des concerts lugubres; et l'autre exprime sa - désolation par une danse pleine de toutes les marques du plus - violent désespoir. - -PLAINTES EN ITALIEN, _Chantées par une femme désolée et deux -hommes affligés._ - - FEMME DÉSOLÉE. - - Deh! piangete al pianto mio, - Sassi duri, antiche selve, - Lagrimate, fonti, e belue, - D'un bel volto il fato rio. - - 1. HOMME AFFLIGÉ. - - Ahi dolore! 550 - - 2. HOMME AFFLIGÉ. - - Ahi martire! - - 1. HOMME AFFLIGÉ. - - Cruda morte! - - 2. HOMME AFFLIGÉ. - - Empia sorte! - - TOUS TROIS. - - Che condanni a morir tanta beltà, - Cieli, stelle, ahi crudeltà! 555 - - 2. HOMME AFFLIGÉ. - - Com' esser può fra voi, o numi eterni, - Chi voglia estinta una beltà innocente? - Ahi! che tanto rigor, cielo inclemente, - Vince di crudeltà gli stessi inferni! - - 1. HOMME AFFLIGÉ. - - Nume fiero! 560 - - 2. HOMME AFFLIGÉ. - - Dio severo! - - ENSEMBLE. - - Perchè tanto rigor - Contro innocente cor? - Ahi sentenza inudita! - Dar morte a la beltà, ch' altrui dà vita. 565 - - FEMME DÉSOLÉE. - - Ahi ch' indarno si tarda! - Non resiste agli dei mortale affetto, - Alto impero ne sforza: - Ove commanda il ciel, l'uom cede a forza. - Ahi dolore! etc., _come sopra_. 570 - -(Ces plaintes sont entrecoupées et finies par une entrée de -ballet de huit personnes affligées.) - - - - -ACTE II. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -LE ROI, PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE, LYCAS, SUITE. - - PSYCHÉ. - - De vos larmes, Seigneur, la source m'est bien chère; - Mais c'est trop aux bontés que vous avez pour moi - Que de laisser régner les tendresses de père - Jusque dans les yeux d'un grand roi. - Ce qu'on vous voit ici donner à la nature 575 - Au rang que vous tenez, Seigneur, fait trop d'injure, - Et j'en dois refuser les touchantes faveurs. - Laissez moins sur votre sagesse - Prendre d'empire à vos douleurs, - Et cessez d'honorer mon destin par des pleurs, 580 - Qui dans le cœur d'un roi montrent de la foiblesse. - - LE ROI. - - Ah! ma fille, à ces pleurs laisse mes yeux ouverts: - Mon deuil est raisonnable, encor qu'il soit extrême; - Et lorsque pour toujours on perd ce que je perds, - La sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-même. 585 - En vain l'orgueil du diadème - Veut qu'on soit insensible à ces cruels revers; - En vain de la raison les secours sont offerts - Pour vouloir d'un œil sec voir mourir ce qu'on aime: - L'effort en est barbare aux yeux de l'univers; 590 - Et c'est brutalité plus que vertu suprême. - Je ne veux point, dans cette adversité, - Parer mon cœur d'insensibilité, - Et cacher l'ennui qui me touche: - Je renonce à la vanité 595 - De cette dureté farouche - Que l'on appelle fermeté; - Et de quelque façon qu'on nomme - Cette vive douleur dont je ressens les coups, - Je veux bien l'étaler, ma fille, aux yeux de tous, 600 - Et dans le cœur d'un roi montrer le cœur d'un homme. - - PSYCHÉ. - - Je ne mérite pas cette grande douleur: - Opposez, opposez un peu de résistance - Aux droits qu'elle prend sur un cœur - Dont mille événements ont marqué la puissance. 605 - Quoi? faut-il que pour moi vous renonciez, Seigneur, - A cette royale constance - Dont vous avez fait voir dans les coups du malheur - Une fameuse expérience? - - LE ROI. - - La constance est facile en mille occasions. 610 - Toutes les révolutions - Où nous peut exposer la fortune inhumaine, - La perte des grandeurs, les persécutions, - Le poison de l'envie, et les traits de la haine, - N'ont rien que ne puissent sans peine 615 - Braver les résolutions - D'une âme où la raison est un peu souveraine. - Mais ce qui porte des rigueurs - A faire succomber les cœurs - Sous le poids des douleurs amères, 620 - Ce sont, ce sont les rudes traits - De ces fatalités sévères - Qui nous enlèvent pour jamais - Les personnes qui nous sont chères. - La raison contre de tels coups 625 - N'offre point d'armes secourables: - Et voilà des Dieux en courroux - Les foudres les plus redoutables - Qui se puissent lancer sur nous. - - PSYCHÉ. - - Seigneur, une douceur ici vous est offerte. 630 - Votre hymen a reçu plus d'un présent des Dieux; - Et par une faveur ouverte, - Ils ne vous ôtent rien, en m'ôtant à vos yeux, - Dont ils n'aient pris le soin de réparer la perte. - Il vous reste de quoi consoler vos douleurs, 635 - Et cette loi du ciel, que vous nommez cruelle. - Dans les deux princesses mes sœurs - Laisse à l'amitié paternelle - Où placer toutes ses douceurs. - - LE ROI. - - Ah! de mes maux soulagement frivole! 640 - Rien, rien ne s'offre à moi qui de toi me console. - C'est sur mes déplaisirs que j'ai les yeux ouverts, - Et dans un destin si funeste, - Je regarde ce que je perds, - Et ne vois point ce qui me reste. 645 - - PSYCHÉ. - - Vous savez mieux que moi qu'aux volontés des Dieux, - Seigneur, il faut régler les nôtres; - Et je ne puis vous dire, en ces tristes adieux, - Que ce que beaucoup mieux vous pouvez dire aux autres. - Ces Dieux sont maîtres souverains 650 - Des présents qu'ils daignent nous faire; - Ils ne les laissent dans nos mains - Qu'autant de temps qu'il peut leur plaire: - Lorsqu'ils viennent les retirer, - On n'a nul droit de murmurer 655 - Des grâces que leur main ne veut plus nous étendre. - Seigneur, je suis un don qu'ils ont fait à vos vœux; - Et quand par cet arrêt ils veulent me reprendre, - Ils ne vous ôtent rien que vous ne teniez d'eux, - Et c'est sans murmurer que vous devez me rendre. 660 - - LE ROI. - - Ah! cherche un meilleur fondement - Aux consolations que ton cœur me présente; - Et de la fausseté de ce raisonnement - Ne fais point un accablement - A cette douleur si cuisante 665 - Dont je souffre ici le tourment. - Crois-tu là me donner une raison puissante - Pour ne me plaindre point de cet arrêt des cieux? - Et dans le procédé des Dieux - Dont tu veux que je me contente, 670 - Une rigueur assassinante - Ne paroît-elle pas aux yeux? - Vois l'état où ces Dieux me forcent à te rendre, - Et l'autre où te reçut mon cœur infortuné: - Tu connoîtras par là qu'ils me viennent reprendre 675 - Bien plus que ce qu'ils m'ont donné. - Je reçus d'eux en toi, ma fille, - Un présent que mon cœur ne leur demandoit pas; - J'y trouvois alors peu d'appas, - Et leur en vis sans joie accroître ma famille; 680 - Mais mon cœur, ainsi que mes yeux, - S'est fait de ce présent une douce habitude; - J'ai mis quinze ans de soins, de veilles et d'étude - A me le rendre précieux; - Je l'ai paré de l'aimable richesse 685 - De mille brillantes vertus; - En lui j'ai renfermé, par des soins assidus, - Tous les plus beaux trésors que fournit la sagesse; - A lui j'ai de mon âme attaché la tendresse; - J'en ai fait de ce cœur le charme et l'allégresse, 690 - La consolation de mes sens abattus, - Le doux espoir de ma vieillesse. - Ils m'ôtent tout cela, ces Dieux; - Et tu veux que je n'aie aucun sujet de plainte - Sur cet affreux arrêt dont je souffre l'atteinte? 695 - Ah! leur pouvoir se joue avec trop de rigueur - Des tendresses de notre cœur. - Pour m'ôter leur présent, leur falloit-il attendre - Que j'en eusse fait tout mon bien? - Ou plutôt, s'ils avoient dessein de le reprendre, 700 - N'eût-il pas été mieux de ne me donner rien? - - PSYCHÉ. - - Seigneur, redoutez la colère - De ces Dieux contre qui vous osez éclater. - - LE ROI. - - Après ce coup, que peuvent-ils me faire? - Ils m'ont mis en état de ne rien redouter. 705 - - PSYCHÉ. - - Ah! Seigneur, je tremble des crimes - Que je vous fais commettre, et je dois me haïr. - - LE ROI. - - Ah! qu'ils souffrent du moins mes plaintes légitimes! - Ce m'est assez d'effort que de leur obéir; - Ce doit leur être assez que mon cœur t'abandonne 710 - Au barbare respect qu'il faut qu'on ait pour eux, - Sans prétendre gêner la douleur que me donne - L'épouvantable arrêt d'un sort si rigoureux. - Mon juste désespoir ne sauroit se contraindre: - Je veux, je veux garder ma douleur à jamais; 715 - Je veux sentir toujours la perte que je fais; - De la rigueur du ciel je veux toujours me plaindre; - Je veux jusqu'au trépas incessamment pleurer - Ce que tout l'univers ne peut me réparer. - - PSYCHÉ. - - Ah! de grâce, Seigneur, épargnez ma foiblesse: 720 - J'ai besoin de constance en l'état où je suis. - Ne fortifiez point l'excès de mes ennuis - Des larmes de votre tendresse. - Seuls ils sont assez forts; et c'est trop pour mon cœur - De mon destin et de votre douleur. 725 - - LE ROI. - - Oui, je dois t'épargner mon deuil inconsolable. - Voici l'instant fatal de m'arracher de toi; - Mais comment prononcer ce mot épouvantable? - Il le faut toutefois, le ciel m'en fait la loi: - Une rigueur inévitable 730 - M'oblige à te laisser en ce funeste lieu. - Adieu: je vais.... Adieu. - - -SCÈNE II[322]. - -PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE. - - PSYCHÉ. - - Suivez le Roi, mes sœurs: vous essuierez ses larmes, - Vous adoucirez ses douleurs; - Et vous l'accableriez d'alarmes, 735 - Si vous vous exposiez encore à mes malheurs. - Conservez-lui ce qui lui reste. - Le serpent que j'attends peut vous être funeste, - Vous envelopper dans mon sort, - Et me porter en vous une seconde mort. 740 - Le ciel m'a seule condamnée - A son haleine empoisonnée: - Rien ne sauroit me secourir; - Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir. - - AGLAURE. - - Ne nous enviez pas ce cruel avantage 745 - De confondre nos pleurs avec vos déplaisirs, - De mêler nos soupirs à vos derniers soupirs: - D'une tendre amitié souffrez ce dernier gage. - - PSYCHÉ. - - C'est vous perdre inutilement. - - CYDIPPE. - - C'est en votre faveur espérer un miracle, 750 - Ou vous accompagner jusques au monument. - - PSYCHÉ. - - Que peut-on se promettre après un tel oracle? - - AGLAURE. - - Un oracle jamais n'est sans obscurité: - On l'entend d'autant moins que mieux on croit l'entendre[324]; - Et peut-être, après tout, n'en devez-vous attendre - Que gloire et que félicité. - Laissez-nous voir, ma sœur, par une digne issue - Cette frayeur mortelle heureusement déçue, - Ou mourir du moins avec vous, - Si le ciel à nos vœux ne se montre plus doux. 760 - - PSYCHÉ. - - Ma sœur, écoutez mieux la voix de la nature - Qui vous appelle auprès du Roi. - Vous m'aimez trop; le devoir en murmure, - Vous en savez l'indispensable loi: - Un père vous doit être encor plus cher que moi. 765 - Rendez-vous toutes deux l'appui de sa vieillesse; - Vous lui devez chacune[325] un gendre et des neveux. - Mille rois à l'envi vous gardent leur tendresse, - Mille rois à l'envi vous offriront leurs vœux. - L'oracle me veut seule; et seule aussi je veux 770 - Mourir, si je puis, sans foiblesse, - Ou ne vous avoir pas pour témoins toutes deux - De ce que, malgré moi, la nature m'en laisse. - - AGLAURE. - - Partager vos malheurs, c'est vous importuner? - - CYDIPPE. - - J'ose dire un peu plus, ma sœur, c'est vous déplaire? - - PSYCHÉ. - - Non; mais enfin c'est me gêner, - Et peut-être du ciel redoubler la colère. - - AGLAURE. - - Vous le voulez, et nous partons. - Daigne ce même ciel, plus juste et moins sévère, - Vous envoyer le sort que nous vous souhaitons, 780 - Et que notre amitié sincère, - En dépit de l'oracle, et malgré vous, espère! - - PSYCHÉ. - - Adieu: c'est un espoir, ma sœur, et des souhaits - Qu'aucun des Dieux ne remplira jamais. - - -SCÈNE III. - -PSYCHÉ, seule. - - Enfin, seule et toute à moi-même, 785 - Je puis envisager cet affreux changement - Qui du haut d'une gloire extrême - Me précipite au monument. - Cette gloire étoit sans seconde; - L'éclat s'en répandoit jusqu'aux deux bouts du monde; - Tout ce qu'il a de rois sembloient faits pour m'aimer; - Tous leurs sujets, me prenant pour déesse, - Commençoient à m'accoutumer - Aux encens qu'ils m'offroient sans cesse; - Leurs soupirs me suivoient sans qu'il m'en coûtât rien; - Mon âme restoit libre en captivant tant d'âmes; - Et j'étois, parmi tant de flammes, - Reine de tous les cœurs et maîtresse du mien. - O ciel, m'auriez-vous fait un crime - De cette insensibilité? 800 - Déployez-vous sur moi tant de sévérité, - Pour n'avoir à leurs vœux rendu que de l'estime? - Si vous m'imposiez cette loi, - Qu'il fallût faire un choix pour ne pas vous déplaire[326], - Puisque je ne pouvois le faire, 805 - Que ne le faisiez-vous pour moi? - Que ne m'inspiriez-vous ce qu'inspire à tant d'autres - Le mérite, l'amour, et.... Mais que vois-je ici? - - -SCÈNE IV. - -CLÉOMÈNE, AGÉNOR, PSYCHÉ. - - CLÉOMÈNE. - - Deux amis, deux rivaux, dont l'unique souci - Est d'exposer leurs jours pour conserver les vôtres. 810 - - PSYCHÉ. - - Puis-je vous écouter, quand j'ai chassé deux sœurs? - Princes, contre le ciel pensez-vous me défendre? - Vous livrer au serpent qu'ici je dois attendre, - Ce n'est qu'un désespoir qui sied mal aux grands cœurs; - Et mourir alors que je meurs, 815 - C'est accabler une âme tendre, - Qui n'a que trop de ses douleurs. - - AGÉNOR. - - Un serpent n'est pas invincible: - Cadmus, qui n'aimoit rien, défit celui de Mars. - Nous aimons, et l'amour sait rendre tout possible 820 - Au cœur qui suit ses étendards, - A la main dont lui-même il conduit tous les dards. - - PSYCHÉ. - - Voulez-vous qu'il vous serve en faveur d'une ingrate - Que tous ses traits n'ont pu toucher; - Qu'il dompte sa vengeance au moment qu'elle éclate, - Et vous aide à m'en arracher? - Quand même vous m'auriez servie, - Quand vous m'auriez rendu la vie. - Quel fruit espérez-vous de qui ne peut aimer? - - CLÉOMÈNE. - - Ce n'est point par l'espoir d'un si charmant salaire 830 - Que nous nous sentons animer: - Nous ne cherchons qu'à satisfaire - Aux devoirs d'un amour qui n'ose présumer - Que jamais, quoi qu'il puisse faire, - Il soit capable de vous plaire, 835 - Et digne de vous enflammer. - Vivez, belle princesse, et vivez pour un autre: - Nous le verrons d'un œil jaloux, - Nous en mourrons, mais d'un trépas plus doux - Que s'il nous falloit voir le vôtre; 840 - Et si nous ne mourons en vous sauvant le jour, - Quelque amour qu'à nos yeux vous préfériez au nôtre, - Nous voulons bien mourir de douleur et d'amour. - - PSYCHÉ. - - Vivez, princes, vivez, et de ma destinée - Ne songez plus à rompre ou partager la loi; 845 - Je crois vous l'avoir dit, le ciel ne veut que moi, - Le ciel m'a seule condamnée. - Je pense ouïr déjà les mortels sifflements - De son ministre qui s'approche: - Ma frayeur me le peint, me l'offre à tous moments; 850 - Et maîtresse qu'elle est de tous mes sentiments, - Elle me le figure au haut de cette roche. - J'en tombe de foiblesse, et mon cœur abattu - Ne soutient plus qu'à peine un reste de vertu. - Adieu, princes: fuyez, qu'il ne vous empoisonne. 855 - - AGÉNOR. - - Rien ne s'offre à nos yeux encor qui les étonne; - Et quand vous vous peignez un si proche trépas, - Si la force vous abandonne, - Nous avons des cœurs et des bras - Que l'espoir n'abandonne pas. 860 - Peut-être qu'un rival a dicté cet oracle, - Que l'or a fait parler celui qui l'a rendu: - Ce ne seroit pas un miracle - Que pour un dieu muet un homme eût répondu; - Et dans tous les climats on n'a que trop d'exemples 865 - Qu'il est, ainsi qu'ailleurs, des méchants dans les temples. - - CLÉOMÈNE. - - Laissez-nous opposer au lâche ravisseur - A qui le sacrilége indignement vous livre, - Un amour qu'a le ciel choisi pour défenseur - De la seule beauté pour qui nous voulons vivre. 870 - Si nous n'osons prétendre à sa possession, - Du moins en son péril permettez-nous de suivre - L'ardeur et les devoirs de notre passion. - - PSYCHÉ. - - Portez-les à d'autres moi-mêmes, - Princes, portez-les à mes sœurs, 875 - Ces devoirs, ces ardeurs extrêmes, - Dont pour moi sont remplis vos cœurs: - Vivez pour elles quand je meurs. - Plaignez de mon destin les funestes rigueurs, - Sans leur donner en vous de nouvelles matières. 880 - Ce sont mes volontés dernières; - Et l'on a reçu de tout temps - Pour souveraines lois les ordres des mourants. - - CLÉOMÈNE. - - Princesse.... - - PSYCHÉ. - - Encore un coup, princes, vivez pour elles. - Tant que vous m'aimerez, vous devez m'obéir: 885 - Ne me réduisez pas à vouloir vous haïr, - Et vous regarder en rebelles, - A force de m'être fidèles. - Allez, laissez-moi seule expirer en ce lieu - Où je n'ai plus de voix que pour vous dire adieu. 890 - Mais je sens qu'on m'enlève, et l'air m'ouvre une route - D'où vous n'entendrez plus cette mourante voix. - Adieu, princes, adieu pour la dernière fois. - Voyez si de mon sort vous pouvez être en doute. - -(Elle est enlevée en l'air par deux Zéphirs.) - - AGÉNOR. - - Nous la perdons de vue. Allons tous deux chercher 895 - Sur le faîte de ce rocher, - Prince, les moyens de la suivre. - - CLÉOMÈNE. - - Allons-y chercher ceux de ne lui point survivre. - - -SCÈNE V. - -L'AMOUR, en l'air. - - Allez mourir, rivaux d'un dieu jaloux, - Dont vous méritez le courroux 900 - Pour avoir eu le cœur sensible aux mêmes charmes. - Et toi, forge, Vulcain, mille brillants attraits - Pour orner un palais - Où l'Amour de Psyché veut essuyer les larmes, - Et lui rendre les armes. 905 - - -SECOND INTERMÈDE. - - La scène se change en une cour magnifique ornée de colonnes de - lapis enrichies de figures d'or, qui forment un palais pompeux et - brillant que l'Amour destine pour Psyché. Six Cyclopes avec - quatre fées y font une entrée de ballet, où ils achèvent en - cadence quatre gros vases d'argent que les fées leur ont - apportés. Cette entrée est entrecoupée par ce récit de Vulcain, - qu'il fait à deux reprises: - - Dépêchez, préparez ces lieux - Pour le plus aimable des Dieux; - Que chacun pour lui s'intéresse. - N'oubliez rien des soins qu'il faut: - Quand l'Amour presse, 910 - On n'a jamais fait assez tôt. - - L'Amour ne veut point qu'on diffère: - Travaillez, hâtez-vous, - Frappez, redoublez vos coups; - Que l'ardeur de lui plaire 915 - Fasse vos soins les plus doux. - -SECOND COUPLET. - - Servez bien un dieu si charmant; - Il se plaît dans l'empressement: - Que chacun pour lui s'intéresse. - N'oubliez rien des soins qu'il faut: 920 - Quand l'Amour presse, - On n'a jamais fait assez tôt. - - L'Amour ne veut point qu'on diffère: - Travaillez, etc. - - - [322] «Ce qui suit, jusqu'à la fin de la pièce, est de - M. C.[323], à la réserve de la première scène du troisième acte, - qui est de la même main que ce qui a précédé.» (_Note des - éditions de_ 1671-1697.) Voyez ci-dessus, p. 287 et 288. - - [323] Tel est le texte des éditions de 1671 et de 1676; - les suivantes donnent le nom en toutes lettres: «de Monsieur de - Corneille l'aîné.» - - [324] Ces deux vers sont un souvenir de ce passage de la - tragédie d'_Horace_ (acte III, scène III, vers 851 et 852): - - Un oracle jamais ne se laisse comprendre: - On l'entend d'autant moins que plus on croit l'entendre. - - [325] On lit _chacun_ dans l'édition de 1697. L'édition - de 1682 donne de même, plus haut, au vers 482, _un autre_, pour - _une autre_. Voyez tome I, p. 288, note 3-_a_. - - [326] Dans les éditions de 1682 et de 1697: «pour ne - vous pas déplaire.» - - - - -ACTE III. - - -SCÈNE PREMIÈRE[327]. - -L'AMOUR, ZÉPHIRE. - - ZÉPHIRE. - - Oui, je me suis galamment acquitté 925 - De la commission que vous m'avez donnée; - Et du haut du rocher, je l'ai, cette beauté, - Par le milieu des airs, doucement amenée - Dans ce beau palais enchanté, - Où vous pouvez en liberté 930 - Disposer de sa destinée. - Mais vous me surprenez par ce grand changement - Qu'en votre personne vous faites: - Cette taille, ces traits, et cet ajustement, - Cachent tout à fait qui vous êtes; 935 - Et je donne aux plus fins à pouvoir en ce jour - Vous reconnoître pour l'Amour. - - L'AMOUR. - - Aussi ne veux-je pas qu'on puisse me connoître: - Je ne veux à Psyché découvrir que mon cœur[328], - Rien que les beaux transports de cette vive ardeur 940 - Que ses doux charmes y font naître; - Et pour en exprimer l'amoureuse langueur, - Et cacher ce que je puis être - Aux yeux qui m'imposent des lois, - J'ai pris la forme que tu vois. 945 - - ZÉPHIRE. - - En tout vous êtes un grand maître; - C'est ici que je le connois. - Sous des déguisements de diverse nature - On a vu les Dieux amoureux - Chercher à soulager cette douce blessure 950 - Que reçoivent les cœurs de vos traits pleins de feux; - Mais en bon sens vous l'emportez sur eux; - Et voilà la bonne figure - Pour avoir un succès heureux - Près de l'aimable sexe où l'on porte ses vœux. 955 - Oui, de ces formes-là l'assistance est bien forte; - Et sans parler ni de rang ni d'esprit, - Qui peut trouver moyen d'être fait de la sorte - Ne soupire guère à crédit. - - L'AMOUR. - - J'ai résolu, mon cher Zéphire, 960 - De demeurer ainsi toujours; - Et l'on ne peut le trouver à redire - A l'aîné de tous les Amours. - Il est temps de sortir de cette longue enfance - Qui fatigue ma patience; 965 - Il est temps désormais que je devienne grand. - - ZÉPHIRE. - - Fort bien, vous ne pouvez mieux faire; - Et vous entrez dans un mystère - Qui ne demande rien d'enfant. - - L'AMOUR. - - Ce changement sans doute irritera ma mère. 970 - - ZÉPHIRE. - - Je prévois là-dessus quelque peu de colère. - Bien que les disputes des ans - Ne doivent point régner parmi des immortelles, - Votre mère Vénus est de l'humeur des belles, - Qui n'aiment point de grands enfants. 975 - Mais où je la trouve outragée, - C'est dans le procédé que l'on vous voit tenir; - Et c'est l'avoir étrangement vengée - Que d'aimer la beauté qu'elle vouloit punir. - Cette haine où ses vœux prétendent que réponde 980 - La puissance d'un fils que redoutent les Dieux.... - - L'AMOUR. - - Laissons cela, Zéphire, et me dis si tes yeux - Ne trouvent pas Psyché la plus belle du monde. - Est-il rien sur la terre, est-il rien dans les cieux - Qui puisse lui ravir le titre glorieux 985 - De beauté sans seconde? - Mais je la vois, mon cher Zéphire, - Qui demeure surprise à l'éclat de ces lieux. - - ZÉPHIRE. - - Vous pouvez vous montrer pour finir son martyre, - Lui découvrir son destin glorieux, 990 - Et vous dire entre vous tout ce que peuvent dire - Les soupirs, la bouche et les yeux. - En confident discret, je sais ce qu'il faut faire - Pour ne pas interrompre un amoureux mystère. - - -SCÈNE II. - -PSYCHÉ[329]. - - Où suis-je? et dans un lieu que je croyois barbare, 995 - Quelle savante main a bâti ce palais, - Que l'art, que la nature pare - De l'assemblage le plus rare - Que l'œil puisse admirer jamais? - Tout rit, tout brille, tout éclate 1000 - Dans ces jardins, dans ces appartements, - Dont les pompeux ameublements - N'ont rien qui n'enchante et ne flatte; - Et de quelque côté que tournent mes frayeurs, - Je ne vois sous mes pas que de l'or ou des fleurs. 1005 - - Le ciel auroit-il fait cet amas de merveilles - Pour la demeure d'un serpent? - Ou lorsque par leur vue il amuse et suspend - De mon destin jaloux les rigueurs sans pareilles, - Veut-il montrer qu'il s'en repent? 1010 - Non, non, c'est de sa haine, en cruautés féconde, - Le plus noir, le plus rude trait, - Qui par une rigueur nouvelle et sans seconde, - N'étale ce choix qu'elle a fait - De ce qu'a de plus beau le monde, 1015 - Qu'afin que je le quitte avec plus de regret. - - Que mon espoir est ridicule, - S'il croit par là soulager mes douleurs! - Tout autant de moments que ma mort se recule - Sont autant de nouveaux malheurs; 1020 - Plus elle tarde, et plus de fois je meurs. - - Ne me fais plus languir, viens prendre ta victime, - Monstre qui dois me déchirer. - Veux-tu que je te cherche, et faut-il que j'anime - Tes fureurs à me dévorer? 1025 - Si le ciel veut ma mort, si ma vie est un crime, - De ce peu qui m'en reste ose enfin t'emparer. - Je suis lasse de murmurer - Contre un châtiment légitime; - Je suis lasse de soupirer: 1030 - Viens que j'achève d'expirer. - - -SCÈNE III. - -L'AMOUR, PSYCHÉ, ZÉPHIRE. - - L'AMOUR. - - Le voilà ce serpent, ce monstre impitoyable, - Qu'un oracle étonnant pour vous a préparé, - Et qui n'est pas peut-être à tel point effroyable - Que vous vous l'êtes figuré. 1035 - - PSYCHÉ. - - Vous, Seigneur, vous seriez ce monstre dont l'oracle - A menacé mes tristes jours, - Vous qui semblez plutôt un dieu qui par miracle - Daigne venir lui-même à mon secours! - - L'AMOUR. - - Quel besoin de secours au milieu d'un empire 1040 - Où tout ce qui respire - N'attend que vos regards pour en prendre la loi, - Où vous n'avez à craindre autre monstre que moi? - - PSYCHÉ. - - Qu'un monstre tel que vous inspire peu de crainte! - Et que, s'il a quelque poison, 1045 - Une âme auroit peu de raison - De hasarder la moindre plainte - Contre une favorable atteinte - Dont tout le cœur craindroit la guérison! - A peine je vous vois, que mes frayeurs cessées 1050 - Laissent évanouir l'image du trépas, - Et que je sens couler dans mes veines glacées - Un je ne sais quel feu que je ne connois pas. - J'ai senti de l'estime et de la complaisance, - De l'amitié, de la reconnoissance; 1055 - De la compassion les chagrins innocents - M'en ont fait sentir la puissance; - Mais je n'ai point encor senti ce que je sens. - Je ne sais ce que c'est; mais je sais qu'il me charme, - Que je n'en conçois point d'alarme: 1060 - Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer. - Tout ce que j'ai senti n'agissoit point de même, - Et je dirois que je vous aime, - Seigneur, si je savois ce que c'est que d'aimer. - Ne les détournez point, ces yeux qui m'empoisonnent, - Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux, - Qui semblent partager le trouble qu'ils me donnent. - Hélas! plus ils sont dangereux, - Plus je me plais à m'attacher sur eux. - Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre, 1070 - Vous dis-je plus que je ne dois, - Moi de qui la pudeur devroit du moins attendre - Que vous m'expliquassiez le trouble où je vous vois? - Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire: - Vos sens comme les miens paroissent interdits. 1075 - C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire; - Et cependant c'est moi qui vous le dis. - - L'AMOUR. - - Vous avez eu, Psyché, l'âme toujours si dure, - Qu'il ne faut pas vous étonner - Si pour en réparer l'injure, 1080 - L'Amour en ce moment se paye avec usure - De ceux qu'elle a dû lui donner. - Ce moment est venu qu'il faut que votre bouche - Exhale des soupirs si longtemps retenus; - Et qu'en vous arrachant à cette humeur farouche, 1085 - Un amas de transports aussi doux qu'inconnus, - Aussi sensiblement tout à la fois vous touche, - Qu'ils ont dû vous toucher durant tant de beaux jours - Dont cette âme insensible a profané le cours. - - PSYCHÉ. - - N'aimer point, c'est donc un grand crime? 1090 - - L'AMOUR. - - En souffrez-vous un rude châtiment? - - PSYCHÉ. - - C'est punir assez doucement. - - L'AMOUR. - - C'est lui choisir sa peine légitime, - Et se faire justice, en ce glorieux jour, - D'un manquement d'amour par un excès d'amour. 1095 - - PSYCHÉ. - - Que n'ai-je été plus tôt punie! - J'y mets le bonheur de ma vie. - Je devrois en rougir, ou le dire plus bas; - Mais le supplice a trop d'appas. - Permettez que tout haut je le die et redie: 1100 - Je le dirois cent fois et n'en rougirois pas. - Ce n'est point moi qui parle, et de votre présence - L'empire surprenant, l'aimable violence, - Dès que je veux parler, s'empare de ma voix. - C'est en vain qu'en secret ma pudeur s'en offense, 1105 - Que le sexe et la bienséance - Osent me faire d'autres lois: - Vos yeux de ma réponse eux-mêmes font le choix; - Et ma bouche, asservie à leur toute-puissance, - Ne me consulte plus sur ce que je me dois. 1110 - - L'AMOUR. - - Croyez, belle Psyché, croyez ce qu'ils vous disent, - Ces yeux qui ne sont point jaloux: - Qu'à l'envi les vôtres m'instruisent - De tout ce qui se passe en vous. - Croyez-en ce cœur qui soupire, 1115 - Et qui, tant que le vôtre y voudra repartir, - Vous dira bien plus, d'un soupir, - Que cent regards ne peuvent dire. - C'est le langage le plus doux, - C'est le plus fort, c'est le plus sûr de tous. 1120 - - PSYCHÉ. - - L'intelligence en étoit due - A nos cœurs, pour les rendre également contents. - J'ai soupiré, vous m'avez entendue; - Vous soupirez, je vous entends; - Mais ne me laissez plus en doute, 1125 - Seigneur, et dites-moi si par la même route, - Après moi, le Zéphire ici vous a rendu, - Pour me dire ce que j'écoute. - Quand j'y suis arrivée, étiez-vous attendu? - Et quand vous lui parlez, êtes-vous entendu? 1130 - - L'AMOUR. - - J'ai dans ce doux climat un souverain empire - Comme vous l'avez sur mon cœur; - L'Amour m'est favorable, et c'est en sa faveur - Qu'à mes ordres Æole a soumis le Zéphire. - C'est l'Amour qui pour voir mes feux récompensés, 1135 - Lui-même a dicté cet oracle - Par qui vos beaux jours menacés, - D'une foule d'amants se sont débarrassés, - Et qui m'a délivré de l'éternel obstacle - De tant de soupirs empressés, 1140 - Qui ne méritoient pas de vous être adressés. - Ne me demandez point quelle est cette province, - Ni le nom de son prince; - Vous le saurez quand il en sera temps. - Je veux vous acquérir, mais c'est par mes services, 1145 - Par des soins assidus, et par des vœux constants, - Par les amoureux sacrifices - De tout ce que je suis, - De tout ce que je puis, - Sans que l'éclat du rang pour moi vous sollicite, 1150 - Sans que de mon pouvoir je me fasse un mérite; - Et bien que souverain dans cet heureux séjour, - Je ne vous veux, Psyché, devoir qu'à mon amour. - Venez en admirer avec moi les merveilles, - Princesse, et préparez vos yeux et vos oreilles 1155 - A ce qu'il a d'enchantements. - Vous y verrez des bois et des prairies - Contester sur leurs agréments - Avec l'or et les pierreries; - Vous n'entendrez que des concerts charmants; 1160 - De cent beautés vous y serez servie, - Qui vous adoreront sans vous porter envie, - Et brigueront à tous moments, - D'une âme soumise et ravie, - L'honneur de vos commandements. 1165 - - PSYCHÉ. - - Mes volontés suivent les vôtres: - Je n'en saurois plus avoir d'autres; - Mais votre oracle enfin vient de me séparer - De deux sœurs, et du Roi mon père, - Que mon trépas imaginaire 1170 - Réduit tous trois à me pleurer. - Pour dissiper l'erreur dont leur âme accablée - De mortels déplaisirs se voit pour moi comblée, - Souffrez que mes sœurs soient témoins - Et de ma gloire et de vos soins; 1175 - Prêtez-leur, comme à moi, les ailes du Zéphire[330], - Qui leur puissent de votre empire, - Ainsi qu'à moi, faciliter l'accès: - Faites-leur voir en quel lieu je respire; - Faites-leur de ma perte admirer le succès. 1180 - - L'AMOUR. - - Vous ne me donnez pas, Psyché, toute votre âme: - Ce tendre souvenir d'un père et de deux sœurs - Me vole une part des douceurs - Que je veux toutes pour ma flamme. - N'ayez d'yeux que pour moi qui n'en ai que pour vous; - Ne songez qu'à m'aimer, ne songez qu'à me plaire, - Et quand de tels soucis osent vous en distraire.... - - PSYCHÉ. - - Des tendresses du sang peut-on être jaloux? - - L'AMOUR. - - Je le suis, ma Psyché, de toute la nature: - Les rayons du soleil vous baisent trop souvent; 1190 - Vos cheveux souffrent trop les caresses du vent: - Dès qu'il les flatte, j'en murmure; - L'air même que vous respirez - Avec trop de plaisir passe par votre bouche; - Votre habit de trop près vous touche; 1195 - Et sitôt que vous soupirez, - Je ne sais quoi qui m'effarouche - Craint parmi vos soupirs des soupirs égarés. - Mais vous voulez vos sœurs: allez, partez, Zéphire; - Psyché le veut, je ne l'en puis dédire. 1200 - -(Le Zéphire s'envole.) - - Quand vous leur ferez voir ce bienheureux séjour, - De ses trésors faites-leur cent largesses, - Prodiguez-leur caresses sur caresses, - Et du sang, s'il se peut, épuisez les tendresses, - Pour vous rendre toute à l'amour. 1205 - Je n'y mêlerai point d'importune présence; - Mais ne leur faites pas de si longs entretiens: - Vous ne sauriez pour eux avoir de complaisance, - Que vous ne dérobiez aux miens. - - PSYCHÉ. - - Votre amour me fait une grâce 1210 - Dont je n'abuserai jamais. - - L'AMOUR. - - Allons voir cependant ces jardins, ce palais, - Où vous ne verrez rien que votre éclat n'efface. - Et vous, petits Amours, et vous, jeunes Zéphirs, - Qui pour âmes n'avez que de tendres soupirs, 1215 - Montrez tous à l'envi ce qu'à voir ma princesse - Vous avez senti d'allégresse. - - -TROISIÈME INTERMÈDE. - - Il se fait une entrée de ballet de quatre Amours et quatre - Zéphirs, interrompue deux fois par un dialogue chanté par un - Amour et un Zéphir. - - LE ZÉPHIR. - - Aimable jeunesse, - Suivez la tendresse; - Joignez aux beaux jours 1220 - La douceur des Amours. - C'est pour vous surprendre - Qu'on vous fait entendre - Qu'il faut éviter leurs soupirs - Et craindre leurs désirs: 1225 - Laissez-vous apprendre - Quels sont leurs plaisirs. - - ILS CHANTENT ENSEMBLE. - - Chacun est obligé d'aimer - A son tour; - Et plus on a de quoi charmer, 1230 - Plus on doit à l'Amour. - - LE ZÉPHIR SEUL. - - Un cœur jeune et tendre - Est fait pour se rendre; - Il n'a point à prendre - De fâcheux détour. 1235 - - LES DEUX ENSEMBLE. - - Chacun est obligé d'aimer - A son tour; - Et plus on a de quoi charmer, - Plus on doit à l'Amour. - - L'AMOUR SEUL. - - Pourquoi se défendre? 1240 - Que sert-il d'attendre? - Quand on perd un jour, - On le perd sans retour. - - LES DEUX ENSEMBLE. - - Chacun est obligé d'aimer - A son tour; 1245 - Et plus on a de quoi charmer, - Plus on doit à l'Amour. - - SECOND COUPLET. - - LE ZÉPHIR. - - L'Amour a des charmes; - Rendons-lui les armes: - Ses soins et ses pleurs 1250 - Ne sont pas sans douceurs. - Un cœur, pour le suivre, - A cent maux se livre. - Il faut, pour goûter ses appas, - Languir jusqu'au trépas; 1255 - Mais ce n'est pas vivre - Que de n'aimer pas. - - ILS CHANTENT ENSEMBLE. - - S'il faut des soins et des travaux - En aimant, - On est payé de mille maux 1260 - Par un heureux moment. - - LE ZÉPHIR SEUL. - - On craint, on espère, - Il faut du mystère: - Mais on n'obtient guère - De bien sans tourment. 1265 - - LES DEUX ENSEMBLE. - - S'il faut des soins et des travaux - En aimant, - On est payé de mille maux - Par un heureux moment. - - L'AMOUR SEUL. - - Que peut-on mieux faire 1270 - Qu'aimer et que plaire? - C'est un soin charmant - Que l'emploi d'un amant. - - LES DEUX ENSEMBLE. - - S'il faut des soins et des travaux - En aimant, 1275 - On est payé de mille maux - Par un heureux moment. - - (Le théâtre devient un autre palais magnifique, coupé dans le - fond par un vestibule, au travers duquel on voit un jardin - superbe et charmant, décoré de plusieurs vases d'orangers, et - d'arbres chargés de toutes sortes de fruits.) - - [327] Cette scène, comme il a été dit plus haut, est de - Molière. - - [328] Tel est le texte de l'édition originale; dans les - impressions postérieures on lit: «que découvrir mon cœur.» - - [329] PSYCHÉ, _seule_. (1676-97) - - [330] «Ordonne à Zéphyre ton serviteur de m'amener ici - mes sœurs, comme il m'y a transporté moi-même.» _Illi tuo famulo - præcipe Zephyro, simili vectura sorores hic mihi sistat._ - (Apulée, _la Metamorphose_, livre V.) - - - - -ACTE IV. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -AGLAURE, CYDIPPE. - - AGLAURE. - - Je n'en puis plus, ma sœur; j'ai vu trop de merveilles: - L'avenir aura peine à les bien concevoir; - Le soleil, qui voit tout, et qui nous fait tout voir, 1280 - N'en a vu jamais[331] de pareilles. - Elles me chagrinent l'esprit; - Et ce brillant palais, ce pompeux équipage, - Font un odieux étalage - Qui m'accable de honte autant que de dépit. 1285 - Que la fortune indignement nous traite[332]! - Et que sa largesse indiscrète - Prodigue aveuglément, épuise, unit d'efforts, - Pour faire de tant de trésors - Le partage d'une cadette! 1290 - - CYDIPPE. - - J'entre dans tous vos sentiments, - J'ai les mêmes chagrins; et dans ces lieux charmants, - Tout ce qui vous déplaît me blesse; - Tout ce que vous prenez pour un mortel affront, - Comme vous, m'accable et me laisse 1295 - L'amertume dans l'âme et la rougeur au front. - - AGLAURE. - - Non, ma sœur, il n'est point de reines - Qui dans leur propre État parlent en souveraines - Comme Psyché parle en ces lieux. - On l'y voit obéie avec exactitude, 1300 - Et de ses volontés une amoureuse étude - Les cherche jusque dans ses yeux. - Mille beautés s'empressent autour d'elle, - Et semblent dire à nos regards jaloux: - «Quels que soient nos attraits, elle est encor plus belle; - Et nous, qui la servons, le sommes plus que vous.» - Elle prononce, on exécute; - Aucun ne s'en défend, aucun ne s'en rebute. - Flore, qui s'attache à ses pas, - Répand à pleines mains autour de sa personne 1310 - Ce qu'elle a de plus doux appas; - Zéphire vole aux ordres qu'elle donne[333]; - Et son amante et lui, s'en laissant trop charmer, - Quittent pour la servir les soins de s'entr'aimer. - - CYDIPPE. - - Elle a des Dieux à son service, 1315 - Elle aura bientôt des autels[334]; - Et nous ne commandons qu'à de chétifs mortels - De qui l'audace et le caprice, - Contre nous à toute heure en secret révoltés, - Opposent à nos volontés 1320 - Ou le murmure ou l'artifice! - - AGLAURE. - - C'étoit peu que dans notre cour - Tant de cœurs à l'envi nous l'eussent préférée; - Ce n'étoit pas assez que de nuit et de jour - D'une foule d'amants elle y fût adorée: 1325 - Quand nous nous consolions de la voir au tombeau - Par l'ordre imprévu d'un oracle, - Elle a voulu de son destin nouveau - Faire en notre présence éclater le miracle, - Et choisi nos yeux pour témoins 1330 - De ce qu'au fond du cœur nous souhaitions le moins. - - CYDIPPE. - - Ce qui le plus me désespère, - C'est cet amant parfait et si digne de plaire - Qui se captive sous ses lois. - Quand nous pourrions choisir entre tous les monarques, - En est-il un, de tant de rois, - Qui porte de si nobles marques? - Se voir du bien par delà ses souhaits, - N'est souvent qu'un bonheur qui fait des misérables; - Il n'est ni train pompeux, ni superbes palais 1340 - Qui n'ouvrent quelque porte à des maux incurables; - Mais avoir un amant d'un mérite achevé, - Et s'en voir chèrement aimée, - C'est un bonheur si haut, si relevé, - Que sa grandeur ne peut être exprimée[335]. 1345 - - AGLAURE. - - N'en parlons plus, ma sœur, nous en mourrions d'ennui: - Songeons plutôt à la vengeance; - Et trouvons le moyen de rompre entre elle et lui - Cette adorable intelligence[336]. - La voici. J'ai des coups tous prêts[337] à lui porter 1350 - Qu'elle aura peine d'éviter. - - -SCÈNE II. - -PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE. - - PSYCHÉ. - - Je viens vous dire adieu; mon amant vous renvoie, - Et ne sauroit plus endurer - Que vous lui retranchiez un moment de la joie - Qu'il prend de se voir seul à me considérer: 1355 - Dans un simple regard, dans la moindre parole, - Son amour trouve des douceurs, - Qu'en faveur du sang je lui vole, - Quand je les partage à des sœurs. - - AGLAURE. - - La jalousie est assez fine; 1360 - Et ces délicats sentiments - Méritent bien qu'on s'imagine - Que celui qui pour vous a ces empressements - Passe le commun des amants. - Je vous en parle ainsi, faute de le connoître. 1365 - Vous ignorez son nom et ceux dont il tient l'être; - Nos esprits en sont alarmés. - Je le tiens un grand prince, et d'un pouvoir suprême, - Bien au delà du diadème; - Ses trésors sous vos pas confusément semés. 1370 - Ont de quoi faire honte à l'abondance même. - Vous l'aimez autant qu'il vous aime; - Il vous charme, et vous le charmez: - Votre félicité, ma sœur, seroit extrême - Si vous saviez qui vous aimez. 1375 - - PSYCHÉ. - - Que m'importe? j'en suis aimée: - Plus il me voit, plus je lui plais. - Il n'est point de plaisirs dont l'âme soit charmée - Qui ne préviennent mes souhaits; - Et je vois mal de quoi la vôtre est alarmée, 1380 - Quand tout me sert dans ce palais. - - AGLAURE. - - Qu'importe qu'ici tout vous serve, - Si toujours cet amant vous cache ce qu'il est? - Nous ne nous alarmons que pour votre intérêt. - En vain tout vous y rit, en vain tout vous y plaît; 1385 - Le véritable amour ne fait point de réserve; - Et qui s'obstine à se cacher - Sent quelque chose en soi qu'on lui peut reprocher. - Si cet amant devient volage, - Car souvent en amour le change est assez doux; 1390 - Et j'ose le dire entre nous, - Pour grand que soit l'éclat dont brille ce visage, - Il en peut être ailleurs d'aussi belles que vous; - Si, dis-je, un autre objet sous d'autres lois l'engage, - Si dans l'état où je vous voi, 1395 - Seule en ses mains et sans défense, - Il va jusqu'à la violence, - Sur qui vous vengera le Roi, - Ou de ce changement ou de cette insolence? - - PSYCHÉ. - - Ma sœur, vous me faites trembler. 1400 - Juste ciel! pourrois-je être assez infortunée.... - - CYDIPPE. - - Que sait-on si déjà les nœuds de l'hyménée.... - - PSYCHÉ. - - N'achevez pas, ce seroit m'accabler. - - AGLAURE. - - Je n'ai plus qu'un mot à vous dire. - Ce prince qui vous aime, et qui commande aux vents, 1405 - Qui nous donne pour char les ailes du Zéphire, - Et de nouveaux plaisirs vous comble à tous moments, - Quand il rompt à vos yeux l'ordre de la nature, - Peut-être à tant d'amour mêle un peu d'imposture; - Peut-être ce palais n'est qu'un enchantement; 1410 - Et ces lambris dorés, ces amas de richesses - Dont il achète vos tendresses, - Dès qu'il sera lassé de souffrir vos caresses, - Disparoîtront en un moment. - Vous savez comme nous ce que peuvent les charmes. 1415 - - PSYCHÉ. - - Que je sens à mon tour de cruelles alarmes! - - AGLAURE. - - Notre amitié ne veut que votre bien. - - PSYCHÉ. - - Adieu, mes sœurs: finissons l'entretien; - J'aime, et je crains qu'on ne s'impatiente. - Partez; et demain, si je puis, 1420 - Vous me verrez ou plus contente, - Ou dans l'accablement des plus mortels ennuis. - - AGLAURE. - - Nous allons dire au Roi quelle nouvelle gloire, - Quel excès de bonheur le ciel répand sur vous. - - CYDIPPE. - - Nous allons lui conter d'un changement si doux 1425 - La surprenante et merveilleuse histoire. - - PSYCHÉ. - - Ne l'inquiétez point, ma sœur, de vos soupçons; - Et quand vous lui peindrez un si charmant empire.... - - AGLAURE. - - Nous savons toutes deux ce qu'il faut taire ou dire, - Et n'avons pas besoin, sur ce point, de leçons. 1430 - - (Le Zéphire enlève les deux sœurs de Psyché dans un nuage qui - descend jusqu'à terre, et dans lequel il les emporte avec - rapidité.) - - -SCÈNE III. - -L'AMOUR, PSYCHÉ. - - L'AMOUR. - - Enfin vous êtes seule, et je puis vous redire, - Sans avoir pour témoins vos importunes sœurs, - Ce que des yeux si beaux ont pris sur moi d'empire, - Et quel excès ont les douceurs - Qu'une sincère ardeur inspire, 1435 - Sitôt qu'elle assemble deux cœurs. - Je puis vous expliquer de mon âme ravie - Les amoureux empressements, - Et vous jurer qu'à vous seule asservie - Elle n'a pour objet de ses ravissements 1440 - Que de voir cette ardeur, de même ardeur suivie, - Ne concevoir plus d'autre envie - Que de régler mes vœux sur vos désirs, - Et de ce qui vous plaît faire tous mes plaisirs. - Mais d'où vient qu'un triste nuage 1445 - Semble offusquer l'éclat de ces beaux yeux? - Vous manque-t-il quelque chose en ces lieux? - Des vœux qu'on vous y rend dédaignez-vous l'hommage? - - PSYCHÉ. - - Non, Seigneur. - - L'AMOUR. - - Qu'est-ce donc? et d'où vient mon malheur? - J'entends moins de soupirs d'amour que de douleur; 1450 - Je vois de votre teint les roses amorties - Marquer un déplaisir secret; - Vos sœurs à peine sont parties - Que vous soupirez de regret. 1455 - Ont-ils des soupirs différents? - Et quand on aime bien, et qu'on voit ce qu'on aime, - Peut-on songer à des parents? - - PSYCHÉ. - - Ce n'est point là ce qui m'afflige. - - L'AMOUR. - - Est-ce l'absence d'un rival, 1460 - Et d'un rival aimé, qui fait qu'on me néglige? - - PSYCHÉ. - - Dans un cœur tout à vous que vous pénétrez mal! - Je vous aime, Seigneur, et mon amour s'irrite - De l'indigne soupçon que vous avez formé. - Vous ne connoissez pas quel est votre mérite, 1465 - Si vous craignez de n'être pas aimé. - Je vous aime; et depuis que j'ai vu la lumière, - Je me suis montrée assez fière - Pour dédaigner les vœux de plus d'un roi; - Et s'il vous faut ouvrir mon âme toute entière, 1470 - Je n'ai trouvé que vous qui fût digne de moi. - Cependant j'ai quelque tristesse - Qu'en vain je voudrois vous cacher: - Un noir chagrin se mêle à toute ma tendresse, - Dont je ne la puis détacher. 1475 - Ne m'en demandez point la cause: - Peut-être la sachant voudrez-vous m'en punir, - Et si j'ose aspirer encore à quelque chose, - Je suis sûre du moins de ne point l'obtenir. - - L'AMOUR. - - Et ne craignez-vous point qu'à mon tour je m'irrite 1480 - Que vous connoissiez mal quel est votre mérite, - Ou feigniez de ne pas savoir - Quel est sur moi votre absolu pouvoir? - Ah! si vous en doutez, soyez désabusée. - Parlez. - - PSYCHÉ. - - J'aurai l'affront de me voir refusée. 1485 - - L'AMOUR. - - Prenez en ma faveur de meilleurs sentiments, - L'expérience en est aisée: - Parlez, tout se tient prêt à vos commandements. - Si pour m'en croire il vous faut des serments, - J'en jure vos beaux yeux, ces maîtres de mon âme, 1490 - Ces divins auteurs de ma flamme; - Et si ce n'est assez d'en jurer vos beaux yeux, - J'en jure par le Styx, comme jurent les Dieux. - - PSYCHÉ. - - J'ose craindre un peu moins après cette assurance. - Seigneur, je vois ici la pompe et l'abondance, 1495 - Je vous adore, et vous m'aimez, - Mon cœur en est ravi, mes sens en sont charmés; - Mais parmi ce bonheur suprême, - J'ai le malheur de ne savoir qui j'aime. - Dissipez cet aveuglement, 1500 - Et faites-moi connoître un si parfait amant. - - L'AMOUR. - - Psyché, que venez-vous de dire? - - PSYCHÉ. - - Que c'est le bonheur où j'aspire; - Et si vous ne me l'accordez.... - - L'AMOUR. - - Je l'ai juré, je n'en suis plus le maître; 1505 - Mais vous ne savez pas ce que vous demandez. - Laissez-moi mon secret. Si je me fais connoître, - Je vous perds, et vous me perdez. - Le seul remède est de vous en dédire. - - PSYCHÉ. - - C'est là sur vous mon souverain empire? 1510 - - L'AMOUR. - - Vous pouvez tout, et je suis tout à vous; - Mais si nos feux vous semblent doux, - Ne mettez point d'obstacle à leur charmante suite; - Ne me forcez point à la fuite: - C'est le moindre malheur qui nous puisse arriver 1515 - D'un souhait qui vous a séduite. - - PSYCHÉ. - - Seigneur, vous voulez m'éprouver; - Mais je sais ce que j'en dois croire. - De grâce, apprenez-moi tout l'excès de ma gloire, - Et ne me cachez plus pour quel illustre choix 1520 - J'ai rejeté les vœux de tant de rois. - - L'AMOUR. - - Le voulez-vous? - - PSYCHÉ. - - Souffrez que je vous en conjure. - - L'AMOUR. - - Si vous saviez, Psyché, la cruelle aventure - Que par là vous vous attirez.... - - PSYCHÉ. - - Seigneur, vous me désespérez. 1525 - - L'AMOUR. - - Pensez-y bien, je puis encor me taire. - - PSYCHÉ. - - Faites-vous des serments pour n'y point satisfaire? - - L'AMOUR. - - Eh bien! je suis le dieu le plus puissant des Dieux, - Absolu sur la terre, absolu dans les cieux; - Dans les eaux, dans les airs mon pouvoir est suprême: 1530 - En un mot, je suis l'Amour même, - Qui de mes propres traits m'étois blessé pour vous[338]; - Et sans la violence, hélas! que vous me faites, - Et qui vient de changer mon amour en courroux, - Vous m'alliez avoir pour époux. 1535 - Vos volontés sont satisfaites, - Vous avez su qui vous aimiez, - Vous connoissez l'amant que vous charmiez; - Psyché, voyez où vous en êtes: - Vous me forcez vous-même à vous quitter; 1540 - Vous me forcez vous-même à vous ôter - Tout l'effet de votre victoire. - Peut-être vos beaux yeux ne me reverront plus. - Ce palais, ces jardins, avec moi disparus, - Vont faire évanouir votre naissante gloire. 1545 - Vous n'avez pas voulu m'en croire[339]; - Et pour tout fruit de ce doute éclairci, - Le Destin, sous qui le ciel tremble, - Plus fort que mon amour, que tous les Dieux ensemble, - Vous va montrer sa haine, et me chasse d'ici. 1550 - - (L'Amour disparoît, et dans l'instant qu'il s'envole, le superbe - jardin s'évanouit. Psyché demeure seule au milieu d'une vaste - campagne, et sur le bord sauvage d'un grand fleuve où elle se - veut précipiter. Le dieu du fleuve paroît, assis sur un amas de - joncs et de roseaux, et appuyé sur une grande urne, d'où sort une - grosse source d'eau.) - - -SCÈNE IV. - -PSYCHÉ[340]. - - PSYCHÉ. - - Cruel destin! funeste inquiétude! - Fatale curiosité! - Qu'avez-vous fait, affreuse solitude, - De toute ma félicité? - J'aimois un dieu, j'en étois adorée, 1555 - Mon bonheur redoubloit de moment en moment; - Et je me vois seule, éplorée, - Au milieu d'un désert, où pour accablement, - Et confuse et désespérée, - Je sens croître l'amour, quand j'ai perdu l'amant. 1560 - Le souvenir m'en charme et m'empoisonne; - Sa douceur tyrannise un cœur infortuné - Qu'aux plus cuisants chagrins ma flamme a condamné. - O ciel! quand l'Amour m'abandonne, - Pourquoi me laisse-t-il l'amour qu'il m'a donné? 1565 - Source de tous les biens, inépuisable et pure, - Maître des hommes et des Dieux, - Cher auteur des maux que j'endure, - Êtes-vous pour jamais disparu de mes yeux[341]? - Je vous en ai banni moi-même: 1570 - Dans un excès d'amour, dans un bonheur extrême, - D'un indigne soupçon mon cœur s'est alarmé. - Cœur ingrat, tu n'avois qu'un feu mal allumé; - Et l'on ne peut vouloir, du moment que l'on aime, - Que ce que veut l'objet aimé. 1575 - Mourons, c'est le parti qui seul me reste à suivre - Après la perte que je fais. - Pour qui, grands Dieux! voudrois-je vivre? - Et pour qui former des souhaits? - Fleuve, de qui les eaux baignent ces tristes sables, 1580 - Ensevelis mon crime dans tes flots; - Et pour finir des maux si déplorables, - Laisse-moi dans ton lit assurer mon repos. - - LE DIEU DU FLEUVE. - - Ton trépas souilleroit mes ondes, - Psyché[342]: le ciel te le défend; 1585 - Et peut-être qu'après des douleurs si profondes - Un autre sort t'attend. - Fuis plutôt de Vénus l'implacable colère. - Je la vois qui te cherche et qui te veut punir: - L'amour du fils a fait la haine de la mère. 1590 - Fuis, je saurai la retenir. - - PSYCHÉ. - - J'attends ses fureurs vengeresses: - Qu'auront-elles pour moi qui ne me soit trop doux? - Qui cherche le trépas ne craint dieux ni déesses, - Et peut braver tout leur courroux. 1595 - - -SCÈNE V. - -VÉNUS, PSYCHÉ. - - VÉNUS. - - Orgueilleuse Psyché, vous m'osez donc attendre - Après m'avoir sur terre enlevé mes honneurs, - Après que vos traits suborneurs - Ont reçu les encens qu'aux miens seuls on doit rendre? - J'ai vu mes temples désertés; 1600 - J'ai vu tous les mortels, séduits par vos beautés, - Idolâtrer en vous la beauté souveraine, - Vous offrir des respects jusqu'alors inconnus, - Et ne se mettre pas en peine - S'il étoit une autre Vénus; 1605 - Et je vous vois encor l'audace - De n'en pas redouter les justes châtiments, - Et de me regarder en face, - Comme si c'étoit peu que mes ressentiments! - - PSYCHÉ. - - Si de quelques mortels on m'a vue adorée, 1610 - Est-ce un crime pour moi d'avoir eu des appas - Dont leur âme inconsidérée - Laissoit charmer des yeux qui ne vous voyoient pas? - Je suis ce que le ciel m'a faite, - Je n'ai que les beautés qu'il m'a voulu prêter. 1615 - Si les vœux qu'on m'offroit vous ont mal satisfaite, - Pour forcer tous les cœurs à vous les reporter, - Vous n'aviez qu'à vous présenter, - Qu'à ne leur cacher plus cette beauté parfaite - Qui pour les rendre à leur devoir, 1620 - Pour se faire adorer, n'a qu'à se faire voir. - - VÉNUS. - - Il falloit vous en mieux défendre. - Ces respects, ces encens, se devoient refuser[343]; - Et pour les mieux désabuser, - Il falloit à leurs yeux vous-même me les rendre. 1625 - Vous avez aimé cette erreur - Pour qui vous ne deviez avoir que de l'horreur; - Vous avez bien fait plus: votre humeur arrogante, - Sur le mépris de mille rois, - Jusques aux cieux a porté de son choix 1630 - L'ambition extravagante. - - PSYCHÉ. - - J'aurois porté mon choix, Déesse, jusqu'aux cieux? - - VÉNUS. - - Votre insolence est sans seconde. - Dédaigner tous les rois du monde, - N'est-ce pas aspirer aux Dieux? 1635 - - PSYCHÉ. - - Si l'Amour pour eux tous m'avoit endurci l'âme, - Et me réservoit toute à lui, - En puis-je être coupable? et faut-il qu'aujourd'hui, - Pour prix d'une si belle flamme, - Vous vouliez m'accabler d'un éternel ennui? 1640 - - VÉNUS. - - Psyché, vous deviez mieux connoître - Qui vous étiez, et quel étoit ce dieu. - - PSYCHÉ. - - Et m'en a-t-il donné ni le temps ni le lieu, - Lui qui de tout mon cœur d'abord s'est rendu maître? - - VÉNUS. - - Tout votre cœur s'en est laissé charmer, 1645 - Et vous l'avez aimé, dès qu'il vous a dit: «J'aime.» - - PSYCHÉ. - - Pouvois-je n'aimer pas le dieu qui fait aimer, - Et qui me parloit pour lui-même? - C'est votre fils: vous savez son pouvoir; - Vous en connoissez le mérite. 1650 - - VÉNUS. - - Oui, c'est mon fils; mais un fils qui m'irrite; - Un fils qui me rend mal ce qu'il sait me devoir; - Un fils qui fait qu'on m'abandonne, - Et qui pour mieux flatter ses indignes amours, - Depuis que vous l'aimez ne blesse plus personne 1655 - Qui vienne à mes autels implorer mon secours. - Vous m'en avez fait un rebelle, - On m'en verra vengée, et hautement, sur vous; - Et je vous apprendrai s'il faut qu'une mortelle - Souffre qu'un dieu soupire à ses genoux. 1660 - Suivez-moi; vous verrez, par votre expérience, - A quelle folle confiance - Vous portoit cette ambition. - Venez, et préparez autant de patience - Qu'on vous voit de présomption. 1665 - -QUATRIÈME INTERMÈDE. - - La scène représente les enfers. On y voit une mer toute de feu, - dont les flots sont dans une perpétuelle agitation. Cette mer - effroyable est bornée par des ruines enflammées; et au milieu de - ses flots agités, au travers d'une gueule affreuse, paroît le - palais infernal de Pluton. Huit Furies en sortent, et forment une - entrée de ballet, où elles se réjouissent de la rage qu'elles ont - allumée dans l'âme de la plus douce des divinités. Un Lutin mêle - quantité de sauts périlleux à leurs danses, cependant que Psyché, - qui a passé aux enfers par le commandement de Vénus, repasse dans - la barque de Charon avec la boîte qu'elle a reçue de Proserpine - pour cette déesse. - - [331] Dans l'édition de 1697: «N'en a jamais vu.» - - [332] _Sorores egregiæ, domum redeuntes, jamque - gliscentis invidiæ felle flagrantes, multa secum sermonibus - mutuis perstrepebant. Sic denique infit altera: «En orba et sæva - et iniqua fortuna! Hoccine tibi complacuit, ut utroque parente - prognatæ, diversam sortem sustineremus?_» (Apulée, _la - Métamorphose_, livre V.) - - [333] «Une des choses qui leur causa le plus de dépit - fut qu'en leur présence notre héroïne ordonna aux Zéphyrs de - redoubler la fraîcheur ordinaire de ce séjour.» (La Fontaine, - _les Amours de Psyché et de Cupidon_, livre I.) - - [334] _Deam quoque illam deus maritus efficiet._ - (Apulée, _la Métamorphose_, livre V.) - - [335] _Quod si maritum etiam tam formosum tenet, ut - affirmat, nulla nunc in orbe toto felicior vivit._ (Apulée, _la - Métamorphose_, livre V.) - - [336] _Consilium validum ambæ requiramus._ (_Ibidem._) - - [337] L'édition de 1697 porte seule _tout prêts_. Voyez - plus loin le vers 1800 et la note qui s'y rapporte. - - [338] _Præclarus ille sagittarius, ipse me telo meo - percussi._ (Apulée, _la Métamorphose_, livre V.) - - [339] On lit _me croire_ dans l'édition de 1697. - - [340] Les éditions anciennes ne font figurer en tête de - cette scène, que PSYCHÉ, bien qu'elle y ait pour interlocuteur LE - DIEU DU FLEUVE. - - [341] L'impression de 1676 porte _veux_, pour _yeux_, et - de cette faute typographique l'édition de 1682 a fait _vœux_. - - [342] _Psyche.... neque tua miserrima morte meas sanctas - aquas polluas, nec_, etc. (Apulée, _la Métamorphose_, livre VI.) - - [343] Dans les éditions de 1676, de 1682 et de 1697: «se - doivent refuser.» - - - - -ACTE V. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - - PSYCHÉ. - - Effroyables replis des ondes infernales, - Noirs palais où Mégère et ses sœurs font leur cour, - Éternels ennemis du jour, - Parmi vos Ixions et parmi vos Tantales, - Parmi tant de tourments qui n'ont point d'intervalles, 1670 - Est-il dans votre affreux séjour - Quelques peines qui soient égales - Aux travaux où Vénus condamne mon amour? - Elle n'en peut être assouvie; - Et depuis qu'à ses lois je me trouve asservie, 1675 - Depuis qu'elle me livre à ses ressentiments, - Il m'a fallu dans ces cruels moments - Plus d'une âme et plus d'une vie, - Pour remplir ses commandements. - Je souffrirois tout avec joie, 1680 - Si parmi les rigueurs que sa haine déploie - Mes yeux pouvoient revoir, ne fût-ce qu'un moment, - Ce cher, cet adorable amant. - Je n'ose le nommer: ma bouche, criminelle - D'avoir trop exigé de lui, 1685 - S'en est rendue indigne; et dans ce dur ennui, - La souffrance la plus mortelle - Dont m'accable à toute heure un renaissant trépas, - Est celle de ne le voir pas. - Si son courroux duroit encore, 1690 - Jamais aucun malheur n'approcheroit du mien; - Mais s'il avoit pitié d'une âme qui l'adore, - Quoi qu'il fallût souffrir, je ne souffrirois rien. - Oui, destins, s'il calmoit cette juste colère, - Tous mes malheurs seroient finis: 1695 - Pour me rendre insensible aux fureurs de la mère, - Il ne faut qu'un regard du fils[344]. - Je n'en veux plus douter, il partage ma peine: - Il voit ce que je souffre et souffre comme moi; - Tout ce que j'endure le gêne; 1700 - Lui-même il s'en impose une amoureuse loi. - En dépit de Vénus, en dépit de mon crime, - C'est lui qui me soutient, c'est lui qui me ranime - Au milieu des périls où l'on me fait courir; - Il garde la tendresse où son feu le convie, 1705 - Et prend soin de me rendre une nouvelle vie, - Chaque fois qu'il me faut mourir. - Mais que me veulent ces deux ombres - Qu'à travers le faux jour de ces demeures sombres - J'entrevois s'avancer vers moi? 1710 - - -SCÈNE II. - -PSYCHÉ, CLÉOMÈNE, AGÉNOR. - - PSYCHÉ. - - Cléomène, Agénor, est-ce vous que je voi? - Qui vous a ravi la lumière? - - CLÉOMÈNE. - - La plus juste douleur qui d'un beau désespoir - Nous eût pu fournir la matière; - Cette pompe funèbre où du sort le plus noir 1715 - Vous attendiez la rigueur la plus fière, - L'injustice la plus entière. - - AGÉNOR. - - Sur ce même rocher où le ciel en courroux - Vous promettoit, au lieu d'époux, - Un serpent dont soudain vous seriez dévorée, 1720 - Nous tenions la main préparée - A repousser sa rage, ou mourir avec vous. - Vous le savez, princesse; et lorsqu'à notre vue - Par le milieu des airs vous êtes disparue, - Du haut de ce rocher, pour suivre vos beautés, 1725 - Ou plutôt pour goûter cette amoureuse joie - D'offrir pour vous au monstre une première proie, - D'amour et de douleur l'un et l'autre emportés, - Nous nous sommes précipités. - - CLÉOMÈNE. - - Heureusement déçus au sens de votre oracle, 1730 - Nous en avons ici reconnu le miracle, - Et su que le serpent prêt à vous dévorer - Étoit le dieu qui fait qu'on aime, - Et qui, tout dieu qu'il est, vous adorant lui-même, - Ne pouvoit endurer 1735 - Qu'un mortel comme nous osât vous adorer. - - AGÉNOR. - - Pour prix de vous avoir suivie, - Nous jouissons ici d'un trépas assez doux. - Qu'avions-nous affaire de vie, - Si nous ne pouvions être à vous? 1740 - Nous revoyons ici vos charmes, - Qu'aucun des deux là-haut n'auroit revus jamais. - Heureux si nous voyons la moindre de vos larmes - Honorer des malheurs que vous nous avez faits! - - PSYCHÉ. - - Puis-je avoir des larmes de reste, 1745 - Après qu'on a porté les miens au dernier point? - Unissons nos soupirs dans un sort si funeste, - Les soupirs ne s'épuisent point; - Mais vous soupireriez, princes, pour une ingrate. - Vous n'avez point voulu survivre à mes malheurs; 1750 - Et quelque douleur qui m'abatte, - Ce n'est point pour vous que je meurs. - - CLÉOMÈNE. - - L'avons-nous mérité, nous dont toute la flamme - N'a fait que vous lasser du récit de nos maux? - - PSYCHÉ. - - Vous pouviez mériter, princes, toute mon âme, 1755 - Si vous n'eussiez été rivaux. - Ces qualités incomparables - Qui de l'un et de l'autre accompagnoient les vœux - Vous rendoient tous deux trop aimables - Pour mépriser aucun des deux. 1760 - - AGÉNOR. - - Vous avez pu, sans être injuste ni cruelle, - Nous refuser un cœur réservé pour un dieu. - Mais revoyez Vénus. Le Destin nous rappelle, - Et nous force à vous dire adieu. - - PSYCHÉ. - - Ne vous donne-t-il point le loisir de me dire 1765 - Quel est ici votre séjour? - - CLÉOMÈNE. - - Dans des bois toujours verts, où d'amour on respire, - Aussitôt qu'on est mort d'amour: - D'amour on y revit, d'amour on y soupire, - Sous les plus douces lois de son heureux empire; 1770 - Et l'éternelle nuit n'ose en chasser le jour - Que lui-même il attire - Sur nos fantômes, qu'il inspire, - Et dont aux enfers même il se fait une cour. - - AGÉNOR. - - Vos envieuses sœurs, après nous descendues, 1775 - Pour vous perdre se sont perdues; - Et l'une et l'autre tour à tour, - Pour le prix d'un conseil qui leur coûte la vie, - A côté d'Ixion, à côté de Titye, - Souffre tantôt la roue, et tantôt le vautour. 1780 - L'Amour, par les Zéphirs, s'est fait prompte justice - De leur envenimée et jalouse malice: - Ces ministres ailés de son juste courroux, - Sous couleur de les rendre encore auprès de vous, - Ont plongé l'une et l'autre au fond d'un précipice, 1785 - Où le spectacle affreux de leurs corps déchirés - N'étale que le moindre et le premier supplice - De ces conseils dont l'artifice - Fait les maux dont vous soupirez. - - PSYCHÉ. - - Que je les plains! - - CLÉOMÈNE. - - Vous êtes seule à plaindre. 1790 - Mais nous demeurons trop à vous entretenir: - Adieu: puissions-nous vivre en votre souvenir! - Puissiez-vous, et bientôt, n'avoir plus rien à craindre! - Puisse, et bientôt, l'Amour vous enlever aux cieux, - Vous y mettre à côté des Dieux, 1795 - Et rallumant un feu qui ne se puisse éteindre, - Affranchir à jamais l'éclat de vos beaux yeux - D'augmenter le jour en ces lieux! - - -SCÈNE III. - -PSYCHÉ. - - Pauvres amants! Leur amour dure encore! - Tous morts[345] qu'ils sont, l'un et l'autre m'adore, - Moi dont la dureté reçut si mal leurs vœux. - Tu n'en fais pas ainsi, toi qui seul m'as ravie, - Amant que j'aime encor cent fois plus que ma vie, - Et qui brises de si beaux nœuds! - Ne me fuis plus, et souffre que j'espère 1805 - Que tu pourras un jour rabaisser l'œil sur moi, - Qu'à force de souffrir j'aurai de quoi te plaire, - De quoi me rengager ta foi. - Mais ce que j'ai souffert m'a trop défigurée - Pour rappeler un tel espoir: 1810 - L'œil abattu, triste, désespérée, - Languissante et décolorée, - De quoi puis-je me prévaloir, - Si par quelque miracle, impossible à prévoir, - Ma beauté qui t'a plu ne se voit réparée? 1815 - Je porte ici de quoi la réparer: - Ce trésor de beauté divine, - Qu'en mes mains pour Vénus a remis Proserpine, - Enferme des appas dont je puis m'emparer[346]; - Et l'éclat en doit être extrême, 1820 - Puisque Vénus, la beauté même, - Les demande pour se parer. - En dérober un peu seroit-ce un si grand crime? - Pour plaire aux yeux d'un dieu qui s'est fait mon amant, - Pour regagner son cœur et finir mon tourment, 1825 - Tout n'est-il pas trop légitime? - Ouvrons. Quelles vapeurs m'offusquent le cerveau, - Et que vois-je sortir de cette boîte ouverte[347]? - Amour, si ta pitié ne s'oppose à ma perte, - Pour ne revivre plus je descends au tombeau. 1830 - -(Elle s'évanouit, et l'Amour descend auprès d'elle en volant.) - - -SCÈNE IV. - -L'AMOUR, PSYCHÉ évanouie. - - L'AMOUR. - - Votre péril, Psyché, dissipe ma colère, - Ou plutôt de mes feux l'ardeur n'a point cessé; - Et bien qu'au dernier point vous m'ayez su déplaire, - Je ne me suis intéressé - Que contre celle de ma mère. 1835 - J'ai vu tous vos travaux, j'ai suivi vos malheurs, - Mes soupirs ont partout accompagné vos pleurs. - Tournez les yeux vers moi, je suis encor le même. - Quoi? je dis et redis tout haut que je vous aime, - Et vous ne dites point, Psyché, que vous m'aimez! 1840 - Est-ce que pour jamais vos beaux yeux sont fermés, - Qu'à jamais la clarté leur vient d'être ravie? - O mort! devois-tu prendre un dard si criminel, - Et sans aucun respect pour mon être éternel, - Attenter à ma propre vie? 1845 - Combien de fois, ingrate déité, - Ai-je grossi ton noir empire - Par les mépris et par la cruauté - D'une orgueilleuse ou farouche beauté! - Combien même, s'il le faut dire, 1850 - T'ai-je immolé de fidèles amants - A force de ravissements! - Va, je ne blesserai plus d'âmes, - Je ne percerai plus de cœurs, - Qu'avec des dards trempés aux divines liqueurs 1855 - Qui nourrissent du ciel les immortelles flammes, - Et n'en lancerai plus que pour faire à tes yeux - Autant d'amants, autant de dieux. - Et vous, impitoyable mère, - Qui la forcez à m'arracher 1860 - Tout ce que j'avois de plus cher, - Craignez, à votre tour, l'effet de ma colère. - Vous me voulez faire la loi, - Vous qu'on voit si souvent la recevoir de moi! - Vous qui portez un cœur sensible comme un autre, 1865 - Vous enviez au mien les délices du vôtre! - Mais dans ce même cœur j'enfoncerai des coups - Qui ne seront suivis que de chagrins jaloux; - Je vous accablerai de honteuses surprises, - Et choisirai partout à vos vœux les plus doux 1870 - Des Adonis et des Anchises - Qui n'auront que haine pour vous. - - -SCÈNE V. - -VÉNUS, L'AMOUR, PSYCHÉ évanouie. - - VÉNUS. - - La menace est respectueuse; - Et d'un enfant qui fait le révolté - La colère présomptueuse.... 1875 - - L'AMOUR. - - Je ne suis plus enfant, et je l'ai trop été; - Et ma colère est juste autant qu'impétueuse. - - VÉNUS. - - L'impétuosité s'en devroit retenir, - Et vous pourriez vous souvenir - Que vous me devez la naissance. 1880 - - L'AMOUR. - - Et vous pourriez n'oublier pas - Que vous avez un cœur et des appas - Qui relèvent de ma puissance; - Que mon arc de la vôtre est l'unique soutien; - Que sans mes traits elle n'est rien; 1885 - Et que si les cœurs les plus braves - En triomphe par vous se sont laissé traîner[348], - Vous n'avez jamais fait d'esclaves - Que ceux qu'il m'a plu d'enchaîner. - Ne me vantez donc plus ces droits de la naissance 1890 - Qui tyrannisent mes desirs; - Et si vous ne voulez perdre mille soupirs, - Songez, en me voyant, à la reconnoissance, - Vous qui tenez de ma puissance - Et votre gloire et vos plaisirs. 1895 - - VÉNUS. - - Comment l'avez-vous défendue, - Cette gloire dont vous parlez? - Comment me l'avez-vous rendue? - Et quand vous avez vu mes autels désolés, - Mes temples violés, 1900 - Mes honneurs ravalés, - Si vous avez pris part à tant d'ignominie, - Comment en a-t-on vu punie - Psyché qui me les a volés? - Je vous ai commandé de la rendre charmée 1905 - Du plus vil de tous les mortels, - Qui ne daignât répondre à son âme enflammée - Que par des rebuts éternels, - Par les mépris les plus cruels; - Et vous-même l'avez aimée! 1910 - Vous avez contre moi séduit des immortels: - C'est pour vous qu'à mes yeux les Zéphirs l'ont cachée; - Qu'Apollon même, suborné - Par un oracle adroitement tourné, - Me l'avoit si bien arrachée, 1915 - Que si sa curiosité, - Par une aveugle défiance, - Ne l'eût rendue à ma vengeance, - Elle échappoit à mon cœur irrité. - Voyez l'état où votre amour l'a mise, 1920 - Votre Psyché: son âme va partir; - Voyez; et si la vôtre en est encore éprise, - Recevez son dernier soupir. - Menacez, bravez-moi, cependant qu'elle expire: - Tant d'insolence vous sied bien! 1925 - Et je dois endurer quoi qu'il vous plaise dire, - Moi qui sans vos traits ne puis rien! - - L'AMOUR. - - Vous ne pouvez que trop, déesse impitoyable: - Le Destin l'abandonne à tout votre courroux; - Mais soyez moins inexorable 1930 - Aux prières, aux pleurs d'un fils à vos genoux. - Ce doit vous être un spectacle assez doux - De voir d'un œil Psyché mourante, - Et de l'autre ce fils, d'une voix suppliante, - Ne vouloir plus tenir son bonheur que de vous. 1935 - Rendez-moi ma Psyché, rendez-lui tous ses charmes; - Rendez-la, Déesse, à mes larmes; - Rendez à mon amour, rendez à ma douleur - Le charme de mes yeux et le choix de mon cœur. - - VÉNUS. - - Quelque amour que Psyché vous donne, 1940 - De ses malheurs par moi n'attendez pas la fin: - Si le Destin me l'abandonne, - Je l'abandonne à son destin. - Ne m'importunez plus; et dans cette infortune, - Laissez-la sans Vénus triompher ou périr. 1945 - - L'AMOUR. - - Hélas! si je vous importune, - Je ne le ferois pas si je pouvois mourir. - - VÉNUS. - - Cette douleur n'est pas commune, - Qui force un immortel à souhaiter la mort. - - L'AMOUR. - - Voyez par son excès si mon amour est fort. 1950 - Ne lui ferez-vous grâce aucune? - - VÉNUS. - - Je vous l'avoue, il me touche le cœur, - Votre amour: il désarme, il fléchit ma rigueur. - Votre Psyché reverra la lumière. - - L'AMOUR. - - Que je vous vais partout faire donner d'encens! 1955 - - VÉNUS. - - Oui, vous la reverrez dans sa beauté première; - Mais de vos vœux reconnoissants - Je veux la déférence entière; - Je veux qu'un vrai respect laisse à mon amitié - Vous choisir une autre moitié. 1960 - - L'AMOUR. - - Et moi je ne veux plus de grâce, - Je reprends toute mon audace: - Je veux Psyché, je veux sa foi; - Je veux qu'elle revive, et revive pour moi, - Et tiens indifférent que votre haine lasse 1965 - En faveur d'une autre se passe. - Jupiter, qui paroît, va juger entre nous - De mes emportements et de votre courroux. - -(Après quelques éclairs et roulements de tonnerre, Jupiter paroît -en l'air sur son aigle.) - - -SCÈNE VI. - -JUPITER, VÉNUS, L'AMOUR, PSYCHÉ. - - L'AMOUR. - - Vous à qui seul tout est possible, - Père des Dieux, souverain des mortels, 1970 - Fléchissez la rigueur d'une mère inflexible, - Qui sans moi n'auroit point d'autels. - J'ai pleuré, j'ai prié, je soupire, menace, - Et perds menaces et soupirs. - Elle ne veut pas voir que de mes déplaisirs 1975 - Dépend du monde entier l'heureuse ou triste face, - Et que si Psyché perd le jour, - Si Psyché n'est à moi, je ne suis plus l'Amour. - Oui, je romprai mon arc, je briserai mes flèches, - J'éteindrai jusqu'à mon flambeau, 1980 - Je laisserai languir la nature au tombeau; - Ou si je daigne aux cœurs faire encor quelques brèches - Avec ces pointes d'or qui me font obéir, - Je vous blesserai tous là-haut pour des mortelles, - Et ne décocherai sur elles 1985 - Que des traits émoussés qui forcent à haïr, - Et qui ne font que des rebelles, - Des ingrates et des cruelles. - Par quelle tyrannique loi - Tiendrai-je à vous servir mes armes toujours prêtes, 1990 - Et vous ferai-je à tous conquêtes sur conquêtes, - Si vous me défendez d'en faire une pour moi? - - JUPITER. - - Ma fille, sois-lui moins sévère. - Tu tiens de sa Psyché le destin en tes mains: - La Parque, au moindre mot, va suivre ta colère; 1995 - Parle, et laisse-toi vaincre aux tendresses de mère, - Ou[349] redoute un courroux que moi-même je crains. - Veux-tu donner le monde en proie - A la haine, au désordre, à la confusion; - Et d'un dieu d'union, 2000 - D'un dieu de douceurs et de joie, - Faire un dieu d'amertume et de division? - Considère ce que nous sommes, - Et si les passions doivent nous dominer: - Plus la vengeance a de quoi plaire aux hommes, 2005 - Plus il sied bien aux Dieux de pardonner. - - VÉNUS. - - Je pardonne à ce fils rebelle. - Mais voulez-vous qu'il me soit reproché - Qu'une misérable mortelle, - L'objet de mon courroux, l'orgueilleuse Psyché, 2010 - Sous ombre qu'elle est un peu belle, - Par un hymen dont je rougis - Souille mon alliance et le lit de mon fils? - - JUPITER. - - Eh bien! je la fais immortelle[350], - Afin d'y rendre tout égal. 2015 - - VÉNUS. - - Je n'ai plus de mépris ni de haine pour elle, - Et l'admets à l'honneur de ce nœud conjugal. - Psyché, reprenez la lumière - Pour ne la reperdre jamais. - Jupiter a fait votre paix, 2020 - Et je quitte cette humeur fière - Qui s'opposoit à vos souhaits. - - PSYCHÉ. - - C'est donc vous, ô grande déesse, - Qui redonnez la vie à ce cœur innocent! - - VÉNUS. - - Jupiter vous fait grâce, et ma colère cesse. 2025 - Vivez, Vénus l'ordonne; aimez, elle y consent. - - PSYCHÉ, à l'Amour. - - Je vous revois enfin, cher objet de ma flamme! - - L'AMOUR, à Psyché. - - Je vous possède enfin, délices de mon âme! - - JUPITER. - - Venez, amants, venez aux cieux - Achever un si grand et si digne hyménée. 2030 - Viens-y, belle Psyché, changer de destinée; - Viens prendre place au rang des Dieux. - - * * * * * - - Deux grandes machines descendent aux deux côtés de Jupiter, - cependant qu'il dit ces derniers vers. Vénus avec sa suite monte - dans l'une, l'Amour avec Psyché dans l'autre, et tous ensemble - remontent au ciel. - - Les divinités, qui avoient été partagées entre Vénus et son fils, - se réunissent en les voyant d'accord; et toutes ensemble, par des - concerts, des chants et des danses, célèbrent la fête des noces - de l'Amour. - - Apollon paroît le premier, et comme dieu de l'harmonie, commence - à chanter, pour inviter les autres dieux à se réjouir. - - RÉCIT D'APOLLON. - - Unissons-nous, troupe immortelle: - Le dieu d'amour devient heureux amant, - Et Vénus a repris sa douceur naturelle 2035 - En faveur d'un fils si charmant: - Il va goûter en paix, après un long tourment, - Une felicité qui doit être éternelle. - -(Toutes les divinités chantent ensemble ce couplet à la gloire de -l'Amour.) - - Célébrons ce grand jour; - Célébrons tous une fête si belle; 2040 - Que nos chants en tous lieux en portent la nouvelle, - Qu'ils fassent retentir le céleste séjour. - Chantons, répétons tour à tour - Qu'il n'est point d'âme si cruelle - Qui tôt ou tard ne se rende à l'Amour. 2045 - - APOLLON continue. - - Le dieu qui nous engage - A lui faire la cour - Défend qu'on soit trop sage. - Les Plaisirs ont leur tour; - C'est leur plus doux usage 2050 - Que de finir les soins du jour. - La nuit est le partage - Des Jeux et de l'Amour. - - Ce seroit grand dommage - Qu'en ce charmant séjour 2055 - On eût un cœur sauvage. - Les Plaisirs ont leur tour; - C'est leur plus doux usage - Que de finir les soins du jour. - La nuit est le partage 2060 - Des Jeux et de l'Amour. - - (Deux Muses, qui ont toujours évité de s'engager sous les lois de - l'Amour, conseillent aux belles qui n'ont point encore aimé de - s'en défendre avec soin, à leur exemple.) - - CHANSON DES MUSES. - - Gardez-vous, beautés sévères; - Les Amours font trop d'affaires; - Craignez toujours de vous laisser charmer. - Quand il faut que l'on soupire, 2065 - Tout le mal n'est pas de s'enflammer: - Le martyre - De le dire - Coûte plus cent fois que d'aimer. - - SECOND COUPLET DES MUSES. - - On ne peut aimer sans peines; 2070 - Il est peu de douces chaînes: - A tout moment on se sent alarmer. - Quand il faut que l'on soupire, - Tout le mal n'est pas de s'enflammer: - Le martyre 2075 - De le dire - Coûte plus cent fois que d'aimer. - -(Bacchus fait entendre qu'il n'est pas si dangereux que l'Amour.) - - RÉCIT DE BACCHUS. - - Si quelquefois, - Suivant nos douces lois, - La raison se perd et s'oublie, 2080 - Ce que le vin nous cause de folie - Commence et finit en un jour; - Mais quand un cœur est enivré d'amour, - Souvent c'est pour toute la vie. - - (Mome déclare qu'il n'a point de plus doux emploi que de médire, - et que ce n'est qu'à l'Amour seul qu'il n'ose se jouer.) - - RÉCIT DE MOME. - - Je cherche à médire 2085 - Sur la terre et dans les cieux, - Je soumets à ma satire - Les plus grands des Dieux. - Il n'est dans l'univers que l'Amour qui m'étonne: - Il est le seul que j'épargne aujourd'hui. 2090 - Il n'appartient qu'à lui - De n'épargner personne. - -ENTRÉE DE BALLET, - -Composée de deux Mænades et de deux Ægipans, qui suivent Bacchus. - -ENTRÉE DE BALLET, - - Composée de quatre Polichinelles et de deux Matassins, qui - suivent Mome et viennent joindre leur plaisanterie et leur - badinage aux divertissements de cette grande fête. - - Bacchus et Mome, qui les conduisent, chantent au milieu d'eux - chacun une chanson, Bacchus à la louange du vin, et Mome une - chanson enjouée sur le sujet et les avantages de la raillerie. - - RÉCIT DE BACCHUS. - - Admirons le jus de la treille; - Qu'il est puissant! qu'il a d'attraits! - Il sert aux douceurs de la paix, 2095 - Et dans la guerre il fait merveille; - Mais surtout pour les amours - Le vin est d'un grand secours. - - RÉCIT DE MOME. - - Folâtrons, divertissons-nous, - Raillons; nous ne saurions mieux faire: 2100 - La raillerie est nécessaire - Dans les jeux les plus doux, - Sans la douceur que l'on goûte à médire, - On trouve peu de plaisirs sans ennui: - Rien n'est si plaisant que de rire, 2105 - Quand on rit aux dépens d'autrui. - - Plaisantons, ne pardonnons rien, - Rions, rien n'est plus à la mode: - On court péril d'être incommode - En disant trop de bien. 2110 - Sans la douceur que l'on goûte à médire, - On trouve peu de plaisirs sans ennui: - Rien n'est si plaisant que de rire, - Quand on rit aux dépens d'autrui. - -(Mars arrive au milieu du théâtre, suivi de sa troupe guerrière, -qu'il excite à profiter de leur loisir, en prenant part aux -divertissements.) - - RÉCIT DE MARS. - - Laissons en paix toute la terre, 2115 - Cherchons de doux amusements; - Parmi les jeux les plus charmants - Mêlons l'image de la guerre. - -ENTRÉE DE BALLET. - -Suivants de Mars, qui font, en dansant avec des enseignes, une -manière d'exercice. - -DERNIÈRE ENTRÉE DE BALLET. - - Les troupes différentes de la suite d'Apollon, de Bacchus, de - Mome et de Mars, après avoir achevé leurs entrées particulières, - s'unissent ensemble, et forment la dernière entrée, qui renferme - toutes les autres. - - Un chœur de toutes les voix et de tous les instruments, qui sont - au nombre de quarante, se joint à la danse générale, et termine - la fête des noces de l'Amour et de Psyché. - - DERNIER CHOEUR. - - Chantons les plaisirs charmants - Des heureux amants. 2120 - Que tout le ciel s'empresse - A leur faire sa cour. - Célébrons ce beau jour - Par mille doux chants d'allégresse; - Célébrons ce beau jour 2125 - Par mille doux chants d'amour. - - (Dans le grand salon du palais des Tuileries, où _Psyché_ a été - représentée devant Leurs Majestés, il y avoit des timbales, des - trompettes et des tambours, mêlés dans ces derniers concerts; et - ce dernier couplet se chantoit ainsi:) - - Chantons les plaisirs charmants - Des heureux amants. - Répondez-nous, trompettes, - Timbales et tambours; 2130 - Accordez-vous toujours - Avec le doux son des musettes; - Accordez-vous toujours - Avec le doux chant des amours. - - -FIN DE PSYCHÉ. - - [344] L'édition de 1671 porte, par erreur sans doute, - _d'un fils_. - - [345] Dans l'édition de 1697: «Tout morts.» Voyez - ci-dessus, p. 340, le vers 1350 et la note qui s'y rapporte. - - [346] _Et ecce, inquit, inepta ego divinæ formositatis - gerula, quæ ne tantillum quidem indidem mihi delibo, vel sic illi - amatori meo formoso placitura._ (Apulée, _la Métamorphose_, livre - VI.) - - [347] _Reserat pyxidem_ (Psyche). _Nec quidquam ibi - rerum, nec formositas ulla,_ _sed infernus somnus ac vere - stygius; qui statim cooperculo revelatus, invadit eam, crassaque - soporis nebula cunctis ejus membris perfunditur, et in ipso - vestigio ipsaque semita collapsam possidet; et jacebat immobilis, - et nihil aliud quam dormiens cadaver._ (Apulée, _la - Metamorphose_, livre VI.) - - [348] Les anciennes éditions donnent _se sont laissés - traîner_, avec accord du participe. - - [349] Les éditions de 1676, de 1682 et de 1697 portent - _On_, pour _Ou_. - - [350] _Porrecto ambrosiæ poculo, «Sume, inquit, Psyche, - et immortalis esto.»_ (Apulée, _la Métamorphose_, livre VI.) - - - - - PULCHÉRIE - - COMÉDIE HÉROÏQUE - - 1672 - - - - -NOTICE. - - -Nous apprenons par plusieurs témoignages contemporains, que -Corneille, suivant sa coutume[351], alla lire cette pièce chez -plusieurs personnes considérables, assez longtemps avant de la -faire représenter. Le 15 janvier 1672, Mme de Sévigné écrit à sa -fille: «Il (_Corneille_) nous lut l'autre jour une comédie chez -M. de la Rochefoucauld, qui fait souvenir (_disent les éditions -de Perrin_) de sa défunte veine,» ou, suivant le texte d'une -ancienne copie, adopté dans la dernière édition des lettres de -Mme de Sévigné[352]: «qui fait souvenir de la Reine mère.» La -déclaration par laquelle _Pulchérie_, âgée de plus de cinquante -ans, annonce à Léon qu'elle l'aime, «_fait souvenir_, en effet, -comme on le remarque en note, d'Anne d'Autriche et de Mazarin.» - -Près de deux mois plus tard, le 9 mars, Mme de Sévigné nous -signale une autre lecture de notre poëte; elle dit en parlant de -Retz: «Nous tâchons d'amuser notre cher Cardinal. Corneille lui a -lu une comédie qui sera jouée dans quelque temps, et qui fait -souvenir des anciennes[353].» Cette lecture ne fut pas la -dernière, car Mme de Sévigné ajoute dans la même lettre: «Je -suis folle de Corneille; il nous redonnera encore _Pulchérie_, où -l'on verra encore - - La main qui crayonna - La mort du grand Pompée et l'amour de Cinna[354]. - -Il faut que tout cède à son génie[355].» - -Dans le _Mercure galant_[356], Donneau de Visé parle, sous la -date du 19 mars, de la favorable impression que ces lectures -avaient produite, et fait l'éloge de Corneille, «de qui, malgré -le grand âge, on doit toujours attendre des pièces achevées, -comme on trouvera sans doute dans sa dernière tragédie, qui -paroîtra l'hiver prochain sous le nom de _Pulchérie_, et qui ne -peut manquer de plaire à ceux qui ont le cœur et l'esprit bien -fait, comme elle a déjà plu à ceux qui ont eu le bonheur de lui -entendre lire.» - -M. Édouard Fournier fait ressortir l'habileté avec laquelle -Corneille avait su choisir des auditeurs qui devaient être -préparés d'avance à bien accueillir un pareil ouvrage: «Ce n'est -pas, dit-il, chez la Rochefoucauld, dont un dernier amour, plus -d'esprit que de cœur, il est vrai, ranimait la goutteuse -vieillesse; ce n'est pas non plus chez le cardinal de Retz, -désabusé de tout, hormis de l'ambition, que l'on se fût avisé de -trouver invraisemblable et ridicule le vieux Martian partageant -sa dernière saison entre les soins de l'ambition et ceux de -l'amour[357].» - -Du reste, à en croire Fontenelle, ce personnage de Martian, qui -fut le plus goûté de l'ouvrage, n'était autre que Corneille. «Il -s'est dépeint lui-même, avec bien de la force, nous dit son -neveu, dans Martian, qui est un vieillard amoureux[358].» -Beaucoup de vieux gentilshommes de la cour spirituelle et -élégante de Versailles se reconnaissaient, sans l'avouer, -dans ce portrait. L'un d'eux, plus sincère que les autres, osa -féliciter Corneille de l'avoir tracé: «M. le maréchal de Gramont -lui dit qu'il lui savoit bon gré d'avoir trouvé un caractère -d'amant pour les vieillards, dont on ne s'étoit point encore -avisé, et qu'il lui en étoit obligé pour la part qu'il y pouvoit -avoir[359].» - -«Corneille, dit Voltaire[360], intitula d'abord cette pièce tragédie; il -la présenta aux comédiens, qui refusèrent de la jouer. Ils étaient plus -frappés de leurs intérêts que de la réputation de Corneille; il fut -obligé de la donner à une mauvaise troupe qui jouait au Marais, et qui -ne put se soutenir.» Ce fait, qui ne se trouve appuyé d'aucun témoignage -plus ancien, ne nous paraît pas bien certain. Nous avons vu que de tout -temps Corneille avait aimé à faire représenter tour à tour ses divers -ouvrages par des troupes différentes. Quelques-uns de ses contemporains -ont même vu là, bien à tort, un calcul d'avarice[361]. Il faudrait donc -se garder d'imaginer, d'après le passage de Voltaire que nous venons de -rapporter, que le théâtre du Marais fût pour Corneille une sorte de pis -aller auquel le dédain de la troupe royale l'eût forcé d'avoir recours. - -Dans ses nouvelles «du 30e de juillet jusques au 6e d'aoust,» le -_Mercure galant_ annonce, parmi les pièces qui devront être -jouées dans le courant de l'hiver, le dernier ouvrage de notre -poëte: «Les comédiens du Marais représenteront, dit-il, la -_Pulchérie_, de M. de Corneille l'aîné[362].» - -Dans le volume suivant[363], Donneau de Visé, le rédacteur du -_Mercure_, rend compte en ces termes de cette pièce, qui, suivant -les frères Parfait, avait été jouée en novembre 1672: «La -_Pulchérie_ de M. de Corneille l'aîné, dont je vous ai déjà -parlé, a été représentée sur le théâtre du Marais, et tous les -obstacles qui empêchent les pièces de réussir dans un quartier si -éloigné, n'ont pas été assez puissants pour nuire à cet ouvrage.» -C'est à peu près ce que l'auteur lui-même dit dans son avis _Au -lecteur_: «Bien que cette pièce aye été reléguée dans un -lieu où on ne vouloit plus se souvenir qu'il y eût un théâtre, -bien qu'elle ait passé par des bouches pour qui on n'étoit -prévenu d'aucune estime, bien que ses principaux caractères -soient contre le goût du temps, elle n'a pas laissé de peupler le -désert, de mettre en crédit des acteurs dont on ne connoissoit -pas le mérite....» - -Nous ignorons quels furent ces acteurs, mais ce qu'on ne sait que -trop, c'est que, malgré les assertions de Corneille et de ses -amis, le succès fut loin d'être tel qu'ils le disent et que -peut-être ils se l'imaginèrent. A coup sûr, Mme de Coulanges -étoit une plus fidèle interprète des sentiments du public, -lorsqu'elle écrivait, le 24 février 1673, à Mme de Sévigné, alors -en Provence, cette phrase brève et indifférente: «_Pulchérie_ n'a -point réussi[364].» - -Le privilége de _Pulchérie_ a été accordé «le trentiesme jour de -decembre l'an de grâce mil six cens soixante-douze.» L'Achevé -d'imprimer est du 20 janvier 1673. Le titre de l'édition -originale est ainsi conçu: PULCHERIE, COMEDIE HEROIQUE. _A Paris, -chez Guillaume de Luyne_.... M.DC.LXXIII. Auec priuilege du Roy. -Le volume, de format in-12, se compose de 4 feuillets et de 72 -pages. - - [351] Voyez ce qui est raconté au tome III, p. 254 et - 465, et au tome VI, p. 567. - - [352] Édition Monmerqué (1862), tome II, p. 470. - - [353] Tome II, p. 524.--L'analogie de cette dernière - phrase avec ce passage de la lettre du 15 janvier, que nous - venons de rapporter: «qui fait souvenir de sa défunte veine,» - pourrait, comme il est dit dans une note de l'édition de Mme de - Sévigné à laquelle nous empruntons ces citations, donner un - certain degré de vraisemblance à cette leçon de Perrin. - - [354] Allusion à ce passage des _Vers_ à Foucquet en - tête d'_Œdipe_(tome VI, p. 122, vers 35 et 36): - - Et je me trouve encor la main qui crayonna - L'âme du grand Pompée et l'esprit de Cinna. - - [355] Tome II, p. 529. - - [356] Tome I, p. 221 et 222. - - [357] _Notes sur la vie de Corneille_, en tête de - _Corneille à la butte Saint-Roch_, p. XXIII et XXIV. - - [358] _Œuvres_, édition de 1742, tome III, p. 117. - - [359] Lettre de Mlle Dupré à Bussy, 29 janvier 1675. - _Correspondance de Roger de Rabutin, comte de Bussy_, publiée par - M. Lalanne, tome II, p. 213. - - [360] _Préface de Pulchérie._ - - [361] Voyez tome I, p. 258. - - [362] Tome III, p. 370. - - [363] Tome IV, p. 225 et suivantes. - - - - -AU LECTEUR. - -Pulchérie, fille de l'empereur Arcadius, et sœur du jeune -Théodose, a été une princesse très-illustre, et dont les talents -étoient merveilleux: tous les historiens en conviennent. Dès -l'âge de quinze ans elle empiéta le gouvernement sur son frère, -dont elle avoit reconnu la foiblesse, et s'y conserva tant qu'il -vécut, à la réserve d'environ une année de disgrâce, qu'elle -passa loin de la cour, et qui coûta cher à ceux qui l'avoient -réduite à s'en éloigner[365]. Après la mort de ce prince, ne -pouvant retenir l'autorité souveraine en sa personne, ni se -résoudre à la quitter, elle proposa son mariage à Martian, à la -charge qu'il lui permettroit de garder sa virginité, qu'elle -avoit vouée et consacrée à Dieu. Comme il étoit déjà assez avancé -dans la vieillesse, il accepta la condition aisément, et elle le -nomma pour empereur au sénat, qui ne voulut, ou n'osa l'en -dédire[366]. Elle passoit alors cinquante ans, et mourut deux ans -après. Martian en régna sept, et eut pour successeur Léon, que -ses excellentes qualités firent surnommer le Grand[367]. Le -patrice Aspar le servit à monter au trône, et lui demanda pour -récompense l'association à cet empire qu'il lui avoit fait -obtenir. Le refus de Léon le fit conspirer contre ce maître qu'il -s'étoit choisi, la conspiration fut découverte, et Léon s'en -défit[368]. Voilà ce que m'a prêté l'histoire. Je ne veux point -prévenir votre jugement sur ce que j'y ai changé ou ajouté, et me -contenterai de vous dire que bien que cette pièce aye été -reléguée dans un lieu où on ne vouloit plus se souvenir qu'il y -eût un théâtre, bien qu'elle ait passé[369] par des bouches pour -qui on n'étoit prévenu d'aucune estime, bien que ses principaux -caractères soient contre le goût du temps, elle n'a pas laissé de -peupler le désert, de mettre en crédit des acteurs dont on ne -connoissoit pas le mérite, et de faire voir qu'on n'a pas -toujours besoin de s'assujettir aux entêtements du siècle pour se -faire écouter sur la scène[370]. J'aurai de quoi me satisfaire, -si cet ouvrage est aussi heureux à la lecture qu'il a été[371] à -la représentation; et si j'ose ne vous dissimuler rien, je me -flatte assez pour l'espérer. - - [364] _Lettres de Mme de Sévigné_, tome III, p. 192. - - [365] Ælia Pulcheria, née le 19 janvier 399, - petite-fille de Théodose le Grand, deuxième fille d'Arcadius et - d'Ælia Eudoxia, fut déclarée Auguste et impératrice le 4 juillet - 414, pour prendre soin de tout l'empire et de son frère Théodose, - qui n'avoit que deux ans de moins qu'elle. Pulchérie consacra sa - virginité à Jésus-Christ, et son exemple fut suivi par ses trois - sœurs Flaccille, Arcadie et Marine. C'est par son influence que - furent convoqués les conciles d'Éphèse et de Chalcédoine. - L'Église grecque la vénère comme sainte et célèbre sa fête le 15 - septembre. La disgrâce de Pulchérie et son éloignement passager - de la cour eurent lieu en 447. Dans _Attila_, Corneille indique, - en quatre vers, le caractère de cette princesse et la position - qu'elle occupait; après avoir parlé de plusieurs souverains qui - se laissent gouverner par ceux qui les entourent, Valamir ajoute: - - Le second Théodose avoit pris leur modèle: - Sa sœur à cinquante ans le tenoit en tutelle, - Et fut, tant qu'il régna, l'âme de ce grand corps, - Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts. - - (Acte I, scène II, vers 205-208.) - - Peut-être est-ce en écrivant ce passage que l'idée de mettre au - théâtre le personnage de Pulchérie s'est présentée à notre poëte. - - [366] Dans sa _Préface de Pulchérie_, Voltaire dit que - Martian ou Marcien avait «soixante et dix» ans au moment où il se - maria. C'est une assez grave erreur. Marcien, né en 391, n'avait - que neuf ans de plus que l'Impératrice. Marcien, qui avait passé - dix-neuf ans au service domestique et militaire d'Aspar (patrice - et général romain) et de son fils, et qui avait fait sous leurs - ordres les guerres de Perse et d'Afrique, était parvenu, grâce à - leur protection, au rang de tribun et de sénateur. Théodose - mourut le 20 juin ou le 28 juillet 450; Marcien, déclaré empereur - le 24 ou le 25 août, épousa ensuite Pulchérie. - - [367] Léon Ier, dit le Thrace, l'Ancien ou le Grand, - régna de 457 à 474. Il avait été intendant d'Aspar, qui par son - crédit le fit parvenir à l'empire. - - [368] Aspar, Alain de naissance et arien de religion, - fit ses premières armes sous la conduite de son père, Ardaburius, - général de Théodose II, qui commandait en 421 l'armée qui marcha - contre les Perses. Il devint à son tour général de Théodose, - conserva son crédit sous Marcien, et en 457, à la mort de ce - prince, il était le personnage le plus considérable de l'Empire. - Il fut massacré en 471. - - [369] _Aye été.... ait passé_: tel est le texte des deux - éditions publiées du vivant de Corneille; voyez tome VI, p. 611, - note 2. - - [370] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 376. - - [371] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) - donnent: «qu'il l'a été.» - - - - -LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES -DE _PULCHÉRIE_. - - ÉDITION SÉPARÉE. - - 1673 in-12; - - RECUEIL. - - 1682 in-12. - - - - -ACTEURS[372]. - - PULCHÉRIE, impératrice d'Orient. - - MARTIAN, vieux sénateur, ministre d'État sous Théodose le - jeune[373]. - - LÉON, amant de Pulchérie. - - ASPAR, amant d'Irène. - - IRÈNE, sœur de Léon. - - JUSTINE, fille de Martian. - -La scène est à Constantinople, dans le palais impérial. - - [372] Presque tous les personnages de cette pièce sont - historiques. Voyez ci-dessus, p. 376-378, l'avis _Au lecteur_ et - les notes qui l'accompagnent. - - [373] Dans l'édition de 1692 il y a simplement: «sous - Théodose.» - - - - -PULCHÉRIE. - -COMÉDIE HÉROÏQUE. - - - - -ACTE I. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -PULCHÉRIE, LÉON. - - PULCHÉRIE. - - Je vous aime, Léon, et n'en fais point mystère[374]: - Des feux tels que les miens n'ont rien qu'il faille taire. - Je vous aime, et non point de cette folle ardeur - Que les yeux éblouis font maîtresse du cœur, - Non d'un amour conçu par les sens en tumulte, 5 - A qui l'âme applaudit sans qu'elle se consulte, - Et qui ne concevant que d'aveugles désirs, - Languit dans les faveurs, et meurt dans les plaisirs: - Ma passion pour vous, généreuse et solide, - A la vertu pour âme, et la raison pour guide, 10 - La gloire pour objet, et veut sous votre loi - Mettre en ce jour illustre et l'univers et moi. - Mon aïeul Théodose, Arcadius mon père, - Cet empire quinze ans gouverné pour un frère[375], - L'habitude à régner, et l'horreur d'en déchoir, 15 - Vouloient[376] dans un mari trouver même pouvoir. - Je vous en ai cru digne; et dans ces espérances, - Dont un penchant flatteur m'a fait des assurances, - De tout ce que sur vous j'ai fait tomber d'emplois - Aucun n'a démenti l'attente de mon choix; 20 - Vos hauts faits à grands pas nous[377] portoient à l'empire; - J'avois réduit mon frère à ne m'en point dédire: - Il vous y donnoit part, et j'étois toute à vous; - Mais ce malheureux prince est mort trop tôt pour nous. - L'empire est à donner, et le sénat s'assemble 25 - Pour choisir une tête à ce grand corps qui tremble[378], - Et dont les Huns, les Goths, les Vandales, les Francs, - Bouleversent la masse et déchirent les flancs. - Je vois de tous côtés des partis et des ligues: - Chacun s'entre-mesure et forme ses intrigues. 30 - Procope, Gratian, Aréobinde, Aspar[379] - Vous peuvent enlever ce grand nom de César: - Ils ont tous du mérite; et ce dernier s'assure - Qu'on se souvient encor de son père Ardabure, - Qui terrassant Mitrane en combat singulier, 35 - Nous acquit sur la Perse un avantage entier, - Et rassurant par là nos aigles alarmées, - Termina seul la guerre aux yeux des deux armées[380]. - Mes souhaits, mon crédit, mes amis, sont pour vous; - Mais à moins que ce rang, plus d'amour, point d'époux: 40 - Il faut, quelques douceurs que cet amour propose, - Le trône ou la retraite au sang de Théodose; - Et si par le succès mes desseins sont trahis, - Je m'exile en Judée auprès d'Athénaïs[381]. - - LÉON. - - Je vous suivrois, Madame; et du moins sans ombrage 45 - De ce que mes rivaux ont sur moi d'avantage, - Si vous ne m'y faisiez quelque destin plus doux, - J'y mourrois de douleur d'être indigne de vous: - J'y mourrois à vos yeux en adorant vos charmes. - Peut-être essuieriez-vous quelqu'une de mes larmes; 50 - Peut-être ce grand cœur, qui n'ose s'attendrir, - S'y défendroit si mal de mon dernier soupir, - Qu'un éclat imprévu de douleur et de flamme - Malgré vous à son tour voudroit suivre mon âme. - La mort, qui finiroit à vos yeux mes ennuis, 55 - Auroit plus de douceur que l'état où je suis. - Vous m'aimez[382]; mais, hélas! quel amour est le vôtre, - Qui s'apprête peut-être à pencher vers un autre? - Que servent ces désirs, qui n'auront point d'effet - Si votre illustre orgueil ne se voit satisfait? 60 - Et que peut cet amour dont vous êtes maîtresse, - Cet amour dont le trône a toute la tendresse, - Esclave ambitieux du suprême degré, - D'un titre qui l'allume et l'éteint à son gré? - Ah! ce n'est point par là que je vous considère; 65 - Dans le plus triste exil vous me seriez plus chère: - Là mes yeux, sans relâche attachés à vous voir, - Feroient de mon amour mon unique devoir; - Et mes soins, réunis à ce noble esclavage, - Sauroient de chaque instant vous rendre un plein hommage.[70] - Pour être heureux amant, faut-il que l'univers - Ait place dans un cœur qui ne veut que vos fers; - Que les plus dignes soins d'une flamme si pure - Deviennent partagés à toute la nature? - Ah! que ce cœur, Madame, a lieu d'être alarmé, 75 - Si sans être empereur je ne suis plus aimé! - - PULCHÉRIE. - - Vous le serez toujours; mais une âme bien née - Ne confond pas toujours l'amour et l'hyménée: - L'amour entre deux cœurs ne veut que les unir; - L'hyménée a de plus leur gloire à soutenir; 80 - Et je vous l'avouerai, pour les plus belles vies - L'orgueil de la naissance a bien des tyrannies: - Souvent les beaux désirs n'y servent qu'à gêner; - Ce qu'on se doit combat ce qu'on se veut donner: - L'amour gémit en vain sous ce devoir sévère.... 85 - Ah! si je n'avois eu qu'un sénateur pour père! - Mais mon sang dans mon sexe a mis les plus grands cœurs; - Eudoxe et Placidie[383] ont eu des empereurs: - Je n'ose leur céder en grandeur de courage; - Et malgré mon amour je veux même partage: 90 - Je pense en être sûre, et tremble toutefois - Quand je vois mon bonheur dépendre d'une voix. - - LÉON. - - Qu'avez-vous à trembler? Quelque empereur qu'on nomme, - Vous aurez votre amant, ou du moins un grand homme, - Dont le nom, adoré du peuple et de la cour, 95 - Soutiendra votre gloire, et vaincra votre amour. - Procope, Aréobinde, Aspar, et leurs semblables, - Parés de ce grand nom, vous deviendront aimables; - Et l'éclat de ce rang, qui fait tant de jaloux, - En eux, ainsi qu'en moi, sera charmant pour vous. 100 - - PULCHÉRIE. - - Que vous m'êtes cruel, que vous m'êtes injuste - D'attacher tout mon cœur au seul titre d'Auguste! - Quoi que de ma naissance exige la fierté, - Vous seul ferez ma joie et ma félicité: - De tout autre empereur la grandeur odieuse.... 105 - - LÉON. - - Mais vous l'épouserez, heureuse ou malheureuse? - - PULCHÉRIE. - - Ne me pressez point tant, et croyez avec moi - Qu'un choix si glorieux vous donnera ma foi, - Ou que si le sénat à nos vœux est contraire, - Le ciel m'inspirera ce que je devrai faire. 110 - - LÉON. - - Il vous inspirera quelque sage douleur, - Qui n'aura qu'un soupir à perdre en ma faveur. - Oui, de si grands rivaux.... - - PULCHÉRIE. - - Ils ont tous des maîtresses. - - LÉON. - - Le trône met une âme au-dessus des tendresses. - Quand du grand Théodose on aura pris le rang, 115 - Il y faudra placer les restes de son sang: - Il voudra, ce rival, qui que l'on puisse élire, - S'assurer par l'hymen de vos droits à l'empire. - S'il a pu faire ailleurs quelque offre de sa foi, - C'est qu'il a cru ce cœur trop prévenu pour moi; 120 - Mais se voyant au trône et moi dans la poussière, - Il se promettra tout de votre humeur altière; - Et s'il met à vos pieds ce charme de vos yeux, - Il deviendra l'objet que vous verrez le mieux. - - PULCHÉRIE. - - Vous pourriez un peu loin pousser ma patience, 125 - Seigneur: j'ai l'âme fière, et tant de prévoyance - Demande à la souffrir encor plus de bonté - Que vous ne m'avez vu jusqu'ici de fierté. - Je ne condamne point ce que l'amour inspire; - Mais enfin on peut craindre, et ne le point tant dire. 130 - Je n'en tiendrai pas moins tout ce que j'ai promis. - Vous avez mes souhaits, vous aurez mes amis[384]; - De ceux de Martian vous aurez le suffrage: - Il a, tout vieux qu'il est, plus de vertus que d'âge; - Et s'il briguoit pour lui, ses glorieux travaux 135 - Donneroient fort à craindre à vos plus grands rivaux. - - LÉON. - - Notre empire, il est vrai, n'a point de plus grand homme: - Séparez-vous du rang, Madame, et je le nomme. - S'il me peut enlever celui de souverain, - Du moins je ne crains pas qu'il m'ôte votre main: 140 - Ses vertus le pourroient; mais je vois sa vieillesse. - - PULCHÉRIE. - - Quoi qu'il en soit, pour vous ma bonté l'intéresse: - Il s'est plu sous mon frère à dépendre de moi, - Et je me viens encor d'assurer de sa foi. - Je vois entrer Irène; Aspar la trouve belle: 145 - Faites agir pour vous l'amour qu'il a pour elle; - Et comme en ce dessein rien n'est à négliger, - Voyez ce qu'une sœur vous pourra ménager. - - -SCÈNE II. - -PULCHÉRIE, LÉON, IRÈNE. - - PULCHÉRIE. - - M'aiderez-vous, Irène, à couronner un frère? - - IRÈNE. - - Un si foible secours vous est peu nécessaire, 150 - Madame, et le sénat.... - - PULCHÉRIE. - - N'en agissez pas moins: - Joignez vos vœux aux miens, et vos soins à mes soins, - Et montrons ce que peut en cette conjoncture - Un amour secondé de ceux de la nature. - Je vous laisse y penser. - - -SCÈNE III. - -LÉON, IRÈNE. - - IRÈNE. - - Vous ne me dites rien, 155 - Seigneur: attendez-vous que j'ouvre l'entretien? - - LÉON. - - A dire vrai, ma sœur, je ne sais que vous dire. - Aspar m'aime, il vous aime: il y va de l'empire; - Et s'il faut qu'entre nous on balance aujourd'hui, - La princesse est pour moi, le mérite est pour lui. 160 - Vouloir qu'en ma faveur à ce grade il renonce, - C'est faire une prière indigne de réponse; - Et de son amitié je ne puis l'exiger, - Sans vous voler un bien qu'il vous doit partager. - C'est là ce qui me force à garder le silence: 165 - Je me réponds pour vous à tout ce que je pense, - Et puisque j'ai souffert qu'il ait tout votre cœur, - Je dois souffrir aussi vos soins pour sa grandeur. - - IRÈNE. - - J'ignore encor quel fruit je pourrois en attendre. - Pour le trône, il est sûr qu'il a droit d'y prétendre; 170 - Sur vous et sur tout autre il le peut emporter: - Mais qu'il m'y donne part, c'est dont j'ose douter. - Il m'aime en apparence, en effet il m'amuse; - Jamais pour notre hymen il ne manque d'excuse, - Et vous aime à tel point, que si vous l'en croyez, 175 - Il ne peut être heureux que vous ne le soyez: - Non que votre bonheur fortement l'intéresse; - Mais sachant quel amour a pour vous la princesse, - Il veut voir quel succès aura son grand dessein, - Pour ne point m'épouser qu'en sœur de souverain. 180 - Ainsi depuis deux ans vous[385] voyez qu'il diffère. - Du reste à Pulchérie il prend grand soin de plaire, - Avec exactitude il suit toutes ses lois; - Et dans ce que sous lui vous avez eu d'emplois, - Votre tête aux périls à toute heure exposée 185 - M'a pour vous et pour moi presque désabusée; - La gloire d'un ami, la haine d'un rival, - La hasardoient peut-être avec un soin égal. - Le temps est arrivé qu'il faut qu'il se déclare; - Et de son amitié l'effort sera bien rare 190 - Si mis à cette épreuve, ambitieux qu'il est, - Il cherche à vous servir contre son intérêt. - Peut-être il promettra; mais quoi qu'il vous promette, - N'en ayons pas, Seigneur, l'âme moins inquiète; - Son ardeur trouvera pour vous si peu d'appui, 195 - Qu'on le fera lui-même empereur malgré lui; - Et lors, en ma faveur quoi que l'amour oppose, - Il faudra faire grâce au sang de Théodose; - Et le sénat voudra qu'il prenne d'autres yeux - Pour mettre la princesse au rang de ses aïeux. 200 - Son cœur suivra le sceptre, en quelque main qu'il brille: - Si Martian l'obtient, il aimera sa fille; - Et l'amitié du frère et l'amour de la sœur - Céderont à l'espoir de s'en voir successeur. - En un mot, ma fortune est encor fort douteuse: 205 - Si vous n'êtes heureux, je ne puis être heureuse; - Et je n'ai plus d'amant non plus que vous d'ami, - A moins que dans le trône il vous voie affermi. - - LÉON. - - Vous présumez bien mal d'un héros qui vous aime. - - IRÈNE. - - Je pense le connoître à l'égal de moi-même; 210 - Mais croyez-moi, Seigneur, et l'empire est à vous. - - LÉON. - - Ma sœur! - - IRÈNE. - - Oui, vous l'aurez malgré lui, malgré tous. - - LÉON. - - N'y perdons aucun temps: hâtez-vous de m'instruire; - Hâtez-vous de m'ouvrir la route à m'y conduire; - Et si votre bonheur peut dépendre du mien.... 215 - - IRÈNE. - - Apprenez le secret de ne hasarder rien. - N'agissez point pour vous; il s'en offre trop d'autres - De qui les actions brillent plus que les vôtres, - Que leurs emplois plus hauts ont mis en plus d'éclat, - Et qui, s'il faut tout dire, ont plus servi l'État: 220 - Vous les passez peut-être en grandeur de courage; - Mais il vous a manqué l'occasion et l'âge; - Vous n'avez commandé que sous des généraux, - Et n'êtes pas encor du poids de vos rivaux. - Proposez la princesse; elle a des avantages 225 - Que vous verrez sur l'heure unir tous les suffrages: - Tant qu'a vécu son frère, elle a régné pour lui; - Ses ordres de l'empire ont été tout l'appui; - On vit depuis quinze ans sous son obéissance: - Faites qu'on la maintienne en sa toute-puissance, 230 - Qu'à ce prix le sénat lui demande un époux; - Son choix tombera-t-il sur un autre que vous? - Voudroit-elle de vous une action plus belle - Qu'un respect amoureux qui veut tenir tout d'elle? - L'amour en deviendra plus fort qu'auparavant, 235 - Et vous vous servirez vous-même en la servant. - - LÉON. - - Ah! que c'est me donner un conseil salutaire! - A-t-on jamais vu sœur qui servît mieux un frère? - Martian avec joie embrassera l'avis: - A peine parle-t-il que les siens sont suivis; 240 - Et puisqu'à la princesse il a promis un zèle - A tout oser pour moi sur l'ordre qu'il a d'elle, - Comme sa créature, il fera hautement - Bien plus en sa faveur qu'en faveur d'un amant. - - IRÈNE. - - Pour peu qu'il vous appuie, allez, l'affaire est sûre. 245 - - LÉON. - - Aspar vient: faites-lui, ma sœur, quelque ouverture; - Voyez.... - - IRÈNE. - - C'est un esprit qu'il faut mieux ménager; - Nous découvrir à lui, c'est tout mettre en danger: - Il est ambitieux, adroit, et d'un mérite.... - - -SCÈNE IV. - -ASPAR, LÉON, IRÈNE. - - LÉON. - - Vous me pardonnez bien, Seigneur, si je vous quitte: 250 - C'est suppléer assez à ce que je vous doi - Que vous laisser ma sœur, qui vous plaît plus que moi. - - ASPAR. - - Vous m'obligez, Seigneur; mais en cette occurrence - J'ai besoin avec vous d'un peu de conférence. - Du sort de l'univers nous allons décider: 255 - L'affaire vous regarde, et peut me regarder; - Et si tous mes amis ne s'unissent aux vôtres, - Nos partis divisés pourront céder à d'autres. - Agissons de concert; et sans être jaloux, - En ce grand coup d'État, vous de moi, moi de vous, 260 - Jurons-nous que des deux qui que l'on puisse élire - Fera de son ami son collègue à l'empire; - Et pour nous l'assurer, voyons sur qui des deux - Il est plus à propos de jeter tant de vœux: - Quel nom seroit plus propre à s'attirer le reste. 265 - Pour moi, j'y suis tout prêt, et dès ici j'atteste.... - - LÉON. - - Votre nom pour ce choix est plus fort que le mien, - Et je n'ose douter que vous n'en usiez bien. - Je craindrois de tout autre un dangereux partage; - Mais de vous je n'ai pas, Seigneur, le moindre ombrage, 270 - Et l'amitié voudroit vous en donner ma foi; - Mais c'est à la princesse à disposer de moi: - Je ne puis que par elle, et n'ose rien sans elle. - - ASPAR. - - Certes, s'il faut choisir l'amant le plus fidèle, - Vous l'allez emporter sur tous sans contredit; 275 - Mais ce n'est pas, Seigneur, le point dont il s'agit: - Le plus flatteur effort de la galanterie - Ne peut.... - - LÉON. - - Que voulez-vous? j'adore Pulchérie; - Et n'ayant rien d'ailleurs par où la mériter, - J'espère en ce doux titre, et j'aime à le porter. 280 - - ASPAR. - - Mais il y va du trône, et non d'une maîtresse. - - LÉON. - - Je vais faire, Seigneur, votre offre à la princesse; - Elle sait mieux que moi les besoins de l'État. - Adieu: je vous dirai sa réponse au sénat. - - -SCÈNE V. - -ASPAR, IRÈNE. - - IRÈNE. - - Il a beaucoup d'amour. - - ASPAR. - - Oui, Madame; et j'avoue 285 - Qu'avec quelque raison la princesse s'en loue: - Mais j'aurois souhaité qu'en cette occasion - L'amour concertât mieux avec l'ambition, - Et que son amitié, s'en laissant moins séduire, - Ne nous exposât point à nous entre-détruire. 290 - Vous voyez qu'avec lui j'ai voulu m'accorder. - M'aimeriez-vous encor si j'osois lui céder, - Moi qui dois d'autant plus mes soins à ma fortune, - Que l'amour entre nous la doit rendre commune? - - IRÈNE. - - Seigneur, lorsque le mien vous a donné mon cœur, 295 - Je n'ai point prétendu la main d'un empereur: - Vous pouviez être heureux sans m'apporter ce titre; - Mais du sort de Léon Pulchérie est l'arbitre, - Et l'orgueil de son sang avec quelque raison - Ne peut souffrir d'époux à moins de ce grand nom. 300 - Avant que ce cher frère épouse la princesse, - Il faut que le pouvoir s'unisse à la tendresse, - Et que le plus haut rang mette en leur plus beau jour - La grandeur du mérite et l'excès de l'amour. - M'aimeriez-vous assez pour n'être point contraire 305 - A l'unique moyen de rendre heureux ce frère, - Vous qui, dans votre amour, avez pu sans ennui - Vous défendre de l'être un moment avant lui, - Et qui mériteriez qu'on vous fît mieux connoître - Que s'il ne le devient, vous aurez peine à l'être? 310 - - ASPAR. - - C'est aller un peu vite, et bientôt m'insulter - En sœur de souverain qui cherche à me quitter. - Je vous aime, et jamais une ardeur plus sincère.... - - IRÈNE. - - Seigneur, est-ce m'aimer que de perdre mon frère? - - ASPAR. - - Voulez-vous que pour lui je me perde d'honneur? 315 - Est-ce m'aimer que mettre à ce prix mon bonheur? - Moi, qu'on a vu forcer trois camps et vingt murailles, - Moi qui, depuis dix ans, ai gagné sept batailles, - N'ai-je acquis tant de nom que pour prendre la loi - De qui n'a commandé que sous Procope[386], ou moi, 320 - Que pour m'en faire un maître, et m'attacher moi-même - Un joug honteux au front, au lieu d'un diadème? - - IRÈNE. - - Je suis plus raisonnable, et ne demande pas - Qu'en faveur d'un ami vous descendiez si bas. - Pylade pour Oreste auroit fait davantage; 325 - Mais de pareils efforts ne sont plus en usage, - Un grand cœur les dédaigne, et le siècle a changé: - A s'aimer de plus près on se croit obligé, - Et des vertus du temps l'âme persuadée - Hait de ces vieux héros la surprenante idée. 330 - - ASPAR. - - Il y va de ma gloire, et les siècles passés.... - - IRÈNE. - - Elle n'est pas, Seigneur, peut-être où vous pensez; - Et quoi qu'un juste espoir ose vous faire croire, - S'exposer au refus, c'est hasarder sa gloire. - La princesse peut tout, ou du moins plus que vous. 335 - Vous vous attirerez sa haine et son courroux. - Son amour l'intéresse, et son âme hautaine.... - - ASPAR. - - Qu'on me fasse empereur, et je crains peu sa haine. - - IRÈNE. - - Mais s'il faut qu'à vos yeux un autre préféré - Monte, en dépit de vous, à ce rang adoré, 340 - Quel déplaisir! quel trouble! et quelle ignominie - Laissera pour jamais votre gloire ternie! - Non, Seigneur, croyez-moi, n'allez point au sénat, - De vos hauts faits pour vous laissez parler l'éclat. - Qu'il sera glorieux que sans briguer personne, 345 - Ils fassent à vos pieds apporter la couronne, - Que votre seul mérite emporte ce grand choix, - Sans que votre présence ait mendié de voix! - Si Procope, ou Léon, ou Martian, l'emporte, - Vous n'aurez jamais eu d'ambition si forte, 350 - Et vous désavouerez tous ceux de vos amis - Dont la chaleur pour vous se sera trop permis. - - ASPAR. - - A ces hauts sentiments s'il me falloit répondre, - J'aurois peine, Madame, à ne me point confondre: - J'y vois beaucoup d'esprit, j'y trouve encor plus d'art; - Et ce que j'en puis dire à la hâte et sans fard, - Dans ces grands intérêts vous montrer si savante, - C'est être bonne sœur et dangereuse amante. - L'heure me presse: adieu. J'ai des amis à voir - Qui sauront accorder ma gloire et mon devoir: 360 - Le ciel me prêtera par eux quelque lumière - A mettre l'un et l'autre en assurance entière, - Et répondre avec joie à tout ce que je doi - A vous, à ce cher frère, à la princesse, à moi. - - IRÈNE, seule. - - Perfide, tu n'es pas encore où tu te penses. 365 - J'ai pénétré ton cœur, j'ai vu tes espérances: - De ton amour pour moi je vois l'illusion; - Mais tu n'en sortiras qu'à ta confusion. - - -FIN DU PREMIER ACTE. - - [374] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 373. - - [375] Non pas quinze ans, mais plus de trente, ainsi - qu'il résulte du propre témoignage de Corneille (voyez ci-dessus, - p. 376 et note 2). Comme il donne de l'amour à Pulchérie, il - cherche à dissimuler son âge aux spectateurs. _Quinze_ _ans_ ne - marque pas la durée du gouvernement de Pulchérie, mais c'est - l'âge qu'elle avait lorsqu'elle «empiéta le gouvernement sur son - frère.» - - [376] L'édition de 1682 donne seule ici le singulier - _vouloit_. - - [377] L'édition de 1692 a changé _nous_ eu _vous_; - Voltaire (1764) a gardé _nous_. - - [378] On a rapproché de ce passage ces vers de Voltaire - (_Mort de César_, acte III, scène IV): - - Ce colosse effrayant dont le monde est foulé, - En pressant l'univers, est lui-même ébranlé. - - [379] Procope, Aréobinde et Ardabure, qui est nommé - trois vers plus loin, avaient commandé les troupes romaines dans - la guerre de 421 contre les Perses. Voyez _l'Histoire - ecclesiastique_ de Socrate, livre VII, chapitres XVIII et XX. - Aréobinde figure avec Aspar dans les Fastes consulaires, à - l'année 434. - - [380] Si nous en croyons Socrate (au chapitre xviii déjà - cité), c'est Aréobinde qui tua en combat singulier le plus brave - des Perses. Quant à Ardabure, il surprit et fit périr dans une - embuscade sept des principaux officiers de leur armée. - - [381] Athénaïs, fille du sophiste athénien Léontius, - embrassa le christianisme, prit le nom d'Eudoxie, et, grâce à - l'influence de Pulchérie, épousa Théodose II le 7 juin 421. - Soupçonnée d'infidélité par son mari, elle se retira à Jérusalem, - où elle mourut en 460. - - [382] On lit _Vous m'aimiez_, pour _Vous m'aimez_, dans - l'édition de 1682. - - [383] Ælia Eudoxia, mère de Pulchérie, épousa Arcadius - en 395 et mourut en 404. Galla Placidia Augusta, sœur d'Arcadius - et d'Honorius, et par conséquent tante de Pulchérie, épousa un - général d'Honorius, Constance III, qui reçut le titre d'Auguste - en 421, et dont elle eut Honoria (voyez ci-dessus, p. 104, note - 1) et Valentinien III. - - [384] Dans l'édition de 1692: - - Vous avez mes souhaits, vous _avez_ mes amis. - - [385] Il y a ici une faute commune aux deux éditions de - 1673 et de 1682: le pronom _vous_ manque dans l'une et dans - l'autre. - - [386] Les deux éditions publiées du vivant de Corneille - (1673 et 1682) ont ici encore une même faute: _Porcope_, pour - _Procope_; partout ailleurs elles portent _Procope_. - - - - -ACTE II. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -MARTIAN, JUSTINE. - - JUSTINE. - - Notre illustre princesse est donc impératrice, - Seigneur? - - MARTIAN. - - A ses vertus on a rendu justice. 370 - Léon l'a proposée; et quand je l'ai suivi, - J'en ai vu le sénat au dernier point ravi; - Il a réduit soudain toutes ses voix en une, - Et s'est débarrassé de la foule importune, - Du turbulent espoir de tant de concurrents 375 - Que la soif de régner avoit mis sur les rangs. - - JUSTINE. - - Ainsi voilà Léon assuré de l'empire. - - MARTIAN. - - Le sénat, je l'avoue, avoit peine à l'élire, - Et contre les grands noms de ses compétiteurs - Sa jeunesse eût trouvé d'assez froids protecteurs: 380 - Non qu'il n'ait du mérite, et que son grand courage - Ne se pût tout promettre avec un peu plus d'âge; - On n'a point vu sitôt tant de rares exploits; - Mais et l'expérience, et les premiers emplois, - Le titre éblouissant de général d'armée, 385 - Tout ce qui peut enfin grossir la renommée, - Tout cela veut du temps; et l'amour aujourd'hui - Va faire ce qu'un jour son nom feroit pour lui. - - JUSTINE. - - Hélas! Seigneur. - - MARTIAN. - - Hélas! ma fille, quel mystère - T'oblige à soupirer de ce que dit un père? 390 - - JUSTINE. - - L'image de l'empire en de si jeunes mains - M'a tiré ce soupir pour l'État, que je plains. - - MARTIAN. - - Pour l'intérêt public rarement on soupire, - Si quelque ennui secret n'y mêle son martyre: - L'un se cache sous l'autre, et fait un faux éclat; 395 - Et jamais, à ton âge, on ne plaignit l'État. - - JUSTINE. - - A mon âge, un soupir semble dire qu'on aime: - Cependant vous avez soupiré tout de même, - Seigneur; et si j'osois vous le dire à mon tour.... - - MARTIAN. - - Ce n'est point à mon âge à soupirer d'amour, 400 - Je le sais; mais enfin chacun a sa foiblesse. - Aimerois-tu Léon? - - JUSTINE. - - Aimez-vous la princesse? - - MARTIAN. - - Oublie en ma faveur que tu l'as deviné, - Et démens un soupçon qu'un soupir t'a donné. - L'amour en mes pareils n'est jamais excusable: 405 - Pour peu qu'on s'examine, on s'en tient méprisable, - On s'en hait; et ce mal, qu'on n'ose découvrir, - Fait encor plus de peine à cacher qu'à souffrir; - Mais t'en faire l'aveu, c'est n'en faire à personne; - La part que le respect, que l'amitié t'y donne, 410 - Et tout ce que le sang en attire sur toi, - T'imposent de le taire une éternelle loi. - J'aime, et depuis dix ans ma flamme et mon silence - Font à mon triste cœur égale violence: - J'écoute la raison, j'en goûte les avis, 415 - Et les mieux écoutés sont le plus mal suivis[387]. - Cent fois en moins d'un jour je guéris et retombe; - Cent fois je me révolte, et cent fois je succombe: - Tant ce calme forcé, que j'étudie en vain, - Près d'un si rare objet s'évanouit soudain! 420 - - JUSTINE. - - Mais pourquoi lui donner vous-même la couronne, - Quand à son cher Léon c'est donner sa personne? - - MARTIAN. - - Apprends que dans un âge usé comme le mien, - Qui n'ose souhaiter ni même accepter rien, - L'amour hors d'intérêt s'attache à ce qu'il aime, 425 - Et n'osant rien pour soi, le sert contre soi-même. - - JUSTINE. - - N'ayant rien prétendu, de quoi soupirez-vous? - - MARTIAN. - - Pour ne prétendre rien, on n'est pas moins jaloux; - Et ces desirs, qu'éteint le déclin de la vie, - N'empêchent pas de voir avec un œil d'envie, 430 - Quand on est d'un mérite à pouvoir faire honneur, - Et qu'il faut qu'un autre âge emporte le bonheur. - Que le moindre retour vers nos belles années - Jette alors d'amertume en nos âmes gênées! - «Que n'ai-je vu le jour quelques lustres plus tard! 435 - Disois-je; en ses bontés peut-être aurois-je part, - Si le ciel n'opposoit auprès de la princesse - A l'excès de l'amour le manque de jeunesse; - De tant et tant de cœurs qu'il force à l'adorer, - Devois-je être le seul qui ne pût espérer?» 440 - J'aimois quand j'étois jeune, et ne déplaisois guère[388]: - Quelquefois de soi-même on cherchoit à me plaire; - Je pouvois aspirer au cœur le mieux placé; - Mais, hélas! j'étois jeune, et ce temps est passé; - Le souvenir en tue, et l'on ne l'envisage 445 - Qu'avec, s'il le faut dire, une espèce de rage; - On le repousse, on fait cent projets superflus: - Le trait qu'on porte au cœur s'enfonce d'autant plus; - Et ce feu, que de honte on s'obstine à contraindre, - Redouble par l'effort qu'on se fait pour l'éteindre. 450 - - JUSTINE. - - Instruit que vous étiez des maux que fait l'amour, - Vous en pouviez, Seigneur, empêcher le retour, - Contre toute sa ruse être mieux sur vos gardes. - - MARTIAN. - - Et l'ai-je regardé comme tu le regardes, - Moi qui me figurois que ma caducité 455 - Près de la beauté même étoit en sûreté? - Je m'attachois sans crainte à servir la princesse, - Fier de mes cheveux blancs, et fort de ma foiblesse; - Et quand je ne pensois qu'à remplir mon devoir, - Je devenois amant sans m'en apercevoir. 460 - Mon âme, de ce feu nonchalamment saisie, - Ne l'a point reconnu que par ma jalousie: - Tout ce qui l'approchoit vouloit me l'enlever, - Tout ce qui lui parloit cherchoit à m'en priver; - Je tremblois qu'à leurs yeux elle ne fût trop belle; 465 - Je les haïssois tous, comme plus dignes[389] d'elle, - Et ne pouvois souffrir qu'on s'enrichît d'un bien - Que j'enviois à tous sans y prétendre rien. - Quel supplice d'aimer un objet adorable, - Et de tant de rivaux se voir le moins aimable! 470 - D'aimer plus qu'eux ensemble, et n'oser de ses feux, - Quelques[390] ardents qu'ils soient, se promettre autant qu'eux! - On auroit deviné mon amour par ma peine, - Si la peur que j'en eus n'avoit fui tant de gêne. - L'auguste Pulchérie avoit beau me ravir, 475 - J'attendois à la voir qu'il la fallût servir: - Je fis plus, de Léon j'appuyai l'espérance; - La princesse l'aima, j'en eus la confiance, - Et la dissuadai de se donner à lui - Qu'il ne fût de l'empire ou le maître ou l'appui. 480 - Ainsi, pour éviter un hymen si funeste, - Sans rendre heureux Léon, je détruisois le reste; - Et mettant un long terme au succès de l'amour, - J'espérois de mourir avant ce triste jour. - Nous y voilà, ma fille, et du moins j'ai la joie 485 - D'avoir à son triomphe ouvert l'unique voie. - J'en mourrai du moment qu'il recevra sa foi, - Mais dans cette douceur qu'ils tiendront tout de moi. - J'ai caché si longtemps l'ennui qui me dévore, - Qu'en dépit que j'en aye, enfin il s'évapore: 490 - L'aigreur en diminue à te le raconter. - Fais-en autant du tien; c'est mon tour d'écouter. - - JUSTINE. - - Seigneur, un mot suffit pour ne vous en rien taire: - Le même astre a vu naître et la fille et le père; - Ce mot dit tout. Souffrez qu'une imprudente ardeur, 495 - Prête à s'évaporer, respecte ma pudeur. - Je suis jeune, et l'amour trouvoit une âme tendre - Qui n'avoit ni le soin ni l'art de se défendre: - La princesse, qui m'aime et m'ouvroit ses secrets, - Lui prêtoit contre moi d'inévitables traits, 500 - Et toutes les raisons dont s'appuyoit sa flamme - Étoient autant de dards qui me traversoient l'âme. - Je pris, sans y penser, son exemple pour loi: - «Un amant digne d'elle est trop digne de moi, - Disois-je; et s'il brûloit pour moi comme pour elle, 505 - Avec plus de bonté je recevrois son zèle.» - Plus elle m'en peignoit les rares qualités, - Plus d'une douce erreur mes sens étoient flattés. - D'un illustre avenir l'infaillible présage, - Qu'on voit si hautement écrit sur son visage, 510 - Son nom que je voyois croître de jour en jour, - Pour moi, comme pour elle, étoient dignes d'amour: - Je les voyois d'accord d'un heureux hyménée; - Mais nous n'en étions pas encore à la journée: - «Quelque obstacle imprévu rompra de si doux nœuds, - Ajoutois-je; et le temps éteint les plus beaux feux.» - C'est ce que m'inspiroit l'aimable rêverie - Dont jusqu'à ce grand jour ma flamme s'est nourrie; - Mon cœur, qui ne vouloit désespérer de rien, - S'en faisoit à toute heure un charmant entretien. 520 - Qu'on rêve avec plaisir, quand notre âme blessée - Autour de ce qu'elle aime est toute ramassée! - Vous le savez, Seigneur, et comme à tous propos - Un doux je ne sais quoi trouble notre repos: - Un sommeil inquiet sur de confus nuages 525 - Élève incessamment de flatteuses images, - Et sur leur vain rapport fait naître des souhaits - Que le réveil admire et ne dédit jamais. - Ainsi, près de tomber dans un malheur extrême, - J'en écartois l'idée en m'abusant moi-même; 530 - Mais il faut renoncer à des abus si doux; - Et je me vois, Seigneur, au même état que vous. - - MARTIAN. - - Tu peux aimer ailleurs, et c'est un avantage - Que n'ose se permettre[391] un amant de mon âge. - Choisis qui tu voudras, je saurai l'obtenir. 535 - Mais écoutons Aspar, que j'aperçois venir. - - -SCÈNE II. - -MARTIAN, ASPAR, JUSTINE. - - ASPAR. - - Seigneur, votre suffrage a réuni les nôtres: - Votre voix a plus fait que n'auroient fait cent autres; - Mais j'apprends qu'on murmure, et doute si le choix - Que fera la princesse aura toutes les voix. 540 - - MARTIAN. - - Et qui fait présumer de son incertitude - Qu'il aura quelque chose ou d'amer ou de rude? - - ASPAR. - - Son amour pour Léon: elle en fait son époux, - Aucun n'en veut douter. - - MARTIAN. - - Je le crois comme eux tous. - Qu'y trouve-t-on à dire, et quelle défiance...? 545 - - ASPAR. - - Il est jeune, et l'on craint son peu d'expérience. - Considérez, Seigneur, combien c'est hasarder: - Qui n'a fait qu'obéir saura mal commander; - On n'a point vu sous lui d'armée ou de province. - - MARTIAN. - - Jamais un bon sujet ne devint mauvais prince; 550 - Et si le ciel en lui répond mal à nos vœux, - L'auguste Pulchérie en sait assez pour deux. - Rien ne nous surprendra de voir la même chose - Où nos yeux se sont faits quinze ans[392] sous Théodose: - C'étoit un prince foible, un esprit mal tourné; 555 - Cependant avec elle il a bien gouverné. - - ASPAR. - - Cependant nous voyons six généraux d'armée - Dont au commandement l'âme est accoutumée: - Voudront-ils recevoir un ordre souverain - De qui l'a jusqu'ici toujours pris de leur main? 560 - Seigneur, il est bien dur de se voir sous un maître - Dont on le fut toujours, et dont on devroit l'être. - - MARTIAN. - - Et qui m'assurera que ces six généraux - Se réuniront mieux sous un de leurs égaux? - Plus un pareil mérite aux grandeurs nous appelle, 565 - Et plus la jalousie aux grands est naturelle. - - ASPAR. - - Je les tiens réunis, Seigneur, si vous voulez. - Il est, il est encor des noms plus signalés: - J'en sais qui leur plairoient; et s'il vous faut plus dire, - Avouez-en mon zèle, et je vous fais élire. 570 - - MARTIAN. - - Moi, Seigneur, dans un âge où la tombe m'attend! - Un maître pour deux jours n'est pas ce qu'on prétend. - Je sais le poids d'un sceptre, et connois trop mes forces - Pour être encor sensible à ces vaines amorces. - Les ans, qui m'ont usé l'esprit comme le corps, 575 - Abattroient tous les deux sous les moindres efforts; - Et ma mort, que par là vous verriez avancée, - Rendroit à tant d'égaux leur première pensée, - Et feroit une triste et prompte occasion - De rejeter l'État dans la division. 580 - - ASPAR. - - Pour éviter les maux qu'on en pourroit attendre, - Vous pourriez partager vos soins avec un gendre, - L'installer dans le trône, et le nommer César. - - MARTIAN. - - Il faudroit que ce gendre eût les vertus d'Aspar; - Mais vous aimez ailleurs, et ce seroit un crime 585 - Que de rendre infidèle un cœur si magnanime. - - ASPAR. - - J'aime, et ne me sens pas capable de changer; - Mais d'autres vous diroient que pour vous soulager, - Quand leur amour iroit jusqu'à l'idolâtrie, - Ils le sacrifieroient au bien de la patrie. 590 - - JUSTINE. - - Certes, qui m'aimeroit pour le bien de l'État - Ne me trouveroit pas, Seigneur, un cœur ingrat, - Et je lui rendrois grâce au nom de tout l'empire; - Mais vous êtes constant; et s'il vous faut plus dire, - Quoi que le bien public jamais puisse exiger, 595 - Ce ne sera pas moi qui vous ferai changer. - - MARTIAN. - - Revenons à Léon. J'ai peine à bien comprendre - Quels malheurs d'un tel choix nous aurions lieu d'attendre. - Quiconque vous verra le mari de sa sœur, - S'il ne le craint assez, craindra son défenseur; 600 - Et si vous me comptez encor pour quelque chose, - Mes conseils agiront comme sous Théodose. - - ASPAR. - - Nous en pourrons tous deux avoir le démenti. - - MARTIAN. - - C'est à faire à périr pour le meilleur parti: - Il ne m'en peut coûter qu'une mourante vie, 605 - Que l'âge et ses chagrins m'auront bientôt ravie. - Pour vous, qui d'un autre œil regardez ce danger, - Vous avez plus à vivre et plus à ménager; - Et je n'empêche pas qu'auprès de la princesse - Votre zèle n'éclate autant qu'il s'intéresse. 610 - Vous pouvez l'avertir de ce que vous croyez, - Lui dire de ce choix ce que vous prévoyez, - Lui proposer sans fard celui qu'elle doit faire. - La vérité lui plaît, et vous pourrez lui plaire. - Je changerai comme elle alors de sentiments, 615 - Et tiens mon âme prête à ses commandements. - - ASPAR. - - Parmi les vérités il en est de certaines - Qu'on ne dit point en face aux têtes souveraines, - Et qui veulent de nous un tour, un ascendant - Qu'aucun ne peut trouver qu'un ministre prudent: 620 - Vous ferez mieux valoir ces marques d'un vrai zèle. - M'en ouvrant avec vous, je m'acquitte envers elle; - Et n'ayant rien de plus qui m'amène en ce lieu, - Je vous en laisse maître, et me retire. Adieu. - - -SCÈNE III. - -MARTIAN, JUSTINE. - - MARTIAN. - - Le dangereux esprit! et qu'avec peu de peine 625 - Il manqueroit d'amour et de foi pour Irène! - Des rivaux de Léon il est le plus jaloux, - Et roule des projets qu'il ne dit pas à tous. - - JUSTINE. - - Il n'a pour but, Seigneur, que le bien de l'empire. - Détrônez la princesse, et faites-vous élire: 630 - C'est un amant pour moi que je n'attendois pas, - Qui vous soulagera du poids de tant d'États. - - MARTIAN. - - C'est un homme, et je veux qu'un jour il t'en souvienne, - C'est un homme à tout perdre, à moins qu'on le prévienne. - Mais Léon vient déjà nous vanter son bonheur: 635 - Arme-toi de constance, et prépare un grand cœur; - Et quelque émotion qui trouble ton courage, - Contre tout son désordre affermis ton visage. - - -SCÈNE IV. - -LÉON, MARTIAN, JUSTINE. - - LÉON. - - L'auriez-vous cru jamais, Seigneur? je suis perdu. - - MARTIAN. - - Seigneur, que dites-vous? ai-je bien entendu? 640 - - LÉON. - - Je le suis sans ressource, et rien plus ne me flatte. - J'ai revu Pulchérie, et n'ai vu qu'une ingrate: - Quand je crois l'acquérir, c'est lors que je la perds; - Et me détruis moi-même alors que je la sers. - - MARTIAN. - - Expliquez-vous, Seigneur, parlez en confiance; 645 - Fait-elle un autre choix? - - LÉON. - - Non, mais elle balance: - Elle ne me veut pas encor désespérer, - Mais elle prend du temps pour en délibérer. - Son choix n'est plus pour moi, puisqu'elle le diffère: - L'amour n'est point le maître alors qu'on délibère; 650 - Et je ne saurois plus me promettre sa foi, - Moi qui n'ai que l'amour qui lui parle pour moi. - Ah! Madame.... - - JUSTINE. - - Seigneur.... - - LÉON. - - Auriez-vous pu le croire? - - JUSTINE. - - L'amour qui délibère est sûr de sa victoire, - Et quand d'un vrai mérite il s'est fait un appui, 655 - Il n'est point de raisons qui ne parlent pour lui. - Souvent il aime à voir un peu d'impatience, - Et feint de reculer, lorsque plus il avance: - Ce moment d'amertume en rend les fruits plus doux. - Aimez, et laissez faire une âme toute à vous. 660 - - LÉON. - - Toute à moi! mon malheur n'est que trop véritable; - J'en ai prévu le coup, je le sens qui m'accable. - Plus elle m'assuroit de son affection, - Plus je me faisois peur de son ambition: - Je ne savois des deux quelle étoit la plus forte; 665 - Mais il n'est que trop vrai, l'ambition l'emporte; - Et si son cœur encor lui parle en ma faveur, - Son trône me dédaigne en dépit de son cœur. - Seigneur, parlez pour moi; parlez pour moi, Madame: - Vous pouvez tout sur elle, et lisez dans son âme. 670 - Peignez-lui bien mes feux, retracez-lui les siens; - Rappelez dans son cœur leurs plus doux entretiens; - Et si vous concevez de quelle ardeur je l'aime, - Faites-lui souvenir qu'elle m'aimoit de même. - Elle-même a brigué pour me voir souverain: 675 - J'étois, sans ce grand titre, indigne de sa main; - Mais si je ne l'ai pas, ce titre qui l'enchante, - Seigneur, à qui tient-il qu'à son humeur changeante? - Son orgueil contre moi doit-il s'en prévaloir, - Quand pour me voir au trône elle n'a qu'à vouloir? 680 - Le sénat n'a pour elle appuyé mon suffrage - Qu'afin que d'un beau feu ma grandeur fût l'ouvrage: - Il sait depuis quel temps il lui plaît de m'aimer; - Et quand il l'a nommée, il a cru me nommer. - Allez, Seigneur, allez empêcher son parjure; 685 - Faites qu'un empereur soit votre créature. - Que je vous céderois ce grand titre aisément, - Si vous pouviez sans lui me rendre heureux amant! - Car enfin mon amour n'en veut qu'à sa personne, - Et n'a d'ambition que ce qu'on m'en ordonne. 690 - - MARTIAN. - - Nous allons, et tous deux, Seigneur, lui faire voir - Qu'elle doit mieux user de l'absolu pouvoir. - Modérez cependant l'excès de votre peine; - Remettez vos esprits dans l'entretien d'Irène. - - LÉON. - - D'Irène? et ses conseils m'ont trahi, m'ont perdu. 695 - - MARTIAN. - - Son zèle pour un frère a fait ce qu'il a dû. - Pouvoit-elle prévoir cette supercherie - Qu'a faite[393] à votre amour l'orgueil de Pulchérie? - J'ose en parler ainsi, mais ce n'est qu'entre nous. - Nous lui rendrons l'esprit plus traitable et plus doux, - Et vous rapporterons son cœur et ce grand titre. - Allez. - - LÉON. - - Entre elle et moi que n'êtes-vous l'arbitre! - Adieu: c'est de vous seuls que je puis recevoir - De quoi garder encor quelque reste d'espoir. - - -SCÈNE V. - -MARTIAN, JUSTINE. - - MARTIAN. - - Justine, tu le vois, ce bienheureux obstacle 705 - Dont ton amour sembloit pressentir le miracle. - Je ne te défends point, en cette occasion, - De prendre un peu d'espoir sur leur division; - Mais garde-toi d'avoir une âme assez hardie - Pour faire à leur amour la moindre perfidie: 710 - Le mien de ce revers s'applique tant de part, - Que j'espère en mourir quelques moments plus tard. - Mais de quel front enfin leur donner à connoître - Les périls d'un amour que nous avons vu naître, - Dont nous avons tous deux été les confidents, 715 - Et peut-être formé les traits les plus ardents? - De tous leurs déplaisirs c'est nous rendre coupables: - Servons-les en amis, en amants véritables; - Le véritable amour n'est point intéressé. - Allons, j'achèverai comme j'ai commencé: 720 - Suis l'exemple, et fais voir qu'une âme généreuse - Trouve dans sa vertu de quoi se rendre heureuse, - D'un sincère devoir fait son unique bien, - Et jamais ne s'expose à se reprocher rien. - - -FIN DU SECOND ACTE. - - [387] Dans l'édition de 1692 et dans celle de Voltaire - (1764): - - Et les _plus_ écoutés sont _les_ plus mal suivis. - - [388] Suivant Fontenelle, Corneille parle ici de - lui-même. Voyez ci-dessus, p. 374. - - [389] L'édition de 1682 a ici une faute qui dénature le - sens: _digne_, au singulier, au lieu de _dignes_. - - [390] Voyez tome 1, p. 205, note 3. - - [391] Tel est le texte des deux éditions publiées du - vivant de Corneille (1673 et 1682). Thomas Corneille (1692) donne - _promettre_; Voltaire (1764) a gardé _permettre_. - - [392] Voyez ci-dessus, p. 381, note 375. - - [393] On lit _Qu'a fait_, sans accord, dans l'édition de - 1682. - - - - -ACTE III. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -PULCHÉRIE, MARTIAN, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - Je vous ai dit mon ordre: allez, Seigneur, de grâce, 725 - Sauver[394] mon triste cœur du coup qui le menace; - Mettez tout le sénat dans ce cher intérêt. - - MARTIAN. - - Madame, il sait assez combien Léon vous plaît, - Et le nomme assez haut alors qu'il vous défère - Un choix que votre amour vous a déjà fait faire. 730 - - PULCHÉRIE. - - Que ne m'en fait-il donc une obligeante loi? - Ce n'est pas le choisir que s'en remettre à moi; - C'est attendre l'issue à couvert de l'orage: - Si l'on m'en applaudit, ce sera son ouvrage; - Et si j'en suis blâmée, il n'y veut point de part. 735 - En doute du succès, il en fuit le hasard; - Et lorsque je l'en veux garant vers tout le monde, - Il veut qu'à l'univers moi seule j'en réponde. - Ainsi m'abandonnant au choix de mes souhaits, - S'il est des mécontents, moi seule je les fais; 740 - Et je devrai moi seule apaiser le murmure - De ceux à qui ce choix semblera faire injure, - Prévenir leur révolte, et calmer les mutins - Qui porteront envie à nos heureux destins. - - MARTIAN. - - Aspar vous aura vue, et cette âme chagrine.... 745 - - PULCHÉRIE. - - Il m'a vue, et j'ai vu quel chagrin le domine; - Mais il n'a pas laissé de me faire juger - Du choix que fait mon cœur quel sera le danger. - Il part de bons avis quelquefois de la haine; - On peut tirer du fruit de tout ce qui fait peine; 750 - Et des plus grands desseins qui veut venir à bout - Prête l'oreille à tous, et fait profit de tout. - - MARTIAN. - - Mais vous avez promis, et la foi qui vous lie.... - - PULCHÉRIE. - - Je suis impératrice, et j'étois Pulchérie. - De ce trône, ennemi de mes plus doux souhaits, 755 - Je regarde l'amour comme un de mes sujets: - Je veux que le respect qu'il doit à ma couronne - Repousse l'attentat qu'il fait sur ma personne; - Je veux qu'il m'obéisse, au lieu de me trahir; - Je veux qu'il donne à tous l'exemple d'obéir; 760 - Et jalouse déjà de mon pouvoir suprême, - Pour l'affermir sur tous, je le prends sur moi-même. - - MARTIAN. - - Ainsi donc ce Léon qui vous étoit si cher.... - - PULCHÉRIE. - - Je l'aime d'autant plus qu'il m'en faut détacher. - - MARTIAN. - - Seroit-il à vos yeux moins digne de l'empire 765 - Qu'alors que vous pressiez le sénat de l'élire? - - PULCHÉRIE. - - Il falloit qu'on le vît des yeux dont je le voi, - Que de tout son mérite on convînt avec moi, - Et que par une estime éclatante et publique - On mît l'amour d'accord avec la politique. 770 - J'aurois déjà rempli l'espoir d'un si beau feu, - Si le choix du sénat m'en eût donné l'aveu: - J'aurois pris le parti dont il me faut défendre; - Et si jusqu'à Léon je n'ose plus descendre, - Il m'étoit glorieux, le voyant souverain, 775 - De remonter au trône en lui donnant la main. - - MARTIAN. - - Votre cœur tiendra bon pour lui contre tous autres. - - PULCHÉRIE. - - S'il a ces sentiments, ce ne sont pas les vôtres: - Non, Seigneur, c'est Léon, c'est son juste courroux, - Ce sont ses déplaisirs qui s'expliquent par vous: 780 - Vous prêtez votre bouche, et n'êtes pas capable - De donner à ma gloire un conseil qui l'accable. - - MARTIAN. - - Mais ses rivaux ont-ils plus de mérite? - - PULCHÉRIE. - - Non; - Mais ils ont plus d'emploi, plus de rang, plus de nom; - Et si de ce grand choix ma flamme est la maîtresse, 785 - Je commence à régner par un trait de foiblesse. - - MARTIAN. - - Et tenez-vous fort sûr qu'une légèreté - Donnera plus d'éclat à votre dignité? - Pardonnez-moi ce mot, s'il a trop de franchise, - Le peuple aura peut-être une âme moins soumise: 790 - Il aime à censurer ceux qui lui font la loi, - Et vous reprochera jusqu'au manque de foi. - - PULCHÉRIE. - - Je vous ai déjà dit ce qui m'en justifie: - Je suis impératrice, et j'étois Pulchérie. - J'ose vous dire plus: Léon a des jaloux, 795 - Qui n'en font pas, Seigneur, même estime que nous. - Pour surprenant que soit l'essai de son courage, - Les vertus d'empereur ne sont point de son âge: - Il est jeune, et chez eux c'est un si grand défaut, - Que ce mot prononcé détruit tout ce qu'il vaut. 800 - Si donc j'en fais le choix, je paroîtrai le faire - Pour régner sous son nom ainsi que sous mon frère. - Vous-même, qu'ils ont vu sous lui dans un emploi - Où vos conseils régnoient autant et plus que moi, - Ne donnerez-vous point quelque lieu de vous dire 805 - Que vous n'aurez voulu qu'un fantôme à l'empire, - Et que dans un tel choix vous vous serez flatté - De garder en vos mains toute l'autorité? - - MARTIAN. - - Ce n'est pas mon dessein, Madame, et s'il faut dire - Sur le choix de Léon ce que le ciel m'inspire, 810 - Dès cet heureux moment qu'il sera votre époux, - J'abandonne Byzance et prends congé de vous, - Pour aller, dans le calme et dans la solitude, - De la mort qui m'attend faire l'heureuse étude. - Voilà comme j'aspire à gouverner l'État. 815 - Vous m'avez commandé d'assembler le sénat; - J'y vais, Madame. - - PULCHÉRIE. - - Quoi? Martian m'abandonne, - Quand il faut sur ma tête affermir la couronne! - Lui, de qui le grand cœur, la prudence, la foi.... - - MARTIAN. - - Tout le prix que j'en veux, c'est de mourir à moi. 820 - - -SCÈNE II. - -PULCHÉRIE, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - Que me dit-il, Justine, et de quelle retraite - Ose-t-il menacer l'hymen qu'il me souhaite? - De Léon près de moi ne se fait-il l'appui - Que pour mieux dédaigner de me servir sous lui? - Le hait-il? le craint-il? et par quelle autre cause.... 825 - - JUSTINE. - - Qui que vous épousiez, il voudra même chose. - - PULCHÉRIE. - - S'il étoit dans un âge à prétendre ma foi, - Comme il seroit de tous le plus digne de moi, - Ce qu'il donne à penser auroit quelque apparence; - Mais les ans l'ont dû mettre en entière assurance. 830 - - JUSTINE. - - Que savons-nous, Madame? est-il dessous les cieux - Un cœur impénétrable au pouvoir de vos yeux? - Ce qu'ils ont d'habitude à faire des conquêtes - Trouve à prendre vos fers les âmes toujours prêtes. - L'âge n'en met aucune à couvert de leurs traits: 835 - Non que sur Martian j'en sache les effets; - Il m'a dit comme à vous que ce grand hyménée - L'envoira[395] loin d'ici finir sa destinée; - Et si j'ose former quelque soupçon confus, - Je parle en général, et ne sais rien de plus. 840 - Mais pour votre Léon, êtes-vous résolue - A le perdre aujourd'hui de puissance absolue? - Car ne l'épouser pas, c'est le perdre en effet. - - PULCHÉRIE. - - Pour te montrer la gêne où son nom seul me met, - Soutire que je t'explique en faveur de sa flamme 845 - La tendresse du cœur après la grandeur d'âme. - Léon seul est ma joie, il est mon seul desir; - Je n'en puis choisir d'autre, et n'ose le choisir: - Depuis trois ans unie à cette chère idée, - J'en ai l'âme à toute heure, en tous lieux, obsédée; 850 - Rien n'en détachera mon cœur que le trépas, - Encore après ma mort n'en répondrois-je pas; - Et si dans le tombeau le ciel permet qu'on aime, - Dans le fond du tombeau je l'aimerai de même. - Trône qui m'éblouis, titres qui me flattez, 855 - Pourrez-vous me valoir ce que vous me coûtez? - Et de tout votre orgueil la pompe la plus haute - A-t-elle un bien égal à celui qu'elle m'ôte? - - JUSTINE. - - Et vous pouvez penser à prendre un autre époux? - - PULCHÉRIE. - - Ce n'est pas, tu le sais, à quoi je me résous. 860 - Si ma gloire à Léon me défend de me rendre, - De tout autre que lui l'amour sait me défendre. - Qu'il est fort cet amour! sauve-m'en, si tu peux; - Vois Léon, parle-lui, dérobe-moi ses vœux: - M'en faire un prompt larcin, c'est me rendre un service - Qui saura m'arracher des bords du précipice. - Je le crains, je me crains, s'il n'engage sa foi, - Et je suis trop à lui tant qu'il est tout à moi. - Sens-tu d'un tel effort ton amitié capable? - Ce héros n'a-t-il rien qui te paroisse aimable? 870 - Au pouvoir de tes yeux j'unirai mon pouvoir: - Parle, que résous-tu de faire? - - JUSTINE. - - Mon devoir. - Je sors d'un sang, Madame, à me rendre assez vaine - Pour attendre un époux d'une main souveraine, - Et n'ayant point d'amour que pour ma liberté, 875 - S'il la faut immoler à votre sûreté, - J'oserai.... Mais voici ce cher Léon, Madame; - Voulez-vous.... - - PULCHÉRIE. - - Laisse-moi consulter mieux mon âme; - Je ne sais pas encor trop bien ce que je veux: - Attends un nouvel ordre, et suspends tous tes vœux. 880 - - -SCÈNE III. - -PULCHÉRIE, LÉON, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - Seigneur, qui vous ramène? est-ce l'impatience - D'ajouter à mes maux ceux de votre présence, - De livrer tout mon cœur à de nouveaux combats; - Et souffré-je trop peu quand je ne vous vois pas? - - LÉON. - - Je viens savoir mon sort. - - PULCHÉRIE. - - N'en soyez point en doute; 885 - Je vous aime et nous plains[396]: c'est là me peindre toute, - C'est tout ce que je sens; et si votre amitié - Sentoit pour mes malheurs quelque trait de pitié, - Elle m'épargneroit cette fatale vue, - Qui me perd, m'assassine, et vous-même vous tue. 890 - - LÉON. - - Vous m'aimez, dites-vous? - - PULCHÉRIE. - - Plus que jamais. - - LÉON. - - Hélas! - Je souffrirois bien moins si vous ne m'aimiez pas. - Pourquoi m'aimer encor seulement pour me plaindre? - - PULCHÉRIE. - - Comment cacher un feu que je ne puis éteindre? - - LÉON. - - Vous l'étouffez du moins sous l'orgueil scrupuleux 895 - Qui fait seul tous les maux dont nous mourons tous deux. - Ne vous en plaignez point, le vôtre est volontaire: - Vous n'avez que celui qu'il vous plaît de vous faire; - Et ce n'est pas pour être aux termes d'en mourir - Que d'en pouvoir guérir dès qu'on s'en veut guérir. 900 - - PULCHÉRIE. - - Moi seule je me fais les maux dont je soupire! - A-ce été sous mon nom que j'ai brigué l'empire? - Ai-je employé mes soins, mes amis, que pour vous? - Ai-je cherché par là qu'à vous voir mon époux? - Quoi? votre déférence à mes efforts s'oppose! 905 - Elle rompt mes projets, et seule j'en suis cause! - M'avoir fait obtenir plus qu'il ne m'étoit dû, - C'est ce qui m'a perdue, et qui vous a perdu. - Si vous m'aimiez, Seigneur, vous me deviez mieux croire, - Ne pas intéresser mon devoir et ma gloire: 910 - Ce sont deux ennemis que vous nous avez faits, - Et que tout notre amour n'apaisera jamais. - Vous m'accablez en vain de soupirs, de tendresse; - En vain mon triste cœur en vos maux s'intéresse, - Et vous rend, en faveur de nos communs desirs, 915 - Tendresse pour tendresse, et soupirs pour soupirs: - Lorsqu'à des feux si beaux je rends cette justice, - C'est l'amante qui parle; oyez l'impératrice. - Ce titre est votre ouvrage, et vous me l'avez dit: - D'un service si grand votre espoir s'applaudit, 920 - Et s'est fait en aveugle un obstacle invincible, - Quand il a cru se faire un succès infaillible. - Appuyé de mes soins, assuré de mon cœur, - Il falloit m'apporter la main d'un empereur, - M'élever jusqu'à vous en heureuse sujette: 925 - Ma joie étoit entière, et ma gloire parfaite; - Mais puis-je avec ce nom même chose pour vous? - Il faut nommer un maître, et choisir un époux: - C'est la loi qu'on m'impose, ou plutôt c'est la peine - Qu'on attache aux douceurs de me voir souveraine. 930 - Je sais que le sénat, d'une commune voix, - Me laisse avec respect la liberté du choix; - Mais il attend de moi celui du plus grand homme - Qui respire aujourd'hui dans l'une et l'autre Rome: - Vous l'êtes, j'en suis sûre, et toutefois, hélas! 935 - Un jour on le croira, mais.... - - LÉON. - - On ne le croit pas, - Madame: il faut encor du temps et des services; - Il y faut du destin quelques heureux caprices, - Et que la renommée, instruite en ma faveur, - Séduisant l'univers, impose à ce grand cœur. 940 - Cependant admirez comme un amant se flatte: - J'avois cru votre gloire un peu moins délicate; - J'avois cru mieux répondre à ce que je vous doi - En tenant tout de vous, qu'en vous l'offrant en moi; - Et qu'auprès d'un objet que l'amour sollicite, 945 - Ce même amour pour moi tiendroit lieu de mérite. - - PULCHÉRIE. - - Oui; mais le tiendra-t-il auprès de l'univers, - Qui sur un si grand choix tient tous ses yeux ouverts? - Peut-être le sénat n'ose encor vous élire, - Et si je m'y hasarde, osera m'en dédire; 950 - Peut-être qu'il s'apprête à faire ailleurs sa cour - Du honteux désaveu qu'il garde à notre amour; - Car ne nous flattons point, ma gloire inexorable - Me doit au plus illustre, et non au plus aimable; - Et plus ce rang m'élève, et plus sa dignité 955 - M'en fait avec hauteur une nécessité. - - LÉON. - - Rabattez ces hauteurs où tout le cœur s'oppose, - Madame, et pour tous deux hasardez quelque chose: - Tant d'orgueil et d'amour ne s'accordent pas bien; - Et c'est ne point aimer que ne hasarder rien. 960 - - PULCHÉRIE. - - S'il n'y faut que mon sang, je veux bien vous en croire; - Mais c'est trop hasarder qu'y hasarder ma gloire; - Et plus je ferme l'œil aux périls que j'y cours, - Plus je vois que c'est trop qu'y hasarder vos jours. - Ah! si la voix publique enfloit votre espérance 965 - Jusqu'à me demander pour vous la préférence, - Si des noms que la gloire à l'envi me produit - Le plus cher à mon cœur faisoit le plus de bruit, - Qu'aisément à ce bruit on me verroit souscrire, - Et remettre en vos mains ma personne et l'empire! 970 - Mais l'empire vous fait trop d'illustres jaloux: - Dans le fond de ce cœur je vous préfère à tous; - Vous passez les plus grands, mais ils sont plus en vue. - Vos vertus n'ont point eu toute leur étendue; - Et le monde, ébloui par des noms trop fameux, 975 - N'ose espérer de vous ce qu'il présume d'eux. - Vous aimez, vous plaisez: c'est tout auprès des femmes; - C'est par là qu'on surprend, qu'on enlève leurs âmes; - Mais pour remplir[397] un trône et s'y faire estimer, - Ce n'est pas tout, Seigneur, que de plaire et d'aimer. 980 - La plus ferme couronne est bientôt ébranlée, - Quand un effort d'amour semble l'avoir volée; - Et pour garder[398] un rang si cher à nos desirs, - Il faut un plus grand art que celui des soupirs. - Ne vous abaissez pas à la honte des larmes: 985 - Contre un devoir si fort ce sont de foibles armes; - Et si de tels secours vous couronnoient ailleurs, - J'aurois pitié d'un sceptre acheté par des pleurs. - - LÉON. - - Ah! Madame, aviez-vous de si fières pensées, - Quand vos bontés pour moi se sont intéressées? 990 - Me disiez-vous alors que le gouvernement - Demandoit un autre art que celui d'un amant? - Si le sénat eût joint ses suffrages aux vôtres, - J'en aurois paru digne autant ou plus qu'un autre: - Ce grand art de régner eût suivi tant de voix; 995 - Et vous-même.... - - PULCHÉRIE. - - Oui, Seigneur, j'aurois suivi ce choix. - Sûre que le sénat, jaloux de son suffrage, - Contre tout l'univers maintiendroit son ouvrage. - Tel contre vous et moi s'osera révolter, - Qui contre un si grand corps craindroit de s'emporter, 1000 - Et méprisant en moi ce que l'amour m'inspire, - Respecteroit en lui le démon[399] de l'empire. - - LÉON. - - Mais l'offre qu'il vous fait d'en croire tous vos vœux.... - - PULCHÉRIE. - - N'est qu'un refus moins rude et plus respectueux. - - LÉON. - - Quelles illusions de gloire chimérique, 1005 - Quels farouches égards de dure politique, - Dans ce cœur tout à moi, mais qu'en vain j'ai charmé, - Me font le plus aimable et le moins estimé? - - PULCHÉRIE. - - Arrêtez: mon amour ne vient que de l'estime. - Je vous vois un grand cœur, une vertu sublime[400], 1010 - Une âme, une valeur digne[401] de mes aïeux; - Et si tout le sénat avoit les mêmes yeux.... - - LÉON. - - Laissons là le sénat, et m'apprenez, de grâce, - Madame, à quel heureux je dois quitter la place, - Qui je dois imiter pour obtenir un jour 1015 - D'un orgueil souverain le prix d'un juste amour. - - PULCHÉRIE. - - J'aurai peine à choisir; choisissez-le vous-même, - Cet heureux, et nommez qui vous voulez que j'aime; - Mais vous souffrez assez, sans devenir jaloux. - J'aime; et si ce grand choix ne peut tomber sur vous, 1020 - Aucun autre du moins, quelque ordre qu'on m'en donne, - Ne se verra jamais maître de ma personne[402]: - Je le jure en vos mains, et j'y laisse mon cœur. - N'attendez rien de plus, à moins d'être empereur; - Mais j'entends empereur comme vous devez l'être, 1025 - Par le choix d'un sénat qui vous prenne pour maître, - Qui d'un État si grand vous fasse le soutien, - Et d'un commun suffrage autorise le mien. - Je le fais rassembler exprès pour vous élire, - Ou me laisser moi seule à gouverner l'empire, 1030 - Et ne plus m'asservir à ce dangereux choix, - S'il ne me veut pour vous donner toutes ses voix. - Adieu, Seigneur: je crains de n'être plus maîtresse - De ce que vos regards m'inspirent de foiblesse, - Et que ma peine, égale à votre déplaisir, 1035 - Ne coûte à mon amour quelque indigne soupir. - - -SCÈNE IV. - -LÉON, JUSTINE. - - LÉON. - - C'est trop de retenue, il est temps que j'éclate: - Je ne l'ai point nommée ambitieuse, ingrate; - Mais le sujet enfin va céder à l'amant, - Et l'excès du respect au juste emportement. 1040 - Dites-le-moi, Madame: a-t-on vu perfidie - Plus noire au fond de l'âme, au dehors plus hardie? - A-t-on vu plus d'étude attacher la raison - A l'indigne secours de tant de trahison? - Loin d'en baisser les yeux, l'orgueilleuse en fait gloire; 1045 - Elle nous l'ose peindre en illustre victoire. - L'honneur et le devoir eux seuls la font agir! - Et m'étant plus fidèle, elle auroit à rougir! - - JUSTINE. - - La gêne qu'elle en souffre égale bien la vôtre: - Pour vous, elle renonce à choisir aucun autre; 1050 - Elle-même en vos mains en a fait le serment. - - LÉON. - - Illusion nouvelle, et pur amusement! - Il n'est, Madame, il n'est que trop de conjonctures - Où les nouveaux serments sont de nouveaux parjures. - Qui sait l'art de régner les rompt avec éclat, 1055 - Et ne manque jamais de cent raisons d'État. - - JUSTINE. - - Mais si vous la piquiez d'un peu de jalousie[403], - Seigneur, si vous brouilliez par là sa fantaisie, - Son amour mal éteint pourroit vous rappeler, - Et sa gloire auroit peine à vous laisser aller. 1060 - - LÉON. - - Me soupçonneriez-vous d'avoir l'âme assez basse - Pour employer la feinte à tromper ma disgrâce? - Je suis jeune, et j'en fais trop mal ici ma cour - Pour joindre à ce défaut un faux éclat d'amour. - - JUSTINE. - - L'agréable défaut, Seigneur, que la jeunesse! 1065 - Et que de vos jaloux l'importune sagesse, - Toute fière qu'elle est, le voudroit racheter - De tout ce qu'elle croit et croira mériter! - Mais si feindre en amour à vos yeux est un crime, - Portez sans feinte ailleurs votre plus tendre estime: 1070 - Punissez tant d'orgueil par de justes dédains, - Et mettez votre cœur en de plus sûres mains. - - LÉON. - - Vous voyez qu'à son rang elle me sacrifie, - Madame, et vous voulez que je la justifie! - Qu'après tous les mépris qu'elle montre pour moi, 1075 - Je lui prête un exemple à me voler sa foi! - - JUSTINE. - - Aimez, à cela près, et sans vous mettre en peine - Si c'est justifier ou punir l'inhumaine; - Songez que si vos vœux en étoient mal reçus, - On pourroit avec joie accepter ses refus. 1080 - L'honneur qu'on se feroit à vous détacher d'elle - Rendroit cette conquête et plus noble et plus belle. - Plus il faut de mérite à vous rendre inconstant, - Plus en auroit de gloire un cœur qui vous attend; - Car peut-être en est-il que la princesse même 1085 - Condamne à vous aimer dès que vous direz: «J'aime.» - Adieu: c'en est assez pour la première fois. - - LÉON. - - O ciel, délivre-moi du trouble où tu me vois! - - -FIN DU TROISIÈME ACTE. - - [394] Dans l'édition de Voltaire (1764), il y a - _sauvez_, au lieu de _sauver_. - - [395] Voltaire (1764) a changé _l'envoira_ en - _l'enverra_. - - [396] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont - substitué _vous plains à nous plains_, qui est la leçon des deux - éditions publiées du vivant de l'auteur (1673 et 1682). - - [397] L'édition de 1682 porte seule _emplir_, au lieu de - _remplir_. - - [398] _Garder_ a été changé en _gagner_ dans l'édition - de 1692. - - [399] _Le démon_, le génie. - - [400] _Var._ Je vous vois un cœur grand, une vertu - sublime. (1673) - - [401] Il y a _digne_, au singulier, dans toutes les - éditions anciennes, y compris celles de 1692 et de Voltaire - (1764). - - [402] Voyez ci-dessus l'avis _Au lecteur_, p. 377: «Elle - proposa son mariage à Martian, à la charge qu'il lui permettroit - de garder sa virginité, qu'elle avoit vouée et consacrée à - Dieu.» - - [403] Voici pour ce vers la leçon de 1692: - - Mais si vous la piquiez un peu de jalousie. - - --L'édition de 1682 a _piquez_ et _brouillez_, au présent. - - - - -ACTE IV. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -JUSTINE, IRÈNE. - - JUSTINE. - - Non, votre cher Aspar n'aime point la princesse: - Ce n'est que pour le rang que tout son cœur s'empresse; - Et si l'on eût choisi mon père pour César, - J'aurois déjà les vœux de cet illustre Aspar. - Il s'en est expliqué tantôt en ma présence; - Et tout ce que pour elle il a de complaisance, - Tout ce qu'il lui veut faire ou craindre ou dédaigner, 1095 - Ne doit être imputé qu'à l'ardeur de régner. - Pulchérie a des yeux qui percent le mystère, - Et le croit plus rival qu'ami de ce cher frère; - Mais comme elle balance, elle écoute aisément - Tout ce qui peut d'abord flatter son sentiment: 1100 - Voilà ce que j'en sais[404]. - - IRÈNE. - - Je ne suis point surprise - De tout ce que d'Aspar m'apprend votre franchise. - Vous ne m'en dites rien que ce que j'en ai dit, - Lorsqu'à Léon tantôt j'ai dépeint son esprit; - Et j'en ai pénétré l'ambition secrète 1105 - Jusques à pressentir l'offre qu'il vous a faite. - Puisque en vain[405] je m'attache à qui ne m'aime pas, - Il faut avec honneur franchir ce mauvais pas: - Il faut, à son exemple, avoir ma politique, - Trouver à ma disgrâce une face héroïque, 1110 - Donner à ce divorce une illustre couleur, - Et sous de beaux dehors dévorer ma douleur. - Dites-moi cependant, que deviendra mon frère? - D'un si parfait amour que faut-il qu'il espère? - - JUSTINE. - - On l'aime, et fortement, et bien plus qu'on ne veut; 1115 - Mais pour s'en détacher, on fait tout ce qu'on peut. - Faut-il vous dire tout? On m'a commandé même - D'essayer contre lui l'art et le stratagème. - On me devra beaucoup si je puis l'ébranler, - On me donne son cœur, si je le puis voler; 1120 - Et déjà pour essai de mon obéissance, - J'ai porté quelque attaque, et fait un peu d'avance. - Vous pouvez bien juger comme il a rebuté, - Fidèle amant qu'il est, cette importunité; - Mais pour peu qu'il vous plût appuyer l'artifice, 1125 - Cet appui tiendroit lieu d'un signalé service. - - IRÈNE. - - Ce n'est point un service à prétendre de moi - Que de porter mon frère à garder mal sa foi; - Et quand à vous aimer j'aurois su le réduire, - Quel fruit son changement pourroit-il lui produire? 1130 - Vous qui ne l'aimez point, pourriez-vous l'accepter? - - JUSTINE. - - Léon ne sauroit être un homme à rejeter; - Et l'on voit si souvent, après la foi donnée, - Naître un parfait amour d'un pareil hyménée, - Que si de son côté j'y voyois quelque jour, 1135 - J'espérerois bientôt de l'aimer à mon tour. - - IRÈNE. - - C'est trop et trop peu dire. Est-il encore à naître, - Cet amour? Est-il né? - - JUSTINE. - - Cela pourroit bien être[406]. - Ne l'examinons point avant qu'il en soit temps; - L'occasion viendra peut-être, et je l'attends. 1140 - - IRÈNE. - - Et vous servez Léon auprès de la princesse? - - JUSTINE. - - Avec sincérité pour lui je m'intéresse; - Et si j'en étois crue, il auroit le bonheur - D'en obtenir la main, comme il en a le cœur. - J'obéis cependant aux ordres qu'on me donne, 1145 - Et souffrirois ses vœux, s'il perdoit la couronne. - Mais la princesse vient. - - -SCÈNE II. - -PULCHÉRIE, IRÈNE, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - Que fait ce malheureux, - Irène? - - IRÈNE. - - Ce qu'on fait dans un sort rigoureux: - Il soupire, il se plaint. - - PULCHÉRIE. - - De moi? - - IRÈNE. - - De sa fortune. - - PULCHÉRIE. - - Est-il bien convaincu qu'elle nous est commune, 1150 - Qu'ainsi que lui[407] du sort j'accuse la rigueur? - - IRÈNE. - - Je ne pénètre point jusqu'au fond de son cœur; - Mais je sais qu'au dehors sa douleur vous respecte: - Elle se tait de vous. - - PULCHÉRIE. - - Ah! qu'elle m'est suspecte! - Un modeste reproche à ses maux siéroit bien: 1155 - C'est me trop accuser que de n'en dire rien. - M'auroit-il oubliée, et déjà dans son âme - Effacé tous les traits d'une si belle flamme? - - IRÈNE. - - C'est par là qu'il devroit soulager ses ennuis, - Madame; et de ma part j'y fais ce que je puis. 1160 - - PULCHÉRIE. - - Ah! ma flamme n'est pas à tel point affoiblie, - Que je puisse endurer, Irène, qu'il m'oublie. - Fais-lui, fais-lui plutôt soulager son ennui - A croire que je souffre autant et plus que lui. - C'est une vérité que j'ai besoin qu'il croie, 1165 - Pour mêler à mes maux quelque inutile joie, - Si l'on peut nommer joie une triste douceur - Qu'un digne amour conserve en dépit du malheur. - L'âme qui l'a sentie en est toujours charmée, - Et même en n'aimant plus, il est doux d'être aimée. - - JUSTINE. - - Vous souvient-il encor de me l'avoir donné, - Madame? et ce doux soin dont votre esprit gêné.... - - PULCHÉRIE. - - Souffre un reste d'amour qui me trouble et m'accable. - Je ne t'en ai point fait un don irrévocable; - Mais je te le redis, dérobe-moi ses vœux; 1175 - Séduis, enlève-moi son cœur, si tu le peux. - J'ai trop mis à l'écart celui d'impératrice; - Reprenons avec lui ma gloire et mon supplice: - C'en est un, et bien rude, à moins que le sénat - Mette d'accord ma flamme et le bien de l'État. 1180 - - IRÈNE. - - N'est-ce point avilir votre pouvoir suprême - Que mendier ailleurs ce qu'il peut de lui-même? - - PULCHÉRIE. - - Irène, il te faudroit les mêmes yeux qu'à moi - Pour voir la moindre part de ce que je prévoi. - Épargne à mon amour la douleur de te dire 1185 - A quels troubles ce choix hasarderoit l'empire: - Je l'ai déjà tant dit, que mon esprit lassé - N'en sauroit plus souffrir le portrait retracé. - Ton frère a l'âme grande, intrépide, sublime; - Mais d'un peu de jeunesse on lui fait un tel crime, 1190 - Que si tant de vertus n'ont que moi pour appui, - En faire un empereur, c'est me perdre avec lui. - - IRÈNE. - - Quel ordre a pu du trône exclure la jeunesse? - Quel astre à nos beaux jours enchaîne la foiblesse? - Les vertus, et non l'âge, ont droit à ce haut rang; 1195 - Et n'étoit le respect qu'imprime votre sang, - Je dirois que Léon vaudroit bien Théodose. - - PULCHÉRIE. - - Sans doute; et toutefois ce n'est pas même chose. - Foible qu'étoit ce prince à régir tant d'États, - Il avoit des appuis que ton frère n'a pas: 1200 - L'empire en sa personne étoit héréditaire; - Sa naissance le tint d'un aïeul et d'un père[408]; - Il régna dès l'enfance, et régna sans jaloux, - Estimé d'assez peu, mais obéi de tous. - Léon peut succéder aux droits de la puissance, 1205 - Mais non pas au bonheur de cette obéissance: - Tant ce trône, où l'amour par ma main l'auroit mis, - Dans mes premiers sujets lui feroit d'ennemis! - Tout ce qu'ont vu d'illustre et la paix et la guerre - Aspire à ce grand nom de maître de la terre: 1210 - Tous regardent l'empire ainsi qu'un bien commun - Que chacun veut pour soi, tant qu'il n'est à pas un. - Pleins de leur renommée, enflés de leurs services, - Combien ce choix pour eux aura-t-il d'injustices, - Si ma flamme obstinée et ses odieux soins 1215 - L'arrêtent sur celui qu'ils estiment le moins! - Léon est d'un mérite à devenir leur maître; - Mais comme c'est l'amour qui m'aide à le connoître, - Tout ce qui contre nous s'osera mutiner - Dira que je suis seule à me l'imaginer. 1220 - - IRÈNE. - - C'est donc en vain pour lui qu'on prie et qu'on espère? - - PULCHÉRIE. - - Je l'aime, et sa personne à mes yeux est bien chère; - Mais si le ciel pour lui n'inspire le sénat, - Je sacrifierai tout au bonheur de l'État. - - IRÈNE. - - Que pour vous imiter j'aurois l'âme ravie 1225 - D'immoler à l'État le bonheur de ma vie! - Madame, ou de Léon faites-nous un César, - Ou portez ce grand choix sur le fameux Aspar: - Je l'aime, et ferois gloire, en dépit de ma flamme, - De faire un maître à tous de celui de mon âme; 1230 - Et pleurant pour le frère en ce grand changement, - Je m'en consolerois à voir régner l'amant. - Des deux têtes qu'au monde on me voit les plus chères, - Élevez l'une ou l'autre au trône de vos pères: - Daignez.... - - PULCHÉRIE. - - Aspar seroit digne d'un tel honneur, 1235 - Si vous pouviez, Irène, un peu moins sur son cœur. - J'aurois trop à rougir si sous le nom de femme - Je le faisois régner sans régner dans son âme; - Si j'en avois le titre, et vous tout le pouvoir, - Et qu'entre nous ma cour partageât son devoir. 1240 - - IRÈNE. - - Ne l'appréhendez pas: de quelque ardeur qu'il m'aime, - Il est plus à l'État, Madame, qu'à lui-même. - - PULCHÉRIE. - - Je le crois comme vous, et que sa passion - Regarde plus l'État que vous, moi, ni Léon. - C'est vous entendre, Irène, et vous parler sans feindre: 1245 - Je vois ce qu'il projette, et ce qu'il en faut craindre. - L'aimez-vous? - - IRÈNE. - - Je l'aimai, quand je crus qu'il m'aimoit: - Je voyois sur son front un air qui me charmoit; - Mais depuis que le temps m'a fait mieux voir sa flamme, - J'ai presque éteint la mienne et dégagé mon âme. 1250 - - PULCHÉRIE. - - Achevez. Tel qu'il est, voulez-vous l'épouser? - - IRÈNE. - - Oui, Madame, ou du moins le pouvoir refuser. - Après deux ans d'amour il y va de ma gloire: - L'affront seroit trop grand, et la tache trop noire, - Si dans la conjoncture où l'on est aujourd'hui 1255 - Il m'osoit regarder comme indigne de lui. - Ses desseins vont plus haut; et voyant qu'il vous aime, - Bien que peut-être moins que votre diadème, - Je n'ai vu rien en moi qui le pût retenir; - Et je ne vous l'offrois que pour le prévenir. 1260 - C'est ainsi que j'ai cru me mettre en assurance - Par l'éclat généreux d'une fausse apparence: - Je vous cédois un bien que je ne puis garder, - Et qu'à vous seule enfin ma gloire peut céder. - - PULCHÉRIE. - - Reposez-vous sur moi. Votre Aspar vient. - - -SCÈNE III. - -PULCHÉRIE, ASPAR, IRÈNE, JUSTINE. - - ASPAR. - - Madame, 1265 - Déjà sur vos desseins j'ai lu dans plus d'une âme, - Et crois de mon devoir de vous mieux avertir - De ce que sur tous deux on m'a fait pressentir. - J'espère pour Léon, et j'y fais mon possible; - Mais j'en prévois, Madame, un murmure infaillible, 1270 - Qui pourra se borner à quelque émotion, - Et peut aller plus loin que la sédition. - - PULCHÉRIE. - - Vous en savez l'auteur: parlez, qu'on le punisse; - Que moi-même au sénat j'en demande justice. - - ASPAR. - - Peut-être est-ce quelqu'un que vous pourriez choisir. 1275 - S'il vous falloit ailleurs tourner votre désir, - Et dont le choix illustre à tel point sauroit plaire, - Que[409] nous n'aurions à craindre aucun parti contraire. - Comme à vous le nommer, ce seroit fait de lui, - Ce seroit à l'empire ôter un ferme appui, 1280 - Et livrer un grand cœur à sa perte certaine, - Quand il n'est pas encor digne de votre haine. - - PULCHÉRIE. - - On me fait mal sa cour avec de tels avis, - Qui sans nommer personne, en nomment plus de dix. - Je hais l'empressement de ces devoirs sincères, 1285 - Qui ne jette en l'esprit que de vagues chimères, - Et ne me présentant qu'un obscur avenir, - Me donne tout à craindre, et rien à prévenir. - - ASPAR. - - Le besoin de l'État est souvent un mystère - Dont la moitié se dit, et l'autre est bonne à taire. 1290 - - PULCHÉRIE. - - Il n'est souvent aussi qu'un pur fantôme en l'air - Que de secrets ressorts font agir et parler, - Et s'arrête où le fixe une âme prévenue, - Qui pour ses intérêts le forme et le remue. - Des besoins de l'État si vous êtes jaloux, 1295 - Fiez-vous-en à moi, qui les vois mieux que vous. - Martian, comme vous, à vous parler sans feindre, - Dans le choix de Léon voit quelque chose à craindre; - Mais il m'apprend de qui je dois me défier; - Et je puis, si je veux, me le sacrifier. 1300 - - ASPAR. - - Qui nomme-t-il, Madame? - - PULCHÉRIE. - - Aspar, c'est un mystère - Dont la moitié se dit, et l'autre est bonne à taire. - Si l'on hait tant Léon, du moins réduisez-vous - A faire qu'on m'admette à régner sans époux. - - ASPAR. - - Je ne l'obtiendrai point, la chose est sans exemple. 1305 - - PULCHÉRIE. - - La matière au vrai zèle en est d'autant plus ample; - Et vous en montrerez de plus rares effets - En obtenant pour moi ce qu'on n'obtint jamais. - - ASPAR. - - Oui; mais qui voulez-vous que le sénat vous donne, - Madame, si Léon.... - - PULCHÉRIE. - - Ou Léon, ou personne. 1310 - A l'un de ces deux points amenez les esprits. - Vous adorez Irène, Irène est votre prix; - Je la laisse avec vous, afin que votre zèle - S'allume à ce beau feu que vous avez pour elle. - Justine, suivez-moi. - - -SCÈNE IV. - -ASPAR, IRÈNE. - - IRÈNE. - - Ce prix qu'on vous promet 1315 - Sur votre âme, Seigneur, doit faire peu d'effet. - La mienne, toute acquise à votre ardeur sincère, - Ne peut à ce grand cœur tenir lieu de salaire; - Et l'amour à tel point vous rend maître du mien, - Que me donner à vous, c'est ne vous donner rien. 1320 - - ASPAR. - - Vous dites vrai, Madame; et du moins j'ose dire - Que me donner un cœur au-dessous de l'empire, - Un cœur qui me veut faire une honteuse loi, - C'est ne me donner rien qui soit digne de moi. - - IRÈNE. - - Indigne que je suis d'une foi si douteuse, 1325 - Vous fais-je quelque loi qui puisse être honteuse? - Et si Léon devoit l'empire à votre appui, - Lui qui vous y feroit le premier d'après lui, - Auriez-vous à rougir de l'en avoir fait maître, - Seigneur, vous qui voyez que vous ne pouvez l'être? 1330 - Mettez-vous, j'y consens, au-dessus de l'amour, - Si pour monter au trône, il s'offre quelque jour. - Qu'à ce glorieux titre un amant soit volage, - Je puis l'en estimer, l'en aimer davantage, - Et voir avec plaisir la belle ambition 1335 - Triompher d'une ardente et longue passion. - L'objet le plus charmant doit céder à l'empire: - Régnez; j'en dédirai mon cœur s'il en soupire. - Vous ne m'en croyez pas, Seigneur; et toutefois - Vous régneriez bientôt si l'on suivoit ma voix. 1340 - Apprenez à quel point pour vous je m'intéresse. - Je viens de vous offrir moi-même à la princesse; - Et je sacrifiois mes plus chères ardeurs - A l'honneur de vous mettre au faîte des grandeurs. - Vous savez sa réponse: «Ou Léon, ou personne.» 1345 - - ASPAR. - - C'est agir en amante et généreuse et bonne; - Mais sûre d'un refus qui doit rompre le coup, - La générosité ne coûte pas beaucoup. - - IRÈNE. - - Vous voyez les chagrins où cette offre m'expose, - Et ne me voulez pas devoir la moindre chose! 1350 - Ah! si j'osois, Seigneur, vous appeler ingrat! - - ASPAR. - - L'offre sans doute est rare, et feroit grand éclat, - Si pour mieux éblouir vous aviez eu l'adresse - D'ébranler tant soit peu l'esprit de la princesse. - Elle est impératrice, et d'un seul: «Je le veux,» 1355 - Elle peut de Léon faire un monarque heureux: - Qu'a-t-il besoin de moi, lui qui peut tout sur elle? - - IRÈNE. - - N'insultez point, Seigneur, une flamme si belle. - L'amour, las de gémir sous les raisons d'État, - Pourroit n'en croire pas tout à fait le sénat. 