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-Project Gutenberg's Oeuvres de P. Corneille, Tome 07, by Pierre Corneille
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
-
-
-Title: Oeuvres de P. Corneille, Tome 07
-
-Author: Pierre Corneille
-
-Editor: Ch. (Charles Joseph) Marty-Laveaux
-
-Release Date: March 31, 2016 [EBook #51612]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 ***
-
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-
-Produced by Hélène de Mink and the Online Distributed
-Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was
-produced from images generously made available by the
-Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
-http://gallica.bnf.fr)
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-Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
-typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et
-n'a pas été harmonisée.
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-
- LES
-
- GRANDS ÉCRIVAINS
-
- DE LA FRANCE
-
- NOUVELLES ÉDITIONS
-
- PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION
-
- DE M. AD. REGNIER
-
- Membre de l'Institut
-
-
-
-
- ŒUVRES
- DE
- P. CORNEILLE
- TOME VII
-
-
-
-
- PARIS--IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET CIE
- Rue de Fleurus, 9
-
-
-
-
- ŒUVRES
- DE
- P. CORNEILLE
-
- NOUVELLE EDITION
-
- REVUE SUR LES PLUS ANCIENNES IMPRESSIONS
- ET LES AUTOGRAPHES
-
- ET AUGMENTÉE
-
- de morceaux inédits, des variantes, de notices, de notes,
- d'un lexique des mots et locutions remarquables, d'un
- portrait, d'un fac-simile, etc.
-
- PAR M. CH. MARTY-LAVEAUX
-
-
- TOME SEPTIÈME
-
-
- PARIS
- LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET CIE
- BOULEVARD SAINT-GERMAIN
- 1862
-
-
-
-
- AGÉSILAS
-
- TRAGÉDIE
-
- 1666
-
-
-
-
-NOTICE.
-
-
-_Agésilas_ fut joué pour la première fois sur le théâtre de
-l'Hôtel de Bourgogne, suivant toute apparence au mois de février
-1666, et non «à la fin d'avril» comme l'ont dit les frères
-Parfait[1]. Les funérailles de la reine Anne d'Autriche, morte le
-19 janvier[2], et le deuil que la cour prit à cette occasion,
-interrompirent tout divertissement et durent contribuer au peu de
-succès de l'ouvrage. Robinet s'exprime ainsi dans sa _Lettre en
-vers à Madame_ du 6 mars 1666:
-
- Ne vous mettez point aux fenêtres
- Ni n'allez point traîner vos guêtres
- Pour voir des masques, ces jours gras,
- Bonnes gens, vous n'en verrez pas.
- Messieurs les foux de tous étages
- Seront une fois de faux sages,
- Pour le respect (bien entendu)
- Par tout françois justement dû
- Aux cendres de cette princesse,
- Que nous pleurons encor sans cesse.
- Mais vous avez pour supplément
- Le noble divertissement
- Que vous donnent les doctes veilles
- De l'aîné des braves Corneilles:
- Son charmant _Agésilaus_,
- Où sa veine coule d'un flus
- Qui fait admirer à son âge
- Ce grand et rare personnage.
-
-Cette faible louange trouva peu d'écho. La pièce ne suscita ni
-cabale, ni libelles, ni parodies: elle tomba obscurément, et nous
-ne pouvons même retrouver la trace de cette chute, dont le
-souvenir ne nous a guère été conservé que par deux vers d'une
-épigramme, que Boileau fit à l'occasion d'_Attila_[3].
-
-Un concurrent redoutable venait de se faire jour. _Agésilas_
-parut trois mois après l'_Alexandre_ de Racine. «La révolution
-qui se fit alors dans les sentiments du public, dit Jolly[4], le
-parti que prit le plus grand nombre en faveur du nouveau poëte,
-forment une époque à laquelle on peut rapporter la naissance d'un
-genre inconnu de tragédie, où l'amour dominoit sur toutes les
-autres passions. M. Quinault l'avoit ébauché avec quelque succès,
-dix ans auparavant[5], mais non pas avec autant d'éclat.»
-
-«_Agésilas_, comme nous l'apprennent les frères Parfait[6], n'a
-jamais été remis au théâtre.»
-
-Le privilége de cette tragédie a été donné à Corneille le
-«vingt-quatrième mars 1666,» et l'Achevé d'imprimer a pour date:
-«le 3. iour d'Avril 1666.»
-
-Voici le titre exact de la pièce dans l'édition originale:
-AGESILAS, TRAGEDIE. En Vers libres rimez[7]. Par P. Corneille. _A
-Rouen, et se vend à Paris, chez Guillaume de Luyne, Libraire
-Iuré, au Palais_.... M.DC.LXVI. _Auec priuilege du Roy._ Le
-volume, de format in-12, se compose de deux feuillets, de 88
-pages, et d'un dernier feuillet contenant le privilége.
-
- [1] _Histoire du Théâtre françois_, tome X, p. 21.
-
- [2] Voyez Robinet, _Lettre_ du 24 janvier 1666, et la
- _Gazette_ du 23 janvier, p. 95. Les dictionnaires biographiques
- indiquent le 20 janvier comme date de la mort de la Reine.
-
- [3] Voyez ci-après la Notice d'_Attila_, p. 101.
-
- [4] _Avertissement_ en tête du _Théâtre_ de Corneille,
- p. LXV.
-
- [5] Voyez tome VI, p. 469 et la note 1.
-
- [6] _Histoire du Théâtre françois_, tome X, p. 27.
-
- [7] «On prétend que la mesure des vers qu'il employa
- dans _Agésilas_ nuisit beaucoup au succès de cette tragédie. Je
- crois au contraire que cette nouveauté aurait réussi, et qu'on
- aurait prodigué les louanges à ce génie si fécond et si varié,
- s'il n'avait pas entièrement négligé dans _Agésilas_, comme dans
- les pièces précédentes, l'intérêt et le style.» (Voltaire,
- _Préface d'Agésilas_.)--On sait que Voltaire a fait à son tour,
- dans _Tancrède_, un essai non pas des vers libres inégaux, mais
- des vers croisés.
-
-
-
-
-AU LECTEUR.
-
-
-Il ne faut que parcourir les _Vies d'Agésilas_ et _de Lysander_
-chez Plutarque, pour démêler ce qu'il y a d'historique dans cette
-tragédie[8]. La manière dont je l'ai traitée n'a point d'exemple
-parmi nos François, ni dans ces précieux restes de l'antiquité
-qui sont venus jusqu'à nous; et c'est ce qui me l'a fait choisir.
-Les premiers qui ont travaillé pour le théâtre, ont travaillé
-sans exemple, et ceux qui les ont suivis y ont fait voir quelques
-nouveautés de temps en temps. Nous n'avons pas moins de
-privilége. Aussi notre Horace, qui nous recommande tant la
-lecture des poëtes grecs par ces paroles:
-
- _Vos exemplaria Græca_
- _Nocturna versate manu, versate diurna_[9],
-
-ne laisse pas de louer hautement les Romains d'avoir osé quitter
-les traces de ces mêmes Grecs, et pris d'autres routes:
-
- _Nil intentatum nostri liquere poetæ;
- Nec minimum meruere decus, vestigia Græca
- Ausi deserere_[10].
-
-Leurs règles sont bonnes; mais leur méthode n'est pas de notre
-siècle; et qui s'attacheroit à ne marcher que sur leurs pas,
-feroit sans doute peu de progrès, et divertiroit mal son
-auditoire. On court, à la vérité, quelque risque de s'égarer, et
-même on s'égare assez souvent, quand on s'écarte du chemin battu;
-mais on ne s'égare pas toutes les fois qu'on s'en écarte:
-quelques-uns en arrivent plus tôt où ils prétendent, et chacun
-peut hasarder à ses périls.
-
- [8] Voyez ci-après, p. 8, note 11.
-
- [9] «Feuilletez nuit et jour les modèles que les Grecs
- nous ont laissés.» (_Art poétique_, vers 268 et 269.)
-
- [10] «Nos poëtes n'ont négligé aucune tentative, et
- n'ont pas mérité peu de gloire en osant abandonner les traces des
- Grecs.» (_Ibidem_, vers 285-287.)
-
-
-
-
-LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES
-D'_AGÉSILAS_.
-
-
- ÉDITION SÉPARÉE.
-
- 1666 in-12.
-
-
- RECUEILS.
-
- 1668 in-12; | 1682 in-12.
-
-
-
-
-ACTEURS[11].
-
-
- AGÉSILAS, roi de Sparte.
- LYSANDER, fameux capitaine de Sparte.
- COTYS, roi de Paphlagonie[12].
- SPITRIDATE, grand seigneur persan.
- MANDANE, sœur de Spitridate.
- ELPINICE, } filles de Lysander.
- AGLATIDE, }
- XÉNOCLÈS, lieutenant d'Agésilas.
- CLÉON, orateur grec, natif d'Halicarnasse.
-
-La scène est à Ephèse.
-
- [11] Agésilas régna de l'an 399 à l'an 361. On sait que
- Plutarque a écrit sa vie ainsi que celle de Lysandre. Le même
- auteur nomme Cotys et Spitridate, mais il ne les donne point pour
- prétendants aux filles d'Agésilas. Il dit dans la vie de ce roi:
- «Il.... passa jusqu'au royaume de Paphlagonie, où il fit alliance
- auec le roy Cotys, qui rechercha affectueusement son amitié....
- comme fit aussi Spitridates, lequel abandonna Pharnabazus pour se
- rendre à Agesilaus.... Il (_Spitridates_) auoit.... vne fort
- belle fille preste à marier, qu'Agesilaus feit espouser à ce roy
- Cotys.» (_Vie d'Agésilas_, chapitre XI, traduction d'Amyot.)
- Quant à Mandane, c'est un personnage d'invention. Il en est
- presque de même d'Elpinice et d'Aglatide. Plutarque ne les nomme
- pas, et nous dit seulement à leur sujet, dans la _Vie de
- Lysandre_ (chapitre XXX), que les Spartiates «condamnèrent en
- grosse amende deux citoyens, qui auoient fiancé ses deux filles
- du viuant de leur pere, et puis les refuserent quand ilz virent
- qu'à sa mort il se trouua.... pauure.» Xénoclès et Cléon sont
- indiqués par Plutarque, le premier au chapitre XVI de la _Vie
- d'Agésilas_, le second au chapitre XX, et dans la _Vie de
- Lysandre_: voyez ci-après, p. 37, note 1.
-
- [12] Région de l'Asie Mineure, entre le Pont et la
- Bithynie.
-
-
-
-
-AGÉSILAS.
-
-TRAGÉDIE.
-
-
-
-
-ACTE I.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-ELPINICE, AGLATIDE.
-
- AGLATIDE.
-
- Ma sœur, depuis un mois nous voilà dans Éphèse[13],
- Prêtes à recevoir ces illustres époux
- Que Lysander, mon père, a su choisir pour nous;
- Et ce choix bienheureux n'a rien qui ne vous plaise.
- Dites-moi toutefois, et parlons librement, 5
- Vous semble-t-il que votre amant
- Cherche avec grande ardeur votre chère présence?
- Et trouvez-vous qu'il montre, attendant ce grand jour,
- Cette obligeante impatience
- Que donne, à ce qu'on dit, le véritable amour? 10
-
- ELPINICE.
-
- Cotys est roi, ma sœur; et comme sa couronne
- Parle suffisamment pour lui,
- Assuré de mon cœur, que son trône lui donne,
- De le trop demander il s'épargne l'ennui.
- Ce me doit être assez qu'en secret il soupire, 15
- Que je puis deviner ce qu'il craint de trop dire,
- Et que moins son amour a d'importunité,
- Plus il a de sincérité.
- Mais vous ne dites rien de votre Spitridate:
- Prend-il autant de peine à mériter vos feux 20
- Que l'autre à retenir mes vœux?
-
- AGLATIDE.
-
- C'est environ ainsi que son amour éclate:
- Il m'obsède à peu près comme l'autre vous sert.
- On diroit que tous deux agissent de concert,
- Qu'ils ont juré de n'être importuns l'un ni l'autre: 25
- Ils en font grand scrupule; et la sincérité
- Dont mon amant se pique, à l'exemple du vôtre,
- Ne met pas son bonheur en l'assiduité.
- Ce n'est pas qu'à vrai dire il ne soit excusable:
- Je préparai pour lui, dès Sparte, une froideur 30
- Qui, dès l'abord, étoit capable
- D'éteindre la plus vive ardeur;
- Et j'avoue entre nous qu'alors qu'il[14] me néglige,
- Qu'il se montre à son tour si froid, si retenu,
- Loin de m'offenser, il m'oblige, 35
- Et me remet un cœur qu'il n'eût pas obtenu.
-
- ELPINICE.
-
- J'admire cette antipathie
- Qui vous l'a fait haïr avant que de le voir,
- Et croirois que sa vue auroit eu le pouvoir
- D'en dissiper une partie; 40
- Car enfin Spitridate a l'entretien charmant,
- L'œil vif, l'esprit aisé, le cœur bon, l'âme belle.
- A tant de qualités s'il joignoit un vrai zèle....
-
- AGLATIDE.
-
- Ma soeur, il n'est pas roi, comme l'est votre amant.
-
- ELPINICE.
-
- Mais au parti des Grecs il unit deux provinces; 45
- Et ce Perse vaut bien la plupart de nos princes[15].
-
- AGLATIDE.
-
- Il n'est pas roi, vous dis-je, et c'est un grand défaut.
- Ce n'est point avec vous que je le dissimule,
- J'ai peut-être le cœur trop haut;
- Mais aussi bien que vous je sors du sang d'Hercule[16]; 50
- Et lorsqu'on vous destine un roi pour votre époux,
- J'en veux un aussi bien que vous.
- J'aurois quelque chagrin à vous traiter de reine,
- A vous voir dans un trône assise en souveraine,
- S'il me falloit ramper dans un degré plus bas; 55
- Et je porte une âme assez vaine
- Pour vouloir jusque-là vous suivre pas à pas.
- Vous êtes mon aînée, et c'est un avantage
- Qui me fait vous devoir grande civilité;
- Aussi veux-je céder le pas devant[17] à l'âge, 60
- Mais je ne puis souffrir autre inégalité.
-
- ELPINICE.
-
- Vous êtes donc jalouse, et ce trône vous gêne
- Où la main de Cotys a droit de me placer!
- Mais si je renonçois au rang de souveraine,
- Voudriez-vous y renoncer? 65
-
- AGLATIDE.
-
- Non, pas sitôt: j'ai quelque vue
- Qui me peut encore amuser.
- Mariez-vous, ma sœur; quand vous serez pourvue,
- On trouvera peut-être un roi pour m'épouser.
- J'en aurois un déjà, n'étoit ce rang d'aînée 70
- Qui demandoit pour vous ce qu'il vouloit m'offrir,
- Ou s'il eût reconnu qu'un père eût pu souffrir
- Qu'à l'hymen avant vous on me vît destinée.
- Si ce roi jusqu'ici ne s'est point déclaré,
- Peut-être qu'après tout il n'a que différé, 75
- Qu'il attend votre hymen pour rompre son silence.
- Je pense avoir encor ce qui le sut charmer;
- Et s'il faut vous en faire entière confidence,
- Agésilas m'aimoit, et peut encor m'aimer.
-
- ELPINICE.
-
- Que dites-vous, ma sœur? Agésilas vous aime! 80
-
- AGLATIDE.
-
- Je vous dis qu'il m'aimoit, et que sa passion
- Pourroit bien être encor la même;
- Mais cet amusement de mon ambition
- Peut n'être qu'une illusion.
- Ce prince tient son trône et sa haute puissance 85
- De ce même héros dont nous tenons le jour;
- Et si ce n'étoit lors que par reconnoissance
- Qu'il me temoignoit de l'amour,
- Puis-je être sans inquiétude
- Quand il n'a plus pour lui que de l'ingratitude, 90
- Qu'il n'écoute plus rien qui vienne de sa part[18]?
- Je ne sais si sa flamme est pour moi foible ou forte;
- Mais la reconnoissance morte,
- L'amour doit courir grand hasard.
-
- ELPINICE.
-
- Ah! s'il n'avoit voulu que par reconnoissance 95
- Être gendre de Lysander,
- Son choix auroit suivi l'ordre de la naissance,
- Et Sparte, au lieu de vous, l'eût vu me demander;
- Mais pour mettre chez nous l'éclat de sa couronne
- Attendre que l'hymen m'ait engagée ailleurs, 100
- C'est montrer que le cœur s'attache à la personne.
- Ayez, ayez pour lui des sentiments meilleurs.
- Ce cœur qu'il vous donna, ce choix qui considère
- Autant et plus encor la fille que le père,
- Feront que le devoir aura bientôt son tour; 105
- Et pour vous faire seoir où vos desirs aspirent,
- Vous verrez, et dans peu, comme pour vous conspirent
- La reconnoissance et l'amour.
-
- AGLATIDE.
-
- Vous voyez cependant qu'à peine il me regarde:
- Depuis notre arrivée il ne m'a point parlé; 110
- Et quand ses yeux vers moi se tournent par mégarde....
-
- ELPINICE.
-
- Comme avec lui mon père a quelque démêlé,
- Cette petite négligence,
- Qui vous fait douter de sa foi,
- Vient de leur mésintelligence, 115
- Et dans le fond de l'âme il vit sous votre loi.
-
- AGLATIDE.
-
- A tous hasards, ma sœur, comme j'en suis mal sûre,
- Si vous me pouviez faire un don de votre amant,
- Je crois que je pourrois l'accepter sans murmure.
- Vous venez de parler du mien si dignement.... 120
-
- ELPINICE.
-
- Aimeriez-vous Cotys, ma sœur?
-
- AGLATIDE.
-
- Moi? nullement.
-
- ELPINICE.
-
- Pourquoi donc vouloir qu'il vous aime?
-
- AGLATIDE.
-
- Les hommages qu'Agésilas
- Daigna rendre en secret au peu que j'ai d'appas,
- M'ont si bien imprimé l'amour du diadème, 125
- Que pourvu qu'un amant soit roi,
- Il est trop aimable pour moi.
- Mais sans trône on perd temps: c'est la première idée
- Qu'à l'amour en mon cœur il ait plu de tracer;
- Il l'a fidèlement gardée, 130
- Et rien ne peut plus l'effacer.
-
- ELPINICE.
-
- Chacune a son humeur: la grandeur souveraine,
- Quelque main qui vous l'offre, est digne de vos feux;
- Et vous ne ferez point d'heureux
- Qui de vous ne fasse une reine. 135
- Moi, je m'éblouis moins de la splendeur du rang;
- Son éclat au respect plus qu'à l'amour m'invite:
- Cet heureux avantage ou du sort ou du sang
- Ne tombe pas toujours sur le plus de mérite.
- Si mon cœur, si mes yeux en étoient consultés, 140
- Leur choix iroit à la personne,
- Et les hautes vertus, les rares qualités
- L'emporteroient sur la couronne.
-
- AGLATIDE.
-
- Avouez tout, ma sœur: Spitridate vous plaît.
-
- ELPINICE.
-
- Un peu plus que Cotys; et si votre intérêt 145
- Vous pouvoit résoudre à l'échange....
-
- AGLATIDE.
-
- Qu'en pouvons-nous ici résoudre vous et moi?
- En l'état où le ciel nous range,
- Il faut l'ordre d'un père, il faut l'aveu d'un roi,
- Que je plaise à Cotys, et vous à Spitridate. 150
-
- ELPINICE.
-
- Pour l'un je ne sais quoi m'en flatte,
- Pour l'autre je n'en réponds pas;
- Et je craindrois fort que Mandane,
- Cette incomparable Persane,
- N'eût pour lui des attraits plus forts que vos appas. 155
-
- AGLATIDE.
-
- Ma sœur, Spitridate est son frère,
- Et si jamais sur lui vous aviez du pouvoir....
-
- ELPINICE.
-
- Le voilà qui nous considère.
-
- AGLATIDE.
-
- Est-ce vous ou moi qu'il vient voir?
- Voulez-vous que je vous le laisse? 160
-
- ELPINICE.
-
- Ma sœur, auparavant engagez l'entretien;
- Et s'il s'en offre lieu, jouez d'un peu d'adresse,
- Pour votre intérêt et le mien.
-
- AGLATIDE.
-
- Il est juste en effet, puisqu'il n'a su me plaire,
- Que je vous aide à m'en défaire. 165
-
-
-SCÈNE II.
-
-SPITRIDATE, ELPINICE, AGLATIDE.
-
- ELPINICE.
-
- Seigneur, je me retire: entre les vrais amants
- Leur amour seul a droit d'être de confidence,
- Et l'on ne peut mêler d'agréable présence
- A de si précieux moments.
-
- SPITRIDATE.
-
- Un vertueux amour n'a rien d'incompatible 170
- Avec les regards d'une sœur.
- Ne m'enviez point la douceur
- De pouvoir à vos yeux convaincre une insensible:
- Soyez juge et témoin de l'indigne succès
- Qui se prépare pour ma flamme; 175
- Voyez jusqu'au fond de mon âme
- D'une si pure ardeur où va le digne excès;
- Voyez tout mon espoir au bord du précipice;
- Voyez des maux sans nombre et hors de guérison;
- Et quand vous aurez vu toute cette injustice, 180
- Faites-m'en un peu de raison.
-
- AGLATIDE.
-
- Si vous me permettez, Seigneur, de vous entendre,
- De l'air dont votre amour commence à m'accuser,
- Je crains que pour en bien user
- Je ne me doive mal défendre. 185
- Je sais bien que j'ai tort, j'avoue et hautement
- Que ma froideur doit vous déplaire;
- Mais en cette froideur un heureux changement
- Pourroit-il fort vous satisfaire?
-
- SPITRIDATE.
-
- En doutez-vous, Madame, et peut-on concevoir...? 190
-
- AGLATIDE.
-
- Je vous entends, Seigneur, et vois ce qu'il faut voir:
- Un aveu plus précis est d'une conséquence
- Qui pourroit vous embarrasser;
- Et même à notre sexe il est de bienséance
- De ne pas trop vous en presser. 195
- A Lysander mon père il vous plut de promettre
- D'unir par notre hymen votre sang et le sien;
- La raison, à peu près, Seigneur, je la pénètre,
- Bien qu'aux raisons d'État je ne connoisse rien.
- Vous ne m'aviez point vue, et facile ou cruelle, 200
- Petite ou grande, laide ou belle,
- Qu'à votre humeur ou non je pusse m'accorder,
- La chose étoit égale à votre ardeur nouvelle,
- Pourvu que vous fussiez gendre de Lysander.
- Ma sœur vous auroit plu s'il vous l'eût proposée; 205
- J'eusse agréé Cotys s'il me l'eût proposé.
- Vous trouvâtes tous deux la politique aisée;
- Nous crûmes toutes deux notre devoir aisé.
- Comme à traiter cette alliance
- Les tendresses des cœurs n'eurent aucune part, 210
- Le vôtre avec le mien a peu d'intelligence,
- Et l'amour en tous deux pourra naître un peu tard.
- Quand il faudra que je vous aime,
- Que je l'aurai promis à la face des Dieux,
- Vous deviendrez cher à mes yeux; 215
- Et j'espère de vous le même.
- Jusque-là votre amour assez mal se fait voir;
- Celui que je vous garde encor plus mal s'explique:
- Vous attendez le temps de votre politique,
- Et moi celui de mon devoir. 220
- Voilà, Seigneur, quel est mon crime;
- Vous m'en vouliez convaincre, il n'en est plus besoin;
- J'en ai fait, comme vous, ma sœur juge et témoin:
- Que ma froideur lui semble injuste ou légitime,
- La raison que vous peut en faire sa bonté 225
- Je consens qu'elle vous la fasse;
- Et pour vous en laisser tous deux en liberté,
- Je veux bien lui quitter la place.
-
-
-SCÈNE III.
-
-SPITRIDATE, ELPINICE.
-
- SPITRIDATE.
-
- Elle ne s'y fait pas, Madame, un grand effort,
- Et feroit grâce entière à mon peu de mérite, 230
- Si votre âme avec elle étoit assez d'accord
- Pour se vouloir saisir de ce qu'elle vous quitte.
- Pour peu que vous daigniez écouter la raison,
- Vous me devez cette justice,
- Et prendre autant de part à voir ma guérison, 235
- Qu'en ont eu vos attraits à faire mon supplice.
-
- ELPINICE.
-
- Quoi? Seigneur, j'aurois part....
-
- SPITRIDATE.
-
- C'est trop dissimuler
- La cause et la grandeur du mal qui me possède;
- Et je me dois, Madame, au défaut du remède,
- La vaine douceur d'en parler. 240
- Oui, vos yeux ont part à ma peine,
- Ils en font plus de la moitié;
- Et s'il n'est point d'amour pour en finir la gêne,
- Il est pour l'adoucir des regards de pitié.
- Quand je quittai la Perse, et brisai l'esclavage 245
- Où, m'envoyant au jour, le ciel m'avoit soumis,
- Je crus qu'il me falloit parmi ses ennemis
- D'un protecteur puissant assurer l'avantage.
- Cotys eut, comme moi, besoin de Lysander;
- Et quand pour l'attacher lui-même à nos familles, 250
- Nous demandâmes ses deux filles,
- Ce fut les obtenir que de les demander.
- Par déférence au trône il lui promit l'aînée;
- La jeune me fut destinée.
- Comme nous ne cherchions tous deux que son appui, 255
- Nous acceptâmes tout sans regarder que lui.
- J'avois su qu'Aglatide étoit des plus aimables,
- On m'avoit dit qu'à Sparte elle savoit charmer;
- Et sur des bruits si favorables
- Je me répondois de l'aimer. 260
- Que l'amour aime peu ces folles confiances!
- Et que pour affermir son empire en tous lieux,
- Il laisse choir souvent de cruelles vengeances
- Sur qui promet son cœur sans l'aveu de ses yeux!
- Ce sont les conseillers fidèles 265
- Dont il prend les avis pour ajuster ses coups;
- Leur rapport inégal vous fait plus ou moins belles,
- Et les plus beaux objets ne le sont pas pour tous.
- A ce moment fatal qui nous permit la vue
- Et de vous et de cette sœur, 270
- Mon âme devint toute émue,
- Et le trouble aussitôt s'empara de mon cœur;
- Je le sentis pour elle tout de glace,
- Je le sentis tout de flamme pour vous;
- Vous y régnâtes en sa place, 275
- Et ses regards aux miens n'offrirent rien de doux.
- Il faut pourtant l'aimer, du moins il faut le feindre;
- Il faut vous voir aimer ailleurs:
- Voyez s'il fut jamais un amant plus à plaindre,
- Un cœur plus accablé de mortelles douleurs. 280
- C'est un malheur sans doute égal au trépas même
- Que d'attacher sa vie à ce qu'on n'aime pas;
- Et voir en d'autres mains passer tout ce qu'on aime,
- C'est un malheur encor plus grand que le trépas.
-
- ELPINICE.
-
- Je vous en plains, Seigneur, et ne puis davantage, 285
- Je ne sais aimer ni haïr;
- Mais dès qu'un père parle, il porte en mon courage
- Toute l'impression qu'il faut pour obéir.
- Voyez avec Cotys si ses vœux les plus tendres
- Voudroient rendre à ma sœur l'hommage qu'il me rend. 290
- Tout doit être à mon père assez indifférent,
- Pourvu que vous et lui vous demeuriez ses gendres.
- Mais à vous dire tout, je crains qu'Agésilas
- N'y refuse l'aveu qui vous est nécessaire:
- C'est notre souverain.
-
- SPITRIDATE.
-
- S'il en dédit un père, 295
- Peut-être ai-je une sœur qu'il n'en dédira pas.
- Ce grand prince pour elle a tant de complaisance,
- Qu'à sa moindre prière il ne refuse rien;
- Et si son cœur vouloit s'entendre avec le mien[19]....
-
- ELPINICE.
-
- Reposez-vous, Seigneur, sur mon obéissance, 300
- Et contentez-vous de savoir
- Qu'aussi bien que ma sœur j'écoute mon devoir.
- Allez trouver Cotys, et sans aucun scrupule....
-
- SPITRIDATE.
-
- Perdriez-vous pour moi son trône sans ennui?
-
- ELPINICE.
-
- Le voilà qui paroît. Quelque ardeur qui vous brûle, 305
- Mettez d'accord mon père, Agésilas et lui.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-COTYS, SPITRIDATE.
-
- COTYS.
-
- Vous voyez de quel air Elpinice me traite,
- Comme elle disparoît, Seigneur, à mon abord.
-
- SPITRIDATE.
-
- Si votre âme, Seigneur, en est mal satisfaite,
- Mon sort est bien à plaindre autant que votre sort. 310
-
- COTYS.
-
- Ah! s'il n'étoit honteux de manquer de promesse!
-
- SPITRIDATE.
-
- Si la foi sans rougir pouvoit se dégager!
-
- COTYS.
-
- Qu'une autre de mon cœur seroit bientôt maîtresse!
-
- SPITRIDATE.
-
- Que je serois ravi, comme vous, de changer!
-
- COTYS.
-
- Elpinice pour moi montre une telle glace, 315
- Que je me tiendrois sûr de son consentement.
-
- SPITRIDATE.
-
- Aglatide verroit qu'une autre prît sa place
- Sans en murmurer un moment.
-
- COTYS.
-
- Que nous sert qu'en secret l'une et l'autre engagée
- Peut-être ainsi que nous porte son cœur ailleurs? 320
- Pour voir notre infortune entre elles partagée,
- Nos destins n'en sont pas meilleurs.
-
- SPITRIDATE.
-
- Elles aiment ailleurs, ces belles dédaigneuses;
- Et peut-être, en dépit du sort,
- Il seroit un moyen et de les rendre heureuses, 325
- Et de nous rendre heureux par un commun accord.
-
- COTYS.
-
- Souffrez donc qu'avec vous tout mon cœur se déploie.
- Ah! si vous le vouliez, que mon sort seroit doux!
- Vous seul me pouvez mettre au comble de ma joie.
-
- SPITRIDATE.
-
- Et ma félicité dépend toute de vous. 330
-
- COTYS.
-
- Vous me pouvez donner l'objet qui me possède.
-
- SPITRIDATE.
-
- Vous me pouvez donner celui de tous mes vœux:
- Elpinice me charme.
-
- COTYS.
-
- Et si je vous la cède?
-
- SPITRIDATE.
-
- Je céderai de même Aglatide à vos feux.
-
- COTYS.
-
- Aglatide, Seigneur! Ce n'est pas là m'entendre, 335
- Et vous ne feriez rien pour moi.
-
- SPITRIDATE.
-
- Ne vous devez-vous pas à Lysander pour gendre?
-
- COTYS.
-
- Oui; mais l'amour ici me fait une autre loi.
-
- SPITRIDATE.
-
- L'amour! il n'en faut point écouter qui le blesse,
- Et qui nous ôte son appui. 340
- L'échange des deux sœurs n'a rien qui l'intéresse,
- Nous n'en serons pas moins à lui;
- Mais de porter ailleurs sa main[20], qui leur est due,
- Seigneur, au dernier point ce sera l'irriter,
- Et sa protection perdue, 345
- N'avons-nous rien à redouter?
-
- COTYS.
-
- Si je n'en juge mal, sa faveur n'est pas grande,
- Seigneur, auprès d'Agésilas;
- Il n'obtient presque rien de quoi qu'il lui demande.
-
- SPITRIDATE.
-
- Je vois qu'assez souvent il ne l'écoute pas; 350
- Mais pour un différend frivole,
- Dont nous ignorons le secret,
- Ce prince avoueroit-il un amour indiscret,
- D'un tel manquement de parole?
- Lui qui lui doit son trône, et cet illustre rang 355
- D'unique général des troupes de la Grèce,
- Pourroit-il le haïr avec tant de bassesse,
- Qu'il pût autoriser ce mépris de son sang?
- Si nous manquons de foi, qu'aura-t-il lieu de croire?
- En aurions-nous pour lui plus que pour Lysander? 360
- Pensez-y bien, Seigneur, avant qu'y hasarder
- Nos sûretés et votre gloire.
-
- COTYS.
-
- Et si ce différend, que vous craignez si peu,
- Lui fait pour notre hymen refuser un aveu[21]?
-
- SPITRIDATE.
-
- Ma sœur n'a qu'à parler, je m'en tiens sûr par elle. 365
-
- COTYS.
-
- Seigneur, l'aimeroit-il?
-
- SPITRIDATE.
-
- Il la trouve assez belle,
- Il en parle avec joie, et se plaît à la voir.
- Je tâche d'affermir ces douces apparences;
- Et si vous voulez tout savoir,
- Je pense avoir de quoi flatter mes espérances. 370
- Prenez-y part, Seigneur, pour l'intérêt commun.
- Quand nous aurons tous deux Lysander pour beau-père,
- Ce roi s'allie à vous, s'il devient mon beau-frère;
- Et nous aurons ainsi deux appuis au lieu d'un.
-
- COTYS.
-
- Et Mandane y consent?
-
- SPITRIDATE.
-
- Mandane est trop bien née 375
- Pour dédire un devoir qui la met sous ma loi.
-
- COTYS.
-
- Et vous avez donné pour elle votre foi?
-
- SPITRIDATE.
-
- Non; mais à dire vrai, je la tiens pour donnée.
-
- COTYS.
-
- Ah! ne la donnez point, Seigneur, si vous m'aimez,
- Ou si vous aimez Elpinice. 380
- Mandane a tout mon cœur, mes yeux en sont charmés;
- Et ce n'est qu'à ce prix que je vous rends justice.
-
- SPITRIDATE.
-
- Elpinice ne rend votre foi qu'à sa sœur,
- Et ce n'est qu'à ce prix qu'elle-même se donne.
-
- COTYS.
-
- Hélas! et si l'amour autrement en ordonne, 385
- Le moyen d'y forcer mon cœur?
-
- SPITRIDATE.
-
- Rendez-vous-en le maître.
-
- COTYS.
-
- Et l'êtes-vous du vôtre?
-
- SPITRIDATE.
-
- J'y ferai mon effort, si je vous parle en vain;
- Et du moins, si ma sœur vous dérobe à toute autre,
- Je serai maître de ma main. 390
-
- COTYS.
-
- Je ne le puis celer, qui que l'on me propose,
- Toute autre que Mandane est pour moi même chose.
-
- SPITRIDATE.
-
- Il vous est donc facile, et doit même être doux,
- Puisqu'enfin Elpinice aime un autre que vous,
- De lui préférer qui vous aime; 395
- Et du moins vous auriez l'honneur,
- Par un peu d'effort sur vous-même,
- De faire le commun bonheur.
-
- COTYS.
-
- Je ferois trois heureux qui m'empêchent de l'être!
- J'ose, j'ose vous faire une plus juste loi: 400
- Ou faites mon bonheur dont vous êtes le maître,
- Ou demeurez tous trois malheureux comme moi.
-
- SPITRIDATE.
-
- Eh bien! épousez Elpinice:
- Je renonce à tout mon bonheur,
- Plutôt que de me voir complice 405
- D'un manquement de foi qui vous perdroit d'honneur.
-
- COTYS.
-
- Rendez-vous à votre Aglatide,
- Puisque votre cœur endurci
- Veut suivre obstinément un faux devoir pour guide:
- Je serai malheureux, vous le serez aussi. 410
-
-
-FIN DU PREMIER ACTE.
-
- [13] Voyez Plutarque, _Vie d'Agésilas_, chapitre VII.
-
- [14] L'édition de 1692 et Voltaire d'après elle ont
- changé _qu'alors qu'il_ en _que lorsqu'il_.
-
- [15] Lysandre, envoyé par Agésilas au pays de
- l'Hellespont, «practiqua et fit rebeller contre son maistre vn
- capitaine persien nommé Spitridates, vaillant homme de sa
- personne, et qui estoit grand ennemy de Pharuabazus, et auoit vne
- armée qu'il mena à Agesilaus.» (Plutarque, _Vie de Lysandre_,
- chapitre XXIV, traduction d'Amyot.)
-
- [16] Lysandre était «vn de ceux-la qui estoient
- descendus de la vraye race d'Hercules, et qui neantmoins
- n'auoient point de part à la royauté.» (Plutarque, _ibidem_,
- chapitre XXIV.)--Entre tous les Héraclides établis à Sparte, les
- deux maisons des Eurytionides et des Agiades étaient les seules
- qui eussent le droit de succéder au trône. Agésilas appartenait à
- la première.
-
- [17] Voyez au tome VI, p. 391, note 1.
-
- [18] «Après la mort d'Agis, Lysander, qui.... auoit plus
- de credit et d'authorité en la ville de Sparte que nul autre,
- entreprit de faire tomber la royauté sur Agesilaus.» Ensuite ce
- fut encore Lysandre qui détermina Agésilas à passer en Asie et
- lui fit obtenir tout ce qu'il demandait aux Spartiates pour la
- conduite de la guerre; mais arrivé à Éphèse, Agésilas «eut
- incontinent à desplaisir l'honneur qu'il vit que on y faisoit à
- Lysander.... Parquoy il commença à se porter de ceste sorte
- enuers luy: .... il contredisoit à tous ses conseilz, et toutes
- les entreprises que il mettoit en auant, mesmement celles
- ausquelles il se monstroit plus affectionné, il n'en faisoit pas
- vne, ains en prenoit d'autres à executer plustost que celles-la.»
- (Voyez Plutarque, _Vie d'Agésilas_, chapitres III, VI et VII.)
-
- [19] _Var._ Et si ce cœur vouloit s'entendre avec le
- mien.... (1666 et 68)
-
- [20] On lit: «_la_ main,» dans l'édition de 1692 et dans
- celle de Voltaire (1764).
-
- [21] _Var._ Lui fait pour notre hymen refuser son
- aveu[21-a]. (1666 et 68)
-
- [21-a] Cette leçon a été reproduite par l'édition de 1692 et
- par celle de Voltaire (1764).
-
-
-
-
-ACTE II.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-SPITRIDATE, MANDANE.
-
- SPITRIDATE.
-
- Que nous avons, ma sœur, brisé de rudes chaînes!
- En Perse il n'est point de sujets;
- Ce ne sont qu'esclaves abjets[22],
- Qu'écrasent d'un coup d'œil les têtes souveraines:
- Le monarque, ou plutôt le tyran général, 415
- N'y suit pour loi que son caprice,
- N'y veut point d'autre règle et point d'autre justice,
- Et souvent même impute à crime capital
- Le plus rare mérite et le plus grand service;
- Il abat à ses pieds les plus hautes vertus, 420
- S'immole insolemment les plus illustres vies,
- Et ne laisse aujourd'hui que les cœurs abattus
- A couvert de ses tyrannies.
- Vous autres, s'il vous daigne honorer de son lit,
- Ce sont indignités égales: 425
- La gloire s'en partage entre tant de rivales,
- Qu'elle est moins un honneur qu'un sujet de dépit.
- Toutes n'ont pas le nom de reines,
- Mais toutes portent mêmes chaînes,
- Et toutes, à parler sans fard, 430
- Servent à ses plaisirs sans part à son empire;
- Et même en ses plaisirs elles n'ont autre part
- Que celle qu'à son cœur brutalement inspire
- Ou ce caprice, ou le hasard.
- Voilà, ma sœur, à quoi vous avoit destinée, 435
- A quel infâme honneur vous avoit condamnée
- Pharnabaze[23], son lieutenant:
- Il auroit fait de vous un présent à son prince,
- Si pour nous affranchir mon soin le prévenant
- N'eût à sa tyrannie arraché ma province. 440
- La Grèce a de plus saintes lois,
- Elle a des peuples et des rois
- Qui gouvernent avec justice:
- La raison y préside, et la sage équité;
- Le pouvoir souverain par elles limité, 445
- N'y laisse aucun droit de caprice[24].
- L'hymen de ses rois même y donne cœur pour cœur;
- Et si vous aviez le bonheur
- Que l'un d'eux vous offrît son trône avec son âme,
- Vous seriez, par ce nœud charmant, 450
- Et reine véritablement,
- Et véritablement sa femme.
-
- MANDANE.
-
- Je veux bien l'espérer: tout est facile aux Dieux;
- Et peut-être que de bons yeux
- En auroient déjà vu quelque flatteuse marque; 455
- Mais il en faut de bons pour faire un si grand choix.
- Si le roi dans la Perse est un peu trop monarque,
- En Grèce il est des rois qui ne sont pas trop rois:
- Il en est dont le peuple est le suprême arbitre;
- Il en est d'attachés aux ordres d'un sénat; 460
- Il en est qui ne sont enfin, sous ce grand titre,
- Que premiers sujets de l'État.
- Je ne sais si le ciel pour régner m'a fait naître,
- Et quoi qu'en ma faveur j'aye encor vu paroître,
- Je doute si l'on m'aime ou non; 465
- Mais je pourrois être assez vaine
- Pour dédaigner le nom de reine
- Que m'offriroit un roi qui n'en eût[25] que le nom.
-
- SPITRIDATE.
-
- Vous en savez beaucoup, ma sœur, et vos mérites
- Vous ouvrent fort les yeux sur ce que vous valez. 470
-
- MANDANE.
-
- Je réponds simplement à ce que vous me dites,
- Et parle en général comme vous me parlez.
-
- SPITRIDATE.
-
- Cependant et des rois et de leur différence
- Je vous trouve en effet plus instruite que moi.
-
- MANDANE.
-
- Puisque vous m'ordonnez qu'ici j'espère un roi, 475
- Il est juste, Seigneur, que quelquefois j'y pense.
-
- SPITRIDATE.
-
- N'y pensez-vous point trop?
-
- MANDANE.
-
- Je sais que c'est à vous
- A régler mes desirs sur le choix d'un époux:
- Mon devoir n'en fera point d'autre;
- Mais quand vous daignerez choisir pour une sœur, 480
- Daignez songer, de grâce, à faire son bonheur
- Mieux que vous n'avez fait le vôtre.
- D'un choix que vous m'aviez vous-même tant loué,
- Votre cœur et vos yeux vous ont désavoué;
- Et si j'ai, comme vous, quelques pentes secrètes, 485
- Seigneur, si c'est ainsi que vous les rencontrez,
- Jugez, par le trouble où vous êtes,
- De l'état où vous me mettrez[26].
-
- SPITRIDATE.
-
- Je le vois bien, ma sœur, il faut vous laisser faire:
- Qui choisit mal pour soi choisit mal pour autrui; 490
- Et votre cœur, instruit par le malheur d'un frère,
- A déjà fait son choix sans lui.
-
- MANDANE.
-
- Peut-être; mais enfin vous suis-je nécessaire?
- Parlez: il n'est desirs ni tendres sentiments
- Que je ne sacrifie à vos contentements. 495
- Faut-il donner ma main pour celle d'Elpinice?
-
- SPITRIDATE.
-
- Que sert de m'en offrir un entier sacrifice,
- Si je n'ose et ne puis même déterminer
- A qui pour mon bonheur vous devez la donner?
- Cotys me la demande, Agésilas l'espère. 500
-
- MANDANE.
-
- Agésilas, Seigneur! Et le savez-vous bien?
-
- SPITRIDATE.
-
- Parler de vous sans cesse, aimer votre entretien,
- Vous donner tout crédit, ne chercher qu'à vous plaire....
-
- MANDANE.
-
- Ce sont civilités envers une étrangère,
- Qui font beaucoup d'éclat, et ne produisent rien. 505
- Il jette par là des amorces
- A ceux qui, comme nous, voudront grossir ses forces;
- Mais quelque haut crédit qu'il me donne en sa cour,
- De toute sa conduite il est si bien le maître,
- Qu'au simple nom d'hymen vous verriez disparoître 510
- Tout ce qu'en ses faveurs vous prenez pour amour.
-
- SPITRIDATE.
-
- Vous penchez vers Cotys, et savez qu'Elpinice
- Ne veut point être à moi qu'il ne soit à sa sœur!
-
- MANDANE.
-
- Je vous réponds de tout, si vous avez son cœur.
-
- SPITRIDATE.
-
- Et Lysander pourra souffrir cette injustice? 515
-
- MANDANE.
-
- Lysander est si mal auprès d'Agésilas,
- Que ce sera beaucoup s'il en obtient un gendre;
- Et peut-être sans moi ne l'obtiendra-t-il pas:
- Pour deux, il auroit tort[27], s'il osoit y prétendre.
- Mais, Seigneur, le voici; tâchez de pressentir 520
- Ce qu'en votre faveur il pourroit consentir.
-
- SPITRIDATE.
-
- Ma sœur, vous êtes plus adroite;
- Souffrez que je ménage un moment de retraite:
- J'aurois trop à rougir, pour peu que devant moi
- Vous fissiez deviner de ce manque de foi. 525
-
-
-SCÈNE II.
-
-LYSANDER, SPITRIDATE, MANDANE, CLÉON.
-
- LYSANDER.
-
- Quoique en matière d'hyménées
- L'importune langueur des affaires traînées
- Attire assez souvent de fâcheux embarras,
- J'ai voulu qu'à loisir vous pussiez[28] voir mes filles,
- Avant que demander l'aveu d'Agésilas 530
- Sur l'union de nos familles.
- Dites-moi donc, Seigneur, ce qu'en jugent vos yeux,
- S'ils laissent votre cœur d'accord de vos promesses,
- Et si vous y sentez plus d'aimables tendresses
- Que de justes desirs de pouvoir choisir mieux. 535
- Parlez avec franchise, avant que je m'expose
- A des refus presque assurés,
- Que j'estimerai peu de chose
- Quand vous serez plus déclarés;
- Et n'appréhendez point l'emportement d'un père: 540
- Je sais trop que l'amour de ses droits est jaloux,
- Qu'il dispose de nous sans nous,
- Que les plus beaux objets ne sont pas sûrs de plaire.
- L'aveugle sympathie est ce qui fait agir
- La plupart des feux qu'il excite; 545
- Il ne l'attache pas toujours au vrai mérite:
- Et quand il la dénie, on n'a point à rougir.
-
- SPITRIDATE.
-
- Puisque vous le voulez, je ne puis me défendre,
- Seigneur, de vous parler avec sincérité:
- Ma seule ambition est d'être votre gendre; 550
- Mais apprenez, de grâce, une autre vérité:
- Ce bonheur que j'attends, cette gloire où j'aspire,
- Et qui rendroit mon sort égal au sort des Dieux,
- N'a pour objet.... Seigneur, je tremble à vous le dire;
- Ma sœur vous l'expliquera mieux. 555
-
-
-SCÈNE III.
-
-LYSANDER, MANDANE, CLÉON.
-
- LYSANDER.
-
- Que veut dire, Madame, une telle retraite?
- Se plaint-il d'Aglatide, et la jeune indiscrète
- Répondroit-elle mal aux honneurs qu'il lui fait?
-
- MANDANE.
-
- Elle y répond, Seigneur, ainsi qu'il le souhaite,
- Et je l'en vois fort satisfait; 560
- Mais je ne vois pas bien que par les sympathies
- Dont vous venez de nous parler,
- Leurs âmes soient fort assorties[29],
- Ni que l'amour encore ait daigné s'en mêler.
- Ce n'est pas qu'il n'aspire à se voir votre gendre, 565
- Qu'il n'y mette sa gloire, et borne ses plaisirs;
- Mais puisque par son ordre il me faut vous l'apprendre,
- Elpinice est l'objet de ses plus chers desirs.
-
- LYSANDER.
-
- Elpinice! Et sa main n'est plus en ma puissance!
-
- MANDANE.
-
- Je sais qu'il n'est plus temps de vous la demander; 570
- Mais je vous répondrois de son obéissance,
- Si Cotys la vouloit céder.
- Que sait-on si l'amour, dont la bizarrerie
- Se joue assez souvent du fond de notre cœur,
- N'aura point fait au sien même supercherie? 575
- S'il n'y préfère point Aglatide à sa sœur?
- Cet échange, Seigneur, pourroit-il vous déplaire,
- S'il les rendoit tous quatre heureux?
-
- LYSANDER.
-
- Madame, doutez-vous de la bonté d'un père?
-
- MANDANE.
-
- Voyez donc si Cotys sera plus rigoureux: 580
- Je vous laisse avec lui, de peur que ma présence
- N'empêche une sincère et pleine confiance.
-
-(A Cotys.)
-
- Seigneur, ne cachez plus le véritable amour[30]
- Dont l'idée en secret vous flatte.
- J'ai dit à Lysander celui de Spitridate; 585
- Dites le vôtre à votre tour.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-LYSANDER, COTYS, CLÉON.
-
- COTYS.
-
- Puisqu'elle vous l'a dit, pourrois-je vous le taire?
- Jugez, Seigneur, de mes ennuis:
- Une autre qu'Elpinice à mes yeux a su plaire;
- Et l'aimer est un crime en l'état où je suis. 590
-
- LYSANDER.
-
- Ne traitez point, Seigneur, ce nouveau feu de crime:
- Le choix que font les yeux est le plus légitime;
- Et comme un beau desir ne peut bien s'allumer
- S'ils n'instruisent le cœur de ce qu'il doit aimer,
- C'est ôter à l'amour tout ce qu'il a d'aimable, 595
- Que les tenir captifs sous une aveugle foi;
- Et le don le plus favorable
- Que ce cœur sans leur ordre ose faire de soi
- Ne fut jamais irrévocable.
-
- COTYS.
-
- Seigneur, ce n'est point par mépris, 600
- Ce n'est point qu'Elpinice aux miens n'ait paru belle;
- Mais enfin (le dirai-je?) oui, Seigneur, on m'a pris,
- On m'a volé ce cœur que j'apportois pour elle:
- D'autres yeux, malgré moi, s'en sont faits les tyrans,
- Et ma foi s'est armée en vain pour ma défense; 605
- Ce lâche, qui s'est mis de leur intelligence,
- Les a soudain reçus en justes conquérants.
-
- LYSANDER.
-
- Laissez-leur garder leur conquête.
- Peut-être qu'Elpinice avec plaisir s'apprête
- A vous laisser ailleurs trouver un sort plus doux, 610
- Quand un autre pour elle a d'autres yeux que vous,
- Qu'elle cède ce cœur à celle qui le vole,
- Et qu'en ce même instant qu'on vous le surprenoit,
- Un pareil attentat sur sa propre parole
- Lui déroboit celui qu'elle vous destinoit. 615
- Surtout ne craignez rien du côté d'Aglatide:
- Je puis répondre d'elle, et quand j'aurai parlé,
- Vous verrez tout son cœur, où mon vouloir[31] préside,
- Vous payer de celui qu'elle vous a volé.
-
- COTYS.
-
- Ah! Seigneur, pour ce vol je ne me plains pas d'elle. 620
-
- LYSANDER.
-
- Et de qui donc?
-
- COTYS.
-
- L'amour s'y sert d'une autre main.
-
- LYSANDER.
-
- L'amour!
-
- COTYS.
-
- Oui, cet amour qui me rend infidèle....
-
- LYSANDER.
-
- Seigneur, du nom d'amour n'abusez point en vain,
- Dites d'Agésilas la haine insatiable:
- C'est elle dont l'aigreur auprès de vous m'accable, 625
- Et qui de jour en jour s'animant contre moi,
- Pour me perdre d'honneur m'enlève votre foi.
-
- COTYS.
-
- Ah! s'il y va de votre gloire,
- Ma parole est donnée, et dussé-je en mourir,
- Je la tiendrai, Seigneur, jusqu'au dernier soupir; 630
- Mais quoi que la surprise ait pu vous faire croire,
- N'accusez, point Agésilas
- D'un crime de mon cœur, que même il ne sait pas.
- Mandane, qui m'ordonne à vos yeux de le dire,
- Vous montre assez par là quel souverain empire 635
- L'amour lui donne sur ce cœur.
- Ne considérez point si j'aime ou si l'on m'aime;
- En matière d'honneur ne voyez que vous-même,
- Et disposez de moi comme veut cet honneur.
-
- LYSANDER.
-
- L'amour le fera mieux; ce que j'en viens d'apprendre 640
- M'offre un sujet de joie où j'en voyois d'ennui:
- Épouser la sœur de mon gendre,
- C'est le devenir comme lui.
- Aglatide d'ailleurs n'est pas si délaissée
- Que votre exemple n'aide à lui trouver un roi; 645
- Et pour peu que le ciel réponde à ma pensée,
- Ce sera plus de gloire et plus d'appui pour moi.
- Aussi ferai-je plus: je veux que de moi-même
- Vous teniez cet objet qui vous fait soupirer;
- Et Spitridate, à moins que de m'en assurer, 650
- N'obtiendra jamais ce qu'il aime.
- Je veux dès aujourd'hui savoir d'Agésilas
- S'il pourra consentir à ce double hyménée,
- Dont ma parole étoit donnée.
- Sa haine apparemment ne m'en avouera pas: 655
- Si pourtant par bonheur il m'en laisse le maître,
- J'en userai, Seigneur, comme je le promets;
- Sinon, vous lui ferez connoître
- Vous-même quels sont vos souhaits.
-
- COTYS.
-
- Ah! que Mandane et moi n'avons-nous mille vies, 660
- Seigneur, pour vous les immoler!
- Car je ne saurois plus vous le dissimuler,
- Nos âmes en seront également ravies.
- Souffrez-lui donc sa part en ces ravissements;
- Et pardonnez, de grâce, à mon impatience.... 665
-
- LYSANDER.
-
- Allez: on m'a vu jeune, et par expérience
- Je sais ce qui se passe au cœur des vrais amants.
-
-
-SCÈNE V.
-
-LYSANDER, CLÉON.
-
- CLÉON.
-
- Seigneur, n'êtes-vous point d'une humeur bien facile
- D'applaudir à Cotys sur son manque de foi?
-
- LYSANDER.
-
- Je prends pour l'attacher à moi 670
- Ce qui s'offre de plus utile.
- D'un emportement indiscret
- Je ne voyois rien à prétendre:
- Vouloir par force en faire un gendre,
- Ce n'est qu'en vouloir faire un ennemi secret. 675
- Je veux me l'acquérir: je veux, s'il m'est possible,
- A force d'amitiés si bien le ménager,
- Que quand je voudrai me venger,
- J'en tire un secours infaillible.
- Ainsi je flatte ses desirs, 680
- J'applaudis, je défère à ses nouveaux soupirs,
- Je me fais l'auteur de sa joie,
- Je sers sa passion, et sous cette couleur
- Je m'ouvre dans son âme une infaillible voie
- A m'en faire à mon tour servir avec chaleur. 685
-
- CLÉON.
-
- Oui, mais Agésilas, Seigneur, aime Mandane:
- Du moins toute sa cour ose le deviner;
- Et promettre à Cotys cette illustre Persane,
- C'est lui promettre tout pour ne lui rien donner.
-
- LYSANDER.
-
- Qu'à ses vœux mon tyran l'accorde ou la refuse, 690
- De la manière dont j'en use,
- Il ne peut m'ôter son appui;
- Et de quelque façon que la chose se passe,
- Ou je fais la première grâce,
- Ou j'aigris puissamment ce rival contre lui. 695
- J'ai même à souhaiter que son feu se déclare.
- Comme de notre Sparte il choquera les lois,
- C'est une occasion que lui-même il prépare,
- Et qui peut la résoudre à mieux choisir ses rois.
- Nous avons trop longtemps asservi sa couronne 700
- A la vaine splendeur du sang;
- Il est juste à son tour que la vertu la donne,
- Et que le seul mérite ait droit à ce haut rang.
- Ma ligue est déjà forte, et ta harangue est prête[32]
- A faire éclater la tempête, 705
- Sitôt qu'il aura mis ma patience à bout.
- Si pourtant je voyois sa haine enfin bornée
- Ne mettre aucun obstacle à ce double hyménée,
- Je crois que je pourrois encore oublier tout.
- En perdant cet ingrat, je détruis mon ouvrage; 710
- Je vois dans sa grandeur le prix de mon courage,
- Le fruit de mes travaux, l'effet de mon crédit.
- Un reste d'amitié tient mon âme en balance:
- Quand je veux le haïr je me fais violence,
- Et me force à regret à ce que je t'ai dit. 715
- Il faut, il faut enfin qu'avec lui je m'explique,
- Que j'en sache qui peut causer
- Cette haine si lâche, et qu'il rend si publique,
- Et fasse un digne effort à le désabuser.
-
- CLÉON.
-
- Il n'appartient qu'à vous de former ces pensées; 720
- Mais vous ne songez point avec quels sentiments
- Vos deux filles intéressées
- Apprendront de tels changements.
-
- LYSANDER.
-
- Aglatide est d'humeur à rire de sa perte:
- Son esprit enjoué ne s'ébranle de rien. 725
- Pour l'autre, elle a, de vrai, l'âme un peu moins ouverte,
- Mais elle n'eut jamais de vouloir que le mien.
- Ainsi je me tiens sûr de leur obéissance.
-
- CLÉON.
-
- Quand cette obéissance a fait un digne choix,
- Le cœur, tombé par là sous une autre puissance, 730
- N'obéit pas toujours une seconde fois.
-
- LYSANDER.
-
- Les voici: laisse-nous, afin qu'avec franchise
- Leurs âmes s'en ouvrent à moi.
-
-
-SCÈNE VI.
-
-LYSANDER, ELPINICE, AGLATIDE.
-
- LYSANDER.
-
- J'apprends avec quelque surprise,
- Mes filles, qu'on vous manque à toutes deux de foi: 735
- Cotys aime en secret une autre qu'Elpinice,
- Spitridate n'en fait pas moins.
-
- ELPINICE.
-
- Si l'on nous fait quelque injustice,
- Seigneur, notre devoir s'en remet à vos soins.
- Je ne sais qu'obéir.
-
- AGLATIDE.
-
- J'en sais donc davantage: 740
- Je sais que Spitridate adore d'autres yeux;
- Je sais que c'est ma sœur à qui va cet hommage,
- Et quelque chose encor qu'elle vous diroit mieux.
-
- ELPINICE.
-
- Ma sœur, qu'aurois-je à dire?
-
- AGLATIDE.
-
- A quoi bon ce mystère?
- Dites ce qu'à ce nom le cœur vous dit tout bas, 745
- Ou je dirai tout haut qu'il ne vous déplaît pas.
-
- ELPINICE.
-
- Moi, je pourrois l'aimer, et sans l'ordre d'un père!
-
- AGLATIDE.
-
- Vous ne savez que c'est d'aimer ou de haïr[33],
- Mais vous seriez pour lui fort aise d'obéir.
-
- ELPINICE.
-
- Qu'il faut souffrir de vous, ma sœur!
-
- AGLATIDE.
-
- Le grand supplice 750
- De voir qu'en dépit d'elle on lui rend du service!
-
- LYSANDER.
-
- Rendez-lui la pareille. Aime-t-elle Cotys?
- Et s'il falloit changer entre vous de partis....
-
- AGLATIDE.
-
- Je n'ai pas besoin d'interprète,
- Et vous en dirai plus, Seigneur, qu'elle n'en sait. 755
- Cotys pourroit me plaire, et plairoit en effet,
- Si pour toucher son cœur j'étois assez bien faite;
- Mais je suis fort trompée, ou cet illustre cœur
- N'est pas plus à moi qu'à ma sœur.
-
- LYSANDER.
-
- Peut-être ce malheur d'assez près te menace. 760
-
- AGLATIDE.
-
- J'en connois plus de vingt qui mourroient en ma place,
- Ou qui sauroient du moins hautement quereller
- L'injustice de la fortune;
- Mais pour moi, qui n'ai pas une âme si commune,
- Je sais l'art de m'en consoler. 765
- Il est d'autres rois dans l'Asie
- Qui seront trop heureux de prendre votre appui;
- Et déjà, je ne sais par quelle fantaisie,
- J'en crois voir à mes pieds de plus puissants que lui.
-
- LYSANDER.
-
- Donc à moins que d'un roi tu ne veux plus te rendre? 770
-
- AGLATIDE.
-
- Je crois pour Spitridate avoir déjà fait voir
- Que ma sœur n'a rien à m'apprendre
- Sur le chapitre du devoir.
- Elle sait obéir, et je le sais comme elle:
- C'est l'ordre; et je lui garde un cœur assez fidèle 775
- Pour en subir toutes les lois;
- Mais pour régler ma destinée,
- Si vous vous abaissiez jusqu'à prendre ma voix,
- Vous arrêteriez votre choix
- Sur une tête couronnée, 780
- Et ne m'offririez que des rois.
-
- LYSANDER.
-
- C'est mettre un peu haut ta conquête.
-
- AGLATIDE.
-
- La couronne, Seigneur, orne bien une tête.
- Je me la figurois sur celle de ma sœur,
- Lorsque Cotys devoit l'y mettre; 785
- Et quand j'en contemplois la gloire et la douceur,
- Que je ne pouvois me promettre,
- Un peu de jalousie et de confusion
- Mutinoit mes desirs et me soulevoit l'âme;
- Et comme en cette occasion 790
- Mon devoir pour agir n'attendoit point ma flamme....
-
- ELPINICE.
-
- La gloire d'obéir à votre grand regret
- Vous faisoit pester en secret:
- C'est l'ordre; et du devoir la scrupuleuse idée....
-
- AGLATIDE.
-
- Que dites-vous, ma sœur? qu'osez-vous hasarder, 795
- Vous qui tantôt...?
-
- ELPINICE.
-
- Ma sœur, laissez-moi vous aider,
- Ainsi que vous m'avez aidée.
-
- AGLATIDE.
-
- Pour bien m'aider à dire ici mes sentiments,
- Vous vous prenez trop mal aux vôtres;
- Et si je suis jamais réduite aux truchements, 800
- Il m'en faudra[34] bien chercher d'autres.
- Seigneur, quoi qu'il en soit, voilà quelle je suis.
- J'acceptois Spitridate avec quelques ennuis;
- De ce petit chagrin le ciel m'a dégagée,
- Sans que mon âme soit changée. 805
- Mon devoir règne encor sur mon ambition:
- Quoi que vous m'ordonniez, j'obéirai sans peine;
- Mais de mon inclination,
- Je mourrai fille, ou vivrai reine.
-
- ELPINICE.
-
- Achevez donc, ma sœur: dites qu'Agésilas.... 810
-
- AGLATIDE.
-
- Ah! Seigneur, ne l'écoutez pas:
- Ce qu'elle vous veut dire est une bagatelle;
- Et même, s'il le faut, je la dirai mieux qu'elle.
-
- LYSANDER.
-
- Dis donc. Agésilas....
-
- AGLATIDE.
-
- M'aimoit jadis un peu.
- Du moins lui-même à Sparte il m'en fit confidence; 815
- Et s'il me disoit vrai, sa noble impatience
- De vous en demander l'aveu
- N'attendoit qu'après l'hyménée
- De cette aimable et chère aînée.
- Mais s'il attendoit là que mon tour arrivé 820
- Autorisât à ma conquête
- La flamme qu'en réserve il tenoit toute prête,
- Son amour est encore ici plus réservé;
- Et soit que dans Éphèse un autre objet me passe,
- Soit que par complaisance il cède à son rival, 825
- Il me fait à présent la grâce
- De ne m'en dire bien ni mal.
-
- LYSANDER.
-
- D'un pareil changement ne cherche point la cause:
- Sa haine pour ton père à cet amour s'oppose;
- Mais n'importe, il est bon que j'en sois averti. 830
- J'agirai d'autre sorte avec cette lumière;
- Et suivant qu'aujourd'hui nous l'aurons plus entière[35],
- Nous verrons à prendre parti[36].
-
-
-SCÈNE VII.
-
-ELPINICE, AGLATIDE.
-
- ELPINICE.
-
- Ma sœur, je vous admire, et ne saurois comprendre
- Cet inépuisable enjouement, 835
- Qui d'un chagrin trop juste a de quoi vous défendre,
- Quand vous êtes si près de vous voir sans amant.
-
- AGLATIDE.
-
- Il est aisé pourtant d'en deviner les causes.
- Je sais comme il faut vivre, et m'en trouve fort bien.
- La joie est bonne à mille choses, 840
- Mais le chagrin n'est bon à rien.
- Ne perds-je pas assez, sans doubler l'infortune,
- Et perdre encor le bien d'avoir l'esprit égal?
- Perte sur perte est importune,
- Et je m'aime un peu trop pour me traiter si mal. 845
- Soupirer quand le sort nous rend une injustice,
- C'est lui prêter une aide à nous faire un supplice.
- Pour moi, qui ne lui puis souffrir tant de pouvoir,
- Le bien que je me veux met sa haine à pis faire.
- Mais allons rejoindre mon père: 850
- J'ai quelque chose encore à lui faire savoir.
-
-
-FIN DU SECOND ACTE.
-
- [22] Voyez tome I, p. 169, note 1.
-
- [23] Pharnabaze, satrape d'une partie de l'Asie Mineure,
- qui, après le retour d'Agésilas en Grèce, battit avec Conon, près
- de Cnide, la flotte de Lacédémone.
-
- [24] _Var._ N'y laisse aucun droit au caprice. (1666 et
- 68)
-
- [25] L'édition de 1692 a changé _qui n'en eût_ en _qui
- n'auroit_.
-
- [26] L'édition de 1682 donne, par erreur: _mettez_, pour
- _mettrez_.
-
- [27] Toutes les éditions publiées du vivant de Corneille
- et celle de Voltaire (1764) portent _tout_, pour _tort_, qui est
- évidemment la vraie leçon; c'est celle de Thomas Corneille
- (1692).
-
- [28] Dans l'édition de Voltaire (1764): _puissiez_.
-
- [29] Il y a ici comme un souvenir des vers 359 et 360 de
- _Rodogune_. Corneille du reste a souvent exprimé cette même idée
- presque dans les mêmes termes. Voyez tome II, p. 308 et 309.
-
- [30] Voltaire fait des quatre derniers vers une scène à
- part, la scène IV.
-
- [31] Voltaire (1764) a substitué _pouvoir_ à _vouloir_.
-
- [32] On dit que Lysandre vouloit faire étendre le droit
- de parvenir à la royauté à tous les naturels spartiates, «à celle
- fin que ce loyer d'honneur fust affecté non à ceux qui seroyent
- descendus de la race d'Hercules, mais à tous ceux qui le
- ressembleroient en vertu, laquelle l'auoit rendu luy-mesme egal
- aux Dieux en honneur; car il esperoit bien que quand on jugeroit
- ainsi de la royauté, il n'y auroit homme en la ville de Sparte
- qui plus tost fust eleu roy que luy: au moyen de quoy, il attenta
- premierement de le suader à ses citoyens par viues raisons, et à
- ces fins apprit par cueur une harangue, que luy composa Cleon
- halicarnassien sur ce propos.» (Plutarque, _Vie de Lysandre_,
- chapitres XXIV et XXV, traduction d'Amyot; voyez aussi la _Vie
- d'Agésilas_, chapitre XX.)
-
- [33] _Var._ Vous ne savez que c'est d'aimer ni de haïr.
- (1666 et 68)
-
- [34] On lit: «Il m'en faudroit,» dans l'édition de 1692
- et dans celle de Voltaire (1764).
-
- [35] Ce vers et le suivant ont été omis, par erreur,
- dans l'édition de 1682.
-
- [36] L'acte finit ici dans l'édition de 1666, qui n'a
- point la scène VII.
-
-
-
-
-ACTE III.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-AGÉSILAS, LYSANDER, XÉNOCLÈS.
-
- LYSANDER.
-
- Je ne suis point surpris qu'à ces deux hyménées
- Vous refusiez, Seigneur, votre consentement:
- J'aurois eu tort d'attendre un meilleur traitement
- Pour le sang odieux dont mes filles sont nées. 855
- Il est le sang d'Hercule en elles comme en vous,
- Et méritoit par là quelque destin plus doux;
- Mais s'il vous peut[37] donner un titre légitime,
- Pour être leur maître et leur roi,
- C'est pour l'une et pour l'autre une espèce de crime 860
- Que de l'avoir reçu de moi.
- J'avois cru toutefois que l'exil volontaire
- Où l'amour paternel près d'elles m'eût réduit,
- Moi qui de mes travaux ne vois plus autre[38] fruit
- Que le malheur de vous déplaire, 865
- Comme il délivreroit vos yeux
- D'une insupportable présence,
- A mes jours presque usés obtiendroit la licence
- D'aller finir sous d'autres cieux.
- C'étoit là mon dessein; mais cette même envie, 870
- Qui me fait près de vous un si malheureux sort,
- Ne sauroit endurer ni l'éclat de ma vie,
- Ni l'obscurité de ma mort.
-
- AGÉSILAS.
-
- Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'envie et la haine
- Ont persécuté les héros. 875
- Hercule en sert d'exemple, et l'histoire en est pleine,
- Nous ne pouvons souffrir qu'ils meurent en repos.
- Cependant cet exil, ces retraites paisibles,
- Cet unique souhait d'y terminer leurs jours,
- Sont des mots bien choisis à remplir leurs discours: 880
- Ils ont toujours leur grâce, ils sont toujours plausibles;
- Mais ils ne sont pas vrais toujours;
- Et souvent des périls, ou cachés ou visibles,
- Forcent notre prudence à nous mieux assurer
- Qu'ils ne veulent se figurer. 885
- Je ne m'étonne point qu'avec tant de lumières
- Vous ayez prévu mes refus;
- Mais je m'étonne fort que les ayant prévus,
- Vous n'en ayez pu voir les raisons bien entières.
- Vous êtes un grand homme, et de plus mécontent: 890
- J'avouerai plus encor, vous avez lieu de l'être.
- Ainsi de ce repos où votre ennui prétend
- Je dois prévoir en roi quel désordre peut naître,
- Et regarde en quels lieux il vous plaît de porter
- Des chagrins qu'en leur temps on peut voir éclater. 895
- Ceux que prend pour exil ou choisit pour asile
- Ce dessein d'une mort tranquille,
- Des Perses et des Grecs séparent les États.
- L'assiette en est heureuse, et l'accès difficile;
- Leurs maîtres ont du cœur, leurs peuples ont des bras;
- Ils viennent de nous joindre avec une puissance
- A beaucoup espérer, à craindre beaucoup d'eux;
- Et c'est mettre en leurs mains une étrange balance,
- Que de mettre à leur tête un guerrier si fameux.
- C'est vous qui les donnez l'un et l'autre à la Grèce: 905
- L'un fut ami du Perse[39], et l'autre son sujet.
- Le service est bien grand, mais aussi je confesse
- Qu'on peut ne pas bien voir tout le fond du projet.
- Votre intérêt s'y mêle en les prenant pour gendres;
- Et si par des liens et si forts et si tendres 910
- Vous pouvez aujourd'hui les attacher à vous,
- Vous vous les donnez plus qu'à nous.
- Si malgré le secours, si malgré les services
- Qu'un ami doit à l'autre, un sujet à son roi,
- Vous les avez tous deux arrachés à leur foi, 915
- Sans aucun droit sur eux, sans aucuns bons offices,
- Avec quelle facilité
- N'immoleront-ils point une amitié nouvelle
- A votre courage irrité,
- Quand vous ferez agir toute l'autorité 920
- De l'amour conjugale et de la paternelle,
- Et que l'occasion aura d'heureux moments
- Qui flattent vos ressentiments?
- Vous ne nous laissez aucun gage:
- Votre sang tout entier passe avec vous chez eux. 925
- Voyez donc ce projet comme je l'envisage,
- Et dites si pour nous il n'a rien de douteux.
- Vous avez jusqu'ici fait paroître un vrai zèle,
- Un cœur si généreux, une âme si fidèle,
- Que par toute la Grèce on vous loue à l'envi; 930
- Mais le temps quelquefois inspire une autre envie.
- Comme vous, Thémistocle avoit fort bien servi,
- Et dans la cour de Perse il a fini sa vie.
-
- LYSANDER.
-
- Si c'est avec raison que je suis mécontent,
- Si vous-même avouez que j'ai lieu de me plaindre, 935
- Et si jusqu'à ce point on me croit important
- Que mes ressentiments puissent vous être à craindre,
- Oserois-je vous demander
- Ce que vous a fait Lysander
- Pour leur donner ici chaque jour de quoi naître, 940
- Seigneur? et s'il est vrai qu'un homme tel que moi,
- Quand il est mécontent, peut desservir son roi,
- Pourquoi me forcez-vous à l'être?
- Quelque avis que je donne, il n'est point écouté;
- Quelque emploi que j'embrasse, il m'est soudain ôté: 945
- Me choisir pour appui, c'est courir à sa perte.
- Vous changez en tous lieux les ordres que j'ai mis;
- Et comme s'il falloit agir à guerre ouverte,
- Vous détruisez tous mes amis,
- Ces amis dont pour vous je gagnai les suffrages 950
- Quand il fallut aux Grecs élire un général[40],
- Eux qui vous ont soumis les plus nobles courages,
- Et fait ce haut pouvoir qui leur est si fatal:
- Leur seul amour pour moi les livre à leur ruine;
- Il leur coûte l'honneur, l'autorité, le bien; 955
- Cependant plus j'y songe, et plus je m'examine,
- Moins je trouve, Seigneur, à me reprocher rien.
-
- AGÉSILAS.
-
- Dites tout: vous avez la mémoire trop bonne
- Pour avoir oublié que vous me fîtes roi,
- Lorsqu'on balança ma couronne 960
- Entre Léotychide[41] et moi.
- Peut-être n'osez-vous me vanter un service
- Qui ne me rendit que justice,
- Puisque nos lois vouloient ce qu'il sut maintenir;
- Mais moi qui l'ai reçu, je veux m'en souvenir. 965
- Vous m'avez donc fait roi, vous m'avez de la Grèce
- Contre celui de Perse établi général;
- Et quand je sens dans l'âme une ardeur qui me presse
- De ne m'en revancher pas mal,
- A peine sommes-nous arrivés dans Éphèse, 970
- Où de nos alliés j'ai mis le rendez-vous,
- Que sans considérer si j'en serai jaloux,
- Ou s'il se peut que je m'en taise,
- Vous vous saisissez par vos mains
- De plus que votre récompense; 975
- Et tirant toute à vous la suprême puissance,
- Vous me laissez des titres vains.
- On s'empresse à vous voir, on s'efforce à vous plaire;
- On croit lire en vos yeux ce qu'il faut qu'on espère;
- On pense avoir tout fait quand on vous a parlé. 980
- Mon palais près du vôtre est un lieu désolé;
- Et le généralat comme le diadème
- M'érige sous votre ordre en fantôme éclatant,
- En colosse d'État qui de vous seul attend
- L'âme qu'il n'a pas de lui-même, 985
- Et que vous seul faites aller
- Où pour vos intérêts il le faut étaler.
- Général en idée, et monarque en peinture,
- De ces illustres noms pourrois-je faire cas
- S'il les falloit porter moins comme Agésilas 990
- Que comme votre créature,
- Et montrer avec pompe au reste des humains
- En ma propre grandeur l'ouvrage de vos mains?
- Si vous m'avez fait roi, Lysander, je veux l'être.
- Soyez-moi bon sujet, je vous serai bon maître; 995
- Mais ne prétendez plus partager avec moi
- Ni la puissance ni l'emploi.
- Si vous croyez qu'un sceptre accable qui le porte,
- A moins qu'il prenne une aide à soutenir son poids,
- Laissez discerner à mon choix 1000
- Quelle main à m'aider pourroit être assez forte.
- Vous aurez bonne part à des emplois si doux,
- Quand vous pourrez m'en laisser faire;
- Mais soyez sûr aussi d'un succès tout contraire,
- Tant que vous ne voudrez les tenir que de vous[42]. 1005
- Je passe à vos amis qu'il m'a fallu détruire.
- Si dans votre vrai rang je voulois vous réduire,
- Et d'un pouvoir surpris saper[43] les fondements,
- Ils étoient tout à vous; et par reconnoissance
- D'en avoir reçu leur puissance, 1010
- Ils ne considéroient que vos commandements.
- Vous seul les aviez faits souverains dans leurs villes,
- Et j'y verrois encor mes ordres inutiles,
- A moins que d'avoir mis leur tyrannie à bas,
- Et changé comme vous la face des États. 1015
- Chez tous nos Grecs asiatiques
- Votre pouvoir naissant trouva des républiques,
- Que sous votre cabale il vous plut asservir:
- La vieille liberté, si chère à leurs ancêtres,
- Y fut partout forcée à recevoir dix maîtres[44]; 1020
- Et dès qu'on murmuroit de se la voir ravir,
- On voyoit par votre ordre immoler les plus braves
- A l'empire de vos esclaves.
- J'ai tiré de ce joug les peuples opprimés:
- En leur premier état j'ai remis toutes choses; 1025
- Et la gloire d'agir par de plus justes causes
- A produit des effets plus doux et plus aimés.
- J'ai fait, à votre exemple, ici des créatures,
- Mais sans verser de sang, sans causer de murmures;
- Et comme vos tyrans prenoient de vous la loi, 1030
- Comme ils étoient à vous, les peuples sont à moi.
- Voilà quelles raisons ôtent à vos services
- Ce qu'ils vous semblent mériter,
- Et colorent ces injustices
- Dont vous avez raison de vous mécontenter. 1035
- Si d'abord elles ont quelque chose d'étrange,
- Repassez-les deux fois au fond de votre cœur;
- Changez, si vous pouvez, de conduite et d'humeur;
- Mais n'espérez pas que je change.
-
- LYSANDER.
-
- S'il ne m'est pas permis d'espérer rien de tel, 1040
- Du moins, grâces aux Dieux, je ne vois dans vos plaintes
- Que des raisons d'État et de jalouses craintes,
- Qui me font malheureux, et non pas criminel.
- Non, Seigneur, que je veuille être assez téméraire
- Pour oser d'injustice accuser mes malheurs: 1045
- L'action la plus belle a diverses couleurs;
- Et lorsqu'un roi prononce, un sujet doit se taire.
- Je voudrois seulement vous faire souvenir
- Que j'ai près de trente ans commandé nos armées
- Sans avoir amassé que ces nobles fumées[45] 1050
- Qui gardent les noms de finir[46].
- Sparte, pour qui j'allois de victoire en victoire,
- M'a toujours vu pour fruit n'en vouloir que la gloire,
- Et faire en son épargne entrer tous les trésors
- Des peuples subjugués par mes heureux efforts. 1055
- Vous-même le savez, que quoi qu'on m'ait vu faire,
- Mes filles n'ont pour dot que le nom de leur père[47];
- Tant il est vrai, Seigneur, qu'en un si long emploi
- J'ai tout fait pour l'État, et n'ai rien fait pour moi.
- Dans ce manque de bien Cotys et Spitridate, 1060
- L'un roi, l'autre en pouvoir égal peut-être aux rois,
- M'ont assez estimé pour y borner leur choix;
- Et quand de les pourvoir un doux espoir me flatte,
- Vous semblez m'envier un bien
- Qui fait ma récompense, et ne vous coûte rien. 1065
-
- AGÉSILAS.
-
- Il nous seroit honteux que des mains étrangères
- Vous payassent pour nous de ce qui vous est dû.
- Tôt ou tard le mérite a ses justes salaires,
- Et son prix croît souvent, plus il est attendu.
- D'ailleurs n'auroit-on pas quelque lieu de vous dire, 1070
- Si je vous permettois d'accepter ces partis,
- Qu'amenant avec nous Spitridate et Cotys,
- Vous auriez fait pour vous plus que pour notre empire?
- Que vos seuls intérêts vous auroient fait agir?
- Et pourriez-vous enfin l'entendre sans rougir? 1075
- Vos filles sont d'un sang que Sparte aime et révère
- Assez pour les payer des services d'un père.
- Je veux bien en répondre, et moi-même au besoin
- J'en ferai mon affaire, et prendrai tout le soin.
-
- LYSANDER.
-
- Je n'attendois, Seigneur, qu'un mot si favorable 1080
- Pour finir envers vous mes importunités;
- Et je ne craindrai plus qu'aucun malheur m'accable,
- Puisque vous avez ces bontés.
- Aglatide surtout aura l'âme ravie
- De perdre[48] un époux à ce prix; 1085
- Et moi, pour me venger de vos plus durs mépris,
- Je veux tout de nouveau vous consacrer ma vie.
-
-
-SCÈNE II.
-
-AGÉSILAS, XÉNOCLÈS.
-
- AGÉSILAS.
-
- D'un peu d'amour que j'eus Aglatide a parlé:
- Son père qui l'a su dans son âme s'en flatte;
- Et sur ce vain espoir il part tout consolé 1090
- Du refus que j'en fais aux vœux de Spitridate:
- Tu l'as vu, Xénoclès, tout d'un coup s'adoucir.
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Oui; mais enfin, Seigneur, il est temps de le dire,
- Tout soumis qu'il paroît, apprenez qu'il conspire,
- Et par où sa vengeance espère y réussir. 1095
- Ce confident choisi, Cléon d'Halicarnasse,
- Dont l'éloquence a tant d'éclat,
- Lui vend une harangue à renverser l'État[49],
- Et le mettre bientôt lui-même en votre place.
- En voici la copie, et je la viens d'avoir 1100
- D'un des siens sur qui l'or me donne tout pouvoir,
- De l'esclave Damis, qui sert de secrétaire
- A cet orateur mercenaire,
- Et plus mercenaire que lui,
- Pour être mieux payé vous les[50] livre aujourd'hui. 1105
- On y soutient, Seigneur, que notre république
- Va bientôt voir ses rois devenir ses tyrans,
- A moins que d'en choisir de trois ans en trois ans,
- Et non plus suivant l'ordre antique
- Qui règle ce choix par le sang; 1110
- Mais qu'indifféremment elle doit à ce rang
- Élever le mérite et les rares services.
- J'ignore quels sont les complices;
- Mais il pourra d'Éphèse écrire à ses amis;
- Et soudain le paquet entre vos mains remis 1115
- Vous instruira de toutes choses.
- Cependant j'ai fait mon devoir.
- Vous voyez le dessein, vous en savez les causes;
- Votre perte en dépend: c'est à vous d'y pourvoir.
-
- AGÉSILAS.
-
- A te dire le vrai, l'affaire m'embarrasse; 1120
- J'ai peine à démêler ce qu'il faut que je fasse,
- Tant la confusion de mes raisonnements
- Étonne mes ressentiments.
- Lysander m'a servi: j'aurois une âme ingrate
- Si je méconnoissois ce que je tiens de lui; 1125
- Il a servi l'État, et si son crime éclate,
- Il y trouvera de l'appui.
- Je sens que ma reconnoissance
- Ne cherche qu'un moyen de le mettre à couvert;
- Mais enfin il y va de toute ma puissance: 1130
- Si je ne le perds, il me perd.
- Ce que veut l'intérêt, la prudence ne l'ose;
- Tu peux juger par là du désordre où je suis.
- Je vois qu'il faut le perdre; et plus je m'y dispose,
- Plus je doute si je le puis. 1135
- Sparte est un État populaire,
- Qui ne donne à ses rois qu'un pouvoir limité:
- On peut y tout dire et tout faire
- Sous ce grand nom de liberté.
- Si je suis souverain en tête d'une armée, 1140
- Je n'ai que ma voix au sénat;
- Il faut y rendre compte; et tant de renommée
- Y peut avoir déjà quelque ligue formée
- Pour autoriser l'attentat.
- Ce prétexte flatteur de la cause publique, 1145
- Dont il le couvrira, si je le mets au jour,
- Tournera bien des yeux vers cette politique
- Qui met chacun en droit de régner à son tour.
- Cet espoir y pourra toucher plus d'un courage;
- Et quand sur Lysander j'aurai fait choir l'orage, 1150
- Mille autres, comme lui jaloux ou mécontents,
- Se promettront plus d'heur à mieux choisir leur temps.
- Ainsi de toutes parts le péril m'environne:
- Si je veux le punir, j'expose ma couronne;
- Et si je lui fais grâce, ou veux dissimuler, 1155
- Je dois craindre....
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Cotys, Seigneur, vous veut parler[51].
-
- AGÉSILAS.
-
- Voyons quelle est sa flamme, avant que de résoudre
- S'il nous faudra lancer ou retenir la foudre.
-
-
-SCÈNE III.
-
-AGÉSILAS, COTYS, XÉNOCLÈS.
-
- AGÉSILAS.
-
- Si vous n'êtes, Seigneur, plus mon ami qu'amant,
- Vous me voudrez du mal avec quelque justice; 1160
- Mais vous m'êtes trop cher, pour souffrir aisément
- Que vous vous attachiez au père d'Elpinice:
- Non qu'entre un si grand homme et moi
- Ce qu'on voit de froideur prépare aucune haine;
- Mais c'est assez pour voir cet hymen avec peine 1165
- Qu'un sujet déplaise à son roi.
- D'ailleurs je n'ai pas cru votre âme fort éprise:
- Sans l'avoir jamais vue, elle vous fut promise;
- Et la foi qui ne tient qu'à la raison d'État
- Souvent n'est qu'un devoir qui gêne, tyrannise, 1170
- Et fait sur tout le cœur un secret attentat.
-
- COTYS.
-
- Seigneur, la personne est aimable:
- Je promis de l'aimer avant que de la voir,
- Et sentis à sa vue un accord agréable
- Entre mon cœur et mon devoir. 1175
- La froideur toutefois que vous montrez au père
- M'en donne un peu pour elle, et me la rend moins chère:
- Non que j'ose après vos refus
- Vous assurer encor que je ne l'aime plus.
- Comme avec ma parole il nous falloit la vôtre, 1180
- Vous dégagez ma foi, mon devoir, mon honneur;
- Mais si vous en voulez dégager tout mon cœur,
- Il faut l'engager à quelque autre.
-
- AGÉSILAS.
-
- Choisissez, choisissez, et s'il est quelque objet
- A Sparte, ou dans toute la Grèce, 1185
- Qui puisse de ce cœur mériter la tendresse,
- Tenez-vous sûr d'un prompt effet.
- En est-il qui vous touche? en est-il qui vous plaise?
-
- COTYS.
-
- Il en est, oui, Seigneur, il en est dans Éphèse;
- Et pour faire en ce cœur naître un nouvel amour, 1190
- Il ne faut point aller plus loin que votre cour:
- L'éclat et les vertus de l'illustre Mandane....
-
- AGÉSILAS.
-
- Que dites-vous, Seigneur? et quel est ce desir?
- Quand par toute la Grèce on vous donne à choisir.
- Vous choisissez une Persane! 1195
- Pensez-y bien, de grâce, et ne nous forcez pas,
- Nous qui vous aimons, à connoître
- Que pressé d'un amour, qui ne vient pas de naître.
- Vous ne venez à moi que pour suivre ses pas[52].
-
- COTYS.
-
- Mon amour en ces lieux ne cherchoit qu'Elpinice; 1200
- Mes yeux ont rencontré Mandane par hasard;
- Et quand ce même amour, de vos froideurs complice,
- S'est voulu pour vous plaire attacher autre part,
- Les siens ont attiré toute la déférence
- Que j'ai cru devoir rendre[53] à votre aversion; 1205
- Et je l'ai regardée, après votre alliance,
- Bien moins Persane de naissance
- Que Grecque par adoption.
-
- AGÉSILAS.
-
- Ce sont subtilités que l'amour vous suggère,
- Dont nous voyons pour nous les succès incertains. 1210
- Ne pourriez-vous, Seigneur, d'une amitié si chère
- Mettre le grand dépôt en de plus sûres mains?
- Pausanias[54] et moi nous avons des parentes;
- Et jamais un vrai roi ne fait un digne choix
- S'il ne s'allie au sang des rois. 1215
-
- COTYS.
-
- Quand on aime, on se fait des règles différentes.
- Spitridate a du nom et de la qualité;
- Sans trône, il a d'un roi le pouvoir en partage;
- Votre Grèce en reçoit un pareil avantage;
- Et le sang n'y met pas tant d'inégalité, 1220
- Que l'amour où sa sœur m'engage
- Ravale fort ma dignité.
- Se peut-il qu'en l'aimant ma gloire se hasarde
- Après l'exemple d'un grand roi,
- Qui, tout grand roi qu'il est, l'estime et la regarde 1225
- Avec les mêmes yeux que moi?
- Si ce bruit n'est point faux, mon mal est sans remède;
- Car enfin c'est un roi dont il me faut l'appui.
- Adieu, Seigneur: je la lui cède,
- Mais je ne la cède qu'à lui. 1230
-
-
-SCÈNE IV.
-
-AGÉSILAS, XÉNOCLÈS.
-
- AGÉSILAS.
-
- D'où sait-il, Xénoclès, d'où sait-il que je l'aime?
- Je ne l'ai dit qu'à toi: m'aurois-tu découvert?
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Si j'ose vous parler, Seigneur, à cœur ouvert,
- Il ne le sait que de vous-même.
- L'éclat de ces faveurs dont vous enveloppez 1235
- De votre faux secret le chatouilleux mystère,
- Dit si haut, malgré vous, ce que vous pensez taire,
- Que vous êtes ici le seul que vous trompez.
- De si brillants dehors font un grand jour dans l'âme;
- Et quelque illusion qui puisse vous flatter, 1240
- Plus ils déguisent votre flamme,
- Plus au travers du voile ils la font éclater.
-
- AGÉSILAS.
-
- Quoi? la civilité, l'accueil, la déférence,
- Ce que pour le beau sexe on a de complaisance,
- Ce qu'on lui rend d'honneur[55], tout passe pour amour? 1245
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Il est bien malaisé qu'aux yeux de votre cour
- Il passe pour indifférence;
- Et c'est l'en avouer assez ouvertement
- Que refuser Mandane aux vœux d'un autre amant.
- Mais qu'importe après tout? Si du plus grand courage 1250
- Le vrai mérite a droit d'attendre un plein hommage,
- Seroit-il honteux de l'aimer?
-
- AGÉSILAS.
-
- Non, et même avec gloire on s'en laisse charmer;
- Mais un roi, que son trône à d'autres soins engage,
- Doit n'aimer qu'autant qu'il lui plaît 1255
- Et que de sa grandeur y consent l'intérêt.
- Vois donc si ma peine est légère:
- Sparte ne permet point aux fils d'une étrangère
- De porter son sceptre en leur main;
- Cependant à mes yeux Mandane a su trop plaire; 1260
- Je veux cacher ma flamme, et je le veux en vain.
- Empêcher son hymen, c'est lui faire injustice;
- L'épouser, c'est blesser nos lois;
- Et même il n'est pas sûr que j'emporte son choix.
- La donner à Cotys, c'est me faire un supplice; 1265
- M'opposer à ses vœux, c'est le joindre au parti
- Que déjà contre moi Lysander a pu faire;
- Et s'il a le bonheur de ne lui pas déplaire,
- J'en recevrai peut-être un honteux démenti.
- Que ma confusion, que mon trouble est extrême! 1270
- Je me défends d'aimer, et j'aime;
- Et je sens tout mon cœur balancé nuit et jour
- Entre l'orgueil du diadème
- Et les doux espoirs de l'amour.
- En qualité de roi, j'ai pour ma gloire à craindre, 1275
- En qualité d'amant, je vois mon sort à plaindre:
- Mon trône avec mes vœux ne souffre aucun accord,
- Et ce que je me dois me reproche sans cesse
- Que je ne suis pas assez fort
- Pour triompher de ma foiblesse. 1280
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Toutefois il est temps ou de vous déclarer,
- Ou de céder l'objet qui vous fait soupirer.
-
- AGÉSILAS.
-
- Le plus sûr, Xénoclès, n'est pas le plus facile.
- Cherche-moi Spitridate, et l'amène en ce lieu;
- Et nous verrons après s'il n'est point de milieu 1285
- Entre le charmant et l'utile.
-
-
-FIN DU TROISIÈME ACTE.
-
- [37] L'édition de 1682 a seule _veut_, au lieu de
- _peut_.
-
- [38] L'édition de 1692 et Voltaire (1764) ont changé
- _autre_ en _d'autre_.
-
- [39] On lit: «_de_ Perse,» dans les éditions de 1682, de
- 1692 et dans celle de Voltaire (1764): c'est probablement une
- erreur.
-
- [40] Voyez plus haut, p. 12, note 18.
-
- [41] Après la mort du roi Agis, frère d'Agésilas,
- Lysandre porta ce dernier au trône, en soutenant que Léotychide
- était bâtard, qu'il n'était point le fils d'Agis, mais
- d'Alcibiade. Voyez la _Vie d'Agésilas_, chapitre III.
-
- [42] «Qu'il me soit permis de dire ici que, dans mon
- enfance, le P. de Tournemine, jésuite, partisan outré de
- Corneille, et ennemi de Racine, qu'il regardait comme janséniste,
- me faisait remarquer ce morceau (_à partir du vers 976_), qu'il
- préférait à toutes les pièces de Racine.» (Voltaire, _Préface
- d'Agésilas_.)--L'idée première de cette partie de la scène est
- dans le rapide entretien rapporté deux fois par Plutarque, dans
- la _Vie de Lysandre_, chapitre XXIII, et dans la _Vie
- d'Agésilas_, chapitre VIII. On peut voir aussi l'_Histoire
- grecque_ de Xénophon, livre III, chapitre IV, 8 et 9.
-
- [43] Il y a ici une faute étrange dans l'édition de
- 1682: _frapper_, pour _saper_.
-
- [44] «En toutes les villes où il passoit, si elles
- estoyent gouuernées par authorité du peuple, ou qu'il y eust
- quelque autre sorte de gouuernement, il (_Lysandre_) y laissoit
- en chacune vn capitaine ou gouuerneur lacedœmonien, auec vn
- conseil de dix officiers, de ceux qui parauant auoyent eu amitié
- et intelligence auec luy.» (Plutarque, _Vie de Lysandre_,
- chapitre XIII.)
-
- [45] «La pauvreté de Lysander, qui vint à estre
- descouuerte à sa mort, rendit sa vertu plus claire et plus
- illustre qu'elle n'estoit en son viuant, quand on veid que de
- tant d'or et d'argent qui estoit passé par ses mains.... jamais
- il n'en auoit aggrandy ny augmenté sa maison d'vne seule maille.»
- (Plutarque, _Vie de Lysandre_, chapitre XXX, traduction
- d'Amyot.)
-
- [46] Malherbe a dit à la fin d'une de ses odes:
-
- Apollon, à portes ouvertes,
- Laisse indifféremment cueillir
- Les belles feuilles toujours vertes
- Qui gardent les noms de vieillir.
-
- Voyez l'édition de M. Lalanne, tome I, p. 188, pièce LIII.
-
- [47] Voyez plus haut, p. 8, note 11.
-
- [48] On lit _prendre_, au lieu de _perdre_, dans
- l'édition de 1692.
-
- [49] Voyez ci-dessus, p. 37, note 32.
-
- [50] _Les_ (c'est-à-dire Lysandre et Cléon) est la leçon
- de toutes les éditions publiées du vivant de Corneille. Thomas
- Corneille (1692) et Voltaire (1764) y ont substitué _la_.
-
- [51] _Var._ Cotys, Seigneur, veut vous parler. (1666 et
- 68)
-
- [52] _Var._ Vous ne venez à nous que pour suivre ses
- pas. (1666 et 68)
-
- [53] Le mot _rendre_ est omis dans l'édition de 1682.
-
- [54] Pausanias fut pendant plusieurs années roi de
- Lacédémone avec Agésilas. Les Spartiates le bannirent l'an 395
- avant Jésus-Christ.
-
- [55] Les éditions de 1666 et de 1668 portent
- _d'honneurs_, au pluriel.
-
-
-
-
-ACTE IV.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-SPITRIDATE, ELPINICE.
-
- SPITRIDATE.
-
- Agésilas me mande; il est temps d'éclater.
- Que me permettez-vous, Madame, de lui dire?
- M'en désavouerez-vous si j'ose me vanter
- Que c'est pour vous que je soupire, 1290
- Que je crois mes soupirs assez bien écoutés
- Pour vous fermer le cœur et l'oreille à tous autres,
- Et que dans vos regards je vois quelques bontés
- Qui semblent m'assurer des vôtres?
-
- ELPINICE.
-
- Que serviroit, Seigneur, de vous y hasarder? 1295
- Suis-je moins que ma sœur fille de Lysander?
- Et la raison d'État qui rompt votre hyménée
- Regarde-t-elle plus la jeune que l'aînée?
- S'il n'eût point à Cotys refusé votre sœur,
- J'eusse osé présumer qu'il eût aimé la mienne; 1300
- Et m'aurois dit moi-même, avec quelque douceur:
- «Il se l'est réservée, et veut bien qu'on m'obtienne.»
- Mais il aime Mandane; et ce prince, jaloux
- De ce que peut ici le grand nom de mon père,
- N'a pour lui qu'une haine obstinée et sévère 1305
- Qui ne lui peut souffrir de gendres tels que vous.
-
- SPITRIDATE.
-
- Puisqu'il aime ma sœur, cet amour est un gage
- Qui me répond de son suffrage:
- Ses desirs prendront loi de mes propres desirs;
- Et son feu pour les satisfaire 1310
- N'a pas moins besoin de me plaire,
- Que j'en ai de lui voir approuver mes soupirs.
- Madame, on est bien fort quand on parle soi-même,
- Et qu'on peut dire au souverain:
- «J'aime et je suis aimé, vous aimez comme j'aime; 1315
- Achevez mon bonheur, j'ai le vôtre en ma main.»
-
- ELPINICE.
-
- Vous ne songez qu'à vous, et dans votre âme éprise
- Vos vœux se tiennent sûrs d'un prompt et plein effet.
- Mais que fera Cotys, à qui je suis promise?
- Me rendra-t-il ma foi s'il n'est point satisfait? 1320
-
- SPITRIDATE.
-
- La perte de ma sœur lui servira de guide
- A tourner ses desirs du côté d'Aglatide.
- D'ailleurs que pourra-t-il, si contre Agésilas
- Ce grand homme ni moi nous ne le servons pas?
-
- ELPINICE.
-
- Il a parole de mon père 1325
- Que vous n'obtiendrez rien à moins qu'il soit content;
- Et mon père n'est pas un esprit inconstant
- Qui donne une parole incertaine et légère.
- Je vous le dis encor, Seigneur, pensez-y bien:
- Cotys aura Mandane, ou vous n'obtiendrez rien. 1330
-
- SPITRIDATE.
-
- Dites, dites un mot, et ma flamme enhardie....
-
- ELPINICE.
-
- Que voulez-vous que je vous die?
- Je suis sujette et fille, et j'ai promis ma foi;
- Je dépends d'un amant, et d'un père, et d'un roi.
-
- SPITRIDATE.
-
- N'importe, ce grand mot produiroit des miracles. 1335
- Un amant avoué renverse tous obstacles:
- Tout lui devient possible, il fléchit les parents,
- Triomphe des rivaux, et brave les tyrans.
- Dites donc, m'aimez-vous?
-
- ELPINICE.
-
- Que ma sœur est heureuse.
-
- SPITRIDATE.
-
- Quand mon amour pour vous la laisse sans amant, 1340
- Son destin est-il si charmant
- Que vous en soyez envieuse?
-
- ELPINICE.
-
- Elle est indifférente, et ne s'attache à rien.
-
- SPITRIDATE.
-
- Et vous?
-
- ELPINICE.
-
- Que n'ai-je un cœur qui soit comme le sien!
-
- SPITRIDATE.
-
- Le vôtre est-il moins insensible? 1345
-
- ELPINICE.
-
- S'il ne tenoit qu'à lui que tout vous fût possible,
- Le devoir et l'amour....
-
- SPITRIDATE.
-
- Ah! Madame, achevez:
- Le devoir et l'amour, que vous feroient-ils faire?
-
- ELPINICE.
-
- Voyez le Roi, voyez Cotys, voyez mon père:
- Fléchissez, triomphez, bravez, 1350
- Seigneur, mais laissez-moi me taire.
-
- SPITRIDATE[56].
-
- Venez, ma sœur, venez aider mes tristes feux
- A combattre un injuste et rigoureux silence.
-
- ELPINICE.
-
- Hélas! il est si bien de leur intelligence,
- Qu'il vous dit plus que je ne veux. 1355
- J'en dois rougir. Adieu: voyez avec Madame
- Le moyen le plus propre à servir votre flamme.
- Des trois dont je dépens elle peut tout sur deux:
- L'un hautement l'adore, et l'autre au fond de l'âme;
- Et son destin lui-même, ainsi que notre sort, 1360
- Dépend de les mettre d'accord.
-
-
-SCÈNE II.
-
-SPITRIDATE, MANDANE.
-
- SPITRIDATE.
-
- Il est temps de résoudre avec quel artifice
- Vous pourrez en venir à bout,
- Vous, ma sœur, qui tantôt me répondiez de tout,
- Si j'avois le cœur d'Elpinice. 1365
- Il est à moi ce cœur, son silence le dit,
- Son adieu le fait voir, sa fuite le proteste;
- Et si je n'obtiens pas le reste,
- Vous manquez de parole, ou du moins de crédit.
-
- MANDANE.
-
- Si le don de ma main vous peut donner la sienne, 1370
- Je vous sacrifierai tout ce que j'ai promis;
- Mais vous, répondez-vous que ce don vous l'obtienne,
- Et qu'il mette d'accord de si fiers ennemis?
- Le Roi, qui vous refuse à Lysander pour gendre,
- Y consentira-t-il si vous m'offrez à lui? 1375
- Et s'il peut à ce prix le permettre aujourd'hui,
- Lysander voudra-t-il se rendre?
- Lui qui ne vous remet votre première foi
- Qu'en faveur de l'amour que Cotys fait paroître,
- Ne vous fait-il pas cette loi 1380
- Que sans le rendre heureux vous ne le sauriez être?
-
- SPITRIDATE.
-
- Cotys de cet espoir ose en vain se flatter:
- L'amour d'Agésilas à son amour s'oppose.
-
- MANDANE.
-
- Et si vous ne pensez à le mieux écouter,
- Lysander d'Elpinice en sa faveur dispose. 1385
-
- SPITRIDATE.
-
- Ne me cachez rien, vous l'aimez.
-
- MANDANE.
-
- Comme vous aimez Elpinice.
-
- SPITRIDATE.
-
- Mais vous m'avez promis un entier sacrifice.
-
- MANDANE.
-
- Oui, s'il peut être utile aux vœux que vous formez.
-
- SPITRIDATE.
-
- Que ne peut point un roi?
-
- MANDANE.
-
- Quels droits n'a point un père?
-
- SPITRIDATE.
-
- Inexorable sœur!
-
- MANDANE.
-
- Impitoyable frère,
- Qui voulez que j'éteigne un feu digne de moi,
- Et ne sauriez vous faire une pareille loi!
-
- SPITRIDATE.
-
- Hélas! considérez....
-
- MANDANE.
-
- Considérez vous-même....
-
- SPITRIDATE.
-
- Que j'aime, et que je suis aimé. 1395
-
- MANDANE.
-
- Que je suis aimée, et que j'aime.
-
- SPITRIDATE.
-
- N'égalez point au mien un feu mal allumé:
- Le sexe vous apprend à régner sur vos âmes.
-
- MANDANE.
-
- Dites qu'il nous apprend à renfermer nos flammes;
- Dites que votre ardeur, à force d'éclater, 1400
- S'exhale, se dissipe, ou du moins s'exténue,
- Quand la nôtre grossit sous cette retenue,
- Dont le joug odieux ne sert qu'à l'irriter.
- Je vous parle, Seigneur, avec une âme ouverte;
- Et si je vous voyois capable de raison, 1405
- Si quand l'amour domine, elle étoit de saison....
-
- SPITRIDATE.
-
- Ah! si quelque lumière enfin vous est offerte,
- Expliquez-vous, de grâce, et pour le commun bien,
- Vous ni moi ne négligeons rien.
-
- MANDANE.
-
- Notre amour à tous deux ne rencontre qu'obstacles 1410
- Presque impossibles à forcer;
- Et si pour nous le ciel n'est prodigue en miracles,
- Nous espérons en vain nous en débarrasser.
- Tirons-nous une fois de cette servitude
- Qui nous fait un destin si rude. 1415
- Bravons Agésilas, Cotys et Lysander:
- Qu'ils s'accordent sans nous, s'ils peuvent s'accorder.
- Dirai-je tout? cessons d'aimer et de prétendre,
- Et nous cesserons d'en dépendre.
-
- SPITRIDATE.
-
- N'aimer plus! Ah! ma sœur!
-
- MANDANE.
-
- J'en soupire à mon tour; 1420
- Mais un grand cœur doit être au-dessus de l'amour.
- Quel qu'en soit le pouvoir, quelle qu'en soit l'atteinte,
- Deux ou trois soupirs étouffés,
- Un moment de murmure, une heure de contrainte,
- Un orgueil noble et ferme, et vous en triomphez. 1425
- N'avons-nous secoué le joug de notre prince
- Que pour choisir des fers dans une autre province?
- Ne cherchons-nous ici que d'illustres tyrans,
- Dont les chaînes plus glorieuses
- Soumettent nos destins aux obscurs différends 1430
- De leurs haines mystérieuses?
- Ne cherchons-nous ici que les occasions
- De fournir de matière à leurs divisions,
- Et de nous imposer un plus rude esclavage
- Par la nécessité d'obtenir leur suffrage? 1435
- Puisque nous y cherchons tous deux la liberté,
- Tâchons de la goûter, Seigneur, en sûreté:
- Réduisons nos souhaits à la cause publique,
- N'aimons plus que par politique,
- Et dans la conjoncture où le ciel nous a mis, 1440
- Faisons des protecteurs, sans faire d'ennemis.
- A quel propos aimer, quand ce n'est que déplaire
- A qui nous peut nuire ou servir?
- S'il nous en faut l'appui, pourquoi nous le ravir?
- Pourquoi nous attirer sa haine et sa colère? 1445
-
- SPITRIDATE.
-
- Oui, ma sœur, et j'en suis d'accord:
- Agésilas, ici maître de notre sort,
- Peut nous abandonner à la Perse irritée,
- Et nous laisser rentrer, malgré tout notre effort,
- Sous la captivité que nous avons quittée. 1450
- Cotys ni Lysander ne nous soutiendront pas,
- S'il faut que sa colère à nous perdre s'applique.
- Aimez, aimez-le donc, du moins par politique,
- Ce redoutable Agésilas.
-
- MANDANE.
-
- Voulez-vous que je le prévienne, 1455
- Et qu'en dépit de la pudeur
- D'un amour commandé l'obéissante ardeur
- Fasse éclater ma flamme auparavant la sienne[57]?
- On dit que je lui plais, qu'il soupire en secret,
- Qu'il retient, qu'il combat ses desirs à regret; 1460
- Et cette vanité qui nous est naturelle
- Veut croire ainsi que vous qu'on en juge assez bien;
- Mais enfin c'est un feu sans aucune étincelle:
- J'en crois ce qu'on en dit, et n'en sais encor rien.
- S'il m'aime, un tel silence est la marque certaine 1465
- Qu'il craint Sparte et ses dures lois;
- Qu'il voit qu'en m'épousant, s'il peut m'y faire reine,
- Il ne peut lui donner des rois[58];
- Que sa gloire....
-
- SPITRIDATE.
-
- Ma sœur, l'amour vaincra sans doute:
- Ce héros est à vous, quelques lois qu'il redoute; 1470
- Et si par la prière il ne les peut fléchir,
- Ses victoires auront de quoi l'en affranchir.
- Ces lois, ces mêmes lois s'imposeront silence
- A l'aspect de tant de vertus;
- Ou Sparte l'avouera d'un peu de violence, 1475
- Après tant d'ennemis à ses pieds abattus.
-
- MANDANE.
-
- C'est vous flatter beaucoup en faveur d'Elpinice,
- Que ce prince après tout ne vous peut accorder
- Sans une éclatante injustice,
- A moins que vous ayez l'aveu de Lysander. 1480
- D'ailleurs en exiger un hymen qui le gêne,
- Et lui faire des lois au milieu de sa cour,
- N'est-ce point hautement lui demander sa haine,
- Quand vous lui promettez l'objet de son amour?
-
- SPITRIDATE.
-
- Si vous saviez, ma sœur, aimer autant que j'aime....
-
- MANDANE.
-
- Si vous saviez, mon frère, aimer comme je fais,
- Vous sauriez ce que c'est que s'immoler soi-même,
- Et faire violence à de si doux souhaits.
- Je vous en parle en vain. Allez, frère barbare,
- Voir à quoi Lysander se résoudra pour vous; 1490
- Et si d'Agésilas la flamme se déclare,
- J'en mourrai, mais je m'y résous.
-
-
-SCÈNE III.
-
-SPITRIDATE, MANDANE, AGLATIDE.
-
- AGLATIDE.
-
- Vous me quittez, Seigneur; mais vous croyez-vous quitte,
- Et que ce soit assez que de me rendre à moi?
-
- SPITRIDATE.
-
- Après tant de froideurs pour mon peu de mérite, 1495
- Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi?
-
- AGLATIDE.
-
- Non; mais le pouvez-vous, à moins que je la rende?
- Et si je vous la rends, savez-vous à quel prix?
-
- SPITRIDATE.
-
- Je ne crois pas pour vous cette perte si grande,
- Que vous en souhaitiez d'autre que vos mépris. 1500
-
- AGLATIDE.
-
- Moi, des mépris pour vous!
-
- SPITRIDATE.
-
- C'est ainsi que j'appelle
- Un feu si bien promis, et si mal allumé.
-
- AGLATIDE.
-
- Si je ne vous aimois, je vous aurois aimé,
- Mon devoir m'en étoit un garant trop fidèle.
-
- SPITRIDATE.
-
- Il ne vous répondoit que d'agir un peu tard, 1505
- Et laissoit beaucoup au hasard.
- Votre ordre cependant vers une autre me chasse,
- Et vous avez quitté la place à votre sœur.
-
- AGLATIDE.
-
- Si je vous ai donné de quoi remplir la place,
- Ne me devez-vous point de quoi remplir mon cœur?
-
- SPITRIDATE.
-
- J'en suis au désespoir; mais je n'ai point de frère
- Que je puisse à mon tour vous prier d'accepter.
-
- AGLATIDE.
-
- Si vous n'en avez point par qui me satisfaire,
- Vous avez une sœur qui vous peut acquitter:
- Elle a trop d'un amant; et si sa flamme heureuse 1515
- Me renvoyoit celui dont elle ne veut plus,
- Je ne suis point d'humeur fâcheuse,
- Et m'accommoderois bientôt de ses refus.
-
- SPITRIDATE.
-
- De tout mon cœur je l'en conjure:
- Envoyez-lui Cotys, ou même Agésilas, 1520
- Ma sœur, et prenez soin d'apaiser ce murmure,
- Qui cherche à m'imputer des sentiments ingrats.
- Je vous laisse entre vous faire ce grand partage,
- Et vais chez Lysander voir quel sera le mien.
- Madame, vous voyez, je ne puis davantage; 1525
- Et qui fait ce qu'il peut n'est plus garant de rien.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-AGLATIDE, MANDANE.
-
- AGLATIDE.
-
- Vous pourrez-vous résoudre à payer pour ce frère,
- Madame, et de deux rois daignant en choisir un,
- Me donner en sa place, ou le plus importun,
- Ou le moins digne de vous plaire? 1530
-
- MANDANE.
-
- Hélas!
-
- AGLATIDE.
-
- Je n'entends pas des mieux
- Comme il faut qu'un hélas s'explique;
- Et lorsqu'on se retranche au langage des yeux,
- Je suis muette à la réplique[59].
-
- MANDANE.
-
- Pourquoi mieux expliquer quel est mon déplaisir? 1535
- Il ne se fait que trop entendre.
-
- AGLATIDE.
-
- Si j'avois comme vous de deux rois à choisir,
- Mes déplaisirs auroient peu de chose à prétendre.
- Parlez donc, et de bonne foi:
- Acquittez par ce choix Spitridate envers moi. 1540
- Ils sont tous deux à vous.
-
- MANDANE.
-
- Je n'y suis pas moi-même.
-
- AGLATIDE.
-
- Qui des deux est l'aimé?
-
- MANDANE.
-
- Qu'importe lequel j'aime,
- Si le plus digne amour, de quoi qu'il soit d'accord,
- Ne peut décider de mon sort?
-
- AGLATIDE.
-
- Ainsi je dois perdre espérance 1545
- D'obtenir de vous aucun d'eux?
-
- MANDANE.
-
- Donnez-moi votre indifférence,
- Et je vous les donne tous deux.
-
- AGLATIDE.
-
- C'en seroit un peu trop: leur mérite est si rare,
- Qu'il en faut être plus avare. 1550
-
- MANDANE.
-
- Il est grand, mais bien moins que la félicité
- De votre insensibilité.
-
- AGLATIDE.
-
- Ne me prenez point tant pour une âme insensible:
- Je l'ai tendre, et qui souffre aisément de beaux feux;
- Mais je sais ne vouloir que ce qui m'est possible, 1555
- Quand je ne puis ce que je veux.
-
- MANDANE.
-
- Laissez donc faire au ciel, au temps, à la fortune:
- Ne voulez que ce qu'ils voudront;
- Et sans prendre[60] d'attache, ou d'idée importune,
- Attendez en repos les cœurs qui se rendront. 1560
-
- AGLATIDE.
-
- Il m'en pourroit coûter mes plus belles années
- Avant qu'ainsi deux rois en devinssent le prix;
- Et j'aime mieux borner mes bonnes destinées
- Au plus digne de vos mépris.
-
- MANDANE.
-
- Donnez-moi donc, Madame, un cœur comme le vôtre,
- Et je vous les redonne une seconde fois;
- Ou si c'est trop de l'un et l'autre,
- Laissez-m'en le rebut, et prenez-en le choix.
-
- AGLATIDE.
-
- Si vous leur ordonniez à tous deux de m'en croire,
- Et que l'obéissance eût pour eux quelque appas[61], 1570
- Peut-être que mon choix satisferoit ma gloire,
- Et qu'enfin mon rebut ne vous déplairoit pas.
-
- MANDANE.
-
- Qui peut vous assurer de cette obéissance?
- Les rois, même en amour, savent mal obéir;
- Et les plus enflammés s'efforcent de haïr 1575
- Sitôt qu'on prend sur eux un peu trop de puissance.
-
- AGLATIDE.
-
- Je vois bien ce que c'est, vous voulez tout garder:
- Il est honteux de rendre une de vos conquêtes,
- Et quoi qu'au plus heureux le cœur veuille accorder,
- L'œil règne avec plaisir sur deux si grandes têtes; 1580
- Mais craignez que je n'use aussi de tous mes droits.
- Peut-être en ai-je encor de garder quelque empire
- Sur l'un et l'autre de ces rois,
- Bien qu'à l'envi pour vous l'un et l'autre soupire,
- Et si j'en laisse faire à mon esprit jaloux, 1585
- Quoique la jalousie assez peu m'inquiète,
- Je ne sais s'ils pourront l'un ni l'autre pour vous
- Tout ce que votre cœur souhaite.
-
-(A Cotys.)
-
- Seigneur, vous le savez, ma sœur a votre foi[62],
- Et ne vous la rend que pour moi. 1590
- Usez-en comme bon vous semble;
- Mais sachez que je me promets
- De ne vous la rendre jamais,
- A moins d'un roi qui vous ressemble.
-
-
-SCÈNE V.
-
-COTYS, MANDANE.
-
- MANDANE.
-
- L'étrange contre-temps que prend sa belle humeur! 1595
- Et la froide galanterie
- D'affecter par bravade à tourner son malheur
- En importune raillerie!
- Son cœur l'en désavoue, et murmurant tout bas....
-
- COTYS.
-
- Que cette belle humeur soit véritable ou feinte, 1600
- Tout ce qu'elle en prétend ne m'alarmeroit pas,
- Si le pouvoir d'Agésilas
- Ne me portoit dans l'âme une plus juste crainte.
- Pourrez-vous l'aimer?
-
- MANDANE.
-
- Non.
-
- COTYS.
-
- Pourrez-vous l'épouser?
-
- MANDANE.
-
- Vous-même, dites-moi, puis-je m'en excuser? 1605
- Et quel bras, quel secours appeler à mon aide,
- Lorsqu'un frère me donne, et qu'un amant me cède?
-
- COTYS.
-
- N'imputez point à crime une civilité
- Qu'ici de général vouloit l'autorité.
-
- MANDANE.
-
- Souffrez-moi donc, Seigneur, la même déférence 1610
- Qu'ici de nos destins demande l'assurance.
-
- COTYS.
-
- Vous céder par dépit, et d'un ton menaçant
- Faire voir qu'on pénètre au cœur du plus puissant,
- Qu'on sait de ses refus la plus secrète cause,
- Ce n'est pas tant céder l'objet de son amour, 1615
- Que presser un rival de paroître en plein jour,
- Et montrer qu'à ses vœux hautement on s'oppose.
-
- MANDANE.
-
- Que sert de s'opposer aux vœux d'un tel rival,
- Qui n'a qu'à nous protéger mal
- Pour nous livrer à notre perte? 1620
- Seroit-il d'un grand cœur de chercher à périr,
- Quand il voit une porte ouverte
- A régner avec gloire aux dépens d'un soupir?
-
- COTYS.
-
- Ah! le change vous plaît[63].
-
- MANDANE.
-
- Non, Seigneur, je vous aime;
- Mais je dois à mon frère, à ma gloire, à vous-même.
- D'un rival si puissant si nous perdons l'appui,
- Pourrons-nous du Persan nous défendre sans lui?
- L'espoir d'un renouement de la vieille alliance
- Flatte en vain votre amour et vos nouveaux desseins.
- Si vous ne remettez sa proie entre ses mains, 1630
- Oserez-vous y prendre aucune confiance?
- Quant à mon frère et moi, si les Dieux irrités
- Nous font jamais rentrer dessous sa tyrannie,
- Comme il nous traitera d'esclaves révoltés,
- Le supplice l'attend, et moi l'ignominie. 1635
- C'est ce que je saurai prévenir par ma mort;
- Mais jusque-là, Seigneur, permettez-moi de vivre,
- Et que par un illustre et rigoureux effort,
- Acceptant les malheurs où mon destin me livre,
- Un sacrifice entier de mes vœux les plus doux 1640
- Fasse la sûreté de mon frère et de vous.
-
- COTYS.
-
- Cette sûreté malheureuse
- A qui vous immolez votre amour et le mien
- Peut-elle être si précieuse
- Qu'il faille l'acheter de mon unique bien? 1645
- Et faut-il que l'amour garde tant de mesure
- Avec des intérêts[64] qui lui font tant d'injure?
- Laissez, laissez périr ce déplorable roi,
- A qui ces intérêts dérobent votre foi.
- Que sert que vous l'aimiez? et que fait votre flamme 1650
- Qu'augmenter son ardeur pour croître ses malheurs,
- Si malgré le don de votre âme
- Votre raison vous livre ailleurs?
- Armez-vous de dédains; rendez, s'il est possible,
- Votre perte pour lui moins grande ou moins sensible; 1655
- Et par pitié d'un cœur trop ardemment épris,
- Éteignez-en la flamme à force de mépris.
-
- MANDANE.
-
- L'éteindre! Ah! se peut-il que vous m'ayez aimée?
-
- COTYS.
-
- Jamais si digne flamme en un cœur allumée....
-
- MANDANE.
-
- Non, non; vous m'en feriez des serments superflus: 1660
- Vouloir ne plus aimer, c'est déjà n'aimer plus;
- Et qui peut n'aimer plus ne fut jamais capable
- D'une passion véritable.
-
- COTYS.
-
- L'amour au désespoir peut-il encor charmer?
-
- MANDANE.
-
- L'amour au désespoir fait gloire encor d'aimer; 1665
- Il en fait de souffrir et souffre avec constance,
- Voyant l'objet aimé partager la souffrance;
- Il regarde ses maux comme un doux souvenir
- De l'union des cœurs qui ne sauroit finir;
- Et comme n'aimer plus quand l'espoir abandonne, 1670
- C'est aimer ses plaisirs et non pas la personne,
- Il fuit cette bassesse, et s'affermit si bien,
- Que toute sa douleur ne se reproche rien.
-
- COTYS.
-
- Quel indigne tourment, quel injuste supplice
- Succède au doux espoir qui m'osoit tout offrir! 1675
-
- MANDANE.
-
- Et moi, Seigneur, et moi, n'ai-je rien à souffrir?
- Ou m'y condamne-t-on avec plus de justice?
- Si vous perdez l'objet de votre passion,
- Épousez-vous celui de votre aversion?
- Attache-t-on vos jours à d'aussi rudes chaînes? 1680
- Et souffrez-vous enfin la moitié de mes peines?
- Cependant mon amour aura tout son éclat
- En dépit du supplice où je suis condamnée;
- Et si notre tyran par maxime d'État
- Ne s'interdit mon hyménée, 1685
- Je veux qu'il ait la joie, en recevant ma main,
- D'entendre que du cœur vous êtes souverain,
- Et que les déplaisirs dont ma flamme est suivie
- Ne cesseront qu'avec ma vie.
- Allez, Seigneur, défendre aux vôtres de durer: 1690
- Ennuyez-vous de soupirer,
- Craignez de trop souffrir, et trouvez en vous-même
- L'art de ne plus aimer dès qu'on perd ce qu'on aime.
- Je souffrirai pour vous, et ce nouveau malheur,
- De tous mes maux le plus funeste, 1695
- D'un trait assez perçant armera ma douleur
- Pour trancher de mes jours le déplorable reste.
-
- COTYS.
-
- Que dites-vous, Madame? et par quel sentiment....
-
- CLÉON[65].
-
- Spitridate, Seigneur, et Lysander vous prient
- De vouloir avec eux conférer un moment. 1700
-
- MANDANE.
-
- Allez, Seigneur, allez, puisqu'ils vous en convient.
- Aimez, cédez, souffrez, ou voyez si les Dieux
- Voudront vous inspirer quelque chose de mieux.
-
-
-FIN DU QUATRIÈME ACTE.
-
- [56] On lit dans l'édition de 1692: SPITRIDATE, _à
- Mandane qui paroît_. Voltaire (1764) coupe ici la scène et fait
- de ce qui suit la scène II, ayant pour personnages: MANDANE,
- ELPINICE, SPITRIDATE.
-
- [57] Thomas Corneille (1692) et Voltaire après lui
- (1764) ont ainsi modifié ce vers:
-
- Ose faire éclater ma flamme avant la sienne?
-
- [58] _Var._ Il ne peut lui donner de rois[58-a]. (1666 et
- 68)
-
- [58-a] Cette leçon a été reproduite par l'édition de 1692 et
- par Voltaire (1764).
-
- [59] «On trouve dans une lettre manuscrite d'un homme de
- ce temps-là qu'il s'éleva un murmure très-désagréable dans le
- parterre, à ces vers d'Aglatide.» (Voltaire, _Préface
- d'Agésilas_.)
-
- [60] Il y a, par erreur, _perdre_, au lieu de _prendre_,
- dans l'édition de 1682.
-
- [61] Voyez tome I, p. 148, note 3.
-
- [62] Voltaire fait des six derniers vers la scène VI
- (voyez ci-dessus, p. 62, note 1), ayant pour personnages COTYS,
- MANDANE, AGLATIDE.
-
- [63] Cet hémistiche a été ainsi modifié dans l'édition
- de 1692:
-
- Le changement vous plaît.
-
- --Voltaire a gardé la leçon des éditions antérieures.
-
- [64] On lit: «Avec tant d'intérêts,» dans l'édition de
- 1692 et dans celle de Voltaire (1764).
-
- [65] Voltaire fait de ce qui suit une scène à part, la
- scène VIII (voyez ci-dessus, p. 62, note 1, et p. 72, note 2).
- Dans les éditions anciennes, y compris celle de 1692, le nom de
- CLÉON ne figure pas même en tête de la scène V.
-
-
-
-
-ACTE V.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-AGÉSILAS, XÉNOCLÈS.
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Je remets en vos mains et l'une et l'autre lettre
- Que l'esclave Damis aux miennes vient de mettre. 1705
- Vous y verrez, Seigneur, quels sont les attentats....
-
-(Il lui donne deux lettres, dont il lit l'inscription.)
-
- AGÉSILAS.
-
- AU SÉNATEUR CRATÈS, A L'ÉPHORE ARSIDAS.
- Spitridate et Cotys sont de l'intelligence?
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Non; il s'est caché d'eux en cette conférence;
- Il a plaint leur malheur, et de tout son pouvoir; 1710
- Mais sa prudence enfin tous deux vous les renvoie,
- Sans leur donner aucun espoir
- D'obtenir que de vous ce qui feroit leur joie.
-
- AGÉSILAS.
-
- Par cette déférence il croit les mieux aigrir;
- Et rejetant sur moi ce qu'ils ont à souffrir.... 1715
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Vous avez mandé Spitridate,
- Il entre ici.
-
- AGÉSILAS.
-
- Gardons qu'à ses yeux rien n'éclate.
-
-
-SCÈNE II.
-
-AGÉSILAS, SPITRIDATE, XÉNOCLÈS.
-
- AGÉSILAS.
-
- Aglatide, Seigneur, a-t-elle encor vos vœux?
-
- SPITRIDATE.
-
- Non, Seigneur; mais enfin ils ne vont pas loin d'elle,
- Et sa sœur a fait naître une flamme nouvelle 1720
- En la place des premiers feux.
-
- AGÉSILAS.
-
- Elpinice?
-
- SPITRIDATE.
-
- Elle-même.
-
- AGÉSILAS.
-
- Ainsi toujours pour gendre
- Vous vous donnez à Lysander?
-
- SPITRIDATE.
-
- Seigneur, contre l'amour peut-on bien se défendre?
- A peine attaque-t-il qu'on brûle de se rendre: 1725
- Le plus ferme courage est ravi de céder;
- Et j'ai trouvé ma foi plus facile à reprendre
- Que mon cœur à redemander.
-
- AGÉSILAS.
-
- Si vous considériez....
-
- SPITRIDATE.
-
- Seigneur, que considère
- Un cœur d'un vrai mérite heureusement charmé? 1730
- L'amour n'est plus amour sitôt qu'il délibère,
- Et vous le sauriez trop si vous aviez aimé.
-
- AGÉSILAS.
-
- Seigneur, j'aimois à Sparte et j'aime dans Éphèse.
- L'un et l'autre objet est charmant;
- Mais bien que l'un m'ait plu, bien que l'autre me plaise, 1735
- Ma raison m'en a su défendre également.
-
- SPITRIDATE.
-
- La mienne suivroit mieux un plus commun exemple.
- Si vous aimez, Seigneur, ne vous refusez rien,
- Ou souffrez que je vous contemple
- Comme un cœur au-dessus du mien. 1740
- Des climats différents la nature est diverse:
- La Grèce a des vertus qu'on ne voit point en Perse.
- Permettez qu'un Persan n'ose vous imiter,
- Que sur votre partage il craigne d'attenter,
- Qu'il se contente à moins de gloire, 1745
- Et trouve en sa foiblesse un destin assez doux
- Pour ne point envier cette haute victoire,
- Que vous seul avez droit de remporter sur vous.
-
- AGÉSILAS.
-
- Mais de mon ennemi rechercher l'alliance!
-
- SPITRIDATE.
-
- De votre ennemi!
-
- AGÉSILAS.
-
- Non, Lysander ne l'est pas; 1750
- Mais s'il faut vous le dire, il y court à grands pas.
-
- SPITRIDATE.
-
- C'en est assez: je dois me faire violence
- Et renonce à plus croire ou mes yeux, ou mon cœur.
- Ne m'ordonnez-vous rien sur l'hymen de ma sœur?
- Cotys l'aime.
-
- AGÉSILAS.
-
- Il est roi, je ne suis pas son maître; 1755
- Et Mandane ni vous n'êtes pas mes sujets.
- L'aime-t-elle?
-
- SPITRIDATE.
-
- Il se peut. Lui ferai-je connoître
- Que vous auriez d'autres projets?
-
- AGÉSILAS.
-
- C'est me connoître mal; je ne contrains personne.
-
- SPITRIDATE.
-
- Peut-être qu'elle n'aime encor que sa couronne; 1760
- Et je ne sais pas bien où pencheroit son choix,
- Si le ciel lui donnoit à choisir de deux rois.
- Vous l'avez jusqu'ici de tant d'honneurs comblée,
- De tant de faveurs accablée,
- Qu'à vos ordres ses vœux sans peine assujettis.... 1765
-
- AGÉSILAS.
-
- L'ingrate!
-
- SPITRIDATE.
-
- Je réponds de sa reconnoissance,
- Et qu'elle ne consent à l'espoir de Cotys
- Que pour le maintenir dans votre dépendance.
- Pourroit-elle, Seigneur, davantage pour vous[66]?
-
- AGÉSILAS.
-
- Non; mais qui la pressoit de choisir un époux? 1770
-
- SPITRIDATE.
-
- L'occasion d'un roi, Seigneur, est bien pressante.
- Les plus dignes objets ne l'ont pas chaque jour;
- Elle échappe à la moindre attente
- Dont on veut éprouver l'amour.
- A moins que de la prendre au moment qu'elle arrive, 1775
- On s'expose aux périls de l'accepter trop tard,
- Et l'asile est si beau pour une fugitive,
- Qu'elle ne peut sans crime en rien mettre au hasard.
-
- AGÉSILAS.
-
- Elle eût peu hasardé peut-être pour attendre.
-
- SPITRIDATE.
-
- Voyoit-elle en ces lieux un plus illustre espoir? 1780
-
- AGÉSILAS.
-
- Comme l'amour n'entend que ce qu'il veut entendre,
- Il ne voit que ce qu'il veut voir.
- Si je l'ai jusqu'ici de tant d'honneurs comblée,
- De tant de faveurs accablée,
- Ces faveurs, ces honneurs ne lui disoient-ils rien? 1785
- Elle les entendoit[67] trop bien en dépit d'elle:
- Mais l'ingrate! mais la cruelle!...
- Seigneur, à votre tour vous m'entendez trop bien.
- Qu'elle aille chez Cotys partager sa couronne;
- Je n'y mets point d'obstacle, et n'en veux rien savoir: 1790
- Soit que l'ambition, soit que l'amour la donne,
- Vous avez tous deux tout pouvoir.
- Si pourtant vous m'aimiez....
-
- SPITRIDATE.
-
- Soyez sûr de mon zèle.
- Ma parole à Cotys est encore à donner.
- Mais si cet hyménée a de quoi vous gêner, 1795
- Mandane que deviendra-t-elle?
-
- AGÉSILAS.
-
- Allez, encore un coup, allez en d'autres lieux
- Épargner par pitié cette gêne à mes yeux;
- Sauvez-moi du chagrin de montrer que je l'aime.
-
- SPITRIDATE.
-
- Elle vient recevoir vos ordres elle-même. 1800
-
-
-SCÈNE III.
-
-AGÉSILAS, SPITRIDATE, MANDANE, XÉNOCLÈS.
-
- AGÉSILAS.
-
- O vue! ô sur mon cœur regards trop absolus!
- Que vous allez troubler mes vœux irrésolus!
- Ne partez pas, Madame. O ciel! j'en vais trop dire.
-
- MANDANE.
-
- Je conçois mal, Seigneur, de quoi vous me parlez.
- Moi partir?
-
- AGÉSILAS.
-
- Oui, partez, encor que j'en soupire. 1805
- Que ce mot ne peut-il suffire!
-
- MANDANE.
-
- Je conçois encor moins pourquoi vous m'exilez.
-
- AGÉSILAS.
-
- J'aime trop à vous voir et je vous ai trop vue:
- C'est, Madame, ce qui me tue.
- Partez, partez, de grâce.
-
- MANDANE.
-
- Où me bannissez-vous? 1810
-
- AGÉSILAS.
-
- Nommez-vous un exil le trône d'un époux?
-
- MANDANE.
-
- Quel trône, et quel époux?
-
- AGÉSILAS.
-
- Cotys....
-
- MANDANE.
-
- Je crois qu'il m'aime;
- Mais si je vous regarde ici comme mon roi
- Et comme un protecteur que j'ai choisi moi-même,
- Puis-je sans votre aveu l'assurer de ma foi? 1815
- Après tant de bontés et de marques d'estime,
- A vous moins déférer je croirois faire un crime;
- Et mon âme....
-
- AGÉSILAS.
-
- Ah! c'est trop déférer, et trop peu.
- Quoi? pour cet hyménée exiger mon aveu!
-
- MANDANE.
-
- Jusque-là mon bonheur n'aura qu'incertitude; 1820
- Et bien qu'une couronne éblouisse aisément....
-
- SPITRIDATE.
-
- Ma sœur, il faut parler un peu plus clairement:
- Le Roi s'est plaint à moi de votre ingratitude.
-
- MANDANE.
-
- Et je me plains à lui des inégalités
- Qu'il me force de voir lui-même en ses bontés. 1825
- Tout ce que pour un autre a voulu ma prière,
- Vous me l'avez, Seigneur, et sur l'heure accordé[68];
- Et pour mes intérêts ce qu'on a demandé
- Prête à de prompts refus une digne matière!
-
- AGÉSILAS.
-
- Si vous vouliez avoir des yeux 1830
- Pour voir de ces refus la véritable cause....
-
- SPITRIDATE.
-
- N'est-ce pas assez dire, et faut-il autre chose?
- Voyez mieux sa pensée, ou répondez-y mieux.
- Ces refus obligeants veulent qu'on les entende:
- Ils sont de ses faveurs le comble, et la plus grande. 1835
- Tout roi qu'est votre amant, perdez-le sans ennui,
- Lorsqu'on vous en destine un plus puissant que lui.
- M'en désavouerez-vous, Seigneur?
-
- AGÉSILAS.
-
- Non, Spitridate.
- C'est inutilement que ma raison me flatte:
- Comme vous j'ai mon foible; et j'avoue à mon tour 1840
- Qu'un si triste secours défend mal de l'amour.
- Je vois par mon épreuve avec quelle injustice
- Je vous refusois Elpinice:
- Je cesse de vous faire une si dure loi.
- Allez; elle est à vous, si Mandane est à moi. 1845
- Ce que pour Lysander je semble avoir de haine
- Fera place aux douceurs de cette double chaîne,
- Dont vous serez le nœud commun;
- Et cet heureux hymen, accompagné du vôtre,
- Nous rendant entre nous garant de l'un vers l'autre, 1850
- Réduira nos trois cœurs en un.
- Madame, parlez donc.
-
- SPITRIDATE.
-
- Seigneur, l'obéissance
- S'exprime assez par le silence.
- Trouvez bon que je puisse apprendre à Lysander
- La grâce qu'à ma flamme il vous plaît d'accorder. 1855
-
-
-SCÈNE IV.
-
-AGÉSILAS, MANDANE, XÉNOCLÈS.
-
- AGÉSILAS.
-
- En puis-je pour la mienne espérer une égale,
- Madame? ou ne sera-ce en effet qu'obéir?
-
- MANDANE.
-
- Seigneur, je croirois vous trahir
- Et n'avoir pas pour vous une âme assez royale,
- Si je vous cachois rien des justes sentiments 1860
- Que m'inspire le ciel pour deux rois mes amants.
- J'ai vu que vous m'aimiez; et sans autre interprète
- J'en ai cru vos faveurs qui m'ont si peu coûté;
- J'en ai cru vos bontés, et l'assiduité
- Qu'apporte à me chercher votre ardeur inquiète. 1865
- Ma gloire y vouloit consentir;
- Mais ma reconnoissance a pris soin de la vôtre.
- Vos feux la hasardoient, et pour les amortir
- J'ai réduit mes desirs à pencher vers un autre.
- Pour m'épouser, vous le pouvez, 1870
- Je ne saurois former de vœux plus élevés;
- Mais avant que juger ma conquête assez haute,
- De l'œil dont il faut voir ce que vous vous devez,
- Voyez ce qu'elle donne, ou plutôt ce qu'elle ôte.
- Votre Sparte si haut porte sa royauté, 1875
- Que tout sang étranger la souille et la profane:
- Jalouse de ce trône où vous êtes monté,
- Y faire seoir une Persane,
- C'est pour elle une étrange et dure nouveauté;
- Et tout votre pouvoir ne peut m'y donner place, 1880
- Que vous n'y renonciez pour toute votre race.
- Vos éphores peut-être oseront encor plus;
- Et si votre sénat avec eux se soulève,
- Si de me voir leur reine indignés et confus,
- Ils m'arrachent d'un trône où votre choix m'élève.... 1885
- Pensez bien à la suite avant que d'achever,
- Et si ce sont périls que vous deviez braver.
- Vous les voyez si bien que j'ai mauvaise grâce
- De vous en faire souvenir;
- Mais mon zèle a voulu cette indiscrète audace, 1890
- Et moi je n'ai pas cru devoir la retenir.
- Que la suite, après tout, vous flatte ou vous traverse,
- Ma gloire est sans pareille aux yeux de l'univers,
- S'il voit qu'une Persane au vainqueur de la Perse
- Donne à son tour des lois, et l'arrête en ses fers. 1895
- Comme votre intérêt m'est plus considérable,
- Je tâche de vous rendre à des destins meilleurs.
- Mon amour peut vous perdre, et je m'attache ailleurs,
- Pour être pour vous moins aimable.
- Voilà ce que devoit un cœur reconnoissant. 1900
- Quant au reste, parlez en maître,
- Vous êtes ici tout-puissant.
-
- AGÉSILAS.
-
- Quand peut-on être ingrat, si c'est là reconnoître?
- Et que puis-je sur vous si le cœur n'y consent?
-
- MANDANE.
-
- Seigneur, il est donné; la main n'est pas donnée; 1905
- Et l'inclination ne fait pas l'hyménée.
- Au défaut de ce cœur, je vous offre une foi
- Sincère, inviolable, et digne enfin de moi.
- Voyez si ce partage aura pour vous des charmes.
- Contre l'amour d'un roi c'est assez raisonner. 1910
- J'aime, et vais toutefois attendre sans alarmes
- Ce qu'il lui plaira m'ordonner.
- Je fais un sacrifice assez noble, assez ample,
- S'il en veut un en ce grand jour;
- Et s'il peut se résoudre à vaincre son amour, 1915
- J'en donne à son grand cœur un assez haut exemple.
- Qu'il écoute sa gloire ou suive son desir,
- Qu'il se fasse grâce ou justice,
- Je me tiens prête à tout, et lui laisse à choisir
- De l'exemple ou du sacrifice. 1920
-
-
-SCÈNE V.
-
-AGÉSILAS, XÉNOCLÈS.
-
- AGÉSILAS.
-
- Qu'une Persane m'ose offrir un si grand choix!
- Parmi nous qui traitons la Perse de barbare,
- Et méprisons jusqu'à ses rois,
- Est-il plus haut mérite? est-il vertu plus rare?
- Cependant mon destin à ce point est amer, 1925
- Que plus elle mérite, et moins je dois l'aimer;
- Et que plus ses vertus sont dignes de l'hommage
- Que rend toute mon âme à cet illustre objet,
- Plus je la dois fermer à tout autre projet
- Qu'à celui d'égaler sa grandeur de courage. 1930
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Du moins vous rendre heureux, ce n'est plus hasarder.
- Puisqu'un si digne amour fait grâce à Lysander,
- Il n'a plus lieu de se contraindre:
- Vous devenez par là maître de tout l'État;
- Et ce grand homme à vous, vous n'avez plus à craindre 1935
- Ni d'éphores ni de sénat.
-
- AGÉSILAS.
-
- Je n'en suis pas encor d'accord avec moi-même.
- J'aime; mais, après tout, je hais autant que j'aime;
- Et ces deux passions qui règnent tour à tour
- Ont au fond de mon cœur si peu d'intelligence, 1940
- Qu'à peine immole-t-il la vengeance à l'amour,
- Qu'il voudroit immoler l'amour à la vengeance.
- Entre ce digne objet et ce digne ennemi,
- Mon âme incertaine et flottante,
- Quoi que l'un me promette, et quoi que l'autre attente, 1945
- Ne se peut ni dompter, ni croire qu'à demi:
- Et plus des deux côtés je la sens balancée,
- Plus je vois clairement que si je veux régner,
- Moi qui de Lysander vois toute la pensée,
- Il le faut tout à fait ou perdre ou regagner; 1950
- Qu'il est temps de choisir.
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Qu'il seroit magnanime
- De vaincre et la vengeance et l'amour à la fois!
-
- AGÉSILAS.
-
- Il faudroit, Xénoclès, une âme plus sublime.
-
- XÉNOCLÈS.
-
- Il ne faut que vouloir: tout est possible aux rois.
-
- AGÉSILAS.
-
- Ah! si je pouvois tout, dans l'ardeur qui me presse 1955
- Pour ces deux passions qui partagent mes vœux,
- Peut-être aurois-je la foiblesse
- D'obéir à toutes les deux.
-
-
-SCÈNE VI.
-
-AGÉSILAS, LYSANDER, XÉNOCLÈS.
-
- LYSANDER.
-
- Seigneur, il vous a plu disposer d'Elpinice;
- Nous devons, elle et moi, beaucoup à vos bontés; 1960
- Et je serai ravi qu'elle vous obéisse,
- Pourvu que de Cotys les vœux soient acceptés.
- J'en ai donné parole, il y va de ma gloire.
- Spitridate, sans lui, ne sauroit être heureux;
- Et donner mon aveu, s'ils ne le sont tous deux, 1965
- C'est faire à mon honneur une tache trop noire.
- Vous pouvez nous parler en roi.
- Ma fille vous doit plus qu'à moi:
- Commandez, elle est prête, et je saurai me taire.
- N'exigez rien de plus d'un père. 1970
- Il a tenu toujours vos ordres à bonheur;
- Mais rendez-lui cette justice
- De souffrir qu'il emporte au tombeau cet honneur,
- Qui fait l'unique prix de trente ans de service.
-
- AGÉSILAS.
-
- Oui, vous l'y porterez, et du moins de ma part 1975
- Ce précieux honneur ne court aucun hasard.
- On a votre parole, et j'ai donné la mienne;
- Et pour faire aujourd'hui que l'une et l'autre tienne,
- Il faut vaincre un amour qui m'étoit aussi doux
- Que votre gloire l'est pour vous, 1980
- Un amour dont l'espoir ne voyoit plus d'obstacle.
- Mais enfin il est beau de triompher de soi,
- Et de s'accorder ce miracle,
- Quand on peut hautement donner à tous la loi,
- Et que le juste soin de combler notre[69] gloire 1985
- Demande notre cœur pour dernière victoire.
- Un roi né pour l'éclat des grandes actions
- Dompte jusqu'à ses passions,
- Et ne se croit point roi, s'il ne fait sur lui-même
- Le plus illustre essai de son pouvoir suprême. 1990
-
-(A Xénoclès.)
-
- Allez dire à Cotys que Mandane est à lui;
- Que si mes feux aux siens ne l'ont pas accordée,
- Pour venger son amour de ce moment d'ennui,
- Je veux la lui céder comme il me l'a cédée.
- Oyez de plus.
-
-(Il parle à l'oreille à Xénoclès, qui s'en va[70].)
-
-
-SCÈNE VII.
-
-AGÉSILAS, LYSANDER.
-
- AGÉSILAS.
-
- Eh bien! vos mécontentements 1995
- Me seront-ils encore à craindre?
- Et vous souviendrez-vous des mauvais traitements
- Qui vous avoient donné tant de lieu de vous plaindre?
-
- LYSANDER.
-
- Je vous ai dit, Seigneur, que j'étois tout à vous;
- Et j'y suis d'autant plus, que malgré l'apparence, 2000
- Je trouve des bontés qui passent l'espérance,
- Où je n'avois cru voir que des soupçons jaloux.
-
- AGÉSILAS.
-
- Et que va devenir cette docte harangue
- Qui du fameux Cléon doit ennoblir la langue[71]?
-
- LYSANDER.
-
- Seigneur....
-
- AGÉSILAS.
-
- Nous sommes seuls, j'ai chassé Xénoclès: 2005
- Parlons confidemment. Que venez-vous d'écrire
- A l'éphore Arsidas, au sénateur Cratès?
- Je vous défère assez pour n'en vouloir rien lire[72];
- Tout est encor fermé. Voyez.
-
- LYSANDER.
-
- Je suis coupable,
- Parce qu'on me trahit, que l'on vous sert trop bien, 2010
- Et que par un effort de prudence admirable,
- Vous avez su prévoir de quoi seroit capable,
- Après tant de mépris, un cœur comme le mien.
- Ce dessein toutefois ne passera pour crime
- Que parce qu'il est sans effet; 2015
- Et ce qu'on va nommer forfait
- N'a rien qu'un plein succès n'eût rendu légitime.
- Tout devient glorieux pour qui peut l'obtenir,
- Et qui le manque est à punir.
-
- AGÉSILAS.
-
- Non, non; j'aurois plus fait peut-être en votre place: 2020
- Il est naturel aux grands cœurs
- De sentir vivement de pareilles rigueurs;
- Et vous m'offenseriez de douter de ma grâce.
- Comme roi, je la donne, et comme ami discret
- Je vous assure du secret. 2025
- Je remets en vos mains tout ce qui vous peut nuire.
- Vous m'avez trop servi pour m'en trouver ingrat;
- Et d'un trop grand soutien je priverois l'État
- Pour des ressentiments où j'ai su vous réduire.
- Ma puissance établie et mes droits conservés 2030
- Ne me laissent point d'yeux pour voir votre entreprise.
- Dites-moi seulement avec même franchise,
- Vous dois-je encor bien plus que vous ne me devez?
-
- LYSANDER.
-
- Avez-vous pu, Seigneur, me devoir quelque chose?
- Qui sert le mieux son roi ne fait que son devoir. 2035
- En vous de tout l'État j'ai défendu la cause,
- Quand je l'ai fait tomber dessous votre pouvoir.
- Le zèle est tout de feu quand ce grand devoir presse;
- Et comme à le moins suivre on s'en acquitte mal,
- Le mien vous servit moins qu'il ne servit la Grèce, 2040
- Quand j'en sus ménager les cœurs avec adresse
- Pour vous en faire général.
- Je vous dois cependant et la vie et ma gloire;
- Et lorsqu'un dessein malheureux
- Peut me coûter le jour et souiller ma mémoire, 2045
- La magnanimité de ce cœur généreux....
-
- AGÉSILAS.
-
- Reprochez-moi plutôt toutes mes injustices,
- Que de plus ravaler de si rares services.
- Elles ont fait le crime, et j'en tire ce bien,
- Que j'ai pu m'acquitter et ne vous dois plus rien. 2050
- A présent que la gratitude
- Ne peut passer pour dette en qui s'est acquitté[73],
- Vos services, payés d'un traitement si rude,
- Vont recevoir de moi ce qu'ils ont mérité.
- S'ils ont su conserver un trône en ma famille, 2055
- J'y veux par mon hymen faire seoir votre fille:
- C'est ainsi qu'avec vous je puis le partager.
-
- LYSANDER.
-
- Seigneur, à ces bontés, que je n'osois attendre,
- Que puis-je....
-
- AGÉSILAS.
-
- Jugez-en comme il en faut juger,
- Et surtout commencez d'apprendre 2060
- Que les rois sont jaloux du souverain pouvoir,
- Qu'ils aiment qu'on leur doive, et ne peuvent devoir,
- Que rien à leurs sujets n'acquiert l'indépendance,
- Qu'ils règlent à leur choix l'emploi des plus grands cœurs;
- Qu'ils ont pour qui les sert des grâces, des faveurs,
- Et qu'on n'a jamais droit sur leur reconnoissance.
- Prenons dorénavant, vous et moi, pour objet,
- Les devoirs qu'il faudra l'un à l'autre nous rendre:
- N'oubliez pas ceux d'un sujet[74],
- Et j'aurai soin de ceux d'un gendre. 2070
-
-
-SCÈNE VIII.
-
-AGÉSILAS, LYSANDER, AGLATIDE conduite par XÉNOCLÈS.
-
- AGLATIDE.
-
- Sur un ordre, Seigneur, reçu de votre part,
- Je viens, étonnée et surprise
- De voir que tout d'un coup un roi m'en favorise,
- Qui me daignoit à peine honorer d'un regard.
-
- AGÉSILAS.
-
- Sortez d'étonnement. Les temps changent, Madame, 2075
- Et l'on n'a pas toujours mêmes yeux ni même âme.
- Pourriez-vous de ma main accepter un époux?
-
- AGLATIDE.
-
- Si mon père y consent, mon devoir me l'ordonne;
- Ce me sera trop d'heur de le tenir de vous.
- Mais avant que savoir quelle en est la personne, 2080
- Pourrois-je vous parler avec la liberté
- Que me souffroit à Sparte un feu trop écouté,
- Alors qu'il vous plaisoit, ou m'aimer, ou me dire
- Qu'en votre cœur mes yeux s'étoient fait un empire?
- Non que j'y pense encor; j'apprends de vous, Seigneur, 2085
- Qu'on change avec le temps, d'âme, d'yeux et de cœur.
-
- AGÉSILAS.
-
- Rappelez ces beaux jours pour me parler sans feindre;
- Mais si vous le pouvez, Madame, épargnez-moi.
-
- AGLATIDE.
-
- Ce seroit sans raison que j'oserois m'en plaindre:
- L'amour doit être libre, et vous êtes mon roi. 2090
- Mais puisque jusqu'à vous vous m'avez fait prétendre,
- N'obligez point, Seigneur, cet espoir à descendre,
- Et ne me faites point de lois
- Qui profanent l'honneur de votre premier choix.
- J'y trouvois pour moi tant de gloire, 2095
- J'en chéris à tel point la flatteuse mémoire,
- Que je regarderois comme un indigne époux
- Quiconque m'offriroit un moindre rang que vous.
- Si cet orgueil a quelque crime,
- Il n'en faut accuser que votre trop d'estime: 2100
- Ce sont des sentiments que je ne puis trahir.
- Après cela, parlez; c'est à moi d'obéir.
-
- AGÉSILAS.
-
- Je parlerai, Madame, avec même franchise.
- J'aime à voir cet orgueil que mon choix autorise
- A dédaigner les vœux de tout autre qu'un roi: 2105
- J'aime cette hauteur en un jeune courage;
- Et vous n'aurez point lieu de vous plaindre de moi,
- Si votre heureux destin dépend de mon suffrage.
-
-
-SCÈNE IX.
-
-AGÉSILAS, LYSANDER, COTYS, SPITRIDATE, MANDANE, ELPINICE,
-AGLATIDE, XÉNOCLÈS.
-
- COTYS.
-
- Seigneur, à vos bontés nous venons consacrer,
- Et Mandane et moi, notre vie. 2110
-
- SPITRIDATE.
-
- De pareilles faveurs, Seigneur, nous font rentrer
- Pour vous faire voir même envie.
-
- AGÉSILAS.
-
- Je vous ai fait justice à tous,
- Et je crois que ce jour vous doit être assez doux,
- Qui de tous vos souhaits à votre gré décide; 2115
- Mais pour le rendre encor plus doux et plus charmant,
- Sachez que Sparte voit sa reine en Aglatide,
- A qui le ciel en moi rend son premier amant.
-
- AGLATIDE.
-
- C'est me faire, Seigneur, des surprises nouvelles.
-
- AGÉSILAS.
-
- Rendons nos cœurs, Madame, à des flammes si belles; 2120
- Et tous ensemble allons préparer ce beau jour
- Qui par un triple hymen couronnera l'amour!
-
-FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
-
- [66] L'édition de 1682 donne seule, par une faute
- évidente, _nous_, au lieu de _vous_.
-
- [67] Ici, par une autre erreur, l'édition de 1682 porte
- _attendoit_, pour _entendoit_.
-
- [68] Comparez ce vers au vers 1454 de _Cinna_, acte V,
- scène I, et un peu plus loin, les vers 1982 et suivants aux vers
- 1696 et suivants de la même pièce, acte V, scène III.
-
- [69] L'édition de 1682 donne, par erreur encore,
- _votre_, pour _notre_.
-
- [70] Dans l'édition de Voltaire (1764): _Il parle bas à
- Xénoclès, qui sort_. Voyez tome VI, p. 650, note 2.
-
- [71] Voyez ci-dessus, p. 37, note 32, et p. 52, vers 1096
- et suivants.
-
- [72] On lit ici dans l'édition de 1692 un vers de plus,
- que Voltaire donne également:
-
- Avec moi n'appréhendez rien.
-
- [73] Ce vers a été omis dans l'édition de 1682.
-
- [74] _Var._ N'oubliez plus ceux d'un sujet. (1666 et
- 68)
-
-
-
-
- ATTILA
-
- ROI DES HUNS
-
- TRAGÉDIE
-
- 1667
-
-
-
-
-NOTICE.
-
-
-«_Attila_, dit Voltaire au commencement de la _Préface_ qu'il a
-placée en tête de cette pièce, parut malheureusement la même
-année qu'_Andromaque_. La comparaison ne contribua pas à faire
-remonter Corneille à ce haut point de gloire où il s'était élevé:
-il baissait, et Racine s'élevait.» Tout en reconnaissant la
-justesse de ces réflexions un peu banales, on ne doit pas oublier
-qu'_Andromaque_ ne fut jouée que huit mois après _Attila_, et ne
-put par conséquent entraver en rien le succès de cet ouvrage. Ce
-fut à la troupe de Molière, établie au Palais-Royal, que
-Corneille le confia. On lit dans le registre de Lagrange, sous la
-date du 4 mars 1667: «_Attila_, pièce nouvelle de M. Corneille
-l'aîné, pour laquelle on lui donna deux mille livres, prix fait.»
-
-Robinet racontant dans une _Lettre en vers à Madame_, du 13 mars
-1667, une noce somptueuse, ajoute:
-
- Mais parlons un peu d'_Attila_;
- Car ce fut cette pièce-là
- Qui servit à ce grand régale
- . . . . . . . . . . . . . . . .
- Cette dernière des merveilles
- De l'aîné des fameux Corneilles
- Est un poëme sérieux,
- Où cet auteur si glorieux,
- Avecque son style énergique,
- Des plus propres pour le tragique,
- Nous peint, en peignant Attila,
- Tout à fait bien ce règne-là,
- Et de telle façon s'explique
- En matière de politique,
- Qu'il semble avoir, en bonne foi,
- Été grand ministre ou grand roi.
- Tel enfin est ce grand ouvrage
- Qu'il ne se sent point de son âge,
- Et que d'un roi des plus mal né
- D'un héros qui saigne du nez,
- Il a fait, malgré les critiques,
- Le plus beau de ses dramatiques.
- Mais on peut dire aussi cela
- Qu'après lui le même _Attila_
- Est, par le sieur la Thorillère,
- Représenté d'une manière
- Qu'il donne l'âme à ce tableau
- Qu'en a fait son parlant pinceau.
- Toute la compagnie au reste (_La troupe du Roi, au Palais-Royal._)
- Ses beaux talents y manifeste,
- Et chacun selon son emploi
- Se montre digne d'être au Roi.
- Bref les acteurs et les actrices
- De plus d'un sens font les délices
- Par leurs attraits, et leurs habits,
- Qui ne sont pas d'un petit prix;
- Et mêmes une confidente (_Mlle Molière[75]._)
- N'y paroît pas la moins charmante,
- Et maint, le cas est évident,
- Voudroit en être confident.
- Sur cet avis, qui vaut l'affiche,
- Voyez demain si je vous triche.
-
-La Thorillière père, d'après ce qu'on sait de son genre de talent[76],
-était loin de posséder l'énergie sauvage qui eût été nécessaire pour
-remplir dignement le rôle d'Attila; toutefois, un des plus grands
-admirateurs de Corneille, Saint-Évremont, raisonnant à ce sujet de la
-façon la plus surprenante, s'applaudissait de ce que son poëte de
-prédilection avait rencontré un aussi médiocre interprète. Il
-écrivait à M. de Lyonne: «A peine ai-je eu le loisir de jeter
-les yeux sur _Andromaque_ et sur _Attila_; cependant il me
-paraît qu'_Andromaque_ a bien l'air des belles choses.... Vous
-avez raison de dire que cette pièce est déchue par la mort de
-Montfleury; car elle avoit besoin de grands comédiens pour
-remplir, par l'action, ce qui lui manque. _Attila_, au contraire,
-a dû gagner quelque chose à la mort de cet acteur; un grand
-comédien eût trop poussé un rôle assez plein de lui-même, et eût
-fait faire trop d'impression à sa férocité sur les âmes tendres.»
-
-Le registre de Lagrange constate que la pièce eut vingt
-représentations consécutives et trois autres encore dans la même
-année: c'était, pour le temps, un véritable succès. Cela
-n'empêcha point Boileau de faire cette épigramme si connue, si
-facile à retenir:
-
- Après l'_Agésilas_,
- Hélas!
- Mais après l'_Attila_,
- Holà!
-
-qui est devenue dans la bouche de bien des amateurs, et même de
-beaucoup de critiques, une réponse sans réplique, une de ces fins
-de non-recevoir aussi décisives que le _Tarte à la Crème_ du
-marquis dans _la Critique de l'École des femmes_.
-
-Les faiseurs d'_ana_, qui aiment à exagérer les distractions et
-la naïveté des hommes de génie, prétendent que ces vers ne
-blessèrent nullement l'amour-propre, pourtant fort susceptible,
-du poëte contre lequel ils étaient dirigés. «Corneille s'y méprit
-lui-même, dit Monchesnay[77], et les tourna à son avantage, comme
-si l'auteur avoit voulu dire que la première de ces pièces
-excitoit parfaitement la pitié, et que l'autre étoit le _non plus
-ultra_ de la tragédie.»
-
-On comprendrait mieux que Corneille eût effectivement pris le
-change sur le passage suivant de la neuvième satire, où la
-critique est plus indirecte et mieux déguisée:
-
- Tous les jours à la cour un sot de qualité
- Peut juger de travers avec impunité;
- A Malherbe, à Racan, préférer Théophile,
- Et le clinquant du Tasse à tout l'or de Virgile.
- Un clerc, pour quinze sous, sans craindre le holà,
- Peut aller au parterre attaquer Attila,
- Et si le roi des Huns ne lui charme l'oreille,
- Traiter de Visigoths tous les vers de Corneille.
-
-Ce dernier vers nous indique, si je ne me trompe, un point qui
-choquait tout particulièrement Boileau dans _Attila_: je veux
-dire le choix des noms propres, choix si important à ses yeux et
-au sujet duquel il disait quelque temps après dans l'_Art
-poétique_ (chant III, vers 243 et 244):
-
- D'un seul nom quelquefois le son dur ou bizarre
- Rend un poëme entier ou burlesque ou barbare;
-
-et Voltaire était bien du même avis lorsqu'il écrivait dans la
-_Préface_ que nous avons déjà citée: «Corneille, dans sa tragédie
-d'_Attila_, fait paraître Hildione, une princesse sœur d'un
-prétendu roi de France; elle s'appelait Hildecone à la première
-représentation; on changea ensuite ce nom ridicule[78].»
-Qu'eût-ce été si Corneille, au lieu d'adopter à peu près, en le
-francisant, le nom d'Ildico, qui lui était donné par Priscus et
-Jornandès[79], eût connu les traditions du Nord et choisi les
-formes plus pures de _Hiltgund_, _Hiltegunt_, «Hildegonde,»
-qu'elles nous ont conservées[80]?
-
-Le privilége d'_Attila_ avait été accordé à Guillaume de Luyne
-«le 25e jour de novembre 1666,» ce qui fait penser qu'à cette
-époque cette pièce était déjà composée. L'Achevé d'imprimer est
-du «vingtième novembre 1667,» et néanmoins, suivant un usage
-aujourd'hui général dans la librairie, et qui, on le voit, était
-déjà suivi dès cette époque, le frontispice de l'édition
-originale porte la date de 1668.
-
-Le titre de l'ouvrage est ainsi conçu: ATTILA, ROY DES HVNS,
-TRAGEDIE par P. Corneille, _A Paris, Guillaume de Luyne, Libraire
-Iuré, au Palais_. M.DC.LXVIII. Le volume, de format in-12, se
-compose de 4 feuillets et de 78 pages. Le libraire de Luyne avait
-fait part de son privilége à Thomas Jolly et à Billaine. Nous
-avons sous les yeux un exemplaire dont le titre, à l'adresse de
-Jolly, porte _T._ (au lieu de _P._) _Corneille_.
-
- [75] C'est-à-dire Armande Béjart, femme de Molière, qui
- remplissait le rôle de Flavie.
-
- [76] Voyez le Mazurier, _Galerie historique du théâtre
- français_, tome I, p. 543.
-
- [77] _Bolæana_, 1742, in-12, p. 40 et 41.
-
- [78] _Préface d'Attila_, p. 7 et 8. Le nom est _Ildione_
- dans Corneille.
-
- [79] Voyez Jornandès, _de Getarum origine et rebus
- gestis_, chapitre XLIX. Jornandès s'appuie sur l'autorité de
- Priscus.
-
- [80] Voyez _Histoire d'Attila_.... par M. Amédée
- Thierry, 1856, tome I, p. 226, et tome II, p. 307 et suivantes.
-
-
-
-
-AU LECTEUR[81].
-
-
-Le nom d'Attila[82] est assez connu; mais tout le monde n'en
-connoît pas tout le caractère. Il étoit plus homme de tête que de
-main[83], tâchoit à diviser ses ennemis, ravageoit les peuples
-indéfendus, pour donner de la terreur aux autres, et tirer tribut
-de leur épouvante, et s'étoit fait un tel empire sur les rois qui
-l'accompagnoient, que quand même il leur eût commandé des
-parricides, ils n'eussent osé lui désobéir. Il est malaisé de
-savoir quelle étoit sa religion: le surnom de _Fléau de
-Dieu_[84], qu'il prenoit lui-même, montre qu'il n'en croyoit pas
-plusieurs. Je l'estimerois arien, comme les Ostrogoths et les
-Gépides[85] de son armée, n'étoit la pluralité des femmes, que je
-lui ai retranchée ici. Il croyoit fort aux devins, et c'étoit
-peut-être tout ce qu'il croyoit. Il envoya demander par deux fois
-à l'empereur Valentinian[86] sa sœur Honorie[87] avec grandes
-menaces, et en attendant[88], il épousa Ildione, dont tous les
-historiens marquent la beauté[89], sans parler de sa naissance.
-C'est ce qui m'a enhardi à la faire sœur d'un de nos premiers
-rois[90], afin d'opposer la France naissante au déclin de
-l'Empire. Il est constant qu'il mourut la première nuit de son
-mariage avec elle. Marcellin dit qu'elle le tua elle-même[91], et
-je lui en ai voulu donner l'idée, quoique sans effet[92]. Tous
-les autres rapportent qu'il avoit accoutumé de saigner du
-nez, et que les vapeurs du vin et des viandes dont il se chargea
-fermèrent le passage à ce sang, qui, après l'avoir étouffé,
-sortit avec violence par tous les conduits[93]. Je les ai
-suivis sur la manière de sa mort; mais j'ai cru plus à propos
-d'en attribuer la cause à un excès de colère qu'à un excès
-d'intempérance.
-
-Au reste, on m'a pressé de répondre ici par occasion aux
-invectives qu'on a publiées depuis quelque temps contre la
-comédie[94]; mais je me contenterai d'en dire deux choses,
-pour fermer la bouche à ces ennemis d'un divertissement si
-honnête et si utile: l'un[95], que je soumets tout ce que j'ai
-fait et ferai à l'avenir à la censure des puissances, tant
-ecclésiastiques que séculières, sous lesquelles Dieu me fait
-vivre: je ne sais s'ils en voudroient faire autant; l'autre, que
-la comédie est assez justifiée par cette célèbre traduction de la
-moitié de celles de Térence, que des personnes d'une piété
-exemplaire et rigide ont donnée au public, et ne l'auroient
-jamais fait[96], si elles n'eussent jugé qu'on peut innocemment
-mettre sur la scène des filles engrossées par leurs amants, et
-des marchands d'esclaves à prostituer[97]. La nôtre ne souffre
-point de tels ornements. L'amour en est l'âme pour l'ordinaire;
-mais l'amour dans le malheur n'excite que la pitié, et est plus
-capable de purger en nous cette passion que de nous en faire
-envie.
-
-Il n'y a point d'homme, au sortir de la représentation du
-_Cid_, qui voulût avoir tué, comme lui, le père de sa maîtresse,
-pour en recevoir de pareilles douceurs, ni de fille qui souhaitât
-que son amant eût tué son père, pour avoir la joie de l'aimer en
-poursuivant sa mort[98]. Les tendresses de l'amour content sont
-d'une autre nature, et c'est ce qui m'oblige à les éviter.
-J'espère un jour traiter cette matière plus au long, et faire
-voir quelle erreur c'est de dire qu'on peut faire parler sur le
-théâtre toutes sortes de gens, selon toute l'étendue de leurs
-caractères.
-
- [81] Le titre _Au lecteur_ ne se trouve que dans
- l'édition originale, 1668. Voyez tome VI, p. 357, note 1.
-
- [82] Attila, roi des Huns, qui commença à régner l'an de
- Jésus-Christ 434 ou 435, était né, suivant toute apparence, dans
- les dernières années du quatrième siècle. Il mourut en 453.
-
- [83] _Homo subtilis, antequam arma gereret, arte
- pugnabat._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre
- XXXVI.) Au chapitre précédent Jornandès dit de lui qu'il était
- «très-fort par le conseil,» _consilio validissimus_.
-
- [84] «A quelle époque précise est née cette formule
- fameuse d'_Attila flagellum Dei_, dont les légendaires et les
- chroniqueurs ne font qu'un mot auquel ils laissent la physionomie
- latine, même en langue vulgaire? On ne le sait pas: tout ce qu'on
- peut dire, c'est qu'elle ne se trouve chez aucun auteur
- contemporain, et que la légende de saint Loup.... écrite au
- huitième ou neuvième siècle par un prêtre de Troyes, est le plus
- ancien document qui nous la donne.» (_Histoire d'Attila_, par M.
- Amédée Thierry, tome II, p. 248.)
-
- [85] Les mots: «et les Gépides,» ne sont pas dans
- l'édition originale.
-
- [86] Les éditions de Thomas Corneille (1692) et de
- Voltaire (1764) portent ici _Valentinien_, mais dans la liste des
- acteurs, où ce nom propre reparaît, elles donnent, comme les
- éditions publiées du vivant de l'auteur, _Valentinian_.
-
- [87] Voyez acte II, scène VI, vers 683-704.--On voit
- comme Corneille met à profit les versions diverses qui se
- rapportent à un fait historique; il a procédé d'une manière
- analogue dans _Othon_ au sujet de la mort de Vinius. Voyez tome
- VI, p. 654 et la note 2.
-
- [88] Justa Grata Honoria, petite-fille du grand
- Théodose, fille de Constance III et de Placidie et sœur de
- Valentinien III, née à Ravenne en 417, envoya son anneau à Attila
- en le priant de la demander en mariage. Attila ne répondit point,
- et quelque temps après Honoria fut enfermée à Constantinople,
- puis à Ravenne, à cause de sa conduite scandaleuse avec son
- intendant Eugénius. Ce fut alors qu'Attila réclama sa fiancée,
- exigeant sa mise en liberté et la part qui lui revenait dans la
- succession de son père, qui se composait, suivant le roi des
- Huns, non-seulement de la moitié des biens personnels de
- Constance, mais aussi de la moitié de l'empire d'Occident.
- Valentinien répondit que sa sœur était mariée, et que d'ailleurs
- l'Empire ne constituait pas un patrimoine de famille. Toutefois,
- lorsque plus tard le pape Léon vint supplier Attila vainqueur
- d'épargner Rome, celui-ci en se retirant déclara encore qu'il
- reviendrait accabler l'Italie si on ne lui envoyait Honoria et
- ses trésors. Voyez Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre
- XLII.
-
- [89] Dans les deux impressions de 1668, l'édition
- originale, aussi bien que le recueil, on lit: «et en
- l'attendant.»
-
- [90] _Puellam, Ildico nomine, decoram valde, sibi in
- matrimonium post innumerabiles uxores, ut mos erat gentis illius,
- socians._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XLIX.)
-
- [91] «Qu'était-ce qu'Ildico? La tradition germaine en
- fait une fille de roi, tantôt d'un roi des Franks d'outre-Rhin,
- tantôt d'un roi des Burgondes.» (_Histoire d'Attila_, par M.
- Amédée Thierry, tome I, p. 226.)
-
- [92] _Attila.... noctu mulieris manu cultroque
- confoditur._ (Marcellini comitis _Chronicon_.)
-
- [93] _Vino somnoque gravatus, resupinus jacebat,
- redundansque sanguis, qui ei solite de naribus effluebat, dum
- consuetis meatibus impeditur, itinere ferali faucibus illapsus
- eum exstinxit._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre
- XLIX.)
-
- [94] On a prétendu que Corneille avait ici uniquement en
- vue le traité _de la Comédie_ de Nicole, publié en 1659, et
- réimprimé plus tard dans ses _Essais de morale_. Cela n'est pas
- exact. Bien que les diverses situations du _Cid_ et les
- imprécations de Camille dans _Horace_ fussent vivement blâmées
- dans cet ouvrage (voyez chapitres VI et VII), Corneille n'avait
- pas jugé à propos de répondre; il aurait eu, depuis 1659, de
- fréquentes occasions de le faire. Il résulte de l'examen que nous
- avons fait des ouvrages dirigés contre le théâtre que notre poëte
- veut surtout parler ici d'un _Traité de la comédie et des
- spectacles selon la tradition de l'Église, tirée des conciles et
- des Saints-Pères_, publié en 1667. Ce qui l'émut, ce fut moins à
- coup sûr la force des raisonnements, que le nom de l'auteur, qui
- ne figure point sur le titre, mais qu'on trouve mentionné en
- toutes lettres dans l'approbation des docteurs, et qui n'est
- autre que «Mgr le prince de Conty.» Lorsqu'on sait à qui
- s'adressent les paroles de Corneille, que jusqu'ici on pouvait
- croire dirigées contre quelque obscur controversiste, on est
- frappé de l'énergique indépendance du poëte. Il faut remarquer du
- reste qu'il avait été attaqué avec une grande violence: _Cinna_,
- _Pompée_, _Polyeucte_ même n'avaient pas été épargnés; enfin le
- prince portait sur _le Cid_ cet étrange jugement, qui paraît
- avoir surtout blessé Corneille: «Rodrigue n'obtiendroit pas le
- rang qu'il a dans la comédie, s'il ne l'eût mérité par deux
- duels, en tuant le Comte et en désarmant don Sanche; et si
- l'histoire le considère davantage par le nom de Cid et par ses
- exploits contre les Mores, la comédie l'estime beaucoup plus par
- sa compassion pour Chimène et par ses deux combats particuliers.
- Le récit même de la défaite des Mores y est fort ennuyeux et peu
- nécessaire à l'ouvrage, étant certain qu'il n'y avoit nulle
- rigueur en ce temps-là contre les duels, et n'y ayant pas
- d'apparence que la sévérité du roi de Castille fût si grande en
- cette matière, contre la coutume de son siècle, qu'il n'en pût
- bien pardonner deux par jour, même sans le prétexte d'une
- victoire aussi importante.»
-
- [95] Tel est le texte de toutes les éditions anciennes,
- y compris celle de 1692. _L'un_ est employé ici neutralement;
- Voltaire y a substitué le féminin: l'_une_.
-
- [96] Dans l'édition de 1692: «ce qu'elles n'auroient
- jamais fait.» Voltaire (1764) a gardé l'ancienne leçon.
-
- [97] La traduction de Port-Royal, attribuée à le Maistre
- de Saci, qui est désigné dans le privilége par le pseudonyme du:
- «sieur de S. Aubin.» (Voyez le _Port-Royal_ de M. Sainte-Beuve,
- tome II, p. 372 et note 2.) Voici le titre de ce volume:
- _Comédies de Terence traduites en françois avec le latin à costé
- et rendues tres-honnestes en y changeant fort peu de chose_.... A
- Paris, chez la veuve Martin Durand.... M.DC.XXXXVII, in-12. Il ne
- comprend que trois pièces: l'_Andrienne_, _les Adelphes_ et le
- _Phormion_.
-
-
-LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES
-D'_ATTILA_.
-
- ÉDITION SÉPARÉE.
-
- 1668 in-12.
-
- RECUEILS.
-
- 1668 in-12; | 1682 in-12.
-
- [98] Corneille a déjà défendu son _Menteur_ par des
- arguments tout à fait semblables. Voyez tome IV, p. 284.
-
-
-
-
-ACTEURS[99].
-
-
- ATTILA, roi des Huns.
- ARDARIC, roi des Gépides.
- VALAMIR, roi des Ostrogoths.
- HONORIE, sœur de l'empereur Valentinian.
- ILDIONE, sœur de Mérouée[100], roi de France.
- OCTAR, capitaine des gardes d'Attila.
- FLAVIE, dame d'honneur d'Honorie.
-
-La scène est au camp d'Attila, dans la Norique[101].
-
- [99] Presque tous les personnages de cette pièce sont
- historiques. Voyez ci-dessus pour Attila, p. 103, note 82; pour
- Honorie, p. 104, note 88; pour Ildione, p. 102, et p. 104, notes 91
- et 92. Le capitaine des gardes d'Attila et la dame d'honneur
- d'Honorie sont les seuls rôles d'invention, encore faut-il
- remarquer que le nom d'Octar n'est pas imaginaire; c'est celui de
- l'oncle d'Attila: voyez Jornandès, _de Getarum rebus gestis_,
- chapitre XXXV. Le même historien dit au sujet d'Ardaric et
- Valamir, qu'Attila les aimait plus que tous les autres petits
- rois: _super cæteros regulos diligebat_. (Chapitre XXXVIII.)
-
- [100] C'est ainsi que ce nom est imprimé dans toutes les
- éditions (avec un tréma de plus: _Meroüée_, pour marquer que
- l'_u_ ne doit pas se prononcer comme un _v_).--Mérovée est nommé
- dans Grégoire de Tours. «Quelques-uns affirment que de la race de
- Chlogion[100-a] était le roi Mérovech, dont Childéric fut fils.»
- _De hujus_ (Chlogionis) _stirpe quidam Merovechum regem fuisse
- adserunt, cujus fuit filius Childericus_. (Livre II, fin du
- chapitre IX.)
-
- [100-a] Il nomme un peu plus haut Chlogion (_Clodion_) «roi
- des Francs.»
-
- [101] Province de l'empire romain, bornée au nord par le
- Danube, comprise dans le diocèse d'Illyrie.
-
-
-
-
-ATTILA.
-
-TRAGÉDIE.
-
-
-
-
-ACTE I.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-ATTILA, OCTAR, SUITE.
-
- ATTILA.
-
- Ils ne sont pas venus, nos deux rois? qu'on leur die
- Qu'ils se font trop attendre, et qu'Attila s'ennuie;
- Qu'alors que je les mande ils doivent se hâter.
-
- OCTAR.
-
- Mais, Seigneur, quel besoin de les en consulter?
- Pourquoi de votre hymen les prendre pour arbitres, 5
- Eux qui n'ont de leur trône ici que de vains titres,
- Et que vous ne laissez au nombre des vivants
- Que pour traîner partout deux rois pour vos suivants?
-
- ATTILA.
-
- J'en puis résoudre seul, Octar, et les appelle,
- Non sous aucun espoir de lumière nouvelle: 10
- Je crois voir avant eux ce qu'ils m'éclairciront,
- Et m'être déjà dit tout ce qu'ils me diront;
- Mais de ces deux partis lequel que je préfère,
- Sa gloire est un affront pour l'autre, et pour son frère;
- Et je veux attirer d'un si juste courroux 15
- Sur l'auteur du conseil les plus dangereux coups,
- Assurer une excuse à ce manque d'estime,
- Pouvoir, s'il est besoin, livrer une victime;
- Et c'est ce qui m'oblige à consulter ces rois,
- Pour faire à leurs périls éclater ce grand choix; 20
- Car enfin j'aimerois un prétexte à leur perte:
- J'en prendrois hautement l'occasion offerte.
- Ce titre en eux me choque, et je ne sais pourquoi
- Un roi que je commande ose se nommer roi.
- Un nom si glorieux marque une indépendance 25
- Que souille, que détruit la moindre obéissance;
- Et je suis las de voir que du bandeau royal
- Ils prennent droit tous deux de me traiter d'égal.
-
- OCTAR.
-
- Mais, Seigneur, se peut-il que pour ces deux princesses
- Vous ayez mêmes yeux et pareilles tendresses, 30
- Que leur mérite égal dispose sans ennui
- Votre âme irrésolue aux sentiments d'autrui?
- Ou si vers l'une ou l'autre elle a pris quelque pente,
- Dont prennent ces deux rois la route différente,
- Voudra-t-elle, aux dépens de ses vœux les plus doux, 35
- Préparer une excuse à ce juste courroux?
- Et pour juste qu'il soit, est-il si fort à craindre
- Que le grand Attila s'abaisse à se contraindre?
-
- ATTILA.
-
- Non; mais la noble ardeur d'envahir tant d'États
- Doit combattre de tête encor plus que de bras, 40
- Entre ses ennemis rompre l'intelligence,
- Y jeter du désordre et de la défiance,
- Et ne rien hasarder qu'on n'ait de toutes parts,
- Autant qu'il est possible, enchaîné les hasards.
- Nous étions aussi forts qu'à présent nous le sommes, 45
- Quand je fondis en Gaule avec cinq cent mille hommes[102].
- Dès lors, s'il t'en souvient, je voulus, mais en vain,
- D'avec le Visigoth détacher le Romain.
- J'y perdis auprès d'eux des soins qui me perdirent:
- Loin de se diviser, d'autant mieux ils s'unirent. 50
- La terreur de mon nom pour nouveaux compagnons
- Leur donna les Alains, les Francs, les Bourguignons;
- Et n'ayant pu semer entre eux aucuns divorces,
- Je me vis en déroute avec toutes mes forces[103].
- J'ai su les rétablir, et cherche à me venger; 55
- Mais je cherche à le faire avec moins de danger.
- De ces cinq nations contre moi trop heureuses,
- J'envoie offrir la paix aux deux plus belliqueuses;
- Je traite avec chacune, et comme toutes deux
- De mon hymen offert ont accepté les nœuds, 60
- Des princesses qu'ensuite elles en font le gage
- L'une sera ma femme et l'autre mon otage.
- Si j'offense par là l'un des deux souverains,
- Il craindra pour sa sœur qui reste entre mes mains.
- Ainsi je les tiendrai l'un et l'autre en contrainte, 65
- L'un par mon alliance, et l'autre par la crainte;
- Ou si le malheureux s'obstine à s'irriter,
- L'heureux en ma faveur saura lui résister,
- Tant que de nos vainqueurs terrassés l'un par l'autre
- Les trônes ébranlés tombent aux pieds du nôtre. 70
- Quant à l'amour, apprends que mon plus doux souci
- N'est.... Mais Ardaric entre, et Valamir aussi.
-
-
-SCÈNE II.
-
-ATTILA, ARDARIC, VALAMIR, OCTAR.
-
- ATTILA.
-
- Rois, amis d'Attila, soutiens de ma puissance,
- Qui rangez tant d'États sous mon obéissance,
- Et de qui les conseils, le grand cœur et la main, 75
- Me rendent formidable à tout le genre humain,
- Vous voyez en mon camp les éclatantes marques
- Que de ce vaste effroi nous donnent[104] deux monarques.
- En Gaule Mérouée, à Rome l'Empereur,
- Ont cru par mon hymen éviter ma fureur. 80
- La paix avec tous deux en même temps traitée
- Se trouve avec tous deux à ce prix arrêtée;
- Et presque sur les pas de mes ambassadeurs
- Les leurs m'ont amené deux princesses leurs sœurs.
- Le choix m'en embarrasse, il est temps de le faire; 85
- Depuis leur arrivée en vain je le diffère:
- Il faut enfin résoudre; et quel que soit ce choix,
- J'offense un empereur, ou le plus grand des rois.
- Je le dis le plus grand, non qu'encor la victoire
- Ait porté Mérouée à ce comble de gloire; 90
- Mais si de nos devins l'oracle n'est point faux,
- Sa grandeur doit atteindre aux degrés les plus hauts;
- Et de ses successeurs l'empire inébranlable
- Sera de siècle en siècle enfin si redoutable,
- Qu'un jour toute la terre en recevra des lois, 95
- Ou tremblera du moins au nom de leurs François.
- Vous donc, qui connoissez de combien d'importance
- Est pour nos grands projets l'une et l'autre alliance,
- Prêtez-moi des clartés pour bien voir aujourd'hui
- De laquelle ils auront ou plus ou moins d'appui, 100
- Qui des deux, honoré par ces nœuds domestiques,
- Nous vengera le mieux des Champs catalauniques[105];
- Et qui des deux enfin, déchu d'un tel espoir,
- Sera le plus à craindre à qui veut tout pouvoir.
-
- ARDARIC.
-
- En l'état où le ciel a mis votre puissance, 105
- Nous mettrions en vain les forces[106] en balance:
- Tout ce qu'on y peut voir ou de plus ou de moins
- Ne vaut pas amuser le moindre de vos soins.
- L'un et l'autre traité suffit pour nous instruire
- Qu'ils vous craignent tous deux et n'osent plus vous nuire. 110
- Ainsi, sans perdre temps à vous inquiéter,
- Vous n'avez que vos yeux, Seigneur, à consulter.
- Laissez aller ce choix du côté du mérite
- Pour qui, sur[107] leur rapport, l'amour vous sollicite:
- Croyez ce qu'avec eux votre cœur résoudra: 115
- Et de ces potentats s'offense qui voudra.
-
- ATTILA.
-
- L'amour chez Attila n'est pas un bon suffrage;
- Ce qu'on m'en donneroit me tiendroit lieu d'outrage,
- Et tout exprès ailleurs je porterois ma foi,
- De peur qu'on n'eût par là trop de pouvoir sur moi. 120
- Les femmes qu'on adore usurpent un empire
- Que jamais un mari n'ose ou ne peut dédire.
- C'est au commun des rois à se plaire en leurs fers,
- Non à ceux dont le nom fait trembler l'univers.
- Que chacun de leurs yeux aime à se faire esclave; 125
- Moi, je ne veux les voir qu'en tyrans que je brave:
- Et par quelques attraits qu'ils captivent un cœur,
- Le mien en dépit d'eux est tout à ma grandeur.
- Parlez donc seulement du choix le plus utile,
- Du courroux à dompter ou plus ou moins facile; 130
- Et ne me dites point que de chaque côté
- Vous voyez comme lui peu d'inégalité.
- En matière d'État ne fût-ce qu'un atome,
- Sa perte quelquefois importe d'un royaume;
- Il n'est scrupule exact qu'il n'y faille garder, 135
- Et le moindre avantage a droit de décider.
-
- VALAMIR.
-
- Seigneur, dans le penchant que prennent les affaires,
- Les grands discours ici ne sont pas nécessaires:
- Il ne faut que des yeux; et pour tout découvrir,
- Pour décider de tout, on n'a qu'à les ouvrir. 140
- Un grand destin commence, un grand destin s'achève:
- L'empire est prêt à choir, et la France s'élève;
- L'une peut avec elle affermir son appui,
- Et l'autre en trébuchant l'ensevelir sous lui.
- Vos devins vous l'ont dit; n'y mettez point d'obstacles, 145
- Vous qui n'avez jamais douté de leurs oracles:
- Soutenir un État chancelant et brisé,
- C'est chercher par sa chute à se voir écrasé.
- Appuyez donc la France, et laissez tomber Rome;
- Aux grands ordres du ciel prêtez ceux d'un grand homme: 150
- D'un si bel avenir avouez vos devins,
- Avancez les succès, et hâtez les destins.
-
- ARDARIC.
-
- Oui, le ciel, par le choix de ces grands hyménées,
- A mis entre vos mains le cours des destinées;
- Mais s'il est glorieux, Seigneur, de le hâter, 155
- Il l'est, et plus encor, de si bien l'arrêter,
- Que la France, en dépit d'un infaillible augure,
- N'aille qu'à pas traînants vers sa grandeur future.
- Et que l'aigle, accablé par ce destin nouveau,
- Ne puisse trébucher que sur votre tombeau. 160
- Seroit-il gloire égale à celle de suspendre
- Ce que ces deux États du ciel doivent attendre,
- Et de vous faire voir aux plus savants devins
- Arbitre des succès et maître des destins?
- J'ose vous dire plus. Tout ce qu'ils vous prédisent, 165
- Avec pleine clarté dans le ciel ils le lisent;
- Mais vous assurent-ils que quelque astre jaloux
- N'ait point mis plus d'un siècle entre l'effet et vous?
- Ces éclatants retours que font les destinées
- Sont assez rarement l'œuvre de peu d'années; 170
- Et ce qu'on vous prédit touchant ces deux États
- Peut être un avenir qui ne vous touche pas.
- Cependant regardez ce qu'est encor l'empire:
- Il chancelle, il se brise, et chacun le déchire;
- De ses entrailles même il produit des[108] tyrans; 175
- Mais il peut encor plus que tous ses conquérants.
- Le moindre souvenir des Champs catalauniques
- En peut mettre à vos yeux des preuves trop publiques:
- Singibar, Gondebaut, Mérouée et Thierri[109],
- Là, sans Aétius, tous quatre auroient péri. 180
- Les Romains firent seuls cette grande journée:
- Unissez-les à vous par un digne hyménée.
- Puisque déjà sans eux vous pouvez presque tout,
- Il n'est rien dont par eux vous ne veniez à bout.
- Quand de ces nouveaux rois ils vous auront fait maître, 185
- Vous verrez à loisir de qui vous voudrez l'être,
- Et résoudrez vous seul avec tranquillité
- Si vous leur souffrirez encor l'égalité.
-
- VALAMIR.
-
- L'empire, je l'avoue, est encor quelque chose;
- Mais nous ne sommes plus au temps de Théodose; 190
- Et comme dans sa race il ne revit pas bien,
- L'empire est quelque chose, et l'Empereur n'est rien.
- Ses deux fils[110] n'ont rempli les trônes des deux Romes
- Que d'idoles pompeux[111], que d'ombres au lieu d'hommes.
- L'imbécile fierté de ces faux souverains, 195
- Qui n'osoit à son aide appeler des Romains[112],
- Parmi des nations qu'ils traitoient de barbares
- Empruntoit pour régner des personnes plus rares;
- Et d'un côté Gainas, de l'autre Stilicon,
- A ces deux majestés ne laissant que le nom, 200
- On voyoit dominer d'une hauteur égale
- Un Goth dans un empire, et dans l'autre un Vandale[113].
- Comme de tous côtés on s'en est indigné,
- De tous côtés aussi pour eux on a régné.
- Le second Théodose[114] avoit pris leur modèle: 205
- Sa sœur à cinquante ans le tenoit en tutelle,
- Et fut, tant qu'il régna, l'âme de ce grand corps,
- Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts.
- Pour Valentinian[115], tant qu'a vécu sa mère,
- Il a semblé répondre à ce grand caractère: 210
- Il a paru régner; mais on voit aujourd'hui
- Qu'il régnoit par sa mère, ou sa mère pour lui;
- Et depuis son trépas il a trop fait connoître
- Que s'il est empereur, Aétius est maître;
- Et c'en seroit la sœur qu'il faudroit obtenir, 215
- Si jamais aux Romains vous vouliez vous unir:
- Au reste, un prince foible, envieux, mol, stupide,
- Qu'un heureux succès enfle, un douteux intimide,
- Qui pour unique emploi s'attache à son plaisir,
- Et laisse le pouvoir à qui s'en peut saisir. 220
- Mais le grand Mérouée est un roi magnanime,
- Amoureux de la gloire, ardent après l'estime,
- Qui ne permet aux siens d'emploi ni de pouvoir,
- Qu'autant que par son ordre ils en doivent avoir.
- Il sait vaincre et régner; et depuis sa victoire, 225
- S'il a déjà soumis et la Seine et la Loire,
- Quand vous voudrez aux siens joindre vos combattants,
- La Garomne et l'Arar[116] ne tiendront pas longtemps.
- Alors ces mêmes champs, témoins de notre honte,
- En verront la vengeance et plus haute et plus prompte; 230
- Et pour glorieux prix d'avoir su nous venger,
- Vous aurez avec lui la Gaule à partager,
- D'où vous ferez savoir à toute l'Italie
- Qu'alors que[117] la prudence à la valeur s'allie,
- Il n'est rien à l'épreuve, et qu'il est temps qu'enfin 235
- Et du Tibre et du Pô vous fassiez le destin.
-
- ARDARIC.
-
- Prenez-en donc le droit des mains d'une princesse
- Qui l'apporte pour dot à l'ardeur qui vous presse;
- Et paroissez plutôt vous saisir de son bien,
- Qu'usurper des États sur qui ne vous doit rien. 240
- Sa mère eut tant de part à la toute-puissance,
- Qu'elle fit à l'empire associer Constance[118];
- Et si ce même empire a quelque attrait pour vous,
- La fille a même droit en faveur d'un époux.
- Allez, la force en main, demander ce partage 245
- Que d'un père mourant lui laissa le suffrage[119]:
- Sous ce prétexte heureux vous verrez des Romains
- Se détacher de Rome, et vous tendre les mains.
- Aétius n'est pas si maître qu'on veut croire:
- Il a jusque chez lui des jaloux de sa gloire; 250
- Et vous aurez pour vous tous ceux qui dans le cœur
- Sont mécontents du prince, ou las du gouverneur.
- Le débris[120] de l'empire a de belles ruines:
- S'il n'a plus de héros, il a des héroïnes.
- Rome vous en offre une, et part à ce débris: 255
- Pourriez-vous refuser votre main à ce prix?
- Ildione n'apporte ici que sa personne:
- Sa dot ne peut s'étendre aux droits d'une couronne,
- Ses Francs n'admettent point de femme à dominer;
- Mais les droits d'Honorie ont de quoi tout donner. 260
- Attachez-les, Seigneur, à vous, à votre race;
- Du fameux Théodose assurez-vous la place:
- Rome adore la sœur, le frère est sans pouvoir;
- On hait Aétius: vous n'avez qu'à vouloir.
-
- ATTILA.
-
- Est-ce comme il me faut tirer d'inquiétude, 265
- Que de plonger mon âme en plus d'incertitude?
- Et pour vous prévaloir de mes perplexités,
- Choisissez-vous exprès ces contrariétés?
- Plus j'entends raisonner, et moins on détermine:
- Chacun dans sa pensée également s'obstine; 270
- Et quand par vous[121] je cherche à ne plus balancer,
- Vous cherchez l'un et l'autre à mieux m'embarrasser!
- Je ne demande point de si diverses routes:
- Il me faut des clartés, et non de nouveaux doutes;
- Et quand je vous confie un sort tel que le mien, 275
- C'est m'offenser tous deux que ne résoudre rien[122].
-
- VALAMIR.
-
- Seigneur, chacun de nous vous parle comme il pense,
- Chacun de ce grand choix vous fait voir l'importance;
- Mais nous ne sommes point jaloux de nos avis.
- Croyez-le, croyez-moi, nous en serons ravis; 280
- Ils sont les purs effets d'une amitié fidèle,
- De qui le zèle ardent....
-
- ATTILA.
-
- Unissez donc ce zèle,
- Et ne me forcez point à voir dans vos débats
- Plus que je ne veux voir, et.... Je n'achève pas.
- Dites-moi seulement ce qui vous intéresse 285
- A protéger ici l'une et l'autre princesse.
- Leurs frères vous ont-ils, à force de présents,
- Chacun de son côté rendus leurs partisans?
- Est-ce amitié pour l'une, est-ce haine pour l'autre,
- Qui forme auprès de moi son avis et le vôtre? 290
- Par quel dessein de plaire ou de vous agrandir....
- Mais derechef je veux ne rien approfondir,
- Et croire qu'où je suis on n'a pas tant d'audace.
- Vous, si vous vous aimez, faites-vous une grâce:
- Accordez-vous ensemble, et ne contestez plus, 295
- Ou de l'une des deux ménagez un refus,
- Afin que nous puissions en cette conjoncture
- A son aversion imputer la rupture.
- Employez-y tous deux ce zèle et cette ardeur
- Que vous dites avoir tous deux pour ma grandeur: 300
- J'en croirai les efforts qu'on fera pour me plaire,
- Et veux bien jusque-là suspendre ma colère.
-
-
-SCÈNE III.
-
-ARDARIC, VALAMIR.
-
- ARDARIC.
-
- En serons-nous toujours les malheureux objets?
- Et verrons-nous toujours qu'il nous traite en sujets?
-
- VALAMIR.
-
- Fermons les yeux, Seigneur, sur de telles disgrâces: 305
- Le ciel en doit un jour effacer jusqu'aux traces;
- Mes devins me l'ont dit; et s'il en est besoin,
- Je dirai que ce jour peut-être n'est pas loin:
- Ils en ont, disent-ils, un assuré présage.
- Je vous confierai plus: ils m'ont dit davantage, 310
- Et qu'un Théodoric qui doit sortir de moi
- Commandera dans Rome, et s'en fera le roi[123];
- Et c'est ce qui m'oblige à parler pour la France,
- A presser Attila d'en choisir l'alliance,
- D'épouser Ildione, afin que par ce choix 315
- Il laisse à mon hymen Honorie et ses droits.
- Ne vous opposez plus aux grandeurs d'Ildione,
- Souffrez en ma faveur qu'elle monte à ce trône;
- Et si jamais pour vous je puis en faire autant....
-
- ARDARIC.
-
- Vous le pouvez, Seigneur, et dès ce même instant. 320
- Souffrez qu'à votre exemple en deux mots je m'explique.
- Vous aimez; mais ce n'est qu'un amour politique;
- Et puisque je vous dois confidence à mon tour,
- J'ai pour l'autre princesse un véritable amour;
- Et c'est ce qui m'oblige à parler pour l'empire, 325
- Afin qu'on m'abandonne un objet où j'aspire.
- Une étroite amitié l'un à l'autre nous joint;
- Mais enfin nos désirs ne compatissent point.
- Voyons qui se doit vaincre, et s'il faut que mon âme
- A votre ambition immole cette flamme; 330
- Ou s'il n'est point plus beau que votre ambition
- Elle-même s'immole à cette passion.
-
- VALAMIR.
-
- Ce seroit pour mon cœur un cruel sacrifice.
-
- ARDARIC.
-
- Et l'autre pour le mien seroit un dur supplice.
- Vous aime-t-on?
-
- VALAMIR.
-
- Du moins j'ai lieu de m'en flatter. 335
- Et vous, Seigneur?
-
- ARDARIC.
-
- Du moins on me daigne écouter.
-
- VALAMIR.
-
- Qu'un mutuel amour est un triste avantage,
- Quand ce que nous aimons d'un autre est le partage!
-
- ARDARIC.
-
- Cependant le tyran prendra pour attentat
- Cet amour qui fait seul tant de raisons d'État. 340
- Nous n'avons que trop vu jusqu'où va sa colère,
- Qui n'a pas épargné le sang même d'un frère[124],
- Et combien après lui de rois ses alliés
- A son orgueil barbare il a sacrifiés.
-
- VALAMIR.
-
- Les peuples qui suivoient ces illustres victimes 345
- Suivent encor sous lui l'impunité des crimes;
- Et ce ravage affreux qu'il permet aux soldats
- Lui gagne tant de cœurs, lui donne tant de bras,
- Que nos propres sujets sortis de nos provinces
- Sont en dépit de nous plus à lui qu'à leurs princes. 350
-
- ARDARIC.
-
- Il semble à ses discours déjà nous soupçonner,
- Et ce sont des soupçons qu'il nous faut détourner.
- A ce refus qu'il veut disposons ma princesse.
-
- VALAMIR.
-
- Pour y porter la mienne il faudra peu d'adresse.
-
- ARDARIC.
-
- Si vous persuadez, quel malheur est le mien! 355
-
- VALAMIR.
-
- Et si l'on vous en croit, puis-je espérer plus rien?
-
- ARDARIC.
-
- Ah! que ne pouvons-nous être heureux l'un et l'autre!
-
- VALAMIR.
-
- Ah! que n'est mon bonheur plus compatible au vôtre!
-
- ARDARIC.
-
- Allons des deux côtés chacun faire un effort.
-
- VALAMIR.
-
- Allons, et du succès laissons-en faire au sort. 360
-
-
-FIN DU PREMIER ACTE.
-
- [102] «On portait à cinq cent mille hommes le nombre des
- troupes d'Attila.» _Cujus exercitus quingentorum millium esse
- numero ferebantur._ (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_,
- chapitre XXXV.)
-
- [103] Voyez plus loin, p. 113, le vers 102 et la note 105
- qui s'y rapporte.
-
- [104] On lit _vous donnent_ dans l'édition de 1692.
-
- [105] On désigne sous ce nom les plaines situées entre
- Châlons-sur-Marne (_Catalaunum_) et Troyes, où Attila fut défait
- en 451 par Aétius, général romain, qui avait réuni sous ses
- ordres les Burgondes, les Saxons, les Alains, les Francs, les
- Visigoths.
-
- [106] L'édition de 1692 et celle de Voltaire (1764)
- portent _leurs forces_.
-
- [107] L'édition de 1682 donne _seul_, au lieu de _sur_,
- ce qui n'a point de sens.
-
- [108] Voltaire (1764) a changé _des_ en _les_.
-
- [109] Chefs des alliés d'Aétius (voyez ci-dessus, p.
- 113, note 1). Thierri (_Théodoric_), roi des Visigoths, périt
- dans la bataille des Champs catalauniques.
-
- [110] Arcadius et Honorius. Le premier, empereur
- d'Orient, était mort l'an de Jésus-Christ 408; le second,
- empereur d'Occident, l'an 423.
-
- [111] Voyez, pour le genre du mot _idole_, tome VI, p.
- 608, note 1, et le _Lexique_.
-
- [112] _Var._ Qui n'osoit à son aide appeler de Romains.
- (1668)
-
- [113] Gainas, général goth, après avoir dominé pendant
- quelque temps Arcadius, périt de la main des Huns, chez qui il
- avait cherché un asile. Stilicon, tuteur d'Honorius et régent de
- l'empire d'Occident, était Vandale d'origine.
-
- [114] Théodose II, fils d'Arcadius, régna en Orient
- jusqu'à l'an 450. Sa sœur Pulchérie, qui monta sur le trône
- après lui, mourut en 453, la même année qu'Attila.
-
- [115] Valentinien III, petit-fils de Théodose par sa
- mère Placidie, fut empereur d'Occident de 425 à 455. Placidie
- mourut en 450.
-
- [116] L'_Arar_, en latin _Arar_ et _Araris_, ancien nom
- de la Saône.
-
- [117] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont
- changé _Qu'alors que_ en _Que lorsque_. Nous avons eu déjà cette
- même correction dans _Agésilas_, acte I, scène I, vers 33. Voyez
- plus loin le vers 1589 (acte V, scène III), où Thomas Corneille
- et Voltaire ont laissé tous deux _alors que_.
-
- [118] L'empereur Honorius donna à Constance, général
- victorieux, la main de sa sœur Placidie, mère de Valentinien, et
- lui conféra le titre d'Auguste, en 421. Constance mourut peu de
- mois après.
-
- [119] Voyez ci-dessus, p. 104, note 88.
-
- [120] L'édition de 1682 et celle de 1692 ont l'une et
- l'autre _les debris_, au pluriel, mais elles ont laissé le verbe
- au singulier.
-
- [121] On lit _pour vous_, au lieu de _par vous_, dans
- l'édition de 1682.
-
- [122] Ce vers et le précédent ont été omis par erreur
- dans l'édition de 1682.--Comparez _Othon_, acte V, scène II, vers
- 1601-1604 (tome VI, p. 645).
-
- [123] Théodoric, roi des Ostrogoths, né en 455, qui en
- 493 se fit reconnaître roi d'Italie par l'empereur Anastase,
- était fils de Theodemir, frère et successeur de Valamir.
-
- [124] _Bleda, rex Hunnorum, Attilæ, fratris sui,
- insidiis interimitur._ (Marcellini comitis _Chronicon_; voyez
- aussi Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XXXV.)
-
-
-
-
-ACTE II.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-HONORIE, FLAVIE.
-
- FLAVIE.
-
- Je ne m'en défends point: oui, Madame, Octar m'aime;
- Tout ce que je vous dis, je l'ai su de lui-même.
- Ils sont rois, mais c'est tout: ce titre sans pouvoir
- N'a rien presque en tous deux de ce qu'il doit avoir;
- Et le fier Attila chaque jour fait connoître 365
- Que s'il n'est pas leur roi, du moins il est leur maître,
- Et qu'ils n'ont en sa cour le rang de ses amis
- Qu'autant qu'à son orgueil ils s'y montrent soumis.
- Tous deux ont grand mérite, et tous deux grand courage;
- Mais ils sont, à vrai dire, ici comme en otage, 370
- Tandis que leurs soldats en des camps éloignés
- Prennent l'ordre sous lui de gens qu'il a gagnés;
- Et si de le servir leurs troupes n'étoient prêtes,
- Ces rois, tous rois qu'ils sont, répondroient de leurs têtes.
- Son frère aîné Vléda, plus rempli d'équité, 375
- Les traitoit malgré lui d'entière égalité;
- Il n'a pu le souffrir, et sa jalouse envie,
- Pour n'avoir plus d'égaux, s'est immolé sa vie[125].
- Le sang qu'après avoir mis ce prince au tombeau,
- On lui voit chaque jour distiller du cerveau[126], 380
- Punit son parricide, et chaque jour vient faire
- Un tribut étonnant à celui de ce frère:
- Suivant même qu'il a plus ou moins de courroux,
- Ce sang forme un supplice ou plus rude ou plus doux,
- S'ouvre une plus féconde ou plus stérile veine; 385
- Et chaque emportement porte avec lui sa peine.
-
- HONORIE.
-
- Que me sert donc qu'on m'aime, et pourquoi m'engager
- A souffrir un amour qui ne peut me venger?
- L'insolent Attila me donne une rivale;
- Par ce choix qu'il balance il la fait mon égale; 390
- Et quand pour l'en punir je crois prendre un grand roi,
- Je ne prends qu'un grand nom qui ne peut rien pour moi.
- Juge que de chagrins au cœur d'une princesse
- Qui hait également l'orgueil et la foiblesse;
- Et de quel œil je puis regarder un amant 395
- Qui n'aura que pitié de mon ressentiment,
- Qui ne saura qu'aimer, et dont tout le service
- Ne m'assure aucun bras à me faire justice.
- Jusqu'à Rome Attila m'envoie offrir sa foi[127],
- Pour douter dans son camp entre Ildione et moi. 400
- Hélas! Flavie, hélas! si ce doute m'offense,
- Que doit faire une indigne et haute préférence?
- Et n'est-ce pas alors le dernier des malheurs
- Qu'un éclat impuissant d'inutiles douleurs?
-
- FLAVIE.
-
- Prévenez-le, Madame; et montrez à sa honte 405
- Combien de tant d'orgueil vous faites peu de conte[128].
-
- HONORIE.
-
- La bravade est aisée, un mot est bientôt dit:
- Mais où fuir un tyran que la bravade aigrit?
- Retournerai-je à Rome, où j'ai laissé mon frère
- Enflammé contre moi de haine et de colère, 410
- Et qui, sans la terreur d'un nom si redouté,
- Jamais n'eût mis de borne à ma captivité?
- Moi qui prétends pour dot la moitié de l'empire....
-
- FLAVIE.
-
- Ce seroit d'un malheur vous jeter dans un pire[129].
- Ne vous emportez pas contre vous jusque-là: 415
- Il est d'autres moyens de braver Attila.
- Épousez Valamir.
-
- HONORIE.
-
- Est-ce comme on le brave
- Que d'épouser un roi dont il fait son esclave?
-
- FLAVIE.
-
- Mais vous l'aimez.
-
- HONORIE.
-
- Eh bien! si j'aime Valamir,
- Je ne veux point de rois qu'on force d'obéir; 420
- Et si tu me dis vrai, quelque rang que je tienne,
- Cet hymen pourrait être et sa perte et la mienne.
- Mais je veux qu'Attila, pressé d'un autre amour,
- Endure un tel insulte[130] au milieu de sa cour:
- Ildione par là me verroit à sa suite; 425
- A de honteux respects je m'y verrois réduite;
- Et le sang des Césars, qu'on adora toujours,
- Feroit hommage au sang d'un roi de quatre jours!
- Dis-le-moi toutefois: pencheroit-il vers elle?
- Que t'en a dit Octar?
-
- FLAVIE.
-
- Qu'il la trouve assez belle, 430
- Qu'il en parle avec joie, et fuit à lui parler.
-
- HONORIE.
-
- Il me parle, et s'il faut ne rien dissimuler,
- Ses discours me font voir du respect, de l'estime,
- Et même quelque amour, sans que le nom s'exprime.
-
- FLAVIE.
-
- C'est un peu plus qu'à l'autre.
-
- HONORIE.
-
- Et peut-être bien moins. 435
-
- FLAVIE.
-
- Quoi? ce qu'à l'éviter il apporte de soins....
-
- HONORIE.
-
- Peut-être il ne la fuit que de peur de se rendre;
- Et s'il ne me fuit pas, il sait mieux s'en défendre.
- Oui, sans doute, il la craint, et toute sa fierté
- Ménage, pour choisir, un peu de liberté. 440
-
- FLAVIE.
-
- Mais laquelle des deux voulez-vous qu'il choisisse?
-
- HONORIE.
-
- Mon âme des deux parts attend même supplice:
- Ainsi que mon amour, ma gloire a ses appas;
- Je meurs s'il me choisit, ou ne me choisit pas;
- Et.... Mais Valamir entre, et sa vue en mon âme 445
- Fait trembler mon orgueil, enorgueillit ma flamme.
- Flavie, il peut sur moi bien plus que je ne veux:
- Pour peu que je l'écoute, il aura tous mes vœux.
- Dis-lui.... mais il vaut mieux faire effort sur moi-même.
-
-
-SCÈNE II.
-
-VALAMIR, HONORIE, FLAVIE.
-
- HONORIE.
-
- Le savez-vous, Seigneur, comment je veux qu'on m'aime?
- Et puisque jusqu'à moi vous portez vos souhaits,
- Avez-vous su connoître à quel prix je me mets?
- Je parle avec franchise, et ne veux point vous taire
- Que vos soins me plairoient, s'il ne falloit que plaire;
- Mais quand cent et cent fois ils seroient mieux reçus, 455
- Il faut pour m'obtenir quelque chose de plus.
- Attila m'est promis, j'en ai sa foi pour gage;
- La princesse des Francs prétend même avantage;
- Et bien que sur le choix il semble hésiter[131],
- Étant ce que je suis j'aurois tort d'en douter. 460
- Mais qui promet à deux outrage l'une et l'autre[132].
- J'ai du cœur, on m'offense, examinez le vôtre.
- Pourrez-vous m'en venger, pourrez-vous l'en punir?
-
- VALAMIR.
-
- N'est-ce que par le sang qu'on peut vous obtenir?
- Et faut-il que ma flamme à ce grand cœur réponde 465
- Par un assassinat du plus grand roi du monde,
- D'un roi que vous avez souhaité pour époux?
- Ne sauroit-on sans crime être digne de vous?
-
- HONORIE.
-
- Non, je ne vous dis pas qu'aux dépens de sa tête
- Vous vous fassiez aimer, et payiez ma conquête. 470
- De l'aimable façon qu'il vous traite aujourd'hui
- Il a trop mérité ces tendresses pour lui;
- D'ailleurs, s'il faut qu'on l'aime, il est bon qu'on le craigne.
- Mais c'est cet Attila qu'il faut que je dédaigne.
- Pourrez-vous hautement me tirer de ses mains, 475
- Et braver avec moi le plus fier des humains?
-
- VALAMIR.
-
- Il n'en est pas besoin, Madame: il vous respecte,
- Et bien que sa fierté vous puisse être suspecte,
- A vos moindres froideurs, à vos moindres dégoûts,
- Je sais que ses respects me donneroient à vous. 480
-
- HONORIE.
-
- Que j'estime assez peu le sang de Théodose
- Pour souffrir qu'en moi-même un tyran en dispose,
- Qu'une main qu'il me doit me choisisse un mari,
- Et me présente un roi comme son favori!
- Pour peu que vous m'aimiez, Seigneur, vous devez croire 485
- Que rien ne m'est sensible à l'égal de ma gloire.
- Régnez comme Attila, je vous préfère à lui;
- Mais point d'époux qui n'ose en dédaigner l'appui,
- Point d'époux qui m'abaisse au rang de ses sujettes.
- Enfin, je veux un roi: regardez si vous l'êtes; 490
- Et quoi que sur mon cœur vous ayez d'ascendant,
- Sachez qu'il n'aimera qu'un prince indépendant.
- Voyez à quoi, Seigneur, on connoît les monarques:
- Ne m'offrez plus de vœux qui n'en portent les marques;
- Et soyez satisfait qu'on vous daigne assurer 495
- Qu'à tous les rois ce cœur voudroit vous préférer.
-
-
-SCÈNE III.
-
-VALAMIR, FLAVIE.
-
- VALAMIR.
-
- Quelle hauteur, Flavie, et que faut-il qu'espère
- Un roi dont tous les vœux....
-
- FLAVIE.
-
- Seigneur, laissez-la faire:
- L'amour sera le maître; et la même hauteur
- Qui vous dispute ici l'empire de son cœur, 500
- Vous donne en même temps le secours de la haine
- Pour triompher bientôt de la fierté romaine.
- L'orgueil qui vous dédaigne en dépit de ses feux
- Fait haïr Attila de se promettre à deux;
- Non que cette fierté n'en soit assez jalouse 505
- Pour ne pouvoir souffrir qu'Ildione l'épouse:
- A son frère, à ses Francs faites-la renvoyer,
- Vous verrez tout ce cœur soudain se déployer,
- Suivre ce qui lui plaît, braver ce qui l'irrite,
- Et livrer hautement la victoire au mérite. 510
- Ne vous rebutez point d'un peu d'emportement:
- Quelquefois malgré nous il vient un bon moment.
- L'amour fait des heureux lorsque moins on y pense;
- Et je ne vous dis rien sans beaucoup d'apparence.
- Ardaric vous apporte un entretien plus doux. 515
- Adieu: comme le cœur, le temps sera pour vous.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-ARDARIC, VALAMIR.
-
- ARDARIC.
-
- Qu'avez-vous obtenu, Seigneur, de la Princesse?
-
- VALAMIR.
-
- Beaucoup, et rien: j'ai vu pour moi quelque tendresse;
- Mais elle sait d'ailleurs si bien ce qu'elle vaut,
- Que si celle des Francs a le cœur aussi haut, 520
- Si c'est à même prix, Seigneur, qu'elle se donne,
- Vous lui pourrez longtemps offrir votre couronne.
- Mon rival est haï, je n'en saurois douter;
- Tout le cœur est à moi, j'ai lieu de m'en vanter;
- Au reste des mortels je sais qu'on me préfère, 525
- Et ne sais toutefois ce qu'il faut que j'espère.
- Voyez votre Ildione; et puissiez-vous, Seigneur,
- Y trouver plus de jour à lire dans son cœur,
- Une âme plus tournée à remplir votre attente,
- Un esprit plus facile! Octar sort de sa tente. 530
- Adieu.
-
-
-SCÈNE V.
-
-ARDARIC, OCTAR.
-
- ARDARIC.
-
- Pourrai-je voir la Princesse à mon tour?
-
- OCTAR.
-
- Non, à moins qu'il vous plaise attendre son retour;
- Mais, à ce que ses gens, Seigneur, m'ont fait entendre,
- Vous n'avez en ce lieu qu'un moment à l'attendre.
-
- ARDARIC.
-
- Dites-moi cependant: vous fûtes prisonnier 535
- Du roi des Francs, son frère, en ce combat dernier?
-
- OCTAR.
-
- Le désordre, Seigneur, des Champs catalauniques
- Me donna peu de part aux disgrâces publiques.
- Si j'y fus prisonnier de ce roi généreux,
- Il me fit dans sa cour un sort assez heureux: 540
- Ma prison y fut libre; et j'y trouvai sans cesse
- Une bonté si rare au cœur de la Princesse,
- Que de retour ici je pense lui devoir
- Les plus sacrés respects qu'un sujet puisse avoir.
-
- ARDARIC.
-
- Qu'un monarque est heureux lorsque le ciel lui donne
- La main d'une si belle et si rare personne!
-
- OCTAR.
-
- Vous savez toutefois qu'Attila ne l'est pas,
- Et combien son trop d'heur lui cause d'embarras.
-
- ARDARIC.
-
- Ah! puisqu'il a des yeux, sans doute il la préfère.
- Mais vous vous louez fort aussi du roi son frère. 550
- Ne me déguisez rien: a-t-il des qualités
- A se faire admirer ainsi de tous côtés?
- Est-ce une vérité que ce que j'entends dire,
- Ou si c'est sans raison que l'univers l'admire?
-
- OCTAR.
-
- Je ne sais pas, Seigneur, ce qu'on vous en a dit[133]; 555
- Mais si pour l'admirer ce que j'ai vu suffit,
- Je l'ai vu dans la paix, je l'ai vu dans la guerre,
- Porter partout un front de maître de la terre.
- J'ai vu plus d'une fois de fières nations
- Désarmer son courroux par leurs soumissions[134]. 560
- J'ai vu tous les plaisirs de son âme héroïque
- N'avoir rien que d'auguste et que de magnifique;
- Et ses illustres soins ouvrir à ses sujets
- L'école de la guerre au milieu de la paix[135].
- Par ces délassements sa noble inquiétude 565
- De ses justes desseins faisoit l'heureux prélude;
- Et si j'ose le dire, il doit nous être doux
- Que ce héros les tourne ailleurs que contre nous.
- Je l'ai vu, tout couvert de poudre et de fumée,
- Donner le grand exemple à toute son armée[136], 570
- Semer par ses périls l'effroi de toutes parts,
- Bouleverser les murs d'un seul de ses regards,
- Et sur l'orgueil brisé des plus superbes têtes
- De sa course rapide entasser les conquêtes[137].
- Ne me commandez point de peindre un si grand roi: 575
- Ce que j'en ai vu passe un homme tel que moi;
- Mais je ne puis, Seigneur, m'empêcher de vous dire
- Combien son jeune prince est digne qu'on l'admire.
- Il montre un cœur si haut sous un front délicat
- Que dans son premier lustre il est déjà soldat: 580
- Le corps attend les ans, mais l'âme est toute prête.
- D'un gros de cavaliers il se met à la tête,
- Et l'épée à la main, anime l'escadron
- Qu'enorgueillit l'honneur de marcher sous son nom.
- Tout ce qu'a d'éclatant la majesté du père, 585
- Tout ce qu'ont de charmant les grâces de la mère,
- Tout brille sur ce front, dont l'aimable fierté
- Porte empreints et ce charme et cette majesté[138].
- L'amour et le respect qu'un si jeune mérite....
- Mais la Princesse vient, Seigneur, et je vous quitte. 590
-
-
-SCÈNE VI.
-
-ARDARIC, ILDIONE.
-
- ILDIONE.
-
- On vous a consulté, Seigneur; m'apprendrez-vous
- Comment votre Attila dispose enfin de nous?
-
- ARDARIC.
-
- Comment disposez-vous vous-même de mon âme?
- Attila va choisir; il faut parler, Madame:
- Si son choix est pour vous, que ferez-vous pour moi? 595
-
- ILDIONE.
-
- Tout ce que peut un cœur qu'engage ailleurs ma foi.
- C'est devers vous qu'il penche; et si je ne vous aime,
- Je vous plaindrai du moins à l'égal de moi-même:
- J'aurai mêmes ennuis, j'aurai mêmes douleurs;
- Mais je n'oublierai point que je me dois ailleurs. 600
-
- ARDARIC.
-
- Cette foi que peut-être on est près de vous rendre,
- Si vous aviez du cœur, vous sauriez la reprendre.
-
- ILDIONE.
-
- J'en ai, s'il faut me vaincre, autant qu'on peut avoir,
- Et n'en aurai jamais pour vaincre mon devoir.
-
- ARDARIC.
-
- Mais qui s'engage à deux dégage l'une et l'autre[139]. 605
-
- ILDIONE.
-
- Ce seroit ma pensée aussi bien que la vôtre;
- Et si je n'étois pas, Seigneur, ce que je suis,
- J'en prendrois quelque droit de finir mes ennuis;
- Mais l'esclavage fier d'une haute naissance,
- Où toute autre peut tout, me tient dans l'impuissance; 610
- Et victime d'État, je dois sans reculer
- Attendre aveuglément qu'on me daigne immoler.
-
- ARDARIC.
-
- Attendre qu'Attila, l'objet de votre haine,
- Daigne vous immoler à la fierté romaine?
-
- ILDIONE.
-
- Qu'un pareil sacrifice auroit pour moi d'appas! 615
- Et que je souffrirai s'il ne s'y résout pas!
-
- ARDARIC.
-
- Qu'il seroit glorieux de le faire vous-même,
- D'en épargner la honte à votre diadème!
- J'entends celui des Francs, qu'au lieu de maintenir....
-
- ILDIONE.
-
- C'est à mon frère alors de venger et punir; 620
- Mais ce n'est point à moi de rompre une alliance
- Dont il vient d'attacher vos Huns avec sa France,
- Et me faire par là du gage de la paix
- Le flambeau d'une guerre à ne finir jamais.
- Il faut qu'Attila parle; et puisse être Honorie 625
- La plus considérée, ou moi la moins chérie!
- Puisse-t-il se résoudre à me manquer de foi!
- C'est tout ce que je puis et pour vous et pour moi.
- S'il vous faut des souhaits, je n'en suis point avare;
- S'il vous faut des regrets, tout mon cœur s'y prépare, 630
- Et veut bien....
-
- ARDARIC.
-
- Que feront d'inutiles souhaits
- Que laisser à tous deux d'inutiles regrets?
- Pouvez-vous espérer qu'Attila vous dédaigne?
-
- ILDIONE.
-
- Rome est encor puissante, il se peut qu'il la craigne.
-
- ARDARIC.
-
- A moins que pour appui Rome n'ait vos froideurs, 635
- Vos yeux l'emporteront sur toutes ses grandeurs:
- Je le sens en moi-même, et ne vois point d'empire
- Qu'en mon cœur d'un regard ils ne puissent détruire.
- Armez-les de rigueurs, Madame, et par pitié
- D'un charme si funeste ôtez-leur la moitié: 640
- C'en sera trop encore, et pour peu qu'ils éclatent,
- Il n'est aucun espoir dont mes désirs se flattent.
- Faites donc davantage: allez jusqu'au refus,
- Ou croyez qu'Ardaric déjà n'espère plus,
- Qu'il ne vit déjà plus, et que votre hyménée 645
- A déjà par vos mains tranché sa destinée.
-
- ILDIONE.
-
- Ai-je si peu de part en de tels déplaisirs,
- Que pour m'y voir en prendre il faille vos soupirs?
- Me voulez-vous forcer à la honte des larmes?
-
- ARDARIC.
-
- Si contre tant de maux vous m'enviez leurs charmes, 650
- Faites quelque autre grâce à mes sens alarmés,
- Madame, et pour le moins dites que vous m'aimez.
-
- ILDIONE.
-
- Ne vouloir pas m'en croire à moins d'un mot si rude,
- C'est pour une belle âme un peu d'ingratitude.
- De quelques traits pour vous que mon cœur soit frappé, 655
- Ce grand mot jusqu'ici ne m'est point échappé;
- Mais haïr un rival, endurer d'être aimée,
- Comme vous de ce choix avoir l'âme alarmée,
- A votre espoir flottant donner tous mes souhaits,
- A votre espoir déçu donner tous mes regrets, 660
- N'est-ce point dire trop ce qui sied mal à dire?
-
- ARDARIC.
-
- Mais vous épouserez Attila.
-
- ILDIONE.
-
- J'en soupire,
- Et mon cœur....
-
- ARDARIC.
-
- Que fait-il, ce cœur, que m'abuser,
- Si, même en n'osant rien, il craint de trop oser?
- Non, si vous en aviez, vous sauriez la reprendre, 665
- Cette foi que peut-être on est prêt[140] de vous rendre.
- Je ne m'en dédis point, et ma juste douleur
- Ne peut vous dire assez que vous manquez de cœur.
-
- ILDIONE.
-
- Il faut donc qu'avec vous tout à fait je m'explique.
- Écoutez, et surtout, Seigneur, plus de réplique. 670
- Je vous aime: ce mot me coûte à prononcer;
- Mais puisqu'il vous plaît tant, je veux bien m'y forcer.
- Permettez toutefois que je vous die[141] encore
- Que si votre Attila de ce grand choix m'honore,
- Je recevrai sa main d'un œil aussi content 675
- Que si je me donnois ce que mon cœur prétend:
- Non que de son amour je ne prenne un tel gage
- Pour le dernier supplice et le dernier outrage,
- Et que le dur effort d'un si cruel moment
- Ne redouble ma haine et mon ressentiment; 680
- Mais enfin mon devoir veut une déférence
- Où même il ne soupçonne aucune répugnance.
- Je l'épouserai donc, et réserve pour moi
- La gloire de répondre à ce que je me doi.
- J'ai ma part, comme un autre, à la haine publique 685
- Qu'aime à semer partout son orgueil tyrannique;
- Et le hais d'autant plus, que son ambition
- A voulu s'asservir toute ma nation;
- Qu'en dépit des traités et de tout leur mystère
- Un tyran qui déjà s'est immolé son frère, 690
- Si jamais sa fureur ne redoutoit plus rien,
- Auroit peut-être peine à faire grâce au mien.
- Si donc ce triste choix m'arrache à ce que j'aime,
- S'il me livre à l'horreur qu'il me fait de lui-même,
- S'il m'attache à la main qui veut tout saccager, 695
- Voyez que d'intérêts, que de maux à venger!
- Mon amour, et ma haine, et la cause commune
- Crieront à la vengeance, en voudront trois pour une;
- Et comme j'aurai lors sa vie entre mes mains,
- Il a lieu de me craindre autant que je vous plains. 700
- Assez d'autres tyrans ont péri par leurs femmes:
- Cette gloire aisément touche les grandes âmes,
- Et de ce même coup qui brisera mes fers,
- Il est beau que ma main venge tout l'univers[142].
- Voilà quelle je suis, voilà ce que je pense, 705
- Voilà ce que l'amour prépare à qui l'offense.
- Vous, faites-moi justice; et songez mieux, Seigneur,
- S'il faut me dire encor que je manque de cœur.
-
-(Elle s'en va[143].)
-
- ARDARIC.
-
- Vous préserve le ciel de l'épreuve cruelle
- Où veut un cœur si grand mettre une âme si belle! 710
- Et puisse Attila prendre un esprit assez doux
- Pour vouloir qu'on vous doive autant à lui qu'à vous!
-
-
-FIN DU SECOND ACTE.
-
- [125] Voyez plus haut, p. 121, la note 124 du vers 342.
-
- [126] Voyez encore ci-dessus, p. 105 et la note 93.
-
- [127] Voyez ci-dessus, p. 104, note 1.
-
- [128] Malgré la rime, on lit ici _compte_, et non pas
- _conte_, dans l'édition de 1692. Il en est de même au vers 1001
- (acte III, scène IV). Plus loin, dans le courant du vers 737
- (acte III, scène I), l'édition originale porte _comte_, et les
- recueils de 1668, de 1682 et de 1692, _compte_.
-
- [129] Lorsque Boileau, quelques années plus tard,
- traduisait ce vers d'Horace (_Art poétique_, vers 31):
-
- _In vitium ducit culpæ fuga, si caret arte,_
-
- par
-
- Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire
-
- (_Art poétique_, chant I, vers 64),
-
- il se rapprochait de Corneille au moins autant que de son modèle.
-
- [130] Le genre du mot _insulte_ était encore douteux.
- Voyez le _Lexique_. Voltaire (1764) a ainsi modifié le vers:
-
- Endure telle insulte au milieu de sa cour.
-
- [131] Voyez tome IV, p. 190, la variante du vers 936 du
- _Menteur_, et le _Lexique_.--Voltaire (1764) a ajouté une
- syllabe:
-
- Et bien que sur le choix il me semble hésiter.
-
- [132] Voltaire (1764) donne _l'un et l'autre_. Voyez
- plus loin le vers 605.
-
- [133] Dans ce portrait de Mérovée et de son fils,
- Corneille s'est appliqué à peindre Louis XIV et le grand Dauphin,
- qui, né en 1661, était alors effectivement «dans son premier
- lustre,» ou du moins en sortait à peine.
-
- [134] Ce mot, dont l'orthographe ordinaire dans
- Corneille est _submissions_, est imprimé ici, dans toutes les
- éditions, avec un accent circonflexe: _soûmissions_.
-
- [135] En 1666, il y avait eu à Compiègne et ailleurs de
- grandes revues, «pour préparer les troupes aux expéditions de
- l'année suivante.» (_Abrégé chronologique de l'Histoire de
- France_, par le président Hénault, année 1666.)
-
- [136] Comparez les vers 277 et 278 du _Cid_ (tome III,
- p. 120).
-
- [137] Il nous paraît à peu près certain que Corneille a
- composé postérieurement à la représentation, qui avait eu lieu,
- comme nous l'avons dit, au mois de mars 1667, ces vers où il fait
- évidemment allusion à la campagne de Flandre, et aux récentes
- conquêtes de Louis XIV, qui prit en personne, en juin, juillet et
- août 1667, les villes de Tournai, de Douai, de Lille. Au siége de
- cette dernière place, il s'exposa tellement que Turenne menaça de
- se retirer s'il ne se ménageait davantage. L'impression de la
- pièce, nous l'avons dit aussi, ne fut achevée que vers la fin de
- novembre 1667.
-
- [138] Ici encore le poëte a en vue les exercices
- militaires de l'année 1666. Robinet, le continuateur de la _Muse
- historique_ de Loret, raconte, dans sa _Lettre à Madame_ du 14
- février, que le lundi 8, «proche Conflans, dans la plaine,» le
- Roi fit la revue
-
- Des troupes de son cher Dauphin....
- Qui déjà l'amant de Bellone,
- En ce lieu parut en personne
- Dessus un petit Bucéphal, etc.
-
- La _Gazette_, dans les numéros du 8 mai et du 10 juillet, parle de
- deux autres revues où le Dauphin figura soit à la tête de son
- régiment, soit à la tête de sa compagnie.
-
- [139] Voyez plus haut, p. 127, la note du vers 461. Ici
- ce n'est pas seulement Voltaire (1764), mais encore l'édition de
- 1682 qui donnent: «l'un et l'autre.»
-
- [140] Telle est l'orthographe de ce mot dans toutes les
- anciennes éditions, et même dans celle de Voltaire (1764).
-
- [141] Suivant son habitude, Thomas Corneille a corrigé
- _die_ en _dise_. Voltaire a fait de même.
-
- [142] Voyez ci-dessus, p. 104.
-
- [143] Voltaire a supprimé ces mots, et il a ensuite
- ajouté _seul_ au nom d'ARDARIC.
-
-
-
-
-ACTE III.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-ATTILA, OCTAR.
-
- ATTILA.
-
- Octar, as-tu pris soin de redoubler ma garde?
-
- OCTAR.
-
- Oui, Seigneur, et déjà chacun s'entre-regarde,
- S'entre-demande à quoi ces ordres que j'ai mis.... 715
-
- ATTILA.
-
- Quand on a deux rivaux, manque-t-on d'ennemis?
-
- OCTAR.
-
- Mais, Seigneur, jusqu'ici vous en doutez encore.
-
- ATTILA.
-
- Et pour bien éclaircir ce qu'en effet j'ignore,
- Je me mets à couvert de ce que de plus noir
- Inspire à leurs pareils l'amour au désespoir; 720
- Et ne laissant pour arme à leur douleur pressante
- Qu'une haine sans force, une rage impuissante,
- Je m'assure un triomphe en ce glorieux jour
- Sur leurs ressentiments, comme sur leur amour.
- Qu'en disent nos deux rois?
-
- OCTAR.
-
- Leurs âmes, alarmées 725
- De voir par ce renfort leurs tentes enfermées,
- Affectent de montrer une tranquillité....
-
- ATTILA.
-
- De leur tente à la mienne ils ont la liberté.
-
- OCTAR.
-
- Oui, mais seuls, et sans suite; et quant aux deux princesses,
- Que de leurs actions on laisse encor maîtresses, 730
- On ne permet d'entrer chez elles qu'à leurs gens;
- Et j'en bannis par là ces rois et leurs agents.
- N'en ayez plus, Seigneur, aucune inquiétude:
- Je les fais observer avec exactitude;
- Et de quelque côté qu'elles tournent leurs pas, 735
- J'ai des yeux tous[144] placés qui ne les manquent pas:
- On vous rendra bon compte et des deux rois et d'elles.
-
- ATTILA.
-
- Il suffit sur ce point: apprends d'autres nouvelles.
- Ce grand chef des Romains, l'illustre Aétius,
- Le seul que je craignois, Octar, il ne vit plus. 740
-
- OCTAR.
-
- Qui vous en a défait?
-
- ATTILA.
-
- Valentinian même.
- Craignant qu'il n'usurpât jusqu'à son diadème,
- Et pressé des soupçons où j'ai su l'engager,
- Lui-même, à ses yeux même, il l'a fait égorger[145].
- Rome perd en lui seul plus de quatre batailles: 745
- Je me vois l'accès libre au pied de ses murailles;
- Et si j'y fais paroître Honorie et ses droits,
- Contre un tel empereur j'aurai toutes les voix:
- Tant l'effroi de mon nom, et la haine publique
- Qu'attire sur sa tête une mort si tragique, 750
- Sauront faire aisément, sans en venir aux mains,
- De l'époux d'une sœur un maître des Romains.
-
- OCTAR.
-
- Ainsi donc votre choix tombe sur Honorie?
-
- ATTILA.
-
- J'y fais ce que je puis, et ma gloire m'en prie;
- Mais d'ailleurs Ildione a pour moi tant d'attraits, 755
- Que mon cœur étonné flotte plus que jamais.
- Je sens combattre encor dans ce cœur qui soupire
- Les droits de la beauté contre ceux de l'empire.
- L'effort de ma raison qui soutient mon orgueil
- Ne peut non plus que lui soutenir un coup d'œil; 760
- Et quand de tout moi-même il m'a rendu le maître,
- Pour me rendre à mes fers elle n'a qu'à paroître.
- O beauté, qui te fais adorer en tous lieux,
- Cruel poison de l'âme, et doux charme des yeux,
- Que devient, quand tu veux, l'autorité suprême, 765
- Si tu prends malgré moi l'empire de moi-même,
- Et si cette fierté qui fait partout la loi
- Ne peut me garantir de la prendre de toi?
- Va la trouver pour moi, cette beauté charmante;
- Du plus utile choix donne-lui l'épouvante; 770
- Pour l'obliger à fuir, peins-lui bien tout l'affront
- Que va mon hyménée imprimer sur son front.
- Ose plus: fais-lui peur d'une prison sévère
- Qui me réponde ici du courroux de son frère,
- Et retienne tous ceux que l'espoir de sa foi 775
- Pourroit en un moment soulever contre moi.
- Mais quelle âme en effet n'en seroit pas séduite?
- Je vois trop de périls, Octar, en cette fuite:
- Ses yeux, mes souverains, à qui tout est soumis,
- Me sauroient d'un coup d'œil faire trop d'ennemis. 780
- Pour en sauver mon cœur prends une autre manière.
- Fais-m'en haïr, peins-moi d'une humeur noire et fière;
- Dis-lui que j'aime ailleurs; et fais-lui prévenir
- La gloire qu'Honorie est prête d'obtenir.
- Fais qu'elle me dédaigne, et me préfère un autre 785
- Qui n'ait pour tout pouvoir qu'un foible emprunt du nôtre:
- Ardaric, Valamir, ne m'importe des deux.
- Mais voir en d'autres bras l'objet de tous mes vœux!
- Vouloir qu'à mes yeux même un autre le possède[146]!
- Ah! le mal est encor plus doux que le remède. 790
- Dis-lui, fais-lui savoir....
-
- OCTAR.
-
- Quoi, Seigneur?
-
- ATTILA.
-
- Je ne sai:
- Tout ce que j'imagine est d'un fâcheux essai.
-
- OCTAR.
-
- A quand remettez-vous, après tout, d'en résoudre?
-
- ATTILA.
-
- Octar, je l'aperçois. Quel nouveau coup de foudre!
- O raison confondue, orgueil presque étouffé, 795
- Avant ce coup fatal que n'as-tu triomphé!
-
-
-SCÈNE II.
-
-ATTILA, ILDIONE, OCTAR.
-
- ATTILA.
-
- Venir jusqu'en ma tente enlever mes hommages,
- Madame, c'est trop loin pousser vos avantages:
- Ne vous suffit-il point que le cœur soit à vous?
-
- ILDIONE.
-
- C'est de quoi faire naître un espoir assez doux. 800
- Ce n'est pas toutefois, Seigneur, ce qui m'amène:
- Ce sont des nouveautés dont j'ai lieu d'être en peine.
- Votre garde est doublée, et par un ordre exprès
- Je vois ici deux rois observés de fort près.
-
- ATTILA.
-
- Prenez-vous intérêt ou pour l'un ou pour l'autre? 805
-
- ILDIONE.
-
- Mon intérêt, Seigneur, c'est d'avoir part au vôtre:
- J'ai droit en vos périls de m'en mettre en souci,
- Et de plus, je me trompe, ou l'on m'observe aussi.
- Vous serois-je suspecte? Et de quoi?
-
- ATTILA.
-
- D'être aimée.
- Madame, vos attraits, dont j'ai l'âme charmée, 810
- Si j'en crois l'apparence, ont blessé plus d'un roi;
- D'autres ont un cœur tendre et des yeux, comme moi;
- Et pour vous et pour moi j'en préviens l'insolence,
- Qui pourroit sur vous-même user de violence.
-
- ILDIONE.
-
- Il en est des moyens plus doux et plus aisés, 815
- Si je vous charme autant que vous m'en accusez.
-
- ATTILA.
-
- Ah! vous me charmez trop, moi de qui l'âme altière
- Cherche à voir sous mes pas trembler la terre entière[147]:
- Moi qui veux pouvoir tout, sitôt que je vous voi,
- Malgré tout cet orgueil, je ne puis rien sur moi. 820
- Je veux, je tâche en vain d'éviter par la fuite
- Ce charme dominant qui marche à votre suite:
- Mes plus heureux succès ne font qu'enfoncer mieux
- L'inévitable trait dont me percent vos yeux.
- Un regard imprévu leur fait une victoire; 825
- Leur moindre souvenir l'emporte sur ma gloire:
- Il s'empare et du cœur et des soins les plus doux;
- Et j'oublie Attila, dès que je pense à vous.
- Que pourrai-je, Madame, après que l'hyménée
- Aura mis sous vos lois toute ma destinée? 830
- Quand je voudrai punir, vous saurez pardonner;
- Vous refuserez grâce où j'en voudrai donner;
- Vous envoirez la paix où je voudrai la guerre;
- Vous saurez par mes mains conduire le tonnerre;
- Et tout mon amour tremble à s'accorder un bien 835
- Qui me met en état de ne pouvoir plus rien.
- Attentez un peu moins sur ce pouvoir suprême,
- Madame, et pour un jour cessez d'être vous-même;
- Cessez d'être adorable, et laissez-moi choisir
- Un objet qui m'en laisse aisément ressaisir. 840
- Défendez à vos yeux cet éclat invincible
- Avec qui ma fierté devient incompatible;
- Prêtez-moi des refus, prêtez-moi des mépris,
- Et rendez-moi vous-même à moi-même à ce prix.
-
- ILDIONE.
-
- Je croyois qu'on me dût préférer Honorie 845
- Avec moins de douceurs et de galanterie;
- Et je n'attendois pas une civilité
- Qui malgré cette honte enflât ma vanité.
- Ses honneurs près des miens ne sont qu'honneurs frivoles,
- Ils n'ont que des effets, j'ai les belles paroles; 850
- Et si de son côté vous tournez tous vos soins,
- C'est qu'elle a moins d'attraits, et se fait craindre moins.
- L'auroit-on jamais cru, qu'un Attila pût craindre?
- Qu'un si léger éclat eût de quoi l'y contraindre,
- Et que de ce grand nom qui remplit tout d'effroi 855
- Il n'osât hasarder tout l'orgueil contre moi?
- Avant qu'il porte ailleurs ces timides hommages
- Que jusqu'ici j'enlève avec tant d'avantages,
- Apprenez-moi, Seigneur, pour suivre vos desseins,
- Comme il faut dédaigner le plus grand des humains; 860
- Dites-moi quels mépris peuvent le satisfaire.
- Ah! si je lui déplais à force de lui plaire,
- Si de son trop d'amour sa haine est tout le fruit,
- Alors qu'on la mérite, où se voit-on réduit?
- Allez, Seigneur, allez où tant d'orgueil aspire. 865
- Honorie a pour dot la moitié de l'empire;
- D'un mérite penchant c'est un ferme soutien;
- Et cet heureux éclat efface tout le mien:
- Je n'ai que ma personne.
-
- ATTILA.
-
- Et c'est plus que l'empire,
- Plus qu'un droit souverain sur tout ce qui respire. 870
- Tout ce qu'a cet empire ou de grand ou de doux,
- Je veux mettre ma gloire à le tenir de vous.
- Faites-moi l'accepter, et pour reconnoissance
- Quels climats voulez-vous sous votre obéissance?
- Si la Gaule vous plaît, vous la partagerez: 875
- J'en offre la conquête à vos yeux adorés;
- Et mon amour....
-
- ILDIONE.
-
- A quoi que cet amour s'apprête,
- La main du conquérant vaut mieux que sa conquête.
-
- ATTILA.
-
- Quoi? vous pourriez m'aimer, Madame, à votre tour?
- Qui sème tant d'horreurs fait naître peu d'amour. 880
- Qu'aimeriez-vous en moi? Je suis cruel, barbare;
- Je n'ai que ma fierté, que ma fureur de rare:
- On me craint, on me hait; on me nomme en tout lieu
- La terreur des mortels et le fléau de Dieu[148].
- Aux refus que je veux c'est là trop de matière; 885
- Et si ce n'est assez d'y joindre la prière,
- Si rien ne vous résout à dédaigner ma foi,
- Appréhendez pour vous comme je fais pour moi.
- Si vos tyrans d'appas retiennent ma franchise,
- Je puis l'être comme eux de qui me tyrannise. 890
- Souvenez-vous enfin que je suis Attila,
- Et que c'est dire tout que d'aller jusque-là.
-
- ILDIONE.
-
- Il faut donc me résoudre? Eh bien! j'ose.... De grâce[149],
- Dispensez-moi du reste, il y faut trop d'audace.
- Je tremble comme un autre à l'aspect d'Attila, 895
- Et ne me puis, Seigneur, oublier jusque-là.
- J'obéis: ce mot seul dit tout ce qu'il souhaite;
- Si c'est m'expliquer mal, qu'il en soit l'interprète.
- J'ai tous les sentiments qu'il lui plaît m'ordonner;
- J'accepte cette dot qu'il vient de me donner; 900
- Je partage déjà la Gaule avec mon frère,
- Et veux tout ce qu'il faut pour ne vous plus déplaire.
- Mais ne puis-je savoir, pour ne manquer à rien,
- A qui vous me donnez, quand j'obéis si bien?
-
- ATTILA.
-
- Je n'ose le résoudre, et de nouveau je tremble, 905
- Sitôt que je conçois tant de chagrins ensemble.
- C'est trop que de vous perdre et vous donner ailleurs;
- Madame, laissez-moi séparer mes douleurs:
- Souffrez qu'un déplaisir me prépare pour l'autre;
- Après mon hyménée on aura soin du vôtre: 910
- Ce grand effort déjà n'est que trop rigoureux,
- Sans y joindre celui de faire un autre heureux.
- Souvent un peu de temps fait plus qu'on n'ose attendre.
-
- ILDIONE.
-
- J'oserai plus que vous, Seigneur, et sans en prendre;
- Et puisque de son bien chacun peut ordonner, 915
- Votre cœur est à moi, j'oserai le donner;
- Mais je ne le mettrai qu'en la main qu'il souhaite.
- Vous, traitez-moi, de grâce, ainsi que je vous traite;
- Et quand ce coup pour vous sera moins rigoureux,
- Avant que me donner consultez-en mes vœux. 920
-
- ATTILA.
-
- Vous aimeriez quelqu'un!
-
- ILDIONE.
-
- Jusqu'à votre hyménée
- Mon cœur est au monarque à qui l'on m'a donnée;
- Mais quand par ce grand choix j'en perdrai tout espoir,
- J'ai des yeux qui verront ce qu'il me faudra voir.
-
-
-SCÈNE III.
-
-ATTILA, HONORIE, ILDIONE, OCTAR.
-
- HONORIE.
-
- Ce grand choix est donc fait, Seigneur, et pour le faire 925
- Vous avez à tel point redouté ma colère,
- Que vous n'avez pas cru vous en pouvoir sauver
- Sans doubler votre garde, et me faire observer?
- Je ne me jugeois pas en ces lieux tant à craindre;
- Et d'un tel attentat j'aurois tort de me plaindre, 930
- Quand je vois que la peur de mes ressentiments
- En commence déjà les justes châtiments.
-
- ILDIONE.
-
- Que ces ordres nouveaux ne troublent point votre âme:
- C'étoit moi qu'on craignoit, et non pas vous, Madame;
- Et ce glorieux choix qui vous met en courroux 935
- Ne tombe pas sur moi, Madame, c'est sur vous.
- Il est vrai que sans moi vous n'y pouviez prétendre:
- Son cœur, tant qu'il m'eût plu, s'en auroit su défendre;
- Il étoit tout à moi. Ne vous alarmez pas
- D'apprendre qu'il étoit au peu que j'ai d'appas. 940
- Je vous en fais un don: recevez-le pour gage
- Ou de mes amitiés ou d'un parfait hommage;
- Et forte désormais de vos droits et des miens,
- Donnez à ce grand cœur de plus dignes liens.
-
- HONORIE.
-
- C'est donc de votre main qu'il passe dans la mienne, 945
- Madame, et c'est de vous qu'il faut que je le tienne?
-
- ILDIONE.
-
- Si vous ne le voulez aujourd'hui de ma main,
- Craignez qu'il soit trop tard de le vouloir demain.
- Elle l'aimera mieux sans doute de la vôtre,
- Seigneur, ou vous ferez ce présent à quelque autre. 950
- Pour lui porter ce cœur que je vous avois pris,
- Vous m'avez commandé des refus, des mépris:
- Souffrez que des mépris le respect me dispense,
- Et voyez pour le reste entière obéissance.
- Je vous rends à vous-même, et ne puis rien de plus; 955
- Et c'est à vous de faire accepter mes refus.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-ATTILA, HONORIE, OCTAR.
-
- HONORIE.
-
- Accepter ses refus! moi, Seigneur?
-
- ATTILA.
-
- Vous, Madame.
- Peut-il être honteux de devenir ma femme?
- Et quand on vous assure un si glorieux nom,
- Peut-il vous importer qui vous en fait le don? 960
- Peut-il vous importer par quelle voie arrive
- La gloire dont pour vous Ildione se prive?
- Que ce soit son refus, ou que ce soit mon choix,
- En marcherez-vous moins sur la tête des rois?
- Mes[150] deux traités de paix m'ont donné deux princesses,
- Dont l'une aura ma main, si l'autre eut mes tendresses;
- L'une aura ma grandeur, comme l'autre eut mes vœux:
- C'est ainsi qu'Attila se partage à vous deux.
- N'en murmurez, Madame, ici non plus que l'autre;
- Sa part la satisfait, recevez mieux la vôtre; 970
- J'en étois idolâtre, et veux vous épouser.
- La raison? c'est ainsi qu'il me plaît d'en user[151].
-
- HONORIE.
-
- Et ce n'est pas ainsi qu'il me plaît qu'on en use:
- Je cesse d'estimer ce qu'une autre refuse,
- Et bien que vos traités vous engagent ma foi, 975
- Le rebut d'Ildione est indigne de moi.
- Oui, bien que l'univers ou vous serve ou vous craigne,
- Je n'ai que des mépris pour ce qu'elle dédaigne.
- Quel honneur est celui d'être votre moitié,
- Qu'elle cède par grâce, et m'offre par pitié? 980
- Je sais ce que le ciel m'a faite[152] au-dessus d'elle,
- Et suis plus glorieuse encor qu'elle n'est belle.
-
- ATTILA.
-
- J'adore cet orgueil, il est égal au mien,
- Madame; et nos fiertés se ressemblent si bien,
- Que si la ressemblance est par où l'on s'entr'aime, 985
- J'ai lieu de vous aimer comme une autre moi-même[153].
-
- HONORIE.
-
- Ah! si non plus que vous je n'ai point le cœur bas,
- Nos fiertés pour cela ne se ressemblent pas.
- La mienne est de princesse, et la vôtre est d'esclave:
- Je brave les mépris, vous aimez qu'on vous brave; 990
- Votre orgueil a son foible, et le mien, toujours fort,
- Ne peut souffrir d'amour dans ce peu de rapport.
- S'il vient de ressemblance, et que d'illustres flammes
- Ne puissent que par elle unir les grandes âmes,
- D'où naîtroit cet amour, quand je vois en tous lieux 995
- De plus dignes fiertés qui me ressemblent mieux?
-
- ATTILA.
-
- Vous en voyez ici, Madame; et je m'abuse,
- Ou quelque autre me vole un cœur qu'on me refuse;
- Et cette noble ardeur de me désobéir
- En garde la conquête à l'heureux Valamir. 1000
-
- HONORIE.
-
- Ce n'est qu'à moi, Seigneur, que j'en dois rendre conte;
- Quand je voudrai l'aimer, je le pourrai sans honte:
- Il est roi comme vous.
-
- ATTILA.
-
- En effet il est roi,
- J'en demeure d'accord, mais non pas comme moi.
- Même splendeur de sang, même titre nous pare; 1005
- Mais de quelques degrés le pouvoir nous sépare;
- Et du trône où le ciel a voulu m'affermir,
- C'est tomber d'assez haut que jusqu'à Valamir.
- Chez ses propres sujets ce titre qu'il étale
- Ne fait d'entre eux et moi que remplir l'intervalle; 1010
- Il reçoit sous ce titre et leur porte mes lois;
- Et s'il est roi des Goths, je suis celui des rois[154].
-
- HONORIE.
-
- Et j'ai de quoi le mettre au-dessus de ta tête,
- Sitôt que de ma main j'aurai fait sa conquête.
- Tu n'as pour tout pouvoir[155] que des droits usurpés 1015
- Sur des peuples surpris et des princes trompés;
- Tu n'as d'autorité que ce qu'en font les crimes;
- Mais il n'aura de moi que des droits légitimes;
- Et fût-il sous ta rage à tes pieds abattu,
- Il est plus grand que toi, s'il a plus de vertu. 1020
-
- ATTILA.
-
- Sa vertu ni vos droits ne sont pas de grands charmes,
- A moins que pour appui je leur prête mes armes.
- Ils ont besoin de moi, s'ils veulent aller loin;
- Mais pour être empereur je n'en ai plus besoin.
- Aétius est mort, l'empire n'a plus d'homme, 1025
- Et je puis trop sans vous me faire place à Rome.
-
- HONORIE.
-
- Aétius est mort! Je n'ai plus de tyran;
- Je reverrai mon frère en Valentinian;
- Et mille vrais héros qu'opprimoit ce faux maître
- Pour me faire justice à l'envi vont paroître. 1030
- Ils défendront l'empire, et soutiendront mes droits
- En faveur des vertus dont j'aurai fait le choix.
- Les grands cœurs n'osent rien sous de si grands ministres:
- Leur plus haute valeur n'a d'effets que sinistres;
- Leur gloire fait ombrage à ces puissants jaloux, 1035
- Qui s'estiment perdus s'ils ne les perdent tous.
- Mais après leur trépas tous ces grands cœurs revivent;
- Et pour ne plus souffrir des fers qui les captivent[156],
- Chacun reprend sa place et remplit son devoir.
- La mort d'Aétius te le fera trop voir: 1040
- Si pour leur maître en toi je leur mène un barbare,
- Tu verras quel accueil leur vertu te prépare;
- Mais si d'un Valamir j'honore un si haut rang,
- Aucun pour me servir n'épargnera son sang.
-
- ATTILA.
-
- Vous me faites pitié de si mal vous connoître, 1045
- Que d'avoir tant d'amour, et le faire paroître.
- Il est honteux, Madame, à des rois tels que nous,
- Quand ils en sont blessés, d'en laisser voir les coups.
- Il a droit de régner sur les âmes communes,
- Non sur celles qui font et défont les fortunes; 1050
- Et si de tout le cœur on ne peut l'arracher,
- Il faut s'en rendre maître, ou du moins le cacher.
- Je ne vous blâme point d'avoir eu mes foiblesses;
- Mais faites même effort sur ces lâches tendresses,
- Et comme je vous tiens seule digne de moi, 1055
- Tenez-moi seul aussi digne de votre foi.
- Vous aimez Valamir, et j'adore Ildione:
- Je me garde pour vous, gardez-vous pour mon trône;
- Prenez ainsi que moi des sentiments plus hauts,
- Et suivez mes vertus ainsi que mes défauts. 1060
-
- HONORIE.
-
- Parle de tes fureurs et de leur noir ouvrage:
- Il s'y mêle peut-être une ombre de courage;
- Mais bien loin qu'avec gloire on te puisse imiter,
- La vertu des tyrans est même à détester.
- Irois-je à ton exemple assassiner mon frère? 1065
- Sur tous mes alliés répandre ma colère?
- Me baigner dans leur sang, et d'un orgueil jaloux...?
-
- ATTILA.
-
- Si nous nous emportons, j'irai plus loin que vous,
- Madame.
-
- HONORIE.
-
- Les grands cœurs parlent avec franchise.
-
- ATTILA.
-
- Quand je m'en souviendrai, n'en soyez pas surprise;
- Et si je vous épouse avec ce souvenir,
- Vous voyez le passé, jugez de l'avenir.
- Je vous laisse y penser. Adieu, Madame.
-
- HONORIE.
-
- Ah! traître!
-
- ATTILA.
-
- Je suis encore amant, demain je serai maître.
- Remenez la Princesse, Octar.
-
- HONORIE.
-
- Quoi?
-
- ATTILA.
-
- C'est assez. 1075
- Vous me direz tantôt tout ce que vous pensez;
- Mais pensez-y deux fois avant que me le dire:
- Songez que c'est de moi que vous tiendrez l'empire;
- Que vos droits sans ma main ne sont que droits en l'air.
-
- HONORIE.
-
- Ciel!
-
- ATTILA.
-
- Allez, et du moins apprenez à parler. 1080
-
- HONORIE.
-
- Apprends, apprends toi-même à changer de langage,
- Lorsqu'au sang des Césars ta parole t'engage.
-
- ATTILA.
-
- Nous en pourrons changer avant la fin du jour.
-
- HONORIE.
-
- Fais ce que tu voudras, tyran, j'aurai mon tour.
-
-FIN DU TROISIÈME ACTE.
-
- [144] L'édition de 1692, aussi bien que celle de
- Voltaire (1764), portent _tout_, invariable.--Dans l'édition
- originale, de 1668, _tous_ est joint au participe par un trait
- d'union, comme ne formant avec lui qu'un seul mot:
- «tous-placés.»
-
- [145] Ce fut Valentinien lui-même qui tua de sa main
- Aétius, l'année qui suivit la mort d'Attila: _Aetius, dux et
- patricius, fraudulenter singuluris accitus intra palatium, manu
- ipsius Valentiniani imperatoris occiditur_. (Idacii, episcopi
- _Chronica_, édition de 1633, p. 35.)
-
- [146] _Var._ Vouloir qu'à mes yeux même un autre la
- possède! (1668)
-
- [147] Jornandès (_de Getarum rebus gestis_, chapitre
- XXXV) exprime énergiquement la terreur qu'inspirait Attila: _Vir
- in concussionem gentium natus in mundo, terrarum omnium metus,
- qui, nescio qua sorte, terrebat cuncta formidabili de se opinione
- vulgata_.
-
- [148] Voyez ci-dessus, p. 103, note 84.
-
- [149] _Var._ Il faut donc m'y résoudre? Eh bien!
- j'ose.... De grâce. (1668)
-
- [150] L'édition de 1682 donne, par erreur, _mais_, au
- lieu de _mes_.
-
- [151] C'est la traduction du vers bien connu (Juvénal,
- satire VI, vers 223):
-
- _Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas._
-
- [152] Les deux éditions de 1668 ont _faite_; celles de
- 1682, de 1692 et de Voltaire (1764) portent _fait_, sans accord.
-
- [153] Voltaire (1764) a remplacé _une autre moi-même_
- par _un autre moi-même_.
-
- [154] Attila est nommé ainsi dans Jornandès (_de Getarum
- rebus gestis_, chapitre XXXVIII): _Attila rex omnium regum_.
-
- [155] Telle est la leçon des deux éditions antérieures à
- 1682. Celle-ci porte _ton pouvoir_, pour _tout pouvoir_, ainsi
- que l'édition de 1692. Voltaire a adopté comme nous la leçon
- primitive: _tout_.
-
- [156] _Var._ Et pour ne plus souffrir de fers qui les
- captivent. (1668)--Cette leçon a été reproduite par l'édition de
- 1692.
-
-
-
-
-ACTE IV.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-HONORIE, OCTAR, FLAVIE.
-
- HONORIE.
-
- Allez, servez-moi bien. Si vous aimez Flavie, 1085
- Elle sera le prix de m'avoir bien servie:
- J'en donne ma parole; et sa main est à vous,
- Dès que vous m'obtiendrez Valamir pour époux.
-
- OCTAR.
-
- Je voudrois le pouvoir: j'assurerois, Madame,
- Sous votre Valamir mes jours avec ma flamme. 1090
- Bien qu'Attila me traite assez confidemment,
- Ils dépendent sous lui d'un malheureux moment:
- Il ne faut qu'un soupçon, un dégoût, un caprice,
- Pour en faire à sa haine un soudain sacrifice;
- Ce n'est pas un esprit que je porte où je veux. 1095
- Faire un peu plus de pente au penchant de ses vœux,
- L'attacher un peu plus au parti qu'ils choisissent,
- Ce n'est rien qu'avec moi deux mille autres ne puissent;
- Mais proposer de front, ou vouloir doucement
- Contre ce qu'il résout tourner son sentiment, 1100
- Combattre sa pensée en faveur de la vôtre,
- C'est ce que nous n'osons, ni moi, ni pas un autre;
- Et si je hasardois ce contre-temps fatal,
- Je me perdrois, Madame, et vous servirois mal.
-
- HONORIE.
-
- Mais qui l'attache à moi, quand pour l'autre il soupire?
-
- OCTAR.
-
- La mort d'Aétius et vos droits sur l'empire.
- Il croit s'en voir par là les chemins aplanis;
- Et tous autres souhaits de son cœur sont bannis.
- Il aime à conquérir, mais il hait les batailles:
- Il veut que son nom seul renverse les murailles[157]; 1110
- Et plus grand politique encor que grand guerrier,
- Il tient que les combats sentent l'aventurier[158].
- Il veut que de ses gens le déluge effroyable
- Atterre impunément les peuples qu'il accable;
- Et prodigue de sang, il épargne celui 1115
- Que tant de combattants exposeroient pour lui.
- Ainsi n'espérez pas que jamais il relâche,
- Que jamais il renonce à ce choix qui vous fâche.
- Si pourtant je vois jour à plus que je n'attends,
- Madame, assurez-vous que je prendrai mon temps. 1120
-
-
-SCÈNE II.
-
-HONORIE, FLAVIE.
-
- FLAVIE.
-
- Ne vous êtes-vous point un peu trop déclarée,
- Madame? et le chagrin de vous voir préférée
- Étouffe-t-il la peur que marquoient vos discours
- De rendre hommage au sang d'un roi de quatre jours?
-
- HONORIE.
-
- Je te l'avois bien dit, que mon âme incertaine 1125
- De tous les deux côtés attendoit même gêne,
- Flavie; et de deux maux qu'on craint également
- Celui qui nous arrive est toujours le plus grand,
- Celui que nous sentons devient le plus sensible.
- D'un choix si glorieux la honte est trop visible; 1130
- Ildione a su l'art de m'en faire un malheur:
- La gloire en est pour elle, et pour moi la douleur;
- Elle garde pour soi tout l'effet du mérite,
- Et me livre avec joie aux ennuis qu'elle évite.
- Vois avec quel insulte[159] et de quelle hauteur 1135
- Son refus en mes mains rejette un si grand cœur,
- Cependant que ravie elle assure à son âme
- La douceur d'être toute à l'objet de sa flamme;
- Car je ne doute point qu'elle n'ait de l'amour.
- Ardaric qui s'attache à la voir chaque jour, 1140
- Les respects qu'il lui rend, et les soins qu'il se donne....
-
- FLAVIE.
-
- J'ose vous dire plus, Attila l'en soupçonne:
- Il est fier et colère; et s'il sait une fois
- Qu'Ildione en secret l'honore de son choix,
- Qu'Ardaric ait sur elle osé jeter la vue, 1145
- Et briguer cette foi qu'à lui seul il croit due,
- Je crains qu'un tel espoir, au lieu de s'affermir....
-
- HONORIE.
-
- Que n'ai-je donc mieux tu que j'aimois Valamir!
- Mais quand on est bravée et qu'on perd ce qu'on aime,
- Flavie, est-on sitôt maîtresse de soi-même? 1150
- D'Attila, s'il se peut, tournons l'emportement
- Ou contre ma rivale, ou contre son amant;
- Accablons leur amour sous ce que j'appréhende;
- Promettons à ce prix la main qu'on nous demande;
- Et faisons que l'ardeur de recevoir ma foi 1155
- L'empêche d'être ici plus heureuse que moi.
- Renversons leur triomphe. Étrange frénésie!
- Sans aimer Ardaric, j'en conçois jalousie!
- Mais je me venge, et suis, en ce juste projet,
- Jalouse du bonheur, et non pas de l'objet. 1160
-
- FLAVIE.
-
- Attila vient, Madame.
-
- HONORIE.
-
- Eh bien! faisons connoître
- Que le sang des Césars ne souffre point de maître,
- Et peut bien refuser de pleine autorité
- Ce qu'une autre refuse avec témérité.
-
-
-SCÈNE III.
-
-ATTILA, HONORIE, FLAVIE.
-
- ATTILA.
-
- Tout s'apprête, Madame, et ce grand hyménée 1165
- Peut dans une heure ou deux terminer la journée,
- Mais sans vous y contraindre; et je ne viens que voir
- Si vous avez mieux vu quel est votre devoir.
-
- HONORIE.
-
- Mon devoir est, Seigneur, de soutenir ma gloire,
- Sur qui va s'imprimer une tache trop noire, 1170
- Si votre illustre amour pour son premier effet
- Ne venge hautement l'outrage qu'on lui fait.
- Puis-je voir sans rougir qu'à la belle Ildione
- Vous demandiez congé de m'offrir votre trône,
- Que...?
-
- ATTILA.
-
- Toujours Ildione, et jamais Attila! 1175
-
- HONORIE.
-
- Si vous me préférez, Seigneur, punissez-la:
- Prenez mes intérêts, et pressez votre flamme
- De remettre en honneur le nom de votre femme.
- Ildione le traite avec trop de mépris;
- Souffrez-en de pareils, ou rendez-lui son prix. 1180
- A quel droit voulez-vous qu'un tel manque d'estime,
- S'il est gloire pour elle, en moi devienne un crime;
- Qu'après que nos refus ont tous deux éclaté,
- Le mien soit punissable où le sien est flatté;
- Qu'elle brave à vos yeux ce qu'il faut que je craigne,
- Et qu'elle me condamne à ce qu'elle dédaigne?
-
- ATTILA.
-
- Pour vous justifier mes ordres et mes vœux,
- Je croyois qu'il suffît d'un simple: «Je le veux;»
- Mais voyez, puisqu'il faut mettre tout en balance,
- D'Ildione et de vous qui m'oblige ou m'offense. 1190
- Quand son refus me sert, le vôtre me trahit;
- Il veut me commander, quand le sien m'obéit:
- L'un est plein de respect, l'autre est gonflé d'audace;
- Le vôtre me fait honte, et le sien me fait grâce.
- Faut-il après cela qu'aux dépens de son sang 1195
- Je mérite l'honneur de vous mettre en mon rang?
-
- HONORIE.
-
- Ne peut-on se venger à moins qu'on assassine[160]?
- Je ne veux point sa mort, ni même sa ruine:
- Il est des châtiments plus justes et plus doux,
- Qui l'empêcheroient mieux de triompher de nous. 1200
- Je dis de nous, Seigneur, car l'offense est commune,
- Et ce que vous m'offrez des deux n'en feroit qu'une.
- Ildione, pour prix de son manque de foi,
- Dispose arrogamment et de vous et de moi!
- Pour prix de la hauteur dont elle m'a bravée, 1205
- A son heureux amant sa main est réservée,
- Avec qui, satisfaite, elle goûte l'appas
- De m'ôter ce que j'aime, et me mettre en vos bras!
-
- ATTILA.
-
- Quel est-il, cet amant?
-
- HONORIE.
-
- Ignorez-vous encore
- Qu'elle adore Ardaric, et qu'Ardaric l'adore? 1210
-
- ATTILA.
-
- Qu'on m'amène Ardaric. Mais de qui savez-vous....
-
- HONORIE.
-
- C'est une vision de mes soupçons jaloux;
- J'en suis mal éclaircie, et votre orgueil l'avoue,
- Et quand elle me brave, et quand elle vous joue;
- Même, s'il faut vous croire, on ne vous sert pas mal
- Alors qu'on vous dédaigne en faveur d'un rival.
-
- ATTILA.
-
- D'Ardaric et de moi telle est la différence,
- Qu'elle en punit assez la folle préférence.
-
- HONORIE.
-
- Quoi? s'il peut moins que vous, ne lui volez-vous pas
- Ce pouvoir usurpé sur ses propres soldats? 1220
- Un véritable roi qu'opprime un sort contraire,
- Tout opprimé qu'il est, garde son caractère;
- Ce nom lui reste entier sous les plus dures lois:
- Il est dans les fers même égal aux plus grands rois;
- Et la main d'Ardaric suffit à ma rivale 1225
- Pour lui donner plein droit de me traiter d'égale.
- Si vous voulez punir l'affront qu'elle nous fait,
- Réduisez-la, Seigneur, à l'hymen d'un sujet.
- Ne cherchez point pour elle une plus dure peine
- Que de voir votre femme être sa souveraine; 1230
- Et je pourrai moi-même alors vous demander
- Le droit de m'en servir et de lui commander.
-
- ATTILA.
-
- Madame, je saurai lui trouver un supplice.
- Agréez cependant pour vous même justice;
- Et s'il faut un sujet à qui dédaigne un roi, 1235
- Choisissez dans une heure, ou d'Octar, ou de moi.
-
- HONORIE.
-
- D'Octar, ou....
-
- ATTILA.
-
- Les grands cœurs parlent avec franchise,
- C'est une vérité que vous m'avez apprise[161]:
- Songez donc sans murmure à cet illustre choix,
- Et remerciez-moi de suivre ainsi vos lois[162]. 1240
-
- HONORIE.
-
- Me proposer Octar!
-
- ATTILA.
-
- Qu'y trouvez-vous à dire?
- Seroit-il à vos yeux indigne de l'empire?
- S'il est né sans couronne et n'eut jamais d'États,
- On monte à ce grand trône encor d'un lieu plus bas.
- On a vu des Césars, et même des plus braves, 1245
- Qui sortoient d'artisans, de bandoliers[163], d'esclaves;
- Le temps et leurs vertus les ont rendus fameux,
- Et notre cher Octar a des vertus comme eux.
-
- HONORIE.
-
- Va, ne me tourne point Octar en ridicule:
- Ma gloire pourroit bien l'accepter sans scrupule, 1250
- Tyran, et tu devrois du moins te souvenir
- Que s'il n'en est pas digne, il peut le devenir.
- Au défaut d'un beau sang, il est de grands services,
- Il est des vœux soumis, il est des sacrifices,
- Il est de glorieux et surprenants effets, 1255
- Des vertus de héros, et même des forfaits.
- L'exemple y peut beaucoup. Instruit par tes maximes,
- Il s'est fait de ton ordre une habitude aux crimes:
- Comme ta créature, il doit te ressembler.
- Quand je l'enhardirai, commence de trembler: 1260
- Ta vie est en mes mains, dès qu'il voudra me plaire,
- Et rien n'est sûr pour toi, si je veux qu'il espère.
- Ton rival entre, adieu: délibère avec lui
- Si ce cher Octar m'aime, ou sera ton appui.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-ATTILA, ARDARIC.
-
- ATTILA.
-
- Seigneur, sur ce grand choix je cesse d'être en peine:
- J'épouse dès ce soir la princesse romaine,
- Et n'ai plus qu'à prévoir à qui plus sûrement
- Je puis confier l'autre et son ressentiment.
- Le roi des Bourguignons, par ambassade expresse,
- Pour Sigismond[164], son fils, vouloit cette princesse; 1270
- Mais nos ambassadeurs furent mieux écoutés.
- Pourroit-il nous donner toutes nos sûretés?
-
- ARDARIC.
-
- Son État sert de borne à ceux de Mérouée;
- La partie entre eux deux seroit bientôt nouée;
- Et vous verriez armer d'une pareille ardeur 1275
- Un mari pour sa femme, un frère pour sa sœur:
- L'union en seroit trop facile et trop grande.
-
- ATTILA.
-
- Celui des Visigoths faisoit même demande.
- Comme de Mérouée il est plus écarté,
- Leur union auroit moins de facilité: 1280
- Le Bourguignon d'ailleurs sépare leurs provinces,
- Et serviroit pour nous de barre à ces deux princes.
-
- ARDARIC.
-
- Oui; mais bientôt lui-même entre eux deux écrasé
- Leur feroit à se joindre un chemin trop aisé;
- Et ces deux rois, par là maîtres de la contrée, 1285
- D'autant plus fortement en défendroient[165] l'entrée,
- Qu'ils auroient plus à perdre, et qu'un juste courroux
- N'auroit plus tant de chefs à liguer contre vous.
- La princesse Ildione est orgueilleuse et belle;
- Il lui faut un mari qui réponde mieux d'elle, 1290
- Dont tous les intérêts aux vôtres soient soumis,
- Et ne le pas choisir parmi vos ennemis.
- D'une fière beauté la haine opiniâtre
- Donne à ce qu'elle hait jusqu'au bout à combattre;
- Et pour peu que la veuille écouter un époux.... 1295
-
- ATTILA.
-
- Il lui faut donc, Seigneur, ou Valamir, ou vous.
- La pourriez-vous aimer? parlez sans flatterie.
- J'apprends que Valamir est aimé d'Honorie;
- Il peut de mon hymen concevoir quelque ennui,
- Et je m'assurerois sur vous plus que sur lui. 1300
-
- ARDARIC.
-
- C'est m'honorer, Seigneur, de trop de confiance.
-
- ATTILA.
-
- Parlez donc, pourriez-vous goûter cette alliance?
-
- ARDARIC.
-
- Vous savez que vous plaire est mon plus cher souci.
-
- ATTILA.
-
- Qu'on cherche la Princesse, et qu'on l'amène ici:
- Je veux que de ma main vous receviez la sienne. 1305
- Mais dites-moi, de grâce, attendant qu'elle vienne,
- Par où me voulez-vous assurer votre foi?
- Et que seriez-vous prêt d'entreprendre pour moi?
- Car enfin elle est belle, elle peut tout séduire,
- Et vous forcer vous-même à me vouloir détruire. 1310
-
- ARDARIC.
-
- Faut-il vous immoler l'orgueil de Torrismond[166]?
- Faut-il teindre l'Arar[167] du sang de Sigismond?
- Faut-il mettre à vos pieds et l'un et l'autre trône?
-
- ATTILA.
-
- Ne dissimulez point, vous aimez Ildione,
- Et proposez bien moins ces glorieux travaux 1315
- Contre mes ennemis que contre vos rivaux.
- Ce prompt emportement et ces subites haines
- Sont d'un amour jaloux les preuves trop certaines:
- Les soins de cet amour font ceux de ma grandeur;
- Et si vous n'aimiez pas, vous auriez moins d'ardeur. 1320
- Voyez comme un rival est soudain haïssable,
- Comme vers notre amour ce nom le rend coupable,
- Comme sa perte est juste encor qu'il n'ose rien;
- Et sans aller si loin, délivrez-moi du mien.
- Différez à punir une offense incertaine, 1325
- Et servez ma colère avant que votre haine.
- Seroit-il sûr pour moi d'exposer ma bonté
- A tous les attentats d'un amant supplanté?
- Vous-même pourriez-vous épouser une femme,
- Et laisser à ses yeux le maître de son âme? 1330
-
- ARDARIC.
-
- S'il étoit trop à craindre, il faudroit l'en bannir.
-
- ATTILA.
-
- Quand il est trop à craindre, il faut le prévenir.
- C'est un roi dont les gens, mêlés parmi les nôtres,
- Feroient accompagner son exil de trop d'autres,
- Qu'on verroit s'opposer aux soins que nous prendrons,
- Et de nos ennemis grossir les escadrons.
-
- ARDARIC.
-
- Est-ce un crime pour lui qu'une douce espérance
- Que vous pourriez ailleurs porter la préférence?
-
- ATTILA.
-
- Oui, pour lui, pour vous-même, et pour tout autre roi,
- C'en est un que prétendre en même lieu que moi. 1340
- S'emparer d'un esprit dont la foi m'est promise,
- C'est surprendre une place entre mes mains remise;
- Et vous ne seriez pas moins coupable que lui,
- Si je ne vous voyois d'un autre œil aujourd'hui.
- A des crimes pareils j'ai dû même justice, 1345
- Et ne choisis pour vous qu'un amoureux supplice.
- Pour un si cher objet que je mets en vos bras,
- Est-ce un prix excessif qu'un si juste trépas?
-
- ARDARIC.
-
- Mais c'est déshonorer, Seigneur, votre hyménée
- Que vouloir d'un tel sang en marquer la journée. 1350
-
- ATTILA.
-
- Est-il plus grand honneur que de voir en mon choix
- Qui je veux à ma flamme immoler de deux rois,
- Et que du sacrifice où s'expiera leur crime,
- L'un d'eux soit le ministre, et l'autre la victime?
- Si vous n'osez par là satisfaire vos feux, 1355
- Craignez que Valamir ne soit moins scrupuleux,
- Qu'il ne s'impute pas à tant de barbarie
- D'accepter à ce prix son illustre Honorie,
- Et n'ait aucune horreur de ses vœux les plus doux,
- Si leur entier succès ne lui coûte que vous; 1360
- Car je puis épouser encor votre princesse,
- Et détourner vers lui l'effort de ma tendresse.
-
-
-SCÈNE V.
-
-ATTILA, ARDARIC, ILDIONE.
-
- ATTILA, à Ildione.
-
- Vos refus obligeants ont daigné m'ordonner
- De consulter vos vœux avant que vous donner[168];
- Je m'en fais une loi. Dites-moi donc, Madame, 1365
- Votre cœur d'Ardaric agréeroit-il la flamme?
-
- ILDIONE.
-
- C'est à moi d'obéir, si vous le souhaitez;
- Mais, Seigneur....
-
- ATTILA.
-
- Il y fait quelques difficultés;
- Mais je sais que sur lui vous êtes absolue.
- Achevez d'y porter son âme irrésolue, 1370
- Afin que dans une heure, au milieu de ma cour,
- Votre hymen et le mien couronnent ce grand jour.
-
-
-SCÈNE VI.
-
-ARDARIC, ILDIONE.
-
- ILDIONE.
-
- D'où viennent ces soupirs? d'où naît cette tristesse?
- Est-ce que la surprise étonne l'allégresse,
- Qu'elle en suspend l'effet pour le mieux signaler, 1375
- Et qu'aux yeux du tyran il faut dissimuler?
- Il est parti, Seigneur; souffrez que votre joie,
- Souffrez que son excès tout entier se déploie,
- Qu'il fasse voir aux miens celui de votre amour.
-
- ARDARIC.
-
- Vous allez soupirer, Madame, à votre tour, 1380
- A moins que votre cœur malgré vous se prépare
- A n'avoir rien d'humain non plus que ce barbare.
- Il me choisit pour vous; c'est un honneur bien grand,
- Mais qui doit faire horreur par le prix qu'il le vend.
- A recevoir ma main pourrez-vous être prête, 1385
- S'il faut qu'à Valamir il en coûte la tête?
-
- ILDIONE.
-
- Quoi? Seigneur!
-
- ARDARIC.
-
- Attendez à vous en étonner
- Que vous sachiez la main qui doit l'assassiner.
- C'est à cet attentat la mienne qu'il destine,
- Madame.
-
- ILDIONE.
-
- C'est par vous, Seigneur, qu'il l'assassine!
-
- ARDARIC.
-
- Il me fait son bourreau pour perdre un autre roi
- A qui fait sa fureur la même offre qu'à moi.
- Aux dépens de sa tête il veut qu'on vous obtienne;
- Ou lui donne Honorie aux dépens de la mienne:
- Sa cruelle faveur m'en a laissé le choix. 1395
-
- ILDIONE.
-
- Quel crime voit sa rage à punir en deux rois?
-
- ARDARIC.
-
- Le crime de tous deux, c'est d'aimer deux princesses,
- C'est d'avoir mieux que lui mérité leurs tendresses.
- De vos bontés pour nous il nous fait un malheur,
- Et d'un sujet de joie un excès de douleur. 1400
-
- ILDIONE.
-
- Est-il orgueil plus lâche, ou lâcheté plus noire?
- Il veut que je vous coûte ou la vie ou la gloire,
- Et serve de prétexte au choix infortuné
- D'assassiner vous-même ou d'être assassiné!
- Il vous offre ma main comme un bonheur insigne, 1405
- Mais à condition de vous en rendre indigne;
- Et si vous refusez par là de m'acquérir,
- Vous ne sauriez vous-même éviter de périr!
-
- ARDARIC.
-
- Il est beau de périr pour éviter un crime:
- Quand on meurt pour sa gloire, on revit dans l'estime;
- Et triompher ainsi du plus rigoureux sort,
- C'est s'immortaliser par une illustre mort.
-
- ILDIONE.
-
- Cette immortalité qui triomphe en idée
- Veut être, pour charmer, de plus loin regardée;
- Et quand à notre amour ce triomphe est fatal, 1415
- La gloire qui le suit nous en console mal.
-
- ARDARIC.
-
- Vous vengerez ma mort; et mon âme ravie....
-
- ILDIONE.
-
- Ah! venger une mort n'est pas rendre une vie:
- Le tyran immolé me laisse mes malheurs;
- Et son sang répandu ne tarit pas mes pleurs. 1420
-
- ARDARIC.
-
- Pour sauver une vie, après tout périssable,
- En rendrois-je le reste infâme et détestable?
- Et ne vaut-il pas mieux assouvir sa fureur,
- Et mériter vos pleurs, que de vous faire horreur?
-
- ILDIONE.
-
- Vous m'en feriez sans doute, après cette infamie, 1425
- Assez pour vous traiter en mortelle ennemie;
- Mais souvent la fortune a d'heureux changements
- Qui président sans nous aux grands événements.
- Le ciel n'est pas toujours aux méchants si propice:
- Après tant d'indulgence, il a de la justice. 1430
- Parlez à Valamir, et voyez avec lui
- S'il n'est aucun remède à ce mortel ennui.
-
- ARDARIC.
-
- Madame....
-
- ILDIONE.
-
- Allez, Seigneur: nos maux et le temps pressent,
- Et les mêmes périls tous deux vous intéressent.
-
- ARDARIC.
-
- J'y vais; mais en l'état qu'est son sort et le mien, 1435
- Nous nous plaindrons ensemble et ne résoudrons rien.
-
-
-SCÈNE VII.
-
-ILDIONE[169].
-
- Trêve, mes tristes yeux, trêve aujourd'hui de larmes!
- Armez contre un tyran vos plus dangereux charmes:
- Voyez si de nouveau vous le pourrez dompter,
- Et renverser sur lui ce qu'il ose attenter. 1440
- Reprenez en son cœur votre place usurpée,
- Ramenez à l'autel ma victime échappée,
- Rappelez ce courroux que son choix incertain
- En faveur de ma flamme allumoit dans mon sein.
- Que tout semble facile en cette incertitude! 1445
- Mais qu'à l'exécuter tout est pénible et rude!
- Et qu'aisément le sexe oppose à sa fierté
- Sa douceur naturelle et sa timidité!
- Quoi? ne donner ma foi que pour être perfide!
- N'accepter un époux que pour un parricide! 1450
- Ciel, qui me vois frémir à ce nom seul d'époux,
- Ou rends-moi plus barbare, ou mon tyran plus doux[170]!
-
-
-FIN DU QUATRIÈME ACTE.
-
- [157] C'est la hâblerie du Matamore prise au sérieux.
- Voyez _l'Illusion comique_, vers 233 (tome II, p. 447).
-
- [158] _Bellorum quidem amator, sed ipse manu temperans._
- (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XXXV.) Voyez
- ci-dessus, p. 103 et la note 83.
-
- [159] L'édition de 1692 porte _quelle insulte_, au
- féminin. Plus haut, au vers 424, p. 125, elle avait laissé ce mot
- au masculin. Voltaire a mis le féminin aux deux endroits.
-
- [160] Tel est le texte de toutes les éditions anciennes,
- et même encore de celle de Voltaire (1764). Il est conforme à
- l'usage ordinaire de Corneille. Dans des éditions modernes on a
- ajouté _ne_: «à moins qu'on n'assassine.» Voyez le _Lexique_.
-
- [161] Voyez ci-dessus, acte III, scène IV, vers 1069 et
- 1070.
-
- [162] _Var._ Et me remerciez de suivre ainsi vos lois.
- (1668, édition originale.)
-
- [163] _Bandolier_, _bandoulier_, de l'espagnol
- _bandolero_, «voleur de campagne, qui vole en troupe et avec
- armes à feu.» (_Dictionnaire de Furetière._) Voyez le
- _Lexique_.--L'empereur Philippe, dit l'Arabe, était fils d'un
- chef de brigands; Dioclétien était, selon les uns, l'affranchi
- d'un sénateur, selon d'autres le fils d'un greffier; Galère avait
- été berger, etc.
-
- [164] Il est parlé de Sigismond roi des Bourguignons au
- chapitre LVIII de Jornandès.
-
- [165] Il y a le futur, _défendront_, dans l'édition de
- 1682.
-
- [166] Torrismond, ou plutôt _Thorismond_, un des
- vainqueurs d'Attila dans la bataille des Champs catalauniques,
- était fils et successeur de Théodoric, roi des Visigoths, qui
- périt dans cette bataille.
-
- [167] Voyez ci-dessus, p. 117, note 116.
-
- [168] Voyez acte III, scène II, vers 920.
-
- [169] Dans l'édition de Voltaire (1764): ILDIONE,
- _seule_.
-
- [170] Voyez ci-dessus, p. 104, et p. 137, vers 693-704.
-
-
-
-
-ACTE V.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-ARDARIC, VALAMIR.
-
-(Ils n'ont point d'épée l'un ni l'autre[171].)
-
- ARDARIC.
-
- Seigneur, vos devins seuls ont causé notre perte:
- Par eux à tous nos maux la porte s'est ouverte;
- Et l'infidèle appas de leur prédiction 1455
- A jeté trop d'amorce à notre ambition[172].
- C'est de là qu'est venu cet amour politique
- Que prend pour attentat un orgueil tyrannique.
- Sans le flatteur espoir d'un avenir si doux,
- Honorie auroit eu moins de charmes pour vous. 1460
- C'est par là que vos yeux la trouvent adorable,
- Et que vous faites naître un amour véritable,
- Qui l'attachant à vous excite des fureurs
- Que vous voyez passer aux dernières horreurs.
- A moins que je vous perde, il faut que je périsse; 1465
- On vous fait même grâce, ou pareille injustice:
- Ainsi vos seuls devins nous forcent de périr,
- Et ce sont tous les droits qu'ils vous font acquérir.
-
- VALAMIR.
-
- Je viens de les quitter; et loin de s'en dédire,
- Ils assurent ma race encor du même empire. 1470
- Ils savent qu'Attila s'aigrit au dernier point,
- Et ses emportements ne les émeuvent point;
- Quelque loi qu'il nous fasse, ils sont inébranlables:
- Le ciel en a donné des arrêts immuables;
- Rien n'en rompra l'effet; et Rome aura pour roi 1475
- Ce grand Théodoric qui doit sortir de moi[173].
-
- ARDARIC.
-
- Ils veulent donc, Seigneur, qu'aux dépens de ma tête
- Vos mains à ce héros préparent sa conquête?
-
- VALAMIR.
-
- Seigneur, c'est m'offenser encor plus qu'Attila.
-
- ARDARIC.
-
- Par où lui pouvez-vous échapper que par là? 1480
- Pouvez-vous que par là posséder Honorie?
- Et d'où naîtra ce fils, si vous perdez la vie?
-
- VALAMIR.
-
- Je me vois comme vous aux portes du trépas;
- Mais j'espère, après tout, ce que je n'entends pas.
-
-
-SCÈNE II.
-
-ARDARIC, VALAMIR, HONORIE.
-
- HONORIE.
-
- Savez-vous d'Attila jusqu'où va la furie, 1485
- Princes, et quelle en est l'affreuse barbarie?
- Cette offre qu'il vous fait d'en rendre l'un heureux
- N'est qu'un piége qu'il tend pour vous perdre tous deux.
- Il veut, sous cet espoir qu'il donne à l'un et l'autre,
- Votre sang de sa main, ou le sien de la vôtre; 1490
- Mais qui le serviroit seroit bientôt livré
- Aux troupes de celui qu'il auroit massacré;
- Et par le désaveu de cette obéissance
- Ce tigre assouviroit sa rage et leur vengeance.
- Octar aime Flavie, et l'en vient d'avertir. 1495
-
- VALAMIR.
-
- Euric[174], son lieutenant, ne fait que de sortir:
- Le tyran soupçonneux, qui craint ce qu'il mérite,
- A pour nous désarmer choisi ce satellite;
- Et comme avec justice il nous croit irrités,
- Pour nous parler encore il prend ses sûretés. 1500
- Pour peu qu'il eût tardé, nous allions dans sa tente
- Surprendre et prévenir sa plus barbare attente,
- Tandis qu'il nous laissoit encor la liberté
- D'y porter l'un et l'autre une épée au côté.
- Il promet à tous deux de nous la faire rendre, 1505
- Dès qu'il saura de nous ce qu'il en doit attendre,
- Quel est notre dessein, ou pour en mieux parler,
- Dès que nous résoudrons de nous entr'immoler.
- Cependant il réduit à l'entière impuissance
- Ce noble désespoir qui punit par avance[175], 1510
- Et qui se faisant droit avant que de mourir,
- Croit que se perdre ainsi, c'est un peu moins périr;
- Car nous aurions péri par les mains de sa garde;
- Mais la mort est plus belle alors qu'on la hasarde.
-
- HONORIE.
-
- Il vient, Seigneur.
-
-
-SCÈNE III.
-
-ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE, OCTAR.
-
- ATTILA.
-
- Eh bien! mes illustres amis, 1515
- Contre mes grands rivaux quel espoir m'est permis?
- Pas un n'a-t-il pour soi la digne complaisance
- D'acquérir sa princesse en perdant qui m'offense?
- Quoi? l'amour, l'amitié, tout va d'un froid égal!
- Pas un ne m'aime assez pour haïr mon rival! 1520
- Pas un de son objet n'a l'âme assez ravie
- Pour vouloir être heureux aux dépens d'une vie!
- Quels amis! quels amants! et quelle dureté!
- Daignez, daignez du moins la mettre en sûreté:
- Si ces deux intérêts n'ont rien qui la fléchisse, 1525
- Que l'horreur de mourir, à leur défaut, agisse;
- Et si vous n'écoutez l'amitié ni l'amour,
- Faites un noble effort pour conserver le jour.
-
- VALAMIR.
-
- A l'inhumanité joindre la raillerie,
- C'est à son dernier point porter la barbarie. 1530
- Après l'assassinat d'un frère et de six rois,
- Notre tour est venu de subir mêmes lois;
- Et nous méritons bien les plus cruels supplices
- De nous être exposés aux mêmes sacrifices,
- D'en avoir pu souffrir chaque jour de nouveaux. 1535
- Punissez, vengez-vous, mais cherchez des bourreaux;
- Et si vous êtes roi, songez que nous le sommes.
-
- ATTILA.
-
- Vous? devant Attila vous n'êtes que deux hommes;
- Et dès qu'il m'aura plu d'abattre votre orgueil,
- Vos têtes pour tomber n'attendront qu'un coup d'œil.
- Je fais grâce à tous deux de n'en demander qu'une:
- Faites-en décider l'épée et la fortune;
- Et qui succombera du moins tiendra de moi
- L'honneur de ne périr que par la main d'un roi.
- Nobles gladiateurs, dont ma colère apprête 1545
- Le spectacle pompeux à cette grande fête,
- Montrez, montrez un cœur enfin digne du rang.
-
- ARDARIC.
-
- Votre main est plus faite à verser de tel sang;
- C'est lui faire un affront que d'emprunter les nôtres.
-
- ATTILA.
-
- Pour me faire justice il s'en trouvera d'autres; 1550
- Mais si vous renoncez aux objets de vos vœux,
- Le refus d'une tête en pourra coûter deux.
- Je révoque ma grâce, et veux bien que vos crimes
- De deux rois mes rivaux me fassent deux victimes;
- Et ces rares objets si peu dignes de moi 1555
- Seront le digne prix de cet illustre emploi.
-
- (A Ardaric.)
-
- De celui de vos feux je ferai la conquête
- De quiconque à mes pieds abattra votre tête.
-
- (A Honorie.)
-
- Et comme vous paierez celle de Valamir,
- Nous aurons à ce prix des bourreaux à choisir; 1560
- Et pour nouveau supplice à de si belles flammes,
- Ce choix ne tombera que sur les plus infâmes.
-
- HONORIE.
-
- Tu pourrois être lâche et cruel jusque-là!
-
- ATTILA.
-
- Encor plus, s'il le faut, mais toujours Attila,
- Toujours l'heureux objet de la haine publique, 1565
- Fidèle au grand dépôt du pouvoir tyrannique,
- Toujours....
-
- HONORIE.
-
- Achève, et dis que tu veux en tout lieu
- Être l'effroi du monde, et le fléau de Dieu[176].
- Étale insolemment l'épouvantable image
- De ces fleuves de sang où se baignoit ta rage. 1570
- Fais voir....
-
- ATTILA.
-
- Que vous perdez de mots injurieux
- A me faire un reproche et doux et glorieux!
- Ce dieu dont vous parlez, de temps en temps sévère,
- Ne s'arme pas toujours de toute sa colère;
- Mais quand à sa fureur il livre l'univers, 1575
- Elle a pour chaque temps des déluges divers.
- Jadis, de toutes parts faisant regorger l'onde,
- Sous un déluge d'eaux il abîma le monde;
- Sa main tient en réserve un déluge de feux
- Pour le dernier moment de nos derniers neveux; 1580
- Et mon bras, dont il fait aujourd'hui son tonnerre,
- D'un déluge de sang couvre pour lui la terre.
-
- HONORIE.
-
- Lorsque par les tyrans il punit les mortels,
- Il réserve sa foudre à ces grands criminels,
- Qu'il donne pour supplice à toute la nature, 1585
- Jusqu'à ce que leur rage ait comblé la mesure.
- Peut-être qu'il prépare en ce même moment
- A de si noirs forfaits l'éclat du châtiment,
- Qu'alors que ta fureur à nous perdre s'apprête,
- Il tient le bras levé pour te briser la tête, 1590
- Et veut qu'un grand exemple oblige de trembler
- Quiconque désormais t'osera ressembler.
-
- ATTILA.
-
- Eh bien! en attendant ce changement sinistre,
- J'oserai jusqu'au bout lui servir de ministre,
- Et faire exécuter toutes ses volontés 1595
- Sur vous et sur des rois contre moi révoltés.
- Par des crimes nouveaux je punirai les vôtres,
- Et mon tour à périr ne viendra qu'après d'autres.
-
- HONORIE.
-
- Ton sang, qui chaque jour, à longs flots distillés[177],
- S'échappe vers ton frère et six rois immolés, 1600
- Te diroit-il trop bas que leurs ombres t'appellent?
- Faut-il que ces avis par moi se renouvellent?
- Vois, vois couler ce sang qui te vient avertir,
- Tyran, que pour les joindre il faut bientôt partir.
-
- ATTILA.
-
- Ce n'est rien; et pour moi s'il n'est point d'autre foudre,
- J'aurai pour ce départ du temps à m'y résoudre.
- D'autres vous envoiroient[178] leur frayer le chemin;
- Mais j'en laisserai faire à votre grand destin,
- Et trouverai pour vous quelques autres vengeances,
- Quand l'humeur me prendra de punir tant d'offenses.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE, ILDIONE, OCTAR.
-
- ATTILA, à Ildione.
-
- Où venez-vous, Madame, et qui vous enhardit
- A vouloir voir ma mort qu'ici l'on me prédit?
- Venez-vous de deux rois soutenir la querelle,
- Vous révolter comme eux, me foudroyer comme elle,
- Ou mendier l'appui de mon juste courroux 1615
- Contre votre Ardaric qui ne veut plus de vous?
-
- ILDIONE.
-
- Il n'en mériteroit ni l'amour ni l'estime,
- S'il osoit espérer m'acquérir par un crime.
- D'un si juste refus j'ai de quoi me louer,
- Et ne viens pas ici pour l'en désavouer. 1620
- Non, Seigneur: c'est du mien que j'y viens me dédire,
- Rendre à mes yeux sur vous leur souverain empire,
- Rattacher, réunir votre vouloir au mien,
- Et reprendre un pouvoir dont vous n'usez pas bien.
- Seigneur, est-ce là donc cette reconnoissance 1625
- Si hautement promise à mon obéissance?
- J'ai quitté tous les miens sous l'espoir d'être à vous;
- Par votre ordre mon cœur quitte un espoir si doux,
- Je me réduis au choix qu'il vous a plu me faire,
- Et votre ordre le met hors d'état de me plaire! 1630
- Mon respect qui me livre aux vœux d'un autre roi
- N'y voit pour lui qu'opprobre, et que honte pour moi!
- Rendez, rendez-le-moi, cet empire suprême
- Qui ne vous laissoit plus disposer de vous-même:
- Rendez toute votre âme à son premier souhait, 1635
- Recevez qui vous aime, et fuyez qui vous hait.
- Honorie a ses droits; mais celui de vous plaire
- N'est pas, vous le savez, un droit imaginaire;
- Et pour vous appuyer, Mérouée a des bras
- Qui font taire les droits quand il faut des combats. 1640
-
- ATTILA.
-
- Non, je ne puis plus voir cette ingrate Honorie
- Qu'avec la même horreur qu'on voit une furie;
- Et tout ce que le ciel a formé de plus doux,
- Tout ce qu'il peut de mieux, je crois le voir en vous;
- Mais dans votre cœur même un autre amour murmure,
- Lorsque....
-
- ILDIONE.
-
- Vous pourriez croire une telle imposture!
- Qu'ai-je dit? qu'ai-je fait que de vous obéir?
- Et par où jusque-là m'aurois-je pu trahir?
-
- ATTILA.
-
- Ardaric est pour vous un époux adorable.
-
- ILDIONE.
-
- Votre main lui donnoit ce qu'il avoit d'aimable; 1650
- Et je ne l'ai tantôt accepté pour époux
- Que par cet ordre exprès que j'ai reçu de vous.
- Vous aviez déjà vu qu'en dépit de ma flamme,
- Pour vous faire empereur....
-
- ATTILA.
-
- Vous me trompez, Madame;
- Mais l'amour par vos yeux me sait si bien dompter, 1655
- Que je ferme les miens pour n'y plus résister.
- N'abusez pas pourtant d'un si puissant empire:
- Songez qu'il est encor d'autres biens où j'aspire,
- Que la vengeance est douce aussi bien que l'amour;
- Et laissez-moi pouvoir quelque chose à mon tour. 1660
-
- ILDIONE.
-
- Seigneur, ensanglanter cette illustre journée!
- Grâce, grâce du moins jusqu'après l'hyménée.
- A son heureux flambeau souffrez un pur éclat,
- Et laissez pour demain les maximes d'État.
-
- ATTILA.
-
- Vous le voulez, Madame, il faut vous satisfaire; 1665
- Mais ce n'est que grossir d'autant plus ma colère;
- Et ce que par votre ordre elle perd de moments
- Enfle l'avidité de mes ressentiments.
-
- HONORIE.
-
- Voyez, voyez plutôt, par votre exemple même,
- Seigneur, jusqu'où s'aveugle un grand cœur quand il aime:
- Voyez jusqu'où l'amour, qui vous ferme les yeux,
- Force et dompte les rois qui résistent le mieux,
- Quel empire il se fait sur l'âme la plus fière;
- Et si vous avez vu la mienne trop altière,
- Voyez ce même amour immoler pleinement 1675
- Son orgueil le plus juste au salut d'un amant,
- Et toute sa fierté dans mes larmes éteinte
- Descendre à la prière et céder à la crainte.
- Avoir su jusque-là réduire mon courroux,
- Vous doit être, Seigneur, un triomphe assez doux. 1680
- Que tant d'orgueil dompté suffise pour victime.
- Voudriez-vous traiter votre exemple de crime,
- Et quand vous adorez qui ne vous aime pas,
- D'un réciproque amour condamner les appas?
-
- ATTILA.
-
- Non, Princesse, il vaut mieux nous imiter l'un l'autre:
- Vous suivez mon exemple, et je suivrai le vôtre[179].
- Vous condamniez Madame à l'hymen d'un sujet;
- Remplissez au lieu d'elle un si juste projet.
- Je vous l'ai déjà dit; et mon respect fidèle
- A cette digne loi que vous faisiez pour elle, 1690
- N'ose prendre autre règle à punir vos mépris.
- Si Valamir vous plaît, sa vie est à ce prix:
- Disposez à ce prix d'une main qui m'est due.
- Octar, ne perdez pas la Princesse de vue.
- Vous, qui me commandez de vous donner ma foi,
- Madame, allons au temple; et vous, rois, suivez-moi.
-
-
-SCÈNE V.
-
-HONORIE, OCTAR.
-
- HONORIE.
-
- Tu le vois, pour toucher cet orgueilleux courage,
- J'ai pleuré, j'ai prié, j'ai tout mis en usage,
- Octar; et pour tout fruit de tant d'abaissement,
- Le barbare me traite encor plus fièrement. 1700
- S'il reste quelque espoir, c'est toi seul qu'il regarde.
- Prendras-tu bien ton temps? Tu commandes sa garde;
- La nuit et le sommeil vont tout mettre en ton choix;
- Et Flavie est le prix du salut de deux rois.
-
- OCTAR.
-
- Ah! Madame, Attila, depuis votre menace, 1705
- Met hors de mon pouvoir l'effet de cette audace.
- Ce défiant esprit n'agit plus maintenant,
- Dans toutes ses fureurs, que par mon lieutenant:
- C'est par lui qu'aux deux rois il fait ôter les armes,
- Et deux mots en son âme ont jeté tant d'alarmes, 1710
- Qu'exprès à votre suite il m'attache aujourd'hui,
- Pour m'ôter tout moyen de m'approcher de lui.
- Pour peu que je vous quitte il y va de ma vie,
- Et s'il peut découvrir que j'adore Flavie....
-
- HONORIE.
-
- Il le saura de moi, si tu ne veux agir, 1715
- Infâme, qui t'en peux excuser sans rougir:
- Si tu veux vivre encor, va, cherche du courage.
- Tu vois ce qu'à toute heure il immole à sa rage;
- Et ta vertu, qui craint de trop paroître au jour[180],
- Attend, les bras croisés, qu'il t'immole à son tour, 1720
- Fais périr, ou péris; préviens, lâche, ou succombe:
- Venge toute la terre, ou grossis l'hécatombe.
- Si ta gloire[181] sur toi, si l'amour ne peut rien,
- Meurs en traître, et du moins sers de victime au mien.
- Mais qui me rend, Seigneur, le bien de votre vue[182]?
-
-
-SCÈNE VI.
-
-VALAMIR, HONORIE, OCTAR.
-
- VALAMIR.
-
- L'impatient transport d'une joie imprévue:
- Notre tyran n'est plus.
-
- HONORIE.
-
- Il est mort?
-
- VALAMIR.
-
- Écoutez
- Comme enfin l'ont puni ses propres cruautés,
- Et comme heureusement le ciel vient de souscrire
- A ce que nos malheurs vous ont fait lui prédire[183]. 1730
- A peine sortions-nous, pleins de trouble et d'horreur,
- Qu'Attila recommence à saigner de fureur,
- Mais avec abondance; et le sang qui bouillonne
- Forme un si gros torrent, que lui-même il s'étonne.
- Tout surpris qu'il en est: «S'il ne veut s'arrêter, 1735
- Dit-il, on me paiera ce qu'il m'en va coûter.»
- Il demeure à ces mots sans parole, sans force;
- Tous ses sens d'avec lui font un soudain divorce:
- Sa gorge enfle, et du sang dont le cours s'épaissit
- Le passage se ferme, ou du moins s'étrécit[184]. 1740
- De ce sang renfermé la vapeur en furie
- Semble avoir étouffé sa colère et sa vie;
- Et déjà de son front la funeste pâleur
- N'opposoit à la mort qu'un reste de chaleur,
- Lorsqu'une illusion lui présente son frère, 1745
- Et lui rend tout d'un coup la vie et la colère:
- Il croit le voir suivi des ombres de six rois,
- Qu'il se veut immoler une seconde fois;
- Mais ce retour si prompt de sa plus noire audace
- N'est qu'un dernier effort de la nature lasse, 1750
- Qui prête à succomber sous la mort qui l'atteint,
- Jette un plus vif éclat, et tout d'un coup s'éteint.
- C'est en vain qu'il fulmine à cette affreuse vue:
- Sa rage qui renaît en même temps le tue.
- L'impétueuse ardeur de ces transports nouveaux 1755
- A son sang prisonnier ouvre tous les canaux;
- Son élancement perce ou rompt toutes les veines,
- Et ces canaux ouverts sont autant de fontaines
- Par où l'âme et le sang se pressent de sortir,
- Pour terminer sa rage et nous en garantir. 1760
- Sa vie à longs ruisseaux se répand sur le sable;
- Chaque instant l'affoiblit, et chaque effort l'accable;
- Chaque pas rend justice au sang qu'il a versé,
- Et fait grâce à celui qu'il avoit menacé.
- Ce n'est plus qu'en sanglots qu'il dit ce qu'il croit dire;
- Il frissonne, il chancelle, il trébuche, il expire;
- Et sa fureur dernière, épuisant tant d'horreurs,
- Venge enfin l'univers de toutes ses fureurs.
-
-
-SCÈNE VII.
-
-ARDARIC, VALAMIR, HONORIE, ILDIONE, OCTAR.
-
- ARDARIC.
-
- Ce n'est pas tout, Seigneur; la haine générale,
- N'ayant plus à le craindre, avidement s'étale; 1770
- Tous brûlent de servir sous des ordres plus doux,
- Tous veulent à l'envi les recevoir de nous.
- Ce bonheur étonnant que le ciel nous renvoie
- De tant de nations fait la commune joie;
- La fin de nos périls en remplit tous les vœux, 1775
- Et pour être tous quatre au dernier point heureux,
- Nous n'avons plus qu'à voir notre flamme avouée
- Du souverain de Rome et du grand Mérouée:
- La princesse des Francs m'impose cette loi.
-
- HONORIE.
-
- Pour moi, je n'en ai plus à prendre que de moi. 1780
-
- ARDARIC.
-
- Ne perdons point de temps en ce retour d'affaires:
- Allons donner tous deux les ordres nécessaires,
- Remplir ce trône vide, et voir sous quelles lois
- Tant de peuples voudront nous recevoir pour rois[185].
-
- VALAMIR.
-
- Me le permettez-vous, Madame? et puis-je croire. 1785
- Que vous tiendrez enfin ma flamme à quelque gloire?
-
- HONORIE.
-
- Allez; et cependant assurez-vous, Seigneur,
- Que nos destins changés n'ont point changé mon cœur.
-
-
-FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
-
- [171] Dans Voltaire: «_ni l'un ni l'autre_.»
-
- [172] _Var._ A jeté trop d'amorce à votre ambition.
- (1668)
-
- [173] Voyez ci-dessus, p. 120, note 123.
-
- [174] C'est encore un nom emprunté à Jornandès. Dans son
- _Histoire des Goths_ (chapitre XLV), c'est celui du frère de
- Théodoric, roi des Visigoths, tué aux Champs catalauniques.
-
- [175] L'édition de Voltaire (1764) a ici une leçon qui
- altère le sens: «qu'il punit par avance.»
-
- [176] Voyez plus haut, p. 103, note 44.
-
- [177] _Sanguis, qui ci solite de naribus effluebat...._
- (Jornandès, _de Getarum rebus gestis_, chapitre XLIX.) Voyez
- ci-dessus, p. 105, note 93.
-
- [178] Ici Voltaire (1764), bien qu'il ait laissé
- ailleurs (au vers 833 par exemple) _envoyerez_, donne
- _enverroient_.
-
- [179] Après ce vers, l'édition de 1692 donne seule le
- jeu de scène suivant: _Il montre Ildione à Honorie_; et après le
- vers 1694, cette même édition ajoute: _à Ildione_.
-
- [180] L'édition originale porte _un jour_, pour _au
- jour_.
-
- [181] Voltaire a changé «ta gloire» en «la gloire.»
-
- [182] Dans l'édition de Voltaire (1764), ce vers,
- précédé des mots: HONORIE _à Valamir_, commence la scène VI.
-
- [183] Voyez ci-dessus, p. 174, vers 1599-1604.
-
- [184] Ce sont les mots déjà cités de Jornandès (_de
- Getarum rebus gestis_, chapitre XLIX): _Redundansque sanguis....
- dum consuetis meatibus impeditur.... eum exstinxit_.
-
- [185] Jornandès (_de Getarum rebus gestis_, chapitre L)
- rapporte que ce fut Ardaric qui le premier, après la mort
- d'Attila, se souleva contre son fils, et qui par sa défection
- délivra non-seulement sa propre nation, mais encore toutes les
- autres, qui étaient également opprimées.
-
-
-
-
- TITE ET BÉRÉNICE
-
- COMÉDIE HÉROÏQUE
-
- 1670
-
-
-
-
-NOTICE.
-
-
-«Henriette d'Angleterre[186], belle-sœur de Louis XIV, voulut,
-dit Voltaire dans la préface de son commentaire sur la _Bérénice_
-de Racine, que Racine et Corneille fissent chacun une tragédie
-des adieux de Titus et de Bérénice. Elle crut qu'une victoire
-obtenue sur l'amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait
-le sujet, et en cela elle ne se trompait pas; mais elle avait
-encore un intérêt secret à voir cette victoire représentée sur le
-théâtre: elle se ressouvenait des sentiments qu'elle avait eus
-longtemps pour Louis XIV, et du goût vif de ce prince pour elle.
-Le danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans
-la famille royale, les noms de beau-frère et de belle-sœur,
-mirent un frein à leurs désirs; mais il resta toujours dans leurs
-cœurs une inclination secrète, toujours chère à l'un et à
-l'autre. Ce sont ces sentiments qu'elle voulut voir développés
-sur la scène, autant pour sa consolation que pour son amusement.
-Elle chargea le marquis de Dangeau, confident de ses amours avec
-le Roi, d'engager secrètement Corneille et Racine à travailler
-l'un et l'autre sur ce sujet, qui paraissait si peu fait pour la
-scène. Les deux pièces furent composées dans l'année 1670, sans
-qu'aucun des deux sût qu'il avait un rival[187].»
-
-Déjà, dans son _Siècle de Louis XIV_[188], Voltaire avait
-expliqué le caractère de cette liaison du Roi et de Madame, et
-marqué d'une manière plus précise quelle avait été l'intention de
-cette princesse, en imposant à nos deux plus grands poëtes
-tragiques une tâche si difficile et si dangereuse: «Il y eut
-d'abord entre Madame et le Roi beaucoup de ces coquetteries
-d'esprit et de cette intelligence secrète, qui se remarquèrent
-dans de petites fêtes souvent répétées. Le Roi lui envoyait des
-vers; elle y répondait. Il arriva que le même homme fut à la fois
-le confident du Roi et de Madame dans ce commerce ingénieux.
-C'était le marquis de Dangeau. Le Roi le chargeait d'écrire pour
-lui; et la princesse l'engageait à répondre au Roi. Il les servit
-ainsi tous deux, sans laisser soupçonner à l'un qu'il fût employé
-par l'autre; et ce fut une des causes de sa fortune. Cette
-intelligence jeta des alarmes dans la famille royale. Le Roi
-réduisit l'éclat de ce commerce à un fonds d'estime et d'amitié
-qui ne s'altéra jamais. Lorsque Madame fit depuis travailler
-Racine et Corneille à la tragédie de _Bérénice_, elle avait en
-vue, non-seulement la rupture du Roi avec la connétable
-Colonne[189], mais le frein qu'elle-même avait mis à son
-propre penchant, de peur qu'il ne devînt dangereux.»
-
-La malheureuse princesse ne devait pas assister à la lutte
-littéraire qu'elle s'était promis de juger. C'est le 30 juin 1670
-qu'elle fut frappée d'une mort inattendue, qui est demeurée un
-douloureux problème pour la science et pour l'histoire. Le 21
-août Bossuet faisait retentir les voûtes de Saint-Denis de
-l'éloquente oraison funèbre qui a gravé à jamais dans toutes les
-mémoires le vivant souvenir de Madame, et trois mois seulement
-plus tard les deux pièces qu'elle avait tout à la fois inspirées
-et commandées paraissaient sur le théâtre.
-
-Dans de telles circonstances, elles excitèrent une curiosité bien
-facile à comprendre; mais les armes étaient loin d'être égales
-entre les deux champions. Aux avantages réels et incontestables
-que Racine, par la nature de son talent, avait sur Corneille en
-un pareil sujet[190], le hasard ou l'habileté du jeune poëte et
-de ses amis en avaient ajouté d'autres. Racine, dont la pièce fut
-représentée à l'hôtel de Bourgogne, fut assez heureux pour voir
-le rôle de Titus rempli par Floridor, et celui de Bérénice par la
-Champmeslé; de plus sa tragédie jouée le 21 novembre, huit
-jours avant celle de Corneille, eut ainsi tout le temps de gagner
-à l'avance la faveur du public.
-
-Corneille, il est vrai, paraissait être plus avant que son
-concurrent dans les bonnes grâces de Robinet, qui dans ses
-_Lettres en vers_ évite de se prononcer sur la pièce de Racine,
-et se contente de louer la pompe du spectacle et le talent des
-acteurs. C'est d'une tout autre façon qu'il parle de l'ouvrage de
-Corneille. Il commence par l'annoncer avec fracas; passant en
-revue dans son numéro du 22 novembre les nouvelles du jour, il
-s'exprime de la sorte:
-
- La première en forme d'avis,
- Dont maints et maints seront ravis,
- Est que ce poëme de Corneille,
- Sa _Bérénice_ nompareille,
- Se donnera pour le certain,
- Le jour de vendredi prochain,
- Sur le théâtre de Molière.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- J'ajoute encor brièvement
- Qu'on doit alternativement
- Jouer la grande _Bérénice_,
- Qu'on loue avec tant de justice,
- Et _le Gentilhomme bourgeois_.
-
-Toutefois le vendredi 28 novembre Robinet n'assista pas, comme on
-aurait pu le croire, à la première représentation de _Tite et
-Bérénice_. Il s'en explique ainsi dans son numéro du lendemain
-29:
-
- .. Je ne puis sortir la porte
- Pour une raison assez forte.
- Sans cela, par un beau souci,
- J'eusse été dès hier aussi
- Voir le chef-d'œuvre de Corneille,
- Lequel parut une merveille
- A la foule qui se trouva
- A ce divin poëme-là,
- Que _Bérénice_ l'on appelle,
- D'un bout à l'autre toute belle,
- Et qu'enfin la troupe du Roi
- Joue à miracle, en bonne foi,
- Se signalant dans l'héroïque,
- Aussi bien que dans le comique.
-
-Ce n'est que plus tard, dans le numéro du 20 décembre, qu'on
-trouve un compte rendu détaillé de la pièce:
-
- La _Bérénice_ de Corneille,
- Qu'on peut, sans qu'on s'en émerveille,
- Dire un vrai chef-d'œuvre de l'art,
- Sans aucun mais, ni si, ni car,
- Est fort suivie et fort louée,
- Et même à merveille jouée
- Par la digne troupe du Roi,
- Sur son théâtre en noble arroi.
- Mademoiselle de Molière
- Des mieux soutient le caractère
- De cette reine dont le cœur
- Témoigne un amour plein d'honneur.
- Cette autre admirable chrétienne[191],
- Cette rare comédienne,
- Mademoiselle de Beauval,
- Savante dans l'art théâtral,
- Fait bien la fière Domitie;
- Et Mademoiselle de Brie,
- Qui tout joue agréablement
- Comme judicieusement,
- Y pare grandement la scène[192],
- Parlant avec cette Romaine,
- Qui l'entretient confidemment
- Dessus l'incommode tourment
- Que lui cause, au fond de son âme,
- Son ambition et sa flamme.
- La Thorillière fait Titus,
- Empereur orné de vertus,
- Et remplit, dessus ma parole,
- Dignement cet auguste rôle.
- De même le jeune Baron,
- Héritier, ainsi que du nom,
- De tous les charmes de sa mère
- Et des beaux talents qu'eut son père,
- Y représente, en son air doux,
- Domitian, au gré de tous,
- Dans l'amour tendre autant qu'extrème
- Dont ladite Romaine il aime.
- Enfin leurs confidents aussi,
- Dont à côté les noms voici, (_Les Srs Hubert, du Croisi et la Grange._)
- Y font très-bien leur personnage,
- Et dans un brillant équipage.
-
-Environ un mois après, la pièce était représentée à Vincennes
-devant la cour. C'est la _Gazette_ qui nous l'apprend en ces
-termes: «Le 21, Leurs Majestés, avec lesquelles étoient
-Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orléans, Mme de
-Guise et la duchesse d'Enghien, allèrent au château de Vincennes,
-continuer les divertissements du carnaval: y ayant eu le soir la
-représentation de la _Bérénice_ du sieur Corneille, par la troupe
-du Roi dans l'antichambre de la Reine, puis le bal, où les
-seigneurs et les dames parurent en un ajustement des plus
-superbes et des plus brillants: ce qui fut précédé d'une
-très-magnifique collation et suivi d'un souper non moins
-splendide.»
-
-Corneille ne partageait pas l'enthousiasme de Robinet, et n'était
-nullement satisfait de la façon dont sa pièce avait été jouée; il
-en conserva même un si pénible souvenir, que six ans plus
-tard il écrivait à Louis XIV, en le remerciant d'avoir fait
-reparaître certains de ses ouvrages et en le priant d'étendre à
-d'autres la même faveur, que s'il daignait leur accorder quelque
-attention:
-
- .... _Bérénice_ enfin trouveroit des acteurs.
-
-Avouons, du reste, que les comédiens qui jouaient dans cette
-pièce devaient être assez embarrassés pour exprimer certains
-sentiments factices, et même pour comprendre quelques passages
-obscurs. Cizeron Rival raconte à ce sujet une anecdote[193] dont
-nous n'oserions pas garantir l'exactitude, mais qui est tout à la
-fois trop piquante et trop connue pour qu'il soit permis de la
-passer sous silence. «M. Despréaux distinguoit ordinairement deux
-sortes de galimatias: le _galimatias simple_, et le _galimatias
-double_. Il appeloit galimatias simple, celui où l'auteur
-entendoit ce qu'il vouloit dire, mais où les autres n'entendoient
-rien; et le galimatias double, celui où l'auteur ni les lecteurs
-ne pouvoient rien comprendre.... Il citoit pour exemple ces
-quatre vers de la tragédie de _Tite et Bérénice_ du grand
-Corneille (acte I, scène II):
-
- Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme,
- Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme,
- Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort
- Puissent dans quatre jours se promettre ma mort?
-
-Baron, ce célèbre acteur, devoit faire le rôle de Domitian dans
-cette même tragédie, et comme il étudioit son rôle, l'obscurité
-des vers rapportés ci-dessus lui donna quelque peine, et il en
-alla demander l'explication à Molière, chez qui il demeuroit.
-Molière, après les avoir lus, lui dit qu'il ne les entendoit pas
-non plus: «Mais, attendez, dit-il à Baron; M. Corneille doit
-venir souper avec nous aujourd'hui, et vous lui direz qu'il vous
-les explique.» Dès que Corneille arriva, le jeune Baron alla lui
-sauter au cou, comme il faisoit ordinairement, parce qu'il
-l'aimoit, et ensuite il le pria de lui expliquer ces quatre
-vers, disant à Corneille qu'il ne les entendoit pas. Corneille,
-après les avoir examinés quelque temps, dit: «Je ne les entends
-pas trop bien non plus; mais récitez-les toujours: tel qui ne les
-entendra pas les admirera.»
-
-Ce reproche d'obscurité est le principal que les critiques aient
-adressé à Corneille dans les écrits composés à l'occasion des
-deux tragédies. La première brochure publiée à ce sujet,
-intitulée: _la Critique de Bérénice_, par l'abbé de Villars, se
-rapporte entièrement à la _Bérénice_ de Racine; elle a suivi la
-première représentation de très-près, et nous serions même
-embarrassé par la date du 17 novembre qu'elle porte, puisque la
-pièce n'est que du 21, si un adversaire de l'abbé de Villars
-n'avait relevé cette erreur au commencement de sa _Réponse_[194].
-En paraissant prendre la défense de la pièce de Racine, l'abbé de
-Villars fait assez finement ressortir tous les défauts qu'on y
-peut trouver. «Je ne puis souffrir, dit-il en terminant, que l'on
-accuse le poëte de n'entendre pas le théâtre, qu'on le blâme
-d'avoir voulu entrer en lice avec Corneille, et que Monsieur
-***** s'écrie:
-
- _Infelix puer atque impar congressus Achilli[195]._»
-
-Après une telle conclusion, Corneille pouvait, ce semble, attendre avec
-confiance la suite de cet examen ainsi annoncée par l'abbé de Villars:
-«La semaine prochaine on verra la seconde partie de cette critique, qui
-est sur la _Bérénice_ du Palais-Royal[196].» Mais notre poëte dut être
-fort désagréablement surpris en voyant la façon dont commence cette
-«seconde partie» de _la Critique_. La muse du cothurne, dit l'auteur, «a
-refusé à Corneille ses faveurs accoutumées, au lieu de lui en accorder
-de nouvelles; et par un caprice impitoyable, elle l'a fait entrer en
-lice avec un aventurier qui ne lui en contoit que depuis trois jours;
-elle l'a abandonné à sa verve caduque au milieu de la course, et s'est
-jetée du côté du plus jeune[197].»
-
-Notre intention n'est pas d'analyser cette critique; elle
-présente fort peu d'intérêt, et l'auteur paraît surtout
-occupé de refaire à sa façon le plan de l'ouvrage qu'il examine.
-Contentons-nous de constater que le dénoûment de _Tite et
-Bérénice_ était alors généralement approuvé. Quoique le censeur
-le blâme, il convient ainsi de l'effet qu'il produisait: «Vous
-m'allez dire, je le vois bien, qu'il (_Corneille_) a été loué
-universellement d'avoir bien fini; qu'on dit qu'il s'est surpassé
-lui-même dans le dénoûment; et que sa catastrophe a été admirée
-de tout le monde, en un sujet où elle étoit si difficile[198].»
-
-Dans la _Réponse à la Critique de la Bérénice de Racine_, par
-Subligny[199], nous n'avons rien à recueillir, si ce n'est
-peut-être une fade épigramme contre Corneille, qui a tout l'air
-d'être de Subligny lui-même; voici le passage où elle se trouve:
-«On dit de M. Corneille qu'il a voulu copier son Tite sur notre
-invincible monarque et qu'il y a très-mal réussi, comme on voit
-par la comparaison qui en a été faite en vers:
-
- Tite, par de grands mots, nous vante son mérite;
- Louis fait, sans parler, cent exploits inouïs;
- Et ce que Tite dit de Tite,
- C'est l'univers entier qui le dit de Louis[200].»
-
-_Tite et Titus ou les Bérénices_, comédie en trois actes,
-imprimée à Utrecht en 1673, est une critique beaucoup plus
-délicate que les précédentes des pièces de nos deux illustres
-tragiques. Le Tite de Corneille avec sa Bérénice viennent
-implorer Apollon contre le Titus et la Bérénice de Racine, qu'ils
-traitent d'imposteurs. Les plaidoyers prononcés de part et
-d'autre font bien ressortir les défauts des deux pièces et
-surtout les invraisemblances et les obscurités de la tragédie de
-Corneille. Après avoir vainement tenté un accommodement, Apollon
-rend enfin le jugement que nous allons rapporter: «Quant au
-principal, à la vérité il y a plus d'apparence que Titus et sa
-Bérénice soient les véritables, que non pas que ce soient les
-autres; mais pourtant, quoi qu'il en soit, et toutes choses bien
-considérées, les uns et les autres auroient bien mieux fait de
-se tenir au pays d'Histoire, dont ils sont originaires, que
-d'avoir voulu passer dans l'empire de Poésie, à quoi ils
-n'étoient nullement propres, et où, pour dire la vérité, on les a
-amenés, à ce qu'il me semble, assez mal à propos[201].»
-
-L'édition originale de la pièce de notre poëte a pour titre: TITE
-ET BÉRÉNICE. _Comédie héroïque. Par P. Corneille. A Paris, chez
-Loüis Billaine, au Palais.... M.DC.LXXI, auec priuilege du
-Roy...._ Le volume, de format in-12, se compose de 4 feuillets et
-de 44 pages. L'Achevé d'imprimer pour la première fois est du 3e
-de février 1671. Le privilége, accordé à Corneille, mentionne la
-«traduction en vers françois de _Thébaïde_ de Stace,» aujourd'hui
-perdue, dont nous avons déjà parlé[202] et sur laquelle nous
-aurons à revenir; il porte la date du «dernier jour de décembre,
-l'an de grâce mil six cens soixante-dix.» Une note qui le termine
-porte que «ledit sieur Corneille a cédé son droit de Privilége à
-Thomas Jolly, Guillaume de Luyne, et Louis Billaine, pour la
-Comédie de _Tite et Bérénice_ seulement.»
-
-Contre son habitude, Corneille n'a placé en tête de cette pièce
-aucun avis au lecteur, mais seulement deux extraits de Xiphilin,
-l'abréviateur de Dion Cassius. Il ne cite pas ce célèbre
-passage de Suétone que Racine rapporte en l'abrégeant au
-commencement de sa préface: «_Titus, reginam Berenicen, cui
-etiam nuptias pollicitus ferebatur.... statim ab Urbe dimisit
-invitus invitam_[203] C'est-à-dire que Titus, qui aimoit
-passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu'on croyoit, lui
-avoit promis de l'épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et
-malgré elle, dès les premiers jours de son empire.»
-
-Ce mot que Racine rappelle ici, il ne l'a pas imité, tandis qu'on
-lit dans la dernière scène de la pièce de Corneille:
-
- L'amour peut-il se faire une si dure loi?
- --La raison me la fait malgré vous, malgré moi.
-
-La préface de Racine contient plus d'un passage qu'on pourrait
-regarder, que l'auteur y ait pensé ou non, comme une allusion
-désobligeante à l'ouvrage de son concurrent. Corneille avait cru
-devoir ajouter des épisodes au sujet qui lui avait été donné: «Ce
-qui m'en plut davantage, dit au contraire Racine, c'est que je le
-trouvai extrêmement simple;» et il ajoute: «Il y en a qui pensent
-que cette simplicité est une marque de peu d'invention. Ils ne
-songent pas qu'au contraire toute l'invention consiste à faire
-quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d'incidents a
-toujours été le refuge des poëtes qui ne sentoient dans leur
-génie ni assez d'abondance ni assez de force pour attacher durant
-cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de
-la violence des passions, de la beauté des sentiments et de
-l'élégance de l'expression. Je suis bien éloigné de croire que
-toutes ces choses se rencontrent dans mon ouvrage; mais aussi je
-ne puis croire que le public me sache mauvais gré de lui avoir
-donné une tragédie qui a été honorée de tant de larmes, et dont
-la trentième représentation a été aussi suivie que la première.»
-
-Faire sonner si haut ces trente représentations si bien suivies,
-c'était, à dessein ou non je le répète, appeler l'attention sur le peu
-de succès de _Tite et Bérénice_, qui ne fut joué en tout que vingt et
-une fois. L'ensemble de ces vingt et une représentations produisit une
-somme totale de quinze mille trois cent soixante-seize livres dix sous,
-qui se trouva fort inégalement répartie; car si la première recette fut
-de dix-neuf cent treize livres dix sous, la dernière ne fut plus que de
-deux cent six livres dix sous; encore faut-il remarquer que Molière
-avait pris soin de faire jouer une seconde pièce avec celle de
-Corneille à chacune des quatre dernières représentations, pour tâcher
-d'attirer un peu plus de monde. Les registres de Lagrange, d'où sont
-tirés ces renseignements, nous en fournissent encore un autre plus
-précieux: ils nous font connaître le montant de la somme touchée par
-Corneille. On y lit sous la date du 28 novembre 1670: «_Bérénice_, pièce
-nouvelle de M. de Corneille l'aîné, dont on lui a payé deux mille
-livres.»
-
-Outre cette interprétation maligne à laquelle peut se prêter la
-préface de Racine, il semble qu'on puisse découvrir ou du moins
-soupçonner une intention du même genre dans une des scènes de sa
-tragédie même. Tite s'exprime ainsi chez Corneille (acte III,
-scène V, vers 1027-1034):
-
- Eh bien! Madame, il faut renoncer à ce titre (_d'empereur_),
- Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre.
- Allons dans vos États m'en donner un plus doux;
- Ma gloire la plus haute est celle d'être à vous.
- Allons où je n'aurai que vous pour souveraine,
- Où vos bras amoureux seront ma seule chaîne,
- Où l'hymen en triomphe à jamais l'étreindra;
- Et soit de Rome esclave et maître qui voudra!
-
-Titus, au contraire, dit chez Racine (acte V, scène VI):
-
- Je dois vous épouser encor moins que jamais:
- Oui, Madame; et je dois moins encore vous dire
- Que je suis prêt, pour vous, d'abandonner l'empire,
- De vous suivre, et d'aller, trop content de mes fers,
- Soupirer avec vous au bout de l'univers.
- Vous-même rougiriez de ma lâche conduite:
- Vous verriez à regret marcher à votre suite
- Un indigne empereur, sans empire, sans cour,
- Vil spectacle aux humains des foiblesses d'amour.
-
-Est-ce un simple hasard qui a produit entre le langage de Tite et
-celui de Titus une opposition si vivement marquée? On pourrait
-être tenté d'en douter; car il n'est pas absolument impossible
-qu'une indiscrétion ait fait connaître à Racine ce passage de la
-pièce de son rival, et qu'il se soit plu à réfuter d'avance les
-idées qui y sont exprimées.
-
- [186] Henriette-Anne d'Angleterre, fille de Charles Ier,
- roi d'Angleterre, et de Henriette-Marie de France, fille de Henri
- IV; née à Exeter en 1644, mariée en 1661 à Philippe d'Orléans,
- frère de Louis XIV, morte en 1670.
-
- [187] Fontenelle raconte le même fait, mais beaucoup
- plus brièvement. Toutefois comme il est, à notre connaissance, le
- premier qui en ait parlé, nous croyons utile de reproduire ici
- son témoignage: «_Bérénice_ fut un duel dont tout le monde sait
- l'histoire. Une princesse, fort touchée des choses d'esprit et
- qui eût pu les mettre à la mode dans un pays barbare, eut besoin
- de beaucoup d'adresse pour faire trouver les deux combattants sur
- le champ de bataille, sans qu'ils sussent où on les menoit. Mais
- à qui demeura la victoire? Au plus jeune.» (_Vie de Corneille_
- dans l'_Histoire de l'Académie françoise_ de Pellisson, publiée
- par l'abbé d'Olivet en 1729, in-4º, p. 195.) En 1742, lorsque la
- _Vie de Corneille_ parut pour la première fois dans les _Œuvres
- de Fontenelle_, le passage que nous venons de citer ne subit
- qu'un fort léger changement: «Feue Madame, princesse,» au lieu de
- «une princesse.» (Tome III, p. 116 et 117.) Du reste, dans l'une
- et l'autre publication, le mot _princesse_ est expliqué par cette
- note au bas de la page: «Henriette-Anne d'Angleterre.» En 1747,
- Louis Racine, dans ses _Mémoires_, rappelle fort sommairement le
- même fait; il dit en parlant de _Bérénice_: «M. de Fontenelle,
- dans la _Vie de Corneille_, son oncle, nous dit que _Bérénice_
- fut un duel.... Une princesse fameuse par son esprit et par son
- amour pour la poésie avait engagé les deux rivaux à traiter le
- même sujet.» (Pages 87 et 88.)
-
- [188] Chapitre XXV.
-
- [189] Marie Mancini, nièce du cardinal Mazarin, née à
- Rome en 1639, épousa en 1661 le prince Colonna, connétable de
- Naples; elle mourut vers 1715. Dans la tragédie de Racine (acte
- IV, scène V), Bérénice dit à Titus:
-
- Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez!
-
- Au sujet de cette parole, on lit parmi les notes de Voltaire, qui
- dans son _Théâtre de Corneille_ a commenté les pièces des deux
- poëtes rivaux, la remarque suivante: «Ce vers si connu faisait
- allusion à cette réponse de Mlle Mancini à Louis XIV: «Vous
- m'aimez, vous êtes roi, vous pleurez, et je pars!»
-
- [190] «Pierre du Ryer, dit Jolly dans son
- _Avertissement_ du _Théâtre de P. Corneille_ (p. LXX), fit
- imprimer, en 1645, _Bérénice_, tragi-comédie en prose.» C'est
- sans doute ce qui a amené l'auteur du _Dictionnaire portatif des
- théâtres_ à dire: «Outre la tragédie de _Tite et Bérénice_ de
- Pierre Corneille, ce sujet en a fourni deux autres sous le titre
- simple de _Bérénice_: l'une de du Ryer, donnée en 1645, et qui
- est en prose, et l'autre de l'illustre Racine.» Rien n'est plus
- faux que cette assertion. La _Bérénice_ de du Ryer est un sujet
- purement romanesque remis au théâtre en 1657 par Thomas
- Corneille, sous le même titre de _Bérénice_.
-
- [191] Ce n'est pas simplement pour la rime, comme on
- pourrait être tenté de le croire, que Robinet donne cette qualité
- à Mlle de Beauval; il se préoccupe toujours beaucoup des
- sentiments religieux des personnes de théâtre, et annonçant dans
- son numéro du 6 décembre de la même année la mort d'une autre
- actrice, il nous dit:
-
- Cette illustre comédienne,
- Et non moins illustre chrétienne,
- Par son décès des plus pieux,
- Qui fait croire que dans les cieux
- On aura colloqué son âme,
- De de Villiers étoit la femme,
- Qui fut aussi tout singulier
- Dedans le comique métier,
- Composant même en vers et prose,
- Mais maintenant il se repose,
- Faisant, je crois, tout ce qu'il faut
- Pour monter à son tour là-haut.
-
- [192] Dans le rôle de Plautine, confidente de Domitie.
-
- [193] _Récréations littéraires ou Anecdotes et remarques
- sur différents sujets_, recueillies par M. C. R*** (Cizeron
- Rival). Paris et Lyon, 1765, in-12, p. 67-69.
-
- [194] _Recueil de dissertations_.... publié par Granet,
- tome II, p. 223.
-
- [195] Virgile, _Énéide_, livre I, vers 475.
-
- [196] _Recueil_ de Granet, tome II, p. 206 et 207.
-
- [197] _Ibidem_, p. 209.
-
- [198] _Recueil de dissertations_.... publié par Granet,
- tome II, p. 219.
-
- [199] _Ibidem_, tome II, p. 223 et suivantes.
-
- [200] _Ibidem_, tome II, p. 242 et 243.
-
- [201] _Recueil_ de Granet, tome II, p. 311 et
- 312.--L'histoire en effet nous montre Bérénice, fille d'Agrippa,
- roi de Judée, née l'an 28 de Jésus-Christ, comme une femme
- corrompue, qui, après avoir épousé d'abord son oncle Hérode, roi
- de Chalcis, puis Polémon, roi de Cilicie, lequel s'était fait
- juif pour elle, fut répudiée par lui, à cause des débordements
- auxquels elle se livrait. Titus, parvenu à l'empire à trente-neuf
- ans, jugea indispensable de s'en séparer; elle était alors âgée
- de cinquante et un ans. Il y a loin de là à l'héroïne de
- Corneille et de Racine. On a prétendu il est vrai que la Bérénice
- de Titus était une nièce de celle dont nous venons de parler,
- mais cette interprétation ne s'est pas accréditée. Voyez le
- _Dictionnaire historique_ de Bayle au nom de _Bérénice_, et la
- _Dissertation sur Bérénice_, par M. Rey, dans les _Mémoires de la
- Société des antiquaires de France_, nouvelle série, tome I, p.
- 235 et suivantes.
-
- [202] Voyez l'_Avertissement_, tome I, p. XIII et XIV.
-
- [203] Suétone, _Vie de Titus_, chapitre VII.
-
-
-
-
-EXTRAIT DE XIPHILIN
-
-
-XIPHILINUS EX DIONE
-
-IN VESPASIANO,
-
-GUILLELMO BLANCO INTERPRETE[204].
-
-
-Vespasianus a senatu absens imperator creatur, Titusque et
-Domitianus Cæsares designantur.
-
-Domitianus animum ad amorem Domitiæ filiæ Corbulonis
-applicaverat, eamque, a Lucio Lamio Æmiliano viro ejus abductam,
-secum habebat in numero amicarum, eamdemque postea uxorem duxit.
-
-Per id tempus Berenice maxime florebat, ob eamque causam cum
-Agrippa fratre Romam venit. Is prætoriis honoribus auctus est;
-ipsa habitavit in palatio, cœpitque cum Tito coire. Spes
-erat eam Tito nuptum iri; jam enim omnia, ut si esset uxor,
-gerebat. Sed Titus, quum intelligeret populum Romanum id moleste
-ferre, eam repudiavit, præsertim quod de iis rebus magni
-rumores[205] perferrentur.
-
-
-IN TITO.
-
-Titus, ex quo tempore principatum solus obtinuit, nec cædes
-fecit, nec amoribus inservivit; sed comis, quamvis insidiis
-peteretur, et continens, Berenice licet in urbem reversa, fuit.
-
-Titus moriens se unius tantum rei pœnitere dixit: id autem quid
-esset non aperuit, nec quisquam certo novit, aliud aliis
-conjicientibus. Constans fama fuit, ut nonnulli tradunt, quod
-Domitiam uxorem fratris habuisset. Alii putant, quibus ego
-assentior, quod Domitianum, a quo certo sciebat sibi insidias
-parari, non interfecisset, sed id ab eo pati maluisset, et quod
-traderet imperium romanum tali viro.
-
- [204] L'abrégé de l'histoire de Dion Cassius par
- Xiphilin a été imprimé pour la première fois en 1551, par Robert
- Estienne, avec la traduction latine de Guillaume Blanc d'Alby, en
- un volume in-4º. Il y a entre les extraits de Corneille et le
- texte de 1551 deux ou trois différences insignifiantes, qu'il est
- inutile de relever. Les phrases qu'il cite ne se suivent pas dans
- Xiphilin: elles se trouvent aux p. 159, 160, 163, 164, 165, 169,
- de l'édition princeps de Robert Estienne. En 1589 a paru chez
- Lucas Bregel, à Paris, la traduction du même ouvrage par Antoine
- Canque, «conseiller du Roy au siege presidial de Clermont en
- Auvergne.» Nous en extrayons les passages qui correspondent à
- ceux que Corneille a cités:
-
- «Estans les choses en tel estat, Vespasien fut par le Senat
- declaré Empereur, et Titus et Domitianus Cæsars....
-
- «Domitianus.... se tenoit la pluspart du temps en sa maison au
- pont d'Alba, estant du tout affollé et asserui de l'amour de
- Domitia fille de Corbulo, laquelle il auoit enleuee par force à
- son mary Lucius Lamius Æmilianus, et pour lors il la tenoit
- seulement auec luy comme sa concubine, mais du depuis il
- l'espousa....
-
- «En ce temps aussi le renom et bruict de Berenice estoit grand:
- elle s'en alla à Rome en la compagnie de son frere Agrippa, auquel
- on donna la dignité honoraire de Preteur, et elle eut pour sa
- maison et demeure le Palais, où Titus l'entretenoit, et cuidoit-on
- qu'il la deut espouser, car desia elle se comportoit comme son
- espouse et femme legitime, mais Titus ayant senty le vent que les
- Romains estoient malcontens de telles choses la renuoya en son
- pays: aussi murmuroit-on fort à Rome de leur accointance.»
-
- * * * * *
-
- «Tout le temps que Titus iouyt seul de l'Empire se passa sans
- meurtres et effusion de sang, il ne commit aucun acte par lequel
- on peut iuger qu'il se laissast plus aller aux passions d'Amour.
- Tellement que iaçoit qu'on luy eut machiné trahisons, il se
- monstra neantmoins tousiours doux et clement mesmes enuers les
- trahistres, et Berenice estant derechef venuë à Rome il se monstra
- homme chaste et continent....
-
- «Comme Titus rendit l'esprit, il dit qu'il auoit commis vn seul
- peché duquel il se repentoit, mais il ne declaira pas quel, ny
- personne ne le peut oncques asseurement sçauoir, les vns imaginans
- vne chose, les autres vne autre[204-a]. On tient pour asseuré, à
- ce que aucuns disent, qu'il se repentit d'auoir entretenu la femme
- de son frere nommée Domitia: les autres, ausquels i'adioute foy,
- de ce qu'ayant surprins Domitianus en manifeste trahison contre
- luy, il ne l'auoit pas occis, ains auoit plustost choisi de
- souffrir le malheur qui luy estoit aduenu, que de le faire tuer.
- Ou bien de ce qu'il laissoit l'Empire Romain entre les mains d'vn
- homme tel....»
-
- [204-a] Suétone, dans sa _Vie de Titus_, chapitre X, parle
- aussi de ce regret de Titus mourant, et rejette, comme Xiphilin,
- la première interprétation: _Suspexisse dicitur.... cœlum,
- multumque conquestus eripi sibi_ _vitam immerenti: neque enim
- exstare ullum suum factum pænitendum, excepto duntaxat uno. Id
- quale fuerit, neque ipse tunc prodidit, neque cuiquam facile
- succurrat. Quidam opinantur consuetudinem recordatum quam cum
- fratris uxore habuerit; sed nullam habuisse persancte Domitia
- jurabat, haud negatura, si qua omnino fuisset; imo etiam
- gloriatura, quod illi promptissimum erat in omnibus probris._
-
- [205] L'édition de 1679 a la faute étrange de _numero_,
- pour _rumores_.
-
- * * * * *
-
-
-LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES
-DE _TITE ET BÉRÉNICE_.
-
- ÉDITIONS SÉPARÉES.
-
- 1671 in-12; | 1679 in-12.
-
-
- RECUEIL.
-
- 1682 in-12[206].
-
- [206] Le recueil de 1668 se termine par _Attila_.
-
-
-
-
-ACTEURS[207].
-
-
- TITE, empereur de Rome, et amant de Bérénice.
- DOMITIAN, frère de Tite, et amant de Domitie.
- BÉRÉNICE, reine d'une partie de la Judée.
- DOMITIE, fille de Corbulon.
- PLAUTINE, confidente de Domitie.
- FLAVIAN, confident de Tite.
- ALBIN, confident de Domitian.
- PHILON, ministre d'État, confident de Bérénice.
-
-
-La scène est à Rome, dans le palais impérial.
-
- [207] La _Notice_ et les extraits qui précèdent
- renferment les renseignements nécessaires sur les quatre premiers
- personnages, qui appartiennent à l'histoire; les autres sont
- d'invention.
-
-
-
-
-TITE ET BÉRÉNICE.
-
-COMÉDIE HÉROÏQUE.
-
-
-
-
-ACTE I.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-DOMITIE, PLAUTINE.
-
- DOMITIE.
-
- Laisse-moi mon chagrin, tout injuste qu'il est:
- Je le chasse, il revient; je l'étouffe, il renaît[208];
- Et plus nous approchons de ce grand hyménée,
- Plus en dépit de moi je m'en trouve gênée.
- Il fait toute ma gloire, il fait tous mes désirs: 5
- Ne devroit-il pas faire aussi tous mes plaisirs[209]?
- Depuis plus de six mois la pompe s'en apprête,
- Rome s'en fait d'avance en l'esprit une fête,
- Et tandis qu'à l'envi tout l'empire l'attend,
- Mon cœur dans tout l'empire est le seul mécontent. 10
-
- PLAUTINE.
-
- Que trouvez-vous, Madame, ou d'amer ou de rude
- A voir qu'un tel bonheur n'ait plus d'incertitude?
- Et quand dans quatre jours vous devez y monter,
- Quel importun chagrin pouvez-vous écouter?
- Si vous n'en êtes pas tout à fait la maîtresse, 15
- Du moins à l'Empereur cachez cette tristesse:
- Le dangereux soupçon de n'être pas aimé
- Peut le rendre à l'objet dont il fut trop charmé.
- Avant qu'il vous aimât, il aimoit Bérénice;
- Et s'il n'en put alors faire une impératrice, 20
- A présent il est maître, et son père au tombeau
- Ne peut plus le forcer d'éteindre un feu si beau.
-
- DOMITIE.
-
- C'est là ce qui me gêne, et l'image importune
- Qui trouble les douceurs de toute ma fortune:
- J'ambitionne et crains l'hymen d'un empereur 25
- Dont j'ai lieu de douter si j'aurai tout le cœur.
- Ce pompeux appareil, où sans cesse il ajoute,
- Recule chaque jour un nœud qui le dégoûte.
- Il souffre chaque jour que le gouvernement
- Vole ce qu'à me plaire il doit d'attachement; 30
- Et ce qu'il en étale agit d'une manière
- Qui ne m'assure point d'une âme toute entière.
- Souvent même, au milieu des offres de sa foi,
- Il semble tout à coup qu'il n'est pas avec moi,
- Qu'il a quelque plus douce ou noble inquiétude. 35
- Son feu de sa raison est l'effet et l'étude;
- Il s'en fait un plaisir bien moins qu'un embarras,
- Et s'efforce à m'aimer; mais il ne m'aime pas.
-
- PLAUTINE.
-
- A cet effort pour vous qui pourroit le contraindre?
- Maître de l'univers, a-t-il un maître à craindre? 40
-
- DOMITIE.
-
- J'ai quelques droits, Plautine, à l'empire romain.
- Que le choix d'un époux peut mettre en bonne main:
- Mon père, avant le sien élu pour cet empire,
- Préféra.... Tu le sais, et c'est assez t'en dire[210].
- C'est par cet intérêt qu'il m'apporte sa foi; 45
- Mais pour le cœur, te dis-je, il n'est pas tout à moi.
-
- PLAUTINE.
-
- La chose est bien égale, il n'a pas tout le vôtre:
- S'il aime un autre objet, vous en aimez un autre;
- Et comme sa raison vous donne tous ses vœux,
- Votre ardeur pour son rang fait pour lui tous vos feux.
-
- DOMITIE.
-
- Ne dis point qu'entre nous la chose soit égale.
- Un divorce avec moi n'a rien qui le ravale:
- Sans avilir son sort, il me renvoie au mien;
- Et du rang qui lui reste, il ne me reste rien.
-
- PLAUTINE.
-
- Que ce que vous avez d'ambitieux caprice, 55
- Pardonnez-moi ce mot, vous fait un dur supplice!
- Le cœur rempli d'amour, vous prenez un époux,
- Sans en avoir pour lui, sans qu'il en ait pour vous.
- Aimez pour être aimée, et montrez-lui vous-même,
- En l'aimant comme il faut, comme il faut qu'il vous aime;
- Et si vous vous aimez, gagnez sur vous ce point
- De vous donner entière, ou ne vous donnez point.
-
- DOMITIE.
-
- Si l'amour quelquefois souffre qu'on le contraigne,
- Il souffre rarement qu'une autre ardeur l'éteigne;
- Et quand l'ambition en met l'empire à bas, 65
- Elle en fait son esclave, et ne l'étouffe pas.
- Mais un si fier esclave, ennemi de sa chaîne,
- La secoue à toute heure, et la porte avec gêne,
- Et maître de nos sens, qu'il appelle au secours,
- Il échappe souvent, et murmure toujours. 70
- Veux-tu que je te fasse un aveu tout sincère?
- Je ne puis aimer Tite, ou n'aimer pas son frère;
- Et malgré cet amour, je ne puis m'arrêter
- Qu'au degré le plus haut où je puisse monter.
- Laisse-moi retracer ma vie en ta mémoire: 75
- Tu me connois assez pour en savoir l'histoire;
- Mais tu n'as pu connoître, à chaque événement,
- De mon illustre orgueil quel fut le sentiment.
- En naissant, je trouvai l'empire en ma famille.
- Néron m'eut pour parente, et Corbulon pour fille[211]; 80
- Et le bruit qu'en tous lieux fit sa haute valeur,
- Autant que ma naissance enfla mon jeune cœur.
- De l'éclat des grandeurs par là préoccupée,
- Je vis d'un œil jaloux Octavie et Poppée[212];
- Et Néron, des mortels et l'horreur et l'effroi, 85
- M'eût paru grand héros, s'il m'eût offert sa foi.
- Après tant de forfaits et de morts entassées,
- Les troupes du Levant, d'un tel monstre lassées,
- Pour César en sa place élurent Corbulon.
- Son austère vertu rejeta ce grand nom: 90
- Un lâche assassinat en fut le prompt salaire[213].
- Mais mon orgueil, sensible à ces honneurs d'un père,
- Prit de tout autre rang une assez forte horreur
- Pour me traiter dans l'âme en fille d'empereur.
- Néron périt enfin. Trois empereurs de suite[214] 95
- Virent de leur fortune une assez prompte fuite.
- L'Orient de leurs noms fut à peine averti,
- Qu'il fit Vespasian chef d'un plus fort parti.
- Le ciel l'en avoua: ce guerrier magnanime
- Par Tite, son aîné, fit assiéger Solyme; 100
- Et tandis qu'en Égypte il prit d'autres emplois,
- Domitian ici vint dispenser ses lois.
- Je le vis et l'aimai. Ne blâme point ma flamme:
- Rien de plus grand que lui n'éblouissoit mon âme;
- Je ne voyois point Tite, un hymen me l'ôtoit; 105
- Mille soupirs aidoient au rang qui me flattoit.
- Pour remplir tous nos vœux nous n'attendions qu'un père:
- Il vint, mais d'un esprit à nos vœux si contraire,
- Que quoi qu'on lui pût dire, on n'en put arracher
- Ce qu'attendoit un feu qui nous étoit si cher. 110
- On n'en sut point la cause; et divers bruits coururent,
- Qui tous à notre amour également déplurent.
- J'en eus un long chagrin. Tite fit tôt après
- De Bérénice à Rome admirer les attraits.
- Pour elle avec Martie il avoit fait divorce[215]; 115
- Et cette belle reine eut sur lui tant de force,
- Que pour montrer à tous sa flamme, et hautement,
- Il lui fit au palais prendre un appartement[216].
- L'Empereur, bien qu'en l'âme il prévît quelle haine
- Concevroit tout l'État pour l'époux d'une reine, 120
- Sembla voir cet amour d'un œil indifférent,
- Et laisser un cours libre aux flots de ce torrent.
- Mais sous les vains dehors de cette complaisance,
- On ménagea ce prince avec tant de prudence,
- Qu'en dépit de son cœur, que charmoient tant d'appas,
- Il l'obligea lui-même à revoir ses États.
- A peine je le vis sans maîtresse et sans femme,
- Que mon orgueil vers lui tourna toute mon âme;
- Et s'étant emparé des plus doux de mes soins,
- Son frère commença de me plaire un peu moins: 130
- Non qu'il ne fût toujours maître de ma tendresse,
- Mais je la regardois ainsi qu'une foiblesse,
- Comme un honteux effet d'un amour éperdu
- Qui me voloit un rang que je me croyois dû.
- Tite à peine sur moi jetoit alors la vue: 135
- Cent fois avec douleur je m'en suis aperçue;
- Mais ce qui consoloit ce juste et long ennui,
- C'est que Vespasian me regardoit pour lui.
- Je commençois pourtant à n'en plus rien attendre,
- Quand je vis en ses yeux quelque chose de tendre; 140
- Il me rendit visite, et fit tout ce qu'on fait
- Alors qu'on veut aimer, ou qu'on aime en effet.
- Je veux bien t'avouer que j'y crus du mystère,
- Qu'il ne me disoit rien que par l'ordre d'un père;
- Mais qui ne pencheroit à s'en désabuser, 145
- Lorsque, ce père mort, il songe à m'épouser?
- Toi qui vois tout mon cœur, juge de son martyre:
- L'ambition l'entraîne, et l'amour le déchire.
- Quand je crois m'être mise au-dessus de l'amour,
- L'amour vers son objet me ramène à son tour: 150
- Je veux régner, et tremble à quitter ce que j'aime,
- Et ne me saurois voir d'accord avec moi-même.
-
- PLAUTINE.
-
- Ah! si Domitian devenoit empereur,
- Que vous auriez bientôt calmé tout ce grand cœur!
- Que bientôt.... Mais il vient. Ce grand cœur en soupire!
-
- DOMITIE.
-
- Hélas! plus je le vois, moins je sais que lui dire.
- Je l'aime, et le dédaigne; et n'osant m'attendrir,
- Je me veux mal des maux que je lui fais souffrir.
-
-
-SCÈNE II.
-
-DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.
-
- DOMITIAN.
-
- Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme,
- Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme, 160
- Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort
- Puissent dans quatre jours se promettre ma mort[217]?
-
- DOMITIE.
-
- Ce qu'on m'offre, Seigneur, me feroit peu d'envie,
- S'il en coûtoit à Rome une si belle vie;
- Et ce n'est pas un mal qui vaille en soupirer 165
- Que de faire une perte aisée à réparer.
-
- DOMITIAN.
-
- Aisée à réparer! Un choix qui m'a su plaire,
- Et qui ne plaît pas moins à l'Empereur mon frère,
- Charme-t-il l'un et l'autre avec si peu d'appas
- Que vous sachiez leur prix[218], et le mettiez si bas? 170
-
- DOMITIE.
-
- Quoi qu'on ait pour soi-même ou d'amour ou d'estime,
- Ne s'en croire pas trop n'est pas faire un grand crime.
- Mais n'examinons point en cet excès d'honneur
- Si j'ai quelque mérite, ou n'ai que du bonheur.
- Telle que je puis être, obtenez-moi d'un frère. 175
-
- DOMITIAN.
-
- Hélas! si je n'ai pu vous obtenir d'un père,
- Si même je ne puis vous obtenir de vous,
- Qu'obtiendrai-je d'un frère amoureux et jaloux?
-
- DOMITIE.
-
- Et moi, résisterai-je à sa toute-puissance,
- Quand vous n'y répondez qu'avec obéissance? 180
- Moi qui n'ai sous les cieux que vous seul pour soutien,
- Que puis-je contre lui, quand vous n'y pouvez rien?
-
- DOMITIAN.
-
- Je ne puis rien sans vous, et pourrois tout, Madame,
- Si je pouvois encor m'assurer de votre âme.
-
- DOMITIE.
-
- Pouvez-vous en douter, après deux ans de pleurs 185
- Qu'à vos yeux j'ai donnés à nos communs malheurs?
- Durant un déplaisir si long et si sensible
- De voir toujours un père à nos vœux inflexible.
- Ai-je écouté quelqu'un de tant de soupirants
- Qui m'accabloient partout de leurs regards mourants?
- Quel que fût leur amour, quel que fût leur mérite....
-
- DOMITIAN.
-
- Oui, vous m'avez aimé jusqu'à l'amour de Tite.
- Mais de ces soupirants qui vous offroient leur foi
- Aucun ne vous eût mise alors si haut que moi;
- Votre âme ambitieuse à mon rang attachée 195
- N'en voyoit point en eux dont elle fût touchée:
- Ainsi de ces rivaux aucun n'a réussi.
- Mais les temps sont changés, Madame, et vous aussi.
-
- DOMITIE.
-
- Non, Seigneur: je vous aime, et garde au fond de l'âme
- Tout ce que j'eus pour vous de tendresse et de flamme:
- L'effort que je me fais me tue autant que vous;
- Mais enfin l'Empereur veut être mon époux.
-
- DOMITIAN.
-
- Ah! si vous n'acceptez sa main qu'avec contrainte,
- Venez, venez, Madame, autoriser ma plainte.
- L'Empereur m'aime assez pour quitter vos liens, 205
- Quand je lui porterai vos vœux avec les miens.
- Dites que vous m'aimez, et que tout son empire....
-
- DOMITIE.
-
- C'est ce qu'à dire vrai j'aurai peine à lui dire,
- Seigneur; et le respect qui n'y peut consentir....
-
- DOMITIAN.
-
- Non, votre ambition ne se peut démentir. 210
- Ne la déguisez plus, montrez-la toute entière,
- Cette âme que le trône a su rendre si fière,
- Cette âme dont j'ai fait les plaisirs les plus doux,
- Cette âme....
-
- DOMITIE.
-
- Voyez-la cette âme toute à vous,
- Voyez-y tout ce feu que vous y fîtes naître; 215
- Et soyez satisfait, si vous le pouvez être.
- Je ne veux point, Seigneur, vous le dissimuler,
- Mon cœur va tout à vous quand je le laisse aller;
- Mais sans dissimuler j'ose aussi vous le dire,
- Ce n'est pas mon dessein qu'il m'en coûte l'empire; 220
- Et je n'ai point une âme à se laisser charmer
- Du ridicule honneur de savoir bien aimer.
- La passion du trône est seule toujours belle,
- Seule à qui l'âme doive une ardeur immortelle.
- J'ignorois de l'amour quel est le doux poison, 225
- Quand elle s'empara de toute ma raison.
- Comme elle est la première, elle est la dominante.
- Non qu'à trahir l'amour je ne me violente;
- Mais il est juste enfin que des soupirs secrets
- Me punissent d'aimer contre mes intérêts.
- Daignez donc voir, Seigneur, quelle route il faut prendre
- Pour ne point m'imposer la honte de descendre.
- Tout mon cœur vous préfère à cet heureux rival;
- Pour m'avoir toute à vous, devenez son égal.
- Vous dites qu'il vous aime; et je ne puis le croire[219], 235
- Si je ne vois sur vous un rayon de sa gloire.
- On vous a vus tous deux sortir d'un même flanc;
- Ayez mêmes honneurs ainsi que même sang.
- Dites-lui que le droit qu'a ce sang à l'empire[220]....
-
- DOMITIAN.
-
- C'est là ce qu'à mon tour j'aurai peine à lui dire, 240
- Madame; et le devoir qui n'y peut consentir....
-
- DOMITIE.
-
- A mes vives douleurs daignez donc compatir,
- Seigneur: j'achète assez le rang d'impératrice,
- Sans qu'un reproche injuste augmente mon supplice.
-
- DOMITIAN.
-
- Eh bien! dans cet hymen, qui n'en a que pour moi, 245
- J'applaudirai moi-même à votre peu de foi;
- Je dirai que le ciel doit à votre mérite....
-
- DOMITIE.
-
- Non, Seigneur; faites mieux, et quittez qui vous quitte;
- Rome a mille beautés dignes de votre cœur;
- Mais dans toute la terre il n'est qu'un empereur. 250
- Si mon père avoit eu les sentiments du vôtre,
- Je vous aurois donné ce que j'attends d'un autre;
- Et ma flamme en vos mains eût mis sans balancer
- Le sceptre qu'en la mienne il auroit dû laisser.
- Laissez à son défaut suppléer la fortune, 255
- Et n'ayez pas une âme assez basse et commune
- Pour s'opposer au ciel qui me rend par autrui
- Ce que trop de vertu me fit perdre par lui.
- Pour peu que vous m'aimiez, aimez mes avantages:
- Il n'est point d'autre amour digne des grands courages.
- Voilà toute mon âme. Après cela, Seigneur,
- Laissez-moi m'épargner les troubles de mon cœur.
- Un plus long entretien ne pourroit rien produire
- Qui ne pût malgré moi vous déplaire ou me nuire.
-
-
-SCÈNE III.
-
-DOMITIAN, ALBIN.
-
- ALBIN.
-
- Elle se défend bien, Seigneur; et dans la cour.... 265
-
- DOMITIAN.
-
- Aucun n'a plus d'esprit, Albin, et moins d'amour.
- J'admire, ainsi que toi, dans ce qu'elle m'oppose,
- Son adresse à défendre une mauvaise cause;
- Et si pour m'assurer que son cœur n'est qu'à moi,
- Tant d'esprit agissoit en faveur de sa foi; 270
- Si sa flamme au secours appliquoit cette adresse,
- L'Empereur convaincu me rendroit ma maîtresse.
-
- ALBIN.
-
- Cependant n'est-ce rien que ce cœur soit à vous?
-
- DOMITIAN.
-
- D'un bonheur si mal sûr je ne suis point jaloux,
- Et trouve peu de jour à croire qu'elle m'aime, 275
- Quand elle ne regarde et n'aime que soi-même.
-
- ALBIN.
-
- Seigneur, s'il m'est permis de parler librement,
- Dans toute la nature aime-t-on autrement?
- L'amour-propre est la source en nous de tous les autres:
- C'en est le sentiment qui forme tous les nôtres; 280
- Lui seul allume, éteint, ou change nos desirs:
- Les objets de nos vœux le sont de nos plaisirs.
- Vous-même, qui brûlez d'une ardeur si fidèle,
- Aimez-vous Domitie, ou vos plaisirs en elle?
- Et quand vous aspirez à des liens si doux, 285
- Est-ce pour l'amour d'elle, ou pour l'amour de vous?
- De sa possession l'aimable et chère idée
- Tient vos sens enchantés et votre âme obsédée;
- Mais si vous conceviez quelques destins meilleurs,
- Vous porteriez bientôt toute cette âme ailleurs. 290
- Sa conquête est pour vous le comble des délices;
- Vous ne vous figurez ailleurs que des supplices:
- C'est par là qu'elle seule a droit de vous charmer;
- Et vous n'aimez que vous, quand vous croyez l'aimer[221].
-
- DOMITIAN.
-
- En l'état où je suis, les maux dont je soupire 295
- M'ôtent la liberté de te rien contredire;
- Cherchons-en le remède, au lieu de raisonner
- Sur l'amour où le ciel se plaît à m'obstiner.
- N'est-il point de secret, n'est-il point d'artifice?...
-
- ALBIN.
-
- Oui, Seigneur, il en est. Rappelons Bérénice; 300
- Sous le nom de César pratiquons son retour,
- Qui retarde l'hymen et suspende l'amour.
-
- DOMITIAN.
-
- Que je verrois, Albin, ma volage punie,
- Si de ces grands apprêts pour la cérémonie,
- Que depuis si longtemps on dresse à si grand bruit, 305
- Elle n'avoit que l'ombre, et qu'une autre[222] eût le fruit!
- Qu'elle seroit confuse! et que j'aurois de joie!
- Mais il faut que le ciel lui-même la renvoie,
- Cette belle rivale; et tout notre discours
- Ne la sauroit ici rendre dans quatre jours. 310
-
- ALBIN.
-
- N'importe: en l'attendant préparons sa victoire;
- Dans l'esprit d'un rival ranimons sa mémoire;
- Retraçons à ses yeux l'image du passé,
- Et profitons par là du cœur embarrassé[223].
- N'y perdez point de temps: allez, sans plus rien taire,
- Tâter jusqu'en ce cœur les tendresses de frère.
- Si vous ne l'emportez, il pourra s'ébranler;
- S'il ne rompt cet hymen, il pourra reculer:
- Je me trompe, ou son âme y penche d'elle-même.
- S'il s'émeut, redoublez; dites que l'on vous aime; 320
- Dites qu'un pur respect contraint avec ennui
- Une âme toute à vous à se donner à lui.
- S'il se trouble, achevez: parlez de Bérénice,
- De tant d'amour qu'il traite avec tant d'injustice.
- Pour lui donner le temps de venir au secours, 325
- Nous aurons quatre mois au lieu de quatre jours.
-
- DOMITIAN.
-
- Mais j'aime Domitie; et lui parler contre elle,
- C'est me mettre au hasard d'irriter l'infidèle.
- Ne me condamne point, Albin, à la trahir,
- A joindre à ses mépris le droit de me haïr: 330
- En vain je veux contre elle écouter ma colère;
- Toute ingrate qu'elle est, je tremble à lui déplaire[224].
-
- ALBIN.
-
- Seigneur, quelle mesure avez-vous à garder?
- Quand on voit tout perdu, craint-on de hasarder?
- Et si l'ambition vers un autre l'entraîne, 335
- Que vous peut importer son amour ou sa haine?
-
- DOMITIAN.
-
- Qu'un salutaire avis fait une douce loi
- A qui peut avoir l'âme aussi libre que toi!
- Mais celle d'un amant n'est pas comme une autre âme:
- Il ne voit, il n'entend, il ne croit que sa flamme; 340
- Du plus puissant remède il se fait un poison,
- Et la raison pour lui n'est pas toujours raison.
-
- ALBIN.
-
- Et si je vous disois que déjà Bérénice
- Est dans Rome, inconnue, et par mon artifice?
- Qu'elle surprendra Tite, et qu'elle y vient exprès 345
- Pour de ce grand hymen renverser les apprêts?
-
- DOMITIAN.
-
- Albin, seroit-il vrai?
-
- ALBIN.
-
- La nouvelle vous flatte:
- Peut-être est-elle fausse; attendez qu'elle éclate;
- Surtout à l'Empereur déguisez-la si bien....
-
- DOMITIAN.
-
- Va: je lui parlerai comme n'en sachant rien. 350
-
-
-FIN DU PREMIER ACTE.
-
- [208] Le second hémistiche de ce vers est le premier du
- vers 1050 de _Polyeucte_.
-
- [209] _Var._ Ne devoit-il pas faire aussi tous mes
- plaisirs? (1679)
-
- [210] Voyez ci-après, p. 204, les vers 87-91 et la note
- 213.--Dion Cassius (livre LXII, chapitre XXIII) rapporte que
- Corbulon, ayant un grand pouvoir comme général, et une grande
- renommée, aurait pu fort aisément se faire élire empereur, car
- tous haïssaient Néron et tous l'admiraient lui-même; mais il
- demeura soumis, et ne tenta point de révolte.
-
- [211] Il y a lieu de croire que Cnéius Domitius Corbulon
- appartenait à l'illustre famille Domitia; l'empereur Néron était,
- comme l'on sait, fils de Cnéius Domitius Ahenobarbus. En outre,
- la sœur de Corbulon, Cæsonia, avait épousé Caligula: voyez Pline
- l'ancien, livre VII, chapitre V.
-
- [212] Par une erreur singulière, les éditions de 1679 et
- de 1682 portent toutes deux _Pompée_, pour _Poppée_, et un peu
- plus loin, au vers 115, _Martine_, pour _Martie_.
-
- [213] Corbulon ayant appris, à son arrivée à Corinthe,
- que Néron, qui l'avait mandé en Grèce, avait ordonné sa mort, se
- frappa lui-même de son épée, l'an 67 après Jésus-Christ, et dit
- en mourant: «Je l'ai mérité.»
-
- [214] Galba, Othon et Vitellius, qui régnèrent en 68 et
- 69, et dont les trois règnes réunis ne durèrent que dix-huit
- mois.
-
- [215] Suétone, au chapitre IV de la _Vie de Titus_, dit
- que sa seconde femme se nommait Marcia Furnilla, et que Titus,
- après en avoir eu une fille, fit divorce avec elle.
-
- [216] Il est dit dans le premier extrait de Xiphilin que
- Bérénice habita dans le palais: _habitavit in palatio_: voyez
- ci-dessus, p. 197.
-
- [217] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 191 et 192.
-
- [218] Les éditions publiées du vivant de Corneille
- (1671-82) portent _leur prix_, corrigé par l'édition de 1692 en
- _son prix_. Voltaire a gardé _leur_.
-
- [219] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont
- changé la construction; ils donnent: «et je ne te puis croire.»
-
- [220] Domitien prétendait que Vespasien l'avait institué
- cohéritier de l'empire, mais que le testament avait été falsifié.
- Voyez Suétone, _Vie de Domitien_, chapitre II.
-
- [221] Ce morceau, souvent reproché à Corneille, pourrait
- bien lui avoir été inspiré par le livre des _Maximes_ de la
- Rochefoucauld, dont la première édition a paru en 1665, cinq ans
- avant _Tite et Berenice_, et qui faisait encore le sujet de tous
- les entretiens. La _maxime_ 262 commence ainsi: «Il n'y a point
- de passion où l'amour de soi-même règne si puissamment que dans
- l'amour.»
-
- [222] On lit «_un_ autre» dans l'édition de 1682. Voyez
- le vers 1732 et la note 288 qui s'y rapporte.
-
- [223] Voltaire (1764) a ainsi modifié ce vers:
-
- Et profitons par là d'un cœur embarrassé.
-
- [224] Ce vers se trouve déjà dans _Pertharite_, acte II,
- scène V, vers 744.
-
-
-
-
-ACTE II.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-TITE, FLAVIAN.
-
- TITE.
-
- Quoi? des ambassadeurs que Bérénice envoie
- Viennent ici, dis-tu, me témoigner sa joie,
- M'apporter son hommage, et me féliciter
- Sur ce comble de gloire où je viens de monter?
-
- FLAVIAN.
-
- En attendant votre ordre, ils sont au port d'Ostie. 355
-
- TITE.
-
- Ainsi, grâces aux Dieux, sa flamme est amortie;
- Et de pareils devoirs sont pour moi des froideurs,
- Puisqu'elle s'en rapporte à ses ambassadeurs.
- Jusqu'après mon hymen remettons leur venue:
- J'aurois trop à rougir si j'y souffrois leur vue, 360
- Et recevois les yeux de ses propres sujets
- Pour envieux témoins du vol que je lui fais;
- Car mon cœur fut son bien à cette belle reine,
- Et pourroit l'être encor, malgré Rome et sa haine,
- Si ce divin objet, qui fut tout mon desir, 365
- Par quelque doux regard s'en venoit ressaisir.
- Mais du haut de son trône elle aime mieux me rendre
- Ces froideurs que pour elle on me força de prendre.
- Peut-être, en ce moment que toute ma raison
- Ne sauroit sans désordre entendre son beau nom, 370
- Entre les bras d'un autre un autre amour la livre:
- Elle suit mon exemple, et se plaît à le suivre:
- Et ne m'envoie ici traiter de souverain
- Que pour braver l'amant qu'elle charmoit en vain.
-
- FLAVIAN.
-
- Si vous la revoyiez, je plaindrois Domitie. 375
-
- TITE.
-
- Contre tous ses attraits ma raison endurcie
- Feroit de Domitie encor la sûreté;
- Mais mon cœur auroit peu de cette dureté.
- N'aurois-tu point appris qu'elle fût infidèle,
- Qu'elle écoutât les rois qui soupirent pour elle? 380
- Dis-moi que Polémon[225] règne dans son esprit,
- J'en aurai du chagrin, j'en aurai du dépit,
- D'une vive douleur j'en aurai l'âme atteinte;
- Mais j'épouserai l'autre avec moins de contrainte;
- Car enfin elle est belle, et digne de ma foi; 385
- Elle auroit tout mon cœur, s'il étoit tout à moi.
- La noblesse du sang, la grandeur de courage,
- Font avec son mérite un illustre assemblage:
- C'est le choix de mon père; et je connois trop bien
- Qu'à choisir en César ce doit être le mien. 390
- Mais tout mon cœur renonce à lui faire justice,
- Dès que mon souvenir lui rend sa Bérénice.
-
- FLAVIAN.
-
- Si de tels souvenirs vous sont encor si doux,
- L'hyménée a, Seigneur, peu de charmes pour vous.
-
- TITE.
-
- Si de tels souvenirs ne me faisoient la guerre, 395
- Seroit-il potentat plus heureux sur la terre?
- Mon nom par la victoire est si bien affermi,
- Qu'on me croit dans la paix un lion endormi:
- Mon réveil incertain du monde fait l'étude;
- Mon repos en tous lieux jette l'inquiétude; 400
- Et tandis qu'en ma cour les aimables loisirs
- Ménagent l'heureux choix des jeux et des plaisirs,
- Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre pôle,
- Je n'ai qu'à faire un pas et hausser la parole[226].
- Que de félicité, si mes vœux imprudents 405
- N'étoient de mon pouvoir les seuls indépendants!
- Maître de l'univers sans l'être de moi-même[227],
- Je suis le seul rebelle à ce pouvoir suprême:
- D'un feu que je combats je me laisse charmer,
- Et n'aime qu'à regret ce que je veux aimer. 410
- En vain de mon hymen Rome presse la pompe:
- J'y veux de la lenteur, j'aime qu'on l'interrompe,
- Et n'ose résister aux dangereux souhaits
- De préparer toujours et n'achever jamais.
-
- FLAVIAN.
-
- Si ce dégoût, Seigneur, va jusqu'à la rupture, 415
- Domitie aura peine à souffrir cette injure:
- Ce jeune esprit, qu'entête et le sang de Néron[228]
- Et le choix qu'en Syrie on fit de Corbulon[229],
- S'attribue à l'empire un droit imaginaire,
- Et s'en fait, comme vous, un rang héréditaire. 420
- Si de votre parole un manque surprenant
- La jette entre les bras d'un homme entreprenant.
- S'il l'unit à quelque âme assez fière et hautaine
- Pour servir son orgueil et seconder sa haine,
- Un vif ressentiment lui fera tout oser: 425
- En un mot, il vous faut la perdre, ou l'épouser.
-
- TITE.
-
- J'en sais la politique, et cette loi cruelle
- A presque fait l'amour qu'il m'a fallu pour elle.
- Réduit au triste choix dont tu viens de parler,
- J'aime mieux, Flavian, l'aimer que l'immoler, 430
- Et ne puis démentir cette horreur magnanime
- Qu'en recevant le jour je conçus pour le crime.
- Moi qui seul des Césars me vois en ce haut rang
- Sans qu'il en coûte à Rome une goutte de sang,
- Moi que du genre humain on nomme les délices[230], 435
- Moi qui ne puis souffrir les plus justes supplices[231],
- Pourrois-je autoriser une injuste rigueur
- A perdre une héroïne à qui je dois mon cœur?
- Non: malgré les attraits de sa belle rivale,
- Malgré les vœux flottants de mon âme inégale, 440
- Je veux l'aimer, je l'aime; et sa seule beauté
- Pouvoit me consoler de ce que j'ai quitté.
- Elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre
- Mes feux à s'assoupir, s'ils ne peuvent s'éteindre,
- De quoi flatter mon âme, et forcer mes douleurs 445
- A souhaiter du moins de n'aimer plus ailleurs.
- Mais je ne vois pas bien que j'en sois encor maître:
- Dès que ma flamme expire, un mot la fait renaître,
- Et mon cœur malgré moi rappelle un souvenir
- Que je n'ose écouter et ne saurois bannir. 450
- Ma raison s'en veut faire en vain un sacrifice:
- Tout me ramène ici, tout m'offre Bérénice;
- Et même je ne sais par quel pressentiment
- Je n'ai souffert personne en son appartement;
- Mais depuis cet adieu, si cruel et si tendre, 455
- Il est demeuré vide, et semble encor l'attendre.
- Va, fais porter mon ordre à ses ambassadeurs:
- C'est trop entretenir d'inutiles ardeurs;
- Il est temps de chercher qui m'en puisse distraire,
- Et le ciel à propos envoie ici mon frère. 460
-
- FLAVIAN.
-
- Irez-vous au sénat?
-
- TITE.
-
- Non; il peut s'assembler
- Sur ce déluge ardent qui nous a fait trembler,
- Et pourvoir sous mon ordre aux affreuses ruines
- Dont ses feux ont couvert les campagnes voisines[232].
-
-
-SCÈNE II
-
-TITE, DOMITIAN, ALBIN.
-
- DOMITIAN.
-
- Puis-je parler, Seigneur, et de votre amitié 465
- Espérer une grâce à force de pitié?
- Je me suis jusqu'ici fait trop de violence,
- Pour augmenter encor mes maux par mon silence.
- Ce que je vais vous dire est digne du trépas;
- Mais aussi j'en mourrai, si je ne le dis pas. 470
- Apprenez donc mon crime, et voyez s'il faut faire
- Justice d'un coupable, ou grâce aux vœux d'un frère.
- J'ai vu ce que j'aimois choisi pour être à vous,
- Et je l'ai vu longtemps sans en être jaloux.
- Vous n'aimiez Domitie alors que par contrainte: 475
- Vous vous faisiez effort, j'imitois votre feinte;
- Et comme aux lois d'un père il falloit obéir,
- Je feignois d'oublier, vous de ne point haïr.
- Le ciel, qui dans vos mains met sa toute-puissance,
- Ne met-il point de borne à cette obéissance? 480
- La faut-il à son ombre, et que ce même effort
- Vous déchire encor l'âme et me donne la mort?
-
- TITE.
-
- Souffrez sur cet effort que je vous désabuse.
- Il fut grand, et de ceux que tout le cœur refuse:
- Pour en sauver le mien, je fis ce que je pus; 485
- Mais ce qui fut effort à présent ne l'est plus.
- Sachez-en la raison. Sous l'empire d'un père
- Je murmurai toujours d'un ordre si sévère,
- Et cherchai les moyens de tirer en longueur
- Cet hymen qui vous gêne et m'arrachoit le cœur. 490
- Son trépas a changé toutes choses de face:
- J'ai pris ses sentiments lorsque j'ai pris sa place;
- Je m'impose à mon tour les lois qu'il m'imposoit,
- Et me dis après lui tout ce qu'il me disoit.
- J'ai des yeux d'empereur, et n'ai plus ceux de Tite; 495
- Je vois en Domitie un tout autre mérite,
- J'écoute la raison, j'en goûte les conseils,
- Et j'aime comme il faut qu'aiment tous mes pareils.
- Si dans les premiers jours que vous m'avez vu maître
- Votre feu mal éteint avoit voulu paroître, 500
- J'aurois pu me combattre et me vaincre pour vous;
- Mais si près d'un hymen si souhaité de tous,
- Quand Domitie a droit de s'en croire assurée,
- Que le jour en est pris, la fête préparée,
- Je l'aime, et lui dois trop pour jeter sur son front 505
- L'éternelle rougeur d'un si mortel affront.
- Rome entière et ma foi l'appellent à l'empire:
- Voyez mieux de quel œil on m'en verroit dédire,
- Ce qu'ose se permettre une femme en fureur,
- Et combien Rome entière auroit pour moi d'horreur. 510
-
- DOMITIAN.
-
- Elle n'en auroit point de vous voir pour un frère
- Faire autant que pour elle il vous a plu de faire.
- Seigneur, à vos bontés laissez un libre cours;
- Qui se vainc une fois peut se vaincre toujours:
- Ce n'est pas un effort que votre âme redoute. 515
-
- TITE.
-
- Qui se vainc une fois sait bien ce qu'il en coûte:
- L'effort est assez grand pour en craindre un second.
-
- DOMITIAN.
-
- Ah! si votre grande âme à peine s'en répond,
- La mienne, qui n'est pas d'une trempe si belle,
- Réduite au même effort, Seigneur, que fera-t-elle? 520
-
- TITE.
-
- Ce que je fais, mon frère: aimez ailleurs.
-
- DOMITIAN.
-
- Hélas!
- Ce qui vous fut aisé, Seigneur, ne me l'est pas.
- Quand vous avez changé, voyiez-vous Bérénice?
- De votre changement son départ fut complice;
- Vous l'aviez éloignée, et j'ai devant les yeux, 525
- Je vois presqu'en vos bras ce que j'aime le mieux.
- Jugez de ma douleur par l'excès de la vôtre,
- Si vous voyiez la Reine entre les bras d'un autre;
- Contre un rival heureux épargneriez-vous rien,
- A moins que d'un respect aussi grand que le mien? 530
-
- TITE.
-
- Vengez-vous, j'y consens; que rien ne vous retienne.
- Je prends votre maîtresse; allez, prenez la mienne.
- Épousez Bérénice, et....
-
- DOMITIAN.
-
- Vous n'achevez point,
- Seigneur: me pourriez-vous aimer jusqu'à ce point?
-
- TITE.
-
- Oui, si je ne craignois pour vous l'injuste haine 535
- Que Rome concevroit pour l'époux d'une reine.
-
- DOMITIAN.
-
- Dites, dites, Seigneur, qu'il est bien malaisé
- De céder ce qu'adore un cœur bien embrasé;
- Ne vous contraignez plus, ne gênez plus votre âme,
- Satisfaites en maître une si belle flamme; 540
- Quand vous aurez su dire une fois: «Je le veux,»
- D'un seul mot prononcé vous ferez quatre heureux.
- Bérénice est toujours digne de votre couche,
- Et Domitie enfin vous parle par ma bouche;
- Car je ne saurois plus vous le taire; oui, Seigneur, 545
- Vous en voulez la main, et j'en ai tout le cœur:
- Elle m'en fit le don dès la première vue,
- Et ce don fut l'effet d'une force imprévue,
- De cet ordre du ciel qui verse en nos esprits
- Les principes secrets de prendre et d'être pris. 550
- Je vous dirois, Seigneur, quelle en est la puissance,
- Si vous ne le saviez par votre expérience.
- Ne rompez[233] pas des nœuds et si forts et si doux:
- Rien ne les peut briser que le trépas, ou vous;
- Et c'est un triste honneur pour une si grande âme, 555
- Que d'accabler un frère et contraindre une femme.
-
- TITE.
-
- Je ne contrains personne; et de sa propre voix
- Nous allons, vous et moi, savoir quel est son choix.
-
-
-SCÈNE III.
-
-TITE, DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.
-
- TITE.
-
- Parlez, parlez, Madame, et daignez nous apprendre
- Où porte votre cœur, ce qu'il sent de plus tendre, 560
- Qui le possède entier de mon frère ou de moi?
-
- DOMITIE.
-
- En doutez-vous, Seigneur, quand vous avez ma foi?
-
- TITE.
-
- J'aime à n'en point douter, mais on veut que j'en doute:
- On dit que cette foi ne vous donne pas toute,
- Que ce cœur reste ailleurs. Parlez en liberté, 565
- Et n'en consultez point cette noble fierté,
- Ce digne orgueil du sang que mon rang sollicite:
- De tout ce que je suis ne regardez que Tite;
- Et pour mieux écouter vos désirs les plus doux,
- Entre le prince et moi ne regardez que vous. 570
-
- DOMITIE.
-
- Qu'avez-vous dit de moi, Prince?
-
- DOMITIAN.
-
- Que dans votre âme
- Vous laissez vivre encor notre première flamme;
- Et qu'en faveur du rang si vous m'osez trahir,
- Ce n'est pas tant aimer, Madame, qu'obéir.
- C'est en dire un peu plus que vous n'aviez envie; 575
- Mais il y va de vous, il y va de ma vie;
- Et qui se voit si près de perdre tout son bien,
- Se fait armes de tout, et ne ménage rien.
-
- DOMITIE.
-
- Je ne sais de vous deux, Seigneur, à ne rien feindre,
- Duquel je dois le plus me louer ou me plaindre. 580
- C'est aimer assez mal, que remettre tous deux
- Au choix de mes désirs le succès de vos vœux;
- Et cette liberté par tous les deux offerte
- Montre que tous les deux peuvent souffrir ma perte,
- Et que tout leur amour est prêt à consentir 585
- Que mon cœur ou ma foi veuille se démentir.
- Je me plains de tous deux, et vous plains l'un et l'autre,
- Si pour voir tout ce cœur vous m'ouvrez tout le vôtre.
- Le prince n'agit pas en amant fort discret;
- S'il ne m'impose rien, il trahit mon secret: 590
- Tout ce qu'il vous en dit m'offense ou vous abuse.
- Mais ce que fait l'amour, l'amour aussi l'excuse[234].
- Vous, Seigneur, je croyois que vous m'aimiez assez
- Pour m'épargner le trouble où vous m'embarrassez,
- Et laisser pour couleur à mon peu de constance 595
- La gloire d'obéir à la toute-puissance:
- Vous m'ôtez cette excuse, et me voulez charger
- De ce qu'a d'odieux la honte de changer.
- Si le prince en mon cœur garde encor même place,
- C'est manquer de respect que vous le dire en face; 600
- Et si mon choix pour vous n'est point violenté,
- C'est trop d'ambition et d'infidélité.
- Ainsi des deux côtés tout sert à me confondre.
- J'ai cent choses à dire, et rien à vous répondre;
- Et ne voulant déplaire à pas un de vous deux, 605
- Je veux, ainsi que vous, douter où vont mes vœux.
- Ce qui le plus m'étonne en cette déférence
- Qui veut du cœur entier une entière assurance,
- C'est que dans ce haut rang vous ne vouliez pas voir
- Qu'il n'importe du cœur quand on sait son devoir[235], 610
- Et que de vos pareils les hautes destinées
- Ne le consultent point sur ces grands hyménées.
-
- TITE.
-
- Si le vôtre, Madame, étoit de moindre prix....
- Mais que veut Flavian?
-
-
-SCÈNE IV.
-
-TITE, DOMITIAN, DOMITIE, PLAUTINE, FLAVIAN, ALBIN.
-
- FLAVIAN.
-
- Vous en serez surpris,
- Seigneur, je vous apporte une grande nouvelle: 615
- La reine Bérénice....
-
- TITE.
-
- Eh bien! est infidèle?
- Et son esprit, charmé par un plus doux souci....
-
- FLAVIAN.
-
- Elle est dans ce palais, Seigneur; et la voici[236].
-
-
-SCÈNE V.
-
-TITE, DOMITIAN, BÉRÉNICE, DOMITIE, FLAVIAN, ALBIN, PHILON,
-PLAUTINE.
-
- TITE.
-
- O Dieux! est-ce, Madame, aux reines de surprendre?
- Quel accueil, quels honneurs peuvent-elles attendre, 620
- Quand leur surprise envie au souverain pouvoir
- Celui de donner ordre à les bien recevoir?
-
- BÉRÉNICE.
-
- Pardonnez-le, Seigneur, à mon impatience.
- J'ai fait sous d'autres noms demander audience:
- Vous la donniez trop tard à mes ambassadeurs; 625
- Je n'ai pu tant attendre à voir tant de grandeurs;
- Et quoique par vous-même autrefois exilée,
- Sans ordre et sans aveu je me suis rappelée,
- Pour être la première à mettre à vos genoux
- Le sceptre qu'à présent je ne tiens que de vous, 630
- Et prendre sur les rois cet illustre avantage
- De leur donner l'exemple à vous en faire hommage.
- Je ne vous dirai point avec quelles langueurs
- D'un si cruel exil j'ai souffert les longueurs:
- Vous savez trop....
-
- TITE.
-
- Je sais votre zèle, et l'admire, 635
- Madame; et pour me voir possesseur de l'empire,
- Pour me rendre vos soins, je ne méritois pas
- Que rien vous pût résoudre à quitter vos États,
- Qu'une si grande reine en formât la pensée.
- Un voyage si long vous doit avoir lassée. 640
- Conduisez-la, mon frère, en son appartement[237].
- Vous, faites-l'y servir aussi pompeusement,
- Avec le même éclat qu'elle s'y vit servie
- Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie.
-
-
-SCÈNE VI.
-
-TITE, DOMITIE, PLAUTINE, PHILON.
-
- DOMITIE.
-
- Seigneur, faut-il ici vous rendre votre foi? 645
- Ne regardez que vous entre la Reine et moi;
- Parlez sans vous contraindre, et me daignez apprendre
- Où porte votre cœur ce qu'il sent de plus tendre[238].
-
- TITE.
-
- Adieu, Madame, adieu. Dans le trouble où je suis,
- Me taire et vous quitter, c'est tout ce que je puis. 650
-
-
-SCÈNE VII.
-
-DOMITIE, PLAUTINE.
-
- DOMITIE.
-
- Se taire et me quitter! Après cette retraite,
- Crois-tu qu'un tel arrêt ait besoin d'interprète?
-
- PLAUTINE.
-
- Oui, Madame; et ce n'est que dérober au jour;
- Que vous cacher le trouble où le met ce retour.
-
- DOMITIE.
-
- Non, non, tu l'as voulu, Plautine, que je vinsse 655
- Désavouer ici les vanités du prince,
- Empêcher qu'un amant dont je n'ai pas le cœur
- Ne cédât ma conquête à mon premier vainqueur:
- Vois la honte qu'ainsi je me suis attirée.
- Quand sa reine[239] a paru, m'a-t-il considérée? 660
- A-t-il jeté les yeux sur moi qu'en me quittant?
-
- PLAUTINE.
-
- Pensez-vous que sa reine ait l'esprit plus content?
- Avant que vous quitter, lui-même il l'a bannie.
-
- DOMITIE.
-
- Oui, mais avec respect, avec cérémonie,
- Avec des yeux enfin qui l'éloignant des miens, 665
- Lui promettoient assez de plus doux entretiens.
- Tu me diras encor que la chose est égale,
- Que s'il m'ose quitter, il chasse ma rivale.
- Mais pour peu qu'il m'aimât, du moins il m'auroit dit
- Que je garde en son âme encor même crédit: 670
- Il m'en auroit donné des sûretés nouvelles,
- Il m'en auroit laissé quelques marques fidèles.
- S'il me vouloit cacher le trouble où je le voi,
- La plus mauvaise excuse étoit bonne pour moi.
- Mais pour toute réponse, il se tait, et me quitte; 675
- Et tu ne peux souffrir que mon cœur s'en irrite!
- Tu veux, lorsque lui-même ose se déclarer,
- Que je me flatte encore assez pour espérer!
- C'est avec le perfide être d'intelligence.
- Sans me flatter en vain, courons à la vengeance; 680
- Faisons voir ce qu'en moi peut le sang de Néron,
- Et que je suis de plus fille de Corbulon.
-
- PLAUTINE.
-
- Vous l'êtes; mais enfin c'est n'être qu'une fille,
- Que le reste impuissant d'une illustre famille.
- Contre un tel empereur où prendrez-vous des bras? 685
-
- DOMITIE.
-
- Contre un tel empereur nous n'en manquerons pas.
- S'il épouse sa reine, il est l'horreur de Rome.
- Trouvons alors, trouvons un grand cœur, un grand homme,
- Un Romain qui réponde au sang de mes aïeux;
- Et pour le révolter, laisse faire à mes yeux. 690
- Juge, par le pouvoir de ceux de Bérénice,
- Si les miens auront peine à s'en faire justice.
- Si ceux-là forcent Tite à me manquer de foi,
- Ceux-ci feront briser le joug d'un nouveau roi;
- Et si de l'univers les siens charment le maître, 695
- Les miens charmeront ceux qui méritent de l'être.
- Dis-le-moi, tu l'as vue, ai-je peu de raison
- Quand de mes yeux aux siens je fais comparaison?
- Est-elle plus charmante, ai-je moins de mérite?
- Suis-je moins digne qu'elle enfin du cœur de Tite? 700
-
- PLAUTINE.
-
- Madame....
-
- DOMITIE.
-
- Je m'emporte, et mes sens interdits
- Impriment leur désordre en tout ce que je dis.
- Comment saurois-je aussi ce que je te dois dire,
- Si je ne sais pas même à quoi mon âme aspire?
- Mon aveugle fureur s'égare à tous propos. 705
- Allons penser à tout avec plus de repos.
-
- PLAUTINE.
-
- Vous pourriez hasarder un moment de visite,
- Pour voir si ce retour est sans l'aveu de Tite,
- Ou si c'est de concert qu'il a fait le surpris.
-
- DOMITIE.
-
- Oui; mais auparavant remettons nos esprits. 710
-
-
-FIN DU SECOND ACTE.
-
- [225] Polémon, roi de Cilicie. Voyez ci-dessus, p. 194,
- note 201, et plus loin, p. 245, note 258.
-
- [226] «Le célèbre M. de Santeul, voulant composer des
- vers sur la campagne d'Hollande de 1672, crut ne pouvoir mieux
- faire que de traduire en latin ces huit vers (397-404).... Il
- présenta au Roi ses vers latins sous ce titre: SUR LE DÉPART DU
- ROI, et mit à côté ceux de M. Corneille.» (Jolly, _Avertissement
- du Theâtre de Corneille_, p. LXIX et LXX.)--Santeul donne les
- vers 403 et 404 avec une double variante:
-
- Pour envoyer l'effroi _sur_ l'un et l'autre pôle
- Je n'ai qu'à faire un pas et hausser _ma_ parole.
-
- Voici sa traduction latine:
-
- _REX ITER MEDITANS._
-
- _Sic cœptis favet usque meis Victoria, ut hostes
- Me quoque pace data timeant, credantque leonem,
- Qui male sopitos premit alto corde furores,
- Ancipiti dudum meditans bella horrida somno;
- Nec tam blanda Venus media dominatur in aula,
- Quin, Marti tantum annuerim, mox palleat orbis._
-
- (_J. B. Santolii Victorini_ opera poetica. Paris, M.DC.XCIV,
- p. 211.)
-
-
- [227] Ce vers est la contre-partie de celui que
- Corneille a placé dans la bouche d'Auguste (_Cinna_, acte V,
- scène III, vers 1696):
-
- Je suis maître de moi comme de l'univers.
-
- [228] Voyez plus haut, p. 204, le vers 80 et la note 211.
-
- [229] Voyez ci-dessus, p. 203, note 211.
-
- [230] Suétone commence ainsi sa _Vie de Titus: Titus....
- amor ac deliciæ generis humani_; et Eutrope, au livre VII de son
- _Abrégé de l'Histoire romaine_ (chapitre XXI), dit au sujet du
- même empereur: _Huic_ (Vespasiano) _Titus filius successit....
- vir omnium virtutum genere mirabilis adeo, ut amor et deliciæ
- humani generis diceretur_.
-
- [231] «Il déclara qu'il n'acceptait le souverain
- pontificat qu'afin de conserver toujours ses mains pures. Il tint
- parole; car depuis ce moment, il ne fut ni l'auteur ni le
- complice de la mort de personne.» _Nec auctor posthac cujusquam
- necis, nec conscius._ (Suétone, _Titus_, chapitre IX.)
-
- [232] Voyez ci-après, p.247, la note 262 du vers 1112.
- Après l'éruption du Vésuve, Titus tira au sort, parmi les
- consulaires, des curateurs chargés de soulager les maux de la
- Campanie. (Suétone, _Titus_, chapitre VIII.)
-
- [233] L'édition de 1692 donne _trompez_, pour _rompez_,
- ce qui ne peut être qu'une faute d'impression.
-
- [234] Après ce vers, Voltaire a ajouté les mots: _à
- Tite_.
-
- [235] C'est, avec une tournure un peu différente, le
- vers 279 de _Sertorius_:
-
- Qu'importe de mon cœur, si je sais mon devoir?
-
- [236] Nous avons vu dans les extraits de Xiphilin (p.
- 197 et 198) qu'après être venue une première fois à Rome avec son
- frère Agrippa, du vivant de Vespasien, Bérénice y retourna sous
- le règne de Titus.
-
- [237] Voltaire (1764) fait suivre ce vers de
- l'indication: _à Flavian et Albin_.
-
- [238] Voyez plus haut, p. 223, le vers 570 et les vers
- 559 et 560.
-
- [239] On lit ici: «_la_ Reine,» dans les éditions de
- Thomas Corneille et de Voltaire, qui deux vers plus loin ont
- maintenu l'un et l'autre: «_sa_ reine.»
-
-
-
-
-ACTE III.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-DOMITIAN, BÉRÉNICE, PHILON.
-
- DOMITIAN.
-
- Je vous l'ai dit, Madame, et j'aime à le redire,
- Qu'il est beau qu'à vous plaire un empereur aspire,
- Qu'il lui doit être doux qu'un véritable feu
- Par de justes soupirs mérite votre aveu.
- Seroit-ce un crime à moins[240]? Seroit-ce vous déplaire, 715
- Après un empereur, de vous offrir son frère?
- Et voudriez-vous croire, en faveur de ma foi,
- Qu'un frère d'empereur pourroit valoir un roi?
-
- BÉRÉNICE.
-
- Si votre âme, Seigneur, en veut être éclaircie,
- Vous pouvez le savoir de votre Domitie. 720
- De tous les deux aimée, et douce à tous les deux,
- Elle sait mieux que moi comme on change de vœux,
- Et sait peut-être mal la route qu'il faut prendre
- Pour trouver le secret de les faire descendre,
- Quelque facilité qu'elle ait eue à trouver, 725
- Malgré sa flamme et vous, l'art de les élever.
- Pour moi, qui n'eus jamais l'honneur d'être Romaine,
- Et qu'un destin jaloux n'a fait naître que reine,
- Sans qu'un de vous descende au rang que je remplis,
- Ce me doit être assez d'un de vos affranchis; 730
- Et si votre empereur suit les traces des autres,
- Il suffit d'un tel sort pour relever les nôtres[241].
- Mais changeons de discours, et me dites, Seigneur,
- Par quel ordre aujourd'hui vous m'offrez votre cœur.
- Est-ce pour obliger ou Domitie ou Tite? 735
- N'ose-t-il me quitter à moins que je le quitte?
- Et peut-il à son rang si peu se confier,
- Qu'il veuille mon exemple à se justifier?
- Me donne-t-il à vous alors qu'il m'abandonne?
-
- DOMITIAN.
-
- Il vous respecte trop: c'est à vous qu'il me donne, 740
- Et me fait la justice, en m'enlevant mon bien,
- De vouloir que je tâche à m'enrichir du sien;
- Mais à peine il le veut, qu'il craint pour moi la haine
- Que Rome concevroit pour l'époux d'une reine.
- C'est à vous de juger d'où part ce sentiment. 745
- En vain, par politique, il fait ailleurs l'amant;
- Il s'y réduit en vain par grandeur de courage:
- A ces fausses clartés opposez quelque ombrage;
- Et je renonce au jour, s'il ne revient à vous,
- Pour peu que vous penchiez à le rendre jaloux. 750
-
- BÉRÉNICE.
-
- Peut-être; mais, Seigneur, croyez-vous Bérénice
- D'un cœur à s'abaisser jusqu'à cet artifice,
- Jusques à mendier lâchement le retour
- De ce qu'un grand service[242] a mérité d'amour?
-
- DOMITIAN.
-
- Madame, sur ce point je n'ai rien à vous dire. 755
- Vous savez ce que vaut l'Empereur et l'empire;
- Et si vous consentez qu'on vous manque de foi,
- Vous pouvez regarder[243] si je vaux bien un roi.
- J'aperçois Domitie, et lui cède la place.
-
-
-SCÈNE II.
-
-DOMITIE, BÉRÉNICE, DOMITIAN, PHILON.
-
- DOMITIE.
-
- Je vais me retirer, Seigneur, si je vous chasse; 760
- Et j'ai des intérêts que vous servez trop bien
- Pour arrêter le cours d'un si long entretien.
-
- DOMITIAN.
-
- Je faisois à la Reine une offre de service
- Qui peut vous assurer le rang d'impératrice,
- Madame; et si j'en suis accepté pour époux, 765
- Tite n'aura plus d'yeux pour d'autres que pour vous.
- Est-ce vous mal servir?
-
- DOMITIE.
-
- Quoi? Madame, il vous aime?
-
- BÉRÉNICE.
-
- Non; mais il me le dit, Madame.
-
- DOMITIE.
-
- Lui?
-
- BÉRÉNICE.
-
- Lui-même.
- Est-ce vous offenser que m'offrir vos refus?
- Et vous doit-il un cœur dont vous ne voulez plus? 770
-
- DOMITIE.
-
- Je ne sais si je puis vous dire s'il m'offense,
- Quand vous vous préparez à prendre sa défense.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Et moi, je ne sais pas s'il a droit de changer,
- Mais je sais que l'amour ne peut désobliger.
-
- DOMITIE.
-
- Du moins ce nouveau feu rend justice au mérite. 775
-
- DOMITIAN.
-
- Vous m'avez commandé de quitter qui me quitte,
- Vous le savez, Madame; et si c'est vous trahir,
- Vous m'avouerez aussi que c'est vous obéir.
-
- DOMITIE.
-
- S'il échappe à l'amour un mot qui le trahisse,
- A l'effort qu'il se fait veut-il qu'on obéisse? 780
- Il cherche une révolte, et s'en laisse charmer.
- Vous le sauriez, ingrat, si vous saviez aimer,
- Et ne vous feriez pas l'indigne violence
- De vous offrir ailleurs, et même en ma présence.
-
- DOMITIAN, à Bérénice.
-
- Madame, vous voyez ce que je vous ai dit: 785
- La preuve est convaincante, et l'exemple suffit.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Il suffit pour vous croire, et non pas pour le suivre.
-
- DOMITIE.
-
- Allez, sous quelques lois qu'il vous plaise de vivre,
- Vivez-y, j'y consens; mais vous pouviez, Seigneur,
- Vous hâter un peu moins de m'ôter votre cœur, 790
- Attendre que l'honneur de ce grand hyménée
- Vous renvoyât la foi que vous m'avez donnée.
- Si vous vouliez passer pour véritable amant,
- Il falloit espérer jusqu'au dernier moment;
- Il vous falloit....
-
- DOMITIAN.
-
- Eh bien! puisqu'il faut que j'espère,
- Madame, faites grâce à l'Empereur mon frère,
- A la Reine, à vous-même enfin, si vous m'aimez,
- Autant qu'il le paroît à vos yeux alarmés.
- Les scrupules d'État, qu'il falloit mieux combattre,
- Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre: 800
- Réunissez des cœurs de qui rompt l'union
- Cette chimère en Tite, en vous l'ambition.
- Vous trouverez au mien encor les mêmes flammes
- Qui, dès que je vous vis, charmèrent nos deux âmes.
- Dès ce premier moment j'adorai vos appas; 805
- Dès ce premier moment je ne vous déplus pas.
- Ai-je épargné depuis aucuns soins pour vous plaire?
- Est-ce un crime pour moi que l'aînesse d'un frère?
- Et faut-il m'accabler d'un éternel ennui
- Pour avoir vu le jour deux lustres après lui, 810
- Comme si de mon choix il dépendoit de naître
- Dans le temps qu'il falloit pour devenir son maître[244]?
- Au nom de votre amour et de ce digne amant,
- Madame, qui vous aime encor si chèrement,
- Prenez quelque pitié d'un amant déplorable; 815
- Faites-la partager à cette inexorable;
- Dissipez la fierté d'une injuste rigueur.
- Pour juge entre elle et moi je ne veux que son cœur.
- Je vous laisse avec elle arbitre de ma vie.
- Adieu, Madame. Adieu, trop aimable ennemie. 820
-
-
-SCÈNE III.
-
-BÉRÉNICE, DOMITIE, PHILON.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Les intérêts du prince[245] avancent trop le mien
- Pour vous oser, Madame, importuner de rien;
- Et l'incivilité de la moindre prière
- Sembleroit vous presser de me rendre son frère.
- Tout ce qu'en sa faveur je crois m'être permis, 825
- Après qu'à votre cœur lui-même il s'est remis,
- C'est de vous faire voir ce que hasarde une âme
- Qui sacrifie au rang les douceurs de sa flamme,
- Et quel long repentir suit ces nobles ardeurs
- Qui soumettent l'amour à l'éclat des grandeurs. 830
-
- DOMITIE.
-
- Quand les choses, Madame, auront changé de face,
- Je reviendrai savoir ce qu'il faut que je fasse,
- Et demander votre ordre avec empressement
- Sur le choix ou du prince ou de quelque autre amant.
- Agréez cependant un respect qui m'amène 835
- Vous rendre mes devoirs comme à ma souveraine;
- Car je n'ose douter que déjà l'Empereur
- Ne vous ait redonné bonne part en son cœur.
- Vous avez sur vos rois pris ce digne avantage
- D'être ici la première à rendre un juste hommage[246]; 840
- Et pour vous imiter, je veux avoir le bien
- D'être aussi la première à vous offrir le mien.
- Cet exemple qu'aux rois vous donnez pour un homme,
- J'aime pour une reine à le donner à Rome;
- Et plus il est nouveau, plus j'ai lieu d'espérer 845
- Que de quelques bontés vous voudrez m'honorer.
-
- BÉRÉNICE.
-
- A vous dire le vrai, sa nouveauté m'étonne:
- J'aurois eu quelque peine à vous croire si bonne;
- Et je recevrois l'offre avec confusion
- Si je n'y soupçonnois un peu d'illusion. 850
- Quoi qu'il en soit, Madame, en cette incertitude
- Qui nous met l'une et l'autre en quelque inquiétude,
- Ce que je puis répondre à vos civilités,
- C'est de vous demander pour moi mêmes bontés,
- Et que celle des deux qui sera satisfaite 855
- Traite l'autre de l'air qu'elle veut qu'on la traite.
- J'ai vu Tite se rendre au peu que j'ai d'appas;
- Je ne l'espère plus, et n'y renonce pas.
- Il peut se souvenir, dans ce grade sublime,
- Qu'il soumit votre Rome en détruisant Solyme, 860
- Qu'en ce siége pour lui je hasardai mon rang,
- Prodiguai mes trésors, et mes peuples leur sang,
- Et que s'il me fait part de sa toute-puissance,
- Ce sera moins un don qu'une reconnoissance.
-
- DOMITIE.
-
- Ce sont là de grands droits; et si l'amour s'y joint, 865
- Je dois craindre une chute à n'en relever point.
- Tite y peut ajouter que je n'ai point la gloire
- D'avoir sur ma patrie étendu sa victoire,
- De l'avoir saccagée et détruite à l'envi,
- Et renversé l'autel du dieu que j'ai servi: 870
- C'est par là qu'il vous doit cette haute fortune.
- Mais je commence à voir que je vous importune.
- Adieu. Quelque autre fois nous suivrons ce discours.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Je suis venue ici trop tôt de quatre jours;
- J'en suis au désespoir et vous en fais excuse. 875
-
- DOMITIE.
-
- Dans quatre jours, Madame, on verra qui s'abuse.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-BÉRÉNICE, PHILON.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Quel caprice, Philon, l'amène jusqu'ici
- M'expliquer elle-même un si cuisant souci?
- Tite, après mon départ, l'auroit-il maltraitée?
-
- PHILON.
-
- Après votre départ il l'a soudain quittée, 880
- Madame, et s'est défait de cet esprit jaloux
- Avec un compliment encor plus court qu'à vous.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Ainsi tout est égal: s'il me chasse, il la quitte;
- Mais ce peu qu'il m'a dit ne peut qu'il ne m'irrite:
- Il marque trop pour moi son infidélité. 885
- Vois de ses derniers mots quelle est la dureté:
- «Qu'on la serve, a-t-il dit, comme elle fut servie
- Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie[247].»
- Je ne le fais donc plus! Voilà ce que j'ai craint.
- Il fait en liberté ce qu'il faisoit contraint. 890
- Cet ordre de sortir, si prompt et si sévère,
- N'a plus pour s'excuser l'autorité d'un père:
- Il est libre, il est maître, il veut tout ce qu'il fait.
-
- PHILON.
-
- Du peu qu'il vous a dit j'attends un autre effet.
- Le trouble de vous voir auprès d'une rivale 895
- Vouloit pour se remettre un moment d'intervalle;
- Et quand il a rompu sitôt vos entretiens,
- Je lisois dans ses yeux qu'il évitoit les siens,
- Qu'il fuyoit l'embarras d'une telle présence.
- Mais il vient à son tour prendre son audience, 900
- Madame; et vous voyez si j'en sais bien juger.
- Songez de quelle sorte il faut le ménager.
-
-
-SCÈNE V.
-
-TITE, BÉRÉNICE, FLAVIAN, PHILON.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Me cherchez-vous, Seigneur, après m'avoir chassée?
-
- TITE.
-
- Vous avez su mieux lire au fond de ma pensée,
- Madame; et votre cœur connoît assez le mien 905
- Pour me justifier sans que j'explique rien.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Mais justifiera-t-il le don qu'il vous plaît faire
- De ma propre personne au prince votre frère?
- Et n'est-ce point assez de me manquer de foi,
- Sans prendre encor le droit de disposer de moi? 910
- Pouvez-vous jusque-là me bannir de votre âme?
- Le pouvez-vous, Seigneur?
-
- TITE.
-
- Le croyez-vous, Madame?
-
- BÉRÉNICE.
-
- Hélas! que j'ai de peur de vous dire que non!
- J'ai voulu vous haïr dès que j'ai su ce don:
- Mais à de tels courroux l'âme en vain se confie; 915
- A peine je vous vois que je vous justifie.
- Vous me manquez de foi, vous me donnez, chassez.
- Que de crimes! Un mot les a tous effacés.
- Faut-il, Seigneur, faut-il que je ne vous accuse
- Que pour dire aussitôt que c'est moi qui m'abuse, 920
- Que pour me voir forcée à répondre pour vous!
- Épargnez cette honte à mon dépit jaloux;
- Sauvez-moi du désordre où ma bonté[248] m'expose,
- Et du moins par pitié dites-moi quelque chose;
- Accusez-moi plutôt, Seigneur, à votre tour, 925
- Et m'imputez pour crime un trop parfait amour.
- Vos chimères d'État, vos indignes scrupules,
- Ne pourront-ils jamais passer pour ridicules?
- En souffrez-vous encor la tyrannique loi?
- Ont-ils encor sur vous plus de pouvoir que moi? 930
- Du bonheur de vous voir j'ai l'âme si ravie,
- Que pour peu qu'il durât, j'oublierois Domitie.
- Pourrez-vous l'épouser dans quatre jours? O cieux!
- Dans quatre jours! Seigneur, y voudrez-vous mes yeux?
- Vous plairez-vous à voir qu'en triomphe menée, 935
- Je serve de victime à ce grand hyménée;
- Que traînée avec pompe aux marches de l'autel,
- J'aille de votre main attendre un coup mortel?
- M'y verrez-vous mourir sans verser une larme?
- Vous y préparez-vous sans trouble et sans alarme? 940
- Et si vous concevez l'excès de ma douleur,
- N'en rejaillit-il[249] rien jusque dans votre cœur?
-
- TITE.
-
- Hélas! Madame, hélas! pourquoi vous ai-je vue?
- Et dans quel contre-temps êtes-vous revenue!
- Ce qu'on fit d'injustice à de si chers appas 945
- M'avoit assez coûté pour ne l'envier pas.
- Votre absence et le temps m'avoient fait quelque grâce;
- J'en craignois un peu moins les malheurs où je passe;
- Je souffrois Domitie, et d'assidus efforts
- M'avoient, malgré l'amour, fait maître du dehors. 950
- La contrainte sembloit tourner en habitude;
- Le joug que je prenois m'en paroissoit moins rude;
- Et j'allois être heureux, du moins aux yeux de tous,
- Autant qu'on le peut être en n'étant point à vous.
- J'allois....
-
- BÉRÉNICE.
-
- N'achevez point, c'est là ce qui me tue. 955
- Et je pourrois souffrir votre hymen à ma vue,
- Si vous aviez choisi quelque objet sans éclat,
- Qui ne pût être à vous que par raison d'État,
- Qui de ses grands aïeux n'eût reçu rien d'aimable,
- Qui n'en eût que le nom qui fût considérable. 960
- «Il s'est assez puni de son manque de foi,
- Me dirois-je, et son cœur n'en est pas moins à moi.»
- Mais Domitie est belle, elle a tout l'avantage
- Qu'ajoute un vrai mérite à l'éclat du visage;
- Et pour vous épargner les discours superflus, 965
- Elle est digne de vous, si vous ne m'aimez plus.
- Elle a toujours charmé le prince votre frère,
- Elle a gagné sur vous de ne vous plus déplaire:
- L'hymen achèvera de me faire oublier;
- Elle aura votre cœur, et l'aura tout entier. 970
- Seigneur, faites-moi grâce: épousez Sulpitie,
- Ou Camille, ou Sabine, et non pas Domitie;
- Choisissez-en quelqu'une enfin dont le bonheur
- Ne m'ôte que la main, et me laisse le cœur.
-
- TITE.
-
- Domitie aisément souffriroit ce partage; 975
- Ma main satisferoit l'orgueil de son courage;
- Et pour le cœur, à peine il vous sait en ces lieux,
- Qu'il revient tout entier faire hommage à vos yeux.
-
- BÉRÉNICE.
-
- N'importe: ayez pitié, Seigneur, de ma foiblesse.
- Vous avez un cœur fait à changer de maîtresse; 980
- Vous ne savez que trop l'art de manquer de foi:
- Ne l'exercerez-vous jamais que contre moi?
-
- TITE.
-
- Domitie est le choix de Rome et de mon père:
- Ils crurent à propos de l'ôter à mon frère,
- De crainte que ce cœur jeune et présomptueux 985
- Ne rendît téméraire un prince impétueux.
- Si pour vous obéir je lui suis infidèle,
- Rome, qui l'a choisie, y consentira-t-elle?
-
- BÉRÉNICE.
-
- Quoi? Rome ne veut pas quand vous avez voulu?
- Que faites-vous, Seigneur, du pouvoir absolu? 990
- N'êtes-vous dans ce trône, où tant de monde aspire,
- Que pour assujettir l'Empereur à l'empire[250]?
- Sur ses plus hauts degrés Rome vous fait la loi!
- Elle affermit ou rompt le don de votre foi!
- Ah! si j'en puis juger sur ce qu'on voit paroître. 995
- Vous en êtes l'esclave encor plus que le maître.
-
- TITE.
-
- Tel est le triste sort de ce rang souverain,
- Qui ne dispense pas d'avoir un cœur romain;
- Ou plutôt des Romains tel est le dur caprice[251]
- A suivre obstinément une aveugle injustice, 1000
- Qui rejetant d'un roi le nom plus que les lois,
- Accepte un empereur plus puissant que cent rois.
- C'est ce nom seul qui donne à leurs farouches haines
- Cette invincible horreur qui passe jusqu'aux reines,
- Jusques à leurs époux; et vos yeux adorés 1005
- Verroient de notre hymen naître cent conjurés.
- Encor s'il n'y falloit hasarder que ma vie;
- Si ma perte aussitôt de la vôtre suivie....
-
- BÉRÉNICE.
-
- Non, Seigneur, ce n'est pas aux reines comme moi
- A hasarder leurs jours pour signaler leur foi. 1010
- La plus illustre ardeur de périr l'un pour l'autre
- N'a rien de glorieux pour mon rang et le vôtre:
- L'amour de nos pareils la traite de fureur,
- Et ces vertus d'amant ne sont pas d'empereur.
- Mes secours en Judée[252] achevèrent l'ouvrage 1015
- Qu'avoit des légions ébauché le suffrage:
- Il m'est trop précieux pour le mettre au hasard;
- Et j'y pouvois, Seigneur, mériter quelque part,
- N'étoit qu'affermissant votre heureuse fortune,
- Je n'ai fait qu'empêcher qu'elle nous fût commune. 1020
- Si j'eusse eu moins pour elle ou de zèle ou de foi,
- Vous seriez moins puissant, mais vous seriez à moi;
- Vous n'auriez que le nom de général d'armée,
- Mais j'aurois pour époux l'amant qui m'a charmée;
- Et je posséderois dans ma cour, en repos, 1025
- Au lieu d'un empereur, le plus grand des héros.
-
- TITE.
-
- Eh bien! Madame, il faut renoncer à ce titre,
- Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre.
- Allons dans vos États m'en donner un plus doux;
- Ma gloire la plus haute est celle d'être à vous. 1030
- Allons où je n'aurai que vous pour souveraine,
- Où vos bras amoureux seront ma seule chaîne[253],
- Où l'hymen en triomphe à jamais l'étreindra;
- Et soit de Rome esclave et maître qui voudra[254]!
-
- BÉRÉNICE.
-
- Il n'est plus temps: ce nom, si sujet à l'envie, 1035
- Ne se quitte jamais, Seigneur, qu'avec la vie;
- Et des nouveaux Césars la tremblante fierté
- N'ose faire de grâce à ceux qui l'ont porté:
- Qui l'a pris une fois est toujours punissable.
- Ce fut par là qu'Othon se traita de coupable, 1040
- Par là Vitellius mérita le trépas;
- Et vous n'auriez partout qu'assassins sur vos pas.
-
- TITE.
-
- Que faire donc, Madame?
-
- BÉRÉNICE.
-
- Assurer votre vie;
- Et s'il y faut enfin la main de Domitie....
- Mais adieu: sur ce point si vous pouvez douter, 1045
- Ce n'est pas moi, Seigneur, qu'il en faut consulter.
-
- TITE, à Bérénice qui se retire[255].
-
- Non, Madame; et dût-il m'en coûter trône et vie,
- Vous ne me verrez point épouser Domitie.
- Ciel, si vous ne voulez qu'elle règne en ces lieux,
- Que vous m'êtes cruel de la rendre à mes yeux! 1050
-
-FIN DU TROISIÈME ACTE.
-
- [240] Tel est le texte des anciennes éditions, y compris
- celle de 1692. Voltaire a mis: «Serait-ce un crime à moi?»
-
- [241] Allusion à l'affranchi Félix. Voyez tome VI, p.
- 597, la note du vers 510 d'_Othon_.--Racine parle aussi de
- l'affranchi Félix, dans sa _Bérénice_ (acte II, scène II):
-
- De l'affranchi Pallas nous avons vu le frère,
- Des fers de Claudius Félix encor flétri,
- De deux reines, Seigneur, devenir le mari;
- Et s'il faut jusqu'au bout que je vous obéisse,
- Ces deux reines étoient du sang de Bérénice.
-
- L'une des deux Drusille que Félix épousa était sœur de Bérénice.
-
- [242] Tacite, au livre II des _Histoires_ (chapitre
- LXXXI), raconte que le parti de Vespasien, au moment de son
- avènement à l'empire, trouva une auxiliaire zélée dans la reine
- Bérénice: _nec minore animo regina Berenice partes juvabat,
- florens ætate formaque, et seni quoque Vespasiano magnificentia
- munerum grata_. Voyez aussi plus loin, vers 861 et suivants.
-
- [243] L'édition de 1692 a changé _regarder_ en
- _remarquer_.
-
- [244] Thomas Corneille et Voltaire ajoutent ici: _à
- Bérénice_, et au-dessus de la seconde phrase du vers 820,
- Voltaire seul: _à Domitie_.
-
- [245] L'édition de 1682 donne seule: «d'un prince,» pour
- «du prince.»
-
- [246] Voyez ci-dessus, p. 226, les vers 631 et 632.
-
- [247] Voyez ci-dessus, p. 227, vers 642-644.
-
- [248] L'édition de 1682 porte seule _ma honte_ pour _ma
- bonté_.
-
- [249] Toutes les éditions publiées du vivant de
- Corneille portent ici _rejallit_, que l'édition de 1692 a changé
- en _rejaillit_. Plus loin, au vers 1505, l'édition de 1671 est la
- seule qui porte _rejaillît_: toutes les autres, même celle de
- 1692, ont _rejallît_.
-
- [250] On a rapproché de ce passage ce vers que dit Néron
- dans le _Britannicus_ de Racine (publié en 1669):
-
- Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire?
-
- (Acte IV, scène III.)
-
- [251] Racine, dans sa _Bérénice_ (acte II, scène II),
- emploie le même mot:
-
- Soit raison, soit caprice,
- Rome ne l'attend point pour son impératrice.
-
- Puis, quelques vers plus loin, il développe ainsi l'idée contenue
- dans les vers 1001 et 1002 de Corneille:
-
- D'ailleurs, vous le savez, en bannissant ses rois,
- Rome à ce nom, si noble et si saint autrefois,
- Attacha pour jamais une haine puissante;
- Et quoiqu'à ses Césars fidèle, obéissante,
- Cette haine, Seigneur, reste de sa fierté,
- Survit dans tous les cœurs après la liberté.
-
- [252] Voyez ci-dessus, p. 232, note 242.
-
- [253] Dans l'édition de 1692: «_feront_ ma seule
- chaîne.»
-
- [254] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 196.
-
- [255] Voltaire (1764) a remplacé «qui se retire,» par
- «qui sort.»
-
-
-
-
-ACTE IV.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-BÉRÉNICE, PHILON.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Avez-vous su, Philon, quel bruit et quel murmure
- Fait mon retour à Rome en cette conjoncture[256]?
-
- PHILON.
-
- Oui, Madame: j'ai vu presque tous vos amis,
- Et su d'eux quel espoir vous peut être permis.
- Il est peu de Romains qui penchent la balance 1055
- Vers l'extrême hauteur ou l'extrême indulgence:
- La plupart d'eux embrasse un avis modéré
- Par qui votre retour n'est pas déshonoré,
- Mais à l'hymen de Tite il vous ferme la porte:
- La fière Domitie est partout la plus forte; 1060
- La vertu de son père et son illustre sang
- A son ambition assure[257] ce haut rang.
- Il est peu sur ce point de voix qui se divisent,
- Madame; et quant à vous, voici ce qu'ils en disent:
- «Elle a bien servi Rome, il le faut avouer; 1065
- L'Empereur et l'empire ont lieu de s'en louer:
- On lui doit des honneurs, des titres sans exemples;
- Mais enfin elle est reine, elle abhorre nos temples,
- Et sert un Dieu jaloux qui ne peut endurer
- Qu'aucun autre que lui se fasse révérer; 1070
- Elle traite à nos yeux les nôtres de fantômes.
- On peut lui prodiguer des villes, des royaumes:
- Il est des rois pour elle; et déjà Polémon[258]
- De ce Dieu qu'elle adore invoque le seul nom;
- Des nôtres pour lui plaire il dédaigne le culte: 1075
- Qu'elle règne avec lui sans nous faire d'insulte.
- Si ce trône et le sien ne lui suffisent pas,
- Rome est prête d'y joindre encor d'autres États[259],
- Et de faire éclater avec magnificence
- Un juste et plein effet de sa reconnoissance.» 1080
-
- BÉRÉNICE.
-
- Qu'elle répande ailleurs ces effets éclatants,
- Et ne m'enlève point le seul où je prétends.
- Elle n'a point de part en ce que je mérite:
- Elle ne me doit rien, je n'ai servi que Tite.
- Si j'ai vu sans douleur mon pays désolé, 1085
- C'est à Tite, à lui seul, que j'ai tout immolé;
- Sans lui, sans l'espérance à mon amour offerte,
- J'aurois servi Solyme, ou péri dans sa perte;
- Et quand Rome s'efforce à m'arracher son cœur,
- Elle sert le courroux d'un Dieu juste vengeur. 1090
- Mais achevez, Philon; ne dit-on autre chose?
-
- PHILON.
-
- On parle des périls où votre amour l'expose:
- «De cet hymen, dit-on, les nœuds si desirés
- Serviront de prétexte à mille conjurés;
- Ils pourront soulever jusqu'à son propre frère. 1095
- Il se voulut jadis cantonner contre un père;
- N'eût été Mucian qui le tint dans Lyon,
- Il se faisoit le chef de la rébellion,
- Avouoit Civilis, appuyoit ses Bataves,
- Des Gaulois belliqueux soulevoit les plus braves; 1100
- Et les deux bords du Rhin l'auroient pour empereur,
- Pour peu qu'eût Céréal écouté sa fureur[260].»
- Il aime Domitie, et règne dans son âme;
- Si Tite ne l'épouse, il en fera sa femme.
- Vous savez de tous deux quelle est l'ambition: 1105
- Jugez ce qui peut suivre une telle union.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Ne dit-on rien de plus?
-
- PHILON.
-
- Ah! Madame, je tremble
- A vous dire encor....
-
- BÉRÉNICE.
-
- Quoi?
-
- PHILON.
-
- Que le sénat s'assemble.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Quelle est l'occasion qui le fait assembler?
-
- PHILON.
-
- L'occasion n'a rien qui vous doive troubler; 1110
- Et ce n'est qu'à dessein de pourvoir aux dommages
- Que du Vésuve ardent ont causés[261] les ravages[262];
- Mais Domitie aura des amis, des parents,
- Qui pourront bien après vous mettre sur les rangs.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Quoi que sur mes destins ils usurpent d'empire, 1115
- Je ne vois pas leur maître en état d'y souscrire.
- Philon, laissons-les faire: ils n'ont qu'à me bannir
- Pour trouver hautement l'art de me retenir.
- Contre toutes leurs voix je ne veux qu'un suffrage,
- Et l'ardeur de me nuire achèvera l'ouvrage. 1120
- Ce n'est pas qu'en effet la gloire où je prétends
- N'offre trop de prétexte aux esprits mécontents:
- Je ne puis jeter l'œil sur ce que je suis née
- Sans voir que de périls suivront cet hyménée.
- Mais pour y parvenir s'il faut trop hasarder, 1125
- Je veux donner le bien que je n'ose garder;
- Je veux du moins, je veux ôter à ma rivale
- Ce miracle vivant, cette âme sans égale:
- Qu'en dépit des Romains, leur digne souverain,
- S'il prend une moitié, la prenne de ma main; 1130
- Et pour tout dire enfin, je veux que Bérénice
- Ait une créature en leur impératrice.
- Je vois Domitian. Contre tous leurs arrêts
- Il n'est pas malaisé d'unir nos intérêts.
-
-
-SCÈNE II.
-
-DOMITIAN, BÉRÉNICE, PHILON, ALBIN.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Auriez-vous au sénat, Seigneur, assez de brigue 1135
- Pour combattre et confondre une insolente ligue?
- S'il ne s'assemble pas exprès pour m'exiler,
- J'ai quelques envieux qui pourront en parler.
- L'exil m'importe peu, j'y suis accoutumée;
- Mais vous perdez l'objet dont votre âme est charmée:
- L'audacieux décret de mon bannissement
- Met votre Domitie aux bras d'un autre amant;
- Et vous pouvez[263] juger que s'il faut qu'on m'exile,
- Sa conquête pour vous n'en est pas plus facile.
- Voyez si votre amour se veut laisser ravir 1145
- Cet unique secours qui pourroit le servir[264].
-
- DOMITIAN.
-
- On en pourra parler, Madame, et mon ingrate
- En a déjà conçu quelque espoir qui la flatte;
- Mais je puis dire aussi que le rang que je tiens
- M'a fait assez d'amis pour opposer aux siens; 1150
- Et que si dès l'abord ils ne les font pas taire,
- Ils rompront le grand coup qui seul nous peut déplaire.
- Non que tout cet espoir ne coure grand hasard,
- Si votre amant volage y prend la moindre part:
- On l'aime; et si son ordre à nos amis s'oppose, 1155
- Leur plus fidèle ardeur osera peu de chose.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Ah! Prince, je mourrai de honte et de douleur,
- Pour peu qu'il contribue à faire mon malheur;
- Mais je n'ai qu'à le voir pour calmer ces alarmes.
-
- DOMITIAN.
-
- N'y perdez point de temps, portez-y tous vos charmes:
- N'en oubliez aucun dans un péril si grand.
- Peut-être, ainsi que vous, ce dessein le surprend;
- Mais je crains qu'après tout son âme irrésolue
- Ne relâche un peu trop sa puissance absolue,
- Et ne laisse au sénat décider de ses vœux, 1165
- Pour se faire une excuse[265] envers l'une des deux.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Quelques efforts qu'on fasse, et quelque art qu'on déploie,
- Je vous réponds de tout, pourvu que je le voie;
- Et je ne crois pas même au pouvoir de vos dieux
- De lui faire épouser Domitie à mes yeux. 1170
- Si vous l'aimez encor, ce mot vous doit suffire.
- Quant au sénat, qu'il m'ôte ou me donne l'empire,
- Je ne vous dirai point à quoi je me résous.
- Voici votre inconstante. Adieu, pensez à vous.
-
-
-SCÈNE III.
-
-DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.
-
- DOMITIE.
-
- Prince, si vous m'aimez, l'occasion est belle. 1175
-
- DOMITIAN.
-
- Si je vous aime! Est-il un amant plus fidèle?
- Mais, Madame, sachons ce que vous souhaitez.
-
- DOMITIE.
-
- Vous me servirez mal, puisque vous en doutez.
- L'amant digne du cœur de la beauté qu'il aime
- Sait mieux ce qu'elle veut que ce qu'il veut lui-même.
- Mais puisque j'ai besoin d'expliquer mon courroux,
- J'en veux à Bérénice, à l'Empereur, à vous:
- A lui, qui n'ose plus m'aimer en sa présence;
- A vous, qui vous mettez de leur intelligence,
- Et dont tous les amis vont servir un amour 1185
- Qui me rend à vos yeux la fable de la cour.
- Si vous m'aimez, Seigneur, il faut sauver ma gloire,
- M'assurer par vos soins une pleine victoire;
- Il faut....
-
- DOMITIAN.
-
- Si vous croyez votre bonheur douteux,
- Votre retour vers moi seroit-il si honteux? 1190
- Suis-je indigne de vous? suis-je si peu de chose
- Que toute votre gloire à mon amour s'oppose?
- Ne voit-on plus en moi ce que vous estimiez?
- Et suis-je moindre enfin qu'alors que vous m'aimiez?
-
- DOMITIE.
-
- Non; mais un autre espoir va m'accabler de honte, 1195
- Quand le trône m'attend, si Bérénice y monte.
- Délivrez-en mes yeux, et prêtez-moi la main
- Du moins à soutenir l'honneur du nom romain.
- De quel œil verrez-vous qu'une reine étrangère....
-
- DOMITIAN.
-
- De l'œil dont je verrois que l'Empereur, mon frère, 1200
- En prît d'autres pour vous, ranimât son espoir,
- Et pour se rendre heureux, usât de son pouvoir.
-
- DOMITIE.