1360 - - ASPAR. - - L'amour n'a qu'à parler: le sénat, quoi qu'on pense, - N'aura que du respect et de la déférence; - Et de l'air dont la chose a déjà pris son cours, - Léon pourra se voir empereur pour trois jours. - - IRÈNE. - - Trois jours peuvent suffire à faire bien des choses: 1365 - La cour en moins de temps voit cent métamorphoses; - En moins de temps un prince à qui tout est permis - Peut rendre ce qu'il doit aux vrais et faux amis. - - ASPAR. - - L'amour qui parle ainsi ne paroît pas fort tendre. - Mais je vous aime assez pour ne vous pas entendre; 1370 - Et dirai toutefois, sans m'en embarrasser, - Qu'il est un peu bien tôt pour vous de menacer. - - IRÈNE. - - Je ne menace point, Seigneur; mais je vous aime - Plus que moi, plus encor que ce cher frère même. - L'amour tendre est timide, et craint pour son objet, 1375 - Dès qu'il lui voit former un dangereux projet. - - ASPAR. - - Vous m'aimez, je le crois; du moins cela peut être; - Mais de quelle façon le faites-vous connoître? - L'amour inspire-t-il ce rare empressement - De voir régner un frère aux dépens d'un amant? 1380 - - IRÈNE. - - Il m'inspire à regret la peur de votre perte. - Régnez, je vous l'ai dit, la porte en est ouverte; - Vous avez du mérite, et je manque d'appas; - Dédaignez, quittez-moi, mais ne vous perdez pas. - Pour le salut d'un frère ai-je si peu d'alarmes, 1385 - Qu'il y faille ajouter d'autres sujets de larmes? - C'est assez que pour vous j'ose en vain soupirer; - Ne me réduisez point, Seigneur, à vous pleurer. - - ASPAR. - - Gardez, gardez vos pleurs pour ceux qui sont à plaindre: - Puisque vous m'aimez tant, je n'ai point lieu de craindre. 1390 - Quelque peine qu'on doive à ma témérité, - Votre main qui m'attend fera ma sûreté; - Et contre le courroux le plus inexorable - Elle me servira d'asile inviolable. - - IRÈNE. - - Vous la voudrez peut-être, et la voudrez trop tard. 1395 - Ne vous exposez point, Seigneur, à ce hasard; - Je doute si j'aurois toujours même tendresse, - Et pourrois[410] de ma main n'être pas la maîtresse. - Je vous parle sans feindre, et ne sais point railler - Lorsqu'au salut commun il nous faut travailler. 1400 - - ASPAR. - - Et je veux bien aussi vous répondre sans feindre. - J'ai pour vous un amour à ne jamais s'éteindre, - Madame; et dans l'orgueil que vous-même approuvez, - L'amitié de Léon a ses droits conservés; - Mais ni cette amitié, ni cet amour si tendre, 1405 - Quelques soins, quelque effort qu'il vous en plaise attendre, - Ne me verront jamais l'esprit persuadé - Que je doive obéir à qui j'ai commandé, - A qui, si j'en puis croire un cœur qui vous adore, - J'aurai droit, et longtemps, de commander encore. 1410 - Ma gloire, qui s'oppose à cet abaissement, - Trouve en tous mes égaux le même sentiment. - Ils ont fait la princesse arbitre de l'empire: - Qu'elle épouse Léon, tous sont prêts d'y souscrire; - Mais je ne réponds pas d'un long respect en tous, 1415 - A moins qu'il associe aussitôt l'un de nous. - La chose est peu nouvelle, et je ne vous propose - Que ce que l'on a fait pour le grand Théodose[411]. - C'est par là que l'empire est tombé dans ce sang - Si fier de sa naissance et si jaloux du rang. 1420 - Songez sur cet exemple à vous rendre justice, - A me faire empereur pour être impératrice: - Vous avez du pouvoir, Madame; usez-en bien, - Et pour votre intérêt attachez-vous au mien. - - IRÈNE. - - Léon dispose-t-il du cœur de la princesse? 1425 - C'est un cœur fier et grand: le partage la blesse; - Elle veut tout ou rien; et dans ce haut pouvoir - Elle éteindra l'amour plutôt que d'en déchoir. - Près d'elle avec le temps nous pourrons davantage: - Ne pressons point, Seigneur, un si juste partage. 1430 - - ASPAR. - - Vous le voudrez peut-être, et le voudrez trop tard: - Ne laissez point longtemps nos destins au hasard. - J'attends de votre amour cette preuve nouvelle. - Adieu, Madame. - - IRÈNE. - - Adieu. L'ambition est belle; - Mais vous n'êtes, Seigneur, avec ce sentiment, 1435 - Ni véritable ami, ni véritable amant. - - -FIN DU QUATRIÈME ACTE. - - [404] Dans l'édition de 1692: «Voilà ce que je sais.» - - [405] Thomas Corneille (1692) a remplacé _en vain_ par - _enfin_. - - [406] Cet hémistiche se trouve dans _Polyeucte_. Voyez - tome III, p. 501, vers 323. - - [407] On lit: «Qu'ainsi _de_ lui,» dans les deux - éditions de 1673 et de 1682. - - [408] Théodose le Grand et Arcadius. - - [409] L'édition de 1682 porte par erreur _Quand_, pour - _Que_. - - [410] On lit: «Je pourrois,» pour «Et pourrois,» dans - l'édition de 1692. - - [411] Après la mort de Valens, Gratien proposa à - Théodose de partager l'empire et le proclama empereur d'Orient. - - - - -ACTE V. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -PULCHÉRIE, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - Justine, plus j'y pense, et plus je m'inquiète: - Je crains de n'avoir plus une amour si parfaite, - Et que si de Léon on me fait un époux, - Un bien si désiré ne me soit plus si doux. 1440 - Je ne sais si le rang m'auroit fait changer d'âme; - Mais je tremble à penser que je serois sa femme, - Et qu'on n'épouse point l'amant le plus chéri, - Qu'on ne se fasse un maître aussitôt qu'un mari. - J'aimerois à régner avec l'indépendance 1445 - Que des vrais souverains s'assure la prudence; - Je voudrois que le ciel inspirât au sénat - De me laisser moi seule à gouverner l'État, - De m'épargner ce maître, et vois d'un œil d'envie[412] - Toujours Sémiramis, et toujours Zénobie. 1450 - On triompha de l'une; et pour Sémiramis, - Elle usurpa le nom et l'habit de son fils; - Et sous l'obscurité d'une longue tutelle, - Cet habit et ce nom régnoient tous deux plus qu'elle. - Mais mon cœur de leur sort n'en est pas moins jaloux: 1455 - C'étoit régner enfin, et régner sans époux. - Le triomphe n'en fait qu'affermir la mémoire; - Et le déguisement n'en détruit point la gloire. - - JUSTINE. - - Que les choses bientôt prendroient un autre tour - Si le sénat prenoit le parti de l'amour! 1460 - Que bientôt.... Mais je vois Aspar avec mon père. - - PULCHÉRIE. - - Sachons d'eux quel destin le ciel vient de me faire. - - -SCÈNE II. - -MARTIAN, ASPAR, PULCHÉRIE, JUSTINE. - - MARTIAN. - - Madame, le sénat nous députe tous deux - Pour vous jurer encor qu'il suivra tous vos vœux. - Après qu'entre vos mains il a remis l'empire, 1465 - C'est faire un attentat que de vous rien prescrire; - Et son respect vous prie une seconde fois - De lui donner vous seule un maître à votre choix. - - PULCHÉRIE. - - Il pouvoit le choisir. - - MARTIAN. - - Il s'en défend l'audace, - Madame; et sur ce point il vous demande grâce. 1470 - - PULCHÉRIE. - - Pourquoi donc m'en fait-il une nécessité? - - MARTIAN. - - Pour donner plus de force à votre autorité. - - PULCHÉRIE. - - Son zèle est grand pour elle: il faut le satisfaire. - Et lui mieux obéir qu'il n'a daigné me plaire. - Sexe, ton sort en moi ne peut se démentir: 1475 - Pour être souveraine il faut m'assujettir, - En[413] montant sur le trône entrer dans l'esclavage, - Et recevoir des lois de qui me rend hommage. - Allez, dans quelques jours je vous ferai savoir - Le choix que par son ordre aura fait mon devoir. 1480 - - ASPAR. - - Il tiendroit à faveur et bien haute et bien rare - De le savoir, Madame, avant qu'il se sépare. - - PULCHÉRIE. - - Quoi? pas un seul moment pour en délibérer. - Mais je ferois un crime à le plus différer; - Il vaut mieux, pour essai de ma toute-puissance, 1485 - Montrer un digne effet de pleine obéissance. - Retirez-vous, Aspar: vous aurez votre tour. - - -SCÈNE III. - -PULCHÉRIE, MARTIAN, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - On m'a dit que pour moi vous aviez de l'amour, - Seigneur; seroit-il vrai? - - MARTIAN. - - Qui vous l'a dit, Madame? - - PULCHÉRIE. - - Vos services, mes yeux, le trouble de votre âme, 1490 - L'exil que mon hymen vous devoit imposer: - Sont-ce là des témoins, Seigneur, à récuser? - - MARTIAN. - - C'est donc à moi, Madame, à confesser mon crime. - L'amour naît aisément du zèle et de l'estime; - Et l'assiduité près d'un charmant objet 1495 - N'attend point notre aveu pour faire son effet. - Il m'est honteux d'aimer; il vous l'est d'être aimée - D'un homme dont la vie est déjà consumée, - Qui ne vit qu'à regret depuis qu'il a pu voir - Jusqu'où ses yeux charmés ont trahi son devoir. 1500 - Mon cœur, qu'un si long âge en mettoit hors d'alarmes, - S'est vu livré par eux à ces dangereux charmes. - En vain, Madame, en vain je m'en suis défendu; - En vain j'ai su me taire après m'être rendu: - On m'a forcé d'aimer, on me force à le dire. 1505 - Depuis plus de dix ans je languis, je soupire, - Sans que de tout l'excès d'un si long déplaisir - Vous ayez pu surprendre une larme, un soupir; - Mais enfin la langueur qu'on voit sur mon visage - Est encor plus l'effet de l'amour que de l'âge. 1510 - Il faut faire un heureux, le jour n'en est pas loin: - Pardonnez à l'horreur d'en être le témoin, - Si mes maux et ce feu digne de votre haine - Cherchent dans un exil leur remède, et sa peine. - Adieu: vivez heureuse; et si tant de jaloux.... 1515 - - PULCHÉRIE. - - Ne partez pas, Seigneur, je les tromperai tous; - Et puisque de ce choix aucun ne me dispense, - Il est fait, et de tel à qui pas un ne pense. - - MARTIAN. - - Quel qu'il soit, il sera l'arrêt de mon trépas, - Madame. - - PULCHÉRIE. - - Encore un coup, ne vous éloignez pas. 1520 - Seigneur, jusques ici vous m'avez bien servie; - Vos lumières ont fait tout l'éclat de ma vie; - La vôtre s'est usée à me favoriser: - Il faut encor plus faire, il faut.... - - MARTIAN. - - Quoi? - - PULCHÉRIE. - - M'épouser. - - MARTIAN. - - Moi, Madame? - - PULCHÉRIE. - - Oui, Seigneur; c'est le plus grand service - Que vos soins puissent rendre à votre impératrice. - Non qu'en m'offrant à vous je réponde à vos feux - Jusques à souhaiter des fils et des neveux: - Mon aïeul, dont partout les hauts faits retentissent, - Voudra bien qu'avec moi ses descendants finissent, 1530 - Que j'en sois la dernière, et ferme dignement - D'un si grand empereur l'auguste monument. - Qu'on ne prétende plus que ma gloire s'expose - A laisser des Césars du sang de Théodose. - Qu'ai-je affaire de race à me déshonorer, 1535 - Moi qui n'ai que trop vu ce sang dégénérer, - Et que s'il est fécond en illustres princesses, - Dans les princes qu'il forme il n'a que des foiblesses? - Ce n'est pas que Léon, choisi pour souverain, - Pour me rendre à mon rang n'eût obtenu ma main. - Mon amour, à ce prix, se fût rendu justice; - Mais puisqu'on m'a sans lui nommée impératrice, - Je dois à ce haut rang d'assez nobles projets - Pour n'admettre en mon lit aucun de mes sujets. - Je ne veux plus d'époux, mais il m'en faut une ombre, - Qui des Césars pour moi puisse grossir le nombre; - Un mari qui content d'être au-dessus des rois, - Me donne ses clartés, et dispense mes lois; - Qui n'étant en effet que mon premier ministre, - Pare ce que sous moi l'on craindroit de sinistre, 1550 - Et pour tenir en bride un peuple sans raison, - Paroisse mon époux, et n'en ait que le nom. - Vous m'entendez, Seigneur, et c'est assez vous dire. - Prêtez-moi votre main[414], je vous donne l'empire: - Éblouissons le peuple, et vivons entre nous 1555 - Comme s'il n'étoit point d'épouses ni d'époux. - Si ce n'est posséder l'objet de votre[415] flamme, - C'est vous rendre du moins le maître de son âme, - L'ôter à vos rivaux, vous mettre au-dessus d'eux, - Et de tous mes amants vous voir le plus heureux. 1560 - - MARTIAN. - - Madame.... - - PULCHÉRIE. - - A vos hauts faits je dois ce grand salaire; - Et j'acquitte envers vous et l'État et mon frère. - - MARTIAN. - - Auroit-on jamais cru, Madame...? - - PULCHÉRIE. - - Allez, Seigneur, - Allez en plein sénat faire voir l'Empereur. - Il demeure assemblé pour recevoir son maître: 1565 - Allez-y de ma part vous faire reconnoître; - Ou si votre souhait ne répond pas au mien, - Faites grâce à mon sexe, et ne m'en dites rien. - - MARTIAN. - - Souffrez qu'à vos genoux, Madame.... - - PULCHÉRIE. - - Allez, vous dis-je: - Je m'oblige encor plus que je ne vous oblige; 1570 - Et mon cœur qui vous vient d'ouvrir ses sentiments, - N'en veut ni de refus ni de remercîments. - - -SCÈNE IV. - -PULCHÉRIE, ASPAR, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - Faites rentrer Aspar[416]. Que faites-vous d'Irène? - Quand l'épouserez-vous? Ce mot vous fait-il peine? - Vous ne répondez point? - - ASPAR. - - Non, Madame, et je doi 1575 - Ce respect aux bontés que vous avez pour moi. - Qui se tait obéit. - - PULCHÉRIE. - - J'aime assez qu'on s'explique. - Les silences de cour ont de la politique. - Sitôt que nous parlons, qui consent applaudit, - Et c'est en se taisant que l'on nous contredit[417]. 1580 - Le temps m'éclaircira de ce que je soupçonne. - Cependant j'ai fait choix de l'époux qu'on m'ordonne. - Léon vous faisoit peine, et j'ai dompté l'amour, - Pour vous donner un maître admiré dans la cour, - Adoré dans l'armée, et que de cet empire 1585 - Les plus fermes soutiens feroient gloire d'élire: - C'est Martian. - - ASPAR. - - Tout vieil et tout cassé qu'il est! - - PULCHÉRIE. - - Tout vieil et tout cassé, je l'épouse; il me plaît. - J'ai mes raisons. Au reste, il a besoin d'un gendre - Qui partage avec lui les soins qu'il lui faut prendre, 1590 - Qui soutienne des ans penchés dans[418] le tombeau, - Et qui porte sous lui la moitié du fardeau. - Qui jugeriez-vous propre à remplir cette place? - Une seconde fois vous paroissez de glace! - - ASPAR. - - Madame, Aréobinde et Procope tous deux 1595 - Ont engagé leur cœur et formé d'autres vœux: - Sans cela je dirois.... - - PULCHÉRIE. - - Et sans cela moi-même - J'élèverois Aspar à cet honneur suprême; - Mais quand il seroit homme à pouvoir aisément - Renoncer aux douceurs de son attachement, 1600 - Justine n'auroit pas une âme assez hardie - Pour accepter un cœur noirci de perfidie, - Et vous regarderoit comme un volage esprit - Toujours prêt à donner où la fortune rit. - N'en savez-vous aucun de qui l'ardeur fidèle.... 1605 - - ASPAR. - - Madame, vos bontés choisiront mieux pour elle; - Comme pour Martian elles nous ont surpris, - Elles sauront encor surprendre nos esprits. - Je vous laisse en résoudre. - - PULCHÉRIE. - - Allez; et pour Irène, - Si vous ne sentez rien en l'âme qui vous gêne, 1610 - Ne faites plus douter de vos longues amours, - Ou je dispose d'elle avant qu'il soit deux jours. - - -SCÈNE V. - -PULCHÉRIE, JUSTINE. - - PULCHÉRIE. - - Ce n'est pas encor tout, Justine: je veux faire - Le malheureux Léon successeur de ton père. - Y contribueras-tu? prêteras-tu la main 1615 - Au glorieux succès d'un si noble dessein? - - JUSTINE. - - Et la main et le cœur sont en votre puissance, - Madame: doutez-vous de mon obéissance, - Après que par votre ordre il m'a déjà coûté - Un conseil contre vous qui doit l'avoir flatté? 1620 - - PULCHÉRIE. - - Achevons: le voici. Je réponds de ton père; - Son cœur est trop à moi pour nous être contraire. - - -SCÈNE VI. - -PULCHÉRIE, LÉON, JUSTINE. - - LÉON. - - Je me le disois bien, que vos nouveaux serments, - Madame, ne seroient que des amusements. - - PULCHÉRIE. - - Vous commencez d'un air.... - - LÉON. - - J'achèverai de même, 1625 - Ingrate! ce n'est plus ce Léon qui vous aime; - Non, ce n'est plus.... - - PULCHÉRIE. - - Sachez.... - - LÉON. - - Je ne veux rien savoir, - Et je n'apporte ici ni respect ni devoir. - L'impétueuse ardeur d'une rage inquiète - N'y vient que mériter la mort que je souhaite; 1630 - Et les emportements de ma juste fureur - Ne m'y parlent de vous que pour m'en faire horreur. - Oui, comme Pulchérie et comme impératrice, - Vous n'avez eu pour moi que détour, qu'injustice: - Si vos fausses bontés ont su me décevoir, 1635 - Vos serments m'ont réduit au dernier désespoir. - - PULCHÉRIE. - - Ah! Léon. - - LÉON. - - Par quel art, que je ne puis comprendre, - Forcez-vous d'un soupir ma fureur à se rendre? - Un coup d'œil en triomphe; et dès que je vous voi, - Il ne me souvient plus de vos manques de foi. 1640 - Ma bouche se refuse à vous nommer parjure, - Ma douleur se défend jusqu'au moindre murmure; - Et l'affreux désespoir qui m'amène en ces lieux - Cède au plaisir secret d'y mourir à vos yeux. - J'y vais mourir, Madame, et d'amour, non de rage: - De mon dernier soupir recevez l'humble hommage[419]; - Et si de votre rang la fierté le permet, - Recevez-le, de grâce, avec quelque regret. - Jamais fidèle ardeur n'approcha de ma flamme, - Jamais frivole espoir ne flatta mieux une âme. 1650 - Je ne méritois pas qu'il eût aucun effet, - Ni qu'un amour si pur se vît mieux satisfait. - Mais quand vous m'avez dit: «Quelque ordre qu'on me donne, - Nul autre ne sera maître de ma personne,» - J'ai dû me le promettre; et toutefois, hélas! 1655 - Vous passez dès demain, Madame, en d'autres bras; - Et dès ce même jour, vous perdez la mémoire - De ce que vos bontés me commandoient de croire! - - PULCHÉRIE. - - Non, je ne la perds pas, et sais ce que je doi. - Prenez des sentiments qui soient dignes de moi, 1660 - Et ne m'accusez point de manquer de parole, - Quand pour vous la tenir moi-même je m'immole. - - LÉON. - - Quoi? vous n'épousez pas Martian dès demain? - - PULCHÉRIE. - - Savez-vous à quel prix je lui donne la main? - - LÉON. - - Que m'importe à quel prix un tel bonheur s'achète? 1665 - - PULCHÉRIE. - - Sortez, sortez du trouble où votre erreur vous jette, - Et sachez qu'avec moi ce grand titre d'époux - N'a point de privilége à vous rendre jaloux; - Que sous l'illusion de ce faux hyménée, - Je fais vœu de mourir telle que je suis née; 1670 - Que Martian reçoit et ma main et ma foi - Pour me conserver toute, et tout l'empire à moi; - Et que tout le pouvoir que cette foi lui donne - Ne le fera jamais maître de ma personne. - Est-ce tenir parole? et reconnoissez-vous 1675 - A quel point je vous sers quand j'en fais mon époux? - C'est pour vous qu'en ses mains je dépose l'empire; - C'est pour vous le garder qu'il me plaît de l'élire[420]. - Rendez-vous, comme lui, digne de ce dépôt, - Que son âge penchant vous remettra bientôt; 1680 - Suivez-le pas à pas; et marchant dans sa route, - Mettez ce premier rang après lui hors de doute. - Étudiez sous lui ce grand art de régner, - Que tout autre auroit peine à vous mieux enseigner; - Et pour vous assurer ce que j'en veux attendre, 1685 - Attachez-vous au trône, et faites-vous son gendre: - Je vous donne Justine. - - LÉON. - - A moi, Madame! - - PULCHÉRIE. - - A vous, - Que je m'étois promis moi-même pour époux. - - LÉON. - - Ce n'est donc pas assez de vous avoir perdue, - De voir en d'autres mains la main qui m'étoit due, 1690 - Il faut aimer ailleurs! - - PULCHÉRIE. - - Il faut être empereur, - Et le sceptre à la main, justifier mon cœur; - Montrer à l'univers, dans le héros que j'aime, - Tout ce qui rend un front digne du diadème; - Vous mettre, à mon exemple, au-dessus de l'amour, - Et par mon ordre enfin régner à votre tour. - Justine a du mérite, elle est jeune, elle est belle: - Tous vos rivaux pour moi le vont être pour elle; - Et l'empire pour dot est un trait si charmant, - Que je ne vous en puis répondre qu'un moment. 1700 - - LÉON. - - Oui, Madame, après vous elle est incomparable: - Elle est de votre cœur la plus considérable; - Elle a des qualités à se faire adorer, - Mais, hélas! jusqu'à vous j'avois droit d'aspirer. - Voulez-vous qu'à vos yeux je trompe un tel mérite, 1705 - Que sans amour pour elle à m'aimer je l'invite, - Qu'en vous laissant mon cœur je demande le sien, - Et lui promette tout pour ne lui donner rien? - - PULCHÉRIE. - - Et ne savez-vous pas qu'il est des hyménées - Que font sans nous au ciel les belles destinées? 1710 - Quand il veut que l'effet en éclate ici-bas, - Lui-même il nous entraîne où nous ne pensions pas; - Et dès qu'il les résout, il sait trouver la voie - De nous faire accepter ses ordres avec joie. - - LÉON. - - Mais ne vous aimer plus! vous voler tous mes vœux! - - PULCHÉRIE. - - Aimez-moi, j'y consens; je dis plus, je le veux, - Mais comme impératrice, et non plus comme amante: - Que la passion cesse, et que le zèle augmente. - Justine, qui m'écoute, agréera bien, Seigneur, - Que je conserve ainsi ma part en votre cœur. 1720 - Je connois tout le sien. Rendez-vous plus traitable, - Pour apprendre à l'aimer autant qu'elle est aimable; - Et laissez-vous conduire à qui sait mieux que vous - Les chemins de vous faire un sort illustre et doux. - Croyez-en votre amante et votre impératrice: 1725 - L'une aime vos vertus, l'autre leur rend justice; - Et sur Justine et vous je dois pouvoir assez - Pour vous dire à tous deux: «Je parle, obéissez.» - - LÉON[421]. - - J'obéis donc, Madame, à cet ordre suprême, - Pour vous offrir un cœur qui n'est pas à lui-même; 1730 - Mais enfin je ne sais quand je pourrai donner - Ce que je ne puis même offrir sans le gêner; - Et cette offre d'un cœur entre les mains d'une autre[422] - Ne peut faire un amour qui mérite le vôtre. - - JUSTINE. - - Il est assez à moi, dans de si bonnes mains, 1735 - Pour n'en point redouter de vrais et longs dédains; - Et je vous répondrois d'une amitié sincère, - Si j'en avois l'aveu de l'Empereur mon père. - Le temps fait tout, Seigneur. - - -SCÈNE VII. - -PULCHÉRIE, MARTIAN, LÉON, JUSTINE. - - MARTIAN. - - D'une commune voix, - Madame, le sénat accepte votre choix. 1740 - A vos bontés pour moi son allégresse unie - Soupire après le jour de la cérémonie; - Et le serment prêté, pour n'en retarder rien, - A votre auguste nom vient de mêler le mien. - - PULCHÉRIE. - - Cependant j'ai sans vous disposé de Justine, 1745 - Seigneur, et c'est Léon à qui je la destine. - - MARTIAN. - - Pourrois-je lui choisir un plus illustre époux - Que celui que l'amour avoit choisi pour vous? - Il peut prendre après vous tout pouvoir dans l'empire, - S'y faire des emplois où l'univers l'admire, 1750 - Afin que par votre ordre et les conseils d'Aspar - Nous l'installions au trône et le nommions César. - - PULCHÉRIE. - - Allons tout préparer pour ce double hyménée, - En ordonner la pompe, en choisir la journée. - D'Irène avec Aspar j'en voudrois faire autant; 1755 - Mais j'ai donné deux jours à cet esprit flottant, - Et laisse jusque-là ma faveur incertaine, - Pour régler son destin sur le destin d'Irène. - - -FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE. - - [412] L'édition de 1692 porte, par erreur: «et _voir_ - d'un œil d'envie.» - - [413] On lit _Et_, pour _En_, dans l'édition de 1682. - - [414] Cette expression a été blâmée par Boubours - (_Remarques nouvelles sur la langue françoise_, 1675, in-4º, p. - 385). Non-seulement Ménage en fait l'éloge, mais il ajoute: «J'ai - ouï dire plus d'une fois à M. Corneille que ce vers: - - Prêtez-moi votre main, je vous donne l'empire, - - étoit un des plus beaux qu'il eût jamais faits.» (_Observations de - M. Ménage sur la langue françoise. Segonde partie_, 1676, in-12, - p. 149.) Voyez le _Lexique_. - - [415] L'édition de 1682 a la leçon impossible: _notre_, - pour _votre_. - - [416] Cet hémistiche termine la scène III dans l'édition - de 1692, ainsi que dans celle de Voltaire (1764), qui donne - _entrer_, pour _rentrer_. - - [417] «On ne manque jamais à leur applaudir (_aux rois_) - quand on entre dans leurs sentiments; et le seul moyen de leur - contredire avec le respect qui leur est dû, c'est de se taire.» - (_Examen_ du _Cid_, tome III, p. 93.) - - [418] Tel est le texte de l'édition de 1682 et de celles - de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764). L'impression - originale (1673) donne seule: «penchés vers le tombeau.» - - [419] Comparez à ce vers le vers 430 de _Polyeucte_: - - De son dernier soupir puisse lui faire hommage! - - [420] Voyez ci-dessus, p. 377, et la note 367 de la p. - 378. - - [421] On lit dans l'édition de 1692 et dans celle de - Voltaire (1764): LÉON, _à Justine_. - - [422] _D'une autre_ est la leçon de Thomas Corneille et - de Voltaire. Les éditions antérieures (1673 et 1682) ont _d'un - autre_. Voyez tome 1, p. 228, note 3-_a_. - - - - - SURÉNA - - GÉNÉRAL DES PARTHES - - TRAGÉDIE - - 1674 - - - - -NOTICE. - - -«Monsieur Corneille, dit Jolly[423], avoit en vue deux sujets de -tragédie lorsqu'il s'arrêta à celui-ci: le premier étoit -Usanguey, prince chinois dont les historiens font de grands -éloges[424], et le second, tiré de Tacite[425], étoit le fameux -Gaulois nommé Antonius Primus, lequel avoit contribué plus que -personne à mettre Vespasian sur le trône, et dont les services -furent mal reconnus. Ce nom lui paroissant peu propre à entrer -dans un vers, il préféra celui de Suréna, dont l'histoire -lui fournissoit les mêmes circonstances, et le caractère d'un -héros qui n'avoit point encore paru sur la scène.» - -Il est fort curieux que Corneille ait ainsi songé, ne fût-ce -qu'un instant, à transporter la scène d'une de ses tragédies dans -un pays alors si mal connu, qu'il fallut encore en 1755 beaucoup -de hardiesse à Voltaire pour oser faire représenter son _Orphelin -de la Chine_. - -Nous ne pouvons, du reste, contrôler le témoignage de Jolly par -aucun autre. Privé pour cette époque du secours que nous ont -fourni précédemment la _Gazette_ de Loret et les _Lettres en -vers_ de Robinet, nous avons fort peu de détails sur tout ce qui -concerne la tragédie de _Suréna_, et nous ignorons par quels -acteurs cette pièce fut représentée. - -«La tragédie de _Suréna_, dit Voltaire dans sa préface, fut jouée -les derniers jours de 1674 et les premiers de 1675.» Les frères -Parfait en placent l'analyse à la fin de l'année 1674, sans -marquer ni le jour ni le mois de la première représentation. Elle -est fixée au mardi 11 décembre dans le _Journal du Théâtre -françois_[426], auquel nous n'avons guère recours qu'à défaut -d'autre document, mais dont l'indication concorde en cette -circonstance avec le passage suivant d'une lettre écrite par -Bayle à M. Minutoli à Rouen, en date du 15 décembre 1674[427]: -«On joue à l'hôtel de Bourgogne une nouvelle pièce de M. -Corneille l'aîné, dont j'ai oublié le nom, qui fait, à la vérité, -du bruit, mais pas eu égard au renom de l'auteur. Aussi dit-on -que M. de Montausier lui dit en raillant: «Monsieur Corneille, -j'ai vu le temps que je faisois d'assez bons vers; mais, ma foi, -depuis que je suis vieux, je ne fais rien qui vaille. Il faut -laisser cela pour les jeunes gens.» - -Que M. de Montausier ait parfois traité certains poëtes amateurs -comme Alceste, dont il avait, dit-on, fourni le modèle, traite -Oronte dans _le Misanthrope_, on le comprend, et l'on n'a pas -le courage de lui en vouloir; mais on aime à douter qu'il -ait adressé des paroles aussi dures à un homme de génie qui -n'avait qu'un seul tort, bien respectable: celui de vieillir. - -Le titre exact de la pièce est: SURENA, GÉNÉRAL DES PARTHES, -tragedie. _A Paris, chez Guillaume de Luyne_.... M.DC.LXXV. _Avec -Privilege du Roy_. L'Achevé d'imprimer est du 2 janvier 1675. Le -volume, de format in-12, se compose de 2 feuillets et 72 pages. - - [423] _Avertissement_ du _Théâtre de P. Corneille_, p. - LXXI. - - [424] Voyez l'histoire de la Chine, par le P. du Halde, - jésuite. (_Note de Jolly._)--L'ouvrage de du Halde n'a été - indiqué dans cette note qu'à titre de renseignement et non comme - la source à laquelle Corneille aurait puisé; son histoire ou - plutôt sa _Description géographique, historique, etc., de - l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise_, n'a paru qu'en - 1735. Il y est question en divers endroits, aux tomes I et III, - d'Usangey (_Ou san guey_), ce fameux général chinois qui ayant - introduit les Tartares dans la Chine pour exterminer les - rebelles, et contribué, sans le vouloir, à la conquête qu'ils en - firent, forma le projet de délivrer sa patrie du joug tartare. - (Tome III, p. 113.) Il mourut accablé de vieillesse, après avoir - reçu la dignité de roi et le titre de _Ping si_, «pacificateur - d'Occident.» (Tome I, p. 467 et 476.) Le livre où Corneille avait - pris ce sujet chinois est sans doute celui du missionnaire - jésuite Martin Martini, qui fut publié à Rome en 1654, sous ce - titre: _De Bello Tartarico in Sinis_ (in-12), qui fut traduit, - dès cette même année 1654, et en italien, et en français (sous ce - titre: _Histoire de la guerre des Tartares contre la Chine, - traduite du latin du P. Martini_), puis de nouveau en français - par le P. Semedo, à la suite de l'_Histoire de la Chine_ (Lyon, - 1667 in-4º). - - [425] _Histoires_, livres II, III et IV. - - [426] Tome III, feuillet 1329 recto. - - [427] _Lettres de M. Bayle_, publiées sur les originaux - par des Maizeaux, Amsterdam, 1729, tome I, p. 61 et 62. - - - - -AU LECTEUR. - - -Le sujet de cette tragédie est tiré de Plutarque et d'Appian -Alexandrin[428]. Ils disent tous deux que Suréna[429] étoit le -plus noble, le plus riche, le mieux fait, et le plus vaillant des -Parthes[430]. Avec ces qualités, il ne pouvoit manquer d'être un -des premiers hommes de son siècle; et si je ne m'abuse, la -peinture que j'en ai faite ne l'a point rendu méconnoissable: -vous en jugerez. - - [428] Voyez la _Vie de Crassus_ de Plutarque. Quant à - Appien, s'il a réellement écrit l'histoire de la guerre des - Parthes, comme il promet de le faire au chapitre XVIII du livre - II de ses _Guerres civiles_, où il mentionne en deux mots la - défaite et la mort de Crassus, cette partie de son ouvrage n'est - point parvenue jusqu'à nous. Le livre de la _Guerre des Parthes_ - qu'on a mis sous son nom est tout simplement un extrait des _Vies - de Crassus_ et _d'Antoine_, de Plutarque. - - [429] Voltaire reproche à Corneille de s'être mépris: - «Suréna, dit-il, n'est point un nom propre; c'est un titre - d'honneur, un nom de dignité.» Cette critique ne fait que - reproduire l'opinion adoptée par tous les modernes sur la foi de - Zosime; mais cette opinion est une erreur. Saint-Martin, dans ses - notes sur l'_Histoire du bas empire_ de le Beau (tome III, p. - 79), a prouvé, par le témoignage des auteurs arméniens, que - Suréna était bien un nom propre. - - [430] «Surena n'estoit point homme de basse ou petite - qualité, ains le second des Parthes après le Roy, tant en - noblesse qu'en richesse et en reputation; mais en vaillance, - suffisance et experience au fait des armes, le premier personnage - qui fust de son temps entre les Parthes, et au demourant en - grandeur et beaulté de corps ne cedant a nul autre.» (Plutarque, - _Vie de Crassus_, chapitre XXI, traduction d'Amyot.)--Un peu plus - loin, dans le même chapitre, Plutarque dit que Suréna n'avait pas - encore trente ans. - - - - -LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES -DE _SURÉNA_. - - - ÉDITION SÉPARÉE. - - 1675 in-12. - - RECUEIL. - - 1682 in-12. - - - - -ACTEURS. - - - ORODE, roi des Parthes[431]. - PACORUS, fils d'Orode[432]. - SURÉNA, lieutenant d'Orode, et général de son armée contre - Crassus[433]. - SILLACE, autre lieutenant d'Orode[434]. - EURYDICE, fille d'Artabase, roi d'Arménie[435]. - PALMIS, sœur de Suréna. - ORMÈNE, dame d'honneur d'Eurydice. - -La scène est à Séleucie, sur l'Euphrate[436]. - - [431] Ce roi, que Plutarque nomme Hyrodes (_Vie de - Crassus_, chapitre XXI), est appelé Orodes par Appien (_Guerres - de Syrie_, chapitre LI), et par la plupart des auteurs, et cette - dernière forme a prévalu. Il était fils de Phraate III et mourut - l'an 36 avant Jésus-Christ. Voyez ci-après, p. 498, note 466, et p. - 530, note 488. - - [432] Pacorus, fils aîné d'Orode, contribua à la - victoire de Carrhes (en Mésopotamie), remportée sur Crassus l'an - 53 avant Jésus-Christ. Défait en l'an 38 par Ventidius, il périt - dans la bataille. - - [433] Voyez ci-dessus, p. 460, notes 429 et 430. - - [434] Dans le récit de Plutarque, c'est Sillace qui - apporte la tête de Crassus et la jette aux pieds du roi Orode, au - milieu d'une représentation des _Bacchantes_ d'Euripide. Voyez la - _Vie de Crassus_, chapitre XXXIII. Plus haut, au chapitre XXI, - Sillace est nommé avec Suréna, comme un des généraux des - Parthes. - - [435] Personnage d'invention. Dans l'histoire ce n'est - pas la fille, mais la sœur d'Artabase (successivement _Artabaze_ - et _Artavasde_ dans Plutarque) qui est fiancée à Pacorus, et elle - n'est point nommée: voyez Plutarque, _Vie de Crassus_, chapitre - XXXIII. Peut-être Corneille a-t-il pris l'idée de ce changement - dans une indication marginale fautive de l'Appien de Tollius - (Amsterdam, 1670), où l'on lit _Artabazis filia_ (au lieu de - _soror_) _Pacoro desponsata_. Quant aux deux derniers - personnages, ils n'ont rien d'historique. - - [436] «(_Suréna_) auoit remis le Roy Hyrodes.... en son - royaume, duquel il auoit esté dechassé, et luy auoit conquis la - grande cité de Seleucie.» (Plutarque, _Vie de Crassus_, chapitre - XXI, traduction d'Amyot.)--Séleucie était située dans la - Babylonie, sur un canal qui joignait le Tigre à l'Euphrate. - - - - -SURÉNA, - -GÉNÉRAL DES PARTHES. - -TRAGÉDIE. - - - - -ACTE I. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -EURYDICE, ORMÈNE. - - EURYDICE. - - Ne me parle plus tant de joie et d'hyménée; - Tu ne sais pas les maux où je suis condamnée, - Ormène: c'est ici que doit s'exécuter - Ce traité qu'à deux rois il a plu d'arrêter; - Et l'on a préféré cette superbe ville, 5 - Ces murs de Séleucie, aux murs d'Hécatompyle[437]. - La Reine et la princesse en quittent le séjour, - Pour rendre en ces beaux lieux tout son lustre à la cour. - Le Roi les mande exprès, le prince n'attend qu'elles; - Et jamais ces climats n'ont vu pompes si belles. 10 - Mais que servent pour moi tous ces préparatifs, - Si mon cœur est esclave et tous ses vœux captifs, - Si de tous ces efforts de publique allégresse - Il se fait des sujets de trouble et de tristesse? - J'aime ailleurs. - - ORMÈNE. - - Vous, Madame? - - EURYDICE. - - Ormène, je l'ai tu 15 - Tant que j'ai pu me rendre à toute ma vertu. - N'espérant jamais voir l'amant qui m'a charmée, - Ma flamme dans mon cœur se tenoit renfermée: - L'absence et la raison sembloient la dissiper; - Le manque d'espoir même aidoit à me tromper. 20 - Je crus ce cœur tranquille, et mon devoir sévère - Le préparoit sans peine aux lois du Roi mon père, - Au choix qui lui plairoit. Mais, ô Dieux! quel tourment, - S'il faut prendre un époux aux yeux de cet amant! - - ORMÈNE. - - Aux yeux de votre amant! - - EURYDICE. - - Il est temps de te dire 25 - Et quel malheur m'accable, et pour qui je soupire. - Le mal qui s'évapore en devient plus léger, - Et le mien avec toi cherche à se soulager. - Quand l'avare Crassus[438], chef des troupes romaines, - Entreprit de dompter les Parthes dans leurs plaines, 30 - Tu sais que de mon père il brigua le secours; - Qu'Orode en fit autant au bout de quelques jours; - Que pour ambassadeur il prit ce héros même, - Qui l'avoit su venger et rendre au diadème[439]. - - ORMÈNE. - - Oui, je vis Suréna vous parler pour son roi, 35 - Et Cassius[440] pour Rome avoir le même emploi[441]. - Je vis de ces États l'orgueilleuse puissance - D'Artabase à l'envi mendier l'assistance, - Ces deux grands intérêts partager votre cour, - Et des ambassadeurs prolonger le séjour. 40 - - EURYDICE. - - Tous deux, ainsi qu'au Roi, me rendirent visite, - Et j'en connus bientôt le différent mérite. - L'un, fier et tout gonflé d'un vieux mépris des rois, - Sembloit pour compliment nous apporter des lois; - L'autre, par les devoirs d'un respect légitime, 45 - Vengeoit le sceptre en nous de ce manque d'estime. - L'amour s'en mêla même; et tout son entretien - Sembla m'offrir son cœur, et demander le mien. - Il l'obtint; et mes yeux, que charmoit sa présence, - Soudain avec les siens en firent confidence. 50 - Ces muets truchements surent lui révéler - Ce que je me forçois à lui dissimuler; - Et les mêmes regards qui m'expliquoient sa flamme - S'instruisoient dans les miens du secret de mon âme. - Ses vœux y rencontroient d'aussi tendres désirs: 55 - Un accord imprévu confondoit nos soupirs, - Et d'un mot échappé la douceur hasardée - Trouvoit l'âme en tous deux toute persuadée. - - ORMÈNE. - - Cependant est-il roi, Madame? - - EURYDICE. - - Il ne l'est pas; - Mais il sait rétablir les rois dans leurs États. 60 - Des Parthes le mieux fait d'esprit et de visage, - Le plus puissant en biens, le plus grand en courage. - Le plus noble[442]: joins-y l'amour qu'il a pour moi; - Et tout cela vaut bien un roi qui n'est que roi. - Ne t'effarouche point d'un feu dont je fais gloire, 65 - Et souffre de mes maux que j'achève l'histoire. - L'amour, sous les dehors de la civilité, - Profita quelque temps des longueurs du traité: - On ne soupçonna rien des soins d'un si grand homme. - Mais il fallut choisir entre le Parthe et Rome. 70 - Mon père eut ses raisons en faveur du Romain; - J'eus les miennes pour l'autre, et parlai même en vain; - Je fus mal écoutée, et dans ce grand ouvrage - On ne daigna peser ni compter mon suffrage. - Nous fûmes donc pour Rome[443]; et Suréna confus 75 - Emporta la douleur d'un indigne refus. - Il m'en parut ému, mais il sut se contraindre: - Pour tout ressentiment il ne fit que nous plaindre; - Et comme tout son cœur me demeura soumis, - Notre adieu ne fut point un adieu d'ennemis. 80 - Que servit de flatter l'espérance détruite? - Mon père choisit mal: on l'a vu par la suite. - Suréna fit périr l'un et l'autre Crassus[444], - Et sur notre Arménie Orode eut le dessus: - Il vint dans nos États fondre comme un tonnerre[4]. 85 - Hélas! j'avois prévu les maux de cette guerre, - Et n'avois pas compté parmi ses noirs succès - Le funeste bonheur que me gardoit la paix. - Les deux rois l'ont conclue[445], et j'en suis la victime: - On m'amène épouser un prince magnanime; 90 - Car son mérite enfin ne m'est point inconnu, - Et se feroit aimer d'un cœur moins prévenu; - Mais quand ce cœur est pris et la place occupée, - Des vertus d'un rival en vain l'âme est frappée: - Tout ce qu'il a d'aimable importune les yeux; 95 - Et plus il est parfait, plus il est odieux. - Cependant j'obéis, Ormène: je l'épouse, - Et de plus.... - - ORMÈNE. - - Qu'auriez-vous de plus? - - EURYDICE. - - Je suis jalouse. - - ORMÈNE. - - Jalouse! Quoi? pour comble aux maux dont je vous plains.... - - EURYDICE. - - Tu vois ceux que je souffre, apprends ceux que je crains. 100 - Orode fait venir la princesse sa fille; - Et s'il veut de mon bien enrichir sa famille, - S'il veut qu'un double hymen honore un même jour, - Conçois mes déplaisirs: je t'ai dit mon amour. - C'est bien assez, ô ciel! que le pouvoir suprême 105 - Me livre en d'autres bras aux yeux de ce que j'aime: - Ne me condamne pas à ce nouvel ennui - De voir tout ce que j'aime entre les bras d'autrui. - - ORMÈNE. - - Votre douleur, Madame, est trop ingénieuse. - - EURYDICE. - - Quand on a commencé de se voir malheureuse, 110 - Rien ne s'offre à nos yeux qui ne fasse trembler: - La plus fausse apparence a droit de nous troubler; - Et tout ce qu'on prévoit, tout ce qu'on s'imagine, - Forme un nouveau poison pour une âme chagrine. - - ORMÈNE. - - En ces nouveaux poisons trouvez-vous tant d'appas 115 - Qu'il en faille faire un d'un hymen qui n'est pas? - - EURYDICE. - - La princesse est mandée, elle vient, elle est belle; - Un vainqueur des Romains n'est que trop digne d'elle. - S'il la voit, s'il lui parle, et si le Roi le veut.... - J'en dis trop; et déjà tout mon cœur qui s'émeut.... 120 - - ORMÈNE. - - A soulager vos maux appliquez même étude - Qu'à prendre un vain soupçon pour une certitude: - Songez par où l'aigreur s'en pourroit adoucir. - - EURYDICE. - - J'y fais ce que je puis, et n'y puis réussir. - N'osant voir Suréna, qui règne en ma pensée, 125 - Et qui me croit peut-être une âme intéressée, - Tu vois quelle amitié j'ai faite avec sa sœur: - Je crois le voir en elle, et c'est quelque douceur, - Mais légère, mais foible, et qui me gêne l'âme - Par l'inutile soin de lui cacher ma flamme. 130 - Elle la sait sans doute, et l'air dont elle agit - M'en demande un aveu dont mon devoir rougit: - Ce frère l'aime trop pour s'être caché d'elle. - N'en use pas de même, et sois-moi plus fidèle; - Il suffit qu'avec toi j'amuse mon ennui. 135 - Toutefois tu n'as rien à me dire de lui - Tu ne sais ce qu'il fait, tu ne sais ce qu'il pense. - Une sœur est plus propre à cette confiance: - Elle sait s'il m'accuse, ou s'il plaint mon malheur, - S'il partage ma peine, ou rit de ma douleur, 140 - Si du vol qu'on lui fait il m'estime complice, - S'il me garde son cœur, ou s'il me rend justice. - Je la vois: force-la, si tu peux, à parler; - Force-moi, s'il le faut, à ne lui rien celer. - L'oserai-je, grands Dieux! ou plutôt le pourrai-je? 145 - - ORMÈNE. - - L'amour, dès qu'il le veut, se fait un privilége; - Et quand de se forcer ses desirs sont lassés, - Lui-même à n'en rien taire il s'enhardit assez. - - -SCÈNE II. - -EURYDICE, PALMIS, ORMÈNE. - - PALMIS. - - J'apporte ici, Madame, une heureuse nouvelle: - Ce soir la Reine arrive. - - EURYDICE. - - Et Mandane avec elle? 150 - - PALMIS. - - On n'en fait aucun doute. - - EURYDICE. - - Et Suréna l'attend - Avec beaucoup de joie et d'un esprit content? - - PALMIS. - - Avec tout le respect qu'elle a lieu d'en attendre. - - EURYDICE. - - Rien de plus? - - PALMIS. - - Qu'a de plus un sujet à lui rendre? - - EURYDICE. - - Je suis trop curieuse et devrois mieux savoir 155 - Ce qu'aux filles des rois un sujet peut devoir; - Mais de pareils sujets, sur qui tout l'État roule, - Se font assez souvent distinguer de la foule; - Et je sais qu'il en est qui, si j'en puis juger, - Avec moins de respect savent mieux obliger. 160 - - PALMIS. - - Je n'en sais point, Madame, et ne crois pas mon frère - Plus savant que sa sœur en un pareil mystère. - - EURYDICE. - - Passons. Que fait le prince? - - PALMIS. - - En véritable amant, - Doutez-vous qu'il ne soit dans le ravissement? - Et pourroit-il n'avoir qu'une joie imparfaite 165 - Quand il se voit toucher au bonheur qu'il souhaite? - - EURYDICE. - - Peut-être n'est-ce pas un grand bonheur pour lui, - Madame; et j'y craindrois quelque sujet d'ennui. - - PALMIS. - - Et quel ennui pourroit mêler son amertume - Au doux et plein succès du feu qui le consume? 170 - Quel chagrin a de quoi troubler un tel bonheur? - Le don de votre main.... - - EURYDICE. - - La main n'est pas le cœur. - - PALMIS. - - Il est maître du vôtre. - - EURYDICE. - - Il ne l'est point, Madame; - Et même je ne sais s'il le sera de l'âme: - Jugez après cela quel bonheur est le sien. 175 - Mais achevons, de grâce, et ne déguisons rien. - Savez-vous mon secret? - - PALMIS. - - Je sais celui d'un frère. - - EURYDICE. - - Vous savez donc le mien. Fait-il ce qu'il doit faire? - Me hait-il? et son cœur, justement irrité, - Me rend-il sans regret ce que j'ai mérité? 180 - - PALMIS. - - Oui, Madame, il vous rend tout ce qu'une grande âme - Doit au plus grand mérite et de zèle et de flamme. - - EURYDICE. - - Il m'aimeroit encor? - - PALMIS. - - C'est peu de dire aimer: - Il souffre sans murmure; et j'ai beau vous blâmer, - Lui-même il vous défend, vous excuse sans cesse. 185 - «Elle est fille, et de plus, dit-il, elle est princesse: - Je sais les droits d'un père, et connois ceux d'un roi; - Je sais de ses devoirs l'indispensable loi; - Je sais quel rude joug, dès sa plus tendre enfance, - Imposent à ses vœux son rang et sa naissance: 190 - Son cœur n'est pas exempt d'aimer ni de haïr[446]; - Mais qu'il aime ou haïsse, il lui faut obéir. - Elle m'a tout donné ce qui dépendoit d'elle, - Et ma reconnoissance en doit être éternelle.» - - EURYDICE. - - Ah! vous redoublez trop, par ce discours charmant, 195 - Ma haine pour le prince et mes feux pour l'amant; - Finissons-le, Madame; en ce malheur extrême, - Plus je hais, plus je souffre, et souffre autant que j'aime. - - PALMIS. - - N'irritons point vos maux, et changeons d'entretien. - Je sais votre secret, sachez aussi le mien. 200 - Vous n'êtes pas la seule à qui la destinée - Prépare un long supplice en ce grand hyménée: - Le prince.... - - EURYDICE. - - Au nom des Dieux, ne me le nommez pas: - Son nom seul me prépare à plus que le trépas. - - PALMIS. - - Un tel excès de haine! - - EURYDICE. - - Elle n'est que trop due 205 - Aux mortelles douleurs dont m'accable sa vue. - - PALMIS. - - Eh bien! ce prince donc, qu'il vous plaît de haïr, - Et pour qui votre cœur s'apprête à se trahir, - Ce prince qui vous aime, il m'aimoit. - - EURYDICE. - - L'infidèle! - - PALMIS. - - Nos vœux étoient pareils, notre ardeur mutuelle: 210 - Je l'aimois. - - EURYDICE. - - Et l'ingrat brise des nœuds si doux! - - PALMIS. - - Madame, est-il des cœurs qui tiennent contre vous? - Est-il vœux ni serments qu'ils ne vous sacrifient? - Si l'ingrat me trahit, vos yeux le justifient, - Vos yeux qui sur moi-même ont un tel ascendant.... 215 - - EURYDICE. - - Vous demeurez à vous, Madame, en le perdant; - Et le bien d'être libre aisément vous console - De ce qu'a d'injustice un manque de parole; - Mais je deviens esclave; et tels sont mes malheurs, - Qu'en perdant ce que j'aime, il faut que j'aime ailleurs. - - PALMIS. - - Madame, trouvez-vous ma fortune meilleure? - Vous perdez votre amant, mais son cœur vous demeure; - Et j'éprouve en mon sort une telle rigueur, - Que la perte du mien m'enlève tout son cœur. - Ma conquête m'échappe où les vôtres grossissent; 225 - Vous faites des captifs des miens qui s'affranchissent; - Votre empire s'augmente où se détruit le mien, - Et de toute ma gloire il ne me reste rien. - - EURYDICE. - - Reprenez vos captifs, rassurez vos conquêtes, - Rétablissez vos lois sur les plus grandes têtes: 230 - J'en serai peu jalouse, et préfère à cent rois - La douceur de ma flamme et l'éclat de mon choix. - La main de Suréna vaut mieux qu'un diadème. - Mais dites-moi, Madame, est-il bien vrai qu'il m'aime? - Dites, et s'il est vrai, pourquoi fuit-il mes yeux? 235 - - PALMIS. - - Madame, le voici qui vous le dira mieux. - - EURYDICE. - - Juste ciel! à le voir déjà mon cœur soupire! - Amour, sur ma vertu prends un peu moins d'empire! - - -SCÈNE III. - - EURYDICE, SURÉNA. - - EURYDICE. - - Je vous ai fait prier de ne me plus revoir, - Seigneur: votre présence étonne mon devoir; 240 - Et ce qui de mon cœur fit toutes les délices, - Ne sauroit plus m'offrir que de nouveaux supplices. - Osez-vous l'ignorer? et lorsque je vous voi, - S'il me faut trop souffrir, souffrez-vous moins que moi? - Souffrons-nous moins tous deux pour soupirer ensemble? - Allez, contentez-vous d'avoir vu que j'en tremble; - Et du moins par pitié d'un triomphe douteux, - Ne me hasardez plus à des soupirs honteux. - - SURÉNA. - - Je sais ce qu'à mon cœur coûtera votre vue; - Mais qui cherche à mourir doit chercher ce qui tue. 250 - Madame, l'heure approche, et demain votre foi - Vous fait de m'oublier une éternelle loi: - Je n'ai plus que ce jour, que ce moment de vie. - Pardonnez à l'amour qui vous la sacrifie[447], - Et souffrez qu'un soupir exhale à vos genoux, 255 - Pour ma dernière joie, une âme toute à vous. - - EURYDICE. - - Et la mienne, Seigneur, la jugez-vous si forte, - Que vous ne craigniez point que ce moment l'emporte, - Que ce même soupir qui tranchera vos jours - Ne tranche aussi des miens le déplorable cours? 260 - Vivez, Seigneur, vivez, afin que je languisse, - Qu'à vos feux ma langueur rende longtemps justice. - Le trépas à vos yeux me sembleroit trop doux, - Et je n'ai pas encore assez souffert pour vous. - Je veux qu'un noir chagrin à pas lents me consume, 265 - Qu'il me fasse à longs traits goûter son amertume; - Je veux, sans que la mort ose me secourir, - Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir. - Mais pardonneriez-vous l'aveu d'une foiblesse - A cette douloureuse et fatale tendresse? 270 - Vous pourriez-vous, Seigneur, résoudre à soulager - Un malheur si pressant par un bonheur léger? - - SURÉNA. - - Quel bonheur peut dépendre ici d'un misérable - Qu'après tant de faveurs son amour même accable? - Puis-je encor quelque chose en l'état où je suis? 275 - - EURYDICE. - - Vous pouvez m'épargner d'assez rudes ennuis. - N'épousez point Mandane[448]: exprès on l'a mandée; - Mon chagrin, mes soupçons m'en ont persuadée. - N'ajoutez point, Seigneur, à des malheurs si grands - Celui de vous unir au sang de mes tyrans; 280 - De remettre en leurs mains[449] le seul bien qui me reste, - Votre cœur: un tel don me seroit trop funeste. - Je veux qu'il me demeure, et malgré votre roi, - Disposer d'une main qui ne peut être à moi. - - SURÉNA. - - Plein d'un amour si pur et si fort que le nôtre, 285 - Aveugle pour Mandane, aveugle pour toute autre[450], - Comme je n'ai plus d'yeux vers elles à tourner, - Je n'ai plus ni de cœur ni de main à donner. - Je vous aime et vous perds. Après cela, Madame, - Seroit-il quelque hymen que pût souffrir mon âme? 290 - Seroit-il quelques nœuds où se pût attacher - Le bonheur d'un amant qui vous étoit si cher, - Et qu'à force d'amour vous rendez incapable - De trouver sous le ciel quelque chose d'aimable? - - EURYDICE. - - Ce n'est pas là de vous, Seigneur, ce que je veux. 295 - A la postérité vous devez des neveux; - Et ces illustres morts dont vous tenez la place - Ont assez mérité de revivre en leur race: - Je ne veux pas l'éteindre, et tiendrois à forfait - Qu'il m'en fût échappé le plus léger souhait. 300 - - SURÉNA. - - Que tout meure avec moi, Madame: que m'importe - Qui foule après ma mort la terre qui me porte? - Sentiront-ils percer par un éclat nouveau, - Ces illustres aïeux, la nuit de leur tombeau? - Respireront-ils l'air où les feront revivre 305 - Ces neveux qui peut-être auront peine à les suivre, - Peut-être ne feront que les déshonorer, - Et n'en auront le sang que pour dégénérer? - Quand nous avons perdu le jour qui nous éclaire, - Cette sorte de vie est bien imaginaire, 310 - Et le moindre moment d'un bonheur souhaité - Vaut mieux qu'une si froide et vaine éternité. - - EURYDICE. - - Non, non, je suis jalouse; et mon impatience - D'affranchir mon amour de toute défiance, - Tant que je vous verrai maître de votre foi, 315 - La croira réservée aux volontés du Roi: - Mandane aura toujours un plein droit de vous plaire; - Ce sera l'épouser que de le pouvoir faire; - Et ma haine sans cesse aura de quoi trembler, - Tant que par là mes maux pourront se redoubler. 320 - Il faut qu'un autre hymen me mette en assurance. - N'y portez, s'il se peut, que de l'indifférence; - Mais par de nouveaux feux dussiez-vous me trahir, - Je veux que vous aimiez afin de m'obéir; - Je veux que ce grand choix soit mon dernier ouvrage, 325 - Qu'il tienne lieu vers moi d'un éternel hommage, - Que mon ordre le règle, et qu'on me voie enfin - Reine de votre cœur et de votre destin; - Que Mandane, en dépit de l'espoir qu'on lui donne, - Ne pouvant s'élever jusqu'à votre personne, 330 - Soit réduite à descendre à ces malheureux rois - A qui, quand vous voudrez, vous donnerez des lois. - Et n'appréhendez point d'en regretter la perte: - Il n'est cour sous les cieux qui ne vous soit ouverte; - Et partout votre gloire a fait de tels éclats, 335 - Que les filles de roi ne vous manqueront pas. - - SURÉNA. - - Quand elles me rendroient maître de tout un monde, - Absolu sur la terre et souverain sur l'onde, - Mon cœur.... - - EURYDICE. - - N'achevez point: l'air dont vous commencez - Pourroit à mon chagrin ne plaire pas assez; 340 - Et d'un cœur qui veut être encor sous ma puissance - Je ne veux recevoir que de l'obéissance. - - SURÉNA. - - A qui me donnez-vous? - - EURYDICE. - - Moi? que ne puis-je, hélas! - Vous ôter à Mandane, et ne vous donner pas! - Et contre les soupçons de ce cœur qui vous aime 345 - Que ne m'est-il permis de m'assurer moi-même! - Mais adieu: je m'égare. - - SURÉNA. - - Où dois-je recourir, - O ciel! s'il faut toujours aimer, souffrir, mourir[451]? - - -FIN DU PREMIER ACTE. - - [437] _Hécatompylos_, ville de l'ancienne Hyrcanie, - était devenu la capitale de Parthes, et la résidence ordinaire - des Arsacides. - - [438] «On blasme aussi grandement les occupations - ausquelles il vaqua pendant qu'il fut de sejour en la Syrie, - comme tenant plus du marchand que du capitaine.» (Plutarque, _Vie - de Crassus_, chapitre XVII, traduction d'Amyot.) - - [439] Voyez plus haut, p. 462, note 436. - - [440] Le questeur Cassius était un des principaux - officiers de Crassus; il est nommé plusieurs fois dans Plutarque: - voyez la _Vie de Crassus_, chapitres XVIII et XXII. - - [441] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont - remplacé l'infinitif par l'imparfait: «avoit le même emploi.» - - [442] Voyez ci-dessus, p. 460, note 430. - - [443] «Ce qui plus l'asseura (_Crassus_) et - l'encouragea, fut Artabazes le roy de l'Armenie, lequel vint - deuers luy en son camp avec six mille cheuaux.» (Plutarque, _Vie - de Crassus_, chapitre XIX.) - - [444] Voyez le récit de la mort de Publius, fils de - Marcus Crassus, au chapitre XXV de la _Vie de Crassus_ par - Plutarque, et celui de la mort de Marcus Crassus lui-même au - chapitre XXXI du même ouvrage. - - «Hyrodes ayant.... diuisé ses forces en deux, luy auec vne partie - alloit destruisant le royaume d'Armenie pour se venger du roy - Artabazes, et auoit enuoyé Surena à l'encontre des Romains.» - (Plutarque, _Vie de Crassus_, chapitre XXI.) - - [445] Plutarque mentionne ce traité: «Hyrodes, dit-il, - auoit desia fait appointement et alliance auec Artabazes le roy - d'Armenie.» (_Vie de Crassus_, chapitre XXXIII.) Mais, comme nous - l'avons déjà remarqué (ci-dessus, P.462, note 5), il s'agissait - du mariage de la sœur, et non de la fille d'Artabase, avec - Pacorus. - - [446] On lit: «d'aimer _ou_ de haïr,» dans l'édition de - 1692. Voltaire (1764) a gardé _ni_. - - [447] L'édition de 1692 a changé _la_ en _le_: «qui vous - le sacrifie.» Voltaire (1764) a gardé _la_. - - [448] Par une singulière erreur, la première édition - (1675) porte _Madame_, pour _Mandane_. - - [449] L'édition de 1692 et celle de Voltaire (1764) - portent _en leur main_, au singulier. - - [450] On lit: «pour tout autre,» au masculin, dans - l'édition de 1682. Voyez tome I, p. 228, note 3-_a_. - - [451] Voyez ci-dessus, p. 474, vers 268. - - - - -ACTE II. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -PACORUS, SURÉNA. - - PACORUS. - - Suréna, votre zèle a trop servi mon père - Pour m'en laisser attendre un devoir moins sincère; 350 - Et si près d'un hymen qui doit m'être assez doux, - Je mets ma confiance et mon espoir en vous. - Palmis avec raison de cet hymen murmure; - Mais je puis réparer ce qu'il lui fait d'injure; - Et vous n'ignorez pas qu'à former ces grands nœuds 355 - Mes pareils ne sont point tout à fait maîtres d'eux. - Quand vous voudrez tous deux attacher vos tendresses, - Il est des rois pour elle, et pour vous des princesses, - Et je puis hautement vous engager ma foi - Que vous ne vous plaindrez du prince ni du Roi. 360 - - SURÉNA. - - Cessez de me traiter, Seigneur, en mercenaire: - Je n'ai jamais servi par espoir de salaire; - La gloire m'en suffit, et le prix que reçoit.... - - PACORUS. - - Je sais ce que je dois quand on fait ce qu'on doit, - Et si de l'accepter ce grand cœur vous dispense, 365 - Le mien se satisfait alors qu'il récompense. - J'épouse une princesse en qui les doux accords - Des grâces de l'esprit avec celles du corps - Forment le plus brillant et plus noble assemblage - Qui puisse orner une âme et parer un visage. 370 - Je n'en dis que ce mot; et vous savez assez - Quels en sont les attraits, vous qui la connoissez. - Cette princesse donc, si belle, si parfaite, - Je crains qu'elle n'ait pas ce que plus je souhaite: - Qu'elle manque d'amour, ou plutôt que ses vœux 375 - N'aillent pas tout à fait du côté que je veux. - Vous qui l'avez tant vue, et qu'un devoir fidèle - A tenu si longtemps près de son père et d'elle, - Ne me déguisez point ce que dans cette cour - Sur de pareils soupçons vous auriez eu de jour. 330 - - SURÉNA. - - Je la voyois, Seigneur, mais pour gagner son père: - C'étoit tout mon emploi, c'étoit ma seule affaire; - Et je croyois par elle être sûr de son choix; - Mais Rome et son intrigue eurent le plus de voix. - Du reste, ne prenant intérêt à m'instruire 385 - Que de ce qui pouvoit vous servir ou vous nuire, - Comme je me bornois à remplir ce devoir, - Je puis n'avoir pas vu ce qu'un autre eût pu voir. - Si j'eusse pressenti que la guerre achevée, - A l'honneur de vos feux elle étoit réservée, 390 - J'aurois pris d'autres soins, et plus examiné; - Mais j'ai suivi mon ordre, et n'ai point deviné. - - PACORUS. - - Quoi? de ce que je crains vous n'auriez nulle idée? - Par aucune ambassade on ne l'a demandée? - Aucun prince auprès d'elle, aucun digne sujet 395 - Par ses attachements n'a marqué de projet? - Car il vient quelquefois du milieu des provinces - Des sujets en nos cours qui valent bien des princes; - Et par l'objet présent les sentiments émus - N'attendent pas toujours des rois qu'on n'a point vus. 400 - - SURÉNA. - - Durant tout mon séjour rien n'y blessoit ma vue; - Je n'y rencontrois point de visite assidue, - Point de devoirs suspects, ni d'entretiens si doux - Que si j'avois aimé, j'en dusse être jaloux. - Mais qui vous peut donner cette importune crainte, 405 - Seigneur? - - PACORUS. - - Plus je la vois, plus j'y vois de contrainte: - Elle semble, aussitôt que j'ose en approcher, - Avoir je ne sais quoi qu'elle me veut cacher; - Non qu'elle ait jusqu'ici demandé de remise; - Mais ce n'est pas m'aimer, ce n'est qu'être soumise; 410 - Et tout le bon accueil que j'en puis recevoir, - Tout ce que j'en obtiens ne part que du devoir. - - SURÉNA. - - N'en appréhendez rien. Encor toute étonnée, - Toute tremblante encore au seul nom d'hyménée, - Pleine de son pays, pleine de ses parents, 415 - Il lui passe en l'esprit cent chagrins différents. - - PACORUS. - - Mais il semble, à la voir, que son chagrin s'applique - A braver par dépit l'allégresse publique: - Inquiète, rêveuse, insensible aux douceurs - Que par un plein succès l'amour verse en nos cœurs.... - - SURÉNA. - - Tout cessera, Seigneur, dès que sa foi reçue - Aura mis en vos mains la main qui vous est due: - Vous verrez ces chagrins détruits en moins d'un jour, - Et toute sa vertu devenir toute[452] amour. - - PACORUS. - - C'est beaucoup hasarder que de prendre assurance 425 - Sur une si légère et douteuse espérance; - Et qu'aura cet amour d'heureux, de singulier, - Qu'à son trop de vertu je devrai tout entier? - Qu'aura-t-il de charmant, cet amour, s'il ne donne - Que ce qu'un triste hymen ne refuse à personne, 430 - Esclave dédaigneux d'une odieuse loi - Qui n'est pour toute chaîne attaché qu'à sa foi? - Pour faire aimer ses lois, l'hymen ne doit en faire - Qu'afin d'autoriser la pudeur à se taire. - Il faut, pour rendre heureux, qu'il donne sans gêner, 435 - Et prête un doux prétexte à qui veut tout donner. - Que sera-ce, grands Dieux! si toute ma tendresse - Rencontre un souvenir plus cher à ma princesse, - Si le cœur pris ailleurs ne s'en arrache pas, - Si pour un autre objet il soupire en mes bras? 440 - Il faut, il faut enfin m'éclaircir avec elle. - - SURÉNA. - - Seigneur, je l'aperçois; l'occasion est belle. - Mais si vous en tirez quelque éclaircissement - Qui donne à votre crainte un juste fondement, - Que ferez-vous? - - PACORUS. - - J'en doute, et pour ne vous rien feindre, - Je crois m'aimer[453] assez pour ne la pas contraindre; - Mais tel chagrin aussi pourroit me survenir, - Que je l'épouserois afin de la punir. - Un amant dédaigné souvent croit beaucoup faire - Quand il rompt le bonheur de ce qu'on lui préfère. 450 - Mais elle approche. Allez, laissez-moi seul agir: - J'aurois peur devant vous d'avoir trop à rougir. - - -SCÈNE II. - -PACORUS, EURYDICE. - - PACORUS. - - Quoi? Madame, venir vous-même à ma rencontre! - Cet excès de bonté que votre cœur me montre.... - - EURYDICE. - - J'allois chercher Palmis, que j'aime à consoler 455 - Sur un malheur qui presse et ne peut reculer. - - PACORUS. - - Laissez-moi vous parler d'affaires plus pressées, - Et songez qu'il est temps de m'ouvrir vos pensées: - Vous vous abuseriez à les plus retenir. - Je vous aime, et demain l'hymen doit nous unir: 460 - M'aimez-vous? - - EURYDICE. - - Oui, Seigneur, et ma main vous est sûre. - - PACORUS. - - C'est peu que de la main, si le cœur en murmure. - - EURYDICE. - - Quel mal pourroit causer le murmure du mien, - S'il murmuroit si bas qu'aucun n'en apprît rien? - - PACORUS. - - Ah! Madame, il me faut un aveu plus sincère. 465 - - EURYDICE. - - Épousez-moi, Seigneur, et laissez-moi me taire: - Un pareil doute offense, et cette liberté - S'attire quelquefois trop de sincérité. - - PACORUS. - - C'est ce que je demande, et qu'un mot sans contrainte - Justifie aujourd'hui mon espoir ou ma crainte. 470 - Ah! si vous connoissiez ce que pour vous je sens! - - EURYDICE. - - Je ferois ce que font les cœurs obéissants, - Ce que veut mon devoir, ce qu'attend votre flamme, - Ce que je fais enfin. - - PACORUS. - - Vous feriez plus, Madame: - Vous me feriez justice, et prendriez plaisir 475 - A montrer que nos cœurs ne forment qu'un desir. - Vous me diriez sans cesse: «Oui, prince, je vous aime, - Mais d'une passion comme la vôtre extrême; - Je sens le même feu, je fais les mêmes vœux; - Ce que vous souhaitez est tout ce que je veux; 480 - Et cette illustre ardeur ne sera point contente, - Qu'un glorieux hymen n'ait rempli notre attente.» - - EURYDICE. - - Pour vous tenir, Seigneur, un langage si doux, - Il faudroit qu'en amour j'en susse autant que vous. - - PACORUS. - - Le véritable amour, dès que le cœur soupire, 485 - Instruit en un moment de tout ce qu'on doit dire. - Ce langage à ses feux n'est jamais importun, - Et si vous l'ignorez, vous n'en sentez aucun. - - EURYDICE. - - Suppléez-y, Seigneur, et dites-vous vous-même - Tout ce que sent un cœur dès le moment qu'il aime; 490 - Faites-vous-en pour moi le charmant entretien: - J'avouerai tout, pourvu que je n'en dise rien. - - PACORUS. - - Ce langage est bien clair, et je l'entends sans peine. - Au défaut de l'amour, auriez-vous de la haine? - Je ne veux pas le croire, et des yeux si charmants.... 495 - - EURYDICE. - - Seigneur, sachez pour vous quels sont mes sentiments. - Si l'amitié vous plaît, si vous aimez l'estime, - A vous les refuser[454] je croirois faire un crime; - Pour le cœur, si je puis vous le dire entre nous, - Je ne m'aperçois point qu'il soit encore à vous. 500 - - PACORUS. - - Ainsi donc ce traité qu'ont fait les deux couronnes.... - - EURYDICE. - - S'il a pu l'une à l'autre engager nos personnes, - Au seul don de la main son droit est limité, - Et mon cœur avec vous n'a point fait de traité. - C'est sans vous le devoir que je fais mon possible 505 - A le rendre pour vous plus tendre et plus sensible: - Je ne sais si le temps l'y pourra disposer; - Mais qu'il le puisse ou non, vous pouvez m'épouser. - - PACORUS. - - Je le puis, je le dois, je le veux; mais, Madame, - Dans ces tristes froideurs dont vous payez ma flamme, - Quelque autre amour plus fort.... - - EURYDICE. - - Qu'osez-vous demander, - Prince? - - PACORUS. - - De mon bonheur ce qui doit décider. - - EURYDICE. - - Est-ce un aveu qui puisse échapper à ma bouche? - - PACORUS. - - Il est tout échappé, puisque ce mot vous touche. - Si vous n'aviez du cœur fait ailleurs l'heureux don, 515 - Vous auriez moins de gêne à me dire que non; - Et pour me garantir de ce que j'appréhende, - La réponse avec joie eût suivi la demande. - Madame, ce qu'on fait sans honte et sans remords - Ne coûte rien à dire, il n'y faut point d'efforts; 520 - Et sans que la rougeur au visage nous monte.... - - EURYDICE. - - Ah! ce n'est point pour moi que je rougis de honte. - Si j'ai pu faire un choix, je l'ai fait assez beau - Pour m'en faire un honneur jusque dans le tombeau; - Et quand je l'avouerai, vous aurez lieu de croire 525 - Que tout mon avenir en aimera la gloire. - Je rougis, mais pour vous, qui m'osez demander - Ce qu'on doit avoir peine à se persuader; - Et je ne comprends point avec quelle prudence - Vous voulez qu'avec vous j'en fasse confidence, 530 - Vous qui près d'un hymen accepté par devoir, - Devriez sur ce point craindre de trop savoir. - - PACORUS. - - Mais il est fait, ce choix qu'on s'obstine à me taire, - Et qu'on cherche à me dire avec tant de mystère? - - EURYDICE. - - Je ne vous le dis point; mais si vous m'y forcez, 535 - Il vous en coûtera plus que vous ne pensez. - - PACORUS. - - Eh bien! Madame, eh bien! sachons, quoi qu'il en coûte, - Quel est ce grand rival qu'il faut que je redoute. - Dites, est-ce un héros? est-ce un prince? est-ce un roi? - - EURYDICE. - - C'est ce que j'ai connu de plus digne de moi. 540 - - PACORUS. - - Si le mérite est grand, l'estime est un peu forte. - - EURYDICE. - - Vous la pardonnerez à l'amour qui s'emporte: - Comme vous le forcez à se trop expliquer, - S'il manque de respect, vous l'en faites manquer. - Il est si naturel d'estimer ce qu'on aime, 545 - Qu'on voudroit que partout on l'estimât de même; - Et la pente est si douce à vanter ce qu'il vaut, - Que jamais on ne craint de l'élever trop haut. - - PACORUS. - - C'est en dire beaucoup. - - EURYDICE. - - Apprenez davantage, - Et sachez que l'effort où mon devoir m'engage 550 - Ne peut plus me réduire à vous donner demain - Ce qui vous étoit sûr, je veux dire ma main. - Ne vous la promettez qu'après que dans mon âme - Votre mérite aura dissipé cette flamme, - Et que mon cœur, charmé par des attraits plus doux, - Se sera répondu de n'aimer rien que vous; - Et ne me dites point que pour cet hyménée - C'est par mon propre aveu qu'on a pris la journée: - J'en sais la conséquence, et diffère à regret; - Mais puisque vous m'avez arraché mon secret, 560 - Il n'est ni roi, ni père, il n'est prière, empire, - Qu'au péril de cent morts mon cœur n'ose en dédire. - C'est ce qu'il n'est plus temps de vous dissimuler, - Seigneur; et c'est le prix de m'avoir fait parler. - - PACORUS. - - A ces bontés, Madame, ajoutez une grâce; 565 - Et du moins, attendant que cette ardeur se passe, - Apprenez-moi le nom de cet heureux amant - Qui sur tant de vertu règne si puissamment, - Par quelles qualités il a pu la surprendre. - - EURYDICE. - - Ne me pressez point tant, Seigneur, de vous l'apprendre. - Si je vous l'avois dit.... - - PACORUS. - - Achevons. - - EURYDICE. - - Dès demain - Rien ne m'empêcheroit de lui donner la main. - - PACORUS. - - Il est donc en ces lieux, Madame? - - EURYDICE. - - Il y peut être, - Seigneur, si déguisé qu'on ne le peut connoître. - Peut-être en domestique est-il auprès de moi, 575 - Peut-être s'est-il mis de la maison du Roi; - Peut-être chez vous-même il s'est réduit à feindre. - Craignez-le dans tous ceux que vous ne daignez craindre, - Dans tous les inconnus que vous aurez à voir; - Et plus que tout encor, craignez de trop savoir. 580 - J'en dis trop; il est temps que ce discours finisse. - A Palmis que je vois rendez plus de justice; - Et puissent de nouveau ses attraits vous charmer, - Jusqu'à ce que le temps m'apprenne à vous aimer! - - -SCÈNE III. - -PACORUS, PALMIS. - - PACORUS. - - Madame, au nom des Dieux, ne venez pas vous plaindre: - On me donne sans vous assez de gens à craindre; - Et je serois bientôt accablé de leurs coups, - N'étoit que pour asile on me renvoie à vous. - J'obéis, j'y reviens, Madame; et cette joie.... - - PALMIS. - - Que n'y revenez-vous sans qu'on vous y renvoie! 590 - Votre amour ne fait rien ni pour moi ni pour lui, - Si vous n'y revenez que par l'ordre d'autrui. - - PACORUS. - - N'est-ce rien que pour vous à cet ordre il défère? - - PALMIS. - - Non, ce n'est qu'un dépit qu'il cherche à satisfaire. - - PACORUS. - - Depuis quand le retour d'un cœur comme le mien 595 - Fait-il si peu d'honneur qu'on ne le compte à rien? - - PALMIS. - - Depuis qu'il est honteux d'aimer un infidèle, - Que ce qu'un mépris chasse un coup d'œil le rappelle, - Et que les inconstants ne donnent point de cœurs - Sans être encor tous prêts[455] de les porter ailleurs. 600 - - PACORUS. - - Je le suis, je l'avoue, et mérite la honte - Que d'un retour suspect vous fassiez peu de conte[456]. - Montrez-vous généreuse; et si mon changement - A changé votre amour en vif ressentiment, - Immolez un courroux si grand, si légitime, 605 - A la juste pitié d'un si malheureux crime. - J'en suis assez puni sans que l'indignité.... - - PALMIS. - - Seigneur, le crime est grand; mais j'ai de la bonté. - Je sais ce qu'à l'État ceux de votre naissance, - Tous maîtres qu'ils en sont, doivent d'obéissance: 610 - Son intérêt chez eux l'emporte sur le leur, - Et du moment qu'il parle, il fait taire le cœur. - - PACORUS. - - Non, Madame, souffrez que je vous désabuse: - Je ne mérite point l'honneur de cette excuse: - Ma légèreté seule a fait ce nouveau choix; 615 - Nulles raisons d'État ne m'en ont fait de lois; - Et pour traiter la paix avec tant d'avantage, - On ne m'a point forcé de m'en faire le gage: - J'ai pris plaisir à l'être, et plus mon crime est noir, - Plus l'oubli que j'en veux me fera vous devoir. 620 - Tout mon cœur.... - - PALMIS. - - Entre amants qu'un changement sépare, - Le crime est oublié, sitôt qu'on le répare; - Et bien qu'il vous ait plu, Seigneur, de me trahir, - Je le dis malgré moi, je ne vous puis haïr. - - PACORUS. - - Faites-moi grâce entière, et songez à me rendre 625 - Ce qu'un amour si pur, ce qu'une ardeur si tendre.... - - PALMIS. - - Donnez-moi donc, Seigneur, vous-même, quelque jour, - Quelque infaillible voie à fixer votre amour; - Et s'il est un moyen.... - - PACORUS. - - S'il en est? Oui, Madame, - Il en est de fixer tous les vœux de mon âme; 630 - Et ce joug qu'à tous deux l'amour rendit si doux, - Si je ne m'y rattache, il ne tiendra qu'à vous. - Il est, pour m'arrêter sous un si digne empire, - Un office à me rendre, un secret à me dire. - La princesse aime ailleurs, je n'en puis plus douter, 635 - Et doute quel rival s'en fait mieux écouter. - Vous êtes avec elle en trop d'intelligence - Pour n'en avoir pas eu toute la confidence: - Tirez-moi de ce doute, et recevez ma foi - Qu'autre que vous jamais ne régnera sur moi. 640 - - PALMIS. - - Quel gage en est-ce, hélas! qu'une foi si peu sûre? - Le ciel la rendra-t-il moins sujette au parjure? - Et ces liens si doux, que vous avez brisés, - A briser de nouveau seront-ils moins aisés? - Si vous voulez, Seigneur, rappeler mes tendresses, 645 - Il me faut des effets, et non pas des promesses; - Et cette foi n'a rien qui me puisse ébranler, - Quand la main seule a droit de me faire parler. - - PACORUS. - - La main seule en a droit! Quand cent troubles m'agitent, - Que la haine, l'amour, l'honneur me sollicitent, 650 - Qu'à l'ardeur de punir je m'abandonne en vain, - Hélas! suis-je en état de vous donner la main? - - PALMIS. - - Et moi, sans cette main, Seigneur, suis-je maîtresse - De ce que m'a daigné confier la princesse, - Du secret de son cœur? Pour le tirer de moi, 655 - Il me faut vous devoir plus que je ne lui doi, - Être une autre vous-même[457]; et le seul hyménée - Peut rompre le silence où je suis enchaînée. - - PACORUS. - - Ah! vous ne m'aimez plus. - - PALMIS. - - Je voudrois le pouvoir; - Mais pour ne plus aimer que sert de le vouloir? 660 - J'ai pour vous trop d'amour, et je le sens renaître - Et plus tendre et plus fort qu'il n'a dû jamais être. - Mais si.... - - PACORUS. - - Ne m'aimez plus, ou nommez ce rival. - - PALMIS. - - Me préserve le ciel de vous aimer si mal! - Ce seroit vous livrer à des guerres nouvelles, 665 - Allumer entre vous des haines immortelles.... - - PACORUS. - - Que m'importe? et qu'aurai-je à redouter de lui, - Tant que je me verrai Suréna pour appui? - Quel qu'il soit, ce rival, il sera seul à plaindre: - Le vainqueur des Romains n'a point de rois à craindre. - - PALMIS. - - Je le sais; mais, Seigneur, qui vous peut engager - Aux soins de le punir et de vous en venger? - Quand son grand cœur charmé d'une belle princesse - En a su mériter l'estime et la tendresse, - Quel dieu, quel bon génie a dû lui révéler 675 - Que le vôtre pour elle aimeroit à brûler? - A quels traits ce rival a-t-il dû le connoître, - Respecter de si loin des feux encore à naître, - Voir pour vous d'autres fers que ceux où vous viviez, - Et lire en vos destins plus que vous n'en saviez? 680 - S'il a vu la conquête à ses vœux exposée, - S'il a trouvé du cœur la sympathie aisée, - S'être emparé d'un bien[458] où vous n'aspiriez pas, - Est-ce avoir fait des vols et des assassinats? - - PACORUS. - - Je le vois bien, Madame, et vous et ce cher frère 685 - Abondez en raisons pour cacher le mystère: - Je parle, promets, prie, et je n'avance rien. - Aussi votre intérêt est préférable au mien; - Rien n'est plus juste; mais.... - - PALMIS. - - Seigneur.... - - PACORUS. - - Adieu, Madame: - Je vous fais trop jouir des troubles de mon âme. 690 - Le ciel se lassera de m'être rigoureux. - - PALMIS. - - Seigneur, quand vous voudrez, il fera quatre heureux[459]. - - -FIN DU SECOND ACTE. - - [452] Il y a _toute_, au féminin, dans toutes les - éditions anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692) - et de Voltaire (1764). - - [453] Voltaire (1764) a substitué _l'aimer_ à _m'aimer_, - qui est la leçon de toutes les éditions antérieures.--Dans le - second hémistiche, l'édition de 1682, par une erreur évidente, a - _le_, pour _la_. - - [454] L'édition de 1682 porte: «A vous _le_ refuser.» - - [455] Thomas Corneille (1692), et Voltaire après lui - (1764), ont corrigé _tous prêts_ en _tout prêts_; et un peu plus - loin, au vers 610, _Tous maîtres_ en _Tout maîtres_. - - [456] Voyez tome I, p. 150, note 1-_a_. - - [457] On lit: «_un_ autre vous-même,» dans l'édition de - 1692. Voltaire a conservé la leçon des éditions antérieures: «une - autre.» - - [458] L'édition de 1692 porte: «S'être emparé _du_ - bien....» - - [459] La même situation et une pensée analogue se - trouvaient déjà dans _Tite et Bérénice_. Domitian y dit à - Bérénice (acte III, scène II, vers 799 et 800): - - Les scrupules d'État, qu'il falloit mieux combattre, - Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre. - - - - -ACTE III. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -ORODE, SILLACE. - - SILLACE. - - Je l'ai vu par votre ordre, et voulu par avance - Pénétrer le secret de son indifférence. - Il m'a paru, Seigneur, si froid, si retenu.... 695 - Mais vous en jugerez quand il sera venu. - Cependant je dirai que cette retenue - Sent une âme de trouble et d'ennuis prévenue; - Que ce calme paroît assez prémédité - Pour ne répondre pas de sa tranquillité; 700 - Que cette indifférence a de l'inquiétude, - Et que cette froideur marque un peu trop d'étude. - - ORODE. - - Qu'un tel calme, Sillace, a droit d'inquiéter - Un roi qui lui doit tant, qu'il ne peut s'acquitter! - Un service au-dessus de toute récompense 705 - A force d'obliger tient presque lieu d'offense[460]: - Il reproche en secret tout ce qu'il a d'éclat, - Il livre tout un cœur au dépit d'être ingrat. - Le plus zélé déplaît, le plus utile gêne, - Et l'excès de son poids fait pencher vers la haine. 710 - Suréna de l'exil lui seul m'a rappelé; - Il m'a rendu lui seul ce qu'on m'avoit volé, - Mon sceptre[461]; de Crassus il vient de me défaire: - Pour faire autant pour lui, quel don puis-je lui faire? - Lui partager mon trône? Il seroit tout à lui, 715 - S'il n'avoit mieux aimé n'en être que l'appui. - Quand j'en pleurois la perte, il forçoit des murailles; - Quand j'invoquois mes dieux, il gagnoit des batailles. - J'en frémis, j'en rougis, je m'en indigne, et crains - Qu'il n'ose quelque jour s'en payer par ses mains; 720 - Et dans tout ce qu'il a de nom et de fortune, - Sa fortune me pèse, et son nom m'importune. - Qu'un monarque est heureux quand parmi ses sujets - Ses yeux n'ont point à voir de plus nobles objets, - Qu'au-dessus de sa gloire il n'y connoît personne, 725 - Et qu'il est le plus digne enfin de sa couronne! - - SILLACE. - - Seigneur, pour vous tirer de ces perplexités, - La saine politique a deux extrémités. - Quoi qu'ait fait Suréna, quoi qu'il en faille attendre, - Ou faites-le périr, ou faites-en un gendre. 730 - Puissant par sa fortune, et plus par son emploi, - S'il devient par l'hymen l'appui d'un autre roi, - Si dans les différends que le ciel vous peut faire, - Une femme l'entraîne au parti de son père, - Que vous servira lors, Seigneur, d'en murmurer? 735 - Il faut, il faut le perdre, ou vous en assurer: - Il n'est point de milieu. - - ORODE. - - Ma pensée est la vôtre; - Mais s'il ne veut pas l'un, pourrai-je vouloir l'autre? - Pour prix de ses hauts faits, et de m'avoir fait roi, - Son trépas.... Ce mot seul me fait pâlir d'effroi; 740 - Ne m'en parlez jamais: que tout l'État périsse - Avant que jusque-là ma vertu se ternisse, - Avant que je défére à ces raisons d'État - Qui nommeroient justice un si lâche attentat! - - SILLACE. - - Mais pourquoi lui donner les Romains en partage, 745 - Quand sa gloire, Seigneur, vous donnoit tant d'ombrage? - Pourquoi contre Artabase attacher vos emplois, - Et lui laisser matière à de plus grands exploits[462]? - - ORODE. - - L'événement, Sillace, a trompé mon attente. - Je voyois des Romains la valeur éclatante; 750 - Et croyant leur défaite impossible sans moi, - Pour me la préparer, je fondis sur ce roi: - Je crus qu'il ne pourroit à la fois se défendre - Des fureurs de la guerre et de l'offre d'un gendre; - Et que par tant d'horreurs son peuple épouvanté 755 - Lui feroit mieux goûter la douceur d'un traité; - Tandis que Suréna, mis aux Romains en butte, - Les tiendroit en balance, ou craindroit pour sa chute, - Et me réserveroit la gloire d'achever, - Ou de le voir tombant, et de le relever. 760 - Je réussis à l'un, et conclus l'alliance; - Mais Suréna vainqueur prévint mon espérance. - A peine d'Artabase eus-je signé la paix, - Que j'appris Crassus mort et les Romains défaits. - Ainsi d'une si haute et si prompte victoire 765 - J'emporte tout le fruit, et lui toute la gloire, - Et beaucoup plus heureux que je n'aurois voulu, - Je me fais un malheur d'être trop absolu. - Je tiens toute l'Asie et l'Europe en alarmes, - Sans que rien s'en impute à l'effort de mes armes; 770 - Et quand tous mes voisins tremblent pour leurs États, - Je ne les fais trembler que par un autre bras. - J'en tremble enfin moi-même, et pour remède unique, - Je n'y vois qu'une basse et dure politique, - Si Mandane, l'objet des vœux de tant de rois, 775 - Se doit voir d'un sujet le rebut ou le choix. - - SILLACE. - - Le rebut! Vous craignez, Seigneur, qu'il la refuse? - - ORODE. - - Et ne se peut-il pas qu'un autre amour l'amuse, - Et que rempli qu'il est d'une juste fierté, - Il n'écoute son cœur plus que ma volonté? 780 - Le voici; laissez-nous. - - -SCÈNE II[463]. - -ORODE, SURÉNA. - - ORODE. - - Suréna, vos services - (Qui l'auroit osé croire?) ont pour moi des supplices: - J'en ai honte, et ne puis assez me consoler - De ne voir aucun don qui les puisse égaler. - Suppléez au défaut d'une reconnoissance 785 - Dont vos propres exploits m'ont mis en impuissance; - Et s'il en est un prix dont vous fassiez état, - Donnez-moi les moyens d'être un peu moins ingrat. - - SURÉNA. - - Quand je vous ai servi, j'ai reçu mon salaire, - Seigneur, et n'ai rien fait qu'un sujet n'ait dû faire; 790 - La gloire m'en demeure, et c'est l'unique prix - Que s'en est proposé le soin que j'en ai pris. - Si pourtant il vous plaît, Seigneur, que j'en demande - De plus dignes d'un roi dont l'âme est toute grande, - La plus haute vertu peut faire de faux pas; 795 - Si la mienne en fait un, daignez ne le voir pas: - Gardez-moi des bontés toujours prêtes d'éteindre - Le plus juste courroux que j'aurois lieu d'en craindre; - Et si.... - - ORODE. - - Ma gratitude oseroit se borner - Au pardon d'un malheur qu'on ne peut deviner, 800 - Qui n'arrivera point? et j'attendrois un crime - Pour vous montrer le fond de toute mon estime? - Le ciel m'est plus propice, et m'en ouvre un moyen - Par l'heureuse union de votre sang au mien: - D'avoir tant fait pour moi ce sera le salaire. 805 - - SURÉNA. - - J'en ai flatté longtemps un espoir téméraire; - Mais puisqu'enfin le prince.... - - ORODE. - - Il aima votre sœur, - Et le bien de l'État lui dérobe son cœur: - La paix de l'Arménie à ce prix est jurée. - Mais l'injure aisément peut être réparée; 810 - J'y sais des rois tous prêts[464]; et pour vous, dès demain, - Mandane, que j'attends, vous donnera la main. - C'est tout ce qu'en la mienne ont mis des destinées - Qu'à force de hauts faits la vôtre a couronnées. - - SURÉNA. - - A cet excès d'honneur rien ne peut s'égaler; 815 - Mais si vous me laissiez liberté d'en parler, - Je vous dirois, Seigneur, que l'amour paternelle - Doit à cette princesse un trône digne d'elle; - Que l'inégalité de mon destin au sien - Ravaleroit son sang sans élever le mien; 820 - Qu'une telle union, quelque haut qu'on la mette, - Me laisse encor sujet, et la rendroit sujette; - Et que de son hymen, malgré tous mes hauts faits, - Au lieu de rois à naître, il naîtroit des sujets. - De quel œil voulez-vous, Seigneur, qu'elle me donne 825 - Une main refusée à plus d'une couronne, - Et qu'un si digne objet des vœux de tant de rois - Descende par votre ordre à cet indigne choix? - Que de mépris pour moi! que de honte pour elle! - Non, Seigneur, croyez-en un serviteur fidèle: 830 - Si votre sang du mien veut augmenter l'honneur, - Il y faut l'union du prince avec ma sœur. - Ne le mêlez, Seigneur, au sang de vos ancêtres - Qu'afin que vos sujets en reçoivent des maîtres: - Vos Parthes dans la gloire ont trop longtemps vécu, 835 - Pour attendre des rois du sang de leur vaincu. - Si vous ne le savez, tout le camp en murmure; - Ce n'est qu'avec dépit que le peuple l'endure. - Quelles lois eût pu faire Artabase vainqueur - Plus rudes, disent-ils, même à des gens sans cœur? 840 - Je les fais taire; mais, Seigneur, à le bien prendre, - C'étoit moins l'attaquer que lui mener un gendre; - Et si vous en aviez consulté leurs souhaits, - Vous auriez préféré la guerre à cette paix. - - ORODE. - - Est-ce dans le dessein de vous mettre à leur tête 845 - Que vous me demandez ma grâce toute prête? - Et de leurs vains souhaits vous font-ils le porteur - Pour faire Palmis reine avec plus de hauteur? - Il n'est rien d'impossible à la valeur d'un homme - Qui rétablit son maître et triomphe de Rome; 850 - Mais sous le ciel tout change, et les plus valeureux - N'ont jamais sûreté d'être toujours heureux. - J'ai donné ma parole: elle est inviolable. - Le prince aime Eurydice autant qu'elle est aimable; - Et s'il faut dire tout, je lui dois cet appui 855 - Contre ce que Phradate[465] osera contre lui; - Car tout ce qu'attenta contre moi Mithradate[466], - Pacorus le doit craindre à son tour de Phradate: - Cet esprit turbulent, et jaloux du pouvoir, - Quoique son frère.... - - SURÉNA. - - Il sait que je sais mon devoir, 860 - Et n'a pas oublié que dompter des rebelles, - Détrôner un tyran.... - - ORODE. - - Ces actions sont belles; - Mais pour m'avoir remis en état de régner, - Rendent-elles pour vous ma fille à dédaigner? - - SURÉNA. - - La dédaigner, Seigneur, quand mon zèle fidèle 865 - N'ose me regarder que comme indigne d'elle! - Osez me dispenser de ce que je vous doi, - Et pour la mériter, je cours me faire roi. - S'il n'est rien d'impossible à la valeur d'un homme - Qui rétablit son maître et triomphe de Rome, 870 - Sur quels rois aisément ne pourrai-je emporter, - En faveur de Mandane, un sceptre à la doter? - Prescrivez-moi, Seigneur, vous-même une conquête - Dont en prenant sa main je couronne sa tête; - Et vous direz après si c'est la dédaigner 875 - Que de vouloir me perdre ou la faire régner[467]. - Mais je suis né sujet, et j'aime trop à l'être - Pour hasarder mes jours que pour servir mon maître, - Et consentir jamais qu'un homme tel que moi - Souille par son hymen le pur sang de son roi. 880 - - ORODE. - - Je n'examine point si ce respect déguise; - Mais parlons une fois avec pleine franchise. - Vous êtes mon sujet, mais un sujet si grand, - Que rien n'est malaisé quand son bras l'entreprend. - Vous possédez sous moi deux provinces entières 885 - De peuples si hardis, de nations si fières, - Que sur tant de vassaux je n'ai d'autorité - Qu'autant que votre zèle a de fidélité: - Ils vous ont jusqu'ici suivi comme fidèle, - Et quand vous le voudrez, ils vous suivront rebelle; 890 - Vous avez tant de nom, que tous les rois voisins - Vous veulent, comme Orode, unir à leurs destins. - La victoire, chez vous passée en habitude, - Met jusque dans ses murs Rome en inquiétude: - Par gloire, ou pour braver au besoin mon courroux, 895 - Vous traînez en tous lieux dix mille âmes à vous[468]: - Le nombre est peu commun pour un train domestique; - Et s'il faut qu'avec vous tout à fait je m'explique, - Je ne vous saurois croire assez en mon pouvoir, - Si les nœuds de l'hymen n'enchaînent le devoir. 900 - - SURÉNA. - - Par quel crime, Seigneur, ou par quelle imprudence - Ai-je pu mériter si peu de confiance? - Si mon cœur, si mon bras pouvoit être gagné, - Mithradate et Crassus n'auroient rien épargné: - Tous les deux.... - - ORODE. - - Laissons là Crassus et Mithradate. 905 - Suréna, j'aime à voir que votre gloire éclate: - Tout ce que je vous dois, j'aime à le publier; - Mais quand je m'en souviens, vous devez l'oublier. - Si le ciel par vos mains m'a rendu cet empire, - Je sais vous épargner la peine de le dire; 910 - Et s'il met votre zèle au-dessus du commun, - Je n'en suis point ingrat: craignez d'être importun. - - SURÉNA. - - Je reviens à Palmis, Seigneur. De mes hommages - Si les lois du devoir sont de trop foibles gages, - En est-il de plus sûrs, ou de plus fortes lois, 915 - Qu'avoir une sœur reine et des neveux pour rois? - Mettez mon sang au trône, et n'en cherchez point d'autres, - Pour unir à tel point mes intérêts aux vôtres, - Que tout cet univers, que tout notre avenir - Ne trouve aucune voie à les en désunir. 920 - - ORODE. - - Mais, Suréna, le puis-je après la foi donnée, - Au milieu des apprêts d'un si grand hyménée? - Et rendrai-je aux Romains qui voudront me braver - Un ami que la paix vient de leur enlever? - Si le prince renonce au bonheur qu'il espère, 925 - Que dira la princesse, et que fera son père? - - SURÉNA. - - Pour son père, Seigneur, laissez-m'en le souci. - J'en réponds, et pourrois répondre d'elle aussi. - Malgré la triste paix que vous avez jurée, - Avec le prince même elle s'est déclarée; 930 - Et si je puis vous dire avec quels sentiments - Elle attend à demain l'effet de vos serments, - Elle aime ailleurs. - - ORODE. - - Et qui? - - SURÉNA. - - C'est ce qu'elle aime à taire: - Du reste son amour n'en fait aucun mystère, - Et cherche à reculer les effets d'un traité 935 - Qui fait tant murmurer votre peuple irrité. - - ORODE. - - Est-ce au peuple, est-ce à vous, Suréna, de me dire - Pour lui donner des rois quel sang je dois élire? - Et pour voir dans l'État tous mes ordres suivis, - Est-ce de mes sujets que je dois prendre avis? 940 - Si le prince à Palmis veut rendre sa tendresse, - Je consens qu'il dédaigne à son tour la princesse; - Et nous verrons après quel remède apporter - A la division qui peut en résulter. - Pour vous, qui vous sentez indigne de ma fille, 945 - Et craignez par respect d'entrer en ma famille, - Choisissez un parti qui soit digne de vous, - Et qui surtout n'ait rien à me rendre jaloux: - Mon âme avec chagrin sur ce point balancée - En veut, et dès demain, être débarrassée. 950 - - SURÉNA. - - Seigneur, je n'aime rien. - - ORODE. - - Que vous aimiez ou non, - Faites un choix vous-même, ou souffrez-en le don. - - SURÉNA. - - Mais si j'aime en tel lieu qu'il m'en faille avoir honte, - Du secret de mon cœur puis-je vous rendre conte? - - ORODE. - - A demain, Suréna. S'il se peut, dès ce jour, 955 - Résolvons cet hymen avec ou sans amour. - Cependant allez voir la princesse Eurydice; - Sous les lois du devoir ramenez son caprice; - Et ne m'obligez point à faire à ses appas - Un compliment de roi qui ne lui plairoit pas. 960 - Palmis vient par mon ordre, et je veux en apprendre - Dans vos prétentions la part qu'elle aime à prendre. - - -SCÈNE III. - -ORODE, PALMIS. - - ORODE. - - Suréna m'a surpris, et je n'aurois pas dit - Qu'avec tant de valeur il eût eu tant d'esprit[469]; - Mais moins on le prévoit, et plus cet esprit brille: 965 - Il trouve des raisons à refuser ma fille, - Mais fortes, et qui même ont si bien succédé, - Que s'en disant indigne il m'a persuadé. - Savez-vous ce qu'il aime? Il est hors d'apparence - Qu'il fasse un tel refus sans quelque préférence, 970 - Sans quelque objet charmant, dont l'adorable choix - Ferme tout son grand cœur au pur sang de ses rois. - - PALMIS. - - J'ai cru qu'il n'aimoit rien. - - ORODE. - - Il me l'a dit lui-même. - Mais la princesse avoue, et hautement, qu'elle aime: - Vous êtes son amie, et savez quel amant 975 - Dans un cœur qu'elle doit règne si puissamment. - - PALMIS. - - Si la princesse en moi prend quelque confiance, - Seigneur, m'est-il permis d'en faire confidence? - Reçoit-on des secrets sans une forte loi...? - - ORODE. - - Je croyois qu'elle pût se rompre pour un roi, 980 - Et veux bien toutefois qu'elle soit si sévère - Qu'en mon propre intérêt elle oblige à se taire; - Mais vous pouvez du moins me répondre de vous. - - PALMIS. - - Ah! pour mes sentiments, je vous les dirai tous. - J'aime ce que j'aimois, et n'ai point changé d'âme: 985 - Je n'en fais point secret. - - ORODE. - - L'aimer encor, Madame? - Ayez-en quelque honte, et parlez-en plus bas. - C'est foiblesse d'aimer qui ne vous aime pas. - - PALMIS. - - Non, Seigneur: à son prince attacher sa tendresse, - C'est une grandeur d'âme et non une foiblesse; 990 - Et lui garder un cœur qu'il lui plut mériter - N'a rien d'assez honteux pour ne s'en point vanter. - J'en ferai toujours gloire; et mon âme, charmée - De l'heureux souvenir de m'être vue aimée, - N'étouffera jamais l'éclat de ces beaux feux 995 - Qu'alluma son mérite, et l'offre de ses vœux. - - ORODE. - - Faites mieux, vengez-vous. Il est des rois, Madame, - Plus dignes qu'un ingrat d'une si belle flamme. - - PALMIS. - - De ce que j'aime encor ce seroit m'éloigner, - Et me faire un exil sous ombre de régner. 1000 - Je veux toujours le voir, cet ingrat qui me tue, - Non pour le triste bien de jouir de sa vue: - Cette fausse douceur est au-dessous de moi, - Et ne vaudra jamais que je néglige un roi; - Mais il est des plaisirs qu'une amante trahie 1005 - Goûte au milieu des maux qui lui coûtent la vie: - Je verrai l'infidèle inquiet, alarmé - D'un rival inconnu, mais ardemment aimé, - Rencontrer à mes yeux sa peine dans son crime, - Par les mains de l'hymen devenir ma victime, 1010 - Et ne me regarder, dans ce chagrin profond, - Que le remords en l'âme, et la rougeur au front. - De mes bontés pour lui l'impitoyable image, - Qu'imprimera l'amour sur mon pâle visage, - Insultera son cœur; et dans nos entretiens 1015 - Mes pleurs et mes soupirs rappelleront les siens, - Mais qui ne serviront qu'à lui faire connoître - Qu'il pouvoit être heureux et ne sauroit plus l'être; - Qu'à lui faire trop tard haïr son peu de foi, - Et pour tout dire ensemble, avoir regret à moi. 1020 - Voilà tout le bonheur où mon amour aspire; - Voilà contre un ingrat tout ce que je conspire; - Voilà tous les plaisirs que j'espère à le voir, - Et tous les sentiments que vous vouliez savoir. - - ORODE. - - C'est bien traiter les rois en personnes communes 1025 - Qu'attacher à leur rang ces gênes importunes, - Comme si pour vous plaire et les inquiéter - Dans le trône avec eux l'amour pouvoit monter. - Il nous faut un hymen, pour nous donner des princes - Qui soient l'appui du sceptre et l'espoir des provinces: 1030 - C'est là qu'est notre force; et dans nos grands destins, - Le manque de vengeurs enhardit les mutins. - Du reste en ces grands nœuds l'État qui s'intéresse - Ferme l'œil aux attraits et l'âme à la tendresse: - La seule politique est ce qui nous émeut; 1035 - On la suit, et l'amour s'y mêle comme il peut: - S'il vient, on l'applaudit; s'il manque, on s'en console. - C'est dont vous pouvez croire un roi sur sa parole. - Nous ne sommes point faits pour devenir jaloux, - Ni pour être en souci si le cœur est à nous. 1040 - Ne vous repaissez plus[470] de ces vaines chimères, - Qui ne font les plaisirs que des âmes vulgaires, - Madame; et que le prince aye ou non à souffrir, - Acceptez un des rois que je puis vous offrir. - - PALMIS. - - Pardonnez-moi, Seigneur, si mon âme alarmée 1045 - Ne veut point de ces rois dont on n'est point aimée. - J'ai cru l'être du prince, et l'ai trouvé si doux, - Que le souvenir seul m'en plaît plus qu'un époux. - - ORODE. - - N'en parlons plus, Madame; et dites à ce frère - Qui vous est aussi cher que vous me seriez chère, 1050 - Que parmi ses respects il n'a que trop marqué.... - - PALMIS. - - Quoi, Seigneur? - - ORODE. - - Avec lui je crois m'être expliqué. - Qu'il y pense, Madame. Adieu. - - PALMIS[471]. - - Quel triste augure! - Et que ne me dit point[472] cette menace obscure! - Sauvez ces deux amants, ô ciel! et détournez 1055 - Les soupçons que leurs feux peuvent avoir donnés. - - -FIN DU TROISIÈME ACTE. - - [460] Corneille avait dit au Ier acte, scène II, de - _Cinna_ (vers 73 et 74): - - Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses; - D'une main odieuse ils tiennent lieu d'offenses; - - et Racine, au IVe acte, scène VI, de son _Iphigenie_, qui fut - jouée plusieurs mois avant _Suréna_, en février 1674: - - Un bienfait reproché tint toujours lieu d'offense. - - [461] Voyez ci-dessus, p. 462, note 436. - - [462] Voyez ci-dessus, p. 466, note 444. - - [463] Cette scène rappelle en plus d'un endroit la 1re - scène du IIIe acte d'_Agésilas_. - - [464] Ici encore Thomas Corneille (1692) et Voltaire - (1764) donnent: «tout prêts.» Comparez plus haut, p. 488, vers - 600 et 610. - - [465] Dans les auteurs anciens la forme ordinaire de ce - nom est _Phraates_, _Phrahates_; cependant on trouve _Phradates_ - dans Quinte-Curce (livre VI, chapitre V). Le frère de Pacorus - fut, après la mort de celui-ci, associé au trône par Orode, et - régna après lui sous le nom de Phraate IV. Voyez plus loin, p. - 530, la note 487 du vers 1648. - - [466] Mithridate III, fils et successeur de Phraate III, - et frère d'Orode, était monté sur le trône par l'assassinat de - son père, l'an 58 avant Jésus-Christ. Orode ayant voulu s'emparer - de la couronne, fut d'abord vaincu par lui, puis le vainquit - plusieurs fois à son tour sans pouvoir le réduire, et finit par - le faire mettre à mort. Corneille, qui nous a prévenus dans - l'_Avertissement de Rodogune_ qu'il avait évité de nommer dans - ses vers la Cléopatre qu'il introduit dans cet ouvrage, de peur - qu'on ne la confondît avec la reine d'Égypte (voyez tome IV, p. - 416), a, sans doute par un scrupule analogue, changé le nom de - Mithridate, que Racine avait l'année précédente remis en mémoire - à tous, en celui de Mithradate, qui ne peut donner lieu à aucune - confusion, et qui du reste se trouve sur des médailles.--Les - éditions anciennes donnent trois fois dans cette scène - _Mitradate_, sans _h_; mais plus loin, aux vers 1445 et 1644, - elles portent _Mithradate_. - - [467] Thomas Corneille (1692) a ainsi modifié ce vers: - - Que vouloir ou me perdre ou la faire régner. - - [468] «Il (_Suréna_) faisoit en tout de ses subjects et - vassaux plus de dix mille cheuaux.» (Plutarque, _Vie de Crassus_, - chapitre XXI.) - - [469] Dans l'édition de 1692: «_on_ eût eu tant - d'esprit.» - - [470] L'édition de 1692 a changé _plus_ en _point_. - - [471] Dans l'édition de Voltaire (1764): PALMIS, - _seule_. - - [472] On lit: «Et que ne _nous_ dit point,» dans - l'édition de 1692. - - - - -ACTE IV. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -ORMÈNE, EURYDICE. - - ORMÈNE. - - Oui, votre intelligence à demi découverte - Met votre Suréna sur le bord de sa perte. - Je l'ai su de Sillace; et j'ai lieu de douter - Qu'il n'ait, s'il faut tout dire, ordre de l'arrêter. 1060 - - EURYDICE. - - On n'oseroit, Ormène; on n'oseroit. - - ORMÈNE. - - Madame, - Croyez-en un peu moins votre fermeté d'âme. - Un héros arrêté n'a que deux bras à lui, - Et souvent trop de gloire est un débile appui. - - EURYDICE. - - Je sais que le mérite est sujet à l'envie, 1065 - Que son chagrin s'attache à la plus belle vie. - Mais sur quelle apparence oses-tu présumer - Qu'on pourroit...? - - ORMÈNE. - - Il vous aime, et s'en est fait aimer. - - EURYDICE. - - Qui l'a dit? - - ORMÈNE. - - Vous et lui: c'est son crime et le vôtre. - Il refuse Mandane, et n'en veut aucune autre; 1070 - On sait que vous aimez; on ignore l'amant: - Madame, tout cela parle trop clairement. - - EURYDICE. - - Ce sont de vains soupçons qu'avec moi tu hasardes. - - -SCÈNE II. - -EURYDICE, PALMIS, ORMÈNE. - - PALMIS. - - Madame, à chaque porte on a posé des gardes: - Rien n'entre, rien ne sort qu'avec ordre du Roi. 1075 - - EURYDICE. - - Qu'importe? et quel sujet en prenez-vous d'effroi? - - PALMIS. - - Ou quelque grand orage à nous troubler s'apprête, - Ou l'on en veut, Madame, à quelque grande tête: - Je tremble pour mon frère. - - EURYDICE. - - A quel propos trembler? - Un roi qui lui doit tout voudroit-il l'accabler? 1080 - - PALMIS. - - Vous le figurez-vous à tel point insensible, - Que de son alliance un refus si visible...? - - EURYDICE. - - Un si rare service a su le prévenir - Qu'il doit récompenser avant que de punir. - - PALMIS. - - Il le doit; mais après une pareille offense, 1085 - Il est rare qu'on songe à la reconnoissance, - Et par un tel mépris le service effacé - Ne tient plus d'yeux ouverts sur ce qui s'est passé. - - EURYDICE. - - Pour la sœur d'un héros, c'est être bien timide. - - PALMIS. - - L'amante a-t-elle droit d'être plus intrépide? 1090 - - EURYDICE. - - L'amante d'un héros aime à lui ressembler, - Et voit ainsi que lui ses périls sans trembler. - - PALMIS. - - Vous vous flattez, Madame: elle a de la tendresse - Que leur idée étonne, et leur image blesse; - Et ce que dans sa perte elle prend d'intérêt 1095 - Ne sauroit sans désordre en attendre l'arrêt. - Cette mâle vigueur de constance héroïque - N'est point une vertu dont le sexe se pique, - Ou s'il peut jusque-là porter sa fermeté, - Ce qu'il appelle amour n'est qu'une dureté. 1100 - Si vous aimiez mon frère, on verroit quelque alarme: - Il vous échapperoit un soupir, une larme, - Qui marqueroit du moins un sentiment jaloux - Qu'une sœur se montrât plus sensible que vous. - Dieux! je donne l'exemple, et l'on s'en peut défendre! - Je le donne à des yeux qui ne daignent le prendre! - Auroit-on jamais cru qu'on pût voir quelque jour - Les nœuds du sang plus forts que les nœuds de l'amour? - Mais j'ai tort, et la perte est pour vous moins amère: - On recouvre un amant plus aisément qu'un frère[473]; 1110 - Et si je perds celui que le ciel me donna, - Quand j'en recouvrerois, seroit-ce un Suréna? - - EURYDICE. - - Et si j'avois perdu cet amant qu'on menace, - Seroit-ce un Suréna qui rempliroit sa place? - Pensez-vous qu'exposée à de si rudes coups, 1115 - J'en soupire au dedans, et tremble moins que vous? - Mon intrépidité n'est qu'un effort de gloire, - Que, tout fier qu'il paroît, mon cœur n'en veut pas croire. - Il est tendre, et ne rend ce tribut qu'à regret - Au juste et dur orgueil qu'il dément en secret. 1120 - Oui, s'il en faut parler avec une âme ouverte, - Je pense voir déjà l'appareil de sa perte, - De ce héros si cher; et ce mortel ennui - N'ose plus aspirer qu'à mourir avec lui. - - PALMIS. - - Avec moins de chaleur, vous pourriez bien plus faire. - Acceptez mon amant pour conserver mon frère, - Madame; et puisqu'enfin il vous faut l'épouser, - Tâchez, par politique, à vous y disposer. - - EURYDICE. - - Mon amour est trop fort pour cette politique: - Tout entier on l'a vu, tout entier il s'explique; 1130 - Et le prince sait trop ce que j'ai dans le cœur, - Pour recevoir ma main comme un parfait bonheur. - J'aime ailleurs, et l'ai dit trop haut pour m'en dédire, - Avant qu'en sa faveur tout cet amour expire. - C'est avoir trop parlé; mais dût se perdre tout, 1135 - Je me tiendrai parole, et j'irai jusqu'au bout. - - PALMIS. - - Ainsi donc vous voulez que ce héros périsse? - - EURYDICE. - - Pourroit-on en venir jusqu'à cette injustice? - - PALMIS. - - Madame, il répondra de toutes vos rigueurs, - Et du trop d'union[474] où s'obstinent vos cœurs. 1140 - Rendez heureux le prince, il n'est plus sa victime; - Qu'il se donne à Mandane, il n'aura plus de crime. - - EURYDICE. - - Qu'il s'y donne, Madame, et ne m'en dise rien, - Ou si son cœur encor peut dépendre du mien, - Qu'il attende à l'aimer que ma haine cessée 1145 - Vers l'amour de son frère ait tourné ma pensée. - Résolvez-le vous-même à me désobéir; - Forcez-moi, s'il se peut, moi-même à le haïr: - A force de raisons faites-m'en un rebelle; - Accablez-le de pleurs pour le rendre infidèle; 1150 - Par pitié, par tendresse, appliquez tous vos soins - A me mettre en état de l'aimer un peu moins: - J'achèverai le reste. A quelque point qu'on aime, - Quand le feu diminue, il s'éteint de lui-même. - - PALMIS. - - Le prince vient, Madame, et n'a pas grand besoin, 1155 - Dans son amour pour vous, d'un odieux témoin: - Vous pourrez mieux sans moi flatter son espérance, - Mieux en notre faveur tourner sa déférence; - Et ce que je prévois me fait assez souffrir, - Sans y joindre les vœux qu'il cherche à vous offrir. 1160 - - -SCÈNE III. - -PACORUS, EURYDICE, ORMÈNE. - - EURYDICE. - - Est-ce pour moi, Seigneur, qu'on fait garde à vos portes? - Pour assurer ma fuite, ai-je ici des escortes? - Ou si ce grand hymen, pour ses derniers apprêts.... - - PACORUS. - - Madame, ainsi que vous chacun a ses secrets. - Ceux que vous honorez de votre confidence 1165 - Observent par votre ordre un généreux silence. - Le Roi suit votre exemple; et si c'est vous gêner, - Comme nous devinons, vous pouvez deviner. - - EURYDICE. - - Qui devine est souvent sujet à se méprendre. - - PACORUS. - - Si je devine mal, je sais à qui m'en prendre; 1170 - Et comme votre amour n'est que trop évident, - Si je n'en sais l'objet, j'en sais le confident. - Il est le plus coupable: un amant peut se taire; - Mais d'un sujet au Roi, c'est crime qu'un mystère. - Qui connoît un obstacle au bonheur de l'État, 1175 - Tant qu'il le tient caché commet un attentat. - Ainsi ce confident.... Vous m'entendez, Madame, - Et je vois dans les yeux ce qui se passe en l'âme. - - EURYDICE. - - S'il a ma confidence, il a mon amitié; - Et je lui dois, Seigneur, du moins quelque pitié. 1180 - - PACORUS. - - Ce sentiment est juste, et même je veux croire - Qu'un cœur comme le vôtre a droit d'en faire gloire; - Mais ce trouble, Madame, et cette émotion, - N'ont-ils rien de plus fort que la compassion? - Et quand de ses périls l'ombre vous intéresse, 1185 - Qu'une pitié si prompte en sa faveur vous presse, - Un si cher confident ne fait-il point douter - De l'amant ou de lui qui les peut exciter? - - EURYDICE. - - Qu'importe? et quel besoin de les confondre ensemble, - Quand ce n'est que pour vous, après tout, que je tremble? - - PACORUS. - - Quoi? vous me menacez moi-même[475] à votre tour! - Et les emportements de votre aveugle amour.... - - EURYDICE. - - Je m'emporte et m'aveugle un peu moins qu'on ne pense: - Pour l'avouer vous-même, entrons en confidence. - Seigneur, je vous regarde en qualité d'époux: 1195 - Ma main ne sauroit être et ne sera qu'à vous; - Mes vœux y sont déjà, tout mon cœur y veut être: - Dès que je le pourrai, je vous en ferai maître; - Et si pour s'y réduire il me fait différer, - Cet amant si chéri n'en peut rien espérer. 1200 - Je ne serai qu'à vous, qui que ce soit que j'aime, - A moins qu'à vous quitter vous m'obligiez vous-même; - Mais s'il faut que le temps m'apprenne à vous aimer, - Il ne me l'apprendra qu'à force d'estimer; - Et si vous me forcez à perdre cette estime, 1205 - Si votre impatience ose aller jusqu'au crime.... - Vous m'entendez, Seigneur, et c'est vous dire assez - D'où me viennent pour vous ces vœux intéressés. - J'ai part à votre gloire, et je tremble pour elle - Que vous ne la souilliez d'une tache éternelle, 1210 - Que le barbare éclat d'un indigne soupçon - Ne fasse à l'univers détester votre nom, - Et que vous ne veuilliez[476] sortir d'inquiétude - Par une épouvantable et noire ingratitude. - Pourrois-je après cela vous conserver ma foi, 1215 - Comme si vous étiez encor digne de moi; - Recevoir sans horreur l'offre d'une couronne, - Toute fumante encor du sang qui vous la donne, - Et m'exposer en proie aux fureurs des Romains, - Quand pour les repousser vous n'aurez plus[477] de mains? - Si Crassus est défait, Rome n'est pas détruite: - D'autres ont ramassé les débris de sa fuite, - De nouveaux escadrons leur vont enfler le cœur, - Et vous avez besoin encor de son vainqueur. - Voilà ce que pour vous craint une destinée 1225 - Qui se doit bientôt voir à la vôtre enchaînée, - Et deviendroit infâme à se vouloir unir - Qu'à des rois dont on puisse aimer le souvenir. - - PACORUS. - - Tout ce que vous craignez est en votre puissance, - Madame; il ne vous faut qu'un peu d'obéissance, 1230 - Qu'exécuter demain ce qu'un père a promis: - L'amant, le confident, n'auront plus d'ennemis. - C'est de quoi tout mon cœur de nouveau vous conjure[478], - Par les tendres respects d'une flamme si pure, - Ces assidus respects, qui sans cesse bravés, 1235 - Ne peuvent obtenir ce que vous me devez, - Par tout ce qu'a de rude un orgueil inflexible, - Par tous les maux que souffre.... - - EURYDICE. - - Et moi, suis-je insensible? - Livre-t-on à mon cœur de moins rudes combats? - Seigneur, je suis aimée, et vous ne l'êtes pas. 1240 - Mon devoir vous prépare un assuré remède, - Quand il n'en peut souffrir au mal qui me possède; - Et pour finir le vôtre, il ne veut qu'un moment, - Quand il faut que le mien dure éternellement. - - PACORUS. - - Ce moment quelquefois est difficile à prendre, 1245 - Madame; et si le Roi se lasse de l'attendre, - Pour venger le mépris de son autorité, - Songez à ce que peut un monarque irrité. - - EURYDICE. - - Ma vie est en ses mains, et de son grand courage - Il peut montrer sur elle un glorieux ouvrage. 1250 - - PACORUS. - - Traitez-le mieux, de grâce, et ne vous alarmez - Que pour la sûreté de ce que vous aimez. - Le Roi sait votre foible et le trouble que porte - Le péril d'un amant dans l'âme la plus forte. - - EURYDICE. - - C'est mon foible, il est vrai; mais si j'ai de l'amour, - J'ai du cœur, et pourrois le mettre en son plein jour. - Ce grand roi cependant prend une aimable voie - Pour me faire accepter ses ordres avec joie! - Pensez-y mieux, de grâce; et songez qu'au besoin - Un pas hors du devoir nous peut mener bien loin. 1260 - Après ce premier pas, ce pas qui seul nous gêne, - L'amour rompt aisément le reste de sa chaîne; - Et tyran à son tour du devoir méprisé, - Il s'applaudit longtemps du joug qu'il a brisé. - - PACORUS. - - Madame.... - - EURYDICE. - - Après cela, Seigneur, je me retire, 1265 - Et s'il vous reste encor quelque chose à me dire, - Pour éviter l'éclat d'un orgueil imprudent, - Je vous laisse achever avec mon confident. - - -SCÈNE IV. - -PACORUS, SURÉNA. - - PACORUS. - - Suréna, je me plains, et j'ai lieu de me plaindre. - - SURÉNA. - - De moi, Seigneur? - - PACORUS. - - De vous. Il n'est plus temps de feindre: - Malgré tous vos détours on sait la vérité; - Et j'attendois de vous plus de sincérité, - Moi qui mettois en vous ma confiance entière, - Et ne voulois souffrir aucune autre lumière. - L'amour dans sa prudence est toujours indiscret; 1275 - A force de se taire il trahit son secret: - Le soin de le cacher découvre ce qu'il cache, - Et son silence dit tout ce qu'il craint qu'on sache. - Ne cachez plus le vôtre, il est connu de tous, - Et toute votre adresse a parlé contre vous. 1280 - - SURÉNA. - - Puisque vous vous plaignez, la plainte est légitime, - Seigneur; mais après tout j'ignore encor mon crime. - - PACORUS. - - Vous refusez Mandane avec tant de respect, - Qu'il est trop raisonné pour n'être point suspect. - Avant qu'on vous l'offrît vos raisons étoient prêtes, 1285 - Et jamais on n'a vu de refus plus honnêtes; - Mais ces honnêtetés ne font pas moins rougir: - Il falloit tout promettre, et la laisser agir; - Il falloit espérer de son orgueil sévère - Un juste désaveu des volontés d'un père, 1290 - Et l'aigrir par des vœux si froids, si mal conçus, - Qu'elle usurpât sur vous la gloire du refus. - Vous avez mieux aimé tenter un artifice - Qui pût mettre Palmis où doit être Eurydice, - En me donnant le change attirer mon courroux, 1295 - Et montrer quel objet vous réservez pour vous. - Mais vous auriez mieux fait d'appliquer tant d'adresse - A remettre au devoir l'esprit de la princesse: - Vous en avez eu l'ordre, et j'en suis plus haï - C'est pour un bon sujet avoir bien obéi. 1300 - - SURÉNA. - - Je le vois bien, Seigneur: qu'on m'aime, qu'on vous aime, - Qu'on ne vous aime pas, que je n'aime pas même, - Tout m'est compté pour crime; et je dois seul au Roi - Répondre de Palmis, d'Eurydice et de moi: - Comme si je pouvois sur une âme enflammée 1305 - Ce qu'on me voit pouvoir sur tout un corps d'armée, - Et qu'un cœur ne fût pas plus pénible à tourner - Que les Romains à vaincre, ou qu'un sceptre à donner. - Sans faire un nouveau crime, oserai-je vous dire - Que l'empire des cœurs n'est pas de votre empire, 1310 - Et que l'amour, jaloux de son autorité, - Ne reconnoît ni roi ni souveraineté? - Il hait tous les emplois où la force l'appelle: - Dès qu'on le violente, on en fait un rebelle; - Et je suis criminel de ne pas triompher[479], 1315 - Quand vous-même, Seigneur, ne pouvez l'étouffer! - Changez-en par votre ordre à tel point le caprice, - Qu'Eurydice vous aime, et Palmis vous haïsse; - Ou rendez votre cœur à vos lois si soumis, - Qu'il dédaigne Eurydice, et retourne[480] à Palmis. 1320 - Tout ce que vous pourrez ou sur vous ou sur elles - Rendra mes actions d'autant plus criminelles; - Mais sur elles, sur vous si vous ne pouvez rien, - Des crimes de l'amour ne faites plus le mien. - - PACORUS. - - Je pardonne à l'amour les crimes qu'il fait faire; 1325 - Mais je n'excuse point ceux qu'il s'obstine à taire, - Qui cachés avec soin se commettent longtemps, - Et tiennent près des rois de secrets mécontents. - Un sujet qui se voit le rival de son maître, - Quelque étude qu'il perde à ne le point paroître, 1330 - Ne pousse aucun soupir sans faire un attentat; - Et d'un crime d'amour il en fait un d'État. - Il a besoin de grâce, et surtout quand on l'aime - Jusqu'à se révolter contre le diadème, - Jusqu'à servir d'obstacle au bonheur général. 1335 - - _SURÉNA._ - - Oui; mais quand de son maître on lui fait un rival; - Qu'il aimoit[481] le premier; qu'en dépit de sa flamme, - Il cède, aimé qu'il est, ce qu'adore son âme; - Qu'il renonce à l'espoir, dédit sa passion: - Est-il digne de grâce, ou de compassion? 1340 - - PACORUS. - - Qui cède ce qu'il aime est digne qu'on le loue; - Mais il ne cède rien, quand on l'en désavoue; - Et les illusions d'un si faux compliment - Ne méritent qu'un long et vrai ressentiment. - - SURÉNA. - - Tout à l'heure, Seigneur, vous me parliez de grâce, 1345 - Et déjà vous passez jusques à la menace! - La grâce est aux grands cœurs honteuse à recevoir; - La menace n'a rien qui les puisse émouvoir. - Tandis que hors des murs ma suite est dispersée, - Que la garde au dedans par Sillace est placée, 1350 - Que le peuple s'attend à me voir arrêter, - Si quelqu'un en a l'ordre, il peut l'exécuter. - Qu'on veuille mon épée, ou qu'on veuille ma tête, - Dites un mot, Seigneur, et l'une et l'autre est prête: - Je n'ai goutte de sang qui ne soit à mon roi; 1355 - Et si l'on m'ose perdre, il perdra plus que moi. - J'ai vécu pour ma gloire autant qu'il falloit vivre, - Et laisse un grand exemple à qui pourra me suivre; - Mais si vous me livrez à vos chagrins jaloux, - Je n'aurai pas peut-être assez vécu pour vous. 1360 - - PACORUS. - - Suréna, mes pareils n'aiment point ces manières: - Ce sont fausses vertus que des vertus si fières. - Après tant de hauts faits et d'exploits signalés, - Le Roi ne peut douter de ce que vous valez; - Il ne veut point vous perdre: épargnez-vous la peine - D'attirer sa colère et mériter ma haine; - Donnez à vos égaux l'exemple d'obéir, - Plutôt que d'un amour qui cherche à vous trahir. - Il sied bien aux grands cœurs de paroître intrépides, - De donner à l'orgueil plus qu'aux vertus solides; 1370 - Mais souvent ces grands cœurs n'en font que mieux leur cour[482] - A paroître au besoin maîtres de leur amour. - Recevez cet avis d'une amitié fidèle. - Ce soir la Reine arrive, et Mandane avec elle. - Je ne demande point le secret de vos feux; 1375 - Mais songez bien qu'un roi, quand il dit: «Je le veux....» - Adieu: ce mot suffit, et vous devez m'entendre. - - SURÉNA. - - Je fais plus, je prévois ce que j'en dois attendre: - Je l'attends sans frayeur; et quel qu'en soit le cours, - J'aurai soin de ma gloire; ordonnez de mes jours. 1380 - - -FIN DU QUATRIÈME ACTE. - - [473] Antigone, dans la tragédie de Sophocle qui porte - son nom (vers 901 et suivants), exprime avec plus de force la - même idée, et dit que la perte d'un frère est plus grande que - celle d'un fils et d'un époux, parce qu'elle est plus - irréparable.--Voyez aussi la tragédie d'_Horace_, vers 895-916. - - [474] L'édition de 1682 porte: «Et _de_ trop - d'union....» - - [475] Voltaire (1764) a remplacé _moi-même_ par - _vous-même_. - - [476] L'édition de 1692 a changé _veuilliez_ en - _vouliez_. - - [477] L'édition de 1692 et celle de Voltaire (1764) ont - changé _plus_ en _point_. - - [478] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont - modifié ce vers par une inversion: - - C'est de quoi de nouveau tout mon cœur vous conjure. - - [479] On lit dans l'édition de 1692 et dans celle de - Voltaire (1764): «de _n'en_ pas triompher.» - - [480] L'édition de 1682 porte, par erreur, _renonce_, - pour _retourne_. - - [481] L'édition de 1692 a changé _Qu'il aimoit_ en - _Qu'il aime_. - - [482] L'édition de 1692 porte: «_ne_ font que mieux leur - cour.» - - - - -ACTE V. - - -SCÈNE PREMIÈRE. - -ORODE, EURYDICE. - - ORODE. - - Ne me l'avouez point: en cette conjoncture, - Le soupçon m'est plus doux que la vérité sûre; - L'obscurité m'en plaît, et j'aime à n'écouter - Que ce qui laisse encor liberté d'en douter. - Cependant par mon ordre on a mis garde aux portes, - Et d'un amant suspect dispersé les escortes, - De crainte qu'un aveugle et fol emportement - N'allât, et malgré vous, jusqu'à l'enlèvement. - La vertu la plus haute alors cède à la force; - Et pour deux cœurs unis l'amour a tant d'amorce, 1390 - Que le plus grand courroux qu'on voie y succéder[483] - N'aspire qu'aux douceurs de se raccommoder. - Il n'est que trop aisé de juger quelle suite - Exigeroit de moi l'éclat de cette fuite; - Et pour n'en pas venir à ces extrémités, 1395 - Que vous l'aimiez ou non, j'ai pris mes sûretés. - - EURYDICE. - - A ces précautions je suis trop redevable; - Une prudence moindre en seroit incapable, - Seigneur; mais dans le doute où votre esprit se plaît, - Si j'ose en ce héros prendre quelque intérêt, 1400 - Son sort est plus douteux que votre incertitude, - Et j'ai lieu plus que vous d'être en inquiétude. - Je ne vous réponds point sur cet enlèvement: - Mon devoir, ma fierté, tout en moi le dément. - La plus haute vertu peut céder à la force, 1405 - Je le sais: de l'amour je sais quelle est l'amorce; - Mais contre tous les deux l'orgueil peut secourir, - Et rien n'en est à craindre alors qu'on sait mourir. - Je ne serai qu'au prince. - - ORODE. - - Oui; mais à quand, Madame, - A quand cet heureux jour, que de toute son âme.... - - EURYDICE. - - Il se verroit, Seigneur, dès ce soir mon époux, - S'il n'eût point voulu voir dans mon cœur plus que vous: - Sa curiosité s'est trop embarrassée - D'un point dont il devoit éloigner sa pensée. - Il sait que j'aime ailleurs, et l'a voulu savoir: 1415 - Pour peine il attendra l'effort de mon devoir. - - ORODE. - - Les délais les plus longs, Madame, ont quelque terme. - - EURYDICE. - - Le devoir vient à bout de l'amour le plus ferme: - Les grands cœurs ont vers lui des retours éclatants; - Et quand on veut se vaincre, il y faut peu de temps. - Un jour y peut beaucoup, une heure y peut suffire, - Un de ces bons moments qu'un cœur n'ose en dédire; - S'il ne suit pas toujours nos souhaits et nos soins, - Il arrive souvent quand on l'attend le moins. - Mais je ne promets pas de m'y rendre facile, 1425 - Seigneur, tant que j'aurai l'âme si peu tranquille; - Et je ne livrerai mon cœur qu'à mes ennuis, - Tant qu'on me laissera dans l'alarme où je suis. - - ORODE. - - Le sort de Suréna vous met donc en alarme - - EURYDICE. - - Je vois ce que pour tous ses vertus ont de charme, 1430 - Et puis craindre pour lui ce qu'on voit craindre à tous, - Ou d'un maître en colère, ou d'un rival jaloux. - Ce n'est point toutefois l'amour qui m'intéresse, - C'est.... Je crains encor plus que ce mot ne vous blesse, - Et qu'il ne vaille mieux s'en tenir à l'amour, 1435 - Que d'en mettre, et sitôt, le vrai sujet au jour. - - ORODE. - - Non, Madame, parlez, montrez toutes vos craintes: - Puis-je sans les connoître en guérir les atteintes, - Et dans l'épaisse nuit où vous vous retranchez, - Choisir le vrai remède aux maux que vous cachez? 1440 - - EURYDICE. - - Mais si je vous disois que j'ai droit d'être en peine - Pour un trône où je dois un jour monter en reine; - Que perdre Suréna, c'est livrer aux Romains - Un sceptre que son bras a remis en vos mains; - Que c'est ressusciter l'orgueil de Mithradate, 1445 - Exposer avec vous Pacorus et Phradate[484]; - Que je crains que sa mort, enlevant votre appui, - Vous renvoie à l'exil où vous seriez sans lui: - Seigneur, ce seroit être un peu trop téméraire. - J'ai dû le dire au prince, et je dois vous le taire; 1450 - J'en dois craindre un trop long et trop juste courroux; - Et l'amour trouvera plus de grâce chez vous. - - ORODE. - - Mais, Madame, est-ce à vous d'être si politique? - Qui peut se taire ainsi, voyons comme il s'explique. - Si votre Suréna m'a rendu mes États, 1455 - Me les a-t-il rendus pour ne m'obéir pas? - Et trouvez-vous par là sa valeur bien fondée - A ne m'estimer plus son maître qu'en idée, - A vouloir qu'à ses lois j'obéisse à mon tour? - Ce discours iroit loin: revenons à l'amour, 1460 - Madame; et s'il est vrai qu'enfin.... - - EURYDICE. - - Laissez-m'en faire, - Seigneur: je me vaincrai, j'y tâche, je l'espère; - J'ose dire encor plus, je m'en fais une loi; - Mais je veux que le temps en dépende de moi. - - ORODE. - - C'est bien parler en reine, et j'aime assez, Madame, 1465 - L'impétuosité de cette grandeur d'âme: - Cette noble fierté que rien ne peut dompter - Remplira bien ce trône où vous devez monter. - Donnez-moi donc en reine un ordre que je suive. - Phradate est arrivé, ce soir Mandane arrive; 1470 - Ils sauront quels respects a montrés pour sa main - Cet intrépide effroi de l'empire romain. - Mandane en rougira, le voyant auprès d'elle; - Phradate est violent, et prendra sa querelle. - Près d'un esprit si chaud et si fort emporté, 1475 - Suréna dans ma cour est-il en sûreté? - Puis-je vous en répondre, à moins qu'il se retire? - - EURYDICE. - - Bannir de votre cour l'honneur de votre empire! - Vous le pouvez, Seigneur, et vous êtes son roi; - Mais je ne puis souffrir qu'il soit banni pour moi. 1480 - Car enfin les couleurs ne font rien à la chose; - Sous un prétexte faux je n'en suis pas moins cause; - Et qui craint pour Mandane un peu trop de rougeur - Ne craint pour Suréna que le fond de mon cœur. - Qu'il parte, il vous déplaît; faites-vous-en justice; 1485 - Punissez, exilez: il faut qu'il obéisse. - Pour remplir mes devoirs j'attendrai son retour. - Seigneur; et jusque-là point d'hymen ni d'amour. - - ORODE. - - Vous pourriez épouser le prince en sa présence? - - EURYDICE. - - Je ne sais; mais enfin je hais la violence. 1490 - - ORODE. - - Empêchez-la, Madame, en vous donnant à nous; - Ou faites qu'à Mandane il s'offre pour époux. - Cet ordre exécuté, mon âme satisfaite - Pour ce héros si cher ne veut plus de retraite. - Qu'on le fasse venir. Modérez vos hauteurs: 1493 - L'orgueil n'est pas toujours la marque des grands cœurs. - Il me faut un hymen: choisissez l'un ou l'autre, - Ou lui dites adieu pour le moins jusqu'au vôtre. - - EURYDICE. - - Je sais tenir, Seigneur, tout ce que je promets, - Et promettrois en vain de ne ne le voir jamais, 1500 - Moi qui sais que bientôt la guerre rallumée - Le rendra pour le moins nécessaire à l'armée. - - ORODE. - - Nous ferons voir, Madame, en cette extrémité, - Comme il faut obéir à la nécessité. - Je vous laisse avec lui. - - -SCÈNE II. - -EURYDICE, SURÉNA. - - EURYDICE. - - Seigneur, le Roi condamne 1505 - Ma main à Pacorus, ou la vôtre à Mandane; - Le refus n'en sauroit demeurer impuni: - Il lui faut l'une ou l'autre, ou vous êtes banni. - - SURÉNA. - - Madame, ce refus n'est point vers lui mon crime; - Vous m'aimez: ce n'est point non plus ce qui l'anime. - Mon crime véritable est d'avoir aujourd'hui - Plus de nom que mon roi, plus de vertu que lui; - Et c'est de là que part cette secrète haine - Que le temps ne rendra que plus forte et plus pleine. - Plus on sert des ingrats, plus on s'en fait haïr: 1515 - Tout ce qu'on fait pour eux ne fait que nous trahir. - Mon visage l'offense, et ma gloire le blesse. - Jusqu'au fond de mon âme il cherche une bassesse, - Et tâche à s'ériger par l'offre ou par la peur, - De roi que je l'ai fait, en tyran de mon cœur; 1520 - Comme si par ses dons il pouvoit me séduire, - Ou qu'il pût m'accabler, et ne se point détruire. - Je lui dois en sujet tout mon sang, tout mon bien; - Mais si je lui dois tout, mon cœur ne lui doit rien, - Et n'en reçoit de lois que comme autant d'outrages, 1525 - Comme autant d'attentats sur de plus doux hommages. - Cependant pour jamais il faut nous séparer, - Madame. - - EURYDICE. - - Cet exil pourroit toujours durer? - - SURÉNA. - - En vain pour mes pareils leur vertu sollicite: - Jamais un envieux ne pardonne au mérite. 1530 - Cet exil toutefois n'est pas un long malheur; - Et je n'irai pas loin sans mourir de douleur. - - EURYDICE. - - Ah! craignez de m'en voir assez persuadée - Pour mourir avant vous de cette seule idée. - Vivez, si vous m'aimez. - - SURÉNA. - - Je vivrois pour savoir 1535 - Que vous aurez enfin rempli votre devoir, - Que d'un cœur tout à moi, que de votre personne - Pacorus sera maître, ou plutôt sa couronne! - Ce penser m'assassine, et je cours de ce pas - Beaucoup moins à l'exil, Madame, qu'au trépas. 1540 - - EURYDICE. - - Que le ciel n'a-t-il mis en ma main et la vôtre, - Ou de n'être à personne, ou d'être l'un à l'autre! - - SURÉNA. - - Falloit-il que l'amour vît l'inégalité - Vous abandonner toute aux rigueurs d'un traité! - - EURYDICE. - - Cette inégalité me souffroit l'espérance. 1545 - Votre nom, vos vertus valoient bien ma naissance, - Et Crassus a rendu plus digne encor de moi - Un héros dont le zèle a rétabli son roi. - Dans les maux où j'ai vu l'Arménie exposée, - Mon pays désolé m'a seul tyrannisée. 1550 - Esclave de l'État, victime de la paix, - Je m'étois répondu de vaincre mes souhaits, - Sans songer qu'un amour comme le nôtre extrême - S'y rend inexorable aux yeux de ce qu'on aime. - Pour le bonheur public j'ai promis; mais, hélas! 1555 - Quand j'ai promis, Seigneur, je ne vous voyois pas. - Votre rencontre ici m'ayant fait voir ma faute, - Je diffère à donner le bien que je vous ôte; - Et l'unique bonheur que j'y puis espérer, - C'est de toujours promettre et toujours différer. 1560 - - SURÉNA. - - Que je serois heureux! Mais qu'osé-je vous dire? - L'indigne et vain bonheur où mon amour aspire! - Fermez les yeux aux maux où l'on me fait courir: - Songez à vivre heureuse, et me laissez mourir. - Un trône vous attend, le premier de la terre, 1565 - Un trône où l'on ne craint que l'éclat du tonnerre, - Qui règle le destin du reste des humains, - Et jusque dans leurs murs alarme les Romains. - - EURYDICE. - - J'envisage ce trône et tous ses avantages, - Et je n'y vois partout, Seigneur, que vos ouvrages; 1570 - Sa gloire ne me peint que celle de mes fers, - Et dans ce qui m'attend je vois ce que je perds. - Ah! Seigneur. - - SURÉNA. - - Épargnez la douleur qui me presse; - Ne la ravalez point jusques à la tendresse; - Et laissez-moi partir dans cette fermeté 1575 - Qui fait de tels jaloux[485], et qui m'a tant coûté. - - EURYDICE. - - Partez, puisqu'il le faut, avec ce grand courage - Qui mérita mon cœur et donne tant d'ombrage. - Je suivrai votre exemple, et vous n'aurez point lieu.... - Mais j'aperçois Palmis qui vient vous dire adieu, 1580 - Et je puis, en dépit de tout ce qui me tue, - Quelques moments encor jouir de votre vue. - - -SCÈNE III. - -EURYDICE, SURÉNA, PALMIS. - - PALMIS. - - On dit qu'on vous exile à moins que d'épouser, - Seigneur, ce que le Roi daigne vous proposer. - - SURÉNA. - - Non; mais jusqu'à l'hymen que Pacorus souhaite, 1595 - Il m'ordonne chez moi quelques jours de retraite. - - PALMIS. - - Et vous partez? - - SURÉNA. - - Je pars. - - PALMIS. - - Et malgré son courroux, - Vous avez sûreté d'aller jusque chez vous? - Vous êtes à couvert des périls dont menace - Les gens de votre sorte une telle disgrâce, 1590 - Et s'il faut dire tout, sur de si longs chemins - Il n'est point de poisons, il n'est point d'assassins? - - SURÉNA. - - Le Roi n'a pas encore oublié mes services, - Pour commencer par moi de telles injustices: - Il est trop généreux pour perdre son appui. 1595 - - PALMIS. - - S'il l'est, tous vos jaloux le sont-ils comme lui? - Est-il aucun flatteur, Seigneur, qui lui refuse - De lui prêter un crime et lui faire une excuse? - En est-il que l'espoir d'en faire mieux sa cour - N'expose sans scrupule à ces courroux d'un jour, 1600 - Ces courroux qu'on affecte alors qu'on désavoue - De lâches coups d'État dont en l'âme on se loue, - Et qu'une absence élude, attendant le moment - Qui laisse évanouir ce faux ressentiment? - - SURÉNA. - - Ces courroux affectés que l'artifice donne 1605 - Font souvent trop de bruit pour abuser personne. - Si ma mort plaît au Roi, s'il la veut tôt ou tard, - J'aime mieux qu'elle soit un crime qu'un hasard; - Qu'aucun ne l'attribue à cette loi commune - Qu'impose la nature et règle la fortune; 1610 - Que son perfide auteur, bien qu'il cache sa main, - Devienne abominable à tout le genre humain; - Et qu'il en naisse enfin des haines immortelles - Qui de tous ses sujets lui fassent des rebelles. - - PALMIS. - - Je veux que la vengeance aille à son plus haut point: 1615 - Les morts les mieux vengés ne ressuscitent point, - Et de tout l'univers la fureur éclatante - En consoleroit mal et la sœur et l'amante. - - SURÉNA. - - Que faire donc, ma sœur? - - PALMIS. - - Votre asile est ouvert. - - SURÉNA. - - Quel asile? - - PALMIS. - - L'hymen qui vous vient d'être offert. 1620 - Vos jours en sûreté dans les bras de Mandane, - Sans plus rien craindre.... - - SURÉNA. - - Et c'est ma sœur qui m'y condamne! - C'est elle qui m'ordonne avec tranquillité - Aux yeux de ma princesse une infidélité! - - PALMIS. - - Lorsque d'aucun espoir notre ardeur n'est suivie, 1625 - Doit-on être fidèle aux dépens de sa vie? - Mais vous ne m'aidez point à le persuader, - Vous qui d'un seul regard pourriez tout décider? - Madame, ses périls ont-ils de quoi vous plaire? - - EURYDICE. - - Je crois faire beaucoup, Madame, de me taire; 1630 - Et tandis qu'à mes yeux vous donnez tout mon bien, - C'est tout ce que je puis que de ne dire rien. - Forcez-le, s'il se peut, au nœud que je déteste; - Je vous laisse en parler, dispensez-moi du reste: - Je n'y mets point d'obstacle, et mon esprit confus.... - C'est m'expliquer assez: n'exigez rien de plus. - - SURÉNA. - - Quoi? vous vous figurez que l'heureux nom de gendre, - Si ma perte est jurée, a de quoi m'en défendre, - Quand malgré la nature, en dépit de ses lois, - Le parricide a fait la moitié de nos rois, 1640 - Qu'un frère pour régner se baigne au sang d'un frère, - Qu'un fils impatient prévient la mort d'un père? - Notre Orode lui-même, où seroit-il sans moi? - Mithradate pour lui montroit-il plus de foi[486]? - Croyez-vous Pacorus bien plus sûr de Phradate? 1645 - J'en connois mal le cœur, si bientôt il n'éclate, - Et si de ce haut rang, que j'ai vu l'éblouir[487], - Son père et son aîné peuvent longtemps jouir[488]. - Je n'aurai plus de bras alors pour leur défense; - Car enfin mes refus ne font pas mon offense; 1650 - Mon vrai crime est ma gloire, et non pas mon amour: - Je l'ai dit, avec elle il croîtra chaque jour; - Plus je les servirai, plus je serai coupable; - Et s'ils veulent ma mort, elle est inévitable. - Chaque instant que l'hymen pourroit la reculer 1655 - Ne les attacheroit qu'à mieux dissimuler; - Qu'à rendre, sous l'appas d'une amitié tranquille, - L'attentat plus secret, plus noir et plus facile. - Ainsi dans ce grand nœud chercher ma sûreté, - C'est inutilement faire une lâcheté, 1660 - Souiller en vain mon nom, et vouloir qu'on m'impute - D'avoir enseveli ma gloire sous ma chute. - Mais, Dieux! se pourroit-il qu'ayant si bien servi, - Par l'ordre de mon roi le jour me fût ravi? - Non, non: c'est d'un bon œil qu'Orode me regarde; 1665 - Vous le voyez, ma sœur, je n'ai pas même un garde: - Je suis libre. - - PALMIS. - - Et j'en crains d'autant plus son courroux: - S'il vous faisoit garder, il répondroit de vous. - Mais pouvez-vous, Seigneur, rejoindre votre suite? - Êtes-vous libre assez pour choisir une fuite? 1670 - Garde-t-on chaque porte à moins d'un grand dessein? - Pour en rompre l'effet, il ne faut qu'une main. - Par toute l'amitié que le sang doit attendre, - Par tout ce que l'amour a pour vous de plus tendre.... - - SURÉNA. - - La tendresse n'est point de l'amour d'un héros: 1675 - Il est honteux pour lui d'écouter des sanglots; - Et parmi la douceur des plus illustres flammes, - Un peu de dureté sied bien aux grandes âmes. - - PALMIS. - - Quoi? vous pourriez.... - - SURÉNA. - - Adieu: le trouble où je vous voi - Me fait vous craindre plus que je ne crains le Roi. 1680 - - -SCÈNE IV. - -EURYDICE, PALMIS. - - PALMIS. - - Il court à son trépas, et vous en serez cause, - A moins que votre amour à son départ s'oppose. - J'ai perdu mes soupirs, et j'y perdrois mes pas; - Mais il vous en croira, vous ne les perdrez pas. - Ne lui refusez point un mot qui le retienne, 1685 - Madame. - - EURYDICE. - - S'il périt, ma mort suivra la sienne. - - PALMIS. - - Je puis en dire autant; mais ce n'est pas assez. - Vous avez tant d'amour, Madame, et balancez! - - EURYDICE. - - Est-ce le mal aimer que de le vouloir suivre? - - PALMIS. - - C'est un excès d'amour qui ne fait point revivre. 1690 - De quoi lui servira notre mortel ennui? - De quoi nous servira de mourir après lui? - - EURYDICE. - - Vous vous alarmez trop: le Roi dans sa colère - Ne parle.... - - PALMIS. - - Vous dit-il tout ce qu'il prétend faire? - D'un trône où ce héros a su le replacer, 1695 - S'il en veut à ses jours, l'ose-t-il prononcer? - Le pourroit-il sans honte? et pourrez-vous attendre[489] - A prendre soin de lui qu'il soit trop tard d'en prendre? - N'y perdez aucun temps, partez: que tardez-vous? - Peut-être en ce moment on le perce de coups; 1700 - Peut-être.... - - EURYDICE. - - Que d'horreurs vous me jetez dans l'âme! - - PALMIS. - - Quoi? vous n'y courez pas! - - EURYDICE. - - Et le puis-je, Madame? - Donner ce qu'on adore à ce qu'on veut haïr, - Quel amour jusque-là put jamais se trahir? - Savez-vous qu'à Mandane envoyer ce que j'aime, 1705 - C'est de ma propre main m'assassiner moi-même? - - PALMIS. - - Savez-vous qu'il le faut, ou que vous le perdez? - - -SCÈNE V. - -EURYDICE, PALMIS, ORMÈNE. - - EURYDICE. - - Je n'y résiste plus, vous me le défendez. - Ormène vient à nous, et lui peut aller dire - Qu'il épouse.... Achevez tandis que je soupire. 1710 - - PALMIS. - - Elle vient toute en pleurs[490]. - - ORMÈNE. - - Qu'il vous en va coûter! - Et que pour Suréna.... - - PALMIS. - - L'a-t-on fait arrêter? - - ORMÈNE. - - A peine du palais il sortoit dans la rue, - Qu'une flèche a parti d'une main inconnue; - Deux autres l'ont suivie; et j'ai vu ce vainqueur, 1715 - Comme si toutes trois l'avoient atteint au cœur, - Dans un ruisseau de sang tomber mort sur la place[491]. - - EURYDICE. - - Hélas! - - ORMÈNE. - - Songez à vous, la suite vous menace; - Et je pense avoir même entendu quelque voix - Nous crier qu'on apprît à dédaigner les rois. 1720 - - PALMIS. - - Prince ingrat! lâche roi! Que fais-tu du tonnerre, - Ciel, si tu daignes voir ce qu'on fait sur la terre? - Et pour qui gardes-tu tes carreaux embrasés, - Si de pareils tyrans n'en sont point écrasés? - Et vous, Madame, et vous dont l'amour inutile, 1725 - Dont l'intrépide orgueil paroît encor tranquille, - Vous qui brûlant pour lui, sans vous déterminer, - Ne l'avez tant aimé que pour l'assassiner, - Allez d'un tel amour, allez voir tout l'ouvrage, - En recueillir le fruit, en goûter l'avantage. 1730 - Quoi? vous causez sa perte, et n'avez point de pleurs! - - EURYDICE. - - Non, je ne pleure point, Madame, mais je meurs. - Ormène, soutiens-moi. - - ORMÈNE. - - Que dites-vous, Madame? - - EURYDICE. - - Généreux Suréna, reçois toute mon âme. - - ORMÈNE. - - Emportons-la d'ici pour la mieux secourir. 1735 - - PALMIS. - - Suspendez ces douleurs[492] qui pressent de mourir, - Grands Dieux! et dans les maux où vous m'avez plongée, - Ne souffrez point ma mort que je ne sois vengée! - - -FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE. - - [483] Dans l'édition de Voltaire (1764): «qu'on voit y - succéder.» - - [484] Voyez ci-dessus, p. 498, notes 465 et 466. - - [485] Thomas Corneille (1692) a ainsi modifié cet - hémistiche: - - Qui fait tant de jaloux.... - - [486] Voyez plus haut, p. 498, note 466. - - [487] Les deux éditions publiées du vivant de Corneille - (1675 et 1682) portent: «Que j'ai vu éblouir,» ce qui fait un - non-sens et un hiatus. - - [488] «Hyrodes, après auoir perdu son fils Pacorus en - vne bataille, où il fut desfait par les Romains, deuint malade - d'vne maladie qui se tourna en hydropisie; et son second fils, - Phraates, luy cuydant auancer ses jours, luy donna à boire du jus - de l'aconite. La maladie recent le poison, de sorte qu'ilz se - chasserent l'vn l'autre hors du corps: à l'occasion de quoy - Phraates voyant que son pere commenceoit à se mieux porter, pour - auoir plus tost fait, l'estrangla luy-mesme.» (Plutarque, _Vie de - Crassus_, XXXIII.) - - [489] Voltaire (1764) a changé le futur en un - conditionnel: «et pourriez-vous attendre.» - - [490] C'est ici seulement que Voltaire termine la scène - IV. - - [491] «Hyrodes feit mourir Surena pour l'envie qu'il - porta à sa gloire.» (Plutarque, _Vie de Crassus_, XXXIII.) - - [492] L'édition de 1692 a changé _ces douleurs_ en _les - douleurs_. - - - - -TABLE DES TRAGÉDIES - -CONTENUES DANS LES SEPT VOLUMES - -DU THÉATRE DE CORNEILLE[493]. - - - SUJETS MYTHOLOGIQUES OU DES TEMPS HÉROÏQUES. - - PSYCHÉ Tome VII, p. 277 - - ANDROMÈDE Tome V, p. 243 - - LA TOISON D'OR Tome VI, p. 221 - - MÉDÉE Tome II, p. 327 - - ŒDIPE Tome VI, p. 101 - - - SUJETS HISTORIQUES, RANGÉS SUIVANT - L'ORDRE CHRONOLOGIQUE. - - HORACE Tome III, p. 243 - - AGÉSILAS Tome VII, p. 1 - - SOPHONISBE Tome VI, p. 447 - - NICOMÈDE Tome V, p. 495 - - RODOGUNE Tome IV, p. 397 - - SERTORIUS Tome VI, p. 351 - - SURÉNA Tome VII, p. 455 - - POMPÉE Tome IV, p. 1 - - CINNA Tome III, p. 359 - - OTHON Tome VI, p. 565 - - TITE ET BÉRÉNICE Tome VII, p. 183 - - POLYEUCTE Tome III, p. 463 - - THÉODORE Tome V, p. 1 - - PULCHÉRIE Tome VII, p. 371 - - ATTILA Tome VII, p. 97 - - HÉRACLIUS Tome V, p. 113 - - PERTHARITE Tome VI, p. 1 - - LE CID Tome III, p. 1 - - [493] A la page IX du tome I du _Théâtre des Grecs_ du - P. Brumoy (édition de 1785), on trouve un _Arrangement des - tragédies suivant l'ordre historique des sujets_. Il nous a - semblé qu'une table du même genre ne serait pas sans utilité pour - les pièces de Corneille, et qu'elle contribuerait peut-être à - faire ressortir l'intérêt historique de quelques-uns de ses - derniers ouvrages, qui, au point de vue littéraire, n'en - présentent pas un bien grand. - - - - -TABLE DES MATIÈRES - -CONTENUES DANS LE SEPTIÈME VOLUME. - - - AGÉSILAS, tragédie 1 - - Notice 3 - - Au lecteur 5 - - Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes - d'_Agésilas_ 7 - - AGÉSILAS 9 - - ATTILA, roi des Huns, tragédie 97 - - Notice 99 - - Au lecteur 103 - - Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes - d'_Attila_ 107 - - ATTILA 109 - - TITE ET BÉRÉNICE, comédie héroïque 183 - - Notice 185 - - Extrait de Xiphilin 197 - - Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes - de _Tite et Bérénice_ 199 - - TITE ET BÉRÉNICE 201 - - PSYCHÉ, tragédie-ballet 277 - - Notice 279 - - Le libraire au lecteur 287 - - Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes - de _Psyché_ 289 - - PSYCHÉ 291 - - PULCHÉRIE, comédie héroïque 371 - - Notice 373 - - Au lecteur 376 - - Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes - de _Pulchérie_ 379 - - PULCHÉRIE 381 - - SURÉNA, GÉNÉRAL DES PARTHES, tragédie 455 - - Notice 457 - - Au lecteur 460 - - Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes - de _Suréna_ 461 - - SURÉNA 463 - - Table, suivant l'ordre chronologique, des tragédies contenues - dans les sept volumes du théâtre de Corneille 535 - - -FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. - - - - - PARIS.--IMPRIMERIE DE CH. LAHURE - - Rue de Fleurus, 9 - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Oeuvres de P. Corneille, Tome 07, by -Pierre Corneille - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 *** - -***** This file should be named 51612-0.txt or 51612-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/1/6/1/51612/ - -Produced by Hélène de Mink and the Online Distributed -Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was -produced from images generously made available by the -Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. 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Corneille, Tome 07, by Pierre Corneille - -This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with -almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org/license - - -Title: Oeuvres de P. Corneille, Tome 07 - -Author: Pierre Corneille - -Editor: Ch. (Charles Joseph) Marty-Laveaux - -Release Date: March 31, 2016 [EBook #51612] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 *** - - - - -Produced by Hlne de Mink and the Online Distributed -Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was -produced from images generously made available by the -Bibliothque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - - - - - -</pre> - - -<div class="tnote"> -<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont t corriges. -L'orthographe d'origine a t conserve et n'a pas t harmonise. -Les numros des pages blanches n'ont pas t repris.</p></div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_I"> I</a></span></p> -<div class="topspace figcenter"><img src="images/001.jpg" width="300" height="366" alt="logo ASSOCIATION" /> -</div> - -<div class="frontmatter"> -<p><span class="small">LES</span><br /> -<span class="xlarge">GRANDS CRIVAINS</span><br /> -<span class="large">DE LA FRANCE</span></p> - -<p class="center">NOUVELLES DITIONS<br /> -<span class="xs">PUBLIES SOUS LA DIRECTION</span><br /> -<b>DE M. AD. REGNIER</b><br /> -<span class="xs">Membre de l'Institut</span></p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_II"> II</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_III"> III</a></span></p> - - -<h1><span class="xlarge">ŒUVRES</span><br /> -<span class="small">DE</span><br /> -P. CORNEILLE<br /> -<span class="medium">TOME VII</span></h1> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_IV"> IV</a></span></p> - -<div class="frontmatter"> -<p class="small">PARIS.—IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET C<sup>ie</sup><br /> -Rue de Fleurus, 9</p> -<hr class="deco" /> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_V"> V</a></span></p> - -<div class="topspace titlepage"> -<p><span class="large">ŒUVRES</span><br /> -<span class="small">DE</span><br /> -P. CORNEILLE</p> - -<p>NOUVELLE DITION<br /> -<span class="small">REVUE SUR LES PLUS ANCIENNES IMPRESSIONS</span><br /> -<span class="small">ET LES AUTOGRAPHES</span><br /> -<span class="small">ET AUGMENTE</span><br /> -<span class="xs">de morceaux indits, des variantes, de notices, de notes, d'un lexique des mots</span><br /> -<span class="xs">et locutions remarquables, d'un portrait, d'un fac-simile, etc.</span></p> - -<p class="large">PAR M. CH. MARTY-LAVEAUX</p> - -<p>TOME SEPTIME</p> - -<p><span class="large">PARIS</span><br /> -LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET C<sup>ie</sup><br /> -<span class="xs">BOULEVARD SAINT-GERMAIN</span></p> - -<hr class="deco" /> -<p class="small">1862</p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VI"> VI</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_1"> 1</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p class="extra">AGSILAS<br /> -<span class="medium">TRAGDIE</span><br /> -<span class="small">1666</span></p> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_2"> 2</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span></p> -</div> - -<h3>NOTICE.</h3> - -<p><i>Agsilas</i> fut jou pour la premire fois sur le thtre de -l'Htel de Bourgogne, suivant toute apparence au mois de -fvrier 1666, et non la fin d'avril comme l'ont dit les -frres Parfait<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor"> [1]</a>. Les funrailles de la reine Anne d'Autriche, -morte le 19 janvier<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor"> [2]</a>, et le deuil que la cour prit cette -occasion, interrompirent tout divertissement et durent contribuer -au peu de succs de l'ouvrage. Robinet s'exprime ainsi -dans sa <i>Lettre en vers Madame</i> du 6 mars 1666:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ne vous mettez point aux fentres</p> -<p>Ni n'allez point traner vos gutres</p> -<p>Pour voir des masques, ces jours gras,</p> -<p>Bonnes gens, vous n'en verrez pas.</p> -<p>Messieurs les foux de tous tages</p> -<p>Seront une fois de faux sages,</p> -<p>Pour le respect (bien entendu)</p> -<p>Par tout franois justement d</p> -<p>Aux cendres de cette princesse,</p> -<p>Que nous pleurons encor sans cesse.</p> -<p>Mais vous avez pour supplment</p> -<p>Le noble divertissement</p> -<p>Que vous donnent les doctes veilles</p> -<p>De l'an des braves Corneilles:</p> -<p>Son charmant <i>Agsilaus</i>,</p> -<p>O sa veine coule d'un flus</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span></div> -<p>Qui fait admirer son ge</p> -<p>Ce grand et rare personnage.</p> -</div></div> - -<p>Cette faible louange trouva peu d'cho. La pice ne suscita ni -cabale, ni libelles, ni parodies: elle tomba obscurment, et -nous ne pouvons mme retrouver la trace de cette chute, dont -le souvenir ne nous a gure t conserv que par deux vers -d'une pigramme, que Boileau fit l'occasion d'<i>Attila</i><a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor"> [3]</a>.</p> - -<p>Un concurrent redoutable venait de se faire jour. <i>Agsilas</i> -parut trois mois aprs l'<i>Alexandre</i> de Racine. La rvolution -qui se fit alors dans les sentiments du public, dit Jolly<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor"> [4]</a>, -le parti que prit le plus grand nombre en faveur du nouveau -pote, forment une poque laquelle on peut rapporter la -naissance d'un genre inconnu de tragdie, o l'amour dominoit -sur toutes les autres passions. M. Quinault l'avoit bauch -avec quelque succs, dix ans auparavant<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor"> [5]</a>, mais non pas avec -autant d'clat.</p> - -<p><i>Agsilas</i>, comme nous l'apprennent les frres Parfait<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor"> [6]</a>, n'a -jamais t remis au thtre.</p> - -<p>Le privilge de cette tragdie a t donn Corneille le -vingt-quatrime mars 1666, et l'Achev d'imprimer a pour -date: le 3. iour d'Avril 1666.</p> - -<p>Voici le titre exact de la pice dans l'dition originale: -<span class="small1">Agesilas, tragedie</span>. En Vers libres rimez<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor"> [7]</a>. Par P. Corneille. -<i>A Rouen, et se vend Paris, chez Guillaume de Luyne, Libraire -Iur, au Palais</i>.... M.DC.LXVI. <i>Auec priuilege du Roy.</i> -Le volume, de format in-12, se compose de deux feuillets, de -88 pages, et d'un dernier feuillet contenant le privilge.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span></p> -<h3>AU LECTEUR.</h3> -</div> - -<p>Il ne faut que parcourir les <i>Vies d'Agsilas</i> et <i>de Lysander</i> -chez Plutarque, pour dmler ce qu'il y a d'historique -dans cette tragdie<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor"> [8]</a>. La manire dont je l'ai -traite n'a point d'exemple parmi nos Franois, ni dans -ces prcieux restes de l'antiquit qui sont venus jusqu' -nous; et c'est ce qui me l'a fait choisir. Les premiers qui -ont travaill pour le thtre, ont travaill sans exemple, -et ceux qui les ont suivis y ont fait voir quelques nouveauts -de temps en temps. Nous n'avons pas moins de -privilge. Aussi notre Horace, qui nous recommande -tant la lecture des potes grecs par ces paroles:</p> - -<p class="quote"><span class="i6"> <i>Vos exemplaria Grca</i></span><br /> -<i>Nocturna versate manu, versate diurna</i><a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor"> [9]</a>,</p> - -<p>ne laisse pas de louer hautement les Romains d'avoir os -quitter les traces de ces mmes Grecs, et pris d'autres -routes:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><i>Nil intentatum nostri liquere poet;</i></p> -<p><i>Nec minimum meruere decus, vestigia Grca</i></p> -<p><i>Ausi deserere</i><a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor"> [10]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Leurs rgles sont bonnes; mais leur mthode n'est pas -de notre sicle; et qui s'attacheroit ne marcher que sur -leurs pas, feroit sans doute peu de progrs, et divertiroit -mal son auditoire. On court, la vrit, quelque risque -<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span> -de s'garer, et mme on s'gare assez souvent, quand on -s'carte du chemin battu; mais on ne s'gare pas toutes -les fois qu'on s'en carte: quelques-uns en arrivent plus -tt o ils prtendent, et chacun peut hasarder ses -prils.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span></p> -<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br /> -POUR LES VARIANTES D'<i>AGSILAS</i>.</h3> - -<h3 class="normal">DITION SPARE.<br /> -1666 in-12.<br /> -RECUEILS.<br /> -1668 in-12; | 1682 in-12.</h3> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span></p> -<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor"> [11]</a>.</h3> - -<table id="acteurs1" summary="parts"> -<tr> -<td class="tdl">AGSILAS,</td> -<td> </td> -<td class="tdl">roi de Sparte.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">LYSANDER,</td> -<td> </td> -<td class="tdl">fameux capitaine de Sparte.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">COTYS,</td> -<td> </td> -<td class="tdl">roi de Paphlagonie<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor"> [12]</a>.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">SPITRIDATE,</td> -<td> </td> -<td class="tdl">grand seigneur persan.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">MANDANE,</td> -<td class="tdl"> </td> -<td class="tdl">sœur de Spitridate.</td> -</tr> -<tr> -<td>ELPINICE,<br /> -AGLATIDE,</td> -<td class="cbrace">}</td> -<td>filles de Lysander.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">XNOCLS,</td> -<td> </td> -<td class="tdl">lieutenant d'Agsilas.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">CLON,</td> -<td> </td> -<td class="tdl">orateur grec,<br /> -natif d'Halicarnasse.</td> -</tr> -</table> - -<h3 class="subh">La scne est Ephse.</h3> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p class="extra">AGSILAS.<br /> -<span class="medium">TRAGDIE.</span></p> -<h2 class="normal">ACTE I.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">ELPINICE, AGLATIDE.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur, depuis un mois nous voil dans phse<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor"> [13]</a>,</p> -<p>Prtes recevoir ces illustres poux</p> -<p>Que Lysander, mon pre, a su choisir pour nous;</p> -<p>Et ce choix bienheureux n'a rien qui ne vous plaise.</p> -<p>Dites-moi toutefois, et parlons librement,<span class="dalign">5</span></p> -<p class="i3"> Vous semble-t-il que votre amant</p> -<p>Cherche avec grande ardeur votre chre prsence?</p> -<p>Et trouvez-vous qu'il montre, attendant ce grand jour,</p> -<p class="i3"> Cette obligeante impatience</p> -<p>Que donne, ce qu'on dit, le vritable amour?<span class="dalign">10</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> <span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cotys est roi, ma sœur; et comme sa couronne</p> -<p class="i3"> Parle suffisamment pour lui,</p> -<p>Assur de mon cœur, que son trne lui donne,</p> -<p>De le trop demander il s'pargne l'ennui.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span></div> -<p>Ce me doit tre assez qu'en secret il soupire,<span class="dalign">15</span></p> -<p>Que je puis deviner ce qu'il craint de trop dire,</p> -<p>Et que moins son amour a d'importunit,</p> -<p class="i3"> Plus il a de sincrit.</p> -<p>Mais vous ne dites rien de votre Spitridate:</p> -<p>Prend-il autant de peine mriter vos feux<span class="dalign">20</span></p> -<p class="i3"> Que l'autre retenir mes vœux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est environ ainsi que son amour clate:</p> -<p>Il m'obsde peu prs comme l'autre vous sert.</p> -<p>On diroit que tous deux agissent de concert,</p> -<p>Qu'ils ont jur de n'tre importuns l'un ni l'autre:<span class="dalign">25</span></p> -<p>Ils en font grand scrupule; et la sincrit</p> -<p>Dont mon amant se pique, l'exemple du vtre,</p> -<p>Ne met pas son bonheur en l'assiduit.</p> -<p>Ce n'est pas qu' vrai dire il ne soit excusable:</p> -<p>Je prparai pour lui, ds Sparte, une froideur<span class="dalign">30</span></p> -<p class="i3"> Qui, ds l'abord, toit capable</p> -<p class="i3"> D'teindre la plus vive ardeur;</p> -<p>Et j'avoue entre nous qu'alors qu'il<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor"> [14]</a> me nglige,</p> -<p>Qu'il se montre son tour si froid, si retenu,</p> -<p class="i6"> Loin de m'offenser, il m'oblige,<span class="dalign">35</span></p> -<p>Et me remet un cœur qu'il n'et pas obtenu.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> J'admire cette antipathie</p> -<p>Qui vous l'a fait har avant que de le voir,</p> -<p>Et croirois que sa vue auroit eu le pouvoir</p> -<p class="i3"> D'en dissiper une partie;<span class="dalign">40</span></p> -<p>Car enfin Spitridate a l'entretien charmant,</p> -<p>L'œil vif, l'esprit ais, le cœur bon, l'me belle.</p> -<p>A tant de qualits s'il joignoit un vrai zle....</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Ma sœur, il n'est pas roi, comme l'est votre amant. -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais au parti des Grecs il unit deux provinces;<span class="dalign">45</span></p> -<p>Et ce Perse vaut bien la plupart de nos princes<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor"> [15]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'est pas roi, vous dis-je, et c'est un grand dfaut.</p> -<p>Ce n'est point avec vous que je le dissimule,</p> -<p class="i3"> J'ai peut-tre le cœur trop haut;</p> -<p>Mais aussi bien que vous je sors du sang d'Hercule<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor"> [16]</a>;<span class="dalign">50</span></p> -<p>Et lorsqu'on vous destine un roi pour votre poux,</p> -<p class="i3"> J'en veux un aussi bien que vous.</p> -<p>J'aurois quelque chagrin vous traiter de reine,</p> -<p>A vous voir dans un trne assise en souveraine,</p> -<p>S'il me falloit ramper dans un degr plus bas;<span class="dalign">55</span></p> -<p class="i3"> Et je porte une me assez vaine</p> -<p>Pour vouloir jusque-l vous suivre pas pas.</p> -<p>Vous tes mon ane, et c'est un avantage</p> -<p>Qui me fait vous devoir grande civilit;</p> -<p>Aussi veux-je cder le pas devant<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor"> [17]</a> l'ge, <span class="dalign">60</span></p> -<p>Mais je ne puis souffrir autre ingalit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous tes donc jalouse, et ce trne vous gne</p> -<p>O la main de Cotys a droit de me placer!</p> -<p>Mais si je renonois au rang de souveraine,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span></div> -<p class="i3"> Voudriez-vous y renoncer? <span class="dalign">65</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Non, pas sitt: j'ai quelque vue</p> -<p class="i3"> Qui me peut encore amuser.</p> -<p>Mariez-vous, ma sœur; quand vous serez pourvue,</p> -<p>On trouvera peut-tre un roi pour m'pouser.</p> -<p>J'en aurois un dj, n'toit ce rang d'ane<span class="dalign">70</span></p> -<p>Qui demandoit pour vous ce qu'il vouloit m'offrir,</p> -<p>Ou s'il et reconnu qu'un pre et pu souffrir</p> -<p>Qu' l'hymen avant vous on me vt destine.</p> -<p>Si ce roi jusqu'ici ne s'est point dclar,</p> -<p>Peut-tre qu'aprs tout il n'a que diffr,<span class="dalign">75</span></p> -<p>Qu'il attend votre hymen pour rompre son silence.</p> -<p>Je pense avoir encor ce qui le sut charmer;</p> -<p>Et s'il faut vous en faire entire confidence,</p> -<p>Agsilas m'aimoit, et peut encor m'aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que dites-vous, ma sœur? Agsilas vous aime!<span class="dalign">80</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous dis qu'il m'aimoit, et que sa passion</p> -<p class="i3"> Pourroit bien tre encor la mme;</p> -<p>Mais cet amusement de mon ambition</p> -<p class="i3"> Peut n'tre qu'une illusion.</p> -<p>Ce prince tient son trne et sa haute puissance<span class="dalign">85</span></p> -<p>De ce mme hros dont nous tenons le jour;</p> -<p>Et si ce n'toit lors que par reconnoissance</p> -<p class="i3"> Qu'il me temoignoit de l'amour,</p> -<p class="i3"> Puis-je tre sans inquitude</p> -<p>Quand il n'a plus pour lui que de l'ingratitude,<span class="dalign">90</span></p> -<p>Qu'il n'coute plus rien qui vienne de sa part<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor"> [18]</a>?</p> -<p>Je ne sais si sa flamme est pour moi foible ou forte;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span></div> -<p class="i3"> Mais la reconnoissance morte,</p> -<p class="i3"> L'amour doit courir grand hasard.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! s'il n'avoit voulu que par reconnoissance<span class="dalign">95</span></p> -<p class="i3"> tre gendre de Lysander,</p> -<p>Son choix auroit suivi l'ordre de la naissance,</p> -<p>Et Sparte, au lieu de vous, l'et vu me demander;</p> -<p>Mais pour mettre chez nous l'clat de sa couronne</p> -<p>Attendre que l'hymen m'ait engage ailleurs,<span class="dalign">100</span></p> -<p>C'est montrer que le cœur s'attache la personne.</p> -<p>Ayez, ayez pour lui des sentiments meilleurs.</p> -<p>Ce cœur qu'il vous donna, ce choix qui considre</p> -<p>Autant et plus encor la fille que le pre,</p> -<p>Feront que le devoir aura bientt son tour;<span class="dalign">105</span></p> -<p>Et pour vous faire seoir o vos desirs aspirent,</p> -<p>Vous verrez, et dans peu, comme pour vous conspirent</p> -<p class="i3"> La reconnoissance et l'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous voyez cependant qu' peine il me regarde:</p> -<p>Depuis notre arrive il ne m'a point parl;<span class="dalign">110</span></p> -<p>Et quand ses yeux vers moi se tournent par mgarde....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Comme avec lui mon pre a quelque dml, -<p class="i3"> Cette petite ngligence,</p> -<p class="i3"> Qui vous fait douter de sa foi,</p> -<p class="i3"> Vient de leur msintelligence, <span class="dalign">115</span></p> -<p class="i3">Et dans le fond de l'me il vit sous votre loi.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A tous hasards, ma sœur, comme j'en suis mal sre,</p> -<p>Si vous me pouviez faire un don de votre amant,</p> -<p>Je crois que je pourrois l'accepter sans murmure.</p> -<p>Vous venez de parler du mien si dignement....<span class="dalign">120</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aimeriez-vous Cotys, ma sœur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Moi? nullement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pourquoi donc vouloir qu'il vous aime?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Les hommages qu'Agsilas</p> -<p>Daigna rendre en secret au peu que j'ai d'appas,</p> -<p>M'ont si bien imprim l'amour du diadme,<span class="dalign">125</span></p> -<p class="i3"> Que pourvu qu'un amant soit roi,</p> -<p class="i3"> Il est trop aimable pour moi.</p> -<p>Mais sans trne on perd temps: c'est la premire ide</p> -<p>Qu' l'amour en mon cœur il ait plu de tracer;</p> -<p class="i3"> Il l'a fidlement garde, <span class="dalign">130</span></p> -<p class="i3"> Et rien ne peut plus l'effacer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Chacune a son humeur: la grandeur souveraine,</p> -<p>Quelque main qui vous l'offre, est digne de vos feux;</p> -<p class="i3"> Et vous ne ferez point d'heureux</p> -<p class="i3"> Qui de vous ne fasse une reine. <span class="dalign">135</span></p> -<p>Moi, je m'blouis moins de la splendeur du rang;</p> -<p>Son clat au respect plus qu' l'amour m'invite:</p> -<p>Cet heureux avantage ou du sort ou du sang</p> -<p>Ne tombe pas toujours sur le plus de mrite.</p> -<p>Si mon cœur, si mes yeux en toient consults, <span class="dalign">140</span></p> -<p class="i3"> Leur choix iroit la personne,</p> -<p>Et les hautes vertus, les rares qualits</p> -<p class="i3"> L'emporteroient sur la couronne.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Avouez tout, ma sœur: Spitridate vous plat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un peu plus que Cotys; et si votre intrt <span class="dalign">145</span></p> -<p class="i3"> Vous pouvoit rsoudre l'change....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'en pouvons-nous ici rsoudre vous et moi?</p> -<p> En l'tat o le ciel nous range,</p> -<p>Il faut l'ordre d'un pre, il faut l'aveu d'un roi,</p> -<p>Que je plaise Cotys, et vous Spitridate. <span class="dalign">150</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Pour l'un je ne sais quoi m'en flatte,</p> -<p class="i3"> Pour l'autre je n'en rponds pas;</p> -<p class="i3"> Et je craindrois fort que Mandane,</p> -<p class="i3"> Cette incomparable Persane,</p> -<p>N'et pour lui des attraits plus forts que vos appas.<span class="dalign">155</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ma sœur, Spitridate est son frre,</p> -<p>Et si jamais sur lui vous aviez du pouvoir....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Le voil qui nous considre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Est-ce vous ou moi qu'il vient voir?</p> -<p class="i3"> Voulez-vous que je vous le laisse?<span class="dalign">160</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur, auparavant engagez l'entretien;</p> -<p>Et s'il s'en offre lieu, jouez d'un peu d'adresse,</p> -<p class="i3"> Pour votre intrt et le mien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est juste en effet, puisqu'il n'a su me plaire,</p> -<p class="i3"> Que je vous aide m'en dfaire. <span class="dalign">165</span></p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span></p> - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">SPITRIDATE, ELPINICE, AGLATIDE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, je me retire: entre les vrais amants</p> -<p>Leur amour seul a droit d'tre de confidence,</p> -<p>Et l'on ne peut mler d'agrable prsence</p> -<p class="i3"> A de si prcieux moments.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un vertueux amour n'a rien d'incompatible<span class="dalign">170</span></p> -<p class="i3"> Avec les regards d'une sœur.</p> -<p class="i3"> Ne m'enviez point la douceur</p> -<p>De pouvoir vos yeux convaincre une insensible:</p> -<p>Soyez juge et tmoin de l'indigne succs</p> -<p class="i3"> Qui se prpare pour ma flamme; <span class="dalign">175</span></p> -<p class="i3"> Voyez jusqu'au fond de mon me</p> -<p>D'une si pure ardeur o va le digne excs;</p> -<p>Voyez tout mon espoir au bord du prcipice;</p> -<p>Voyez des maux sans nombre et hors de gurison;</p> -<p>Et quand vous aurez vu toute cette injustice,<span class="dalign">180</span></p> -<p class="i3"> Faites-m'en un peu de raison.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous me permettez, Seigneur, de vous entendre,</p> -<p>De l'air dont votre amour commence m'accuser,</p> -<p class="i3"> Je crains que pour en bien user</p> -<p class="i3"> Je ne me doive mal dfendre. <span class="dalign">185</span></p> -<p>Je sais bien que j'ai tort, j'avoue et hautement</p> -<p class="i3"> Que ma froideur doit vous dplaire;</p> -<p>Mais en cette froideur un heureux changement</p> -<p class="i3"> Pourroit-il fort vous satisfaire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En doutez-vous, Madame, et peut-on concevoir...?<span class="dalign">190</span></p> -<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous entends, Seigneur, et vois ce qu'il faut voir:</p> -<p>Un aveu plus prcis est d'une consquence</p> -<p class="i3"> Qui pourroit vous embarrasser;</p> -<p>Et mme notre sexe il est de biensance</p> -<p class="i3"> De ne pas trop vous en presser. <span class="dalign">195</span></p> -<p>A Lysander mon pre il vous plut de promettre</p> -<p>D'unir par notre hymen votre sang et le sien;</p> -<p>La raison, peu prs, Seigneur, je la pntre,</p> -<p>Bien qu'aux raisons d'tat je ne connoisse rien.</p> -<p>Vous ne m'aviez point vue, et facile ou cruelle,<span class="dalign">200</span></p> -<p class="i3"> Petite ou grande, laide ou belle,</p> -<p>Qu' votre humeur ou non je pusse m'accorder,</p> -<p>La chose toit gale votre ardeur nouvelle,</p> -<p>Pourvu que vous fussiez gendre de Lysander.</p> -<p>Ma sœur vous auroit plu s'il vous l'et propose;<span class="dalign">205</span></p> -<p>J'eusse agr Cotys s'il me l'et propos.</p> -<p>Vous trouvtes tous deux la politique aise;</p> -<p>Nous crmes toutes deux notre devoir ais.</p> -<p class="i3"> Comme traiter cette alliance</p> -<p>Les tendresses des cœurs n'eurent aucune part,<span class="dalign">210</span></p> -<p>Le vtre avec le mien a peu d'intelligence,</p> -<p>Et l'amour en tous deux pourra natre un peu tard.</p> -<p class="i3"> Quand il faudra que je vous aime,</p> -<p>Que je l'aurai promis la face des Dieux,</p> -<p class="i3"> Vous deviendrez cher mes yeux;<span class="dalign">215</span></p> -<p class="i3"> Et j'espre de vous le mme.</p> -<p>Jusque-l votre amour assez mal se fait voir;</p> -<p>Celui que je vous garde encor plus mal s'explique:</p> -<p>Vous attendez le temps de votre politique,</p> -<p class="i3"> Et moi celui de mon devoir. 220</p> -<p class="i3"> Voil, Seigneur, quel est mon crime;</p> -<p>Vous m'en vouliez convaincre, il n'en est plus besoin;</p> -<p>J'en ai fait, comme vous, ma sœur juge et tmoin:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span></div> -<p>Que ma froideur lui semble injuste ou lgitime,</p> -<p>La raison que vous peut en faire sa bont<span class="dalign">225</span></p> -<p class="i3"> Je consens qu'elle vous la fasse;</p> -<p>Et pour vous en laisser tous deux en libert,</p> -<p class="i3"> Je veux bien lui quitter la place.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">SPITRIDATE, ELPINICE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle ne s'y fait pas, Madame, un grand effort,</p> -<p>Et feroit grce entire mon peu de mrite,<span class="dalign">230</span></p> -<p>Si votre me avec elle toit assez d'accord</p> -<p>Pour se vouloir saisir de ce qu'elle vous quitte.</p> -<p>Pour peu que vous daigniez couter la raison,</p> -<p class="i3"> Vous me devez cette justice,</p> -<p>Et prendre autant de part voir ma gurison,<span class="dalign">235</span></p> -<p>Qu'en ont eu vos attraits faire mon supplice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? Seigneur, j'aurois part....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> C'est trop dissimuler</p> -<p>La cause et la grandeur du mal qui me possde;</p> -<p>Et je me dois, Madame, au dfaut du remde,</p> -<p class="i3"> La vaine douceur d'en parler.<span class="dalign">240</span></p> -<p class="i3"> Oui, vos yeux ont part ma peine,</p> -<p class="i3"> Ils en font plus de la moiti;</p> -<p>Et s'il n'est point d'amour pour en finir la gne,</p> -<p>Il est pour l'adoucir des regards de piti.</p> -<p class="i1"> Quand je quittai la Perse, et brisai l'esclavage <span class="dalign">245</span></p> -<p>O, m'envoyant au jour, le ciel m'avoit soumis,</p> -<p>Je crus qu'il me falloit parmi ses ennemis</p> -<p>D'un protecteur puissant assurer l'avantage.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span></div> -<p>Cotys eut, comme moi, besoin de Lysander;</p> -<p>Et quand pour l'attacher lui-mme nos familles,<span class="dalign">250</span></p> -<p class="i3"> Nous demandmes ses deux filles,</p> -<p>Ce fut les obtenir que de les demander.</p> -<p>Par dfrence au trne il lui promit l'ane;</p> -<p class="i3"> La jeune me fut destine.</p> -<p>Comme nous ne cherchions tous deux que son appui, <span class="dalign">255</span></p> -<p>Nous acceptmes tout sans regarder que lui.</p> -<p>J'avois su qu'Aglatide toit des plus aimables,</p> -<p>On m'avoit dit qu' Sparte elle savoit charmer;</p> -<p class="i3"> Et sur des bruits si favorables</p> -<p class="i3"> Je me rpondois de l'aimer.<span class="dalign">260</span></p> -<p>Que l'amour aime peu ces folles confiances!</p> -<p>Et que pour affermir son empire en tous lieux,</p> -<p>Il laisse choir souvent de cruelles vengeances</p> -<p>Sur qui promet son cœur sans l'aveu de ses yeux!</p> -<p class="i3"> Ce sont les conseillers fidles <span class="dalign">265</span></p> -<p>Dont il prend les avis pour ajuster ses coups;</p> -<p>Leur rapport ingal vous fait plus ou moins belles,</p> -<p>Et les plus beaux objets ne le sont pas pour tous.</p> -<p>A ce moment fatal qui nous permit la vue</p> -<p class="i3"> Et de vous et de cette sœur, <span class="dalign">270</span></p> -<p class="i3"> Mon me devint toute mue,</p> -<p>Et le trouble aussitt s'empara de mon cœur;</p> -<p class="i3"> Je le sentis pour elle tout de glace,</p> -<p class="i3"> Je le sentis tout de flamme pour vous;</p> -<p class="i3"> Vous y rgntes en sa place, 275</p> -<p>Et ses regards aux miens n'offrirent rien de doux.</p> -<p>Il faut pourtant l'aimer, du moins il faut le feindre;</p> -<p class="i3"> Il faut vous voir aimer ailleurs:</p> -<p>Voyez s'il fut jamais un amant plus plaindre,</p> -<p>Un cœur plus accabl de mortelles douleurs.<span class="dalign">280</span></p> -<p>C'est un malheur sans doute gal au trpas mme</p> -<p>Que d'attacher sa vie ce qu'on n'aime pas;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span></div> -<p>Et voir en d'autres mains passer tout ce qu'on aime,</p> -<p>C'est un malheur encor plus grand que le trpas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous en plains, Seigneur, et ne puis davantage,<span class="dalign">285</span></p> -<p class="i3"> Je ne sais aimer ni har;</p> -<p>Mais ds qu'un pre parle, il porte en mon courage</p> -<p>Toute l'impression qu'il faut pour obir.</p> -<p>Voyez avec Cotys si ses vœux les plus tendres</p> -<p>Voudroient rendre ma sœur l'hommage qu'il me rend. <span class="dalign">290</span></p> -<p>Tout doit tre mon pre assez indiffrent,</p> -<p>Pourvu que vous et lui vous demeuriez ses gendres.</p> -<p>Mais vous dire tout, je crains qu'Agsilas</p> -<p>N'y refuse l'aveu qui vous est ncessaire:</p> -<p>C'est notre souverain.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> S'il en ddit un pre,<span class="dalign">295</span></p> -<p>Peut-tre ai-je une sœur qu'il n'en ddira pas.</p> -<p>Ce grand prince pour elle a tant de complaisance,</p> -<p>Qu' sa moindre prire il ne refuse rien;</p> -<p>Et si son cœur vouloit s'entendre avec le mien<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor"> [19]</a>....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Reposez-vous, Seigneur, sur mon obissance, <span class="dalign">300</span></p> -<p class="i3"> Et contentez-vous de savoir</p> -<p>Qu'aussi bien que ma sœur j'coute mon devoir.</p> -<p>Allez trouver Cotys, et sans aucun scrupule....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Perdriez-vous pour moi son trne sans ennui?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le voil qui parot. Quelque ardeur qui vous brle, <span class="dalign">305</span></p> -<p>Mettez d'accord mon pre, Agsilas et lui.