-
- Ne vous y trompez pas: s'il me donne le change,
- Je ne suis point à vous, je suis à qui me venge,
- Et trouverai peut-être à Rome assez d'appui 1205
- Pour me venger de vous aussi bien que de lui.
-
- DOMITIAN.
-
- Et c'est du nom romain la gloire qui vous touche.
- Madame? et vous l'avez au cœur comme en la bouche?
- Ah! que le nom de Rome est un nom précieux,
- Alors qu'en la servant on se sert encor mieux, 1210
- Qu'avec nos intérêts ce grand devoir conspire,
- Et que pour récompense on se promet l'empire!
- Parlons à cœur ouvert, Madame, et dites-moi
- Quel fruit je dois attendre enfin d'un tel emploi.
-
- DOMITIE.
-
- Voulez-vous pour servir être sûr du salaire, 1215
- Seigneur? et n'avez-vous qu'un amour mercenaire[266]?
-
- DOMITIAN.
-
- Je n'en connois point d'autre, et ne conçois pas bien
- Qu'un amant puisse plaire en ne prétendant rien.
-
- DOMITIE.
-
- Que ces prétentions sentent les âmes basses!
-
- DOMITIAN.
-
- Les Dieux à qui les sert font espérer des grâces. 1220
-
- DOMITIE.
-
- Les exemples des Dieux s'appliquent mal sur nous.
-
- DOMITIAN.
-
- Je ne veux donc, Madame, autre exemple que vous.
- N'attendez-vous de Tite, et n'avez-vous pour Tite
- Qu'une stérile ardeur qui s'attache au mérite?
- De vos destins aux siens pressez-vous l'union 1225
- Sans vouloir aucun fruit de tant de passion?
-
- DOMITIE.
-
- Peut-être en ce dessein ne suis-je intéressée
- Que par l'intérêt seul de ma gloire blessée.
- Croyez-moi généreuse, et soyez généreux:
- N'aimez plus, ou n'aimez que comme je le veux. 1230
- Je sais ce que je dois à l'amant qui m'oblige;
- Mais j'aime qu'on l'attende et non pas qu'on l'exige:
- Et qui peut immoler son intérêt au mien,
- Peut se promettre tout de qui ne promet rien.
- Peut-être qu'en l'état où je suis avec Tite, 1235
- Je veux bien le quitter, mais non pas qu'il me quitte.
- Vous en dis-je trop peu pour vous l'imaginer?
- Et depuis quand l'amour n'ose-t-il deviner?
- Tous mes emportements pour la grandeur suprême
- Ne vous déguisent point, Seigneur, que je vous aime;
- Et l'on ne voit que trop quel droit j'ai de haïr
- Un empereur sans foi qui meurt de me trahir.
- Me condamnerez-vous à voir que Bérénice
- M'enlève de hauteur le rang d'impératrice?
- Lui pourrez-vous aider à me perdre d'honneur? 1245
-
- DOMITIAN.
-
- Ne pouvez-vous le mettre à faire mon bonheur?
-
- DOMITIE.
-
- J'ai quelque orgueil encor, Seigneur, je le confesse.
- De tout ce qu'il attend rendez-moi la maîtresse,
- Et laissez à mon choix l'effet de votre espoir:
- Que ce soit une grâce, et non pas un devoir; 1250
- Et que....
-
- DOMITIAN.
-
- Me faire grâce après tant d'injustice!
- De tant de vains détours je vois trop l'artifice,
- Et ne saurois douter du choix que vous ferez
- Quand vous aurez par moi ce que vous espérez.
- Épousez, j'y consens, le rang de souveraine; 1255
- Faites l'impératrice, en donnant une reine;
- Disposez de sa main, et pour première loi,
- Madame, ordonnez-lui d'abaisser l'œil sur moi.
-
- DOMITIE.
-
- Cet objet de ma haine a pour vous quelque charme.
-
- DOMITIAN.
-
- Son nom seul prononcé vous a mise en alarme: 1260
- Me puis-je mieux venger, si vous me trahissez,
- Que d'aimer à vos yeux ce que vous haïssez?
-
- DOMITIE.
-
- Parlons à cœur ouvert. Aimez-vous Bérénice?
-
- DOMITIAN.
-
- Autant qu'il faut l'aimer pour vous faire un supplice.
-
- DOMITIE.
-
- Ce sera donc le vôtre encor plus que le mien. 1265
- Après cela, Seigneur, je ne vous dis plus rien.
- S'il n'a pas pour votre âme une assez rude gêne,
- J'y puis joindre au besoin une implacable haine.
-
- DOMITIAN.
-
- Et moi, dût à jamais croître ce grand courroux,
- J'épouserai, Madame, ou Bérénice, ou vous. 1270
-
- DOMITIE.
-
- Ou Bérénice, ou moi! La chose est donc égale,
- Et vous ne m'aimez plus qu'autant que ma rivale?
-
- DOMITIAN.
-
- La douleur de vous perdre, hélas!...
-
- DOMITIE.
-
- C'en est assez:
- Nous verrons cet amour dont vous nous menacez.
- Cependant si la Reine, aussi fière que belle, 1275
- Sait comme il faut répondre aux vœux d'un infidèle,
- Ne me rapportez point l'objet de son dédain
- Qu'elle n'ait repassé les rives du Jourdain.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-DOMITIAN, ALBIN.
-
- DOMITIAN.
-
- Admire ainsi que moi de quelle jalousie
- Au seul nom de la Reine elle a paru saisie; 1280
- Comme s'il importoit à ses heureux appas
- A qui je donne un cœur dont elle ne veut pas!
-
- ALBIN.
-
- Seigneur, telle est l'humeur de la plupart des femmes.
- L'amour sous leur empire eût-il rangé mille âmes,
- Elles regardent tout comme leur propre bien, 1285
- Et ne peuvent souffrir qu'il leur échappe rien.
- Un captif mal gardé leur semble une infamie:
- Qui l'ose recevoir devient leur ennemie;
- Et sans leur faire un vol on ne peut disposer
- D'un cœur qu'un autre choix les force à refuser: 1290
- Elles veulent qu'ailleurs par leur ordre il soupire,
- Et qu'un don de leur part marque un reste d'empire.
- Domitie a pour vous ces communs sentiments
- Que les fières beautés ont pour tous leurs amants,
- Et craint, si votre main se donne à Bérénice, 1295
- Qu'elle ne porte en vain le nom d'impératrice,
- Quand d'un côté l'hymen, et de l'autre l'amour,
- Feront à cette reine un empire en sa cour.
- Voilà sa jalousie, et ce qu'elle redoute,
- Seigneur. Pour le sénat, n'en soyez point en doute, 1300
- Il aime l'Empereur, et l'honore à tel point,
- Qu'il servira sa flamme, ou n'en parlera point;
- Pour le stupide Claude il eut bien la bassesse
- D'autoriser l'hymen de l'oncle avec la nièce[267]:
- Il ne fera pas moins pour un prince adoré, 1305
- Et je l'y tiens déjà, Seigneur, tout préparé.
-
- DOMITIAN.
-
- Tu parles du sénat, et je veux parler d'elle,
- De l'ingrate qu'un trône a rendue infidèle.
- N'est-il point de moyens[268], ne vois-tu point de jour,
- A mettre enfin d'accord sa gloire et son amour? 1310
-
- ALBIN.
-
- Tout dépendra de Tite et du secret office
- Qu'il peut dans le sénat rendre à sa Bérénice.
- L'air dont il agira pour un espoir si doux
- Tournera l'assemblée ou pour ou contre vous;
- Et si sa politique à vos amis s'oppose, 1315
- Vous l'avez dit vous-même, ils pourront peu de chose.
- Sondez ses sentiments, et réglez-vous sur eux:
- Votre bonheur est sûr, s'il consent d'être heureux.
- Que si son choix balance, ou flatte mal le vôtre,
- Demandez Bérénice afin d'obtenir l'autre. 1320
- Vous l'avez déjà vu sensible à de tels coups;
- Et c'est un grand ressort qu'un peu d'amour jaloux.
- Au moindre empressement pour cette belle reine,
- Il vous fera justice et reprendra sa chaîne.
- Songez à pénétrer ce qu'il a dans l'esprit. 1325
- Le voici.
-
- DOMITIAN.
-
- Je suivrai ce que ton zèle en dit.
-
-
-SCÈNE V.
-
-TITE, DOMITIAN, FLAVIAN, ALBIN.
-
- TITE.
-
- Avez-vous regagné le cœur de votre ingrate,
- Mon frère?
-
- DOMITIAN.
-
- Sa fierté de plus en plus éclate.
- Voyez s'il fut jamais orgueil pareil au sien:
- Il veut que je la serve et ne prétende rien, 1330
- Que j'appuie en l'aimant toute son injustice,
- Que je fasse de Rome exiler Bérénice.
- Mais, Seigneur, à mon tour puis-je vous demander
- Ce qu'à vos plus doux vœux il vous plaît d'accorder?
-
- TITE.
-
- J'aurai peine à bannir la Reine de ma vue. 1335
- Par quels ordres, grands Dieux, est-elle revenue?
- Je souffrois, mais enfin je vivois sans la voir;
- J'allois....
-
- DOMITIAN.
-
- N'avez-vous pas un absolu pouvoir,
- Seigneur?
-
- TITE.
-
- Oui; mais j'en suis comptable à tout le monde:
- Comme dépositaire, il faut que j'en réponde. 1340
- Un monarque a souvent des lois à s'imposer;
- Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser.
-
- DOMITIAN.
-
- Que refuserez-vous aux désirs de votre âme,
- Si le sénat approuve une si belle flamme?
-
- TITE.
-
- Qu'il parle du Vésuve, et ne se mêle pas 1345
- De jeter dans mon âme un nouvel embarras.
- Est-ce à lui d'abuser de mon inquiétude
- Jusqu'à mettre une borne à son incertitude?
- Et s'il ose en mon choix prendre quelque intérêt,
- Me croit-il en état d'en croire son arrêt? 1350
- S'il exile la Reine, y pourrai-je souscrire?
-
- DOMITIAN.
-
- S'il parle en sa faveur, pourrez-vous l'en dédire?
- Ah! que je vous plaindrois d'avoir si peu d'amour!
-
- TITE.
-
- J'en ai trop, et le mets peut-être trop au jour.
-
- DOMITIAN.
-
- Si vous en aviez tant, vous auriez peu de peine 1355
- A rendre Domitie à sa première chaîne.
-
- TITE.
-
- Ah! s'il ne s'agissoit que de vous la céder,
- Vous auriez peu de peine à me persuader;
- Et pour vous rendre heureux, me rendre à Bérénice
- Ne seroit pas vous faire un fort grand sacrifice. 1360
- Il y va de bien plus.
-
- DOMITIAN.
-
- De quoi, Seigneur?
-
- TITE.
-
- De tout.
- Il y va d'épouser sa haine jusqu'au bout,
- D'en suivre la furie, et d'être le ministre
- De ce qu'un noir dépit conçoit de plus sinistre:
- Et peut-être l'aigreur de ces inimitiés 1365
- Voudra que je vous perde ou que vous me perdiez:
- Voilà ce qui peut suivre un si doux hyménée.
- Vous voyez dans l'orgueil Domitie obstinée;
- Quand pour moi cet orgueil ose vous dédaigner,
- Elle ne m'aime pas: elle cherche à régner, 1370
- Avec vous, avec moi, n'importe la manière.
- Tout plairoit, à ce prix, à son humeur altière;
- Tout seroit digne d'elle; et le nom d'empereur
- A mon assassin même attacheroit son cœur.
-
- DOMITIAN.
-
- Pouvez-vous mieux choisir un frein à sa colère, 1375
- Seigneur, que de la mettre entre les mains d'un frère?
-
- TITE.
-
- Non: je ne puis la mettre en de plus sûres mains[269];
- Mais plus vous m'êtes cher, Prince, et plus je vous crains:
- De ceux qu'unit le sang plus douces sont les chaînes,
- Plus leur désunion met d'aigreur dans leurs haines; 1380
- L'offense en est plus rude, et le courroux plus grand,
- La suite plus barbare, et l'effet plus sanglant.
- La nature en fureur s'abandonne à tout faire,
- Et cinquante ennemis sont moins haïs qu'un frère.
- Je ne réveille point des soupçons assoupis, 1385
- Et veux bien oublier le temps de Civilis[270]:
- Vous étiez encor jeune, et sans vous bien connoître,
- Vous pensiez n'être né que pour vivre sans maître;
- Mais les occasions renaissent aisément:
- Une femme est flatteuse, un empire est charmant, 1390
- Et comme avec plaisir on s'en laisse surprendre,
- On néglige bientôt les soins de s'en défendre.
- Croyez-moi, séparez vos intérêts des siens.
-
- DOMITIAN.
-
- Eh bien! j'en briserai les dangereux liens.
- Pour votre sûreté j'accepte ce supplice; 1395
- Mais pour m'en consoler, donnez-moi Bérénice.
- Dût le sénat, dût Rome en frémir de courroux,
- Vous n'osez l'épouser, j'oserai plus que vous;
- Je l'aime, et l'aimerai si votre âme y renonce.
- Quoi? n'osez-vous, Seigneur, me faire de réponse? 1400
-
- TITE.
-
- Se donne-t-elle à vous, et ne tient-il qu'à moi?
-
- DOMITIAN.
-
- Elle a droit d'imiter qui lui manque de foi.
-
- TITE.
-
- Elle n'en a que trop; et toutefois je doute
- Que son amour trahi prenne la même route.
-
- DOMITIAN.
-
- Mais si pour se venger elle répond au mien? 1405
-
- TITE.
-
- Épousez-la, mon frère, et ne m'en dites rien.
-
- DOMITIAN.
-
- Et si je regagnois l'esprit de Domitie?
- Si pour moi sa fierté se montroit adoucie?
- Si mes vœux, si mes soins en étoient mieux reçus,
- Seigneur?
-
- TITE, en rentrant.
-
- Epousez-la sans m'en parler non plus. 1410
-
- DOMITIAN.
-
- Allons, et malgré lui rendons-lui Bérénice.
- Albin, de nos projets son amour est complice;
- Et puisqu'il l'aime assez pour en être jaloux,
- Malgré l'ambition Domitie est à nous.
-
-
-FIN DU QUATRIÈME ACTE.
-
- [256] Dans la _Bérénice_ de Racine (acte II, scène II),
- Titus interroge de même son confident Paulin, et celui-ci lui
- fait connaître, comme ici Philon à Bérénice, les dispositions des
- Romains.
-
- [257] Telle est l'orthographe de toutes les éditions
- données par Corneille. L'édition de 1692, et Voltaire d'après
- elle, ont substitué le pluriel au singulier: «assurent ce haut
- rang.»
-
- [258] Voyez plus haut, p. 194, note 201, et p. 216, vers
- 381. L'historien Josèphe raconte au livre XX de ses _Antiquités
- judaïques_, chapitre VII, 3, que Polémon, pour épouser Bérénice,
- se fit circoncire; puis que Bérénice l'ayant quitté fort peu de
- temps après le mariage, il renonça à la religion juive.
-
- [259] Dans la _Bérénice_ de Racine (acte II, scène II,
- et acte III, scène I), il s'agit d'un semblable témoignage de
- reconnaissance, de l'agrandissement des États de Bérénice.
-
- [260] Tacite raconte au livre IV de ses _Histoires_
- (chapitres LXXXV et LXXXVI) comment Mucien décida Domitien à
- rester à Lyon, au lieu d'aller sur le théâtre même de la guerre.
- Puis il ajoute: «Domitien comprit l'artifice; mais les égards
- commandaient de ne pas l'apercevoir: on alla donc à Lyon. De là
- on croit qu'il tenta par de secrets émissaires la foi de Cerealis
- (_ou_ Cerialis, _le général qui commandait l'armée romaine
- opposée au Batave Civilis_): il voulait savoir si ce chef lui
- remettrait, en cas qu'il parût, l'armée et le commandement. Cette
- pensée cachait-elle un projet de guerre contre son père, ou
- cherchait-il à se ménager contre son frère des ressources et des
- forces? la chose demeura incertaine.» _Intellegebantur artes; sed
- pars obsequii in eo ne deprehenderentur: ita Lugdunum ventum.
- Unde creditur Domitianus occultis ad Cerialem nunciis, fidem ejus
- tentavisse an præsenti sibi exercitum imperiumque traditurus
- foret: qua cogitatione bellum adversus patrem agitaverit, an opes
- virisque adversus fratrem, in incerto fuit._
-
- [261] Toutes les éditions anciennes, y compris celles de
- Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764), donnent _causé_,
- sans accord.
-
- [262] _Quædam sub eo fortuita ac tristia acciderunt: ut
- conflagratio Vesevi montis in Campania._ (Suétone, _Titus_,
- chapitre VIII.) Cette éruption de 79 est celle qui détruisit
- Herculanum, Pompeies et Stabies, et dont Pline l'Ancien fut
- victime.
-
- [263] Nous avons adopté la leçon de l'édition de 1692,
- qui est aussi celle de Voltaire. Elle nous a paru préférable au
- texte des éditions antérieures: «vous pourrez.»
-
- [264] _Var._ Cet unique secours qui pouvoit le servir.
- (1671 et 79)
-
- [265] L'édition de 1682 porte, par erreur, «_un_
- excuse.»
-
- [266] On lit _marcenaire_ dans les deux éditions de 1682
- et de 1692.
-
- [267] Après la mort de Messaline, Claude épousa, avec
- l'assentiment du sénat, sa nièce Agrippine, dont le fils Néron
- avait déjà onze ans. Voyez Tacite, _Annales_, livre XII,
- chapitres V-VII.
-
- [268] Voltaire (1764) a mis le singulier: _moyen_.
-
- [269] L'édition de 1682 donne seule: «en des plus sûres
- mains.»
-
- [270] Voyez ci-dessus, p. 246, note 260.
-
-
-
-
-ACTE V.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-TITE, FLAVIAN.
-
- TITE.
-
- As-tu vu Bérénice? aime-t-elle mon frère? 1415
- Et se plaît-elle à voir qu'il tâche de lui plaire?
- Me la demande-t-il de son consentement?
-
- FLAVIAN.
-
- Ne la soupçonnez point d'un si bas sentiment;
- Elle n'en peut souffrir non pas même la feinte.
-
- TITE.
-
- As-tu vu dans son cœur encor la même atteinte? 1420
-
- FLAVIAN.
-
- Elle veut vous parler, c'est tout ce que j'en sai.
-
- TITE.
-
- Faut-il de son pouvoir faire un nouvel essai?
-
- FLAVIAN.
-
- M'en croirez-vous, Seigneur? évitez sa présence[271],
- Ou mettez-vous contre elle un peu mieux en défense.
- Quel fruit espérez-vous de tout son entretien? 1425
-
- TITE.
-
- L'en aimer davantage, et ne résoudre rien.
-
- FLAVIAN.
-
- L'irrésolution doit-elle être éternelle?
- Vous ne me dites plus que Domitie est belle,
- Seigneur, vous qui disiez que ses seules beautés
- Vous peuvent consoler de ce que vous quittez; 1430
- Qu'elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre
- Vos feux à s'assoupir, s'ils ne peuvent s'éteindre.
-
- TITE.
-
- Je l'ai dit, il est vrai; mais j'avois d'autres yeux,
- Et je ne voyois pas Bérénice en ces lieux.
-
- FLAVIAN.
-
- Quand aux feux les plus beaux un monarque défère,
- Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire,
- Et regarde l'amour comme un lâche attentat
- Dès qu'il veut prévaloir sur la raison d'État.
- Son grand cœur, au-dessus des plus dignes amorces,
- A ses devoirs pressants laisse toutes leurs forces[272]; 1440
- Et son plus doux espoir n'ose lui demander
- Ce que sa dignité ne lui peut accorder.
-
- TITE.
-
- Je sais qu'un empereur doit parler ce langage;
- Et quand il l'a fallu, j'en ai dit davantage;
- Mais de ces duretés que j'étale à regret, 1445
- Chaque mot à mon cœur coûte un soupir secret;
- Et quand à la raison j'accorde un tel empire,
- Je le dis seulement parce qu'il le faut dire,
- Et qu'étant au-dessus de tous les potentats,
- Il me seroit honteux de ne le dire pas. 1450
- De quoi s'enorgueillit un souverain de Rome,
- Si par respect pour elle il doit cesser d'être homme,
- Éteindre un feu qui plaît, ou ne le ressentir
- Que pour s'en faire honte et pour le démentir?
- Cette toute-puissance est bien imaginaire, 1455
- Qui s'asservit soi-même à la peur de déplaire,
- Qui laisse au goût public régler tous ses projets,
- Et prend le plus haut rang pour craindre ses sujets.
- Je ne me donne point d'empire sur leurs âmes,
- Je laisse en liberté leurs soupirs et leurs flammes; 1460
- Et quand d'un bel objet j'en vois quelqu'un charmé,
- J'applaudis au bonheur d'aimer et d'être aimé.
- Quand je l'obtiens du ciel, me portent-ils envie?
- Qu'ont d'amer pour eux tous les douceurs de ma vie?
- Et par quel intérêt....
-
- FLAVIAN.
-
- Ils perdroient tout en vous. 1465
- Vous faites le bonheur et le salut de tous,
- Seigneur; et l'univers, de qui vous êtes l'âme....
-
- TITE.
-
- Ne perds plus de raisons à combattre ma flamme:
- Les yeux de Bérénice inspirent des avis
- Qui persuadent mieux que tout ce que tu dis. 1470
-
- FLAVIAN.
-
- Ne vous exposez donc qu'à ceux de Domitie.
-
- TITE.
-
- Je n'ai plus, Flavian, que quatre jours de vie:
- Pourquoi prends-tu plaisir à les tyranniser?
-
- FLAVIAN.
-
- Mais vous savez qu'il faut la perdre ou l'épouser?
-
- TITE.
-
- En vain donc à ses vœux tout mon amour s'oppose; 1475
- Périr ou faire un crime est pour moi même chose.
- Laissons-lui toutefois soulever des mutins;
- Hasardons sur la foi de nos heureux destins:
- Ils m'ont promis la Reine, et doivent à ses charmes
- Tout ce qu'ils ont soumis à l'effort de mes armes; 1480
- Par elle j'ai vaincu, pour elle il faut périr.
-
- FLAVIAN.
-
- Seigneur....
-
- TITE.
-
- Oui, Flavian, c'est à faire[273] à mourir.
- La vie est peu de chose; et tôt ou tard, qu'importe
- Qu'un traître me l'arrache, ou que l'âge l'emporte?
- Nous mourons[274] à toute heure; et dans le plus doux sort
- Chaque instant de la vie est un pas vers la mort[275].
-
- FLAVIAN.
-
- Flattez mieux les desirs de votre ambitieuse,
- Et ne la changez pas de fière en furieuse.
- Elle vient vous parler.
-
- TITE.
-
- Dieux! quel comble d'ennuis!
-
-
-SCÈNE II.
-
-TITE, DOMITIE, FLAVIAN, PLAUTINE.
-
- DOMITIE.
-
- Je viens savoir de vous, Seigneur, ce que je suis. 1490
- J'ai votre foi pour gage, et mes aïeux pour marques
- Du grand droit de prétendre au plus grand des monarques;
- Mais Bérénice est belle, et des yeux si puissants
- Renversent aisément des droits si languissants.
- Ce grand jour qui devoit unir mon sort au vôtre, 1495
- Servira-t-il, Seigneur, au triomphe d'une autre?
-
- TITE.
-
- J'ai quatre jours encor pour en délibérer,
- Madame; jusque-là laissez-moi respirer.
- C'est peu de quatre jours pour un tel sacrifice;
- Et s'il faut à vos droits immoler Bérénice, 1500
- Je ne vous réponds pas que Rome et tous vos droits
- Puissent en quatre jours m'en imposer les lois.
-
- DOMITIE.
-
- Il n'en faudroit pas tant, Seigneur, pour vous résoudre
- A lancer sur ma tête un dernier coup de foudre,
- Si vous ne craigniez point qu'il rejaillît[276] sur vous. 1505
-
- TITE.
-
- Suspendez quelque temps encor ce grand courroux.
- Puis-je étouffer sitôt une si belle flamme?
-
- DOMITIE.
-
- Quoi? vous ne pouvez pas ce que peut une femme?
- Que vous me rendez mal ce que vous me devez!
- J'ai brisé de beaux fers, Seigneur, vous le savez; 1510
- Et mon âme, sensible à l'amour comme une autre,
- En étouffe un peut-être aussi fort que le vôtre.
-
- TITE.
-
- Peut-être auriez-vous peine à le bien étouffer,
- Si votre ambition n'en savoit triompher.
- Moi qui n'ai que les Dieux au-dessus de ma tête, 1515
- Qui ne vois plus de rang digne de ma conquête,
- Du trône où je me sieds puis-je aspirer à rien
- Qu'à posséder un cœur qui n'aspire qu'au mien?
- C'est là de mes pareils la noble inquiétude:
- L'ambition remplie y jette leur étude; 1520
- Et sitôt qu'à prétendre elle n'a plus de jour,
- Elle abandonne un cœur tout entier à l'amour.
-
- DOMITIE.
-
- Elle abandonne ainsi le vôtre à cette reine,
- Qui cherche une grandeur encor plus souveraine.
-
- TITE.
-
- Non, Madame: je veux que vous sortiez d'erreur[277], 1525
- Bérénice aime Tite, et non pas l'Empereur;
- Elle en veut à mon cœur, et non pas à l'empire[278].
-
- DOMITIE.
-
- D'autres avoient déjà pris soin de me le dire,
- Seigneur; et votre reine a le goût délicat
- De n'en vouloir qu'au cœur, et non pas à l'éclat. 1530
- Cet amour épuré que Tite seul lui donne
- Renonceroit au rang pour être à la personne!
- Mais on a beau, Seigneur, raffiner sur ce point,
- La personne et le rang ne se séparent point.
- Sous les tendres brillants de cette noble amorce 1535
- L'ambition cachée attaque, presse, force;
- Par là de ses projets elle vient mieux à bout;
- Elle ne prétend rien, et s'empare de tout.
- L'art est grand; mais enfin je ne sais s'il mérite
- La bouche d'une reine et l'oreille de Tite. 1540
- Pour moi, j'aime autrement; et tout me charme en vous;
- Tout m'en est précieux, Seigneur, tout m'en est doux;
- Je ne sais point si j'aime ou l'Empereur ou Tite,
- Si je m'attache au rang ou n'en veux qu'au mérite,
- Mais je sais qu'en l'état où je suis aujourd'hui 1545
- J'applaudis à mon cœur de n'aspirer qu'à lui.
-
- TITE.
-
- Mais me le donnez-vous tout ce cœur qui n'aspire,
- En se tournant vers moi, qu'aux honneurs de l'empire?
- Suit-il l'ambition en dépit de l'amour,
- Madame? la suit-il sans espoir de retour? 1550
-
- DOMITIE.
-
- Si c'est à mon égard ce qui vous inquiète,
- Le cœur se rend bientôt quand l'âme est satisfaite:
- Nous le défendons mal de qui remplit nos vœux.
- Un moment dans le trône éteint tous autres feux;
- Et donner tout ce cœur, souvent ce n'est que faire 1555
- D'un trésor invisible un don imaginaire.
- A l'amour vraiment noble il suffit du dehors;
- Il veut bien du dedans ignorer les ressorts:
- Il n'a d'yeux que pour voir ce qui s'offre à la vue,
- Tout le reste est pour eux une terre inconnue; 1560
- Et sans importuner le cœur d'un souverain,
- Il a tout ce qu'il veut quand il en a la main.
- Ne m'ôtez pas la vôtre, et disposez du reste.
- Le cœur a quelque chose en soi de tout céleste;
- Il n'appartient qu'aux Dieux; et comme c'est leur choix,
- Je ne veux point, Seigneur, attenter sur leurs droits.
-
- TITE.
-
- Et moi, qui suis des Dieux la plus visible image,
- Je veux ce cœur comme eux, et j'en veux tout l'hommage.
- Mais vous n'en avez plus, Madame, à me donner;
- Vous ne voulez ma main que pour vous couronner. 1570
- D'autres pourront un jour vous rendre ce service.
- Cependant, pour régler le sort de Bérénice,
- Vous pouvez faire agir vos amis au sénat;
- Ils peuvent m'y nommer lâche, parjure, ingrat:
- J'attendrai son arrêt, et le suivrai peut-être. 1575
-
- DOMITIE.
-
- Suivez-le, mais tremblez s'il flatte trop son maître.
- Ce grand corps tous les ans change d'âme et de cœurs;
- C'est le même sénat, et d'autres sénateurs.
- S'il alla pour Néron jusqu'à l'idolâtrie,
- Il le traita depuis de traître à sa patrie, 1580
- Et réduisit ce prince indigne de son rang
- A la nécessité de se percer le flanc[279].
- Vous êtes son amour, craignez d'être sa haine
- Après l'indignité d'épouser une reine.
- Vous avez quatre jours pour en délibérer. 1585
- J'attends le coup fatal, que je ne puis parer.
- Adieu. Si vous l'osez, contentez votre envie;
- Mais en m'ôtant l'honneur n'épargnez pas ma vie.
-
-
-SCÈNE III.
-
-TITE, FLAVIAN.
-
- TITE.
-
- L'impétueux esprit! Conçois-tu, Flavian,
- Où pourroient ses fureurs porter Domitian, 1590
- Et de quelle importance est pour moi l'hyménée
- Où par tous mes desirs je la sens condamnée?
-
- FLAVIAN.
-
- Je vous l'ai déjà dit, Seigneur: pensez-y bien,
- Et surtout de la Reine évitez l'entretien.
- Redoutez.... Mais elle entre, et sa moindre tendresse
- De toutes nos raisons va montrer la foiblesse.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-TITE, BÉRÉNICE, PHILON, FLAVIAN.
-
- TITE.
-
- Eh bien! Madame, eh bien! faut-il tout hasarder?
- Et venez-vous ici pour me le commander?
-
- BÉRÉNICE.
-
- De ce qui m'est permis je sais mieux la mesure,
- Seigneur; et j'ai pour vous une flamme trop pure 1600
- Pour vouloir, en faveur d'un zèle ambitieux,
- Mettre au moindre péril des jours si précieux.
- Quelque pouvoir sur moi que notre amour obtienne,
- J'ai soin de votre gloire; ayez-en de la mienne.
- Je ne demande plus que pour de si beaux feux 1605
- Votre absolu pouvoir hasarde un: «Je le veux.»
- Cet amour le voudroit; mais comme je suis reine,
- Je sais des souverains la raison souveraine.
- Si l'ardeur de vous voir l'a voulue[280] ignorer,
- Si mon indigne exil s'est permis d'espérer, 1610
- Si j'ai rentré dans Rome avec quelque imprudence,
- Tite à ce trop d'ardeur doit un peu d'indulgence.
- Souffrez qu'un peu d'éclat, pour prix de tant d'amour,
- Signale ma venue, et marque mon retour.
- Voudrez-vous que je parte avec l'ignominie 1615
- De ne vous avoir vu que pour me voir bannie?
- Laissez-moi la douceur de languir en ces lieux[281],
- D'y soupirer pour vous, d'y mourir à vos yeux:
- C'en sera bientôt fait, ma douleur est trop vive
- Pour y tenir longtemps votre attente captive; 1620
- Et si je tarde trop à mourir de douleur,
- J'irai loin de vos yeux terminer mon malheur.
- Mais laissez-m'en choisir la funeste journée;
- Et du moins jusque-là, Seigneur, point d'hyménée.
- Pour votre ambitieuse avez-vous tant d'amour 1625
- Que vous ne le puissiez différer d'un seul jour?
- Pouvez-vous refuser à ma douleur profonde....
-
- TITE.
-
- Hélas! que voulez-vous que la mienne réponde?
- Et que puis-je résoudre alors que vous parlez,
- Moi qui ne puis vouloir que ce que vous voulez? 1630
- Vous parlez de languir, de mourir à ma vue;
- Mais, ô Dieux! songez-vous que chaque mot me tue,
- Et porte dans mon cœur de si sensibles coups,
- Qu'il ne m'en faut plus qu'un pour mourir avant vous?
- De ceux qui m'ont percé souffrez que je soupire. 1635
- Pourquoi partir, Madame, et pourquoi me le dire?
- Ah! si vous vous forcez d'abandonner ces lieux,
- Ne m'assassinez point de vos cruels adieux.
- Je vous suivrois, Madame; et flatté de l'idée
- D'oser mourir à Rome, et revivre en Judée, 1640
- Pour aller de mes feux vous demander le fruit,
- Je quitterois l'empire et tout ce qui leur nuit.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Daigne me préserver le ciel....
-
- TITE.
-
- De quoi, Madame?
-
- BÉRÉNICE.
-
- De voir tant de foiblesse en une si grande âme!
- Si j'avois droit par là de vous moins estimer, 1645
- Je cesserois peut-être aussi de vous aimer.
-
- TITE.
-
- Ordonnez donc enfin ce qu'il faut que je fasse.
-
- BÉRÉNICE.
-
- S'il faut partir demain, je ne veux qu'une grâce:
- Que ce soit vous, Seigneur, qui le veuilliez pour moi,
- Et non votre sénat qui m'en fasse la loi. 1650
- Faites-lui souvenir, quoi qu'il craigne ou projette,
- Que je suis son amie, et non pas sa sujette;
- Que d'un tel attentat notre rang est jaloux,
- Et que tout mon amour ne m'asservit qu'à vous.
-
- TITE.
-
- Mais peut-être, Madame....
-
- BÉRÉNICE.
-
- Il n'est point de peut-être,
- Seigneur: s'il en décide, il se fait voir mon maître;
- Et dût-il vous porter à tout ce que je veux,
- Je ne l'ai point choisi pour juge de mes vœux.
-
-
-SCÈNE V.
-
-TITE, BÉRÉNICE, DOMITIAN, ALBIN, FLAVIAN, PHILON.
-
-(Domitian entre[282].)
-
- TITE.
-
- Allez dire au sénat, Flavian, qu'il se lève:
- Quoi qu'il ait commencé, je défends qu'il achève. 1660
- Soit qu'il parle à présent du Vésuve[283] ou de moi,
- Qu'il cesse, et que chacun se retire chez soi.
- Ainsi le veut la Reine; et comme amant fidèle,
- Je veux qu'il obéisse aux lois que je prends d'elle,
- Qu'il laisse à notre amour régler notre intérêt. 1665
-
- DOMITIAN.
-
- Il n'est plus temps, Seigneur; j'en apporte l'arrêt.
-
- TITE.
-
- Qu'ose-t-il m'ordonner?
-
- DOMITIAN.
-
- Seigneur, il vous conjure
- De remplir tout l'espoir d'une flamme si pure.
- Des services rendus à vous, à tout l'État,
- C'est le prix qu'a jugé lui devoir le sénat; 1670
- Et pour ne vous prier que pour une Romaine,
- D'une commune voix Rome adopte la Reine;
- Et le peuple à grands cris montre sa passion
- De voir un plein effet de cette adoption.
-
- TITE.
-
- Madame....
-
- BÉRÉNICE.
-
- Permettez, Seigneur, que je prévienne
- Ce que peut votre flamme accorder à la mienne.
- Grâces au juste ciel, ma gloire en sûreté
- N'a plus à redouter aucune indignité.
- J'éprouve du sénat l'amour et la justice,
- Et n'ai qu'à le vouloir pour être impératrice. 1680
- Je n'abuserai point d'un surprenant respect
- Qui semble un peu bien prompt pour n'être point suspect:
- Souvent on se dédit de tant de complaisance.
- Non que vous ne puissiez en fixer l'inconstance:
- Si nous avons trop vu ses flux et ses reflux 1685
- Pour Galba, pour Othon, et pour Vitellius,
- Rome, dont aujourd'hui vous êtes les délices[284],
- N'aura jamais pour vous ces insolents caprices;
- Mais aussi cet amour qu'a pour vous l'univers
- Ne vous peut garantir des ennemis couverts. 1690
- Un million de bras a beau garder un maître,
- Un million de bras ne pare point d'un traître:
- Il n'en faut qu'un pour perdre un prince aimé de tous,
- Il n'y faut qu'un brutal qui me haïsse en vous;
- Aux zèles indiscrets tout paroît légitime, 1695
- Et la fausse vertu se fait honneur du crime.
- Rome a sauvé ma gloire en me donnant sa voix:
- Sauvons-lui, vous et moi, la gloire de ses lois;
- Rendons-lui, vous et moi, cette reconnoissance
- D'en avoir pour vous plaire affoibli la puissance, 1700
- De l'avoir immolée à vos plus doux souhaits.
- On nous aime: faisons qu'on nous aime à jamais.
- D'autres sur votre exemple épouseroient des reines
- Qui n'auroient pas, Seigneur, des âmes si romaines,
- Et lui feroient peut-être avec trop de raison 1705
- Haïr votre mémoire et détester mon nom.
- Un refus généreux de tant de déférence
- Contre tous ces périls nous met en assurance.
-
- TITE.
-
- Le ciel de ces périls saura trop nous garder.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Je les vois de trop près pour vous y hasarder. 1710
-
- TITE.
-
- Quand Rome vous appelle à la grandeur suprême....
-
- BÉRÉNICE.
-
- Jamais un tendre amour n'expose ce qu'il aime.
-
- TITE.
-
- Mais, Madame, tout cède, et nos vœux exaucés....
-
- BÉRÉNICE.
-
- Votre cœur est à moi, j'y règne; c'est assez[285].
-
- TITE.
-
- Malgré les vœux publics refuser d'être heureuse, 1715
- C'est plus craindre qu'aimer.
-
- BÉRÉNICE.
-
- La crainte est amoureuse.
- Ne me renvoyez pas, mais laissez-moi partir.
- Ma gloire ne peut croître, et peut se démentir.
- Elle passe aujourd'hui celle du plus grand homme,
- Puisqu'enfin je triomphe et dans Rome et de Rome:
- J'y vois à mes genoux le peuple et le sénat;
- Plus j'y craignois de honte, et plus j'y prends d'éclat;
- J'y tremblois sous sa haine, et la laisse impuissante;
- J'y rentrois exilée, et j'en sors triomphante.
-
- TITE.
-
- L'amour peut-il se faire une si dure loi? 1725
-
- BÉRÉNICE.
-
- La raison me la fait malgré vous, malgré moi[286].
- Si je vous en croyois, si je voulois m'en croire,
- Nous pourrions vivre heureux, mais avec moins de gloire.
- Épousez Domitie: il ne m'importe plus
- Qui vous enrichissiez d'un si noble refus[287]. 1730
- C'est à force d'amour que je m'arrache au vôtre;
- Et je serois à vous, si j'aimois comme une autre[288].
- Adieu, Seigneur: je pars.
-
- TITE.
-
- Ah! Madame, arrêtez.
-
- DOMITIAN.
-
- Est-ce là donc pour moi l'effet de vos bontés,
- Madame? Est-ce le prix de vous avoir servie? 1735
- J'assure votre gloire, et vous m'ôtez la vie.
-
- TITE.
-
- Ne vous alarmez point: quoi que la Reine ait dit,
- Domitie est à vous, si j'ai quelque crédit.
- Madame, en ce refus un tel amour éclate,
- Que j'aurois pour vous l'âme au dernier point ingrate,
- Et mériterois mal ce qu'on a fait pour moi,
- Si je portois ailleurs la main que je vous doi.
- Tout est à vous: l'amour, l'honneur, Rome l'ordonne.
- Un si noble refus n'enrichira personne,
- J'en jure par l'espoir qui nous fut le plus doux: 1745
- Tout est à vous, Madame, et ne sera qu'à vous;
- Et ce que mon amour doit à l'excès du vôtre
- Ne deviendra jamais le partage d'une autre[289].
-
- BÉRÉNICE.
-
- Le mien vous auroit fait déjà ces beaux serments,
- S'il n'eût craint d'inspirer de pareils sentiments: 1750
- Vous vous devez des fils, et des Césars à Rome,
- Qui fassent à jamais revivre un si grand homme.
-
- TITE.
-
- Pour revivre en des fils nous n'en mourons pas moins,
- Et vous mettez ma gloire au-dessus de ces soins.
- Du levant au couchant, du More[290] jusqu'au Scythe, 1755
- Les peuples vanteront et Bérénice et Tite;
- Et l'histoire à l'envi forcera l'avenir
- D'en garder à jamais l'illustre souvenir[291].
- Prince, après mon trépas soyez sûr de l'empire;
- Prenez-y part en frère, attendant que j'expire. 1760
- Allons voir Domitie, et la fléchir pour vous.
- Le premier rang dans Rome est pour elle assez doux;
- Et je vais lui jurer qu'à moins que je périsse,
- Elle seule y tiendra celui d'impératrice.
- Est-ce là vous l'ôter?
-
- DOMITIAN.
-
- Ah! c'en est trop, Seigneur. 1765
-
- TITE, à Bérénice.
-
- Daignez contribuer à faire son bonheur,
- Madame, et nous aider à mettre de cette âme
- Toute l'ambition d'accord avec sa flamme.
-
- BÉRÉNICE.
-
- Allons, Seigneur: ma gloire en croîtra de moitié,
- Si je puis remporter chez moi son amitié. 1770
-
- TITE.
-
- Ainsi pour mon hymen la fête préparée
- Vous rendra cette foi qu'on vous avoit jurée,
- Prince; et ce jour, pour vous[292] si noir, si rigoureux,
- N'aura d'éclat ici que pour vous rendre heureux.
-
-
-FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
-
- [271] Corneille avait dit dans _Polyeucte_ (acte II,
- scène I, vers 388):
-
- M'en croirez-vous, Seigneur? ne la revoyez point.
-
- Voyez tome III, p. 505.
-
- [272] Ces six vers se trouvent déjà, avec quelques
- variantes çà et là, dans _Sophonisbe_, où Lélius dit à Massinisse
- (acte IV, scène III, vers 1373-1378):
-
- Mais quand à cette ardeur un monarque défère,
- Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire;
- Il repousse l'amour comme un lâche attentat,
- Dès qu'il veut prévaloir sur la raison d'État;
- Et son cœur, au-dessus de ces basses amorces,
- Laisse à cette raison toujours toutes ses forces.
-
- Voyez tome VI, p. 529.
-
- [273] Telle est l'orthographe de toutes les éditions
- anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692) et de
- Voltaire (1764).
-
- [274] Il y a _Nous mourrons_, au futur, dans l'édition
- de 1671, ce qui n'offre pas de sens.
-
- [275] On lit dans l'_Imitation de Jésus-Christ_ (livre
- II, chapitre XII): «_Scias pro certo quia morientem te oportet
- ducere vitam_.» Corneille a traduit ainsi ce passage:
-
- Pour maxime infaillible imprime en ta pensée
- Que chaque instant de vie est un pas vers la mort.
-
- C'est ce dernier vers qu'il s'est rappelé et qu'il a reproduit
- presque textuellement ici. Comme l'a remarqué M. Quittard, il
- «redit par un tour différent ce que disent beaucoup de proverbes,
- entre autres ceux-ci: le moment où l'on naît est le commencement
- de la mort; le jour de la naissance est le messager de la mort; la
- vie est le chemin de la mort; la mort commence avec la vie, etc.»
- (_Études sur les proverbes français_, p. 65.)--Plusieurs poëtes
- ont répété ce vers avec de légères variantes. Casimir Delavigne a
- dit dans son _Louis XI_ (acte 1, scène IX):
-
- Chaque pas dans la vie est un pas vers la mort.
-
- [276] Voyez plus haut, p. 239, note 249.
-
- [277] _Var._ Non, Madame, et je veux que vous sortiez
- d'erreur. (1671)
-
- [278] Cette idée revient plusieurs fois dans la
- _Bérénice_ de Racine. Voyez le commencement de la scène IV du Ier
- acte, et la fin de la scène II du IIe acte.
-
- [279] Néron entendant approcher les cavaliers qui
- avaient ordre de l'amener vivant, s'enfonça le fer dans la gorge,
- aidé de son secrétaire Épaphrodite. Voyez Suétone, _Vie de
- Néron_, chapitre XLIX.
-
- [280] Il y a _voulue_ dans toutes les éditions
- antérieures à 1692. Thomas Corneille a ainsi corrigé ce vers:
-
- Si l'ardeur de vous voir a voulu l'ignorer.
-
- Voltaire (1764) a supprimé l'accord irrégulier et donne l'hiatus:
- «l'a voulu ignorer.»
-
- [281] Bérénice exprime le même désir à Titus dans la
- tragédie de Racine (acte IV, scène V):
-
- Ah! Seigneur.... pourquoi nous séparer?
- Je ne vous parle point d'un heureux hyménée.
- Rome à ne vous plus voir m'a-t-elle condamnée?
- Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez?
-
- [282] Voltaire (1764) a supprimé ces mots et placé
- DOMITIAN en tête des noms des personnages.
-
- [283] Voyez ci-dessus, p. 247, note 262.
-
- [284] Voyez ci-dessus, p. 218, note 230.--Racine, dans sa
- dernière scène, place également ce mot dans la bouche de
- Bérénice:
-
- Bérénice, Seigneur, ne vaut point tant d'alarmes;
- Ni que par votre amour l'univers malheureux,
- Dans le temps que Titus attire tous ses vœux
- Et que de vos vertus il goûte les prémices,
- Se voye en un moment enlever ses délices.
-
- [285] _Var._ Votre cœur est à moi, j'y règne, et c'est
- assez. (1671)
-
- [286] Voyez ci-dessus la _Notice_, (note 240) p. 195.
-
- [287] Voyez plus haut, p. 240, vers 971-974.
-
- [288] Ici, comme au vers 306 et comme plus bas au vers
- 1748, on lit «_un_ autre» dans l'édition de 1682.--Voyez tome I,
- p. 228, note 3-_a_.
-
- [289] Voyez la note 288 précédente.
-
- [290] Le mot est écrit ainsi dans toutes les anciennes
- éditions, y compris celles de Thomas Corneille (1692) et de
- Voltaire (1764). Voyez tome III, p. 136, note 2.
-
- [291] C'est Bérénice qui exprime cette idée chez Racine,
- dans les derniers vers de la tragédie. Elle s'adresse à Titus et
- à Antiochus.
-
- Adieu: servons tous trois d'exemple à l'univers
- De l'amour la plus tendre et la plus malheureuse
- Dont il puisse garder l'histoire douloureuse.
-
- [292] Tel est le texte des éditions publiées du vivant
- de l'auteur. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont
- changé, avec raison ce semble, _pour vous_ en _pour nous_.
-
-
-
-
-PSYCHÉ
-
-TRAGÉDIE-BALLET
-
-1671
-
-
-
-
-NOTICE.
-
-
-Le sujet de _Psyché_ était certes un des plus beaux que la fable
-pût offrir à l'admiration d'une cour galante, curieuse des
-merveilles des décorations et des machines, mais aimant avant
-toutes choses l'expression élégante et fine des nuances les plus
-délicates de la passion.
-
-Il dut, pour plus d'un motif, se présenter à la pensée de
-Molière, chargé par le Roi de faire jouer pour le carnaval de
-1671 une pièce à grand spectacle. D'abord, en 1656, Benserade
-avait fait un ballet de _Psyché_, qui avait été dansé par Louis
-XIV. Ensuite, si l'on en croit M. de Soleirol[293], il semble
-résulter de l'examen d'une suite de quarante et un dessins de
-costumes, que la troupe de notre grand comique avait déjà joué à
-Rouen, en 1658, une _Psyché_: toutefois on manque absolument de
-renseignements à cet égard, et la _Psyché_ de Rouen pourrait bien
-n'être qu'un simple divertissement, imité du ballet de Benserade.
-Enfin en 1669, deux ans avant la représentation de la pièce qui
-nous occupe, la Fontaine s'était plu à imiter le récit d'Apulée
-et à l'accommoder, avec un art infini, au goût et aux sentiments
-modernes. Suivant une opinion qui ne manque pas de vraisemblance,
-Molière est, sous le nom de Gélaste, l'un des quatre amis, de
-caractère si différent, que nous présente la Fontaine au
-commencement de son ouvrage. Il était donc naturel qu'il fût
-préoccupé de ce sujet, et peut-être s'arrêta-t-il plus volontiers
-encore à l'idée de le mettre à la scène, s'il est vrai qu'on lui
-avait recommandé d'utiliser une décoration des enfers. Cette
-décoration, conservée avec grand soin au Garde-Meuble[294],
-trouvait naturellement sa place dans _Psyché_; mais il faudrait
-se garder d'accorder trop de confiance à cette petite tradition.
-Quoi qu'il en soit, il ne suffisait point d'avoir trouvé cet
-heureux canevas, il fallait le remplir, et, malgré sa diligence
-habituelle, Molière craignait de ne pas être en mesure de faire
-représenter cet ouvrage au carnaval; il implora donc le secours
-de Corneille, qui lui prêta son aide pendant une quinzaine de
-jours[295], et se mit à écrire de verve la plus grande partie de
-la pièce: ce fut lui qui fournit, entre autres scènes, la
-charmante déclaration de Psyché[296], si délicate, si passionnée,
-et par laquelle les _doucereux_, comme les appelait notre
-illustre poëte tragique, durent assurément se laisser gagner.
-
-Cette pièce fut représentée dans une salle nouvelle que Louis XIV
-avait fait construire tout exprès pour les divertissements de ce
-genre. Dans son _Idée des spectacles anciens et nouveaux_[297],
-l'abbé de Pure décrit ainsi «le grand et superbe salon que le Roi
-conçut et fit faire fixe et permanent pour les divers spectacles,
-et pour les délassements de son esprit et le divertissement de
-ses peuples:»
-
-«Ce grand prince, qui se connoît parfaitement à tout, et qui a de
-grandes pensées jusque dans les plus petites choses, en donna l'ordre et
-le soin au sieur Gaspard Vigarani. Le lieu fut malaisé à choisir; et feu
-Monsieur le Cardinal, en partant de Paris pour aller travailler à la
-paix sur la frontière, avoit prétendu faire un théâtre de bois dans la
-place qui est derrière son palais. L'espace étoit à la vérité assez
-grand, mais le sieur Vigarani ne le trouva ni assez propre, ni assez
-commode, soit pour la durée, soit pour la majesté, soit pour le
-mouvement des grandes machines qu'il avoit projetées. Comme il étoit
-aussi judicieux qu'inventif, il proposa de bâtir une salle grande et
-spacieuse dans les alignements du dessein du Louvre, dont les dehors
-symétriques avec le reste de la façade l'affranchiroient de toute ruine
-et de tous changements. Le Roi agréa fort cette proposition, et les
-ordres furent donnés à M. Ratabon[298] de hâter l'ouvrage, et au sieur
-Vigarani de préparer ses machines. En voici les dimensions et le devis,
-tant du dedans que du dehors, qui m'a été donné par le sieur Charles
-Vigarani, fils de Gaspard.... Le corps de la salle est partagé en
-deux parties inégales. La première comprend le théâtre et ses
-accompagnements; la seconde contient le parterre, les corridors et loges
-qui font face au théâtre, et qui occupent le reste du salon de trois
-côtés, l'un qui regarde la cour, l'autre le jardin, et le troisième le
-corps du palais des Tuileries. La première partie, ou le théâtre, qui
-s'ouvre par une façade également riche et artiste, depuis son ouverture
-jusqu'à la muraille qui est du côté du pavillon, vers les vieilles
-écuries, a de profondeur vingt-deux toises. Son ouverture est de
-trente-deux pieds sur la largeur ou entre les corridors et châssis qui
-règnent des deux côtés. La hauteur ou celle des châssis est de
-vingt-quatre pieds jusques aux nuages. Par-dessus les nuages jusqu'au
-tirant du comble, pour la retraite ou pour le mouvement des machines, il
-y a trente-sept pieds. Sous le plancher ou parquet du théâtre, pour les
-enfers ou pour les changements des mers, il y a quinze pieds de
-profond.... La seconde partie, ou celle du parterre, qui est du côté de
-l'appartement des Tuileries, a de largeur entre les deux murs
-soixante-trois pieds, entre les corridors quarante-neuf. Sa
-profondeur, depuis le théâtre jusqu'au susdit appartement, est de
-quatre-vingt-treize pieds; chaque corridor est de six pieds; et la
-hauteur du parterre jusqu'au plafond est de quarante-neuf pieds. Ce
-plafond a deux beautés aussi riches que surprenantes, par sa dorure et
-par sa dureté. Celle-ci est toutefois la plus considérable, quoique la
-matière en soit commune et de peu de prix, car ce n'est que du carton,
-mais composé et pétri d'une manière si particulière, qu'il est rendu
-aussi dur que la pierre et que les plus solides matières. Le reste de la
-hauteur jusqu'au comble, où sont les rouages et les mouvements, est de
-soixante-deux pieds. Il y a encore une manière aussi nouvelle que hardie
-d'enter une poutre l'une dans l'autre et de confier aux deux, sur
-quelque longueur que ce soit, toute sorte de pesanteur et de machine. Il
-en a rendu raison à divers physiciens, et a sauvé par cette invention
-et les dépenses d'avoir des poutres assez grandes ou assez fortes pour
-de tels bâtiments, et le péril de les voir s'affaisser et même rompre
-après fort peu de durée.»
-
-En tête du programme in-4º de la pièce, intitulé: «PSICHÉ,
-tragi-comédie et ballet dansé devant Sa Majesté au mois de
-Ianvier 1671,» et publié à Paris par Robert Ballard dans le
-courant de la même année, se trouve une autre _description de la
-sale_, beaucoup moins technique, et que nous croyons devoir
-reproduire parce qu'elle éclaircit et complète la précédente;
-elle est d'ailleurs beaucoup plus courte:
-
-«Le lieu destiné pour la représentation, et pour les spectateurs
-de cet assemblage de tant de magnifiques divertissements, est une
-salle faite exprès pour les plus grandes fêtes, et qui seule peut
-passer pour un très-superbe spectacle. Sa longueur est de
-quarante toises; elle est partagée en deux parties: l'une est
-pour le théâtre, et l'autre pour l'assemblée. Cette dernière
-partie est celle que l'on voit la première; elle a des beautés
-qui amusent agréablement les regards jusques au moment où la
-scène doit s'ouvrir. La face du théâtre, ainsi que les deux
-retours, est un grand ordre corinthien, qui comprend toute la
-hauteur de l'édifice. On entre dans le parterre par deux portes
-différentes, à droit et à gauche; ces entrées ont des deux côtés
-des colonnes sur des piédestaux, et des pilastres carrés élevés à
-la hauteur du théâtre. On monte ensuite sur un haut dais réservé
-pour les places des personnes royales et de ce qu'il y a de plus
-considérable à la cour. Cet espace est bordé d'une balustrade par
-devant, et de degrés en amphithéâtre tout à l'entour; des
-colonnes, posées sur le haut de ces degrés, soutiennent des
-galeries, sous lesquelles, entre les colonnes, on a placé des
-balcons, qui sont ornés, ainsi que le plafond, et tout ce qui
-paroît dans la salle, de ce que l'architecture, la sculpture, la
-peinture et la dorure ont de plus beau, de plus riche, et de plus
-éclatant.»
-
-Ajoutons que l'éclairage était des plus brillants: «Trente
-lustres qui éclairent la salle de l'assemblée, lit-on en tête du
-_prologue_ dans le même programme, se haussent pour laisser la
-vue du spectacle libre dans le moment que la toile qui ferme le
-théâtre se lève.»
-
-Cette belle salle ne servit que pour cet ouvrage: après les
-représentations de _Psyché_, «elle fut abandonnée, jusqu'en 1716
-qu'on la raccommoda pour les ballets qui y furent exécutés[299].»
-
-La première représentation de _Psyché_ eut lieu, suivant toute
-apparence, le 16 janvier. Il est vrai que la _Gazette_ donne la
-date du 17; mais, comme en terminant son article le journaliste
-annonce que ce divertissement fut continué le 17, on doit penser
-qu'il y a une faute d'impression dans la première phrase. Voici,
-du reste, le texte exact de ce compte rendu, dans lequel nous
-supprimons seulement une analyse très-peu intéressante de
-l'ouvrage:
-
-«Le 17 de ce mois, Leurs Majestés, avec lesquelles étoient
-Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orléans, et tous
-les seigneurs et dames de la cour, prirent pour la première fois,
-dans la salle des machines, au palais des Tuileries, le
-divertissement d'un grand ballet dansé dans les entr'actes de la
-comédie de _Psyché_.... Ce pompeux divertissement.... fut
-continué le 17, en présence du nonce du pape, de l'ambassadeur de
-Venise, et de quelques autres ministres, qui en admirèrent la
-magnificence et la galanterie, avouant, avec grand nombre
-d'autres étrangers, qu'il n'y a que la cour de France et son
-incomparable monarque qui puissent produire de si charmants et si
-éclatants spectacles[300].»
-
-La _Gazette_ du 31 janvier nous apprend que la cour, qui s'était
-établie pendant quelques jours à Vincennes[301], s'empressa,
-aussitôt revenue, d'aller admirer de nouveau le spectacle qui
-l'avait charmée:
-
-«Le 24, Leurs Majestés retournèrent en cette ville, où elles ont
-continué plusieurs soirs le divertissement du grand ballet dansé
-au palais des Tuileries dans la salle des machines, auquel il ne
-se peut rien ajouter pour la magnificence des décorations, le
-nombre des changements, la beauté du sujet, l'excellence des
-concerts, et pour toutes les autres choses qui rendent ce
-spectacle digne de la plus belle cour du monde[302].»
-
-Le programme de _Psyché_, dont nous avons extrait la _description
-de la sale_ des Tuileries, renferme une explication détaillée des
-décorations et des machines, une analyse sommaire de la pièce, et
-des listes contenant non-seulement les noms des acteurs de la
-troupe de Molière qui représentèrent les divers personnages, mais
-encore ceux des chanteurs et des danseurs qui figuraient dans
-chaque intermède. Ces détails, qui ne se rattachent en rien à la
-part que Corneille prit à l'ouvrage, auraient ici peu d'intérêt;
-ils trouveront plus naturellement leur place dans la nouvelle
-édition des _Œuvres_ de Molière que prépare M. Soulié. Nous nous
-sommes contentés de joindre en tête de la pièce, au nom de chaque
-personnage, celui de l'acteur. _Psyché_, qui avait inauguré la
-salle des Tuileries, ne fut jouée dans celle de Molière que
-lorsqu'elle eut été réparée et agrandie, et d'importantes
-améliorations datent de l'époque où elle y fut représentée.
-
-«Il a été résolu, dit Lagrange dans son _Registre_,... d'avoir
-dorénavant, à toutes sortes de représentations, tant simples que
-de machines, un concert de douze violons, ce qui n'a été exécuté
-qu'après la représentation de _Psyché_. Sur ladite délibération
-de la troupe, on a commencé à travailler auxdits ouvrages de
-réparation et de décoration de la salle le 18e mars, qui étoit un
-mercredi, et on a fini un mercredi 15e avril de la présente
-année. Ledit jour, mercredi 15e avril, après une délibération de
-la compagnie de représenter _Psyché_, qui avoit été faite pour le
-Roi l'hiver dernier et représentée sur le grand théâtre du palais
-des Tuileries, on commença à faire travailler tant aux machines,
-décorations, musique, ballets, et généralement tous les ornements
-nécessaires pour ce grand spectacle. Jusques ici les musiciens et
-musiciennes n'avoient point voulu paroître en public; ils
-chantoient à la comédie dans des loges grillées et treillissées;
-mais on surmonta cet obstacle, et avec quelque légère dépense, on
-trouva des personnes qui chantèrent sur le théâtre à visage
-découvert, habillées comme les comédiens.... Tous lesdits frais
-et dépenses pour la préparation de _Psyché_ se sont montés à
-la somme de quatre mille trois cent cinquante-neuf livres quinze
-sols. Dans le cours de la pièce, M. de Beauchamps a reçu de
-récompense, pour avoir fait les ballets et conduit la musique,
-onze cents livres, non compris les onze livres par jour que la
-troupe lui a données tant pour battre la mesure à la musique que
-pour entretenir les ballets.»
-
-Après tous ces préparatifs et de nombreuses répétitions, _Psyché_
-fut enfin représentée le 24 juillet[303], et procura trente-huit
-belles recettes à la troupe de Molière.
-
-Nous n'avons pas les noms des acteurs qui jouèrent alors, mais il
-est certain que la distribution des rôles différa très-peu, du
-moins quant aux principaux personnages, de celle qui avait eu
-lieu pour la représentation des Tuileries. La femme de Molière,
-Armande Béjart, jouait Psyché, Baron l'Amour, et l'on prétend que
-leur intimité date de cette époque[304].
-
-Un an s'était à peine écoulé depuis ces représentations de
-_Psyché_ au palais Royal, qu'on songeait déjà à reprendre cette
-pièce. Nous lisons dans les «nouvelles du 30e de juillet jusques
-au 6e d'août» du _Mercure galant_[305]: «On verra au commencement
-de l'hiver le grand spectacle de _Psyché_ triompher encore sur le
-théâtre du Palais-Royal.» En effet, le registre de Lagrange en
-mentionne la reprise au 11 novembre 1672, et compte trente-deux
-représentations, dont la dernière eut lieu le dimanche 22 janvier
-1673. Sous la date du 27 décembre 1672, on lit: «Monsieur et
-Madame sont venus aujourd'hui à _Psyché_ et ont eu deux bancs de
-l'amphithéâtre, et pour cette fois et deux autres ils ont donné
-quatre cent quarante livres.»
-
-«La tragi-comédie de _Psyché_, disent les frères Parfait[306], a
-été reprise plusieurs fois, mais la plus brillante de ces
-reprises est celle du 1er juin 1703.» Parvenus à cette année, ils
-nous rendent ainsi compte de cette reprise[307]: «Le 1er
-juin[308], les comédiens remirent au théâtre la tragédie-ballet
-de _Psyché_, de M. Molière, qui eut vingt-neuf représentations,
-la dernière le 1er août suivant. Ce qui contribua beaucoup au
-succès de cette remise, c'est qu'indépendamment des dépenses que
-la compagnie avoit faites pour donner cette tragédie avec éclat,
-en y joignant de brillantes décorations, des machines dont
-l'exécution étoit parfaite, et des ballets de goût et bien
-rendus, l'actrice qui représentoit le personnage de Psyché[309]
-et l'acteur qui jouoit celui de l'Amour[310], quoique excellents
-tous deux, se surpassèrent encore dans ces deux rôles; on dit
-qu'ils ressentoient l'un pour l'autre la plus vive tendresse, et
-que leurs talents supérieurs ne furent employés que pour marquer
-avec plus de précision les sentiments de leurs cœurs[311].»
-
-Il est certes fort surprenant que le père et le fils aient ainsi
-produit successivement dans ce rôle une illusion à laquelle les
-actrices mêmes qui jouaient avec eux ne pouvaient se soustraire,
-et il est permis de soupçonner ces récits d'un peu d'exagération.
-Il faut convenir toutefois que les temps sont bien changés, car
-lorsqu'on voulut de nos jours reprendre _Psyché_ au Théâtre
-français, on ne songea pas même à chercher un comédien assez
-heureusement doué pour remplir le personnage difficile de
-l'Amour, dont le rôle fut confié à une femme[312].
-
-L'édition originale, de format in-12, a pour titre exact: PSICHÉ,
-TRAGEDIE-BALLET, par I. B. P. Moliere. _Et se vend pour
-l'autheur, à Paris, chez P. le Monnier, au Palais...._ M.DC.LXXI.
-
-Le volume se compose de 2 feuillets, de 90 pages et d'un
-feuillet. Le privilége est du 31 décembre 1670, et par conséquent
-antérieur d'une quinzaine de jours à la représentation.
-
-L'opéra de _Psyché_, joué neuf ans après la tragédie-ballet de
-Molière, le 9 avril 1678, a, quant au plan, beaucoup d'analogie
-avec cet ouvrage; on y a même conservé les intermèdes de
-Quinault. Cette œuvre lyrique porte généralement le nom de
-Thomas Corneille; mais Fontenelle passe pour y avoir eu part
-aussi bien qu'à l'opéra de _Bellérophon_[313].
-
- * * * * *
-
-En tête de l'édition originale et des diverses réimpressions de
-_Psyché_, on lit l'Avis suivant:
-
-
-LE LIBRAIRE AU LECTEUR.
-
-Cet ouvrage n'est pas tout d'une main. M. Quinault a fait les
-paroles qui s'y chantent en musique, à la réserve de la plainte
-italienne[314]. M. de Molière[315] a dressé le plan de la pièce
-et réglé la disposition, où il s'est plus attaché aux beautés et
-à la pompe du spectacle qu'à l'exacte régularité. Quant à la
-versification, il n'a pas eu le loisir de la faire entière. Le
-carnaval approchoit; et les ordres pressants du Roi, qui se
-vouloit donner ce magnifique divertissement plusieurs fois avant
-le carême, l'ont mis dans la nécessité de souffrir un peu de
-secours. Ainsi il n'y a que le prologue, le premier acte, la
-première scène du second, et la première du troisième, dont les
-vers soient de lui. M. Corneille[316] a employé une quinzaine au
-reste; et par ce moyen Sa Majesté s'est trouvée servie dans le
-temps qu'elle l'avoit ordonné[317].
-
- [293] _Molière et sa troupe_, p. 92 et 93.
-
- [294] Voyez _Anecdotes dramatiques_, tome II, p. 443.
-
- [295] Voyez ci-après, p. 288.
-
- [296] Acte III, scène III.
-
- [297] 1668, p. 311 et suivantes.
-
- [298] Contrôleur des bâtiments du Roi.
-
- [299] _Histoire du Théâtre françois_, par les frères
- Parfait, tome XI, p. 126.
-
- [300] Numéro du 24 janvier 1671, p. 81-83.
-
- [301] Voyez ci-dessus la Notice de _Bérénice_, p. 190.
-
- [302] Pages 107 et 108.
-
- [303] Dans l'édition de Molière de 1682 on lit à la
- suite du titre de _Psyché_: «Representée pour le Roy dans la
- grande Salle des Machines du Palais des Tuilleries en Janvier, et
- durant tout le Carnaval de l'année 1670. Par la Troupe du Roy. Et
- donnée au Public sur le Theâtre de la Salle du Palais Royal, le
- 24 juillet 1671.»
-
- [304] Voyez _la Fameuse Comédienne_, p. 33 et
- suivantes.
-
- [305] Tome III, p. 369.
-
- [306] _Histoire du Théâtre françois_, tome XI, p. 132.
-
- [307] Tome XIV, p. 307.
-
- [308] Dans le premier des deux passages cités, les
- frères Parfait donnent le 1er juin 1703 comme tombant au mardi,
- dans le second comme tombant au mercredi. C'était en réalité au
- vendredi, ce qui nous a engagé à supprimer la mention du jour.
-
- [309] Mlle Desmares. (_Note des frères Parfait._)
-
- [310] M. Baron fils. (_Note des mêmes._)
-
- [311] Un passage du prologue ajouté par Dancourt à la
- comédie de _l'Inconnu_ de Thomas Corneille, lors de la reprise de
- cet ouvrage le 21 août 1703, nous fait connaître un petit détail
- assez curieux:
-
- MADEMOISELLE DESMARES.
-
- .... Nous venons de remettre _Psyché_
- Avec tout le succès qu'on s'en pouvoit promettre.
-
- CRISPIN.
-
- Oui, mais au double il a fallu la mettre,
- Et le public s'en est presque fâché.
-
- [312] Les principaux rôles de cette pièce, jouée le 19
- août 1862, étaient ainsi distribués: _Jupiter_, Chéri; _Vénus_,
- Mlle Devoyod; _l'Amour_, Mlle Fix; _Ægiale_, Mlle Rose Deschamps;
- _Psyché_, Mlle Favart; _le Roi_, Maubant; _Aglaure_, Mlle
- Tordeus; _Cydippe_, Mlle Ponsin; _Cléomène_, Worms; _Agénor_,
- Ariste; _le Zéphire_, Mlle Rosa Didier; _Lycas_, Tronchet; _le
- dieu d'un fleuve_, Verdellet.
-
- [313] Voyez le _Dictionnaire portatif des théâtres_,
- article _Psyché_, et l'_Histoire de l'Académie royale des
- inscriptions et belles-lettres_, tome XXVIII, p. 264.
-
- [314] Voyez ci-après, p. 309 et 310, vers 546-570. Les
- paroles de cette plainte sont de Lully, qui composa les airs.
- Voyez l'_Histoire du Théâtre françois_, tome XI, p. 127, note
- _a_.
-
- [315] Tel est le texte de l'édition originale; les
- suivantes donnent: «M. Molière.»
-
- [316] Dans les éditions de 1682 et de 1697: «M.
- Corneille l'aîné.»
-
- [317] Si Corneille est intervenu dans l'impression de
- _Psyché_, ce doit être pour l'édition originale; c'est celle que
- nous suivrons. Au reste il n'y a entre elle et les éditions
- postérieures qu'un petit nombre d'insignifiantes différences.
- Nous avons fait imprimer en petit texte tout ce qui n'est pas de
- Corneille; nous ne donnons ni notes ni variantes pour cette
- portion de l'ouvrage, qui sera annotée dans l'édition de Molière
- de M. E. Soulié.
-
-
-
-
-LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES
-DE _PSYCHÉ_.
-
-
-ÉDITION SÉPARÉE.
-
- 1671 in-12.
-
-
-RECUEILS[318].
-
- 1676 in-12;
-
- 1682 in-12;
-
- 1697 in-12.
-
- [318] _Psyché_ n'a pas été, du vivant de Corneille,
- réunie à ses œuvres. Les recueils indiqués ici sont ceux du
- théâtre de Molière.
-
-
-
-
-ACTEURS.
-
-
- JUPITER. _Du Croisy[319]._
-
- VÉNUS. _Mlle de Brie._
-
- L'AMOUR. _Baron._
-
- ÆGIALE, } { _Les petites la Thorillière
- Grâces. { et_ _du Croisy[320]._
- PHAÈNE, }
-
- PSYCHÉ. _Mlle Molière._
-
- LE ROI, père de Psyché. _La Thorillière._
-
- AGLAURE, } sœurs de Psyché. { _Mlles Marotte et Boval._
- CYDIPPE, } {
-
- CLÉOMÈNE, } princes, amants { _Hubert et la Grange._
- AGÉNOR, } de Psyché. {
-
- LE ZÉPHIRE[321]. _Molière._
-
- LYCAS. _Chateauneuf._
-
- LE DIEU D'UN FLEUVE. _De Brie._
-
- [319] Ces noms d'acteurs sont tirés du programme de
- _Psyché_ dont nous avons parlé dans la _Notice_, p. 282 et 284.
-
- [320] Thérèse Lenoir de la Thorillière, née en 1660,
- avait alors onze ans; Marie-Angélique du Croisy, née en 1658, en
- avait treize.--Voyez p. 294 les vers 75 et 76.
-
- [321] Il faut remarquer que le «zéphir» qui chante au
- troisième intermède est un autre personnage. Il était joué, nous
- dit le programme, par un nommé «Iannot.»
-
-
-
-
-PSYCHE.
-
-TRAGÉDIE-BALLET.
-
-
-
-
-PROLOGUE.
-
-
- La scène représente sur le devant un lieu champêtre, et dans
- l'enfoncement un rocher percé à jour, à travers duquel on voit la
- mer en éloignement.
-
- Flore paroît au milieu du théâtre, accompagnée de Vertumne, dieu
- des arbres et des fruits, et de Palæmon, dieu des eaux. Chacun de
- ces dieux conduit une troupe de divinités: l'un mène à sa suite
- des Dryades et des Sylvains; et l'autre des dieux des fleuves, et
- des Naïades. Flore chante ce récit pour inviter Vénus à descendre
- en terre:
-
- Ce n'est plus le temps de la guerre:
- Le plus puissant des rois
- Interrompt ses exploits
- Pour donner la paix à la terre.
- Descendez, mère des Amours; 5
- Venez nous donner de beaux jours.
-
- (Vertumne et Palæmon, avec les divinités qui les accompagnent,
- joignent leurs voix à celle de Flore, et chantent ces paroles:)
-
- CHŒUR DES DIVINITÉS DE LA TERRE ET DES EAUX, COMPOSÉ DE FLORE,
- NYMPHES, PALÆMON, VERTUMNE, SYLVAINS, FAUNES, DRYADES ET NAÏADES.
-
- Nous goûtons une paix profonde;
- Les plus doux jeux sont ici-bas:
- On doit ce repos, plein d'appas,
- Au plus grand roi du monde. 10
- Descendez, mère des Amours;
- Venez nous donner de beaux jours.
-
- (Il se fait ensuite une entrée de ballet, composée de deux
- Dryades, quatre Sylvains, deux Fleuves et deux Naïades; après
- laquelle Vertumne et Palæmon chantent ce dialogue:)
-
- VERTUMNE.
-
- Rendez-vous, beautés cruelles;
- Soupirez à votre tour.
-
- PALÆMON.
-
- Voici la reine des belles, 15
- Qui vient inspirer l'amour.
-
- VERTUMNE.
-
- Un bel objet toujours sévère
- Ne se fait jamais bien aimer.
-
- PALÆMON.
-
- C'est la beauté qui commence de plaire;
- Mais la douceur achève de charmer. 20
-
- (Ils répètent ensemble ces derniers vers:)
-
- C'est la beauté qui commence de plaire;
- Mais la douceur achève de charmer.
-
- VERTUMNE.
-
- Souffrons tous qu'Amour nous blesse:
- Languissons, puisqu'il le faut.
-
- PALÆMON.
-
- Que sert un cœur sans tendresse? 25
- Est-il un plus grand défaut?
-
- VERTUMNE.
-
- Un bel objet toujours sévère
- Ne se fait jamais bien aimer.
-
- PALÆMON.
-
- C'est la beauté qui commence de plaire;
- Mais la douceur achève de charmer. 30
-
- (Flore répond au dialogue de Vertumne et de Palæmon par ce
- menuet, et les autres divinités y mêlent leurs danses:)
-
- Est-on sage,
- Dans le bel âge,
- Est-on sage
- De n'aimer pas?
- Que sans cesse 35
- L'on se presse
- De goûter les plaisirs ici-bas.
- La sagesse
- De la jeunesse,
- C'est de savoir jouir de ses appas. 40
- L'Amour charme
- Ceux qu'il désarme;
- L'Amour charme,
- Cédons-lui tous:
- Notre peine 45
- Seroit vaine
- De vouloir résister à ses coups.
- Quelque chaîne
- Qu'un amant prenne,
- La liberté n'a rien qui soit si doux. 50
-
- (Vénus descend du ciel dans une grande machine avec l'Amour, son
- fils, et deux petites Grâces, nommées Ægiale et Phaène; et les
- divinités de la terre et des eaux recommencent de joindre toutes
- leurs voix, et continuent par leurs danses de lui témoigner la
- joie qu'elles ressentent à son abord.)
-
-CHŒUR DE TOUTES LES DIVINITÉS DE LA TERRE ET DES EAUX.
-
- Nous goûtons une paix profonde;
- Les plus doux jeux sont ici-bas;
- On doit ce repos, plein d'appas,
- Au plus grand roi du monde.
- Descendez, mère des Amours; 55
- Venez nous donner de beaux jours.
-
- VÉNUS, dans sa machine.
-
- Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allégresse:
- De si rares honneurs ne m'appartiennent pas,
- Et l'hommage qu'ici votre bonté m'adresse
- Doit être réservé pour de plus doux appas. 60
- C'est une trop vieille méthode
- De me venir faire sa cour;
- Toutes les choses ont leur tour,
- Et Vénus n'est plus à la mode.
- Il est d'autres attraits naissants, 65
- Où l'on va porter son encens:
- Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place;
- Déjà tout l'univers s'empresse à l'adorer,
- Et c'est trop que dans ma disgrâce
- Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer. 70
- On ne balance point entre nos deux mérites:
- A quitter mon parti tout s'est licencié,
- Et du nombreux amas de Grâces favorites
- Dont je traînois partout les soins et l'amitié,
- Il ne m'en est resté que deux des plus petites, 75
- Qui m'accompagnent par pitié.
- Souffrez que ces demeures sombres
- Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur,
- Et me laissez parmi leurs ombres
- Cacher ma honte et ma douleur. 80
-
-(Flore et les autres déités se retirent, et Vénus avec sa suite
-sort de sa machine.)
-
- ÆGIALE.
-
- Nous ne savons, Déesse, comment faire,
- Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler.
- Notre respect veut se taire,
- Notre zèle veut parler.
-
- VÉNUS.
-
- Parlez, mais si vos soins aspirent à me plaire, 85
- Laissez tous vos conseils pour une autre saison,
- Et ne parlez de ma colère
- Que pour dire que j'ai raison.
- C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense
- Que ma divinité pût jamais recevoir; 90
- Mais j'en aurai la vengeance,
- Si les Dieux ont du pouvoir.
-
- PHAÈNE.
-
- Vous avez plus que nous de clartés, de sagesse,
- Pour juger ce qui peut être digne de vous;
- Mais pour moi, j'aurois cru qu'une grande déesse. 95
- Devroit moins se mettre en courroux.
-
- VÉNUS.
-
- Et c'est là la raison de ce courroux extrême.
- Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant;
- Et si je n'étois pas dans ce degré suprême,
- Le dépit de mon cœur seroit moins violent. 100
- Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre,
- Mère du dieu qui fait aimer,
- Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,
- Et qui ne suis venue au jour que pour charmer,
- Moi qui, par tout ce qui respire, 105
- Ai vu de tant de vœux encenser mes autels,
- Et qui de la beauté, par des droits immortels,
- Ai tenu de tout temps le souverain empire,
- Moi dont les yeux ont mis deux grandes déités
- Au point de me céder le prix de la plus belle, 110
- Je me vois ma victoire et mes droits disputés
- Par une chétive mortelle!
- Le ridicule excès d'un fol entêtement
- Va jusqu'à m'opposer une petite fille!
- Sur ses traits et les miens j'essuierai constamment 115
- Un téméraire jugement,
- Et du haut des cieux où je brille,
- J'entendrai prononcer aux mortels prévenus:
- «Elle est plus belle que Vénus!»
-
- ÆGIALE.
-
- Voilà comme l'on fait; c'est le style des hommes: 120
- Ils sont impertinents dans leurs comparaisons.
-
- PHAÈNE.
-
- Ils ne sauroient louer, dans le siècle où nous sommes,
- Qu'ils n'outragent les plus grands noms.
-
- VÉNUS.
-
- Ah! que de ces trois mots la rigueur insolente
- Venge bien Junon et Pallas, 125
- Et console leurs cœurs de la gloire éclatante
- Que la fameuse pomme acquit à mes appas!
- Je les vois s'applaudir de mon inquiétude,
- Affecter à toute heure un ris malicieux,
- Et d'un fixe regard chercher avec étude 130
- Ma confusion dans mes yeux.
- Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage,
- Semble me venir dire, insultant mon courroux:
- «Vante, vante, Vénus, les traits de ton visage:
- Au jugement d'un seul, tu l'emportas sur nous; 135
- Mais par le jugement de tous
- Une simple mortelle a sur toi l'avantage.»
- Ah! ce coup-là m'achève, il me perce le cœur;
- Je n'en puis plus souffrir les rigueurs sans égales,
- Et c'est trop de surcroît à ma vive douleur 140
- Que le plaisir de mes rivales.
- Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crédit,
- Et si jamais je te fus chère,
- Si tu portes un cœur à sentir le dépit
- Qui trouble le cœur d'une mère. 145
- Qui si tendrement te chérit,
- Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance
- A soutenir mes intérêts,
- Et fais à Psyché par tes traits
- Sentir les traits de ma vengeance. 150
- Pour rendre son cœur malheureux,
- Prends celui de tes traits le plus propre à me plaire,
- Le plus empoisonné de ceux
- Que tu lances dans ta colère.
- Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel, 155
- Fais que jusqu'à la rage elle soit enflammée,
- Et qu'elle ait à souffrir le supplice cruel
- D'aimer et n'être point aimée.
-
- L'AMOUR.
-
- Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour:
- On m'impute partout mille fautes commises, 160
- Et vous ne croiriez point le mal et les sottises
- Que l'on dit de moi chaque jour.
- Si pour servir votre colère....
-
- VÉNUS.
-
- Va, ne résiste point aux souhaits de ta mère;
- N'applique tes raisonnements. 165
- Qu'à chercher les plus prompts moments
- De faire un sacrifice à ma gloire outragée.
- Pars, pour toute réponse à mes empressements,
- Et ne me revois point que je ne sois vengée.
-
- (L'Amour s'envole, et Vénus se retire avec les Grâces.--La
- scène est changée en une grande ville, où l'on découvre,
- des deux côtés, des palais et des maisons de différents ordres
- d'architecture.)
-
-
-
-
-ACTE I.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-AGLAURE, CYDIPPE.
-
- AGLAURE.
-
- Il est des maux, ma sœur, que le silence aigrit: 170
- Laissons, laissons parler mon chagrin et le vôtre,
- Et de nos cœurs l'un à l'autre
- Exhalons le cuisant dépit.
- Nous nous voyons sœurs d'infortune;
- Et la vôtre et la mienne ont un si grand rapport, 175
- Que nous pouvons mêler toutes les deux en une,
- Et dans notre juste transport,
- Murmurer à plainte commune
- Des cruautés de notre sort.
- Quelle fatalité secrète, 180
- Ma sœur, soumet tout l'univers
- Aux attraits de notre cadette,
- Et de tant de princes divers,
- Qu'en ces lieux la fortune jette,
- N'en présente aucun à nos fers? 185
- Quoi? voir de toutes parts, pour lui rendre les armes,
- Les cœurs se précipiter,
- Et passer devant nos charmes
- Sans s'y vouloir arrêter!
- Quel sort ont nos yeux en partage, 190
- Et qu'est-ce qu'ils ont fait aux Dieux,
- De ne jouir d'aucun hommage
- Parmi tous ces tributs de soupirs glorieux,
- Dont le superbe avantage
- Fait triompher d'autres yeux? 195
- Est-il pour nous, ma sœur, de plus rude disgrâce
- Que de voir tous les cœurs mépriser nos appas,
- Et l'heureuse Psyché jouir avec audace
- D'une foule d'amants attachés à ses pas?
-
- CYDIPPE.
-
- Ah! ma sœur, c'est une aventure 200
- A faire perdre la raison;
- Et tous les maux de la nature
- Ne sont rien en comparaison.
-
- AGLAURE.
-
- Pour moi, j'en suis souvent jusqu'à verser des larmes.
- Tout plaisir, tout repos par là m'est arraché; 205
- Contre un pareil malheur ma constance est sans armes.
- Toujours à ce chagrin mon esprit attaché
- Me tient devant les yeux la honte de nos charmes,
- Et le triomphe de Psyché.
- La nuit, il m'en repasse une idée éternelle, 210
- Qui sur toute chose prévaut:
- Rien ne me peut chasser cette image cruelle;
- Et dès qu'un doux sommeil me vient délivrer d'elle,
- Dans mon esprit aussitôt
- Quelque songe la rappelle, 215
- Qui me réveille en sursaut.
-
- CYDIPPE.
-
- Ma sœur, voilà mon martyre.
- Dans vos discours je me voi;
- Et vous venez là de dire
- Tout ce qui se passe en moi. 220
-
- AGLAURE.
-
- Mais encor, raisonnons un peu sur cette affaire.
- Quels charmes si puissants en elle sont épars?
- Et par où, dites-moi, du grand secret de plaire
- L'honneur est-il acquis à ses moindres regards?
- Que voit-on dans sa personne 225
- Pour inspirer tant d'ardeurs?
- Quel droit de beauté lui donne
- L'empire de tous les cœurs?
- Elle a quelques attraits, quelque éclat de jeunesse:
- On en tombe d'accord, je n'en disconviens pas; 230
- Mais lui cède-t-on fort pour quelque peu d'aînesse,
- Et se voit-on sans appas?
- Est-on d'une figure à faire qu'on se raille?
- N'a-t-on point quelques traits et quelques agréments,
- Quelque teint, quelques yeux, quelque air, et quelque taille
- A pouvoir dans nos fers jeter quelques amants?
- Ma sœur, faites-moi la grâce
- De me parler franchement:
- Suis-je faite d'un air, à votre jugement,
- Que mon mérite au sien doive céder la place? 240
- Et dans quelque ajustement
- Trouvez-vous qu'elle m'efface?
-
- CYDIPPE.
-
- Qui? vous, ma sœur? nullement.
- Hier à la chasse près d'elle
- Je vous regardai longtemps; 245
- Et sans vous donner d'encens,
- Vous me parûtes plus belle.
- Mais, moi, dites, ma sœur, sans me vouloir flatter,
- Sont-ce des visions que je me mets en tête,
- Quand je me crois taillée à pouvoir mériter 250
- La gloire de quelque conquête?
-
- AGLAURE.
-
- Vous, ma sœur, vous avez, sans nul déguisement,
- Tout ce qui peut causer une amoureuse flamme.
- Vos moindres actions brillent d'un agrément
- Dont je me sens toucher l'âme; 255
- Et je serois votre amant,
- Si j'étois autre que femme.
-
- CYDIPPE.
-
- D'où vient donc qu'on la voit l'emporter sur nous deux,
- Qu'à ses premiers regards les cœurs rendent les armes,
- Et que d'aucun tribut de soupirs et de vœux 260
- On ne fait honneur à nos charmes?
-
- AGLAURE.
-
- Toutes les dames, d'une voix,
- Trouvent ses attraits peu de chose;
- Et du nombre d'amants qu'elle tient sous ses lois,
- Ma sœur, j'ai découvert la cause. 265
-
- CYDIPPE.
-
- Pour moi, je la devine, et l'on doit présumer
- Qu'il faut que là-dessous soit caché du mystère.
- Ce secret de tout enflammer
- N'est point de la nature un effet ordinaire:
- L'art de la Thessalie entre dans cette affaire; 270
- Et quelque main a su sans doute lui former
- Un charme pour se faire aimer.
-
- AGLAURE.
-
- Sur un plus fort appui ma croyance se fonde;
- Et le charme qu'elle a pour attirer les cœurs,
- C'est un air en tout temps désarmé de rigueurs, 275
- Des regards caressants, que la bouche seconde,
- Un souris chargé de douceurs,
- Qui tend les bras à tout le monde,
- Et ne vous promet que faveurs.
- Notre gloire n'est plus aujourd'hui conservée, 280
- Et l'on n'est plus au temps de ces nobles fiertés
- Qui par un digne essai d'illustres cruautés,
- Vouloient voir d'un amant la constance éprouvée.
- De tout ce noble orgueil qui nous seyoit si bien,
- On est bien descendu dans le siècle où nous sommes; 285
- Et l'on en est réduite à n'espérer plus rien,
- A moins que l'on se jette à la tête des hommes.
-
- CYDIPPE.
-
- Oui, voilà le secret de l'affaire, et je voi
- Que vous le prenez mieux que moi.
- C'est pour nous attacher à trop de bienséance 290
- Qu'aucun amant, ma sœur, à nous ne veut venir;
- Et nous voulons trop soutenir
- L'honneur de notre sexe et de notre naissance.
- Les hommes maintenant aiment ce qui leur rit;
- L'espoir, plus que l'amour, est ce qui les attire, 295
- Et c'est par là que Psyché nous ravit
- Tous les amants qu'on voit sous son empire.
- Suivons, suivons l'exemple: ajustons-nous au temps;
- Abaissons-nous, ma sœur, à faire des avances,
- Et ne ménageons plus de tristes bienséances 300
- Qui nous ôtent les fruits du plus beau de nos ans.
-
- AGLAURE.
-
- J'approuve la pensée; et nous avons matière
- D'en faire l'épreuve première
- Aux deux princes qui sont les derniers arrivés.
- Ils sont charmants, ma sœur, et leur personne entière 305
- Me.... Les avez-vous observés?
-
- CYDIPPE.
-
- Ah! ma sœur, ils sont faits tous deux d'une manière
- Que mon âme.... Ce sont deux princes achevés.
-
- AGLAURE.
-
- Je trouve qu'on pourroit rechercher leur tendresse
- Sans se faire déshonneur. 310
-
- CYDIPPE.
-
- Je trouve que, sans honte, une belle princesse
- Leur pourroit donner son cœur.
-
-
-SCÈNE II.
-
- CLÉOMÈNE, AGÉNOR, AGLAURE, CYDIPPE.
-
- AGLAURE.
-
- Les voici tous deux, et j'admire
- Leur air et leur ajustement.
-
- CYDIPPE.
-
- Ils ne démentent nullement 315
- Tout ce que nous venons de dire.
-
- AGLAURE.
-
- D'où vient, princes, d'où vient que vous fuyez ainsi?
- Prenez-vous l'épouvante en nous voyant paroître?
-
- CLÉOMÈNE.
-
- On nous faisoit croire qu'ici
- La princesse Psyché, Madame, pourroit être. 320
-
- AGLAURE.
-
- Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agréable pour vous,
- Si vous ne les voyez ornés de sa présence?
-
- AGÉNOR.
-
- Ces lieux peuvent avoir des charmes assez doux;
- Mais nous cherchons Psyché dans notre impatience.
-
- CYDIPPE.
-
- Quelque chose de bien pressant 325
- Vous doit à la chercher pousser tous deux sans doute?
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Le motif est assez puissant,
- Puisque notre fortune enfin en dépend toute.
-
- AGLAURE.
-
- Ce seroit trop à nous que de nous informer
- Du secret que ces mots nous peuvent enfermer. 330
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Nous ne prétendons point en faire de mystère:
- Aussi bien malgré nous paroîtroit-il au jour;
- Et le secret ne dure guère,
- Madame, quand c'est de l'amour.
-
- CYDIPPE.
-
- Sans aller plus avant, princes, cela veut dire 335
- Que vous aimez Psyché tous deux.
-
- AGÉNOR.
-
- Tous deux soumis à son empire,
- Nous allons de concert lui découvrir nos feux.
-
- AGLAURE.
-
- C'est une nouveauté sans doute assez bizarre
- Que deux rivaux si bien unis. 340
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Il est vrai que la chose est rare,
- Mais non pas impossible à deux parfaits amis.
-
- CYDIPPE.
-
- Est-ce que dans ces lieux il n'est qu'elle de belle,
- Et n'y trouvez-vous point à séparer vos vœux?
-
- AGLAURE.
-
- Parmi l'éclat du sang, vos yeux n'ont-ils vu qu'elle 345
- A pouvoir mériter vos feux?
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Est-ce que l'on consulte au moment qu'on s'enflamme?
- Choisit-on qui l'on veut aimer?
- Et pour donner toute son âme,
- Regarde-t-on quel droit on a de nous charmer? 350
-
- AGÉNOR.
-
- Sans qu'on ait le pouvoir d'élire,
- On suit dans une telle ardeur
- Quelque chose qui nous attire;
- Et lorsque l'amour touche un cœur,
- On n'a point de raisons à dire. 355
-
- AGLAURE.
-
- En vérité, je plains les fâcheux embarras
- Où je vois que vos cœurs se mettent.
- Vous aimez un objet dont les riants appas
- Mêleront des chagrins à l'espoir qu'ils vous jettent;
- Et son cœur ne vous tiendra pas 360
- Tout ce que ses yeux vous promettent.
-
- CYDIPPE.
-
- L'espoir qui vous appelle au rang de ses amants
- Trouvera du mécompte aux douceurs qu'elle étale;
- Et c'est pour essuyer de très-fâcheux moments,
- Que les soudains retours de son âme inégale. 365
-
- AGLAURE.
-
- Un clair discernement de ce que vous valez
- Nous fait plaindre le sort où cet amour vous guide;
- Et vous pouvez trouver tous deux, si vous voulez,
- Avec autant d'attraits, une âme plus solide.
-
- CYDIPPE.
-
- Par un choix plus doux de moitié, 370
- Vous pouvez de l'amour sauver votre amitié;
- Et l'on voit en vous deux un mérite si rare,
- Qu'un tendre avis veut bien prévenir par pitié
- Ce que votre cœur se prépare.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Cet avis généreux fait pour nous éclater 375
- Des bontés qui nous touchent l'âme;
- Mais le ciel nous réduit à ce malheur, Madame,
- De ne pouvoir en profiter.
-
- AGÉNOR.
-
- Votre illustre pitié veut en vain nous distraire
- D'un amour dont tous deux nous redoutons l'effet: 380
- Ce que notre amitié, Madame, n'a pas fait,
- Il n'est rien qui le puisse faire.
-
- CYDIPPE.
-
- Il faut que le pouvoir de Psyché.... La voici.
-
-
-SCÈNE III.
-
-PSYCHÉ, CYDIPPE, AGLAURE, CLÉOMÈNE, AGÉNOR.
-
- CYDIPPE.
-
- Venez jouir, ma sœur, de ce qu'on vous apprête.
-
- AGLAURE.
-
- Préparez vos attraits à recevoir ici 385
- Le triomphe nouveau d'une illustre conquête.
-
- CYDIPPE.
-
- Ces princes ont tous deux si bien senti vos coups,
- Qu'à vous le découvrir leur bouche se dispose.
-
- PSYCHÉ.
-
- Du sujet qui les tient si rêveurs parmi nous,
- Je ne me croyois pas la cause; 390
- Et j'aurois cru toute autre chose
- En les voyant parler à vous.
-
- AGLAURE.
-
- N'ayant ni beauté ni naissance
- A pouvoir mériter leur amour et leurs soins,
- Ils nous favorisent au moins 395
- De l'honneur de la confidence.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- L'aveu qu'il nous faut faire à vos divins appas
- Est sans doute, Madame, un aveu téméraire;
- Mais tant de cœurs près du trépas
- Sont par de tels aveux forcés à vous déplaire, 400
- Que vous êtes réduite à ne les punir pas
- Des foudres de votre colère.
- Vous voyez en nous deux amis
- Qu'un doux rapport d'humeurs sut joindre dès l'enfance;
- Et ces tendres liens se sont vus affermis 405
- Par cent combats d'estime et de reconnoissance.
- Du destin ennemi les assauts rigoureux,
- Les mépris de la mort et l'aspect des supplices,
- Par d'illustres éclats de mutuels offices,
- Ont de notre amitié signalé les beaux nœuds; 410
- Mais à quelques essais qu'elle se soit trouvée,
- Son grand triomphe est en ce jour;
- Et rien ne fait tant voir sa constance éprouvée
- Que de se conserver au milieu de l'amour.
- Oui, malgré tant d'appas, son illustre constance 415
- Aux lois qu'elle nous fait a soumis tous nos vœux:
- Elle vient, d'une douce et pleine déférence,
- Remettre à votre choix le succès de nos feux;
- Et pour donner un poids à notre concurrence,
- Qui des raisons d'État entraîne la balance 420
- Sur le choix de l'un de nous deux,
- Cette même amitié s'offre sans répugnance
- D'unir nos deux États au sort du plus heureux.
-
- AGÉNOR.
-
- Oui, de ces deux États, Madame,
- Que sous votre heureux choix nous nous offrons d'unir,
- Nous voulons faire à notre flamme,
- Un secours pour vous obtenir.
- Ce que, pour ce bonheur, près du roi votre père,
- Nous nous sacrifions tous deux,
- N'a rien de difficile à nos cœurs amoureux; 430
- Et c'est au plus heureux faire un don nécessaire
- D'un pouvoir dont le malheureux,
- Madame, n'aura plus affaire.
-
- PSYCHÉ.
-
- Le choix que vous m'offrez, princes, montre à mes yeux
- De quoi remplir les vœux de l'âme la plus fière, 435
- Et vous me le parez tous deux d'une manière
- Qu'on ne peut rien offrir qui soit plus précieux.
- Vos feux, votre amitié, votre vertu suprême,
- Tout me relève en vous l'offre de votre foi;
- Et j'y vois un mérite à s'opposer lui-même 440
- A ce que vous voulez de moi.
- Ce n'est pas à mon cœur qu'il faut que je défère
- Pour entrer sous de tels liens:
- Ma main, pour se donner, attend l'ordre d'un père,
- Et mes sœurs ont des droits qui vont devant les miens.
- Mais si l'on me rendoit sur mes vœux absolue,
- Vous y pourriez avoir trop de part à la fois;
- Et toute mon estime, entre vous suspendue,
- Ne pourroit sur aucun laisser tomber mon choix.
- A l'ardeur de votre poursuite 450
- Je répondrois assez de mes vœux les plus doux;
- Mais c'est, parmi tant de mérite,
- Trop que deux cœurs pour moi, trop peu qu'un cœur pour vous.
- De mes plus doux souhaits j'aurois l'âme gênée
- A l'effort de votre amitié; 455
- Et j'y vois l'un de vous prendre une destinée
- A me faire trop de pitié.
- Oui, princes, à tous ceux dont l'amour suit le vôtre
- Je vous préférerois tous deux avec ardeur;
- Mais je n'aurois jamais le cœur 460
- De pouvoir préférer l'un de vous deux à l'autre.
- A celui que je choisirois
- Ma tendresse feroit un trop grand sacrifice;
- Et je m'imputerois à barbare injustice
- Le tort qu'à l'autre je ferois. 465
- Oui, tous deux vous brillez de trop de grandeur d'âme
- Pour en faire aucun malheureux;
- Et vous devez chercher dans l'amoureuse flamme
- Le moyen d'être heureux tous deux.
- Si votre cœur me considère 470
- Assez pour me souffrir de disposer de vous,
- J'ai deux sœurs capables de plaire,
- Qui peuvent bien vous faire un destin assez doux;
- Et l'amitié me rend leur personne assez chère
- Pour vous souhaiter leurs époux. 475
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Un cœur dont l'amour est extrême
- Peut-il bien consentir, hélas!
- D'être donné par ce qu'il aime?
- Sur nos deux cœurs, Madame, à vos divins appas
- Nous donnons un pouvoir suprême: 480
- Disposez-en pour le trépas;
- Mais pour une autre que vous-même
- Ayez cette bonté de n'en disposer pas.
-
- AGÉNOR.
-
- Aux princesses, Madame, on feroit trop d'outrage,
- Et c'est pour leurs attraits un indigne partage 485
- Que les restes d'une autre ardeur.
- Il faut d'un premier feu la pureté fidèle
- Pour aspirer à cet honneur
- Où votre bonté nous appelle;
- Et chacune mérite un cœur 490
- Qui n'ait soupiré que pour elle.
-
- AGLAURE.
-
- Il me semble, sans nul courroux,
- Qu'avant que de vous en défendre,
- Princes, vous deviez bien attendre
- Qu'on se fût expliqué sur vous. 495
- Nous croyez-vous un cœur si facile et si tendre?
- Et lorsqu'on parle ici de vous donner à nous,
- Savez-vous si l'on veut vous prendre?
-
- CYDIPPE.
-
- Je pense que l'on a d'assez hauts sentiments
- Pour refuser un cœur qu'il faut qu'on sollicite, 500
- Et qu'on ne veut devoir qu'à son propre mérite
- La conquête de ses amants.
-
- PSYCHÉ.
-
- J'ai cru pour vous, mes sœurs, une gloire assez grande,
- Si la possession d'un mérite si haut....
-
-
-SCÈNE IV.
-
-LYCAS, PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE, CLÉOMÈNE, AGÉNOR.
-
- LYCAS.
-
- Ah! Madame.
-
- PSYCHÉ.
-
- Qu'as-tu?
-
- LYCAS.
-
- Le Roi....
-
- PSYCHÉ.
-
- Quoi?
-
- LYCAS.
-
- Vous demande.
-
- PSYCHÉ.
-
- De ce trouble si grand que faut-il que j'attende?
-
- LYCAS.
-
- Vous ne le saurez que trop tôt.
-
- PSYCHÉ.
-
- Hélas! que pour le Roi tu me donnes à craindre!
-
- LYCAS.
-
- Ne craignez que pour vous, c'est vous que l'on doit plaindre.
-
- PSYCHÉ.
-
- C'est pour louer le ciel, et me voir hors d'effroi, 510
- De savoir que je n'aie à craindre que pour moi.
- Mais apprends-moi, Lycas, le sujet qui te touche.
-
- LYCAS.
-
- Souffrez que j'obéisse à qui m'envoie ici,
- Madame, et qu'on vous laisse apprendre de sa bouche
- Ce qui peut m'affliger ainsi. 515
-
- PSYCHÉ.
-
- Allons savoir sur quoi l'on craint tant ma foiblesse.
-
-
-SCÈNE V.
-
-AGLAURE, CYDIPPE, LYCAS.
-
- AGLAURE.
-
- Si ton ordre n'est pas jusqu'à nous étendu,
- Dis-nous quel grand malheur nous couvre ta tristesse.
-
- LYCAS.
-
- Hélas! ce grand malheur dans la cour répandu,
- Voyez-le vous-même, princesse, 520
- Dans l'oracle qu'au Roi les destins ont rendu.
- Voici ses propres mots que la douleur, Madame,
- A gravés au fond de mon âme:
- «Que l'on ne pense nullement
- A vouloir de Psyché conclure l'hyménée; 525
- Mais qu'au sommet d'un mont elle soit promptement
- En pompe funèbre menée;
- Et que de tous abandonnée,
- Pour époux elle attende en ces lieux constamment
- Un monstre dont on a la vue empoisonnée, 530
- Un serpent qui répand son venin en tous lieux,
- Et trouble dans sa rage et la terre et les cieux.»
- Après un arrêt si sévère
- Je vous quitte, et vous laisse à juger entre vous
- Si par de plus cruels et plus sensibles coups 535
- Tous les Dieux nous pouvoient expliquer leur colère.
-
-
-SCÈNE VI.
-
-AGLAURE, CYDIPPE.
-
- CYDIPPE.
-
- Ma sœur, que sentez-vous à ce soudain malheur
- Où nous voyons Psyché par les destins plongée?
-
- AGLAURE.
-
- Mais vous, que sentez-vous, ma sœur?
-
- CYDIPPE.
-
- A ne vous point mentir, je sens que dans mon cœur 540
- Je n'en suis pas trop affligée.
-
- AGLAURE.
-
- Moi, je sens quelque chose au mien
- Qui ressemble assez à la joie.
- Allons, le destin nous envoie
- Un mal que nous pouvons regarder comme un bien. 545
-
-
-PREMIER INTERMÈDE.
-
- La scène est changée en des rochers affreux, et fait voir en
- éloignement une grotte effroyable.--C'est dans ce désert que
- Psyché doit être exposée pour obéir à l'oracle. Une troupe de
- personnes affligées y viennent déplorer sa disgrâce. Une partie
- de cette troupe désolée témoigne sa pitié par des plaintes
- touchantes et par des concerts lugubres; et l'autre exprime sa
- désolation par une danse pleine de toutes les marques du plus
- violent désespoir.
-
-PLAINTES EN ITALIEN, _Chantées par une femme désolée et deux
-hommes affligés._
-
- FEMME DÉSOLÉE.
-
- Deh! piangete al pianto mio,
- Sassi duri, antiche selve,
- Lagrimate, fonti, e belue,
- D'un bel volto il fato rio.
-
- 1. HOMME AFFLIGÉ.
-
- Ahi dolore! 550
-
- 2. HOMME AFFLIGÉ.
-
- Ahi martire!
-
- 1. HOMME AFFLIGÉ.
-
- Cruda morte!
-
- 2. HOMME AFFLIGÉ.
-
- Empia sorte!
-
- TOUS TROIS.
-
- Che condanni a morir tanta beltà,
- Cieli, stelle, ahi crudeltà! 555
-
- 2. HOMME AFFLIGÉ.
-
- Com' esser può fra voi, o numi eterni,
- Chi voglia estinta una beltà innocente?
- Ahi! che tanto rigor, cielo inclemente,
- Vince di crudeltà gli stessi inferni!
-
- 1. HOMME AFFLIGÉ.
-
- Nume fiero! 560
-
- 2. HOMME AFFLIGÉ.
-
- Dio severo!
-
- ENSEMBLE.
-
- Perchè tanto rigor
- Contro innocente cor?
- Ahi sentenza inudita!
- Dar morte a la beltà, ch' altrui dà vita. 565
-
- FEMME DÉSOLÉE.
-
- Ahi ch' indarno si tarda!
- Non resiste agli dei mortale affetto,
- Alto impero ne sforza:
- Ove commanda il ciel, l'uom cede a forza.
- Ahi dolore! etc., _come sopra_. 570
-
-(Ces plaintes sont entrecoupées et finies par une entrée de
-ballet de huit personnes affligées.)
-
-
-
-
-ACTE II.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-LE ROI, PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE, LYCAS, SUITE.
-
- PSYCHÉ.
-
- De vos larmes, Seigneur, la source m'est bien chère;
- Mais c'est trop aux bontés que vous avez pour moi
- Que de laisser régner les tendresses de père
- Jusque dans les yeux d'un grand roi.
- Ce qu'on vous voit ici donner à la nature 575
- Au rang que vous tenez, Seigneur, fait trop d'injure,
- Et j'en dois refuser les touchantes faveurs.
- Laissez moins sur votre sagesse
- Prendre d'empire à vos douleurs,
- Et cessez d'honorer mon destin par des pleurs, 580
- Qui dans le cœur d'un roi montrent de la foiblesse.
-
- LE ROI.
-
- Ah! ma fille, à ces pleurs laisse mes yeux ouverts:
- Mon deuil est raisonnable, encor qu'il soit extrême;
- Et lorsque pour toujours on perd ce que je perds,
- La sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-même. 585
- En vain l'orgueil du diadème
- Veut qu'on soit insensible à ces cruels revers;
- En vain de la raison les secours sont offerts
- Pour vouloir d'un œil sec voir mourir ce qu'on aime:
- L'effort en est barbare aux yeux de l'univers; 590
- Et c'est brutalité plus que vertu suprême.
- Je ne veux point, dans cette adversité,
- Parer mon cœur d'insensibilité,
- Et cacher l'ennui qui me touche:
- Je renonce à la vanité 595
- De cette dureté farouche
- Que l'on appelle fermeté;
- Et de quelque façon qu'on nomme
- Cette vive douleur dont je ressens les coups,
- Je veux bien l'étaler, ma fille, aux yeux de tous, 600
- Et dans le cœur d'un roi montrer le cœur d'un homme.
-
- PSYCHÉ.
-
- Je ne mérite pas cette grande douleur:
- Opposez, opposez un peu de résistance
- Aux droits qu'elle prend sur un cœur
- Dont mille événements ont marqué la puissance. 605
- Quoi? faut-il que pour moi vous renonciez, Seigneur,
- A cette royale constance
- Dont vous avez fait voir dans les coups du malheur
- Une fameuse expérience?
-
- LE ROI.
-
- La constance est facile en mille occasions. 610
- Toutes les révolutions
- Où nous peut exposer la fortune inhumaine,
- La perte des grandeurs, les persécutions,
- Le poison de l'envie, et les traits de la haine,
- N'ont rien que ne puissent sans peine 615
- Braver les résolutions
- D'une âme où la raison est un peu souveraine.
- Mais ce qui porte des rigueurs
- A faire succomber les cœurs
- Sous le poids des douleurs amères, 620
- Ce sont, ce sont les rudes traits
- De ces fatalités sévères
- Qui nous enlèvent pour jamais
- Les personnes qui nous sont chères.
- La raison contre de tels coups 625
- N'offre point d'armes secourables:
- Et voilà des Dieux en courroux
- Les foudres les plus redoutables
- Qui se puissent lancer sur nous.
-
- PSYCHÉ.
-
- Seigneur, une douceur ici vous est offerte. 630
- Votre hymen a reçu plus d'un présent des Dieux;
- Et par une faveur ouverte,
- Ils ne vous ôtent rien, en m'ôtant à vos yeux,
- Dont ils n'aient pris le soin de réparer la perte.
- Il vous reste de quoi consoler vos douleurs, 635
- Et cette loi du ciel, que vous nommez cruelle.
- Dans les deux princesses mes sœurs
- Laisse à l'amitié paternelle
- Où placer toutes ses douceurs.
-
- LE ROI.
-
- Ah! de mes maux soulagement frivole! 640
- Rien, rien ne s'offre à moi qui de toi me console.
- C'est sur mes déplaisirs que j'ai les yeux ouverts,
- Et dans un destin si funeste,
- Je regarde ce que je perds,
- Et ne vois point ce qui me reste. 645
-
- PSYCHÉ.
-
- Vous savez mieux que moi qu'aux volontés des Dieux,
- Seigneur, il faut régler les nôtres;
- Et je ne puis vous dire, en ces tristes adieux,
- Que ce que beaucoup mieux vous pouvez dire aux autres.
- Ces Dieux sont maîtres souverains 650
- Des présents qu'ils daignent nous faire;
- Ils ne les laissent dans nos mains
- Qu'autant de temps qu'il peut leur plaire:
- Lorsqu'ils viennent les retirer,
- On n'a nul droit de murmurer 655
- Des grâces que leur main ne veut plus nous étendre.
- Seigneur, je suis un don qu'ils ont fait à vos vœux;
- Et quand par cet arrêt ils veulent me reprendre,
- Ils ne vous ôtent rien que vous ne teniez d'eux,
- Et c'est sans murmurer que vous devez me rendre. 660
-
- LE ROI.
-
- Ah! cherche un meilleur fondement
- Aux consolations que ton cœur me présente;
- Et de la fausseté de ce raisonnement
- Ne fais point un accablement
- A cette douleur si cuisante 665
- Dont je souffre ici le tourment.
- Crois-tu là me donner une raison puissante
- Pour ne me plaindre point de cet arrêt des cieux?
- Et dans le procédé des Dieux
- Dont tu veux que je me contente, 670
- Une rigueur assassinante
- Ne paroît-elle pas aux yeux?
- Vois l'état où ces Dieux me forcent à te rendre,
- Et l'autre où te reçut mon cœur infortuné:
- Tu connoîtras par là qu'ils me viennent reprendre 675
- Bien plus que ce qu'ils m'ont donné.
- Je reçus d'eux en toi, ma fille,
- Un présent que mon cœur ne leur demandoit pas;
- J'y trouvois alors peu d'appas,
- Et leur en vis sans joie accroître ma famille; 680
- Mais mon cœur, ainsi que mes yeux,
- S'est fait de ce présent une douce habitude;
- J'ai mis quinze ans de soins, de veilles et d'étude
- A me le rendre précieux;
- Je l'ai paré de l'aimable richesse 685
- De mille brillantes vertus;
- En lui j'ai renfermé, par des soins assidus,
- Tous les plus beaux trésors que fournit la sagesse;
- A lui j'ai de mon âme attaché la tendresse;
- J'en ai fait de ce cœur le charme et l'allégresse, 690
- La consolation de mes sens abattus,
- Le doux espoir de ma vieillesse.
- Ils m'ôtent tout cela, ces Dieux;
- Et tu veux que je n'aie aucun sujet de plainte
- Sur cet affreux arrêt dont je souffre l'atteinte? 695
- Ah! leur pouvoir se joue avec trop de rigueur
- Des tendresses de notre cœur.
- Pour m'ôter leur présent, leur falloit-il attendre
- Que j'en eusse fait tout mon bien?
- Ou plutôt, s'ils avoient dessein de le reprendre, 700
- N'eût-il pas été mieux de ne me donner rien?
-
- PSYCHÉ.
-
- Seigneur, redoutez la colère
- De ces Dieux contre qui vous osez éclater.
-
- LE ROI.
-
- Après ce coup, que peuvent-ils me faire?
- Ils m'ont mis en état de ne rien redouter. 705
-
- PSYCHÉ.
-
- Ah! Seigneur, je tremble des crimes
- Que je vous fais commettre, et je dois me haïr.
-
- LE ROI.
-
- Ah! qu'ils souffrent du moins mes plaintes légitimes!
- Ce m'est assez d'effort que de leur obéir;
- Ce doit leur être assez que mon cœur t'abandonne 710
- Au barbare respect qu'il faut qu'on ait pour eux,
- Sans prétendre gêner la douleur que me donne
- L'épouvantable arrêt d'un sort si rigoureux.
- Mon juste désespoir ne sauroit se contraindre:
- Je veux, je veux garder ma douleur à jamais; 715
- Je veux sentir toujours la perte que je fais;
- De la rigueur du ciel je veux toujours me plaindre;
- Je veux jusqu'au trépas incessamment pleurer
- Ce que tout l'univers ne peut me réparer.
-
- PSYCHÉ.
-
- Ah! de grâce, Seigneur, épargnez ma foiblesse: 720
- J'ai besoin de constance en l'état où je suis.
- Ne fortifiez point l'excès de mes ennuis
- Des larmes de votre tendresse.
- Seuls ils sont assez forts; et c'est trop pour mon cœur
- De mon destin et de votre douleur. 725
-
- LE ROI.
-
- Oui, je dois t'épargner mon deuil inconsolable.
- Voici l'instant fatal de m'arracher de toi;
- Mais comment prononcer ce mot épouvantable?
- Il le faut toutefois, le ciel m'en fait la loi:
- Une rigueur inévitable 730
- M'oblige à te laisser en ce funeste lieu.
- Adieu: je vais.... Adieu.
-
-
-SCÈNE II[322].
-
-PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE.
-
- PSYCHÉ.
-
- Suivez le Roi, mes sœurs: vous essuierez ses larmes,
- Vous adoucirez ses douleurs;
- Et vous l'accableriez d'alarmes, 735
- Si vous vous exposiez encore à mes malheurs.
- Conservez-lui ce qui lui reste.
- Le serpent que j'attends peut vous être funeste,
- Vous envelopper dans mon sort,
- Et me porter en vous une seconde mort. 740
- Le ciel m'a seule condamnée
- A son haleine empoisonnée:
- Rien ne sauroit me secourir;
- Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir.
-
- AGLAURE.
-
- Ne nous enviez pas ce cruel avantage 745
- De confondre nos pleurs avec vos déplaisirs,
- De mêler nos soupirs à vos derniers soupirs:
- D'une tendre amitié souffrez ce dernier gage.
-
- PSYCHÉ.
-
- C'est vous perdre inutilement.
-
- CYDIPPE.
-
- C'est en votre faveur espérer un miracle, 750
- Ou vous accompagner jusques au monument.
-
- PSYCHÉ.
-
- Que peut-on se promettre après un tel oracle?
-
- AGLAURE.
-
- Un oracle jamais n'est sans obscurité:
- On l'entend d'autant moins que mieux on croit l'entendre[324];
- Et peut-être, après tout, n'en devez-vous attendre
- Que gloire et que félicité.
- Laissez-nous voir, ma sœur, par une digne issue
- Cette frayeur mortelle heureusement déçue,
- Ou mourir du moins avec vous,
- Si le ciel à nos vœux ne se montre plus doux. 760
-
- PSYCHÉ.
-
- Ma sœur, écoutez mieux la voix de la nature
- Qui vous appelle auprès du Roi.
- Vous m'aimez trop; le devoir en murmure,
- Vous en savez l'indispensable loi:
- Un père vous doit être encor plus cher que moi. 765
- Rendez-vous toutes deux l'appui de sa vieillesse;
- Vous lui devez chacune[325] un gendre et des neveux.
- Mille rois à l'envi vous gardent leur tendresse,
- Mille rois à l'envi vous offriront leurs vœux.
- L'oracle me veut seule; et seule aussi je veux 770
- Mourir, si je puis, sans foiblesse,
- Ou ne vous avoir pas pour témoins toutes deux
- De ce que, malgré moi, la nature m'en laisse.
-
- AGLAURE.
-
- Partager vos malheurs, c'est vous importuner?
-
- CYDIPPE.
-
- J'ose dire un peu plus, ma sœur, c'est vous déplaire?
-
- PSYCHÉ.
-
- Non; mais enfin c'est me gêner,
- Et peut-être du ciel redoubler la colère.
-
- AGLAURE.
-
- Vous le voulez, et nous partons.
- Daigne ce même ciel, plus juste et moins sévère,
- Vous envoyer le sort que nous vous souhaitons, 780
- Et que notre amitié sincère,
- En dépit de l'oracle, et malgré vous, espère!
-
- PSYCHÉ.
-
- Adieu: c'est un espoir, ma sœur, et des souhaits
- Qu'aucun des Dieux ne remplira jamais.
-
-
-SCÈNE III.
-
-PSYCHÉ, seule.
-
- Enfin, seule et toute à moi-même, 785
- Je puis envisager cet affreux changement
- Qui du haut d'une gloire extrême
- Me précipite au monument.
- Cette gloire étoit sans seconde;
- L'éclat s'en répandoit jusqu'aux deux bouts du monde;
- Tout ce qu'il a de rois sembloient faits pour m'aimer;
- Tous leurs sujets, me prenant pour déesse,
- Commençoient à m'accoutumer
- Aux encens qu'ils m'offroient sans cesse;
- Leurs soupirs me suivoient sans qu'il m'en coûtât rien;
- Mon âme restoit libre en captivant tant d'âmes;
- Et j'étois, parmi tant de flammes,
- Reine de tous les cœurs et maîtresse du mien.
- O ciel, m'auriez-vous fait un crime
- De cette insensibilité? 800
- Déployez-vous sur moi tant de sévérité,
- Pour n'avoir à leurs vœux rendu que de l'estime?
- Si vous m'imposiez cette loi,
- Qu'il fallût faire un choix pour ne pas vous déplaire[326],
- Puisque je ne pouvois le faire, 805
- Que ne le faisiez-vous pour moi?
- Que ne m'inspiriez-vous ce qu'inspire à tant d'autres
- Le mérite, l'amour, et.... Mais que vois-je ici?
-
-
-SCÈNE IV.
-
-CLÉOMÈNE, AGÉNOR, PSYCHÉ.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Deux amis, deux rivaux, dont l'unique souci
- Est d'exposer leurs jours pour conserver les vôtres. 810
-
- PSYCHÉ.
-
- Puis-je vous écouter, quand j'ai chassé deux sœurs?
- Princes, contre le ciel pensez-vous me défendre?
- Vous livrer au serpent qu'ici je dois attendre,
- Ce n'est qu'un désespoir qui sied mal aux grands cœurs;
- Et mourir alors que je meurs, 815
- C'est accabler une âme tendre,
- Qui n'a que trop de ses douleurs.
-
- AGÉNOR.
-
- Un serpent n'est pas invincible:
- Cadmus, qui n'aimoit rien, défit celui de Mars.
- Nous aimons, et l'amour sait rendre tout possible 820
- Au cœur qui suit ses étendards,
- A la main dont lui-même il conduit tous les dards.
-
- PSYCHÉ.
-
- Voulez-vous qu'il vous serve en faveur d'une ingrate
- Que tous ses traits n'ont pu toucher;
- Qu'il dompte sa vengeance au moment qu'elle éclate,
- Et vous aide à m'en arracher?
- Quand même vous m'auriez servie,
- Quand vous m'auriez rendu la vie.
- Quel fruit espérez-vous de qui ne peut aimer?
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Ce n'est point par l'espoir d'un si charmant salaire 830
- Que nous nous sentons animer:
- Nous ne cherchons qu'à satisfaire
- Aux devoirs d'un amour qui n'ose présumer
- Que jamais, quoi qu'il puisse faire,
- Il soit capable de vous plaire, 835
- Et digne de vous enflammer.
- Vivez, belle princesse, et vivez pour un autre:
- Nous le verrons d'un œil jaloux,
- Nous en mourrons, mais d'un trépas plus doux
- Que s'il nous falloit voir le vôtre; 840
- Et si nous ne mourons en vous sauvant le jour,
- Quelque amour qu'à nos yeux vous préfériez au nôtre,
- Nous voulons bien mourir de douleur et d'amour.
-
- PSYCHÉ.
-
- Vivez, princes, vivez, et de ma destinée
- Ne songez plus à rompre ou partager la loi; 845
- Je crois vous l'avoir dit, le ciel ne veut que moi,
- Le ciel m'a seule condamnée.
- Je pense ouïr déjà les mortels sifflements
- De son ministre qui s'approche:
- Ma frayeur me le peint, me l'offre à tous moments; 850
- Et maîtresse qu'elle est de tous mes sentiments,
- Elle me le figure au haut de cette roche.
- J'en tombe de foiblesse, et mon cœur abattu
- Ne soutient plus qu'à peine un reste de vertu.
- Adieu, princes: fuyez, qu'il ne vous empoisonne. 855
-
- AGÉNOR.
-
- Rien ne s'offre à nos yeux encor qui les étonne;
- Et quand vous vous peignez un si proche trépas,
- Si la force vous abandonne,
- Nous avons des cœurs et des bras
- Que l'espoir n'abandonne pas. 860
- Peut-être qu'un rival a dicté cet oracle,
- Que l'or a fait parler celui qui l'a rendu:
- Ce ne seroit pas un miracle
- Que pour un dieu muet un homme eût répondu;
- Et dans tous les climats on n'a que trop d'exemples 865
- Qu'il est, ainsi qu'ailleurs, des méchants dans les temples.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Laissez-nous opposer au lâche ravisseur
- A qui le sacrilége indignement vous livre,
- Un amour qu'a le ciel choisi pour défenseur
- De la seule beauté pour qui nous voulons vivre. 870
- Si nous n'osons prétendre à sa possession,
- Du moins en son péril permettez-nous de suivre
- L'ardeur et les devoirs de notre passion.
-
- PSYCHÉ.
-
- Portez-les à d'autres moi-mêmes,
- Princes, portez-les à mes sœurs, 875
- Ces devoirs, ces ardeurs extrêmes,
- Dont pour moi sont remplis vos cœurs:
- Vivez pour elles quand je meurs.
- Plaignez de mon destin les funestes rigueurs,
- Sans leur donner en vous de nouvelles matières. 880
- Ce sont mes volontés dernières;
- Et l'on a reçu de tout temps
- Pour souveraines lois les ordres des mourants.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Princesse....
-
- PSYCHÉ.
-
- Encore un coup, princes, vivez pour elles.
- Tant que vous m'aimerez, vous devez m'obéir: 885
- Ne me réduisez pas à vouloir vous haïr,
- Et vous regarder en rebelles,
- A force de m'être fidèles.
- Allez, laissez-moi seule expirer en ce lieu
- Où je n'ai plus de voix que pour vous dire adieu. 890
- Mais je sens qu'on m'enlève, et l'air m'ouvre une route
- D'où vous n'entendrez plus cette mourante voix.
- Adieu, princes, adieu pour la dernière fois.
- Voyez si de mon sort vous pouvez être en doute.
-
-(Elle est enlevée en l'air par deux Zéphirs.)
-
- AGÉNOR.
-
- Nous la perdons de vue. Allons tous deux chercher 895
- Sur le faîte de ce rocher,
- Prince, les moyens de la suivre.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Allons-y chercher ceux de ne lui point survivre.
-
-
-SCÈNE V.
-
-L'AMOUR, en l'air.
-
- Allez mourir, rivaux d'un dieu jaloux,
- Dont vous méritez le courroux 900
- Pour avoir eu le cœur sensible aux mêmes charmes.
- Et toi, forge, Vulcain, mille brillants attraits
- Pour orner un palais
- Où l'Amour de Psyché veut essuyer les larmes,
- Et lui rendre les armes. 905
-
-
-SECOND INTERMÈDE.
-
- La scène se change en une cour magnifique ornée de colonnes de
- lapis enrichies de figures d'or, qui forment un palais pompeux et
- brillant que l'Amour destine pour Psyché. Six Cyclopes avec
- quatre fées y font une entrée de ballet, où ils achèvent en
- cadence quatre gros vases d'argent que les fées leur ont
- apportés. Cette entrée est entrecoupée par ce récit de Vulcain,
- qu'il fait à deux reprises:
-
- Dépêchez, préparez ces lieux
- Pour le plus aimable des Dieux;
- Que chacun pour lui s'intéresse.
- N'oubliez rien des soins qu'il faut:
- Quand l'Amour presse, 910
- On n'a jamais fait assez tôt.
-
- L'Amour ne veut point qu'on diffère:
- Travaillez, hâtez-vous,
- Frappez, redoublez vos coups;
- Que l'ardeur de lui plaire 915
- Fasse vos soins les plus doux.
-
-SECOND COUPLET.
-
- Servez bien un dieu si charmant;
- Il se plaît dans l'empressement:
- Que chacun pour lui s'intéresse.
- N'oubliez rien des soins qu'il faut: 920
- Quand l'Amour presse,
- On n'a jamais fait assez tôt.
-
- L'Amour ne veut point qu'on diffère:
- Travaillez, etc.
-
-
- [322] «Ce qui suit, jusqu'à la fin de la pièce, est de
- M. C.[323], à la réserve de la première scène du troisième acte,
- qui est de la même main que ce qui a précédé.» (_Note des
- éditions de_ 1671-1697.) Voyez ci-dessus, p. 287 et 288.
-
- [323] Tel est le texte des éditions de 1671 et de 1676;
- les suivantes donnent le nom en toutes lettres: «de Monsieur de
- Corneille l'aîné.»
-
- [324] Ces deux vers sont un souvenir de ce passage de la
- tragédie d'_Horace_ (acte III, scène III, vers 851 et 852):
-
- Un oracle jamais ne se laisse comprendre:
- On l'entend d'autant moins que plus on croit l'entendre.
-
- [325] On lit _chacun_ dans l'édition de 1697. L'édition
- de 1682 donne de même, plus haut, au vers 482, _un autre_, pour
- _une autre_. Voyez tome I, p. 288, note 3-_a_.
-
- [326] Dans les éditions de 1682 et de 1697: «pour ne
- vous pas déplaire.»
-
-
-
-
-ACTE III.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE[327].
-
-L'AMOUR, ZÉPHIRE.
-
- ZÉPHIRE.
-
- Oui, je me suis galamment acquitté 925
- De la commission que vous m'avez donnée;
- Et du haut du rocher, je l'ai, cette beauté,
- Par le milieu des airs, doucement amenée
- Dans ce beau palais enchanté,
- Où vous pouvez en liberté 930
- Disposer de sa destinée.
- Mais vous me surprenez par ce grand changement
- Qu'en votre personne vous faites:
- Cette taille, ces traits, et cet ajustement,
- Cachent tout à fait qui vous êtes; 935
- Et je donne aux plus fins à pouvoir en ce jour
- Vous reconnoître pour l'Amour.
-
- L'AMOUR.
-
- Aussi ne veux-je pas qu'on puisse me connoître:
- Je ne veux à Psyché découvrir que mon cœur[328],
- Rien que les beaux transports de cette vive ardeur 940
- Que ses doux charmes y font naître;
- Et pour en exprimer l'amoureuse langueur,
- Et cacher ce que je puis être
- Aux yeux qui m'imposent des lois,
- J'ai pris la forme que tu vois. 945
-
- ZÉPHIRE.
-
- En tout vous êtes un grand maître;
- C'est ici que je le connois.
- Sous des déguisements de diverse nature
- On a vu les Dieux amoureux
- Chercher à soulager cette douce blessure 950
- Que reçoivent les cœurs de vos traits pleins de feux;
- Mais en bon sens vous l'emportez sur eux;
- Et voilà la bonne figure
- Pour avoir un succès heureux
- Près de l'aimable sexe où l'on porte ses vœux. 955
- Oui, de ces formes-là l'assistance est bien forte;
- Et sans parler ni de rang ni d'esprit,
- Qui peut trouver moyen d'être fait de la sorte
- Ne soupire guère à crédit.
-
- L'AMOUR.
-
- J'ai résolu, mon cher Zéphire, 960
- De demeurer ainsi toujours;
- Et l'on ne peut le trouver à redire
- A l'aîné de tous les Amours.
- Il est temps de sortir de cette longue enfance
- Qui fatigue ma patience; 965
- Il est temps désormais que je devienne grand.
-
- ZÉPHIRE.
-
- Fort bien, vous ne pouvez mieux faire;
- Et vous entrez dans un mystère
- Qui ne demande rien d'enfant.
-
- L'AMOUR.
-
- Ce changement sans doute irritera ma mère. 970
-
- ZÉPHIRE.
-
- Je prévois là-dessus quelque peu de colère.
- Bien que les disputes des ans
- Ne doivent point régner parmi des immortelles,
- Votre mère Vénus est de l'humeur des belles,
- Qui n'aiment point de grands enfants. 975
- Mais où je la trouve outragée,
- C'est dans le procédé que l'on vous voit tenir;
- Et c'est l'avoir étrangement vengée
- Que d'aimer la beauté qu'elle vouloit punir.
- Cette haine où ses vœux prétendent que réponde 980
- La puissance d'un fils que redoutent les Dieux....
-
- L'AMOUR.
-
- Laissons cela, Zéphire, et me dis si tes yeux
- Ne trouvent pas Psyché la plus belle du monde.
- Est-il rien sur la terre, est-il rien dans les cieux
- Qui puisse lui ravir le titre glorieux 985
- De beauté sans seconde?
- Mais je la vois, mon cher Zéphire,
- Qui demeure surprise à l'éclat de ces lieux.
-
- ZÉPHIRE.
-
- Vous pouvez vous montrer pour finir son martyre,
- Lui découvrir son destin glorieux, 990
- Et vous dire entre vous tout ce que peuvent dire
- Les soupirs, la bouche et les yeux.
- En confident discret, je sais ce qu'il faut faire
- Pour ne pas interrompre un amoureux mystère.
-
-
-SCÈNE II.
-
-PSYCHÉ[329].
-
- Où suis-je? et dans un lieu que je croyois barbare, 995
- Quelle savante main a bâti ce palais,
- Que l'art, que la nature pare
- De l'assemblage le plus rare
- Que l'œil puisse admirer jamais?
- Tout rit, tout brille, tout éclate 1000
- Dans ces jardins, dans ces appartements,
- Dont les pompeux ameublements
- N'ont rien qui n'enchante et ne flatte;
- Et de quelque côté que tournent mes frayeurs,
- Je ne vois sous mes pas que de l'or ou des fleurs. 1005
-
- Le ciel auroit-il fait cet amas de merveilles
- Pour la demeure d'un serpent?
- Ou lorsque par leur vue il amuse et suspend
- De mon destin jaloux les rigueurs sans pareilles,
- Veut-il montrer qu'il s'en repent? 1010
- Non, non, c'est de sa haine, en cruautés féconde,
- Le plus noir, le plus rude trait,
- Qui par une rigueur nouvelle et sans seconde,
- N'étale ce choix qu'elle a fait
- De ce qu'a de plus beau le monde, 1015
- Qu'afin que je le quitte avec plus de regret.
-
- Que mon espoir est ridicule,
- S'il croit par là soulager mes douleurs!
- Tout autant de moments que ma mort se recule
- Sont autant de nouveaux malheurs; 1020
- Plus elle tarde, et plus de fois je meurs.
-
- Ne me fais plus languir, viens prendre ta victime,
- Monstre qui dois me déchirer.
- Veux-tu que je te cherche, et faut-il que j'anime
- Tes fureurs à me dévorer? 1025
- Si le ciel veut ma mort, si ma vie est un crime,
- De ce peu qui m'en reste ose enfin t'emparer.
- Je suis lasse de murmurer
- Contre un châtiment légitime;
- Je suis lasse de soupirer: 1030
- Viens que j'achève d'expirer.
-
-
-SCÈNE III.
-
-L'AMOUR, PSYCHÉ, ZÉPHIRE.
-
- L'AMOUR.
-
- Le voilà ce serpent, ce monstre impitoyable,
- Qu'un oracle étonnant pour vous a préparé,
- Et qui n'est pas peut-être à tel point effroyable
- Que vous vous l'êtes figuré. 1035
-
- PSYCHÉ.
-
- Vous, Seigneur, vous seriez ce monstre dont l'oracle
- A menacé mes tristes jours,
- Vous qui semblez plutôt un dieu qui par miracle
- Daigne venir lui-même à mon secours!
-
- L'AMOUR.
-
- Quel besoin de secours au milieu d'un empire 1040
- Où tout ce qui respire
- N'attend que vos regards pour en prendre la loi,
- Où vous n'avez à craindre autre monstre que moi?
-
- PSYCHÉ.
-
- Qu'un monstre tel que vous inspire peu de crainte!
- Et que, s'il a quelque poison, 1045
- Une âme auroit peu de raison
- De hasarder la moindre plainte
- Contre une favorable atteinte
- Dont tout le cœur craindroit la guérison!
- A peine je vous vois, que mes frayeurs cessées 1050
- Laissent évanouir l'image du trépas,
- Et que je sens couler dans mes veines glacées
- Un je ne sais quel feu que je ne connois pas.
- J'ai senti de l'estime et de la complaisance,
- De l'amitié, de la reconnoissance; 1055
- De la compassion les chagrins innocents
- M'en ont fait sentir la puissance;
- Mais je n'ai point encor senti ce que je sens.
- Je ne sais ce que c'est; mais je sais qu'il me charme,
- Que je n'en conçois point d'alarme: 1060
- Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer.
- Tout ce que j'ai senti n'agissoit point de même,
- Et je dirois que je vous aime,
- Seigneur, si je savois ce que c'est que d'aimer.
- Ne les détournez point, ces yeux qui m'empoisonnent,
- Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux,
- Qui semblent partager le trouble qu'ils me donnent.
- Hélas! plus ils sont dangereux,
- Plus je me plais à m'attacher sur eux.
- Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre, 1070
- Vous dis-je plus que je ne dois,
- Moi de qui la pudeur devroit du moins attendre
- Que vous m'expliquassiez le trouble où je vous vois?
- Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire:
- Vos sens comme les miens paroissent interdits. 1075
- C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire;
- Et cependant c'est moi qui vous le dis.
-
- L'AMOUR.
-
- Vous avez eu, Psyché, l'âme toujours si dure,
- Qu'il ne faut pas vous étonner
- Si pour en réparer l'injure, 1080
- L'Amour en ce moment se paye avec usure
- De ceux qu'elle a dû lui donner.
- Ce moment est venu qu'il faut que votre bouche
- Exhale des soupirs si longtemps retenus;
- Et qu'en vous arrachant à cette humeur farouche, 1085
- Un amas de transports aussi doux qu'inconnus,
- Aussi sensiblement tout à la fois vous touche,
- Qu'ils ont dû vous toucher durant tant de beaux jours
- Dont cette âme insensible a profané le cours.
-
- PSYCHÉ.
-
- N'aimer point, c'est donc un grand crime? 1090
-
- L'AMOUR.
-
- En souffrez-vous un rude châtiment?
-
- PSYCHÉ.
-
- C'est punir assez doucement.
-
- L'AMOUR.
-
- C'est lui choisir sa peine légitime,
- Et se faire justice, en ce glorieux jour,
- D'un manquement d'amour par un excès d'amour. 1095
-
- PSYCHÉ.
-
- Que n'ai-je été plus tôt punie!
- J'y mets le bonheur de ma vie.
- Je devrois en rougir, ou le dire plus bas;
- Mais le supplice a trop d'appas.
- Permettez que tout haut je le die et redie: 1100
- Je le dirois cent fois et n'en rougirois pas.
- Ce n'est point moi qui parle, et de votre présence
- L'empire surprenant, l'aimable violence,
- Dès que je veux parler, s'empare de ma voix.
- C'est en vain qu'en secret ma pudeur s'en offense, 1105
- Que le sexe et la bienséance
- Osent me faire d'autres lois:
- Vos yeux de ma réponse eux-mêmes font le choix;
- Et ma bouche, asservie à leur toute-puissance,
- Ne me consulte plus sur ce que je me dois. 1110
-
- L'AMOUR.
-
- Croyez, belle Psyché, croyez ce qu'ils vous disent,
- Ces yeux qui ne sont point jaloux:
- Qu'à l'envi les vôtres m'instruisent
- De tout ce qui se passe en vous.
- Croyez-en ce cœur qui soupire, 1115
- Et qui, tant que le vôtre y voudra repartir,
- Vous dira bien plus, d'un soupir,
- Que cent regards ne peuvent dire.
- C'est le langage le plus doux,
- C'est le plus fort, c'est le plus sûr de tous. 1120
-
- PSYCHÉ.
-
- L'intelligence en étoit due
- A nos cœurs, pour les rendre également contents.
- J'ai soupiré, vous m'avez entendue;
- Vous soupirez, je vous entends;
- Mais ne me laissez plus en doute, 1125
- Seigneur, et dites-moi si par la même route,
- Après moi, le Zéphire ici vous a rendu,
- Pour me dire ce que j'écoute.
- Quand j'y suis arrivée, étiez-vous attendu?
- Et quand vous lui parlez, êtes-vous entendu? 1130
-
- L'AMOUR.
-
- J'ai dans ce doux climat un souverain empire
- Comme vous l'avez sur mon cœur;
- L'Amour m'est favorable, et c'est en sa faveur
- Qu'à mes ordres Æole a soumis le Zéphire.
- C'est l'Amour qui pour voir mes feux récompensés, 1135
- Lui-même a dicté cet oracle
- Par qui vos beaux jours menacés,
- D'une foule d'amants se sont débarrassés,
- Et qui m'a délivré de l'éternel obstacle
- De tant de soupirs empressés, 1140
- Qui ne méritoient pas de vous être adressés.
- Ne me demandez point quelle est cette province,
- Ni le nom de son prince;
- Vous le saurez quand il en sera temps.
- Je veux vous acquérir, mais c'est par mes services, 1145
- Par des soins assidus, et par des vœux constants,
- Par les amoureux sacrifices
- De tout ce que je suis,
- De tout ce que je puis,
- Sans que l'éclat du rang pour moi vous sollicite, 1150
- Sans que de mon pouvoir je me fasse un mérite;
- Et bien que souverain dans cet heureux séjour,
- Je ne vous veux, Psyché, devoir qu'à mon amour.
- Venez en admirer avec moi les merveilles,
- Princesse, et préparez vos yeux et vos oreilles 1155
- A ce qu'il a d'enchantements.
- Vous y verrez des bois et des prairies
- Contester sur leurs agréments
- Avec l'or et les pierreries;
- Vous n'entendrez que des concerts charmants; 1160
- De cent beautés vous y serez servie,
- Qui vous adoreront sans vous porter envie,
- Et brigueront à tous moments,
- D'une âme soumise et ravie,
- L'honneur de vos commandements. 1165
-
- PSYCHÉ.
-
- Mes volontés suivent les vôtres:
- Je n'en saurois plus avoir d'autres;
- Mais votre oracle enfin vient de me séparer
- De deux sœurs, et du Roi mon père,
- Que mon trépas imaginaire 1170
- Réduit tous trois à me pleurer.
- Pour dissiper l'erreur dont leur âme accablée
- De mortels déplaisirs se voit pour moi comblée,
- Souffrez que mes sœurs soient témoins
- Et de ma gloire et de vos soins; 1175
- Prêtez-leur, comme à moi, les ailes du Zéphire[330],
- Qui leur puissent de votre empire,
- Ainsi qu'à moi, faciliter l'accès:
- Faites-leur voir en quel lieu je respire;
- Faites-leur de ma perte admirer le succès. 1180
-
- L'AMOUR.
-
- Vous ne me donnez pas, Psyché, toute votre âme:
- Ce tendre souvenir d'un père et de deux sœurs
- Me vole une part des douceurs
- Que je veux toutes pour ma flamme.
- N'ayez d'yeux que pour moi qui n'en ai que pour vous;
- Ne songez qu'à m'aimer, ne songez qu'à me plaire,
- Et quand de tels soucis osent vous en distraire....
-
- PSYCHÉ.
-
- Des tendresses du sang peut-on être jaloux?
-
- L'AMOUR.
-
- Je le suis, ma Psyché, de toute la nature:
- Les rayons du soleil vous baisent trop souvent; 1190
- Vos cheveux souffrent trop les caresses du vent:
- Dès qu'il les flatte, j'en murmure;
- L'air même que vous respirez
- Avec trop de plaisir passe par votre bouche;
- Votre habit de trop près vous touche; 1195
- Et sitôt que vous soupirez,
- Je ne sais quoi qui m'effarouche
- Craint parmi vos soupirs des soupirs égarés.
- Mais vous voulez vos sœurs: allez, partez, Zéphire;
- Psyché le veut, je ne l'en puis dédire. 1200
-
-(Le Zéphire s'envole.)
-
- Quand vous leur ferez voir ce bienheureux séjour,
- De ses trésors faites-leur cent largesses,
- Prodiguez-leur caresses sur caresses,
- Et du sang, s'il se peut, épuisez les tendresses,
- Pour vous rendre toute à l'amour. 1205
- Je n'y mêlerai point d'importune présence;
- Mais ne leur faites pas de si longs entretiens:
- Vous ne sauriez pour eux avoir de complaisance,
- Que vous ne dérobiez aux miens.
-
- PSYCHÉ.
-
- Votre amour me fait une grâce 1210
- Dont je n'abuserai jamais.
-
- L'AMOUR.
-
- Allons voir cependant ces jardins, ce palais,
- Où vous ne verrez rien que votre éclat n'efface.
- Et vous, petits Amours, et vous, jeunes Zéphirs,
- Qui pour âmes n'avez que de tendres soupirs, 1215
- Montrez tous à l'envi ce qu'à voir ma princesse
- Vous avez senti d'allégresse.
-
-
-TROISIÈME INTERMÈDE.
-
- Il se fait une entrée de ballet de quatre Amours et quatre
- Zéphirs, interrompue deux fois par un dialogue chanté par un
- Amour et un Zéphir.
-
- LE ZÉPHIR.
-
- Aimable jeunesse,
- Suivez la tendresse;
- Joignez aux beaux jours 1220
- La douceur des Amours.
- C'est pour vous surprendre
- Qu'on vous fait entendre
- Qu'il faut éviter leurs soupirs
- Et craindre leurs désirs: 1225
- Laissez-vous apprendre
- Quels sont leurs plaisirs.
-
- ILS CHANTENT ENSEMBLE.
-
- Chacun est obligé d'aimer
- A son tour;
- Et plus on a de quoi charmer, 1230
- Plus on doit à l'Amour.
-
- LE ZÉPHIR SEUL.
-
- Un cœur jeune et tendre
- Est fait pour se rendre;
- Il n'a point à prendre
- De fâcheux détour. 1235
-
- LES DEUX ENSEMBLE.
-
- Chacun est obligé d'aimer
- A son tour;
- Et plus on a de quoi charmer,
- Plus on doit à l'Amour.
-
- L'AMOUR SEUL.
-
- Pourquoi se défendre? 1240
- Que sert-il d'attendre?
- Quand on perd un jour,
- On le perd sans retour.
-
- LES DEUX ENSEMBLE.
-
- Chacun est obligé d'aimer
- A son tour; 1245
- Et plus on a de quoi charmer,
- Plus on doit à l'Amour.
-
- SECOND COUPLET.
-
- LE ZÉPHIR.
-
- L'Amour a des charmes;
- Rendons-lui les armes:
- Ses soins et ses pleurs 1250
- Ne sont pas sans douceurs.
- Un cœur, pour le suivre,
- A cent maux se livre.
- Il faut, pour goûter ses appas,
- Languir jusqu'au trépas; 1255
- Mais ce n'est pas vivre
- Que de n'aimer pas.
-
- ILS CHANTENT ENSEMBLE.
-
- S'il faut des soins et des travaux
- En aimant,
- On est payé de mille maux 1260
- Par un heureux moment.
-
- LE ZÉPHIR SEUL.
-
- On craint, on espère,
- Il faut du mystère:
- Mais on n'obtient guère
- De bien sans tourment. 1265
-
- LES DEUX ENSEMBLE.
-
- S'il faut des soins et des travaux
- En aimant,
- On est payé de mille maux
- Par un heureux moment.
-
- L'AMOUR SEUL.
-
- Que peut-on mieux faire 1270
- Qu'aimer et que plaire?
- C'est un soin charmant
- Que l'emploi d'un amant.
-
- LES DEUX ENSEMBLE.
-
- S'il faut des soins et des travaux
- En aimant, 1275
- On est payé de mille maux
- Par un heureux moment.
-
- (Le théâtre devient un autre palais magnifique, coupé dans le
- fond par un vestibule, au travers duquel on voit un jardin
- superbe et charmant, décoré de plusieurs vases d'orangers, et
- d'arbres chargés de toutes sortes de fruits.)
-
- [327] Cette scène, comme il a été dit plus haut, est de
- Molière.
-
- [328] Tel est le texte de l'édition originale; dans les
- impressions postérieures on lit: «que découvrir mon cœur.»
-
- [329] PSYCHÉ, _seule_. (1676-97)
-
- [330] «Ordonne à Zéphyre ton serviteur de m'amener ici
- mes sœurs, comme il m'y a transporté moi-même.» _Illi tuo famulo
- præcipe Zephyro, simili vectura sorores hic mihi sistat._
- (Apulée, _la Metamorphose_, livre V.)
-
-
-
-
-ACTE IV.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-AGLAURE, CYDIPPE.
-
- AGLAURE.
-
- Je n'en puis plus, ma sœur; j'ai vu trop de merveilles:
- L'avenir aura peine à les bien concevoir;
- Le soleil, qui voit tout, et qui nous fait tout voir, 1280
- N'en a vu jamais[331] de pareilles.
- Elles me chagrinent l'esprit;
- Et ce brillant palais, ce pompeux équipage,
- Font un odieux étalage
- Qui m'accable de honte autant que de dépit. 1285
- Que la fortune indignement nous traite[332]!
- Et que sa largesse indiscrète
- Prodigue aveuglément, épuise, unit d'efforts,
- Pour faire de tant de trésors
- Le partage d'une cadette! 1290
-
- CYDIPPE.
-
- J'entre dans tous vos sentiments,
- J'ai les mêmes chagrins; et dans ces lieux charmants,
- Tout ce qui vous déplaît me blesse;
- Tout ce que vous prenez pour un mortel affront,
- Comme vous, m'accable et me laisse 1295
- L'amertume dans l'âme et la rougeur au front.
-
- AGLAURE.
-
- Non, ma sœur, il n'est point de reines
- Qui dans leur propre État parlent en souveraines
- Comme Psyché parle en ces lieux.
- On l'y voit obéie avec exactitude, 1300
- Et de ses volontés une amoureuse étude
- Les cherche jusque dans ses yeux.
- Mille beautés s'empressent autour d'elle,
- Et semblent dire à nos regards jaloux:
- «Quels que soient nos attraits, elle est encor plus belle;
- Et nous, qui la servons, le sommes plus que vous.»
- Elle prononce, on exécute;
- Aucun ne s'en défend, aucun ne s'en rebute.
- Flore, qui s'attache à ses pas,
- Répand à pleines mains autour de sa personne 1310
- Ce qu'elle a de plus doux appas;
- Zéphire vole aux ordres qu'elle donne[333];
- Et son amante et lui, s'en laissant trop charmer,
- Quittent pour la servir les soins de s'entr'aimer.
-
- CYDIPPE.
-
- Elle a des Dieux à son service, 1315
- Elle aura bientôt des autels[334];
- Et nous ne commandons qu'à de chétifs mortels
- De qui l'audace et le caprice,
- Contre nous à toute heure en secret révoltés,
- Opposent à nos volontés 1320
- Ou le murmure ou l'artifice!
-
- AGLAURE.
-
- C'étoit peu que dans notre cour
- Tant de cœurs à l'envi nous l'eussent préférée;
- Ce n'étoit pas assez que de nuit et de jour
- D'une foule d'amants elle y fût adorée: 1325
- Quand nous nous consolions de la voir au tombeau
- Par l'ordre imprévu d'un oracle,
- Elle a voulu de son destin nouveau
- Faire en notre présence éclater le miracle,
- Et choisi nos yeux pour témoins 1330
- De ce qu'au fond du cœur nous souhaitions le moins.
-
- CYDIPPE.
-
- Ce qui le plus me désespère,
- C'est cet amant parfait et si digne de plaire
- Qui se captive sous ses lois.
- Quand nous pourrions choisir entre tous les monarques,
- En est-il un, de tant de rois,
- Qui porte de si nobles marques?
- Se voir du bien par delà ses souhaits,
- N'est souvent qu'un bonheur qui fait des misérables;
- Il n'est ni train pompeux, ni superbes palais 1340
- Qui n'ouvrent quelque porte à des maux incurables;
- Mais avoir un amant d'un mérite achevé,
- Et s'en voir chèrement aimée,
- C'est un bonheur si haut, si relevé,
- Que sa grandeur ne peut être exprimée[335]. 1345
-
- AGLAURE.
-
- N'en parlons plus, ma sœur, nous en mourrions d'ennui:
- Songeons plutôt à la vengeance;
- Et trouvons le moyen de rompre entre elle et lui
- Cette adorable intelligence[336].
- La voici. J'ai des coups tous prêts[337] à lui porter 1350
- Qu'elle aura peine d'éviter.
-
-
-SCÈNE II.
-
-PSYCHÉ, AGLAURE, CYDIPPE.
-
- PSYCHÉ.
-
- Je viens vous dire adieu; mon amant vous renvoie,
- Et ne sauroit plus endurer
- Que vous lui retranchiez un moment de la joie
- Qu'il prend de se voir seul à me considérer: 1355
- Dans un simple regard, dans la moindre parole,
- Son amour trouve des douceurs,
- Qu'en faveur du sang je lui vole,
- Quand je les partage à des sœurs.
-
- AGLAURE.
-
- La jalousie est assez fine; 1360
- Et ces délicats sentiments
- Méritent bien qu'on s'imagine
- Que celui qui pour vous a ces empressements
- Passe le commun des amants.
- Je vous en parle ainsi, faute de le connoître. 1365
- Vous ignorez son nom et ceux dont il tient l'être;
- Nos esprits en sont alarmés.
- Je le tiens un grand prince, et d'un pouvoir suprême,
- Bien au delà du diadème;
- Ses trésors sous vos pas confusément semés. 1370
- Ont de quoi faire honte à l'abondance même.
- Vous l'aimez autant qu'il vous aime;
- Il vous charme, et vous le charmez:
- Votre félicité, ma sœur, seroit extrême
- Si vous saviez qui vous aimez. 1375
-
- PSYCHÉ.
-
- Que m'importe? j'en suis aimée:
- Plus il me voit, plus je lui plais.
- Il n'est point de plaisirs dont l'âme soit charmée
- Qui ne préviennent mes souhaits;
- Et je vois mal de quoi la vôtre est alarmée, 1380
- Quand tout me sert dans ce palais.
-
- AGLAURE.
-
- Qu'importe qu'ici tout vous serve,
- Si toujours cet amant vous cache ce qu'il est?
- Nous ne nous alarmons que pour votre intérêt.
- En vain tout vous y rit, en vain tout vous y plaît; 1385
- Le véritable amour ne fait point de réserve;
- Et qui s'obstine à se cacher
- Sent quelque chose en soi qu'on lui peut reprocher.
- Si cet amant devient volage,
- Car souvent en amour le change est assez doux; 1390
- Et j'ose le dire entre nous,
- Pour grand que soit l'éclat dont brille ce visage,
- Il en peut être ailleurs d'aussi belles que vous;
- Si, dis-je, un autre objet sous d'autres lois l'engage,
- Si dans l'état où je vous voi, 1395
- Seule en ses mains et sans défense,
- Il va jusqu'à la violence,
- Sur qui vous vengera le Roi,
- Ou de ce changement ou de cette insolence?
-
- PSYCHÉ.
-
- Ma sœur, vous me faites trembler. 1400
- Juste ciel! pourrois-je être assez infortunée....
-
- CYDIPPE.
-
- Que sait-on si déjà les nœuds de l'hyménée....
-
- PSYCHÉ.
-
- N'achevez pas, ce seroit m'accabler.
-
- AGLAURE.
-
- Je n'ai plus qu'un mot à vous dire.
- Ce prince qui vous aime, et qui commande aux vents, 1405
- Qui nous donne pour char les ailes du Zéphire,
- Et de nouveaux plaisirs vous comble à tous moments,
- Quand il rompt à vos yeux l'ordre de la nature,
- Peut-être à tant d'amour mêle un peu d'imposture;
- Peut-être ce palais n'est qu'un enchantement; 1410
- Et ces lambris dorés, ces amas de richesses
- Dont il achète vos tendresses,
- Dès qu'il sera lassé de souffrir vos caresses,
- Disparoîtront en un moment.
- Vous savez comme nous ce que peuvent les charmes. 1415
-
- PSYCHÉ.
-
- Que je sens à mon tour de cruelles alarmes!
-
- AGLAURE.
-
- Notre amitié ne veut que votre bien.
-
- PSYCHÉ.
-
- Adieu, mes sœurs: finissons l'entretien;
- J'aime, et je crains qu'on ne s'impatiente.
- Partez; et demain, si je puis, 1420
- Vous me verrez ou plus contente,
- Ou dans l'accablement des plus mortels ennuis.
-
- AGLAURE.
-
- Nous allons dire au Roi quelle nouvelle gloire,
- Quel excès de bonheur le ciel répand sur vous.
-
- CYDIPPE.
-
- Nous allons lui conter d'un changement si doux 1425
- La surprenante et merveilleuse histoire.
-
- PSYCHÉ.
-
- Ne l'inquiétez point, ma sœur, de vos soupçons;
- Et quand vous lui peindrez un si charmant empire....
-
- AGLAURE.
-
- Nous savons toutes deux ce qu'il faut taire ou dire,
- Et n'avons pas besoin, sur ce point, de leçons. 1430
-
- (Le Zéphire enlève les deux sœurs de Psyché dans un nuage qui
- descend jusqu'à terre, et dans lequel il les emporte avec
- rapidité.)
-
-
-SCÈNE III.
-
-L'AMOUR, PSYCHÉ.
-
- L'AMOUR.
-
- Enfin vous êtes seule, et je puis vous redire,
- Sans avoir pour témoins vos importunes sœurs,
- Ce que des yeux si beaux ont pris sur moi d'empire,
- Et quel excès ont les douceurs
- Qu'une sincère ardeur inspire, 1435
- Sitôt qu'elle assemble deux cœurs.
- Je puis vous expliquer de mon âme ravie
- Les amoureux empressements,
- Et vous jurer qu'à vous seule asservie
- Elle n'a pour objet de ses ravissements 1440
- Que de voir cette ardeur, de même ardeur suivie,
- Ne concevoir plus d'autre envie
- Que de régler mes vœux sur vos désirs,
- Et de ce qui vous plaît faire tous mes plaisirs.
- Mais d'où vient qu'un triste nuage 1445
- Semble offusquer l'éclat de ces beaux yeux?
- Vous manque-t-il quelque chose en ces lieux?
- Des vœux qu'on vous y rend dédaignez-vous l'hommage?
-
- PSYCHÉ.
-
- Non, Seigneur.
-
- L'AMOUR.
-
- Qu'est-ce donc? et d'où vient mon malheur?
- J'entends moins de soupirs d'amour que de douleur; 1450
- Je vois de votre teint les roses amorties
- Marquer un déplaisir secret;
- Vos sœurs à peine sont parties
- Que vous soupirez de regret. 1455
- Ont-ils des soupirs différents?
- Et quand on aime bien, et qu'on voit ce qu'on aime,
- Peut-on songer à des parents?
-
- PSYCHÉ.
-
- Ce n'est point là ce qui m'afflige.
-
- L'AMOUR.
-
- Est-ce l'absence d'un rival, 1460
- Et d'un rival aimé, qui fait qu'on me néglige?
-
- PSYCHÉ.
-
- Dans un cœur tout à vous que vous pénétrez mal!
- Je vous aime, Seigneur, et mon amour s'irrite
- De l'indigne soupçon que vous avez formé.
- Vous ne connoissez pas quel est votre mérite, 1465
- Si vous craignez de n'être pas aimé.
- Je vous aime; et depuis que j'ai vu la lumière,
- Je me suis montrée assez fière
- Pour dédaigner les vœux de plus d'un roi;
- Et s'il vous faut ouvrir mon âme toute entière, 1470
- Je n'ai trouvé que vous qui fût digne de moi.
- Cependant j'ai quelque tristesse
- Qu'en vain je voudrois vous cacher:
- Un noir chagrin se mêle à toute ma tendresse,
- Dont je ne la puis détacher. 1475
- Ne m'en demandez point la cause:
- Peut-être la sachant voudrez-vous m'en punir,
- Et si j'ose aspirer encore à quelque chose,
- Je suis sûre du moins de ne point l'obtenir.
-
- L'AMOUR.
-
- Et ne craignez-vous point qu'à mon tour je m'irrite 1480
- Que vous connoissiez mal quel est votre mérite,
- Ou feigniez de ne pas savoir
- Quel est sur moi votre absolu pouvoir?
- Ah! si vous en doutez, soyez désabusée.
- Parlez.
-
- PSYCHÉ.
-
- J'aurai l'affront de me voir refusée. 1485
-
- L'AMOUR.
-
- Prenez en ma faveur de meilleurs sentiments,
- L'expérience en est aisée:
- Parlez, tout se tient prêt à vos commandements.
- Si pour m'en croire il vous faut des serments,
- J'en jure vos beaux yeux, ces maîtres de mon âme, 1490
- Ces divins auteurs de ma flamme;
- Et si ce n'est assez d'en jurer vos beaux yeux,
- J'en jure par le Styx, comme jurent les Dieux.
-
- PSYCHÉ.
-
- J'ose craindre un peu moins après cette assurance.
- Seigneur, je vois ici la pompe et l'abondance, 1495
- Je vous adore, et vous m'aimez,
- Mon cœur en est ravi, mes sens en sont charmés;
- Mais parmi ce bonheur suprême,
- J'ai le malheur de ne savoir qui j'aime.
- Dissipez cet aveuglement, 1500
- Et faites-moi connoître un si parfait amant.
-
- L'AMOUR.
-
- Psyché, que venez-vous de dire?
-
- PSYCHÉ.
-
- Que c'est le bonheur où j'aspire;
- Et si vous ne me l'accordez....
-
- L'AMOUR.
-
- Je l'ai juré, je n'en suis plus le maître; 1505
- Mais vous ne savez pas ce que vous demandez.
- Laissez-moi mon secret. Si je me fais connoître,
- Je vous perds, et vous me perdez.
- Le seul remède est de vous en dédire.
-
- PSYCHÉ.
-
- C'est là sur vous mon souverain empire? 1510
-
- L'AMOUR.
-
- Vous pouvez tout, et je suis tout à vous;
- Mais si nos feux vous semblent doux,
- Ne mettez point d'obstacle à leur charmante suite;
- Ne me forcez point à la fuite:
- C'est le moindre malheur qui nous puisse arriver 1515
- D'un souhait qui vous a séduite.
-
- PSYCHÉ.
-
- Seigneur, vous voulez m'éprouver;
- Mais je sais ce que j'en dois croire.
- De grâce, apprenez-moi tout l'excès de ma gloire,
- Et ne me cachez plus pour quel illustre choix 1520
- J'ai rejeté les vœux de tant de rois.
-
- L'AMOUR.
-
- Le voulez-vous?
-
- PSYCHÉ.
-
- Souffrez que je vous en conjure.
-
- L'AMOUR.
-
- Si vous saviez, Psyché, la cruelle aventure
- Que par là vous vous attirez....
-
- PSYCHÉ.
-
- Seigneur, vous me désespérez. 1525
-
- L'AMOUR.
-
- Pensez-y bien, je puis encor me taire.
-
- PSYCHÉ.
-
- Faites-vous des serments pour n'y point satisfaire?
-
- L'AMOUR.
-
- Eh bien! je suis le dieu le plus puissant des Dieux,
- Absolu sur la terre, absolu dans les cieux;
- Dans les eaux, dans les airs mon pouvoir est suprême: 1530
- En un mot, je suis l'Amour même,
- Qui de mes propres traits m'étois blessé pour vous[338];
- Et sans la violence, hélas! que vous me faites,
- Et qui vient de changer mon amour en courroux,
- Vous m'alliez avoir pour époux. 1535
- Vos volontés sont satisfaites,
- Vous avez su qui vous aimiez,
- Vous connoissez l'amant que vous charmiez;
- Psyché, voyez où vous en êtes:
- Vous me forcez vous-même à vous quitter; 1540
- Vous me forcez vous-même à vous ôter
- Tout l'effet de votre victoire.
- Peut-être vos beaux yeux ne me reverront plus.
- Ce palais, ces jardins, avec moi disparus,
- Vont faire évanouir votre naissante gloire. 1545
- Vous n'avez pas voulu m'en croire[339];
- Et pour tout fruit de ce doute éclairci,
- Le Destin, sous qui le ciel tremble,
- Plus fort que mon amour, que tous les Dieux ensemble,
- Vous va montrer sa haine, et me chasse d'ici. 1550
-
- (L'Amour disparoît, et dans l'instant qu'il s'envole, le superbe
- jardin s'évanouit. Psyché demeure seule au milieu d'une vaste
- campagne, et sur le bord sauvage d'un grand fleuve où elle se
- veut précipiter. Le dieu du fleuve paroît, assis sur un amas de
- joncs et de roseaux, et appuyé sur une grande urne, d'où sort une
- grosse source d'eau.)
-
-
-SCÈNE IV.
-
-PSYCHÉ[340].
-
- PSYCHÉ.
-
- Cruel destin! funeste inquiétude!
- Fatale curiosité!
- Qu'avez-vous fait, affreuse solitude,
- De toute ma félicité?
- J'aimois un dieu, j'en étois adorée, 1555
- Mon bonheur redoubloit de moment en moment;
- Et je me vois seule, éplorée,
- Au milieu d'un désert, où pour accablement,
- Et confuse et désespérée,
- Je sens croître l'amour, quand j'ai perdu l'amant. 1560
- Le souvenir m'en charme et m'empoisonne;
- Sa douceur tyrannise un cœur infortuné
- Qu'aux plus cuisants chagrins ma flamme a condamné.
- O ciel! quand l'Amour m'abandonne,
- Pourquoi me laisse-t-il l'amour qu'il m'a donné? 1565
- Source de tous les biens, inépuisable et pure,
- Maître des hommes et des Dieux,
- Cher auteur des maux que j'endure,
- Êtes-vous pour jamais disparu de mes yeux[341]?
- Je vous en ai banni moi-même: 1570
- Dans un excès d'amour, dans un bonheur extrême,
- D'un indigne soupçon mon cœur s'est alarmé.
- Cœur ingrat, tu n'avois qu'un feu mal allumé;
- Et l'on ne peut vouloir, du moment que l'on aime,
- Que ce que veut l'objet aimé. 1575
- Mourons, c'est le parti qui seul me reste à suivre
- Après la perte que je fais.
- Pour qui, grands Dieux! voudrois-je vivre?
- Et pour qui former des souhaits?
- Fleuve, de qui les eaux baignent ces tristes sables, 1580
- Ensevelis mon crime dans tes flots;
- Et pour finir des maux si déplorables,
- Laisse-moi dans ton lit assurer mon repos.
-
- LE DIEU DU FLEUVE.
-
- Ton trépas souilleroit mes ondes,
- Psyché[342]: le ciel te le défend; 1585
- Et peut-être qu'après des douleurs si profondes
- Un autre sort t'attend.
- Fuis plutôt de Vénus l'implacable colère.
- Je la vois qui te cherche et qui te veut punir:
- L'amour du fils a fait la haine de la mère. 1590
- Fuis, je saurai la retenir.
-
- PSYCHÉ.
-
- J'attends ses fureurs vengeresses:
- Qu'auront-elles pour moi qui ne me soit trop doux?
- Qui cherche le trépas ne craint dieux ni déesses,
- Et peut braver tout leur courroux. 1595
-
-
-SCÈNE V.
-
-VÉNUS, PSYCHÉ.
-
- VÉNUS.
-
- Orgueilleuse Psyché, vous m'osez donc attendre
- Après m'avoir sur terre enlevé mes honneurs,
- Après que vos traits suborneurs
- Ont reçu les encens qu'aux miens seuls on doit rendre?
- J'ai vu mes temples désertés; 1600
- J'ai vu tous les mortels, séduits par vos beautés,
- Idolâtrer en vous la beauté souveraine,
- Vous offrir des respects jusqu'alors inconnus,
- Et ne se mettre pas en peine
- S'il étoit une autre Vénus; 1605
- Et je vous vois encor l'audace
- De n'en pas redouter les justes châtiments,
- Et de me regarder en face,
- Comme si c'étoit peu que mes ressentiments!
-
- PSYCHÉ.
-
- Si de quelques mortels on m'a vue adorée, 1610
- Est-ce un crime pour moi d'avoir eu des appas
- Dont leur âme inconsidérée
- Laissoit charmer des yeux qui ne vous voyoient pas?
- Je suis ce que le ciel m'a faite,
- Je n'ai que les beautés qu'il m'a voulu prêter. 1615
- Si les vœux qu'on m'offroit vous ont mal satisfaite,
- Pour forcer tous les cœurs à vous les reporter,
- Vous n'aviez qu'à vous présenter,
- Qu'à ne leur cacher plus cette beauté parfaite
- Qui pour les rendre à leur devoir, 1620
- Pour se faire adorer, n'a qu'à se faire voir.
-
- VÉNUS.
-
- Il falloit vous en mieux défendre.
- Ces respects, ces encens, se devoient refuser[343];
- Et pour les mieux désabuser,
- Il falloit à leurs yeux vous-même me les rendre. 1625
- Vous avez aimé cette erreur
- Pour qui vous ne deviez avoir que de l'horreur;
- Vous avez bien fait plus: votre humeur arrogante,
- Sur le mépris de mille rois,
- Jusques aux cieux a porté de son choix 1630
- L'ambition extravagante.
-
- PSYCHÉ.
-
- J'aurois porté mon choix, Déesse, jusqu'aux cieux?
-
- VÉNUS.
-
- Votre insolence est sans seconde.
- Dédaigner tous les rois du monde,
- N'est-ce pas aspirer aux Dieux? 1635
-
- PSYCHÉ.
-
- Si l'Amour pour eux tous m'avoit endurci l'âme,
- Et me réservoit toute à lui,
- En puis-je être coupable? et faut-il qu'aujourd'hui,
- Pour prix d'une si belle flamme,
- Vous vouliez m'accabler d'un éternel ennui? 1640
-
- VÉNUS.
-
- Psyché, vous deviez mieux connoître
- Qui vous étiez, et quel étoit ce dieu.
-
- PSYCHÉ.
-
- Et m'en a-t-il donné ni le temps ni le lieu,
- Lui qui de tout mon cœur d'abord s'est rendu maître?
-
- VÉNUS.
-
- Tout votre cœur s'en est laissé charmer, 1645
- Et vous l'avez aimé, dès qu'il vous a dit: «J'aime.»
-
- PSYCHÉ.
-
- Pouvois-je n'aimer pas le dieu qui fait aimer,
- Et qui me parloit pour lui-même?
- C'est votre fils: vous savez son pouvoir;
- Vous en connoissez le mérite. 1650
-
- VÉNUS.
-
- Oui, c'est mon fils; mais un fils qui m'irrite;
- Un fils qui me rend mal ce qu'il sait me devoir;
- Un fils qui fait qu'on m'abandonne,
- Et qui pour mieux flatter ses indignes amours,
- Depuis que vous l'aimez ne blesse plus personne 1655
- Qui vienne à mes autels implorer mon secours.
- Vous m'en avez fait un rebelle,
- On m'en verra vengée, et hautement, sur vous;
- Et je vous apprendrai s'il faut qu'une mortelle
- Souffre qu'un dieu soupire à ses genoux. 1660
- Suivez-moi; vous verrez, par votre expérience,
- A quelle folle confiance
- Vous portoit cette ambition.
- Venez, et préparez autant de patience
- Qu'on vous voit de présomption. 1665
-
-QUATRIÈME INTERMÈDE.
-
- La scène représente les enfers. On y voit une mer toute de feu,
- dont les flots sont dans une perpétuelle agitation. Cette mer
- effroyable est bornée par des ruines enflammées; et au milieu de
- ses flots agités, au travers d'une gueule affreuse, paroît le
- palais infernal de Pluton. Huit Furies en sortent, et forment une
- entrée de ballet, où elles se réjouissent de la rage qu'elles ont
- allumée dans l'âme de la plus douce des divinités. Un Lutin mêle
- quantité de sauts périlleux à leurs danses, cependant que Psyché,
- qui a passé aux enfers par le commandement de Vénus, repasse dans
- la barque de Charon avec la boîte qu'elle a reçue de Proserpine
- pour cette déesse.
-
- [331] Dans l'édition de 1697: «N'en a jamais vu.»
-
- [332] _Sorores egregiæ, domum redeuntes, jamque
- gliscentis invidiæ felle flagrantes, multa secum sermonibus
- mutuis perstrepebant. Sic denique infit altera: «En orba et sæva
- et iniqua fortuna! Hoccine tibi complacuit, ut utroque parente
- prognatæ, diversam sortem sustineremus?_» (Apulée, _la
- Métamorphose_, livre V.)
-
- [333] «Une des choses qui leur causa le plus de dépit
- fut qu'en leur présence notre héroïne ordonna aux Zéphyrs de
- redoubler la fraîcheur ordinaire de ce séjour.» (La Fontaine,
- _les Amours de Psyché et de Cupidon_, livre I.)
-
- [334] _Deam quoque illam deus maritus efficiet._
- (Apulée, _la Métamorphose_, livre V.)
-
- [335] _Quod si maritum etiam tam formosum tenet, ut
- affirmat, nulla nunc in orbe toto felicior vivit._ (Apulée, _la
- Métamorphose_, livre V.)
-
- [336] _Consilium validum ambæ requiramus._ (_Ibidem._)
-
- [337] L'édition de 1697 porte seule _tout prêts_. Voyez
- plus loin le vers 1800 et la note qui s'y rapporte.
-
- [338] _Præclarus ille sagittarius, ipse me telo meo
- percussi._ (Apulée, _la Métamorphose_, livre V.)
-
- [339] On lit _me croire_ dans l'édition de 1697.
-
- [340] Les éditions anciennes ne font figurer en tête de
- cette scène, que PSYCHÉ, bien qu'elle y ait pour interlocuteur LE
- DIEU DU FLEUVE.
-
- [341] L'impression de 1676 porte _veux_, pour _yeux_, et
- de cette faute typographique l'édition de 1682 a fait _vœux_.
-
- [342] _Psyche.... neque tua miserrima morte meas sanctas
- aquas polluas, nec_, etc. (Apulée, _la Métamorphose_, livre VI.)
-
- [343] Dans les éditions de 1676, de 1682 et de 1697: «se
- doivent refuser.»
-
-
-
-
-ACTE V.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
- PSYCHÉ.
-
- Effroyables replis des ondes infernales,
- Noirs palais où Mégère et ses sœurs font leur cour,
- Éternels ennemis du jour,
- Parmi vos Ixions et parmi vos Tantales,
- Parmi tant de tourments qui n'ont point d'intervalles, 1670
- Est-il dans votre affreux séjour
- Quelques peines qui soient égales
- Aux travaux où Vénus condamne mon amour?
- Elle n'en peut être assouvie;
- Et depuis qu'à ses lois je me trouve asservie, 1675
- Depuis qu'elle me livre à ses ressentiments,
- Il m'a fallu dans ces cruels moments
- Plus d'une âme et plus d'une vie,
- Pour remplir ses commandements.
- Je souffrirois tout avec joie, 1680
- Si parmi les rigueurs que sa haine déploie
- Mes yeux pouvoient revoir, ne fût-ce qu'un moment,
- Ce cher, cet adorable amant.
- Je n'ose le nommer: ma bouche, criminelle
- D'avoir trop exigé de lui, 1685
- S'en est rendue indigne; et dans ce dur ennui,
- La souffrance la plus mortelle
- Dont m'accable à toute heure un renaissant trépas,
- Est celle de ne le voir pas.
- Si son courroux duroit encore, 1690
- Jamais aucun malheur n'approcheroit du mien;
- Mais s'il avoit pitié d'une âme qui l'adore,
- Quoi qu'il fallût souffrir, je ne souffrirois rien.
- Oui, destins, s'il calmoit cette juste colère,
- Tous mes malheurs seroient finis: 1695
- Pour me rendre insensible aux fureurs de la mère,
- Il ne faut qu'un regard du fils[344].
- Je n'en veux plus douter, il partage ma peine:
- Il voit ce que je souffre et souffre comme moi;
- Tout ce que j'endure le gêne; 1700
- Lui-même il s'en impose une amoureuse loi.
- En dépit de Vénus, en dépit de mon crime,
- C'est lui qui me soutient, c'est lui qui me ranime
- Au milieu des périls où l'on me fait courir;
- Il garde la tendresse où son feu le convie, 1705
- Et prend soin de me rendre une nouvelle vie,
- Chaque fois qu'il me faut mourir.
- Mais que me veulent ces deux ombres
- Qu'à travers le faux jour de ces demeures sombres
- J'entrevois s'avancer vers moi? 1710
-
-
-SCÈNE II.
-
-PSYCHÉ, CLÉOMÈNE, AGÉNOR.
-
- PSYCHÉ.
-
- Cléomène, Agénor, est-ce vous que je voi?
- Qui vous a ravi la lumière?
-
- CLÉOMÈNE.
-
- La plus juste douleur qui d'un beau désespoir
- Nous eût pu fournir la matière;
- Cette pompe funèbre où du sort le plus noir 1715
- Vous attendiez la rigueur la plus fière,
- L'injustice la plus entière.
-
- AGÉNOR.
-
- Sur ce même rocher où le ciel en courroux
- Vous promettoit, au lieu d'époux,
- Un serpent dont soudain vous seriez dévorée, 1720
- Nous tenions la main préparée
- A repousser sa rage, ou mourir avec vous.
- Vous le savez, princesse; et lorsqu'à notre vue
- Par le milieu des airs vous êtes disparue,
- Du haut de ce rocher, pour suivre vos beautés, 1725
- Ou plutôt pour goûter cette amoureuse joie
- D'offrir pour vous au monstre une première proie,
- D'amour et de douleur l'un et l'autre emportés,
- Nous nous sommes précipités.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Heureusement déçus au sens de votre oracle, 1730
- Nous en avons ici reconnu le miracle,
- Et su que le serpent prêt à vous dévorer
- Étoit le dieu qui fait qu'on aime,
- Et qui, tout dieu qu'il est, vous adorant lui-même,
- Ne pouvoit endurer 1735
- Qu'un mortel comme nous osât vous adorer.
-
- AGÉNOR.
-
- Pour prix de vous avoir suivie,
- Nous jouissons ici d'un trépas assez doux.
- Qu'avions-nous affaire de vie,
- Si nous ne pouvions être à vous? 1740
- Nous revoyons ici vos charmes,
- Qu'aucun des deux là-haut n'auroit revus jamais.
- Heureux si nous voyons la moindre de vos larmes
- Honorer des malheurs que vous nous avez faits!
-
- PSYCHÉ.
-
- Puis-je avoir des larmes de reste, 1745
- Après qu'on a porté les miens au dernier point?
- Unissons nos soupirs dans un sort si funeste,
- Les soupirs ne s'épuisent point;
- Mais vous soupireriez, princes, pour une ingrate.
- Vous n'avez point voulu survivre à mes malheurs; 1750
- Et quelque douleur qui m'abatte,
- Ce n'est point pour vous que je meurs.
-
- CLÉOMÈNE.
-
- L'avons-nous mérité, nous dont toute la flamme
- N'a fait que vous lasser du récit de nos maux?
-
- PSYCHÉ.
-
- Vous pouviez mériter, princes, toute mon âme, 1755
- Si vous n'eussiez été rivaux.
- Ces qualités incomparables
- Qui de l'un et de l'autre accompagnoient les vœux
- Vous rendoient tous deux trop aimables
- Pour mépriser aucun des deux. 1760
-
- AGÉNOR.
-
- Vous avez pu, sans être injuste ni cruelle,
- Nous refuser un cœur réservé pour un dieu.
- Mais revoyez Vénus. Le Destin nous rappelle,
- Et nous force à vous dire adieu.
-
- PSYCHÉ.
-
- Ne vous donne-t-il point le loisir de me dire 1765
- Quel est ici votre séjour?
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Dans des bois toujours verts, où d'amour on respire,
- Aussitôt qu'on est mort d'amour:
- D'amour on y revit, d'amour on y soupire,
- Sous les plus douces lois de son heureux empire; 1770
- Et l'éternelle nuit n'ose en chasser le jour
- Que lui-même il attire
- Sur nos fantômes, qu'il inspire,
- Et dont aux enfers même il se fait une cour.
-
- AGÉNOR.
-
- Vos envieuses sœurs, après nous descendues, 1775
- Pour vous perdre se sont perdues;
- Et l'une et l'autre tour à tour,
- Pour le prix d'un conseil qui leur coûte la vie,
- A côté d'Ixion, à côté de Titye,
- Souffre tantôt la roue, et tantôt le vautour. 1780
- L'Amour, par les Zéphirs, s'est fait prompte justice
- De leur envenimée et jalouse malice:
- Ces ministres ailés de son juste courroux,
- Sous couleur de les rendre encore auprès de vous,
- Ont plongé l'une et l'autre au fond d'un précipice, 1785
- Où le spectacle affreux de leurs corps déchirés
- N'étale que le moindre et le premier supplice
- De ces conseils dont l'artifice
- Fait les maux dont vous soupirez.
-
- PSYCHÉ.
-
- Que je les plains!
-
- CLÉOMÈNE.
-
- Vous êtes seule à plaindre. 1790
- Mais nous demeurons trop à vous entretenir:
- Adieu: puissions-nous vivre en votre souvenir!
- Puissiez-vous, et bientôt, n'avoir plus rien à craindre!
- Puisse, et bientôt, l'Amour vous enlever aux cieux,
- Vous y mettre à côté des Dieux, 1795
- Et rallumant un feu qui ne se puisse éteindre,
- Affranchir à jamais l'éclat de vos beaux yeux
- D'augmenter le jour en ces lieux!
-
-
-SCÈNE III.
-
-PSYCHÉ.
-
- Pauvres amants! Leur amour dure encore!
- Tous morts[345] qu'ils sont, l'un et l'autre m'adore,
- Moi dont la dureté reçut si mal leurs vœux.
- Tu n'en fais pas ainsi, toi qui seul m'as ravie,
- Amant que j'aime encor cent fois plus que ma vie,
- Et qui brises de si beaux nœuds!
- Ne me fuis plus, et souffre que j'espère 1805
- Que tu pourras un jour rabaisser l'œil sur moi,
- Qu'à force de souffrir j'aurai de quoi te plaire,
- De quoi me rengager ta foi.
- Mais ce que j'ai souffert m'a trop défigurée
- Pour rappeler un tel espoir: 1810
- L'œil abattu, triste, désespérée,
- Languissante et décolorée,
- De quoi puis-je me prévaloir,
- Si par quelque miracle, impossible à prévoir,
- Ma beauté qui t'a plu ne se voit réparée? 1815
- Je porte ici de quoi la réparer:
- Ce trésor de beauté divine,
- Qu'en mes mains pour Vénus a remis Proserpine,
- Enferme des appas dont je puis m'emparer[346];
- Et l'éclat en doit être extrême, 1820
- Puisque Vénus, la beauté même,
- Les demande pour se parer.
- En dérober un peu seroit-ce un si grand crime?
- Pour plaire aux yeux d'un dieu qui s'est fait mon amant,
- Pour regagner son cœur et finir mon tourment, 1825
- Tout n'est-il pas trop légitime?
- Ouvrons. Quelles vapeurs m'offusquent le cerveau,
- Et que vois-je sortir de cette boîte ouverte[347]?
- Amour, si ta pitié ne s'oppose à ma perte,
- Pour ne revivre plus je descends au tombeau. 1830
-
-(Elle s'évanouit, et l'Amour descend auprès d'elle en volant.)
-
-
-SCÈNE IV.
-
-L'AMOUR, PSYCHÉ évanouie.
-
- L'AMOUR.
-
- Votre péril, Psyché, dissipe ma colère,
- Ou plutôt de mes feux l'ardeur n'a point cessé;
- Et bien qu'au dernier point vous m'ayez su déplaire,
- Je ne me suis intéressé
- Que contre celle de ma mère. 1835
- J'ai vu tous vos travaux, j'ai suivi vos malheurs,
- Mes soupirs ont partout accompagné vos pleurs.
- Tournez les yeux vers moi, je suis encor le même.
- Quoi? je dis et redis tout haut que je vous aime,
- Et vous ne dites point, Psyché, que vous m'aimez! 1840
- Est-ce que pour jamais vos beaux yeux sont fermés,
- Qu'à jamais la clarté leur vient d'être ravie?
- O mort! devois-tu prendre un dard si criminel,
- Et sans aucun respect pour mon être éternel,
- Attenter à ma propre vie? 1845
- Combien de fois, ingrate déité,
- Ai-je grossi ton noir empire
- Par les mépris et par la cruauté
- D'une orgueilleuse ou farouche beauté!
- Combien même, s'il le faut dire, 1850
- T'ai-je immolé de fidèles amants
- A force de ravissements!
- Va, je ne blesserai plus d'âmes,
- Je ne percerai plus de cœurs,
- Qu'avec des dards trempés aux divines liqueurs 1855
- Qui nourrissent du ciel les immortelles flammes,
- Et n'en lancerai plus que pour faire à tes yeux
- Autant d'amants, autant de dieux.
- Et vous, impitoyable mère,
- Qui la forcez à m'arracher 1860
- Tout ce que j'avois de plus cher,
- Craignez, à votre tour, l'effet de ma colère.
- Vous me voulez faire la loi,
- Vous qu'on voit si souvent la recevoir de moi!
- Vous qui portez un cœur sensible comme un autre, 1865
- Vous enviez au mien les délices du vôtre!
- Mais dans ce même cœur j'enfoncerai des coups
- Qui ne seront suivis que de chagrins jaloux;
- Je vous accablerai de honteuses surprises,
- Et choisirai partout à vos vœux les plus doux 1870
- Des Adonis et des Anchises
- Qui n'auront que haine pour vous.
-
-
-SCÈNE V.
-
-VÉNUS, L'AMOUR, PSYCHÉ évanouie.
-
- VÉNUS.
-
- La menace est respectueuse;
- Et d'un enfant qui fait le révolté
- La colère présomptueuse.... 1875
-
- L'AMOUR.
-
- Je ne suis plus enfant, et je l'ai trop été;
- Et ma colère est juste autant qu'impétueuse.
-
- VÉNUS.
-
- L'impétuosité s'en devroit retenir,
- Et vous pourriez vous souvenir
- Que vous me devez la naissance. 1880
-
- L'AMOUR.
-
- Et vous pourriez n'oublier pas
- Que vous avez un cœur et des appas
- Qui relèvent de ma puissance;
- Que mon arc de la vôtre est l'unique soutien;
- Que sans mes traits elle n'est rien; 1885
- Et que si les cœurs les plus braves
- En triomphe par vous se sont laissé traîner[348],
- Vous n'avez jamais fait d'esclaves
- Que ceux qu'il m'a plu d'enchaîner.
- Ne me vantez donc plus ces droits de la naissance 1890
- Qui tyrannisent mes desirs;
- Et si vous ne voulez perdre mille soupirs,
- Songez, en me voyant, à la reconnoissance,
- Vous qui tenez de ma puissance
- Et votre gloire et vos plaisirs. 1895
-
- VÉNUS.
-
- Comment l'avez-vous défendue,
- Cette gloire dont vous parlez?
- Comment me l'avez-vous rendue?
- Et quand vous avez vu mes autels désolés,
- Mes temples violés, 1900
- Mes honneurs ravalés,
- Si vous avez pris part à tant d'ignominie,
- Comment en a-t-on vu punie
- Psyché qui me les a volés?
- Je vous ai commandé de la rendre charmée 1905
- Du plus vil de tous les mortels,
- Qui ne daignât répondre à son âme enflammée
- Que par des rebuts éternels,
- Par les mépris les plus cruels;
- Et vous-même l'avez aimée! 1910
- Vous avez contre moi séduit des immortels:
- C'est pour vous qu'à mes yeux les Zéphirs l'ont cachée;
- Qu'Apollon même, suborné
- Par un oracle adroitement tourné,
- Me l'avoit si bien arrachée, 1915
- Que si sa curiosité,
- Par une aveugle défiance,
- Ne l'eût rendue à ma vengeance,
- Elle échappoit à mon cœur irrité.
- Voyez l'état où votre amour l'a mise, 1920
- Votre Psyché: son âme va partir;
- Voyez; et si la vôtre en est encore éprise,
- Recevez son dernier soupir.
- Menacez, bravez-moi, cependant qu'elle expire:
- Tant d'insolence vous sied bien! 1925
- Et je dois endurer quoi qu'il vous plaise dire,
- Moi qui sans vos traits ne puis rien!
-
- L'AMOUR.
-
- Vous ne pouvez que trop, déesse impitoyable:
- Le Destin l'abandonne à tout votre courroux;
- Mais soyez moins inexorable 1930
- Aux prières, aux pleurs d'un fils à vos genoux.
- Ce doit vous être un spectacle assez doux
- De voir d'un œil Psyché mourante,
- Et de l'autre ce fils, d'une voix suppliante,
- Ne vouloir plus tenir son bonheur que de vous. 1935
- Rendez-moi ma Psyché, rendez-lui tous ses charmes;
- Rendez-la, Déesse, à mes larmes;
- Rendez à mon amour, rendez à ma douleur
- Le charme de mes yeux et le choix de mon cœur.
-
- VÉNUS.
-
- Quelque amour que Psyché vous donne, 1940
- De ses malheurs par moi n'attendez pas la fin:
- Si le Destin me l'abandonne,
- Je l'abandonne à son destin.
- Ne m'importunez plus; et dans cette infortune,
- Laissez-la sans Vénus triompher ou périr. 1945
-
- L'AMOUR.
-
- Hélas! si je vous importune,
- Je ne le ferois pas si je pouvois mourir.
-
- VÉNUS.
-
- Cette douleur n'est pas commune,
- Qui force un immortel à souhaiter la mort.
-
- L'AMOUR.
-
- Voyez par son excès si mon amour est fort. 1950
- Ne lui ferez-vous grâce aucune?
-
- VÉNUS.
-
- Je vous l'avoue, il me touche le cœur,
- Votre amour: il désarme, il fléchit ma rigueur.
- Votre Psyché reverra la lumière.
-
- L'AMOUR.
-
- Que je vous vais partout faire donner d'encens! 1955
-
- VÉNUS.
-
- Oui, vous la reverrez dans sa beauté première;
- Mais de vos vœux reconnoissants
- Je veux la déférence entière;
- Je veux qu'un vrai respect laisse à mon amitié
- Vous choisir une autre moitié. 1960
-
- L'AMOUR.
-
- Et moi je ne veux plus de grâce,
- Je reprends toute mon audace:
- Je veux Psyché, je veux sa foi;
- Je veux qu'elle revive, et revive pour moi,
- Et tiens indifférent que votre haine lasse 1965
- En faveur d'une autre se passe.
- Jupiter, qui paroît, va juger entre nous
- De mes emportements et de votre courroux.
-
-(Après quelques éclairs et roulements de tonnerre, Jupiter paroît
-en l'air sur son aigle.)
-
-
-SCÈNE VI.
-
-JUPITER, VÉNUS, L'AMOUR, PSYCHÉ.
-
- L'AMOUR.
-
- Vous à qui seul tout est possible,
- Père des Dieux, souverain des mortels, 1970
- Fléchissez la rigueur d'une mère inflexible,
- Qui sans moi n'auroit point d'autels.
- J'ai pleuré, j'ai prié, je soupire, menace,
- Et perds menaces et soupirs.
- Elle ne veut pas voir que de mes déplaisirs 1975
- Dépend du monde entier l'heureuse ou triste face,
- Et que si Psyché perd le jour,
- Si Psyché n'est à moi, je ne suis plus l'Amour.
- Oui, je romprai mon arc, je briserai mes flèches,
- J'éteindrai jusqu'à mon flambeau, 1980
- Je laisserai languir la nature au tombeau;
- Ou si je daigne aux cœurs faire encor quelques brèches
- Avec ces pointes d'or qui me font obéir,
- Je vous blesserai tous là-haut pour des mortelles,
- Et ne décocherai sur elles 1985
- Que des traits émoussés qui forcent à haïr,
- Et qui ne font que des rebelles,
- Des ingrates et des cruelles.
- Par quelle tyrannique loi
- Tiendrai-je à vous servir mes armes toujours prêtes, 1990
- Et vous ferai-je à tous conquêtes sur conquêtes,
- Si vous me défendez d'en faire une pour moi?
-
- JUPITER.
-
- Ma fille, sois-lui moins sévère.
- Tu tiens de sa Psyché le destin en tes mains:
- La Parque, au moindre mot, va suivre ta colère; 1995
- Parle, et laisse-toi vaincre aux tendresses de mère,
- Ou[349] redoute un courroux que moi-même je crains.
- Veux-tu donner le monde en proie
- A la haine, au désordre, à la confusion;
- Et d'un dieu d'union, 2000
- D'un dieu de douceurs et de joie,
- Faire un dieu d'amertume et de division?
- Considère ce que nous sommes,
- Et si les passions doivent nous dominer:
- Plus la vengeance a de quoi plaire aux hommes, 2005
- Plus il sied bien aux Dieux de pardonner.
-
- VÉNUS.
-
- Je pardonne à ce fils rebelle.
- Mais voulez-vous qu'il me soit reproché
- Qu'une misérable mortelle,
- L'objet de mon courroux, l'orgueilleuse Psyché, 2010
- Sous ombre qu'elle est un peu belle,
- Par un hymen dont je rougis
- Souille mon alliance et le lit de mon fils?
-
- JUPITER.
-
- Eh bien! je la fais immortelle[350],
- Afin d'y rendre tout égal. 2015
-
- VÉNUS.
-
- Je n'ai plus de mépris ni de haine pour elle,
- Et l'admets à l'honneur de ce nœud conjugal.
- Psyché, reprenez la lumière
- Pour ne la reperdre jamais.
- Jupiter a fait votre paix, 2020
- Et je quitte cette humeur fière
- Qui s'opposoit à vos souhaits.
-
- PSYCHÉ.
-
- C'est donc vous, ô grande déesse,
- Qui redonnez la vie à ce cœur innocent!
-
- VÉNUS.
-
- Jupiter vous fait grâce, et ma colère cesse. 2025
- Vivez, Vénus l'ordonne; aimez, elle y consent.
-
- PSYCHÉ, à l'Amour.
-
- Je vous revois enfin, cher objet de ma flamme!
-
- L'AMOUR, à Psyché.
-
- Je vous possède enfin, délices de mon âme!
-
- JUPITER.
-
- Venez, amants, venez aux cieux
- Achever un si grand et si digne hyménée. 2030
- Viens-y, belle Psyché, changer de destinée;
- Viens prendre place au rang des Dieux.
-
- * * * * *
-
- Deux grandes machines descendent aux deux côtés de Jupiter,
- cependant qu'il dit ces derniers vers. Vénus avec sa suite monte
- dans l'une, l'Amour avec Psyché dans l'autre, et tous ensemble
- remontent au ciel.
-
- Les divinités, qui avoient été partagées entre Vénus et son fils,
- se réunissent en les voyant d'accord; et toutes ensemble, par des
- concerts, des chants et des danses, célèbrent la fête des noces
- de l'Amour.
-
- Apollon paroît le premier, et comme dieu de l'harmonie, commence
- à chanter, pour inviter les autres dieux à se réjouir.
-
- RÉCIT D'APOLLON.
-
- Unissons-nous, troupe immortelle:
- Le dieu d'amour devient heureux amant,
- Et Vénus a repris sa douceur naturelle 2035
- En faveur d'un fils si charmant:
- Il va goûter en paix, après un long tourment,
- Une felicité qui doit être éternelle.
-
-(Toutes les divinités chantent ensemble ce couplet à la gloire de
-l'Amour.)
-
- Célébrons ce grand jour;
- Célébrons tous une fête si belle; 2040
- Que nos chants en tous lieux en portent la nouvelle,
- Qu'ils fassent retentir le céleste séjour.
- Chantons, répétons tour à tour
- Qu'il n'est point d'âme si cruelle
- Qui tôt ou tard ne se rende à l'Amour. 2045
-
- APOLLON continue.
-
- Le dieu qui nous engage
- A lui faire la cour
- Défend qu'on soit trop sage.
- Les Plaisirs ont leur tour;
- C'est leur plus doux usage 2050
- Que de finir les soins du jour.
- La nuit est le partage
- Des Jeux et de l'Amour.
-
- Ce seroit grand dommage
- Qu'en ce charmant séjour 2055
- On eût un cœur sauvage.
- Les Plaisirs ont leur tour;
- C'est leur plus doux usage
- Que de finir les soins du jour.
- La nuit est le partage 2060
- Des Jeux et de l'Amour.
-
- (Deux Muses, qui ont toujours évité de s'engager sous les lois de
- l'Amour, conseillent aux belles qui n'ont point encore aimé de
- s'en défendre avec soin, à leur exemple.)
-
- CHANSON DES MUSES.
-
- Gardez-vous, beautés sévères;
- Les Amours font trop d'affaires;
- Craignez toujours de vous laisser charmer.
- Quand il faut que l'on soupire, 2065
- Tout le mal n'est pas de s'enflammer:
- Le martyre
- De le dire
- Coûte plus cent fois que d'aimer.
-
- SECOND COUPLET DES MUSES.
-
- On ne peut aimer sans peines; 2070
- Il est peu de douces chaînes:
- A tout moment on se sent alarmer.
- Quand il faut que l'on soupire,
- Tout le mal n'est pas de s'enflammer:
- Le martyre 2075
- De le dire
- Coûte plus cent fois que d'aimer.
-
-(Bacchus fait entendre qu'il n'est pas si dangereux que l'Amour.)
-
- RÉCIT DE BACCHUS.
-
- Si quelquefois,
- Suivant nos douces lois,
- La raison se perd et s'oublie, 2080
- Ce que le vin nous cause de folie
- Commence et finit en un jour;
- Mais quand un cœur est enivré d'amour,
- Souvent c'est pour toute la vie.
-
- (Mome déclare qu'il n'a point de plus doux emploi que de médire,
- et que ce n'est qu'à l'Amour seul qu'il n'ose se jouer.)
-
- RÉCIT DE MOME.
-
- Je cherche à médire 2085
- Sur la terre et dans les cieux,
- Je soumets à ma satire
- Les plus grands des Dieux.
- Il n'est dans l'univers que l'Amour qui m'étonne:
- Il est le seul que j'épargne aujourd'hui. 2090
- Il n'appartient qu'à lui
- De n'épargner personne.
-
-ENTRÉE DE BALLET,
-
-Composée de deux Mænades et de deux Ægipans, qui suivent Bacchus.
-
-ENTRÉE DE BALLET,
-
- Composée de quatre Polichinelles et de deux Matassins, qui
- suivent Mome et viennent joindre leur plaisanterie et leur
- badinage aux divertissements de cette grande fête.
-
- Bacchus et Mome, qui les conduisent, chantent au milieu d'eux
- chacun une chanson, Bacchus à la louange du vin, et Mome une
- chanson enjouée sur le sujet et les avantages de la raillerie.
-
- RÉCIT DE BACCHUS.
-
- Admirons le jus de la treille;
- Qu'il est puissant! qu'il a d'attraits!
- Il sert aux douceurs de la paix, 2095
- Et dans la guerre il fait merveille;
- Mais surtout pour les amours
- Le vin est d'un grand secours.
-
- RÉCIT DE MOME.
-
- Folâtrons, divertissons-nous,
- Raillons; nous ne saurions mieux faire: 2100
- La raillerie est nécessaire
- Dans les jeux les plus doux,
- Sans la douceur que l'on goûte à médire,
- On trouve peu de plaisirs sans ennui:
- Rien n'est si plaisant que de rire, 2105
- Quand on rit aux dépens d'autrui.
-
- Plaisantons, ne pardonnons rien,
- Rions, rien n'est plus à la mode:
- On court péril d'être incommode
- En disant trop de bien. 2110
- Sans la douceur que l'on goûte à médire,
- On trouve peu de plaisirs sans ennui:
- Rien n'est si plaisant que de rire,
- Quand on rit aux dépens d'autrui.
-
-(Mars arrive au milieu du théâtre, suivi de sa troupe guerrière,
-qu'il excite à profiter de leur loisir, en prenant part aux
-divertissements.)
-
- RÉCIT DE MARS.
-
- Laissons en paix toute la terre, 2115
- Cherchons de doux amusements;
- Parmi les jeux les plus charmants
- Mêlons l'image de la guerre.
-
-ENTRÉE DE BALLET.
-
-Suivants de Mars, qui font, en dansant avec des enseignes, une
-manière d'exercice.
-
-DERNIÈRE ENTRÉE DE BALLET.
-
- Les troupes différentes de la suite d'Apollon, de Bacchus, de
- Mome et de Mars, après avoir achevé leurs entrées particulières,
- s'unissent ensemble, et forment la dernière entrée, qui renferme
- toutes les autres.
-
- Un chœur de toutes les voix et de tous les instruments, qui sont
- au nombre de quarante, se joint à la danse générale, et termine
- la fête des noces de l'Amour et de Psyché.
-
- DERNIER CHOEUR.
-
- Chantons les plaisirs charmants
- Des heureux amants. 2120
- Que tout le ciel s'empresse
- A leur faire sa cour.
- Célébrons ce beau jour
- Par mille doux chants d'allégresse;
- Célébrons ce beau jour 2125
- Par mille doux chants d'amour.
-
- (Dans le grand salon du palais des Tuileries, où _Psyché_ a été
- représentée devant Leurs Majestés, il y avoit des timbales, des
- trompettes et des tambours, mêlés dans ces derniers concerts; et
- ce dernier couplet se chantoit ainsi:)
-
- Chantons les plaisirs charmants
- Des heureux amants.
- Répondez-nous, trompettes,
- Timbales et tambours; 2130
- Accordez-vous toujours
- Avec le doux son des musettes;
- Accordez-vous toujours
- Avec le doux chant des amours.
-
-
-FIN DE PSYCHÉ.
-
- [344] L'édition de 1671 porte, par erreur sans doute,
- _d'un fils_.
-
- [345] Dans l'édition de 1697: «Tout morts.» Voyez
- ci-dessus, p. 340, le vers 1350 et la note qui s'y rapporte.
-
- [346] _Et ecce, inquit, inepta ego divinæ formositatis
- gerula, quæ ne tantillum quidem indidem mihi delibo, vel sic illi
- amatori meo formoso placitura._ (Apulée, _la Métamorphose_, livre
- VI.)
-
- [347] _Reserat pyxidem_ (Psyche). _Nec quidquam ibi
- rerum, nec formositas ulla,_ _sed infernus somnus ac vere
- stygius; qui statim cooperculo revelatus, invadit eam, crassaque
- soporis nebula cunctis ejus membris perfunditur, et in ipso
- vestigio ipsaque semita collapsam possidet; et jacebat immobilis,
- et nihil aliud quam dormiens cadaver._ (Apulée, _la
- Metamorphose_, livre VI.)
-
- [348] Les anciennes éditions donnent _se sont laissés
- traîner_, avec accord du participe.
-
- [349] Les éditions de 1676, de 1682 et de 1697 portent
- _On_, pour _Ou_.
-
- [350] _Porrecto ambrosiæ poculo, «Sume, inquit, Psyche,
- et immortalis esto.»_ (Apulée, _la Métamorphose_, livre VI.)
-
-
-
-
- PULCHÉRIE
-
- COMÉDIE HÉROÏQUE
-
- 1672
-
-
-
-
-NOTICE.
-
-
-Nous apprenons par plusieurs témoignages contemporains, que
-Corneille, suivant sa coutume[351], alla lire cette pièce chez
-plusieurs personnes considérables, assez longtemps avant de la
-faire représenter. Le 15 janvier 1672, Mme de Sévigné écrit à sa
-fille: «Il (_Corneille_) nous lut l'autre jour une comédie chez
-M. de la Rochefoucauld, qui fait souvenir (_disent les éditions
-de Perrin_) de sa défunte veine,» ou, suivant le texte d'une
-ancienne copie, adopté dans la dernière édition des lettres de
-Mme de Sévigné[352]: «qui fait souvenir de la Reine mère.» La
-déclaration par laquelle _Pulchérie_, âgée de plus de cinquante
-ans, annonce à Léon qu'elle l'aime, «_fait souvenir_, en effet,
-comme on le remarque en note, d'Anne d'Autriche et de Mazarin.»
-
-Près de deux mois plus tard, le 9 mars, Mme de Sévigné nous
-signale une autre lecture de notre poëte; elle dit en parlant de
-Retz: «Nous tâchons d'amuser notre cher Cardinal. Corneille lui a
-lu une comédie qui sera jouée dans quelque temps, et qui fait
-souvenir des anciennes[353].» Cette lecture ne fut pas la
-dernière, car Mme de Sévigné ajoute dans la même lettre: «Je
-suis folle de Corneille; il nous redonnera encore _Pulchérie_, où
-l'on verra encore
-
- La main qui crayonna
- La mort du grand Pompée et l'amour de Cinna[354].
-
-Il faut que tout cède à son génie[355].»
-
-Dans le _Mercure galant_[356], Donneau de Visé parle, sous la
-date du 19 mars, de la favorable impression que ces lectures
-avaient produite, et fait l'éloge de Corneille, «de qui, malgré
-le grand âge, on doit toujours attendre des pièces achevées,
-comme on trouvera sans doute dans sa dernière tragédie, qui
-paroîtra l'hiver prochain sous le nom de _Pulchérie_, et qui ne
-peut manquer de plaire à ceux qui ont le cœur et l'esprit bien
-fait, comme elle a déjà plu à ceux qui ont eu le bonheur de lui
-entendre lire.»
-
-M. Édouard Fournier fait ressortir l'habileté avec laquelle
-Corneille avait su choisir des auditeurs qui devaient être
-préparés d'avance à bien accueillir un pareil ouvrage: «Ce n'est
-pas, dit-il, chez la Rochefoucauld, dont un dernier amour, plus
-d'esprit que de cœur, il est vrai, ranimait la goutteuse
-vieillesse; ce n'est pas non plus chez le cardinal de Retz,
-désabusé de tout, hormis de l'ambition, que l'on se fût avisé de
-trouver invraisemblable et ridicule le vieux Martian partageant
-sa dernière saison entre les soins de l'ambition et ceux de
-l'amour[357].»
-
-Du reste, à en croire Fontenelle, ce personnage de Martian, qui
-fut le plus goûté de l'ouvrage, n'était autre que Corneille. «Il
-s'est dépeint lui-même, avec bien de la force, nous dit son
-neveu, dans Martian, qui est un vieillard amoureux[358].»
-Beaucoup de vieux gentilshommes de la cour spirituelle et
-élégante de Versailles se reconnaissaient, sans l'avouer,
-dans ce portrait. L'un d'eux, plus sincère que les autres, osa
-féliciter Corneille de l'avoir tracé: «M. le maréchal de Gramont
-lui dit qu'il lui savoit bon gré d'avoir trouvé un caractère
-d'amant pour les vieillards, dont on ne s'étoit point encore
-avisé, et qu'il lui en étoit obligé pour la part qu'il y pouvoit
-avoir[359].»
-
-«Corneille, dit Voltaire[360], intitula d'abord cette pièce tragédie; il
-la présenta aux comédiens, qui refusèrent de la jouer. Ils étaient plus
-frappés de leurs intérêts que de la réputation de Corneille; il fut
-obligé de la donner à une mauvaise troupe qui jouait au Marais, et qui
-ne put se soutenir.» Ce fait, qui ne se trouve appuyé d'aucun témoignage
-plus ancien, ne nous paraît pas bien certain. Nous avons vu que de tout
-temps Corneille avait aimé à faire représenter tour à tour ses divers
-ouvrages par des troupes différentes. Quelques-uns de ses contemporains
-ont même vu là, bien à tort, un calcul d'avarice[361]. Il faudrait donc
-se garder d'imaginer, d'après le passage de Voltaire que nous venons de
-rapporter, que le théâtre du Marais fût pour Corneille une sorte de pis
-aller auquel le dédain de la troupe royale l'eût forcé d'avoir recours.
-
-Dans ses nouvelles «du 30e de juillet jusques au 6e d'aoust,» le
-_Mercure galant_ annonce, parmi les pièces qui devront être
-jouées dans le courant de l'hiver, le dernier ouvrage de notre
-poëte: «Les comédiens du Marais représenteront, dit-il, la
-_Pulchérie_, de M. de Corneille l'aîné[362].»
-
-Dans le volume suivant[363], Donneau de Visé, le rédacteur du
-_Mercure_, rend compte en ces termes de cette pièce, qui, suivant
-les frères Parfait, avait été jouée en novembre 1672: «La
-_Pulchérie_ de M. de Corneille l'aîné, dont je vous ai déjà
-parlé, a été représentée sur le théâtre du Marais, et tous les
-obstacles qui empêchent les pièces de réussir dans un quartier si
-éloigné, n'ont pas été assez puissants pour nuire à cet ouvrage.»
-C'est à peu près ce que l'auteur lui-même dit dans son avis _Au
-lecteur_: «Bien que cette pièce aye été reléguée dans un
-lieu où on ne vouloit plus se souvenir qu'il y eût un théâtre,
-bien qu'elle ait passé par des bouches pour qui on n'étoit
-prévenu d'aucune estime, bien que ses principaux caractères
-soient contre le goût du temps, elle n'a pas laissé de peupler le
-désert, de mettre en crédit des acteurs dont on ne connoissoit
-pas le mérite....»
-
-Nous ignorons quels furent ces acteurs, mais ce qu'on ne sait que
-trop, c'est que, malgré les assertions de Corneille et de ses
-amis, le succès fut loin d'être tel qu'ils le disent et que
-peut-être ils se l'imaginèrent. A coup sûr, Mme de Coulanges
-étoit une plus fidèle interprète des sentiments du public,
-lorsqu'elle écrivait, le 24 février 1673, à Mme de Sévigné, alors
-en Provence, cette phrase brève et indifférente: «_Pulchérie_ n'a
-point réussi[364].»
-
-Le privilége de _Pulchérie_ a été accordé «le trentiesme jour de
-decembre l'an de grâce mil six cens soixante-douze.» L'Achevé
-d'imprimer est du 20 janvier 1673. Le titre de l'édition
-originale est ainsi conçu: PULCHERIE, COMEDIE HEROIQUE. _A Paris,
-chez Guillaume de Luyne_.... M.DC.LXXIII. Auec priuilege du Roy.
-Le volume, de format in-12, se compose de 4 feuillets et de 72
-pages.
-
- [351] Voyez ce qui est raconté au tome III, p. 254 et
- 465, et au tome VI, p. 567.
-
- [352] Édition Monmerqué (1862), tome II, p. 470.
-
- [353] Tome II, p. 524.--L'analogie de cette dernière
- phrase avec ce passage de la lettre du 15 janvier, que nous
- venons de rapporter: «qui fait souvenir de sa défunte veine,»
- pourrait, comme il est dit dans une note de l'édition de Mme de
- Sévigné à laquelle nous empruntons ces citations, donner un
- certain degré de vraisemblance à cette leçon de Perrin.
-
- [354] Allusion à ce passage des _Vers_ à Foucquet en
- tête d'_Œdipe_(tome VI, p. 122, vers 35 et 36):
-
- Et je me trouve encor la main qui crayonna
- L'âme du grand Pompée et l'esprit de Cinna.
-
- [355] Tome II, p. 529.
-
- [356] Tome I, p. 221 et 222.
-
- [357] _Notes sur la vie de Corneille_, en tête de
- _Corneille à la butte Saint-Roch_, p. XXIII et XXIV.
-
- [358] _Œuvres_, édition de 1742, tome III, p. 117.
-
- [359] Lettre de Mlle Dupré à Bussy, 29 janvier 1675.
- _Correspondance de Roger de Rabutin, comte de Bussy_, publiée par
- M. Lalanne, tome II, p. 213.
-
- [360] _Préface de Pulchérie._
-
- [361] Voyez tome I, p. 258.
-
- [362] Tome III, p. 370.
-
- [363] Tome IV, p. 225 et suivantes.
-
-
-
-
-AU LECTEUR.
-
-Pulchérie, fille de l'empereur Arcadius, et sœur du jeune
-Théodose, a été une princesse très-illustre, et dont les talents
-étoient merveilleux: tous les historiens en conviennent. Dès
-l'âge de quinze ans elle empiéta le gouvernement sur son frère,
-dont elle avoit reconnu la foiblesse, et s'y conserva tant qu'il
-vécut, à la réserve d'environ une année de disgrâce, qu'elle
-passa loin de la cour, et qui coûta cher à ceux qui l'avoient
-réduite à s'en éloigner[365]. Après la mort de ce prince, ne
-pouvant retenir l'autorité souveraine en sa personne, ni se
-résoudre à la quitter, elle proposa son mariage à Martian, à la
-charge qu'il lui permettroit de garder sa virginité, qu'elle
-avoit vouée et consacrée à Dieu. Comme il étoit déjà assez avancé
-dans la vieillesse, il accepta la condition aisément, et elle le
-nomma pour empereur au sénat, qui ne voulut, ou n'osa l'en
-dédire[366]. Elle passoit alors cinquante ans, et mourut deux ans
-après. Martian en régna sept, et eut pour successeur Léon, que
-ses excellentes qualités firent surnommer le Grand[367]. Le
-patrice Aspar le servit à monter au trône, et lui demanda pour
-récompense l'association à cet empire qu'il lui avoit fait
-obtenir. Le refus de Léon le fit conspirer contre ce maître qu'il
-s'étoit choisi, la conspiration fut découverte, et Léon s'en
-défit[368]. Voilà ce que m'a prêté l'histoire. Je ne veux point
-prévenir votre jugement sur ce que j'y ai changé ou ajouté, et me
-contenterai de vous dire que bien que cette pièce aye été
-reléguée dans un lieu où on ne vouloit plus se souvenir qu'il y
-eût un théâtre, bien qu'elle ait passé[369] par des bouches pour
-qui on n'étoit prévenu d'aucune estime, bien que ses principaux
-caractères soient contre le goût du temps, elle n'a pas laissé de
-peupler le désert, de mettre en crédit des acteurs dont on ne
-connoissoit pas le mérite, et de faire voir qu'on n'a pas
-toujours besoin de s'assujettir aux entêtements du siècle pour se
-faire écouter sur la scène[370]. J'aurai de quoi me satisfaire,
-si cet ouvrage est aussi heureux à la lecture qu'il a été[371] à
-la représentation; et si j'ose ne vous dissimuler rien, je me
-flatte assez pour l'espérer.
-
- [364] _Lettres de Mme de Sévigné_, tome III, p. 192.
-
- [365] Ælia Pulcheria, née le 19 janvier 399,
- petite-fille de Théodose le Grand, deuxième fille d'Arcadius et
- d'Ælia Eudoxia, fut déclarée Auguste et impératrice le 4 juillet
- 414, pour prendre soin de tout l'empire et de son frère Théodose,
- qui n'avoit que deux ans de moins qu'elle. Pulchérie consacra sa
- virginité à Jésus-Christ, et son exemple fut suivi par ses trois
- sœurs Flaccille, Arcadie et Marine. C'est par son influence que
- furent convoqués les conciles d'Éphèse et de Chalcédoine.
- L'Église grecque la vénère comme sainte et célèbre sa fête le 15
- septembre. La disgrâce de Pulchérie et son éloignement passager
- de la cour eurent lieu en 447. Dans _Attila_, Corneille indique,
- en quatre vers, le caractère de cette princesse et la position
- qu'elle occupait; après avoir parlé de plusieurs souverains qui
- se laissent gouverner par ceux qui les entourent, Valamir ajoute:
-
- Le second Théodose avoit pris leur modèle:
- Sa sœur à cinquante ans le tenoit en tutelle,
- Et fut, tant qu'il régna, l'âme de ce grand corps,
- Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts.
-
- (Acte I, scène II, vers 205-208.)
-
- Peut-être est-ce en écrivant ce passage que l'idée de mettre au
- théâtre le personnage de Pulchérie s'est présentée à notre poëte.
-
- [366] Dans sa _Préface de Pulchérie_, Voltaire dit que
- Martian ou Marcien avait «soixante et dix» ans au moment où il se
- maria. C'est une assez grave erreur. Marcien, né en 391, n'avait
- que neuf ans de plus que l'Impératrice. Marcien, qui avait passé
- dix-neuf ans au service domestique et militaire d'Aspar (patrice
- et général romain) et de son fils, et qui avait fait sous leurs
- ordres les guerres de Perse et d'Afrique, était parvenu, grâce à
- leur protection, au rang de tribun et de sénateur. Théodose
- mourut le 20 juin ou le 28 juillet 450; Marcien, déclaré empereur
- le 24 ou le 25 août, épousa ensuite Pulchérie.
-
- [367] Léon Ier, dit le Thrace, l'Ancien ou le Grand,
- régna de 457 à 474. Il avait été intendant d'Aspar, qui par son
- crédit le fit parvenir à l'empire.
-
- [368] Aspar, Alain de naissance et arien de religion,
- fit ses premières armes sous la conduite de son père, Ardaburius,
- général de Théodose II, qui commandait en 421 l'armée qui marcha
- contre les Perses. Il devint à son tour général de Théodose,
- conserva son crédit sous Marcien, et en 457, à la mort de ce
- prince, il était le personnage le plus considérable de l'Empire.
- Il fut massacré en 471.
-
- [369] _Aye été.... ait passé_: tel est le texte des deux
- éditions publiées du vivant de Corneille; voyez tome VI, p. 611,
- note 2.
-
- [370] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 376.
-
- [371] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764)
- donnent: «qu'il l'a été.»
-
-
-
-
-LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES
-DE _PULCHÉRIE_.
-
- ÉDITION SÉPARÉE.
-
- 1673 in-12;
-
- RECUEIL.
-
- 1682 in-12.
-
-
-
-
-ACTEURS[372].
-
- PULCHÉRIE, impératrice d'Orient.
-
- MARTIAN, vieux sénateur, ministre d'État sous Théodose le
- jeune[373].
-
- LÉON, amant de Pulchérie.
-
- ASPAR, amant d'Irène.
-
- IRÈNE, sœur de Léon.
-
- JUSTINE, fille de Martian.
-
-La scène est à Constantinople, dans le palais impérial.
-
- [372] Presque tous les personnages de cette pièce sont
- historiques. Voyez ci-dessus, p. 376-378, l'avis _Au lecteur_ et
- les notes qui l'accompagnent.
-
- [373] Dans l'édition de 1692 il y a simplement: «sous
- Théodose.»
-
-
-
-
-PULCHÉRIE.
-
-COMÉDIE HÉROÏQUE.
-
-
-
-
-ACTE I.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-PULCHÉRIE, LÉON.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Je vous aime, Léon, et n'en fais point mystère[374]:
- Des feux tels que les miens n'ont rien qu'il faille taire.
- Je vous aime, et non point de cette folle ardeur
- Que les yeux éblouis font maîtresse du cœur,
- Non d'un amour conçu par les sens en tumulte, 5
- A qui l'âme applaudit sans qu'elle se consulte,
- Et qui ne concevant que d'aveugles désirs,
- Languit dans les faveurs, et meurt dans les plaisirs:
- Ma passion pour vous, généreuse et solide,
- A la vertu pour âme, et la raison pour guide, 10
- La gloire pour objet, et veut sous votre loi
- Mettre en ce jour illustre et l'univers et moi.
- Mon aïeul Théodose, Arcadius mon père,
- Cet empire quinze ans gouverné pour un frère[375],
- L'habitude à régner, et l'horreur d'en déchoir, 15
- Vouloient[376] dans un mari trouver même pouvoir.
- Je vous en ai cru digne; et dans ces espérances,
- Dont un penchant flatteur m'a fait des assurances,
- De tout ce que sur vous j'ai fait tomber d'emplois
- Aucun n'a démenti l'attente de mon choix; 20
- Vos hauts faits à grands pas nous[377] portoient à l'empire;
- J'avois réduit mon frère à ne m'en point dédire:
- Il vous y donnoit part, et j'étois toute à vous;
- Mais ce malheureux prince est mort trop tôt pour nous.
- L'empire est à donner, et le sénat s'assemble 25
- Pour choisir une tête à ce grand corps qui tremble[378],
- Et dont les Huns, les Goths, les Vandales, les Francs,
- Bouleversent la masse et déchirent les flancs.
- Je vois de tous côtés des partis et des ligues:
- Chacun s'entre-mesure et forme ses intrigues. 30
- Procope, Gratian, Aréobinde, Aspar[379]
- Vous peuvent enlever ce grand nom de César:
- Ils ont tous du mérite; et ce dernier s'assure
- Qu'on se souvient encor de son père Ardabure,
- Qui terrassant Mitrane en combat singulier, 35
- Nous acquit sur la Perse un avantage entier,
- Et rassurant par là nos aigles alarmées,
- Termina seul la guerre aux yeux des deux armées[380].
- Mes souhaits, mon crédit, mes amis, sont pour vous;
- Mais à moins que ce rang, plus d'amour, point d'époux: 40
- Il faut, quelques douceurs que cet amour propose,
- Le trône ou la retraite au sang de Théodose;
- Et si par le succès mes desseins sont trahis,
- Je m'exile en Judée auprès d'Athénaïs[381].
-
- LÉON.
-
- Je vous suivrois, Madame; et du moins sans ombrage 45
- De ce que mes rivaux ont sur moi d'avantage,
- Si vous ne m'y faisiez quelque destin plus doux,
- J'y mourrois de douleur d'être indigne de vous:
- J'y mourrois à vos yeux en adorant vos charmes.
- Peut-être essuieriez-vous quelqu'une de mes larmes; 50
- Peut-être ce grand cœur, qui n'ose s'attendrir,
- S'y défendroit si mal de mon dernier soupir,
- Qu'un éclat imprévu de douleur et de flamme
- Malgré vous à son tour voudroit suivre mon âme.
- La mort, qui finiroit à vos yeux mes ennuis, 55
- Auroit plus de douceur que l'état où je suis.
- Vous m'aimez[382]; mais, hélas! quel amour est le vôtre,
- Qui s'apprête peut-être à pencher vers un autre?
- Que servent ces désirs, qui n'auront point d'effet
- Si votre illustre orgueil ne se voit satisfait? 60
- Et que peut cet amour dont vous êtes maîtresse,
- Cet amour dont le trône a toute la tendresse,
- Esclave ambitieux du suprême degré,
- D'un titre qui l'allume et l'éteint à son gré?
- Ah! ce n'est point par là que je vous considère; 65
- Dans le plus triste exil vous me seriez plus chère:
- Là mes yeux, sans relâche attachés à vous voir,
- Feroient de mon amour mon unique devoir;
- Et mes soins, réunis à ce noble esclavage,
- Sauroient de chaque instant vous rendre un plein hommage.[70]
- Pour être heureux amant, faut-il que l'univers
- Ait place dans un cœur qui ne veut que vos fers;
- Que les plus dignes soins d'une flamme si pure
- Deviennent partagés à toute la nature?
- Ah! que ce cœur, Madame, a lieu d'être alarmé, 75
- Si sans être empereur je ne suis plus aimé!
-
- PULCHÉRIE.
-
- Vous le serez toujours; mais une âme bien née
- Ne confond pas toujours l'amour et l'hyménée:
- L'amour entre deux cœurs ne veut que les unir;
- L'hyménée a de plus leur gloire à soutenir; 80
- Et je vous l'avouerai, pour les plus belles vies
- L'orgueil de la naissance a bien des tyrannies:
- Souvent les beaux désirs n'y servent qu'à gêner;
- Ce qu'on se doit combat ce qu'on se veut donner:
- L'amour gémit en vain sous ce devoir sévère.... 85
- Ah! si je n'avois eu qu'un sénateur pour père!
- Mais mon sang dans mon sexe a mis les plus grands cœurs;
- Eudoxe et Placidie[383] ont eu des empereurs:
- Je n'ose leur céder en grandeur de courage;
- Et malgré mon amour je veux même partage: 90
- Je pense en être sûre, et tremble toutefois
- Quand je vois mon bonheur dépendre d'une voix.
-
- LÉON.
-
- Qu'avez-vous à trembler? Quelque empereur qu'on nomme,
- Vous aurez votre amant, ou du moins un grand homme,
- Dont le nom, adoré du peuple et de la cour, 95
- Soutiendra votre gloire, et vaincra votre amour.
- Procope, Aréobinde, Aspar, et leurs semblables,
- Parés de ce grand nom, vous deviendront aimables;
- Et l'éclat de ce rang, qui fait tant de jaloux,
- En eux, ainsi qu'en moi, sera charmant pour vous. 100
-
- PULCHÉRIE.
-
- Que vous m'êtes cruel, que vous m'êtes injuste
- D'attacher tout mon cœur au seul titre d'Auguste!
- Quoi que de ma naissance exige la fierté,
- Vous seul ferez ma joie et ma félicité:
- De tout autre empereur la grandeur odieuse.... 105
-
- LÉON.
-
- Mais vous l'épouserez, heureuse ou malheureuse?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ne me pressez point tant, et croyez avec moi
- Qu'un choix si glorieux vous donnera ma foi,
- Ou que si le sénat à nos vœux est contraire,
- Le ciel m'inspirera ce que je devrai faire. 110
-
- LÉON.
-
- Il vous inspirera quelque sage douleur,
- Qui n'aura qu'un soupir à perdre en ma faveur.
- Oui, de si grands rivaux....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ils ont tous des maîtresses.
-
- LÉON.
-
- Le trône met une âme au-dessus des tendresses.
- Quand du grand Théodose on aura pris le rang, 115
- Il y faudra placer les restes de son sang:
- Il voudra, ce rival, qui que l'on puisse élire,
- S'assurer par l'hymen de vos droits à l'empire.
- S'il a pu faire ailleurs quelque offre de sa foi,
- C'est qu'il a cru ce cœur trop prévenu pour moi; 120
- Mais se voyant au trône et moi dans la poussière,
- Il se promettra tout de votre humeur altière;
- Et s'il met à vos pieds ce charme de vos yeux,
- Il deviendra l'objet que vous verrez le mieux.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Vous pourriez un peu loin pousser ma patience, 125
- Seigneur: j'ai l'âme fière, et tant de prévoyance
- Demande à la souffrir encor plus de bonté
- Que vous ne m'avez vu jusqu'ici de fierté.
- Je ne condamne point ce que l'amour inspire;
- Mais enfin on peut craindre, et ne le point tant dire. 130
- Je n'en tiendrai pas moins tout ce que j'ai promis.
- Vous avez mes souhaits, vous aurez mes amis[384];
- De ceux de Martian vous aurez le suffrage:
- Il a, tout vieux qu'il est, plus de vertus que d'âge;
- Et s'il briguoit pour lui, ses glorieux travaux 135
- Donneroient fort à craindre à vos plus grands rivaux.
-
- LÉON.
-
- Notre empire, il est vrai, n'a point de plus grand homme:
- Séparez-vous du rang, Madame, et je le nomme.
- S'il me peut enlever celui de souverain,
- Du moins je ne crains pas qu'il m'ôte votre main: 140
- Ses vertus le pourroient; mais je vois sa vieillesse.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Quoi qu'il en soit, pour vous ma bonté l'intéresse:
- Il s'est plu sous mon frère à dépendre de moi,
- Et je me viens encor d'assurer de sa foi.
- Je vois entrer Irène; Aspar la trouve belle: 145
- Faites agir pour vous l'amour qu'il a pour elle;
- Et comme en ce dessein rien n'est à négliger,
- Voyez ce qu'une sœur vous pourra ménager.
-
-
-SCÈNE II.
-
-PULCHÉRIE, LÉON, IRÈNE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- M'aiderez-vous, Irène, à couronner un frère?
-
- IRÈNE.
-
- Un si foible secours vous est peu nécessaire, 150
- Madame, et le sénat....
-
- PULCHÉRIE.
-
- N'en agissez pas moins:
- Joignez vos vœux aux miens, et vos soins à mes soins,
- Et montrons ce que peut en cette conjoncture
- Un amour secondé de ceux de la nature.
- Je vous laisse y penser.
-
-
-SCÈNE III.
-
-LÉON, IRÈNE.
-
- IRÈNE.
-
- Vous ne me dites rien, 155
- Seigneur: attendez-vous que j'ouvre l'entretien?
-
- LÉON.
-
- A dire vrai, ma sœur, je ne sais que vous dire.
- Aspar m'aime, il vous aime: il y va de l'empire;
- Et s'il faut qu'entre nous on balance aujourd'hui,
- La princesse est pour moi, le mérite est pour lui. 160
- Vouloir qu'en ma faveur à ce grade il renonce,
- C'est faire une prière indigne de réponse;
- Et de son amitié je ne puis l'exiger,
- Sans vous voler un bien qu'il vous doit partager.
- C'est là ce qui me force à garder le silence: 165
- Je me réponds pour vous à tout ce que je pense,
- Et puisque j'ai souffert qu'il ait tout votre cœur,
- Je dois souffrir aussi vos soins pour sa grandeur.
-
- IRÈNE.
-
- J'ignore encor quel fruit je pourrois en attendre.
- Pour le trône, il est sûr qu'il a droit d'y prétendre; 170
- Sur vous et sur tout autre il le peut emporter:
- Mais qu'il m'y donne part, c'est dont j'ose douter.
- Il m'aime en apparence, en effet il m'amuse;
- Jamais pour notre hymen il ne manque d'excuse,
- Et vous aime à tel point, que si vous l'en croyez, 175
- Il ne peut être heureux que vous ne le soyez:
- Non que votre bonheur fortement l'intéresse;
- Mais sachant quel amour a pour vous la princesse,
- Il veut voir quel succès aura son grand dessein,
- Pour ne point m'épouser qu'en sœur de souverain. 180
- Ainsi depuis deux ans vous[385] voyez qu'il diffère.
- Du reste à Pulchérie il prend grand soin de plaire,
- Avec exactitude il suit toutes ses lois;
- Et dans ce que sous lui vous avez eu d'emplois,
- Votre tête aux périls à toute heure exposée 185
- M'a pour vous et pour moi presque désabusée;
- La gloire d'un ami, la haine d'un rival,
- La hasardoient peut-être avec un soin égal.
- Le temps est arrivé qu'il faut qu'il se déclare;
- Et de son amitié l'effort sera bien rare 190
- Si mis à cette épreuve, ambitieux qu'il est,
- Il cherche à vous servir contre son intérêt.
- Peut-être il promettra; mais quoi qu'il vous promette,
- N'en ayons pas, Seigneur, l'âme moins inquiète;
- Son ardeur trouvera pour vous si peu d'appui, 195
- Qu'on le fera lui-même empereur malgré lui;
- Et lors, en ma faveur quoi que l'amour oppose,
- Il faudra faire grâce au sang de Théodose;
- Et le sénat voudra qu'il prenne d'autres yeux
- Pour mettre la princesse au rang de ses aïeux. 200
- Son cœur suivra le sceptre, en quelque main qu'il brille:
- Si Martian l'obtient, il aimera sa fille;
- Et l'amitié du frère et l'amour de la sœur
- Céderont à l'espoir de s'en voir successeur.
- En un mot, ma fortune est encor fort douteuse: 205
- Si vous n'êtes heureux, je ne puis être heureuse;
- Et je n'ai plus d'amant non plus que vous d'ami,
- A moins que dans le trône il vous voie affermi.
-
- LÉON.
-
- Vous présumez bien mal d'un héros qui vous aime.
-
- IRÈNE.
-
- Je pense le connoître à l'égal de moi-même; 210
- Mais croyez-moi, Seigneur, et l'empire est à vous.
-
- LÉON.
-
- Ma sœur!
-
- IRÈNE.
-
- Oui, vous l'aurez malgré lui, malgré tous.
-
- LÉON.
-
- N'y perdons aucun temps: hâtez-vous de m'instruire;
- Hâtez-vous de m'ouvrir la route à m'y conduire;
- Et si votre bonheur peut dépendre du mien.... 215
-
- IRÈNE.
-
- Apprenez le secret de ne hasarder rien.
- N'agissez point pour vous; il s'en offre trop d'autres
- De qui les actions brillent plus que les vôtres,
- Que leurs emplois plus hauts ont mis en plus d'éclat,
- Et qui, s'il faut tout dire, ont plus servi l'État: 220
- Vous les passez peut-être en grandeur de courage;
- Mais il vous a manqué l'occasion et l'âge;
- Vous n'avez commandé que sous des généraux,
- Et n'êtes pas encor du poids de vos rivaux.
- Proposez la princesse; elle a des avantages 225
- Que vous verrez sur l'heure unir tous les suffrages:
- Tant qu'a vécu son frère, elle a régné pour lui;
- Ses ordres de l'empire ont été tout l'appui;
- On vit depuis quinze ans sous son obéissance:
- Faites qu'on la maintienne en sa toute-puissance, 230
- Qu'à ce prix le sénat lui demande un époux;
- Son choix tombera-t-il sur un autre que vous?
- Voudroit-elle de vous une action plus belle
- Qu'un respect amoureux qui veut tenir tout d'elle?
- L'amour en deviendra plus fort qu'auparavant, 235
- Et vous vous servirez vous-même en la servant.
-
- LÉON.
-
- Ah! que c'est me donner un conseil salutaire!
- A-t-on jamais vu sœur qui servît mieux un frère?
- Martian avec joie embrassera l'avis:
- A peine parle-t-il que les siens sont suivis; 240
- Et puisqu'à la princesse il a promis un zèle
- A tout oser pour moi sur l'ordre qu'il a d'elle,
- Comme sa créature, il fera hautement
- Bien plus en sa faveur qu'en faveur d'un amant.
-
- IRÈNE.
-
- Pour peu qu'il vous appuie, allez, l'affaire est sûre. 245
-
- LÉON.
-
- Aspar vient: faites-lui, ma sœur, quelque ouverture;
- Voyez....
-
- IRÈNE.
-
- C'est un esprit qu'il faut mieux ménager;
- Nous découvrir à lui, c'est tout mettre en danger:
- Il est ambitieux, adroit, et d'un mérite....
-
-
-SCÈNE IV.
-
-ASPAR, LÉON, IRÈNE.
-
- LÉON.
-
- Vous me pardonnez bien, Seigneur, si je vous quitte: 250
- C'est suppléer assez à ce que je vous doi
- Que vous laisser ma sœur, qui vous plaît plus que moi.
-
- ASPAR.
-
- Vous m'obligez, Seigneur; mais en cette occurrence
- J'ai besoin avec vous d'un peu de conférence.
- Du sort de l'univers nous allons décider: 255
- L'affaire vous regarde, et peut me regarder;
- Et si tous mes amis ne s'unissent aux vôtres,
- Nos partis divisés pourront céder à d'autres.
- Agissons de concert; et sans être jaloux,
- En ce grand coup d'État, vous de moi, moi de vous, 260
- Jurons-nous que des deux qui que l'on puisse élire
- Fera de son ami son collègue à l'empire;
- Et pour nous l'assurer, voyons sur qui des deux
- Il est plus à propos de jeter tant de vœux:
- Quel nom seroit plus propre à s'attirer le reste. 265
- Pour moi, j'y suis tout prêt, et dès ici j'atteste....
-
- LÉON.
-
- Votre nom pour ce choix est plus fort que le mien,
- Et je n'ose douter que vous n'en usiez bien.
- Je craindrois de tout autre un dangereux partage;
- Mais de vous je n'ai pas, Seigneur, le moindre ombrage, 270
- Et l'amitié voudroit vous en donner ma foi;
- Mais c'est à la princesse à disposer de moi:
- Je ne puis que par elle, et n'ose rien sans elle.
-
- ASPAR.
-
- Certes, s'il faut choisir l'amant le plus fidèle,
- Vous l'allez emporter sur tous sans contredit; 275
- Mais ce n'est pas, Seigneur, le point dont il s'agit:
- Le plus flatteur effort de la galanterie
- Ne peut....
-
- LÉON.
-
- Que voulez-vous? j'adore Pulchérie;
- Et n'ayant rien d'ailleurs par où la mériter,
- J'espère en ce doux titre, et j'aime à le porter. 280
-
- ASPAR.
-
- Mais il y va du trône, et non d'une maîtresse.
-
- LÉON.
-
- Je vais faire, Seigneur, votre offre à la princesse;
- Elle sait mieux que moi les besoins de l'État.
- Adieu: je vous dirai sa réponse au sénat.
-
-
-SCÈNE V.
-
-ASPAR, IRÈNE.
-
- IRÈNE.
-
- Il a beaucoup d'amour.
-
- ASPAR.
-
- Oui, Madame; et j'avoue 285
- Qu'avec quelque raison la princesse s'en loue:
- Mais j'aurois souhaité qu'en cette occasion
- L'amour concertât mieux avec l'ambition,
- Et que son amitié, s'en laissant moins séduire,
- Ne nous exposât point à nous entre-détruire. 290
- Vous voyez qu'avec lui j'ai voulu m'accorder.
- M'aimeriez-vous encor si j'osois lui céder,
- Moi qui dois d'autant plus mes soins à ma fortune,
- Que l'amour entre nous la doit rendre commune?
-
- IRÈNE.
-
- Seigneur, lorsque le mien vous a donné mon cœur, 295
- Je n'ai point prétendu la main d'un empereur:
- Vous pouviez être heureux sans m'apporter ce titre;
- Mais du sort de Léon Pulchérie est l'arbitre,
- Et l'orgueil de son sang avec quelque raison
- Ne peut souffrir d'époux à moins de ce grand nom. 300
- Avant que ce cher frère épouse la princesse,
- Il faut que le pouvoir s'unisse à la tendresse,
- Et que le plus haut rang mette en leur plus beau jour
- La grandeur du mérite et l'excès de l'amour.
- M'aimeriez-vous assez pour n'être point contraire 305
- A l'unique moyen de rendre heureux ce frère,
- Vous qui, dans votre amour, avez pu sans ennui
- Vous défendre de l'être un moment avant lui,
- Et qui mériteriez qu'on vous fît mieux connoître
- Que s'il ne le devient, vous aurez peine à l'être? 310
-
- ASPAR.
-
- C'est aller un peu vite, et bientôt m'insulter
- En sœur de souverain qui cherche à me quitter.
- Je vous aime, et jamais une ardeur plus sincère....
-
- IRÈNE.
-
- Seigneur, est-ce m'aimer que de perdre mon frère?
-
- ASPAR.
-
- Voulez-vous que pour lui je me perde d'honneur? 315
- Est-ce m'aimer que mettre à ce prix mon bonheur?
- Moi, qu'on a vu forcer trois camps et vingt murailles,
- Moi qui, depuis dix ans, ai gagné sept batailles,
- N'ai-je acquis tant de nom que pour prendre la loi
- De qui n'a commandé que sous Procope[386], ou moi, 320
- Que pour m'en faire un maître, et m'attacher moi-même
- Un joug honteux au front, au lieu d'un diadème?
-
- IRÈNE.
-
- Je suis plus raisonnable, et ne demande pas
- Qu'en faveur d'un ami vous descendiez si bas.
- Pylade pour Oreste auroit fait davantage; 325
- Mais de pareils efforts ne sont plus en usage,
- Un grand cœur les dédaigne, et le siècle a changé:
- A s'aimer de plus près on se croit obligé,
- Et des vertus du temps l'âme persuadée
- Hait de ces vieux héros la surprenante idée. 330
-
- ASPAR.
-
- Il y va de ma gloire, et les siècles passés....
-
- IRÈNE.
-
- Elle n'est pas, Seigneur, peut-être où vous pensez;
- Et quoi qu'un juste espoir ose vous faire croire,
- S'exposer au refus, c'est hasarder sa gloire.
- La princesse peut tout, ou du moins plus que vous. 335
- Vous vous attirerez sa haine et son courroux.
- Son amour l'intéresse, et son âme hautaine....
-
- ASPAR.
-
- Qu'on me fasse empereur, et je crains peu sa haine.
-
- IRÈNE.
-
- Mais s'il faut qu'à vos yeux un autre préféré
- Monte, en dépit de vous, à ce rang adoré, 340
- Quel déplaisir! quel trouble! et quelle ignominie
- Laissera pour jamais votre gloire ternie!
- Non, Seigneur, croyez-moi, n'allez point au sénat,
- De vos hauts faits pour vous laissez parler l'éclat.
- Qu'il sera glorieux que sans briguer personne, 345
- Ils fassent à vos pieds apporter la couronne,
- Que votre seul mérite emporte ce grand choix,
- Sans que votre présence ait mendié de voix!
- Si Procope, ou Léon, ou Martian, l'emporte,
- Vous n'aurez jamais eu d'ambition si forte, 350
- Et vous désavouerez tous ceux de vos amis
- Dont la chaleur pour vous se sera trop permis.
-
- ASPAR.
-
- A ces hauts sentiments s'il me falloit répondre,
- J'aurois peine, Madame, à ne me point confondre:
- J'y vois beaucoup d'esprit, j'y trouve encor plus d'art;
- Et ce que j'en puis dire à la hâte et sans fard,
- Dans ces grands intérêts vous montrer si savante,
- C'est être bonne sœur et dangereuse amante.
- L'heure me presse: adieu. J'ai des amis à voir
- Qui sauront accorder ma gloire et mon devoir: 360
- Le ciel me prêtera par eux quelque lumière
- A mettre l'un et l'autre en assurance entière,
- Et répondre avec joie à tout ce que je doi
- A vous, à ce cher frère, à la princesse, à moi.
-
- IRÈNE, seule.
-
- Perfide, tu n'es pas encore où tu te penses. 365
- J'ai pénétré ton cœur, j'ai vu tes espérances:
- De ton amour pour moi je vois l'illusion;
- Mais tu n'en sortiras qu'à ta confusion.
-
-
-FIN DU PREMIER ACTE.
-
- [374] Voyez ci-dessus la _Notice_, p. 373.
-
- [375] Non pas quinze ans, mais plus de trente, ainsi
- qu'il résulte du propre témoignage de Corneille (voyez ci-dessus,
- p. 376 et note 2). Comme il donne de l'amour à Pulchérie, il
- cherche à dissimuler son âge aux spectateurs. _Quinze_ _ans_ ne
- marque pas la durée du gouvernement de Pulchérie, mais c'est
- l'âge qu'elle avait lorsqu'elle «empiéta le gouvernement sur son
- frère.»
-
- [376] L'édition de 1682 donne seule ici le singulier
- _vouloit_.
-
- [377] L'édition de 1692 a changé _nous_ eu _vous_;
- Voltaire (1764) a gardé _nous_.
-
- [378] On a rapproché de ce passage ces vers de Voltaire
- (_Mort de César_, acte III, scène IV):
-
- Ce colosse effrayant dont le monde est foulé,
- En pressant l'univers, est lui-même ébranlé.
-
- [379] Procope, Aréobinde et Ardabure, qui est nommé
- trois vers plus loin, avaient commandé les troupes romaines dans
- la guerre de 421 contre les Perses. Voyez _l'Histoire
- ecclesiastique_ de Socrate, livre VII, chapitres XVIII et XX.
- Aréobinde figure avec Aspar dans les Fastes consulaires, à
- l'année 434.
-
- [380] Si nous en croyons Socrate (au chapitre xviii déjà
- cité), c'est Aréobinde qui tua en combat singulier le plus brave
- des Perses. Quant à Ardabure, il surprit et fit périr dans une
- embuscade sept des principaux officiers de leur armée.
-
- [381] Athénaïs, fille du sophiste athénien Léontius,
- embrassa le christianisme, prit le nom d'Eudoxie, et, grâce à
- l'influence de Pulchérie, épousa Théodose II le 7 juin 421.
- Soupçonnée d'infidélité par son mari, elle se retira à Jérusalem,
- où elle mourut en 460.
-
- [382] On lit _Vous m'aimiez_, pour _Vous m'aimez_, dans
- l'édition de 1682.
-
- [383] Ælia Eudoxia, mère de Pulchérie, épousa Arcadius
- en 395 et mourut en 404. Galla Placidia Augusta, sœur d'Arcadius
- et d'Honorius, et par conséquent tante de Pulchérie, épousa un
- général d'Honorius, Constance III, qui reçut le titre d'Auguste
- en 421, et dont elle eut Honoria (voyez ci-dessus, p. 104, note
- 1) et Valentinien III.
-
- [384] Dans l'édition de 1692:
-
- Vous avez mes souhaits, vous _avez_ mes amis.
-
- [385] Il y a ici une faute commune aux deux éditions de
- 1673 et de 1682: le pronom _vous_ manque dans l'une et dans
- l'autre.
-
- [386] Les deux éditions publiées du vivant de Corneille
- (1673 et 1682) ont ici encore une même faute: _Porcope_, pour
- _Procope_; partout ailleurs elles portent _Procope_.
-
-
-
-
-ACTE II.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-MARTIAN, JUSTINE.
-
- JUSTINE.
-
- Notre illustre princesse est donc impératrice,
- Seigneur?
-
- MARTIAN.
-
- A ses vertus on a rendu justice. 370
- Léon l'a proposée; et quand je l'ai suivi,
- J'en ai vu le sénat au dernier point ravi;
- Il a réduit soudain toutes ses voix en une,
- Et s'est débarrassé de la foule importune,
- Du turbulent espoir de tant de concurrents 375
- Que la soif de régner avoit mis sur les rangs.
-
- JUSTINE.
-
- Ainsi voilà Léon assuré de l'empire.
-
- MARTIAN.
-
- Le sénat, je l'avoue, avoit peine à l'élire,
- Et contre les grands noms de ses compétiteurs
- Sa jeunesse eût trouvé d'assez froids protecteurs: 380
- Non qu'il n'ait du mérite, et que son grand courage
- Ne se pût tout promettre avec un peu plus d'âge;
- On n'a point vu sitôt tant de rares exploits;
- Mais et l'expérience, et les premiers emplois,
- Le titre éblouissant de général d'armée, 385
- Tout ce qui peut enfin grossir la renommée,
- Tout cela veut du temps; et l'amour aujourd'hui
- Va faire ce qu'un jour son nom feroit pour lui.
-
- JUSTINE.
-
- Hélas! Seigneur.
-
- MARTIAN.
-
- Hélas! ma fille, quel mystère
- T'oblige à soupirer de ce que dit un père? 390
-
- JUSTINE.
-
- L'image de l'empire en de si jeunes mains
- M'a tiré ce soupir pour l'État, que je plains.
-
- MARTIAN.
-
- Pour l'intérêt public rarement on soupire,
- Si quelque ennui secret n'y mêle son martyre:
- L'un se cache sous l'autre, et fait un faux éclat; 395
- Et jamais, à ton âge, on ne plaignit l'État.
-
- JUSTINE.
-
- A mon âge, un soupir semble dire qu'on aime:
- Cependant vous avez soupiré tout de même,
- Seigneur; et si j'osois vous le dire à mon tour....
-
- MARTIAN.
-
- Ce n'est point à mon âge à soupirer d'amour, 400
- Je le sais; mais enfin chacun a sa foiblesse.
- Aimerois-tu Léon?
-
- JUSTINE.
-
- Aimez-vous la princesse?
-
- MARTIAN.
-
- Oublie en ma faveur que tu l'as deviné,
- Et démens un soupçon qu'un soupir t'a donné.
- L'amour en mes pareils n'est jamais excusable: 405
- Pour peu qu'on s'examine, on s'en tient méprisable,
- On s'en hait; et ce mal, qu'on n'ose découvrir,
- Fait encor plus de peine à cacher qu'à souffrir;
- Mais t'en faire l'aveu, c'est n'en faire à personne;
- La part que le respect, que l'amitié t'y donne, 410
- Et tout ce que le sang en attire sur toi,
- T'imposent de le taire une éternelle loi.
- J'aime, et depuis dix ans ma flamme et mon silence
- Font à mon triste cœur égale violence:
- J'écoute la raison, j'en goûte les avis, 415
- Et les mieux écoutés sont le plus mal suivis[387].
- Cent fois en moins d'un jour je guéris et retombe;
- Cent fois je me révolte, et cent fois je succombe:
- Tant ce calme forcé, que j'étudie en vain,
- Près d'un si rare objet s'évanouit soudain! 420
-
- JUSTINE.
-
- Mais pourquoi lui donner vous-même la couronne,
- Quand à son cher Léon c'est donner sa personne?
-
- MARTIAN.
-
- Apprends que dans un âge usé comme le mien,
- Qui n'ose souhaiter ni même accepter rien,
- L'amour hors d'intérêt s'attache à ce qu'il aime, 425
- Et n'osant rien pour soi, le sert contre soi-même.
-
- JUSTINE.
-
- N'ayant rien prétendu, de quoi soupirez-vous?
-
- MARTIAN.
-
- Pour ne prétendre rien, on n'est pas moins jaloux;
- Et ces desirs, qu'éteint le déclin de la vie,
- N'empêchent pas de voir avec un œil d'envie, 430
- Quand on est d'un mérite à pouvoir faire honneur,
- Et qu'il faut qu'un autre âge emporte le bonheur.
- Que le moindre retour vers nos belles années
- Jette alors d'amertume en nos âmes gênées!
- «Que n'ai-je vu le jour quelques lustres plus tard! 435
- Disois-je; en ses bontés peut-être aurois-je part,
- Si le ciel n'opposoit auprès de la princesse
- A l'excès de l'amour le manque de jeunesse;
- De tant et tant de cœurs qu'il force à l'adorer,
- Devois-je être le seul qui ne pût espérer?» 440
- J'aimois quand j'étois jeune, et ne déplaisois guère[388]:
- Quelquefois de soi-même on cherchoit à me plaire;
- Je pouvois aspirer au cœur le mieux placé;
- Mais, hélas! j'étois jeune, et ce temps est passé;
- Le souvenir en tue, et l'on ne l'envisage 445
- Qu'avec, s'il le faut dire, une espèce de rage;
- On le repousse, on fait cent projets superflus:
- Le trait qu'on porte au cœur s'enfonce d'autant plus;
- Et ce feu, que de honte on s'obstine à contraindre,
- Redouble par l'effort qu'on se fait pour l'éteindre. 450
-
- JUSTINE.
-
- Instruit que vous étiez des maux que fait l'amour,
- Vous en pouviez, Seigneur, empêcher le retour,
- Contre toute sa ruse être mieux sur vos gardes.
-
- MARTIAN.
-
- Et l'ai-je regardé comme tu le regardes,
- Moi qui me figurois que ma caducité 455
- Près de la beauté même étoit en sûreté?
- Je m'attachois sans crainte à servir la princesse,
- Fier de mes cheveux blancs, et fort de ma foiblesse;
- Et quand je ne pensois qu'à remplir mon devoir,
- Je devenois amant sans m'en apercevoir. 460
- Mon âme, de ce feu nonchalamment saisie,
- Ne l'a point reconnu que par ma jalousie:
- Tout ce qui l'approchoit vouloit me l'enlever,
- Tout ce qui lui parloit cherchoit à m'en priver;
- Je tremblois qu'à leurs yeux elle ne fût trop belle; 465
- Je les haïssois tous, comme plus dignes[389] d'elle,
- Et ne pouvois souffrir qu'on s'enrichît d'un bien
- Que j'enviois à tous sans y prétendre rien.
- Quel supplice d'aimer un objet adorable,
- Et de tant de rivaux se voir le moins aimable! 470
- D'aimer plus qu'eux ensemble, et n'oser de ses feux,
- Quelques[390] ardents qu'ils soient, se promettre autant qu'eux!
- On auroit deviné mon amour par ma peine,
- Si la peur que j'en eus n'avoit fui tant de gêne.
- L'auguste Pulchérie avoit beau me ravir, 475
- J'attendois à la voir qu'il la fallût servir:
- Je fis plus, de Léon j'appuyai l'espérance;
- La princesse l'aima, j'en eus la confiance,
- Et la dissuadai de se donner à lui
- Qu'il ne fût de l'empire ou le maître ou l'appui. 480
- Ainsi, pour éviter un hymen si funeste,
- Sans rendre heureux Léon, je détruisois le reste;
- Et mettant un long terme au succès de l'amour,
- J'espérois de mourir avant ce triste jour.
- Nous y voilà, ma fille, et du moins j'ai la joie 485
- D'avoir à son triomphe ouvert l'unique voie.
- J'en mourrai du moment qu'il recevra sa foi,
- Mais dans cette douceur qu'ils tiendront tout de moi.
- J'ai caché si longtemps l'ennui qui me dévore,
- Qu'en dépit que j'en aye, enfin il s'évapore: 490
- L'aigreur en diminue à te le raconter.
- Fais-en autant du tien; c'est mon tour d'écouter.
-
- JUSTINE.
-
- Seigneur, un mot suffit pour ne vous en rien taire:
- Le même astre a vu naître et la fille et le père;
- Ce mot dit tout. Souffrez qu'une imprudente ardeur, 495
- Prête à s'évaporer, respecte ma pudeur.
- Je suis jeune, et l'amour trouvoit une âme tendre
- Qui n'avoit ni le soin ni l'art de se défendre:
- La princesse, qui m'aime et m'ouvroit ses secrets,
- Lui prêtoit contre moi d'inévitables traits, 500
- Et toutes les raisons dont s'appuyoit sa flamme
- Étoient autant de dards qui me traversoient l'âme.
- Je pris, sans y penser, son exemple pour loi:
- «Un amant digne d'elle est trop digne de moi,
- Disois-je; et s'il brûloit pour moi comme pour elle, 505
- Avec plus de bonté je recevrois son zèle.»
- Plus elle m'en peignoit les rares qualités,
- Plus d'une douce erreur mes sens étoient flattés.
- D'un illustre avenir l'infaillible présage,
- Qu'on voit si hautement écrit sur son visage, 510
- Son nom que je voyois croître de jour en jour,
- Pour moi, comme pour elle, étoient dignes d'amour:
- Je les voyois d'accord d'un heureux hyménée;
- Mais nous n'en étions pas encore à la journée:
- «Quelque obstacle imprévu rompra de si doux nœuds,
- Ajoutois-je; et le temps éteint les plus beaux feux.»
- C'est ce que m'inspiroit l'aimable rêverie
- Dont jusqu'à ce grand jour ma flamme s'est nourrie;
- Mon cœur, qui ne vouloit désespérer de rien,
- S'en faisoit à toute heure un charmant entretien. 520
- Qu'on rêve avec plaisir, quand notre âme blessée
- Autour de ce qu'elle aime est toute ramassée!
- Vous le savez, Seigneur, et comme à tous propos
- Un doux je ne sais quoi trouble notre repos:
- Un sommeil inquiet sur de confus nuages 525
- Élève incessamment de flatteuses images,
- Et sur leur vain rapport fait naître des souhaits
- Que le réveil admire et ne dédit jamais.
- Ainsi, près de tomber dans un malheur extrême,
- J'en écartois l'idée en m'abusant moi-même; 530
- Mais il faut renoncer à des abus si doux;
- Et je me vois, Seigneur, au même état que vous.
-
- MARTIAN.
-
- Tu peux aimer ailleurs, et c'est un avantage
- Que n'ose se permettre[391] un amant de mon âge.
- Choisis qui tu voudras, je saurai l'obtenir. 535
- Mais écoutons Aspar, que j'aperçois venir.
-
-
-SCÈNE II.
-
-MARTIAN, ASPAR, JUSTINE.
-
- ASPAR.
-
- Seigneur, votre suffrage a réuni les nôtres:
- Votre voix a plus fait que n'auroient fait cent autres;
- Mais j'apprends qu'on murmure, et doute si le choix
- Que fera la princesse aura toutes les voix. 540
-
- MARTIAN.
-
- Et qui fait présumer de son incertitude
- Qu'il aura quelque chose ou d'amer ou de rude?
-
- ASPAR.
-
- Son amour pour Léon: elle en fait son époux,
- Aucun n'en veut douter.
-
- MARTIAN.
-
- Je le crois comme eux tous.
- Qu'y trouve-t-on à dire, et quelle défiance...? 545
-
- ASPAR.
-
- Il est jeune, et l'on craint son peu d'expérience.
- Considérez, Seigneur, combien c'est hasarder:
- Qui n'a fait qu'obéir saura mal commander;
- On n'a point vu sous lui d'armée ou de province.
-
- MARTIAN.
-
- Jamais un bon sujet ne devint mauvais prince; 550
- Et si le ciel en lui répond mal à nos vœux,
- L'auguste Pulchérie en sait assez pour deux.
- Rien ne nous surprendra de voir la même chose
- Où nos yeux se sont faits quinze ans[392] sous Théodose:
- C'étoit un prince foible, un esprit mal tourné; 555
- Cependant avec elle il a bien gouverné.
-
- ASPAR.
-
- Cependant nous voyons six généraux d'armée
- Dont au commandement l'âme est accoutumée:
- Voudront-ils recevoir un ordre souverain
- De qui l'a jusqu'ici toujours pris de leur main? 560
- Seigneur, il est bien dur de se voir sous un maître
- Dont on le fut toujours, et dont on devroit l'être.
-
- MARTIAN.
-
- Et qui m'assurera que ces six généraux
- Se réuniront mieux sous un de leurs égaux?
- Plus un pareil mérite aux grandeurs nous appelle, 565
- Et plus la jalousie aux grands est naturelle.
-
- ASPAR.
-
- Je les tiens réunis, Seigneur, si vous voulez.
- Il est, il est encor des noms plus signalés:
- J'en sais qui leur plairoient; et s'il vous faut plus dire,
- Avouez-en mon zèle, et je vous fais élire. 570
-
- MARTIAN.
-
- Moi, Seigneur, dans un âge où la tombe m'attend!
- Un maître pour deux jours n'est pas ce qu'on prétend.
- Je sais le poids d'un sceptre, et connois trop mes forces
- Pour être encor sensible à ces vaines amorces.
- Les ans, qui m'ont usé l'esprit comme le corps, 575
- Abattroient tous les deux sous les moindres efforts;
- Et ma mort, que par là vous verriez avancée,
- Rendroit à tant d'égaux leur première pensée,
- Et feroit une triste et prompte occasion
- De rejeter l'État dans la division. 580
-
- ASPAR.
-
- Pour éviter les maux qu'on en pourroit attendre,
- Vous pourriez partager vos soins avec un gendre,
- L'installer dans le trône, et le nommer César.
-
- MARTIAN.
-
- Il faudroit que ce gendre eût les vertus d'Aspar;
- Mais vous aimez ailleurs, et ce seroit un crime 585
- Que de rendre infidèle un cœur si magnanime.
-
- ASPAR.
-
- J'aime, et ne me sens pas capable de changer;
- Mais d'autres vous diroient que pour vous soulager,
- Quand leur amour iroit jusqu'à l'idolâtrie,
- Ils le sacrifieroient au bien de la patrie. 590
-
- JUSTINE.
-
- Certes, qui m'aimeroit pour le bien de l'État
- Ne me trouveroit pas, Seigneur, un cœur ingrat,
- Et je lui rendrois grâce au nom de tout l'empire;
- Mais vous êtes constant; et s'il vous faut plus dire,
- Quoi que le bien public jamais puisse exiger, 595
- Ce ne sera pas moi qui vous ferai changer.
-
- MARTIAN.
-
- Revenons à Léon. J'ai peine à bien comprendre
- Quels malheurs d'un tel choix nous aurions lieu d'attendre.
- Quiconque vous verra le mari de sa sœur,
- S'il ne le craint assez, craindra son défenseur; 600
- Et si vous me comptez encor pour quelque chose,
- Mes conseils agiront comme sous Théodose.
-
- ASPAR.
-
- Nous en pourrons tous deux avoir le démenti.
-
- MARTIAN.
-
- C'est à faire à périr pour le meilleur parti:
- Il ne m'en peut coûter qu'une mourante vie, 605
- Que l'âge et ses chagrins m'auront bientôt ravie.
- Pour vous, qui d'un autre œil regardez ce danger,
- Vous avez plus à vivre et plus à ménager;
- Et je n'empêche pas qu'auprès de la princesse
- Votre zèle n'éclate autant qu'il s'intéresse. 610
- Vous pouvez l'avertir de ce que vous croyez,
- Lui dire de ce choix ce que vous prévoyez,
- Lui proposer sans fard celui qu'elle doit faire.
- La vérité lui plaît, et vous pourrez lui plaire.
- Je changerai comme elle alors de sentiments, 615
- Et tiens mon âme prête à ses commandements.
-
- ASPAR.
-
- Parmi les vérités il en est de certaines
- Qu'on ne dit point en face aux têtes souveraines,
- Et qui veulent de nous un tour, un ascendant
- Qu'aucun ne peut trouver qu'un ministre prudent: 620
- Vous ferez mieux valoir ces marques d'un vrai zèle.
- M'en ouvrant avec vous, je m'acquitte envers elle;
- Et n'ayant rien de plus qui m'amène en ce lieu,
- Je vous en laisse maître, et me retire. Adieu.
-
-
-SCÈNE III.
-
-MARTIAN, JUSTINE.
-
- MARTIAN.
-
- Le dangereux esprit! et qu'avec peu de peine 625
- Il manqueroit d'amour et de foi pour Irène!
- Des rivaux de Léon il est le plus jaloux,
- Et roule des projets qu'il ne dit pas à tous.
-
- JUSTINE.
-
- Il n'a pour but, Seigneur, que le bien de l'empire.
- Détrônez la princesse, et faites-vous élire: 630
- C'est un amant pour moi que je n'attendois pas,
- Qui vous soulagera du poids de tant d'États.
-
- MARTIAN.
-
- C'est un homme, et je veux qu'un jour il t'en souvienne,
- C'est un homme à tout perdre, à moins qu'on le prévienne.
- Mais Léon vient déjà nous vanter son bonheur: 635
- Arme-toi de constance, et prépare un grand cœur;
- Et quelque émotion qui trouble ton courage,
- Contre tout son désordre affermis ton visage.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-LÉON, MARTIAN, JUSTINE.
-
- LÉON.
-
- L'auriez-vous cru jamais, Seigneur? je suis perdu.
-
- MARTIAN.
-
- Seigneur, que dites-vous? ai-je bien entendu? 640
-
- LÉON.
-
- Je le suis sans ressource, et rien plus ne me flatte.
- J'ai revu Pulchérie, et n'ai vu qu'une ingrate:
- Quand je crois l'acquérir, c'est lors que je la perds;
- Et me détruis moi-même alors que je la sers.
-
- MARTIAN.
-
- Expliquez-vous, Seigneur, parlez en confiance; 645
- Fait-elle un autre choix?
-
- LÉON.
-
- Non, mais elle balance:
- Elle ne me veut pas encor désespérer,
- Mais elle prend du temps pour en délibérer.
- Son choix n'est plus pour moi, puisqu'elle le diffère:
- L'amour n'est point le maître alors qu'on délibère; 650
- Et je ne saurois plus me promettre sa foi,
- Moi qui n'ai que l'amour qui lui parle pour moi.
- Ah! Madame....
-
- JUSTINE.
-
- Seigneur....
-
- LÉON.
-
- Auriez-vous pu le croire?
-
- JUSTINE.
-
- L'amour qui délibère est sûr de sa victoire,
- Et quand d'un vrai mérite il s'est fait un appui, 655
- Il n'est point de raisons qui ne parlent pour lui.
- Souvent il aime à voir un peu d'impatience,
- Et feint de reculer, lorsque plus il avance:
- Ce moment d'amertume en rend les fruits plus doux.
- Aimez, et laissez faire une âme toute à vous. 660
-
- LÉON.
-
- Toute à moi! mon malheur n'est que trop véritable;
- J'en ai prévu le coup, je le sens qui m'accable.
- Plus elle m'assuroit de son affection,
- Plus je me faisois peur de son ambition:
- Je ne savois des deux quelle étoit la plus forte; 665
- Mais il n'est que trop vrai, l'ambition l'emporte;
- Et si son cœur encor lui parle en ma faveur,
- Son trône me dédaigne en dépit de son cœur.
- Seigneur, parlez pour moi; parlez pour moi, Madame:
- Vous pouvez tout sur elle, et lisez dans son âme. 670
- Peignez-lui bien mes feux, retracez-lui les siens;
- Rappelez dans son cœur leurs plus doux entretiens;
- Et si vous concevez de quelle ardeur je l'aime,
- Faites-lui souvenir qu'elle m'aimoit de même.
- Elle-même a brigué pour me voir souverain: 675
- J'étois, sans ce grand titre, indigne de sa main;
- Mais si je ne l'ai pas, ce titre qui l'enchante,
- Seigneur, à qui tient-il qu'à son humeur changeante?
- Son orgueil contre moi doit-il s'en prévaloir,
- Quand pour me voir au trône elle n'a qu'à vouloir? 680
- Le sénat n'a pour elle appuyé mon suffrage
- Qu'afin que d'un beau feu ma grandeur fût l'ouvrage:
- Il sait depuis quel temps il lui plaît de m'aimer;
- Et quand il l'a nommée, il a cru me nommer.
- Allez, Seigneur, allez empêcher son parjure; 685
- Faites qu'un empereur soit votre créature.
- Que je vous céderois ce grand titre aisément,
- Si vous pouviez sans lui me rendre heureux amant!
- Car enfin mon amour n'en veut qu'à sa personne,
- Et n'a d'ambition que ce qu'on m'en ordonne. 690
-
- MARTIAN.
-
- Nous allons, et tous deux, Seigneur, lui faire voir
- Qu'elle doit mieux user de l'absolu pouvoir.
- Modérez cependant l'excès de votre peine;
- Remettez vos esprits dans l'entretien d'Irène.
-
- LÉON.
-
- D'Irène? et ses conseils m'ont trahi, m'ont perdu. 695
-
- MARTIAN.
-
- Son zèle pour un frère a fait ce qu'il a dû.
- Pouvoit-elle prévoir cette supercherie
- Qu'a faite[393] à votre amour l'orgueil de Pulchérie?
- J'ose en parler ainsi, mais ce n'est qu'entre nous.
- Nous lui rendrons l'esprit plus traitable et plus doux,
- Et vous rapporterons son cœur et ce grand titre.
- Allez.
-
- LÉON.
-
- Entre elle et moi que n'êtes-vous l'arbitre!
- Adieu: c'est de vous seuls que je puis recevoir
- De quoi garder encor quelque reste d'espoir.
-
-
-SCÈNE V.
-
-MARTIAN, JUSTINE.
-
- MARTIAN.
-
- Justine, tu le vois, ce bienheureux obstacle 705
- Dont ton amour sembloit pressentir le miracle.
- Je ne te défends point, en cette occasion,
- De prendre un peu d'espoir sur leur division;
- Mais garde-toi d'avoir une âme assez hardie
- Pour faire à leur amour la moindre perfidie: 710
- Le mien de ce revers s'applique tant de part,
- Que j'espère en mourir quelques moments plus tard.
- Mais de quel front enfin leur donner à connoître
- Les périls d'un amour que nous avons vu naître,
- Dont nous avons tous deux été les confidents, 715
- Et peut-être formé les traits les plus ardents?
- De tous leurs déplaisirs c'est nous rendre coupables:
- Servons-les en amis, en amants véritables;
- Le véritable amour n'est point intéressé.
- Allons, j'achèverai comme j'ai commencé: 720
- Suis l'exemple, et fais voir qu'une âme généreuse
- Trouve dans sa vertu de quoi se rendre heureuse,
- D'un sincère devoir fait son unique bien,
- Et jamais ne s'expose à se reprocher rien.
-
-
-FIN DU SECOND ACTE.
-
- [387] Dans l'édition de 1692 et dans celle de Voltaire
- (1764):
-
- Et les _plus_ écoutés sont _les_ plus mal suivis.
-
- [388] Suivant Fontenelle, Corneille parle ici de
- lui-même. Voyez ci-dessus, p. 374.
-
- [389] L'édition de 1682 a ici une faute qui dénature le
- sens: _digne_, au singulier, au lieu de _dignes_.
-
- [390] Voyez tome 1, p. 205, note 3.
-
- [391] Tel est le texte des deux éditions publiées du
- vivant de Corneille (1673 et 1682). Thomas Corneille (1692) donne
- _promettre_; Voltaire (1764) a gardé _permettre_.
-
- [392] Voyez ci-dessus, p. 381, note 375.
-
- [393] On lit _Qu'a fait_, sans accord, dans l'édition de
- 1682.
-
-
-
-
-ACTE III.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-PULCHÉRIE, MARTIAN, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Je vous ai dit mon ordre: allez, Seigneur, de grâce, 725
- Sauver[394] mon triste cœur du coup qui le menace;
- Mettez tout le sénat dans ce cher intérêt.
-
- MARTIAN.
-
- Madame, il sait assez combien Léon vous plaît,
- Et le nomme assez haut alors qu'il vous défère
- Un choix que votre amour vous a déjà fait faire. 730
-
- PULCHÉRIE.
-
- Que ne m'en fait-il donc une obligeante loi?
- Ce n'est pas le choisir que s'en remettre à moi;
- C'est attendre l'issue à couvert de l'orage:
- Si l'on m'en applaudit, ce sera son ouvrage;
- Et si j'en suis blâmée, il n'y veut point de part. 735
- En doute du succès, il en fuit le hasard;
- Et lorsque je l'en veux garant vers tout le monde,
- Il veut qu'à l'univers moi seule j'en réponde.
- Ainsi m'abandonnant au choix de mes souhaits,
- S'il est des mécontents, moi seule je les fais; 740
- Et je devrai moi seule apaiser le murmure
- De ceux à qui ce choix semblera faire injure,
- Prévenir leur révolte, et calmer les mutins
- Qui porteront envie à nos heureux destins.
-
- MARTIAN.
-
- Aspar vous aura vue, et cette âme chagrine.... 745
-
- PULCHÉRIE.
-
- Il m'a vue, et j'ai vu quel chagrin le domine;
- Mais il n'a pas laissé de me faire juger
- Du choix que fait mon cœur quel sera le danger.
- Il part de bons avis quelquefois de la haine;
- On peut tirer du fruit de tout ce qui fait peine; 750
- Et des plus grands desseins qui veut venir à bout
- Prête l'oreille à tous, et fait profit de tout.
-
- MARTIAN.
-
- Mais vous avez promis, et la foi qui vous lie....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Je suis impératrice, et j'étois Pulchérie.
- De ce trône, ennemi de mes plus doux souhaits, 755
- Je regarde l'amour comme un de mes sujets:
- Je veux que le respect qu'il doit à ma couronne
- Repousse l'attentat qu'il fait sur ma personne;
- Je veux qu'il m'obéisse, au lieu de me trahir;
- Je veux qu'il donne à tous l'exemple d'obéir; 760
- Et jalouse déjà de mon pouvoir suprême,
- Pour l'affermir sur tous, je le prends sur moi-même.
-
- MARTIAN.
-
- Ainsi donc ce Léon qui vous étoit si cher....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Je l'aime d'autant plus qu'il m'en faut détacher.
-
- MARTIAN.
-
- Seroit-il à vos yeux moins digne de l'empire 765
- Qu'alors que vous pressiez le sénat de l'élire?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Il falloit qu'on le vît des yeux dont je le voi,
- Que de tout son mérite on convînt avec moi,
- Et que par une estime éclatante et publique
- On mît l'amour d'accord avec la politique. 770
- J'aurois déjà rempli l'espoir d'un si beau feu,
- Si le choix du sénat m'en eût donné l'aveu:
- J'aurois pris le parti dont il me faut défendre;
- Et si jusqu'à Léon je n'ose plus descendre,
- Il m'étoit glorieux, le voyant souverain, 775
- De remonter au trône en lui donnant la main.
-
- MARTIAN.
-
- Votre cœur tiendra bon pour lui contre tous autres.
-
- PULCHÉRIE.
-
- S'il a ces sentiments, ce ne sont pas les vôtres:
- Non, Seigneur, c'est Léon, c'est son juste courroux,
- Ce sont ses déplaisirs qui s'expliquent par vous: 780
- Vous prêtez votre bouche, et n'êtes pas capable
- De donner à ma gloire un conseil qui l'accable.
-
- MARTIAN.
-
- Mais ses rivaux ont-ils plus de mérite?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Non;
- Mais ils ont plus d'emploi, plus de rang, plus de nom;
- Et si de ce grand choix ma flamme est la maîtresse, 785
- Je commence à régner par un trait de foiblesse.
-
- MARTIAN.
-
- Et tenez-vous fort sûr qu'une légèreté
- Donnera plus d'éclat à votre dignité?
- Pardonnez-moi ce mot, s'il a trop de franchise,
- Le peuple aura peut-être une âme moins soumise: 790
- Il aime à censurer ceux qui lui font la loi,
- Et vous reprochera jusqu'au manque de foi.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Je vous ai déjà dit ce qui m'en justifie:
- Je suis impératrice, et j'étois Pulchérie.
- J'ose vous dire plus: Léon a des jaloux, 795
- Qui n'en font pas, Seigneur, même estime que nous.
- Pour surprenant que soit l'essai de son courage,
- Les vertus d'empereur ne sont point de son âge:
- Il est jeune, et chez eux c'est un si grand défaut,
- Que ce mot prononcé détruit tout ce qu'il vaut. 800
- Si donc j'en fais le choix, je paroîtrai le faire
- Pour régner sous son nom ainsi que sous mon frère.
- Vous-même, qu'ils ont vu sous lui dans un emploi
- Où vos conseils régnoient autant et plus que moi,
- Ne donnerez-vous point quelque lieu de vous dire 805
- Que vous n'aurez voulu qu'un fantôme à l'empire,
- Et que dans un tel choix vous vous serez flatté
- De garder en vos mains toute l'autorité?
-
- MARTIAN.
-
- Ce n'est pas mon dessein, Madame, et s'il faut dire
- Sur le choix de Léon ce que le ciel m'inspire, 810
- Dès cet heureux moment qu'il sera votre époux,
- J'abandonne Byzance et prends congé de vous,
- Pour aller, dans le calme et dans la solitude,
- De la mort qui m'attend faire l'heureuse étude.
- Voilà comme j'aspire à gouverner l'État. 815
- Vous m'avez commandé d'assembler le sénat;
- J'y vais, Madame.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Quoi? Martian m'abandonne,
- Quand il faut sur ma tête affermir la couronne!
- Lui, de qui le grand cœur, la prudence, la foi....
-
- MARTIAN.
-
- Tout le prix que j'en veux, c'est de mourir à moi. 820
-
-
-SCÈNE II.
-
-PULCHÉRIE, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Que me dit-il, Justine, et de quelle retraite
- Ose-t-il menacer l'hymen qu'il me souhaite?
- De Léon près de moi ne se fait-il l'appui
- Que pour mieux dédaigner de me servir sous lui?
- Le hait-il? le craint-il? et par quelle autre cause.... 825
-
- JUSTINE.
-
- Qui que vous épousiez, il voudra même chose.
-
- PULCHÉRIE.
-
- S'il étoit dans un âge à prétendre ma foi,
- Comme il seroit de tous le plus digne de moi,
- Ce qu'il donne à penser auroit quelque apparence;
- Mais les ans l'ont dû mettre en entière assurance. 830
-
- JUSTINE.
-
- Que savons-nous, Madame? est-il dessous les cieux
- Un cœur impénétrable au pouvoir de vos yeux?
- Ce qu'ils ont d'habitude à faire des conquêtes
- Trouve à prendre vos fers les âmes toujours prêtes.
- L'âge n'en met aucune à couvert de leurs traits: 835
- Non que sur Martian j'en sache les effets;
- Il m'a dit comme à vous que ce grand hyménée
- L'envoira[395] loin d'ici finir sa destinée;
- Et si j'ose former quelque soupçon confus,
- Je parle en général, et ne sais rien de plus. 840
- Mais pour votre Léon, êtes-vous résolue
- A le perdre aujourd'hui de puissance absolue?
- Car ne l'épouser pas, c'est le perdre en effet.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Pour te montrer la gêne où son nom seul me met,
- Soutire que je t'explique en faveur de sa flamme 845
- La tendresse du cœur après la grandeur d'âme.
- Léon seul est ma joie, il est mon seul desir;
- Je n'en puis choisir d'autre, et n'ose le choisir:
- Depuis trois ans unie à cette chère idée,
- J'en ai l'âme à toute heure, en tous lieux, obsédée; 850
- Rien n'en détachera mon cœur que le trépas,
- Encore après ma mort n'en répondrois-je pas;
- Et si dans le tombeau le ciel permet qu'on aime,
- Dans le fond du tombeau je l'aimerai de même.
- Trône qui m'éblouis, titres qui me flattez, 855
- Pourrez-vous me valoir ce que vous me coûtez?
- Et de tout votre orgueil la pompe la plus haute
- A-t-elle un bien égal à celui qu'elle m'ôte?
-
- JUSTINE.
-
- Et vous pouvez penser à prendre un autre époux?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ce n'est pas, tu le sais, à quoi je me résous. 860
- Si ma gloire à Léon me défend de me rendre,
- De tout autre que lui l'amour sait me défendre.
- Qu'il est fort cet amour! sauve-m'en, si tu peux;
- Vois Léon, parle-lui, dérobe-moi ses vœux:
- M'en faire un prompt larcin, c'est me rendre un service
- Qui saura m'arracher des bords du précipice.
- Je le crains, je me crains, s'il n'engage sa foi,
- Et je suis trop à lui tant qu'il est tout à moi.
- Sens-tu d'un tel effort ton amitié capable?
- Ce héros n'a-t-il rien qui te paroisse aimable? 870
- Au pouvoir de tes yeux j'unirai mon pouvoir:
- Parle, que résous-tu de faire?
-
- JUSTINE.
-
- Mon devoir.
- Je sors d'un sang, Madame, à me rendre assez vaine
- Pour attendre un époux d'une main souveraine,
- Et n'ayant point d'amour que pour ma liberté, 875
- S'il la faut immoler à votre sûreté,
- J'oserai.... Mais voici ce cher Léon, Madame;
- Voulez-vous....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Laisse-moi consulter mieux mon âme;
- Je ne sais pas encor trop bien ce que je veux:
- Attends un nouvel ordre, et suspends tous tes vœux. 880
-
-
-SCÈNE III.
-
-PULCHÉRIE, LÉON, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Seigneur, qui vous ramène? est-ce l'impatience
- D'ajouter à mes maux ceux de votre présence,
- De livrer tout mon cœur à de nouveaux combats;
- Et souffré-je trop peu quand je ne vous vois pas?
-
- LÉON.
-
- Je viens savoir mon sort.
-
- PULCHÉRIE.
-
- N'en soyez point en doute; 885
- Je vous aime et nous plains[396]: c'est là me peindre toute,
- C'est tout ce que je sens; et si votre amitié
- Sentoit pour mes malheurs quelque trait de pitié,
- Elle m'épargneroit cette fatale vue,
- Qui me perd, m'assassine, et vous-même vous tue. 890
-
- LÉON.
-
- Vous m'aimez, dites-vous?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Plus que jamais.
-
- LÉON.
-
- Hélas!
- Je souffrirois bien moins si vous ne m'aimiez pas.
- Pourquoi m'aimer encor seulement pour me plaindre?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Comment cacher un feu que je ne puis éteindre?
-
- LÉON.
-
- Vous l'étouffez du moins sous l'orgueil scrupuleux 895
- Qui fait seul tous les maux dont nous mourons tous deux.
- Ne vous en plaignez point, le vôtre est volontaire:
- Vous n'avez que celui qu'il vous plaît de vous faire;
- Et ce n'est pas pour être aux termes d'en mourir
- Que d'en pouvoir guérir dès qu'on s'en veut guérir. 900
-
- PULCHÉRIE.
-
- Moi seule je me fais les maux dont je soupire!
- A-ce été sous mon nom que j'ai brigué l'empire?
- Ai-je employé mes soins, mes amis, que pour vous?
- Ai-je cherché par là qu'à vous voir mon époux?
- Quoi? votre déférence à mes efforts s'oppose! 905
- Elle rompt mes projets, et seule j'en suis cause!
- M'avoir fait obtenir plus qu'il ne m'étoit dû,
- C'est ce qui m'a perdue, et qui vous a perdu.
- Si vous m'aimiez, Seigneur, vous me deviez mieux croire,
- Ne pas intéresser mon devoir et ma gloire: 910
- Ce sont deux ennemis que vous nous avez faits,
- Et que tout notre amour n'apaisera jamais.
- Vous m'accablez en vain de soupirs, de tendresse;
- En vain mon triste cœur en vos maux s'intéresse,
- Et vous rend, en faveur de nos communs desirs, 915
- Tendresse pour tendresse, et soupirs pour soupirs:
- Lorsqu'à des feux si beaux je rends cette justice,
- C'est l'amante qui parle; oyez l'impératrice.
- Ce titre est votre ouvrage, et vous me l'avez dit:
- D'un service si grand votre espoir s'applaudit, 920
- Et s'est fait en aveugle un obstacle invincible,
- Quand il a cru se faire un succès infaillible.
- Appuyé de mes soins, assuré de mon cœur,
- Il falloit m'apporter la main d'un empereur,
- M'élever jusqu'à vous en heureuse sujette: 925
- Ma joie étoit entière, et ma gloire parfaite;
- Mais puis-je avec ce nom même chose pour vous?
- Il faut nommer un maître, et choisir un époux:
- C'est la loi qu'on m'impose, ou plutôt c'est la peine
- Qu'on attache aux douceurs de me voir souveraine. 930
- Je sais que le sénat, d'une commune voix,
- Me laisse avec respect la liberté du choix;
- Mais il attend de moi celui du plus grand homme
- Qui respire aujourd'hui dans l'une et l'autre Rome:
- Vous l'êtes, j'en suis sûre, et toutefois, hélas! 935
- Un jour on le croira, mais....
-
- LÉON.
-
- On ne le croit pas,
- Madame: il faut encor du temps et des services;
- Il y faut du destin quelques heureux caprices,
- Et que la renommée, instruite en ma faveur,
- Séduisant l'univers, impose à ce grand cœur. 940
- Cependant admirez comme un amant se flatte:
- J'avois cru votre gloire un peu moins délicate;
- J'avois cru mieux répondre à ce que je vous doi
- En tenant tout de vous, qu'en vous l'offrant en moi;
- Et qu'auprès d'un objet que l'amour sollicite, 945
- Ce même amour pour moi tiendroit lieu de mérite.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Oui; mais le tiendra-t-il auprès de l'univers,
- Qui sur un si grand choix tient tous ses yeux ouverts?
- Peut-être le sénat n'ose encor vous élire,
- Et si je m'y hasarde, osera m'en dédire; 950
- Peut-être qu'il s'apprête à faire ailleurs sa cour
- Du honteux désaveu qu'il garde à notre amour;
- Car ne nous flattons point, ma gloire inexorable
- Me doit au plus illustre, et non au plus aimable;
- Et plus ce rang m'élève, et plus sa dignité 955
- M'en fait avec hauteur une nécessité.
-
- LÉON.
-
- Rabattez ces hauteurs où tout le cœur s'oppose,
- Madame, et pour tous deux hasardez quelque chose:
- Tant d'orgueil et d'amour ne s'accordent pas bien;
- Et c'est ne point aimer que ne hasarder rien. 960
-
- PULCHÉRIE.
-
- S'il n'y faut que mon sang, je veux bien vous en croire;
- Mais c'est trop hasarder qu'y hasarder ma gloire;
- Et plus je ferme l'œil aux périls que j'y cours,
- Plus je vois que c'est trop qu'y hasarder vos jours.
- Ah! si la voix publique enfloit votre espérance 965
- Jusqu'à me demander pour vous la préférence,
- Si des noms que la gloire à l'envi me produit
- Le plus cher à mon cœur faisoit le plus de bruit,
- Qu'aisément à ce bruit on me verroit souscrire,
- Et remettre en vos mains ma personne et l'empire! 970
- Mais l'empire vous fait trop d'illustres jaloux:
- Dans le fond de ce cœur je vous préfère à tous;
- Vous passez les plus grands, mais ils sont plus en vue.
- Vos vertus n'ont point eu toute leur étendue;
- Et le monde, ébloui par des noms trop fameux, 975
- N'ose espérer de vous ce qu'il présume d'eux.
- Vous aimez, vous plaisez: c'est tout auprès des femmes;
- C'est par là qu'on surprend, qu'on enlève leurs âmes;
- Mais pour remplir[397] un trône et s'y faire estimer,
- Ce n'est pas tout, Seigneur, que de plaire et d'aimer. 980
- La plus ferme couronne est bientôt ébranlée,
- Quand un effort d'amour semble l'avoir volée;
- Et pour garder[398] un rang si cher à nos desirs,
- Il faut un plus grand art que celui des soupirs.
- Ne vous abaissez pas à la honte des larmes: 985
- Contre un devoir si fort ce sont de foibles armes;
- Et si de tels secours vous couronnoient ailleurs,
- J'aurois pitié d'un sceptre acheté par des pleurs.
-
- LÉON.
-
- Ah! Madame, aviez-vous de si fières pensées,
- Quand vos bontés pour moi se sont intéressées? 990
- Me disiez-vous alors que le gouvernement
- Demandoit un autre art que celui d'un amant?
- Si le sénat eût joint ses suffrages aux vôtres,
- J'en aurois paru digne autant ou plus qu'un autre:
- Ce grand art de régner eût suivi tant de voix; 995
- Et vous-même....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Oui, Seigneur, j'aurois suivi ce choix.
- Sûre que le sénat, jaloux de son suffrage,
- Contre tout l'univers maintiendroit son ouvrage.
- Tel contre vous et moi s'osera révolter,
- Qui contre un si grand corps craindroit de s'emporter, 1000
- Et méprisant en moi ce que l'amour m'inspire,
- Respecteroit en lui le démon[399] de l'empire.
-
- LÉON.
-
- Mais l'offre qu'il vous fait d'en croire tous vos vœux....
-
- PULCHÉRIE.
-
- N'est qu'un refus moins rude et plus respectueux.
-
- LÉON.
-
- Quelles illusions de gloire chimérique, 1005
- Quels farouches égards de dure politique,
- Dans ce cœur tout à moi, mais qu'en vain j'ai charmé,
- Me font le plus aimable et le moins estimé?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Arrêtez: mon amour ne vient que de l'estime.
- Je vous vois un grand cœur, une vertu sublime[400], 1010
- Une âme, une valeur digne[401] de mes aïeux;
- Et si tout le sénat avoit les mêmes yeux....
-
- LÉON.
-
- Laissons là le sénat, et m'apprenez, de grâce,
- Madame, à quel heureux je dois quitter la place,
- Qui je dois imiter pour obtenir un jour 1015
- D'un orgueil souverain le prix d'un juste amour.
-
- PULCHÉRIE.
-
- J'aurai peine à choisir; choisissez-le vous-même,
- Cet heureux, et nommez qui vous voulez que j'aime;
- Mais vous souffrez assez, sans devenir jaloux.
- J'aime; et si ce grand choix ne peut tomber sur vous, 1020
- Aucun autre du moins, quelque ordre qu'on m'en donne,
- Ne se verra jamais maître de ma personne[402]:
- Je le jure en vos mains, et j'y laisse mon cœur.
- N'attendez rien de plus, à moins d'être empereur;
- Mais j'entends empereur comme vous devez l'être, 1025
- Par le choix d'un sénat qui vous prenne pour maître,
- Qui d'un État si grand vous fasse le soutien,
- Et d'un commun suffrage autorise le mien.
- Je le fais rassembler exprès pour vous élire,
- Ou me laisser moi seule à gouverner l'empire, 1030
- Et ne plus m'asservir à ce dangereux choix,
- S'il ne me veut pour vous donner toutes ses voix.
- Adieu, Seigneur: je crains de n'être plus maîtresse
- De ce que vos regards m'inspirent de foiblesse,
- Et que ma peine, égale à votre déplaisir, 1035
- Ne coûte à mon amour quelque indigne soupir.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-LÉON, JUSTINE.
-
- LÉON.
-
- C'est trop de retenue, il est temps que j'éclate:
- Je ne l'ai point nommée ambitieuse, ingrate;
- Mais le sujet enfin va céder à l'amant,
- Et l'excès du respect au juste emportement. 1040
- Dites-le-moi, Madame: a-t-on vu perfidie
- Plus noire au fond de l'âme, au dehors plus hardie?
- A-t-on vu plus d'étude attacher la raison
- A l'indigne secours de tant de trahison?
- Loin d'en baisser les yeux, l'orgueilleuse en fait gloire; 1045
- Elle nous l'ose peindre en illustre victoire.
- L'honneur et le devoir eux seuls la font agir!
- Et m'étant plus fidèle, elle auroit à rougir!
-
- JUSTINE.
-
- La gêne qu'elle en souffre égale bien la vôtre:
- Pour vous, elle renonce à choisir aucun autre; 1050
- Elle-même en vos mains en a fait le serment.
-
- LÉON.
-
- Illusion nouvelle, et pur amusement!
- Il n'est, Madame, il n'est que trop de conjonctures
- Où les nouveaux serments sont de nouveaux parjures.
- Qui sait l'art de régner les rompt avec éclat, 1055
- Et ne manque jamais de cent raisons d'État.
-
- JUSTINE.
-
- Mais si vous la piquiez d'un peu de jalousie[403],
- Seigneur, si vous brouilliez par là sa fantaisie,
- Son amour mal éteint pourroit vous rappeler,
- Et sa gloire auroit peine à vous laisser aller. 1060
-
- LÉON.
-
- Me soupçonneriez-vous d'avoir l'âme assez basse
- Pour employer la feinte à tromper ma disgrâce?
- Je suis jeune, et j'en fais trop mal ici ma cour
- Pour joindre à ce défaut un faux éclat d'amour.
-
- JUSTINE.
-
- L'agréable défaut, Seigneur, que la jeunesse! 1065
- Et que de vos jaloux l'importune sagesse,
- Toute fière qu'elle est, le voudroit racheter
- De tout ce qu'elle croit et croira mériter!
- Mais si feindre en amour à vos yeux est un crime,
- Portez sans feinte ailleurs votre plus tendre estime: 1070
- Punissez tant d'orgueil par de justes dédains,
- Et mettez votre cœur en de plus sûres mains.
-
- LÉON.
-
- Vous voyez qu'à son rang elle me sacrifie,
- Madame, et vous voulez que je la justifie!
- Qu'après tous les mépris qu'elle montre pour moi, 1075
- Je lui prête un exemple à me voler sa foi!
-
- JUSTINE.
-
- Aimez, à cela près, et sans vous mettre en peine
- Si c'est justifier ou punir l'inhumaine;
- Songez que si vos vœux en étoient mal reçus,
- On pourroit avec joie accepter ses refus. 1080
- L'honneur qu'on se feroit à vous détacher d'elle
- Rendroit cette conquête et plus noble et plus belle.
- Plus il faut de mérite à vous rendre inconstant,
- Plus en auroit de gloire un cœur qui vous attend;
- Car peut-être en est-il que la princesse même 1085
- Condamne à vous aimer dès que vous direz: «J'aime.»
- Adieu: c'en est assez pour la première fois.
-
- LÉON.
-
- O ciel, délivre-moi du trouble où tu me vois!
-
-
-FIN DU TROISIÈME ACTE.
-
- [394] Dans l'édition de Voltaire (1764), il y a
- _sauvez_, au lieu de _sauver_.
-
- [395] Voltaire (1764) a changé _l'envoira_ en
- _l'enverra_.
-
- [396] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont
- substitué _vous plains à nous plains_, qui est la leçon des deux
- éditions publiées du vivant de l'auteur (1673 et 1682).
-
- [397] L'édition de 1682 porte seule _emplir_, au lieu de
- _remplir_.
-
- [398] _Garder_ a été changé en _gagner_ dans l'édition
- de 1692.
-
- [399] _Le démon_, le génie.
-
- [400] _Var._ Je vous vois un cœur grand, une vertu
- sublime. (1673)
-
- [401] Il y a _digne_, au singulier, dans toutes les
- éditions anciennes, y compris celles de 1692 et de Voltaire
- (1764).
-
- [402] Voyez ci-dessus l'avis _Au lecteur_, p. 377: «Elle
- proposa son mariage à Martian, à la charge qu'il lui permettroit
- de garder sa virginité, qu'elle avoit vouée et consacrée à
- Dieu.»
-
- [403] Voici pour ce vers la leçon de 1692:
-
- Mais si vous la piquiez un peu de jalousie.
-
- --L'édition de 1682 a _piquez_ et _brouillez_, au présent.
-
-
-
-
-ACTE IV.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-JUSTINE, IRÈNE.
-
- JUSTINE.
-
- Non, votre cher Aspar n'aime point la princesse:
- Ce n'est que pour le rang que tout son cœur s'empresse;
- Et si l'on eût choisi mon père pour César,
- J'aurois déjà les vœux de cet illustre Aspar.
- Il s'en est expliqué tantôt en ma présence;
- Et tout ce que pour elle il a de complaisance,
- Tout ce qu'il lui veut faire ou craindre ou dédaigner, 1095
- Ne doit être imputé qu'à l'ardeur de régner.
- Pulchérie a des yeux qui percent le mystère,
- Et le croit plus rival qu'ami de ce cher frère;
- Mais comme elle balance, elle écoute aisément
- Tout ce qui peut d'abord flatter son sentiment: 1100
- Voilà ce que j'en sais[404].
-
- IRÈNE.
-
- Je ne suis point surprise
- De tout ce que d'Aspar m'apprend votre franchise.
- Vous ne m'en dites rien que ce que j'en ai dit,
- Lorsqu'à Léon tantôt j'ai dépeint son esprit;
- Et j'en ai pénétré l'ambition secrète 1105
- Jusques à pressentir l'offre qu'il vous a faite.
- Puisque en vain[405] je m'attache à qui ne m'aime pas,
- Il faut avec honneur franchir ce mauvais pas:
- Il faut, à son exemple, avoir ma politique,
- Trouver à ma disgrâce une face héroïque, 1110
- Donner à ce divorce une illustre couleur,
- Et sous de beaux dehors dévorer ma douleur.
- Dites-moi cependant, que deviendra mon frère?
- D'un si parfait amour que faut-il qu'il espère?
-
- JUSTINE.
-
- On l'aime, et fortement, et bien plus qu'on ne veut; 1115
- Mais pour s'en détacher, on fait tout ce qu'on peut.
- Faut-il vous dire tout? On m'a commandé même
- D'essayer contre lui l'art et le stratagème.
- On me devra beaucoup si je puis l'ébranler,
- On me donne son cœur, si je le puis voler; 1120
- Et déjà pour essai de mon obéissance,
- J'ai porté quelque attaque, et fait un peu d'avance.
- Vous pouvez bien juger comme il a rebuté,
- Fidèle amant qu'il est, cette importunité;
- Mais pour peu qu'il vous plût appuyer l'artifice, 1125
- Cet appui tiendroit lieu d'un signalé service.
-
- IRÈNE.
-
- Ce n'est point un service à prétendre de moi
- Que de porter mon frère à garder mal sa foi;
- Et quand à vous aimer j'aurois su le réduire,
- Quel fruit son changement pourroit-il lui produire? 1130
- Vous qui ne l'aimez point, pourriez-vous l'accepter?
-
- JUSTINE.
-
- Léon ne sauroit être un homme à rejeter;
- Et l'on voit si souvent, après la foi donnée,
- Naître un parfait amour d'un pareil hyménée,
- Que si de son côté j'y voyois quelque jour, 1135
- J'espérerois bientôt de l'aimer à mon tour.
-
- IRÈNE.
-
- C'est trop et trop peu dire. Est-il encore à naître,
- Cet amour? Est-il né?
-
- JUSTINE.
-
- Cela pourroit bien être[406].
- Ne l'examinons point avant qu'il en soit temps;
- L'occasion viendra peut-être, et je l'attends. 1140
-
- IRÈNE.
-
- Et vous servez Léon auprès de la princesse?
-
- JUSTINE.
-
- Avec sincérité pour lui je m'intéresse;
- Et si j'en étois crue, il auroit le bonheur
- D'en obtenir la main, comme il en a le cœur.
- J'obéis cependant aux ordres qu'on me donne, 1145
- Et souffrirois ses vœux, s'il perdoit la couronne.
- Mais la princesse vient.
-
-
-SCÈNE II.
-
-PULCHÉRIE, IRÈNE, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Que fait ce malheureux,
- Irène?
-
- IRÈNE.
-
- Ce qu'on fait dans un sort rigoureux:
- Il soupire, il se plaint.
-
- PULCHÉRIE.
-
- De moi?
-
- IRÈNE.
-
- De sa fortune.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Est-il bien convaincu qu'elle nous est commune, 1150
- Qu'ainsi que lui[407] du sort j'accuse la rigueur?
-
- IRÈNE.
-
- Je ne pénètre point jusqu'au fond de son cœur;
- Mais je sais qu'au dehors sa douleur vous respecte:
- Elle se tait de vous.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ah! qu'elle m'est suspecte!
- Un modeste reproche à ses maux siéroit bien: 1155
- C'est me trop accuser que de n'en dire rien.
- M'auroit-il oubliée, et déjà dans son âme
- Effacé tous les traits d'une si belle flamme?
-
- IRÈNE.
-
- C'est par là qu'il devroit soulager ses ennuis,
- Madame; et de ma part j'y fais ce que je puis. 1160
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ah! ma flamme n'est pas à tel point affoiblie,
- Que je puisse endurer, Irène, qu'il m'oublie.
- Fais-lui, fais-lui plutôt soulager son ennui
- A croire que je souffre autant et plus que lui.
- C'est une vérité que j'ai besoin qu'il croie, 1165
- Pour mêler à mes maux quelque inutile joie,
- Si l'on peut nommer joie une triste douceur
- Qu'un digne amour conserve en dépit du malheur.
- L'âme qui l'a sentie en est toujours charmée,
- Et même en n'aimant plus, il est doux d'être aimée.
-
- JUSTINE.
-
- Vous souvient-il encor de me l'avoir donné,
- Madame? et ce doux soin dont votre esprit gêné....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Souffre un reste d'amour qui me trouble et m'accable.
- Je ne t'en ai point fait un don irrévocable;
- Mais je te le redis, dérobe-moi ses vœux; 1175
- Séduis, enlève-moi son cœur, si tu le peux.
- J'ai trop mis à l'écart celui d'impératrice;
- Reprenons avec lui ma gloire et mon supplice:
- C'en est un, et bien rude, à moins que le sénat
- Mette d'accord ma flamme et le bien de l'État. 1180
-
- IRÈNE.
-
- N'est-ce point avilir votre pouvoir suprême
- Que mendier ailleurs ce qu'il peut de lui-même?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Irène, il te faudroit les mêmes yeux qu'à moi
- Pour voir la moindre part de ce que je prévoi.
- Épargne à mon amour la douleur de te dire 1185
- A quels troubles ce choix hasarderoit l'empire:
- Je l'ai déjà tant dit, que mon esprit lassé
- N'en sauroit plus souffrir le portrait retracé.
- Ton frère a l'âme grande, intrépide, sublime;
- Mais d'un peu de jeunesse on lui fait un tel crime, 1190
- Que si tant de vertus n'ont que moi pour appui,
- En faire un empereur, c'est me perdre avec lui.
-
- IRÈNE.
-
- Quel ordre a pu du trône exclure la jeunesse?
- Quel astre à nos beaux jours enchaîne la foiblesse?
- Les vertus, et non l'âge, ont droit à ce haut rang; 1195
- Et n'étoit le respect qu'imprime votre sang,
- Je dirois que Léon vaudroit bien Théodose.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Sans doute; et toutefois ce n'est pas même chose.
- Foible qu'étoit ce prince à régir tant d'États,
- Il avoit des appuis que ton frère n'a pas: 1200
- L'empire en sa personne étoit héréditaire;
- Sa naissance le tint d'un aïeul et d'un père[408];
- Il régna dès l'enfance, et régna sans jaloux,
- Estimé d'assez peu, mais obéi de tous.
- Léon peut succéder aux droits de la puissance, 1205
- Mais non pas au bonheur de cette obéissance:
- Tant ce trône, où l'amour par ma main l'auroit mis,
- Dans mes premiers sujets lui feroit d'ennemis!
- Tout ce qu'ont vu d'illustre et la paix et la guerre
- Aspire à ce grand nom de maître de la terre: 1210
- Tous regardent l'empire ainsi qu'un bien commun
- Que chacun veut pour soi, tant qu'il n'est à pas un.
- Pleins de leur renommée, enflés de leurs services,
- Combien ce choix pour eux aura-t-il d'injustices,
- Si ma flamme obstinée et ses odieux soins 1215
- L'arrêtent sur celui qu'ils estiment le moins!
- Léon est d'un mérite à devenir leur maître;
- Mais comme c'est l'amour qui m'aide à le connoître,
- Tout ce qui contre nous s'osera mutiner
- Dira que je suis seule à me l'imaginer. 1220
-
- IRÈNE.
-
- C'est donc en vain pour lui qu'on prie et qu'on espère?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Je l'aime, et sa personne à mes yeux est bien chère;
- Mais si le ciel pour lui n'inspire le sénat,
- Je sacrifierai tout au bonheur de l'État.
-
- IRÈNE.
-
- Que pour vous imiter j'aurois l'âme ravie 1225
- D'immoler à l'État le bonheur de ma vie!
- Madame, ou de Léon faites-nous un César,
- Ou portez ce grand choix sur le fameux Aspar:
- Je l'aime, et ferois gloire, en dépit de ma flamme,
- De faire un maître à tous de celui de mon âme; 1230
- Et pleurant pour le frère en ce grand changement,
- Je m'en consolerois à voir régner l'amant.
- Des deux têtes qu'au monde on me voit les plus chères,
- Élevez l'une ou l'autre au trône de vos pères:
- Daignez....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Aspar seroit digne d'un tel honneur, 1235
- Si vous pouviez, Irène, un peu moins sur son cœur.
- J'aurois trop à rougir si sous le nom de femme
- Je le faisois régner sans régner dans son âme;
- Si j'en avois le titre, et vous tout le pouvoir,
- Et qu'entre nous ma cour partageât son devoir. 1240
-
- IRÈNE.
-
- Ne l'appréhendez pas: de quelque ardeur qu'il m'aime,
- Il est plus à l'État, Madame, qu'à lui-même.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Je le crois comme vous, et que sa passion
- Regarde plus l'État que vous, moi, ni Léon.
- C'est vous entendre, Irène, et vous parler sans feindre: 1245
- Je vois ce qu'il projette, et ce qu'il en faut craindre.
- L'aimez-vous?
-
- IRÈNE.
-
- Je l'aimai, quand je crus qu'il m'aimoit:
- Je voyois sur son front un air qui me charmoit;
- Mais depuis que le temps m'a fait mieux voir sa flamme,
- J'ai presque éteint la mienne et dégagé mon âme. 1250
-
- PULCHÉRIE.
-
- Achevez. Tel qu'il est, voulez-vous l'épouser?
-
- IRÈNE.
-
- Oui, Madame, ou du moins le pouvoir refuser.
- Après deux ans d'amour il y va de ma gloire:
- L'affront seroit trop grand, et la tache trop noire,
- Si dans la conjoncture où l'on est aujourd'hui 1255
- Il m'osoit regarder comme indigne de lui.
- Ses desseins vont plus haut; et voyant qu'il vous aime,
- Bien que peut-être moins que votre diadème,
- Je n'ai vu rien en moi qui le pût retenir;
- Et je ne vous l'offrois que pour le prévenir. 1260
- C'est ainsi que j'ai cru me mettre en assurance
- Par l'éclat généreux d'une fausse apparence:
- Je vous cédois un bien que je ne puis garder,
- Et qu'à vous seule enfin ma gloire peut céder.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Reposez-vous sur moi. Votre Aspar vient.
-
-
-SCÈNE III.
-
-PULCHÉRIE, ASPAR, IRÈNE, JUSTINE.
-
- ASPAR.
-
- Madame, 1265
- Déjà sur vos desseins j'ai lu dans plus d'une âme,
- Et crois de mon devoir de vous mieux avertir
- De ce que sur tous deux on m'a fait pressentir.
- J'espère pour Léon, et j'y fais mon possible;
- Mais j'en prévois, Madame, un murmure infaillible, 1270
- Qui pourra se borner à quelque émotion,
- Et peut aller plus loin que la sédition.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Vous en savez l'auteur: parlez, qu'on le punisse;
- Que moi-même au sénat j'en demande justice.
-
- ASPAR.
-
- Peut-être est-ce quelqu'un que vous pourriez choisir. 1275
- S'il vous falloit ailleurs tourner votre désir,
- Et dont le choix illustre à tel point sauroit plaire,
- Que[409] nous n'aurions à craindre aucun parti contraire.
- Comme à vous le nommer, ce seroit fait de lui,
- Ce seroit à l'empire ôter un ferme appui, 1280
- Et livrer un grand cœur à sa perte certaine,
- Quand il n'est pas encor digne de votre haine.
-
- PULCHÉRIE.
-
- On me fait mal sa cour avec de tels avis,
- Qui sans nommer personne, en nomment plus de dix.
- Je hais l'empressement de ces devoirs sincères, 1285
- Qui ne jette en l'esprit que de vagues chimères,
- Et ne me présentant qu'un obscur avenir,
- Me donne tout à craindre, et rien à prévenir.
-
- ASPAR.
-
- Le besoin de l'État est souvent un mystère
- Dont la moitié se dit, et l'autre est bonne à taire. 1290
-
- PULCHÉRIE.
-
- Il n'est souvent aussi qu'un pur fantôme en l'air
- Que de secrets ressorts font agir et parler,
- Et s'arrête où le fixe une âme prévenue,
- Qui pour ses intérêts le forme et le remue.
- Des besoins de l'État si vous êtes jaloux, 1295
- Fiez-vous-en à moi, qui les vois mieux que vous.
- Martian, comme vous, à vous parler sans feindre,
- Dans le choix de Léon voit quelque chose à craindre;
- Mais il m'apprend de qui je dois me défier;
- Et je puis, si je veux, me le sacrifier. 1300
-
- ASPAR.
-
- Qui nomme-t-il, Madame?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Aspar, c'est un mystère
- Dont la moitié se dit, et l'autre est bonne à taire.
- Si l'on hait tant Léon, du moins réduisez-vous
- A faire qu'on m'admette à régner sans époux.
-
- ASPAR.
-
- Je ne l'obtiendrai point, la chose est sans exemple. 1305
-
- PULCHÉRIE.
-
- La matière au vrai zèle en est d'autant plus ample;
- Et vous en montrerez de plus rares effets
- En obtenant pour moi ce qu'on n'obtint jamais.
-
- ASPAR.
-
- Oui; mais qui voulez-vous que le sénat vous donne,
- Madame, si Léon....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ou Léon, ou personne. 1310
- A l'un de ces deux points amenez les esprits.
- Vous adorez Irène, Irène est votre prix;
- Je la laisse avec vous, afin que votre zèle
- S'allume à ce beau feu que vous avez pour elle.
- Justine, suivez-moi.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-ASPAR, IRÈNE.
-
- IRÈNE.
-
- Ce prix qu'on vous promet 1315
- Sur votre âme, Seigneur, doit faire peu d'effet.
- La mienne, toute acquise à votre ardeur sincère,
- Ne peut à ce grand cœur tenir lieu de salaire;
- Et l'amour à tel point vous rend maître du mien,
- Que me donner à vous, c'est ne vous donner rien. 1320
-
- ASPAR.
-
- Vous dites vrai, Madame; et du moins j'ose dire
- Que me donner un cœur au-dessous de l'empire,
- Un cœur qui me veut faire une honteuse loi,
- C'est ne me donner rien qui soit digne de moi.
-
- IRÈNE.
-
- Indigne que je suis d'une foi si douteuse, 1325
- Vous fais-je quelque loi qui puisse être honteuse?
- Et si Léon devoit l'empire à votre appui,
- Lui qui vous y feroit le premier d'après lui,
- Auriez-vous à rougir de l'en avoir fait maître,
- Seigneur, vous qui voyez que vous ne pouvez l'être? 1330
- Mettez-vous, j'y consens, au-dessus de l'amour,
- Si pour monter au trône, il s'offre quelque jour.
- Qu'à ce glorieux titre un amant soit volage,
- Je puis l'en estimer, l'en aimer davantage,
- Et voir avec plaisir la belle ambition 1335
- Triompher d'une ardente et longue passion.
- L'objet le plus charmant doit céder à l'empire:
- Régnez; j'en dédirai mon cœur s'il en soupire.
- Vous ne m'en croyez pas, Seigneur; et toutefois
- Vous régneriez bientôt si l'on suivoit ma voix. 1340
- Apprenez à quel point pour vous je m'intéresse.
- Je viens de vous offrir moi-même à la princesse;
- Et je sacrifiois mes plus chères ardeurs
- A l'honneur de vous mettre au faîte des grandeurs.
- Vous savez sa réponse: «Ou Léon, ou personne.» 1345
-
- ASPAR.
-
- C'est agir en amante et généreuse et bonne;
- Mais sûre d'un refus qui doit rompre le coup,
- La générosité ne coûte pas beaucoup.
-
- IRÈNE.
-
- Vous voyez les chagrins où cette offre m'expose,
- Et ne me voulez pas devoir la moindre chose! 1350
- Ah! si j'osois, Seigneur, vous appeler ingrat!
-
- ASPAR.
-
- L'offre sans doute est rare, et feroit grand éclat,
- Si pour mieux éblouir vous aviez eu l'adresse
- D'ébranler tant soit peu l'esprit de la princesse.
- Elle est impératrice, et d'un seul: «Je le veux,» 1355
- Elle peut de Léon faire un monarque heureux:
- Qu'a-t-il besoin de moi, lui qui peut tout sur elle?
-
- IRÈNE.
-
- N'insultez point, Seigneur, une flamme si belle.
- L'amour, las de gémir sous les raisons d'État,
- Pourroit n'en croire pas tout à fait le sénat. 1360
-
- ASPAR.
-
- L'amour n'a qu'à parler: le sénat, quoi qu'on pense,
- N'aura que du respect et de la déférence;
- Et de l'air dont la chose a déjà pris son cours,
- Léon pourra se voir empereur pour trois jours.
-
- IRÈNE.
-
- Trois jours peuvent suffire à faire bien des choses: 1365
- La cour en moins de temps voit cent métamorphoses;
- En moins de temps un prince à qui tout est permis
- Peut rendre ce qu'il doit aux vrais et faux amis.
-
- ASPAR.
-
- L'amour qui parle ainsi ne paroît pas fort tendre.
- Mais je vous aime assez pour ne vous pas entendre; 1370
- Et dirai toutefois, sans m'en embarrasser,
- Qu'il est un peu bien tôt pour vous de menacer.
-
- IRÈNE.
-
- Je ne menace point, Seigneur; mais je vous aime
- Plus que moi, plus encor que ce cher frère même.
- L'amour tendre est timide, et craint pour son objet, 1375
- Dès qu'il lui voit former un dangereux projet.
-
- ASPAR.
-
- Vous m'aimez, je le crois; du moins cela peut être;
- Mais de quelle façon le faites-vous connoître?
- L'amour inspire-t-il ce rare empressement
- De voir régner un frère aux dépens d'un amant? 1380
-
- IRÈNE.
-
- Il m'inspire à regret la peur de votre perte.
- Régnez, je vous l'ai dit, la porte en est ouverte;
- Vous avez du mérite, et je manque d'appas;
- Dédaignez, quittez-moi, mais ne vous perdez pas.
- Pour le salut d'un frère ai-je si peu d'alarmes, 1385
- Qu'il y faille ajouter d'autres sujets de larmes?
- C'est assez que pour vous j'ose en vain soupirer;
- Ne me réduisez point, Seigneur, à vous pleurer.
-
- ASPAR.
-
- Gardez, gardez vos pleurs pour ceux qui sont à plaindre:
- Puisque vous m'aimez tant, je n'ai point lieu de craindre. 1390
- Quelque peine qu'on doive à ma témérité,
- Votre main qui m'attend fera ma sûreté;
- Et contre le courroux le plus inexorable
- Elle me servira d'asile inviolable.
-
- IRÈNE.
-
- Vous la voudrez peut-être, et la voudrez trop tard. 1395
- Ne vous exposez point, Seigneur, à ce hasard;
- Je doute si j'aurois toujours même tendresse,
- Et pourrois[410] de ma main n'être pas la maîtresse.
- Je vous parle sans feindre, et ne sais point railler
- Lorsqu'au salut commun il nous faut travailler. 1400
-
- ASPAR.
-
- Et je veux bien aussi vous répondre sans feindre.
- J'ai pour vous un amour à ne jamais s'éteindre,
- Madame; et dans l'orgueil que vous-même approuvez,
- L'amitié de Léon a ses droits conservés;
- Mais ni cette amitié, ni cet amour si tendre, 1405
- Quelques soins, quelque effort qu'il vous en plaise attendre,
- Ne me verront jamais l'esprit persuadé
- Que je doive obéir à qui j'ai commandé,
- A qui, si j'en puis croire un cœur qui vous adore,
- J'aurai droit, et longtemps, de commander encore. 1410
- Ma gloire, qui s'oppose à cet abaissement,
- Trouve en tous mes égaux le même sentiment.
- Ils ont fait la princesse arbitre de l'empire:
- Qu'elle épouse Léon, tous sont prêts d'y souscrire;
- Mais je ne réponds pas d'un long respect en tous, 1415
- A moins qu'il associe aussitôt l'un de nous.
- La chose est peu nouvelle, et je ne vous propose
- Que ce que l'on a fait pour le grand Théodose[411].
- C'est par là que l'empire est tombé dans ce sang
- Si fier de sa naissance et si jaloux du rang. 1420
- Songez sur cet exemple à vous rendre justice,
- A me faire empereur pour être impératrice:
- Vous avez du pouvoir, Madame; usez-en bien,
- Et pour votre intérêt attachez-vous au mien.
-
- IRÈNE.
-
- Léon dispose-t-il du cœur de la princesse? 1425
- C'est un cœur fier et grand: le partage la blesse;
- Elle veut tout ou rien; et dans ce haut pouvoir
- Elle éteindra l'amour plutôt que d'en déchoir.
- Près d'elle avec le temps nous pourrons davantage:
- Ne pressons point, Seigneur, un si juste partage. 1430
-
- ASPAR.
-
- Vous le voudrez peut-être, et le voudrez trop tard:
- Ne laissez point longtemps nos destins au hasard.
- J'attends de votre amour cette preuve nouvelle.
- Adieu, Madame.
-
- IRÈNE.
-
- Adieu. L'ambition est belle;
- Mais vous n'êtes, Seigneur, avec ce sentiment, 1435
- Ni véritable ami, ni véritable amant.
-
-
-FIN DU QUATRIÈME ACTE.
-
- [404] Dans l'édition de 1692: «Voilà ce que je sais.»
-
- [405] Thomas Corneille (1692) a remplacé _en vain_ par
- _enfin_.
-
- [406] Cet hémistiche se trouve dans _Polyeucte_. Voyez
- tome III, p. 501, vers 323.
-
- [407] On lit: «Qu'ainsi _de_ lui,» dans les deux
- éditions de 1673 et de 1682.
-
- [408] Théodose le Grand et Arcadius.
-
- [409] L'édition de 1682 porte par erreur _Quand_, pour
- _Que_.
-
- [410] On lit: «Je pourrois,» pour «Et pourrois,» dans
- l'édition de 1692.
-
- [411] Après la mort de Valens, Gratien proposa à
- Théodose de partager l'empire et le proclama empereur d'Orient.
-
-
-
-
-ACTE V.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-PULCHÉRIE, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Justine, plus j'y pense, et plus je m'inquiète:
- Je crains de n'avoir plus une amour si parfaite,
- Et que si de Léon on me fait un époux,
- Un bien si désiré ne me soit plus si doux. 1440
- Je ne sais si le rang m'auroit fait changer d'âme;
- Mais je tremble à penser que je serois sa femme,
- Et qu'on n'épouse point l'amant le plus chéri,
- Qu'on ne se fasse un maître aussitôt qu'un mari.
- J'aimerois à régner avec l'indépendance 1445
- Que des vrais souverains s'assure la prudence;
- Je voudrois que le ciel inspirât au sénat
- De me laisser moi seule à gouverner l'État,
- De m'épargner ce maître, et vois d'un œil d'envie[412]
- Toujours Sémiramis, et toujours Zénobie. 1450
- On triompha de l'une; et pour Sémiramis,
- Elle usurpa le nom et l'habit de son fils;
- Et sous l'obscurité d'une longue tutelle,
- Cet habit et ce nom régnoient tous deux plus qu'elle.
- Mais mon cœur de leur sort n'en est pas moins jaloux: 1455
- C'étoit régner enfin, et régner sans époux.
- Le triomphe n'en fait qu'affermir la mémoire;
- Et le déguisement n'en détruit point la gloire.
-
- JUSTINE.
-
- Que les choses bientôt prendroient un autre tour
- Si le sénat prenoit le parti de l'amour! 1460
- Que bientôt.... Mais je vois Aspar avec mon père.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Sachons d'eux quel destin le ciel vient de me faire.
-
-
-SCÈNE II.
-
-MARTIAN, ASPAR, PULCHÉRIE, JUSTINE.
-
- MARTIAN.
-
- Madame, le sénat nous députe tous deux
- Pour vous jurer encor qu'il suivra tous vos vœux.
- Après qu'entre vos mains il a remis l'empire, 1465
- C'est faire un attentat que de vous rien prescrire;
- Et son respect vous prie une seconde fois
- De lui donner vous seule un maître à votre choix.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Il pouvoit le choisir.
-
- MARTIAN.
-
- Il s'en défend l'audace,
- Madame; et sur ce point il vous demande grâce. 1470
-
- PULCHÉRIE.
-
- Pourquoi donc m'en fait-il une nécessité?
-
- MARTIAN.
-
- Pour donner plus de force à votre autorité.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Son zèle est grand pour elle: il faut le satisfaire.
- Et lui mieux obéir qu'il n'a daigné me plaire.
- Sexe, ton sort en moi ne peut se démentir: 1475
- Pour être souveraine il faut m'assujettir,
- En[413] montant sur le trône entrer dans l'esclavage,
- Et recevoir des lois de qui me rend hommage.
- Allez, dans quelques jours je vous ferai savoir
- Le choix que par son ordre aura fait mon devoir. 1480
-
- ASPAR.
-
- Il tiendroit à faveur et bien haute et bien rare
- De le savoir, Madame, avant qu'il se sépare.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Quoi? pas un seul moment pour en délibérer.
- Mais je ferois un crime à le plus différer;
- Il vaut mieux, pour essai de ma toute-puissance, 1485
- Montrer un digne effet de pleine obéissance.
- Retirez-vous, Aspar: vous aurez votre tour.
-
-
-SCÈNE III.
-
-PULCHÉRIE, MARTIAN, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- On m'a dit que pour moi vous aviez de l'amour,
- Seigneur; seroit-il vrai?
-
- MARTIAN.
-
- Qui vous l'a dit, Madame?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Vos services, mes yeux, le trouble de votre âme, 1490
- L'exil que mon hymen vous devoit imposer:
- Sont-ce là des témoins, Seigneur, à récuser?
-
- MARTIAN.
-
- C'est donc à moi, Madame, à confesser mon crime.
- L'amour naît aisément du zèle et de l'estime;
- Et l'assiduité près d'un charmant objet 1495
- N'attend point notre aveu pour faire son effet.
- Il m'est honteux d'aimer; il vous l'est d'être aimée
- D'un homme dont la vie est déjà consumée,
- Qui ne vit qu'à regret depuis qu'il a pu voir
- Jusqu'où ses yeux charmés ont trahi son devoir. 1500
- Mon cœur, qu'un si long âge en mettoit hors d'alarmes,
- S'est vu livré par eux à ces dangereux charmes.
- En vain, Madame, en vain je m'en suis défendu;
- En vain j'ai su me taire après m'être rendu:
- On m'a forcé d'aimer, on me force à le dire. 1505
- Depuis plus de dix ans je languis, je soupire,
- Sans que de tout l'excès d'un si long déplaisir
- Vous ayez pu surprendre une larme, un soupir;
- Mais enfin la langueur qu'on voit sur mon visage
- Est encor plus l'effet de l'amour que de l'âge. 1510
- Il faut faire un heureux, le jour n'en est pas loin:
- Pardonnez à l'horreur d'en être le témoin,
- Si mes maux et ce feu digne de votre haine
- Cherchent dans un exil leur remède, et sa peine.
- Adieu: vivez heureuse; et si tant de jaloux.... 1515
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ne partez pas, Seigneur, je les tromperai tous;
- Et puisque de ce choix aucun ne me dispense,
- Il est fait, et de tel à qui pas un ne pense.
-
- MARTIAN.
-
- Quel qu'il soit, il sera l'arrêt de mon trépas,
- Madame.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Encore un coup, ne vous éloignez pas. 1520
- Seigneur, jusques ici vous m'avez bien servie;
- Vos lumières ont fait tout l'éclat de ma vie;
- La vôtre s'est usée à me favoriser:
- Il faut encor plus faire, il faut....
-
- MARTIAN.
-
- Quoi?
-
- PULCHÉRIE.
-
- M'épouser.
-
- MARTIAN.
-
- Moi, Madame?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Oui, Seigneur; c'est le plus grand service
- Que vos soins puissent rendre à votre impératrice.
- Non qu'en m'offrant à vous je réponde à vos feux
- Jusques à souhaiter des fils et des neveux:
- Mon aïeul, dont partout les hauts faits retentissent,
- Voudra bien qu'avec moi ses descendants finissent, 1530
- Que j'en sois la dernière, et ferme dignement
- D'un si grand empereur l'auguste monument.
- Qu'on ne prétende plus que ma gloire s'expose
- A laisser des Césars du sang de Théodose.
- Qu'ai-je affaire de race à me déshonorer, 1535
- Moi qui n'ai que trop vu ce sang dégénérer,
- Et que s'il est fécond en illustres princesses,
- Dans les princes qu'il forme il n'a que des foiblesses?
- Ce n'est pas que Léon, choisi pour souverain,
- Pour me rendre à mon rang n'eût obtenu ma main.
- Mon amour, à ce prix, se fût rendu justice;
- Mais puisqu'on m'a sans lui nommée impératrice,
- Je dois à ce haut rang d'assez nobles projets
- Pour n'admettre en mon lit aucun de mes sujets.
- Je ne veux plus d'époux, mais il m'en faut une ombre,
- Qui des Césars pour moi puisse grossir le nombre;
- Un mari qui content d'être au-dessus des rois,
- Me donne ses clartés, et dispense mes lois;
- Qui n'étant en effet que mon premier ministre,
- Pare ce que sous moi l'on craindroit de sinistre, 1550
- Et pour tenir en bride un peuple sans raison,
- Paroisse mon époux, et n'en ait que le nom.
- Vous m'entendez, Seigneur, et c'est assez vous dire.
- Prêtez-moi votre main[414], je vous donne l'empire:
- Éblouissons le peuple, et vivons entre nous 1555
- Comme s'il n'étoit point d'épouses ni d'époux.
- Si ce n'est posséder l'objet de votre[415] flamme,
- C'est vous rendre du moins le maître de son âme,
- L'ôter à vos rivaux, vous mettre au-dessus d'eux,
- Et de tous mes amants vous voir le plus heureux. 1560
-
- MARTIAN.
-
- Madame....
-
- PULCHÉRIE.
-
- A vos hauts faits je dois ce grand salaire;
- Et j'acquitte envers vous et l'État et mon frère.
-
- MARTIAN.
-
- Auroit-on jamais cru, Madame...?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Allez, Seigneur,
- Allez en plein sénat faire voir l'Empereur.
- Il demeure assemblé pour recevoir son maître: 1565
- Allez-y de ma part vous faire reconnoître;
- Ou si votre souhait ne répond pas au mien,
- Faites grâce à mon sexe, et ne m'en dites rien.
-
- MARTIAN.
-
- Souffrez qu'à vos genoux, Madame....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Allez, vous dis-je:
- Je m'oblige encor plus que je ne vous oblige; 1570
- Et mon cœur qui vous vient d'ouvrir ses sentiments,
- N'en veut ni de refus ni de remercîments.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-PULCHÉRIE, ASPAR, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Faites rentrer Aspar[416]. Que faites-vous d'Irène?
- Quand l'épouserez-vous? Ce mot vous fait-il peine?
- Vous ne répondez point?
-
- ASPAR.
-
- Non, Madame, et je doi 1575
- Ce respect aux bontés que vous avez pour moi.
- Qui se tait obéit.
-
- PULCHÉRIE.
-
- J'aime assez qu'on s'explique.
- Les silences de cour ont de la politique.
- Sitôt que nous parlons, qui consent applaudit,
- Et c'est en se taisant que l'on nous contredit[417]. 1580
- Le temps m'éclaircira de ce que je soupçonne.
- Cependant j'ai fait choix de l'époux qu'on m'ordonne.
- Léon vous faisoit peine, et j'ai dompté l'amour,
- Pour vous donner un maître admiré dans la cour,
- Adoré dans l'armée, et que de cet empire 1585
- Les plus fermes soutiens feroient gloire d'élire:
- C'est Martian.
-
- ASPAR.
-
- Tout vieil et tout cassé qu'il est!
-
- PULCHÉRIE.
-
- Tout vieil et tout cassé, je l'épouse; il me plaît.
- J'ai mes raisons. Au reste, il a besoin d'un gendre
- Qui partage avec lui les soins qu'il lui faut prendre, 1590
- Qui soutienne des ans penchés dans[418] le tombeau,
- Et qui porte sous lui la moitié du fardeau.
- Qui jugeriez-vous propre à remplir cette place?
- Une seconde fois vous paroissez de glace!
-
- ASPAR.
-
- Madame, Aréobinde et Procope tous deux 1595
- Ont engagé leur cœur et formé d'autres vœux:
- Sans cela je dirois....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Et sans cela moi-même
- J'élèverois Aspar à cet honneur suprême;
- Mais quand il seroit homme à pouvoir aisément
- Renoncer aux douceurs de son attachement, 1600
- Justine n'auroit pas une âme assez hardie
- Pour accepter un cœur noirci de perfidie,
- Et vous regarderoit comme un volage esprit
- Toujours prêt à donner où la fortune rit.
- N'en savez-vous aucun de qui l'ardeur fidèle.... 1605
-
- ASPAR.
-
- Madame, vos bontés choisiront mieux pour elle;
- Comme pour Martian elles nous ont surpris,
- Elles sauront encor surprendre nos esprits.
- Je vous laisse en résoudre.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Allez; et pour Irène,
- Si vous ne sentez rien en l'âme qui vous gêne, 1610
- Ne faites plus douter de vos longues amours,
- Ou je dispose d'elle avant qu'il soit deux jours.
-
-
-SCÈNE V.
-
-PULCHÉRIE, JUSTINE.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ce n'est pas encor tout, Justine: je veux faire
- Le malheureux Léon successeur de ton père.
- Y contribueras-tu? prêteras-tu la main 1615
- Au glorieux succès d'un si noble dessein?
-
- JUSTINE.
-
- Et la main et le cœur sont en votre puissance,
- Madame: doutez-vous de mon obéissance,
- Après que par votre ordre il m'a déjà coûté
- Un conseil contre vous qui doit l'avoir flatté? 1620
-
- PULCHÉRIE.
-
- Achevons: le voici. Je réponds de ton père;
- Son cœur est trop à moi pour nous être contraire.
-
-
-SCÈNE VI.
-
-PULCHÉRIE, LÉON, JUSTINE.
-
- LÉON.
-
- Je me le disois bien, que vos nouveaux serments,
- Madame, ne seroient que des amusements.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Vous commencez d'un air....
-
- LÉON.
-
- J'achèverai de même, 1625
- Ingrate! ce n'est plus ce Léon qui vous aime;
- Non, ce n'est plus....
-
- PULCHÉRIE.
-
- Sachez....
-
- LÉON.
-
- Je ne veux rien savoir,
- Et je n'apporte ici ni respect ni devoir.
- L'impétueuse ardeur d'une rage inquiète
- N'y vient que mériter la mort que je souhaite; 1630
- Et les emportements de ma juste fureur
- Ne m'y parlent de vous que pour m'en faire horreur.
- Oui, comme Pulchérie et comme impératrice,
- Vous n'avez eu pour moi que détour, qu'injustice:
- Si vos fausses bontés ont su me décevoir, 1635
- Vos serments m'ont réduit au dernier désespoir.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Ah! Léon.
-
- LÉON.
-
- Par quel art, que je ne puis comprendre,
- Forcez-vous d'un soupir ma fureur à se rendre?
- Un coup d'œil en triomphe; et dès que je vous voi,
- Il ne me souvient plus de vos manques de foi. 1640
- Ma bouche se refuse à vous nommer parjure,
- Ma douleur se défend jusqu'au moindre murmure;
- Et l'affreux désespoir qui m'amène en ces lieux
- Cède au plaisir secret d'y mourir à vos yeux.
- J'y vais mourir, Madame, et d'amour, non de rage:
- De mon dernier soupir recevez l'humble hommage[419];
- Et si de votre rang la fierté le permet,
- Recevez-le, de grâce, avec quelque regret.
- Jamais fidèle ardeur n'approcha de ma flamme,
- Jamais frivole espoir ne flatta mieux une âme. 1650
- Je ne méritois pas qu'il eût aucun effet,
- Ni qu'un amour si pur se vît mieux satisfait.
- Mais quand vous m'avez dit: «Quelque ordre qu'on me donne,
- Nul autre ne sera maître de ma personne,»
- J'ai dû me le promettre; et toutefois, hélas! 1655
- Vous passez dès demain, Madame, en d'autres bras;
- Et dès ce même jour, vous perdez la mémoire
- De ce que vos bontés me commandoient de croire!
-
- PULCHÉRIE.
-
- Non, je ne la perds pas, et sais ce que je doi.
- Prenez des sentiments qui soient dignes de moi, 1660
- Et ne m'accusez point de manquer de parole,
- Quand pour vous la tenir moi-même je m'immole.
-
- LÉON.
-
- Quoi? vous n'épousez pas Martian dès demain?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Savez-vous à quel prix je lui donne la main?
-
- LÉON.
-
- Que m'importe à quel prix un tel bonheur s'achète? 1665
-
- PULCHÉRIE.
-
- Sortez, sortez du trouble où votre erreur vous jette,
- Et sachez qu'avec moi ce grand titre d'époux
- N'a point de privilége à vous rendre jaloux;
- Que sous l'illusion de ce faux hyménée,
- Je fais vœu de mourir telle que je suis née; 1670
- Que Martian reçoit et ma main et ma foi
- Pour me conserver toute, et tout l'empire à moi;
- Et que tout le pouvoir que cette foi lui donne
- Ne le fera jamais maître de ma personne.
- Est-ce tenir parole? et reconnoissez-vous 1675
- A quel point je vous sers quand j'en fais mon époux?
- C'est pour vous qu'en ses mains je dépose l'empire;
- C'est pour vous le garder qu'il me plaît de l'élire[420].
- Rendez-vous, comme lui, digne de ce dépôt,
- Que son âge penchant vous remettra bientôt; 1680
- Suivez-le pas à pas; et marchant dans sa route,
- Mettez ce premier rang après lui hors de doute.
- Étudiez sous lui ce grand art de régner,
- Que tout autre auroit peine à vous mieux enseigner;
- Et pour vous assurer ce que j'en veux attendre, 1685
- Attachez-vous au trône, et faites-vous son gendre:
- Je vous donne Justine.
-
- LÉON.
-
- A moi, Madame!
-
- PULCHÉRIE.
-
- A vous,
- Que je m'étois promis moi-même pour époux.
-
- LÉON.
-
- Ce n'est donc pas assez de vous avoir perdue,
- De voir en d'autres mains la main qui m'étoit due, 1690
- Il faut aimer ailleurs!
-
- PULCHÉRIE.
-
- Il faut être empereur,
- Et le sceptre à la main, justifier mon cœur;
- Montrer à l'univers, dans le héros que j'aime,
- Tout ce qui rend un front digne du diadème;
- Vous mettre, à mon exemple, au-dessus de l'amour,
- Et par mon ordre enfin régner à votre tour.
- Justine a du mérite, elle est jeune, elle est belle:
- Tous vos rivaux pour moi le vont être pour elle;
- Et l'empire pour dot est un trait si charmant,
- Que je ne vous en puis répondre qu'un moment. 1700
-
- LÉON.
-
- Oui, Madame, après vous elle est incomparable:
- Elle est de votre cœur la plus considérable;
- Elle a des qualités à se faire adorer,
- Mais, hélas! jusqu'à vous j'avois droit d'aspirer.
- Voulez-vous qu'à vos yeux je trompe un tel mérite, 1705
- Que sans amour pour elle à m'aimer je l'invite,
- Qu'en vous laissant mon cœur je demande le sien,
- Et lui promette tout pour ne lui donner rien?
-
- PULCHÉRIE.
-
- Et ne savez-vous pas qu'il est des hyménées
- Que font sans nous au ciel les belles destinées? 1710
- Quand il veut que l'effet en éclate ici-bas,
- Lui-même il nous entraîne où nous ne pensions pas;
- Et dès qu'il les résout, il sait trouver la voie
- De nous faire accepter ses ordres avec joie.
-
- LÉON.
-
- Mais ne vous aimer plus! vous voler tous mes vœux!
-
- PULCHÉRIE.
-
- Aimez-moi, j'y consens; je dis plus, je le veux,
- Mais comme impératrice, et non plus comme amante:
- Que la passion cesse, et que le zèle augmente.
- Justine, qui m'écoute, agréera bien, Seigneur,
- Que je conserve ainsi ma part en votre cœur. 1720
- Je connois tout le sien. Rendez-vous plus traitable,
- Pour apprendre à l'aimer autant qu'elle est aimable;
- Et laissez-vous conduire à qui sait mieux que vous
- Les chemins de vous faire un sort illustre et doux.
- Croyez-en votre amante et votre impératrice: 1725
- L'une aime vos vertus, l'autre leur rend justice;
- Et sur Justine et vous je dois pouvoir assez
- Pour vous dire à tous deux: «Je parle, obéissez.»
-
- LÉON[421].
-
- J'obéis donc, Madame, à cet ordre suprême,
- Pour vous offrir un cœur qui n'est pas à lui-même; 1730
- Mais enfin je ne sais quand je pourrai donner
- Ce que je ne puis même offrir sans le gêner;
- Et cette offre d'un cœur entre les mains d'une autre[422]
- Ne peut faire un amour qui mérite le vôtre.
-
- JUSTINE.
-
- Il est assez à moi, dans de si bonnes mains, 1735
- Pour n'en point redouter de vrais et longs dédains;
- Et je vous répondrois d'une amitié sincère,
- Si j'en avois l'aveu de l'Empereur mon père.
- Le temps fait tout, Seigneur.
-
-
-SCÈNE VII.
-
-PULCHÉRIE, MARTIAN, LÉON, JUSTINE.
-
- MARTIAN.
-
- D'une commune voix,
- Madame, le sénat accepte votre choix. 1740
- A vos bontés pour moi son allégresse unie
- Soupire après le jour de la cérémonie;
- Et le serment prêté, pour n'en retarder rien,
- A votre auguste nom vient de mêler le mien.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Cependant j'ai sans vous disposé de Justine, 1745
- Seigneur, et c'est Léon à qui je la destine.
-
- MARTIAN.
-
- Pourrois-je lui choisir un plus illustre époux
- Que celui que l'amour avoit choisi pour vous?
- Il peut prendre après vous tout pouvoir dans l'empire,
- S'y faire des emplois où l'univers l'admire, 1750
- Afin que par votre ordre et les conseils d'Aspar
- Nous l'installions au trône et le nommions César.
-
- PULCHÉRIE.
-
- Allons tout préparer pour ce double hyménée,
- En ordonner la pompe, en choisir la journée.
- D'Irène avec Aspar j'en voudrois faire autant; 1755
- Mais j'ai donné deux jours à cet esprit flottant,
- Et laisse jusque-là ma faveur incertaine,
- Pour régler son destin sur le destin d'Irène.
-
-
-FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
-
- [412] L'édition de 1692 porte, par erreur: «et _voir_
- d'un œil d'envie.»
-
- [413] On lit _Et_, pour _En_, dans l'édition de 1682.
-
- [414] Cette expression a été blâmée par Boubours
- (_Remarques nouvelles sur la langue françoise_, 1675, in-4º, p.
- 385). Non-seulement Ménage en fait l'éloge, mais il ajoute: «J'ai
- ouï dire plus d'une fois à M. Corneille que ce vers:
-
- Prêtez-moi votre main, je vous donne l'empire,
-
- étoit un des plus beaux qu'il eût jamais faits.» (_Observations de
- M. Ménage sur la langue françoise. Segonde partie_, 1676, in-12,
- p. 149.) Voyez le _Lexique_.
-
- [415] L'édition de 1682 a la leçon impossible: _notre_,
- pour _votre_.
-
- [416] Cet hémistiche termine la scène III dans l'édition
- de 1692, ainsi que dans celle de Voltaire (1764), qui donne
- _entrer_, pour _rentrer_.
-
- [417] «On ne manque jamais à leur applaudir (_aux rois_)
- quand on entre dans leurs sentiments; et le seul moyen de leur
- contredire avec le respect qui leur est dû, c'est de se taire.»
- (_Examen_ du _Cid_, tome III, p. 93.)
-
- [418] Tel est le texte de l'édition de 1682 et de celles
- de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764). L'impression
- originale (1673) donne seule: «penchés vers le tombeau.»
-
- [419] Comparez à ce vers le vers 430 de _Polyeucte_:
-
- De son dernier soupir puisse lui faire hommage!
-
- [420] Voyez ci-dessus, p. 377, et la note 367 de la p.
- 378.
-
- [421] On lit dans l'édition de 1692 et dans celle de
- Voltaire (1764): LÉON, _à Justine_.
-
- [422] _D'une autre_ est la leçon de Thomas Corneille et
- de Voltaire. Les éditions antérieures (1673 et 1682) ont _d'un
- autre_. Voyez tome 1, p. 228, note 3-_a_.
-
-
-
-
- SURÉNA
-
- GÉNÉRAL DES PARTHES
-
- TRAGÉDIE
-
- 1674
-
-
-
-
-NOTICE.
-
-
-«Monsieur Corneille, dit Jolly[423], avoit en vue deux sujets de
-tragédie lorsqu'il s'arrêta à celui-ci: le premier étoit
-Usanguey, prince chinois dont les historiens font de grands
-éloges[424], et le second, tiré de Tacite[425], étoit le fameux
-Gaulois nommé Antonius Primus, lequel avoit contribué plus que
-personne à mettre Vespasian sur le trône, et dont les services
-furent mal reconnus. Ce nom lui paroissant peu propre à entrer
-dans un vers, il préféra celui de Suréna, dont l'histoire
-lui fournissoit les mêmes circonstances, et le caractère d'un
-héros qui n'avoit point encore paru sur la scène.»
-
-Il est fort curieux que Corneille ait ainsi songé, ne fût-ce
-qu'un instant, à transporter la scène d'une de ses tragédies dans
-un pays alors si mal connu, qu'il fallut encore en 1755 beaucoup
-de hardiesse à Voltaire pour oser faire représenter son _Orphelin
-de la Chine_.
-
-Nous ne pouvons, du reste, contrôler le témoignage de Jolly par
-aucun autre. Privé pour cette époque du secours que nous ont
-fourni précédemment la _Gazette_ de Loret et les _Lettres en
-vers_ de Robinet, nous avons fort peu de détails sur tout ce qui
-concerne la tragédie de _Suréna_, et nous ignorons par quels
-acteurs cette pièce fut représentée.
-
-«La tragédie de _Suréna_, dit Voltaire dans sa préface, fut jouée
-les derniers jours de 1674 et les premiers de 1675.» Les frères
-Parfait en placent l'analyse à la fin de l'année 1674, sans
-marquer ni le jour ni le mois de la première représentation. Elle
-est fixée au mardi 11 décembre dans le _Journal du Théâtre
-françois_[426], auquel nous n'avons guère recours qu'à défaut
-d'autre document, mais dont l'indication concorde en cette
-circonstance avec le passage suivant d'une lettre écrite par
-Bayle à M. Minutoli à Rouen, en date du 15 décembre 1674[427]:
-«On joue à l'hôtel de Bourgogne une nouvelle pièce de M.
-Corneille l'aîné, dont j'ai oublié le nom, qui fait, à la vérité,
-du bruit, mais pas eu égard au renom de l'auteur. Aussi dit-on
-que M. de Montausier lui dit en raillant: «Monsieur Corneille,
-j'ai vu le temps que je faisois d'assez bons vers; mais, ma foi,
-depuis que je suis vieux, je ne fais rien qui vaille. Il faut
-laisser cela pour les jeunes gens.»
-
-Que M. de Montausier ait parfois traité certains poëtes amateurs
-comme Alceste, dont il avait, dit-on, fourni le modèle, traite
-Oronte dans _le Misanthrope_, on le comprend, et l'on n'a pas
-le courage de lui en vouloir; mais on aime à douter qu'il
-ait adressé des paroles aussi dures à un homme de génie qui
-n'avait qu'un seul tort, bien respectable: celui de vieillir.
-
-Le titre exact de la pièce est: SURENA, GÉNÉRAL DES PARTHES,
-tragedie. _A Paris, chez Guillaume de Luyne_.... M.DC.LXXV. _Avec
-Privilege du Roy_. L'Achevé d'imprimer est du 2 janvier 1675. Le
-volume, de format in-12, se compose de 2 feuillets et 72 pages.
-
- [423] _Avertissement_ du _Théâtre de P. Corneille_, p.
- LXXI.
-
- [424] Voyez l'histoire de la Chine, par le P. du Halde,
- jésuite. (_Note de Jolly._)--L'ouvrage de du Halde n'a été
- indiqué dans cette note qu'à titre de renseignement et non comme
- la source à laquelle Corneille aurait puisé; son histoire ou
- plutôt sa _Description géographique, historique, etc., de
- l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise_, n'a paru qu'en
- 1735. Il y est question en divers endroits, aux tomes I et III,
- d'Usangey (_Ou san guey_), ce fameux général chinois qui ayant
- introduit les Tartares dans la Chine pour exterminer les
- rebelles, et contribué, sans le vouloir, à la conquête qu'ils en
- firent, forma le projet de délivrer sa patrie du joug tartare.
- (Tome III, p. 113.) Il mourut accablé de vieillesse, après avoir
- reçu la dignité de roi et le titre de _Ping si_, «pacificateur
- d'Occident.» (Tome I, p. 467 et 476.) Le livre où Corneille avait
- pris ce sujet chinois est sans doute celui du missionnaire
- jésuite Martin Martini, qui fut publié à Rome en 1654, sous ce
- titre: _De Bello Tartarico in Sinis_ (in-12), qui fut traduit,
- dès cette même année 1654, et en italien, et en français (sous ce
- titre: _Histoire de la guerre des Tartares contre la Chine,
- traduite du latin du P. Martini_), puis de nouveau en français
- par le P. Semedo, à la suite de l'_Histoire de la Chine_ (Lyon,
- 1667 in-4º).
-
- [425] _Histoires_, livres II, III et IV.
-
- [426] Tome III, feuillet 1329 recto.
-
- [427] _Lettres de M. Bayle_, publiées sur les originaux
- par des Maizeaux, Amsterdam, 1729, tome I, p. 61 et 62.
-
-
-
-
-AU LECTEUR.
-
-
-Le sujet de cette tragédie est tiré de Plutarque et d'Appian
-Alexandrin[428]. Ils disent tous deux que Suréna[429] étoit le
-plus noble, le plus riche, le mieux fait, et le plus vaillant des
-Parthes[430]. Avec ces qualités, il ne pouvoit manquer d'être un
-des premiers hommes de son siècle; et si je ne m'abuse, la
-peinture que j'en ai faite ne l'a point rendu méconnoissable:
-vous en jugerez.
-
- [428] Voyez la _Vie de Crassus_ de Plutarque. Quant à
- Appien, s'il a réellement écrit l'histoire de la guerre des
- Parthes, comme il promet de le faire au chapitre XVIII du livre
- II de ses _Guerres civiles_, où il mentionne en deux mots la
- défaite et la mort de Crassus, cette partie de son ouvrage n'est
- point parvenue jusqu'à nous. Le livre de la _Guerre des Parthes_
- qu'on a mis sous son nom est tout simplement un extrait des _Vies
- de Crassus_ et _d'Antoine_, de Plutarque.
-
- [429] Voltaire reproche à Corneille de s'être mépris:
- «Suréna, dit-il, n'est point un nom propre; c'est un titre
- d'honneur, un nom de dignité.» Cette critique ne fait que
- reproduire l'opinion adoptée par tous les modernes sur la foi de
- Zosime; mais cette opinion est une erreur. Saint-Martin, dans ses
- notes sur l'_Histoire du bas empire_ de le Beau (tome III, p.
- 79), a prouvé, par le témoignage des auteurs arméniens, que
- Suréna était bien un nom propre.
-
- [430] «Surena n'estoit point homme de basse ou petite
- qualité, ains le second des Parthes après le Roy, tant en
- noblesse qu'en richesse et en reputation; mais en vaillance,
- suffisance et experience au fait des armes, le premier personnage
- qui fust de son temps entre les Parthes, et au demourant en
- grandeur et beaulté de corps ne cedant a nul autre.» (Plutarque,
- _Vie de Crassus_, chapitre XXI, traduction d'Amyot.)--Un peu plus
- loin, dans le même chapitre, Plutarque dit que Suréna n'avait pas
- encore trente ans.
-
-
-
-
-LISTE DES ÉDITIONS QUI ONT ÉTÉ COLLATIONNÉES POUR LES VARIANTES
-DE _SURÉNA_.
-
-
- ÉDITION SÉPARÉE.
-
- 1675 in-12.
-
- RECUEIL.
-
- 1682 in-12.
-
-
-
-
-ACTEURS.
-
-
- ORODE, roi des Parthes[431].
- PACORUS, fils d'Orode[432].
- SURÉNA, lieutenant d'Orode, et général de son armée contre
- Crassus[433].
- SILLACE, autre lieutenant d'Orode[434].
- EURYDICE, fille d'Artabase, roi d'Arménie[435].
- PALMIS, sœur de Suréna.
- ORMÈNE, dame d'honneur d'Eurydice.
-
-La scène est à Séleucie, sur l'Euphrate[436].
-
- [431] Ce roi, que Plutarque nomme Hyrodes (_Vie de
- Crassus_, chapitre XXI), est appelé Orodes par Appien (_Guerres
- de Syrie_, chapitre LI), et par la plupart des auteurs, et cette
- dernière forme a prévalu. Il était fils de Phraate III et mourut
- l'an 36 avant Jésus-Christ. Voyez ci-après, p. 498, note 466, et p.
- 530, note 488.
-
- [432] Pacorus, fils aîné d'Orode, contribua à la
- victoire de Carrhes (en Mésopotamie), remportée sur Crassus l'an
- 53 avant Jésus-Christ. Défait en l'an 38 par Ventidius, il périt
- dans la bataille.
-
- [433] Voyez ci-dessus, p. 460, notes 429 et 430.
-
- [434] Dans le récit de Plutarque, c'est Sillace qui
- apporte la tête de Crassus et la jette aux pieds du roi Orode, au
- milieu d'une représentation des _Bacchantes_ d'Euripide. Voyez la
- _Vie de Crassus_, chapitre XXXIII. Plus haut, au chapitre XXI,
- Sillace est nommé avec Suréna, comme un des généraux des
- Parthes.
-
- [435] Personnage d'invention. Dans l'histoire ce n'est
- pas la fille, mais la sœur d'Artabase (successivement _Artabaze_
- et _Artavasde_ dans Plutarque) qui est fiancée à Pacorus, et elle
- n'est point nommée: voyez Plutarque, _Vie de Crassus_, chapitre
- XXXIII. Peut-être Corneille a-t-il pris l'idée de ce changement
- dans une indication marginale fautive de l'Appien de Tollius
- (Amsterdam, 1670), où l'on lit _Artabazis filia_ (au lieu de
- _soror_) _Pacoro desponsata_. Quant aux deux derniers
- personnages, ils n'ont rien d'historique.
-
- [436] «(_Suréna_) auoit remis le Roy Hyrodes.... en son
- royaume, duquel il auoit esté dechassé, et luy auoit conquis la
- grande cité de Seleucie.» (Plutarque, _Vie de Crassus_, chapitre
- XXI, traduction d'Amyot.)--Séleucie était située dans la
- Babylonie, sur un canal qui joignait le Tigre à l'Euphrate.
-
-
-
-
-SURÉNA,
-
-GÉNÉRAL DES PARTHES.
-
-TRAGÉDIE.
-
-
-
-
-ACTE I.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-EURYDICE, ORMÈNE.
-
- EURYDICE.
-
- Ne me parle plus tant de joie et d'hyménée;
- Tu ne sais pas les maux où je suis condamnée,
- Ormène: c'est ici que doit s'exécuter
- Ce traité qu'à deux rois il a plu d'arrêter;
- Et l'on a préféré cette superbe ville, 5
- Ces murs de Séleucie, aux murs d'Hécatompyle[437].
- La Reine et la princesse en quittent le séjour,
- Pour rendre en ces beaux lieux tout son lustre à la cour.
- Le Roi les mande exprès, le prince n'attend qu'elles;
- Et jamais ces climats n'ont vu pompes si belles. 10
- Mais que servent pour moi tous ces préparatifs,
- Si mon cœur est esclave et tous ses vœux captifs,
- Si de tous ces efforts de publique allégresse
- Il se fait des sujets de trouble et de tristesse?
- J'aime ailleurs.
-
- ORMÈNE.
-
- Vous, Madame?
-
- EURYDICE.
-
- Ormène, je l'ai tu 15
- Tant que j'ai pu me rendre à toute ma vertu.
- N'espérant jamais voir l'amant qui m'a charmée,
- Ma flamme dans mon cœur se tenoit renfermée:
- L'absence et la raison sembloient la dissiper;
- Le manque d'espoir même aidoit à me tromper. 20
- Je crus ce cœur tranquille, et mon devoir sévère
- Le préparoit sans peine aux lois du Roi mon père,
- Au choix qui lui plairoit. Mais, ô Dieux! quel tourment,
- S'il faut prendre un époux aux yeux de cet amant!
-
- ORMÈNE.
-
- Aux yeux de votre amant!
-
- EURYDICE.
-
- Il est temps de te dire 25
- Et quel malheur m'accable, et pour qui je soupire.
- Le mal qui s'évapore en devient plus léger,
- Et le mien avec toi cherche à se soulager.
- Quand l'avare Crassus[438], chef des troupes romaines,
- Entreprit de dompter les Parthes dans leurs plaines, 30
- Tu sais que de mon père il brigua le secours;
- Qu'Orode en fit autant au bout de quelques jours;
- Que pour ambassadeur il prit ce héros même,
- Qui l'avoit su venger et rendre au diadème[439].
-
- ORMÈNE.
-
- Oui, je vis Suréna vous parler pour son roi, 35
- Et Cassius[440] pour Rome avoir le même emploi[441].
- Je vis de ces États l'orgueilleuse puissance
- D'Artabase à l'envi mendier l'assistance,
- Ces deux grands intérêts partager votre cour,
- Et des ambassadeurs prolonger le séjour. 40
-
- EURYDICE.
-
- Tous deux, ainsi qu'au Roi, me rendirent visite,
- Et j'en connus bientôt le différent mérite.
- L'un, fier et tout gonflé d'un vieux mépris des rois,
- Sembloit pour compliment nous apporter des lois;
- L'autre, par les devoirs d'un respect légitime, 45
- Vengeoit le sceptre en nous de ce manque d'estime.
- L'amour s'en mêla même; et tout son entretien
- Sembla m'offrir son cœur, et demander le mien.
- Il l'obtint; et mes yeux, que charmoit sa présence,
- Soudain avec les siens en firent confidence. 50
- Ces muets truchements surent lui révéler
- Ce que je me forçois à lui dissimuler;
- Et les mêmes regards qui m'expliquoient sa flamme
- S'instruisoient dans les miens du secret de mon âme.
- Ses vœux y rencontroient d'aussi tendres désirs: 55
- Un accord imprévu confondoit nos soupirs,
- Et d'un mot échappé la douceur hasardée
- Trouvoit l'âme en tous deux toute persuadée.
-
- ORMÈNE.
-
- Cependant est-il roi, Madame?
-
- EURYDICE.
-
- Il ne l'est pas;
- Mais il sait rétablir les rois dans leurs États. 60
- Des Parthes le mieux fait d'esprit et de visage,
- Le plus puissant en biens, le plus grand en courage.
- Le plus noble[442]: joins-y l'amour qu'il a pour moi;
- Et tout cela vaut bien un roi qui n'est que roi.
- Ne t'effarouche point d'un feu dont je fais gloire, 65
- Et souffre de mes maux que j'achève l'histoire.
- L'amour, sous les dehors de la civilité,
- Profita quelque temps des longueurs du traité:
- On ne soupçonna rien des soins d'un si grand homme.
- Mais il fallut choisir entre le Parthe et Rome. 70
- Mon père eut ses raisons en faveur du Romain;
- J'eus les miennes pour l'autre, et parlai même en vain;
- Je fus mal écoutée, et dans ce grand ouvrage
- On ne daigna peser ni compter mon suffrage.
- Nous fûmes donc pour Rome[443]; et Suréna confus 75
- Emporta la douleur d'un indigne refus.
- Il m'en parut ému, mais il sut se contraindre:
- Pour tout ressentiment il ne fit que nous plaindre;
- Et comme tout son cœur me demeura soumis,
- Notre adieu ne fut point un adieu d'ennemis. 80
- Que servit de flatter l'espérance détruite?
- Mon père choisit mal: on l'a vu par la suite.
- Suréna fit périr l'un et l'autre Crassus[444],
- Et sur notre Arménie Orode eut le dessus:
- Il vint dans nos États fondre comme un tonnerre[4]. 85
- Hélas! j'avois prévu les maux de cette guerre,
- Et n'avois pas compté parmi ses noirs succès
- Le funeste bonheur que me gardoit la paix.
- Les deux rois l'ont conclue[445], et j'en suis la victime:
- On m'amène épouser un prince magnanime; 90
- Car son mérite enfin ne m'est point inconnu,
- Et se feroit aimer d'un cœur moins prévenu;
- Mais quand ce cœur est pris et la place occupée,
- Des vertus d'un rival en vain l'âme est frappée:
- Tout ce qu'il a d'aimable importune les yeux; 95
- Et plus il est parfait, plus il est odieux.
- Cependant j'obéis, Ormène: je l'épouse,
- Et de plus....
-
- ORMÈNE.
-
- Qu'auriez-vous de plus?
-
- EURYDICE.
-
- Je suis jalouse.
-
- ORMÈNE.
-
- Jalouse! Quoi? pour comble aux maux dont je vous plains....
-
- EURYDICE.
-
- Tu vois ceux que je souffre, apprends ceux que je crains. 100
- Orode fait venir la princesse sa fille;
- Et s'il veut de mon bien enrichir sa famille,
- S'il veut qu'un double hymen honore un même jour,
- Conçois mes déplaisirs: je t'ai dit mon amour.
- C'est bien assez, ô ciel! que le pouvoir suprême 105
- Me livre en d'autres bras aux yeux de ce que j'aime:
- Ne me condamne pas à ce nouvel ennui
- De voir tout ce que j'aime entre les bras d'autrui.
-
- ORMÈNE.
-
- Votre douleur, Madame, est trop ingénieuse.
-
- EURYDICE.
-
- Quand on a commencé de se voir malheureuse, 110
- Rien ne s'offre à nos yeux qui ne fasse trembler:
- La plus fausse apparence a droit de nous troubler;
- Et tout ce qu'on prévoit, tout ce qu'on s'imagine,
- Forme un nouveau poison pour une âme chagrine.
-
- ORMÈNE.
-
- En ces nouveaux poisons trouvez-vous tant d'appas 115
- Qu'il en faille faire un d'un hymen qui n'est pas?
-
- EURYDICE.
-
- La princesse est mandée, elle vient, elle est belle;
- Un vainqueur des Romains n'est que trop digne d'elle.
- S'il la voit, s'il lui parle, et si le Roi le veut....
- J'en dis trop; et déjà tout mon cœur qui s'émeut.... 120
-
- ORMÈNE.
-
- A soulager vos maux appliquez même étude
- Qu'à prendre un vain soupçon pour une certitude:
- Songez par où l'aigreur s'en pourroit adoucir.
-
- EURYDICE.
-
- J'y fais ce que je puis, et n'y puis réussir.
- N'osant voir Suréna, qui règne en ma pensée, 125
- Et qui me croit peut-être une âme intéressée,
- Tu vois quelle amitié j'ai faite avec sa sœur:
- Je crois le voir en elle, et c'est quelque douceur,
- Mais légère, mais foible, et qui me gêne l'âme
- Par l'inutile soin de lui cacher ma flamme. 130
- Elle la sait sans doute, et l'air dont elle agit
- M'en demande un aveu dont mon devoir rougit:
- Ce frère l'aime trop pour s'être caché d'elle.
- N'en use pas de même, et sois-moi plus fidèle;
- Il suffit qu'avec toi j'amuse mon ennui. 135
- Toutefois tu n'as rien à me dire de lui
- Tu ne sais ce qu'il fait, tu ne sais ce qu'il pense.
- Une sœur est plus propre à cette confiance:
- Elle sait s'il m'accuse, ou s'il plaint mon malheur,
- S'il partage ma peine, ou rit de ma douleur, 140
- Si du vol qu'on lui fait il m'estime complice,
- S'il me garde son cœur, ou s'il me rend justice.
- Je la vois: force-la, si tu peux, à parler;
- Force-moi, s'il le faut, à ne lui rien celer.
- L'oserai-je, grands Dieux! ou plutôt le pourrai-je? 145
-
- ORMÈNE.
-
- L'amour, dès qu'il le veut, se fait un privilége;
- Et quand de se forcer ses desirs sont lassés,
- Lui-même à n'en rien taire il s'enhardit assez.
-
-
-SCÈNE II.
-
-EURYDICE, PALMIS, ORMÈNE.
-
- PALMIS.
-
- J'apporte ici, Madame, une heureuse nouvelle:
- Ce soir la Reine arrive.
-
- EURYDICE.
-
- Et Mandane avec elle? 150
-
- PALMIS.
-
- On n'en fait aucun doute.
-
- EURYDICE.
-
- Et Suréna l'attend
- Avec beaucoup de joie et d'un esprit content?
-
- PALMIS.
-
- Avec tout le respect qu'elle a lieu d'en attendre.
-
- EURYDICE.
-
- Rien de plus?
-
- PALMIS.
-
- Qu'a de plus un sujet à lui rendre?
-
- EURYDICE.
-
- Je suis trop curieuse et devrois mieux savoir 155
- Ce qu'aux filles des rois un sujet peut devoir;
- Mais de pareils sujets, sur qui tout l'État roule,
- Se font assez souvent distinguer de la foule;
- Et je sais qu'il en est qui, si j'en puis juger,
- Avec moins de respect savent mieux obliger. 160
-
- PALMIS.
-
- Je n'en sais point, Madame, et ne crois pas mon frère
- Plus savant que sa sœur en un pareil mystère.
-
- EURYDICE.
-
- Passons. Que fait le prince?
-
- PALMIS.
-
- En véritable amant,
- Doutez-vous qu'il ne soit dans le ravissement?
- Et pourroit-il n'avoir qu'une joie imparfaite 165
- Quand il se voit toucher au bonheur qu'il souhaite?
-
- EURYDICE.
-
- Peut-être n'est-ce pas un grand bonheur pour lui,
- Madame; et j'y craindrois quelque sujet d'ennui.
-
- PALMIS.
-
- Et quel ennui pourroit mêler son amertume
- Au doux et plein succès du feu qui le consume? 170
- Quel chagrin a de quoi troubler un tel bonheur?
- Le don de votre main....
-
- EURYDICE.
-
- La main n'est pas le cœur.
-
- PALMIS.
-
- Il est maître du vôtre.
-
- EURYDICE.
-
- Il ne l'est point, Madame;
- Et même je ne sais s'il le sera de l'âme:
- Jugez après cela quel bonheur est le sien. 175
- Mais achevons, de grâce, et ne déguisons rien.
- Savez-vous mon secret?
-
- PALMIS.
-
- Je sais celui d'un frère.
-
- EURYDICE.
-
- Vous savez donc le mien. Fait-il ce qu'il doit faire?
- Me hait-il? et son cœur, justement irrité,
- Me rend-il sans regret ce que j'ai mérité? 180
-
- PALMIS.
-
- Oui, Madame, il vous rend tout ce qu'une grande âme
- Doit au plus grand mérite et de zèle et de flamme.
-
- EURYDICE.
-
- Il m'aimeroit encor?
-
- PALMIS.
-
- C'est peu de dire aimer:
- Il souffre sans murmure; et j'ai beau vous blâmer,
- Lui-même il vous défend, vous excuse sans cesse. 185
- «Elle est fille, et de plus, dit-il, elle est princesse:
- Je sais les droits d'un père, et connois ceux d'un roi;
- Je sais de ses devoirs l'indispensable loi;
- Je sais quel rude joug, dès sa plus tendre enfance,
- Imposent à ses vœux son rang et sa naissance: 190
- Son cœur n'est pas exempt d'aimer ni de haïr[446];
- Mais qu'il aime ou haïsse, il lui faut obéir.
- Elle m'a tout donné ce qui dépendoit d'elle,
- Et ma reconnoissance en doit être éternelle.»
-
- EURYDICE.
-
- Ah! vous redoublez trop, par ce discours charmant, 195
- Ma haine pour le prince et mes feux pour l'amant;
- Finissons-le, Madame; en ce malheur extrême,
- Plus je hais, plus je souffre, et souffre autant que j'aime.
-
- PALMIS.
-
- N'irritons point vos maux, et changeons d'entretien.
- Je sais votre secret, sachez aussi le mien. 200
- Vous n'êtes pas la seule à qui la destinée
- Prépare un long supplice en ce grand hyménée:
- Le prince....
-
- EURYDICE.
-
- Au nom des Dieux, ne me le nommez pas:
- Son nom seul me prépare à plus que le trépas.
-
- PALMIS.
-
- Un tel excès de haine!
-
- EURYDICE.
-
- Elle n'est que trop due 205
- Aux mortelles douleurs dont m'accable sa vue.
-
- PALMIS.
-
- Eh bien! ce prince donc, qu'il vous plaît de haïr,
- Et pour qui votre cœur s'apprête à se trahir,
- Ce prince qui vous aime, il m'aimoit.
-
- EURYDICE.
-
- L'infidèle!
-
- PALMIS.
-
- Nos vœux étoient pareils, notre ardeur mutuelle: 210
- Je l'aimois.
-
- EURYDICE.
-
- Et l'ingrat brise des nœuds si doux!
-
- PALMIS.
-
- Madame, est-il des cœurs qui tiennent contre vous?
- Est-il vœux ni serments qu'ils ne vous sacrifient?
- Si l'ingrat me trahit, vos yeux le justifient,
- Vos yeux qui sur moi-même ont un tel ascendant.... 215
-
- EURYDICE.
-
- Vous demeurez à vous, Madame, en le perdant;
- Et le bien d'être libre aisément vous console
- De ce qu'a d'injustice un manque de parole;
- Mais je deviens esclave; et tels sont mes malheurs,
- Qu'en perdant ce que j'aime, il faut que j'aime ailleurs.
-
- PALMIS.
-
- Madame, trouvez-vous ma fortune meilleure?
- Vous perdez votre amant, mais son cœur vous demeure;
- Et j'éprouve en mon sort une telle rigueur,
- Que la perte du mien m'enlève tout son cœur.
- Ma conquête m'échappe où les vôtres grossissent; 225
- Vous faites des captifs des miens qui s'affranchissent;
- Votre empire s'augmente où se détruit le mien,
- Et de toute ma gloire il ne me reste rien.
-
- EURYDICE.
-
- Reprenez vos captifs, rassurez vos conquêtes,
- Rétablissez vos lois sur les plus grandes têtes: 230
- J'en serai peu jalouse, et préfère à cent rois
- La douceur de ma flamme et l'éclat de mon choix.
- La main de Suréna vaut mieux qu'un diadème.
- Mais dites-moi, Madame, est-il bien vrai qu'il m'aime?
- Dites, et s'il est vrai, pourquoi fuit-il mes yeux? 235
-
- PALMIS.
-
- Madame, le voici qui vous le dira mieux.
-
- EURYDICE.
-
- Juste ciel! à le voir déjà mon cœur soupire!
- Amour, sur ma vertu prends un peu moins d'empire!
-
-
-SCÈNE III.
-
- EURYDICE, SURÉNA.
-
- EURYDICE.
-
- Je vous ai fait prier de ne me plus revoir,
- Seigneur: votre présence étonne mon devoir; 240
- Et ce qui de mon cœur fit toutes les délices,
- Ne sauroit plus m'offrir que de nouveaux supplices.
- Osez-vous l'ignorer? et lorsque je vous voi,
- S'il me faut trop souffrir, souffrez-vous moins que moi?
- Souffrons-nous moins tous deux pour soupirer ensemble?
- Allez, contentez-vous d'avoir vu que j'en tremble;
- Et du moins par pitié d'un triomphe douteux,
- Ne me hasardez plus à des soupirs honteux.
-
- SURÉNA.
-
- Je sais ce qu'à mon cœur coûtera votre vue;
- Mais qui cherche à mourir doit chercher ce qui tue. 250
- Madame, l'heure approche, et demain votre foi
- Vous fait de m'oublier une éternelle loi:
- Je n'ai plus que ce jour, que ce moment de vie.
- Pardonnez à l'amour qui vous la sacrifie[447],
- Et souffrez qu'un soupir exhale à vos genoux, 255
- Pour ma dernière joie, une âme toute à vous.
-
- EURYDICE.
-
- Et la mienne, Seigneur, la jugez-vous si forte,
- Que vous ne craigniez point que ce moment l'emporte,
- Que ce même soupir qui tranchera vos jours
- Ne tranche aussi des miens le déplorable cours? 260
- Vivez, Seigneur, vivez, afin que je languisse,
- Qu'à vos feux ma langueur rende longtemps justice.
- Le trépas à vos yeux me sembleroit trop doux,
- Et je n'ai pas encore assez souffert pour vous.
- Je veux qu'un noir chagrin à pas lents me consume, 265
- Qu'il me fasse à longs traits goûter son amertume;
- Je veux, sans que la mort ose me secourir,
- Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.
- Mais pardonneriez-vous l'aveu d'une foiblesse
- A cette douloureuse et fatale tendresse? 270
- Vous pourriez-vous, Seigneur, résoudre à soulager
- Un malheur si pressant par un bonheur léger?
-
- SURÉNA.
-
- Quel bonheur peut dépendre ici d'un misérable
- Qu'après tant de faveurs son amour même accable?
- Puis-je encor quelque chose en l'état où je suis? 275
-
- EURYDICE.
-
- Vous pouvez m'épargner d'assez rudes ennuis.
- N'épousez point Mandane[448]: exprès on l'a mandée;
- Mon chagrin, mes soupçons m'en ont persuadée.
- N'ajoutez point, Seigneur, à des malheurs si grands
- Celui de vous unir au sang de mes tyrans; 280
- De remettre en leurs mains[449] le seul bien qui me reste,
- Votre cœur: un tel don me seroit trop funeste.
- Je veux qu'il me demeure, et malgré votre roi,
- Disposer d'une main qui ne peut être à moi.
-
- SURÉNA.
-
- Plein d'un amour si pur et si fort que le nôtre, 285
- Aveugle pour Mandane, aveugle pour toute autre[450],
- Comme je n'ai plus d'yeux vers elles à tourner,
- Je n'ai plus ni de cœur ni de main à donner.
- Je vous aime et vous perds. Après cela, Madame,
- Seroit-il quelque hymen que pût souffrir mon âme? 290
- Seroit-il quelques nœuds où se pût attacher
- Le bonheur d'un amant qui vous étoit si cher,
- Et qu'à force d'amour vous rendez incapable
- De trouver sous le ciel quelque chose d'aimable?
-
- EURYDICE.
-
- Ce n'est pas là de vous, Seigneur, ce que je veux. 295
- A la postérité vous devez des neveux;
- Et ces illustres morts dont vous tenez la place
- Ont assez mérité de revivre en leur race:
- Je ne veux pas l'éteindre, et tiendrois à forfait
- Qu'il m'en fût échappé le plus léger souhait. 300
-
- SURÉNA.
-
- Que tout meure avec moi, Madame: que m'importe
- Qui foule après ma mort la terre qui me porte?
- Sentiront-ils percer par un éclat nouveau,
- Ces illustres aïeux, la nuit de leur tombeau?
- Respireront-ils l'air où les feront revivre 305
- Ces neveux qui peut-être auront peine à les suivre,
- Peut-être ne feront que les déshonorer,
- Et n'en auront le sang que pour dégénérer?
- Quand nous avons perdu le jour qui nous éclaire,
- Cette sorte de vie est bien imaginaire, 310
- Et le moindre moment d'un bonheur souhaité
- Vaut mieux qu'une si froide et vaine éternité.
-
- EURYDICE.
-
- Non, non, je suis jalouse; et mon impatience
- D'affranchir mon amour de toute défiance,
- Tant que je vous verrai maître de votre foi, 315
- La croira réservée aux volontés du Roi:
- Mandane aura toujours un plein droit de vous plaire;
- Ce sera l'épouser que de le pouvoir faire;
- Et ma haine sans cesse aura de quoi trembler,
- Tant que par là mes maux pourront se redoubler. 320
- Il faut qu'un autre hymen me mette en assurance.
- N'y portez, s'il se peut, que de l'indifférence;
- Mais par de nouveaux feux dussiez-vous me trahir,
- Je veux que vous aimiez afin de m'obéir;
- Je veux que ce grand choix soit mon dernier ouvrage, 325
- Qu'il tienne lieu vers moi d'un éternel hommage,
- Que mon ordre le règle, et qu'on me voie enfin
- Reine de votre cœur et de votre destin;
- Que Mandane, en dépit de l'espoir qu'on lui donne,
- Ne pouvant s'élever jusqu'à votre personne, 330
- Soit réduite à descendre à ces malheureux rois
- A qui, quand vous voudrez, vous donnerez des lois.
- Et n'appréhendez point d'en regretter la perte:
- Il n'est cour sous les cieux qui ne vous soit ouverte;
- Et partout votre gloire a fait de tels éclats, 335
- Que les filles de roi ne vous manqueront pas.
-
- SURÉNA.
-
- Quand elles me rendroient maître de tout un monde,
- Absolu sur la terre et souverain sur l'onde,
- Mon cœur....
-
- EURYDICE.
-
- N'achevez point: l'air dont vous commencez
- Pourroit à mon chagrin ne plaire pas assez; 340
- Et d'un cœur qui veut être encor sous ma puissance
- Je ne veux recevoir que de l'obéissance.
-
- SURÉNA.
-
- A qui me donnez-vous?
-
- EURYDICE.
-
- Moi? que ne puis-je, hélas!
- Vous ôter à Mandane, et ne vous donner pas!
- Et contre les soupçons de ce cœur qui vous aime 345
- Que ne m'est-il permis de m'assurer moi-même!
- Mais adieu: je m'égare.
-
- SURÉNA.
-
- Où dois-je recourir,
- O ciel! s'il faut toujours aimer, souffrir, mourir[451]?
-
-
-FIN DU PREMIER ACTE.
-
- [437] _Hécatompylos_, ville de l'ancienne Hyrcanie,
- était devenu la capitale de Parthes, et la résidence ordinaire
- des Arsacides.
-
- [438] «On blasme aussi grandement les occupations
- ausquelles il vaqua pendant qu'il fut de sejour en la Syrie,
- comme tenant plus du marchand que du capitaine.» (Plutarque, _Vie
- de Crassus_, chapitre XVII, traduction d'Amyot.)
-
- [439] Voyez plus haut, p. 462, note 436.
-
- [440] Le questeur Cassius était un des principaux
- officiers de Crassus; il est nommé plusieurs fois dans Plutarque:
- voyez la _Vie de Crassus_, chapitres XVIII et XXII.
-
- [441] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont
- remplacé l'infinitif par l'imparfait: «avoit le même emploi.»
-
- [442] Voyez ci-dessus, p. 460, note 430.
-
- [443] «Ce qui plus l'asseura (_Crassus_) et
- l'encouragea, fut Artabazes le roy de l'Armenie, lequel vint
- deuers luy en son camp avec six mille cheuaux.» (Plutarque, _Vie
- de Crassus_, chapitre XIX.)
-
- [444] Voyez le récit de la mort de Publius, fils de
- Marcus Crassus, au chapitre XXV de la _Vie de Crassus_ par
- Plutarque, et celui de la mort de Marcus Crassus lui-même au
- chapitre XXXI du même ouvrage.
-
- «Hyrodes ayant.... diuisé ses forces en deux, luy auec vne partie
- alloit destruisant le royaume d'Armenie pour se venger du roy
- Artabazes, et auoit enuoyé Surena à l'encontre des Romains.»
- (Plutarque, _Vie de Crassus_, chapitre XXI.)
-
- [445] Plutarque mentionne ce traité: «Hyrodes, dit-il,
- auoit desia fait appointement et alliance auec Artabazes le roy
- d'Armenie.» (_Vie de Crassus_, chapitre XXXIII.) Mais, comme nous
- l'avons déjà remarqué (ci-dessus, P.462, note 5), il s'agissait
- du mariage de la sœur, et non de la fille d'Artabase, avec
- Pacorus.
-
- [446] On lit: «d'aimer _ou_ de haïr,» dans l'édition de
- 1692. Voltaire (1764) a gardé _ni_.
-
- [447] L'édition de 1692 a changé _la_ en _le_: «qui vous
- le sacrifie.» Voltaire (1764) a gardé _la_.
-
- [448] Par une singulière erreur, la première édition
- (1675) porte _Madame_, pour _Mandane_.
-
- [449] L'édition de 1692 et celle de Voltaire (1764)
- portent _en leur main_, au singulier.
-
- [450] On lit: «pour tout autre,» au masculin, dans
- l'édition de 1682. Voyez tome I, p. 228, note 3-_a_.
-
- [451] Voyez ci-dessus, p. 474, vers 268.
-
-
-
-
-ACTE II.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-PACORUS, SURÉNA.
-
- PACORUS.
-
- Suréna, votre zèle a trop servi mon père
- Pour m'en laisser attendre un devoir moins sincère; 350
- Et si près d'un hymen qui doit m'être assez doux,
- Je mets ma confiance et mon espoir en vous.
- Palmis avec raison de cet hymen murmure;
- Mais je puis réparer ce qu'il lui fait d'injure;
- Et vous n'ignorez pas qu'à former ces grands nœuds 355
- Mes pareils ne sont point tout à fait maîtres d'eux.
- Quand vous voudrez tous deux attacher vos tendresses,
- Il est des rois pour elle, et pour vous des princesses,
- Et je puis hautement vous engager ma foi
- Que vous ne vous plaindrez du prince ni du Roi. 360
-
- SURÉNA.
-
- Cessez de me traiter, Seigneur, en mercenaire:
- Je n'ai jamais servi par espoir de salaire;
- La gloire m'en suffit, et le prix que reçoit....
-
- PACORUS.
-
- Je sais ce que je dois quand on fait ce qu'on doit,
- Et si de l'accepter ce grand cœur vous dispense, 365
- Le mien se satisfait alors qu'il récompense.
- J'épouse une princesse en qui les doux accords
- Des grâces de l'esprit avec celles du corps
- Forment le plus brillant et plus noble assemblage
- Qui puisse orner une âme et parer un visage. 370
- Je n'en dis que ce mot; et vous savez assez
- Quels en sont les attraits, vous qui la connoissez.
- Cette princesse donc, si belle, si parfaite,
- Je crains qu'elle n'ait pas ce que plus je souhaite:
- Qu'elle manque d'amour, ou plutôt que ses vœux 375
- N'aillent pas tout à fait du côté que je veux.
- Vous qui l'avez tant vue, et qu'un devoir fidèle
- A tenu si longtemps près de son père et d'elle,
- Ne me déguisez point ce que dans cette cour
- Sur de pareils soupçons vous auriez eu de jour. 330
-
- SURÉNA.
-
- Je la voyois, Seigneur, mais pour gagner son père:
- C'étoit tout mon emploi, c'étoit ma seule affaire;
- Et je croyois par elle être sûr de son choix;
- Mais Rome et son intrigue eurent le plus de voix.
- Du reste, ne prenant intérêt à m'instruire 385
- Que de ce qui pouvoit vous servir ou vous nuire,
- Comme je me bornois à remplir ce devoir,
- Je puis n'avoir pas vu ce qu'un autre eût pu voir.
- Si j'eusse pressenti que la guerre achevée,
- A l'honneur de vos feux elle étoit réservée, 390
- J'aurois pris d'autres soins, et plus examiné;
- Mais j'ai suivi mon ordre, et n'ai point deviné.
-
- PACORUS.
-
- Quoi? de ce que je crains vous n'auriez nulle idée?
- Par aucune ambassade on ne l'a demandée?
- Aucun prince auprès d'elle, aucun digne sujet 395
- Par ses attachements n'a marqué de projet?
- Car il vient quelquefois du milieu des provinces
- Des sujets en nos cours qui valent bien des princes;
- Et par l'objet présent les sentiments émus
- N'attendent pas toujours des rois qu'on n'a point vus. 400
-
- SURÉNA.
-
- Durant tout mon séjour rien n'y blessoit ma vue;
- Je n'y rencontrois point de visite assidue,
- Point de devoirs suspects, ni d'entretiens si doux
- Que si j'avois aimé, j'en dusse être jaloux.
- Mais qui vous peut donner cette importune crainte, 405
- Seigneur?
-
- PACORUS.
-
- Plus je la vois, plus j'y vois de contrainte:
- Elle semble, aussitôt que j'ose en approcher,
- Avoir je ne sais quoi qu'elle me veut cacher;
- Non qu'elle ait jusqu'ici demandé de remise;
- Mais ce n'est pas m'aimer, ce n'est qu'être soumise; 410
- Et tout le bon accueil que j'en puis recevoir,
- Tout ce que j'en obtiens ne part que du devoir.
-
- SURÉNA.
-
- N'en appréhendez rien. Encor toute étonnée,
- Toute tremblante encore au seul nom d'hyménée,
- Pleine de son pays, pleine de ses parents, 415
- Il lui passe en l'esprit cent chagrins différents.
-
- PACORUS.
-
- Mais il semble, à la voir, que son chagrin s'applique
- A braver par dépit l'allégresse publique:
- Inquiète, rêveuse, insensible aux douceurs
- Que par un plein succès l'amour verse en nos cœurs....
-
- SURÉNA.
-
- Tout cessera, Seigneur, dès que sa foi reçue
- Aura mis en vos mains la main qui vous est due:
- Vous verrez ces chagrins détruits en moins d'un jour,
- Et toute sa vertu devenir toute[452] amour.
-
- PACORUS.
-
- C'est beaucoup hasarder que de prendre assurance 425
- Sur une si légère et douteuse espérance;
- Et qu'aura cet amour d'heureux, de singulier,
- Qu'à son trop de vertu je devrai tout entier?
- Qu'aura-t-il de charmant, cet amour, s'il ne donne
- Que ce qu'un triste hymen ne refuse à personne, 430
- Esclave dédaigneux d'une odieuse loi
- Qui n'est pour toute chaîne attaché qu'à sa foi?
- Pour faire aimer ses lois, l'hymen ne doit en faire
- Qu'afin d'autoriser la pudeur à se taire.
- Il faut, pour rendre heureux, qu'il donne sans gêner, 435
- Et prête un doux prétexte à qui veut tout donner.
- Que sera-ce, grands Dieux! si toute ma tendresse
- Rencontre un souvenir plus cher à ma princesse,
- Si le cœur pris ailleurs ne s'en arrache pas,
- Si pour un autre objet il soupire en mes bras? 440
- Il faut, il faut enfin m'éclaircir avec elle.
-
- SURÉNA.
-
- Seigneur, je l'aperçois; l'occasion est belle.
- Mais si vous en tirez quelque éclaircissement
- Qui donne à votre crainte un juste fondement,
- Que ferez-vous?
-
- PACORUS.
-
- J'en doute, et pour ne vous rien feindre,
- Je crois m'aimer[453] assez pour ne la pas contraindre;
- Mais tel chagrin aussi pourroit me survenir,
- Que je l'épouserois afin de la punir.
- Un amant dédaigné souvent croit beaucoup faire
- Quand il rompt le bonheur de ce qu'on lui préfère. 450
- Mais elle approche. Allez, laissez-moi seul agir:
- J'aurois peur devant vous d'avoir trop à rougir.
-
-
-SCÈNE II.
-
-PACORUS, EURYDICE.
-
- PACORUS.
-
- Quoi? Madame, venir vous-même à ma rencontre!
- Cet excès de bonté que votre cœur me montre....
-
- EURYDICE.
-
- J'allois chercher Palmis, que j'aime à consoler 455
- Sur un malheur qui presse et ne peut reculer.
-
- PACORUS.
-
- Laissez-moi vous parler d'affaires plus pressées,
- Et songez qu'il est temps de m'ouvrir vos pensées:
- Vous vous abuseriez à les plus retenir.
- Je vous aime, et demain l'hymen doit nous unir: 460
- M'aimez-vous?
-
- EURYDICE.
-
- Oui, Seigneur, et ma main vous est sûre.
-
- PACORUS.
-
- C'est peu que de la main, si le cœur en murmure.
-
- EURYDICE.
-
- Quel mal pourroit causer le murmure du mien,
- S'il murmuroit si bas qu'aucun n'en apprît rien?
-
- PACORUS.
-
- Ah! Madame, il me faut un aveu plus sincère. 465
-
- EURYDICE.
-
- Épousez-moi, Seigneur, et laissez-moi me taire:
- Un pareil doute offense, et cette liberté
- S'attire quelquefois trop de sincérité.
-
- PACORUS.
-
- C'est ce que je demande, et qu'un mot sans contrainte
- Justifie aujourd'hui mon espoir ou ma crainte. 470
- Ah! si vous connoissiez ce que pour vous je sens!
-
- EURYDICE.
-
- Je ferois ce que font les cœurs obéissants,
- Ce que veut mon devoir, ce qu'attend votre flamme,
- Ce que je fais enfin.
-
- PACORUS.
-
- Vous feriez plus, Madame:
- Vous me feriez justice, et prendriez plaisir 475
- A montrer que nos cœurs ne forment qu'un desir.
- Vous me diriez sans cesse: «Oui, prince, je vous aime,
- Mais d'une passion comme la vôtre extrême;
- Je sens le même feu, je fais les mêmes vœux;
- Ce que vous souhaitez est tout ce que je veux; 480
- Et cette illustre ardeur ne sera point contente,
- Qu'un glorieux hymen n'ait rempli notre attente.»
-
- EURYDICE.
-
- Pour vous tenir, Seigneur, un langage si doux,
- Il faudroit qu'en amour j'en susse autant que vous.
-
- PACORUS.
-
- Le véritable amour, dès que le cœur soupire, 485
- Instruit en un moment de tout ce qu'on doit dire.
- Ce langage à ses feux n'est jamais importun,
- Et si vous l'ignorez, vous n'en sentez aucun.
-
- EURYDICE.
-
- Suppléez-y, Seigneur, et dites-vous vous-même
- Tout ce que sent un cœur dès le moment qu'il aime; 490
- Faites-vous-en pour moi le charmant entretien:
- J'avouerai tout, pourvu que je n'en dise rien.
-
- PACORUS.
-
- Ce langage est bien clair, et je l'entends sans peine.
- Au défaut de l'amour, auriez-vous de la haine?
- Je ne veux pas le croire, et des yeux si charmants.... 495
-
- EURYDICE.
-
- Seigneur, sachez pour vous quels sont mes sentiments.
- Si l'amitié vous plaît, si vous aimez l'estime,
- A vous les refuser[454] je croirois faire un crime;
- Pour le cœur, si je puis vous le dire entre nous,
- Je ne m'aperçois point qu'il soit encore à vous. 500
-
- PACORUS.
-
- Ainsi donc ce traité qu'ont fait les deux couronnes....
-
- EURYDICE.
-
- S'il a pu l'une à l'autre engager nos personnes,
- Au seul don de la main son droit est limité,
- Et mon cœur avec vous n'a point fait de traité.
- C'est sans vous le devoir que je fais mon possible 505
- A le rendre pour vous plus tendre et plus sensible:
- Je ne sais si le temps l'y pourra disposer;
- Mais qu'il le puisse ou non, vous pouvez m'épouser.
-
- PACORUS.
-
- Je le puis, je le dois, je le veux; mais, Madame,
- Dans ces tristes froideurs dont vous payez ma flamme,
- Quelque autre amour plus fort....
-
- EURYDICE.
-
- Qu'osez-vous demander,
- Prince?
-
- PACORUS.
-
- De mon bonheur ce qui doit décider.
-
- EURYDICE.
-
- Est-ce un aveu qui puisse échapper à ma bouche?
-
- PACORUS.
-
- Il est tout échappé, puisque ce mot vous touche.
- Si vous n'aviez du cœur fait ailleurs l'heureux don, 515
- Vous auriez moins de gêne à me dire que non;
- Et pour me garantir de ce que j'appréhende,
- La réponse avec joie eût suivi la demande.
- Madame, ce qu'on fait sans honte et sans remords
- Ne coûte rien à dire, il n'y faut point d'efforts; 520
- Et sans que la rougeur au visage nous monte....
-
- EURYDICE.
-
- Ah! ce n'est point pour moi que je rougis de honte.
- Si j'ai pu faire un choix, je l'ai fait assez beau
- Pour m'en faire un honneur jusque dans le tombeau;
- Et quand je l'avouerai, vous aurez lieu de croire 525
- Que tout mon avenir en aimera la gloire.
- Je rougis, mais pour vous, qui m'osez demander
- Ce qu'on doit avoir peine à se persuader;
- Et je ne comprends point avec quelle prudence
- Vous voulez qu'avec vous j'en fasse confidence, 530
- Vous qui près d'un hymen accepté par devoir,
- Devriez sur ce point craindre de trop savoir.
-
- PACORUS.
-
- Mais il est fait, ce choix qu'on s'obstine à me taire,
- Et qu'on cherche à me dire avec tant de mystère?
-
- EURYDICE.
-
- Je ne vous le dis point; mais si vous m'y forcez, 535
- Il vous en coûtera plus que vous ne pensez.
-
- PACORUS.
-
- Eh bien! Madame, eh bien! sachons, quoi qu'il en coûte,
- Quel est ce grand rival qu'il faut que je redoute.
- Dites, est-ce un héros? est-ce un prince? est-ce un roi?
-
- EURYDICE.
-
- C'est ce que j'ai connu de plus digne de moi. 540
-
- PACORUS.
-
- Si le mérite est grand, l'estime est un peu forte.
-
- EURYDICE.
-
- Vous la pardonnerez à l'amour qui s'emporte:
- Comme vous le forcez à se trop expliquer,
- S'il manque de respect, vous l'en faites manquer.
- Il est si naturel d'estimer ce qu'on aime, 545
- Qu'on voudroit que partout on l'estimât de même;
- Et la pente est si douce à vanter ce qu'il vaut,
- Que jamais on ne craint de l'élever trop haut.
-
- PACORUS.
-
- C'est en dire beaucoup.
-
- EURYDICE.
-
- Apprenez davantage,
- Et sachez que l'effort où mon devoir m'engage 550
- Ne peut plus me réduire à vous donner demain
- Ce qui vous étoit sûr, je veux dire ma main.
- Ne vous la promettez qu'après que dans mon âme
- Votre mérite aura dissipé cette flamme,
- Et que mon cœur, charmé par des attraits plus doux,
- Se sera répondu de n'aimer rien que vous;
- Et ne me dites point que pour cet hyménée
- C'est par mon propre aveu qu'on a pris la journée:
- J'en sais la conséquence, et diffère à regret;
- Mais puisque vous m'avez arraché mon secret, 560
- Il n'est ni roi, ni père, il n'est prière, empire,
- Qu'au péril de cent morts mon cœur n'ose en dédire.
- C'est ce qu'il n'est plus temps de vous dissimuler,
- Seigneur; et c'est le prix de m'avoir fait parler.
-
- PACORUS.
-
- A ces bontés, Madame, ajoutez une grâce; 565
- Et du moins, attendant que cette ardeur se passe,
- Apprenez-moi le nom de cet heureux amant
- Qui sur tant de vertu règne si puissamment,
- Par quelles qualités il a pu la surprendre.
-
- EURYDICE.
-
- Ne me pressez point tant, Seigneur, de vous l'apprendre.
- Si je vous l'avois dit....
-
- PACORUS.
-
- Achevons.
-
- EURYDICE.
-
- Dès demain
- Rien ne m'empêcheroit de lui donner la main.
-
- PACORUS.
-
- Il est donc en ces lieux, Madame?
-
- EURYDICE.
-
- Il y peut être,
- Seigneur, si déguisé qu'on ne le peut connoître.
- Peut-être en domestique est-il auprès de moi, 575
- Peut-être s'est-il mis de la maison du Roi;
- Peut-être chez vous-même il s'est réduit à feindre.
- Craignez-le dans tous ceux que vous ne daignez craindre,
- Dans tous les inconnus que vous aurez à voir;
- Et plus que tout encor, craignez de trop savoir. 580
- J'en dis trop; il est temps que ce discours finisse.
- A Palmis que je vois rendez plus de justice;
- Et puissent de nouveau ses attraits vous charmer,
- Jusqu'à ce que le temps m'apprenne à vous aimer!
-
-
-SCÈNE III.
-
-PACORUS, PALMIS.
-
- PACORUS.
-
- Madame, au nom des Dieux, ne venez pas vous plaindre:
- On me donne sans vous assez de gens à craindre;
- Et je serois bientôt accablé de leurs coups,
- N'étoit que pour asile on me renvoie à vous.
- J'obéis, j'y reviens, Madame; et cette joie....
-
- PALMIS.
-
- Que n'y revenez-vous sans qu'on vous y renvoie! 590
- Votre amour ne fait rien ni pour moi ni pour lui,
- Si vous n'y revenez que par l'ordre d'autrui.
-
- PACORUS.
-
- N'est-ce rien que pour vous à cet ordre il défère?
-
- PALMIS.
-
- Non, ce n'est qu'un dépit qu'il cherche à satisfaire.
-
- PACORUS.
-
- Depuis quand le retour d'un cœur comme le mien 595
- Fait-il si peu d'honneur qu'on ne le compte à rien?
-
- PALMIS.
-
- Depuis qu'il est honteux d'aimer un infidèle,
- Que ce qu'un mépris chasse un coup d'œil le rappelle,
- Et que les inconstants ne donnent point de cœurs
- Sans être encor tous prêts[455] de les porter ailleurs. 600
-
- PACORUS.
-
- Je le suis, je l'avoue, et mérite la honte
- Que d'un retour suspect vous fassiez peu de conte[456].
- Montrez-vous généreuse; et si mon changement
- A changé votre amour en vif ressentiment,
- Immolez un courroux si grand, si légitime, 605
- A la juste pitié d'un si malheureux crime.
- J'en suis assez puni sans que l'indignité....
-
- PALMIS.
-
- Seigneur, le crime est grand; mais j'ai de la bonté.
- Je sais ce qu'à l'État ceux de votre naissance,
- Tous maîtres qu'ils en sont, doivent d'obéissance: 610
- Son intérêt chez eux l'emporte sur le leur,
- Et du moment qu'il parle, il fait taire le cœur.
-
- PACORUS.
-
- Non, Madame, souffrez que je vous désabuse:
- Je ne mérite point l'honneur de cette excuse:
- Ma légèreté seule a fait ce nouveau choix; 615
- Nulles raisons d'État ne m'en ont fait de lois;
- Et pour traiter la paix avec tant d'avantage,
- On ne m'a point forcé de m'en faire le gage:
- J'ai pris plaisir à l'être, et plus mon crime est noir,
- Plus l'oubli que j'en veux me fera vous devoir. 620
- Tout mon cœur....
-
- PALMIS.
-
- Entre amants qu'un changement sépare,
- Le crime est oublié, sitôt qu'on le répare;
- Et bien qu'il vous ait plu, Seigneur, de me trahir,
- Je le dis malgré moi, je ne vous puis haïr.
-
- PACORUS.
-
- Faites-moi grâce entière, et songez à me rendre 625
- Ce qu'un amour si pur, ce qu'une ardeur si tendre....
-
- PALMIS.
-
- Donnez-moi donc, Seigneur, vous-même, quelque jour,
- Quelque infaillible voie à fixer votre amour;
- Et s'il est un moyen....
-
- PACORUS.
-
- S'il en est? Oui, Madame,
- Il en est de fixer tous les vœux de mon âme; 630
- Et ce joug qu'à tous deux l'amour rendit si doux,
- Si je ne m'y rattache, il ne tiendra qu'à vous.
- Il est, pour m'arrêter sous un si digne empire,
- Un office à me rendre, un secret à me dire.
- La princesse aime ailleurs, je n'en puis plus douter, 635
- Et doute quel rival s'en fait mieux écouter.
- Vous êtes avec elle en trop d'intelligence
- Pour n'en avoir pas eu toute la confidence:
- Tirez-moi de ce doute, et recevez ma foi
- Qu'autre que vous jamais ne régnera sur moi. 640
-
- PALMIS.
-
- Quel gage en est-ce, hélas! qu'une foi si peu sûre?
- Le ciel la rendra-t-il moins sujette au parjure?
- Et ces liens si doux, que vous avez brisés,
- A briser de nouveau seront-ils moins aisés?
- Si vous voulez, Seigneur, rappeler mes tendresses, 645
- Il me faut des effets, et non pas des promesses;
- Et cette foi n'a rien qui me puisse ébranler,
- Quand la main seule a droit de me faire parler.
-
- PACORUS.
-
- La main seule en a droit! Quand cent troubles m'agitent,
- Que la haine, l'amour, l'honneur me sollicitent, 650
- Qu'à l'ardeur de punir je m'abandonne en vain,
- Hélas! suis-je en état de vous donner la main?
-
- PALMIS.
-
- Et moi, sans cette main, Seigneur, suis-je maîtresse
- De ce que m'a daigné confier la princesse,
- Du secret de son cœur? Pour le tirer de moi, 655
- Il me faut vous devoir plus que je ne lui doi,
- Être une autre vous-même[457]; et le seul hyménée
- Peut rompre le silence où je suis enchaînée.
-
- PACORUS.
-
- Ah! vous ne m'aimez plus.
-
- PALMIS.
-
- Je voudrois le pouvoir;
- Mais pour ne plus aimer que sert de le vouloir? 660
- J'ai pour vous trop d'amour, et je le sens renaître
- Et plus tendre et plus fort qu'il n'a dû jamais être.
- Mais si....
-
- PACORUS.
-
- Ne m'aimez plus, ou nommez ce rival.
-
- PALMIS.
-
- Me préserve le ciel de vous aimer si mal!
- Ce seroit vous livrer à des guerres nouvelles, 665
- Allumer entre vous des haines immortelles....
-
- PACORUS.
-
- Que m'importe? et qu'aurai-je à redouter de lui,
- Tant que je me verrai Suréna pour appui?
- Quel qu'il soit, ce rival, il sera seul à plaindre:
- Le vainqueur des Romains n'a point de rois à craindre.
-
- PALMIS.
-
- Je le sais; mais, Seigneur, qui vous peut engager
- Aux soins de le punir et de vous en venger?
- Quand son grand cœur charmé d'une belle princesse
- En a su mériter l'estime et la tendresse,
- Quel dieu, quel bon génie a dû lui révéler 675
- Que le vôtre pour elle aimeroit à brûler?
- A quels traits ce rival a-t-il dû le connoître,
- Respecter de si loin des feux encore à naître,
- Voir pour vous d'autres fers que ceux où vous viviez,
- Et lire en vos destins plus que vous n'en saviez? 680
- S'il a vu la conquête à ses vœux exposée,
- S'il a trouvé du cœur la sympathie aisée,
- S'être emparé d'un bien[458] où vous n'aspiriez pas,
- Est-ce avoir fait des vols et des assassinats?
-
- PACORUS.
-
- Je le vois bien, Madame, et vous et ce cher frère 685
- Abondez en raisons pour cacher le mystère:
- Je parle, promets, prie, et je n'avance rien.
- Aussi votre intérêt est préférable au mien;
- Rien n'est plus juste; mais....
-
- PALMIS.
-
- Seigneur....
-
- PACORUS.
-
- Adieu, Madame:
- Je vous fais trop jouir des troubles de mon âme. 690
- Le ciel se lassera de m'être rigoureux.
-
- PALMIS.
-
- Seigneur, quand vous voudrez, il fera quatre heureux[459].
-
-
-FIN DU SECOND ACTE.
-
- [452] Il y a _toute_, au féminin, dans toutes les
- éditions anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692)
- et de Voltaire (1764).
-
- [453] Voltaire (1764) a substitué _l'aimer_ à _m'aimer_,
- qui est la leçon de toutes les éditions antérieures.--Dans le
- second hémistiche, l'édition de 1682, par une erreur évidente, a
- _le_, pour _la_.
-
- [454] L'édition de 1682 porte: «A vous _le_ refuser.»
-
- [455] Thomas Corneille (1692), et Voltaire après lui
- (1764), ont corrigé _tous prêts_ en _tout prêts_; et un peu plus
- loin, au vers 610, _Tous maîtres_ en _Tout maîtres_.
-
- [456] Voyez tome I, p. 150, note 1-_a_.
-
- [457] On lit: «_un_ autre vous-même,» dans l'édition de
- 1692. Voltaire a conservé la leçon des éditions antérieures: «une
- autre.»
-
- [458] L'édition de 1692 porte: «S'être emparé _du_
- bien....»
-
- [459] La même situation et une pensée analogue se
- trouvaient déjà dans _Tite et Bérénice_. Domitian y dit à
- Bérénice (acte III, scène II, vers 799 et 800):
-
- Les scrupules d'État, qu'il falloit mieux combattre,
- Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre.
-
-
-
-
-ACTE III.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-ORODE, SILLACE.
-
- SILLACE.
-
- Je l'ai vu par votre ordre, et voulu par avance
- Pénétrer le secret de son indifférence.
- Il m'a paru, Seigneur, si froid, si retenu.... 695
- Mais vous en jugerez quand il sera venu.
- Cependant je dirai que cette retenue
- Sent une âme de trouble et d'ennuis prévenue;
- Que ce calme paroît assez prémédité
- Pour ne répondre pas de sa tranquillité; 700
- Que cette indifférence a de l'inquiétude,
- Et que cette froideur marque un peu trop d'étude.
-
- ORODE.
-
- Qu'un tel calme, Sillace, a droit d'inquiéter
- Un roi qui lui doit tant, qu'il ne peut s'acquitter!
- Un service au-dessus de toute récompense 705
- A force d'obliger tient presque lieu d'offense[460]:
- Il reproche en secret tout ce qu'il a d'éclat,
- Il livre tout un cœur au dépit d'être ingrat.
- Le plus zélé déplaît, le plus utile gêne,
- Et l'excès de son poids fait pencher vers la haine. 710
- Suréna de l'exil lui seul m'a rappelé;
- Il m'a rendu lui seul ce qu'on m'avoit volé,
- Mon sceptre[461]; de Crassus il vient de me défaire:
- Pour faire autant pour lui, quel don puis-je lui faire?
- Lui partager mon trône? Il seroit tout à lui, 715
- S'il n'avoit mieux aimé n'en être que l'appui.
- Quand j'en pleurois la perte, il forçoit des murailles;
- Quand j'invoquois mes dieux, il gagnoit des batailles.
- J'en frémis, j'en rougis, je m'en indigne, et crains
- Qu'il n'ose quelque jour s'en payer par ses mains; 720
- Et dans tout ce qu'il a de nom et de fortune,
- Sa fortune me pèse, et son nom m'importune.
- Qu'un monarque est heureux quand parmi ses sujets
- Ses yeux n'ont point à voir de plus nobles objets,
- Qu'au-dessus de sa gloire il n'y connoît personne, 725
- Et qu'il est le plus digne enfin de sa couronne!
-
- SILLACE.
-
- Seigneur, pour vous tirer de ces perplexités,
- La saine politique a deux extrémités.
- Quoi qu'ait fait Suréna, quoi qu'il en faille attendre,
- Ou faites-le périr, ou faites-en un gendre. 730
- Puissant par sa fortune, et plus par son emploi,
- S'il devient par l'hymen l'appui d'un autre roi,
- Si dans les différends que le ciel vous peut faire,
- Une femme l'entraîne au parti de son père,
- Que vous servira lors, Seigneur, d'en murmurer? 735
- Il faut, il faut le perdre, ou vous en assurer:
- Il n'est point de milieu.
-
- ORODE.
-
- Ma pensée est la vôtre;
- Mais s'il ne veut pas l'un, pourrai-je vouloir l'autre?
- Pour prix de ses hauts faits, et de m'avoir fait roi,
- Son trépas.... Ce mot seul me fait pâlir d'effroi; 740
- Ne m'en parlez jamais: que tout l'État périsse
- Avant que jusque-là ma vertu se ternisse,
- Avant que je défére à ces raisons d'État
- Qui nommeroient justice un si lâche attentat!
-
- SILLACE.
-
- Mais pourquoi lui donner les Romains en partage, 745
- Quand sa gloire, Seigneur, vous donnoit tant d'ombrage?
- Pourquoi contre Artabase attacher vos emplois,
- Et lui laisser matière à de plus grands exploits[462]?
-
- ORODE.
-
- L'événement, Sillace, a trompé mon attente.
- Je voyois des Romains la valeur éclatante; 750
- Et croyant leur défaite impossible sans moi,
- Pour me la préparer, je fondis sur ce roi:
- Je crus qu'il ne pourroit à la fois se défendre
- Des fureurs de la guerre et de l'offre d'un gendre;
- Et que par tant d'horreurs son peuple épouvanté 755
- Lui feroit mieux goûter la douceur d'un traité;
- Tandis que Suréna, mis aux Romains en butte,
- Les tiendroit en balance, ou craindroit pour sa chute,
- Et me réserveroit la gloire d'achever,
- Ou de le voir tombant, et de le relever. 760
- Je réussis à l'un, et conclus l'alliance;
- Mais Suréna vainqueur prévint mon espérance.
- A peine d'Artabase eus-je signé la paix,
- Que j'appris Crassus mort et les Romains défaits.
- Ainsi d'une si haute et si prompte victoire 765
- J'emporte tout le fruit, et lui toute la gloire,
- Et beaucoup plus heureux que je n'aurois voulu,
- Je me fais un malheur d'être trop absolu.
- Je tiens toute l'Asie et l'Europe en alarmes,
- Sans que rien s'en impute à l'effort de mes armes; 770
- Et quand tous mes voisins tremblent pour leurs États,
- Je ne les fais trembler que par un autre bras.
- J'en tremble enfin moi-même, et pour remède unique,
- Je n'y vois qu'une basse et dure politique,
- Si Mandane, l'objet des vœux de tant de rois, 775
- Se doit voir d'un sujet le rebut ou le choix.
-
- SILLACE.
-
- Le rebut! Vous craignez, Seigneur, qu'il la refuse?
-
- ORODE.
-
- Et ne se peut-il pas qu'un autre amour l'amuse,
- Et que rempli qu'il est d'une juste fierté,
- Il n'écoute son cœur plus que ma volonté? 780
- Le voici; laissez-nous.
-
-
-SCÈNE II[463].
-
-ORODE, SURÉNA.
-
- ORODE.
-
- Suréna, vos services
- (Qui l'auroit osé croire?) ont pour moi des supplices:
- J'en ai honte, et ne puis assez me consoler
- De ne voir aucun don qui les puisse égaler.
- Suppléez au défaut d'une reconnoissance 785
- Dont vos propres exploits m'ont mis en impuissance;
- Et s'il en est un prix dont vous fassiez état,
- Donnez-moi les moyens d'être un peu moins ingrat.
-
- SURÉNA.
-
- Quand je vous ai servi, j'ai reçu mon salaire,
- Seigneur, et n'ai rien fait qu'un sujet n'ait dû faire; 790
- La gloire m'en demeure, et c'est l'unique prix
- Que s'en est proposé le soin que j'en ai pris.
- Si pourtant il vous plaît, Seigneur, que j'en demande
- De plus dignes d'un roi dont l'âme est toute grande,
- La plus haute vertu peut faire de faux pas; 795
- Si la mienne en fait un, daignez ne le voir pas:
- Gardez-moi des bontés toujours prêtes d'éteindre
- Le plus juste courroux que j'aurois lieu d'en craindre;
- Et si....
-
- ORODE.
-
- Ma gratitude oseroit se borner
- Au pardon d'un malheur qu'on ne peut deviner, 800
- Qui n'arrivera point? et j'attendrois un crime
- Pour vous montrer le fond de toute mon estime?
- Le ciel m'est plus propice, et m'en ouvre un moyen
- Par l'heureuse union de votre sang au mien:
- D'avoir tant fait pour moi ce sera le salaire. 805
-
- SURÉNA.
-
- J'en ai flatté longtemps un espoir téméraire;
- Mais puisqu'enfin le prince....
-
- ORODE.
-
- Il aima votre sœur,
- Et le bien de l'État lui dérobe son cœur:
- La paix de l'Arménie à ce prix est jurée.
- Mais l'injure aisément peut être réparée; 810
- J'y sais des rois tous prêts[464]; et pour vous, dès demain,
- Mandane, que j'attends, vous donnera la main.
- C'est tout ce qu'en la mienne ont mis des destinées
- Qu'à force de hauts faits la vôtre a couronnées.
-
- SURÉNA.
-
- A cet excès d'honneur rien ne peut s'égaler; 815
- Mais si vous me laissiez liberté d'en parler,
- Je vous dirois, Seigneur, que l'amour paternelle
- Doit à cette princesse un trône digne d'elle;
- Que l'inégalité de mon destin au sien
- Ravaleroit son sang sans élever le mien; 820
- Qu'une telle union, quelque haut qu'on la mette,
- Me laisse encor sujet, et la rendroit sujette;
- Et que de son hymen, malgré tous mes hauts faits,
- Au lieu de rois à naître, il naîtroit des sujets.
- De quel œil voulez-vous, Seigneur, qu'elle me donne 825
- Une main refusée à plus d'une couronne,
- Et qu'un si digne objet des vœux de tant de rois
- Descende par votre ordre à cet indigne choix?
- Que de mépris pour moi! que de honte pour elle!
- Non, Seigneur, croyez-en un serviteur fidèle: 830
- Si votre sang du mien veut augmenter l'honneur,
- Il y faut l'union du prince avec ma sœur.
- Ne le mêlez, Seigneur, au sang de vos ancêtres
- Qu'afin que vos sujets en reçoivent des maîtres:
- Vos Parthes dans la gloire ont trop longtemps vécu, 835
- Pour attendre des rois du sang de leur vaincu.
- Si vous ne le savez, tout le camp en murmure;
- Ce n'est qu'avec dépit que le peuple l'endure.
- Quelles lois eût pu faire Artabase vainqueur
- Plus rudes, disent-ils, même à des gens sans cœur? 840
- Je les fais taire; mais, Seigneur, à le bien prendre,
- C'étoit moins l'attaquer que lui mener un gendre;
- Et si vous en aviez consulté leurs souhaits,
- Vous auriez préféré la guerre à cette paix.
-
- ORODE.
-
- Est-ce dans le dessein de vous mettre à leur tête 845
- Que vous me demandez ma grâce toute prête?
- Et de leurs vains souhaits vous font-ils le porteur
- Pour faire Palmis reine avec plus de hauteur?
- Il n'est rien d'impossible à la valeur d'un homme
- Qui rétablit son maître et triomphe de Rome; 850
- Mais sous le ciel tout change, et les plus valeureux
- N'ont jamais sûreté d'être toujours heureux.
- J'ai donné ma parole: elle est inviolable.
- Le prince aime Eurydice autant qu'elle est aimable;
- Et s'il faut dire tout, je lui dois cet appui 855
- Contre ce que Phradate[465] osera contre lui;
- Car tout ce qu'attenta contre moi Mithradate[466],
- Pacorus le doit craindre à son tour de Phradate:
- Cet esprit turbulent, et jaloux du pouvoir,
- Quoique son frère....
-
- SURÉNA.
-
- Il sait que je sais mon devoir, 860
- Et n'a pas oublié que dompter des rebelles,
- Détrôner un tyran....
-
- ORODE.
-
- Ces actions sont belles;
- Mais pour m'avoir remis en état de régner,
- Rendent-elles pour vous ma fille à dédaigner?
-
- SURÉNA.
-
- La dédaigner, Seigneur, quand mon zèle fidèle 865
- N'ose me regarder que comme indigne d'elle!
- Osez me dispenser de ce que je vous doi,
- Et pour la mériter, je cours me faire roi.
- S'il n'est rien d'impossible à la valeur d'un homme
- Qui rétablit son maître et triomphe de Rome, 870
- Sur quels rois aisément ne pourrai-je emporter,
- En faveur de Mandane, un sceptre à la doter?
- Prescrivez-moi, Seigneur, vous-même une conquête
- Dont en prenant sa main je couronne sa tête;
- Et vous direz après si c'est la dédaigner 875
- Que de vouloir me perdre ou la faire régner[467].
- Mais je suis né sujet, et j'aime trop à l'être
- Pour hasarder mes jours que pour servir mon maître,
- Et consentir jamais qu'un homme tel que moi
- Souille par son hymen le pur sang de son roi. 880
-
- ORODE.
-
- Je n'examine point si ce respect déguise;
- Mais parlons une fois avec pleine franchise.
- Vous êtes mon sujet, mais un sujet si grand,
- Que rien n'est malaisé quand son bras l'entreprend.
- Vous possédez sous moi deux provinces entières 885
- De peuples si hardis, de nations si fières,
- Que sur tant de vassaux je n'ai d'autorité
- Qu'autant que votre zèle a de fidélité:
- Ils vous ont jusqu'ici suivi comme fidèle,
- Et quand vous le voudrez, ils vous suivront rebelle; 890
- Vous avez tant de nom, que tous les rois voisins
- Vous veulent, comme Orode, unir à leurs destins.
- La victoire, chez vous passée en habitude,
- Met jusque dans ses murs Rome en inquiétude:
- Par gloire, ou pour braver au besoin mon courroux, 895
- Vous traînez en tous lieux dix mille âmes à vous[468]:
- Le nombre est peu commun pour un train domestique;
- Et s'il faut qu'avec vous tout à fait je m'explique,
- Je ne vous saurois croire assez en mon pouvoir,
- Si les nœuds de l'hymen n'enchaînent le devoir. 900
-
- SURÉNA.
-
- Par quel crime, Seigneur, ou par quelle imprudence
- Ai-je pu mériter si peu de confiance?
- Si mon cœur, si mon bras pouvoit être gagné,
- Mithradate et Crassus n'auroient rien épargné:
- Tous les deux....
-
- ORODE.
-
- Laissons là Crassus et Mithradate. 905
- Suréna, j'aime à voir que votre gloire éclate:
- Tout ce que je vous dois, j'aime à le publier;
- Mais quand je m'en souviens, vous devez l'oublier.
- Si le ciel par vos mains m'a rendu cet empire,
- Je sais vous épargner la peine de le dire; 910
- Et s'il met votre zèle au-dessus du commun,
- Je n'en suis point ingrat: craignez d'être importun.
-
- SURÉNA.
-
- Je reviens à Palmis, Seigneur. De mes hommages
- Si les lois du devoir sont de trop foibles gages,
- En est-il de plus sûrs, ou de plus fortes lois, 915
- Qu'avoir une sœur reine et des neveux pour rois?
- Mettez mon sang au trône, et n'en cherchez point d'autres,
- Pour unir à tel point mes intérêts aux vôtres,
- Que tout cet univers, que tout notre avenir
- Ne trouve aucune voie à les en désunir. 920
-
- ORODE.
-
- Mais, Suréna, le puis-je après la foi donnée,
- Au milieu des apprêts d'un si grand hyménée?
- Et rendrai-je aux Romains qui voudront me braver
- Un ami que la paix vient de leur enlever?
- Si le prince renonce au bonheur qu'il espère, 925
- Que dira la princesse, et que fera son père?
-
- SURÉNA.
-
- Pour son père, Seigneur, laissez-m'en le souci.
- J'en réponds, et pourrois répondre d'elle aussi.
- Malgré la triste paix que vous avez jurée,
- Avec le prince même elle s'est déclarée; 930
- Et si je puis vous dire avec quels sentiments
- Elle attend à demain l'effet de vos serments,
- Elle aime ailleurs.
-
- ORODE.
-
- Et qui?
-
- SURÉNA.
-
- C'est ce qu'elle aime à taire:
- Du reste son amour n'en fait aucun mystère,
- Et cherche à reculer les effets d'un traité 935
- Qui fait tant murmurer votre peuple irrité.
-
- ORODE.
-
- Est-ce au peuple, est-ce à vous, Suréna, de me dire
- Pour lui donner des rois quel sang je dois élire?
- Et pour voir dans l'État tous mes ordres suivis,
- Est-ce de mes sujets que je dois prendre avis? 940
- Si le prince à Palmis veut rendre sa tendresse,
- Je consens qu'il dédaigne à son tour la princesse;
- Et nous verrons après quel remède apporter
- A la division qui peut en résulter.
- Pour vous, qui vous sentez indigne de ma fille, 945
- Et craignez par respect d'entrer en ma famille,
- Choisissez un parti qui soit digne de vous,
- Et qui surtout n'ait rien à me rendre jaloux:
- Mon âme avec chagrin sur ce point balancée
- En veut, et dès demain, être débarrassée. 950
-
- SURÉNA.
-
- Seigneur, je n'aime rien.
-
- ORODE.
-
- Que vous aimiez ou non,
- Faites un choix vous-même, ou souffrez-en le don.
-
- SURÉNA.
-
- Mais si j'aime en tel lieu qu'il m'en faille avoir honte,
- Du secret de mon cœur puis-je vous rendre conte?
-
- ORODE.
-
- A demain, Suréna. S'il se peut, dès ce jour, 955
- Résolvons cet hymen avec ou sans amour.
- Cependant allez voir la princesse Eurydice;
- Sous les lois du devoir ramenez son caprice;
- Et ne m'obligez point à faire à ses appas
- Un compliment de roi qui ne lui plairoit pas. 960
- Palmis vient par mon ordre, et je veux en apprendre
- Dans vos prétentions la part qu'elle aime à prendre.
-
-
-SCÈNE III.
-
-ORODE, PALMIS.
-
- ORODE.
-
- Suréna m'a surpris, et je n'aurois pas dit
- Qu'avec tant de valeur il eût eu tant d'esprit[469];
- Mais moins on le prévoit, et plus cet esprit brille: 965
- Il trouve des raisons à refuser ma fille,
- Mais fortes, et qui même ont si bien succédé,
- Que s'en disant indigne il m'a persuadé.
- Savez-vous ce qu'il aime? Il est hors d'apparence
- Qu'il fasse un tel refus sans quelque préférence, 970
- Sans quelque objet charmant, dont l'adorable choix
- Ferme tout son grand cœur au pur sang de ses rois.
-
- PALMIS.
-
- J'ai cru qu'il n'aimoit rien.
-
- ORODE.
-
- Il me l'a dit lui-même.
- Mais la princesse avoue, et hautement, qu'elle aime:
- Vous êtes son amie, et savez quel amant 975
- Dans un cœur qu'elle doit règne si puissamment.
-
- PALMIS.
-
- Si la princesse en moi prend quelque confiance,
- Seigneur, m'est-il permis d'en faire confidence?
- Reçoit-on des secrets sans une forte loi...?
-
- ORODE.
-
- Je croyois qu'elle pût se rompre pour un roi, 980
- Et veux bien toutefois qu'elle soit si sévère
- Qu'en mon propre intérêt elle oblige à se taire;
- Mais vous pouvez du moins me répondre de vous.
-
- PALMIS.
-
- Ah! pour mes sentiments, je vous les dirai tous.
- J'aime ce que j'aimois, et n'ai point changé d'âme: 985
- Je n'en fais point secret.
-
- ORODE.
-
- L'aimer encor, Madame?
- Ayez-en quelque honte, et parlez-en plus bas.
- C'est foiblesse d'aimer qui ne vous aime pas.
-
- PALMIS.
-
- Non, Seigneur: à son prince attacher sa tendresse,
- C'est une grandeur d'âme et non une foiblesse; 990
- Et lui garder un cœur qu'il lui plut mériter
- N'a rien d'assez honteux pour ne s'en point vanter.
- J'en ferai toujours gloire; et mon âme, charmée
- De l'heureux souvenir de m'être vue aimée,
- N'étouffera jamais l'éclat de ces beaux feux 995
- Qu'alluma son mérite, et l'offre de ses vœux.
-
- ORODE.
-
- Faites mieux, vengez-vous. Il est des rois, Madame,
- Plus dignes qu'un ingrat d'une si belle flamme.
-
- PALMIS.
-
- De ce que j'aime encor ce seroit m'éloigner,
- Et me faire un exil sous ombre de régner. 1000
- Je veux toujours le voir, cet ingrat qui me tue,
- Non pour le triste bien de jouir de sa vue:
- Cette fausse douceur est au-dessous de moi,
- Et ne vaudra jamais que je néglige un roi;
- Mais il est des plaisirs qu'une amante trahie 1005
- Goûte au milieu des maux qui lui coûtent la vie:
- Je verrai l'infidèle inquiet, alarmé
- D'un rival inconnu, mais ardemment aimé,
- Rencontrer à mes yeux sa peine dans son crime,
- Par les mains de l'hymen devenir ma victime, 1010
- Et ne me regarder, dans ce chagrin profond,
- Que le remords en l'âme, et la rougeur au front.
- De mes bontés pour lui l'impitoyable image,
- Qu'imprimera l'amour sur mon pâle visage,
- Insultera son cœur; et dans nos entretiens 1015
- Mes pleurs et mes soupirs rappelleront les siens,
- Mais qui ne serviront qu'à lui faire connoître
- Qu'il pouvoit être heureux et ne sauroit plus l'être;
- Qu'à lui faire trop tard haïr son peu de foi,
- Et pour tout dire ensemble, avoir regret à moi. 1020
- Voilà tout le bonheur où mon amour aspire;
- Voilà contre un ingrat tout ce que je conspire;
- Voilà tous les plaisirs que j'espère à le voir,
- Et tous les sentiments que vous vouliez savoir.
-
- ORODE.
-
- C'est bien traiter les rois en personnes communes 1025
- Qu'attacher à leur rang ces gênes importunes,
- Comme si pour vous plaire et les inquiéter
- Dans le trône avec eux l'amour pouvoit monter.
- Il nous faut un hymen, pour nous donner des princes
- Qui soient l'appui du sceptre et l'espoir des provinces: 1030
- C'est là qu'est notre force; et dans nos grands destins,
- Le manque de vengeurs enhardit les mutins.
- Du reste en ces grands nœuds l'État qui s'intéresse
- Ferme l'œil aux attraits et l'âme à la tendresse:
- La seule politique est ce qui nous émeut; 1035
- On la suit, et l'amour s'y mêle comme il peut:
- S'il vient, on l'applaudit; s'il manque, on s'en console.
- C'est dont vous pouvez croire un roi sur sa parole.
- Nous ne sommes point faits pour devenir jaloux,
- Ni pour être en souci si le cœur est à nous. 1040
- Ne vous repaissez plus[470] de ces vaines chimères,
- Qui ne font les plaisirs que des âmes vulgaires,
- Madame; et que le prince aye ou non à souffrir,
- Acceptez un des rois que je puis vous offrir.
-
- PALMIS.
-
- Pardonnez-moi, Seigneur, si mon âme alarmée 1045
- Ne veut point de ces rois dont on n'est point aimée.
- J'ai cru l'être du prince, et l'ai trouvé si doux,
- Que le souvenir seul m'en plaît plus qu'un époux.
-
- ORODE.
-
- N'en parlons plus, Madame; et dites à ce frère
- Qui vous est aussi cher que vous me seriez chère, 1050
- Que parmi ses respects il n'a que trop marqué....
-
- PALMIS.
-
- Quoi, Seigneur?
-
- ORODE.
-
- Avec lui je crois m'être expliqué.
- Qu'il y pense, Madame. Adieu.
-
- PALMIS[471].
-
- Quel triste augure!
- Et que ne me dit point[472] cette menace obscure!
- Sauvez ces deux amants, ô ciel! et détournez 1055
- Les soupçons que leurs feux peuvent avoir donnés.
-
-
-FIN DU TROISIÈME ACTE.
-
- [460] Corneille avait dit au Ier acte, scène II, de
- _Cinna_ (vers 73 et 74):
-
- Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses;
- D'une main odieuse ils tiennent lieu d'offenses;
-
- et Racine, au IVe acte, scène VI, de son _Iphigenie_, qui fut
- jouée plusieurs mois avant _Suréna_, en février 1674:
-
- Un bienfait reproché tint toujours lieu d'offense.
-
- [461] Voyez ci-dessus, p. 462, note 436.
-
- [462] Voyez ci-dessus, p. 466, note 444.
-
- [463] Cette scène rappelle en plus d'un endroit la 1re
- scène du IIIe acte d'_Agésilas_.
-
- [464] Ici encore Thomas Corneille (1692) et Voltaire
- (1764) donnent: «tout prêts.» Comparez plus haut, p. 488, vers
- 600 et 610.
-
- [465] Dans les auteurs anciens la forme ordinaire de ce
- nom est _Phraates_, _Phrahates_; cependant on trouve _Phradates_
- dans Quinte-Curce (livre VI, chapitre V). Le frère de Pacorus
- fut, après la mort de celui-ci, associé au trône par Orode, et
- régna après lui sous le nom de Phraate IV. Voyez plus loin, p.
- 530, la note 487 du vers 1648.
-
- [466] Mithridate III, fils et successeur de Phraate III,
- et frère d'Orode, était monté sur le trône par l'assassinat de
- son père, l'an 58 avant Jésus-Christ. Orode ayant voulu s'emparer
- de la couronne, fut d'abord vaincu par lui, puis le vainquit
- plusieurs fois à son tour sans pouvoir le réduire, et finit par
- le faire mettre à mort. Corneille, qui nous a prévenus dans
- l'_Avertissement de Rodogune_ qu'il avait évité de nommer dans
- ses vers la Cléopatre qu'il introduit dans cet ouvrage, de peur
- qu'on ne la confondît avec la reine d'Égypte (voyez tome IV, p.
- 416), a, sans doute par un scrupule analogue, changé le nom de
- Mithridate, que Racine avait l'année précédente remis en mémoire
- à tous, en celui de Mithradate, qui ne peut donner lieu à aucune
- confusion, et qui du reste se trouve sur des médailles.--Les
- éditions anciennes donnent trois fois dans cette scène
- _Mitradate_, sans _h_; mais plus loin, aux vers 1445 et 1644,
- elles portent _Mithradate_.
-
- [467] Thomas Corneille (1692) a ainsi modifié ce vers:
-
- Que vouloir ou me perdre ou la faire régner.
-
- [468] «Il (_Suréna_) faisoit en tout de ses subjects et
- vassaux plus de dix mille cheuaux.» (Plutarque, _Vie de Crassus_,
- chapitre XXI.)
-
- [469] Dans l'édition de 1692: «_on_ eût eu tant
- d'esprit.»
-
- [470] L'édition de 1692 a changé _plus_ en _point_.
-
- [471] Dans l'édition de Voltaire (1764): PALMIS,
- _seule_.
-
- [472] On lit: «Et que ne _nous_ dit point,» dans
- l'édition de 1692.
-
-
-
-
-ACTE IV.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-ORMÈNE, EURYDICE.
-
- ORMÈNE.
-
- Oui, votre intelligence à demi découverte
- Met votre Suréna sur le bord de sa perte.
- Je l'ai su de Sillace; et j'ai lieu de douter
- Qu'il n'ait, s'il faut tout dire, ordre de l'arrêter. 1060
-
- EURYDICE.
-
- On n'oseroit, Ormène; on n'oseroit.
-
- ORMÈNE.
-
- Madame,
- Croyez-en un peu moins votre fermeté d'âme.
- Un héros arrêté n'a que deux bras à lui,
- Et souvent trop de gloire est un débile appui.
-
- EURYDICE.
-
- Je sais que le mérite est sujet à l'envie, 1065
- Que son chagrin s'attache à la plus belle vie.
- Mais sur quelle apparence oses-tu présumer
- Qu'on pourroit...?
-
- ORMÈNE.
-
- Il vous aime, et s'en est fait aimer.
-
- EURYDICE.
-
- Qui l'a dit?
-
- ORMÈNE.
-
- Vous et lui: c'est son crime et le vôtre.
- Il refuse Mandane, et n'en veut aucune autre; 1070
- On sait que vous aimez; on ignore l'amant:
- Madame, tout cela parle trop clairement.
-
- EURYDICE.
-
- Ce sont de vains soupçons qu'avec moi tu hasardes.
-
-
-SCÈNE II.
-
-EURYDICE, PALMIS, ORMÈNE.
-
- PALMIS.
-
- Madame, à chaque porte on a posé des gardes:
- Rien n'entre, rien ne sort qu'avec ordre du Roi. 1075
-
- EURYDICE.
-
- Qu'importe? et quel sujet en prenez-vous d'effroi?
-
- PALMIS.
-
- Ou quelque grand orage à nous troubler s'apprête,
- Ou l'on en veut, Madame, à quelque grande tête:
- Je tremble pour mon frère.
-
- EURYDICE.
-
- A quel propos trembler?
- Un roi qui lui doit tout voudroit-il l'accabler? 1080
-
- PALMIS.
-
- Vous le figurez-vous à tel point insensible,
- Que de son alliance un refus si visible...?
-
- EURYDICE.
-
- Un si rare service a su le prévenir
- Qu'il doit récompenser avant que de punir.
-
- PALMIS.
-
- Il le doit; mais après une pareille offense, 1085
- Il est rare qu'on songe à la reconnoissance,
- Et par un tel mépris le service effacé
- Ne tient plus d'yeux ouverts sur ce qui s'est passé.
-
- EURYDICE.
-
- Pour la sœur d'un héros, c'est être bien timide.
-
- PALMIS.
-
- L'amante a-t-elle droit d'être plus intrépide? 1090
-
- EURYDICE.
-
- L'amante d'un héros aime à lui ressembler,
- Et voit ainsi que lui ses périls sans trembler.
-
- PALMIS.
-
- Vous vous flattez, Madame: elle a de la tendresse
- Que leur idée étonne, et leur image blesse;
- Et ce que dans sa perte elle prend d'intérêt 1095
- Ne sauroit sans désordre en attendre l'arrêt.