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">COTYS, SPITRIDATE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous voyez de quel air Elpinice me traite,</p> -<p>Comme elle disparot, Seigneur, mon abord.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si votre me, Seigneur, en est mal satisfaite,</p> -<p>Mon sort est bien plaindre autant que votre sort.<span class="dalign">310</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! s'il n'toit honteux de manquer de promesse!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si la foi sans rougir pouvoit se dgager!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'une autre de mon cœur seroit bientt matresse!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que je serois ravi, comme vous, de changer!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elpinice pour moi montre une telle glace,<span class="dalign">315</span></p> -<p>Que je me tiendrois sr de son consentement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aglatide verroit qu'une autre prt sa place</p> -<p class="i3"> Sans en murmurer un moment.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que nous sert qu'en secret l'une et l'autre engage</p> -<p>Peut-tre ainsi que nous porte son cœur ailleurs?<span class="dalign">320</span></p> -<p>Pour voir notre infortune entre elles partage,</p> -<p class="i3"> Nos destins n'en sont pas meilleurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elles aiment ailleurs, ces belles ddaigneuses;</p> -<p class="i3"> Et peut-tre, en dpit du sort,</p> -<p>Il seroit un moyen et de les rendre heureuses,<span class="dalign">325</span></p> -<p>Et de nous rendre heureux par un commun accord.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Souffrez donc qu'avec vous tout mon cœur se dploie.</p> -<p>Ah! si vous le vouliez, que mon sort seroit doux!</p> -<p>Vous seul me pouvez mettre au comble de ma joie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et ma flicit dpend toute de vous. <span class="dalign">330</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous me pouvez donner l'objet qui me possde.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous me pouvez donner celui de tous mes vœux:</p> -<p>Elpinice me charme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Et si je vous la cde?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je cderai de mme Aglatide vos feux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aglatide, Seigneur! Ce n'est pas l m'entendre,<span class="dalign">335</span></p> -<p class="i3"> Et vous ne feriez rien pour moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne vous devez-vous pas Lysander pour gendre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui; mais l'amour ici me fait une autre loi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour! il n'en faut point couter qui le blesse,</p> -<p class="i3"> Et qui nous te son appui. <span class="dalign">340</span></p> -<p>L'change des deux sœurs n'a rien qui l'intresse,</p> -<p class="i3"> Nous n'en serons pas moins lui;</p> -<p>Mais de porter ailleurs sa main<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor"> [20]</a>, qui leur est due,</p> -<p>Seigneur, au dernier point ce sera l'irriter,</p> -<p class="i3"> Et sa protection perdue,<span class="dalign">345</span></p> -<p class="i3"> N'avons-nous rien redouter?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si je n'en juge mal, sa faveur n'est pas grande,</p> -<p class="i3"> Seigneur, auprs d'Agsilas;</p> -<p>Il n'obtient presque rien de quoi qu'il lui demande.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Je vois qu'assez souvent il ne l'coute pas; <span class="dalign">350</span> -<p class="i3"> Mais pour un diffrend frivole,</p> -<p class="i3"> Dont nous ignorons le secret,</p> -<p>Ce prince avoueroit-il un amour indiscret,</p> -<p class="i3"> D'un tel manquement de parole?</p> -<p>Lui qui lui doit son trne, et cet illustre rang <span class="dalign">355</span></p> -<p>D'unique gnral des troupes de la Grce,</p> -<p>Pourroit-il le har avec tant de bassesse,</p> -<p>Qu'il pt autoriser ce mpris de son sang?</p> -<p>Si nous manquons de foi, qu'aura-t-il lieu de croire?</p> -<p>En aurions-nous pour lui plus que pour Lysander?<span class="dalign">360</span></p> -<p>Pensez-y bien, Seigneur, avant qu'y hasarder</p> -<p class="i3"> Nos srets et votre gloire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et si ce diffrend, que vous craignez si peu,</p> -<p>Lui fait pour notre hymen refuser un aveu<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor"> [21]</a>?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur n'a qu' parler, je m'en tiens sr par elle.<span class="dalign">365</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, l'aimeroit-il?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Il la trouve assez belle,</p> -<p>Il en parle avec joie, et se plat la voir.</p> -<p>Je tche d'affermir ces douces apparences;</p> -<p class="i3"> Et si vous voulez tout savoir,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span></div> -<p>Je pense avoir de quoi flatter mes esprances. <span class="dalign">370</span></p> -<p>Prenez-y part, Seigneur, pour l'intrt commun.</p> -<p>Quand nous aurons tous deux Lysander pour beau-pre,</p> -<p>Ce roi s'allie vous, s'il devient mon beau-frre;</p> -<p>Et nous aurons ainsi deux appuis au lieu d'un.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et Mandane y consent?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Mandane est trop bien ne<span class="dalign">375</span></p> -<p>Pour ddire un devoir qui la met sous ma loi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et vous avez donn pour elle votre foi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; mais dire vrai, je la tiens pour donne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! ne la donnez point, Seigneur, si vous m'aimez,</p> -<p class="i3"> Ou si vous aimez Elpinice.<span class="dalign">380</span></p> -<p>Mandane a tout mon cœur, mes yeux en sont charms;</p> -<p>Et ce n'est qu' ce prix que je vous rends justice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elpinice ne rend votre foi qu' sa sœur,</p> -<p>Et ce n'est qu' ce prix qu'elle-mme se donne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! et si l'amour autrement en ordonne,<span class="dalign">385</span></p> -<p class="i3"> Le moyen d'y forcer mon cœur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rendez-vous-en le matre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Et l'tes-vous du vtre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'y ferai mon effort, si je vous parle en vain;</p> -<p>Et du moins, si ma sœur vous drobe toute autre,</p> -<p class="i3"> Je serai matre de ma main. <span class="dalign">390</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne le puis celer, qui que l'on me propose,</p> -<p>Toute autre que Mandane est pour moi mme chose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il vous est donc facile, et doit mme tre doux,</p> -<p>Puisqu'enfin Elpinice aime un autre que vous,</p> -<p class="i3"> De lui prfrer qui vous aime;<span class="dalign">395</span></p> -<p class="i3"> Et du moins vous auriez l'honneur,</p> -<p class="i3"> Par un peu d'effort sur vous-mme,</p> -<p class="i3"> De faire le commun bonheur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ferois trois heureux qui m'empchent de l'tre!</p> -<p>J'ose, j'ose vous faire une plus juste loi: <span class="dalign">400</span></p> -<p>Ou faites mon bonheur dont vous tes le matre,</p> -<p>Ou demeurez tous trois malheureux comme moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Eh bien! pousez Elpinice:</p> -<p class="i3"> Je renonce tout mon bonheur,</p> -<p class="i3"> Plutt que de me voir complice <span class="dalign">405</span></p> -<p>D'un manquement de foi qui vous perdroit d'honneur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Rendez-vous votre Aglatide,</p> -<p class="i3"> Puisque votre cœur endurci</p> -<p>Veut suivre obstinment un faux devoir pour guide:</p> -<p>Je serai malheureux, vous le serez aussi.<span class="dalign">410</span></p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6 small">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE II.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">SPITRIDATE, MANDANE.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que nous avons, ma sœur, bris de rudes chanes!</p> -<p class="i3"> En Perse il n'est point de sujets;</p> -<p class="i3"> Ce ne sont qu'esclaves abjets<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor"> [22]</a>,</p> -<p>Qu'crasent d'un coup d'œil les ttes souveraines:</p> -<p>Le monarque, ou plutt le tyran gnral,<span class="dalign">415</span></p> -<p class="i3"> N'y suit pour loi que son caprice,</p> -<p>N'y veut point d'autre rgle et point d'autre justice,</p> -<p>Et souvent mme impute crime capital</p> -<p>Le plus rare mrite et le plus grand service;</p> -<p>Il abat ses pieds les plus hautes vertus,<span class="dalign">420</span></p> -<p>S'immole insolemment les plus illustres vies,</p> -<p>Et ne laisse aujourd'hui que les cœurs abattus</p> -<p class="i3"> A couvert de ses tyrannies.</p> -<p>Vous autres, s'il vous daigne honorer de son lit,</p> -<p class="i3"> Ce sont indignits gales: <span class="dalign">425</span></p> -<p>La gloire s'en partage entre tant de rivales,</p> -<p>Qu'elle est moins un honneur qu'un sujet de dpit.</p> -<p class="i3"> Toutes n'ont pas le nom de reines,</p> -<p class="i3"> Mais toutes portent mmes chanes,</p> -<p class="i3"> Et toutes, parler sans fard,<span class="dalign">430</span></p> -<p>Servent ses plaisirs sans part son empire;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span></div> -<p>Et mme en ses plaisirs elles n'ont autre part</p> -<p>Que celle qu' son cœur brutalement inspire</p> -<p class="i3"> Ou ce caprice, ou le hasard.</p> -<p>Voil, ma sœur, quoi vous avoit destine,<span class="dalign">435</span></p> -<p>A quel infme honneur vous avoit condamne</p> -<p class="i3"> Pharnabaze<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor"> [23]</a>, son lieutenant:</p> -<p>Il auroit fait de vous un prsent son prince,</p> -<p>Si pour nous affranchir mon soin le prvenant</p> -<p>N'et sa tyrannie arrach ma province.<span class="dalign">440</span></p> -<p class="i3"> La Grce a de plus saintes lois,</p> -<p class="i3"> Elle a des peuples et des rois</p> -<p class="i3"> Qui gouvernent avec justice:</p> -<p>La raison y prside, et la sage quit;</p> -<p>Le pouvoir souverain par elles limit,<span class="dalign">445</span></p> -<p class="i3"> N'y laisse aucun droit de caprice<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor"> [24]</a>.</p> -<p>L'hymen de ses rois mme y donne cœur pour cœur;</p> -<p class="i3"> Et si vous aviez le bonheur</p> -<p>Que l'un d'eux vous offrt son trne avec son me,</p> -<p class="i3"> Vous seriez, par ce nœud charmant,<span class="dalign">450</span></p> -<p class="i3"> Et reine vritablement,</p> -<p class="i3"> Et vritablement sa femme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je veux bien l'esprer: tout est facile aux Dieux;</p> -<p class="i3"> Et peut-tre que de bons yeux</p> -<p>En auroient dj vu quelque flatteuse marque;<span class="dalign">455</span></p> -<p>Mais il en faut de bons pour faire un si grand choix.</p> -<p>Si le roi dans la Perse est un peu trop monarque,</p> -<p>En Grce il est des rois qui ne sont pas trop rois:</p> -<p>Il en est dont le peuple est le suprme arbitre;</p> -<p>Il en est d'attachs aux ordres d'un snat;<span class="dalign">460</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span></div> -<p>Il en est qui ne sont enfin, sous ce grand titre,</p> -<p class="i3"> Que premiers sujets de l'tat.</p> -<p>Je ne sais si le ciel pour rgner m'a fait natre,</p> -<p>Et quoi qu'en ma faveur j'aye encor vu parotre,</p> -<p class="i3"> Je doute si l'on m'aime ou non;<span class="dalign">465</span></p> -<p class="i3"> Mais je pourrois tre assez vaine</p> -<p class="i3"> Pour ddaigner le nom de reine</p> -<p>Que m'offriroit un roi qui n'en et<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor"> [25]</a> que le nom.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous en savez beaucoup, ma sœur, et vos mrites</p> -<p>Vous ouvrent fort les yeux sur ce que vous valez. <span class="dalign">470</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je rponds simplement ce que vous me dites,</p> -<p>Et parle en gnral comme vous me parlez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cependant et des rois et de leur diffrence</p> -<p>Je vous trouve en effet plus instruite que moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Puisque vous m'ordonnez qu'ici j'espre un roi, <span class="dalign">475</span></p> -<p>Il est juste, Seigneur, que quelquefois j'y pense.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'y pensez-vous point trop?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Je sais que c'est vous</p> -<p>A rgler mes desirs sur le choix d'un poux:</p> -<p class="i3"> Mon devoir n'en fera point d'autre;</p> -<p>Mais quand vous daignerez choisir pour une sœur,<span class="dalign">480</span></p> -<p>Daignez songer, de grce, faire son bonheur</p> -<p class="i3"> Mieux que vous n'avez fait le vtre.</p> -<p>D'un choix que vous m'aviez vous-mme tant lou,</p> -<p>Votre cœur et vos yeux vous ont dsavou;</p> -<p>Et si j'ai, comme vous, quelques pentes secrtes, <span class="dalign">485</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span></div> -<p>Seigneur, si c'est ainsi que vous les rencontrez,</p> -<p class="i3"> Jugez, par le trouble o vous tes,</p> -<p class="i3"> De l'tat o vous me mettrez<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor"> [26]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le vois bien, ma sœur, il faut vous laisser faire:</p> -<p>Qui choisit mal pour soi choisit mal pour autrui;<span class="dalign">490</span></p> -<p>Et votre cœur, instruit par le malheur d'un frre,</p> -<p class="i3"> A dj fait son choix sans lui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre; mais enfin vous suis-je ncessaire?</p> -<p>Parlez: il n'est desirs ni tendres sentiments</p> -<p>Que je ne sacrifie vos contentements. <span class="dalign"> 495</span></p> -<p>Faut-il donner ma main pour celle d'Elpinice?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que sert de m'en offrir un entier sacrifice,</p> -<p>Si je n'ose et ne puis mme dterminer</p> -<p>A qui pour mon bonheur vous devez la donner?</p> -<p>Cotys me la demande, Agsilas l'espre.<span class="dalign">500</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Agsilas, Seigneur! Et le savez-vous bien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parler de vous sans cesse, aimer votre entretien,</p> -<p>Vous donner tout crdit, ne chercher qu' vous plaire....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce sont civilits envers une trangre,</p> -<p>Qui font beaucoup d'clat, et ne produisent rien.<span class="dalign">505</span></p> -<p class="i3"> Il jette par l des amorces</p> -<p>A ceux qui, comme nous, voudront grossir ses forces;</p> -<p>Mais quelque haut crdit qu'il me donne en sa cour,</p> -<p>De toute sa conduite il est si bien le matre,</p> -<p>Qu'au simple nom d'hymen vous verriez disparotre<span class="dalign">510</span></p> -<p>Tout ce qu'en ses faveurs vous prenez pour amour.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous penchez vers Cotys, et savez qu'Elpinice</p> -<p>Ne veut point tre moi qu'il ne soit sa sœur!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous rponds de tout, si vous avez son cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et Lysander pourra souffrir cette injustice?<span class="dalign">515</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Lysander est si mal auprs d'Agsilas,</p> -<p>Que ce sera beaucoup s'il en obtient un gendre;</p> -<p>Et peut-tre sans moi ne l'obtiendra-t-il pas:</p> -<p>Pour deux, il auroit tort<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor"> [27]</a>, s'il osoit y prtendre.</p> -<p>Mais, Seigneur, le voici; tchez de pressentir<span class="dalign">520</span></p> -<p>Ce qu'en votre faveur il pourroit consentir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ma sœur, vous tes plus adroite;</p> -<p>Souffrez que je mnage un moment de retraite:</p> -<p>J'aurois trop rougir, pour peu que devant moi</p> -<p>Vous fissiez deviner de ce manque de foi.<span class="dalign">525</span></p> -</div></div> - -<h3 class="subt">SCNE II.</h3> -<p class="subh">LYSANDER, SPITRIDATE, MANDANE, CLON.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Quoique en matire d'hymnes</p> -<p>L'importune langueur des affaires tranes</p> -<p>Attire assez souvent de fcheux embarras,</p> -<p>J'ai voulu qu' loisir vous pussiez<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor"> [28]</a> voir mes filles,</p> -<p>Avant que demander l'aveu d'Agsilas<span class="dalign">530</span></p> -<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span> -<p class="i3"> Sur l'union de nos familles.</p> -<p>Dites-moi donc, Seigneur, ce qu'en jugent vos yeux,</p> -<p>S'ils laissent votre cœur d'accord de vos promesses,</p> -<p>Et si vous y sentez plus d'aimables tendresses</p> -<p>Que de justes desirs de pouvoir choisir mieux.<span class="dalign">535</span></p> -<p>Parlez avec franchise, avant que je m'expose</p> -<p class="i3"> A des refus presque assurs,</p> -<p class="i3"> Que j'estimerai peu de chose</p> -<p class="i3"> Quand vous serez plus dclars;</p> -<p>Et n'apprhendez point l'emportement d'un pre:<span class="dalign">540</span></p> -<p>Je sais trop que l'amour de ses droits est jaloux,</p> -<p class="i3"> Qu'il dispose de nous sans nous,</p> -<p>Que les plus beaux objets ne sont pas srs de plaire.</p> -<p>L'aveugle sympathie est ce qui fait agir</p> -<p class="i3"> La plupart des feux qu'il excite;<span class="dalign">545</span></p> -<p>Il ne l'attache pas toujours au vrai mrite:</p> -<p>Et quand il la dnie, on n'a point rougir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Puisque vous le voulez, je ne puis me dfendre,</p> -<p>Seigneur, de vous parler avec sincrit:</p> -<p>Ma seule ambition est d'tre votre gendre; <span class="dalign">550</span></p> -<p>Mais apprenez, de grce, une autre vrit:</p> -<p>Ce bonheur que j'attends, cette gloire o j'aspire,</p> -<p>Et qui rendroit mon sort gal au sort des Dieux,</p> -<p>N'a pour objet.... Seigneur, je tremble vous le dire;</p> -<p class="i3"> Ma sœur vous l'expliquera mieux. <span class="dalign">555</span></p> -</div></div> - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">LYSANDER, MANDANE, CLON.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que veut dire, Madame, une telle retraite?</p> -<p>Se plaint-il d'Aglatide, et la jeune indiscrte</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span></div> -<p>Rpondroit-elle mal aux honneurs qu'il lui fait?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle y rpond, Seigneur, ainsi qu'il le souhaite,</p> -<p class="i3"> Et je l'en vois fort satisfait; <span class="dalign">560</span></p> -<p>Mais je ne vois pas bien que par les sympathies</p> -<p class="i3"> Dont vous venez de nous parler,</p> -<p class="i3"> Leurs mes soient fort assorties<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor"> [29]</a>,</p> -<p>Ni que l'amour encore ait daign s'en mler.</p> -<p>Ce n'est pas qu'il n'aspire se voir votre gendre,<span class="dalign">565</span></p> -<p>Qu'il n'y mette sa gloire, et borne ses plaisirs;</p> -<p>Mais puisque par son ordre il me faut vous l'apprendre,</p> -<p>Elpinice est l'objet de ses plus chers desirs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elpinice! Et sa main n'est plus en ma puissance!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je sais qu'il n'est plus temps de vous la demander;<span class="dalign">570</span></p> -<p>Mais je vous rpondrois de son obissance,</p> -<p class="i3"> Si Cotys la vouloit cder.</p> -<p>Que sait-on si l'amour, dont la bizarrerie</p> -<p>Se joue assez souvent du fond de notre cœur,</p> -<p>N'aura point fait au sien mme supercherie?<span class="dalign">575</span></p> -<p>S'il n'y prfre point Aglatide sa sœur?</p> -<p>Cet change, Seigneur, pourroit-il vous dplaire,</p> -<p class="i3"> S'il les rendoit tous quatre heureux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, doutez-vous de la bont d'un pre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voyez donc si Cotys sera plus rigoureux: <span class="dalign">580</span></p> -<p>Je vous laisse avec lui, de peur que ma prsence</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span></div> -<p>N'empche une sincre et pleine confiance.</p> -<p class="stagedir">(A Cotys.)</p> -<p>Seigneur, ne cachez plus le vritable amour<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor"> [30]</a></p> -<p class="i3"> Dont l'ide en secret vous flatte.</p> -<p>J'ai dit Lysander celui de Spitridate; <span class="dalign">585</span></p> -<p class="i3"> Dites le vtre votre tour.</p> -</div></div> - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">LYSANDER, COTYS, CLON.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Puisqu'elle vous l'a dit, pourrois-je vous le taire?</p> -<p class="i3"> Jugez, Seigneur, de mes ennuis:</p> -<p>Une autre qu'Elpinice mes yeux a su plaire;</p> -<p>Et l'aimer est un crime en l'tat o je suis. <span class="dalign">590</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne traitez point, Seigneur, ce nouveau feu de crime:</p> -<p>Le choix que font les yeux est le plus lgitime;</p> -<p>Et comme un beau desir ne peut bien s'allumer</p> -<p>S'ils n'instruisent le cœur de ce qu'il doit aimer,</p> -<p>C'est ter l'amour tout ce qu'il a d'aimable,<span class="dalign">595</span></p> -<p>Que les tenir captifs sous une aveugle foi;</p> -<p class="i3"> Et le don le plus favorable</p> -<p>Que ce cœur sans leur ordre ose faire de soi</p> -<p class="i3"> Ne fut jamais irrvocable.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Seigneur, ce n'est point par mpris, <span class="dalign">600</span></p> -<p>Ce n'est point qu'Elpinice aux miens n'ait paru belle;</p> -<p>Mais enfin (le dirai-je?) oui, Seigneur, on m'a pris,</p> -<p>On m'a vol ce cœur que j'apportois pour elle:</p> -<p>D'autres yeux, malgr moi, s'en sont faits les tyrans,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span></div> -<p>Et ma foi s'est arme en vain pour ma dfense;<span class="dalign">605</span></p> -<p>Ce lche, qui s'est mis de leur intelligence,</p> -<p>Les a soudain reus en justes conqurants.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Laissez-leur garder leur conqute.</p> -<p>Peut-tre qu'Elpinice avec plaisir s'apprte</p> -<p>A vous laisser ailleurs trouver un sort plus doux,<span class="dalign">610</span></p> -<p>Quand un autre pour elle a d'autres yeux que vous,</p> -<p>Qu'elle cde ce cœur celle qui le vole,</p> -<p>Et qu'en ce mme instant qu'on vous le surprenoit,</p> -<p>Un pareil attentat sur sa propre parole</p> -<p>Lui droboit celui qu'elle vous destinoit.<span class="dalign">615</span></p> -<p>Surtout ne craignez rien du ct d'Aglatide:</p> -<p>Je puis rpondre d'elle, et quand j'aurai parl,</p> -<p>Vous verrez tout son cœur, o mon vouloir<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor"> [31]</a> prside,</p> -<p>Vous payer de celui qu'elle vous a vol.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! Seigneur, pour ce vol je ne me plains pas d'elle. <span class="dalign">620</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et de qui donc?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> L'amour s'y sert d'une autre main.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Oui, cet amour qui me rend infidle....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, du nom d'amour n'abusez point en vain,</p> -<p>Dites d'Agsilas la haine insatiable:</p> -<p>C'est elle dont l'aigreur auprs de vous m'accable, <span class="dalign">625</span></p> -<p>Et qui de jour en jour s'animant contre moi,</p> -<p>Pour me perdre d'honneur m'enlve votre foi.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ah! s'il y va de votre gloire,</p> -<p>Ma parole est donne, et duss-je en mourir,</p> -<p>Je la tiendrai, Seigneur, jusqu'au dernier soupir; <span class="dalign">630</span></p> -<p>Mais quoi que la surprise ait pu vous faire croire,</p> -<p class="i3"> N'accusez, point Agsilas</p> -<p>D'un crime de mon cœur, que mme il ne sait pas.</p> -<p>Mandane, qui m'ordonne vos yeux de le dire,</p> -<p>Vous montre assez par l quel souverain empire<span class="dalign">635</span></p> -<p class="i3"> L'amour lui donne sur ce cœur.</p> -<p>Ne considrez point si j'aime ou si l'on m'aime;</p> -<p>En matire d'honneur ne voyez que vous-mme,</p> -<p>Et disposez de moi comme veut cet honneur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour le fera mieux; ce que j'en viens d'apprendre<span class="dalign">640</span></p> -<p>M'offre un sujet de joie o j'en voyois d'ennui:</p> -<p class="i3"> pouser la sœur de mon gendre,</p> -<p class="i3"> C'est le devenir comme lui.</p> -<p>Aglatide d'ailleurs n'est pas si dlaisse</p> -<p>Que votre exemple n'aide lui trouver un roi;<span class="dalign">645</span></p> -<p>Et pour peu que le ciel rponde ma pense,</p> -<p>Ce sera plus de gloire et plus d'appui pour moi.</p> -<p>Aussi ferai-je plus: je veux que de moi-mme</p> -<p>Vous teniez cet objet qui vous fait soupirer;</p> -<p>Et Spitridate, moins que de m'en assurer, <span class="dalign">650</span></p> -<p class="i3"> N'obtiendra jamais ce qu'il aime.</p> -<p>Je veux ds aujourd'hui savoir d'Agsilas</p> -<p>S'il pourra consentir ce double hymne,</p> -<p class="i3"> Dont ma parole toit donne.</p> -<p>Sa haine apparemment ne m'en avouera pas: <span class="dalign">655</span></p> -<p>Si pourtant par bonheur il m'en laisse le matre,</p> -<p>J'en userai, Seigneur, comme je le promets;</p> -<p class="i3"> Sinon, vous lui ferez connotre</p> -<p class="i3"> Vous-mme quels sont vos souhaits.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! que Mandane et moi n'avons-nous mille vies, <span class="dalign">660</span></p> -<p class="i3"> Seigneur, pour vous les immoler!</p> -<p>Car je ne saurois plus vous le dissimuler,</p> -<p>Nos mes en seront galement ravies.</p> -<p>Souffrez-lui donc sa part en ces ravissements;</p> -<p>Et pardonnez, de grce, mon impatience.... <span class="dalign">665</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez: on m'a vu jeune, et par exprience</p> -<p>Je sais ce qui se passe au cœur des vrais amants.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">LYSANDER, CLON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, n'tes-vous point d'une humeur bien facile</p> -<p>D'applaudir Cotys sur son manque de foi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Je prends pour l'attacher moi <span class="dalign">670</span></p> -<p class="i3"> Ce qui s'offre de plus utile.</p> -<p class="i3"> D'un emportement indiscret</p> -<p class="i3"> Je ne voyois rien prtendre:</p> -<p class="i3"> Vouloir par force en faire un gendre,</p> -<p class="i3">Ce n'est qu'en vouloir faire un ennemi secret. <span class="dalign">675</span></p> -<p class="i3">Je veux me l'acqurir: je veux, s'il m'est possible,</p> -<p>A force d'amitis si bien le mnager,</p> -<p class="i3"> Que quand je voudrai me venger,</p> -<p class="i3"> J'en tire un secours infaillible.</p> -<p class="i3"> Ainsi je flatte ses desirs,<span class="dalign">680</span></p> -<p>J'applaudis, je dfre ses nouveaux soupirs,</p> -<p class="i3"> Je me fais l'auteur de sa joie,</p> -<p>Je sers sa passion, et sous cette couleur</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span></div> -<p>Je m'ouvre dans son me une infaillible voie</p> -<p>A m'en faire mon tour servir avec chaleur.<span class="dalign">685</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, mais Agsilas, Seigneur, aime Mandane:</p> -<p>Du moins toute sa cour ose le deviner;</p> -<p>Et promettre Cotys cette illustre Persane,</p> -<p>C'est lui promettre tout pour ne lui rien donner.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu' ses vœux mon tyran l'accorde ou la refuse,<span class="dalign">690</span></p> -<p class="i3"> De la manire dont j'en use,</p> -<p class="i3"> Il ne peut m'ter son appui;</p> -<p>Et de quelque faon que la chose se passe,</p> -<p class="i3"> Ou je fais la premire grce,</p> -<p>Ou j'aigris puissamment ce rival contre lui.<span class="dalign">695</span></p> -<p>J'ai mme souhaiter que son feu se dclare.</p> -<p>Comme de notre Sparte il choquera les lois,</p> -<p>C'est une occasion que lui-mme il prpare,</p> -<p>Et qui peut la rsoudre mieux choisir ses rois.</p> -<p>Nous avons trop longtemps asservi sa couronne <span class="dalign">700</span></p> -<p class="i3"> A la vaine splendeur du sang;</p> -<p>Il est juste son tour que la vertu la donne,</p> -<p>Et que le seul mrite ait droit ce haut rang.</p> -<p>Ma ligue est dj forte, et ta harangue est prte<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor"> [32]</a></p> -<p class="i3"> A faire clater la tempte, <span class="dalign">705</span></p> -<p>Sitt qu'il aura mis ma patience bout.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span></div> -<p>Si pourtant je voyois sa haine enfin borne</p> -<p>Ne mettre aucun obstacle ce double hymne,</p> -<p>Je crois que je pourrois encore oublier tout.</p> -<p>En perdant cet ingrat, je dtruis mon ouvrage;<span class="dalign">710</span></p> -<p>Je vois dans sa grandeur le prix de mon courage,</p> -<p>Le fruit de mes travaux, l'effet de mon crdit.</p> -<p>Un reste d'amiti tient mon me en balance:</p> -<p>Quand je veux le har je me fais violence,</p> -<p>Et me force regret ce que je t'ai dit.<span class="dalign">715</span></p> -<p>Il faut, il faut enfin qu'avec lui je m'explique,</p> -<p class="i3"> Que j'en sache qui peut causer</p> -<p>Cette haine si lche, et qu'il rend si publique,</p> -<p>Et fasse un digne effort le dsabuser.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'appartient qu' vous de former ces penses;<span class="dalign">720</span></p> -<p>Mais vous ne songez point avec quels sentiments</p> -<p class="i3"> Vos deux filles intresses</p> -<p class="i3"> Apprendront de tels changements.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aglatide est d'humeur rire de sa perte:</p> -<p>Son esprit enjou ne s'branle de rien.<span class="dalign">725</span></p> -<p>Pour l'autre, elle a, de vrai, l'me un peu moins ouverte,</p> -<p>Mais elle n'eut jamais de vouloir que le mien.</p> -<p>Ainsi je me tiens sr de leur obissance.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand cette obissance a fait un digne choix,</p> -<p>Le cœur, tomb par l sous une autre puissance,<span class="dalign">730</span></p> -<p>N'obit pas toujours une seconde fois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Les voici: laisse-nous, afin qu'avec franchise</p> -<p class="i3"> Leurs mes s'en ouvrent moi.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span></p> - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subh">LYSANDER, ELPINICE, AGLATIDE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> J'apprends avec quelque surprise,</p> -<p>Mes filles, qu'on vous manque toutes deux de foi:<span class="dalign">735</span></p> -<p>Cotys aime en secret une autre qu'Elpinice,</p> -<p class="i3"> Spitridate n'en fait pas moins.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Si l'on nous fait quelque injustice,</p> -<p>Seigneur, notre devoir s'en remet vos soins.</p> -<p>Je ne sais qu'obir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> J'en sais donc davantage: <span class="dalign">740</span></p> -<p>Je sais que Spitridate adore d'autres yeux;</p> -<p>Je sais que c'est ma sœur qui va cet hommage,</p> -<p>Et quelque chose encor qu'elle vous diroit mieux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur, qu'aurois-je dire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> A quoi bon ce mystre?</p> -<p>Dites ce qu' ce nom le cœur vous dit tout bas,<span class="dalign">745</span></p> -<p>Ou je dirai tout haut qu'il ne vous dplat pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Moi, je pourrois l'aimer, et sans l'ordre d'un pre!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous ne savez que c'est d'aimer ou de har<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor"> [33]</a>,</p> -<p>Mais vous seriez pour lui fort aise d'obir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Qu'il faut souffrir de vous, ma sœur! -<div><span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Le grand supplice</p> -<p>De voir qu'en dpit d'elle on lui rend du service!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rendez-lui la pareille. Aime-t-elle Cotys?</p> -<p>Et s'il falloit changer entre vous de partis....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Je n'ai pas besoin d'interprte,</p> -<p>Et vous en dirai plus, Seigneur, qu'elle n'en sait.<span class="dalign">755</span></p> -<p>Cotys pourroit me plaire, et plairoit en effet,</p> -<p>Si pour toucher son cœur j'tois assez bien faite;</p> -<p>Mais je suis fort trompe, ou cet illustre cœur</p> -<p class="i3"> N'est pas plus moi qu' ma sœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Peut-tre ce malheur d'assez prs te menace. <span class="dalign">760</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'en connois plus de vingt qui mourroient en ma place,</p> -<p>Ou qui sauroient du moins hautement quereller</p> -<p class="i3"> L'injustice de la fortune;</p> -<p>Mais pour moi, qui n'ai pas une me si commune,</p> -<p class="i3"> Je sais l'art de m'en consoler.<span class="dalign">765</span></p> -<p class="i3"> Il est d'autres rois dans l'Asie</p> -<p>Qui seront trop heureux de prendre votre appui;</p> -<p>Et dj, je ne sais par quelle fantaisie,</p> -<p>J'en crois voir mes pieds de plus puissants que lui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Donc moins que d'un roi tu ne veux plus te rendre?<span class="dalign">770</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je crois pour Spitridate avoir dj fait voir</p> -<p class="i3"> Que ma sœur n'a rien m'apprendre</p> -<p class="i3"> Sur le chapitre du devoir.</p> -<p>Elle sait obir, et je le sais comme elle:</p> -<p>C'est l'ordre; et je lui garde un cœur assez fidle <span class="dalign">775</span></p> -<p class="i3"> Pour en subir toutes les lois;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span></div> -<p class="i3"> Mais pour rgler ma destine,</p> -<p>Si vous vous abaissiez jusqu' prendre ma voix,</p> -<p class="i3"> Vous arrteriez votre choix</p> -<p class="i3"> Sur une tte couronne, <span class="dalign">780</span></p> -<p class="i3"> Et ne m'offririez que des rois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> C'est mettre un peu haut ta conqute.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La couronne, Seigneur, orne bien une tte.</p> -<p>Je me la figurois sur celle de ma sœur,</p> -<p class="i3"> Lorsque Cotys devoit l'y mettre;<span class="dalign">785</span></p> -<p>Et quand j'en contemplois la gloire et la douceur,</p> -<p class="i3"> Que je ne pouvois me promettre,</p> -<p>Un peu de jalousie et de confusion</p> -<p>Mutinoit mes desirs et me soulevoit l'me;</p> -<p class="i3"> Et comme en cette occasion<span class="dalign">790</span></p> -<p>Mon devoir pour agir n'attendoit point ma flamme....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La gloire d'obir votre grand regret</p> -<p class="i3"> Vous faisoit pester en secret:</p> -<p>C'est l'ordre; et du devoir la scrupuleuse ide....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que dites-vous, ma sœur? qu'osez-vous hasarder,<span class="dalign">795</span></p> -<p>Vous qui tantt...?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Ma sœur, laissez-moi vous aider,</p> -<p class="i3"> Ainsi que vous m'avez aide.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour bien m'aider dire ici mes sentiments,</p> -<p class="i3"> Vous vous prenez trop mal aux vtres;</p> -<p>Et si je suis jamais rduite aux truchements,<span class="dalign">800</span></p> -<p class="i3"> Il m'en faudra<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor"> [34]</a> bien chercher d'autres.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span></div> -<p> Seigneur, quoi qu'il en soit, voil quelle je suis.</p> -<p>J'acceptois Spitridate avec quelques ennuis;</p> -<p>De ce petit chagrin le ciel m'a dgage,</p> -<p class="i3"> Sans que mon me soit change. <span class="dalign">805</span></p> -<p>Mon devoir rgne encor sur mon ambition:</p> -<p>Quoi que vous m'ordonniez, j'obirai sans peine;</p> -<p class="i3"> Mais de mon inclination,</p> -<p class="i3"> Je mourrai fille, ou vivrai reine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Achevez donc, ma sœur: dites qu'Agsilas....<span class="dalign">810</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ah! Seigneur, ne l'coutez pas:</p> -<p>Ce qu'elle vous veut dire est une bagatelle;</p> -<p>Et mme, s'il le faut, je la dirai mieux qu'elle.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dis donc. Agsilas....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> M'aimoit jadis un peu.</p> -<p>Du moins lui-mme Sparte il m'en fit confidence;<span class="dalign">815</span></p> -<p>Et s'il me disoit vrai, sa noble impatience</p> -<p class="i3"> De vous en demander l'aveu</p> -<p class="i3"> N'attendoit qu'aprs l'hymne</p> -<p class="i3"> De cette aimable et chre ane.</p> -<p>Mais s'il attendoit l que mon tour arriv<span class="dalign">820</span></p> -<p class="i3"> Autorist ma conqute</p> -<p>La flamme qu'en rserve il tenoit toute prte,</p> -<p>Son amour est encore ici plus rserv;</p> -<p>Et soit que dans phse un autre objet me passe,</p> -<p>Soit que par complaisance il cde son rival,<span class="dalign">825</span></p> -<p class="i3"> Il me fait prsent la grce</p> -<p class="i3"> De ne m'en dire bien ni mal.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'un pareil changement ne cherche point la cause:</p> -<p>Sa haine pour ton pre cet amour s'oppose;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span></div> -<p>Mais n'importe, il est bon que j'en sois averti.<span class="dalign">830</span></p> -<p>J'agirai d'autre sorte avec cette lumire;</p> -<p>Et suivant qu'aujourd'hui nous l'aurons plus entire<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor"> [35]</a>,</p> -<p class="i3"> Nous verrons prendre parti<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor"> [36]</a>.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VII.</h3> -<p class="subt">ELPINICE, AGLATIDE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur, je vous admire, et ne saurois comprendre</p> -<p> Cet inpuisable enjouement,<span class="dalign">835</span></p> -<p>Qui d'un chagrin trop juste a de quoi vous dfendre,</p> -<p>Quand vous tes si prs de vous voir sans amant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est ais pourtant d'en deviner les causes.</p> -<p>Je sais comme il faut vivre, et m'en trouve fort bien.</p> -<p class="i3"> La joie est bonne mille choses,<span class="dalign">840</span></p> -<p class="i3"> Mais le chagrin n'est bon rien.</p> -<p>Ne perds-je pas assez, sans doubler l'infortune,</p> -<p>Et perdre encor le bien d'avoir l'esprit gal?</p> -<p class="i3"> Perte sur perte est importune,</p> -<p>Et je m'aime un peu trop pour me traiter si mal. <span class="dalign">845</span></p> -<p>Soupirer quand le sort nous rend une injustice,</p> -<p>C'est lui prter une aide nous faire un supplice.</p> -<p>Pour moi, qui ne lui puis souffrir tant de pouvoir,</p> -<p>Le bien que je me veux met sa haine pis faire.</p> -<p class="i3"> Mais allons rejoindre mon pre:<span class="dalign">850</span></p> -<p>J'ai quelque chose encore lui faire savoir.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE III.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne suis point surpris qu' ces deux hymnes</p> -<p>Vous refusiez, Seigneur, votre consentement:</p> -<p>J'aurois eu tort d'attendre un meilleur traitement</p> -<p>Pour le sang odieux dont mes filles sont nes. <span class="dalign">855</span></p> -<p>Il est le sang d'Hercule en elles comme en vous,</p> -<p>Et mritoit par l quelque destin plus doux;</p> -<p>Mais s'il vous peut<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor"> [37]</a> donner un titre lgitime,</p> -<p class="i3"> Pour tre leur matre et leur roi,</p> -<p>C'est pour l'une et pour l'autre une espce de crime <span class="dalign">860</span></p> -<p class="i3"> Que de l'avoir reu de moi.</p> -<p>J'avois cru toutefois que l'exil volontaire</p> -<p>O l'amour paternel prs d'elles m'et rduit,</p> -<p>Moi qui de mes travaux ne vois plus autre<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor"> [38]</a> fruit</p> -<p class="i3"> Que le malheur de vous dplaire, <span class="dalign">865</span></p> -<p class="i3"> Comme il dlivreroit vos yeux</p> -<p class="i3"> D'une insupportable prsence,</p> -<p>A mes jours presque uss obtiendroit la licence</p> -<p class="i3"> D'aller finir sous d'autres cieux.</p> -<p>C'toit l mon dessein; mais cette mme envie, <span class="dalign">870</span></p> -<p>Qui me fait prs de vous un si malheureux sort,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span></div> -<p>Ne sauroit endurer ni l'clat de ma vie,</p> -<p class="i3"> Ni l'obscurit de ma mort.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'envie et la haine</p> -<p class="i3"> Ont perscut les hros. <span class="dalign">875</span></p> -<p>Hercule en sert d'exemple, et l'histoire en est pleine,</p> -<p>Nous ne pouvons souffrir qu'ils meurent en repos.</p> -<p>Cependant cet exil, ces retraites paisibles,</p> -<p>Cet unique souhait d'y terminer leurs jours,</p> -<p>Sont des mots bien choisis remplir leurs discours: <span class="dalign">880</span></p> -<p>Ils ont toujours leur grce, ils sont toujours plausibles;</p> -<p class="i3"> Mais ils ne sont pas vrais toujours;</p> -<p>Et souvent des prils, ou cachs ou visibles,</p> -<p>Forcent notre prudence nous mieux assurer</p> -<p class="i3"> Qu'ils ne veulent se figurer. <span class="dalign">885</span></p> -<p>Je ne m'tonne point qu'avec tant de lumires</p> -<p class="i3"> Vous ayez prvu mes refus;</p> -<p>Mais je m'tonne fort que les ayant prvus,</p> -<p>Vous n'en ayez pu voir les raisons bien entires.</p> -<p>Vous tes un grand homme, et de plus mcontent: <span class="dalign">890</span></p> -<p>J'avouerai plus encor, vous avez lieu de l'tre.</p> -<p>Ainsi de ce repos o votre ennui prtend</p> -<p>Je dois prvoir en roi quel dsordre peut natre,</p> -<p>Et regarde en quels lieux il vous plat de porter</p> -<p>Des chagrins qu'en leur temps on peut voir clater. <span class="dalign">895</span></p> -<p>Ceux que prend pour exil ou choisit pour asile</p> -<p class="i3"> Ce dessein d'une mort tranquille,</p> -<p>Des Perses et des Grecs sparent les tats.</p> -<p>L'assiette en est heureuse, et l'accs difficile;</p> -<p>Leurs matres ont du cœur, leurs peuples ont des bras;</p> -<p>Ils viennent de nous joindre avec une puissance</p> -<p>A beaucoup esprer, craindre beaucoup d'eux;</p> -<p>Et c'est mettre en leurs mains une trange balance,</p> -<p>Que de mettre leur tte un guerrier si fameux.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span></div> -<p>C'est vous qui les donnez l'un et l'autre la Grce: <span class="dalign">905</span></p> -<p>L'un fut ami du Perse<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor"> [39]</a>, et l'autre son sujet.</p> -<p>Le service est bien grand, mais aussi je confesse</p> -<p>Qu'on peut ne pas bien voir tout le fond du projet.</p> -<p>Votre intrt s'y mle en les prenant pour gendres;</p> -<p>Et si par des liens et si forts et si tendres <span class="dalign">910</span></p> -<p>Vous pouvez aujourd'hui les attacher vous,</p> -<p class="i3"> Vous vous les donnez plus qu' nous.</p> -<p>Si malgr le secours, si malgr les services</p> -<p>Qu'un ami doit l'autre, un sujet son roi,</p> -<p>Vous les avez tous deux arrachs leur foi, <span class="dalign">915</span></p> -<p>Sans aucun droit sur eux, sans aucuns bons offices,</p> -<p class="i3"> Avec quelle facilit</p> -<p>N'immoleront-ils point une amiti nouvelle</p> -<p class="i3"> A votre courage irrit,</p> -<p>Quand vous ferez agir toute l'autorit <span class="dalign">920</span></p> -<p>De l'amour conjugale et de la paternelle,</p> -<p>Et que l'occasion aura d'heureux moments</p> -<p class="i3"> Qui flattent vos ressentiments?</p> -<p class="i3"> Vous ne nous laissez aucun gage:</p> -<p>Votre sang tout entier passe avec vous chez eux. <span class="dalign">925</span></p> -<p>Voyez donc ce projet comme je l'envisage,</p> -<p>Et dites si pour nous il n'a rien de douteux.</p> -<p>Vous avez jusqu'ici fait parotre un vrai zle,</p> -<p>Un cœur si gnreux, une me si fidle,</p> -<p>Que par toute la Grce on vous loue l'envi; <span class="dalign">930</span></p> -<p>Mais le temps quelquefois inspire une autre envie.</p> -<p>Comme vous, Thmistocle avoit fort bien servi,</p> -<p>Et dans la cour de Perse il a fini sa vie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si c'est avec raison que je suis mcontent,</p> -<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span> -<p>Si vous-mme avouez que j'ai lieu de me plaindre, <span class="dalign">935</span></p> -<p>Et si jusqu' ce point on me croit important</p> -<p>Que mes ressentiments puissent vous tre craindre,</p> -<p class="i3"> Oserois-je vous demander</p> -<p class="i3"> Ce que vous a fait Lysander</p> -<p>Pour leur donner ici chaque jour de quoi natre, <span class="dalign">940</span></p> -<p>Seigneur? et s'il est vrai qu'un homme tel que moi,</p> -<p>Quand il est mcontent, peut desservir son roi,</p> -<p class="i3"> Pourquoi me forcez-vous l'tre?</p> -<p>Quelque avis que je donne, il n'est point cout;</p> -<p>Quelque emploi que j'embrasse, il m'est soudain t:<span class="dalign">945</span></p> -<p>Me choisir pour appui, c'est courir sa perte.</p> -<p>Vous changez en tous lieux les ordres que j'ai mis;</p> -<p>Et comme s'il falloit agir guerre ouverte,</p> -<p class="i3"> Vous dtruisez tous mes amis,</p> -<p>Ces amis dont pour vous je gagnai les suffrages <span class="dalign">950</span></p> -<p>Quand il fallut aux Grecs lire un gnral<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor"> [40]</a>,</p> -<p>Eux qui vous ont soumis les plus nobles courages,</p> -<p>Et fait ce haut pouvoir qui leur est si fatal:</p> -<p>Leur seul amour pour moi les livre leur ruine;</p> -<p>Il leur cote l'honneur, l'autorit, le bien; <span class="dalign">955</span></p> -<p>Cependant plus j'y songe, et plus je m'examine,</p> -<p>Moins je trouve, Seigneur, me reprocher rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dites tout: vous avez la mmoire trop bonne</p> -<p>Pour avoir oubli que vous me ftes roi,</p> -<p class="i3"> Lorsqu'on balana ma couronne <span class="dalign">960</span></p> -<p class="i3"> Entre Lotychide<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor"> [41]</a> et moi.</p> -<p>Peut-tre n'osez-vous me vanter un service</p> -<p class="i3"> Qui ne me rendit que justice,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span></div> -<p>Puisque nos lois vouloient ce qu'il sut maintenir;</p> -<p>Mais moi qui l'ai reu, je veux m'en souvenir. <span class="dalign">965</span></p> -<p class="i1"> Vous m'avez donc fait roi, vous m'avez de la Grce</p> -<p>Contre celui de Perse tabli gnral;</p> -<p>Et quand je sens dans l'me une ardeur qui me presse</p> -<p class="i3"> De ne m'en revancher pas mal,</p> -<p>A peine sommes-nous arrivs dans phse, <span class="dalign">970</span></p> -<p>O de nos allis j'ai mis le rendez-vous,</p> -<p>Que sans considrer si j'en serai jaloux,</p> -<p class="i3"> Ou s'il se peut que je m'en taise,</p> -<p class="i3"> Vous vous saisissez par vos mains</p> -<p class="i3"> De plus que votre rcompense; <span class="dalign">975</span></p> -<p>Et tirant toute vous la suprme puissance,</p> -<p class="i3"> Vous me laissez des titres vains.</p> -<p>On s'empresse vous voir, on s'efforce vous plaire;</p> -<p>On croit lire en vos yeux ce qu'il faut qu'on espre;</p> -<p>On pense avoir tout fait quand on vous a parl. <span class="dalign">980</span></p> -<p>Mon palais prs du vtre est un lieu dsol;</p> -<p>Et le gnralat comme le diadme</p> -<p>M'rige sous votre ordre en fantme clatant,</p> -<p>En colosse d'tat qui de vous seul attend</p> -<p class="i3"> L'me qu'il n'a pas de lui-mme, <span class="dalign">985</span></p> -<p class="i3"> Et que vous seul faites aller</p> -<p>O pour vos intrts il le faut taler.</p> -<p>Gnral en ide, et monarque en peinture,</p> -<p>De ces illustres noms pourrois-je faire cas</p> -<p>S'il les falloit porter moins comme Agsilas <span class="dalign">990</span></p> -<p class="i3"> Que comme votre crature,</p> -<p>Et montrer avec pompe au reste des humains</p> -<p>En ma propre grandeur l'ouvrage de vos mains?</p> -<p>Si vous m'avez fait roi, Lysander, je veux l'tre.</p> -<p>Soyez-moi bon sujet, je vous serai bon matre; <span class="dalign">995</span></p> -<p>Mais ne prtendez plus partager avec moi</p> -<p class="i3"> Ni la puissance ni l'emploi.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span></div> -<p>Si vous croyez qu'un sceptre accable qui le porte,</p> -<p>A moins qu'il prenne une aide soutenir son poids,</p> -<p class="i3"> Laissez discerner mon choix <span class="dalign">1000</span></p> -<p>Quelle main m'aider pourroit tre assez forte.</p> -<p>Vous aurez bonne part des emplois si doux,</p> -<p class="i3"> Quand vous pourrez m'en laisser faire;</p> -<p>Mais soyez sr aussi d'un succs tout contraire,</p> -<p>Tant que vous ne voudrez les tenir que de vous<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor"> [42]</a>. <span class="dalign">1005</span></p> -<p class="i1"> Je passe vos amis qu'il m'a fallu dtruire.</p> -<p>Si dans votre vrai rang je voulois vous rduire,</p> -<p>Et d'un pouvoir surpris saper<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor"> [43]</a> les fondements,</p> -<p>Ils toient tout vous; et par reconnoissance</p> -<p class="i3"> D'en avoir reu leur puissance, <span class="dalign">1010</span></p> -<p>Ils ne considroient que vos commandements.</p> -<p>Vous seul les aviez faits souverains dans leurs villes,</p> -<p>Et j'y verrois encor mes ordres inutiles,</p> -<p>A moins que d'avoir mis leur tyrannie bas,</p> -<p>Et chang comme vous la face des tats. <span class="dalign">1015</span></p> -<p class="i3"> Chez tous nos Grecs asiatiques</p> -<p>Votre pouvoir naissant trouva des rpubliques,</p> -<p>Que sous votre cabale il vous plut asservir:</p> -<p>La vieille libert, si chre leurs anctres,</p> -<p>Y fut partout force recevoir dix matres<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor"> [44]</a>; <span class="dalign">1020</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span></div> -<p>Et ds qu'on murmuroit de se la voir ravir,</p> -<p>On voyoit par votre ordre immoler les plus braves</p> -<p class="i3"> A l'empire de vos esclaves.</p> -<p>J'ai tir de ce joug les peuples opprims:</p> -<p>En leur premier tat j'ai remis toutes choses; <span class="dalign">1025</span></p> -<p>Et la gloire d'agir par de plus justes causes</p> -<p>A produit des effets plus doux et plus aims.</p> -<p>J'ai fait, votre exemple, ici des cratures,</p> -<p>Mais sans verser de sang, sans causer de murmures;</p> -<p>Et comme vos tyrans prenoient de vous la loi, <span class="dalign">1030</span></p> -<p>Comme ils toient vous, les peuples sont moi.</p> -<p class="i1"> Voil quelles raisons tent vos services</p> -<p class="i3"> Ce qu'ils vous semblent mriter,</p> -<p class="i3"> Et colorent ces injustices</p> -<p>Dont vous avez raison de vous mcontenter. <span class="dalign">1035</span></p> -<p>Si d'abord elles ont quelque chose d'trange,</p> -<p>Repassez-les deux fois au fond de votre cœur;</p> -<p>Changez, si vous pouvez, de conduite et d'humeur;</p> -<p class="i3"> Mais n'esprez pas que je change.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il ne m'est pas permis d'esprer rien de tel, <span class="dalign">1040</span></p> -<p>Du moins, grces aux Dieux, je ne vois dans vos plaintes</p> -<p>Que des raisons d'tat et de jalouses craintes,</p> -<p>Qui me font malheureux, et non pas criminel.</p> -<p>Non, Seigneur, que je veuille tre assez tmraire</p> -<p>Pour oser d'injustice accuser mes malheurs: <span class="dalign">1045</span></p> -<p>L'action la plus belle a diverses couleurs;</p> -<p>Et lorsqu'un roi prononce, un sujet doit se taire.</p> -<p>Je voudrois seulement vous faire souvenir</p> -<p>Que j'ai prs de trente ans command nos armes</p> -<p>Sans avoir amass que ces nobles fumes<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor"> [45]</a> <span class="dalign">1050</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span></div> -<p class="i3"> Qui gardent les noms de finir<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor"> [46]</a>.</p> -<p>Sparte, pour qui j'allois de victoire en victoire,</p> -<p>M'a toujours vu pour fruit n'en vouloir que la gloire,</p> -<p>Et faire en son pargne entrer tous les trsors</p> -<p>Des peuples subjugus par mes heureux efforts.<span class="dalign">1055</span></p> -<p>Vous-mme le savez, que quoi qu'on m'ait vu faire,</p> -<p>Mes filles n'ont pour dot que le nom de leur pre<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor"> [47]</a>;</p> -<p>Tant il est vrai, Seigneur, qu'en un si long emploi</p> -<p>J'ai tout fait pour l'tat, et n'ai rien fait pour moi.</p> -<p>Dans ce manque de bien Cotys et Spitridate, <span class="dalign">1060</span></p> -<p>L'un roi, l'autre en pouvoir gal peut-tre aux rois,</p> -<p>M'ont assez estim pour y borner leur choix;</p> -<p>Et quand de les pourvoir un doux espoir me flatte,</p> -<p class="i3"> Vous semblez m'envier un bien</p> -<p>Qui fait ma rcompense, et ne vous cote rien.<span class="dalign">1065</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il nous seroit honteux que des mains trangres</p> -<p>Vous payassent pour nous de ce qui vous est d.</p> -<p>Tt ou tard le mrite a ses justes salaires,</p> -<p>Et son prix crot souvent, plus il est attendu.</p> -<p>D'ailleurs n'auroit-on pas quelque lieu de vous dire,<span class="dalign">1070</span></p> -<p>Si je vous permettois d'accepter ces partis,</p> -<p>Qu'amenant avec nous Spitridate et Cotys,</p> -<p>Vous auriez fait pour vous plus que pour notre empire?</p> -<p>Que vos seuls intrts vous auroient fait agir?</p> -<p>Et pourriez-vous enfin l'entendre sans rougir? <span class="dalign">1075</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span></div> -<p class="i1"> Vos filles sont d'un sang que Sparte aime et rvre</p> -<p>Assez pour les payer des services d'un pre.</p> -<p>Je veux bien en rpondre, et moi-mme au besoin</p> -<p>J'en ferai mon affaire, et prendrai tout le soin.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'attendois, Seigneur, qu'un mot si favorable <span class="dalign">1080</span></p> -<p>Pour finir envers vous mes importunits;</p> -<p>Et je ne craindrai plus qu'aucun malheur m'accable,</p> -<p class="i3"> Puisque vous avez ces bonts.</p> -<p>Aglatide surtout aura l'me ravie</p> -<p class="i3"> De perdre<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor"> [48]</a> un poux ce prix; <span class="dalign">1085</span></p> -<p>Et moi, pour me venger de vos plus durs mpris,</p> -<p>Je veux tout de nouveau vous consacrer ma vie.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p> -</div> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'un peu d'amour que j'eus Aglatide a parl:</p> -<p>Son pre qui l'a su dans son me s'en flatte;</p> -<p>Et sur ce vain espoir il part tout consol <span class="dalign">1090</span></p> -<p>Du refus que j'en fais aux vœux de Spitridate:</p> -<p>Tu l'as vu, Xnocls, tout d'un coup s'adoucir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui; mais enfin, Seigneur, il est temps de le dire,</p> -<p>Tout soumis qu'il parot, apprenez qu'il conspire,</p> -<p>Et par o sa vengeance espre y russir.<span class="dalign"><a id="v1095">1095</a></span></p> -<p>Ce confident choisi, Clon d'Halicarnasse,</p> -<p class="i3"> Dont l'loquence a tant d'clat,</p> -<p>Lui vend une harangue renverser l'tat<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor"> [49]</a>,</p> -<p>Et le mettre bientt lui-mme en votre place.</p> -<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span> -<p>En voici la copie, et je la viens d'avoir <span class="dalign">1100</span></p> -<p>D'un des siens sur qui l'or me donne tout pouvoir,</p> -<p>De l'esclave Damis, qui sert de secrtaire</p> -<p class="i3"> A cet orateur mercenaire,</p> -<p class="i3"> Et plus mercenaire que lui,</p> -<p>Pour tre mieux pay vous les<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor"> [50]</a> livre aujourd'hui.<span class="dalign">1105</span></p> -<p>On y soutient, Seigneur, que notre rpublique</p> -<p>Va bientt voir ses rois devenir ses tyrans,</p> -<p>A moins que d'en choisir de trois ans en trois ans,</p> -<p class="i3"> Et non plus suivant l'ordre antique</p> -<p class="i3"> Qui rgle ce choix par le sang; <span class="dalign">1110</span></p> -<p>Mais qu'indiffremment elle doit ce rang</p> -<p>lever le mrite et les rares services.</p> -<p class="i3"> J'ignore quels sont les complices;</p> -<p>Mais il pourra d'phse crire ses amis;</p> -<p>Et soudain le paquet entre vos mains remis <span class="dalign">1115</span></p> -<p class="i3"> Vous instruira de toutes choses.</p> -<p class="i3"> Cependant j'ai fait mon devoir.</p> -<p>Vous voyez le dessein, vous en savez les causes;</p> -<p>Votre perte en dpend: c'est vous d'y pourvoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A te dire le vrai, l'affaire m'embarrasse;<span class="dalign">1120</span></p> -<p>J'ai peine dmler ce qu'il faut que je fasse,</p> -<p>Tant la confusion de mes raisonnements</p> -<p class="i3"> tonne mes ressentiments.</p> -<p>Lysander m'a servi: j'aurois une me ingrate</p> -<p>Si je mconnoissois ce que je tiens de lui;<span class="dalign">1125</span></p> -<p>Il a servi l'tat, et si son crime clate,</p> -<p class="i3"> Il y trouvera de l'appui.</p> -<p class="i3"> Je sens que ma reconnoissance</p> -<p>Ne cherche qu'un moyen de le mettre couvert;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span></div> -<p>Mais enfin il y va de toute ma puissance:<span class="dalign">1130</span></p> -<p class="i3"> Si je ne le perds, il me perd.</p> -<p>Ce que veut l'intrt, la prudence ne l'ose;</p> -<p>Tu peux juger par l du dsordre o je suis.</p> -<p>Je vois qu'il faut le perdre; et plus je m'y dispose,</p> -<p class="i3"> Plus je doute si je le puis.<span class="dalign">1135</span></p> -<p class="i3"> Sparte est un tat populaire,</p> -<p>Qui ne donne ses rois qu'un pouvoir limit:</p> -<p class="i3"> On peut y tout dire et tout faire</p> -<p class="i3"> Sous ce grand nom de libert.</p> -<p>Si je suis souverain en tte d'une arme,<span class="dalign">1140</span></p> -<p class="i3"> Je n'ai que ma voix au snat;</p> -<p>Il faut y rendre compte; et tant de renomme</p> -<p>Y peut avoir dj quelque ligue forme</p> -<p class="i3"> Pour autoriser l'attentat.</p> -<p>Ce prtexte flatteur de la cause publique,<span class="dalign">1145</span></p> -<p>Dont il le couvrira, si je le mets au jour,</p> -<p>Tournera bien des yeux vers cette politique</p> -<p>Qui met chacun en droit de rgner son tour.</p> -<p>Cet espoir y pourra toucher plus d'un courage;</p> -<p>Et quand sur Lysander j'aurai fait choir l'orage,<span class="dalign">1150</span></p> -<p>Mille autres, comme lui jaloux ou mcontents,</p> -<p>Se promettront plus d'heur mieux choisir leur temps.</p> -<p>Ainsi de toutes parts le pril m'environne:</p> -<p>Si je veux le punir, j'expose ma couronne;</p> -<p>Et si je lui fais grce, ou veux dissimuler,<span class="dalign">1155</span></p> -<p>Je dois craindre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Cotys, Seigneur, vous veut parler<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor"> [51]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voyons quelle est sa flamme, avant que de rsoudre</p> -<p>S'il nous faudra lancer ou retenir la foudre.</p> -</div></div> -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, COTYS, XNOCLS.</p> -</div> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">AGSILAS.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous n'tes, Seigneur, plus mon ami qu'amant,</p> -<p>Vous me voudrez du mal avec quelque justice;<span class="dalign">1160</span></p> -<p>Mais vous m'tes trop cher, pour souffrir aisment</p> -<p>Que vous vous attachiez au pre d'Elpinice:</p> -<p class="i3"> Non qu'entre un si grand homme et moi</p> -<p>Ce qu'on voit de froideur prpare aucune haine;</p> -<p>Mais c'est assez pour voir cet hymen avec peine<span class="dalign">1165</span></p> -<p class="i3"> Qu'un sujet dplaise son roi.</p> -<p>D'ailleurs je n'ai pas cru votre me fort prise:</p> -<p>Sans l'avoir jamais vue, elle vous fut promise;</p> -<p>Et la foi qui ne tient qu' la raison d'tat</p> -<p>Souvent n'est qu'un devoir qui gne, tyrannise,<span class="dalign">1170</span></p> -<p>Et fait sur tout le cœur un secret attentat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<span class="i6 small1">COTYS.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Seigneur, la personne est aimable:</p> -<p>Je promis de l'aimer avant que de la voir,</p> -<p>Et sentis sa vue un accord agrable</p> -<p class="i3"> Entre mon cœur et mon devoir. <span class="dalign">1175</span></p> -<p>La froideur toutefois que vous montrez au pre</p> -<p>M'en donne un peu pour elle, et me la rend moins chre:</p> -<p class="i3"> Non que j'ose aprs vos refus</p> -<p>Vous assurer encor que je ne l'aime plus.</p> -<p>Comme avec ma parole il nous falloit la vtre, <span class="dalign">1180</span></p> -<p>Vous dgagez ma foi, mon devoir, mon honneur;</p> -<p>Mais si vous en voulez dgager tout mon cœur,</p> -<p class="i3"> Il faut l'engager quelque autre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Choisissez, choisissez, et s'il est quelque objet</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span></div> -<p class="i3"> A Sparte, ou dans toute la Grce, <span class="dalign">1185</span></p> -<p>Qui puisse de ce cœur mriter la tendresse,</p> -<p class="i3"> Tenez-vous sr d'un prompt effet.</p> -<p>En est-il qui vous touche? en est-il qui vous plaise?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il en est, oui, Seigneur, il en est dans phse;</p> -<p>Et pour faire en ce cœur natre un nouvel amour,<span class="dalign">1190</span></p> -<p>Il ne faut point aller plus loin que votre cour:</p> -<p>L'clat et les vertus de l'illustre Mandane....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que dites-vous, Seigneur? et quel est ce desir?</p> -<p>Quand par toute la Grce on vous donne choisir.</p> -<p class="i3"> Vous choisissez une Persane!<span class="dalign">1195</span></p> -<p>Pensez-y bien, de grce, et ne nous forcez pas,</p> -<p class="i3"> Nous qui vous aimons, connotre</p> -<p>Que press d'un amour, qui ne vient pas de natre.</p> -<p>Vous ne venez moi que pour suivre ses pas<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor"> [52]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mon amour en ces lieux ne cherchoit qu'Elpinice;<span class="dalign">1200</span></p> -<p>Mes yeux ont rencontr Mandane par hasard;</p> -<p>Et quand ce mme amour, de vos froideurs complice,</p> -<p>S'est voulu pour vous plaire attacher autre part,</p> -<p>Les siens ont attir toute la dfrence</p> -<p>Que j'ai cru devoir rendre<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor"> [53]</a> votre aversion;<span class="dalign">1205</span></p> -<p>Et je l'ai regarde, aprs votre alliance,</p> -<p class="i3"> Bien moins Persane de naissance</p> -<p class="i3"> Que Grecque par adoption.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce sont subtilits que l'amour vous suggre,</p> -<p>Dont nous voyons pour nous les succs incertains.<span class="dalign">1210</span></p> -<p>Ne pourriez-vous, Seigneur, d'une amiti si chre</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span></div> -<p>Mettre le grand dpt en de plus sres mains?</p> -<p>Pausanias<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor"> [54]</a> et moi nous avons des parentes;</p> -<p>Et jamais un vrai roi ne fait un digne choix</p> -<p class="i3"> S'il ne s'allie au sang des rois.<span class="dalign">1215</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand on aime, on se fait des rgles diffrentes.</p> -<p>Spitridate a du nom et de la qualit;</p> -<p>Sans trne, il a d'un roi le pouvoir en partage;</p> -<p>Votre Grce en reoit un pareil avantage;</p> -<p>Et le sang n'y met pas tant d'ingalit,<span class="dalign">1220</span></p> -<p class="i3"> Que l'amour o sa sœur m'engage</p> -<p class="i3"> Ravale fort ma dignit.</p> -<p>Se peut-il qu'en l'aimant ma gloire se hasarde</p> -<p class="i3"> Aprs l'exemple d'un grand roi,</p> -<p>Qui, tout grand roi qu'il est, l'estime et la regarde<span class="dalign">1225</span></p> -<p class="i3"> Avec les mmes yeux que moi?</p> -<p>Si ce bruit n'est point faux, mon mal est sans remde;</p> -<p>Car enfin c'est un roi dont il me faut l'appui.</p> -<p class="i3"> Adieu, Seigneur: je la lui cde,</p> -<p class="i3"> Mais je ne la cde qu' lui. <span class="dalign">1230</span></p> -</div></div> - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">AGSILAS.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'o sait-il, Xnocls, d'o sait-il que je l'aime?</p> -<p>Je ne l'ai dit qu' toi: m'aurois-tu dcouvert?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si j'ose vous parler, Seigneur, cœur ouvert,</p> -<p class="i3"> Il ne le sait que de vous-mme.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span></div> -<p>L'clat de ces faveurs dont vous enveloppez<span class="dalign">1235</span></p> -<p>De votre faux secret le chatouilleux mystre,</p> -<p>Dit si haut, malgr vous, ce que vous pensez taire,</p> -<p>Que vous tes ici le seul que vous trompez.</p> -<p>De si brillants dehors font un grand jour dans l'me;</p> -<p>Et quelque illusion qui puisse vous flatter,<span class="dalign">1240</span></p> -<p class="i3"> Plus ils dguisent votre flamme,</p> -<p>Plus au travers du voile ils la font clater.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? la civilit, l'accueil, la dfrence,</p> -<p>Ce que pour le beau sexe on a de complaisance,</p> -<p>Ce qu'on lui rend d'honneur<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor"> [55]</a>, tout passe pour amour?<span class="dalign">1245</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est bien malais qu'aux yeux de votre cour</p> -<p class="i3"> Il passe pour indiffrence;</p> -<p>Et c'est l'en avouer assez ouvertement</p> -<p>Que refuser Mandane aux vœux d'un autre amant.</p> -<p>Mais qu'importe aprs tout? Si du plus grand courage<span class="dalign">1250</span></p> -<p>Le vrai mrite a droit d'attendre un plein hommage,</p> -<p class="i3"> Seroit-il honteux de l'aimer?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, et mme avec gloire on s'en laisse charmer;</p> -<p>Mais un roi, que son trne d'autres soins engage,</p> -<p class="i3"> Doit n'aimer qu'autant qu'il lui plat <span class="dalign">1255</span></p> -<p>Et que de sa grandeur y consent l'intrt.</p> -<p class="i3"> Vois donc si ma peine est lgre:</p> -<p>Sparte ne permet point aux fils d'une trangre</p> -<p class="i3"> De porter son sceptre en leur main;</p> -<p>Cependant mes yeux Mandane a su trop plaire;<span class="dalign">1260</span></p> -<p>Je veux cacher ma flamme, et je le veux en vain.</p> -<p>Empcher son hymen, c'est lui faire injustice;</p> -<p class="i3"> L'pouser, c'est blesser nos lois;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span></div> -<p>Et mme il n'est pas sr que j'emporte son choix.</p> -<p>La donner Cotys, c'est me faire un supplice;<span class="dalign">1265</span></p> -<p>M'opposer ses vœux, c'est le joindre au parti</p> -<p>Que dj contre moi Lysander a pu faire;</p> -<p>Et s'il a le bonheur de ne lui pas dplaire,</p> -<p>J'en recevrai peut-tre un honteux dmenti.</p> -<p>Que ma confusion, que mon trouble est extrme!<span class="dalign">1270</span></p> -<p class="i3"> Je me dfends d'aimer, et j'aime;</p> -<p>Et je sens tout mon cœur balanc nuit et jour</p> -<p class="i3"> Entre l'orgueil du diadme</p> -<p class="i3"> Et les doux espoirs de l'amour.</p> -<p>En qualit de roi, j'ai pour ma gloire craindre,<span class="dalign">1275</span></p> -<p>En qualit d'amant, je vois mon sort plaindre:</p> -<p>Mon trne avec mes vœux ne souffre aucun accord,</p> -<p>Et ce que je me dois me reproche sans cesse</p> -<p class="i3"> Que je ne suis pas assez fort</p> -<p class="i3"> Pour triompher de ma foiblesse. <span class="dalign">1280</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Toutefois il est temps ou de vous dclarer,</p> -<p>Ou de cder l'objet qui vous fait soupirer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le plus sr, Xnocls, n'est pas le plus facile.</p> -<p>Cherche-moi Spitridate, et l'amne en ce lieu;</p> -<p>Et nous verrons aprs s'il n'est point de milieu <span class="dalign">1285</span></p> -<p class="i3"> Entre le charmant et l'utile.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i5">FIN DU TROISIME ACTE</span>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE IV.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">SPITRIDATE, ELPINICE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Agsilas me mande; il est temps d'clater.</p> -<p>Que me permettez-vous, Madame, de lui dire?</p> -<p>M'en dsavouerez-vous si j'ose me vanter</p> -<p class="i3"> Que c'est pour vous que je soupire, <span class="dalign">1290</span></p> -<p>Que je crois mes soupirs assez bien couts</p> -<p>Pour vous fermer le cœur et l'oreille tous autres,</p> -<p>Et que dans vos regards je vois quelques bonts</p> -<p class="i3"> Qui semblent m'assurer des vtres?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que serviroit, Seigneur, de vous y hasarder? <span class="dalign">1295</span></p> -<p>Suis-je moins que ma sœur fille de Lysander?</p> -<p>Et la raison d'tat qui rompt votre hymne</p> -<p>Regarde-t-elle plus la jeune que l'ane?</p> -<p>S'il n'et point Cotys refus votre sœur,</p> -<p>J'eusse os prsumer qu'il et aim la mienne; <span class="dalign">1300</span></p> -<p>Et m'aurois dit moi-mme, avec quelque douceur:</p> -<p>Il se l'est rserve, et veut bien qu'on m'obtienne.</p> -<p>Mais il aime Mandane; et ce prince, jaloux</p> -<p>De ce que peut ici le grand nom de mon pre,</p> -<p>N'a pour lui qu'une haine obstine et svre <span class="dalign">1305</span></p> -<p>Qui ne lui peut souffrir de gendres tels que vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Puisqu'il aime ma sœur, cet amour est un gage -<div><span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span></div> -<p class="i3"> Qui me rpond de son suffrage:</p> -<p>Ses desirs prendront loi de mes propres desirs;</p> -<p class="i3"> Et son feu pour les satisfaire <span class="dalign">1310</span></p> -<p class="i3"> N'a pas moins besoin de me plaire,</p> -<p>Que j'en ai de lui voir approuver mes soupirs.</p> -<p>Madame, on est bien fort quand on parle soi-mme,</p> -<p class="i3"> Et qu'on peut dire au souverain:</p> -<p>J'aime et je suis aim, vous aimez comme j'aime;<span class="dalign">1315</span></p> -<p>Achevez mon bonheur, j'ai le vtre en ma main.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous ne songez qu' vous, et dans votre me prise</p> -<p>Vos vœux se tiennent srs d'un prompt et plein effet.</p> -<p>Mais que fera Cotys, qui je suis promise?</p> -<p>Me rendra-t-il ma foi s'il n'est point satisfait? <span class="dalign">1320</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La perte de ma sœur lui servira de guide</p> -<p>A tourner ses desirs du ct d'Aglatide.</p> -<p>D'ailleurs que pourra-t-il, si contre Agsilas</p> -<p>Ce grand homme ni moi nous ne le servons pas?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Il a parole de mon pre <span class="dalign">1325</span></p> -<p>Que vous n'obtiendrez rien moins qu'il soit content;</p> -<p>Et mon pre n'est pas un esprit inconstant</p> -<p>Qui donne une parole incertaine et lgre.</p> -<p>Je vous le dis encor, Seigneur, pensez-y bien:</p> -<p>Cotys aura Mandane, ou vous n'obtiendrez rien.<span class="dalign">1330</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dites, dites un mot, et ma flamme enhardie....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Que voulez-vous que je vous die?</p> -<p>Je suis sujette et fille, et j'ai promis ma foi;</p> -<p>Je dpends d'un amant, et d'un pre, et d'un roi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'importe, ce grand mot produiroit des miracles.<span class="dalign">1335</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span></div> -<p>Un amant avou renverse tous obstacles:</p> -<p>Tout lui devient possible, il flchit les parents,</p> -<p>Triomphe des rivaux, et brave les tyrans.</p> -Dites donc, m'aimez-vous? -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Que ma sœur est heureuse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand mon amour pour vous la laisse sans amant,<span class="dalign">1340</span></p> -<p class="i3"> Son destin est-il si charmant</p> -<p class="i3"> Que vous en soyez envieuse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle est indiffrente, et ne s'attache rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Que n'ai-je un cœur qui soit comme le sien!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Le vtre est-il moins insensible? <span class="dalign">1345</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il ne tenoit qu' lui que tout vous ft possible,</p> -<p>Le devoir et l'amour....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Ah! Madame, achevez:</p> -<p>Le devoir et l'amour, que vous feroient-ils faire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voyez le Roi, voyez Cotys, voyez mon pre:</p> -<p class="i3"> Flchissez, triomphez, bravez, <span class="dalign">1350</span></p> -<p class="i3"> Seigneur, mais laissez-moi me taire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor"> [56]</a>.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Venez, ma sœur, venez aider mes tristes feux</p> -<p>A combattre un injuste et rigoureux silence.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! il est si bien de leur intelligence,</p> -<p class="i3"> Qu'il vous dit plus que je ne veux.<span class="dalign">1355</span></p> -<p>J'en dois rougir. Adieu: voyez avec Madame</p> -<p>Le moyen le plus propre servir votre flamme.</p> -<p>Des trois dont je dpens elle peut tout sur deux:</p> -<p>L'un hautement l'adore, et l'autre au fond de l'me;</p> -<p>Et son destin lui-mme, ainsi que notre sort,<span class="dalign">1360</span></p> -<p class="i3"> Dpend de les mettre d'accord.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">SPITRIDATE, MANDANE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est temps de rsoudre avec quel artifice</p> -<p class="i3"> Vous pourrez en venir bout,</p> -<p>Vous, ma sœur, qui tantt me rpondiez de tout,</p> -<p class="i3"> Si j'avois le cœur d'Elpinice.<span class="dalign">1365</span></p> -<p>Il est moi ce cœur, son silence le dit,</p> -<p>Son adieu le fait voir, sa fuite le proteste;</p> -<p class="i3"> Et si je n'obtiens pas le reste,</p> -Vous manquez de parole, ou du moins de crdit. -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si le don de ma main vous peut donner la sienne,<span class="dalign">1370</span></p> -<p>Je vous sacrifierai tout ce que j'ai promis;</p> -<p>Mais vous, rpondez-vous que ce don vous l'obtienne,</p> -<p>Et qu'il mette d'accord de si fiers ennemis?</p> -<p>Le Roi, qui vous refuse Lysander pour gendre,</p> -<p>Y consentira-t-il si vous m'offrez lui?<span class="dalign">1375</span></p> -<p>Et s'il peut ce prix le permettre aujourd'hui,</p> -<p class="i3"> Lysander voudra-t-il se rendre?</p> -<p>Lui qui ne vous remet votre premire foi</p> -<p>Qu'en faveur de l'amour que Cotys fait parotre,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span></div> -<p class="i3"> Ne vous fait-il pas cette loi<span class="dalign">1380</span></p> -<p>Que sans le rendre heureux vous ne le sauriez tre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cotys de cet espoir ose en vain se flatter:</p> -<p>L'amour d'Agsilas son amour s'oppose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et si vous ne pensez le mieux couter,</p> -<p>Lysander d'Elpinice en sa faveur dispose.<span class="dalign">1385</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ne me cachez rien, vous l'aimez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Comme vous aimez Elpinice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais vous m'avez promis un entier sacrifice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, s'il peut tre utile aux vœux que vous formez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que ne peut point un roi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Quels droits n'a point un pre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Inexorable sœur!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Impitoyable frre,</p> -<p>Qui voulez que j'teigne un feu digne de moi,</p> -<p>Et ne sauriez vous faire une pareille loi!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Hlas! considrez.... -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Considrez vous-mme....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Que j'aime, et que je suis aim.<span class="dalign">1395</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Que je suis aime, et que j'aime.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'galez point au mien un feu mal allum:</p> -<p>Le sexe vous apprend rgner sur vos mes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dites qu'il nous apprend renfermer nos flammes;</p> -<p>Dites que votre ardeur, force d'clater, <span class="dalign">1400</span></p> -<p>S'exhale, se dissipe, ou du moins s'extnue,</p> -<p>Quand la ntre grossit sous cette retenue,</p> -<p>Dont le joug odieux ne sert qu' l'irriter.</p> -<p>Je vous parle, Seigneur, avec une me ouverte;</p> -<p>Et si je vous voyois capable de raison, <span class="dalign">1405</span></p> -<p>Si quand l'amour domine, elle toit de saison....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! si quelque lumire enfin vous est offerte,</p> -<p>Expliquez-vous, de grce, et pour le commun bien,</p> -<p class="i3"> Vous ni moi ne ngligeons rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Notre amour tous deux ne rencontre qu'obstacles<span class="dalign">1410</span></p> -<p class="i3"> Presque impossibles forcer;</p> -<p>Et si pour nous le ciel n'est prodigue en miracles,</p> -<p>Nous esprons en vain nous en dbarrasser.</p> -<p>Tirons-nous une fois de cette servitude</p> -<p class="i3"> Qui nous fait un destin si rude. <span class="dalign">1415</span></p> -<p>Bravons Agsilas, Cotys et Lysander:</p> -<p>Qu'ils s'accordent sans nous, s'ils peuvent s'accorder.</p> -<p>Dirai-je tout? cessons d'aimer et de prtendre,</p> -<p class="i3"> Et nous cesserons d'en dpendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -N'aimer plus! Ah! ma sœur! -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> J'en soupire mon tour; 1420</p> -<p>Mais un grand cœur doit tre au-dessus de l'amour.</p> -<p>Quel qu'en soit le pouvoir, quelle qu'en soit l'atteinte,</p> -<p class="i3"> Deux ou trois soupirs touffs,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span></div> -<p>Un moment de murmure, une heure de contrainte,</p> -<p>Un orgueil noble et ferme, et vous en triomphez. <span class="dalign">1425</span></p> -<p class="i1"> N'avons-nous secou le joug de notre prince</p> -<p>Que pour choisir des fers dans une autre province?</p> -<p>Ne cherchons-nous ici que d'illustres tyrans,</p> -<p class="i3"> Dont les chanes plus glorieuses</p> -<p>Soumettent nos destins aux obscurs diffrends <span class="dalign">1430</span></p> -<p class="i3"> De leurs haines mystrieuses?</p> -<p>Ne cherchons-nous ici que les occasions</p> -<p>De fournir de matire leurs divisions,</p> -<p>Et de nous imposer un plus rude esclavage</p> -<p>Par la ncessit d'obtenir leur suffrage? <span class="dalign">1435</span></p> -<p>Puisque nous y cherchons tous deux la libert,</p> -<p>Tchons de la goter, Seigneur, en sret:</p> -<p>Rduisons nos souhaits la cause publique,</p> -<p class="i3"> N'aimons plus que par politique,</p> -<p>Et dans la conjoncture o le ciel nous a mis,<span class="dalign">1440</span></p> -<p>Faisons des protecteurs, sans faire d'ennemis.</p> -<p>A quel propos aimer, quand ce n'est que dplaire</p> -<p class="i3"> A qui nous peut nuire ou servir?</p> -<p>S'il nous en faut l'appui, pourquoi nous le ravir?</p> -<p>Pourquoi nous attirer sa haine et sa colre?<span class="dalign">1445</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Oui, ma sœur, et j'en suis d'accord:</p> -<p>Agsilas, ici matre de notre sort,</p> -<p>Peut nous abandonner la Perse irrite,</p> -<p>Et nous laisser rentrer, malgr tout notre effort,</p> -<p>Sous la captivit que nous avons quitte.<span class="dalign">1450</span></p> -<p>Cotys ni Lysander ne nous soutiendront pas,</p> -<p>S'il faut que sa colre nous perdre s'applique.</p> -<p>Aimez, aimez-le donc, du moins par politique,</p> -<p class="i3"> Ce redoutable Agsilas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Voulez-vous que je le prvienne,<span class="dalign">1455</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span></div> -<p class="i3"> Et qu'en dpit de la pudeur</p> -<p>D'un amour command l'obissante ardeur</p> -<p>Fasse clater ma flamme auparavant la sienne<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor"> [57]</a>?</p> -<p>On dit que je lui plais, qu'il soupire en secret,</p> -<p>Qu'il retient, qu'il combat ses desirs regret;<span class="dalign">1460</span></p> -<p>Et cette vanit qui nous est naturelle</p> -<p>Veut croire ainsi que vous qu'on en juge assez bien;</p> -<p>Mais enfin c'est un feu sans aucune tincelle:</p> -<p>J'en crois ce qu'on en dit, et n'en sais encor rien.</p> -<p>S'il m'aime, un tel silence est la marque certaine<span class="dalign">1465</span></p> -<p class="i3"> Qu'il craint Sparte et ses dures lois;</p> -<p>Qu'il voit qu'en m'pousant, s'il peut m'y faire reine,</p> -<p class="i3"> Il ne peut lui donner des rois<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor"> [58]</a>;</p> -<p>Que sa gloire....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Ma sœur, l'amour vaincra sans doute:</p> -<p>Ce hros est vous, quelques lois qu'il redoute;<span class="dalign">1470</span></p> -<p>Et si par la prire il ne les peut flchir,</p> -<p>Ses victoires auront de quoi l'en affranchir.</p> -<p>Ces lois, ces mmes lois s'imposeront silence</p> -<p class="i3"> A l'aspect de tant de vertus;</p> -<p>Ou Sparte l'avouera d'un peu de violence,<span class="dalign">1475</span></p> -<p>Aprs tant d'ennemis ses pieds abattus.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est vous flatter beaucoup en faveur d'Elpinice,</p> -<p>Que ce prince aprs tout ne vous peut accorder</p> -<p class="i3"> Sans une clatante injustice,</p> -<p>A moins que vous ayez l'aveu de Lysander.<span class="dalign">1480</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span></div> -<p>D'ailleurs en exiger un hymen qui le gne,</p> -<p>Et lui faire des lois au milieu de sa cour,</p> -<p>N'est-ce point hautement lui demander sa haine,</p> -<p>Quand vous lui promettez l'objet de son amour?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous saviez, ma sœur, aimer autant que j'aime....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous saviez, mon frre, aimer comme je fais,</p> -<p>Vous sauriez ce que c'est que s'immoler soi-mme,</p> -<p>Et faire violence de si doux souhaits.</p> -<p>Je vous en parle en vain. Allez, frre barbare,</p> -<p>Voir quoi Lysander se rsoudra pour vous; <span class="dalign">1490</span></p> -<p>Et si d'Agsilas la flamme se dclare,</p> -<p class="i3"> J'en mourrai, mais je m'y rsous.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">SPITRIDATE, MANDANE, AGLATIDE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous me quittez, Seigneur; mais vous croyez-vous quitte,</p> -<p>Et que ce soit assez que de me rendre moi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aprs tant de froideurs pour mon peu de mrite,<span class="dalign">1495</span></p> -<p>Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; mais le pouvez-vous, moins que je la rende?</p> -<p>Et si je vous la rends, savez-vous quel prix?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne crois pas pour vous cette perte si grande,</p> -<p>Que vous en souhaitiez d'autre que vos mpris.<span class="dalign">1500</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Moi, des mpris pour vous!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span></div> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> C'est ainsi que j'appelle</p> -<p>Un feu si bien promis, et si mal allum.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si je ne vous aimois, je vous aurois aim,</p> -<p>Mon devoir m'en toit un garant trop fidle.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il ne vous rpondoit que d'agir un peu tard,<span class="dalign">1505</span></p> -<p class="i3"> Et laissoit beaucoup au hasard.</p> -<p>Votre ordre cependant vers une autre me chasse,</p> -<p>Et vous avez quitt la place votre sœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si je vous ai donn de quoi remplir la place,</p> -<p>Ne me devez-vous point de quoi remplir mon cœur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'en suis au dsespoir; mais je n'ai point de frre</p> -<p>Que je puisse mon tour vous prier d'accepter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous n'en avez point par qui me satisfaire,</p> -<p>Vous avez une sœur qui vous peut acquitter:</p> -<p>Elle a trop d'un amant; et si sa flamme heureuse<span class="dalign">1515</span></p> -<p>Me renvoyoit celui dont elle ne veut plus,</p> -<p class="i3"> Je ne suis point d'humeur fcheuse,</p> -<p>Et m'accommoderois bientt de ses refus.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> De tout mon cœur je l'en conjure:</p> -<p>Envoyez-lui Cotys, ou mme Agsilas,<span class="dalign">1520</span></p> -<p>Ma sœur, et prenez soin d'apaiser ce murmure,</p> -<p>Qui cherche m'imputer des sentiments ingrats.</p> -<p>Je vous laisse entre vous faire ce grand partage,</p> -<p>Et vais chez Lysander voir quel sera le mien.</p> -<p>Madame, vous voyez, je ne puis davantage;<span class="dalign">1525</span></p> -<p>Et qui fait ce qu'il peut n'est plus garant de rien.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">AGLATIDE, MANDANE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous pourrez-vous rsoudre payer pour ce frre,</p> -<p>Madame, et de deux rois daignant en choisir un,</p> -<p>Me donner en sa place, ou le plus importun,</p> -<p class="i3"> Ou le moins digne de vous plaire?<span class="dalign">1530</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Hlas!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Je n'entends pas des mieux</p> -<p class="i3"> Comme il faut qu'un hlas s'explique;</p> -<p>Et lorsqu'on se retranche au langage des yeux,</p> -<p class="i3"> Je suis muette la rplique<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor"> [59]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pourquoi mieux expliquer quel est mon dplaisir?<span class="dalign">1535</span></p> -<p class="i3"> Il ne se fait que trop entendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si j'avois comme vous de deux rois choisir,</p> -<p>Mes dplaisirs auroient peu de chose prtendre.</p> -<p class="i3"> Parlez donc, et de bonne foi:</p> -<p>Acquittez par ce choix Spitridate envers moi.<span class="dalign">1540</span></p> -<p>Ils sont tous deux vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Je n'y suis pas moi-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui des deux est l'aim?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Qu'importe lequel j'aime,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span></div> -<p>Si le plus digne amour, de quoi qu'il soit d'accord,</p> -<p class="i3"> Ne peut dcider de mon sort?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ainsi je dois perdre esprance<span class="dalign">1545</span></p> -<p class="i3"> D'obtenir de vous aucun d'eux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Donnez-moi votre indiffrence,</p> -<p class="i3"> Et je vous les donne tous deux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'en seroit un peu trop: leur mrite est si rare,</p> -<p class="i3"> Qu'il en faut tre plus avare.<span class="dalign">1550</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est grand, mais bien moins que la flicit</p> -<p class="i3"> De votre insensibilit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne me prenez point tant pour une me insensible:</p> -<p>Je l'ai tendre, et qui souffre aisment de beaux feux;</p> -<p>Mais je sais ne vouloir que ce qui m'est possible,<span class="dalign">1555</span></p> -<p class="i3"> Quand je ne puis ce que je veux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Laissez donc faire au ciel, au temps, la fortune:</p> -<p class="i3"> Ne voulez que ce qu'ils voudront;</p> -<p>Et sans prendre<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor"> [60]</a> d'attache, ou d'ide importune,</p> -<p>Attendez en repos les cœurs qui se rendront.<span class="dalign">1560</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il m'en pourroit coter mes plus belles annes</p> -<p>Avant qu'ainsi deux rois en devinssent le prix;</p> -<p>Et j'aime mieux borner mes bonnes destines</p> -<p class="i3"> Au plus digne de vos mpris.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Donnez-moi donc, Madame, un cœur comme le vtre,</p> -<p>Et je vous les redonne une seconde fois;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span></div> -<p class="i3"> Ou si c'est trop de l'un et l'autre,</p> -<p>Laissez-m'en le rebut, et prenez-en le choix.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous leur ordonniez tous deux de m'en croire,</p> -<p>Et que l'obissance et pour eux quelque appas<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor"> [61]</a>,<span class="dalign">1570</span></p> -<p>Peut-tre que mon choix satisferoit ma gloire,</p> -<p>Et qu'enfin mon rebut ne vous dplairoit pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui peut vous assurer de cette obissance?</p> -<p>Les rois, mme en amour, savent mal obir;</p> -<p>Et les plus enflamms s'efforcent de har<span class="dalign">1575</span></p> -<p>Sitt qu'on prend sur eux un peu trop de puissance.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vois bien ce que c'est, vous voulez tout garder:</p> -<p>Il est honteux de rendre une de vos conqutes,</p> -<p>Et quoi qu'au plus heureux le cœur veuille accorder,</p> -<p>L'œil rgne avec plaisir sur deux si grandes ttes;<span class="dalign">1580</span></p> -<p>Mais craignez que je n'use aussi de tous mes droits.</p> -<p>Peut-tre en ai-je encor de garder quelque empire</p> -<p class="i3"> Sur l'un et l'autre de ces rois,</p> -<p>Bien qu' l'envi pour vous l'un et l'autre soupire,</p> -<p>Et si j'en laisse faire mon esprit jaloux,<span class="dalign">1585</span></p> -<p>Quoique la jalousie assez peu m'inquite,</p> -<p>Je ne sais s'ils pourront l'un ni l'autre pour vous</p> -<p class="i3"> Tout ce que votre cœur souhaite.</p> -<p class="stagedir">(A Cotys.)</p> -<p>Seigneur, vous le savez, ma sœur a votre foi<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor"> [62]</a>,</p> -<p class="i3"> Et ne vous la rend que pour moi.<span class="dalign">1590</span></p> -<p class="i3"> Usez-en comme bon vous semble;</p> -<p class="i3"> Mais sachez que je me promets</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span></div> -<p class="i3"> De ne vous la rendre jamais,</p> -<p class="i3"> A moins d'un roi qui vous ressemble.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">COTYS, MANDANE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'trange contre-temps que prend sa belle humeur!<span class="dalign">1595</span></p> -<p class="i3"> Et la froide galanterie</p> -<p>D'affecter par bravade tourner son malheur</p> -<p class="i3"> En importune raillerie!</p> -<p>Son cœur l'en dsavoue, et murmurant tout bas....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que cette belle humeur soit vritable ou feinte,<span class="dalign">1600</span></p> -<p>Tout ce qu'elle en prtend ne m'alarmeroit pas,</p> -<p class="i3"> Si le pouvoir d'Agsilas</p> -<p>Ne me portoit dans l'me une plus juste crainte.</p> -<p>Pourrez-vous l'aimer?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Non.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Pourrez-vous l'pouser?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous-mme, dites-moi, puis-je m'en excuser?<span class="dalign">1605</span></p> -<p>Et quel bras, quel secours appeler mon aide,</p> -<p>Lorsqu'un frre me donne, et qu'un amant me cde?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'imputez point crime une civilit</p> -<p>Qu'ici de gnral vouloit l'autorit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Souffrez-moi donc, Seigneur, la mme dfrence<span class="dalign">1610</span></p> -<p>Qu'ici de nos destins demande l'assurance.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous cder par dpit, et d'un ton menaant</p> -<p>Faire voir qu'on pntre au cœur du plus puissant,</p> -<p>Qu'on sait de ses refus la plus secrte cause,</p> -<p>Ce n'est pas tant cder l'objet de son amour,<span class="dalign">1615</span></p> -<p>Que presser un rival de parotre en plein jour,</p> -<p>Et montrer qu' ses vœux hautement on s'oppose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que sert de s'opposer aux vœux d'un tel rival,</p> -<p class="i3"> Qui n'a qu' nous protger mal</p> -<p class="i3"> Pour nous livrer notre perte?<span class="dalign">1620</span></p> -<p>Seroit-il d'un grand cœur de chercher prir,</p> -<p class="i3"> Quand il voit une porte ouverte</p> -<p>A rgner avec gloire aux dpens d'un soupir?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! le change vous plat<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor"> [63]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Non, Seigneur, je vous aime;</p> -<p>Mais je dois mon frre, ma gloire, vous-mme.</p> -<p class="i1"> D'un rival si puissant si nous perdons l'appui,</p> -<p>Pourrons-nous du Persan nous dfendre sans lui?</p> -<p>L'espoir d'un renouement de la vieille alliance</p> -<p>Flatte en vain votre amour et vos nouveaux desseins.</p> -<p>Si vous ne remettez sa proie entre ses mains,<span class="dalign">1630</span></p> -<p>Oserez-vous y prendre aucune confiance?</p> -<p class="i1"> Quant mon frre et moi, si les Dieux irrits</p> -<p>Nous font jamais rentrer dessous sa tyrannie,</p> -<p>Comme il nous traitera d'esclaves rvolts,</p> -<p>Le supplice l'attend, et moi l'ignominie.<span class="dalign">1635</span></p> -<p>C'est ce que je saurai prvenir par ma mort;</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span></p> -<p>Mais jusque-l, Seigneur, permettez-moi de vivre,</p> -<p>Et que par un illustre et rigoureux effort,</p> -<p>Acceptant les malheurs o mon destin me livre,</p> -<p>Un sacrifice entier de mes vœux les plus doux<span class="dalign">1640</span></p> -<p>Fasse la sret de mon frre et de vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Cette sret malheureuse</p> -<p>A qui vous immolez votre amour et le mien</p> -<p class="i3"> Peut-elle tre si prcieuse</p> -<p>Qu'il faille l'acheter de mon unique bien?<span class="dalign">1645</span></p> -<p>Et faut-il que l'amour garde tant de mesure</p> -<p>Avec des intrts<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor"> [64]</a> qui lui font tant d'injure?</p> -<p>Laissez, laissez prir ce dplorable roi,</p> -<p>A qui ces intrts drobent votre foi.</p> -<p>Que sert que vous l'aimiez? et que fait votre flamme<span class="dalign">1650</span></p> -<p>Qu'augmenter son ardeur pour crotre ses malheurs,</p> -<p class="i3"> Si malgr le don de votre me</p> -<p class="i3"> Votre raison vous livre ailleurs?</p> -<p>Armez-vous de ddains; rendez, s'il est possible,</p> -<p>Votre perte pour lui moins grande ou moins sensible;<span class="dalign">1655</span></p> -<p>Et par piti d'un cœur trop ardemment pris,</p> -<p>teignez-en la flamme force de mpris.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'teindre! Ah! se peut-il que vous m'ayez aime?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Jamais si digne flamme en un cœur allume....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, non; vous m'en feriez des serments superflus:<span class="dalign">1660</span></p> -<p>Vouloir ne plus aimer, c'est dj n'aimer plus;</p> -<p>Et qui peut n'aimer plus ne fut jamais capable</p> -<p class="i3"> D'une passion vritable.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour au dsespoir peut-il encor charmer?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour au dsespoir fait gloire encor d'aimer;<span class="dalign">1665</span></p> -<p>Il en fait de souffrir et souffre avec constance,</p> -<p>Voyant l'objet aim partager la souffrance;</p> -<p>Il regarde ses maux comme un doux souvenir</p> -<p>De l'union des cœurs qui ne sauroit finir;</p> -<p>Et comme n'aimer plus quand l'espoir abandonne,<span class="dalign">1670</span></p> -<p>C'est aimer ses plaisirs et non pas la personne,</p> -<p>Il fuit cette bassesse, et s'affermit si bien,</p> -<p>Que toute sa douleur ne se reproche rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel indigne tourment, quel injuste supplice</p> -<p>Succde au doux espoir qui m'osoit tout offrir!<span class="dalign">1675</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et moi, Seigneur, et moi, n'ai-je rien souffrir?</p> -<p>Ou m'y condamne-t-on avec plus de justice?</p> -<p>Si vous perdez l'objet de votre passion,</p> -<p>pousez-vous celui de votre aversion?</p> -<p>Attache-t-on vos jours d'aussi rudes chanes?<span class="dalign">1680</span></p> -<p>Et souffrez-vous enfin la moiti de mes peines?</p> -<p>Cependant mon amour aura tout son clat</p> -<p>En dpit du supplice o je suis condamne;</p> -<p>Et si notre tyran par maxime d'tat</p> -<p class="i3"> Ne s'interdit mon hymne, <span class="dalign">1685</span></p> -<p>Je veux qu'il ait la joie, en recevant ma main,</p> -<p>D'entendre que du cœur vous tes souverain,</p> -<p>Et que les dplaisirs dont ma flamme est suivie</p> -<p class="i3"> Ne cesseront qu'avec ma vie.</p> -<p>Allez, Seigneur, dfendre aux vtres de durer:<span class="dalign">1690</span></p> -<p class="i3"> Ennuyez-vous de soupirer,</p> -<p>Craignez de trop souffrir, et trouvez en vous-mme</p> -<p>L'art de ne plus aimer ds qu'on perd ce qu'on aime.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span></div> -<p>Je souffrirai pour vous, et ce nouveau malheur,</p> -<p class="i3"> De tous mes maux le plus funeste, <span class="dalign">1695</span></p> -<p>D'un trait assez perant armera ma douleur</p> -<p>Pour trancher de mes jours le dplorable reste.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que dites-vous, Madame? et par quel sentiment....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLON<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor"> [65]</a>.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Spitridate, Seigneur, et Lysander vous prient</p> -<p>De vouloir avec eux confrer un moment. <span class="dalign">1700</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez, Seigneur, allez, puisqu'ils vous en convient.</p> -<p>Aimez, cdez, souffrez, ou voyez si les Dieux</p> -<p>Voudront vous inspirer quelque chose de mieux.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="small i6">FIN DU QUATRIME ACTE</span>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE V.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je remets en vos mains et l'une et l'autre lettre</p> -<p>Que l'esclave Damis aux miennes vient de mettre. <span class="dalign">1705</span></p> -<p>Vous y verrez, Seigneur, quels sont les attentats....</p> -<p class="stagedir">(Il lui donne deux lettres, dont il lit l'inscription.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="small1">Au snateur Crats, a l'phore Arsidas.</span></p> -<p>Spitridate et Cotys sont de l'intelligence?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; il s'est cach d'eux en cette confrence;</p> -<p>Il a plaint leur malheur, et de tout son pouvoir;<span class="dalign">1710</span></p> -<p>Mais sa prudence enfin tous deux vous les renvoie,</p> -<p class="i3"> Sans leur donner aucun espoir</p> -<p>D'obtenir que de vous ce qui feroit leur joie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Par cette dfrence il croit les mieux aigrir;</p> -<p>Et rejetant sur moi ce qu'ils ont souffrir.... <span class="dalign">1715</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Vous avez mand Spitridate,</p> -<p>Il entre ici.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Gardons qu' ses yeux rien n'clate.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, SPITRIDATE, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">AGSILAS.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aglatide, Seigneur, a-t-elle encor vos vœux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Seigneur; mais enfin ils ne vont pas loin d'elle,</p> -<p>Et sa sœur a fait natre une flamme nouvelle <span class="dalign">1720</span></p> -<p class="i3"> En la place des premiers feux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elpinice?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Elle-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Ainsi toujours pour gendre</p> -<p class="i3"> Vous vous donnez Lysander?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, contre l'amour peut-on bien se dfendre?</p> -<p>A peine attaque-t-il qu'on brle de se rendre: <span class="dalign">1725</span></p> -<p>Le plus ferme courage est ravi de cder;</p> -<p>Et j'ai trouv ma foi plus facile reprendre</p> -<p class="i3"> Que mon cœur redemander.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous considriez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Seigneur, que considre</p> -<p>Un cœur d'un vrai mrite heureusement charm? <span class="dalign">1730</span></p> -<p>L'amour n'est plus amour sitt qu'il dlibre,</p> -<p>Et vous le sauriez trop si vous aviez aim.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, j'aimois Sparte et j'aime dans phse.</p> -<p class="i3"> L'un et l'autre objet est charmant;</p> -<p>Mais bien que l'un m'ait plu, bien que l'autre me plaise, 1735</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span></div> -<p>Ma raison m'en a su dfendre galement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La mienne suivroit mieux un plus commun exemple.</p> -<p>Si vous aimez, Seigneur, ne vous refusez rien,</p> -<p class="i3"> Ou souffrez que je vous contemple</p> -<p class="i3"> Comme un cœur au-dessus du mien. <span class="dalign">1740</span></p> -<p>Des climats diffrents la nature est diverse:</p> -<p>La Grce a des vertus qu'on ne voit point en Perse.</p> -<p>Permettez qu'un Persan n'ose vous imiter,</p> -<p>Que sur votre partage il craigne d'attenter,</p> -<p class="i3"> Qu'il se contente moins de gloire, <span class="dalign">1745</span></p> -<p>Et trouve en sa foiblesse un destin assez doux</p> -<p>Pour ne point envier cette haute victoire,</p> -<p>Que vous seul avez droit de remporter sur vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais de mon ennemi rechercher l'alliance!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De votre ennemi!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Non, Lysander ne l'est pas; <span class="dalign">1750</span></p> -<p>Mais s'il faut vous le dire, il y court grands pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'en est assez: je dois me faire violence</p> -<p>Et renonce plus croire ou mes yeux, ou mon cœur.</p> -<p>Ne m'ordonnez-vous rien sur l'hymen de ma sœur?</p> -<p>Cotys l'aime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Il est roi, je ne suis pas son matre;<span class="dalign">1755</span></p> -<p>Et Mandane ni vous n'tes pas mes sujets.</p> -<p>L'aime-t-elle?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Il se peut. Lui ferai-je connotre</p> -<p class="i3"> Que vous auriez d'autres projets?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est me connotre mal; je ne contrains personne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre qu'elle n'aime encor que sa couronne; <span class="dalign">1760</span></p> -<p>Et je ne sais pas bien o pencheroit son choix,</p> -<p>Si le ciel lui donnoit choisir de deux rois.</p> -<p>Vous l'avez jusqu'ici de tant d'honneurs comble,</p> -<p class="i3"> De tant de faveurs accable,</p> -<p>Qu' vos ordres ses vœux sans peine assujettis.... <span class="dalign">1765</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'ingrate!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Je rponds de sa reconnoissance,</p> -<p>Et qu'elle ne consent l'espoir de Cotys</p> -<p>Que pour le maintenir dans votre dpendance.</p> -<p>Pourroit-elle, Seigneur, davantage pour vous<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor"> [66]</a>?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; mais qui la pressoit de choisir un poux? <span class="dalign">1770</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'occasion d'un roi, Seigneur, est bien pressante.</p> -<p>Les plus dignes objets ne l'ont pas chaque jour;</p> -<p class="i3"> Elle chappe la moindre attente</p> -<p class="i3"> Dont on veut prouver l'amour.</p> -<p>A moins que de la prendre au moment qu'elle arrive, <span class="dalign">1775</span></p> -<p>On s'expose aux prils de l'accepter trop tard,</p> -<p>Et l'asile est si beau pour une fugitive,</p> -<p>Qu'elle ne peut sans crime en rien mettre au hasard.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle et peu hasard peut-tre pour attendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voyoit-elle en ces lieux un plus illustre espoir?<span class="dalign">1780</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Comme l'amour n'entend que ce qu'il veut entendre,</p> -<p class="i3"> Il ne voit que ce qu'il veut voir.</p> -<p>Si je l'ai jusqu'ici de tant d'honneurs comble,</p> -<p class="i3"> De tant de faveurs accable,</p> -<p>Ces faveurs, ces honneurs ne lui disoient-ils rien?<span class="dalign">1785</span></p> -<p>Elle les entendoit<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor"> [67]</a> trop bien en dpit d'elle:</p> -<p class="i3"> Mais l'ingrate! mais la cruelle!...</p> -<p>Seigneur, votre tour vous m'entendez trop bien.</p> -<p>Qu'elle aille chez Cotys partager sa couronne;</p> -<p>Je n'y mets point d'obstacle, et n'en veux rien savoir:<span class="dalign">1790</span></p> -<p>Soit que l'ambition, soit que l'amour la donne,</p> -<p class="i3"> Vous avez tous deux tout pouvoir.</p> -<p>Si pourtant vous m'aimiez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Soyez sr de mon zle.</p> -<p>Ma parole Cotys est encore donner.</p> -<p>Mais si cet hymne a de quoi vous gner, <span class="dalign">1795</span></p> -<p class="i3"> Mandane que deviendra-t-elle?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez, encore un coup, allez en d'autres lieux</p> -<p>pargner par piti cette gne mes yeux;</p> -<p>Sauvez-moi du chagrin de montrer que je l'aime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle vient recevoir vos ordres elle-mme. <span class="dalign">1800</span></p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, SPITRIDATE, MANDANE,<br /> -XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">AGSILAS.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>O vue! sur mon cœur regards trop absolus!</p> -<p>Que vous allez troubler mes vœux irrsolus!</p> -<p>Ne partez pas, Madame. O ciel! j'en vais trop dire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je conois mal, Seigneur, de quoi vous me parlez.</p> -<p>Moi partir?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Oui, partez, encor que j'en soupire. <span class="dalign">1805</span></p> -<p class="i3"> Que ce mot ne peut-il suffire!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je conois encor moins pourquoi vous m'exilez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'aime trop vous voir et je vous ai trop vue:</p> -<p class="i3"> C'est, Madame, ce qui me tue.</p> -<p>Partez, partez, de grce.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> O me bannissez-vous? <span class="dalign">1810</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nommez-vous un exil le trne d'un poux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel trne, et quel poux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Cotys....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i16"> Je crois qu'il m'aime;</p> -<p>Mais si je vous regarde ici comme mon roi</p> -<p>Et comme un protecteur que j'ai choisi moi-mme,</p> -<p>Puis-je sans votre aveu l'assurer de ma foi? <span class="dalign">1815</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span></div> -<p>Aprs tant de bonts et de marques d'estime,</p> -<p>A vous moins dfrer je croirois faire un crime;</p> -<p>Et mon me....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Ah! c'est trop dfrer, et trop peu.</p> -<p>Quoi? pour cet hymne exiger mon aveu!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Jusque-l mon bonheur n'aura qu'incertitude; <span class="dalign">1820</span></p> -<p>Et bien qu'une couronne blouisse aisment....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur, il faut parler un peu plus clairement:</p> -<p>Le Roi s'est plaint moi de votre ingratitude.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et je me plains lui des ingalits</p> -<p>Qu'il me force de voir lui-mme en ses bonts.<span class="dalign">1825</span></p> -<p class="i1"> Tout ce que pour un autre a voulu ma prire,</p> -<p>Vous me l'avez, Seigneur, et sur l'heure accord<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor"> [68]</a>;</p> -<p>Et pour mes intrts ce qu'on a demand</p> -<p>Prte de prompts refus une digne matire!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Si vous vouliez avoir des yeux<span class="dalign">1830</span></p> -<p>Pour voir de ces refus la vritable cause....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'est-ce pas assez dire, et faut-il autre chose?</p> -<p>Voyez mieux sa pense, ou rpondez-y mieux.</p> -<p>Ces refus obligeants veulent qu'on les entende:</p> -<p>Ils sont de ses faveurs le comble, et la plus grande. <span class="dalign">1835</span></p> -<p>Tout roi qu'est votre amant, perdez-le sans ennui,</p> -<p>Lorsqu'on vous en destine un plus puissant que lui.</p> -<p>M'en dsavouerez-vous, Seigneur?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Non, Spitridate.</p> -<p>C'est inutilement que ma raison me flatte:</p> -<p>Comme vous j'ai mon foible; et j'avoue mon tour <span class="dalign">1840</span></p> -<p>Qu'un si triste secours dfend mal de l'amour.</p> -<p>Je vois par mon preuve avec quelle injustice</p> -<p class="i3"> Je vous refusois Elpinice:</p> -<p>Je cesse de vous faire une si dure loi.</p> -<p>Allez; elle est vous, si Mandane est moi. <span class="dalign">1845</span></p> -<p>Ce que pour Lysander je semble avoir de haine</p> -<p>Fera place aux douceurs de cette double chane,</p> -<p class="i3"> Dont vous serez le nœud commun;</p> -<p>Et cet heureux hymen, accompagn du vtre,</p> -<p>Nous rendant entre nous garant de l'un vers l'autre,<span class="dalign">1850</span></p> -<p class="i3"> Rduira nos trois cœurs en un.</p> -<p>Madame, parlez donc.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Seigneur, l'obissance</p> -<p class="i3"> S'exprime assez par le silence.</p> -<p>Trouvez bon que je puisse apprendre Lysander</p> -<p>La grce qu' ma flamme il vous plat d'accorder.<span class="dalign">1855</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, MANDANE, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En puis-je pour la mienne esprer une gale,</p> -<p>Madame? ou ne sera-ce en effet qu'obir?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Seigneur, je croirois vous trahir</p> -<p>Et n'avoir pas pour vous une me assez royale,</p> -<p>Si je vous cachois rien des justes sentiments<span class="dalign">1860</span></p> -<p>Que m'inspire le ciel pour deux rois mes amants.</p> -<p class="i1"> J'ai vu que vous m'aimiez; et sans autre interprte</p> -<p>J'en ai cru vos faveurs qui m'ont si peu cot;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span></div> -<p>J'en ai cru vos bonts, et l'assiduit</p> -<p>Qu'apporte me chercher votre ardeur inquite. <span class="dalign">1865</span></p> -<p class="i3"> Ma gloire y vouloit consentir;</p> -<p>Mais ma reconnoissance a pris soin de la vtre.</p> -<p>Vos feux la hasardoient, et pour les amortir</p> -<p>J'ai rduit mes desirs pencher vers un autre.</p> -<p class="i3"> Pour m'pouser, vous le pouvez, <span class="dalign">1870</span></p> -<p>Je ne saurois former de vœux plus levs;</p> -<p>Mais avant que juger ma conqute assez haute,</p> -<p>De l'œil dont il faut voir ce que vous vous devez,</p> -<p>Voyez ce qu'elle donne, ou plutt ce qu'elle te.</p> -<p class="i1"> Votre Sparte si haut porte sa royaut, <span class="dalign">1875</span></p> -<p>Que tout sang tranger la souille et la profane:</p> -<p>Jalouse de ce trne o vous tes mont,</p> -<p class="i3"> Y faire seoir une Persane,</p> -<p>C'est pour elle une trange et dure nouveaut;</p> -<p>Et tout votre pouvoir ne peut m'y donner place, <span class="dalign">1880</span></p> -<p>Que vous n'y renonciez pour toute votre race.</p> -<p>Vos phores peut-tre oseront encor plus;</p> -<p>Et si votre snat avec eux se soulve,</p> -<p>Si de me voir leur reine indigns et confus,</p> -<p>Ils m'arrachent d'un trne o votre choix m'lve.... 1885</p> -<p>Pensez bien la suite avant que d'achever,</p> -<p>Et si ce sont prils que vous deviez braver.</p> -<p>Vous les voyez si bien que j'ai mauvaise grce</p> -<p class="i3"> De vous en faire souvenir;</p> -<p>Mais mon zle a voulu cette indiscrte audace, <span class="dalign">1890</span></p> -<p>Et moi je n'ai pas cru devoir la retenir.</p> -<p>Que la suite, aprs tout, vous flatte ou vous traverse,</p> -<p>Ma gloire est sans pareille aux yeux de l'univers,</p> -<p>S'il voit qu'une Persane au vainqueur de la Perse</p> -<p>Donne son tour des lois, et l'arrte en ses fers. <span class="dalign">1895</span></p> -<p>Comme votre intrt m'est plus considrable,</p> -<p>Je tche de vous rendre des destins meilleurs.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span></div> -<p>Mon amour peut vous perdre, et je m'attache ailleurs,</p> -<p class="i3"> Pour tre pour vous moins aimable.</p> -<p>Voil ce que devoit un cœur reconnoissant. <span class="dalign">1900</span></p> -<p class="i3"> Quant au reste, parlez en matre,</p> -<p class="i3"> Vous tes ici tout-puissant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand peut-on tre ingrat, si c'est l reconnotre?</p> -<p>Et que puis-je sur vous si le cœur n'y consent?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, il est donn; la main n'est pas donne; <span class="dalign">1905</span></p> -<p>Et l'inclination ne fait pas l'hymne.</p> -<p>Au dfaut de ce cœur, je vous offre une foi</p> -<p>Sincre, inviolable, et digne enfin de moi.</p> -<p>Voyez si ce partage aura pour vous des charmes.</p> -<p>Contre l'amour d'un roi c'est assez raisonner. <span class="dalign">1910</span></p> -<p>J'aime, et vais toutefois attendre sans alarmes</p> -<p class="i3"> Ce qu'il lui plaira m'ordonner.</p> -<p>Je fais un sacrifice assez noble, assez ample,</p> -<p class="i3"> S'il en veut un en ce grand jour;</p> -<p>Et s'il peut se rsoudre vaincre son amour,<span class="dalign">1915</span></p> -<p>J'en donne son grand cœur un assez haut exemple.</p> -<p>Qu'il coute sa gloire ou suive son desir,</p> -<p class="i3"> Qu'il se fasse grce ou justice,</p> -<p>Je me tiens prte tout, et lui laisse choisir</p> -<p class="i3"> De l'exemple ou du sacrifice. <span class="dalign">1920</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'une Persane m'ose offrir un si grand choix!</p> -<p>Parmi nous qui traitons la Perse de barbare,</p> -<p class="i3"> Et mprisons jusqu' ses rois,</p> -<p>Est-il plus haut mrite? est-il vertu plus rare?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span></div> -<p>Cependant mon destin ce point est amer, <span class="dalign">1925</span></p> -<p>Que plus elle mrite, et moins je dois l'aimer;</p> -<p>Et que plus ses vertus sont dignes de l'hommage</p> -<p>Que rend toute mon me cet illustre objet,</p> -<p>Plus je la dois fermer tout autre projet</p> -<p>Qu' celui d'galer sa grandeur de courage. <span class="dalign">1930</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Du moins vous rendre heureux, ce n'est plus hasarder.</p> -<p>Puisqu'un si digne amour fait grce Lysander,</p> -<p class="i3"> Il n'a plus lieu de se contraindre:</p> -<p>Vous devenez par l matre de tout l'tat;</p> -<p>Et ce grand homme vous, vous n'avez plus craindre<span class="dalign">1935</span></p> -<p class="i3"> Ni d'phores ni de snat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'en suis pas encor d'accord avec moi-mme.</p> -<p>J'aime; mais, aprs tout, je hais autant que j'aime;</p> -<p>Et ces deux passions qui rgnent tour tour</p> -<p>Ont au fond de mon cœur si peu d'intelligence, <span class="dalign">1940</span></p> -<p>Qu' peine immole-t-il la vengeance l'amour,</p> -<p>Qu'il voudroit immoler l'amour la vengeance.</p> -<p>Entre ce digne objet et ce digne ennemi,</p> -<p class="i3"> Mon me incertaine et flottante,</p> -<p>Quoi que l'un me promette, et quoi que l'autre attente, <span class="dalign">1945</span></p> -<p>Ne se peut ni dompter, ni croire qu' demi:</p> -<p>Et plus des deux cts je la sens balance,</p> -<p>Plus je vois clairement que si je veux rgner,</p> -<p>Moi qui de Lysander vois toute la pense,</p> -<p>Il le faut tout fait ou perdre ou regagner;<span class="dalign">1950</span></p> -<p>Qu'il est temps de choisir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Qu'il seroit magnanime</p> -<p>De vaincre et la vengeance et l'amour la fois!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il faudroit, Xnocls, une me plus sublime.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il ne faut que vouloir: tout est possible aux rois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! si je pouvois tout, dans l'ardeur qui me presse<span class="dalign">1955</span></p> -<p>Pour ces deux passions qui partagent mes vœux,</p> -<p class="i3"> Peut-tre aurois-je la foiblesse</p> -<p class="i3"> D'obir toutes les deux.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, il vous a plu disposer d'Elpinice;</p> -<p>Nous devons, elle et moi, beaucoup vos bonts;<span class="dalign">1960</span></p> -<p>Et je serai ravi qu'elle vous obisse,</p> -<p>Pourvu que de Cotys les vœux soient accepts.</p> -<p>J'en ai donn parole, il y va de ma gloire.</p> -<p>Spitridate, sans lui, ne sauroit tre heureux;</p> -<p>Et donner mon aveu, s'ils ne le sont tous deux,<span class="dalign">1965</span></p> -<p>C'est faire mon honneur une tache trop noire.</p> -<p class="i3"> Vous pouvez nous parler en roi.</p> -<p class="i3"> Ma fille vous doit plus qu' moi:</p> -<p>Commandez, elle est prte, et je saurai me taire.</p> -<p class="i3"> N'exigez rien de plus d'un pre. <span class="dalign">1970</span></p> -<p>Il a tenu toujours vos ordres bonheur;</p> -<p class="i3"> Mais rendez-lui cette justice</p> -<p>De souffrir qu'il emporte au tombeau cet honneur,</p> -<p>Qui fait l'unique prix de trente ans de service.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, vous l'y porterez, et du moins de ma part <span class="dalign">1975</span></p> -<p>Ce prcieux honneur ne court aucun hasard.</p> -<p>On a votre parole, et j'ai donn la mienne;</p> -<p>Et pour faire aujourd'hui que l'une et l'autre tienne,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span></div> -<p>Il faut vaincre un amour qui m'toit aussi doux</p> -<p class="i3"> Que votre gloire l'est pour vous, <span class="dalign">1980</span></p> -<p>Un amour dont l'espoir ne voyoit plus d'obstacle.</p> -<p>Mais enfin il est beau de triompher de soi,</p> -<p class="i3"> Et de s'accorder ce miracle,</p> -<p>Quand on peut hautement donner tous la loi,</p> -<p>Et que le juste soin de combler notre<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor"> [69]</a> gloire <span class="dalign">1985</span></p> -<p>Demande notre cœur pour dernire victoire.</p> -<p>Un roi n pour l'clat des grandes actions</p> -<p class="i3"> Dompte jusqu' ses passions,</p> -<p>Et ne se croit point roi, s'il ne fait sur lui-mme</p> -<p>Le plus illustre essai de son pouvoir suprme. <span class="dalign">1990</span></p> -<p class="stagedir">(A Xnocls.)</p> -<p>Allez dire Cotys que Mandane est lui;</p> -<p>Que si mes feux aux siens ne l'ont pas accorde,</p> -<p>Pour venger son amour de ce moment d'ennui,</p> -<p>Je veux la lui cder comme il me l'a cde.</p> -<p>Oyez de plus.</p> -<p class="stagedir">(Il parle l'oreille Xnocls, qui s'en va<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor"> [70]</a>.)</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VII.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">AGSILAS.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Eh bien! vos mcontentements <span class="dalign">1995</span></p> -<p class="i3"> Me seront-ils encore craindre?</p> -<p>Et vous souviendrez-vous des mauvais traitements</p> -<p>Qui vous avoient donn tant de lieu de vous plaindre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous ai dit, Seigneur, que j'tois tout vous;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span></div> -<p>Et j'y suis d'autant plus, que malgr l'apparence, <span class="dalign">2000</span></p> -<p>Je trouve des bonts qui passent l'esprance,</p> -<p>O je n'avois cru voir que des soupons jaloux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et que va devenir cette docte harangue</p> -<p>Qui du fameux Clon doit ennoblir la langue<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor"> [71]</a>?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Nous sommes seuls, j'ai chass Xnocls:<span class="dalign">2005</span></p> -<p>Parlons confidemment. Que venez-vous d'crire</p> -<p>A l'phore Arsidas, au snateur Crats?</p> -<p>Je vous dfre assez pour n'en vouloir rien lire<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor"> [72]</a>;</p> -<p>Tout est encor ferm. Voyez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Je suis coupable,</p> -<p>Parce qu'on me trahit, que l'on vous sert trop bien, <span class="dalign">2010</span></p> -<p>Et que par un effort de prudence admirable,</p> -<p>Vous avez su prvoir de quoi seroit capable,</p> -<p>Aprs tant de mpris, un cœur comme le mien.</p> -<p>Ce dessein toutefois ne passera pour crime</p> -<p class="i3"> Que parce qu'il est sans effet; <span class="dalign">2015</span></p> -<p class="i3"> Et ce qu'on va nommer forfait</p> -<p>N'a rien qu'un plein succs n'et rendu lgitime.</p> -<p>Tout devient glorieux pour qui peut l'obtenir,</p> -<p class="i3"> Et qui le manque est punir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, non; j'aurois plus fait peut-tre en votre place: <span class="dalign">2020</span></p> -<p class="i3"> Il est naturel aux grands cœurs</p> -<p>De sentir vivement de pareilles rigueurs;</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span></p> -<p>Et vous m'offenseriez de douter de ma grce.</p> -<p>Comme roi, je la donne, et comme ami discret</p> -<p class="i3"> Je vous assure du secret. <span class="dalign">2025</span></p> -<p>Je remets en vos mains tout ce qui vous peut nuire.</p> -<p>Vous m'avez trop servi pour m'en trouver ingrat;</p> -<p>Et d'un trop grand soutien je priverois l'tat</p> -<p>Pour des ressentiments o j'ai su vous rduire.</p> -<p>Ma puissance tablie et mes droits conservs <span class="dalign">2030</span></p> -<p>Ne me laissent point d'yeux pour voir votre entreprise.</p> -<p>Dites-moi seulement avec mme franchise,</p> -<p>Vous dois-je encor bien plus que vous ne me devez?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Avez-vous pu, Seigneur, me devoir quelque chose?</p> -<p>Qui sert le mieux son roi ne fait que son devoir. <span class="dalign">2035</span></p> -<p>En vous de tout l'tat j'ai dfendu la cause,</p> -<p>Quand je l'ai fait tomber dessous votre pouvoir.</p> -<p>Le zle est tout de feu quand ce grand devoir presse;</p> -<p>Et comme le moins suivre on s'en acquitte mal,</p> -<p>Le mien vous servit moins qu'il ne servit la Grce,<span class="dalign">2040</span></p> -<p>Quand j'en sus mnager les cœurs avec adresse</p> -<p class="i3"> Pour vous en faire gnral.</p> -<p>Je vous dois cependant et la vie et ma gloire;</p> -<p class="i3"> Et lorsqu'un dessein malheureux</p> -<p>Peut me coter le jour et souiller ma mmoire, <span class="dalign">2045</span></p> -<p>La magnanimit de ce cœur gnreux....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Reprochez-moi plutt toutes mes injustices,</p> -<p>Que de plus ravaler de si rares services.</p> -<p>Elles ont fait le crime, et j'en tire ce bien,</p> -<p>Que j'ai pu m'acquitter et ne vous dois plus rien.<span class="dalign">2050</span></p> -<p class="i3"> A prsent que la gratitude</p> -<p>Ne peut passer pour dette en qui s'est acquitt<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor"> [73]</a>,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span></div> -<p>Vos services, pays d'un traitement si rude,</p> -<p>Vont recevoir de moi ce qu'ils ont mrit.</p> -<p>S'ils ont su conserver un trne en ma famille,<span class="dalign">2055</span></p> -<p>J'y veux par mon hymen faire seoir votre fille:</p> -<p>C'est ainsi qu'avec vous je puis le partager.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, ces bonts, que je n'osois attendre,</p> -<p>Que puis-je....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Jugez-en comme il en faut juger,</p> -<p class="i3"> Et surtout commencez d'apprendre<span class="dalign">2060</span></p> -<p>Que les rois sont jaloux du souverain pouvoir,</p> -<p>Qu'ils aiment qu'on leur doive, et ne peuvent devoir,</p> -<p>Que rien leurs sujets n'acquiert l'indpendance,</p> -<p>Qu'ils rglent leur choix l'emploi des plus grands cœurs;</p> -<p>Qu'ils ont pour qui les sert des grces, des faveurs,</p> -<p>Et qu'on n'a jamais droit sur leur reconnoissance.</p> -<p>Prenons dornavant, vous et moi, pour objet,</p> -<p>Les devoirs qu'il faudra l'un l'autre nous rendre:</p> -<p class="i3"> N'oubliez pas ceux d'un sujet<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor"> [74]</a>,</p> -<p class="i3"> Et j'aurai soin de ceux d'un gendre. <span class="dalign">2070</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VIII.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, AGLATIDE conduite<br /> -par XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sur un ordre, Seigneur, reu de votre part,</p> -<p class="i3"> Je viens, tonne et surprise</p> -<p>De voir que tout d'un coup un roi m'en favorise,</p> -<p>Qui me daignoit peine honorer d'un regard.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sortez d'tonnement. Les temps changent, Madame, <span class="dalign">2075</span></p> -<p>Et l'on n'a pas toujours mmes yeux ni mme me.</p> -<p>Pourriez-vous de ma main accepter un poux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si mon pre y consent, mon devoir me l'ordonne;</p> -<p>Ce me sera trop d'heur de le tenir de vous.</p> -<p>Mais avant que savoir quelle en est la personne,<span class="dalign">2080</span></p> -<p>Pourrois-je vous parler avec la libert</p> -<p>Que me souffroit Sparte un feu trop cout,</p> -<p>Alors qu'il vous plaisoit, ou m'aimer, ou me dire</p> -<p>Qu'en votre cœur mes yeux s'toient fait un empire?</p> -<p>Non que j'y pense encor; j'apprends de vous, Seigneur, <span class="dalign">2085</span></p> -<p>Qu'on change avec le temps, d'me, d'yeux et de cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rappelez ces beaux jours pour me parler sans feindre;</p> -<p>Mais si vous le pouvez, Madame, pargnez-moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce seroit sans raison que j'oserois m'en plaindre:</p> -<p>L'amour doit tre libre, et vous tes mon roi. <span class="dalign">2090</span></p> -<p>Mais puisque jusqu' vous vous m'avez fait prtendre,</p> -<p>N'obligez point, Seigneur, cet espoir descendre,</p> -<p class="i3"> Et ne me faites point de lois</p> -<p>Qui profanent l'honneur de votre premier choix.</p> -<p class="i3"> J'y trouvois pour moi tant de gloire, <span class="dalign">2095</span></p> -<p>J'en chris tel point la flatteuse mmoire,</p> -<p>Que je regarderois comme un indigne poux</p> -<p>Quiconque m'offriroit un moindre rang que vous.</p> -<p class="i3"> Si cet orgueil a quelque crime,</p> -<p>Il n'en faut accuser que votre trop d'estime:<span class="dalign">2100</span></p> -<p>Ce sont des sentiments que je ne puis trahir.</p> -<p>Aprs cela, parlez; c'est moi d'obir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je parlerai, Madame, avec mme franchise.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span></div> -<p class="i1"> J'aime voir cet orgueil que mon choix autorise</p> -<p>A ddaigner les vœux de tout autre qu'un roi: <span class="dalign">2105</span></p> -<p>J'aime cette hauteur en un jeune courage;</p> -<p>Et vous n'aurez point lieu de vous plaindre de moi,</p> -<p>Si votre heureux destin dpend de mon suffrage.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IX.</h3> -<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, COTYS, SPITRIDATE,<br /> -MANDANE, ELPINICE, AGLATIDE, XNOCLS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">COTYS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, vos bonts nous venons consacrer,</p> -<p class="i3"> Et Mandane et moi, notre vie. <span class="dalign">2110</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De pareilles faveurs, Seigneur, nous font rentrer</p> -<p class="i3"> Pour vous faire voir mme envie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Je vous ai fait justice tous,</p> -<p>Et je crois que ce jour vous doit tre assez doux,</p> -<p>Qui de tous vos souhaits votre gr dcide;<span class="dalign">2115</span></p> -<p>Mais pour le rendre encor plus doux et plus charmant,</p> -<p>Sachez que Sparte voit sa reine en Aglatide,</p> -<p>A qui le ciel en moi rend son premier amant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est me faire, Seigneur, des surprises nouvelles.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rendons nos cœurs, Madame, des flammes si belles; 2120</p> -<p>Et tous ensemble allons prparer ce beau jour</p> -<p>Qui par un triple hymen couronnera l'amour!</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i4">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE</span>.</p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_96"> 96</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p class="extra">ATTILA<br /> -<span class="large">ROI DES HUNS</span><br /> -<span class="medium">TRAGDIE</span><br /> -<span class="small">1667</span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span></p> -</div> - -<h3>NOTICE.</h3> - -<p><i>Attila</i>, dit Voltaire au commencement de la <i>Prface</i> qu'il a -place en tte de cette pice, parut malheureusement la mme -anne qu'<i>Andromaque</i>. La comparaison ne contribua pas -faire remonter Corneille ce haut point de gloire o il s'tait -lev: il baissait, et Racine s'levait. Tout en reconnaissant -la justesse de ces rflexions un peu banales, on ne doit pas oublier -qu'<i>Andromaque</i> ne fut joue que huit mois aprs <i>Attila</i>, -et ne put par consquent entraver en rien le succs de cet -ouvrage. Ce fut la troupe de Molire, tablie au Palais-Royal, -que Corneille le confia. On lit dans le registre de Lagrange, -sous la date du 4 mars 1667: <i>Attila</i>, pice nouvelle de -M. Corneille l'an, pour laquelle on lui donna deux mille -livres, prix fait.</p> - -<p>Robinet racontant dans une <i>Lettre en vers Madame</i>, du -13 mars 1667, une noce somptueuse, ajoute:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Mais parlons un peu d'<i>Attila</i>;</p> -<p>Car ce fut cette pice-l</p> -<p>Qui servit ce grand rgale</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Cette dernire des merveilles</p> -<p>De l'an des fameux Corneilles</p> -<p>Est un pome srieux,</p> -<p>O cet auteur si glorieux,</p> -<p>Avecque son style nergique,</p> -<p>Des plus propres pour le tragique,</p> -<p>Nous peint, en peignant Attila,</p> -<p>Tout fait bien ce rgne-l,</p> -<p>Et de telle faon s'explique</p> -<p>En matire de politique,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span></div> -<p>Qu'il semble avoir, en bonne foi,</p> -<p>t grand ministre ou grand roi.</p> -<p>Tel enfin est ce grand ouvrage</p> -<p>Qu'il ne se sent point de son ge,</p> -<p>Et que d'un roi des plus mal n</p> -<p>D'un hros qui saigne du nez,</p> -<p>Il a fait, malgr les critiques,</p> -<p>Le plus beau de ses dramatiques.</p> -<p class="i1"> Mais on peut dire aussi cela</p> -<p>Qu'aprs lui le mme <i>Attila</i></p> -<p>Est, par le sieur la Thorillre,</p> -<p>Reprsent d'une manire</p> -<p>Qu'il donne l'me ce tableau</p> -<p>Qu'en a fait son parlant pinceau.</p> -<p class="i1"> Toute la compagnie au reste (<i>La troupe du Roi, au Palais-Royal.</i>)</p> -<p>Ses beaux talents y manifeste,</p> -<p>Et chacun selon son emploi</p> -<p>Se montre digne d'tre au Roi.</p> -<p>Bref les acteurs et les actrices</p> -<p>De plus d'un sens font les dlices</p> -<p>Par leurs attraits, et leurs habits,</p> -<p>Qui ne sont pas d'un petit prix;</p> -<p>Et mmes une confidente (<i>Mlle Molire<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor"> [75]</a>.</i>)</p> -<p>N'y parot pas la moins charmante,</p> -<p>Et maint, le cas est vident,</p> -<p>Voudroit en tre confident.</p> -<p>Sur cet avis, qui vaut l'affiche,</p> -<p>Voyez demain si je vous triche.</p> -</div></div> - -<p>La Thorillire pre, d'aprs ce qu'on sait de son genre de -talent<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor"> [76]</a>, tait loin de possder l'nergie sauvage qui et t ncessaire -pour remplir dignement le rle d'Attila; toutefois, un -des plus grands admirateurs de Corneille, Saint-vremont, -raisonnant ce sujet de la faon la plus surprenante, s'applaudissait -de ce que son pote de prdilection avait rencontr un -aussi mdiocre interprte. Il crivait M. de Lyonne: A -peine ai-je eu le loisir de jeter les yeux sur <i>Andromaque</i> et -sur <i>Attila</i>; cependant il me parat qu'<i>Andromaque</i> a bien -<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span> -l'air des belles choses.... Vous avez raison de dire que cette -pice est dchue par la mort de Montfleury; car elle avoit besoin -de grands comdiens pour remplir, par l'action, ce qui -lui manque. <i>Attila</i>, au contraire, a d gagner quelque chose - la mort de cet acteur; un grand comdien et trop pouss un -rle assez plein de lui-mme, et et fait faire trop d'impression - sa frocit sur les mes tendres.</p> - -<p>Le registre de Lagrange constate que la pice eut vingt reprsentations -conscutives et trois autres encore dans la mme -anne: c'tait, pour le temps, un vritable succs. Cela n'empcha -point Boileau de faire cette pigramme si connue, si facile - retenir:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Aprs l'<i>Agsilas</i>,</p> -<p class="i2"> Hlas!</p> -<p>Mais aprs l'<i>Attila</i>,</p> -<p class="i2"> Hol!</p> -</div></div> - -<p>qui est devenue dans la bouche de bien des amateurs, et mme -de beaucoup de critiques, une rponse sans rplique, une de -ces fins de non-recevoir aussi dcisives que le <i>Tarte la Crme</i> -du marquis dans <i>la Critique de l'cole des femmes</i>.</p> - -<p>Les faiseurs d'<i>ana</i>, qui aiment exagrer les distractions et -la navet des hommes de gnie, prtendent que ces vers ne -blessrent nullement l'amour-propre, pourtant fort susceptible, -du pote contre lequel ils taient dirigs. Corneille s'y mprit -lui-mme, dit Monchesnay<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor"> [77]</a>, et les tourna son avantage, -comme si l'auteur avoit voulu dire que la premire de ces -pices excitoit parfaitement la piti, et que l'autre toit le <i>non -plus ultra</i> de la tragdie.</p> - -<p>On comprendrait mieux que Corneille et effectivement pris -le change sur le passage suivant de la neuvime satire, o la -critique est plus indirecte et mieux dguise:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Tous les jours la cour un sot de qualit</p> -<p>Peut juger de travers avec impunit;</p> -<p>A Malherbe, Racan, prfrer Thophile,</p> -<p>Et le clinquant du Tasse tout l'or de Virgile.</p> -<p>Un clerc, pour quinze sous, sans craindre le hol,</p> -<p>Peut aller au parterre attaquer Attila,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span></div> -<p>Et si le roi des Huns ne lui charme l'oreille,</p> -<p>Traiter de Visigoths tous les vers de Corneille.</p> -</div></div> - -<p>Ce dernier vers nous indique, si je ne me trompe, un point qui -choquait tout particulirement Boileau dans <i>Attila</i>: je veux -dire le choix des noms propres, choix si important ses yeux -et au sujet duquel il disait quelque temps aprs dans l'<i>Art potique</i> -(chant III, vers 243 et 244):</p> - -<p class="quote">D'un seul nom quelquefois le son dur ou bizarre<br /> -Rend un pome entier ou burlesque ou barbare;</p> - -<p>et Voltaire tait bien du mme avis lorsqu'il crivait dans la -<i>Prface</i> que nous avons dj cite: Corneille, dans sa tragdie -d'<i>Attila</i>, fait paratre Hildione, une princesse sœur d'un -prtendu roi de France; elle s'appelait Hildecone la premire -reprsentation; on changea ensuite ce nom ridicule<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor"> [78]</a>. Qu'et-ce -t si Corneille, au lieu d'adopter peu prs, en le francisant, -le nom d'Ildico, qui lui tait donn par Priscus et Jornands<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor"> [79]</a>, -et connu les traditions du Nord et choisi les formes -plus pures de <i>Hiltgund</i>, <i>Hiltegunt</i>, Hildegonde, qu'elles -nous ont conserves<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor"> [80]</a>?</p> - -<p>Le privilge d'<i>Attila</i> avait t accord Guillaume de Luyne -le 25<sup>e</sup> jour de novembre 1666, ce qui fait penser qu' cette -poque cette pice tait dj compose. L'Achev d'imprimer -est du vingtime novembre 1667, et nanmoins, suivant -un usage aujourd'hui gnral dans la librairie, et qui, on le -voit, tait dj suivi ds cette poque, le frontispice de l'dition -originale porte la date de 1668.</p> - -<p>Le titre de l'ouvrage est ainsi conu: <span class="small1">Attila, roy des Hvns, -tragedie</span> par P. Corneille, <i>A Paris, Guillaume de Luyne, Libraire -Iur, au Palais</i>. M.DC.LXVIII. Le volume, de format -in-12, se compose de 4 feuillets et de 78 pages. Le libraire de -Luyne avait fait part de son privilge Thomas Jolly et Billaine. -Nous avons sous les yeux un exemplaire dont le titre, -l'adresse de Jolly, porte <i>T.</i> (au lieu de <i>P.</i>) <i>Corneille</i>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span></p> -<h3>AU LECTEUR<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor"> [81]</a>.</h3> -</div> - -<p>Le nom d'Attila<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor"> [82]</a> est assez connu; mais tout le monde -n'en connot pas tout le caractre. Il toit plus homme -de tte que de main<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor"> [83]</a>, tchoit diviser ses ennemis, ravageoit -les peuples indfendus, pour donner de la terreur -aux autres, et tirer tribut de leur pouvante, et s'toit -fait un tel empire sur les rois qui l'accompagnoient, que -quand mme il leur et command des parricides, ils -n'eussent os lui dsobir. Il est malais de savoir quelle -toit sa religion: le surnom de <i>Flau de Dieu</i><a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor"> [84]</a>, qu'il prenoit -lui-mme, montre qu'il n'en croyoit pas plusieurs. -Je l'estimerois arien, comme les Ostrogoths et les Gpides<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor"> [85]</a> -de son arme, n'toit la pluralit des femmes, que je lui -ai retranche ici. Il croyoit fort aux devins, et c'toit -peut-tre tout ce qu'il croyoit. Il envoya demander par -deux fois l'empereur Valentinian<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor"> [86]</a> sa sœur Honorie<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor"> [87]</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span> -avec grandes menaces, et en attendant<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor"> [88]</a>, il pousa -Ildione, dont tous les historiens marquent la beaut<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor"> [89]</a>, sans -parler de sa naissance. C'est ce qui m'a enhardi la faire -sœur d'un de nos premiers rois<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor"> [90]</a>, afin d'opposer la France -naissante au dclin de l'Empire. Il est constant qu'il mourut -la premire nuit de son mariage avec elle. Marcellin -dit qu'elle le tua elle-mme<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor"> [91]</a>, et je lui en ai voulu donner -l'ide, quoique sans effet<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor"> [92]</a>. Tous les autres rapportent -<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span> -qu'il avoit accoutum de saigner du nez, et que les vapeurs -du vin et des viandes dont il se chargea fermrent le passage - ce sang, qui, aprs l'avoir touff, sortit avec violence -par tous les conduits<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor"> [93]</a>. Je les ai suivis sur la manire -de sa mort; mais j'ai cru plus propos d'en attribuer la -cause un excs de colre qu' un excs d'intemprance.</p> - -<p>Au reste, on m'a press de rpondre ici par occasion -aux invectives qu'on a publies depuis quelque temps -contre la comdie<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor"> [94]</a>; mais je me contenterai d'en dire -<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span> -deux choses, pour fermer la bouche ces ennemis d'un -divertissement si honnte et si utile: l'un<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor"> [95]</a>, que je soumets -tout ce que j'ai fait et ferai l'avenir la censure des -puissances, tant ecclsiastiques que sculires, sous lesquelles -Dieu me fait vivre: je ne sais s'ils en voudroient -faire autant; l'autre, que la comdie est assez justifie -par cette clbre traduction de la moiti de celles de -Trence, que des personnes d'une pit exemplaire et -rigide ont donne au public, et ne l'auroient jamais fait<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor"> [96]</a>, -si elles n'eussent jug qu'on peut innocemment mettre -sur la scne des filles engrosses par leurs amants, et des -marchands d'esclaves prostituer<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor"> [97]</a>. La ntre ne souffre -point de tels ornements. L'amour en est l'me pour l'ordinaire; -mais l'amour dans le malheur n'excite que la -piti, et est plus capable de purger en nous cette passion -que de nous en faire envie.</p> - -<p>Il n'y a point d'homme, au sortir de la reprsentation -<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span> -du <i>Cid</i>, qui voult avoir tu, comme lui, le pre de sa -matresse, pour en recevoir de pareilles douceurs, ni de -fille qui souhaitt que son amant et tu son pre, pour -avoir la joie de l'aimer en poursuivant sa mort<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor"> [98]</a>. Les tendresses -de l'amour content sont d'une autre nature, et -c'est ce qui m'oblige les viter. J'espre un jour traiter -cette matire plus au long, et faire voir quelle erreur -c'est de dire qu'on peut faire parler sur le thtre toutes -sortes de gens, selon toute l'tendue de leurs caractres.</p> - -<div class="chapter"> -<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br /> -POUR LES VARIANTES D'<i>ATTILA</i>.</h3> - -<h3 class="normal">DITION SPARE.<br /> -1668 in-12.<br /> -RECUEILS.<br /> -1668 in-12; | 1682 in-12.</h3> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span></p> -<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor"> [99]</a>.</h3> -</div> - -<table id="acteurs2" summary="parts"> -<tr> -<td class="tdl">ATTILA,</td> -<td class="tdl">roi des Huns.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ARDARIC,</td> -<td class="tdl">roi des Gpides.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">VALAMIR,</td> -<td class="tdl">roi des Ostrogoths.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">HONORIE,</td> -<td class="tdl">sœur de l'empereur Valentinian.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ILDIONE,</td> -<td class="tdl">sœur de Mroue<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor"> [100]</a>, roi de France.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">OCTAR,</td> -<td class="tdl">capitaine des gardes d'Attila.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">FLAVIE,</td> -<td class="tdl">dame d'honneur d'Honorie.</td> -</tr> -</table> - -<h3 class="subh">La scne est au camp d'Attila, dans la Norique<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor"> [101]</a>.</h3> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span></p> -<p class="extra">ATTILA.<br /> -<span class="medium">TRAGDIE.</span></p> - -<h2 class="normal">ACTE I.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">ATTILA, OCTAR, <span class="small1">SUITE</span>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ils ne sont pas venus, nos deux rois? qu'on leur die</p> -<p>Qu'ils se font trop attendre, et qu'Attila s'ennuie;</p> -<p>Qu'alors que je les mande ils doivent se hter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais, Seigneur, quel besoin de les en consulter?</p> -<p>Pourquoi de votre hymen les prendre pour arbitres,<span class="dalign">5</span></p> -<p>Eux qui n'ont de leur trne ici que de vains titres,</p> -<p>Et que vous ne laissez au nombre des vivants</p> -<p>Que pour traner partout deux rois pour vos suivants?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<span class="i5 small1">ATTILA.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'en puis rsoudre seul, Octar, et les appelle,</p> -<p>Non sous aucun espoir de lumire nouvelle: <span class="dalign">10</span></p> -<p>Je crois voir avant eux ce qu'ils m'clairciront,</p> -<p>Et m'tre dj dit tout ce qu'ils me diront;</p> -<p>Mais de ces deux partis lequel que je prfre,</p> -<p>Sa gloire est un affront pour l'autre, et pour son frre;</p> -<p>Et je veux attirer d'un si juste courroux <span class="dalign">15</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span></div> -<p>Sur l'auteur du conseil les plus dangereux coups,</p> -<p>Assurer une excuse ce manque d'estime,</p> -<p>Pouvoir, s'il est besoin, livrer une victime;</p> -<p>Et c'est ce qui m'oblige consulter ces rois,</p> -<p>Pour faire leurs prils clater ce grand choix;<span class="dalign">20</span></p> -<p>Car enfin j'aimerois un prtexte leur perte:</p> -<p>J'en prendrois hautement l'occasion offerte.</p> -<p>Ce titre en eux me choque, et je ne sais pourquoi</p> -<p>Un roi que je commande ose se nommer roi.</p> -<p>Un nom si glorieux marque une indpendance <span class="dalign">25</span></p> -<p>Que souille, que dtruit la moindre obissance;</p> -<p>Et je suis las de voir que du bandeau royal</p> -<p>Ils prennent droit tous deux de me traiter d'gal.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais, Seigneur, se peut-il que pour ces deux princesses</p> -<p>Vous ayez mmes yeux et pareilles tendresses, <span class="dalign">30</span></p> -<p>Que leur mrite gal dispose sans ennui</p> -<p>Votre me irrsolue aux sentiments d'autrui?</p> -<p>Ou si vers l'une ou l'autre elle a pris quelque pente,</p> -<p>Dont prennent ces deux rois la route diffrente,</p> -<p>Voudra-t-elle, aux dpens de ses vœux les plus doux,<span class="dalign">35</span></p> -<p>Prparer une excuse ce juste courroux?</p> -<p>Et pour juste qu'il soit, est-il si fort craindre</p> -<p>Que le grand Attila s'abaisse se contraindre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; mais la noble ardeur d'envahir tant d'tats</p> -<p>Doit combattre de tte encor plus que de bras, <span class="dalign">40</span></p> -<p>Entre ses ennemis rompre l'intelligence,</p> -<p>Y jeter du dsordre et de la dfiance,</p> -<p>Et ne rien hasarder qu'on n'ait de toutes parts,</p> -<p>Autant qu'il est possible, enchan les hasards.</p> -<p> Nous tions aussi forts qu' prsent nous le sommes,<span class="dalign">45</span></p> -<p>Quand je fondis en Gaule avec cinq cent mille hommes<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor"> [102]</a>.</p> -<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span> -<p>Ds lors, s'il t'en souvient, je voulus, mais en vain,</p> -<p>D'avec le Visigoth dtacher le Romain.</p> -<p>J'y perdis auprs d'eux des soins qui me perdirent:</p> -<p>Loin de se diviser, d'autant mieux ils s'unirent.<span class="dalign">50</span></p> -<p>La terreur de mon nom pour nouveaux compagnons</p> -<p>Leur donna les Alains, les Francs, les Bourguignons;</p> -<p>Et n'ayant pu semer entre eux aucuns divorces,</p> -<p>Je me vis en droute avec toutes mes forces<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor"> [103]</a>.</p> -<p>J'ai su les rtablir, et cherche me venger; <span class="dalign">55</span></p> -<p>Mais je cherche le faire avec moins de danger.</p> -<p> De ces cinq nations contre moi trop heureuses,</p> -<p>J'envoie offrir la paix aux deux plus belliqueuses;</p> -<p>Je traite avec chacune, et comme toutes deux</p> -<p>De mon hymen offert ont accept les nœuds,<span class="dalign">60</span></p> -<p>Des princesses qu'ensuite elles en font le gage</p> -<p>L'une sera ma femme et l'autre mon otage.</p> -<p>Si j'offense par l l'un des deux souverains,</p> -<p>Il craindra pour sa sœur qui reste entre mes mains.</p> -<p>Ainsi je les tiendrai l'un et l'autre en contrainte,<span class="dalign">65</span></p> -<p>L'un par mon alliance, et l'autre par la crainte;</p> -<p>Ou si le malheureux s'obstine s'irriter,</p> -<p>L'heureux en ma faveur saura lui rsister,</p> -<p>Tant que de nos vainqueurs terrasss l'un par l'autre</p> -<p>Les trnes branls tombent aux pieds du ntre.<span class="dalign">70</span></p> -<p>Quant l'amour, apprends que mon plus doux souci</p> -<p>N'est.... Mais Ardaric entre, et Valamir aussi.</p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">ATTILA, ARDARIC, VALAMIR, OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rois, amis d'Attila, soutiens de ma puissance,</p> -<p>Qui rangez tant d'tats sous mon obissance,</p> -<p>Et de qui les conseils, le grand cœur et la main,<span class="dalign">75</span></p> -<p>Me rendent formidable tout le genre humain,</p> -<p>Vous voyez en mon camp les clatantes marques</p> -<p>Que de ce vaste effroi nous donnent<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor"> [104]</a> deux monarques.</p> -<p>En Gaule Mroue, Rome l'Empereur,</p> -<p>Ont cru par mon hymen viter ma fureur. <span class="dalign">80</span></p> -<p>La paix avec tous deux en mme temps traite</p> -<p>Se trouve avec tous deux ce prix arrte;</p> -<p>Et presque sur les pas de mes ambassadeurs</p> -<p>Les leurs m'ont amen deux princesses leurs sœurs.</p> -<p>Le choix m'en embarrasse, il est temps de le faire;<span class="dalign">85</span></p> -<p>Depuis leur arrive en vain je le diffre:</p> -<p>Il faut enfin rsoudre; et quel que soit ce choix,</p> -<p>J'offense un empereur, ou le plus grand des rois.</p> -<p class="i1"> Je le dis le plus grand, non qu'encor la victoire</p> -<p>Ait port Mroue ce comble de gloire; <span class="dalign">90</span></p> -<p>Mais si de nos devins l'oracle n'est point faux,</p> -<p>Sa grandeur doit atteindre aux degrs les plus hauts;</p> -<p>Et de ses successeurs l'empire inbranlable</p> -<p>Sera de sicle en sicle enfin si redoutable,</p> -<p>Qu'un jour toute la terre en recevra des lois,<span class="dalign">95</span></p> -<p>Ou tremblera du moins au nom de leurs Franois.</p> -<p class="i1"> Vous donc, qui connoissez de combien d'importance</p> -<p>Est pour nos grands projets l'une et l'autre alliance,</p> -<p>Prtez-moi des clarts pour bien voir aujourd'hui</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span></div> -<p>De laquelle ils auront ou plus ou moins d'appui,<span class="dalign">100</span></p> -<p>Qui des deux, honor par ces nœuds domestiques,</p> -<p>Nous vengera le mieux des Champs catalauniques<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor"> [105]</a>;</p> -<p>Et qui des deux enfin, dchu d'un tel espoir,</p> -<p>Sera le plus craindre qui veut tout pouvoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En l'tat o le ciel a mis votre puissance, <span class="dalign">105</span></p> -<p>Nous mettrions en vain les forces<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor"> [106]</a> en balance:</p> -<p>Tout ce qu'on y peut voir ou de plus ou de moins</p> -<p>Ne vaut pas amuser le moindre de vos soins.</p> -<p>L'un et l'autre trait suffit pour nous instruire</p> -<p>Qu'ils vous craignent tous deux et n'osent plus vous nuire. <span class="dalign">110</span></p> -<p>Ainsi, sans perdre temps vous inquiter,</p> -<p>Vous n'avez que vos yeux, Seigneur, consulter.</p> -<p>Laissez aller ce choix du ct du mrite</p> -<p>Pour qui, sur<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor"> [107]</a> leur rapport, l'amour vous sollicite:</p> -<p>Croyez ce qu'avec eux votre cœur rsoudra: <span class="dalign">115</span></p> -<p>Et de ces potentats s'offense qui voudra.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour chez Attila n'est pas un bon suffrage;</p> -<p>Ce qu'on m'en donneroit me tiendroit lieu d'outrage,</p> -<p>Et tout exprs ailleurs je porterois ma foi,</p> -<p>De peur qu'on n'et par l trop de pouvoir sur moi. <span class="dalign">120</span></p> -<p>Les femmes qu'on adore usurpent un empire</p> -<p>Que jamais un mari n'ose ou ne peut ddire.</p> -<p>C'est au commun des rois se plaire en leurs fers,</p> -<p>Non ceux dont le nom fait trembler l'univers.</p> -<p>Que chacun de leurs yeux aime se faire esclave; <span class="dalign">125</span></p> -<p>Moi, je ne veux les voir qu'en tyrans que je brave:</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span></p> -<p>Et par quelques attraits qu'ils captivent un cœur,</p> -<p>Le mien en dpit d'eux est tout ma grandeur.</p> -<p>Parlez donc seulement du choix le plus utile,</p> -<p>Du courroux dompter ou plus ou moins facile; <span class="dalign">130</span></p> -<p>Et ne me dites point que de chaque ct</p> -<p>Vous voyez comme lui peu d'ingalit.</p> -<p>En matire d'tat ne ft-ce qu'un atome,</p> -<p>Sa perte quelquefois importe d'un royaume;</p> -<p>Il n'est scrupule exact qu'il n'y faille garder,<span class="dalign">135</span></p> -<p>Et le moindre avantage a droit de dcider.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, dans le penchant que prennent les affaires,</p> -<p>Les grands discours ici ne sont pas ncessaires:</p> -<p>Il ne faut que des yeux; et pour tout dcouvrir,</p> -<p>Pour dcider de tout, on n'a qu' les ouvrir. <span class="dalign">140</span></p> -<p class="i1"> Un grand destin commence, un grand destin s'achve:</p> -<p>L'empire est prt choir, et la France s'lve;</p> -<p>L'une peut avec elle affermir son appui,</p> -<p>Et l'autre en trbuchant l'ensevelir sous lui.</p> -<p>Vos devins vous l'ont dit; n'y mettez point d'obstacles, <span class="dalign">145</span></p> -<p>Vous qui n'avez jamais dout de leurs oracles:</p> -<p>Soutenir un tat chancelant et bris,</p> -<p>C'est chercher par sa chute se voir cras.</p> -<p>Appuyez donc la France, et laissez tomber Rome;</p> -<p>Aux grands ordres du ciel prtez ceux d'un grand homme: <span class="dalign">150</span></p> -<p>D'un si bel avenir avouez vos devins,</p> -<p>Avancez les succs, et htez les destins.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, le ciel, par le choix de ces grands hymnes,</p> -<p>A mis entre vos mains le cours des destines;</p> -<p>Mais s'il est glorieux, Seigneur, de le hter,<span class="dalign">155</span></p> -<p>Il l'est, et plus encor, de si bien l'arrter,</p> -<p>Que la France, en dpit d'un infaillible augure,</p> -<p>N'aille qu' pas tranants vers sa grandeur future.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span></div> -<p>Et que l'aigle, accabl par ce destin nouveau,</p> -<p>Ne puisse trbucher que sur votre tombeau. <span class="dalign">160</span></p> -<p>Seroit-il gloire gale celle de suspendre</p> -<p>Ce que ces deux tats du ciel doivent attendre,</p> -<p>Et de vous faire voir aux plus savants devins</p> -<p>Arbitre des succs et matre des destins?</p> -<p>J'ose vous dire plus. Tout ce qu'ils vous prdisent,<span class="dalign">165</span></p> -<p>Avec pleine clart dans le ciel ils le lisent;</p> -<p>Mais vous assurent-ils que quelque astre jaloux</p> -<p>N'ait point mis plus d'un sicle entre l'effet et vous?</p> -<p>Ces clatants retours que font les destines</p> -<p>Sont assez rarement l'œuvre de peu d'annes; <span class="dalign">170</span></p> -<p>Et ce qu'on vous prdit touchant ces deux tats</p> -<p>Peut tre un avenir qui ne vous touche pas.</p> -<p>Cependant regardez ce qu'est encor l'empire:</p> -<p>Il chancelle, il se brise, et chacun le dchire;</p> -<p>De ses entrailles mme il produit des<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor"> [108]</a> tyrans; <span class="dalign">175</span></p> -<p>Mais il peut encor plus que tous ses conqurants.</p> -<p>Le moindre souvenir des Champs catalauniques</p> -<p>En peut mettre vos yeux des preuves trop publiques:</p> -<p>Singibar, Gondebaut, Mroue et Thierri<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor"> [109]</a>,</p> -<p>L, sans Atius, tous quatre auroient pri. <span class="dalign">180</span></p> -<p>Les Romains firent seuls cette grande journe:</p> -<p>Unissez-les vous par un digne hymne.</p> -<p>Puisque dj sans eux vous pouvez presque tout,</p> -<p>Il n'est rien dont par eux vous ne veniez bout.</p> -<p>Quand de ces nouveaux rois ils vous auront fait matre,<span class="dalign">185</span></p> -<p>Vous verrez loisir de qui vous voudrez l'tre,</p> -<p>Et rsoudrez vous seul avec tranquillit</p> -<p>Si vous leur souffrirez encor l'galit.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'empire, je l'avoue, est encor quelque chose;</p> -<p>Mais nous ne sommes plus au temps de Thodose; <span class="dalign">190</span></p> -<p>Et comme dans sa race il ne revit pas bien,</p> -<p>L'empire est quelque chose, et l'Empereur n'est rien.</p> -<p>Ses deux fils<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor"> [110]</a> n'ont rempli les trnes des deux Romes</p> -<p>Que d'idoles pompeux<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor"> [111]</a>, que d'ombres au lieu d'hommes.</p> -<p>L'imbcile fiert de ces faux souverains, <span class="dalign">195</span></p> -<p>Qui n'osoit son aide appeler des Romains<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor"> [112]</a>,</p> -<p>Parmi des nations qu'ils traitoient de barbares</p> -<p>Empruntoit pour rgner des personnes plus rares;</p> -<p>Et d'un ct Gainas, de l'autre Stilicon,</p> -<p>A ces deux majests ne laissant que le nom, <span class="dalign">200</span></p> -<p>On voyoit dominer d'une hauteur gale</p> -<p>Un Goth dans un empire, et dans l'autre un Vandale<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor"> [113]</a>.</p> -<p>Comme de tous cts on s'en est indign,</p> -<p>De tous cts aussi pour eux on a rgn.</p> -<p>Le second Thodose<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor"> [114]</a> avoit pris leur modle: <span class="dalign">205</span></p> -<p>Sa sœur cinquante ans le tenoit en tutelle,</p> -<p>Et fut, tant qu'il rgna, l'me de ce grand corps,</p> -<p>Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts.</p> -<p> Pour Valentinian<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor"> [115]</a>, tant qu'a vcu sa mre,</p> -<p>Il a sembl rpondre ce grand caractre: <span class="dalign">210</span></p> -<p>Il a paru rgner; mais on voit aujourd'hui</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span></div> -<p>Qu'il rgnoit par sa mre, ou sa mre pour lui;</p> -<p>Et depuis son trpas il a trop fait connotre</p> -<p>Que s'il est empereur, Atius est matre;</p> -<p>Et c'en seroit la sœur qu'il faudroit obtenir, <span class="dalign">215</span></p> -<p>Si jamais aux Romains vous vouliez vous unir:</p> -<p>Au reste, un prince foible, envieux, mol, stupide,</p> -<p>Qu'un heureux succs enfle, un douteux intimide,</p> -<p>Qui pour unique emploi s'attache son plaisir,</p> -<p>Et laisse le pouvoir qui s'en peut saisir. <span class="dalign">220</span></p> -<p class="i1"> Mais le grand Mroue est un roi magnanime,</p> -<p>Amoureux de la gloire, ardent aprs l'estime,</p> -<p>Qui ne permet aux siens d'emploi ni de pouvoir,</p> -<p>Qu'autant que par son ordre ils en doivent avoir.</p> -<p>Il sait vaincre et rgner; et depuis sa victoire, <span class="dalign">225</span></p> -<p>S'il a dj soumis et la Seine et la Loire,</p> -<p>Quand vous voudrez aux siens joindre vos combattants,</p> -<p>La Garomne et l'Arar<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor"> [116]</a> ne tiendront pas longtemps.</p> -<p>Alors ces mmes champs, tmoins de notre honte,</p> -<p>En verront la vengeance et plus haute et plus prompte;<span class="dalign">230</span></p> -<p>Et pour glorieux prix d'avoir su nous venger,</p> -<p>Vous aurez avec lui la Gaule partager,</p> -<p>D'o vous ferez savoir toute l'Italie</p> -<p>Qu'alors que<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor"> [117]</a> la prudence la valeur s'allie,</p> -<p>Il n'est rien l'preuve, et qu'il est temps qu'enfin <span class="dalign">235</span></p> -<p>Et du Tibre et du P vous fassiez le destin.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Prenez-en donc le droit des mains d'une princesse</p> -<p>Qui l'apporte pour dot l'ardeur qui vous presse;</p> -<p>Et paroissez plutt vous saisir de son bien,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span></div> -<p>Qu'usurper des tats sur qui ne vous doit rien. <span class="dalign">240</span></p> -<p>Sa mre eut tant de part la toute-puissance,</p> -<p>Qu'elle fit l'empire associer Constance<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor"> [118]</a>;</p> -<p>Et si ce mme empire a quelque attrait pour vous,</p> -<p>La fille a mme droit en faveur d'un poux.</p> -<p class="i1"> Allez, la force en main, demander ce partage <span class="dalign">245</span></p> -<p>Que d'un pre mourant lui laissa le suffrage<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor"> [119]</a>:</p> -<p>Sous ce prtexte heureux vous verrez des Romains</p> -<p>Se dtacher de Rome, et vous tendre les mains.</p> -<p>Atius n'est pas si matre qu'on veut croire:</p> -<p>Il a jusque chez lui des jaloux de sa gloire; <span class="dalign">250</span></p> -<p>Et vous aurez pour vous tous ceux qui dans le cœur</p> -<p>Sont mcontents du prince, ou las du gouverneur.</p> -<p>Le dbris<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor"> [120]</a> de l'empire a de belles ruines:</p> -<p>S'il n'a plus de hros, il a des hrones.</p> -<p>Rome vous en offre une, et part ce dbris: <span class="dalign">255</span></p> -<p>Pourriez-vous refuser votre main ce prix?</p> -<p>Ildione n'apporte ici que sa personne:</p> -<p>Sa dot ne peut s'tendre aux droits d'une couronne,</p> -<p>Ses Francs n'admettent point de femme dominer;</p> -<p>Mais les droits d'Honorie ont de quoi tout donner.<span class="dalign">260</span></p> -<p>Attachez-les, Seigneur, vous, votre race;</p> -<p>Du fameux Thodose assurez-vous la place:</p> -<p>Rome adore la sœur, le frre est sans pouvoir;</p> -<p>On hait Atius: vous n'avez qu' vouloir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce comme il me faut tirer d'inquitude, <span class="dalign">265</span></p> -<p>Que de plonger mon me en plus d'incertitude?</p> -<p>Et pour vous prvaloir de mes perplexits,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span></div> -<p>Choisissez-vous exprs ces contrarits?</p> -<p>Plus j'entends raisonner, et moins on dtermine:</p> -<p>Chacun dans sa pense galement s'obstine; <span class="dalign">270</span></p> -<p>Et quand par vous<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor"> [121]</a> je cherche ne plus balancer,</p> -<p>Vous cherchez l'un et l'autre mieux m'embarrasser!</p> -<p>Je ne demande point de si diverses routes:</p> -<p>Il me faut des clarts, et non de nouveaux doutes;</p> -<p>Et quand je vous confie un sort tel que le mien, <span class="dalign">275</span></p> -<p>C'est m'offenser tous deux que ne rsoudre rien<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor"> [122]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, chacun de nous vous parle comme il pense,</p> -<p>Chacun de ce grand choix vous fait voir l'importance;</p> -<p>Mais nous ne sommes point jaloux de nos avis.</p> -<p>Croyez-le, croyez-moi, nous en serons ravis; <span class="dalign">280</span></p> -<p>Ils sont les purs effets d'une amiti fidle,</p> -<p>De qui le zle ardent....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Unissez donc ce zle,</p> -<p>Et ne me forcez point voir dans vos dbats</p> -<p>Plus que je ne veux voir, et.... Je n'achve pas.</p> -<p>Dites-moi seulement ce qui vous intresse <span class="dalign">285</span></p> -<p>A protger ici l'une et l'autre princesse.</p> -<p>Leurs frres vous ont-ils, force de prsents,</p> -<p>Chacun de son ct rendus leurs partisans?</p> -<p>Est-ce amiti pour l'une, est-ce haine pour l'autre,</p> -<p>Qui forme auprs de moi son avis et le vtre?<span class="dalign">290</span></p> -<p>Par quel dessein de plaire ou de vous agrandir....</p> -<p>Mais derechef je veux ne rien approfondir,</p> -<p>Et croire qu'o je suis on n'a pas tant d'audace.</p> -<p>Vous, si vous vous aimez, faites-vous une grce:</p> -<p>Accordez-vous ensemble, et ne contestez plus,<span class="dalign">295</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span></div> -<p>Ou de l'une des deux mnagez un refus,</p> -<p>Afin que nous puissions en cette conjoncture</p> -<p>A son aversion imputer la rupture.</p> -<p>Employez-y tous deux ce zle et cette ardeur</p> -<p>Que vous dites avoir tous deux pour ma grandeur:<span class="dalign">300</span></p> -<p>J'en croirai les efforts qu'on fera pour me plaire,</p> -<p>Et veux bien jusque-l suspendre ma colre.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En serons-nous toujours les malheureux objets?</p> -<p>Et verrons-nous toujours qu'il nous traite en sujets?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Fermons les yeux, Seigneur, sur de telles disgrces: <span class="dalign">305</span></p> -<p>Le ciel en doit un jour effacer jusqu'aux traces;</p> -<p>Mes devins me l'ont dit; et s'il en est besoin,</p> -<p>Je dirai que ce jour peut-tre n'est pas loin:</p> -<p>Ils en ont, disent-ils, un assur prsage.</p> -<p>Je vous confierai plus: ils m'ont dit davantage, <span class="dalign">310</span></p> -<p>Et qu'un Thodoric qui doit sortir de moi</p> -<p>Commandera dans Rome, et s'en fera le roi<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor"> [123]</a>;</p> -<p>Et c'est ce qui m'oblige parler pour la France,</p> -<p>A presser Attila d'en choisir l'alliance,</p> -<p>D'pouser Ildione, afin que par ce choix <span class="dalign">315</span></p> -<p>Il laisse mon hymen Honorie et ses droits.</p> -<p class="i1"> Ne vous opposez plus aux grandeurs d'Ildione,</p> -<p>Souffrez en ma faveur qu'elle monte ce trne;</p> -<p>Et si jamais pour vous je puis en faire autant....</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous le pouvez, Seigneur, et ds ce mme instant.<span class="dalign">320</span></p> -<p>Souffrez qu' votre exemple en deux mots je m'explique.</p> -<p>Vous aimez; mais ce n'est qu'un amour politique;</p> -<p>Et puisque je vous dois confidence mon tour,</p> -<p>J'ai pour l'autre princesse un vritable amour;</p> -<p>Et c'est ce qui m'oblige parler pour l'empire, <span class="dalign">325</span></p> -<p>Afin qu'on m'abandonne un objet o j'aspire.</p> -<p class="i1"> Une troite amiti l'un l'autre nous joint;</p> -<p>Mais enfin nos dsirs ne compatissent point.</p> -<p>Voyons qui se doit vaincre, et s'il faut que mon me</p> -<p>A votre ambition immole cette flamme; <span class="dalign">330</span></p> -<p>Ou s'il n'est point plus beau que votre ambition</p> -<p>Elle-mme s'immole cette passion.