- Cette mâle vigueur de constance héroïque
- N'est point une vertu dont le sexe se pique,
- Ou s'il peut jusque-là porter sa fermeté,
- Ce qu'il appelle amour n'est qu'une dureté. 1100
- Si vous aimiez mon frère, on verroit quelque alarme:
- Il vous échapperoit un soupir, une larme,
- Qui marqueroit du moins un sentiment jaloux
- Qu'une sœur se montrât plus sensible que vous.
- Dieux! je donne l'exemple, et l'on s'en peut défendre!
- Je le donne à des yeux qui ne daignent le prendre!
- Auroit-on jamais cru qu'on pût voir quelque jour
- Les nœuds du sang plus forts que les nœuds de l'amour?
- Mais j'ai tort, et la perte est pour vous moins amère:
- On recouvre un amant plus aisément qu'un frère[473]; 1110
- Et si je perds celui que le ciel me donna,
- Quand j'en recouvrerois, seroit-ce un Suréna?
-
- EURYDICE.
-
- Et si j'avois perdu cet amant qu'on menace,
- Seroit-ce un Suréna qui rempliroit sa place?
- Pensez-vous qu'exposée à de si rudes coups, 1115
- J'en soupire au dedans, et tremble moins que vous?
- Mon intrépidité n'est qu'un effort de gloire,
- Que, tout fier qu'il paroît, mon cœur n'en veut pas croire.
- Il est tendre, et ne rend ce tribut qu'à regret
- Au juste et dur orgueil qu'il dément en secret. 1120
- Oui, s'il en faut parler avec une âme ouverte,
- Je pense voir déjà l'appareil de sa perte,
- De ce héros si cher; et ce mortel ennui
- N'ose plus aspirer qu'à mourir avec lui.
-
- PALMIS.
-
- Avec moins de chaleur, vous pourriez bien plus faire.
- Acceptez mon amant pour conserver mon frère,
- Madame; et puisqu'enfin il vous faut l'épouser,
- Tâchez, par politique, à vous y disposer.
-
- EURYDICE.
-
- Mon amour est trop fort pour cette politique:
- Tout entier on l'a vu, tout entier il s'explique; 1130
- Et le prince sait trop ce que j'ai dans le cœur,
- Pour recevoir ma main comme un parfait bonheur.
- J'aime ailleurs, et l'ai dit trop haut pour m'en dédire,
- Avant qu'en sa faveur tout cet amour expire.
- C'est avoir trop parlé; mais dût se perdre tout, 1135
- Je me tiendrai parole, et j'irai jusqu'au bout.
-
- PALMIS.
-
- Ainsi donc vous voulez que ce héros périsse?
-
- EURYDICE.
-
- Pourroit-on en venir jusqu'à cette injustice?
-
- PALMIS.
-
- Madame, il répondra de toutes vos rigueurs,
- Et du trop d'union[474] où s'obstinent vos cœurs. 1140
- Rendez heureux le prince, il n'est plus sa victime;
- Qu'il se donne à Mandane, il n'aura plus de crime.
-
- EURYDICE.
-
- Qu'il s'y donne, Madame, et ne m'en dise rien,
- Ou si son cœur encor peut dépendre du mien,
- Qu'il attende à l'aimer que ma haine cessée 1145
- Vers l'amour de son frère ait tourné ma pensée.
- Résolvez-le vous-même à me désobéir;
- Forcez-moi, s'il se peut, moi-même à le haïr:
- A force de raisons faites-m'en un rebelle;
- Accablez-le de pleurs pour le rendre infidèle; 1150
- Par pitié, par tendresse, appliquez tous vos soins
- A me mettre en état de l'aimer un peu moins:
- J'achèverai le reste. A quelque point qu'on aime,
- Quand le feu diminue, il s'éteint de lui-même.
-
- PALMIS.
-
- Le prince vient, Madame, et n'a pas grand besoin, 1155
- Dans son amour pour vous, d'un odieux témoin:
- Vous pourrez mieux sans moi flatter son espérance,
- Mieux en notre faveur tourner sa déférence;
- Et ce que je prévois me fait assez souffrir,
- Sans y joindre les vœux qu'il cherche à vous offrir. 1160
-
-
-SCÈNE III.
-
-PACORUS, EURYDICE, ORMÈNE.
-
- EURYDICE.
-
- Est-ce pour moi, Seigneur, qu'on fait garde à vos portes?
- Pour assurer ma fuite, ai-je ici des escortes?
- Ou si ce grand hymen, pour ses derniers apprêts....
-
- PACORUS.
-
- Madame, ainsi que vous chacun a ses secrets.
- Ceux que vous honorez de votre confidence 1165
- Observent par votre ordre un généreux silence.
- Le Roi suit votre exemple; et si c'est vous gêner,
- Comme nous devinons, vous pouvez deviner.
-
- EURYDICE.
-
- Qui devine est souvent sujet à se méprendre.
-
- PACORUS.
-
- Si je devine mal, je sais à qui m'en prendre; 1170
- Et comme votre amour n'est que trop évident,
- Si je n'en sais l'objet, j'en sais le confident.
- Il est le plus coupable: un amant peut se taire;
- Mais d'un sujet au Roi, c'est crime qu'un mystère.
- Qui connoît un obstacle au bonheur de l'État, 1175
- Tant qu'il le tient caché commet un attentat.
- Ainsi ce confident.... Vous m'entendez, Madame,
- Et je vois dans les yeux ce qui se passe en l'âme.
-
- EURYDICE.
-
- S'il a ma confidence, il a mon amitié;
- Et je lui dois, Seigneur, du moins quelque pitié. 1180
-
- PACORUS.
-
- Ce sentiment est juste, et même je veux croire
- Qu'un cœur comme le vôtre a droit d'en faire gloire;
- Mais ce trouble, Madame, et cette émotion,
- N'ont-ils rien de plus fort que la compassion?
- Et quand de ses périls l'ombre vous intéresse, 1185
- Qu'une pitié si prompte en sa faveur vous presse,
- Un si cher confident ne fait-il point douter
- De l'amant ou de lui qui les peut exciter?
-
- EURYDICE.
-
- Qu'importe? et quel besoin de les confondre ensemble,
- Quand ce n'est que pour vous, après tout, que je tremble?
-
- PACORUS.
-
- Quoi? vous me menacez moi-même[475] à votre tour!
- Et les emportements de votre aveugle amour....
-
- EURYDICE.
-
- Je m'emporte et m'aveugle un peu moins qu'on ne pense:
- Pour l'avouer vous-même, entrons en confidence.
- Seigneur, je vous regarde en qualité d'époux: 1195
- Ma main ne sauroit être et ne sera qu'à vous;
- Mes vœux y sont déjà, tout mon cœur y veut être:
- Dès que je le pourrai, je vous en ferai maître;
- Et si pour s'y réduire il me fait différer,
- Cet amant si chéri n'en peut rien espérer. 1200
- Je ne serai qu'à vous, qui que ce soit que j'aime,
- A moins qu'à vous quitter vous m'obligiez vous-même;
- Mais s'il faut que le temps m'apprenne à vous aimer,
- Il ne me l'apprendra qu'à force d'estimer;
- Et si vous me forcez à perdre cette estime, 1205
- Si votre impatience ose aller jusqu'au crime....
- Vous m'entendez, Seigneur, et c'est vous dire assez
- D'où me viennent pour vous ces vœux intéressés.
- J'ai part à votre gloire, et je tremble pour elle
- Que vous ne la souilliez d'une tache éternelle, 1210
- Que le barbare éclat d'un indigne soupçon
- Ne fasse à l'univers détester votre nom,
- Et que vous ne veuilliez[476] sortir d'inquiétude
- Par une épouvantable et noire ingratitude.
- Pourrois-je après cela vous conserver ma foi, 1215
- Comme si vous étiez encor digne de moi;
- Recevoir sans horreur l'offre d'une couronne,
- Toute fumante encor du sang qui vous la donne,
- Et m'exposer en proie aux fureurs des Romains,
- Quand pour les repousser vous n'aurez plus[477] de mains?
- Si Crassus est défait, Rome n'est pas détruite:
- D'autres ont ramassé les débris de sa fuite,
- De nouveaux escadrons leur vont enfler le cœur,
- Et vous avez besoin encor de son vainqueur.
- Voilà ce que pour vous craint une destinée 1225
- Qui se doit bientôt voir à la vôtre enchaînée,
- Et deviendroit infâme à se vouloir unir
- Qu'à des rois dont on puisse aimer le souvenir.
-
- PACORUS.
-
- Tout ce que vous craignez est en votre puissance,
- Madame; il ne vous faut qu'un peu d'obéissance, 1230
- Qu'exécuter demain ce qu'un père a promis:
- L'amant, le confident, n'auront plus d'ennemis.
- C'est de quoi tout mon cœur de nouveau vous conjure[478],
- Par les tendres respects d'une flamme si pure,
- Ces assidus respects, qui sans cesse bravés, 1235
- Ne peuvent obtenir ce que vous me devez,
- Par tout ce qu'a de rude un orgueil inflexible,
- Par tous les maux que souffre....
-
- EURYDICE.
-
- Et moi, suis-je insensible?
- Livre-t-on à mon cœur de moins rudes combats?
- Seigneur, je suis aimée, et vous ne l'êtes pas. 1240
- Mon devoir vous prépare un assuré remède,
- Quand il n'en peut souffrir au mal qui me possède;
- Et pour finir le vôtre, il ne veut qu'un moment,
- Quand il faut que le mien dure éternellement.
-
- PACORUS.
-
- Ce moment quelquefois est difficile à prendre, 1245
- Madame; et si le Roi se lasse de l'attendre,
- Pour venger le mépris de son autorité,
- Songez à ce que peut un monarque irrité.
-
- EURYDICE.
-
- Ma vie est en ses mains, et de son grand courage
- Il peut montrer sur elle un glorieux ouvrage. 1250
-
- PACORUS.
-
- Traitez-le mieux, de grâce, et ne vous alarmez
- Que pour la sûreté de ce que vous aimez.
- Le Roi sait votre foible et le trouble que porte
- Le péril d'un amant dans l'âme la plus forte.
-
- EURYDICE.
-
- C'est mon foible, il est vrai; mais si j'ai de l'amour,
- J'ai du cœur, et pourrois le mettre en son plein jour.
- Ce grand roi cependant prend une aimable voie
- Pour me faire accepter ses ordres avec joie!
- Pensez-y mieux, de grâce; et songez qu'au besoin
- Un pas hors du devoir nous peut mener bien loin. 1260
- Après ce premier pas, ce pas qui seul nous gêne,
- L'amour rompt aisément le reste de sa chaîne;
- Et tyran à son tour du devoir méprisé,
- Il s'applaudit longtemps du joug qu'il a brisé.
-
- PACORUS.
-
- Madame....
-
- EURYDICE.
-
- Après cela, Seigneur, je me retire, 1265
- Et s'il vous reste encor quelque chose à me dire,
- Pour éviter l'éclat d'un orgueil imprudent,
- Je vous laisse achever avec mon confident.
-
-
-SCÈNE IV.
-
-PACORUS, SURÉNA.
-
- PACORUS.
-
- Suréna, je me plains, et j'ai lieu de me plaindre.
-
- SURÉNA.
-
- De moi, Seigneur?
-
- PACORUS.
-
- De vous. Il n'est plus temps de feindre:
- Malgré tous vos détours on sait la vérité;
- Et j'attendois de vous plus de sincérité,
- Moi qui mettois en vous ma confiance entière,
- Et ne voulois souffrir aucune autre lumière.
- L'amour dans sa prudence est toujours indiscret; 1275
- A force de se taire il trahit son secret:
- Le soin de le cacher découvre ce qu'il cache,
- Et son silence dit tout ce qu'il craint qu'on sache.
- Ne cachez plus le vôtre, il est connu de tous,
- Et toute votre adresse a parlé contre vous. 1280
-
- SURÉNA.
-
- Puisque vous vous plaignez, la plainte est légitime,
- Seigneur; mais après tout j'ignore encor mon crime.
-
- PACORUS.
-
- Vous refusez Mandane avec tant de respect,
- Qu'il est trop raisonné pour n'être point suspect.
- Avant qu'on vous l'offrît vos raisons étoient prêtes, 1285
- Et jamais on n'a vu de refus plus honnêtes;
- Mais ces honnêtetés ne font pas moins rougir:
- Il falloit tout promettre, et la laisser agir;
- Il falloit espérer de son orgueil sévère
- Un juste désaveu des volontés d'un père, 1290
- Et l'aigrir par des vœux si froids, si mal conçus,
- Qu'elle usurpât sur vous la gloire du refus.
- Vous avez mieux aimé tenter un artifice
- Qui pût mettre Palmis où doit être Eurydice,
- En me donnant le change attirer mon courroux, 1295
- Et montrer quel objet vous réservez pour vous.
- Mais vous auriez mieux fait d'appliquer tant d'adresse
- A remettre au devoir l'esprit de la princesse:
- Vous en avez eu l'ordre, et j'en suis plus haï
- C'est pour un bon sujet avoir bien obéi. 1300
-
- SURÉNA.
-
- Je le vois bien, Seigneur: qu'on m'aime, qu'on vous aime,
- Qu'on ne vous aime pas, que je n'aime pas même,
- Tout m'est compté pour crime; et je dois seul au Roi
- Répondre de Palmis, d'Eurydice et de moi:
- Comme si je pouvois sur une âme enflammée 1305
- Ce qu'on me voit pouvoir sur tout un corps d'armée,
- Et qu'un cœur ne fût pas plus pénible à tourner
- Que les Romains à vaincre, ou qu'un sceptre à donner.
- Sans faire un nouveau crime, oserai-je vous dire
- Que l'empire des cœurs n'est pas de votre empire, 1310
- Et que l'amour, jaloux de son autorité,
- Ne reconnoît ni roi ni souveraineté?
- Il hait tous les emplois où la force l'appelle:
- Dès qu'on le violente, on en fait un rebelle;
- Et je suis criminel de ne pas triompher[479], 1315
- Quand vous-même, Seigneur, ne pouvez l'étouffer!
- Changez-en par votre ordre à tel point le caprice,
- Qu'Eurydice vous aime, et Palmis vous haïsse;
- Ou rendez votre cœur à vos lois si soumis,
- Qu'il dédaigne Eurydice, et retourne[480] à Palmis. 1320
- Tout ce que vous pourrez ou sur vous ou sur elles
- Rendra mes actions d'autant plus criminelles;
- Mais sur elles, sur vous si vous ne pouvez rien,
- Des crimes de l'amour ne faites plus le mien.
-
- PACORUS.
-
- Je pardonne à l'amour les crimes qu'il fait faire; 1325
- Mais je n'excuse point ceux qu'il s'obstine à taire,
- Qui cachés avec soin se commettent longtemps,
- Et tiennent près des rois de secrets mécontents.
- Un sujet qui se voit le rival de son maître,
- Quelque étude qu'il perde à ne le point paroître, 1330
- Ne pousse aucun soupir sans faire un attentat;
- Et d'un crime d'amour il en fait un d'État.
- Il a besoin de grâce, et surtout quand on l'aime
- Jusqu'à se révolter contre le diadème,
- Jusqu'à servir d'obstacle au bonheur général. 1335
-
- _SURÉNA._
-
- Oui; mais quand de son maître on lui fait un rival;
- Qu'il aimoit[481] le premier; qu'en dépit de sa flamme,
- Il cède, aimé qu'il est, ce qu'adore son âme;
- Qu'il renonce à l'espoir, dédit sa passion:
- Est-il digne de grâce, ou de compassion? 1340
-
- PACORUS.
-
- Qui cède ce qu'il aime est digne qu'on le loue;
- Mais il ne cède rien, quand on l'en désavoue;
- Et les illusions d'un si faux compliment
- Ne méritent qu'un long et vrai ressentiment.
-
- SURÉNA.
-
- Tout à l'heure, Seigneur, vous me parliez de grâce, 1345
- Et déjà vous passez jusques à la menace!
- La grâce est aux grands cœurs honteuse à recevoir;
- La menace n'a rien qui les puisse émouvoir.
- Tandis que hors des murs ma suite est dispersée,
- Que la garde au dedans par Sillace est placée, 1350
- Que le peuple s'attend à me voir arrêter,
- Si quelqu'un en a l'ordre, il peut l'exécuter.
- Qu'on veuille mon épée, ou qu'on veuille ma tête,
- Dites un mot, Seigneur, et l'une et l'autre est prête:
- Je n'ai goutte de sang qui ne soit à mon roi; 1355
- Et si l'on m'ose perdre, il perdra plus que moi.
- J'ai vécu pour ma gloire autant qu'il falloit vivre,
- Et laisse un grand exemple à qui pourra me suivre;
- Mais si vous me livrez à vos chagrins jaloux,
- Je n'aurai pas peut-être assez vécu pour vous. 1360
-
- PACORUS.
-
- Suréna, mes pareils n'aiment point ces manières:
- Ce sont fausses vertus que des vertus si fières.
- Après tant de hauts faits et d'exploits signalés,
- Le Roi ne peut douter de ce que vous valez;
- Il ne veut point vous perdre: épargnez-vous la peine
- D'attirer sa colère et mériter ma haine;
- Donnez à vos égaux l'exemple d'obéir,
- Plutôt que d'un amour qui cherche à vous trahir.
- Il sied bien aux grands cœurs de paroître intrépides,
- De donner à l'orgueil plus qu'aux vertus solides; 1370
- Mais souvent ces grands cœurs n'en font que mieux leur cour[482]
- A paroître au besoin maîtres de leur amour.
- Recevez cet avis d'une amitié fidèle.
- Ce soir la Reine arrive, et Mandane avec elle.
- Je ne demande point le secret de vos feux; 1375
- Mais songez bien qu'un roi, quand il dit: «Je le veux....»
- Adieu: ce mot suffit, et vous devez m'entendre.
-
- SURÉNA.
-
- Je fais plus, je prévois ce que j'en dois attendre:
- Je l'attends sans frayeur; et quel qu'en soit le cours,
- J'aurai soin de ma gloire; ordonnez de mes jours. 1380
-
-
-FIN DU QUATRIÈME ACTE.
-
- [473] Antigone, dans la tragédie de Sophocle qui porte
- son nom (vers 901 et suivants), exprime avec plus de force la
- même idée, et dit que la perte d'un frère est plus grande que
- celle d'un fils et d'un époux, parce qu'elle est plus
- irréparable.--Voyez aussi la tragédie d'_Horace_, vers 895-916.
-
- [474] L'édition de 1682 porte: «Et _de_ trop
- d'union....»
-
- [475] Voltaire (1764) a remplacé _moi-même_ par
- _vous-même_.
-
- [476] L'édition de 1692 a changé _veuilliez_ en
- _vouliez_.
-
- [477] L'édition de 1692 et celle de Voltaire (1764) ont
- changé _plus_ en _point_.
-
- [478] Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont
- modifié ce vers par une inversion:
-
- C'est de quoi de nouveau tout mon cœur vous conjure.
-
- [479] On lit dans l'édition de 1692 et dans celle de
- Voltaire (1764): «de _n'en_ pas triompher.»
-
- [480] L'édition de 1682 porte, par erreur, _renonce_,
- pour _retourne_.
-
- [481] L'édition de 1692 a changé _Qu'il aimoit_ en
- _Qu'il aime_.
-
- [482] L'édition de 1692 porte: «_ne_ font que mieux leur
- cour.»
-
-
-
-
-ACTE V.
-
-
-SCÈNE PREMIÈRE.
-
-ORODE, EURYDICE.
-
- ORODE.
-
- Ne me l'avouez point: en cette conjoncture,
- Le soupçon m'est plus doux que la vérité sûre;
- L'obscurité m'en plaît, et j'aime à n'écouter
- Que ce qui laisse encor liberté d'en douter.
- Cependant par mon ordre on a mis garde aux portes,
- Et d'un amant suspect dispersé les escortes,
- De crainte qu'un aveugle et fol emportement
- N'allât, et malgré vous, jusqu'à l'enlèvement.
- La vertu la plus haute alors cède à la force;
- Et pour deux cœurs unis l'amour a tant d'amorce, 1390
- Que le plus grand courroux qu'on voie y succéder[483]
- N'aspire qu'aux douceurs de se raccommoder.
- Il n'est que trop aisé de juger quelle suite
- Exigeroit de moi l'éclat de cette fuite;
- Et pour n'en pas venir à ces extrémités, 1395
- Que vous l'aimiez ou non, j'ai pris mes sûretés.
-
- EURYDICE.
-
- A ces précautions je suis trop redevable;
- Une prudence moindre en seroit incapable,
- Seigneur; mais dans le doute où votre esprit se plaît,
- Si j'ose en ce héros prendre quelque intérêt, 1400
- Son sort est plus douteux que votre incertitude,
- Et j'ai lieu plus que vous d'être en inquiétude.
- Je ne vous réponds point sur cet enlèvement:
- Mon devoir, ma fierté, tout en moi le dément.
- La plus haute vertu peut céder à la force, 1405
- Je le sais: de l'amour je sais quelle est l'amorce;
- Mais contre tous les deux l'orgueil peut secourir,
- Et rien n'en est à craindre alors qu'on sait mourir.
- Je ne serai qu'au prince.
-
- ORODE.
-
- Oui; mais à quand, Madame,
- A quand cet heureux jour, que de toute son âme....
-
- EURYDICE.
-
- Il se verroit, Seigneur, dès ce soir mon époux,
- S'il n'eût point voulu voir dans mon cœur plus que vous:
- Sa curiosité s'est trop embarrassée
- D'un point dont il devoit éloigner sa pensée.
- Il sait que j'aime ailleurs, et l'a voulu savoir: 1415
- Pour peine il attendra l'effort de mon devoir.
-
- ORODE.
-
- Les délais les plus longs, Madame, ont quelque terme.
-
- EURYDICE.
-
- Le devoir vient à bout de l'amour le plus ferme:
- Les grands cœurs ont vers lui des retours éclatants;
- Et quand on veut se vaincre, il y faut peu de temps.
- Un jour y peut beaucoup, une heure y peut suffire,
- Un de ces bons moments qu'un cœur n'ose en dédire;
- S'il ne suit pas toujours nos souhaits et nos soins,
- Il arrive souvent quand on l'attend le moins.
- Mais je ne promets pas de m'y rendre facile, 1425
- Seigneur, tant que j'aurai l'âme si peu tranquille;
- Et je ne livrerai mon cœur qu'à mes ennuis,
- Tant qu'on me laissera dans l'alarme où je suis.
-
- ORODE.
-
- Le sort de Suréna vous met donc en alarme
-
- EURYDICE.
-
- Je vois ce que pour tous ses vertus ont de charme, 1430
- Et puis craindre pour lui ce qu'on voit craindre à tous,
- Ou d'un maître en colère, ou d'un rival jaloux.
- Ce n'est point toutefois l'amour qui m'intéresse,
- C'est.... Je crains encor plus que ce mot ne vous blesse,
- Et qu'il ne vaille mieux s'en tenir à l'amour, 1435
- Que d'en mettre, et sitôt, le vrai sujet au jour.
-
- ORODE.
-
- Non, Madame, parlez, montrez toutes vos craintes:
- Puis-je sans les connoître en guérir les atteintes,
- Et dans l'épaisse nuit où vous vous retranchez,
- Choisir le vrai remède aux maux que vous cachez? 1440
-
- EURYDICE.
-
- Mais si je vous disois que j'ai droit d'être en peine
- Pour un trône où je dois un jour monter en reine;
- Que perdre Suréna, c'est livrer aux Romains
- Un sceptre que son bras a remis en vos mains;
- Que c'est ressusciter l'orgueil de Mithradate, 1445
- Exposer avec vous Pacorus et Phradate[484];
- Que je crains que sa mort, enlevant votre appui,
- Vous renvoie à l'exil où vous seriez sans lui:
- Seigneur, ce seroit être un peu trop téméraire.
- J'ai dû le dire au prince, et je dois vous le taire; 1450
- J'en dois craindre un trop long et trop juste courroux;
- Et l'amour trouvera plus de grâce chez vous.
-
- ORODE.
-
- Mais, Madame, est-ce à vous d'être si politique?
- Qui peut se taire ainsi, voyons comme il s'explique.
- Si votre Suréna m'a rendu mes États, 1455
- Me les a-t-il rendus pour ne m'obéir pas?
- Et trouvez-vous par là sa valeur bien fondée
- A ne m'estimer plus son maître qu'en idée,
- A vouloir qu'à ses lois j'obéisse à mon tour?
- Ce discours iroit loin: revenons à l'amour, 1460
- Madame; et s'il est vrai qu'enfin....
-
- EURYDICE.
-
- Laissez-m'en faire,
- Seigneur: je me vaincrai, j'y tâche, je l'espère;
- J'ose dire encor plus, je m'en fais une loi;
- Mais je veux que le temps en dépende de moi.
-
- ORODE.
-
- C'est bien parler en reine, et j'aime assez, Madame, 1465
- L'impétuosité de cette grandeur d'âme:
- Cette noble fierté que rien ne peut dompter
- Remplira bien ce trône où vous devez monter.
- Donnez-moi donc en reine un ordre que je suive.
- Phradate est arrivé, ce soir Mandane arrive; 1470
- Ils sauront quels respects a montrés pour sa main
- Cet intrépide effroi de l'empire romain.
- Mandane en rougira, le voyant auprès d'elle;
- Phradate est violent, et prendra sa querelle.
- Près d'un esprit si chaud et si fort emporté, 1475
- Suréna dans ma cour est-il en sûreté?
- Puis-je vous en répondre, à moins qu'il se retire?
-
- EURYDICE.
-
- Bannir de votre cour l'honneur de votre empire!
- Vous le pouvez, Seigneur, et vous êtes son roi;
- Mais je ne puis souffrir qu'il soit banni pour moi. 1480
- Car enfin les couleurs ne font rien à la chose;
- Sous un prétexte faux je n'en suis pas moins cause;
- Et qui craint pour Mandane un peu trop de rougeur
- Ne craint pour Suréna que le fond de mon cœur.
- Qu'il parte, il vous déplaît; faites-vous-en justice; 1485
- Punissez, exilez: il faut qu'il obéisse.
- Pour remplir mes devoirs j'attendrai son retour.
- Seigneur; et jusque-là point d'hymen ni d'amour.
-
- ORODE.
-
- Vous pourriez épouser le prince en sa présence?
-
- EURYDICE.
-
- Je ne sais; mais enfin je hais la violence. 1490
-
- ORODE.
-
- Empêchez-la, Madame, en vous donnant à nous;
- Ou faites qu'à Mandane il s'offre pour époux.
- Cet ordre exécuté, mon âme satisfaite
- Pour ce héros si cher ne veut plus de retraite.
- Qu'on le fasse venir. Modérez vos hauteurs: 1493
- L'orgueil n'est pas toujours la marque des grands cœurs.
- Il me faut un hymen: choisissez l'un ou l'autre,
- Ou lui dites adieu pour le moins jusqu'au vôtre.
-
- EURYDICE.
-
- Je sais tenir, Seigneur, tout ce que je promets,
- Et promettrois en vain de ne ne le voir jamais, 1500
- Moi qui sais que bientôt la guerre rallumée
- Le rendra pour le moins nécessaire à l'armée.
-
- ORODE.
-
- Nous ferons voir, Madame, en cette extrémité,
- Comme il faut obéir à la nécessité.
- Je vous laisse avec lui.
-
-
-SCÈNE II.
-
-EURYDICE, SURÉNA.
-
- EURYDICE.
-
- Seigneur, le Roi condamne 1505
- Ma main à Pacorus, ou la vôtre à Mandane;
- Le refus n'en sauroit demeurer impuni:
- Il lui faut l'une ou l'autre, ou vous êtes banni.
-
- SURÉNA.
-
- Madame, ce refus n'est point vers lui mon crime;
- Vous m'aimez: ce n'est point non plus ce qui l'anime.
- Mon crime véritable est d'avoir aujourd'hui
- Plus de nom que mon roi, plus de vertu que lui;
- Et c'est de là que part cette secrète haine
- Que le temps ne rendra que plus forte et plus pleine.
- Plus on sert des ingrats, plus on s'en fait haïr: 1515
- Tout ce qu'on fait pour eux ne fait que nous trahir.
- Mon visage l'offense, et ma gloire le blesse.
- Jusqu'au fond de mon âme il cherche une bassesse,
- Et tâche à s'ériger par l'offre ou par la peur,
- De roi que je l'ai fait, en tyran de mon cœur; 1520
- Comme si par ses dons il pouvoit me séduire,
- Ou qu'il pût m'accabler, et ne se point détruire.
- Je lui dois en sujet tout mon sang, tout mon bien;
- Mais si je lui dois tout, mon cœur ne lui doit rien,
- Et n'en reçoit de lois que comme autant d'outrages, 1525
- Comme autant d'attentats sur de plus doux hommages.
- Cependant pour jamais il faut nous séparer,
- Madame.
-
- EURYDICE.
-
- Cet exil pourroit toujours durer?
-
- SURÉNA.
-
- En vain pour mes pareils leur vertu sollicite:
- Jamais un envieux ne pardonne au mérite. 1530
- Cet exil toutefois n'est pas un long malheur;
- Et je n'irai pas loin sans mourir de douleur.
-
- EURYDICE.
-
- Ah! craignez de m'en voir assez persuadée
- Pour mourir avant vous de cette seule idée.
- Vivez, si vous m'aimez.
-
- SURÉNA.
-
- Je vivrois pour savoir 1535
- Que vous aurez enfin rempli votre devoir,
- Que d'un cœur tout à moi, que de votre personne
- Pacorus sera maître, ou plutôt sa couronne!
- Ce penser m'assassine, et je cours de ce pas
- Beaucoup moins à l'exil, Madame, qu'au trépas. 1540
-
- EURYDICE.
-
- Que le ciel n'a-t-il mis en ma main et la vôtre,
- Ou de n'être à personne, ou d'être l'un à l'autre!
-
- SURÉNA.
-
- Falloit-il que l'amour vît l'inégalité
- Vous abandonner toute aux rigueurs d'un traité!
-
- EURYDICE.
-
- Cette inégalité me souffroit l'espérance. 1545
- Votre nom, vos vertus valoient bien ma naissance,
- Et Crassus a rendu plus digne encor de moi
- Un héros dont le zèle a rétabli son roi.
- Dans les maux où j'ai vu l'Arménie exposée,
- Mon pays désolé m'a seul tyrannisée. 1550
- Esclave de l'État, victime de la paix,
- Je m'étois répondu de vaincre mes souhaits,
- Sans songer qu'un amour comme le nôtre extrême
- S'y rend inexorable aux yeux de ce qu'on aime.
- Pour le bonheur public j'ai promis; mais, hélas! 1555
- Quand j'ai promis, Seigneur, je ne vous voyois pas.
- Votre rencontre ici m'ayant fait voir ma faute,
- Je diffère à donner le bien que je vous ôte;
- Et l'unique bonheur que j'y puis espérer,
- C'est de toujours promettre et toujours différer. 1560
-
- SURÉNA.
-
- Que je serois heureux! Mais qu'osé-je vous dire?
- L'indigne et vain bonheur où mon amour aspire!
- Fermez les yeux aux maux où l'on me fait courir:
- Songez à vivre heureuse, et me laissez mourir.
- Un trône vous attend, le premier de la terre, 1565
- Un trône où l'on ne craint que l'éclat du tonnerre,
- Qui règle le destin du reste des humains,
- Et jusque dans leurs murs alarme les Romains.
-
- EURYDICE.
-
- J'envisage ce trône et tous ses avantages,
- Et je n'y vois partout, Seigneur, que vos ouvrages; 1570
- Sa gloire ne me peint que celle de mes fers,
- Et dans ce qui m'attend je vois ce que je perds.
- Ah! Seigneur.
-
- SURÉNA.
-
- Épargnez la douleur qui me presse;
- Ne la ravalez point jusques à la tendresse;
- Et laissez-moi partir dans cette fermeté 1575
- Qui fait de tels jaloux[485], et qui m'a tant coûté.
-
- EURYDICE.
-
- Partez, puisqu'il le faut, avec ce grand courage
- Qui mérita mon cœur et donne tant d'ombrage.
- Je suivrai votre exemple, et vous n'aurez point lieu....
- Mais j'aperçois Palmis qui vient vous dire adieu, 1580
- Et je puis, en dépit de tout ce qui me tue,
- Quelques moments encor jouir de votre vue.
-
-
-SCÈNE III.
-
-EURYDICE, SURÉNA, PALMIS.
-
- PALMIS.
-
- On dit qu'on vous exile à moins que d'épouser,
- Seigneur, ce que le Roi daigne vous proposer.
-
- SURÉNA.
-
- Non; mais jusqu'à l'hymen que Pacorus souhaite, 1595
- Il m'ordonne chez moi quelques jours de retraite.
-
- PALMIS.
-
- Et vous partez?
-
- SURÉNA.
-
- Je pars.
-
- PALMIS.
-
- Et malgré son courroux,
- Vous avez sûreté d'aller jusque chez vous?
- Vous êtes à couvert des périls dont menace
- Les gens de votre sorte une telle disgrâce, 1590
- Et s'il faut dire tout, sur de si longs chemins
- Il n'est point de poisons, il n'est point d'assassins?
-
- SURÉNA.
-
- Le Roi n'a pas encore oublié mes services,
- Pour commencer par moi de telles injustices:
- Il est trop généreux pour perdre son appui. 1595
-
- PALMIS.
-
- S'il l'est, tous vos jaloux le sont-ils comme lui?
- Est-il aucun flatteur, Seigneur, qui lui refuse
- De lui prêter un crime et lui faire une excuse?
- En est-il que l'espoir d'en faire mieux sa cour
- N'expose sans scrupule à ces courroux d'un jour, 1600
- Ces courroux qu'on affecte alors qu'on désavoue
- De lâches coups d'État dont en l'âme on se loue,
- Et qu'une absence élude, attendant le moment
- Qui laisse évanouir ce faux ressentiment?
-
- SURÉNA.
-
- Ces courroux affectés que l'artifice donne 1605
- Font souvent trop de bruit pour abuser personne.
- Si ma mort plaît au Roi, s'il la veut tôt ou tard,
- J'aime mieux qu'elle soit un crime qu'un hasard;
- Qu'aucun ne l'attribue à cette loi commune
- Qu'impose la nature et règle la fortune; 1610
- Que son perfide auteur, bien qu'il cache sa main,
- Devienne abominable à tout le genre humain;
- Et qu'il en naisse enfin des haines immortelles
- Qui de tous ses sujets lui fassent des rebelles.
-
- PALMIS.
-
- Je veux que la vengeance aille à son plus haut point: 1615
- Les morts les mieux vengés ne ressuscitent point,
- Et de tout l'univers la fureur éclatante
- En consoleroit mal et la sœur et l'amante.
-
- SURÉNA.
-
- Que faire donc, ma sœur?
-
- PALMIS.
-
- Votre asile est ouvert.
-
- SURÉNA.
-
- Quel asile?
-
- PALMIS.
-
- L'hymen qui vous vient d'être offert. 1620
- Vos jours en sûreté dans les bras de Mandane,
- Sans plus rien craindre....
-
- SURÉNA.
-
- Et c'est ma sœur qui m'y condamne!
- C'est elle qui m'ordonne avec tranquillité
- Aux yeux de ma princesse une infidélité!
-
- PALMIS.
-
- Lorsque d'aucun espoir notre ardeur n'est suivie, 1625
- Doit-on être fidèle aux dépens de sa vie?
- Mais vous ne m'aidez point à le persuader,
- Vous qui d'un seul regard pourriez tout décider?
- Madame, ses périls ont-ils de quoi vous plaire?
-
- EURYDICE.
-
- Je crois faire beaucoup, Madame, de me taire; 1630
- Et tandis qu'à mes yeux vous donnez tout mon bien,
- C'est tout ce que je puis que de ne dire rien.
- Forcez-le, s'il se peut, au nœud que je déteste;
- Je vous laisse en parler, dispensez-moi du reste:
- Je n'y mets point d'obstacle, et mon esprit confus....
- C'est m'expliquer assez: n'exigez rien de plus.
-
- SURÉNA.
-
- Quoi? vous vous figurez que l'heureux nom de gendre,
- Si ma perte est jurée, a de quoi m'en défendre,
- Quand malgré la nature, en dépit de ses lois,
- Le parricide a fait la moitié de nos rois, 1640
- Qu'un frère pour régner se baigne au sang d'un frère,
- Qu'un fils impatient prévient la mort d'un père?
- Notre Orode lui-même, où seroit-il sans moi?
- Mithradate pour lui montroit-il plus de foi[486]?
- Croyez-vous Pacorus bien plus sûr de Phradate? 1645
- J'en connois mal le cœur, si bientôt il n'éclate,
- Et si de ce haut rang, que j'ai vu l'éblouir[487],
- Son père et son aîné peuvent longtemps jouir[488].
- Je n'aurai plus de bras alors pour leur défense;
- Car enfin mes refus ne font pas mon offense; 1650
- Mon vrai crime est ma gloire, et non pas mon amour:
- Je l'ai dit, avec elle il croîtra chaque jour;
- Plus je les servirai, plus je serai coupable;
- Et s'ils veulent ma mort, elle est inévitable.
- Chaque instant que l'hymen pourroit la reculer 1655
- Ne les attacheroit qu'à mieux dissimuler;
- Qu'à rendre, sous l'appas d'une amitié tranquille,
- L'attentat plus secret, plus noir et plus facile.
- Ainsi dans ce grand nœud chercher ma sûreté,
- C'est inutilement faire une lâcheté, 1660
- Souiller en vain mon nom, et vouloir qu'on m'impute
- D'avoir enseveli ma gloire sous ma chute.
- Mais, Dieux! se pourroit-il qu'ayant si bien servi,
- Par l'ordre de mon roi le jour me fût ravi?
- Non, non: c'est d'un bon œil qu'Orode me regarde; 1665
- Vous le voyez, ma sœur, je n'ai pas même un garde:
- Je suis libre.
-
- PALMIS.
-
- Et j'en crains d'autant plus son courroux:
- S'il vous faisoit garder, il répondroit de vous.
- Mais pouvez-vous, Seigneur, rejoindre votre suite?
- Êtes-vous libre assez pour choisir une fuite? 1670
- Garde-t-on chaque porte à moins d'un grand dessein?
- Pour en rompre l'effet, il ne faut qu'une main.
- Par toute l'amitié que le sang doit attendre,
- Par tout ce que l'amour a pour vous de plus tendre....
-
- SURÉNA.
-
- La tendresse n'est point de l'amour d'un héros: 1675
- Il est honteux pour lui d'écouter des sanglots;
- Et parmi la douceur des plus illustres flammes,
- Un peu de dureté sied bien aux grandes âmes.
-
- PALMIS.
-
- Quoi? vous pourriez....
-
- SURÉNA.
-
- Adieu: le trouble où je vous voi
- Me fait vous craindre plus que je ne crains le Roi. 1680
-
-
-SCÈNE IV.
-
-EURYDICE, PALMIS.
-
- PALMIS.
-
- Il court à son trépas, et vous en serez cause,
- A moins que votre amour à son départ s'oppose.
- J'ai perdu mes soupirs, et j'y perdrois mes pas;
- Mais il vous en croira, vous ne les perdrez pas.
- Ne lui refusez point un mot qui le retienne, 1685
- Madame.
-
- EURYDICE.
-
- S'il périt, ma mort suivra la sienne.
-
- PALMIS.
-
- Je puis en dire autant; mais ce n'est pas assez.
- Vous avez tant d'amour, Madame, et balancez!
-
- EURYDICE.
-
- Est-ce le mal aimer que de le vouloir suivre?
-
- PALMIS.
-
- C'est un excès d'amour qui ne fait point revivre. 1690
- De quoi lui servira notre mortel ennui?
- De quoi nous servira de mourir après lui?
-
- EURYDICE.
-
- Vous vous alarmez trop: le Roi dans sa colère
- Ne parle....
-
- PALMIS.
-
- Vous dit-il tout ce qu'il prétend faire?
- D'un trône où ce héros a su le replacer, 1695
- S'il en veut à ses jours, l'ose-t-il prononcer?
- Le pourroit-il sans honte? et pourrez-vous attendre[489]
- A prendre soin de lui qu'il soit trop tard d'en prendre?
- N'y perdez aucun temps, partez: que tardez-vous?
- Peut-être en ce moment on le perce de coups; 1700
- Peut-être....
-
- EURYDICE.
-
- Que d'horreurs vous me jetez dans l'âme!
-
- PALMIS.
-
- Quoi? vous n'y courez pas!
-
- EURYDICE.
-
- Et le puis-je, Madame?
- Donner ce qu'on adore à ce qu'on veut haïr,
- Quel amour jusque-là put jamais se trahir?
- Savez-vous qu'à Mandane envoyer ce que j'aime, 1705
- C'est de ma propre main m'assassiner moi-même?
-
- PALMIS.
-
- Savez-vous qu'il le faut, ou que vous le perdez?
-
-
-SCÈNE V.
-
-EURYDICE, PALMIS, ORMÈNE.
-
- EURYDICE.
-
- Je n'y résiste plus, vous me le défendez.
- Ormène vient à nous, et lui peut aller dire
- Qu'il épouse.... Achevez tandis que je soupire. 1710
-
- PALMIS.
-
- Elle vient toute en pleurs[490].
-
- ORMÈNE.
-
- Qu'il vous en va coûter!
- Et que pour Suréna....
-
- PALMIS.
-
- L'a-t-on fait arrêter?
-
- ORMÈNE.
-
- A peine du palais il sortoit dans la rue,
- Qu'une flèche a parti d'une main inconnue;
- Deux autres l'ont suivie; et j'ai vu ce vainqueur, 1715
- Comme si toutes trois l'avoient atteint au cœur,
- Dans un ruisseau de sang tomber mort sur la place[491].
-
- EURYDICE.
-
- Hélas!
-
- ORMÈNE.
-
- Songez à vous, la suite vous menace;
- Et je pense avoir même entendu quelque voix
- Nous crier qu'on apprît à dédaigner les rois. 1720
-
- PALMIS.
-
- Prince ingrat! lâche roi! Que fais-tu du tonnerre,
- Ciel, si tu daignes voir ce qu'on fait sur la terre?
- Et pour qui gardes-tu tes carreaux embrasés,
- Si de pareils tyrans n'en sont point écrasés?
- Et vous, Madame, et vous dont l'amour inutile, 1725
- Dont l'intrépide orgueil paroît encor tranquille,
- Vous qui brûlant pour lui, sans vous déterminer,
- Ne l'avez tant aimé que pour l'assassiner,
- Allez d'un tel amour, allez voir tout l'ouvrage,
- En recueillir le fruit, en goûter l'avantage. 1730
- Quoi? vous causez sa perte, et n'avez point de pleurs!
-
- EURYDICE.
-
- Non, je ne pleure point, Madame, mais je meurs.
- Ormène, soutiens-moi.
-
- ORMÈNE.
-
- Que dites-vous, Madame?
-
- EURYDICE.
-
- Généreux Suréna, reçois toute mon âme.
-
- ORMÈNE.
-
- Emportons-la d'ici pour la mieux secourir. 1735
-
- PALMIS.
-
- Suspendez ces douleurs[492] qui pressent de mourir,
- Grands Dieux! et dans les maux où vous m'avez plongée,
- Ne souffrez point ma mort que je ne sois vengée!
-
-
-FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.
-
- [483] Dans l'édition de Voltaire (1764): «qu'on voit y
- succéder.»
-
- [484] Voyez ci-dessus, p. 498, notes 465 et 466.
-
- [485] Thomas Corneille (1692) a ainsi modifié cet
- hémistiche:
-
- Qui fait tant de jaloux....
-
- [486] Voyez plus haut, p. 498, note 466.
-
- [487] Les deux éditions publiées du vivant de Corneille
- (1675 et 1682) portent: «Que j'ai vu éblouir,» ce qui fait un
- non-sens et un hiatus.
-
- [488] «Hyrodes, après auoir perdu son fils Pacorus en
- vne bataille, où il fut desfait par les Romains, deuint malade
- d'vne maladie qui se tourna en hydropisie; et son second fils,
- Phraates, luy cuydant auancer ses jours, luy donna à boire du jus
- de l'aconite. La maladie recent le poison, de sorte qu'ilz se
- chasserent l'vn l'autre hors du corps: à l'occasion de quoy
- Phraates voyant que son pere commenceoit à se mieux porter, pour
- auoir plus tost fait, l'estrangla luy-mesme.» (Plutarque, _Vie de
- Crassus_, XXXIII.)
-
- [489] Voltaire (1764) a changé le futur en un
- conditionnel: «et pourriez-vous attendre.»
-
- [490] C'est ici seulement que Voltaire termine la scène
- IV.
-
- [491] «Hyrodes feit mourir Surena pour l'envie qu'il
- porta à sa gloire.» (Plutarque, _Vie de Crassus_, XXXIII.)
-
- [492] L'édition de 1692 a changé _ces douleurs_ en _les
- douleurs_.
-
-
-
-
-TABLE DES TRAGÉDIES
-
-CONTENUES DANS LES SEPT VOLUMES
-
-DU THÉATRE DE CORNEILLE[493].
-
-
- SUJETS MYTHOLOGIQUES OU DES TEMPS HÉROÏQUES.
-
- PSYCHÉ Tome VII, p. 277
-
- ANDROMÈDE Tome V, p. 243
-
- LA TOISON D'OR Tome VI, p. 221
-
- MÉDÉE Tome II, p. 327
-
- ŒDIPE Tome VI, p. 101
-
-
- SUJETS HISTORIQUES, RANGÉS SUIVANT
- L'ORDRE CHRONOLOGIQUE.
-
- HORACE Tome III, p. 243
-
- AGÉSILAS Tome VII, p. 1
-
- SOPHONISBE Tome VI, p. 447
-
- NICOMÈDE Tome V, p. 495
-
- RODOGUNE Tome IV, p. 397
-
- SERTORIUS Tome VI, p. 351
-
- SURÉNA Tome VII, p. 455
-
- POMPÉE Tome IV, p. 1
-
- CINNA Tome III, p. 359
-
- OTHON Tome VI, p. 565
-
- TITE ET BÉRÉNICE Tome VII, p. 183
-
- POLYEUCTE Tome III, p. 463
-
- THÉODORE Tome V, p. 1
-
- PULCHÉRIE Tome VII, p. 371
-
- ATTILA Tome VII, p. 97
-
- HÉRACLIUS Tome V, p. 113
-
- PERTHARITE Tome VI, p. 1
-
- LE CID Tome III, p. 1
-
- [493] A la page IX du tome I du _Théâtre des Grecs_ du
- P. Brumoy (édition de 1785), on trouve un _Arrangement des
- tragédies suivant l'ordre historique des sujets_. Il nous a
- semblé qu'une table du même genre ne serait pas sans utilité pour
- les pièces de Corneille, et qu'elle contribuerait peut-être à
- faire ressortir l'intérêt historique de quelques-uns de ses
- derniers ouvrages, qui, au point de vue littéraire, n'en
- présentent pas un bien grand.
-
-
-
-
-TABLE DES MATIÈRES
-
-CONTENUES DANS LE SEPTIÈME VOLUME.
-
-
- AGÉSILAS, tragédie 1
-
- Notice 3
-
- Au lecteur 5
-
- Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes
- d'_Agésilas_ 7
-
- AGÉSILAS 9
-
- ATTILA, roi des Huns, tragédie 97
-
- Notice 99
-
- Au lecteur 103
-
- Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes
- d'_Attila_ 107
-
- ATTILA 109
-
- TITE ET BÉRÉNICE, comédie héroïque 183
-
- Notice 185
-
- Extrait de Xiphilin 197
-
- Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes
- de _Tite et Bérénice_ 199
-
- TITE ET BÉRÉNICE 201
-
- PSYCHÉ, tragédie-ballet 277
-
- Notice 279
-
- Le libraire au lecteur 287
-
- Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes
- de _Psyché_ 289
-
- PSYCHÉ 291
-
- PULCHÉRIE, comédie héroïque 371
-
- Notice 373
-
- Au lecteur 376
-
- Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes
- de _Pulchérie_ 379
-
- PULCHÉRIE 381
-
- SURÉNA, GÉNÉRAL DES PARTHES, tragédie 455
-
- Notice 457
-
- Au lecteur 460
-
- Liste des éditions qui ont été collationnées pour les variantes
- de _Suréna_ 461
-
- SURÉNA 463
-
- Table, suivant l'ordre chronologique, des tragédies contenues
- dans les sept volumes du théâtre de Corneille 535
-
-
-FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
-
-
-
-
- PARIS.--IMPRIMERIE DE CH. LAHURE
-
- Rue de Fleurus, 9
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Oeuvres de P. Corneille, Tome 07, by
-Pierre Corneille
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 ***
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-1.E.9.
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-Foundation
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-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
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-<pre>
-
-Project Gutenberg's Oeuvres de P. Corneille, Tome 07, by Pierre Corneille
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
-
-
-Title: Oeuvres de P. Corneille, Tome 07
-
-Author: Pierre Corneille
-
-Editor: Ch. (Charles Joseph) Marty-Laveaux
-
-Release Date: March 31, 2016 [EBook #51612]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 ***
-
-
-
-
-Produced by Hlne de Mink and the Online Distributed
-Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was
-produced from images generously made available by the
-Bibliothque nationale de France (BnF/Gallica) at
-http://gallica.bnf.fr)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-<div class="tnote">
-<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont t corriges.
-L'orthographe d'origine a t conserve et n'a pas t harmonise.
-Les numros des pages blanches n'ont pas t repris.</p></div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_I"> I</a></span></p>
-<div class="topspace figcenter"><img src="images/001.jpg" width="300" height="366" alt="logo ASSOCIATION" />
-</div>
-
-<div class="frontmatter">
-<p><span class="small">LES</span><br />
-<span class="xlarge">GRANDS CRIVAINS</span><br />
-<span class="large">DE LA FRANCE</span></p>
-
-<p class="center">NOUVELLES DITIONS<br />
-<span class="xs">PUBLIES SOUS LA DIRECTION</span><br />
-<b>DE M. AD. REGNIER</b><br />
-<span class="xs">Membre de l'Institut</span></p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_II"> II</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_III"> III</a></span></p>
-
-
-<h1><span class="xlarge">&OElig;UVRES</span><br />
-<span class="small">DE</span><br />
-P. CORNEILLE<br />
-<span class="medium">TOME VII</span></h1>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_IV"> IV</a></span></p>
-
-<div class="frontmatter">
-<p class="small">PARIS.&mdash;IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET C<sup>ie</sup><br />
-Rue de Fleurus, 9</p>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_V"> V</a></span></p>
-
-<div class="topspace titlepage">
-<p><span class="large">&OElig;UVRES</span><br />
-<span class="small">DE</span><br />
-P. CORNEILLE</p>
-
-<p>NOUVELLE DITION<br />
-<span class="small">REVUE SUR LES PLUS ANCIENNES IMPRESSIONS</span><br />
-<span class="small">ET LES AUTOGRAPHES</span><br />
-<span class="small">ET AUGMENTE</span><br />
-<span class="xs">de morceaux indits, des variantes, de notices, de notes, d'un lexique des mots</span><br />
-<span class="xs">et locutions remarquables, d'un portrait, d'un fac-simile, etc.</span></p>
-
-<p class="large">PAR M. CH. MARTY-LAVEAUX</p>
-
-<p>TOME SEPTIME</p>
-
-<p><span class="large">PARIS</span><br />
-LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET C<sup>ie</sup><br />
-<span class="xs">BOULEVARD SAINT-GERMAIN</span></p>
-
-<hr class="deco" />
-<p class="small">1862</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VI"> VI</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_1"> 1</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p class="extra">AGSILAS<br />
-<span class="medium">TRAGDIE</span><br />
-<span class="small">1666</span></p>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_2"> 2</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span></p>
-</div>
-
-<h3>NOTICE.</h3>
-
-<p><i>Agsilas</i> fut jou pour la premire fois sur le thtre de
-l'Htel de Bourgogne, suivant toute apparence au mois de
-fvrier 1666, et non la fin d'avril comme l'ont dit les
-frres Parfait<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">&nbsp;[1]</a>. Les funrailles de la reine Anne d'Autriche,
-morte le 19 janvier<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">&nbsp;[2]</a>, et le deuil que la cour prit cette
-occasion, interrompirent tout divertissement et durent contribuer
-au peu de succs de l'ouvrage. Robinet s'exprime ainsi
-dans sa <i>Lettre en vers Madame</i> du 6 mars 1666:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ne vous mettez point aux fentres</p>
-<p>Ni n'allez point traner vos gutres</p>
-<p>Pour voir des masques, ces jours gras,</p>
-<p>Bonnes gens, vous n'en verrez pas.</p>
-<p>Messieurs les foux de tous tages</p>
-<p>Seront une fois de faux sages,</p>
-<p>Pour le respect (bien entendu)</p>
-<p>Par tout franois justement d</p>
-<p>Aux cendres de cette princesse,</p>
-<p>Que nous pleurons encor sans cesse.</p>
-<p>Mais vous avez pour supplment</p>
-<p>Le noble divertissement</p>
-<p>Que vous donnent les doctes veilles</p>
-<p>De l'an des braves Corneilles:</p>
-<p>Son charmant <i>Agsilaus</i>,</p>
-<p>O sa veine coule d'un flus</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span></div>
-<p>Qui fait admirer son ge</p>
-<p>Ce grand et rare personnage.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cette faible louange trouva peu d'cho. La pice ne suscita ni
-cabale, ni libelles, ni parodies: elle tomba obscurment, et
-nous ne pouvons mme retrouver la trace de cette chute, dont
-le souvenir ne nous a gure t conserv que par deux vers
-d'une pigramme, que Boileau fit l'occasion d'<i>Attila</i><a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">&nbsp;[3]</a>.</p>
-
-<p>Un concurrent redoutable venait de se faire jour. <i>Agsilas</i>
-parut trois mois aprs l'<i>Alexandre</i> de Racine. La rvolution
-qui se fit alors dans les sentiments du public, dit Jolly<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">&nbsp;[4]</a>,
-le parti que prit le plus grand nombre en faveur du nouveau
-pote, forment une poque laquelle on peut rapporter la
-naissance d'un genre inconnu de tragdie, o l'amour dominoit
-sur toutes les autres passions. M. Quinault l'avoit bauch
-avec quelque succs, dix ans auparavant<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">&nbsp;[5]</a>, mais non pas avec
-autant d'clat.</p>
-
-<p><i>Agsilas</i>, comme nous l'apprennent les frres Parfait<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">&nbsp;[6]</a>, n'a
-jamais t remis au thtre.</p>
-
-<p>Le privilge de cette tragdie a t donn Corneille le
-vingt-quatrime mars 1666, et l'Achev d'imprimer a pour
-date: le 3. iour d'Avril 1666.</p>
-
-<p>Voici le titre exact de la pice dans l'dition originale:
-<span class="small1">Agesilas, tragedie</span>. En Vers libres rimez<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">&nbsp;[7]</a>. Par P. Corneille.
-<i>A Rouen, et se vend Paris, chez Guillaume de Luyne, Libraire
-Iur, au Palais</i>.... M.DC.LXVI. <i>Auec priuilege du Roy.</i>
-Le volume, de format in-12, se compose de deux feuillets, de
-88 pages, et d'un dernier feuillet contenant le privilge.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span></p>
-<h3>AU LECTEUR.</h3>
-</div>
-
-<p>Il ne faut que parcourir les <i>Vies d'Agsilas</i> et <i>de Lysander</i>
-chez Plutarque, pour dmler ce qu'il y a d'historique
-dans cette tragdie<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">&nbsp;[8]</a>. La manire dont je l'ai
-traite n'a point d'exemple parmi nos Franois, ni dans
-ces prcieux restes de l'antiquit qui sont venus jusqu'
-nous; et c'est ce qui me l'a fait choisir. Les premiers qui
-ont travaill pour le thtre, ont travaill sans exemple,
-et ceux qui les ont suivis y ont fait voir quelques nouveauts
-de temps en temps. Nous n'avons pas moins de
-privilge. Aussi notre Horace, qui nous recommande
-tant la lecture des potes grecs par ces paroles:</p>
-
-<p class="quote"><span class="i6"> <i>Vos exemplaria Grca</i></span><br />
-<i>Nocturna versate manu, versate diurna</i><a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">&nbsp;[9]</a>,</p>
-
-<p>ne laisse pas de louer hautement les Romains d'avoir os
-quitter les traces de ces mmes Grecs, et pris d'autres
-routes:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><i>Nil intentatum nostri liquere poet;</i></p>
-<p><i>Nec minimum meruere decus, vestigia Grca</i></p>
-<p><i>Ausi deserere</i><a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">&nbsp;[10]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Leurs rgles sont bonnes; mais leur mthode n'est pas
-de notre sicle; et qui s'attacheroit ne marcher que sur
-leurs pas, feroit sans doute peu de progrs, et divertiroit
-mal son auditoire. On court, la vrit, quelque risque
-<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span>
-de s'garer, et mme on s'gare assez souvent, quand on
-s'carte du chemin battu; mais on ne s'gare pas toutes
-les fois qu'on s'en carte: quelques-uns en arrivent plus
-tt o ils prtendent, et chacun peut hasarder ses
-prils.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span></p>
-<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br />
-POUR LES VARIANTES D'<i>AGSILAS</i>.</h3>
-
-<h3 class="normal">DITION SPARE.<br />
-1666 in-12.<br />
-RECUEILS.<br />
-1668 in-12;&nbsp; | &nbsp;1682 in-12.</h3>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span></p>
-<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">&nbsp;[11]</a>.</h3>
-
-<table id="acteurs1" summary="parts">
-<tr>
-<td class="tdl">AGSILAS,</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl">roi de Sparte.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">LYSANDER,</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl">fameux capitaine de Sparte.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">COTYS,</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl">roi de Paphlagonie<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">&nbsp;[12]</a>.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">SPITRIDATE,</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl">grand seigneur persan.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">MANDANE,</td>
-<td class="tdl">&nbsp;</td>
-<td class="tdl">s&oelig;ur de Spitridate.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td>ELPINICE,<br />
-AGLATIDE,</td>
-<td class="cbrace">}</td>
-<td>filles de Lysander.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">XNOCLS,</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl">lieutenant d'Agsilas.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">CLON,</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl">orateur grec,<br />
-natif d'Halicarnasse.</td>
-</tr>
-</table>
-
-<h3 class="subh">La scne est Ephse.</h3>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p class="extra">AGSILAS.<br />
-<span class="medium">TRAGDIE.</span></p>
-<h2 class="normal">ACTE I.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">ELPINICE, AGLATIDE.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur, depuis un mois nous voil dans phse<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">&nbsp;[13]</a>,</p>
-<p>Prtes recevoir ces illustres poux</p>
-<p>Que Lysander, mon pre, a su choisir pour nous;</p>
-<p>Et ce choix bienheureux n'a rien qui ne vous plaise.</p>
-<p>Dites-moi toutefois, et parlons librement,<span class="dalign">5</span></p>
-<p class="i3"> Vous semble-t-il que votre amant</p>
-<p>Cherche avec grande ardeur votre chre prsence?</p>
-<p>Et trouvez-vous qu'il montre, attendant ce grand jour,</p>
-<p class="i3"> Cette obligeante impatience</p>
-<p>Que donne, ce qu'on dit, le vritable amour?<span class="dalign">10</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> <span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cotys est roi, ma s&oelig;ur; et comme sa couronne</p>
-<p class="i3"> Parle suffisamment pour lui,</p>
-<p>Assur de mon c&oelig;ur, que son trne lui donne,</p>
-<p>De le trop demander il s'pargne l'ennui.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span></div>
-<p>Ce me doit tre assez qu'en secret il soupire,<span class="dalign">15</span></p>
-<p>Que je puis deviner ce qu'il craint de trop dire,</p>
-<p>Et que moins son amour a d'importunit,</p>
-<p class="i3"> Plus il a de sincrit.</p>
-<p>Mais vous ne dites rien de votre Spitridate:</p>
-<p>Prend-il autant de peine mriter vos feux<span class="dalign">20</span></p>
-<p class="i3"> Que l'autre retenir mes v&oelig;ux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est environ ainsi que son amour clate:</p>
-<p>Il m'obsde peu prs comme l'autre vous sert.</p>
-<p>On diroit que tous deux agissent de concert,</p>
-<p>Qu'ils ont jur de n'tre importuns l'un ni l'autre:<span class="dalign">25</span></p>
-<p>Ils en font grand scrupule; et la sincrit</p>
-<p>Dont mon amant se pique, l'exemple du vtre,</p>
-<p>Ne met pas son bonheur en l'assiduit.</p>
-<p>Ce n'est pas qu' vrai dire il ne soit excusable:</p>
-<p>Je prparai pour lui, ds Sparte, une froideur<span class="dalign">30</span></p>
-<p class="i3"> Qui, ds l'abord, toit capable</p>
-<p class="i3"> D'teindre la plus vive ardeur;</p>
-<p>Et j'avoue entre nous qu'alors qu'il<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">&nbsp;[14]</a> me nglige,</p>
-<p>Qu'il se montre son tour si froid, si retenu,</p>
-<p class="i6"> Loin de m'offenser, il m'oblige,<span class="dalign">35</span></p>
-<p>Et me remet un c&oelig;ur qu'il n'et pas obtenu.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> J'admire cette antipathie</p>
-<p>Qui vous l'a fait har avant que de le voir,</p>
-<p>Et croirois que sa vue auroit eu le pouvoir</p>
-<p class="i3"> D'en dissiper une partie;<span class="dalign">40</span></p>
-<p>Car enfin Spitridate a l'entretien charmant,</p>
-<p>L'&oelig;il vif, l'esprit ais, le c&oelig;ur bon, l'me belle.</p>
-<p>A tant de qualits s'il joignoit un vrai zle....</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Ma s&oelig;ur, il n'est pas roi, comme l'est votre amant.
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais au parti des Grecs il unit deux provinces;<span class="dalign">45</span></p>
-<p>Et ce Perse vaut bien la plupart de nos princes<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">&nbsp;[15]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'est pas roi, vous dis-je, et c'est un grand dfaut.</p>
-<p>Ce n'est point avec vous que je le dissimule,</p>
-<p class="i3"> J'ai peut-tre le c&oelig;ur trop haut;</p>
-<p>Mais aussi bien que vous je sors du sang d'Hercule<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">&nbsp;[16]</a>;<span class="dalign">50</span></p>
-<p>Et lorsqu'on vous destine un roi pour votre poux,</p>
-<p class="i3"> J'en veux un aussi bien que vous.</p>
-<p>J'aurois quelque chagrin vous traiter de reine,</p>
-<p>A vous voir dans un trne assise en souveraine,</p>
-<p>S'il me falloit ramper dans un degr plus bas;<span class="dalign">55</span></p>
-<p class="i3"> Et je porte une me assez vaine</p>
-<p>Pour vouloir jusque-l vous suivre pas pas.</p>
-<p>Vous tes mon ane, et c'est un avantage</p>
-<p>Qui me fait vous devoir grande civilit;</p>
-<p>Aussi veux-je cder le pas devant<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">&nbsp;[17]</a> l'ge, <span class="dalign">60</span></p>
-<p>Mais je ne puis souffrir autre ingalit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous tes donc jalouse, et ce trne vous gne</p>
-<p>O la main de Cotys a droit de me placer!</p>
-<p>Mais si je renonois au rang de souveraine,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span></div>
-<p class="i3"> Voudriez-vous y renoncer? <span class="dalign">65</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Non, pas sitt: j'ai quelque vue</p>
-<p class="i3"> Qui me peut encore amuser.</p>
-<p>Mariez-vous, ma s&oelig;ur; quand vous serez pourvue,</p>
-<p>On trouvera peut-tre un roi pour m'pouser.</p>
-<p>J'en aurois un dj, n'toit ce rang d'ane<span class="dalign">70</span></p>
-<p>Qui demandoit pour vous ce qu'il vouloit m'offrir,</p>
-<p>Ou s'il et reconnu qu'un pre et pu souffrir</p>
-<p>Qu' l'hymen avant vous on me vt destine.</p>
-<p>Si ce roi jusqu'ici ne s'est point dclar,</p>
-<p>Peut-tre qu'aprs tout il n'a que diffr,<span class="dalign">75</span></p>
-<p>Qu'il attend votre hymen pour rompre son silence.</p>
-<p>Je pense avoir encor ce qui le sut charmer;</p>
-<p>Et s'il faut vous en faire entire confidence,</p>
-<p>Agsilas m'aimoit, et peut encor m'aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que dites-vous, ma s&oelig;ur? Agsilas vous aime!<span class="dalign">80</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous dis qu'il m'aimoit, et que sa passion</p>
-<p class="i3"> Pourroit bien tre encor la mme;</p>
-<p>Mais cet amusement de mon ambition</p>
-<p class="i3"> Peut n'tre qu'une illusion.</p>
-<p>Ce prince tient son trne et sa haute puissance<span class="dalign">85</span></p>
-<p>De ce mme hros dont nous tenons le jour;</p>
-<p>Et si ce n'toit lors que par reconnoissance</p>
-<p class="i3"> Qu'il me temoignoit de l'amour,</p>
-<p class="i3"> Puis-je tre sans inquitude</p>
-<p>Quand il n'a plus pour lui que de l'ingratitude,<span class="dalign">90</span></p>
-<p>Qu'il n'coute plus rien qui vienne de sa part<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">&nbsp;[18]</a>?</p>
-<p>Je ne sais si sa flamme est pour moi foible ou forte;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span></div>
-<p class="i3"> Mais la reconnoissance morte,</p>
-<p class="i3"> L'amour doit courir grand hasard.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! s'il n'avoit voulu que par reconnoissance<span class="dalign">95</span></p>
-<p class="i3"> tre gendre de Lysander,</p>
-<p>Son choix auroit suivi l'ordre de la naissance,</p>
-<p>Et Sparte, au lieu de vous, l'et vu me demander;</p>
-<p>Mais pour mettre chez nous l'clat de sa couronne</p>
-<p>Attendre que l'hymen m'ait engage ailleurs,<span class="dalign">100</span></p>
-<p>C'est montrer que le c&oelig;ur s'attache la personne.</p>
-<p>Ayez, ayez pour lui des sentiments meilleurs.</p>
-<p>Ce c&oelig;ur qu'il vous donna, ce choix qui considre</p>
-<p>Autant et plus encor la fille que le pre,</p>
-<p>Feront que le devoir aura bientt son tour;<span class="dalign">105</span></p>
-<p>Et pour vous faire seoir o vos desirs aspirent,</p>
-<p>Vous verrez, et dans peu, comme pour vous conspirent</p>
-<p class="i3"> La reconnoissance et l'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous voyez cependant qu' peine il me regarde:</p>
-<p>Depuis notre arrive il ne m'a point parl;<span class="dalign">110</span></p>
-<p>Et quand ses yeux vers moi se tournent par mgarde....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Comme avec lui mon pre a quelque dml,
-<p class="i3"> Cette petite ngligence,</p>
-<p class="i3"> Qui vous fait douter de sa foi,</p>
-<p class="i3"> Vient de leur msintelligence, <span class="dalign">115</span></p>
-<p class="i3">Et dans le fond de l'me il vit sous votre loi.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A tous hasards, ma s&oelig;ur, comme j'en suis mal sre,</p>
-<p>Si vous me pouviez faire un don de votre amant,</p>
-<p>Je crois que je pourrois l'accepter sans murmure.</p>
-<p>Vous venez de parler du mien si dignement....<span class="dalign">120</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aimeriez-vous Cotys, ma s&oelig;ur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Moi? nullement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pourquoi donc vouloir qu'il vous aime?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Les hommages qu'Agsilas</p>
-<p>Daigna rendre en secret au peu que j'ai d'appas,</p>
-<p>M'ont si bien imprim l'amour du diadme,<span class="dalign">125</span></p>
-<p class="i3"> Que pourvu qu'un amant soit roi,</p>
-<p class="i3"> Il est trop aimable pour moi.</p>
-<p>Mais sans trne on perd temps: c'est la premire ide</p>
-<p>Qu' l'amour en mon c&oelig;ur il ait plu de tracer;</p>
-<p class="i3"> Il l'a fidlement garde, <span class="dalign">130</span></p>
-<p class="i3"> Et rien ne peut plus l'effacer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Chacune a son humeur: la grandeur souveraine,</p>
-<p>Quelque main qui vous l'offre, est digne de vos feux;</p>
-<p class="i3"> Et vous ne ferez point d'heureux</p>
-<p class="i3"> Qui de vous ne fasse une reine. <span class="dalign">135</span></p>
-<p>Moi, je m'blouis moins de la splendeur du rang;</p>
-<p>Son clat au respect plus qu' l'amour m'invite:</p>
-<p>Cet heureux avantage ou du sort ou du sang</p>
-<p>Ne tombe pas toujours sur le plus de mrite.</p>
-<p>Si mon c&oelig;ur, si mes yeux en toient consults, <span class="dalign">140</span></p>
-<p class="i3"> Leur choix iroit la personne,</p>
-<p>Et les hautes vertus, les rares qualits</p>
-<p class="i3"> L'emporteroient sur la couronne.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Avouez tout, ma s&oelig;ur: Spitridate vous plat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un peu plus que Cotys; et si votre intrt <span class="dalign">145</span></p>
-<p class="i3"> Vous pouvoit rsoudre l'change....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'en pouvons-nous ici rsoudre vous et moi?</p>
-<p> En l'tat o le ciel nous range,</p>
-<p>Il faut l'ordre d'un pre, il faut l'aveu d'un roi,</p>
-<p>Que je plaise Cotys, et vous Spitridate. <span class="dalign">150</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Pour l'un je ne sais quoi m'en flatte,</p>
-<p class="i3"> Pour l'autre je n'en rponds pas;</p>
-<p class="i3"> Et je craindrois fort que Mandane,</p>
-<p class="i3"> Cette incomparable Persane,</p>
-<p>N'et pour lui des attraits plus forts que vos appas.<span class="dalign">155</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ma s&oelig;ur, Spitridate est son frre,</p>
-<p>Et si jamais sur lui vous aviez du pouvoir....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Le voil qui nous considre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Est-ce vous ou moi qu'il vient voir?</p>
-<p class="i3"> Voulez-vous que je vous le laisse?<span class="dalign">160</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur, auparavant engagez l'entretien;</p>
-<p>Et s'il s'en offre lieu, jouez d'un peu d'adresse,</p>
-<p class="i3"> Pour votre intrt et le mien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est juste en effet, puisqu'il n'a su me plaire,</p>
-<p class="i3"> Que je vous aide m'en dfaire. <span class="dalign">165</span></p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span></p>
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">SPITRIDATE, ELPINICE, AGLATIDE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, je me retire: entre les vrais amants</p>
-<p>Leur amour seul a droit d'tre de confidence,</p>
-<p>Et l'on ne peut mler d'agrable prsence</p>
-<p class="i3"> A de si prcieux moments.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un vertueux amour n'a rien d'incompatible<span class="dalign">170</span></p>
-<p class="i3"> Avec les regards d'une s&oelig;ur.</p>
-<p class="i3"> Ne m'enviez point la douceur</p>
-<p>De pouvoir vos yeux convaincre une insensible:</p>
-<p>Soyez juge et tmoin de l'indigne succs</p>
-<p class="i3"> Qui se prpare pour ma flamme; <span class="dalign">175</span></p>
-<p class="i3"> Voyez jusqu'au fond de mon me</p>
-<p>D'une si pure ardeur o va le digne excs;</p>
-<p>Voyez tout mon espoir au bord du prcipice;</p>
-<p>Voyez des maux sans nombre et hors de gurison;</p>
-<p>Et quand vous aurez vu toute cette injustice,<span class="dalign">180</span></p>
-<p class="i3"> Faites-m'en un peu de raison.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous me permettez, Seigneur, de vous entendre,</p>
-<p>De l'air dont votre amour commence m'accuser,</p>
-<p class="i3"> Je crains que pour en bien user</p>
-<p class="i3"> Je ne me doive mal dfendre. <span class="dalign">185</span></p>
-<p>Je sais bien que j'ai tort, j'avoue et hautement</p>
-<p class="i3"> Que ma froideur doit vous dplaire;</p>
-<p>Mais en cette froideur un heureux changement</p>
-<p class="i3"> Pourroit-il fort vous satisfaire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En doutez-vous, Madame, et peut-on concevoir...?<span class="dalign">190</span></p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous entends, Seigneur, et vois ce qu'il faut voir:</p>
-<p>Un aveu plus prcis est d'une consquence</p>
-<p class="i3"> Qui pourroit vous embarrasser;</p>
-<p>Et mme notre sexe il est de biensance</p>
-<p class="i3"> De ne pas trop vous en presser. <span class="dalign">195</span></p>
-<p>A Lysander mon pre il vous plut de promettre</p>
-<p>D'unir par notre hymen votre sang et le sien;</p>
-<p>La raison, peu prs, Seigneur, je la pntre,</p>
-<p>Bien qu'aux raisons d'tat je ne connoisse rien.</p>
-<p>Vous ne m'aviez point vue, et facile ou cruelle,<span class="dalign">200</span></p>
-<p class="i3"> Petite ou grande, laide ou belle,</p>
-<p>Qu' votre humeur ou non je pusse m'accorder,</p>
-<p>La chose toit gale votre ardeur nouvelle,</p>
-<p>Pourvu que vous fussiez gendre de Lysander.</p>
-<p>Ma s&oelig;ur vous auroit plu s'il vous l'et propose;<span class="dalign">205</span></p>
-<p>J'eusse agr Cotys s'il me l'et propos.</p>
-<p>Vous trouvtes tous deux la politique aise;</p>
-<p>Nous crmes toutes deux notre devoir ais.</p>
-<p class="i3"> Comme traiter cette alliance</p>
-<p>Les tendresses des c&oelig;urs n'eurent aucune part,<span class="dalign">210</span></p>
-<p>Le vtre avec le mien a peu d'intelligence,</p>
-<p>Et l'amour en tous deux pourra natre un peu tard.</p>
-<p class="i3"> Quand il faudra que je vous aime,</p>
-<p>Que je l'aurai promis la face des Dieux,</p>
-<p class="i3"> Vous deviendrez cher mes yeux;<span class="dalign">215</span></p>
-<p class="i3"> Et j'espre de vous le mme.</p>
-<p>Jusque-l votre amour assez mal se fait voir;</p>
-<p>Celui que je vous garde encor plus mal s'explique:</p>
-<p>Vous attendez le temps de votre politique,</p>
-<p class="i3"> Et moi celui de mon devoir. 220</p>
-<p class="i3"> Voil, Seigneur, quel est mon crime;</p>
-<p>Vous m'en vouliez convaincre, il n'en est plus besoin;</p>
-<p>J'en ai fait, comme vous, ma s&oelig;ur juge et tmoin:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span></div>
-<p>Que ma froideur lui semble injuste ou lgitime,</p>
-<p>La raison que vous peut en faire sa bont<span class="dalign">225</span></p>
-<p class="i3"> Je consens qu'elle vous la fasse;</p>
-<p>Et pour vous en laisser tous deux en libert,</p>
-<p class="i3"> Je veux bien lui quitter la place.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">SPITRIDATE, ELPINICE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle ne s'y fait pas, Madame, un grand effort,</p>
-<p>Et feroit grce entire mon peu de mrite,<span class="dalign">230</span></p>
-<p>Si votre me avec elle toit assez d'accord</p>
-<p>Pour se vouloir saisir de ce qu'elle vous quitte.</p>
-<p>Pour peu que vous daigniez couter la raison,</p>
-<p class="i3"> Vous me devez cette justice,</p>
-<p>Et prendre autant de part voir ma gurison,<span class="dalign">235</span></p>
-<p>Qu'en ont eu vos attraits faire mon supplice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? Seigneur, j'aurois part....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> C'est trop dissimuler</p>
-<p>La cause et la grandeur du mal qui me possde;</p>
-<p>Et je me dois, Madame, au dfaut du remde,</p>
-<p class="i3"> La vaine douceur d'en parler.<span class="dalign">240</span></p>
-<p class="i3"> Oui, vos yeux ont part ma peine,</p>
-<p class="i3"> Ils en font plus de la moiti;</p>
-<p>Et s'il n'est point d'amour pour en finir la gne,</p>
-<p>Il est pour l'adoucir des regards de piti.</p>
-<p class="i1"> Quand je quittai la Perse, et brisai l'esclavage <span class="dalign">245</span></p>
-<p>O, m'envoyant au jour, le ciel m'avoit soumis,</p>
-<p>Je crus qu'il me falloit parmi ses ennemis</p>
-<p>D'un protecteur puissant assurer l'avantage.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span></div>
-<p>Cotys eut, comme moi, besoin de Lysander;</p>
-<p>Et quand pour l'attacher lui-mme nos familles,<span class="dalign">250</span></p>
-<p class="i3"> Nous demandmes ses deux filles,</p>
-<p>Ce fut les obtenir que de les demander.</p>
-<p>Par dfrence au trne il lui promit l'ane;</p>
-<p class="i3"> La jeune me fut destine.</p>
-<p>Comme nous ne cherchions tous deux que son appui, <span class="dalign">255</span></p>
-<p>Nous acceptmes tout sans regarder que lui.</p>
-<p>J'avois su qu'Aglatide toit des plus aimables,</p>
-<p>On m'avoit dit qu' Sparte elle savoit charmer;</p>
-<p class="i3"> Et sur des bruits si favorables</p>
-<p class="i3"> Je me rpondois de l'aimer.<span class="dalign">260</span></p>
-<p>Que l'amour aime peu ces folles confiances!</p>
-<p>Et que pour affermir son empire en tous lieux,</p>
-<p>Il laisse choir souvent de cruelles vengeances</p>
-<p>Sur qui promet son c&oelig;ur sans l'aveu de ses yeux!</p>
-<p class="i3"> Ce sont les conseillers fidles <span class="dalign">265</span></p>
-<p>Dont il prend les avis pour ajuster ses coups;</p>
-<p>Leur rapport ingal vous fait plus ou moins belles,</p>
-<p>Et les plus beaux objets ne le sont pas pour tous.</p>
-<p>A ce moment fatal qui nous permit la vue</p>
-<p class="i3"> Et de vous et de cette s&oelig;ur, <span class="dalign">270</span></p>
-<p class="i3"> Mon me devint toute mue,</p>
-<p>Et le trouble aussitt s'empara de mon c&oelig;ur;</p>
-<p class="i3"> Je le sentis pour elle tout de glace,</p>
-<p class="i3"> Je le sentis tout de flamme pour vous;</p>
-<p class="i3"> Vous y rgntes en sa place, 275</p>
-<p>Et ses regards aux miens n'offrirent rien de doux.</p>
-<p>Il faut pourtant l'aimer, du moins il faut le feindre;</p>
-<p class="i3"> Il faut vous voir aimer ailleurs:</p>
-<p>Voyez s'il fut jamais un amant plus plaindre,</p>
-<p>Un c&oelig;ur plus accabl de mortelles douleurs.<span class="dalign">280</span></p>
-<p>C'est un malheur sans doute gal au trpas mme</p>
-<p>Que d'attacher sa vie ce qu'on n'aime pas;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span></div>
-<p>Et voir en d'autres mains passer tout ce qu'on aime,</p>
-<p>C'est un malheur encor plus grand que le trpas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous en plains, Seigneur, et ne puis davantage,<span class="dalign">285</span></p>
-<p class="i3"> Je ne sais aimer ni har;</p>
-<p>Mais ds qu'un pre parle, il porte en mon courage</p>
-<p>Toute l'impression qu'il faut pour obir.</p>
-<p>Voyez avec Cotys si ses v&oelig;ux les plus tendres</p>
-<p>Voudroient rendre ma s&oelig;ur l'hommage qu'il me rend. <span class="dalign">290</span></p>
-<p>Tout doit tre mon pre assez indiffrent,</p>
-<p>Pourvu que vous et lui vous demeuriez ses gendres.</p>
-<p>Mais vous dire tout, je crains qu'Agsilas</p>
-<p>N'y refuse l'aveu qui vous est ncessaire:</p>
-<p>C'est notre souverain.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> S'il en ddit un pre,<span class="dalign">295</span></p>
-<p>Peut-tre ai-je une s&oelig;ur qu'il n'en ddira pas.</p>
-<p>Ce grand prince pour elle a tant de complaisance,</p>
-<p>Qu' sa moindre prire il ne refuse rien;</p>
-<p>Et si son c&oelig;ur vouloit s'entendre avec le mien<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">&nbsp;[19]</a>....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Reposez-vous, Seigneur, sur mon obissance, <span class="dalign">300</span></p>
-<p class="i3"> Et contentez-vous de savoir</p>
-<p>Qu'aussi bien que ma s&oelig;ur j'coute mon devoir.</p>
-<p>Allez trouver Cotys, et sans aucun scrupule....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Perdriez-vous pour moi son trne sans ennui?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le voil qui parot. Quelque ardeur qui vous brle, <span class="dalign">305</span></p>
-<p>Mettez d'accord mon pre, Agsilas et lui.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">COTYS, SPITRIDATE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous voyez de quel air Elpinice me traite,</p>
-<p>Comme elle disparot, Seigneur, mon abord.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si votre me, Seigneur, en est mal satisfaite,</p>
-<p>Mon sort est bien plaindre autant que votre sort.<span class="dalign">310</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! s'il n'toit honteux de manquer de promesse!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si la foi sans rougir pouvoit se dgager!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'une autre de mon c&oelig;ur seroit bientt matresse!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que je serois ravi, comme vous, de changer!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elpinice pour moi montre une telle glace,<span class="dalign">315</span></p>
-<p>Que je me tiendrois sr de son consentement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aglatide verroit qu'une autre prt sa place</p>
-<p class="i3"> Sans en murmurer un moment.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que nous sert qu'en secret l'une et l'autre engage</p>
-<p>Peut-tre ainsi que nous porte son c&oelig;ur ailleurs?<span class="dalign">320</span></p>
-<p>Pour voir notre infortune entre elles partage,</p>
-<p class="i3"> Nos destins n'en sont pas meilleurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elles aiment ailleurs, ces belles ddaigneuses;</p>
-<p class="i3"> Et peut-tre, en dpit du sort,</p>
-<p>Il seroit un moyen et de les rendre heureuses,<span class="dalign">325</span></p>
-<p>Et de nous rendre heureux par un commun accord.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Souffrez donc qu'avec vous tout mon c&oelig;ur se dploie.</p>
-<p>Ah! si vous le vouliez, que mon sort seroit doux!</p>
-<p>Vous seul me pouvez mettre au comble de ma joie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et ma flicit dpend toute de vous. <span class="dalign">330</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous me pouvez donner l'objet qui me possde.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous me pouvez donner celui de tous mes v&oelig;ux:</p>
-<p>Elpinice me charme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Et si je vous la cde?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je cderai de mme Aglatide vos feux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aglatide, Seigneur! Ce n'est pas l m'entendre,<span class="dalign">335</span></p>
-<p class="i3"> Et vous ne feriez rien pour moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne vous devez-vous pas Lysander pour gendre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui; mais l'amour ici me fait une autre loi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour! il n'en faut point couter qui le blesse,</p>
-<p class="i3"> Et qui nous te son appui. <span class="dalign">340</span></p>
-<p>L'change des deux s&oelig;urs n'a rien qui l'intresse,</p>
-<p class="i3"> Nous n'en serons pas moins lui;</p>
-<p>Mais de porter ailleurs sa main<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">&nbsp;[20]</a>, qui leur est due,</p>
-<p>Seigneur, au dernier point ce sera l'irriter,</p>
-<p class="i3"> Et sa protection perdue,<span class="dalign">345</span></p>
-<p class="i3"> N'avons-nous rien redouter?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si je n'en juge mal, sa faveur n'est pas grande,</p>
-<p class="i3"> Seigneur, auprs d'Agsilas;</p>
-<p>Il n'obtient presque rien de quoi qu'il lui demande.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Je vois qu'assez souvent il ne l'coute pas; <span class="dalign">350</span>
-<p class="i3"> Mais pour un diffrend frivole,</p>
-<p class="i3"> Dont nous ignorons le secret,</p>
-<p>Ce prince avoueroit-il un amour indiscret,</p>
-<p class="i3"> D'un tel manquement de parole?</p>
-<p>Lui qui lui doit son trne, et cet illustre rang <span class="dalign">355</span></p>
-<p>D'unique gnral des troupes de la Grce,</p>
-<p>Pourroit-il le har avec tant de bassesse,</p>
-<p>Qu'il pt autoriser ce mpris de son sang?</p>
-<p>Si nous manquons de foi, qu'aura-t-il lieu de croire?</p>
-<p>En aurions-nous pour lui plus que pour Lysander?<span class="dalign">360</span></p>
-<p>Pensez-y bien, Seigneur, avant qu'y hasarder</p>
-<p class="i3"> Nos srets et votre gloire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et si ce diffrend, que vous craignez si peu,</p>
-<p>Lui fait pour notre hymen refuser un aveu<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">&nbsp;[21]</a>?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur n'a qu' parler, je m'en tiens sr par elle.<span class="dalign">365</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, l'aimeroit-il?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Il la trouve assez belle,</p>
-<p>Il en parle avec joie, et se plat la voir.</p>
-<p>Je tche d'affermir ces douces apparences;</p>
-<p class="i3"> Et si vous voulez tout savoir,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span></div>
-<p>Je pense avoir de quoi flatter mes esprances. <span class="dalign">370</span></p>
-<p>Prenez-y part, Seigneur, pour l'intrt commun.</p>
-<p>Quand nous aurons tous deux Lysander pour beau-pre,</p>
-<p>Ce roi s'allie vous, s'il devient mon beau-frre;</p>
-<p>Et nous aurons ainsi deux appuis au lieu d'un.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et Mandane y consent?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Mandane est trop bien ne<span class="dalign">375</span></p>
-<p>Pour ddire un devoir qui la met sous ma loi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et vous avez donn pour elle votre foi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; mais dire vrai, je la tiens pour donne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! ne la donnez point, Seigneur, si vous m'aimez,</p>
-<p class="i3"> Ou si vous aimez Elpinice.<span class="dalign">380</span></p>
-<p>Mandane a tout mon c&oelig;ur, mes yeux en sont charms;</p>
-<p>Et ce n'est qu' ce prix que je vous rends justice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elpinice ne rend votre foi qu' sa s&oelig;ur,</p>
-<p>Et ce n'est qu' ce prix qu'elle-mme se donne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! et si l'amour autrement en ordonne,<span class="dalign">385</span></p>
-<p class="i3"> Le moyen d'y forcer mon c&oelig;ur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rendez-vous-en le matre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Et l'tes-vous du vtre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'y ferai mon effort, si je vous parle en vain;</p>
-<p>Et du moins, si ma s&oelig;ur vous drobe toute autre,</p>
-<p class="i3"> Je serai matre de ma main. <span class="dalign">390</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne le puis celer, qui que l'on me propose,</p>
-<p>Toute autre que Mandane est pour moi mme chose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il vous est donc facile, et doit mme tre doux,</p>
-<p>Puisqu'enfin Elpinice aime un autre que vous,</p>
-<p class="i3"> De lui prfrer qui vous aime;<span class="dalign">395</span></p>
-<p class="i3"> Et du moins vous auriez l'honneur,</p>
-<p class="i3"> Par un peu d'effort sur vous-mme,</p>
-<p class="i3"> De faire le commun bonheur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ferois trois heureux qui m'empchent de l'tre!</p>
-<p>J'ose, j'ose vous faire une plus juste loi: <span class="dalign">400</span></p>
-<p>Ou faites mon bonheur dont vous tes le matre,</p>
-<p>Ou demeurez tous trois malheureux comme moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Eh bien! pousez Elpinice:</p>
-<p class="i3"> Je renonce tout mon bonheur,</p>
-<p class="i3"> Plutt que de me voir complice <span class="dalign">405</span></p>
-<p>D'un manquement de foi qui vous perdroit d'honneur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Rendez-vous votre Aglatide,</p>
-<p class="i3"> Puisque votre c&oelig;ur endurci</p>
-<p>Veut suivre obstinment un faux devoir pour guide:</p>
-<p>Je serai malheureux, vous le serez aussi.<span class="dalign">410</span></p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6 small">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE II.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">SPITRIDATE, MANDANE.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que nous avons, ma s&oelig;ur, bris de rudes chanes!</p>
-<p class="i3"> En Perse il n'est point de sujets;</p>
-<p class="i3"> Ce ne sont qu'esclaves abjets<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">&nbsp;[22]</a>,</p>
-<p>Qu'crasent d'un coup d'&oelig;il les ttes souveraines:</p>
-<p>Le monarque, ou plutt le tyran gnral,<span class="dalign">415</span></p>
-<p class="i3"> N'y suit pour loi que son caprice,</p>
-<p>N'y veut point d'autre rgle et point d'autre justice,</p>
-<p>Et souvent mme impute crime capital</p>
-<p>Le plus rare mrite et le plus grand service;</p>
-<p>Il abat ses pieds les plus hautes vertus,<span class="dalign">420</span></p>
-<p>S'immole insolemment les plus illustres vies,</p>
-<p>Et ne laisse aujourd'hui que les c&oelig;urs abattus</p>
-<p class="i3"> A couvert de ses tyrannies.</p>
-<p>Vous autres, s'il vous daigne honorer de son lit,</p>
-<p class="i3"> Ce sont indignits gales: <span class="dalign">425</span></p>
-<p>La gloire s'en partage entre tant de rivales,</p>
-<p>Qu'elle est moins un honneur qu'un sujet de dpit.</p>
-<p class="i3"> Toutes n'ont pas le nom de reines,</p>
-<p class="i3"> Mais toutes portent mmes chanes,</p>
-<p class="i3"> Et toutes, parler sans fard,<span class="dalign">430</span></p>
-<p>Servent ses plaisirs sans part son empire;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span></div>
-<p>Et mme en ses plaisirs elles n'ont autre part</p>
-<p>Que celle qu' son c&oelig;ur brutalement inspire</p>
-<p class="i3"> Ou ce caprice, ou le hasard.</p>
-<p>Voil, ma s&oelig;ur, quoi vous avoit destine,<span class="dalign">435</span></p>
-<p>A quel infme honneur vous avoit condamne</p>
-<p class="i3"> Pharnabaze<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">&nbsp;[23]</a>, son lieutenant:</p>
-<p>Il auroit fait de vous un prsent son prince,</p>
-<p>Si pour nous affranchir mon soin le prvenant</p>
-<p>N'et sa tyrannie arrach ma province.<span class="dalign">440</span></p>
-<p class="i3"> La Grce a de plus saintes lois,</p>
-<p class="i3"> Elle a des peuples et des rois</p>
-<p class="i3"> Qui gouvernent avec justice:</p>
-<p>La raison y prside, et la sage quit;</p>
-<p>Le pouvoir souverain par elles limit,<span class="dalign">445</span></p>
-<p class="i3"> N'y laisse aucun droit de caprice<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">&nbsp;[24]</a>.</p>
-<p>L'hymen de ses rois mme y donne c&oelig;ur pour c&oelig;ur;</p>
-<p class="i3"> Et si vous aviez le bonheur</p>
-<p>Que l'un d'eux vous offrt son trne avec son me,</p>
-<p class="i3"> Vous seriez, par ce n&oelig;ud charmant,<span class="dalign">450</span></p>
-<p class="i3"> Et reine vritablement,</p>
-<p class="i3"> Et vritablement sa femme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je veux bien l'esprer: tout est facile aux Dieux;</p>
-<p class="i3"> Et peut-tre que de bons yeux</p>
-<p>En auroient dj vu quelque flatteuse marque;<span class="dalign">455</span></p>
-<p>Mais il en faut de bons pour faire un si grand choix.</p>
-<p>Si le roi dans la Perse est un peu trop monarque,</p>
-<p>En Grce il est des rois qui ne sont pas trop rois:</p>
-<p>Il en est dont le peuple est le suprme arbitre;</p>
-<p>Il en est d'attachs aux ordres d'un snat;<span class="dalign">460</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span></div>
-<p>Il en est qui ne sont enfin, sous ce grand titre,</p>
-<p class="i3"> Que premiers sujets de l'tat.</p>
-<p>Je ne sais si le ciel pour rgner m'a fait natre,</p>
-<p>Et quoi qu'en ma faveur j'aye encor vu parotre,</p>
-<p class="i3"> Je doute si l'on m'aime ou non;<span class="dalign">465</span></p>
-<p class="i3"> Mais je pourrois tre assez vaine</p>
-<p class="i3"> Pour ddaigner le nom de reine</p>
-<p>Que m'offriroit un roi qui n'en et<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">&nbsp;[25]</a> que le nom.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous en savez beaucoup, ma s&oelig;ur, et vos mrites</p>
-<p>Vous ouvrent fort les yeux sur ce que vous valez. <span class="dalign">470</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je rponds simplement ce que vous me dites,</p>
-<p>Et parle en gnral comme vous me parlez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cependant et des rois et de leur diffrence</p>
-<p>Je vous trouve en effet plus instruite que moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Puisque vous m'ordonnez qu'ici j'espre un roi, <span class="dalign">475</span></p>
-<p>Il est juste, Seigneur, que quelquefois j'y pense.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'y pensez-vous point trop?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Je sais que c'est vous</p>
-<p>A rgler mes desirs sur le choix d'un poux:</p>
-<p class="i3"> Mon devoir n'en fera point d'autre;</p>
-<p>Mais quand vous daignerez choisir pour une s&oelig;ur,<span class="dalign">480</span></p>
-<p>Daignez songer, de grce, faire son bonheur</p>
-<p class="i3"> Mieux que vous n'avez fait le vtre.</p>
-<p>D'un choix que vous m'aviez vous-mme tant lou,</p>
-<p>Votre c&oelig;ur et vos yeux vous ont dsavou;</p>
-<p>Et si j'ai, comme vous, quelques pentes secrtes, <span class="dalign">485</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span></div>
-<p>Seigneur, si c'est ainsi que vous les rencontrez,</p>
-<p class="i3"> Jugez, par le trouble o vous tes,</p>
-<p class="i3"> De l'tat o vous me mettrez<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">&nbsp;[26]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le vois bien, ma s&oelig;ur, il faut vous laisser faire:</p>
-<p>Qui choisit mal pour soi choisit mal pour autrui;<span class="dalign">490</span></p>
-<p>Et votre c&oelig;ur, instruit par le malheur d'un frre,</p>
-<p class="i3"> A dj fait son choix sans lui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre; mais enfin vous suis-je ncessaire?</p>
-<p>Parlez: il n'est desirs ni tendres sentiments</p>
-<p>Que je ne sacrifie vos contentements. <span class="dalign"> 495</span></p>
-<p>Faut-il donner ma main pour celle d'Elpinice?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que sert de m'en offrir un entier sacrifice,</p>
-<p>Si je n'ose et ne puis mme dterminer</p>
-<p>A qui pour mon bonheur vous devez la donner?</p>
-<p>Cotys me la demande, Agsilas l'espre.<span class="dalign">500</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Agsilas, Seigneur! Et le savez-vous bien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parler de vous sans cesse, aimer votre entretien,</p>
-<p>Vous donner tout crdit, ne chercher qu' vous plaire....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce sont civilits envers une trangre,</p>
-<p>Qui font beaucoup d'clat, et ne produisent rien.<span class="dalign">505</span></p>
-<p class="i3"> Il jette par l des amorces</p>
-<p>A ceux qui, comme nous, voudront grossir ses forces;</p>
-<p>Mais quelque haut crdit qu'il me donne en sa cour,</p>
-<p>De toute sa conduite il est si bien le matre,</p>
-<p>Qu'au simple nom d'hymen vous verriez disparotre<span class="dalign">510</span></p>
-<p>Tout ce qu'en ses faveurs vous prenez pour amour.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous penchez vers Cotys, et savez qu'Elpinice</p>
-<p>Ne veut point tre moi qu'il ne soit sa s&oelig;ur!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous rponds de tout, si vous avez son c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et Lysander pourra souffrir cette injustice?<span class="dalign">515</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Lysander est si mal auprs d'Agsilas,</p>
-<p>Que ce sera beaucoup s'il en obtient un gendre;</p>
-<p>Et peut-tre sans moi ne l'obtiendra-t-il pas:</p>
-<p>Pour deux, il auroit tort<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">&nbsp;[27]</a>, s'il osoit y prtendre.</p>
-<p>Mais, Seigneur, le voici; tchez de pressentir<span class="dalign">520</span></p>
-<p>Ce qu'en votre faveur il pourroit consentir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ma s&oelig;ur, vous tes plus adroite;</p>
-<p>Souffrez que je mnage un moment de retraite:</p>
-<p>J'aurois trop rougir, pour peu que devant moi</p>
-<p>Vous fissiez deviner de ce manque de foi.<span class="dalign">525</span></p>
-</div></div>
-
-<h3 class="subt">SCNE II.</h3>
-<p class="subh">LYSANDER, SPITRIDATE, MANDANE, CLON.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Quoique en matire d'hymnes</p>
-<p>L'importune langueur des affaires tranes</p>
-<p>Attire assez souvent de fcheux embarras,</p>
-<p>J'ai voulu qu' loisir vous pussiez<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">&nbsp;[28]</a> voir mes filles,</p>
-<p>Avant que demander l'aveu d'Agsilas<span class="dalign">530</span></p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span>
-<p class="i3"> Sur l'union de nos familles.</p>
-<p>Dites-moi donc, Seigneur, ce qu'en jugent vos yeux,</p>
-<p>S'ils laissent votre c&oelig;ur d'accord de vos promesses,</p>
-<p>Et si vous y sentez plus d'aimables tendresses</p>
-<p>Que de justes desirs de pouvoir choisir mieux.<span class="dalign">535</span></p>
-<p>Parlez avec franchise, avant que je m'expose</p>
-<p class="i3"> A des refus presque assurs,</p>
-<p class="i3"> Que j'estimerai peu de chose</p>
-<p class="i3"> Quand vous serez plus dclars;</p>
-<p>Et n'apprhendez point l'emportement d'un pre:<span class="dalign">540</span></p>
-<p>Je sais trop que l'amour de ses droits est jaloux,</p>
-<p class="i3"> Qu'il dispose de nous sans nous,</p>
-<p>Que les plus beaux objets ne sont pas srs de plaire.</p>
-<p>L'aveugle sympathie est ce qui fait agir</p>
-<p class="i3"> La plupart des feux qu'il excite;<span class="dalign">545</span></p>
-<p>Il ne l'attache pas toujours au vrai mrite:</p>
-<p>Et quand il la dnie, on n'a point rougir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Puisque vous le voulez, je ne puis me dfendre,</p>
-<p>Seigneur, de vous parler avec sincrit:</p>
-<p>Ma seule ambition est d'tre votre gendre; <span class="dalign">550</span></p>
-<p>Mais apprenez, de grce, une autre vrit:</p>
-<p>Ce bonheur que j'attends, cette gloire o j'aspire,</p>
-<p>Et qui rendroit mon sort gal au sort des Dieux,</p>
-<p>N'a pour objet.... Seigneur, je tremble vous le dire;</p>
-<p class="i3"> Ma s&oelig;ur vous l'expliquera mieux. <span class="dalign">555</span></p>
-</div></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">LYSANDER, MANDANE, CLON.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que veut dire, Madame, une telle retraite?</p>
-<p>Se plaint-il d'Aglatide, et la jeune indiscrte</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span></div>
-<p>Rpondroit-elle mal aux honneurs qu'il lui fait?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle y rpond, Seigneur, ainsi qu'il le souhaite,</p>
-<p class="i3"> Et je l'en vois fort satisfait; <span class="dalign">560</span></p>
-<p>Mais je ne vois pas bien que par les sympathies</p>
-<p class="i3"> Dont vous venez de nous parler,</p>
-<p class="i3"> Leurs mes soient fort assorties<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">&nbsp;[29]</a>,</p>
-<p>Ni que l'amour encore ait daign s'en mler.</p>
-<p>Ce n'est pas qu'il n'aspire se voir votre gendre,<span class="dalign">565</span></p>
-<p>Qu'il n'y mette sa gloire, et borne ses plaisirs;</p>
-<p>Mais puisque par son ordre il me faut vous l'apprendre,</p>
-<p>Elpinice est l'objet de ses plus chers desirs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elpinice! Et sa main n'est plus en ma puissance!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je sais qu'il n'est plus temps de vous la demander;<span class="dalign">570</span></p>
-<p>Mais je vous rpondrois de son obissance,</p>
-<p class="i3"> Si Cotys la vouloit cder.</p>
-<p>Que sait-on si l'amour, dont la bizarrerie</p>
-<p>Se joue assez souvent du fond de notre c&oelig;ur,</p>
-<p>N'aura point fait au sien mme supercherie?<span class="dalign">575</span></p>
-<p>S'il n'y prfre point Aglatide sa s&oelig;ur?</p>
-<p>Cet change, Seigneur, pourroit-il vous dplaire,</p>
-<p class="i3"> S'il les rendoit tous quatre heureux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, doutez-vous de la bont d'un pre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voyez donc si Cotys sera plus rigoureux: <span class="dalign">580</span></p>
-<p>Je vous laisse avec lui, de peur que ma prsence</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span></div>
-<p>N'empche une sincre et pleine confiance.</p>
-<p class="stagedir">(A Cotys.)</p>
-<p>Seigneur, ne cachez plus le vritable amour<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">&nbsp;[30]</a></p>
-<p class="i3"> Dont l'ide en secret vous flatte.</p>
-<p>J'ai dit Lysander celui de Spitridate; <span class="dalign">585</span></p>
-<p class="i3"> Dites le vtre votre tour.</p>
-</div></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">LYSANDER, COTYS, CLON.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Puisqu'elle vous l'a dit, pourrois-je vous le taire?</p>
-<p class="i3"> Jugez, Seigneur, de mes ennuis:</p>
-<p>Une autre qu'Elpinice mes yeux a su plaire;</p>
-<p>Et l'aimer est un crime en l'tat o je suis. <span class="dalign">590</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne traitez point, Seigneur, ce nouveau feu de crime:</p>
-<p>Le choix que font les yeux est le plus lgitime;</p>
-<p>Et comme un beau desir ne peut bien s'allumer</p>
-<p>S'ils n'instruisent le c&oelig;ur de ce qu'il doit aimer,</p>
-<p>C'est ter l'amour tout ce qu'il a d'aimable,<span class="dalign">595</span></p>
-<p>Que les tenir captifs sous une aveugle foi;</p>
-<p class="i3"> Et le don le plus favorable</p>
-<p>Que ce c&oelig;ur sans leur ordre ose faire de soi</p>
-<p class="i3"> Ne fut jamais irrvocable.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Seigneur, ce n'est point par mpris, <span class="dalign">600</span></p>
-<p>Ce n'est point qu'Elpinice aux miens n'ait paru belle;</p>
-<p>Mais enfin (le dirai-je?) oui, Seigneur, on m'a pris,</p>
-<p>On m'a vol ce c&oelig;ur que j'apportois pour elle:</p>
-<p>D'autres yeux, malgr moi, s'en sont faits les tyrans,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span></div>
-<p>Et ma foi s'est arme en vain pour ma dfense;<span class="dalign">605</span></p>
-<p>Ce lche, qui s'est mis de leur intelligence,</p>
-<p>Les a soudain reus en justes conqurants.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Laissez-leur garder leur conqute.</p>
-<p>Peut-tre qu'Elpinice avec plaisir s'apprte</p>
-<p>A vous laisser ailleurs trouver un sort plus doux,<span class="dalign">610</span></p>
-<p>Quand un autre pour elle a d'autres yeux que vous,</p>
-<p>Qu'elle cde ce c&oelig;ur celle qui le vole,</p>
-<p>Et qu'en ce mme instant qu'on vous le surprenoit,</p>
-<p>Un pareil attentat sur sa propre parole</p>
-<p>Lui droboit celui qu'elle vous destinoit.<span class="dalign">615</span></p>
-<p>Surtout ne craignez rien du ct d'Aglatide:</p>
-<p>Je puis rpondre d'elle, et quand j'aurai parl,</p>
-<p>Vous verrez tout son c&oelig;ur, o mon vouloir<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">&nbsp;[31]</a> prside,</p>
-<p>Vous payer de celui qu'elle vous a vol.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! Seigneur, pour ce vol je ne me plains pas d'elle. <span class="dalign">620</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et de qui donc?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> L'amour s'y sert d'une autre main.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Oui, cet amour qui me rend infidle....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, du nom d'amour n'abusez point en vain,</p>
-<p>Dites d'Agsilas la haine insatiable:</p>
-<p>C'est elle dont l'aigreur auprs de vous m'accable, <span class="dalign">625</span></p>
-<p>Et qui de jour en jour s'animant contre moi,</p>
-<p>Pour me perdre d'honneur m'enlve votre foi.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ah! s'il y va de votre gloire,</p>
-<p>Ma parole est donne, et duss-je en mourir,</p>
-<p>Je la tiendrai, Seigneur, jusqu'au dernier soupir; <span class="dalign">630</span></p>
-<p>Mais quoi que la surprise ait pu vous faire croire,</p>
-<p class="i3"> N'accusez, point Agsilas</p>
-<p>D'un crime de mon c&oelig;ur, que mme il ne sait pas.</p>
-<p>Mandane, qui m'ordonne vos yeux de le dire,</p>
-<p>Vous montre assez par l quel souverain empire<span class="dalign">635</span></p>
-<p class="i3"> L'amour lui donne sur ce c&oelig;ur.</p>
-<p>Ne considrez point si j'aime ou si l'on m'aime;</p>
-<p>En matire d'honneur ne voyez que vous-mme,</p>
-<p>Et disposez de moi comme veut cet honneur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour le fera mieux; ce que j'en viens d'apprendre<span class="dalign">640</span></p>
-<p>M'offre un sujet de joie o j'en voyois d'ennui:</p>
-<p class="i3"> pouser la s&oelig;ur de mon gendre,</p>
-<p class="i3"> C'est le devenir comme lui.</p>
-<p>Aglatide d'ailleurs n'est pas si dlaisse</p>
-<p>Que votre exemple n'aide lui trouver un roi;<span class="dalign">645</span></p>
-<p>Et pour peu que le ciel rponde ma pense,</p>
-<p>Ce sera plus de gloire et plus d'appui pour moi.</p>
-<p>Aussi ferai-je plus: je veux que de moi-mme</p>
-<p>Vous teniez cet objet qui vous fait soupirer;</p>
-<p>Et Spitridate, moins que de m'en assurer, <span class="dalign">650</span></p>
-<p class="i3"> N'obtiendra jamais ce qu'il aime.</p>
-<p>Je veux ds aujourd'hui savoir d'Agsilas</p>
-<p>S'il pourra consentir ce double hymne,</p>
-<p class="i3"> Dont ma parole toit donne.</p>
-<p>Sa haine apparemment ne m'en avouera pas: <span class="dalign">655</span></p>
-<p>Si pourtant par bonheur il m'en laisse le matre,</p>
-<p>J'en userai, Seigneur, comme je le promets;</p>
-<p class="i3"> Sinon, vous lui ferez connotre</p>
-<p class="i3"> Vous-mme quels sont vos souhaits.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! que Mandane et moi n'avons-nous mille vies, <span class="dalign">660</span></p>
-<p class="i3"> Seigneur, pour vous les immoler!</p>
-<p>Car je ne saurois plus vous le dissimuler,</p>
-<p>Nos mes en seront galement ravies.</p>
-<p>Souffrez-lui donc sa part en ces ravissements;</p>
-<p>Et pardonnez, de grce, mon impatience.... <span class="dalign">665</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"><span class="small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez: on m'a vu jeune, et par exprience</p>
-<p>Je sais ce qui se passe au c&oelig;ur des vrais amants.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">LYSANDER, CLON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, n'tes-vous point d'une humeur bien facile</p>
-<p>D'applaudir Cotys sur son manque de foi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Je prends pour l'attacher moi <span class="dalign">670</span></p>
-<p class="i3"> Ce qui s'offre de plus utile.</p>
-<p class="i3"> D'un emportement indiscret</p>
-<p class="i3"> Je ne voyois rien prtendre:</p>
-<p class="i3"> Vouloir par force en faire un gendre,</p>
-<p class="i3">Ce n'est qu'en vouloir faire un ennemi secret. <span class="dalign">675</span></p>
-<p class="i3">Je veux me l'acqurir: je veux, s'il m'est possible,</p>
-<p>A force d'amitis si bien le mnager,</p>
-<p class="i3"> Que quand je voudrai me venger,</p>
-<p class="i3"> J'en tire un secours infaillible.</p>
-<p class="i3"> Ainsi je flatte ses desirs,<span class="dalign">680</span></p>
-<p>J'applaudis, je dfre ses nouveaux soupirs,</p>
-<p class="i3"> Je me fais l'auteur de sa joie,</p>
-<p>Je sers sa passion, et sous cette couleur</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span></div>
-<p>Je m'ouvre dans son me une infaillible voie</p>
-<p>A m'en faire mon tour servir avec chaleur.<span class="dalign">685</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, mais Agsilas, Seigneur, aime Mandane:</p>
-<p>Du moins toute sa cour ose le deviner;</p>
-<p>Et promettre Cotys cette illustre Persane,</p>
-<p>C'est lui promettre tout pour ne lui rien donner.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu' ses v&oelig;ux mon tyran l'accorde ou la refuse,<span class="dalign">690</span></p>
-<p class="i3"> De la manire dont j'en use,</p>
-<p class="i3"> Il ne peut m'ter son appui;</p>
-<p>Et de quelque faon que la chose se passe,</p>
-<p class="i3"> Ou je fais la premire grce,</p>
-<p>Ou j'aigris puissamment ce rival contre lui.<span class="dalign">695</span></p>
-<p>J'ai mme souhaiter que son feu se dclare.</p>
-<p>Comme de notre Sparte il choquera les lois,</p>
-<p>C'est une occasion que lui-mme il prpare,</p>
-<p>Et qui peut la rsoudre mieux choisir ses rois.</p>
-<p>Nous avons trop longtemps asservi sa couronne <span class="dalign">700</span></p>
-<p class="i3"> A la vaine splendeur du sang;</p>
-<p>Il est juste son tour que la vertu la donne,</p>
-<p>Et que le seul mrite ait droit ce haut rang.</p>
-<p>Ma ligue est dj forte, et ta harangue est prte<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">&nbsp;[32]</a></p>
-<p class="i3"> A faire clater la tempte, <span class="dalign">705</span></p>
-<p>Sitt qu'il aura mis ma patience bout.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span></div>
-<p>Si pourtant je voyois sa haine enfin borne</p>
-<p>Ne mettre aucun obstacle ce double hymne,</p>
-<p>Je crois que je pourrois encore oublier tout.</p>
-<p>En perdant cet ingrat, je dtruis mon ouvrage;<span class="dalign">710</span></p>
-<p>Je vois dans sa grandeur le prix de mon courage,</p>
-<p>Le fruit de mes travaux, l'effet de mon crdit.</p>
-<p>Un reste d'amiti tient mon me en balance:</p>
-<p>Quand je veux le har je me fais violence,</p>
-<p>Et me force regret ce que je t'ai dit.<span class="dalign">715</span></p>
-<p>Il faut, il faut enfin qu'avec lui je m'explique,</p>
-<p class="i3"> Que j'en sache qui peut causer</p>
-<p>Cette haine si lche, et qu'il rend si publique,</p>
-<p>Et fasse un digne effort le dsabuser.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'appartient qu' vous de former ces penses;<span class="dalign">720</span></p>
-<p>Mais vous ne songez point avec quels sentiments</p>
-<p class="i3"> Vos deux filles intresses</p>
-<p class="i3"> Apprendront de tels changements.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aglatide est d'humeur rire de sa perte:</p>
-<p>Son esprit enjou ne s'branle de rien.<span class="dalign">725</span></p>
-<p>Pour l'autre, elle a, de vrai, l'me un peu moins ouverte,</p>
-<p>Mais elle n'eut jamais de vouloir que le mien.</p>
-<p>Ainsi je me tiens sr de leur obissance.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand cette obissance a fait un digne choix,</p>
-<p>Le c&oelig;ur, tomb par l sous une autre puissance,<span class="dalign">730</span></p>
-<p>N'obit pas toujours une seconde fois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les voici: laisse-nous, afin qu'avec franchise</p>
-<p class="i3"> Leurs mes s'en ouvrent moi.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span></p>
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subh">LYSANDER, ELPINICE, AGLATIDE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> J'apprends avec quelque surprise,</p>
-<p>Mes filles, qu'on vous manque toutes deux de foi:<span class="dalign">735</span></p>
-<p>Cotys aime en secret une autre qu'Elpinice,</p>
-<p class="i3"> Spitridate n'en fait pas moins.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Si l'on nous fait quelque injustice,</p>
-<p>Seigneur, notre devoir s'en remet vos soins.</p>
-<p>Je ne sais qu'obir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> J'en sais donc davantage: <span class="dalign">740</span></p>
-<p>Je sais que Spitridate adore d'autres yeux;</p>
-<p>Je sais que c'est ma s&oelig;ur qui va cet hommage,</p>
-<p>Et quelque chose encor qu'elle vous diroit mieux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur, qu'aurois-je dire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> A quoi bon ce mystre?</p>
-<p>Dites ce qu' ce nom le c&oelig;ur vous dit tout bas,<span class="dalign">745</span></p>
-<p>Ou je dirai tout haut qu'il ne vous dplat pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Moi, je pourrois l'aimer, et sans l'ordre d'un pre!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous ne savez que c'est d'aimer ou de har<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">&nbsp;[33]</a>,</p>
-<p>Mais vous seriez pour lui fort aise d'obir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Qu'il faut souffrir de vous, ma s&oelig;ur!
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Le grand supplice</p>
-<p>De voir qu'en dpit d'elle on lui rend du service!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rendez-lui la pareille. Aime-t-elle Cotys?</p>
-<p>Et s'il falloit changer entre vous de partis....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Je n'ai pas besoin d'interprte,</p>
-<p>Et vous en dirai plus, Seigneur, qu'elle n'en sait.<span class="dalign">755</span></p>
-<p>Cotys pourroit me plaire, et plairoit en effet,</p>
-<p>Si pour toucher son c&oelig;ur j'tois assez bien faite;</p>
-<p>Mais je suis fort trompe, ou cet illustre c&oelig;ur</p>
-<p class="i3"> N'est pas plus moi qu' ma s&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Peut-tre ce malheur d'assez prs te menace. <span class="dalign">760</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en connois plus de vingt qui mourroient en ma place,</p>
-<p>Ou qui sauroient du moins hautement quereller</p>
-<p class="i3"> L'injustice de la fortune;</p>
-<p>Mais pour moi, qui n'ai pas une me si commune,</p>
-<p class="i3"> Je sais l'art de m'en consoler.<span class="dalign">765</span></p>
-<p class="i3"> Il est d'autres rois dans l'Asie</p>
-<p>Qui seront trop heureux de prendre votre appui;</p>
-<p>Et dj, je ne sais par quelle fantaisie,</p>
-<p>J'en crois voir mes pieds de plus puissants que lui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Donc moins que d'un roi tu ne veux plus te rendre?<span class="dalign">770</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je crois pour Spitridate avoir dj fait voir</p>
-<p class="i3"> Que ma s&oelig;ur n'a rien m'apprendre</p>
-<p class="i3"> Sur le chapitre du devoir.</p>
-<p>Elle sait obir, et je le sais comme elle:</p>
-<p>C'est l'ordre; et je lui garde un c&oelig;ur assez fidle <span class="dalign">775</span></p>
-<p class="i3"> Pour en subir toutes les lois;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span></div>
-<p class="i3"> Mais pour rgler ma destine,</p>
-<p>Si vous vous abaissiez jusqu' prendre ma voix,</p>
-<p class="i3"> Vous arrteriez votre choix</p>
-<p class="i3"> Sur une tte couronne, <span class="dalign">780</span></p>
-<p class="i3"> Et ne m'offririez que des rois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> C'est mettre un peu haut ta conqute.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La couronne, Seigneur, orne bien une tte.</p>
-<p>Je me la figurois sur celle de ma s&oelig;ur,</p>
-<p class="i3"> Lorsque Cotys devoit l'y mettre;<span class="dalign">785</span></p>
-<p>Et quand j'en contemplois la gloire et la douceur,</p>
-<p class="i3"> Que je ne pouvois me promettre,</p>
-<p>Un peu de jalousie et de confusion</p>
-<p>Mutinoit mes desirs et me soulevoit l'me;</p>
-<p class="i3"> Et comme en cette occasion<span class="dalign">790</span></p>
-<p>Mon devoir pour agir n'attendoit point ma flamme....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La gloire d'obir votre grand regret</p>
-<p class="i3"> Vous faisoit pester en secret:</p>
-<p>C'est l'ordre; et du devoir la scrupuleuse ide....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que dites-vous, ma s&oelig;ur? qu'osez-vous hasarder,<span class="dalign">795</span></p>
-<p>Vous qui tantt...?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Ma s&oelig;ur, laissez-moi vous aider,</p>
-<p class="i3"> Ainsi que vous m'avez aide.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour bien m'aider dire ici mes sentiments,</p>
-<p class="i3"> Vous vous prenez trop mal aux vtres;</p>
-<p>Et si je suis jamais rduite aux truchements,<span class="dalign">800</span></p>
-<p class="i3"> Il m'en faudra<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">&nbsp;[34]</a> bien chercher d'autres.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span></div>
-<p> Seigneur, quoi qu'il en soit, voil quelle je suis.</p>
-<p>J'acceptois Spitridate avec quelques ennuis;</p>
-<p>De ce petit chagrin le ciel m'a dgage,</p>
-<p class="i3"> Sans que mon me soit change. <span class="dalign">805</span></p>
-<p>Mon devoir rgne encor sur mon ambition:</p>
-<p>Quoi que vous m'ordonniez, j'obirai sans peine;</p>
-<p class="i3"> Mais de mon inclination,</p>
-<p class="i3"> Je mourrai fille, ou vivrai reine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Achevez donc, ma s&oelig;ur: dites qu'Agsilas....<span class="dalign">810</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ah! Seigneur, ne l'coutez pas:</p>
-<p>Ce qu'elle vous veut dire est une bagatelle;</p>
-<p>Et mme, s'il le faut, je la dirai mieux qu'elle.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dis donc. Agsilas....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> M'aimoit jadis un peu.</p>
-<p>Du moins lui-mme Sparte il m'en fit confidence;<span class="dalign">815</span></p>
-<p>Et s'il me disoit vrai, sa noble impatience</p>
-<p class="i3"> De vous en demander l'aveu</p>
-<p class="i3"> N'attendoit qu'aprs l'hymne</p>
-<p class="i3"> De cette aimable et chre ane.</p>
-<p>Mais s'il attendoit l que mon tour arriv<span class="dalign">820</span></p>
-<p class="i3"> Autorist ma conqute</p>
-<p>La flamme qu'en rserve il tenoit toute prte,</p>
-<p>Son amour est encore ici plus rserv;</p>
-<p>Et soit que dans phse un autre objet me passe,</p>
-<p>Soit que par complaisance il cde son rival,<span class="dalign">825</span></p>
-<p class="i3"> Il me fait prsent la grce</p>
-<p class="i3"> De ne m'en dire bien ni mal.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'un pareil changement ne cherche point la cause:</p>
-<p>Sa haine pour ton pre cet amour s'oppose;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span></div>
-<p>Mais n'importe, il est bon que j'en sois averti.<span class="dalign">830</span></p>
-<p>J'agirai d'autre sorte avec cette lumire;</p>
-<p>Et suivant qu'aujourd'hui nous l'aurons plus entire<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">&nbsp;[35]</a>,</p>
-<p class="i3"> Nous verrons prendre parti<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">&nbsp;[36]</a>.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VII.</h3>
-<p class="subt">ELPINICE, AGLATIDE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur, je vous admire, et ne saurois comprendre</p>
-<p> Cet inpuisable enjouement,<span class="dalign">835</span></p>
-<p>Qui d'un chagrin trop juste a de quoi vous dfendre,</p>
-<p>Quand vous tes si prs de vous voir sans amant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est ais pourtant d'en deviner les causes.</p>
-<p>Je sais comme il faut vivre, et m'en trouve fort bien.</p>
-<p class="i3"> La joie est bonne mille choses,<span class="dalign">840</span></p>
-<p class="i3"> Mais le chagrin n'est bon rien.</p>
-<p>Ne perds-je pas assez, sans doubler l'infortune,</p>
-<p>Et perdre encor le bien d'avoir l'esprit gal?</p>
-<p class="i3"> Perte sur perte est importune,</p>
-<p>Et je m'aime un peu trop pour me traiter si mal. <span class="dalign">845</span></p>
-<p>Soupirer quand le sort nous rend une injustice,</p>
-<p>C'est lui prter une aide nous faire un supplice.</p>
-<p>Pour moi, qui ne lui puis souffrir tant de pouvoir,</p>
-<p>Le bien que je me veux met sa haine pis faire.</p>
-<p class="i3"> Mais allons rejoindre mon pre:<span class="dalign">850</span></p>
-<p>J'ai quelque chose encore lui faire savoir.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE III.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne suis point surpris qu' ces deux hymnes</p>
-<p>Vous refusiez, Seigneur, votre consentement:</p>
-<p>J'aurois eu tort d'attendre un meilleur traitement</p>
-<p>Pour le sang odieux dont mes filles sont nes. <span class="dalign">855</span></p>
-<p>Il est le sang d'Hercule en elles comme en vous,</p>
-<p>Et mritoit par l quelque destin plus doux;</p>
-<p>Mais s'il vous peut<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">&nbsp;[37]</a> donner un titre lgitime,</p>
-<p class="i3"> Pour tre leur matre et leur roi,</p>
-<p>C'est pour l'une et pour l'autre une espce de crime <span class="dalign">860</span></p>
-<p class="i3"> Que de l'avoir reu de moi.</p>
-<p>J'avois cru toutefois que l'exil volontaire</p>
-<p>O l'amour paternel prs d'elles m'et rduit,</p>
-<p>Moi qui de mes travaux ne vois plus autre<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">&nbsp;[38]</a> fruit</p>
-<p class="i3"> Que le malheur de vous dplaire, <span class="dalign">865</span></p>
-<p class="i3"> Comme il dlivreroit vos yeux</p>
-<p class="i3"> D'une insupportable prsence,</p>
-<p>A mes jours presque uss obtiendroit la licence</p>
-<p class="i3"> D'aller finir sous d'autres cieux.</p>
-<p>C'toit l mon dessein; mais cette mme envie, <span class="dalign">870</span></p>
-<p>Qui me fait prs de vous un si malheureux sort,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span></div>
-<p>Ne sauroit endurer ni l'clat de ma vie,</p>
-<p class="i3"> Ni l'obscurit de ma mort.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'envie et la haine</p>
-<p class="i3"> Ont perscut les hros. <span class="dalign">875</span></p>
-<p>Hercule en sert d'exemple, et l'histoire en est pleine,</p>
-<p>Nous ne pouvons souffrir qu'ils meurent en repos.</p>
-<p>Cependant cet exil, ces retraites paisibles,</p>
-<p>Cet unique souhait d'y terminer leurs jours,</p>
-<p>Sont des mots bien choisis remplir leurs discours: <span class="dalign">880</span></p>
-<p>Ils ont toujours leur grce, ils sont toujours plausibles;</p>
-<p class="i3"> Mais ils ne sont pas vrais toujours;</p>
-<p>Et souvent des prils, ou cachs ou visibles,</p>
-<p>Forcent notre prudence nous mieux assurer</p>
-<p class="i3"> Qu'ils ne veulent se figurer. <span class="dalign">885</span></p>
-<p>Je ne m'tonne point qu'avec tant de lumires</p>
-<p class="i3"> Vous ayez prvu mes refus;</p>
-<p>Mais je m'tonne fort que les ayant prvus,</p>
-<p>Vous n'en ayez pu voir les raisons bien entires.</p>
-<p>Vous tes un grand homme, et de plus mcontent: <span class="dalign">890</span></p>
-<p>J'avouerai plus encor, vous avez lieu de l'tre.</p>
-<p>Ainsi de ce repos o votre ennui prtend</p>
-<p>Je dois prvoir en roi quel dsordre peut natre,</p>
-<p>Et regarde en quels lieux il vous plat de porter</p>
-<p>Des chagrins qu'en leur temps on peut voir clater. <span class="dalign">895</span></p>
-<p>Ceux que prend pour exil ou choisit pour asile</p>
-<p class="i3"> Ce dessein d'une mort tranquille,</p>
-<p>Des Perses et des Grecs sparent les tats.</p>
-<p>L'assiette en est heureuse, et l'accs difficile;</p>
-<p>Leurs matres ont du c&oelig;ur, leurs peuples ont des bras;</p>
-<p>Ils viennent de nous joindre avec une puissance</p>
-<p>A beaucoup esprer, craindre beaucoup d'eux;</p>
-<p>Et c'est mettre en leurs mains une trange balance,</p>
-<p>Que de mettre leur tte un guerrier si fameux.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span></div>
-<p>C'est vous qui les donnez l'un et l'autre la Grce: <span class="dalign">905</span></p>
-<p>L'un fut ami du Perse<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">&nbsp;[39]</a>, et l'autre son sujet.</p>
-<p>Le service est bien grand, mais aussi je confesse</p>
-<p>Qu'on peut ne pas bien voir tout le fond du projet.</p>
-<p>Votre intrt s'y mle en les prenant pour gendres;</p>
-<p>Et si par des liens et si forts et si tendres <span class="dalign">910</span></p>
-<p>Vous pouvez aujourd'hui les attacher vous,</p>
-<p class="i3"> Vous vous les donnez plus qu' nous.</p>
-<p>Si malgr le secours, si malgr les services</p>
-<p>Qu'un ami doit l'autre, un sujet son roi,</p>
-<p>Vous les avez tous deux arrachs leur foi, <span class="dalign">915</span></p>
-<p>Sans aucun droit sur eux, sans aucuns bons offices,</p>
-<p class="i3"> Avec quelle facilit</p>
-<p>N'immoleront-ils point une amiti nouvelle</p>
-<p class="i3"> A votre courage irrit,</p>
-<p>Quand vous ferez agir toute l'autorit <span class="dalign">920</span></p>
-<p>De l'amour conjugale et de la paternelle,</p>
-<p>Et que l'occasion aura d'heureux moments</p>
-<p class="i3"> Qui flattent vos ressentiments?</p>
-<p class="i3"> Vous ne nous laissez aucun gage:</p>
-<p>Votre sang tout entier passe avec vous chez eux. <span class="dalign">925</span></p>
-<p>Voyez donc ce projet comme je l'envisage,</p>
-<p>Et dites si pour nous il n'a rien de douteux.</p>
-<p>Vous avez jusqu'ici fait parotre un vrai zle,</p>
-<p>Un c&oelig;ur si gnreux, une me si fidle,</p>
-<p>Que par toute la Grce on vous loue l'envi; <span class="dalign">930</span></p>
-<p>Mais le temps quelquefois inspire une autre envie.</p>
-<p>Comme vous, Thmistocle avoit fort bien servi,</p>
-<p>Et dans la cour de Perse il a fini sa vie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si c'est avec raison que je suis mcontent,</p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span>
-<p>Si vous-mme avouez que j'ai lieu de me plaindre, <span class="dalign">935</span></p>
-<p>Et si jusqu' ce point on me croit important</p>
-<p>Que mes ressentiments puissent vous tre craindre,</p>
-<p class="i3"> Oserois-je vous demander</p>
-<p class="i3"> Ce que vous a fait Lysander</p>
-<p>Pour leur donner ici chaque jour de quoi natre, <span class="dalign">940</span></p>
-<p>Seigneur? et s'il est vrai qu'un homme tel que moi,</p>
-<p>Quand il est mcontent, peut desservir son roi,</p>
-<p class="i3"> Pourquoi me forcez-vous l'tre?</p>
-<p>Quelque avis que je donne, il n'est point cout;</p>
-<p>Quelque emploi que j'embrasse, il m'est soudain t:<span class="dalign">945</span></p>
-<p>Me choisir pour appui, c'est courir sa perte.</p>
-<p>Vous changez en tous lieux les ordres que j'ai mis;</p>
-<p>Et comme s'il falloit agir guerre ouverte,</p>
-<p class="i3"> Vous dtruisez tous mes amis,</p>
-<p>Ces amis dont pour vous je gagnai les suffrages <span class="dalign">950</span></p>
-<p>Quand il fallut aux Grecs lire un gnral<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">&nbsp;[40]</a>,</p>
-<p>Eux qui vous ont soumis les plus nobles courages,</p>
-<p>Et fait ce haut pouvoir qui leur est si fatal:</p>
-<p>Leur seul amour pour moi les livre leur ruine;</p>
-<p>Il leur cote l'honneur, l'autorit, le bien; <span class="dalign">955</span></p>
-<p>Cependant plus j'y songe, et plus je m'examine,</p>
-<p>Moins je trouve, Seigneur, me reprocher rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dites tout: vous avez la mmoire trop bonne</p>
-<p>Pour avoir oubli que vous me ftes roi,</p>
-<p class="i3"> Lorsqu'on balana ma couronne <span class="dalign">960</span></p>
-<p class="i3"> Entre Lotychide<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">&nbsp;[41]</a> et moi.</p>
-<p>Peut-tre n'osez-vous me vanter un service</p>
-<p class="i3"> Qui ne me rendit que justice,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span></div>
-<p>Puisque nos lois vouloient ce qu'il sut maintenir;</p>
-<p>Mais moi qui l'ai reu, je veux m'en souvenir. <span class="dalign">965</span></p>
-<p class="i1"> Vous m'avez donc fait roi, vous m'avez de la Grce</p>
-<p>Contre celui de Perse tabli gnral;</p>
-<p>Et quand je sens dans l'me une ardeur qui me presse</p>
-<p class="i3"> De ne m'en revancher pas mal,</p>
-<p>A peine sommes-nous arrivs dans phse, <span class="dalign">970</span></p>
-<p>O de nos allis j'ai mis le rendez-vous,</p>
-<p>Que sans considrer si j'en serai jaloux,</p>
-<p class="i3"> Ou s'il se peut que je m'en taise,</p>
-<p class="i3"> Vous vous saisissez par vos mains</p>
-<p class="i3"> De plus que votre rcompense; <span class="dalign">975</span></p>
-<p>Et tirant toute vous la suprme puissance,</p>
-<p class="i3"> Vous me laissez des titres vains.</p>
-<p>On s'empresse vous voir, on s'efforce vous plaire;</p>
-<p>On croit lire en vos yeux ce qu'il faut qu'on espre;</p>
-<p>On pense avoir tout fait quand on vous a parl. <span class="dalign">980</span></p>
-<p>Mon palais prs du vtre est un lieu dsol;</p>
-<p>Et le gnralat comme le diadme</p>
-<p>M'rige sous votre ordre en fantme clatant,</p>
-<p>En colosse d'tat qui de vous seul attend</p>
-<p class="i3"> L'me qu'il n'a pas de lui-mme, <span class="dalign">985</span></p>
-<p class="i3"> Et que vous seul faites aller</p>
-<p>O pour vos intrts il le faut taler.</p>
-<p>Gnral en ide, et monarque en peinture,</p>
-<p>De ces illustres noms pourrois-je faire cas</p>
-<p>S'il les falloit porter moins comme Agsilas <span class="dalign">990</span></p>
-<p class="i3"> Que comme votre crature,</p>
-<p>Et montrer avec pompe au reste des humains</p>
-<p>En ma propre grandeur l'ouvrage de vos mains?</p>
-<p>Si vous m'avez fait roi, Lysander, je veux l'tre.</p>
-<p>Soyez-moi bon sujet, je vous serai bon matre; <span class="dalign">995</span></p>
-<p>Mais ne prtendez plus partager avec moi</p>
-<p class="i3"> Ni la puissance ni l'emploi.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span></div>
-<p>Si vous croyez qu'un sceptre accable qui le porte,</p>
-<p>A moins qu'il prenne une aide soutenir son poids,</p>
-<p class="i3"> Laissez discerner mon choix <span class="dalign">1000</span></p>
-<p>Quelle main m'aider pourroit tre assez forte.</p>
-<p>Vous aurez bonne part des emplois si doux,</p>
-<p class="i3"> Quand vous pourrez m'en laisser faire;</p>
-<p>Mais soyez sr aussi d'un succs tout contraire,</p>
-<p>Tant que vous ne voudrez les tenir que de vous<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">&nbsp;[42]</a>. <span class="dalign">1005</span></p>
-<p class="i1"> Je passe vos amis qu'il m'a fallu dtruire.</p>
-<p>Si dans votre vrai rang je voulois vous rduire,</p>
-<p>Et d'un pouvoir surpris saper<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">&nbsp;[43]</a> les fondements,</p>
-<p>Ils toient tout vous; et par reconnoissance</p>
-<p class="i3"> D'en avoir reu leur puissance, <span class="dalign">1010</span></p>
-<p>Ils ne considroient que vos commandements.</p>
-<p>Vous seul les aviez faits souverains dans leurs villes,</p>
-<p>Et j'y verrois encor mes ordres inutiles,</p>
-<p>A moins que d'avoir mis leur tyrannie bas,</p>
-<p>Et chang comme vous la face des tats. <span class="dalign">1015</span></p>
-<p class="i3"> Chez tous nos Grecs asiatiques</p>
-<p>Votre pouvoir naissant trouva des rpubliques,</p>
-<p>Que sous votre cabale il vous plut asservir:</p>
-<p>La vieille libert, si chre leurs anctres,</p>
-<p>Y fut partout force recevoir dix matres<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">&nbsp;[44]</a>; <span class="dalign">1020</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span></div>
-<p>Et ds qu'on murmuroit de se la voir ravir,</p>
-<p>On voyoit par votre ordre immoler les plus braves</p>
-<p class="i3"> A l'empire de vos esclaves.</p>
-<p>J'ai tir de ce joug les peuples opprims:</p>
-<p>En leur premier tat j'ai remis toutes choses; <span class="dalign">1025</span></p>
-<p>Et la gloire d'agir par de plus justes causes</p>
-<p>A produit des effets plus doux et plus aims.</p>
-<p>J'ai fait, votre exemple, ici des cratures,</p>
-<p>Mais sans verser de sang, sans causer de murmures;</p>
-<p>Et comme vos tyrans prenoient de vous la loi, <span class="dalign">1030</span></p>
-<p>Comme ils toient vous, les peuples sont moi.</p>
-<p class="i1"> Voil quelles raisons tent vos services</p>
-<p class="i3"> Ce qu'ils vous semblent mriter,</p>
-<p class="i3"> Et colorent ces injustices</p>
-<p>Dont vous avez raison de vous mcontenter. <span class="dalign">1035</span></p>
-<p>Si d'abord elles ont quelque chose d'trange,</p>
-<p>Repassez-les deux fois au fond de votre c&oelig;ur;</p>
-<p>Changez, si vous pouvez, de conduite et d'humeur;</p>
-<p class="i3"> Mais n'esprez pas que je change.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il ne m'est pas permis d'esprer rien de tel, <span class="dalign">1040</span></p>
-<p>Du moins, grces aux Dieux, je ne vois dans vos plaintes</p>
-<p>Que des raisons d'tat et de jalouses craintes,</p>
-<p>Qui me font malheureux, et non pas criminel.</p>
-<p>Non, Seigneur, que je veuille tre assez tmraire</p>
-<p>Pour oser d'injustice accuser mes malheurs: <span class="dalign">1045</span></p>
-<p>L'action la plus belle a diverses couleurs;</p>
-<p>Et lorsqu'un roi prononce, un sujet doit se taire.</p>
-<p>Je voudrois seulement vous faire souvenir</p>
-<p>Que j'ai prs de trente ans command nos armes</p>
-<p>Sans avoir amass que ces nobles fumes<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">&nbsp;[45]</a> <span class="dalign">1050</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span></div>
-<p class="i3"> Qui gardent les noms de finir<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">&nbsp;[46]</a>.</p>
-<p>Sparte, pour qui j'allois de victoire en victoire,</p>
-<p>M'a toujours vu pour fruit n'en vouloir que la gloire,</p>
-<p>Et faire en son pargne entrer tous les trsors</p>
-<p>Des peuples subjugus par mes heureux efforts.<span class="dalign">1055</span></p>
-<p>Vous-mme le savez, que quoi qu'on m'ait vu faire,</p>
-<p>Mes filles n'ont pour dot que le nom de leur pre<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">&nbsp;[47]</a>;</p>
-<p>Tant il est vrai, Seigneur, qu'en un si long emploi</p>
-<p>J'ai tout fait pour l'tat, et n'ai rien fait pour moi.</p>
-<p>Dans ce manque de bien Cotys et Spitridate, <span class="dalign">1060</span></p>
-<p>L'un roi, l'autre en pouvoir gal peut-tre aux rois,</p>
-<p>M'ont assez estim pour y borner leur choix;</p>
-<p>Et quand de les pourvoir un doux espoir me flatte,</p>
-<p class="i3"> Vous semblez m'envier un bien</p>
-<p>Qui fait ma rcompense, et ne vous cote rien.<span class="dalign">1065</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il nous seroit honteux que des mains trangres</p>
-<p>Vous payassent pour nous de ce qui vous est d.</p>
-<p>Tt ou tard le mrite a ses justes salaires,</p>
-<p>Et son prix crot souvent, plus il est attendu.</p>
-<p>D'ailleurs n'auroit-on pas quelque lieu de vous dire,<span class="dalign">1070</span></p>
-<p>Si je vous permettois d'accepter ces partis,</p>
-<p>Qu'amenant avec nous Spitridate et Cotys,</p>
-<p>Vous auriez fait pour vous plus que pour notre empire?</p>
-<p>Que vos seuls intrts vous auroient fait agir?</p>
-<p>Et pourriez-vous enfin l'entendre sans rougir? <span class="dalign">1075</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span></div>
-<p class="i1"> Vos filles sont d'un sang que Sparte aime et rvre</p>
-<p>Assez pour les payer des services d'un pre.</p>
-<p>Je veux bien en rpondre, et moi-mme au besoin</p>
-<p>J'en ferai mon affaire, et prendrai tout le soin.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'attendois, Seigneur, qu'un mot si favorable <span class="dalign">1080</span></p>
-<p>Pour finir envers vous mes importunits;</p>
-<p>Et je ne craindrai plus qu'aucun malheur m'accable,</p>
-<p class="i3"> Puisque vous avez ces bonts.</p>
-<p>Aglatide surtout aura l'me ravie</p>
-<p class="i3"> De perdre<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">&nbsp;[48]</a> un poux ce prix; <span class="dalign">1085</span></p>
-<p>Et moi, pour me venger de vos plus durs mpris,</p>
-<p>Je veux tout de nouveau vous consacrer ma vie.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p>
-</div>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'un peu d'amour que j'eus Aglatide a parl:</p>
-<p>Son pre qui l'a su dans son me s'en flatte;</p>
-<p>Et sur ce vain espoir il part tout consol <span class="dalign">1090</span></p>
-<p>Du refus que j'en fais aux v&oelig;ux de Spitridate:</p>
-<p>Tu l'as vu, Xnocls, tout d'un coup s'adoucir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui; mais enfin, Seigneur, il est temps de le dire,</p>
-<p>Tout soumis qu'il parot, apprenez qu'il conspire,</p>
-<p>Et par o sa vengeance espre y russir.<span class="dalign"><a id="v1095">1095</a></span></p>
-<p>Ce confident choisi, Clon d'Halicarnasse,</p>
-<p class="i3"> Dont l'loquence a tant d'clat,</p>
-<p>Lui vend une harangue renverser l'tat<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">&nbsp;[49]</a>,</p>
-<p>Et le mettre bientt lui-mme en votre place.</p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span>
-<p>En voici la copie, et je la viens d'avoir <span class="dalign">1100</span></p>
-<p>D'un des siens sur qui l'or me donne tout pouvoir,</p>
-<p>De l'esclave Damis, qui sert de secrtaire</p>
-<p class="i3"> A cet orateur mercenaire,</p>
-<p class="i3"> Et plus mercenaire que lui,</p>
-<p>Pour tre mieux pay vous les<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">&nbsp;[50]</a> livre aujourd'hui.<span class="dalign">1105</span></p>
-<p>On y soutient, Seigneur, que notre rpublique</p>
-<p>Va bientt voir ses rois devenir ses tyrans,</p>
-<p>A moins que d'en choisir de trois ans en trois ans,</p>
-<p class="i3"> Et non plus suivant l'ordre antique</p>
-<p class="i3"> Qui rgle ce choix par le sang; <span class="dalign">1110</span></p>
-<p>Mais qu'indiffremment elle doit ce rang</p>
-<p>lever le mrite et les rares services.</p>
-<p class="i3"> J'ignore quels sont les complices;</p>
-<p>Mais il pourra d'phse crire ses amis;</p>
-<p>Et soudain le paquet entre vos mains remis <span class="dalign">1115</span></p>
-<p class="i3"> Vous instruira de toutes choses.</p>
-<p class="i3"> Cependant j'ai fait mon devoir.</p>
-<p>Vous voyez le dessein, vous en savez les causes;</p>
-<p>Votre perte en dpend: c'est vous d'y pourvoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A te dire le vrai, l'affaire m'embarrasse;<span class="dalign">1120</span></p>
-<p>J'ai peine dmler ce qu'il faut que je fasse,</p>
-<p>Tant la confusion de mes raisonnements</p>
-<p class="i3"> tonne mes ressentiments.</p>
-<p>Lysander m'a servi: j'aurois une me ingrate</p>
-<p>Si je mconnoissois ce que je tiens de lui;<span class="dalign">1125</span></p>
-<p>Il a servi l'tat, et si son crime clate,</p>
-<p class="i3"> Il y trouvera de l'appui.</p>
-<p class="i3"> Je sens que ma reconnoissance</p>
-<p>Ne cherche qu'un moyen de le mettre couvert;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span></div>
-<p>Mais enfin il y va de toute ma puissance:<span class="dalign">1130</span></p>
-<p class="i3"> Si je ne le perds, il me perd.</p>
-<p>Ce que veut l'intrt, la prudence ne l'ose;</p>
-<p>Tu peux juger par l du dsordre o je suis.</p>
-<p>Je vois qu'il faut le perdre; et plus je m'y dispose,</p>
-<p class="i3"> Plus je doute si je le puis.<span class="dalign">1135</span></p>
-<p class="i3"> Sparte est un tat populaire,</p>
-<p>Qui ne donne ses rois qu'un pouvoir limit:</p>
-<p class="i3"> On peut y tout dire et tout faire</p>
-<p class="i3"> Sous ce grand nom de libert.</p>
-<p>Si je suis souverain en tte d'une arme,<span class="dalign">1140</span></p>
-<p class="i3"> Je n'ai que ma voix au snat;</p>
-<p>Il faut y rendre compte; et tant de renomme</p>
-<p>Y peut avoir dj quelque ligue forme</p>
-<p class="i3"> Pour autoriser l'attentat.</p>
-<p>Ce prtexte flatteur de la cause publique,<span class="dalign">1145</span></p>
-<p>Dont il le couvrira, si je le mets au jour,</p>
-<p>Tournera bien des yeux vers cette politique</p>
-<p>Qui met chacun en droit de rgner son tour.</p>
-<p>Cet espoir y pourra toucher plus d'un courage;</p>
-<p>Et quand sur Lysander j'aurai fait choir l'orage,<span class="dalign">1150</span></p>
-<p>Mille autres, comme lui jaloux ou mcontents,</p>
-<p>Se promettront plus d'heur mieux choisir leur temps.</p>
-<p>Ainsi de toutes parts le pril m'environne:</p>
-<p>Si je veux le punir, j'expose ma couronne;</p>
-<p>Et si je lui fais grce, ou veux dissimuler,<span class="dalign">1155</span></p>
-<p>Je dois craindre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Cotys, Seigneur, vous veut parler<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">&nbsp;[51]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voyons quelle est sa flamme, avant que de rsoudre</p>
-<p>S'il nous faudra lancer ou retenir la foudre.</p>
-</div></div>
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, COTYS, XNOCLS.</p>
-</div>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">AGSILAS.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous n'tes, Seigneur, plus mon ami qu'amant,</p>
-<p>Vous me voudrez du mal avec quelque justice;<span class="dalign">1160</span></p>
-<p>Mais vous m'tes trop cher, pour souffrir aisment</p>
-<p>Que vous vous attachiez au pre d'Elpinice:</p>
-<p class="i3"> Non qu'entre un si grand homme et moi</p>
-<p>Ce qu'on voit de froideur prpare aucune haine;</p>
-<p>Mais c'est assez pour voir cet hymen avec peine<span class="dalign">1165</span></p>
-<p class="i3"> Qu'un sujet dplaise son roi.</p>
-<p>D'ailleurs je n'ai pas cru votre me fort prise:</p>
-<p>Sans l'avoir jamais vue, elle vous fut promise;</p>
-<p>Et la foi qui ne tient qu' la raison d'tat</p>
-<p>Souvent n'est qu'un devoir qui gne, tyrannise,<span class="dalign">1170</span></p>
-<p>Et fait sur tout le c&oelig;ur un secret attentat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<span class="i6 small1">COTYS.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Seigneur, la personne est aimable:</p>
-<p>Je promis de l'aimer avant que de la voir,</p>
-<p>Et sentis sa vue un accord agrable</p>
-<p class="i3"> Entre mon c&oelig;ur et mon devoir. <span class="dalign">1175</span></p>
-<p>La froideur toutefois que vous montrez au pre</p>
-<p>M'en donne un peu pour elle, et me la rend moins chre:</p>
-<p class="i3"> Non que j'ose aprs vos refus</p>
-<p>Vous assurer encor que je ne l'aime plus.</p>
-<p>Comme avec ma parole il nous falloit la vtre, <span class="dalign">1180</span></p>
-<p>Vous dgagez ma foi, mon devoir, mon honneur;</p>
-<p>Mais si vous en voulez dgager tout mon c&oelig;ur,</p>
-<p class="i3"> Il faut l'engager quelque autre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Choisissez, choisissez, et s'il est quelque objet</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span></div>
-<p class="i3"> A Sparte, ou dans toute la Grce, <span class="dalign">1185</span></p>
-<p>Qui puisse de ce c&oelig;ur mriter la tendresse,</p>
-<p class="i3"> Tenez-vous sr d'un prompt effet.</p>
-<p>En est-il qui vous touche? en est-il qui vous plaise?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il en est, oui, Seigneur, il en est dans phse;</p>
-<p>Et pour faire en ce c&oelig;ur natre un nouvel amour,<span class="dalign">1190</span></p>
-<p>Il ne faut point aller plus loin que votre cour:</p>
-<p>L'clat et les vertus de l'illustre Mandane....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que dites-vous, Seigneur? et quel est ce desir?</p>
-<p>Quand par toute la Grce on vous donne choisir.</p>
-<p class="i3"> Vous choisissez une Persane!<span class="dalign">1195</span></p>
-<p>Pensez-y bien, de grce, et ne nous forcez pas,</p>
-<p class="i3"> Nous qui vous aimons, connotre</p>
-<p>Que press d'un amour, qui ne vient pas de natre.</p>
-<p>Vous ne venez moi que pour suivre ses pas<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">&nbsp;[52]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mon amour en ces lieux ne cherchoit qu'Elpinice;<span class="dalign">1200</span></p>
-<p>Mes yeux ont rencontr Mandane par hasard;</p>
-<p>Et quand ce mme amour, de vos froideurs complice,</p>
-<p>S'est voulu pour vous plaire attacher autre part,</p>
-<p>Les siens ont attir toute la dfrence</p>
-<p>Que j'ai cru devoir rendre<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">&nbsp;[53]</a> votre aversion;<span class="dalign">1205</span></p>
-<p>Et je l'ai regarde, aprs votre alliance,</p>
-<p class="i3"> Bien moins Persane de naissance</p>
-<p class="i3"> Que Grecque par adoption.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce sont subtilits que l'amour vous suggre,</p>
-<p>Dont nous voyons pour nous les succs incertains.<span class="dalign">1210</span></p>
-<p>Ne pourriez-vous, Seigneur, d'une amiti si chre</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span></div>
-<p>Mettre le grand dpt en de plus sres mains?</p>
-<p>Pausanias<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">&nbsp;[54]</a> et moi nous avons des parentes;</p>
-<p>Et jamais un vrai roi ne fait un digne choix</p>
-<p class="i3"> S'il ne s'allie au sang des rois.<span class="dalign">1215</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand on aime, on se fait des rgles diffrentes.</p>
-<p>Spitridate a du nom et de la qualit;</p>
-<p>Sans trne, il a d'un roi le pouvoir en partage;</p>
-<p>Votre Grce en reoit un pareil avantage;</p>
-<p>Et le sang n'y met pas tant d'ingalit,<span class="dalign">1220</span></p>
-<p class="i3"> Que l'amour o sa s&oelig;ur m'engage</p>
-<p class="i3"> Ravale fort ma dignit.</p>
-<p>Se peut-il qu'en l'aimant ma gloire se hasarde</p>
-<p class="i3"> Aprs l'exemple d'un grand roi,</p>
-<p>Qui, tout grand roi qu'il est, l'estime et la regarde<span class="dalign">1225</span></p>
-<p class="i3"> Avec les mmes yeux que moi?</p>
-<p>Si ce bruit n'est point faux, mon mal est sans remde;</p>
-<p>Car enfin c'est un roi dont il me faut l'appui.</p>
-<p class="i3"> Adieu, Seigneur: je la lui cde,</p>
-<p class="i3"> Mais je ne la cde qu' lui. <span class="dalign">1230</span></p>
-</div></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">AGSILAS.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'o sait-il, Xnocls, d'o sait-il que je l'aime?</p>
-<p>Je ne l'ai dit qu' toi: m'aurois-tu dcouvert?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si j'ose vous parler, Seigneur, c&oelig;ur ouvert,</p>
-<p class="i3"> Il ne le sait que de vous-mme.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span></div>
-<p>L'clat de ces faveurs dont vous enveloppez<span class="dalign">1235</span></p>
-<p>De votre faux secret le chatouilleux mystre,</p>
-<p>Dit si haut, malgr vous, ce que vous pensez taire,</p>
-<p>Que vous tes ici le seul que vous trompez.</p>
-<p>De si brillants dehors font un grand jour dans l'me;</p>
-<p>Et quelque illusion qui puisse vous flatter,<span class="dalign">1240</span></p>
-<p class="i3"> Plus ils dguisent votre flamme,</p>
-<p>Plus au travers du voile ils la font clater.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? la civilit, l'accueil, la dfrence,</p>
-<p>Ce que pour le beau sexe on a de complaisance,</p>
-<p>Ce qu'on lui rend d'honneur<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">&nbsp;[55]</a>, tout passe pour amour?<span class="dalign">1245</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est bien malais qu'aux yeux de votre cour</p>
-<p class="i3"> Il passe pour indiffrence;</p>
-<p>Et c'est l'en avouer assez ouvertement</p>
-<p>Que refuser Mandane aux v&oelig;ux d'un autre amant.</p>
-<p>Mais qu'importe aprs tout? Si du plus grand courage<span class="dalign">1250</span></p>
-<p>Le vrai mrite a droit d'attendre un plein hommage,</p>
-<p class="i3"> Seroit-il honteux de l'aimer?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, et mme avec gloire on s'en laisse charmer;</p>
-<p>Mais un roi, que son trne d'autres soins engage,</p>
-<p class="i3"> Doit n'aimer qu'autant qu'il lui plat <span class="dalign">1255</span></p>
-<p>Et que de sa grandeur y consent l'intrt.</p>
-<p class="i3"> Vois donc si ma peine est lgre:</p>
-<p>Sparte ne permet point aux fils d'une trangre</p>
-<p class="i3"> De porter son sceptre en leur main;</p>
-<p>Cependant mes yeux Mandane a su trop plaire;<span class="dalign">1260</span></p>
-<p>Je veux cacher ma flamme, et je le veux en vain.</p>
-<p>Empcher son hymen, c'est lui faire injustice;</p>
-<p class="i3"> L'pouser, c'est blesser nos lois;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span></div>
-<p>Et mme il n'est pas sr que j'emporte son choix.</p>
-<p>La donner Cotys, c'est me faire un supplice;<span class="dalign">1265</span></p>
-<p>M'opposer ses v&oelig;ux, c'est le joindre au parti</p>
-<p>Que dj contre moi Lysander a pu faire;</p>
-<p>Et s'il a le bonheur de ne lui pas dplaire,</p>
-<p>J'en recevrai peut-tre un honteux dmenti.</p>
-<p>Que ma confusion, que mon trouble est extrme!<span class="dalign">1270</span></p>
-<p class="i3"> Je me dfends d'aimer, et j'aime;</p>
-<p>Et je sens tout mon c&oelig;ur balanc nuit et jour</p>
-<p class="i3"> Entre l'orgueil du diadme</p>
-<p class="i3"> Et les doux espoirs de l'amour.</p>
-<p>En qualit de roi, j'ai pour ma gloire craindre,<span class="dalign">1275</span></p>
-<p>En qualit d'amant, je vois mon sort plaindre:</p>
-<p>Mon trne avec mes v&oelig;ux ne souffre aucun accord,</p>
-<p>Et ce que je me dois me reproche sans cesse</p>
-<p class="i3"> Que je ne suis pas assez fort</p>
-<p class="i3"> Pour triompher de ma foiblesse. <span class="dalign">1280</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Toutefois il est temps ou de vous dclarer,</p>
-<p>Ou de cder l'objet qui vous fait soupirer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le plus sr, Xnocls, n'est pas le plus facile.</p>
-<p>Cherche-moi Spitridate, et l'amne en ce lieu;</p>
-<p>Et nous verrons aprs s'il n'est point de milieu <span class="dalign">1285</span></p>
-<p class="i3"> Entre le charmant et l'utile.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i5">FIN DU TROISIME ACTE</span>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE IV.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">SPITRIDATE, ELPINICE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Agsilas me mande; il est temps d'clater.</p>
-<p>Que me permettez-vous, Madame, de lui dire?</p>
-<p>M'en dsavouerez-vous si j'ose me vanter</p>
-<p class="i3"> Que c'est pour vous que je soupire, <span class="dalign">1290</span></p>
-<p>Que je crois mes soupirs assez bien couts</p>
-<p>Pour vous fermer le c&oelig;ur et l'oreille tous autres,</p>
-<p>Et que dans vos regards je vois quelques bonts</p>
-<p class="i3"> Qui semblent m'assurer des vtres?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que serviroit, Seigneur, de vous y hasarder? <span class="dalign">1295</span></p>
-<p>Suis-je moins que ma s&oelig;ur fille de Lysander?</p>
-<p>Et la raison d'tat qui rompt votre hymne</p>
-<p>Regarde-t-elle plus la jeune que l'ane?</p>
-<p>S'il n'et point Cotys refus votre s&oelig;ur,</p>
-<p>J'eusse os prsumer qu'il et aim la mienne; <span class="dalign">1300</span></p>
-<p>Et m'aurois dit moi-mme, avec quelque douceur:</p>
-<p>Il se l'est rserve, et veut bien qu'on m'obtienne.</p>
-<p>Mais il aime Mandane; et ce prince, jaloux</p>
-<p>De ce que peut ici le grand nom de mon pre,</p>
-<p>N'a pour lui qu'une haine obstine et svre <span class="dalign">1305</span></p>
-<p>Qui ne lui peut souffrir de gendres tels que vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Puisqu'il aime ma s&oelig;ur, cet amour est un gage
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span></div>
-<p class="i3"> Qui me rpond de son suffrage:</p>
-<p>Ses desirs prendront loi de mes propres desirs;</p>
-<p class="i3"> Et son feu pour les satisfaire <span class="dalign">1310</span></p>
-<p class="i3"> N'a pas moins besoin de me plaire,</p>
-<p>Que j'en ai de lui voir approuver mes soupirs.</p>
-<p>Madame, on est bien fort quand on parle soi-mme,</p>
-<p class="i3"> Et qu'on peut dire au souverain:</p>
-<p>J'aime et je suis aim, vous aimez comme j'aime;<span class="dalign">1315</span></p>
-<p>Achevez mon bonheur, j'ai le vtre en ma main.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous ne songez qu' vous, et dans votre me prise</p>
-<p>Vos v&oelig;ux se tiennent srs d'un prompt et plein effet.</p>
-<p>Mais que fera Cotys, qui je suis promise?</p>
-<p>Me rendra-t-il ma foi s'il n'est point satisfait? <span class="dalign">1320</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La perte de ma s&oelig;ur lui servira de guide</p>
-<p>A tourner ses desirs du ct d'Aglatide.</p>
-<p>D'ailleurs que pourra-t-il, si contre Agsilas</p>
-<p>Ce grand homme ni moi nous ne le servons pas?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Il a parole de mon pre <span class="dalign">1325</span></p>
-<p>Que vous n'obtiendrez rien moins qu'il soit content;</p>
-<p>Et mon pre n'est pas un esprit inconstant</p>
-<p>Qui donne une parole incertaine et lgre.</p>
-<p>Je vous le dis encor, Seigneur, pensez-y bien:</p>
-<p>Cotys aura Mandane, ou vous n'obtiendrez rien.<span class="dalign">1330</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dites, dites un mot, et ma flamme enhardie....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Que voulez-vous que je vous die?</p>
-<p>Je suis sujette et fille, et j'ai promis ma foi;</p>
-<p>Je dpends d'un amant, et d'un pre, et d'un roi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'importe, ce grand mot produiroit des miracles.<span class="dalign">1335</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span></div>
-<p>Un amant avou renverse tous obstacles:</p>
-<p>Tout lui devient possible, il flchit les parents,</p>
-<p>Triomphe des rivaux, et brave les tyrans.</p>
-Dites donc, m'aimez-vous?
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Que ma s&oelig;ur est heureuse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand mon amour pour vous la laisse sans amant,<span class="dalign">1340</span></p>
-<p class="i3"> Son destin est-il si charmant</p>
-<p class="i3"> Que vous en soyez envieuse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle est indiffrente, et ne s'attache rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Que n'ai-je un c&oelig;ur qui soit comme le sien!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Le vtre est-il moins insensible? <span class="dalign">1345</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il ne tenoit qu' lui que tout vous ft possible,</p>
-<p>Le devoir et l'amour....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Ah! Madame, achevez:</p>
-<p>Le devoir et l'amour, que vous feroient-ils faire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voyez le Roi, voyez Cotys, voyez mon pre:</p>
-<p class="i3"> Flchissez, triomphez, bravez, <span class="dalign">1350</span></p>
-<p class="i3"> Seigneur, mais laissez-moi me taire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">&nbsp;[56]</a>.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Venez, ma s&oelig;ur, venez aider mes tristes feux</p>
-<p>A combattre un injuste et rigoureux silence.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ELPINICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! il est si bien de leur intelligence,</p>
-<p class="i3"> Qu'il vous dit plus que je ne veux.<span class="dalign">1355</span></p>
-<p>J'en dois rougir. Adieu: voyez avec Madame</p>
-<p>Le moyen le plus propre servir votre flamme.</p>
-<p>Des trois dont je dpens elle peut tout sur deux:</p>
-<p>L'un hautement l'adore, et l'autre au fond de l'me;</p>
-<p>Et son destin lui-mme, ainsi que notre sort,<span class="dalign">1360</span></p>
-<p class="i3"> Dpend de les mettre d'accord.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">SPITRIDATE, MANDANE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est temps de rsoudre avec quel artifice</p>
-<p class="i3"> Vous pourrez en venir bout,</p>
-<p>Vous, ma s&oelig;ur, qui tantt me rpondiez de tout,</p>
-<p class="i3"> Si j'avois le c&oelig;ur d'Elpinice.<span class="dalign">1365</span></p>
-<p>Il est moi ce c&oelig;ur, son silence le dit,</p>
-<p>Son adieu le fait voir, sa fuite le proteste;</p>
-<p class="i3"> Et si je n'obtiens pas le reste,</p>
-Vous manquez de parole, ou du moins de crdit.
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si le don de ma main vous peut donner la sienne,<span class="dalign">1370</span></p>
-<p>Je vous sacrifierai tout ce que j'ai promis;</p>
-<p>Mais vous, rpondez-vous que ce don vous l'obtienne,</p>
-<p>Et qu'il mette d'accord de si fiers ennemis?</p>
-<p>Le Roi, qui vous refuse Lysander pour gendre,</p>
-<p>Y consentira-t-il si vous m'offrez lui?<span class="dalign">1375</span></p>
-<p>Et s'il peut ce prix le permettre aujourd'hui,</p>
-<p class="i3"> Lysander voudra-t-il se rendre?</p>
-<p>Lui qui ne vous remet votre premire foi</p>
-<p>Qu'en faveur de l'amour que Cotys fait parotre,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span></div>
-<p class="i3"> Ne vous fait-il pas cette loi<span class="dalign">1380</span></p>
-<p>Que sans le rendre heureux vous ne le sauriez tre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cotys de cet espoir ose en vain se flatter:</p>
-<p>L'amour d'Agsilas son amour s'oppose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et si vous ne pensez le mieux couter,</p>
-<p>Lysander d'Elpinice en sa faveur dispose.<span class="dalign">1385</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ne me cachez rien, vous l'aimez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Comme vous aimez Elpinice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais vous m'avez promis un entier sacrifice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, s'il peut tre utile aux v&oelig;ux que vous formez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que ne peut point un roi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Quels droits n'a point un pre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Inexorable s&oelig;ur!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Impitoyable frre,</p>
-<p>Qui voulez que j'teigne un feu digne de moi,</p>
-<p>Et ne sauriez vous faire une pareille loi!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Hlas! considrez....
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Considrez vous-mme....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Que j'aime, et que je suis aim.<span class="dalign">1395</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Que je suis aime, et que j'aime.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'galez point au mien un feu mal allum:</p>
-<p>Le sexe vous apprend rgner sur vos mes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dites qu'il nous apprend renfermer nos flammes;</p>
-<p>Dites que votre ardeur, force d'clater, <span class="dalign">1400</span></p>
-<p>S'exhale, se dissipe, ou du moins s'extnue,</p>
-<p>Quand la ntre grossit sous cette retenue,</p>
-<p>Dont le joug odieux ne sert qu' l'irriter.</p>
-<p>Je vous parle, Seigneur, avec une me ouverte;</p>
-<p>Et si je vous voyois capable de raison, <span class="dalign">1405</span></p>
-<p>Si quand l'amour domine, elle toit de saison....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! si quelque lumire enfin vous est offerte,</p>
-<p>Expliquez-vous, de grce, et pour le commun bien,</p>
-<p class="i3"> Vous ni moi ne ngligeons rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Notre amour tous deux ne rencontre qu'obstacles<span class="dalign">1410</span></p>
-<p class="i3"> Presque impossibles forcer;</p>
-<p>Et si pour nous le ciel n'est prodigue en miracles,</p>
-<p>Nous esprons en vain nous en dbarrasser.</p>
-<p>Tirons-nous une fois de cette servitude</p>
-<p class="i3"> Qui nous fait un destin si rude. <span class="dalign">1415</span></p>
-<p>Bravons Agsilas, Cotys et Lysander:</p>
-<p>Qu'ils s'accordent sans nous, s'ils peuvent s'accorder.</p>
-<p>Dirai-je tout? cessons d'aimer et de prtendre,</p>
-<p class="i3"> Et nous cesserons d'en dpendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-N'aimer plus! Ah! ma s&oelig;ur!
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> J'en soupire mon tour; 1420</p>
-<p>Mais un grand c&oelig;ur doit tre au-dessus de l'amour.</p>
-<p>Quel qu'en soit le pouvoir, quelle qu'en soit l'atteinte,</p>
-<p class="i3"> Deux ou trois soupirs touffs,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span></div>
-<p>Un moment de murmure, une heure de contrainte,</p>
-<p>Un orgueil noble et ferme, et vous en triomphez. <span class="dalign">1425</span></p>
-<p class="i1"> N'avons-nous secou le joug de notre prince</p>
-<p>Que pour choisir des fers dans une autre province?</p>
-<p>Ne cherchons-nous ici que d'illustres tyrans,</p>
-<p class="i3"> Dont les chanes plus glorieuses</p>
-<p>Soumettent nos destins aux obscurs diffrends <span class="dalign">1430</span></p>
-<p class="i3"> De leurs haines mystrieuses?</p>
-<p>Ne cherchons-nous ici que les occasions</p>
-<p>De fournir de matire leurs divisions,</p>
-<p>Et de nous imposer un plus rude esclavage</p>
-<p>Par la ncessit d'obtenir leur suffrage? <span class="dalign">1435</span></p>
-<p>Puisque nous y cherchons tous deux la libert,</p>
-<p>Tchons de la goter, Seigneur, en sret:</p>
-<p>Rduisons nos souhaits la cause publique,</p>
-<p class="i3"> N'aimons plus que par politique,</p>
-<p>Et dans la conjoncture o le ciel nous a mis,<span class="dalign">1440</span></p>
-<p>Faisons des protecteurs, sans faire d'ennemis.</p>
-<p>A quel propos aimer, quand ce n'est que dplaire</p>
-<p class="i3"> A qui nous peut nuire ou servir?</p>
-<p>S'il nous en faut l'appui, pourquoi nous le ravir?</p>
-<p>Pourquoi nous attirer sa haine et sa colre?<span class="dalign">1445</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Oui, ma s&oelig;ur, et j'en suis d'accord:</p>
-<p>Agsilas, ici matre de notre sort,</p>
-<p>Peut nous abandonner la Perse irrite,</p>
-<p>Et nous laisser rentrer, malgr tout notre effort,</p>
-<p>Sous la captivit que nous avons quitte.<span class="dalign">1450</span></p>
-<p>Cotys ni Lysander ne nous soutiendront pas,</p>
-<p>S'il faut que sa colre nous perdre s'applique.</p>
-<p>Aimez, aimez-le donc, du moins par politique,</p>
-<p class="i3"> Ce redoutable Agsilas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Voulez-vous que je le prvienne,<span class="dalign">1455</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span></div>
-<p class="i3"> Et qu'en dpit de la pudeur</p>
-<p>D'un amour command l'obissante ardeur</p>
-<p>Fasse clater ma flamme auparavant la sienne<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">&nbsp;[57]</a>?</p>
-<p>On dit que je lui plais, qu'il soupire en secret,</p>
-<p>Qu'il retient, qu'il combat ses desirs regret;<span class="dalign">1460</span></p>
-<p>Et cette vanit qui nous est naturelle</p>
-<p>Veut croire ainsi que vous qu'on en juge assez bien;</p>
-<p>Mais enfin c'est un feu sans aucune tincelle:</p>
-<p>J'en crois ce qu'on en dit, et n'en sais encor rien.</p>
-<p>S'il m'aime, un tel silence est la marque certaine<span class="dalign">1465</span></p>
-<p class="i3"> Qu'il craint Sparte et ses dures lois;</p>
-<p>Qu'il voit qu'en m'pousant, s'il peut m'y faire reine,</p>
-<p class="i3"> Il ne peut lui donner des rois<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">&nbsp;[58]</a>;</p>
-<p>Que sa gloire....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Ma s&oelig;ur, l'amour vaincra sans doute:</p>
-<p>Ce hros est vous, quelques lois qu'il redoute;<span class="dalign">1470</span></p>
-<p>Et si par la prire il ne les peut flchir,</p>
-<p>Ses victoires auront de quoi l'en affranchir.</p>
-<p>Ces lois, ces mmes lois s'imposeront silence</p>
-<p class="i3"> A l'aspect de tant de vertus;</p>
-<p>Ou Sparte l'avouera d'un peu de violence,<span class="dalign">1475</span></p>
-<p>Aprs tant d'ennemis ses pieds abattus.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est vous flatter beaucoup en faveur d'Elpinice,</p>
-<p>Que ce prince aprs tout ne vous peut accorder</p>
-<p class="i3"> Sans une clatante injustice,</p>
-<p>A moins que vous ayez l'aveu de Lysander.<span class="dalign">1480</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span></div>
-<p>D'ailleurs en exiger un hymen qui le gne,</p>
-<p>Et lui faire des lois au milieu de sa cour,</p>
-<p>N'est-ce point hautement lui demander sa haine,</p>
-<p>Quand vous lui promettez l'objet de son amour?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous saviez, ma s&oelig;ur, aimer autant que j'aime....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous saviez, mon frre, aimer comme je fais,</p>
-<p>Vous sauriez ce que c'est que s'immoler soi-mme,</p>
-<p>Et faire violence de si doux souhaits.</p>
-<p>Je vous en parle en vain. Allez, frre barbare,</p>
-<p>Voir quoi Lysander se rsoudra pour vous; <span class="dalign">1490</span></p>
-<p>Et si d'Agsilas la flamme se dclare,</p>
-<p class="i3"> J'en mourrai, mais je m'y rsous.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">SPITRIDATE, MANDANE, AGLATIDE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous me quittez, Seigneur; mais vous croyez-vous quitte,</p>
-<p>Et que ce soit assez que de me rendre moi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aprs tant de froideurs pour mon peu de mrite,<span class="dalign">1495</span></p>
-<p>Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; mais le pouvez-vous, moins que je la rende?</p>
-<p>Et si je vous la rends, savez-vous quel prix?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne crois pas pour vous cette perte si grande,</p>
-<p>Que vous en souhaitiez d'autre que vos mpris.<span class="dalign">1500</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Moi, des mpris pour vous!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span></div>
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> C'est ainsi que j'appelle</p>
-<p>Un feu si bien promis, et si mal allum.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si je ne vous aimois, je vous aurois aim,</p>
-<p>Mon devoir m'en toit un garant trop fidle.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il ne vous rpondoit que d'agir un peu tard,<span class="dalign">1505</span></p>
-<p class="i3"> Et laissoit beaucoup au hasard.</p>
-<p>Votre ordre cependant vers une autre me chasse,</p>
-<p>Et vous avez quitt la place votre s&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si je vous ai donn de quoi remplir la place,</p>
-<p>Ne me devez-vous point de quoi remplir mon c&oelig;ur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en suis au dsespoir; mais je n'ai point de frre</p>
-<p>Que je puisse mon tour vous prier d'accepter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous n'en avez point par qui me satisfaire,</p>
-<p>Vous avez une s&oelig;ur qui vous peut acquitter:</p>
-<p>Elle a trop d'un amant; et si sa flamme heureuse<span class="dalign">1515</span></p>
-<p>Me renvoyoit celui dont elle ne veut plus,</p>
-<p class="i3"> Je ne suis point d'humeur fcheuse,</p>
-<p>Et m'accommoderois bientt de ses refus.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> De tout mon c&oelig;ur je l'en conjure:</p>
-<p>Envoyez-lui Cotys, ou mme Agsilas,<span class="dalign">1520</span></p>
-<p>Ma s&oelig;ur, et prenez soin d'apaiser ce murmure,</p>
-<p>Qui cherche m'imputer des sentiments ingrats.</p>
-<p>Je vous laisse entre vous faire ce grand partage,</p>
-<p>Et vais chez Lysander voir quel sera le mien.</p>
-<p>Madame, vous voyez, je ne puis davantage;<span class="dalign">1525</span></p>
-<p>Et qui fait ce qu'il peut n'est plus garant de rien.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">AGLATIDE, MANDANE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous pourrez-vous rsoudre payer pour ce frre,</p>
-<p>Madame, et de deux rois daignant en choisir un,</p>
-<p>Me donner en sa place, ou le plus importun,</p>
-<p class="i3"> Ou le moins digne de vous plaire?<span class="dalign">1530</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Hlas!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Je n'entends pas des mieux</p>
-<p class="i3"> Comme il faut qu'un hlas s'explique;</p>
-<p>Et lorsqu'on se retranche au langage des yeux,</p>
-<p class="i3"> Je suis muette la rplique<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">&nbsp;[59]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pourquoi mieux expliquer quel est mon dplaisir?<span class="dalign">1535</span></p>
-<p class="i3"> Il ne se fait que trop entendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si j'avois comme vous de deux rois choisir,</p>
-<p>Mes dplaisirs auroient peu de chose prtendre.</p>
-<p class="i3"> Parlez donc, et de bonne foi:</p>
-<p>Acquittez par ce choix Spitridate envers moi.<span class="dalign">1540</span></p>
-<p>Ils sont tous deux vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Je n'y suis pas moi-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui des deux est l'aim?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Qu'importe lequel j'aime,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span></div>
-<p>Si le plus digne amour, de quoi qu'il soit d'accord,</p>
-<p class="i3"> Ne peut dcider de mon sort?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ainsi je dois perdre esprance<span class="dalign">1545</span></p>
-<p class="i3"> D'obtenir de vous aucun d'eux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Donnez-moi votre indiffrence,</p>
-<p class="i3"> Et je vous les donne tous deux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'en seroit un peu trop: leur mrite est si rare,</p>
-<p class="i3"> Qu'il en faut tre plus avare.<span class="dalign">1550</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est grand, mais bien moins que la flicit</p>
-<p class="i3"> De votre insensibilit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne me prenez point tant pour une me insensible:</p>
-<p>Je l'ai tendre, et qui souffre aisment de beaux feux;</p>
-<p>Mais je sais ne vouloir que ce qui m'est possible,<span class="dalign">1555</span></p>
-<p class="i3"> Quand je ne puis ce que je veux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Laissez donc faire au ciel, au temps, la fortune:</p>
-<p class="i3"> Ne voulez que ce qu'ils voudront;</p>
-<p>Et sans prendre<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">&nbsp;[60]</a> d'attache, ou d'ide importune,</p>
-<p>Attendez en repos les c&oelig;urs qui se rendront.<span class="dalign">1560</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il m'en pourroit coter mes plus belles annes</p>
-<p>Avant qu'ainsi deux rois en devinssent le prix;</p>
-<p>Et j'aime mieux borner mes bonnes destines</p>
-<p class="i3"> Au plus digne de vos mpris.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Donnez-moi donc, Madame, un c&oelig;ur comme le vtre,</p>
-<p>Et je vous les redonne une seconde fois;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span></div>
-<p class="i3"> Ou si c'est trop de l'un et l'autre,</p>
-<p>Laissez-m'en le rebut, et prenez-en le choix.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous leur ordonniez tous deux de m'en croire,</p>
-<p>Et que l'obissance et pour eux quelque appas<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">&nbsp;[61]</a>,<span class="dalign">1570</span></p>
-<p>Peut-tre que mon choix satisferoit ma gloire,</p>
-<p>Et qu'enfin mon rebut ne vous dplairoit pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui peut vous assurer de cette obissance?</p>
-<p>Les rois, mme en amour, savent mal obir;</p>
-<p>Et les plus enflamms s'efforcent de har<span class="dalign">1575</span></p>
-<p>Sitt qu'on prend sur eux un peu trop de puissance.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vois bien ce que c'est, vous voulez tout garder:</p>
-<p>Il est honteux de rendre une de vos conqutes,</p>
-<p>Et quoi qu'au plus heureux le c&oelig;ur veuille accorder,</p>
-<p>L'&oelig;il rgne avec plaisir sur deux si grandes ttes;<span class="dalign">1580</span></p>
-<p>Mais craignez que je n'use aussi de tous mes droits.</p>
-<p>Peut-tre en ai-je encor de garder quelque empire</p>
-<p class="i3"> Sur l'un et l'autre de ces rois,</p>
-<p>Bien qu' l'envi pour vous l'un et l'autre soupire,</p>
-<p>Et si j'en laisse faire mon esprit jaloux,<span class="dalign">1585</span></p>
-<p>Quoique la jalousie assez peu m'inquite,</p>
-<p>Je ne sais s'ils pourront l'un ni l'autre pour vous</p>
-<p class="i3"> Tout ce que votre c&oelig;ur souhaite.</p>
-<p class="stagedir">(A Cotys.)</p>
-<p>Seigneur, vous le savez, ma s&oelig;ur a votre foi<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">&nbsp;[62]</a>,</p>
-<p class="i3"> Et ne vous la rend que pour moi.<span class="dalign">1590</span></p>
-<p class="i3"> Usez-en comme bon vous semble;</p>
-<p class="i3"> Mais sachez que je me promets</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span></div>
-<p class="i3"> De ne vous la rendre jamais,</p>
-<p class="i3"> A moins d'un roi qui vous ressemble.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">COTYS, MANDANE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'trange contre-temps que prend sa belle humeur!<span class="dalign">1595</span></p>
-<p class="i3"> Et la froide galanterie</p>
-<p>D'affecter par bravade tourner son malheur</p>
-<p class="i3"> En importune raillerie!</p>
-<p>Son c&oelig;ur l'en dsavoue, et murmurant tout bas....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que cette belle humeur soit vritable ou feinte,<span class="dalign">1600</span></p>
-<p>Tout ce qu'elle en prtend ne m'alarmeroit pas,</p>
-<p class="i3"> Si le pouvoir d'Agsilas</p>
-<p>Ne me portoit dans l'me une plus juste crainte.</p>
-<p>Pourrez-vous l'aimer?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Non.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Pourrez-vous l'pouser?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous-mme, dites-moi, puis-je m'en excuser?<span class="dalign">1605</span></p>
-<p>Et quel bras, quel secours appeler mon aide,</p>
-<p>Lorsqu'un frre me donne, et qu'un amant me cde?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'imputez point crime une civilit</p>
-<p>Qu'ici de gnral vouloit l'autorit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Souffrez-moi donc, Seigneur, la mme dfrence<span class="dalign">1610</span></p>
-<p>Qu'ici de nos destins demande l'assurance.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous cder par dpit, et d'un ton menaant</p>
-<p>Faire voir qu'on pntre au c&oelig;ur du plus puissant,</p>
-<p>Qu'on sait de ses refus la plus secrte cause,</p>
-<p>Ce n'est pas tant cder l'objet de son amour,<span class="dalign">1615</span></p>
-<p>Que presser un rival de parotre en plein jour,</p>
-<p>Et montrer qu' ses v&oelig;ux hautement on s'oppose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que sert de s'opposer aux v&oelig;ux d'un tel rival,</p>
-<p class="i3"> Qui n'a qu' nous protger mal</p>
-<p class="i3"> Pour nous livrer notre perte?<span class="dalign">1620</span></p>
-<p>Seroit-il d'un grand c&oelig;ur de chercher prir,</p>
-<p class="i3"> Quand il voit une porte ouverte</p>
-<p>A rgner avec gloire aux dpens d'un soupir?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! le change vous plat<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">&nbsp;[63]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Non, Seigneur, je vous aime;</p>
-<p>Mais je dois mon frre, ma gloire, vous-mme.</p>
-<p class="i1"> D'un rival si puissant si nous perdons l'appui,</p>
-<p>Pourrons-nous du Persan nous dfendre sans lui?</p>
-<p>L'espoir d'un renouement de la vieille alliance</p>
-<p>Flatte en vain votre amour et vos nouveaux desseins.</p>
-<p>Si vous ne remettez sa proie entre ses mains,<span class="dalign">1630</span></p>
-<p>Oserez-vous y prendre aucune confiance?</p>
-<p class="i1"> Quant mon frre et moi, si les Dieux irrits</p>
-<p>Nous font jamais rentrer dessous sa tyrannie,</p>
-<p>Comme il nous traitera d'esclaves rvolts,</p>
-<p>Le supplice l'attend, et moi l'ignominie.<span class="dalign">1635</span></p>
-<p>C'est ce que je saurai prvenir par ma mort;</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span></p>
-<p>Mais jusque-l, Seigneur, permettez-moi de vivre,</p>
-<p>Et que par un illustre et rigoureux effort,</p>
-<p>Acceptant les malheurs o mon destin me livre,</p>
-<p>Un sacrifice entier de mes v&oelig;ux les plus doux<span class="dalign">1640</span></p>
-<p>Fasse la sret de mon frre et de vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Cette sret malheureuse</p>
-<p>A qui vous immolez votre amour et le mien</p>
-<p class="i3"> Peut-elle tre si prcieuse</p>
-<p>Qu'il faille l'acheter de mon unique bien?<span class="dalign">1645</span></p>
-<p>Et faut-il que l'amour garde tant de mesure</p>
-<p>Avec des intrts<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">&nbsp;[64]</a> qui lui font tant d'injure?</p>
-<p>Laissez, laissez prir ce dplorable roi,</p>
-<p>A qui ces intrts drobent votre foi.</p>
-<p>Que sert que vous l'aimiez? et que fait votre flamme<span class="dalign">1650</span></p>
-<p>Qu'augmenter son ardeur pour crotre ses malheurs,</p>
-<p class="i3"> Si malgr le don de votre me</p>
-<p class="i3"> Votre raison vous livre ailleurs?</p>
-<p>Armez-vous de ddains; rendez, s'il est possible,</p>
-<p>Votre perte pour lui moins grande ou moins sensible;<span class="dalign">1655</span></p>
-<p>Et par piti d'un c&oelig;ur trop ardemment pris,</p>
-<p>teignez-en la flamme force de mpris.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'teindre! Ah! se peut-il que vous m'ayez aime?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Jamais si digne flamme en un c&oelig;ur allume....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, non; vous m'en feriez des serments superflus:<span class="dalign">1660</span></p>
-<p>Vouloir ne plus aimer, c'est dj n'aimer plus;</p>
-<p>Et qui peut n'aimer plus ne fut jamais capable</p>
-<p class="i3"> D'une passion vritable.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour au dsespoir peut-il encor charmer?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour au dsespoir fait gloire encor d'aimer;<span class="dalign">1665</span></p>
-<p>Il en fait de souffrir et souffre avec constance,</p>
-<p>Voyant l'objet aim partager la souffrance;</p>
-<p>Il regarde ses maux comme un doux souvenir</p>
-<p>De l'union des c&oelig;urs qui ne sauroit finir;</p>
-<p>Et comme n'aimer plus quand l'espoir abandonne,<span class="dalign">1670</span></p>
-<p>C'est aimer ses plaisirs et non pas la personne,</p>
-<p>Il fuit cette bassesse, et s'affermit si bien,</p>
-<p>Que toute sa douleur ne se reproche rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel indigne tourment, quel injuste supplice</p>
-<p>Succde au doux espoir qui m'osoit tout offrir!<span class="dalign">1675</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et moi, Seigneur, et moi, n'ai-je rien souffrir?</p>
-<p>Ou m'y condamne-t-on avec plus de justice?</p>
-<p>Si vous perdez l'objet de votre passion,</p>
-<p>pousez-vous celui de votre aversion?</p>
-<p>Attache-t-on vos jours d'aussi rudes chanes?<span class="dalign">1680</span></p>
-<p>Et souffrez-vous enfin la moiti de mes peines?</p>
-<p>Cependant mon amour aura tout son clat</p>
-<p>En dpit du supplice o je suis condamne;</p>
-<p>Et si notre tyran par maxime d'tat</p>
-<p class="i3"> Ne s'interdit mon hymne, <span class="dalign">1685</span></p>
-<p>Je veux qu'il ait la joie, en recevant ma main,</p>
-<p>D'entendre que du c&oelig;ur vous tes souverain,</p>
-<p>Et que les dplaisirs dont ma flamme est suivie</p>
-<p class="i3"> Ne cesseront qu'avec ma vie.</p>
-<p>Allez, Seigneur, dfendre aux vtres de durer:<span class="dalign">1690</span></p>
-<p class="i3"> Ennuyez-vous de soupirer,</p>
-<p>Craignez de trop souffrir, et trouvez en vous-mme</p>
-<p>L'art de ne plus aimer ds qu'on perd ce qu'on aime.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span></div>
-<p>Je souffrirai pour vous, et ce nouveau malheur,</p>
-<p class="i3"> De tous mes maux le plus funeste, <span class="dalign">1695</span></p>
-<p>D'un trait assez perant armera ma douleur</p>
-<p>Pour trancher de mes jours le dplorable reste.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que dites-vous, Madame? et par quel sentiment....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLON<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">&nbsp;[65]</a>.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Spitridate, Seigneur, et Lysander vous prient</p>
-<p>De vouloir avec eux confrer un moment. <span class="dalign">1700</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez, Seigneur, allez, puisqu'ils vous en convient.</p>
-<p>Aimez, cdez, souffrez, ou voyez si les Dieux</p>
-<p>Voudront vous inspirer quelque chose de mieux.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="small i6">FIN DU QUATRIME ACTE</span>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE V.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je remets en vos mains et l'une et l'autre lettre</p>
-<p>Que l'esclave Damis aux miennes vient de mettre. <span class="dalign">1705</span></p>
-<p>Vous y verrez, Seigneur, quels sont les attentats....</p>
-<p class="stagedir">(Il lui donne deux lettres, dont il lit l'inscription.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="small1">Au snateur Crats, a l'phore Arsidas.</span></p>
-<p>Spitridate et Cotys sont de l'intelligence?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; il s'est cach d'eux en cette confrence;</p>
-<p>Il a plaint leur malheur, et de tout son pouvoir;<span class="dalign">1710</span></p>
-<p>Mais sa prudence enfin tous deux vous les renvoie,</p>
-<p class="i3"> Sans leur donner aucun espoir</p>
-<p>D'obtenir que de vous ce qui feroit leur joie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Par cette dfrence il croit les mieux aigrir;</p>
-<p>Et rejetant sur moi ce qu'ils ont souffrir.... <span class="dalign">1715</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Vous avez mand Spitridate,</p>
-<p>Il entre ici.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Gardons qu' ses yeux rien n'clate.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, SPITRIDATE, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">AGSILAS.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aglatide, Seigneur, a-t-elle encor vos v&oelig;ux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Seigneur; mais enfin ils ne vont pas loin d'elle,</p>
-<p>Et sa s&oelig;ur a fait natre une flamme nouvelle <span class="dalign">1720</span></p>
-<p class="i3"> En la place des premiers feux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elpinice?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Elle-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Ainsi toujours pour gendre</p>
-<p class="i3"> Vous vous donnez Lysander?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, contre l'amour peut-on bien se dfendre?</p>
-<p>A peine attaque-t-il qu'on brle de se rendre: <span class="dalign">1725</span></p>
-<p>Le plus ferme courage est ravi de cder;</p>
-<p>Et j'ai trouv ma foi plus facile reprendre</p>
-<p class="i3"> Que mon c&oelig;ur redemander.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous considriez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Seigneur, que considre</p>
-<p>Un c&oelig;ur d'un vrai mrite heureusement charm? <span class="dalign">1730</span></p>
-<p>L'amour n'est plus amour sitt qu'il dlibre,</p>
-<p>Et vous le sauriez trop si vous aviez aim.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, j'aimois Sparte et j'aime dans phse.</p>
-<p class="i3"> L'un et l'autre objet est charmant;</p>
-<p>Mais bien que l'un m'ait plu, bien que l'autre me plaise, 1735</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span></div>
-<p>Ma raison m'en a su dfendre galement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La mienne suivroit mieux un plus commun exemple.</p>
-<p>Si vous aimez, Seigneur, ne vous refusez rien,</p>
-<p class="i3"> Ou souffrez que je vous contemple</p>
-<p class="i3"> Comme un c&oelig;ur au-dessus du mien. <span class="dalign">1740</span></p>
-<p>Des climats diffrents la nature est diverse:</p>
-<p>La Grce a des vertus qu'on ne voit point en Perse.</p>
-<p>Permettez qu'un Persan n'ose vous imiter,</p>
-<p>Que sur votre partage il craigne d'attenter,</p>
-<p class="i3"> Qu'il se contente moins de gloire, <span class="dalign">1745</span></p>
-<p>Et trouve en sa foiblesse un destin assez doux</p>
-<p>Pour ne point envier cette haute victoire,</p>
-<p>Que vous seul avez droit de remporter sur vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais de mon ennemi rechercher l'alliance!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De votre ennemi!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Non, Lysander ne l'est pas; <span class="dalign">1750</span></p>
-<p>Mais s'il faut vous le dire, il y court grands pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'en est assez: je dois me faire violence</p>
-<p>Et renonce plus croire ou mes yeux, ou mon c&oelig;ur.</p>
-<p>Ne m'ordonnez-vous rien sur l'hymen de ma s&oelig;ur?</p>
-<p>Cotys l'aime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Il est roi, je ne suis pas son matre;<span class="dalign">1755</span></p>
-<p>Et Mandane ni vous n'tes pas mes sujets.</p>
-<p>L'aime-t-elle?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Il se peut. Lui ferai-je connotre</p>
-<p class="i3"> Que vous auriez d'autres projets?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est me connotre mal; je ne contrains personne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre qu'elle n'aime encor que sa couronne; <span class="dalign">1760</span></p>
-<p>Et je ne sais pas bien o pencheroit son choix,</p>
-<p>Si le ciel lui donnoit choisir de deux rois.</p>
-<p>Vous l'avez jusqu'ici de tant d'honneurs comble,</p>
-<p class="i3"> De tant de faveurs accable,</p>
-<p>Qu' vos ordres ses v&oelig;ux sans peine assujettis.... <span class="dalign">1765</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'ingrate!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Je rponds de sa reconnoissance,</p>
-<p>Et qu'elle ne consent l'espoir de Cotys</p>
-<p>Que pour le maintenir dans votre dpendance.</p>
-<p>Pourroit-elle, Seigneur, davantage pour vous<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">&nbsp;[66]</a>?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; mais qui la pressoit de choisir un poux? <span class="dalign">1770</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'occasion d'un roi, Seigneur, est bien pressante.</p>
-<p>Les plus dignes objets ne l'ont pas chaque jour;</p>
-<p class="i3"> Elle chappe la moindre attente</p>
-<p class="i3"> Dont on veut prouver l'amour.</p>
-<p>A moins que de la prendre au moment qu'elle arrive, <span class="dalign">1775</span></p>
-<p>On s'expose aux prils de l'accepter trop tard,</p>
-<p>Et l'asile est si beau pour une fugitive,</p>
-<p>Qu'elle ne peut sans crime en rien mettre au hasard.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle et peu hasard peut-tre pour attendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voyoit-elle en ces lieux un plus illustre espoir?<span class="dalign">1780</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Comme l'amour n'entend que ce qu'il veut entendre,</p>
-<p class="i3"> Il ne voit que ce qu'il veut voir.</p>
-<p>Si je l'ai jusqu'ici de tant d'honneurs comble,</p>
-<p class="i3"> De tant de faveurs accable,</p>
-<p>Ces faveurs, ces honneurs ne lui disoient-ils rien?<span class="dalign">1785</span></p>
-<p>Elle les entendoit<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">&nbsp;[67]</a> trop bien en dpit d'elle:</p>
-<p class="i3"> Mais l'ingrate! mais la cruelle!...</p>
-<p>Seigneur, votre tour vous m'entendez trop bien.</p>
-<p>Qu'elle aille chez Cotys partager sa couronne;</p>
-<p>Je n'y mets point d'obstacle, et n'en veux rien savoir:<span class="dalign">1790</span></p>
-<p>Soit que l'ambition, soit que l'amour la donne,</p>
-<p class="i3"> Vous avez tous deux tout pouvoir.</p>
-<p>Si pourtant vous m'aimiez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Soyez sr de mon zle.</p>
-<p>Ma parole Cotys est encore donner.</p>
-<p>Mais si cet hymne a de quoi vous gner, <span class="dalign">1795</span></p>
-<p class="i3"> Mandane que deviendra-t-elle?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez, encore un coup, allez en d'autres lieux</p>
-<p>pargner par piti cette gne mes yeux;</p>
-<p>Sauvez-moi du chagrin de montrer que je l'aime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle vient recevoir vos ordres elle-mme. <span class="dalign">1800</span></p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, SPITRIDATE, MANDANE,<br />
-XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">AGSILAS.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>O vue! sur mon c&oelig;ur regards trop absolus!</p>
-<p>Que vous allez troubler mes v&oelig;ux irrsolus!</p>
-<p>Ne partez pas, Madame. O ciel! j'en vais trop dire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je conois mal, Seigneur, de quoi vous me parlez.</p>
-<p>Moi partir?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Oui, partez, encor que j'en soupire. <span class="dalign">1805</span></p>
-<p class="i3"> Que ce mot ne peut-il suffire!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je conois encor moins pourquoi vous m'exilez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'aime trop vous voir et je vous ai trop vue:</p>
-<p class="i3"> C'est, Madame, ce qui me tue.</p>
-<p>Partez, partez, de grce.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> O me bannissez-vous? <span class="dalign">1810</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nommez-vous un exil le trne d'un poux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel trne, et quel poux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Cotys....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i16"> Je crois qu'il m'aime;</p>
-<p>Mais si je vous regarde ici comme mon roi</p>
-<p>Et comme un protecteur que j'ai choisi moi-mme,</p>
-<p>Puis-je sans votre aveu l'assurer de ma foi? <span class="dalign">1815</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span></div>
-<p>Aprs tant de bonts et de marques d'estime,</p>
-<p>A vous moins dfrer je croirois faire un crime;</p>
-<p>Et mon me....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Ah! c'est trop dfrer, et trop peu.</p>
-<p>Quoi? pour cet hymne exiger mon aveu!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Jusque-l mon bonheur n'aura qu'incertitude; <span class="dalign">1820</span></p>
-<p>Et bien qu'une couronne blouisse aisment....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur, il faut parler un peu plus clairement:</p>
-<p>Le Roi s'est plaint moi de votre ingratitude.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et je me plains lui des ingalits</p>
-<p>Qu'il me force de voir lui-mme en ses bonts.<span class="dalign">1825</span></p>
-<p class="i1"> Tout ce que pour un autre a voulu ma prire,</p>
-<p>Vous me l'avez, Seigneur, et sur l'heure accord<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">&nbsp;[68]</a>;</p>
-<p>Et pour mes intrts ce qu'on a demand</p>
-<p>Prte de prompts refus une digne matire!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Si vous vouliez avoir des yeux<span class="dalign">1830</span></p>
-<p>Pour voir de ces refus la vritable cause....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'est-ce pas assez dire, et faut-il autre chose?</p>
-<p>Voyez mieux sa pense, ou rpondez-y mieux.</p>
-<p>Ces refus obligeants veulent qu'on les entende:</p>
-<p>Ils sont de ses faveurs le comble, et la plus grande. <span class="dalign">1835</span></p>
-<p>Tout roi qu'est votre amant, perdez-le sans ennui,</p>
-<p>Lorsqu'on vous en destine un plus puissant que lui.</p>
-<p>M'en dsavouerez-vous, Seigneur?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Non, Spitridate.</p>
-<p>C'est inutilement que ma raison me flatte:</p>
-<p>Comme vous j'ai mon foible; et j'avoue mon tour <span class="dalign">1840</span></p>
-<p>Qu'un si triste secours dfend mal de l'amour.</p>
-<p>Je vois par mon preuve avec quelle injustice</p>
-<p class="i3"> Je vous refusois Elpinice:</p>
-<p>Je cesse de vous faire une si dure loi.</p>
-<p>Allez; elle est vous, si Mandane est moi. <span class="dalign">1845</span></p>
-<p>Ce que pour Lysander je semble avoir de haine</p>
-<p>Fera place aux douceurs de cette double chane,</p>
-<p class="i3"> Dont vous serez le n&oelig;ud commun;</p>
-<p>Et cet heureux hymen, accompagn du vtre,</p>
-<p>Nous rendant entre nous garant de l'un vers l'autre,<span class="dalign">1850</span></p>
-<p class="i3"> Rduira nos trois c&oelig;urs en un.</p>
-<p>Madame, parlez donc.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Seigneur, l'obissance</p>
-<p class="i3"> S'exprime assez par le silence.</p>
-<p>Trouvez bon que je puisse apprendre Lysander</p>
-<p>La grce qu' ma flamme il vous plat d'accorder.<span class="dalign">1855</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, MANDANE, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En puis-je pour la mienne esprer une gale,</p>
-<p>Madame? ou ne sera-ce en effet qu'obir?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Seigneur, je croirois vous trahir</p>
-<p>Et n'avoir pas pour vous une me assez royale,</p>
-<p>Si je vous cachois rien des justes sentiments<span class="dalign">1860</span></p>
-<p>Que m'inspire le ciel pour deux rois mes amants.</p>
-<p class="i1"> J'ai vu que vous m'aimiez; et sans autre interprte</p>
-<p>J'en ai cru vos faveurs qui m'ont si peu cot;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span></div>
-<p>J'en ai cru vos bonts, et l'assiduit</p>
-<p>Qu'apporte me chercher votre ardeur inquite. <span class="dalign">1865</span></p>
-<p class="i3"> Ma gloire y vouloit consentir;</p>
-<p>Mais ma reconnoissance a pris soin de la vtre.</p>
-<p>Vos feux la hasardoient, et pour les amortir</p>
-<p>J'ai rduit mes desirs pencher vers un autre.</p>
-<p class="i3"> Pour m'pouser, vous le pouvez, <span class="dalign">1870</span></p>
-<p>Je ne saurois former de v&oelig;ux plus levs;</p>
-<p>Mais avant que juger ma conqute assez haute,</p>
-<p>De l'&oelig;il dont il faut voir ce que vous vous devez,</p>
-<p>Voyez ce qu'elle donne, ou plutt ce qu'elle te.</p>
-<p class="i1"> Votre Sparte si haut porte sa royaut, <span class="dalign">1875</span></p>
-<p>Que tout sang tranger la souille et la profane:</p>
-<p>Jalouse de ce trne o vous tes mont,</p>
-<p class="i3"> Y faire seoir une Persane,</p>
-<p>C'est pour elle une trange et dure nouveaut;</p>
-<p>Et tout votre pouvoir ne peut m'y donner place, <span class="dalign">1880</span></p>
-<p>Que vous n'y renonciez pour toute votre race.</p>
-<p>Vos phores peut-tre oseront encor plus;</p>
-<p>Et si votre snat avec eux se soulve,</p>
-<p>Si de me voir leur reine indigns et confus,</p>
-<p>Ils m'arrachent d'un trne o votre choix m'lve.... 1885</p>
-<p>Pensez bien la suite avant que d'achever,</p>
-<p>Et si ce sont prils que vous deviez braver.</p>
-<p>Vous les voyez si bien que j'ai mauvaise grce</p>
-<p class="i3"> De vous en faire souvenir;</p>
-<p>Mais mon zle a voulu cette indiscrte audace, <span class="dalign">1890</span></p>
-<p>Et moi je n'ai pas cru devoir la retenir.</p>
-<p>Que la suite, aprs tout, vous flatte ou vous traverse,</p>
-<p>Ma gloire est sans pareille aux yeux de l'univers,</p>
-<p>S'il voit qu'une Persane au vainqueur de la Perse</p>
-<p>Donne son tour des lois, et l'arrte en ses fers. <span class="dalign">1895</span></p>
-<p>Comme votre intrt m'est plus considrable,</p>
-<p>Je tche de vous rendre des destins meilleurs.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span></div>
-<p>Mon amour peut vous perdre, et je m'attache ailleurs,</p>
-<p class="i3"> Pour tre pour vous moins aimable.</p>
-<p>Voil ce que devoit un c&oelig;ur reconnoissant. <span class="dalign">1900</span></p>
-<p class="i3"> Quant au reste, parlez en matre,</p>
-<p class="i3"> Vous tes ici tout-puissant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand peut-on tre ingrat, si c'est l reconnotre?</p>
-<p>Et que puis-je sur vous si le c&oelig;ur n'y consent?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MANDANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, il est donn; la main n'est pas donne; <span class="dalign">1905</span></p>
-<p>Et l'inclination ne fait pas l'hymne.</p>
-<p>Au dfaut de ce c&oelig;ur, je vous offre une foi</p>
-<p>Sincre, inviolable, et digne enfin de moi.</p>
-<p>Voyez si ce partage aura pour vous des charmes.</p>
-<p>Contre l'amour d'un roi c'est assez raisonner. <span class="dalign">1910</span></p>
-<p>J'aime, et vais toutefois attendre sans alarmes</p>
-<p class="i3"> Ce qu'il lui plaira m'ordonner.</p>
-<p>Je fais un sacrifice assez noble, assez ample,</p>
-<p class="i3"> S'il en veut un en ce grand jour;</p>
-<p>Et s'il peut se rsoudre vaincre son amour,<span class="dalign">1915</span></p>
-<p>J'en donne son grand c&oelig;ur un assez haut exemple.</p>
-<p>Qu'il coute sa gloire ou suive son desir,</p>
-<p class="i3"> Qu'il se fasse grce ou justice,</p>
-<p>Je me tiens prte tout, et lui laisse choisir</p>
-<p class="i3"> De l'exemple ou du sacrifice. <span class="dalign">1920</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'une Persane m'ose offrir un si grand choix!</p>
-<p>Parmi nous qui traitons la Perse de barbare,</p>
-<p class="i3"> Et mprisons jusqu' ses rois,</p>
-<p>Est-il plus haut mrite? est-il vertu plus rare?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span></div>
-<p>Cependant mon destin ce point est amer, <span class="dalign">1925</span></p>
-<p>Que plus elle mrite, et moins je dois l'aimer;</p>
-<p>Et que plus ses vertus sont dignes de l'hommage</p>
-<p>Que rend toute mon me cet illustre objet,</p>
-<p>Plus je la dois fermer tout autre projet</p>
-<p>Qu' celui d'galer sa grandeur de courage. <span class="dalign">1930</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Du moins vous rendre heureux, ce n'est plus hasarder.</p>
-<p>Puisqu'un si digne amour fait grce Lysander,</p>
-<p class="i3"> Il n'a plus lieu de se contraindre:</p>
-<p>Vous devenez par l matre de tout l'tat;</p>
-<p>Et ce grand homme vous, vous n'avez plus craindre<span class="dalign">1935</span></p>
-<p class="i3"> Ni d'phores ni de snat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'en suis pas encor d'accord avec moi-mme.</p>
-<p>J'aime; mais, aprs tout, je hais autant que j'aime;</p>
-<p>Et ces deux passions qui rgnent tour tour</p>
-<p>Ont au fond de mon c&oelig;ur si peu d'intelligence, <span class="dalign">1940</span></p>
-<p>Qu' peine immole-t-il la vengeance l'amour,</p>
-<p>Qu'il voudroit immoler l'amour la vengeance.</p>
-<p>Entre ce digne objet et ce digne ennemi,</p>
-<p class="i3"> Mon me incertaine et flottante,</p>
-<p>Quoi que l'un me promette, et quoi que l'autre attente, <span class="dalign">1945</span></p>
-<p>Ne se peut ni dompter, ni croire qu' demi:</p>
-<p>Et plus des deux cts je la sens balance,</p>
-<p>Plus je vois clairement que si je veux rgner,</p>
-<p>Moi qui de Lysander vois toute la pense,</p>
-<p>Il le faut tout fait ou perdre ou regagner;<span class="dalign">1950</span></p>
-<p>Qu'il est temps de choisir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Qu'il seroit magnanime</p>
-<p>De vaincre et la vengeance et l'amour la fois!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il faudroit, Xnocls, une me plus sublime.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">XNOCLS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il ne faut que vouloir: tout est possible aux rois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! si je pouvois tout, dans l'ardeur qui me presse<span class="dalign">1955</span></p>
-<p>Pour ces deux passions qui partagent mes v&oelig;ux,</p>
-<p class="i3"> Peut-tre aurois-je la foiblesse</p>
-<p class="i3"> D'obir toutes les deux.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, il vous a plu disposer d'Elpinice;</p>
-<p>Nous devons, elle et moi, beaucoup vos bonts;<span class="dalign">1960</span></p>
-<p>Et je serai ravi qu'elle vous obisse,</p>
-<p>Pourvu que de Cotys les v&oelig;ux soient accepts.</p>
-<p>J'en ai donn parole, il y va de ma gloire.</p>
-<p>Spitridate, sans lui, ne sauroit tre heureux;</p>
-<p>Et donner mon aveu, s'ils ne le sont tous deux,<span class="dalign">1965</span></p>
-<p>C'est faire mon honneur une tache trop noire.</p>
-<p class="i3"> Vous pouvez nous parler en roi.</p>
-<p class="i3"> Ma fille vous doit plus qu' moi:</p>
-<p>Commandez, elle est prte, et je saurai me taire.</p>
-<p class="i3"> N'exigez rien de plus d'un pre. <span class="dalign">1970</span></p>
-<p>Il a tenu toujours vos ordres bonheur;</p>
-<p class="i3"> Mais rendez-lui cette justice</p>
-<p>De souffrir qu'il emporte au tombeau cet honneur,</p>
-<p>Qui fait l'unique prix de trente ans de service.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, vous l'y porterez, et du moins de ma part <span class="dalign">1975</span></p>
-<p>Ce prcieux honneur ne court aucun hasard.</p>
-<p>On a votre parole, et j'ai donn la mienne;</p>
-<p>Et pour faire aujourd'hui que l'une et l'autre tienne,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span></div>
-<p>Il faut vaincre un amour qui m'toit aussi doux</p>
-<p class="i3"> Que votre gloire l'est pour vous, <span class="dalign">1980</span></p>
-<p>Un amour dont l'espoir ne voyoit plus d'obstacle.</p>
-<p>Mais enfin il est beau de triompher de soi,</p>
-<p class="i3"> Et de s'accorder ce miracle,</p>
-<p>Quand on peut hautement donner tous la loi,</p>
-<p>Et que le juste soin de combler notre<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">&nbsp;[69]</a> gloire <span class="dalign">1985</span></p>
-<p>Demande notre c&oelig;ur pour dernire victoire.</p>
-<p>Un roi n pour l'clat des grandes actions</p>
-<p class="i3"> Dompte jusqu' ses passions,</p>
-<p>Et ne se croit point roi, s'il ne fait sur lui-mme</p>
-<p>Le plus illustre essai de son pouvoir suprme. <span class="dalign">1990</span></p>
-<p class="stagedir">(A Xnocls.)</p>
-<p>Allez dire Cotys que Mandane est lui;</p>
-<p>Que si mes feux aux siens ne l'ont pas accorde,</p>
-<p>Pour venger son amour de ce moment d'ennui,</p>
-<p>Je veux la lui cder comme il me l'a cde.</p>
-<p>Oyez de plus.</p>
-<p class="stagedir">(Il parle l'oreille Xnocls, qui s'en va<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">&nbsp;[70]</a>.)</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VII.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">AGSILAS.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Eh bien! vos mcontentements <span class="dalign">1995</span></p>
-<p class="i3"> Me seront-ils encore craindre?</p>
-<p>Et vous souviendrez-vous des mauvais traitements</p>
-<p>Qui vous avoient donn tant de lieu de vous plaindre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous ai dit, Seigneur, que j'tois tout vous;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span></div>
-<p>Et j'y suis d'autant plus, que malgr l'apparence, <span class="dalign">2000</span></p>
-<p>Je trouve des bonts qui passent l'esprance,</p>
-<p>O je n'avois cru voir que des soupons jaloux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et que va devenir cette docte harangue</p>
-<p>Qui du fameux Clon doit ennoblir la langue<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">&nbsp;[71]</a>?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Nous sommes seuls, j'ai chass Xnocls:<span class="dalign">2005</span></p>
-<p>Parlons confidemment. Que venez-vous d'crire</p>
-<p>A l'phore Arsidas, au snateur Crats?</p>
-<p>Je vous dfre assez pour n'en vouloir rien lire<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">&nbsp;[72]</a>;</p>
-<p>Tout est encor ferm. Voyez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Je suis coupable,</p>
-<p>Parce qu'on me trahit, que l'on vous sert trop bien, <span class="dalign">2010</span></p>
-<p>Et que par un effort de prudence admirable,</p>
-<p>Vous avez su prvoir de quoi seroit capable,</p>
-<p>Aprs tant de mpris, un c&oelig;ur comme le mien.</p>
-<p>Ce dessein toutefois ne passera pour crime</p>
-<p class="i3"> Que parce qu'il est sans effet; <span class="dalign">2015</span></p>
-<p class="i3"> Et ce qu'on va nommer forfait</p>
-<p>N'a rien qu'un plein succs n'et rendu lgitime.</p>
-<p>Tout devient glorieux pour qui peut l'obtenir,</p>
-<p class="i3"> Et qui le manque est punir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, non; j'aurois plus fait peut-tre en votre place: <span class="dalign">2020</span></p>
-<p class="i3"> Il est naturel aux grands c&oelig;urs</p>
-<p>De sentir vivement de pareilles rigueurs;</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span></p>
-<p>Et vous m'offenseriez de douter de ma grce.</p>
-<p>Comme roi, je la donne, et comme ami discret</p>
-<p class="i3"> Je vous assure du secret. <span class="dalign">2025</span></p>
-<p>Je remets en vos mains tout ce qui vous peut nuire.</p>
-<p>Vous m'avez trop servi pour m'en trouver ingrat;</p>
-<p>Et d'un trop grand soutien je priverois l'tat</p>
-<p>Pour des ressentiments o j'ai su vous rduire.</p>
-<p>Ma puissance tablie et mes droits conservs <span class="dalign">2030</span></p>
-<p>Ne me laissent point d'yeux pour voir votre entreprise.</p>
-<p>Dites-moi seulement avec mme franchise,</p>
-<p>Vous dois-je encor bien plus que vous ne me devez?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Avez-vous pu, Seigneur, me devoir quelque chose?</p>
-<p>Qui sert le mieux son roi ne fait que son devoir. <span class="dalign">2035</span></p>
-<p>En vous de tout l'tat j'ai dfendu la cause,</p>
-<p>Quand je l'ai fait tomber dessous votre pouvoir.</p>
-<p>Le zle est tout de feu quand ce grand devoir presse;</p>
-<p>Et comme le moins suivre on s'en acquitte mal,</p>
-<p>Le mien vous servit moins qu'il ne servit la Grce,<span class="dalign">2040</span></p>
-<p>Quand j'en sus mnager les c&oelig;urs avec adresse</p>
-<p class="i3"> Pour vous en faire gnral.</p>
-<p>Je vous dois cependant et la vie et ma gloire;</p>
-<p class="i3"> Et lorsqu'un dessein malheureux</p>
-<p>Peut me coter le jour et souiller ma mmoire, <span class="dalign">2045</span></p>
-<p>La magnanimit de ce c&oelig;ur gnreux....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Reprochez-moi plutt toutes mes injustices,</p>
-<p>Que de plus ravaler de si rares services.</p>
-<p>Elles ont fait le crime, et j'en tire ce bien,</p>
-<p>Que j'ai pu m'acquitter et ne vous dois plus rien.<span class="dalign">2050</span></p>
-<p class="i3"> A prsent que la gratitude</p>
-<p>Ne peut passer pour dette en qui s'est acquitt<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">&nbsp;[73]</a>,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span></div>
-<p>Vos services, pays d'un traitement si rude,</p>
-<p>Vont recevoir de moi ce qu'ils ont mrit.</p>
-<p>S'ils ont su conserver un trne en ma famille,<span class="dalign">2055</span></p>
-<p>J'y veux par mon hymen faire seoir votre fille:</p>
-<p>C'est ainsi qu'avec vous je puis le partager.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">LYSANDER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, ces bonts, que je n'osois attendre,</p>
-<p>Que puis-je....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Jugez-en comme il en faut juger,</p>
-<p class="i3"> Et surtout commencez d'apprendre<span class="dalign">2060</span></p>
-<p>Que les rois sont jaloux du souverain pouvoir,</p>
-<p>Qu'ils aiment qu'on leur doive, et ne peuvent devoir,</p>
-<p>Que rien leurs sujets n'acquiert l'indpendance,</p>
-<p>Qu'ils rglent leur choix l'emploi des plus grands c&oelig;urs;</p>
-<p>Qu'ils ont pour qui les sert des grces, des faveurs,</p>
-<p>Et qu'on n'a jamais droit sur leur reconnoissance.</p>
-<p>Prenons dornavant, vous et moi, pour objet,</p>
-<p>Les devoirs qu'il faudra l'un l'autre nous rendre:</p>
-<p class="i3"> N'oubliez pas ceux d'un sujet<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">&nbsp;[74]</a>,</p>
-<p class="i3"> Et j'aurai soin de ceux d'un gendre. <span class="dalign">2070</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VIII.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, AGLATIDE conduite<br />
-par XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sur un ordre, Seigneur, reu de votre part,</p>
-<p class="i3"> Je viens, tonne et surprise</p>
-<p>De voir que tout d'un coup un roi m'en favorise,</p>
-<p>Qui me daignoit peine honorer d'un regard.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sortez d'tonnement. Les temps changent, Madame, <span class="dalign">2075</span></p>
-<p>Et l'on n'a pas toujours mmes yeux ni mme me.</p>
-<p>Pourriez-vous de ma main accepter un poux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si mon pre y consent, mon devoir me l'ordonne;</p>
-<p>Ce me sera trop d'heur de le tenir de vous.</p>
-<p>Mais avant que savoir quelle en est la personne,<span class="dalign">2080</span></p>
-<p>Pourrois-je vous parler avec la libert</p>
-<p>Que me souffroit Sparte un feu trop cout,</p>
-<p>Alors qu'il vous plaisoit, ou m'aimer, ou me dire</p>
-<p>Qu'en votre c&oelig;ur mes yeux s'toient fait un empire?</p>
-<p>Non que j'y pense encor; j'apprends de vous, Seigneur, <span class="dalign">2085</span></p>
-<p>Qu'on change avec le temps, d'me, d'yeux et de c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rappelez ces beaux jours pour me parler sans feindre;</p>
-<p>Mais si vous le pouvez, Madame, pargnez-moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce seroit sans raison que j'oserois m'en plaindre:</p>
-<p>L'amour doit tre libre, et vous tes mon roi. <span class="dalign">2090</span></p>
-<p>Mais puisque jusqu' vous vous m'avez fait prtendre,</p>
-<p>N'obligez point, Seigneur, cet espoir descendre,</p>
-<p class="i3"> Et ne me faites point de lois</p>
-<p>Qui profanent l'honneur de votre premier choix.</p>
-<p class="i3"> J'y trouvois pour moi tant de gloire, <span class="dalign">2095</span></p>
-<p>J'en chris tel point la flatteuse mmoire,</p>
-<p>Que je regarderois comme un indigne poux</p>
-<p>Quiconque m'offriroit un moindre rang que vous.</p>
-<p class="i3"> Si cet orgueil a quelque crime,</p>
-<p>Il n'en faut accuser que votre trop d'estime:<span class="dalign">2100</span></p>
-<p>Ce sont des sentiments que je ne puis trahir.</p>
-<p>Aprs cela, parlez; c'est moi d'obir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je parlerai, Madame, avec mme franchise.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span></div>
-<p class="i1"> J'aime voir cet orgueil que mon choix autorise</p>
-<p>A ddaigner les v&oelig;ux de tout autre qu'un roi: <span class="dalign">2105</span></p>
-<p>J'aime cette hauteur en un jeune courage;</p>
-<p>Et vous n'aurez point lieu de vous plaindre de moi,</p>
-<p>Si votre heureux destin dpend de mon suffrage.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IX.</h3>
-<p class="subt">AGSILAS, LYSANDER, COTYS, SPITRIDATE,<br />
-MANDANE, ELPINICE, AGLATIDE, XNOCLS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">COTYS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, vos bonts nous venons consacrer,</p>
-<p class="i3"> Et Mandane et moi, notre vie. <span class="dalign">2110</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">SPITRIDATE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De pareilles faveurs, Seigneur, nous font rentrer</p>
-<p class="i3"> Pour vous faire voir mme envie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Je vous ai fait justice tous,</p>
-<p>Et je crois que ce jour vous doit tre assez doux,</p>
-<p>Qui de tous vos souhaits votre gr dcide;<span class="dalign">2115</span></p>
-<p>Mais pour le rendre encor plus doux et plus charmant,</p>
-<p>Sachez que Sparte voit sa reine en Aglatide,</p>
-<p>A qui le ciel en moi rend son premier amant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLATIDE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est me faire, Seigneur, des surprises nouvelles.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGSILAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rendons nos c&oelig;urs, Madame, des flammes si belles; 2120</p>
-<p>Et tous ensemble allons prparer ce beau jour</p>
-<p>Qui par un triple hymen couronnera l'amour!</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i4">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE</span>.</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_96"> 96</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p class="extra">ATTILA<br />
-<span class="large">ROI DES HUNS</span><br />
-<span class="medium">TRAGDIE</span><br />
-<span class="small">1667</span></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span></p>
-</div>
-
-<h3>NOTICE.</h3>
-
-<p><i>Attila</i>, dit Voltaire au commencement de la <i>Prface</i> qu'il a
-place en tte de cette pice, parut malheureusement la mme
-anne qu'<i>Andromaque</i>. La comparaison ne contribua pas
-faire remonter Corneille ce haut point de gloire o il s'tait
-lev: il baissait, et Racine s'levait. Tout en reconnaissant
-la justesse de ces rflexions un peu banales, on ne doit pas oublier
-qu'<i>Andromaque</i> ne fut joue que huit mois aprs <i>Attila</i>,
-et ne put par consquent entraver en rien le succs de cet
-ouvrage. Ce fut la troupe de Molire, tablie au Palais-Royal,
-que Corneille le confia. On lit dans le registre de Lagrange,
-sous la date du 4 mars 1667: <i>Attila</i>, pice nouvelle de
-M. Corneille l'an, pour laquelle on lui donna deux mille
-livres, prix fait.</p>
-
-<p>Robinet racontant dans une <i>Lettre en vers Madame</i>, du
-13 mars 1667, une noce somptueuse, ajoute:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Mais parlons un peu d'<i>Attila</i>;</p>
-<p>Car ce fut cette pice-l</p>
-<p>Qui servit ce grand rgale</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Cette dernire des merveilles</p>
-<p>De l'an des fameux Corneilles</p>
-<p>Est un pome srieux,</p>
-<p>O cet auteur si glorieux,</p>
-<p>Avecque son style nergique,</p>
-<p>Des plus propres pour le tragique,</p>
-<p>Nous peint, en peignant Attila,</p>
-<p>Tout fait bien ce rgne-l,</p>
-<p>Et de telle faon s'explique</p>
-<p>En matire de politique,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span></div>
-<p>Qu'il semble avoir, en bonne foi,</p>
-<p>t grand ministre ou grand roi.</p>
-<p>Tel enfin est ce grand ouvrage</p>
-<p>Qu'il ne se sent point de son ge,</p>
-<p>Et que d'un roi des plus mal n</p>
-<p>D'un hros qui saigne du nez,</p>
-<p>Il a fait, malgr les critiques,</p>
-<p>Le plus beau de ses dramatiques.</p>
-<p class="i1"> Mais on peut dire aussi cela</p>
-<p>Qu'aprs lui le mme <i>Attila</i></p>
-<p>Est, par le sieur la Thorillre,</p>
-<p>Reprsent d'une manire</p>
-<p>Qu'il donne l'me ce tableau</p>
-<p>Qu'en a fait son parlant pinceau.</p>
-<p class="i1"> Toute la compagnie au reste (<i>La troupe du Roi, au Palais-Royal.</i>)</p>
-<p>Ses beaux talents y manifeste,</p>
-<p>Et chacun selon son emploi</p>
-<p>Se montre digne d'tre au Roi.</p>
-<p>Bref les acteurs et les actrices</p>
-<p>De plus d'un sens font les dlices</p>
-<p>Par leurs attraits, et leurs habits,</p>
-<p>Qui ne sont pas d'un petit prix;</p>
-<p>Et mmes une confidente (<i>Mlle Molire<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">&nbsp;[75]</a>.</i>)</p>
-<p>N'y parot pas la moins charmante,</p>
-<p>Et maint, le cas est vident,</p>
-<p>Voudroit en tre confident.</p>
-<p>Sur cet avis, qui vaut l'affiche,</p>
-<p>Voyez demain si je vous triche.</p>
-</div></div>
-
-<p>La Thorillire pre, d'aprs ce qu'on sait de son genre de
-talent<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">&nbsp;[76]</a>, tait loin de possder l'nergie sauvage qui et t ncessaire
-pour remplir dignement le rle d'Attila; toutefois, un
-des plus grands admirateurs de Corneille, Saint-vremont,
-raisonnant ce sujet de la faon la plus surprenante, s'applaudissait
-de ce que son pote de prdilection avait rencontr un
-aussi mdiocre interprte. Il crivait M. de Lyonne: A
-peine ai-je eu le loisir de jeter les yeux sur <i>Andromaque</i> et
-sur <i>Attila</i>; cependant il me parat qu'<i>Andromaque</i> a bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span>
-l'air des belles choses.... Vous avez raison de dire que cette
-pice est dchue par la mort de Montfleury; car elle avoit besoin
-de grands comdiens pour remplir, par l'action, ce qui
-lui manque. <i>Attila</i>, au contraire, a d gagner quelque chose
- la mort de cet acteur; un grand comdien et trop pouss un
-rle assez plein de lui-mme, et et fait faire trop d'impression
- sa frocit sur les mes tendres.</p>
-
-<p>Le registre de Lagrange constate que la pice eut vingt reprsentations
-conscutives et trois autres encore dans la mme
-anne: c'tait, pour le temps, un vritable succs. Cela n'empcha
-point Boileau de faire cette pigramme si connue, si facile
- retenir:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Aprs l'<i>Agsilas</i>,</p>
-<p class="i2"> Hlas!</p>
-<p>Mais aprs l'<i>Attila</i>,</p>
-<p class="i2"> Hol!</p>
-</div></div>
-
-<p>qui est devenue dans la bouche de bien des amateurs, et mme
-de beaucoup de critiques, une rponse sans rplique, une de
-ces fins de non-recevoir aussi dcisives que le <i>Tarte la Crme</i>
-du marquis dans <i>la Critique de l'cole des femmes</i>.</p>
-
-<p>Les faiseurs d'<i>ana</i>, qui aiment exagrer les distractions et
-la navet des hommes de gnie, prtendent que ces vers ne
-blessrent nullement l'amour-propre, pourtant fort susceptible,
-du pote contre lequel ils taient dirigs. Corneille s'y mprit
-lui-mme, dit Monchesnay<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">&nbsp;[77]</a>, et les tourna son avantage,
-comme si l'auteur avoit voulu dire que la premire de ces
-pices excitoit parfaitement la piti, et que l'autre toit le <i>non
-plus ultra</i> de la tragdie.</p>
-
-<p>On comprendrait mieux que Corneille et effectivement pris
-le change sur le passage suivant de la neuvime satire, o la
-critique est plus indirecte et mieux dguise:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Tous les jours la cour un sot de qualit</p>
-<p>Peut juger de travers avec impunit;</p>
-<p>A Malherbe, Racan, prfrer Thophile,</p>
-<p>Et le clinquant du Tasse tout l'or de Virgile.</p>
-<p>Un clerc, pour quinze sous, sans craindre le hol,</p>
-<p>Peut aller au parterre attaquer Attila,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span></div>
-<p>Et si le roi des Huns ne lui charme l'oreille,</p>
-<p>Traiter de Visigoths tous les vers de Corneille.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ce dernier vers nous indique, si je ne me trompe, un point qui
-choquait tout particulirement Boileau dans <i>Attila</i>: je veux
-dire le choix des noms propres, choix si important ses yeux
-et au sujet duquel il disait quelque temps aprs dans l'<i>Art potique</i>
-(chant III, vers 243 et 244):</p>
-
-<p class="quote">D'un seul nom quelquefois le son dur ou bizarre<br />
-Rend un pome entier ou burlesque ou barbare;</p>
-
-<p>et Voltaire tait bien du mme avis lorsqu'il crivait dans la
-<i>Prface</i> que nous avons dj cite: Corneille, dans sa tragdie
-d'<i>Attila</i>, fait paratre Hildione, une princesse s&oelig;ur d'un
-prtendu roi de France; elle s'appelait Hildecone la premire
-reprsentation; on changea ensuite ce nom ridicule<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">&nbsp;[78]</a>. Qu'et-ce
-t si Corneille, au lieu d'adopter peu prs, en le francisant,
-le nom d'Ildico, qui lui tait donn par Priscus et Jornands<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">&nbsp;[79]</a>,
-et connu les traditions du Nord et choisi les formes
-plus pures de <i>Hiltgund</i>, <i>Hiltegunt</i>, Hildegonde, qu'elles
-nous ont conserves<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">&nbsp;[80]</a>?</p>
-
-<p>Le privilge d'<i>Attila</i> avait t accord Guillaume de Luyne
-le 25<sup>e</sup> jour de novembre 1666, ce qui fait penser qu' cette
-poque cette pice tait dj compose. L'Achev d'imprimer
-est du vingtime novembre 1667, et nanmoins, suivant
-un usage aujourd'hui gnral dans la librairie, et qui, on le
-voit, tait dj suivi ds cette poque, le frontispice de l'dition
-originale porte la date de 1668.</p>
-
-<p>Le titre de l'ouvrage est ainsi conu: <span class="small1">Attila, roy des Hvns,
-tragedie</span> par P. Corneille, <i>A Paris, Guillaume de Luyne, Libraire
-Iur, au Palais</i>. M.DC.LXVIII. Le volume, de format
-in-12, se compose de 4 feuillets et de 78 pages. Le libraire de
-Luyne avait fait part de son privilge Thomas Jolly et Billaine.
-Nous avons sous les yeux un exemplaire dont le titre,
-l'adresse de Jolly, porte <i>T.</i> (au lieu de <i>P.</i>) <i>Corneille</i>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span></p>
-<h3>AU LECTEUR<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">&nbsp;[81]</a>.</h3>
-</div>
-
-<p>Le nom d'Attila<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">&nbsp;[82]</a> est assez connu; mais tout le monde
-n'en connot pas tout le caractre. Il toit plus homme
-de tte que de main<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">&nbsp;[83]</a>, tchoit diviser ses ennemis, ravageoit
-les peuples indfendus, pour donner de la terreur
-aux autres, et tirer tribut de leur pouvante, et s'toit
-fait un tel empire sur les rois qui l'accompagnoient, que
-quand mme il leur et command des parricides, ils
-n'eussent os lui dsobir. Il est malais de savoir quelle
-toit sa religion: le surnom de <i>Flau de Dieu</i><a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">&nbsp;[84]</a>, qu'il prenoit
-lui-mme, montre qu'il n'en croyoit pas plusieurs.
-Je l'estimerois arien, comme les Ostrogoths et les Gpides<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">&nbsp;[85]</a>
-de son arme, n'toit la pluralit des femmes, que je lui
-ai retranche ici. Il croyoit fort aux devins, et c'toit
-peut-tre tout ce qu'il croyoit. Il envoya demander par
-deux fois l'empereur Valentinian<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">&nbsp;[86]</a> sa s&oelig;ur Honorie<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">&nbsp;[87]</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span>
-avec grandes menaces, et en attendant<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">&nbsp;[88]</a>, il pousa
-Ildione, dont tous les historiens marquent la beaut<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">&nbsp;[89]</a>, sans
-parler de sa naissance. C'est ce qui m'a enhardi la faire
-s&oelig;ur d'un de nos premiers rois<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">&nbsp;[90]</a>, afin d'opposer la France
-naissante au dclin de l'Empire. Il est constant qu'il mourut
-la premire nuit de son mariage avec elle. Marcellin
-dit qu'elle le tua elle-mme<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">&nbsp;[91]</a>, et je lui en ai voulu donner
-l'ide, quoique sans effet<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">&nbsp;[92]</a>. Tous les autres rapportent
-<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span>
-qu'il avoit accoutum de saigner du nez, et que les vapeurs
-du vin et des viandes dont il se chargea fermrent le passage
- ce sang, qui, aprs l'avoir touff, sortit avec violence
-par tous les conduits<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">&nbsp;[93]</a>. Je les ai suivis sur la manire
-de sa mort; mais j'ai cru plus propos d'en attribuer la
-cause un excs de colre qu' un excs d'intemprance.</p>
-
-<p>Au reste, on m'a press de rpondre ici par occasion
-aux invectives qu'on a publies depuis quelque temps
-contre la comdie<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">&nbsp;[94]</a>; mais je me contenterai d'en dire
-<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span>
-deux choses, pour fermer la bouche ces ennemis d'un
-divertissement si honnte et si utile: l'un<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">&nbsp;[95]</a>, que je soumets
-tout ce que j'ai fait et ferai l'avenir la censure des
-puissances, tant ecclsiastiques que sculires, sous lesquelles
-Dieu me fait vivre: je ne sais s'ils en voudroient
-faire autant; l'autre, que la comdie est assez justifie
-par cette clbre traduction de la moiti de celles de
-Trence, que des personnes d'une pit exemplaire et
-rigide ont donne au public, et ne l'auroient jamais fait<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">&nbsp;[96]</a>,
-si elles n'eussent jug qu'on peut innocemment mettre
-sur la scne des filles engrosses par leurs amants, et des
-marchands d'esclaves prostituer<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">&nbsp;[97]</a>. La ntre ne souffre
-point de tels ornements. L'amour en est l'me pour l'ordinaire;
-mais l'amour dans le malheur n'excite que la
-piti, et est plus capable de purger en nous cette passion
-que de nous en faire envie.</p>
-
-<p>Il n'y a point d'homme, au sortir de la reprsentation
-<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span>
-du <i>Cid</i>, qui voult avoir tu, comme lui, le pre de sa
-matresse, pour en recevoir de pareilles douceurs, ni de
-fille qui souhaitt que son amant et tu son pre, pour
-avoir la joie de l'aimer en poursuivant sa mort<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">&nbsp;[98]</a>. Les tendresses
-de l'amour content sont d'une autre nature, et
-c'est ce qui m'oblige les viter. J'espre un jour traiter
-cette matire plus au long, et faire voir quelle erreur
-c'est de dire qu'on peut faire parler sur le thtre toutes
-sortes de gens, selon toute l'tendue de leurs caractres.</p>
-
-<div class="chapter">
-<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br />
-POUR LES VARIANTES D'<i>ATTILA</i>.</h3>
-
-<h3 class="normal">DITION SPARE.<br />
-1668 in-12.<br />
-RECUEILS.<br />
-1668 in-12; &nbsp; | &nbsp; 1682 in-12.</h3>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span></p>
-<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">&nbsp;[99]</a>.</h3>
-</div>
-
-<table id="acteurs2" summary="parts">
-<tr>
-<td class="tdl">ATTILA,</td>
-<td class="tdl">roi des Huns.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">ARDARIC,</td>
-<td class="tdl">roi des Gpides.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">VALAMIR,</td>
-<td class="tdl">roi des Ostrogoths.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">HONORIE,</td>
-<td class="tdl">s&oelig;ur de l'empereur Valentinian.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">ILDIONE,</td>
-<td class="tdl">s&oelig;ur de Mroue<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">&nbsp;[100]</a>, roi de France.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">OCTAR,</td>
-<td class="tdl">capitaine des gardes d'Attila.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">FLAVIE,</td>
-<td class="tdl">dame d'honneur d'Honorie.</td>
-</tr>
-</table>
-
-<h3 class="subh">La scne est au camp d'Attila, dans la Norique<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">&nbsp;[101]</a>.</h3>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span></p>
-<p class="extra">ATTILA.<br />
-<span class="medium">TRAGDIE.</span></p>
-
-<h2 class="normal">ACTE I.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, OCTAR, <span class="small1">SUITE</span>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ils ne sont pas venus, nos deux rois? qu'on leur die</p>
-<p>Qu'ils se font trop attendre, et qu'Attila s'ennuie;</p>
-<p>Qu'alors que je les mande ils doivent se hter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais, Seigneur, quel besoin de les en consulter?</p>
-<p>Pourquoi de votre hymen les prendre pour arbitres,<span class="dalign">5</span></p>
-<p>Eux qui n'ont de leur trne ici que de vains titres,</p>
-<p>Et que vous ne laissez au nombre des vivants</p>
-<p>Que pour traner partout deux rois pour vos suivants?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<span class="i5 small1">ATTILA.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en puis rsoudre seul, Octar, et les appelle,</p>
-<p>Non sous aucun espoir de lumire nouvelle: <span class="dalign">10</span></p>
-<p>Je crois voir avant eux ce qu'ils m'clairciront,</p>
-<p>Et m'tre dj dit tout ce qu'ils me diront;</p>
-<p>Mais de ces deux partis lequel que je prfre,</p>
-<p>Sa gloire est un affront pour l'autre, et pour son frre;</p>
-<p>Et je veux attirer d'un si juste courroux <span class="dalign">15</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span></div>
-<p>Sur l'auteur du conseil les plus dangereux coups,</p>
-<p>Assurer une excuse ce manque d'estime,</p>
-<p>Pouvoir, s'il est besoin, livrer une victime;</p>
-<p>Et c'est ce qui m'oblige consulter ces rois,</p>
-<p>Pour faire leurs prils clater ce grand choix;<span class="dalign">20</span></p>
-<p>Car enfin j'aimerois un prtexte leur perte:</p>
-<p>J'en prendrois hautement l'occasion offerte.</p>
-<p>Ce titre en eux me choque, et je ne sais pourquoi</p>
-<p>Un roi que je commande ose se nommer roi.</p>
-<p>Un nom si glorieux marque une indpendance <span class="dalign">25</span></p>
-<p>Que souille, que dtruit la moindre obissance;</p>
-<p>Et je suis las de voir que du bandeau royal</p>
-<p>Ils prennent droit tous deux de me traiter d'gal.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais, Seigneur, se peut-il que pour ces deux princesses</p>
-<p>Vous ayez mmes yeux et pareilles tendresses, <span class="dalign">30</span></p>
-<p>Que leur mrite gal dispose sans ennui</p>
-<p>Votre me irrsolue aux sentiments d'autrui?</p>
-<p>Ou si vers l'une ou l'autre elle a pris quelque pente,</p>
-<p>Dont prennent ces deux rois la route diffrente,</p>
-<p>Voudra-t-elle, aux dpens de ses v&oelig;ux les plus doux,<span class="dalign">35</span></p>
-<p>Prparer une excuse ce juste courroux?</p>
-<p>Et pour juste qu'il soit, est-il si fort craindre</p>
-<p>Que le grand Attila s'abaisse se contraindre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; mais la noble ardeur d'envahir tant d'tats</p>
-<p>Doit combattre de tte encor plus que de bras, <span class="dalign">40</span></p>
-<p>Entre ses ennemis rompre l'intelligence,</p>
-<p>Y jeter du dsordre et de la dfiance,</p>
-<p>Et ne rien hasarder qu'on n'ait de toutes parts,</p>
-<p>Autant qu'il est possible, enchan les hasards.</p>
-<p> Nous tions aussi forts qu' prsent nous le sommes,<span class="dalign">45</span></p>
-<p>Quand je fondis en Gaule avec cinq cent mille hommes<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">&nbsp;[102]</a>.</p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span>
-<p>Ds lors, s'il t'en souvient, je voulus, mais en vain,</p>
-<p>D'avec le Visigoth dtacher le Romain.</p>
-<p>J'y perdis auprs d'eux des soins qui me perdirent:</p>
-<p>Loin de se diviser, d'autant mieux ils s'unirent.<span class="dalign">50</span></p>
-<p>La terreur de mon nom pour nouveaux compagnons</p>
-<p>Leur donna les Alains, les Francs, les Bourguignons;</p>
-<p>Et n'ayant pu semer entre eux aucuns divorces,</p>
-<p>Je me vis en droute avec toutes mes forces<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">&nbsp;[103]</a>.</p>
-<p>J'ai su les rtablir, et cherche me venger; <span class="dalign">55</span></p>
-<p>Mais je cherche le faire avec moins de danger.</p>
-<p> De ces cinq nations contre moi trop heureuses,</p>
-<p>J'envoie offrir la paix aux deux plus belliqueuses;</p>
-<p>Je traite avec chacune, et comme toutes deux</p>
-<p>De mon hymen offert ont accept les n&oelig;uds,<span class="dalign">60</span></p>
-<p>Des princesses qu'ensuite elles en font le gage</p>
-<p>L'une sera ma femme et l'autre mon otage.</p>
-<p>Si j'offense par l l'un des deux souverains,</p>
-<p>Il craindra pour sa s&oelig;ur qui reste entre mes mains.</p>
-<p>Ainsi je les tiendrai l'un et l'autre en contrainte,<span class="dalign">65</span></p>
-<p>L'un par mon alliance, et l'autre par la crainte;</p>
-<p>Ou si le malheureux s'obstine s'irriter,</p>
-<p>L'heureux en ma faveur saura lui rsister,</p>
-<p>Tant que de nos vainqueurs terrasss l'un par l'autre</p>
-<p>Les trnes branls tombent aux pieds du ntre.<span class="dalign">70</span></p>
-<p>Quant l'amour, apprends que mon plus doux souci</p>
-<p>N'est.... Mais Ardaric entre, et Valamir aussi.</p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, ARDARIC, VALAMIR, OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rois, amis d'Attila, soutiens de ma puissance,</p>
-<p>Qui rangez tant d'tats sous mon obissance,</p>
-<p>Et de qui les conseils, le grand c&oelig;ur et la main,<span class="dalign">75</span></p>
-<p>Me rendent formidable tout le genre humain,</p>
-<p>Vous voyez en mon camp les clatantes marques</p>
-<p>Que de ce vaste effroi nous donnent<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">&nbsp;[104]</a> deux monarques.</p>
-<p>En Gaule Mroue, Rome l'Empereur,</p>
-<p>Ont cru par mon hymen viter ma fureur. <span class="dalign">80</span></p>
-<p>La paix avec tous deux en mme temps traite</p>
-<p>Se trouve avec tous deux ce prix arrte;</p>
-<p>Et presque sur les pas de mes ambassadeurs</p>
-<p>Les leurs m'ont amen deux princesses leurs s&oelig;urs.</p>
-<p>Le choix m'en embarrasse, il est temps de le faire;<span class="dalign">85</span></p>
-<p>Depuis leur arrive en vain je le diffre:</p>
-<p>Il faut enfin rsoudre; et quel que soit ce choix,</p>
-<p>J'offense un empereur, ou le plus grand des rois.</p>
-<p class="i1"> Je le dis le plus grand, non qu'encor la victoire</p>
-<p>Ait port Mroue ce comble de gloire; <span class="dalign">90</span></p>
-<p>Mais si de nos devins l'oracle n'est point faux,</p>
-<p>Sa grandeur doit atteindre aux degrs les plus hauts;</p>
-<p>Et de ses successeurs l'empire inbranlable</p>
-<p>Sera de sicle en sicle enfin si redoutable,</p>
-<p>Qu'un jour toute la terre en recevra des lois,<span class="dalign">95</span></p>
-<p>Ou tremblera du moins au nom de leurs Franois.</p>
-<p class="i1"> Vous donc, qui connoissez de combien d'importance</p>
-<p>Est pour nos grands projets l'une et l'autre alliance,</p>
-<p>Prtez-moi des clarts pour bien voir aujourd'hui</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span></div>
-<p>De laquelle ils auront ou plus ou moins d'appui,<span class="dalign">100</span></p>
-<p>Qui des deux, honor par ces n&oelig;uds domestiques,</p>
-<p>Nous vengera le mieux des Champs catalauniques<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">&nbsp;[105]</a>;</p>
-<p>Et qui des deux enfin, dchu d'un tel espoir,</p>
-<p>Sera le plus craindre qui veut tout pouvoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En l'tat o le ciel a mis votre puissance, <span class="dalign">105</span></p>
-<p>Nous mettrions en vain les forces<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">&nbsp;[106]</a> en balance:</p>
-<p>Tout ce qu'on y peut voir ou de plus ou de moins</p>
-<p>Ne vaut pas amuser le moindre de vos soins.</p>
-<p>L'un et l'autre trait suffit pour nous instruire</p>
-<p>Qu'ils vous craignent tous deux et n'osent plus vous nuire. <span class="dalign">110</span></p>
-<p>Ainsi, sans perdre temps vous inquiter,</p>
-<p>Vous n'avez que vos yeux, Seigneur, consulter.</p>
-<p>Laissez aller ce choix du ct du mrite</p>
-<p>Pour qui, sur<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">&nbsp;[107]</a> leur rapport, l'amour vous sollicite:</p>
-<p>Croyez ce qu'avec eux votre c&oelig;ur rsoudra: <span class="dalign">115</span></p>
-<p>Et de ces potentats s'offense qui voudra.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour chez Attila n'est pas un bon suffrage;</p>
-<p>Ce qu'on m'en donneroit me tiendroit lieu d'outrage,</p>
-<p>Et tout exprs ailleurs je porterois ma foi,</p>
-<p>De peur qu'on n'et par l trop de pouvoir sur moi. <span class="dalign">120</span></p>
-<p>Les femmes qu'on adore usurpent un empire</p>
-<p>Que jamais un mari n'ose ou ne peut ddire.</p>
-<p>C'est au commun des rois se plaire en leurs fers,</p>
-<p>Non ceux dont le nom fait trembler l'univers.</p>
-<p>Que chacun de leurs yeux aime se faire esclave; <span class="dalign">125</span></p>
-<p>Moi, je ne veux les voir qu'en tyrans que je brave:</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span></p>
-<p>Et par quelques attraits qu'ils captivent un c&oelig;ur,</p>
-<p>Le mien en dpit d'eux est tout ma grandeur.</p>
-<p>Parlez donc seulement du choix le plus utile,</p>
-<p>Du courroux dompter ou plus ou moins facile; <span class="dalign">130</span></p>
-<p>Et ne me dites point que de chaque ct</p>
-<p>Vous voyez comme lui peu d'ingalit.</p>
-<p>En matire d'tat ne ft-ce qu'un atome,</p>
-<p>Sa perte quelquefois importe d'un royaume;</p>
-<p>Il n'est scrupule exact qu'il n'y faille garder,<span class="dalign">135</span></p>
-<p>Et le moindre avantage a droit de dcider.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, dans le penchant que prennent les affaires,</p>
-<p>Les grands discours ici ne sont pas ncessaires:</p>
-<p>Il ne faut que des yeux; et pour tout dcouvrir,</p>
-<p>Pour dcider de tout, on n'a qu' les ouvrir. <span class="dalign">140</span></p>
-<p class="i1"> Un grand destin commence, un grand destin s'achve:</p>
-<p>L'empire est prt choir, et la France s'lve;</p>
-<p>L'une peut avec elle affermir son appui,</p>
-<p>Et l'autre en trbuchant l'ensevelir sous lui.</p>
-<p>Vos devins vous l'ont dit; n'y mettez point d'obstacles, <span class="dalign">145</span></p>
-<p>Vous qui n'avez jamais dout de leurs oracles:</p>
-<p>Soutenir un tat chancelant et bris,</p>
-<p>C'est chercher par sa chute se voir cras.</p>
-<p>Appuyez donc la France, et laissez tomber Rome;</p>
-<p>Aux grands ordres du ciel prtez ceux d'un grand homme: <span class="dalign">150</span></p>
-<p>D'un si bel avenir avouez vos devins,</p>
-<p>Avancez les succs, et htez les destins.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, le ciel, par le choix de ces grands hymnes,</p>
-<p>A mis entre vos mains le cours des destines;</p>
-<p>Mais s'il est glorieux, Seigneur, de le hter,<span class="dalign">155</span></p>
-<p>Il l'est, et plus encor, de si bien l'arrter,</p>
-<p>Que la France, en dpit d'un infaillible augure,</p>
-<p>N'aille qu' pas tranants vers sa grandeur future.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span></div>
-<p>Et que l'aigle, accabl par ce destin nouveau,</p>
-<p>Ne puisse trbucher que sur votre tombeau. <span class="dalign">160</span></p>
-<p>Seroit-il gloire gale celle de suspendre</p>
-<p>Ce que ces deux tats du ciel doivent attendre,</p>
-<p>Et de vous faire voir aux plus savants devins</p>
-<p>Arbitre des succs et matre des destins?</p>
-<p>J'ose vous dire plus. Tout ce qu'ils vous prdisent,<span class="dalign">165</span></p>
-<p>Avec pleine clart dans le ciel ils le lisent;</p>
-<p>Mais vous assurent-ils que quelque astre jaloux</p>
-<p>N'ait point mis plus d'un sicle entre l'effet et vous?</p>
-<p>Ces clatants retours que font les destines</p>
-<p>Sont assez rarement l'&oelig;uvre de peu d'annes; <span class="dalign">170</span></p>
-<p>Et ce qu'on vous prdit touchant ces deux tats</p>
-<p>Peut tre un avenir qui ne vous touche pas.</p>
-<p>Cependant regardez ce qu'est encor l'empire:</p>
-<p>Il chancelle, il se brise, et chacun le dchire;</p>
-<p>De ses entrailles mme il produit des<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">&nbsp;[108]</a> tyrans; <span class="dalign">175</span></p>
-<p>Mais il peut encor plus que tous ses conqurants.</p>
-<p>Le moindre souvenir des Champs catalauniques</p>
-<p>En peut mettre vos yeux des preuves trop publiques:</p>
-<p>Singibar, Gondebaut, Mroue et Thierri<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">&nbsp;[109]</a>,</p>
-<p>L, sans Atius, tous quatre auroient pri. <span class="dalign">180</span></p>
-<p>Les Romains firent seuls cette grande journe:</p>
-<p>Unissez-les vous par un digne hymne.</p>
-<p>Puisque dj sans eux vous pouvez presque tout,</p>
-<p>Il n'est rien dont par eux vous ne veniez bout.</p>
-<p>Quand de ces nouveaux rois ils vous auront fait matre,<span class="dalign">185</span></p>
-<p>Vous verrez loisir de qui vous voudrez l'tre,</p>
-<p>Et rsoudrez vous seul avec tranquillit</p>
-<p>Si vous leur souffrirez encor l'galit.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'empire, je l'avoue, est encor quelque chose;</p>
-<p>Mais nous ne sommes plus au temps de Thodose; <span class="dalign">190</span></p>
-<p>Et comme dans sa race il ne revit pas bien,</p>
-<p>L'empire est quelque chose, et l'Empereur n'est rien.</p>
-<p>Ses deux fils<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">&nbsp;[110]</a> n'ont rempli les trnes des deux Romes</p>
-<p>Que d'idoles pompeux<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">&nbsp;[111]</a>, que d'ombres au lieu d'hommes.</p>
-<p>L'imbcile fiert de ces faux souverains, <span class="dalign">195</span></p>
-<p>Qui n'osoit son aide appeler des Romains<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">&nbsp;[112]</a>,</p>
-<p>Parmi des nations qu'ils traitoient de barbares</p>
-<p>Empruntoit pour rgner des personnes plus rares;</p>
-<p>Et d'un ct Gainas, de l'autre Stilicon,</p>
-<p>A ces deux majests ne laissant que le nom, <span class="dalign">200</span></p>
-<p>On voyoit dominer d'une hauteur gale</p>
-<p>Un Goth dans un empire, et dans l'autre un Vandale<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">&nbsp;[113]</a>.</p>
-<p>Comme de tous cts on s'en est indign,</p>
-<p>De tous cts aussi pour eux on a rgn.</p>
-<p>Le second Thodose<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">&nbsp;[114]</a> avoit pris leur modle: <span class="dalign">205</span></p>
-<p>Sa s&oelig;ur cinquante ans le tenoit en tutelle,</p>
-<p>Et fut, tant qu'il rgna, l'me de ce grand corps,</p>
-<p>Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts.</p>
-<p> Pour Valentinian<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">&nbsp;[115]</a>, tant qu'a vcu sa mre,</p>
-<p>Il a sembl rpondre ce grand caractre: <span class="dalign">210</span></p>
-<p>Il a paru rgner; mais on voit aujourd'hui</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span></div>
-<p>Qu'il rgnoit par sa mre, ou sa mre pour lui;</p>
-<p>Et depuis son trpas il a trop fait connotre</p>
-<p>Que s'il est empereur, Atius est matre;</p>
-<p>Et c'en seroit la s&oelig;ur qu'il faudroit obtenir, <span class="dalign">215</span></p>
-<p>Si jamais aux Romains vous vouliez vous unir:</p>
-<p>Au reste, un prince foible, envieux, mol, stupide,</p>
-<p>Qu'un heureux succs enfle, un douteux intimide,</p>
-<p>Qui pour unique emploi s'attache son plaisir,</p>
-<p>Et laisse le pouvoir qui s'en peut saisir. <span class="dalign">220</span></p>
-<p class="i1"> Mais le grand Mroue est un roi magnanime,</p>
-<p>Amoureux de la gloire, ardent aprs l'estime,</p>
-<p>Qui ne permet aux siens d'emploi ni de pouvoir,</p>
-<p>Qu'autant que par son ordre ils en doivent avoir.</p>
-<p>Il sait vaincre et rgner; et depuis sa victoire, <span class="dalign">225</span></p>
-<p>S'il a dj soumis et la Seine et la Loire,</p>
-<p>Quand vous voudrez aux siens joindre vos combattants,</p>
-<p>La Garomne et l'Arar<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">&nbsp;[116]</a> ne tiendront pas longtemps.</p>
-<p>Alors ces mmes champs, tmoins de notre honte,</p>
-<p>En verront la vengeance et plus haute et plus prompte;<span class="dalign">230</span></p>
-<p>Et pour glorieux prix d'avoir su nous venger,</p>
-<p>Vous aurez avec lui la Gaule partager,</p>
-<p>D'o vous ferez savoir toute l'Italie</p>
-<p>Qu'alors que<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">&nbsp;[117]</a> la prudence la valeur s'allie,</p>
-<p>Il n'est rien l'preuve, et qu'il est temps qu'enfin <span class="dalign">235</span></p>
-<p>Et du Tibre et du P vous fassiez le destin.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Prenez-en donc le droit des mains d'une princesse</p>
-<p>Qui l'apporte pour dot l'ardeur qui vous presse;</p>
-<p>Et paroissez plutt vous saisir de son bien,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span></div>
-<p>Qu'usurper des tats sur qui ne vous doit rien. <span class="dalign">240</span></p>
-<p>Sa mre eut tant de part la toute-puissance,</p>
-<p>Qu'elle fit l'empire associer Constance<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">&nbsp;[118]</a>;</p>
-<p>Et si ce mme empire a quelque attrait pour vous,</p>
-<p>La fille a mme droit en faveur d'un poux.</p>
-<p class="i1"> Allez, la force en main, demander ce partage <span class="dalign">245</span></p>
-<p>Que d'un pre mourant lui laissa le suffrage<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">&nbsp;[119]</a>:</p>
-<p>Sous ce prtexte heureux vous verrez des Romains</p>
-<p>Se dtacher de Rome, et vous tendre les mains.</p>
-<p>Atius n'est pas si matre qu'on veut croire:</p>
-<p>Il a jusque chez lui des jaloux de sa gloire; <span class="dalign">250</span></p>
-<p>Et vous aurez pour vous tous ceux qui dans le c&oelig;ur</p>
-<p>Sont mcontents du prince, ou las du gouverneur.</p>
-<p>Le dbris<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">&nbsp;[120]</a> de l'empire a de belles ruines:</p>
-<p>S'il n'a plus de hros, il a des hrones.</p>
-<p>Rome vous en offre une, et part ce dbris: <span class="dalign">255</span></p>
-<p>Pourriez-vous refuser votre main ce prix?</p>
-<p>Ildione n'apporte ici que sa personne:</p>
-<p>Sa dot ne peut s'tendre aux droits d'une couronne,</p>
-<p>Ses Francs n'admettent point de femme dominer;</p>
-<p>Mais les droits d'Honorie ont de quoi tout donner.<span class="dalign">260</span></p>
-<p>Attachez-les, Seigneur, vous, votre race;</p>
-<p>Du fameux Thodose assurez-vous la place:</p>
-<p>Rome adore la s&oelig;ur, le frre est sans pouvoir;</p>
-<p>On hait Atius: vous n'avez qu' vouloir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce comme il me faut tirer d'inquitude, <span class="dalign">265</span></p>
-<p>Que de plonger mon me en plus d'incertitude?</p>
-<p>Et pour vous prvaloir de mes perplexits,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span></div>
-<p>Choisissez-vous exprs ces contrarits?</p>
-<p>Plus j'entends raisonner, et moins on dtermine:</p>
-<p>Chacun dans sa pense galement s'obstine; <span class="dalign">270</span></p>
-<p>Et quand par vous<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">&nbsp;[121]</a> je cherche ne plus balancer,</p>
-<p>Vous cherchez l'un et l'autre mieux m'embarrasser!</p>
-<p>Je ne demande point de si diverses routes:</p>
-<p>Il me faut des clarts, et non de nouveaux doutes;</p>
-<p>Et quand je vous confie un sort tel que le mien, <span class="dalign">275</span></p>
-<p>C'est m'offenser tous deux que ne rsoudre rien<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor">&nbsp;[122]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, chacun de nous vous parle comme il pense,</p>
-<p>Chacun de ce grand choix vous fait voir l'importance;</p>
-<p>Mais nous ne sommes point jaloux de nos avis.</p>
-<p>Croyez-le, croyez-moi, nous en serons ravis; <span class="dalign">280</span></p>
-<p>Ils sont les purs effets d'une amiti fidle,</p>
-<p>De qui le zle ardent....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Unissez donc ce zle,</p>
-<p>Et ne me forcez point voir dans vos dbats</p>
-<p>Plus que je ne veux voir, et.... Je n'achve pas.</p>
-<p>Dites-moi seulement ce qui vous intresse <span class="dalign">285</span></p>
-<p>A protger ici l'une et l'autre princesse.</p>
-<p>Leurs frres vous ont-ils, force de prsents,</p>
-<p>Chacun de son ct rendus leurs partisans?</p>
-<p>Est-ce amiti pour l'une, est-ce haine pour l'autre,</p>
-<p>Qui forme auprs de moi son avis et le vtre?<span class="dalign">290</span></p>
-<p>Par quel dessein de plaire ou de vous agrandir....</p>
-<p>Mais derechef je veux ne rien approfondir,</p>
-<p>Et croire qu'o je suis on n'a pas tant d'audace.</p>
-<p>Vous, si vous vous aimez, faites-vous une grce:</p>
-<p>Accordez-vous ensemble, et ne contestez plus,<span class="dalign">295</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span></div>
-<p>Ou de l'une des deux mnagez un refus,</p>
-<p>Afin que nous puissions en cette conjoncture</p>
-<p>A son aversion imputer la rupture.</p>
-<p>Employez-y tous deux ce zle et cette ardeur</p>
-<p>Que vous dites avoir tous deux pour ma grandeur:<span class="dalign">300</span></p>
-<p>J'en croirai les efforts qu'on fera pour me plaire,</p>
-<p>Et veux bien jusque-l suspendre ma colre.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En serons-nous toujours les malheureux objets?</p>
-<p>Et verrons-nous toujours qu'il nous traite en sujets?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Fermons les yeux, Seigneur, sur de telles disgrces: <span class="dalign">305</span></p>
-<p>Le ciel en doit un jour effacer jusqu'aux traces;</p>
-<p>Mes devins me l'ont dit; et s'il en est besoin,</p>
-<p>Je dirai que ce jour peut-tre n'est pas loin:</p>
-<p>Ils en ont, disent-ils, un assur prsage.</p>
-<p>Je vous confierai plus: ils m'ont dit davantage, <span class="dalign">310</span></p>
-<p>Et qu'un Thodoric qui doit sortir de moi</p>
-<p>Commandera dans Rome, et s'en fera le roi<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor">&nbsp;[123]</a>;</p>
-<p>Et c'est ce qui m'oblige parler pour la France,</p>
-<p>A presser Attila d'en choisir l'alliance,</p>
-<p>D'pouser Ildione, afin que par ce choix <span class="dalign">315</span></p>
-<p>Il laisse mon hymen Honorie et ses droits.</p>
-<p class="i1"> Ne vous opposez plus aux grandeurs d'Ildione,</p>
-<p>Souffrez en ma faveur qu'elle monte ce trne;</p>
-<p>Et si jamais pour vous je puis en faire autant....</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous le pouvez, Seigneur, et ds ce mme instant.<span class="dalign">320</span></p>
-<p>Souffrez qu' votre exemple en deux mots je m'explique.</p>
-<p>Vous aimez; mais ce n'est qu'un amour politique;</p>
-<p>Et puisque je vous dois confidence mon tour,</p>
-<p>J'ai pour l'autre princesse un vritable amour;</p>
-<p>Et c'est ce qui m'oblige parler pour l'empire, <span class="dalign">325</span></p>
-<p>Afin qu'on m'abandonne un objet o j'aspire.</p>
-<p class="i1"> Une troite amiti l'un l'autre nous joint;</p>
-<p>Mais enfin nos dsirs ne compatissent point.</p>
-<p>Voyons qui se doit vaincre, et s'il faut que mon me</p>
-<p>A votre ambition immole cette flamme; <span class="dalign">330</span></p>
-<p>Ou s'il n'est point plus beau que votre ambition</p>
-<p>Elle-mme s'immole cette passion.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce seroit pour mon c&oelig;ur un cruel sacrifice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<span class="i5 small1">ARDARIC.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et l'autre pour le mien seroit un dur supplice.</p>
-<p>Vous aime-t-on?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Du moins j'ai lieu de m'en flatter. <span class="dalign">335</span></p>
-<p>Et vous, Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Du moins on me daigne couter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'un mutuel amour est un triste avantage,</p>
-<p>Quand ce que nous aimons d'un autre est le partage!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cependant le tyran prendra pour attentat</p>
-<p>Cet amour qui fait seul tant de raisons d'tat. <span class="dalign">340</span></p>
-<p>Nous n'avons que trop vu jusqu'o va sa colre,</p>
-<p>Qui n'a pas pargn le sang mme d'un frre<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor">&nbsp;[124]</a>,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span></div>
-<p>Et combien aprs lui de rois ses allis</p>
-<p>A son orgueil barbare il a sacrifis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les peuples qui suivoient ces illustres victimes<span class="dalign">345</span></p>
-<p>Suivent encor sous lui l'impunit des crimes;</p>
-<p>Et ce ravage affreux qu'il permet aux soldats</p>
-<p>Lui gagne tant de c&oelig;urs, lui donne tant de bras,</p>
-<p>Que nos propres sujets sortis de nos provinces</p>
-<p>Sont en dpit de nous plus lui qu' leurs princes. <span class="dalign">350</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il semble ses discours dj nous souponner,</p>
-<p>Et ce sont des soupons qu'il nous faut dtourner.</p>
-<p>A ce refus qu'il veut disposons ma princesse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour y porter la mienne il faudra peu d'adresse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous persuadez, quel malheur est le mien! <span class="dalign">355</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et si l'on vous en croit, puis-je esprer plus rien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! que ne pouvons-nous tre heureux l'un et l'autre!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! que n'est mon bonheur plus compatible au vtre!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons des deux cts chacun faire un effort.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons, et du succs laissons-en faire au sort. <span class="dalign">360</span></p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i5">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE II.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">HONORIE, FLAVIE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne m'en dfends point: oui, Madame, Octar m'aime;</p>
-<p>Tout ce que je vous dis, je l'ai su de lui-mme.</p>
-<p>Ils sont rois, mais c'est tout: ce titre sans pouvoir</p>
-<p>N'a rien presque en tous deux de ce qu'il doit avoir;</p>
-<p>Et le fier Attila chaque jour fait connotre <span class="dalign">365</span></p>
-<p>Que s'il n'est pas leur roi, du moins il est leur matre,</p>
-<p>Et qu'ils n'ont en sa cour le rang de ses amis</p>
-<p>Qu'autant qu' son orgueil ils s'y montrent soumis.</p>
-<p>Tous deux ont grand mrite, et tous deux grand courage;</p>
-<p>Mais ils sont, vrai dire, ici comme en otage, <span class="dalign">370</span></p>
-<p>Tandis que leurs soldats en des camps loigns</p>
-<p>Prennent l'ordre sous lui de gens qu'il a gagns;</p>
-<p>Et si de le servir leurs troupes n'toient prtes,</p>
-<p>Ces rois, tous rois qu'ils sont, rpondroient de leurs ttes.</p>
-<p class="i1"> Son frre an Vlda, plus rempli d'quit, <span class="dalign">375</span></p>
-<p>Les traitoit malgr lui d'entire galit;</p>
-<p>Il n'a pu le souffrir, et sa jalouse envie,</p>
-<p>Pour n'avoir plus d'gaux, s'est immol sa vie<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor">&nbsp;[125]</a>.</p>
-<p>Le sang qu'aprs avoir mis ce prince au tombeau,</p>
-<p>On lui voit chaque jour distiller du cerveau<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor">&nbsp;[126]</a>, <span class="dalign">380</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span></div>
-<p>Punit son parricide, et chaque jour vient faire</p>
-<p>Un tribut tonnant celui de ce frre:</p>
-<p>Suivant mme qu'il a plus ou moins de courroux,</p>
-<p>Ce sang forme un supplice ou plus rude ou plus doux,</p>
-<p>S'ouvre une plus fconde ou plus strile veine;<span class="dalign">385</span></p>
-<p>Et chaque emportement porte avec lui sa peine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que me sert donc qu'on m'aime, et pourquoi m'engager</p>
-<p>A souffrir un amour qui ne peut me venger?</p>
-<p>L'insolent Attila me donne une rivale;</p>
-<p>Par ce choix qu'il balance il la fait mon gale; <span class="dalign">390</span></p>
-<p>Et quand pour l'en punir je crois prendre un grand roi,</p>
-<p>Je ne prends qu'un grand nom qui ne peut rien pour moi.</p>
-<p>Juge que de chagrins au c&oelig;ur d'une princesse</p>
-<p>Qui hait galement l'orgueil et la foiblesse;</p>
-<p>Et de quel &oelig;il je puis regarder un amant <span class="dalign">395</span></p>
-<p>Qui n'aura que piti de mon ressentiment,</p>
-<p>Qui ne saura qu'aimer, et dont tout le service</p>
-<p>Ne m'assure aucun bras me faire justice.</p>
-<p class="i1"> Jusqu' Rome Attila m'envoie offrir sa foi<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor">&nbsp;[127]</a>,</p>
-<p>Pour douter dans son camp entre Ildione et moi.<span class="dalign">400</span></p>
-<p>Hlas! Flavie, hlas! si ce doute m'offense,</p>
-<p>Que doit faire une indigne et haute prfrence?</p>
-<p>Et n'est-ce pas alors le dernier des malheurs</p>
-<p>Qu'un clat impuissant d'inutiles douleurs?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Prvenez-le, Madame; et montrez sa honte <span class="dalign">405</span></p>
-<p>Combien de tant d'orgueil vous faites peu de conte<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor">&nbsp;[128]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La bravade est aise, un mot est bientt dit:</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span></p>
-<p>Mais o fuir un tyran que la bravade aigrit?</p>
-<p>Retournerai-je Rome, o j'ai laiss mon frre</p>
-<p>Enflamm contre moi de haine et de colre,<span class="dalign">410</span></p>
-<p>Et qui, sans la terreur d'un nom si redout,</p>
-<p>Jamais n'et mis de borne ma captivit?</p>
-<p>Moi qui prtends pour dot la moiti de l'empire....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce seroit d'un malheur vous jeter dans un pire<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor">&nbsp;[129]</a>.</p>
-<p>Ne vous emportez pas contre vous jusque-l: <span class="dalign">415</span></p>
-<p>Il est d'autres moyens de braver Attila.</p>
-<p>pousez Valamir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Est-ce comme on le brave</p>
-<p>Que d'pouser un roi dont il fait son esclave?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais vous l'aimez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Eh bien! si j'aime Valamir,</p>
-<p>Je ne veux point de rois qu'on force d'obir; <span class="dalign">420</span></p>
-<p>Et si tu me dis vrai, quelque rang que je tienne,</p>
-<p>Cet hymen pourrait tre et sa perte et la mienne.</p>
-<p>Mais je veux qu'Attila, press d'un autre amour,</p>
-<p>Endure un tel insulte<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor">&nbsp;[130]</a> au milieu de sa cour:</p>
-<p>Ildione par l me verroit sa suite; <span class="dalign">425</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span></div>
-<p>A de honteux respects je m'y verrois rduite;</p>
-<p>Et le sang des Csars, qu'on adora toujours,</p>
-<p>Feroit hommage au sang d'un roi de quatre jours!</p>
-<p>Dis-le-moi toutefois: pencheroit-il vers elle?</p>
-<p>Que t'en a dit Octar?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Qu'il la trouve assez belle,<span class="dalign">430</span></p>
-<p>Qu'il en parle avec joie, et fuit lui parler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il me parle, et s'il faut ne rien dissimuler,</p>
-<p>Ses discours me font voir du respect, de l'estime,</p>
-<p>Et mme quelque amour, sans que le nom s'exprime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est un peu plus qu' l'autre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Et peut-tre bien moins.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? ce qu' l'viter il apporte de soins....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre il ne la fuit que de peur de se rendre;</p>
-<p>Et s'il ne me fuit pas, il sait mieux s'en dfendre.</p>
-<p>Oui, sans doute, il la craint, et toute sa fiert</p>
-<p>Mnage, pour choisir, un peu de libert. <span class="dalign">440</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais laquelle des deux voulez-vous qu'il choisisse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mon me des deux parts attend mme supplice:</p>
-<p>Ainsi que mon amour, ma gloire a ses appas;</p>
-<p>Je meurs s'il me choisit, ou ne me choisit pas;</p>
-<p>Et.... Mais Valamir entre, et sa vue en mon me <span class="dalign">445</span></p>
-<p>Fait trembler mon orgueil, enorgueillit ma flamme.</p>
-<p>Flavie, il peut sur moi bien plus que je ne veux:</p>
-<p>Pour peu que je l'coute, il aura tous mes v&oelig;ux.</p>
-<p>Dis-lui.... mais il vaut mieux faire effort sur moi-mme.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">VALAMIR, HONORIE, FLAVIE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le savez-vous, Seigneur, comment je veux qu'on m'aime?</p>
-<p>Et puisque jusqu' moi vous portez vos souhaits,</p>
-<p>Avez-vous su connotre quel prix je me mets?</p>
-<p>Je parle avec franchise, et ne veux point vous taire</p>
-<p>Que vos soins me plairoient, s'il ne falloit que plaire;</p>
-<p>Mais quand cent et cent fois ils seroient mieux reus,<span class="dalign">455</span></p>
-<p>Il faut pour m'obtenir quelque chose de plus.</p>
-<p class="i1"> Attila m'est promis, j'en ai sa foi pour gage;</p>
-<p>La princesse des Francs prtend mme avantage;</p>
-<p>Et bien que sur le choix il semble hsiter<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor">&nbsp;[131]</a>,</p>
-<p>tant ce que je suis j'aurois tort d'en douter.<span class="dalign">460</span></p>
-<p>Mais qui promet deux outrage l'une et l'autre<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor">&nbsp;[132]</a>.</p>
-<p>J'ai du c&oelig;ur, on m'offense, examinez le vtre.</p>
-<p>Pourrez-vous m'en venger, pourrez-vous l'en punir?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'est-ce que par le sang qu'on peut vous obtenir?</p>
-<p>Et faut-il que ma flamme ce grand c&oelig;ur rponde <span class="dalign">465</span></p>
-<p>Par un assassinat du plus grand roi du monde,</p>
-<p>D'un roi que vous avez souhait pour poux?</p>
-<p>Ne sauroit-on sans crime tre digne de vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, je ne vous dis pas qu'aux dpens de sa tte</p>
-<p>Vous vous fassiez aimer, et payiez ma conqute. <span class="dalign">470</span></p>
-<p>De l'aimable faon qu'il vous traite aujourd'hui</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span></div>
-<p>Il a trop mrit ces tendresses pour lui;</p>
-<p>D'ailleurs, s'il faut qu'on l'aime, il est bon qu'on le craigne.</p>
-<p>Mais c'est cet Attila qu'il faut que je ddaigne.</p>
-<p>Pourrez-vous hautement me tirer de ses mains, <span class="dalign">475</span></p>
-<p>Et braver avec moi le plus fier des humains?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'en est pas besoin, Madame: il vous respecte,</p>
-<p>Et bien que sa fiert vous puisse tre suspecte,</p>
-<p>A vos moindres froideurs, vos moindres dgots,</p>
-<p>Je sais que ses respects me donneroient vous.<span class="dalign">480</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que j'estime assez peu le sang de Thodose</p>
-<p>Pour souffrir qu'en moi-mme un tyran en dispose,</p>
-<p>Qu'une main qu'il me doit me choisisse un mari,</p>
-<p>Et me prsente un roi comme son favori!</p>
-<p>Pour peu que vous m'aimiez, Seigneur, vous devez croire</p>
-<p>Que rien ne m'est sensible l'gal de ma gloire.</p>
-<p>Rgnez comme Attila, je vous prfre lui;</p>
-<p>Mais point d'poux qui n'ose en ddaigner l'appui,</p>
-<p>Point d'poux qui m'abaisse au rang de ses sujettes.</p>
-<p>Enfin, je veux un roi: regardez si vous l'tes;<span class="dalign">490</span></p>
-<p>Et quoi que sur mon c&oelig;ur vous ayez d'ascendant,</p>
-<p>Sachez qu'il n'aimera qu'un prince indpendant.</p>
-<p>Voyez quoi, Seigneur, on connot les monarques:</p>
-<p>Ne m'offrez plus de v&oelig;ux qui n'en portent les marques;</p>
-<p>Et soyez satisfait qu'on vous daigne assurer<span class="dalign">495</span></p>
-<p>Qu' tous les rois ce c&oelig;ur voudroit vous prfrer.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">VALAMIR, FLAVIE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quelle hauteur, Flavie, et que faut-il qu'espre</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span></div>
-<p>Un roi dont tous les v&oelig;ux....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Seigneur, laissez-la faire:</p>
-<p>L'amour sera le matre; et la mme hauteur</p>
-<p>Qui vous dispute ici l'empire de son c&oelig;ur,<span class="dalign">500</span></p>
-<p>Vous donne en mme temps le secours de la haine</p>
-<p>Pour triompher bientt de la fiert romaine.</p>
-<p>L'orgueil qui vous ddaigne en dpit de ses feux</p>
-<p>Fait har Attila de se promettre deux;</p>
-<p>Non que cette fiert n'en soit assez jalouse <span class="dalign">505</span></p>
-<p>Pour ne pouvoir souffrir qu'Ildione l'pouse:</p>
-<p>A son frre, ses Francs faites-la renvoyer,</p>
-<p>Vous verrez tout ce c&oelig;ur soudain se dployer,</p>
-<p>Suivre ce qui lui plat, braver ce qui l'irrite,</p>
-<p>Et livrer hautement la victoire au mrite.<span class="dalign">510</span></p>
-<p>Ne vous rebutez point d'un peu d'emportement:</p>
-<p>Quelquefois malgr nous il vient un bon moment.</p>
-<p>L'amour fait des heureux lorsque moins on y pense;</p>
-<p>Et je ne vous dis rien sans beaucoup d'apparence.</p>
-<p>Ardaric vous apporte un entretien plus doux.<span class="dalign">515</span></p>
-<p>Adieu: comme le c&oelig;ur, le temps sera pour vous.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'avez-vous obtenu, Seigneur, de la Princesse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Beaucoup, et rien: j'ai vu pour moi quelque tendresse;</p>
-<p>Mais elle sait d'ailleurs si bien ce qu'elle vaut,</p>
-<p>Que si celle des Francs a le c&oelig;ur aussi haut, <span class="dalign">520</span></p>
-<p>Si c'est mme prix, Seigneur, qu'elle se donne,</p>
-<p>Vous lui pourrez longtemps offrir votre couronne.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span></div>
-<p>Mon rival est ha, je n'en saurois douter;</p>
-<p>Tout le c&oelig;ur est moi, j'ai lieu de m'en vanter;</p>
-<p>Au reste des mortels je sais qu'on me prfre, <span class="dalign">525</span></p>
-<p>Et ne sais toutefois ce qu'il faut que j'espre.</p>
-<p class="i1"> Voyez votre Ildione; et puissiez-vous, Seigneur,</p>
-<p>Y trouver plus de jour lire dans son c&oelig;ur,</p>
-<p>Une me plus tourne remplir votre attente,</p>
-<p>Un esprit plus facile! Octar sort de sa tente. <span class="dalign">530</span></p>
-<p>Adieu.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">ARDARIC, OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i3"> Pourrai-je voir la Princesse mon tour?</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, moins qu'il vous plaise attendre son retour;</p>
-<p>Mais, ce que ses gens, Seigneur, m'ont fait entendre,</p>
-<p>Vous n'avez en ce lieu qu'un moment l'attendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dites-moi cependant: vous ftes prisonnier<span class="dalign">535</span></p>
-<p>Du roi des Francs, son frre, en ce combat dernier?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le dsordre, Seigneur, des Champs catalauniques</p>
-<p>Me donna peu de part aux disgrces publiques.</p>
-<p>Si j'y fus prisonnier de ce roi gnreux,</p>
-<p>Il me fit dans sa cour un sort assez heureux:<span class="dalign">540</span></p>
-<p>Ma prison y fut libre; et j'y trouvai sans cesse</p>
-<p>Une bont si rare au c&oelig;ur de la Princesse,</p>
-<p>Que de retour ici je pense lui devoir</p>
-<p>Les plus sacrs respects qu'un sujet puisse avoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'un monarque est heureux lorsque le ciel lui donne</p>
-<p>La main d'une si belle et si rare personne!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous savez toutefois qu'Attila ne l'est pas,</p>
-<p>Et combien son trop d'heur lui cause d'embarras.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! puisqu'il a des yeux, sans doute il la prfre.</p>
-<p>Mais vous vous louez fort aussi du roi son frre.<span class="dalign">550</span></p>
-<p>Ne me dguisez rien: a-t-il des qualits</p>
-<p>A se faire admirer ainsi de tous cts?</p>
-<p>Est-ce une vrit que ce que j'entends dire,</p>
-<p>Ou si c'est sans raison que l'univers l'admire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne sais pas, Seigneur, ce qu'on vous en a dit<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor">&nbsp;[133]</a>;<span class="dalign">555</span></p>
-<p>Mais si pour l'admirer ce que j'ai vu suffit,</p>
-<p>Je l'ai vu dans la paix, je l'ai vu dans la guerre,</p>
-<p>Porter partout un front de matre de la terre.</p>
-<p>J'ai vu plus d'une fois de fires nations</p>
-<p>Dsarmer son courroux par leurs soumissions<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor">&nbsp;[134]</a>.<span class="dalign">560</span></p>
-<p>J'ai vu tous les plaisirs de son me hroque</p>
-<p>N'avoir rien que d'auguste et que de magnifique;</p>
-<p>Et ses illustres soins ouvrir ses sujets</p>
-<p>L'cole de la guerre au milieu de la paix<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor">&nbsp;[135]</a>.</p>
-<p>Par ces dlassements sa noble inquitude <span class="dalign">565</span></p>
-<p>De ses justes desseins faisoit l'heureux prlude;</p>
-<p>Et si j'ose le dire, il doit nous tre doux</p>
-<p>Que ce hros les tourne ailleurs que contre nous.</p>
-<p>Je l'ai vu, tout couvert de poudre et de fume,</p>
-<p>Donner le grand exemple toute son arme<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor">&nbsp;[136]</a>,<span class="dalign">570</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span></div>
-<p>Semer par ses prils l'effroi de toutes parts,</p>
-<p>Bouleverser les murs d'un seul de ses regards,</p>
-<p>Et sur l'orgueil bris des plus superbes ttes</p>
-<p>De sa course rapide entasser les conqutes<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor">&nbsp;[137]</a>.</p>
-<p>Ne me commandez point de peindre un si grand roi:<span class="dalign">575</span></p>
-<p>Ce que j'en ai vu passe un homme tel que moi;</p>
-<p>Mais je ne puis, Seigneur, m'empcher de vous dire</p>
-<p>Combien son jeune prince est digne qu'on l'admire.</p>
-<p class="i1"> Il montre un c&oelig;ur si haut sous un front dlicat</p>
-<p>Que dans son premier lustre il est dj soldat: <span class="dalign">580</span></p>
-<p>Le corps attend les ans, mais l'me est toute prte.</p>
-<p>D'un gros de cavaliers il se met la tte,</p>
-<p>Et l'pe la main, anime l'escadron</p>
-<p>Qu'enorgueillit l'honneur de marcher sous son nom.</p>
-<p>Tout ce qu'a d'clatant la majest du pre,<span class="dalign">585</span></p>
-<p>Tout ce qu'ont de charmant les grces de la mre,</p>
-<p>Tout brille sur ce front, dont l'aimable fiert</p>
-<p>Porte empreints et ce charme et cette majest<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor">&nbsp;[138]</a>.</p>
-<p>L'amour et le respect qu'un si jeune mrite....</p>
-<p>Mais la Princesse vient, Seigneur, et je vous quitte. <span class="dalign">590</span></p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">ARDARIC, ILDIONE.</p>
-</div>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On vous a consult, Seigneur; m'apprendrez-vous</p>
-<p>Comment votre Attila dispose enfin de nous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Comment disposez-vous vous-mme de mon me?</p>
-<p>Attila va choisir; il faut parler, Madame:</p>
-<p>Si son choix est pour vous, que ferez-vous pour moi?<span class="dalign">595</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout ce que peut un c&oelig;ur qu'engage ailleurs ma foi.</p>
-<p>C'est devers vous qu'il penche; et si je ne vous aime,</p>
-<p>Je vous plaindrai du moins l'gal de moi-mme:</p>
-<p>J'aurai mmes ennuis, j'aurai mmes douleurs;</p>
-<p>Mais je n'oublierai point que je me dois ailleurs. <span class="dalign">600</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cette foi que peut-tre on est prs de vous rendre,</p>
-<p>Si vous aviez du c&oelig;ur, vous sauriez la reprendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en ai, s'il faut me vaincre, autant qu'on peut avoir,</p>
-<p>Et n'en aurai jamais pour vaincre mon devoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais qui s'engage deux dgage l'une et l'autre<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor">&nbsp;[139].</a> <span class="dalign">605</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce seroit ma pense aussi bien que la vtre;</p>
-<p>Et si je n'tois pas, Seigneur, ce que je suis,</p>
-<p>J'en prendrois quelque droit de finir mes ennuis;</p>
-<p>Mais l'esclavage fier d'une haute naissance,</p>
-<p>O toute autre peut tout, me tient dans l'impuissance; <span class="dalign">610</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span></div>
-<p>Et victime d'tat, je dois sans reculer</p>
-<p>Attendre aveuglment qu'on me daigne immoler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Attendre qu'Attila, l'objet de votre haine,</p>
-<p>Daigne vous immoler la fiert romaine?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'un pareil sacrifice auroit pour moi d'appas! <span class="dalign">615</span></p>
-<p>Et que je souffrirai s'il ne s'y rsout pas!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'il seroit glorieux de le faire vous-mme,</p>
-<p>D'en pargner la honte votre diadme!</p>
-<p>J'entends celui des Francs, qu'au lieu de maintenir....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est mon frre alors de venger et punir; <span class="dalign">620</span></p>
-<p>Mais ce n'est point moi de rompre une alliance</p>
-<p>Dont il vient d'attacher vos Huns avec sa France,</p>
-<p>Et me faire par l du gage de la paix</p>
-<p>Le flambeau d'une guerre ne finir jamais.</p>
-<p>Il faut qu'Attila parle; et puisse tre Honorie <span class="dalign">625</span></p>
-<p>La plus considre, ou moi la moins chrie!</p>
-<p>Puisse-t-il se rsoudre me manquer de foi!</p>
-<p>C'est tout ce que je puis et pour vous et pour moi.</p>
-<p>S'il vous faut des souhaits, je n'en suis point avare;</p>
-<p>S'il vous faut des regrets, tout mon c&oelig;ur s'y prpare,<span class="dalign">630</span></p>
-Et veut bien....
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Que feront d'inutiles souhaits</p>
-<p>Que laisser tous deux d'inutiles regrets?</p>
-<p>Pouvez-vous esprer qu'Attila vous ddaigne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rome est encor puissante, il se peut qu'il la craigne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A moins que pour appui Rome n'ait vos froideurs, <span class="dalign">635</span></p>
-<p>Vos yeux l'emporteront sur toutes ses grandeurs:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span></div>
-<p>Je le sens en moi-mme, et ne vois point d'empire</p>
-<p>Qu'en mon c&oelig;ur d'un regard ils ne puissent dtruire.</p>
-<p>Armez-les de rigueurs, Madame, et par piti</p>
-<p>D'un charme si funeste tez-leur la moiti: <span class="dalign">640</span></p>
-<p>C'en sera trop encore, et pour peu qu'ils clatent,</p>
-<p>Il n'est aucun espoir dont mes dsirs se flattent.</p>
-<p>Faites donc davantage: allez jusqu'au refus,</p>
-<p>Ou croyez qu'Ardaric dj n'espre plus,</p>
-<p>Qu'il ne vit dj plus, et que votre hymne <span class="dalign">645</span></p>
-<p>A dj par vos mains tranch sa destine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ai-je si peu de part en de tels dplaisirs,</p>
-<p>Que pour m'y voir en prendre il faille vos soupirs?</p>
-<p>Me voulez-vous forcer la honte des larmes?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si contre tant de maux vous m'enviez leurs charmes, <span class="dalign">650</span></p>
-<p>Faites quelque autre grce mes sens alarms,</p>
-<p>Madame, et pour le moins dites que vous m'aimez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne vouloir pas m'en croire moins d'un mot si rude,</p>
-<p>C'est pour une belle me un peu d'ingratitude.</p>
-<p>De quelques traits pour vous que mon c&oelig;ur soit frapp, <span class="dalign">655</span></p>
-<p>Ce grand mot jusqu'ici ne m'est point chapp;</p>
-<p>Mais har un rival, endurer d'tre aime,</p>
-<p>Comme vous de ce choix avoir l'me alarme,</p>
-<p>A votre espoir flottant donner tous mes souhaits,</p>
-<p>A votre espoir du donner tous mes regrets, <span class="dalign">660</span></p>
-<p>N'est-ce point dire trop ce qui sied mal dire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais vous pouserez Attila.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> J'en soupire,</p>
-<p>Et mon c&oelig;ur....</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Que fait-il, ce c&oelig;ur, que m'abuser,</p>
-<p>Si, mme en n'osant rien, il craint de trop oser?</p>
-<p>Non, si vous en aviez, vous sauriez la reprendre,<span class="dalign">665</span></p>
-<p>Cette foi que peut-tre on est prt<a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor">&nbsp;[140]</a> de vous rendre.</p>
-<p>Je ne m'en ddis point, et ma juste douleur</p>
-<p>Ne peut vous dire assez que vous manquez de c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il faut donc qu'avec vous tout fait je m'explique.</p>
-<p>coutez, et surtout, Seigneur, plus de rplique.<span class="dalign">670</span></p>
-<p class="i1"> Je vous aime: ce mot me cote prononcer;</p>
-<p>Mais puisqu'il vous plat tant, je veux bien m'y forcer.</p>
-<p>Permettez toutefois que je vous die<a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor">&nbsp;[141]</a> encore</p>
-<p>Que si votre Attila de ce grand choix m'honore,</p>
-<p>Je recevrai sa main d'un &oelig;il aussi content <span class="dalign">675</span></p>
-<p>Que si je me donnois ce que mon c&oelig;ur prtend:</p>
-<p>Non que de son amour je ne prenne un tel gage</p>
-<p>Pour le dernier supplice et le dernier outrage,</p>
-<p>Et que le dur effort d'un si cruel moment</p>
-<p>Ne redouble ma haine et mon ressentiment;<span class="dalign">680</span></p>
-<p>Mais enfin mon devoir veut une dfrence</p>
-<p>O mme il ne souponne aucune rpugnance.</p>
-<p class="i1"> Je l'pouserai donc, et rserve pour moi</p>
-<p>La gloire de rpondre ce que je me doi.</p>
-<p>J'ai ma part, comme un autre, la haine publique<span class="dalign">685</span></p>
-<p>Qu'aime semer partout son orgueil tyrannique;</p>
-<p>Et le hais d'autant plus, que son ambition</p>
-<p>A voulu s'asservir toute ma nation;</p>
-<p>Qu'en dpit des traits et de tout leur mystre</p>
-<p>Un tyran qui dj s'est immol son frre,<span class="dalign">690</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span></div>
-<p>Si jamais sa fureur ne redoutoit plus rien,</p>
-<p>Auroit peut-tre peine faire grce au mien.</p>
-<p>Si donc ce triste choix m'arrache ce que j'aime,</p>
-<p>S'il me livre l'horreur qu'il me fait de lui-mme,</p>
-<p>S'il m'attache la main qui veut tout saccager, <span class="dalign">695</span></p>
-<p>Voyez que d'intrts, que de maux venger!</p>
-<p>Mon amour, et ma haine, et la cause commune</p>
-<p>Crieront la vengeance, en voudront trois pour une;</p>
-<p>Et comme j'aurai lors sa vie entre mes mains,</p>
-<p>Il a lieu de me craindre autant que je vous plains. <span class="dalign">700</span></p>
-<p>Assez d'autres tyrans ont pri par leurs femmes:</p>
-<p>Cette gloire aisment touche les grandes mes,</p>
-<p>Et de ce mme coup qui brisera mes fers,</p>
-<p>Il est beau que ma main venge tout l'univers<a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor">&nbsp;[142]</a>.</p>
-<p class="i1"> Voil quelle je suis, voil ce que je pense, <span class="dalign">705</span></p>
-<p>Voil ce que l'amour prpare qui l'offense.</p>
-<p>Vous, faites-moi justice; et songez mieux, Seigneur,</p>
-<p>S'il faut me dire encor que je manque de c&oelig;ur.</p>
-<p class="stagedir">(Elle s'en va<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor">&nbsp;[143]</a>.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous prserve le ciel de l'preuve cruelle</p>
-<p>O veut un c&oelig;ur si grand mettre une me si belle!<span class="dalign">710</span></p>
-<p>Et puisse Attila prendre un esprit assez doux</p>
-<p>Pour vouloir qu'on vous doive autant lui qu' vous!</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE III.</h2>
-<hr class="deco" /></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Octar, as-tu pris soin de redoubler ma garde?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, Seigneur, et dj chacun s'entre-regarde,</p>
-<p>S'entre-demande quoi ces ordres que j'ai mis.... <span class="dalign">715</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand on a deux rivaux, manque-t-on d'ennemis?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais, Seigneur, jusqu'ici vous en doutez encore.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et pour bien claircir ce qu'en effet j'ignore,</p>
-<p>Je me mets couvert de ce que de plus noir</p>
-<p>Inspire leurs pareils l'amour au dsespoir;<span class="dalign">720</span></p>
-<p>Et ne laissant pour arme leur douleur pressante</p>
-<p>Qu'une haine sans force, une rage impuissante,</p>
-<p>Je m'assure un triomphe en ce glorieux jour</p>
-<p>Sur leurs ressentiments, comme sur leur amour.</p>
-<p>Qu'en disent nos deux rois?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Leurs mes, alarmes<span class="dalign">725</span></p>
-<p>De voir par ce renfort leurs tentes enfermes,</p>
-<p>Affectent de montrer une tranquillit....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De leur tente la mienne ils ont la libert.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, mais seuls, et sans suite; et quant aux deux princesses,</p>
-<p>Que de leurs actions on laisse encor matresses, <span class="dalign">730</span></p>
-<p>On ne permet d'entrer chez elles qu' leurs gens;</p>
-<p>Et j'en bannis par l ces rois et leurs agents.</p>
-<p>N'en ayez plus, Seigneur, aucune inquitude:</p>
-<p>Je les fais observer avec exactitude;</p>
-<p>Et de quelque ct qu'elles tournent leurs pas, <span class="dalign">735</span></p>
-<p>J'ai des yeux tous<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor">&nbsp;[144]</a> placs qui ne les manquent pas:</p>
-<p>On vous rendra bon compte et des deux rois et d'elles.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il suffit sur ce point: apprends d'autres nouvelles.</p>
-<p>Ce grand chef des Romains, l'illustre Atius,</p>
-<p>Le seul que je craignois, Octar, il ne vit plus. <span class="dalign">740</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui vous en a dfait?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Valentinian mme.</p>
-<p>Craignant qu'il n'usurpt jusqu' son diadme,</p>
-<p>Et press des soupons o j'ai su l'engager,</p>
-<p>Lui-mme, ses yeux mme, il l'a fait gorger<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor">&nbsp;[145]</a>.</p>
-<p>Rome perd en lui seul plus de quatre batailles:<span class="dalign">745</span></p>
-<p>Je me vois l'accs libre au pied de ses murailles;</p>
-<p>Et si j'y fais parotre Honorie et ses droits,</p>
-<p>Contre un tel empereur j'aurai toutes les voix:</p>
-<p>Tant l'effroi de mon nom, et la haine publique</p>
-<p>Qu'attire sur sa tte une mort si tragique,<span class="dalign">750</span></p>
-<p>Sauront faire aisment, sans en venir aux mains,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span></div>
-<p>De l'poux d'une s&oelig;ur un matre des Romains.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi donc votre choix tombe sur Honorie?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'y fais ce que je puis, et ma gloire m'en prie;</p>
-<p>Mais d'ailleurs Ildione a pour moi tant d'attraits,<span class="dalign">755</span></p>
-<p>Que mon c&oelig;ur tonn flotte plus que jamais.</p>
-<p>Je sens combattre encor dans ce c&oelig;ur qui soupire</p>
-<p>Les droits de la beaut contre ceux de l'empire.</p>
-<p>L'effort de ma raison qui soutient mon orgueil</p>
-<p>Ne peut non plus que lui soutenir un coup d'&oelig;il;<span class="dalign">760</span></p>
-<p>Et quand de tout moi-mme il m'a rendu le matre,</p>
-<p>Pour me rendre mes fers elle n'a qu' parotre.</p>
-<p class="i1"> O beaut, qui te fais adorer en tous lieux,</p>
-<p>Cruel poison de l'me, et doux charme des yeux,</p>
-<p>Que devient, quand tu veux, l'autorit suprme,<span class="dalign">765</span></p>
-<p>Si tu prends malgr moi l'empire de moi-mme,</p>
-<p>Et si cette fiert qui fait partout la loi</p>
-<p>Ne peut me garantir de la prendre de toi?</p>
-<p>Va la trouver pour moi, cette beaut charmante;</p>
-<p>Du plus utile choix donne-lui l'pouvante;<span class="dalign">770</span></p>
-<p>Pour l'obliger fuir, peins-lui bien tout l'affront</p>
-<p>Que va mon hymne imprimer sur son front.</p>
-<p>Ose plus: fais-lui peur d'une prison svre</p>
-<p>Qui me rponde ici du courroux de son frre,</p>
-<p>Et retienne tous ceux que l'espoir de sa foi<span class="dalign">775</span></p>
-<p>Pourroit en un moment soulever contre moi.</p>
-<p>Mais quelle me en effet n'en seroit pas sduite?</p>
-<p>Je vois trop de prils, Octar, en cette fuite:</p>
-<p>Ses yeux, mes souverains, qui tout est soumis,</p>
-<p>Me sauroient d'un coup d'&oelig;il faire trop d'ennemis. <span class="dalign">780</span></p>
-<p>Pour en sauver mon c&oelig;ur prends une autre manire.</p>
-<p>Fais-m'en har, peins-moi d'une humeur noire et fire;</p>
-<p>Dis-lui que j'aime ailleurs; et fais-lui prvenir</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span></div>
-<p>La gloire qu'Honorie est prte d'obtenir.</p>
-<p>Fais qu'elle me ddaigne, et me prfre un autre <span class="dalign">785</span></p>
-<p>Qui n'ait pour tout pouvoir qu'un foible emprunt du ntre:</p>
-<p>Ardaric, Valamir, ne m'importe des deux.</p>
-<p>Mais voir en d'autres bras l'objet de tous mes v&oelig;ux!</p>
-<p>Vouloir qu' mes yeux mme un autre le possde<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor">&nbsp;[146]</a>!</p>
-<p>Ah! le mal est encor plus doux que le remde.<span class="dalign">790</span></p>
-<p>Dis-lui, fais-lui savoir....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Quoi, Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> Je ne sai:</p>
-<p>Tout ce que j'imagine est d'un fcheux essai.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A quand remettez-vous, aprs tout, d'en rsoudre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Octar, je l'aperois. Quel nouveau coup de foudre!</p>
-<p>O raison confondue, orgueil presque touff,<span class="dalign">795</span></p>
-<p>Avant ce coup fatal que n'as-tu triomph!</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, ILDIONE, OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Venir jusqu'en ma tente enlever mes hommages,</p>
-<p>Madame, c'est trop loin pousser vos avantages:</p>
-<p>Ne vous suffit-il point que le c&oelig;ur soit vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est de quoi faire natre un espoir assez doux. <span class="dalign">800</span></p>
-<p>Ce n'est pas toutefois, Seigneur, ce qui m'amne:</p>
-<p>Ce sont des nouveauts dont j'ai lieu d'tre en peine.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span></div>
-<p>Votre garde est double, et par un ordre exprs</p>
-<p>Je vois ici deux rois observs de fort prs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Prenez-vous intrt ou pour l'un ou pour l'autre?<span class="dalign">805</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mon intrt, Seigneur, c'est d'avoir part au vtre:</p>
-<p>J'ai droit en vos prils de m'en mettre en souci,</p>
-<p>Et de plus, je me trompe, ou l'on m'observe aussi.</p>
-<p>Vous serois-je suspecte? Et de quoi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i16"> D'tre aime.</p>
-<p>Madame, vos attraits, dont j'ai l'me charme, <span class="dalign">810</span></p>
-<p>Si j'en crois l'apparence, ont bless plus d'un roi;</p>
-<p>D'autres ont un c&oelig;ur tendre et des yeux, comme moi;</p>
-<p>Et pour vous et pour moi j'en prviens l'insolence,</p>
-<p>Qui pourroit sur vous-mme user de violence.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il en est des moyens plus doux et plus aiss, <span class="dalign">815</span></p>
-<p>Si je vous charme autant que vous m'en accusez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! vous me charmez trop, moi de qui l'me altire</p>
-<p>Cherche voir sous mes pas trembler la terre entire<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor">&nbsp;[147]</a>:</p>
-<p>Moi qui veux pouvoir tout, sitt que je vous voi,</p>
-<p>Malgr tout cet orgueil, je ne puis rien sur moi. <span class="dalign">820</span></p>
-<p>Je veux, je tche en vain d'viter par la fuite</p>
-<p>Ce charme dominant qui marche votre suite:</p>
-<p>Mes plus heureux succs ne font qu'enfoncer mieux</p>
-<p>L'invitable trait dont me percent vos yeux.</p>
-<p>Un regard imprvu leur fait une victoire; <span class="dalign">825</span></p>
-<p>Leur moindre souvenir l'emporte sur ma gloire:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span></div>
-<p>Il s'empare et du c&oelig;ur et des soins les plus doux;</p>
-<p>Et j'oublie Attila, ds que je pense vous.</p>
-<p>Que pourrai-je, Madame, aprs que l'hymne</p>
-<p>Aura mis sous vos lois toute ma destine? <span class="dalign">830</span></p>
-<p>Quand je voudrai punir, vous saurez pardonner;</p>
-<p>Vous refuserez grce o j'en voudrai donner;</p>
-<p>Vous envoirez la paix o je voudrai la guerre;</p>
-<p>Vous saurez par mes mains conduire le tonnerre;</p>
-<p>Et tout mon amour tremble s'accorder un bien<span class="dalign">835</span></p>
-<p>Qui me met en tat de ne pouvoir plus rien.</p>
-<p class="i1"> Attentez un peu moins sur ce pouvoir suprme,</p>
-<p>Madame, et pour un jour cessez d'tre vous-mme;</p>
-<p>Cessez d'tre adorable, et laissez-moi choisir</p>
-<p>Un objet qui m'en laisse aisment ressaisir.<span class="dalign">840</span></p>
-<p>Dfendez vos yeux cet clat invincible</p>
-<p>Avec qui ma fiert devient incompatible;</p>
-<p>Prtez-moi des refus, prtez-moi des mpris,</p>
-<p>Et rendez-moi vous-mme moi-mme ce prix.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je croyois qu'on me dt prfrer Honorie <span class="dalign">845</span></p>
-<p>Avec moins de douceurs et de galanterie;</p>
-<p>Et je n'attendois pas une civilit</p>
-<p>Qui malgr cette honte enflt ma vanit.</p>
-<p>Ses honneurs prs des miens ne sont qu'honneurs frivoles,</p>
-<p>Ils n'ont que des effets, j'ai les belles paroles;<span class="dalign">850</span></p>
-<p>Et si de son ct vous tournez tous vos soins,</p>
-<p>C'est qu'elle a moins d'attraits, et se fait craindre moins.</p>
-<p>L'auroit-on jamais cru, qu'un Attila pt craindre?</p>
-<p>Qu'un si lger clat et de quoi l'y contraindre,</p>
-<p>Et que de ce grand nom qui remplit tout d'effroi<span class="dalign">855</span></p>
-<p>Il n'ost hasarder tout l'orgueil contre moi?</p>
-<p>Avant qu'il porte ailleurs ces timides hommages</p>
-<p>Que jusqu'ici j'enlve avec tant d'avantages,</p>
-<p>Apprenez-moi, Seigneur, pour suivre vos desseins,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span></div>
-<p>Comme il faut ddaigner le plus grand des humains;<span class="dalign">860</span></p>
-<p>Dites-moi quels mpris peuvent le satisfaire.</p>
-<p>Ah! si je lui dplais force de lui plaire,</p>
-<p>Si de son trop d'amour sa haine est tout le fruit,</p>
-<p>Alors qu'on la mrite, o se voit-on rduit?</p>
-<p class="i1"> Allez, Seigneur, allez o tant d'orgueil aspire.<span class="dalign">865</span></p>
-<p>Honorie a pour dot la moiti de l'empire;</p>
-<p>D'un mrite penchant c'est un ferme soutien;</p>
-<p>Et cet heureux clat efface tout le mien:</p>
-<p>Je n'ai que ma personne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Et c'est plus que l'empire,</p>
-<p>Plus qu'un droit souverain sur tout ce qui respire. <span class="dalign">870</span></p>
-<p>Tout ce qu'a cet empire ou de grand ou de doux,</p>
-<p>Je veux mettre ma gloire le tenir de vous.</p>
-<p>Faites-moi l'accepter, et pour reconnoissance</p>
-<p>Quels climats voulez-vous sous votre obissance?</p>
-<p>Si la Gaule vous plat, vous la partagerez:<span class="dalign">875</span></p>
-<p>J'en offre la conqute vos yeux adors;</p>
-<p>Et mon amour....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p> A quoi que cet amour s'apprte,</p>
-<p>La main du conqurant vaut mieux que sa conqute.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? vous pourriez m'aimer, Madame, votre tour?</p>
-<p>Qui sme tant d'horreurs fait natre peu d'amour.<span class="dalign">880</span></p>
-<p>Qu'aimeriez-vous en moi? Je suis cruel, barbare;</p>
-<p>Je n'ai que ma fiert, que ma fureur de rare:</p>
-<p>On me craint, on me hait; on me nomme en tout lieu</p>
-<p>La terreur des mortels et le flau de Dieu<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor">&nbsp;[148]</a>.</p>
-<p>Aux refus que je veux c'est l trop de matire; <span class="dalign">885</span></p>
-<p>Et si ce n'est assez d'y joindre la prire,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span></div>
-<p>Si rien ne vous rsout ddaigner ma foi,</p>
-<p>Apprhendez pour vous comme je fais pour moi.</p>
-<p>Si vos tyrans d'appas retiennent ma franchise,</p>
-<p>Je puis l'tre comme eux de qui me tyrannise. <span class="dalign">890</span></p>
-<p>Souvenez-vous enfin que je suis Attila,</p>
-<p>Et que c'est dire tout que d'aller jusque-l.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il faut donc me rsoudre? Eh bien! j'ose.... De grce<a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor">&nbsp;[149]</a>,</p>
-<p>Dispensez-moi du reste, il y faut trop d'audace.</p>
-<p>Je tremble comme un autre l'aspect d'Attila,<span class="dalign">895</span></p>
-<p>Et ne me puis, Seigneur, oublier jusque-l.</p>
-<p>J'obis: ce mot seul dit tout ce qu'il souhaite;</p>
-<p>Si c'est m'expliquer mal, qu'il en soit l'interprte.</p>
-<p>J'ai tous les sentiments qu'il lui plat m'ordonner;</p>
-<p>J'accepte cette dot qu'il vient de me donner; <span class="dalign">900</span></p>
-<p>Je partage dj la Gaule avec mon frre,</p>
-<p>Et veux tout ce qu'il faut pour ne vous plus dplaire.</p>
-<p>Mais ne puis-je savoir, pour ne manquer rien,</p>
-<p>A qui vous me donnez, quand j'obis si bien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'ose le rsoudre, et de nouveau je tremble, <span class="dalign">905</span></p>
-<p>Sitt que je conois tant de chagrins ensemble.</p>
-<p>C'est trop que de vous perdre et vous donner ailleurs;</p>
-<p>Madame, laissez-moi sparer mes douleurs:</p>
-<p>Souffrez qu'un dplaisir me prpare pour l'autre;</p>
-<p>Aprs mon hymne on aura soin du vtre: <span class="dalign">910</span></p>
-<p>Ce grand effort dj n'est que trop rigoureux,</p>
-<p>Sans y joindre celui de faire un autre heureux.</p>
-<p>Souvent un peu de temps fait plus qu'on n'ose attendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'oserai plus que vous, Seigneur, et sans en prendre;</p>
-<p>Et puisque de son bien chacun peut ordonner, <span class="dalign">915</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span></div>
-<p>Votre c&oelig;ur est moi, j'oserai le donner;</p>
-<p>Mais je ne le mettrai qu'en la main qu'il souhaite.</p>
-<p>Vous, traitez-moi, de grce, ainsi que je vous traite;</p>
-<p>Et quand ce coup pour vous sera moins rigoureux,</p>
-<p>Avant que me donner consultez-en mes v&oelig;ux. <span class="dalign">920</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous aimeriez quelqu'un!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Jusqu' votre hymne</p>
-<p>Mon c&oelig;ur est au monarque qui l'on m'a donne;</p>
-<p>Mais quand par ce grand choix j'en perdrai tout espoir,</p>
-<p>J'ai des yeux qui verront ce qu'il me faudra voir.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, HONORIE, ILDIONE,<br />
-OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce grand choix est donc fait, Seigneur, et pour le faire <span class="dalign">925</span></p>
-<p>Vous avez tel point redout ma colre,</p>
-<p>Que vous n'avez pas cru vous en pouvoir sauver</p>
-<p>Sans doubler votre garde, et me faire observer?</p>
-<p>Je ne me jugeois pas en ces lieux tant craindre;</p>
-<p>Et d'un tel attentat j'aurois tort de me plaindre, <span class="dalign">930</span></p>
-<p>Quand je vois que la peur de mes ressentiments</p>
-<p>En commence dj les justes chtiments.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que ces ordres nouveaux ne troublent point votre me:</p>
-<p>C'toit moi qu'on craignoit, et non pas vous, Madame;</p>
-<p>Et ce glorieux choix qui vous met en courroux<span class="dalign">935</span></p>
-<p>Ne tombe pas sur moi, Madame, c'est sur vous.</p>
-<p>Il est vrai que sans moi vous n'y pouviez prtendre:</p>
-<p>Son c&oelig;ur, tant qu'il m'et plu, s'en auroit su dfendre;</p>
-<p>Il toit tout moi. Ne vous alarmez pas</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span></div>
-<p>D'apprendre qu'il toit au peu que j'ai d'appas.<span class="dalign">940</span></p>
-<p>Je vous en fais un don: recevez-le pour gage</p>
-<p>Ou de mes amitis ou d'un parfait hommage;</p>
-<p>Et forte dsormais de vos droits et des miens,</p>
-<p>Donnez ce grand c&oelig;ur de plus dignes liens.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est donc de votre main qu'il passe dans la mienne,<span class="dalign">945</span></p>
-<p>Madame, et c'est de vous qu'il faut que je le tienne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous ne le voulez aujourd'hui de ma main,</p>
-<p>Craignez qu'il soit trop tard de le vouloir demain.</p>
-<p>Elle l'aimera mieux sans doute de la vtre,</p>
-<p>Seigneur, ou vous ferez ce prsent quelque autre.<span class="dalign">950</span></p>
-<p>Pour lui porter ce c&oelig;ur que je vous avois pris,</p>
-<p>Vous m'avez command des refus, des mpris:</p>
-<p>Souffrez que des mpris le respect me dispense,</p>
-<p>Et voyez pour le reste entire obissance.</p>
-<p>Je vous rends vous-mme, et ne puis rien de plus;<span class="dalign">955</span></p>
-<p>Et c'est vous de faire accepter mes refus.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, HONORIE, OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 smal1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Accepter ses refus! moi, Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i16"> Vous, Madame.</p>
-<p>Peut-il tre honteux de devenir ma femme?</p>
-<p>Et quand on vous assure un si glorieux nom,</p>
-<p>Peut-il vous importer qui vous en fait le don? <span class="dalign">960</span></p>
-<p>Peut-il vous importer par quelle voie arrive</p>
-<p>La gloire dont pour vous Ildione se prive?</p>
-<p>Que ce soit son refus, ou que ce soit mon choix,</p>
-<p>En marcherez-vous moins sur la tte des rois?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span></div>
-<p class="i1"> Mes<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor">&nbsp;[150]</a> deux traits de paix m'ont donn deux princesses,</p>
-<p>Dont l'une aura ma main, si l'autre eut mes tendresses;</p>
-<p>L'une aura ma grandeur, comme l'autre eut mes v&oelig;ux:</p>
-<p>C'est ainsi qu'Attila se partage vous deux.</p>
-<p>N'en murmurez, Madame, ici non plus que l'autre;</p>
-<p>Sa part la satisfait, recevez mieux la vtre;<span class="dalign">970</span></p>
-<p>J'en tois idoltre, et veux vous pouser.</p>
-<p>La raison? c'est ainsi qu'il me plat d'en user<a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor">&nbsp;[151]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et ce n'est pas ainsi qu'il me plat qu'on en use:</p>
-<p>Je cesse d'estimer ce qu'une autre refuse,</p>
-<p>Et bien que vos traits vous engagent ma foi, <span class="dalign">975</span></p>
-<p>Le rebut d'Ildione est indigne de moi.</p>
-<p>Oui, bien que l'univers ou vous serve ou vous craigne,</p>
-<p>Je n'ai que des mpris pour ce qu'elle ddaigne.</p>
-<p>Quel honneur est celui d'tre votre moiti,</p>
-<p>Qu'elle cde par grce, et m'offre par piti? <span class="dalign">980</span></p>
-<p>Je sais ce que le ciel m'a faite<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor">&nbsp;[152]</a> au-dessus d'elle,</p>
-<p>Et suis plus glorieuse encor qu'elle n'est belle.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'adore cet orgueil, il est gal au mien,</p>
-<p>Madame; et nos fierts se ressemblent si bien,</p>
-<p>Que si la ressemblance est par o l'on s'entr'aime, <span class="dalign">985</span></p>
-<p>J'ai lieu de vous aimer comme une autre moi-mme<a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor">&nbsp;[153]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! si non plus que vous je n'ai point le c&oelig;ur bas,</p>
-<p>Nos fierts pour cela ne se ressemblent pas.</p>
-<p>La mienne est de princesse, et la vtre est d'esclave:</p>
-<p>Je brave les mpris, vous aimez qu'on vous brave;<span class="dalign">990</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span></div>
-<p>Votre orgueil a son foible, et le mien, toujours fort,</p>
-<p>Ne peut souffrir d'amour dans ce peu de rapport.</p>
-<p>S'il vient de ressemblance, et que d'illustres flammes</p>
-<p>Ne puissent que par elle unir les grandes mes,</p>
-<p>D'o natroit cet amour, quand je vois en tous lieux<span class="dalign">995</span></p>
-<p>De plus dignes fierts qui me ressemblent mieux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous en voyez ici, Madame; et je m'abuse,</p>
-<p>Ou quelque autre me vole un c&oelig;ur qu'on me refuse;</p>
-<p>Et cette noble ardeur de me dsobir</p>
-<p>En garde la conqute l'heureux Valamir.<span class="dalign">1000</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est qu' moi, Seigneur, que j'en dois rendre conte;</p>
-<p>Quand je voudrai l'aimer, je le pourrai sans honte:</p>
-<p>Il est roi comme vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> En effet il est roi,</p>
-<p>J'en demeure d'accord, mais non pas comme moi.</p>
-<p>Mme splendeur de sang, mme titre nous pare;<span class="dalign">1005</span></p>
-<p>Mais de quelques degrs le pouvoir nous spare;</p>
-<p>Et du trne o le ciel a voulu m'affermir,</p>
-<p>C'est tomber d'assez haut que jusqu' Valamir.</p>
-<p>Chez ses propres sujets ce titre qu'il tale</p>
-<p>Ne fait d'entre eux et moi que remplir l'intervalle;<span class="dalign">1010</span></p>
-<p>Il reoit sous ce titre et leur porte mes lois;</p>
-<p>Et s'il est roi des Goths, je suis celui des rois<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor">&nbsp;[154]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et j'ai de quoi le mettre au-dessus de ta tte,</p>
-<p>Sitt que de ma main j'aurai fait sa conqute.</p>
-<p>Tu n'as pour tout pouvoir<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor">&nbsp;[155]</a> que des droits usurps <span class="dalign">1015</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span></div>
-<p>Sur des peuples surpris et des princes tromps;</p>
-<p>Tu n'as d'autorit que ce qu'en font les crimes;</p>
-<p>Mais il n'aura de moi que des droits lgitimes;</p>
-<p>Et ft-il sous ta rage tes pieds abattu,</p>
-<p>Il est plus grand que toi, s'il a plus de vertu.<span class="dalign">1020</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sa vertu ni vos droits ne sont pas de grands charmes,</p>
-<p>A moins que pour appui je leur prte mes armes.</p>
-<p>Ils ont besoin de moi, s'ils veulent aller loin;</p>
-<p>Mais pour tre empereur je n'en ai plus besoin.</p>
-<p>Atius est mort, l'empire n'a plus d'homme,<span class="dalign">1025</span></p>
-<p>Et je puis trop sans vous me faire place Rome.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Atius est mort! Je n'ai plus de tyran;</p>
-<p>Je reverrai mon frre en Valentinian;</p>
-<p>Et mille vrais hros qu'opprimoit ce faux matre</p>
-<p>Pour me faire justice l'envi vont parotre. <span class="dalign">1030</span></p>
-<p>Ils dfendront l'empire, et soutiendront mes droits</p>
-<p>En faveur des vertus dont j'aurai fait le choix.</p>
-<p>Les grands c&oelig;urs n'osent rien sous de si grands ministres:</p>
-<p>Leur plus haute valeur n'a d'effets que sinistres;</p>
-<p>Leur gloire fait ombrage ces puissants jaloux, <span class="dalign">1035</span></p>
-<p>Qui s'estiment perdus s'ils ne les perdent tous.</p>
-<p>Mais aprs leur trpas tous ces grands c&oelig;urs revivent;</p>
-<p>Et pour ne plus souffrir des fers qui les captivent<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor">&nbsp;[156]</a>,</p>
-<p>Chacun reprend sa place et remplit son devoir.</p>
-<p>La mort d'Atius te le fera trop voir: <span class="dalign">1040</span></p>
-<p>Si pour leur matre en toi je leur mne un barbare,</p>
-<p>Tu verras quel accueil leur vertu te prpare;</p>
-<p>Mais si d'un Valamir j'honore un si haut rang,</p>
-<p>Aucun pour me servir n'pargnera son sang.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous me faites piti de si mal vous connotre,<span class="dalign">1045</span></p>
-<p>Que d'avoir tant d'amour, et le faire parotre.</p>
-<p>Il est honteux, Madame, des rois tels que nous,</p>
-<p>Quand ils en sont blesss, d'en laisser voir les coups.</p>
-<p>Il a droit de rgner sur les mes communes,</p>
-<p>Non sur celles qui font et dfont les fortunes; <span class="dalign">1050</span></p>
-<p>Et si de tout le c&oelig;ur on ne peut l'arracher,</p>
-<p>Il faut s'en rendre matre, ou du moins le cacher.</p>
-<p>Je ne vous blme point d'avoir eu mes foiblesses;</p>
-<p>Mais faites mme effort sur ces lches tendresses,</p>
-<p>Et comme je vous tiens seule digne de moi, <span class="dalign">1055</span></p>
-<p>Tenez-moi seul aussi digne de votre foi.</p>
-<p>Vous aimez Valamir, et j'adore Ildione:</p>
-<p>Je me garde pour vous, gardez-vous pour mon trne;</p>
-<p>Prenez ainsi que moi des sentiments plus hauts,</p>
-<p>Et suivez mes vertus ainsi que mes dfauts. <span class="dalign">1060</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parle de tes fureurs et de leur noir ouvrage:</p>
-<p>Il s'y mle peut-tre une ombre de courage;</p>
-<p>Mais bien loin qu'avec gloire on te puisse imiter,</p>
-<p>La vertu des tyrans est mme dtester.</p>
-<p>Irois-je ton exemple assassiner mon frre? <span class="dalign">1065</span></p>
-<p>Sur tous mes allis rpandre ma colre?</p>
-<p>Me baigner dans leur sang, et d'un orgueil jaloux...?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si nous nous emportons, j'irai plus loin que vous,</p>
-<p>Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Les grands c&oelig;urs parlent avec franchise.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand je m'en souviendrai, n'en soyez pas surprise;</p>
-<p>Et si je vous pouse avec ce souvenir,</p>
-<p>Vous voyez le pass, jugez de l'avenir.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span></div>
-<p>Je vous laisse y penser. Adieu, Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i17"> Ah! tratre!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je suis encore amant, demain je serai matre.</p>
-<p>Remenez la Princesse, Octar.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Quoi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i17"> C'est assez.<span class="dalign">1075</span></p>
-<p>Vous me direz tantt tout ce que vous pensez;</p>
-<p>Mais pensez-y deux fois avant que me le dire:</p>
-<p>Songez que c'est de moi que vous tiendrez l'empire;</p>
-<p>Que vos droits sans ma main ne sont que droits en l'air.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ciel!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Allez, et du moins apprenez parler.<span class="dalign">1080</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Apprends, apprends toi-mme changer de langage,</p>
-<p>Lorsqu'au sang des Csars ta parole t'engage.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous en pourrons changer avant la fin du jour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Fais ce que tu voudras, tyran, j'aurai mon tour.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i5">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p>
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE IV.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">HONORIE, OCTAR, FLAVIE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez, servez-moi bien. Si vous aimez Flavie,<span class="dalign">1085</span></p>
-<p>Elle sera le prix de m'avoir bien servie:</p>
-<p>J'en donne ma parole; et sa main est vous,</p>
-<p>Ds que vous m'obtiendrez Valamir pour poux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je voudrois le pouvoir: j'assurerois, Madame,</p>
-<p>Sous votre Valamir mes jours avec ma flamme.<span class="dalign">1090</span></p>
-<p>Bien qu'Attila me traite assez confidemment,</p>
-<p>Ils dpendent sous lui d'un malheureux moment:</p>
-<p>Il ne faut qu'un soupon, un dgot, un caprice,</p>
-<p>Pour en faire sa haine un soudain sacrifice;</p>
-<p>Ce n'est pas un esprit que je porte o je veux.<span class="dalign">1095</span></p>
-<p>Faire un peu plus de pente au penchant de ses v&oelig;ux,</p>
-<p>L'attacher un peu plus au parti qu'ils choisissent,</p>
-<p>Ce n'est rien qu'avec moi deux mille autres ne puissent;</p>
-<p>Mais proposer de front, ou vouloir doucement</p>
-<p>Contre ce qu'il rsout tourner son sentiment, <span class="dalign">1100</span></p>
-<p>Combattre sa pense en faveur de la vtre,</p>
-<p>C'est ce que nous n'osons, ni moi, ni pas un autre;</p>
-<p>Et si je hasardois ce contre-temps fatal,</p>
-<p>Je me perdrois, Madame, et vous servirois mal.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais qui l'attache moi, quand pour l'autre il soupire?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La mort d'Atius et vos droits sur l'empire.</p>
-<p>Il croit s'en voir par l les chemins aplanis;</p>
-<p>Et tous autres souhaits de son c&oelig;ur sont bannis.</p>
-<p>Il aime conqurir, mais il hait les batailles:</p>
-<p>Il veut que son nom seul renverse les murailles<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor">&nbsp;[157]</a>; <span class="dalign">1110</span></p>
-<p>Et plus grand politique encor que grand guerrier,</p>
-<p>Il tient que les combats sentent l'aventurier<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor">&nbsp;[158]</a>.</p>
-<p>Il veut que de ses gens le dluge effroyable</p>
-<p>Atterre impunment les peuples qu'il accable;</p>
-<p>Et prodigue de sang, il pargne celui <span class="dalign">1115</span></p>
-<p>Que tant de combattants exposeroient pour lui.</p>
-<p>Ainsi n'esprez pas que jamais il relche,</p>
-<p>Que jamais il renonce ce choix qui vous fche.</p>
-<p>Si pourtant je vois jour plus que je n'attends,</p>
-<p>Madame, assurez-vous que je prendrai mon temps. <span class="dalign">1120</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">HONORIE, FLAVIE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne vous tes-vous point un peu trop dclare,</p>
-<p>Madame? et le chagrin de vous voir prfre</p>
-<p>touffe-t-il la peur que marquoient vos discours</p>
-<p>De rendre hommage au sang d'un roi de quatre jours?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je te l'avois bien dit, que mon me incertaine <span class="dalign">1125</span></p>
-<p>De tous les deux cts attendoit mme gne,</p>
-<p>Flavie; et de deux maux qu'on craint galement</p>
-<p>Celui qui nous arrive est toujours le plus grand,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span></div>
-<p>Celui que nous sentons devient le plus sensible.</p>
-<p>D'un choix si glorieux la honte est trop visible;<span class="dalign">1130</span></p>
-<p>Ildione a su l'art de m'en faire un malheur:</p>
-<p>La gloire en est pour elle, et pour moi la douleur;</p>
-<p>Elle garde pour soi tout l'effet du mrite,</p>
-<p>Et me livre avec joie aux ennuis qu'elle vite.</p>
-<p>Vois avec quel insulte<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor">&nbsp;[159]</a> et de quelle hauteur<span class="dalign">1135</span></p>
-<p>Son refus en mes mains rejette un si grand c&oelig;ur,</p>
-<p>Cependant que ravie elle assure son me</p>
-<p>La douceur d'tre toute l'objet de sa flamme;</p>
-<p>Car je ne doute point qu'elle n'ait de l'amour.</p>
-<p>Ardaric qui s'attache la voir chaque jour,<span class="dalign">1140</span></p>
-<p>Les respects qu'il lui rend, et les soins qu'il se donne....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ose vous dire plus, Attila l'en souponne:</p>
-<p>Il est fier et colre; et s'il sait une fois</p>
-<p>Qu'Ildione en secret l'honore de son choix,</p>
-<p>Qu'Ardaric ait sur elle os jeter la vue,<span class="dalign">1145</span></p>
-<p>Et briguer cette foi qu' lui seul il croit due,</p>
-<p>Je crains qu'un tel espoir, au lieu de s'affermir....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que n'ai-je donc mieux tu que j'aimois Valamir!</p>
-<p>Mais quand on est brave et qu'on perd ce qu'on aime,</p>
-<p>Flavie, est-on sitt matresse de soi-mme? <span class="dalign">1150</span></p>
-<p>D'Attila, s'il se peut, tournons l'emportement</p>
-<p>Ou contre ma rivale, ou contre son amant;</p>
-<p>Accablons leur amour sous ce que j'apprhende;</p>
-<p>Promettons ce prix la main qu'on nous demande;</p>
-<p>Et faisons que l'ardeur de recevoir ma foi<span class="dalign">1155</span></p>
-<p>L'empche d'tre ici plus heureuse que moi.</p>
-<p>Renversons leur triomphe. trange frnsie!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span></div>
-<p>Sans aimer Ardaric, j'en conois jalousie!</p>
-<p>Mais je me venge, et suis, en ce juste projet,</p>
-<p>Jalouse du bonheur, et non pas de l'objet.<span class="dalign">1160</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Attila vient, Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<span class="i5 small1">HONORIE.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Eh bien! faisons connotre</p>
-<p>Que le sang des Csars ne souffre point de matre,</p>
-<p>Et peut bien refuser de pleine autorit</p>
-<p>Ce qu'une autre refuse avec tmrit.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, HONORIE, FLAVIE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout s'apprte, Madame, et ce grand hymne <span class="dalign">1165</span></p>
-<p>Peut dans une heure ou deux terminer la journe,</p>
-<p>Mais sans vous y contraindre; et je ne viens que voir</p>
-<p>Si vous avez mieux vu quel est votre devoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mon devoir est, Seigneur, de soutenir ma gloire,</p>
-<p>Sur qui va s'imprimer une tache trop noire, <span class="dalign">1170</span></p>
-<p>Si votre illustre amour pour son premier effet</p>
-<p>Ne venge hautement l'outrage qu'on lui fait.</p>
-<p>Puis-je voir sans rougir qu' la belle Ildione</p>
-<p>Vous demandiez cong de m'offrir votre trne,</p>
-<p>Que...?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Toujours Ildione, et jamais Attila! <span class="dalign">1175</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous me prfrez, Seigneur, punissez-la:</p>
-<p>Prenez mes intrts, et pressez votre flamme</p>
-<p>De remettre en honneur le nom de votre femme.</p>
-<p>Ildione le traite avec trop de mpris;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span></div>
-<p>Souffrez-en de pareils, ou rendez-lui son prix.<span class="dalign">1180</span></p>
-<p>A quel droit voulez-vous qu'un tel manque d'estime,</p>
-<p>S'il est gloire pour elle, en moi devienne un crime;</p>
-<p>Qu'aprs que nos refus ont tous deux clat,</p>
-<p>Le mien soit punissable o le sien est flatt;</p>
-<p>Qu'elle brave vos yeux ce qu'il faut que je craigne,</p>
-<p>Et qu'elle me condamne ce qu'elle ddaigne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour vous justifier mes ordres et mes v&oelig;ux,</p>
-<p>Je croyois qu'il sufft d'un simple: Je le veux;</p>
-<p>Mais voyez, puisqu'il faut mettre tout en balance,</p>
-<p>D'Ildione et de vous qui m'oblige ou m'offense.<span class="dalign">1190</span></p>
-<p class="i1"> Quand son refus me sert, le vtre me trahit;</p>
-<p>Il veut me commander, quand le sien m'obit:</p>
-<p>L'un est plein de respect, l'autre est gonfl d'audace;</p>
-<p>Le vtre me fait honte, et le sien me fait grce.</p>
-<p>Faut-il aprs cela qu'aux dpens de son sang<span class="dalign">1195</span></p>
-<p>Je mrite l'honneur de vous mettre en mon rang?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne peut-on se venger moins qu'on assassine<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor">&nbsp;[160]</a>?</p>
-<p>Je ne veux point sa mort, ni mme sa ruine:</p>
-<p>Il est des chtiments plus justes et plus doux,</p>
-<p>Qui l'empcheroient mieux de triompher de nous.<span class="dalign">1200</span></p>
-<p>Je dis de nous, Seigneur, car l'offense est commune,</p>
-<p>Et ce que vous m'offrez des deux n'en feroit qu'une.</p>
-<p>Ildione, pour prix de son manque de foi,</p>
-<p>Dispose arrogamment et de vous et de moi!</p>
-<p>Pour prix de la hauteur dont elle m'a brave,<span class="dalign">1205</span></p>
-<p>A son heureux amant sa main est rserve,</p>
-<p>Avec qui, satisfaite, elle gote l'appas</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span></div>
-<p>De m'ter ce que j'aime, et me mettre en vos bras!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel est-il, cet amant?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Ignorez-vous encore</p>
-<p>Qu'elle adore Ardaric, et qu'Ardaric l'adore? <span class="dalign">1210</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'on m'amne Ardaric. Mais de qui savez-vous....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est une vision de mes soupons jaloux;</p>
-<p>J'en suis mal claircie, et votre orgueil l'avoue,</p>
-<p>Et quand elle me brave, et quand elle vous joue;</p>
-<p>Mme, s'il faut vous croire, on ne vous sert pas mal</p>
-<p>Alors qu'on vous ddaigne en faveur d'un rival.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'Ardaric et de moi telle est la diffrence,</p>
-<p>Qu'elle en punit assez la folle prfrence.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? s'il peut moins que vous, ne lui volez-vous pas</p>
-<p>Ce pouvoir usurp sur ses propres soldats?<span class="dalign">1220</span></p>
-<p>Un vritable roi qu'opprime un sort contraire,</p>
-<p>Tout opprim qu'il est, garde son caractre;</p>
-<p>Ce nom lui reste entier sous les plus dures lois:</p>
-<p>Il est dans les fers mme gal aux plus grands rois;</p>
-<p>Et la main d'Ardaric suffit ma rivale <span class="dalign">1225</span></p>
-<p>Pour lui donner plein droit de me traiter d'gale.</p>
-<p>Si vous voulez punir l'affront qu'elle nous fait,</p>
-<p>Rduisez-la, Seigneur, l'hymen d'un sujet.</p>
-<p>Ne cherchez point pour elle une plus dure peine</p>
-<p>Que de voir votre femme tre sa souveraine; <span class="dalign">1230</span></p>
-<p>Et je pourrai moi-mme alors vous demander</p>
-<p>Le droit de m'en servir et de lui commander.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, je saurai lui trouver un supplice.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span></div>
-<p>Agrez cependant pour vous mme justice;</p>
-<p>Et s'il faut un sujet qui ddaigne un roi, <span class="dalign">1235</span></p>
-<p>Choisissez dans une heure, ou d'Octar, ou de moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'Octar, ou....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Les grands c&oelig;urs parlent avec franchise,</p>
-<p>C'est une vrit que vous m'avez apprise<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor">&nbsp;[161]</a>:</p>
-<p>Songez donc sans murmure cet illustre choix,</p>
-<p>Et remerciez-moi de suivre ainsi vos lois<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor">&nbsp;[162]</a>. <span class="dalign">1240</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Me proposer Octar!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Qu'y trouvez-vous dire?</p>
-<p>Seroit-il vos yeux indigne de l'empire?</p>
-<p>S'il est n sans couronne et n'eut jamais d'tats,</p>
-<p>On monte ce grand trne encor d'un lieu plus bas.</p>
-<p>On a vu des Csars, et mme des plus braves,<span class="dalign">1245</span></p>
-<p>Qui sortoient d'artisans, de bandoliers<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor">&nbsp;[163]</a>, d'esclaves;</p>
-<p>Le temps et leurs vertus les ont rendus fameux,</p>
-<p>Et notre cher Octar a des vertus comme eux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Va, ne me tourne point Octar en ridicule:</p>
-<p>Ma gloire pourroit bien l'accepter sans scrupule,<span class="dalign">1250</span></p>
-<p>Tyran, et tu devrois du moins te souvenir</p>
-<p>Que s'il n'en est pas digne, il peut le devenir.</p>
-<p>Au dfaut d'un beau sang, il est de grands services,</p>
-<p>Il est des v&oelig;ux soumis, il est des sacrifices,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span></div>
-<p>Il est de glorieux et surprenants effets, <span class="dalign">1255</span></p>
-<p>Des vertus de hros, et mme des forfaits.</p>
-<p>L'exemple y peut beaucoup. Instruit par tes maximes,</p>
-<p>Il s'est fait de ton ordre une habitude aux crimes:</p>
-<p>Comme ta crature, il doit te ressembler.</p>
-<p>Quand je l'enhardirai, commence de trembler:<span class="dalign">1260</span></p>
-<p>Ta vie est en mes mains, ds qu'il voudra me plaire,</p>
-<p>Et rien n'est sr pour toi, si je veux qu'il espre.</p>
-<p>Ton rival entre, adieu: dlibre avec lui</p>
-<p>Si ce cher Octar m'aime, ou sera ton appui.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, ARDARIC.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">ATTILA.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, sur ce grand choix je cesse d'tre en peine:</p>
-<p>J'pouse ds ce soir la princesse romaine,</p>
-<p>Et n'ai plus qu' prvoir qui plus srement</p>
-<p>Je puis confier l'autre et son ressentiment.</p>
-<p>Le roi des Bourguignons, par ambassade expresse,</p>
-<p>Pour Sigismond<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor">&nbsp;[164]</a>, son fils, vouloit cette princesse;<span class="dalign">1270</span></p>
-<p>Mais nos ambassadeurs furent mieux couts.</p>
-<p>Pourroit-il nous donner toutes nos srets?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Son tat sert de borne ceux de Mroue;</p>
-<p>La partie entre eux deux seroit bientt noue;</p>
-<p>Et vous verriez armer d'une pareille ardeur <span class="dalign">1275</span></p>
-<p>Un mari pour sa femme, un frre pour sa s&oelig;ur:</p>
-<p>L'union en seroit trop facile et trop grande.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Celui des Visigoths faisoit mme demande.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span></div>
-<p>Comme de Mroue il est plus cart,</p>
-<p>Leur union auroit moins de facilit: <span class="dalign">1280</span></p>
-<p>Le Bourguignon d'ailleurs spare leurs provinces,</p>
-<p>Et serviroit pour nous de barre ces deux princes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui; mais bientt lui-mme entre eux deux cras</p>
-<p>Leur feroit se joindre un chemin trop ais;</p>
-<p>Et ces deux rois, par l matres de la contre, <span class="dalign">1285</span></p>
-<p>D'autant plus fortement en dfendroient<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor">&nbsp;[165]</a> l'entre,</p>
-<p>Qu'ils auroient plus perdre, et qu'un juste courroux</p>
-<p>N'auroit plus tant de chefs liguer contre vous.</p>
-<p>La princesse Ildione est orgueilleuse et belle;</p>
-<p>Il lui faut un mari qui rponde mieux d'elle, <span class="dalign">1290</span></p>
-<p>Dont tous les intrts aux vtres soient soumis,</p>
-<p>Et ne le pas choisir parmi vos ennemis.</p>
-<p>D'une fire beaut la haine opinitre</p>
-<p>Donne ce qu'elle hait jusqu'au bout combattre;</p>
-<p>Et pour peu que la veuille couter un poux.... <span class="dalign">1295</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il lui faut donc, Seigneur, ou Valamir, ou vous.</p>
-<p>La pourriez-vous aimer? parlez sans flatterie.</p>
-<p>J'apprends que Valamir est aim d'Honorie;</p>
-<p>Il peut de mon hymen concevoir quelque ennui,</p>
-<p>Et je m'assurerois sur vous plus que sur lui. <span class="dalign">1300</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est m'honorer, Seigneur, de trop de confiance.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parlez donc, pourriez-vous goter cette alliance?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous savez que vous plaire est mon plus cher souci.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'on cherche la Princesse, et qu'on l'amne ici:</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span></p>
-<p>Je veux que de ma main vous receviez la sienne.<span class="dalign">1305</span></p>
-<p>Mais dites-moi, de grce, attendant qu'elle vienne,</p>
-<p>Par o me voulez-vous assurer votre foi?</p>
-<p>Et que seriez-vous prt d'entreprendre pour moi?</p>
-<p>Car enfin elle est belle, elle peut tout sduire,</p>
-<p>Et vous forcer vous-mme me vouloir dtruire.<span class="dalign">1310</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Faut-il vous immoler l'orgueil de Torrismond<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor">&nbsp;[166]</a>?</p>
-<p>Faut-il teindre l'Arar<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor">&nbsp;[167]</a> du sang de Sigismond?</p>
-<p>Faut-il mettre vos pieds et l'un et l'autre trne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne dissimulez point, vous aimez Ildione,</p>
-<p>Et proposez bien moins ces glorieux travaux <span class="dalign">1315</span></p>
-<p>Contre mes ennemis que contre vos rivaux.</p>
-<p>Ce prompt emportement et ces subites haines</p>
-<p>Sont d'un amour jaloux les preuves trop certaines:</p>
-<p>Les soins de cet amour font ceux de ma grandeur;</p>
-<p>Et si vous n'aimiez pas, vous auriez moins d'ardeur.<span class="dalign">1320</span></p>
-<p>Voyez comme un rival est soudain hassable,</p>
-<p>Comme vers notre amour ce nom le rend coupable,</p>
-<p>Comme sa perte est juste encor qu'il n'ose rien;</p>
-<p>Et sans aller si loin, dlivrez-moi du mien.</p>
-<p>Diffrez punir une offense incertaine, <span class="dalign">1325</span></p>
-<p>Et servez ma colre avant que votre haine.</p>
-<p>Seroit-il sr pour moi d'exposer ma bont</p>
-<p>A tous les attentats d'un amant supplant?</p>
-<p>Vous-mme pourriez-vous pouser une femme,</p>
-<p>Et laisser ses yeux le matre de son me? <span class="dalign">1330</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il toit trop craindre, il faudroit l'en bannir.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand il est trop craindre, il faut le prvenir.</p>
-<p>C'est un roi dont les gens, mls parmi les ntres,</p>
-<p>Feroient accompagner son exil de trop d'autres,</p>
-<p>Qu'on verroit s'opposer aux soins que nous prendrons,</p>
-<p>Et de nos ennemis grossir les escadrons.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce un crime pour lui qu'une douce esprance</p>
-<p>Que vous pourriez ailleurs porter la prfrence?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, pour lui, pour vous-mme, et pour tout autre roi,</p>
-<p>C'en est un que prtendre en mme lieu que moi. <span class="dalign">1340</span></p>
-<p>S'emparer d'un esprit dont la foi m'est promise,</p>
-<p>C'est surprendre une place entre mes mains remise;</p>
-<p>Et vous ne seriez pas moins coupable que lui,</p>
-<p>Si je ne vous voyois d'un autre &oelig;il aujourd'hui.</p>
-<p>A des crimes pareils j'ai d mme justice, <span class="dalign">1345</span></p>
-<p>Et ne choisis pour vous qu'un amoureux supplice.</p>
-<p>Pour un si cher objet que je mets en vos bras,</p>
-<p>Est-ce un prix excessif qu'un si juste trpas?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais c'est dshonorer, Seigneur, votre hymne</p>
-<p>Que vouloir d'un tel sang en marquer la journe.<span class="dalign">1350</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-il plus grand honneur que de voir en mon choix</p>
-<p>Qui je veux ma flamme immoler de deux rois,</p>
-<p>Et que du sacrifice o s'expiera leur crime,</p>
-<p>L'un d'eux soit le ministre, et l'autre la victime?</p>
-<p>Si vous n'osez par l satisfaire vos feux, <span class="dalign">1355</span></p>
-<p>Craignez que Valamir ne soit moins scrupuleux,</p>
-<p>Qu'il ne s'impute pas tant de barbarie</p>
-<p>D'accepter ce prix son illustre Honorie,</p>
-<p>Et n'ait aucune horreur de ses v&oelig;ux les plus doux,</p>
-<p>Si leur entier succs ne lui cote que vous; <span class="dalign">1360</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span></div>
-<p>Car je puis pouser encor votre princesse,</p>
-<p>Et dtourner vers lui l'effort de ma tendresse.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, ARDARIC, ILDIONE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA</span>, Ildione.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vos refus obligeants ont daign m'ordonner</p>
-<p>De consulter vos v&oelig;ux avant que vous donner<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor">&nbsp;[168]</a>;</p>
-<p>Je m'en fais une loi. Dites-moi donc, Madame, <span class="dalign">1365</span></p>
-<p>Votre c&oelig;ur d'Ardaric agreroit-il la flamme?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est moi d'obir, si vous le souhaitez;</p>
-<p>Mais, Seigneur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Il y fait quelques difficults;</p>
-<p>Mais je sais que sur lui vous tes absolue.</p>
-<p>Achevez d'y porter son me irrsolue, <span class="dalign">1370</span></p>
-<p>Afin que dans une heure, au milieu de ma cour,</p>
-<p>Votre hymen et le mien couronnent ce grand jour.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">ARDARIC, ILDIONE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'o viennent ces soupirs? d'o nat cette tristesse?</p>
-<p>Est-ce que la surprise tonne l'allgresse,</p>
-<p>Qu'elle en suspend l'effet pour le mieux signaler,<span class="dalign">1375</span></p>
-<p>Et qu'aux yeux du tyran il faut dissimuler?</p>
-<p>Il est parti, Seigneur; souffrez que votre joie,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span></div>
-<p>Souffrez que son excs tout entier se dploie,</p>
-<p>Qu'il fasse voir aux miens celui de votre amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous allez soupirer, Madame, votre tour, <span class="dalign">1380</span></p>
-<p>A moins que votre c&oelig;ur malgr vous se prpare</p>
-<p>A n'avoir rien d'humain non plus que ce barbare.</p>
-<p class="i1"> Il me choisit pour vous; c'est un honneur bien grand,</p>
-<p>Mais qui doit faire horreur par le prix qu'il le vend.</p>
-<p>A recevoir ma main pourrez-vous tre prte, <span class="dalign">1385</span></p>
-<p>S'il faut qu' Valamir il en cote la tte?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? Seigneur!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Attendez vous en tonner</p>
-<p>Que vous sachiez la main qui doit l'assassiner.</p>
-<p>C'est cet attentat la mienne qu'il destine,</p>
-<p>Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> C'est par vous, Seigneur, qu'il l'assassine!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il me fait son bourreau pour perdre un autre roi</p>
-<p>A qui fait sa fureur la mme offre qu' moi.</p>
-<p>Aux dpens de sa tte il veut qu'on vous obtienne;</p>
-<p>Ou lui donne Honorie aux dpens de la mienne:</p>
-<p>Sa cruelle faveur m'en a laiss le choix.<span class="dalign">1395</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel crime voit sa rage punir en deux rois?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le crime de tous deux, c'est d'aimer deux princesses,</p>
-<p>C'est d'avoir mieux que lui mrit leurs tendresses.</p>
-<p>De vos bonts pour nous il nous fait un malheur,</p>
-<p>Et d'un sujet de joie un excs de douleur. <span class="dalign">1400</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-il orgueil plus lche, ou lchet plus noire?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span></div>
-<p>Il veut que je vous cote ou la vie ou la gloire,</p>
-<p>Et serve de prtexte au choix infortun</p>
-<p>D'assassiner vous-mme ou d'tre assassin!</p>
-<p>Il vous offre ma main comme un bonheur insigne,<span class="dalign">1405</span></p>
-<p>Mais condition de vous en rendre indigne;</p>
-<p>Et si vous refusez par l de m'acqurir,</p>
-<p>Vous ne sauriez vous-mme viter de prir!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est beau de prir pour viter un crime:</p>
-<p>Quand on meurt pour sa gloire, on revit dans l'estime;</p>
-<p>Et triompher ainsi du plus rigoureux sort,</p>
-<p>C'est s'immortaliser par une illustre mort.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cette immortalit qui triomphe en ide</p>
-<p>Veut tre, pour charmer, de plus loin regarde;</p>
-<p>Et quand notre amour ce triomphe est fatal,<span class="dalign">1415</span></p>
-<p>La gloire qui le suit nous en console mal.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous vengerez ma mort; et mon me ravie....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! venger une mort n'est pas rendre une vie:</p>
-<p>Le tyran immol me laisse mes malheurs;</p>
-<p>Et son sang rpandu ne tarit pas mes pleurs.<span class="dalign">1420</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour sauver une vie, aprs tout prissable,</p>
-<p>En rendrois-je le reste infme et dtestable?</p>
-<p>Et ne vaut-il pas mieux assouvir sa fureur,</p>
-<p>Et mriter vos pleurs, que de vous faire horreur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous m'en feriez sans doute, aprs cette infamie,<span class="dalign">1425</span></p>
-<p>Assez pour vous traiter en mortelle ennemie;</p>
-<p>Mais souvent la fortune a d'heureux changements</p>
-<p>Qui prsident sans nous aux grands vnements.</p>
-<p>Le ciel n'est pas toujours aux mchants si propice:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span></div>
-<p>Aprs tant d'indulgence, il a de la justice.<span class="dalign">1430</span></p>
-<p>Parlez Valamir, et voyez avec lui</p>
-<p>S'il n'est aucun remde ce mortel ennui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Allez, Seigneur: nos maux et le temps pressent,</p>
-<p>Et les mmes prils tous deux vous intressent.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'y vais; mais en l'tat qu'est son sort et le mien,<span class="dalign">1435</span></p>
-<p>Nous nous plaindrons ensemble et ne rsoudrons rien.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VII.</h3>
-<p class="subt">ILDIONE<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor">&nbsp;[169]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Trve, mes tristes yeux, trve aujourd'hui de larmes!</p>
-<p>Armez contre un tyran vos plus dangereux charmes:</p>
-<p>Voyez si de nouveau vous le pourrez dompter,</p>
-<p>Et renverser sur lui ce qu'il ose attenter. <span class="dalign">1440</span></p>
-<p>Reprenez en son c&oelig;ur votre place usurpe,</p>
-<p>Ramenez l'autel ma victime chappe,</p>
-<p>Rappelez ce courroux que son choix incertain</p>
-<p>En faveur de ma flamme allumoit dans mon sein.</p>
-<p class="i1"> Que tout semble facile en cette incertitude!<span class="dalign">1445</span></p>
-<p>Mais qu' l'excuter tout est pnible et rude!</p>
-<p>Et qu'aisment le sexe oppose sa fiert</p>
-<p>Sa douceur naturelle et sa timidit!</p>
-<p>Quoi? ne donner ma foi que pour tre perfide!</p>
-<p>N'accepter un poux que pour un parricide! <span class="dalign">1450</span></p>
-<p>Ciel, qui me vois frmir ce nom seul d'poux,</p>
-<p>Ou rends-moi plus barbare, ou mon tyran plus doux<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor">&nbsp;[170]</a>!</p>
-</div></div>
-
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE V.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR.</p>
-<p class="stagedir">(Ils n'ont point d'pe l'un ni l'autre<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor">&nbsp;[171]</a>.)</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, vos devins seuls ont caus notre perte:</p>
-<p>Par eux tous nos maux la porte s'est ouverte;</p>
-<p>Et l'infidle appas de leur prdiction <span class="dalign">1455</span></p>
-<p>A jet trop d'amorce notre ambition<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor">&nbsp;[172]</a>.</p>
-<p>C'est de l qu'est venu cet amour politique</p>
-<p>Que prend pour attentat un orgueil tyrannique.</p>
-<p>Sans le flatteur espoir d'un avenir si doux,</p>
-<p>Honorie auroit eu moins de charmes pour vous.<span class="dalign">1460</span></p>
-<p>C'est par l que vos yeux la trouvent adorable,</p>
-<p>Et que vous faites natre un amour vritable,</p>
-<p>Qui l'attachant vous excite des fureurs</p>
-<p>Que vous voyez passer aux dernires horreurs.</p>
-<p>A moins que je vous perde, il faut que je prisse; <span class="dalign">1465</span></p>
-<p>On vous fait mme grce, ou pareille injustice:</p>
-<p>Ainsi vos seuls devins nous forcent de prir,</p>
-<p>Et ce sont tous les droits qu'ils vous font acqurir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je viens de les quitter; et loin de s'en ddire,</p>
-<p>Ils assurent ma race encor du mme empire. <span class="dalign">1470</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span></div>
-<p>Ils savent qu'Attila s'aigrit au dernier point,</p>
-<p>Et ses emportements ne les meuvent point;</p>
-<p>Quelque loi qu'il nous fasse, ils sont inbranlables:</p>
-<p>Le ciel en a donn des arrts immuables;</p>
-<p>Rien n'en rompra l'effet; et Rome aura pour roi <span class="dalign">1475</span></p>
-<p>Ce grand Thodoric qui doit sortir de moi<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor">&nbsp;[173]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ils veulent donc, Seigneur, qu'aux dpens de ma tte</p>
-<p>Vos mains ce hros prparent sa conqute?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, c'est m'offenser encor plus qu'Attila.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Par o lui pouvez-vous chapper que par l? <span class="dalign">1480</span></p>
-<p>Pouvez-vous que par l possder Honorie?</p>
-<p>Et d'o natra ce fils, si vous perdez la vie?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je me vois comme vous aux portes du trpas;</p>
-<p>Mais j'espre, aprs tout, ce que je n'entends pas.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR, HONORIE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Savez-vous d'Attila jusqu'o va la furie, <span class="dalign">1485</span></p>
-<p>Princes, et quelle en est l'affreuse barbarie?</p>
-<p>Cette offre qu'il vous fait d'en rendre l'un heureux</p>
-<p>N'est qu'un pige qu'il tend pour vous perdre tous deux.</p>
-<p>Il veut, sous cet espoir qu'il donne l'un et l'autre,</p>
-<p>Votre sang de sa main, ou le sien de la vtre; <span class="dalign">1490</span></p>
-<p>Mais qui le serviroit seroit bientt livr</p>
-<p>Aux troupes de celui qu'il auroit massacr;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span></div>
-<p>Et par le dsaveu de cette obissance</p>
-<p>Ce tigre assouviroit sa rage et leur vengeance.</p>
-<p>Octar aime Flavie, et l'en vient d'avertir. <span class="dalign">1495</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Euric<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor">&nbsp;[174]</a>, son lieutenant, ne fait que de sortir:</p>
-<p>Le tyran souponneux, qui craint ce qu'il mrite,</p>
-<p>A pour nous dsarmer choisi ce satellite;</p>
-<p>Et comme avec justice il nous croit irrits,</p>
-<p>Pour nous parler encore il prend ses srets. <span class="dalign">1500</span></p>
-<p>Pour peu qu'il et tard, nous allions dans sa tente</p>
-<p>Surprendre et prvenir sa plus barbare attente,</p>
-<p>Tandis qu'il nous laissoit encor la libert</p>
-<p>D'y porter l'un et l'autre une pe au ct.</p>
-<p>Il promet tous deux de nous la faire rendre, <span class="dalign">1505</span></p>
-<p>Ds qu'il saura de nous ce qu'il en doit attendre,</p>
-<p>Quel est notre dessein, ou pour en mieux parler,</p>
-<p>Ds que nous rsoudrons de nous entr'immoler.</p>
-<p>Cependant il rduit l'entire impuissance</p>
-<p>Ce noble dsespoir qui punit par avance<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor">&nbsp;[175]</a>, <span class="dalign">1510</span></p>
-<p>Et qui se faisant droit avant que de mourir,</p>
-<p>Croit que se perdre ainsi, c'est un peu moins prir;</p>
-<p>Car nous aurions pri par les mains de sa garde;</p>
-<p>Mais la mort est plus belle alors qu'on la hasarde.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il vient, Seigneur.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE,<br />
-OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Eh bien! mes illustres amis, <span class="dalign">1515</span></p>
-<p>Contre mes grands rivaux quel espoir m'est permis?</p>
-<p>Pas un n'a-t-il pour soi la digne complaisance</p>
-<p>D'acqurir sa princesse en perdant qui m'offense?</p>
-<p>Quoi? l'amour, l'amiti, tout va d'un froid gal!</p>
-<p>Pas un ne m'aime assez pour har mon rival! <span class="dalign">1520</span></p>
-<p>Pas un de son objet n'a l'me assez ravie</p>
-<p>Pour vouloir tre heureux aux dpens d'une vie!</p>
-<p>Quels amis! quels amants! et quelle duret!</p>
-<p>Daignez, daignez du moins la mettre en sret:</p>
-<p>Si ces deux intrts n'ont rien qui la flchisse,<span class="dalign">1525</span></p>
-<p>Que l'horreur de mourir, leur dfaut, agisse;</p>
-<p>Et si vous n'coutez l'amiti ni l'amour,</p>
-<p>Faites un noble effort pour conserver le jour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A l'inhumanit joindre la raillerie,</p>
-<p>C'est son dernier point porter la barbarie. <span class="dalign">1530</span></p>
-<p>Aprs l'assassinat d'un frre et de six rois,</p>
-<p>Notre tour est venu de subir mmes lois;</p>
-<p>Et nous mritons bien les plus cruels supplices</p>
-<p>De nous tre exposs aux mmes sacrifices,</p>
-<p>D'en avoir pu souffrir chaque jour de nouveaux.<span class="dalign">1535</span></p>
-<p>Punissez, vengez-vous, mais cherchez des bourreaux;</p>
-<p>Et si vous tes roi, songez que nous le sommes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous? devant Attila vous n'tes que deux hommes;</p>
-<p>Et ds qu'il m'aura plu d'abattre votre orgueil,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span></div>
-<p>Vos ttes pour tomber n'attendront qu'un coup d'&oelig;il.</p>
-<p>Je fais grce tous deux de n'en demander qu'une:</p>
-<p>Faites-en dcider l'pe et la fortune;</p>
-<p>Et qui succombera du moins tiendra de moi</p>
-<p>L'honneur de ne prir que par la main d'un roi.</p>
-<p> Nobles gladiateurs, dont ma colre apprte<span class="dalign">1545</span></p>
-<p>Le spectacle pompeux cette grande fte,</p>
-<p>Montrez, montrez un c&oelig;ur enfin digne du rang.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre main est plus faite verser de tel sang;</p>
-<p>C'est lui faire un affront que d'emprunter les ntres.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour me faire justice il s'en trouvera d'autres;<span class="dalign">1550</span></p>
-<p>Mais si vous renoncez aux objets de vos v&oelig;ux,</p>
-<p>Le refus d'une tte en pourra coter deux.</p>
-<p>Je rvoque ma grce, et veux bien que vos crimes</p>
-<p>De deux rois mes rivaux me fassent deux victimes;</p>
-<p>Et ces rares objets si peu dignes de moi <span class="dalign">1555</span></p>
-<p>Seront le digne prix de cet illustre emploi.</p>
-<p class="stagedir">(A Ardaric.)</p>
-<p>De celui de vos feux je ferai la conqute</p>
-<p>De quiconque mes pieds abattra votre tte.</p>
-<p class="stagedir">(A Honorie.)</p>
-<p>Et comme vous paierez celle de Valamir,</p>
-<p>Nous aurons ce prix des bourreaux choisir; <span class="dalign">1560</span></p>
-<p>Et pour nouveau supplice de si belles flammes,</p>
-<p>Ce choix ne tombera que sur les plus infmes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tu pourrois tre lche et cruel jusque-l!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Encor plus, s'il le faut, mais toujours Attila,</p>
-<p>Toujours l'heureux objet de la haine publique, <span class="dalign">1565</span></p>
-<p>Fidle au grand dpt du pouvoir tyrannique,</p>
-<p>Toujours....</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Achve, et dis que tu veux en tout lieu</p>
-<p>tre l'effroi du monde, et le flau de Dieu<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor">&nbsp;[176]</a>.</p>
-<p>tale insolemment l'pouvantable image</p>
-<p>De ces fleuves de sang o se baignoit ta rage. <span class="dalign">1570</span></p>
-<p>Fais voir....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Que vous perdez de mots injurieux</p>
-<p>A me faire un reproche et doux et glorieux!</p>
-<p class="i1"> Ce dieu dont vous parlez, de temps en temps svre,</p>
-<p>Ne s'arme pas toujours de toute sa colre;</p>
-<p>Mais quand sa fureur il livre l'univers, <span class="dalign">1575</span></p>
-<p>Elle a pour chaque temps des dluges divers.</p>
-<p>Jadis, de toutes parts faisant regorger l'onde,</p>
-<p>Sous un dluge d'eaux il abma le monde;</p>
-<p>Sa main tient en rserve un dluge de feux</p>
-<p>Pour le dernier moment de nos derniers neveux; <span class="dalign">1580</span></p>
-<p>Et mon bras, dont il fait aujourd'hui son tonnerre,</p>
-<p>D'un dluge de sang couvre pour lui la terre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Lorsque par les tyrans il punit les mortels,</p>
-<p>Il rserve sa foudre ces grands criminels,</p>
-<p>Qu'il donne pour supplice toute la nature,<span class="dalign">1585</span></p>
-<p>Jusqu' ce que leur rage ait combl la mesure.</p>
-<p>Peut-tre qu'il prpare en ce mme moment</p>
-<p>A de si noirs forfaits l'clat du chtiment,</p>
-<p>Qu'alors que ta fureur nous perdre s'apprte,</p>
-<p>Il tient le bras lev pour te briser la tte, <span class="dalign">1590</span></p>
-<p>Et veut qu'un grand exemple oblige de trembler</p>
-<p>Quiconque dsormais t'osera ressembler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! en attendant ce changement sinistre,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span></div>
-<p>J'oserai jusqu'au bout lui servir de ministre,</p>
-<p>Et faire excuter toutes ses volonts <span class="dalign">1595</span></p>
-<p>Sur vous et sur des rois contre moi rvolts.</p>
-<p>Par des crimes nouveaux je punirai les vtres,</p>
-<p>Et mon tour prir ne viendra qu'aprs d'autres.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ton sang, qui chaque jour, longs flots distills<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor">&nbsp;[177]</a>,</p>
-<p>S'chappe vers ton frre et six rois immols, <span class="dalign">1600</span></p>
-<p>Te diroit-il trop bas que leurs ombres t'appellent?</p>
-<p>Faut-il que ces avis par moi se renouvellent?</p>
-<p>Vois, vois couler ce sang qui te vient avertir,</p>
-<p>Tyran, que pour les joindre il faut bientt partir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est rien; et pour moi s'il n'est point d'autre foudre,</p>
-<p>J'aurai pour ce dpart du temps m'y rsoudre.</p>
-<p>D'autres vous envoiroient<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor">&nbsp;[178]</a> leur frayer le chemin;</p>
-<p>Mais j'en laisserai faire votre grand destin,</p>
-<p>Et trouverai pour vous quelques autres vengeances,</p>
-<p>Quand l'humeur me prendra de punir tant d'offenses.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">ATTILA, VALAMIR, ARDARIC, HONORIE,<br />
-ILDIONE, OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">ATTILA</span>, Ildione.
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>O venez-vous, Madame, et qui vous enhardit</p>
-<p>A vouloir voir ma mort qu'ici l'on me prdit?</p>
-<p>Venez-vous de deux rois soutenir la querelle,</p>
-<p>Vous rvolter comme eux, me foudroyer comme elle,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span></div>
-<p>Ou mendier l'appui de mon juste courroux <span class="dalign">1615</span></p>
-<p>Contre votre Ardaric qui ne veut plus de vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'en mriteroit ni l'amour ni l'estime,</p>
-<p>S'il osoit esprer m'acqurir par un crime.</p>
-<p>D'un si juste refus j'ai de quoi me louer,</p>
-<p>Et ne viens pas ici pour l'en dsavouer. <span class="dalign">1620</span></p>
-<p>Non, Seigneur: c'est du mien que j'y viens me ddire,</p>
-<p>Rendre mes yeux sur vous leur souverain empire,</p>
-<p>Rattacher, runir votre vouloir au mien,</p>
-<p>Et reprendre un pouvoir dont vous n'usez pas bien.</p>
-<p class="i1"> Seigneur, est-ce l donc cette reconnoissance <span class="dalign">1625</span></p>
-<p>Si hautement promise mon obissance?</p>
-<p>J'ai quitt tous les miens sous l'espoir d'tre vous;</p>
-<p>Par votre ordre mon c&oelig;ur quitte un espoir si doux,</p>
-<p>Je me rduis au choix qu'il vous a plu me faire,</p>
-<p>Et votre ordre le met hors d'tat de me plaire! <span class="dalign">1630</span></p>
-<p>Mon respect qui me livre aux v&oelig;ux d'un autre roi</p>
-<p>N'y voit pour lui qu'opprobre, et que honte pour moi!</p>
-<p>Rendez, rendez-le-moi, cet empire suprme</p>
-<p>Qui ne vous laissoit plus disposer de vous-mme:</p>
-<p>Rendez toute votre me son premier souhait, <span class="dalign">1635</span></p>
-<p>Recevez qui vous aime, et fuyez qui vous hait.</p>
-<p>Honorie a ses droits; mais celui de vous plaire</p>
-<p>N'est pas, vous le savez, un droit imaginaire;</p>
-<p>Et pour vous appuyer, Mroue a des bras</p>
-<p>Qui font taire les droits quand il faut des combats.<span class="dalign">1640</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, je ne puis plus voir cette ingrate Honorie</p>
-<p>Qu'avec la mme horreur qu'on voit une furie;</p>
-<p>Et tout ce que le ciel a form de plus doux,</p>
-<p>Tout ce qu'il peut de mieux, je crois le voir en vous;</p>
-<p>Mais dans votre c&oelig;ur mme un autre amour murmure,</p>
-<p>Lorsque....</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Vous pourriez croire une telle imposture!</p>
-<p>Qu'ai-je dit? qu'ai-je fait que de vous obir?</p>
-<p>Et par o jusque-l m'aurois-je pu trahir?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ardaric est pour vous un poux adorable.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre main lui donnoit ce qu'il avoit d'aimable;<span class="dalign">1650</span></p>
-<p>Et je ne l'ai tantt accept pour poux</p>
-<p>Que par cet ordre exprs que j'ai reu de vous.</p>
-<p>Vous aviez dj vu qu'en dpit de ma flamme,</p>
-<p>Pour vous faire empereur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Vous me trompez, Madame;</p>
-<p>Mais l'amour par vos yeux me sait si bien dompter,<span class="dalign">1655</span></p>
-<p>Que je ferme les miens pour n'y plus rsister.</p>
-<p>N'abusez pas pourtant d'un si puissant empire:</p>
-<p>Songez qu'il est encor d'autres biens o j'aspire,</p>
-<p>Que la vengeance est douce aussi bien que l'amour;</p>
-<p>Et laissez-moi pouvoir quelque chose mon tour. <span class="dalign">1660</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ILDIONE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, ensanglanter cette illustre journe!</p>
-<p>Grce, grce du moins jusqu'aprs l'hymne.</p>
-<p>A son heureux flambeau souffrez un pur clat,</p>
-<p>Et laissez pour demain les maximes d'tat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous le voulez, Madame, il faut vous satisfaire; <span class="dalign">1665</span></p>
-<p>Mais ce n'est que grossir d'autant plus ma colre;</p>
-<p>Et ce que par votre ordre elle perd de moments</p>
-<p>Enfle l'avidit de mes ressentiments.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voyez, voyez plutt, par votre exemple mme,</p>
-<p>Seigneur, jusqu'o s'aveugle un grand c&oelig;ur quand il aime:</p>
-<p>Voyez jusqu'o l'amour, qui vous ferme les yeux,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span></div>
-<p>Force et dompte les rois qui rsistent le mieux,</p>
-<p>Quel empire il se fait sur l'me la plus fire;</p>
-<p>Et si vous avez vu la mienne trop altire,</p>
-<p>Voyez ce mme amour immoler pleinement <span class="dalign">1675</span></p>
-<p>Son orgueil le plus juste au salut d'un amant,</p>
-<p>Et toute sa fiert dans mes larmes teinte</p>
-<p>Descendre la prire et cder la crainte.</p>
-<p>Avoir su jusque-l rduire mon courroux,</p>
-<p>Vous doit tre, Seigneur, un triomphe assez doux.<span class="dalign">1680</span></p>
-<p>Que tant d'orgueil dompt suffise pour victime.</p>
-<p>Voudriez-vous traiter votre exemple de crime,</p>
-<p>Et quand vous adorez qui ne vous aime pas,</p>
-<p>D'un rciproque amour condamner les appas?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ATTILA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Princesse, il vaut mieux nous imiter l'un l'autre:</p>
-<p>Vous suivez mon exemple, et je suivrai le vtre<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor">&nbsp;[179]</a>.</p>
-<p>Vous condamniez Madame l'hymen d'un sujet;</p>
-<p>Remplissez au lieu d'elle un si juste projet.</p>
-<p>Je vous l'ai dj dit; et mon respect fidle</p>
-<p>A cette digne loi que vous faisiez pour elle, <span class="dalign">1690</span></p>
-<p>N'ose prendre autre rgle punir vos mpris.</p>
-<p>Si Valamir vous plat, sa vie est ce prix:</p>
-<p>Disposez ce prix d'une main qui m'est due.</p>
-<p class="i1"> Octar, ne perdez pas la Princesse de vue.</p>
-<p class="i1"> Vous, qui me commandez de vous donner ma foi,</p>
-<p>Madame, allons au temple; et vous, rois, suivez-moi.</p>
-</div></div>
-
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">HONORIE, OCTAR.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tu le vois, pour toucher cet orgueilleux courage,</p>
-<p>J'ai pleur, j'ai pri, j'ai tout mis en usage,</p>
-<p>Octar; et pour tout fruit de tant d'abaissement,</p>
-<p>Le barbare me traite encor plus firement. <span class="dalign">1700</span></p>
-<p>S'il reste quelque espoir, c'est toi seul qu'il regarde.</p>
-<p>Prendras-tu bien ton temps? Tu commandes sa garde;</p>
-<p>La nuit et le sommeil vont tout mettre en ton choix;</p>
-<p>Et Flavie est le prix du salut de deux rois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">OCTAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! Madame, Attila, depuis votre menace, <span class="dalign">1705</span></p>
-<p>Met hors de mon pouvoir l'effet de cette audace.</p>
-<p>Ce dfiant esprit n'agit plus maintenant,</p>
-<p>Dans toutes ses fureurs, que par mon lieutenant:</p>
-<p>C'est par lui qu'aux deux rois il fait ter les armes,</p>
-<p>Et deux mots en son me ont jet tant d'alarmes, <span class="dalign">1710</span></p>
-<p>Qu'exprs votre suite il m'attache aujourd'hui,</p>
-<p>Pour m'ter tout moyen de m'approcher de lui.</p>
-<p>Pour peu que je vous quitte il y va de ma vie,</p>
-<p>Et s'il peut dcouvrir que j'adore Flavie....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il le saura de moi, si tu ne veux agir,<span class="dalign">1715</span></p>
-<p>Infme, qui t'en peux excuser sans rougir:</p>
-<p>Si tu veux vivre encor, va, cherche du courage.</p>
-<p>Tu vois ce qu' toute heure il immole sa rage;</p>
-<p>Et ta vertu, qui craint de trop parotre au jour<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor">&nbsp;[180]</a>,</p>
-<p>Attend, les bras croiss, qu'il t'immole son tour, <span class="dalign">1720</span></p>
-<p>Fais prir, ou pris; prviens, lche, ou succombe:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span></div>
-<p>Venge toute la terre, ou grossis l'hcatombe.</p>
-<p class="i1"> Si ta gloire<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor">&nbsp;[181]</a> sur toi, si l'amour ne peut rien,</p>
-<p>Meurs en tratre, et du moins sers de victime au mien.</p>
-<p>Mais qui me rend, Seigneur, le bien de votre vue<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor">&nbsp;[182]</a>?</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">VALAMIR, HONORIE, OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'impatient transport d'une joie imprvue:</p>
-<p>Notre tyran n'est plus.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Il est mort?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i17"> coutez</p>
-<p>Comme enfin l'ont puni ses propres cruauts,</p>
-<p>Et comme heureusement le ciel vient de souscrire</p>
-<p>A ce que nos malheurs vous ont fait lui prdire<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor">&nbsp;[183]</a>.<span class="dalign">1730</span></p>
-<p class="i1"> A peine sortions-nous, pleins de trouble et d'horreur,</p>
-<p>Qu'Attila recommence saigner de fureur,</p>
-<p>Mais avec abondance; et le sang qui bouillonne</p>
-<p>Forme un si gros torrent, que lui-mme il s'tonne.</p>
-<p>Tout surpris qu'il en est: S'il ne veut s'arrter,<span class="dalign">1735</span></p>
-<p>Dit-il, on me paiera ce qu'il m'en va coter.</p>
-<p class="i1"> Il demeure ces mots sans parole, sans force;</p>
-<p>Tous ses sens d'avec lui font un soudain divorce:</p>
-<p>Sa gorge enfle, et du sang dont le cours s'paissit</p>
-<p>Le passage se ferme, ou du moins s'trcit<a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor">&nbsp;[184]</a>. <span class="dalign">1740</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span></div>
-<p>De ce sang renferm la vapeur en furie</p>
-<p>Semble avoir touff sa colre et sa vie;</p>
-<p>Et dj de son front la funeste pleur</p>
-<p>N'opposoit la mort qu'un reste de chaleur,</p>
-<p>Lorsqu'une illusion lui prsente son frre,<span class="dalign">1745</span></p>
-<p>Et lui rend tout d'un coup la vie et la colre:</p>
-<p>Il croit le voir suivi des ombres de six rois,</p>
-<p>Qu'il se veut immoler une seconde fois;</p>
-<p>Mais ce retour si prompt de sa plus noire audace</p>
-<p>N'est qu'un dernier effort de la nature lasse,<span class="dalign">1750</span></p>
-<p>Qui prte succomber sous la mort qui l'atteint,</p>
-<p>Jette un plus vif clat, et tout d'un coup s'teint.</p>
-<p>C'est en vain qu'il fulmine cette affreuse vue:</p>
-<p>Sa rage qui renat en mme temps le tue.</p>
-<p>L'imptueuse ardeur de ces transports nouveaux<span class="dalign">1755</span></p>
-<p>A son sang prisonnier ouvre tous les canaux;</p>
-<p>Son lancement perce ou rompt toutes les veines,</p>
-<p>Et ces canaux ouverts sont autant de fontaines</p>
-<p>Par o l'me et le sang se pressent de sortir,</p>
-<p>Pour terminer sa rage et nous en garantir.<span class="dalign">1760</span></p>
-<p>Sa vie longs ruisseaux se rpand sur le sable;</p>
-<p>Chaque instant l'affoiblit, et chaque effort l'accable;</p>
-<p>Chaque pas rend justice au sang qu'il a vers,</p>
-<p>Et fait grce celui qu'il avoit menac.</p>
-<p>Ce n'est plus qu'en sanglots qu'il dit ce qu'il croit dire;</p>
-<p>Il frissonne, il chancelle, il trbuche, il expire;</p>
-<p>Et sa fureur dernire, puisant tant d'horreurs,</p>
-<p>Venge enfin l'univers de toutes ses fureurs.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE VII.</h3>
-
-<p class="subt">ARDARIC, VALAMIR, HONORIE, ILDIONE,<br />
-OCTAR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est pas tout, Seigneur; la haine gnrale,</p>
-<p>N'ayant plus le craindre, avidement s'tale;<span class="dalign">1770</span></p>
-<p>Tous brlent de servir sous des ordres plus doux,</p>
-<p>Tous veulent l'envi les recevoir de nous.</p>
-<p>Ce bonheur tonnant que le ciel nous renvoie</p>
-<p>De tant de nations fait la commune joie;</p>
-<p>La fin de nos prils en remplit tous les v&oelig;ux,<span class="dalign">1775</span></p>
-<p>Et pour tre tous quatre au dernier point heureux,</p>
-<p>Nous n'avons plus qu' voir notre flamme avoue</p>
-<p>Du souverain de Rome et du grand Mroue:</p>
-<p>La princesse des Francs m'impose cette loi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour moi, je n'en ai plus prendre que de moi. <span class="dalign">1780</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">ARDARIC.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne perdons point de temps en ce retour d'affaires:</p>
-<p>Allons donner tous deux les ordres ncessaires,</p>
-<p>Remplir ce trne vide, et voir sous quelles lois</p>
-<p>Tant de peuples voudront nous recevoir pour rois<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor">&nbsp;[185]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VALAMIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Me le permettez-vous, Madame? et puis-je croire. <span class="dalign">1785</span></p>
-<p>Que vous tiendrez enfin ma flamme quelque gloire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">HONORIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez; et cependant assurez-vous, Seigneur,</p>
-<p>Que nos destins changs n'ont point chang mon c&oelig;ur.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i5">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE.</span></p>
-
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_182"> 182</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p class="extra">TITE ET BRNICE<br />
-<span class="medium">COMDIE HROQUE</span><br />
-<span class="small">1670</span></p>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_184"> 184</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span></p>
-</div>
-
-<h3>NOTICE.</h3>
-
-<p>Henriette d'Angleterre<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor">&nbsp;[186]</a>, belle-s&oelig;ur de Louis XIV, voulut,
-dit Voltaire dans la prface de son commentaire sur la <i>Brnice</i>
-de Racine, que Racine et Corneille fissent chacun une tragdie
-des adieux de Titus et de Brnice. Elle crut qu'une victoire obtenue
-sur l'amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le
-sujet, et en cela elle ne se trompait pas; mais elle avait encore
-un intrt secret voir cette victoire reprsente sur le thtre:
-elle se ressouvenait des sentiments qu'elle avait eus longtemps
-pour Louis XIV, et du got vif de ce prince pour elle. Le
-danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans la
-famille royale, les noms de beau-frre et de belle-s&oelig;ur, mirent
-un frein leurs dsirs; mais il resta toujours dans leurs
-c&oelig;urs une inclination secrte, toujours chre l'un et l'autre.
-Ce sont ces sentiments qu'elle voulut voir dvelopps sur la
-scne, autant pour sa consolation que pour son amusement.
-Elle chargea le marquis de Dangeau, confident de ses amours
-avec le Roi, d'engager secrtement Corneille et Racine travailler
-l'un et l'autre sur ce sujet, qui paraissait si peu fait
-pour la scne. Les deux pices furent composes dans l'anne
-1670, sans qu'aucun des deux st qu'il avait un rival<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor">&nbsp;[187]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span>
-Dj, dans son <i>Sicle de Louis XIV</i><a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor">&nbsp;[188]</a>, Voltaire avait expliqu
-le caractre de cette liaison du Roi et de Madame, et marqu
-d'une manire plus prcise quelle avait t l'intention
-de cette princesse, en imposant nos deux plus grands potes
-tragiques une tche si difficile et si dangereuse: Il y eut
-d'abord entre Madame et le Roi beaucoup de ces coquetteries
-d'esprit et de cette intelligence secrte, qui se remarqurent
-dans de petites ftes souvent rptes. Le Roi lui envoyait
-des vers; elle y rpondait. Il arriva que le mme homme
-fut la fois le confident du Roi et de Madame dans ce commerce
-ingnieux. C'tait le marquis de Dangeau. Le Roi le
-chargeait d'crire pour lui; et la princesse l'engageait
-rpondre au Roi. Il les servit ainsi tous deux, sans laisser
-souponner l'un qu'il ft employ par l'autre; et ce fut une
-des causes de sa fortune. Cette intelligence jeta des alarmes
-dans la famille royale. Le Roi rduisit l'clat de ce commerce
- un fonds d'estime et d'amiti qui ne s'altra jamais. Lorsque
-Madame fit depuis travailler Racine et Corneille la tragdie
-de <i>Brnice</i>, elle avait en vue, non-seulement la rupture du
-Roi avec la conntable Colonne<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor">&nbsp;[189]</a>, mais le frein qu'elle-mme
-<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span>
-avait mis son propre penchant, de peur qu'il ne devnt dangereux.</p>
-
-<p>La malheureuse princesse ne devait pas assister la lutte
-littraire qu'elle s'tait promis de juger. C'est le 30 juin 1670
-qu'elle fut frappe d'une mort inattendue, qui est demeure
-un douloureux problme pour la science et pour l'histoire. Le
-21 aot Bossuet faisait retentir les votes de Saint-Denis de
-l'loquente oraison funbre qui a grav jamais dans toutes
-les mmoires le vivant souvenir de Madame, et trois mois
-seulement plus tard les deux pices qu'elle avait tout la fois
-inspires et commandes paraissaient sur le thtre.</p>
-
-<p>Dans de telles circonstances, elles excitrent une curiosit
-bien facile comprendre; mais les armes taient loin d'tre
-gales entre les deux champions. Aux avantages rels et incontestables
-que Racine, par la nature de son talent, avait sur
-Corneille en un pareil sujet<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor">&nbsp;[190]</a>, le hasard ou l'habilet du jeune
-pote et de ses amis en avaient ajout d'autres. Racine, dont
-la pice fut reprsente l'htel de Bourgogne, fut assez
-heureux pour voir le rle de Titus rempli par Floridor, et celui
-de Brnice par la Champmesl; de plus sa tragdie joue
-<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span>
-le 21 novembre, huit jours avant celle de Corneille, eut ainsi
-tout le temps de gagner l'avance la faveur du public.</p>
-
-<p>Corneille, il est vrai, paraissait tre plus avant que son concurrent
-dans les bonnes grces de Robinet, qui dans ses <i>Lettres
-en vers</i> vite de se prononcer sur la pice de Racine, et se
-contente de louer la pompe du spectacle et le talent des acteurs.
-C'est d'une tout autre faon qu'il parle de l'ouvrage de Corneille.
-Il commence par l'annoncer avec fracas; passant en
-revue dans son numro du 22 novembre les nouvelles du
-jour, il s'exprime de la sorte:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>La premire en forme d'avis,</p>
-<p>Dont maints et maints seront ravis,</p>
-<p>Est que ce pome de Corneille,</p>
-<p>Sa <i>Brnice</i> nompareille,</p>
-<p>Se donnera pour le certain,</p>
-<p>Le jour de vendredi prochain,</p>
-<p>Sur le thtre de Molire.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p class="i1"> J'ajoute encor brivement</p>
-<p>Qu'on doit alternativement</p>
-<p>Jouer la grande <i>Brnice</i>,</p>
-<p>Qu'on loue avec tant de justice,</p>
-<p>Et <i>le Gentilhomme bourgeois</i>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Toutefois le vendredi 28 novembre Robinet n'assista pas,
-comme on aurait pu le croire, la premire reprsentation de
-<i>Tite et Brnice</i>. Il s'en explique ainsi dans son numro du
-lendemain 29:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><b>..</b> Je ne puis sortir la porte</p>
-<p>Pour une raison assez forte.</p>
-<p> Sans cela, par un beau souci,</p>
-<p>J'eusse t ds hier aussi</p>
-<p>Voir le chef-d'&oelig;uvre de Corneille,</p>
-<p>Lequel parut une merveille</p>
-<p>A la foule qui se trouva</p>
-<p>A ce divin pome-l,</p>
-<p>Que <i>Brnice</i> l'on appelle,</p>
-<p>D'un bout l'autre toute belle,</p>
-<p>Et qu'enfin la troupe du Roi</p>
-<p>Joue miracle, en bonne foi,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span></div>
-<p>Se signalant dans l'hroque,</p>
-<p>Aussi bien que dans le comique.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ce n'est que plus tard, dans le numro du 20 dcembre, qu'on
-trouve un compte rendu dtaill de la pice:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>La <i>Brnice</i> de Corneille,</p>
-<p>Qu'on peut, sans qu'on s'en merveille,</p>
-<p>Dire un vrai chef-d'&oelig;uvre de l'art,</p>
-<p>Sans aucun mais, ni si, ni car,</p>
-<p>Est fort suivie et fort loue,</p>
-<p>Et mme merveille joue</p>
-<p>Par la digne troupe du Roi,</p>
-<p>Sur son thtre en noble arroi.</p>
-<p>Mademoiselle de Molire</p>
-<p>Des mieux soutient le caractre</p>
-<p>De cette reine dont le c&oelig;ur</p>
-<p>Tmoigne un amour plein d'honneur.</p>
-<p>Cette autre admirable chrtienne<a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor">&nbsp;[191]</a>,</p>
-<p>Cette rare comdienne,</p>
-<p>Mademoiselle de Beauval,</p>
-<p>Savante dans l'art thtral,</p>
-<p>Fait bien la fire Domitie;</p>
-<p>Et Mademoiselle de Brie,</p>
-<p>Qui tout joue agrablement</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span></div>
-<p>Comme judicieusement,</p>
-<p>Y pare grandement la scne<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor">&nbsp;[192]</a>,</p>
-<p>Parlant avec cette Romaine,</p>
-<p>Qui l'entretient confidemment</p>
-<p>Dessus l'incommode tourment</p>
-<p>Que lui cause, au fond de son me,</p>
-<p>Son ambition et sa flamme.</p>
-<p>La Thorillire fait Titus,</p>
-<p>Empereur orn de vertus,</p>
-<p>Et remplit, dessus ma parole,</p>
-<p>Dignement cet auguste rle.</p>
-<p class="i1"> De mme le jeune Baron,</p>
-<p>Hritier, ainsi que du nom,</p>
-<p>De tous les charmes de sa mre</p>
-<p>Et des beaux talents qu'eut son pre,</p>
-<p>Y reprsente, en son air doux,</p>
-<p>Domitian, au gr de tous,</p>
-<p>Dans l'amour tendre autant qu'extrme</p>
-<p>Dont ladite Romaine il aime.</p>
-<p>Enfin leurs confidents aussi,</p>
-<p>Dont ct les noms voici, (<i>Les S<sup>rs</sup> Hubert, du Croisi et la Grange.</i>)</p>
-<p>Y font trs-bien leur personnage,</p>
-<p>Et dans un brillant quipage.</p>
-</div></div>
-
-<p>Environ un mois aprs, la pice tait reprsente Vincennes
-devant la cour. C'est la <i>Gazette</i> qui nous l'apprend en
-ces termes: Le 21, Leurs Majests, avec lesquelles toient
-Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orlans,
-Mme de Guise et la duchesse d'Enghien, allrent au chteau
-de Vincennes, continuer les divertissements du carnaval: y
-ayant eu le soir la reprsentation de la <i>Brnice</i> du sieur Corneille,
-par la troupe du Roi dans l'antichambre de la Reine,
-puis le bal, o les seigneurs et les dames parurent en un ajustement
-des plus superbes et des plus brillants: ce qui fut prcd
-d'une trs-magnifique collation et suivi d'un souper non
-moins splendide.</p>
-
-<p>Corneille ne partageait pas l'enthousiasme de Robinet, et
-n'tait nullement satisfait de la faon dont sa pice avait t
-joue; il en conserva mme un si pnible souvenir, que six ans
-<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span>
-plus tard il crivait Louis XIV, en le remerciant d'avoir fait
-reparatre certains de ses ouvrages et en le priant d'tendre
- d'autres la mme faveur, que s'il daignait leur accorder
-quelque attention:</p>
-
-<p class="quote"><b>....</b> <i>Brnice</i> enfin trouveroit des acteurs.</p>
-
-<p>Avouons, du reste, que les comdiens qui jouaient dans cette
-pice devaient tre assez embarrasss pour exprimer certains
-sentiments factices, et mme pour comprendre quelques passages
-obscurs. Cizeron Rival raconte ce sujet une anecdote<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor">&nbsp;[193]</a> dont
-nous n'oserions pas garantir l'exactitude, mais qui est tout la
-fois trop piquante et trop connue pour qu'il soit permis de la
-passer sous silence. M. Despraux distinguoit ordinairement
-deux sortes de galimatias: le <i>galimatias simple</i>, et le <i>galimatias
-double</i>. Il appeloit galimatias simple, celui o l'auteur entendoit
-ce qu'il vouloit dire, mais o les autres n'entendoient
-rien; et le galimatias double, celui o l'auteur ni les lecteurs
-ne pouvoient rien comprendre.... Il citoit pour exemple ces
-quatre vers de la tragdie de <i>Tite et Brnice</i> du grand Corneille
-(acte I, scne <span class="small1">II</span>):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme,</p>
-<p>Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme,</p>
-<p>Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort</p>
-<p>Puissent dans quatre jours se promettre ma mort?</p>
-</div></div>
-
-<p>Baron, ce clbre acteur, devoit faire le rle de Domitian dans
-cette mme tragdie, et comme il tudioit son rle, l'obscurit
-des vers rapports ci-dessus lui donna quelque peine, et il en
-alla demander l'explication Molire, chez qui il demeuroit.
-Molire, aprs les avoir lus, lui dit qu'il ne les entendoit pas
-non plus: Mais, attendez, dit-il Baron; M. Corneille doit
-venir souper avec nous aujourd'hui, et vous lui direz qu'il
-vous les explique. Ds que Corneille arriva, le jeune Baron
-alla lui sauter au cou, comme il faisoit ordinairement, parce
-qu'il l'aimoit, et ensuite il le pria de lui expliquer ces quatre
-<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span>
-vers, disant Corneille qu'il ne les entendoit pas. Corneille,
-aprs les avoir examins quelque temps, dit: Je ne les entends
-pas trop bien non plus; mais rcitez-les toujours: tel
-qui ne les entendra pas les admirera.</p>
-
-<p>Ce reproche d'obscurit est le principal que les critiques
-aient adress Corneille dans les crits composs l'occasion
-des deux tragdies. La premire brochure publie ce sujet,
-intitule: <i>la Critique de Brnice</i>, par l'abb de Villars, se
-rapporte entirement la <i>Brnice</i> de Racine; elle a suivi la
-premire reprsentation de trs-prs, et nous serions mme
-embarrass par la date du 17 novembre qu'elle porte, puisque
-la pice n'est que du 21, si un adversaire de l'abb de Villars
-n'avait relev cette erreur au commencement de sa <i>Rponse</i><a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor">&nbsp;[194]</a>.
-En paraissant prendre la dfense de la pice de Racine, l'abb
-de Villars fait assez finement ressortir tous les dfauts qu'on y
-peut trouver. Je ne puis souffrir, dit-il en terminant, que
-l'on accuse le pote de n'entendre pas le thtre, qu'on le
-blme d'avoir voulu entrer en lice avec Corneille, et que Monsieur ***** s'crie:</p>
-
-<p class="quote"><i>Infelix puer atque impar congressus Achilli<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor">&nbsp;[195]</a>.</i></p>
-
-<p>Aprs une telle conclusion, Corneille pouvait, ce semble, attendre
-avec confiance la suite de cet examen ainsi annonce par
-l'abb de Villars: La semaine prochaine on verra la seconde
-partie de cette critique, qui est sur la <i>Brnice</i> du Palais-Royal<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor">&nbsp;[196]</a>.
-Mais notre pote dut tre fort dsagrablement surpris en voyant
-la faon dont commence cette seconde partie de <i>la Critique</i>.
-La muse du cothurne, dit l'auteur, a refus Corneille ses
-faveurs accoutumes, au lieu de lui en accorder de nouvelles;
-et par un caprice impitoyable, elle l'a fait entrer en lice avec
-un aventurier qui ne lui en contoit que depuis trois jours; elle
-l'a abandonn sa verve caduque au milieu de la course, et
-s'est jete du ct du plus jeune<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor">&nbsp;[197]</a>.</p>
-
-<p>Notre intention n'est pas d'analyser cette critique; elle prsente
-<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span>
-fort peu d'intrt, et l'auteur parat surtout occup de
-refaire sa faon le plan de l'ouvrage qu'il examine. Contentons-nous
-de constater que le dnoment de <i>Tite et Brnice</i>
-tait alors gnralement approuv. Quoique le censeur le
-blme, il convient ainsi de l'effet qu'il produisait: Vous
-m'allez dire, je le vois bien, qu'il (<i>Corneille</i>) a t lou universellement
-d'avoir bien fini; qu'on dit qu'il s'est surpass
-lui-mme dans le dnoment; et que sa catastrophe a t admire
-de tout le monde, en un sujet o elle toit si difficile<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor">&nbsp;[198]</a>.</p>
-
-<p>Dans la <i>Rponse la Critique de la Brnice de Racine</i>, par
-Subligny<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor">&nbsp;[199]</a>, nous n'avons rien recueillir, si ce n'est peut-tre
-une fade pigramme contre Corneille, qui a tout l'air d'tre de
-Subligny lui-mme; voici le passage o elle se trouve: On
-dit de M. Corneille qu'il a voulu copier son Tite sur notre
-invincible monarque et qu'il y a trs-mal russi, comme on
-voit par la comparaison qui en a t faite en vers:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Tite, par de grands mots, nous vante son mrite;</p>
-<p>Louis fait, sans parler, cent exploits inous;</p>
-<p class="i3"> Et ce que Tite dit de Tite,</p>
-<p>C'est l'univers entier qui le dit de Louis<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor">&nbsp;[200]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p><i>Tite et Titus ou les Brnices</i>, comdie en trois actes, imprime
- Utrecht en 1673, est une critique beaucoup plus
-dlicate que les prcdentes des pices de nos deux illustres
-tragiques. Le Tite de Corneille avec sa Brnice viennent implorer
-Apollon contre le Titus et la Brnice de Racine, qu'ils
-traitent d'imposteurs. Les plaidoyers prononcs de part et d'autre
-font bien ressortir les dfauts des deux pices et surtout
-les invraisemblances et les obscurits de la tragdie de Corneille.
-Aprs avoir vainement tent un accommodement, Apollon
-rend enfin le jugement que nous allons rapporter: Quant
-au principal, la vrit il y a plus d'apparence que Titus et sa
-Brnice soient les vritables, que non pas que ce soient les
-autres; mais pourtant, quoi qu'il en soit, et toutes choses bien
-considres, les uns et les autres auroient bien mieux fait de
-<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span>
-se tenir au pays d'Histoire, dont ils sont originaires, que d'avoir
-voulu passer dans l'empire de Posie, quoi ils n'toient
-nullement propres, et o, pour dire la vrit, on les a amens,
- ce qu'il me semble, assez mal propos<a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor">&nbsp;[201]</a>.</p>
-
-<p>L'dition originale de la pice de notre pote a pour titre:
-<span class="small1">Tite et Brnice</span>. <i>Comdie hroque. Par P. Corneille. A Paris,
-chez Lois Billaine, au Palais.... M.DC.LXXI, auec priuilege
-du Roy....</i> Le volume, de format in-12, se compose de
-4 feuillets et de 44 pages. L'Achev d'imprimer pour la premire
-fois est du 3<sup>e</sup> de fvrier 1671. Le privilge, accord
-Corneille, mentionne la traduction en vers franois de <i>Thbade</i>
-de Stace, aujourd'hui perdue, dont nous avons dj
-parl<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor">&nbsp;[202]</a> et sur laquelle nous aurons revenir; il porte la date du
-dernier jour de dcembre, l'an de grce mil six cens soixante-dix.
-Une note qui le termine porte que ledit sieur Corneille
-a cd son droit de Privilge Thomas Jolly, Guillaume de
-Luyne, et Louis Billaine, pour la Comdie de <i>Tite et Brnice</i> seulement.</p>
-
-<p>Contre son habitude, Corneille n'a plac en tte de cette
-pice aucun avis au lecteur, mais seulement deux extraits de
-Xiphilin, l'abrviateur de Dion Cassius. Il ne cite pas ce clbre
-passage de Sutone que Racine rapporte en l'abrgeant au commencement
-de sa prface: <i>Titus, reginam Berenicen, cui
-etiam nuptias pollicitus ferebatur.... statim ab Urbe dimisit invitus
-<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span>
-invitam</i><a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor">&nbsp;[203]</a> C'est--dire que Titus, qui aimoit passionnment
-Brnice, et qui mme, ce qu'on croyoit, lui avoit promis de
-l'pouser, la renvoya de Rome, malgr lui et malgr elle, ds
-les premiers jours de son empire.</p>
-
-<p>Ce mot que Racine rappelle ici, il ne l'a pas imit, tandis
-qu'on lit dans la dernire scne de la pice de Corneille:</p>
-
-<p class="quote">L'amour peut-il se faire une si dure loi?<br />
-&mdash;La raison me la fait malgr vous, malgr moi.</p>
-
-<p>La prface de Racine contient plus d'un passage qu'on pourrait
-regarder, que l'auteur y ait pens ou non, comme une
-allusion dsobligeante l'ouvrage de son concurrent. Corneille
-avait cru devoir ajouter des pisodes au sujet qui lui
-avait t donn: Ce qui m'en plut davantage, dit au contraire
-Racine, c'est que je le trouvai extrmement simple; et il
-ajoute: Il y en a qui pensent que cette simplicit est une
-marque de peu d'invention. Ils ne songent pas qu'au contraire
-toute l'invention consiste faire quelque chose de rien, et que
-tout ce grand nombre d'incidents a toujours t le refuge des
-potes qui ne sentoient dans leur gnie ni assez d'abondance
-ni assez de force pour attacher durant cinq actes leurs spectateurs
-par une action simple, soutenue de la violence des passions,
-de la beaut des sentiments et de l'lgance de l'expression.
-Je suis bien loign de croire que toutes ces choses se
-rencontrent dans mon ouvrage; mais aussi je ne puis croire
-que le public me sache mauvais gr de lui avoir donn une
-tragdie qui a t honore de tant de larmes, et dont la trentime
-reprsentation a t aussi suivie que la premire.</p>
-
-<p>Faire sonner si haut ces trente reprsentations si bien suivies,
-c'tait, dessein ou non je le rpte, appeler l'attention sur le
-peu de succs de <i>Tite et Brnice</i>, qui ne fut jou en tout que
-vingt et une fois. L'ensemble de ces vingt et une reprsentations
-produisit une somme totale de quinze mille trois cent
-soixante-seize livres dix sous, qui se trouva fort ingalement
-rpartie; car si la premire recette fut de dix-neuf cent treize
-livres dix sous, la dernire ne fut plus que de deux cent six
-livres dix sous; encore faut-il remarquer que Molire avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span>
-pris soin de faire jouer une seconde pice avec celle de Corneille
- chacune des quatre dernires reprsentations, pour
-tcher d'attirer un peu plus de monde. Les registres de Lagrange,
-d'o sont tirs ces renseignements, nous en fournissent
-encore un autre plus prcieux: ils nous font connatre le montant
-de la somme touche par Corneille. On y lit sous la date
-du 28 novembre 1670: <i>Brnice</i>, pice nouvelle de M. de
-Corneille l'an, dont on lui a pay deux mille livres.</p>
-
-<p>Outre cette interprtation maligne laquelle peut se prter
-la prface de Racine, il semble qu'on puisse dcouvrir ou du
-moins souponner une intention du mme genre dans une des
-scnes de sa tragdie mme. Tite s'exprime ainsi chez Corneille
-(acte III, scne <span class="small1">V</span>, vers 1027-1034):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Eh bien! Madame, il faut renoncer ce titre (<i>d'empereur</i>),</p>
-<p>Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre.</p>
-<p>Allons dans vos tats m'en donner un plus doux;</p>
-<p>Ma gloire la plus haute est celle d'tre vous.</p>
-<p>Allons o je n'aurai que vous pour souveraine,</p>
-<p>O vos bras amoureux seront ma seule chane,</p>
-<p>O l'hymen en triomphe jamais l'treindra;</p>
-<p>Et soit de Rome esclave et matre qui voudra!</p>
-</div></div>
-
-<p>Titus, au contraire, dit chez Racine (acte V, scne <span class="small1">VI</span>):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Je dois vous pouser encor moins que jamais:</p>
-<p>Oui, Madame; et je dois moins encore vous dire</p>
-<p>Que je suis prt, pour vous, d'abandonner l'empire,</p>
-<p>De vous suivre, et d'aller, trop content de mes fers,</p>
-<p>Soupirer avec vous au bout de l'univers.</p>
-<p>Vous-mme rougiriez de ma lche conduite:</p>
-<p>Vous verriez regret marcher votre suite</p>
-<p>Un indigne empereur, sans empire, sans cour,</p>
-<p>Vil spectacle aux humains des foiblesses d'amour.</p>
-</div></div>
-
-<p>Est-ce un simple hasard qui a produit entre le langage de
-Tite et celui de Titus une opposition si vivement marque? On
-pourrait tre tent d'en douter; car il n'est pas absolument
-impossible qu'une indiscrtion ait fait connatre Racine ce
-passage de la pice de son rival, et qu'il se soit plu rfuter
-d'avance les ides qui y sont exprimes.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="large">EXTRAIT DE XIPHILIN</span><br />
-<span class="xlarge">XIPHILINUS EX DIONE</span><br />
-<span class="small">IN VESPASIANO,</span><br />
-<span class="small">GUILLELMO BLANCO INTERPRETE<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor">&nbsp;[204]</a>.</span></h2>
-</div>
-
-<p><span class="large">V</span><span class="small1">espasianus</span> a senatu absens imperator creatur, Titusque
-et Domitianus Csares designantur.</p>
-
-<p>Domitianus animum ad amorem Domiti fili Corbulonis
-applicaverat, eamque, a Lucio Lamio miliano
-viro ejus abductam, secum habebat in numero amicarum,
-eamdemque postea uxorem duxit.</p>
-
-<p>Per id tempus Berenice maxime florebat, ob eamque
-causam cum Agrippa fratre Romam venit. Is prtoriis
-honoribus auctus est; ipsa habitavit in palatio, c&oelig;pitque
-cum Tito coire. Spes erat eam Tito nuptum iri; jam enim
-<span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span>
-omnia, ut si esset uxor, gerebat. Sed Titus, quum intelligeret
-populum Romanum id moleste ferre, eam
-repudiavit, prsertim quod de iis rebus magni rumores<a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor">&nbsp;[205]</a>
-perferrentur.</p>
-
-<h3 class="subh">IN TITO.</h3>
-
-<p>Titus, ex quo tempore principatum solus obtinuit, nec
-cdes fecit, nec amoribus inservivit; sed comis, quamvis
-insidiis peteretur, et continens, Berenice licet in urbem
-reversa, fuit.</p>
-
-<p>Titus moriens se unius tantum rei p&oelig;nitere dixit: id
-autem quid esset non aperuit, nec quisquam certo novit,
-aliud aliis conjicientibus. Constans fama fuit, ut nonnulli
-tradunt, quod Domitiam uxorem fratris habuisset. Alii
-<span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span>
-putant, quibus ego assentior, quod Domitianum, a quo
-certo sciebat sibi insidias parari, non interfecisset, sed
-id ab eo pati maluisset, et quod traderet imperium romanum
-tali viro.</p>
-
-<hr class="tb" />
-<div class="chapter">
-<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br />
-POUR LES VARIANTES DE <i>TITE ET BRNICE</i>.</h3>
-
-<h3 class="normal">DITIONS SPARES.<br />
-1671 in-12; &nbsp; | &nbsp;1679 in-12.<br />
-RECUEIL.<br />
-1682 in-12<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor">&nbsp;[206]</a>.</h3>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span></p>
-<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor">&nbsp;[207]</a>.</h3>
-
-<table id="acteurs3" summary="parts">
-<tr>
-<td class="tdl">TITE,</td>
-<td class="tdl">empereur de Rome, et amant de Brnice.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">DOMITIAN,</td>
-<td class="tdl">frre de Tite, et amant de Domitie.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">BRNICE,</td>
-<td class="tdl">reine d'une partie de la Jude.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">DOMITIE,</td>
-<td class="tdl">fille de Corbulon.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PLAUTINE,</td>
-<td class="tdl">confidente de Domitie.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">FLAVIAN,</td>
-<td class="tdl">confident de Tite.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">ALBIN,</td>
-<td class="tdl">confident de Domitian.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PHILON,</td>
-<td class="tdl">ministre d'tat, confident de Brnice.</td>
-</tr>
-</table>
-
-
-<h3 class="subh">La scne est Rome, dans le palais imprial.</h3>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span></p>
-<p class="extra"><span class="xlarge">TITE ET BRNICE.</span><br />
-<span class="small">COMDIE HROQUE.</span></p>
-
-<h2 class="normal">ACTE I.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">DOMITIE, PLAUTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i5 small1">DOMITIE.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Laisse-moi mon chagrin, tout injuste qu'il est:</p>
-<p>Je le chasse, il revient; je l'touffe, il renat<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor">&nbsp;[208]</a>;</p>
-<p>Et plus nous approchons de ce grand hymne,</p>
-<p>Plus en dpit de moi je m'en trouve gne.</p>
-<p>Il fait toute ma gloire, il fait tous mes dsirs:<span class="dalign">5</span></p>
-<p>Ne devroit-il pas faire aussi tous mes plaisirs<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor">&nbsp;[209]</a>?</p>
-<p>Depuis plus de six mois la pompe s'en apprte,</p>
-<p>Rome s'en fait d'avance en l'esprit une fte,</p>
-<p>Et tandis qu' l'envi tout l'empire l'attend,</p>
-<p>Mon c&oelig;ur dans tout l'empire est le seul mcontent.<span class="dalign">10</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que trouvez-vous, Madame, ou d'amer ou de rude</p>
-<p>A voir qu'un tel bonheur n'ait plus d'incertitude?</p>
-<p>Et quand dans quatre jours vous devez y monter,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span></div>
-<p>Quel importun chagrin pouvez-vous couter?</p>
-<p>Si vous n'en tes pas tout fait la matresse,<span class="dalign">15</span></p>
-<p>Du moins l'Empereur cachez cette tristesse:</p>
-<p>Le dangereux soupon de n'tre pas aim</p>
-<p>Peut le rendre l'objet dont il fut trop charm.</p>
-<p>Avant qu'il vous aimt, il aimoit Brnice;</p>
-<p>Et s'il n'en put alors faire une impratrice,<span class="dalign">20</span></p>
-<p>A prsent il est matre, et son pre au tombeau</p>
-<p>Ne peut plus le forcer d'teindre un feu si beau.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est l ce qui me gne, et l'image importune</p>
-<p>Qui trouble les douceurs de toute ma fortune:</p>
-<p>J'ambitionne et crains l'hymen d'un empereur<span class="dalign">25</span></p>
-<p>Dont j'ai lieu de douter si j'aurai tout le c&oelig;ur.</p>
-<p>Ce pompeux appareil, o sans cesse il ajoute,</p>
-<p>Recule chaque jour un n&oelig;ud qui le dgote.</p>
-<p>Il souffre chaque jour que le gouvernement</p>
-<p>Vole ce qu' me plaire il doit d'attachement;<span class="dalign">30</span></p>
-<p>Et ce qu'il en tale agit d'une manire</p>
-<p>Qui ne m'assure point d'une me toute entire.</p>
-<p>Souvent mme, au milieu des offres de sa foi,</p>
-<p>Il semble tout coup qu'il n'est pas avec moi,</p>
-<p>Qu'il a quelque plus douce ou noble inquitude.<span class="dalign">35</span></p>
-<p>Son feu de sa raison est l'effet et l'tude;</p>
-<p>Il s'en fait un plaisir bien moins qu'un embarras,</p>
-<p>Et s'efforce m'aimer; mais il ne m'aime pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A cet effort pour vous qui pourroit le contraindre?</p>
-<p>Matre de l'univers, a-t-il un matre craindre?<span class="dalign">40</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ai quelques droits, Plautine, l'empire romain.</p>
-<p>Que le choix d'un poux peut mettre en bonne main:</p>
-<p>Mon pre, avant le sien lu pour cet empire,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span></div>
-<p>Prfra.... Tu le sais, et c'est assez t'en dire<a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor">&nbsp;[210]</a>.</p>
-<p>C'est par cet intrt qu'il m'apporte sa foi; <span class="dalign">45</span></p>
-<p>Mais pour le c&oelig;ur, te dis-je, il n'est pas tout moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La chose est bien gale, il n'a pas tout le vtre:</p>
-<p>S'il aime un autre objet, vous en aimez un autre;</p>
-<p>Et comme sa raison vous donne tous ses v&oelig;ux,</p>
-<p>Votre ardeur pour son rang fait pour lui tous vos feux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne dis point qu'entre nous la chose soit gale.</p>
-<p>Un divorce avec moi n'a rien qui le ravale:</p>
-<p>Sans avilir son sort, il me renvoie au mien;</p>
-<p>Et du rang qui lui reste, il ne me reste rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que ce que vous avez d'ambitieux caprice,<span class="dalign">55</span></p>
-<p>Pardonnez-moi ce mot, vous fait un dur supplice!</p>
-<p>Le c&oelig;ur rempli d'amour, vous prenez un poux,</p>
-<p>Sans en avoir pour lui, sans qu'il en ait pour vous.</p>
-<p>Aimez pour tre aime, et montrez-lui vous-mme,</p>
-<p>En l'aimant comme il faut, comme il faut qu'il vous aime;</p>
-<p>Et si vous vous aimez, gagnez sur vous ce point</p>
-<p>De vous donner entire, ou ne vous donnez point.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si l'amour quelquefois souffre qu'on le contraigne,</p>
-<p>Il souffre rarement qu'une autre ardeur l'teigne;</p>
-<p>Et quand l'ambition en met l'empire bas,<span class="dalign">65</span></p>
-<p>Elle en fait son esclave, et ne l'touffe pas.</p>
-<p>Mais un si fier esclave, ennemi de sa chane,</p>
-<p>La secoue toute heure, et la porte avec gne,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span></div>
-<p>Et matre de nos sens, qu'il appelle au secours,</p>
-<p>Il chappe souvent, et murmure toujours.<span class="dalign">70</span></p>
-<p>Veux-tu que je te fasse un aveu tout sincre?</p>
-<p>Je ne puis aimer Tite, ou n'aimer pas son frre;</p>
-<p>Et malgr cet amour, je ne puis m'arrter</p>
-<p>Qu'au degr le plus haut o je puisse monter.</p>
-<p>Laisse-moi retracer ma vie en ta mmoire:<span class="dalign">75</span></p>
-<p>Tu me connois assez pour en savoir l'histoire;</p>
-<p>Mais tu n'as pu connotre, chaque vnement,</p>
-<p>De mon illustre orgueil quel fut le sentiment.</p>
-<p class="i1"> En naissant, je trouvai l'empire en ma famille.</p>
-<p>Nron m'eut pour parente, et Corbulon pour fille<a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor">&nbsp;[211]</a>;<span class="dalign">80</span></p>
-<p>Et le bruit qu'en tous lieux fit sa haute valeur,</p>
-<p>Autant que ma naissance enfla mon jeune c&oelig;ur.</p>
-<p>De l'clat des grandeurs par l proccupe,</p>
-<p>Je vis d'un &oelig;il jaloux Octavie et Poppe<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor">&nbsp;[212]</a>;</p>
-<p>Et Nron, des mortels et l'horreur et l'effroi,<span class="dalign">85</span></p>
-<p>M'et paru grand hros, s'il m'et offert sa foi.</p>
-<p class="i1"> Aprs tant de forfaits et de morts entasses,</p>
-<p>Les troupes du Levant, d'un tel monstre lasses,</p>
-<p>Pour Csar en sa place lurent Corbulon.</p>
-<p>Son austre vertu rejeta ce grand nom: <span class="dalign">90</span></p>
-<p>Un lche assassinat en fut le prompt salaire<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor">&nbsp;[213]</a>.</p>
-<p>Mais mon orgueil, sensible ces honneurs d'un pre,</p>
-<p>Prit de tout autre rang une assez forte horreur</p>
-<p>Pour me traiter dans l'me en fille d'empereur.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span></div>
-<p>Nron prit enfin. Trois empereurs de suite<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor">&nbsp;[214]</a> <span class="dalign">95</span></p>
-<p>Virent de leur fortune une assez prompte fuite.</p>
-<p>L'Orient de leurs noms fut peine averti,</p>
-<p>Qu'il fit Vespasian chef d'un plus fort parti.</p>
-<p>Le ciel l'en avoua: ce guerrier magnanime</p>
-<p>Par Tite, son an, fit assiger Solyme; <span class="dalign">100</span></p>
-<p>Et tandis qu'en gypte il prit d'autres emplois,</p>
-<p>Domitian ici vint dispenser ses lois.</p>
-<p>Je le vis et l'aimai. Ne blme point ma flamme:</p>
-<p>Rien de plus grand que lui n'blouissoit mon me;</p>
-<p>Je ne voyois point Tite, un hymen me l'toit;<span class="dalign">105</span></p>
-<p>Mille soupirs aidoient au rang qui me flattoit.</p>
-<p>Pour remplir tous nos v&oelig;ux nous n'attendions qu'un pre:</p>
-<p>Il vint, mais d'un esprit nos v&oelig;ux si contraire,</p>
-<p>Que quoi qu'on lui pt dire, on n'en put arracher</p>
-<p>Ce qu'attendoit un feu qui nous toit si cher.<span class="dalign">110</span></p>
-<p>On n'en sut point la cause; et divers bruits coururent,</p>
-<p>Qui tous notre amour galement dplurent.</p>
-<p>J'en eus un long chagrin. Tite fit tt aprs</p>
-<p>De Brnice Rome admirer les attraits.</p>
-<p>Pour elle avec Martie il avoit fait divorce<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor">&nbsp;[215]</a>; <span class="dalign">115</span></p>
-<p>Et cette belle reine eut sur lui tant de force,</p>
-<p>Que pour montrer tous sa flamme, et hautement,</p>
-<p>Il lui fit au palais prendre un appartement<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor">&nbsp;[216]</a>.</p>
-<p>L'Empereur, bien qu'en l'me il prvt quelle haine</p>
-<p>Concevroit tout l'tat pour l'poux d'une reine,<span class="dalign">120</span></p>
-<p>Sembla voir cet amour d'un &oelig;il indiffrent,</p>
-<p>Et laisser un cours libre aux flots de ce torrent.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span></div>
-<p>Mais sous les vains dehors de cette complaisance,</p>
-<p>On mnagea ce prince avec tant de prudence,</p>
-<p>Qu'en dpit de son c&oelig;ur, que charmoient tant d'appas,</p>
-<p>Il l'obligea lui-mme revoir ses tats.</p>
-<p>A peine je le vis sans matresse et sans femme,</p>
-<p>Que mon orgueil vers lui tourna toute mon me;</p>
-<p>Et s'tant empar des plus doux de mes soins,</p>
-<p>Son frre commena de me plaire un peu moins: <span class="dalign">130</span></p>
-<p>Non qu'il ne ft toujours matre de ma tendresse,</p>
-<p>Mais je la regardois ainsi qu'une foiblesse,</p>
-<p>Comme un honteux effet d'un amour perdu</p>
-<p>Qui me voloit un rang que je me croyois d.</p>
-<p>Tite peine sur moi jetoit alors la vue:<span class="dalign">135</span></p>
-<p>Cent fois avec douleur je m'en suis aperue;</p>
-<p>Mais ce qui consoloit ce juste et long ennui,</p>
-<p>C'est que Vespasian me regardoit pour lui.</p>
-<p>Je commenois pourtant n'en plus rien attendre,</p>
-<p>Quand je vis en ses yeux quelque chose de tendre;<span class="dalign">140</span></p>
-<p>Il me rendit visite, et fit tout ce qu'on fait</p>
-<p>Alors qu'on veut aimer, ou qu'on aime en effet.</p>
-<p>Je veux bien t'avouer que j'y crus du mystre,</p>
-<p>Qu'il ne me disoit rien que par l'ordre d'un pre;</p>
-<p>Mais qui ne pencheroit s'en dsabuser,<span class="dalign">145</span></p>
-<p>Lorsque, ce pre mort, il songe m'pouser?</p>
-<p>Toi qui vois tout mon c&oelig;ur, juge de son martyre:</p>
-<p>L'ambition l'entrane, et l'amour le dchire.</p>
-<p>Quand je crois m'tre mise au-dessus de l'amour,</p>
-<p>L'amour vers son objet me ramne son tour:<span class="dalign">150</span></p>
-<p>Je veux rgner, et tremble quitter ce que j'aime,</p>
-<p>Et ne me saurois voir d'accord avec moi-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! si Domitian devenoit empereur,</p>
-<p>Que vous auriez bientt calm tout ce grand c&oelig;ur!</p>
-<p>Que bientt.... Mais il vient. Ce grand c&oelig;ur en soupire!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! plus je le vois, moins je sais que lui dire.</p>
-<p>Je l'aime, et le ddaigne; et n'osant m'attendrir,</p>
-<p>Je me veux mal des maux que je lui fais souffrir.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-
-<p class="subt">DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Faut-il mourir, Madame? et si proche du terme,</p>
-<p>Votre illustre inconstance est-elle encor si ferme, <span class="dalign">160</span></p>
-<p>Que les restes d'un feu que j'avois cru si fort</p>
-<p>Puissent dans quatre jours se promettre ma mort<a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor">&nbsp;[217]</a>?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce qu'on m'offre, Seigneur, me feroit peu d'envie,</p>
-<p>S'il en cotoit Rome une si belle vie;</p>
-<p>Et ce n'est pas un mal qui vaille en soupirer<span class="dalign">165</span></p>
-<p>Que de faire une perte aise rparer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aise rparer! Un choix qui m'a su plaire,</p>
-<p>Et qui ne plat pas moins l'Empereur mon frre,</p>
-<p>Charme-t-il l'un et l'autre avec si peu d'appas</p>
-<p>Que vous sachiez leur prix<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor">&nbsp;[218]</a>, et le mettiez si bas?<span class="dalign">170</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi qu'on ait pour soi-mme ou d'amour ou d'estime,</p>
-<p>Ne s'en croire pas trop n'est pas faire un grand crime.</p>
-<p>Mais n'examinons point en cet excs d'honneur</p>
-<p>Si j'ai quelque mrite, ou n'ai que du bonheur.</p>
-<p>Telle que je puis tre, obtenez-moi d'un frre. <span class="dalign">175</span></p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! si je n'ai pu vous obtenir d'un pre,</p>
-<p>Si mme je ne puis vous obtenir de vous,</p>
-<p>Qu'obtiendrai-je d'un frre amoureux et jaloux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et moi, rsisterai-je sa toute-puissance,</p>
-<p>Quand vous n'y rpondez qu'avec obissance? <span class="dalign">180</span></p>
-<p>Moi qui n'ai sous les cieux que vous seul pour soutien,</p>
-<p>Que puis-je contre lui, quand vous n'y pouvez rien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne puis rien sans vous, et pourrois tout, Madame,</p>
-<p>Si je pouvois encor m'assurer de votre me.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pouvez-vous en douter, aprs deux ans de pleurs<span class="dalign">185</span></p>
-<p>Qu' vos yeux j'ai donns nos communs malheurs?</p>
-<p>Durant un dplaisir si long et si sensible</p>
-<p>De voir toujours un pre nos v&oelig;ux inflexible.</p>
-<p>Ai-je cout quelqu'un de tant de soupirants</p>
-<p>Qui m'accabloient partout de leurs regards mourants?</p>
-<p>Quel que ft leur amour, quel que ft leur mrite....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, vous m'avez aim jusqu' l'amour de Tite.</p>
-<p>Mais de ces soupirants qui vous offroient leur foi</p>
-<p>Aucun ne vous et mise alors si haut que moi;</p>
-<p>Votre me ambitieuse mon rang attache <span class="dalign">195</span></p>
-<p>N'en voyoit point en eux dont elle ft touche:</p>
-<p>Ainsi de ces rivaux aucun n'a russi.</p>
-<p>Mais les temps sont changs, Madame, et vous aussi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Seigneur: je vous aime, et garde au fond de l'me</p>
-<p>Tout ce que j'eus pour vous de tendresse et de flamme:</p>
-<p>L'effort que je me fais me tue autant que vous;</p>
-<p>Mais enfin l'Empereur veut tre mon poux.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! si vous n'acceptez sa main qu'avec contrainte,</p>
-<p>Venez, venez, Madame, autoriser ma plainte.</p>
-<p>L'Empereur m'aime assez pour quitter vos liens,<span class="dalign">205</span></p>
-<p>Quand je lui porterai vos v&oelig;ux avec les miens.</p>
-<p>Dites que vous m'aimez, et que tout son empire....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est ce qu' dire vrai j'aurai peine lui dire,</p>
-<p>Seigneur; et le respect qui n'y peut consentir....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, votre ambition ne se peut dmentir.<span class="dalign">210</span></p>
-<p>Ne la dguisez plus, montrez-la toute entire,</p>
-<p>Cette me que le trne a su rendre si fire,</p>
-<p>Cette me dont j'ai fait les plaisirs les plus doux,</p>
-<p>Cette me....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Voyez-la cette me toute vous,</p>
-<p>Voyez-y tout ce feu que vous y ftes natre;<span class="dalign">215</span></p>
-<p>Et soyez satisfait, si vous le pouvez tre.</p>
-<p class="i1"> Je ne veux point, Seigneur, vous le dissimuler,</p>
-<p>Mon c&oelig;ur va tout vous quand je le laisse aller;</p>
-<p>Mais sans dissimuler j'ose aussi vous le dire,</p>
-<p>Ce n'est pas mon dessein qu'il m'en cote l'empire; <span class="dalign">220</span></p>
-<p>Et je n'ai point une me se laisser charmer</p>
-<p>Du ridicule honneur de savoir bien aimer.</p>
-<p>La passion du trne est seule toujours belle,</p>
-<p>Seule qui l'me doive une ardeur immortelle.</p>
-<p>J'ignorois de l'amour quel est le doux poison,<span class="dalign">225</span></p>
-<p>Quand elle s'empara de toute ma raison.</p>
-<p>Comme elle est la premire, elle est la dominante.</p>
-<p>Non qu' trahir l'amour je ne me violente;</p>
-<p>Mais il est juste enfin que des soupirs secrets</p>
-<p>Me punissent d'aimer contre mes intrts.</p>
-<p class="i1"> Daignez donc voir, Seigneur, quelle route il faut prendre</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span></div>
-<p>Pour ne point m'imposer la honte de descendre.</p>
-<p>Tout mon c&oelig;ur vous prfre cet heureux rival;</p>
-<p>Pour m'avoir toute vous, devenez son gal.</p>
-<p>Vous dites qu'il vous aime; et je ne puis le croire<a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor">&nbsp;[219]</a>,<span class="dalign">235</span></p>
-<p>Si je ne vois sur vous un rayon de sa gloire.</p>
-<p>On vous a vus tous deux sortir d'un mme flanc;</p>
-<p>Ayez mmes honneurs ainsi que mme sang.</p>
-<p>Dites-lui que le droit qu'a ce sang l'empire<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor">&nbsp;[220]</a>....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est l ce qu' mon tour j'aurai peine lui dire,</p>
-<p>Madame; et le devoir qui n'y peut consentir....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A mes vives douleurs daignez donc compatir,</p>
-<p>Seigneur: j'achte assez le rang d'impratrice,</p>
-<p>Sans qu'un reproche injuste augmente mon supplice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! dans cet hymen, qui n'en a que pour moi,<span class="dalign">245</span></p>
-<p>J'applaudirai moi-mme votre peu de foi;</p>
-<p>Je dirai que le ciel doit votre mrite....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Seigneur; faites mieux, et quittez qui vous quitte;</p>
-<p>Rome a mille beauts dignes de votre c&oelig;ur;</p>
-<p>Mais dans toute la terre il n'est qu'un empereur.<span class="dalign">250</span></p>
-<p>Si mon pre avoit eu les sentiments du vtre,</p>
-<p>Je vous aurois donn ce que j'attends d'un autre;</p>
-<p>Et ma flamme en vos mains et mis sans balancer</p>
-<p>Le sceptre qu'en la mienne il auroit d laisser.</p>
-<p>Laissez son dfaut suppler la fortune,<span class="dalign">255</span></p>
-<p>Et n'ayez pas une me assez basse et commune</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span></div>
-<p>Pour s'opposer au ciel qui me rend par autrui</p>
-<p>Ce que trop de vertu me fit perdre par lui.</p>
-<p>Pour peu que vous m'aimiez, aimez mes avantages:</p>
-<p>Il n'est point d'autre amour digne des grands courages.</p>
-<p>Voil toute mon me. Aprs cela, Seigneur,</p>
-<p>Laissez-moi m'pargner les troubles de mon c&oelig;ur.</p>
-<p>Un plus long entretien ne pourroit rien produire</p>
-<p>Qui ne pt malgr moi vous dplaire ou me nuire.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">DOMITIAN, ALBIN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle se dfend bien, Seigneur; et dans la cour....<span class="dalign">265</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aucun n'a plus d'esprit, Albin, et moins d'amour.</p>
-<p>J'admire, ainsi que toi, dans ce qu'elle m'oppose,</p>
-<p>Son adresse dfendre une mauvaise cause;</p>
-<p>Et si pour m'assurer que son c&oelig;ur n'est qu' moi,</p>
-<p>Tant d'esprit agissoit en faveur de sa foi;<span class="dalign">270</span></p>
-<p>Si sa flamme au secours appliquoit cette adresse,</p>
-<p>L'Empereur convaincu me rendroit ma matresse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cependant n'est-ce rien que ce c&oelig;ur soit vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'un bonheur si mal sr je ne suis point jaloux,</p>
-<p>Et trouve peu de jour croire qu'elle m'aime, <span class="dalign">275</span></p>
-<p>Quand elle ne regarde et n'aime que soi-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, s'il m'est permis de parler librement,</p>
-<p>Dans toute la nature aime-t-on autrement?</p>
-<p>L'amour-propre est la source en nous de tous les autres:</p>
-<p>C'en est le sentiment qui forme tous les ntres; <span class="dalign">280</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span></div>
-<p>Lui seul allume, teint, ou change nos desirs:</p>
-<p>Les objets de nos v&oelig;ux le sont de nos plaisirs.</p>
-<p>Vous-mme, qui brlez d'une ardeur si fidle,</p>
-<p>Aimez-vous Domitie, ou vos plaisirs en elle?</p>
-<p>Et quand vous aspirez des liens si doux,<span class="dalign">285</span></p>
-<p>Est-ce pour l'amour d'elle, ou pour l'amour de vous?</p>
-<p>De sa possession l'aimable et chre ide</p>
-<p>Tient vos sens enchants et votre me obsde;</p>
-<p>Mais si vous conceviez quelques destins meilleurs,</p>
-<p>Vous porteriez bientt toute cette me ailleurs.<span class="dalign">290</span></p>
-<p>Sa conqute est pour vous le comble des dlices;</p>
-<p>Vous ne vous figurez ailleurs que des supplices:</p>
-<p>C'est par l qu'elle seule a droit de vous charmer;</p>
-<p>Et vous n'aimez que vous, quand vous croyez l'aimer<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor">&nbsp;[221]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En l'tat o je suis, les maux dont je soupire <span class="dalign">295</span></p>
-<p>M'tent la libert de te rien contredire;</p>
-<p>Cherchons-en le remde, au lieu de raisonner</p>
-<p>Sur l'amour o le ciel se plat m'obstiner.</p>
-<p>N'est-il point de secret, n'est-il point d'artifice?...</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, Seigneur, il en est. Rappelons Brnice;<span class="dalign">300</span></p>
-<p>Sous le nom de Csar pratiquons son retour,</p>
-<p>Qui retarde l'hymen et suspende l'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que je verrois, Albin, ma volage punie,</p>
-<p>Si de ces grands apprts pour la crmonie,</p>
-<p>Que depuis si longtemps on dresse si grand bruit,<span class="dalign">305</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span></div>
-<p>Elle n'avoit que l'ombre, et qu'une autre<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor">&nbsp;[222]</a> et le fruit!</p>
-<p>Qu'elle seroit confuse! et que j'aurois de joie!</p>
-<p>Mais il faut que le ciel lui-mme la renvoie,</p>
-<p>Cette belle rivale; et tout notre discours</p>
-<p>Ne la sauroit ici rendre dans quatre jours. <span class="dalign">310</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'importe: en l'attendant prparons sa victoire;</p>
-<p>Dans l'esprit d'un rival ranimons sa mmoire;</p>
-<p>Retraons ses yeux l'image du pass,</p>
-<p>Et profitons par l du c&oelig;ur embarrass<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor">&nbsp;[223]</a>.</p>
-<p>N'y perdez point de temps: allez, sans plus rien taire,</p>
-<p>Tter jusqu'en ce c&oelig;ur les tendresses de frre.</p>
-<p>Si vous ne l'emportez, il pourra s'branler;</p>
-<p>S'il ne rompt cet hymen, il pourra reculer:</p>
-<p>Je me trompe, ou son me y penche d'elle-mme.</p>
-<p>S'il s'meut, redoublez; dites que l'on vous aime;<span class="dalign">320</span></p>
-<p>Dites qu'un pur respect contraint avec ennui</p>
-<p>Une me toute vous se donner lui.</p>
-<p>S'il se trouble, achevez: parlez de Brnice,</p>
-<p>De tant d'amour qu'il traite avec tant d'injustice.</p>
-<p>Pour lui donner le temps de venir au secours,<span class="dalign">325</span></p>
-<p>Nous aurons quatre mois au lieu de quatre jours.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais j'aime Domitie; et lui parler contre elle,</p>
-<p>C'est me mettre au hasard d'irriter l'infidle.</p>
-<p>Ne me condamne point, Albin, la trahir,</p>
-<p>A joindre ses mpris le droit de me har:<span class="dalign">330</span></p>
-<p>En vain je veux contre elle couter ma colre;</p>
-<p>Toute ingrate qu'elle est, je tremble lui dplaire<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor">&nbsp;[224]</a>.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, quelle mesure avez-vous garder?</p>
-<p>Quand on voit tout perdu, craint-on de hasarder?</p>
-<p>Et si l'ambition vers un autre l'entrane,<span class="dalign">335</span></p>
-<p>Que vous peut importer son amour ou sa haine?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'un salutaire avis fait une douce loi</p>
-<p>A qui peut avoir l'me aussi libre que toi!</p>
-<p>Mais celle d'un amant n'est pas comme une autre me:</p>
-<p>Il ne voit, il n'entend, il ne croit que sa flamme;<span class="dalign">340</span></p>
-<p>Du plus puissant remde il se fait un poison,</p>
-<p>Et la raison pour lui n'est pas toujours raison.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et si je vous disois que dj Brnice</p>
-<p>Est dans Rome, inconnue, et par mon artifice?</p>
-<p>Qu'elle surprendra Tite, et qu'elle y vient exprs <span class="dalign">345</span></p>
-<p>Pour de ce grand hymen renverser les apprts?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Albin, seroit-il vrai?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> La nouvelle vous flatte:</p>
-<p>Peut-tre est-elle fausse; attendez qu'elle clate;</p>
-<p>Surtout l'Empereur dguisez-la si bien....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Va: je lui parlerai comme n'en sachant rien. <span class="dalign">350</span></p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE II.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">TITE, FLAVIAN.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? des ambassadeurs que Brnice envoie</p>
-<p>Viennent ici, dis-tu, me tmoigner sa joie,</p>
-<p>M'apporter son hommage, et me fliciter</p>
-<p>Sur ce comble de gloire o je viens de monter?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En attendant votre ordre, ils sont au port d'Ostie.<span class="dalign">355</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi, grces aux Dieux, sa flamme est amortie;</p>
-<p>Et de pareils devoirs sont pour moi des froideurs,</p>
-<p>Puisqu'elle s'en rapporte ses ambassadeurs.</p>
-<p>Jusqu'aprs mon hymen remettons leur venue:</p>
-<p>J'aurois trop rougir si j'y souffrois leur vue, <span class="dalign">360</span></p>
-<p>Et recevois les yeux de ses propres sujets</p>
-<p>Pour envieux tmoins du vol que je lui fais;</p>
-<p>Car mon c&oelig;ur fut son bien cette belle reine,</p>
-<p>Et pourroit l'tre encor, malgr Rome et sa haine,</p>
-<p>Si ce divin objet, qui fut tout mon desir,<span class="dalign">365</span></p>
-<p>Par quelque doux regard s'en venoit ressaisir.</p>
-<p>Mais du haut de son trne elle aime mieux me rendre</p>
-<p>Ces froideurs que pour elle on me fora de prendre.</p>
-<p>Peut-tre, en ce moment que toute ma raison</p>
-<p>Ne sauroit sans dsordre entendre son beau nom, <span class="dalign">370</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span></div>
-<p>Entre les bras d'un autre un autre amour la livre:</p>
-<p>Elle suit mon exemple, et se plat le suivre:</p>
-<p>Et ne m'envoie ici traiter de souverain</p>
-<p>Que pour braver l'amant qu'elle charmoit en vain.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous la revoyiez, je plaindrois Domitie. <span class="dalign">375</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Contre tous ses attraits ma raison endurcie</p>
-<p>Feroit de Domitie encor la sret;</p>
-<p>Mais mon c&oelig;ur auroit peu de cette duret.</p>
-<p>N'aurois-tu point appris qu'elle ft infidle,</p>
-<p>Qu'elle coutt les rois qui soupirent pour elle? <span class="dalign">380</span></p>
-<p>Dis-moi que Polmon<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor">&nbsp;[225]</a> rgne dans son esprit,</p>
-<p>J'en aurai du chagrin, j'en aurai du dpit,</p>
-<p>D'une vive douleur j'en aurai l'me atteinte;</p>
-<p>Mais j'pouserai l'autre avec moins de contrainte;</p>
-<p>Car enfin elle est belle, et digne de ma foi; <span class="dalign">385</span></p>
-<p>Elle auroit tout mon c&oelig;ur, s'il toit tout moi.</p>
-<p>La noblesse du sang, la grandeur de courage,</p>
-<p>Font avec son mrite un illustre assemblage:</p>
-<p>C'est le choix de mon pre; et je connois trop bien</p>
-<p>Qu' choisir en Csar ce doit tre le mien. <span class="dalign">390</span></p>
-<p>Mais tout mon c&oelig;ur renonce lui faire justice,</p>
-<p>Ds que mon souvenir lui rend sa Brnice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si de tels souvenirs vous sont encor si doux,</p>
-<p>L'hymne a, Seigneur, peu de charmes pour vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si de tels souvenirs ne me faisoient la guerre,<span class="dalign">395</span></p>
-<p>Seroit-il potentat plus heureux sur la terre?</p>
-<p>Mon nom par la victoire est si bien affermi,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span></div>
-<p>Qu'on me croit dans la paix un lion endormi:</p>
-<p>Mon rveil incertain du monde fait l'tude;</p>
-<p>Mon repos en tous lieux jette l'inquitude;<span class="dalign">400</span></p>
-<p>Et tandis qu'en ma cour les aimables loisirs</p>
-<p>Mnagent l'heureux choix des jeux et des plaisirs,</p>
-<p>Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre ple,</p>
-<p>Je n'ai qu' faire un pas et hausser la parole<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor">&nbsp;[226]</a>.</p>
-<p>Que de flicit, si mes v&oelig;ux imprudents <span class="dalign">405</span></p>
-<p>N'toient de mon pouvoir les seuls indpendants!</p>
-<p>Matre de l'univers sans l'tre de moi-mme<a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor">&nbsp;[227]</a>,</p>
-<p>Je suis le seul rebelle ce pouvoir suprme:</p>
-<p>D'un feu que je combats je me laisse charmer,</p>
-<p>Et n'aime qu' regret ce que je veux aimer. <span class="dalign">410</span></p>
-<p>En vain de mon hymen Rome presse la pompe:</p>
-<p>J'y veux de la lenteur, j'aime qu'on l'interrompe,</p>
-<p>Et n'ose rsister aux dangereux souhaits</p>
-<p>De prparer toujours et n'achever jamais.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si ce dgot, Seigneur, va jusqu' la rupture,<span class="dalign">415</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span></div>
-<p>Domitie aura peine souffrir cette injure:</p>
-<p>Ce jeune esprit, qu'entte et le sang de Nron<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor">&nbsp;[228]</a></p>
-<p>Et le choix qu'en Syrie on fit de Corbulon<a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor">&nbsp;[229]</a>,</p>
-<p>S'attribue l'empire un droit imaginaire,</p>
-<p>Et s'en fait, comme vous, un rang hrditaire. <span class="dalign">420</span></p>
-<p>Si de votre parole un manque surprenant</p>
-<p>La jette entre les bras d'un homme entreprenant.</p>
-<p>S'il l'unit quelque me assez fire et hautaine</p>
-<p>Pour servir son orgueil et seconder sa haine,</p>
-<p>Un vif ressentiment lui fera tout oser: <span class="dalign">425</span></p>
-<p>En un mot, il vous faut la perdre, ou l'pouser.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en sais la politique, et cette loi cruelle</p>
-<p>A presque fait l'amour qu'il m'a fallu pour elle.</p>
-<p>Rduit au triste choix dont tu viens de parler,</p>
-<p>J'aime mieux, Flavian, l'aimer que l'immoler, <span class="dalign">430</span></p>
-<p>Et ne puis dmentir cette horreur magnanime</p>
-<p>Qu'en recevant le jour je conus pour le crime.</p>
-<p>Moi qui seul des Csars me vois en ce haut rang</p>
-<p>Sans qu'il en cote Rome une goutte de sang,</p>
-<p>Moi que du genre humain on nomme les dlices<a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor">&nbsp;[230]</a>,<span class="dalign">435</span></p>
-<p>Moi qui ne puis souffrir les plus justes supplices<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor">&nbsp;[231]</a>,</p>
-<p>Pourrois-je autoriser une injuste rigueur</p>
-<p>A perdre une hrone qui je dois mon c&oelig;ur?</p>
-<p>Non: malgr les attraits de sa belle rivale,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span></div>
-<p>Malgr les v&oelig;ux flottants de mon me ingale,<span class="dalign">440</span></p>
-<p>Je veux l'aimer, je l'aime; et sa seule beaut</p>
-<p>Pouvoit me consoler de ce que j'ai quitt.</p>
-<p>Elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre</p>
-<p>Mes feux s'assoupir, s'ils ne peuvent s'teindre,</p>
-<p>De quoi flatter mon me, et forcer mes douleurs<span class="dalign">445</span></p>
-<p>A souhaiter du moins de n'aimer plus ailleurs.</p>
-<p>Mais je ne vois pas bien que j'en sois encor matre:</p>
-<p>Ds que ma flamme expire, un mot la fait renatre,</p>
-<p>Et mon c&oelig;ur malgr moi rappelle un souvenir</p>
-<p>Que je n'ose couter et ne saurois bannir.<span class="dalign">450</span></p>
-<p>Ma raison s'en veut faire en vain un sacrifice:</p>
-<p>Tout me ramne ici, tout m'offre Brnice;</p>
-<p>Et mme je ne sais par quel pressentiment</p>
-<p>Je n'ai souffert personne en son appartement;</p>
-<p>Mais depuis cet adieu, si cruel et si tendre,<span class="dalign">455</span></p>
-<p>Il est demeur vide, et semble encor l'attendre.</p>
-<p>Va, fais porter mon ordre ses ambassadeurs:</p>
-<p>C'est trop entretenir d'inutiles ardeurs;</p>
-<p>Il est temps de chercher qui m'en puisse distraire,</p>
-<p>Et le ciel propos envoie ici mon frre.<span class="dalign">460</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Irez-vous au snat?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Non; il peut s'assembler</p>
-<p>Sur ce dluge ardent qui nous a fait trembler,</p>
-<p>Et pourvoir sous mon ordre aux affreuses ruines</p>
-<p>Dont ses feux ont couvert les campagnes voisines<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor">&nbsp;[232]</a>.</p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE II</h3>
-<p class="subt">TITE, DOMITIAN, ALBIN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Puis-je parler, Seigneur, et de votre amiti <span class="dalign">465</span></p>
-<p>Esprer une grce force de piti?</p>
-<p>Je me suis jusqu'ici fait trop de violence,</p>
-<p>Pour augmenter encor mes maux par mon silence.</p>
-<p>Ce que je vais vous dire est digne du trpas;</p>
-<p>Mais aussi j'en mourrai, si je ne le dis pas. <span class="dalign">470</span></p>
-<p>Apprenez donc mon crime, et voyez s'il faut faire</p>
-<p>Justice d'un coupable, ou grce aux v&oelig;ux d'un frre.</p>
-<p class="i1"> J'ai vu ce que j'aimois choisi pour tre vous,</p>
-<p>Et je l'ai vu longtemps sans en tre jaloux.</p>
-<p>Vous n'aimiez Domitie alors que par contrainte:<span class="dalign">475</span></p>
-<p>Vous vous faisiez effort, j'imitois votre feinte;</p>
-<p>Et comme aux lois d'un pre il falloit obir,</p>
-<p>Je feignois d'oublier, vous de ne point har.</p>
-<p>Le ciel, qui dans vos mains met sa toute-puissance,</p>
-<p>Ne met-il point de borne cette obissance? <span class="dalign">480</span></p>
-<p>La faut-il son ombre, et que ce mme effort</p>
-<p>Vous dchire encor l'me et me donne la mort?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Souffrez sur cet effort que je vous dsabuse.</p>
-<p>Il fut grand, et de ceux que tout le c&oelig;ur refuse:</p>
-<p>Pour en sauver le mien, je fis ce que je pus; <span class="dalign">485</span></p>
-<p>Mais ce qui fut effort prsent ne l'est plus.</p>
-<p>Sachez-en la raison. Sous l'empire d'un pre</p>
-<p>Je murmurai toujours d'un ordre si svre,</p>
-<p>Et cherchai les moyens de tirer en longueur</p>
-<p>Cet hymen qui vous gne et m'arrachoit le c&oelig;ur. <span class="dalign">490</span></p>
-<p>Son trpas a chang toutes choses de face:</p>
-<p>J'ai pris ses sentiments lorsque j'ai pris sa place;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span></div>
-<p>Je m'impose mon tour les lois qu'il m'imposoit,</p>
-<p>Et me dis aprs lui tout ce qu'il me disoit.</p>
-<p>J'ai des yeux d'empereur, et n'ai plus ceux de Tite;<span class="dalign">495</span></p>
-<p>Je vois en Domitie un tout autre mrite,</p>
-<p>J'coute la raison, j'en gote les conseils,</p>
-<p>Et j'aime comme il faut qu'aiment tous mes pareils.</p>
-<p>Si dans les premiers jours que vous m'avez vu matre</p>
-<p>Votre feu mal teint avoit voulu parotre,<span class="dalign">500</span></p>
-<p>J'aurois pu me combattre et me vaincre pour vous;</p>
-<p>Mais si prs d'un hymen si souhait de tous,</p>
-<p>Quand Domitie a droit de s'en croire assure,</p>
-<p>Que le jour en est pris, la fte prpare,</p>
-<p>Je l'aime, et lui dois trop pour jeter sur son front <span class="dalign">505</span></p>
-<p>L'ternelle rougeur d'un si mortel affront.</p>
-<p>Rome entire et ma foi l'appellent l'empire:</p>
-<p>Voyez mieux de quel &oelig;il on m'en verroit ddire,</p>
-<p>Ce qu'ose se permettre une femme en fureur,</p>
-<p>Et combien Rome entire auroit pour moi d'horreur. <span class="dalign">510</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle n'en auroit point de vous voir pour un frre</p>
-<p>Faire autant que pour elle il vous a plu de faire.</p>
-<p>Seigneur, vos bonts laissez un libre cours;</p>
-<p>Qui se vainc une fois peut se vaincre toujours:</p>
-<p>Ce n'est pas un effort que votre me redoute.<span class="dalign">515</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui se vainc une fois sait bien ce qu'il en cote:</p>
-<p>L'effort est assez grand pour en craindre un second.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! si votre grande me peine s'en rpond,</p>
-<p>La mienne, qui n'est pas d'une trempe si belle,</p>
-<p>Rduite au mme effort, Seigneur, que fera-t-elle? <span class="dalign">520</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce que je fais, mon frre: aimez ailleurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> Hlas!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span></div>
-<p>Ce qui vous fut ais, Seigneur, ne me l'est pas.</p>
-<p>Quand vous avez chang, voyiez-vous Brnice?</p>
-<p>De votre changement son dpart fut complice;</p>
-<p>Vous l'aviez loigne, et j'ai devant les yeux, <span class="dalign">525</span></p>
-<p>Je vois presqu'en vos bras ce que j'aime le mieux.</p>
-<p>Jugez de ma douleur par l'excs de la vtre,</p>
-<p>Si vous voyiez la Reine entre les bras d'un autre;</p>
-<p>Contre un rival heureux pargneriez-vous rien,</p>
-<p>A moins que d'un respect aussi grand que le mien?<span class="dalign">530</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vengez-vous, j'y consens; que rien ne vous retienne.</p>
-<p>Je prends votre matresse; allez, prenez la mienne.</p>
-<p>pousez Brnice, et....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Vous n'achevez point,</p>
-<p>Seigneur: me pourriez-vous aimer jusqu' ce point?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, si je ne craignois pour vous l'injuste haine <span class="dalign">535</span></p>
-<p>Que Rome concevroit pour l'poux d'une reine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dites, dites, Seigneur, qu'il est bien malais</p>
-<p>De cder ce qu'adore un c&oelig;ur bien embras;</p>
-<p>Ne vous contraignez plus, ne gnez plus votre me,</p>
-<p>Satisfaites en matre une si belle flamme; <span class="dalign">540</span></p>
-<p>Quand vous aurez su dire une fois: Je le veux,</p>
-<p>D'un seul mot prononc vous ferez quatre heureux.</p>
-<p>Brnice est toujours digne de votre couche,</p>
-<p>Et Domitie enfin vous parle par ma bouche;</p>
-<p>Car je ne saurois plus vous le taire; oui, Seigneur,<span class="dalign">545</span></p>
-<p>Vous en voulez la main, et j'en ai tout le c&oelig;ur:</p>
-<p>Elle m'en fit le don ds la premire vue,</p>
-<p>Et ce don fut l'effet d'une force imprvue,</p>
-<p>De cet ordre du ciel qui verse en nos esprits</p>
-<p>Les principes secrets de prendre et d'tre pris. <span class="dalign">550</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span></div>
-<p>Je vous dirois, Seigneur, quelle en est la puissance,</p>
-<p>Si vous ne le saviez par votre exprience.</p>
-<p>Ne rompez<a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor">&nbsp;[233]</a> pas des n&oelig;uds et si forts et si doux:</p>
-<p>Rien ne les peut briser que le trpas, ou vous;</p>
-<p>Et c'est un triste honneur pour une si grande me, <span class="dalign">555</span></p>
-<p>Que d'accabler un frre et contraindre une femme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne contrains personne; et de sa propre voix</p>
-<p>Nous allons, vous et moi, savoir quel est son choix.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-
-<p class="subt">TITE, DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN,<br />
-PLAUTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parlez, parlez, Madame, et daignez nous apprendre</p>
-<p>O porte votre c&oelig;ur, ce qu'il sent de plus tendre, <span class="dalign">560</span></p>
-<p>Qui le possde entier de mon frre ou de moi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En doutez-vous, Seigneur, quand vous avez ma foi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'aime n'en point douter, mais on veut que j'en doute:</p>
-<p>On dit que cette foi ne vous donne pas toute,</p>
-<p>Que ce c&oelig;ur reste ailleurs. Parlez en libert, <span class="dalign">565</span></p>
-<p>Et n'en consultez point cette noble fiert,</p>
-<p>Ce digne orgueil du sang que mon rang sollicite:</p>
-<p>De tout ce que je suis ne regardez que Tite;</p>
-<p>Et pour mieux couter vos dsirs les plus doux,</p>
-<p>Entre le prince et moi ne regardez que vous. <span class="dalign">570</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'avez-vous dit de moi, Prince?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Que dans votre me</p>
-<p>Vous laissez vivre encor notre premire flamme;</p>
-<p>Et qu'en faveur du rang si vous m'osez trahir,</p>
-<p>Ce n'est pas tant aimer, Madame, qu'obir.</p>
-<p>C'est en dire un peu plus que vous n'aviez envie;<span class="dalign">575</span></p>
-<p>Mais il y va de vous, il y va de ma vie;</p>
-<p>Et qui se voit si prs de perdre tout son bien,</p>
-<p>Se fait armes de tout, et ne mnage rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne sais de vous deux, Seigneur, ne rien feindre,</p>
-<p>Duquel je dois le plus me louer ou me plaindre.<span class="dalign">580</span></p>
-<p>C'est aimer assez mal, que remettre tous deux</p>
-<p>Au choix de mes dsirs le succs de vos v&oelig;ux;</p>
-<p>Et cette libert par tous les deux offerte</p>
-<p>Montre que tous les deux peuvent souffrir ma perte,</p>
-<p>Et que tout leur amour est prt consentir<span class="dalign">585</span></p>
-<p>Que mon c&oelig;ur ou ma foi veuille se dmentir.</p>
-<p>Je me plains de tous deux, et vous plains l'un et l'autre,</p>
-<p>Si pour voir tout ce c&oelig;ur vous m'ouvrez tout le vtre.</p>
-<p>Le prince n'agit pas en amant fort discret;</p>
-<p>S'il ne m'impose rien, il trahit mon secret:<span class="dalign">590</span></p>
-<p>Tout ce qu'il vous en dit m'offense ou vous abuse.</p>
-<p>Mais ce que fait l'amour, l'amour aussi l'excuse<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor">&nbsp;[234]</a>.</p>
-<p class="i1"> Vous, Seigneur, je croyois que vous m'aimiez assez</p>
-<p>Pour m'pargner le trouble o vous m'embarrassez,</p>
-<p>Et laisser pour couleur mon peu de constance <span class="dalign">595</span></p>
-<p>La gloire d'obir la toute-puissance:</p>
-<p>Vous m'tez cette excuse, et me voulez charger</p>
-<p>De ce qu'a d'odieux la honte de changer.</p>
-<p>Si le prince en mon c&oelig;ur garde encor mme place,</p>
-<p>C'est manquer de respect que vous le dire en face;<span class="dalign">600</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span></div>
-<p>Et si mon choix pour vous n'est point violent,</p>
-<p>C'est trop d'ambition et d'infidlit.</p>
-<p>Ainsi des deux cts tout sert me confondre.</p>
-<p>J'ai cent choses dire, et rien vous rpondre;</p>
-<p>Et ne voulant dplaire pas un de vous deux,<span class="dalign">605</span></p>
-<p>Je veux, ainsi que vous, douter o vont mes v&oelig;ux.</p>
-<p class="i1"> Ce qui le plus m'tonne en cette dfrence</p>
-<p>Qui veut du c&oelig;ur entier une entire assurance,</p>
-<p>C'est que dans ce haut rang vous ne vouliez pas voir</p>
-<p>Qu'il n'importe du c&oelig;ur quand on sait son devoir<a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor">&nbsp;[235]</a>, <span class="dalign">610</span></p>
-<p>Et que de vos pareils les hautes destines</p>
-<p>Ne le consultent point sur ces grands hymnes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si le vtre, Madame, toit de moindre prix....</p>
-<p>Mais que veut Flavian?</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">TITE, DOMITIAN, DOMITIE, PLAUTINE,<br />
-FLAVIAN, ALBIN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Vous en serez surpris,</p>
-<p>Seigneur, je vous apporte une grande nouvelle: <span class="dalign">615</span></p>
-<p>La reine Brnice....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Eh bien! est infidle?</p>
-<p>Et son esprit, charm par un plus doux souci....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle est dans ce palais, Seigneur; et la voici<a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor">&nbsp;[236]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-
-<p class="subt">TITE, DOMITIAN, BRNICE, DOMITIE, FLAVIAN,<br />
-ALBIN, PHILON, PLAUTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>O Dieux! est-ce, Madame, aux reines de surprendre?</p>
-<p>Quel accueil, quels honneurs peuvent-elles attendre, <span class="dalign">620</span></p>
-<p>Quand leur surprise envie au souverain pouvoir</p>
-<p>Celui de donner ordre les bien recevoir?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pardonnez-le, Seigneur, mon impatience.</p>
-<p>J'ai fait sous d'autres noms demander audience:</p>
-<p>Vous la donniez trop tard mes ambassadeurs; <span class="dalign">625</span></p>
-<p>Je n'ai pu tant attendre voir tant de grandeurs;</p>
-<p>Et quoique par vous-mme autrefois exile,</p>
-<p>Sans ordre et sans aveu je me suis rappele,</p>
-<p>Pour tre la premire mettre vos genoux</p>
-<p>Le sceptre qu' prsent je ne tiens que de vous, <span class="dalign">630</span></p>
-<p>Et prendre sur les rois cet illustre avantage</p>
-<p>De leur donner l'exemple vous en faire hommage.</p>
-<p class="i1"> Je ne vous dirai point avec quelles langueurs</p>
-<p>D'un si cruel exil j'ai souffert les longueurs:</p>
-<p>Vous savez trop....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Je sais votre zle, et l'admire,<span class="dalign">635</span></p>
-<p>Madame; et pour me voir possesseur de l'empire,</p>
-<p>Pour me rendre vos soins, je ne mritois pas</p>
-<p>Que rien vous pt rsoudre quitter vos tats,</p>
-<p>Qu'une si grande reine en formt la pense.</p>
-<p>Un voyage si long vous doit avoir lasse.<span class="dalign">640</span></p>
-<p>Conduisez-la, mon frre, en son appartement<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor">&nbsp;[237]</a>.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span></div>
-<p>Vous, faites-l'y servir aussi pompeusement,</p>
-<p>Avec le mme clat qu'elle s'y vit servie</p>
-<p>Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">TITE, DOMITIE, PLAUTINE, PHILON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, faut-il ici vous rendre votre foi?<span class="dalign">645</span></p>
-<p>Ne regardez que vous entre la Reine et moi;</p>
-<p>Parlez sans vous contraindre, et me daignez apprendre</p>
-<p>O porte votre c&oelig;ur ce qu'il sent de plus tendre<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor">&nbsp;[238]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Adieu, Madame, adieu. Dans le trouble o je suis,</p>
-<p>Me taire et vous quitter, c'est tout ce que je puis.<span class="dalign">650</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VII.</h3>
-<p class="subt">DOMITIE, PLAUTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Se taire et me quitter! Aprs cette retraite,</p>
-<p>Crois-tu qu'un tel arrt ait besoin d'interprte?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, Madame; et ce n'est que drober au jour;</p>
-<p>Que vous cacher le trouble o le met ce retour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, non, tu l'as voulu, Plautine, que je vinsse<span class="dalign">655</span></p>
-<p>Dsavouer ici les vanits du prince,</p>
-<p>Empcher qu'un amant dont je n'ai pas le c&oelig;ur</p>
-<p>Ne cdt ma conqute mon premier vainqueur:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span></div>
-<p>Vois la honte qu'ainsi je me suis attire.</p>
-<p>Quand sa reine<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor">&nbsp;[239]</a> a paru, m'a-t-il considre? <span class="dalign">660</span></p>
-<p>A-t-il jet les yeux sur moi qu'en me quittant?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pensez-vous que sa reine ait l'esprit plus content?</p>
-<p>Avant que vous quitter, lui-mme il l'a bannie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, mais avec respect, avec crmonie,</p>
-<p>Avec des yeux enfin qui l'loignant des miens, <span class="dalign">665</span></p>
-<p>Lui promettoient assez de plus doux entretiens.</p>
-<p>Tu me diras encor que la chose est gale,</p>
-<p>Que s'il m'ose quitter, il chasse ma rivale.</p>
-<p>Mais pour peu qu'il m'aimt, du moins il m'auroit dit</p>
-<p>Que je garde en son me encor mme crdit:<span class="dalign">670</span></p>
-<p>Il m'en auroit donn des srets nouvelles,</p>
-<p>Il m'en auroit laiss quelques marques fidles.</p>
-<p>S'il me vouloit cacher le trouble o je le voi,</p>
-<p>La plus mauvaise excuse toit bonne pour moi.</p>
-<p>Mais pour toute rponse, il se tait, et me quitte;<span class="dalign">675</span></p>
-<p>Et tu ne peux souffrir que mon c&oelig;ur s'en irrite!</p>
-<p>Tu veux, lorsque lui-mme ose se dclarer,</p>
-<p>Que je me flatte encore assez pour esprer!</p>
-<p>C'est avec le perfide tre d'intelligence.</p>
-<p>Sans me flatter en vain, courons la vengeance;<span class="dalign">680</span></p>
-<p>Faisons voir ce qu'en moi peut le sang de Nron,</p>
-<p>Et que je suis de plus fille de Corbulon.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous l'tes; mais enfin c'est n'tre qu'une fille,</p>
-<p>Que le reste impuissant d'une illustre famille.</p>
-<p>Contre un tel empereur o prendrez-vous des bras? <span class="dalign">685</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Contre un tel empereur nous n'en manquerons pas.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span></div>
-<p>S'il pouse sa reine, il est l'horreur de Rome.</p>
-<p>Trouvons alors, trouvons un grand c&oelig;ur, un grand homme,</p>
-<p>Un Romain qui rponde au sang de mes aeux;</p>
-<p>Et pour le rvolter, laisse faire mes yeux. <span class="dalign">690</span></p>
-<p>Juge, par le pouvoir de ceux de Brnice,</p>
-<p>Si les miens auront peine s'en faire justice.</p>
-<p>Si ceux-l forcent Tite me manquer de foi,</p>
-<p>Ceux-ci feront briser le joug d'un nouveau roi;</p>
-<p>Et si de l'univers les siens charment le matre,<span class="dalign">695</span></p>
-<p>Les miens charmeront ceux qui mritent de l'tre.</p>
-<p>Dis-le-moi, tu l'as vue, ai-je peu de raison</p>
-<p>Quand de mes yeux aux siens je fais comparaison?</p>
-<p>Est-elle plus charmante, ai-je moins de mrite?</p>
-<p>Suis-je moins digne qu'elle enfin du c&oelig;ur de Tite?<span class="dalign">700</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Je m'emporte, et mes sens interdits</p>
-<p>Impriment leur dsordre en tout ce que je dis.</p>
-<p>Comment saurois-je aussi ce que je te dois dire,</p>
-<p>Si je ne sais pas mme quoi mon me aspire?</p>
-<p>Mon aveugle fureur s'gare tous propos. <span class="dalign">705</span></p>
-<p>Allons penser tout avec plus de repos.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PLAUTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous pourriez hasarder un moment de visite,</p>
-<p>Pour voir si ce retour est sans l'aveu de Tite,</p>
-<p>Ou si c'est de concert qu'il a fait le surpris.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui; mais auparavant remettons nos esprits. <span class="dalign">710</span></p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter"><p><span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE III.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE</h3>.