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce seroit pour mon cœur un cruel sacrifice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<span class="i5 small1">ARDARIC.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et l'autre pour le mien seroit un dur supplice.</p> -<p>Vous aime-t-on?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Du moins j'ai lieu de m'en flatter. <span class="dalign">335</span></p> -<p>Et vous, Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Du moins on me daigne couter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'un mutuel amour est un triste avantage,</p> -<p>Quand ce que nous aimons d'un autre est le partage!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cependant le tyran prendra pour attentat</p> -<p>Cet amour qui fait seul tant de raisons d'tat. <span class="dalign">340</span></p> -<p>Nous n'avons que trop vu jusqu'o va sa colre,</p> -<p>Qui n'a pas pargn le sang mme d'un frre<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor"> [124]</a>,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span></div> -<p>Et combien aprs lui de rois ses allis</p> -<p>A son orgueil barbare il a sacrifis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Les peuples qui suivoient ces illustres victimes<span class="dalign">345</span></p> -<p>Suivent encor sous lui l'impunit des crimes;</p> -<p>Et ce ravage affreux qu'il permet aux soldats</p> -<p>Lui gagne tant de cœurs, lui donne tant de bras,</p> -<p>Que nos propres sujets sortis de nos provinces</p> -<p>Sont en dpit de nous plus lui qu' leurs princes. <span class="dalign">350</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il semble ses discours dj nous souponner,</p> -<p>Et ce sont des soupons qu'il nous faut dtourner.</p> -<p>A ce refus qu'il veut disposons ma princesse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour y porter la mienne il faudra peu d'adresse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous persuadez, quel malheur est le mien! <span class="dalign">355</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et si l'on vous en croit, puis-je esprer plus rien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! que ne pouvons-nous tre heureux l'un et l'autre!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! que n'est mon bonheur plus compatible au vtre!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons des deux cts chacun faire un effort.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons, et du succs laissons-en faire au sort. <span class="dalign">360</span></p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i5">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE II.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">HONORIE, FLAVIE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne m'en dfends point: oui, Madame, Octar m'aime;</p> -<p>Tout ce que je vous dis, je l'ai su de lui-mme.</p> -<p>Ils sont rois, mais c'est tout: ce titre sans pouvoir</p> -<p>N'a rien presque en tous deux de ce qu'il doit avoir;</p> -<p>Et le fier Attila chaque jour fait connotre <span class="dalign">365</span></p> -<p>Que s'il n'est pas leur roi, du moins il est leur matre,</p> -<p>Et qu'ils n'ont en sa cour le rang de ses amis</p> -<p>Qu'autant qu' son orgueil ils s'y montrent soumis.</p> -<p>Tous deux ont grand mrite, et tous deux grand courage;</p> -<p>Mais ils sont, vrai dire, ici comme en otage, <span class="dalign">370</span></p> -<p>Tandis que leurs soldats en des camps loigns</p> -<p>Prennent l'ordre sous lui de gens qu'il a gagns;</p> -<p>Et si de le servir leurs troupes n'toient prtes,</p> -<p>Ces rois, tous rois qu'ils sont, rpondroient de leurs ttes.</p> -<p class="i1"> Son frre an Vlda, plus rempli d'quit, <span class="dalign">375</span></p> -<p>Les traitoit malgr lui d'entire galit;</p> -<p>Il n'a pu le souffrir, et sa jalouse envie,</p> -<p>Pour n'avoir plus d'gaux, s'est immol sa vie<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor"> [125]</a>.</p> -<p>Le sang qu'aprs avoir mis ce prince au tombeau,</p> -<p>On lui voit chaque jour distiller du cerveau<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor"> [126]</a>, <span class="dalign">380</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span></div> -<p>Punit son parricide, et chaque jour vient faire</p> -<p>Un tribut tonnant celui de ce frre:</p> -<p>Suivant mme qu'il a plus ou moins de courroux,</p> -<p>Ce sang forme un supplice ou plus rude ou plus doux,</p> -<p>S'ouvre une plus fconde ou plus strile veine;<span class="dalign">385</span></p> -<p>Et chaque emportement porte avec lui sa peine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que me sert donc qu'on m'aime, et pourquoi m'engager</p> -<p>A souffrir un amour qui ne peut me venger?</p> -<p>L'insolent Attila me donne une rivale;</p> -<p>Par ce choix qu'il balance il la fait mon gale; <span class="dalign">390</span></p> -<p>Et quand pour l'en punir je crois prendre un grand roi,</p> -<p>Je ne prends qu'un grand nom qui ne peut rien pour moi.</p> -<p>Juge que de chagrins au cœur d'une princesse</p> -<p>Qui hait galement l'orgueil et la foiblesse;</p> -<p>Et de quel œil je puis regarder un amant <span class="dalign">395</span></p> -<p>Qui n'aura que piti de mon ressentiment,</p> -<p>Qui ne saura qu'aimer, et dont tout le service</p> -<p>Ne m'assure aucun bras me faire justice.</p> -<p class="i1"> Jusqu' Rome Attila m'envoie offrir sa foi<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor"> [127]</a>,</p> -<p>Pour douter dans son camp entre Ildione et moi.<span class="dalign">400</span></p> -<p>Hlas! Flavie, hlas! si ce doute m'offense,</p> -<p>Que doit faire une indigne et haute prfrence?</p> -<p>Et n'est-ce pas alors le dernier des malheurs</p> -<p>Qu'un clat impuissant d'inutiles douleurs?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Prvenez-le, Madame; et montrez sa honte <span class="dalign">405</span></p> -<p>Combien de tant d'orgueil vous faites peu de conte<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor"> [128]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La bravade est aise, un mot est bientt dit:</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span></p> -<p>Mais o fuir un tyran que la bravade aigrit?</p> -<p>Retournerai-je Rome, o j'ai laiss mon frre</p> -<p>Enflamm contre moi de haine et de colre,<span class="dalign">410</span></p> -<p>Et qui, sans la terreur d'un nom si redout,</p> -<p>Jamais n'et mis de borne ma captivit?</p> -<p>Moi qui prtends pour dot la moiti de l'empire....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce seroit d'un malheur vous jeter dans un pire<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor"> [129]</a>.</p> -<p>Ne vous emportez pas contre vous jusque-l: <span class="dalign">415</span></p> -<p>Il est d'autres moyens de braver Attila.</p> -<p>pousez Valamir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Est-ce comme on le brave</p> -<p>Que d'pouser un roi dont il fait son esclave?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais vous l'aimez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Eh bien! si j'aime Valamir,</p> -<p>Je ne veux point de rois qu'on force d'obir; <span class="dalign">420</span></p> -<p>Et si tu me dis vrai, quelque rang que je tienne,</p> -<p>Cet hymen pourrait tre et sa perte et la mienne.</p> -<p>Mais je veux qu'Attila, press d'un autre amour,</p> -<p>Endure un tel insulte<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor"> [130]</a> au milieu de sa cour:</p> -<p>Ildione par l me verroit sa suite; <span class="dalign">425</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span></div> -<p>A de honteux respects je m'y verrois rduite;</p> -<p>Et le sang des Csars, qu'on adora toujours,</p> -<p>Feroit hommage au sang d'un roi de quatre jours!</p> -<p>Dis-le-moi toutefois: pencheroit-il vers elle?</p> -<p>Que t'en a dit Octar?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Qu'il la trouve assez belle,<span class="dalign">430</span></p> -<p>Qu'il en parle avec joie, et fuit lui parler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il me parle, et s'il faut ne rien dissimuler,</p> -<p>Ses discours me font voir du respect, de l'estime,</p> -<p>Et mme quelque amour, sans que le nom s'exprime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est un peu plus qu' l'autre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Et peut-tre bien moins.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? ce qu' l'viter il apporte de soins....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre il ne la fuit que de peur de se rendre;</p> -<p>Et s'il ne me fuit pas, il sait mieux s'en dfendre.</p> -<p>Oui, sans doute, il la craint, et toute sa fiert</p> -<p>Mnage, pour choisir, un peu de libert. <span class="dalign">440</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais laquelle des deux voulez-vous qu'il choisisse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mon me des deux parts attend mme supplice:</p> -<p>Ainsi que mon amour, ma gloire a ses appas;</p> -<p>Je meurs s'il me choisit, ou ne me choisit pas;</p> -<p>Et.... Mais Valamir entre, et sa vue en mon me <span class="dalign">445</span></p> -<p>Fait trembler mon orgueil, enorgueillit ma flamme.</p> -<p>Flavie, il peut sur moi bien plus que je ne veux:</p> -<p>Pour peu que je l'coute, il aura tous mes vœux.</p> -<p>Dis-lui.... mais il vaut mieux faire effort sur moi-mme.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">VALAMIR, HONORIE, FLAVIE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le savez-vous, Seigneur, comment je veux qu'on m'aime?</p> -<p>Et puisque jusqu' moi vous portez vos souhaits,</p> -<p>Avez-vous su connotre quel prix je me mets?</p> -<p>Je parle avec franchise, et ne veux point vous taire</p> -<p>Que vos soins me plairoient, s'il ne falloit que plaire;</p> -<p>Mais quand cent et cent fois ils seroient mieux reus,<span class="dalign">455</span></p> -<p>Il faut pour m'obtenir quelque chose de plus.</p> -<p class="i1"> Attila m'est promis, j'en ai sa foi pour gage;</p> -<p>La princesse des Francs prtend mme avantage;</p> -<p>Et bien que sur le choix il semble hsiter<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor"> [131]</a>,</p> -<p>tant ce que je suis j'aurois tort d'en douter.<span class="dalign">460</span></p> -<p>Mais qui promet deux outrage l'une et l'autre<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor"> [132]</a>.</p> -<p>J'ai du cœur, on m'offense, examinez le vtre.</p> -<p>Pourrez-vous m'en venger, pourrez-vous l'en punir?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'est-ce que par le sang qu'on peut vous obtenir?</p> -<p>Et faut-il que ma flamme ce grand cœur rponde <span class="dalign">465</span></p> -<p>Par un assassinat du plus grand roi du monde,</p> -<p>D'un roi que vous avez souhait pour poux?</p> -<p>Ne sauroit-on sans crime tre digne de vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, je ne vous dis pas qu'aux dpens de sa tte</p> -<p>Vous vous fassiez aimer, et payiez ma conqute. <span class="dalign">470</span></p> -<p>De l'aimable faon qu'il vous traite aujourd'hui</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span></div> -<p>Il a trop mrit ces tendresses pour lui;</p> -<p>D'ailleurs, s'il faut qu'on l'aime, il est bon qu'on le craigne.</p> -<p>Mais c'est cet Attila qu'il faut que je ddaigne.</p> -<p>Pourrez-vous hautement me tirer de ses mains, <span class="dalign">475</span></p> -<p>Et braver avec moi le plus fier des humains?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'en est pas besoin, Madame: il vous respecte,</p> -<p>Et bien que sa fiert vous puisse tre suspecte,</p> -<p>A vos moindres froideurs, vos moindres dgots,</p> -<p>Je sais que ses respects me donneroient vous.<span class="dalign">480</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que j'estime assez peu le sang de Thodose</p> -<p>Pour souffrir qu'en moi-mme un tyran en dispose,</p> -<p>Qu'une main qu'il me doit me choisisse un mari,</p> -<p>Et me prsente un roi comme son favori!</p> -<p>Pour peu que vous m'aimiez, Seigneur, vous devez croire</p> -<p>Que rien ne m'est sensible l'gal de ma gloire.</p> -<p>Rgnez comme Attila, je vous prfre lui;</p> -<p>Mais point d'poux qui n'ose en ddaigner l'appui,</p> -<p>Point d'poux qui m'abaisse au rang de ses sujettes.</p> -<p>Enfin, je veux un roi: regardez si vous l'tes;<span class="dalign">490</span></p> -<p>Et quoi que sur mon cœur vous ayez d'ascendant,</p> -<p>Sachez qu'il n'aimera qu'un prince indpendant.</p> -<p>Voyez quoi, Seigneur, on connot les monarques:</p> -<p>Ne m'offrez plus de vœux qui n'en portent les marques;</p> -<p>Et soyez satisfait qu'on vous daigne assurer<span class="dalign">495</span></p> -<p>Qu' tous les rois ce cœur voudroit vous prfrer.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">VALAMIR, FLAVIE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quelle hauteur, Flavie, et que faut-il qu'espre</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span></div> -<p>Un roi dont tous les vœux....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Seigneur, laissez-la faire:</p> -<p>L'amour sera le matre; et la mme hauteur</p> -<p>Qui vous dispute ici l'empire de son cœur,<span class="dalign">500</span></p> -<p>Vous donne en mme temps le secours de la haine</p> -<p>Pour triompher bientt de la fiert romaine.</p> -<p>L'orgueil qui vous ddaigne en dpit de ses feux</p> -<p>Fait har Attila de se promettre deux;</p> -<p>Non que cette fiert n'en soit assez jalouse <span class="dalign">505</span></p> -<p>Pour ne pouvoir souffrir qu'Ildione l'pouse:</p> -<p>A son frre, ses Francs faites-la renvoyer,</p> -<p>Vous verrez tout ce cœur soudain se dployer,</p> -<p>Suivre ce qui lui plat, braver ce qui l'irrite,</p> -<p>Et livrer hautement la victoire au mrite.<span class="dalign">510</span></p> -<p>Ne vous rebutez point d'un peu d'emportement:</p> -<p>Quelquefois malgr nous il vient un bon moment.</p> -<p>L'amour fait des heureux lorsque moins on y pense;</p> -<p>Et je ne vous dis rien sans beaucoup d'apparence.</p> -<p>Ardaric vous apporte un entretien plus doux.<span class="dalign">515</span></p> -<p>Adieu: comme le cœur, le temps sera pour vous.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'avez-vous obtenu, Seigneur, de la Princesse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Beaucoup, et rien: j'ai vu pour moi quelque tendresse;</p> -<p>Mais elle sait d'ailleurs si bien ce qu'elle vaut,</p> -<p>Que si celle des Francs a le cœur aussi haut, <span class="dalign">520</span></p> -<p>Si c'est mme prix, Seigneur, qu'elle se donne,</p> -<p>Vous lui pourrez longtemps offrir votre couronne.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span></div> -<p>Mon rival est ha, je n'en saurois douter;</p> -<p>Tout le cœur est moi, j'ai lieu de m'en vanter;</p> -<p>Au reste des mortels je sais qu'on me prfre, <span class="dalign">525</span></p> -<p>Et ne sais toutefois ce qu'il faut que j'espre.</p> -<p class="i1"> Voyez votre Ildione; et puissiez-vous, Seigneur,</p> -<p>Y trouver plus de jour lire dans son cœur,</p> -<p>Une me plus tourne remplir votre attente,</p> -<p>Un esprit plus facile! Octar sort de sa tente. <span class="dalign">530</span></p> -<p>Adieu.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">ARDARIC, OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i3"> Pourrai-je voir la Princesse mon tour?</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, moins qu'il vous plaise attendre son retour;</p> -<p>Mais, ce que ses gens, Seigneur, m'ont fait entendre,</p> -<p>Vous n'avez en ce lieu qu'un moment l'attendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dites-moi cependant: vous ftes prisonnier<span class="dalign">535</span></p> -<p>Du roi des Francs, son frre, en ce combat dernier?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le dsordre, Seigneur, des Champs catalauniques</p> -<p>Me donna peu de part aux disgrces publiques.</p> -<p>Si j'y fus prisonnier de ce roi gnreux,</p> -<p>Il me fit dans sa cour un sort assez heureux:<span class="dalign">540</span></p> -<p>Ma prison y fut libre; et j'y trouvai sans cesse</p> -<p>Une bont si rare au cœur de la Princesse,</p> -<p>Que de retour ici je pense lui devoir</p> -<p>Les plus sacrs respects qu'un sujet puisse avoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'un monarque est heureux lorsque le ciel lui donne</p> -<p>La main d'une si belle et si rare personne!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous savez toutefois qu'Attila ne l'est pas,</p> -<p>Et combien son trop d'heur lui cause d'embarras.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! puisqu'il a des yeux, sans doute il la prfre.</p> -<p>Mais vous vous louez fort aussi du roi son frre.<span class="dalign">550</span></p> -<p>Ne me dguisez rien: a-t-il des qualits</p> -<p>A se faire admirer ainsi de tous cts?</p> -<p>Est-ce une vrit que ce que j'entends dire,</p> -<p>Ou si c'est sans raison que l'univers l'admire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne sais pas, Seigneur, ce qu'on vous en a dit<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor"> [133]</a>;<span class="dalign">555</span></p> -<p>Mais si pour l'admirer ce que j'ai vu suffit,</p> -<p>Je l'ai vu dans la paix, je l'ai vu dans la guerre,</p> -<p>Porter partout un front de matre de la terre.</p> -<p>J'ai vu plus d'une fois de fires nations</p> -<p>Dsarmer son courroux par leurs soumissions<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor"> [134]</a>.<span class="dalign">560</span></p> -<p>J'ai vu tous les plaisirs de son me hroque</p> -<p>N'avoir rien que d'auguste et que de magnifique;</p> -<p>Et ses illustres soins ouvrir ses sujets</p> -<p>L'cole de la guerre au milieu de la paix<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor"> [135]</a>.</p> -<p>Par ces dlassements sa noble inquitude <span class="dalign">565</span></p> -<p>De ses justes desseins faisoit l'heureux prlude;</p> -<p>Et si j'ose le dire, il doit nous tre doux</p> -<p>Que ce hros les tourne ailleurs que contre nous.</p> -<p>Je l'ai vu, tout couvert de poudre et de fume,</p> -<p>Donner le grand exemple toute son arme<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor"> [136]</a>,<span class="dalign">570</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span></div> -<p>Semer par ses prils l'effroi de toutes parts,</p> -<p>Bouleverser les murs d'un seul de ses regards,</p> -<p>Et sur l'orgueil bris des plus superbes ttes</p> -<p>De sa course rapide entasser les conqutes<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor"> [137]</a>.</p> -<p>Ne me commandez point de peindre un si grand roi:<span class="dalign">575</span></p> -<p>Ce que j'en ai vu passe un homme tel que moi;</p> -<p>Mais je ne puis, Seigneur, m'empcher de vous dire</p> -<p>Combien son jeune prince est digne qu'on l'admire.</p> -<p class="i1"> Il montre un cœur si haut sous un front dlicat</p> -<p>Que dans son premier lustre il est dj soldat: <span class="dalign">580</span></p> -<p>Le corps attend les ans, mais l'me est toute prte.</p> -<p>D'un gros de cavaliers il se met la tte,</p> -<p>Et l'pe la main, anime l'escadron</p> -<p>Qu'enorgueillit l'honneur de marcher sous son nom.</p> -<p>Tout ce qu'a d'clatant la majest du pre,<span class="dalign">585</span></p> -<p>Tout ce qu'ont de charmant les grces de la mre,</p> -<p>Tout brille sur ce front, dont l'aimable fiert</p> -<p>Porte empreints et ce charme et cette majest<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor"> [138]</a>.</p> -<p>L'amour et le respect qu'un si jeune mrite....</p> -<p>Mais la Princesse vient, Seigneur, et je vous quitte. <span class="dalign">590</span></p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">ARDARIC, ILDIONE.</p> -</div> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On vous a consult, Seigneur; m'apprendrez-vous</p> -<p>Comment votre Attila dispose enfin de nous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Comment disposez-vous vous-mme de mon me?</p> -<p>Attila va choisir; il faut parler, Madame:</p> -<p>Si son choix est pour vous, que ferez-vous pour moi?<span class="dalign">595</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout ce que peut un cœur qu'engage ailleurs ma foi.</p> -<p>C'est devers vous qu'il penche; et si je ne vous aime,</p> -<p>Je vous plaindrai du moins l'gal de moi-mme:</p> -<p>J'aurai mmes ennuis, j'aurai mmes douleurs;</p> -<p>Mais je n'oublierai point que je me dois ailleurs. <span class="dalign">600</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cette foi que peut-tre on est prs de vous rendre,</p> -<p>Si vous aviez du cœur, vous sauriez la reprendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'en ai, s'il faut me vaincre, autant qu'on peut avoir,</p> -<p>Et n'en aurai jamais pour vaincre mon devoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais qui s'engage deux dgage l'une et l'autre<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor"> [139].</a> <span class="dalign">605</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce seroit ma pense aussi bien que la vtre;</p> -<p>Et si je n'tois pas, Seigneur, ce que je suis,</p> -<p>J'en prendrois quelque droit de finir mes ennuis;</p> -<p>Mais l'esclavage fier d'une haute naissance,</p> -<p>O toute autre peut tout, me tient dans l'impuissance; <span class="dalign">610</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span></div> -<p>Et victime d'tat, je dois sans reculer</p> -<p>Attendre aveuglment qu'on me daigne immoler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Attendre qu'Attila, l'objet de votre haine,</p> -<p>Daigne vous immoler la fiert romaine?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'un pareil sacrifice auroit pour moi d'appas! <span class="dalign">615</span></p> -<p>Et que je souffrirai s'il ne s'y rsout pas!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'il seroit glorieux de le faire vous-mme,</p> -<p>D'en pargner la honte votre diadme!</p> -<p>J'entends celui des Francs, qu'au lieu de maintenir....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est mon frre alors de venger et punir; <span class="dalign">620</span></p> -<p>Mais ce n'est point moi de rompre une alliance</p> -<p>Dont il vient d'attacher vos Huns avec sa France,</p> -<p>Et me faire par l du gage de la paix</p> -<p>Le flambeau d'une guerre ne finir jamais.</p> -<p>Il faut qu'Attila parle; et puisse tre Honorie <span class="dalign">625</span></p> -<p>La plus considre, ou moi la moins chrie!</p> -<p>Puisse-t-il se rsoudre me manquer de foi!</p> -<p>C'est tout ce que je puis et pour vous et pour moi.</p> -<p>S'il vous faut des souhaits, je n'en suis point avare;</p> -<p>S'il vous faut des regrets, tout mon cœur s'y prpare,<span class="dalign">630</span></p> -Et veut bien.... -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Que feront d'inutiles souhaits</p> -<p>Que laisser tous deux d'inutiles regrets?</p> -<p>Pouvez-vous esprer qu'Attila vous ddaigne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rome est encor puissante, il se peut qu'il la craigne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A moins que pour appui Rome n'ait vos froideurs, <span class="dalign">635</span></p> -<p>Vos yeux l'emporteront sur toutes ses grandeurs:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span></div> -<p>Je le sens en moi-mme, et ne vois point d'empire</p> -<p>Qu'en mon cœur d'un regard ils ne puissent dtruire.</p> -<p>Armez-les de rigueurs, Madame, et par piti</p> -<p>D'un charme si funeste tez-leur la moiti: <span class="dalign">640</span></p> -<p>C'en sera trop encore, et pour peu qu'ils clatent,</p> -<p>Il n'est aucun espoir dont mes dsirs se flattent.</p> -<p>Faites donc davantage: allez jusqu'au refus,</p> -<p>Ou croyez qu'Ardaric dj n'espre plus,</p> -<p>Qu'il ne vit dj plus, et que votre hymne <span class="dalign">645</span></p> -<p>A dj par vos mains tranch sa destine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ai-je si peu de part en de tels dplaisirs,</p> -<p>Que pour m'y voir en prendre il faille vos soupirs?</p> -<p>Me voulez-vous forcer la honte des larmes?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si contre tant de maux vous m'enviez leurs charmes, <span class="dalign">650</span></p> -<p>Faites quelque autre grce mes sens alarms,</p> -<p>Madame, et pour le moins dites que vous m'aimez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne vouloir pas m'en croire moins d'un mot si rude,</p> -<p>C'est pour une belle me un peu d'ingratitude.</p> -<p>De quelques traits pour vous que mon cœur soit frapp, <span class="dalign">655</span></p> -<p>Ce grand mot jusqu'ici ne m'est point chapp;</p> -<p>Mais har un rival, endurer d'tre aime,</p> -<p>Comme vous de ce choix avoir l'me alarme,</p> -<p>A votre espoir flottant donner tous mes souhaits,</p> -<p>A votre espoir du donner tous mes regrets, <span class="dalign">660</span></p> -<p>N'est-ce point dire trop ce qui sied mal dire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais vous pouserez Attila.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> J'en soupire,</p> -<p>Et mon cœur....</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Que fait-il, ce cœur, que m'abuser,</p> -<p>Si, mme en n'osant rien, il craint de trop oser?</p> -<p>Non, si vous en aviez, vous sauriez la reprendre,<span class="dalign">665</span></p> -<p>Cette foi que peut-tre on est prt<a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor"> [140]</a> de vous rendre.</p> -<p>Je ne m'en ddis point, et ma juste douleur</p> -<p>Ne peut vous dire assez que vous manquez de cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il faut donc qu'avec vous tout fait je m'explique.</p> -<p>coutez, et surtout, Seigneur, plus de rplique.<span class="dalign">670</span></p> -<p class="i1"> Je vous aime: ce mot me cote prononcer;</p> -<p>Mais puisqu'il vous plat tant, je veux bien m'y forcer.</p> -<p>Permettez toutefois que je vous die<a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor"> [141]</a> encore</p> -<p>Que si votre Attila de ce grand choix m'honore,</p> -<p>Je recevrai sa main d'un œil aussi content <span class="dalign">675</span></p> -<p>Que si je me donnois ce que mon cœur prtend:</p> -<p>Non que de son amour je ne prenne un tel gage</p> -<p>Pour le dernier supplice et le dernier outrage,</p> -<p>Et que le dur effort d'un si cruel moment</p> -<p>Ne redouble ma haine et mon ressentiment;<span class="dalign">680</span></p> -<p>Mais enfin mon devoir veut une dfrence</p> -<p>O mme il ne souponne aucune rpugnance.</p> -<p class="i1"> Je l'pouserai donc, et rserve pour moi</p> -<p>La gloire de rpondre ce que je me doi.</p> -<p>J'ai ma part, comme un autre, la haine publique<span class="dalign">685</span></p> -<p>Qu'aime semer partout son orgueil tyrannique;</p> -<p>Et le hais d'autant plus, que son ambition</p> -<p>A voulu s'asservir toute ma nation;</p> -<p>Qu'en dpit des traits et de tout leur mystre</p> -<p>Un tyran qui dj s'est immol son frre,<span class="dalign">690</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span></div> -<p>Si jamais sa fureur ne redoutoit plus rien,</p> -<p>Auroit peut-tre peine faire grce au mien.</p> -<p>Si donc ce triste choix m'arrache ce que j'aime,</p> -<p>S'il me livre l'horreur qu'il me fait de lui-mme,</p> -<p>S'il m'attache la main qui veut tout saccager, <span class="dalign">695</span></p> -<p>Voyez que d'intrts, que de maux venger!</p> -<p>Mon amour, et ma haine, et la cause commune</p> -<p>Crieront la vengeance, en voudront trois pour une;</p> -<p>Et comme j'aurai lors sa vie entre mes mains,</p> -<p>Il a lieu de me craindre autant que je vous plains. <span class="dalign">700</span></p> -<p>Assez d'autres tyrans ont pri par leurs femmes:</p> -<p>Cette gloire aisment touche les grandes mes,</p> -<p>Et de ce mme coup qui brisera mes fers,</p> -<p>Il est beau que ma main venge tout l'univers<a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor"> [142]</a>.</p> -<p class="i1"> Voil quelle je suis, voil ce que je pense, <span class="dalign">705</span></p> -<p>Voil ce que l'amour prpare qui l'offense.</p> -<p>Vous, faites-moi justice; et songez mieux, Seigneur,</p> -<p>S'il faut me dire encor que je manque de cœur.</p> -<p class="stagedir">(Elle s'en va<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor"> [143]</a>.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous prserve le ciel de l'preuve cruelle</p> -<p>O veut un cœur si grand mettre une me si belle!<span class="dalign">710</span></p> -<p>Et puisse Attila prendre un esprit assez doux</p> -<p>Pour vouloir qu'on vous doive autant lui qu' vous!</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE III.</h2> -<hr class="deco" /></div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">ATTILA, OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Octar, as-tu pris soin de redoubler ma garde?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, Seigneur, et dj chacun s'entre-regarde,</p> -<p>S'entre-demande quoi ces ordres que j'ai mis.... <span class="dalign">715</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand on a deux rivaux, manque-t-on d'ennemis?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais, Seigneur, jusqu'ici vous en doutez encore.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et pour bien claircir ce qu'en effet j'ignore,</p> -<p>Je me mets couvert de ce que de plus noir</p> -<p>Inspire leurs pareils l'amour au dsespoir;<span class="dalign">720</span></p> -<p>Et ne laissant pour arme leur douleur pressante</p> -<p>Qu'une haine sans force, une rage impuissante,</p> -<p>Je m'assure un triomphe en ce glorieux jour</p> -<p>Sur leurs ressentiments, comme sur leur amour.</p> -<p>Qu'en disent nos deux rois?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Leurs mes, alarmes<span class="dalign">725</span></p> -<p>De voir par ce renfort leurs tentes enfermes,</p> -<p>Affectent de montrer une tranquillit....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De leur tente la mienne ils ont la libert.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, mais seuls, et sans suite; et quant aux deux princesses,</p> -<p>Que de leurs actions on laisse encor matresses, <span class="dalign">730</span></p> -<p>On ne permet d'entrer chez elles qu' leurs gens;</p> -<p>Et j'en bannis par l ces rois et leurs agents.</p> -<p>N'en ayez plus, Seigneur, aucune inquitude:</p> -<p>Je les fais observer avec exactitude;</p> -<p>Et de quelque ct qu'elles tournent leurs pas, <span class="dalign">735</span></p> -<p>J'ai des yeux tous<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor"> [144]</a> placs qui ne les manquent pas:</p> -<p>On vous rendra bon compte et des deux rois et d'elles.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il suffit sur ce point: apprends d'autres nouvelles.</p> -<p>Ce grand chef des Romains, l'illustre Atius,</p> -<p>Le seul que je craignois, Octar, il ne vit plus. <span class="dalign">740</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui vous en a dfait?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Valentinian mme.</p> -<p>Craignant qu'il n'usurpt jusqu' son diadme,</p> -<p>Et press des soupons o j'ai su l'engager,</p> -<p>Lui-mme, ses yeux mme, il l'a fait gorger<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor"> [145]</a>.</p> -<p>Rome perd en lui seul plus de quatre batailles:<span class="dalign">745</span></p> -<p>Je me vois l'accs libre au pied de ses murailles;</p> -<p>Et si j'y fais parotre Honorie et ses droits,</p> -<p>Contre un tel empereur j'aurai toutes les voix:</p> -<p>Tant l'effroi de mon nom, et la haine publique</p> -<p>Qu'attire sur sa tte une mort si tragique,<span class="dalign">750</span></p> -<p>Sauront faire aisment, sans en venir aux mains,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span></div> -<p>De l'poux d'une sœur un matre des Romains.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi donc votre choix tombe sur Honorie?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'y fais ce que je puis, et ma gloire m'en prie;</p> -<p>Mais d'ailleurs Ildione a pour moi tant d'attraits,<span class="dalign">755</span></p> -<p>Que mon cœur tonn flotte plus que jamais.</p> -<p>Je sens combattre encor dans ce cœur qui soupire</p> -<p>Les droits de la beaut contre ceux de l'empire.</p> -<p>L'effort de ma raison qui soutient mon orgueil</p> -<p>Ne peut non plus que lui soutenir un coup d'œil;<span class="dalign">760</span></p> -<p>Et quand de tout moi-mme il m'a rendu le matre,</p> -<p>Pour me rendre mes fers elle n'a qu' parotre.</p> -<p class="i1"> O beaut, qui te fais adorer en tous lieux,</p> -<p>Cruel poison de l'me, et doux charme des yeux,</p> -<p>Que devient, quand tu veux, l'autorit suprme,<span class="dalign">765</span></p> -<p>Si tu prends malgr moi l'empire de moi-mme,</p> -<p>Et si cette fiert qui fait partout la loi</p> -<p>Ne peut me garantir de la prendre de toi?</p> -<p>Va la trouver pour moi, cette beaut charmante;</p> -<p>Du plus utile choix donne-lui l'pouvante;<span class="dalign">770</span></p> -<p>Pour l'obliger fuir, peins-lui bien tout l'affront</p> -<p>Que va mon hymne imprimer sur son front.</p> -<p>Ose plus: fais-lui peur d'une prison svre</p> -<p>Qui me rponde ici du courroux de son frre,</p> -<p>Et retienne tous ceux que l'espoir de sa foi<span class="dalign">775</span></p> -<p>Pourroit en un moment soulever contre moi.</p> -<p>Mais quelle me en effet n'en seroit pas sduite?</p> -<p>Je vois trop de prils, Octar, en cette fuite:</p> -<p>Ses yeux, mes souverains, qui tout est soumis,</p> -<p>Me sauroient d'un coup d'œil faire trop d'ennemis. <span class="dalign">780</span></p> -<p>Pour en sauver mon cœur prends une autre manire.</p> -<p>Fais-m'en har, peins-moi d'une humeur noire et fire;</p> -<p>Dis-lui que j'aime ailleurs; et fais-lui prvenir</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span></div> -<p>La gloire qu'Honorie est prte d'obtenir.</p> -<p>Fais qu'elle me ddaigne, et me prfre un autre <span class="dalign">785</span></p> -<p>Qui n'ait pour tout pouvoir qu'un foible emprunt du ntre:</p> -<p>Ardaric, Valamir, ne m'importe des deux.</p> -<p>Mais voir en d'autres bras l'objet de tous mes vœux!</p> -<p>Vouloir qu' mes yeux mme un autre le possde<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor"> [146]</a>!</p> -<p>Ah! le mal est encor plus doux que le remde.<span class="dalign">790</span></p> -<p>Dis-lui, fais-lui savoir....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Quoi, Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> Je ne sai:</p> -<p>Tout ce que j'imagine est d'un fcheux essai.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A quand remettez-vous, aprs tout, d'en rsoudre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Octar, je l'aperois. Quel nouveau coup de foudre!</p> -<p>O raison confondue, orgueil presque touff,<span class="dalign">795</span></p> -<p>Avant ce coup fatal que n'as-tu triomph!</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">ATTILA, ILDIONE, OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Venir jusqu'en ma tente enlever mes hommages,</p> -<p>Madame, c'est trop loin pousser vos avantages:</p> -<p>Ne vous suffit-il point que le cœur soit vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est de quoi faire natre un espoir assez doux. <span class="dalign">800</span></p> -<p>Ce n'est pas toutefois, Seigneur, ce qui m'amne:</p> -<p>Ce sont des nouveauts dont j'ai lieu d'tre en peine.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span></div> -<p>Votre garde est double, et par un ordre exprs</p> -<p>Je vois ici deux rois observs de fort prs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Prenez-vous intrt ou pour l'un ou pour l'autre?<span class="dalign">805</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mon intrt, Seigneur, c'est d'avoir part au vtre:</p> -<p>J'ai droit en vos prils de m'en mettre en souci,</p> -<p>Et de plus, je me trompe, ou l'on m'observe aussi.</p> -<p>Vous serois-je suspecte? Et de quoi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i16"> D'tre aime.</p> -<p>Madame, vos attraits, dont j'ai l'me charme, <span class="dalign">810</span></p> -<p>Si j'en crois l'apparence, ont bless plus d'un roi;</p> -<p>D'autres ont un cœur tendre et des yeux, comme moi;</p> -<p>Et pour vous et pour moi j'en prviens l'insolence,</p> -<p>Qui pourroit sur vous-mme user de violence.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il en est des moyens plus doux et plus aiss, <span class="dalign">815</span></p> -<p>Si je vous charme autant que vous m'en accusez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! vous me charmez trop, moi de qui l'me altire</p> -<p>Cherche voir sous mes pas trembler la terre entire<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor"> [147]</a>:</p> -<p>Moi qui veux pouvoir tout, sitt que je vous voi,</p> -<p>Malgr tout cet orgueil, je ne puis rien sur moi. <span class="dalign">820</span></p> -<p>Je veux, je tche en vain d'viter par la fuite</p> -<p>Ce charme dominant qui marche votre suite:</p> -<p>Mes plus heureux succs ne font qu'enfoncer mieux</p> -<p>L'invitable trait dont me percent vos yeux.</p> -<p>Un regard imprvu leur fait une victoire; <span class="dalign">825</span></p> -<p>Leur moindre souvenir l'emporte sur ma gloire:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span></div> -<p>Il s'empare et du cœur et des soins les plus doux;</p> -<p>Et j'oublie Attila, ds que je pense vous.</p> -<p>Que pourrai-je, Madame, aprs que l'hymne</p> -<p>Aura mis sous vos lois toute ma destine? <span class="dalign">830</span></p> -<p>Quand je voudrai punir, vous saurez pardonner;</p> -<p>Vous refuserez grce o j'en voudrai donner;</p> -<p>Vous envoirez la paix o je voudrai la guerre;</p> -<p>Vous saurez par mes mains conduire le tonnerre;</p> -<p>Et tout mon amour tremble s'accorder un bien<span class="dalign">835</span></p> -<p>Qui me met en tat de ne pouvoir plus rien.</p> -<p class="i1"> Attentez un peu moins sur ce pouvoir suprme,</p> -<p>Madame, et pour un jour cessez d'tre vous-mme;</p> -<p>Cessez d'tre adorable, et laissez-moi choisir</p> -<p>Un objet qui m'en laisse aisment ressaisir.<span class="dalign">840</span></p> -<p>Dfendez vos yeux cet clat invincible</p> -<p>Avec qui ma fiert devient incompatible;</p> -<p>Prtez-moi des refus, prtez-moi des mpris,</p> -<p>Et rendez-moi vous-mme moi-mme ce prix.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je croyois qu'on me dt prfrer Honorie <span class="dalign">845</span></p> -<p>Avec moins de douceurs et de galanterie;</p> -<p>Et je n'attendois pas une civilit</p> -<p>Qui malgr cette honte enflt ma vanit.</p> -<p>Ses honneurs prs des miens ne sont qu'honneurs frivoles,</p> -<p>Ils n'ont que des effets, j'ai les belles paroles;<span class="dalign">850</span></p> -<p>Et si de son ct vous tournez tous vos soins,</p> -<p>C'est qu'elle a moins d'attraits, et se fait craindre moins.</p> -<p>L'auroit-on jamais cru, qu'un Attila pt craindre?</p> -<p>Qu'un si lger clat et de quoi l'y contraindre,</p> -<p>Et que de ce grand nom qui remplit tout d'effroi<span class="dalign">855</span></p> -<p>Il n'ost hasarder tout l'orgueil contre moi?</p> -<p>Avant qu'il porte ailleurs ces timides hommages</p> -<p>Que jusqu'ici j'enlve avec tant d'avantages,</p> -<p>Apprenez-moi, Seigneur, pour suivre vos desseins,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span></div> -<p>Comme il faut ddaigner le plus grand des humains;<span class="dalign">860</span></p> -<p>Dites-moi quels mpris peuvent le satisfaire.</p> -<p>Ah! si je lui dplais force de lui plaire,</p> -<p>Si de son trop d'amour sa haine est tout le fruit,</p> -<p>Alors qu'on la mrite, o se voit-on rduit?</p> -<p class="i1"> Allez, Seigneur, allez o tant d'orgueil aspire.<span class="dalign">865</span></p> -<p>Honorie a pour dot la moiti de l'empire;</p> -<p>D'un mrite penchant c'est un ferme soutien;</p> -<p>Et cet heureux clat efface tout le mien:</p> -<p>Je n'ai que ma personne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Et c'est plus que l'empire,</p> -<p>Plus qu'un droit souverain sur tout ce qui respire. <span class="dalign">870</span></p> -<p>Tout ce qu'a cet empire ou de grand ou de doux,</p> -<p>Je veux mettre ma gloire le tenir de vous.</p> -<p>Faites-moi l'accepter, et pour reconnoissance</p> -<p>Quels climats voulez-vous sous votre obissance?</p> -<p>Si la Gaule vous plat, vous la partagerez:<span class="dalign">875</span></p> -<p>J'en offre la conqute vos yeux adors;</p> -<p>Et mon amour....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p> A quoi que cet amour s'apprte,</p> -<p>La main du conqurant vaut mieux que sa conqute.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? vous pourriez m'aimer, Madame, votre tour?</p> -<p>Qui sme tant d'horreurs fait natre peu d'amour.<span class="dalign">880</span></p> -<p>Qu'aimeriez-vous en moi? Je suis cruel, barbare;</p> -<p>Je n'ai que ma fiert, que ma fureur de rare:</p> -<p>On me craint, on me hait; on me nomme en tout lieu</p> -<p>La terreur des mortels et le flau de Dieu<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor"> [148]</a>.</p> -<p>Aux refus que je veux c'est l trop de matire; <span class="dalign">885</span></p> -<p>Et si ce n'est assez d'y joindre la prire,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span></div> -<p>Si rien ne vous rsout ddaigner ma foi,</p> -<p>Apprhendez pour vous comme je fais pour moi.</p> -<p>Si vos tyrans d'appas retiennent ma franchise,</p> -<p>Je puis l'tre comme eux de qui me tyrannise. <span class="dalign">890</span></p> -<p>Souvenez-vous enfin que je suis Attila,</p> -<p>Et que c'est dire tout que d'aller jusque-l.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il faut donc me rsoudre? Eh bien! j'ose.... De grce<a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor"> [149]</a>,</p> -<p>Dispensez-moi du reste, il y faut trop d'audace.</p> -<p>Je tremble comme un autre l'aspect d'Attila,<span class="dalign">895</span></p> -<p>Et ne me puis, Seigneur, oublier jusque-l.</p> -<p>J'obis: ce mot seul dit tout ce qu'il souhaite;</p> -<p>Si c'est m'expliquer mal, qu'il en soit l'interprte.</p> -<p>J'ai tous les sentiments qu'il lui plat m'ordonner;</p> -<p>J'accepte cette dot qu'il vient de me donner; <span class="dalign">900</span></p> -<p>Je partage dj la Gaule avec mon frre,</p> -<p>Et veux tout ce qu'il faut pour ne vous plus dplaire.</p> -<p>Mais ne puis-je savoir, pour ne manquer rien,</p> -<p>A qui vous me donnez, quand j'obis si bien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'ose le rsoudre, et de nouveau je tremble, <span class="dalign">905</span></p> -<p>Sitt que je conois tant de chagrins ensemble.</p> -<p>C'est trop que de vous perdre et vous donner ailleurs;</p> -<p>Madame, laissez-moi sparer mes douleurs:</p> -<p>Souffrez qu'un dplaisir me prpare pour l'autre;</p> -<p>Aprs mon hymne on aura soin du vtre: <span class="dalign">910</span></p> -<p>Ce grand effort dj n'est que trop rigoureux,</p> -<p>Sans y joindre celui de faire un autre heureux.</p> -<p>Souvent un peu de temps fait plus qu'on n'ose attendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'oserai plus que vous, Seigneur, et sans en prendre;</p> -<p>Et puisque de son bien chacun peut ordonner, <span class="dalign">915</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span></div> -<p>Votre cœur est moi, j'oserai le donner;</p> -<p>Mais je ne le mettrai qu'en la main qu'il souhaite.</p> -<p>Vous, traitez-moi, de grce, ainsi que je vous traite;</p> -<p>Et quand ce coup pour vous sera moins rigoureux,</p> -<p>Avant que me donner consultez-en mes vœux. <span class="dalign">920</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous aimeriez quelqu'un!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Jusqu' votre hymne</p> -<p>Mon cœur est au monarque qui l'on m'a donne;</p> -<p>Mais quand par ce grand choix j'en perdrai tout espoir,</p> -<p>J'ai des yeux qui verront ce qu'il me faudra voir.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">ATTILA, HONORIE, ILDIONE,<br /> -OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce grand choix est donc fait, Seigneur, et pour le faire <span class="dalign">925</span></p> -<p>Vous avez tel point redout ma colre,</p> -<p>Que vous n'avez pas cru vous en pouvoir sauver</p> -<p>Sans doubler votre garde, et me faire observer?</p> -<p>Je ne me jugeois pas en ces lieux tant craindre;</p> -<p>Et d'un tel attentat j'aurois tort de me plaindre, <span class="dalign">930</span></p> -<p>Quand je vois que la peur de mes ressentiments</p> -<p>En commence dj les justes chtiments.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que ces ordres nouveaux ne troublent point votre me:</p> -<p>C'toit moi qu'on craignoit, et non pas vous, Madame;</p> -<p>Et ce glorieux choix qui vous met en courroux<span class="dalign">935</span></p> -<p>Ne tombe pas sur moi, Madame, c'est sur vous.</p> -<p>Il est vrai que sans moi vous n'y pouviez prtendre:</p> -<p>Son cœur, tant qu'il m'et plu, s'en auroit su dfendre;</p> -<p>Il toit tout moi. Ne vous alarmez pas</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span></div> -<p>D'apprendre qu'il toit au peu que j'ai d'appas.<span class="dalign">940</span></p> -<p>Je vous en fais un don: recevez-le pour gage</p> -<p>Ou de mes amitis ou d'un parfait hommage;</p> -<p>Et forte dsormais de vos droits et des miens,</p> -<p>Donnez ce grand cœur de plus dignes liens.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est donc de votre main qu'il passe dans la mienne,<span class="dalign">945</span></p> -<p>Madame, et c'est de vous qu'il faut que je le tienne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous ne le voulez aujourd'hui de ma main,</p> -<p>Craignez qu'il soit trop tard de le vouloir demain.</p> -<p>Elle l'aimera mieux sans doute de la vtre,</p> -<p>Seigneur, ou vous ferez ce prsent quelque autre.<span class="dalign">950</span></p> -<p>Pour lui porter ce cœur que je vous avois pris,</p> -<p>Vous m'avez command des refus, des mpris:</p> -<p>Souffrez que des mpris le respect me dispense,</p> -<p>Et voyez pour le reste entire obissance.</p> -<p>Je vous rends vous-mme, et ne puis rien de plus;<span class="dalign">955</span></p> -<p>Et c'est vous de faire accepter mes refus.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">ATTILA, HONORIE, OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 smal1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Accepter ses refus! moi, Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i16"> Vous, Madame.</p> -<p>Peut-il tre honteux de devenir ma femme?</p> -<p>Et quand on vous assure un si glorieux nom,</p> -<p>Peut-il vous importer qui vous en fait le don? <span class="dalign">960</span></p> -<p>Peut-il vous importer par quelle voie arrive</p> -<p>La gloire dont pour vous Ildione se prive?</p> -<p>Que ce soit son refus, ou que ce soit mon choix,</p> -<p>En marcherez-vous moins sur la tte des rois?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span></div> -<p class="i1"> Mes<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor"> [150]</a> deux traits de paix m'ont donn deux princesses,</p> -<p>Dont l'une aura ma main, si l'autre eut mes tendresses;</p> -<p>L'une aura ma grandeur, comme l'autre eut mes vœux:</p> -<p>C'est ainsi qu'Attila se partage vous deux.</p> -<p>N'en murmurez, Madame, ici non plus que l'autre;</p> -<p>Sa part la satisfait, recevez mieux la vtre;<span class="dalign">970</span></p> -<p>J'en tois idoltre, et veux vous pouser.</p> -<p>La raison? c'est ainsi qu'il me plat d'en user<a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor"> [151]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et ce n'est pas ainsi qu'il me plat qu'on en use:</p> -<p>Je cesse d'estimer ce qu'une autre refuse,</p> -<p>Et bien que vos traits vous engagent ma foi, <span class="dalign">975</span></p> -<p>Le rebut d'Ildione est indigne de moi.</p> -<p>Oui, bien que l'univers ou vous serve ou vous craigne,</p> -<p>Je n'ai que des mpris pour ce qu'elle ddaigne.</p> -<p>Quel honneur est celui d'tre votre moiti,</p> -<p>Qu'elle cde par grce, et m'offre par piti? <span class="dalign">980</span></p> -<p>Je sais ce que le ciel m'a faite<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor"> [152]</a> au-dessus d'elle,</p> -<p>Et suis plus glorieuse encor qu'elle n'est belle.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'adore cet orgueil, il est gal au mien,</p> -<p>Madame; et nos fierts se ressemblent si bien,</p> -<p>Que si la ressemblance est par o l'on s'entr'aime, <span class="dalign">985</span></p> -<p>J'ai lieu de vous aimer comme une autre moi-mme<a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor"> [153]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! si non plus que vous je n'ai point le cœur bas,</p> -<p>Nos fierts pour cela ne se ressemblent pas.</p> -<p>La mienne est de princesse, et la vtre est d'esclave:</p> -<p>Je brave les mpris, vous aimez qu'on vous brave;<span class="dalign">990</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span></div> -<p>Votre orgueil a son foible, et le mien, toujours fort,</p> -<p>Ne peut souffrir d'amour dans ce peu de rapport.</p> -<p>S'il vient de ressemblance, et que d'illustres flammes</p> -<p>Ne puissent que par elle unir les grandes mes,</p> -<p>D'o natroit cet amour, quand je vois en tous lieux<span class="dalign">995</span></p> -<p>De plus dignes fierts qui me ressemblent mieux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous en voyez ici, Madame; et je m'abuse,</p> -<p>Ou quelque autre me vole un cœur qu'on me refuse;</p> -<p>Et cette noble ardeur de me dsobir</p> -<p>En garde la conqute l'heureux Valamir.<span class="dalign">1000</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est qu' moi, Seigneur, que j'en dois rendre conte;</p> -<p>Quand je voudrai l'aimer, je le pourrai sans honte:</p> -<p>Il est roi comme vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> En effet il est roi,</p> -<p>J'en demeure d'accord, mais non pas comme moi.</p> -<p>Mme splendeur de sang, mme titre nous pare;<span class="dalign">1005</span></p> -<p>Mais de quelques degrs le pouvoir nous spare;</p> -<p>Et du trne o le ciel a voulu m'affermir,</p> -<p>C'est tomber d'assez haut que jusqu' Valamir.</p> -<p>Chez ses propres sujets ce titre qu'il tale</p> -<p>Ne fait d'entre eux et moi que remplir l'intervalle;<span class="dalign">1010</span></p> -<p>Il reoit sous ce titre et leur porte mes lois;</p> -<p>Et s'il est roi des Goths, je suis celui des rois<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor"> [154]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et j'ai de quoi le mettre au-dessus de ta tte,</p> -<p>Sitt que de ma main j'aurai fait sa conqute.</p> -<p>Tu n'as pour tout pouvoir<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor"> [155]</a> que des droits usurps <span class="dalign">1015</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span></div> -<p>Sur des peuples surpris et des princes tromps;</p> -<p>Tu n'as d'autorit que ce qu'en font les crimes;</p> -<p>Mais il n'aura de moi que des droits lgitimes;</p> -<p>Et ft-il sous ta rage tes pieds abattu,</p> -<p>Il est plus grand que toi, s'il a plus de vertu.<span class="dalign">1020</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sa vertu ni vos droits ne sont pas de grands charmes,</p> -<p>A moins que pour appui je leur prte mes armes.</p> -<p>Ils ont besoin de moi, s'ils veulent aller loin;</p> -<p>Mais pour tre empereur je n'en ai plus besoin.</p> -<p>Atius est mort, l'empire n'a plus d'homme,<span class="dalign">1025</span></p> -<p>Et je puis trop sans vous me faire place Rome.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Atius est mort! Je n'ai plus de tyran;</p> -<p>Je reverrai mon frre en Valentinian;</p> -<p>Et mille vrais hros qu'opprimoit ce faux matre</p> -<p>Pour me faire justice l'envi vont parotre. <span class="dalign">1030</span></p> -<p>Ils dfendront l'empire, et soutiendront mes droits</p> -<p>En faveur des vertus dont j'aurai fait le choix.</p> -<p>Les grands cœurs n'osent rien sous de si grands ministres:</p> -<p>Leur plus haute valeur n'a d'effets que sinistres;</p> -<p>Leur gloire fait ombrage ces puissants jaloux, <span class="dalign">1035</span></p> -<p>Qui s'estiment perdus s'ils ne les perdent tous.</p> -<p>Mais aprs leur trpas tous ces grands cœurs revivent;</p> -<p>Et pour ne plus souffrir des fers qui les captivent<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor"> [156]</a>,</p> -<p>Chacun reprend sa place et remplit son devoir.</p> -<p>La mort d'Atius te le fera trop voir: <span class="dalign">1040</span></p> -<p>Si pour leur matre en toi je leur mne un barbare,</p> -<p>Tu verras quel accueil leur vertu te prpare;</p> -<p>Mais si d'un Valamir j'honore un si haut rang,</p> -<p>Aucun pour me servir n'pargnera son sang.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous me faites piti de si mal vous connotre,<span class="dalign">1045</span></p> -<p>Que d'avoir tant d'amour, et le faire parotre.</p> -<p>Il est honteux, Madame, des rois tels que nous,</p> -<p>Quand ils en sont blesss, d'en laisser voir les coups.</p> -<p>Il a droit de rgner sur les mes communes,</p> -<p>Non sur celles qui font et dfont les fortunes; <span class="dalign">1050</span></p> -<p>Et si de tout le cœur on ne peut l'arracher,</p> -<p>Il faut s'en rendre matre, ou du moins le cacher.</p> -<p>Je ne vous blme point d'avoir eu mes foiblesses;</p> -<p>Mais faites mme effort sur ces lches tendresses,</p> -<p>Et comme je vous tiens seule digne de moi, <span class="dalign">1055</span></p> -<p>Tenez-moi seul aussi digne de votre foi.</p> -<p>Vous aimez Valamir, et j'adore Ildione:</p> -<p>Je me garde pour vous, gardez-vous pour mon trne;</p> -<p>Prenez ainsi que moi des sentiments plus hauts,</p> -<p>Et suivez mes vertus ainsi que mes dfauts. <span class="dalign">1060</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parle de tes fureurs et de leur noir ouvrage:</p> -<p>Il s'y mle peut-tre une ombre de courage;</p> -<p>Mais bien loin qu'avec gloire on te puisse imiter,</p> -<p>La vertu des tyrans est mme dtester.</p> -<p>Irois-je ton exemple assassiner mon frre? <span class="dalign">1065</span></p> -<p>Sur tous mes allis rpandre ma colre?</p> -<p>Me baigner dans leur sang, et d'un orgueil jaloux...?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si nous nous emportons, j'irai plus loin que vous,</p> -<p>Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Les grands cœurs parlent avec franchise.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand je m'en souviendrai, n'en soyez pas surprise;</p> -<p>Et si je vous pouse avec ce souvenir,</p> -<p>Vous voyez le pass, jugez de l'avenir.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span></div> -<p>Je vous laisse y penser. Adieu, Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i17"> Ah! tratre!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je suis encore amant, demain je serai matre.</p> -<p>Remenez la Princesse, Octar.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Quoi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i17"> C'est assez.<span class="dalign">1075</span></p> -<p>Vous me direz tantt tout ce que vous pensez;</p> -<p>Mais pensez-y deux fois avant que me le dire:</p> -<p>Songez que c'est de moi que vous tiendrez l'empire;</p> -<p>Que vos droits sans ma main ne sont que droits en l'air.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ciel!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Allez, et du moins apprenez parler.<span class="dalign">1080</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Apprends, apprends toi-mme changer de langage,</p> -<p>Lorsqu'au sang des Csars ta parole t'engage.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous en pourrons changer avant la fin du jour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Fais ce que tu voudras, tyran, j'aurai mon tour.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i5">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p> -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE IV.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">HONORIE, OCTAR, FLAVIE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez, servez-moi bien. Si vous aimez Flavie,<span class="dalign">1085</span></p> -<p>Elle sera le prix de m'avoir bien servie:</p> -<p>J'en donne ma parole; et sa main est vous,</p> -<p>Ds que vous m'obtiendrez Valamir pour poux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je voudrois le pouvoir: j'assurerois, Madame,</p> -<p>Sous votre Valamir mes jours avec ma flamme.<span class="dalign">1090</span></p> -<p>Bien qu'Attila me traite assez confidemment,</p> -<p>Ils dpendent sous lui d'un malheureux moment:</p> -<p>Il ne faut qu'un soupon, un dgot, un caprice,</p> -<p>Pour en faire sa haine un soudain sacrifice;</p> -<p>Ce n'est pas un esprit que je porte o je veux.<span class="dalign">1095</span></p> -<p>Faire un peu plus de pente au penchant de ses vœux,</p> -<p>L'attacher un peu plus au parti qu'ils choisissent,</p> -<p>Ce n'est rien qu'avec moi deux mille autres ne puissent;</p> -<p>Mais proposer de front, ou vouloir doucement</p> -<p>Contre ce qu'il rsout tourner son sentiment, <span class="dalign">1100</span></p> -<p>Combattre sa pense en faveur de la vtre,</p> -<p>C'est ce que nous n'osons, ni moi, ni pas un autre;</p> -<p>Et si je hasardois ce contre-temps fatal,</p> -<p>Je me perdrois, Madame, et vous servirois mal.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais qui l'attache moi, quand pour l'autre il soupire?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La mort d'Atius et vos droits sur l'empire.</p> -<p>Il croit s'en voir par l les chemins aplanis;</p> -<p>Et tous autres souhaits de son cœur sont bannis.</p> -<p>Il aime conqurir, mais il hait les batailles:</p> -<p>Il veut que son nom seul renverse les murailles<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor"> [157]</a>; <span class="dalign">1110</span></p> -<p>Et plus grand politique encor que grand guerrier,</p> -<p>Il tient que les combats sentent l'aventurier<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor"> [158]</a>.</p> -<p>Il veut que de ses gens le dluge effroyable</p> -<p>Atterre impunment les peuples qu'il accable;</p> -<p>Et prodigue de sang, il pargne celui <span class="dalign">1115</span></p> -<p>Que tant de combattants exposeroient pour lui.</p> -<p>Ainsi n'esprez pas que jamais il relche,</p> -<p>Que jamais il renonce ce choix qui vous fche.</p> -<p>Si pourtant je vois jour plus que je n'attends,</p> -<p>Madame, assurez-vous que je prendrai mon temps. <span class="dalign">1120</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">HONORIE, FLAVIE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne vous tes-vous point un peu trop dclare,</p> -<p>Madame? et le chagrin de vous voir prfre</p> -<p>touffe-t-il la peur que marquoient vos discours</p> -<p>De rendre hommage au sang d'un roi de quatre jours?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je te l'avois bien dit, que mon me incertaine <span class="dalign">1125</span></p> -<p>De tous les deux cts attendoit mme gne,</p> -<p>Flavie; et de deux maux qu'on craint galement</p> -<p>Celui qui nous arrive est toujours le plus grand,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span></div> -<p>Celui que nous sentons devient le plus sensible.</p> -<p>D'un choix si glorieux la honte est trop visible;<span class="dalign">1130</span></p> -<p>Ildione a su l'art de m'en faire un malheur:</p> -<p>La gloire en est pour elle, et pour moi la douleur;</p> -<p>Elle garde pour soi tout l'effet du mrite,</p> -<p>Et me livre avec joie aux ennuis qu'elle vite.</p> -<p>Vois avec quel insulte<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor"> [159]</a> et de quelle hauteur<span class="dalign">1135</span></p> -<p>Son refus en mes mains rejette un si grand cœur,</p> -<p>Cependant que ravie elle assure son me</p> -<p>La douceur d'tre toute l'objet de sa flamme;</p> -<p>Car je ne doute point qu'elle n'ait de l'amour.</p> -<p>Ardaric qui s'attache la voir chaque jour,<span class="dalign">1140</span></p> -<p>Les respects qu'il lui rend, et les soins qu'il se donne....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ose vous dire plus, Attila l'en souponne:</p> -<p>Il est fier et colre; et s'il sait une fois</p> -<p>Qu'Ildione en secret l'honore de son choix,</p> -<p>Qu'Ardaric ait sur elle os jeter la vue,<span class="dalign">1145</span></p> -<p>Et briguer cette foi qu' lui seul il croit due,</p> -<p>Je crains qu'un tel espoir, au lieu de s'affermir....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que n'ai-je donc mieux tu que j'aimois Valamir!</p> -<p>Mais quand on est brave et qu'on perd ce qu'on aime,</p> -<p>Flavie, est-on sitt matresse de soi-mme? <span class="dalign">1150</span></p> -<p>D'Attila, s'il se peut, tournons l'emportement</p> -<p>Ou contre ma rivale, ou contre son amant;</p> -<p>Accablons leur amour sous ce que j'apprhende;</p> -<p>Promettons ce prix la main qu'on nous demande;</p> -<p>Et faisons que l'ardeur de recevoir ma foi<span class="dalign">1155</span></p> -<p>L'empche d'tre ici plus heureuse que moi.</p> -<p>Renversons leur triomphe. trange frnsie!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span></div> -<p>Sans aimer Ardaric, j'en conois jalousie!</p> -<p>Mais je me venge, et suis, en ce juste projet,</p> -<p>Jalouse du bonheur, et non pas de l'objet.<span class="dalign">1160</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Attila vient, Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<span class="i5 small1">HONORIE.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Eh bien! faisons connotre</p> -<p>Que le sang des Csars ne souffre point de matre,</p> -<p>Et peut bien refuser de pleine autorit</p> -<p>Ce qu'une autre refuse avec tmrit.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">ATTILA, HONORIE, FLAVIE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout s'apprte, Madame, et ce grand hymne <span class="dalign">1165</span></p> -<p>Peut dans une heure ou deux terminer la journe,</p> -<p>Mais sans vous y contraindre; et je ne viens que voir</p> -<p>Si vous avez mieux vu quel est votre devoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mon devoir est, Seigneur, de soutenir ma gloire,</p> -<p>Sur qui va s'imprimer une tache trop noire, <span class="dalign">1170</span></p> -<p>Si votre illustre amour pour son premier effet</p> -<p>Ne venge hautement l'outrage qu'on lui fait.</p> -<p>Puis-je voir sans rougir qu' la belle Ildione</p> -<p>Vous demandiez cong de m'offrir votre trne,</p> -<p>Que...?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Toujours Ildione, et jamais Attila! <span class="dalign">1175</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous me prfrez, Seigneur, punissez-la:</p> -<p>Prenez mes intrts, et pressez votre flamme</p> -<p>De remettre en honneur le nom de votre femme.</p> -<p>Ildione le traite avec trop de mpris;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span></div> -<p>Souffrez-en de pareils, ou rendez-lui son prix.<span class="dalign">1180</span></p> -<p>A quel droit voulez-vous qu'un tel manque d'estime,</p> -<p>S'il est gloire pour elle, en moi devienne un crime;</p> -<p>Qu'aprs que nos refus ont tous deux clat,</p> -<p>Le mien soit punissable o le sien est flatt;</p> -<p>Qu'elle brave vos yeux ce qu'il faut que je craigne,</p> -<p>Et qu'elle me condamne ce qu'elle ddaigne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour vous justifier mes ordres et mes vœux,</p> -<p>Je croyois qu'il sufft d'un simple: Je le veux;</p> -<p>Mais voyez, puisqu'il faut mettre tout en balance,</p> -<p>D'Ildione et de vous qui m'oblige ou m'offense.<span class="dalign">1190</span></p> -<p class="i1"> Quand son refus me sert, le vtre me trahit;</p> -<p>Il veut me commander, quand le sien m'obit:</p> -<p>L'un est plein de respect, l'autre est gonfl d'audace;</p> -<p>Le vtre me fait honte, et le sien me fait grce.</p> -<p>Faut-il aprs cela qu'aux dpens de son sang<span class="dalign">1195</span></p> -<p>Je mrite l'honneur de vous mettre en mon rang?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne peut-on se venger moins qu'on assassine<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor"> [160]</a>?</p> -<p>Je ne veux point sa mort, ni mme sa ruine:</p> -<p>Il est des chtiments plus justes et plus doux,</p> -<p>Qui l'empcheroient mieux de triompher de nous.<span class="dalign">1200</span></p> -<p>Je dis de nous, Seigneur, car l'offense est commune,</p> -<p>Et ce que vous m'offrez des deux n'en feroit qu'une.</p> -<p>Ildione, pour prix de son manque de foi,</p> -<p>Dispose arrogamment et de vous et de moi!</p> -<p>Pour prix de la hauteur dont elle m'a brave,<span class="dalign">1205</span></p> -<p>A son heureux amant sa main est rserve,</p> -<p>Avec qui, satisfaite, elle gote l'appas</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span></div> -<p>De m'ter ce que j'aime, et me mettre en vos bras!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel est-il, cet amant?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Ignorez-vous encore</p> -<p>Qu'elle adore Ardaric, et qu'Ardaric l'adore? <span class="dalign">1210</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'on m'amne Ardaric. Mais de qui savez-vous....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est une vision de mes soupons jaloux;</p> -<p>J'en suis mal claircie, et votre orgueil l'avoue,</p> -<p>Et quand elle me brave, et quand elle vous joue;</p> -<p>Mme, s'il faut vous croire, on ne vous sert pas mal</p> -<p>Alors qu'on vous ddaigne en faveur d'un rival.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'Ardaric et de moi telle est la diffrence,</p> -<p>Qu'elle en punit assez la folle prfrence.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? s'il peut moins que vous, ne lui volez-vous pas</p> -<p>Ce pouvoir usurp sur ses propres soldats?<span class="dalign">1220</span></p> -<p>Un vritable roi qu'opprime un sort contraire,</p> -<p>Tout opprim qu'il est, garde son caractre;</p> -<p>Ce nom lui reste entier sous les plus dures lois:</p> -<p>Il est dans les fers mme gal aux plus grands rois;</p> -<p>Et la main d'Ardaric suffit ma rivale <span class="dalign">1225</span></p> -<p>Pour lui donner plein droit de me traiter d'gale.</p> -<p>Si vous voulez punir l'affront qu'elle nous fait,</p> -<p>Rduisez-la, Seigneur, l'hymen d'un sujet.</p> -<p>Ne cherchez point pour elle une plus dure peine</p> -<p>Que de voir votre femme tre sa souveraine; <span class="dalign">1230</span></p> -<p>Et je pourrai moi-mme alors vous demander</p> -<p>Le droit de m'en servir et de lui commander.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, je saurai lui trouver un supplice.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span></div> -<p>Agrez cependant pour vous mme justice;</p> -<p>Et s'il faut un sujet qui ddaigne un roi, <span class="dalign">1235</span></p> -<p>Choisissez dans une heure, ou d'Octar, ou de moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'Octar, ou....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Les grands cœurs parlent avec franchise,</p> -<p>C'est une vrit que vous m'avez apprise<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor"> [161]</a>:</p> -<p>Songez donc sans murmure cet illustre choix,</p> -<p>Et remerciez-moi de suivre ainsi vos lois<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor"> [162]</a>. <span class="dalign">1240</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Me proposer Octar!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Qu'y trouvez-vous dire?</p> -<p>Seroit-il vos yeux indigne de l'empire?</p> -<p>S'il est n sans couronne et n'eut jamais d'tats,</p> -<p>On monte ce grand trne encor d'un lieu plus bas.</p> -<p>On a vu des Csars, et mme des plus braves,<span class="dalign">1245</span></p> -<p>Qui sortoient d'artisans, de bandoliers<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor"> [163]</a>, d'esclaves;</p> -<p>Le temps et leurs vertus les ont rendus fameux,</p> -<p>Et notre cher Octar a des vertus comme eux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Va, ne me tourne point Octar en ridicule:</p> -<p>Ma gloire pourroit bien l'accepter sans scrupule,<span class="dalign">1250</span></p> -<p>Tyran, et tu devrois du moins te souvenir</p> -<p>Que s'il n'en est pas digne, il peut le devenir.</p> -<p>Au dfaut d'un beau sang, il est de grands services,</p> -<p>Il est des vœux soumis, il est des sacrifices,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span></div> -<p>Il est de glorieux et surprenants effets, <span class="dalign">1255</span></p> -<p>Des vertus de hros, et mme des forfaits.</p> -<p>L'exemple y peut beaucoup. Instruit par tes maximes,</p> -<p>Il s'est fait de ton ordre une habitude aux crimes:</p> -<p>Comme ta crature, il doit te ressembler.</p> -<p>Quand je l'enhardirai, commence de trembler:<span class="dalign">1260</span></p> -<p>Ta vie est en mes mains, ds qu'il voudra me plaire,</p> -<p>Et rien n'est sr pour toi, si je veux qu'il espre.</p> -<p>Ton rival entre, adieu: dlibre avec lui</p> -<p>Si ce cher Octar m'aime, ou sera ton appui.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">ATTILA, ARDARIC.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">ATTILA.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, sur ce grand choix je cesse d'tre en peine:</p> -<p>J'pouse ds ce soir la princesse romaine,</p> -<p>Et n'ai plus qu' prvoir qui plus srement</p> -<p>Je puis confier l'autre et son ressentiment.</p> -<p>Le roi des Bourguignons, par ambassade expresse,</p> -<p>Pour Sigismond<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor"> [164]</a>, son fils, vouloit cette princesse;<span class="dalign">1270</span></p> -<p>Mais nos ambassadeurs furent mieux couts.</p> -<p>Pourroit-il nous donner toutes nos srets?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Son tat sert de borne ceux de Mroue;</p> -<p>La partie entre eux deux seroit bientt noue;</p> -<p>Et vous verriez armer d'une pareille ardeur <span class="dalign">1275</span></p> -<p>Un mari pour sa femme, un frre pour sa sœur:</p> -<p>L'union en seroit trop facile et trop grande.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Celui des Visigoths faisoit mme demande.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span></div> -<p>Comme de Mroue il est plus cart,</p> -<p>Leur union auroit moins de facilit: <span class="dalign">1280</span></p> -<p>Le Bourguignon d'ailleurs spare leurs provinces,</p> -<p>Et serviroit pour nous de barre ces deux princes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui; mais bientt lui-mme entre eux deux cras</p> -<p>Leur feroit se joindre un chemin trop ais;</p> -<p>Et ces deux rois, par l matres de la contre, <span class="dalign">1285</span></p> -<p>D'autant plus fortement en dfendroient<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor"> [165]</a> l'entre,</p> -<p>Qu'ils auroient plus perdre, et qu'un juste courroux</p> -<p>N'auroit plus tant de chefs liguer contre vous.</p> -<p>La princesse Ildione est orgueilleuse et belle;</p> -<p>Il lui faut un mari qui rponde mieux d'elle, <span class="dalign">1290</span></p> -<p>Dont tous les intrts aux vtres soient soumis,</p> -<p>Et ne le pas choisir parmi vos ennemis.</p> -<p>D'une fire beaut la haine opinitre</p> -<p>Donne ce qu'elle hait jusqu'au bout combattre;</p> -<p>Et pour peu que la veuille couter un poux.... <span class="dalign">1295</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il lui faut donc, Seigneur, ou Valamir, ou vous.</p> -<p>La pourriez-vous aimer? parlez sans flatterie.</p> -<p>J'apprends que Valamir est aim d'Honorie;</p> -<p>Il peut de mon hymen concevoir quelque ennui,</p> -<p>Et je m'assurerois sur vous plus que sur lui. <span class="dalign">1300</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est m'honorer, Seigneur, de trop de confiance.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parlez donc, pourriez-vous goter cette alliance?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous savez que vous plaire est mon plus cher souci.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'on cherche la Princesse, et qu'on l'amne ici:</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span></p> -<p>Je veux que de ma main vous receviez la sienne.<span class="dalign">1305</span></p> -<p>Mais dites-moi, de grce, attendant qu'elle vienne,</p> -<p>Par o me voulez-vous assurer votre foi?</p> -<p>Et que seriez-vous prt d'entreprendre pour moi?</p> -<p>Car enfin elle est belle, elle peut tout sduire,</p> -<p>Et vous forcer vous-mme me vouloir dtruire.<span class="dalign">1310</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Faut-il vous immoler l'orgueil de Torrismond<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor"> [166]</a>?</p> -<p>Faut-il teindre l'Arar<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor"> [167]</a> du sang de Sigismond?</p> -<p>Faut-il mettre vos pieds et l'un et l'autre trne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne dissimulez point, vous aimez Ildione,</p> -<p>Et proposez bien moins ces glorieux travaux <span class="dalign">1315</span></p> -<p>Contre mes ennemis que contre vos rivaux.</p> -<p>Ce prompt emportement et ces subites haines</p> -<p>Sont d'un amour jaloux les preuves trop certaines:</p> -<p>Les soins de cet amour font ceux de ma grandeur;</p> -<p>Et si vous n'aimiez pas, vous auriez moins d'ardeur.<span class="dalign">1320</span></p> -<p>Voyez comme un rival est soudain hassable,</p> -<p>Comme vers notre amour ce nom le rend coupable,</p> -<p>Comme sa perte est juste encor qu'il n'ose rien;</p> -<p>Et sans aller si loin, dlivrez-moi du mien.</p> -<p>Diffrez punir une offense incertaine, <span class="dalign">1325</span></p> -<p>Et servez ma colre avant que votre haine.</p> -<p>Seroit-il sr pour moi d'exposer ma bont</p> -<p>A tous les attentats d'un amant supplant?</p> -<p>Vous-mme pourriez-vous pouser une femme,</p> -<p>Et laisser ses yeux le matre de son me? <span class="dalign">1330</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il toit trop craindre, il faudroit l'en bannir.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand il est trop craindre, il faut le prvenir.</p> -<p>C'est un roi dont les gens, mls parmi les ntres,</p> -<p>Feroient accompagner son exil de trop d'autres,</p> -<p>Qu'on verroit s'opposer aux soins que nous prendrons,</p> -<p>Et de nos ennemis grossir les escadrons.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce un crime pour lui qu'une douce esprance</p> -<p>Que vous pourriez ailleurs porter la prfrence?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, pour lui, pour vous-mme, et pour tout autre roi,</p> -<p>C'en est un que prtendre en mme lieu que moi. <span class="dalign">1340</span></p> -<p>S'emparer d'un esprit dont la foi m'est promise,</p> -<p>C'est surprendre une place entre mes mains remise;</p> -<p>Et vous ne seriez pas moins coupable que lui,</p> -<p>Si je ne vous voyois d'un autre œil aujourd'hui.</p> -<p>A des crimes pareils j'ai d mme justice, <span class="dalign">1345</span></p> -<p>Et ne choisis pour vous qu'un amoureux supplice.</p> -<p>Pour un si cher objet que je mets en vos bras,</p> -<p>Est-ce un prix excessif qu'un si juste trpas?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais c'est dshonorer, Seigneur, votre hymne</p> -<p>Que vouloir d'un tel sang en marquer la journe.<span class="dalign">1350</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-il plus grand honneur que de voir en mon choix</p> -<p>Qui je veux ma flamme immoler de deux rois,</p> -<p>Et que du sacrifice o s'expiera leur crime,</p> -<p>L'un d'eux soit le ministre, et l'autre la victime?</p> -<p>Si vous n'osez par l satisfaire vos feux, <span class="dalign">1355</span></p> -<p>Craignez que Valamir ne soit moins scrupuleux,</p> -<p>Qu'il ne s'impute pas tant de barbarie</p> -<p>D'accepter ce prix son illustre Honorie,</p> -<p>Et n'ait aucune horreur de ses vœux les plus doux,</p> -<p>Si leur entier succs ne lui cote que vous; <span class="dalign">1360</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span></div> -<p>Car je puis pouser encor votre princesse,</p> -<p>Et dtourner vers lui l'effort de ma tendresse.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">ATTILA, ARDARIC, ILDIONE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA</span>, Ildione.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vos refus obligeants ont daign m'ordonner</p> -<p>De consulter vos vœux avant que vous donner<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor"> [168]</a>;</p> -<p>Je m'en fais une loi. Dites-moi donc, Madame, <span class="dalign">1365</span></p> -<p>Votre cœur d'Ardaric agreroit-il la flamme?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est moi d'obir, si vous le souhaitez;</p> -<p>Mais, Seigneur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Il y fait quelques difficults;</p> -<p>Mais je sais que sur lui vous tes absolue.</p> -<p>Achevez d'y porter son me irrsolue, <span class="dalign">1370</span></p> -<p>Afin que dans une heure, au milieu de ma cour,</p> -<p>Votre hymen et le mien couronnent ce grand jour.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">ARDARIC, ILDIONE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'o viennent ces soupirs? d'o nat cette tristesse?</p> -<p>Est-ce que la surprise tonne l'allgresse,</p> -<p>Qu'elle en suspend l'effet pour le mieux signaler,<span class="dalign">1375</span></p> -<p>Et qu'aux yeux du tyran il faut dissimuler?</p> -<p>Il est parti, Seigneur; souffrez que votre joie,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span></div> -<p>Souffrez que son excs tout entier se dploie,</p> -<p>Qu'il fasse voir aux miens celui de votre amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous allez soupirer, Madame, votre tour, <span class="dalign">1380</span></p> -<p>A moins que votre cœur malgr vous se prpare</p> -<p>A n'avoir rien d'humain non plus que ce barbare.</p> -<p class="i1"> Il me choisit pour vous; c'est un honneur bien grand,</p> -<p>Mais qui doit faire horreur par le prix qu'il le vend.</p> -<p>A recevoir ma main pourrez-vous tre prte, <span class="dalign">1385</span></p> -<p>S'il faut qu' Valamir il en cote la tte?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? Seigneur!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Attendez vous en tonner</p> -<p>Que vous sachiez la main qui doit l'assassiner.</p> -<p>C'est cet attentat la mienne qu'il destine,</p> -<p>Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> C'est par vous, Seigneur, qu'il l'assassine!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il me fait son bourreau pour perdre un autre roi</p> -<p>A qui fait sa fureur la mme offre qu' moi.</p> -<p>Aux dpens de sa tte il veut qu'on vous obtienne;</p> -<p>Ou lui donne Honorie aux dpens de la mienne:</p> -<p>Sa cruelle faveur m'en a laiss le choix.<span class="dalign">1395</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel crime voit sa rage punir en deux rois?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le crime de tous deux, c'est d'aimer deux princesses,</p> -<p>C'est d'avoir mieux que lui mrit leurs tendresses.</p> -<p>De vos bonts pour nous il nous fait un malheur,</p> -<p>Et d'un sujet de joie un excs de douleur. <span class="dalign">1400</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-il orgueil plus lche, ou lchet plus noire?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span></div> -<p>Il veut que je vous cote ou la vie ou la gloire,</p> -<p>Et serve de prtexte au choix infortun</p> -<p>D'assassiner vous-mme ou d'tre assassin!</p> -<p>Il vous offre ma main comme un bonheur insigne,<span class="dalign">1405</span></p> -<p>Mais condition de vous en rendre indigne;</p> -<p>Et si vous refusez par l de m'acqurir,</p> -<p>Vous ne sauriez vous-mme viter de prir!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est beau de prir pour viter un crime:</p> -<p>Quand on meurt pour sa gloire, on revit dans l'estime;</p> -<p>Et triompher ainsi du plus rigoureux sort,</p> -<p>C'est s'immortaliser par une illustre mort.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cette immortalit qui triomphe en ide</p> -<p>Veut tre, pour charmer, de plus loin regarde;</p> -<p>Et quand notre amour ce triomphe est fatal,<span class="dalign">1415</span></p> -<p>La gloire qui le suit nous en console mal.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous vengerez ma mort; et mon me ravie....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! venger une mort n'est pas rendre une vie:</p> -<p>Le tyran immol me laisse mes malheurs;</p> -<p>Et son sang rpandu ne tarit pas mes pleurs.<span class="dalign">1420</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour sauver une vie, aprs tout prissable,</p> -<p>En rendrois-je le reste infme et dtestable?</p> -<p>Et ne vaut-il pas mieux assouvir sa fureur,</p> -<p>Et mriter vos pleurs, que de vous faire horreur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous m'en feriez sans doute, aprs cette infamie,<span class="dalign">1425</span></p> -<p>Assez pour vous traiter en mortelle ennemie;</p> -<p>Mais souvent la fortune a d'heureux changements</p> -<p>Qui prsident sans nous aux grands vnements.</p> -<p>Le ciel n'est pas toujours aux mchants si propice:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span></div> -<p>Aprs tant d'indulgence, il a de la justice.<span class="dalign">1430</span></p> -<p>Parlez Valamir, et voyez avec lui</p> -<p>S'il n'est aucun remde ce mortel ennui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Allez, Seigneur: nos maux et le temps pressent,</p> -<p>Et les mmes prils tous deux vous intressent.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'y vais; mais en l'tat qu'est son sort et le mien,<span class="dalign">1435</span></p> -<p>Nous nous plaindrons ensemble et ne rsoudrons rien.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VII.</h3> -<p class="subt">ILDIONE<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor"> [169]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Trve, mes tristes yeux, trve aujourd'hui de larmes!</p> -<p>Armez contre un tyran vos plus dangereux charmes:</p> -<p>Voyez si de nouveau vous le pourrez dompter,</p> -<p>Et renverser sur lui ce qu'il ose attenter. <span class="dalign">1440</span></p> -<p>Reprenez en son cœur votre place usurpe,</p> -<p>Ramenez l'autel ma victime chappe,</p> -<p>Rappelez ce courroux que son choix incertain</p> -<p>En faveur de ma flamme allumoit dans mon sein.</p> -<p class="i1"> Que tout semble facile en cette incertitude!<span class="dalign">1445</span></p> -<p>Mais qu' l'excuter tout est pnible et rude!</p> -<p>Et qu'aisment le sexe oppose sa fiert</p> -<p>Sa douceur naturelle et sa timidit!</p> -<p>Quoi? ne donner ma foi que pour tre perfide!</p> -<p>N'accepter un poux que pour un parricide! <span class="dalign">1450</span></p> -<p>Ciel, qui me vois frmir ce nom seul d'poux,</p> -<p>Ou rends-moi plus barbare, ou mon tyran plus doux<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor"> [170]</a>!</p> -</div></div> - - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE V.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR.</p> -<p class="stagedir">(Ils n'ont point d'pe l'un ni l'autre<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor"> [171]</a>.)</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, vos devins seuls ont caus notre perte:</p> -<p>Par eux tous nos maux la porte s'est ouverte;</p> -<p>Et l'infidle appas de leur prdiction <span class="dalign">1455</span></p> -<p>A jet trop d'amorce notre ambition<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor"> [172]</a>.</p> -<p>C'est de l qu'est venu cet amour politique</p> -<p>Que prend pour attentat un orgueil tyrannique.</p> -<p>Sans le flatteur espoir d'un avenir si doux,</p> -<p>Honorie auroit eu moins de charmes pour vous.<span class="dalign">1460</span></p> -<p>C'est par l que vos yeux la trouvent adorable,</p> -<p>Et que vous faites natre un amour vritable,</p> -<p>Qui l'attachant vous excite des fureurs</p> -<p>Que vous voyez passer aux dernires horreurs.</p> -<p>A moins que je vous perde, il faut que je prisse; <span class="dalign">1465</span></p> -<p>On vous fait mme grce, ou pareille injustice:</p> -<p>Ainsi vos seuls devins nous forcent de prir,</p> -<p>Et ce sont tous les droits qu'ils vous font acqurir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je viens de les quitter; et loin de s'en ddire,</p> -<p>Ils assurent ma race encor du mme empire. <span class="dalign">1470</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span></div> -<p>Ils savent qu'Attila s'aigrit au dernier point,</p> -<p>Et ses emportements ne les meuvent point;</p> -<p>Quelque loi qu'il nous fasse, ils sont inbranlables:</p> -<p>Le ciel en a donn des arrts immuables;</p> -<p>Rien n'en rompra l'effet; et Rome aura pour roi <span class="dalign">1475</span></p> -<p>Ce grand Thodoric qui doit sortir de moi<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor"> [173]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ils veulent donc, Seigneur, qu'aux dpens de ma tte</p> -<p>Vos mains ce hros prparent sa conqute?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, c'est m'offenser encor plus qu'Attila.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Par o lui pouvez-vous chapper que par l? <span class="dalign">1480</span></p> -<p>Pouvez-vous que par l possder Honorie?</p> -<p>Et d'o natra ce fils, si vous perdez la vie?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je me vois comme vous aux portes du trpas;</p> -<p>Mais j'espre, aprs tout, ce que je n'entends pas.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR, HONORIE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Savez-vous d'Attila jusqu'o va la furie, <span class="dalign">1485</span></p> -<p>Princes, et quelle en est l'affreuse barbarie?</p> -<p>Cette offre qu'il vous fait d'en rendre l'un heureux</p> -<p>N'est qu'un pige qu'il tend pour vous perdre tous deux.</p> -<p>Il veut, sous cet espoir qu'il donne l'un et l'autre,</p> -<p>Votre sang de sa main, ou le sien de la vtre; <span class="dalign">1490</span></p> -<p>Mais qui le serviroit seroit bientt livr</p> -<p>Aux troupes de celui qu'il auroit massacr;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span></div> -<p>Et par le dsaveu de cette obissance</p> -<p>Ce tigre assouviroit sa rage et leur vengeance.</p> -<p>Octar aime Flavie, et l'en vient d'avertir. <span class="dalign">1495</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Euric<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor"> [174]</a>, son lieutenant, ne fait que de sortir:</p> -<p>Le tyran souponneux, qui craint ce qu'il mrite,</p> -<p>A pour nous dsarmer choisi ce satellite;</p> -<p>Et comme avec justice il nous croit irrits,</p> -<p>Pour nous parler encore il prend ses srets. <span class="dalign">1500</span></p> -<p>Pour peu qu'il et tard, nous allions dans sa tente</p> -<p>Surprendre et prvenir sa plus barbare attente,</p> -<p>Tandis qu'il nous laissoit encor la libert</p> -<p>D'y porter l'un et l'autre une pe au ct.</p> -<p>Il promet tous deux de nous la faire rendre, <span class="dalign">1505</span></p> -<p>Ds qu'il saura de nous ce qu'il en doit attendre,</p> -<p>Quel est notre dessein, ou pour en mieux parler,</p> -<p>Ds que nous rsoudrons de nous entr'immoler.</p> -<p>Cependant il rduit l'entire impuissance</p> -<p>Ce noble dsespoir qui punit par avance<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor"> [175]</a>, <span class="dalign">1510</span></p> -<p>Et qui se faisant droit avant que de mourir,</p> -<p>Croit que se perdre ainsi, c'est un peu moins prir;</p> -<p>Car nous aurions pri par les mains de sa garde;</p> -<p>Mais la mort est plus belle alors qu'on la hasarde.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il vient, Seigneur.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE,<br /> -OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Eh bien! mes illustres amis, <span class="dalign">1515</span></p> -<p>Contre mes grands rivaux quel espoir m'est permis?</p> -<p>Pas un n'a-t-il pour soi la digne complaisance</p> -<p>D'acqurir sa princesse en perdant qui m'offense?</p> -<p>Quoi? l'amour, l'amiti, tout va d'un froid gal!</p> -<p>Pas un ne m'aime assez pour har mon rival! <span class="dalign">1520</span></p> -<p>Pas un de son objet n'a l'me assez ravie</p> -<p>Pour vouloir tre heureux aux dpens d'une vie!</p> -<p>Quels amis! quels amants! et quelle duret!</p> -<p>Daignez, daignez du moins la mettre en sret:</p> -<p>Si ces deux intrts n'ont rien qui la flchisse,<span class="dalign">1525</span></p> -<p>Que l'horreur de mourir, leur dfaut, agisse;</p> -<p>Et si vous n'coutez l'amiti ni l'amour,</p> -<p>Faites un noble effort pour conserver le jour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A l'inhumanit joindre la raillerie,</p> -<p>C'est son dernier point porter la barbarie. <span class="dalign">1530</span></p> -<p>Aprs l'assassinat d'un frre et de six rois,</p> -<p>Notre tour est venu de subir mmes lois;</p> -<p>Et nous mritons bien les plus cruels supplices</p> -<p>De nous tre exposs aux mmes sacrifices,</p> -<p>D'en avoir pu souffrir chaque jour de nouveaux.<span class="dalign">1535</span></p> -<p>Punissez, vengez-vous, mais cherchez des bourreaux;</p> -<p>Et si vous tes roi, songez que nous le sommes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous? devant Attila vous n'tes que deux hommes;</p> -<p>Et ds qu'il m'aura plu d'abattre votre orgueil,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span></div> -<p>Vos ttes pour tomber n'attendront qu'un coup d'œil.</p> -<p>Je fais grce tous deux de n'en demander qu'une:</p> -<p>Faites-en dcider l'pe et la fortune;</p> -<p>Et qui succombera du moins tiendra de moi</p> -<p>L'honneur de ne prir que par la main d'un roi.</p> -<p> Nobles gladiateurs, dont ma colre apprte<span class="dalign">1545</span></p> -<p>Le spectacle pompeux cette grande fte,</p> -<p>Montrez, montrez un cœur enfin digne du rang.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre main est plus faite verser de tel sang;</p> -<p>C'est lui faire un affront que d'emprunter les ntres.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour me faire justice il s'en trouvera d'autres;<span class="dalign">1550</span></p> -<p>Mais si vous renoncez aux objets de vos vœux,</p> -<p>Le refus d'une tte en pourra coter deux.</p> -<p>Je rvoque ma grce, et veux bien que vos crimes</p> -<p>De deux rois mes rivaux me fassent deux victimes;</p> -<p>Et ces rares objets si peu dignes de moi <span class="dalign">1555</span></p> -<p>Seront le digne prix de cet illustre emploi.</p> -<p class="stagedir">(A Ardaric.)</p> -<p>De celui de vos feux je ferai la conqute</p> -<p>De quiconque mes pieds abattra votre tte.</p> -<p class="stagedir">(A Honorie.)</p> -<p>Et comme vous paierez celle de Valamir,</p> -<p>Nous aurons ce prix des bourreaux choisir; <span class="dalign">1560</span></p> -<p>Et pour nouveau supplice de si belles flammes,</p> -<p>Ce choix ne tombera que sur les plus infmes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tu pourrois tre lche et cruel jusque-l!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Encor plus, s'il le faut, mais toujours Attila,</p> -<p>Toujours l'heureux objet de la haine publique, <span class="dalign">1565</span></p> -<p>Fidle au grand dpt du pouvoir tyrannique,</p> -<p>Toujours....</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Achve, et dis que tu veux en tout lieu</p> -<p>tre l'effroi du monde, et le flau de Dieu<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor"> [176]</a>.</p> -<p>tale insolemment l'pouvantable image</p> -<p>De ces fleuves de sang o se baignoit ta rage. <span class="dalign">1570</span></p> -<p>Fais voir....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Que vous perdez de mots injurieux</p> -<p>A me faire un reproche et doux et glorieux!</p> -<p class="i1"> Ce dieu dont vous parlez, de temps en temps svre,</p> -<p>Ne s'arme pas toujours de toute sa colre;</p> -<p>Mais quand sa fureur il livre l'univers, <span class="dalign">1575</span></p> -<p>Elle a pour chaque temps des dluges divers.</p> -<p>Jadis, de toutes parts faisant regorger l'onde,</p> -<p>Sous un dluge d'eaux il abma le monde;</p> -<p>Sa main tient en rserve un dluge de feux</p> -<p>Pour le dernier moment de nos derniers neveux; <span class="dalign">1580</span></p> -<p>Et mon bras, dont il fait aujourd'hui son tonnerre,</p> -<p>D'un dluge de sang couvre pour lui la terre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Lorsque par les tyrans il punit les mortels,</p> -<p>Il rserve sa foudre ces grands criminels,</p> -<p>Qu'il donne pour supplice toute la nature,<span class="dalign">1585</span></p> -<p>Jusqu' ce que leur rage ait combl la mesure.</p> -<p>Peut-tre qu'il prpare en ce mme moment</p> -<p>A de si noirs forfaits l'clat du chtiment,</p> -<p>Qu'alors que ta fureur nous perdre s'apprte,</p> -<p>Il tient le bras lev pour te briser la tte, <span class="dalign">1590</span></p> -<p>Et veut qu'un grand exemple oblige de trembler</p> -<p>Quiconque dsormais t'osera ressembler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! en attendant ce changement sinistre,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span></div> -<p>J'oserai jusqu'au bout lui servir de ministre,</p> -<p>Et faire excuter toutes ses volonts <span class="dalign">1595</span></p> -<p>Sur vous et sur des rois contre moi rvolts.</p> -<p>Par des crimes nouveaux je punirai les vtres,</p> -<p>Et mon tour prir ne viendra qu'aprs d'autres.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ton sang, qui chaque jour, longs flots distills<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor"> [177]</a>,</p> -<p>S'chappe vers ton frre et six rois immols, <span class="dalign">1600</span></p> -<p>Te diroit-il trop bas que leurs ombres t'appellent?</p> -<p>Faut-il que ces avis par moi se renouvellent?</p> -<p>Vois, vois couler ce sang qui te vient avertir,</p> -<p>Tyran, que pour les joindre il faut bientt partir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est rien; et pour moi s'il n'est point d'autre foudre,</p> -<p>J'aurai pour ce dpart du temps m'y rsoudre.</p> -<p>D'autres vous envoiroient<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor"> [178]</a> leur frayer le chemin;</p> -<p>Mais j'en laisserai faire votre grand destin,</p> -<p>Et trouverai pour vous quelques autres vengeances,</p> -<p>Quand l'humeur me prendra de punir tant d'offenses.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE,<br /> -ILDIONE, OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">ATTILA</span>, Ildione. -</div> -<div class="stanza"> -<p>O venez-vous, Madame, et qui vous enhardit</p> -<p>A vouloir voir ma mort qu'ici l'on me prdit?</p> -<p>Venez-vous de deux rois soutenir la querelle,</p> -<p>Vous rvolter comme eux, me foudroyer comme elle,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span></div> -<p>Ou mendier l'appui de mon juste courroux <span class="dalign">1615</span></p> -<p>Contre votre Ardaric qui ne veut plus de vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'en mriteroit ni l'amour ni l'estime,</p> -<p>S'il osoit esprer m'acqurir par un crime.</p> -<p>D'un si juste refus j'ai de quoi me louer,</p> -<p>Et ne viens pas ici pour l'en dsavouer. <span class="dalign">1620</span></p> -<p>Non, Seigneur: c'est du mien que j'y viens me ddire,</p> -<p>Rendre mes yeux sur vous leur souverain empire,</p> -<p>Rattacher, runir votre vouloir au mien,</p> -<p>Et reprendre un pouvoir dont vous n'usez pas bien.</p> -<p class="i1"> Seigneur, est-ce l donc cette reconnoissance <span class="dalign">1625</span></p> -<p>Si hautement promise mon obissance?</p> -<p>J'ai quitt tous les miens sous l'espoir d'tre vous;</p> -<p>Par votre ordre mon cœur quitte un espoir si doux,</p> -<p>Je me rduis au choix qu'il vous a plu me faire,</p> -<p>Et votre ordre le met hors d'tat de me plaire! <span class="dalign">1630</span></p> -<p>Mon respect qui me livre aux vœux d'un autre roi</p> -<p>N'y voit pour lui qu'opprobre, et que honte pour moi!</p> -<p>Rendez, rendez-le-moi, cet empire suprme</p> -<p>Qui ne vous laissoit plus disposer de vous-mme:</p> -<p>Rendez toute votre me son premier souhait, <span class="dalign">1635</span></p> -<p>Recevez qui vous aime, et fuyez qui vous hait.</p> -<p>Honorie a ses droits; mais celui de vous plaire</p> -<p>N'est pas, vous le savez, un droit imaginaire;</p> -<p>Et pour vous appuyer, Mroue a des bras</p> -<p>Qui font taire les droits quand il faut des combats.<span class="dalign">1640</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, je ne puis plus voir cette ingrate Honorie</p> -<p>Qu'avec la mme horreur qu'on voit une furie;</p> -<p>Et tout ce que le ciel a form de plus doux,</p> -<p>Tout ce qu'il peut de mieux, je crois le voir en vous;</p> -<p>Mais dans votre cœur mme un autre amour murmure,</p> -<p>Lorsque....</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Vous pourriez croire une telle imposture!</p> -<p>Qu'ai-je dit? qu'ai-je fait que de vous obir?</p> -<p>Et par o jusque-l m'aurois-je pu trahir?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ardaric est pour vous un poux adorable.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre main lui donnoit ce qu'il avoit d'aimable;<span class="dalign">1650</span></p> -<p>Et je ne l'ai tantt accept pour poux</p> -<p>Que par cet ordre exprs que j'ai reu de vous.</p> -<p>Vous aviez dj vu qu'en dpit de ma flamme,</p> -<p>Pour vous faire empereur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Vous me trompez, Madame;</p> -<p>Mais l'amour par vos yeux me sait si bien dompter,<span class="dalign">1655</span></p> -<p>Que je ferme les miens pour n'y plus rsister.</p> -<p>N'abusez pas pourtant d'un si puissant empire:</p> -<p>Songez qu'il est encor d'autres biens o j'aspire,</p> -<p>Que la vengeance est douce aussi bien que l'amour;</p> -<p>Et laissez-moi pouvoir quelque chose mon tour. <span class="dalign">1660</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, ensanglanter cette illustre journe!</p> -<p>Grce, grce du moins jusqu'aprs l'hymne.</p> -<p>A son heureux flambeau souffrez un pur clat,</p> -<p>Et laissez pour demain les maximes d'tat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous le voulez, Madame, il faut vous satisfaire; <span class="dalign">1665</span></p> -<p>Mais ce n'est que grossir d'autant plus ma colre;</p> -<p>Et ce que par votre ordre elle perd de moments</p> -<p>Enfle l'avidit de mes ressentiments.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voyez, voyez plutt, par votre exemple mme,</p> -<p>Seigneur, jusqu'o s'aveugle un grand cœur quand il aime:</p> -<p>Voyez jusqu'o l'amour, qui vous ferme les yeux,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span></div> -<p>Force et dompte les rois qui rsistent le mieux,</p> -<p>Quel empire il se fait sur l'me la plus fire;</p> -<p>Et si vous avez vu la mienne trop altire,</p> -<p>Voyez ce mme amour immoler pleinement <span class="dalign">1675</span></p> -<p>Son orgueil le plus juste au salut d'un amant,</p> -<p>Et toute sa fiert dans mes larmes teinte</p> -<p>Descendre la prire et cder la crainte.</p> -<p>Avoir su jusque-l rduire mon courroux,</p> -<p>Vous doit tre, Seigneur, un triomphe assez doux.<span class="dalign">1680</span></p> -<p>Que tant d'orgueil dompt suffise pour victime.</p> -<p>Voudriez-vous traiter votre exemple de crime,</p> -<p>Et quand vous adorez qui ne vous aime pas,</p> -<p>D'un rciproque amour condamner les appas?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Princesse, il vaut mieux nous imiter l'un l'autre:</p> -<p>Vous suivez mon exemple, et je suivrai le vtre<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor"> [179]</a>.</p> -<p>Vous condamniez Madame l'hymen d'un sujet;</p> -<p>Remplissez au lieu d'elle un si juste projet.</p> -<p>Je vous l'ai dj dit; et mon respect fidle</p> -<p>A cette digne loi que vous faisiez pour elle, <span class="dalign">1690</span></p> -<p>N'ose prendre autre rgle punir vos mpris.</p> -<p>Si Valamir vous plat, sa vie est ce prix:</p> -<p>Disposez ce prix d'une main qui m'est due.</p> -<p class="i1"> Octar, ne perdez pas la Princesse de vue.</p> -<p class="i1"> Vous, qui me commandez de vous donner ma foi,</p> -<p>Madame, allons au temple; et vous, rois, suivez-moi.</p> -</div></div> - -<div><span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span></div> - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">HONORIE, OCTAR.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tu le vois, pour toucher cet orgueilleux courage,</p> -<p>J'ai pleur, j'ai pri, j'ai tout mis en usage,</p> -<p>Octar; et pour tout fruit de tant d'abaissement,</p> -<p>Le barbare me traite encor plus firement. <span class="dalign">1700</span></p> -<p>S'il reste quelque espoir, c'est toi seul qu'il regarde.</p> -<p>Prendras-tu bien ton temps? Tu commandes sa garde;</p> -<p>La nuit et le sommeil vont tout mettre en ton choix;</p> -<p>Et Flavie est le prix du salut de deux rois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! Madame, Attila, depuis votre menace, <span class="dalign">1705</span></p> -<p>Met hors de mon pouvoir l'effet de cette audace.</p> -<p>Ce dfiant esprit n'agit plus maintenant,</p> -<p>Dans toutes ses fureurs, que par mon lieutenant:</p> -<p>C'est par lui qu'aux deux rois il fait ter les armes,</p> -<p>Et deux mots en son me ont jet tant d'alarmes, <span class="dalign">1710</span></p> -<p>Qu'exprs votre suite il m'attache aujourd'hui,</p> -<p>Pour m'ter tout moyen de m'approcher de lui.</p> -<p>Pour peu que je vous quitte il y va de ma vie,</p> -<p>Et s'il peut dcouvrir que j'adore Flavie....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il le saura de moi, si tu ne veux agir,<span class="dalign">1715</span></p> -<p>Infme, qui t'en peux excuser sans rougir:</p> -<p>Si tu veux vivre encor, va, cherche du courage.</p> -<p>Tu vois ce qu' toute heure il immole sa rage;</p> -<p>Et ta vertu, qui craint de trop parotre au jour<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor"> [180]</a>,</p> -<p>Attend, les bras croiss, qu'il t'immole son tour, <span class="dalign">1720</span></p> -<p>Fais prir, ou pris; prviens, lche, ou succombe:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span></div> -<p>Venge toute la terre, ou grossis l'hcatombe.</p> -<p class="i1"> Si ta gloire<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor"> [181]</a> sur toi, si l'amour ne peut rien,</p> -<p>Meurs en tratre, et du moins sers de victime au mien.</p> -<p>Mais qui me rend, Seigneur, le bien de votre vue<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor"> [182]</a>?</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">VALAMIR, HONORIE, OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'impatient transport d'une joie imprvue:</p> -<p>Notre tyran n'est plus.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Il est mort?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i17"> coutez</p> -<p>Comme enfin l'ont puni ses propres cruauts,</p> -<p>Et comme heureusement le ciel vient de souscrire</p> -<p>A ce que nos malheurs vous ont fait lui prdire<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor"> [183]</a>.<span class="dalign">1730</span></p> -<p class="i1"> A peine sortions-nous, pleins de trouble et d'horreur,</p> -<p>Qu'Attila recommence saigner de fureur,</p> -<p>Mais avec abondance; et le sang qui bouillonne</p> -<p>Forme un si gros torrent, que lui-mme il s'tonne.</p> -<p>Tout surpris qu'il en est: S'il ne veut s'arrter,<span class="dalign">1735</span></p> -<p>Dit-il, on me paiera ce qu'il m'en va coter.</p> -<p class="i1"> Il demeure ces mots sans parole, sans force;</p> -<p>Tous ses sens d'avec lui font un soudain divorce:</p> -<p>Sa gorge enfle, et du sang dont le cours s'paissit</p> -<p>Le passage se ferme, ou du moins s'trcit<a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor"> [184]</a>. <span class="dalign">1740</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span></div> -<p>De ce sang renferm la vapeur en furie</p> -<p>Semble avoir touff sa colre et sa vie;</p> -<p>Et dj de son front la funeste pleur</p> -<p>N'opposoit la mort qu'un reste de chaleur,</p> -<p>Lorsqu'une illusion lui prsente son frre,<span class="dalign">1745</span></p> -<p>Et lui rend tout d'un coup la vie et la colre:</p> -<p>Il croit le voir suivi des ombres de six rois,</p> -<p>Qu'il se veut immoler une seconde fois;</p> -<p>Mais ce retour si prompt de sa plus noire audace</p> -<p>N'est qu'un dernier effort de la nature lasse,<span class="dalign">1750</span></p> -<p>Qui prte succomber sous la mort qui l'atteint,</p> -<p>Jette un plus vif clat, et tout d'un coup s'teint.</p> -<p>C'est en vain qu'il fulmine cette affreuse vue:</p> -<p>Sa rage qui renat en mme temps le tue.</p> -<p>L'imptueuse ardeur de ces transports nouveaux<span class="dalign">1755</span></p> -<p>A son sang prisonnier ouvre tous les canaux;</p> -<p>Son lancement perce ou rompt toutes les veines,</p> -<p>Et ces canaux ouverts sont autant de fontaines</p> -<p>Par o l'me et le sang se pressent de sortir,</p> -<p>Pour terminer sa rage et nous en garantir.<span class="dalign">1760</span></p> -<p>Sa vie longs ruisseaux se rpand sur le sable;</p> -<p>Chaque instant l'affoiblit, et chaque effort l'accable;</p> -<p>Chaque pas rend justice au sang qu'il a vers,</p> -<p>Et fait grce celui qu'il avoit menac.</p> -<p>Ce n'est plus qu'en sanglots qu'il dit ce qu'il croit dire;</p> -<p>Il frissonne, il chancelle, il trbuche, il expire;</p> -<p>Et sa fureur dernire, puisant tant d'horreurs,</p> -<p>Venge enfin l'univers de toutes ses fureurs.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE VII.</h3> - -<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR, HONORIE, ILDIONE,<br /> -OCTAR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est pas tout, Seigneur; la haine gnrale,</p> -<p>N'ayant plus le craindre, avidement s'tale;<span class="dalign">1770</span></p> -<p>Tous brlent de servir sous des ordres plus doux,</p> -<p>Tous veulent l'envi les recevoir de nous.</p> -<p>Ce bonheur tonnant que le ciel nous renvoie</p> -<p>De tant de nations fait la commune joie;</p> -<p>La fin de nos prils en remplit tous les vœux,<span class="dalign">1775</span></p> -<p>Et pour tre tous quatre au dernier point heureux,</p> -<p>Nous n'avons plus qu' voir notre flamme avoue</p> -<p>Du souverain de Rome et du grand Mroue:</p> -<p>La princesse des Francs m'impose cette loi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour moi, je n'en ai plus prendre que de moi. <span class="dalign">1780</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne perdons point de temps en ce retour d'affaires:</p> -<p>Allons donner tous deux les ordres ncessaires,</p> -<p>Remplir ce trne vide, et voir sous quelles lois</p> -<p>Tant de peuples voudront nous recevoir pour rois<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor"> [185]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Me le permettez-vous, Madame? et puis-je croire. <span class="dalign">1785</span></p> -<p>Que vous tiendrez enfin ma flamme quelque gloire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez; et cependant assurez-vous, Seigneur,</p> -<p>Que nos destins changs n'ont point chang mon cœur.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i5">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE.</span></p> - - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_182"> 182</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p class="extra">TITE ET BRNICE<br /> -<span class="medium">COMDIE HROQUE</span><br /> -<span class="small">1670</span></p> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_184"> 184</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span></p> -</div> - -<h3>NOTICE.</h3> - -<p>Henriette d'Angleterre<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor"> [186]</a>, belle-sœur de Louis XIV, voulut, -dit Voltaire dans la prface de son commentaire sur la <i>Brnice</i> -de Racine, que Racine et Corneille fissent chacun une tragdie -des adieux de Titus et de Brnice. Elle crut qu'une victoire obtenue -sur l'amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le -sujet, et en cela elle ne se trompait pas; mais elle avait encore -un intrt secret voir cette victoire reprsente sur le thtre: -elle se ressouvenait des sentiments qu'elle avait eus longtemps -pour Louis XIV, et du got vif de ce prince pour elle. Le -danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans la -famille royale, les noms de beau-frre et de belle-sœur, mirent -un frein leurs dsirs; mais il resta toujours dans leurs -cœurs une inclination secrte, toujours chre l'un et l'autre. -Ce sont ces sentiments qu'elle voulut voir dvelopps sur la -scne, autant pour sa consolation que pour son amusement. -Elle chargea le marquis de Dangeau, confident de ses amours -avec le Roi, d'engager secrtement Corneille et Racine travailler -l'un et l'autre sur ce sujet, qui paraissait si peu fait -pour la scne. Les deux pices furent composes dans l'anne -1670, sans qu'aucun des deux st qu'il avait un rival<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor"> [187]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span> -Dj, dans son <i>Sicle de Louis XIV</i><a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor"> [188]</a>, Voltaire avait expliqu -le caractre de cette liaison du Roi et de Madame, et marqu -d'une manire plus prcise quelle avait t l'intention -de cette princesse, en imposant nos deux plus grands potes -tragiques une tche si difficile et si dangereuse: Il y eut -d'abord entre Madame et le Roi beaucoup de ces coquetteries -d'esprit et de cette intelligence secrte, qui se remarqurent -dans de petites ftes souvent rptes. Le Roi lui envoyait -des vers; elle y rpondait. Il arriva que le mme homme -fut la fois le confident du Roi et de Madame dans ce commerce -ingnieux. C'tait le marquis de Dangeau. Le Roi le -chargeait d'crire pour lui; et la princesse l'engageait -rpondre au Roi. Il les servit ainsi tous deux, sans laisser -souponner l'un qu'il ft employ par l'autre; et ce fut une -des causes de sa fortune. Cette intelligence jeta des alarmes -dans la famille royale. Le Roi rduisit l'clat de ce commerce - un fonds d'estime et d'amiti qui ne s'altra jamais. Lorsque -Madame fit depuis travailler Racine et Corneille la tragdie -de <i>Brnice</i>, elle avait en vue, non-seulement la rupture du -Roi avec la conntable Colonne<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor"> [189]</a>, mais le frein qu'elle-mme -<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span> -avait mis son propre penchant, de peur qu'il ne devnt dangereux.</p> - -<p>La malheureuse princesse ne devait pas assister la lutte -littraire qu'elle s'tait promis de juger. C'est le 30 juin 1670 -qu'elle fut frappe d'une mort inattendue, qui est demeure -un douloureux problme pour la science et pour l'histoire. Le -21 aot Bossuet faisait retentir les votes de Saint-Denis de -l'loquente oraison funbre qui a grav jamais dans toutes -les mmoires le vivant souvenir de Madame, et trois mois -seulement plus tard les deux pices qu'elle avait tout la fois -inspires et commandes paraissaient sur le thtre.</p> - -<p>Dans de telles circonstances, elles excitrent une curiosit -bien facile comprendre; mais les armes taient loin d'tre -gales entre les deux champions. Aux avantages rels et incontestables -que Racine, par la nature de son talent, avait sur -Corneille en un pareil sujet<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor"> [190]</a>, le hasard ou l'habilet du jeune -pote et de ses amis en avaient ajout d'autres. Racine, dont -la pice fut reprsente l'htel de Bourgogne, fut assez -heureux pour voir le rle de Titus rempli par Floridor, et celui -de Brnice par la Champmesl; de plus sa tragdie joue -<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span> -le 21 novembre, huit jours avant celle de Corneille, eut ainsi -tout le temps de gagner l'avance la faveur du public.</p> - -<p>Corneille, il est vrai, paraissait tre plus avant que son concurrent -dans les bonnes grces de Robinet, qui dans ses <i>Lettres -en vers</i> vite de se prononcer sur la pice de Racine, et se -contente de louer la pompe du spectacle et le talent des acteurs. -C'est d'une tout autre faon qu'il parle de l'ouvrage de Corneille. -Il commence par l'annoncer avec fracas; passant en -revue dans son numro du 22 novembre les nouvelles du -jour, il s'exprime de la sorte:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>La premire en forme d'avis,</p> -<p>Dont maints et maints seront ravis,</p> -<p>Est que ce pome de Corneille,</p> -<p>Sa <i>Brnice</i> nompareille,</p> -<p>Se donnera pour le certain,</p> -<p>Le jour de vendredi prochain,</p> -<p>Sur le thtre de Molire.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p class="i1"> J'ajoute encor brivement</p> -<p>Qu'on doit alternativement</p> -<p>Jouer la grande <i>Brnice</i>,</p> -<p>Qu'on loue avec tant de justice,</p> -<p>Et <i>le Gentilhomme bourgeois</i>.</p> -</div></div> - -<p>Toutefois le vendredi 28 novembre Robinet n'assista pas, -comme on aurait pu le croire, la premire reprsentation de -<i>Tite et Brnice</i>. Il s'en explique ainsi dans son numro du -lendemain 29:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><b>..</b> Je ne puis sortir la porte</p> -<p>Pour une raison assez forte.</p> -<p> Sans cela, par un beau souci,</p> -<p>J'eusse t ds hier aussi</p> -<p>Voir le chef-d'œuvre de Corneille,</p> -<p>Lequel parut une merveille</p> -<p>A la foule qui se trouva</p> -<p>A ce divin pome-l,</p> -<p>Que <i>Brnice</i> l'on appelle,</p> -<p>D'un bout l'autre toute belle,</p> -<p>Et qu'enfin la troupe du Roi</p> -<p>Joue miracle, en bonne foi,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span></div> -<p>Se signalant dans l'hroque,</p> -<p>Aussi bien que dans le comique.</p> -</div></div> - -<p>Ce n'est que plus tard, dans le numro du 20 dcembre, qu'on -trouve un compte rendu dtaill de la pice:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>La <i>Brnice</i> de Corneille,</p> -<p>Qu'on peut, sans qu'on s'en merveille,</p> -<p>Dire un vrai chef-d'œuvre de l'art,</p> -<p>Sans aucun mais, ni si, ni car,</p> -<p>Est fort suivie et fort loue,</p> -<p>Et mme merveille joue</p> -<p>Par la digne troupe du Roi,</p> -<p>Sur son thtre en noble arroi.</p> -<p>Mademoiselle de Molire</p> -<p>Des mieux soutient le caractre</p> -<p>De cette reine dont le cœur</p> -<p>Tmoigne un amour plein d'honneur.</p> -<p>Cette autre admirable chrtienne<a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor"> [191]</a>,</p> -<p>Cette rare comdienne,</p> -<p>Mademoiselle de Beauval,</p> -<p>Savante dans l'art thtral,</p> -<p>Fait bien la fire Domitie;</p> -<p>Et Mademoiselle de Brie,</p> -<p>Qui tout joue agrablement</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span></div> -<p>Comme judicieusement,</p> -<p>Y pare grandement la scne<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor"> [192]</a>,</p> -<p>Parlant avec cette Romaine,</p> -<p>Qui l'entretient confidemment</p> -<p>Dessus l'incommode tourment</p> -<p>Que lui cause, au fond de son me,</p> -<p>Son ambition et sa flamme.</p> -<p>La Thorillire fait Titus,</p> -<p>Empereur orn de vertus,</p> -<p>Et remplit, dessus ma parole,</p> -<p>Dignement cet auguste rle.</p> -<p class="i1"> De mme le jeune Baron,</p> -<p>Hritier, ainsi que du nom,</p> -<p>De tous les charmes de sa mre</p> -<p>Et des beaux talents qu'eut son pre,</p> -<p>Y reprsente, en son air doux,</p> -<p>Domitian, au gr de tous,</p> -<p>Dans l'amour tendre autant qu'extrme</p> -<p>Dont ladite Romaine il aime.</p> -<p>Enfin leurs confidents aussi,</p> -<p>Dont ct les noms voici, (<i>Les S<sup>rs</sup> Hubert, du Croisi et la Grange.</i>)</p> -<p>Y font trs-bien leur personnage,</p> -<p>Et dans un brillant quipage.</p> -</div></div> - -<p>Environ un mois aprs, la pice tait reprsente Vincennes -devant la cour. C'est la <i>Gazette</i> qui nous l'apprend en -ces termes: Le 21, Leurs Majests, avec lesquelles toient -Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orlans, -Mme de Guise et la duchesse d'Enghien, allrent au chteau -de Vincennes, continuer les divertissements du carnaval: y -ayant eu le soir la reprsentation de la <i>Brnice</i> du sieur Corneille, -par la troupe du Roi dans l'antichambre de la Reine, -puis le bal, o les seigneurs et les dames parurent en un ajustement -des plus superbes et des plus brillants: ce qui fut prcd -d'une trs-magnifique collation et suivi d'un souper non -moins splendide.</p> - -<p>Corneille ne partageait pas l'enthousiasme de Robinet, et -n'tait nullement satisfait de la faon dont sa pice avait t -joue; il en conserva mme un si pnible souvenir, que six ans -<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span> -plus tard il crivait Louis XIV, en le remerciant d'avoir fait -reparatre certains de ses ouvrages et en le priant d'tendre - d'autres la mme faveur, que s'il daignait leur accorder -quelque attention:</p> - -<p class="quote"><b>....</b> <i>Brnice</i> enfin trouveroit des acteurs.</p> - -<p>Avouons, du reste, que les comdiens qui jouaient dans cette -pice devaient tre assez embarrasss pour exprimer certains -sentiments factices, et mme pour comprendre quelques passages -obscurs. Cizeron Rival raconte ce sujet une anecdote<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor"> [193]</a> dont -nous n'oserions pas garantir l'exactitude, mais qui est tout la -fois trop piquante et trop connue pour qu'il soit permis de la -passer sous silence. M. Despraux distinguoit ordinairement -deux sortes de galimatias: le <i>galimatias simple</i>, et le <i>galimatias -double</i>. Il appeloit galimatias simple, celui o l'auteur entendoit -ce qu'il vouloit dire, mais o les autres n'entendoient -rien; et le galimatias double, celui o l'auteur ni les lecteurs -ne pouvoient rien comprendre.... Il citoit pour exemple ces -quatre vers de la tragdie de <i>Tite et Brnice</i> du grand Corneille -(acte I, scne <span class="small1">II</span>):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme,</p> -<p>Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme,</p> -<p>Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort</p> -<p>Puissent dans quatre jours se promettre ma mort?</p> -</div></div> - -<p>Baron, ce clbre acteur, devoit faire le rle de Domitian dans -cette mme tragdie, et comme il tudioit son rle, l'obscurit -des vers rapports ci-dessus lui donna quelque peine, et il en -alla demander l'explication Molire, chez qui il demeuroit. -Molire, aprs les avoir lus, lui dit qu'il ne les entendoit pas -non plus: Mais, attendez, dit-il Baron; M. Corneille doit -venir souper avec nous aujourd'hui, et vous lui direz qu'il -vous les explique. Ds que Corneille arriva, le jeune Baron -alla lui sauter au cou, comme il faisoit ordinairement, parce -qu'il l'aimoit, et ensuite il le pria de lui expliquer ces quatre -<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span> -vers, disant Corneille qu'il ne les entendoit pas. Corneille, -aprs les avoir examins quelque temps, dit: Je ne les entends -pas trop bien non plus; mais rcitez-les toujours: tel -qui ne les entendra pas les admirera.</p> - -<p>Ce reproche d'obscurit est le principal que les critiques -aient adress Corneille dans les crits composs l'occasion -des deux tragdies. La premire brochure publie ce sujet, -intitule: <i>la Critique de Brnice</i>, par l'abb de Villars, se -rapporte entirement la <i>Brnice</i> de Racine; elle a suivi la -premire reprsentation de trs-prs, et nous serions mme -embarrass par la date du 17 novembre qu'elle porte, puisque -la pice n'est que du 21, si un adversaire de l'abb de Villars -n'avait relev cette erreur au commencement de sa <i>Rponse</i><a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor"> [194]</a>. -En paraissant prendre la dfense de la pice de Racine, l'abb -de Villars fait assez finement ressortir tous les dfauts qu'on y -peut trouver. Je ne puis souffrir, dit-il en terminant, que -l'on accuse le pote de n'entendre pas le thtre, qu'on le -blme d'avoir voulu entrer en lice avec Corneille, et que Monsieur ***** s'crie:</p> - -<p class="quote"><i>Infelix puer atque impar congressus Achilli<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor"> [195]</a>.</i></p> - -<p>Aprs une telle conclusion, Corneille pouvait, ce semble, attendre -avec confiance la suite de cet examen ainsi annonce par -l'abb de Villars: La semaine prochaine on verra la seconde -partie de cette critique, qui est sur la <i>Brnice</i> du Palais-Royal<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor"> [196]</a>. -Mais notre pote dut tre fort dsagrablement surpris en voyant -la faon dont commence cette seconde partie de <i>la Critique</i>. -La muse du cothurne, dit l'auteur, a refus Corneille ses -faveurs accoutumes, au lieu de lui en accorder de nouvelles; -et par un caprice impitoyable, elle l'a fait entrer en lice avec -un aventurier qui ne lui en contoit que depuis trois jours; elle -l'a abandonn sa verve caduque au milieu de la course, et -s'est jete du ct du plus jeune<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor"> [197]</a>.</p> - -<p>Notre intention n'est pas d'analyser cette critique; elle prsente -<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span> -fort peu d'intrt, et l'auteur parat surtout occup de -refaire sa faon le plan de l'ouvrage qu'il examine. Contentons-nous -de constater que le dnoment de <i>Tite et Brnice</i> -tait alors gnralement approuv. Quoique le censeur le -blme, il convient ainsi de l'effet qu'il produisait: Vous -m'allez dire, je le vois bien, qu'il (<i>Corneille</i>) a t lou universellement -d'avoir bien fini; qu'on dit qu'il s'est surpass -lui-mme dans le dnoment; et que sa catastrophe a t admire -de tout le monde, en un sujet o elle toit si difficile<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor"> [198]</a>.</p> - -<p>Dans la <i>Rponse la Critique de la Brnice de Racine</i>, par -Subligny<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor"> [199]</a>, nous n'avons rien recueillir, si ce n'est peut-tre -une fade pigramme contre Corneille, qui a tout l'air d'tre de -Subligny lui-mme; voici le passage o elle se trouve: On -dit de M. Corneille qu'il a voulu copier son Tite sur notre -invincible monarque et qu'il y a trs-mal russi, comme on -voit par la comparaison qui en a t faite en vers:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Tite, par de grands mots, nous vante son mrite;</p> -<p>Louis fait, sans parler, cent exploits inous;</p> -<p class="i3"> Et ce que Tite dit de Tite,</p> -<p>C'est l'univers entier qui le dit de Louis<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor"> [200]</a>.</p> -</div></div> - -<p><i>Tite et Titus ou les Brnices</i>, comdie en trois actes, imprime - Utrecht en 1673, est une critique beaucoup plus -dlicate que les prcdentes des pices de nos deux illustres -tragiques. Le Tite de Corneille avec sa Brnice viennent implorer -Apollon contre le Titus et la Brnice de Racine, qu'ils -traitent d'imposteurs. Les plaidoyers prononcs de part et d'autre -font bien ressortir les dfauts des deux pices et surtout -les invraisemblances et les obscurits de la tragdie de Corneille. -Aprs avoir vainement tent un accommodement, Apollon -rend enfin le jugement que nous allons rapporter: Quant -au principal, la vrit il y a plus d'apparence que Titus et sa -Brnice soient les vritables, que non pas que ce soient les -autres; mais pourtant, quoi qu'il en soit, et toutes choses bien -considres, les uns et les autres auroient bien mieux fait de -<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span> -se tenir au pays d'Histoire, dont ils sont originaires, que d'avoir -voulu passer dans l'empire de Posie, quoi ils n'toient -nullement propres, et o, pour dire la vrit, on les a amens, - ce qu'il me semble, assez mal propos<a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor"> [201]</a>.</p> - -<p>L'dition originale de la pice de notre pote a pour titre: -<span class="small1">Tite et Brnice</span>. <i>Comdie hroque. Par P. Corneille. A Paris, -chez Lois Billaine, au Palais.... M.DC.LXXI, auec priuilege -du Roy....</i> Le volume, de format in-12, se compose de -4 feuillets et de 44 pages. L'Achev d'imprimer pour la premire -fois est du 3<sup>e</sup> de fvrier 1671. Le privilge, accord -Corneille, mentionne la traduction en vers franois de <i>Thbade</i> -de Stace, aujourd'hui perdue, dont nous avons dj -parl<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor"> [202]</a> et sur laquelle nous aurons revenir; il porte la date du -dernier jour de dcembre, l'an de grce mil six cens soixante-dix. -Une note qui le termine porte que ledit sieur Corneille -a cd son droit de Privilge Thomas Jolly, Guillaume de -Luyne, et Louis Billaine, pour la Comdie de <i>Tite et Brnice</i> seulement.</p> - -<p>Contre son habitude, Corneille n'a plac en tte de cette -pice aucun avis au lecteur, mais seulement deux extraits de -Xiphilin, l'abrviateur de Dion Cassius. Il ne cite pas ce clbre -passage de Sutone que Racine rapporte en l'abrgeant au commencement -de sa prface: <i>Titus, reginam Berenicen, cui -etiam nuptias pollicitus ferebatur.... statim ab Urbe dimisit invitus -<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span> -invitam</i><a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor"> [203]</a> C'est--dire que Titus, qui aimoit passionnment -Brnice, et qui mme, ce qu'on croyoit, lui avoit promis de -l'pouser, la renvoya de Rome, malgr lui et malgr elle, ds -les premiers jours de son empire.</p> - -<p>Ce mot que Racine rappelle ici, il ne l'a pas imit, tandis -qu'on lit dans la dernire scne de la pice de Corneille:</p> - -<p class="quote">L'amour peut-il se faire une si dure loi?<br /> -—La raison me la fait malgr vous, malgr moi.</p> - -<p>La prface de Racine contient plus d'un passage qu'on pourrait -regarder, que l'auteur y ait pens ou non, comme une -allusion dsobligeante l'ouvrage de son concurrent. Corneille -avait cru devoir ajouter des pisodes au sujet qui lui -avait t donn: Ce qui m'en plut davantage, dit au contraire -Racine, c'est que je le trouvai extrmement simple; et il -ajoute: Il y en a qui pensent que cette simplicit est une -marque de peu d'invention. Ils ne songent pas qu'au contraire -toute l'invention consiste faire quelque chose de rien, et que -tout ce grand nombre d'incidents a toujours t le refuge des -potes qui ne sentoient dans leur gnie ni assez d'abondance -ni assez de force pour attacher durant cinq actes leurs spectateurs -par une action simple, soutenue de la violence des passions, -de la beaut des sentiments et de l'lgance de l'expression. -Je suis bien loign de croire que toutes ces choses se -rencontrent dans mon ouvrage; mais aussi je ne puis croire -que le public me sache mauvais gr de lui avoir donn une -tragdie qui a t honore de tant de larmes, et dont la trentime -reprsentation a t aussi suivie que la premire.</p> - -<p>Faire sonner si haut ces trente reprsentations si bien suivies, -c'tait, dessein ou non je le rpte, appeler l'attention sur le -peu de succs de <i>Tite et Brnice</i>, qui ne fut jou en tout que -vingt et une fois. L'ensemble de ces vingt et une reprsentations -produisit une somme totale de quinze mille trois cent -soixante-seize livres dix sous, qui se trouva fort ingalement -rpartie; car si la premire recette fut de dix-neuf cent treize -livres dix sous, la dernire ne fut plus que de deux cent six -livres dix sous; encore faut-il remarquer que Molire avait -<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span> -pris soin de faire jouer une seconde pice avec celle de Corneille - chacune des quatre dernires reprsentations, pour -tcher d'attirer un peu plus de monde. Les registres de Lagrange, -d'o sont tirs ces renseignements, nous en fournissent -encore un autre plus prcieux: ils nous font connatre le montant -de la somme touche par Corneille. On y lit sous la date -du 28 novembre 1670: <i>Brnice</i>, pice nouvelle de M. de -Corneille l'an, dont on lui a pay deux mille livres.</p> - -<p>Outre cette interprtation maligne laquelle peut se prter -la prface de Racine, il semble qu'on puisse dcouvrir ou du -moins souponner une intention du mme genre dans une des -scnes de sa tragdie mme. Tite s'exprime ainsi chez Corneille -(acte III, scne <span class="small1">V</span>, vers 1027-1034):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Eh bien! Madame, il faut renoncer ce titre (<i>d'empereur</i>),</p> -<p>Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre.</p> -<p>Allons dans vos tats m'en donner un plus doux;</p> -<p>Ma gloire la plus haute est celle d'tre vous.</p> -<p>Allons o je n'aurai que vous pour souveraine,</p> -<p>O vos bras amoureux seront ma seule chane,</p> -<p>O l'hymen en triomphe jamais l'treindra;</p> -<p>Et soit de Rome esclave et matre qui voudra!</p> -</div></div> - -<p>Titus, au contraire, dit chez Racine (acte V, scne <span class="small1">VI</span>):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Je dois vous pouser encor moins que jamais:</p> -<p>Oui, Madame; et je dois moins encore vous dire</p> -<p>Que je suis prt, pour vous, d'abandonner l'empire,</p> -<p>De vous suivre, et d'aller, trop content de mes fers,</p> -<p>Soupirer avec vous au bout de l'univers.</p> -<p>Vous-mme rougiriez de ma lche conduite:</p> -<p>Vous verriez regret marcher votre suite</p> -<p>Un indigne empereur, sans empire, sans cour,</p> -<p>Vil spectacle aux humains des foiblesses d'amour.</p> -</div></div> - -<p>Est-ce un simple hasard qui a produit entre le langage de -Tite et celui de Titus une opposition si vivement marque? On -pourrait tre tent d'en douter; car il n'est pas absolument -impossible qu'une indiscrtion ait fait connatre Racine ce -passage de la pice de son rival, et qu'il se soit plu rfuter -d'avance les ides qui y sont exprimes.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="large">EXTRAIT DE XIPHILIN</span><br /> -<span class="xlarge">XIPHILINUS EX DIONE</span><br /> -<span class="small">IN VESPASIANO,</span><br /> -<span class="small">GUILLELMO BLANCO INTERPRETE<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor"> [204]</a>.</span></h2> -</div> - -<p><span class="large">V</span><span class="small1">espasianus</span> a senatu absens imperator creatur, Titusque -et Domitianus Csares designantur.</p> - -<p>Domitianus animum ad amorem Domiti fili Corbulonis -applicaverat, eamque, a Lucio Lamio miliano -viro ejus abductam, secum habebat in numero amicarum, -eamdemque postea uxorem duxit.</p> - -<p>Per id tempus Berenice maxime florebat, ob eamque -causam cum Agrippa fratre Romam venit. Is prtoriis -honoribus auctus est; ipsa habitavit in palatio, cœpitque -cum Tito coire. Spes erat eam Tito nuptum iri; jam enim -<span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span> -omnia, ut si esset uxor, gerebat. Sed Titus, quum intelligeret -populum Romanum id moleste ferre, eam -repudiavit, prsertim quod de iis rebus magni rumores<a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor"> [205]</a> -perferrentur.</p> - -<h3 class="subh">IN TITO.</h3> - -<p>Titus, ex quo tempore principatum solus obtinuit, nec -cdes fecit, nec amoribus inservivit; sed comis, quamvis -insidiis peteretur, et continens, Berenice licet in urbem -reversa, fuit.</p> - -<p>Titus moriens se unius tantum rei pœnitere dixit: id -autem quid esset non aperuit, nec quisquam certo novit, -aliud aliis conjicientibus. Constans fama fuit, ut nonnulli -tradunt, quod Domitiam uxorem fratris habuisset. Alii -<span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span> -putant, quibus ego assentior, quod Domitianum, a quo -certo sciebat sibi insidias parari, non interfecisset, sed -id ab eo pati maluisset, et quod traderet imperium romanum -tali viro.</p> - -<hr class="tb" /> -<div class="chapter"> -<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br /> -POUR LES VARIANTES DE <i>TITE ET BRNICE</i>.</h3> - -<h3 class="normal">DITIONS SPARES.<br /> -1671 in-12; | 1679 in-12.<br /> -RECUEIL.<br /> -1682 in-12<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor"> [206]</a>.</h3> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span></p> -<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor"> [207]</a>.</h3> - -<table id="acteurs3" summary="parts"> -<tr> -<td class="tdl">TITE,</td> -<td class="tdl">empereur de Rome, et amant de Brnice.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">DOMITIAN,</td> -<td class="tdl">frre de Tite, et amant de Domitie.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">BRNICE,</td> -<td class="tdl">reine d'une partie de la Jude.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">DOMITIE,</td> -<td class="tdl">fille de Corbulon.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PLAUTINE,</td> -<td class="tdl">confidente de Domitie.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">FLAVIAN,</td> -<td class="tdl">confident de Tite.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ALBIN,</td> -<td class="tdl">confident de Domitian.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PHILON,</td> -<td class="tdl">ministre d'tat, confident de Brnice.</td> -</tr> -</table> - - -<h3 class="subh">La scne est Rome, dans le palais imprial.</h3> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span></p> -<p class="extra"><span class="xlarge">TITE ET BRNICE.</span><br /> -<span class="small">COMDIE HROQUE.</span></p> - -<h2 class="normal">ACTE I.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">DOMITIE, PLAUTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i5 small1">DOMITIE.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Laisse-moi mon chagrin, tout injuste qu'il est:</p> -<p>Je le chasse, il revient; je l'touffe, il renat<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor"> [208]</a>;</p> -<p>Et plus nous approchons de ce grand hymne,</p> -<p>Plus en dpit de moi je m'en trouve gne.</p> -<p>Il fait toute ma gloire, il fait tous mes dsirs:<span class="dalign">5</span></p> -<p>Ne devroit-il pas faire aussi tous mes plaisirs<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor"> [209]</a>?</p> -<p>Depuis plus de six mois la pompe s'en apprte,</p> -<p>Rome s'en fait d'avance en l'esprit une fte,</p> -<p>Et tandis qu' l'envi tout l'empire l'attend,</p> -<p>Mon cœur dans tout l'empire est le seul mcontent.<span class="dalign">10</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que trouvez-vous, Madame, ou d'amer ou de rude</p> -<p>A voir qu'un tel bonheur n'ait plus d'incertitude?</p> -<p>Et quand dans quatre jours vous devez y monter,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span></div> -<p>Quel importun chagrin pouvez-vous couter?</p> -<p>Si vous n'en tes pas tout fait la matresse,<span class="dalign">15</span></p> -<p>Du moins l'Empereur cachez cette tristesse:</p> -<p>Le dangereux soupon de n'tre pas aim</p> -<p>Peut le rendre l'objet dont il fut trop charm.</p> -<p>Avant qu'il vous aimt, il aimoit Brnice;</p> -<p>Et s'il n'en put alors faire une impratrice,<span class="dalign">20</span></p> -<p>A prsent il est matre, et son pre au tombeau</p> -<p>Ne peut plus le forcer d'teindre un feu si beau.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est l ce qui me gne, et l'image importune</p> -<p>Qui trouble les douceurs de toute ma fortune:</p> -<p>J'ambitionne et crains l'hymen d'un empereur<span class="dalign">25</span></p> -<p>Dont j'ai lieu de douter si j'aurai tout le cœur.</p> -<p>Ce pompeux appareil, o sans cesse il ajoute,</p> -<p>Recule chaque jour un nœud qui le dgote.</p> -<p>Il souffre chaque jour que le gouvernement</p> -<p>Vole ce qu' me plaire il doit d'attachement;<span class="dalign">30</span></p> -<p>Et ce qu'il en tale agit d'une manire</p> -<p>Qui ne m'assure point d'une me toute entire.</p> -<p>Souvent mme, au milieu des offres de sa foi,</p> -<p>Il semble tout coup qu'il n'est pas avec moi,</p> -<p>Qu'il a quelque plus douce ou noble inquitude.<span class="dalign">35</span></p> -<p>Son feu de sa raison est l'effet et l'tude;</p> -<p>Il s'en fait un plaisir bien moins qu'un embarras,</p> -<p>Et s'efforce m'aimer; mais il ne m'aime pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A cet effort pour vous qui pourroit le contraindre?</p> -<p>Matre de l'univers, a-t-il un matre craindre?<span class="dalign">40</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ai quelques droits, Plautine, l'empire romain.</p> -<p>Que le choix d'un poux peut mettre en bonne main:</p> -<p>Mon pre, avant le sien lu pour cet empire,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span></div> -<p>Prfra.... Tu le sais, et c'est assez t'en dire<a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor"> [210]</a>.</p> -<p>C'est par cet intrt qu'il m'apporte sa foi; <span class="dalign">45</span></p> -<p>Mais pour le cœur, te dis-je, il n'est pas tout moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La chose est bien gale, il n'a pas tout le vtre:</p> -<p>S'il aime un autre objet, vous en aimez un autre;</p> -<p>Et comme sa raison vous donne tous ses vœux,</p> -<p>Votre ardeur pour son rang fait pour lui tous vos feux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne dis point qu'entre nous la chose soit gale.</p> -<p>Un divorce avec moi n'a rien qui le ravale:</p> -<p>Sans avilir son sort, il me renvoie au mien;</p> -<p>Et du rang qui lui reste, il ne me reste rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que ce que vous avez d'ambitieux caprice,<span class="dalign">55</span></p> -<p>Pardonnez-moi ce mot, vous fait un dur supplice!</p> -<p>Le cœur rempli d'amour, vous prenez un poux,</p> -<p>Sans en avoir pour lui, sans qu'il en ait pour vous.</p> -<p>Aimez pour tre aime, et montrez-lui vous-mme,</p> -<p>En l'aimant comme il faut, comme il faut qu'il vous aime;</p> -<p>Et si vous vous aimez, gagnez sur vous ce point</p> -<p>De vous donner entire, ou ne vous donnez point.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si l'amour quelquefois souffre qu'on le contraigne,</p> -<p>Il souffre rarement qu'une autre ardeur l'teigne;</p> -<p>Et quand l'ambition en met l'empire bas,<span class="dalign">65</span></p> -<p>Elle en fait son esclave, et ne l'touffe pas.</p> -<p>Mais un si fier esclave, ennemi de sa chane,</p> -<p>La secoue toute heure, et la porte avec gne,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span></div> -<p>Et matre de nos sens, qu'il appelle au secours,</p> -<p>Il chappe souvent, et murmure toujours.<span class="dalign">70</span></p> -<p>Veux-tu que je te fasse un aveu tout sincre?</p> -<p>Je ne puis aimer Tite, ou n'aimer pas son frre;</p> -<p>Et malgr cet amour, je ne puis m'arrter</p> -<p>Qu'au degr le plus haut o je puisse monter.</p> -<p>Laisse-moi retracer ma vie en ta mmoire:<span class="dalign">75</span></p> -<p>Tu me connois assez pour en savoir l'histoire;</p> -<p>Mais tu n'as pu connotre, chaque vnement,</p> -<p>De mon illustre orgueil quel fut le sentiment.</p> -<p class="i1"> En naissant, je trouvai l'empire en ma famille.</p> -<p>Nron m'eut pour parente, et Corbulon pour fille<a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor"> [211]</a>;<span class="dalign">80</span></p> -<p>Et le bruit qu'en tous lieux fit sa haute valeur,</p> -<p>Autant que ma naissance enfla mon jeune cœur.</p> -<p>De l'clat des grandeurs par l proccupe,</p> -<p>Je vis d'un œil jaloux Octavie et Poppe<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor"> [212]</a>;</p> -<p>Et Nron, des mortels et l'horreur et l'effroi,<span class="dalign">85</span></p> -<p>M'et paru grand hros, s'il m'et offert sa foi.</p> -<p class="i1"> Aprs tant de forfaits et de morts entasses,</p> -<p>Les troupes du Levant, d'un tel monstre lasses,</p> -<p>Pour Csar en sa place lurent Corbulon.</p> -<p>Son austre vertu rejeta ce grand nom: <span class="dalign">90</span></p> -<p>Un lche assassinat en fut le prompt salaire<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor"> [213]</a>.</p> -<p>Mais mon orgueil, sensible ces honneurs d'un pre,</p> -<p>Prit de tout autre rang une assez forte horreur</p> -<p>Pour me traiter dans l'me en fille d'empereur.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span></div> -<p>Nron prit enfin. Trois empereurs de suite<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor"> [214]</a> <span class="dalign">95</span></p> -<p>Virent de leur fortune une assez prompte fuite.</p> -<p>L'Orient de leurs noms fut peine averti,</p> -<p>Qu'il fit Vespasian chef d'un plus fort parti.</p> -<p>Le ciel l'en avoua: ce guerrier magnanime</p> -<p>Par Tite, son an, fit assiger Solyme; <span class="dalign">100</span></p> -<p>Et tandis qu'en gypte il prit d'autres emplois,</p> -<p>Domitian ici vint dispenser ses lois.</p> -<p>Je le vis et l'aimai. Ne blme point ma flamme:</p> -<p>Rien de plus grand que lui n'blouissoit mon me;</p> -<p>Je ne voyois point Tite, un hymen me l'toit;<span class="dalign">105</span></p> -<p>Mille soupirs aidoient au rang qui me flattoit.</p> -<p>Pour remplir tous nos vœux nous n'attendions qu'un pre:</p> -<p>Il vint, mais d'un esprit nos vœux si contraire,</p> -<p>Que quoi qu'on lui pt dire, on n'en put arracher</p> -<p>Ce qu'attendoit un feu qui nous toit si cher.<span class="dalign">110</span></p> -<p>On n'en sut point la cause; et divers bruits coururent,</p> -<p>Qui tous notre amour galement dplurent.</p> -<p>J'en eus un long chagrin. Tite fit tt aprs</p> -<p>De Brnice Rome admirer les attraits.</p> -<p>Pour elle avec Martie il avoit fait divorce<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor"> [215]</a>; <span class="dalign">115</span></p> -<p>Et cette belle reine eut sur lui tant de force,</p> -<p>Que pour montrer tous sa flamme, et hautement,</p> -<p>Il lui fit au palais prendre un appartement<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor"> [216]</a>.</p> -<p>L'Empereur, bien qu'en l'me il prvt quelle haine</p> -<p>Concevroit tout l'tat pour l'poux d'une reine,<span class="dalign">120</span></p> -<p>Sembla voir cet amour d'un œil indiffrent,</p> -<p>Et laisser un cours libre aux flots de ce torrent.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span></div> -<p>Mais sous les vains dehors de cette complaisance,</p> -<p>On mnagea ce prince avec tant de prudence,</p> -<p>Qu'en dpit de son cœur, que charmoient tant d'appas,</p> -<p>Il l'obligea lui-mme revoir ses tats.</p> -<p>A peine je le vis sans matresse et sans femme,</p> -<p>Que mon orgueil vers lui tourna toute mon me;</p> -<p>Et s'tant empar des plus doux de mes soins,</p> -<p>Son frre commena de me plaire un peu moins: <span class="dalign">130</span></p> -<p>Non qu'il ne ft toujours matre de ma tendresse,</p> -<p>Mais je la regardois ainsi qu'une foiblesse,</p> -<p>Comme un honteux effet d'un amour perdu</p> -<p>Qui me voloit un rang que je me croyois d.</p> -<p>Tite peine sur moi jetoit alors la vue:<span class="dalign">135</span></p> -<p>Cent fois avec douleur je m'en suis aperue;</p> -<p>Mais ce qui consoloit ce juste et long ennui,</p> -<p>C'est que Vespasian me regardoit pour lui.</p> -<p>Je commenois pourtant n'en plus rien attendre,</p> -<p>Quand je vis en ses yeux quelque chose de tendre;<span class="dalign">140</span></p> -<p>Il me rendit visite, et fit tout ce qu'on fait</p> -<p>Alors qu'on veut aimer, ou qu'on aime en effet.</p> -<p>Je veux bien t'avouer que j'y crus du mystre,</p> -<p>Qu'il ne me disoit rien que par l'ordre d'un pre;</p> -<p>Mais qui ne pencheroit s'en dsabuser,<span class="dalign">145</span></p> -<p>Lorsque, ce pre mort, il songe m'pouser?</p> -<p>Toi qui vois tout mon cœur, juge de son martyre:</p> -<p>L'ambition l'entrane, et l'amour le dchire.</p> -<p>Quand je crois m'tre mise au-dessus de l'amour,</p> -<p>L'amour vers son objet me ramne son tour:<span class="dalign">150</span></p> -<p>Je veux rgner, et tremble quitter ce que j'aime,</p> -<p>Et ne me saurois voir d'accord avec moi-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! si Domitian devenoit empereur,</p> -<p>Que vous auriez bientt calm tout ce grand cœur!</p> -<p>Que bientt.... Mais il vient. Ce grand cœur en soupire!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! plus je le vois, moins je sais que lui dire.</p> -<p>Je l'aime, et le ddaigne; et n'osant m'attendrir,</p> -<p>Je me veux mal des maux que je lui fais souffrir.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> - -<p class="subt">DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme,</p> -<p>Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme, <span class="dalign">160</span></p> -<p>Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort</p> -<p>Puissent dans quatre jours se promettre ma mort<a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor"> [217]</a>?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce qu'on m'offre, Seigneur, me feroit peu d'envie,</p> -<p>S'il en cotoit Rome une si belle vie;</p> -<p>Et ce n'est pas un mal qui vaille en soupirer<span class="dalign">165</span></p> -<p>Que de faire une perte aise rparer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aise rparer! Un choix qui m'a su plaire,</p> -<p>Et qui ne plat pas moins l'Empereur mon frre,</p> -<p>Charme-t-il l'un et l'autre avec si peu d'appas</p> -<p>Que vous sachiez leur prix<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor"> [218]</a>, et le mettiez si bas?<span class="dalign">170</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi qu'on ait pour soi-mme ou d'amour ou d'estime,</p> -<p>Ne s'en croire pas trop n'est pas faire un grand crime.</p> -<p>Mais n'examinons point en cet excs d'honneur</p> -<p>Si j'ai quelque mrite, ou n'ai que du bonheur.</p> -<p>Telle que je puis tre, obtenez-moi d'un frre. <span class="dalign">175</span></p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! si je n'ai pu vous obtenir d'un pre,</p> -<p>Si mme je ne puis vous obtenir de vous,</p> -<p>Qu'obtiendrai-je d'un frre amoureux et jaloux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et moi, rsisterai-je sa toute-puissance,</p> -<p>Quand vous n'y rpondez qu'avec obissance? <span class="dalign">180</span></p> -<p>Moi qui n'ai sous les cieux que vous seul pour soutien,</p> -<p>Que puis-je contre lui, quand vous n'y pouvez rien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne puis rien sans vous, et pourrois tout, Madame,</p> -<p>Si je pouvois encor m'assurer de votre me.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pouvez-vous en douter, aprs deux ans de pleurs<span class="dalign">185</span></p> -<p>Qu' vos yeux j'ai donns nos communs malheurs?</p> -<p>Durant un dplaisir si long et si sensible</p> -<p>De voir toujours un pre nos vœux inflexible.</p> -<p>Ai-je cout quelqu'un de tant de soupirants</p> -<p>Qui m'accabloient partout de leurs regards mourants?</p> -<p>Quel que ft leur amour, quel que ft leur mrite....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, vous m'avez aim jusqu' l'amour de Tite.</p> -<p>Mais de ces soupirants qui vous offroient leur foi</p> -<p>Aucun ne vous et mise alors si haut que moi;</p> -<p>Votre me ambitieuse mon rang attache <span class="dalign">195</span></p> -<p>N'en voyoit point en eux dont elle ft touche:</p> -<p>Ainsi de ces rivaux aucun n'a russi.</p> -<p>Mais les temps sont changs, Madame, et vous aussi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Seigneur: je vous aime, et garde au fond de l'me</p> -<p>Tout ce que j'eus pour vous de tendresse et de flamme:</p> -<p>L'effort que je me fais me tue autant que vous;</p> -<p>Mais enfin l'Empereur veut tre mon poux.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! si vous n'acceptez sa main qu'avec contrainte,</p> -<p>Venez, venez, Madame, autoriser ma plainte.</p> -<p>L'Empereur m'aime assez pour quitter vos liens,<span class="dalign">205</span></p> -<p>Quand je lui porterai vos vœux avec les miens.</p> -<p>Dites que vous m'aimez, et que tout son empire....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est ce qu' dire vrai j'aurai peine lui dire,</p> -<p>Seigneur; et le respect qui n'y peut consentir....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, votre ambition ne se peut dmentir.<span class="dalign">210</span></p> -<p>Ne la dguisez plus, montrez-la toute entire,</p> -<p>Cette me que le trne a su rendre si fire,</p> -<p>Cette me dont j'ai fait les plaisirs les plus doux,</p> -<p>Cette me....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Voyez-la cette me toute vous,</p> -<p>Voyez-y tout ce feu que vous y ftes natre;<span class="dalign">215</span></p> -<p>Et soyez satisfait, si vous le pouvez tre.</p> -<p class="i1"> Je ne veux point, Seigneur, vous le dissimuler,</p> -<p>Mon cœur va tout vous quand je le laisse aller;</p> -<p>Mais sans dissimuler j'ose aussi vous le dire,</p> -<p>Ce n'est pas mon dessein qu'il m'en cote l'empire; <span class="dalign">220</span></p> -<p>Et je n'ai point une me se laisser charmer</p> -<p>Du ridicule honneur de savoir bien aimer.</p> -<p>La passion du trne est seule toujours belle,</p> -<p>Seule qui l'me doive une ardeur immortelle.</p> -<p>J'ignorois de l'amour quel est le doux poison,<span class="dalign">225</span></p> -<p>Quand elle s'empara de toute ma raison.</p> -<p>Comme elle est la premire, elle est la dominante.</p> -<p>Non qu' trahir l'amour je ne me violente;</p> -<p>Mais il est juste enfin que des soupirs secrets</p> -<p>Me punissent d'aimer contre mes intrts.</p> -<p class="i1"> Daignez donc voir, Seigneur, quelle route il faut prendre</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span></div> -<p>Pour ne point m'imposer la honte de descendre.</p> -<p>Tout mon cœur vous prfre cet heureux rival;</p> -<p>Pour m'avoir toute vous, devenez son gal.</p> -<p>Vous dites qu'il vous aime; et je ne puis le croire<a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor"> [219]</a>,<span class="dalign">235</span></p> -<p>Si je ne vois sur vous un rayon de sa gloire.</p> -<p>On vous a vus tous deux sortir d'un mme flanc;</p> -<p>Ayez mmes honneurs ainsi que mme sang.</p> -<p>Dites-lui que le droit qu'a ce sang l'empire<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor"> [220]</a>....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est l ce qu' mon tour j'aurai peine lui dire,</p> -<p>Madame; et le devoir qui n'y peut consentir....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A mes vives douleurs daignez donc compatir,</p> -<p>Seigneur: j'achte assez le rang d'impratrice,</p> -<p>Sans qu'un reproche injuste augmente mon supplice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! dans cet hymen, qui n'en a que pour moi,<span class="dalign">245</span></p> -<p>J'applaudirai moi-mme votre peu de foi;</p> -<p>Je dirai que le ciel doit votre mrite....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Seigneur; faites mieux, et quittez qui vous quitte;</p> -<p>Rome a mille beauts dignes de votre cœur;</p> -<p>Mais dans toute la terre il n'est qu'un empereur.<span class="dalign">250</span></p> -<p>Si mon pre avoit eu les sentiments du vtre,</p> -<p>Je vous aurois donn ce que j'attends d'un autre;</p> -<p>Et ma flamme en vos mains et mis sans balancer</p> -<p>Le sceptre qu'en la mienne il auroit d laisser.</p> -<p>Laissez son dfaut suppler la fortune,<span class="dalign">255</span></p> -<p>Et n'ayez pas une me assez basse et commune</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span></div> -<p>Pour s'opposer au ciel qui me rend par autrui</p> -<p>Ce que trop de vertu me fit perdre par lui.</p> -<p>Pour peu que vous m'aimiez, aimez mes avantages:</p> -<p>Il n'est point d'autre amour digne des grands courages.</p> -<p>Voil toute mon me. Aprs cela, Seigneur,</p> -<p>Laissez-moi m'pargner les troubles de mon cœur.</p> -<p>Un plus long entretien ne pourroit rien produire</p> -<p>Qui ne pt malgr moi vous dplaire ou me nuire.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">DOMITIAN, ALBIN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle se dfend bien, Seigneur; et dans la cour....<span class="dalign">265</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aucun n'a plus d'esprit, Albin, et moins d'amour.</p> -<p>J'admire, ainsi que toi, dans ce qu'elle m'oppose,</p> -<p>Son adresse dfendre une mauvaise cause;</p> -<p>Et si pour m'assurer que son cœur n'est qu' moi,</p> -<p>Tant d'esprit agissoit en faveur de sa foi;<span class="dalign">270</span></p> -<p>Si sa flamme au secours appliquoit cette adresse,</p> -<p>L'Empereur convaincu me rendroit ma matresse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cependant n'est-ce rien que ce cœur soit vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'un bonheur si mal sr je ne suis point jaloux,</p> -<p>Et trouve peu de jour croire qu'elle m'aime, <span class="dalign">275</span></p> -<p>Quand elle ne regarde et n'aime que soi-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, s'il m'est permis de parler librement,</p> -<p>Dans toute la nature aime-t-on autrement?</p> -<p>L'amour-propre est la source en nous de tous les autres:</p> -<p>C'en est le sentiment qui forme tous les ntres; <span class="dalign">280</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span></div> -<p>Lui seul allume, teint, ou change nos desirs:</p> -<p>Les objets de nos vœux le sont de nos plaisirs.</p> -<p>Vous-mme, qui brlez d'une ardeur si fidle,</p> -<p>Aimez-vous Domitie, ou vos plaisirs en elle?</p> -<p>Et quand vous aspirez des liens si doux,<span class="dalign">285</span></p> -<p>Est-ce pour l'amour d'elle, ou pour l'amour de vous?</p> -<p>De sa possession l'aimable et chre ide</p> -<p>Tient vos sens enchants et votre me obsde;</p> -<p>Mais si vous conceviez quelques destins meilleurs,</p> -<p>Vous porteriez bientt toute cette me ailleurs.<span class="dalign">290</span></p> -<p>Sa conqute est pour vous le comble des dlices;</p> -<p>Vous ne vous figurez ailleurs que des supplices:</p> -<p>C'est par l qu'elle seule a droit de vous charmer;</p> -<p>Et vous n'aimez que vous, quand vous croyez l'aimer<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor"> [221]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En l'tat o je suis, les maux dont je soupire <span class="dalign">295</span></p> -<p>M'tent la libert de te rien contredire;</p> -<p>Cherchons-en le remde, au lieu de raisonner</p> -<p>Sur l'amour o le ciel se plat m'obstiner.</p> -<p>N'est-il point de secret, n'est-il point d'artifice?...</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, Seigneur, il en est. Rappelons Brnice;<span class="dalign">300</span></p> -<p>Sous le nom de Csar pratiquons son retour,</p> -<p>Qui retarde l'hymen et suspende l'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que je verrois, Albin, ma volage punie,</p> -<p>Si de ces grands apprts pour la crmonie,</p> -<p>Que depuis si longtemps on dresse si grand bruit,<span class="dalign">305</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span></div> -<p>Elle n'avoit que l'ombre, et qu'une autre<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor"> [222]</a> et le fruit!</p> -<p>Qu'elle seroit confuse! et que j'aurois de joie!</p> -<p>Mais il faut que le ciel lui-mme la renvoie,</p> -<p>Cette belle rivale; et tout notre discours</p> -<p>Ne la sauroit ici rendre dans quatre jours. <span class="dalign">310</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'importe: en l'attendant prparons sa victoire;</p> -<p>Dans l'esprit d'un rival ranimons sa mmoire;</p> -<p>Retraons ses yeux l'image du pass,</p> -<p>Et profitons par l du cœur embarrass<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor"> [223]</a>.</p> -<p>N'y perdez point de temps: allez, sans plus rien taire,</p> -<p>Tter jusqu'en ce cœur les tendresses de frre.</p> -<p>Si vous ne l'emportez, il pourra s'branler;</p> -<p>S'il ne rompt cet hymen, il pourra reculer:</p> -<p>Je me trompe, ou son me y penche d'elle-mme.</p> -<p>S'il s'meut, redoublez; dites que l'on vous aime;<span class="dalign">320</span></p> -<p>Dites qu'un pur respect contraint avec ennui</p> -<p>Une me toute vous se donner lui.</p> -<p>S'il se trouble, achevez: parlez de Brnice,</p> -<p>De tant d'amour qu'il traite avec tant d'injustice.</p> -<p>Pour lui donner le temps de venir au secours,<span class="dalign">325</span></p> -<p>Nous aurons quatre mois au lieu de quatre jours.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais j'aime Domitie; et lui parler contre elle,</p> -<p>C'est me mettre au hasard d'irriter l'infidle.</p> -<p>Ne me condamne point, Albin, la trahir,</p> -<p>A joindre ses mpris le droit de me har:<span class="dalign">330</span></p> -<p>En vain je veux contre elle couter ma colre;</p> -<p>Toute ingrate qu'elle est, je tremble lui dplaire<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor"> [224]</a>.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, quelle mesure avez-vous garder?</p> -<p>Quand on voit tout perdu, craint-on de hasarder?</p> -<p>Et si l'ambition vers un autre l'entrane,<span class="dalign">335</span></p> -<p>Que vous peut importer son amour ou sa haine?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'un salutaire avis fait une douce loi</p> -<p>A qui peut avoir l'me aussi libre que toi!</p> -<p>Mais celle d'un amant n'est pas comme une autre me:</p> -<p>Il ne voit, il n'entend, il ne croit que sa flamme;<span class="dalign">340</span></p> -<p>Du plus puissant remde il se fait un poison,</p> -<p>Et la raison pour lui n'est pas toujours raison.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et si je vous disois que dj Brnice</p> -<p>Est dans Rome, inconnue, et par mon artifice?</p> -<p>Qu'elle surprendra Tite, et qu'elle y vient exprs <span class="dalign">345</span></p> -<p>Pour de ce grand hymen renverser les apprts?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Albin, seroit-il vrai?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> La nouvelle vous flatte:</p> -<p>Peut-tre est-elle fausse; attendez qu'elle clate;</p> -<p>Surtout l'Empereur dguisez-la si bien....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Va: je lui parlerai comme n'en sachant rien. <span class="dalign">350</span></p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE II.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">TITE, FLAVIAN.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? des ambassadeurs que Brnice envoie</p> -<p>Viennent ici, dis-tu, me tmoigner sa joie,</p> -<p>M'apporter son hommage, et me fliciter</p> -<p>Sur ce comble de gloire o je viens de monter?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En attendant votre ordre, ils sont au port d'Ostie.<span class="dalign">355</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi, grces aux Dieux, sa flamme est amortie;</p> -<p>Et de pareils devoirs sont pour moi des froideurs,</p> -<p>Puisqu'elle s'en rapporte ses ambassadeurs.</p> -<p>Jusqu'aprs mon hymen remettons leur venue:</p> -<p>J'aurois trop rougir si j'y souffrois leur vue, <span class="dalign">360</span></p> -<p>Et recevois les yeux de ses propres sujets</p> -<p>Pour envieux tmoins du vol que je lui fais;</p> -<p>Car mon cœur fut son bien cette belle reine,</p> -<p>Et pourroit l'tre encor, malgr Rome et sa haine,</p> -<p>Si ce divin objet, qui fut tout mon desir,<span class="dalign">365</span></p> -<p>Par quelque doux regard s'en venoit ressaisir.</p> -<p>Mais du haut de son trne elle aime mieux me rendre</p> -<p>Ces froideurs que pour elle on me fora de prendre.</p> -<p>Peut-tre, en ce moment que toute ma raison</p> -<p>Ne sauroit sans dsordre entendre son beau nom, <span class="dalign">370</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span></div> -<p>Entre les bras d'un autre un autre amour la livre:</p> -<p>Elle suit mon exemple, et se plat le suivre:</p> -<p>Et ne m'envoie ici traiter de souverain</p> -<p>Que pour braver l'amant qu'elle charmoit en vain.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous la revoyiez, je plaindrois Domitie. <span class="dalign">375</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Contre tous ses attraits ma raison endurcie</p> -<p>Feroit de Domitie encor la sret;</p> -<p>Mais mon cœur auroit peu de cette duret.</p> -<p>N'aurois-tu point appris qu'elle ft infidle,</p> -<p>Qu'elle coutt les rois qui soupirent pour elle? <span class="dalign">380</span></p> -<p>Dis-moi que Polmon<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor"> [225]</a> rgne dans son esprit,</p> -<p>J'en aurai du chagrin, j'en aurai du dpit,</p> -<p>D'une vive douleur j'en aurai l'me atteinte;</p> -<p>Mais j'pouserai l'autre avec moins de contrainte;</p> -<p>Car enfin elle est belle, et digne de ma foi; <span class="dalign">385</span></p> -<p>Elle auroit tout mon cœur, s'il toit tout moi.</p> -<p>La noblesse du sang, la grandeur de courage,</p> -<p>Font avec son mrite un illustre assemblage:</p> -<p>C'est le choix de mon pre; et je connois trop bien</p> -<p>Qu' choisir en Csar ce doit tre le mien. <span class="dalign">390</span></p> -<p>Mais tout mon cœur renonce lui faire justice,</p> -<p>Ds que mon souvenir lui rend sa Brnice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si de tels souvenirs vous sont encor si doux,</p> -<p>L'hymne a, Seigneur, peu de charmes pour vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si de tels souvenirs ne me faisoient la guerre,<span class="dalign">395</span></p> -<p>Seroit-il potentat plus heureux sur la terre?</p> -<p>Mon nom par la victoire est si bien affermi,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span></div> -<p>Qu'on me croit dans la paix un lion endormi:</p> -<p>Mon rveil incertain du monde fait l'tude;</p> -<p>Mon repos en tous lieux jette l'inquitude;<span class="dalign">400</span></p> -<p>Et tandis qu'en ma cour les aimables loisirs</p> -<p>Mnagent l'heureux choix des jeux et des plaisirs,</p> -<p>Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre ple,</p> -<p>Je n'ai qu' faire un pas et hausser la parole<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor"> [226]</a>.</p> -<p>Que de flicit, si mes vœux imprudents <span class="dalign">405</span></p> -<p>N'toient de mon pouvoir les seuls indpendants!</p> -<p>Matre de l'univers sans l'tre de moi-mme<a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor"> [227]</a>,</p> -<p>Je suis le seul rebelle ce pouvoir suprme:</p> -<p>D'un feu que je combats je me laisse charmer,</p> -<p>Et n'aime qu' regret ce que je veux aimer. <span class="dalign">410</span></p> -<p>En vain de mon hymen Rome presse la pompe:</p> -<p>J'y veux de la lenteur, j'aime qu'on l'interrompe,</p> -<p>Et n'ose rsister aux dangereux souhaits</p> -<p>De prparer toujours et n'achever jamais.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si ce dgot, Seigneur, va jusqu' la rupture,<span class="dalign">415</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span></div> -<p>Domitie aura peine souffrir cette injure:</p> -<p>Ce jeune esprit, qu'entte et le sang de Nron<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor"> [228]</a></p> -<p>Et le choix qu'en Syrie on fit de Corbulon<a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor"> [229]</a>,</p> -<p>S'attribue l'empire un droit imaginaire,</p> -<p>Et s'en fait, comme vous, un rang hrditaire. <span class="dalign">420</span></p> -<p>Si de votre parole un manque surprenant</p> -<p>La jette entre les bras d'un homme entreprenant.</p> -<p>S'il l'unit quelque me assez fire et hautaine</p> -<p>Pour servir son orgueil et seconder sa haine,</p> -<p>Un vif ressentiment lui fera tout oser: <span class="dalign">425</span></p> -<p>En un mot, il vous faut la perdre, ou l'pouser.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'en sais la politique, et cette loi cruelle</p> -<p>A presque fait l'amour qu'il m'a fallu pour elle.</p> -<p>Rduit au triste choix dont tu viens de parler,</p> -<p>J'aime mieux, Flavian, l'aimer que l'immoler, <span class="dalign">430</span></p> -<p>Et ne puis dmentir cette horreur magnanime</p> -<p>Qu'en recevant le jour je conus pour le crime.</p> -<p>Moi qui seul des Csars me vois en ce haut rang</p> -<p>Sans qu'il en cote Rome une goutte de sang,</p> -<p>Moi que du genre humain on nomme les dlices<a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor"> [230]</a>,<span class="dalign">435</span></p> -<p>Moi qui ne puis souffrir les plus justes supplices<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor"> [231]</a>,</p> -<p>Pourrois-je autoriser une injuste rigueur</p> -<p>A perdre une hrone qui je dois mon cœur?</p> -<p>Non: malgr les attraits de sa belle rivale,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span></div> -<p>Malgr les vœux flottants de mon me ingale,<span class="dalign">440</span></p> -<p>Je veux l'aimer, je l'aime; et sa seule beaut</p> -<p>Pouvoit me consoler de ce que j'ai quitt.</p> -<p>Elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre</p> -<p>Mes feux s'assoupir, s'ils ne peuvent s'teindre,</p> -<p>De quoi flatter mon me, et forcer mes douleurs<span class="dalign">445</span></p> -<p>A souhaiter du moins de n'aimer plus ailleurs.</p> -<p>Mais je ne vois pas bien que j'en sois encor matre:</p> -<p>Ds que ma flamme expire, un mot la fait renatre,</p> -<p>Et mon cœur malgr moi rappelle un souvenir</p> -<p>Que je n'ose couter et ne saurois bannir.<span class="dalign">450</span></p> -<p>Ma raison s'en veut faire en vain un sacrifice:</p> -<p>Tout me ramne ici, tout m'offre Brnice;</p> -<p>Et mme je ne sais par quel pressentiment</p> -<p>Je n'ai souffert personne en son appartement;</p> -<p>Mais depuis cet adieu, si cruel et si tendre,<span class="dalign">455</span></p> -<p>Il est demeur vide, et semble encor l'attendre.</p> -<p>Va, fais porter mon ordre ses ambassadeurs:</p> -<p>C'est trop entretenir d'inutiles ardeurs;</p> -<p>Il est temps de chercher qui m'en puisse distraire,</p> -<p>Et le ciel propos envoie ici mon frre.<span class="dalign">460</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Irez-vous au snat?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Non; il peut s'assembler</p> -<p>Sur ce dluge ardent qui nous a fait trembler,</p> -<p>Et pourvoir sous mon ordre aux affreuses ruines</p> -<p>Dont ses feux ont couvert les campagnes voisines<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor"> [232]</a>.</p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE II</h3> -<p class="subt">TITE, DOMITIAN, ALBIN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Puis-je parler, Seigneur, et de votre amiti <span class="dalign">465</span></p> -<p>Esprer une grce force de piti?</p> -<p>Je me suis jusqu'ici fait trop de violence,</p> -<p>Pour augmenter encor mes maux par mon silence.</p> -<p>Ce que je vais vous dire est digne du trpas;</p> -<p>Mais aussi j'en mourrai, si je ne le dis pas. <span class="dalign">470</span></p> -<p>Apprenez donc mon crime, et voyez s'il faut faire</p> -<p>Justice d'un coupable, ou grce aux vœux d'un frre.</p> -<p class="i1"> J'ai vu ce que j'aimois choisi pour tre vous,</p> -<p>Et je l'ai vu longtemps sans en tre jaloux.</p> -<p>Vous n'aimiez Domitie alors que par contrainte:<span class="dalign">475</span></p> -<p>Vous vous faisiez effort, j'imitois votre feinte;</p> -<p>Et comme aux lois d'un pre il falloit obir,</p> -<p>Je feignois d'oublier, vous de ne point har.</p> -<p>Le ciel, qui dans vos mains met sa toute-puissance,</p> -<p>Ne met-il point de borne cette obissance? <span class="dalign">480</span></p> -<p>La faut-il son ombre, et que ce mme effort</p> -<p>Vous dchire encor l'me et me donne la mort?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Souffrez sur cet effort que je vous dsabuse.</p> -<p>Il fut grand, et de ceux que tout le cœur refuse:</p> -<p>Pour en sauver le mien, je fis ce que je pus; <span class="dalign">485</span></p> -<p>Mais ce qui fut effort prsent ne l'est plus.</p> -<p>Sachez-en la raison. Sous l'empire d'un pre</p> -<p>Je murmurai toujours d'un ordre si svre,</p> -<p>Et cherchai les moyens de tirer en longueur</p> -<p>Cet hymen qui vous gne et m'arrachoit le cœur. <span class="dalign">490</span></p> -<p>Son trpas a chang toutes choses de face:</p> -<p>J'ai pris ses sentiments lorsque j'ai pris sa place;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span></div> -<p>Je m'impose mon tour les lois qu'il m'imposoit,</p> -<p>Et me dis aprs lui tout ce qu'il me disoit.</p> -<p>J'ai des yeux d'empereur, et n'ai plus ceux de Tite;<span class="dalign">495</span></p> -<p>Je vois en Domitie un tout autre mrite,</p> -<p>J'coute la raison, j'en gote les conseils,</p> -<p>Et j'aime comme il faut qu'aiment tous mes pareils.