-<p class="subt">DOMITIAN, BRNICE, PHILON.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous l'ai dit, Madame, et j'aime le redire,</p>
-<p>Qu'il est beau qu' vous plaire un empereur aspire,</p>
-<p>Qu'il lui doit tre doux qu'un vritable feu</p>
-<p>Par de justes soupirs mrite votre aveu.</p>
-<p>Seroit-ce un crime moins<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor">&nbsp;[240]</a>? Seroit-ce vous dplaire, <span class="dalign">715</span></p>
-<p>Aprs un empereur, de vous offrir son frre?</p>
-<p>Et voudriez-vous croire, en faveur de ma foi,</p>
-<p>Qu'un frre d'empereur pourroit valoir un roi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si votre me, Seigneur, en veut tre claircie,</p>
-<p>Vous pouvez le savoir de votre Domitie. <span class="dalign">720</span></p>
-<p>De tous les deux aime, et douce tous les deux,</p>
-<p>Elle sait mieux que moi comme on change de v&oelig;ux,</p>
-<p>Et sait peut-tre mal la route qu'il faut prendre</p>
-<p>Pour trouver le secret de les faire descendre,</p>
-<p>Quelque facilit qu'elle ait eue trouver, <span class="dalign">725</span></p>
-<p>Malgr sa flamme et vous, l'art de les lever.</p>
-<p>Pour moi, qui n'eus jamais l'honneur d'tre Romaine,</p>
-<p>Et qu'un destin jaloux n'a fait natre que reine,</p>
-<p>Sans qu'un de vous descende au rang que je remplis,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span></div>
-<p>Ce me doit tre assez d'un de vos affranchis; <span class="dalign">730</span></p>
-<p>Et si votre empereur suit les traces des autres,</p>
-<p>Il suffit d'un tel sort pour relever les ntres<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor">&nbsp;[241]</a>.</p>
-<p>Mais changeons de discours, et me dites, Seigneur,</p>
-<p>Par quel ordre aujourd'hui vous m'offrez votre c&oelig;ur.</p>
-<p>Est-ce pour obliger ou Domitie ou Tite? <span class="dalign">735</span></p>
-<p>N'ose-t-il me quitter moins que je le quitte?</p>
-<p>Et peut-il son rang si peu se confier,</p>
-<p>Qu'il veuille mon exemple se justifier?</p>
-<p>Me donne-t-il vous alors qu'il m'abandonne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il vous respecte trop: c'est vous qu'il me donne,<span class="dalign">740</span></p>
-<p>Et me fait la justice, en m'enlevant mon bien,</p>
-<p>De vouloir que je tche m'enrichir du sien;</p>
-<p>Mais peine il le veut, qu'il craint pour moi la haine</p>
-<p>Que Rome concevroit pour l'poux d'une reine.</p>
-<p>C'est vous de juger d'o part ce sentiment. <span class="dalign">745</span></p>
-<p>En vain, par politique, il fait ailleurs l'amant;</p>
-<p>Il s'y rduit en vain par grandeur de courage:</p>
-<p>A ces fausses clarts opposez quelque ombrage;</p>
-<p>Et je renonce au jour, s'il ne revient vous,</p>
-<p>Pour peu que vous penchiez le rendre jaloux. <span class="dalign">750</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre; mais, Seigneur, croyez-vous Brnice</p>
-<p>D'un c&oelig;ur s'abaisser jusqu' cet artifice,</p>
-<p>Jusques mendier lchement le retour</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span></div>
-<p>De ce qu'un grand service<a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor">&nbsp;[242]</a> a mrit d'amour?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, sur ce point je n'ai rien vous dire. <span class="dalign">755</span></p>
-<p>Vous savez ce que vaut l'Empereur et l'empire;</p>
-<p>Et si vous consentez qu'on vous manque de foi,</p>
-<p>Vous pouvez regarder<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor">&nbsp;[243]</a> si je vaux bien un roi.</p>
-<p>J'aperois Domitie, et lui cde la place.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-
-<p class="subt">DOMITIE, BRNICE, DOMITIAN, PHILON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vais me retirer, Seigneur, si je vous chasse; <span class="dalign">760</span></p>
-<p>Et j'ai des intrts que vous servez trop bien</p>
-<p>Pour arrter le cours d'un si long entretien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je faisois la Reine une offre de service</p>
-<p>Qui peut vous assurer le rang d'impratrice,</p>
-<p>Madame; et si j'en suis accept pour poux, <span class="dalign">765</span></p>
-<p>Tite n'aura plus d'yeux pour d'autres que pour vous.</p>
-<p>Est-ce vous mal servir?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Quoi? Madame, il vous aime?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; mais il me le dit, Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Lui?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i17"> Lui-mme.</p>
-<p>Est-ce vous offenser que m'offrir vos refus?</p>
-<p>Et vous doit-il un c&oelig;ur dont vous ne voulez plus? <span class="dalign">770</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne sais si je puis vous dire s'il m'offense,</p>
-<p>Quand vous vous prparez prendre sa dfense.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et moi, je ne sais pas s'il a droit de changer,</p>
-<p>Mais je sais que l'amour ne peut dsobliger.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Du moins ce nouveau feu rend justice au mrite. <span class="dalign">775</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous m'avez command de quitter qui me quitte,</p>
-<p>Vous le savez, Madame; et si c'est vous trahir,</p>
-<p>Vous m'avouerez aussi que c'est vous obir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il chappe l'amour un mot qui le trahisse,</p>
-<p>A l'effort qu'il se fait veut-il qu'on obisse?<span class="dalign">780</span></p>
-<p>Il cherche une rvolte, et s'en laisse charmer.</p>
-<p>Vous le sauriez, ingrat, si vous saviez aimer,</p>
-<p>Et ne vous feriez pas l'indigne violence</p>
-<p>De vous offrir ailleurs, et mme en ma prsence.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN</span>, Brnice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, vous voyez ce que je vous ai dit:<span class="dalign">785</span></p>
-<p>La preuve est convaincante, et l'exemple suffit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il suffit pour vous croire, et non pas pour le suivre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez, sous quelques lois qu'il vous plaise de vivre,</p>
-<p>Vivez-y, j'y consens; mais vous pouviez, Seigneur,</p>
-<p>Vous hter un peu moins de m'ter votre c&oelig;ur,<span class="dalign">790</span></p>
-<p>Attendre que l'honneur de ce grand hymne</p>
-<p>Vous renvoyt la foi que vous m'avez donne.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span></div>
-<p>Si vous vouliez passer pour vritable amant,</p>
-<p>Il falloit esprer jusqu'au dernier moment;</p>
-<p>Il vous falloit....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Eh bien! puisqu'il faut que j'espre,</p>
-<p>Madame, faites grce l'Empereur mon frre,</p>
-<p>A la Reine, vous-mme enfin, si vous m'aimez,</p>
-<p>Autant qu'il le parot vos yeux alarms.</p>
-<p>Les scrupules d'tat, qu'il falloit mieux combattre,</p>
-<p>Assez et trop longtemps nous ont gns tous quatre: <span class="dalign">800</span></p>
-<p>Runissez des c&oelig;urs de qui rompt l'union</p>
-<p>Cette chimre en Tite, en vous l'ambition.</p>
-<p>Vous trouverez au mien encor les mmes flammes</p>
-<p>Qui, ds que je vous vis, charmrent nos deux mes.</p>
-<p>Ds ce premier moment j'adorai vos appas; <span class="dalign">805</span></p>
-<p>Ds ce premier moment je ne vous dplus pas.</p>
-<p>Ai-je pargn depuis aucuns soins pour vous plaire?</p>
-<p>Est-ce un crime pour moi que l'anesse d'un frre?</p>
-<p>Et faut-il m'accabler d'un ternel ennui</p>
-<p>Pour avoir vu le jour deux lustres aprs lui,<span class="dalign">810</span></p>
-<p>Comme si de mon choix il dpendoit de natre</p>
-<p>Dans le temps qu'il falloit pour devenir son matre<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor">&nbsp;[244]</a>?</p>
-<p>Au nom de votre amour et de ce digne amant,</p>
-<p>Madame, qui vous aime encor si chrement,</p>
-<p>Prenez quelque piti d'un amant dplorable; <span class="dalign">815</span></p>
-<p>Faites-la partager cette inexorable;</p>
-<p>Dissipez la fiert d'une injuste rigueur.</p>
-<p>Pour juge entre elle et moi je ne veux que son c&oelig;ur.</p>
-<p>Je vous laisse avec elle arbitre de ma vie.</p>
-<p>Adieu, Madame. Adieu, trop aimable ennemie. <span class="dalign">820</span></p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span></p>
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">BRNICE, DOMITIE, PHILON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les intrts du prince<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor">&nbsp;[245]</a> avancent trop le mien</p>
-<p>Pour vous oser, Madame, importuner de rien;</p>
-<p>Et l'incivilit de la moindre prire</p>
-<p>Sembleroit vous presser de me rendre son frre.</p>
-<p>Tout ce qu'en sa faveur je crois m'tre permis,<span class="dalign">825</span></p>
-<p>Aprs qu' votre c&oelig;ur lui-mme il s'est remis,</p>
-<p>C'est de vous faire voir ce que hasarde une me</p>
-<p>Qui sacrifie au rang les douceurs de sa flamme,</p>
-<p>Et quel long repentir suit ces nobles ardeurs</p>
-<p>Qui soumettent l'amour l'clat des grandeurs.<span class="dalign">830</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand les choses, Madame, auront chang de face,</p>
-<p>Je reviendrai savoir ce qu'il faut que je fasse,</p>
-<p>Et demander votre ordre avec empressement</p>
-<p>Sur le choix ou du prince ou de quelque autre amant.</p>
-<p>Agrez cependant un respect qui m'amne <span class="dalign">835</span></p>
-<p>Vous rendre mes devoirs comme ma souveraine;</p>
-<p>Car je n'ose douter que dj l'Empereur</p>
-<p>Ne vous ait redonn bonne part en son c&oelig;ur.</p>
-<p>Vous avez sur vos rois pris ce digne avantage</p>
-<p>D'tre ici la premire rendre un juste hommage<a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor">&nbsp;[246]</a>;<span class="dalign">840</span></p>
-<p>Et pour vous imiter, je veux avoir le bien</p>
-<p>D'tre aussi la premire vous offrir le mien.</p>
-<p>Cet exemple qu'aux rois vous donnez pour un homme,</p>
-<p>J'aime pour une reine le donner Rome;</p>
-<p>Et plus il est nouveau, plus j'ai lieu d'esprer <span class="dalign">845</span></p>
-<p>Que de quelques bonts vous voudrez m'honorer.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A vous dire le vrai, sa nouveaut m'tonne:</p>
-<p>J'aurois eu quelque peine vous croire si bonne;</p>
-<p>Et je recevrois l'offre avec confusion</p>
-<p>Si je n'y souponnois un peu d'illusion.<span class="dalign">850</span></p>
-<p class="i1"> Quoi qu'il en soit, Madame, en cette incertitude</p>
-<p>Qui nous met l'une et l'autre en quelque inquitude,</p>
-<p>Ce que je puis rpondre vos civilits,</p>
-<p>C'est de vous demander pour moi mmes bonts,</p>
-<p>Et que celle des deux qui sera satisfaite<span class="dalign">855</span></p>
-<p>Traite l'autre de l'air qu'elle veut qu'on la traite.</p>
-<p>J'ai vu Tite se rendre au peu que j'ai d'appas;</p>
-<p>Je ne l'espre plus, et n'y renonce pas.</p>
-<p>Il peut se souvenir, dans ce grade sublime,</p>
-<p>Qu'il soumit votre Rome en dtruisant Solyme,<span class="dalign">860</span></p>
-<p>Qu'en ce sige pour lui je hasardai mon rang,</p>
-<p>Prodiguai mes trsors, et mes peuples leur sang,</p>
-<p>Et que s'il me fait part de sa toute-puissance,</p>
-<p>Ce sera moins un don qu'une reconnoissance.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Ce sont l de grands droits; et si l'amour s'y joint,<span class="dalign">865</span>
-<p>Je dois craindre une chute n'en relever point.</p>
-<p>Tite y peut ajouter que je n'ai point la gloire</p>
-<p>D'avoir sur ma patrie tendu sa victoire,</p>
-<p>De l'avoir saccage et dtruite l'envi,</p>
-<p>Et renvers l'autel du dieu que j'ai servi:<span class="dalign">870</span></p>
-<p>C'est par l qu'il vous doit cette haute fortune.</p>
-<p>Mais je commence voir que je vous importune.</p>
-<p>Adieu. Quelque autre fois nous suivrons ce discours.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je suis venue ici trop tt de quatre jours;</p>
-<p>J'en suis au dsespoir et vous en fais excuse.<span class="dalign">875</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dans quatre jours, Madame, on verra qui s'abuse.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span></p>
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">BRNICE, PHILON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel caprice, Philon, l'amne jusqu'ici</p>
-<p>M'expliquer elle-mme un si cuisant souci?</p>
-<p>Tite, aprs mon dpart, l'auroit-il maltraite?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aprs votre dpart il l'a soudain quitte,<span class="dalign">880</span></p>
-<p>Madame, et s'est dfait de cet esprit jaloux</p>
-<p>Avec un compliment encor plus court qu' vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi tout est gal: s'il me chasse, il la quitte;</p>
-<p>Mais ce peu qu'il m'a dit ne peut qu'il ne m'irrite:</p>
-<p>Il marque trop pour moi son infidlit.<span class="dalign">885</span></p>
-<p>Vois de ses derniers mots quelle est la duret:</p>
-<p>Qu'on la serve, a-t-il dit, comme elle fut servie</p>
-<p>Alors qu'elle faisoit le bonheur de ma vie<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor">&nbsp;[247]</a>.</p>
-<p>Je ne le fais donc plus! Voil ce que j'ai craint.</p>
-<p>Il fait en libert ce qu'il faisoit contraint.<span class="dalign">890</span></p>
-<p>Cet ordre de sortir, si prompt et si svre,</p>
-<p>N'a plus pour s'excuser l'autorit d'un pre:</p>
-<p>Il est libre, il est matre, il veut tout ce qu'il fait.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Du peu qu'il vous a dit j'attends un autre effet.</p>
-<p>Le trouble de vous voir auprs d'une rivale<span class="dalign">895</span></p>
-<p>Vouloit pour se remettre un moment d'intervalle;</p>
-<p>Et quand il a rompu sitt vos entretiens,</p>
-<p>Je lisois dans ses yeux qu'il vitoit les siens,</p>
-<p>Qu'il fuyoit l'embarras d'une telle prsence.</p>
-<p>Mais il vient son tour prendre son audience,<span class="dalign">900</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span></div>
-<p>Madame; et vous voyez si j'en sais bien juger.</p>
-<p>Songez de quelle sorte il faut le mnager.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-
-<p class="subt">TITE, BRNICE, FLAVIAN, PHILON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Me cherchez-vous, Seigneur, aprs m'avoir chasse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous avez su mieux lire au fond de ma pense,</p>
-<p>Madame; et votre c&oelig;ur connot assez le mien<span class="dalign">905</span></p>
-<p>Pour me justifier sans que j'explique rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais justifiera-t-il le don qu'il vous plat faire</p>
-<p>De ma propre personne au prince votre frre?</p>
-<p>Et n'est-ce point assez de me manquer de foi,</p>
-<p>Sans prendre encor le droit de disposer de moi?<span class="dalign">910</span></p>
-<p>Pouvez-vous jusque-l me bannir de votre me?</p>
-<p>Le pouvez-vous, Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Le croyez-vous, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! que j'ai de peur de vous dire que non!</p>
-<p>J'ai voulu vous har ds que j'ai su ce don:</p>
-<p>Mais de tels courroux l'me en vain se confie;<span class="dalign">915</span></p>
-<p>A peine je vous vois que je vous justifie.</p>
-<p>Vous me manquez de foi, vous me donnez, chassez.</p>
-<p>Que de crimes! Un mot les a tous effacs.</p>
-<p>Faut-il, Seigneur, faut-il que je ne vous accuse</p>
-<p>Que pour dire aussitt que c'est moi qui m'abuse,<span class="dalign">920</span></p>
-<p>Que pour me voir force rpondre pour vous!</p>
-<p>pargnez cette honte mon dpit jaloux;</p>
-<p>Sauvez-moi du dsordre o ma bont<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor">&nbsp;[248]</a> m'expose,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span></div>
-<p>Et du moins par piti dites-moi quelque chose;</p>
-<p>Accusez-moi plutt, Seigneur, votre tour,<span class="dalign">925</span></p>
-<p>Et m'imputez pour crime un trop parfait amour.</p>
-<p class="i1"> Vos chimres d'tat, vos indignes scrupules,</p>
-<p>Ne pourront-ils jamais passer pour ridicules?</p>
-<p>En souffrez-vous encor la tyrannique loi?</p>
-<p>Ont-ils encor sur vous plus de pouvoir que moi?<span class="dalign">930</span></p>
-<p>Du bonheur de vous voir j'ai l'me si ravie,</p>
-<p>Que pour peu qu'il durt, j'oublierois Domitie.</p>
-<p>Pourrez-vous l'pouser dans quatre jours? O cieux!</p>
-<p>Dans quatre jours! Seigneur, y voudrez-vous mes yeux?</p>
-<p>Vous plairez-vous voir qu'en triomphe mene,<span class="dalign">935</span></p>
-<p>Je serve de victime ce grand hymne;</p>
-<p>Que trane avec pompe aux marches de l'autel,</p>
-<p>J'aille de votre main attendre un coup mortel?</p>
-<p>M'y verrez-vous mourir sans verser une larme?</p>
-<p>Vous y prparez-vous sans trouble et sans alarme?<span class="dalign">940</span></p>
-<p>Et si vous concevez l'excs de ma douleur,</p>
-<p>N'en rejaillit-il<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor">&nbsp;[249]</a> rien jusque dans votre c&oelig;ur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! Madame, hlas! pourquoi vous ai-je vue?</p>
-<p>Et dans quel contre-temps tes-vous revenue!</p>
-<p>Ce qu'on fit d'injustice de si chers appas<span class="dalign">945</span></p>
-<p>M'avoit assez cot pour ne l'envier pas.</p>
-<p>Votre absence et le temps m'avoient fait quelque grce;</p>
-<p>J'en craignois un peu moins les malheurs o je passe;</p>
-<p>Je souffrois Domitie, et d'assidus efforts</p>
-<p>M'avoient, malgr l'amour, fait matre du dehors.<span class="dalign">950</span></p>
-<p>La contrainte sembloit tourner en habitude;</p>
-<p>Le joug que je prenois m'en paroissoit moins rude;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span></div>
-<p>Et j'allois tre heureux, du moins aux yeux de tous,</p>
-<p>Autant qu'on le peut tre en n'tant point vous.</p>
-<p>J'allois....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> N'achevez point, c'est l ce qui me tue.<span class="dalign">955</span></p>
-<p>Et je pourrois souffrir votre hymen ma vue,</p>
-<p>Si vous aviez choisi quelque objet sans clat,</p>
-<p>Qui ne pt tre vous que par raison d'tat,</p>
-<p>Qui de ses grands aeux n'et reu rien d'aimable,</p>
-<p>Qui n'en et que le nom qui ft considrable.<span class="dalign">960</span></p>
-<p>Il s'est assez puni de son manque de foi,</p>
-<p>Me dirois-je, et son c&oelig;ur n'en est pas moins moi.</p>
-<p>Mais Domitie est belle, elle a tout l'avantage</p>
-<p>Qu'ajoute un vrai mrite l'clat du visage;</p>
-<p>Et pour vous pargner les discours superflus,<span class="dalign">965</span></p>
-<p>Elle est digne de vous, si vous ne m'aimez plus.</p>
-<p>Elle a toujours charm le prince votre frre,</p>
-<p>Elle a gagn sur vous de ne vous plus dplaire:</p>
-<p>L'hymen achvera de me faire oublier;</p>
-<p>Elle aura votre c&oelig;ur, et l'aura tout entier.<span class="dalign">970</span></p>
-<p>Seigneur, faites-moi grce: pousez Sulpitie,</p>
-<p>Ou Camille, ou Sabine, et non pas Domitie;</p>
-<p>Choisissez-en quelqu'une enfin dont le bonheur</p>
-<p>Ne m'te que la main, et me laisse le c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Domitie aisment souffriroit ce partage;<span class="dalign">975</span></p>
-<p>Ma main satisferoit l'orgueil de son courage;</p>
-<p>Et pour le c&oelig;ur, peine il vous sait en ces lieux,</p>
-<p>Qu'il revient tout entier faire hommage vos yeux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'importe: ayez piti, Seigneur, de ma foiblesse.</p>
-<p>Vous avez un c&oelig;ur fait changer de matresse;<span class="dalign">980</span></p>
-<p>Vous ne savez que trop l'art de manquer de foi:</p>
-<p>Ne l'exercerez-vous jamais que contre moi?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Domitie est le choix de Rome et de mon pre:</p>
-<p>Ils crurent propos de l'ter mon frre,</p>
-<p>De crainte que ce c&oelig;ur jeune et prsomptueux<span class="dalign">985</span></p>
-<p>Ne rendt tmraire un prince imptueux.</p>
-<p>Si pour vous obir je lui suis infidle,</p>
-<p>Rome, qui l'a choisie, y consentira-t-elle?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? Rome ne veut pas quand vous avez voulu?</p>
-<p>Que faites-vous, Seigneur, du pouvoir absolu?<span class="dalign">990</span></p>
-<p>N'tes-vous dans ce trne, o tant de monde aspire,</p>
-<p>Que pour assujettir l'Empereur l'empire<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor">&nbsp;[250]</a>?</p>
-<p>Sur ses plus hauts degrs Rome vous fait la loi!</p>
-<p>Elle affermit ou rompt le don de votre foi!</p>
-<p>Ah! si j'en puis juger sur ce qu'on voit parotre.<span class="dalign">995</span></p>
-<p>Vous en tes l'esclave encor plus que le matre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tel est le triste sort de ce rang souverain,</p>
-<p>Qui ne dispense pas d'avoir un c&oelig;ur romain;</p>
-<p>Ou plutt des Romains tel est le dur caprice<a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor">&nbsp;[251]</a></p>
-<p>A suivre obstinment une aveugle injustice,<span class="dalign">1000</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span></div>
-<p>Qui rejetant d'un roi le nom plus que les lois,</p>
-<p>Accepte un empereur plus puissant que cent rois.</p>
-<p>C'est ce nom seul qui donne leurs farouches haines</p>
-<p>Cette invincible horreur qui passe jusqu'aux reines,</p>
-<p>Jusques leurs poux; et vos yeux adors<span class="dalign">1005</span></p>
-<p>Verroient de notre hymen natre cent conjurs.</p>
-<p>Encor s'il n'y falloit hasarder que ma vie;</p>
-<p>Si ma perte aussitt de la vtre suivie....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Seigneur, ce n'est pas aux reines comme moi</p>
-<p>A hasarder leurs jours pour signaler leur foi.<span class="dalign">1010</span></p>
-<p>La plus illustre ardeur de prir l'un pour l'autre</p>
-<p>N'a rien de glorieux pour mon rang et le vtre:</p>
-<p>L'amour de nos pareils la traite de fureur,</p>
-<p>Et ces vertus d'amant ne sont pas d'empereur.</p>
-<p>Mes secours en Jude<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor">&nbsp;[252]</a> achevrent l'ouvrage<span class="dalign">1015</span></p>
-<p>Qu'avoit des lgions bauch le suffrage:</p>
-<p>Il m'est trop prcieux pour le mettre au hasard;</p>
-<p>Et j'y pouvois, Seigneur, mriter quelque part,</p>
-<p>N'toit qu'affermissant votre heureuse fortune,</p>
-<p>Je n'ai fait qu'empcher qu'elle nous ft commune.<span class="dalign">1020</span></p>
-<p>Si j'eusse eu moins pour elle ou de zle ou de foi,</p>
-<p>Vous seriez moins puissant, mais vous seriez moi;</p>
-<p>Vous n'auriez que le nom de gnral d'arme,</p>
-<p>Mais j'aurois pour poux l'amant qui m'a charme;</p>
-<p>Et je possderois dans ma cour, en repos,<span class="dalign">1025</span></p>
-<p>Au lieu d'un empereur, le plus grand des hros.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! Madame, il faut renoncer ce titre,</p>
-<p>Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre.</p>
-<p>Allons dans vos tats m'en donner un plus doux;</p>
-<p>Ma gloire la plus haute est celle d'tre vous.<span class="dalign">1030</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span></div>
-<p>Allons o je n'aurai que vous pour souveraine,</p>
-<p>O vos bras amoureux seront ma seule chane<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor">&nbsp;[253]</a>,</p>
-<p>O l'hymen en triomphe jamais l'treindra;</p>
-<p>Et soit de Rome esclave et matre qui voudra<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor">&nbsp;[254]</a>!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'est plus temps: ce nom, si sujet l'envie,<span class="dalign">1035</span></p>
-<p>Ne se quitte jamais, Seigneur, qu'avec la vie;</p>
-<p>Et des nouveaux Csars la tremblante fiert</p>
-<p>N'ose faire de grce ceux qui l'ont port:</p>
-<p>Qui l'a pris une fois est toujours punissable.</p>
-<p>Ce fut par l qu'Othon se traita de coupable,</p>
-<p>Par l Vitellius mrita le trpas;</p>
-<p>Et vous n'auriez partout qu'assassins sur vos pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que faire donc, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Assurer votre vie;</p>
-<p>Et s'il y faut enfin la main de Domitie....</p>
-<p>Mais adieu: sur ce point si vous pouvez douter,<span class="dalign">1045</span></p>
-<p>Ce n'est pas moi, Seigneur, qu'il en faut consulter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE,</span> Brnice qui se retire<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor">&nbsp;[255]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Madame; et dt-il m'en coter trne et vie,</p>
-<p>Vous ne me verrez point pouser Domitie.</p>
-<p class="i1"> Ciel, si vous ne voulez qu'elle rgne en ces lieux,</p>
-<p>Que vous m'tes cruel de la rendre mes yeux!<span class="dalign">1050</span></p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE IV.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">BRNICE, PHILON.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Avez-vous su, Philon, quel bruit et quel murmure</p>
-<p>Fait mon retour Rome en cette conjoncture<a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor">&nbsp;[256]</a>?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<div><span class="i6 small1">PHILON.</span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, Madame: j'ai vu presque tous vos amis,</p>
-<p>Et su d'eux quel espoir vous peut tre permis.</p>
-<p>Il est peu de Romains qui penchent la balance<span class="dalign">1055</span></p>
-<p>Vers l'extrme hauteur ou l'extrme indulgence:</p>
-<p>La plupart d'eux embrasse un avis modr</p>
-<p>Par qui votre retour n'est pas dshonor,</p>
-<p>Mais l'hymen de Tite il vous ferme la porte:</p>
-<p>La fire Domitie est partout la plus forte;<span class="dalign">1060</span></p>
-<p>La vertu de son pre et son illustre sang</p>
-<p>A son ambition assure<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor">&nbsp;[257]</a> ce haut rang.</p>
-<p>Il est peu sur ce point de voix qui se divisent,</p>
-<p>Madame; et quant vous, voici ce qu'ils en disent:</p>
-<p>Elle a bien servi Rome, il le faut avouer;<span class="dalign">1065</span></p>
-<p>L'Empereur et l'empire ont lieu de s'en louer:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span></div>
-<p>On lui doit des honneurs, des titres sans exemples;</p>
-<p>Mais enfin elle est reine, elle abhorre nos temples,</p>
-<p>Et sert un Dieu jaloux qui ne peut endurer</p>
-<p>Qu'aucun autre que lui se fasse rvrer;<span class="dalign">1070</span></p>
-<p>Elle traite nos yeux les ntres de fantmes.</p>
-<p>On peut lui prodiguer des villes, des royaumes:</p>
-<p>Il est des rois pour elle; et dj Polmon<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor">&nbsp;[258]</a></p>
-<p>De ce Dieu qu'elle adore invoque le seul nom;</p>
-<p>Des ntres pour lui plaire il ddaigne le culte:<span class="dalign">1075</span></p>
-<p>Qu'elle rgne avec lui sans nous faire d'insulte.</p>
-<p>Si ce trne et le sien ne lui suffisent pas,</p>
-<p>Rome est prte d'y joindre encor d'autres tats<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor">&nbsp;[259]</a>,</p>
-<p>Et de faire clater avec magnificence</p>
-<p>Un juste et plein effet de sa reconnoissance.<span class="dalign">1080</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'elle rpande ailleurs ces effets clatants,</p>
-<p>Et ne m'enlve point le seul o je prtends.</p>
-<p>Elle n'a point de part en ce que je mrite:</p>
-<p>Elle ne me doit rien, je n'ai servi que Tite.</p>
-<p>Si j'ai vu sans douleur mon pays dsol,<span class="dalign">1085</span></p>
-<p>C'est Tite, lui seul, que j'ai tout immol;</p>
-<p>Sans lui, sans l'esprance mon amour offerte,</p>
-<p>J'aurois servi Solyme, ou pri dans sa perte;</p>
-<p>Et quand Rome s'efforce m'arracher son c&oelig;ur,</p>
-<p>Elle sert le courroux d'un Dieu juste vengeur.<span class="dalign">1090</span></p>
-<p>Mais achevez, Philon; ne dit-on autre chose?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On parle des prils o votre amour l'expose:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span></div>
-<p>De cet hymen, dit-on, les n&oelig;uds si desirs</p>
-<p>Serviront de prtexte mille conjurs;</p>
-<p>Ils pourront soulever jusqu' son propre frre.<span class="dalign">1095</span></p>
-<p>Il se voulut jadis cantonner contre un pre;</p>
-<p>N'et t Mucian qui le tint dans Lyon,</p>
-<p>Il se faisoit le chef de la rbellion,</p>
-<p>Avouoit Civilis, appuyoit ses Bataves,</p>
-<p>Des Gaulois belliqueux soulevoit les plus braves;<span class="dalign">1100</span></p>
-<p>Et les deux bords du Rhin l'auroient pour empereur,</p>
-<p>Pour peu qu'et Cral cout sa fureur<a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor">&nbsp;[260]</a>.</p>
-<p>Il aime Domitie, et rgne dans son me;</p>
-<p>Si Tite ne l'pouse, il en fera sa femme.</p>
-<p>Vous savez de tous deux quelle est l'ambition:<span class="dalign">1105</span></p>
-<p>Jugez ce qui peut suivre une telle union.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne dit-on rien de plus?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Ah! Madame, je tremble</p>
-<p>A vous dire encor....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Quoi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PHILON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Que le snat s'assemble.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quelle est l'occasion qui le fait assembler?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PHILON</span>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'occasion n'a rien qui vous doive troubler;<span class="dalign">1110</span></p>
-<p>Et ce n'est qu' dessein de pourvoir aux dommages</p>
-<p>Que du Vsuve ardent ont causs<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor">&nbsp;[261]</a> les ravages<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor">&nbsp;[262]</a>;</p>
-<p>Mais Domitie aura des amis, des parents,</p>
-<p>Qui pourront bien aprs vous mettre sur les rangs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi que sur mes destins ils usurpent d'empire,<span class="dalign">1115</span></p>
-<p>Je ne vois pas leur matre en tat d'y souscrire.</p>
-<p>Philon, laissons-les faire: ils n'ont qu' me bannir</p>
-<p>Pour trouver hautement l'art de me retenir.</p>
-<p>Contre toutes leurs voix je ne veux qu'un suffrage,</p>
-<p>Et l'ardeur de me nuire achvera l'ouvrage.<span class="dalign">1120</span></p>
-<p class="i1"> Ce n'est pas qu'en effet la gloire o je prtends</p>
-<p>N'offre trop de prtexte aux esprits mcontents:</p>
-<p>Je ne puis jeter l'&oelig;il sur ce que je suis ne</p>
-<p>Sans voir que de prils suivront cet hymne.</p>
-<p>Mais pour y parvenir s'il faut trop hasarder,<span class="dalign">1125</span></p>
-<p>Je veux donner le bien que je n'ose garder;</p>
-<p>Je veux du moins, je veux ter ma rivale</p>
-<p>Ce miracle vivant, cette me sans gale:</p>
-<p>Qu'en dpit des Romains, leur digne souverain,</p>
-<p>S'il prend une moiti, la prenne de ma main;<span class="dalign">1130</span></p>
-<p>Et pour tout dire enfin, je veux que Brnice</p>
-<p>Ait une crature en leur impratrice.</p>
-<p class="i1"> Je vois Domitian. Contre tous leurs arrts</p>
-<p>Il n'est pas malais d'unir nos intrts.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span></p>
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">DOMITIAN, BRNICE, PHILON,<br />
-ALBIN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Auriez-vous au snat, Seigneur, assez de brigue<span class="dalign">1135</span></p>
-<p>Pour combattre et confondre une insolente ligue?</p>
-<p>S'il ne s'assemble pas exprs pour m'exiler,</p>
-<p>J'ai quelques envieux qui pourront en parler.</p>
-<p>L'exil m'importe peu, j'y suis accoutume;</p>
-<p>Mais vous perdez l'objet dont votre me est charme:</p>
-<p>L'audacieux dcret de mon bannissement</p>
-<p>Met votre Domitie aux bras d'un autre amant;</p>
-<p>Et vous pouvez<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor">&nbsp;[263]</a> juger que s'il faut qu'on m'exile,</p>
-<p>Sa conqute pour vous n'en est pas plus facile.</p>
-<p>Voyez si votre amour se veut laisser ravir<span class="dalign">1145</span></p>
-<p>Cet unique secours qui pourroit le servir<a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor">&nbsp;[264]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On en pourra parler, Madame, et mon ingrate</p>
-<p>En a dj conu quelque espoir qui la flatte;</p>
-<p>Mais je puis dire aussi que le rang que je tiens</p>
-<p>M'a fait assez d'amis pour opposer aux siens;<span class="dalign">1150</span></p>
-<p>Et que si ds l'abord ils ne les font pas taire,</p>
-<p>Ils rompront le grand coup qui seul nous peut dplaire.</p>
-<p>Non que tout cet espoir ne coure grand hasard,</p>
-<p>Si votre amant volage y prend la moindre part:</p>
-<p>On l'aime; et si son ordre nos amis s'oppose,<span class="dalign">1155</span></p>
-<p>Leur plus fidle ardeur osera peu de chose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! Prince, je mourrai de honte et de douleur,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span></div>
-<p>Pour peu qu'il contribue faire mon malheur;</p>
-<p>Mais je n'ai qu' le voir pour calmer ces alarmes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'y perdez point de temps, portez-y tous vos charmes:</p>
-<p>N'en oubliez aucun dans un pril si grand.</p>
-<p>Peut-tre, ainsi que vous, ce dessein le surprend;</p>
-<p>Mais je crains qu'aprs tout son me irrsolue</p>
-<p>Ne relche un peu trop sa puissance absolue,</p>
-<p>Et ne laisse au snat dcider de ses v&oelig;ux,<span class="dalign">1165</span></p>
-<p>Pour se faire une excuse<a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor">&nbsp;[265]</a> envers l'une des deux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quelques efforts qu'on fasse, et quelque art qu'on dploie,</p>
-<p>Je vous rponds de tout, pourvu que je le voie;</p>
-<p>Et je ne crois pas mme au pouvoir de vos dieux</p>
-<p>De lui faire pouser Domitie mes yeux.<span class="dalign">1170</span></p>
-<p>Si vous l'aimez encor, ce mot vous doit suffire.</p>
-<p>Quant au snat, qu'il m'te ou me donne l'empire,</p>
-<p>Je ne vous dirai point quoi je me rsous.</p>
-<p>Voici votre inconstante. Adieu, pensez vous.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">DOMITIAN, DOMITIE, ALBIN, PLAUTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Prince, si vous m'aimez, l'occasion est belle.<span class="dalign">1175</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si je vous aime! Est-il un amant plus fidle?</p>
-<p>Mais, Madame, sachons ce que vous souhaitez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous me servirez mal, puisque vous en doutez.</p>
-<p>L'amant digne du c&oelig;ur de la beaut qu'il aime</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span></div>
-<p>Sait mieux ce qu'elle veut que ce qu'il veut lui-mme.</p>
-<p>Mais puisque j'ai besoin d'expliquer mon courroux,</p>
-<p>J'en veux Brnice, l'Empereur, vous:</p>
-<p>A lui, qui n'ose plus m'aimer en sa prsence;</p>
-<p>A vous, qui vous mettez de leur intelligence,</p>
-<p>Et dont tous les amis vont servir un amour<span class="dalign">1185</span></p>
-<p>Qui me rend vos yeux la fable de la cour.</p>
-<p>Si vous m'aimez, Seigneur, il faut sauver ma gloire,</p>
-<p>M'assurer par vos soins une pleine victoire;</p>
-<p>Il faut....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Si vous croyez votre bonheur douteux,</p>
-<p>Votre retour vers moi seroit-il si honteux?<span class="dalign">1190</span></p>
-<p>Suis-je indigne de vous? suis-je si peu de chose</p>
-<p>Que toute votre gloire mon amour s'oppose?</p>
-<p>Ne voit-on plus en moi ce que vous estimiez?</p>
-<p>Et suis-je moindre enfin qu'alors que vous m'aimiez?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; mais un autre espoir va m'accabler de honte,<span class="dalign">1195</span></p>
-<p>Quand le trne m'attend, si Brnice y monte.</p>
-<p>Dlivrez-en mes yeux, et prtez-moi la main</p>
-<p>Du moins soutenir l'honneur du nom romain.</p>
-<p>De quel &oelig;il verrez-vous qu'une reine trangre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De l'&oelig;il dont je verrois que l'Empereur, mon frre,<span class="dalign">1200</span></p>
-<p>En prt d'autres pour vous, ranimt son espoir,</p>
-<p>Et pour se rendre heureux, ust de son pouvoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne vous y trompez pas: s'il me donne le change,</p>
-<p>Je ne suis point vous, je suis qui me venge,</p>
-<p>Et trouverai peut-tre Rome assez d'appui<span class="dalign">1205</span></p>
-<p>Pour me venger de vous aussi bien que de lui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et c'est du nom romain la gloire qui vous touche.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span></div>
-<p>Madame? et vous l'avez au c&oelig;ur comme en la bouche?</p>
-<p>Ah! que le nom de Rome est un nom prcieux,</p>
-<p>Alors qu'en la servant on se sert encor mieux,<span class="dalign">1210</span></p>
-<p>Qu'avec nos intrts ce grand devoir conspire,</p>
-<p>Et que pour rcompense on se promet l'empire!</p>
-<p>Parlons c&oelig;ur ouvert, Madame, et dites-moi</p>
-<p>Quel fruit je dois attendre enfin d'un tel emploi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voulez-vous pour servir tre sr du salaire,<span class="dalign">1215</span></p>
-<p>Seigneur? et n'avez-vous qu'un amour mercenaire<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor">&nbsp;[266]</a>?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'en connois point d'autre, et ne conois pas bien</p>
-<p>Qu'un amant puisse plaire en ne prtendant rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que ces prtentions sentent les mes basses!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les Dieux qui les sert font esprer des grces.<span class="dalign">1220</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les exemples des Dieux s'appliquent mal sur nous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne veux donc, Madame, autre exemple que vous.</p>
-<p>N'attendez-vous de Tite, et n'avez-vous pour Tite</p>
-<p>Qu'une strile ardeur qui s'attache au mrite?</p>
-<p>De vos destins aux siens pressez-vous l'union<span class="dalign">1225</span></p>
-<p>Sans vouloir aucun fruit de tant de passion?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre en ce dessein ne suis-je intresse</p>
-<p>Que par l'intrt seul de ma gloire blesse.</p>
-<p>Croyez-moi gnreuse, et soyez gnreux:</p>
-<p>N'aimez plus, ou n'aimez que comme je le veux.<span class="dalign">1230</span></p>
-<p>Je sais ce que je dois l'amant qui m'oblige;</p>
-<p>Mais j'aime qu'on l'attende et non pas qu'on l'exige:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span></div>
-<p>Et qui peut immoler son intrt au mien,</p>
-<p>Peut se promettre tout de qui ne promet rien.</p>
-<p>Peut-tre qu'en l'tat o je suis avec Tite,<span class="dalign">1235</span></p>
-<p>Je veux bien le quitter, mais non pas qu'il me quitte.</p>
-<p>Vous en dis-je trop peu pour vous l'imaginer?</p>
-<p>Et depuis quand l'amour n'ose-t-il deviner?</p>
-<p>Tous mes emportements pour la grandeur suprme</p>
-<p>Ne vous dguisent point, Seigneur, que je vous aime;</p>
-<p>Et l'on ne voit que trop quel droit j'ai de har</p>
-<p>Un empereur sans foi qui meurt de me trahir.</p>
-<p>Me condamnerez-vous voir que Brnice</p>
-<p>M'enlve de hauteur le rang d'impratrice?</p>
-<p>Lui pourrez-vous aider me perdre d'honneur?<span class="dalign">1245</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne pouvez-vous le mettre faire mon bonheur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ai quelque orgueil encor, Seigneur, je le confesse.</p>
-<p>De tout ce qu'il attend rendez-moi la matresse,</p>
-<p>Et laissez mon choix l'effet de votre espoir:</p>
-<p>Que ce soit une grce, et non pas un devoir;<span class="dalign">1250</span></p>
-<p>Et que....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Me faire grce aprs tant d'injustice!</p>
-<p>De tant de vains dtours je vois trop l'artifice,</p>
-<p>Et ne saurois douter du choix que vous ferez</p>
-<p>Quand vous aurez par moi ce que vous esprez.</p>
-<p>pousez, j'y consens, le rang de souveraine;<span class="dalign">1255</span></p>
-<p>Faites l'impratrice, en donnant une reine;</p>
-<p>Disposez de sa main, et pour premire loi,</p>
-<p>Madame, ordonnez-lui d'abaisser l'&oelig;il sur moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cet objet de ma haine a pour vous quelque charme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Son nom seul prononc vous a mise en alarme:<span class="dalign">1260</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span></div>
-<p>Me puis-je mieux venger, si vous me trahissez,</p>
-<p>Que d'aimer vos yeux ce que vous hassez?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parlons c&oelig;ur ouvert. Aimez-vous Brnice?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Autant qu'il faut l'aimer pour vous faire un supplice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce sera donc le vtre encor plus que le mien.<span class="dalign">1265</span></p>
-<p>Aprs cela, Seigneur, je ne vous dis plus rien.</p>
-<p>S'il n'a pas pour votre me une assez rude gne,</p>
-<p>J'y puis joindre au besoin une implacable haine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et moi, dt jamais crotre ce grand courroux,</p>
-<p>J'pouserai, Madame, ou Brnice, ou vous.<span class="dalign">1270</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ou Brnice, ou moi! La chose est donc gale,</p>
-<p>Et vous ne m'aimez plus qu'autant que ma rivale?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La douleur de vous perdre, hlas!...</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i17"> C'en est assez:</p>
-<p>Nous verrons cet amour dont vous nous menacez.</p>
-<p>Cependant si la Reine, aussi fire que belle,<span class="dalign">1275</span></p>
-<p>Sait comme il faut rpondre aux v&oelig;ux d'un infidle,</p>
-<p>Ne me rapportez point l'objet de son ddain</p>
-<p>Qu'elle n'ait repass les rives du Jourdain.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">DOMITIAN, ALBIN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Admire ainsi que moi de quelle jalousie</p>
-<p>Au seul nom de la Reine elle a paru saisie;<span class="dalign">1280</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span></div>
-<p>Comme s'il importoit ses heureux appas</p>
-<p>A qui je donne un c&oelig;ur dont elle ne veut pas!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, telle est l'humeur de la plupart des femmes.</p>
-<p>L'amour sous leur empire et-il rang mille mes,</p>
-<p>Elles regardent tout comme leur propre bien,<span class="dalign">1285</span></p>
-<p>Et ne peuvent souffrir qu'il leur chappe rien.</p>
-<p>Un captif mal gard leur semble une infamie:</p>
-<p>Qui l'ose recevoir devient leur ennemie;</p>
-<p>Et sans leur faire un vol on ne peut disposer</p>
-<p>D'un c&oelig;ur qu'un autre choix les force refuser:<span class="dalign">1290</span></p>
-<p>Elles veulent qu'ailleurs par leur ordre il soupire,</p>
-<p>Et qu'un don de leur part marque un reste d'empire.</p>
-<p>Domitie a pour vous ces communs sentiments</p>
-<p>Que les fires beauts ont pour tous leurs amants,</p>
-<p>Et craint, si votre main se donne Brnice,<span class="dalign">1295</span></p>
-<p>Qu'elle ne porte en vain le nom d'impratrice,</p>
-<p>Quand d'un ct l'hymen, et de l'autre l'amour,</p>
-<p>Feront cette reine un empire en sa cour.</p>
-<p>Voil sa jalousie, et ce qu'elle redoute,</p>
-<p>Seigneur. Pour le snat, n'en soyez point en doute,<span class="dalign">1300</span></p>
-<p>Il aime l'Empereur, et l'honore tel point,</p>
-<p>Qu'il servira sa flamme, ou n'en parlera point;</p>
-<p>Pour le stupide Claude il eut bien la bassesse</p>
-<p>D'autoriser l'hymen de l'oncle avec la nice<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor">&nbsp;[267]</a>:</p>
-<p>Il ne fera pas moins pour un prince ador,<span class="dalign">1305</span></p>
-<p>Et je l'y tiens dj, Seigneur, tout prpar.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tu parles du snat, et je veux parler d'elle,</p>
-<p>De l'ingrate qu'un trne a rendue infidle.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span></div>
-<p>N'est-il point de moyens<a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor">&nbsp;[268]</a>, ne vois-tu point de jour,</p>
-<p>A mettre enfin d'accord sa gloire et son amour?<span class="dalign">1310</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ALBIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout dpendra de Tite et du secret office</p>
-<p>Qu'il peut dans le snat rendre sa Brnice.</p>
-<p>L'air dont il agira pour un espoir si doux</p>
-<p>Tournera l'assemble ou pour ou contre vous;</p>
-<p>Et si sa politique vos amis s'oppose,<span class="dalign">1315</span></p>
-<p>Vous l'avez dit vous-mme, ils pourront peu de chose.</p>
-<p>Sondez ses sentiments, et rglez-vous sur eux:</p>
-<p>Votre bonheur est sr, s'il consent d'tre heureux.</p>
-<p>Que si son choix balance, ou flatte mal le vtre,</p>
-<p>Demandez Brnice afin d'obtenir l'autre.<span class="dalign">1320</span></p>
-<p>Vous l'avez dj vu sensible de tels coups;</p>
-<p>Et c'est un grand ressort qu'un peu d'amour jaloux.</p>
-<p>Au moindre empressement pour cette belle reine,</p>
-<p>Il vous fera justice et reprendra sa chane.</p>
-<p>Songez pntrer ce qu'il a dans l'esprit.<span class="dalign">1325</span></p>
-<p>Le voici.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Je suivrai ce que ton zle en dit.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">TITE, DOMITIAN, FLAVIAN, ALBIN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<span class="i7 small1">TITE.</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Avez-vous regagn le c&oelig;ur de votre ingrate,</p>
-<p>Mon frre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Sa fiert de plus en plus clate.</p>
-<p>Voyez s'il fut jamais orgueil pareil au sien:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span></div>
-<p>Il veut que je la serve et ne prtende rien,<span class="dalign">1330</span></p>
-<p>Que j'appuie en l'aimant toute son injustice,</p>
-<p>Que je fasse de Rome exiler Brnice.</p>
-<p>Mais, Seigneur, mon tour puis-je vous demander</p>
-<p>Ce qu' vos plus doux v&oelig;ux il vous plat d'accorder?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'aurai peine bannir la Reine de ma vue.<span class="dalign">1335</span></p>
-<p>Par quels ordres, grands Dieux, est-elle revenue?</p>
-<p>Je souffrois, mais enfin je vivois sans la voir;</p>
-<p>J'allois....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> N'avez-vous pas un absolu pouvoir,</p>
-<p>Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Oui; mais j'en suis comptable tout le monde:</p>
-<p>Comme dpositaire, il faut que j'en rponde.<span class="dalign">1340</span></p>
-<p>Un monarque a souvent des lois s'imposer;</p>
-<p>Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que refuserez-vous aux dsirs de votre me,</p>
-<p>Si le snat approuve une si belle flamme?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'il parle du Vsuve, et ne se mle pas<span class="dalign">1345</span></p>
-<p>De jeter dans mon me un nouvel embarras.</p>
-<p>Est-ce lui d'abuser de mon inquitude</p>
-<p>Jusqu' mettre une borne son incertitude?</p>
-<p>Et s'il ose en mon choix prendre quelque intrt,</p>
-<p>Me croit-il en tat d'en croire son arrt?<span class="dalign">1350</span></p>
-<p>S'il exile la Reine, y pourrai-je souscrire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il parle en sa faveur, pourrez-vous l'en ddire?</p>
-<p>Ah! que je vous plaindrois d'avoir si peu d'amour!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en ai trop, et le mets peut-tre trop au jour.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous en aviez tant, vous auriez peu de peine<span class="dalign">1355</span></p>
-<p>A rendre Domitie sa premire chane.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! s'il ne s'agissoit que de vous la cder,</p>
-<p>Vous auriez peu de peine me persuader;</p>
-<p>Et pour vous rendre heureux, me rendre Brnice</p>
-<p>Ne seroit pas vous faire un fort grand sacrifice.<span class="dalign">1360</span></p>
-<p>Il y va de bien plus.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> De quoi, Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> De tout.</p>
-<p>Il y va d'pouser sa haine jusqu'au bout,</p>
-<p>D'en suivre la furie, et d'tre le ministre</p>
-<p>De ce qu'un noir dpit conoit de plus sinistre:</p>
-<p>Et peut-tre l'aigreur de ces inimitis<span class="dalign">1365</span></p>
-<p>Voudra que je vous perde ou que vous me perdiez:</p>
-<p>Voil ce qui peut suivre un si doux hymne.</p>
-<p>Vous voyez dans l'orgueil Domitie obstine;</p>
-<p>Quand pour moi cet orgueil ose vous ddaigner,</p>
-<p>Elle ne m'aime pas: elle cherche rgner,<span class="dalign">1370</span></p>
-<p>Avec vous, avec moi, n'importe la manire.</p>
-<p>Tout plairoit, ce prix, son humeur altire;</p>
-<p>Tout seroit digne d'elle; et le nom d'empereur</p>
-<p>A mon assassin mme attacheroit son c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pouvez-vous mieux choisir un frein sa colre,<span class="dalign">1375</span></p>
-<p>Seigneur, que de la mettre entre les mains d'un frre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non: je ne puis la mettre en de plus sres mains<a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor">&nbsp;[269]</a>;</p>
-<p>Mais plus vous m'tes cher, Prince, et plus je vous crains:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span></div>
-<p>De ceux qu'unit le sang plus douces sont les chanes,</p>
-<p>Plus leur dsunion met d'aigreur dans leurs haines;<span class="dalign">1380</span></p>
-<p>L'offense en est plus rude, et le courroux plus grand,</p>
-<p>La suite plus barbare, et l'effet plus sanglant.</p>
-<p>La nature en fureur s'abandonne tout faire,</p>
-<p>Et cinquante ennemis sont moins has qu'un frre.</p>
-<p class="i1"> Je ne rveille point des soupons assoupis,<span class="dalign">1385</span></p>
-<p>Et veux bien oublier le temps de Civilis<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor">&nbsp;[270]</a>:</p>
-<p>Vous tiez encor jeune, et sans vous bien connotre,</p>
-<p>Vous pensiez n'tre n que pour vivre sans matre;</p>
-<p>Mais les occasions renaissent aisment:</p>
-<p>Une femme est flatteuse, un empire est charmant,<span class="dalign">1390</span></p>
-<p>Et comme avec plaisir on s'en laisse surprendre,</p>
-<p>On nglige bientt les soins de s'en dfendre.</p>
-<p>Croyez-moi, sparez vos intrts des siens.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! j'en briserai les dangereux liens.</p>
-<p>Pour votre sret j'accepte ce supplice;<span class="dalign">1395</span></p>
-<p>Mais pour m'en consoler, donnez-moi Brnice.</p>
-<p>Dt le snat, dt Rome en frmir de courroux,</p>
-<p>Vous n'osez l'pouser, j'oserai plus que vous;</p>
-<p>Je l'aime, et l'aimerai si votre me y renonce.</p>
-<p>Quoi? n'osez-vous, Seigneur, me faire de rponse?<span class="dalign">1400</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Se donne-t-elle vous, et ne tient-il qu' moi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle a droit d'imiter qui lui manque de foi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle n'en a que trop; et toutefois je doute</p>
-<p>Que son amour trahi prenne la mme route.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais si pour se venger elle rpond au mien?<span class="dalign">1405</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>pousez-la, mon frre, et ne m'en dites rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et si je regagnois l'esprit de Domitie?</p>
-<p>Si pour moi sa fiert se montroit adoucie?</p>
-<p>Si mes v&oelig;ux, si mes soins en toient mieux reus,</p>
-<p>Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE</span>, en rentrant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Epousez-la sans m'en parler non plus.<span class="dalign">1410</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons, et malgr lui rendons-lui Brnice.</p>
-<p>Albin, de nos projets son amour est complice;</p>
-<p>Et puisqu'il l'aime assez pour en tre jaloux,</p>
-<p>Malgr l'ambition Domitie est nous.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i5">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE V.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">TITE, FLAVIAN.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>As-tu vu Brnice? aime-t-elle mon frre?<span class="dalign">1415</span></p>
-<p>Et se plat-elle voir qu'il tche de lui plaire?</p>
-<p>Me la demande-t-il de son consentement?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne la souponnez point d'un si bas sentiment;</p>
-<p>Elle n'en peut souffrir non pas mme la feinte.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>As-tu vu dans son c&oelig;ur encor la mme atteinte?<span class="dalign">1420</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle veut vous parler, c'est tout ce que j'en sai.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Faut-il de son pouvoir faire un nouvel essai?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>M'en croirez-vous, Seigneur? vitez sa prsence<a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor">&nbsp;[271]</a>,</p>
-<p>Ou mettez-vous contre elle un peu mieux en dfense.</p>
-<p>Quel fruit esprez-vous de tout son entretien?<span class="dalign">1425</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'en aimer davantage, et ne rsoudre rien.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'irrsolution doit-elle tre ternelle?</p>
-<p>Vous ne me dites plus que Domitie est belle,</p>
-<p>Seigneur, vous qui disiez que ses seules beauts</p>
-<p>Vous peuvent consoler de ce que vous quittez;<span class="dalign">1430</span></p>
-<p>Qu'elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre</p>
-<p>Vos feux s'assoupir, s'ils ne peuvent s'teindre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je l'ai dit, il est vrai; mais j'avois d'autres yeux,</p>
-<p>Et je ne voyois pas Brnice en ces lieux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand aux feux les plus beaux un monarque dfre,</p>
-<p>Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire,</p>
-<p>Et regarde l'amour comme un lche attentat</p>
-<p>Ds qu'il veut prvaloir sur la raison d'tat.</p>
-<p>Son grand c&oelig;ur, au-dessus des plus dignes amorces,</p>
-<p>A ses devoirs pressants laisse toutes leurs forces<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor">&nbsp;[272]</a>;<span class="dalign">1440</span></p>
-<p>Et son plus doux espoir n'ose lui demander</p>
-<p>Ce que sa dignit ne lui peut accorder.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je sais qu'un empereur doit parler ce langage;</p>
-<p>Et quand il l'a fallu, j'en ai dit davantage;</p>
-<p>Mais de ces durets que j'tale regret,<span class="dalign">1445</span></p>
-<p>Chaque mot mon c&oelig;ur cote un soupir secret;</p>
-<p>Et quand la raison j'accorde un tel empire,</p>
-<p>Je le dis seulement parce qu'il le faut dire,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span></div>
-<p>Et qu'tant au-dessus de tous les potentats,</p>
-<p>Il me seroit honteux de ne le dire pas.<span class="dalign">1450</span></p>
-<p>De quoi s'enorgueillit un souverain de Rome,</p>
-<p>Si par respect pour elle il doit cesser d'tre homme,</p>
-<p>teindre un feu qui plat, ou ne le ressentir</p>
-<p>Que pour s'en faire honte et pour le dmentir?</p>
-<p>Cette toute-puissance est bien imaginaire,<span class="dalign">1455</span></p>
-<p>Qui s'asservit soi-mme la peur de dplaire,</p>
-<p>Qui laisse au got public rgler tous ses projets,</p>
-<p>Et prend le plus haut rang pour craindre ses sujets.</p>
-<p>Je ne me donne point d'empire sur leurs mes,</p>
-<p>Je laisse en libert leurs soupirs et leurs flammes;<span class="dalign">1460</span></p>
-<p>Et quand d'un bel objet j'en vois quelqu'un charm,</p>
-<p>J'applaudis au bonheur d'aimer et d'tre aim.</p>
-<p>Quand je l'obtiens du ciel, me portent-ils envie?</p>
-<p>Qu'ont d'amer pour eux tous les douceurs de ma vie?</p>
-<p>Et par quel intrt....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Ils perdroient tout en vous.<span class="dalign">1465</span></p>
-<p>Vous faites le bonheur et le salut de tous,</p>
-<p>Seigneur; et l'univers, de qui vous tes l'me....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne perds plus de raisons combattre ma flamme:</p>
-<p>Les yeux de Brnice inspirent des avis</p>
-<p>Qui persuadent mieux que tout ce que tu dis.<span class="dalign">1470</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne vous exposez donc qu' ceux de Domitie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'ai plus, Flavian, que quatre jours de vie:</p>
-<p>Pourquoi prends-tu plaisir les tyranniser?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais vous savez qu'il faut la perdre ou l'pouser?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En vain donc ses v&oelig;ux tout mon amour s'oppose;<span class="dalign">1475</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span></div>
-<p>Prir ou faire un crime est pour moi mme chose.</p>
-<p>Laissons-lui toutefois soulever des mutins;</p>
-<p>Hasardons sur la foi de nos heureux destins:</p>
-<p>Ils m'ont promis la Reine, et doivent ses charmes</p>
-<p>Tout ce qu'ils ont soumis l'effort de mes armes;<span class="dalign">1480</span></p>
-<p>Par elle j'ai vaincu, pour elle il faut prir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Oui, Flavian, c'est faire<a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor">&nbsp;[273]</a> mourir.</p>
-<p>La vie est peu de chose; et tt ou tard, qu'importe</p>
-<p>Qu'un tratre me l'arrache, ou que l'ge l'emporte?</p>
-<p>Nous mourons<a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor">&nbsp;[274]</a> toute heure; et dans le plus doux sort</p>
-<p>Chaque instant de la vie est un pas vers la mort<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor">&nbsp;[275]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Flattez mieux les desirs de votre ambitieuse,</p>
-<p>Et ne la changez pas de fire en furieuse.</p>
-<p>Elle vient vous parler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Dieux! quel comble d'ennuis!</p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-
-<p class="subt">TITE, DOMITIE, FLAVIAN, PLAUTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je viens savoir de vous, Seigneur, ce que je suis.<span class="dalign">1490</span></p>
-<p>J'ai votre foi pour gage, et mes aeux pour marques</p>
-<p>Du grand droit de prtendre au plus grand des monarques;</p>
-<p>Mais Brnice est belle, et des yeux si puissants</p>
-<p>Renversent aisment des droits si languissants.</p>
-<p>Ce grand jour qui devoit unir mon sort au vtre,<span class="dalign">1495</span></p>
-<p>Servira-t-il, Seigneur, au triomphe d'une autre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ai quatre jours encor pour en dlibrer,</p>
-<p>Madame; jusque-l laissez-moi respirer.</p>
-<p>C'est peu de quatre jours pour un tel sacrifice;</p>
-<p>Et s'il faut vos droits immoler Brnice,<span class="dalign">1500</span></p>
-<p>Je ne vous rponds pas que Rome et tous vos droits</p>
-<p>Puissent en quatre jours m'en imposer les lois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'en faudroit pas tant, Seigneur, pour vous rsoudre</p>
-<p>A lancer sur ma tte un dernier coup de foudre,</p>
-<p>Si vous ne craigniez point qu'il rejaillt<a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor">&nbsp;[276]</a> sur vous.<span class="dalign">1505</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Suspendez quelque temps encor ce grand courroux.</p>
-<p>Puis-je touffer sitt une si belle flamme?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? vous ne pouvez pas ce que peut une femme?</p>
-<p>Que vous me rendez mal ce que vous me devez!</p>
-<p>J'ai bris de beaux fers, Seigneur, vous le savez;<span class="dalign">1510</span></p>
-<p>Et mon me, sensible l'amour comme une autre,</p>
-<p>En touffe un peut-tre aussi fort que le vtre.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre auriez-vous peine le bien touffer,</p>
-<p>Si votre ambition n'en savoit triompher.</p>
-<p>Moi qui n'ai que les Dieux au-dessus de ma tte,<span class="dalign">1515</span></p>
-<p>Qui ne vois plus de rang digne de ma conqute,</p>
-<p>Du trne o je me sieds puis-je aspirer rien</p>
-<p>Qu' possder un c&oelig;ur qui n'aspire qu'au mien?</p>
-<p>C'est l de mes pareils la noble inquitude:</p>
-<p>L'ambition remplie y jette leur tude;<span class="dalign">1520</span></p>
-<p>Et sitt qu' prtendre elle n'a plus de jour,</p>
-<p>Elle abandonne un c&oelig;ur tout entier l'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle abandonne ainsi le vtre cette reine,</p>
-<p>Qui cherche une grandeur encor plus souveraine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Madame: je veux que vous sortiez d'erreur<a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor">&nbsp;[277]</a>,<span class="dalign">1525</span></p>
-<p>Brnice aime Tite, et non pas l'Empereur;</p>
-<p>Elle en veut mon c&oelig;ur, et non pas l'empire<a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor">&nbsp;[278]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'autres avoient dj pris soin de me le dire,</p>
-<p>Seigneur; et votre reine a le got dlicat</p>
-<p>De n'en vouloir qu'au c&oelig;ur, et non pas l'clat.<span class="dalign">1530</span></p>
-<p>Cet amour pur que Tite seul lui donne</p>
-<p>Renonceroit au rang pour tre la personne!</p>
-<p>Mais on a beau, Seigneur, raffiner sur ce point,</p>
-<p>La personne et le rang ne se sparent point.</p>
-<p>Sous les tendres brillants de cette noble amorce<span class="dalign">1535</span></p>
-<p>L'ambition cache attaque, presse, force;</p>
-<p>Par l de ses projets elle vient mieux bout;</p>
-<p>Elle ne prtend rien, et s'empare de tout.</p>
-<p>L'art est grand; mais enfin je ne sais s'il mrite</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span></div>
-<p>La bouche d'une reine et l'oreille de Tite.<span class="dalign">1540</span></p>
-<p>Pour moi, j'aime autrement; et tout me charme en vous;</p>
-<p>Tout m'en est prcieux, Seigneur, tout m'en est doux;</p>
-<p>Je ne sais point si j'aime ou l'Empereur ou Tite,</p>
-<p>Si je m'attache au rang ou n'en veux qu'au mrite,</p>
-<p>Mais je sais qu'en l'tat o je suis aujourd'hui<span class="dalign">1545</span></p>
-<p>J'applaudis mon c&oelig;ur de n'aspirer qu' lui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais me le donnez-vous tout ce c&oelig;ur qui n'aspire,</p>
-<p>En se tournant vers moi, qu'aux honneurs de l'empire?</p>
-<p>Suit-il l'ambition en dpit de l'amour,</p>
-<p>Madame? la suit-il sans espoir de retour?<span class="dalign">1550</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si c'est mon gard ce qui vous inquite,</p>
-<p>Le c&oelig;ur se rend bientt quand l'me est satisfaite:</p>
-<p>Nous le dfendons mal de qui remplit nos v&oelig;ux.</p>
-<p>Un moment dans le trne teint tous autres feux;</p>
-<p>Et donner tout ce c&oelig;ur, souvent ce n'est que faire<span class="dalign">1555</span></p>
-<p>D'un trsor invisible un don imaginaire.</p>
-<p>A l'amour vraiment noble il suffit du dehors;</p>
-<p>Il veut bien du dedans ignorer les ressorts:</p>
-<p>Il n'a d'yeux que pour voir ce qui s'offre la vue,</p>
-<p>Tout le reste est pour eux une terre inconnue;<span class="dalign">1560</span></p>
-<p>Et sans importuner le c&oelig;ur d'un souverain,</p>
-<p>Il a tout ce qu'il veut quand il en a la main.</p>
-<p>Ne m'tez pas la vtre, et disposez du reste.</p>
-<p>Le c&oelig;ur a quelque chose en soi de tout cleste;</p>
-<p>Il n'appartient qu'aux Dieux; et comme c'est leur choix,</p>
-<p>Je ne veux point, Seigneur, attenter sur leurs droits.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et moi, qui suis des Dieux la plus visible image,</p>
-<p>Je veux ce c&oelig;ur comme eux, et j'en veux tout l'hommage.</p>
-<p>Mais vous n'en avez plus, Madame, me donner;</p>
-<p>Vous ne voulez ma main que pour vous couronner.<span class="dalign">1570</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span></div>
-<p>D'autres pourront un jour vous rendre ce service.</p>
-<p>Cependant, pour rgler le sort de Brnice,</p>
-<p>Vous pouvez faire agir vos amis au snat;</p>
-<p>Ils peuvent m'y nommer lche, parjure, ingrat:</p>
-<p>J'attendrai son arrt, et le suivrai peut-tre.<span class="dalign">1575</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Suivez-le, mais tremblez s'il flatte trop son matre.</p>
-<p>Ce grand corps tous les ans change d'me et de c&oelig;urs;</p>
-<p>C'est le mme snat, et d'autres snateurs.</p>
-<p>S'il alla pour Nron jusqu' l'idoltrie,</p>
-<p>Il le traita depuis de tratre sa patrie,<span class="dalign">1580</span></p>
-<p>Et rduisit ce prince indigne de son rang</p>
-<p>A la ncessit de se percer le flanc<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor">&nbsp;[279]</a>.</p>
-<p>Vous tes son amour, craignez d'tre sa haine</p>
-<p>Aprs l'indignit d'pouser une reine.</p>
-<p>Vous avez quatre jours pour en dlibrer.<span class="dalign">1585</span></p>
-<p>J'attends le coup fatal, que je ne puis parer.</p>
-<p>Adieu. Si vous l'osez, contentez votre envie;</p>
-<p>Mais en m'tant l'honneur n'pargnez pas ma vie.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">TITE, FLAVIAN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'imptueux esprit! Conois-tu, Flavian,</p>
-<p>O pourroient ses fureurs porter Domitian,<span class="dalign">1590</span></p>
-<p>Et de quelle importance est pour moi l'hymne</p>
-<p>O par tous mes desirs je la sens condamne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FLAVIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous l'ai dj dit, Seigneur: pensez-y bien,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span></div>
-<p>Et surtout de la Reine vitez l'entretien.</p>
-<p>Redoutez.... Mais elle entre, et sa moindre tendresse</p>
-<p>De toutes nos raisons va montrer la foiblesse.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3>SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">TITE, BRNICE, PHILON, FLAVIAN.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! Madame, eh bien! faut-il tout hasarder?</p>
-<p>Et venez-vous ici pour me le commander?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De ce qui m'est permis je sais mieux la mesure,</p>
-<p>Seigneur; et j'ai pour vous une flamme trop pure<span class="dalign">1600</span></p>
-<p>Pour vouloir, en faveur d'un zle ambitieux,</p>
-<p>Mettre au moindre pril des jours si prcieux.</p>
-<p>Quelque pouvoir sur moi que notre amour obtienne,</p>
-<p>J'ai soin de votre gloire; ayez-en de la mienne.</p>
-<p>Je ne demande plus que pour de si beaux feux<span class="dalign">1605</span></p>
-<p>Votre absolu pouvoir hasarde un: Je le veux.</p>
-<p>Cet amour le voudroit; mais comme je suis reine,</p>
-<p>Je sais des souverains la raison souveraine.</p>
-<p>Si l'ardeur de vous voir l'a voulue<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor">&nbsp;[280]</a> ignorer,</p>
-<p>Si mon indigne exil s'est permis d'esprer,<span class="dalign">1610</span></p>
-<p>Si j'ai rentr dans Rome avec quelque imprudence,</p>
-<p>Tite ce trop d'ardeur doit un peu d'indulgence.</p>
-<p>Souffrez qu'un peu d'clat, pour prix de tant d'amour,</p>
-<p>Signale ma venue, et marque mon retour.</p>
-<p>Voudrez-vous que je parte avec l'ignominie<span class="dalign">1615</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span></div>
-<p>De ne vous avoir vu que pour me voir bannie?</p>
-<p>Laissez-moi la douceur de languir en ces lieux<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor">&nbsp;[281]</a>,</p>
-<p>D'y soupirer pour vous, d'y mourir vos yeux:</p>
-<p>C'en sera bientt fait, ma douleur est trop vive</p>
-<p>Pour y tenir longtemps votre attente captive;<span class="dalign">1620</span></p>
-<p>Et si je tarde trop mourir de douleur,</p>
-<p>J'irai loin de vos yeux terminer mon malheur.</p>
-<p>Mais laissez-m'en choisir la funeste journe;</p>
-<p>Et du moins jusque-l, Seigneur, point d'hymne.</p>
-<p>Pour votre ambitieuse avez-vous tant d'amour<span class="dalign">1625</span></p>
-<p>Que vous ne le puissiez diffrer d'un seul jour?</p>
-<p>Pouvez-vous refuser ma douleur profonde....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! que voulez-vous que la mienne rponde?</p>
-<p>Et que puis-je rsoudre alors que vous parlez,</p>
-<p>Moi qui ne puis vouloir que ce que vous voulez?<span class="dalign">1630</span></p>
-<p>Vous parlez de languir, de mourir ma vue;</p>
-<p>Mais, Dieux! songez-vous que chaque mot me tue,</p>
-<p>Et porte dans mon c&oelig;ur de si sensibles coups,</p>
-<p>Qu'il ne m'en faut plus qu'un pour mourir avant vous?</p>
-<p>De ceux qui m'ont perc souffrez que je soupire.<span class="dalign">1635</span></p>
-<p>Pourquoi partir, Madame, et pourquoi me le dire?</p>
-<p>Ah! si vous vous forcez d'abandonner ces lieux,</p>
-<p>Ne m'assassinez point de vos cruels adieux.</p>
-<p>Je vous suivrois, Madame; et flatt de l'ide</p>
-<p>D'oser mourir Rome, et revivre en Jude,<span class="dalign">1640</span></p>
-<p>Pour aller de mes feux vous demander le fruit,</p>
-<p>Je quitterois l'empire et tout ce qui leur nuit.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Daigne me prserver le ciel....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> De quoi, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De voir tant de foiblesse en une si grande me!</p>
-<p>Si j'avois droit par l de vous moins estimer,<span class="dalign">1645</span></p>
-<p>Je cesserois peut-tre aussi de vous aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ordonnez donc enfin ce qu'il faut que je fasse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il faut partir demain, je ne veux qu'une grce:</p>
-<p>Que ce soit vous, Seigneur, qui le veuilliez pour moi,</p>
-<p>Et non votre snat qui m'en fasse la loi.<span class="dalign">1650</span></p>
-<p>Faites-lui souvenir, quoi qu'il craigne ou projette,</p>
-<p>Que je suis son amie, et non pas sa sujette;</p>
-<p>Que d'un tel attentat notre rang est jaloux,</p>
-<p>Et que tout mon amour ne m'asservit qu' vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais peut-tre, Madame....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Il n'est point de peut-tre,</p>
-<p>Seigneur: s'il en dcide, il se fait voir mon matre;</p>
-<p>Et dt-il vous porter tout ce que je veux,</p>
-<p>Je ne l'ai point choisi pour juge de mes v&oelig;ux.</p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-
-<p class="subt">TITE, BRNICE, DOMITIAN, ALBIN,<br />
-FLAVIAN, PHILON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>(Domitian entre<a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor">&nbsp;[282]</a>.)</p>
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez dire au snat, Flavian, qu'il se lve:</p>
-<p>Quoi qu'il ait commenc, je dfends qu'il achve.<span class="dalign">1660</span></p>
-<p>Soit qu'il parle prsent du Vsuve<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor">&nbsp;[283]</a> ou de moi,</p>
-<p>Qu'il cesse, et que chacun se retire chez soi.</p>
-<p>Ainsi le veut la Reine; et comme amant fidle,</p>
-<p>Je veux qu'il obisse aux lois que je prends d'elle,</p>
-<p>Qu'il laisse notre amour rgler notre intrt. <span class="dalign">1665</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'est plus temps, Seigneur; j'en apporte l'arrt.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'ose-t-il m'ordonner?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Seigneur, il vous conjure</p>
-<p>De remplir tout l'espoir d'une flamme si pure.</p>
-<p>Des services rendus vous, tout l'tat,</p>
-<p>C'est le prix qu'a jug lui devoir le snat; <span class="dalign">1670</span></p>
-<p>Et pour ne vous prier que pour une Romaine,</p>
-<p>D'une commune voix Rome adopte la Reine;</p>
-<p>Et le peuple grands cris montre sa passion</p>
-<p>De voir un plein effet de cette adoption.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Permettez, Seigneur, que je prvienne</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span></div>
-<p>Ce que peut votre flamme accorder la mienne.</p>
-<p class="i1"> Grces au juste ciel, ma gloire en sret</p>
-<p>N'a plus redouter aucune indignit.</p>
-<p>J'prouve du snat l'amour et la justice,</p>
-<p>Et n'ai qu' le vouloir pour tre impratrice. <span class="dalign">1680</span></p>
-<p class="i1"> Je n'abuserai point d'un surprenant respect</p>
-<p>Qui semble un peu bien prompt pour n'tre point suspect:</p>
-<p>Souvent on se ddit de tant de complaisance.</p>
-<p>Non que vous ne puissiez en fixer l'inconstance:</p>
-<p>Si nous avons trop vu ses flux et ses reflux <span class="dalign">1685</span></p>
-<p>Pour Galba, pour Othon, et pour Vitellius,</p>
-<p>Rome, dont aujourd'hui vous tes les dlices<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor">&nbsp;[284]</a>,</p>
-<p>N'aura jamais pour vous ces insolents caprices;</p>
-<p>Mais aussi cet amour qu'a pour vous l'univers</p>
-<p>Ne vous peut garantir des ennemis couverts. <span class="dalign">1690</span></p>
-<p>Un million de bras a beau garder un matre,</p>
-<p>Un million de bras ne pare point d'un tratre:</p>
-<p>Il n'en faut qu'un pour perdre un prince aim de tous,</p>
-<p>Il n'y faut qu'un brutal qui me hasse en vous;</p>
-<p>Aux zles indiscrets tout parot lgitime, <span class="dalign">1695</span></p>
-<p>Et la fausse vertu se fait honneur du crime.</p>
-<p>Rome a sauv ma gloire en me donnant sa voix:</p>
-<p>Sauvons-lui, vous et moi, la gloire de ses lois;</p>
-<p>Rendons-lui, vous et moi, cette reconnoissance</p>
-<p>D'en avoir pour vous plaire affoibli la puissance,<span class="dalign">1700</span></p>
-<p>De l'avoir immole vos plus doux souhaits.</p>
-<p>On nous aime: faisons qu'on nous aime jamais.</p>
-<p>D'autres sur votre exemple pouseroient des reines</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span></div>
-<p>Qui n'auroient pas, Seigneur, des mes si romaines,</p>
-<p>Et lui feroient peut-tre avec trop de raison <span class="dalign">1705</span></p>
-<p>Har votre mmoire et dtester mon nom.</p>
-<p>Un refus gnreux de tant de dfrence</p>
-<p>Contre tous ces prils nous met en assurance.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le ciel de ces prils saura trop nous garder.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je les vois de trop prs pour vous y hasarder. <span class="dalign">1710</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand Rome vous appelle la grandeur suprme....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Jamais un tendre amour n'expose ce qu'il aime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais, Madame, tout cde, et nos v&oelig;ux exaucs....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre c&oelig;ur est moi, j'y rgne; c'est assez<a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor">&nbsp;[285]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Malgr les v&oelig;ux publics refuser d'tre heureuse,<span class="dalign">1715</span></p>
-<p>C'est plus craindre qu'aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> La crainte est amoureuse.</p>
-<p>Ne me renvoyez pas, mais laissez-moi partir.</p>
-<p>Ma gloire ne peut crotre, et peut se dmentir.</p>
-<p>Elle passe aujourd'hui celle du plus grand homme,</p>
-<p>Puisqu'enfin je triomphe et dans Rome et de Rome:</p>
-<p>J'y vois mes genoux le peuple et le snat;</p>
-<p>Plus j'y craignois de honte, et plus j'y prends d'clat;</p>
-<p>J'y tremblois sous sa haine, et la laisse impuissante;</p>
-<p>J'y rentrois exile, et j'en sors triomphante.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour peut-il se faire une si dure loi? <span class="dalign">1725</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La raison me la fait malgr vous, malgr moi<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor">&nbsp;[286]</a>.</p>
-<p>Si je vous en croyois, si je voulois m'en croire,</p>
-<p>Nous pourrions vivre heureux, mais avec moins de gloire.</p>
-<p class="i1"> pousez Domitie: il ne m'importe plus</p>
-<p>Qui vous enrichissiez d'un si noble refus<a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor">&nbsp;[287]</a>.<span class="dalign">1730</span></p>
-<p>C'est force d'amour que je m'arrache au vtre;</p>
-<p>Et je serois vous, si j'aimois comme une autre<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor">&nbsp;[288]</a>.</p>
-<p>Adieu, Seigneur: je pars.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Ah! Madame, arrtez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce l donc pour moi l'effet de vos bonts,</p>
-<p>Madame? Est-ce le prix de vous avoir servie? <span class="dalign">1735</span></p>
-<p>J'assure votre gloire, et vous m'tez la vie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne vous alarmez point: quoi que la Reine ait dit,</p>
-<p>Domitie est vous, si j'ai quelque crdit.</p>
-<p class="i1"> Madame, en ce refus un tel amour clate,</p>
-<p>Que j'aurois pour vous l'me au dernier point ingrate,</p>
-<p>Et mriterois mal ce qu'on a fait pour moi,</p>
-<p>Si je portois ailleurs la main que je vous doi.</p>
-<p>Tout est vous: l'amour, l'honneur, Rome l'ordonne.</p>
-<p>Un si noble refus n'enrichira personne,</p>
-<p>J'en jure par l'espoir qui nous fut le plus doux:<span class="dalign">1745</span></p>
-<p>Tout est vous, Madame, et ne sera qu' vous;</p>
-<p>Et ce que mon amour doit l'excs du vtre</p>
-<p>Ne deviendra jamais le partage d'une autre<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor">&nbsp;[289]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le mien vous auroit fait dj ces beaux serments,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span></div>
-<p>S'il n'et craint d'inspirer de pareils sentiments:<span class="dalign">1750</span></p>
-<p>Vous vous devez des fils, et des Csars Rome,</p>
-<p>Qui fassent jamais revivre un si grand homme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour revivre en des fils nous n'en mourons pas moins,</p>
-<p>Et vous mettez ma gloire au-dessus de ces soins.</p>
-<p>Du levant au couchant, du More<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor">&nbsp;[290]</a> jusqu'au Scythe,<span class="dalign">1755</span></p>
-<p>Les peuples vanteront et Brnice et Tite;</p>
-<p>Et l'histoire l'envi forcera l'avenir</p>
-<p>D'en garder jamais l'illustre souvenir<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor">&nbsp;[291]</a>.</p>
-<p class="i1"> Prince, aprs mon trpas soyez sr de l'empire;</p>
-<p>Prenez-y part en frre, attendant que j'expire.<span class="dalign">1760</span></p>
-<p>Allons voir Domitie, et la flchir pour vous.</p>
-<p>Le premier rang dans Rome est pour elle assez doux;</p>
-<p>Et je vais lui jurer qu' moins que je prisse,</p>
-<p>Elle seule y tiendra celui d'impratrice.</p>
-<p>Est-ce l vous l'ter?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DOMITIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Ah! c'en est trop, Seigneur. <span class="dalign">1765</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE</span>, Brnice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Daignez contribuer faire son bonheur,</p>
-<p>Madame, et nous aider mettre de cette me</p>
-<p>Toute l'ambition d'accord avec sa flamme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">BRNICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons, Seigneur: ma gloire en crotra de moiti,</p>
-<p>Si je puis remporter chez moi son amiti. <span class="dalign">1770</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">TITE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi pour mon hymen la fte prpare</p>
-<p>Vous rendra cette foi qu'on vous avoit jure,</p>
-<p>Prince; et ce jour, pour vous<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor">&nbsp;[292]</a> si noir, si rigoureux,</p>
-<p>N'aura d'clat ici que pour vous rendre heureux.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i4">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE.</span></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span></p>
-<p class="extra">PSYCH<br />
-<span class="medium">TRAGDIE-BALLET</span><br />
-<span class="small">1671</span></p>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_278"> 278</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span></p>
-
-<h3>NOTICE.</h3>
-
-<p>Le sujet de <i>Psych</i> tait certes un des plus beaux que la fable
-pt offrir l'admiration d'une cour galante, curieuse des merveilles
-des dcorations et des machines, mais aimant avant
-toutes choses l'expression lgante et fine des nuances les plus
-dlicates de la passion.</p>
-
-<p>Il dut, pour plus d'un motif, se prsenter la pense de
-Molire, charg par le Roi de faire jouer pour le carnaval
-de 1671 une pice grand spectacle. D'abord, en 1656, Benserade
-avait fait un ballet de <i>Psych</i>, qui avait t dans par
-Louis XIV. Ensuite, si l'on en croit M. de Soleirol<a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor">&nbsp;[293]</a>, il semble
-rsulter de l'examen d'une suite de quarante et un dessins de
-costumes, que la troupe de notre grand comique avait dj
-jou Rouen, en 1658, une <i>Psych</i>: toutefois on manque
-absolument de renseignements cet gard, et la <i>Psych</i> de
-Rouen pourrait bien n'tre qu'un simple divertissement, imit
-du ballet de Benserade. Enfin en 1669, deux ans avant la reprsentation
-de la pice qui nous occupe, la Fontaine s'tait
-plu imiter le rcit d'Apule et l'accommoder, avec un art
-infini, au got et aux sentiments modernes. Suivant une opinion
-qui ne manque pas de vraisemblance, Molire est, sous le
-nom de Glaste, l'un des quatre amis, de caractre si diffrent,
-que nous prsente la Fontaine au commencement de son ouvrage.
-Il tait donc naturel qu'il ft proccup de ce sujet, et
-peut-tre s'arrta-t-il plus volontiers encore l'ide de le
-mettre la scne, s'il est vrai qu'on lui avait recommand
-d'utiliser une dcoration des enfers. Cette dcoration, conserve
-<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span>
-avec grand soin au Garde-Meuble<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor">&nbsp;[294]</a>, trouvait naturellement
-sa place dans <i>Psych</i>; mais il faudrait se garder d'accorder
-trop de confiance cette petite tradition. Quoi qu'il en
-soit, il ne suffisait point d'avoir trouv cet heureux canevas,
-il fallait le remplir, et, malgr sa diligence habituelle, Molire
-craignait de ne pas tre en mesure de faire reprsenter cet
-ouvrage au carnaval; il implora donc le secours de Corneille,
-qui lui prta son aide pendant une quinzaine de jours<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor">&nbsp;[295]</a>, et se
-mit crire de verve la plus grande partie de la pice: ce
-fut lui qui fournit, entre autres scnes, la charmante dclaration
-de Psych<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor">&nbsp;[296]</a>, si dlicate, si passionne, et par laquelle les
-<i>doucereux</i>, comme les appelait notre illustre pote tragique,
-durent assurment se laisser gagner.</p>
-
-<p>Cette pice fut reprsente dans une salle nouvelle que
-Louis XIV avait fait construire tout exprs pour les divertissements
-de ce genre. Dans son <i>Ide des spectacles anciens et nouveaux</i><a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor">&nbsp;[297]</a>,
-l'abb de Pure dcrit ainsi le grand et superbe salon
-que le Roi conut et fit faire fixe et permanent pour les divers
-spectacles, et pour les dlassements de son esprit et le divertissement
-de ses peuples:</p>
-
-<p>Ce grand prince, qui se connot parfaitement tout, et
-qui a de grandes penses jusque dans les plus petites choses,
-en donna l'ordre et le soin au sieur Gaspard Vigarani. Le
-lieu fut malais choisir; et feu Monsieur le Cardinal, en partant
-de Paris pour aller travailler la paix sur la frontire,
-avoit prtendu faire un thtre de bois dans la place qui
-est derrire son palais. L'espace toit la vrit assez grand,
-mais le sieur Vigarani ne le trouva ni assez propre, ni assez
-commode, soit pour la dure, soit pour la majest, soit pour
-le mouvement des grandes machines qu'il avoit projetes.
-Comme il toit aussi judicieux qu'inventif, il proposa de btir
-une salle grande et spacieuse dans les alignements du dessein
-du Louvre, dont les dehors symtriques avec le reste de la
-faade l'affranchiroient de toute ruine et de tous changements.
-Le Roi agra fort cette proposition, et les ordres furent donns
-<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span>
- M. Ratabon<a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor">&nbsp;[298]</a> de hter l'ouvrage, et au sieur Vigarani de prparer
-ses machines. En voici les dimensions et le devis, tant
-du dedans que du dehors, qui m'a t donn par le sieur
-Charles Vigarani, fils de Gaspard.... Le corps de la salle est partag
-en deux parties ingales. La premire comprend le thtre
-et ses accompagnements; la seconde contient le parterre, les
-corridors et loges qui font face au thtre, et qui occupent le
-reste du salon de trois cts, l'un qui regarde la cour, l'autre
-le jardin, et le troisime le corps du palais des Tuileries. La
-premire partie, ou le thtre, qui s'ouvre par une faade
-galement riche et artiste, depuis son ouverture jusqu' la
-muraille qui est du ct du pavillon, vers les vieilles curies, a
-de profondeur vingt-deux toises. Son ouverture est de trente-deux
-pieds sur la largeur ou entre les corridors et chssis
-qui rgnent des deux cts. La hauteur ou celle des chssis
-est de vingt-quatre pieds jusques aux nuages. Par-dessus les
-nuages jusqu'au tirant du comble, pour la retraite ou pour
-le mouvement des machines, il y a trente-sept pieds. Sous le
-plancher ou parquet du thtre, pour les enfers ou pour les
-changements des mers, il y a quinze pieds de profond.... La
-seconde partie, ou celle du parterre, qui est du ct de l'appartement
-des Tuileries, a de largeur entre les deux murs
-soixante-trois pieds, entre les corridors quarante-neuf. Sa profondeur,
-depuis le thtre jusqu'au susdit appartement, est de
-quatre-vingt-treize pieds; chaque corridor est de six pieds; et
-la hauteur du parterre jusqu'au plafond est de quarante-neuf
-pieds. Ce plafond a deux beauts aussi riches que surprenantes,
-par sa dorure et par sa duret. Celle-ci est toutefois la plus
-considrable, quoique la matire en soit commune et de peu
-de prix, car ce n'est que du carton, mais compos et ptri
-d'une manire si particulire, qu'il est rendu aussi dur que la
-pierre et que les plus solides matires. Le reste de la hauteur
-jusqu'au comble, o sont les rouages et les mouvements, est
-de soixante-deux pieds. Il y a encore une manire aussi
-nouvelle que hardie d'enter une poutre l'une dans l'autre et
-de confier aux deux, sur quelque longueur que ce soit, toute
-sorte de pesanteur et de machine. Il en a rendu raison divers
-<span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span>
-physiciens, et a sauv par cette invention et les dpenses d'avoir
-des poutres assez grandes ou assez fortes pour de tels btiments,
-et le pril de les voir s'affaisser et mme rompre aprs
-fort peu de dure.</p>
-
-<p>En tte du programme in-4<sup>o</sup> de la pice, intitul: <span class="small1">Psich</span>,
-tragi-comdie et ballet dans devant Sa Majest au mois de Ianvier
-1671, et publi Paris par Robert Ballard dans le courant
-de la mme anne, se trouve une autre <i>description de la
-sale</i>, beaucoup moins technique, et que nous croyons devoir
-reproduire parce qu'elle claircit et complte la prcdente;
-elle est d'ailleurs beaucoup plus courte:</p>
-
-<p>Le lieu destin pour la reprsentation, et pour les spectateurs
-de cet assemblage de tant de magnifiques divertissements,
-est une salle faite exprs pour les plus grandes ftes, et qui seule
-peut passer pour un trs-superbe spectacle. Sa longueur est de
-quarante toises; elle est partage en deux parties: l'une est
-pour le thtre, et l'autre pour l'assemble. Cette dernire
-partie est celle que l'on voit la premire; elle a des beauts qui
-amusent agrablement les regards jusques au moment o la
-scne doit s'ouvrir. La face du thtre, ainsi que les deux retours,
-est un grand ordre corinthien, qui comprend toute la
-hauteur de l'difice. On entre dans le parterre par deux portes
-diffrentes, droit et gauche; ces entres ont des deux
-cts des colonnes sur des pidestaux, et des pilastres carrs
-levs la hauteur du thtre. On monte ensuite sur un haut
-dais rserv pour les places des personnes royales et de ce
-qu'il y a de plus considrable la cour. Cet espace est bord
-d'une balustrade par devant, et de degrs en amphithtre
-tout l'entour; des colonnes, poses sur le haut de ces degrs,
-soutiennent des galeries, sous lesquelles, entre les colonnes, on
-a plac des balcons, qui sont orns, ainsi que le plafond, et
-tout ce qui parot dans la salle, de ce que l'architecture, la
-sculpture, la peinture et la dorure ont de plus beau, de plus
-riche, et de plus clatant.</p>
-
-<p>Ajoutons que l'clairage tait des plus brillants: Trente
-lustres qui clairent la salle de l'assemble, lit-on en tte du
-<i>prologue</i> dans le mme programme, se haussent pour laisser la
-vue du spectacle libre dans le moment que la toile qui ferme le
-thtre se lve.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span>
-Cette belle salle ne servit que pour cet ouvrage: aprs les
-reprsentations de <i>Psych</i>, elle fut abandonne, jusqu'en
-1716 qu'on la raccommoda pour les ballets qui y furent excuts<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor">&nbsp;[299]</a>.</p>
-
-<p>La premire reprsentation de <i>Psych</i> eut lieu, suivant
-toute apparence, le 16 janvier. Il est vrai que la <i>Gazette</i> donne
-la date du 17; mais, comme en terminant son article le journaliste
-annonce que ce divertissement fut continu le 17, on
-doit penser qu'il y a une faute d'impression dans la premire
-phrase. Voici, du reste, le texte exact de ce compte rendu,
-dans lequel nous supprimons seulement une analyse trs-peu
-intressante de l'ouvrage:</p>
-<p>
-Le 17 de ce mois, Leurs Majests, avec lesquelles toient
-Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Mademoiselle d'Orlans,
-et tous les seigneurs et dames de la cour, prirent pour la premire
-fois, dans la salle des machines, au palais des Tuileries,
-le divertissement d'un grand ballet dans dans les entr'actes
-de la comdie de <i>Psych</i>.... Ce pompeux divertissement.... fut
-continu le 17, en prsence du nonce du pape, de l'ambassadeur
-de Venise, et de quelques autres ministres, qui en admirrent
-la magnificence et la galanterie, avouant, avec grand
-nombre d'autres trangers, qu'il n'y a que la cour de France
-et son incomparable monarque qui puissent produire de si
-charmants et si clatants spectacles<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor">&nbsp;[300]</a>.</p>
-
-<p>La <i>Gazette</i> du 31 janvier nous apprend que la cour, qui
-s'tait tablie pendant quelques jours Vincennes<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor">&nbsp;[301]</a>, s'empressa,
-aussitt revenue, d'aller admirer de nouveau le spectacle qui
-l'avait charme:</p>
-
-<p>Le 24, Leurs Majests retournrent en cette ville, o elles
-ont continu plusieurs soirs le divertissement du grand ballet
-dans au palais des Tuileries dans la salle des machines, auquel
-il ne se peut rien ajouter pour la magnificence des dcorations,
-le nombre des changements, la beaut du sujet,
-l'excellence des concerts, et pour toutes les autres choses
-<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span>
-qui rendent ce spectacle digne de la plus belle cour du
-monde<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor">&nbsp;[302]</a>.</p>
-
-<p>Le programme de <i>Psych</i>, dont nous avons extrait la <i>description
-de la sale</i> des Tuileries, renferme une explication dtaille
-des dcorations et des machines, une analyse sommaire
-de la pice, et des listes contenant non-seulement les noms des
-acteurs de la troupe de Molire qui reprsentrent les divers
-personnages, mais encore ceux des chanteurs et des danseurs qui
-figuraient dans chaque intermde. Ces dtails, qui ne se rattachent
-en rien la part que Corneille prit l'ouvrage, auraient ici
-peu d'intrt; ils trouveront plus naturellement leur place dans
-la nouvelle dition des <i>&OElig;uvres</i> de Molire que prpare M. Souli.
-Nous nous sommes contents de joindre en tte de la pice,
-au nom de chaque personnage, celui de l'acteur. <i>Psych</i>, qui
-avait inaugur la salle des Tuileries, ne fut joue dans celle de
-Molire que lorsqu'elle eut t rpare et agrandie, et d'importantes
-amliorations datent de l'poque o elle y fut reprsente.</p>
-
-<p>Il a t rsolu, dit Lagrange dans son <i>Registre</i>,... d'avoir
-dornavant, toutes sortes de reprsentations, tant simples
-que de machines, un concert de douze violons, ce qui n'a t
-excut qu'aprs la reprsentation de <i>Psych</i>. Sur ladite dlibration
-de la troupe, on a commenc travailler auxdits ouvrages
-de rparation et de dcoration de la salle le 18<sup>e</sup> mars,
-qui toit un mercredi, et on a fini un mercredi 15<sup>e</sup> avril de la
-prsente anne. Ledit jour, mercredi 15<sup>e</sup> avril, aprs une dlibration
-de la compagnie de reprsenter <i>Psych</i>, qui avoit t
-faite pour le Roi l'hiver dernier et reprsente sur le grand
-thtre du palais des Tuileries, on commena faire travailler
-tant aux machines, dcorations, musique, ballets, et gnralement
-tous les ornements ncessaires pour ce grand spectacle.
-Jusques ici les musiciens et musiciennes n'avoient point voulu
-parotre en public; ils chantoient la comdie dans des loges
-grilles et treillisses; mais on surmonta cet obstacle, et avec
-quelque lgre dpense, on trouva des personnes qui chantrent
-sur le thtre visage dcouvert, habilles comme les
-comdiens.... Tous lesdits frais et dpenses pour la prparation
-<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span>
-de <i>Psych</i> se sont monts la somme de quatre mille trois cent
-cinquante-neuf livres quinze sols. Dans le cours de la pice,
-M. de Beauchamps a reu de rcompense, pour avoir fait les
-ballets et conduit la musique, onze cents livres, non compris
-les onze livres par jour que la troupe lui a donnes tant pour
-battre la mesure la musique que pour entretenir les ballets.</p>
-
-<p>Aprs tous ces prparatifs et de nombreuses rptitions,
-<i>Psych</i> fut enfin reprsente le 24 juillet<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor">&nbsp;[303]</a>, et procura trente-huit
-belles recettes la troupe de Molire.</p>
-
-<p>Nous n'avons pas les noms des acteurs qui jourent alors,
-mais il est certain que la distribution des rles diffra trs-peu,
-du moins quant aux principaux personnages, de celle qui avait
-eu lieu pour la reprsentation des Tuileries. La femme de Molire,
-Armande Bjart, jouait Psych, Baron l'Amour, et l'on
-prtend que leur intimit date de cette poque<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor">&nbsp;[304]</a>.</p>
-
-<p>Un an s'tait peine coul depuis ces reprsentations
-de <i>Psych</i> au palais Royal, qu'on songeait dj reprendre
-cette pice. Nous lisons dans les nouvelles du 30<sup>e</sup> de juillet
-jusques au 6<sup>e</sup> d'aot du <i>Mercure galant</i><a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor">&nbsp;[305]</a>: On verra au
-commencement de l'hiver le grand spectacle de <i>Psych</i> triompher
-encore sur le thtre du Palais-Royal. En effet, le registre
-de Lagrange en mentionne la reprise au 11 novembre 1672,
-et compte trente-deux reprsentations, dont la dernire eut
-lieu le dimanche 22 janvier 1673. Sous la date du 27 dcembre
-1672, on lit: Monsieur et Madame sont venus aujourd'hui
- <i>Psych</i> et ont eu deux bancs de l'amphithtre, et
-pour cette fois et deux autres ils ont donn quatre cent quarante
-livres.</p>
-
-<p>La tragi-comdie de <i>Psych</i>, disent les frres Parfait<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor">&nbsp;[306]</a>, a
-t reprise plusieurs fois, mais la plus brillante de ces reprises
-est celle du 1<sup>er</sup> juin 1703. Parvenus cette anne, ils nous
-<span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span>
-rendent ainsi compte de cette reprise<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor">&nbsp;[307]</a>: Le 1<sup>er</sup> juin<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor">&nbsp;[308]</a>, les
-comdiens remirent au thtre la tragdie-ballet de <i>Psych</i>,
-de M. Molire, qui eut vingt-neuf reprsentations, la dernire
-le 1<sup>er</sup> aot suivant. Ce qui contribua beaucoup au succs
-de cette remise, c'est qu'indpendamment des dpenses que la
-compagnie avoit faites pour donner cette tragdie avec clat,
-en y joignant de brillantes dcorations, des machines dont
-l'excution toit parfaite, et des ballets de got et bien rendus,
-l'actrice qui reprsentoit le personnage de Psych<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor">&nbsp;[309]</a> et
-l'acteur qui jouoit celui de l'Amour<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor">&nbsp;[310]</a>, quoique excellents tous
-deux, se surpassrent encore dans ces deux rles; on dit qu'ils
-ressentoient l'un pour l'autre la plus vive tendresse, et que
-leurs talents suprieurs ne furent employs que pour marquer
-avec plus de prcision les sentiments de leurs c&oelig;urs<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor">&nbsp;[311]</a>.</p>
-
-<p>Il est certes fort surprenant que le pre et le fils aient ainsi
-produit successivement dans ce rle une illusion laquelle les
-actrices mmes qui jouaient avec eux ne pouvaient se soustraire,
-et il est permis de souponner ces rcits d'un peu d'exagration.
-Il faut convenir toutefois que les temps sont bien changs,
-car lorsqu'on voulut de nos jours reprendre <i>Psych</i> au
-Thtre franais, on ne songea pas mme chercher un comdien
-assez heureusement dou pour remplir le personnage difficile
-de l'Amour, dont le rle fut confi une femme<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor">&nbsp;[312]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span>
-L'dition originale, de format in-12, a pour titre exact:
-<span class="small1">Psich, tragedie-ballet</span>, par I. B. P. Moliere. <i>Et se vend pour
-l'autheur, Paris, chez P. le Monnier, au Palais....</i> M.DC.LXXI.</p>
-
-<p>Le volume se compose de 2 feuillets, de 90 pages et d'un
-feuillet. Le privilge est du 31 dcembre 1670, et par consquent
-antrieur d'une quinzaine de jours la reprsentation.</p>
-
-<p>L'opra de <i>Psych</i>, jou neuf ans aprs la tragdie-ballet de
-Molire, le 9 avril 1678, a, quant au plan, beaucoup d'analogie
-avec cet ouvrage; on y a mme conserv les intermdes
-de Quinault. Cette &oelig;uvre lyrique porte gnralement le nom de
-Thomas Corneille; mais Fontenelle passe pour y avoir eu part
-aussi bien qu' l'opra de <i>Bellrophon</i><a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor">&nbsp;[313]</a>.</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p>En tte de l'dition originale et des diverses rimpressions
-de <i>Psych</i>, on lit l'Avis suivant:</p>
-
-
-<h3>LE LIBRAIRE AU LECTEUR.</h3>
-
-<p>Cet ouvrage n'est pas tout d'une main. M. Quinault a fait les
-paroles qui s'y chantent en musique, la rserve de la plainte
-italienne<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor">&nbsp;[314]</a>. M. de Molire<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor">&nbsp;[315]</a> a dress le plan de la pice et rgl
-la disposition, o il s'est plus attach aux beauts et la pompe
-du spectacle qu' l'exacte rgularit. Quant la versification,
-il n'a pas eu le loisir de la faire entire. Le carnaval approchoit;
-<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span>
-et les ordres pressants du Roi, qui se vouloit donner ce
-magnifique divertissement plusieurs fois avant le carme, l'ont
-mis dans la ncessit de souffrir un peu de secours. Ainsi il n'y
-a que le prologue, le premier acte, la premire scne du second,
-et la premire du troisime, dont les vers soient de lui.
-M. Corneille<a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor">&nbsp;[316]</a> a employ une quinzaine au reste; et par ce
-moyen Sa Majest s'est trouve servie dans le temps qu'elle
-l'avoit ordonn<a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor">&nbsp;[317]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span></p>
-<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br />
-POUR LES VARIANTES DE <i>PSYCH</i>.</h3>
-
-<h3 class="subh">
-DITION SPARE.<br />
-1671 in-12.
-RECUEILS<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor">&nbsp;[318]</a>.<br />
-1676 in-12;<br />
-1682 in-12;<br />
-1697 in-12.</h3>
-</div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span></p>
-<h3>ACTEURS.</h3>
-</div>
-
-<table id="acteurs4" summary="parts">
-<tr>
-<td class="tdl">JUPITER.</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>Du Croisy<a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor">&nbsp;[319]</a>.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">VNUS.</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>Mlle de Brie.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">L'AMOUR.</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>Baron.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td>GIALE,<br />
-PHANE,</td>
-<td class="cbrace2">}</td>
-<td>Grces.<br />
-<i>Les petites la Thorillire et</i><br />
-<i>du Croisy</i><a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor">&nbsp;[320]</a>.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PSYCH.</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>Mlle Molire.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td>LE ROI,<br />
-pre de Psych.</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>La Thorillire.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td>AGLAURE,<br />
-CYDIPPE,</td>
-<td class="cbrace2">}</td>
-<td>s&oelig;urs de Psych.<br />
-<i>Mlles Marotte et Boval.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td>CLOMNE,<br />
-AGNOR,</td>
-<td class="cbrace2">}</td>
-<td>princes, amants de Psych<br />
-<i>Hubert et la Grange.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">LE ZPHIRE<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor">&nbsp;[321]</a>.</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>Molire.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">LYCAS.</td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>Chateauneuf.</i></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="small1">Le dieu d'un fleuve.</span></td>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdl"><i>De Brie.</i></td>
-</tr>
-</table>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span></p>
-<h2 class="normal">PSYCHE.<br />
-<span class="medium">TRAGDIE-BALLET.</span></h2>
-</div>
-
-<div class="chapter">
-<h2 class="normal">PROLOGUE.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<div class="blockquote">
-<p>La scne reprsente sur le devant un lieu champtre, et dans l'enfoncement
-un rocher perc jour, travers duquel on voit la mer en
-loignement.</p>
-
-<p>Flore parot au milieu du thtre, accompagne de Vertumne, dieu
-des arbres et des fruits, et de Palmon, dieu des eaux. Chacun
-de ces dieux conduit une troupe de divinits: l'un mne sa
-suite des Dryades et des Sylvains; et l'autre des dieux des fleuves,
-et des Naades. Flore chante ce rcit pour inviter Vnus descendre
-en terre:</p>
-</div></div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ce n'est plus le temps de la guerre:</p>
-<p class="i1"> Le plus puissant des rois</p>
-<p class="i1"> Interrompt ses exploits</p>
-<p>Pour donner la paix la terre.</p>
-<p>Descendez, mre des Amours; <span class="dalign">5</span></p>
-<p>Venez nous donner de beaux jours.</p>
-
-<p class="hanging2">(Vertumne et Palmon, avec les divinits qui les accompagnent, <br />
-joignent leurs voix celle de Flore, et chantent ces paroles:)</p>
-
-<p class="hanging2">CH&OElig;UR DES DIVINITS DE LA TERRE ET DES EAUX, COMPOS DE<br />
-FLORE, NYMPHES, PALMON, VERTUMNE, SYLVAINS, FAUNES,<br />
-DRYADES ET NAADES.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous gotons une paix profonde;</p>
-<p>Les plus doux jeux sont ici-bas:</p>
-<p>On doit ce repos, plein d'appas,</p>
-<p class="i1"> Au plus grand roi du monde. <span class="dalign">10</span></p>
-<p>Descendez, mre des Amours;</p>
-<p>Venez nous donner de beaux jours.</p>
-<p class="hanging2">(Il se fait ensuite une entre de ballet, compose de deux Dryades, quatre
-Sylvains, deux Fleuves et deux Naades; aprs laquelle Vertumne et Palmon
-chantent ce dialogue:)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rendez-vous, beauts cruelles;</p>
-<p>Soupirez votre tour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voici la reine des belles,<span class="dalign">15</span></p>
-<p>Qui vient inspirer l'amour.</p>
-<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un bel objet toujours svre</p>
-<p>Ne se fait jamais bien aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est la beaut qui commence de plaire;</p>
-<p>Mais la douceur achve de charmer. <span class="dalign">20</span></p>
-<p class="stagedir">(Ils rptent ensemble ces derniers vers:)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est la beaut qui commence de plaire;</p>
-<p>Mais la douceur achve de charmer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Souffrons tous qu'Amour nous blesse:</p>
-<p>Languissons, puisqu'il le faut.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que sert un c&oelig;ur sans tendresse?<span class="dalign">25</span></p>
-<p>Est-il un plus grand dfaut?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VERTUMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un bel objet toujours svre</p>
-<p>Ne se fait jamais bien aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PALMON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est la beaut qui commence de plaire;</p>
-<p>Mais la douceur achve de charmer.<span class="dalign">30</span></p>
-<p class="hanging2">Flore rpond au dialogue de Vertumne et de Palmon par ce menuet,
-et les autres divinits y mlent leurs danses:)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Est-on sage,</p>
-<p class="i3"> Dans le bel ge,</p>
-<p class="i4"> Est-on sage</p>
-<p class="i4"> De n'aimer pas?</p>
-<p class="i4"> Que sans cesse <span class="dalign">35</span></p>
-<p class="i4"> L'on se presse</p>
-<p class="i1"> De goter les plaisirs ici-bas.</p>
-<p class="i4"> La sagesse</p>
-<p class="i3"> De la jeunesse,</p>
-<p>C'est de savoir jouir de ses appas.<span class="dalign">40</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span></div>
-<p class="i4"> L'Amour charme</p>
-<p class="i3"> Ceux qu'il dsarme;</p>
-<p class="i4"> L'Amour charme,</p>
-<p class="i3"> Cdons-lui tous:</p>
-<p class="i4"> Notre peine <span class="dalign">45</span></p>
-<p class="i4"> Seroit vaine</p>
-<p class="i1"> De vouloir rsister ses coups.</p>
-<p class="i4"> Quelque chane</p>
-<p class="i3"> Qu'un amant prenne,</p>
-<p>La libert n'a rien qui soit si doux.<span class="dalign">50</span></p>
-<p class="hanging2">
-(Vnus descend du ciel dans une grande machine avec l'Amour, son fils, et
-deux petites Grces, nommes giale et Phane; et les divinits de la terre
-et des eaux recommencent de joindre toutes leurs voix, et continuent par
-leurs danses de lui tmoigner la joie qu'elles ressentent son abord.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>CH&OElig;UR DE TOUTES LES DIVINITS DE LA TERRE ET DES EAUX.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous gotons une paix profonde;</p>
-<p>Les plus doux jeux sont ici-bas;</p>
-<p>On doit ce repos, plein d'appas,</p>
-<p class="i1"> Au plus grand roi du monde.</p>
-<p>Descendez, mre des Amours; <span class="dalign">55</span></p>
-<p>Venez nous donner de beaux jours.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VNUS</span>, dans sa machine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allgresse:</p>
-<p>De si rares honneurs ne m'appartiennent pas,</p>
-<p>Et l'hommage qu'ici votre bont m'adresse</p>
-<p>Doit tre rserv pour de plus doux appas. <span class="dalign">60</span></p>
-<p class="i3"> C'est une trop vieille mthode</p>
-<p class="i3"> De me venir faire sa cour;</p>
-<p class="i3"> Toutes les choses ont leur tour,</p>
-<p class="i3"> Et Vnus n'est plus la mode.</p>
-<p class="i3"> Il est d'autres attraits naissants, <span class="dalign">65</span></p>
-<p class="i3"> O l'on va porter son encens:</p>
-<p>Psych, Psych la belle, aujourd'hui tient ma place;</p>
-<p>Dj tout l'univers s'empresse l'adorer,</p>
-<p class="i3"> Et c'est trop que dans ma disgrce</p>
-<p>Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer. <span class="dalign">70</span></p>
-<p>On ne balance point entre nos deux mrites:</p>
-<p>A quitter mon parti tout s'est licenci,</p>
-<p>Et du nombreux amas de Grces favorites</p>
-<p>Dont je tranois partout les soins et l'amiti,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span></div>
-<p>Il ne m'en est rest que deux des plus petites,<span class="dalign">75</span></p>
-<p class="i3"> Qui m'accompagnent par piti.</p>
-<p class="i3"> Souffrez que ces demeures sombres</p>
-<p>Prtent leur solitude aux troubles de mon c&oelig;ur,</p>
-<p class="i3"> Et me laissez parmi leurs ombres</p>
-<p class="i3"> Cacher ma honte et ma douleur. <span class="dalign">80</span></p>
-<p class="hanging2">(Flore et les autres dits se retirent, et Vnus avec sa suite
-sort de sa machine.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">GIALE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous ne savons, Desse, comment faire,</p>
-<p>Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler.</p>
-<p class="i1"> Notre respect veut se taire,</p>
-<p class="i1"> Notre zle veut parler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parlez, mais si vos soins aspirent me plaire, <span class="dalign">85</span></p>
-<p>Laissez tous vos conseils pour une autre saison,</p>
-<p class="i3"> Et ne parlez de ma colre</p>
-<p class="i3"> Que pour dire que j'ai raison.</p>
-<p>C'toit l, c'toit l la plus sensible offense</p>
-<p>Que ma divinit pt jamais recevoir; <span class="dalign">90</span></p>
-<p class="i3"> Mais j'en aurai la vengeance,</p>
-<p class="i3"> Si les Dieux ont du pouvoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PHANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous avez plus que nous de clarts, de sagesse,</p>
-<p>Pour juger ce qui peut tre digne de vous;</p>
-<p>Mais pour moi, j'aurois cru qu'une grande desse.<span class="dalign">95</span></p>
-<p class="i3"> Devroit moins se mettre en courroux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et c'est l la raison de ce courroux extrme.</p>
-<p>Plus mon rang a d'clat, plus l'affront est sanglant;</p>
-<p>Et si je n'tois pas dans ce degr suprme,</p>
-<p>Le dpit de mon c&oelig;ur seroit moins violent. <span class="dalign">100</span></p>
-<p>Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre,</p>
-<p class="i3"> Mre du dieu qui fait aimer,</p>
-<p>Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,</p>
-<p>Et qui ne suis venue au jour que pour charmer,</p>
-<p class="i3"> Moi qui, par tout ce qui respire, <span class="dalign">105</span></p>
-<p>Ai vu de tant de v&oelig;ux encenser mes autels,</p>
-<p>Et qui de la beaut, par des droits immortels,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span></div>
-<p>Ai tenu de tout temps le souverain empire,</p>
-<p>Moi dont les yeux ont mis deux grandes dits</p>
-<p>Au point de me cder le prix de la plus belle, <span class="dalign">110</span></p>
-<p>Je me vois ma victoire et mes droits disputs</p>
-<p class="i3"> Par une chtive mortelle!</p>
-<p>Le ridicule excs d'un fol enttement</p>
-<p>Va jusqu' m'opposer une petite fille!</p>
-<p>Sur ses traits et les miens j'essuierai constamment<span class="dalign">115</span></p>
-<p class="i3"> Un tmraire jugement,</p>
-<p class="i3"> Et du haut des cieux o je brille,</p>
-<p>J'entendrai prononcer aux mortels prvenus:</p>
-<p class="i3"> Elle est plus belle que Vnus!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">GIALE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voil comme l'on fait; c'est le style des hommes: <span class="dalign">120</span></p>
-<p>Ils sont impertinents dans leurs comparaisons.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PHANE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ils ne sauroient louer, dans le sicle o nous sommes,</p>
-<p class="i3"> Qu'ils n'outragent les plus grands noms.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! que de ces trois mots la rigueur insolente</p>
-<p class="i3"> Venge bien Junon et Pallas, <span class="dalign">125</span></p>
-<p>Et console leurs c&oelig;urs de la gloire clatante</p>
-<p>Que la fameuse pomme acquit mes appas!</p>
-<p>Je les vois s'applaudir de mon inquitude,</p>
-<p>Affecter toute heure un ris malicieux,</p>
-<p>Et d'un fixe regard chercher avec tude <span class="dalign">130</span></p>
-<p class="i3"> Ma confusion dans mes yeux.</p>
-<p>Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage,</p>
-<p>Semble me venir dire, insultant mon courroux:</p>
-<p>Vante, vante, Vnus, les traits de ton visage:</p>
-<p>Au jugement d'un seul, tu l'emportas sur nous;<span class="dalign">135</span></p>
-<p class="i3"> Mais par le jugement de tous</p>
-<p>Une simple mortelle a sur toi l'avantage.</p>
-<p>Ah! ce coup-l m'achve, il me perce le c&oelig;ur;</p>
-<p>Je n'en puis plus souffrir les rigueurs sans gales,</p>
-<p>Et c'est trop de surcrot ma vive douleur<span class="dalign">140</span></p>
-<p class="i3"> Que le plaisir de mes rivales.</p>
-<p>Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crdit,</p>
-<p class="i3"> Et si jamais je te fus chre,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span></div>
-<p>Si tu portes un c&oelig;ur sentir le dpit</p>
-<p class="i3"> Qui trouble le c&oelig;ur d'une mre. <span class="dalign">145</span></p>
-<p class="i3"> Qui si tendrement te chrit,</p>
-<p>Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance</p>
-<p class="i3"> A soutenir mes intrts,</p>
-<p class="i3"> Et fais Psych par tes traits</p>
-<p class="i3"> Sentir les traits de ma vengeance. <span class="dalign">150</span></p>
-<p class="i3"> Pour rendre son c&oelig;ur malheureux,</p>
-<p>Prends celui de tes traits le plus propre me plaire,</p>
-<p class="i3"> Le plus empoisonn de ceux</p>
-<p class="i3"> Que tu lances dans ta colre.</p>
-<p>Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel,<span class="dalign">155</span></p>
-<p>Fais que jusqu' la rage elle soit enflamme,</p>
-<p>Et qu'elle ait souffrir le supplice cruel</p>
-<p class="i3"> D'aimer et n'tre point aime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour:</p>
-<p>On m'impute partout mille fautes commises, <span class="dalign">160</span></p>
-<p>Et vous ne croiriez point le mal et les sottises</p>
-<p class="i3"> Que l'on dit de moi chaque jour.</p>
-<p class="i3"> Si pour servir votre colre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Va, ne rsiste point aux souhaits de ta mre;</p>
-<p class="i3"> N'applique tes raisonnements. <span class="dalign">165</span></p>
-<p class="i3"> Qu' chercher les plus prompts moments</p>
-<p>De faire un sacrifice ma gloire outrage.</p>
-<p>Pars, pour toute rponse mes empressements,</p>
-<p>Et ne me revois point que je ne sois venge.</p>
-<p class="hanging2">(L'Amour s'envole, et Vnus se retire avec les Grces.&mdash;La scne est change
-en une grande ville, o l'on dcouvre, des deux cts, des palais et des
-maisons de diffrents ordres d'architecture.)</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE I.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est des maux, ma s&oelig;ur, que le silence aigrit:<span class="dalign">170</span></p>
-<p>Laissons, laissons parler mon chagrin et le vtre,</p>
-<p class="i4"> Et de nos c&oelig;urs l'un l'autre</p>
-<p class="i3"> Exhalons le cuisant dpit.</p>
-<p class="i3"> Nous nous voyons s&oelig;urs d'infortune;</p>
-<p>Et la vtre et la mienne ont un si grand rapport,<span class="dalign">175</span></p>
-<p>Que nous pouvons mler toutes les deux en une,</p>
-<p class="i3"> Et dans notre juste transport,</p>
-<p class="i3"> Murmurer plainte commune</p>
-<p class="i3"> Des cruauts de notre sort.</p>
-<p class="i3"> Quelle fatalit secrte,<span class="dalign">180</span></p>
-<p class="i3"> Ma s&oelig;ur, soumet tout l'univers</p>
-<p class="i3"> Aux attraits de notre cadette,</p>
-<p class="i3"> Et de tant de princes divers,</p>
-<p class="i3"> Qu'en ces lieux la fortune jette,</p>
-<p class="i3"> N'en prsente aucun nos fers?<span class="dalign">185</span></p>
-<p>Quoi? voir de toutes parts, pour lui rendre les armes,</p>
-<p class="i4"> Les c&oelig;urs se prcipiter,</p>
-<p class="i4"> Et passer devant nos charmes</p>
-<p class="i4"> Sans s'y vouloir arrter!</p>
-<p class="i3"> Quel sort ont nos yeux en partage,<span class="dalign">190</span></p>
-<p class="i3"> Et qu'est-ce qu'ils ont fait aux Dieux,</p>
-<p class="i3"> De ne jouir d'aucun hommage</p>
-<p>Parmi tous ces tributs de soupirs glorieux,</p>
-<p class="i4"> Dont le superbe avantage</p>
-<p class="i4"> Fait triompher d'autres yeux?<span class="dalign">195</span></p>
-<p>Est-il pour nous, ma s&oelig;ur, de plus rude disgrce</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span></div>
-<p>Que de voir tous les c&oelig;urs mpriser nos appas,</p>
-<p>Et l'heureuse Psych jouir avec audace</p>
-<p>D'une foule d'amants attachs ses pas?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ah! ma s&oelig;ur, c'est une aventure<span class="dalign">200</span></p>
-<p class="i3"> A faire perdre la raison;</p>
-<p class="i3"> Et tous les maux de la nature</p>
-<p class="i3"> Ne sont rien en comparaison.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour moi, j'en suis souvent jusqu' verser des larmes.</p>
-<p>Tout plaisir, tout repos par l m'est arrach;<span class="dalign">205</span></p>
-<p>Contre un pareil malheur ma constance est sans armes.</p>
-<p>Toujours ce chagrin mon esprit attach</p>
-<p>Me tient devant les yeux la honte de nos charmes,</p>
-<p class="i3"> Et le triomphe de Psych.</p>
-<p>La nuit, il m'en repasse une ide ternelle,<span class="dalign">210</span></p>
-<p class="i3"> Qui sur toute chose prvaut:</p>
-<p>Rien ne me peut chasser cette image cruelle;</p>
-<p>Et ds qu'un doux sommeil me vient dlivrer d'elle,</p>
-<p class="i4"> Dans mon esprit aussitt</p>
-<p class="i4"> Quelque songe la rappelle,<span class="dalign">215</span></p>
-<p class="i4"> Qui me rveille en sursaut.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ma s&oelig;ur, voil mon martyre.</p>
-<p class="i4"> Dans vos discours je me voi;</p>
-<p class="i4"> Et vous venez l de dire</p>
-<p class="i4"> Tout ce qui se passe en moi.<span class="dalign">220</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais encor, raisonnons un peu sur cette affaire.</p>
-<p>Quels charmes si puissants en elle sont pars?</p>
-<p>Et par o, dites-moi, du grand secret de plaire</p>
-<p>L'honneur est-il acquis ses moindres regards?</p>
-<p class="i4"> Que voit-on dans sa personne<span class="dalign">225</span></p>
-<p class="i4"> Pour inspirer tant d'ardeurs?</p>
-<p class="i4"> Quel droit de beaut lui donne</p>
-<p class="i4"> L'empire de tous les c&oelig;urs?</p>
-<p>Elle a quelques attraits, quelque clat de jeunesse:</p>
-<p>On en tombe d'accord, je n'en disconviens pas;<span class="dalign">230</span></p>
-<p>Mais lui cde-t-on fort pour quelque peu d'anesse,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span></div>
-<p class="i4"> Et se voit-on sans appas?</p>
-<p>Est-on d'une figure faire qu'on se raille?</p>
-<p>N'a-t-on point quelques traits et quelques agrments,</p>
-<p>Quelque teint, quelques yeux, quelque air, et quelque taille</p>
-<p>A pouvoir dans nos fers jeter quelques amants?</p>
-<p class="i4"> Ma s&oelig;ur, faites-moi la grce</p>
-<p class="i4"> De me parler franchement:</p>
-<p>Suis-je faite d'un air, votre jugement,</p>
-<p>Que mon mrite au sien doive cder la place?<span class="dalign">240</span></p>
-<p class="i4"> Et dans quelque ajustement</p>
-<p class="i4"> Trouvez-vous qu'elle m'efface?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Qui? vous, ma s&oelig;ur? nullement.</p>
-<p class="i4"> Hier la chasse prs d'elle</p>
-<p class="i4"> Je vous regardai longtemps;<span class="dalign">245</span></p>
-<p class="i4"> Et sans vous donner d'encens,</p>
-<p class="i4"> Vous me partes plus belle.</p>
-<p>Mais, moi, dites, ma s&oelig;ur, sans me vouloir flatter,</p>
-<p>Sont-ce des visions que je me mets en tte,</p>
-<p>Quand je me crois taille pouvoir mriter<span class="dalign">250</span></p>
-<p class="i3"> La gloire de quelque conqute?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous, ma s&oelig;ur, vous avez, sans nul dguisement,</p>
-<p>Tout ce qui peut causer une amoureuse flamme.</p>
-<p>Vos moindres actions brillent d'un agrment</p>
-<p class="i4"> Dont je me sens toucher l'me;<span class="dalign">255</span></p>
-<p class="i4"> Et je serois votre amant,</p>
-<p class="i4"> Si j'tois autre que femme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'o vient donc qu'on la voit l'emporter sur nous deux,</p>
-<p>Qu' ses premiers regards les c&oelig;urs rendent les armes,</p>
-<p>Et que d'aucun tribut de soupirs et de v&oelig;ux<span class="dalign">260</span></p>
-<p class="i3"> On ne fait honneur nos charmes?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Toutes les dames, d'une voix,</p>
-<p class="i3"> Trouvent ses attraits peu de chose;</p>
-<p>Et du nombre d'amants qu'elle tient sous ses lois,</p>
-<p class="i3"> Ma s&oelig;ur, j'ai dcouvert la cause.<span class="dalign">265</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour moi, je la devine, et l'on doit prsumer</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span></div>
-<p>Qu'il faut que l-dessous soit cach du mystre.</p>
-<p class="i4"> Ce secret de tout enflammer</p>
-<p>N'est point de la nature un effet ordinaire:</p>
-<p>L'art de la Thessalie entre dans cette affaire;<span class="dalign">270</span></p>
-<p>Et quelque main a su sans doute lui former</p>
-<p class="i4"> Un charme pour se faire aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sur un plus fort appui ma croyance se fonde;</p>
-<p>Et le charme qu'elle a pour attirer les c&oelig;urs,</p>
-<p>C'est un air en tout temps dsarm de rigueurs,<span class="dalign">275</span></p>
-<p>Des regards caressants, que la bouche seconde,</p>
-<p class="i4"> Un souris charg de douceurs,</p>
-<p class="i4"> Qui tend les bras tout le monde,</p>
-<p class="i4"> Et ne vous promet que faveurs.</p>
-<p>Notre gloire n'est plus aujourd'hui conserve, <span class="dalign">280</span></p>
-<p>Et l'on n'est plus au temps de ces nobles fierts</p>
-<p>Qui par un digne essai d'illustres cruauts,</p>
-<p>Vouloient voir d'un amant la constance prouve.</p>
-<p>De tout ce noble orgueil qui nous seyoit si bien,</p>
-<p>On est bien descendu dans le sicle o nous sommes;<span class="dalign">285</span></p>
-<p>Et l'on en est rduite n'esprer plus rien,</p>
-<p>A moins que l'on se jette la tte des hommes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, voil le secret de l'affaire, et je voi</p>
-<p class="i4"> Que vous le prenez mieux que moi.</p>
-<p>C'est pour nous attacher trop de biensance <span class="dalign">290</span></p>
-<p>Qu'aucun amant, ma s&oelig;ur, nous ne veut venir;</p>
-<p class="i4"> Et nous voulons trop soutenir</p>
-<p>L'honneur de notre sexe et de notre naissance.</p>
-<p>Les hommes maintenant aiment ce qui leur rit;</p>
-<p>L'espoir, plus que l'amour, est ce qui les attire, <span class="dalign">295</span></p>
-<p class="i3"> Et c'est par l que Psych nous ravit</p>
-<p class="i3"> Tous les amants qu'on voit sous son empire.</p>
-<p>Suivons, suivons l'exemple: ajustons-nous au temps;</p>
-<p>Abaissons-nous, ma s&oelig;ur, faire des avances,</p>
-<p>Et ne mnageons plus de tristes biensances <span class="dalign">300</span></p>
-<p>Qui nous tent les fruits du plus beau de nos ans.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'approuve la pense; et nous avons matire</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span></div>
-<p class="i3"> D'en faire l'preuve premire</p>
-<p>Aux deux princes qui sont les derniers arrivs.</p>
-<p>Ils sont charmants, ma s&oelig;ur, et leur personne entire<span class="dalign">305</span></p>
-<p class="i3"> Me.... Les avez-vous observs?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! ma s&oelig;ur, ils sont faits tous deux d'une manire</p>
-<p>Que mon me.... Ce sont deux princes achevs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je trouve qu'on pourroit rechercher leur tendresse</p>
-<p class="i4"> Sans se faire dshonneur. <span class="dalign">310</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je trouve que, sans honte, une belle princesse</p>
-<p class="i4"> Leur pourroit donner son c&oelig;ur.</p>
-</div></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">CLOMNE, AGNOR, AGLAURE, CYDIPPE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Les voici tous deux, et j'admire</p>
-<p class="i4"> Leur air et leur ajustement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ils ne dmentent nullement <span class="dalign">315</span></p>
-<p class="i4"> Tout ce que nous venons de dire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'o vient, princes, d'o vient que vous fuyez ainsi?</p>
-<p>Prenez-vous l'pouvante en nous voyant parotre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> On nous faisoit croire qu'ici</p>
-<p>La princesse Psych, Madame, pourroit tre. <span class="dalign">320</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agrable pour vous,</p>
-<p>Si vous ne les voyez orns de sa prsence?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ces lieux peuvent avoir des charmes assez doux;</p>
-<p>Mais nous cherchons Psych dans notre impatience.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Quelque chose de bien pressant <span class="dalign">325</span></p>
-<p>Vous doit la chercher pousser tous deux sans doute?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Le motif est assez puissant,</p>
-<p>Puisque notre fortune enfin en dpend toute.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce seroit trop nous que de nous informer</p>
-<p>Du secret que ces mots nous peuvent enfermer.<span class="dalign">330</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous ne prtendons point en faire de mystre:</p>
-<p>Aussi bien malgr nous parotroit-il au jour;</p>
-<p class="i4"> Et le secret ne dure gure,</p>
-<p class="i4"> Madame, quand c'est de l'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sans aller plus avant, princes, cela veut dire<span class="dalign">335</span></p>
-<p class="i4"> Que vous aimez Psych tous deux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Tous deux soumis son empire,</p>
-<p>Nous allons de concert lui dcouvrir nos feux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est une nouveaut sans doute assez bizarre</p>
-<p class="i4"> Que deux rivaux si bien unis.<span class="dalign">340</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Il est vrai que la chose est rare,</p>
-<p>Mais non pas impossible deux parfaits amis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce que dans ces lieux il n'est qu'elle de belle,</p>
-<p>Et n'y trouvez-vous point sparer vos v&oelig;ux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parmi l'clat du sang, vos yeux n'ont-ils vu qu'elle<span class="dalign">345</span></p>
-<p class="i4"> A pouvoir mriter vos feux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce que l'on consulte au moment qu'on s'enflamme?</p>
-<p class="i4"> Choisit-on qui l'on veut aimer?</p>
-<p class="i4"> Et pour donner toute son me,</p>
-<p>Regarde-t-on quel droit on a de nous charmer?<span class="dalign">350</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Sans qu'on ait le pouvoir d'lire,</p>
-<p class="i4"> On suit dans une telle ardeur</p>
-<p class="i4"> Quelque chose qui nous attire;</p>
-<p class="i4"> Et lorsque l'amour touche un c&oelig;ur,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span></div>
-<p class="i4"> On n'a point de raisons dire.<span class="dalign">355</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En vrit, je plains les fcheux embarras</p>
-<p class="i4"> O je vois que vos c&oelig;urs se mettent.</p>
-<p>Vous aimez un objet dont les riants appas</p>
-<p>Mleront des chagrins l'espoir qu'ils vous jettent;</p>
-<p class="i4"> Et son c&oelig;ur ne vous tiendra pas<span class="dalign">360</span></p>
-<p class="i4"> Tout ce que ses yeux vous promettent.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'espoir qui vous appelle au rang de ses amants</p>
-<p>Trouvera du mcompte aux douceurs qu'elle tale;</p>
-<p>Et c'est pour essuyer de trs-fcheux moments,</p>
-<p>Que les soudains retours de son me ingale.<span class="dalign">365</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un clair discernement de ce que vous valez</p>
-<p>Nous fait plaindre le sort o cet amour vous guide;</p>
-<p>Et vous pouvez trouver tous deux, si vous voulez,</p>
-<p>Avec autant d'attraits, une me plus solide.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Par un choix plus doux de moiti,<span class="dalign">370</span></p>
-<p>Vous pouvez de l'amour sauver votre amiti;</p>
-<p>Et l'on voit en vous deux un mrite si rare,</p>
-<p>Qu'un tendre avis veut bien prvenir par piti</p>
-<p class="i4"> Ce que votre c&oelig;ur se prpare.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cet avis gnreux fait pour nous clater <span class="dalign">375</span></p>
-<p class="i4"> Des bonts qui nous touchent l'me;</p>
-<p>Mais le ciel nous rduit ce malheur, Madame,</p>
-<p class="i4"> De ne pouvoir en profiter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre illustre piti veut en vain nous distraire</p>
-<p>D'un amour dont tous deux nous redoutons l'effet:<span class="dalign">380</span></p>
-<p>Ce que notre amiti, Madame, n'a pas fait,</p>
-<p class="i4"> Il n'est rien qui le puisse faire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il faut que le pouvoir de Psych.... La voici.</p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-
-<p class="subt">PSYCH, CYDIPPE, AGLAURE,<br />
-CLOMNE, AGNOR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Venez jouir, ma s&oelig;ur, de ce qu'on vous apprte.
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Prparez vos attraits recevoir ici <span class="dalign">385</span></p>
-<p>Le triomphe nouveau d'une illustre conqute.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ces princes ont tous deux si bien senti vos coups,</p>
-<p>Qu' vous le dcouvrir leur bouche se dispose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Du sujet qui les tient si rveurs parmi nous,</p>
-<p class="i4"> Je ne me croyois pas la cause; <span class="dalign">390</span></p>
-<p class="i4"> Et j'aurois cru toute autre chose</p>
-<p class="i4"> En les voyant parler vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p> N'ayant ni beaut ni naissance</p>
-<p>A pouvoir mriter leur amour et leurs soins,</p>
-<p class="i4"> Ils nous favorisent au moins <span class="dalign">395</span></p>
-<p class="i4"> De l'honneur de la confidence.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'aveu qu'il nous faut faire vos divins appas</p>
-<p>Est sans doute, Madame, un aveu tmraire;</p>
-<p class="i4"> Mais tant de c&oelig;urs prs du trpas</p>
-<p>Sont par de tels aveux forcs vous dplaire, <span class="dalign">400</span></p>
-<p>Que vous tes rduite ne les punir pas</p>
-<p class="i4"> Des foudres de votre colre.</p>
-<p class="i4"> Vous voyez en nous deux amis</p>
-<p>Qu'un doux rapport d'humeurs sut joindre ds l'enfance;</p>
-<p>Et ces tendres liens se sont vus affermis <span class="dalign">405</span></p>
-<p>Par cent combats d'estime et de reconnoissance.</p>
-<p>Du destin ennemi les assauts rigoureux,</p>
-<p>Les mpris de la mort et l'aspect des supplices,</p>
-<p>Par d'illustres clats de mutuels offices,</p>
-<p>Ont de notre amiti signal les beaux n&oelig;uds;<span class="dalign">410</span></p>
-<p>Mais quelques essais qu'elle se soit trouve,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span></div>
-<p class="i4"> Son grand triomphe est en ce jour;</p>
-<p>Et rien ne fait tant voir sa constance prouve</p>
-<p>Que de se conserver au milieu de l'amour.</p>
-<p>Oui, malgr tant d'appas, son illustre constance <span class="dalign">415</span></p>
-<p>Aux lois qu'elle nous fait a soumis tous nos v&oelig;ux:</p>
-<p>Elle vient, d'une douce et pleine dfrence,</p>
-<p>Remettre votre choix le succs de nos feux;</p>
-<p>Et pour donner un poids notre concurrence,</p>
-<p>Qui des raisons d'tat entrane la balance <span class="dalign">420</span></p>
-<p class="i4"> Sur le choix de l'un de nous deux,</p>
-<p>Cette mme amiti s'offre sans rpugnance</p>
-<p>D'unir nos deux tats au sort du plus heureux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Oui, de ces deux tats, Madame,</p>
-<p>Que sous votre heureux choix nous nous offrons d'unir,</p>
-<p class="i4"> Nous voulons faire notre flamme,</p>
-<p class="i4"> Un secours pour vous obtenir.</p>
-<p>Ce que, pour ce bonheur, prs du roi votre pre,</p>
-<p class="i4"> Nous nous sacrifions tous deux,</p>
-<p>N'a rien de difficile nos c&oelig;urs amoureux; <span class="dalign">430</span></p>
-<p>Et c'est au plus heureux faire un don ncessaire</p>
-<p class="i4"> D'un pouvoir dont le malheureux,</p>
-<p class="i4"> Madame, n'aura plus affaire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le choix que vous m'offrez, princes, montre mes yeux</p>
-<p>De quoi remplir les v&oelig;ux de l'me la plus fire, <span class="dalign">435</span></p>
-<p>Et vous me le parez tous deux d'une manire</p>
-<p>Qu'on ne peut rien offrir qui soit plus prcieux.</p>
-<p>Vos feux, votre amiti, votre vertu suprme,</p>
-<p>Tout me relve en vous l'offre de votre foi;</p>
-<p>Et j'y vois un mrite s'opposer lui-mme <span class="dalign">440</span></p>
-<p class="i4"> A ce que vous voulez de moi.</p>
-<p>Ce n'est pas mon c&oelig;ur qu'il faut que je dfre</p>
-<p class="i4"> Pour entrer sous de tels liens:</p>
-<p>Ma main, pour se donner, attend l'ordre d'un pre,</p>
-<p>Et mes s&oelig;urs ont des droits qui vont devant les miens.</p>
-<p>Mais si l'on me rendoit sur mes v&oelig;ux absolue,</p>
-<p>Vous y pourriez avoir trop de part la fois;</p>
-<p>Et toute mon estime, entre vous suspendue,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span></div>
-<p>Ne pourroit sur aucun laisser tomber mon choix.</p>
-<p class="i4"> A l'ardeur de votre poursuite <span class="dalign">450</span></p>
-<p>Je rpondrois assez de mes v&oelig;ux les plus doux;</p>
-<p class="i4"> Mais c'est, parmi tant de mrite,</p>
-<p>Trop que deux c&oelig;urs pour moi, trop peu qu'un c&oelig;ur pour vous.</p>
-<p>De mes plus doux souhaits j'aurois l'me gne</p>
-<p class="i4"> A l'effort de votre amiti; <span class="dalign">455</span></p>
-<p>Et j'y vois l'un de vous prendre une destine</p>
-<p class="i4"> A me faire trop de piti.</p>
-<p>Oui, princes, tous ceux dont l'amour suit le vtre</p>
-<p>Je vous prfrerois tous deux avec ardeur;</p>
-<p class="i4"> Mais je n'aurois jamais le c&oelig;ur<span class="dalign">460</span></p>
-<p>De pouvoir prfrer l'un de vous deux l'autre.</p>
-<p class="i4"> A celui que je choisirois</p>
-<p>Ma tendresse feroit un trop grand sacrifice;</p>
-<p>Et je m'imputerois barbare injustice</p>
-<p class="i4"> Le tort qu' l'autre je ferois. <span class="dalign">465</span></p>
-<p>Oui, tous deux vous brillez de trop de grandeur d'me</p>
-<p class="i4"> Pour en faire aucun malheureux;</p>
-<p>Et vous devez chercher dans l'amoureuse flamme</p>
-<p class="i4"> Le moyen d'tre heureux tous deux.</p>
-<p class="i4"> Si votre c&oelig;ur me considre <span class="dalign">470</span></p>
-<p>Assez pour me souffrir de disposer de vous,</p>
-<p class="i4"> J'ai deux s&oelig;urs capables de plaire,</p>
-<p>Qui peuvent bien vous faire un destin assez doux;</p>
-<p>Et l'amiti me rend leur personne assez chre</p>
-<p class="i4"> Pour vous souhaiter leurs poux. <span class="dalign">475</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Un c&oelig;ur dont l'amour est extrme</p>
-<p class="i4"> Peut-il bien consentir, hlas!</p>
-<p class="i4"> D'tre donn par ce qu'il aime?</p>
-<p>Sur nos deux c&oelig;urs, Madame, vos divins appas</p>
-<p class="i4"> Nous donnons un pouvoir suprme:<span class="dalign">480</span></p>
-<p class="i4"> Disposez-en pour le trpas;</p>
-<p class="i4"> Mais pour une autre que vous-mme</p>
-<p>Ayez cette bont de n'en disposer pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aux princesses, Madame, on feroit trop d'outrage,</p>
-<p>Et c'est pour leurs attraits un indigne partage<span class="dalign">485</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span></div>
-<p class="i4"> Que les restes d'une autre ardeur.</p>
-<p>Il faut d'un premier feu la puret fidle</p>
-<p class="i4"> Pour aspirer cet honneur</p>
-<p class="i4"> O votre bont nous appelle;</p>
-<p class="i4"> Et chacune mrite un c&oelig;ur <span class="dalign">490</span></p>
-<p class="i4"> Qui n'ait soupir que pour elle.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Il me semble, sans nul courroux,</p>
-<p class="i4"> Qu'avant que de vous en dfendre,</p>
-<p class="i4"> Princes, vous deviez bien attendre</p>
-<p class="i4"> Qu'on se ft expliqu sur vous.<span class="dalign">495</span></p>
-<p>Nous croyez-vous un c&oelig;ur si facile et si tendre?</p>
-<p>Et lorsqu'on parle ici de vous donner nous,</p>
-<p class="i4"> Savez-vous si l'on veut vous prendre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je pense que l'on a d'assez hauts sentiments</p>
-<p>Pour refuser un c&oelig;ur qu'il faut qu'on sollicite,<span class="dalign">500</span></p>
-<p>Et qu'on ne veut devoir qu' son propre mrite</p>
-<p class="i4"> La conqute de ses amants.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ai cru pour vous, mes s&oelig;urs, une gloire assez grande,</p>
-<p>Si la possession d'un mrite si haut....</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-
-<p class="subt">LYCAS, PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE, CLOMNE,
-AGNOR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Qu'as-tu?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Le Roi....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Quoi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> Vous demande.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De ce trouble si grand que faut-il que j'attende?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous ne le saurez que trop tt.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! que pour le Roi tu me donnes craindre!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne craignez que pour vous, c'est vous que l'on doit plaindre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est pour louer le ciel, et me voir hors d'effroi,<span class="dalign">510</span></p>
-<p>De savoir que je n'aie craindre que pour moi.</p>
-<p>Mais apprends-moi, Lycas, le sujet qui te touche.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Souffrez que j'obisse qui m'envoie ici,</p>
-<p>Madame, et qu'on vous laisse apprendre de sa bouche</p>
-<p class="i4"> Ce qui peut m'affliger ainsi.<span class="dalign">515</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons savoir sur quoi l'on craint tant ma foiblesse.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE, LYCAS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si ton ordre n'est pas jusqu' nous tendu,</p>
-<p>Dis-nous quel grand malheur nous couvre ta tristesse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LYCAS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! ce grand malheur dans la cour rpandu,</p>
-<p class="i4"> Voyez-le vous-mme, princesse,<span class="dalign">520</span></p>
-<p>Dans l'oracle qu'au Roi les destins ont rendu.</p>
-<p>Voici ses propres mots que la douleur, Madame,</p>
-<p class="i4"> A gravs au fond de mon me:</p>
-<p class="i4"> Que l'on ne pense nullement</p>
-<p>A vouloir de Psych conclure l'hymne;<span class="dalign">525</span></p>
-<p>Mais qu'au sommet d'un mont elle soit promptement</p>
-<p class="i4"> En pompe funbre mene;</p>
-<p class="i4"> Et que de tous abandonne,</p>
-<p>Pour poux elle attende en ces lieux constamment</p>
-<p>Un monstre dont on a la vue empoisonne,<span class="dalign">530</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span></div>
-<p>Un serpent qui rpand son venin en tous lieux,</p>
-<p>Et trouble dans sa rage et la terre et les cieux.</p>
-<p class="i4"> Aprs un arrt si svre</p>
-<p>Je vous quitte, et vous laisse juger entre vous</p>
-<p>Si par de plus cruels et plus sensibles coups<span class="dalign">535</span></p>
-<p>Tous les Dieux nous pouvoient expliquer leur colre.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur, que sentez-vous ce soudain malheur</p>
-<p>O nous voyons Psych par les destins plonge?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais vous, que sentez-vous, ma s&oelig;ur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A ne vous point mentir, je sens que dans mon c&oelig;ur<span class="dalign">540</span></p>
-<p class="i4"> Je n'en suis pas trop afflige.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Moi, je sens quelque chose au mien</p>
-<p class="i4"> Qui ressemble assez la joie.</p>
-<p class="i4"> Allons, le destin nous envoie</p>
-<p>Un mal que nous pouvons regarder comme un bien.<span class="dalign">545</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3>PREMIER INTERMDE.</h3>
-
-<p class="block">La scne est change en des rochers affreux, et fait voir en loignement
-une grotte effroyable.&mdash;C'est dans ce dsert que Psych
-doit tre expose pour obir l'oracle. Une troupe de personnes
-affliges y viennent dplorer sa disgrce. Une partie de cette troupe
-dsole tmoigne sa piti par des plaintes touchantes et par des
-concerts lugubres; et l'autre exprime sa dsolation par une danse
-pleine de toutes les marques du plus violent dsespoir.</p>
-<h3 class="simple">PLAINTES EN ITALIEN,<br />
-<i>Chantes par une femme dsole et deux hommes affligs.</i></h3>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">FEMME DSOLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Deh! piangete al pianto mio,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span></div>
-<p class="i4"> Sassi duri, antiche selve,</p>
-<p class="i4"> Lagrimate, fonti, e belue,</p>
-<p class="i4"> D'un bel volto il fato rio.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">1. HOMME AFFLIG.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Ahi dolore!<span class="dalign">550</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Ahi martire!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">1. HOMME AFFLIG.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Cruda morte!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Empia sorte!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">TOUS TROIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Che condanni a morir tanta belt,</p>
-<p class="i3"> Cieli, stelle, ahi crudelt!<span class="dalign">555</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Com' esser pu fra voi, o numi eterni,</p>
-<p class="i3"> Chi voglia estinta una belt innocente?</p>
-<p class="i3"> Ahi! che tanto rigor, cielo inclemente,</p>
-<p class="i3"> Vince di crudelt gli stessi inferni!</p>
-
-
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">1. HOMME AFFLIG.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Nume fiero!<span class="dalign">560</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">2. HOMME AFFLIG.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Dio severo!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ENSEMBLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Perch tanto rigor</p>
-<p class="i4"> Contro innocente cor?</p>
-<p class="i4"> Ahi sentenza inudita!</p>
-<p>Dar morte a la belt, ch' altrui d vita.<span class="dalign">565</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">FEMME DSOLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ahi ch' indarno si tarda!</p>
-<p>Non resiste agli dei mortale affetto,</p>
-<p class="i3"> Alto impero ne sforza:</p>
-<p>Ove commanda il ciel, l'uom cede a forza.</p>
-<p class="i3"> Ahi dolore! etc., <i>come sopra</i>.<span class="dalign">570</span></p>
-<p class="stagedir">(Ces plaintes sont entrecoupes et finies par une entre de ballet
-de huit personnes affliges.)</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE II.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-
-<p class="subt">LE ROI, PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE,<br />
-LYCAS, <span class="small1">SUITE</span>.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De vos larmes, Seigneur, la source m'est bien chre;</p>
-<p>Mais c'est trop aux bonts que vous avez pour moi</p>
-<p>Que de laisser rgner les tendresses de pre</p>
-<p class="i4"> Jusque dans les yeux d'un grand roi.</p>
-<p>Ce qu'on vous voit ici donner la nature<span class="dalign">575</span></p>
-<p>Au rang que vous tenez, Seigneur, fait trop d'injure,</p>
-<p>Et j'en dois refuser les touchantes faveurs.</p>
-<p class="i4"> Laissez moins sur votre sagesse</p>
-<p class="i4"> Prendre d'empire vos douleurs,</p>
-<p>Et cessez d'honorer mon destin par des pleurs,<span class="dalign">580</span></p>
-<p>Qui dans le c&oelig;ur d'un roi montrent de la foiblesse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"><span class="small1">LE ROI.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! ma fille, ces pleurs laisse mes yeux ouverts:</p>
-<p>Mon deuil est raisonnable, encor qu'il soit extrme;</p>
-<p>Et lorsque pour toujours on perd ce que je perds,</p>
-<p>La sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-mme.<span class="dalign">585</span></p>
-<p class="i4"> En vain l'orgueil du diadme</p>
-<p>Veut qu'on soit insensible ces cruels revers;</p>
-<p>En vain de la raison les secours sont offerts</p>
-<p>Pour vouloir d'un &oelig;il sec voir mourir ce qu'on aime:</p>
-<p>L'effort en est barbare aux yeux de l'univers;<span class="dalign">590</span></p>
-<p>Et c'est brutalit plus que vertu suprme.</p>
-<p class="i4"> Je ne veux point, dans cette adversit,</p>
-<p class="i4"> Parer mon c&oelig;ur d'insensibilit,</p>
-<p class="i4"> Et cacher l'ennui qui me touche:</p>
-<p class="i4"> Je renonce la vanit<span class="dalign">595</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span></div>
-<p class="i4"> De cette duret farouche</p>
-<p class="i4"> Que l'on appelle fermet;</p>
-<p class="i4"> Et de quelque faon qu'on nomme</p>
-<p>Cette vive douleur dont je ressens les coups,</p>
-<p>Je veux bien l'taler, ma fille, aux yeux de tous,<span class="dalign">600</span></p>
-<p>Et dans le c&oelig;ur d'un roi montrer le c&oelig;ur d'un homme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne mrite pas cette grande douleur:</p>
-<p>Opposez, opposez un peu de rsistance</p>
-<p class="i4"> Aux droits qu'elle prend sur un c&oelig;ur</p>
-<p>Dont mille vnements ont marqu la puissance.<span class="dalign">605</span></p>
-<p>Quoi? faut-il que pour moi vous renonciez, Seigneur,</p>
-<p class="i4"> A cette royale constance</p>
-<p>Dont vous avez fait voir dans les coups du malheur</p>
-<p class="i4"> Une fameuse exprience?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La constance est facile en mille occasions.<span class="dalign">610</span></p>
-<p class="i4"> Toutes les rvolutions</p>
-<p>O nous peut exposer la fortune inhumaine,</p>
-<p>La perte des grandeurs, les perscutions,</p>
-<p>Le poison de l'envie, et les traits de la haine,</p>
-<p class="i4"> N'ont rien que ne puissent sans peine<span class="dalign">615</span></p>
-<p class="i4"> Braver les rsolutions</p>
-<p>D'une me o la raison est un peu souveraine.</p>
-<p class="i4"> Mais ce qui porte des rigueurs</p>
-<p class="i4"> A faire succomber les c&oelig;urs</p>
-<p class="i4"> Sous le poids des douleurs amres,<span class="dalign">620</span></p>
-<p class="i4"> Ce sont, ce sont les rudes traits</p>
-<p class="i4"> De ces fatalits svres</p>
-<p class="i4"> Qui nous enlvent pour jamais</p>
-<p class="i4"> Les personnes qui nous sont chres.</p>
-<p class="i4"> La raison contre de tels coups<span class="dalign">625</span></p>
-<p class="i4"> N'offre point d'armes secourables:</p>
-<p class="i4"> Et voil des Dieux en courroux</p>
-<p class="i4"> Les foudres les plus redoutables</p>
-<p class="i4"> Qui se puissent lancer sur nous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, une douceur ici vous est offerte.<span class="dalign">630</span></p>
-<p>Votre hymen a reu plus d'un prsent des Dieux;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span></div>
-<p class="i4"> Et par une faveur ouverte,</p>
-<p>Ils ne vous tent rien, en m'tant vos yeux,</p>
-<p>Dont ils n'aient pris le soin de rparer la perte.</p>
-<p>Il vous reste de quoi consoler vos douleurs,<span class="dalign">635</span></p>
-<p>Et cette loi du ciel, que vous nommez cruelle.</p>
-<p class="i4"> Dans les deux princesses mes s&oelig;urs</p>
-<p class="i4"> Laisse l'amiti paternelle</p>
-<p class="i4"> O placer toutes ses douceurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Ah! de mes maux soulagement frivole!<span class="dalign">640</span></p>
-<p>Rien, rien ne s'offre moi qui de toi me console.</p>
-<p>C'est sur mes dplaisirs que j'ai les yeux ouverts,</p>
-<p class="i4"> Et dans un destin si funeste,</p>
-<p class="i4"> Je regarde ce que je perds,</p>
-<p class="i2"> Et ne vois point ce qui me reste.<span class="dalign">645</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous savez mieux que moi qu'aux volonts des Dieux,</p>
-<p class="i4"> Seigneur, il faut rgler les ntres;</p>
-<p>Et je ne puis vous dire, en ces tristes adieux,</p>
-<p>Que ce que beaucoup mieux vous pouvez dire aux autres.</p>
-<p class="i4"> Ces Dieux sont matres souverains<span class="dalign">650</span></p>
-<p class="i4"> Des prsents qu'ils daignent nous faire;</p>
-<p class="i4"> Ils ne les laissent dans nos mains</p>
-<p class="i4"> Qu'autant de temps qu'il peut leur plaire:</p>
-<p class="i4"> Lorsqu'ils viennent les retirer,</p>
-<p class="i4"> On n'a nul droit de murmurer<span class="dalign">655</span></p>
-<p>Des grces que leur main ne veut plus nous tendre.</p>
-<p>Seigneur, je suis un don qu'ils ont fait vos v&oelig;ux;</p>
-<p>Et quand par cet arrt ils veulent me reprendre,</p>
-<p>Ils ne vous tent rien que vous ne teniez d'eux,</p>
-<p>Et c'est sans murmurer que vous devez me rendre.<span class="dalign">660</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ah! cherche un meilleur fondement</p>
-<p>Aux consolations que ton c&oelig;ur me prsente;</p>
-<p>Et de la fausset de ce raisonnement</p>
-<p class="i4"> Ne fais point un accablement</p>
-<p class="i4"> A cette douleur si cuisante<span class="dalign">665</span></p>
-<p class="i4"> Dont je souffre ici le tourment.</p>
-<p>Crois-tu l me donner une raison puissante</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span></div>
-<p>Pour ne me plaindre point de cet arrt des cieux?</p>
-<p class="i4"> Et dans le procd des Dieux</p>
-<p class="i4"> Dont tu veux que je me contente,<span class="dalign">670</span></p>
-<p class="i4"> Une rigueur assassinante</p>
-<p class="i4"> Ne parot-elle pas aux yeux?</p>
-<p>Vois l'tat o ces Dieux me forcent te rendre,</p>
-<p>Et l'autre o te reut mon c&oelig;ur infortun:</p>
-<p>Tu connotras par l qu'ils me viennent reprendre<span class="dalign">675</span></p>
-<p class="i4"> Bien plus que ce qu'ils m'ont donn.</p>
-<p class="i4"> Je reus d'eux en toi, ma fille,</p>
-<p>Un prsent que mon c&oelig;ur ne leur demandoit pas;</p>
-<p class="i4"> J'y trouvois alors peu d'appas,</p>
-<p>Et leur en vis sans joie accrotre ma famille;<span class="dalign">680</span></p>
-<p class="i4"> Mais mon c&oelig;ur, ainsi que mes yeux,</p>
-<p>S'est fait de ce prsent une douce habitude;</p>
-<p>J'ai mis quinze ans de soins, de veilles et d'tude</p>
-<p class="i4"> A me le rendre prcieux;</p>
-<p class="i3"> Je l'ai par de l'aimable richesse<span class="dalign">685</span></p>
-<p class="i4"> De mille brillantes vertus;</p>
-<p>En lui j'ai renferm, par des soins assidus,</p>
-<p>Tous les plus beaux trsors que fournit la sagesse;</p>
-<p>A lui j'ai de mon me attach la tendresse;</p>
-<p>J'en ai fait de ce c&oelig;ur le charme et l'allgresse,<span class="dalign">690</span></p>
-<p>La consolation de mes sens abattus,</p>
-<p class="i4"> Le doux espoir de ma vieillesse.</p>
-<p class="i4"> Ils m'tent tout cela, ces Dieux;</p>
-<p>Et tu veux que je n'aie aucun sujet de plainte</p>
-<p>Sur cet affreux arrt dont je souffre l'atteinte?<span class="dalign">695</span></p>
-<p>Ah! leur pouvoir se joue avec trop de rigueur</p>
-<p class="i4"> Des tendresses de notre c&oelig;ur.</p>
-<p>Pour m'ter leur prsent, leur falloit-il attendre</p>
-<p class="i4"> Que j'en eusse fait tout mon bien?</p>
-<p>Ou plutt, s'ils avoient dessein de le reprendre,<span class="dalign">700</span></p>
-<p>N'et-il pas t mieux de ne me donner rien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Seigneur, redoutez la colre</p>
-<p>De ces Dieux contre qui vous osez clater.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Aprs ce coup, que peuvent-ils me faire?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span></div>
-<p>Ils m'ont mis en tat de ne rien redouter.<span class="dalign">705</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ah! Seigneur, je tremble des crimes</p>
-<p>Que je vous fais commettre, et je dois me har.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! qu'ils souffrent du moins mes plaintes lgitimes!</p>
-<p>Ce m'est assez d'effort que de leur obir;</p>
-<p>Ce doit leur tre assez que mon c&oelig;ur t'abandonne<span class="dalign">710</span></p>
-<p>Au barbare respect qu'il faut qu'on ait pour eux,</p>
-<p>Sans prtendre gner la douleur que me donne</p>
-<p>L'pouvantable arrt d'un sort si rigoureux.</p>
-<p>Mon juste dsespoir ne sauroit se contraindre:</p>
-<p>Je veux, je veux garder ma douleur jamais;<span class="dalign">715</span></p>
-<p>Je veux sentir toujours la perte que je fais;</p>
-<p>De la rigueur du ciel je veux toujours me plaindre;</p>
-<p>Je veux jusqu'au trpas incessamment pleurer</p>
-<p>Ce que tout l'univers ne peut me rparer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! de grce, Seigneur, pargnez ma foiblesse:<span class="dalign">720</span></p>
-<p>J'ai besoin de constance en l'tat o je suis.</p>
-<p>Ne fortifiez point l'excs de mes ennuis</p>
-<p class="i4"> Des larmes de votre tendresse.</p>
-<p>Seuls ils sont assez forts; et c'est trop pour mon c&oelig;ur</p>
-<p class="i3"> De mon destin et de votre douleur.<span class="dalign">725</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">LE ROI.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, je dois t'pargner mon deuil inconsolable.</p>
-<p>Voici l'instant fatal de m'arracher de toi;</p>
-<p>Mais comment prononcer ce mot pouvantable?</p>
-<p>Il le faut toutefois, le ciel m'en fait la loi:</p>
-<p class="i4"> Une rigueur invitable<span class="dalign">730</span></p>
-<p>M'oblige te laisser en ce funeste lieu.</p>
-<p class="i5"> Adieu: je vais.... Adieu.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span></p>
-
-<h3 class="subh">SCNE II<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor">&nbsp;[322]</a>.</h3>
-<p class="subt">PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Suivez le Roi, mes s&oelig;urs: vous essuierez ses larmes,</p>
-<p class="i4"> Vous adoucirez ses douleurs;</p>
-<p class="i4"> Et vous l'accableriez d'alarmes, <span class="dalign">735</span></p>
-<p>Si vous vous exposiez encore mes malheurs.</p>
-<p class="i4"> Conservez-lui ce qui lui reste.</p>
-<p>Le serpent que j'attends peut vous tre funeste,</p>
-<p class="i4"> Vous envelopper dans mon sort,</p>
-<p>Et me porter en vous une seconde mort. <span class="dalign">740</span></p>
-<p class="i4"> Le ciel m'a seule condamne</p>
-<p class="i4"> A son haleine empoisonne:</p>
-<p class="i4"> Rien ne sauroit me secourir;</p>
-<p>Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne nous enviez pas ce cruel avantage <span class="dalign">745</span></p>
-<p>De confondre nos pleurs avec vos dplaisirs,</p>
-<p>De mler nos soupirs vos derniers soupirs:</p>
-<p>D'une tendre amiti souffrez ce dernier gage.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> C'est vous perdre inutilement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est en votre faveur esprer un miracle, <span class="dalign">750</span></p>
-<p>Ou vous accompagner jusques au monument.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que peut-on se promettre aprs un tel oracle?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un oracle jamais n'est sans obscurit:</p>
-<p>On l'entend d'autant moins que mieux on croit l'entendre<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor">&nbsp;[324]</a>;</p>
-<p>Et peut-tre, aprs tout, n'en devez-vous attendre</p>
-<p class="i4"> Que gloire et que flicit.</p>
-<p>Laissez-nous voir, ma s&oelig;ur, par une digne issue</p>
-<p>Cette frayeur mortelle heureusement due,</p>
-<p class="i4"> Ou mourir du moins avec vous,</p>
-<p>Si le ciel nos v&oelig;ux ne se montre plus doux. <span class="dalign">760</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur, coutez mieux la voix de la nature</p>
-<p class="i4"> Qui vous appelle auprs du Roi.</p>
-<p class="i3"> Vous m'aimez trop; le devoir en murmure,</p>
-<p class="i3"> Vous en savez l'indispensable loi:</p>
-<p>Un pre vous doit tre encor plus cher que moi. <span class="dalign">765</span></p>
-<p>Rendez-vous toutes deux l'appui de sa vieillesse;</p>
-<p>Vous lui devez chacune<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor">&nbsp;[325]</a> un gendre et des neveux.</p>
-<p>Mille rois l'envi vous gardent leur tendresse,</p>
-<p>Mille rois l'envi vous offriront leurs v&oelig;ux.</p>
-<p>L'oracle me veut seule; et seule aussi je veux <span class="dalign">770</span></p>
-<p class="i4"> Mourir, si je puis, sans foiblesse,</p>
-<p>Ou ne vous avoir pas pour tmoins toutes deux</p>
-<p>De ce que, malgr moi, la nature m'en laisse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Partager vos malheurs, c'est vous importuner?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ose dire un peu plus, ma s&oelig;ur, c'est vous dplaire?</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Non; mais enfin c'est me gner,</p>
-<p>Et peut-tre du ciel redoubler la colre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Vous le voulez, et nous partons.</p>
-<p>Daigne ce mme ciel, plus juste et moins svre,</p>
-<p>Vous envoyer le sort que nous vous souhaitons, <span class="dalign">780</span></p>
-<p class="i4"> Et que notre amiti sincre,</p>
-<p>En dpit de l'oracle, et malgr vous, espre!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Adieu: c'est un espoir, ma s&oelig;ur, et des souhaits</p>
-<p class="i3"> Qu'aucun des Dieux ne remplira jamais.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-
-<p class="subt">PSYCH, seule.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i4"> Enfin, seule et toute moi-mme,<span class="dalign">785</span></p>
-<p>Je puis envisager cet affreux changement</p>
-<p class="i4"> Qui du haut d'une gloire extrme</p>
-<p class="i4"> Me prcipite au monument.</p>
-<p class="i4"> Cette gloire toit sans seconde;</p>
-<p>L'clat s'en rpandoit jusqu'aux deux bouts du monde;</p>
-<p>Tout ce qu'il a de rois sembloient faits pour m'aimer;</p>
-<p class="i1"> Tous leurs sujets, me prenant pour desse,</p>
-<p class="i4"> Commenoient m'accoutumer</p>
-<p class="i4"> Aux encens qu'ils m'offroient sans cesse;</p>
-<p>Leurs soupirs me suivoient sans qu'il m'en cott rien;</p>
-<p>Mon me restoit libre en captivant tant d'mes;</p>
-<p class="i4"> Et j'tois, parmi tant de flammes,</p>
-<p>Reine de tous les c&oelig;urs et matresse du mien.</p>
-<p class="i4"> O ciel, m'auriez-vous fait un crime</p>
-<p class="i4"> De cette insensibilit? <span class="dalign">800</span></p>
-<p>Dployez-vous sur moi tant de svrit,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span></div>
-<p>Pour n'avoir leurs v&oelig;ux rendu que de l'estime?</p>
-<p class="i4"> Si vous m'imposiez cette loi,</p>
-<p>Qu'il fallt faire un choix pour ne pas vous dplaire<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor">&nbsp;[326]</a>,</p>
-<p class="i4"> Puisque je ne pouvois le faire, <span class="dalign">805</span></p>
-<p class="i4"> Que ne le faisiez-vous pour moi?</p>
-<p>Que ne m'inspiriez-vous ce qu'inspire tant d'autres</p>
-<p>Le mrite, l'amour, et.... Mais que vois-je ici?</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">CLOMNE, AGNOR, PSYCH.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Deux amis, deux rivaux, dont l'unique souci</p>
-<p>Est d'exposer leurs jours pour conserver les vtres.<span class="dalign">810</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Puis-je vous couter, quand j'ai chass deux s&oelig;urs?</p>
-<p>Princes, contre le ciel pensez-vous me dfendre?</p>
-<p>Vous livrer au serpent qu'ici je dois attendre,</p>
-<p>Ce n'est qu'un dsespoir qui sied mal aux grands c&oelig;urs;</p>
-<p class="i3"> Et mourir alors que je meurs, <span class="dalign">815</span></p>
-<p class="i3"> C'est accabler une me tendre,</p>
-<p class="i3"> Qui n'a que trop de ses douleurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Un serpent n'est pas invincible:</p>
-<p>Cadmus, qui n'aimoit rien, dfit celui de Mars.</p>
-<p>Nous aimons, et l'amour sait rendre tout possible <span class="dalign">820</span></p>
-<p class="i3"> Au c&oelig;ur qui suit ses tendards,</p>
-<p>A la main dont lui-mme il conduit tous les dards.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voulez-vous qu'il vous serve en faveur d'une ingrate</p>
-<p class="i3"> Que tous ses traits n'ont pu toucher;</p>
-<p>Qu'il dompte sa vengeance au moment qu'elle clate,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span></div>
-<p class="i3"> Et vous aide m'en arracher?</p>
-<p class="i3"> Quand mme vous m'auriez servie,</p>
-<p class="i3"> Quand vous m'auriez rendu la vie.</p>
-<p>Quel fruit esprez-vous de qui ne peut aimer?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est point par l'espoir d'un si charmant salaire <span class="dalign">830</span></p>
-<p class="i3"> Que nous nous sentons animer:</p>
-<p class="i3"> Nous ne cherchons qu' satisfaire</p>
-<p>Aux devoirs d'un amour qui n'ose prsumer</p>
-<p class="i3"> Que jamais, quoi qu'il puisse faire,</p>
-<p class="i3"> Il soit capable de vous plaire, <span class="dalign">835</span></p>
-<p class="i3"> Et digne de vous enflammer.</p>
-<p>Vivez, belle princesse, et vivez pour un autre:</p>
-<p class="i3"> Nous le verrons d'un &oelig;il jaloux,</p>
-<p>Nous en mourrons, mais d'un trpas plus doux</p>
-<p class="i3"> Que s'il nous falloit voir le vtre; <span class="dalign">840</span></p>
-<p>Et si nous ne mourons en vous sauvant le jour,</p>
-<p>Quelque amour qu' nos yeux vous prfriez au ntre,</p>
-<p>Nous voulons bien mourir de douleur et d'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vivez, princes, vivez, et de ma destine</p>
-<p>Ne songez plus rompre ou partager la loi; <span class="dalign">845</span></p>
-<p>Je crois vous l'avoir dit, le ciel ne veut que moi,</p>
-<p class="i3"> Le ciel m'a seule condamne.</p>
-<p>Je pense our dj les mortels sifflements</p>
-<p class="i3"> De son ministre qui s'approche:</p>
-<p>Ma frayeur me le peint, me l'offre tous moments; <span class="dalign">850</span></p>
-<p>Et matresse qu'elle est de tous mes sentiments,</p>
-<p>Elle me le figure au haut de cette roche.</p>
-<p>J'en tombe de foiblesse, et mon c&oelig;ur abattu</p>
-<p>Ne soutient plus qu' peine un reste de vertu.</p>
-<p>Adieu, princes: fuyez, qu'il ne vous empoisonne. <span class="dalign">855</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rien ne s'offre nos yeux encor qui les tonne;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span></div>
-<p>Et quand vous vous peignez un si proche trpas,</p>
-<p class="i3"> Si la force vous abandonne,</p>
-<p class="i3"> Nous avons des c&oelig;urs et des bras</p>
-<p class="i3"> Que l'espoir n'abandonne pas. <span class="dalign">860</span></p>
-<p>Peut-tre qu'un rival a dict cet oracle,</p>
-<p>Que l'or a fait parler celui qui l'a rendu:</p>
-<p class="i3"> Ce ne seroit pas un miracle</p>
-<p>Que pour un dieu muet un homme et rpondu;</p>
-<p>Et dans tous les climats on n'a que trop d'exemples <span class="dalign">865</span></p>
-<p>Qu'il est, ainsi qu'ailleurs, des mchants dans les temples.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Laissez-nous opposer au lche ravisseur</p>
-<p>A qui le sacrilge indignement vous livre,</p>
-<p>Un amour qu'a le ciel choisi pour dfenseur</p>
-<p>De la seule beaut pour qui nous voulons vivre. <span class="dalign">870</span></p>
-<p>Si nous n'osons prtendre sa possession,</p>
-<p>Du moins en son pril permettez-nous de suivre</p>
-<p>L'ardeur et les devoirs de notre passion.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Portez-les d'autres moi-mmes,</p>
-<p class="i3"> Princes, portez-les mes s&oelig;urs, <span class="dalign">875</span></p>
-<p class="i3"> Ces devoirs, ces ardeurs extrmes,</p>
-<p class="i3"> Dont pour moi sont remplis vos c&oelig;urs:</p>
-<p class="i3"> Vivez pour elles quand je meurs.</p>
-<p>Plaignez de mon destin les funestes rigueurs,</p>
-<p>Sans leur donner en vous de nouvelles matires. <span class="dalign">880</span></p>
-<p class="i3"> Ce sont mes volonts dernires;</p>
-<p class="i3"> Et l'on a reu de tout temps</p>
-<p>Pour souveraines lois les ordres des mourants.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Princesse....
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Encore un coup, princes, vivez pour elles.</p>
-<p>Tant que vous m'aimerez, vous devez m'obir:<span class="dalign">885</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span></div>
-<p>Ne me rduisez pas vouloir vous har,</p>
-<p class="i3"> Et vous regarder en rebelles,</p>
-<p class="i3"> A force de m'tre fidles.</p>
-<p>Allez, laissez-moi seule expirer en ce lieu</p>
-<p>O je n'ai plus de voix que pour vous dire adieu.<span class="dalign">890</span></p>
-<p>Mais je sens qu'on m'enlve, et l'air m'ouvre une route</p>
-<p>D'o vous n'entendrez plus cette mourante voix.</p>
-<p>Adieu, princes, adieu pour la dernire fois.</p>
-<p>Voyez si de mon sort vous pouvez tre en doute.</p>
-<p class="stagedir">(Elle est enleve en l'air par deux Zphirs.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous la perdons de vue. Allons tous deux chercher<span class="dalign">895</span></p>
-<p class="i3"> Sur le fate de ce rocher,</p>
-<p class="i3"> Prince, les moyens de la suivre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons-y chercher ceux de ne lui point survivre.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">L'AMOUR, en l'air.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Allez mourir, rivaux d'un dieu jaloux,</p>
-<p class="i3"> Dont vous mritez le courroux <span class="dalign">900</span></p>
-<p>Pour avoir eu le c&oelig;ur sensible aux mmes charmes.</p>
-<p>Et toi, forge, Vulcain, mille brillants attraits</p>
-<p class="i4"> Pour orner un palais</p>
-<p>O l'Amour de Psych veut essuyer les larmes,</p>
-<p class="i4"> Et lui rendre les armes. <span class="dalign">905</span></p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span></p>
-<h3>SECOND INTERMDE.</h3>
-</div>
-
-<p class="hanging2">
-La scne se change en une cour magnifique orne de colonnes de
-lapis enrichies de figures d'or, qui forment un palais pompeux et
-brillant que l'Amour destine pour Psych. Six Cyclopes avec
-quatre fes y font une entre de ballet, o ils achvent en cadence
-quatre gros vases d'argent que les fes leur ont apports.