</p> -<p>Si dans les premiers jours que vous m'avez vu matre</p> -<p>Votre feu mal teint avoit voulu parotre,<span class="dalign">500</span></p> -<p>J'aurois pu me combattre et me vaincre pour vous;</p> -<p>Mais si prs d'un hymen si souhait de tous,</p> -<p>Quand Domitie a droit de s'en croire assure,</p> -<p>Que le jour en est pris, la fte prpare,</p> -<p>Je l'aime, et lui dois trop pour jeter sur son front <span class="dalign">505</span></p> -<p>L'ternelle rougeur d'un si mortel affront.</p> -<p>Rome entire et ma foi l'appellent l'empire:</p> -<p>Voyez mieux de quel œil on m'en verroit ddire,</p> -<p>Ce qu'ose se permettre une femme en fureur,</p> -<p>Et combien Rome entire auroit pour moi d'horreur. <span class="dalign">510</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle n'en auroit point de vous voir pour un frre</p> -<p>Faire autant que pour elle il vous a plu de faire.</p> -<p>Seigneur, vos bonts laissez un libre cours;</p> -<p>Qui se vainc une fois peut se vaincre toujours:</p> -<p>Ce n'est pas un effort que votre me redoute.<span class="dalign">515</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui se vainc une fois sait bien ce qu'il en cote:</p> -<p>L'effort est assez grand pour en craindre un second.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! si votre grande me peine s'en rpond,</p> -<p>La mienne, qui n'est pas d'une trempe si belle,</p> -<p>Rduite au mme effort, Seigneur, que fera-t-elle? <span class="dalign">520</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce que je fais, mon frre: aimez ailleurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> Hlas!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span></div> -<p>Ce qui vous fut ais, Seigneur, ne me l'est pas.</p> -<p>Quand vous avez chang, voyiez-vous Brnice?</p> -<p>De votre changement son dpart fut complice;</p> -<p>Vous l'aviez loigne, et j'ai devant les yeux, <span class="dalign">525</span></p> -<p>Je vois presqu'en vos bras ce que j'aime le mieux.</p> -<p>Jugez de ma douleur par l'excs de la vtre,</p> -<p>Si vous voyiez la Reine entre les bras d'un autre;</p> -<p>Contre un rival heureux pargneriez-vous rien,</p> -<p>A moins que d'un respect aussi grand que le mien?<span class="dalign">530</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vengez-vous, j'y consens; que rien ne vous retienne.</p> -<p>Je prends votre matresse; allez, prenez la mienne.</p> -<p>pousez Brnice, et....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Vous n'achevez point,</p> -<p>Seigneur: me pourriez-vous aimer jusqu' ce point?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, si je ne craignois pour vous l'injuste haine <span class="dalign">535</span></p> -<p>Que Rome concevroit pour l'poux d'une reine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dites, dites, Seigneur, qu'il est bien malais</p> -<p>De cder ce qu'adore un cœur bien embras;</p> -<p>Ne vous contraignez plus, ne gnez plus votre me,</p> -<p>Satisfaites en matre une si belle flamme; <span class="dalign">540</span></p> -<p>Quand vous aurez su dire une fois: Je le veux,</p> -<p>D'un seul mot prononc vous ferez quatre heureux.</p> -<p>Brnice est toujours digne de votre couche,</p> -<p>Et Domitie enfin vous parle par ma bouche;</p> -<p>Car je ne saurois plus vous le taire; oui, Seigneur,<span class="dalign">545</span></p> -<p>Vous en voulez la main, et j'en ai tout le cœur:</p> -<p>Elle m'en fit le don ds la premire vue,</p> -<p>Et ce don fut l'effet d'une force imprvue,</p> -<p>De cet ordre du ciel qui verse en nos esprits</p> -<p>Les principes secrets de prendre et d'tre pris. <span class="dalign">550</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span></div> -<p>Je vous dirois, Seigneur, quelle en est la puissance,</p> -<p>Si vous ne le saviez par votre exprience.</p> -<p>Ne rompez<a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor"> [233]</a> pas des nœuds et si forts et si doux:</p> -<p>Rien ne les peut briser que le trpas, ou vous;</p> -<p>Et c'est un triste honneur pour une si grande me, <span class="dalign">555</span></p> -<p>Que d'accabler un frre et contraindre une femme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne contrains personne; et de sa propre voix</p> -<p>Nous allons, vous et moi, savoir quel est son choix.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> - -<p class="subt">TITE, DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN,<br /> -PLAUTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parlez, parlez, Madame, et daignez nous apprendre</p> -<p>O porte votre cœur, ce qu'il sent de plus tendre, <span class="dalign">560</span></p> -<p>Qui le possde entier de mon frre ou de moi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En doutez-vous, Seigneur, quand vous avez ma foi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'aime n'en point douter, mais on veut que j'en doute:</p> -<p>On dit que cette foi ne vous donne pas toute,</p> -<p>Que ce cœur reste ailleurs. Parlez en libert, <span class="dalign">565</span></p> -<p>Et n'en consultez point cette noble fiert,</p> -<p>Ce digne orgueil du sang que mon rang sollicite:</p> -<p>De tout ce que je suis ne regardez que Tite;</p> -<p>Et pour mieux couter vos dsirs les plus doux,</p> -<p>Entre le prince et moi ne regardez que vous. <span class="dalign">570</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'avez-vous dit de moi, Prince?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Que dans votre me</p> -<p>Vous laissez vivre encor notre premire flamme;</p> -<p>Et qu'en faveur du rang si vous m'osez trahir,</p> -<p>Ce n'est pas tant aimer, Madame, qu'obir.</p> -<p>C'est en dire un peu plus que vous n'aviez envie;<span class="dalign">575</span></p> -<p>Mais il y va de vous, il y va de ma vie;</p> -<p>Et qui se voit si prs de perdre tout son bien,</p> -<p>Se fait armes de tout, et ne mnage rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne sais de vous deux, Seigneur, ne rien feindre,</p> -<p>Duquel je dois le plus me louer ou me plaindre.<span class="dalign">580</span></p> -<p>C'est aimer assez mal, que remettre tous deux</p> -<p>Au choix de mes dsirs le succs de vos vœux;</p> -<p>Et cette libert par tous les deux offerte</p> -<p>Montre que tous les deux peuvent souffrir ma perte,</p> -<p>Et que tout leur amour est prt consentir<span class="dalign">585</span></p> -<p>Que mon cœur ou ma foi veuille se dmentir.</p> -<p>Je me plains de tous deux, et vous plains l'un et l'autre,</p> -<p>Si pour voir tout ce cœur vous m'ouvrez tout le vtre.</p> -<p>Le prince n'agit pas en amant fort discret;</p> -<p>S'il ne m'impose rien, il trahit mon secret:<span class="dalign">590</span></p> -<p>Tout ce qu'il vous en dit m'offense ou vous abuse.</p> -<p>Mais ce que fait l'amour, l'amour aussi l'excuse<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor"> [234]</a>.</p> -<p class="i1"> Vous, Seigneur, je croyois que vous m'aimiez assez</p> -<p>Pour m'pargner le trouble o vous m'embarrassez,</p> -<p>Et laisser pour couleur mon peu de constance <span class="dalign">595</span></p> -<p>La gloire d'obir la toute-puissance:</p> -<p>Vous m'tez cette excuse, et me voulez charger</p> -<p>De ce qu'a d'odieux la honte de changer.</p> -<p>Si le prince en mon cœur garde encor mme place,</p> -<p>C'est manquer de respect que vous le dire en face;<span class="dalign">600</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span></div> -<p>Et si mon choix pour vous n'est point violent,</p> -<p>C'est trop d'ambition et d'infidlit.</p> -<p>Ainsi des deux cts tout sert me confondre.</p> -<p>J'ai cent choses dire, et rien vous rpondre;</p> -<p>Et ne voulant dplaire pas un de vous deux,<span class="dalign">605</span></p> -<p>Je veux, ainsi que vous, douter o vont mes vœux.</p> -<p class="i1"> Ce qui le plus m'tonne en cette dfrence</p> -<p>Qui veut du cœur entier une entire assurance,</p> -<p>C'est que dans ce haut rang vous ne vouliez pas voir</p> -<p>Qu'il n'importe du cœur quand on sait son devoir<a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor"> [235]</a>, <span class="dalign">610</span></p> -<p>Et que de vos pareils les hautes destines</p> -<p>Ne le consultent point sur ces grands hymnes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si le vtre, Madame, toit de moindre prix....</p> -<p>Mais que veut Flavian?</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">TITE, DOMITIAN, DOMITIE, PLAUTINE,<br /> -FLAVIAN, ALBIN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Vous en serez surpris,</p> -<p>Seigneur, je vous apporte une grande nouvelle: <span class="dalign">615</span></p> -<p>La reine Brnice....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Eh bien! est infidle?</p> -<p>Et son esprit, charm par un plus doux souci....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle est dans ce palais, Seigneur; et la voici<a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor"> [236]</a>.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> - -<p class="subt">TITE, DOMITIAN, BRNICE, DOMITIE, FLAVIAN,<br /> -ALBIN, PHILON, PLAUTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>O Dieux! est-ce, Madame, aux reines de surprendre?</p> -<p>Quel accueil, quels honneurs peuvent-elles attendre, <span class="dalign">620</span></p> -<p>Quand leur surprise envie au souverain pouvoir</p> -<p>Celui de donner ordre les bien recevoir?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pardonnez-le, Seigneur, mon impatience.</p> -<p>J'ai fait sous d'autres noms demander audience:</p> -<p>Vous la donniez trop tard mes ambassadeurs; <span class="dalign">625</span></p> -<p>Je n'ai pu tant attendre voir tant de grandeurs;</p> -<p>Et quoique par vous-mme autrefois exile,</p> -<p>Sans ordre et sans aveu je me suis rappele,</p> -<p>Pour tre la premire mettre vos genoux</p> -<p>Le sceptre qu' prsent je ne tiens que de vous, <span class="dalign">630</span></p> -<p>Et prendre sur les rois cet illustre avantage</p> -<p>De leur donner l'exemple vous en faire hommage.</p> -<p class="i1"> Je ne vous dirai point avec quelles langueurs</p> -<p>D'un si cruel exil j'ai souffert les longueurs:</p> -<p>Vous savez trop....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Je sais votre zle, et l'admire,<span class="dalign">635</span></p> -<p>Madame; et pour me voir possesseur de l'empire,</p> -<p>Pour me rendre vos soins, je ne mritois pas</p> -<p>Que rien vous pt rsoudre quitter vos tats,</p> -<p>Qu'une si grande reine en formt la pense.</p> -<p>Un voyage si long vous doit avoir lasse.<span class="dalign">640</span></p> -<p>Conduisez-la, mon frre, en son appartement<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor"> [237]</a>.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span></div> -<p>Vous, faites-l'y servir aussi pompeusement,</p> -<p>Avec le mme clat qu'elle s'y vit servie</p> -<p>Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">TITE, DOMITIE, PLAUTINE, PHILON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, faut-il ici vous rendre votre foi?<span class="dalign">645</span></p> -<p>Ne regardez que vous entre la Reine et moi;</p> -<p>Parlez sans vous contraindre, et me daignez apprendre</p> -<p>O porte votre cœur ce qu'il sent de plus tendre<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor"> [238]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Adieu, Madame, adieu. Dans le trouble o je suis,</p> -<p>Me taire et vous quitter, c'est tout ce que je puis.<span class="dalign">650</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VII.</h3> -<p class="subt">DOMITIE, PLAUTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Se taire et me quitter! Aprs cette retraite,</p> -<p>Crois-tu qu'un tel arrt ait besoin d'interprte?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, Madame; et ce n'est que drober au jour;</p> -<p>Que vous cacher le trouble o le met ce retour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, non, tu l'as voulu, Plautine, que je vinsse<span class="dalign">655</span></p> -<p>Dsavouer ici les vanits du prince,</p> -<p>Empcher qu'un amant dont je n'ai pas le cœur</p> -<p>Ne cdt ma conqute mon premier vainqueur:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span></div> -<p>Vois la honte qu'ainsi je me suis attire.</p> -<p>Quand sa reine<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor"> [239]</a> a paru, m'a-t-il considre? <span class="dalign">660</span></p> -<p>A-t-il jet les yeux sur moi qu'en me quittant?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pensez-vous que sa reine ait l'esprit plus content?</p> -<p>Avant que vous quitter, lui-mme il l'a bannie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, mais avec respect, avec crmonie,</p> -<p>Avec des yeux enfin qui l'loignant des miens, <span class="dalign">665</span></p> -<p>Lui promettoient assez de plus doux entretiens.</p> -<p>Tu me diras encor que la chose est gale,</p> -<p>Que s'il m'ose quitter, il chasse ma rivale.</p> -<p>Mais pour peu qu'il m'aimt, du moins il m'auroit dit</p> -<p>Que je garde en son me encor mme crdit:<span class="dalign">670</span></p> -<p>Il m'en auroit donn des srets nouvelles,</p> -<p>Il m'en auroit laiss quelques marques fidles.</p> -<p>S'il me vouloit cacher le trouble o je le voi,</p> -<p>La plus mauvaise excuse toit bonne pour moi.</p> -<p>Mais pour toute rponse, il se tait, et me quitte;<span class="dalign">675</span></p> -<p>Et tu ne peux souffrir que mon cœur s'en irrite!</p> -<p>Tu veux, lorsque lui-mme ose se dclarer,</p> -<p>Que je me flatte encore assez pour esprer!</p> -<p>C'est avec le perfide tre d'intelligence.</p> -<p>Sans me flatter en vain, courons la vengeance;<span class="dalign">680</span></p> -<p>Faisons voir ce qu'en moi peut le sang de Nron,</p> -<p>Et que je suis de plus fille de Corbulon.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous l'tes; mais enfin c'est n'tre qu'une fille,</p> -<p>Que le reste impuissant d'une illustre famille.</p> -<p>Contre un tel empereur o prendrez-vous des bras? <span class="dalign">685</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Contre un tel empereur nous n'en manquerons pas.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span></div> -<p>S'il pouse sa reine, il est l'horreur de Rome.</p> -<p>Trouvons alors, trouvons un grand cœur, un grand homme,</p> -<p>Un Romain qui rponde au sang de mes aeux;</p> -<p>Et pour le rvolter, laisse faire mes yeux. <span class="dalign">690</span></p> -<p>Juge, par le pouvoir de ceux de Brnice,</p> -<p>Si les miens auront peine s'en faire justice.</p> -<p>Si ceux-l forcent Tite me manquer de foi,</p> -<p>Ceux-ci feront briser le joug d'un nouveau roi;</p> -<p>Et si de l'univers les siens charment le matre,<span class="dalign">695</span></p> -<p>Les miens charmeront ceux qui mritent de l'tre.</p> -<p>Dis-le-moi, tu l'as vue, ai-je peu de raison</p> -<p>Quand de mes yeux aux siens je fais comparaison?</p> -<p>Est-elle plus charmante, ai-je moins de mrite?</p> -<p>Suis-je moins digne qu'elle enfin du cœur de Tite?<span class="dalign">700</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Je m'emporte, et mes sens interdits</p> -<p>Impriment leur dsordre en tout ce que je dis.</p> -<p>Comment saurois-je aussi ce que je te dois dire,</p> -<p>Si je ne sais pas mme quoi mon me aspire?</p> -<p>Mon aveugle fureur s'gare tous propos. <span class="dalign">705</span></p> -<p>Allons penser tout avec plus de repos.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous pourriez hasarder un moment de visite,</p> -<p>Pour voir si ce retour est sans l'aveu de Tite,</p> -<p>Ou si c'est de concert qu'il a fait le surpris.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui; mais auparavant remettons nos esprits. <span class="dalign">710</span></p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"><p><span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE III.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE</h3>. -<p class="subt">DOMITIAN, BRNICE, PHILON.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous l'ai dit, Madame, et j'aime le redire,</p> -<p>Qu'il est beau qu' vous plaire un empereur aspire,</p> -<p>Qu'il lui doit tre doux qu'un vritable feu</p> -<p>Par de justes soupirs mrite votre aveu.</p> -<p>Seroit-ce un crime moins<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor"> [240]</a>? Seroit-ce vous dplaire, <span class="dalign">715</span></p> -<p>Aprs un empereur, de vous offrir son frre?</p> -<p>Et voudriez-vous croire, en faveur de ma foi,</p> -<p>Qu'un frre d'empereur pourroit valoir un roi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si votre me, Seigneur, en veut tre claircie,</p> -<p>Vous pouvez le savoir de votre Domitie. <span class="dalign">720</span></p> -<p>De tous les deux aime, et douce tous les deux,</p> -<p>Elle sait mieux que moi comme on change de vœux,</p> -<p>Et sait peut-tre mal la route qu'il faut prendre</p> -<p>Pour trouver le secret de les faire descendre,</p> -<p>Quelque facilit qu'elle ait eue trouver, <span class="dalign">725</span></p> -<p>Malgr sa flamme et vous, l'art de les lever.</p> -<p>Pour moi, qui n'eus jamais l'honneur d'tre Romaine,</p> -<p>Et qu'un destin jaloux n'a fait natre que reine,</p> -<p>Sans qu'un de vous descende au rang que je remplis,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span></div> -<p>Ce me doit tre assez d'un de vos affranchis; <span class="dalign">730</span></p> -<p>Et si votre empereur suit les traces des autres,</p> -<p>Il suffit d'un tel sort pour relever les ntres<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor"> [241]</a>.</p> -<p>Mais changeons de discours, et me dites, Seigneur,</p> -<p>Par quel ordre aujourd'hui vous m'offrez votre cœur.</p> -<p>Est-ce pour obliger ou Domitie ou Tite? <span class="dalign">735</span></p> -<p>N'ose-t-il me quitter moins que je le quitte?</p> -<p>Et peut-il son rang si peu se confier,</p> -<p>Qu'il veuille mon exemple se justifier?</p> -<p>Me donne-t-il vous alors qu'il m'abandonne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il vous respecte trop: c'est vous qu'il me donne,<span class="dalign">740</span></p> -<p>Et me fait la justice, en m'enlevant mon bien,</p> -<p>De vouloir que je tche m'enrichir du sien;</p> -<p>Mais peine il le veut, qu'il craint pour moi la haine</p> -<p>Que Rome concevroit pour l'poux d'une reine.</p> -<p>C'est vous de juger d'o part ce sentiment. <span class="dalign">745</span></p> -<p>En vain, par politique, il fait ailleurs l'amant;</p> -<p>Il s'y rduit en vain par grandeur de courage:</p> -<p>A ces fausses clarts opposez quelque ombrage;</p> -<p>Et je renonce au jour, s'il ne revient vous,</p> -<p>Pour peu que vous penchiez le rendre jaloux. <span class="dalign">750</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre; mais, Seigneur, croyez-vous Brnice</p> -<p>D'un cœur s'abaisser jusqu' cet artifice,</p> -<p>Jusques mendier lchement le retour</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span></div> -<p>De ce qu'un grand service<a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor"> [242]</a> a mrit d'amour?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, sur ce point je n'ai rien vous dire. <span class="dalign">755</span></p> -<p>Vous savez ce que vaut l'Empereur et l'empire;</p> -<p>Et si vous consentez qu'on vous manque de foi,</p> -<p>Vous pouvez regarder<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor"> [243]</a> si je vaux bien un roi.</p> -<p>J'aperois Domitie, et lui cde la place.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> - -<p class="subt">DOMITIE, BRNICE, DOMITIAN, PHILON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vais me retirer, Seigneur, si je vous chasse; <span class="dalign">760</span></p> -<p>Et j'ai des intrts que vous servez trop bien</p> -<p>Pour arrter le cours d'un si long entretien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je faisois la Reine une offre de service</p> -<p>Qui peut vous assurer le rang d'impratrice,</p> -<p>Madame; et si j'en suis accept pour poux, <span class="dalign">765</span></p> -<p>Tite n'aura plus d'yeux pour d'autres que pour vous.</p> -<p>Est-ce vous mal servir?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Quoi? Madame, il vous aime?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; mais il me le dit, Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Lui?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i17"> Lui-mme.</p> -<p>Est-ce vous offenser que m'offrir vos refus?</p> -<p>Et vous doit-il un cœur dont vous ne voulez plus? <span class="dalign">770</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne sais si je puis vous dire s'il m'offense,</p> -<p>Quand vous vous prparez prendre sa dfense.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et moi, je ne sais pas s'il a droit de changer,</p> -<p>Mais je sais que l'amour ne peut dsobliger.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Du moins ce nouveau feu rend justice au mrite. <span class="dalign">775</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous m'avez command de quitter qui me quitte,</p> -<p>Vous le savez, Madame; et si c'est vous trahir,</p> -<p>Vous m'avouerez aussi que c'est vous obir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il chappe l'amour un mot qui le trahisse,</p> -<p>A l'effort qu'il se fait veut-il qu'on obisse?<span class="dalign">780</span></p> -<p>Il cherche une rvolte, et s'en laisse charmer.</p> -<p>Vous le sauriez, ingrat, si vous saviez aimer,</p> -<p>Et ne vous feriez pas l'indigne violence</p> -<p>De vous offrir ailleurs, et mme en ma prsence.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN</span>, Brnice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, vous voyez ce que je vous ai dit:<span class="dalign">785</span></p> -<p>La preuve est convaincante, et l'exemple suffit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il suffit pour vous croire, et non pas pour le suivre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez, sous quelques lois qu'il vous plaise de vivre,</p> -<p>Vivez-y, j'y consens; mais vous pouviez, Seigneur,</p> -<p>Vous hter un peu moins de m'ter votre cœur,<span class="dalign">790</span></p> -<p>Attendre que l'honneur de ce grand hymne</p> -<p>Vous renvoyt la foi que vous m'avez donne.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span></div> -<p>Si vous vouliez passer pour vritable amant,</p> -<p>Il falloit esprer jusqu'au dernier moment;</p> -<p>Il vous falloit....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Eh bien! puisqu'il faut que j'espre,</p> -<p>Madame, faites grce l'Empereur mon frre,</p> -<p>A la Reine, vous-mme enfin, si vous m'aimez,</p> -<p>Autant qu'il le parot vos yeux alarms.</p> -<p>Les scrupules d'tat, qu'il falloit mieux combattre,</p> -<p>Assez et trop longtemps nous ont gns tous quatre: <span class="dalign">800</span></p> -<p>Runissez des cœurs de qui rompt l'union</p> -<p>Cette chimre en Tite, en vous l'ambition.</p> -<p>Vous trouverez au mien encor les mmes flammes</p> -<p>Qui, ds que je vous vis, charmrent nos deux mes.</p> -<p>Ds ce premier moment j'adorai vos appas; <span class="dalign">805</span></p> -<p>Ds ce premier moment je ne vous dplus pas.</p> -<p>Ai-je pargn depuis aucuns soins pour vous plaire?</p> -<p>Est-ce un crime pour moi que l'anesse d'un frre?</p> -<p>Et faut-il m'accabler d'un ternel ennui</p> -<p>Pour avoir vu le jour deux lustres aprs lui,<span class="dalign">810</span></p> -<p>Comme si de mon choix il dpendoit de natre</p> -<p>Dans le temps qu'il falloit pour devenir son matre<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor"> [244]</a>?</p> -<p>Au nom de votre amour et de ce digne amant,</p> -<p>Madame, qui vous aime encor si chrement,</p> -<p>Prenez quelque piti d'un amant dplorable; <span class="dalign">815</span></p> -<p>Faites-la partager cette inexorable;</p> -<p>Dissipez la fiert d'une injuste rigueur.</p> -<p>Pour juge entre elle et moi je ne veux que son cœur.</p> -<p>Je vous laisse avec elle arbitre de ma vie.</p> -<p>Adieu, Madame. Adieu, trop aimable ennemie. <span class="dalign">820</span></p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span></p> - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">BRNICE, DOMITIE, PHILON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Les intrts du prince<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor"> [245]</a> avancent trop le mien</p> -<p>Pour vous oser, Madame, importuner de rien;</p> -<p>Et l'incivilit de la moindre prire</p> -<p>Sembleroit vous presser de me rendre son frre.</p> -<p>Tout ce qu'en sa faveur je crois m'tre permis,<span class="dalign">825</span></p> -<p>Aprs qu' votre cœur lui-mme il s'est remis,</p> -<p>C'est de vous faire voir ce que hasarde une me</p> -<p>Qui sacrifie au rang les douceurs de sa flamme,</p> -<p>Et quel long repentir suit ces nobles ardeurs</p> -<p>Qui soumettent l'amour l'clat des grandeurs.<span class="dalign">830</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand les choses, Madame, auront chang de face,</p> -<p>Je reviendrai savoir ce qu'il faut que je fasse,</p> -<p>Et demander votre ordre avec empressement</p> -<p>Sur le choix ou du prince ou de quelque autre amant.</p> -<p>Agrez cependant un respect qui m'amne <span class="dalign">835</span></p> -<p>Vous rendre mes devoirs comme ma souveraine;</p> -<p>Car je n'ose douter que dj l'Empereur</p> -<p>Ne vous ait redonn bonne part en son cœur.</p> -<p>Vous avez sur vos rois pris ce digne avantage</p> -<p>D'tre ici la premire rendre un juste hommage<a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor"> [246]</a>;<span class="dalign">840</span></p> -<p>Et pour vous imiter, je veux avoir le bien</p> -<p>D'tre aussi la premire vous offrir le mien.</p> -<p>Cet exemple qu'aux rois vous donnez pour un homme,</p> -<p>J'aime pour une reine le donner Rome;</p> -<p>Et plus il est nouveau, plus j'ai lieu d'esprer <span class="dalign">845</span></p> -<p>Que de quelques bonts vous voudrez m'honorer.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A vous dire le vrai, sa nouveaut m'tonne:</p> -<p>J'aurois eu quelque peine vous croire si bonne;</p> -<p>Et je recevrois l'offre avec confusion</p> -<p>Si je n'y souponnois un peu d'illusion.<span class="dalign">850</span></p> -<p class="i1"> Quoi qu'il en soit, Madame, en cette incertitude</p> -<p>Qui nous met l'une et l'autre en quelque inquitude,</p> -<p>Ce que je puis rpondre vos civilits,</p> -<p>C'est de vous demander pour moi mmes bonts,</p> -<p>Et que celle des deux qui sera satisfaite<span class="dalign">855</span></p> -<p>Traite l'autre de l'air qu'elle veut qu'on la traite.</p> -<p>J'ai vu Tite se rendre au peu que j'ai d'appas;</p> -<p>Je ne l'espre plus, et n'y renonce pas.</p> -<p>Il peut se souvenir, dans ce grade sublime,</p> -<p>Qu'il soumit votre Rome en dtruisant Solyme,<span class="dalign">860</span></p> -<p>Qu'en ce sige pour lui je hasardai mon rang,</p> -<p>Prodiguai mes trsors, et mes peuples leur sang,</p> -<p>Et que s'il me fait part de sa toute-puissance,</p> -<p>Ce sera moins un don qu'une reconnoissance.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Ce sont l de grands droits; et si l'amour s'y joint,<span class="dalign">865</span> -<p>Je dois craindre une chute n'en relever point.</p> -<p>Tite y peut ajouter que je n'ai point la gloire</p> -<p>D'avoir sur ma patrie tendu sa victoire,</p> -<p>De l'avoir saccage et dtruite l'envi,</p> -<p>Et renvers l'autel du dieu que j'ai servi:<span class="dalign">870</span></p> -<p>C'est par l qu'il vous doit cette haute fortune.</p> -<p>Mais je commence voir que je vous importune.</p> -<p>Adieu. Quelque autre fois nous suivrons ce discours.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je suis venue ici trop tt de quatre jours;</p> -<p>J'en suis au dsespoir et vous en fais excuse.<span class="dalign">875</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dans quatre jours, Madame, on verra qui s'abuse.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span></p> - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">BRNICE, PHILON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel caprice, Philon, l'amne jusqu'ici</p> -<p>M'expliquer elle-mme un si cuisant souci?</p> -<p>Tite, aprs mon dpart, l'auroit-il maltraite?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aprs votre dpart il l'a soudain quitte,<span class="dalign">880</span></p> -<p>Madame, et s'est dfait de cet esprit jaloux</p> -<p>Avec un compliment encor plus court qu' vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi tout est gal: s'il me chasse, il la quitte;</p> -<p>Mais ce peu qu'il m'a dit ne peut qu'il ne m'irrite:</p> -<p>Il marque trop pour moi son infidlit.<span class="dalign">885</span></p> -<p>Vois de ses derniers mots quelle est la duret:</p> -<p>Qu'on la serve, a-t-il dit, comme elle fut servie</p> -<p>Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor"> [247]</a>.</p> -<p>Je ne le fais donc plus! Voil ce que j'ai craint.</p> -<p>Il fait en libert ce qu'il faisoit contraint.<span class="dalign">890</span></p> -<p>Cet ordre de sortir, si prompt et si svre,</p> -<p>N'a plus pour s'excuser l'autorit d'un pre:</p> -<p>Il est libre, il est matre, il veut tout ce qu'il fait.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Du peu qu'il vous a dit j'attends un autre effet.</p> -<p>Le trouble de vous voir auprs d'une rivale<span class="dalign">895</span></p> -<p>Vouloit pour se remettre un moment d'intervalle;</p> -<p>Et quand il a rompu sitt vos entretiens,</p> -<p>Je lisois dans ses yeux qu'il vitoit les siens,</p> -<p>Qu'il fuyoit l'embarras d'une telle prsence.</p> -<p>Mais il vient son tour prendre son audience,<span class="dalign">900</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span></div> -<p>Madame; et vous voyez si j'en sais bien juger.</p> -<p>Songez de quelle sorte il faut le mnager.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> - -<p class="subt">TITE, BRNICE, FLAVIAN, PHILON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Me cherchez-vous, Seigneur, aprs m'avoir chasse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous avez su mieux lire au fond de ma pense,</p> -<p>Madame; et votre cœur connot assez le mien<span class="dalign">905</span></p> -<p>Pour me justifier sans que j'explique rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais justifiera-t-il le don qu'il vous plat faire</p> -<p>De ma propre personne au prince votre frre?</p> -<p>Et n'est-ce point assez de me manquer de foi,</p> -<p>Sans prendre encor le droit de disposer de moi?<span class="dalign">910</span></p> -<p>Pouvez-vous jusque-l me bannir de votre me?</p> -<p>Le pouvez-vous, Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Le croyez-vous, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! que j'ai de peur de vous dire que non!</p> -<p>J'ai voulu vous har ds que j'ai su ce don:</p> -<p>Mais de tels courroux l'me en vain se confie;<span class="dalign">915</span></p> -<p>A peine je vous vois que je vous justifie.</p> -<p>Vous me manquez de foi, vous me donnez, chassez.</p> -<p>Que de crimes! Un mot les a tous effacs.</p> -<p>Faut-il, Seigneur, faut-il que je ne vous accuse</p> -<p>Que pour dire aussitt que c'est moi qui m'abuse,<span class="dalign">920</span></p> -<p>Que pour me voir force rpondre pour vous!</p> -<p>pargnez cette honte mon dpit jaloux;</p> -<p>Sauvez-moi du dsordre o ma bont<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor"> [248]</a> m'expose,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span></div> -<p>Et du moins par piti dites-moi quelque chose;</p> -<p>Accusez-moi plutt, Seigneur, votre tour,<span class="dalign">925</span></p> -<p>Et m'imputez pour crime un trop parfait amour.</p> -<p class="i1"> Vos chimres d'tat, vos indignes scrupules,</p> -<p>Ne pourront-ils jamais passer pour ridicules?</p> -<p>En souffrez-vous encor la tyrannique loi?</p> -<p>Ont-ils encor sur vous plus de pouvoir que moi?<span class="dalign">930</span></p> -<p>Du bonheur de vous voir j'ai l'me si ravie,</p> -<p>Que pour peu qu'il durt, j'oublierois Domitie.</p> -<p>Pourrez-vous l'pouser dans quatre jours? O cieux!</p> -<p>Dans quatre jours! Seigneur, y voudrez-vous mes yeux?</p> -<p>Vous plairez-vous voir qu'en triomphe mene,<span class="dalign">935</span></p> -<p>Je serve de victime ce grand hymne;</p> -<p>Que trane avec pompe aux marches de l'autel,</p> -<p>J'aille de votre main attendre un coup mortel?</p> -<p>M'y verrez-vous mourir sans verser une larme?</p> -<p>Vous y prparez-vous sans trouble et sans alarme?<span class="dalign">940</span></p> -<p>Et si vous concevez l'excs de ma douleur,</p> -<p>N'en rejaillit-il<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor"> [249]</a> rien jusque dans votre cœur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! Madame, hlas! pourquoi vous ai-je vue?</p> -<p>Et dans quel contre-temps tes-vous revenue!</p> -<p>Ce qu'on fit d'injustice de si chers appas<span class="dalign">945</span></p> -<p>M'avoit assez cot pour ne l'envier pas.</p> -<p>Votre absence et le temps m'avoient fait quelque grce;</p> -<p>J'en craignois un peu moins les malheurs o je passe;</p> -<p>Je souffrois Domitie, et d'assidus efforts</p> -<p>M'avoient, malgr l'amour, fait matre du dehors.<span class="dalign">950</span></p> -<p>La contrainte sembloit tourner en habitude;</p> -<p>Le joug que je prenois m'en paroissoit moins rude;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span></div> -<p>Et j'allois tre heureux, du moins aux yeux de tous,</p> -<p>Autant qu'on le peut tre en n'tant point vous.</p> -<p>J'allois....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> N'achevez point, c'est l ce qui me tue.<span class="dalign">955</span></p> -<p>Et je pourrois souffrir votre hymen ma vue,</p> -<p>Si vous aviez choisi quelque objet sans clat,</p> -<p>Qui ne pt tre vous que par raison d'tat,</p> -<p>Qui de ses grands aeux n'et reu rien d'aimable,</p> -<p>Qui n'en et que le nom qui ft considrable.<span class="dalign">960</span></p> -<p>Il s'est assez puni de son manque de foi,</p> -<p>Me dirois-je, et son cœur n'en est pas moins moi.</p> -<p>Mais Domitie est belle, elle a tout l'avantage</p> -<p>Qu'ajoute un vrai mrite l'clat du visage;</p> -<p>Et pour vous pargner les discours superflus,<span class="dalign">965</span></p> -<p>Elle est digne de vous, si vous ne m'aimez plus.</p> -<p>Elle a toujours charm le prince votre frre,</p> -<p>Elle a gagn sur vous de ne vous plus dplaire:</p> -<p>L'hymen achvera de me faire oublier;</p> -<p>Elle aura votre cœur, et l'aura tout entier.<span class="dalign">970</span></p> -<p>Seigneur, faites-moi grce: pousez Sulpitie,</p> -<p>Ou Camille, ou Sabine, et non pas Domitie;</p> -<p>Choisissez-en quelqu'une enfin dont le bonheur</p> -<p>Ne m'te que la main, et me laisse le cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Domitie aisment souffriroit ce partage;<span class="dalign">975</span></p> -<p>Ma main satisferoit l'orgueil de son courage;</p> -<p>Et pour le cœur, peine il vous sait en ces lieux,</p> -<p>Qu'il revient tout entier faire hommage vos yeux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'importe: ayez piti, Seigneur, de ma foiblesse.</p> -<p>Vous avez un cœur fait changer de matresse;<span class="dalign">980</span></p> -<p>Vous ne savez que trop l'art de manquer de foi:</p> -<p>Ne l'exercerez-vous jamais que contre moi?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Domitie est le choix de Rome et de mon pre:</p> -<p>Ils crurent propos de l'ter mon frre,</p> -<p>De crainte que ce cœur jeune et prsomptueux<span class="dalign">985</span></p> -<p>Ne rendt tmraire un prince imptueux.</p> -<p>Si pour vous obir je lui suis infidle,</p> -<p>Rome, qui l'a choisie, y consentira-t-elle?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? Rome ne veut pas quand vous avez voulu?</p> -<p>Que faites-vous, Seigneur, du pouvoir absolu?<span class="dalign">990</span></p> -<p>N'tes-vous dans ce trne, o tant de monde aspire,</p> -<p>Que pour assujettir l'Empereur l'empire<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor"> [250]</a>?</p> -<p>Sur ses plus hauts degrs Rome vous fait la loi!</p> -<p>Elle affermit ou rompt le don de votre foi!</p> -<p>Ah! si j'en puis juger sur ce qu'on voit parotre.<span class="dalign">995</span></p> -<p>Vous en tes l'esclave encor plus que le matre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tel est le triste sort de ce rang souverain,</p> -<p>Qui ne dispense pas d'avoir un cœur romain;</p> -<p>Ou plutt des Romains tel est le dur caprice<a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor"> [251]</a></p> -<p>A suivre obstinment une aveugle injustice,<span class="dalign">1000</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span></div> -<p>Qui rejetant d'un roi le nom plus que les lois,</p> -<p>Accepte un empereur plus puissant que cent rois.</p> -<p>C'est ce nom seul qui donne leurs farouches haines</p> -<p>Cette invincible horreur qui passe jusqu'aux reines,</p> -<p>Jusques leurs poux; et vos yeux adors<span class="dalign">1005</span></p> -<p>Verroient de notre hymen natre cent conjurs.</p> -<p>Encor s'il n'y falloit hasarder que ma vie;</p> -<p>Si ma perte aussitt de la vtre suivie....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Seigneur, ce n'est pas aux reines comme moi</p> -<p>A hasarder leurs jours pour signaler leur foi.<span class="dalign">1010</span></p> -<p>La plus illustre ardeur de prir l'un pour l'autre</p> -<p>N'a rien de glorieux pour mon rang et le vtre:</p> -<p>L'amour de nos pareils la traite de fureur,</p> -<p>Et ces vertus d'amant ne sont pas d'empereur.</p> -<p>Mes secours en Jude<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor"> [252]</a> achevrent l'ouvrage<span class="dalign">1015</span></p> -<p>Qu'avoit des lgions bauch le suffrage:</p> -<p>Il m'est trop prcieux pour le mettre au hasard;</p> -<p>Et j'y pouvois, Seigneur, mriter quelque part,</p> -<p>N'toit qu'affermissant votre heureuse fortune,</p> -<p>Je n'ai fait qu'empcher qu'elle nous ft commune.<span class="dalign">1020</span></p> -<p>Si j'eusse eu moins pour elle ou de zle ou de foi,</p> -<p>Vous seriez moins puissant, mais vous seriez moi;</p> -<p>Vous n'auriez que le nom de gnral d'arme,</p> -<p>Mais j'aurois pour poux l'amant qui m'a charme;</p> -<p>Et je possderois dans ma cour, en repos,<span class="dalign">1025</span></p> -<p>Au lieu d'un empereur, le plus grand des hros.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! Madame, il faut renoncer ce titre,</p> -<p>Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre.</p> -<p>Allons dans vos tats m'en donner un plus doux;</p> -<p>Ma gloire la plus haute est celle d'tre vous.<span class="dalign">1030</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span></div> -<p>Allons o je n'aurai que vous pour souveraine,</p> -<p>O vos bras amoureux seront ma seule chane<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor"> [253]</a>,</p> -<p>O l'hymen en triomphe jamais l'treindra;</p> -<p>Et soit de Rome esclave et matre qui voudra<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor"> [254]</a>!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'est plus temps: ce nom, si sujet l'envie,<span class="dalign">1035</span></p> -<p>Ne se quitte jamais, Seigneur, qu'avec la vie;</p> -<p>Et des nouveaux Csars la tremblante fiert</p> -<p>N'ose faire de grce ceux qui l'ont port:</p> -<p>Qui l'a pris une fois est toujours punissable.</p> -<p>Ce fut par l qu'Othon se traita de coupable,</p> -<p>Par l Vitellius mrita le trpas;</p> -<p>Et vous n'auriez partout qu'assassins sur vos pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que faire donc, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Assurer votre vie;</p> -<p>Et s'il y faut enfin la main de Domitie....</p> -<p>Mais adieu: sur ce point si vous pouvez douter,<span class="dalign">1045</span></p> -<p>Ce n'est pas moi, Seigneur, qu'il en faut consulter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE,</span> Brnice qui se retire<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor"> [255]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Madame; et dt-il m'en coter trne et vie,</p> -<p>Vous ne me verrez point pouser Domitie.</p> -<p class="i1"> Ciel, si vous ne voulez qu'elle rgne en ces lieux,</p> -<p>Que vous m'tes cruel de la rendre mes yeux!<span class="dalign">1050</span></p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE IV.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">BRNICE, PHILON.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Avez-vous su, Philon, quel bruit et quel murmure</p> -<p>Fait mon retour Rome en cette conjoncture<a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor"> [256]</a>?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<div><span class="i6 small1">PHILON.</span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, Madame: j'ai vu presque tous vos amis,</p> -<p>Et su d'eux quel espoir vous peut tre permis.</p> -<p>Il est peu de Romains qui penchent la balance<span class="dalign">1055</span></p> -<p>Vers l'extrme hauteur ou l'extrme indulgence:</p> -<p>La plupart d'eux embrasse un avis modr</p> -<p>Par qui votre retour n'est pas dshonor,</p> -<p>Mais l'hymen de Tite il vous ferme la porte:</p> -<p>La fire Domitie est partout la plus forte;<span class="dalign">1060</span></p> -<p>La vertu de son pre et son illustre sang</p> -<p>A son ambition assure<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor"> [257]</a> ce haut rang.</p> -<p>Il est peu sur ce point de voix qui se divisent,</p> -<p>Madame; et quant vous, voici ce qu'ils en disent:</p> -<p>Elle a bien servi Rome, il le faut avouer;<span class="dalign">1065</span></p> -<p>L'Empereur et l'empire ont lieu de s'en louer:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span></div> -<p>On lui doit des honneurs, des titres sans exemples;</p> -<p>Mais enfin elle est reine, elle abhorre nos temples,</p> -<p>Et sert un Dieu jaloux qui ne peut endurer</p> -<p>Qu'aucun autre que lui se fasse rvrer;<span class="dalign">1070</span></p> -<p>Elle traite nos yeux les ntres de fantmes.</p> -<p>On peut lui prodiguer des villes, des royaumes:</p> -<p>Il est des rois pour elle; et dj Polmon<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor"> [258]</a></p> -<p>De ce Dieu qu'elle adore invoque le seul nom;</p> -<p>Des ntres pour lui plaire il ddaigne le culte:<span class="dalign">1075</span></p> -<p>Qu'elle rgne avec lui sans nous faire d'insulte.</p> -<p>Si ce trne et le sien ne lui suffisent pas,</p> -<p>Rome est prte d'y joindre encor d'autres tats<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor"> [259]</a>,</p> -<p>Et de faire clater avec magnificence</p> -<p>Un juste et plein effet de sa reconnoissance.<span class="dalign">1080</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'elle rpande ailleurs ces effets clatants,</p> -<p>Et ne m'enlve point le seul o je prtends.</p> -<p>Elle n'a point de part en ce que je mrite:</p> -<p>Elle ne me doit rien, je n'ai servi que Tite.</p> -<p>Si j'ai vu sans douleur mon pays dsol,<span class="dalign">1085</span></p> -<p>C'est Tite, lui seul, que j'ai tout immol;</p> -<p>Sans lui, sans l'esprance mon amour offerte,</p> -<p>J'aurois servi Solyme, ou pri dans sa perte;</p> -<p>Et quand Rome s'efforce m'arracher son cœur,</p> -<p>Elle sert le courroux d'un Dieu juste vengeur.<span class="dalign">1090</span></p> -<p>Mais achevez, Philon; ne dit-on autre chose?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On parle des prils o votre amour l'expose:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span></div> -<p>De cet hymen, dit-on, les nœuds si desirs</p> -<p>Serviront de prtexte mille conjurs;</p> -<p>Ils pourront soulever jusqu' son propre frre.<span class="dalign">1095</span></p> -<p>Il se voulut jadis cantonner contre un pre;</p> -<p>N'et t Mucian qui le tint dans Lyon,</p> -<p>Il se faisoit le chef de la rbellion,</p> -<p>Avouoit Civilis, appuyoit ses Bataves,</p> -<p>Des Gaulois belliqueux soulevoit les plus braves;<span class="dalign">1100</span></p> -<p>Et les deux bords du Rhin l'auroient pour empereur,</p> -<p>Pour peu qu'et Cral cout sa fureur<a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor"> [260]</a>.</p> -<p>Il aime Domitie, et rgne dans son me;</p> -<p>Si Tite ne l'pouse, il en fera sa femme.</p> -<p>Vous savez de tous deux quelle est l'ambition:<span class="dalign">1105</span></p> -<p>Jugez ce qui peut suivre une telle union.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne dit-on rien de plus?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Ah! Madame, je tremble</p> -<p>A vous dire encor....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Quoi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Que le snat s'assemble.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quelle est l'occasion qui le fait assembler?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PHILON</span>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'occasion n'a rien qui vous doive troubler;<span class="dalign">1110</span></p> -<p>Et ce n'est qu' dessein de pourvoir aux dommages</p> -<p>Que du Vsuve ardent ont causs<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor"> [261]</a> les ravages<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor"> [262]</a>;</p> -<p>Mais Domitie aura des amis, des parents,</p> -<p>Qui pourront bien aprs vous mettre sur les rangs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi que sur mes destins ils usurpent d'empire,<span class="dalign">1115</span></p> -<p>Je ne vois pas leur matre en tat d'y souscrire.</p> -<p>Philon, laissons-les faire: ils n'ont qu' me bannir</p> -<p>Pour trouver hautement l'art de me retenir.</p> -<p>Contre toutes leurs voix je ne veux qu'un suffrage,</p> -<p>Et l'ardeur de me nuire achvera l'ouvrage.<span class="dalign">1120</span></p> -<p class="i1"> Ce n'est pas qu'en effet la gloire o je prtends</p> -<p>N'offre trop de prtexte aux esprits mcontents:</p> -<p>Je ne puis jeter l'œil sur ce que je suis ne</p> -<p>Sans voir que de prils suivront cet hymne.</p> -<p>Mais pour y parvenir s'il faut trop hasarder,<span class="dalign">1125</span></p> -<p>Je veux donner le bien que je n'ose garder;</p> -<p>Je veux du moins, je veux ter ma rivale</p> -<p>Ce miracle vivant, cette me sans gale:</p> -<p>Qu'en dpit des Romains, leur digne souverain,</p> -<p>S'il prend une moiti, la prenne de ma main;<span class="dalign">1130</span></p> -<p>Et pour tout dire enfin, je veux que Brnice</p> -<p>Ait une crature en leur impratrice.</p> -<p class="i1"> Je vois Domitian. Contre tous leurs arrts</p> -<p>Il n'est pas malais d'unir nos intrts.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span></p> - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">DOMITIAN, BRNICE, PHILON,<br /> -ALBIN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Auriez-vous au snat, Seigneur, assez de brigue<span class="dalign">1135</span></p> -<p>Pour combattre et confondre une insolente ligue?</p> -<p>S'il ne s'assemble pas exprs pour m'exiler,</p> -<p>J'ai quelques envieux qui pourront en parler.</p> -<p>L'exil m'importe peu, j'y suis accoutume;</p> -<p>Mais vous perdez l'objet dont votre me est charme:</p> -<p>L'audacieux dcret de mon bannissement</p> -<p>Met votre Domitie aux bras d'un autre amant;</p> -<p>Et vous pouvez<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor"> [263]</a> juger que s'il faut qu'on m'exile,</p> -<p>Sa conqute pour vous n'en est pas plus facile.</p> -<p>Voyez si votre amour se veut laisser ravir<span class="dalign">1145</span></p> -<p>Cet unique secours qui pourroit le servir<a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor"> [264]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On en pourra parler, Madame, et mon ingrate</p> -<p>En a dj conu quelque espoir qui la flatte;</p> -<p>Mais je puis dire aussi que le rang que je tiens</p> -<p>M'a fait assez d'amis pour opposer aux siens;<span class="dalign">1150</span></p> -<p>Et que si ds l'abord ils ne les font pas taire,</p> -<p>Ils rompront le grand coup qui seul nous peut dplaire.</p> -<p>Non que tout cet espoir ne coure grand hasard,</p> -<p>Si votre amant volage y prend la moindre part:</p> -<p>On l'aime; et si son ordre nos amis s'oppose,<span class="dalign">1155</span></p> -<p>Leur plus fidle ardeur osera peu de chose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! Prince, je mourrai de honte et de douleur,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span></div> -<p>Pour peu qu'il contribue faire mon malheur;</p> -<p>Mais je n'ai qu' le voir pour calmer ces alarmes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'y perdez point de temps, portez-y tous vos charmes:</p> -<p>N'en oubliez aucun dans un pril si grand.</p> -<p>Peut-tre, ainsi que vous, ce dessein le surprend;</p> -<p>Mais je crains qu'aprs tout son me irrsolue</p> -<p>Ne relche un peu trop sa puissance absolue,</p> -<p>Et ne laisse au snat dcider de ses vœux,<span class="dalign">1165</span></p> -<p>Pour se faire une excuse<a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor"> [265]</a> envers l'une des deux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quelques efforts qu'on fasse, et quelque art qu'on dploie,</p> -<p>Je vous rponds de tout, pourvu que je le voie;</p> -<p>Et je ne crois pas mme au pouvoir de vos dieux</p> -<p>De lui faire pouser Domitie mes yeux.<span class="dalign">1170</span></p> -<p>Si vous l'aimez encor, ce mot vous doit suffire.</p> -<p>Quant au snat, qu'il m'te ou me donne l'empire,</p> -<p>Je ne vous dirai point quoi je me rsous.</p> -<p>Voici votre inconstante. Adieu, pensez vous.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Prince, si vous m'aimez, l'occasion est belle.<span class="dalign">1175</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si je vous aime! Est-il un amant plus fidle?</p> -<p>Mais, Madame, sachons ce que vous souhaitez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous me servirez mal, puisque vous en doutez.</p> -<p>L'amant digne du cœur de la beaut qu'il aime</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span></div> -<p>Sait mieux ce qu'elle veut que ce qu'il veut lui-mme.</p> -<p>Mais puisque j'ai besoin d'expliquer mon courroux,</p> -<p>J'en veux Brnice, l'Empereur, vous:</p> -<p>A lui, qui n'ose plus m'aimer en sa prsence;</p> -<p>A vous, qui vous mettez de leur intelligence,</p> -<p>Et dont tous les amis vont servir un amour<span class="dalign">1185</span></p> -<p>Qui me rend vos yeux la fable de la cour.</p> -<p>Si vous m'aimez, Seigneur, il faut sauver ma gloire,</p> -<p>M'assurer par vos soins une pleine victoire;</p> -<p>Il faut....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Si vous croyez votre bonheur douteux,</p> -<p>Votre retour vers moi seroit-il si honteux?<span class="dalign">1190</span></p> -<p>Suis-je indigne de vous? suis-je si peu de chose</p> -<p>Que toute votre gloire mon amour s'oppose?</p> -<p>Ne voit-on plus en moi ce que vous estimiez?</p> -<p>Et suis-je moindre enfin qu'alors que vous m'aimiez?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; mais un autre espoir va m'accabler de honte,<span class="dalign">1195</span></p> -<p>Quand le trne m'attend, si Brnice y monte.</p> -<p>Dlivrez-en mes yeux, et prtez-moi la main</p> -<p>Du moins soutenir l'honneur du nom romain.</p> -<p>De quel œil verrez-vous qu'une reine trangre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De l'œil dont je verrois que l'Empereur, mon frre,<span class="dalign">1200</span></p> -<p>En prt d'autres pour vous, ranimt son espoir,</p> -<p>Et pour se rendre heureux, ust de son pouvoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne vous y trompez pas: s'il me donne le change,</p> -<p>Je ne suis point vous, je suis qui me venge,</p> -<p>Et trouverai peut-tre Rome assez d'appui<span class="dalign">1205</span></p> -<p>Pour me venger de vous aussi bien que de lui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et c'est du nom romain la gloire qui vous touche.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span></div> -<p>Madame? et vous l'avez au cœur comme en la bouche?</p> -<p>Ah! que le nom de Rome est un nom prcieux,</p> -<p>Alors qu'en la servant on se sert encor mieux,<span class="dalign">1210</span></p> -<p>Qu'avec nos intrts ce grand devoir conspire,</p> -<p>Et que pour rcompense on se promet l'empire!</p> -<p>Parlons cœur ouvert, Madame, et dites-moi</p> -<p>Quel fruit je dois attendre enfin d'un tel emploi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voulez-vous pour servir tre sr du salaire,<span class="dalign">1215</span></p> -<p>Seigneur? et n'avez-vous qu'un amour mercenaire<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor"> [266]</a>?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'en connois point d'autre, et ne conois pas bien</p> -<p>Qu'un amant puisse plaire en ne prtendant rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que ces prtentions sentent les mes basses!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Les Dieux qui les sert font esprer des grces.<span class="dalign">1220</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Les exemples des Dieux s'appliquent mal sur nous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne veux donc, Madame, autre exemple que vous.</p> -<p>N'attendez-vous de Tite, et n'avez-vous pour Tite</p> -<p>Qu'une strile ardeur qui s'attache au mrite?</p> -<p>De vos destins aux siens pressez-vous l'union<span class="dalign">1225</span></p> -<p>Sans vouloir aucun fruit de tant de passion?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre en ce dessein ne suis-je intresse</p> -<p>Que par l'intrt seul de ma gloire blesse.</p> -<p>Croyez-moi gnreuse, et soyez gnreux:</p> -<p>N'aimez plus, ou n'aimez que comme je le veux.<span class="dalign">1230</span></p> -<p>Je sais ce que je dois l'amant qui m'oblige;</p> -<p>Mais j'aime qu'on l'attende et non pas qu'on l'exige:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span></div> -<p>Et qui peut immoler son intrt au mien,</p> -<p>Peut se promettre tout de qui ne promet rien.</p> -<p>Peut-tre qu'en l'tat o je suis avec Tite,<span class="dalign">1235</span></p> -<p>Je veux bien le quitter, mais non pas qu'il me quitte.</p> -<p>Vous en dis-je trop peu pour vous l'imaginer?</p> -<p>Et depuis quand l'amour n'ose-t-il deviner?</p> -<p>Tous mes emportements pour la grandeur suprme</p> -<p>Ne vous dguisent point, Seigneur, que je vous aime;</p> -<p>Et l'on ne voit que trop quel droit j'ai de har</p> -<p>Un empereur sans foi qui meurt de me trahir.</p> -<p>Me condamnerez-vous voir que Brnice</p> -<p>M'enlve de hauteur le rang d'impratrice?</p> -<p>Lui pourrez-vous aider me perdre d'honneur?<span class="dalign">1245</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne pouvez-vous le mettre faire mon bonheur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ai quelque orgueil encor, Seigneur, je le confesse.</p> -<p>De tout ce qu'il attend rendez-moi la matresse,</p> -<p>Et laissez mon choix l'effet de votre espoir:</p> -<p>Que ce soit une grce, et non pas un devoir;<span class="dalign">1250</span></p> -<p>Et que....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Me faire grce aprs tant d'injustice!</p> -<p>De tant de vains dtours je vois trop l'artifice,</p> -<p>Et ne saurois douter du choix que vous ferez</p> -<p>Quand vous aurez par moi ce que vous esprez.</p> -<p>pousez, j'y consens, le rang de souveraine;<span class="dalign">1255</span></p> -<p>Faites l'impratrice, en donnant une reine;</p> -<p>Disposez de sa main, et pour premire loi,</p> -<p>Madame, ordonnez-lui d'abaisser l'œil sur moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cet objet de ma haine a pour vous quelque charme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Son nom seul prononc vous a mise en alarme:<span class="dalign">1260</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span></div> -<p>Me puis-je mieux venger, si vous me trahissez,</p> -<p>Que d'aimer vos yeux ce que vous hassez?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parlons cœur ouvert. Aimez-vous Brnice?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Autant qu'il faut l'aimer pour vous faire un supplice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce sera donc le vtre encor plus que le mien.<span class="dalign">1265</span></p> -<p>Aprs cela, Seigneur, je ne vous dis plus rien.</p> -<p>S'il n'a pas pour votre me une assez rude gne,</p> -<p>J'y puis joindre au besoin une implacable haine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et moi, dt jamais crotre ce grand courroux,</p> -<p>J'pouserai, Madame, ou Brnice, ou vous.<span class="dalign">1270</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ou Brnice, ou moi! La chose est donc gale,</p> -<p>Et vous ne m'aimez plus qu'autant que ma rivale?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La douleur de vous perdre, hlas!...</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i17"> C'en est assez:</p> -<p>Nous verrons cet amour dont vous nous menacez.</p> -<p>Cependant si la Reine, aussi fire que belle,<span class="dalign">1275</span></p> -<p>Sait comme il faut rpondre aux vœux d'un infidle,</p> -<p>Ne me rapportez point l'objet de son ddain</p> -<p>Qu'elle n'ait repass les rives du Jourdain.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">DOMITIAN, ALBIN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Admire ainsi que moi de quelle jalousie</p> -<p>Au seul nom de la Reine elle a paru saisie;<span class="dalign">1280</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span></div> -<p>Comme s'il importoit ses heureux appas</p> -<p>A qui je donne un cœur dont elle ne veut pas!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, telle est l'humeur de la plupart des femmes.</p> -<p>L'amour sous leur empire et-il rang mille mes,</p> -<p>Elles regardent tout comme leur propre bien,<span class="dalign">1285</span></p> -<p>Et ne peuvent souffrir qu'il leur chappe rien.</p> -<p>Un captif mal gard leur semble une infamie:</p> -<p>Qui l'ose recevoir devient leur ennemie;</p> -<p>Et sans leur faire un vol on ne peut disposer</p> -<p>D'un cœur qu'un autre choix les force refuser:<span class="dalign">1290</span></p> -<p>Elles veulent qu'ailleurs par leur ordre il soupire,</p> -<p>Et qu'un don de leur part marque un reste d'empire.</p> -<p>Domitie a pour vous ces communs sentiments</p> -<p>Que les fires beauts ont pour tous leurs amants,</p> -<p>Et craint, si votre main se donne Brnice,<span class="dalign">1295</span></p> -<p>Qu'elle ne porte en vain le nom d'impratrice,</p> -<p>Quand d'un ct l'hymen, et de l'autre l'amour,</p> -<p>Feront cette reine un empire en sa cour.</p> -<p>Voil sa jalousie, et ce qu'elle redoute,</p> -<p>Seigneur. Pour le snat, n'en soyez point en doute,<span class="dalign">1300</span></p> -<p>Il aime l'Empereur, et l'honore tel point,</p> -<p>Qu'il servira sa flamme, ou n'en parlera point;</p> -<p>Pour le stupide Claude il eut bien la bassesse</p> -<p>D'autoriser l'hymen de l'oncle avec la nice<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor"> [267]</a>:</p> -<p>Il ne fera pas moins pour un prince ador,<span class="dalign">1305</span></p> -<p>Et je l'y tiens dj, Seigneur, tout prpar.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tu parles du snat, et je veux parler d'elle,</p> -<p>De l'ingrate qu'un trne a rendue infidle.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span></div> -<p>N'est-il point de moyens<a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor"> [268]</a>, ne vois-tu point de jour,</p> -<p>A mettre enfin d'accord sa gloire et son amour?<span class="dalign">1310</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout dpendra de Tite et du secret office</p> -<p>Qu'il peut dans le snat rendre sa Brnice.</p> -<p>L'air dont il agira pour un espoir si doux</p> -<p>Tournera l'assemble ou pour ou contre vous;</p> -<p>Et si sa politique vos amis s'oppose,<span class="dalign">1315</span></p> -<p>Vous l'avez dit vous-mme, ils pourront peu de chose.</p> -<p>Sondez ses sentiments, et rglez-vous sur eux:</p> -<p>Votre bonheur est sr, s'il consent d'tre heureux.</p> -<p>Que si son choix balance, ou flatte mal le vtre,</p> -<p>Demandez Brnice afin d'obtenir l'autre.<span class="dalign">1320</span></p> -<p>Vous l'avez dj vu sensible de tels coups;</p> -<p>Et c'est un grand ressort qu'un peu d'amour jaloux.</p> -<p>Au moindre empressement pour cette belle reine,</p> -<p>Il vous fera justice et reprendra sa chane.</p> -<p>Songez pntrer ce qu'il a dans l'esprit.<span class="dalign">1325</span></p> -<p>Le voici.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Je suivrai ce que ton zle en dit.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">TITE, DOMITIAN, FLAVIAN, ALBIN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<span class="i7 small1">TITE.</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Avez-vous regagn le cœur de votre ingrate,</p> -<p>Mon frre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Sa fiert de plus en plus clate.</p> -<p>Voyez s'il fut jamais orgueil pareil au sien:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span></div> -<p>Il veut que je la serve et ne prtende rien,<span class="dalign">1330</span></p> -<p>Que j'appuie en l'aimant toute son injustice,</p> -<p>Que je fasse de Rome exiler Brnice.</p> -<p>Mais, Seigneur, mon tour puis-je vous demander</p> -<p>Ce qu' vos plus doux vœux il vous plat d'accorder?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'aurai peine bannir la Reine de ma vue.<span class="dalign">1335</span></p> -<p>Par quels ordres, grands Dieux, est-elle revenue?</p> -<p>Je souffrois, mais enfin je vivois sans la voir;</p> -<p>J'allois....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> N'avez-vous pas un absolu pouvoir,</p> -<p>Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Oui; mais j'en suis comptable tout le monde:</p> -<p>Comme dpositaire, il faut que j'en rponde.<span class="dalign">1340</span></p> -<p>Un monarque a souvent des lois s'imposer;</p> -<p>Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que refuserez-vous aux dsirs de votre me,</p> -<p>Si le snat approuve une si belle flamme?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'il parle du Vsuve, et ne se mle pas<span class="dalign">1345</span></p> -<p>De jeter dans mon me un nouvel embarras.</p> -<p>Est-ce lui d'abuser de mon inquitude</p> -<p>Jusqu' mettre une borne son incertitude?</p> -<p>Et s'il ose en mon choix prendre quelque intrt,</p> -<p>Me croit-il en tat d'en croire son arrt?<span class="dalign">1350</span></p> -<p>S'il exile la Reine, y pourrai-je souscrire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il parle en sa faveur, pourrez-vous l'en ddire?</p> -<p>Ah! que je vous plaindrois d'avoir si peu d'amour!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'en ai trop, et le mets peut-tre trop au jour.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous en aviez tant, vous auriez peu de peine<span class="dalign">1355</span></p> -<p>A rendre Domitie sa premire chane.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! s'il ne s'agissoit que de vous la cder,</p> -<p>Vous auriez peu de peine me persuader;</p> -<p>Et pour vous rendre heureux, me rendre Brnice</p> -<p>Ne seroit pas vous faire un fort grand sacrifice.<span class="dalign">1360</span></p> -<p>Il y va de bien plus.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> De quoi, Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> De tout.</p> -<p>Il y va d'pouser sa haine jusqu'au bout,</p> -<p>D'en suivre la furie, et d'tre le ministre</p> -<p>De ce qu'un noir dpit conoit de plus sinistre:</p> -<p>Et peut-tre l'aigreur de ces inimitis<span class="dalign">1365</span></p> -<p>Voudra que je vous perde ou que vous me perdiez:</p> -<p>Voil ce qui peut suivre un si doux hymne.</p> -<p>Vous voyez dans l'orgueil Domitie obstine;</p> -<p>Quand pour moi cet orgueil ose vous ddaigner,</p> -<p>Elle ne m'aime pas: elle cherche rgner,<span class="dalign">1370</span></p> -<p>Avec vous, avec moi, n'importe la manire.</p> -<p>Tout plairoit, ce prix, son humeur altire;</p> -<p>Tout seroit digne d'elle; et le nom d'empereur</p> -<p>A mon assassin mme attacheroit son cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pouvez-vous mieux choisir un frein sa colre,<span class="dalign">1375</span></p> -<p>Seigneur, que de la mettre entre les mains d'un frre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non: je ne puis la mettre en de plus sres mains<a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor"> [269]</a>;</p> -<p>Mais plus vous m'tes cher, Prince, et plus je vous crains:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span></div> -<p>De ceux qu'unit le sang plus douces sont les chanes,</p> -<p>Plus leur dsunion met d'aigreur dans leurs haines;<span class="dalign">1380</span></p> -<p>L'offense en est plus rude, et le courroux plus grand,</p> -<p>La suite plus barbare, et l'effet plus sanglant.</p> -<p>La nature en fureur s'abandonne tout faire,</p> -<p>Et cinquante ennemis sont moins has qu'un frre.</p> -<p class="i1"> Je ne rveille point des soupons assoupis,<span class="dalign">1385</span></p> -<p>Et veux bien oublier le temps de Civilis<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor"> [270]</a>:</p> -<p>Vous tiez encor jeune, et sans vous bien connotre,</p> -<p>Vous pensiez n'tre n que pour vivre sans matre;</p> -<p>Mais les occasions renaissent aisment:</p> -<p>Une femme est flatteuse, un empire est charmant,<span class="dalign">1390</span></p> -<p>Et comme avec plaisir on s'en laisse surprendre,</p> -<p>On nglige bientt les soins de s'en dfendre.</p> -<p>Croyez-moi, sparez vos intrts des siens.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! j'en briserai les dangereux liens.</p> -<p>Pour votre sret j'accepte ce supplice;<span class="dalign">1395</span></p> -<p>Mais pour m'en consoler, donnez-moi Brnice.</p> -<p>Dt le snat, dt Rome en frmir de courroux,</p> -<p>Vous n'osez l'pouser, j'oserai plus que vous;</p> -<p>Je l'aime, et l'aimerai si votre me y renonce.</p> -<p>Quoi? n'osez-vous, Seigneur, me faire de rponse?<span class="dalign">1400</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Se donne-t-elle vous, et ne tient-il qu' moi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle a droit d'imiter qui lui manque de foi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle n'en a que trop; et toutefois je doute</p> -<p>Que son amour trahi prenne la mme route.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais si pour se venger elle rpond au mien?<span class="dalign">1405</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>pousez-la, mon frre, et ne m'en dites rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et si je regagnois l'esprit de Domitie?</p> -<p>Si pour moi sa fiert se montroit adoucie?</p> -<p>Si mes vœux, si mes soins en toient mieux reus,</p> -<p>Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE</span>, en rentrant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Epousez-la sans m'en parler non plus.<span class="dalign">1410</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons, et malgr lui rendons-lui Brnice.</p> -<p>Albin, de nos projets son amour est complice;</p> -<p>Et puisqu'il l'aime assez pour en tre jaloux,</p> -<p>Malgr l'ambition Domitie est nous.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i5">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE V.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">TITE, FLAVIAN.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>As-tu vu Brnice? aime-t-elle mon frre?<span class="dalign">1415</span></p> -<p>Et se plat-elle voir qu'il tche de lui plaire?</p> -<p>Me la demande-t-il de son consentement?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne la souponnez point d'un si bas sentiment;</p> -<p>Elle n'en peut souffrir non pas mme la feinte.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>As-tu vu dans son cœur encor la mme atteinte?<span class="dalign">1420</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle veut vous parler, c'est tout ce que j'en sai.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Faut-il de son pouvoir faire un nouvel essai?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>M'en croirez-vous, Seigneur? vitez sa prsence<a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor"> [271]</a>,</p> -<p>Ou mettez-vous contre elle un peu mieux en dfense.</p> -<p>Quel fruit esprez-vous de tout son entretien?<span class="dalign">1425</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'en aimer davantage, et ne rsoudre rien.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'irrsolution doit-elle tre ternelle?</p> -<p>Vous ne me dites plus que Domitie est belle,</p> -<p>Seigneur, vous qui disiez que ses seules beauts</p> -<p>Vous peuvent consoler de ce que vous quittez;<span class="dalign">1430</span></p> -<p>Qu'elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre</p> -<p>Vos feux s'assoupir, s'ils ne peuvent s'teindre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je l'ai dit, il est vrai; mais j'avois d'autres yeux,</p> -<p>Et je ne voyois pas Brnice en ces lieux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand aux feux les plus beaux un monarque dfre,</p> -<p>Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire,</p> -<p>Et regarde l'amour comme un lche attentat</p> -<p>Ds qu'il veut prvaloir sur la raison d'tat.</p> -<p>Son grand cœur, au-dessus des plus dignes amorces,</p> -<p>A ses devoirs pressants laisse toutes leurs forces<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor"> [272]</a>;<span class="dalign">1440</span></p> -<p>Et son plus doux espoir n'ose lui demander</p> -<p>Ce que sa dignit ne lui peut accorder.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je sais qu'un empereur doit parler ce langage;</p> -<p>Et quand il l'a fallu, j'en ai dit davantage;</p> -<p>Mais de ces durets que j'tale regret,<span class="dalign">1445</span></p> -<p>Chaque mot mon cœur cote un soupir secret;</p> -<p>Et quand la raison j'accorde un tel empire,</p> -<p>Je le dis seulement parce qu'il le faut dire,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span></div> -<p>Et qu'tant au-dessus de tous les potentats,</p> -<p>Il me seroit honteux de ne le dire pas.<span class="dalign">1450</span></p> -<p>De quoi s'enorgueillit un souverain de Rome,</p> -<p>Si par respect pour elle il doit cesser d'tre homme,</p> -<p>teindre un feu qui plat, ou ne le ressentir</p> -<p>Que pour s'en faire honte et pour le dmentir?</p> -<p>Cette toute-puissance est bien imaginaire,<span class="dalign">1455</span></p> -<p>Qui s'asservit soi-mme la peur de dplaire,</p> -<p>Qui laisse au got public rgler tous ses projets,</p> -<p>Et prend le plus haut rang pour craindre ses sujets.</p> -<p>Je ne me donne point d'empire sur leurs mes,</p> -<p>Je laisse en libert leurs soupirs et leurs flammes;<span class="dalign">1460</span></p> -<p>Et quand d'un bel objet j'en vois quelqu'un charm,</p> -<p>J'applaudis au bonheur d'aimer et d'tre aim.</p> -<p>Quand je l'obtiens du ciel, me portent-ils envie?</p> -<p>Qu'ont d'amer pour eux tous les douceurs de ma vie?</p> -<p>Et par quel intrt....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Ils perdroient tout en vous.<span class="dalign">1465</span></p> -<p>Vous faites le bonheur et le salut de tous,</p> -<p>Seigneur; et l'univers, de qui vous tes l'me....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne perds plus de raisons combattre ma flamme:</p> -<p>Les yeux de Brnice inspirent des avis</p> -<p>Qui persuadent mieux que tout ce que tu dis.<span class="dalign">1470</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne vous exposez donc qu' ceux de Domitie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'ai plus, Flavian, que quatre jours de vie:</p> -<p>Pourquoi prends-tu plaisir les tyranniser?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais vous savez qu'il faut la perdre ou l'pouser?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En vain donc ses vœux tout mon amour s'oppose;<span class="dalign">1475</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span></div> -<p>Prir ou faire un crime est pour moi mme chose.</p> -<p>Laissons-lui toutefois soulever des mutins;</p> -<p>Hasardons sur la foi de nos heureux destins:</p> -<p>Ils m'ont promis la Reine, et doivent ses charmes</p> -<p>Tout ce qu'ils ont soumis l'effort de mes armes;<span class="dalign">1480</span></p> -<p>Par elle j'ai vaincu, pour elle il faut prir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Oui, Flavian, c'est faire<a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor"> [273]</a> mourir.</p> -<p>La vie est peu de chose; et tt ou tard, qu'importe</p> -<p>Qu'un tratre me l'arrache, ou que l'ge l'emporte?</p> -<p>Nous mourons<a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor"> [274]</a> toute heure; et dans le plus doux sort</p> -<p>Chaque instant de la vie est un pas vers la mort<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor"> [275]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Flattez mieux les desirs de votre ambitieuse,</p> -<p>Et ne la changez pas de fire en furieuse.</p> -<p>Elle vient vous parler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Dieux! quel comble d'ennuis!</p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> - -<p class="subt">TITE, DOMITIE, FLAVIAN, PLAUTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je viens savoir de vous, Seigneur, ce que je suis.<span class="dalign">1490</span></p> -<p>J'ai votre foi pour gage, et mes aeux pour marques</p> -<p>Du grand droit de prtendre au plus grand des monarques;</p> -<p>Mais Brnice est belle, et des yeux si puissants</p> -<p>Renversent aisment des droits si languissants.</p> -<p>Ce grand jour qui devoit unir mon sort au vtre,<span class="dalign">1495</span></p> -<p>Servira-t-il, Seigneur, au triomphe d'une autre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ai quatre jours encor pour en dlibrer,</p> -<p>Madame; jusque-l laissez-moi respirer.</p> -<p>C'est peu de quatre jours pour un tel sacrifice;</p> -<p>Et s'il faut vos droits immoler Brnice,<span class="dalign">1500</span></p> -<p>Je ne vous rponds pas que Rome et tous vos droits</p> -<p>Puissent en quatre jours m'en imposer les lois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'en faudroit pas tant, Seigneur, pour vous rsoudre</p> -<p>A lancer sur ma tte un dernier coup de foudre,</p> -<p>Si vous ne craigniez point qu'il rejaillt<a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor"> [276]</a> sur vous.<span class="dalign">1505</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Suspendez quelque temps encor ce grand courroux.</p> -<p>Puis-je touffer sitt une si belle flamme?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? vous ne pouvez pas ce que peut une femme?</p> -<p>Que vous me rendez mal ce que vous me devez!</p> -<p>J'ai bris de beaux fers, Seigneur, vous le savez;<span class="dalign">1510</span></p> -<p>Et mon me, sensible l'amour comme une autre,</p> -<p>En touffe un peut-tre aussi fort que le vtre.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre auriez-vous peine le bien touffer,</p> -<p>Si votre ambition n'en savoit triompher.</p> -<p>Moi qui n'ai que les Dieux au-dessus de ma tte,<span class="dalign">1515</span></p> -<p>Qui ne vois plus de rang digne de ma conqute,</p> -<p>Du trne o je me sieds puis-je aspirer rien</p> -<p>Qu' possder un cœur qui n'aspire qu'au mien?</p> -<p>C'est l de mes pareils la noble inquitude:</p> -<p>L'ambition remplie y jette leur tude;<span class="dalign">1520</span></p> -<p>Et sitt qu' prtendre elle n'a plus de jour,</p> -<p>Elle abandonne un cœur tout entier l'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle abandonne ainsi le vtre cette reine,</p> -<p>Qui cherche une grandeur encor plus souveraine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Madame: je veux que vous sortiez d'erreur<a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor"> [277]</a>,<span class="dalign">1525</span></p> -<p>Brnice aime Tite, et non pas l'Empereur;</p> -<p>Elle en veut mon cœur, et non pas l'empire<a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor"> [278]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'autres avoient dj pris soin de me le dire,</p> -<p>Seigneur; et votre reine a le got dlicat</p> -<p>De n'en vouloir qu'au cœur, et non pas l'clat.<span class="dalign">1530</span></p> -<p>Cet amour pur que Tite seul lui donne</p> -<p>Renonceroit au rang pour tre la personne!</p> -<p>Mais on a beau, Seigneur, raffiner sur ce point,</p> -<p>La personne et le rang ne se sparent point.</p> -<p>Sous les tendres brillants de cette noble amorce<span class="dalign">1535</span></p> -<p>L'ambition cache attaque, presse, force;</p> -<p>Par l de ses projets elle vient mieux bout;</p> -<p>Elle ne prtend rien, et s'empare de tout.</p> -<p>L'art est grand; mais enfin je ne sais s'il mrite</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span></div> -<p>La bouche d'une reine et l'oreille de Tite.<span class="dalign">1540</span></p> -<p>Pour moi, j'aime autrement; et tout me charme en vous;</p> -<p>Tout m'en est prcieux, Seigneur, tout m'en est doux;</p> -<p>Je ne sais point si j'aime ou l'Empereur ou Tite,</p> -<p>Si je m'attache au rang ou n'en veux qu'au mrite,</p> -<p>Mais je sais qu'en l'tat o je suis aujourd'hui<span class="dalign">1545</span></p> -<p>J'applaudis mon cœur de n'aspirer qu' lui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais me le donnez-vous tout ce cœur qui n'aspire,</p> -<p>En se tournant vers moi, qu'aux honneurs de l'empire?</p> -<p>Suit-il l'ambition en dpit de l'amour,</p> -<p>Madame? la suit-il sans espoir de retour?<span class="dalign">1550</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si c'est mon gard ce qui vous inquite,</p> -<p>Le cœur se rend bientt quand l'me est satisfaite:</p> -<p>Nous le dfendons mal de qui remplit nos vœux.</p> -<p>Un moment dans le trne teint tous autres feux;</p> -<p>Et donner tout ce cœur, souvent ce n'est que faire<span class="dalign">1555</span></p> -<p>D'un trsor invisible un don imaginaire.</p> -<p>A l'amour vraiment noble il suffit du dehors;</p> -<p>Il veut bien du dedans ignorer les ressorts:</p> -<p>Il n'a d'yeux que pour voir ce qui s'offre la vue,</p> -<p>Tout le reste est pour eux une terre inconnue;<span class="dalign">1560</span></p> -<p>Et sans importuner le cœur d'un souverain,</p> -<p>Il a tout ce qu'il veut quand il en a la main.</p> -<p>Ne m'tez pas la vtre, et disposez du reste.</p> -<p>Le cœur a quelque chose en soi de tout cleste;</p> -<p>Il n'appartient qu'aux Dieux; et comme c'est leur choix,</p> -<p>Je ne veux point, Seigneur, attenter sur leurs droits.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et moi, qui suis des Dieux la plus visible image,</p> -<p>Je veux ce cœur comme eux, et j'en veux tout l'hommage.</p> -<p>Mais vous n'en avez plus, Madame, me donner;</p> -<p>Vous ne voulez ma main que pour vous couronner.<span class="dalign">1570</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span></div> -<p>D'autres pourront un jour vous rendre ce service.</p> -<p>Cependant, pour rgler le sort de Brnice,</p> -<p>Vous pouvez faire agir vos amis au snat;</p> -<p>Ils peuvent m'y nommer lche, parjure, ingrat:</p> -<p>J'attendrai son arrt, et le suivrai peut-tre.<span class="dalign">1575</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Suivez-le, mais tremblez s'il flatte trop son matre.</p> -<p>Ce grand corps tous les ans change d'me et de cœurs;</p> -<p>C'est le mme snat, et d'autres snateurs.</p> -<p>S'il alla pour Nron jusqu' l'idoltrie,</p> -<p>Il le traita depuis de tratre sa patrie,<span class="dalign">1580</span></p> -<p>Et rduisit ce prince indigne de son rang</p> -<p>A la ncessit de se percer le flanc<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor"> [279]</a>.</p> -<p>Vous tes son amour, craignez d'tre sa haine</p> -<p>Aprs l'indignit d'pouser une reine.</p> -<p>Vous avez quatre jours pour en dlibrer.<span class="dalign">1585</span></p> -<p>J'attends le coup fatal, que je ne puis parer.</p> -<p>Adieu. Si vous l'osez, contentez votre envie;</p> -<p>Mais en m'tant l'honneur n'pargnez pas ma vie.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">TITE, FLAVIAN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'imptueux esprit! Conois-tu, Flavian,</p> -<p>O pourroient ses fureurs porter Domitian,<span class="dalign">1590</span></p> -<p>Et de quelle importance est pour moi l'hymne</p> -<p>O par tous mes desirs je la sens condamne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous l'ai dj dit, Seigneur: pensez-y bien,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span></div> -<p>Et surtout de la Reine vitez l'entretien.</p> -<p>Redoutez.... Mais elle entre, et sa moindre tendresse</p> -<p>De toutes nos raisons va montrer la foiblesse.</p> -</div></div> - - -<h3>SCNE IV.</h3> -<p class="subt">TITE, BRNICE, PHILON, FLAVIAN.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! Madame, eh bien! faut-il tout hasarder?</p> -<p>Et venez-vous ici pour me le commander?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De ce qui m'est permis je sais mieux la mesure,</p> -<p>Seigneur; et j'ai pour vous une flamme trop pure<span class="dalign">1600</span></p> -<p>Pour vouloir, en faveur d'un zle ambitieux,</p> -<p>Mettre au moindre pril des jours si prcieux.</p> -<p>Quelque pouvoir sur moi que notre amour obtienne,</p> -<p>J'ai soin de votre gloire; ayez-en de la mienne.</p> -<p>Je ne demande plus que pour de si beaux feux<span class="dalign">1605</span></p> -<p>Votre absolu pouvoir hasarde un: Je le veux.</p> -<p>Cet amour le voudroit; mais comme je suis reine,</p> -<p>Je sais des souverains la raison souveraine.</p> -<p>Si l'ardeur de vous voir l'a voulue<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor"> [280]</a> ignorer,</p> -<p>Si mon indigne exil s'est permis d'esprer,<span class="dalign">1610</span></p> -<p>Si j'ai rentr dans Rome avec quelque imprudence,</p> -<p>Tite ce trop d'ardeur doit un peu d'indulgence.</p> -<p>Souffrez qu'un peu d'clat, pour prix de tant d'amour,</p> -<p>Signale ma venue, et marque mon retour.</p> -<p>Voudrez-vous que je parte avec l'ignominie<span class="dalign">1615</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span></div> -<p>De ne vous avoir vu que pour me voir bannie?</p> -<p>Laissez-moi la douceur de languir en ces lieux<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor"> [281]</a>,</p> -<p>D'y soupirer pour vous, d'y mourir vos yeux:</p> -<p>C'en sera bientt fait, ma douleur est trop vive</p> -<p>Pour y tenir longtemps votre attente captive;<span class="dalign">1620</span></p> -<p>Et si je tarde trop mourir de douleur,</p> -<p>J'irai loin de vos yeux terminer mon malheur.</p> -<p>Mais laissez-m'en choisir la funeste journe;</p> -<p>Et du moins jusque-l, Seigneur, point d'hymne.</p> -<p>Pour votre ambitieuse avez-vous tant d'amour<span class="dalign">1625</span></p> -<p>Que vous ne le puissiez diffrer d'un seul jour?</p> -<p>Pouvez-vous refuser ma douleur profonde....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! que voulez-vous que la mienne rponde?</p> -<p>Et que puis-je rsoudre alors que vous parlez,</p> -<p>Moi qui ne puis vouloir que ce que vous voulez?<span class="dalign">1630</span></p> -<p>Vous parlez de languir, de mourir ma vue;</p> -<p>Mais, Dieux! songez-vous que chaque mot me tue,</p> -<p>Et porte dans mon cœur de si sensibles coups,</p> -<p>Qu'il ne m'en faut plus qu'un pour mourir avant vous?</p> -<p>De ceux qui m'ont perc souffrez que je soupire.<span class="dalign">1635</span></p> -<p>Pourquoi partir, Madame, et pourquoi me le dire?</p> -<p>Ah! si vous vous forcez d'abandonner ces lieux,</p> -<p>Ne m'assassinez point de vos cruels adieux.</p> -<p>Je vous suivrois, Madame; et flatt de l'ide</p> -<p>D'oser mourir Rome, et revivre en Jude,<span class="dalign">1640</span></p> -<p>Pour aller de mes feux vous demander le fruit,</p> -<p>Je quitterois l'empire et tout ce qui leur nuit.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Daigne me prserver le ciel....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> De quoi, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De voir tant de foiblesse en une si grande me!</p> -<p>Si j'avois droit par l de vous moins estimer,<span class="dalign">1645</span></p> -<p>Je cesserois peut-tre aussi de vous aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ordonnez donc enfin ce qu'il faut que je fasse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il faut partir demain, je ne veux qu'une grce:</p> -<p>Que ce soit vous, Seigneur, qui le veuilliez pour moi,</p> -<p>Et non votre snat qui m'en fasse la loi.<span class="dalign">1650</span></p> -<p>Faites-lui souvenir, quoi qu'il craigne ou projette,</p> -<p>Que je suis son amie, et non pas sa sujette;</p> -<p>Que d'un tel attentat notre rang est jaloux,</p> -<p>Et que tout mon amour ne m'asservit qu' vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais peut-tre, Madame....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Il n'est point de peut-tre,</p> -<p>Seigneur: s'il en dcide, il se fait voir mon matre;</p> -<p>Et dt-il vous porter tout ce que je veux,</p> -<p>Je ne l'ai point choisi pour juge de mes vœux.</p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> - -<p class="subt">TITE, BRNICE, DOMITIAN, ALBIN,<br /> -FLAVIAN, PHILON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>(Domitian entre<a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor"> [282]</a>.)</p> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez dire au snat, Flavian, qu'il se lve:</p> -<p>Quoi qu'il ait commenc, je dfends qu'il achve.<span class="dalign">1660</span></p> -<p>Soit qu'il parle prsent du Vsuve<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor"> [283]</a> ou de moi,</p> -<p>Qu'il cesse, et que chacun se retire chez soi.</p> -<p>Ainsi le veut la Reine; et comme amant fidle,</p> -<p>Je veux qu'il obisse aux lois que je prends d'elle,</p> -<p>Qu'il laisse notre amour rgler notre intrt. <span class="dalign">1665</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'est plus temps, Seigneur; j'en apporte l'arrt.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'ose-t-il m'ordonner?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Seigneur, il vous conjure</p> -<p>De remplir tout l'espoir d'une flamme si pure.</p> -<p>Des services rendus vous, tout l'tat,</p> -<p>C'est le prix qu'a jug lui devoir le snat; <span class="dalign">1670</span></p> -<p>Et pour ne vous prier que pour une Romaine,</p> -<p>D'une commune voix Rome adopte la Reine;</p> -<p>Et le peuple grands cris montre sa passion</p> -<p>De voir un plein effet de cette adoption.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Permettez, Seigneur, que je prvienne</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span></div> -<p>Ce que peut votre flamme accorder la mienne.</p> -<p class="i1"> Grces au juste ciel, ma gloire en sret</p> -<p>N'a plus redouter aucune indignit.</p> -<p>J'prouve du snat l'amour et la justice,</p> -<p>Et n'ai qu' le vouloir pour tre impratrice. <span class="dalign">1680</span></p> -<p class="i1"> Je n'abuserai point d'un surprenant respect</p> -<p>Qui semble un peu bien prompt pour n'tre point suspect:</p> -<p>Souvent on se ddit de tant de complaisance.</p> -<p>Non que vous ne puissiez en fixer l'inconstance:</p> -<p>Si nous avons trop vu ses flux et ses reflux <span class="dalign">1685</span></p> -<p>Pour Galba, pour Othon, et pour Vitellius,</p> -<p>Rome, dont aujourd'hui vous tes les dlices<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor"> [284]</a>,</p> -<p>N'aura jamais pour vous ces insolents caprices;</p> -<p>Mais aussi cet amour qu'a pour vous l'univers</p> -<p>Ne vous peut garantir des ennemis couverts. <span class="dalign">1690</span></p> -<p>Un million de bras a beau garder un matre,</p> -<p>Un million de bras ne pare point d'un tratre:</p> -<p>Il n'en faut qu'un pour perdre un prince aim de tous,</p> -<p>Il n'y faut qu'un brutal qui me hasse en vous;</p> -<p>Aux zles indiscrets tout parot lgitime, <span class="dalign">1695</span></p> -<p>Et la fausse vertu se fait honneur du crime.</p> -<p>Rome a sauv ma gloire en me donnant sa voix:</p> -<p>Sauvons-lui, vous et moi, la gloire de ses lois;</p> -<p>Rendons-lui, vous et moi, cette reconnoissance</p> -<p>D'en avoir pour vous plaire affoibli la puissance,<span class="dalign">1700</span></p> -<p>De l'avoir immole vos plus doux souhaits.</p> -<p>On nous aime: faisons qu'on nous aime jamais.</p> -<p>D'autres sur votre exemple pouseroient des reines</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span></div> -<p>Qui n'auroient pas, Seigneur, des mes si romaines,</p> -<p>Et lui feroient peut-tre avec trop de raison <span class="dalign">1705</span></p> -<p>Har votre mmoire et dtester mon nom.</p> -<p>Un refus gnreux de tant de dfrence</p> -<p>Contre tous ces prils nous met en assurance.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le ciel de ces prils saura trop nous garder.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je les vois de trop prs pour vous y hasarder. <span class="dalign">1710</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand Rome vous appelle la grandeur suprme....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Jamais un tendre amour n'expose ce qu'il aime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais, Madame, tout cde, et nos vœux exaucs....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre cœur est moi, j'y rgne; c'est assez<a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor"> [285]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Malgr les vœux publics refuser d'tre heureuse,<span class="dalign">1715</span></p> -<p>C'est plus craindre qu'aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> La crainte est amoureuse.</p> -<p>Ne me renvoyez pas, mais laissez-moi partir.</p> -<p>Ma gloire ne peut crotre, et peut se dmentir.</p> -<p>Elle passe aujourd'hui celle du plus grand homme,</p> -<p>Puisqu'enfin je triomphe et dans Rome et de Rome:</p> -<p>J'y vois mes genoux le peuple et le snat;</p> -<p>Plus j'y craignois de honte, et plus j'y prends d'clat;</p> -<p>J'y tremblois sous sa haine, et la laisse impuissante;</p> -<p>J'y rentrois exile, et j'en sors triomphante.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour peut-il se faire une si dure loi? <span class="dalign">1725</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La raison me la fait malgr vous, malgr moi<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor"> [286]</a>.</p> -<p>Si je vous en croyois, si je voulois m'en croire,</p> -<p>Nous pourrions vivre heureux, mais avec moins de gloire.</p> -<p class="i1"> pousez Domitie: il ne m'importe plus</p> -<p>Qui vous enrichissiez d'un si noble refus<a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor"> [287]</a>.<span class="dalign">1730</span></p> -<p>C'est force d'amour que je m'arrache au vtre;</p> -<p>Et je serois vous, si j'aimois comme une autre<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor"> [288]</a>.</p> -<p>Adieu, Seigneur: je pars.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Ah! Madame, arrtez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce l donc pour moi l'effet de vos bonts,</p> -<p>Madame? Est-ce le prix de vous avoir servie? <span class="dalign">1735</span></p> -<p>J'assure votre gloire, et vous m'tez la vie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne vous alarmez point: quoi que la Reine ait dit,</p> -<p>Domitie est vous, si j'ai quelque crdit.</p> -<p class="i1"> Madame, en ce refus un tel amour clate,</p> -<p>Que j'aurois pour vous l'me au dernier point ingrate,</p> -<p>Et mriterois mal ce qu'on a fait pour moi,</p> -<p>Si je portois ailleurs la main que je vous doi.</p> -<p>Tout est vous: l'amour, l'honneur, Rome l'ordonne.</p> -<p>Un si noble refus n'enrichira personne,</p> -<p>J'en jure par l'espoir qui nous fut le plus doux:<span class="dalign">1745</span></p> -<p>Tout est vous, Madame, et ne sera qu' vous;</p> -<p>Et ce que mon amour doit l'excs du vtre</p> -<p>Ne deviendra jamais le partage d'une autre<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor"> [289]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le mien vous auroit fait dj ces beaux serments,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span></div> -<p>S'il n'et craint d'inspirer de pareils sentiments:<span class="dalign">1750</span></p> -<p>Vous vous devez des fils, et des Csars Rome,</p> -<p>Qui fassent jamais revivre un si grand homme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour revivre en des fils nous n'en mourons pas moins,</p> -<p>Et vous mettez ma gloire au-dessus de ces soins.</p> -<p>Du levant au couchant, du More<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor"> [290]</a> jusqu'au Scythe,<span class="dalign">1755</span></p> -<p>Les peuples vanteront et Brnice et Tite;</p> -<p>Et l'histoire l'envi forcera l'avenir</p> -<p>D'en garder jamais l'illustre souvenir<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor"> [291]</a>.</p> -<p class="i1"> Prince, aprs mon trpas soyez sr de l'empire;</p> -<p>Prenez-y part en frre, attendant que j'expire.<span class="dalign">1760</span></p> -<p>Allons voir Domitie, et la flchir pour vous.</p> -<p>Le premier rang dans Rome est pour elle assez doux;</p> -<p>Et je vais lui jurer qu' moins que je prisse,</p> -<p>Elle seule y tiendra celui d'impratrice.</p> -<p>Est-ce l vous l'ter?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Ah! c'en est trop, Seigneur. <span class="dalign">1765</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE</span>, Brnice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Daignez contribuer faire son bonheur,</p> -<p>Madame, et nous aider mettre de cette me</p> -<p>Toute l'ambition d'accord avec sa flamme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons, Seigneur: ma gloire en crotra de moiti,</p> -<p>Si je puis remporter chez moi son amiti. <span class="dalign">1770</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi pour mon hymen la fte prpare</p> -<p>Vous rendra cette foi qu'on vous avoit jure,</p> -<p>Prince; et ce jour, pour vous<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor"> [292]</a> si noir, si rigoureux,</p> -<p>N'aura d'clat ici que pour vous rendre heureux.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i4">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE.</span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span></p> -<p class="extra">PSYCH<br /> -<span class="medium">TRAGDIE-BALLET</span><br /> -<span class="small">1671</span></p> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_278"> 278</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span></p> - -<h3>NOTICE.</h3> - -<p>Le sujet de <i>Psych</i> tait certes un des plus beaux que la fable -pt offrir l'admiration d'une cour galante, curieuse des merveilles -des dcorations et des machines, mais aimant avant -toutes choses l'expression lgante et fine des nuances les plus -dlicates de la passion.</p> - -<p>Il dut, pour plus d'un motif, se prsenter la pense de -Molire, charg par le Roi de faire jouer pour le carnaval -de 1671 une pice grand spectacle. D'abord, en 1656, Benserade -avait fait un ballet de <i>Psych</i>, qui avait t dans par -Louis XIV. Ensuite, si l'on en croit M. de Soleirol<a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor"> [293]</a>, il semble -rsulter de l'examen d'une suite de quarante et un dessins de -costumes, que la troupe de notre grand comique avait dj -jou Rouen, en 1658, une <i>Psych</i>: toutefois on manque -absolument de renseignements cet gard, et la <i>Psych</i> de -Rouen pourrait bien n'tre qu'un simple divertissement, imit -du ballet de Benserade. Enfin en 1669, deux ans avant la reprsentation -de la pice qui nous occupe, la Fontaine s'tait -plu imiter le rcit d'Apule et l'accommoder, avec un art -infini, au got et aux sentiments modernes. Suivant une opinion -qui ne manque pas de vraisemblance, Molire est, sous le -nom de Glaste, l'un des quatre amis, de caractre si diffrent, -que nous prsente la Fontaine au commencement de son ouvrage. -Il tait donc naturel qu'il ft proccup de ce sujet, et -peut-tre s'arrta-t-il plus volontiers encore l'ide de le -mettre la scne, s'il est vrai qu'on lui avait recommand -d'utiliser une dcoration des enfers. Cette dcoration, conserve -<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span> -avec grand soin au Garde-Meuble<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor"> [294]</a>, trouvait naturellement -sa place dans <i>Psych</i>; mais il faudrait se garder d'accorder -trop de confiance cette petite tradition. Quoi qu'il en -soit, il ne suffisait point d'avoir trouv cet heureux canevas, -il fallait le remplir, et, malgr sa diligence habituelle, Molire -craignait de ne pas tre en mesure de faire reprsenter cet -ouvrage au carnaval; il implora donc le secours de Corneille, -qui lui prta son aide pendant une quinzaine de jours<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor"> [295]</a>, et se -mit crire de verve la plus grande partie de la pice: ce -fut lui qui fournit, entre autres scnes, la charmante dclaration -de Psych<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor"> [296]</a>, si dlicate, si passionne, et par laquelle les -<i>doucereux</i>, comme les appelait notre illustre pote tragique, -durent assurment se laisser gagner.</p> - -<p>Cette pice fut reprsente dans une salle nouvelle que -Louis XIV avait fait construire tout exprs pour les divertissements -de ce genre. Dans son <i>Ide des spectacles anciens et nouveaux</i><a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor"> [297]</a>, -l'abb de Pure dcrit ainsi le grand et superbe salon -que le Roi conut et fit faire fixe et permanent pour les divers -spectacles, et pour les dlassements de son esprit et le divertissement -de ses peuples:</p> - -<p>Ce grand prince, qui se connot parfaitement tout, et -qui a de grandes penses jusque dans les plus petites choses, -en donna l'ordre et le soin au sieur Gaspard Vigarani. Le -lieu fut malais choisir; et feu Monsieur le Cardinal, en partant -de Paris pour aller travailler la paix sur la frontire, -avoit prtendu faire un thtre de bois dans la place qui -est derrire son palais. L'espace toit la vrit assez grand, -mais le sieur Vigarani ne le trouva ni assez propre, ni assez -commode, soit pour la dure, soit pour la majest, soit pour -le mouvement des grandes machines qu'il avoit projetes. -Comme il toit aussi judicieux qu'inventif, il proposa de btir -une salle grande et spacieuse dans les alignements du dessein -du Louvre, dont les dehors symtriques avec le reste de la -faade l'affranchiroient de toute ruine et de tous changements. -Le Roi agra fort cette proposition, et les ordres furent donns -<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span> - M. Ratabon<a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor"> [298]</a> de hter l'ouvrage, et au sieur Vigarani de prparer -ses machines. En voici les dimensions et le devis, tant -du dedans que du dehors, qui m'a t donn par le sieur -Charles Vigarani, fils de Gaspard.... Le corps de la salle est partag -en deux parties ingales. La premire comprend le thtre -et ses accompagnements; la seconde contient le parterre, les -corridors et loges qui font face au thtre, et qui occupent le -reste du salon de trois cts, l'un qui regarde la cour, l'autre -le jardin, et le troisime le corps du palais des Tuileries. La -premire partie, ou le thtre, qui s'ouvre par une faade -galement riche et artiste, depuis son ouverture jusqu' la -muraille qui est du ct du pavillon, vers les vieilles curies, a -de profondeur vingt-deux toises. Son ouverture est de trente-deux -pieds sur la largeur ou entre les corridors et chssis -qui rgnent des deux cts. La hauteur ou celle des chssis -est de vingt-quatre pieds jusques aux nuages. Par-dessus les -nuages jusqu'au tirant du comble, pour la retraite ou pour -le mouvement des machines, il y a trente-sept pieds. Sous le -plancher ou parquet du thtre, pour les enfers ou pour les -changements des mers, il y a quinze pieds de profond.... La -seconde partie, ou celle du parterre, qui est du ct de l'appartement -des Tuileries, a de largeur entre les deux murs -soixante-trois pieds, entre les corridors quarante-neuf. Sa profondeur, -depuis le thtre jusqu'au susdit appartement, est de -quatre-vingt-treize pieds; chaque corridor est de six pieds; et -la hauteur du parterre jusqu'au plafond est de quarante-neuf -pieds. Ce plafond a deux beauts aussi riches que surprenantes, -par sa dorure et par sa duret. Celle-ci est toutefois la plus -considrable, quoique la matire en soit commune et de peu -de prix, car ce n'est que du carton, mais compos et ptri -d'une manire si particulire, qu'il est rendu aussi dur que la -pierre et que les plus solides matires. Le reste de la hauteur -jusqu'au comble, o sont les rouages et les mouvements, est -de soixante-deux pieds. Il y a encore une manire aussi -nouvelle que hardie d'enter une poutre l'une dans l'autre et -de confier aux deux, sur quelque longueur que ce soit, toute -sorte de pesanteur et de machine. Il en a rendu raison divers -<span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span> -physiciens, et a sauv par cette invention et les dpenses d'avoir -des poutres assez grandes ou assez fortes pour de tels btiments, -et le pril de les voir s'affaisser et mme rompre aprs -fort peu de dure.</p> - -<p>En tte du programme in-4<sup>o</sup> de la pice, intitul: <span class="small1">Psich</span>, -tragi-comdie et ballet dans devant Sa Majest au mois de Ianvier -1671, et publi Paris par Robert Ballard dans le courant -de la mme anne, se trouve une autre <i>description de la -sale</i>, beaucoup moins technique, et que nous croyons devoir -reproduire parce qu'elle claircit et complte la prcdente; -elle est d'ailleurs beaucoup plus courte:</p> - -<p>Le lieu destin pour la reprsentation, et pour les spectateurs -de cet assemblage de tant de magnifiques divertissements, -est une salle faite exprs pour les plus grandes ftes, et qui seule -peut passer pour un trs-superbe spectacle. Sa longueur est de -quarante toises; elle est partage en deux parties: l'une est -pour le thtre, et l'autre pour l'assemble. Cette dernire -partie est celle que l'on voit la premire; elle a des beauts qui -amusent agrablement les regards jusques au moment o la -scne doit s'ouvrir. La face du thtre, ainsi que les deux retours, -est un grand ordre corinthien, qui comprend toute la -hauteur de l'difice. On entre dans le parterre par deux portes -diffrentes, droit et gauche; ces entres ont des deux -cts des colonnes sur des pidestaux, et des pilastres carrs -levs la hauteur du thtre. On monte ensuite sur un haut -dais rserv pour les places des personnes royales et de ce -qu'il y a de plus considrable la cour. Cet espace est bord -d'une balustrade par devant, et de degrs en amphithtre -tout l'entour; des colonnes, poses sur le haut de ces degrs, -soutiennent des galeries, sous lesquelles, entre les colonnes, on -a plac des balcons, qui sont orns, ainsi que le plafond, et -tout ce qui parot dans la salle, de ce que l'architecture, la -sculpture, la peinture et la dorure ont de plus beau, de plus -riche, et de plus clatant.</p> - -<p>Ajoutons que l'clairage tait des plus brillants: Trente -lustres qui clairent la salle de l'assemble, lit-on en tte du -<i>prologue</i> dans le mme programme, se haussent pour laisser la -vue du spectacle libre dans le moment que la toile qui ferme le -thtre se lve.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span> -Cette belle salle ne servit que pour cet ouvrage: aprs les -reprsentations de <i>Psych</i>, elle fut abandonne, jusqu'en -1716 qu'on la raccommoda pour les ballets qui y furent excuts<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor"> [299]</a>.</p> - -<p>La premire reprsentation de <i>Psych</i> eut lieu, suivant -toute apparence, le 16 janvier. Il est vrai que la <i>Gazette</i> donne -la date du 17; mais, comme en terminant son article le journaliste -annonce que ce divertissement fut continu le 17, on -doit penser qu'il y a une faute d'impression dans la premire -phrase. Voici, du reste, le texte exact de ce compte rendu, -dans lequel nous supprimons seulement une analyse trs-peu -intressante de l'ouvrage:</p> -<p> -Le 17 de ce mois, Leurs Majests, avec lesquelles toient -Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orlans, -et tous les seigneurs et dames de la cour, prirent pour la premire -fois, dans la salle des machines, au palais des Tuileries, -le divertissement d'un grand ballet dans dans les entr'actes -de la comdie de <i>Psych</i>.... Ce pompeux divertissement.... fut -continu le 17, en prsence du nonce du pape, de l'ambassadeur -de Venise, et de quelques autres ministres, qui en admirrent -la magnificence et la galanterie, avouant, avec grand -nombre d'autres trangers, qu'il n'y a que la cour de France -et son incomparable monarque qui puissent produire de si -charmants et si clatants spectacles<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor"> [300]</a>.</p> - -<p>La <i>Gazette</i> du 31 janvier nous apprend que la cour, qui -s'tait tablie pendant quelques jours Vincennes<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor"> [301]</a>, s'empressa, -aussitt revenue, d'aller admirer de nouveau le spectacle qui -l'avait charme:</p> - -<p>Le 24, Leurs Majests retournrent en cette ville, o elles -ont continu plusieurs soirs le divertissement du grand ballet -dans au palais des Tuileries dans la salle des machines, auquel -il ne se peut rien ajouter pour la magnificence des dcorations, -le nombre des changements, la beaut du sujet, -l'excellence des concerts, et pour toutes les autres choses -<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span> -qui rendent ce spectacle digne de la plus belle cour du -monde<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor"> [302]</a>.</p> - -<p>Le programme de <i>Psych</i>, dont nous avons extrait la <i>description -de la sale</i> des Tuileries, renferme une explication dtaille -des dcorations et des machines, une analyse sommaire -de la pice, et des listes contenant non-seulement les noms des -acteurs de la troupe de Molire qui reprsentrent les divers -personnages, mais encore ceux des chanteurs et des danseurs qui -figuraient dans chaque intermde. Ces dtails, qui ne se rattachent -en rien la part que Corneille prit l'ouvrage, auraient ici -peu d'intrt; ils trouveront plus naturellement leur place dans -la nouvelle dition des <i>Œuvres</i> de Molire que prpare M. Souli. -Nous nous sommes contents de joindre en tte de la pice, -au nom de chaque personnage, celui de l'acteur. <i>Psych</i>, qui -avait inaugur la salle des Tuileries, ne fut joue dans celle de -Molire que lorsqu'elle eut t rpare et agrandie, et d'importantes -amliorations datent de l'poque o elle y fut reprsente.</p> - -<p>Il a t rsolu, dit Lagrange dans son <i>Registre</i>,... d'avoir -dornavant, toutes sortes de reprsentations, tant simples -que de machines, un concert de douze violons, ce qui n'a t -excut qu'aprs la reprsentation de <i>Psych</i>. Sur ladite dlibration -de la troupe, on a commenc travailler auxdits ouvrages -de rparation et de dcoration de la salle le 18<sup>e</sup> mars, -qui toit un mercredi, et on a fini un mercredi 15<sup>e</sup> avril de la -prsente anne. Ledit jour, mercredi 15<sup>e</sup> avril, aprs une dlibration -de la compagnie de reprsenter <i>Psych</i>, qui avoit t -faite pour le Roi l'hiver dernier et reprsente sur le grand -thtre du palais des Tuileries, on commena faire travailler -tant aux machines, dcorations, musique, ballets, et gnralement -tous les ornements ncessaires pour ce grand spectacle. -Jusques ici les musiciens et musiciennes n'avoient point voulu -parotre en public; ils chantoient la comdie dans des loges -grilles et treillisses; mais on surmonta cet obstacle, et avec -quelque lgre dpense, on trouva des personnes qui chantrent -sur le thtre visage dcouvert, habilles comme les -comdiens.... Tous lesdits frais et dpenses pour la prparation -<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span> -de <i>Psych</i> se sont monts la somme de quatre mille trois cent -cinquante-neuf livres quinze sols. Dans le cours de la pice, -M. de Beauchamps a reu de rcompense, pour avoir fait les -ballets et conduit la musique, onze cents livres, non compris -les onze livres par jour que la troupe lui a donnes tant pour -battre la mesure la musique que pour entretenir les ballets.</p> - -<p>Aprs tous ces prparatifs et de nombreuses rptitions, -<i>Psych</i> fut enfin reprsente le 24 juillet<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor"> [303]</a>, et procura trente-huit -belles recettes la troupe de Molire.</p> - -<p>Nous n'avons pas les noms des acteurs qui jourent alors, -mais il est certain que la distribution des rles diffra trs-peu, -du moins quant aux principaux personnages, de celle qui avait -eu lieu pour la reprsentation des Tuileries. La femme de Molire, -Armande Bjart, jouait Psych, Baron l'Amour, et l'on -prtend que leur intimit date de cette poque<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor"> [304]</a>.</p> - -<p>Un an s'tait peine coul depuis ces reprsentations -de <i>Psych</i> au palais Royal, qu'on songeait dj reprendre -cette pice. Nous lisons dans les nouvelles du 30<sup>e</sup> de juillet -jusques au 6<sup>e</sup> d'aot du <i>Mercure galant</i><a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor"> [305]</a>: On verra au -commencement de l'hiver le grand spectacle de <i>Psych</i> triompher -encore sur le thtre du Palais-Royal. En effet, le registre -de Lagrange en mentionne la reprise au 11 novembre 1672, -et compte trente-deux reprsentations, dont la dernire eut -lieu le dimanche 22 janvier 1673. Sous la date du 27 dcembre -1672, on lit: Monsieur et Madame sont venus aujourd'hui - <i>Psych</i> et ont eu deux bancs de l'amphithtre, et -pour cette fois et deux autres ils ont donn quatre cent quarante -livres.</p> - -<p>La tragi-comdie de <i>Psych</i>, disent les frres Parfait<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor"> [306]</a>, a -t reprise plusieurs fois, mais la plus brillante de ces reprises -est celle du 1<sup>er</sup> juin 1703. Parvenus cette anne, ils nous -<span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span> -rendent ainsi compte de cette reprise<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor"> [307]</a>: Le 1<sup>er</sup> juin<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor"> [308]</a>, les -comdiens remirent au thtre la tragdie-ballet de <i>Psych</i>, -de M. Molire, qui eut vingt-neuf reprsentations, la dernire -le 1<sup>er</sup> aot suivant. Ce qui contribua beaucoup au succs -de cette remise, c'est qu'indpendamment des dpenses que la -compagnie avoit faites pour donner cette tragdie avec clat, -en y joignant de brillantes dcorations, des machines dont -l'excution toit parfaite, et des ballets de got et bien rendus, -l'actrice qui reprsentoit le personnage de Psych<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor"> [309]</a> et -l'acteur qui jouoit celui de l'Amour<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor"> [310]</a>, quoique excellents tous -deux, se surpassrent encore dans ces deux rles; on dit qu'ils -ressentoient l'un pour l'autre la plus vive tendresse, et que -leurs talents suprieurs ne furent employs que pour marquer -avec plus de prcision les sentiments de leurs cœurs<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor"> [311]</a>.</p> - -<p>Il est certes fort surprenant que le pre et le fils aient ainsi -produit successivement dans ce rle une illusion laquelle les -actrices mmes qui jouaient avec eux ne pouvaient se soustraire, -et il est permis de souponner ces rcits d'un peu d'exagration. -Il faut convenir toutefois que les temps sont bien changs, -car lorsqu'on voulut de nos jours reprendre <i>Psych</i> au -Thtre franais, on ne songea pas mme chercher un comdien -assez heureusement dou pour remplir le personnage difficile -de l'Amour, dont le rle fut confi une femme<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor"> [312]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span> -L'dition originale, de format in-12, a pour titre exact: -<span class="small1">Psich, tragedie-ballet</span>, par I. B. P. Moliere. <i>Et se vend pour -l'autheur, Paris, chez P. le Monnier, au Palais....</i> M.DC.LXXI.</p> - -<p>Le volume se compose de 2 feuillets, de 90 pages et d'un -feuillet. Le privilge est du 31 dcembre 1670, et par consquent -antrieur d'une quinzaine de jours la reprsentation.</p> - -<p>L'opra de <i>Psych</i>, jou neuf ans aprs la tragdie-ballet de -Molire, le 9 avril 1678, a, quant au plan, beaucoup d'analogie -avec cet ouvrage; on y a mme conserv les intermdes -de Quinault. Cette œuvre lyrique porte gnralement le nom de -Thomas Corneille; mais Fontenelle passe pour y avoir eu part -aussi bien qu' l'opra de <i>Bellrophon</i><a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor"> [313]</a>.</p> - -<hr class="tb" /> - -<p>En tte de l'dition originale et des diverses rimpressions -de <i>Psych</i>, on lit l'Avis suivant:</p> - - -<h3>LE LIBRAIRE AU LECTEUR.</h3> - -<p>Cet ouvrage n'est pas tout d'une main. M. Quinault a fait les -paroles qui s'y chantent en musique, la rserve de la plainte -italienne<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor"> [314]</a>. M. de Molire<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor"> [315]</a> a dress le plan de la pice et rgl -la disposition, o il s'est plus attach aux beauts et la pompe -du spectacle qu' l'exacte rgularit. Quant la versification, -il n'a pas eu le loisir de la faire entire. Le carnaval approchoit; -<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span> -et les ordres pressants du Roi, qui se vouloit donner ce -magnifique divertissement plusieurs fois avant le carme, l'ont -mis dans la ncessit de souffrir un peu de secours. Ainsi il n'y -a que le prologue, le premier acte, la premire scne du second, -et la premire du troisime, dont les vers soient de lui. -M. Corneille<a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor"> [316]</a> a employ une quinzaine au reste; et par ce -moyen Sa Majest s'est trouve servie dans le temps qu'elle -l'avoit ordonn<a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor"> [317]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span></p> -<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br /> -POUR LES VARIANTES DE <i>PSYCH</i>.</h3> - -<h3 class="subh"> -DITION SPARE.<br /> -1671 in-12. -RECUEILS<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor"> [318]</a>.<br /> -1676 in-12;<br /> -1682 in-12;<br /> -1697 in-12.</h3> -</div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span></p> -<h3>ACTEURS.</h3> -</div> - -<table id="acteurs4" summary="parts"> -<tr> -<td class="tdl">JUPITER.</td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>Du Croisy<a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor"> [319]</a>.</i></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">VNUS.</td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>Mlle de Brie.</i></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">L'AMOUR.</td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>Baron.</i></td> -</tr> -<tr> -<td>GIALE,<br /> -PHANE,</td> -<td class="cbrace2">}</td> -<td>Grces.<br /> -<i>Les petites la Thorillire et</i><br /> -<i>du Croisy</i><a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor"> [320]</a>.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PSYCH.</td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>Mlle Molire.</i></td> -</tr> -<tr> -<td>LE ROI,<br /> -pre de Psych.</td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>La Thorillire.</i></td> -</tr> -<tr> -<td>AGLAURE,<br /> -CYDIPPE,</td> -<td class="cbrace2">}</td> -<td>sœurs de Psych.<br /> -<i>Mlles Marotte et Boval.</i></td> -</tr> -<tr> -<td>CLOMNE,<br /> -AGNOR,</td> -<td class="cbrace2">}</td> -<td>princes, amants de Psych<br /> -<i>Hubert et la Grange.</i></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">LE ZPHIRE<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor"> [321]</a>.</td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>Molire.</i></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">LYCAS.</td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>Chateauneuf.</i></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="small1">Le dieu d'un fleuve.</span></td> -<td> </td> -<td class="tdl"><i>De Brie.</i></td> -</tr> -</table> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span></p> -<h2 class="normal">PSYCHE.<br /> -<span class="medium">TRAGDIE-BALLET.</span></h2> -</div> - -<div class="chapter"> -<h2 class="normal">PROLOGUE.</h2> -<hr class="deco" /> - -<div class="blockquote"> -<p>La scne reprsente sur le devant un lieu champtre, et dans l'enfoncement -un rocher perc jour, travers duquel on voit la mer en -loignement.</p> - -<p>Flore parot au milieu du thtre, accompagne de Vertumne, dieu -des arbres et des fruits, et de Palmon, dieu des eaux. Chacun -de ces dieux conduit une troupe de divinits: l'un mne sa -suite des Dryades et des Sylvains; et l'autre des dieux des fleuves, -et des Naades. Flore chante ce rcit pour inviter Vnus descendre -en terre:</p> -</div></div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ce n'est plus le temps de la guerre:</p> -<p class="i1"> Le plus puissant des rois</p> -<p class="i1"> Interrompt ses exploits</p> -<p>Pour donner la paix la terre.</p> -<p>Descendez, mre des Amours; <span class="dalign">5</span></p> -<p>Venez nous donner de beaux jours.</p> - -<p class="hanging2">(Vertumne et Palmon, avec les divinits qui les accompagnent, <br /> -joignent leurs voix celle de Flore, et chantent ces paroles:)</p> - -<p class="hanging2">CHŒUR DES DIVINITS DE LA TERRE ET DES EAUX, COMPOS DE<br /> -FLORE, NYMPHES, PALMON, VERTUMNE, SYLVAINS, FAUNES,<br /> -DRYADES ET NAADES.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous gotons une paix profonde;</p> -<p>Les plus doux jeux sont ici-bas:</p> -<p>On doit ce repos, plein d'appas,</p> -<p class="i1"> Au plus grand roi du monde. <span class="dalign">10</span></p> -<p>Descendez, mre des Amours;</p> -<p>Venez nous donner de beaux jours.</p> -<p class="hanging2">(Il se fait ensuite une entre de ballet, compose de deux Dryades, quatre -Sylvains, deux Fleuves et deux Naades; aprs laquelle Vertumne et Palmon -chantent ce dialogue:)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rendez-vous, beauts cruelles;</p> -<p>Soupirez votre tour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voici la reine des belles,<span class="dalign">15</span></p> -<p>Qui vient inspirer l'amour.</p> -<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un bel objet toujours svre</p> -<p>Ne se fait jamais bien aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est la beaut qui commence de plaire;</p> -<p>Mais la douceur achve de charmer. <span class="dalign">20</span></p> -<p class="stagedir">(Ils rptent ensemble ces derniers vers:)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est la beaut qui commence de plaire;</p> -<p>Mais la douceur achve de charmer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Souffrons tous qu'Amour nous blesse:</p> -<p>Languissons, puisqu'il le faut.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que sert un cœur sans tendresse?<span class="dalign">25</span></p> -<p>Est-il un plus grand dfaut?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un bel objet toujours svre</p> -<p>Ne se fait jamais bien aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est la beaut qui commence de plaire;</p> -<p>Mais la douceur achve de charmer.<span class="dalign">30</span></p> -<p class="hanging2">Flore rpond au dialogue de Vertumne et de Palmon par ce menuet, -et les autres divinits y mlent leurs danses:)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Est-on sage,</p> -<p class="i3"> Dans le bel ge,</p> -<p class="i4"> Est-on sage</p> -<p class="i4"> De n'aimer pas?</p> -<p class="i4"> Que sans cesse <span class="dalign">35</span></p> -<p class="i4"> L'on se presse</p> -<p class="i1"> De goter les plaisirs ici-bas.</p> -<p class="i4"> La sagesse</p> -<p class="i3"> De la jeunesse,</p> -<p>C'est de savoir jouir de ses appas.<span class="dalign">40</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span></div> -<p class="i4"> L'Amour charme</p> -<p class="i3"> Ceux qu'il dsarme;</p> -<p class="i4"> L'Amour charme,</p> -<p class="i3"> Cdons-lui tous:</p> -<p class="i4"> Notre peine <span class="dalign">45</span></p> -<p class="i4"> Seroit vaine</p> -<p class="i1"> De vouloir rsister ses coups.</p> -<p class="i4"> Quelque chane</p> -<p class="i3"> Qu'un amant prenne,</p> -<p>La libert n'a rien qui soit si doux.<span class="dalign">50</span></p> -<p class="hanging2"> -(Vnus descend du ciel dans une grande machine avec l'Amour, son fils, et -deux petites Grces, nommes giale et Phane; et les divinits de la terre -et des eaux recommencent de joindre toutes leurs voix, et continuent par -leurs danses de lui tmoigner la joie qu'elles ressentent son abord.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>CHŒUR DE TOUTES LES DIVINITS DE LA TERRE ET DES EAUX.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous gotons une paix profonde;</p> -<p>Les plus doux jeux sont ici-bas;</p> -<p>On doit ce repos, plein d'appas,</p> -<p class="i1"> Au plus grand roi du monde.</p> -<p>Descendez, mre des Amours; <span class="dalign">55</span></p> -<p>Venez nous donner de beaux jours.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VNUS</span>, dans sa machine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allgresse:</p> -<p>De si rares honneurs ne m'appartiennent pas,</p> -<p>Et l'hommage qu'ici votre bont m'adresse</p> -<p>Doit tre rserv pour de plus doux appas. <span class="dalign">60</span></p> -<p class="i3"> C'est une trop vieille mthode</p> -<p class="i3"> De me venir faire sa cour;</p> -<p class="i3"> Toutes les choses ont leur tour,</p> -<p class="i3"> Et Vnus n'est plus la mode.</p> -<p class="i3"> Il est d'autres attraits naissants, <span class="dalign">65</span></p> -<p class="i3"> O l'on va porter son encens:</p> -<p>Psych, Psych la belle, aujourd'hui tient ma place;</p> -<p>Dj tout l'univers s'empresse l'adorer,</p> -<p class="i3"> Et c'est trop que dans ma disgrce</p> -<p>Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer. <span class="dalign">70</span></p> -<p>On ne balance point entre nos deux mrites:</p> -<p>A quitter mon parti tout s'est licenci,</p> -<p>Et du nombreux amas de Grces favorites</p> -<p>Dont je tranois partout les soins et l'amiti,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span></div> -<p>Il ne m'en est rest que deux des plus petites,<span class="dalign">75</span></p> -<p class="i3"> Qui m'accompagnent par piti.</p> -<p class="i3"> Souffrez que ces demeures sombres</p> -<p>Prtent leur solitude aux troubles de mon cœur,</p> -<p class="i3"> Et me laissez parmi leurs ombres</p> -<p class="i3"> Cacher ma honte et ma douleur. <span class="dalign">80</span></p> -<p class="hanging2">(Flore et les autres dits se retirent, et Vnus avec sa suite -sort de sa machine.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">GIALE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous ne savons, Desse, comment faire,</p> -<p>Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler.</p> -<p class="i1"> Notre respect veut se taire,</p> -<p class="i1"> Notre zle veut parler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parlez, mais si vos soins aspirent me plaire, <span class="dalign">85</span></p> -<p>Laissez tous vos conseils pour une autre saison,</p> -<p class="i3"> Et ne parlez de ma colre</p> -<p class="i3"> Que pour dire que j'ai raison.</p> -<p>C'toit l, c'toit l la plus sensible offense</p> -<p>Que ma divinit pt jamais recevoir; <span class="dalign">90</span></p> -<p class="i3"> Mais j'en aurai la vengeance,</p> -<p class="i3"> Si les Dieux ont du pouvoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PHANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous avez plus que nous de clarts, de sagesse,</p> -<p>Pour juger ce qui peut tre digne de vous;</p> -<p>Mais pour moi, j'aurois cru qu'une grande desse.<span class="dalign">95</span></p> -<p class="i3"> Devroit moins se mettre en courroux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et c'est l la raison de ce courroux extrme.</p> -<p>Plus mon rang a d'clat, plus l'affront est sanglant;</p> -<p>Et si je n'tois pas dans ce degr suprme,</p> -<p>Le dpit de mon cœur seroit moins violent. <span class="dalign">100</span></p> -<p>Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre,</p> -<p class="i3"> Mre du dieu qui fait aimer,</p> -<p>Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,</p> -<p>Et qui ne suis venue au jour que pour charmer,</p> -<p class="i3"> Moi qui, par tout ce qui respire, <span class="dalign">105</span></p> -<p>Ai vu de tant de vœux encenser mes autels,</p> -<p>Et qui de la beaut, par des droits immortels,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span></div> -<p>Ai tenu de tout temps le souverain empire,</p> -<p>Moi dont les yeux ont mis deux grandes dits</p> -<p>Au point de me cder le prix de la plus belle, <span class="dalign">110</span></p> -<p>Je me vois ma victoire et mes droits disputs</p> -<p class="i3"> Par une chtive mortelle!</p> -<p>Le ridicule excs d'un fol enttement</p> -<p>Va jusqu' m'opposer une petite fille!</p> -<p>Sur ses traits et les miens j'essuierai constamment<span class="dalign">115</span></p> -<p class="i3"> Un tmraire jugement,</p> -<p class="i3"> Et du haut des cieux o je brille,</p> -<p>J'entendrai prononcer aux mortels prvenus:</p> -<p class="i3"> Elle est plus belle que Vnus!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">GIALE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voil comme l'on fait; c'est le style des hommes: <span class="dalign">120</span></p> -<p>Ils sont impertinents dans leurs comparaisons.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PHANE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ils ne sauroient louer, dans le sicle o nous sommes,</p> -<p class="i3"> Qu'ils n'outragent les plus grands noms.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! que de ces trois mots la rigueur insolente</p> -<p class="i3"> Venge bien Junon et Pallas, <span class="dalign">125</span></p> -<p>Et console leurs cœurs de la gloire clatante</p> -<p>Que la fameuse pomme acquit mes appas!</p> -<p>Je les vois s'applaudir de mon inquitude,</p> -<p>Affecter toute heure un ris malicieux,</p> -<p>Et d'un fixe regard chercher avec tude <span class="dalign">130</span></p> -<p class="i3"> Ma confusion dans mes yeux.</p> -<p>Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage,</p> -<p>Semble me venir dire, insultant mon courroux:</p> -<p>Vante, vante, Vnus, les traits de ton visage:</p> -<p>Au jugement d'un seul, tu l'emportas sur nous;<span class="dalign">135</span></p> -<p class="i3"> Mais par le jugement de tous</p> -<p>Une simple mortelle a sur toi l'avantage.</p> -<p>Ah! ce coup-l m'achve, il me perce le cœur;</p> -<p>Je n'en puis plus souffrir les rigueurs sans gales,</p> -<p>Et c'est trop de surcrot ma vive douleur<span class="dalign">140</span></p> -<p class="i3"> Que le plaisir de mes rivales.</p> -<p>Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crdit,</p> -<p class="i3"> Et si jamais je te fus chre,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span></div> -<p>Si tu portes un cœur sentir le dpit</p> -<p class="i3"> Qui trouble le cœur d'une mre. <span class="dalign">145</span></p> -<p class="i3"> Qui si tendrement te chrit,</p> -<p>Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance</p> -<p class="i3"> A soutenir mes intrts,</p> -<p class="i3"> Et fais Psych par tes traits</p> -<p class="i3"> Sentir les traits de ma vengeance. <span class="dalign">150</span></p> -<p class="i3"> Pour rendre son cœur malheureux,</p> -<p>Prends celui de tes traits le plus propre me plaire,</p> -<p class="i3"> Le plus empoisonn de ceux</p> -<p class="i3"> Que tu lances dans ta colre.</p> -<p>Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel,<span class="dalign">155</span></p> -<p>Fais que jusqu' la rage elle soit enflamme,</p> -<p>Et qu'elle ait souffrir le supplice cruel</p> -<p class="i3"> D'aimer et n'tre point aime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour:</p> -<p>On m'impute partout mille fautes commises, <span class="dalign">160</span></p> -<p>Et vous ne croiriez point le mal et les sottises</p> -<p class="i3"> Que l'on dit de moi chaque jour.</p> -<p class="i3"> Si pour servir votre colre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Va, ne rsiste point aux souhaits de ta mre;</p> -<p class="i3"> N'applique tes raisonnements. <span class="dalign">165</span></p> -<p class="i3"> Qu' chercher les plus prompts moments</p> -<p>De faire un sacrifice ma gloire outrage.</p> -<p>Pars, pour toute rponse mes empressements,</p> -<p>Et ne me revois point que je ne sois venge.</p> -<p class="hanging2">(L'Amour s'envole, et Vnus se retire avec les Grces.—La scne est change -en une grande ville, o l'on dcouvre, des deux cts, des palais et des -maisons de diffrents ordres d'architecture.)</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE I.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est des maux, ma sœur, que le silence aigrit:<span class="dalign">170</span></p> -<p>Laissons, laissons parler mon chagrin et le vtre,</p> -<p class="i4"> Et de nos cœurs l'un l'autre</p> -<p class="i3"> Exhalons le cuisant dpit.</p> -<p class="i3"> Nous nous voyons sœurs d'infortune;</p> -<p>Et la vtre et la mienne ont un si grand rapport,<span class="dalign">175</span></p> -<p>Que nous pouvons mler toutes les deux en une,</p> -<p class="i3"> Et dans notre juste transport,</p> -<p class="i3"> Murmurer plainte commune</p> -<p class="i3"> Des cruauts de notre sort.</p> -<p class="i3"> Quelle fatalit secrte,<span class="dalign">180</span></p> -<p class="i3"> Ma sœur, soumet tout l'univers</p> -<p class="i3"> Aux attraits de notre cadette,</p> -<p class="i3"> Et de tant de princes divers,</p> -<p class="i3"> Qu'en ces lieux la fortune jette,</p> -<p class="i3"> N'en prsente aucun nos fers?<span class="dalign">185</span></p> -<p>Quoi? voir de toutes parts, pour lui rendre les armes,</p> -<p class="i4"> Les cœurs se prcipiter,</p> -<p class="i4"> Et passer devant nos charmes</p> -<p class="i4"> Sans s'y vouloir arrter!</p> -<p class="i3"> Quel sort ont nos yeux en partage,<span class="dalign">190</span></p> -<p class="i3"> Et qu'est-ce qu'ils ont fait aux Dieux,</p> -<p class="i3"> De ne jouir d'aucun hommage</p> -<p>Parmi tous ces tributs de soupirs glorieux,</p> -<p class="i4"> Dont le superbe avantage</p> -<p class="i4"> Fait triompher d'autres yeux?<span class="dalign">195</span></p> -<p>Est-il pour nous, ma sœur, de plus rude disgrce</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span></div> -<p>Que de voir tous les cœurs mpriser nos appas,</p> -<p>Et l'heureuse Psych jouir avec audace</p> -<p>D'une foule d'amants attachs ses pas?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ah! ma sœur, c'est une aventure<span class="dalign">200</span></p> -<p class="i3"> A faire perdre la raison;</p> -<p class="i3"> Et tous les maux de la nature</p> -<p class="i3"> Ne sont rien en comparaison.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour moi, j'en suis souvent jusqu' verser des larmes.</p> -<p>Tout plaisir, tout repos par l m'est arrach;<span class="dalign">205</span></p> -<p>Contre un pareil malheur ma constance est sans armes.</p> -<p>Toujours ce chagrin mon esprit attach</p> -<p>Me tient devant les yeux la honte de nos charmes,</p> -<p class="i3"> Et le triomphe de Psych.</p> -<p>La nuit, il m'en repasse une ide ternelle,<span class="dalign">210</span></p> -<p class="i3"> Qui sur toute chose prvaut:</p> -<p>Rien ne me peut chasser cette image cruelle;</p> -<p>Et ds qu'un doux sommeil me vient dlivrer d'elle,</p> -<p class="i4"> Dans mon esprit aussitt</p> -<p class="i4"> Quelque songe la rappelle,<span class="dalign">215</span></p> -<p class="i4"> Qui me rveille en sursaut.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ma sœur, voil mon martyre.</p> -<p class="i4"> Dans vos discours je me voi;</p> -<p class="i4"> Et vous venez l de dire</p> -<p class="i4"> Tout ce qui se passe en moi.<span class="dalign">220</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais encor, raisonnons un peu sur cette affaire.</p> -<p>Quels charmes si puissants en elle sont pars?</p> -<p>Et par o, dites-moi, du grand secret de plaire</p> -<p>L'honneur est-il acquis ses moindres regards?</p> -<p class="i4"> Que voit-on dans sa personne<span class="dalign">225</span></p> -<p class="i4"> Pour inspirer tant d'ardeurs?</p> -<p class="i4"> Quel droit de beaut lui donne</p> -<p class="i4"> L'empire de tous les cœurs?</p> -<p>Elle a quelques attraits, quelque clat de jeunesse:</p> -<p>On en tombe d'accord, je n'en disconviens pas;<span class="dalign">230</span></p> -<p>Mais lui cde-t-on fort pour quelque peu d'anesse,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span></div> -<p class="i4"> Et se voit-on sans appas?</p> -<p>Est-on d'une figure faire qu'on se raille?</p> -<p>N'a-t-on point quelques traits et quelques agrments,</p> -<p>Quelque teint, quelques yeux, quelque air, et quelque taille</p> -<p>A pouvoir dans nos fers jeter quelques amants?</p> -<p class="i4"> Ma sœur, faites-moi la grce</p> -<p class="i4"> De me parler franchement:</p> -<p>Suis-je faite d'un air, votre jugement,</p> -<p>Que mon mrite au sien doive cder la place?<span class="dalign">240</span></p> -<p class="i4"> Et dans quelque ajustement</p> -<p class="i4"> Trouvez-vous qu'elle m'efface?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Qui? vous, ma sœur? nullement.</p> -<p class="i4"> Hier la chasse prs d'elle</p> -<p class="i4"> Je vous regardai longtemps;<span class="dalign">245</span></p> -<p class="i4"> Et sans vous donner d'encens,</p> -<p class="i4"> Vous me partes plus belle.</p> -<p>Mais, moi, dites, ma sœur, sans me vouloir flatter,</p> -<p>Sont-ce des visions que je me mets en tte,</p> -<p>Quand je me crois taille pouvoir mriter<span class="dalign">250</span></p> -<p class="i3"> La gloire de quelque conqute?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous, ma sœur, vous avez, sans nul dguisement,</p> -<p>Tout ce qui peut causer une amoureuse flamme.</p> -<p>Vos moindres actions brillent d'un agrment</p> -<p class="i4"> Dont je me sens toucher l'me;<span class="dalign">255</span></p> -<p class="i4"> Et je serois votre amant,</p> -<p class="i4"> Si j'tois autre que femme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'o vient donc qu'on la voit l'emporter sur nous deux,</p> -<p>Qu' ses premiers regards les cœurs rendent les armes,</p> -<p>Et que d'aucun tribut de soupirs et de vœux<span class="dalign">260</span></p> -<p class="i3"> On ne fait honneur nos charmes?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Toutes les dames, d'une voix,</p> -<p class="i3"> Trouvent ses attraits peu de chose;</p> -<p>Et du nombre d'amants qu'elle tient sous ses lois,</p> -<p class="i3"> Ma sœur, j'ai dcouvert la cause.<span class="dalign">265</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour moi, je la devine, et l'on doit prsumer</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span></div> -<p>Qu'il faut que l-dessous soit cach du mystre.</p> -<p class="i4"> Ce secret de tout enflammer</p> -<p>N'est point de la nature un effet ordinaire:</p> -<p>L'art de la Thessalie entre dans cette affaire;<span class="dalign">270</span></p> -<p>Et quelque main a su sans doute lui former</p> -<p class="i4"> Un charme pour se faire aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sur un plus fort appui ma croyance se fonde;</p> -<p>Et le charme qu'elle a pour attirer les cœurs,</p> -<p>C'est un air en tout temps dsarm de rigueurs,<span class="dalign">275</span></p> -<p>Des regards caressants, que la bouche seconde,</p> -<p class="i4"> Un souris charg de douceurs,</p> -<p class="i4"> Qui tend les bras tout le monde,</p> -<p class="i4"> Et ne vous promet que faveurs.</p> -<p>Notre gloire n'est plus aujourd'hui conserve, <span class="dalign">280</span></p> -<p>Et l'on n'est plus au temps de ces nobles fierts</p> -<p>Qui par un digne essai d'illustres cruauts,</p> -<p>Vouloient voir d'un amant la constance prouve.</p> -<p>De tout ce noble orgueil qui nous seyoit si bien,</p> -<p>On est bien descendu dans le sicle o nous sommes;<span class="dalign">285</span></p> -<p>Et l'on en est rduite n'esprer plus rien,</p> -<p>A moins que l'on se jette la tte des hommes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, voil le secret de l'affaire, et je voi</p> -<p class="i4"> Que vous le prenez mieux que moi.</p> -<p>C'est pour nous attacher trop de biensance <span class="dalign">290</span></p> -<p>Qu'aucun amant, ma sœur, nous ne veut venir;</p> -<p class="i4"> Et nous voulons trop soutenir</p> -<p>L'honneur de notre sexe et de notre naissance.</p> -<p>Les hommes maintenant aiment ce qui leur rit;</p> -<p>L'espoir, plus que l'amour, est ce qui les attire, <span class="dalign">295</span></p> -<p class="i3"> Et c'est par l que Psych nous ravit</p> -<p class="i3"> Tous les amants qu'on voit sous son empire.</p> -<p>Suivons, suivons l'exemple: ajustons-nous au temps;</p> -<p>Abaissons-nous, ma sœur, faire des avances,</p> -<p>Et ne mnageons plus de tristes biensances <span class="dalign">300</span></p> -<p>Qui nous tent les fruits du plus beau de nos ans.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'approuve la pense; et nous avons matire</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span></div> -<p class="i3"> D'en faire l'preuve premire</p> -<p>Aux deux princes qui sont les derniers arrivs.</p> -<p>Ils sont charmants, ma sœur, et leur personne entire<span class="dalign">305</span></p> -<p class="i3"> Me.... Les avez-vous observs?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! ma sœur, ils sont faits tous deux d'une manire</p> -<p>Que mon me.... Ce sont deux princes achevs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je trouve qu'on pourroit rechercher leur tendresse</p> -<p class="i4"> Sans se faire dshonneur. <span class="dalign">310</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je trouve que, sans honte, une belle princesse</p> -<p class="i4"> Leur pourroit donner son cœur.</p> -</div></div> - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">CLOMNE, AGNOR, AGLAURE, CYDIPPE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Les voici tous deux, et j'admire</p> -<p class="i4"> Leur air et leur ajustement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ils ne dmentent nullement <span class="dalign">315</span></p> -<p class="i4"> Tout ce que nous venons de dire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'o vient, princes, d'o vient que vous fuyez ainsi?</p> -<p>Prenez-vous l'pouvante en nous voyant parotre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> On nous faisoit croire qu'ici</p> -<p>La princesse Psych, Madame, pourroit tre. <span class="dalign">320</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agrable pour vous,</p> -<p>Si vous ne les voyez orns de sa prsence?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ces lieux peuvent avoir des charmes assez doux;</p> -<p>Mais nous cherchons Psych dans notre impatience.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Quelque chose de bien pressant <span class="dalign">325</span></p> -<p>Vous doit la chercher pousser tous deux sans doute?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Le motif est assez puissant,</p> -<p>Puisque notre fortune enfin en dpend toute.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce seroit trop nous que de nous informer</p> -<p>Du secret que ces mots nous peuvent enfermer.<span class="dalign">330</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous ne prtendons point en faire de mystre:</p> -<p>Aussi bien malgr nous parotroit-il au jour;</p> -<p class="i4"> Et le secret ne dure gure,</p> -<p class="i4"> Madame, quand c'est de l'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sans aller plus avant, princes, cela veut dire<span class="dalign">335</span></p> -<p class="i4"> Que vous aimez Psych tous deux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Tous deux soumis son empire,</p> -<p>Nous allons de concert lui dcouvrir nos feux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est une nouveaut sans doute assez bizarre</p> -<p class="i4"> Que deux rivaux si bien unis.<span class="dalign">340</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Il est vrai que la chose est rare,</p> -<p>Mais non pas impossible deux parfaits amis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce que dans ces lieux il n'est qu'elle de belle,</p> -<p>Et n'y trouvez-vous point sparer vos vœux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parmi l'clat du sang, vos yeux n'ont-ils vu qu'elle<span class="dalign">345</span></p> -<p class="i4"> A pouvoir mriter vos feux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce que l'on consulte au moment qu'on s'enflamme?</p> -<p class="i4"> Choisit-on qui l'on veut aimer?</p> -<p class="i4"> Et pour donner toute son me,</p> -<p>Regarde-t-on quel droit on a de nous charmer?<span class="dalign">350</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Sans qu'on ait le pouvoir d'lire,</p> -<p class="i4"> On suit dans une telle ardeur</p> -<p class="i4"> Quelque chose qui nous attire;</p> -<p class="i4"> Et lorsque l'amour touche un cœur,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span></div> -<p class="i4"> On n'a point de raisons dire.<span class="dalign">355</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En vrit, je plains les fcheux embarras</p> -<p class="i4"> O je vois que vos cœurs se mettent.</p> -<p>Vous aimez un objet dont les riants appas</p> -<p>Mleront des chagrins l'espoir qu'ils vous jettent;</p> -<p class="i4"> Et son cœur ne vous tiendra pas<span class="dalign">360</span></p> -<p class="i4"> Tout ce que ses yeux vous promettent.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'espoir qui vous appelle au rang de ses amants</p> -<p>Trouvera du mcompte aux douceurs qu'elle tale;</p> -<p>Et c'est pour essuyer de trs-fcheux moments,</p> -<p>Que les soudains retours de son me ingale.<span class="dalign">365</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un clair discernement de ce que vous valez</p> -<p>Nous fait plaindre le sort o cet amour vous guide;</p> -<p>Et vous pouvez trouver tous deux, si vous voulez,</p> -<p>Avec autant d'attraits, une me plus solide.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Par un choix plus doux de moiti,<span class="dalign">370</span></p> -<p>Vous pouvez de l'amour sauver votre amiti;</p> -<p>Et l'on voit en vous deux un mrite si rare,</p> -<p>Qu'un tendre avis veut bien prvenir par piti</p> -<p class="i4"> Ce que votre cœur se prpare.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cet avis gnreux fait pour nous clater <span class="dalign">375</span></p> -<p class="i4"> Des bonts qui nous touchent l'me;</p> -<p>Mais le ciel nous rduit ce malheur, Madame,</p> -<p class="i4"> De ne pouvoir en profiter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre illustre piti veut en vain nous distraire</p> -<p>D'un amour dont tous deux nous redoutons l'effet:<span class="dalign">380</span></p> -<p>Ce que notre amiti, Madame, n'a pas fait,</p> -<p class="i4"> Il n'est rien qui le puisse faire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il faut que le pouvoir de Psych.... La voici.</p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> - -<p class="subt">PSYCH, CYDIPPE, AGLAURE,<br /> -CLOMNE, AGNOR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Venez jouir, ma sœur, de ce qu'on vous apprte. -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Prparez vos attraits recevoir ici <span class="dalign">385</span></p> -<p>Le triomphe nouveau d'une illustre conqute.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ces princes ont tous deux si bien senti vos coups,</p> -<p>Qu' vous le dcouvrir leur bouche se dispose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Du sujet qui les tient si rveurs parmi nous,</p> -<p class="i4"> Je ne me croyois pas la cause; <span class="dalign">390</span></p> -<p class="i4"> Et j'aurois cru toute autre chose</p> -<p class="i4"> En les voyant parler vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p> N'ayant ni beaut ni naissance</p> -<p>A pouvoir mriter leur amour et leurs soins,</p> -<p class="i4"> Ils nous favorisent au moins <span class="dalign">395</span></p> -<p class="i4"> De l'honneur de la confidence.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'aveu qu'il nous faut faire vos divins appas</p> -<p>Est sans doute, Madame, un aveu tmraire;</p> -<p class="i4"> Mais tant de cœurs prs du trpas</p> -<p>Sont par de tels aveux forcs vous dplaire, <span class="dalign">400</span></p> -<p>Que vous tes rduite ne les punir pas</p> -<p class="i4"> Des foudres de votre colre.</p> -<p class="i4"> Vous voyez en nous deux amis</p> -<p>Qu'un doux rapport d'humeurs sut joindre ds l'enfance;</p> -<p>Et ces tendres liens se sont vus affermis <span class="dalign">405</span></p> -<p>Par cent combats d'estime et de reconnoissance.</p> -<p>Du destin ennemi les assauts rigoureux,</p> -<p>Les mpris de la mort et l'aspect des supplices,</p> -<p>Par d'illustres clats de mutuels offices,</p> -<p>Ont de notre amiti signal les beaux nœuds;<span class="dalign">410</span></p> -<p>Mais quelques essais qu'elle se soit trouve,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span></div> -<p class="i4"> Son grand triomphe est en ce jour;</p> -<p>Et rien ne fait tant voir sa constance prouve</p> -<p>Que de se conserver au milieu de l'amour.</p> -<p>Oui, malgr tant d'appas, son illustre constance <span class="dalign">415</span></p> -<p>Aux lois qu'elle nous fait a soumis tous nos vœux:</p> -<p>Elle vient, d'une douce et pleine dfrence,</p> -<p>Remettre votre choix le succs de nos feux;</p> -<p>Et pour donner un poids notre concurrence,</p> -<p>Qui des raisons d'tat entrane la balance <span class="dalign">420</span></p> -<p class="i4"> Sur le choix de l'un de nous deux,</p> -<p>Cette mme amiti s'offre sans rpugnance</p> -<p>D'unir nos deux tats au sort du plus heureux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Oui, de ces deux tats, Madame,</p> -<p>Que sous votre heureux choix nous nous offrons d'unir,</p> -<p class="i4"> Nous voulons faire notre flamme,</p> -<p class="i4"> Un secours pour vous obtenir.</p> -<p>Ce que, pour ce bonheur, prs du roi votre pre,</p> -<p class="i4"> Nous nous sacrifions tous deux,</p> -<p>N'a rien de difficile nos cœurs amoureux; <span class="dalign">430</span></p> -<p>Et c'est au plus heureux faire un don ncessaire</p> -<p class="i4"> D'un pouvoir dont le malheureux,</p> -<p class="i4"> Madame, n'aura plus affaire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le choix que vous m'offrez, princes, montre mes yeux</p> -<p>De quoi remplir les vœux de l'me la plus fire, <span class="dalign">435</span></p> -<p>Et vous me le parez tous deux d'une manire</p> -<p>Qu'on ne peut rien offrir qui soit plus prcieux.</p> -<p>Vos feux, votre amiti, votre vertu suprme,</p> -<p>Tout me relve en vous l'offre de votre foi;</p> -<p>Et j'y vois un mrite s'opposer lui-mme <span class="dalign">440</span></p> -<p class="i4"> A ce que vous voulez de moi.</p> -<p>Ce n'est pas mon cœur qu'il faut que je dfre</p> -<p class="i4"> Pour entrer sous de tels liens:</p> -<p>Ma main, pour se donner, attend l'ordre d'un pre,</p> -<p>Et mes sœurs ont des droits qui vont devant les miens.</p> -<p>Mais si l'on me rendoit sur mes vœux absolue,</p> -<p>Vous y pourriez avoir trop de part la fois;</p> -<p>Et toute mon estime, entre vous suspendue,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span></div> -<p>Ne pourroit sur aucun laisser tomber mon choix.</p> -<p class="i4"> A l'ardeur de votre poursuite <span class="dalign">450</span></p> -<p>Je rpondrois assez de mes vœux les plus doux;</p> -<p class="i4"> Mais c'est, parmi tant de mrite,</p> -<p>Trop que deux cœurs pour moi, trop peu qu'un cœur pour vous.</p> -<p>De mes plus doux souhaits j'aurois l'me gne</p> -<p class="i4"> A l'effort de votre amiti; <span class="dalign">455</span></p> -<p>Et j'y vois l'un de vous prendre une destine</p> -<p class="i4"> A me faire trop de piti.</p> -<p>Oui, princes, tous ceux dont l'amour suit le vtre</p> -<p>Je vous prfrerois tous deux avec ardeur;</p> -<p class="i4"> Mais je n'aurois jamais le cœur<span class="dalign">460</span></p> -<p>De pouvoir prfrer l'un de vous deux l'autre.</p> -<p class="i4"> A celui que je choisirois</p> -<p>Ma tendresse feroit un trop grand sacrifice;</p> -<p>Et je m'imputerois barbare injustice</p> -<p class="i4"> Le tort qu' l'autre je ferois. <span class="dalign">465</span></p> -<p>Oui, tous deux vous brillez de trop de grandeur d'me</p> -<p class="i4"> Pour en faire aucun malheureux;</p> -<p>Et vous devez chercher dans l'amoureuse flamme</p> -<p class="i4"> Le moyen d'tre heureux tous deux.</p> -<p class="i4"> Si votre cœur me considre <span class="dalign">470</span></p> -<p>Assez pour me souffrir de disposer de vous,</p> -<p class="i4"> J'ai deux sœurs capables de plaire,</p> -<p>Qui peuvent bien vous faire un destin assez doux;</p> -<p>Et l'amiti me rend leur personne assez chre</p> -<p class="i4"> Pour vous souhaiter leurs poux. <span class="dalign">475</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Un cœur dont l'amour est extrme</p> -<p class="i4"> Peut-il bien consentir, hlas!</p> -<p class="i4"> D'tre donn par ce qu'il aime?</p> -<p>Sur nos deux cœurs, Madame, vos divins appas</p> -<p class="i4"> Nous donnons un pouvoir suprme:<span class="dalign">480</span></p> -<p class="i4"> Disposez-en pour le trpas;</p> -<p class="i4"> Mais pour une autre que vous-mme</p> -<p>Ayez cette bont de n'en disposer pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aux princesses, Madame, on feroit trop d'outrage,</p> -<p>Et c'est pour leurs attraits un indigne partage<span class="dalign">485</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span></div> -<p class="i4"> Que les restes d'une autre ardeur.</p> -<p>Il faut d'un premier feu la puret fidle</p> -<p class="i4"> Pour aspirer cet honneur</p> -<p class="i4"> O votre bont nous appelle;</p> -<p class="i4"> Et chacune mrite un cœur <span class="dalign">490</span></p> -<p class="i4"> Qui n'ait soupir que pour elle.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Il me semble, sans nul courroux,</p> -<p class="i4"> Qu'avant que de vous en dfendre,</p> -<p class="i4"> Princes, vous deviez bien attendre</p> -<p class="i4"> Qu'on se ft expliqu sur vous.<span class="dalign">495</span></p> -<p>Nous croyez-vous un cœur si facile et si tendre?</p> -<p>Et lorsqu'on parle ici de vous donner nous,</p> -<p class="i4"> Savez-vous si l'on veut vous prendre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je pense que l'on a d'assez hauts sentiments</p> -<p>Pour refuser un cœur qu'il faut qu'on sollicite,<span class="dalign">500</span></p> -<p>Et qu'on ne veut devoir qu' son propre mrite</p> -<p class="i4"> La conqute de ses amants.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ai cru pour vous, mes sœurs, une gloire assez grande,</p> -<p>Si la possession d'un mrite si haut....</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> - -<p class="subt">LYCAS, PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE, CLOMNE, -AGNOR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Qu'as-tu?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Le Roi....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Quoi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> Vous demande.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De ce trouble si grand que faut-il que j'attende?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous ne le saurez que trop tt.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! que pour le Roi tu me donnes craindre!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne craignez que pour vous, c'est vous que l'on doit plaindre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est pour louer le ciel, et me voir hors d'effroi,<span class="dalign">510</span></p> -<p>De savoir que je n'aie craindre que pour moi.</p> -<p>Mais apprends-moi, Lycas, le sujet qui te touche.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Souffrez que j'obisse qui m'envoie ici,</p> -<p>Madame, et qu'on vous laisse apprendre de sa bouche</p> -<p class="i4"> Ce qui peut m'affliger ainsi.<span class="dalign">515</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons savoir sur quoi l'on craint tant ma foiblesse.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE, LYCAS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si ton ordre n'est pas jusqu' nous tendu,</p> -<p>Dis-nous quel grand malheur nous couvre ta tristesse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! ce grand malheur dans la cour rpandu,</p> -<p class="i4"> Voyez-le vous-mme, princesse,<span class="dalign">520</span></p> -<p>Dans l'oracle qu'au Roi les destins ont rendu.</p> -<p>Voici ses propres mots que la douleur, Madame,</p> -<p class="i4"> A gravs au fond de mon me:</p> -<p class="i4"> Que l'on ne pense nullement</p> -<p>A vouloir de Psych conclure l'hymne;<span class="dalign">525</span></p> -<p>Mais qu'au sommet d'un mont elle soit promptement</p> -<p class="i4"> En pompe funbre mene;</p> -<p class="i4"> Et que de tous abandonne,</p> -<p>Pour poux elle attende en ces lieux constamment</p> -<p>Un monstre dont on a la vue empoisonne,<span class="dalign">530</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span></div> -<p>Un serpent qui rpand son venin en tous lieux,</p> -<p>Et trouble dans sa rage et la terre et les cieux.</p> -<p class="i4"> Aprs un arrt si svre</p> -<p>Je vous quitte, et vous laisse juger entre vous</p> -<p>Si par de plus cruels et plus sensibles coups<span class="dalign">535</span></p> -<p>Tous les Dieux nous pouvoient expliquer leur colre.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur, que sentez-vous ce soudain malheur</p> -<p>O nous voyons Psych par les destins plonge?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais vous, que sentez-vous, ma sœur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A ne vous point mentir, je sens que dans mon cœur<span class="dalign">540</span></p> -<p class="i4"> Je n'en suis pas trop afflige.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Moi, je sens quelque chose au mien</p> -<p class="i4"> Qui ressemble assez la joie.</p> -<p class="i4"> Allons, le destin nous envoie</p> -<p>Un mal que nous pouvons regarder comme un bien.<span class="dalign">545</span></p> -</div></div> - - -<h3>PREMIER INTERMDE.</h3> - -<p class="block">La scne est change en des rochers affreux, et fait voir en loignement -une grotte effroyable.—C'est dans ce dsert que Psych -doit tre expose pour obir l'oracle. Une troupe de personnes -affliges y viennent dplorer sa disgrce. Une partie de cette troupe -dsole tmoigne sa piti par des plaintes touchantes et par des -concerts lugubres; et l'autre exprime sa dsolation par une danse -pleine de toutes les marques du plus violent dsespoir.</p> -<h3 class="simple">PLAINTES EN ITALIEN,<br /> -<i>Chantes par une femme dsole et deux hommes affligs.</i></h3> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">FEMME DSOLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Deh! piangete al pianto mio,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span></div> -<p class="i4"> Sassi duri, antiche selve,</p> -<p class="i4"> Lagrimate, fonti, e belue,</p> -<p class="i4"> D'un bel volto il fato rio.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">1. HOMME AFFLIG.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Ahi dolore!<span class="dalign">550</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Ahi martire!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">1. HOMME AFFLIG.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Cruda morte!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Empia sorte!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">TOUS TROIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Che condanni a morir tanta belt,</p> -<p class="i3"> Cieli, stelle, ahi crudelt!<span class="dalign">555</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Com' esser pu fra voi, o numi eterni,</p> -<p class="i3"> Chi voglia estinta una belt innocente?</p> -<p class="i3"> Ahi! che tanto rigor, cielo inclemente,</p> -<p class="i3"> Vince di crudelt gli stessi inferni!</p> - - -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">1. HOMME AFFLIG.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Nume fiero!<span class="dalign">560</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Dio severo!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ENSEMBLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Perch tanto rigor</p> -<p class="i4"> Contro innocente cor?</p> -<p class="i4"> Ahi sentenza inudita!</p> -<p>Dar morte a la belt, ch' altrui d vita.<span class="dalign">565</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">FEMME DSOLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ahi ch' indarno si tarda!</p> -<p>Non resiste agli dei mortale affetto,</p> -<p class="i3"> Alto impero ne sforza:</p> -<p>Ove commanda il ciel, l'uom cede a forza.</p> -<p class="i3"> Ahi dolore! etc., <i>come sopra</i>.<span class="dalign">570</span></p> -<p class="stagedir">(Ces plaintes sont entrecoupes et finies par une entre de ballet -de huit personnes affliges.)</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE II.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> - -<p class="subt">LE ROI, PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE,<br /> -LYCAS, <span class="small1">SUITE</span>.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De vos larmes, Seigneur, la source m'est bien chre;</p> -<p>Mais c'est trop aux bonts que vous avez pour moi</p> -<p>Que de laisser rgner les tendresses de pre</p> -<p class="i4"> Jusque dans les yeux d'un grand roi.</p> -<p>Ce qu'on vous voit ici donner la nature<span class="dalign">575</span></p> -<p>Au rang que vous tenez, Seigneur, fait trop d'injure,</p> -<p>Et j'en dois refuser les touchantes faveurs.</p> -<p class="i4"> Laissez moins sur votre sagesse</p> -<p class="i4"> Prendre d'empire vos douleurs,</p> -<p>Et cessez d'honorer mon destin par des pleurs,<span class="dalign">580</span></p> -<p>Qui dans le cœur d'un roi montrent de la foiblesse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"><span class="small1">LE ROI.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! ma fille, ces pleurs laisse mes yeux ouverts:</p> -<p>Mon deuil est raisonnable, encor qu'il soit extrme;</p> -<p>Et lorsque pour toujours on perd ce que je perds,</p> -<p>La sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-mme.<span class="dalign">585</span></p> -<p class="i4"> En vain l'orgueil du diadme</p> -<p>Veut qu'on soit insensible ces cruels revers;</p> -<p>En vain de la raison les secours sont offerts</p> -<p>Pour vouloir d'un œil sec voir mourir ce qu'on aime:</p> -<p>L'effort en est barbare aux yeux de l'univers;<span class="dalign">590</span></p> -<p>Et c'est brutalit plus que vertu suprme.</p> -<p class="i4"> Je ne veux point, dans cette adversit,</p> -<p class="i4"> Parer mon cœur d'insensibilit,</p> -<p class="i4"> Et cacher l'ennui qui me touche:</p> -<p class="i4"> Je renonce la vanit<span class="dalign">595</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span></div> -<p class="i4"> De cette duret farouche</p> -<p class="i4"> Que l'on appelle fermet;</p> -<p class="i4"> Et de quelque faon qu'on nomme</p> -<p>Cette vive douleur dont je ressens les coups,</p> -<p>Je veux bien l'taler, ma fille, aux yeux de tous,<span class="dalign">600</span></p> -<p>Et dans le cœur d'un roi montrer le cœur d'un homme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne mrite pas cette grande douleur:</p> -<p>Opposez, opposez un peu de rsistance</p> -<p class="i4"> Aux droits qu'elle prend sur un cœur</p> -<p>Dont mille vnements ont marqu la puissance.<span class="dalign">605</span></p> -<p>Quoi? faut-il que pour moi vous renonciez, Seigneur,</p> -<p class="i4"> A cette royale constance</p> -<p>Dont vous avez fait voir dans les coups du malheur</p> -<p class="i4"> Une fameuse exprience?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La constance est facile en mille occasions.<span class="dalign">610</span></p> -<p class="i4"> Toutes les rvolutions</p> -<p>O nous peut exposer la fortune inhumaine,</p> -<p>La perte des grandeurs, les perscutions,</p> -<p>Le poison de l'envie, et les traits de la haine,</p> -<p class="i4"> N'ont rien que ne puissent sans peine<span class="dalign">615</span></p> -<p class="i4"> Braver les rsolutions</p> -<p>D'une me o la raison est un peu souveraine.</p> -<p class="i4"> Mais ce qui porte des rigueurs</p> -<p class="i4"> A faire succomber les cœurs</p> -<p class="i4"> Sous le poids des douleurs amres,<span class="dalign">620</span></p> -<p class="i4"> Ce sont, ce sont les rudes traits</p> -<p class="i4"> De ces fatalits svres</p> -<p class="i4"> Qui nous enlvent pour jamais</p> -<p class="i4"> Les personnes qui nous sont chres.</p> -<p class="i4"> La raison contre de tels coups<span class="dalign">625</span></p> -<p class="i4"> N'offre point d'armes secourables:</p> -<p class="i4"> Et voil des Dieux en courroux</p> -<p class="i4"> Les foudres les plus redoutables</p> -<p class="i4"> Qui se puissent lancer sur nous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, une douceur ici vous est offerte.<span class="dalign">630</span></p> -<p>Votre hymen a reu plus d'un prsent des Dieux;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span></div> -<p class="i4"> Et par une faveur ouverte,</p> -<p>Ils ne vous tent rien, en m'tant vos yeux,</p> -<p>Dont ils n'aient pris le soin de rparer la perte.</p> -<p>Il vous reste de quoi consoler vos douleurs,<span class="dalign">635</span></p> -<p>Et cette loi du ciel, que vous nommez cruelle.</p> -<p class="i4"> Dans les deux princesses mes sœurs</p> -<p class="i4"> Laisse l'amiti paternelle</p> -<p class="i4"> O placer toutes ses douceurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Ah! de mes maux soulagement frivole!<span class="dalign">640</span></p> -<p>Rien, rien ne s'offre moi qui de toi me console.</p> -<p>C'est sur mes dplaisirs que j'ai les yeux ouverts,</p> -<p class="i4"> Et dans un destin si funeste,</p> -<p class="i4"> Je regarde ce que je perds,</p> -<p class="i2"> Et ne vois point ce qui me reste.<span class="dalign">645</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous savez mieux que moi qu'aux volonts des Dieux,</p> -<p class="i4"> Seigneur, il faut rgler les ntres;</p> -<p>Et je ne puis vous dire, en ces tristes adieux,</p> -<p>Que ce que beaucoup mieux vous pouvez dire aux autres.</p> -<p class="i4"> Ces Dieux sont matres souverains<span class="dalign">650</span></p> -<p class="i4"> Des prsents qu'ils daignent nous faire;</p> -<p class="i4"> Ils ne les laissent dans nos mains</p> -<p class="i4"> Qu'autant de temps qu'il peut leur plaire:</p> -<p class="i4"> Lorsqu'ils viennent les retirer,</p> -<p class="i4"> On n'a nul droit de murmurer<span class="dalign">655</span></p> -<p>Des grces que leur main ne veut plus nous tendre.</p> -<p>Seigneur, je suis un don qu'ils ont fait vos vœux;</p> -<p>Et quand par cet arrt ils veulent me reprendre,</p> -<p>Ils ne vous tent rien que vous ne teniez d'eux,</p> -<p>Et c'est sans murmurer que vous devez me rendre.<span class="dalign">660</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ah! cherche un meilleur fondement</p> -<p>Aux consolations que ton cœur me prsente;</p> -<p>Et de la fausset de ce raisonnement</p> -<p class="i4"> Ne fais point un accablement</p> -<p class="i4"> A cette douleur si cuisante<span class="dalign">665</span></p> -<p class="i4"> Dont je souffre ici le tourment.</p> -<p>Crois-tu l me donner une raison puissante</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span></div> -<p>Pour ne me plaindre point de cet arrt des cieux?</p> -<p class="i4"> Et dans le procd des Dieux</p> -<p class="i4"> Dont tu veux que je me contente,<span class="dalign">670</span></p> -<p class="i4"> Une rigueur assassinante</p> -<p class="i4"> Ne parot-elle pas aux yeux?</p> -<p>Vois l'tat o ces Dieux me forcent te rendre,</p> -<p>Et l'autre o te reut mon cœur infortun:</p> -<p>Tu connotras par l qu'ils me viennent reprendre<span class="dalign">675</span></p> -<p class="i4"> Bien plus que ce qu'ils m'ont donn.</p> -<p class="i4"> Je reus d'eux en toi, ma fille,</p> -<p>Un prsent que mon cœur ne leur demandoit pas;</p> -<p class="i4"> J'y trouvois alors peu d'appas,</p> -<p>Et leur en vis sans joie accrotre ma famille;<span class="dalign">680</span></p> -<p class="i4"> Mais mon cœur, ainsi que mes yeux,</p> -<p>S'est fait de ce prsent une douce habitude;</p> -<p>J'ai mis quinze ans de soins, de veilles et d'tude</p> -<p class="i4"> A me le rendre prcieux;</p> -<p class="i3"> Je l'ai par de l'aimable richesse<span class="dalign">685</span></p> -<p class="i4"> De mille brillantes vertus;</p> -<p>En lui j'ai renferm, par des soins assidus,</p> -<p>Tous les plus beaux trsors que fournit la sagesse;</p> -<p>A lui j'ai de mon me attach la tendresse;</p> -<p>J'en ai fait de ce cœur le charme et l'allgresse,<span class="dalign">690</span></p> -<p>La consolation de mes sens abattus,</p> -<p class="i4"> Le doux espoir de ma vieillesse.</p> -<p class="i4"> Ils m'tent tout cela, ces Dieux;</p> -<p>Et tu veux que je n'aie aucun sujet de plainte</p> -<p>Sur cet affreux arrt dont je souffre l'atteinte?<span class="dalign">695</span></p> -<p>Ah! leur pouvoir se joue avec trop de rigueur</p> -<p class="i4"> Des tendresses de notre cœur.</p> -<p>Pour m'ter leur prsent, leur falloit-il attendre</p> -<p class="i4"> Que j'en eusse fait tout mon bien?</p> -<p>Ou plutt, s'ils avoient dessein de le reprendre,<span class="dalign">700</span></p> -<p>N'et-il pas t mieux de ne me donner rien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Seigneur, redoutez la colre</p> -<p>De ces Dieux contre qui vous osez clater.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Aprs ce coup, que peuvent-ils me faire?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span></div> -<p>Ils m'ont mis en tat de ne rien redouter.<span class="dalign">705</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ah! Seigneur, je tremble des crimes</p> -<p>Que je vous fais commettre, et je dois me har.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! qu'ils souffrent du moins mes plaintes lgitimes!</p> -<p>Ce m'est assez d'effort que de leur obir;</p> -<p>Ce doit leur tre assez que mon cœur t'abandonne<span class="dalign">710</span></p> -<p>Au barbare respect qu'il faut qu'on ait pour eux,</p> -<p>Sans prtendre gner la douleur que me donne</p> -<p>L'pouvantable arrt d'un sort si rigoureux.</p> -<p>Mon juste dsespoir ne sauroit se contraindre:</p> -<p>Je veux, je veux garder ma douleur jamais;<span class="dalign">715</span></p> -<p>Je veux sentir toujours la perte que je fais;</p> -<p>De la rigueur du ciel je veux toujours me plaindre;</p> -<p>Je veux jusqu'au trpas incessamment pleurer</p> -<p>Ce que tout l'univers ne peut me rparer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! de grce, Seigneur, pargnez ma foiblesse:<span class="dalign">720</span></p> -<p>J'ai besoin de constance en l'tat o je suis.</p> -<p>Ne fortifiez point l'excs de mes ennuis</p> -<p class="i4"> Des larmes de votre tendresse.</p> -<p>Seuls ils sont assez forts; et c'est trop pour mon cœur</p> -<p class="i3"> De mon destin et de votre douleur.<span class="dalign">725</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, je dois t'pargner mon deuil inconsolable.</p> -<p>Voici l'instant fatal de m'arracher de toi;</p> -<p>Mais comment prononcer ce mot pouvantable?</p> -<p>Il le faut toutefois, le ciel m'en fait la loi:</p> -<p class="i4"> Une rigueur invitable<span class="dalign">730</span></p> -<p>M'oblige te laisser en ce funeste lieu.</p> -<p class="i5"> Adieu: je vais.... Adieu.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span></p> - -<h3 class="subh">SCNE II<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor"> [322]</a>.</h3> -<p class="subt">PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Suivez le Roi, mes sœurs: vous essuierez ses larmes,</p> -<p class="i4"> Vous adoucirez ses douleurs;</p> -<p class="i4"> Et vous l'accableriez d'alarmes, <span class="dalign">735</span></p> -<p>Si vous vous exposiez encore mes malheurs.</p> -<p class="i4"> Conservez-lui ce qui lui reste.</p> -<p>Le serpent que j'attends peut vous tre funeste,</p> -<p class="i4"> Vous envelopper dans mon sort,</p> -<p>Et me porter en vous une seconde mort. <span class="dalign">740</span></p> -<p class="i4"> Le ciel m'a seule condamne</p> -<p class="i4"> A son haleine empoisonne:</p> -<p class="i4"> Rien ne sauroit me secourir;</p> -<p>Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne nous enviez pas ce cruel avantage <span class="dalign">745</span></p> -<p>De confondre nos pleurs avec vos dplaisirs,</p> -<p>De mler nos soupirs vos derniers soupirs:</p> -<p>D'une tendre amiti souffrez ce dernier gage.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> C'est vous perdre inutilement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est en votre faveur esprer un miracle, <span class="dalign">750</span></p> -<p>Ou vous accompagner jusques au monument.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que peut-on se promettre aprs un tel oracle?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un oracle jamais n'est sans obscurit:</p> -<p>On l'entend d'autant moins que mieux on croit l'entendre<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor"> [324]</a>;</p> -<p>Et peut-tre, aprs tout, n'en devez-vous attendre</p> -<p class="i4"> Que gloire et que flicit.</p> -<p>Laissez-nous voir, ma sœur, par une digne issue</p> -<p>Cette frayeur mortelle heureusement due,</p> -<p class="i4"> Ou mourir du moins avec vous,</p> -<p>Si le ciel nos vœux ne se montre plus doux. <span class="dalign">760</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur, coutez mieux la voix de la nature</p> -<p class="i4"> Qui vous appelle auprs du Roi.</p> -<p class="i3"> Vous m'aimez trop; le devoir en murmure,</p> -<p class="i3"> Vous en savez l'indispensable loi:</p> -<p>Un pre vous doit tre encor plus cher que moi. <span class="dalign">765</span></p> -<p>Rendez-vous toutes deux l'appui de sa vieillesse;</p> -<p>Vous lui devez chacune<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor"> [325]</a> un gendre et des neveux.</p> -<p>Mille rois l'envi vous gardent leur tendresse,</p> -<p>Mille rois l'envi vous offriront leurs vœux.</p> -<p>L'oracle me veut seule; et seule aussi je veux <span class="dalign">770</span></p> -<p class="i4"> Mourir, si je puis, sans foiblesse,</p> -<p>Ou ne vous avoir pas pour tmoins toutes deux</p> -<p>De ce que, malgr moi, la nature m'en laisse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Partager vos malheurs, c'est vous importuner?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ose dire un peu plus, ma sœur, c'est vous dplaire?</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Non; mais enfin c'est me gner,</p> -<p>Et peut-tre du ciel redoubler la colre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Vous le voulez, et nous partons.</p> -<p>Daigne ce mme ciel, plus juste et moins svre,</p> -<p>Vous envoyer le sort que nous vous souhaitons, <span class="dalign">780</span></p> -<p class="i4"> Et que notre amiti sincre,</p> -<p>En dpit de l'oracle, et malgr vous, espre!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Adieu: c'est un espoir, ma sœur, et des souhaits</p> -<p class="i3"> Qu'aucun des Dieux ne remplira jamais.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> - -<p class="subt">PSYCH, seule.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i4"> Enfin, seule et toute moi-mme,<span class="dalign">785</span></p> -<p>Je puis envisager cet affreux changement</p> -<p class="i4"> Qui du haut d'une gloire extrme</p> -<p class="i4"> Me prcipite au monument.</p> -<p class="i4"> Cette gloire toit sans seconde;</p> -<p>L'clat s'en rpandoit jusqu'aux deux bouts du monde;</p> -<p>Tout ce qu'il a de rois sembloient faits pour m'aimer;</p> -<p class="i1"> Tous leurs sujets, me prenant pour desse,</p> -<p class="i4"> Commenoient m'accoutumer</p> -<p class="i4"> Aux encens qu'ils m'offroient sans cesse;</p> -<p>Leurs soupirs me suivoient sans qu'il m'en cott rien;</p> -<p>Mon me restoit libre en captivant tant d'mes;</p> -<p class="i4"> Et j'tois, parmi tant de flammes,</p> -<p>Reine de tous les cœurs et matresse du mien.</p> -<p class="i4"> O ciel, m'auriez-vous fait un crime</p> -<p class="i4"> De cette insensibilit? <span class="dalign">800</span></p> -<p>Dployez-vous sur moi tant de svrit,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span></div> -<p>Pour n'avoir leurs vœux rendu que de l'estime?</p> -<p class="i4"> Si vous m'imposiez cette loi,</p> -<p>Qu'il fallt faire un choix pour ne pas vous dplaire<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor"> [326]</a>,</p> -<p class="i4"> Puisque je ne pouvois le faire, <span class="dalign">805</span></p> -<p class="i4"> Que ne le faisiez-vous pour moi?</p> -<p>Que ne m'inspiriez-vous ce qu'inspire tant d'autres</p> -<p>Le mrite, l'amour, et.... Mais que vois-je ici?</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">CLOMNE, AGNOR, PSYCH.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Deux amis, deux rivaux, dont l'unique souci</p> -<p>Est d'exposer leurs jours pour conserver les vtres.<span class="dalign">810</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Puis-je vous couter, quand j'ai chass deux sœurs?</p> -<p>Princes, contre le ciel pensez-vous me dfendre?</p> -<p>Vous livrer au serpent qu'ici je dois attendre,</p> -<p>Ce n'est qu'un dsespoir qui sied mal aux grands cœurs;</p> -<p class="i3"> Et mourir alors que je meurs, <span class="dalign">815</span></p> -<p class="i3"> C'est accabler une me tendre,</p> -<p class="i3"> Qui n'a que trop de ses douleurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Un serpent n'est pas invincible:</p> -<p>Cadmus, qui n'aimoit rien, dfit celui de Mars.</p> -<p>Nous aimons, et l'amour sait rendre tout possible <span class="dalign">820</span></p> -<p class="i3"> Au cœur qui suit ses tendards,</p> -<p>A la main dont lui-mme il conduit tous les dards.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voulez-vous qu'il vous serve en faveur d'une ingrate</p> -<p class="i3"> Que tous ses traits n'ont pu toucher;</p> -<p>Qu'il dompte sa vengeance au moment qu'elle clate,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span></div> -<p class="i3"> Et vous aide m'en arracher?</p> -<p class="i3"> Quand mme vous m'auriez servie,</p> -<p class="i3"> Quand vous m'auriez rendu la vie.</p> -<p>Quel fruit esprez-vous de qui ne peut aimer?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est point par l'espoir d'un si charmant salaire <span class="dalign">830</span></p> -<p class="i3"> Que nous nous sentons animer:</p> -<p class="i3"> Nous ne cherchons qu' satisfaire</p> -<p>Aux devoirs d'un amour qui n'ose prsumer</p> -<p class="i3"> Que jamais, quoi qu'il puisse faire,</p> -<p class="i3"> Il soit capable de vous plaire, <span class="dalign">835</span></p> -<p class="i3"> Et digne de vous enflammer.</p> -<p>Vivez, belle princesse, et vivez pour un autre:</p> -<p class="i3"> Nous le verrons d'un œil jaloux,</p> -<p>Nous en mourrons, mais d'un trpas plus doux</p> -<p class="i3"> Que s'il nous falloit voir le vtre; <span class="dalign">840</span></p> -<p>Et si nous ne mourons en vous sauvant le jour,</p> -<p>Quelque amour qu' nos yeux vous prfriez au ntre,</p> -<p>Nous voulons bien mourir de douleur et d'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vivez, princes, vivez, et de ma destine</p> -<p>Ne songez plus rompre ou partager la loi; <span class="dalign">845</span></p> -<p>Je crois vous l'avoir dit, le ciel ne veut que moi,</p> -<p class="i3"> Le ciel m'a seule condamne.</p> -<p>Je pense our dj les mortels sifflements</p> -<p class="i3"> De son ministre qui s'approche:</p> -<p>Ma frayeur me le peint, me l'offre tous moments; <span class="dalign">850</span></p> -<p>Et matresse qu'elle est de tous mes sentiments,</p> -<p>Elle me le figure au haut de cette roche.</p> -<p>J'en tombe de foiblesse, et mon cœur abattu</p> -<p>Ne soutient plus qu' peine un reste de vertu.</p> -<p>Adieu, princes: fuyez, qu'il ne vous empoisonne. <span class="dalign">855</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rien ne s'offre nos yeux encor qui les tonne;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span></div> -<p>Et quand vous vous peignez un si proche trpas,</p> -<p class="i3"> Si la force vous abandonne,</p> -<p class="i3"> Nous avons des cœurs et des bras</p> -<p class="i3"> Que l'espoir n'abandonne pas. <span class="dalign">860</span></p> -<p>Peut-tre qu'un rival a dict cet oracle,</p> -<p>Que l'or a fait parler celui qui l'a rendu:</p> -<p class="i3"> Ce ne seroit pas un miracle</p> -<p>Que pour un dieu muet un homme et rpondu;</p> -<p>Et dans tous les climats on n'a que trop d'exemples <span class="dalign">865</span></p> -<p>Qu'il est, ainsi qu'ailleurs, des mchants dans les temples.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Laissez-nous opposer au lche ravisseur</p> -<p>A qui le sacrilge indignement vous livre,</p> -<p>Un amour qu'a le ciel choisi pour dfenseur</p> -<p>De la seule beaut pour qui nous voulons vivre. <span class="dalign">870</span></p> -<p>Si nous n'osons prtendre sa possession,</p> -<p>Du moins en son pril permettez-nous de suivre</p> -<p>L'ardeur et les devoirs de notre passion.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Portez-les d'autres moi-mmes,</p> -<p class="i3"> Princes, portez-les mes sœurs, <span class="dalign">875</span></p> -<p class="i3"> Ces devoirs, ces ardeurs extrmes,</p> -<p class="i3"> Dont pour moi sont remplis vos cœurs:</p> -<p class="i3"> Vivez pour elles quand je meurs.</p> -<p>Plaignez de mon destin les funestes rigueurs,</p> -<p>Sans leur donner en vous de nouvelles matires. <span class="dalign">880</span></p> -<p class="i3"> Ce sont mes volonts dernires;</p> -<p class="i3"> Et l'on a reu de tout temps</p> -<p>Pour souveraines lois les ordres des mourants.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Princesse.... -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Encore un coup, princes, vivez pour elles.</p> -<p>Tant que vous m'aimerez, vous devez m'obir:<span class="dalign">885</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span></div> -<p>Ne me rduisez pas vouloir vous har,</p> -<p class="i3"> Et vous regarder en rebelles,</p> -<p class="i3"> A force de m'tre fidles.</p> -<p>Allez, laissez-moi seule expirer en ce lieu</p> -<p>O je n'ai plus de voix que pour vous dire adieu.<span class="dalign">890</span></p> -<p>Mais je sens qu'on m'enlve, et l'air m'ouvre une route</p> -<p>D'o vous n'entendrez plus cette mourante voix.</p> -<p>Adieu, princes, adieu pour la dernire fois.</p> -<p>Voyez si de mon sort vous pouvez tre en doute.</p> -<p class="stagedir">(Elle est enleve en l'air par deux Zphirs.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous la perdons de vue. Allons tous deux chercher<span class="dalign">895</span></p> -<p class="i3"> Sur le fate de ce rocher,</p> -<p class="i3"> Prince, les moyens de la suivre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons-y chercher ceux de ne lui point survivre.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">L'AMOUR, en l'air.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Allez mourir, rivaux d'un dieu jaloux,</p> -<p class="i3"> Dont vous mritez le courroux <span class="dalign">900</span></p> -<p>Pour avoir eu le cœur sensible aux mmes charmes.</p> -<p>Et toi, forge, Vulcain, mille brillants attraits</p> -<p class="i4"> Pour orner un palais</p> -<p>O l'Amour de Psych veut essuyer les larmes,</p> -<p class="i4"> Et lui rendre les armes. <span class="dalign">905</span></p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span></p> -<h3>SECOND INTERMDE.</h3> -</div> - -<p class="hanging2"> -La scne se change en une cour magnifique orne de colonnes de -lapis enrichies de figures d'or, qui forment un palais pompeux et -brillant que l'Amour destine pour Psych. Six Cyclopes avec -quatre fes y font une entre de ballet, o ils achvent en cadence -quatre gros vases d'argent que les fes leur ont apports. -Cette entre est entrecoupe par ce rcit de Vulcain, qu'il fait -deux reprises:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Dpchez, prparez ces lieux</p> -<p>Pour le plus aimable des Dieux;</p> -<p>Que chacun pour lui s'intresse.</p> -<p>N'oubliez rien des soins qu'il faut:</p> -<p class="i2"> Quand l'Amour presse, <span class="dalign">910</span></p> -<p>On n'a jamais fait assez tt.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'Amour ne veut point qu'on diffre:</p> -<p class="i2"> Travaillez, htez-vous,</p> -<p class="i1"> Frappez, redoublez vos coups;</p> -<p class="i2"> Que l'ardeur de lui plaire <span class="dalign">915</span></p> -<p class="i1"> Fasse vos soins les plus doux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3">SECOND COUPLET.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Servez bien un dieu si charmant;</p> -<p>Il se plat dans l'empressement:</p> -<p>Que chacun pour lui s'intresse.</p> -<p>N'oubliez rien des soins qu'il faut: <span class="dalign">920</span></p> -<p class="i2"> Quand l'Amour presse,</p> -<p>On n'a jamais fait assez tt.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'Amour ne veut point qu'on diffre:</p> -<p class="i2"> Travaillez, etc.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE III.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor"> [327]</a>.</h3> -<p class="subt">L'AMOUR, ZPHIRE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Oui, je me suis galamment acquitt <span class="dalign">925</span></p> -<p>De la commission que vous m'avez donne;</p> -<p>Et du haut du rocher, je l'ai, cette beaut,</p> -<p>Par le milieu des airs, doucement amene</p> -<p class="i4"> Dans ce beau palais enchant,</p> -<p class="i4"> O vous pouvez en libert <span class="dalign">930</span></p> -<p class="i4"> Disposer de sa destine.</p> -<p>Mais vous me surprenez par ce grand changement</p> -<p class="i4"> Qu'en votre personne vous faites:</p> -<p>Cette taille, ces traits, et cet ajustement,</p> -<p class="i4"> Cachent tout fait qui vous tes; <span class="dalign">935</span></p> -<p>Et je donne aux plus fins pouvoir en ce jour</p> -<p class="i4"> Vous reconnotre pour l'Amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aussi ne veux-je pas qu'on puisse me connotre:</p> -<p>Je ne veux Psych dcouvrir que mon cœur<a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor"> [328]</a>,</p> -<p>Rien que les beaux transports de cette vive ardeur <span class="dalign">940</span></p> -<p class="i4"> Que ses doux charmes y font natre;</p> -<p>Et pour en exprimer l'amoureuse langueur,</p> -<p class="i4"> Et cacher ce que je puis tre</p> -<p class="i4"> Aux yeux qui m'imposent des lois,</p> -<p class="i4"> J'ai pris la forme que tu vois. <span class="dalign">945</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> En tout vous tes un grand matre;</p> -<p class="i4"> C'est ici que je le connois.</p> -<p>Sous des dguisements de diverse nature</p> -<p class="i4"> On a vu les Dieux amoureux</p> -<p>Chercher soulager cette douce blessure <span class="dalign">950</span></p> -<p>Que reoivent les cœurs de vos traits pleins de feux;</p> -<p class="i3"> Mais en bon sens vous l'emportez sur eux;</p> -<p class="i4"> Et voil la bonne figure</p> -<p class="i4"> Pour avoir un succs heureux</p> -<p>Prs de l'aimable sexe o l'on porte ses vœux. <span class="dalign">955</span></p> -<p>Oui, de ces formes-l l'assistance est bien forte;</p> -<p class="i3"> Et sans parler ni de rang ni d'esprit,</p> -<p>Qui peut trouver moyen d'tre fait de la sorte</p> -<p class="i4"> Ne soupire gure crdit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> J'ai rsolu, mon cher Zphire,<span class="dalign">960</span></p> -<p class="i4"> De demeurer ainsi toujours;</p> -<p class="i3"> Et l'on ne peut le trouver redire</p> -<p class="i4"> A l'an de tous les Amours.</p> -<p>Il est temps de sortir de cette longue enfance</p> -<p class="i4"> Qui fatigue ma patience;<span class="dalign">965</span></p> -<p>Il est temps dsormais que je devienne grand.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Fort bien, vous ne pouvez mieux faire;</p> -<p>Et vous entrez dans un mystre</p> -<p>Qui ne demande rien d'enfant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce changement sans doute irritera ma mre.<span class="dalign">970</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je prvois l-dessus quelque peu de colre.</p> -<p class="i4"> Bien que les disputes des ans</p> -<p>Ne doivent point rgner parmi des immortelles,</p> -<p>Votre mre Vnus est de l'humeur des belles,</p> -<p class="i4"> Qui n'aiment point de grands enfants. <span class="dalign">975</span></p> -<p class="i4"> Mais o je la trouve outrage,</p> -<p>C'est dans le procd que l'on vous voit tenir;</p> -<p class="i3"> Et c'est l'avoir trangement venge</p> -<p>Que d'aimer la beaut qu'elle vouloit punir.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span></div> -<p>Cette haine o ses vœux prtendent que rponde<span class="dalign">980</span></p> -<p>La puissance d'un fils que redoutent les Dieux....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Laissons cela, Zphire, et me dis si tes yeux</p> -<p>Ne trouvent pas Psych la plus belle du monde.</p> -<p>Est-il rien sur la terre, est-il rien dans les cieux</p> -<p>Qui puisse lui ravir le titre glorieux <span class="dalign">985</span></p> -<p class="i4"> De beaut sans seconde?</p> -<p class="i4"> Mais je la vois, mon cher Zphire,</p> -<p>Qui demeure surprise l'clat de ces lieux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous pouvez vous montrer pour finir son martyre,</p> -<p class="i2"> Lui dcouvrir son destin glorieux, <span class="dalign">990</span></p> -<p>Et vous dire entre vous tout ce que peuvent dire</p> -<p class="i3"> Les soupirs, la bouche et les yeux.</p> -<p>En confident discret, je sais ce qu'il faut faire</p> -<p>Pour ne pas interrompre un amoureux mystre.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i7">PSYCH<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor"> [329]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>O suis-je? et dans un lieu que je croyois barbare, <span class="dalign">995</span></p> -<p>Quelle savante main a bti ce palais,</p> -<p class="i4"> Que l'art, que la nature pare</p> -<p class="i4"> De l'assemblage le plus rare</p> -<p class="i4"> Que l'œil puisse admirer jamais?</p> -<p class="i4"> Tout rit, tout brille, tout clate <span class="dalign">1000</span></p> -<p class="i3"> Dans ces jardins, dans ces appartements,</p> -<p class="i4"> Dont les pompeux ameublements</p> -<p class="i4"> N'ont rien qui n'enchante et ne flatte;</p> -<p>Et de quelque ct que tournent mes frayeurs,</p> -<p>Je ne vois sous mes pas que de l'or ou des fleurs. <span class="dalign">1005</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le ciel auroit-il fait cet amas de merveilles</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span></div> -<p class="i4"> Pour la demeure d'un serpent?</p> -<p>Ou lorsque par leur vue il amuse et suspend</p> -<p>De mon destin jaloux les rigueurs sans pareilles,</p> -<p class="i4"> Veut-il montrer qu'il s'en repent? <span class="dalign">1010</span></p> -<p>Non, non, c'est de sa haine, en cruauts fconde,</p> -<p class="i4"> Le plus noir, le plus rude trait,</p> -<p>Qui par une rigueur nouvelle et sans seconde,</p> -<p class="i4"> N'tale ce choix qu'elle a fait</p> -<p class="i4"> De ce qu'a de plus beau le monde, <span class="dalign">1015</span></p> -<p>Qu'afin que je le quitte avec plus de regret.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Que mon espoir est ridicule,</p> -<p class="i3"> S'il croit par l soulager mes douleurs!</p> -<p>Tout autant de moments que ma mort se recule</p> -<p class="i4"> Sont autant de nouveaux malheurs; <span class="dalign">1020</span></p> -<p class="i3"> Plus elle tarde, et plus de fois je meurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne me fais plus languir, viens prendre ta victime,</p> -<p class="i4"> Monstre qui dois me dchirer.</p> -<p>Veux-tu que je te cherche, et faut-il que j'anime</p> -<p class="i4"> Tes fureurs me dvorer? <span class="dalign">1025</span></p> -<p>Si le ciel veut ma mort, si ma vie est un crime,</p> -<p>De ce peu qui m'en reste ose enfin t'emparer.</p> -<p class="i4"> Je suis lasse de murmurer</p> -<p class="i4"> Contre un chtiment lgitime;</p> -<p class="i4"> Je suis lasse de soupirer: <span class="dalign">1030</span></p> -<p class="i4"> Viens que j'achve d'expirer.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> - -<p class="subt">L'AMOUR, PSYCH, ZPHIRE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le voil ce serpent, ce monstre impitoyable,</p> -<p>Qu'un oracle tonnant pour vous a prpar,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span></div> -<p>Et qui n'est pas peut-tre tel point effroyable</p> -<p class="i4"> Que vous vous l'tes figur. <span class="dalign">1035</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous, Seigneur, vous seriez ce monstre dont l'oracle</p> -<p class="i4"> A menac mes tristes jours,</p> -<p>Vous qui semblez plutt un dieu qui par miracle</p> -<p class="i3"> Daigne venir lui-mme mon secours!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel besoin de secours au milieu d'un empire <span class="dalign">1040</span></p> -<p class="i4"> O tout ce qui respire</p> -<p>N'attend que vos regards pour en prendre la loi,</p> -<p>O vous n'avez craindre autre monstre que moi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'un monstre tel que vous inspire peu de crainte!</p> -<p class="i4"> Et que, s'il a quelque poison, <span class="dalign">1045</span></p> -<p class="i4"> Une me auroit peu de raison</p> -<p class="i4"> De hasarder la moindre plainte</p> -<p class="i4"> Contre une favorable atteinte</p> -<p class="i4"> Dont tout le cœur craindroit la gurison!</p> -<p>A peine je vous vois, que mes frayeurs cesses<span class="dalign">1050</span></p> -<p>Laissent vanouir l'image du trpas,</p> -<p>Et que je sens couler dans mes veines glaces</p> -<p>Un je ne sais quel feu que je ne connois pas.</p> -<p>J'ai senti de l'estime et de la complaisance,</p> -<p class="i3"> De l'amiti, de la reconnoissance; <span class="dalign">1055</span></p> -<p>De la compassion les chagrins innocents</p> -<p class="i4"> M'en ont fait sentir la puissance;</p> -<p>Mais je n'ai point encor senti ce que je sens.</p> -<p>Je ne sais ce que c'est; mais je sais qu'il me charme,</p> -<p class="i4"> Que je n'en conois point d'alarme:<span class="dalign">1060</span></p> -<p>Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer.</p> -<p>Tout ce que j'ai senti n'agissoit point de mme,</p> -<p class="i4"> Et je dirois que je vous aime,</p> -<p>Seigneur, si je savois ce que c'est que d'aimer.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span></div> -<p>Ne les dtournez point, ces yeux qui m'empoisonnent,</p> -<p>Ces yeux tendres, ces yeux perants, mais amoureux,</p> -<p>Qui semblent partager le trouble qu'ils me donnent.</p> -<p class="i4"> Hlas! plus ils sont dangereux,</p> -<p class="i3"> Plus je me plais m'attacher sur eux.</p> -<p>Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre, <span class="dalign">1070</span></p> -<p class="i4"> Vous dis-je plus que je ne dois,</p> -<p>Moi de qui la pudeur devroit du moins attendre</p> -<p>Que vous m'expliquassiez le trouble o je vous vois?</p> -<p>Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire:</p> -<p>Vos sens comme les miens paroissent interdits. <span class="dalign">1075</span></p> -<p>C'est moi de m'en taire, vous de me le dire;</p> -<p class="i3"> Et cependant c'est moi qui vous le dis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous avez eu, Psych, l'me toujours si dure,</p> -<p class="i4"> Qu'il ne faut pas vous tonner</p> -<p class="i4"> Si pour en rparer l'injure, <span class="dalign">1080</span></p> -<p>L'Amour en ce moment se paye avec usure</p> -<p class="i4"> De ceux qu'elle a d lui donner.</p> -<p>Ce moment est venu qu'il faut que votre bouche</p> -<p>Exhale des soupirs si longtemps retenus;</p> -<p>Et qu'en vous arrachant cette humeur farouche,<span class="dalign">1085</span></p> -<p>Un amas de transports aussi doux qu'inconnus,</p> -<p>Aussi sensiblement tout la fois vous touche,</p> -<p>Qu'ils ont d vous toucher durant tant de beaux jours</p> -<p>Dont cette me insensible a profan le cours.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'aimer point, c'est donc un grand crime?<span class="dalign">1090</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En souffrez-vous un rude chtiment?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est punir assez doucement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est lui choisir sa peine lgitime,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span></div> -<p>Et se faire justice, en ce glorieux jour,</p> -<p>D'un manquement d'amour par un excs d'amour.<span class="dalign">1095</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Que n'ai-je t plus tt punie!</p> -<p class="i4"> J'y mets le bonheur de ma vie.</p> -<p>Je devrois en rougir, ou le dire plus bas;</p> -<p class="i4"> Mais le supplice a trop d'appas.</p> -<p>Permettez que tout haut je le die et redie: <span class="dalign">1100</span></p> -<p>Je le dirois cent fois et n'en rougirois pas.</p> -<p>Ce n'est point moi qui parle, et de votre prsence</p> -<p>L'empire surprenant, l'aimable violence,</p> -<p>Ds que je veux parler, s'empare de ma voix.</p> -<p>C'est en vain qu'en secret ma pudeur s'en offense,<span class="dalign">1105</span></p> -<p class="i4"> Que le sexe et la biensance</p> -<p class="i4"> Osent me faire d'autres lois:</p> -<p>Vos yeux de ma rponse eux-mmes font le choix;</p> -<p>Et ma bouche, asservie leur toute-puissance,</p> -<p>Ne me consulte plus sur ce que je me dois. <span class="dalign">1110</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Croyez, belle Psych, croyez ce qu'ils vous disent,</p> -<p class="i4"> Ces yeux qui ne sont point jaloux:</p> -<p class="i4"> Qu' l'envi les vtres m'instruisent</p> -<p class="i4"> De tout ce qui se passe en vous.</p> -<p class="i4"> Croyez-en ce cœur qui soupire, <span class="dalign">1115</span></p> -<p>Et qui, tant que le vtre y voudra repartir,</p> -<p class="i4"> Vous dira bien plus, d'un soupir,</p> -<p class="i4"> Que cent regards ne peuvent dire.</p> -<p class="i4"> C'est le langage le plus doux,</p> -<p class="i3"> C'est le plus fort, c'est le plus sr de tous.<span class="dalign">1120</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> L'intelligence en toit due</p> -<p>A nos cœurs, pour les rendre galement contents.</p> -<p class="i3"> J'ai soupir, vous m'avez entendue;</p> -<p class="i4"> Vous soupirez, je vous entends;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span></div> -<p class="i4"> Mais ne me laissez plus en doute, <span class="dalign">1125</span></p> -<p>Seigneur, et dites-moi si par la mme route,</p> -<p>Aprs moi, le Zphire ici vous a rendu,</p> -<p class="i4"> Pour me dire ce que j'coute.</p> -<p>Quand j'y suis arrive, tiez-vous attendu?</p> -<p>Et quand vous lui parlez, tes-vous entendu? <span class="dalign">1130</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ai dans ce doux climat un souverain empire</p> -<p class="i4"> Comme vous l'avez sur mon cœur;</p> -<p>L'Amour m'est favorable, et c'est en sa faveur</p> -<p>Qu' mes ordres ole a soumis le Zphire.</p> -<p>C'est l'Amour qui pour voir mes feux rcompenss,<span class="dalign">1135</span></p> -<p class="i4"> Lui-mme a dict cet oracle</p> -<p class="i4"> Par qui vos beaux jours menacs,</p> -<p>D'une foule d'amants se sont dbarrasss,</p> -<p>Et qui m'a dlivr de l'ternel obstacle</p> -<p class="i4"> De tant de soupirs empresss, <span class="dalign">1140</span></p> -<p>Qui ne mritoient pas de vous tre adresss.</p> -<p>Ne me demandez point quelle est cette province,</p> -<p class="i4"> Ni le nom de son prince;</p> -<p class="i3"> Vous le saurez quand il en sera temps.</p> -<p>Je veux vous acqurir, mais c'est par mes services,<span class="dalign">1145</span></p> -<p>Par des soins assidus, et par des vœux constants,</p> -<p class="i3"> Par les amoureux sacrifices</p> -<p class="i4"> De tout ce que je suis,</p> -<p class="i4"> De tout ce que je puis,</p> -<p>Sans que l'clat du rang pour moi vous sollicite,<span class="dalign">1150</span></p> -<p>Sans que de mon pouvoir je me fasse un mrite;</p> -<p>Et bien que souverain dans cet heureux sjour,</p> -<p>Je ne vous veux, Psych, devoir qu' mon amour.</p> -<p>Venez en admirer avec moi les merveilles,</p> -<p>Princesse, et prparez vos yeux et vos oreilles <span class="dalign">1155</span></p> -<p class="i3"> A ce qu'il a d'enchantements.</p> -<p class="i3"> Vous y verrez des bois et des prairies</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span></div> -<p class="i4"> Contester sur leurs agrments</p> -<p class="i4"> Avec l'or et les pierreries;</p> -<p class="i3"> Vous n'entendrez que des concerts charmants;<span class="dalign">1160</span></p> -<p class="i3"> De cent beauts vous y serez servie,</p> -<p>Qui vous adoreront sans vous porter envie,</p> -<p class="i4"> Et brigueront tous moments,</p> -<p class="i4"> D'une me soumise et ravie,</p> -<p class="i4"> L'honneur de vos commandements. <span class="dalign">1165</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Mes volonts suivent les vtres:</p> -<p class="i4"> Je n'en saurois plus avoir d'autres;</p> -<p>Mais votre oracle enfin vient de me sparer</p> -<p class="i4"> De deux sœurs, et du Roi mon pre,</p> -<p class="i4"> Que mon trpas imaginaire <span class="dalign">1170</span></p> -<p class="i4"> Rduit tous trois me pleurer.</p> -<p>Pour dissiper l'erreur dont leur me accable</p> -<p>De mortels dplaisirs se voit pour moi comble,</p> -<p class="i4"> Souffrez que mes sœurs soient tmoins</p> -<p class="i4"> Et de ma gloire et de vos soins; <span class="dalign">1175</span></p> -<p>Prtez-leur, comme moi, les ailes du Zphire<a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor"> [330]</a>,</p> -<p class="i4"> Qui leur puissent de votre empire,</p> -<p class="i3"> Ainsi qu' moi, faciliter l'accs:</p> -<p class="i3"> Faites-leur voir en quel lieu je respire;</p> -<p>Faites-leur de ma perte admirer le succs. <span class="dalign">1180</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous ne me donnez pas, Psych, toute votre me:</p> -<p>Ce tendre souvenir d'un pre et de deux sœurs</p> -<p class="i4"> Me vole une part des douceurs</p> -<p class="i4"> Que je veux toutes pour ma flamme.</p> -<p>N'ayez d'yeux que pour moi qui n'en ai que pour vous;</p> -<p>Ne songez qu' m'aimer, ne songez qu' me plaire,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span></div> -<p>Et quand de tels soucis osent vous en distraire....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Des tendresses du sang peut-on tre jaloux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le suis, ma Psych, de toute la nature:</p> -<p>Les rayons du soleil vous baisent trop souvent;<span class="dalign">1190</span></p> -<p>Vos cheveux souffrent trop les caresses du vent:</p> -<p class="i4"> Ds qu'il les flatte, j'en murmure;</p> -<p class="i4"> L'air mme que vous respirez</p> -<p>Avec trop de plaisir passe par votre bouche;</p> -<p class="i4"> Votre habit de trop prs vous touche; <span class="dalign">1195</span></p> -<p class="i4"> Et sitt que vous soupirez,</p> -<p class="i4"> Je ne sais quoi qui m'effarouche</p> -<p>Craint parmi vos soupirs des soupirs gars.</p> -<p>Mais vous voulez vos sœurs: allez, partez, Zphire;</p> -<p class="i3"> Psych le veut, je ne l'en puis ddire. <span class="dalign">1200</span></p> -<p class="stagedir">(Le Zphire s'envole.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand vous leur ferez voir ce bienheureux sjour,</p> -<p class="i3"> De ses trsors faites-leur cent largesses,</p> -<p class="i3"> Prodiguez-leur caresses sur caresses,</p> -<p>Et du sang, s'il se peut, puisez les tendresses,</p> -<p class="i4"> Pour vous rendre toute l'amour. <span class="dalign">1205</span></p> -<p>Je n'y mlerai point d'importune prsence;</p> -<p>Mais ne leur faites pas de si longs entretiens:</p> -<p>Vous ne sauriez pour eux avoir de complaisance,</p> -<p class="i4"> Que vous ne drobiez aux miens.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Votre amour me fait une grce<span class="dalign">1210</span></p> -<p class="i4"> Dont je n'abuserai jamais.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons voir cependant ces jardins, ce palais,</p> -<p>O vous ne verrez rien que votre clat n'efface.</p> -<p>Et vous, petits Amours, et vous, jeunes Zphirs,</p> -<p>Qui pour mes n'avez que de tendres soupirs,<span class="dalign">1215</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span></div> -<p>Montrez tous l'envi ce qu' voir ma princesse</p> -<p class="i4"> Vous avez senti d'allgresse.</p> -</div></div> - - -<h3>TROISIME INTERMDE.</h3> -<p class="blockquote"> -Il se fait une entre de ballet de quatre Amours et quatre Zphirs, -interrompue deux fois par un dialogue chant par un Amour et -un Zphir.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">LE ZPHIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Aimable jeunesse,</p> -<p class="i2"> Suivez la tendresse;</p> -<p class="i2"> Joignez aux beaux jours<span class="dalign">1220</span></p> -<p class="i2"> La douceur des Amours.</p> -<p class="i2"> C'est pour vous surprendre</p> -<p class="i2"> Qu'on vous fait entendre</p> -<p>Qu'il faut viter leurs soupirs</p> -<p class="i1"> Et craindre leurs dsirs:<span class="dalign">1225</span></p> -<p class="i2"> Laissez-vous apprendre</p> -<p class="i2"> Quels sont leurs plaisirs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i1 small1">ILS CHANTENT ENSEMBLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Chacun est oblig d'aimer</p> -<p class="i3"> A son tour;</p> -<p>Et plus on a de quoi charmer,<span class="dalign">1230</span></p> -<p class="i1"> Plus on doit l'Amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i3 small1">LE ZPHIR SEUL.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Un cœur jeune et tendre</p> -<p class="i2"> Est fait pour se rendre;</p> -<p class="i2"> Il n'a point prendre</p> -<p class="i2"> De fcheux dtour. <span class="dalign">1235</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Chacun est oblig d'aimer</p> -<p class="i3"> A son tour;</p> -<p>Et plus on a de quoi charmer,</p> -<p class="i1"> Plus on doit l'Amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i3 small1">L'AMOUR SEUL.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Pourquoi se dfendre? <span class="dalign">1240</span></p> -<p class="i2"> Que sert-il d'attendre?</p> -<p class="i2"> Quand on perd un jour,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span></div> -<p class="i1"> On le perd sans retour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Chacun est oblig d'aimer</p> -<p class="i3"> A son tour; <span class="dalign">1245</span></p> -<p>Et plus on a de quoi charmer,</p> -<p class="i1"> Plus on doit l'Amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2">SECOND COUPLET.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">LE ZPHIR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> L'Amour a des charmes;</p> -<p class="i2"> Rendons-lui les armes:</p> -<p class="i2"> Ses soins et ses pleurs<span class="dalign">1250</span></p> -<p class="i1"> Ne sont pas sans douceurs.</p> -<p class="i2"> Un cœur, pour le suivre,</p> -<p class="i2"> A cent maux se livre.</p> -<p>Il faut, pour goter ses appas,</p> -<p class="i1"> Languir jusqu'au trpas; <span class="dalign">1255</span></p> -<p class="i2"> Mais ce n'est pas vivre</p> -<p class="i2"> Que de n'aimer pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i1 small1">ILS CHANTENT ENSEMBLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il faut des soins et des travaux</p> -<p class="i2"> En aimant,</p> -<p>On est pay de mille maux <span class="dalign">1260</span></p> -<p class="i1"> Par un heureux moment.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">LE ZPHIR SEUL.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> On craint, on espre,</p> -<p class="i2"> Il faut du mystre:</p> -<p class="i2"> Mais on n'obtient gure</p> -<p class="i2"> De bien sans tourment. <span class="dalign">1265</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il faut des soins et des travaux</p> -<p class="i3"> En aimant,</p> -<p>On est pay de mille maux</p> -<p class="i1"> Par un heureux moment.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i3 small1">L'AMOUR SEUL.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Que peut-on mieux faire <span class="dalign">1270</span></p> -<p class="i2"> Qu'aimer et que plaire?</p> -<p class="i2"> C'est un soin charmant</p> -<p class="i1"> Que l'emploi d'un amant.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il faut des soins et des travaux</p> -<p class="i3"> En aimant, <span class="dalign">1275</span></p> -<p>On est pay de mille maux</p> -<p class="i1"> Par un heureux moment.</p> -<p class="hanging2">(Le thtre devient un autre palais magnifique, coup dans le fond -par un vestibule, au travers duquel on voit un jardin superbe et -charmant, dcor de plusieurs vases d'orangers, et d'arbres chargs -de toutes sortes de fruits.)</p> -</div></div> - - -<div class="chapter"> -<h2 class="normal">ACTE IV.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'en puis plus, ma sœur; j'ai vu trop de merveilles:</p> -<p>L'avenir aura peine les bien concevoir;</p> -<p>Le soleil, qui voit tout, et qui nous fait tout voir,<span class="dalign">1280</span></p> -<p class="i4"> N'en a vu jamais<a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor"> [331]</a> de pareilles.</p> -<p class="i4"> Elles me chagrinent l'esprit;</p> -<p>Et ce brillant palais, ce pompeux quipage,</p> -<p class="i4"> Font un odieux talage</p> -<p>Qui m'accable de honte autant que de dpit. <span class="dalign">1285</span></p> -<p class="i3"> Que la fortune indignement nous traite<a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor"> [332]</a>!</p> -<p class="i4"> Et que sa largesse indiscrte</p> -<p>Prodigue aveuglment, puise, unit d'efforts,</p> -<p class="i4"> Pour faire de tant de trsors</p> -<p class="i4"> Le partage d'une cadette! <span class="dalign">1290</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> J'entre dans tous vos sentiments,</p> -<p>J'ai les mmes chagrins; et dans ces lieux charmants,</p> -<p class="i4"> Tout ce qui vous dplat me blesse;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span></div> -<p>Tout ce que vous prenez pour un mortel affront,</p> -<p class="i4"> Comme vous, m'accable et me laisse <span class="dalign">1295</span></p> -<p>L'amertume dans l'me et la rougeur au front.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Non, ma sœur, il n'est point de reines</p> -<p>Qui dans leur propre tat parlent en souveraines</p> -<p class="i4"> Comme Psych parle en ces lieux.</p> -<p>On l'y voit obie avec exactitude, <span class="dalign">1300</span></p> -<p>Et de ses volonts une amoureuse tude</p> -<p class="i4"> Les cherche jusque dans ses yeux.</p> -<p class="i3"> Mille beauts s'empressent autour d'elle,</p> -<p class="i3"> Et semblent dire nos regards jaloux:</p> -<p>Quels que soient nos attraits, elle est encor plus belle;</p> -<p>Et nous, qui la servons, le sommes plus que vous.</p> -<p class="i4"> Elle prononce, on excute;</p> -<p>Aucun ne s'en dfend, aucun ne s'en rebute.</p> -<p class="i4"> Flore, qui s'attache ses pas,</p> -<p>Rpand pleines mains autour de sa personne <span class="dalign">1310</span></p> -<p class="i4"> Ce qu'elle a de plus doux appas;</p> -<p class="i3"> Zphire vole aux ordres qu'elle donne<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor"> [333]</a>;</p> -<p>Et son amante et lui, s'en laissant trop charmer,</p> -<p>Quittent pour la servir les soins de s'entr'aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Elle a des Dieux son service, <span class="dalign">1315</span></p> -<p class="i4"> Elle aura bientt des autels<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor"> [334]</a>;</p> -<p>Et nous ne commandons qu' de chtifs mortels</p> -<p class="i4"> De qui l'audace et le caprice,</p> -<p>Contre nous toute heure en secret rvolts,</p> -<p class="i4"> Opposent nos volonts <span class="dalign">1320</span></p> -<p class="i4"> Ou le murmure ou l'artifice!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> C'toit peu que dans notre cour</p> -<p>Tant de cœurs l'envi nous l'eussent prfre;</p> -<p>Ce n'toit pas assez que de nuit et de jour</p> -<p>D'une foule d'amants elle y ft adore: <span class="dalign">1325</span></p> -<p>Quand nous nous consolions de la voir au tombeau</p> -<p class="i4"> Par l'ordre imprvu d'un oracle,</p> -<p class="i3"> Elle a voulu de son destin nouveau</p> -<p>Faire en notre prsence clater le miracle,</p> -<p class="i4"> Et choisi nos yeux pour tmoins <span class="dalign">1330</span></p> -<p>De ce qu'au fond du cœur nous souhaitions le moins.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ce qui le plus me dsespre,</p> -<p>C'est cet amant parfait et si digne de plaire</p> -<p class="i4"> Qui se captive sous ses lois.</p> -<p>Quand nous pourrions choisir entre tous les monarques,</p> -<p class="i4"> En est-il un, de tant de rois,</p> -<p class="i4"> Qui porte de si nobles marques?</p> -<p class="i3"> Se voir du bien par del ses souhaits,</p> -<p>N'est souvent qu'un bonheur qui fait des misrables;</p> -<p>Il n'est ni train pompeux, ni superbes palais <span class="dalign">1340</span></p> -<p>Qui n'ouvrent quelque porte des maux incurables;</p> -<p>Mais avoir un amant d'un mrite achev,</p> -<p class="i4"> Et s'en voir chrement aime,</p> -<p class="i3"> C'est un bonheur si haut, si relev,</p> -<p class="i3"> Que sa grandeur ne peut tre exprime<a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor"> [335]</a>.<span class="dalign">1345</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'en parlons plus, ma sœur, nous en mourrions d'ennui:</p> -<p class="i4"> Songeons plutt la vengeance;</p> -<p>Et trouvons le moyen de rompre entre elle et lui</p> -<p class="i4"> Cette adorable intelligence<a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor"> [336]</a>.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span></div> -<p>La voici. J'ai des coups tous prts<a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor"> [337]</a> lui porter <span class="dalign">1350</span></p> -<p class="i4"> Qu'elle aura peine d'viter.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> - -<p class="subt">PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i1"> Je viens vous dire adieu; mon amant vous renvoie,</p> -<p class="i4"> Et ne sauroit plus endurer</p> -<p>Que vous lui retranchiez un moment de la joie</p> -<p>Qu'il prend de se voir seul me considrer: <span class="dalign">1355</span></p> -<p>Dans un simple regard, dans la moindre parole,</p> -<p class="i4"> Son amour trouve des douceurs,</p> -<p class="i4"> Qu'en faveur du sang je lui vole,</p> -<p class="i4"> Quand je les partage des sœurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> La jalousie est assez fine; <span class="dalign">1360</span></p> -<p class="i4"> Et ces dlicats sentiments</p> -<p class="i4"> Mritent bien qu'on s'imagine</p> -<p>Que celui qui pour vous a ces empressements</p> -<p class="i4"> Passe le commun des amants.</p> -<p>Je vous en parle ainsi, faute de le connotre. <span class="dalign">1365</span></p> -<p>Vous ignorez son nom et ceux dont il tient l'tre;</p> -<p class="i4"> Nos esprits en sont alarms.</p> -<p>Je le tiens un grand prince, et d'un pouvoir suprme,</p> -<p class="i4"> Bien au del du diadme;</p> -<p>Ses trsors sous vos pas confusment sems. <span class="dalign">1370</span></p> -<p>Ont de quoi faire honte l'abondance mme.</p> -<p class="i4"> Vous l'aimez autant qu'il vous aime;</p> -<p class="i4"> Il vous charme, et vous le charmez:</p> -<p>Votre flicit, ma sœur, seroit extrme</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span></div> -<p class="i4"> Si vous saviez qui vous aimez. <span class="dalign">1375</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Que m'importe? j'en suis aime:</p> -<p class="i4"> Plus il me voit, plus je lui plais.</p> -<p>Il n'est point de plaisirs dont l'me soit charme</p> -<p class="i4"> Qui ne prviennent mes souhaits;</p> -<p>Et je vois mal de quoi la vtre est alarme, <span class="dalign">1380</span></p> -<p class="i4"> Quand tout me sert dans ce palais.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<div><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Qu'importe qu'ici tout vous serve,</p> -<p>Si toujours cet amant vous cache ce qu'il est?</p> -<p>Nous ne nous alarmons que pour votre intrt.</p> -<p>En vain tout vous y rit, en vain tout vous y plat;<span class="dalign">1385</span></p> -<p>Le vritable amour ne fait point de rserve;</p> -<p class="i4"> Et qui s'obstine se cacher</p> -<p>Sent quelque chose en soi qu'on lui peut reprocher.</p> -<p class="i4"> Si cet amant devient volage,</p> -<p>Car souvent en amour le change est assez doux;<span class="dalign">1390</span></p> -<p class="i4"> Et j'ose le dire entre nous,</p> -<p>Pour grand que soit l'clat dont brille ce visage,</p> -<p>Il en peut tre ailleurs d'aussi belles que vous;</p> -<p>Si, dis-je, un autre objet sous d'autres lois l'engage,</p> -<p class="i4"> Si dans l'tat o je vous voi,<span class="dalign">1395</span></p> -<p class="i4"> Seule en ses mains et sans dfense,</p> -<p class="i4"> Il va jusqu' la violence,</p> -<p class="i4"> Sur qui vous vengera le Roi,</p> -<p>Ou de ce changement ou de cette insolence?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ma sœur, vous me faites trembler. <span class="dalign">1400</span></p> -<p>Juste ciel! pourrois-je tre assez infortune....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que sait-on si dj les nœuds de l'hymne....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> N'achevez pas, ce seroit m'accabler.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Je n'ai plus qu'un mot vous dire.</p> -<p>Ce prince qui vous aime, et qui commande aux vents,<span class="dalign">1405</span></p> -<p>Qui nous donne pour char les ailes du Zphire,</p> -<p>Et de nouveaux plaisirs vous comble tous moments,</p> -<p>Quand il rompt vos yeux l'ordre de la nature,</p> -<p>Peut-tre tant d'amour mle un peu d'imposture;</p> -<p>Peut-tre ce palais n'est qu'un enchantement; <span class="dalign">1410</span></p> -<p>Et ces lambris dors, ces amas de richesses</p> -<p class="i4"> Dont il achte vos tendresses,</p> -<p>Ds qu'il sera lass de souffrir vos caresses,</p> -<p class="i4"> Disparotront en un moment.</p> -<p>Vous savez comme nous ce que peuvent les charmes. <span class="dalign">1415</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que je sens mon tour de cruelles alarmes!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Notre amiti ne veut que votre bien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Adieu, mes sœurs: finissons l'entretien;</p> -<p class="i3"> J'aime, et je crains qu'on ne s'impatiente.</p> -<p class="i4"> Partez; et demain, si je puis, <span class="dalign">1420</span></p> -<p class="i4"> Vous me verrez ou plus contente,</p> -<p>Ou dans l'accablement des plus mortels ennuis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous allons dire au Roi quelle nouvelle gloire,</p> -<p>Quel excs de bonheur le ciel rpand sur vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous allons lui conter d'un changement si doux <span class="dalign">1425</span></p> -<p class="i3"> La surprenante et merveilleuse histoire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne l'inquitez point, ma sœur, de vos soupons;</p> -<p>Et quand vous lui peindrez un si charmant empire....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous savons toutes deux ce qu'il faut taire ou dire,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span></div> -<p>Et n'avons pas besoin, sur ce point, de leons. <span class="dalign">1430</span></p> -<p class="stagedir">(Le Zphire enlve les deux sœurs de Psych dans un nuage qui descend -jusqu' terre, et dans lequel il les emporte avec rapidit.)</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">L'AMOUR, PSYCH.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Enfin vous tes seule, et je puis vous redire,</p> -<p>Sans avoir pour tmoins vos importunes sœurs,</p> -<p>Ce que des yeux si beaux ont pris sur moi d'empire,</p> -<p class="i4"> Et quel excs ont les douceurs</p> -<p class="i4"> Qu'une sincre ardeur inspire, <span class="dalign">1435</span></p> -<p class="i4"> Sitt qu'elle assemble deux cœurs.</p> -<p>Je puis vous expliquer de mon me ravie</p> -<p class="i4"> Les amoureux empressements,</p> -<p class="i3"> Et vous jurer qu' vous seule asservie</p> -<p>Elle n'a pour objet de ses ravissements <span class="dalign">1440</span></p> -<p>Que de voir cette ardeur, de mme ardeur suivie,</p> -<p class="i4"> Ne concevoir plus d'autre envie</p> -<p class="i3"> Que de rgler mes vœux sur vos dsirs,</p> -<p>Et de ce qui vous plat faire tous mes plaisirs.</p> -<p class="i4"> Mais d'o vient qu'un triste nuage <span class="dalign">1445</span></p> -<p class="i3"> Semble offusquer l'clat de ces beaux yeux?</p> -<p class="i3"> Vous manque-t-il quelque chose en ces lieux?</p> -<p>Des vœux qu'on vous y rend ddaignez-vous l'hommage?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Seigneur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Qu'est-ce donc? et d'o vient mon malheur?</p> -<p>J'entends moins de soupirs d'amour que de douleur; <span class="dalign">1450</span></p> -<p>Je vois de votre teint les roses amorties</p> -<p class="i4"> Marquer un dplaisir secret;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span></div> -<p class="i4"> Vos sœurs peine sont parties</p> -<p class="i4"> Que vous soupirez de regret.</p> -<p>Ah! Psych, de deux cœurs quand l'ardeur est la mme, <span class="dalign">1455</span></p> -<p class="i4"> Ont-ils des soupirs diffrents?</p> -<p>Et quand on aime bien, et qu'on voit ce qu'on aime,</p> -<p class="i4"> Peut-on songer des parents?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ce n'est point l ce qui m'afflige.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Est-ce l'absence d'un rival, <span class="dalign">1460</span></p> -<p>Et d'un rival aim, qui fait qu'on me nglige?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dans un cœur tout vous que vous pntrez mal!</p> -<p>Je vous aime, Seigneur, et mon amour s'irrite</p> -<p>De l'indigne soupon que vous avez form.</p> -<p>Vous ne connoissez pas quel est votre mrite,<span class="dalign">1465</span></p> -<p class="i4"> Si vous craignez de n'tre pas aim.</p> -<p>Je vous aime; et depuis que j'ai vu la lumire,</p> -<p class="i4"> Je me suis montre assez fire</p> -<p class="i3"> Pour ddaigner les vœux de plus d'un roi;</p> -<p>Et s'il vous faut ouvrir mon me toute entire, <span class="dalign">1470</span></p> -<p>Je n'ai trouv que vous qui ft digne de moi.</p> -<p class="i4"> Cependant j'ai quelque tristesse</p> -<p class="i4"> Qu'en vain je voudrois vous cacher:</p> -<p>Un noir chagrin se mle toute ma tendresse,</p> -<p class="i4"> Dont je ne la puis dtacher. <span class="dalign">1475</span></p> -<p class="i4"> Ne m'en demandez point la cause:</p> -<p>Peut-tre la sachant voudrez-vous m'en punir,</p> -<p>Et si j'ose aspirer encore quelque chose,</p> -<p>Je suis sre du moins de ne point l'obtenir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et ne craignez-vous point qu' mon tour je m'irrite<span class="dalign">1480</span></p> -<p>Que vous connoissiez mal quel est votre mrite,</p> -<p class="i4"> Ou feigniez de ne pas savoir</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span></div> -<p class="i3"> Quel est sur moi votre absolu pouvoir?</p> -<p>Ah! si vous en doutez, soyez dsabuse.</p> -<p>Parlez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> J'aurai l'affront de me voir refuse. <span class="dalign">1485</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Prenez en ma faveur de meilleurs sentiments,</p> -<p class="i4"> L'exprience en est aise:</p> -<p>Parlez, tout se tient prt vos commandements.</p> -<p class="i3"> Si pour m'en croire il vous faut des serments,</p> -<p>J'en jure vos beaux yeux, ces matres de mon me,<span class="dalign">1490</span></p> -<p class="i4"> Ces divins auteurs de ma flamme;</p> -<p>Et si ce n'est assez d'en jurer vos beaux yeux,</p> -<p>J'en jure par le Styx, comme jurent les Dieux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ose craindre un peu moins aprs cette assurance.</p> -<p>Seigneur, je vois ici la pompe et l'abondance,<span class="dalign">1495</span></p> -<p class="i4"> Je vous adore, et vous m'aimez,</p> -<p>Mon cœur en est ravi, mes sens en sont charms;</p> -<p class="i4"> Mais parmi ce bonheur suprme,</p> -<p class="i3"> J'ai le malheur de ne savoir qui j'aime.</p> -<p class="i4"> Dissipez cet aveuglement, <span class="dalign">1500</span></p> -<p>Et faites-moi connotre un si parfait amant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Psych, que venez-vous de dire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Que c'est le bonheur o j'aspire;</p> -<p class="i4"> Et si vous ne me l'accordez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Je l'ai jur, je n'en suis plus le matre;<span class="dalign">1505</span></p> -<p>Mais vous ne savez pas ce que vous demandez.</p> -<p>Laissez-moi mon secret. Si je me fais connotre,</p> -<p class="i4"> Je vous perds, et vous me perdez.</p> -<p class="i3"> Le seul remde est de vous en ddire.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> C'est l sur vous mon souverain empire? <span class="dalign">1510</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Vous pouvez tout, et je suis tout vous;</p> -<p class="i4"> Mais si nos feux vous semblent doux,</p> -<p>Ne mettez point d'obstacle leur charmante suite;</p> -<p class="i4"> Ne me forcez point la fuite:</p> -<p>C'est le moindre malheur qui nous puisse arriver<span class="dalign">1515</span></p> -<p class="i4"> D'un souhait qui vous a sduite.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Seigneur, vous voulez m'prouver;</p> -<p class="i4"> Mais je sais ce que j'en dois croire.</p> -<p>De grce, apprenez-moi tout l'excs de ma gloire,</p> -<p>Et ne me cachez plus pour quel illustre choix<span class="dalign">1520</span></p> -<p class="i3"> J'ai rejet les vœux de tant de rois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le voulez-vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Souffrez que je vous en conjure.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si vous saviez, Psych, la cruelle aventure</p> -<p class="i4"> Que par l vous vous attirez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Seigneur, vous me dsesprez. <span class="dalign">1525</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Pensez-y bien, je puis encor me taire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Faites-vous des serments pour n'y point satisfaire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! je suis le dieu le plus puissant des Dieux,</p> -<p>Absolu sur la terre, absolu dans les cieux;</p> -<p>Dans les eaux, dans les airs mon pouvoir est suprme: <span class="dalign">1530</span></p> -<p class="i4"> En un mot, je suis l'Amour mme,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span></div> -<p>Qui de mes propres traits m'tois bless pour vous<a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor"> [338]</a>;</p> -<p>Et sans la violence, hlas! que vous me faites,</p> -<p>Et qui vient de changer mon amour en courroux,</p> -<p class="i4"> Vous m'alliez avoir pour poux. <span class="dalign">1535</span></p> -<p class="i4"> Vos volonts sont satisfaites,</p> -<p class="i4"> Vous avez su qui vous aimiez,</p> -<p class="i3"> Vous connoissez l'amant que vous charmiez;</p> -<p class="i4"> Psych, voyez o vous en tes:</p> -<p class="i3"> Vous me forcez vous-mme vous quitter; <span class="dalign">1540</span></p> -<p class="i3"> Vous me forcez vous-mme vous ter</p> -<p class="i4"> Tout l'effet de votre victoire.</p> -<p>Peut-tre vos beaux yeux ne me reverront plus.</p> -<p>Ce palais, ces jardins, avec moi disparus,</p> -<p>Vont faire vanouir votre naissante gloire. <span class="dalign">1545</span></p> -<p class="i4"> Vous n'avez pas voulu m'en croire<a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor"> [339]</a>;</p> -<p class="i3"> Et pour tout fruit de ce doute clairci,</p> -<p class="i4"> Le Destin, sous qui le ciel tremble,</p> -<p>Plus fort que mon amour, que tous les Dieux ensemble,</p> -<p>Vous va montrer sa haine, et me chasse d'ici. <span class="dalign">1550</span></p> -<p class="stagedir">(L'Amour disparot, et dans l'instant qu'il s'envole, le superbe jardin -s'vanouit. Psych demeure seule au milieu d'une vaste campagne, -et sur le bord sauvage d'un grand fleuve o elle se veut prcipiter. -Le dieu du fleuve parot, assis sur un amas de joncs et de roseaux, et -appuy sur une grande urne, d'o sort une grosse source d'eau.)</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">PSYCH<a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor"> [340]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Cruel destin! funeste inquitude!</p> -<p class="i4"> Fatale curiosit!</p> -<p class="i3"> Qu'avez-vous fait, affreuse solitude,</p> -<p class="i4"> De toute ma flicit?</p> -<p class="i3"> J'aimois un dieu, j'en tois adore,<span class="dalign">1555</span></p> -<p>Mon bonheur redoubloit de moment en moment;</p> -<p class="i4"> Et je me vois seule, plore,</p> -<p>Au milieu d'un dsert, o pour accablement,</p> -<p class="i4"> Et confuse et dsespre,</p> -<p>Je sens crotre l'amour, quand j'ai perdu l'amant.<span class="dalign">1560</span></p> -<p class="i3"> Le souvenir m'en charme et m'empoisonne;</p> -<p>Sa douceur tyrannise un cœur infortun</p> -<p>Qu'aux plus cuisants chagrins ma flamme a condamn.</p> -<p class="i4"> O ciel! quand l'Amour m'abandonne,</p> -<p>Pourquoi me laisse-t-il l'amour qu'il m'a donn? <span class="dalign">1565</span></p> -<p>Source de tous les biens, inpuisable et pure,</p> -<p class="i4"> Matre des hommes et des Dieux,</p> -<p class="i4"> Cher auteur des maux que j'endure,</p> -<p>tes-vous pour jamais disparu de mes yeux<a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor"> [341]</a>?</p> -<p class="i4"> Je vous en ai banni moi-mme: <span class="dalign">1570</span></p> -<p>Dans un excs d'amour, dans un bonheur extrme,</p> -<p>D'un indigne soupon mon cœur s'est alarm.</p> -<p>Cœur ingrat, tu n'avois qu'un feu mal allum;</p> -<p>Et l'on ne peut vouloir, du moment que l'on aime,</p> -<p class="i4"> Que ce que veut l'objet aim. <span class="dalign">1575</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span></div> -<p>Mourons, c'est le parti qui seul me reste suivre</p> -<p class="i4"> Aprs la perte que je fais.</p> -<p class="i4"> Pour qui, grands Dieux! voudrois-je vivre?</p> -<p class="i4"> Et pour qui former des souhaits?</p> -<p>Fleuve, de qui les eaux baignent ces tristes sables,<span class="dalign">1580</span></p> -<p class="i3"> Ensevelis mon crime dans tes flots;</p> -<p class="i3"> Et pour finir des maux si dplorables,</p> -<p>Laisse-moi dans ton lit assurer mon repos.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">LE DIEU DU FLEUVE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ton trpas souilleroit mes ondes,</p> -<p class="i4"> Psych<a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor"> [342]</a>: le ciel te le dfend; <span class="dalign">1585</span></p> -<p>Et peut-tre qu'aprs des douleurs si profondes</p> -<p class="i4"> Un autre sort t'attend.</p> -<p>Fuis plutt de Vnus l'implacable colre.</p> -<p>Je la vois qui te cherche et qui te veut punir:</p> -<p>L'amour du fils a fait la haine de la mre. <span class="dalign">1590</span></p> -<p class="i4"> Fuis, je saurai la retenir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> J'attends ses fureurs vengeresses:</p> -<p>Qu'auront-elles pour moi qui ne me soit trop doux?</p> -<p>Qui cherche le trpas ne craint dieux ni desses,</p> -<p class="i3"> Et peut braver tout leur courroux. <span class="dalign">1595</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">VNUS, PSYCH.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Orgueilleuse Psych, vous m'osez donc attendre</p> -<p>Aprs m'avoir sur terre enlev mes honneurs,</p> -<p class="i4"> Aprs que vos traits suborneurs</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span></div> -<p>Ont reu les encens qu'aux miens seuls on doit rendre?</p> -<p class="i4"> J'ai vu mes temples dserts; <span class="dalign">1600</span></p> -<p>J'ai vu tous les mortels, sduits par vos beauts,</p> -<p>Idoltrer en vous la beaut souveraine,</p> -<p>Vous offrir des respects jusqu'alors inconnus,</p> -<p class="i4"> Et ne se mettre pas en peine</p> -<p class="i4"> S'il toit une autre Vnus; <span class="dalign">1605</span></p> -<p class="i4"> Et je vous vois encor l'audace</p> -<p>De n'en pas redouter les justes chtiments,</p> -<p class="i4"> Et de me regarder en face,</p> -<p>Comme si c'toit peu que mes ressentiments!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si de quelques mortels on m'a vue adore,<span class="dalign">1610</span></p> -<p>Est-ce un crime pour moi d'avoir eu des appas</p> -<p class="i4"> Dont leur me inconsidre</p> -<p>Laissoit charmer des yeux qui ne vous voyoient pas?</p> -<p class="i4"> Je suis ce que le ciel m'a faite,</p> -<p>Je n'ai que les beauts qu'il m'a voulu prter.<span class="dalign">1615</span></p> -<p>Si les vœux qu'on m'offroit vous ont mal satisfaite,</p> -<p>Pour forcer tous les cœurs vous les reporter,</p> -<p class="i4"> Vous n'aviez qu' vous prsenter,</p> -<p>Qu' ne leur cacher plus cette beaut parfaite</p> -<p class="i4"> Qui pour les rendre leur devoir, <span class="dalign">1620</span></p> -<p>Pour se faire adorer, n'a qu' se faire voir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Il falloit vous en mieux dfendre.</p> -<p>Ces respects, ces encens, se devoient refuser<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor"> [343]</a>;</p> -<p class="i4"> Et pour les mieux dsabuser,</p> -<p>Il falloit leurs yeux vous-mme me les rendre. <span class="dalign">1625</span></p> -<p class="i4"> Vous avez aim cette erreur</p> -<p>Pour qui vous ne deviez avoir que de l'horreur;</p> -<p>Vous avez bien fait plus: votre humeur arrogante,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span></div> -<p class="i4"> Sur le mpris de mille rois,</p> -<p>Jusques aux cieux a port de son choix <span class="dalign">1630</span></p> -<p class="i4"> L'ambition extravagante.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'aurois port mon choix, Desse, jusqu'aux cieux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Votre insolence est sans seconde.</p> -<p class="i4"> Ddaigner tous les rois du monde,</p> -<p class="i4"> N'est-ce pas aspirer aux Dieux? <span class="dalign">1635</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si l'Amour pour eux tous m'avoit endurci l'me,</p> -<p class="i4"> Et me rservoit toute lui,</p> -<p>En puis-je tre coupable? et faut-il qu'aujourd'hui,</p> -<p class="i4"> Pour prix d'une si belle flamme,</p> -<p>Vous vouliez m'accabler d'un ternel ennui? <span class="dalign">1640</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Psych, vous deviez mieux connotre</p> -<p class="i3"> Qui vous tiez, et quel toit ce dieu.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et m'en a-t-il donn ni le temps ni le lieu,</p> -<p>Lui qui de tout mon cœur d'abord s'est rendu matre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Tout votre cœur s'en est laiss charmer,<span class="dalign">1645</span></p> -<p>Et vous l'avez aim, ds qu'il vous a dit: J'aime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pouvois-je n'aimer pas le dieu qui fait aimer,</p> -<p class="i4"> Et qui me parloit pour lui-mme?</p> -<p class="i3"> C'est votre fils: vous savez son pouvoir;</p> -<p class="i4"> Vous en connoissez le mrite. <span class="dalign">1650</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Oui, c'est mon fils; mais un fils qui m'irrite;</p> -<p>Un fils qui me rend mal ce qu'il sait me devoir;</p> -<p class="i4"> Un fils qui fait qu'on m'abandonne,</p> -<p>Et qui pour mieux flatter ses indignes amours,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span></div> -<p>Depuis que vous l'aimez ne blesse plus personne<span class="dalign">1655</span></p> -<p>Qui vienne mes autels implorer mon secours.</p> -<p class="i4"> Vous m'en avez fait un rebelle,</p> -<p>On m'en verra venge, et hautement, sur vous;</p> -<p>Et je vous apprendrai s'il faut qu'une mortelle</p> -<p class="i3"> Souffre qu'un dieu soupire ses genoux.<span class="dalign">1660</span></p> -<p>Suivez-moi; vous verrez, par votre exprience,</p> -<p class="i4"> A quelle folle confiance</p> -<p class="i4"> Vous portoit cette ambition.</p> -<p>Venez, et prparez autant de patience</p> -<p class="i4"> Qu'on vous voit de prsomption. <span class="dalign">1665</span></p> -</div></div> - -<h3>QUATRIME INTERMDE.</h3> - -<p class="blockquote"> -La scne reprsente les enfers. On y voit une mer toute de feu, dont -les flots sont dans une perptuelle agitation. Cette mer effroyable -est borne par des ruines enflammes; et au milieu de ses flots -agits, au travers d'une gueule affreuse, parot le palais infernal -de Pluton. Huit Furies en sortent, et forment une entre de ballet, -o elles se rjouissent de la rage qu'elles ont allume dans -l'me de la plus douce des divinits. Un Lutin mle quantit de -sauts prilleux leurs danses, cependant que Psych, qui a pass -aux enfers par le commandement de Vnus, repasse dans la barque -de Charon avec la bote qu'elle a reue de Proserpine pour cette -desse.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE V.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2">Effroyables replis des ondes infernales,</p> -<p>Noirs palais o Mgre et ses sœurs font leur cour,</p> -<p class="i4"> ternels ennemis du jour,</p> -<p>Parmi vos Ixions et parmi vos Tantales,</p> -<p>Parmi tant de tourments qui n'ont point d'intervalles, <span class="dalign">1670</span></p> -<p class="i4"> Est-il dans votre affreux sjour</p> -<p class="i4"> Quelques peines qui soient gales</p> -<p>Aux travaux o Vnus condamne mon amour?</p> -<p class="i4"> Elle n'en peut tre assouvie;</p> -<p>Et depuis qu' ses lois je me trouve asservie,<span class="dalign">1675</span></p> -<p>Depuis qu'elle me livre ses ressentiments,</p> -<p class="i4"> Il m'a fallu dans ces cruels moments</p> -<p class="i4"> Plus d'une me et plus d'une vie,</p> -<p class="i4"> Pour remplir ses commandements.</p> -<p class="i4"> Je souffrirois tout avec joie, <span class="dalign">1680</span></p> -<p>Si parmi les rigueurs que sa haine dploie</p> -<p>Mes yeux pouvoient revoir, ne ft-ce qu'un moment,</p> -<p class="i4"> Ce cher, cet adorable amant.</p> -<p>Je n'ose le nommer: ma bouche, criminelle</p> -<p class="i4"> D'avoir trop exig de lui, <span class="dalign">1685</span></p> -<p>S'en est rendue indigne; et dans ce dur ennui,</p> -<p class="i4"> La souffrance la plus mortelle</p> -<p>Dont m'accable toute heure un renaissant trpas,</p> -<p class="i4"> Est celle de ne le voir pas.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span></div> -<p class="i4"> Si son courroux duroit encore, <span class="dalign">1690</span></p> -<p>Jamais aucun malheur n'approcheroit du mien;</p> -<p>Mais s'il avoit piti d'une me qui l'adore,</p> -<p>Quoi qu'il fallt souffrir, je ne souffrirois rien.</p> -<p>Oui, destins, s'il calmoit cette juste colre,</p> -<p class="i4"> Tous mes malheurs seroient finis: <span class="dalign">1695</span></p> -<p>Pour me rendre insensible aux fureurs de la mre,</p> -<p class="i4"> Il ne faut qu'un regard du fils<a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor"> [344]</a>.</p> -<p>Je n'en veux plus douter, il partage ma peine:</p> -<p>Il voit ce que je souffre et souffre comme moi;</p> -<p class="i4"> Tout ce que j'endure le gne; <span class="dalign">1700</span></p> -<p>Lui-mme il s'en impose une amoureuse loi.</p> -<p>En dpit de Vnus, en dpit de mon crime,</p> -<p>C'est lui qui me soutient, c'est lui qui me ranime</p> -<p>Au milieu des prils o l'on me fait courir;</p> -<p>Il garde la tendresse o son feu le convie, <span class="dalign">1705</span></p> -<p>Et prend soin de me rendre une nouvelle vie,</p> -<p class="i4"> Chaque fois qu'il me faut mourir.</p> -<p class="i4"> Mais que me veulent ces deux ombres</p> -<p>Qu' travers le faux jour de ces demeures sombres</p> -<p class="i4"> J'entrevois s'avancer vers moi? <span class="dalign">1710</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">PSYCH, CLOMNE, AGNOR.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Clomne, Agnor, est-ce vous que je voi?</p> -<p class="i4"> Qui vous a ravi la lumire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La plus juste douleur qui d'un beau dsespoir</p> -<p class="i4"> Nous et pu fournir la matire;</p> -<p>Cette pompe funbre o du sort le plus noir <span class="dalign">1715</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span></div> -<p class="i3"> Vous attendiez la rigueur la plus fire,</p> -<p class="i4"> L'injustice la plus entire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sur ce mme rocher o le ciel en courroux</p> -<p class="i4"> Vous promettoit, au lieu d'poux,</p> -<p>Un serpent dont soudain vous seriez dvore, <span class="dalign">1720</span></p> -<p class="i4"> Nous tenions la main prpare</p> -<p>A repousser sa rage, ou mourir avec vous.</p> -<p>Vous le savez, princesse; et lorsqu' notre vue</p> -<p>Par le milieu des airs vous tes disparue,</p> -<p>Du haut de ce rocher, pour suivre vos beauts, <span class="dalign">1725</span></p> -<p>Ou plutt pour goter cette amoureuse joie</p> -<p>D'offrir pour vous au monstre une premire proie,</p> -<p>D'amour et de douleur l'un et l'autre emports,</p> -<p class="i4"> Nous nous sommes prcipits.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Heureusement dus au sens de votre oracle, <span class="dalign">1730</span></p> -<p>Nous en avons ici reconnu le miracle,</p> -<p>Et su que le serpent prt vous dvorer</p> -<p class="i4"> toit le dieu qui fait qu'on aime,</p> -<p>Et qui, tout dieu qu'il est, vous adorant lui-mme,</p> -<p class="i4"> Ne pouvoit endurer <span class="dalign">1735</span></p> -<p>Qu'un mortel comme nous ost vous adorer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Pour prix de vous avoir suivie,</p> -<p>Nous jouissons ici d'un trpas assez doux.</p> -<p class="i4"> Qu'avions-nous affaire de vie,</p> -<p class="i4"> Si nous ne pouvions tre vous? <span class="dalign">1740</span></p> -<p class="i4"> Nous revoyons ici vos charmes,</p> -<p>Qu'aucun des deux l-haut n'auroit revus jamais.</p> -<p>Heureux si nous voyons la moindre de vos larmes</p> -<p>Honorer des malheurs que vous nous avez faits!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Puis-je avoir des larmes de reste, <span class="dalign">1745</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span></div> -<p>Aprs qu'on a port les miens au dernier point?</p> -<p>Unissons nos soupirs dans un sort si funeste,</p> -<p class="i4"> Les soupirs ne s'puisent point;</p> -<p>Mais vous soupireriez, princes, pour une ingrate.</p> -<p>Vous n'avez point voulu survivre mes malheurs; <span class="dalign">1750</span></p> -<p class="i4"> Et quelque douleur qui m'abatte,</p> -<p class="i4"> Ce n'est point pour vous que je meurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'avons-nous mrit, nous dont toute la flamme</p> -<p>N'a fait que vous lasser du rcit de nos maux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous pouviez mriter, princes, toute mon me, <span class="dalign">1755</span></p> -<p class="i4"> Si vous n'eussiez t rivaux.</p> -<p class="i4"> Ces qualits incomparables</p> -<p>Qui de l'un et de l'autre accompagnoient les vœux</p> -<p class="i4"> Vous rendoient tous deux trop aimables</p> -<p class="i4"> Pour mpriser aucun des deux. <span class="dalign">1760</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous avez pu, sans tre injuste ni cruelle,</p> -<p>Nous refuser un cœur rserv pour un dieu.</p> -<p>Mais revoyez Vnus. Le Destin nous rappelle,</p> -<p class="i4"> Et nous force vous dire adieu.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne vous donne-t-il point le loisir de me dire <span class="dalign">1765</span></p> -<p class="i4"> Quel est ici votre sjour?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dans des bois toujours verts, o d'amour on respire,</p> -<p class="i4"> Aussitt qu'on est mort d'amour:</p> -<p>D'amour on y revit, d'amour on y soupire,</p> -<p>Sous les plus douces lois de son heureux empire; <span class="dalign">1770</span></p> -<p>Et l'ternelle nuit n'ose en chasser le jour</p> -<p class="i5"> Que lui-mme il attire</p> -<p class="i4"> Sur nos fantmes, qu'il inspire,</p> -<p>Et dont aux enfers mme il se fait une cour.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Vos envieuses sœurs, aprs nous descendues, <span class="dalign">1775</span> -<p class="i4"> Pour vous perdre se sont perdues;</p> -<p class="i4"> Et l'une et l'autre tour tour,</p> -<p>Pour le prix d'un conseil qui leur cote la vie,</p> -<p class="i4"> A ct d'Ixion, ct de Titye,</p> -<p>Souffre tantt la roue, et tantt le vautour. <span class="dalign">1780</span></p> -<p>L'Amour, par les Zphirs, s'est fait prompte justice</p> -<p class="i4"> De leur envenime et jalouse malice:</p> -<p>Ces ministres ails de son juste courroux,</p> -<p>Sous couleur de les rendre encore auprs de vous,</p> -<p>Ont plong l'une et l'autre au fond d'un prcipice,<span class="dalign">1785</span></p> -<p>O le spectacle affreux de leurs corps dchirs</p> -<p>N'tale que le moindre et le premier supplice</p> -<p class="i4"> De ces conseils dont l'artifice</p> -<p class="i4"> Fait les maux dont vous soupirez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Que je les plains!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Vous tes seule plaindre. <span class="dalign">1790</span></p> -<p>Mais nous demeurons trop vous entretenir:</p> -<p>Adieu: puissions-nous vivre en votre souvenir!</p> -<p>Puissiez-vous, et bientt, n'avoir plus rien craindre!</p> -<p>Puisse, et bientt, l'Amour vous enlever aux cieux,</p> -<p class="i4"> Vous y mettre ct des Dieux, <span class="dalign">1795</span></p> -<p>Et rallumant un feu qui ne se puisse teindre,</p> -<p>Affranchir jamais l'clat de vos beaux yeux</p> -<p class="i4"> D'augmenter le jour en ces lieux!</p> -</div></div> - - -<h3 class="sunh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">PSYCH.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Pauvres amants! Leur amour dure encore!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span></div> -<p class="i3"> Tous morts<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor"> [345]</a> qu'ils sont, l'un et l'autre m'adore,</p> -<p>Moi dont la duret reut si mal leurs vœux.</p> -<p>Tu n'en fais pas ainsi, toi qui seul m'as ravie,</p> -<p>Amant que j'aime encor cent fois plus que ma vie,</p> -<p class="i4"> Et qui brises de si beaux nœuds!</p> -<p class="i3"> Ne me fuis plus, et souffre que j'espre <span class="dalign">1805</span></p> -<p>Que tu pourras un jour rabaisser l'œil sur moi,</p> -<p>Qu' force de souffrir j'aurai de quoi te plaire,</p> -<p class="i4"> De quoi me rengager ta foi.</p> -<p>Mais ce que j'ai souffert m'a trop dfigure</p> -<p class="i4"> Pour rappeler un tel espoir: <span class="dalign">1810</span></p> -<p class="i3"> L'œil abattu, triste, dsespre,</p> -<p class="i4"> Languissante et dcolore,</p> -<p class="i4"> De quoi puis-je me prvaloir,</p> -<p>Si par quelque miracle, impossible prvoir,</p> -<p>Ma beaut qui t'a plu ne se voit rpare? <span class="dalign">1815</span></p> -<p class="i3"> Je porte ici de quoi la rparer:</p> -<p class="i4"> Ce trsor de beaut divine,</p> -<p>Qu'en mes mains pour Vnus a remis Proserpine,</p> -<p>Enferme des appas dont je puis m'emparer<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor"> [346]</a>;</p> -<p class="i4"> Et l'clat en doit tre extrme, <span class="dalign">1820</span></p> -<p class="i4"> Puisque Vnus, la beaut mme,</p> -<p class="i4"> Les demande pour se parer.</p> -<p>En drober un peu seroit-ce un si grand crime?</p> -<p>Pour plaire aux yeux d'un dieu qui s'est fait mon amant,</p> -<p>Pour regagner son cœur et finir mon tourment, <span class="dalign">1825</span></p> -<p class="i3"> Tout n'est-il pas trop lgitime?</p> -<p>Ouvrons. Quelles vapeurs m'offusquent le cerveau,</p> -<p>Et que vois-je sortir de cette bote ouverte<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor"> [347]</a>?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span></div> -<p>Amour, si ta piti ne s'oppose ma perte,</p> -<p>Pour ne revivre plus je descends au tombeau. <span class="dalign">1830</span></p> -<p class="stagedir">(Elle s'vanouit, et l'Amour descend auprs d'elle en volant.)</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">L'AMOUR, PSYCH vanouie.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre pril, Psych, dissipe ma colre,</p> -<p>Ou plutt de mes feux l'ardeur n'a point cess;</p> -<p>Et bien qu'au dernier point vous m'ayez su dplaire,</p> -<p class="i4"> Je ne me suis intress</p> -<p class="i4"> Que contre celle de ma mre. <span class="dalign">1835</span></p> -<p>J'ai vu tous vos travaux, j'ai suivi vos malheurs,</p> -<p>Mes soupirs ont partout accompagn vos pleurs.</p> -<p>Tournez les yeux vers moi, je suis encor le mme.</p> -<p>Quoi? je dis et redis tout haut que je vous aime,</p> -<p>Et vous ne dites point, Psych, que vous m'aimez! <span class="dalign">1840</span></p> -<p>Est-ce que pour jamais vos beaux yeux sont ferms,</p> -<p>Qu' jamais la clart leur vient d'tre ravie?</p> -<p>O mort! devois-tu prendre un dard si criminel,</p> -<p>Et sans aucun respect pour mon tre ternel,</p> -<p class="i4"> Attenter ma propre vie? <span class="dalign">1845</span></p> -<p class="i4"> Combien de fois, ingrate dit,</p> -<p class="i4"> Ai-je grossi ton noir empire</p> -<p class="i3"> Par les mpris et par la cruaut</p> -<p class="i3"> D'une orgueilleuse ou farouche beaut!</p> -<p class="i4"> Combien mme, s'il le faut dire,<span class="dalign">1850</span></p> -<p class="i3"> T'ai-je immol de fidles amants</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span></div> -<p class="i4"> A force de ravissements!</p> -<p class="i4"> Va, je ne blesserai plus d'mes,</p> -<p class="i4"> Je ne percerai plus de cœurs,</p> -<p>Qu'avec des dards tremps aux divines liqueurs <span class="dalign">1855</span></p> -<p>Qui nourrissent du ciel les immortelles flammes,</p> -<p>Et n'en lancerai plus que pour faire tes yeux</p> -<p class="i4"> Autant d'amants, autant de dieux.</p> -<p class="i4"> Et vous, impitoyable mre,</p> -<p class="i4"> Qui la forcez m'arracher <span class="dalign">1860</span></p> -<p class="i4"> Tout ce que j'avois de plus cher,</p> -<p>Craignez, votre tour, l'effet de ma colre.</p> -<p class="i4"> Vous me voulez faire la loi,</p> -<p>Vous qu'on voit si souvent la recevoir de moi!</p> -<p>Vous qui portez un cœur sensible comme un autre, <span class="dalign">1865</span></p> -<p>Vous enviez au mien les dlices du vtre!</p> -<p>Mais dans ce mme cœur j'enfoncerai des coups</p> -<p>Qui ne seront suivis que de chagrins jaloux;</p> -<p>Je vous accablerai de honteuses surprises,</p> -<p>Et choisirai partout vos vœux les plus doux<span class="dalign">1870</span></p> -<p class="i4"> Des Adonis et des Anchises</p> -<p class="i4"> Qui n'auront que haine pour vous.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">VNUS, L'AMOUR, PSYCH vanouie.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> La menace est respectueuse;</p> -<p class="i3"> Et d'un enfant qui fait le rvolt</p> -<p class="i4"> La colre prsomptueuse.... <span class="dalign">1875</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne suis plus enfant, et je l'ai trop t;</p> -<p>Et ma colre est juste autant qu'imptueuse.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'imptuosit s'en devroit retenir,</p> -<p class="i4"> Et vous pourriez vous souvenir</p> -<p class="i3"> Que vous me devez la naissance. <span class="dalign">1880</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Et vous pourriez n'oublier pas</p> -<p class="i3"> Que vous avez un cœur et des appas</p> -<p class="i4"> Qui relvent de ma puissance;</p> -<p>Que mon arc de la vtre est l'unique soutien;</p> -<p class="i4"> Que sans mes traits elle n'est rien; <span class="dalign">1885</span></p> -<p class="i4"> Et que si les cœurs les plus braves</p> -<p>En triomphe par vous se sont laiss traner<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor"> [348]</a>,</p> -<p class="i4"> Vous n'avez jamais fait d'esclaves</p> -<p class="i4"> Que ceux qu'il m'a plu d'enchaner.</p> -<p>Ne me vantez donc plus ces droits de la naissance <span class="dalign">1890</span></p> -<p class="i4"> Qui tyrannisent mes desirs;</p> -<p>Et si vous ne voulez perdre mille soupirs,</p> -<p>Songez, en me voyant, la reconnoissance,</p> -<p class="i4"> Vous qui tenez de ma puissance</p> -<p class="i4"> Et votre gloire et vos plaisirs. <span class="dalign">1895</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Comment l'avez-vous dfendue,</p> -<p class="i4"> Cette gloire dont vous parlez?</p> -<p class="i4"> Comment me l'avez-vous rendue?</p> -<p>Et quand vous avez vu mes autels dsols,</p> -<p class="i5"> Mes temples viols, <span class="dalign">1900</span></p> -<p class="i5"> Mes honneurs ravals,</p> -<p>Si vous avez pris part tant d'ignominie,</p> -<p class="i4"> Comment en a-t-on vu punie</p> -<p class="i4"> Psych qui me les a vols?</p> -<p>Je vous ai command de la rendre charme <span class="dalign">1905</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span></div> -<p class="i4"> Du plus vil de tous les mortels,</p> -<p>Qui ne daignt rpondre son me enflamme</p> -<p class="i4"> Que par des rebuts ternels,</p> -<p class="i4"> Par les mpris les plus cruels;</p> -<p class="i4"> Et vous-mme l'avez aime! <span class="dalign">1910</span></p> -<p>Vous avez contre moi sduit des immortels:</p> -<p>C'est pour vous qu' mes yeux les Zphirs l'ont cache;</p> -<p class="i4"> Qu'Apollon mme, suborn</p> -<p class="i3"> Par un oracle adroitement tourn,</p> -<p class="i4"> Me l'avoit si bien arrache, <span class="dalign">1915</span></p> -<p class="i4"> Que si sa curiosit,</p> -<p class="i4"> Par une aveugle dfiance,</p> -<p class="i4"> Ne l'et rendue ma vengeance,</p> -<p class="i3"> Elle chappoit mon cœur irrit.</p> -<p class="i3"> Voyez l'tat o votre amour l'a mise, <span class="dalign">1920</span></p> -<p class="i3"> Votre Psych: son me va partir;</p> -<p>Voyez; et si la vtre en est encore prise,</p> -<p class="i4"> Recevez son dernier soupir.</p> -<p>Menacez, bravez-moi, cependant qu'elle expire:</p> -<p class="i4"> Tant d'insolence vous sied bien!<span class="dalign">1925</span></p> -<p>Et je dois endurer quoi qu'il vous plaise dire,</p> -<p class="i4"> Moi qui sans vos traits ne puis rien!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous ne pouvez que trop, desse impitoyable:</p> -<p>Le Destin l'abandonne tout votre courroux;</p> -<p class="i4"> Mais soyez moins inexorable <span class="dalign">1930</span></p> -<p>Aux prires, aux pleurs d'un fils vos genoux.</p> -<p class="i3"> Ce doit vous tre un spectacle assez doux</p> -<p class="i4"> De voir d'un œil Psych mourante,</p> -<p>Et de l'autre ce fils, d'une voix suppliante,</p> -<p>Ne vouloir plus tenir son bonheur que de vous. <span class="dalign">1935</span></p> -<p>Rendez-moi ma Psych, rendez-lui tous ses charmes;</p> -<p class="i4"> Rendez-la, Desse, mes larmes;</p> -<p>Rendez mon amour, rendez ma douleur</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span></div> -<p>Le charme de mes yeux et le choix de mon cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Quelque amour que Psych vous donne, <span class="dalign">1940</span></p> -<p>De ses malheurs par moi n'attendez pas la fin:</p> -<p class="i4"> Si le Destin me l'abandonne,</p> -<p class="i4"> Je l'abandonne son destin.</p> -<p>Ne m'importunez plus; et dans cette infortune,</p> -<p>Laissez-la sans Vnus triompher ou prir. <span class="dalign">1945</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Hlas! si je vous importune,</p> -<p>Je ne le ferois pas si je pouvois mourir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Cette douleur n'est pas commune,</p> -<p>Qui force un immortel souhaiter la mort.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voyez par son excs si mon amour est fort.<span class="dalign">1950</span></p> -<p class="i4"> Ne lui ferez-vous grce aucune?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Je vous l'avoue, il me touche le cœur,</p> -<p>Votre amour: il dsarme, il flchit ma rigueur.</p> -<p class="i3"> Votre Psych reverra la lumire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que je vous vais partout faire donner d'encens!<span class="dalign">1955</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, vous la reverrez dans sa beaut premire;</p> -<p class="i4"> Mais de vos vœux reconnoissants</p> -<p class="i4"> Je veux la dfrence entire;</p> -<p>Je veux qu'un vrai respect laisse mon amiti</p> -<p class="i4"> Vous choisir une autre moiti. <span class="dalign">1960</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Et moi je ne veux plus de grce,</p> -<p class="i4"> Je reprends toute mon audace:</p> -<p class="i4"> Je veux Psych, je veux sa foi;</p> -<p>Je veux qu'elle revive, et revive pour moi,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span></div> -<p>Et tiens indiffrent que votre haine lasse <span class="dalign">1965</span></p> -<p class="i4"> En faveur d'une autre se passe.</p> -<p>Jupiter, qui parot, va juger entre nous</p> -<p>De mes emportements et de votre courroux.</p> -<p class="stagedir">(Aprs quelques clairs et roulements de tonnerre, Jupiter parot -en l'air sur son aigle.)</p> -</div></div> - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">JUPITER, VNUS, L'AMOUR, PSYCH.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Vous qui seul tout est possible,</p> -<p class="i3"> Pre des Dieux, souverain des mortels, <span class="dalign">1970</span></p> -<p>Flchissez la rigueur d'une mre inflexible,</p> -<p class="i4"> Qui sans moi n'auroit point d'autels.</p> -<p>J'ai pleur, j'ai pri, je soupire, menace,</p> -<p class="i4"> Et perds menaces et soupirs.</p> -<p>Elle ne veut pas voir que de mes dplaisirs <span class="dalign">1975</span></p> -<p>Dpend du monde entier l'heureuse ou triste face,</p> -<p class="i4"> Et que si Psych perd le jour,</p> -<p>Si Psych n'est moi, je ne suis plus l'Amour.</p> -<p>Oui, je romprai mon arc, je briserai mes flches,</p> -<p class="i4"> J'teindrai jusqu' mon flambeau, <span class="dalign">1980</span></p> -<p>Je laisserai languir la nature au tombeau;</p> -<p>Ou si je daigne aux cœurs faire encor quelques brches</p> -<p>Avec ces pointes d'or qui me font obir,</p> -<p>Je vous blesserai tous l-haut pour des mortelles,</p> -<p class="i4"> Et ne dcocherai sur elles <span class="dalign">1985</span></p> -<p>Que des traits mousss qui forcent har,</p> -<p class="i4"> Et qui ne font que des rebelles,</p> -<p class="i4"> Des ingrates et des cruelles.</p> -<p class="i4"> Par quelle tyrannique loi</p> -<p>Tiendrai-je vous servir mes armes toujours prtes, <span class="dalign">1990</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span></div> -<p>Et vous ferai-je tous conqutes sur conqutes,</p> -<p>Si vous me dfendez d'en faire une pour moi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">JUPITER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ma fille, sois-lui moins svre.</p> -<p>Tu tiens de sa Psych le destin en tes mains:</p> -<p>La Parque, au moindre mot, va suivre ta colre;<span class="dalign">1995</span></p> -<p>Parle, et laisse-toi vaincre aux tendresses de mre,</p> -<p>Ou<a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor"> [349]</a> redoute un courroux que moi-mme je crains.</p> -<p class="i4"> Veux-tu donner le monde en proie</p> -<p>A la haine, au dsordre, la confusion;</p> -<p class="i5"> Et d'un dieu d'union, <span class="dalign">2000</span></p> -<p class="i4"> D'un dieu de douceurs et de joie,</p> -<p>Faire un dieu d'amertume et de division?</p> -<p class="i4"> Considre ce que nous sommes,</p> -<p>Et si les passions doivent nous dominer:</p> -<p class="i3"> Plus la vengeance a de quoi plaire aux hommes, <span class="dalign">2005</span></p> -<p class="i3"> Plus il sied bien aux Dieux de pardonner.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Je pardonne ce fils rebelle.</p> -<p class="i3"> Mais voulez-vous qu'il me soit reproch</p> -<p class="i4"> Qu'une misrable mortelle,</p> -<p>L'objet de mon courroux, l'orgueilleuse Psych, <span class="dalign">2010</span></p> -<p class="i4"> Sous ombre qu'elle est un peu belle,</p> -<p class="i4"> Par un hymen dont je rougis</p> -<p>Souille mon alliance et le lit de mon fils?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">JUPITER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Eh bien! je la fais immortelle<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor"> [350]</a>,</p> -<p class="i4"> Afin d'y rendre tout gal.<span class="dalign">2015</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'ai plus de mpris ni de haine pour elle,</p> -<p>Et l'admets l'honneur de ce nœud conjugal.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span></div> -<p class="i4"> Psych, reprenez la lumire</p> -<p class="i4"> Pour ne la reperdre jamais.</p> -<p class="i4"> Jupiter a fait votre paix,<span class="dalign">2020</span></p> -<p class="i4"> Et je quitte cette humeur fire</p> -<p class="i4"> Qui s'opposoit vos souhaits.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> C'est donc vous, grande desse,</p> -Qui redonnez la vie ce cœur innocent! -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Jupiter vous fait grce, et ma colre cesse. <span class="dalign">2025</span></p> -<p>Vivez, Vnus l'ordonne; aimez, elle y consent.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">PSYCH</span>, l'Amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous revois enfin, cher objet de ma flamme!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">L'AMOUR</span>, Psych.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous possde enfin, dlices de mon me!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">JUPITER.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Venez, amants, venez aux cieux</p> -<p>Achever un si grand et si digne hymne. <span class="dalign">2030</span></p> -<p>Viens-y, belle Psych, changer de destine;</p> -<p class="i4"> Viens prendre place au rang des Dieux.</p> -</div></div> - -<hr class="tb" /> - -<div class="blockquote"> -<p>Deux grandes machines descendent aux deux cts de Jupiter, cependant -qu'il dit ces derniers vers. Vnus avec sa suite monte dans -l'une, l'Amour avec Psych dans l'autre, et tous ensemble remontent -au ciel.</p> -<p>Les divinits, qui avoient t partages entre Vnus et son fils, se runissent -en les voyant d'accord; et toutes ensemble, par des concerts, -des chants et des danses, clbrent la fte des noces de l'Amour.</p> -<p>Apollon parot le premier, et comme dieu de l'harmonie, commence - chanter, pour inviter les autres dieux se rjouir.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i7 small1">RCIT D'APOLLON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Unissons-nous, troupe immortelle:</p> -<p class="i4"> Le dieu d'amour devient heureux amant,</p> -<p>Et Vnus a repris sa douceur naturelle <span class="dalign">2035</span></p> -<p class="i4"> En faveur d'un fils si charmant:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span></div> -<p>Il va goter en paix, aprs un long tourment,</p> -<p>Une felicit qui doit tre ternelle.</p> -<p class="stagedir">(Toutes les divinits chantent ensemble ce couplet la gloire de l'Amour.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Clbrons ce grand jour;</p> -<p class="i3"> Clbrons tous une fte si belle; <span class="dalign">2040</span></p> -<p>Que nos chants en tous lieux en portent la nouvelle,</p> -<p>Qu'ils fassent retentir le cleste sjour.</p> -<p class="i3"> Chantons, rptons tour tour</p> -<p class="i3"> Qu'il n'est point d'me si cruelle</p> -<p class="i2"> Qui tt ou tard ne se rende l'Amour. <span class="dalign">2045</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">APOLLON</span> continue.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Le dieu qui nous engage</p> -<p class="i4"> A lui faire la cour</p> -<p class="i4"> Dfend qu'on soit trop sage.</p> -<p class="i4"> Les Plaisirs ont leur tour;</p> -<p class="i4"> C'est leur plus doux usage <span class="dalign">2050</span></p> -<p class="i3"> Que de finir les soins du jour.</p> -<p class="i4"> La nuit est le partage</p> -<p class="i4"> Des Jeux et de l'Amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ce seroit grand dommage</p> -<p class="i4"> Qu'en ce charmant sjour <span class="dalign">2055</span></p> -<p class="i4"> On et un cœur sauvage.</p> -<p class="i4"> Les Plaisirs ont leur tour;</p> -<p class="i4"> C'est leur plus doux usage</p> -<p class="i3"> Que de finir les soins du jour.</p> -<p class="i4"> La nuit est le partage <span class="dalign">2060</span></p> -<p class="i4"> Des Jeux et de l'Amour.</p> -<p class="blockquote">(Deux Muses, qui ont toujours vit de s'engager sous les lois de l'Amour, -conseillent aux belles qui n'ont point encore aim de s'en dfendre avec soin, - leur exemple.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">CHANSON DES MUSES.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Gardez-vous, beauts svres;</p> -<p class="i4"> Les Amours font trop d'affaires;</p> -<p class="i2"> Craignez toujours de vous laisser charmer.</p> -<p class="i3"> Quand il faut que l'on soupire, <span class="dalign">2065</span></p> -<p class="i2"> Tout le mal n'est pas de s'enflammer:</p> -<p class="i5"> Le martyre</p> -<p class="i5"> De le dire</p> -<p class="i2"> Cote plus cent fois que d'aimer.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">SECOND COUPLET DES MUSES.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> On ne peut aimer sans peines; <span class="dalign">2070</span></p> -<p class="i4"> Il est peu de douces chanes:</p> -<p class="i2"> A tout moment on se sent alarmer.</p> -<p class="i4"> Quand il faut que l'on soupire,</p> -<p class="i3"> Tout le mal n'est pas de s'enflammer:</p> -<p class="i5"> Le martyre<span class="dalign">2075</span></p> -<p class="i5"> De le dire</p> -<p class="i2"> Cote plus cent fois que d'aimer.</p> -<p class="stagedir">(Bacchus fait entendre qu'il n'est pas si dangereux que l'Amour.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">RCIT DE BACCHUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Si quelquefois,</p> -<p class="i3"> Suivant nos douces lois,</p> -<p class="i2"> La raison se perd et s'oublie, <span class="dalign">2080</span></p> -<p class="i1"> Ce que le vin nous cause de folie</p> -<p class="i2"> Commence et finit en un jour;</p> -<p class="i1"> Mais quand un cœur est enivr d'amour,</p> -<p class="i2"> Souvent c'est pour toute la vie.</p> -<p class="stagedir">(Mome dclare qu'il n'a point de plus doux emploi que de mdire, et que -ce n'est qu' l'Amour seul qu'il n'ose se jouer.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i4 small1">RCIT DE MOME.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Je cherche mdire <span class="dalign">2085</span></p> -<p class="i3"> Sur la terre et dans les cieux,</p> -<p class="i3"> Je soumets ma satire</p> -<p class="i4"> Les plus grands des Dieux.</p> -<p>Il n'est dans l'univers que l'Amour qui m'tonne:</p> -<p class="i2"> Il est le seul que j'pargne aujourd'hui. <span class="dalign">2090</span></p> -<p class="i4"> Il n'appartient qu' lui</p> -<p class="i4"> De n'pargner personne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">ENTRE DE BALLET,</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="stagedir">Compose de deux Mnades et de deux gipans, qui suivent Bacchus.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">ENTRE DE BALLET,</p> - -<div class="stagedir"> -<p>Compose de quatre Polichinelles et de deux Matassins, qui suivent Mome et -viennent joindre leur plaisanterie et leur badinage aux divertissements de -cette grande fte.</p> - -<p>Bacchus et Mome, qui les conduisent, chantent au milieu d'eux chacun une -chanson, Bacchus la louange du vin, et Mome une chanson enjoue sur le -sujet et les avantages de la raillerie.</p> -</div> -</div></div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">RCIT DE BACCHUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4">Admirons le jus de la treille;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span></div> -<p class="i3"> Qu'il est puissant! qu'il a d'attraits!</p> -<p class="i3"> Il sert aux douceurs de la paix, <span class="dalign">2095</span></p> -<p class="i3"> Et dans la guerre il fait merveille;</p> -<p class="i4"> Mais surtout pour les amours</p> -<p class="i4"> Le vin est d'un grand secours.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">RCIT DE MOME.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Foltrons, divertissons-nous,</p> -<p class="i3"> Raillons; nous ne saurions mieux faire: <span class="dalign">2100</span></p> -<p class="i3"> La raillerie est ncessaire</p> -<p class="i4"> Dans les jeux les plus doux,</p> -<p class="i2"> Sans la douceur que l'on gote mdire,</p> -<p class="i2"> On trouve peu de plaisirs sans ennui:</p> -<p class="i3"> Rien n'est si plaisant que de rire, <span class="dalign">2105</span></p> -<p class="i3"> Quand on rit aux dpens d'autrui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Plaisantons, ne pardonnons rien,</p> -<p class="i3"> Rions, rien n'est plus la mode:</p> -<p class="i3"> On court pril d'tre incommode</p> -<p class="i4"> En disant trop de bien. <span class="dalign">2110</span></p> -<p class="i2"> Sans la douceur que l'on gote mdire,</p> -<p class="i2"> On trouve peu de plaisirs sans ennui:</p> -<p class="i3"> Rien n'est si plaisant que de rire,</p> -<p class="i3"> Quand on rit aux dpens d'autrui.</p> -<p class="blockquote">(Mars arrive au milieu du thtre, suivi de sa troupe guerrire, qu'il excite - profiter de leur loisir, en prenant part aux divertissements.)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">RCIT DE MARS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Laissons en paix toute la terre, <span class="dalign">2115</span></p> -<p class="i3"> Cherchons de doux amusements;</p> -<p class="i3"> Parmi les jeux les plus charmants</p> -<p class="i3"> Mlons l'image de la guerre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">ENTRE DE BALLET.</p> -<p class="blockquote">Suivants de Mars, qui font, en dansant avec des enseignes, -une manire d'exercice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3">DERNIRE ENTRE DE BALLET.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<div class="stagedir"> -<p>Les troupes diffrentes de la suite d'Apollon, de Bacchus, de Mome et de -Mars, aprs avoir achev leurs entres particulires, s'unissent ensemble, et -forment la dernire entre, qui renferme toutes les autres.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un chœur de toutes les voix et de tous les instruments, qui sont au nombre -de quarante, se joint la danse gnrale, et termine la fte des noces de -l'Amour et de Psych.</p> -</div> -</div></div> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span></div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">DERNIER CHŒUR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Chantons les plaisirs charmants</p> -<p class="i4"> Des heureux amants.<span class="dalign">2120</span></p> -<p class="i3"> Que tout le ciel s'empresse</p> -<p class="i4"> A leur faire sa cour.</p> -<p class="i4"> Clbrons ce beau jour</p> -<p class="i2"> Par mille doux chants d'allgresse;</p> -<p class="i4"> Clbrons ce beau jour <span class="dalign">2125</span></p> -<p class="i3"> Par mille doux chants d'amour.</p> -<p class="blockquote">(Dans le grand salon du palais des Tuileries, o <i>Psych</i> a t reprsente devant -Leurs Majests, il y avoit des timbales, des trompettes et des tambours, -mls dans ces derniers concerts; et ce dernier couplet se chantoit ainsi:)</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Chantons les plaisirs charmants</p> -<p class="i4"> Des heureux amants.</p> -<p class="i3"> Rpondez-nous, trompettes,</p> -<p class="i4"> Timbales et tambours; <span class="dalign">2130</span></p> -<p class="i4"> Accordez-vous toujours</p> -<p class="i2"> Avec le doux son des musettes;</p> -<p class="i4"> Accordez-vous toujours</p> -<p class="i3"> Avec le doux chant des amours.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DE PSYCH.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span></p> -<p class="extra">PULCHRIE<br /> -<span class="medium">COMDIE HROQUE</span><br /> -<span class="small">1672</span></p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_372"> 372</a></span></p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span></p> -</div> - -<h3>NOTICE.</h3> - -<p>Nous apprenons par plusieurs tmoignages contemporains, -que Corneille, suivant sa coutume<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor"> [351]</a>, alla lire cette pice chez -plusieurs personnes considrables, assez longtemps avant de la -faire reprsenter. Le 15 janvier 1672, Mme de Svign crit -sa fille: Il (<i>Corneille</i>) nous lut l'autre jour une comdie chez -M. de la Rochefoucauld, qui fait souvenir (<i>disent les ditions -de Perrin</i>) de sa dfunte veine, ou, suivant le texte d'une -ancienne copie, adopt dans la dernire dition des lettres -de Mme de Svign<a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor"> [352]</a>: qui fait souvenir de la Reine mre. -La dclaration par laquelle <i>Pulchrie</i>, ge de plus de cinquante -ans, annonce Lon qu'elle l'aime, <i>fait souvenir</i>, en -effet, comme on le remarque en note, d'Anne d'Autriche et de -Mazarin.</p> - -<p>Prs de deux mois plus tard, le 9 mars, Mme de Svign -nous signale une autre lecture de notre pote; elle dit en parlant -de Retz: Nous tchons d'amuser notre cher Cardinal. -Corneille lui a lu une comdie qui sera joue dans quelque -temps, et qui fait souvenir des anciennes<a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor"> [353]</a>. Cette lecture ne -fut pas la dernire, car Mme de Svign ajoute dans la mme -<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span> -lettre: Je suis folle de Corneille; il nous redonnera encore -<i>Pulchrie</i>, o l'on verra encore</p> - -<p class="quote i10"> La main qui crayonna<br /> -La mort du grand Pompe et l'amour de Cinna<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor"> [354]</a>.</p> - -<p>Il faut que tout cde son gnie<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor"> [355]</a>.</p> - -<p>Dans le <i>Mercure galant</i><a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor"> [356]</a>, Donneau de Vis parle, sous la date -du 19 mars, de la favorable impression que ces lectures avaient -produite, et fait l'loge de Corneille, de qui, malgr le -grand ge, on doit toujours attendre des pices acheves, -comme on trouvera sans doute dans sa dernire tragdie, qui -parotra l'hiver prochain sous le nom de <i>Pulchrie</i>, et qui ne -peut manquer de plaire ceux qui ont le cœur et l'esprit bien -fait, comme elle a dj plu ceux qui ont eu le bonheur de lui -entendre lire.</p> - -<p>M. douard Fournier fait ressortir l'habilet avec laquelle -Corneille avait su choisir des auditeurs qui devaient tre prpars -d'avance bien accueillir un pareil ouvrage: Ce n'est -pas, dit-il, chez la Rochefoucauld, dont un dernier amour, -plus d'esprit que de cœur, il est vrai, ranimait la goutteuse -vieillesse; ce n'est pas non plus chez le cardinal de Retz, dsabus -de tout, hormis de l'ambition, que l'on se ft avis de -trouver invraisemblable et ridicule le vieux Martian partageant -sa dernire saison entre les soins de l'ambition et ceux de -l'amour<a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor"> [357]</a>.</p> - -<p>Du reste, en croire Fontenelle, ce personnage de Martian, -qui fut le plus got de l'ouvrage, n'tait autre que Corneille. -Il s'est dpeint lui-mme, avec bien de la force, nous dit son -neveu, dans Martian, qui est un vieillard amoureux<a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor"> [358]</a>. Beaucoup -de vieux gentilshommes de la cour spirituelle et lgante -<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span> -de Versailles se reconnaissaient, sans l'avouer, dans ce portrait. -L'un d'eux, plus sincre que les autres, osa fliciter -Corneille de l'avoir trac: M. le marchal de Gramont lui dit -qu'il lui savoit bon gr d'avoir trouv un caractre d'amant -pour les vieillards, dont on ne s'toit point encore avis, et -qu'il lui en toit oblig pour la part qu'il y pouvoit avoir<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor"> [359]</a>.</p> - -<p>Corneille, dit Voltaire<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor"> [360]</a>, intitula d'abord cette pice tragdie; -il la prsenta aux comdiens, qui refusrent de la jouer. -Ils taient plus frapps de leurs intrts que de la rputation -de Corneille; il fut oblig de la donner une mauvaise -troupe qui jouait au Marais, et qui ne put se soutenir. Ce fait, -qui ne se trouve appuy d'aucun tmoignage plus ancien, -ne nous parat pas bien certain. Nous avons vu que de tout -temps Corneille avait aim faire reprsenter tour tour -ses divers ouvrages par des troupes diffrentes. Quelques-uns -de ses contemporains ont mme vu l, bien tort, un calcul -d'avarice<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor"> [361]</a>. Il faudrait donc se garder d'imaginer, d'aprs le -passage de Voltaire que nous venons de rapporter, que le -thtre du Marais ft pour Corneille une sorte de pis aller auquel -le ddain de la troupe royale l'et forc d'avoir recours.</p> - -<p>Dans ses nouvelles du 30<sup>e</sup> de juillet jusques au 6<sup>e</sup> d'aoust, -le <i>Mercure galant</i> annonce, parmi les pices qui devront tre -joues dans le courant de l'hiver, le dernier ouvrage de notre -pote: Les comdiens du Marais reprsenteront, dit-il, la -<i>Pulchrie</i>, de M. de Corneille l'an<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor"> [362]</a>.</p> - -<p>Dans le volume suivant<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor"> [363]</a>, Donneau de Vis, le rdacteur du -<i>Mercure</i>, rend compte en ces termes de cette pice, qui, suivant -les frres Parfait, avait t joue en novembre 1672: La <i>Pulchrie</i> -de M. de Corneille l'an, dont je vous ai dj parl, a t -reprsente sur le thtre du Marais, et tous les obstacles qui -empchent les pices de russir dans un quartier si loign, -n'ont pas t assez puissants pour nuire cet ouvrage. C'est -peu prs ce que l'auteur lui-mme dit dans son avis <i>Au lecteur</i>: -<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span> -Bien que cette pice aye t relgue dans un lieu o on ne -vouloit plus se souvenir qu'il y et un thtre, bien qu'elle ait -pass par des bouches pour qui on n'toit prvenu d'aucune estime, -bien que ses principaux caractres soient contre le got -du temps, elle n'a pas laiss de peupler le dsert, de mettre en -crdit des acteurs dont on ne connoissoit pas le mrite....</p> - -<p>Nous ignorons quels furent ces acteurs, mais ce qu'on ne sait -que trop, c'est que, malgr les assertions de Corneille et de ses -amis, le succs fut loin d'tre tel qu'ils le disent et que peut-tre -ils se l'imaginrent. A coup sr, Mme de Coulanges toit -une plus fidle interprte des sentiments du public, lorsqu'elle -crivait, le 24 fvrier 1673, Mme de Svign, alors en Provence, -cette phrase brve et indiffrente: <i>Pulchrie</i> n'a point -russi<a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor"> [364]</a>.</p> - -<p>Le privilge de <i>Pulchrie</i> a t accord le trentiesme jour de -decembre l'an de grce mil six cens soixante-douze. L'Achev -d'imprimer est du 20 janvier 1673. Le titre de l'dition originale -est ainsi conu: <span class="small1">Pulcherie, comedie heroique</span>. <i>A Paris, -chez Guillaume de Luyne</i>.... M.DC.LXXIII. Auec priuilege du -Roy. Le volume, de format in-12, se compose de 4 feuillets et -de 72 pages.</p> - - -<h3>AU LECTEUR.</h3> - -<p>Pulchrie, fille de l'empereur Arcadius, et sœur du -jeune Thodose, a t une princesse trs-illustre, et dont -les talents toient merveilleux: tous les historiens en -conviennent. Ds l'ge de quinze ans elle empita le gouvernement -sur son frre, dont elle avoit reconnu la foiblesse, -et s'y conserva tant qu'il vcut, la rserve d'environ -une anne de disgrce, qu'elle passa loin de la -cour, et qui cota cher ceux qui l'avoient rduite s'en -loigner<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor"> [365]</a>. Aprs la mort de ce prince, ne pouvant retenir -<span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span> -l'autorit souveraine en sa personne, ni se rsoudre - la quitter, elle proposa son mariage Martian, la -charge qu'il lui permettroit de garder sa virginit, qu'elle -avoit voue et consacre Dieu. Comme il toit dj -assez avanc dans la vieillesse, il accepta la condition -aisment, et elle le nomma pour empereur au snat, qui -ne voulut, ou n'osa l'en ddire<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor"> [366]</a>. Elle passoit alors cinquante -ans, et mourut deux ans aprs. Martian en rgna -sept, et eut pour successeur Lon, que ses excellentes -<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span> -qualits firent surnommer le Grand<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor"> [367]</a>. Le patrice Aspar -le servit monter au trne, et lui demanda pour rcompense -l'association cet empire qu'il lui avoit fait obtenir. -Le refus de Lon le fit conspirer contre ce matre -qu'il s'toit choisi, la conspiration fut dcouverte, et -Lon s'en dfit<a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor"> [368]</a>. Voil ce que m'a prt l'histoire. Je ne -veux point prvenir votre jugement sur ce que j'y ai -chang ou ajout, et me contenterai de vous dire que -bien que cette pice aye t relgue dans un lieu o on -ne vouloit plus se souvenir qu'il y et un thtre, bien -qu'elle ait pass<a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor"> [369]</a> par des bouches pour qui on n'toit prvenu -d'aucune estime, bien que ses principaux caractres -soient contre le got du temps, elle n'a pas laiss de -peupler le dsert, de mettre en crdit des acteurs dont -on ne connoissoit pas le mrite, et de faire voir qu'on -n'a pas toujours besoin de s'assujettir aux enttements du -sicle pour se faire couter sur la scne<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor"> [370]</a>. J'aurai de quoi -me satisfaire, si cet ouvrage est aussi heureux la lecture -qu'il a t<a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor"> [371]</a> la reprsentation; et si j'ose ne vous -dissimuler rien, je me flatte assez pour l'esprer.</p> - - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span></p> -<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br /> -POUR LES VARIANTES DE <i>PULCHRIE</i>.</h3> - -<h3 class="normal">DITION SPARE.<br /> -1673 in-12;<br /> -RECUEIL.<br /> -1682 in-12.</h3> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span></p> -<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor"> [372]</a>.</h3> - -<table id="acteurs5" summary="parts"> -<tr> -<td class="tdl">PULCHRIE,</td> -<td class="tdl">impratrice d'Orient.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">MARTIAN,</td> -<td class="tdl">vieux snateur, ministre d'tat sous Thodose le jeune<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor"> [373]</a>.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">LON,</td> -<td class="tdl">amant de Pulchrie.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ASPAR,</td> -<td class="tdl">amant d'Irne.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">IRNE,</td> -<td class="tdl">sœur de Lon.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">JUSTINE,</td> -<td class="tdl">fille de Martian.</td> -</tr> -</table> - -<h3 class="subh">La scne est Constantinople, dans le palais imprial.</h3> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span></p> - -<p class="extra">PULCHRIE.<br /> -<span class="medium">COMDIE HROQUE.</span></p> - -<h2 class="normal">ACTE I.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, LON.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous aime, Lon, et n'en fais point mystre<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor"> [374]</a>:</p> -<p>Des feux tels que les miens n'ont rien qu'il faille taire.</p> -<p>Je vous aime, et non point de cette folle ardeur</p> -<p>Que les yeux blouis font matresse du cœur,</p> -<p>Non d'un amour conu par les sens en tumulte,<span class="dalign">5</span></p> -<p>A qui l'me applaudit sans qu'elle se consulte,</p> -<p>Et qui ne concevant que d'aveugles dsirs,</p> -<p>Languit dans les faveurs, et meurt dans les plaisirs:</p> -<p>Ma passion pour vous, gnreuse et solide,</p> -<p>A la vertu pour me, et la raison pour guide,<span class="dalign">10</span></p> -<p>La gloire pour objet, et veut sous votre loi</p> -<p>Mettre en ce jour illustre et l'univers et moi.</p> -<p class="i1"> Mon aeul Thodose, Arcadius mon pre,</p> -<p>Cet empire quinze ans gouvern pour un frre<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor"> [375]</a>,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span></div> -<p>L'habitude rgner, et l'horreur d'en dchoir, <span class="dalign">15</span></p> -<p>Vouloient<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor"> [376]</a> dans un mari trouver mme pouvoir.</p> -<p>Je vous en ai cru digne; et dans ces esprances,</p> -<p>Dont un penchant flatteur m'a fait des assurances,</p> -<p>De tout ce que sur vous j'ai fait tomber d'emplois</p> -<p>Aucun n'a dmenti l'attente de mon choix;<span class="dalign">20</span></p> -<p>Vos hauts faits grands pas nous<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor"> [377]</a> portoient l'empire;</p> -<p>J'avois rduit mon frre ne m'en point ddire:</p> -<p>Il vous y donnoit part, et j'tois toute vous;</p> -<p>Mais ce malheureux prince est mort trop tt pour nous.</p> -<p>L'empire est donner, et le snat s'assemble <span class="dalign">25</span></p> -<p>Pour choisir une tte ce grand corps qui tremble<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor"> [378]</a>,</p> -<p>Et dont les Huns, les Goths, les Vandales, les Francs,</p> -<p>Bouleversent la masse et dchirent les flancs.</p> -<p class="i1"> Je vois de tous cts des partis et des ligues:</p> -<p>Chacun s'entre-mesure et forme ses intrigues. <span class="dalign">30</span></p> -<p>Procope, Gratian, Arobinde, Aspar<a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor"> [379]</a></p> -<p>Vous peuvent enlever ce grand nom de Csar:</p> -<p>Ils ont tous du mrite; et ce dernier s'assure</p> -<p>Qu'on se souvient encor de son pre Ardabure,</p> -<p>Qui terrassant Mitrane en combat singulier, <span class="dalign">35</span></p> -<p>Nous acquit sur la Perse un avantage entier,</p> -<p>Et rassurant par l nos aigles alarmes,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span></div> -<p>Termina seul la guerre aux yeux des deux armes<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor"> [380]</a>.</p> -<p class="i1"> Mes souhaits, mon crdit, mes amis, sont pour vous;</p> -<p>Mais moins que ce rang, plus d'amour, point d'poux:</p> -<p>Il faut, quelques douceurs que cet amour propose,</p> -<p>Le trne ou la retraite au sang de Thodose;</p> -<p>Et si par le succs mes desseins sont trahis,</p> -<p>Je m'exile en Jude auprs d'Athnas<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor"> [381]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous suivrois, Madame; et du moins sans ombrage <span class="dalign">45</span></p> -<p>De ce que mes rivaux ont sur moi d'avantage,</p> -<p>Si vous ne m'y faisiez quelque destin plus doux,</p> -<p>J'y mourrois de douleur d'tre indigne de vous:</p> -<p>J'y mourrois vos yeux en adorant vos charmes.</p> -<p>Peut-tre essuieriez-vous quelqu'une de mes larmes; <span class="dalign">50</span></p> -<p>Peut-tre ce grand cœur, qui n'ose s'attendrir,</p> -<p>S'y dfendroit si mal de mon dernier soupir,</p> -<p>Qu'un clat imprvu de douleur et de flamme</p> -<p>Malgr vous son tour voudroit suivre mon me.</p> -<p>La mort, qui finiroit vos yeux mes ennuis,<span class="dalign">55</span></p> -<p>Auroit plus de douceur que l'tat o je suis.</p> -<p>Vous m'aimez<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor"> [382]</a>; mais, hlas! quel amour est le vtre,</p> -<p>Qui s'apprte peut-tre pencher vers un autre?</p> -<p>Que servent ces dsirs, qui n'auront point d'effet</p> -<p>Si votre illustre orgueil ne se voit satisfait? <span class="dalign">60</span></p> -<p>Et que peut cet amour dont vous tes matresse,</p> -<p>Cet amour dont le trne a toute la tendresse,</p> -<p>Esclave ambitieux du suprme degr,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span></div> -<p>D'un titre qui l'allume et l'teint son gr?</p> -<p>Ah! ce n'est point par l que je vous considre; <span class="dalign">65</span></p> -<p>Dans le plus triste exil vous me seriez plus chre:</p> -<p>L mes yeux, sans relche attachs vous voir,</p> -<p>Feroient de mon amour mon unique devoir;</p> -<p>Et mes soins, runis ce noble esclavage,</p> -<p>Sauroient de chaque instant vous rendre un plein hommage.</p> -<p>Pour tre heureux amant, faut-il que l'univers</p> -<p>Ait place dans un cœur qui ne veut que vos fers;</p> -<p>Que les plus dignes soins d'une flamme si pure</p> -<p>Deviennent partags toute la nature?</p> -<p>Ah! que ce cœur, Madame, a lieu d'tre alarm, <span class="dalign">75</span></p> -<p>Si sans tre empereur je ne suis plus aim!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous le serez toujours; mais une me bien ne</p> -<p>Ne confond pas toujours l'amour et l'hymne:</p> -<p>L'amour entre deux cœurs ne veut que les unir;</p> -<p>L'hymne a de plus leur gloire soutenir; <span class="dalign">80</span></p> -<p>Et je vous l'avouerai, pour les plus belles vies</p> -<p>L'orgueil de la naissance a bien des tyrannies:</p> -<p>Souvent les beaux dsirs n'y servent qu' gner;</p> -<p>Ce qu'on se doit combat ce qu'on se veut donner:</p> -<p>L'amour gmit en vain sous ce devoir svre....<span class="dalign">85</span></p> -<p>Ah! si je n'avois eu qu'un snateur pour pre!</p> -<p>Mais mon sang dans mon sexe a mis les plus grands cœurs;</p> -<p>Eudoxe et Placidie<a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor"> [383]</a> ont eu des empereurs:</p> -<p>Je n'ose leur cder en grandeur de courage;</p> -<p>Et malgr mon amour je veux mme partage: <span class="dalign">90</span></p> -<p>Je pense en tre sre, et tremble toutefois</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span></div> -<p>Quand je vois mon bonheur dpendre d'une voix.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'avez-vous trembler? Quelque empereur qu'on nomme,</p> -<p>Vous aurez votre amant, ou du moins un grand homme,</p> -<p>Dont le nom, ador du peuple et de la cour, <span class="dalign">95</span></p> -<p>Soutiendra votre gloire, et vaincra votre amour.</p> -<p>Procope, Arobinde, Aspar, et leurs semblables,</p> -<p>Pars de ce grand nom, vous deviendront aimables;</p> -<p>Et l'clat de ce rang, qui fait tant de jaloux,</p> -<p>En eux, ainsi qu'en moi, sera charmant pour vous. <span class="dalign">100</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que vous m'tes cruel, que vous m'tes injuste</p> -<p>D'attacher tout mon cœur au seul titre d'Auguste!</p> -<p>Quoi que de ma naissance exige la fiert,</p> -<p>Vous seul ferez ma joie et ma flicit:</p> -<p>De tout autre empereur la grandeur odieuse.... <span class="dalign">105</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais vous l'pouserez, heureuse ou malheureuse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne me pressez point tant, et croyez avec moi</p> -<p>Qu'un choix si glorieux vous donnera ma foi,</p> -<p>Ou que si le snat nos vœux est contraire,</p> -<p>Le ciel m'inspirera ce que je devrai faire. <span class="dalign">110</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il vous inspirera quelque sage douleur,</p> -<p>Qui n'aura qu'un soupir perdre en ma faveur.</p> -<p>Oui, de si grands rivaux....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Ils ont tous des matresses.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le trne met une me au-dessus des tendresses.</p> -<p>Quand du grand Thodose on aura pris le rang,<span class="dalign">115</span></p> -<p>Il y faudra placer les restes de son sang:</p> -<p>Il voudra, ce rival, qui que l'on puisse lire,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span></div> -<p>S'assurer par l'hymen de vos droits l'empire.</p> -<p>S'il a pu faire ailleurs quelque offre de sa foi,</p> -<p>C'est qu'il a cru ce cœur trop prvenu pour moi; <span class="dalign">120</span></p> -<p>Mais se voyant au trne et moi dans la poussire,</p> -<p>Il se promettra tout de votre humeur altire;</p> -<p>Et s'il met vos pieds ce charme de vos yeux,</p> -<p>Il deviendra l'objet que vous verrez le mieux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous pourriez un peu loin pousser ma patience, <span class="dalign">125</span></p> -<p>Seigneur: j'ai l'me fire, et tant de prvoyance</p> -<p>Demande la souffrir encor plus de bont</p> -<p>Que vous ne m'avez vu jusqu'ici de fiert.</p> -<p>Je ne condamne point ce que l'amour inspire;</p> -<p>Mais enfin on peut craindre, et ne le point tant dire.<span class="dalign">130</span></p> -<p class="i1"> Je n'en tiendrai pas moins tout ce que j'ai promis.</p> -<p>Vous avez mes souhaits, vous aurez mes amis<a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor"> [384]</a>;</p> -<p>De ceux de Martian vous aurez le suffrage:</p> -<p>Il a, tout vieux qu'il est, plus de vertus que d'ge;</p> -<p>Et s'il briguoit pour lui, ses glorieux travaux <span class="dalign">135</span></p> -<p>Donneroient fort craindre vos plus grands rivaux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Notre empire, il est vrai, n'a point de plus grand homme:</p> -<p>Sparez-vous du rang, Madame, et je le nomme.</p> -<p>S'il me peut enlever celui de souverain,</p> -<p>Du moins je ne crains pas qu'il m'te votre main: <span class="dalign">140</span></p> -<p>Ses vertus le pourroient; mais je vois sa vieillesse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi qu'il en soit, pour vous ma bont l'intresse:</p> -<p>Il s'est plu sous mon frre dpendre de moi,</p> -<p>Et je me viens encor d'assurer de sa foi.</p> -<p class="i1"> Je vois entrer Irne; Aspar la trouve belle: <span class="dalign">145</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span></div> -<p>Faites agir pour vous l'amour qu'il a pour elle;</p> -<p>Et comme en ce dessein rien n'est ngliger,</p> -<p>Voyez ce qu'une sœur vous pourra mnager.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> - -<p class="subt">PULCHRIE, LON, IRNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>M'aiderez-vous, Irne, couronner un frre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un si foible secours vous est peu ncessaire,<span class="dalign">150</span></p> -<p>Madame, et le snat....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> N'en agissez pas moins:</p> -<p>Joignez vos vœux aux miens, et vos soins mes soins,</p> -<p>Et montrons ce que peut en cette conjoncture</p> -<p>Un amour second de ceux de la nature.</p> -<p>Je vous laisse y penser.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> - -<p class="subt">LON, IRNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p> Vous ne me dites rien,<span class="dalign">155</span></p> -<p>Seigneur: attendez-vous que j'ouvre l'entretien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A dire vrai, ma sœur, je ne sais que vous dire.</p> -<p>Aspar m'aime, il vous aime: il y va de l'empire;</p> -<p>Et s'il faut qu'entre nous on balance aujourd'hui,</p> -<p>La princesse est pour moi, le mrite est pour lui. <span class="dalign">160</span></p> -<p>Vouloir qu'en ma faveur ce grade il renonce,</p> -<p>C'est faire une prire indigne de rponse;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span></div> -<p>Et de son amiti je ne puis l'exiger,</p> -<p>Sans vous voler un bien qu'il vous doit partager.</p> -<p> C'est l ce qui me force garder le silence: <span class="dalign">165</span></p> -<p>Je me rponds pour vous tout ce que je pense,</p> -<p>Et puisque j'ai souffert qu'il ait tout votre cœur,</p> -<p>Je dois souffrir aussi vos soins pour sa grandeur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ignore encor quel fruit je pourrois en attendre.</p> -<p>Pour le trne, il est sr qu'il a droit d'y prtendre;<span class="dalign">170</span></p> -<p>Sur vous et sur tout autre il le peut emporter:</p> -<p>Mais qu'il m'y donne part, c'est dont j'ose douter.</p> -<p>Il m'aime en apparence, en effet il m'amuse;</p> -<p>Jamais pour notre hymen il ne manque d'excuse,</p> -<p>Et vous aime tel point, que si vous l'en croyez,<span class="dalign">175</span></p> -<p>Il ne peut tre heureux que vous ne le soyez:</p> -<p>Non que votre bonheur fortement l'intresse;</p> -<p>Mais sachant quel amour a pour vous la princesse,</p> -<p>Il veut voir quel succs aura son grand dessein,</p> -<p>Pour ne point m'pouser qu'en sœur de souverain. <span class="dalign">180</span></p> -<p class="i1"> Ainsi depuis deux ans vous<a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor"> [385]</a> voyez qu'il diffre.</p> -<p>Du reste Pulchrie il prend grand soin de plaire,</p> -<p>Avec exactitude il suit toutes ses lois;</p> -<p>Et dans ce que sous lui vous avez eu d'emplois,</p> -<p>Votre tte aux prils toute heure expose <span class="dalign">185</span></p> -<p>M'a pour vous et pour moi presque dsabuse;</p> -<p>La gloire d'un ami, la haine d'un rival,</p> -<p>La hasardoient peut-tre avec un soin gal.</p> -<p>Le temps est arriv qu'il faut qu'il se dclare;</p> -<p>Et de son amiti l'effort sera bien rare<span class="dalign">190</span></p> -<p>Si mis cette preuve, ambitieux qu'il est,</p> -<p>Il cherche vous servir contre son intrt.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span></div> -<p>Peut-tre il promettra; mais quoi qu'il vous promette,</p> -<p>N'en ayons pas, Seigneur, l'me moins inquite;</p> -<p>Son ardeur trouvera pour vous si peu d'appui,<span class="dalign">195</span></p> -<p>Qu'on le fera lui-mme empereur malgr lui;</p> -<p>Et lors, en ma faveur quoi que l'amour oppose,</p> -<p>Il faudra faire grce au sang de Thodose;</p> -<p>Et le snat voudra qu'il prenne d'autres yeux</p> -<p>Pour mettre la princesse au rang de ses aeux.<span class="dalign">200</span></p> -<p class="i1"> Son cœur suivra le sceptre, en quelque main qu'il brille:</p> -<p>Si Martian l'obtient, il aimera sa fille;</p> -<p>Et l'amiti du frre et l'amour de la sœur</p> -<p>Cderont l'espoir de s'en voir successeur.</p> -<p>En un mot, ma fortune est encor fort douteuse:<span class="dalign">205</span></p> -<p>Si vous n'tes heureux, je ne puis tre heureuse;</p> -<p>Et je n'ai plus d'amant non plus que vous d'ami,</p> -<p>A moins que dans le trne il vous voie affermi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous prsumez bien mal d'un hros qui vous aime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je pense le connotre l'gal de moi-mme;<span class="dalign">210</span></p> -<p>Mais croyez-moi, Seigneur, et l'empire est vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma sœur!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Oui, vous l'aurez malgr lui, malgr tous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'y perdons aucun temps: htez-vous de m'instruire;</p> -<p>Htez-vous de m'ouvrir la route m'y conduire;</p> -<p>Et si votre bonheur peut dpendre du mien....<span class="dalign">215</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Apprenez le secret de ne hasarder rien.</p> -<p class="i1"> N'agissez point pour vous; il s'en offre trop d'autres</p> -<p>De qui les actions brillent plus que les vtres,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span></div> -<p>Que leurs emplois plus hauts ont mis en plus d'clat,</p> -<p>Et qui, s'il faut tout dire, ont plus servi l'tat: <span class="dalign">220</span></p> -<p>Vous les passez peut-tre en grandeur de courage;</p> -<p>Mais il vous a manqu l'occasion et l'ge;</p> -<p>Vous n'avez command que sous des gnraux,</p> -<p>Et n'tes pas encor du poids de vos rivaux.</p> -<p class="i1"> Proposez la princesse; elle a des avantages<span class="dalign">225</span></p> -<p>Que vous verrez sur l'heure unir tous les suffrages:</p> -<p>Tant qu'a vcu son frre, elle a rgn pour lui;</p> -<p>Ses ordres de l'empire ont t tout l'appui;</p> -<p>On vit depuis quinze ans sous son obissance:</p> -<p>Faites qu'on la maintienne en sa toute-puissance,<span class="dalign">230</span></p> -<p>Qu' ce prix le snat lui demande un poux;</p> -<p>Son choix tombera-t-il sur un autre que vous?</p> -<p>Voudroit-elle de vous une action plus belle</p> -<p>Qu'un respect amoureux qui veut tenir tout d'elle?</p> -<p>L'amour en deviendra plus fort qu'auparavant, <span class="dalign">235</span></p> -<p>Et vous vous servirez vous-mme en la servant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! que c'est me donner un conseil salutaire!</p> -<p>A-t-on jamais vu sœur qui servt mieux un frre?</p> -<p>Martian avec joie embrassera l'avis:</p> -<p>A peine parle-t-il que les siens sont suivis;<span class="dalign">240</span></p> -<p>Et puisqu' la princesse il a promis un zle</p> -<p>A tout oser pour moi sur l'ordre qu'il a d'elle,</p> -<p>Comme sa crature, il fera hautement</p> -<p>Bien plus en sa faveur qu'en faveur d'un amant.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour peu qu'il vous appuie, allez, l'affaire est sre.<span class="dalign">245</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aspar vient: faites-lui, ma sœur, quelque ouverture;</p> -<p>Voyez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> C'est un esprit qu'il faut mieux mnager;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span></div> -<p>Nous dcouvrir lui, c'est tout mettre en danger:</p> -<p>Il est ambitieux, adroit, et d'un mrite....</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">ASPAR, LON, IRNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous me pardonnez bien, Seigneur, si je vous quitte:<span class="dalign">250</span></p> -<p>C'est suppler assez ce que je vous doi</p> -<p>Que vous laisser ma sœur, qui vous plat plus que moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Vous m'obligez, Seigneur; mais en cette occurrence -<p>J'ai besoin avec vous d'un peu de confrence.</p> -<p class="i1"> Du sort de l'univers nous allons dcider: <span class="dalign">255</span></p> -<p>L'affaire vous regarde, et peut me regarder;</p> -<p>Et si tous mes amis ne s'unissent aux vtres,</p> -<p>Nos partis diviss pourront cder d'autres.</p> -<p class="i1"> Agissons de concert; et sans tre jaloux,</p> -<p>En ce grand coup d'tat, vous de moi, moi de vous,<span class="dalign">260</span></p> -<p>Jurons-nous que des deux qui que l'on puisse lire</p> -<p>Fera de son ami son collgue l'empire;</p> -<p>Et pour nous l'assurer, voyons sur qui des deux</p> -<p>Il est plus propos de jeter tant de vœux:</p> -<p>Quel nom seroit plus propre s'attirer le reste. <span class="dalign">265</span></p> -<p>Pour moi, j'y suis tout prt, et ds ici j'atteste....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre nom pour ce choix est plus fort que le mien,</p> -<p>Et je n'ose douter que vous n'en usiez bien.</p> -<p>Je craindrois de tout autre un dangereux partage;</p> -<p>Mais de vous je n'ai pas, Seigneur, le moindre ombrage,<span class="dalign">270</span></p> -<p>Et l'amiti voudroit vous en donner ma foi;</p> -<p>Mais c'est la princesse disposer de moi:</p> -<p>Je ne puis que par elle, et n'ose rien sans elle.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_392"> 392</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Certes, s'il faut choisir l'amant le plus fidle,</p> -<p>Vous l'allez emporter sur tous sans contredit; <span class="dalign">275</span></p> -<p>Mais ce n'est pas, Seigneur, le point dont il s'agit:</p> -<p>Le plus flatteur effort de la galanterie</p> -<p>Ne peut....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Que voulez-vous? j'adore Pulchrie;</p> -<p>Et n'ayant rien d'ailleurs par o la mriter,</p> -<p>J'espre en ce doux titre, et j'aime le porter. <span class="dalign">280</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais il y va du trne, et non d'une matresse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vais faire, Seigneur, votre offre la princesse;</p> -<p>Elle sait mieux que moi les besoins de l'tat.</p> -<p>Adieu: je vous dirai sa rponse au snat.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> - -<p class="subt">ASPAR, IRNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il a beaucoup d'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> - -<p class="i11"> Oui, Madame; et j'avoue <span class="dalign">285</span></p> -<p>Qu'avec quelque raison la princesse s'en loue:</p> -<p>Mais j'aurois souhait qu'en cette occasion</p> -<p>L'amour concertt mieux avec l'ambition,</p> -<p>Et que son amiti, s'en laissant moins sduire,</p> -<p>Ne nous expost point nous entre-dtruire.<span class="dalign">290</span></p> -<p>Vous voyez qu'avec lui j'ai voulu m'accorder.</p> -<p>M'aimeriez-vous encor si j'osois lui cder,</p> -<p>Moi qui dois d'autant plus mes soins ma fortune,</p> -<p>Que l'amour entre nous la doit rendre commune?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, lorsque le mien vous a donn mon cœur, <span class="dalign">295</span></p> -<p>Je n'ai point prtendu la main d'un empereur:</p> -<p>Vous pouviez tre heureux sans m'apporter ce titre;</p> -<p>Mais du sort de Lon Pulchrie est l'arbitre,</p> -<p>Et l'orgueil de son sang avec quelque raison</p> -<p>Ne peut souffrir d'poux moins de ce grand nom. <span class="dalign">300</span></p> -<p>Avant que ce cher frre pouse la princesse,</p> -<p>Il faut que le pouvoir s'unisse la tendresse,</p> -<p>Et que le plus haut rang mette en leur plus beau jour</p> -<p>La grandeur du mrite et l'excs de l'amour.</p> -<p>M'aimeriez-vous assez pour n'tre point contraire <span class="dalign">305</span></p> -<p>A l'unique moyen de rendre heureux ce frre,</p> -<p>Vous qui, dans votre amour, avez pu sans ennui</p> -<p>Vous dfendre de l'tre un moment avant lui,</p> -<p>Et qui mriteriez qu'on vous ft mieux connotre</p> -<p>Que s'il ne le devient, vous aurez peine l'tre? <span class="dalign">310</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est aller un peu vite, et bientt m'insulter</p> -<p>En sœur de souverain qui cherche me quitter.</p> -<p>Je vous aime, et jamais une ardeur plus sincre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, est-ce m'aimer que de perdre mon frre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voulez-vous que pour lui je me perde d'honneur? <span class="dalign">315</span></p> -<p>Est-ce m'aimer que mettre ce prix mon bonheur?</p> -<p>Moi, qu'on a vu forcer trois camps et vingt murailles,</p> -<p>Moi qui, depuis dix ans, ai gagn sept batailles,</p> -<p>N'ai-je acquis tant de nom que pour prendre la loi</p> -<p>De qui n'a command que sous Procope<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor"> [386]</a>, ou moi, <span class="dalign">320</span></p> -<p>Que pour m'en faire un matre, et m'attacher moi-mme</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span></div> -<p>Un joug honteux au front, au lieu d'un diadme?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 ">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je suis plus raisonnable, et ne demande pas</p> -<p>Qu'en faveur d'un ami vous descendiez si bas.</p> -<p>Pylade pour Oreste auroit fait davantage; <span class="dalign">325</span></p> -<p>Mais de pareils efforts ne sont plus en usage,</p> -<p>Un grand cœur les ddaigne, et le sicle a chang:</p> -<p>A s'aimer de plus prs on se croit oblig,</p> -<p>Et des vertus du temps l'me persuade</p> -<p>Hait de ces vieux hros la surprenante ide. <span class="dalign">330</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il y va de ma gloire, et les sicles passs....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle n'est pas, Seigneur, peut-tre o vous pensez;</p> -<p>Et quoi qu'un juste espoir ose vous faire croire,</p> -<p>S'exposer au refus, c'est hasarder sa gloire.</p> -<p>La princesse peut tout, ou du moins plus que vous. <span class="dalign">335</span></p> -<p>Vous vous attirerez sa haine et son courroux.</p> -<p>Son amour l'intresse, et son me hautaine....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'on me fasse empereur, et je crains peu sa haine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais s'il faut qu' vos yeux un autre prfr</p> -<p>Monte, en dpit de vous, ce rang ador, <span class="dalign">340</span></p> -<p>Quel dplaisir! quel trouble! et quelle ignominie</p> -<p>Laissera pour jamais votre gloire ternie!</p> -<p>Non, Seigneur, croyez-moi, n'allez point au snat,</p> -<p>De vos hauts faits pour vous laissez parler l'clat.</p> -<p>Qu'il sera glorieux que sans briguer personne, <span class="dalign">345</span></p> -<p>Ils fassent vos pieds apporter la couronne,</p> -<p>Que votre seul mrite emporte ce grand choix,</p> -<p>Sans que votre prsence ait mendi de voix!</p> -<p>Si Procope, ou Lon, ou Martian, l'emporte,</p> -<p>Vous n'aurez jamais eu d'ambition si forte, <span class="dalign">350</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span></div> -<p>Et vous dsavouerez tous ceux de vos amis</p> -<p>Dont la chaleur pour vous se sera trop permis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A ces hauts sentiments s'il me falloit rpondre,</p> -<p>J'aurois peine, Madame, ne me point confondre:</p> -<p>J'y vois beaucoup d'esprit, j'y trouve encor plus d'art;</p> -<p>Et ce que j'en puis dire la hte et sans fard,</p> -<p>Dans ces grands intrts vous montrer si savante,</p> -<p>C'est tre bonne sœur et dangereuse amante.</p> -<p>L'heure me presse: adieu. J'ai des amis voir</p> -<p>Qui sauront accorder ma gloire et mon devoir: <span class="dalign">360</span></p> -<p>Le ciel me prtera par eux quelque lumire</p> -<p>A mettre l'un et l'autre en assurance entire,</p> -<p>Et rpondre avec joie tout ce que je doi</p> -<p>A vous, ce cher frre, la princesse, moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE</span>, seule.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Perfide, tu n'es pas encore o tu te penses. <span class="dalign">365</span></p> -<p>J'ai pntr ton cœur, j'ai vu tes esprances:</p> -<p>De ton amour pour moi je vois l'illusion;</p> -<p>Mais tu n'en sortiras qu' ta confusion.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE II.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> - -<p class="subt">MARTIAN, JUSTINE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Notre illustre princesse est donc impratrice,</p> -<p>Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> A ses vertus on a rendu justice. <span class="dalign">370</span></p> -<p>Lon l'a propose; et quand je l'ai suivi,</p> -<p>J'en ai vu le snat au dernier point ravi;</p> -<p>Il a rduit soudain toutes ses voix en une,</p> -<p>Et s'est dbarrass de la foule importune,</p> -<p>Du turbulent espoir de tant de concurrents <span class="dalign">375</span></p> -<p>Que la soif de rgner avoit mis sur les rangs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi voil Lon assur de l'empire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le snat, je l'avoue, avoit peine l'lire,</p> -<p>Et contre les grands noms de ses comptiteurs</p> -<p>Sa jeunesse et trouv d'assez froids protecteurs: <span class="dalign">380</span></p> -<p>Non qu'il n'ait du mrite, et que son grand courage</p> -<p>Ne se pt tout promettre avec un peu plus d'ge;</p> -<p>On n'a point vu sitt tant de rares exploits;</p> -<p>Mais et l'exprience, et les premiers emplois,</p> -<p>Le titre blouissant de gnral d'arme, <span class="dalign">385</span></p> -<p>Tout ce qui peut enfin grossir la renomme,</p> -<p>Tout cela veut du temps; et l'amour aujourd'hui</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span></div> -<p>Va faire ce qu'un jour son nom feroit pour lui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas! Seigneur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> - -<p class="i8"> Hlas! ma fille, quel mystre</p> -<p>T'oblige soupirer de ce que dit un pre? <span class="dalign">390</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'image de l'empire en de si jeunes mains</p> -<p>M'a tir ce soupir pour l'tat, que je plains.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour l'intrt public rarement on soupire,</p> -<p>Si quelque ennui secret n'y mle son martyre:</p> -<p>L'un se cache sous l'autre, et fait un faux clat; <span class="dalign">395</span></p> -<p>Et jamais, ton ge, on ne plaignit l'tat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A mon ge, un soupir semble dire qu'on aime:</p> -<p>Cependant vous avez soupir tout de mme,</p> -<p>Seigneur; et si j'osois vous le dire mon tour....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est point mon ge soupirer d'amour,<span class="dalign">400</span></p> -<p>Je le sais; mais enfin chacun a sa foiblesse.</p> -<p>Aimerois-tu Lon?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Aimez-vous la princesse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oublie en ma faveur que tu l'as devin,</p> -<p>Et dmens un soupon qu'un soupir t'a donn.</p> -<p>L'amour en mes pareils n'est jamais excusable: <span class="dalign">405</span></p> -<p>Pour peu qu'on s'examine, on s'en tient mprisable,</p> -<p>On s'en hait; et ce mal, qu'on n'ose dcouvrir,</p> -<p>Fait encor plus de peine cacher qu' souffrir;</p> -<p>Mais t'en faire l'aveu, c'est n'en faire personne;</p> -<p>La part que le respect, que l'amiti t'y donne,<span class="dalign">410</span></p> -<p>Et tout ce que le sang en attire sur toi,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span></div> -<p>T'imposent de le taire une ternelle loi.</p> -<p class="i1"> J'aime, et depuis dix ans ma flamme et mon silence</p> -<p>Font mon triste cœur gale violence:</p> -<p>J'coute la raison, j'en gote les avis,<span class="dalign">415</span></p> -<p>Et les mieux couts sont le plus mal suivis<a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor"> [387]</a>.</p> -<p>Cent fois en moins d'un jour je guris et retombe;</p> -<p>Cent fois je me rvolte, et cent fois je succombe:</p> -<p>Tant ce calme forc, que j'tudie en vain,</p> -<p>Prs d'un si rare objet s'vanouit soudain!<span class="dalign">420</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais pourquoi lui donner vous-mme la couronne,</p> -<p>Quand son cher Lon c'est donner sa personne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Apprends que dans un ge us comme le mien,</p> -<p>Qui n'ose souhaiter ni mme accepter rien,</p> -<p>L'amour hors d'intrt s'attache ce qu'il aime, <span class="dalign">425</span></p> -<p>Et n'osant rien pour soi, le sert contre soi-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'ayant rien prtendu, de quoi soupirez-vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour ne prtendre rien, on n'est pas moins jaloux;</p> -<p>Et ces desirs, qu'teint le dclin de la vie,</p> -<p>N'empchent pas de voir avec un œil d'envie, <span class="dalign">430</span></p> -<p>Quand on est d'un mrite pouvoir faire honneur,</p> -<p>Et qu'il faut qu'un autre ge emporte le bonheur.</p> -<p>Que le moindre retour vers nos belles annes</p> -<p>Jette alors d'amertume en nos mes gnes!</p> -<p>Que n'ai-je vu le jour quelques lustres plus tard! <span class="dalign">435</span></p> -<p>Disois-je; en ses bonts peut-tre aurois-je part,</p> -<p>Si le ciel n'opposoit auprs de la princesse</p> -<p>A l'excs de l'amour le manque de jeunesse;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span></div> -<p>De tant et tant de cœurs qu'il force l'adorer,</p> -<p>Devois-je tre le seul qui ne pt esprer? <span class="dalign">440</span></p> -<p> J'aimois quand j'tois jeune, et ne dplaisois gure<a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor"> [388]</a>:</p> -<p>Quelquefois de soi-mme on cherchoit me plaire;</p> -<p>Je pouvois aspirer au cœur le mieux plac;</p> -<p>Mais, hlas! j'tois jeune, et ce temps est pass;</p> -<p>Le souvenir en tue, et l'on ne l'envisage <span class="dalign">445</span></p> -<p>Qu'avec, s'il le faut dire, une espce de rage;</p> -<p>On le repousse, on fait cent projets superflus:</p> -<p>Le trait qu'on porte au cœur s'enfonce d'autant plus;</p> -<p>Et ce feu, que de honte on s'obstine contraindre,</p> -<p>Redouble par l'effort qu'on se fait pour l'teindre. <span class="dalign">450</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Instruit que vous tiez des maux que fait l'amour,</p> -<p>Vous en pouviez, Seigneur, empcher le retour,</p> -<p>Contre toute sa ruse tre mieux sur vos gardes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et l'ai-je regard comme tu le regardes,</p> -<p>Moi qui me figurois que ma caducit <span class="dalign">455</span></p> -<p>Prs de la beaut mme toit en sret?</p> -<p>Je m'attachois sans crainte servir la princesse,</p> -<p>Fier de mes cheveux blancs, et fort de ma foiblesse;</p> -<p>Et quand je ne pensois qu' remplir mon devoir,</p> -<p>Je devenois amant sans m'en apercevoir. <span class="dalign">460</span></p> -<p>Mon me, de ce feu nonchalamment saisie,</p> -<p>Ne l'a point reconnu que par ma jalousie:</p> -<p>Tout ce qui l'approchoit vouloit me l'enlever,</p> -<p>Tout ce qui lui parloit cherchoit m'en priver;</p> -<p>Je tremblois qu' leurs yeux elle ne ft trop belle;<span class="dalign">465</span></p> -<p>Je les hassois tous, comme plus dignes<a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor"> [389]</a> d'elle,</p> -<p>Et ne pouvois souffrir qu'on s'enricht d'un bien</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span></div> -<p>Que j'enviois tous sans y prtendre rien.</p> -<p class="i1"> Quel supplice d'aimer un objet adorable,</p> -<p>Et de tant de rivaux se voir le moins aimable! <span class="dalign">470</span></p> -<p>D'aimer plus qu'eux ensemble, et n'oser de ses feux,</p> -<p>Quelques<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor"> [390]</a> ardents qu'ils soient, se promettre autant qu'eux!</p> -<p>On auroit devin mon amour par ma peine,</p> -<p>Si la peur que j'en eus n'avoit fui tant de gne.</p> -<p>L'auguste Pulchrie avoit beau me ravir, <span class="dalign">475</span></p> -<p>J'attendois la voir qu'il la fallt servir:</p> -<p>Je fis plus, de Lon j'appuyai l'esprance;</p> -<p>La princesse l'aima, j'en eus la confiance,</p> -<p>Et la dissuadai de se donner lui</p> -<p>Qu'il ne ft de l'empire ou le matre ou l'appui.<span class="dalign">480</span></p> -<p>Ainsi, pour viter un hymen si funeste,</p> -<p>Sans rendre heureux Lon, je dtruisois le reste;</p> -<p>Et mettant un long terme au succs de l'amour,</p> -<p>J'esprois de mourir avant ce triste jour.</p> -<p class="i1"> Nous y voil, ma fille, et du moins j'ai la joie <span class="dalign">485</span></p> -<p>D'avoir son triomphe ouvert l'unique voie.</p> -<p>J'en mourrai du moment qu'il recevra sa foi,</p> -<p>Mais dans cette douceur qu'ils tiendront tout de moi.</p> -<p class="i1"> J'ai cach si longtemps l'ennui qui me dvore,</p> -<p>Qu'en dpit que j'en aye, enfin il s'vapore: <span class="dalign">490</span></p> -<p>L'aigreur en diminue te le raconter.</p> -<p>Fais-en autant du tien; c'est mon tour d'couter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, un mot suffit pour ne vous en rien taire:</p> -<p>Le mme astre a vu natre et la fille et le pre;</p> -<p>Ce mot dit tout. Souffrez qu'une imprudente ardeur,<span class="dalign">495</span></p> -<p>Prte s'vaporer, respecte ma pudeur.</p> -<p class="i1"> Je suis jeune, et l'amour trouvoit une me tendre</p> -<p>Qui n'avoit ni le soin ni l'art de se dfendre:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span></div> -<p>La princesse, qui m'aime et m'ouvroit ses secrets,</p> -<p>Lui prtoit contre moi d'invitables traits, <span class="dalign">500</span></p> -<p>Et toutes les raisons dont s'appuyoit sa flamme</p> -<p>toient autant de dards qui me traversoient l'me.</p> -<p>Je pris, sans y penser, son exemple pour loi:</p> -<p>Un amant digne d'elle est trop digne de moi,</p> -<p>Disois-je; et s'il brloit pour moi comme pour elle, <span class="dalign">505</span></p> -<p>Avec plus de bont je recevrois son zle.</p> -<p>Plus elle m'en peignoit les rares qualits,</p> -<p>Plus d'une douce erreur mes sens toient flatts.</p> -<p>D'un illustre avenir l'infaillible prsage,</p> -<p>Qu'on voit si hautement crit sur son visage,<span class="dalign">510</span></p> -<p>Son nom que je voyois crotre de jour en jour,</p> -<p>Pour moi, comme pour elle, toient dignes d'amour:</p> -<p>Je les voyois d'accord d'un heureux hymne;</p> -<p>Mais nous n'en tions pas encore la journe:</p> -<p>Quelque obstacle imprvu rompra de si doux nœuds,</p> -<p>Ajoutois-je; et le temps teint les plus beaux feux.</p> -<p>C'est ce que m'inspiroit l'aimable rverie</p> -<p>Dont jusqu' ce grand jour ma flamme s'est nourrie;</p> -<p>Mon cœur, qui ne vouloit dsesprer de rien,</p> -<p>S'en faisoit toute heure un charmant entretien.<span class="dalign">520</span></p> -<p class="i1"> Qu'on rve avec plaisir, quand notre me blesse</p> -<p>Autour de ce qu'elle aime est toute ramasse!</p> -<p>Vous le savez, Seigneur, et comme tous propos</p> -<p>Un doux je ne sais quoi trouble notre repos:</p> -<p>Un sommeil inquiet sur de confus nuages <span class="dalign">525</span></p> -<p>lve incessamment de flatteuses images,</p> -<p>Et sur leur vain rapport fait natre des souhaits</p> -<p>Que le rveil admire et ne ddit jamais.</p> -<p class="i1"> Ainsi, prs de tomber dans un malheur extrme,</p> -<p>J'en cartois l'ide en m'abusant moi-mme; <span class="dalign">530</span></p> -<p>Mais il faut renoncer des abus si doux;</p> -<p>Et je me vois, Seigneur, au mme tat que vous.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tu peux aimer ailleurs, et c'est un avantage</p> -Que n'ose se permettre<a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor"> [391]</a> un amant de mon ge. -<p>Choisis qui tu voudras, je saurai l'obtenir.<span class="dalign">535</span></p> -<p>Mais coutons Aspar, que j'aperois venir.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> - -<p class="subt">MARTIAN, ASPAR, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, votre suffrage a runi les ntres:</p> -<p>Votre voix a plus fait que n'auroient fait cent autres;</p> -<p>Mais j'apprends qu'on murmure, et doute si le choix</p> -<p>Que fera la princesse aura toutes les voix. <span class="dalign">540</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et qui fait prsumer de son incertitude</p> -<p>Qu'il aura quelque chose ou d'amer ou de rude?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Son amour pour Lon: elle en fait son poux,</p> -<p>Aucun n'en veut douter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Je le crois comme eux tous.</p> -Qu'y trouve-t-on dire, et quelle dfiance...?<span class="dalign">545</span> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est jeune, et l'on craint son peu d'exprience.</p> -<p>Considrez, Seigneur, combien c'est hasarder:</p> -<p>Qui n'a fait qu'obir saura mal commander;</p> -<p>On n'a point vu sous lui d'arme ou de province.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Jamais un bon sujet ne devint mauvais prince; <span class="dalign">550</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></div> -<p>Et si le ciel en lui rpond mal nos vœux,</p> -<p>L'auguste Pulchrie en sait assez pour deux.</p> -<p>Rien ne nous surprendra de voir la mme chose</p> -<p>O nos yeux se sont faits quinze ans<a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor"> [392]</a> sous Thodose:</p> -<p>C'toit un prince foible, un esprit mal tourn; <span class="dalign">555</span></p> -<p>Cependant avec elle il a bien gouvern.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cependant nous voyons six gnraux d'arme</p> -<p>Dont au commandement l'me est accoutume:</p> -<p>Voudront-ils recevoir un ordre souverain</p> -<p>De qui l'a jusqu'ici toujours pris de leur main? <span class="dalign">560</span></p> -<p>Seigneur, il est bien dur de se voir sous un matre</p> -<p>Dont on le fut toujours, et dont on devroit l'tre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et qui m'assurera que ces six gnraux</p> -<p>Se runiront mieux sous un de leurs gaux?</p> -<p>Plus un pareil mrite aux grandeurs nous appelle,<span class="dalign">565</span></p> -<p>Et plus la jalousie aux grands est naturelle.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je les tiens runis, Seigneur, si vous voulez.</p> -<p>Il est, il est encor des noms plus signals:</p> -<p>J'en sais qui leur plairoient; et s'il vous faut plus dire,</p> -<p>Avouez-en mon zle, et je vous fais lire. <span class="dalign">570</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Moi, Seigneur, dans un ge o la tombe m'attend!</p> -<p>Un matre pour deux jours n'est pas ce qu'on prtend.</p> -<p>Je sais le poids d'un sceptre, et connois trop mes forces</p> -<p>Pour tre encor sensible ces vaines amorces.</p> -<p>Les ans, qui m'ont us l'esprit comme le corps,<span class="dalign">575</span></p> -<p>Abattroient tous les deux sous les moindres efforts;</p> -<p>Et ma mort, que par l vous verriez avance,</p> -<p>Rendroit tant d'gaux leur premire pense,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span></div> -<p>Et feroit une triste et prompte occasion</p> -<p>De rejeter l'tat dans la division. <span class="dalign">580</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour viter les maux qu'on en pourroit attendre,</p> -<p>Vous pourriez partager vos soins avec un gendre,</p> -<p>L'installer dans le trne, et le nommer Csar.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il faudroit que ce gendre et les vertus d'Aspar;</p> -<p>Mais vous aimez ailleurs, et ce seroit un crime <span class="dalign">585</span></p> -<p>Que de rendre infidle un cœur si magnanime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'aime, et ne me sens pas capable de changer;</p> -<p>Mais d'autres vous diroient que pour vous soulager,</p> -<p>Quand leur amour iroit jusqu' l'idoltrie,</p> -<p>Ils le sacrifieroient au bien de la patrie. <span class="dalign">590</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Certes, qui m'aimeroit pour le bien de l'tat</p> -<p>Ne me trouveroit pas, Seigneur, un cœur ingrat,</p> -<p>Et je lui rendrois grce au nom de tout l'empire;</p> -<p>Mais vous tes constant; et s'il vous faut plus dire,</p> -<p>Quoi que le bien public jamais puisse exiger,<span class="dalign">595</span></p> -<p>Ce ne sera pas moi qui vous ferai changer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Revenons Lon. J'ai peine bien comprendre</p> -<p>Quels malheurs d'un tel choix nous aurions lieu d'attendre.</p> -<p>Quiconque vous verra le mari de sa sœur,</p> -<p>S'il ne le craint assez, craindra son dfenseur;<span class="dalign">600</span></p> -<p>Et si vous me comptez encor pour quelque chose,</p> -<p>Mes conseils agiront comme sous Thodose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous en pourrons tous deux avoir le dmenti.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est faire prir pour le meilleur parti:</p> -<p>Il ne m'en peut coter qu'une mourante vie, <span class="dalign">605</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span></div> -<p>Que l'ge et ses chagrins m'auront bientt ravie.</p> -<p class="i1"> Pour vous, qui d'un autre œil regardez ce danger,</p> -<p>Vous avez plus vivre et plus mnager;</p> -<p>Et je n'empche pas qu'auprs de la princesse</p> -<p>Votre zle n'clate autant qu'il s'intresse. <span class="dalign">610</span></p> -<p>Vous pouvez l'avertir de ce que vous croyez,</p> -<p>Lui dire de ce choix ce que vous prvoyez,</p> -<p>Lui proposer sans fard celui qu'elle doit faire.</p> -<p>La vrit lui plat, et vous pourrez lui plaire.</p> -<p>Je changerai comme elle alors de sentiments,<span class="dalign">615</span></p> -<p>Et tiens mon me prte ses commandements.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Parmi les vrits il en est de certaines</p> -<p>Qu'on ne dit point en face aux ttes souveraines,</p> -<p>Et qui veulent de nous un tour, un ascendant</p> -<p>Qu'aucun ne peut trouver qu'un ministre prudent:<span class="dalign">620</span></p> -<p>Vous ferez mieux valoir ces marques d'un vrai zle.</p> -<p>M'en ouvrant avec vous, je m'acquitte envers elle;</p> -<p>Et n'ayant rien de plus qui m'amne en ce lieu,</p> -<p>Je vous en laisse matre, et me retire. Adieu.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">MARTIAN, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le dangereux esprit! et qu'avec peu de peine<span class="dalign">625</span></p> -<p>Il manqueroit d'amour et de foi pour Irne!</p> -<p>Des rivaux de Lon il est le plus jaloux,</p> -<p>Et roule des projets qu'il ne dit pas tous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'a pour but, Seigneur, que le bien de l'empire.</p> -<p>Dtrnez la princesse, et faites-vous lire:<span class="dalign">630</span></p> -<p>C'est un amant pour moi que je n'attendois pas,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span></div> -<p>Qui vous soulagera du poids de tant d'tats.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est un homme, et je veux qu'un jour il t'en souvienne,</p> -<p>C'est un homme tout perdre, moins qu'on le prvienne.</p> -<p>Mais Lon vient dj nous vanter son bonheur:<span class="dalign">635</span></p> -<p>Arme-toi de constance, et prpare un grand cœur;</p> -<p>Et quelque motion qui trouble ton courage,</p> -<p>Contre tout son dsordre affermis ton visage.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">LON, MARTIAN, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'auriez-vous cru jamais, Seigneur? je suis perdu.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, que dites-vous? ai-je bien entendu?<span class="dalign">640</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le suis sans ressource, et rien plus ne me flatte.</p> -<p>J'ai revu Pulchrie, et n'ai vu qu'une ingrate:</p> -<p>Quand je crois l'acqurir, c'est lors que je la perds;</p> -<p>Et me dtruis moi-mme alors que je la sers.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Expliquez-vous, Seigneur, parlez en confiance; <span class="dalign">645</span></p> -<p>Fait-elle un autre choix?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Non, mais elle balance:</p> -<p>Elle ne me veut pas encor dsesprer,</p> -<p>Mais elle prend du temps pour en dlibrer.</p> -<p>Son choix n'est plus pour moi, puisqu'elle le diffre:</p> -<p>L'amour n'est point le matre alors qu'on dlibre; <span class="dalign">650</span></p> -<p>Et je ne saurois plus me promettre sa foi,</p> -<p>Moi qui n'ai que l'amour qui lui parle pour moi.</p> -<p>Ah! Madame....</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Seigneur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Auriez-vous pu le croire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour qui dlibre est sr de sa victoire,</p> -<p>Et quand d'un vrai mrite il s'est fait un appui, <span class="dalign">655</span></p> -<p>Il n'est point de raisons qui ne parlent pour lui.</p> -<p>Souvent il aime voir un peu d'impatience,</p> -<p>Et feint de reculer, lorsque plus il avance:</p> -<p>Ce moment d'amertume en rend les fruits plus doux.</p> -<p>Aimez, et laissez faire une me toute vous. <span class="dalign">660</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Toute moi! mon malheur n'est que trop vritable;</p> -<p>J'en ai prvu le coup, je le sens qui m'accable.</p> -<p>Plus elle m'assuroit de son affection,</p> -<p>Plus je me faisois peur de son ambition:</p> -<p>Je ne savois des deux quelle toit la plus forte; <span class="dalign">665</span></p> -<p>Mais il n'est que trop vrai, l'ambition l'emporte;</p> -<p>Et si son cœur encor lui parle en ma faveur,</p> -<p>Son trne me ddaigne en dpit de son cœur.</p> -<p class="i1"> Seigneur, parlez pour moi; parlez pour moi, Madame:</p> -<p>Vous pouvez tout sur elle, et lisez dans son me. <span class="dalign">670</span></p> -<p>Peignez-lui bien mes feux, retracez-lui les siens;</p> -<p>Rappelez dans son cœur leurs plus doux entretiens;</p> -<p>Et si vous concevez de quelle ardeur je l'aime,</p> -<p>Faites-lui souvenir qu'elle m'aimoit de mme.</p> -<p>Elle-mme a brigu pour me voir souverain: <span class="dalign">675</span></p> -<p>J'tois, sans ce grand titre, indigne de sa main;</p> -<p>Mais si je ne l'ai pas, ce titre qui l'enchante,</p> -<p>Seigneur, qui tient-il qu' son humeur changeante?</p> -<p>Son orgueil contre moi doit-il s'en prvaloir,</p> -<p>Quand pour me voir au trne elle n'a qu' vouloir? <span class="dalign">680</span></p> -<p>Le snat n'a pour elle appuy mon suffrage</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span></div> -<p>Qu'afin que d'un beau feu ma grandeur ft l'ouvrage:</p> -<p>Il sait depuis quel temps il lui plat de m'aimer;</p> -<p>Et quand il l'a nomme, il a cru me nommer.</p> -<p class="i1"> Allez, Seigneur, allez empcher son parjure;<span class="dalign">685</span></p> -<p>Faites qu'un empereur soit votre crature.</p> -<p>Que je vous cderois ce grand titre aisment,</p> -<p>Si vous pouviez sans lui me rendre heureux amant!</p> -<p>Car enfin mon amour n'en veut qu' sa personne,</p> -<p>Et n'a d'ambition que ce qu'on m'en ordonne.<span class="dalign">690</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous allons, et tous deux, Seigneur, lui faire voir</p> -<p>Qu'elle doit mieux user de l'absolu pouvoir.</p> -<p>Modrez cependant l'excs de votre peine;</p> -<p>Remettez vos esprits dans l'entretien d'Irne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>D'Irne? et ses conseils m'ont trahi, m'ont perdu.<span class="dalign">695</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Son zle pour un frre a fait ce qu'il a d.</p> -<p>Pouvoit-elle prvoir cette supercherie</p> -<p>Qu'a faite<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor"> [393]</a> votre amour l'orgueil de Pulchrie?</p> -<p>J'ose en parler ainsi, mais ce n'est qu'entre nous.</p> -<p>Nous lui rendrons l'esprit plus traitable et plus doux,</p> -<p>Et vous rapporterons son cœur et ce grand titre.</p> -<p>Allez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Entre elle et moi que n'tes-vous l'arbitre!</p> -<p>Adieu: c'est de vous seuls que je puis recevoir</p> -<p>De quoi garder encor quelque reste d'espoir.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> - -<p class="subt">MARTIAN, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Justine, tu le vois, ce bienheureux obstacle<span class="dalign">705</span></p> -<p>Dont ton amour sembloit pressentir le miracle.</p> -<p>Je ne te dfends point, en cette occasion,</p> -<p>De prendre un peu d'espoir sur leur division;</p> -<p>Mais garde-toi d'avoir une me assez hardie</p> -<p>Pour faire leur amour la moindre perfidie:<span class="dalign">710</span></p> -<p>Le mien de ce revers s'applique tant de part,</p> -<p>Que j'espre en mourir quelques moments plus tard.</p> -<p>Mais de quel front enfin leur donner connotre</p> -<p>Les prils d'un amour que nous avons vu natre,</p> -<p>Dont nous avons tous deux t les confidents, <span class="dalign">715</span></p> -<p>Et peut-tre form les traits les plus ardents?</p> -<p>De tous leurs dplaisirs c'est nous rendre coupables:</p> -<p>Servons-les en amis, en amants vritables;</p> -<p>Le vritable amour n'est point intress.</p> -<p>Allons, j'achverai comme j'ai commenc: <span class="dalign">720</span></p> -<p>Suis l'exemple, et fais voir qu'une me gnreuse</p> -<p>Trouve dans sa vertu de quoi se rendre heureuse,</p> -<p>D'un sincre devoir fait son unique bien,</p> -<p>Et jamais ne s'expose se reprocher rien.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span> -<h2 class="normal">ACTE III.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, MARTIAN, JUSTINE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous ai dit mon ordre: allez, Seigneur, de grce,<span class="dalign">725</span></p> -<p>Sauver<a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor"> [394]</a> mon triste cœur du coup qui le menace;</p> -<p>Mettez tout le snat dans ce cher intrt.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, il sait assez combien Lon vous plat,</p> -<p>Et le nomme assez haut alors qu'il vous dfre</p> -<p>Un choix que votre amour vous a dj fait faire. <span class="dalign">730</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que ne m'en fait-il donc une obligeante loi?</p> -<p>Ce n'est pas le choisir que s'en remettre moi;</p> -<p>C'est attendre l'issue couvert de l'orage:</p> -<p>Si l'on m'en applaudit, ce sera son ouvrage;</p> -<p>Et si j'en suis blme, il n'y veut point de part. <span class="dalign">735</span></p> -<p>En doute du succs, il en fuit le hasard;</p> -<p>Et lorsque je l'en veux garant vers tout le monde,</p> -<p>Il veut qu' l'univers moi seule j'en rponde.</p> -<p>Ainsi m'abandonnant au choix de mes souhaits,</p> -<p>S'il est des mcontents, moi seule je les fais; <span class="dalign">740</span></p> -<p>Et je devrai moi seule apaiser le murmure</p> -<p>De ceux qui ce choix semblera faire injure,</p> -<p>Prvenir leur rvolte, et calmer les mutins</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span></div> -<p>Qui porteront envie nos heureux destins.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aspar vous aura vue, et cette me chagrine.... <span class="dalign">745</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il m'a vue, et j'ai vu quel chagrin le domine;</p> -<p>Mais il n'a pas laiss de me faire juger</p> -<p>Du choix que fait mon cœur quel sera le danger.</p> -<p>Il part de bons avis quelquefois de la haine;</p> -<p>On peut tirer du fruit de tout ce qui fait peine; <span class="dalign">750</span></p> -<p>Et des plus grands desseins qui veut venir bout</p> -<p>Prte l'oreille tous, et fait profit de tout.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais vous avez promis, et la foi qui vous lie....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je suis impratrice, et j'tois Pulchrie.</p> -<p class="i1"> De ce trne, ennemi de mes plus doux souhaits,<span class="dalign">755</span></p> -<p>Je regarde l'amour comme un de mes sujets:</p> -<p>Je veux que le respect qu'il doit ma couronne</p> -<p>Repousse l'attentat qu'il fait sur ma personne;</p> -<p>Je veux qu'il m'obisse, au lieu de me trahir;</p> -<p>Je veux qu'il donne tous l'exemple d'obir;<span class="dalign"> 760</span></p> -<p>Et jalouse dj de mon pouvoir suprme,</p> -<p>Pour l'affermir sur tous, je le prends sur moi-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi donc ce Lon qui vous toit si cher....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je l'aime d'autant plus qu'il m'en faut dtacher.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seroit-il vos yeux moins digne de l'empire<span class="dalign">765</span></p> -<p>Qu'alors que vous pressiez le snat de l'lire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il falloit qu'on le vt des yeux dont je le voi,</p> -<p>Que de tout son mrite on convnt avec moi,</p> -<p>Et que par une estime clatante et publique</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span></div> -<p>On mt l'amour d'accord avec la politique.<span class="dalign">770</span></p> -<p class="i1"> J'aurois dj rempli l'espoir d'un si beau feu,</p> -<p>Si le choix du snat m'en et donn l'aveu:</p> -<p>J'aurois pris le parti dont il me faut dfendre;</p> -<p>Et si jusqu' Lon je n'ose plus descendre,</p> -<p>Il m'toit glorieux, le voyant souverain,<span class="dalign">775</span></p> -<p>De remonter au trne en lui donnant la main.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre cœur tiendra bon pour lui contre tous autres.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il a ces sentiments, ce ne sont pas les vtres:</p> -<p>Non, Seigneur, c'est Lon, c'est son juste courroux,</p> -<p>Ce sont ses dplaisirs qui s'expliquent par vous: <span class="dalign">780</span></p> -<p>Vous prtez votre bouche, et n'tes pas capable</p> -<p>De donner ma gloire un conseil qui l'accable.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais ses rivaux ont-ils plus de mrite?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> Non;</p> -<p>Mais ils ont plus d'emploi, plus de rang, plus de nom;</p> -<p>Et si de ce grand choix ma flamme est la matresse, <span class="dalign">785</span></p> -<p>Je commence rgner par un trait de foiblesse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et tenez-vous fort sr qu'une lgret</p> -<p>Donnera plus d'clat votre dignit?</p> -<p>Pardonnez-moi ce mot, s'il a trop de franchise,</p> -<p>Le peuple aura peut-tre une me moins soumise: <span class="dalign">790</span></p> -<p>Il aime censurer ceux qui lui font la loi,</p> -<p>Et vous reprochera jusqu'au manque de foi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous ai dj dit ce qui m'en justifie:</p> -<p>Je suis impratrice, et j'tois Pulchrie.</p> -<p>J'ose vous dire plus: Lon a des jaloux,<span class="dalign">795</span></p> -<p>Qui n'en font pas, Seigneur, mme estime que nous.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span></div> -<p>Pour surprenant que soit l'essai de son courage,</p> -<p>Les vertus d'empereur ne sont point de son ge:</p> -<p>Il est jeune, et chez eux c'est un si grand dfaut,</p> -<p>Que ce mot prononc dtruit tout ce qu'il vaut.<span class="dalign">800</span></p> -<p>Si donc j'en fais le choix, je parotrai le faire</p> -<p>Pour rgner sous son nom ainsi que sous mon frre.</p> -<p>Vous-mme, qu'ils ont vu sous lui dans un emploi</p> -<p>O vos conseils rgnoient autant et plus que moi,</p> -<p>Ne donnerez-vous point quelque lieu de vous dire <span class="dalign">805</span></p> -<p>Que vous n'aurez voulu qu'un fantme l'empire,</p> -<p>Et que dans un tel choix vous vous serez flatt</p> -<p>De garder en vos mains toute l'autorit?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est pas mon dessein, Madame, et s'il faut dire</p> -<p>Sur le choix de Lon ce que le ciel m'inspire, <span class="dalign">810</span></p> -<p>Ds cet heureux moment qu'il sera votre poux,</p> -<p>J'abandonne Byzance et prends cong de vous,</p> -<p>Pour aller, dans le calme et dans la solitude,</p> -<p>De la mort qui m'attend faire l'heureuse tude.</p> -<p class="i1"> Voil comme j'aspire gouverner l'tat. <span class="dalign">815</span></p> -<p>Vous m'avez command d'assembler le snat;</p> -<p>J'y vais, Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Quoi? Martian m'abandonne,</p> -<p>Quand il faut sur ma tte affermir la couronne!</p> -<p>Lui, de qui le grand cœur, la prudence, la foi....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout le prix que j'en veux, c'est de mourir moi. <span class="dalign">820</span></p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que me dit-il, Justine, et de quelle retraite</p> -<p>Ose-t-il menacer l'hymen qu'il me souhaite?</p> -<p>De Lon prs de moi ne se fait-il l'appui</p> -<p>Que pour mieux ddaigner de me servir sous lui?</p> -<p>Le hait-il? le craint-il? et par quelle autre cause.... <span class="dalign">825</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui que vous pousiez, il voudra mme chose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il toit dans un ge prtendre ma foi,</p> -<p>Comme il seroit de tous le plus digne de moi,</p> -<p>Ce qu'il donne penser auroit quelque apparence;</p> -<p>Mais les ans l'ont d mettre en entire assurance.<span class="dalign">830</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que savons-nous, Madame? est-il dessous les cieux</p> -<p>Un cœur impntrable au pouvoir de vos yeux?</p> -<p>Ce qu'ils ont d'habitude faire des conqutes</p> -<p>Trouve prendre vos fers les mes toujours prtes.</p> -<p>L'ge n'en met aucune couvert de leurs traits: <span class="dalign">835</span></p> -<p>Non que sur Martian j'en sache les effets;</p> -<p>Il m'a dit comme vous que ce grand hymne</p> -<p>L'envoira<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor"> [395]</a> loin d'ici finir sa destine;</p> -<p>Et si j'ose former quelque soupon confus,</p> -<p>Je parle en gnral, et ne sais rien de plus. <span class="dalign">840</span></p> -<p class="i1"> Mais pour votre Lon, tes-vous rsolue</p> -<p>A le perdre aujourd'hui de puissance absolue?</p> -<p>Car ne l'pouser pas, c'est le perdre en effet.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour te montrer la gne o son nom seul me met,</p> -<p>Soutire que je t'explique en faveur de sa flamme<span class="dalign">845</span></p> -<p>La tendresse du cœur aprs la grandeur d'me.</p> -<p class="i1"> Lon seul est ma joie, il est mon seul desir;</p> -<p>Je n'en puis choisir d'autre, et n'ose le choisir:</p> -<p>Depuis trois ans unie cette chre ide,</p> -<p>J'en ai l'me toute heure, en tous lieux, obsde; <span class="dalign">850</span></p> -<p>Rien n'en dtachera mon cœur que le trpas,</p> -<p>Encore aprs ma mort n'en rpondrois-je pas;</p> -<p>Et si dans le tombeau le ciel permet qu'on aime,</p> -<p>Dans le fond du tombeau je l'aimerai de mme.</p> -<p>Trne qui m'blouis, titres qui me flattez, <span class="dalign">855</span></p> -<p>Pourrez-vous me valoir ce que vous me cotez?</p> -<p>Et de tout votre orgueil la pompe la plus haute</p> -<p>A-t-elle un bien gal celui qu'elle m'te?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et vous pouvez penser prendre un autre poux?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est pas, tu le sais, quoi je me rsous. <span class="dalign">860</span></p> -<p>Si ma gloire Lon me dfend de me rendre,</p> -<p>De tout autre que lui l'amour sait me dfendre.</p> -<p>Qu'il est fort cet amour! sauve-m'en, si tu peux;</p> -<p>Vois Lon, parle-lui, drobe-moi ses vœux:</p> -<p>M'en faire un prompt larcin, c'est me rendre un service</p> -<p>Qui saura m'arracher des bords du prcipice.</p> -<p>Je le crains, je me crains, s'il n'engage sa foi,</p> -<p>Et je suis trop lui tant qu'il est tout moi.</p> -<p>Sens-tu d'un tel effort ton amiti capable?</p> -<p>Ce hros n'a-t-il rien qui te paroisse aimable? <span class="dalign">870</span></p> -<p>Au pouvoir de tes yeux j'unirai mon pouvoir:</p> -<p>Parle, que rsous-tu de faire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Mon devoir.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span></div> -<p>Je sors d'un sang, Madame, me rendre assez vaine</p> -<p>Pour attendre un poux d'une main souveraine,</p> -<p>Et n'ayant point d'amour que pour ma libert,<span class="dalign">875</span></p> -<p>S'il la faut immoler votre sret,</p> -<p>J'oserai.... Mais voici ce cher Lon, Madame;</p> -<p>Voulez-vous....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Laisse-moi consulter mieux mon me;</p> -<p>Je ne sais pas encor trop bien ce que je veux:</p> -<p>Attends un nouvel ordre, et suspends tous tes vœux. <span class="dalign">880</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, LON, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, qui vous ramne? est-ce l'impatience</p> -<p>D'ajouter mes maux ceux de votre prsence,</p> -<p>De livrer tout mon cœur de nouveaux combats;</p> -<p>Et souffr-je trop peu quand je ne vous vois pas?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je viens savoir mon sort.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> N'en soyez point en doute;<span class="dalign">885</span></p> -<p>Je vous aime et nous plains<a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor"> [396]</a>: c'est l me peindre toute,</p> -<p>C'est tout ce que je sens; et si votre amiti</p> -<p>Sentoit pour mes malheurs quelque trait de piti,</p> -<p>Elle m'pargneroit cette fatale vue,</p> -<p>Qui me perd, m'assassine, et vous-mme vous tue. <span class="dalign">890</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous m'aimez, dites-vous?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Plus que jamais.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i19"> Hlas!</p> -<p>Je souffrirois bien moins si vous ne m'aimiez pas.</p> -<p>Pourquoi m'aimer encor seulement pour me plaindre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Comment cacher un feu que je ne puis teindre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous l'touffez du moins sous l'orgueil scrupuleux <span class="dalign">895</span></p> -<p>Qui fait seul tous les maux dont nous mourons tous deux.</p> -<p>Ne vous en plaignez point, le vtre est volontaire:</p> -<p>Vous n'avez que celui qu'il vous plat de vous faire;</p> -<p>Et ce n'est pas pour tre aux termes d'en mourir</p> -<p>Que d'en pouvoir gurir ds qu'on s'en veut gurir. <span class="dalign">900</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Moi seule je me fais les maux dont je soupire!</p> -<p>A-ce t sous mon nom que j'ai brigu l'empire?</p> -<p>Ai-je employ mes soins, mes amis, que pour vous?</p> -<p>Ai-je cherch par l qu' vous voir mon poux?</p> -<p>Quoi? votre dfrence mes efforts s'oppose! <span class="dalign">905</span></p> -<p>Elle rompt mes projets, et seule j'en suis cause!</p> -<p>M'avoir fait obtenir plus qu'il ne m'toit d,</p> -<p>C'est ce qui m'a perdue, et qui vous a perdu.</p> -<p>Si vous m'aimiez, Seigneur, vous me deviez mieux croire,</p> -<p>Ne pas intresser mon devoir et ma gloire: <span class="dalign">910</span></p> -<p>Ce sont deux ennemis que vous nous avez faits,</p> -<p>Et que tout notre amour n'apaisera jamais.</p> -<p class="i1"> Vous m'accablez en vain de soupirs, de tendresse;</p> -<p>En vain mon triste cœur en vos maux s'intresse,</p> -<p>Et vous rend, en faveur de nos communs desirs, <span class="dalign">915</span></p> -<p>Tendresse pour tendresse, et soupirs pour soupirs:</p> -<p>Lorsqu' des feux si beaux je rends cette justice,</p> -<p>C'est l'amante qui parle; oyez l'impratrice.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span></div> -<p class="i1"> Ce titre est votre ouvrage, et vous me l'avez dit:</p> -<p>D'un service si grand votre espoir s'applaudit, <span class="dalign">920</span></p> -<p>Et s'est fait en aveugle un obstacle invincible,</p> -<p>Quand il a cru se faire un succs infaillible.</p> -<p class="i1"> Appuy de mes soins, assur de mon cœur,</p> -<p>Il falloit m'apporter la main d'un empereur,</p> -<p>M'lever jusqu' vous en heureuse sujette: <span class="dalign">925</span></p> -<p>Ma joie toit entire, et ma gloire parfaite;</p> -<p>Mais puis-je avec ce nom mme chose pour vous?</p> -<p>Il faut nommer un matre, et choisir un poux:</p> -<p>C'est la loi qu'on m'impose, ou plutt c'est la peine</p> -<p>Qu'on attache aux douceurs de me voir souveraine. <span class="dalign">930</span></p> -<p>Je sais que le snat, d'une commune voix,</p> -<p>Me laisse avec respect la libert du choix;</p> -<p>Mais il attend de moi celui du plus grand homme</p> -<p>Qui respire aujourd'hui dans l'une et l'autre Rome:</p> -<p>Vous l'tes, j'en suis sre, et toutefois, hlas! <span class="dalign">935</span></p> -<p>Un jour on le croira, mais....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> On ne le croit pas,</p> -<p>Madame: il faut encor du temps et des services;</p> -<p>Il y faut du destin quelques heureux caprices,</p> -<p>Et que la renomme, instruite en ma faveur,</p> -<p>Sduisant l'univers, impose ce grand cœur. <span class="dalign">940</span></p> -<p>Cependant admirez comme un amant se flatte:</p> -<p>J'avois cru votre gloire un peu moins dlicate;</p> -<p>J'avois cru mieux rpondre ce que je vous doi</p> -<p>En tenant tout de vous, qu'en vous l'offrant en moi;</p> -<p>Et qu'auprs d'un objet que l'amour sollicite, <span class="dalign">945</span></p> -<p>Ce mme amour pour moi tiendroit lieu de mrite.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui; mais le tiendra-t-il auprs de l'univers,</p> -<p>Qui sur un si grand choix tient tous ses yeux ouverts?</p> -<p>Peut-tre le snat n'ose encor vous lire,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span></div> -<p>Et si je m'y hasarde, osera m'en ddire; <span class="dalign">950</span></p> -<p>Peut-tre qu'il s'apprte faire ailleurs sa cour</p> -<p>Du honteux dsaveu qu'il garde notre amour;</p> -<p>Car ne nous flattons point, ma gloire inexorable</p> -<p>Me doit au plus illustre, et non au plus aimable;</p> -<p>Et plus ce rang m'lve, et plus sa dignit <span class="dalign">955</span></p> -<p>M'en fait avec hauteur une ncessit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rabattez ces hauteurs o tout le cœur s'oppose,</p> -<p>Madame, et pour tous deux hasardez quelque chose:</p> -<p>Tant d'orgueil et d'amour ne s'accordent pas bien;</p> -<p>Et c'est ne point aimer que ne hasarder rien. <span class="dalign">960</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il n'y faut que mon sang, je veux bien vous en croire;</p> -<p>Mais c'est trop hasarder qu'y hasarder ma gloire;</p> -<p>Et plus je ferme l'œil aux prils que j'y cours,</p> -<p>Plus je vois que c'est trop qu'y hasarder vos jours.</p> -<p>Ah! si la voix publique enfloit votre esprance <span class="dalign">965</span></p> -<p>Jusqu' me demander pour vous la prfrence,</p> -<p>Si des noms que la gloire l'envi me produit</p> -<p>Le plus cher mon cœur faisoit le plus de bruit,</p> -<p>Qu'aisment ce bruit on me verroit souscrire,</p> -<p>Et remettre en vos mains ma personne et l'empire! <span class="dalign">970</span></p> -<p>Mais l'empire vous fait trop d'illustres jaloux:</p> -<p>Dans le fond de ce cœur je vous prfre tous;</p> -<p>Vous passez les plus grands, mais ils sont plus en vue.</p> -<p>Vos vertus n'ont point eu toute leur tendue;</p> -<p>Et le monde, bloui par des noms trop fameux, <span class="dalign">975</span></p> -<p>N'ose esprer de vous ce qu'il prsume d'eux.</p> -<p class="i1"> Vous aimez, vous plaisez: c'est tout auprs des femmes;</p> -<p>C'est par l qu'on surprend, qu'on enlve leurs mes;</p> -<p>Mais pour remplir<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor"> [397]</a> un trne et s'y faire estimer,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span></div> -<p>Ce n'est pas tout, Seigneur, que de plaire et d'aimer.<span class="dalign">980</span></p> -<p>La plus ferme couronne est bientt branle,</p> -<p>Quand un effort d'amour semble l'avoir vole;</p> -<p>Et pour garder<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor"> [398]</a> un rang si cher nos desirs,</p> -<p>Il faut un plus grand art que celui des soupirs.</p> -<p>Ne vous abaissez pas la honte des larmes: <span class="dalign">985</span></p> -<p>Contre un devoir si fort ce sont de foibles armes;</p> -<p>Et si de tels secours vous couronnoient ailleurs,</p> -<p>J'aurois piti d'un sceptre achet par des pleurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! Madame, aviez-vous de si fires penses,</p> -<p>Quand vos bonts pour moi se sont intresses? <span class="dalign">990</span></p> -<p>Me disiez-vous alors que le gouvernement</p> -<p>Demandoit un autre art que celui d'un amant?</p> -<p>Si le snat et joint ses suffrages aux vtres,</p> -<p>J'en aurois paru digne autant ou plus qu'un autre:</p> -<p>Ce grand art de rgner et suivi tant de voix; <span class="dalign">995</span></p> -<p>Et vous-mme....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Oui, Seigneur, j'aurois suivi ce choix.</p> -<p>Sre que le snat, jaloux de son suffrage,</p> -<p>Contre tout l'univers maintiendroit son ouvrage.</p> -<p>Tel contre vous et moi s'osera rvolter,</p> -<p>Qui contre un si grand corps craindroit de s'emporter,<span class="dalign">1000</span></p> -<p>Et mprisant en moi ce que l'amour m'inspire,</p> -<p>Respecteroit en lui le dmon<a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor"> [399]</a> de l'empire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais l'offre qu'il vous fait d'en croire tous vos vœux....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'est qu'un refus moins rude et plus respectueux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quelles illusions de gloire chimrique,<span class="dalign">1005</span></p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span></p> -<p>Quels farouches gards de dure politique,</p> -<p>Dans ce cœur tout moi, mais qu'en vain j'ai charm,</p> -<p>Me font le plus aimable et le moins estim?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Arrtez: mon amour ne vient que de l'estime.</p> -<p>Je vous vois un grand cœur, une vertu sublime<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor"> [400]</a>, <span class="dalign">1010</span></p> -<p>Une me, une valeur digne<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor"> [401]</a> de mes aeux;</p> -<p>Et si tout le snat avoit les mmes yeux....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Laissons l le snat, et m'apprenez, de grce,</p> -<p>Madame, quel heureux je dois quitter la place,</p> -<p>Qui je dois imiter pour obtenir un jour <span class="dalign">1015</span></p> -<p>D'un orgueil souverain le prix d'un juste amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'aurai peine choisir; choisissez-le vous-mme,</p> -<p>Cet heureux, et nommez qui vous voulez que j'aime;</p> -<p>Mais vous souffrez assez, sans devenir jaloux.</p> -<p class="i1"> J'aime; et si ce grand choix ne peut tomber sur vous, <span class="dalign">1020</span></p> -<p>Aucun autre du moins, quelque ordre qu'on m'en donne,</p> -<p>Ne se verra jamais matre de ma personne<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor"> [402]</a>:</p> -<p>Je le jure en vos mains, et j'y laisse mon cœur.</p> -<p>N'attendez rien de plus, moins d'tre empereur;</p> -<p>Mais j'entends empereur comme vous devez l'tre, <span class="dalign">1025</span></p> -<p>Par le choix d'un snat qui vous prenne pour matre,</p> -<p>Qui d'un tat si grand vous fasse le soutien,</p> -<p>Et d'un commun suffrage autorise le mien.</p> -<p>Je le fais rassembler exprs pour vous lire,</p> -<p>Ou me laisser moi seule gouverner l'empire, <span class="dalign">1030</span></p> -<p>Et ne plus m'asservir ce dangereux choix,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span></div> -<p>S'il ne me veut pour vous donner toutes ses voix.</p> -<p class="i1"> Adieu, Seigneur: je crains de n'tre plus matresse</p> -<p>De ce que vos regards m'inspirent de foiblesse,</p> -<p>Et que ma peine, gale votre dplaisir, <span class="dalign">1035</span></p> -<p>Ne cote mon amour quelque indigne soupir.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">LON, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est trop de retenue, il est temps que j'clate:</p> -<p>Je ne l'ai point nomme ambitieuse, ingrate;</p> -<p>Mais le sujet enfin va cder l'amant,</p> -<p>Et l'excs du respect au juste emportement. <span class="dalign">1040</span></p> -<p class="i1"> Dites-le-moi, Madame: a-t-on vu perfidie</p> -<p>Plus noire au fond de l'me, au dehors plus hardie?</p> -<p>A-t-on vu plus d'tude attacher la raison</p> -<p>A l'indigne secours de tant de trahison?</p> -<p>Loin d'en baisser les yeux, l'orgueilleuse en fait gloire; <span class="dalign">1045</span></p> -<p>Elle nous l'ose peindre en illustre victoire.</p> -<p>L'honneur et le devoir eux seuls la font agir!</p> -<p>Et m'tant plus fidle, elle auroit rougir!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La gne qu'elle en souffre gale bien la vtre:</p> -<p>Pour vous, elle renonce choisir aucun autre;<span class="dalign">1050</span></p> -<p>Elle-mme en vos mains en a fait le serment.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Illusion nouvelle, et pur amusement!</p> -<p>Il n'est, Madame, il n'est que trop de conjonctures</p> -<p>O les nouveaux serments sont de nouveaux parjures.</p> -<p>Qui sait l'art de rgner les rompt avec clat, <span class="dalign">1055</span></p> -<p>Et ne manque jamais de cent raisons d'tat.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais si vous la piquiez d'un peu de jalousie<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor"> [403]</a>,</p> -<p>Seigneur, si vous brouilliez par l sa fantaisie,</p> -<p>Son amour mal teint pourroit vous rappeler,</p> -<p>Et sa gloire auroit peine vous laisser aller. <span class="dalign">1060</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Me souponneriez-vous d'avoir l'me assez basse</p> -<p>Pour employer la feinte tromper ma disgrce?</p> -<p>Je suis jeune, et j'en fais trop mal ici ma cour</p> -<p>Pour joindre ce dfaut un faux clat d'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'agrable dfaut, Seigneur, que la jeunesse! <span class="dalign">1065</span></p> -<p>Et que de vos jaloux l'importune sagesse,</p> -<p>Toute fire qu'elle est, le voudroit racheter</p> -<p>De tout ce qu'elle croit et croira mriter!</p> -<p>Mais si feindre en amour vos yeux est un crime,</p> -<p>Portez sans feinte ailleurs votre plus tendre estime: <span class="dalign">1070</span></p> -<p>Punissez tant d'orgueil par de justes ddains,</p> -<p>Et mettez votre cœur en de plus sres mains.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous voyez qu' son rang elle me sacrifie,</p> -<p>Madame, et vous voulez que je la justifie!</p> -<p>Qu'aprs tous les mpris qu'elle montre pour moi, <span class="dalign">1075</span></p> -<p>Je lui prte un exemple me voler sa foi!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aimez, cela prs, et sans vous mettre en peine</p> -<p>Si c'est justifier ou punir l'inhumaine;</p> -<p>Songez que si vos vœux en toient mal reus,</p> -<p>On pourroit avec joie accepter ses refus. <span class="dalign">1080</span></p> -<p>L'honneur qu'on se feroit vous dtacher d'elle</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span></div> -<p>Rendroit cette conqute et plus noble et plus belle.</p> -<p>Plus il faut de mrite vous rendre inconstant,</p> -<p>Plus en auroit de gloire un cœur qui vous attend;</p> -<p>Car peut-tre en est-il que la princesse mme <span class="dalign">1085</span></p> -<p>Condamne vous aimer ds que vous direz: J'aime.</p> -<p>Adieu: c'en est assez pour la premire fois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>O ciel, dlivre-moi du trouble o tu me vois!</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p class="end"><span class="i6">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE IV.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">JUSTINE, IRNE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, votre cher Aspar n'aime point la princesse:</p> -<p>Ce n'est que pour le rang que tout son cœur s'empresse;</p> -<p>Et si l'on et choisi mon pre pour Csar,</p> -<p>J'aurois dj les vœux de cet illustre Aspar.</p> -<p>Il s'en est expliqu tantt en ma prsence;</p> -<p>Et tout ce que pour elle il a de complaisance,</p> -<p>Tout ce qu'il lui veut faire ou craindre ou ddaigner, <span class="dalign">1095</span></p> -<p>Ne doit tre imput qu' l'ardeur de rgner.</p> -<p class="i1"> Pulchrie a des yeux qui percent le mystre,</p> -<p>Et le croit plus rival qu'ami de ce cher frre;</p> -<p>Mais comme elle balance, elle coute aisment</p> -<p>Tout ce qui peut d'abord flatter son sentiment: <span class="dalign">1100</span></p> -<p>Voil ce que j'en sais<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor"> [404]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Je ne suis point surprise</p> -<p>De tout ce que d'Aspar m'apprend votre franchise.</p> -<p>Vous ne m'en dites rien que ce que j'en ai dit,</p> -<p>Lorsqu' Lon tantt j'ai dpeint son esprit;</p> -<p>Et j'en ai pntr l'ambition secrte <span class="dalign">1105</span></p> -<p>Jusques pressentir l'offre qu'il vous a faite.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span></div> -<p class="i1"> Puisque en vain<a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor"> [405]</a> je m'attache qui ne m'aime pas,</p> -<p>Il faut avec honneur franchir ce mauvais pas:</p> -<p>Il faut, son exemple, avoir ma politique,</p> -<p>Trouver ma disgrce une face hroque, <span class="dalign">1110</span></p> -<p>Donner ce divorce une illustre couleur,</p> -<p>Et sous de beaux dehors dvorer ma douleur.</p> -<p>Dites-moi cependant, que deviendra mon frre?</p> -<p>D'un si parfait amour que faut-il qu'il espre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On l'aime, et fortement, et bien plus qu'on ne veut;<span class="dalign">1115</span></p> -<p>Mais pour s'en dtacher, on fait tout ce qu'on peut.</p> -<p>Faut-il vous dire tout? On m'a command mme</p> -<p>D'essayer contre lui l'art et le stratagme.</p> -<p>On me devra beaucoup si je puis l'branler,</p> -<p>On me donne son cœur, si je le puis voler; <span class="dalign">1120</span></p> -<p>Et dj pour essai de mon obissance,</p> -<p>J'ai port quelque attaque, et fait un peu d'avance.</p> -<p>Vous pouvez bien juger comme il a rebut,</p> -<p>Fidle amant qu'il est, cette importunit;</p> -<p>Mais pour peu qu'il vous plt appuyer l'artifice, <span class="dalign">1125</span></p> -<p>Cet appui tiendroit lieu d'un signal service.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est point un service prtendre de moi</p> -<p>Que de porter mon frre garder mal sa foi;</p> -<p>Et quand vous aimer j'aurois su le rduire,</p> -<p>Quel fruit son changement pourroit-il lui produire? <span class="dalign">1130</span></p> -<p>Vous qui ne l'aimez point, pourriez-vous l'accepter?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Lon ne sauroit tre un homme rejeter;</p> -<p>Et l'on voit si souvent, aprs la foi donne,</p> -<p>Natre un parfait amour d'un pareil hymne,</p> -<p>Que si de son ct j'y voyois quelque jour, <span class="dalign">1135</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span></div> -<p>J'esprerois bientt de l'aimer mon tour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est trop et trop peu dire. Est-il encore natre,</p> -<p>Cet amour? Est-il n?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Cela pourroit bien tre<a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor"> [406]</a>.</p> -<p>Ne l'examinons point avant qu'il en soit temps;</p> -<p>L'occasion viendra peut-tre, et je l'attends. <span class="dalign">1140</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et vous servez Lon auprs de la princesse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Avec sincrit pour lui je m'intresse;</p> -<p>Et si j'en tois crue, il auroit le bonheur</p> -<p>D'en obtenir la main, comme il en a le cœur.</p> -<p>J'obis cependant aux ordres qu'on me donne, <span class="dalign">1145</span></p> -<p>Et souffrirois ses vœux, s'il perdoit la couronne.</p> -<p>Mais la princesse vient.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, IRNE, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Que fait ce malheureux,</p> -<p>Irne?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Ce qu'on fait dans un sort rigoureux:</p> -<p>Il soupire, il se plaint.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> De moi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i16"> De sa fortune.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-il bien convaincu qu'elle nous est commune, <span class="dalign">1150</span></p> -<p>Qu'ainsi que lui<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor"> [407]</a> du sort j'accuse la rigueur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne pntre point jusqu'au fond de son cœur;</p> -<p>Mais je sais qu'au dehors sa douleur vous respecte:</p> -<p>Elle se tait de vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Ah! qu'elle m'est suspecte!</p> -<p>Un modeste reproche ses maux siroit bien: <span class="dalign">1155</span></p> -<p>C'est me trop accuser que de n'en dire rien.</p> -<p>M'auroit-il oublie, et dj dans son me</p> -<p>Effac tous les traits d'une si belle flamme?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est par l qu'il devroit soulager ses ennuis,</p> -<p>Madame; et de ma part j'y fais ce que je puis. <span class="dalign">1160</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! ma flamme n'est pas tel point affoiblie,</p> -<p>Que je puisse endurer, Irne, qu'il m'oublie.</p> -<p>Fais-lui, fais-lui plutt soulager son ennui</p> -<p>A croire que je souffre autant et plus que lui.</p> -<p>C'est une vrit que j'ai besoin qu'il croie, <span class="dalign">1165</span></p> -<p>Pour mler mes maux quelque inutile joie,</p> -<p>Si l'on peut nommer joie une triste douceur</p> -<p>Qu'un digne amour conserve en dpit du malheur.</p> -<p>L'me qui l'a sentie en est toujours charme,</p> -<p>Et mme en n'aimant plus, il est doux d'tre aime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous souvient-il encor de me l'avoir donn,</p> -<p>Madame? et ce doux soin dont votre esprit gn....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Souffre un reste d'amour qui me trouble et m'accable.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span></div> -<p>Je ne t'en ai point fait un don irrvocable;</p> -<p>Mais je te le redis, drobe-moi ses vœux; <span class="dalign">1175</span></p> -<p>Sduis, enlve-moi son cœur, si tu le peux.</p> -<p>J'ai trop mis l'cart celui d'impratrice;</p> -<p>Reprenons avec lui ma gloire et mon supplice:</p> -<p>C'en est un, et bien rude, moins que le snat</p> -<p>Mette d'accord ma flamme et le bien de l'tat. <span class="dalign">1180</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'est-ce point avilir votre pouvoir suprme</p> -<p>Que mendier ailleurs ce qu'il peut de lui-mme?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Irne, il te faudroit les mmes yeux qu' moi</p> -<p>Pour voir la moindre part de ce que je prvoi.</p> -<p>pargne mon amour la douleur de te dire <span class="dalign">1185</span></p> -<p>A quels troubles ce choix hasarderoit l'empire:</p> -<p>Je l'ai dj tant dit, que mon esprit lass</p> -<p>N'en sauroit plus souffrir le portrait retrac.</p> -<p>Ton frre a l'me grande, intrpide, sublime;</p> -<p>Mais d'un peu de jeunesse on lui fait un tel crime, <span class="dalign">1190</span></p> -<p>Que si tant de vertus n'ont que moi pour appui,</p> -<p>En faire un empereur, c'est me perdre avec lui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel ordre a pu du trne exclure la jeunesse?</p> -<p>Quel astre nos beaux jours enchane la foiblesse?</p> -<p>Les vertus, et non l'ge, ont droit ce haut rang; <span class="dalign">1195</span></p> -<p>Et n'toit le respect qu'imprime votre sang,</p> -<p>Je dirois que Lon vaudroit bien Thodose.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sans doute; et toutefois ce n'est pas mme chose.</p> -<p class="i1"> Foible qu'toit ce prince rgir tant d'tats,</p> -<p>Il avoit des appuis que ton frre n'a pas: <span class="dalign">1200</span></p> -<p>L'empire en sa personne toit hrditaire;</p> -<p>Sa naissance le tint d'un aeul et d'un pre<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor"> [408]</a>;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span></div> -<p>Il rgna ds l'enfance, et rgna sans jaloux,</p> -<p>Estim d'assez peu, mais obi de tous.</p> -<p>Lon peut succder aux droits de la puissance, <span class="dalign">1205</span></p> -<p>Mais non pas au bonheur de cette obissance:</p> -<p>Tant ce trne, o l'amour par ma main l'auroit mis,</p> -<p>Dans mes premiers sujets lui feroit d'ennemis!</p> -<p class="i1"> Tout ce qu'ont vu d'illustre et la paix et la guerre</p> -<p>Aspire ce grand nom de matre de la terre: <span class="dalign">1210</span></p> -<p>Tous regardent l'empire ainsi qu'un bien commun</p> -<p>Que chacun veut pour soi, tant qu'il n'est pas un.</p> -<p>Pleins de leur renomme, enfls de leurs services,</p> -<p>Combien ce choix pour eux aura-t-il d'injustices,</p> -<p>Si ma flamme obstine et ses odieux soins <span class="dalign">1215</span></p> -<p>L'arrtent sur celui qu'ils estiment le moins!</p> -<p>Lon est d'un mrite devenir leur matre;</p> -<p>Mais comme c'est l'amour qui m'aide le connotre,</p> -<p>Tout ce qui contre nous s'osera mutiner</p> -<p>Dira que je suis seule me l'imaginer. <span class="dalign">1220</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est donc en vain pour lui qu'on prie et qu'on espre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je l'aime, et sa personne mes yeux est bien chre;</p> -<p>Mais si le ciel pour lui n'inspire le snat,</p> -<p>Je sacrifierai tout au bonheur de l'tat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que pour vous imiter j'aurois l'me ravie <span class="dalign">1225</span></p> -<p>D'immoler l'tat le bonheur de ma vie!</p> -<p>Madame, ou de Lon faites-nous un Csar,</p> -<p>Ou portez ce grand choix sur le fameux Aspar:</p> -<p>Je l'aime, et ferois gloire, en dpit de ma flamme,</p> -<p>De faire un matre tous de celui de mon me; <span class="dalign">1230</span></p> -<p>Et pleurant pour le frre en ce grand changement,</p> -<p>Je m'en consolerois voir rgner l'amant.</p> -<p>Des deux ttes qu'au monde on me voit les plus chres,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span></div> -<p>levez l'une ou l'autre au trne de vos pres:</p> -<p>Daignez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Aspar seroit digne d'un tel honneur, <span class="dalign">1235</span></p> -<p>Si vous pouviez, Irne, un peu moins sur son cœur.</p> -<p>J'aurois trop rougir si sous le nom de femme</p> -<p>Je le faisois rgner sans rgner dans son me;</p> -<p>Si j'en avois le titre, et vous tout le pouvoir,</p> -<p>Et qu'entre nous ma cour partaget son devoir. <span class="dalign">1240</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne l'apprhendez pas: de quelque ardeur qu'il m'aime,</p> -<p>Il est plus l'tat, Madame, qu' lui-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le crois comme vous, et que sa passion</p> -<p>Regarde plus l'tat que vous, moi, ni Lon.</p> -<p>C'est vous entendre, Irne, et vous parler sans feindre:<span class="dalign">1245</span></p> -<p>Je vois ce qu'il projette, et ce qu'il en faut craindre.</p> -<p>L'aimez-vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Je l'aimai, quand je crus qu'il m'aimoit:</p> -<p>Je voyois sur son front un air qui me charmoit;</p> -<p>Mais depuis que le temps m'a fait mieux voir sa flamme,</p> -<p>J'ai presque teint la mienne et dgag mon me. <span class="dalign">1250</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Achevez. Tel qu'il est, voulez-vous l'pouser?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, Madame, ou du moins le pouvoir refuser.</p> -<p>Aprs deux ans d'amour il y va de ma gloire:</p> -<p>L'affront seroit trop grand, et la tache trop noire,</p> -<p>Si dans la conjoncture o l'on est aujourd'hui <span class="dalign">1255</span></p> -<p>Il m'osoit regarder comme indigne de lui.</p> -<p>Ses desseins vont plus haut; et voyant qu'il vous aime,</p> -<p>Bien que peut-tre moins que votre diadme,</p> -<p>Je n'ai vu rien en moi qui le pt retenir;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span></div> -<p>Et je ne vous l'offrois que pour le prvenir. <span class="dalign">1260</span></p> -<p>C'est ainsi que j'ai cru me mettre en assurance</p> -<p>Par l'clat gnreux d'une fausse apparence:</p> -<p>Je vous cdois un bien que je ne puis garder,</p> -<p>Et qu' vous seule enfin ma gloire peut cder.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Reposez-vous sur moi. Votre Aspar vient.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, ASPAR, IRNE, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i19"> Madame, <span class="dalign">1265</span></p> -<p>Dj sur vos desseins j'ai lu dans plus d'une me,</p> -<p>Et crois de mon devoir de vous mieux avertir</p> -<p>De ce que sur tous deux on m'a fait pressentir.</p> -<p class="i1"> J'espre pour Lon, et j'y fais mon possible;</p> -<p>Mais j'en prvois, Madame, un murmure infaillible, <span class="dalign">1270</span></p> -<p>Qui pourra se borner quelque motion,</p> -<p>Et peut aller plus loin que la sdition.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous en savez l'auteur: parlez, qu'on le punisse;</p> -<p>Que moi-mme au snat j'en demande justice.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre est-ce quelqu'un que vous pourriez choisir. <span class="dalign">1275</span></p> -<p>S'il vous falloit ailleurs tourner votre dsir,</p> -<p>Et dont le choix illustre tel point sauroit plaire,</p> -<p>Que<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor"> [409]</a> nous n'aurions craindre aucun parti contraire.</p> -<p>Comme vous le nommer, ce seroit fait de lui,</p> -<p>Ce seroit l'empire ter un ferme appui, <span class="dalign">1280</span></p> -<p>Et livrer un grand cœur sa perte certaine,</p> -<p>Quand il n'est pas encor digne de votre haine.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On me fait mal sa cour avec de tels avis,</p> -<p>Qui sans nommer personne, en nomment plus de dix.</p> -<p>Je hais l'empressement de ces devoirs sincres, <span class="dalign">1285</span></p> -<p>Qui ne jette en l'esprit que de vagues chimres,</p> -<p>Et ne me prsentant qu'un obscur avenir,</p> -<p>Me donne tout craindre, et rien prvenir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le besoin de l'tat est souvent un mystre</p> -<p>Dont la moiti se dit, et l'autre est bonne taire. <span class="dalign">1290</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il n'est souvent aussi qu'un pur fantme en l'air</p> -<p>Que de secrets ressorts font agir et parler,</p> -<p>Et s'arrte o le fixe une me prvenue,</p> -<p>Qui pour ses intrts le forme et le remue.</p> -<p>Des besoins de l'tat si vous tes jaloux, <span class="dalign">1295</span></p> -<p>Fiez-vous-en moi, qui les vois mieux que vous.</p> -<p>Martian, comme vous, vous parler sans feindre,</p> -<p>Dans le choix de Lon voit quelque chose craindre;</p> -<p>Mais il m'apprend de qui je dois me dfier;</p> -<p>Et je puis, si je veux, me le sacrifier. <span class="dalign">1300</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui nomme-t-il, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Aspar, c'est un mystre</p> -<p>Dont la moiti se dit, et l'autre est bonne taire.</p> -<p>Si l'on hait tant Lon, du moins rduisez-vous</p> -<p>A faire qu'on m'admette rgner sans poux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne l'obtiendrai point, la chose est sans exemple.<span class="dalign">1305</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La matire au vrai zle en est d'autant plus ample;</p> -<p>Et vous en montrerez de plus rares effets</p> -<p>En obtenant pour moi ce qu'on n'obtint jamais.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui; mais qui voulez-vous que le snat vous donne,</p> -<p>Madame, si Lon....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Ou Lon, ou personne. <span class="dalign">1310</span></p> -<p>A l'un de ces deux points amenez les esprits.</p> -<p>Vous adorez Irne, Irne est votre prix;</p> -<p>Je la laisse avec vous, afin que votre zle</p> -<p>S'allume ce beau feu que vous avez pour elle.</p> -<p>Justine, suivez-moi.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">ASPAR, IRNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Ce prix qu'on vous promet <span class="dalign">1315</span></p> -<p>Sur votre me, Seigneur, doit faire peu d'effet.</p> -<p>La mienne, toute acquise votre ardeur sincre,</p> -<p>Ne peut ce grand cœur tenir lieu de salaire;</p> -<p>Et l'amour tel point vous rend matre du mien,</p> -<p>Que me donner vous, c'est ne vous donner rien. <span class="dalign">1320</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous dites vrai, Madame; et du moins j'ose dire</p> -<p>Que me donner un cœur au-dessous de l'empire,</p> -<p>Un cœur qui me veut faire une honteuse loi,</p> -<p>C'est ne me donner rien qui soit digne de moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Indigne que je suis d'une foi si douteuse, <span class="dalign">1325</span></p> -<p>Vous fais-je quelque loi qui puisse tre honteuse?</p> -<p>Et si Lon devoit l'empire votre appui,</p> -<p>Lui qui vous y feroit le premier d'aprs lui,</p> -<p>Auriez-vous rougir de l'en avoir fait matre,</p> -<p>Seigneur, vous qui voyez que vous ne pouvez l'tre? <span class="dalign">1330</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span></div> -<p class="i1"> Mettez-vous, j'y consens, au-dessus de l'amour,</p> -<p>Si pour monter au trne, il s'offre quelque jour.</p> -<p>Qu' ce glorieux titre un amant soit volage,</p> -<p>Je puis l'en estimer, l'en aimer davantage,</p> -<p>Et voir avec plaisir la belle ambition <span class="dalign">1335</span></p> -<p>Triompher d'une ardente et longue passion.</p> -<p>L'objet le plus charmant doit cder l'empire:</p> -<p>Rgnez; j'en ddirai mon cœur s'il en soupire.</p> -<p>Vous ne m'en croyez pas, Seigneur; et toutefois</p> -<p>Vous rgneriez bientt si l'on suivoit ma voix. <span class="dalign">1340</span></p> -<p>Apprenez quel point pour vous je m'intresse.</p> -<p>Je viens de vous offrir moi-mme la princesse;</p> -<p>Et je sacrifiois mes plus chres ardeurs</p> -<p>A l'honneur de vous mettre au fate des grandeurs.</p> -<p>Vous savez sa rponse: Ou Lon, ou personne.<span class="dalign">1345</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est agir en amante et gnreuse et bonne;</p> -<p>Mais sre d'un refus qui doit rompre le coup,</p> -<p>La gnrosit ne cote pas beaucoup.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous voyez les chagrins o cette offre m'expose,</p> -<p>Et ne me voulez pas devoir la moindre chose! <span class="dalign">1350</span></p> -<p>Ah! si j'osois, Seigneur, vous appeler ingrat!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'offre sans doute est rare, et feroit grand clat,</p> -<p>Si pour mieux blouir vous aviez eu l'adresse</p> -<p>D'branler tant soit peu l'esprit de la princesse.</p> -<p>Elle est impratrice, et d'un seul: Je le veux,<span class="dalign">1355</span></p> -<p>Elle peut de Lon faire un monarque heureux:</p> -<p>Qu'a-t-il besoin de moi, lui qui peut tout sur elle?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'insultez point, Seigneur, une flamme si belle.</p> -<p>L'amour, las de gmir sous les raisons d'tat,</p> -<p>Pourroit n'en croire pas tout fait le snat. <span class="dalign">1360</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour n'a qu' parler: le snat, quoi qu'on pense,</p> -<p>N'aura que du respect et de la dfrence;</p> -<p>Et de l'air dont la chose a dj pris son cours,</p> -<p>Lon pourra se voir empereur pour trois jours.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Trois jours peuvent suffire faire bien des choses:<span class="dalign">1365</span></p> -<p>La cour en moins de temps voit cent mtamorphoses;</p> -<p>En moins de temps un prince qui tout est permis</p> -<p>Peut rendre ce qu'il doit aux vrais et faux amis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour qui parle ainsi ne parot pas fort tendre.</p> -<p>Mais je vous aime assez pour ne vous pas entendre;<span class="dalign">1370</span></p> -<p>Et dirai toutefois, sans m'en embarrasser,</p> -<p>Qu'il est un peu bien tt pour vous de menacer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne menace point, Seigneur; mais je vous aime</p> -<p>Plus que moi, plus encor que ce cher frre mme.</p> -<p>L'amour tendre est timide, et craint pour son objet,<span class="dalign">1375</span></p> -<p>Ds qu'il lui voit former un dangereux projet.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous m'aimez, je le crois; du moins cela peut tre;</p> -<p>Mais de quelle faon le faites-vous connotre?</p> -<p>L'amour inspire-t-il ce rare empressement</p> -<p>De voir rgner un frre aux dpens d'un amant?<span class="dalign">1380</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il m'inspire regret la peur de votre perte.</p> -<p>Rgnez, je vous l'ai dit, la porte en est ouverte;</p> -<p>Vous avez du mrite, et je manque d'appas;</p> -<p>Ddaignez, quittez-moi, mais ne vous perdez pas.</p> -<p>Pour le salut d'un frre ai-je si peu d'alarmes,<span class="dalign">1385</span></p> -<p>Qu'il y faille ajouter d'autres sujets de larmes?</p> -<p>C'est assez que pour vous j'ose en vain soupirer;</p> -<p>Ne me rduisez point, Seigneur, vous pleurer.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Gardez, gardez vos pleurs pour ceux qui sont plaindre:</p> -<p>Puisque vous m'aimez tant, je n'ai point lieu de craindre. <span class="dalign">1390</span></p> -<p>Quelque peine qu'on doive ma tmrit,</p> -<p>Votre main qui m'attend fera ma sret;</p> -<p>Et contre le courroux le plus inexorable</p> -<p>Elle me servira d'asile inviolable.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous la voudrez peut-tre, et la voudrez trop tard.<span class="dalign">1395</span></p> -<p>Ne vous exposez point, Seigneur, ce hasard;</p> -<p>Je doute si j'aurois toujours mme tendresse,</p> -<p>Et pourrois<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor"> [410]</a> de ma main n'tre pas la matresse.</p> -<p>Je vous parle sans feindre, et ne sais point railler</p> -<p>Lorsqu'au salut commun il nous faut travailler. <span class="dalign">1400</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et je veux bien aussi vous rpondre sans feindre.</p> -<p class="i1"> J'ai pour vous un amour ne jamais s'teindre,</p> -<p>Madame; et dans l'orgueil que vous-mme approuvez,</p> -<p>L'amiti de Lon a ses droits conservs;</p> -<p>Mais ni cette amiti, ni cet amour si tendre, <span class="dalign">1405</span></p> -<p>Quelques soins, quelque effort qu'il vous en plaise attendre,</p> -<p>Ne me verront jamais l'esprit persuad</p> -<p>Que je doive obir qui j'ai command,</p> -<p>A qui, si j'en puis croire un cœur qui vous adore,</p> -<p>J'aurai droit, et longtemps, de commander encore. <span class="dalign">1410</span></p> -<p>Ma gloire, qui s'oppose cet abaissement,</p> -<p>Trouve en tous mes gaux le mme sentiment.</p> -<p>Ils ont fait la princesse arbitre de l'empire:</p> -<p>Qu'elle pouse Lon, tous sont prts d'y souscrire;</p> -<p>Mais je ne rponds pas d'un long respect en tous, <span class="dalign">1415</span></p> -<p>A moins qu'il associe aussitt l'un de nous.</p> -<p>La chose est peu nouvelle, et je ne vous propose</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span></div> -<p>Que ce que l'on a fait pour le grand Thodose<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor"> [411]</a>.</p> -<p>C'est par l que l'empire est tomb dans ce sang</p> -<p>Si fier de sa naissance et si jaloux du rang. <span class="dalign">1420</span></p> -<p>Songez sur cet exemple vous rendre justice,</p> -<p>A me faire empereur pour tre impratrice:</p> -<p>Vous avez du pouvoir, Madame; usez-en bien,</p> -<p>Et pour votre intrt attachez-vous au mien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Lon dispose-t-il du cœur de la princesse? <span class="dalign">1425</span></p> -<p>C'est un cœur fier et grand: le partage la blesse;</p> -<p>Elle veut tout ou rien; et dans ce haut pouvoir</p> -<p>Elle teindra l'amour plutt que d'en dchoir.</p> -<p>Prs d'elle avec le temps nous pourrons davantage:</p> -<p>Ne pressons point, Seigneur, un si juste partage.<span class="dalign">1430</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous le voudrez peut-tre, et le voudrez trop tard:</p> -<p>Ne laissez point longtemps nos destins au hasard.</p> -<p>J'attends de votre amour cette preuve nouvelle.</p> -<p>Adieu, Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Adieu. L'ambition est belle;</p> -<p>Mais vous n'tes, Seigneur, avec ce sentiment, <span class="dalign">1435</span></p> -<p>Ni vritable ami, ni vritable amant.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p> -<div class="chapter"> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span></p> -<h2>ACTE V.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, JUSTINE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Justine, plus j'y pense, et plus je m'inquite:</p> -<p>Je crains de n'avoir plus une amour si parfaite,</p> -<p>Et que si de Lon on me fait un poux,</p> -<p>Un bien si dsir ne me soit plus si doux. <span class="dalign">1440</span></p> -<p>Je ne sais si le rang m'auroit fait changer d'me;</p> -<p>Mais je tremble penser que je serois sa femme,</p> -<p>Et qu'on n'pouse point l'amant le plus chri,</p> -<p>Qu'on ne se fasse un matre aussitt qu'un mari.</p> -<p>J'aimerois rgner avec l'indpendance <span class="dalign">1445</span></p> -<p>Que des vrais souverains s'assure la prudence;</p> -<p>Je voudrois que le ciel inspirt au snat</p> -<p>De me laisser moi seule gouverner l'tat,</p> -<p>De m'pargner ce matre, et vois d'un œil d'envie<a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor"> [412]</a></p> -<p>Toujours Smiramis, et toujours Znobie. <span class="dalign">1450</span></p> -<p>On triompha de l'une; et pour Smiramis,</p> -<p>Elle usurpa le nom et l'habit de son fils;</p> -<p>Et sous l'obscurit d'une longue tutelle,</p> -<p>Cet habit et ce nom rgnoient tous deux plus qu'elle.</p> -<p>Mais mon cœur de leur sort n'en est pas moins jaloux: <span class="dalign">1455</span></p> -<p>C'toit rgner enfin, et rgner sans poux.</p> -<p>Le triomphe n'en fait qu'affermir la mmoire;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span></div> -<p>Et le dguisement n'en dtruit point la gloire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que les choses bientt prendroient un autre tour</p> -<p>Si le snat prenoit le parti de l'amour! <span class="dalign">1460</span></p> -<p>Que bientt.... Mais je vois Aspar avec mon pre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sachons d'eux quel destin le ciel vient de me faire.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">MARTIAN, ASPAR, PULCHRIE, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, le snat nous dpute tous deux</p> -<p>Pour vous jurer encor qu'il suivra tous vos vœux.</p> -<p>Aprs qu'entre vos mains il a remis l'empire,<span class="dalign">1465</span></p> -<p>C'est faire un attentat que de vous rien prescrire;</p> -<p>Et son respect vous prie une seconde fois</p> -<p>De lui donner vous seule un matre votre choix.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il pouvoit le choisir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Il s'en dfend l'audace,</p> -<p>Madame; et sur ce point il vous demande grce.<span class="dalign">1470</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pourquoi donc m'en fait-il une ncessit?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour donner plus de force votre autorit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Son zle est grand pour elle: il faut le satisfaire.</p> -<p>Et lui mieux obir qu'il n'a daign me plaire.</p> -<p class="i1"> Sexe, ton sort en moi ne peut se dmentir: <span class="dalign">1475</span></p> -<p>Pour tre souveraine il faut m'assujettir,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span></div> -<p>En<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor"> [413]</a> montant sur le trne entrer dans l'esclavage,</p> -<p>Et recevoir des lois de qui me rend hommage.</p> -<p class="i1"> Allez, dans quelques jours je vous ferai savoir</p> -<p>Le choix que par son ordre aura fait mon devoir.<span class="dalign">1480</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il tiendroit faveur et bien haute et bien rare</p> -<p>De le savoir, Madame, avant qu'il se spare.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? pas un seul moment pour en dlibrer.</p> -<p>Mais je ferois un crime le plus diffrer;</p> -<p>Il vaut mieux, pour essai de ma toute-puissance,<span class="dalign">1485</span></p> -<p>Montrer un digne effet de pleine obissance.</p> -<p>Retirez-vous, Aspar: vous aurez votre tour.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> - -<p class="subt">PULCHRIE, MARTIAN, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On m'a dit que pour moi vous aviez de l'amour,</p> -<p>Seigneur; seroit-il vrai?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Qui vous l'a dit, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vos services, mes yeux, le trouble de votre me,<span class="dalign">1490</span></p> -<p>L'exil que mon hymen vous devoit imposer:</p> -<p>Sont-ce l des tmoins, Seigneur, rcuser?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est donc moi, Madame, confesser mon crime.</p> -<p>L'amour nat aisment du zle et de l'estime;</p> -<p>Et l'assiduit prs d'un charmant objet<span class="dalign">1495</span></p> -<p>N'attend point notre aveu pour faire son effet.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span></div> -<p class="i1"> Il m'est honteux d'aimer; il vous l'est d'tre aime</p> -<p>D'un homme dont la vie est dj consume,</p> -<p>Qui ne vit qu' regret depuis qu'il a pu voir</p> -<p>Jusqu'o ses yeux charms ont trahi son devoir. <span class="dalign">1500</span></p> -<p>Mon cœur, qu'un si long ge en mettoit hors d'alarmes,</p> -<p>S'est vu livr par eux ces dangereux charmes.</p> -<p>En vain, Madame, en vain je m'en suis dfendu;</p> -<p>En vain j'ai su me taire aprs m'tre rendu:</p> -<p>On m'a forc d'aimer, on me force le dire. <span class="dalign">1505</span></p> -<p>Depuis plus de dix ans je languis, je soupire,</p> -<p>Sans que de tout l'excs d'un si long dplaisir</p> -<p>Vous ayez pu surprendre une larme, un soupir;</p> -<p>Mais enfin la langueur qu'on voit sur mon visage</p> -<p>Est encor plus l'effet de l'amour que de l'ge. <span class="dalign">1510</span></p> -<p>Il faut faire un heureux, le jour n'en est pas loin:</p> -<p>Pardonnez l'horreur d'en tre le tmoin,</p> -<p>Si mes maux et ce feu digne de votre haine</p> -<p>Cherchent dans un exil leur remde, et sa peine.</p> -<p>Adieu: vivez heureuse; et si tant de jaloux.... <span class="dalign">1515</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne partez pas, Seigneur, je les tromperai tous;</p> -<p>Et puisque de ce choix aucun ne me dispense,</p> -<p>Il est fait, et de tel qui pas un ne pense.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel qu'il soit, il sera l'arrt de mon trpas,</p> -<p>Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Encore un coup, ne vous loignez pas.<span class="dalign">1520</span></p> -<p>Seigneur, jusques ici vous m'avez bien servie;</p> -<p>Vos lumires ont fait tout l'clat de ma vie;</p> -<p>La vtre s'est use me favoriser:</p> -<p>Il faut encor plus faire, il faut....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Quoi?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> M'pouser.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Moi, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Oui, Seigneur; c'est le plus grand service</p> -<p>Que vos soins puissent rendre votre impratrice.</p> -<p>Non qu'en m'offrant vous je rponde vos feux</p> -<p>Jusques souhaiter des fils et des neveux:</p> -<p>Mon aeul, dont partout les hauts faits retentissent,</p> -<p>Voudra bien qu'avec moi ses descendants finissent, <span class="dalign">1530</span></p> -<p>Que j'en sois la dernire, et ferme dignement</p> -<p>D'un si grand empereur l'auguste monument.</p> -<p>Qu'on ne prtende plus que ma gloire s'expose</p> -<p>A laisser des Csars du sang de Thodose.</p> -<p>Qu'ai-je affaire de race me dshonorer, <span class="dalign">1535</span></p> -<p>Moi qui n'ai que trop vu ce sang dgnrer,</p> -<p>Et que s'il est fcond en illustres princesses,</p> -<p>Dans les princes qu'il forme il n'a que des foiblesses?</p> -<p class="i1"> Ce n'est pas que Lon, choisi pour souverain,</p> -<p>Pour me rendre mon rang n'et obtenu ma main.</p> -<p>Mon amour, ce prix, se ft rendu justice;</p> -<p>Mais puisqu'on m'a sans lui nomme impratrice,</p> -<p>Je dois ce haut rang d'assez nobles projets</p> -<p>Pour n'admettre en mon lit aucun de mes sujets.</p> -<p>Je ne veux plus d'poux, mais il m'en faut une ombre,</p> -<p>Qui des Csars pour moi puisse grossir le nombre;</p> -<p>Un mari qui content d'tre au-dessus des rois,</p> -<p>Me donne ses clarts, et dispense mes lois;</p> -<p>Qui n'tant en effet que mon premier ministre,</p> -<p>Pare ce que sous moi l'on craindroit de sinistre,<span class="dalign">1550</span></p> -<p>Et pour tenir en bride un peuple sans raison,</p> -<p>Paroisse mon poux, et n'en ait que le nom.</p> -<p class="i1"> Vous m'entendez, Seigneur, et c'est assez vous dire.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span></div> -<p>Prtez-moi votre main<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor"> [414]</a>, je vous donne l'empire:</p> -<p>blouissons le peuple, et vivons entre nous <span class="dalign">1555</span></p> -<p>Comme s'il n'toit point d'pouses ni d'poux.</p> -<p>Si ce n'est possder l'objet de votre<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor"> [415]</a> flamme,</p> -<p>C'est vous rendre du moins le matre de son me,</p> -<p>L'ter vos rivaux, vous mettre au-dessus d'eux,</p> -<p>Et de tous mes amants vous voir le plus heureux.<span class="dalign">1560</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> A vos hauts faits je dois ce grand salaire;</p> -<p>Et j'acquitte envers vous et l'tat et mon frre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Auroit-on jamais cru, Madame...?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Allez, Seigneur,</p> -<p>Allez en plein snat faire voir l'Empereur.</p> -<p>Il demeure assembl pour recevoir son matre:<span class="dalign">1565</span></p> -<p>Allez-y de ma part vous faire reconnotre;</p> -<p>Ou si votre souhait ne rpond pas au mien,</p> -<p>Faites grce mon sexe, et ne m'en dites rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Souffrez qu' vos genoux, Madame....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i17"> Allez, vous dis-je:</p> -<p>Je m'oblige encor plus que je ne vous oblige; <span class="dalign">1570</span></p> -<p>Et mon cœur qui vous vient d'ouvrir ses sentiments,</p> -<p>N'en veut ni de refus ni de remercments.</p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, ASPAR, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Faites rentrer Aspar<a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor"> [416]</a>. Que faites-vous d'Irne?</p> -<p>Quand l'pouserez-vous? Ce mot vous fait-il peine?</p> -<p>Vous ne rpondez point?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Non, Madame, et je doi <span class="dalign">1575</span></p> -<p>Ce respect aux bonts que vous avez pour moi.</p> -<p>Qui se tait obit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> J'aime assez qu'on s'explique.</p> -<p>Les silences de cour ont de la politique.</p> -<p>Sitt que nous parlons, qui consent applaudit,</p> -<p>Et c'est en se taisant que l'on nous contredit<a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor"> [417]</a>. <span class="dalign">1580</span></p> -<p>Le temps m'claircira de ce que je souponne.</p> -<p>Cependant j'ai fait choix de l'poux qu'on m'ordonne.</p> -<p>Lon vous faisoit peine, et j'ai dompt l'amour,</p> -<p>Pour vous donner un matre admir dans la cour,</p> -<p>Ador dans l'arme, et que de cet empire <span class="dalign">1585</span></p> -<p>Les plus fermes soutiens feroient gloire d'lire:</p> -<p>C'est Martian.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Tout vieil et tout cass qu'il est!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout vieil et tout cass, je l'pouse; il me plat.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span></div> -<p>J'ai mes raisons. Au reste, il a besoin d'un gendre</p> -<p>Qui partage avec lui les soins qu'il lui faut prendre, <span class="dalign">1590</span></p> -<p>Qui soutienne des ans penchs dans<a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor"> [418]</a> le tombeau,</p> -<p>Et qui porte sous lui la moiti du fardeau.</p> -<p>Qui jugeriez-vous propre remplir cette place?</p> -<p>Une seconde fois vous paroissez de glace!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, Arobinde et Procope tous deux <span class="dalign">1595</span></p> -<p>Ont engag leur cœur et form d'autres vœux:</p> -<p>Sans cela je dirois....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Et sans cela moi-mme</p> -<p>J'lverois Aspar cet honneur suprme;</p> -<p>Mais quand il seroit homme pouvoir aisment</p> -<p>Renoncer aux douceurs de son attachement, <span class="dalign">1600</span></p> -<p>Justine n'auroit pas une me assez hardie</p> -<p>Pour accepter un cœur noirci de perfidie,</p> -<p>Et vous regarderoit comme un volage esprit</p> -<p>Toujours prt donner o la fortune rit.</p> -<p>N'en savez-vous aucun de qui l'ardeur fidle....<span class="dalign">1605</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, vos bonts choisiront mieux pour elle;</p> -<p>Comme pour Martian elles nous ont surpris,</p> -<p>Elles sauront encor surprendre nos esprits.</p> -<p>Je vous laisse en rsoudre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Allez; et pour Irne,</p> -<p>Si vous ne sentez rien en l'me qui vous gne,<span class="dalign">1610</span></p> -<p>Ne faites plus douter de vos longues amours,</p> -<p>Ou je dispose d'elle avant qu'il soit deux jours.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est pas encor tout, Justine: je veux faire</p> -<p>Le malheureux Lon successeur de ton pre.</p> -<p>Y contribueras-tu? prteras-tu la main <span class="dalign">1615</span></p> -<p>Au glorieux succs d'un si noble dessein?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et la main et le cœur sont en votre puissance,</p> -<p>Madame: doutez-vous de mon obissance,</p> -<p>Aprs que par votre ordre il m'a dj cot</p> -<p>Un conseil contre vous qui doit l'avoir flatt? <span class="dalign">1620</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Achevons: le voici. Je rponds de ton pre;</p> -<p>Son cœur est trop moi pour nous tre contraire.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VI.</h3> -<p class="subt">PULCHRIE, LON, JUSTINE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je me le disois bien, que vos nouveaux serments,</p> -<p>Madame, ne seroient que des amusements.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous commencez d'un air....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> J'achverai de mme, <span class="dalign">1625</span></p> -<p>Ingrate! ce n'est plus ce Lon qui vous aime;</p> -<p>Non, ce n'est plus....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Sachez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Je ne veux rien savoir,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span></div> -<p>Et je n'apporte ici ni respect ni devoir.</p> -<p>L'imptueuse ardeur d'une rage inquite</p> -<p>N'y vient que mriter la mort que je souhaite; <span class="dalign">1630</span></p> -<p>Et les emportements de ma juste fureur</p> -<p>Ne m'y parlent de vous que pour m'en faire horreur.</p> -<p>Oui, comme Pulchrie et comme impratrice,</p> -<p>Vous n'avez eu pour moi que dtour, qu'injustice:</p> -<p>Si vos fausses bonts ont su me dcevoir, <span class="dalign">1635</span></p> -<p>Vos serments m'ont rduit au dernier dsespoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! Lon.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Par quel art, que je ne puis comprendre,</p> -<p>Forcez-vous d'un soupir ma fureur se rendre?</p> -<p>Un coup d'œil en triomphe; et ds que je vous voi,</p> -<p>Il ne me souvient plus de vos manques de foi. <span class="dalign">1640</span></p> -<p>Ma bouche se refuse vous nommer parjure,</p> -<p>Ma douleur se dfend jusqu'au moindre murmure;</p> -<p>Et l'affreux dsespoir qui m'amne en ces lieux</p> -<p>Cde au plaisir secret d'y mourir vos yeux.</p> -<p>J'y vais mourir, Madame, et d'amour, non de rage:</p> -<p>De mon dernier soupir recevez l'humble hommage<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor"> [419]</a>;</p> -<p>Et si de votre rang la fiert le permet,</p> -<p>Recevez-le, de grce, avec quelque regret.</p> -<p>Jamais fidle ardeur n'approcha de ma flamme,</p> -<p>Jamais frivole espoir ne flatta mieux une me. <span class="dalign">1650</span></p> -<p>Je ne mritois pas qu'il et aucun effet,</p> -<p>Ni qu'un amour si pur se vt mieux satisfait.</p> -<p>Mais quand vous m'avez dit: Quelque ordre qu'on me donne,</p> -<p>Nul autre ne sera matre de ma personne,</p> -<p>J'ai d me le promettre; et toutefois, hlas!<span class="dalign">1655</span></p> -<p>Vous passez ds demain, Madame, en d'autres bras;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span></div> -<p>Et ds ce mme jour, vous perdez la mmoire</p> -<p>De ce que vos bonts me commandoient de croire!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, je ne la perds pas, et sais ce que je doi.</p> -<p>Prenez des sentiments qui soient dignes de moi,<span class="dalign">1660</span></p> -<p>Et ne m'accusez point de manquer de parole,</p> -<p>Quand pour vous la tenir moi-mme je m'immole.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? vous n'pousez pas Martian ds demain?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Savez-vous quel prix je lui donne la main?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que m'importe quel prix un tel bonheur s'achte? <span class="dalign">1665</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sortez, sortez du trouble o votre erreur vous jette,</p> -<p>Et sachez qu'avec moi ce grand titre d'poux</p> -<p>N'a point de privilge vous rendre jaloux;</p> -<p>Que sous l'illusion de ce faux hymne,</p> -<p>Je fais vœu de mourir telle que je suis ne;<span class="dalign">1670</span></p> -<p>Que Martian reoit et ma main et ma foi</p> -<p>Pour me conserver toute, et tout l'empire moi;</p> -<p>Et que tout le pouvoir que cette foi lui donne</p> -<p>Ne le fera jamais matre de ma personne.</p> -<p class="i1"> Est-ce tenir parole? et reconnoissez-vous <span class="dalign">1675</span></p> -<p>A quel point je vous sers quand j'en fais mon poux?</p> -<p>C'est pour vous qu'en ses mains je dpose l'empire;</p> -<p>C'est pour vous le garder qu'il me plat de l'lire<a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor"> [420]</a>.</p> -<p>Rendez-vous, comme lui, digne de ce dpt,</p> -<p>Que son ge penchant vous remettra bientt; <span class="dalign">1680</span></p> -<p>Suivez-le pas pas; et marchant dans sa route,</p> -<p>Mettez ce premier rang aprs lui hors de doute.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span></div> -<p>tudiez sous lui ce grand art de rgner,</p> -<p>Que tout autre auroit peine vous mieux enseigner;</p> -<p>Et pour vous assurer ce que j'en veux attendre, <span class="dalign">1685</span></p> -<p>Attachez-vous au trne, et faites-vous son gendre:</p> -<p>Je vous donne Justine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> A moi, Madame!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> A vous,</p> -<p>Que je m'tois promis moi-mme pour poux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est donc pas assez de vous avoir perdue,</p> -<p>De voir en d'autres mains la main qui m'toit due, <span class="dalign">1690</span></p> -<p>Il faut aimer ailleurs!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p> Il faut tre empereur,</p> -<p>Et le sceptre la main, justifier mon cœur;</p> -<p>Montrer l'univers, dans le hros que j'aime,</p> -<p>Tout ce qui rend un front digne du diadme;</p> -<p>Vous mettre, mon exemple, au-dessus de l'amour,</p> -<p>Et par mon ordre enfin rgner votre tour.</p> -<p>Justine a du mrite, elle est jeune, elle est belle:</p> -<p>Tous vos rivaux pour moi le vont tre pour elle;</p> -<p>Et l'empire pour dot est un trait si charmant,</p> -<p>Que je ne vous en puis rpondre qu'un moment. <span class="dalign">1700</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, Madame, aprs vous elle est incomparable:</p> -<p>Elle est de votre cœur la plus considrable;</p> -<p>Elle a des qualits se faire adorer,</p> -<p>Mais, hlas! jusqu' vous j'avois droit d'aspirer.</p> -<p>Voulez-vous qu' vos yeux je trompe un tel mrite, <span class="dalign">1705</span></p> -<p>Que sans amour pour elle m'aimer je l'invite,</p> -<p>Qu'en vous laissant mon cœur je demande le sien,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span></div> -<p>Et lui promette tout pour ne lui donner rien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et ne savez-vous pas qu'il est des hymnes</p> -<p>Que font sans nous au ciel les belles destines? <span class="dalign">1710</span></p> -<p>Quand il veut que l'effet en clate ici-bas,</p> -<p>Lui-mme il nous entrane o nous ne pensions pas;</p> -<p>Et ds qu'il les rsout, il sait trouver la voie</p> -<p>De nous faire accepter ses ordres avec joie.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais ne vous aimer plus! vous voler tous mes vœux!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aimez-moi, j'y consens; je dis plus, je le veux,</p> -<p>Mais comme impratrice, et non plus comme amante:</p> -<p>Que la passion cesse, et que le zle augmente.</p> -<p>Justine, qui m'coute, agrera bien, Seigneur,</p> -<p>Que je conserve ainsi ma part en votre cœur. <span class="dalign">1720</span></p> -<p>Je connois tout le sien. Rendez-vous plus traitable,</p> -<p>Pour apprendre l'aimer autant qu'elle est aimable;</p> -<p>Et laissez-vous conduire qui sait mieux que vous</p> -<p>Les chemins de vous faire un sort illustre et doux.</p> -<p>Croyez-en votre amante et votre impratrice: <span class="dalign">1725</span></p> -<p>L'une aime vos vertus, l'autre leur rend justice;</p> -<p>Et sur Justine et vous je dois pouvoir assez</p> -<p>Pour vous dire tous deux: Je parle, obissez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">LON<a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor"> [421]</a>.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'obis donc, Madame, cet ordre suprme,</p> -<p>Pour vous offrir un cœur qui n'est pas lui-mme; <span class="dalign">1730</span></p> -<p>Mais enfin je ne sais quand je pourrai donner</p> -<p>Ce que je ne puis mme offrir sans le gner;</p> -<p>Et cette offre d'un cœur entre les mains d'une autre<a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor"> [422]</a></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span></div> -<p>Ne peut faire un amour qui mrite le vtre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est assez moi, dans de si bonnes mains, <span class="dalign">1735</span></p> -<p>Pour n'en point redouter de vrais et longs ddains;</p> -<p>Et je vous rpondrois d'une amiti sincre,</p> -<p>Si j'en avois l'aveu de l'Empereur mon pre.</p> -<p>Le temps fait tout, Seigneur.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE VII.</h3> - -<p class="subt">PULCHRIE, MARTIAN, LON, JUSTINE.</p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> - -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> D'une commune voix,</p> -<p>Madame, le snat accepte votre choix. <span class="dalign">1740</span></p> -<p>A vos bonts pour moi son allgresse unie</p> -<p>Soupire aprs le jour de la crmonie;</p> -<p>Et le serment prt, pour n'en retarder rien,</p> -<p>A votre auguste nom vient de mler le mien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cependant j'ai sans vous dispos de Justine, <span class="dalign">1745</span></p> -<p>Seigneur, et c'est Lon qui je la destine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pourrois-je lui choisir un plus illustre poux</p> -<p>Que celui que l'amour avoit choisi pour vous?</p> -<p>Il peut prendre aprs vous tout pouvoir dans l'empire,</p> -<p>S'y faire des emplois o l'univers l'admire, <span class="dalign">1750</span></p> -<p>Afin que par votre ordre et les conseils d'Aspar</p> -<p>Nous l'installions au trne et le nommions Csar.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allons tout prparer pour ce double hymne,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span></div> -<p>En ordonner la pompe, en choisir la journe.</p> -<p>D'Irne avec Aspar j'en voudrois faire autant; <span class="dalign">1755</span></p> -<p>Mais j'ai donn deux jours cet esprit flottant,</p> -<p>Et laisse jusque-l ma faveur incertaine,</p> -<p>Pour rgler son destin sur le destin d'Irne.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i2">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE.</span></p> - - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_454"> 454</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span></p> -<div class="chapter"> -<p class="extra">SURNA -<span class="large">GNRAL DES PARTHES</span> -<span class="medium">TRAGDIE</span> -<span class="small">1674</span></p> -<span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span> -</div> - -<h3>NOTICE.</h3> - -<p>Monsieur Corneille, dit Jolly<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor"> [423]</a>, avoit en vue deux sujets de -tragdie lorsqu'il s'arrta celui-ci: le premier toit Usanguey, -prince chinois dont les historiens font de grands loges<a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor"> [424]</a>, et le -second, tir de Tacite<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor"> [425]</a>, toit le fameux Gaulois nomm Antonius -Primus, lequel avoit contribu plus que personne mettre -Vespasian sur le trne, et dont les services furent mal reconnus. -Ce nom lui paroissant peu propre entrer dans un vers, -<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span> -il prfra celui de Surna, dont l'histoire lui fournissoit les -mmes circonstances, et le caractre d'un hros qui n'avoit -point encore paru sur la scne.</p> - -<p>Il est fort curieux que Corneille ait ainsi song, ne ft-ce -qu'un instant, transporter la scne d'une de ses tragdies -dans un pays alors si mal connu, qu'il fallut encore en 1755 -beaucoup de hardiesse Voltaire pour oser faire reprsenter -son <i>Orphelin de la Chine</i>.</p> - -<p>Nous ne pouvons, du reste, contrler le tmoignage de Jolly -par aucun autre. Priv pour cette poque du secours que nous -ont fourni prcdemment la <i>Gazette</i> de Loret et les <i>Lettres en -vers</i> de Robinet, nous avons fort peu de dtails sur tout ce qui -concerne la tragdie de <i>Surna</i>, et nous ignorons par quels -acteurs cette pice fut reprsente.</p> - -<p>La tragdie de <i>Surna</i>, dit Voltaire dans sa prface, fut -joue les derniers jours de 1674 et les premiers de 1675. -Les frres Parfait en placent l'analyse la fin de l'anne 1674, -sans marquer ni le jour ni le mois de la premire reprsentation. -Elle est fixe au mardi 11 dcembre dans le <i>Journal du -Thtre franois</i><a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor"> [426]</a>, auquel nous n'avons gure recours qu' -dfaut d'autre document, mais dont l'indication concorde en -cette circonstance avec le passage suivant d'une lettre crite par -Bayle M. Minutoli Rouen, en date du 15 dcembre 1674<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor"> [427]</a>: -On joue l'htel de Bourgogne une nouvelle pice de M. Corneille -l'an, dont j'ai oubli le nom, qui fait, la vrit, du -bruit, mais pas eu gard au renom de l'auteur. Aussi dit-on -que M. de Montausier lui dit en raillant: Monsieur Corneille, -j'ai vu le temps que je faisois d'assez bons vers; mais, -ma foi, depuis que je suis vieux, je ne fais rien qui vaille. -Il faut laisser cela pour les jeunes gens.</p> - -<p>Que M. de Montausier ait parfois trait certains potes amateurs -comme Alceste, dont il avait, dit-on, fourni le modle, -traite Oronte dans <i>le Misanthrope</i>, on le comprend, et l'on -n'a pas le courage de lui en vouloir; mais on aime douter -qu'il ait adress des paroles aussi dures un homme de -<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span> -gnie qui n'avait qu'un seul tort, bien respectable: celui de -vieillir.</p> - -<p>Le titre exact de la pice est: <span class="small1">Surena, gnral des Parthes</span>, -tragedie. <i>A Paris, chez Guillaume de Luyne</i>.... M.DC.LXXV. -<i>Avec Privilege du Roy</i>. L'Achev d'imprimer est du 2 janvier -1675. Le volume, de format in-12, se compose de 2 feuillets -et 72 pages.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span></p> -<h3>AU LECTEUR.</h3> -</div> - -<p>Le sujet de cette tragdie est tir de Plutarque et -d'Appian Alexandrin<a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor"> [428]</a>. Ils disent tous deux que Surna<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor"> [429]</a> -toit le plus noble, le plus riche, le mieux fait, -et le plus vaillant des Parthes<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor"> [430]</a>. Avec ces qualits, il ne -pouvoit manquer d'tre un des premiers hommes de son -sicle; et si je ne m'abuse, la peinture que j'en ai faite -ne l'a point rendu mconnoissable: vous en jugerez.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span></p> -<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br /> -POUR LES VARIANTES DE <i>SURNA</i>.</h3> - -<h3 class="normal">DITION SPARE.<br /> -1675 in-12.<br /> -RECUEIL.<br /> -1682 in-12.</h3> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span></p> -<h3>ACTEURS.</h3> -<table id="acteurs6" summary="parts"> -<tr> -<td class="tdl">ORODE,</td> -<td class="tdl">roi des Parthes<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor"> [431]</a>.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PACORUS,</td> -<td class="tdl">fils d'Orode<a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor"> [432]</a>.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">SURNA,</td> -<td class="tdl">lieutenant d'Orode<br /> -<span class="ni1">et gnral de son arme contre Crassus<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor"> [433]</a>.</span></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">SILLACE,</td> -<td class="tdl">autre lieutenant d'Orode<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor"> [434]</a>.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">EURYDICE,</td> -<td class="tdl">fille d'Artabase,<br /> -<span class="ni1">roi d'Armnie<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor"> [435]</a>.</span></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PALMIS,</td> -<td class="tdl">sœur de Surna.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ORMNE,</td> -<td class="tdl">dame d'honneur d'Eurydice.</td> -</tr> -</table> - -<div class="chapter"> -<h3 class="subh">La scne est Sleucie, sur l'Euphrate<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor"> [436]</a>.</h3> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span></p> -<div class="extra">SURNA,<br /> -<span class="large">GNRAL DES PARTHES.</span><br /> -<span class="medium">TRAGDIE.</span> -</div> - -<h2 class="normal">ACTE I.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, ORMNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne me parle plus tant de joie et d'hymne;</p> -<p>Tu ne sais pas les maux o je suis condamne,</p> -<p>Ormne: c'est ici que doit s'excuter</p> -<p>Ce trait qu' deux rois il a plu d'arrter;</p> -<p>Et l'on a prfr cette superbe ville, <span class="dalign">5</span></p> -<p>Ces murs de Sleucie, aux murs d'Hcatompyle<a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor"> [437]</a>.</p> -<p>La Reine et la princesse en quittent le sjour,</p> -<p>Pour rendre en ces beaux lieux tout son lustre la cour.</p> -<p>Le Roi les mande exprs, le prince n'attend qu'elles;</p> -<p>Et jamais ces climats n'ont vu pompes si belles. <span class="dalign">10</span></p> -<p>Mais que servent pour moi tous ces prparatifs,</p> -<p>Si mon cœur est esclave et tous ses vœux captifs,</p> -<p>Si de tous ces efforts de publique allgresse</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span></div> -<p>Il se fait des sujets de trouble et de tristesse?</p> -<p>J'aime ailleurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Vous, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Ormne, je l'ai tu <span class="dalign">15</span></p> -<p>Tant que j'ai pu me rendre toute ma vertu.</p> -<p>N'esprant jamais voir l'amant qui m'a charme,</p> -<p>Ma flamme dans mon cœur se tenoit renferme:</p> -<p>L'absence et la raison sembloient la dissiper;</p> -<p>Le manque d'espoir mme aidoit me tromper. <span class="dalign">20</span></p> -<p>Je crus ce cœur tranquille, et mon devoir svre</p> -<p>Le prparoit sans peine aux lois du Roi mon pre,</p> -<p>Au choix qui lui plairoit. Mais, Dieux! quel tourment,</p> -<p>S'il faut prendre un poux aux yeux de cet amant!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Aux yeux de votre amant!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Il est temps de te dire <span class="dalign">25</span></p> -<p>Et quel malheur m'accable, et pour qui je soupire.</p> -<p>Le mal qui s'vapore en devient plus lger,</p> -<p>Et le mien avec toi cherche se soulager.</p> -<p class="i1"> Quand l'avare Crassus<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor"> [438]</a>, chef des troupes romaines,</p> -<p>Entreprit de dompter les Parthes dans leurs plaines, <span class="dalign">30</span></p> -<p>Tu sais que de mon pre il brigua le secours;</p> -<p>Qu'Orode en fit autant au bout de quelques jours;</p> -<p>Que pour ambassadeur il prit ce hros mme,</p> -<p>Qui l'avoit su venger et rendre au diadme<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor"> [439]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, je vis Surna vous parler pour son roi, <span class="dalign">35</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span></div> -<p>Et Cassius<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor"> [440]</a> pour Rome avoir le mme emploi<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor"> [441]</a>.</p> -<p>Je vis de ces tats l'orgueilleuse puissance</p> -<p>D'Artabase l'envi mendier l'assistance,</p> -<p>Ces deux grands intrts partager votre cour,</p> -<p>Et des ambassadeurs prolonger le sjour. <span class="dalign">40</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tous deux, ainsi qu'au Roi, me rendirent visite,</p> -<p>Et j'en connus bientt le diffrent mrite.</p> -<p>L'un, fier et tout gonfl d'un vieux mpris des rois,</p> -<p>Sembloit pour compliment nous apporter des lois;</p> -<p>L'autre, par les devoirs d'un respect lgitime, <span class="dalign">45</span></p> -<p>Vengeoit le sceptre en nous de ce manque d'estime.</p> -<p>L'amour s'en mla mme; et tout son entretien</p> -<p>Sembla m'offrir son cœur, et demander le mien.</p> -<p>Il l'obtint; et mes yeux, que charmoit sa prsence,</p> -<p>Soudain avec les siens en firent confidence. <span class="dalign">50</span></p> -<p>Ces muets truchements surent lui rvler</p> -<p>Ce que je me forois lui dissimuler;</p> -<p>Et les mmes regards qui m'expliquoient sa flamme</p> -<p>S'instruisoient dans les miens du secret de mon me.</p> -<p>Ses vœux y rencontroient d'aussi tendres dsirs: <span class="dalign">55</span></p> -<p>Un accord imprvu confondoit nos soupirs,</p> -<p>Et d'un mot chapp la douceur hasarde</p> -<p>Trouvoit l'me en tous deux toute persuade.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cependant est-il roi, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Il ne l'est pas;</p> -<p>Mais il sait rtablir les rois dans leurs tats. <span class="dalign">60</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span></div> -<p>Des Parthes le mieux fait d'esprit et de visage,</p> -<p>Le plus puissant en biens, le plus grand en courage.</p> -<p>Le plus noble<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor"> [442]</a>: joins-y l'amour qu'il a pour moi;</p> -<p>Et tout cela vaut bien un roi qui n'est que roi.</p> -<p>Ne t'effarouche point d'un feu dont je fais gloire, <span class="dalign">65</span></p> -<p>Et souffre de mes maux que j'achve l'histoire.</p> -<p class="i1"> L'amour, sous les dehors de la civilit,</p> -<p>Profita quelque temps des longueurs du trait:</p> -<p>On ne souponna rien des soins d'un si grand homme.</p> -<p>Mais il fallut choisir entre le Parthe et Rome. <span class="dalign">70</span></p> -<p>Mon pre eut ses raisons en faveur du Romain;</p> -<p>J'eus les miennes pour l'autre, et parlai mme en vain;</p> -<p>Je fus mal coute, et dans ce grand ouvrage</p> -<p>On ne daigna peser ni compter mon suffrage.</p> -<p class="i1"> Nous fmes donc pour Rome<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor"> [443]</a>; et Surna confus <span class="dalign">75</span></p> -<p>Emporta la douleur d'un indigne refus.</p> -<p>Il m'en parut mu, mais il sut se contraindre:</p> -<p>Pour tout ressentiment il ne fit que nous plaindre;</p> -<p>Et comme tout son cœur me demeura soumis,</p> -<p>Notre adieu ne fut point un adieu d'ennemis. <span class="dalign">80</span></p> -<p class="i1"> Que servit de flatter l'esprance dtruite?</p> -<p>Mon pre choisit mal: on l'a vu par la suite.</p> -<p>Surna fit prir l'un et l'autre Crassus<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor"> [444]</a>,</p> -<p>Et sur notre Armnie Orode eut le dessus:</p> -<p>Il vint dans nos tats fondre comme un tonnerre. <span class="dalign">85</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span></div> -<p>Hlas! j'avois prvu les maux de cette guerre,</p> -<p>Et n'avois pas compt parmi ses noirs succs</p> -<p>Le funeste bonheur que me gardoit la paix.</p> -<p>Les deux rois l'ont conclue<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor"> [445]</a>, et j'en suis la victime:</p> -<p>On m'amne pouser un prince magnanime;<span class="dalign">90</span></p> -<p>Car son mrite enfin ne m'est point inconnu,</p> -<p>Et se feroit aimer d'un cœur moins prvenu;</p> -<p>Mais quand ce cœur est pris et la place occupe,</p> -<p>Des vertus d'un rival en vain l'me est frappe:</p> -<p>Tout ce qu'il a d'aimable importune les yeux; <span class="dalign">95</span></p> -<p>Et plus il est parfait, plus il est odieux.</p> -<p>Cependant j'obis, Ormne: je l'pouse,</p> -<p>Et de plus....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Qu'auriez-vous de plus?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i16"> Je suis jalouse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Jalouse! Quoi? pour comble aux maux dont je vous plains....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tu vois ceux que je souffre, apprends ceux que je crains.<span class="dalign">100</span></p> -<p class="i1"> Orode fait venir la princesse sa fille;</p> -<p>Et s'il veut de mon bien enrichir sa famille,</p> -<p>S'il veut qu'un double hymen honore un mme jour,</p> -<p>Conois mes dplaisirs: je t'ai dit mon amour.</p> -<p class="i1"> C'est bien assez, ciel! que le pouvoir suprme <span class="dalign">105</span></p> -<p>Me livre en d'autres bras aux yeux de ce que j'aime:</p> -<p>Ne me condamne pas ce nouvel ennui</p> -<p>De voir tout ce que j'aime entre les bras d'autrui.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Votre douleur, Madame, est trop ingnieuse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand on a commenc de se voir malheureuse,<span class="dalign">110</span></p> -<p>Rien ne s'offre nos yeux qui ne fasse trembler:</p> -<p>La plus fausse apparence a droit de nous troubler;</p> -<p>Et tout ce qu'on prvoit, tout ce qu'on s'imagine,</p> -<p>Forme un nouveau poison pour une me chagrine.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En ces nouveaux poisons trouvez-vous tant d'appas<span class="dalign">115</span></p> -<p>Qu'il en faille faire un d'un hymen qui n'est pas?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La princesse est mande, elle vient, elle est belle;</p> -<p>Un vainqueur des Romains n'est que trop digne d'elle.</p> -<p>S'il la voit, s'il lui parle, et si le Roi le veut....</p> -<p>J'en dis trop; et dj tout mon cœur qui s'meut.... <span class="dalign">120</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A soulager vos maux appliquez mme tude</p> -<p>Qu' prendre un vain soupon pour une certitude:</p> -<p>Songez par o l'aigreur s'en pourroit adoucir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'y fais ce que je puis, et n'y puis russir.</p> -<p>N'osant voir Surna, qui rgne en ma pense,<span class="dalign">125</span></p> -<p>Et qui me croit peut-tre une me intresse,</p> -<p>Tu vois quelle amiti j'ai faite avec sa sœur:</p> -<p>Je crois le voir en elle, et c'est quelque douceur,</p> -<p>Mais lgre, mais foible, et qui me gne l'me</p> -<p>Par l'inutile soin de lui cacher ma flamme.<span class="dalign">130</span></p> -<p>Elle la sait sans doute, et l'air dont elle agit</p> -<p>M'en demande un aveu dont mon devoir rougit:</p> -<p>Ce frre l'aime trop pour s'tre cach d'elle.</p> -<p>N'en use pas de mme, et sois-moi plus fidle;</p> -<p>Il suffit qu'avec toi j'amuse mon ennui.<span class="dalign">135</span></p> -<p>Toutefois tu n'as rien me dire de lui</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span></div> -<p>Tu ne sais ce qu'il fait, tu ne sais ce qu'il pense.</p> -<p>Une sœur est plus propre cette confiance:</p> -<p>Elle sait s'il m'accuse, ou s'il plaint mon malheur,</p> -<p>S'il partage ma peine, ou rit de ma douleur,<span class="dalign">140</span></p> -<p>Si du vol qu'on lui fait il m'estime complice,</p> -<p>S'il me garde son cœur, ou s'il me rend justice.</p> -<p>Je la vois: force-la, si tu peux, parler;</p> -<p>Force-moi, s'il le faut, ne lui rien celer.</p> -<p>L'oserai-je, grands Dieux! ou plutt le pourrai-je?<span class="dalign">145</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amour, ds qu'il le veut, se fait un privilge;</p> -<p>Et quand de se forcer ses desirs sont lasss,</p> -<p>Lui-mme n'en rien taire il s'enhardit assez.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, PALMIS, ORMNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'apporte ici, Madame, une heureuse nouvelle:</p> -<p>Ce soir la Reine arrive.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Et Mandane avec elle?<span class="dalign">150</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On n'en fait aucun doute.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Et Surna l'attend</p> -<p>Avec beaucoup de joie et d'un esprit content?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Avec tout le respect qu'elle a lieu d'en attendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Rien de plus?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Qu'a de plus un sujet lui rendre?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je suis trop curieuse et devrois mieux savoir<span class="dalign">155</span></p> -<p>Ce qu'aux filles des rois un sujet peut devoir;</p> -<p>Mais de pareils sujets, sur qui tout l'tat roule,</p> -<p>Se font assez souvent distinguer de la foule;</p> -<p>Et je sais qu'il en est qui, si j'en puis juger,</p> -<p>Avec moins de respect savent mieux obliger.<span class="dalign">160</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'en sais point, Madame, et ne crois pas mon frre</p> -<p>Plus savant que sa sœur en un pareil mystre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Passons. Que fait le prince?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> En vritable amant,</p> -<p>Doutez-vous qu'il ne soit dans le ravissement?</p> -<p>Et pourroit-il n'avoir qu'une joie imparfaite<span class="dalign">165</span></p> -<p>Quand il se voit toucher au bonheur qu'il souhaite?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-tre n'est-ce pas un grand bonheur pour lui,</p> -<p>Madame; et j'y craindrois quelque sujet d'ennui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et quel ennui pourroit mler son amertume</p> -<p>Au doux et plein succs du feu qui le consume?<span class="dalign">170</span></p> -<p>Quel chagrin a de quoi troubler un tel bonheur?</p> -<p>Le don de votre main....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> La main n'est pas le cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est matre du vtre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Il ne l'est point, Madame;</p> -<p>Et mme je ne sais s'il le sera de l'me:</p> -<p>Jugez aprs cela quel bonheur est le sien.<span class="dalign">175</span></p> -<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span> -<p>Mais achevons, de grce, et ne dguisons rien.</p> -<p>Savez-vous mon secret?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Je sais celui d'un frre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous savez donc le mien. Fait-il ce qu'il doit faire?</p> -<p>Me hait-il? et son cœur, justement irrit,</p> -<p>Me rend-il sans regret ce que j'ai mrit? <span class="dalign">180</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, Madame, il vous rend tout ce qu'une grande me</p> -<p>Doit au plus grand mrite et de zle et de flamme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il m'aimeroit encor?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> C'est peu de dire aimer:</p> -<p>Il souffre sans murmure; et j'ai beau vous blmer,</p> -<p>Lui-mme il vous dfend, vous excuse sans cesse.<span class="dalign">185</span></p> -<p>Elle est fille, et de plus, dit-il, elle est princesse:</p> -<p>Je sais les droits d'un pre, et connois ceux d'un roi;</p> -<p>Je sais de ses devoirs l'indispensable loi;</p> -<p>Je sais quel rude joug, ds sa plus tendre enfance,</p> -<p>Imposent ses vœux son rang et sa naissance:<span class="dalign">190</span></p> -<p>Son cœur n'est pas exempt d'aimer ni de har<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor"> [446]</a>;</p> -<p>Mais qu'il aime ou hasse, il lui faut obir.</p> -<p>Elle m'a tout donn ce qui dpendoit d'elle,</p> -<p>Et ma reconnoissance en doit tre ternelle.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! vous redoublez trop, par ce discours charmant,<span class="dalign">195</span></p> -<p>Ma haine pour le prince et mes feux pour l'amant;</p> -<p>Finissons-le, Madame; en ce malheur extrme,</p> -<p>Plus je hais, plus je souffre, et souffre autant que j'aime.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'irritons point vos maux, et changeons d'entretien.</p> -<p>Je sais votre secret, sachez aussi le mien.<span class="dalign">200</span></p> -<p class="i1"> Vous n'tes pas la seule qui la destine</p> -<p>Prpare un long supplice en ce grand hymne:</p> -<p>Le prince....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Au nom des Dieux, ne me le nommez pas:</p> -<p>Son nom seul me prpare plus que le trpas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un tel excs de haine!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Elle n'est que trop due<span class="dalign">205</span></p> -<p>Aux mortelles douleurs dont m'accable sa vue.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! ce prince donc, qu'il vous plat de har,</p> -<p>Et pour qui votre cœur s'apprte se trahir,</p> -<p>Ce prince qui vous aime, il m'aimoit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i17"> L'infidle!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nos vœux toient pareils, notre ardeur mutuelle:<span class="dalign">210</span></p> -<p>Je l'aimois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Et l'ingrat brise des nœuds si doux!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, est-il des cœurs qui tiennent contre vous?</p> -<p>Est-il vœux ni serments qu'ils ne vous sacrifient?</p> -<p>Si l'ingrat me trahit, vos yeux le justifient,</p> -<p>Vos yeux qui sur moi-mme ont un tel ascendant....<span class="dalign">215</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous demeurez vous, Madame, en le perdant;</p> -<p>Et le bien d'tre libre aisment vous console</p> -<p>De ce qu'a d'injustice un manque de parole;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span></div> -<p>Mais je deviens esclave; et tels sont mes malheurs,</p> -<p>Qu'en perdant ce que j'aime, il faut que j'aime ailleurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, trouvez-vous ma fortune meilleure?</p> -<p>Vous perdez votre amant, mais son cœur vous demeure;</p> -<p>Et j'prouve en mon sort une telle rigueur,</p> -<p>Que la perte du mien m'enlve tout son cœur.</p> -<p>Ma conqute m'chappe o les vtres grossissent;<span class="dalign">225</span></p> -<p>Vous faites des captifs des miens qui s'affranchissent;</p> -<p>Votre empire s'augmente o se dtruit le mien,</p> -<p>Et de toute ma gloire il ne me reste rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Reprenez vos captifs, rassurez vos conqutes,</p> -<p>Rtablissez vos lois sur les plus grandes ttes:<span class="dalign">230</span></p> -<p>J'en serai peu jalouse, et prfre cent rois</p> -<p>La douceur de ma flamme et l'clat de mon choix.</p> -<p>La main de Surna vaut mieux qu'un diadme.</p> -<p>Mais dites-moi, Madame, est-il bien vrai qu'il m'aime?</p> -<p>Dites, et s'il est vrai, pourquoi fuit-il mes yeux?<span class="dalign">235</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, le voici qui vous le dira mieux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Juste ciel! le voir dj mon cœur soupire!</p> -<p>Amour, sur ma vertu prends un peu moins d'empire!</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, SURNA.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vous ai fait prier de ne me plus revoir,</p> -<p>Seigneur: votre prsence tonne mon devoir;<span class="dalign">240</span></p> -<p>Et ce qui de mon cœur fit toutes les dlices,</p> -<p>Ne sauroit plus m'offrir que de nouveaux supplices.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span></div> -<p>Osez-vous l'ignorer? et lorsque je vous voi,</p> -<p>S'il me faut trop souffrir, souffrez-vous moins que moi?</p> -<p>Souffrons-nous moins tous deux pour soupirer ensemble?</p> -<p>Allez, contentez-vous d'avoir vu que j'en tremble;</p> -<p>Et du moins par piti d'un triomphe douteux,</p> -<p>Ne me hasardez plus des soupirs honteux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je sais ce qu' mon cœur cotera votre vue;</p> -<p>Mais qui cherche mourir doit chercher ce qui tue. <span class="dalign">250</span></p> -<p>Madame, l'heure approche, et demain votre foi</p> -<p>Vous fait de m'oublier une ternelle loi:</p> -<p>Je n'ai plus que ce jour, que ce moment de vie.</p> -<p>Pardonnez l'amour qui vous la sacrifie<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor"> [447]</a>,</p> -<p>Et souffrez qu'un soupir exhale vos genoux,<span class="dalign">255</span></p> -<p>Pour ma dernire joie, une me toute vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et la mienne, Seigneur, la jugez-vous si forte,</p> -<p>Que vous ne craigniez point que ce moment l'emporte,</p> -<p>Que ce mme soupir qui tranchera vos jours</p> -<p>Ne tranche aussi des miens le dplorable cours? <span class="dalign">260</span></p> -<p>Vivez, Seigneur, vivez, afin que je languisse,</p> -<p>Qu' vos feux ma langueur rende longtemps justice.</p> -<p>Le trpas vos yeux me sembleroit trop doux,</p> -<p>Et je n'ai pas encore assez souffert pour vous.</p> -<p>Je veux qu'un noir chagrin pas lents me consume,<span class="dalign">265</span></p> -<p>Qu'il me fasse longs traits goter son amertume;</p> -<p>Je veux, sans que la mort ose me secourir,</p> -<p>Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.</p> -<p>Mais pardonneriez-vous l'aveu d'une foiblesse</p> -<p>A cette douloureuse et fatale tendresse?<span class="dalign">270</span></p> -<p>Vous pourriez-vous, Seigneur, rsoudre soulager</p> -<p>Un malheur si pressant par un bonheur lger?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel bonheur peut dpendre ici d'un misrable</p> -<p>Qu'aprs tant de faveurs son amour mme accable?</p> -<p>Puis-je encor quelque chose en l'tat o je suis?<span class="dalign">275</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous pouvez m'pargner d'assez rudes ennuis.</p> -<p>N'pousez point Mandane<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor"> [448]</a>: exprs on l'a mande;</p> -<p>Mon chagrin, mes soupons m'en ont persuade.</p> -<p>N'ajoutez point, Seigneur, des malheurs si grands</p> -<p>Celui de vous unir au sang de mes tyrans; <span class="dalign">280</span></p> -<p>De remettre en leurs mains<a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor"> [449]</a> le seul bien qui me reste,</p> -<p>Votre cœur: un tel don me seroit trop funeste.</p> -<p>Je veux qu'il me demeure, et malgr votre roi,</p> -<p>Disposer d'une main qui ne peut tre moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Plein d'un amour si pur et si fort que le ntre, <span class="dalign">285</span></p> -<p>Aveugle pour Mandane, aveugle pour toute autre<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor"> [450]</a>,</p> -<p>Comme je n'ai plus d'yeux vers elles tourner,</p> -<p>Je n'ai plus ni de cœur ni de main donner.</p> -<p>Je vous aime et vous perds. Aprs cela, Madame,</p> -<p>Seroit-il quelque hymen que pt souffrir mon me?<span class="dalign">290</span></p> -<p>Seroit-il quelques nœuds o se pt attacher</p> -<p>Le bonheur d'un amant qui vous toit si cher,</p> -<p>Et qu' force d'amour vous rendez incapable</p> -<p>De trouver sous le ciel quelque chose d'aimable?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce n'est pas l de vous, Seigneur, ce que je veux.<span class="dalign">295</span></p> -<p>A la postrit vous devez des neveux;</p> -<p>Et ces illustres morts dont vous tenez la place</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span></div> -<p>Ont assez mrit de revivre en leur race:</p> -<p>Je ne veux pas l'teindre, et tiendrois forfait</p> -<p>Qu'il m'en ft chapp le plus lger souhait.<span class="dalign">300</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que tout meure avec moi, Madame: que m'importe</p> -<p>Qui foule aprs ma mort la terre qui me porte?</p> -<p>Sentiront-ils percer par un clat nouveau,</p> -<p>Ces illustres aeux, la nuit de leur tombeau?</p> -<p>Respireront-ils l'air o les feront revivre <span class="dalign">305</span></p> -<p>Ces neveux qui peut-tre auront peine les suivre,</p> -<p>Peut-tre ne feront que les dshonorer,</p> -<p>Et n'en auront le sang que pour dgnrer?</p> -<p>Quand nous avons perdu le jour qui nous claire,</p> -<p>Cette sorte de vie est bien imaginaire,<span class="dalign">310</span></p> -<p>Et le moindre moment d'un bonheur souhait</p> -<p>Vaut mieux qu'une si froide et vaine ternit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, non, je suis jalouse; et mon impatience</p> -<p>D'affranchir mon amour de toute dfiance,</p> -<p>Tant que je vous verrai matre de votre foi, <span class="dalign">315</span></p> -<p>La croira rserve aux volonts du Roi:</p> -<p>Mandane aura toujours un plein droit de vous plaire;</p> -<p>Ce sera l'pouser que de le pouvoir faire;</p> -<p>Et ma haine sans cesse aura de quoi trembler,</p> -<p>Tant que par l mes maux pourront se redoubler. <span class="dalign">320</span></p> -<p>Il faut qu'un autre hymen me mette en assurance.</p> -<p>N'y portez, s'il se peut, que de l'indiffrence;</p> -<p>Mais par de nouveaux feux dussiez-vous me trahir,</p> -<p>Je veux que vous aimiez afin de m'obir;</p> -<p>Je veux que ce grand choix soit mon dernier ouvrage,<span class="dalign">325</span></p> -<p>Qu'il tienne lieu vers moi d'un ternel hommage,</p> -<p>Que mon ordre le rgle, et qu'on me voie enfin</p> -<p>Reine de votre cœur et de votre destin;</p> -<p>Que Mandane, en dpit de l'espoir qu'on lui donne,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span></div> -<p>Ne pouvant s'lever jusqu' votre personne,<span class="dalign">330</span></p> -<p>Soit rduite descendre ces malheureux rois</p> -<p>A qui, quand vous voudrez, vous donnerez des lois.</p> -<p>Et n'apprhendez point d'en regretter la perte:</p> -<p>Il n'est cour sous les cieux qui ne vous soit ouverte;</p> -<p>Et partout votre gloire a fait de tels clats,<span class="dalign">335</span></p> -<p>Que les filles de roi ne vous manqueront pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand elles me rendroient matre de tout un monde,</p> -<p>Absolu sur la terre et souverain sur l'onde,</p> -<p>Mon cœur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> N'achevez point: l'air dont vous commencez</p> -<p>Pourroit mon chagrin ne plaire pas assez;<span class="dalign">340</span></p> -<p>Et d'un cœur qui veut tre encor sous ma puissance</p> -<p>Je ne veux recevoir que de l'obissance.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A qui me donnez-vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Moi? que ne puis-je, hlas!</p> -<p>Vous ter Mandane, et ne vous donner pas!</p> -<p>Et contre les soupons de ce cœur qui vous aime<span class="dalign">345</span></p> -<p>Que ne m'est-il permis de m'assurer moi-mme!</p> -<p>Mais adieu: je m'gare.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> O dois-je recourir,</p> -<p>O ciel! s'il faut toujours aimer, souffrir, mourir<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor"> [451]</a>?</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE II.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">PACORUS, SURNA.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Surna, votre zle a trop servi mon pre</p> -<p>Pour m'en laisser attendre un devoir moins sincre;<span class="dalign">350</span></p> -<p>Et si prs d'un hymen qui doit m'tre assez doux,</p> -<p>Je mets ma confiance et mon espoir en vous.</p> -<p>Palmis avec raison de cet hymen murmure;</p> -<p>Mais je puis rparer ce qu'il lui fait d'injure;</p> -<p>Et vous n'ignorez pas qu' former ces grands nœuds<span class="dalign">355</span></p> -<p>Mes pareils ne sont point tout fait matres d'eux.</p> -<p>Quand vous voudrez tous deux attacher vos tendresses,</p> -<p>Il est des rois pour elle, et pour vous des princesses,</p> -<p>Et je puis hautement vous engager ma foi</p> -<p>Que vous ne vous plaindrez du prince ni du Roi.<span class="dalign">360</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cessez de me traiter, Seigneur, en mercenaire:</p> -<p>Je n'ai jamais servi par espoir de salaire;</p> -<p>La gloire m'en suffit, et le prix que reoit....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je sais ce que je dois quand on fait ce qu'on doit,</p> -<p>Et si de l'accepter ce grand cœur vous dispense,<span class="dalign">365</span></p> -<p>Le mien se satisfait alors qu'il rcompense.</p> -<p class="i1"> J'pouse une princesse en qui les doux accords</p> -<p>Des grces de l'esprit avec celles du corps</p> -<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span> -<p>Forment le plus brillant et plus noble assemblage</p> -<p>Qui puisse orner une me et parer un visage.<span class="dalign">370</span></p> -<p>Je n'en dis que ce mot; et vous savez assez</p> -<p>Quels en sont les attraits, vous qui la connoissez.</p> -<p class="i1"> Cette princesse donc, si belle, si parfaite,</p> -<p>Je crains qu'elle n'ait pas ce que plus je souhaite:</p> -<p>Qu'elle manque d'amour, ou plutt que ses vœux <span class="dalign">375</span></p> -<p>N'aillent pas tout fait du ct que je veux.</p> -<p>Vous qui l'avez tant vue, et qu'un devoir fidle</p> -<p>A tenu si longtemps prs de son pre et d'elle,</p> -<p>Ne me dguisez point ce que dans cette cour</p> -<p>Sur de pareils soupons vous auriez eu de jour. <span class="dalign">380</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je la voyois, Seigneur, mais pour gagner son pre:</p> -<p>C'toit tout mon emploi, c'toit ma seule affaire;</p> -<p>Et je croyois par elle tre sr de son choix;</p> -<p>Mais Rome et son intrigue eurent le plus de voix.</p> -<p>Du reste, ne prenant intrt m'instruire <span class="dalign">385</span></p> -<p>Que de ce qui pouvoit vous servir ou vous nuire,</p> -<p>Comme je me bornois remplir ce devoir,</p> -<p>Je puis n'avoir pas vu ce qu'un autre et pu voir.</p> -<p>Si j'eusse pressenti que la guerre acheve,</p> -<p>A l'honneur de vos feux elle toit rserve,<span class="dalign">390</span></p> -<p>J'aurois pris d'autres soins, et plus examin;</p> -<p>Mais j'ai suivi mon ordre, et n'ai point devin.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? de ce que je crains vous n'auriez nulle ide?</p> -<p>Par aucune ambassade on ne l'a demande?</p> -<p>Aucun prince auprs d'elle, aucun digne sujet <span class="dalign">395</span></p> -<p>Par ses attachements n'a marqu de projet?</p> -<p>Car il vient quelquefois du milieu des provinces</p> -<p>Des sujets en nos cours qui valent bien des princes;</p> -<p>Et par l'objet prsent les sentiments mus</p> -<p>N'attendent pas toujours des rois qu'on n'a point vus.<span class="dalign">400</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Durant tout mon sjour rien n'y blessoit ma vue; -<p>Je n'y rencontrois point de visite assidue,</p> -<p>Point de devoirs suspects, ni d'entretiens si doux</p> -<p>Que si j'avois aim, j'en dusse tre jaloux.</p> -<p>Mais qui vous peut donner cette importune crainte,<span class="dalign">405</span></p> -<p>Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Plus je la vois, plus j'y vois de contrainte:</p> -<p>Elle semble, aussitt que j'ose en approcher,</p> -<p>Avoir je ne sais quoi qu'elle me veut cacher;</p> -<p>Non qu'elle ait jusqu'ici demand de remise;</p> -<p>Mais ce n'est pas m'aimer, ce n'est qu'tre soumise; <span class="dalign">410</span></p> -<p>Et tout le bon accueil que j'en puis recevoir,</p> -<p>Tout ce que j'en obtiens ne part que du devoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'en apprhendez rien. Encor toute tonne,</p> -<p>Toute tremblante encore au seul nom d'hymne,</p> -<p>Pleine de son pays, pleine de ses parents,<span class="dalign">415</span></p> -<p>Il lui passe en l'esprit cent chagrins diffrents.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais il semble, la voir, que son chagrin s'applique</p> -<p>A braver par dpit l'allgresse publique:</p> -<p>Inquite, rveuse, insensible aux douceurs</p> -<p>Que par un plein succs l'amour verse en nos cœurs....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout cessera, Seigneur, ds que sa foi reue</p> -<p>Aura mis en vos mains la main qui vous est due:</p> -<p>Vous verrez ces chagrins dtruits en moins d'un jour,</p> -<p>Et toute sa vertu devenir toute<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor"> [452]</a> amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est beaucoup hasarder que de prendre assurance <span class="dalign">425</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span></div> -<p>Sur une si lgre et douteuse esprance;</p> -<p>Et qu'aura cet amour d'heureux, de singulier,</p> -<p>Qu' son trop de vertu je devrai tout entier?</p> -<p>Qu'aura-t-il de charmant, cet amour, s'il ne donne</p> -<p>Que ce qu'un triste hymen ne refuse personne, <span class="dalign">430</span></p> -<p>Esclave ddaigneux d'une odieuse loi</p> -<p>Qui n'est pour toute chane attach qu' sa foi?</p> -<p class="i1"> Pour faire aimer ses lois, l'hymen ne doit en faire</p> -<p>Qu'afin d'autoriser la pudeur se taire.</p> -<p>Il faut, pour rendre heureux, qu'il donne sans gner, <span class="dalign">435</span></p> -<p>Et prte un doux prtexte qui veut tout donner.</p> -<p>Que sera-ce, grands Dieux! si toute ma tendresse</p> -<p>Rencontre un souvenir plus cher ma princesse,</p> -<p>Si le cœur pris ailleurs ne s'en arrache pas,</p> -<p>Si pour un autre objet il soupire en mes bras? <span class="dalign">440</span></p> -<p>Il faut, il faut enfin m'claircir avec elle.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, je l'aperois; l'occasion est belle.</p> -<p>Mais si vous en tirez quelque claircissement</p> -<p>Qui donne votre crainte un juste fondement,</p> -<p>Que ferez-vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> J'en doute, et pour ne vous rien feindre,</p> -<p>Je crois m'aimer<a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor"> [453]</a> assez pour ne la pas contraindre;</p> -<p>Mais tel chagrin aussi pourroit me survenir,</p> -<p>Que je l'pouserois afin de la punir.</p> -<p>Un amant ddaign souvent croit beaucoup faire</p> -<p>Quand il rompt le bonheur de ce qu'on lui prfre. <span class="dalign">450</span></p> -<p>Mais elle approche. Allez, laissez-moi seul agir:</p> -<p>J'aurois peur devant vous d'avoir trop rougir.</p> -</div></div> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_482"> 482</a></span></p> -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">PACORUS, EURYDICE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? Madame, venir vous-mme ma rencontre!</p> -<p>Cet excs de bont que votre cœur me montre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'allois chercher Palmis, que j'aime consoler<span class="dalign">455</span></p> -<p>Sur un malheur qui presse et ne peut reculer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Laissez-moi vous parler d'affaires plus presses,</p> -<p>Et songez qu'il est temps de m'ouvrir vos penses:</p> -<p>Vous vous abuseriez les plus retenir.</p> -<p>Je vous aime, et demain l'hymen doit nous unir: <span class="dalign">460</span></p> -<p>M'aimez-vous?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Oui, Seigneur, et ma main vous est sre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est peu que de la main, si le cœur en murmure.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel mal pourroit causer le murmure du mien,</p> -<p>S'il murmuroit si bas qu'aucun n'en apprt rien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! Madame, il me faut un aveu plus sincre. <span class="dalign">465</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>pousez-moi, Seigneur, et laissez-moi me taire:</p> -<p>Un pareil doute offense, et cette libert</p> -<p>S'attire quelquefois trop de sincrit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est ce que je demande, et qu'un mot sans contrainte</p> -<p>Justifie aujourd'hui mon espoir ou ma crainte. <span class="dalign">470</span></p> -<p>Ah! si vous connoissiez ce que pour vous je sens!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ferois ce que font les cœurs obissants,</p> -<p>Ce que veut mon devoir, ce qu'attend votre flamme,</p> -<p>Ce que je fais enfin.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Vous feriez plus, Madame:</p> -<p>Vous me feriez justice, et prendriez plaisir <span class="dalign">475</span></p> -<p>A montrer que nos cœurs ne forment qu'un desir.</p> -<p>Vous me diriez sans cesse: Oui, prince, je vous aime,</p> -<p>Mais d'une passion comme la vtre extrme;</p> -<p>Je sens le mme feu, je fais les mmes vœux;</p> -<p>Ce que vous souhaitez est tout ce que je veux; <span class="dalign">480</span></p> -<p>Et cette illustre ardeur ne sera point contente,</p> -<p>Qu'un glorieux hymen n'ait rempli notre attente.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour vous tenir, Seigneur, un langage si doux,</p> -<p>Il faudroit qu'en amour j'en susse autant que vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le vritable amour, ds que le cœur soupire, <span class="dalign">485</span></p> -<p>Instruit en un moment de tout ce qu'on doit dire.</p> -<p>Ce langage ses feux n'est jamais importun,</p> -<p>Et si vous l'ignorez, vous n'en sentez aucun.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Supplez-y, Seigneur, et dites-vous vous-mme</p> -<p>Tout ce que sent un cœur ds le moment qu'il aime;<span class="dalign">490</span></p> -<p>Faites-vous-en pour moi le charmant entretien:</p> -<p>J'avouerai tout, pourvu que je n'en dise rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce langage est bien clair, et je l'entends sans peine.</p> -<p>Au dfaut de l'amour, auriez-vous de la haine?</p> -<p>Je ne veux pas le croire, et des yeux si charmants....<span class="dalign">495</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, sachez pour vous quels sont mes sentiments.</p> -<p>Si l'amiti vous plat, si vous aimez l'estime,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span></div> -<p>A vous les refuser<a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor"> [454]</a> je croirois faire un crime;</p> -<p>Pour le cœur, si je puis vous le dire entre nous,</p> -<p>Je ne m'aperois point qu'il soit encore vous. <span class="dalign">500</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi donc ce trait qu'ont fait les deux couronnes....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il a pu l'une l'autre engager nos personnes,</p> -<p>Au seul don de la main son droit est limit,</p> -<p>Et mon cœur avec vous n'a point fait de trait.</p> -<p>C'est sans vous le devoir que je fais mon possible <span class="dalign">505</span></p> -<p>A le rendre pour vous plus tendre et plus sensible:</p> -<p>Je ne sais si le temps l'y pourra disposer;</p> -<p>Mais qu'il le puisse ou non, vous pouvez m'pouser.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le puis, je le dois, je le veux; mais, Madame,</p> -<p>Dans ces tristes froideurs dont vous payez ma flamme,</p> -<p>Quelque autre amour plus fort....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Qu'osez-vous demander,</p> -<p>Prince?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> De mon bonheur ce qui doit dcider.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce un aveu qui puisse chapper ma bouche?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est tout chapp, puisque ce mot vous touche.</p> -<p>Si vous n'aviez du cœur fait ailleurs l'heureux don,<span class="dalign">515</span></p> -<p>Vous auriez moins de gne me dire que non;</p> -<p>Et pour me garantir de ce que j'apprhende,</p> -<p>La rponse avec joie et suivi la demande.</p> -<p>Madame, ce qu'on fait sans honte et sans remords</p> -<p>Ne cote rien dire, il n'y faut point d'efforts; <span class="dalign">520</span></p> -<p>Et sans que la rougeur au visage nous monte....</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! ce n'est point pour moi que je rougis de honte.</p> -<p>Si j'ai pu faire un choix, je l'ai fait assez beau</p> -<p>Pour m'en faire un honneur jusque dans le tombeau;</p> -<p>Et quand je l'avouerai, vous aurez lieu de croire<span class="dalign">525</span></p> -<p>Que tout mon avenir en aimera la gloire.</p> -<p>Je rougis, mais pour vous, qui m'osez demander</p> -<p>Ce qu'on doit avoir peine se persuader;</p> -<p>Et je ne comprends point avec quelle prudence</p> -<p>Vous voulez qu'avec vous j'en fasse confidence, <span class="dalign">530</span></p> -<p>Vous qui prs d'un hymen accept par devoir,</p> -<p>Devriez sur ce point craindre de trop savoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais il est fait, ce choix qu'on s'obstine me taire,</p> -<p>Et qu'on cherche me dire avec tant de mystre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne vous le dis point; mais si vous m'y forcez,<span class="dalign">535</span></p> -<p>Il vous en cotera plus que vous ne pensez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Eh bien! Madame, eh bien! sachons, quoi qu'il en cote,</p> -<p>Quel est ce grand rival qu'il faut que je redoute.</p> -<p>Dites, est-ce un hros? est-ce un prince? est-ce un roi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est ce que j'ai connu de plus digne de moi.<span class="dalign">540</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si le mrite est grand, l'estime est un peu forte.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous la pardonnerez l'amour qui s'emporte:</p> -<p>Comme vous le forcez se trop expliquer,</p> -<p>S'il manque de respect, vous l'en faites manquer.</p> -<p>Il est si naturel d'estimer ce qu'on aime,<span class="dalign">545</span></p> -<p>Qu'on voudroit que partout on l'estimt de mme;</p> -<p>Et la pente est si douce vanter ce qu'il vaut,</p> -<p>Que jamais on ne craint de l'lever trop haut.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est en dire beaucoup.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Apprenez davantage,</p> -<p>Et sachez que l'effort o mon devoir m'engage <span class="dalign">550</span></p> -<p>Ne peut plus me rduire vous donner demain</p> -<p>Ce qui vous toit sr, je veux dire ma main.</p> -<p>Ne vous la promettez qu'aprs que dans mon me</p> -<p>Votre mrite aura dissip cette flamme,</p> -<p>Et que mon cœur, charm par des attraits plus doux,</p> -<p>Se sera rpondu de n'aimer rien que vous;</p> -<p>Et ne me dites point que pour cet hymne</p> -<p>C'est par mon propre aveu qu'on a pris la journe:</p> -<p>J'en sais la consquence, et diffre regret;</p> -<p>Mais puisque vous m'avez arrach mon secret,<span class="dalign">560</span></p> -<p>Il n'est ni roi, ni pre, il n'est prire, empire,</p> -<p>Qu'au pril de cent morts mon cœur n'ose en ddire.</p> -<p>C'est ce qu'il n'est plus temps de vous dissimuler,</p> -<p>Seigneur; et c'est le prix de m'avoir fait parler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A ces bonts, Madame, ajoutez une grce; <span class="dalign">565</span></p> -<p>Et du moins, attendant que cette ardeur se passe,</p> -<p>Apprenez-moi le nom de cet heureux amant</p> -<p>Qui sur tant de vertu rgne si puissamment,</p> -<p>Par quelles qualits il a pu la surprendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne me pressez point tant, Seigneur, de vous l'apprendre.</p> -<p>Si je vous l'avois dit....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Achevons.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> Ds demain</p> -<p>Rien ne m'empcheroit de lui donner la main.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_487"> 487</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il est donc en ces lieux, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Il y peut tre,</p> -<p>Seigneur, si dguis qu'on ne le peut connotre.</p> -<p>Peut-tre en domestique est-il auprs de moi, <span class="dalign">575</span></p> -<p>Peut-tre s'est-il mis de la maison du Roi;</p> -<p>Peut-tre chez vous-mme il s'est rduit feindre.</p> -<p>Craignez-le dans tous ceux que vous ne daignez craindre,</p> -<p>Dans tous les inconnus que vous aurez voir;</p> -<p>Et plus que tout encor, craignez de trop savoir. <span class="dalign">580</span></p> -<p>J'en dis trop; il est temps que ce discours finisse.</p> -<p>A Palmis que je vois rendez plus de justice;</p> -<p>Et puissent de nouveau ses attraits vous charmer,</p> -<p>Jusqu' ce que le temps m'apprenne vous aimer!</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">PACORUS, PALMIS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, au nom des Dieux, ne venez pas vous plaindre:</p> -<p>On me donne sans vous assez de gens craindre;</p> -<p>Et je serois bientt accabl de leurs coups,</p> -<p>N'toit que pour asile on me renvoie vous.</p> -<p>J'obis, j'y reviens, Madame; et cette joie....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que n'y revenez-vous sans qu'on vous y renvoie! <span class="dalign">590</span></p> -<p>Votre amour ne fait rien ni pour moi ni pour lui,</p> -<p>Si vous n'y revenez que par l'ordre d'autrui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'est-ce rien que pour vous cet ordre il dfre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, ce n'est qu'un dpit qu'il cherche satisfaire.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Depuis quand le retour d'un cœur comme le mien <span class="dalign">595</span></p> -<p>Fait-il si peu d'honneur qu'on ne le compte rien?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Depuis qu'il est honteux d'aimer un infidle,</p> -<p>Que ce qu'un mpris chasse un coup d'œil le rappelle,</p> -<p>Et que les inconstants ne donnent point de cœurs</p> -<p>Sans tre encor tous prts<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor"> [455]</a> de les porter ailleurs.<span class="dalign">600</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le suis, je l'avoue, et mrite la honte</p> -<p>Que d'un retour suspect vous fassiez peu de conte<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor"> [456]</a>.</p> -<p>Montrez-vous gnreuse; et si mon changement</p> -<p>A chang votre amour en vif ressentiment,</p> -<p>Immolez un courroux si grand, si lgitime, <span class="dalign">605</span></p> -<p>A la juste piti d'un si malheureux crime.</p> -<p>J'en suis assez puni sans que l'indignit....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, le crime est grand; mais j'ai de la bont.</p> -<p>Je sais ce qu' l'tat ceux de votre naissance,</p> -<p>Tous matres qu'ils en sont, doivent d'obissance:<span class="dalign">610</span></p> -<p>Son intrt chez eux l'emporte sur le leur,</p> -<p>Et du moment qu'il parle, il fait taire le cœur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Madame, souffrez que je vous dsabuse:</p> -<p>Je ne mrite point l'honneur de cette excuse:</p> -<p>Ma lgret seule a fait ce nouveau choix; <span class="dalign">615</span></p> -<p>Nulles raisons d'tat ne m'en ont fait de lois;</p> -<p>Et pour traiter la paix avec tant d'avantage,</p> -<p>On ne m'a point forc de m'en faire le gage:</p> -<p>J'ai pris plaisir l'tre, et plus mon crime est noir,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_489"> 489</a></span></div> -<p>Plus l'oubli que j'en veux me fera vous devoir. <span class="dalign">620</span></p> -<p>Tout mon cœur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Entre amants qu'un changement spare,</p> -<p>Le crime est oubli, sitt qu'on le rpare;</p> -<p>Et bien qu'il vous ait plu, Seigneur, de me trahir,</p> -<p>Je le dis malgr moi, je ne vous puis har.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Faites-moi grce entire, et songez me rendre <span class="dalign">625</span></p> -<p>Ce qu'un amour si pur, ce qu'une ardeur si tendre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Donnez-moi donc, Seigneur, vous-mme, quelque jour,</p> -<p>Quelque infaillible voie fixer votre amour;</p> -<p>Et s'il est un moyen....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> S'il en est? Oui, Madame,</p> -<p>Il en est de fixer tous les vœux de mon me; <span class="dalign">630</span></p> -<p>Et ce joug qu' tous deux l'amour rendit si doux,</p> -<p>Si je ne m'y rattache, il ne tiendra qu' vous.</p> -<p>Il est, pour m'arrter sous un si digne empire,</p> -<p>Un office me rendre, un secret me dire.</p> -<p>La princesse aime ailleurs, je n'en puis plus douter, <span class="dalign">635</span></p> -<p>Et doute quel rival s'en fait mieux couter.</p> -<p>Vous tes avec elle en trop d'intelligence</p> -<p>Pour n'en avoir pas eu toute la confidence:</p> -<p>Tirez-moi de ce doute, et recevez ma foi</p> -<p>Qu'autre que vous jamais ne rgnera sur moi. <span class="dalign">640</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quel gage en est-ce, hlas! qu'une foi si peu sre?</p> -<p>Le ciel la rendra-t-il moins sujette au parjure?</p> -<p>Et ces liens si doux, que vous avez briss,</p> -<p>A briser de nouveau seront-ils moins aiss?</p> -<p>Si vous voulez, Seigneur, rappeler mes tendresses,<span class="dalign">645</span></p> -<p>Il me faut des effets, et non pas des promesses;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_490"> 490</a></span></div> -<p>Et cette foi n'a rien qui me puisse branler,</p> -<p>Quand la main seule a droit de me faire parler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La main seule en a droit! Quand cent troubles m'agitent,</p> -<p>Que la haine, l'amour, l'honneur me sollicitent,<span class="dalign">650</span></p> -<p>Qu' l'ardeur de punir je m'abandonne en vain,</p> -<p>Hlas! suis-je en tat de vous donner la main?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et moi, sans cette main, Seigneur, suis-je matresse</p> -<p>De ce que m'a daign confier la princesse,</p> -<p>Du secret de son cœur? Pour le tirer de moi,<span class="dalign">655</span></p> -<p>Il me faut vous devoir plus que je ne lui doi,</p> -<p>tre une autre vous-mme<a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor"> [457]</a>; et le seul hymne</p> -<p>Peut rompre le silence o je suis enchane.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! vous ne m'aimez plus.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Je voudrois le pouvoir;</p> -<p>Mais pour ne plus aimer que sert de le vouloir? <span class="dalign">660</span></p> -<p>J'ai pour vous trop d'amour, et je le sens renatre</p> -<p>Et plus tendre et plus fort qu'il n'a d jamais tre.</p> -<p>Mais si....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Ne m'aimez plus, ou nommez ce rival.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Me prserve le ciel de vous aimer si mal!</p> -<p>Ce seroit vous livrer des guerres nouvelles, <span class="dalign">665</span></p> -<p>Allumer entre vous des haines immortelles....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que m'importe? et qu'aurai-je redouter de lui,</p> -<p>Tant que je me verrai Surna pour appui?</p> -<p>Quel qu'il soit, ce rival, il sera seul plaindre:</p> -<p>Le vainqueur des Romains n'a point de rois craindre.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_491"> 491</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le sais; mais, Seigneur, qui vous peut engager</p> -<p>Aux soins de le punir et de vous en venger?</p> -<p>Quand son grand cœur charm d'une belle princesse</p> -<p>En a su mriter l'estime et la tendresse,</p> -<p>Quel dieu, quel bon gnie a d lui rvler <span class="dalign">675</span></p> -<p>Que le vtre pour elle aimeroit brler?</p> -<p>A quels traits ce rival a-t-il d le connotre,</p> -<p>Respecter de si loin des feux encore natre,</p> -<p>Voir pour vous d'autres fers que ceux o vous viviez,</p> -<p>Et lire en vos destins plus que vous n'en saviez? <span class="dalign">680</span></p> -<p>S'il a vu la conqute ses vœux expose,</p> -<p>S'il a trouv du cœur la sympathie aise,</p> -<p>S'tre empar d'un bien<a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor"> [458]</a> o vous n'aspiriez pas,</p> -<p>Est-ce avoir fait des vols et des assassinats?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le vois bien, Madame, et vous et ce cher frre <span class="dalign">685</span></p> -<p>Abondez en raisons pour cacher le mystre:</p> -<p>Je parle, promets, prie, et je n'avance rien.</p> -<p>Aussi votre intrt est prfrable au mien;</p> -<p>Rien n'est plus juste; mais....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Seigneur....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i18"> Adieu, Madame:</p> -<p>Je vous fais trop jouir des troubles de mon me.<span class="dalign">690</span></p> -<p>Le ciel se lassera de m'tre rigoureux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, quand vous voudrez, il fera quatre heureux<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor"> [459]</a>.</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i7">FIN DU SECOND ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_492"> 492</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE III.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">ORODE, SILLACE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je l'ai vu par votre ordre, et voulu par avance</p> -<p>Pntrer le secret de son indiffrence.</p> -<p>Il m'a paru, Seigneur, si froid, si retenu.... <span class="dalign">695</span></p> -<p>Mais vous en jugerez quand il sera venu.</p> -<p>Cependant je dirai que cette retenue</p> -<p>Sent une me de trouble et d'ennuis prvenue;</p> -<p>Que ce calme parot assez prmdit</p> -<p>Pour ne rpondre pas de sa tranquillit; <span class="dalign">700</span></p> -<p>Que cette indiffrence a de l'inquitude,</p> -<p>Et que cette froideur marque un peu trop d'tude.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'un tel calme, Sillace, a droit d'inquiter</p> -<p>Un roi qui lui doit tant, qu'il ne peut s'acquitter!</p> -<p>Un service au-dessus de toute rcompense <span class="dalign">705</span></p> -<p>A force d'obliger tient presque lieu d'offense<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor"> [460]</a>:</p> -<p>Il reproche en secret tout ce qu'il a d'clat,</p> -<p>Il livre tout un cœur au dpit d'tre ingrat.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_493"> 493</a></span></div> -<p>Le plus zl dplat, le plus utile gne,</p> -<p>Et l'excs de son poids fait pencher vers la haine. <span class="dalign">710</span></p> -<p>Surna de l'exil lui seul m'a rappel;</p> -<p>Il m'a rendu lui seul ce qu'on m'avoit vol,</p> -<p>Mon sceptre<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor"> [461]</a>; de Crassus il vient de me dfaire:</p> -<p>Pour faire autant pour lui, quel don puis-je lui faire?</p> -<p>Lui partager mon trne? Il seroit tout lui, <span class="dalign">715</span></p> -<p>S'il n'avoit mieux aim n'en tre que l'appui.</p> -<p>Quand j'en pleurois la perte, il foroit des murailles;</p> -<p>Quand j'invoquois mes dieux, il gagnoit des batailles.</p> -<p>J'en frmis, j'en rougis, je m'en indigne, et crains</p> -<p>Qu'il n'ose quelque jour s'en payer par ses mains; <span class="dalign">720</span></p> -<p>Et dans tout ce qu'il a de nom et de fortune,</p> -<p>Sa fortune me pse, et son nom m'importune.</p> -<p>Qu'un monarque est heureux quand parmi ses sujets</p> -<p>Ses yeux n'ont point voir de plus nobles objets,</p> -<p>Qu'au-dessus de sa gloire il n'y connot personne,<span class="dalign">725</span></p> -<p>Et qu'il est le plus digne enfin de sa couronne!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, pour vous tirer de ces perplexits,</p> -<p>La saine politique a deux extrmits.</p> -<p>Quoi qu'ait fait Surna, quoi qu'il en faille attendre,</p> -<p>Ou faites-le prir, ou faites-en un gendre. <span class="dalign">730</span></p> -<p>Puissant par sa fortune, et plus par son emploi,</p> -<p>S'il devient par l'hymen l'appui d'un autre roi,</p> -<p>Si dans les diffrends que le ciel vous peut faire,</p> -<p>Une femme l'entrane au parti de son pre,</p> -<p>Que vous servira lors, Seigneur, d'en murmurer? <span class="dalign">735</span></p> -<p>Il faut, il faut le perdre, ou vous en assurer:</p> -<p>Il n'est point de milieu.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Ma pense est la vtre;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_494"> 494</a></span></div> -<p>Mais s'il ne veut pas l'un, pourrai-je vouloir l'autre?</p> -<p>Pour prix de ses hauts faits, et de m'avoir fait roi,</p> -<p>Son trpas.... Ce mot seul me fait plir d'effroi; <span class="dalign">740</span></p> -<p>Ne m'en parlez jamais: que tout l'tat prisse</p> -<p>Avant que jusque-l ma vertu se ternisse,</p> -<p>Avant que je dfre ces raisons d'tat</p> -<p>Qui nommeroient justice un si lche attentat!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais pourquoi lui donner les Romains en partage, <span class="dalign">745</span></p> -<p>Quand sa gloire, Seigneur, vous donnoit tant d'ombrage?</p> -<p>Pourquoi contre Artabase attacher vos emplois,</p> -<p>Et lui laisser matire de plus grands exploits<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor"> [462]</a>?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'vnement, Sillace, a tromp mon attente.</p> -<p>Je voyois des Romains la valeur clatante; <span class="dalign">750</span></p> -<p>Et croyant leur dfaite impossible sans moi,</p> -<p>Pour me la prparer, je fondis sur ce roi:</p> -<p>Je crus qu'il ne pourroit la fois se dfendre</p> -<p>Des fureurs de la guerre et de l'offre d'un gendre;</p> -<p>Et que par tant d'horreurs son peuple pouvant <span class="dalign">755</span></p> -<p>Lui feroit mieux goter la douceur d'un trait;</p> -<p>Tandis que Surna, mis aux Romains en butte,</p> -<p>Les tiendroit en balance, ou craindroit pour sa chute,</p> -<p>Et me rserveroit la gloire d'achever,</p> -<p>Ou de le voir tombant, et de le relever. <span class="dalign">760</span></p> -<p>Je russis l'un, et conclus l'alliance;</p> -<p>Mais Surna vainqueur prvint mon esprance.</p> -<p>A peine d'Artabase eus-je sign la paix,</p> -<p>Que j'appris Crassus mort et les Romains dfaits.</p> -<p>Ainsi d'une si haute et si prompte victoire <span class="dalign">765</span></p> -<p>J'emporte tout le fruit, et lui toute la gloire,</p> -<p>Et beaucoup plus heureux que je n'aurois voulu,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_495"> 495</a></span></div> -<p>Je me fais un malheur d'tre trop absolu.</p> -<p>Je tiens toute l'Asie et l'Europe en alarmes,</p> -<p>Sans que rien s'en impute l'effort de mes armes; <span class="dalign">770</span></p> -<p>Et quand tous mes voisins tremblent pour leurs tats,</p> -<p>Je ne les fais trembler que par un autre bras.</p> -<p>J'en tremble enfin moi-mme, et pour remde unique,</p> -<p>Je n'y vois qu'une basse et dure politique,</p> -<p>Si Mandane, l'objet des vœux de tant de rois, <span class="dalign">775</span></p> -<p>Se doit voir d'un sujet le rebut ou le choix.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le rebut! Vous craignez, Seigneur, qu'il la refuse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et ne se peut-il pas qu'un autre amour l'amuse,</p> -<p>Et que rempli qu'il est d'une juste fiert,</p> -<p>Il n'coute son cœur plus que ma volont? <span class="dalign">780</span></p> -<p>Le voici; laissez-nous.</p> -</div></div> - -<h3 class="subh">SCNE II<a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor"> [463]</a>.</h3> -<p class="subt">ORODE, SURNA.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> Surna, vos services</p> -<p>(Qui l'auroit os croire?) ont pour moi des supplices:</p> -<p>J'en ai honte, et ne puis assez me consoler</p> -<p>De ne voir aucun don qui les puisse galer.</p> -<p>Supplez au dfaut d'une reconnoissance <span class="dalign">785</span></p> -<p>Dont vos propres exploits m'ont mis en impuissance;</p> -<p>Et s'il en est un prix dont vous fassiez tat,</p> -<p>Donnez-moi les moyens d'tre un peu moins ingrat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quand je vous ai servi, j'ai reu mon salaire,</p> -<p>Seigneur, et n'ai rien fait qu'un sujet n'ait d faire;<span class="dalign">790</span></p> -<span class="pagenum"><a id="Page_496"> 496</a></span> -<p>La gloire m'en demeure, et c'est l'unique prix</p> -<p>Que s'en est propos le soin que j'en ai pris.</p> -<p>Si pourtant il vous plat, Seigneur, que j'en demande</p> -<p>De plus dignes d'un roi dont l'me est toute grande,</p> -<p>La plus haute vertu peut faire de faux pas; <span class="dalign">795</span></p> -<p>Si la mienne en fait un, daignez ne le voir pas:</p> -<p>Gardez-moi des bonts toujours prtes d'teindre</p> -<p>Le plus juste courroux que j'aurois lieu d'en craindre;</p> -<p>Et si....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Ma gratitude oseroit se borner</p> -<p>Au pardon d'un malheur qu'on ne peut deviner, <span class="dalign">800</span></p> -<p>Qui n'arrivera point? et j'attendrois un crime</p> -<p>Pour vous montrer le fond de toute mon estime?</p> -<p>Le ciel m'est plus propice, et m'en ouvre un moyen</p> -<p>Par l'heureuse union de votre sang au mien:</p> -<p>D'avoir tant fait pour moi ce sera le salaire. <span class="dalign">805</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'en ai flatt longtemps un espoir tmraire;</p> -<p>Mais puisqu'enfin le prince....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Il aima votre sœur,</p> -<p>Et le bien de l'tat lui drobe son cœur:</p> -<p>La paix de l'Armnie ce prix est jure.</p> -<p>Mais l'injure aisment peut tre rpare; <span class="dalign">810</span></p> -<p>J'y sais des rois tous prts<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor"> [464]</a>; et pour vous, ds demain,</p> -<p>Mandane, que j'attends, vous donnera la main.</p> -<p>C'est tout ce qu'en la mienne ont mis des destines</p> -<p>Qu' force de hauts faits la vtre a couronnes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A cet excs d'honneur rien ne peut s'galer; <span class="dalign">815</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_497"> 497</a></span></div> -<p>Mais si vous me laissiez libert d'en parler,</p> -<p>Je vous dirois, Seigneur, que l'amour paternelle</p> -<p>Doit cette princesse un trne digne d'elle;</p> -<p>Que l'ingalit de mon destin au sien</p> -<p>Ravaleroit son sang sans lever le mien; <span class="dalign">820</span></p> -<p>Qu'une telle union, quelque haut qu'on la mette,</p> -<p>Me laisse encor sujet, et la rendroit sujette;</p> -<p>Et que de son hymen, malgr tous mes hauts faits,</p> -<p>Au lieu de rois natre, il natroit des sujets.</p> -<p>De quel œil voulez-vous, Seigneur, qu'elle me donne<span class="dalign">825</span></p> -<p>Une main refuse plus d'une couronne,</p> -<p>Et qu'un si digne objet des vœux de tant de rois</p> -<p>Descende par votre ordre cet indigne choix?</p> -<p>Que de mpris pour moi! que de honte pour elle!</p> -<p>Non, Seigneur, croyez-en un serviteur fidle: <span class="dalign">830</span></p> -<p>Si votre sang du mien veut augmenter l'honneur,</p> -<p>Il y faut l'union du prince avec ma sœur.</p> -<p>Ne le mlez, Seigneur, au sang de vos anctres</p> -<p>Qu'afin que vos sujets en reoivent des matres:</p> -<p>Vos Parthes dans la gloire ont trop longtemps vcu, <span class="dalign">835</span></p> -<p>Pour attendre des rois du sang de leur vaincu.</p> -<p>Si vous ne le savez, tout le camp en murmure;</p> -<p>Ce n'est qu'avec dpit que le peuple l'endure.</p> -<p>Quelles lois et pu faire Artabase vainqueur</p> -<p>Plus rudes, disent-ils, mme des gens sans cœur?<span class="dalign">840</span></p> -<p>Je les fais taire; mais, Seigneur, le bien prendre,</p> -<p>C'toit moins l'attaquer que lui mener un gendre;</p> -<p>Et si vous en aviez consult leurs souhaits,</p> -<p>Vous auriez prfr la guerre cette paix.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce dans le dessein de vous mettre leur tte <span class="dalign">845</span></p> -<p>Que vous me demandez ma grce toute prte?</p> -<p>Et de leurs vains souhaits vous font-ils le porteur</p> -<p>Pour faire Palmis reine avec plus de hauteur?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_498"> 498</a></span></div> -<p>Il n'est rien d'impossible la valeur d'un homme</p> -<p>Qui rtablit son matre et triomphe de Rome; <span class="dalign">850</span></p> -<p>Mais sous le ciel tout change, et les plus valeureux</p> -<p>N'ont jamais sret d'tre toujours heureux.</p> -<p>J'ai donn ma parole: elle est inviolable.</p> -<p>Le prince aime Eurydice autant qu'elle est aimable;</p> -<p>Et s'il faut dire tout, je lui dois cet appui <span class="dalign">855</span></p> -<p>Contre ce que Phradate<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor"> [465]</a> osera contre lui;</p> -<p>Car tout ce qu'attenta contre moi Mithradate<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor"> [466]</a>,</p> -<p>Pacorus le doit craindre son tour de Phradate:</p> -<p>Cet esprit turbulent, et jaloux du pouvoir,</p> -<p>Quoique son frre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Il sait que je sais mon devoir, <span class="dalign">860</span></p> -<p>Et n'a pas oubli que dompter des rebelles,</p> -<p>Dtrner un tyran....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Ces actions sont belles;</p> -<p>Mais pour m'avoir remis en tat de rgner,</p> -<p>Rendent-elles pour vous ma fille ddaigner?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_499"> 499</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La ddaigner, Seigneur, quand mon zle fidle<span class="dalign">865</span></p> -<p>N'ose me regarder que comme indigne d'elle!</p> -<p>Osez me dispenser de ce que je vous doi,</p> -<p>Et pour la mriter, je cours me faire roi.</p> -<p>S'il n'est rien d'impossible la valeur d'un homme</p> -<p>Qui rtablit son matre et triomphe de Rome,<span class="dalign">870</span></p> -<p>Sur quels rois aisment ne pourrai-je emporter,</p> -<p>En faveur de Mandane, un sceptre la doter?</p> -<p>Prescrivez-moi, Seigneur, vous-mme une conqute</p> -<p>Dont en prenant sa main je couronne sa tte;</p> -<p>Et vous direz aprs si c'est la ddaigner <span class="dalign">875</span></p> -<p>Que de vouloir me perdre ou la faire rgner<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor"> [467]</a>.</p> -<p>Mais je suis n sujet, et j'aime trop l'tre</p> -<p>Pour hasarder mes jours que pour servir mon matre,</p> -<p>Et consentir jamais qu'un homme tel que moi</p> -<p>Souille par son hymen le pur sang de son roi. <span class="dalign">880</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'examine point si ce respect dguise;</p> -<p>Mais parlons une fois avec pleine franchise.</p> -<p class="i1"> Vous tes mon sujet, mais un sujet si grand,</p> -<p>Que rien n'est malais quand son bras l'entreprend.</p> -<p>Vous possdez sous moi deux provinces entires <span class="dalign">885</span></p> -<p>De peuples si hardis, de nations si fires,</p> -<p>Que sur tant de vassaux je n'ai d'autorit</p> -<p>Qu'autant que votre zle a de fidlit:</p> -<p>Ils vous ont jusqu'ici suivi comme fidle,</p> -<p>Et quand vous le voudrez, ils vous suivront rebelle;<span class="dalign">890</span></p> -<p>Vous avez tant de nom, que tous les rois voisins</p> -<p>Vous veulent, comme Orode, unir leurs destins.</p> -<p>La victoire, chez vous passe en habitude,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_500"> 500</a></span></div> -<p>Met jusque dans ses murs Rome en inquitude:</p> -<p>Par gloire, ou pour braver au besoin mon courroux, <span class="dalign">895</span></p> -<p>Vous tranez en tous lieux dix mille mes vous<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor"> [468]</a>:</p> -<p>Le nombre est peu commun pour un train domestique;</p> -<p>Et s'il faut qu'avec vous tout fait je m'explique,</p> -<p>Je ne vous saurois croire assez en mon pouvoir,</p> -<p>Si les nœuds de l'hymen n'enchanent le devoir.<span class="dalign">900</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Par quel crime, Seigneur, ou par quelle imprudence</p> -<p>Ai-je pu mriter si peu de confiance?</p> -<p>Si mon cœur, si mon bras pouvoit tre gagn,</p> -<p>Mithradate et Crassus n'auroient rien pargn:</p> -<p>Tous les deux....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Laissons l Crassus et Mithradate. <span class="dalign">905</span></p> -<p>Surna, j'aime voir que votre gloire clate:</p> -<p>Tout ce que je vous dois, j'aime le publier;</p> -<p>Mais quand je m'en souviens, vous devez l'oublier.</p> -<p>Si le ciel par vos mains m'a rendu cet empire,</p> -<p>Je sais vous pargner la peine de le dire; <span class="dalign">910</span></p> -<p>Et s'il met votre zle au-dessus du commun,</p> -<p>Je n'en suis point ingrat: craignez d'tre importun.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je reviens Palmis, Seigneur. De mes hommages</p> -<p>Si les lois du devoir sont de trop foibles gages,</p> -<p>En est-il de plus srs, ou de plus fortes lois,<span class="dalign">915</span></p> -<p>Qu'avoir une sœur reine et des neveux pour rois?</p> -<p>Mettez mon sang au trne, et n'en cherchez point d'autres,</p> -<p>Pour unir tel point mes intrts aux vtres,</p> -<p>Que tout cet univers, que tout notre avenir</p> -<p>Ne trouve aucune voie les en dsunir. <span class="dalign">920</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_501"> 501</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais, Surna, le puis-je aprs la foi donne,</p> -<p>Au milieu des apprts d'un si grand hymne?</p> -<p>Et rendrai-je aux Romains qui voudront me braver</p> -<p>Un ami que la paix vient de leur enlever?</p> -<p>Si le prince renonce au bonheur qu'il espre, <span class="dalign">925</span></p> -<p>Que dira la princesse, et que fera son pre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour son pre, Seigneur, laissez-m'en le souci.</p> -<p>J'en rponds, et pourrois rpondre d'elle aussi.</p> -<p>Malgr la triste paix que vous avez jure,</p> -<p>Avec le prince mme elle s'est dclare;<span class="dalign">930</span></p> -<p>Et si je puis vous dire avec quels sentiments</p> -<p>Elle attend demain l'effet de vos serments,</p> -<p>Elle aime ailleurs.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> Et qui?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> C'est ce qu'elle aime taire:</p> -<p>Du reste son amour n'en fait aucun mystre,</p> -<p>Et cherche reculer les effets d'un trait <span class="dalign">935</span></p> -<p>Qui fait tant murmurer votre peuple irrit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce au peuple, est-ce vous, Surna, de me dire</p> -<p>Pour lui donner des rois quel sang je dois lire?</p> -<p>Et pour voir dans l'tat tous mes ordres suivis,</p> -<p>Est-ce de mes sujets que je dois prendre avis? <span class="dalign">940</span></p> -<p>Si le prince Palmis veut rendre sa tendresse,</p> -<p>Je consens qu'il ddaigne son tour la princesse;</p> -<p>Et nous verrons aprs quel remde apporter</p> -<p>A la division qui peut en rsulter.</p> -<p>Pour vous, qui vous sentez indigne de ma fille,<span class="dalign">945</span></p> -<p>Et craignez par respect d'entrer en ma famille,</p> -<p>Choisissez un parti qui soit digne de vous,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_502"> 502</a></span></div> -<p>Et qui surtout n'ait rien me rendre jaloux:</p> -<p>Mon me avec chagrin sur ce point balance</p> -<p>En veut, et ds demain, tre dbarrasse. <span class="dalign">950</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Seigneur, je n'aime rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Que vous aimiez ou non,</p> -<p>Faites un choix vous-mme, ou souffrez-en le don.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais si j'aime en tel lieu qu'il m'en faille avoir honte,</p> -<p>Du secret de mon cœur puis-je vous rendre conte?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A demain, Surna. S'il se peut, ds ce jour, <span class="dalign">955</span></p> -<p>Rsolvons cet hymen avec ou sans amour.</p> -<p>Cependant allez voir la princesse Eurydice;</p> -<p>Sous les lois du devoir ramenez son caprice;</p> -<p>Et ne m'obligez point faire ses appas</p> -<p>Un compliment de roi qui ne lui plairoit pas. <span class="dalign">960</span></p> -<p>Palmis vient par mon ordre, et je veux en apprendre</p> -<p>Dans vos prtentions la part qu'elle aime prendre.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">ORODE, PALMIS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Surna m'a surpris, et je n'aurois pas dit</p> -<p>Qu'avec tant de valeur il et eu tant d'esprit<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor"> [469]</a>;</p> -<p>Mais moins on le prvoit, et plus cet esprit brille: <span class="dalign">965</span></p> -<p>Il trouve des raisons refuser ma fille,</p> -<p>Mais fortes, et qui mme ont si bien succd,</p> -<p>Que s'en disant indigne il m'a persuad.</p> -<p class="i1"> Savez-vous ce qu'il aime? Il est hors d'apparence</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_503"> 503</a></span></div> -<p>Qu'il fasse un tel refus sans quelque prfrence,<span class="dalign">970</span></p> -<p>Sans quelque objet charmant, dont l'adorable choix</p> -<p>Ferme tout son grand cœur au pur sang de ses rois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ai cru qu'il n'aimoit rien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> Il me l'a dit lui-mme.</p> -<p>Mais la princesse avoue, et hautement, qu'elle aime:</p> -<p>Vous tes son amie, et savez quel amant <span class="dalign">975</span></p> -<p>Dans un cœur qu'elle doit rgne si puissamment.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si la princesse en moi prend quelque confiance,</p> -<p>Seigneur, m'est-il permis d'en faire confidence?</p> -<p>Reoit-on des secrets sans une forte loi...?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je croyois qu'elle pt se rompre pour un roi, <span class="dalign">980</span></p> -<p>Et veux bien toutefois qu'elle soit si svre</p> -<p>Qu'en mon propre intrt elle oblige se taire;</p> -<p>Mais vous pouvez du moins me rpondre de vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! pour mes sentiments, je vous les dirai tous.</p> -<p>J'aime ce que j'aimois, et n'ai point chang d'me:<span class="dalign">985</span></p> -<p>Je n'en fais point secret.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> L'aimer encor, Madame?</p> -<p>Ayez-en quelque honte, et parlez-en plus bas.</p> -<p>C'est foiblesse d'aimer qui ne vous aime pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Seigneur: son prince attacher sa tendresse,</p> -<p>C'est une grandeur d'me et non une foiblesse;<span class="dalign">990</span></p> -<p>Et lui garder un cœur qu'il lui plut mriter</p> -<p>N'a rien d'assez honteux pour ne s'en point vanter.</p> -<p>J'en ferai toujours gloire; et mon me, charme</p> -<p>De l'heureux souvenir de m'tre vue aime,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_504"> 504</a></span></div> -<p>N'touffera jamais l'clat de ces beaux feux <span class="dalign">995</span></p> -<p>Qu'alluma son mrite, et l'offre de ses vœux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Faites mieux, vengez-vous. Il est des rois, Madame,</p> -<p>Plus dignes qu'un ingrat d'une si belle flamme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De ce que j'aime encor ce seroit m'loigner,</p> -<p>Et me faire un exil sous ombre de rgner. <span class="dalign">1000</span></p> -<p>Je veux toujours le voir, cet ingrat qui me tue,</p> -<p>Non pour le triste bien de jouir de sa vue:</p> -<p>Cette fausse douceur est au-dessous de moi,</p> -<p>Et ne vaudra jamais que je nglige un roi;</p> -<p>Mais il est des plaisirs qu'une amante trahie <span class="dalign">1005</span></p> -<p>Gote au milieu des maux qui lui cotent la vie:</p> -<p>Je verrai l'infidle inquiet, alarm</p> -<p>D'un rival inconnu, mais ardemment aim,</p> -<p>Rencontrer mes yeux sa peine dans son crime,</p> -<p>Par les mains de l'hymen devenir ma victime,<span class="dalign">1010</span></p> -<p>Et ne me regarder, dans ce chagrin profond,</p> -<p>Que le remords en l'me, et la rougeur au front.</p> -<p>De mes bonts pour lui l'impitoyable image,</p> -<p>Qu'imprimera l'amour sur mon ple visage,</p> -<p>Insultera son cœur; et dans nos entretiens <span class="dalign">1015</span></p> -<p>Mes pleurs et mes soupirs rappelleront les siens,</p> -<p>Mais qui ne serviront qu' lui faire connotre</p> -<p>Qu'il pouvoit tre heureux et ne sauroit plus l'tre;</p> -<p>Qu' lui faire trop tard har son peu de foi,</p> -<p>Et pour tout dire ensemble, avoir regret moi. <span class="dalign">1020</span></p> -<p class="i1"> Voil tout le bonheur o mon amour aspire;</p> -<p>Voil contre un ingrat tout ce que je conspire;</p> -<p>Voil tous les plaisirs que j'espre le voir,</p> -<p>Et tous les sentiments que vous vouliez savoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est bien traiter les rois en personnes communes <span class="dalign">1025</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_505"> 505</a></span></div> -<p>Qu'attacher leur rang ces gnes importunes,</p> -<p>Comme si pour vous plaire et les inquiter</p> -<p>Dans le trne avec eux l'amour pouvoit monter.</p> -<p>Il nous faut un hymen, pour nous donner des princes</p> -<p>Qui soient l'appui du sceptre et l'espoir des provinces:<span class="dalign">1030</span></p> -<p>C'est l qu'est notre force; et dans nos grands destins,</p> -<p>Le manque de vengeurs enhardit les mutins.</p> -<p>Du reste en ces grands nœuds l'tat qui s'intresse</p> -<p>Ferme l'œil aux attraits et l'me la tendresse:</p> -<p>La seule politique est ce qui nous meut; <span class="dalign">1035</span></p> -<p>On la suit, et l'amour s'y mle comme il peut:</p> -<p>S'il vient, on l'applaudit; s'il manque, on s'en console.</p> -<p>C'est dont vous pouvez croire un roi sur sa parole.</p> -<p>Nous ne sommes point faits pour devenir jaloux,</p> -<p>Ni pour tre en souci si le cœur est nous.<span class="dalign">1040</span></p> -<p>Ne vous repaissez plus<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor"> [470]</a> de ces vaines chimres,</p> -<p>Qui ne font les plaisirs que des mes vulgaires,</p> -<p>Madame; et que le prince aye ou non souffrir,</p> -<p>Acceptez un des rois que je puis vous offrir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pardonnez-moi, Seigneur, si mon me alarme <span class="dalign">1045</span></p> -<p>Ne veut point de ces rois dont on n'est point aime.</p> -<p>J'ai cru l'tre du prince, et l'ai trouv si doux,</p> -<p>Que le souvenir seul m'en plat plus qu'un poux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>N'en parlons plus, Madame; et dites ce frre</p> -<p>Qui vous est aussi cher que vous me seriez chre,<span class="dalign">1050</span></p> -<p>Que parmi ses respects il n'a que trop marqu....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi, Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Avec lui je crois m'tre expliqu.</p> -<p>Qu'il y pense, Madame. Adieu.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_506"> 506</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS</span><a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor"> [471]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Quel triste augure!</p> -<p>Et que ne me dit point<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor"> [472]</a> cette menace obscure!</p> -<p>Sauvez ces deux amants, ciel! et dtournez <span class="dalign">1055</span></p> -<p>Les soupons que leurs feux peuvent avoir donns.</p> -</div></div> - - -<p class="end"><span class="i7">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_507"> 507</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE IV.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">ORMNE, EURYDICE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, votre intelligence demi dcouverte</p> -<p>Met votre Surna sur le bord de sa perte.</p> -<p>Je l'ai su de Sillace; et j'ai lieu de douter</p> -<p>Qu'il n'ait, s'il faut tout dire, ordre de l'arrter.<span class="dalign">1060</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On n'oseroit, Ormne; on n'oseroit.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Madame,</p> -<p>Croyez-en un peu moins votre fermet d'me.</p> -<p>Un hros arrt n'a que deux bras lui,</p> -<p>Et souvent trop de gloire est un dbile appui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je sais que le mrite est sujet l'envie, <span class="dalign">1065</span></p> -<p>Que son chagrin s'attache la plus belle vie.</p> -<p>Mais sur quelle apparence oses-tu prsumer</p> -<p>Qu'on pourroit...?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i8"> Il vous aime, et s'en est fait aimer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui l'a dit?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"> Vous et lui: c'est son crime et le vtre.</p> -<p>Il refuse Mandane, et n'en veut aucune autre;<span class="dalign">1070</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_508"> 508</a></span></div> -<p>On sait que vous aimez; on ignore l'amant:</p> -<p>Madame, tout cela parle trop clairement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -Ce sont de vains soupons qu'avec moi tu hasardes. -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, PALMIS, ORMNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, chaque porte on a pos des gardes:</p> -<p>Rien n'entre, rien ne sort qu'avec ordre du Roi.<span class="dalign">1075</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'importe? et quel sujet en prenez-vous d'effroi?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ou quelque grand orage nous troubler s'apprte,</p> -<p>Ou l'on en veut, Madame, quelque grande tte:</p> -<p>Je tremble pour mon frre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i13"> A quel propos trembler?</p> -<p>Un roi qui lui doit tout voudroit-il l'accabler?<span class="dalign">1080</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous le figurez-vous tel point insensible,</p> -<p>Que de son alliance un refus si visible...?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Un si rare service a su le prvenir</p> -<p>Qu'il doit rcompenser avant que de punir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il le doit; mais aprs une pareille offense,<span class="dalign">1085</span></p> -<p>Il est rare qu'on songe la reconnoissance,</p> -<p>Et par un tel mpris le service effac</p> -<p>Ne tient plus d'yeux ouverts sur ce qui s'est pass.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pour la sœur d'un hros, c'est tre bien timide.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_509"> 509</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amante a-t-elle droit d'tre plus intrpide? <span class="dalign">1090</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>L'amante d'un hros aime lui ressembler,</p> -<p>Et voit ainsi que lui ses prils sans trembler.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous vous flattez, Madame: elle a de la tendresse</p> -<p>Que leur ide tonne, et leur image blesse;</p> -<p>Et ce que dans sa perte elle prend d'intrt <span class="dalign">1095</span></p> -<p>Ne sauroit sans dsordre en attendre l'arrt.</p> -<p>Cette mle vigueur de constance hroque</p> -<p>N'est point une vertu dont le sexe se pique,</p> -<p>Ou s'il peut jusque-l porter sa fermet,</p> -<p>Ce qu'il appelle amour n'est qu'une duret. <span class="dalign">1100</span></p> -<p>Si vous aimiez mon frre, on verroit quelque alarme:</p> -<p>Il vous chapperoit un soupir, une larme,</p> -<p>Qui marqueroit du moins un sentiment jaloux</p> -<p>Qu'une sœur se montrt plus sensible que vous.</p> -<p>Dieux! je donne l'exemple, et l'on s'en peut dfendre!</p> -<p>Je le donne des yeux qui ne daignent le prendre!</p> -<p>Auroit-on jamais cru qu'on pt voir quelque jour</p> -<p>Les nœuds du sang plus forts que les nœuds de l'amour?</p> -<p>Mais j'ai tort, et la perte est pour vous moins amre:</p> -<p>On recouvre un amant plus aisment qu'un frre<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor"> [473]</a>; <span class="dalign">1110</span></p> -<p>Et si je perds celui que le ciel me donna,</p> -<p>Quand j'en recouvrerois, seroit-ce un Surna?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et si j'avois perdu cet amant qu'on menace,</p> -<p>Seroit-ce un Surna qui rempliroit sa place?</p> -<p>Pensez-vous qu'expose de si rudes coups, <span class="dalign">1115</span></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_510"> 510</a></span></div> -<p>J'en soupire au dedans, et tremble moins que vous?</p> -<p>Mon intrpidit n'est qu'un effort de gloire,</p> -<p>Que, tout fier qu'il parot, mon cœur n'en veut pas croire.</p> -<p>Il est tendre, et ne rend ce tribut qu' regret</p> -<p>Au juste et dur orgueil qu'il dment en secret. <span class="dalign">1120</span></p> -<p>Oui, s'il en faut parler avec une me ouverte,</p> -<p>Je pense voir dj l'appareil de sa perte,</p> -<p>De ce hros si cher; et ce mortel ennui</p> -<p>N'ose plus aspirer qu' mourir avec lui.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Avec moins de chaleur, vous pourriez bien plus faire.</p> -<p>Acceptez mon amant pour conserver mon frre,</p> -<p>Madame; et puisqu'enfin il vous faut l'pouser,</p> -<p>Tchez, par politique, vous y disposer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mon amour est trop fort pour cette politique:</p> -<p>Tout entier on l'a vu, tout entier il s'explique;<span class="dalign">1130</span></p> -<p>Et le prince sait trop ce que j'ai dans le cœur,</p> -<p>Pour recevoir ma main comme un parfait bonheur.</p> -<p>J'aime ailleurs, et l'ai dit trop haut pour m'en ddire,</p> -<p>Avant qu'en sa faveur tout cet amour expire.</p> -<p>C'est avoir trop parl; mais dt se perdre tout,<span class="dalign">1135</span></p> -<p>Je me tiendrai parole, et j'irai jusqu'au bout.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ainsi donc vous voulez que ce hros prisse?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Pourroit-on en venir jusqu' cette injustice?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, il rpondra de toutes vos rigueurs,</p> -<p>Et du trop d'union<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor"> [474]</a> o s'obstinent vos cœurs. <span class="dalign">1140</span></p> -<p>Rendez heureux le prince, il n'est plus sa victime;</p> -<p>Qu'il se donne Mandane, il n'aura plus de crime.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_511"> 511</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'il s'y donne, Madame, et ne m'en dise rien,</p> -<p>Ou si son cœur encor peut dpendre du mien,</p> -<p>Qu'il attende l'aimer que ma haine cesse <span class="dalign">1145</span></p> -<p>Vers l'amour de son frre ait tourn ma pense.</p> -<p>Rsolvez-le vous-mme me dsobir;</p> -<p>Forcez-moi, s'il se peut, moi-mme le har:</p> -<p>A force de raisons faites-m'en un rebelle;</p> -<p>Accablez-le de pleurs pour le rendre infidle; <span class="dalign">1150</span></p> -<p>Par piti, par tendresse, appliquez tous vos soins</p> -<p>A me mettre en tat de l'aimer un peu moins:</p> -<p>J'achverai le reste. A quelque point qu'on aime,</p> -<p>Quand le feu diminue, il s'teint de lui-mme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le prince vient, Madame, et n'a pas grand besoin,<span class="dalign">1155</span></p> -<p>Dans son amour pour vous, d'un odieux tmoin:</p> -<p>Vous pourrez mieux sans moi flatter son esprance,</p> -<p>Mieux en notre faveur tourner sa dfrence;</p> -<p>Et ce que je prvois me fait assez souffrir,</p> -<p>Sans y joindre les vœux qu'il cherche vous offrir.<span class="dalign">1160</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> - -<p class="subt">PACORUS, EURYDICE, ORMNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce pour moi, Seigneur, qu'on fait garde vos portes?</p> -<p>Pour assurer ma fuite, ai-je ici des escortes?</p> -<p>Ou si ce grand hymen, pour ses derniers apprts....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, ainsi que vous chacun a ses secrets.</p> -<p>Ceux que vous honorez de votre confidence <span class="dalign">1165</span></p> -<p>Observent par votre ordre un gnreux silence.</p> -<p>Le Roi suit votre exemple; et si c'est vous gner,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_512"> 512</a></span></div> -<p>Comme nous devinons, vous pouvez deviner.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui devine est souvent sujet se mprendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Si je devine mal, je sais qui m'en prendre; <span class="dalign">1170</span></p> -<p>Et comme votre amour n'est que trop vident,</p> -<p>Si je n'en sais l'objet, j'en sais le confident.</p> -<p>Il est le plus coupable: un amant peut se taire;</p> -<p>Mais d'un sujet au Roi, c'est crime qu'un mystre.</p> -<p>Qui connot un obstacle au bonheur de l'tat, <span class="dalign">1175</span></p> -<p>Tant qu'il le tient cach commet un attentat.</p> -<p>Ainsi ce confident.... Vous m'entendez, Madame,</p> -<p>Et je vois dans les yeux ce qui se passe en l'me.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il a ma confidence, il a mon amiti;</p> -<p>Et je lui dois, Seigneur, du moins quelque piti.<span class="dalign">1180</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce sentiment est juste, et mme je veux croire</p> -<p>Qu'un cœur comme le vtre a droit d'en faire gloire;</p> -<p>Mais ce trouble, Madame, et cette motion,</p> -<p>N'ont-ils rien de plus fort que la compassion?</p> -<p>Et quand de ses prils l'ombre vous intresse, <span class="dalign">1185</span></p> -<p>Qu'une piti si prompte en sa faveur vous presse,</p> -<p>Un si cher confident ne fait-il point douter</p> -<p>De l'amant ou de lui qui les peut exciter?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'importe? et quel besoin de les confondre ensemble,</p> -<p>Quand ce n'est que pour vous, aprs tout, que je tremble?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? vous me menacez moi-mme<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor"> [475]</a> votre tour!</p> -<p>Et les emportements de votre aveugle amour....</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_513"> 513</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je m'emporte et m'aveugle un peu moins qu'on ne pense:</p> -<p>Pour l'avouer vous-mme, entrons en confidence.</p> -<p class="i1"> Seigneur, je vous regarde en qualit d'poux: <span class="dalign">1195</span></p> -<p>Ma main ne sauroit tre et ne sera qu' vous;</p> -<p>Mes vœux y sont dj, tout mon cœur y veut tre:</p> -<p>Ds que je le pourrai, je vous en ferai matre;</p> -<p>Et si pour s'y rduire il me fait diffrer,</p> -<p>Cet amant si chri n'en peut rien esprer. <span class="dalign">1200</span></p> -<p>Je ne serai qu' vous, qui que ce soit que j'aime,</p> -<p>A moins qu' vous quitter vous m'obligiez vous-mme;</p> -<p>Mais s'il faut que le temps m'apprenne vous aimer,</p> -<p>Il ne me l'apprendra qu' force d'estimer;</p> -<p>Et si vous me forcez perdre cette estime, <span class="dalign">1205</span></p> -<p>Si votre impatience ose aller jusqu'au crime....</p> -<p>Vous m'entendez, Seigneur, et c'est vous dire assez</p> -<p>D'o me viennent pour vous ces vœux intresss.</p> -<p>J'ai part votre gloire, et je tremble pour elle</p> -<p>Que vous ne la souilliez d'une tache ternelle, <span class="dalign">1210</span></p> -<p>Que le barbare clat d'un indigne soupon</p> -<p>Ne fasse l'univers dtester votre nom,</p> -<p>Et que vous ne veuilliez<a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor"> [476]</a> sortir d'inquitude</p> -<p>Par une pouvantable et noire ingratitude.</p> -<p>Pourrois-je aprs cela vous conserver ma foi, <span class="dalign">1215</span></p> -<p>Comme si vous tiez encor digne de moi;</p> -<p>Recevoir sans horreur l'offre d'une couronne,</p> -<p>Toute fumante encor du sang qui vous la donne,</p> -<p>Et m'exposer en proie aux fureurs des Romains,</p> -<p>Quand pour les repousser vous n'aurez plus<a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor"> [477]</a> de mains?</p> -<p>Si Crassus est dfait, Rome n'est pas dtruite:</p> -<p>D'autres ont ramass les dbris de sa fuite,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_514"> 514</a></span></div> -<p>De nouveaux escadrons leur vont enfler le cœur,</p> -<p>Et vous avez besoin encor de son vainqueur.</p> -<p> Voil ce que pour vous craint une destine <span class="dalign">1225</span></p> -<p>Qui se doit bientt voir la vtre enchane,</p> -<p>Et deviendroit infme se vouloir unir</p> -<p>Qu' des rois dont on puisse aimer le souvenir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout ce que vous craignez est en votre puissance,</p> -<p>Madame; il ne vous faut qu'un peu d'obissance, <span class="dalign">1230</span></p> -<p>Qu'excuter demain ce qu'un pre a promis:</p> -<p>L'amant, le confident, n'auront plus d'ennemis.</p> -<p>C'est de quoi tout mon cœur de nouveau vous conjure<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor"> [478]</a>,</p> -<p>Par les tendres respects d'une flamme si pure,</p> -<p>Ces assidus respects, qui sans cesse bravs, <span class="dalign">1235</span></p> -<p>Ne peuvent obtenir ce que vous me devez,</p> -<p>Par tout ce qu'a de rude un orgueil inflexible,</p> -<p>Par tous les maux que souffre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i15"> Et moi, suis-je insensible?</p> -<p>Livre-t-on mon cœur de moins rudes combats?</p> -<p>Seigneur, je suis aime, et vous ne l'tes pas. <span class="dalign">1240</span></p> -<p>Mon devoir vous prpare un assur remde,</p> -<p>Quand il n'en peut souffrir au mal qui me possde;</p> -<p>Et pour finir le vtre, il ne veut qu'un moment,</p> -<p>Quand il faut que le mien dure ternellement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ce moment quelquefois est difficile prendre, <span class="dalign">1245</span></p> -<p>Madame; et si le Roi se lasse de l'attendre,</p> -<p>Pour venger le mpris de son autorit,</p> -<p>Songez ce que peut un monarque irrit.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_515"> 515</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ma vie est en ses mains, et de son grand courage</p> -<p>Il peut montrer sur elle un glorieux ouvrage. <span class="dalign">1250</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Traitez-le mieux, de grce, et ne vous alarmez</p> -<p>Que pour la sret de ce que vous aimez.</p> -<p>Le Roi sait votre foible et le trouble que porte</p> -<p>Le pril d'un amant dans l'me la plus forte.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est mon foible, il est vrai; mais si j'ai de l'amour,</p> -<p>J'ai du cœur, et pourrois le mettre en son plein jour.</p> -<p>Ce grand roi cependant prend une aimable voie</p> -<p>Pour me faire accepter ses ordres avec joie!</p> -<p>Pensez-y mieux, de grce; et songez qu'au besoin</p> -<p>Un pas hors du devoir nous peut mener bien loin.<span class="dalign">1260</span></p> -<p>Aprs ce premier pas, ce pas qui seul nous gne,</p> -<p>L'amour rompt aisment le reste de sa chane;</p> -<p>Et tyran son tour du devoir mpris,</p> -<p>Il s'applaudit longtemps du joug qu'il a bris.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Aprs cela, Seigneur, je me retire, <span class="dalign">1265</span></p> -<p>Et s'il vous reste encor quelque chose me dire,</p> -<p>Pour viter l'clat d'un orgueil imprudent,</p> -<p>Je vous laisse achever avec mon confident.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">PACORUS, SURNA.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Surna, je me plains, et j'ai lieu de me plaindre.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_516"> 516</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>De moi, Seigneur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9"> De vous. Il n'est plus temps de feindre:</p> -<p>Malgr tous vos dtours on sait la vrit;</p> -<p>Et j'attendois de vous plus de sincrit,</p> -<p>Moi qui mettois en vous ma confiance entire,</p> -<p>Et ne voulois souffrir aucune autre lumire.</p> -<p>L'amour dans sa prudence est toujours indiscret;<span class="dalign">1275</span></p> -<p>A force de se taire il trahit son secret:</p> -<p>Le soin de le cacher dcouvre ce qu'il cache,</p> -<p>Et son silence dit tout ce qu'il craint qu'on sache.</p> -<p>Ne cachez plus le vtre, il est connu de tous,</p> -<p>Et toute votre adresse a parl contre vous. <span class="dalign">1280</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Puisque vous vous plaignez, la plainte est lgitime,</p> -<p>Seigneur; mais aprs tout j'ignore encor mon crime.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous refusez Mandane avec tant de respect,</p> -<p>Qu'il est trop raisonn pour n'tre point suspect.</p> -<p>Avant qu'on vous l'offrt vos raisons toient prtes,<span class="dalign">1285</span></p> -<p>Et jamais on n'a vu de refus plus honntes;</p> -<p>Mais ces honntets ne font pas moins rougir:</p> -<p>Il falloit tout promettre, et la laisser agir;</p> -<p>Il falloit esprer de son orgueil svre</p> -<p>Un juste dsaveu des volonts d'un pre, <span class="dalign">1290</span></p> -<p>Et l'aigrir par des vœux si froids, si mal conus,</p> -<p>Qu'elle usurpt sur vous la gloire du refus.</p> -<p>Vous avez mieux aim tenter un artifice</p> -<p>Qui pt mettre Palmis o doit tre Eurydice,</p> -<p>En me donnant le change attirer mon courroux, <span class="dalign">1295</span></p> -<p>Et montrer quel objet vous rservez pour vous.</p> -<p>Mais vous auriez mieux fait d'appliquer tant d'adresse</p> -<p>A remettre au devoir l'esprit de la princesse:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_517"> 517</a></span></div> -<p>Vous en avez eu l'ordre, et j'en suis plus ha</p> -<p>C'est pour un bon sujet avoir bien obi.<span class="dalign">1300</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je le vois bien, Seigneur: qu'on m'aime, qu'on vous aime,</p> -<p>Qu'on ne vous aime pas, que je n'aime pas mme,</p> -<p>Tout m'est compt pour crime; et je dois seul au Roi</p> -<p>Rpondre de Palmis, d'Eurydice et de moi:</p> -<p>Comme si je pouvois sur une me enflamme <span class="dalign">1305</span></p> -<p>Ce qu'on me voit pouvoir sur tout un corps d'arme,</p> -<p>Et qu'un cœur ne ft pas plus pnible tourner</p> -<p>Que les Romains vaincre, ou qu'un sceptre donner.</p> -<p class="i1"> Sans faire un nouveau crime, oserai-je vous dire</p> -<p>Que l'empire des cœurs n'est pas de votre empire,<span class="dalign">1310</span></p> -<p>Et que l'amour, jaloux de son autorit,</p> -<p>Ne reconnot ni roi ni souverainet?</p> -<p>Il hait tous les emplois o la force l'appelle:</p> -<p>Ds qu'on le violente, on en fait un rebelle;</p> -<p>Et je suis criminel de ne pas triompher<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor"> [479]</a>, <span class="dalign">1315</span></p> -<p>Quand vous-mme, Seigneur, ne pouvez l'touffer!</p> -<p>Changez-en par votre ordre tel point le caprice,</p> -<p>Qu'Eurydice vous aime, et Palmis vous hasse;</p> -<p>Ou rendez votre cœur vos lois si soumis,</p> -<p>Qu'il ddaigne Eurydice, et retourne<a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor"> [480]</a> Palmis.<span class="dalign">1320</span></p> -<p>Tout ce que vous pourrez ou sur vous ou sur elles</p> -<p>Rendra mes actions d'autant plus criminelles;</p> -<p>Mais sur elles, sur vous si vous ne pouvez rien,</p> -<p>Des crimes de l'amour ne faites plus le mien.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je pardonne l'amour les crimes qu'il fait faire; <span class="dalign">1325</span></p> -<p>Mais je n'excuse point ceux qu'il s'obstine taire,</p> -<p>Qui cachs avec soin se commettent longtemps,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_518"> 518</a></span></div> -<p>Et tiennent prs des rois de secrets mcontents.</p> -<p>Un sujet qui se voit le rival de son matre,</p> -<p>Quelque tude qu'il perde ne le point parotre,<span class="dalign">1330</span></p> -<p>Ne pousse aucun soupir sans faire un attentat;</p> -<p>Et d'un crime d'amour il en fait un d'tat.</p> -<p>Il a besoin de grce, et surtout quand on l'aime</p> -<p>Jusqu' se rvolter contre le diadme,</p> -<p>Jusqu' servir d'obstacle au bonheur gnral. <span class="dalign">1335</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui; mais quand de son matre on lui fait un rival;</p> -<p>Qu'il aimoit<a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor"> [481]</a> le premier; qu'en dpit de sa flamme,</p> -<p>Il cde, aim qu'il est, ce qu'adore son me;</p> -<p>Qu'il renonce l'espoir, ddit sa passion:</p> -<p>Est-il digne de grce, ou de compassion? <span class="dalign">1340</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qui cde ce qu'il aime est digne qu'on le loue;</p> -<p>Mais il ne cde rien, quand on l'en dsavoue;</p> -<p>Et les illusions d'un si faux compliment</p> -<p>Ne mritent qu'un long et vrai ressentiment.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout l'heure, Seigneur, vous me parliez de grce,<span class="dalign">1345</span></p> -<p>Et dj vous passez jusques la menace!</p> -<p>La grce est aux grands cœurs honteuse recevoir;</p> -<p>La menace n'a rien qui les puisse mouvoir.</p> -<p>Tandis que hors des murs ma suite est disperse,</p> -<p>Que la garde au dedans par Sillace est place,<span class="dalign">1350</span></p> -<p>Que le peuple s'attend me voir arrter,</p> -<p>Si quelqu'un en a l'ordre, il peut l'excuter.</p> -<p>Qu'on veuille mon pe, ou qu'on veuille ma tte,</p> -<p>Dites un mot, Seigneur, et l'une et l'autre est prte:</p> -<p>Je n'ai goutte de sang qui ne soit mon roi; <span class="dalign">1355</span></p> -<p>Et si l'on m'ose perdre, il perdra plus que moi.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_519"> 519</a></span></div> -<p>J'ai vcu pour ma gloire autant qu'il falloit vivre,</p> -<p>Et laisse un grand exemple qui pourra me suivre;</p> -<p>Mais si vous me livrez vos chagrins jaloux,</p> -<p>Je n'aurai pas peut-tre assez vcu pour vous. <span class="dalign">1360</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Surna, mes pareils n'aiment point ces manires:</p> -<p>Ce sont fausses vertus que des vertus si fires.</p> -<p>Aprs tant de hauts faits et d'exploits signals,</p> -<p>Le Roi ne peut douter de ce que vous valez;</p> -<p>Il ne veut point vous perdre: pargnez-vous la peine</p> -<p>D'attirer sa colre et mriter ma haine;</p> -<p>Donnez vos gaux l'exemple d'obir,</p> -<p>Plutt que d'un amour qui cherche vous trahir.</p> -<p>Il sied bien aux grands cœurs de parotre intrpides,</p> -<p>De donner l'orgueil plus qu'aux vertus solides;<span class="dalign">1370</span></p> -<p>Mais souvent ces grands cœurs n'en font que mieux leur cour<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor"> [482]</a></p> -<p>A parotre au besoin matres de leur amour.</p> -<p>Recevez cet avis d'une amiti fidle.</p> -<p>Ce soir la Reine arrive, et Mandane avec elle.</p> -<p>Je ne demande point le secret de vos feux;<span class="dalign">1375</span></p> -<p>Mais songez bien qu'un roi, quand il dit: Je le veux....</p> -<p>Adieu: ce mot suffit, et vous devez m'entendre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je fais plus, je prvois ce que j'en dois attendre:</p> -<p>Je l'attends sans frayeur; et quel qu'en soit le cours,</p> -<p>J'aurai soin de ma gloire; ordonnez de mes jours. <span class="dalign">1380</span></p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i6">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p> -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_520"> 520</a></span></p> -<h2 class="normal">ACTE V.</h2> -<hr class="deco" /> - -<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3> -<p class="subt">ORODE, EURYDICE.</p> -</div> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ne me l'avouez point: en cette conjoncture,</p> -<p>Le soupon m'est plus doux que la vrit sre;</p> -<p>L'obscurit m'en plat, et j'aime n'couter</p> -<p>Que ce qui laisse encor libert d'en douter.</p> -<p>Cependant par mon ordre on a mis garde aux portes,</p> -<p>Et d'un amant suspect dispers les escortes,</p> -<p>De crainte qu'un aveugle et fol emportement</p> -<p>N'allt, et malgr vous, jusqu' l'enlvement.</p> -<p>La vertu la plus haute alors cde la force;</p> -<p>Et pour deux cœurs unis l'amour a tant d'amorce,<span class="dalign">1390</span></p> -<p>Que le plus grand courroux qu'on voie y succder<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor"> [483]</a></p> -<p>N'aspire qu'aux douceurs de se raccommoder.</p> -<p>Il n'est que trop ais de juger quelle suite</p> -<p>Exigeroit de moi l'clat de cette fuite;</p> -<p>Et pour n'en pas venir ces extrmits, <span class="dalign">1395</span></p> -<p>Que vous l'aimiez ou non, j'ai pris mes srets.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A ces prcautions je suis trop redevable;</p> -<p>Une prudence moindre en seroit incapable,</p> -<p>Seigneur; mais dans le doute o votre esprit se plat,</p> -<p>Si j'ose en ce hros prendre quelque intrt, <span class="dalign">1400</span></p> -<p>Son sort est plus douteux que votre incertitude,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_521"> 521</a></span></div> -<p>Et j'ai lieu plus que vous d'tre en inquitude.</p> -<p>Je ne vous rponds point sur cet enlvement:</p> -<p>Mon devoir, ma fiert, tout en moi le dment.</p> -<p>La plus haute vertu peut cder la force, <span class="dalign">1405</span></p> -<p>Je le sais: de l'amour je sais quelle est l'amorce;</p> -<p>Mais contre tous les deux l'orgueil peut secourir,</p> -<p>Et rien n'en est craindre alors qu'on sait mourir.</p> -<p>Je ne serai qu'au prince.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Oui; mais quand, Madame,</p> -<p>A quand cet heureux jour, que de toute son me....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il se verroit, Seigneur, ds ce soir mon poux,</p> -<p>S'il n'et point voulu voir dans mon cœur plus que vous:</p> -<p>Sa curiosit s'est trop embarrasse</p> -<p>D'un point dont il devoit loigner sa pense.</p> -<p>Il sait que j'aime ailleurs, et l'a voulu savoir:<span class="dalign">1415</span></p> -<p>Pour peine il attendra l'effort de mon devoir.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Les dlais les plus longs, Madame, ont quelque terme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le devoir vient bout de l'amour le plus ferme:</p> -<p>Les grands cœurs ont vers lui des retours clatants;</p> -<p>Et quand on veut se vaincre, il y faut peu de temps.</p> -<p>Un jour y peut beaucoup, une heure y peut suffire,</p> -<p>Un de ces bons moments qu'un cœur n'ose en ddire;</p> -<p>S'il ne suit pas toujours nos souhaits et nos soins,</p> -<p>Il arrive souvent quand on l'attend le moins.</p> -<p>Mais je ne promets pas de m'y rendre facile, <span class="dalign">1425</span></p> -<p>Seigneur, tant que j'aurai l'me si peu tranquille;</p> -<p>Et je ne livrerai mon cœur qu' mes ennuis,</p> -<p>Tant qu'on me laissera dans l'alarme o je suis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le sort de Surna vous met donc en alarme</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_522"> 522</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je vois ce que pour tous ses vertus ont de charme, <span class="dalign">1430</span></p> -<p>Et puis craindre pour lui ce qu'on voit craindre tous,</p> -<p>Ou d'un matre en colre, ou d'un rival jaloux.</p> -<p class="i1"> Ce n'est point toutefois l'amour qui m'intresse,</p> -<p>C'est.... Je crains encor plus que ce mot ne vous blesse,</p> -<p>Et qu'il ne vaille mieux s'en tenir l'amour,<span class="dalign">1435</span></p> -<p>Que d'en mettre, et sitt, le vrai sujet au jour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, Madame, parlez, montrez toutes vos craintes:</p> -<p>Puis-je sans les connotre en gurir les atteintes,</p> -<p>Et dans l'paisse nuit o vous vous retranchez,</p> -<p>Choisir le vrai remde aux maux que vous cachez? <span class="dalign">1440</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais si je vous disois que j'ai droit d'tre en peine</p> -<p>Pour un trne o je dois un jour monter en reine;</p> -<p>Que perdre Surna, c'est livrer aux Romains</p> -<p>Un sceptre que son bras a remis en vos mains;</p> -<p>Que c'est ressusciter l'orgueil de Mithradate,<span class="dalign">1445</span></p> -<p>Exposer avec vous Pacorus et Phradate<a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor"> [484]</a>;</p> -<p>Que je crains que sa mort, enlevant votre appui,</p> -<p>Vous renvoie l'exil o vous seriez sans lui:</p> -<p>Seigneur, ce seroit tre un peu trop tmraire.</p> -<p>J'ai d le dire au prince, et je dois vous le taire;<span class="dalign">1450</span></p> -<p>J'en dois craindre un trop long et trop juste courroux;</p> -<p>Et l'amour trouvera plus de grce chez vous.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais, Madame, est-ce vous d'tre si politique?</p> -<p>Qui peut se taire ainsi, voyons comme il s'explique.</p> -<p class="i1"> Si votre Surna m'a rendu mes tats, <span class="dalign">1455</span></p> -<p>Me les a-t-il rendus pour ne m'obir pas?</p> -<p>Et trouvez-vous par l sa valeur bien fonde</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_523"> 523</a></span></div> -<p>A ne m'estimer plus son matre qu'en ide,</p> -<p>A vouloir qu' ses lois j'obisse mon tour?</p> -<p>Ce discours iroit loin: revenons l'amour, <span class="dalign">1460</span></p> -<p>Madame; et s'il est vrai qu'enfin....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i16"> Laissez-m'en faire,</p> -<p>Seigneur: je me vaincrai, j'y tche, je l'espre;</p> -<p>J'ose dire encor plus, je m'en fais une loi;</p> -<p>Mais je veux que le temps en dpende de moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est bien parler en reine, et j'aime assez, Madame,<span class="dalign">1465</span></p> -<p>L'imptuosit de cette grandeur d'me:</p> -<p>Cette noble fiert que rien ne peut dompter</p> -<p>Remplira bien ce trne o vous devez monter.</p> -<p>Donnez-moi donc en reine un ordre que je suive.</p> -<p class="i1"> Phradate est arriv, ce soir Mandane arrive; <span class="dalign">1470</span></p> -<p>Ils sauront quels respects a montrs pour sa main</p> -<p>Cet intrpide effroi de l'empire romain.</p> -<p>Mandane en rougira, le voyant auprs d'elle;</p> -<p>Phradate est violent, et prendra sa querelle.</p> -<p>Prs d'un esprit si chaud et si fort emport,<span class="dalign">1475</span></p> -<p>Surna dans ma cour est-il en sret?</p> -<p>Puis-je vous en rpondre, moins qu'il se retire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Bannir de votre cour l'honneur de votre empire!</p> -<p>Vous le pouvez, Seigneur, et vous tes son roi;</p> -<p>Mais je ne puis souffrir qu'il soit banni pour moi.<span class="dalign">1480</span></p> -<p>Car enfin les couleurs ne font rien la chose;</p> -<p>Sous un prtexte faux je n'en suis pas moins cause;</p> -<p>Et qui craint pour Mandane un peu trop de rougeur</p> -<p>Ne craint pour Surna que le fond de mon cœur.</p> -<p>Qu'il parte, il vous dplat; faites-vous-en justice;<span class="dalign">1485</span></p> -<p>Punissez, exilez: il faut qu'il obisse.</p> -<p>Pour remplir mes devoirs j'attendrai son retour.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_524"> 524</a></span></div> -<p>Seigneur; et jusque-l point d'hymen ni d'amour.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous pourriez pouser le prince en sa prsence?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne sais; mais enfin je hais la violence. <span class="dalign">1490</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Empchez-la, Madame, en vous donnant nous;</p> -<p>Ou faites qu' Mandane il s'offre pour poux.</p> -<p>Cet ordre excut, mon me satisfaite</p> -<p>Pour ce hros si cher ne veut plus de retraite.</p> -<p>Qu'on le fasse venir. Modrez vos hauteurs: <span class="dalign">1493</span></p> -<p>L'orgueil n'est pas toujours la marque des grands cœurs.</p> -<p>Il me faut un hymen: choisissez l'un ou l'autre,</p> -<p>Ou lui dites adieu pour le moins jusqu'au vtre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je sais tenir, Seigneur, tout ce que je promets,</p> -<p>Et promettrois en vain de ne ne le voir jamais, <span class="dalign">1500</span></p> -<p>Moi qui sais que bientt la guerre rallume</p> -<p>Le rendra pour le moins ncessaire l'arme.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Nous ferons voir, Madame, en cette extrmit,</p> -<p>Comme il faut obir la ncessit.</p> -<p>Je vous laisse avec lui.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE II.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, SURNA.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Seigneur, le Roi condamne <span class="dalign">1505</span></p> -<p>Ma main Pacorus, ou la vtre Mandane;</p> -<p>Le refus n'en sauroit demeurer impuni:</p> -<p>Il lui faut l'une ou l'autre, ou vous tes banni.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Madame, ce refus n'est point vers lui mon crime;</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_525"> 525</a></span></p> -<p>Vous m'aimez: ce n'est point non plus ce qui l'anime.</p> -<p>Mon crime vritable est d'avoir aujourd'hui</p> -<p>Plus de nom que mon roi, plus de vertu que lui;</p> -<p>Et c'est de l que part cette secrte haine</p> -<p>Que le temps ne rendra que plus forte et plus pleine.</p> -<p>Plus on sert des ingrats, plus on s'en fait har: <span class="dalign">1515</span></p> -<p>Tout ce qu'on fait pour eux ne fait que nous trahir.</p> -<p>Mon visage l'offense, et ma gloire le blesse.</p> -<p>Jusqu'au fond de mon me il cherche une bassesse,</p> -<p>Et tche s'riger par l'offre ou par la peur,</p> -<p>De roi que je l'ai fait, en tyran de mon cœur; <span class="dalign">1520</span></p> -<p>Comme si par ses dons il pouvoit me sduire,</p> -<p>Ou qu'il pt m'accabler, et ne se point dtruire.</p> -<p>Je lui dois en sujet tout mon sang, tout mon bien;</p> -<p>Mais si je lui dois tout, mon cœur ne lui doit rien,</p> -<p>Et n'en reoit de lois que comme autant d'outrages,<span class="dalign">1525</span></p> -<p>Comme autant d'attentats sur de plus doux hommages.</p> -<p>Cependant pour jamais il faut nous sparer,</p> -<p>Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> Cet exil pourroit toujours durer?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>En vain pour mes pareils leur vertu sollicite:</p> -<p>Jamais un envieux ne pardonne au mrite.<span class="dalign">1530</span></p> -<p>Cet exil toutefois n'est pas un long malheur;</p> -<p>Et je n'irai pas loin sans mourir de douleur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! craignez de m'en voir assez persuade</p> -<p>Pour mourir avant vous de cette seule ide.</p> -<p>Vivez, si vous m'aimez.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p> Je vivrois pour savoir <span class="dalign">1535</span></p> -<p>Que vous aurez enfin rempli votre devoir,</p> -<p>Que d'un cœur tout moi, que de votre personne</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_526"> 526</a></span></div> -<p>Pacorus sera matre, ou plutt sa couronne!</p> -<p>Ce penser m'assassine, et je cours de ce pas</p> -<p>Beaucoup moins l'exil, Madame, qu'au trpas. <span class="dalign">1540</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que le ciel n'a-t-il mis en ma main et la vtre,</p> -<p>Ou de n'tre personne, ou d'tre l'un l'autre!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Falloit-il que l'amour vt l'ingalit</p> -<p>Vous abandonner toute aux rigueurs d'un trait!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Cette ingalit me souffroit l'esprance. <span class="dalign">1545</span></p> -<p>Votre nom, vos vertus valoient bien ma naissance,</p> -<p>Et Crassus a rendu plus digne encor de moi</p> -<p>Un hros dont le zle a rtabli son roi.</p> -<p>Dans les maux o j'ai vu l'Armnie expose,</p> -<p>Mon pays dsol m'a seul tyrannise. <span class="dalign">1550</span></p> -<p>Esclave de l'tat, victime de la paix,</p> -<p>Je m'tois rpondu de vaincre mes souhaits,</p> -<p>Sans songer qu'un amour comme le ntre extrme</p> -<p>S'y rend inexorable aux yeux de ce qu'on aime.</p> -<p>Pour le bonheur public j'ai promis; mais, hlas!<span class="dalign">1555</span></p> -<p>Quand j'ai promis, Seigneur, je ne vous voyois pas.</p> -<p>Votre rencontre ici m'ayant fait voir ma faute,</p> -<p>Je diffre donner le bien que je vous te;</p> -<p>Et l'unique bonheur que j'y puis esprer,</p> -<p>C'est de toujours promettre et toujours diffrer.<span class="dalign">1560</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que je serois heureux! Mais qu'os-je vous dire?</p> -<p>L'indigne et vain bonheur o mon amour aspire!</p> -<p>Fermez les yeux aux maux o l'on me fait courir:</p> -<p>Songez vivre heureuse, et me laissez mourir.</p> -<p>Un trne vous attend, le premier de la terre,<span class="dalign">1565</span></p> -<p>Un trne o l'on ne craint que l'clat du tonnerre,</p> -<p>Qui rgle le destin du reste des humains,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_527"> 527</a></span></div> -<p>Et jusque dans leurs murs alarme les Romains.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'envisage ce trne et tous ses avantages,</p> -<p>Et je n'y vois partout, Seigneur, que vos ouvrages;<span class="dalign">1570</span></p> -<p>Sa gloire ne me peint que celle de mes fers,</p> -<p>Et dans ce qui m'attend je vois ce que je perds.</p> -<p>Ah! Seigneur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> pargnez la douleur qui me presse;</p> -<p>Ne la ravalez point jusques la tendresse;</p> -<p>Et laissez-moi partir dans cette fermet <span class="dalign">1575</span></p> -<p>Qui fait de tels jaloux<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor"> [485]</a>, et qui m'a tant cot.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Partez, puisqu'il le faut, avec ce grand courage</p> -<p>Qui mrita mon cœur et donne tant d'ombrage.</p> -<p>Je suivrai votre exemple, et vous n'aurez point lieu....</p> -<p>Mais j'aperois Palmis qui vient vous dire adieu,<span class="dalign">1580</span></p> -<p>Et je puis, en dpit de tout ce qui me tue,</p> -<p>Quelques moments encor jouir de votre vue.</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE III.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, SURNA, PALMIS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On dit qu'on vous exile moins que d'pouser,</p> -<p>Seigneur, ce que le Roi daigne vous proposer.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non; mais jusqu' l'hymen que Pacorus souhaite, <span class="dalign">1585</span></p> -<p>Il m'ordonne chez moi quelques jours de retraite.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Et vous partez?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_528"> 528</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Je pars.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Et malgr son courroux,</p> -<p>Vous avez sret d'aller jusque chez vous?</p> -<p>Vous tes couvert des prils dont menace</p> -<p>Les gens de votre sorte une telle disgrce,<span class="dalign">1590</span></p> -<p>Et s'il faut dire tout, sur de si longs chemins</p> -<p>Il n'est point de poisons, il n'est point d'assassins?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le Roi n'a pas encore oubli mes services,</p> -<p>Pour commencer par moi de telles injustices:</p> -<p>Il est trop gnreux pour perdre son appui.<span class="dalign">1595</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>S'il l'est, tous vos jaloux le sont-ils comme lui?</p> -<p>Est-il aucun flatteur, Seigneur, qui lui refuse</p> -<p>De lui prter un crime et lui faire une excuse?</p> -<p>En est-il que l'espoir d'en faire mieux sa cour</p> -<p>N'expose sans scrupule ces courroux d'un jour,<span class="dalign">1600</span></p> -<p>Ces courroux qu'on affecte alors qu'on dsavoue</p> -<p>De lches coups d'tat dont en l'me on se loue,</p> -<p>Et qu'une absence lude, attendant le moment</p> -<p>Qui laisse vanouir ce faux ressentiment?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ces courroux affects que l'artifice donne<span class="dalign">1605</span></p> -<p>Font souvent trop de bruit pour abuser personne.</p> -<p>Si ma mort plat au Roi, s'il la veut tt ou tard,</p> -<p>J'aime mieux qu'elle soit un crime qu'un hasard;</p> -<p>Qu'aucun ne l'attribue cette loi commune</p> -<p>Qu'impose la nature et rgle la fortune; <span class="dalign">1610</span></p> -<p>Que son perfide auteur, bien qu'il cache sa main,</p> -<p>Devienne abominable tout le genre humain;</p> -<p>Et qu'il en naisse enfin des haines immortelles</p> -<p>Qui de tous ses sujets lui fassent des rebelles.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_529"> 529</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je veux que la vengeance aille son plus haut point:<span class="dalign">1615</span></p> -<p>Les morts les mieux vengs ne ressuscitent point,</p> -<p>Et de tout l'univers la fureur clatante</p> -<p>En consoleroit mal et la sœur et l'amante.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que faire donc, ma sœur?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Votre asile est ouvert.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -<p>Quel asile?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> L'hymen qui vous vient d'tre offert. <span class="dalign">1620</span></p> -<p>Vos jours en sret dans les bras de Mandane,</p> -<p>Sans plus rien craindre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Et c'est ma sœur qui m'y condamne!</p> -<p>C'est elle qui m'ordonne avec tranquillit</p> -<p>Aux yeux de ma princesse une infidlit!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Lorsque d'aucun espoir notre ardeur n'est suivie,<span class="dalign">1625</span></p> -<p>Doit-on tre fidle aux dpens de sa vie?</p> -<p>Mais vous ne m'aidez point le persuader,</p> -<p>Vous qui d'un seul regard pourriez tout dcider?</p> -<p>Madame, ses prils ont-ils de quoi vous plaire?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je crois faire beaucoup, Madame, de me taire; <span class="dalign">1630</span></p> -<p>Et tandis qu' mes yeux vous donnez tout mon bien,</p> -<p>C'est tout ce que je puis que de ne dire rien.</p> -<p>Forcez-le, s'il se peut, au nœud que je dteste;</p> -<p>Je vous laisse en parler, dispensez-moi du reste:</p> -<p>Je n'y mets point d'obstacle, et mon esprit confus....</p> -<p>C'est m'expliquer assez: n'exigez rien de plus.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_530"> 530</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? vous vous figurez que l'heureux nom de gendre,</p> -<p>Si ma perte est jure, a de quoi m'en dfendre,</p> -<p>Quand malgr la nature, en dpit de ses lois,</p> -<p>Le parricide a fait la moiti de nos rois,<span class="dalign">1640</span></p> -<p>Qu'un frre pour rgner se baigne au sang d'un frre,</p> -<p>Qu'un fils impatient prvient la mort d'un pre?</p> -<p>Notre Orode lui-mme, o seroit-il sans moi?</p> -<p>Mithradate pour lui montroit-il plus de foi<a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor"> [486]</a>?</p> -<p>Croyez-vous Pacorus bien plus sr de Phradate?<span class="dalign">1645</span></p> -<p>J'en connois mal le cœur, si bientt il n'clate,</p> -<p>Et si de ce haut rang, que j'ai vu l'blouir<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor"> [487]</a>,</p> -<p>Son pre et son an peuvent longtemps jouir<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor"> [488]</a>.</p> -<p>Je n'aurai plus de bras alors pour leur dfense;</p> -<p>Car enfin mes refus ne font pas mon offense;<span class="dalign">1650</span></p> -<p>Mon vrai crime est ma gloire, et non pas mon amour:</p> -<p>Je l'ai dit, avec elle il crotra chaque jour;</p> -<p>Plus je les servirai, plus je serai coupable;</p> -<p>Et s'ils veulent ma mort, elle est invitable.</p> -<p>Chaque instant que l'hymen pourroit la reculer<span class="dalign">1655</span></p> -<p>Ne les attacheroit qu' mieux dissimuler;</p> -<p>Qu' rendre, sous l'appas d'une amiti tranquille,</p> -<p>L'attentat plus secret, plus noir et plus facile.</p> -<p>Ainsi dans ce grand nœud chercher ma sret,</p> -<p>C'est inutilement faire une lchet,<span class="dalign">1660</span></p> -<p>Souiller en vain mon nom, et vouloir qu'on m'impute</p> -<span class="pagenum"><a id="Page_531"> 531</a></span> -<p>D'avoir enseveli ma gloire sous ma chute.</p> -<p>Mais, Dieux! se pourroit-il qu'ayant si bien servi,</p> -<p>Par l'ordre de mon roi le jour me ft ravi?</p> -<p>Non, non: c'est d'un bon œil qu'Orode me regarde; <span class="dalign">1665</span></p> -<p>Vous le voyez, ma sœur, je n'ai pas mme un garde:</p> -<p>Je suis libre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7"> Et j'en crains d'autant plus son courroux:</p> -<p>S'il vous faisoit garder, il rpondroit de vous.</p> -<p>Mais pouvez-vous, Seigneur, rejoindre votre suite?</p> -<p>tes-vous libre assez pour choisir une fuite?<span class="dalign">1670</span></p> -<p>Garde-t-on chaque porte moins d'un grand dessein?</p> -<p>Pour en rompre l'effet, il ne faut qu'une main.</p> -<p class="i1"> Par toute l'amiti que le sang doit attendre,</p> -<p>Par tout ce que l'amour a pour vous de plus tendre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>La tendresse n'est point de l'amour d'un hros:<span class="dalign">1675</span></p> -<p>Il est honteux pour lui d'couter des sanglots;</p> -<p>Et parmi la douceur des plus illustres flammes,</p> -<p>Un peu de duret sied bien aux grandes mes.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? vous pourriez....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Adieu: le trouble o je vous voi</p> -<p>Me fait vous craindre plus que je ne crains le Roi.<span class="dalign">1680</span></p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE IV.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, PALMIS.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Il court son trpas, et vous en serez cause,</p> -<p>A moins que votre amour son dpart s'oppose.</p> -<p>J'ai perdu mes soupirs, et j'y perdrois mes pas;</p> -<span class="pagenum"><a id="Page_532"> 532</a></span> -<p>Mais il vous en croira, vous ne les perdrez pas.</p> -<p>Ne lui refusez point un mot qui le retienne,<span class="dalign">1685</span></p> -<p>Madame.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"> S'il prit, ma mort suivra la sienne.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je puis en dire autant; mais ce n'est pas assez.</p> -<p>Vous avez tant d'amour, Madame, et balancez!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Est-ce le mal aimer que de le vouloir suivre?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est un excs d'amour qui ne fait point revivre.<span class="dalign">1690</span></p> -<p>De quoi lui servira notre mortel ennui?</p> -<p>De quoi nous servira de mourir aprs lui?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous vous alarmez trop: le Roi dans sa colre</p> -<p>Ne parle....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Vous dit-il tout ce qu'il prtend faire?</p> -<p>D'un trne o ce hros a su le replacer, <span class="dalign">1695</span></p> -<p>S'il en veut ses jours, l'ose-t-il prononcer?</p> -<p>Le pourroit-il sans honte? et pourrez-vous attendre<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor"> [489]</a></p> -<p>A prendre soin de lui qu'il soit trop tard d'en prendre?</p> -<p>N'y perdez aucun temps, partez: que tardez-vous?</p> -<p>Peut-tre en ce moment on le perce de coups; <span class="dalign">1700</span></p> -<p>Peut-tre....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5"> Que d'horreurs vous me jetez dans l'me!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi? vous n'y courez pas!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i12"> Et le puis-je, Madame?</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_533"> 533</a></span></div> -<p>Donner ce qu'on adore ce qu'on veut har,</p> -<p>Quel amour jusque-l put jamais se trahir?</p> -<p>Savez-vous qu' Mandane envoyer ce que j'aime,<span class="dalign">1705</span></p> -<p>C'est de ma propre main m'assassiner moi-mme?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Savez-vous qu'il le faut, ou que vous le perdez?</p> -</div></div> - - -<h3 class="subh">SCNE V.</h3> -<p class="subt">EURYDICE, PALMIS, ORMNE.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je n'y rsiste plus, vous me le dfendez.</p> -<p>Ormne vient nous, et lui peut aller dire</p> -<p>Qu'il pouse.... Achevez tandis que je soupire.<span class="dalign">1710</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Elle vient toute en pleurs<a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor"> [490]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i14"> Qu'il vous en va coter!</p> -<p>Et que pour Surna....</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i11"> L'a-t-on fait arrter?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>A peine du palais il sortoit dans la rue,</p> -<p>Qu'une flche a parti d'une main inconnue;</p> -<p>Deux autres l'ont suivie; et j'ai vu ce vainqueur,<span class="dalign">1715</span></p> -<p>Comme si toutes trois l'avoient atteint au cœur,</p> -<p>Dans un ruisseau de sang tomber mort sur la place<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor"> [491]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Hlas!</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_534"> 534</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Songez vous, la suite vous menace;</p> -<p>Et je pense avoir mme entendu quelque voix</p> -<p>Nous crier qu'on apprt ddaigner les rois.<span class="dalign">1720</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Prince ingrat! lche roi! Que fais-tu du tonnerre,</p> -<p>Ciel, si tu daignes voir ce qu'on fait sur la terre?</p> -<p>Et pour qui gardes-tu tes carreaux embrass,</p> -<p>Si de pareils tyrans n'en sont point crass?</p> -<p>Et vous, Madame, et vous dont l'amour inutile,<span class="dalign">1725</span></p> -<p>Dont l'intrpide orgueil parot encor tranquille,</p> -<p>Vous qui brlant pour lui, sans vous dterminer,</p> -<p>Ne l'avez tant aim que pour l'assassiner,</p> -<p>Allez d'un tel amour, allez voir tout l'ouvrage,</p> -<p>En recueillir le fruit, en goter l'avantage.<span class="dalign">1730</span></p> -<p>Quoi? vous causez sa perte, et n'avez point de pleurs!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Non, je ne pleure point, Madame, mais je meurs.</p> -<p>Ormne, soutiens-moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i10"> Que dites-vous, Madame?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Gnreux Surna, reois toute mon me.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Emportons-la d'ici pour la mieux secourir.<span class="dalign">1735</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Suspendez ces douleurs<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor"> [492]</a> qui pressent de mourir,</p> -<p>Grands Dieux! et dans les maux o vous m'avez plonge,</p> -<p>Ne souffrez point ma mort que je ne sois venge!</p> -</div></div> - -<p class="end"><span class="i2">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE</span>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_535"> 535</a></span></p> -<h2 class="normal">TABLE DES TRAGDIES<br /> -<span class="small">CONTENUES DANS LES SEPT VOLUMES</span><br /> -<span class="large">DU THATRE DE CORNEILLE<a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor"> [493]</a>.</span></h2> -</div> - -<table id="tragedies" summary="contents"> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">SUJETS MYTHOLOGIQUES OU DES TEMPS HROQUES.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PSYCH</td> -<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_277">277</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ANDROMDE</td> -<td class="tdl">Tome V, p. 243</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">LA TOISON D'OR </td> -<td class="tdl">Tome VI, p. 221</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">MDE</td> -<td class="tdl">Tome II, p. 327</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ŒDIPE</td> -<td class="tdl">Tome VI, p. 101</td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">SUJETS HISTORIQUES, RANGS SUIVANT -L'ORDRE CHRONOLOGIQUE.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">HORACE</td> -<td class="tdl">Tome III, p. 243</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">AGSILAS</td> -<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_1">1</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">SOPHONISBE</td> -<td class="tdl">Tome VI, p. 447</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">NICOMDE</td> -<td class="tdl">Tome V, p. 495</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">RODOGUNE</td> -<td class="tdl">Tome IV, p. 397 -<span class="pagenumh"><a id="Page_536"> 536</a></span></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">SERTORIUS</td> -<td class="tdl">Tome VI, p. 351</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">SURNA</td> -<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_455">455</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">POMPE</td> -<td class="tdl">Tome IV, p. 1</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">CINNA</td> -<td class="tdl">Tome III, p. 359</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">OTHON</td> -<td class="tdl">Tome VI, p. 565</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">TITE ET BRNICE</td> -<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_183">183</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">POLYEUCTE</td> -<td class="tdl">Tome III, p. 463</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">THODORE</td> -<td class="tdl">Tome V, p. 1</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PULCHRIE</td> -<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_371">371</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">ATTILA</td> -<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_97">97</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">HRACLIUS</td> -<td class="tdl">Tome V, p. 113</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">PERTHARITE</td> -<td class="tdl">Tome VI, p. 1</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">LE CID</td> -<td class="tdl">Tome III, p. 1</td> -</tr> -</table> - - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_537"> 537</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<div class="footnotes"> -<h2 class="normal">NOTES:</h2> -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, tome X, p. 21.</p> - -<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> Voyez Robinet, <i>Lettre</i> du 24 janvier 1666, et la <i>Gazette</i> du -23 janvier, p. 95. Les dictionnaires biographiques indiquent le -20 janvier comme date de la mort de la Reine.</p> - -<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Voyez ci-aprs la Notice d'<i>Attila</i>, p. <a href="#Page_101">101</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> <i>Avertissement</i> en tte du <i>Thtre</i> de Corneille, p. <span class="small1">LXV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> Voyez tome VI, p. 469 et la note 1.</p> - -<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, tome X, p. 27.</p> - -<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> On prtend que la mesure des vers qu'il employa dans <i>Agsilas</i> -nuisit beaucoup au succs de cette tragdie. Je crois au contraire -que cette nouveaut aurait russi, et qu'on aurait prodigu les -louanges ce gnie si fcond et si vari, s'il n'avait pas entirement -nglig dans <i>Agsilas</i>, comme dans les pices prcdentes, l'intrt et -le style. (Voltaire, <i>Prface d'Agsilas</i>.)—On sait que Voltaire a fait - son tour, dans <i>Tancrde</i>, un essai non pas des vers libres ingaux, -mais des vers croiss.</p> - -<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> Voyez ci-aprs, p. 8, note <a href="#FNanchor_11">11</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> Feuilletez nuit et jour les modles que les Grecs nous ont laisss. -(<i>Art potique</i>, vers 268 et 269.)</p> -</div> -<div class="footnote"> -<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> Nos potes n'ont nglig aucune tentative, et n'ont pas mrit -peu de gloire en osant abandonner les traces des Grecs. (<i>Ibidem</i>, -vers 285-287.)</p> - -<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> Agsilas rgna de l'an 399 l'an 361. On sait que Plutarque a -crit sa vie ainsi que celle de Lysandre. Le mme auteur nomme Cotys -et Spitridate, mais il ne les donne point pour prtendants aux filles -d'Agsilas. Il dit dans la vie de ce roi: Il.... passa jusqu'au royaume -de Paphlagonie, o il fit alliance auec le roy Cotys, qui rechercha affectueusement -son amiti.... comme fit aussi Spitridates, lequel abandonna -Pharnabazus pour se rendre Agesilaus.... Il (<i>Spitridates</i>) auoit.... -vne fort belle fille preste marier, qu'Agesilaus feit espouser ce roy -Cotys. (<i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">XI</span>, traduction d'Amyot.) Quant - Mandane, c'est un personnage d'invention. Il en est presque de -mme d'Elpinice et d'Aglatide. Plutarque ne les nomme pas, et nous -dit seulement leur sujet, dans la <i>Vie de Lysandre</i> (chapitre <span class="small1">XXX</span>), -que les Spartiates condamnrent en grosse amende deux citoyens, -qui auoient fianc ses deux filles du viuant de leur pere, et puis les -refuserent quand ilz virent qu' sa mort il se trouua.... pauure. -Xnocls et Clon sont indiqus par Plutarque, le premier au chapitre -<span class="small1">XVI</span> de la <i>Vie d'Agsilas</i>, le second au chapitre <span class="small1">XX</span>, et dans la -<i>Vie de Lysandre</i>: voyez ci-aprs, p. 37, note 1.</p> - -<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> Rgion de l'Asie Mineure, entre le Pont et la Bithynie.</p> - -<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> Voyez Plutarque, <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">VII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> L'dition de 1692 et Voltaire d'aprs elle ont chang <i>qu'alors qu'il</i> -en <i>que lorsqu'il</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> Lysandre, envoy par Agsilas au pays de l'Hellespont, practiqua et -fit rebeller contre son maistre vn capitaine persien nomm Spitridates, vaillant -homme de sa personne, et qui estoit grand ennemy de Pharuabazus, et -auoit vne arme qu'il mena Agesilaus. (Plutarque, <i>Vie de Lysandre</i>, chapitre -<span class="small1">XXIV</span>, traduction d'Amyot.)</p> - -<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> Lysandre tait vn de ceux-la qui estoient descendus de la vraye race -d'Hercules, et qui neantmoins n'auoient point de part la royaut. (Plutarque, -<i>ibidem</i>, chapitre <span class="small1">XXIV</span>.)—Entre tous les Hraclides tablis Sparte, -les deux maisons des Eurytionides et des Agiades taient les seules qui eussent -le droit de succder au trne. Agsilas appartenait la premire.</p> - -<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> Voyez au tome VI, p. 391, note 1.</p> - -<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Aprs la mort d'Agis, Lysander, qui.... auoit plus de credit et d'authorit -en la ville de Sparte que nul autre, entreprit de faire tomber la royaut -sur Agesilaus. Ensuite ce fut encore Lysandre qui dtermina Agsilas passer -en Asie et lui fit obtenir tout ce qu'il demandait aux Spartiates pour la conduite -de la guerre; mais arriv phse, Agsilas eut incontinent desplaisir -l'honneur qu'il vit que on y faisoit Lysander.... Parquoy il commena -se porter de ceste sorte enuers luy: .... il contredisoit tous ses conseilz, et -toutes les entreprises que il mettoit en auant, mesmement celles ausquelles il -se monstroit plus affectionn, il n'en faisoit pas vne, ains en prenoit d'autres -executer plustost que celles-la. (Voyez Plutarque, <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitres -<span class="small1">III</span>, <span class="small1">VI</span> et <span class="small1">VII</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> <i>Var.</i> Et si ce cœur vouloit s'entendre avec le mien.... (1666 et 68)</p> - -<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> On lit: <i>la</i> main, dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire -(1764).</p> - -<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <i>Var.</i> Lui fait pour notre hymen refuser son aveu<a id="FNanchor_21-a" href="#Footnote_21-a" class="fnanchor"> [21-a]</a>. (1666 et 68)</p> - -<p class="i2"><a id="Footnote_21-a" href="#FNanchor_21-a" class="label">[21-a]</a> Cette leon a t reproduite par l'dition de 1692 et par celle de Voltaire -(1764).</p> - -<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Voyez tome I, p. 169, note 1.</p> - -<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> Pharnabaze, satrape d'une partie de l'Asie Mineure, qui, aprs le retour -d'Agsilas en Grce, battit avec Conon, prs de Cnide, la flotte de Lacdmone.</p> - -<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> <i>Var.</i> N'y laisse aucun droit au caprice. (1666 et 68)</p> - -<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> L'dition de 1692 a chang <i>qui n'en et</i> en <i>qui n'auroit</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> L'dition de 1682 donne, par erreur: <i>mettez</i>, pour <i>mettrez</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> Toutes les ditions publies du vivant de Corneille et celle de Voltaire -(1764) portent <i>tout</i>, pour <i>tort</i>, qui est videmment la vraie leon; c'est celle -de Thomas Corneille (1692).</p> - -<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <i>puissiez</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> Il y a ici comme un souvenir des vers 359 et 360 de <i>Rodogune</i>. Corneille -du reste a souvent exprim cette mme ide presque dans les mmes -termes. Voyez tome II, p. 308 et 309.</p> - -<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> Voltaire fait des quatre derniers vers une scne part, la scne <span class="small1">IV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> Voltaire (1764) a substitu <i>pouvoir</i> <i>vouloir</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> On dit que Lysandre vouloit faire tendre le droit de parvenir la royaut - tous les naturels spartiates, celle fin que ce loyer d'honneur fust affect -non ceux qui seroyent descendus de la race d'Hercules, mais tous ceux -qui le ressembleroient en vertu, laquelle l'auoit rendu luy-mesme egal aux -Dieux en honneur; car il esperoit bien que quand on jugeroit ainsi de la -royaut, il n'y auroit homme en la ville de Sparte qui plus tost fust eleu roy -que luy: au moyen de quoy, il attenta premierement de le suader ses citoyens -par viues raisons, et ces fins apprit par cueur une harangue, que -luy composa Cleon halicarnassien sur ce propos. (Plutarque, <i>Vie de Lysandre</i>, -chapitres <span class="small1">XXIV</span> et <span class="small1">XXV</span>, traduction d'Amyot; voyez aussi la <i>Vie d'Agsilas</i>, -chapitre <span class="small1">XX</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> <i>Var.</i> Vous ne savez que c'est d'aimer ni de har. (1666 et 68)</p> - -<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> On lit: Il m'en faudroit, dans l'dition de 1692 et dans celle de -Voltaire (1764).</p> - -<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> Ce vers et le suivant ont t omis, par erreur, dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> L'acte finit ici dans l'dition de 1666, qui n'a point la scne <span class="small1">VII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> L'dition de 1682 a seule <i>veut</i>, au lieu de <i>peut</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> L'dition de 1692 et Voltaire (1764) ont chang <i>autre</i> en <i>d'autre</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> On lit: <i>de</i> Perse, dans les ditions de 1682, de 1692 et dans celle de -Voltaire (1764): c'est probablement une erreur.</p> - -<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> Voyez plus haut, p. 12, note <a href="#FNanchor_18">18</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> Aprs la mort du roi Agis, frre d'Agsilas, Lysandre porta ce dernier au -trne, en soutenant que Lotychide tait btard, qu'il n'tait point le fils -d'Agis, mais d'Alcibiade. Voyez la <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">III</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> Qu'il me soit permis de dire ici que, dans mon enfance, le P. de Tournemine, -jsuite, partisan outr de Corneille, et ennemi de Racine, qu'il regardait -comme jansniste, me faisait remarquer ce morceau (<i> partir du vers -976</i>), qu'il prfrait toutes les pices de Racine. (Voltaire, <i>Prface d'Agsilas</i>.—L'ide -premire de cette partie de la scne est dans le rapide entretien -rapport deux fois par Plutarque, dans la <i>Vie de Lysandre</i>, chapitre <span class="small1">XXIII</span>, -et dans la <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">VIII</span>. On peut voir aussi l'<i>Histoire grecque</i> -de Xnophon, livre III, chapitre <span class="small1">IV</span>, 8 et 9.</p> - -<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> Il y a ici une faute trange dans l'dition de 1682: <i>frapper</i>, pour <i>saper</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> En toutes les villes o il passoit, si elles estoyent gouuernes par authorit -du peuple, ou qu'il y eust quelque autre sorte de gouuernement, il -(<i>Lysandre</i>) y laissoit en chacune vn capitaine ou gouuerneur lacedœmonien, -auec vn conseil de dix officiers, de ceux qui parauant auoyent eu amiti et intelligence -auec luy. (Plutarque, <i>Vie de Lysandre</i>, chapitre <span class="small1">XIII</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> La pauvret de Lysander, qui vint estre descouuerte sa mort, rendit -sa vertu plus claire et plus illustre qu'elle n'estoit en son viuant, quand on -veid que de tant d'or et d'argent qui estoit pass par ses mains.... jamais il -n'en auoit aggrandy ny augment sa maison d'vne seule maille. (Plutarque, -<i>Vie de Lysandre</i>, chapitre <span class="small1">XXX</span>, traduction d'Amyot.)</p> - -<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> Malherbe a dit la fin d'une de ses odes:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Apollon, portes ouvertes,</p> -<p>Laisse indiffremment cueillir</p> -<p>Les belles feuilles toujours vertes</p> -<p>Qui gardent les noms de vieillir.</p> -</div></div> - -<p>Voyez l'dition de M. Lalanne, tome I, p. 188, pice <span class="small1">LIII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> Voyez plus haut, p. 8, note <a href="#FNanchor_11">11</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> On lit <i>prendre</i>, au lieu de <i>perdre</i>, dans l'dition de 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> Voyez ci-dessus, p. 37, note <a href="#FNanchor_32">32</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> <i>Les</i> (c'est--dire Lysandre et Clon) est la leon de toutes les ditions -publies du vivant de Corneille. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) -y ont substitu <i>la</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> <i>Var.</i> Cotys, Seigneur, veut vous parler. (1666 et 68)</p> - -<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <i>Var.</i> Vous ne venez nous que pour suivre ses pas. (1666 et 68)</p> - -<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> Le mot <i>rendre</i> est omis dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> Pausanias fut pendant plusieurs annes roi de Lacdmone avec Agsilas. -Les Spartiates le bannirent l'an 395 avant Jsus-Christ.</p> - -<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> Les ditions de 1666 et de 1668 portent <i>d'honneurs</i>, au pluriel.</p> - -<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> On lit dans l'dition de 1692: <span class="small1">SPITRIDATE</span>, <i> Mandane qui parot</i>. Voltaire -(1764) coupe ici la scne et fait de ce qui suit la scne <span class="small1">II</span>, ayant pour -personnages: <span class="small1">MANDANE</span>, <span class="small1">ELPINICE</span>, <span class="small1">SPITRIDATE</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire aprs lui (1764) ont ainsi modifi -ce vers:</p> - -<p class="quote">Ose faire clater ma flamme avant la sienne?</p> - -<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> <i>Var.</i> Il ne peut lui donner de rois<a id="FNanchor_58-a" href="#Footnote_58-a" class="fnanchor"> [58-a]</a>. (1666 et 68)</p> - -<p class="i2"><a id="Footnote_58-a" href="#FNanchor_58-a" class="label">[58-a]</a> Cette leon a t reproduite par l'dition de 1692 et par Voltaire (1764).</p> - -<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> On trouve dans une lettre manuscrite d'un homme de ce temps-l qu'il -s'leva un murmure trs-dsagrable dans le parterre, ces vers d'Aglatide. -(Voltaire, <i>Prface d'Agsilas</i>.)</p> - -<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> Il y a, par erreur, <i>perdre</i>, au lieu de <i>prendre</i>, dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> Voyez tome I, p. 148, note 3.</p> - -<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> Voltaire fait des six derniers vers la scne <span class="small1">VI</span> (voyez ci-dessus, p. 62, -note 1), ayant pour personnages <span class="small1">COTYS</span>, <span class="small1">MANDANE</span>, <span class="small1">AGLATIDE</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> Cet hmistiche a t ainsi modifi dans l'dition de 1692:</p> - -<p class="quote">Le changement vous plat.</p> - -<p>—Voltaire a gard la leon des ditions antrieures.</p> - -<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> On lit: Avec tant d'intrts, dans l'dition de 1692 et dans celle de -Voltaire (1764).</p> - -<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> Voltaire fait de ce qui suit une scne part, la scne <span class="small1">VIII</span> (voyez ci-dessus, -p. 62, note 1, et p. 72, note 2). Dans les ditions anciennes, y -compris celle de 1692, le nom de <span class="small1">CLON</span> ne figure pas mme en tte de la -scne <span class="small1">V</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> L'dition de 1682 donne seule, par une faute vidente, <i>nous</i>, au lieu de -<i>vous</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> Ici, par une autre erreur, l'dition de 1682 porte <i>attendoit</i>, pour <i>entendoit</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> Comparez ce vers au vers 1454 de <i>Cinna</i>, acte V, scne <span class="small1">I</span>, et un peu plus -loin, les vers 1982 et suivants aux vers 1696 et suivants de la mme pice, -acte V, scne <span class="small1">III</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> L'dition de 1682 donne, par erreur encore, <i>votre</i>, pour <i>notre</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <i>Il parle bas Xnocls, qui sort</i>. -Voyez tome VI, p. 650, note 2.</p> - -<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> Voyez ci-dessus, p. 37, note <a href="#FNanchor_32">32</a>, et p. <a href="#Page_52">52</a>, vers 1096 et suivants.</p> - -<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> On lit ici dans l'dition de 1692 un vers de plus, que Voltaire donne -galement:</p> - -<p class="quote">Avec moi n'apprhendez rien.</p> - -<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> Ce vers a t omis dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <i>Var.</i> N'oubliez plus ceux d'un sujet. (1666 et 68)</p> - -<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> C'est--dire Armande Bjart, femme de Molire, qui remplissait -le rle de Flavie.</p> - -<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> Voyez le Mazurier, <i>Galerie historique du thtre franais</i>, -tome I, p. 543.</p> - -<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> <i>Bolana</i>, 1742, in-12, p. 40 et 41.</p> - -<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> <i>Prface d'Attila</i>, p. 7 et 8. Le nom est <i>Ildione</i> dans Corneille.</p> - -<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> Voyez Jornands, <i>de Getarum origine et rebus gestis</i>, chapitre -<span class="small1">XLIX</span>. Jornands s'appuie sur l'autorit de Priscus.</p> - -<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Voyez <i>Histoire d'Attila</i>.... par M. Amde Thierry, 1856, -tome I, p. 226, et tome II, p. 307 et suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> Le titre <i>Au lecteur</i> ne se trouve que dans l'dition originale, -1668. Voyez tome VI, p. 357, note 1.</p> - -<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> Attila, roi des Huns, qui commena rgner l'an de Jsus-Christ -434 ou 435, tait n, suivant toute apparence, dans les dernires -annes du quatrime sicle. Il mourut en 453.</p> - -<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> <i>Homo subtilis, antequam arma gereret, arte pugnabat.</i> (Jornands, -<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXVI</span>.) Au chapitre prcdent Jornands -dit de lui qu'il tait trs-fort par le conseil, <i>consilio validissimus</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> A quelle poque prcise est ne cette formule fameuse d'<i>Attila -flagellum Dei</i>, dont les lgendaires et les chroniqueurs ne font -qu'un mot auquel ils laissent la physionomie latine, mme en langue -vulgaire? On ne le sait pas: tout ce qu'on peut dire, c'est qu'elle -ne se trouve chez aucun auteur contemporain, et que la lgende de -saint Loup.... crite au huitime ou neuvime sicle par un prtre -de Troyes, est le plus ancien document qui nous la donne. (<i>Histoire -d'Attila</i>, par M. Amde Thierry, tome II, p. 248.)</p> - -<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> Les mots: et les Gpides, ne sont pas dans l'dition originale.</p> - -<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> Les ditions de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764) -portent ici <i>Valentinien</i>, mais dans la liste des acteurs, o ce nom -propre reparat, elles donnent, comme les ditions publies du vivant -de l'auteur, <i>Valentinian</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> Voyez <a id="acte_II"></a>acte II, (p. <a href="#Page_37">37</a>) scne <span class="small1">VI</span>, vers 683-704.—On voit comme Corneille -met profit les versions diverses qui se rapportent un fait -historique; il a procd d'une manire analogue dans <i>Othon</i> au sujet -de la mort de Vinius. Voyez tome VI, p. 654 et la note 2.</p> - -<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> Justa Grata Honoria, petite-fille du grand Thodose, fille de -Constance III et de Placidie et sœur de Valentinien III, ne Ravenne -en 417, envoya son anneau Attila en le priant de la demander -en mariage. Attila ne rpondit point, et quelque temps aprs -Honoria fut enferme Constantinople, puis Ravenne, cause de -sa conduite scandaleuse avec son intendant Eugnius. Ce fut alors -qu'Attila rclama sa fiance, exigeant sa mise en libert et la part -qui lui revenait dans la succession de son pre, qui se composait, -suivant le roi des Huns, non-seulement de la moiti des biens personnels -de Constance, mais aussi de la moiti de l'empire d'Occident. -Valentinien rpondit que sa sœur tait marie, et que d'ailleurs -l'Empire ne constituait pas un patrimoine de famille. Toutefois, -lorsque plus tard le pape Lon vint supplier Attila vainqueur -d'pargner Rome, celui-ci en se retirant dclara encore qu'il reviendrait -accabler l'Italie si on ne lui envoyait Honoria et ses trsors. -Voyez Jornands, <i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> Dans les deux impressions de 1668, l'dition originale, aussi -bien que le recueil, on lit: et en l'attendant.</p> - -<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> <i>Puellam, Ildico nomine, decoram valde, sibi in matrimonium post -innumerabiles uxores, ut mos erat gentis illius, socians.</i> (Jornands, <i>de -Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> Qu'tait-ce qu'Ildico? La tradition germaine en fait une fille -de roi, tantt d'un roi des Franks d'outre-Rhin, tantt d'un roi des -Burgondes. (<i>Histoire d'Attila</i>, par M. Amde Thierry, tome I, -p. 226.)</p> - -<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <i>Attila.... noctu mulieris manu cultroque confoditur.</i> (Marcellini -comitis <i>Chronicon</i>.)</p> - -<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> <i>Vino somnoque gravatus, resupinus jacebat, redundansque sanguis, -qui ei solite de naribus effluebat, dum consuetis meatibus impeditur, itinere -ferali faucibus illapsus eum exstinxit.</i> (Jornands, <i>de Getarum rebus -gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> On a prtendu que Corneille avait ici uniquement en vue le -trait <i>de la Comdie</i> de Nicole, publi en 1659, et rimprim plus -tard dans ses <i>Essais de morale</i>. Cela n'est pas exact. Bien que les diverses -situations du <i>Cid</i> et les imprcations de Camille dans <i>Horace</i> -fussent vivement blmes dans cet ouvrage (voyez chapitres <span class="small1">VI</span> et <span class="small1">VII</span>), -Corneille n'avait pas jug propos de rpondre; il aurait eu, depuis -1659, de frquentes occasions de le faire. Il rsulte de l'examen que -nous avons fait des ouvrages dirigs contre le thtre que notre pote -veut surtout parler ici d'un <i>Trait de la comdie et des spectacles selon -la tradition de l'glise, tire des conciles et des Saints-Pres</i>, publi -en 1667. Ce qui l'mut, ce fut moins coup sr la force des raisonnements, -que le nom de l'auteur, qui ne figure point sur le titre, -mais qu'on trouve mentionn en toutes lettres dans l'approbation des -docteurs, et qui n'est autre que Mgr le prince de Conty. Lorsqu'on -sait qui s'adressent les paroles de Corneille, que jusqu'ici on -pouvait croire diriges contre quelque obscur controversiste, on est -frapp de l'nergique indpendance du pote. Il faut remarquer du -reste qu'il avait t attaqu avec une grande violence: <i>Cinna</i>, <i>Pompe</i>, -<i>Polyeucte</i> mme n'avaient pas t pargns; enfin le prince portait -sur <i>le Cid</i> cet trange jugement, qui parat avoir surtout bless Corneille: -Rodrigue n'obtiendroit pas le rang qu'il a dans la comdie, -s'il ne l'et mrit par deux duels, en tuant le Comte et en dsarmant -don Sanche; et si l'histoire le considre davantage par le nom -de Cid et par ses exploits contre les Mores, la comdie l'estime beaucoup -plus par sa compassion pour Chimne et par ses deux combats -particuliers. Le rcit mme de la dfaite des Mores y est fort ennuyeux -et peu ncessaire l'ouvrage, tant certain qu'il n'y avoit -nulle rigueur en ce temps-l contre les duels, et n'y ayant pas d'apparence -que la svrit du roi de Castille ft si grande en cette matire, -contre la coutume de son sicle, qu'il n'en pt bien pardonner -deux par jour, mme sans le prtexte d'une victoire aussi importante.</p> - -<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Tel est le texte de toutes les ditions anciennes, y compris -celle de 1692. <i>L'un</i> est employ ici neutralement; Voltaire y a substitu -le fminin: l'<i>une</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> Dans l'dition de 1692: ce qu'elles n'auroient jamais fait. -Voltaire (1764) a gard l'ancienne leon.</p> - -<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> La traduction de Port-Royal, attribue le Maistre de Saci, -qui est dsign dans le privilge par le pseudonyme du: sieur de -S. Aubin. (Voyez le <i>Port-Royal</i> de M. Sainte-Beuve, tome II, -p. 372 et note 2.) Voici le titre de ce volume: <i>Comdies de Terence -traduites en franois avec le latin cost et rendues tres-honnestes en y -changeant fort peu de chose</i>.... A Paris, chez la veuve Martin Durand.... -M.DC.XXXXVII, in-12. Il ne comprend que trois pices: -l'<i>Andrienne</i>, <i>les Adelphes</i> et le <i>Phormion</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> Corneille a dj dfendu son <i>Menteur</i> par des arguments tout - fait semblables. Voyez tome IV, p. 284.</p> - -<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> Presque tous les personnages de cette pice sont historiques. -Voyez ci-dessus pour Attila, p. 103, note <a href="#FNanchor_82">82</a>; pour Honorie, p. 104, -note <a href="#FNanchor_88">88</a>; pour Ildione, p. 102, et p. 104, notes <a href="#FNanchor_91">91</a> et <a href="#FNanchor_92">92</a>. Le capitaine des -gardes d'Attila et la dame d'honneur d'Honorie sont les seuls rles -d'invention, encore faut-il remarquer que le nom d'Octar n'est pas -imaginaire; c'est celui de l'oncle d'Attila: voyez Jornands, <i>de Getarum -rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>. Le mme historien dit au sujet d'Ardaric -et Valamir, qu'Attila les aimait plus que tous les autres petits rois: -<i>super cteros regulos diligebat</i>. (Chapitre <span class="small1">XXXVIII</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> C'est ainsi que ce nom est imprim dans toutes les ditions -(avec un trma de plus: <i>Meroe</i>, pour marquer que l'<i>u</i> ne doit pas -se prononcer comme un <i>v</i>).—Mrove est nomm dans Grgoire -de Tours. Quelques-uns affirment que de la race de Chlogion<a id="FNanchor_100-a" href="#Footnote_100-a" class="fnanchor"> [100-a]</a> tait -le roi Mrovech, dont Childric fut fils. <i>De hujus</i> (Chlogionis) -<i>stirpe quidam Merovechum regem fuisse adserunt, cujus fuit filius Childericus</i>. -(Livre II, fin du chapitre <span class="small1">IX</span>.)</p> - -<p class="i2"><a id="Footnote_100-a" href="#FNanchor_100-a" class="label">[100-a]</a> Il nomme un peu plus haut Chlogion (<i>Clodion</i>) roi des Francs.</p> - -<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> Province de l'empire romain, borne au nord par le Danube, -comprise dans le diocse d'Illyrie.</p> - -<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> On portait cinq cent mille hommes le nombre des troupes d'Attila. -<i>Cujus exercitus quingentorum millium esse numero ferebantur.</i> (Jornands, -<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Voyez plus loin, p. 113, le vers 102 et la note <a href="#FNanchor_105">105</a> qui s'y rapporte.</p> - -<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> On lit <i>vous donnent</i> dans l'dition de 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> On dsigne sous ce nom les plaines situes entre Chlons-sur-Marne -(<i>Catalaunum</i>) et Troyes, o Attila fut dfait en 451 par Atius, gnral romain, -qui avait runi sous ses ordres les Burgondes, les Saxons, les Alains, les -Francs, les Visigoths.</p> - -<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> L'dition de 1692 et celle de Voltaire (1764) portent <i>leurs forces</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> L'dition de 1682 donne <i>seul</i>, au lieu de <i>sur</i>, ce qui n'a point de sens.</p> - -<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> Voltaire (1764) a chang <i>des</i> en <i>les</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> Chefs des allis d'Atius (voyez ci-dessus, p. 113, note 1). Thierri -(<i>Thodoric</i>), roi des Visigoths, prit dans la bataille des Champs catalauniques.</p> - -<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> Arcadius et Honorius. Le premier, empereur d'Orient, tait mort l'an de -Jsus-Christ 408; le second, empereur d'Occident, l'an 423.</p> - -<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> Voyez, pour le genre du mot <i>idole</i>, tome VI, p. 608, note 1, et le -<i>Lexique</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> <i>Var.</i> Qui n'osoit son aide appeler de Romains. (1668)</p> - -<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> Gainas, gnral goth, aprs avoir domin pendant quelque temps Arcadius, -prit de la main des Huns, chez qui il avait cherch un asile. Stilicon, -tuteur d'Honorius et rgent de l'empire d'Occident, tait Vandale d'origine.</p> - -<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> Thodose II, fils d'Arcadius, rgna en Orient jusqu' l'an 450. Sa sœur -Pulchrie, qui monta sur le trne aprs lui, mourut en 453, la mme anne -qu'Attila.</p> - -<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> Valentinien III, petit-fils de Thodose par sa mre Placidie, fut empereur -d'Occident de 425 455. Placidie mourut en 450.</p> - -<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> L'<i>Arar</i>, en latin <i>Arar</i> et <i>Araris</i>, ancien nom de la Sane.</p> - -<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont chang <i>Qu'alors que</i> en -<i>Que lorsque</i>. Nous avons eu dj cette mme correction dans <i>Agsilas</i>, acte I, -scne <span class="small1">I</span>, vers 33. Voyez plus loin le vers 1589 (acte V, scne <span class="small1">III</span> p. <a href="#Page_173">173</a>), o Thomas -Corneille et Voltaire ont laiss tous deux <i>alors que</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> L'empereur Honorius donna Constance, gnral victorieux, la main de -sa sœur Placidie, mre de Valentinien, et lui confra le titre d'Auguste, en 421. -Constance mourut peu de mois aprs.</p> - -<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> Voyez ci-dessus, p. 104, note <a href="#FNanchor_88">88</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> L'dition de 1682 et celle de 1692 ont l'une et l'autre <i>les debris</i>, au pluriel, -mais elles ont laiss le verbe au singulier.</p> - -<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> On lit <i>pour vous</i>, au lieu de <i>par vous</i>, dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> Ce vers et le prcdent ont t omis par erreur dans l'dition de 1682.—Comparez -<i>Othon</i>, acte V, scne <span class="small1">II</span>, vers 1601-1604 (tome VI, p. 645).</p> - -<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> Thodoric, roi des Ostrogoths, n en 455, qui en 493 se fit reconnatre -roi d'Italie par l'empereur Anastase, tait fils de Theodemir, frre et successeur -de Valamir.</p> - -<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> <i>Bleda, rex Hunnorum, Attil, fratris sui, insidiis interimitur.</i> (Marcellini -comitis <i>Chronicon</i>; voyez aussi Jornands, <i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre -<span class="small1">XXXV</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> Voyez plus haut, p. 121, la note <a href="#FNanchor_124">124</a> du vers 342.</p> - -<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> Voyez encore ci-dessus, p. 105 et la note <a href="#FNanchor_93">93</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> Voyez ci-dessus, p. 104, note <a href="#FNanchor_88">88</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> Malgr la rime, on lit ici <i>compte</i>, et non pas <i>conte</i>, dans l'dition de 1692. -Il en est de mme au vers 1001 (acte III, scne <span class="small1">IV</span>). Plus loin, dans le courant -du vers 737 (acte III, scne <span class="small1">I</span>), l'dition originale porte <i>comte</i>, et les recueils -de 1668, de 1682 et de 1692, <i>compte</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> Lorsque Boileau, quelques annes plus tard, traduisait ce vers d'Horace -(<i>Art potique</i>, vers 31):</p> - -<p class="quote"><i>In vitium ducit culp fuga, si caret arte,</i></p> - -<p>par</p> - -<p class="quote">Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire</p> - -<p class="signature">(<i>Art potique</i>, chant I, vers 64),</p> - -<p>il se rapprochait de Corneille au moins autant que de son modle.</p> - -<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> Le genre du mot <i>insulte</i> tait encore douteux. Voyez le <i>Lexique</i>. Voltaire -(1764) a ainsi modifi le vers:</p> - -<p class="quote">Endure telle insulte au milieu de sa cour.</p> - -<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> Voyez tome IV, p. 190, la variante du vers 936 du <i>Menteur</i>, et le -<i>Lexique</i>.—Voltaire (1764) a ajout une syllabe:</p> - -<p class="quote">Et bien que sur le choix il me semble hsiter.</p> - -<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> Voltaire (1764) donne <i>l'un et l'autre</i>. Voyez plus loin le vers 605 (p. <a href="#Page_133">133</a>) .</p> - -<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a> Dans ce portrait de Mrove et de son fils, Corneille s'est appliqu peindre -Louis XIV et le grand Dauphin, qui, n en 1661, tait alors effectivement -dans son premier lustre, ou du moins en sortait peine.</p> - -<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a> Ce mot, dont l'orthographe ordinaire dans Corneille est <i>submissions</i>, est -imprim ici, dans toutes les ditions, avec un accent circonflexe: <i>somissions</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a> En 1666, il y avait eu Compigne et ailleurs de grandes revues, pour -prparer les troupes aux expditions de l'anne suivante. (<i>Abrg chronologique -de l'Histoire de France</i>, par le prsident Hnault, anne 1666.)</p> - -<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> Comparez les vers 277 et 278 du <i>Cid</i> (tome III, p. 120).</p> - -<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> Il nous parat peu prs certain que Corneille a compos postrieurement - la reprsentation, qui avait eu lieu, comme nous l'avons dit, au mois -de mars 1667, ces vers o il fait videmment allusion la campagne de Flandre, -et aux rcentes conqutes de Louis XIV, qui prit en personne, en juin, -juillet et aot 1667, les villes de Tournai, de Douai, de Lille. Au sige de cette -dernire place, il s'exposa tellement que Turenne menaa de se retirer s'il ne -se mnageait davantage. L'impression de la pice, nous l'avons dit aussi, ne -fut acheve que vers la fin de novembre 1667.</p> - -<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> Ici encore le pote a en vue les exercices militaires de l'anne 1666. -Robinet, le continuateur de la <i>Muse historique</i> de Loret, raconte, dans sa -<i>Lettre Madame</i> du 14 fvrier, que le lundi 8, proche Conflans, dans la -plaine, le Roi fit la revue</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Des troupes de son cher Dauphin....</p> -<p>Qui dj l'amant de Bellone,</p> -<p>En ce lieu parut en personne</p> -<p>Dessus un petit Bucphal, etc.</p> -</div></div> - -<p>La <i>Gazette</i>, dans les numros du 8 mai et du 10 juillet, parle de deux autres -revues o le Dauphin figura soit la tte de son rgiment, soit la tte de sa -compagnie.</p> - -<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> Voyez plus haut, p. <a href="#Page_127">127</a>, la note du vers 461. Ici ce n'est pas seulement -Voltaire (1764), mais encore l'dition de 1682 qui donnent: l'un et l'autre.</p> - -<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> Telle est l'orthographe de ce mot dans toutes les anciennes ditions, et -mme dans celle de Voltaire (1764).</p> - -<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> Suivant son habitude, Thomas Corneille a corrig <i>die</i> en <i>dise</i>. Voltaire a -fait de mme.</p> - -<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_104">104</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> Voltaire a supprim ces mots, et il a ensuite ajout <i>seul</i> au nom d'<span class="small1">ARDARIC</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> L'dition de 1692, aussi bien que celle de Voltaire (1764), portent <i>tout</i>, -invariable.—Dans l'dition originale, de 1668, <i>tous</i> est joint au participe par -un trait d'union, comme ne formant avec lui qu'un seul mot: tous-placs.</p> - -<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> Ce fut Valentinien lui-mme qui tua de sa main Atius, l'anne qui suivit -la mort d'Attila: <i>Aetius, dux et patricius, fraudulenter singuluris accitus -intra palatium, manu ipsius Valentiniani imperatoris occiditur</i>. (Idacii, episcopi -<i>Chronica</i>, dition de 1633, p. 35.)</p> - -<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> <i>Var.</i> Vouloir qu' mes yeux mme un autre la possde! (1668)</p> - -<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>) exprime nergiquement -la terreur qu'inspirait Attila: <i>Vir in concussionem gentium natus in -mundo, terrarum omnium metus, qui, nescio qua sorte, terrebat cuncta formidabili -de se opinione vulgata</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> Voyez ci-dessus, p. 103, note <a href="#FNanchor_84">84</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> <i>Var.</i> Il faut donc m'y rsoudre? Eh bien! j'ose.... De grce. (1668)</p> - -<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> L'dition de 1682 donne, par erreur, <i>mais</i>, au lieu de <i>mes</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> C'est la traduction du vers bien connu (Juvnal, satire <span class="small1">vi</span>, vers 223):</p> - -<p class="quote"><i>Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.</i></p> - -<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> Les deux ditions de 1668 ont <i>faite</i>; celles de 1682, de 1692 et de -Voltaire (1764) portent <i>fait</i>, sans accord.</p> - -<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> Voltaire (1764) a remplac <i>une autre moi-mme</i> par <i>un autre moi-mme</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> Attila est nomm ainsi dans Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre -<span class="small1">XXXVIII</span>): <i>Attila rex omnium regum</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> Telle est la leon des deux ditions antrieures 1682. Celle-ci porte -<i>ton pouvoir</i>, pour <i>tout pouvoir</i>, ainsi que l'dition de 1692. Voltaire a adopt -comme nous la leon primitive: <i>tout</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> <i>Var.</i> Et pour ne plus souffrir de fers qui les captivent. (1668)—Cette -leon a t reproduite par l'dition de 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> C'est la hblerie du Matamore prise au srieux. Voyez <i>l'Illusion comique</i>, -vers 233 (tome II, p. 447).</p> - -<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> <i>Bellorum quidem amator, sed ipse manu temperans.</i> (Jornands, <i>de Getarum -rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>.) Voyez ci-dessus, p. 103 et la note <a href="#FNanchor_83">83</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> L'dition de 1692 porte <i>quelle insulte</i>, au fminin. Plus haut, au vers 424, -p. 125, elle avait laiss ce mot au masculin. Voltaire a mis le fminin aux -deux endroits.</p> - -<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> Tel est le texte de toutes les ditions anciennes, et mme encore de celle -de Voltaire (1764). Il est conforme l'usage ordinaire de Corneille. Dans des -ditions modernes on a ajout <i>ne</i>: moins qu'on n'assassine. Voyez le -<i>Lexique</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> Voyez ci-dessus, acte III, scne <span class="small1">IV</span>, vers 1069 et 1070. (p. <a href="#Page_151">151</a>)</p> - -<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> <i>Var.</i> Et me remerciez de suivre ainsi vos lois. (1668, dition originale.)</p> - -<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <i>Bandolier</i>, <i>bandoulier</i>, de l'espagnol <i>bandolero</i>, voleur de campagne, -qui vole en troupe et avec armes feu. (<i>Dictionnaire de Furetire.</i>) Voyez -le <i>Lexique</i>.—L'empereur Philippe, dit l'Arabe, tait fils d'un chef de brigands; -Diocltien tait, selon les uns, l'affranchi d'un snateur, selon d'autres -le fils d'un greffier; Galre avait t berger, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a> Il est parl de Sigismond roi des Bourguignons au chapitre <span class="small1">LVIII</span> de -Jornands.</p> - -<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a> Il y a le futur, <i>dfendront</i>, dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> Torrismond, ou plutt <i>Thorismond</i>, un des vainqueurs d'Attila dans la -bataille des Champs catalauniques, tait fils et successeur de Thodoric, roi des -Visigoths, qui prit dans cette bataille.</p> - -<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> Voyez ci-dessus, p. 117, note <a href="#FNanchor_116">116</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> Voyez acte III, scne <span class="small1">II</span>, vers 920 (p. <a href="#Page_146">146</a>).</p> - -<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <span class="small1">ILDIONE</span>, <i>seule</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_104">104</a>, et p. <a href="#Page_137">137</a>, vers 693-704.</p> - -<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> Dans Voltaire: <i>ni l'un ni l'autre</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <i>Var.</i> A jet trop d'amorce votre ambition. (1668)</p> - -<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> Voyez ci-dessus, p. 120, note <a href="#FNanchor_123">123</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> C'est encore un nom emprunt Jornands. Dans son <i>Histoire des Goths</i> -(chapitre <span class="small1">XLV</span>), c'est celui du frre de Thodoric, roi des Visigoths, tu aux -Champs catalauniques.</p> - -<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a> L'dition de Voltaire (1764) a ici une leon qui altre le sens: qu'il -punit par avance.</p> - -<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> Voyez plus haut, p. 103, note <a href="#FNanchor_84">84</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> <i>Sanguis, qui ci solite de naribus effluebat....</i> (Jornands, <i>de Getarum rebus -gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.) Voyez ci-dessus, p. 105, note <a href="#FNanchor_93">93</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> Ici Voltaire (1764), bien qu'il ait laiss ailleurs (au vers 833 par exemple) -<i>envoyerez</i>, donne <i>enverroient</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> Aprs ce vers, l'dition de 1692 donne seule le jeu de scne suivant: <i>Il -montre Ildione Honorie</i>; et aprs le vers 1694, cette mme dition ajoute: -<i> Ildione</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> L'dition originale porte <i>un jour</i>, pour <i>au jour</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> Voltaire a chang ta gloire en la gloire.</p> - -<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764), ce vers, prcd des mots: <span class="small1">HONORIE</span> -<i> Valamir</i>, commence la scne <span class="small1">VI</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_174">174</a>, vers 1599-1604.</p> - -<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> Ce sont les mots dj cits de Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre -<span class="small1">XLIX</span>): <i>Redundansque sanguis.... dum consuetis meatibus impeditur.... -eum exstinxit</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">L</span>) rapporte que ce fut Ardaric -qui le premier, aprs la mort d'Attila, se souleva contre son fils, et qui -par sa dfection dlivra non-seulement sa propre nation, mais encore toutes -les autres, qui taient galement opprimes.</p> - -<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> Henriette-Anne d'Angleterre, fille de Charles I<sup>er</sup>, roi d'Angleterre, -et de Henriette-Marie de France, fille de Henri IV; ne -Exeter en 1644, marie en 1661 Philippe d'Orlans, frre de -Louis XIV, morte en 1670.</p> - -<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> Fontenelle raconte le mme fait, mais beaucoup plus brivement. -Toutefois comme il est, notre connaissance, le premier qui -en ait parl, nous croyons utile de reproduire ici son tmoignage: -<i>Brnice</i> fut un duel dont tout le monde sait l'histoire. Une princesse, -fort touche des choses d'esprit et qui et pu les mettre -la mode dans un pays barbare, eut besoin de beaucoup d'adresse -pour faire trouver les deux combattants sur le champ de bataille, -sans qu'ils sussent o on les menoit. Mais qui demeura la victoire? -Au plus jeune. (<i>Vie de Corneille</i> dans l'<i>Histoire de l'Acadmie franoise</i> -de Pellisson, publie par l'abb d'Olivet en 1729, in-4<sup>o</sup>, p. 195.) -En 1742, lorsque la <i>Vie de Corneille</i> parut pour la premire fois dans -les <i>Œuvres de Fontenelle</i>, le passage que nous venons de citer ne subit -qu'un fort lger changement: Feue Madame, princesse, au -lieu de une princesse. (Tome III, p. 116 et 117.) Du reste, dans -l'une et l'autre publication, le mot <i>princesse</i> est expliqu par cette -note au bas de la page: Henriette-Anne d'Angleterre. En 1747, -Louis Racine, dans ses <i>Mmoires</i>, rappelle fort sommairement le -mme fait; il dit en parlant de <i>Brnice</i>: M. de Fontenelle, dans la -<i>Vie de Corneille</i>, son oncle, nous dit que <i>Brnice</i> fut un duel.... Une -princesse fameuse par son esprit et par son amour pour la posie avait -engag les deux rivaux traiter le mme sujet. (Pages 87 et 88.)</p> - -<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> Chapitre <span class="small1">XXV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> Marie Mancini, nice du cardinal Mazarin, ne Rome -en 1639, pousa en 1661 le prince Colonna, conntable de Naples; -elle mourut vers 1715. Dans la tragdie de Racine (acte IV, scne <span class="small1">V</span>), -Brnice dit Titus:</p> - -<p class="quote">Vous tes empereur, Seigneur, et vous pleurez!</p> - -<p>Au sujet de cette parole, on lit parmi les notes de Voltaire, qui dans -son <i>Thtre de Corneille</i> a comment les pices des deux potes rivaux, -la remarque suivante: Ce vers si connu faisait allusion -cette rponse de Mlle Mancini Louis XIV: Vous m'aimez, vous -tes roi, vous pleurez, et je pars!</p> - -<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> Pierre du Ryer, dit Jolly dans son <i>Avertissement</i> du <i>Thtre -de P. Corneille</i> (p. <span class="small1">LXX</span>), fit imprimer, en 1645, <i>Brnice</i>, tragi-comdie -en prose. C'est sans doute ce qui a amen l'auteur du -<i>Dictionnaire portatif des thtres</i> dire: Outre la tragdie de <i>Tite -et Brnice</i> de Pierre Corneille, ce sujet en a fourni deux autres sous -le titre simple de <i>Brnice</i>: l'une de du Ryer, donne en 1645, et -qui est en prose, et l'autre de l'illustre Racine. Rien n'est plus -faux que cette assertion. La <i>Brnice</i> de du Ryer est un sujet purement -romanesque remis au thtre en 1657 par Thomas Corneille, -sous le mme titre de <i>Brnice</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> Ce n'est pas simplement pour la rime, comme on pourrait -tre tent de le croire, que Robinet donne cette qualit Mlle de -Beauval; il se proccupe toujours beaucoup des sentiments religieux -des personnes de thtre, et annonant dans son numro du -6 dcembre de la mme anne la mort d'une autre actrice, il nous -dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Cette illustre comdienne,</p> -<p>Et non moins illustre chrtienne,</p> -<p>Par son dcs des plus pieux,</p> -<p>Qui fait croire que dans les cieux</p> -<p>On aura colloqu son me,</p> -<p>De de Villiers toit la femme,</p> -<p>Qui fut aussi tout singulier</p> -<p>Dedans le comique mtier,</p> -<p>Composant mme en vers et prose,</p> -<p>Mais maintenant il se repose,</p> -<p>Faisant, je crois, tout ce qu'il faut</p> -<p>Pour monter son tour l-haut.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> Dans le rle de Plautine, confidente de Domitie.</p> - -<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> <i>Rcrations littraires ou Anecdotes et remarques sur diffrents -sujets</i>, recueillies par M. C. R*** (Cizeron Rival). Paris et Lyon, -1765, in-12, p. 67-69.</p> - -<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> <i>Recueil de dissertations</i>.... publi par Granet, tome II, p. 223.</p> - -<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> Virgile, <i>nide</i>, livre I, vers 475.</p> - -<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> <i>Recueil</i> de Granet, tome II, p. 206 et 207.</p> - -<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> <i>Ibidem</i>, p. 209.</p> - -<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> <i>Recueil de dissertations</i>.... publi par Granet, tome II, p. 219.</p> - -<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> <i>Ibidem</i>, tome II, p. 223 et suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> <i>Ibidem</i>, tome II, p. 242 et 243.</p> - -<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> <i>Recueil</i> de Granet, tome II, p. 311 et 312.—L'histoire en -effet nous montre Brnice, fille d'Agrippa, roi de Jude, ne -l'an 28 de Jsus-Christ, comme une femme corrompue, qui, aprs -avoir pous d'abord son oncle Hrode, roi de Chalcis, puis Polmon, -roi de Cilicie, lequel s'tait fait juif pour elle, fut rpudie -par lui, cause des dbordements auxquels elle se livrait. Titus, -parvenu l'empire trente-neuf ans, jugea indispensable de s'en sparer; -elle tait alors ge de cinquante et un ans. Il y a loin de l -l'hrone de Corneille et de Racine. On a prtendu il est vrai que la -Brnice de Titus tait une nice de celle dont nous venons de parler, -mais cette interprtation ne s'est pas accrdite. Voyez le <i>Dictionnaire -historique</i> de Bayle au nom de <i>Brnice</i>, et la <i>Dissertation sur Brnice</i>, -par M. Rey, dans les <i>Mmoires de la Socit des antiquaires de France</i>, -nouvelle srie, tome I, p. 235 et suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> Voyez l'<i>Avertissement</i>, tome I, p. <span class="small1">XIII</span> et <span class="small1">XIV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> Sutone, <i>Vie de Titus</i>, chapitre <span class="small1">VII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> L'abrg de l'histoire de Dion Cassius par Xiphilin a t imprim -pour la premire fois en 1551, par Robert Estienne, avec la -traduction latine de Guillaume Blanc d'Alby, en un volume in-4<sup>o</sup>. -Il y a entre les extraits de Corneille et le texte de 1551 deux ou trois -diffrences insignifiantes, qu'il est inutile de relever. Les phrases -qu'il cite ne se suivent pas dans Xiphilin: elles se trouvent aux -p. 159, 160, 163, 164, 165, 169, de l'dition princeps de Robert -Estienne. En 1589 a paru chez Lucas Bregel, Paris, la traduction -du mme ouvrage par Antoine Canque, conseiller du Roy au siege -presidial de Clermont en Auvergne. Nous en extrayons les passages -qui correspondent ceux que Corneille a cits:</p> - -<p>Estans les choses en tel estat, Vespasien fut par le Senat declar -Empereur, et Titus et Domitianus Csars....</p> - -<p>Domitianus.... se tenoit la pluspart du temps en sa maison au -pont d'Alba, estant du tout affoll et asserui de l'amour de Domitia -fille de Corbulo, laquelle il auoit enleuee par force son mary Lucius -Lamius milianus, et pour lors il la tenoit seulement auec luy -comme sa concubine, mais du depuis il l'espousa....</p> - -<p>En ce temps aussi le renom et bruict de Berenice estoit grand: -elle s'en alla Rome en la compagnie de son frere Agrippa, auquel -on donna la dignit honoraire de Preteur, et elle eut pour sa maison -et demeure le Palais, o Titus l'entretenoit, et cuidoit-on qu'il la deut -espouser, car desia elle se comportoit comme son espouse et femme -legitime, mais Titus ayant senty le vent que les Romains estoient -malcontens de telles choses la renuoya en son pays: aussi murmuroit-on -fort Rome de leur accointance.</p> - -<hr class="tb" /> - -<p>Tout le temps que Titus iouyt seul de l'Empire se passa sans -meurtres et effusion de sang, il ne commit aucun acte par lequel on -peut iuger qu'il se laissast plus aller aux passions d'Amour. Tellement -que iaoit qu'on luy eut machin trahisons, il se monstra neantmoins -tousiours doux et clement mesmes enuers les trahistres, et Berenice -estant derechef venu Rome il se monstra homme chaste et continent....</p> - -<p>Comme Titus rendit l'esprit, il dit qu'il auoit commis vn seul -pech duquel il se repentoit, mais il ne declaira pas quel, ny personne -ne le peut oncques asseurement sauoir, les vns imaginans -vne chose, les autres vne autre<a id="FNanchor_204-a" href="#Footnote_204-a" class="fnanchor"> [204-a]</a>. On tient pour asseur, ce que -aucuns disent, qu'il se repentit d'auoir entretenu la femme de son -frere nomme Domitia: les autres, ausquels i'adioute foy, de ce -qu'ayant surprins Domitianus en manifeste trahison contre luy, il -ne l'auoit pas occis, ains auoit plustost choisi de souffrir le malheur -qui luy estoit aduenu, que de le faire tuer. Ou bien de ce qu'il laissoit -l'Empire Romain entre les mains d'vn homme tel....</p> - -<p class="i2"><a id="Footnote_204-a" href="#FNanchor_204-a" class="label">[204-a]</a> Sutone, dans sa <i>Vie de Titus</i>, chapitre <span class="small1">X</span>, parle aussi de ce regret -de Titus mourant, et rejette, comme Xiphilin, la premire interprtation: -<i>Suspexisse dicitur.... cœlum, multumque conquestus eripi sibi</i> -<i>vitam immerenti: neque enim exstare ullum suum factum pnitendum, -excepto duntaxat uno. Id quale fuerit, neque ipse tunc prodidit, neque -cuiquam facile succurrat. Quidam opinantur consuetudinem recordatum -quam cum fratris uxore habuerit; sed nullam habuisse persancte Domitia -jurabat, haud negatura, si qua omnino fuisset; imo etiam gloriatura, -quod illi promptissimum erat in omnibus probris.</i></p> - -<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> L'dition de 1679 a la faute trange de <i>numero</i>, pour <i>rumores</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> Le recueil de 1668 se termine par <i>Attila</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> La <i>Notice</i> et les extraits qui prcdent renferment les renseignements -ncessaires sur les quatre premiers personnages, qui appartiennent - l'histoire; les autres sont d'invention.</p> - -<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> Le second hmistiche de ce vers est le premier du vers 1050 de <i>Polyeucte</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> <i>Var.</i> Ne devoit-il pas faire aussi tous mes plaisirs? (1679)</p> - -<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_204">204</a>, les vers 87-91 et la note <a href="#FNanchor_213">213</a>.—Dion Cassius -(livre LXII, chapitre <span class="small1">XXIII</span>) rapporte que Corbulon, ayant un grand pouvoir -comme gnral, et une grande renomme, aurait pu fort aisment se faire lire -empereur, car tous hassaient Nron et tous l'admiraient lui-mme; mais il -demeura soumis, et ne tenta point de rvolte.</p> - -<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> Il y a lieu de croire que Cnius Domitius Corbulon appartenait l'illustre -famille Domitia; l'empereur Nron tait, comme l'on sait, fils de Cnius -Domitius Ahenobarbus. En outre, la sœur de Corbulon, Csonia, avait pous -Caligula: voyez Pline l'ancien, livre VII, chapitre <span class="small1">V</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> Par une erreur singulire, les ditions de 1679 et de 1682 portent toutes -deux <i>Pompe</i>, pour <i>Poppe</i>, et un peu plus loin, au vers 115, <i>Martine</i>, pour -<i>Martie</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> Corbulon ayant appris, son arrive Corinthe, que Nron, qui l'avait -mand en Grce, avait ordonn sa mort, se frappa lui-mme de son pe, -l'an 67 aprs Jsus-Christ, et dit en mourant: Je l'ai mrit.</p> - -<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> Galba, Othon et Vitellius, qui rgnrent en 68 et 69, et dont les trois -rgnes runis ne durrent que dix-huit mois.</p> - -<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> Sutone, au chapitre <span class="small1">IV</span> de la <i>Vie de Titus</i>, dit que sa seconde femme -se nommait Marcia Furnilla, et que Titus, aprs en avoir eu une fille, fit divorce -avec elle.</p> - -<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> Il est dit dans le premier extrait de Xiphilin que Brnice habita dans le -palais: <i>habitavit in palatio</i>: voyez ci-dessus, p. 197.</p> - -<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_191">191</a> et <a href="#Page_192">192</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> Les ditions publies du vivant de Corneille (1671-82) portent <i>leur -prix</i>, corrig par l'dition de 1692 en <i>son prix</i>. Voltaire a gard <i>leur</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont chang la construction; -ils donnent: et je ne te puis croire.</p> - -<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> Domitien prtendait que Vespasien l'avait institu cohritier de l'empire, -mais que le testament avait t falsifi. Voyez Sutone, <i>Vie de Domitien</i>, -chapitre <span class="small1">II</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a> Ce morceau, souvent reproch Corneille, pourrait bien lui avoir t -inspir par le livre des <i>Maximes</i> de la Rochefoucauld, dont la premire dition -a paru en 1665, cinq ans avant <i>Tite et Berenice</i>, et qui faisait encore -le sujet de tous les entretiens. La <i>maxime</i> 262 commence ainsi: Il n'y a -point de passion o l'amour de soi-mme rgne si puissamment que dans l'amour.</p> - -<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> On lit <i>un</i> autre dans l'dition de 1682. Voyez le vers 1732 et la note <a href="#Page_273"></a> <a href="#FNanchor_288">288</a> -qui s'y rapporte.</p> - -<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> Voltaire (1764) a ainsi modifi ce vers:</p> - -<p class="quote">Et profitons par l d'un cœur embarrass.</p> - -<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> Ce vers se trouve dj dans <i>Pertharite</i>, acte II, scne <span class="small1">V</span>, vers 744.</p> - -<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> Polmon, roi de Cilicie. Voyez ci-dessus, p. 194, note <a href="#FNanchor_201">201</a>, et plus loin, -p. 245, note <a href="#FNanchor_258">258</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> Le clbre M. de Santeul, voulant composer des vers sur la campagne -d'Hollande de 1672, crut ne pouvoir mieux faire que de traduire en latin ces -huit vers (397-404).... Il prsenta au Roi ses vers latins sous ce titre: <span class="small1">Sur le -dpart du Roi</span>, et mit ct ceux de M. Corneille. (Jolly, <i>Avertissement du -Thetre de Corneille</i>, p. <span class="small1">LXIX</span> et <span class="small1">LXX</span>.)—Santeul donne les vers 403 et 404 -avec une double variante:</p> - -<p class="quote">Pour envoyer l'effroi <i>sur</i> l'un et l'autre ple<br /> -Je n'ai qu' faire un pas et hausser <i>ma</i> parole.</p> - -<p>Voici sa traduction latine:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i5"><i>REX ITER MEDITANS.</i></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><i>Sic cœptis favet usque meis Victoria, ut hostes</i></p> -<p><i>Me quoque pace data timeant, credantque leonem,</i></p> -<p><i>Qui male sopitos premit alto corde furores,</i></p> -<p><i>Ancipiti dudum meditans bella horrida somno;</i></p> -<p><i>Nec tam blanda Venus media dominatur in aula,</i></p> -<p><i>Quin, Marti tantum annuerim, mox palleat orbis.</i></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>(<i>J. B. Santolii Victorini</i> opera poetica. Paris, M.DC.XCIV, p. 211.)</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> Ce vers est la contre-partie de celui que Corneille a plac dans la bouche -d'Auguste (<i>Cinna</i>, acte V, scne <span class="small1">III</span>, vers 1696):</p> - -<p class="quote">Je suis matre de moi comme de l'univers.</p> - -<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> Voyez plus haut, p. 204, le vers 80 et la note <a href="#FNanchor_211">211</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> Voyez ci-dessus, p. 203, note <a href="#FNanchor_210">210</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> Sutone commence ainsi sa <i>Vie de Titus: Titus.... amor ac delici generis -humani</i>; et Eutrope, au livre VII de son <i>Abrg de l'Histoire romaine</i> (chapitre -<span class="small1">XXI</span>), dit au sujet du mme empereur: <i>Huic</i> (Vespasiano) <i>Titus filius -successit.... vir omnium virtutum genere mirabilis adeo, ut amor et delici -humani generis diceretur</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> Il dclara qu'il n'acceptait le souverain pontificat qu'afin de conserver -toujours ses mains pures. Il tint parole; car depuis ce moment, il ne fut ni -l'auteur ni le complice de la mort de personne. <i>Nec auctor posthac cujusquam -necis, nec conscius.</i> (Sutone, <i>Titus</i>, chapitre <span class="small1">IX</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_247">247</a>, la note <a href="#FNanchor_262">262</a> du vers 1112. Aprs l'ruption du Vsuve, -Titus tira au sort, parmi les consulaires, des curateurs chargs de soulager les -maux de la Campanie. (Sutone, <i>Titus</i>, chapitre <span class="small1">VIII</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> L'dition de 1692 donne <i>trompez</i>, pour <i>rompez</i>, ce qui ne peut tre -qu'une faute d'impression.</p> - -<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> Aprs ce vers, Voltaire a ajout les mots: <i> Tite</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> C'est, avec une tournure un peu diffrente, le vers 279 de <i>Sertorius</i>:</p> - -<p class="quote">Qu'importe de mon cœur, si je sais mon devoir?</p> - -<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> Nous avons vu dans les extraits de Xiphilin (p. 197 et 198) qu'aprs tre -venue une premire fois Rome avec son frre Agrippa, du vivant de Vespasien, -Brnice y retourna sous le rgne de Titus.</p> - -<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> Voltaire (1764) fait suivre ce vers de l'indication: <i> Flavian et Albin</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> Voyez plus haut, p. <a href="#Page_223">223</a>, le vers 570 et les vers 559 et 560.</p> - -<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> On lit ici: <i>la</i> Reine, dans les ditions de Thomas Corneille et de -Voltaire, qui deux vers plus loin ont maintenu l'un et l'autre: <i>sa</i> reine.</p> - -<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> Tel est le texte des anciennes ditions, y compris celle de 1692. Voltaire -a mis: Serait-ce un crime moi?</p> - -<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> Allusion l'affranchi Flix. Voyez tome VI, p. 597, la note du vers 510 -d'<i>Othon</i>.—Racine parle aussi de l'affranchi Flix, dans sa <i>Brnice</i> (acte II, -scne II):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>De l'affranchi Pallas nous avons vu le frre,</p> -<p>Des fers de Claudius Flix encor fltri,</p> -<p>De deux reines, Seigneur, devenir le mari;</p> -<p>Et s'il faut jusqu'au bout que je vous obisse,</p> -<p>Ces deux reines toient du sang de Brnice.</p> -</div></div> - -<p>L'une des deux Drusille que Flix pousa tait sœur de Brnice.</p> - -<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> Tacite, au livre II des <i>Histoires</i> (chapitre <span class="small1">LXXXI</span>), raconte que le parti -de Vespasien, au moment de son avnement l'empire, trouva une auxiliaire -zle dans la reine Brnice: <i>nec minore animo regina Berenice partes juvabat, -florens tate formaque, et seni quoque Vespasiano magnificentia munerum -grata</i>. Voyez aussi plus loin, vers 861 et suivants. p. <a href="#Page_236">236</a></p> - -<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> L'dition de 1692 a chang <i>regarder</i> en <i>remarquer</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> Thomas Corneille et Voltaire ajoutent ici: <i> Brnice</i>, et au-dessus de -la seconde phrase du vers 820, Voltaire seul: <i> Domitie</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> L'dition de 1682 donne seule: d'un prince, pour du prince.</p> - -<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_226">226</a>, les vers 631 et 632.</p> - -<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_227">227</a>, vers 642-644.</p> - -<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> L'dition de 1682 porte seule <i>ma honte</i> pour <i>ma bont</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> Toutes les ditions publies du vivant de Corneille portent ici <i>rejallit</i>, -que l'dition de 1692 a chang en <i>rejaillit</i>. Plus loin, au vers 1505, l'dition -de 1671 est la seule qui porte <i>rejaillt</i>: toutes les autres, mme celle de 1692, -ont <i>rejallt</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> On a rapproch de ce passage ce vers que dit Nron dans le <i>Britannicus</i> -de Racine (publi en 1669):</p> - -<p class="quote">Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire?<br /> -<span class="i4">(Acte IV, scne <span class="small1">III</span>.)</span></p> - -<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> Racine, dans sa <i>Brnice</i> (acte II, scne <span class="small1">II</span>), emploie le mme mot:</p> - - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i8"> Soit raison, soit caprice,</p> -<p>Rome ne l'attend point pour son impratrice.</p> -</div></div> - -<p>Puis, quelques vers plus loin, il dveloppe ainsi l'ide contenue dans les -vers 1001 et 1002 de Corneille:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>D'ailleurs, vous le savez, en bannissant ses rois,</p> -<p>Rome ce nom, si noble et si saint autrefois,</p> -<p>Attacha pour jamais une haine puissante;</p> -<p>Et quoiqu' ses Csars fidle, obissante,</p> -<p>Cette haine, Seigneur, reste de sa fiert,</p> -<p>Survit dans tous les cœurs aprs la libert.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> Voyez ci-dessus, p. 232, note <a href="#FNanchor_242">242</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> Dans l'dition de 1692: <i>feront</i> ma seule chane.</p> - -<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_196">196</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> Voltaire (1764) a remplac qui se retire, par qui sort.</p> - -<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> Dans la <i>Brnice</i> de Racine (acte II, scne <span class="small1">II</span>), Titus interroge de mme -son confident Paulin, et celui-ci lui fait connatre, comme ici Philon Brnice, -les dispositions des Romains.</p> - -<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> Telle est l'orthographe de toutes les ditions donnes par Corneille. -L'dition de 1692, et Voltaire d'aprs elle, ont substitu le pluriel au singulier: -assurent ce haut rang.</p> - -<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> Voyez plus haut, p. 194, note <a href="#FNanchor_201">201</a>, et p. <a href="#Page_216">216</a>, vers 381. L'historien Josphe -raconte au livre XX de ses <i>Antiquits judaques</i>, chapitre <span class="small1">VII</span>, 3, que Polmon, -pour pouser Brnice, se fit circoncire; puis que Brnice l'ayant quitt fort -peu de temps aprs le mariage, il renona la religion juive.</p> - -<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> Dans la <i>Brnice</i> de Racine (acte II, scne <span class="small1">II</span>, et acte III, scne <span class="small1">I</span>), il -s'agit d'un semblable tmoignage de reconnaissance, de l'agrandissement des -tats de Brnice.</p> - -<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> Tacite raconte au livre IV de ses <i>Histoires</i> (chapitres <span class="small1">LXXXV</span> et <span class="small1">LXXXVI</span>) -comment Mucien dcida Domitien rester Lyon, au lieu d'aller sur le thtre -mme de la guerre. Puis il ajoute: Domitien comprit l'artifice; mais les -gards commandaient de ne pas l'apercevoir: on alla donc Lyon. De l on -croit qu'il tenta par de secrets missaires la foi de Cerealis (<i>ou</i> Cerialis, <i>le gnral -qui commandait l'arme romaine oppose au Batave Civilis</i>): il voulait -savoir si ce chef lui remettrait, en cas qu'il part, l'arme et le commandement. -Cette pense cachait-elle un projet de guerre contre son pre, ou cherchait-il - se mnager contre son frre des ressources et des forces? la chose -demeura incertaine. <i>Intellegebantur artes; sed pars obsequii in eo ne deprehenderentur: -ita Lugdunum ventum. Unde creditur Domitianus occultis ad -Cerialem nunciis, fidem ejus tentavisse an prsenti sibi exercitum imperiumque -traditurus foret: qua cogitatione bellum adversus patrem agitaverit, an -opes virisque adversus fratrem, in incerto fuit.</i></p> - -<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> Toutes les ditions anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692) -et de Voltaire (1764), donnent <i>caus</i>, sans accord.</p> - -<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> <i>Qudam sub eo fortuita ac tristia acciderunt: ut conflagratio Vesevi -montis in Campania.</i> (Sutone, <i>Titus</i>, chapitre <span class="small1">VIII</span>.) Cette ruption de 79 est -celle qui dtruisit Herculanum, Pompeies et Stabies, et dont Pline l'Ancien fut -victime.</p> - -<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> Nous avons adopt la leon de l'dition de 1692, qui est aussi celle de -Voltaire. Elle nous a paru prfrable au texte des ditions antrieures: vous -pourrez.</p> - -<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> <i>Var.</i> Cet unique secours qui pouvoit le servir. (1671 et 79)</p> - -<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> L'dition de 1682 porte, par erreur, <i>un</i> excuse.</p> - -<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> On lit <i>marcenaire</i> dans les deux ditions de 1682 et de 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> Aprs la mort de Messaline, Claude pousa, avec l'assentiment du snat, -sa nice Agrippine, dont le fils Nron avait dj onze ans. Voyez Tacite, <i>Annales</i>, -livre XII, chapitres <span class="small1">V-VII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> Voltaire (1764) a mis le singulier: <i>moyen</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> L'dition de 1682 donne seule: en des plus sres mains.</p> - -<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> Voyez ci-dessus, p. 246, note <a href="#FNanchor_260">260</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> Corneille avait dit dans <i>Polyeucte</i> (acte II, scne <span class="small1">I</span>, vers 388):</p> - -<p class="quote">M'en croirez-vous, Seigneur? ne la revoyez point.</p> - -<p>Voyez tome III, p. 505.</p> - -<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> Ces six vers se trouvent dj, avec quelques variantes et l, dans <i>Sophonisbe</i>, -o Llius dit Massinisse (acte IV, scne <span class="small1">III</span>, vers 1373-1378):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Mais quand cette ardeur un monarque dfre,</p> -<p>Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire;</p> -<p>Il repousse l'amour comme un lche attentat,</p> -<p>Ds qu'il veut prvaloir sur la raison d'tat;</p> -<p>Et son cœur, au-dessus de ces basses amorces,</p> -<p>Laisse cette raison toujours toutes ses forces.</p> -</div></div> - -<p>Voyez tome VI, p. 529.</p> - -<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> Telle est l'orthographe de toutes les ditions anciennes, y compris celles -de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764).</p> - -<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> Il y a <i>Nous mourrons</i>, au futur, dans l'dition de 1671, ce qui n'offre -pas de sens.</p> - -<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> On lit dans l'<i>Imitation de Jsus-Christ</i> (livre II, chapitre <span class="small1">XII</span>): <i>Scias -pro certo quia morientem te oportet ducere vitam</i>. Corneille a traduit ainsi ce -passage:</p> - -<p class="quote">Pour maxime infaillible imprime en ta pense<br /> -Que chaque instant de vie est un pas vers la mort.</p> - -<p>C'est ce dernier vers qu'il s'est rappel et qu'il a reproduit presque textuellement -ici. Comme l'a remarqu M. Quittard, il redit par un tour diffrent -ce que disent beaucoup de proverbes, entre autres ceux-ci: le moment o l'on -nat est le commencement de la mort; le jour de la naissance est le messager -de la mort; la vie est le chemin de la mort; la mort commence avec la -vie, etc. (<i>tudes sur les proverbes franais</i>, p. 65.)—Plusieurs potes ont -rpt ce vers avec de lgres variantes. Casimir Delavigne a dit dans son -<i>Louis XI</i> (acte 1, scne <span class="small1">IX</span>):</p> - -<p class="quote">Chaque pas dans la vie est un pas vers la mort.</p> - -<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> Voyez plus haut, p. 239, note <a href="#FNanchor_249">249</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> <i>Var.</i> Non, Madame, et je veux que vous sortiez d'erreur. (1671)</p> - -<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> Cette ide revient plusieurs fois dans la <i>Brnice</i> de Racine. Voyez le -commencement de la scne <span class="small1">IV</span> du I<sup>er</sup> acte, et la fin de la scne <span class="small1">II</span> du II<sup>e</sup> acte.</p> - -<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> Nron entendant approcher les cavaliers qui avaient ordre de l'amener -vivant, s'enfona le fer dans la gorge, aid de son secrtaire paphrodite. -Voyez Sutone, <i>Vie de Nron</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> Il y a <i>voulue</i> dans toutes les ditions antrieures 1692. Thomas Corneille -a ainsi corrig ce vers:</p> - -<p class="quote">Si l'ardeur de vous voir a voulu l'ignorer.</p> - -<p>Voltaire (1764) a supprim l'accord irrgulier et donne l'hiatus: l'a voulu -ignorer.</p> - -<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> Brnice exprime le mme dsir Titus dans la tragdie de Racine -(acte IV, scne <span class="small1">V</span>):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ah! Seigneur.... pourquoi nous sparer?</p> -<p>Je ne vous parle point d'un heureux hymne.</p> -<p>Rome ne vous plus voir m'a-t-elle condamne?</p> -<p>Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez?</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> Voltaire (1764) a supprim ces mots et plac <span class="small1">DOMITIAN</span> en tte des noms -des personnages.</p> - -<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> Voyez ci-dessus, p. 247, note <a href="#FNanchor_262">262</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> Voyez ci-dessus, p. 218, note <a href="#FNanchor_230">230</a>.—Racine, dans sa dernire scne, -place galement ce mot dans la bouche de Brnice:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Brnice, Seigneur, ne vaut point tant d'alarmes;</p> -<p>Ni que par votre amour l'univers malheureux,</p> -<p>Dans le temps que Titus attire tous ses vœux</p> -<p>Et que de vos vertus il gote les prmices,</p> -<p>Se voye en un moment enlever ses dlices.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> <i>Var.</i> Votre cœur est moi, j'y rgne, et c'est assez. (1671)</p> - -<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_195">195</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> Voyez plus haut, p. <a href="#Page_240">240</a>, vers 971-974.</p> - -<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> Ici, comme au vers 306 et comme plus bas au vers 1748, on lit <i>un</i> -autre dans l'dition de 1682.—Voyez tome I, p. 228, note 3-<i>a</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> Voyez la note prcdente.<a href="#FNanchor_288">288</a></p> - -<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> Le mot est crit ainsi dans toutes les anciennes ditions, y compris celles -de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764). Voyez tome III, p. 136, -note 2.</p> - -<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> C'est Brnice qui exprime cette ide chez Racine, dans les derniers vers -de la tragdie. Elle s'adresse Titus et Antiochus.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Adieu: servons tous trois d'exemple l'univers</p> -<p>De l'amour la plus tendre et la plus malheureuse</p> -<p>Dont il puisse garder l'histoire douloureuse.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> Tel est le texte des ditions publies du vivant de l'auteur. Thomas Corneille -(1692) et Voltaire (1764) ont chang, avec raison ce semble, <i>pour vous</i> -en <i>pour nous</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> <i>Molire et sa troupe</i>, p. 92 et 93.</p> - -<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> Voyez <i>Anecdotes dramatiques</i>, tome II, p. 443.</p> - -<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_288">288</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> Acte III, scne <span class="small1">III</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> 1668, p. 311 et suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> Contrleur des btiments du Roi.</p> - -<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, par les frres Parfait, tome XI, -p. 126.</p> - -<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> Numro du 24 janvier 1671, p. 81-83.</p> - -<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> Voyez ci-dessus la Notice de <i>Brnice</i>, p. <a href="#Page_190">190</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> Pages 107 et 108.</p> - -<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> Dans l'dition de Molire de 1682 on lit la suite du titre de -<i>Psych</i>: Represente pour le Roy dans la grande Salle des Machines -du Palais des Tuilleries en Janvier, et durant tout le Carnaval -de l'anne 1670. Par la Troupe du Roy. Et donne au Public sur le -Thetre de la Salle du Palais Royal, le 24 juillet 1671.</p> - -<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> Voyez <i>la Fameuse Comdienne</i>, p. 33 et suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> Tome III, p. 369.</p> - -<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, tome XI, p. 132.</p> - -<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> Tome XIV, p. 307.</p> - -<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> Dans le premier des deux passages cits, les frres Parfait -donnent le 1<sup>er</sup> juin 1703 comme tombant au mardi, dans le second -comme tombant au mercredi. C'tait en ralit au vendredi, ce qui -nous a engag supprimer la mention du jour.</p> - -<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> Mlle Desmares. (<i>Note des frres Parfait.</i>)</p> - -<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> M. Baron fils. (<i>Note des mmes.</i>)</p> - -<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> Un passage du prologue ajout par Dancourt la comdie de -<i>l'Inconnu</i> de Thomas Corneille, lors de la reprise de cet ouvrage le -21 aot 1703, nous fait connatre un petit dtail assez curieux:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"><span class="small1">MADEMOISELLE DESMARES.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p> <b>. . . .</b> Nous venons de remettre <i>Psych</i></p> -<p>Avec tout le succs qu'on s'en pouvoit promettre.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><span class="small1">CRISPIN.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Oui, mais au double il a fallu la mettre,</p> -<p>Et le public s'en est presque fch.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> Les principaux rles de cette pice, joue le 19 aot 1862, -taient ainsi distribus: <i>Jupiter</i>, Chri; <i>Vnus</i>, Mlle Devoyod; -<i>l'Amour</i>, Mlle Fix; <i>giale</i>, Mlle Rose Deschamps; <i>Psych</i>, Mlle Favart; -<i>le Roi</i>, Maubant; <i>Aglaure</i>, Mlle Tordeus; <i>Cydippe</i>, Mlle Ponsin; -<i>Clomne</i>, Worms; <i>Agnor</i>, Ariste; <i>le Zphire</i>, Mlle Rosa Didier; -<i>Lycas</i>, Tronchet; <i>le dieu d'un fleuve</i>, Verdellet.</p> - -<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> Voyez le <i>Dictionnaire portatif des thtres</i>, article <i>Psych</i>, et -l'<i>Histoire de l'Acadmie royale des inscriptions et belles-lettres</i>, -tome XXVIII, p. 264.</p> - -<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_309">309</a> et <a href="#Page_310">310</a>, vers 546-570. Les paroles de -cette plainte sont de Lully, qui composa les airs. Voyez l'<i>Histoire -du Thtre franois</i>, tome XI, p. 127, note <i>a</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> Tel est le texte de l'dition originale; les suivantes donnent: -M. Molire.</p> - -<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> Dans les ditions de 1682 et de 1697: M. Corneille l'an.</p> - -<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> Si Corneille est intervenu dans l'impression de <i>Psych</i>, ce -doit tre pour l'dition originale; c'est celle que nous suivrons. Au -reste il n'y a entre elle et les ditions postrieures qu'un petit -nombre d'insignifiantes diffrences. Nous avons fait imprimer en -petit texte tout ce qui n'est pas de Corneille; nous ne donnons ni -notes ni variantes pour cette portion de l'ouvrage, qui sera annote -dans l'dition de Molire de M. E. Souli.</p> - -<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> <i>Psych</i> n'a pas t, du vivant de Corneille, runie ses œuvres. -Les recueils indiqus ici sont ceux du thtre de Molire.</p> - -<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> Ces noms d'acteurs sont tirs du programme de <i>Psych</i> dont -nous avons parl dans la <i>Notice</i>, p. 282 et 284.</p> - -<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> Thrse Lenoir de la Thorillire, ne en 1660, avait alors -onze ans; Marie-Anglique du Croisy, ne en 1658, en avait treize.—Voyez -p. <a href="#Page_294">294</a> les vers 75 et 76.</p> - -<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> Il faut remarquer que le zphir qui chante au troisime -intermde est un autre personnage. Il tait jou, nous dit le programme, -par un nomm Iannot.</p> - -<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> Ce qui suit, jusqu' la fin de la pice, est de M. C.<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor"> [323]</a>, la rserve de la -premire scne du troisime acte, qui est de la mme main que ce qui a prcd. -(<i>Note des ditions de</i> 1671-1697.) Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_287">287</a> et <a href="#Page_288">288</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> Tel est le texte des ditions de 1671 et de 1676; les suivantes donnent le -nom en toutes lettres: de Monsieur de Corneille l'an.</p> - -<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> Ces deux vers sont un souvenir de ce passage de la tragdie d'<i>Horace</i> -(acte III, scne <span class="small1">III</span>, vers 851 et 852):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Un oracle jamais ne se laisse comprendre:</p> -<p>On l'entend d'autant moins que plus on croit l'entendre.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> On lit <i>chacun</i> dans l'dition de 1697. L'dition de 1682 donne de mme, -plus haut, au vers 482, <i>un autre</i>, pour <i>une autre</i>. Voyez tome I, p. 288, -note 3-<i>a</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> Dans les ditions de 1682 et de 1697: pour ne vous pas dplaire.</p> - -<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> Cette scne, comme il a t dit plus haut, est de Molire.</p> - -<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> Tel est le texte de l'dition originale; dans les impressions postrieures -on lit: que dcouvrir mon cœur.</p> - -<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> <span class="small1">Psych</span>, <i>seule</i>. (1676-97)</p> - -<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> Ordonne Zphyre ton serviteur de m'amener ici mes sœurs, comme -il m'y a transport moi-mme. <i>Illi tuo famulo prcipe Zephyro, simili -vectura sorores hic mihi sistat.</i> (Apule, <i>la Metamorphose</i>, livre V.)</p> - -<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> Dans l'dition de 1697: N'en a jamais vu.</p> - -<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> <i>Sorores egregi, domum redeuntes, jamque gliscentis invidi felle flagrantes, -multa secum sermonibus mutuis perstrepebant. Sic denique infit altera: -En orba et sva et iniqua fortuna! Hoccine tibi complacuit, ut utroque -parente prognat, diversam sortem sustineremus?</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>, -livre V.)</p> - -<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> Une des choses qui leur causa le plus de dpit fut qu'en leur prsence -notre hrone ordonna aux Zphyrs de redoubler la fracheur ordinaire de ce -sjour. (La Fontaine, <i>les Amours de Psych et de Cupidon</i>, livre I.)</p> - -<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> <i>Deam quoque illam deus maritus efficiet.</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>, -livre V.)</p> - -<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> <i>Quod si maritum etiam tam formosum tenet, ut affirmat, nulla nunc in -orbe toto felicior vivit.</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre V.)</p> - -<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> <i>Consilium validum amb requiramus.</i> (<i>Ibidem.</i>)</p> - -<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> L'dition de 1697 porte seule <i>tout prts</i>. Voyez plus loin le vers 1800 -et la note qui s'y rapporte.</p> - -<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> <i>Prclarus ille sagittarius, ipse me telo meo percussi.</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>, -livre V.)</p> - -<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> On lit <i>me croire</i> dans l'dition de 1697.</p> - -<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> Les ditions anciennes ne font figurer en tte de cette scne, que <span class="small1">PSYCH</span>, -bien qu'elle y ait pour interlocuteur <span class="small1">LE DIEU DU FLEUVE</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> L'impression de 1676 porte <i>veux</i>, pour <i>yeux</i>, et de cette faute typographique -l'dition de 1682 a fait <i>vœux</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> <i>Psyche.... neque tua miserrima morte meas sanctas aquas polluas, -nec</i>, etc. (Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre VI.)</p> - -<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> Dans les ditions de 1676, de 1682 et de 1697: se doivent refuser.</p> - -<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> L'dition de 1671 porte, par erreur sans doute, <i>d'un fils</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> Dans l'dition de 1697: Tout morts. Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_340">340</a>, le -vers 1350 et la note (<a href="#FNanchor_337">337</a>) qui s'y rapporte.</p> - -<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> <i>Et ecce, inquit, inepta ego divin formositatis gerula, qu ne tantillum -quidem indidem mihi delibo, vel sic illi amatori meo formoso placitura.</i> -(Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre VI.)</p> - -<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> <i>Reserat pyxidem</i> (Psyche). <i>Nec quidquam ibi rerum, nec formositas ulla,</i> -<i>sed infernus somnus ac vere stygius; qui statim cooperculo revelatus, invadit -eam, crassaque soporis nebula cunctis ejus membris perfunditur, et in ipso -vestigio ipsaque semita collapsam possidet; et jacebat immobilis, et nihil aliud -quam dormiens cadaver.</i> (Apule, <i>la Metamorphose</i>, livre VI.)</p> - -<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> Les anciennes ditions donnent <i>se sont laisss traner</i>, avec accord du -participe.</p> - -<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> Les ditions de 1676, de 1682 et de 1697 portent <i>On</i>, pour <i>Ou</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> <i>Porrecto ambrosi poculo, Sume, inquit, Psyche, et immortalis esto.</i> -(Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre VI.)</p> - -<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> Voyez ce qui est racont au tome III, p. 254 et 465, et au -tome VI, p. 567.</p> - -<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> dition Monmerqu (1862), tome II, p. 470.</p> - -<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> Tome II, p. 524.—L'analogie de cette dernire phrase avec -ce passage de la lettre du 15 janvier, que nous venons de rapporter: -qui fait souvenir de sa dfunte veine, pourrait, comme il est dit -dans une note de l'dition de Mme de Svign laquelle nous empruntons -ces citations, donner un certain degr de vraisemblance - cette leon de Perrin.</p> - -<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> Allusion ce passage des <i>Vers</i> Foucquet en tte d'<i>Œdipe</i>(tome VI, p. 122, vers 35 et 36):</p> - -<p class="quote">Et je me trouve encor la main qui crayonna<br /> -L'me du grand Pompe et l'esprit de Cinna.</p> - -<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> Tome II, p. 529.</p> - -<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> Tome I, p. 221 et 222.</p> - -<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> <i>Notes sur la vie de Corneille</i>, en tte de <i>Corneille la butte -Saint-Roch</i>, p. <span class="small1">XXIII</span> et <span class="small1">XXIV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> <i>Œuvres</i>, dition de 1742, tome III, p. 117.</p> - -<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> Lettre de Mlle Dupr Bussy, 29 janvier 1675. <i>Correspondance -de Roger de Rabutin, comte de Bussy</i>, publie par M. Lalanne, tome II, -p. 213.</p> - -<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> <i>Prface de Pulchrie.</i></p> - -<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> Voyez tome I, p. 258.</p> - -<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> Tome III, p. 370.</p> - -<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> Tome IV, p. 225 et suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> <i>Lettres de Mme de Svign</i>, tome III, p. 192.</p> - -<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> lia Pulcheria, ne le 19 janvier 399, petite-fille de Thodose -le Grand, deuxime fille d'Arcadius et d'lia Eudoxia, fut dclare -Auguste et impratrice le 4 juillet 414, pour prendre soin de tout -l'empire et de son frre Thodose, qui n'avoit que deux ans de moins -qu'elle. Pulchrie consacra sa virginit Jsus-Christ, et son exemple -fut suivi par ses trois sœurs Flaccille, Arcadie et Marine. C'est par son -influence que furent convoqus les conciles d'phse et de Chalcdoine. -L'glise grecque la vnre comme sainte et clbre sa fte le -15 septembre. La disgrce de Pulchrie et son loignement passager -de la cour eurent lieu en 447. Dans <i>Attila</i>, Corneille indique, en -quatre vers, le caractre de cette princesse et la position qu'elle occupait; -aprs avoir parl de plusieurs souverains qui se laissent gouverner -par ceux qui les entourent, Valamir ajoute:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Le second Thodose avoit pris leur modle:</p> -<p>Sa sœur cinquante ans le tenoit en tutelle,</p> -<p>Et fut, tant qu'il rgna, l'me de ce grand corps,</p> -<p>Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4">(Acte I, scne <span class="small1">II</span>, vers 205-208.)</p> -</div></div> - -<p>Peut-tre est-ce en crivant ce passage que l'ide de mettre au thtre -le personnage de Pulchrie s'est prsente notre pote.</p> - -<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> Dans sa <i>Prface de Pulchrie</i>, Voltaire dit que Martian ou -Marcien avait soixante et dix ans au moment o il se maria. C'est -une assez grave erreur. Marcien, n en 391, n'avait que neuf ans de -plus que l'Impratrice. Marcien, qui avait pass dix-neuf ans au -service domestique et militaire d'Aspar (patrice et gnral romain) -et de son fils, et qui avait fait sous leurs ordres les guerres de Perse -et d'Afrique, tait parvenu, grce leur protection, au rang de -tribun et de snateur. Thodose mourut le 20 juin ou le 28 juillet -450; Marcien, dclar empereur le 24 ou le 25 aot, pousa ensuite -Pulchrie.</p> - -<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> Lon I<sup>er</sup>, dit le Thrace, l'Ancien ou le Grand, rgna de 457 - 474. Il avait t intendant d'Aspar, qui par son crdit le fit parvenir - l'empire.</p> - -<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> Aspar, Alain de naissance et arien de religion, fit ses premires -armes sous la conduite de son pre, Ardaburius, gnral de Thodose -II, qui commandait en 421 l'arme qui marcha contre les -Perses. Il devint son tour gnral de Thodose, conserva son -crdit sous Marcien, et en 457, la mort de ce prince, il tait le -personnage le plus considrable de l'Empire. Il fut massacr en 471.</p> - -<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> <i>Aye t.... ait pass</i>: tel est le texte des deux ditions publies -du vivant de Corneille; voyez tome VI, p. 611, note 2.</p> - -<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_376">376</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) donnent: qu'il -l'a t.</p> - -<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> Presque tous les personnages de cette pice sont historiques. -Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_376">376</a>-<a href="#Page_378">378</a>, l'avis <i>Au lecteur</i> et les notes qui l'accompagnent.</p> - -<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> Dans l'dition de 1692 il y a simplement: sous Thodose.</p> - -<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_373">373</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> Non pas quinze ans, mais plus de trente, ainsi qu'il rsulte du propre -tmoignage de Corneille (voyez ci-dessus, p. 376 et note 2). Comme il donne -de l'amour Pulchrie, il cherche dissimuler son ge aux spectateurs. <i>Quinze</i> -<i>ans</i> ne marque pas la dure du gouvernement de Pulchrie, mais c'est l'ge -qu'elle avait lorsqu'elle empita le gouvernement sur son frre.</p> - -<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> L'dition de 1682 donne seule ici le singulier <i>vouloit</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> L'dition de 1692 a chang <i>nous</i> eu <i>vous</i>; Voltaire (1764) a gard -<i>nous</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> On a rapproch de ce passage ces vers de Voltaire (<i>Mort de Csar</i>, -acte III, scne <span class="small1">IV</span>):</p> - -<p class="quote">Ce colosse effrayant dont le monde est foul,<br /> -En pressant l'univers, est lui-mme branl.</p> - -<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> Procope, Arobinde et Ardabure, qui est nomm trois vers plus loin, -avaient command les troupes romaines dans la guerre de 421 contre les -Perses. Voyez <i>l'Histoire ecclesiastique</i> de Socrate, livre VII, chapitres <span class="small1">XVIII</span> -et <span class="small1">XX</span>. Arobinde figure avec Aspar dans les Fastes consulaires, l'anne 434.</p> - -<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> Si nous en croyons Socrate (au chapitre xviii dj cit), c'est Arobinde -qui tua en combat singulier le plus brave des Perses. Quant Ardabure, -il surprit et fit prir dans une embuscade sept des principaux officiers de leur -arme.</p> - -<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> Athnas, fille du sophiste athnien Lontius, embrassa le christianisme, -prit le nom d'Eudoxie, et, grce l'influence de Pulchrie, pousa Thodose II -le 7 juin 421. Souponne d'infidlit par son mari, elle se retira Jrusalem, -o elle mourut en 460.</p> - -<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> On lit <i>Vous m'aimiez</i>, pour <i>Vous m'aimez</i>, dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> lia Eudoxia, mre de Pulchrie, pousa Arcadius en 395 et mourut -en 404. Galla Placidia Augusta, sœur d'Arcadius et d'Honorius, et par consquent -tante de Pulchrie, pousa un gnral d'Honorius, Constance III, qui -reut le titre d'Auguste en 421, et dont elle eut Honoria (voyez ci-dessus, -p. 104, note 1) et Valentinien III.</p> - -<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> Dans l'dition de 1692:</p> - -<p class="quote">Vous avez mes souhaits, vous <i>avez</i> mes amis.</p> - -<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> Il y a ici une faute commune aux deux ditions de 1673 et de 1682: le -pronom <i>vous</i> manque dans l'une et dans l'autre.</p> - -<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> Les deux ditions publies du vivant de Corneille (1673 et 1682) ont -ici encore une mme faute: <i>Porcope</i>, pour <i>Procope</i>; partout ailleurs elles -portent <i>Procope</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> Dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire (1764):</p> - -<p class="quote">Et les <i>plus</i> couts sont <i>les</i> plus mal suivis.</p> - -<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> Suivant Fontenelle, Corneille parle ici de lui-mme. Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_374">374</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> L'dition de 1682 a ici une faute qui dnature le sens: <i>digne</i>, au singulier, -au lieu de <i>dignes</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> Voyez tome 1, p. 205, note 3.</p> - -<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> Tel est le texte des deux ditions publies du vivant de Corneille -(1673 et 1682). Thomas Corneille (1692) donne <i>promettre</i>; Voltaire (1764) a -gard <i>permettre</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> Voyez ci-dessus, p. 381, note <a href="#FNanchor_375">375</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> On lit <i>Qu'a fait</i>, sans accord, dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764), il y a <i>sauvez</i>, au lieu de <i>sauver</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> Voltaire (1764) a chang <i>l'envoira</i> en <i>l'enverra</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont substitu <i>vous plains -nous plains</i>, qui est la leon des deux ditions publies du vivant de l'auteur -(1673 et 1682).</p> - -<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> L'dition de 1682 porte seule <i>emplir</i>, au lieu de <i>remplir</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> <i>Garder</i> a t chang en <i>gagner</i> dans l'dition de 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> <i>Le dmon</i>, le gnie.</p> - -<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> <i>Var.</i> Je vous vois un cœur grand, une vertu sublime. (1673)</p> - -<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> Il y a <i>digne</i>, au singulier, dans toutes les ditions anciennes, y compris -celles de 1692 et de Voltaire (1764).</p> - -<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> Voyez ci-dessus l'avis <i>Au lecteur</i>, p. <a href="#Page_377">377</a>: Elle proposa son mariage - Martian, la charge qu'il lui permettroit de garder sa virginit, qu'elle -avoit voue et consacre Dieu.</p> - -<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> Voici pour ce vers la leon de 1692:</p> - -<p class="i4 quote">Mais si vous la piquiez un peu de jalousie.</p> - -<p>—L'dition de 1682 a <i>piquez</i> et <i>brouillez</i>, au prsent.</p> - -<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> Dans l'dition de 1692: Voil ce que je sais.</p> - -<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> Thomas Corneille (1692) a remplac <i>en vain</i> par <i>enfin</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> Cet hmistiche se trouve dans <i>Polyeucte</i>. Voyez tome III, p. 501, -vers 323.</p> - -<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> On lit: Qu'ainsi <i>de</i> lui, dans les deux ditions de 1673 et de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> Thodose le Grand et Arcadius.</p> - -<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> L'dition de 1682 porte par erreur <i>Quand</i>, pour <i>Que</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> On lit: Je pourrois, pour Et pourrois, dans l'dition de 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> Aprs la mort de Valens, Gratien proposa Thodose de partager l'empire -et le proclama empereur d'Orient.</p> - -<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> L'dition de 1692 porte, par erreur: et <i>voir</i> d'un œil d'envie.</p> - -<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> On lit <i>Et</i>, pour <i>En</i>, dans l'dition de 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> Cette expression a t blme par Boubours (<i>Remarques nouvelles sur la -langue franoise</i>, 1675, in-4<sup>o</sup>, p. 385). Non-seulement Mnage en fait l'loge, -mais il ajoute: J'ai ou dire plus d'une fois M. Corneille que ce vers:</p> - -<p class="quote">Prtez-moi votre main, je vous donne l'empire,</p> - -<p>toit un des plus beaux qu'il et jamais faits. (<i>Observations de M. Mnage -sur la langue franoise. Segonde partie</i>, 1676, in-12, p. 149.) Voyez le <i>Lexique</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> L'dition de 1682 a la leon impossible: <i>notre</i>, pour <i>votre</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> Cet hmistiche termine la scne III dans l'dition de 1692, ainsi que -dans celle de Voltaire (1764), qui donne <i>entrer</i>, pour <i>rentrer</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> On ne manque jamais leur applaudir (<i>aux rois</i>) quand on entre dans -leurs sentiments; et le seul moyen de leur contredire avec le respect qui leur -est d, c'est de se taire. (<i>Examen</i> du <i>Cid</i>, tome III, p. 93.)</p> - -<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> Tel est le texte de l'dition de 1682 et de celles de Thomas Corneille (1692) -et de Voltaire (1764). L'impression originale (1673) donne seule: penchs -vers le tombeau.</p> - -<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> Comparez ce vers le vers 430 de <i>Polyeucte</i>:</p> - -<p class="quote">De son dernier soupir puisse lui faire hommage!</p> - -<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_377">377</a>, et la note <a href="#Footnote_367">367</a> de la p. 378.</p> - -<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> On lit dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire (1764): <span class="small1">LON</span>, <i> -Justine</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> <i>D'une autre</i> est la leon de Thomas Corneille et de Voltaire. Les -ditions antrieures (1673 et 1682) ont <i>d'un autre</i>. Voyez tome 1, p. 228, -note 3-<i>a</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> <i>Avertissement</i> du <i>Thtre de P. Corneille</i>, p. <span class="small1">LXXI</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> Voyez l'histoire de la Chine, par le P. du Halde, jsuite. (<i>Note -de Jolly.</i>)—L'ouvrage de du Halde n'a t indiqu dans cette note -qu' titre de renseignement et non comme la source laquelle Corneille -aurait puis; son histoire ou plutt sa <i>Description gographique, -historique, etc., de l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise</i>, n'a -paru qu'en 1735. Il y est question en divers endroits, aux tomes I -et III, d'Usangey (<i>Ou san guey</i>), ce fameux gnral chinois qui ayant -introduit les Tartares dans la Chine pour exterminer les rebelles, et -contribu, sans le vouloir, la conqute qu'ils en firent, forma le -projet de dlivrer sa patrie du joug tartare. (Tome III, p. 113.) Il -mourut accabl de vieillesse, aprs avoir reu la dignit de roi et le -titre de <i>Ping si</i>, pacificateur d'Occident. (Tome I, p. 467 et 476.) -Le livre o Corneille avait pris ce sujet chinois est sans doute celui -du missionnaire jsuite Martin Martini, qui fut publi Rome -en 1654, sous ce titre: <i>De Bello Tartarico in Sinis</i> (in-12), qui fut -traduit, ds cette mme anne 1654, et en italien, et en franais -(sous ce titre: <i>Histoire de la guerre des Tartares contre la Chine, traduite -du latin du P. Martini</i>), puis de nouveau en franais par -le P. Semedo, la suite de l'<i>Histoire de la Chine</i> (Lyon, 1667 -in-4<sup>o</sup>).</p> - -<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> <i>Histoires</i>, livres II, III et IV.</p> - -<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> Tome III, feuillet 1329 recto.</p> - -<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> <i>Lettres de M. Bayle</i>, publies sur les originaux par des Maizeaux, -Amsterdam, 1729, tome I, p. 61 et 62.</p> - -<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> Voyez la <i>Vie de Crassus</i> de Plutarque. Quant Appien, s'il a -rellement crit l'histoire de la guerre des Parthes, comme il promet -de le faire au chapitre <span class="small1">XVIII</span> du livre II de ses <i>Guerres civiles</i>, o il -mentionne en deux mots la dfaite et la mort de Crassus, cette partie -de son ouvrage n'est point parvenue jusqu' nous. Le livre de la -<i>Guerre des Parthes</i> qu'on a mis sous son nom est tout simplement un -extrait des <i>Vies de Crassus</i> et <i>d'Antoine</i>, de Plutarque.</p> - -<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> Voltaire reproche Corneille de s'tre mpris: Surna, dit-il, -n'est point un nom propre; c'est un titre d'honneur, un nom de dignit. -Cette critique ne fait que reproduire l'opinion adopte par tous -les modernes sur la foi de Zosime; mais cette opinion est une erreur. -Saint-Martin, dans ses notes sur l'<i>Histoire du bas empire</i> de le Beau -(tome III, p. 79), a prouv, par le tmoignage des auteurs armniens, -que Surna tait bien un nom propre.</p> - -<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> Surena n'estoit point homme de basse ou petite qualit, ains -le second des Parthes aprs le Roy, tant en noblesse qu'en richesse et -en reputation; mais en vaillance, suffisance et experience au fait -des armes, le premier personnage qui fust de son temps entre les -Parthes, et au demourant en grandeur et beault de corps ne cedant -a nul autre. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXI</span>, traduction -d'Amyot.)—Un peu plus loin, dans le mme chapitre, Plutarque -dit que Surna n'avait pas encore trente ans.</p> - -<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> Ce roi, que Plutarque nomme Hyrodes (<i>Vie de Crassus</i>, chapitre -<span class="small1">XXI</span>), est appel Orodes par Appien (<i>Guerres de Syrie</i>, chapitre <span class="small1">LI</span>), -et par la plupart des auteurs, et cette dernire forme a prvalu. Il -tait fils de Phraate III et mourut l'an 36 avant Jsus-Christ. Voyez -ci-aprs, p. 498, note <a href="#FNanchor_466">466</a>, et p. 530, note <a href="#FNanchor_488">488</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> Pacorus, fils an d'Orode, contribua la victoire de Carrhes -(en Msopotamie), remporte sur Crassus l'an 53 avant Jsus-Christ. -Dfait en l'an 38 par Ventidius, il prit dans la bataille.</p> - -<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> Voyez ci-dessus, p. 460, notes <a href="#Footnote_429">429</a> et <a href="#Footnote_430">430</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> Dans le rcit de Plutarque, c'est Sillace qui apporte la tte de -Crassus et la jette aux pieds du roi Orode, au milieu d'une reprsentation -des <i>Bacchantes</i> d'Euripide. Voyez la <i>Vie de Crassus</i>, chapitre -<span class="small1">XXXIII</span>. Plus haut, au chapitre <span class="small1">XXI</span>, Sillace est nomm avec Surna, -comme un des gnraux des Parthes.</p> - -<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> Personnage d'invention. Dans l'histoire ce n'est pas la fille, -mais la sœur d'Artabase (successivement <i>Artabaze</i> et <i>Artavasde</i> dans -Plutarque) qui est fiance Pacorus, et elle n'est point nomme: -voyez Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXXIII</span>. Peut-tre Corneille -a-t-il pris l'ide de ce changement dans une indication marginale -fautive de l'Appien de Tollius (Amsterdam, 1670), o l'on lit <i>Artabazis -filia</i> (au lieu de <i>soror</i>) <i>Pacoro desponsata</i>. Quant aux deux -derniers personnages, ils n'ont rien d'historique.</p> - -<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> (<i>Surna</i>) auoit remis le Roy Hyrodes.... en son royaume, duquel -il auoit est dechass, et luy auoit conquis la grande cit de -Seleucie. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXI</span>, traduction d'Amyot.)—Sleucie -tait situe dans la Babylonie, sur un canal qui -joignait le Tigre l'Euphrate.</p> - -<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> <i>Hcatompylos</i>, ville de l'ancienne Hyrcanie, tait devenu la capitale de -Parthes, et la rsidence ordinaire des Arsacides.</p> - -<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> On blasme aussi grandement les occupations ausquelles il vaqua pendant -qu'il fut de sejour en la Syrie, comme tenant plus du marchand que du -capitaine. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XVII</span>, traduction d'Amyot.)</p> - -<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> Voyez plus haut, p. 462, note <a href="#Footnote_436">436</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> Le questeur Cassius tait un des principaux officiers de Crassus; il est -nomm plusieurs fois dans Plutarque: voyez la <i>Vie de Crassus</i>, chapitres <span class="small1">XVIII</span> -et <span class="small1">XXII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont remplac l'infinitif par -l'imparfait: avoit le mme emploi.</p> - -<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> Voyez ci-dessus, p. 460, note <a href="#FNanchor_430">430</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> Ce qui plus l'asseura (<i>Crassus</i>) et l'encouragea, fut Artabazes le roy -de l'Armenie, lequel vint deuers luy en son camp avec six mille cheuaux. -(Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XIX</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> Voyez le rcit de la mort de Publius, fils de Marcus Crassus, au chapitre -<span class="small1">XXV</span> de la <i>Vie de Crassus</i> par Plutarque, et celui de la mort de Marcus -Crassus lui-mme au chapitre <span class="small1">XXXI</span> du mme ouvrage.</p> - -<p>Hyrodes ayant.... diuis ses forces en deux, luy auec vne partie alloit -destruisant le royaume d'Armenie pour se venger du roy Artabazes, et auoit -enuoy Surena l'encontre des Romains. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre -<span class="small1">XXI</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> Plutarque mentionne ce trait: Hyrodes, dit-il, auoit desia fait appointement -et alliance auec Artabazes le roy d'Armenie. (<i>Vie de Crassus</i>, -chapitre <span class="small1">XXXIII</span>.) Mais, comme nous l'avons dj remarqu (ci-dessus, P.462, -note 5), il s'agissait du mariage de la sœur, et non de la fille d'Artabase, avec -Pacorus.</p> - -<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> On lit: d'aimer <i>ou</i> de har, dans l'dition de 1692. Voltaire (1764) -a gard <i>ni</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> L'dition de 1692 a chang <i>la</i> en <i>le</i>: qui vous le sacrifie. Voltaire -(1764) a gard <i>la</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> Par une singulire erreur, la premire dition (1675) porte <i>Madame</i>, -pour <i>Mandane</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> L'dition de 1692 et celle de Voltaire (1764) portent <i>en leur main</i>, au -singulier.</p> - -<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> On lit: pour tout autre, au masculin, dans l'dition de 1682. Voyez -tome I, p. 228, note 3-<i>a</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_474">474</a>, vers 268.</p> - -<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> Il y a <i>toute</i>, au fminin, dans toutes les ditions anciennes, y compris -celles de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764).</p> - -<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> Voltaire (1764) a substitu <i>l'aimer</i> <i>m'aimer</i>, qui est la leon de toutes -les ditions antrieures.—Dans le second hmistiche, l'dition de 1682, par -une erreur vidente, a <i>le</i>, pour <i>la</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> L'dition de 1682 porte: A vous <i>le</i> refuser.</p> - -<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> Thomas Corneille (1692), et Voltaire aprs lui (1764), ont corrig <i>tous -prts</i> en <i>tout prts</i>; et un peu plus loin, au vers 610, <i>Tous matres</i> en <i>Tout -matres</i></p> - -<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> Voyez tome I, p. 150, note 1-<i>a</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> On lit: <i>un</i> autre vous-mme, dans l'dition de 1692. Voltaire a conserv -la leon des ditions antrieures: une autre.</p> - -<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> L'dition de 1692 porte: S'tre empar <i>du</i> bien....</p> - -<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> La mme situation et une pense analogue se trouvaient dj dans <i>Tite -et Brnice</i>. Domitian y dit Brnice (acte III, scne <span class="small1">II</span>, vers 799 et 800):</p> - -<p class="quote">Les scrupules d'tat, qu'il falloit mieux combattre,<br /> -Assez et trop longtemps nous ont gns tous quatre.</p> - -<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> Corneille avait dit au I<sup>er</sup> acte, scne II, de <i>Cinna</i> (vers 73 et 74):</p> - -<p class="quote">Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses;<br /> -D'une main odieuse ils tiennent lieu d'offenses;</p> - -<p>et Racine, au IV<sup>e</sup> acte, scne <span class="small1">VI</span>, de son <i>Iphigenie</i>, qui fut joue plusieurs mois -avant <i>Surna</i>, en fvrier 1674:</p> - -<p class="quote">Un bienfait reproch tint toujours lieu d'offense.</p> - -<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> Voyez ci-dessus, p. 462, note <a href="#Footnote_436">436</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> Voyez ci-dessus, p. 466, note <a href="#Footnote_444">444</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> Cette scne rappelle en plus d'un endroit la 1<sup>re</sup> scne du III<sup>e</sup> acte d'<i>Agsilas</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> Ici encore Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) donnent: tout -prts. Comparez plus haut, p. 488, vers 600 et 610.</p> - -<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> Dans les auteurs anciens la forme ordinaire de ce nom est <i>Phraates</i>, -<i>Phrahates</i>; cependant on trouve <i>Phradates</i> dans Quinte-Curce (livre VI, chapitre -<span class="small1">V</span>). Le frre de Pacorus fut, aprs la mort de celui-ci, associ au trne -par Orode, et rgna aprs lui sous le nom de Phraate IV. Voyez plus loin, -p. <a href="#Page_530">530</a>, la note (<a href="#FNanchor_487">487</a>) du vers 1648.</p> - -<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> Mithridate III, fils et successeur de Phraate III, et frre d'Orode, tait -mont sur le trne par l'assassinat de son pre, l'an 58 avant Jsus-Christ. Orode -ayant voulu s'emparer de la couronne, fut d'abord vaincu par lui, puis le -vainquit plusieurs fois son tour sans pouvoir le rduire, et finit par le faire -mettre mort. Corneille, qui nous a prvenus dans l'<i>Avertissement de Rodogune</i> -qu'il avait vit de nommer dans ses vers la Clopatre qu'il introduit dans cet -ouvrage, de peur qu'on ne la confondt avec la reine d'gypte (voyez tome IV, -p. 416), a, sans doute par un scrupule analogue, chang le nom de Mithridate, -que Racine avait l'anne prcdente remis en mmoire tous, en celui de Mithradate, -qui ne peut donner lieu aucune confusion, et qui du reste se trouve -sur des mdailles.—Les ditions anciennes donnent trois fois dans cette scne -<i>Mitradate</i>, sans <i>h</i>; mais plus loin, aux vers 1445 et 1644, elles portent <i>Mithradate</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> Thomas Corneille (1692) a ainsi modifi ce vers:</p> - -<p class="quote">Que vouloir ou me perdre ou la faire rgner.</p> - -<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> Il (<i>Surna</i>) faisoit en tout de ses subjects et vassaux plus de dix mille -cheuaux. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXI</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> Dans l'dition de 1692: <i>on</i> et eu tant d'esprit.</p> - -<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> L'dition de 1692 a chang <i>plus</i> en <i>point</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <span class="small1">PALMIS</span>, <i>seule</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> On lit: Et que ne <i>nous</i> dit point, dans l'dition de 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> Antigone, dans la tragdie de Sophocle qui porte son nom (vers 901 et -suivants), exprime avec plus de force la mme ide, et dit que la perte d'un -frre est plus grande que celle d'un fils et d'un poux, parce qu'elle est plus -irrparable.—Voyez aussi la tragdie d'<i>Horace</i>, vers 895-916.</p> - -<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> L'dition de 1682 porte: Et <i>de</i> trop d'union....</p> - -<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> Voltaire (1764) a remplac <i>moi-mme</i> par <i>vous-mme</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> L'dition de 1692 a chang <i>veuilliez</i> en <i>vouliez</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> L'dition de 1692 et celle de Voltaire (1764) ont chang <i>plus</i> en <i>point</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont modifi ce vers par une -inversion:</p> - -<p class="quote">C'est de quoi de nouveau tout mon cœur vous conjure.</p> - -<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> On lit dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire (1764): de <i>n'en</i> -pas triompher.</p> - -<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> L'dition de 1682 porte, par erreur, <i>renonce</i>, pour <i>retourne</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> L'dition de 1692 a chang <i>Qu'il aimoit</i> en <i>Qu'il aime</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> L'dition de 1692 porte: <i>ne</i> font que mieux leur cour.</p> - -<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): qu'on voit y succder.</p> - -<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> Voyez ci-dessus, p. 498, notes <a href="#Footnote_465">465</a> et <a href="#Footnote_466">466</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> Thomas Corneille (1692) a ainsi modifi cet hmistiche:</p> - -<p class="quote">Qui fait tant de jaloux....</p> - -<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> Voyez plus haut, p. 498, note <a href="#Footnote_466">466</a>.</p> - -<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> Les deux ditions publies du vivant de Corneille (1675 et 1682) portent: -Que j'ai vu blouir, ce qui fait un non-sens et un hiatus.</p> - -<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> Hyrodes, aprs auoir perdu son fils Pacorus en vne bataille, o il fut -desfait par les Romains, deuint malade d'vne maladie qui se tourna en hydropisie; -et son second fils, Phraates, luy cuydant auancer ses jours, luy donna -boire du jus de l'aconite. La maladie recent le poison, de sorte qu'ilz se chasserent -l'vn l'autre hors du corps: l'occasion de quoy Phraates voyant que -son pere commenceoit se mieux porter, pour auoir plus tost fait, l'estrangla -luy-mesme. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, <span class="small1">XXXIII</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Voltaire (1764) a chang le futur en un conditionnel: et pourriez-vous -attendre.</p> - -<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> C'est ici seulement que Voltaire termine la scne <span class="small1">IV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> Hyrodes feit mourir Surena pour l'envie qu'il porta sa gloire. -(Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, <span class="small1">XXXIII</span>.)</p> - -<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> L'dition de 1692 a chang <i>ces douleurs</i> en <i>les douleurs</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> A la page <span class="small1">IX</span> du tome I du <i>Thtre des Grecs</i> du P. Brumoy (dition -de 1785), on trouve un <i>Arrangement des tragdies suivant l'ordre historique -des sujets</i>. Il nous a sembl qu'une table du mme genre ne serait pas sans -utilit pour les pices de Corneille, et qu'elle contribuerait peut-tre faire -ressortir l'intrt historique de quelques-uns de ses derniers ouvrages, qui, -au point de vue littraire, n'en prsentent pas un bien grand.</p> - </div> - </div> -</div> - - -<div class="chapter"> -<h2 class="normal">TABLE DES MATIRES<br /> -<span class="large">CONTENUES DANS LE SEPTIME VOLUME.</span></h2> -</div> - -<table id="ToC" summary="contents"> -<tr> -<td class="tdlt">AGSILAS, tragdie</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_3">3</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_5">5</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes -d'<i>Agsilas</i></span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_7">7</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i15 small1">Agsilas</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_9">9</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdlt">ATTILA, <span class="small1">roi des Huns,</span> tragdie</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_97">97</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_99">99</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_103">103</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes -d'<i>Attila</i></span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_107">107</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i15 small1">Attila</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_109">109</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdlt">TITE ET BRNICE, comdie hroque</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_183">183</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_185">185</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Extrait de Xiphilin</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_197">197</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes -de <i>Tite et Brnice</i></span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_199">199</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i15 small1">Tite et Brnice</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_201">201</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdlt">PSYCH, tragdie-ballet</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_277">277</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_538"> 538</a></span></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_279">279</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Le libraire au lecteur</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_287">287</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes -de <i>Psych</i></span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_289">289</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i15 small1">Psych</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_291">291</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdlt">PULCHRIE, comdie hroque</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_371">371</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_373">373</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_376">376</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes -de <i>Pulchrie</i></span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_379">379</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i15 small1">Pulchrie</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_381">381</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdlt">SURNA, G<span class="small1">nral des Parthes</span>, tragdie</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_455">455</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_457">457</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_460">460</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes -de <i>Surna</i></span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_461">461</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="i15 small1">Surna</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_463">463</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdlt">Table, suivant l'ordre chronologique, des tragdies contenues -dans les sept volumes du thtre de Corneille</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_535">535</a></td> -</tr> -</table> - - -<p class="end"><span class="i2">FIN DE LA TABLE DES MATIRES.</span></p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_539"> 539</a></span></p> - -<p class="end">PARIS.—IMPRIMERIE DE CH. LAHURE<br /> -<span class="i5 xs">Rue de Fleurus, 9</span></p> - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Oeuvres de P. Corneille, Tome 07, by -Pierre Corneille - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 *** - -***** This file should be named 51612-h.htm or 51612-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/1/6/1/51612/ - -Produced by Hlne de Mink and the Online Distributed -Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was -produced from images generously made available by the -Bibliothque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. Special rules, -set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to -copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to -protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. 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Email contact links and up to date contact -information can be found at the Foundation's web site and official -page at http://pglaf.org - -For additional contact information: - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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