-Cette entre est entrecoupe par ce rcit de Vulcain, qu'il fait
-deux reprises:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Dpchez, prparez ces lieux</p>
-<p>Pour le plus aimable des Dieux;</p>
-<p>Que chacun pour lui s'intresse.</p>
-<p>N'oubliez rien des soins qu'il faut:</p>
-<p class="i2"> Quand l'Amour presse, <span class="dalign">910</span></p>
-<p>On n'a jamais fait assez tt.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'Amour ne veut point qu'on diffre:</p>
-<p class="i2"> Travaillez, htez-vous,</p>
-<p class="i1"> Frappez, redoublez vos coups;</p>
-<p class="i2"> Que l'ardeur de lui plaire <span class="dalign">915</span></p>
-<p class="i1"> Fasse vos soins les plus doux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3">SECOND COUPLET.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Servez bien un dieu si charmant;</p>
-<p>Il se plat dans l'empressement:</p>
-<p>Que chacun pour lui s'intresse.</p>
-<p>N'oubliez rien des soins qu'il faut: <span class="dalign">920</span></p>
-<p class="i2"> Quand l'Amour presse,</p>
-<p>On n'a jamais fait assez tt.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'Amour ne veut point qu'on diffre:</p>
-<p class="i2"> Travaillez, etc.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE III.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor">&nbsp;[327]</a>.</h3>
-<p class="subt">L'AMOUR, ZPHIRE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Oui, je me suis galamment acquitt <span class="dalign">925</span></p>
-<p>De la commission que vous m'avez donne;</p>
-<p>Et du haut du rocher, je l'ai, cette beaut,</p>
-<p>Par le milieu des airs, doucement amene</p>
-<p class="i4"> Dans ce beau palais enchant,</p>
-<p class="i4"> O vous pouvez en libert <span class="dalign">930</span></p>
-<p class="i4"> Disposer de sa destine.</p>
-<p>Mais vous me surprenez par ce grand changement</p>
-<p class="i4"> Qu'en votre personne vous faites:</p>
-<p>Cette taille, ces traits, et cet ajustement,</p>
-<p class="i4"> Cachent tout fait qui vous tes; <span class="dalign">935</span></p>
-<p>Et je donne aux plus fins pouvoir en ce jour</p>
-<p class="i4"> Vous reconnotre pour l'Amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aussi ne veux-je pas qu'on puisse me connotre:</p>
-<p>Je ne veux Psych dcouvrir que mon c&oelig;ur<a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor">&nbsp;[328]</a>,</p>
-<p>Rien que les beaux transports de cette vive ardeur <span class="dalign">940</span></p>
-<p class="i4"> Que ses doux charmes y font natre;</p>
-<p>Et pour en exprimer l'amoureuse langueur,</p>
-<p class="i4"> Et cacher ce que je puis tre</p>
-<p class="i4"> Aux yeux qui m'imposent des lois,</p>
-<p class="i4"> J'ai pris la forme que tu vois. <span class="dalign">945</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> En tout vous tes un grand matre;</p>
-<p class="i4"> C'est ici que je le connois.</p>
-<p>Sous des dguisements de diverse nature</p>
-<p class="i4"> On a vu les Dieux amoureux</p>
-<p>Chercher soulager cette douce blessure <span class="dalign">950</span></p>
-<p>Que reoivent les c&oelig;urs de vos traits pleins de feux;</p>
-<p class="i3"> Mais en bon sens vous l'emportez sur eux;</p>
-<p class="i4"> Et voil la bonne figure</p>
-<p class="i4"> Pour avoir un succs heureux</p>
-<p>Prs de l'aimable sexe o l'on porte ses v&oelig;ux. <span class="dalign">955</span></p>
-<p>Oui, de ces formes-l l'assistance est bien forte;</p>
-<p class="i3"> Et sans parler ni de rang ni d'esprit,</p>
-<p>Qui peut trouver moyen d'tre fait de la sorte</p>
-<p class="i4"> Ne soupire gure crdit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> J'ai rsolu, mon cher Zphire,<span class="dalign">960</span></p>
-<p class="i4"> De demeurer ainsi toujours;</p>
-<p class="i3"> Et l'on ne peut le trouver redire</p>
-<p class="i4"> A l'an de tous les Amours.</p>
-<p>Il est temps de sortir de cette longue enfance</p>
-<p class="i4"> Qui fatigue ma patience;<span class="dalign">965</span></p>
-<p>Il est temps dsormais que je devienne grand.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Fort bien, vous ne pouvez mieux faire;</p>
-<p>Et vous entrez dans un mystre</p>
-<p>Qui ne demande rien d'enfant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce changement sans doute irritera ma mre.<span class="dalign">970</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je prvois l-dessus quelque peu de colre.</p>
-<p class="i4"> Bien que les disputes des ans</p>
-<p>Ne doivent point rgner parmi des immortelles,</p>
-<p>Votre mre Vnus est de l'humeur des belles,</p>
-<p class="i4"> Qui n'aiment point de grands enfants. <span class="dalign">975</span></p>
-<p class="i4"> Mais o je la trouve outrage,</p>
-<p>C'est dans le procd que l'on vous voit tenir;</p>
-<p class="i3"> Et c'est l'avoir trangement venge</p>
-<p>Que d'aimer la beaut qu'elle vouloit punir.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span></div>
-<p>Cette haine o ses v&oelig;ux prtendent que rponde<span class="dalign">980</span></p>
-<p>La puissance d'un fils que redoutent les Dieux....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Laissons cela, Zphire, et me dis si tes yeux</p>
-<p>Ne trouvent pas Psych la plus belle du monde.</p>
-<p>Est-il rien sur la terre, est-il rien dans les cieux</p>
-<p>Qui puisse lui ravir le titre glorieux <span class="dalign">985</span></p>
-<p class="i4"> De beaut sans seconde?</p>
-<p class="i4"> Mais je la vois, mon cher Zphire,</p>
-<p>Qui demeure surprise l'clat de ces lieux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ZPHIRE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous pouvez vous montrer pour finir son martyre,</p>
-<p class="i2"> Lui dcouvrir son destin glorieux, <span class="dalign">990</span></p>
-<p>Et vous dire entre vous tout ce que peuvent dire</p>
-<p class="i3"> Les soupirs, la bouche et les yeux.</p>
-<p>En confident discret, je sais ce qu'il faut faire</p>
-<p>Pour ne pas interrompre un amoureux mystre.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i7">PSYCH<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor">&nbsp;[329]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>O suis-je? et dans un lieu que je croyois barbare, <span class="dalign">995</span></p>
-<p>Quelle savante main a bti ce palais,</p>
-<p class="i4"> Que l'art, que la nature pare</p>
-<p class="i4"> De l'assemblage le plus rare</p>
-<p class="i4"> Que l'&oelig;il puisse admirer jamais?</p>
-<p class="i4"> Tout rit, tout brille, tout clate <span class="dalign">1000</span></p>
-<p class="i3"> Dans ces jardins, dans ces appartements,</p>
-<p class="i4"> Dont les pompeux ameublements</p>
-<p class="i4"> N'ont rien qui n'enchante et ne flatte;</p>
-<p>Et de quelque ct que tournent mes frayeurs,</p>
-<p>Je ne vois sous mes pas que de l'or ou des fleurs. <span class="dalign">1005</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le ciel auroit-il fait cet amas de merveilles</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span></div>
-<p class="i4"> Pour la demeure d'un serpent?</p>
-<p>Ou lorsque par leur vue il amuse et suspend</p>
-<p>De mon destin jaloux les rigueurs sans pareilles,</p>
-<p class="i4"> Veut-il montrer qu'il s'en repent? <span class="dalign">1010</span></p>
-<p>Non, non, c'est de sa haine, en cruauts fconde,</p>
-<p class="i4"> Le plus noir, le plus rude trait,</p>
-<p>Qui par une rigueur nouvelle et sans seconde,</p>
-<p class="i4"> N'tale ce choix qu'elle a fait</p>
-<p class="i4"> De ce qu'a de plus beau le monde, <span class="dalign">1015</span></p>
-<p>Qu'afin que je le quitte avec plus de regret.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Que mon espoir est ridicule,</p>
-<p class="i3"> S'il croit par l soulager mes douleurs!</p>
-<p>Tout autant de moments que ma mort se recule</p>
-<p class="i4"> Sont autant de nouveaux malheurs; <span class="dalign">1020</span></p>
-<p class="i3"> Plus elle tarde, et plus de fois je meurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne me fais plus languir, viens prendre ta victime,</p>
-<p class="i4"> Monstre qui dois me dchirer.</p>
-<p>Veux-tu que je te cherche, et faut-il que j'anime</p>
-<p class="i4"> Tes fureurs me dvorer? <span class="dalign">1025</span></p>
-<p>Si le ciel veut ma mort, si ma vie est un crime,</p>
-<p>De ce peu qui m'en reste ose enfin t'emparer.</p>
-<p class="i4"> Je suis lasse de murmurer</p>
-<p class="i4"> Contre un chtiment lgitime;</p>
-<p class="i4"> Je suis lasse de soupirer: <span class="dalign">1030</span></p>
-<p class="i4"> Viens que j'achve d'expirer.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-
-<p class="subt">L'AMOUR, PSYCH, ZPHIRE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le voil ce serpent, ce monstre impitoyable,</p>
-<p>Qu'un oracle tonnant pour vous a prpar,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span></div>
-<p>Et qui n'est pas peut-tre tel point effroyable</p>
-<p class="i4"> Que vous vous l'tes figur. <span class="dalign">1035</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous, Seigneur, vous seriez ce monstre dont l'oracle</p>
-<p class="i4"> A menac mes tristes jours,</p>
-<p>Vous qui semblez plutt un dieu qui par miracle</p>
-<p class="i3"> Daigne venir lui-mme mon secours!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel besoin de secours au milieu d'un empire <span class="dalign">1040</span></p>
-<p class="i4"> O tout ce qui respire</p>
-<p>N'attend que vos regards pour en prendre la loi,</p>
-<p>O vous n'avez craindre autre monstre que moi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'un monstre tel que vous inspire peu de crainte!</p>
-<p class="i4"> Et que, s'il a quelque poison, <span class="dalign">1045</span></p>
-<p class="i4"> Une me auroit peu de raison</p>
-<p class="i4"> De hasarder la moindre plainte</p>
-<p class="i4"> Contre une favorable atteinte</p>
-<p class="i4"> Dont tout le c&oelig;ur craindroit la gurison!</p>
-<p>A peine je vous vois, que mes frayeurs cesses<span class="dalign">1050</span></p>
-<p>Laissent vanouir l'image du trpas,</p>
-<p>Et que je sens couler dans mes veines glaces</p>
-<p>Un je ne sais quel feu que je ne connois pas.</p>
-<p>J'ai senti de l'estime et de la complaisance,</p>
-<p class="i3"> De l'amiti, de la reconnoissance; <span class="dalign">1055</span></p>
-<p>De la compassion les chagrins innocents</p>
-<p class="i4"> M'en ont fait sentir la puissance;</p>
-<p>Mais je n'ai point encor senti ce que je sens.</p>
-<p>Je ne sais ce que c'est; mais je sais qu'il me charme,</p>
-<p class="i4"> Que je n'en conois point d'alarme:<span class="dalign">1060</span></p>
-<p>Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer.</p>
-<p>Tout ce que j'ai senti n'agissoit point de mme,</p>
-<p class="i4"> Et je dirois que je vous aime,</p>
-<p>Seigneur, si je savois ce que c'est que d'aimer.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span></div>
-<p>Ne les dtournez point, ces yeux qui m'empoisonnent,</p>
-<p>Ces yeux tendres, ces yeux perants, mais amoureux,</p>
-<p>Qui semblent partager le trouble qu'ils me donnent.</p>
-<p class="i4"> Hlas! plus ils sont dangereux,</p>
-<p class="i3"> Plus je me plais m'attacher sur eux.</p>
-<p>Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre, <span class="dalign">1070</span></p>
-<p class="i4"> Vous dis-je plus que je ne dois,</p>
-<p>Moi de qui la pudeur devroit du moins attendre</p>
-<p>Que vous m'expliquassiez le trouble o je vous vois?</p>
-<p>Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire:</p>
-<p>Vos sens comme les miens paroissent interdits. <span class="dalign">1075</span></p>
-<p>C'est moi de m'en taire, vous de me le dire;</p>
-<p class="i3"> Et cependant c'est moi qui vous le dis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous avez eu, Psych, l'me toujours si dure,</p>
-<p class="i4"> Qu'il ne faut pas vous tonner</p>
-<p class="i4"> Si pour en rparer l'injure, <span class="dalign">1080</span></p>
-<p>L'Amour en ce moment se paye avec usure</p>
-<p class="i4"> De ceux qu'elle a d lui donner.</p>
-<p>Ce moment est venu qu'il faut que votre bouche</p>
-<p>Exhale des soupirs si longtemps retenus;</p>
-<p>Et qu'en vous arrachant cette humeur farouche,<span class="dalign">1085</span></p>
-<p>Un amas de transports aussi doux qu'inconnus,</p>
-<p>Aussi sensiblement tout la fois vous touche,</p>
-<p>Qu'ils ont d vous toucher durant tant de beaux jours</p>
-<p>Dont cette me insensible a profan le cours.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'aimer point, c'est donc un grand crime?<span class="dalign">1090</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En souffrez-vous un rude chtiment?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est punir assez doucement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est lui choisir sa peine lgitime,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span></div>
-<p>Et se faire justice, en ce glorieux jour,</p>
-<p>D'un manquement d'amour par un excs d'amour.<span class="dalign">1095</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Que n'ai-je t plus tt punie!</p>
-<p class="i4"> J'y mets le bonheur de ma vie.</p>
-<p>Je devrois en rougir, ou le dire plus bas;</p>
-<p class="i4"> Mais le supplice a trop d'appas.</p>
-<p>Permettez que tout haut je le die et redie: <span class="dalign">1100</span></p>
-<p>Je le dirois cent fois et n'en rougirois pas.</p>
-<p>Ce n'est point moi qui parle, et de votre prsence</p>
-<p>L'empire surprenant, l'aimable violence,</p>
-<p>Ds que je veux parler, s'empare de ma voix.</p>
-<p>C'est en vain qu'en secret ma pudeur s'en offense,<span class="dalign">1105</span></p>
-<p class="i4"> Que le sexe et la biensance</p>
-<p class="i4"> Osent me faire d'autres lois:</p>
-<p>Vos yeux de ma rponse eux-mmes font le choix;</p>
-<p>Et ma bouche, asservie leur toute-puissance,</p>
-<p>Ne me consulte plus sur ce que je me dois. <span class="dalign">1110</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Croyez, belle Psych, croyez ce qu'ils vous disent,</p>
-<p class="i4"> Ces yeux qui ne sont point jaloux:</p>
-<p class="i4"> Qu' l'envi les vtres m'instruisent</p>
-<p class="i4"> De tout ce qui se passe en vous.</p>
-<p class="i4"> Croyez-en ce c&oelig;ur qui soupire, <span class="dalign">1115</span></p>
-<p>Et qui, tant que le vtre y voudra repartir,</p>
-<p class="i4"> Vous dira bien plus, d'un soupir,</p>
-<p class="i4"> Que cent regards ne peuvent dire.</p>
-<p class="i4"> C'est le langage le plus doux,</p>
-<p class="i3"> C'est le plus fort, c'est le plus sr de tous.<span class="dalign">1120</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> L'intelligence en toit due</p>
-<p>A nos c&oelig;urs, pour les rendre galement contents.</p>
-<p class="i3"> J'ai soupir, vous m'avez entendue;</p>
-<p class="i4"> Vous soupirez, je vous entends;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span></div>
-<p class="i4"> Mais ne me laissez plus en doute, <span class="dalign">1125</span></p>
-<p>Seigneur, et dites-moi si par la mme route,</p>
-<p>Aprs moi, le Zphire ici vous a rendu,</p>
-<p class="i4"> Pour me dire ce que j'coute.</p>
-<p>Quand j'y suis arrive, tiez-vous attendu?</p>
-<p>Et quand vous lui parlez, tes-vous entendu? <span class="dalign">1130</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ai dans ce doux climat un souverain empire</p>
-<p class="i4"> Comme vous l'avez sur mon c&oelig;ur;</p>
-<p>L'Amour m'est favorable, et c'est en sa faveur</p>
-<p>Qu' mes ordres ole a soumis le Zphire.</p>
-<p>C'est l'Amour qui pour voir mes feux rcompenss,<span class="dalign">1135</span></p>
-<p class="i4"> Lui-mme a dict cet oracle</p>
-<p class="i4"> Par qui vos beaux jours menacs,</p>
-<p>D'une foule d'amants se sont dbarrasss,</p>
-<p>Et qui m'a dlivr de l'ternel obstacle</p>
-<p class="i4"> De tant de soupirs empresss, <span class="dalign">1140</span></p>
-<p>Qui ne mritoient pas de vous tre adresss.</p>
-<p>Ne me demandez point quelle est cette province,</p>
-<p class="i4"> Ni le nom de son prince;</p>
-<p class="i3"> Vous le saurez quand il en sera temps.</p>
-<p>Je veux vous acqurir, mais c'est par mes services,<span class="dalign">1145</span></p>
-<p>Par des soins assidus, et par des v&oelig;ux constants,</p>
-<p class="i3"> Par les amoureux sacrifices</p>
-<p class="i4"> De tout ce que je suis,</p>
-<p class="i4"> De tout ce que je puis,</p>
-<p>Sans que l'clat du rang pour moi vous sollicite,<span class="dalign">1150</span></p>
-<p>Sans que de mon pouvoir je me fasse un mrite;</p>
-<p>Et bien que souverain dans cet heureux sjour,</p>
-<p>Je ne vous veux, Psych, devoir qu' mon amour.</p>
-<p>Venez en admirer avec moi les merveilles,</p>
-<p>Princesse, et prparez vos yeux et vos oreilles <span class="dalign">1155</span></p>
-<p class="i3"> A ce qu'il a d'enchantements.</p>
-<p class="i3"> Vous y verrez des bois et des prairies</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span></div>
-<p class="i4"> Contester sur leurs agrments</p>
-<p class="i4"> Avec l'or et les pierreries;</p>
-<p class="i3"> Vous n'entendrez que des concerts charmants;<span class="dalign">1160</span></p>
-<p class="i3"> De cent beauts vous y serez servie,</p>
-<p>Qui vous adoreront sans vous porter envie,</p>
-<p class="i4"> Et brigueront tous moments,</p>
-<p class="i4"> D'une me soumise et ravie,</p>
-<p class="i4"> L'honneur de vos commandements. <span class="dalign">1165</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Mes volonts suivent les vtres:</p>
-<p class="i4"> Je n'en saurois plus avoir d'autres;</p>
-<p>Mais votre oracle enfin vient de me sparer</p>
-<p class="i4"> De deux s&oelig;urs, et du Roi mon pre,</p>
-<p class="i4"> Que mon trpas imaginaire <span class="dalign">1170</span></p>
-<p class="i4"> Rduit tous trois me pleurer.</p>
-<p>Pour dissiper l'erreur dont leur me accable</p>
-<p>De mortels dplaisirs se voit pour moi comble,</p>
-<p class="i4"> Souffrez que mes s&oelig;urs soient tmoins</p>
-<p class="i4"> Et de ma gloire et de vos soins; <span class="dalign">1175</span></p>
-<p>Prtez-leur, comme moi, les ailes du Zphire<a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor">&nbsp;[330]</a>,</p>
-<p class="i4"> Qui leur puissent de votre empire,</p>
-<p class="i3"> Ainsi qu' moi, faciliter l'accs:</p>
-<p class="i3"> Faites-leur voir en quel lieu je respire;</p>
-<p>Faites-leur de ma perte admirer le succs. <span class="dalign">1180</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous ne me donnez pas, Psych, toute votre me:</p>
-<p>Ce tendre souvenir d'un pre et de deux s&oelig;urs</p>
-<p class="i4"> Me vole une part des douceurs</p>
-<p class="i4"> Que je veux toutes pour ma flamme.</p>
-<p>N'ayez d'yeux que pour moi qui n'en ai que pour vous;</p>
-<p>Ne songez qu' m'aimer, ne songez qu' me plaire,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span></div>
-<p>Et quand de tels soucis osent vous en distraire....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Des tendresses du sang peut-on tre jaloux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le suis, ma Psych, de toute la nature:</p>
-<p>Les rayons du soleil vous baisent trop souvent;<span class="dalign">1190</span></p>
-<p>Vos cheveux souffrent trop les caresses du vent:</p>
-<p class="i4"> Ds qu'il les flatte, j'en murmure;</p>
-<p class="i4"> L'air mme que vous respirez</p>
-<p>Avec trop de plaisir passe par votre bouche;</p>
-<p class="i4"> Votre habit de trop prs vous touche; <span class="dalign">1195</span></p>
-<p class="i4"> Et sitt que vous soupirez,</p>
-<p class="i4"> Je ne sais quoi qui m'effarouche</p>
-<p>Craint parmi vos soupirs des soupirs gars.</p>
-<p>Mais vous voulez vos s&oelig;urs: allez, partez, Zphire;</p>
-<p class="i3"> Psych le veut, je ne l'en puis ddire. <span class="dalign">1200</span></p>
-<p class="stagedir">(Le Zphire s'envole.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand vous leur ferez voir ce bienheureux sjour,</p>
-<p class="i3"> De ses trsors faites-leur cent largesses,</p>
-<p class="i3"> Prodiguez-leur caresses sur caresses,</p>
-<p>Et du sang, s'il se peut, puisez les tendresses,</p>
-<p class="i4"> Pour vous rendre toute l'amour. <span class="dalign">1205</span></p>
-<p>Je n'y mlerai point d'importune prsence;</p>
-<p>Mais ne leur faites pas de si longs entretiens:</p>
-<p>Vous ne sauriez pour eux avoir de complaisance,</p>
-<p class="i4"> Que vous ne drobiez aux miens.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Votre amour me fait une grce<span class="dalign">1210</span></p>
-<p class="i4"> Dont je n'abuserai jamais.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons voir cependant ces jardins, ce palais,</p>
-<p>O vous ne verrez rien que votre clat n'efface.</p>
-<p>Et vous, petits Amours, et vous, jeunes Zphirs,</p>
-<p>Qui pour mes n'avez que de tendres soupirs,<span class="dalign">1215</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span></div>
-<p>Montrez tous l'envi ce qu' voir ma princesse</p>
-<p class="i4"> Vous avez senti d'allgresse.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3>TROISIME INTERMDE.</h3>
-<p class="blockquote">
-Il se fait une entre de ballet de quatre Amours et quatre Zphirs,
-interrompue deux fois par un dialogue chant par un Amour et
-un Zphir.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">LE ZPHIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Aimable jeunesse,</p>
-<p class="i2"> Suivez la tendresse;</p>
-<p class="i2"> Joignez aux beaux jours<span class="dalign">1220</span></p>
-<p class="i2"> La douceur des Amours.</p>
-<p class="i2"> C'est pour vous surprendre</p>
-<p class="i2"> Qu'on vous fait entendre</p>
-<p>Qu'il faut viter leurs soupirs</p>
-<p class="i1"> Et craindre leurs dsirs:<span class="dalign">1225</span></p>
-<p class="i2"> Laissez-vous apprendre</p>
-<p class="i2"> Quels sont leurs plaisirs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i1 small1">ILS CHANTENT ENSEMBLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Chacun est oblig d'aimer</p>
-<p class="i3"> A son tour;</p>
-<p>Et plus on a de quoi charmer,<span class="dalign">1230</span></p>
-<p class="i1"> Plus on doit l'Amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i3 small1">LE ZPHIR SEUL.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Un c&oelig;ur jeune et tendre</p>
-<p class="i2"> Est fait pour se rendre;</p>
-<p class="i2"> Il n'a point prendre</p>
-<p class="i2"> De fcheux dtour. <span class="dalign">1235</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Chacun est oblig d'aimer</p>
-<p class="i3"> A son tour;</p>
-<p>Et plus on a de quoi charmer,</p>
-<p class="i1"> Plus on doit l'Amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i3 small1">L'AMOUR SEUL.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Pourquoi se dfendre? <span class="dalign">1240</span></p>
-<p class="i2"> Que sert-il d'attendre?</p>
-<p class="i2"> Quand on perd un jour,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span></div>
-<p class="i1"> On le perd sans retour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Chacun est oblig d'aimer</p>
-<p class="i3"> A son tour; <span class="dalign">1245</span></p>
-<p>Et plus on a de quoi charmer,</p>
-<p class="i1"> Plus on doit l'Amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2">SECOND COUPLET.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">LE ZPHIR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> L'Amour a des charmes;</p>
-<p class="i2"> Rendons-lui les armes:</p>
-<p class="i2"> Ses soins et ses pleurs<span class="dalign">1250</span></p>
-<p class="i1"> Ne sont pas sans douceurs.</p>
-<p class="i2"> Un c&oelig;ur, pour le suivre,</p>
-<p class="i2"> A cent maux se livre.</p>
-<p>Il faut, pour goter ses appas,</p>
-<p class="i1"> Languir jusqu'au trpas; <span class="dalign">1255</span></p>
-<p class="i2"> Mais ce n'est pas vivre</p>
-<p class="i2"> Que de n'aimer pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i1 small1">ILS CHANTENT ENSEMBLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il faut des soins et des travaux</p>
-<p class="i2"> En aimant,</p>
-<p>On est pay de mille maux <span class="dalign">1260</span></p>
-<p class="i1"> Par un heureux moment.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">LE ZPHIR SEUL.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> On craint, on espre,</p>
-<p class="i2"> Il faut du mystre:</p>
-<p class="i2"> Mais on n'obtient gure</p>
-<p class="i2"> De bien sans tourment. <span class="dalign">1265</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il faut des soins et des travaux</p>
-<p class="i3"> En aimant,</p>
-<p>On est pay de mille maux</p>
-<p class="i1"> Par un heureux moment.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i3 small1">L'AMOUR SEUL.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Que peut-on mieux faire <span class="dalign">1270</span></p>
-<p class="i2"> Qu'aimer et que plaire?</p>
-<p class="i2"> C'est un soin charmant</p>
-<p class="i1"> Que l'emploi d'un amant.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i2 small1">LES DEUX ENSEMBLE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il faut des soins et des travaux</p>
-<p class="i3"> En aimant, <span class="dalign">1275</span></p>
-<p>On est pay de mille maux</p>
-<p class="i1"> Par un heureux moment.</p>
-<p class="hanging2">(Le thtre devient un autre palais magnifique, coup dans le fond
-par un vestibule, au travers duquel on voit un jardin superbe et
-charmant, dcor de plusieurs vases d'orangers, et d'arbres chargs
-de toutes sortes de fruits.)</p>
-</div></div>
-
-
-<div class="chapter">
-<h2 class="normal">ACTE IV.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">AGLAURE, CYDIPPE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'en puis plus, ma s&oelig;ur; j'ai vu trop de merveilles:</p>
-<p>L'avenir aura peine les bien concevoir;</p>
-<p>Le soleil, qui voit tout, et qui nous fait tout voir,<span class="dalign">1280</span></p>
-<p class="i4"> N'en a vu jamais<a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor">&nbsp;[331]</a> de pareilles.</p>
-<p class="i4"> Elles me chagrinent l'esprit;</p>
-<p>Et ce brillant palais, ce pompeux quipage,</p>
-<p class="i4"> Font un odieux talage</p>
-<p>Qui m'accable de honte autant que de dpit. <span class="dalign">1285</span></p>
-<p class="i3"> Que la fortune indignement nous traite<a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor">&nbsp;[332]</a>!</p>
-<p class="i4"> Et que sa largesse indiscrte</p>
-<p>Prodigue aveuglment, puise, unit d'efforts,</p>
-<p class="i4"> Pour faire de tant de trsors</p>
-<p class="i4"> Le partage d'une cadette! <span class="dalign">1290</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> J'entre dans tous vos sentiments,</p>
-<p>J'ai les mmes chagrins; et dans ces lieux charmants,</p>
-<p class="i4"> Tout ce qui vous dplat me blesse;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span></div>
-<p>Tout ce que vous prenez pour un mortel affront,</p>
-<p class="i4"> Comme vous, m'accable et me laisse <span class="dalign">1295</span></p>
-<p>L'amertume dans l'me et la rougeur au front.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Non, ma s&oelig;ur, il n'est point de reines</p>
-<p>Qui dans leur propre tat parlent en souveraines</p>
-<p class="i4"> Comme Psych parle en ces lieux.</p>
-<p>On l'y voit obie avec exactitude, <span class="dalign">1300</span></p>
-<p>Et de ses volonts une amoureuse tude</p>
-<p class="i4"> Les cherche jusque dans ses yeux.</p>
-<p class="i3"> Mille beauts s'empressent autour d'elle,</p>
-<p class="i3"> Et semblent dire nos regards jaloux:</p>
-<p>Quels que soient nos attraits, elle est encor plus belle;</p>
-<p>Et nous, qui la servons, le sommes plus que vous.</p>
-<p class="i4"> Elle prononce, on excute;</p>
-<p>Aucun ne s'en dfend, aucun ne s'en rebute.</p>
-<p class="i4"> Flore, qui s'attache ses pas,</p>
-<p>Rpand pleines mains autour de sa personne <span class="dalign">1310</span></p>
-<p class="i4"> Ce qu'elle a de plus doux appas;</p>
-<p class="i3"> Zphire vole aux ordres qu'elle donne<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor">&nbsp;[333]</a>;</p>
-<p>Et son amante et lui, s'en laissant trop charmer,</p>
-<p>Quittent pour la servir les soins de s'entr'aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Elle a des Dieux son service, <span class="dalign">1315</span></p>
-<p class="i4"> Elle aura bientt des autels<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor">&nbsp;[334]</a>;</p>
-<p>Et nous ne commandons qu' de chtifs mortels</p>
-<p class="i4"> De qui l'audace et le caprice,</p>
-<p>Contre nous toute heure en secret rvolts,</p>
-<p class="i4"> Opposent nos volonts <span class="dalign">1320</span></p>
-<p class="i4"> Ou le murmure ou l'artifice!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> C'toit peu que dans notre cour</p>
-<p>Tant de c&oelig;urs l'envi nous l'eussent prfre;</p>
-<p>Ce n'toit pas assez que de nuit et de jour</p>
-<p>D'une foule d'amants elle y ft adore: <span class="dalign">1325</span></p>
-<p>Quand nous nous consolions de la voir au tombeau</p>
-<p class="i4"> Par l'ordre imprvu d'un oracle,</p>
-<p class="i3"> Elle a voulu de son destin nouveau</p>
-<p>Faire en notre prsence clater le miracle,</p>
-<p class="i4"> Et choisi nos yeux pour tmoins <span class="dalign">1330</span></p>
-<p>De ce qu'au fond du c&oelig;ur nous souhaitions le moins.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ce qui le plus me dsespre,</p>
-<p>C'est cet amant parfait et si digne de plaire</p>
-<p class="i4"> Qui se captive sous ses lois.</p>
-<p>Quand nous pourrions choisir entre tous les monarques,</p>
-<p class="i4"> En est-il un, de tant de rois,</p>
-<p class="i4"> Qui porte de si nobles marques?</p>
-<p class="i3"> Se voir du bien par del ses souhaits,</p>
-<p>N'est souvent qu'un bonheur qui fait des misrables;</p>
-<p>Il n'est ni train pompeux, ni superbes palais <span class="dalign">1340</span></p>
-<p>Qui n'ouvrent quelque porte des maux incurables;</p>
-<p>Mais avoir un amant d'un mrite achev,</p>
-<p class="i4"> Et s'en voir chrement aime,</p>
-<p class="i3"> C'est un bonheur si haut, si relev,</p>
-<p class="i3"> Que sa grandeur ne peut tre exprime<a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor">&nbsp;[335]</a>.<span class="dalign">1345</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'en parlons plus, ma s&oelig;ur, nous en mourrions d'ennui:</p>
-<p class="i4"> Songeons plutt la vengeance;</p>
-<p>Et trouvons le moyen de rompre entre elle et lui</p>
-<p class="i4"> Cette adorable intelligence<a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor">&nbsp;[336]</a>.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span></div>
-<p>La voici. J'ai des coups tous prts<a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor">&nbsp;[337]</a> lui porter <span class="dalign">1350</span></p>
-<p class="i4"> Qu'elle aura peine d'viter.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-
-<p class="subt">PSYCH, AGLAURE, CYDIPPE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i1"> Je viens vous dire adieu; mon amant vous renvoie,</p>
-<p class="i4"> Et ne sauroit plus endurer</p>
-<p>Que vous lui retranchiez un moment de la joie</p>
-<p>Qu'il prend de se voir seul me considrer: <span class="dalign">1355</span></p>
-<p>Dans un simple regard, dans la moindre parole,</p>
-<p class="i4"> Son amour trouve des douceurs,</p>
-<p class="i4"> Qu'en faveur du sang je lui vole,</p>
-<p class="i4"> Quand je les partage des s&oelig;urs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> La jalousie est assez fine; <span class="dalign">1360</span></p>
-<p class="i4"> Et ces dlicats sentiments</p>
-<p class="i4"> Mritent bien qu'on s'imagine</p>
-<p>Que celui qui pour vous a ces empressements</p>
-<p class="i4"> Passe le commun des amants.</p>
-<p>Je vous en parle ainsi, faute de le connotre. <span class="dalign">1365</span></p>
-<p>Vous ignorez son nom et ceux dont il tient l'tre;</p>
-<p class="i4"> Nos esprits en sont alarms.</p>
-<p>Je le tiens un grand prince, et d'un pouvoir suprme,</p>
-<p class="i4"> Bien au del du diadme;</p>
-<p>Ses trsors sous vos pas confusment sems. <span class="dalign">1370</span></p>
-<p>Ont de quoi faire honte l'abondance mme.</p>
-<p class="i4"> Vous l'aimez autant qu'il vous aime;</p>
-<p class="i4"> Il vous charme, et vous le charmez:</p>
-<p>Votre flicit, ma s&oelig;ur, seroit extrme</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span></div>
-<p class="i4"> Si vous saviez qui vous aimez. <span class="dalign">1375</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Que m'importe? j'en suis aime:</p>
-<p class="i4"> Plus il me voit, plus je lui plais.</p>
-<p>Il n'est point de plaisirs dont l'me soit charme</p>
-<p class="i4"> Qui ne prviennent mes souhaits;</p>
-<p>Et je vois mal de quoi la vtre est alarme, <span class="dalign">1380</span></p>
-<p class="i4"> Quand tout me sert dans ce palais.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<div><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Qu'importe qu'ici tout vous serve,</p>
-<p>Si toujours cet amant vous cache ce qu'il est?</p>
-<p>Nous ne nous alarmons que pour votre intrt.</p>
-<p>En vain tout vous y rit, en vain tout vous y plat;<span class="dalign">1385</span></p>
-<p>Le vritable amour ne fait point de rserve;</p>
-<p class="i4"> Et qui s'obstine se cacher</p>
-<p>Sent quelque chose en soi qu'on lui peut reprocher.</p>
-<p class="i4"> Si cet amant devient volage,</p>
-<p>Car souvent en amour le change est assez doux;<span class="dalign">1390</span></p>
-<p class="i4"> Et j'ose le dire entre nous,</p>
-<p>Pour grand que soit l'clat dont brille ce visage,</p>
-<p>Il en peut tre ailleurs d'aussi belles que vous;</p>
-<p>Si, dis-je, un autre objet sous d'autres lois l'engage,</p>
-<p class="i4"> Si dans l'tat o je vous voi,<span class="dalign">1395</span></p>
-<p class="i4"> Seule en ses mains et sans dfense,</p>
-<p class="i4"> Il va jusqu' la violence,</p>
-<p class="i4"> Sur qui vous vengera le Roi,</p>
-<p>Ou de ce changement ou de cette insolence?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ma s&oelig;ur, vous me faites trembler. <span class="dalign">1400</span></p>
-<p>Juste ciel! pourrois-je tre assez infortune....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que sait-on si dj les n&oelig;uds de l'hymne....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> N'achevez pas, ce seroit m'accabler.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Je n'ai plus qu'un mot vous dire.</p>
-<p>Ce prince qui vous aime, et qui commande aux vents,<span class="dalign">1405</span></p>
-<p>Qui nous donne pour char les ailes du Zphire,</p>
-<p>Et de nouveaux plaisirs vous comble tous moments,</p>
-<p>Quand il rompt vos yeux l'ordre de la nature,</p>
-<p>Peut-tre tant d'amour mle un peu d'imposture;</p>
-<p>Peut-tre ce palais n'est qu'un enchantement; <span class="dalign">1410</span></p>
-<p>Et ces lambris dors, ces amas de richesses</p>
-<p class="i4"> Dont il achte vos tendresses,</p>
-<p>Ds qu'il sera lass de souffrir vos caresses,</p>
-<p class="i4"> Disparotront en un moment.</p>
-<p>Vous savez comme nous ce que peuvent les charmes. <span class="dalign">1415</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que je sens mon tour de cruelles alarmes!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Notre amiti ne veut que votre bien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Adieu, mes s&oelig;urs: finissons l'entretien;</p>
-<p class="i3"> J'aime, et je crains qu'on ne s'impatiente.</p>
-<p class="i4"> Partez; et demain, si je puis, <span class="dalign">1420</span></p>
-<p class="i4"> Vous me verrez ou plus contente,</p>
-<p>Ou dans l'accablement des plus mortels ennuis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous allons dire au Roi quelle nouvelle gloire,</p>
-<p>Quel excs de bonheur le ciel rpand sur vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">CYDIPPE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous allons lui conter d'un changement si doux <span class="dalign">1425</span></p>
-<p class="i3"> La surprenante et merveilleuse histoire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne l'inquitez point, ma s&oelig;ur, de vos soupons;</p>
-<p>Et quand vous lui peindrez un si charmant empire....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGLAURE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous savons toutes deux ce qu'il faut taire ou dire,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span></div>
-<p>Et n'avons pas besoin, sur ce point, de leons. <span class="dalign">1430</span></p>
-<p class="stagedir">(Le Zphire enlve les deux s&oelig;urs de Psych dans un nuage qui descend
-jusqu' terre, et dans lequel il les emporte avec rapidit.)</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">L'AMOUR, PSYCH.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Enfin vous tes seule, et je puis vous redire,</p>
-<p>Sans avoir pour tmoins vos importunes s&oelig;urs,</p>
-<p>Ce que des yeux si beaux ont pris sur moi d'empire,</p>
-<p class="i4"> Et quel excs ont les douceurs</p>
-<p class="i4"> Qu'une sincre ardeur inspire, <span class="dalign">1435</span></p>
-<p class="i4"> Sitt qu'elle assemble deux c&oelig;urs.</p>
-<p>Je puis vous expliquer de mon me ravie</p>
-<p class="i4"> Les amoureux empressements,</p>
-<p class="i3"> Et vous jurer qu' vous seule asservie</p>
-<p>Elle n'a pour objet de ses ravissements <span class="dalign">1440</span></p>
-<p>Que de voir cette ardeur, de mme ardeur suivie,</p>
-<p class="i4"> Ne concevoir plus d'autre envie</p>
-<p class="i3"> Que de rgler mes v&oelig;ux sur vos dsirs,</p>
-<p>Et de ce qui vous plat faire tous mes plaisirs.</p>
-<p class="i4"> Mais d'o vient qu'un triste nuage <span class="dalign">1445</span></p>
-<p class="i3"> Semble offusquer l'clat de ces beaux yeux?</p>
-<p class="i3"> Vous manque-t-il quelque chose en ces lieux?</p>
-<p>Des v&oelig;ux qu'on vous y rend ddaignez-vous l'hommage?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Seigneur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Qu'est-ce donc? et d'o vient mon malheur?</p>
-<p>J'entends moins de soupirs d'amour que de douleur; <span class="dalign">1450</span></p>
-<p>Je vois de votre teint les roses amorties</p>
-<p class="i4"> Marquer un dplaisir secret;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span></div>
-<p class="i4"> Vos s&oelig;urs peine sont parties</p>
-<p class="i4"> Que vous soupirez de regret.</p>
-<p>Ah! Psych, de deux c&oelig;urs quand l'ardeur est la mme, <span class="dalign">1455</span></p>
-<p class="i4"> Ont-ils des soupirs diffrents?</p>
-<p>Et quand on aime bien, et qu'on voit ce qu'on aime,</p>
-<p class="i4"> Peut-on songer des parents?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ce n'est point l ce qui m'afflige.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Est-ce l'absence d'un rival, <span class="dalign">1460</span></p>
-<p>Et d'un rival aim, qui fait qu'on me nglige?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dans un c&oelig;ur tout vous que vous pntrez mal!</p>
-<p>Je vous aime, Seigneur, et mon amour s'irrite</p>
-<p>De l'indigne soupon que vous avez form.</p>
-<p>Vous ne connoissez pas quel est votre mrite,<span class="dalign">1465</span></p>
-<p class="i4"> Si vous craignez de n'tre pas aim.</p>
-<p>Je vous aime; et depuis que j'ai vu la lumire,</p>
-<p class="i4"> Je me suis montre assez fire</p>
-<p class="i3"> Pour ddaigner les v&oelig;ux de plus d'un roi;</p>
-<p>Et s'il vous faut ouvrir mon me toute entire, <span class="dalign">1470</span></p>
-<p>Je n'ai trouv que vous qui ft digne de moi.</p>
-<p class="i4"> Cependant j'ai quelque tristesse</p>
-<p class="i4"> Qu'en vain je voudrois vous cacher:</p>
-<p>Un noir chagrin se mle toute ma tendresse,</p>
-<p class="i4"> Dont je ne la puis dtacher. <span class="dalign">1475</span></p>
-<p class="i4"> Ne m'en demandez point la cause:</p>
-<p>Peut-tre la sachant voudrez-vous m'en punir,</p>
-<p>Et si j'ose aspirer encore quelque chose,</p>
-<p>Je suis sre du moins de ne point l'obtenir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et ne craignez-vous point qu' mon tour je m'irrite<span class="dalign">1480</span></p>
-<p>Que vous connoissiez mal quel est votre mrite,</p>
-<p class="i4"> Ou feigniez de ne pas savoir</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span></div>
-<p class="i3"> Quel est sur moi votre absolu pouvoir?</p>
-<p>Ah! si vous en doutez, soyez dsabuse.</p>
-<p>Parlez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> J'aurai l'affront de me voir refuse. <span class="dalign">1485</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Prenez en ma faveur de meilleurs sentiments,</p>
-<p class="i4"> L'exprience en est aise:</p>
-<p>Parlez, tout se tient prt vos commandements.</p>
-<p class="i3"> Si pour m'en croire il vous faut des serments,</p>
-<p>J'en jure vos beaux yeux, ces matres de mon me,<span class="dalign">1490</span></p>
-<p class="i4"> Ces divins auteurs de ma flamme;</p>
-<p>Et si ce n'est assez d'en jurer vos beaux yeux,</p>
-<p>J'en jure par le Styx, comme jurent les Dieux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ose craindre un peu moins aprs cette assurance.</p>
-<p>Seigneur, je vois ici la pompe et l'abondance,<span class="dalign">1495</span></p>
-<p class="i4"> Je vous adore, et vous m'aimez,</p>
-<p>Mon c&oelig;ur en est ravi, mes sens en sont charms;</p>
-<p class="i4"> Mais parmi ce bonheur suprme,</p>
-<p class="i3"> J'ai le malheur de ne savoir qui j'aime.</p>
-<p class="i4"> Dissipez cet aveuglement, <span class="dalign">1500</span></p>
-<p>Et faites-moi connotre un si parfait amant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Psych, que venez-vous de dire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Que c'est le bonheur o j'aspire;</p>
-<p class="i4"> Et si vous ne me l'accordez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Je l'ai jur, je n'en suis plus le matre;<span class="dalign">1505</span></p>
-<p>Mais vous ne savez pas ce que vous demandez.</p>
-<p>Laissez-moi mon secret. Si je me fais connotre,</p>
-<p class="i4"> Je vous perds, et vous me perdez.</p>
-<p class="i3"> Le seul remde est de vous en ddire.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> C'est l sur vous mon souverain empire? <span class="dalign">1510</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Vous pouvez tout, et je suis tout vous;</p>
-<p class="i4"> Mais si nos feux vous semblent doux,</p>
-<p>Ne mettez point d'obstacle leur charmante suite;</p>
-<p class="i4"> Ne me forcez point la fuite:</p>
-<p>C'est le moindre malheur qui nous puisse arriver<span class="dalign">1515</span></p>
-<p class="i4"> D'un souhait qui vous a sduite.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Seigneur, vous voulez m'prouver;</p>
-<p class="i4"> Mais je sais ce que j'en dois croire.</p>
-<p>De grce, apprenez-moi tout l'excs de ma gloire,</p>
-<p>Et ne me cachez plus pour quel illustre choix<span class="dalign">1520</span></p>
-<p class="i3"> J'ai rejet les v&oelig;ux de tant de rois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le voulez-vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Souffrez que je vous en conjure.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si vous saviez, Psych, la cruelle aventure</p>
-<p class="i4"> Que par l vous vous attirez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Seigneur, vous me dsesprez. <span class="dalign">1525</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Pensez-y bien, je puis encor me taire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Faites-vous des serments pour n'y point satisfaire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! je suis le dieu le plus puissant des Dieux,</p>
-<p>Absolu sur la terre, absolu dans les cieux;</p>
-<p>Dans les eaux, dans les airs mon pouvoir est suprme: <span class="dalign">1530</span></p>
-<p class="i4"> En un mot, je suis l'Amour mme,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span></div>
-<p>Qui de mes propres traits m'tois bless pour vous<a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor">&nbsp;[338]</a>;</p>
-<p>Et sans la violence, hlas! que vous me faites,</p>
-<p>Et qui vient de changer mon amour en courroux,</p>
-<p class="i4"> Vous m'alliez avoir pour poux. <span class="dalign">1535</span></p>
-<p class="i4"> Vos volonts sont satisfaites,</p>
-<p class="i4"> Vous avez su qui vous aimiez,</p>
-<p class="i3"> Vous connoissez l'amant que vous charmiez;</p>
-<p class="i4"> Psych, voyez o vous en tes:</p>
-<p class="i3"> Vous me forcez vous-mme vous quitter; <span class="dalign">1540</span></p>
-<p class="i3"> Vous me forcez vous-mme vous ter</p>
-<p class="i4"> Tout l'effet de votre victoire.</p>
-<p>Peut-tre vos beaux yeux ne me reverront plus.</p>
-<p>Ce palais, ces jardins, avec moi disparus,</p>
-<p>Vont faire vanouir votre naissante gloire. <span class="dalign">1545</span></p>
-<p class="i4"> Vous n'avez pas voulu m'en croire<a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor">&nbsp;[339]</a>;</p>
-<p class="i3"> Et pour tout fruit de ce doute clairci,</p>
-<p class="i4"> Le Destin, sous qui le ciel tremble,</p>
-<p>Plus fort que mon amour, que tous les Dieux ensemble,</p>
-<p>Vous va montrer sa haine, et me chasse d'ici. <span class="dalign">1550</span></p>
-<p class="stagedir">(L'Amour disparot, et dans l'instant qu'il s'envole, le superbe jardin
-s'vanouit. Psych demeure seule au milieu d'une vaste campagne,
-et sur le bord sauvage d'un grand fleuve o elle se veut prcipiter.
-Le dieu du fleuve parot, assis sur un amas de joncs et de roseaux, et
-appuy sur une grande urne, d'o sort une grosse source d'eau.)</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">PSYCH<a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor">&nbsp;[340]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Cruel destin! funeste inquitude!</p>
-<p class="i4"> Fatale curiosit!</p>
-<p class="i3"> Qu'avez-vous fait, affreuse solitude,</p>
-<p class="i4"> De toute ma flicit?</p>
-<p class="i3"> J'aimois un dieu, j'en tois adore,<span class="dalign">1555</span></p>
-<p>Mon bonheur redoubloit de moment en moment;</p>
-<p class="i4"> Et je me vois seule, plore,</p>
-<p>Au milieu d'un dsert, o pour accablement,</p>
-<p class="i4"> Et confuse et dsespre,</p>
-<p>Je sens crotre l'amour, quand j'ai perdu l'amant.<span class="dalign">1560</span></p>
-<p class="i3"> Le souvenir m'en charme et m'empoisonne;</p>
-<p>Sa douceur tyrannise un c&oelig;ur infortun</p>
-<p>Qu'aux plus cuisants chagrins ma flamme a condamn.</p>
-<p class="i4"> O ciel! quand l'Amour m'abandonne,</p>
-<p>Pourquoi me laisse-t-il l'amour qu'il m'a donn? <span class="dalign">1565</span></p>
-<p>Source de tous les biens, inpuisable et pure,</p>
-<p class="i4"> Matre des hommes et des Dieux,</p>
-<p class="i4"> Cher auteur des maux que j'endure,</p>
-<p>tes-vous pour jamais disparu de mes yeux<a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor">&nbsp;[341]</a>?</p>
-<p class="i4"> Je vous en ai banni moi-mme: <span class="dalign">1570</span></p>
-<p>Dans un excs d'amour, dans un bonheur extrme,</p>
-<p>D'un indigne soupon mon c&oelig;ur s'est alarm.</p>
-<p>C&oelig;ur ingrat, tu n'avois qu'un feu mal allum;</p>
-<p>Et l'on ne peut vouloir, du moment que l'on aime,</p>
-<p class="i4"> Que ce que veut l'objet aim. <span class="dalign">1575</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span></div>
-<p>Mourons, c'est le parti qui seul me reste suivre</p>
-<p class="i4"> Aprs la perte que je fais.</p>
-<p class="i4"> Pour qui, grands Dieux! voudrois-je vivre?</p>
-<p class="i4"> Et pour qui former des souhaits?</p>
-<p>Fleuve, de qui les eaux baignent ces tristes sables,<span class="dalign">1580</span></p>
-<p class="i3"> Ensevelis mon crime dans tes flots;</p>
-<p class="i3"> Et pour finir des maux si dplorables,</p>
-<p>Laisse-moi dans ton lit assurer mon repos.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">LE DIEU DU FLEUVE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ton trpas souilleroit mes ondes,</p>
-<p class="i4"> Psych<a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor">&nbsp;[342]</a>: le ciel te le dfend; <span class="dalign">1585</span></p>
-<p>Et peut-tre qu'aprs des douleurs si profondes</p>
-<p class="i4"> Un autre sort t'attend.</p>
-<p>Fuis plutt de Vnus l'implacable colre.</p>
-<p>Je la vois qui te cherche et qui te veut punir:</p>
-<p>L'amour du fils a fait la haine de la mre. <span class="dalign">1590</span></p>
-<p class="i4"> Fuis, je saurai la retenir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> J'attends ses fureurs vengeresses:</p>
-<p>Qu'auront-elles pour moi qui ne me soit trop doux?</p>
-<p>Qui cherche le trpas ne craint dieux ni desses,</p>
-<p class="i3"> Et peut braver tout leur courroux. <span class="dalign">1595</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">VNUS, PSYCH.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Orgueilleuse Psych, vous m'osez donc attendre</p>
-<p>Aprs m'avoir sur terre enlev mes honneurs,</p>
-<p class="i4"> Aprs que vos traits suborneurs</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span></div>
-<p>Ont reu les encens qu'aux miens seuls on doit rendre?</p>
-<p class="i4"> J'ai vu mes temples dserts; <span class="dalign">1600</span></p>
-<p>J'ai vu tous les mortels, sduits par vos beauts,</p>
-<p>Idoltrer en vous la beaut souveraine,</p>
-<p>Vous offrir des respects jusqu'alors inconnus,</p>
-<p class="i4"> Et ne se mettre pas en peine</p>
-<p class="i4"> S'il toit une autre Vnus; <span class="dalign">1605</span></p>
-<p class="i4"> Et je vous vois encor l'audace</p>
-<p>De n'en pas redouter les justes chtiments,</p>
-<p class="i4"> Et de me regarder en face,</p>
-<p>Comme si c'toit peu que mes ressentiments!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si de quelques mortels on m'a vue adore,<span class="dalign">1610</span></p>
-<p>Est-ce un crime pour moi d'avoir eu des appas</p>
-<p class="i4"> Dont leur me inconsidre</p>
-<p>Laissoit charmer des yeux qui ne vous voyoient pas?</p>
-<p class="i4"> Je suis ce que le ciel m'a faite,</p>
-<p>Je n'ai que les beauts qu'il m'a voulu prter.<span class="dalign">1615</span></p>
-<p>Si les v&oelig;ux qu'on m'offroit vous ont mal satisfaite,</p>
-<p>Pour forcer tous les c&oelig;urs vous les reporter,</p>
-<p class="i4"> Vous n'aviez qu' vous prsenter,</p>
-<p>Qu' ne leur cacher plus cette beaut parfaite</p>
-<p class="i4"> Qui pour les rendre leur devoir, <span class="dalign">1620</span></p>
-<p>Pour se faire adorer, n'a qu' se faire voir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Il falloit vous en mieux dfendre.</p>
-<p>Ces respects, ces encens, se devoient refuser<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor">&nbsp;[343]</a>;</p>
-<p class="i4"> Et pour les mieux dsabuser,</p>
-<p>Il falloit leurs yeux vous-mme me les rendre. <span class="dalign">1625</span></p>
-<p class="i4"> Vous avez aim cette erreur</p>
-<p>Pour qui vous ne deviez avoir que de l'horreur;</p>
-<p>Vous avez bien fait plus: votre humeur arrogante,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span></div>
-<p class="i4"> Sur le mpris de mille rois,</p>
-<p>Jusques aux cieux a port de son choix <span class="dalign">1630</span></p>
-<p class="i4"> L'ambition extravagante.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'aurois port mon choix, Desse, jusqu'aux cieux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Votre insolence est sans seconde.</p>
-<p class="i4"> Ddaigner tous les rois du monde,</p>
-<p class="i4"> N'est-ce pas aspirer aux Dieux? <span class="dalign">1635</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si l'Amour pour eux tous m'avoit endurci l'me,</p>
-<p class="i4"> Et me rservoit toute lui,</p>
-<p>En puis-je tre coupable? et faut-il qu'aujourd'hui,</p>
-<p class="i4"> Pour prix d'une si belle flamme,</p>
-<p>Vous vouliez m'accabler d'un ternel ennui? <span class="dalign">1640</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Psych, vous deviez mieux connotre</p>
-<p class="i3"> Qui vous tiez, et quel toit ce dieu.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et m'en a-t-il donn ni le temps ni le lieu,</p>
-<p>Lui qui de tout mon c&oelig;ur d'abord s'est rendu matre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Tout votre c&oelig;ur s'en est laiss charmer,<span class="dalign">1645</span></p>
-<p>Et vous l'avez aim, ds qu'il vous a dit: J'aime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pouvois-je n'aimer pas le dieu qui fait aimer,</p>
-<p class="i4"> Et qui me parloit pour lui-mme?</p>
-<p class="i3"> C'est votre fils: vous savez son pouvoir;</p>
-<p class="i4"> Vous en connoissez le mrite. <span class="dalign">1650</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Oui, c'est mon fils; mais un fils qui m'irrite;</p>
-<p>Un fils qui me rend mal ce qu'il sait me devoir;</p>
-<p class="i4"> Un fils qui fait qu'on m'abandonne,</p>
-<p>Et qui pour mieux flatter ses indignes amours,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span></div>
-<p>Depuis que vous l'aimez ne blesse plus personne<span class="dalign">1655</span></p>
-<p>Qui vienne mes autels implorer mon secours.</p>
-<p class="i4"> Vous m'en avez fait un rebelle,</p>
-<p>On m'en verra venge, et hautement, sur vous;</p>
-<p>Et je vous apprendrai s'il faut qu'une mortelle</p>
-<p class="i3"> Souffre qu'un dieu soupire ses genoux.<span class="dalign">1660</span></p>
-<p>Suivez-moi; vous verrez, par votre exprience,</p>
-<p class="i4"> A quelle folle confiance</p>
-<p class="i4"> Vous portoit cette ambition.</p>
-<p>Venez, et prparez autant de patience</p>
-<p class="i4"> Qu'on vous voit de prsomption. <span class="dalign">1665</span></p>
-</div></div>
-
-<h3>QUATRIME INTERMDE.</h3>
-
-<p class="blockquote">
-La scne reprsente les enfers. On y voit une mer toute de feu, dont
-les flots sont dans une perptuelle agitation. Cette mer effroyable
-est borne par des ruines enflammes; et au milieu de ses flots
-agits, au travers d'une gueule affreuse, parot le palais infernal
-de Pluton. Huit Furies en sortent, et forment une entre de ballet,
-o elles se rjouissent de la rage qu'elles ont allume dans
-l'me de la plus douce des divinits. Un Lutin mle quantit de
-sauts prilleux leurs danses, cependant que Psych, qui a pass
-aux enfers par le commandement de Vnus, repasse dans la barque
-de Charon avec la bote qu'elle a reue de Proserpine pour cette
-desse.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE V.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2">Effroyables replis des ondes infernales,</p>
-<p>Noirs palais o Mgre et ses s&oelig;urs font leur cour,</p>
-<p class="i4"> ternels ennemis du jour,</p>
-<p>Parmi vos Ixions et parmi vos Tantales,</p>
-<p>Parmi tant de tourments qui n'ont point d'intervalles, <span class="dalign">1670</span></p>
-<p class="i4"> Est-il dans votre affreux sjour</p>
-<p class="i4"> Quelques peines qui soient gales</p>
-<p>Aux travaux o Vnus condamne mon amour?</p>
-<p class="i4"> Elle n'en peut tre assouvie;</p>
-<p>Et depuis qu' ses lois je me trouve asservie,<span class="dalign">1675</span></p>
-<p>Depuis qu'elle me livre ses ressentiments,</p>
-<p class="i4"> Il m'a fallu dans ces cruels moments</p>
-<p class="i4"> Plus d'une me et plus d'une vie,</p>
-<p class="i4"> Pour remplir ses commandements.</p>
-<p class="i4"> Je souffrirois tout avec joie, <span class="dalign">1680</span></p>
-<p>Si parmi les rigueurs que sa haine dploie</p>
-<p>Mes yeux pouvoient revoir, ne ft-ce qu'un moment,</p>
-<p class="i4"> Ce cher, cet adorable amant.</p>
-<p>Je n'ose le nommer: ma bouche, criminelle</p>
-<p class="i4"> D'avoir trop exig de lui, <span class="dalign">1685</span></p>
-<p>S'en est rendue indigne; et dans ce dur ennui,</p>
-<p class="i4"> La souffrance la plus mortelle</p>
-<p>Dont m'accable toute heure un renaissant trpas,</p>
-<p class="i4"> Est celle de ne le voir pas.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span></div>
-<p class="i4"> Si son courroux duroit encore, <span class="dalign">1690</span></p>
-<p>Jamais aucun malheur n'approcheroit du mien;</p>
-<p>Mais s'il avoit piti d'une me qui l'adore,</p>
-<p>Quoi qu'il fallt souffrir, je ne souffrirois rien.</p>
-<p>Oui, destins, s'il calmoit cette juste colre,</p>
-<p class="i4"> Tous mes malheurs seroient finis: <span class="dalign">1695</span></p>
-<p>Pour me rendre insensible aux fureurs de la mre,</p>
-<p class="i4"> Il ne faut qu'un regard du fils<a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor">&nbsp;[344]</a>.</p>
-<p>Je n'en veux plus douter, il partage ma peine:</p>
-<p>Il voit ce que je souffre et souffre comme moi;</p>
-<p class="i4"> Tout ce que j'endure le gne; <span class="dalign">1700</span></p>
-<p>Lui-mme il s'en impose une amoureuse loi.</p>
-<p>En dpit de Vnus, en dpit de mon crime,</p>
-<p>C'est lui qui me soutient, c'est lui qui me ranime</p>
-<p>Au milieu des prils o l'on me fait courir;</p>
-<p>Il garde la tendresse o son feu le convie, <span class="dalign">1705</span></p>
-<p>Et prend soin de me rendre une nouvelle vie,</p>
-<p class="i4"> Chaque fois qu'il me faut mourir.</p>
-<p class="i4"> Mais que me veulent ces deux ombres</p>
-<p>Qu' travers le faux jour de ces demeures sombres</p>
-<p class="i4"> J'entrevois s'avancer vers moi? <span class="dalign">1710</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">PSYCH, CLOMNE, AGNOR.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Clomne, Agnor, est-ce vous que je voi?</p>
-<p class="i4"> Qui vous a ravi la lumire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La plus juste douleur qui d'un beau dsespoir</p>
-<p class="i4"> Nous et pu fournir la matire;</p>
-<p>Cette pompe funbre o du sort le plus noir <span class="dalign">1715</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span></div>
-<p class="i3"> Vous attendiez la rigueur la plus fire,</p>
-<p class="i4"> L'injustice la plus entire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sur ce mme rocher o le ciel en courroux</p>
-<p class="i4"> Vous promettoit, au lieu d'poux,</p>
-<p>Un serpent dont soudain vous seriez dvore, <span class="dalign">1720</span></p>
-<p class="i4"> Nous tenions la main prpare</p>
-<p>A repousser sa rage, ou mourir avec vous.</p>
-<p>Vous le savez, princesse; et lorsqu' notre vue</p>
-<p>Par le milieu des airs vous tes disparue,</p>
-<p>Du haut de ce rocher, pour suivre vos beauts, <span class="dalign">1725</span></p>
-<p>Ou plutt pour goter cette amoureuse joie</p>
-<p>D'offrir pour vous au monstre une premire proie,</p>
-<p>D'amour et de douleur l'un et l'autre emports,</p>
-<p class="i4"> Nous nous sommes prcipits.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Heureusement dus au sens de votre oracle, <span class="dalign">1730</span></p>
-<p>Nous en avons ici reconnu le miracle,</p>
-<p>Et su que le serpent prt vous dvorer</p>
-<p class="i4"> toit le dieu qui fait qu'on aime,</p>
-<p>Et qui, tout dieu qu'il est, vous adorant lui-mme,</p>
-<p class="i4"> Ne pouvoit endurer <span class="dalign">1735</span></p>
-<p>Qu'un mortel comme nous ost vous adorer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Pour prix de vous avoir suivie,</p>
-<p>Nous jouissons ici d'un trpas assez doux.</p>
-<p class="i4"> Qu'avions-nous affaire de vie,</p>
-<p class="i4"> Si nous ne pouvions tre vous? <span class="dalign">1740</span></p>
-<p class="i4"> Nous revoyons ici vos charmes,</p>
-<p>Qu'aucun des deux l-haut n'auroit revus jamais.</p>
-<p>Heureux si nous voyons la moindre de vos larmes</p>
-<p>Honorer des malheurs que vous nous avez faits!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Puis-je avoir des larmes de reste, <span class="dalign">1745</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span></div>
-<p>Aprs qu'on a port les miens au dernier point?</p>
-<p>Unissons nos soupirs dans un sort si funeste,</p>
-<p class="i4"> Les soupirs ne s'puisent point;</p>
-<p>Mais vous soupireriez, princes, pour une ingrate.</p>
-<p>Vous n'avez point voulu survivre mes malheurs; <span class="dalign">1750</span></p>
-<p class="i4"> Et quelque douleur qui m'abatte,</p>
-<p class="i4"> Ce n'est point pour vous que je meurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'avons-nous mrit, nous dont toute la flamme</p>
-<p>N'a fait que vous lasser du rcit de nos maux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous pouviez mriter, princes, toute mon me, <span class="dalign">1755</span></p>
-<p class="i4"> Si vous n'eussiez t rivaux.</p>
-<p class="i4"> Ces qualits incomparables</p>
-<p>Qui de l'un et de l'autre accompagnoient les v&oelig;ux</p>
-<p class="i4"> Vous rendoient tous deux trop aimables</p>
-<p class="i4"> Pour mpriser aucun des deux. <span class="dalign">1760</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous avez pu, sans tre injuste ni cruelle,</p>
-<p>Nous refuser un c&oelig;ur rserv pour un dieu.</p>
-<p>Mais revoyez Vnus. Le Destin nous rappelle,</p>
-<p class="i4"> Et nous force vous dire adieu.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne vous donne-t-il point le loisir de me dire <span class="dalign">1765</span></p>
-<p class="i4"> Quel est ici votre sjour?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dans des bois toujours verts, o d'amour on respire,</p>
-<p class="i4"> Aussitt qu'on est mort d'amour:</p>
-<p>D'amour on y revit, d'amour on y soupire,</p>
-<p>Sous les plus douces lois de son heureux empire; <span class="dalign">1770</span></p>
-<p>Et l'ternelle nuit n'ose en chasser le jour</p>
-<p class="i5"> Que lui-mme il attire</p>
-<p class="i4"> Sur nos fantmes, qu'il inspire,</p>
-<p>Et dont aux enfers mme il se fait une cour.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">AGNOR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Vos envieuses s&oelig;urs, aprs nous descendues, <span class="dalign">1775</span>
-<p class="i4"> Pour vous perdre se sont perdues;</p>
-<p class="i4"> Et l'une et l'autre tour tour,</p>
-<p>Pour le prix d'un conseil qui leur cote la vie,</p>
-<p class="i4"> A ct d'Ixion, ct de Titye,</p>
-<p>Souffre tantt la roue, et tantt le vautour. <span class="dalign">1780</span></p>
-<p>L'Amour, par les Zphirs, s'est fait prompte justice</p>
-<p class="i4"> De leur envenime et jalouse malice:</p>
-<p>Ces ministres ails de son juste courroux,</p>
-<p>Sous couleur de les rendre encore auprs de vous,</p>
-<p>Ont plong l'une et l'autre au fond d'un prcipice,<span class="dalign">1785</span></p>
-<p>O le spectacle affreux de leurs corps dchirs</p>
-<p>N'tale que le moindre et le premier supplice</p>
-<p class="i4"> De ces conseils dont l'artifice</p>
-<p class="i4"> Fait les maux dont vous soupirez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Que je les plains!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CLOMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Vous tes seule plaindre. <span class="dalign">1790</span></p>
-<p>Mais nous demeurons trop vous entretenir:</p>
-<p>Adieu: puissions-nous vivre en votre souvenir!</p>
-<p>Puissiez-vous, et bientt, n'avoir plus rien craindre!</p>
-<p>Puisse, et bientt, l'Amour vous enlever aux cieux,</p>
-<p class="i4"> Vous y mettre ct des Dieux, <span class="dalign">1795</span></p>
-<p>Et rallumant un feu qui ne se puisse teindre,</p>
-<p>Affranchir jamais l'clat de vos beaux yeux</p>
-<p class="i4"> D'augmenter le jour en ces lieux!</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="sunh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">PSYCH.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Pauvres amants! Leur amour dure encore!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span></div>
-<p class="i3"> Tous morts<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor">&nbsp;[345]</a> qu'ils sont, l'un et l'autre m'adore,</p>
-<p>Moi dont la duret reut si mal leurs v&oelig;ux.</p>
-<p>Tu n'en fais pas ainsi, toi qui seul m'as ravie,</p>
-<p>Amant que j'aime encor cent fois plus que ma vie,</p>
-<p class="i4"> Et qui brises de si beaux n&oelig;uds!</p>
-<p class="i3"> Ne me fuis plus, et souffre que j'espre <span class="dalign">1805</span></p>
-<p>Que tu pourras un jour rabaisser l'&oelig;il sur moi,</p>
-<p>Qu' force de souffrir j'aurai de quoi te plaire,</p>
-<p class="i4"> De quoi me rengager ta foi.</p>
-<p>Mais ce que j'ai souffert m'a trop dfigure</p>
-<p class="i4"> Pour rappeler un tel espoir: <span class="dalign">1810</span></p>
-<p class="i3"> L'&oelig;il abattu, triste, dsespre,</p>
-<p class="i4"> Languissante et dcolore,</p>
-<p class="i4"> De quoi puis-je me prvaloir,</p>
-<p>Si par quelque miracle, impossible prvoir,</p>
-<p>Ma beaut qui t'a plu ne se voit rpare? <span class="dalign">1815</span></p>
-<p class="i3"> Je porte ici de quoi la rparer:</p>
-<p class="i4"> Ce trsor de beaut divine,</p>
-<p>Qu'en mes mains pour Vnus a remis Proserpine,</p>
-<p>Enferme des appas dont je puis m'emparer<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor">&nbsp;[346]</a>;</p>
-<p class="i4"> Et l'clat en doit tre extrme, <span class="dalign">1820</span></p>
-<p class="i4"> Puisque Vnus, la beaut mme,</p>
-<p class="i4"> Les demande pour se parer.</p>
-<p>En drober un peu seroit-ce un si grand crime?</p>
-<p>Pour plaire aux yeux d'un dieu qui s'est fait mon amant,</p>
-<p>Pour regagner son c&oelig;ur et finir mon tourment, <span class="dalign">1825</span></p>
-<p class="i3"> Tout n'est-il pas trop lgitime?</p>
-<p>Ouvrons. Quelles vapeurs m'offusquent le cerveau,</p>
-<p>Et que vois-je sortir de cette bote ouverte<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor">&nbsp;[347]</a>?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span></div>
-<p>Amour, si ta piti ne s'oppose ma perte,</p>
-<p>Pour ne revivre plus je descends au tombeau. <span class="dalign">1830</span></p>
-<p class="stagedir">(Elle s'vanouit, et l'Amour descend auprs d'elle en volant.)</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">L'AMOUR, PSYCH vanouie.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre pril, Psych, dissipe ma colre,</p>
-<p>Ou plutt de mes feux l'ardeur n'a point cess;</p>
-<p>Et bien qu'au dernier point vous m'ayez su dplaire,</p>
-<p class="i4"> Je ne me suis intress</p>
-<p class="i4"> Que contre celle de ma mre. <span class="dalign">1835</span></p>
-<p>J'ai vu tous vos travaux, j'ai suivi vos malheurs,</p>
-<p>Mes soupirs ont partout accompagn vos pleurs.</p>
-<p>Tournez les yeux vers moi, je suis encor le mme.</p>
-<p>Quoi? je dis et redis tout haut que je vous aime,</p>
-<p>Et vous ne dites point, Psych, que vous m'aimez! <span class="dalign">1840</span></p>
-<p>Est-ce que pour jamais vos beaux yeux sont ferms,</p>
-<p>Qu' jamais la clart leur vient d'tre ravie?</p>
-<p>O mort! devois-tu prendre un dard si criminel,</p>
-<p>Et sans aucun respect pour mon tre ternel,</p>
-<p class="i4"> Attenter ma propre vie? <span class="dalign">1845</span></p>
-<p class="i4"> Combien de fois, ingrate dit,</p>
-<p class="i4"> Ai-je grossi ton noir empire</p>
-<p class="i3"> Par les mpris et par la cruaut</p>
-<p class="i3"> D'une orgueilleuse ou farouche beaut!</p>
-<p class="i4"> Combien mme, s'il le faut dire,<span class="dalign">1850</span></p>
-<p class="i3"> T'ai-je immol de fidles amants</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span></div>
-<p class="i4"> A force de ravissements!</p>
-<p class="i4"> Va, je ne blesserai plus d'mes,</p>
-<p class="i4"> Je ne percerai plus de c&oelig;urs,</p>
-<p>Qu'avec des dards tremps aux divines liqueurs <span class="dalign">1855</span></p>
-<p>Qui nourrissent du ciel les immortelles flammes,</p>
-<p>Et n'en lancerai plus que pour faire tes yeux</p>
-<p class="i4"> Autant d'amants, autant de dieux.</p>
-<p class="i4"> Et vous, impitoyable mre,</p>
-<p class="i4"> Qui la forcez m'arracher <span class="dalign">1860</span></p>
-<p class="i4"> Tout ce que j'avois de plus cher,</p>
-<p>Craignez, votre tour, l'effet de ma colre.</p>
-<p class="i4"> Vous me voulez faire la loi,</p>
-<p>Vous qu'on voit si souvent la recevoir de moi!</p>
-<p>Vous qui portez un c&oelig;ur sensible comme un autre, <span class="dalign">1865</span></p>
-<p>Vous enviez au mien les dlices du vtre!</p>
-<p>Mais dans ce mme c&oelig;ur j'enfoncerai des coups</p>
-<p>Qui ne seront suivis que de chagrins jaloux;</p>
-<p>Je vous accablerai de honteuses surprises,</p>
-<p>Et choisirai partout vos v&oelig;ux les plus doux<span class="dalign">1870</span></p>
-<p class="i4"> Des Adonis et des Anchises</p>
-<p class="i4"> Qui n'auront que haine pour vous.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">VNUS, L'AMOUR, PSYCH vanouie.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> La menace est respectueuse;</p>
-<p class="i3"> Et d'un enfant qui fait le rvolt</p>
-<p class="i4"> La colre prsomptueuse.... <span class="dalign">1875</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne suis plus enfant, et je l'ai trop t;</p>
-<p>Et ma colre est juste autant qu'imptueuse.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'imptuosit s'en devroit retenir,</p>
-<p class="i4"> Et vous pourriez vous souvenir</p>
-<p class="i3"> Que vous me devez la naissance. <span class="dalign">1880</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Et vous pourriez n'oublier pas</p>
-<p class="i3"> Que vous avez un c&oelig;ur et des appas</p>
-<p class="i4"> Qui relvent de ma puissance;</p>
-<p>Que mon arc de la vtre est l'unique soutien;</p>
-<p class="i4"> Que sans mes traits elle n'est rien; <span class="dalign">1885</span></p>
-<p class="i4"> Et que si les c&oelig;urs les plus braves</p>
-<p>En triomphe par vous se sont laiss traner<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor">&nbsp;[348]</a>,</p>
-<p class="i4"> Vous n'avez jamais fait d'esclaves</p>
-<p class="i4"> Que ceux qu'il m'a plu d'enchaner.</p>
-<p>Ne me vantez donc plus ces droits de la naissance <span class="dalign">1890</span></p>
-<p class="i4"> Qui tyrannisent mes desirs;</p>
-<p>Et si vous ne voulez perdre mille soupirs,</p>
-<p>Songez, en me voyant, la reconnoissance,</p>
-<p class="i4"> Vous qui tenez de ma puissance</p>
-<p class="i4"> Et votre gloire et vos plaisirs. <span class="dalign">1895</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Comment l'avez-vous dfendue,</p>
-<p class="i4"> Cette gloire dont vous parlez?</p>
-<p class="i4"> Comment me l'avez-vous rendue?</p>
-<p>Et quand vous avez vu mes autels dsols,</p>
-<p class="i5"> Mes temples viols, <span class="dalign">1900</span></p>
-<p class="i5"> Mes honneurs ravals,</p>
-<p>Si vous avez pris part tant d'ignominie,</p>
-<p class="i4"> Comment en a-t-on vu punie</p>
-<p class="i4"> Psych qui me les a vols?</p>
-<p>Je vous ai command de la rendre charme <span class="dalign">1905</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span></div>
-<p class="i4"> Du plus vil de tous les mortels,</p>
-<p>Qui ne daignt rpondre son me enflamme</p>
-<p class="i4"> Que par des rebuts ternels,</p>
-<p class="i4"> Par les mpris les plus cruels;</p>
-<p class="i4"> Et vous-mme l'avez aime! <span class="dalign">1910</span></p>
-<p>Vous avez contre moi sduit des immortels:</p>
-<p>C'est pour vous qu' mes yeux les Zphirs l'ont cache;</p>
-<p class="i4"> Qu'Apollon mme, suborn</p>
-<p class="i3"> Par un oracle adroitement tourn,</p>
-<p class="i4"> Me l'avoit si bien arrache, <span class="dalign">1915</span></p>
-<p class="i4"> Que si sa curiosit,</p>
-<p class="i4"> Par une aveugle dfiance,</p>
-<p class="i4"> Ne l'et rendue ma vengeance,</p>
-<p class="i3"> Elle chappoit mon c&oelig;ur irrit.</p>
-<p class="i3"> Voyez l'tat o votre amour l'a mise, <span class="dalign">1920</span></p>
-<p class="i3"> Votre Psych: son me va partir;</p>
-<p>Voyez; et si la vtre en est encore prise,</p>
-<p class="i4"> Recevez son dernier soupir.</p>
-<p>Menacez, bravez-moi, cependant qu'elle expire:</p>
-<p class="i4"> Tant d'insolence vous sied bien!<span class="dalign">1925</span></p>
-<p>Et je dois endurer quoi qu'il vous plaise dire,</p>
-<p class="i4"> Moi qui sans vos traits ne puis rien!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous ne pouvez que trop, desse impitoyable:</p>
-<p>Le Destin l'abandonne tout votre courroux;</p>
-<p class="i4"> Mais soyez moins inexorable <span class="dalign">1930</span></p>
-<p>Aux prires, aux pleurs d'un fils vos genoux.</p>
-<p class="i3"> Ce doit vous tre un spectacle assez doux</p>
-<p class="i4"> De voir d'un &oelig;il Psych mourante,</p>
-<p>Et de l'autre ce fils, d'une voix suppliante,</p>
-<p>Ne vouloir plus tenir son bonheur que de vous. <span class="dalign">1935</span></p>
-<p>Rendez-moi ma Psych, rendez-lui tous ses charmes;</p>
-<p class="i4"> Rendez-la, Desse, mes larmes;</p>
-<p>Rendez mon amour, rendez ma douleur</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span></div>
-<p>Le charme de mes yeux et le choix de mon c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Quelque amour que Psych vous donne, <span class="dalign">1940</span></p>
-<p>De ses malheurs par moi n'attendez pas la fin:</p>
-<p class="i4"> Si le Destin me l'abandonne,</p>
-<p class="i4"> Je l'abandonne son destin.</p>
-<p>Ne m'importunez plus; et dans cette infortune,</p>
-<p>Laissez-la sans Vnus triompher ou prir. <span class="dalign">1945</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Hlas! si je vous importune,</p>
-<p>Je ne le ferois pas si je pouvois mourir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Cette douleur n'est pas commune,</p>
-<p>Qui force un immortel souhaiter la mort.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voyez par son excs si mon amour est fort.<span class="dalign">1950</span></p>
-<p class="i4"> Ne lui ferez-vous grce aucune?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Je vous l'avoue, il me touche le c&oelig;ur,</p>
-<p>Votre amour: il dsarme, il flchit ma rigueur.</p>
-<p class="i3"> Votre Psych reverra la lumire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que je vous vais partout faire donner d'encens!<span class="dalign">1955</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, vous la reverrez dans sa beaut premire;</p>
-<p class="i4"> Mais de vos v&oelig;ux reconnoissants</p>
-<p class="i4"> Je veux la dfrence entire;</p>
-<p>Je veux qu'un vrai respect laisse mon amiti</p>
-<p class="i4"> Vous choisir une autre moiti. <span class="dalign">1960</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Et moi je ne veux plus de grce,</p>
-<p class="i4"> Je reprends toute mon audace:</p>
-<p class="i4"> Je veux Psych, je veux sa foi;</p>
-<p>Je veux qu'elle revive, et revive pour moi,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span></div>
-<p>Et tiens indiffrent que votre haine lasse <span class="dalign">1965</span></p>
-<p class="i4"> En faveur d'une autre se passe.</p>
-<p>Jupiter, qui parot, va juger entre nous</p>
-<p>De mes emportements et de votre courroux.</p>
-<p class="stagedir">(Aprs quelques clairs et roulements de tonnerre, Jupiter parot
-en l'air sur son aigle.)</p>
-</div></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">JUPITER, VNUS, L'AMOUR, PSYCH.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Vous qui seul tout est possible,</p>
-<p class="i3"> Pre des Dieux, souverain des mortels, <span class="dalign">1970</span></p>
-<p>Flchissez la rigueur d'une mre inflexible,</p>
-<p class="i4"> Qui sans moi n'auroit point d'autels.</p>
-<p>J'ai pleur, j'ai pri, je soupire, menace,</p>
-<p class="i4"> Et perds menaces et soupirs.</p>
-<p>Elle ne veut pas voir que de mes dplaisirs <span class="dalign">1975</span></p>
-<p>Dpend du monde entier l'heureuse ou triste face,</p>
-<p class="i4"> Et que si Psych perd le jour,</p>
-<p>Si Psych n'est moi, je ne suis plus l'Amour.</p>
-<p>Oui, je romprai mon arc, je briserai mes flches,</p>
-<p class="i4"> J'teindrai jusqu' mon flambeau, <span class="dalign">1980</span></p>
-<p>Je laisserai languir la nature au tombeau;</p>
-<p>Ou si je daigne aux c&oelig;urs faire encor quelques brches</p>
-<p>Avec ces pointes d'or qui me font obir,</p>
-<p>Je vous blesserai tous l-haut pour des mortelles,</p>
-<p class="i4"> Et ne dcocherai sur elles <span class="dalign">1985</span></p>
-<p>Que des traits mousss qui forcent har,</p>
-<p class="i4"> Et qui ne font que des rebelles,</p>
-<p class="i4"> Des ingrates et des cruelles.</p>
-<p class="i4"> Par quelle tyrannique loi</p>
-<p>Tiendrai-je vous servir mes armes toujours prtes, <span class="dalign">1990</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span></div>
-<p>Et vous ferai-je tous conqutes sur conqutes,</p>
-<p>Si vous me dfendez d'en faire une pour moi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">JUPITER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ma fille, sois-lui moins svre.</p>
-<p>Tu tiens de sa Psych le destin en tes mains:</p>
-<p>La Parque, au moindre mot, va suivre ta colre;<span class="dalign">1995</span></p>
-<p>Parle, et laisse-toi vaincre aux tendresses de mre,</p>
-<p>Ou<a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor">&nbsp;[349]</a> redoute un courroux que moi-mme je crains.</p>
-<p class="i4"> Veux-tu donner le monde en proie</p>
-<p>A la haine, au dsordre, la confusion;</p>
-<p class="i5"> Et d'un dieu d'union, <span class="dalign">2000</span></p>
-<p class="i4"> D'un dieu de douceurs et de joie,</p>
-<p>Faire un dieu d'amertume et de division?</p>
-<p class="i4"> Considre ce que nous sommes,</p>
-<p>Et si les passions doivent nous dominer:</p>
-<p class="i3"> Plus la vengeance a de quoi plaire aux hommes, <span class="dalign">2005</span></p>
-<p class="i3"> Plus il sied bien aux Dieux de pardonner.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Je pardonne ce fils rebelle.</p>
-<p class="i3"> Mais voulez-vous qu'il me soit reproch</p>
-<p class="i4"> Qu'une misrable mortelle,</p>
-<p>L'objet de mon courroux, l'orgueilleuse Psych, <span class="dalign">2010</span></p>
-<p class="i4"> Sous ombre qu'elle est un peu belle,</p>
-<p class="i4"> Par un hymen dont je rougis</p>
-<p>Souille mon alliance et le lit de mon fils?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">JUPITER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Eh bien! je la fais immortelle<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor">&nbsp;[350]</a>,</p>
-<p class="i4"> Afin d'y rendre tout gal.<span class="dalign">2015</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'ai plus de mpris ni de haine pour elle,</p>
-<p>Et l'admets l'honneur de ce n&oelig;ud conjugal.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span></div>
-<p class="i4"> Psych, reprenez la lumire</p>
-<p class="i4"> Pour ne la reperdre jamais.</p>
-<p class="i4"> Jupiter a fait votre paix,<span class="dalign">2020</span></p>
-<p class="i4"> Et je quitte cette humeur fire</p>
-<p class="i4"> Qui s'opposoit vos souhaits.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> C'est donc vous, grande desse,</p>
-Qui redonnez la vie ce c&oelig;ur innocent!
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">VNUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Jupiter vous fait grce, et ma colre cesse. <span class="dalign">2025</span></p>
-<p>Vivez, Vnus l'ordonne; aimez, elle y consent.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">PSYCH</span>, l'Amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous revois enfin, cher objet de ma flamme!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">L'AMOUR</span>, Psych.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous possde enfin, dlices de mon me!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">JUPITER.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Venez, amants, venez aux cieux</p>
-<p>Achever un si grand et si digne hymne. <span class="dalign">2030</span></p>
-<p>Viens-y, belle Psych, changer de destine;</p>
-<p class="i4"> Viens prendre place au rang des Dieux.</p>
-</div></div>
-
-<hr class="tb" />
-
-<div class="blockquote">
-<p>Deux grandes machines descendent aux deux cts de Jupiter, cependant
-qu'il dit ces derniers vers. Vnus avec sa suite monte dans
-l'une, l'Amour avec Psych dans l'autre, et tous ensemble remontent
-au ciel.</p>
-<p>Les divinits, qui avoient t partages entre Vnus et son fils, se runissent
-en les voyant d'accord; et toutes ensemble, par des concerts,
-des chants et des danses, clbrent la fte des noces de l'Amour.</p>
-<p>Apollon parot le premier, et comme dieu de l'harmonie, commence
- chanter, pour inviter les autres dieux se rjouir.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i7 small1">RCIT D'APOLLON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Unissons-nous, troupe immortelle:</p>
-<p class="i4"> Le dieu d'amour devient heureux amant,</p>
-<p>Et Vnus a repris sa douceur naturelle <span class="dalign">2035</span></p>
-<p class="i4"> En faveur d'un fils si charmant:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span></div>
-<p>Il va goter en paix, aprs un long tourment,</p>
-<p>Une felicit qui doit tre ternelle.</p>
-<p class="stagedir">(Toutes les divinits chantent ensemble ce couplet la gloire de l'Amour.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Clbrons ce grand jour;</p>
-<p class="i3"> Clbrons tous une fte si belle; <span class="dalign">2040</span></p>
-<p>Que nos chants en tous lieux en portent la nouvelle,</p>
-<p>Qu'ils fassent retentir le cleste sjour.</p>
-<p class="i3"> Chantons, rptons tour tour</p>
-<p class="i3"> Qu'il n'est point d'me si cruelle</p>
-<p class="i2"> Qui tt ou tard ne se rende l'Amour. <span class="dalign">2045</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">APOLLON</span> continue.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Le dieu qui nous engage</p>
-<p class="i4"> A lui faire la cour</p>
-<p class="i4"> Dfend qu'on soit trop sage.</p>
-<p class="i4"> Les Plaisirs ont leur tour;</p>
-<p class="i4"> C'est leur plus doux usage <span class="dalign">2050</span></p>
-<p class="i3"> Que de finir les soins du jour.</p>
-<p class="i4"> La nuit est le partage</p>
-<p class="i4"> Des Jeux et de l'Amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ce seroit grand dommage</p>
-<p class="i4"> Qu'en ce charmant sjour <span class="dalign">2055</span></p>
-<p class="i4"> On et un c&oelig;ur sauvage.</p>
-<p class="i4"> Les Plaisirs ont leur tour;</p>
-<p class="i4"> C'est leur plus doux usage</p>
-<p class="i3"> Que de finir les soins du jour.</p>
-<p class="i4"> La nuit est le partage <span class="dalign">2060</span></p>
-<p class="i4"> Des Jeux et de l'Amour.</p>
-<p class="blockquote">(Deux Muses, qui ont toujours vit de s'engager sous les lois de l'Amour,
-conseillent aux belles qui n'ont point encore aim de s'en dfendre avec soin,
- leur exemple.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">CHANSON DES MUSES.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Gardez-vous, beauts svres;</p>
-<p class="i4"> Les Amours font trop d'affaires;</p>
-<p class="i2"> Craignez toujours de vous laisser charmer.</p>
-<p class="i3"> Quand il faut que l'on soupire, <span class="dalign">2065</span></p>
-<p class="i2"> Tout le mal n'est pas de s'enflammer:</p>
-<p class="i5"> Le martyre</p>
-<p class="i5"> De le dire</p>
-<p class="i2"> Cote plus cent fois que d'aimer.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">SECOND COUPLET DES MUSES.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> On ne peut aimer sans peines; <span class="dalign">2070</span></p>
-<p class="i4"> Il est peu de douces chanes:</p>
-<p class="i2"> A tout moment on se sent alarmer.</p>
-<p class="i4"> Quand il faut que l'on soupire,</p>
-<p class="i3"> Tout le mal n'est pas de s'enflammer:</p>
-<p class="i5"> Le martyre<span class="dalign">2075</span></p>
-<p class="i5"> De le dire</p>
-<p class="i2"> Cote plus cent fois que d'aimer.</p>
-<p class="stagedir">(Bacchus fait entendre qu'il n'est pas si dangereux que l'Amour.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">RCIT DE BACCHUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Si quelquefois,</p>
-<p class="i3"> Suivant nos douces lois,</p>
-<p class="i2"> La raison se perd et s'oublie, <span class="dalign">2080</span></p>
-<p class="i1"> Ce que le vin nous cause de folie</p>
-<p class="i2"> Commence et finit en un jour;</p>
-<p class="i1"> Mais quand un c&oelig;ur est enivr d'amour,</p>
-<p class="i2"> Souvent c'est pour toute la vie.</p>
-<p class="stagedir">(Mome dclare qu'il n'a point de plus doux emploi que de mdire, et que
-ce n'est qu' l'Amour seul qu'il n'ose se jouer.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i4 small1">RCIT DE MOME.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Je cherche mdire <span class="dalign">2085</span></p>
-<p class="i3"> Sur la terre et dans les cieux,</p>
-<p class="i3"> Je soumets ma satire</p>
-<p class="i4"> Les plus grands des Dieux.</p>
-<p>Il n'est dans l'univers que l'Amour qui m'tonne:</p>
-<p class="i2"> Il est le seul que j'pargne aujourd'hui. <span class="dalign">2090</span></p>
-<p class="i4"> Il n'appartient qu' lui</p>
-<p class="i4"> De n'pargner personne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">ENTRE DE BALLET,</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="stagedir">Compose de deux Mnades et de deux gipans, qui suivent Bacchus.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">ENTRE DE BALLET,</p>
-
-<div class="stagedir">
-<p>Compose de quatre Polichinelles et de deux Matassins, qui suivent Mome et
-viennent joindre leur plaisanterie et leur badinage aux divertissements de
-cette grande fte.</p>
-
-<p>Bacchus et Mome, qui les conduisent, chantent au milieu d'eux chacun une
-chanson, Bacchus la louange du vin, et Mome une chanson enjoue sur le
-sujet et les avantages de la raillerie.</p>
-</div>
-</div></div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">RCIT DE BACCHUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4">Admirons le jus de la treille;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span></div>
-<p class="i3"> Qu'il est puissant! qu'il a d'attraits!</p>
-<p class="i3"> Il sert aux douceurs de la paix, <span class="dalign">2095</span></p>
-<p class="i3"> Et dans la guerre il fait merveille;</p>
-<p class="i4"> Mais surtout pour les amours</p>
-<p class="i4"> Le vin est d'un grand secours.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">RCIT DE MOME.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Foltrons, divertissons-nous,</p>
-<p class="i3"> Raillons; nous ne saurions mieux faire: <span class="dalign">2100</span></p>
-<p class="i3"> La raillerie est ncessaire</p>
-<p class="i4"> Dans les jeux les plus doux,</p>
-<p class="i2"> Sans la douceur que l'on gote mdire,</p>
-<p class="i2"> On trouve peu de plaisirs sans ennui:</p>
-<p class="i3"> Rien n'est si plaisant que de rire, <span class="dalign">2105</span></p>
-<p class="i3"> Quand on rit aux dpens d'autrui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Plaisantons, ne pardonnons rien,</p>
-<p class="i3"> Rions, rien n'est plus la mode:</p>
-<p class="i3"> On court pril d'tre incommode</p>
-<p class="i4"> En disant trop de bien. <span class="dalign">2110</span></p>
-<p class="i2"> Sans la douceur que l'on gote mdire,</p>
-<p class="i2"> On trouve peu de plaisirs sans ennui:</p>
-<p class="i3"> Rien n'est si plaisant que de rire,</p>
-<p class="i3"> Quand on rit aux dpens d'autrui.</p>
-<p class="blockquote">(Mars arrive au milieu du thtre, suivi de sa troupe guerrire, qu'il excite
- profiter de leur loisir, en prenant part aux divertissements.)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">RCIT DE MARS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Laissons en paix toute la terre, <span class="dalign">2115</span></p>
-<p class="i3"> Cherchons de doux amusements;</p>
-<p class="i3"> Parmi les jeux les plus charmants</p>
-<p class="i3"> Mlons l'image de la guerre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">ENTRE DE BALLET.</p>
-<p class="blockquote">Suivants de Mars, qui font, en dansant avec des enseignes,
-une manire d'exercice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3">DERNIRE ENTRE DE BALLET.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<div class="stagedir">
-<p>Les troupes diffrentes de la suite d'Apollon, de Bacchus, de Mome et de
-Mars, aprs avoir achev leurs entres particulires, s'unissent ensemble, et
-forment la dernire entre, qui renferme toutes les autres.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un ch&oelig;ur de toutes les voix et de tous les instruments, qui sont au nombre
-de quarante, se joint la danse gnrale, et termine la fte des noces de
-l'Amour et de Psych.</p>
-</div>
-</div></div>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span></div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">DERNIER CH&OElig;UR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Chantons les plaisirs charmants</p>
-<p class="i4"> Des heureux amants.<span class="dalign">2120</span></p>
-<p class="i3"> Que tout le ciel s'empresse</p>
-<p class="i4"> A leur faire sa cour.</p>
-<p class="i4"> Clbrons ce beau jour</p>
-<p class="i2"> Par mille doux chants d'allgresse;</p>
-<p class="i4"> Clbrons ce beau jour <span class="dalign">2125</span></p>
-<p class="i3"> Par mille doux chants d'amour.</p>
-<p class="blockquote">(Dans le grand salon du palais des Tuileries, o <i>Psych</i> a t reprsente devant
-Leurs Majests, il y avoit des timbales, des trompettes et des tambours,
-mls dans ces derniers concerts; et ce dernier couplet se chantoit ainsi:)</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Chantons les plaisirs charmants</p>
-<p class="i4"> Des heureux amants.</p>
-<p class="i3"> Rpondez-nous, trompettes,</p>
-<p class="i4"> Timbales et tambours; <span class="dalign">2130</span></p>
-<p class="i4"> Accordez-vous toujours</p>
-<p class="i2"> Avec le doux son des musettes;</p>
-<p class="i4"> Accordez-vous toujours</p>
-<p class="i3"> Avec le doux chant des amours.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DE PSYCH.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span></p>
-<p class="extra">PULCHRIE<br />
-<span class="medium">COMDIE HROQUE</span><br />
-<span class="small">1672</span></p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_372"> 372</a></span></p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span></p>
-</div>
-
-<h3>NOTICE.</h3>
-
-<p>Nous apprenons par plusieurs tmoignages contemporains,
-que Corneille, suivant sa coutume<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor">&nbsp;[351]</a>, alla lire cette pice chez
-plusieurs personnes considrables, assez longtemps avant de la
-faire reprsenter. Le 15 janvier 1672, Mme de Svign crit
-sa fille: Il (<i>Corneille</i>) nous lut l'autre jour une comdie chez
-M. de la Rochefoucauld, qui fait souvenir (<i>disent les ditions
-de Perrin</i>) de sa dfunte veine, ou, suivant le texte d'une
-ancienne copie, adopt dans la dernire dition des lettres
-de Mme de Svign<a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor">&nbsp;[352]</a>: qui fait souvenir de la Reine mre.
-La dclaration par laquelle <i>Pulchrie</i>, ge de plus de cinquante
-ans, annonce Lon qu'elle l'aime, <i>fait souvenir</i>, en
-effet, comme on le remarque en note, d'Anne d'Autriche et de
-Mazarin.</p>
-
-<p>Prs de deux mois plus tard, le 9 mars, Mme de Svign
-nous signale une autre lecture de notre pote; elle dit en parlant
-de Retz: Nous tchons d'amuser notre cher Cardinal.
-Corneille lui a lu une comdie qui sera joue dans quelque
-temps, et qui fait souvenir des anciennes<a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor">&nbsp;[353]</a>. Cette lecture ne
-fut pas la dernire, car Mme de Svign ajoute dans la mme
-<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span>
-lettre: Je suis folle de Corneille; il nous redonnera encore
-<i>Pulchrie</i>, o l'on verra encore</p>
-
-<p class="quote i10"> La main qui crayonna<br />
-La mort du grand Pompe et l'amour de Cinna<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor">&nbsp;[354]</a>.</p>
-
-<p>Il faut que tout cde son gnie<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor">&nbsp;[355]</a>.</p>
-
-<p>Dans le <i>Mercure galant</i><a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor">&nbsp;[356]</a>, Donneau de Vis parle, sous la date
-du 19 mars, de la favorable impression que ces lectures avaient
-produite, et fait l'loge de Corneille, de qui, malgr le
-grand ge, on doit toujours attendre des pices acheves,
-comme on trouvera sans doute dans sa dernire tragdie, qui
-parotra l'hiver prochain sous le nom de <i>Pulchrie</i>, et qui ne
-peut manquer de plaire ceux qui ont le c&oelig;ur et l'esprit bien
-fait, comme elle a dj plu ceux qui ont eu le bonheur de lui
-entendre lire.</p>
-
-<p>M. douard Fournier fait ressortir l'habilet avec laquelle
-Corneille avait su choisir des auditeurs qui devaient tre prpars
-d'avance bien accueillir un pareil ouvrage: Ce n'est
-pas, dit-il, chez la Rochefoucauld, dont un dernier amour,
-plus d'esprit que de c&oelig;ur, il est vrai, ranimait la goutteuse
-vieillesse; ce n'est pas non plus chez le cardinal de Retz, dsabus
-de tout, hormis de l'ambition, que l'on se ft avis de
-trouver invraisemblable et ridicule le vieux Martian partageant
-sa dernire saison entre les soins de l'ambition et ceux de
-l'amour<a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor">&nbsp;[357]</a>.</p>
-
-<p>Du reste, en croire Fontenelle, ce personnage de Martian,
-qui fut le plus got de l'ouvrage, n'tait autre que Corneille.
-Il s'est dpeint lui-mme, avec bien de la force, nous dit son
-neveu, dans Martian, qui est un vieillard amoureux<a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor">&nbsp;[358]</a>. Beaucoup
-de vieux gentilshommes de la cour spirituelle et lgante
-<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span>
-de Versailles se reconnaissaient, sans l'avouer, dans ce portrait.
-L'un d'eux, plus sincre que les autres, osa fliciter
-Corneille de l'avoir trac: M. le marchal de Gramont lui dit
-qu'il lui savoit bon gr d'avoir trouv un caractre d'amant
-pour les vieillards, dont on ne s'toit point encore avis, et
-qu'il lui en toit oblig pour la part qu'il y pouvoit avoir<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor">&nbsp;[359]</a>.</p>
-
-<p>Corneille, dit Voltaire<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor">&nbsp;[360]</a>, intitula d'abord cette pice tragdie;
-il la prsenta aux comdiens, qui refusrent de la jouer.
-Ils taient plus frapps de leurs intrts que de la rputation
-de Corneille; il fut oblig de la donner une mauvaise
-troupe qui jouait au Marais, et qui ne put se soutenir. Ce fait,
-qui ne se trouve appuy d'aucun tmoignage plus ancien,
-ne nous parat pas bien certain. Nous avons vu que de tout
-temps Corneille avait aim faire reprsenter tour tour
-ses divers ouvrages par des troupes diffrentes. Quelques-uns
-de ses contemporains ont mme vu l, bien tort, un calcul
-d'avarice<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor">&nbsp;[361]</a>. Il faudrait donc se garder d'imaginer, d'aprs le
-passage de Voltaire que nous venons de rapporter, que le
-thtre du Marais ft pour Corneille une sorte de pis aller auquel
-le ddain de la troupe royale l'et forc d'avoir recours.</p>
-
-<p>Dans ses nouvelles du 30<sup>e</sup> de juillet jusques au 6<sup>e</sup> d'aoust,
-le <i>Mercure galant</i> annonce, parmi les pices qui devront tre
-joues dans le courant de l'hiver, le dernier ouvrage de notre
-pote: Les comdiens du Marais reprsenteront, dit-il, la
-<i>Pulchrie</i>, de M. de Corneille l'an<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor">&nbsp;[362]</a>.</p>
-
-<p>Dans le volume suivant<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor">&nbsp;[363]</a>, Donneau de Vis, le rdacteur du
-<i>Mercure</i>, rend compte en ces termes de cette pice, qui, suivant
-les frres Parfait, avait t joue en novembre 1672: La <i>Pulchrie</i>
-de M. de Corneille l'an, dont je vous ai dj parl, a t
-reprsente sur le thtre du Marais, et tous les obstacles qui
-empchent les pices de russir dans un quartier si loign,
-n'ont pas t assez puissants pour nuire cet ouvrage. C'est
-peu prs ce que l'auteur lui-mme dit dans son avis <i>Au lecteur</i>:
-<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span>
-Bien que cette pice aye t relgue dans un lieu o on ne
-vouloit plus se souvenir qu'il y et un thtre, bien qu'elle ait
-pass par des bouches pour qui on n'toit prvenu d'aucune estime,
-bien que ses principaux caractres soient contre le got
-du temps, elle n'a pas laiss de peupler le dsert, de mettre en
-crdit des acteurs dont on ne connoissoit pas le mrite....</p>
-
-<p>Nous ignorons quels furent ces acteurs, mais ce qu'on ne sait
-que trop, c'est que, malgr les assertions de Corneille et de ses
-amis, le succs fut loin d'tre tel qu'ils le disent et que peut-tre
-ils se l'imaginrent. A coup sr, Mme de Coulanges toit
-une plus fidle interprte des sentiments du public, lorsqu'elle
-crivait, le 24 fvrier 1673, Mme de Svign, alors en Provence,
-cette phrase brve et indiffrente: <i>Pulchrie</i> n'a point
-russi<a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor">&nbsp;[364]</a>.</p>
-
-<p>Le privilge de <i>Pulchrie</i> a t accord le trentiesme jour de
-decembre l'an de grce mil six cens soixante-douze. L'Achev
-d'imprimer est du 20 janvier 1673. Le titre de l'dition originale
-est ainsi conu: <span class="small1">Pulcherie, comedie heroique</span>. <i>A Paris,
-chez Guillaume de Luyne</i>.... M.DC.LXXIII. Auec priuilege du
-Roy. Le volume, de format in-12, se compose de 4 feuillets et
-de 72 pages.</p>
-
-
-<h3>AU LECTEUR.</h3>
-
-<p>Pulchrie, fille de l'empereur Arcadius, et s&oelig;ur du
-jeune Thodose, a t une princesse trs-illustre, et dont
-les talents toient merveilleux: tous les historiens en
-conviennent. Ds l'ge de quinze ans elle empita le gouvernement
-sur son frre, dont elle avoit reconnu la foiblesse,
-et s'y conserva tant qu'il vcut, la rserve d'environ
-une anne de disgrce, qu'elle passa loin de la
-cour, et qui cota cher ceux qui l'avoient rduite s'en
-loigner<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor">&nbsp;[365]</a>. Aprs la mort de ce prince, ne pouvant retenir
-<span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span>
-l'autorit souveraine en sa personne, ni se rsoudre
- la quitter, elle proposa son mariage Martian, la
-charge qu'il lui permettroit de garder sa virginit, qu'elle
-avoit voue et consacre Dieu. Comme il toit dj
-assez avanc dans la vieillesse, il accepta la condition
-aisment, et elle le nomma pour empereur au snat, qui
-ne voulut, ou n'osa l'en ddire<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor">&nbsp;[366]</a>. Elle passoit alors cinquante
-ans, et mourut deux ans aprs. Martian en rgna
-sept, et eut pour successeur Lon, que ses excellentes
-<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span>
-qualits firent surnommer le Grand<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor">&nbsp;[367]</a>. Le patrice Aspar
-le servit monter au trne, et lui demanda pour rcompense
-l'association cet empire qu'il lui avoit fait obtenir.
-Le refus de Lon le fit conspirer contre ce matre
-qu'il s'toit choisi, la conspiration fut dcouverte, et
-Lon s'en dfit<a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor">&nbsp;[368]</a>. Voil ce que m'a prt l'histoire. Je ne
-veux point prvenir votre jugement sur ce que j'y ai
-chang ou ajout, et me contenterai de vous dire que
-bien que cette pice aye t relgue dans un lieu o on
-ne vouloit plus se souvenir qu'il y et un thtre, bien
-qu'elle ait pass<a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor">&nbsp;[369]</a> par des bouches pour qui on n'toit prvenu
-d'aucune estime, bien que ses principaux caractres
-soient contre le got du temps, elle n'a pas laiss de
-peupler le dsert, de mettre en crdit des acteurs dont
-on ne connoissoit pas le mrite, et de faire voir qu'on
-n'a pas toujours besoin de s'assujettir aux enttements du
-sicle pour se faire couter sur la scne<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor">&nbsp;[370]</a>. J'aurai de quoi
-me satisfaire, si cet ouvrage est aussi heureux la lecture
-qu'il a t<a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor">&nbsp;[371]</a> la reprsentation; et si j'ose ne vous
-dissimuler rien, je me flatte assez pour l'esprer.</p>
-
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span></p>
-<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br />
-POUR LES VARIANTES DE <i>PULCHRIE</i>.</h3>
-
-<h3 class="normal">DITION SPARE.<br />
-1673 in-12;<br />
-RECUEIL.<br />
-1682 in-12.</h3>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span></p>
-<h3>ACTEURS<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor">&nbsp;[372]</a>.</h3>
-
-<table id="acteurs5" summary="parts">
-<tr>
-<td class="tdl">PULCHRIE,</td>
-<td class="tdl">impratrice d'Orient.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">MARTIAN,</td>
-<td class="tdl">vieux snateur, ministre d'tat sous Thodose le jeune<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor">&nbsp;[373]</a>.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">LON,</td>
-<td class="tdl">amant de Pulchrie.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">ASPAR,</td>
-<td class="tdl">amant d'Irne.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">IRNE,</td>
-<td class="tdl">s&oelig;ur de Lon.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">JUSTINE,</td>
-<td class="tdl">fille de Martian.</td>
-</tr>
-</table>
-
-<h3 class="subh">La scne est Constantinople, dans le palais imprial.</h3>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span></p>
-
-<p class="extra">PULCHRIE.<br />
-<span class="medium">COMDIE HROQUE.</span></p>
-
-<h2 class="normal">ACTE I.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, LON.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous aime, Lon, et n'en fais point mystre<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor">&nbsp;[374]</a>:</p>
-<p>Des feux tels que les miens n'ont rien qu'il faille taire.</p>
-<p>Je vous aime, et non point de cette folle ardeur</p>
-<p>Que les yeux blouis font matresse du c&oelig;ur,</p>
-<p>Non d'un amour conu par les sens en tumulte,<span class="dalign">5</span></p>
-<p>A qui l'me applaudit sans qu'elle se consulte,</p>
-<p>Et qui ne concevant que d'aveugles dsirs,</p>
-<p>Languit dans les faveurs, et meurt dans les plaisirs:</p>
-<p>Ma passion pour vous, gnreuse et solide,</p>
-<p>A la vertu pour me, et la raison pour guide,<span class="dalign">10</span></p>
-<p>La gloire pour objet, et veut sous votre loi</p>
-<p>Mettre en ce jour illustre et l'univers et moi.</p>
-<p class="i1"> Mon aeul Thodose, Arcadius mon pre,</p>
-<p>Cet empire quinze ans gouvern pour un frre<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor">&nbsp;[375]</a>,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span></div>
-<p>L'habitude rgner, et l'horreur d'en dchoir, <span class="dalign">15</span></p>
-<p>Vouloient<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor">&nbsp;[376]</a> dans un mari trouver mme pouvoir.</p>
-<p>Je vous en ai cru digne; et dans ces esprances,</p>
-<p>Dont un penchant flatteur m'a fait des assurances,</p>
-<p>De tout ce que sur vous j'ai fait tomber d'emplois</p>
-<p>Aucun n'a dmenti l'attente de mon choix;<span class="dalign">20</span></p>
-<p>Vos hauts faits grands pas nous<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor">&nbsp;[377]</a> portoient l'empire;</p>
-<p>J'avois rduit mon frre ne m'en point ddire:</p>
-<p>Il vous y donnoit part, et j'tois toute vous;</p>
-<p>Mais ce malheureux prince est mort trop tt pour nous.</p>
-<p>L'empire est donner, et le snat s'assemble <span class="dalign">25</span></p>
-<p>Pour choisir une tte ce grand corps qui tremble<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor">&nbsp;[378]</a>,</p>
-<p>Et dont les Huns, les Goths, les Vandales, les Francs,</p>
-<p>Bouleversent la masse et dchirent les flancs.</p>
-<p class="i1"> Je vois de tous cts des partis et des ligues:</p>
-<p>Chacun s'entre-mesure et forme ses intrigues. <span class="dalign">30</span></p>
-<p>Procope, Gratian, Arobinde, Aspar<a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor">&nbsp;[379]</a></p>
-<p>Vous peuvent enlever ce grand nom de Csar:</p>
-<p>Ils ont tous du mrite; et ce dernier s'assure</p>
-<p>Qu'on se souvient encor de son pre Ardabure,</p>
-<p>Qui terrassant Mitrane en combat singulier, <span class="dalign">35</span></p>
-<p>Nous acquit sur la Perse un avantage entier,</p>
-<p>Et rassurant par l nos aigles alarmes,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span></div>
-<p>Termina seul la guerre aux yeux des deux armes<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor">&nbsp;[380]</a>.</p>
-<p class="i1"> Mes souhaits, mon crdit, mes amis, sont pour vous;</p>
-<p>Mais moins que ce rang, plus d'amour, point d'poux:</p>
-<p>Il faut, quelques douceurs que cet amour propose,</p>
-<p>Le trne ou la retraite au sang de Thodose;</p>
-<p>Et si par le succs mes desseins sont trahis,</p>
-<p>Je m'exile en Jude auprs d'Athnas<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor">&nbsp;[381]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous suivrois, Madame; et du moins sans ombrage <span class="dalign">45</span></p>
-<p>De ce que mes rivaux ont sur moi d'avantage,</p>
-<p>Si vous ne m'y faisiez quelque destin plus doux,</p>
-<p>J'y mourrois de douleur d'tre indigne de vous:</p>
-<p>J'y mourrois vos yeux en adorant vos charmes.</p>
-<p>Peut-tre essuieriez-vous quelqu'une de mes larmes; <span class="dalign">50</span></p>
-<p>Peut-tre ce grand c&oelig;ur, qui n'ose s'attendrir,</p>
-<p>S'y dfendroit si mal de mon dernier soupir,</p>
-<p>Qu'un clat imprvu de douleur et de flamme</p>
-<p>Malgr vous son tour voudroit suivre mon me.</p>
-<p>La mort, qui finiroit vos yeux mes ennuis,<span class="dalign">55</span></p>
-<p>Auroit plus de douceur que l'tat o je suis.</p>
-<p>Vous m'aimez<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor">&nbsp;[382]</a>; mais, hlas! quel amour est le vtre,</p>
-<p>Qui s'apprte peut-tre pencher vers un autre?</p>
-<p>Que servent ces dsirs, qui n'auront point d'effet</p>
-<p>Si votre illustre orgueil ne se voit satisfait? <span class="dalign">60</span></p>
-<p>Et que peut cet amour dont vous tes matresse,</p>
-<p>Cet amour dont le trne a toute la tendresse,</p>
-<p>Esclave ambitieux du suprme degr,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span></div>
-<p>D'un titre qui l'allume et l'teint son gr?</p>
-<p>Ah! ce n'est point par l que je vous considre; <span class="dalign">65</span></p>
-<p>Dans le plus triste exil vous me seriez plus chre:</p>
-<p>L mes yeux, sans relche attachs vous voir,</p>
-<p>Feroient de mon amour mon unique devoir;</p>
-<p>Et mes soins, runis ce noble esclavage,</p>
-<p>Sauroient de chaque instant vous rendre un plein hommage.</p>
-<p>Pour tre heureux amant, faut-il que l'univers</p>
-<p>Ait place dans un c&oelig;ur qui ne veut que vos fers;</p>
-<p>Que les plus dignes soins d'une flamme si pure</p>
-<p>Deviennent partags toute la nature?</p>
-<p>Ah! que ce c&oelig;ur, Madame, a lieu d'tre alarm, <span class="dalign">75</span></p>
-<p>Si sans tre empereur je ne suis plus aim!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous le serez toujours; mais une me bien ne</p>
-<p>Ne confond pas toujours l'amour et l'hymne:</p>
-<p>L'amour entre deux c&oelig;urs ne veut que les unir;</p>
-<p>L'hymne a de plus leur gloire soutenir; <span class="dalign">80</span></p>
-<p>Et je vous l'avouerai, pour les plus belles vies</p>
-<p>L'orgueil de la naissance a bien des tyrannies:</p>
-<p>Souvent les beaux dsirs n'y servent qu' gner;</p>
-<p>Ce qu'on se doit combat ce qu'on se veut donner:</p>
-<p>L'amour gmit en vain sous ce devoir svre....<span class="dalign">85</span></p>
-<p>Ah! si je n'avois eu qu'un snateur pour pre!</p>
-<p>Mais mon sang dans mon sexe a mis les plus grands c&oelig;urs;</p>
-<p>Eudoxe et Placidie<a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor">&nbsp;[383]</a> ont eu des empereurs:</p>
-<p>Je n'ose leur cder en grandeur de courage;</p>
-<p>Et malgr mon amour je veux mme partage: <span class="dalign">90</span></p>
-<p>Je pense en tre sre, et tremble toutefois</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span></div>
-<p>Quand je vois mon bonheur dpendre d'une voix.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'avez-vous trembler? Quelque empereur qu'on nomme,</p>
-<p>Vous aurez votre amant, ou du moins un grand homme,</p>
-<p>Dont le nom, ador du peuple et de la cour, <span class="dalign">95</span></p>
-<p>Soutiendra votre gloire, et vaincra votre amour.</p>
-<p>Procope, Arobinde, Aspar, et leurs semblables,</p>
-<p>Pars de ce grand nom, vous deviendront aimables;</p>
-<p>Et l'clat de ce rang, qui fait tant de jaloux,</p>
-<p>En eux, ainsi qu'en moi, sera charmant pour vous. <span class="dalign">100</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que vous m'tes cruel, que vous m'tes injuste</p>
-<p>D'attacher tout mon c&oelig;ur au seul titre d'Auguste!</p>
-<p>Quoi que de ma naissance exige la fiert,</p>
-<p>Vous seul ferez ma joie et ma flicit:</p>
-<p>De tout autre empereur la grandeur odieuse.... <span class="dalign">105</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais vous l'pouserez, heureuse ou malheureuse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne me pressez point tant, et croyez avec moi</p>
-<p>Qu'un choix si glorieux vous donnera ma foi,</p>
-<p>Ou que si le snat nos v&oelig;ux est contraire,</p>
-<p>Le ciel m'inspirera ce que je devrai faire. <span class="dalign">110</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il vous inspirera quelque sage douleur,</p>
-<p>Qui n'aura qu'un soupir perdre en ma faveur.</p>
-<p>Oui, de si grands rivaux....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Ils ont tous des matresses.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le trne met une me au-dessus des tendresses.</p>
-<p>Quand du grand Thodose on aura pris le rang,<span class="dalign">115</span></p>
-<p>Il y faudra placer les restes de son sang:</p>
-<p>Il voudra, ce rival, qui que l'on puisse lire,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span></div>
-<p>S'assurer par l'hymen de vos droits l'empire.</p>
-<p>S'il a pu faire ailleurs quelque offre de sa foi,</p>
-<p>C'est qu'il a cru ce c&oelig;ur trop prvenu pour moi; <span class="dalign">120</span></p>
-<p>Mais se voyant au trne et moi dans la poussire,</p>
-<p>Il se promettra tout de votre humeur altire;</p>
-<p>Et s'il met vos pieds ce charme de vos yeux,</p>
-<p>Il deviendra l'objet que vous verrez le mieux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous pourriez un peu loin pousser ma patience, <span class="dalign">125</span></p>
-<p>Seigneur: j'ai l'me fire, et tant de prvoyance</p>
-<p>Demande la souffrir encor plus de bont</p>
-<p>Que vous ne m'avez vu jusqu'ici de fiert.</p>
-<p>Je ne condamne point ce que l'amour inspire;</p>
-<p>Mais enfin on peut craindre, et ne le point tant dire.<span class="dalign">130</span></p>
-<p class="i1"> Je n'en tiendrai pas moins tout ce que j'ai promis.</p>
-<p>Vous avez mes souhaits, vous aurez mes amis<a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor">&nbsp;[384]</a>;</p>
-<p>De ceux de Martian vous aurez le suffrage:</p>
-<p>Il a, tout vieux qu'il est, plus de vertus que d'ge;</p>
-<p>Et s'il briguoit pour lui, ses glorieux travaux <span class="dalign">135</span></p>
-<p>Donneroient fort craindre vos plus grands rivaux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Notre empire, il est vrai, n'a point de plus grand homme:</p>
-<p>Sparez-vous du rang, Madame, et je le nomme.</p>
-<p>S'il me peut enlever celui de souverain,</p>
-<p>Du moins je ne crains pas qu'il m'te votre main: <span class="dalign">140</span></p>
-<p>Ses vertus le pourroient; mais je vois sa vieillesse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi qu'il en soit, pour vous ma bont l'intresse:</p>
-<p>Il s'est plu sous mon frre dpendre de moi,</p>
-<p>Et je me viens encor d'assurer de sa foi.</p>
-<p class="i1"> Je vois entrer Irne; Aspar la trouve belle: <span class="dalign">145</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span></div>
-<p>Faites agir pour vous l'amour qu'il a pour elle;</p>
-<p>Et comme en ce dessein rien n'est ngliger,</p>
-<p>Voyez ce qu'une s&oelig;ur vous pourra mnager.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-
-<p class="subt">PULCHRIE, LON, IRNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>M'aiderez-vous, Irne, couronner un frre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un si foible secours vous est peu ncessaire,<span class="dalign">150</span></p>
-<p>Madame, et le snat....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i5 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> N'en agissez pas moins:</p>
-<p>Joignez vos v&oelig;ux aux miens, et vos soins mes soins,</p>
-<p>Et montrons ce que peut en cette conjoncture</p>
-<p>Un amour second de ceux de la nature.</p>
-<p>Je vous laisse y penser.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-
-<p class="subt">LON, IRNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p> Vous ne me dites rien,<span class="dalign">155</span></p>
-<p>Seigneur: attendez-vous que j'ouvre l'entretien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A dire vrai, ma s&oelig;ur, je ne sais que vous dire.</p>
-<p>Aspar m'aime, il vous aime: il y va de l'empire;</p>
-<p>Et s'il faut qu'entre nous on balance aujourd'hui,</p>
-<p>La princesse est pour moi, le mrite est pour lui. <span class="dalign">160</span></p>
-<p>Vouloir qu'en ma faveur ce grade il renonce,</p>
-<p>C'est faire une prire indigne de rponse;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span></div>
-<p>Et de son amiti je ne puis l'exiger,</p>
-<p>Sans vous voler un bien qu'il vous doit partager.</p>
-<p> C'est l ce qui me force garder le silence: <span class="dalign">165</span></p>
-<p>Je me rponds pour vous tout ce que je pense,</p>
-<p>Et puisque j'ai souffert qu'il ait tout votre c&oelig;ur,</p>
-<p>Je dois souffrir aussi vos soins pour sa grandeur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ignore encor quel fruit je pourrois en attendre.</p>
-<p>Pour le trne, il est sr qu'il a droit d'y prtendre;<span class="dalign">170</span></p>
-<p>Sur vous et sur tout autre il le peut emporter:</p>
-<p>Mais qu'il m'y donne part, c'est dont j'ose douter.</p>
-<p>Il m'aime en apparence, en effet il m'amuse;</p>
-<p>Jamais pour notre hymen il ne manque d'excuse,</p>
-<p>Et vous aime tel point, que si vous l'en croyez,<span class="dalign">175</span></p>
-<p>Il ne peut tre heureux que vous ne le soyez:</p>
-<p>Non que votre bonheur fortement l'intresse;</p>
-<p>Mais sachant quel amour a pour vous la princesse,</p>
-<p>Il veut voir quel succs aura son grand dessein,</p>
-<p>Pour ne point m'pouser qu'en s&oelig;ur de souverain. <span class="dalign">180</span></p>
-<p class="i1"> Ainsi depuis deux ans vous<a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor">&nbsp;[385]</a> voyez qu'il diffre.</p>
-<p>Du reste Pulchrie il prend grand soin de plaire,</p>
-<p>Avec exactitude il suit toutes ses lois;</p>
-<p>Et dans ce que sous lui vous avez eu d'emplois,</p>
-<p>Votre tte aux prils toute heure expose <span class="dalign">185</span></p>
-<p>M'a pour vous et pour moi presque dsabuse;</p>
-<p>La gloire d'un ami, la haine d'un rival,</p>
-<p>La hasardoient peut-tre avec un soin gal.</p>
-<p>Le temps est arriv qu'il faut qu'il se dclare;</p>
-<p>Et de son amiti l'effort sera bien rare<span class="dalign">190</span></p>
-<p>Si mis cette preuve, ambitieux qu'il est,</p>
-<p>Il cherche vous servir contre son intrt.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span></div>
-<p>Peut-tre il promettra; mais quoi qu'il vous promette,</p>
-<p>N'en ayons pas, Seigneur, l'me moins inquite;</p>
-<p>Son ardeur trouvera pour vous si peu d'appui,<span class="dalign">195</span></p>
-<p>Qu'on le fera lui-mme empereur malgr lui;</p>
-<p>Et lors, en ma faveur quoi que l'amour oppose,</p>
-<p>Il faudra faire grce au sang de Thodose;</p>
-<p>Et le snat voudra qu'il prenne d'autres yeux</p>
-<p>Pour mettre la princesse au rang de ses aeux.<span class="dalign">200</span></p>
-<p class="i1"> Son c&oelig;ur suivra le sceptre, en quelque main qu'il brille:</p>
-<p>Si Martian l'obtient, il aimera sa fille;</p>
-<p>Et l'amiti du frre et l'amour de la s&oelig;ur</p>
-<p>Cderont l'espoir de s'en voir successeur.</p>
-<p>En un mot, ma fortune est encor fort douteuse:<span class="dalign">205</span></p>
-<p>Si vous n'tes heureux, je ne puis tre heureuse;</p>
-<p>Et je n'ai plus d'amant non plus que vous d'ami,</p>
-<p>A moins que dans le trne il vous voie affermi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous prsumez bien mal d'un hros qui vous aime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je pense le connotre l'gal de moi-mme;<span class="dalign">210</span></p>
-<p>Mais croyez-moi, Seigneur, et l'empire est vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma s&oelig;ur!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Oui, vous l'aurez malgr lui, malgr tous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'y perdons aucun temps: htez-vous de m'instruire;</p>
-<p>Htez-vous de m'ouvrir la route m'y conduire;</p>
-<p>Et si votre bonheur peut dpendre du mien....<span class="dalign">215</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Apprenez le secret de ne hasarder rien.</p>
-<p class="i1"> N'agissez point pour vous; il s'en offre trop d'autres</p>
-<p>De qui les actions brillent plus que les vtres,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span></div>
-<p>Que leurs emplois plus hauts ont mis en plus d'clat,</p>
-<p>Et qui, s'il faut tout dire, ont plus servi l'tat: <span class="dalign">220</span></p>
-<p>Vous les passez peut-tre en grandeur de courage;</p>
-<p>Mais il vous a manqu l'occasion et l'ge;</p>
-<p>Vous n'avez command que sous des gnraux,</p>
-<p>Et n'tes pas encor du poids de vos rivaux.</p>
-<p class="i1"> Proposez la princesse; elle a des avantages<span class="dalign">225</span></p>
-<p>Que vous verrez sur l'heure unir tous les suffrages:</p>
-<p>Tant qu'a vcu son frre, elle a rgn pour lui;</p>
-<p>Ses ordres de l'empire ont t tout l'appui;</p>
-<p>On vit depuis quinze ans sous son obissance:</p>
-<p>Faites qu'on la maintienne en sa toute-puissance,<span class="dalign">230</span></p>
-<p>Qu' ce prix le snat lui demande un poux;</p>
-<p>Son choix tombera-t-il sur un autre que vous?</p>
-<p>Voudroit-elle de vous une action plus belle</p>
-<p>Qu'un respect amoureux qui veut tenir tout d'elle?</p>
-<p>L'amour en deviendra plus fort qu'auparavant, <span class="dalign">235</span></p>
-<p>Et vous vous servirez vous-mme en la servant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! que c'est me donner un conseil salutaire!</p>
-<p>A-t-on jamais vu s&oelig;ur qui servt mieux un frre?</p>
-<p>Martian avec joie embrassera l'avis:</p>
-<p>A peine parle-t-il que les siens sont suivis;<span class="dalign">240</span></p>
-<p>Et puisqu' la princesse il a promis un zle</p>
-<p>A tout oser pour moi sur l'ordre qu'il a d'elle,</p>
-<p>Comme sa crature, il fera hautement</p>
-<p>Bien plus en sa faveur qu'en faveur d'un amant.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour peu qu'il vous appuie, allez, l'affaire est sre.<span class="dalign">245</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aspar vient: faites-lui, ma s&oelig;ur, quelque ouverture;</p>
-<p>Voyez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> C'est un esprit qu'il faut mieux mnager;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span></div>
-<p>Nous dcouvrir lui, c'est tout mettre en danger:</p>
-<p>Il est ambitieux, adroit, et d'un mrite....</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">ASPAR, LON, IRNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous me pardonnez bien, Seigneur, si je vous quitte:<span class="dalign">250</span></p>
-<p>C'est suppler assez ce que je vous doi</p>
-<p>Que vous laisser ma s&oelig;ur, qui vous plat plus que moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Vous m'obligez, Seigneur; mais en cette occurrence
-<p>J'ai besoin avec vous d'un peu de confrence.</p>
-<p class="i1"> Du sort de l'univers nous allons dcider: <span class="dalign">255</span></p>
-<p>L'affaire vous regarde, et peut me regarder;</p>
-<p>Et si tous mes amis ne s'unissent aux vtres,</p>
-<p>Nos partis diviss pourront cder d'autres.</p>
-<p class="i1"> Agissons de concert; et sans tre jaloux,</p>
-<p>En ce grand coup d'tat, vous de moi, moi de vous,<span class="dalign">260</span></p>
-<p>Jurons-nous que des deux qui que l'on puisse lire</p>
-<p>Fera de son ami son collgue l'empire;</p>
-<p>Et pour nous l'assurer, voyons sur qui des deux</p>
-<p>Il est plus propos de jeter tant de v&oelig;ux:</p>
-<p>Quel nom seroit plus propre s'attirer le reste. <span class="dalign">265</span></p>
-<p>Pour moi, j'y suis tout prt, et ds ici j'atteste....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre nom pour ce choix est plus fort que le mien,</p>
-<p>Et je n'ose douter que vous n'en usiez bien.</p>
-<p>Je craindrois de tout autre un dangereux partage;</p>
-<p>Mais de vous je n'ai pas, Seigneur, le moindre ombrage,<span class="dalign">270</span></p>
-<p>Et l'amiti voudroit vous en donner ma foi;</p>
-<p>Mais c'est la princesse disposer de moi:</p>
-<p>Je ne puis que par elle, et n'ose rien sans elle.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_392"> 392</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Certes, s'il faut choisir l'amant le plus fidle,</p>
-<p>Vous l'allez emporter sur tous sans contredit; <span class="dalign">275</span></p>
-<p>Mais ce n'est pas, Seigneur, le point dont il s'agit:</p>
-<p>Le plus flatteur effort de la galanterie</p>
-<p>Ne peut....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Que voulez-vous? j'adore Pulchrie;</p>
-<p>Et n'ayant rien d'ailleurs par o la mriter,</p>
-<p>J'espre en ce doux titre, et j'aime le porter. <span class="dalign">280</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais il y va du trne, et non d'une matresse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vais faire, Seigneur, votre offre la princesse;</p>
-<p>Elle sait mieux que moi les besoins de l'tat.</p>
-<p>Adieu: je vous dirai sa rponse au snat.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-
-<p class="subt">ASPAR, IRNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il a beaucoup d'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-
-<p class="i11"> Oui, Madame; et j'avoue <span class="dalign">285</span></p>
-<p>Qu'avec quelque raison la princesse s'en loue:</p>
-<p>Mais j'aurois souhait qu'en cette occasion</p>
-<p>L'amour concertt mieux avec l'ambition,</p>
-<p>Et que son amiti, s'en laissant moins sduire,</p>
-<p>Ne nous expost point nous entre-dtruire.<span class="dalign">290</span></p>
-<p>Vous voyez qu'avec lui j'ai voulu m'accorder.</p>
-<p>M'aimeriez-vous encor si j'osois lui cder,</p>
-<p>Moi qui dois d'autant plus mes soins ma fortune,</p>
-<p>Que l'amour entre nous la doit rendre commune?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, lorsque le mien vous a donn mon c&oelig;ur, <span class="dalign">295</span></p>
-<p>Je n'ai point prtendu la main d'un empereur:</p>
-<p>Vous pouviez tre heureux sans m'apporter ce titre;</p>
-<p>Mais du sort de Lon Pulchrie est l'arbitre,</p>
-<p>Et l'orgueil de son sang avec quelque raison</p>
-<p>Ne peut souffrir d'poux moins de ce grand nom. <span class="dalign">300</span></p>
-<p>Avant que ce cher frre pouse la princesse,</p>
-<p>Il faut que le pouvoir s'unisse la tendresse,</p>
-<p>Et que le plus haut rang mette en leur plus beau jour</p>
-<p>La grandeur du mrite et l'excs de l'amour.</p>
-<p>M'aimeriez-vous assez pour n'tre point contraire <span class="dalign">305</span></p>
-<p>A l'unique moyen de rendre heureux ce frre,</p>
-<p>Vous qui, dans votre amour, avez pu sans ennui</p>
-<p>Vous dfendre de l'tre un moment avant lui,</p>
-<p>Et qui mriteriez qu'on vous ft mieux connotre</p>
-<p>Que s'il ne le devient, vous aurez peine l'tre? <span class="dalign">310</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est aller un peu vite, et bientt m'insulter</p>
-<p>En s&oelig;ur de souverain qui cherche me quitter.</p>
-<p>Je vous aime, et jamais une ardeur plus sincre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, est-ce m'aimer que de perdre mon frre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voulez-vous que pour lui je me perde d'honneur? <span class="dalign">315</span></p>
-<p>Est-ce m'aimer que mettre ce prix mon bonheur?</p>
-<p>Moi, qu'on a vu forcer trois camps et vingt murailles,</p>
-<p>Moi qui, depuis dix ans, ai gagn sept batailles,</p>
-<p>N'ai-je acquis tant de nom que pour prendre la loi</p>
-<p>De qui n'a command que sous Procope<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor">&nbsp;[386]</a>, ou moi, <span class="dalign">320</span></p>
-<p>Que pour m'en faire un matre, et m'attacher moi-mme</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span></div>
-<p>Un joug honteux au front, au lieu d'un diadme?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 ">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je suis plus raisonnable, et ne demande pas</p>
-<p>Qu'en faveur d'un ami vous descendiez si bas.</p>
-<p>Pylade pour Oreste auroit fait davantage; <span class="dalign">325</span></p>
-<p>Mais de pareils efforts ne sont plus en usage,</p>
-<p>Un grand c&oelig;ur les ddaigne, et le sicle a chang:</p>
-<p>A s'aimer de plus prs on se croit oblig,</p>
-<p>Et des vertus du temps l'me persuade</p>
-<p>Hait de ces vieux hros la surprenante ide. <span class="dalign">330</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il y va de ma gloire, et les sicles passs....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle n'est pas, Seigneur, peut-tre o vous pensez;</p>
-<p>Et quoi qu'un juste espoir ose vous faire croire,</p>
-<p>S'exposer au refus, c'est hasarder sa gloire.</p>
-<p>La princesse peut tout, ou du moins plus que vous. <span class="dalign">335</span></p>
-<p>Vous vous attirerez sa haine et son courroux.</p>
-<p>Son amour l'intresse, et son me hautaine....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'on me fasse empereur, et je crains peu sa haine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais s'il faut qu' vos yeux un autre prfr</p>
-<p>Monte, en dpit de vous, ce rang ador, <span class="dalign">340</span></p>
-<p>Quel dplaisir! quel trouble! et quelle ignominie</p>
-<p>Laissera pour jamais votre gloire ternie!</p>
-<p>Non, Seigneur, croyez-moi, n'allez point au snat,</p>
-<p>De vos hauts faits pour vous laissez parler l'clat.</p>
-<p>Qu'il sera glorieux que sans briguer personne, <span class="dalign">345</span></p>
-<p>Ils fassent vos pieds apporter la couronne,</p>
-<p>Que votre seul mrite emporte ce grand choix,</p>
-<p>Sans que votre prsence ait mendi de voix!</p>
-<p>Si Procope, ou Lon, ou Martian, l'emporte,</p>
-<p>Vous n'aurez jamais eu d'ambition si forte, <span class="dalign">350</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span></div>
-<p>Et vous dsavouerez tous ceux de vos amis</p>
-<p>Dont la chaleur pour vous se sera trop permis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A ces hauts sentiments s'il me falloit rpondre,</p>
-<p>J'aurois peine, Madame, ne me point confondre:</p>
-<p>J'y vois beaucoup d'esprit, j'y trouve encor plus d'art;</p>
-<p>Et ce que j'en puis dire la hte et sans fard,</p>
-<p>Dans ces grands intrts vous montrer si savante,</p>
-<p>C'est tre bonne s&oelig;ur et dangereuse amante.</p>
-<p>L'heure me presse: adieu. J'ai des amis voir</p>
-<p>Qui sauront accorder ma gloire et mon devoir: <span class="dalign">360</span></p>
-<p>Le ciel me prtera par eux quelque lumire</p>
-<p>A mettre l'un et l'autre en assurance entire,</p>
-<p>Et rpondre avec joie tout ce que je doi</p>
-<p>A vous, ce cher frre, la princesse, moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE</span>, seule.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Perfide, tu n'es pas encore o tu te penses. <span class="dalign">365</span></p>
-<p>J'ai pntr ton c&oelig;ur, j'ai vu tes esprances:</p>
-<p>De ton amour pour moi je vois l'illusion;</p>
-<p>Mais tu n'en sortiras qu' ta confusion.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE II.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-
-<p class="subt">MARTIAN, JUSTINE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Notre illustre princesse est donc impratrice,</p>
-<p>Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> A ses vertus on a rendu justice. <span class="dalign">370</span></p>
-<p>Lon l'a propose; et quand je l'ai suivi,</p>
-<p>J'en ai vu le snat au dernier point ravi;</p>
-<p>Il a rduit soudain toutes ses voix en une,</p>
-<p>Et s'est dbarrass de la foule importune,</p>
-<p>Du turbulent espoir de tant de concurrents <span class="dalign">375</span></p>
-<p>Que la soif de rgner avoit mis sur les rangs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi voil Lon assur de l'empire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le snat, je l'avoue, avoit peine l'lire,</p>
-<p>Et contre les grands noms de ses comptiteurs</p>
-<p>Sa jeunesse et trouv d'assez froids protecteurs: <span class="dalign">380</span></p>
-<p>Non qu'il n'ait du mrite, et que son grand courage</p>
-<p>Ne se pt tout promettre avec un peu plus d'ge;</p>
-<p>On n'a point vu sitt tant de rares exploits;</p>
-<p>Mais et l'exprience, et les premiers emplois,</p>
-<p>Le titre blouissant de gnral d'arme, <span class="dalign">385</span></p>
-<p>Tout ce qui peut enfin grossir la renomme,</p>
-<p>Tout cela veut du temps; et l'amour aujourd'hui</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span></div>
-<p>Va faire ce qu'un jour son nom feroit pour lui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas! Seigneur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-
-<p class="i8"> Hlas! ma fille, quel mystre</p>
-<p>T'oblige soupirer de ce que dit un pre? <span class="dalign">390</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'image de l'empire en de si jeunes mains</p>
-<p>M'a tir ce soupir pour l'tat, que je plains.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour l'intrt public rarement on soupire,</p>
-<p>Si quelque ennui secret n'y mle son martyre:</p>
-<p>L'un se cache sous l'autre, et fait un faux clat; <span class="dalign">395</span></p>
-<p>Et jamais, ton ge, on ne plaignit l'tat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A mon ge, un soupir semble dire qu'on aime:</p>
-<p>Cependant vous avez soupir tout de mme,</p>
-<p>Seigneur; et si j'osois vous le dire mon tour....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est point mon ge soupirer d'amour,<span class="dalign">400</span></p>
-<p>Je le sais; mais enfin chacun a sa foiblesse.</p>
-<p>Aimerois-tu Lon?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Aimez-vous la princesse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oublie en ma faveur que tu l'as devin,</p>
-<p>Et dmens un soupon qu'un soupir t'a donn.</p>
-<p>L'amour en mes pareils n'est jamais excusable: <span class="dalign">405</span></p>
-<p>Pour peu qu'on s'examine, on s'en tient mprisable,</p>
-<p>On s'en hait; et ce mal, qu'on n'ose dcouvrir,</p>
-<p>Fait encor plus de peine cacher qu' souffrir;</p>
-<p>Mais t'en faire l'aveu, c'est n'en faire personne;</p>
-<p>La part que le respect, que l'amiti t'y donne,<span class="dalign">410</span></p>
-<p>Et tout ce que le sang en attire sur toi,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span></div>
-<p>T'imposent de le taire une ternelle loi.</p>
-<p class="i1"> J'aime, et depuis dix ans ma flamme et mon silence</p>
-<p>Font mon triste c&oelig;ur gale violence:</p>
-<p>J'coute la raison, j'en gote les avis,<span class="dalign">415</span></p>
-<p>Et les mieux couts sont le plus mal suivis<a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor">&nbsp;[387]</a>.</p>
-<p>Cent fois en moins d'un jour je guris et retombe;</p>
-<p>Cent fois je me rvolte, et cent fois je succombe:</p>
-<p>Tant ce calme forc, que j'tudie en vain,</p>
-<p>Prs d'un si rare objet s'vanouit soudain!<span class="dalign">420</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais pourquoi lui donner vous-mme la couronne,</p>
-<p>Quand son cher Lon c'est donner sa personne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Apprends que dans un ge us comme le mien,</p>
-<p>Qui n'ose souhaiter ni mme accepter rien,</p>
-<p>L'amour hors d'intrt s'attache ce qu'il aime, <span class="dalign">425</span></p>
-<p>Et n'osant rien pour soi, le sert contre soi-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'ayant rien prtendu, de quoi soupirez-vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour ne prtendre rien, on n'est pas moins jaloux;</p>
-<p>Et ces desirs, qu'teint le dclin de la vie,</p>
-<p>N'empchent pas de voir avec un &oelig;il d'envie, <span class="dalign">430</span></p>
-<p>Quand on est d'un mrite pouvoir faire honneur,</p>
-<p>Et qu'il faut qu'un autre ge emporte le bonheur.</p>
-<p>Que le moindre retour vers nos belles annes</p>
-<p>Jette alors d'amertume en nos mes gnes!</p>
-<p>Que n'ai-je vu le jour quelques lustres plus tard! <span class="dalign">435</span></p>
-<p>Disois-je; en ses bonts peut-tre aurois-je part,</p>
-<p>Si le ciel n'opposoit auprs de la princesse</p>
-<p>A l'excs de l'amour le manque de jeunesse;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span></div>
-<p>De tant et tant de c&oelig;urs qu'il force l'adorer,</p>
-<p>Devois-je tre le seul qui ne pt esprer? <span class="dalign">440</span></p>
-<p> J'aimois quand j'tois jeune, et ne dplaisois gure<a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor">&nbsp;[388]</a>:</p>
-<p>Quelquefois de soi-mme on cherchoit me plaire;</p>
-<p>Je pouvois aspirer au c&oelig;ur le mieux plac;</p>
-<p>Mais, hlas! j'tois jeune, et ce temps est pass;</p>
-<p>Le souvenir en tue, et l'on ne l'envisage <span class="dalign">445</span></p>
-<p>Qu'avec, s'il le faut dire, une espce de rage;</p>
-<p>On le repousse, on fait cent projets superflus:</p>
-<p>Le trait qu'on porte au c&oelig;ur s'enfonce d'autant plus;</p>
-<p>Et ce feu, que de honte on s'obstine contraindre,</p>
-<p>Redouble par l'effort qu'on se fait pour l'teindre. <span class="dalign">450</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Instruit que vous tiez des maux que fait l'amour,</p>
-<p>Vous en pouviez, Seigneur, empcher le retour,</p>
-<p>Contre toute sa ruse tre mieux sur vos gardes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et l'ai-je regard comme tu le regardes,</p>
-<p>Moi qui me figurois que ma caducit <span class="dalign">455</span></p>
-<p>Prs de la beaut mme toit en sret?</p>
-<p>Je m'attachois sans crainte servir la princesse,</p>
-<p>Fier de mes cheveux blancs, et fort de ma foiblesse;</p>
-<p>Et quand je ne pensois qu' remplir mon devoir,</p>
-<p>Je devenois amant sans m'en apercevoir. <span class="dalign">460</span></p>
-<p>Mon me, de ce feu nonchalamment saisie,</p>
-<p>Ne l'a point reconnu que par ma jalousie:</p>
-<p>Tout ce qui l'approchoit vouloit me l'enlever,</p>
-<p>Tout ce qui lui parloit cherchoit m'en priver;</p>
-<p>Je tremblois qu' leurs yeux elle ne ft trop belle;<span class="dalign">465</span></p>
-<p>Je les hassois tous, comme plus dignes<a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor">&nbsp;[389]</a> d'elle,</p>
-<p>Et ne pouvois souffrir qu'on s'enricht d'un bien</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span></div>
-<p>Que j'enviois tous sans y prtendre rien.</p>
-<p class="i1"> Quel supplice d'aimer un objet adorable,</p>
-<p>Et de tant de rivaux se voir le moins aimable! <span class="dalign">470</span></p>
-<p>D'aimer plus qu'eux ensemble, et n'oser de ses feux,</p>
-<p>Quelques<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor">&nbsp;[390]</a> ardents qu'ils soient, se promettre autant qu'eux!</p>
-<p>On auroit devin mon amour par ma peine,</p>
-<p>Si la peur que j'en eus n'avoit fui tant de gne.</p>
-<p>L'auguste Pulchrie avoit beau me ravir, <span class="dalign">475</span></p>
-<p>J'attendois la voir qu'il la fallt servir:</p>
-<p>Je fis plus, de Lon j'appuyai l'esprance;</p>
-<p>La princesse l'aima, j'en eus la confiance,</p>
-<p>Et la dissuadai de se donner lui</p>
-<p>Qu'il ne ft de l'empire ou le matre ou l'appui.<span class="dalign">480</span></p>
-<p>Ainsi, pour viter un hymen si funeste,</p>
-<p>Sans rendre heureux Lon, je dtruisois le reste;</p>
-<p>Et mettant un long terme au succs de l'amour,</p>
-<p>J'esprois de mourir avant ce triste jour.</p>
-<p class="i1"> Nous y voil, ma fille, et du moins j'ai la joie <span class="dalign">485</span></p>
-<p>D'avoir son triomphe ouvert l'unique voie.</p>
-<p>J'en mourrai du moment qu'il recevra sa foi,</p>
-<p>Mais dans cette douceur qu'ils tiendront tout de moi.</p>
-<p class="i1"> J'ai cach si longtemps l'ennui qui me dvore,</p>
-<p>Qu'en dpit que j'en aye, enfin il s'vapore: <span class="dalign">490</span></p>
-<p>L'aigreur en diminue te le raconter.</p>
-<p>Fais-en autant du tien; c'est mon tour d'couter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, un mot suffit pour ne vous en rien taire:</p>
-<p>Le mme astre a vu natre et la fille et le pre;</p>
-<p>Ce mot dit tout. Souffrez qu'une imprudente ardeur,<span class="dalign">495</span></p>
-<p>Prte s'vaporer, respecte ma pudeur.</p>
-<p class="i1"> Je suis jeune, et l'amour trouvoit une me tendre</p>
-<p>Qui n'avoit ni le soin ni l'art de se dfendre:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span></div>
-<p>La princesse, qui m'aime et m'ouvroit ses secrets,</p>
-<p>Lui prtoit contre moi d'invitables traits, <span class="dalign">500</span></p>
-<p>Et toutes les raisons dont s'appuyoit sa flamme</p>
-<p>toient autant de dards qui me traversoient l'me.</p>
-<p>Je pris, sans y penser, son exemple pour loi:</p>
-<p>Un amant digne d'elle est trop digne de moi,</p>
-<p>Disois-je; et s'il brloit pour moi comme pour elle, <span class="dalign">505</span></p>
-<p>Avec plus de bont je recevrois son zle.</p>
-<p>Plus elle m'en peignoit les rares qualits,</p>
-<p>Plus d'une douce erreur mes sens toient flatts.</p>
-<p>D'un illustre avenir l'infaillible prsage,</p>
-<p>Qu'on voit si hautement crit sur son visage,<span class="dalign">510</span></p>
-<p>Son nom que je voyois crotre de jour en jour,</p>
-<p>Pour moi, comme pour elle, toient dignes d'amour:</p>
-<p>Je les voyois d'accord d'un heureux hymne;</p>
-<p>Mais nous n'en tions pas encore la journe:</p>
-<p>Quelque obstacle imprvu rompra de si doux n&oelig;uds,</p>
-<p>Ajoutois-je; et le temps teint les plus beaux feux.</p>
-<p>C'est ce que m'inspiroit l'aimable rverie</p>
-<p>Dont jusqu' ce grand jour ma flamme s'est nourrie;</p>
-<p>Mon c&oelig;ur, qui ne vouloit dsesprer de rien,</p>
-<p>S'en faisoit toute heure un charmant entretien.<span class="dalign">520</span></p>
-<p class="i1"> Qu'on rve avec plaisir, quand notre me blesse</p>
-<p>Autour de ce qu'elle aime est toute ramasse!</p>
-<p>Vous le savez, Seigneur, et comme tous propos</p>
-<p>Un doux je ne sais quoi trouble notre repos:</p>
-<p>Un sommeil inquiet sur de confus nuages <span class="dalign">525</span></p>
-<p>lve incessamment de flatteuses images,</p>
-<p>Et sur leur vain rapport fait natre des souhaits</p>
-<p>Que le rveil admire et ne ddit jamais.</p>
-<p class="i1"> Ainsi, prs de tomber dans un malheur extrme,</p>
-<p>J'en cartois l'ide en m'abusant moi-mme; <span class="dalign">530</span></p>
-<p>Mais il faut renoncer des abus si doux;</p>
-<p>Et je me vois, Seigneur, au mme tat que vous.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tu peux aimer ailleurs, et c'est un avantage</p>
-Que n'ose se permettre<a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor">&nbsp;[391]</a> un amant de mon ge.
-<p>Choisis qui tu voudras, je saurai l'obtenir.<span class="dalign">535</span></p>
-<p>Mais coutons Aspar, que j'aperois venir.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-
-<p class="subt">MARTIAN, ASPAR, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, votre suffrage a runi les ntres:</p>
-<p>Votre voix a plus fait que n'auroient fait cent autres;</p>
-<p>Mais j'apprends qu'on murmure, et doute si le choix</p>
-<p>Que fera la princesse aura toutes les voix. <span class="dalign">540</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et qui fait prsumer de son incertitude</p>
-<p>Qu'il aura quelque chose ou d'amer ou de rude?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Son amour pour Lon: elle en fait son poux,</p>
-<p>Aucun n'en veut douter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Je le crois comme eux tous.</p>
-Qu'y trouve-t-on dire, et quelle dfiance...?<span class="dalign">545</span>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est jeune, et l'on craint son peu d'exprience.</p>
-<p>Considrez, Seigneur, combien c'est hasarder:</p>
-<p>Qui n'a fait qu'obir saura mal commander;</p>
-<p>On n'a point vu sous lui d'arme ou de province.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Jamais un bon sujet ne devint mauvais prince; <span class="dalign">550</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></div>
-<p>Et si le ciel en lui rpond mal nos v&oelig;ux,</p>
-<p>L'auguste Pulchrie en sait assez pour deux.</p>
-<p>Rien ne nous surprendra de voir la mme chose</p>
-<p>O nos yeux se sont faits quinze ans<a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor">&nbsp;[392]</a> sous Thodose:</p>
-<p>C'toit un prince foible, un esprit mal tourn; <span class="dalign">555</span></p>
-<p>Cependant avec elle il a bien gouvern.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cependant nous voyons six gnraux d'arme</p>
-<p>Dont au commandement l'me est accoutume:</p>
-<p>Voudront-ils recevoir un ordre souverain</p>
-<p>De qui l'a jusqu'ici toujours pris de leur main? <span class="dalign">560</span></p>
-<p>Seigneur, il est bien dur de se voir sous un matre</p>
-<p>Dont on le fut toujours, et dont on devroit l'tre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et qui m'assurera que ces six gnraux</p>
-<p>Se runiront mieux sous un de leurs gaux?</p>
-<p>Plus un pareil mrite aux grandeurs nous appelle,<span class="dalign">565</span></p>
-<p>Et plus la jalousie aux grands est naturelle.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je les tiens runis, Seigneur, si vous voulez.</p>
-<p>Il est, il est encor des noms plus signals:</p>
-<p>J'en sais qui leur plairoient; et s'il vous faut plus dire,</p>
-<p>Avouez-en mon zle, et je vous fais lire. <span class="dalign">570</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Moi, Seigneur, dans un ge o la tombe m'attend!</p>
-<p>Un matre pour deux jours n'est pas ce qu'on prtend.</p>
-<p>Je sais le poids d'un sceptre, et connois trop mes forces</p>
-<p>Pour tre encor sensible ces vaines amorces.</p>
-<p>Les ans, qui m'ont us l'esprit comme le corps,<span class="dalign">575</span></p>
-<p>Abattroient tous les deux sous les moindres efforts;</p>
-<p>Et ma mort, que par l vous verriez avance,</p>
-<p>Rendroit tant d'gaux leur premire pense,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span></div>
-<p>Et feroit une triste et prompte occasion</p>
-<p>De rejeter l'tat dans la division. <span class="dalign">580</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour viter les maux qu'on en pourroit attendre,</p>
-<p>Vous pourriez partager vos soins avec un gendre,</p>
-<p>L'installer dans le trne, et le nommer Csar.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il faudroit que ce gendre et les vertus d'Aspar;</p>
-<p>Mais vous aimez ailleurs, et ce seroit un crime <span class="dalign">585</span></p>
-<p>Que de rendre infidle un c&oelig;ur si magnanime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'aime, et ne me sens pas capable de changer;</p>
-<p>Mais d'autres vous diroient que pour vous soulager,</p>
-<p>Quand leur amour iroit jusqu' l'idoltrie,</p>
-<p>Ils le sacrifieroient au bien de la patrie. <span class="dalign">590</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Certes, qui m'aimeroit pour le bien de l'tat</p>
-<p>Ne me trouveroit pas, Seigneur, un c&oelig;ur ingrat,</p>
-<p>Et je lui rendrois grce au nom de tout l'empire;</p>
-<p>Mais vous tes constant; et s'il vous faut plus dire,</p>
-<p>Quoi que le bien public jamais puisse exiger,<span class="dalign">595</span></p>
-<p>Ce ne sera pas moi qui vous ferai changer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Revenons Lon. J'ai peine bien comprendre</p>
-<p>Quels malheurs d'un tel choix nous aurions lieu d'attendre.</p>
-<p>Quiconque vous verra le mari de sa s&oelig;ur,</p>
-<p>S'il ne le craint assez, craindra son dfenseur;<span class="dalign">600</span></p>
-<p>Et si vous me comptez encor pour quelque chose,</p>
-<p>Mes conseils agiront comme sous Thodose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous en pourrons tous deux avoir le dmenti.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est faire prir pour le meilleur parti:</p>
-<p>Il ne m'en peut coter qu'une mourante vie, <span class="dalign">605</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span></div>
-<p>Que l'ge et ses chagrins m'auront bientt ravie.</p>
-<p class="i1"> Pour vous, qui d'un autre &oelig;il regardez ce danger,</p>
-<p>Vous avez plus vivre et plus mnager;</p>
-<p>Et je n'empche pas qu'auprs de la princesse</p>
-<p>Votre zle n'clate autant qu'il s'intresse. <span class="dalign">610</span></p>
-<p>Vous pouvez l'avertir de ce que vous croyez,</p>
-<p>Lui dire de ce choix ce que vous prvoyez,</p>
-<p>Lui proposer sans fard celui qu'elle doit faire.</p>
-<p>La vrit lui plat, et vous pourrez lui plaire.</p>
-<p>Je changerai comme elle alors de sentiments,<span class="dalign">615</span></p>
-<p>Et tiens mon me prte ses commandements.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Parmi les vrits il en est de certaines</p>
-<p>Qu'on ne dit point en face aux ttes souveraines,</p>
-<p>Et qui veulent de nous un tour, un ascendant</p>
-<p>Qu'aucun ne peut trouver qu'un ministre prudent:<span class="dalign">620</span></p>
-<p>Vous ferez mieux valoir ces marques d'un vrai zle.</p>
-<p>M'en ouvrant avec vous, je m'acquitte envers elle;</p>
-<p>Et n'ayant rien de plus qui m'amne en ce lieu,</p>
-<p>Je vous en laisse matre, et me retire. Adieu.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">MARTIAN, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le dangereux esprit! et qu'avec peu de peine<span class="dalign">625</span></p>
-<p>Il manqueroit d'amour et de foi pour Irne!</p>
-<p>Des rivaux de Lon il est le plus jaloux,</p>
-<p>Et roule des projets qu'il ne dit pas tous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'a pour but, Seigneur, que le bien de l'empire.</p>
-<p>Dtrnez la princesse, et faites-vous lire:<span class="dalign">630</span></p>
-<p>C'est un amant pour moi que je n'attendois pas,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span></div>
-<p>Qui vous soulagera du poids de tant d'tats.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est un homme, et je veux qu'un jour il t'en souvienne,</p>
-<p>C'est un homme tout perdre, moins qu'on le prvienne.</p>
-<p>Mais Lon vient dj nous vanter son bonheur:<span class="dalign">635</span></p>
-<p>Arme-toi de constance, et prpare un grand c&oelig;ur;</p>
-<p>Et quelque motion qui trouble ton courage,</p>
-<p>Contre tout son dsordre affermis ton visage.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">LON, MARTIAN, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'auriez-vous cru jamais, Seigneur? je suis perdu.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, que dites-vous? ai-je bien entendu?<span class="dalign">640</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le suis sans ressource, et rien plus ne me flatte.</p>
-<p>J'ai revu Pulchrie, et n'ai vu qu'une ingrate:</p>
-<p>Quand je crois l'acqurir, c'est lors que je la perds;</p>
-<p>Et me dtruis moi-mme alors que je la sers.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Expliquez-vous, Seigneur, parlez en confiance; <span class="dalign">645</span></p>
-<p>Fait-elle un autre choix?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Non, mais elle balance:</p>
-<p>Elle ne me veut pas encor dsesprer,</p>
-<p>Mais elle prend du temps pour en dlibrer.</p>
-<p>Son choix n'est plus pour moi, puisqu'elle le diffre:</p>
-<p>L'amour n'est point le matre alors qu'on dlibre; <span class="dalign">650</span></p>
-<p>Et je ne saurois plus me promettre sa foi,</p>
-<p>Moi qui n'ai que l'amour qui lui parle pour moi.</p>
-<p>Ah! Madame....</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Seigneur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Auriez-vous pu le croire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour qui dlibre est sr de sa victoire,</p>
-<p>Et quand d'un vrai mrite il s'est fait un appui, <span class="dalign">655</span></p>
-<p>Il n'est point de raisons qui ne parlent pour lui.</p>
-<p>Souvent il aime voir un peu d'impatience,</p>
-<p>Et feint de reculer, lorsque plus il avance:</p>
-<p>Ce moment d'amertume en rend les fruits plus doux.</p>
-<p>Aimez, et laissez faire une me toute vous. <span class="dalign">660</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Toute moi! mon malheur n'est que trop vritable;</p>
-<p>J'en ai prvu le coup, je le sens qui m'accable.</p>
-<p>Plus elle m'assuroit de son affection,</p>
-<p>Plus je me faisois peur de son ambition:</p>
-<p>Je ne savois des deux quelle toit la plus forte; <span class="dalign">665</span></p>
-<p>Mais il n'est que trop vrai, l'ambition l'emporte;</p>
-<p>Et si son c&oelig;ur encor lui parle en ma faveur,</p>
-<p>Son trne me ddaigne en dpit de son c&oelig;ur.</p>
-<p class="i1"> Seigneur, parlez pour moi; parlez pour moi, Madame:</p>
-<p>Vous pouvez tout sur elle, et lisez dans son me. <span class="dalign">670</span></p>
-<p>Peignez-lui bien mes feux, retracez-lui les siens;</p>
-<p>Rappelez dans son c&oelig;ur leurs plus doux entretiens;</p>
-<p>Et si vous concevez de quelle ardeur je l'aime,</p>
-<p>Faites-lui souvenir qu'elle m'aimoit de mme.</p>
-<p>Elle-mme a brigu pour me voir souverain: <span class="dalign">675</span></p>
-<p>J'tois, sans ce grand titre, indigne de sa main;</p>
-<p>Mais si je ne l'ai pas, ce titre qui l'enchante,</p>
-<p>Seigneur, qui tient-il qu' son humeur changeante?</p>
-<p>Son orgueil contre moi doit-il s'en prvaloir,</p>
-<p>Quand pour me voir au trne elle n'a qu' vouloir? <span class="dalign">680</span></p>
-<p>Le snat n'a pour elle appuy mon suffrage</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span></div>
-<p>Qu'afin que d'un beau feu ma grandeur ft l'ouvrage:</p>
-<p>Il sait depuis quel temps il lui plat de m'aimer;</p>
-<p>Et quand il l'a nomme, il a cru me nommer.</p>
-<p class="i1"> Allez, Seigneur, allez empcher son parjure;<span class="dalign">685</span></p>
-<p>Faites qu'un empereur soit votre crature.</p>
-<p>Que je vous cderois ce grand titre aisment,</p>
-<p>Si vous pouviez sans lui me rendre heureux amant!</p>
-<p>Car enfin mon amour n'en veut qu' sa personne,</p>
-<p>Et n'a d'ambition que ce qu'on m'en ordonne.<span class="dalign">690</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous allons, et tous deux, Seigneur, lui faire voir</p>
-<p>Qu'elle doit mieux user de l'absolu pouvoir.</p>
-<p>Modrez cependant l'excs de votre peine;</p>
-<p>Remettez vos esprits dans l'entretien d'Irne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>D'Irne? et ses conseils m'ont trahi, m'ont perdu.<span class="dalign">695</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Son zle pour un frre a fait ce qu'il a d.</p>
-<p>Pouvoit-elle prvoir cette supercherie</p>
-<p>Qu'a faite<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor">&nbsp;[393]</a> votre amour l'orgueil de Pulchrie?</p>
-<p>J'ose en parler ainsi, mais ce n'est qu'entre nous.</p>
-<p>Nous lui rendrons l'esprit plus traitable et plus doux,</p>
-<p>Et vous rapporterons son c&oelig;ur et ce grand titre.</p>
-<p>Allez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Entre elle et moi que n'tes-vous l'arbitre!</p>
-<p>Adieu: c'est de vous seuls que je puis recevoir</p>
-<p>De quoi garder encor quelque reste d'espoir.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-
-<p class="subt">MARTIAN, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Justine, tu le vois, ce bienheureux obstacle<span class="dalign">705</span></p>
-<p>Dont ton amour sembloit pressentir le miracle.</p>
-<p>Je ne te dfends point, en cette occasion,</p>
-<p>De prendre un peu d'espoir sur leur division;</p>
-<p>Mais garde-toi d'avoir une me assez hardie</p>
-<p>Pour faire leur amour la moindre perfidie:<span class="dalign">710</span></p>
-<p>Le mien de ce revers s'applique tant de part,</p>
-<p>Que j'espre en mourir quelques moments plus tard.</p>
-<p>Mais de quel front enfin leur donner connotre</p>
-<p>Les prils d'un amour que nous avons vu natre,</p>
-<p>Dont nous avons tous deux t les confidents, <span class="dalign">715</span></p>
-<p>Et peut-tre form les traits les plus ardents?</p>
-<p>De tous leurs dplaisirs c'est nous rendre coupables:</p>
-<p>Servons-les en amis, en amants vritables;</p>
-<p>Le vritable amour n'est point intress.</p>
-<p>Allons, j'achverai comme j'ai commenc: <span class="dalign">720</span></p>
-<p>Suis l'exemple, et fais voir qu'une me gnreuse</p>
-<p>Trouve dans sa vertu de quoi se rendre heureuse,</p>
-<p>D'un sincre devoir fait son unique bien,</p>
-<p>Et jamais ne s'expose se reprocher rien.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU SECOND ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span>
-<h2 class="normal">ACTE III.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, MARTIAN, JUSTINE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous ai dit mon ordre: allez, Seigneur, de grce,<span class="dalign">725</span></p>
-<p>Sauver<a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor">&nbsp;[394]</a> mon triste c&oelig;ur du coup qui le menace;</p>
-<p>Mettez tout le snat dans ce cher intrt.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, il sait assez combien Lon vous plat,</p>
-<p>Et le nomme assez haut alors qu'il vous dfre</p>
-<p>Un choix que votre amour vous a dj fait faire. <span class="dalign">730</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que ne m'en fait-il donc une obligeante loi?</p>
-<p>Ce n'est pas le choisir que s'en remettre moi;</p>
-<p>C'est attendre l'issue couvert de l'orage:</p>
-<p>Si l'on m'en applaudit, ce sera son ouvrage;</p>
-<p>Et si j'en suis blme, il n'y veut point de part. <span class="dalign">735</span></p>
-<p>En doute du succs, il en fuit le hasard;</p>
-<p>Et lorsque je l'en veux garant vers tout le monde,</p>
-<p>Il veut qu' l'univers moi seule j'en rponde.</p>
-<p>Ainsi m'abandonnant au choix de mes souhaits,</p>
-<p>S'il est des mcontents, moi seule je les fais; <span class="dalign">740</span></p>
-<p>Et je devrai moi seule apaiser le murmure</p>
-<p>De ceux qui ce choix semblera faire injure,</p>
-<p>Prvenir leur rvolte, et calmer les mutins</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span></div>
-<p>Qui porteront envie nos heureux destins.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aspar vous aura vue, et cette me chagrine.... <span class="dalign">745</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il m'a vue, et j'ai vu quel chagrin le domine;</p>
-<p>Mais il n'a pas laiss de me faire juger</p>
-<p>Du choix que fait mon c&oelig;ur quel sera le danger.</p>
-<p>Il part de bons avis quelquefois de la haine;</p>
-<p>On peut tirer du fruit de tout ce qui fait peine; <span class="dalign">750</span></p>
-<p>Et des plus grands desseins qui veut venir bout</p>
-<p>Prte l'oreille tous, et fait profit de tout.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais vous avez promis, et la foi qui vous lie....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je suis impratrice, et j'tois Pulchrie.</p>
-<p class="i1"> De ce trne, ennemi de mes plus doux souhaits,<span class="dalign">755</span></p>
-<p>Je regarde l'amour comme un de mes sujets:</p>
-<p>Je veux que le respect qu'il doit ma couronne</p>
-<p>Repousse l'attentat qu'il fait sur ma personne;</p>
-<p>Je veux qu'il m'obisse, au lieu de me trahir;</p>
-<p>Je veux qu'il donne tous l'exemple d'obir;<span class="dalign"> 760</span></p>
-<p>Et jalouse dj de mon pouvoir suprme,</p>
-<p>Pour l'affermir sur tous, je le prends sur moi-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi donc ce Lon qui vous toit si cher....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je l'aime d'autant plus qu'il m'en faut dtacher.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seroit-il vos yeux moins digne de l'empire<span class="dalign">765</span></p>
-<p>Qu'alors que vous pressiez le snat de l'lire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il falloit qu'on le vt des yeux dont je le voi,</p>
-<p>Que de tout son mrite on convnt avec moi,</p>
-<p>Et que par une estime clatante et publique</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span></div>
-<p>On mt l'amour d'accord avec la politique.<span class="dalign">770</span></p>
-<p class="i1"> J'aurois dj rempli l'espoir d'un si beau feu,</p>
-<p>Si le choix du snat m'en et donn l'aveu:</p>
-<p>J'aurois pris le parti dont il me faut dfendre;</p>
-<p>Et si jusqu' Lon je n'ose plus descendre,</p>
-<p>Il m'toit glorieux, le voyant souverain,<span class="dalign">775</span></p>
-<p>De remonter au trne en lui donnant la main.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre c&oelig;ur tiendra bon pour lui contre tous autres.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il a ces sentiments, ce ne sont pas les vtres:</p>
-<p>Non, Seigneur, c'est Lon, c'est son juste courroux,</p>
-<p>Ce sont ses dplaisirs qui s'expliquent par vous: <span class="dalign">780</span></p>
-<p>Vous prtez votre bouche, et n'tes pas capable</p>
-<p>De donner ma gloire un conseil qui l'accable.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais ses rivaux ont-ils plus de mrite?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> Non;</p>
-<p>Mais ils ont plus d'emploi, plus de rang, plus de nom;</p>
-<p>Et si de ce grand choix ma flamme est la matresse, <span class="dalign">785</span></p>
-<p>Je commence rgner par un trait de foiblesse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et tenez-vous fort sr qu'une lgret</p>
-<p>Donnera plus d'clat votre dignit?</p>
-<p>Pardonnez-moi ce mot, s'il a trop de franchise,</p>
-<p>Le peuple aura peut-tre une me moins soumise: <span class="dalign">790</span></p>
-<p>Il aime censurer ceux qui lui font la loi,</p>
-<p>Et vous reprochera jusqu'au manque de foi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous ai dj dit ce qui m'en justifie:</p>
-<p>Je suis impratrice, et j'tois Pulchrie.</p>
-<p>J'ose vous dire plus: Lon a des jaloux,<span class="dalign">795</span></p>
-<p>Qui n'en font pas, Seigneur, mme estime que nous.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span></div>
-<p>Pour surprenant que soit l'essai de son courage,</p>
-<p>Les vertus d'empereur ne sont point de son ge:</p>
-<p>Il est jeune, et chez eux c'est un si grand dfaut,</p>
-<p>Que ce mot prononc dtruit tout ce qu'il vaut.<span class="dalign">800</span></p>
-<p>Si donc j'en fais le choix, je parotrai le faire</p>
-<p>Pour rgner sous son nom ainsi que sous mon frre.</p>
-<p>Vous-mme, qu'ils ont vu sous lui dans un emploi</p>
-<p>O vos conseils rgnoient autant et plus que moi,</p>
-<p>Ne donnerez-vous point quelque lieu de vous dire <span class="dalign">805</span></p>
-<p>Que vous n'aurez voulu qu'un fantme l'empire,</p>
-<p>Et que dans un tel choix vous vous serez flatt</p>
-<p>De garder en vos mains toute l'autorit?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est pas mon dessein, Madame, et s'il faut dire</p>
-<p>Sur le choix de Lon ce que le ciel m'inspire, <span class="dalign">810</span></p>
-<p>Ds cet heureux moment qu'il sera votre poux,</p>
-<p>J'abandonne Byzance et prends cong de vous,</p>
-<p>Pour aller, dans le calme et dans la solitude,</p>
-<p>De la mort qui m'attend faire l'heureuse tude.</p>
-<p class="i1"> Voil comme j'aspire gouverner l'tat. <span class="dalign">815</span></p>
-<p>Vous m'avez command d'assembler le snat;</p>
-<p>J'y vais, Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Quoi? Martian m'abandonne,</p>
-<p>Quand il faut sur ma tte affermir la couronne!</p>
-<p>Lui, de qui le grand c&oelig;ur, la prudence, la foi....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout le prix que j'en veux, c'est de mourir moi. <span class="dalign">820</span></p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que me dit-il, Justine, et de quelle retraite</p>
-<p>Ose-t-il menacer l'hymen qu'il me souhaite?</p>
-<p>De Lon prs de moi ne se fait-il l'appui</p>
-<p>Que pour mieux ddaigner de me servir sous lui?</p>
-<p>Le hait-il? le craint-il? et par quelle autre cause.... <span class="dalign">825</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui que vous pousiez, il voudra mme chose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il toit dans un ge prtendre ma foi,</p>
-<p>Comme il seroit de tous le plus digne de moi,</p>
-<p>Ce qu'il donne penser auroit quelque apparence;</p>
-<p>Mais les ans l'ont d mettre en entire assurance.<span class="dalign">830</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que savons-nous, Madame? est-il dessous les cieux</p>
-<p>Un c&oelig;ur impntrable au pouvoir de vos yeux?</p>
-<p>Ce qu'ils ont d'habitude faire des conqutes</p>
-<p>Trouve prendre vos fers les mes toujours prtes.</p>
-<p>L'ge n'en met aucune couvert de leurs traits: <span class="dalign">835</span></p>
-<p>Non que sur Martian j'en sache les effets;</p>
-<p>Il m'a dit comme vous que ce grand hymne</p>
-<p>L'envoira<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor">&nbsp;[395]</a> loin d'ici finir sa destine;</p>
-<p>Et si j'ose former quelque soupon confus,</p>
-<p>Je parle en gnral, et ne sais rien de plus. <span class="dalign">840</span></p>
-<p class="i1"> Mais pour votre Lon, tes-vous rsolue</p>
-<p>A le perdre aujourd'hui de puissance absolue?</p>
-<p>Car ne l'pouser pas, c'est le perdre en effet.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour te montrer la gne o son nom seul me met,</p>
-<p>Soutire que je t'explique en faveur de sa flamme<span class="dalign">845</span></p>
-<p>La tendresse du c&oelig;ur aprs la grandeur d'me.</p>
-<p class="i1"> Lon seul est ma joie, il est mon seul desir;</p>
-<p>Je n'en puis choisir d'autre, et n'ose le choisir:</p>
-<p>Depuis trois ans unie cette chre ide,</p>
-<p>J'en ai l'me toute heure, en tous lieux, obsde; <span class="dalign">850</span></p>
-<p>Rien n'en dtachera mon c&oelig;ur que le trpas,</p>
-<p>Encore aprs ma mort n'en rpondrois-je pas;</p>
-<p>Et si dans le tombeau le ciel permet qu'on aime,</p>
-<p>Dans le fond du tombeau je l'aimerai de mme.</p>
-<p>Trne qui m'blouis, titres qui me flattez, <span class="dalign">855</span></p>
-<p>Pourrez-vous me valoir ce que vous me cotez?</p>
-<p>Et de tout votre orgueil la pompe la plus haute</p>
-<p>A-t-elle un bien gal celui qu'elle m'te?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et vous pouvez penser prendre un autre poux?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est pas, tu le sais, quoi je me rsous. <span class="dalign">860</span></p>
-<p>Si ma gloire Lon me dfend de me rendre,</p>
-<p>De tout autre que lui l'amour sait me dfendre.</p>
-<p>Qu'il est fort cet amour! sauve-m'en, si tu peux;</p>
-<p>Vois Lon, parle-lui, drobe-moi ses v&oelig;ux:</p>
-<p>M'en faire un prompt larcin, c'est me rendre un service</p>
-<p>Qui saura m'arracher des bords du prcipice.</p>
-<p>Je le crains, je me crains, s'il n'engage sa foi,</p>
-<p>Et je suis trop lui tant qu'il est tout moi.</p>
-<p>Sens-tu d'un tel effort ton amiti capable?</p>
-<p>Ce hros n'a-t-il rien qui te paroisse aimable? <span class="dalign">870</span></p>
-<p>Au pouvoir de tes yeux j'unirai mon pouvoir:</p>
-<p>Parle, que rsous-tu de faire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Mon devoir.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span></div>
-<p>Je sors d'un sang, Madame, me rendre assez vaine</p>
-<p>Pour attendre un poux d'une main souveraine,</p>
-<p>Et n'ayant point d'amour que pour ma libert,<span class="dalign">875</span></p>
-<p>S'il la faut immoler votre sret,</p>
-<p>J'oserai.... Mais voici ce cher Lon, Madame;</p>
-<p>Voulez-vous....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Laisse-moi consulter mieux mon me;</p>
-<p>Je ne sais pas encor trop bien ce que je veux:</p>
-<p>Attends un nouvel ordre, et suspends tous tes v&oelig;ux. <span class="dalign">880</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, LON, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, qui vous ramne? est-ce l'impatience</p>
-<p>D'ajouter mes maux ceux de votre prsence,</p>
-<p>De livrer tout mon c&oelig;ur de nouveaux combats;</p>
-<p>Et souffr-je trop peu quand je ne vous vois pas?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je viens savoir mon sort.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> N'en soyez point en doute;<span class="dalign">885</span></p>
-<p>Je vous aime et nous plains<a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor">&nbsp;[396]</a>: c'est l me peindre toute,</p>
-<p>C'est tout ce que je sens; et si votre amiti</p>
-<p>Sentoit pour mes malheurs quelque trait de piti,</p>
-<p>Elle m'pargneroit cette fatale vue,</p>
-<p>Qui me perd, m'assassine, et vous-mme vous tue. <span class="dalign">890</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous m'aimez, dites-vous?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Plus que jamais.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i19"> Hlas!</p>
-<p>Je souffrirois bien moins si vous ne m'aimiez pas.</p>
-<p>Pourquoi m'aimer encor seulement pour me plaindre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Comment cacher un feu que je ne puis teindre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous l'touffez du moins sous l'orgueil scrupuleux <span class="dalign">895</span></p>
-<p>Qui fait seul tous les maux dont nous mourons tous deux.</p>
-<p>Ne vous en plaignez point, le vtre est volontaire:</p>
-<p>Vous n'avez que celui qu'il vous plat de vous faire;</p>
-<p>Et ce n'est pas pour tre aux termes d'en mourir</p>
-<p>Que d'en pouvoir gurir ds qu'on s'en veut gurir. <span class="dalign">900</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Moi seule je me fais les maux dont je soupire!</p>
-<p>A-ce t sous mon nom que j'ai brigu l'empire?</p>
-<p>Ai-je employ mes soins, mes amis, que pour vous?</p>
-<p>Ai-je cherch par l qu' vous voir mon poux?</p>
-<p>Quoi? votre dfrence mes efforts s'oppose! <span class="dalign">905</span></p>
-<p>Elle rompt mes projets, et seule j'en suis cause!</p>
-<p>M'avoir fait obtenir plus qu'il ne m'toit d,</p>
-<p>C'est ce qui m'a perdue, et qui vous a perdu.</p>
-<p>Si vous m'aimiez, Seigneur, vous me deviez mieux croire,</p>
-<p>Ne pas intresser mon devoir et ma gloire: <span class="dalign">910</span></p>
-<p>Ce sont deux ennemis que vous nous avez faits,</p>
-<p>Et que tout notre amour n'apaisera jamais.</p>
-<p class="i1"> Vous m'accablez en vain de soupirs, de tendresse;</p>
-<p>En vain mon triste c&oelig;ur en vos maux s'intresse,</p>
-<p>Et vous rend, en faveur de nos communs desirs, <span class="dalign">915</span></p>
-<p>Tendresse pour tendresse, et soupirs pour soupirs:</p>
-<p>Lorsqu' des feux si beaux je rends cette justice,</p>
-<p>C'est l'amante qui parle; oyez l'impratrice.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span></div>
-<p class="i1"> Ce titre est votre ouvrage, et vous me l'avez dit:</p>
-<p>D'un service si grand votre espoir s'applaudit, <span class="dalign">920</span></p>
-<p>Et s'est fait en aveugle un obstacle invincible,</p>
-<p>Quand il a cru se faire un succs infaillible.</p>
-<p class="i1"> Appuy de mes soins, assur de mon c&oelig;ur,</p>
-<p>Il falloit m'apporter la main d'un empereur,</p>
-<p>M'lever jusqu' vous en heureuse sujette: <span class="dalign">925</span></p>
-<p>Ma joie toit entire, et ma gloire parfaite;</p>
-<p>Mais puis-je avec ce nom mme chose pour vous?</p>
-<p>Il faut nommer un matre, et choisir un poux:</p>
-<p>C'est la loi qu'on m'impose, ou plutt c'est la peine</p>
-<p>Qu'on attache aux douceurs de me voir souveraine. <span class="dalign">930</span></p>
-<p>Je sais que le snat, d'une commune voix,</p>
-<p>Me laisse avec respect la libert du choix;</p>
-<p>Mais il attend de moi celui du plus grand homme</p>
-<p>Qui respire aujourd'hui dans l'une et l'autre Rome:</p>
-<p>Vous l'tes, j'en suis sre, et toutefois, hlas! <span class="dalign">935</span></p>
-<p>Un jour on le croira, mais....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> On ne le croit pas,</p>
-<p>Madame: il faut encor du temps et des services;</p>
-<p>Il y faut du destin quelques heureux caprices,</p>
-<p>Et que la renomme, instruite en ma faveur,</p>
-<p>Sduisant l'univers, impose ce grand c&oelig;ur. <span class="dalign">940</span></p>
-<p>Cependant admirez comme un amant se flatte:</p>
-<p>J'avois cru votre gloire un peu moins dlicate;</p>
-<p>J'avois cru mieux rpondre ce que je vous doi</p>
-<p>En tenant tout de vous, qu'en vous l'offrant en moi;</p>
-<p>Et qu'auprs d'un objet que l'amour sollicite, <span class="dalign">945</span></p>
-<p>Ce mme amour pour moi tiendroit lieu de mrite.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui; mais le tiendra-t-il auprs de l'univers,</p>
-<p>Qui sur un si grand choix tient tous ses yeux ouverts?</p>
-<p>Peut-tre le snat n'ose encor vous lire,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span></div>
-<p>Et si je m'y hasarde, osera m'en ddire; <span class="dalign">950</span></p>
-<p>Peut-tre qu'il s'apprte faire ailleurs sa cour</p>
-<p>Du honteux dsaveu qu'il garde notre amour;</p>
-<p>Car ne nous flattons point, ma gloire inexorable</p>
-<p>Me doit au plus illustre, et non au plus aimable;</p>
-<p>Et plus ce rang m'lve, et plus sa dignit <span class="dalign">955</span></p>
-<p>M'en fait avec hauteur une ncessit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rabattez ces hauteurs o tout le c&oelig;ur s'oppose,</p>
-<p>Madame, et pour tous deux hasardez quelque chose:</p>
-<p>Tant d'orgueil et d'amour ne s'accordent pas bien;</p>
-<p>Et c'est ne point aimer que ne hasarder rien. <span class="dalign">960</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il n'y faut que mon sang, je veux bien vous en croire;</p>
-<p>Mais c'est trop hasarder qu'y hasarder ma gloire;</p>
-<p>Et plus je ferme l'&oelig;il aux prils que j'y cours,</p>
-<p>Plus je vois que c'est trop qu'y hasarder vos jours.</p>
-<p>Ah! si la voix publique enfloit votre esprance <span class="dalign">965</span></p>
-<p>Jusqu' me demander pour vous la prfrence,</p>
-<p>Si des noms que la gloire l'envi me produit</p>
-<p>Le plus cher mon c&oelig;ur faisoit le plus de bruit,</p>
-<p>Qu'aisment ce bruit on me verroit souscrire,</p>
-<p>Et remettre en vos mains ma personne et l'empire! <span class="dalign">970</span></p>
-<p>Mais l'empire vous fait trop d'illustres jaloux:</p>
-<p>Dans le fond de ce c&oelig;ur je vous prfre tous;</p>
-<p>Vous passez les plus grands, mais ils sont plus en vue.</p>
-<p>Vos vertus n'ont point eu toute leur tendue;</p>
-<p>Et le monde, bloui par des noms trop fameux, <span class="dalign">975</span></p>
-<p>N'ose esprer de vous ce qu'il prsume d'eux.</p>
-<p class="i1"> Vous aimez, vous plaisez: c'est tout auprs des femmes;</p>
-<p>C'est par l qu'on surprend, qu'on enlve leurs mes;</p>
-<p>Mais pour remplir<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor">&nbsp;[397]</a> un trne et s'y faire estimer,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span></div>
-<p>Ce n'est pas tout, Seigneur, que de plaire et d'aimer.<span class="dalign">980</span></p>
-<p>La plus ferme couronne est bientt branle,</p>
-<p>Quand un effort d'amour semble l'avoir vole;</p>
-<p>Et pour garder<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor">&nbsp;[398]</a> un rang si cher nos desirs,</p>
-<p>Il faut un plus grand art que celui des soupirs.</p>
-<p>Ne vous abaissez pas la honte des larmes: <span class="dalign">985</span></p>
-<p>Contre un devoir si fort ce sont de foibles armes;</p>
-<p>Et si de tels secours vous couronnoient ailleurs,</p>
-<p>J'aurois piti d'un sceptre achet par des pleurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! Madame, aviez-vous de si fires penses,</p>
-<p>Quand vos bonts pour moi se sont intresses? <span class="dalign">990</span></p>
-<p>Me disiez-vous alors que le gouvernement</p>
-<p>Demandoit un autre art que celui d'un amant?</p>
-<p>Si le snat et joint ses suffrages aux vtres,</p>
-<p>J'en aurois paru digne autant ou plus qu'un autre:</p>
-<p>Ce grand art de rgner et suivi tant de voix; <span class="dalign">995</span></p>
-<p>Et vous-mme....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Oui, Seigneur, j'aurois suivi ce choix.</p>
-<p>Sre que le snat, jaloux de son suffrage,</p>
-<p>Contre tout l'univers maintiendroit son ouvrage.</p>
-<p>Tel contre vous et moi s'osera rvolter,</p>
-<p>Qui contre un si grand corps craindroit de s'emporter,<span class="dalign">1000</span></p>
-<p>Et mprisant en moi ce que l'amour m'inspire,</p>
-<p>Respecteroit en lui le dmon<a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor">&nbsp;[399]</a> de l'empire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais l'offre qu'il vous fait d'en croire tous vos v&oelig;ux....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'est qu'un refus moins rude et plus respectueux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quelles illusions de gloire chimrique,<span class="dalign">1005</span></p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span></p>
-<p>Quels farouches gards de dure politique,</p>
-<p>Dans ce c&oelig;ur tout moi, mais qu'en vain j'ai charm,</p>
-<p>Me font le plus aimable et le moins estim?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Arrtez: mon amour ne vient que de l'estime.</p>
-<p>Je vous vois un grand c&oelig;ur, une vertu sublime<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor">&nbsp;[400]</a>, <span class="dalign">1010</span></p>
-<p>Une me, une valeur digne<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor">&nbsp;[401]</a> de mes aeux;</p>
-<p>Et si tout le snat avoit les mmes yeux....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Laissons l le snat, et m'apprenez, de grce,</p>
-<p>Madame, quel heureux je dois quitter la place,</p>
-<p>Qui je dois imiter pour obtenir un jour <span class="dalign">1015</span></p>
-<p>D'un orgueil souverain le prix d'un juste amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'aurai peine choisir; choisissez-le vous-mme,</p>
-<p>Cet heureux, et nommez qui vous voulez que j'aime;</p>
-<p>Mais vous souffrez assez, sans devenir jaloux.</p>
-<p class="i1"> J'aime; et si ce grand choix ne peut tomber sur vous, <span class="dalign">1020</span></p>
-<p>Aucun autre du moins, quelque ordre qu'on m'en donne,</p>
-<p>Ne se verra jamais matre de ma personne<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor">&nbsp;[402]</a>:</p>
-<p>Je le jure en vos mains, et j'y laisse mon c&oelig;ur.</p>
-<p>N'attendez rien de plus, moins d'tre empereur;</p>
-<p>Mais j'entends empereur comme vous devez l'tre, <span class="dalign">1025</span></p>
-<p>Par le choix d'un snat qui vous prenne pour matre,</p>
-<p>Qui d'un tat si grand vous fasse le soutien,</p>
-<p>Et d'un commun suffrage autorise le mien.</p>
-<p>Je le fais rassembler exprs pour vous lire,</p>
-<p>Ou me laisser moi seule gouverner l'empire, <span class="dalign">1030</span></p>
-<p>Et ne plus m'asservir ce dangereux choix,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span></div>
-<p>S'il ne me veut pour vous donner toutes ses voix.</p>
-<p class="i1"> Adieu, Seigneur: je crains de n'tre plus matresse</p>
-<p>De ce que vos regards m'inspirent de foiblesse,</p>
-<p>Et que ma peine, gale votre dplaisir, <span class="dalign">1035</span></p>
-<p>Ne cote mon amour quelque indigne soupir.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">LON, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est trop de retenue, il est temps que j'clate:</p>
-<p>Je ne l'ai point nomme ambitieuse, ingrate;</p>
-<p>Mais le sujet enfin va cder l'amant,</p>
-<p>Et l'excs du respect au juste emportement. <span class="dalign">1040</span></p>
-<p class="i1"> Dites-le-moi, Madame: a-t-on vu perfidie</p>
-<p>Plus noire au fond de l'me, au dehors plus hardie?</p>
-<p>A-t-on vu plus d'tude attacher la raison</p>
-<p>A l'indigne secours de tant de trahison?</p>
-<p>Loin d'en baisser les yeux, l'orgueilleuse en fait gloire; <span class="dalign">1045</span></p>
-<p>Elle nous l'ose peindre en illustre victoire.</p>
-<p>L'honneur et le devoir eux seuls la font agir!</p>
-<p>Et m'tant plus fidle, elle auroit rougir!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La gne qu'elle en souffre gale bien la vtre:</p>
-<p>Pour vous, elle renonce choisir aucun autre;<span class="dalign">1050</span></p>
-<p>Elle-mme en vos mains en a fait le serment.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Illusion nouvelle, et pur amusement!</p>
-<p>Il n'est, Madame, il n'est que trop de conjonctures</p>
-<p>O les nouveaux serments sont de nouveaux parjures.</p>
-<p>Qui sait l'art de rgner les rompt avec clat, <span class="dalign">1055</span></p>
-<p>Et ne manque jamais de cent raisons d'tat.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais si vous la piquiez d'un peu de jalousie<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor">&nbsp;[403]</a>,</p>
-<p>Seigneur, si vous brouilliez par l sa fantaisie,</p>
-<p>Son amour mal teint pourroit vous rappeler,</p>
-<p>Et sa gloire auroit peine vous laisser aller. <span class="dalign">1060</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Me souponneriez-vous d'avoir l'me assez basse</p>
-<p>Pour employer la feinte tromper ma disgrce?</p>
-<p>Je suis jeune, et j'en fais trop mal ici ma cour</p>
-<p>Pour joindre ce dfaut un faux clat d'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'agrable dfaut, Seigneur, que la jeunesse! <span class="dalign">1065</span></p>
-<p>Et que de vos jaloux l'importune sagesse,</p>
-<p>Toute fire qu'elle est, le voudroit racheter</p>
-<p>De tout ce qu'elle croit et croira mriter!</p>
-<p>Mais si feindre en amour vos yeux est un crime,</p>
-<p>Portez sans feinte ailleurs votre plus tendre estime: <span class="dalign">1070</span></p>
-<p>Punissez tant d'orgueil par de justes ddains,</p>
-<p>Et mettez votre c&oelig;ur en de plus sres mains.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous voyez qu' son rang elle me sacrifie,</p>
-<p>Madame, et vous voulez que je la justifie!</p>
-<p>Qu'aprs tous les mpris qu'elle montre pour moi, <span class="dalign">1075</span></p>
-<p>Je lui prte un exemple me voler sa foi!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aimez, cela prs, et sans vous mettre en peine</p>
-<p>Si c'est justifier ou punir l'inhumaine;</p>
-<p>Songez que si vos v&oelig;ux en toient mal reus,</p>
-<p>On pourroit avec joie accepter ses refus. <span class="dalign">1080</span></p>
-<p>L'honneur qu'on se feroit vous dtacher d'elle</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span></div>
-<p>Rendroit cette conqute et plus noble et plus belle.</p>
-<p>Plus il faut de mrite vous rendre inconstant,</p>
-<p>Plus en auroit de gloire un c&oelig;ur qui vous attend;</p>
-<p>Car peut-tre en est-il que la princesse mme <span class="dalign">1085</span></p>
-<p>Condamne vous aimer ds que vous direz: J'aime.</p>
-<p>Adieu: c'en est assez pour la premire fois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>O ciel, dlivre-moi du trouble o tu me vois!</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE IV.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">JUSTINE, IRNE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, votre cher Aspar n'aime point la princesse:</p>
-<p>Ce n'est que pour le rang que tout son c&oelig;ur s'empresse;</p>
-<p>Et si l'on et choisi mon pre pour Csar,</p>
-<p>J'aurois dj les v&oelig;ux de cet illustre Aspar.</p>
-<p>Il s'en est expliqu tantt en ma prsence;</p>
-<p>Et tout ce que pour elle il a de complaisance,</p>
-<p>Tout ce qu'il lui veut faire ou craindre ou ddaigner, <span class="dalign">1095</span></p>
-<p>Ne doit tre imput qu' l'ardeur de rgner.</p>
-<p class="i1"> Pulchrie a des yeux qui percent le mystre,</p>
-<p>Et le croit plus rival qu'ami de ce cher frre;</p>
-<p>Mais comme elle balance, elle coute aisment</p>
-<p>Tout ce qui peut d'abord flatter son sentiment: <span class="dalign">1100</span></p>
-<p>Voil ce que j'en sais<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor">&nbsp;[404]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Je ne suis point surprise</p>
-<p>De tout ce que d'Aspar m'apprend votre franchise.</p>
-<p>Vous ne m'en dites rien que ce que j'en ai dit,</p>
-<p>Lorsqu' Lon tantt j'ai dpeint son esprit;</p>
-<p>Et j'en ai pntr l'ambition secrte <span class="dalign">1105</span></p>
-<p>Jusques pressentir l'offre qu'il vous a faite.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span></div>
-<p class="i1"> Puisque en vain<a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor">&nbsp;[405]</a> je m'attache qui ne m'aime pas,</p>
-<p>Il faut avec honneur franchir ce mauvais pas:</p>
-<p>Il faut, son exemple, avoir ma politique,</p>
-<p>Trouver ma disgrce une face hroque, <span class="dalign">1110</span></p>
-<p>Donner ce divorce une illustre couleur,</p>
-<p>Et sous de beaux dehors dvorer ma douleur.</p>
-<p>Dites-moi cependant, que deviendra mon frre?</p>
-<p>D'un si parfait amour que faut-il qu'il espre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On l'aime, et fortement, et bien plus qu'on ne veut;<span class="dalign">1115</span></p>
-<p>Mais pour s'en dtacher, on fait tout ce qu'on peut.</p>
-<p>Faut-il vous dire tout? On m'a command mme</p>
-<p>D'essayer contre lui l'art et le stratagme.</p>
-<p>On me devra beaucoup si je puis l'branler,</p>
-<p>On me donne son c&oelig;ur, si je le puis voler; <span class="dalign">1120</span></p>
-<p>Et dj pour essai de mon obissance,</p>
-<p>J'ai port quelque attaque, et fait un peu d'avance.</p>
-<p>Vous pouvez bien juger comme il a rebut,</p>
-<p>Fidle amant qu'il est, cette importunit;</p>
-<p>Mais pour peu qu'il vous plt appuyer l'artifice, <span class="dalign">1125</span></p>
-<p>Cet appui tiendroit lieu d'un signal service.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est point un service prtendre de moi</p>
-<p>Que de porter mon frre garder mal sa foi;</p>
-<p>Et quand vous aimer j'aurois su le rduire,</p>
-<p>Quel fruit son changement pourroit-il lui produire? <span class="dalign">1130</span></p>
-<p>Vous qui ne l'aimez point, pourriez-vous l'accepter?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Lon ne sauroit tre un homme rejeter;</p>
-<p>Et l'on voit si souvent, aprs la foi donne,</p>
-<p>Natre un parfait amour d'un pareil hymne,</p>
-<p>Que si de son ct j'y voyois quelque jour, <span class="dalign">1135</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span></div>
-<p>J'esprerois bientt de l'aimer mon tour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est trop et trop peu dire. Est-il encore natre,</p>
-<p>Cet amour? Est-il n?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Cela pourroit bien tre<a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor">&nbsp;[406]</a>.</p>
-<p>Ne l'examinons point avant qu'il en soit temps;</p>
-<p>L'occasion viendra peut-tre, et je l'attends. <span class="dalign">1140</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et vous servez Lon auprs de la princesse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Avec sincrit pour lui je m'intresse;</p>
-<p>Et si j'en tois crue, il auroit le bonheur</p>
-<p>D'en obtenir la main, comme il en a le c&oelig;ur.</p>
-<p>J'obis cependant aux ordres qu'on me donne, <span class="dalign">1145</span></p>
-<p>Et souffrirois ses v&oelig;ux, s'il perdoit la couronne.</p>
-<p>Mais la princesse vient.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, IRNE, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Que fait ce malheureux,</p>
-<p>Irne?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Ce qu'on fait dans un sort rigoureux:</p>
-<p>Il soupire, il se plaint.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> De moi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i16"> De sa fortune.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-il bien convaincu qu'elle nous est commune, <span class="dalign">1150</span></p>
-<p>Qu'ainsi que lui<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor">&nbsp;[407]</a> du sort j'accuse la rigueur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne pntre point jusqu'au fond de son c&oelig;ur;</p>
-<p>Mais je sais qu'au dehors sa douleur vous respecte:</p>
-<p>Elle se tait de vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Ah! qu'elle m'est suspecte!</p>
-<p>Un modeste reproche ses maux siroit bien: <span class="dalign">1155</span></p>
-<p>C'est me trop accuser que de n'en dire rien.</p>
-<p>M'auroit-il oublie, et dj dans son me</p>
-<p>Effac tous les traits d'une si belle flamme?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est par l qu'il devroit soulager ses ennuis,</p>
-<p>Madame; et de ma part j'y fais ce que je puis. <span class="dalign">1160</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! ma flamme n'est pas tel point affoiblie,</p>
-<p>Que je puisse endurer, Irne, qu'il m'oublie.</p>
-<p>Fais-lui, fais-lui plutt soulager son ennui</p>
-<p>A croire que je souffre autant et plus que lui.</p>
-<p>C'est une vrit que j'ai besoin qu'il croie, <span class="dalign">1165</span></p>
-<p>Pour mler mes maux quelque inutile joie,</p>
-<p>Si l'on peut nommer joie une triste douceur</p>
-<p>Qu'un digne amour conserve en dpit du malheur.</p>
-<p>L'me qui l'a sentie en est toujours charme,</p>
-<p>Et mme en n'aimant plus, il est doux d'tre aime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous souvient-il encor de me l'avoir donn,</p>
-<p>Madame? et ce doux soin dont votre esprit gn....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Souffre un reste d'amour qui me trouble et m'accable.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span></div>
-<p>Je ne t'en ai point fait un don irrvocable;</p>
-<p>Mais je te le redis, drobe-moi ses v&oelig;ux; <span class="dalign">1175</span></p>
-<p>Sduis, enlve-moi son c&oelig;ur, si tu le peux.</p>
-<p>J'ai trop mis l'cart celui d'impratrice;</p>
-<p>Reprenons avec lui ma gloire et mon supplice:</p>
-<p>C'en est un, et bien rude, moins que le snat</p>
-<p>Mette d'accord ma flamme et le bien de l'tat. <span class="dalign">1180</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'est-ce point avilir votre pouvoir suprme</p>
-<p>Que mendier ailleurs ce qu'il peut de lui-mme?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Irne, il te faudroit les mmes yeux qu' moi</p>
-<p>Pour voir la moindre part de ce que je prvoi.</p>
-<p>pargne mon amour la douleur de te dire <span class="dalign">1185</span></p>
-<p>A quels troubles ce choix hasarderoit l'empire:</p>
-<p>Je l'ai dj tant dit, que mon esprit lass</p>
-<p>N'en sauroit plus souffrir le portrait retrac.</p>
-<p>Ton frre a l'me grande, intrpide, sublime;</p>
-<p>Mais d'un peu de jeunesse on lui fait un tel crime, <span class="dalign">1190</span></p>
-<p>Que si tant de vertus n'ont que moi pour appui,</p>
-<p>En faire un empereur, c'est me perdre avec lui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel ordre a pu du trne exclure la jeunesse?</p>
-<p>Quel astre nos beaux jours enchane la foiblesse?</p>
-<p>Les vertus, et non l'ge, ont droit ce haut rang; <span class="dalign">1195</span></p>
-<p>Et n'toit le respect qu'imprime votre sang,</p>
-<p>Je dirois que Lon vaudroit bien Thodose.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sans doute; et toutefois ce n'est pas mme chose.</p>
-<p class="i1"> Foible qu'toit ce prince rgir tant d'tats,</p>
-<p>Il avoit des appuis que ton frre n'a pas: <span class="dalign">1200</span></p>
-<p>L'empire en sa personne toit hrditaire;</p>
-<p>Sa naissance le tint d'un aeul et d'un pre<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor">&nbsp;[408]</a>;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span></div>
-<p>Il rgna ds l'enfance, et rgna sans jaloux,</p>
-<p>Estim d'assez peu, mais obi de tous.</p>
-<p>Lon peut succder aux droits de la puissance, <span class="dalign">1205</span></p>
-<p>Mais non pas au bonheur de cette obissance:</p>
-<p>Tant ce trne, o l'amour par ma main l'auroit mis,</p>
-<p>Dans mes premiers sujets lui feroit d'ennemis!</p>
-<p class="i1"> Tout ce qu'ont vu d'illustre et la paix et la guerre</p>
-<p>Aspire ce grand nom de matre de la terre: <span class="dalign">1210</span></p>
-<p>Tous regardent l'empire ainsi qu'un bien commun</p>
-<p>Que chacun veut pour soi, tant qu'il n'est pas un.</p>
-<p>Pleins de leur renomme, enfls de leurs services,</p>
-<p>Combien ce choix pour eux aura-t-il d'injustices,</p>
-<p>Si ma flamme obstine et ses odieux soins <span class="dalign">1215</span></p>
-<p>L'arrtent sur celui qu'ils estiment le moins!</p>
-<p>Lon est d'un mrite devenir leur matre;</p>
-<p>Mais comme c'est l'amour qui m'aide le connotre,</p>
-<p>Tout ce qui contre nous s'osera mutiner</p>
-<p>Dira que je suis seule me l'imaginer. <span class="dalign">1220</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est donc en vain pour lui qu'on prie et qu'on espre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je l'aime, et sa personne mes yeux est bien chre;</p>
-<p>Mais si le ciel pour lui n'inspire le snat,</p>
-<p>Je sacrifierai tout au bonheur de l'tat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que pour vous imiter j'aurois l'me ravie <span class="dalign">1225</span></p>
-<p>D'immoler l'tat le bonheur de ma vie!</p>
-<p>Madame, ou de Lon faites-nous un Csar,</p>
-<p>Ou portez ce grand choix sur le fameux Aspar:</p>
-<p>Je l'aime, et ferois gloire, en dpit de ma flamme,</p>
-<p>De faire un matre tous de celui de mon me; <span class="dalign">1230</span></p>
-<p>Et pleurant pour le frre en ce grand changement,</p>
-<p>Je m'en consolerois voir rgner l'amant.</p>
-<p>Des deux ttes qu'au monde on me voit les plus chres,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span></div>
-<p>levez l'une ou l'autre au trne de vos pres:</p>
-<p>Daignez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Aspar seroit digne d'un tel honneur, <span class="dalign">1235</span></p>
-<p>Si vous pouviez, Irne, un peu moins sur son c&oelig;ur.</p>
-<p>J'aurois trop rougir si sous le nom de femme</p>
-<p>Je le faisois rgner sans rgner dans son me;</p>
-<p>Si j'en avois le titre, et vous tout le pouvoir,</p>
-<p>Et qu'entre nous ma cour partaget son devoir. <span class="dalign">1240</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne l'apprhendez pas: de quelque ardeur qu'il m'aime,</p>
-<p>Il est plus l'tat, Madame, qu' lui-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le crois comme vous, et que sa passion</p>
-<p>Regarde plus l'tat que vous, moi, ni Lon.</p>
-<p>C'est vous entendre, Irne, et vous parler sans feindre:<span class="dalign">1245</span></p>
-<p>Je vois ce qu'il projette, et ce qu'il en faut craindre.</p>
-<p>L'aimez-vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Je l'aimai, quand je crus qu'il m'aimoit:</p>
-<p>Je voyois sur son front un air qui me charmoit;</p>
-<p>Mais depuis que le temps m'a fait mieux voir sa flamme,</p>
-<p>J'ai presque teint la mienne et dgag mon me. <span class="dalign">1250</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Achevez. Tel qu'il est, voulez-vous l'pouser?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, Madame, ou du moins le pouvoir refuser.</p>
-<p>Aprs deux ans d'amour il y va de ma gloire:</p>
-<p>L'affront seroit trop grand, et la tache trop noire,</p>
-<p>Si dans la conjoncture o l'on est aujourd'hui <span class="dalign">1255</span></p>
-<p>Il m'osoit regarder comme indigne de lui.</p>
-<p>Ses desseins vont plus haut; et voyant qu'il vous aime,</p>
-<p>Bien que peut-tre moins que votre diadme,</p>
-<p>Je n'ai vu rien en moi qui le pt retenir;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span></div>
-<p>Et je ne vous l'offrois que pour le prvenir. <span class="dalign">1260</span></p>
-<p>C'est ainsi que j'ai cru me mettre en assurance</p>
-<p>Par l'clat gnreux d'une fausse apparence:</p>
-<p>Je vous cdois un bien que je ne puis garder,</p>
-<p>Et qu' vous seule enfin ma gloire peut cder.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Reposez-vous sur moi. Votre Aspar vient.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, ASPAR, IRNE, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i19"> Madame, <span class="dalign">1265</span></p>
-<p>Dj sur vos desseins j'ai lu dans plus d'une me,</p>
-<p>Et crois de mon devoir de vous mieux avertir</p>
-<p>De ce que sur tous deux on m'a fait pressentir.</p>
-<p class="i1"> J'espre pour Lon, et j'y fais mon possible;</p>
-<p>Mais j'en prvois, Madame, un murmure infaillible, <span class="dalign">1270</span></p>
-<p>Qui pourra se borner quelque motion,</p>
-<p>Et peut aller plus loin que la sdition.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous en savez l'auteur: parlez, qu'on le punisse;</p>
-<p>Que moi-mme au snat j'en demande justice.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre est-ce quelqu'un que vous pourriez choisir. <span class="dalign">1275</span></p>
-<p>S'il vous falloit ailleurs tourner votre dsir,</p>
-<p>Et dont le choix illustre tel point sauroit plaire,</p>
-<p>Que<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor">&nbsp;[409]</a> nous n'aurions craindre aucun parti contraire.</p>
-<p>Comme vous le nommer, ce seroit fait de lui,</p>
-<p>Ce seroit l'empire ter un ferme appui, <span class="dalign">1280</span></p>
-<p>Et livrer un grand c&oelig;ur sa perte certaine,</p>
-<p>Quand il n'est pas encor digne de votre haine.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On me fait mal sa cour avec de tels avis,</p>
-<p>Qui sans nommer personne, en nomment plus de dix.</p>
-<p>Je hais l'empressement de ces devoirs sincres, <span class="dalign">1285</span></p>
-<p>Qui ne jette en l'esprit que de vagues chimres,</p>
-<p>Et ne me prsentant qu'un obscur avenir,</p>
-<p>Me donne tout craindre, et rien prvenir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le besoin de l'tat est souvent un mystre</p>
-<p>Dont la moiti se dit, et l'autre est bonne taire. <span class="dalign">1290</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il n'est souvent aussi qu'un pur fantme en l'air</p>
-<p>Que de secrets ressorts font agir et parler,</p>
-<p>Et s'arrte o le fixe une me prvenue,</p>
-<p>Qui pour ses intrts le forme et le remue.</p>
-<p>Des besoins de l'tat si vous tes jaloux, <span class="dalign">1295</span></p>
-<p>Fiez-vous-en moi, qui les vois mieux que vous.</p>
-<p>Martian, comme vous, vous parler sans feindre,</p>
-<p>Dans le choix de Lon voit quelque chose craindre;</p>
-<p>Mais il m'apprend de qui je dois me dfier;</p>
-<p>Et je puis, si je veux, me le sacrifier. <span class="dalign">1300</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui nomme-t-il, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Aspar, c'est un mystre</p>
-<p>Dont la moiti se dit, et l'autre est bonne taire.</p>
-<p>Si l'on hait tant Lon, du moins rduisez-vous</p>
-<p>A faire qu'on m'admette rgner sans poux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne l'obtiendrai point, la chose est sans exemple.<span class="dalign">1305</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La matire au vrai zle en est d'autant plus ample;</p>
-<p>Et vous en montrerez de plus rares effets</p>
-<p>En obtenant pour moi ce qu'on n'obtint jamais.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui; mais qui voulez-vous que le snat vous donne,</p>
-<p>Madame, si Lon....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Ou Lon, ou personne. <span class="dalign">1310</span></p>
-<p>A l'un de ces deux points amenez les esprits.</p>
-<p>Vous adorez Irne, Irne est votre prix;</p>
-<p>Je la laisse avec vous, afin que votre zle</p>
-<p>S'allume ce beau feu que vous avez pour elle.</p>
-<p>Justine, suivez-moi.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">ASPAR, IRNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Ce prix qu'on vous promet <span class="dalign">1315</span></p>
-<p>Sur votre me, Seigneur, doit faire peu d'effet.</p>
-<p>La mienne, toute acquise votre ardeur sincre,</p>
-<p>Ne peut ce grand c&oelig;ur tenir lieu de salaire;</p>
-<p>Et l'amour tel point vous rend matre du mien,</p>
-<p>Que me donner vous, c'est ne vous donner rien. <span class="dalign">1320</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous dites vrai, Madame; et du moins j'ose dire</p>
-<p>Que me donner un c&oelig;ur au-dessous de l'empire,</p>
-<p>Un c&oelig;ur qui me veut faire une honteuse loi,</p>
-<p>C'est ne me donner rien qui soit digne de moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Indigne que je suis d'une foi si douteuse, <span class="dalign">1325</span></p>
-<p>Vous fais-je quelque loi qui puisse tre honteuse?</p>
-<p>Et si Lon devoit l'empire votre appui,</p>
-<p>Lui qui vous y feroit le premier d'aprs lui,</p>
-<p>Auriez-vous rougir de l'en avoir fait matre,</p>
-<p>Seigneur, vous qui voyez que vous ne pouvez l'tre? <span class="dalign">1330</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span></div>
-<p class="i1"> Mettez-vous, j'y consens, au-dessus de l'amour,</p>
-<p>Si pour monter au trne, il s'offre quelque jour.</p>
-<p>Qu' ce glorieux titre un amant soit volage,</p>
-<p>Je puis l'en estimer, l'en aimer davantage,</p>
-<p>Et voir avec plaisir la belle ambition <span class="dalign">1335</span></p>
-<p>Triompher d'une ardente et longue passion.</p>
-<p>L'objet le plus charmant doit cder l'empire:</p>
-<p>Rgnez; j'en ddirai mon c&oelig;ur s'il en soupire.</p>
-<p>Vous ne m'en croyez pas, Seigneur; et toutefois</p>
-<p>Vous rgneriez bientt si l'on suivoit ma voix. <span class="dalign">1340</span></p>
-<p>Apprenez quel point pour vous je m'intresse.</p>
-<p>Je viens de vous offrir moi-mme la princesse;</p>
-<p>Et je sacrifiois mes plus chres ardeurs</p>
-<p>A l'honneur de vous mettre au fate des grandeurs.</p>
-<p>Vous savez sa rponse: Ou Lon, ou personne.<span class="dalign">1345</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est agir en amante et gnreuse et bonne;</p>
-<p>Mais sre d'un refus qui doit rompre le coup,</p>
-<p>La gnrosit ne cote pas beaucoup.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous voyez les chagrins o cette offre m'expose,</p>
-<p>Et ne me voulez pas devoir la moindre chose! <span class="dalign">1350</span></p>
-<p>Ah! si j'osois, Seigneur, vous appeler ingrat!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'offre sans doute est rare, et feroit grand clat,</p>
-<p>Si pour mieux blouir vous aviez eu l'adresse</p>
-<p>D'branler tant soit peu l'esprit de la princesse.</p>
-<p>Elle est impratrice, et d'un seul: Je le veux,<span class="dalign">1355</span></p>
-<p>Elle peut de Lon faire un monarque heureux:</p>
-<p>Qu'a-t-il besoin de moi, lui qui peut tout sur elle?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'insultez point, Seigneur, une flamme si belle.</p>
-<p>L'amour, las de gmir sous les raisons d'tat,</p>
-<p>Pourroit n'en croire pas tout fait le snat. <span class="dalign">1360</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour n'a qu' parler: le snat, quoi qu'on pense,</p>
-<p>N'aura que du respect et de la dfrence;</p>
-<p>Et de l'air dont la chose a dj pris son cours,</p>
-<p>Lon pourra se voir empereur pour trois jours.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Trois jours peuvent suffire faire bien des choses:<span class="dalign">1365</span></p>
-<p>La cour en moins de temps voit cent mtamorphoses;</p>
-<p>En moins de temps un prince qui tout est permis</p>
-<p>Peut rendre ce qu'il doit aux vrais et faux amis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour qui parle ainsi ne parot pas fort tendre.</p>
-<p>Mais je vous aime assez pour ne vous pas entendre;<span class="dalign">1370</span></p>
-<p>Et dirai toutefois, sans m'en embarrasser,</p>
-<p>Qu'il est un peu bien tt pour vous de menacer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne menace point, Seigneur; mais je vous aime</p>
-<p>Plus que moi, plus encor que ce cher frre mme.</p>
-<p>L'amour tendre est timide, et craint pour son objet,<span class="dalign">1375</span></p>
-<p>Ds qu'il lui voit former un dangereux projet.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous m'aimez, je le crois; du moins cela peut tre;</p>
-<p>Mais de quelle faon le faites-vous connotre?</p>
-<p>L'amour inspire-t-il ce rare empressement</p>
-<p>De voir rgner un frre aux dpens d'un amant?<span class="dalign">1380</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il m'inspire regret la peur de votre perte.</p>
-<p>Rgnez, je vous l'ai dit, la porte en est ouverte;</p>
-<p>Vous avez du mrite, et je manque d'appas;</p>
-<p>Ddaignez, quittez-moi, mais ne vous perdez pas.</p>
-<p>Pour le salut d'un frre ai-je si peu d'alarmes,<span class="dalign">1385</span></p>
-<p>Qu'il y faille ajouter d'autres sujets de larmes?</p>
-<p>C'est assez que pour vous j'ose en vain soupirer;</p>
-<p>Ne me rduisez point, Seigneur, vous pleurer.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Gardez, gardez vos pleurs pour ceux qui sont plaindre:</p>
-<p>Puisque vous m'aimez tant, je n'ai point lieu de craindre. <span class="dalign">1390</span></p>
-<p>Quelque peine qu'on doive ma tmrit,</p>
-<p>Votre main qui m'attend fera ma sret;</p>
-<p>Et contre le courroux le plus inexorable</p>
-<p>Elle me servira d'asile inviolable.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous la voudrez peut-tre, et la voudrez trop tard.<span class="dalign">1395</span></p>
-<p>Ne vous exposez point, Seigneur, ce hasard;</p>
-<p>Je doute si j'aurois toujours mme tendresse,</p>
-<p>Et pourrois<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor">&nbsp;[410]</a> de ma main n'tre pas la matresse.</p>
-<p>Je vous parle sans feindre, et ne sais point railler</p>
-<p>Lorsqu'au salut commun il nous faut travailler. <span class="dalign">1400</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et je veux bien aussi vous rpondre sans feindre.</p>
-<p class="i1"> J'ai pour vous un amour ne jamais s'teindre,</p>
-<p>Madame; et dans l'orgueil que vous-mme approuvez,</p>
-<p>L'amiti de Lon a ses droits conservs;</p>
-<p>Mais ni cette amiti, ni cet amour si tendre, <span class="dalign">1405</span></p>
-<p>Quelques soins, quelque effort qu'il vous en plaise attendre,</p>
-<p>Ne me verront jamais l'esprit persuad</p>
-<p>Que je doive obir qui j'ai command,</p>
-<p>A qui, si j'en puis croire un c&oelig;ur qui vous adore,</p>
-<p>J'aurai droit, et longtemps, de commander encore. <span class="dalign">1410</span></p>
-<p>Ma gloire, qui s'oppose cet abaissement,</p>
-<p>Trouve en tous mes gaux le mme sentiment.</p>
-<p>Ils ont fait la princesse arbitre de l'empire:</p>
-<p>Qu'elle pouse Lon, tous sont prts d'y souscrire;</p>
-<p>Mais je ne rponds pas d'un long respect en tous, <span class="dalign">1415</span></p>
-<p>A moins qu'il associe aussitt l'un de nous.</p>
-<p>La chose est peu nouvelle, et je ne vous propose</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span></div>
-<p>Que ce que l'on a fait pour le grand Thodose<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor">&nbsp;[411]</a>.</p>
-<p>C'est par l que l'empire est tomb dans ce sang</p>
-<p>Si fier de sa naissance et si jaloux du rang. <span class="dalign">1420</span></p>
-<p>Songez sur cet exemple vous rendre justice,</p>
-<p>A me faire empereur pour tre impratrice:</p>
-<p>Vous avez du pouvoir, Madame; usez-en bien,</p>
-<p>Et pour votre intrt attachez-vous au mien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Lon dispose-t-il du c&oelig;ur de la princesse? <span class="dalign">1425</span></p>
-<p>C'est un c&oelig;ur fier et grand: le partage la blesse;</p>
-<p>Elle veut tout ou rien; et dans ce haut pouvoir</p>
-<p>Elle teindra l'amour plutt que d'en dchoir.</p>
-<p>Prs d'elle avec le temps nous pourrons davantage:</p>
-<p>Ne pressons point, Seigneur, un si juste partage.<span class="dalign">1430</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous le voudrez peut-tre, et le voudrez trop tard:</p>
-<p>Ne laissez point longtemps nos destins au hasard.</p>
-<p>J'attends de votre amour cette preuve nouvelle.</p>
-<p>Adieu, Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">IRNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Adieu. L'ambition est belle;</p>
-<p>Mais vous n'tes, Seigneur, avec ce sentiment, <span class="dalign">1435</span></p>
-<p>Ni vritable ami, ni vritable amant.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p>
-<div class="chapter">
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span></p>
-<h2>ACTE V.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, JUSTINE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Justine, plus j'y pense, et plus je m'inquite:</p>
-<p>Je crains de n'avoir plus une amour si parfaite,</p>
-<p>Et que si de Lon on me fait un poux,</p>
-<p>Un bien si dsir ne me soit plus si doux. <span class="dalign">1440</span></p>
-<p>Je ne sais si le rang m'auroit fait changer d'me;</p>
-<p>Mais je tremble penser que je serois sa femme,</p>
-<p>Et qu'on n'pouse point l'amant le plus chri,</p>
-<p>Qu'on ne se fasse un matre aussitt qu'un mari.</p>
-<p>J'aimerois rgner avec l'indpendance <span class="dalign">1445</span></p>
-<p>Que des vrais souverains s'assure la prudence;</p>
-<p>Je voudrois que le ciel inspirt au snat</p>
-<p>De me laisser moi seule gouverner l'tat,</p>
-<p>De m'pargner ce matre, et vois d'un &oelig;il d'envie<a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor">&nbsp;[412]</a></p>
-<p>Toujours Smiramis, et toujours Znobie. <span class="dalign">1450</span></p>
-<p>On triompha de l'une; et pour Smiramis,</p>
-<p>Elle usurpa le nom et l'habit de son fils;</p>
-<p>Et sous l'obscurit d'une longue tutelle,</p>
-<p>Cet habit et ce nom rgnoient tous deux plus qu'elle.</p>
-<p>Mais mon c&oelig;ur de leur sort n'en est pas moins jaloux: <span class="dalign">1455</span></p>
-<p>C'toit rgner enfin, et rgner sans poux.</p>
-<p>Le triomphe n'en fait qu'affermir la mmoire;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span></div>
-<p>Et le dguisement n'en dtruit point la gloire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que les choses bientt prendroient un autre tour</p>
-<p>Si le snat prenoit le parti de l'amour! <span class="dalign">1460</span></p>
-<p>Que bientt.... Mais je vois Aspar avec mon pre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sachons d'eux quel destin le ciel vient de me faire.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">MARTIAN, ASPAR, PULCHRIE, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, le snat nous dpute tous deux</p>
-<p>Pour vous jurer encor qu'il suivra tous vos v&oelig;ux.</p>
-<p>Aprs qu'entre vos mains il a remis l'empire,<span class="dalign">1465</span></p>
-<p>C'est faire un attentat que de vous rien prescrire;</p>
-<p>Et son respect vous prie une seconde fois</p>
-<p>De lui donner vous seule un matre votre choix.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il pouvoit le choisir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Il s'en dfend l'audace,</p>
-<p>Madame; et sur ce point il vous demande grce.<span class="dalign">1470</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pourquoi donc m'en fait-il une ncessit?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour donner plus de force votre autorit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Son zle est grand pour elle: il faut le satisfaire.</p>
-<p>Et lui mieux obir qu'il n'a daign me plaire.</p>
-<p class="i1"> Sexe, ton sort en moi ne peut se dmentir: <span class="dalign">1475</span></p>
-<p>Pour tre souveraine il faut m'assujettir,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span></div>
-<p>En<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor">&nbsp;[413]</a> montant sur le trne entrer dans l'esclavage,</p>
-<p>Et recevoir des lois de qui me rend hommage.</p>
-<p class="i1"> Allez, dans quelques jours je vous ferai savoir</p>
-<p>Le choix que par son ordre aura fait mon devoir.<span class="dalign">1480</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il tiendroit faveur et bien haute et bien rare</p>
-<p>De le savoir, Madame, avant qu'il se spare.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? pas un seul moment pour en dlibrer.</p>
-<p>Mais je ferois un crime le plus diffrer;</p>
-<p>Il vaut mieux, pour essai de ma toute-puissance,<span class="dalign">1485</span></p>
-<p>Montrer un digne effet de pleine obissance.</p>
-<p>Retirez-vous, Aspar: vous aurez votre tour.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-
-<p class="subt">PULCHRIE, MARTIAN, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On m'a dit que pour moi vous aviez de l'amour,</p>
-<p>Seigneur; seroit-il vrai?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Qui vous l'a dit, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vos services, mes yeux, le trouble de votre me,<span class="dalign">1490</span></p>
-<p>L'exil que mon hymen vous devoit imposer:</p>
-<p>Sont-ce l des tmoins, Seigneur, rcuser?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est donc moi, Madame, confesser mon crime.</p>
-<p>L'amour nat aisment du zle et de l'estime;</p>
-<p>Et l'assiduit prs d'un charmant objet<span class="dalign">1495</span></p>
-<p>N'attend point notre aveu pour faire son effet.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span></div>
-<p class="i1"> Il m'est honteux d'aimer; il vous l'est d'tre aime</p>
-<p>D'un homme dont la vie est dj consume,</p>
-<p>Qui ne vit qu' regret depuis qu'il a pu voir</p>
-<p>Jusqu'o ses yeux charms ont trahi son devoir. <span class="dalign">1500</span></p>
-<p>Mon c&oelig;ur, qu'un si long ge en mettoit hors d'alarmes,</p>
-<p>S'est vu livr par eux ces dangereux charmes.</p>
-<p>En vain, Madame, en vain je m'en suis dfendu;</p>
-<p>En vain j'ai su me taire aprs m'tre rendu:</p>
-<p>On m'a forc d'aimer, on me force le dire. <span class="dalign">1505</span></p>
-<p>Depuis plus de dix ans je languis, je soupire,</p>
-<p>Sans que de tout l'excs d'un si long dplaisir</p>
-<p>Vous ayez pu surprendre une larme, un soupir;</p>
-<p>Mais enfin la langueur qu'on voit sur mon visage</p>
-<p>Est encor plus l'effet de l'amour que de l'ge. <span class="dalign">1510</span></p>
-<p>Il faut faire un heureux, le jour n'en est pas loin:</p>
-<p>Pardonnez l'horreur d'en tre le tmoin,</p>
-<p>Si mes maux et ce feu digne de votre haine</p>
-<p>Cherchent dans un exil leur remde, et sa peine.</p>
-<p>Adieu: vivez heureuse; et si tant de jaloux.... <span class="dalign">1515</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne partez pas, Seigneur, je les tromperai tous;</p>
-<p>Et puisque de ce choix aucun ne me dispense,</p>
-<p>Il est fait, et de tel qui pas un ne pense.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel qu'il soit, il sera l'arrt de mon trpas,</p>
-<p>Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Encore un coup, ne vous loignez pas.<span class="dalign">1520</span></p>
-<p>Seigneur, jusques ici vous m'avez bien servie;</p>
-<p>Vos lumires ont fait tout l'clat de ma vie;</p>
-<p>La vtre s'est use me favoriser:</p>
-<p>Il faut encor plus faire, il faut....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Quoi?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> M'pouser.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Moi, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Oui, Seigneur; c'est le plus grand service</p>
-<p>Que vos soins puissent rendre votre impratrice.</p>
-<p>Non qu'en m'offrant vous je rponde vos feux</p>
-<p>Jusques souhaiter des fils et des neveux:</p>
-<p>Mon aeul, dont partout les hauts faits retentissent,</p>
-<p>Voudra bien qu'avec moi ses descendants finissent, <span class="dalign">1530</span></p>
-<p>Que j'en sois la dernire, et ferme dignement</p>
-<p>D'un si grand empereur l'auguste monument.</p>
-<p>Qu'on ne prtende plus que ma gloire s'expose</p>
-<p>A laisser des Csars du sang de Thodose.</p>
-<p>Qu'ai-je affaire de race me dshonorer, <span class="dalign">1535</span></p>
-<p>Moi qui n'ai que trop vu ce sang dgnrer,</p>
-<p>Et que s'il est fcond en illustres princesses,</p>
-<p>Dans les princes qu'il forme il n'a que des foiblesses?</p>
-<p class="i1"> Ce n'est pas que Lon, choisi pour souverain,</p>
-<p>Pour me rendre mon rang n'et obtenu ma main.</p>
-<p>Mon amour, ce prix, se ft rendu justice;</p>
-<p>Mais puisqu'on m'a sans lui nomme impratrice,</p>
-<p>Je dois ce haut rang d'assez nobles projets</p>
-<p>Pour n'admettre en mon lit aucun de mes sujets.</p>
-<p>Je ne veux plus d'poux, mais il m'en faut une ombre,</p>
-<p>Qui des Csars pour moi puisse grossir le nombre;</p>
-<p>Un mari qui content d'tre au-dessus des rois,</p>
-<p>Me donne ses clarts, et dispense mes lois;</p>
-<p>Qui n'tant en effet que mon premier ministre,</p>
-<p>Pare ce que sous moi l'on craindroit de sinistre,<span class="dalign">1550</span></p>
-<p>Et pour tenir en bride un peuple sans raison,</p>
-<p>Paroisse mon poux, et n'en ait que le nom.</p>
-<p class="i1"> Vous m'entendez, Seigneur, et c'est assez vous dire.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span></div>
-<p>Prtez-moi votre main<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor">&nbsp;[414]</a>, je vous donne l'empire:</p>
-<p>blouissons le peuple, et vivons entre nous <span class="dalign">1555</span></p>
-<p>Comme s'il n'toit point d'pouses ni d'poux.</p>
-<p>Si ce n'est possder l'objet de votre<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor">&nbsp;[415]</a> flamme,</p>
-<p>C'est vous rendre du moins le matre de son me,</p>
-<p>L'ter vos rivaux, vous mettre au-dessus d'eux,</p>
-<p>Et de tous mes amants vous voir le plus heureux.<span class="dalign">1560</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> A vos hauts faits je dois ce grand salaire;</p>
-<p>Et j'acquitte envers vous et l'tat et mon frre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Auroit-on jamais cru, Madame...?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Allez, Seigneur,</p>
-<p>Allez en plein snat faire voir l'Empereur.</p>
-<p>Il demeure assembl pour recevoir son matre:<span class="dalign">1565</span></p>
-<p>Allez-y de ma part vous faire reconnotre;</p>
-<p>Ou si votre souhait ne rpond pas au mien,</p>
-<p>Faites grce mon sexe, et ne m'en dites rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Souffrez qu' vos genoux, Madame....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i17"> Allez, vous dis-je:</p>
-<p>Je m'oblige encor plus que je ne vous oblige; <span class="dalign">1570</span></p>
-<p>Et mon c&oelig;ur qui vous vient d'ouvrir ses sentiments,</p>
-<p>N'en veut ni de refus ni de remercments.</p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, ASPAR, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Faites rentrer Aspar<a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor">&nbsp;[416]</a>. Que faites-vous d'Irne?</p>
-<p>Quand l'pouserez-vous? Ce mot vous fait-il peine?</p>
-<p>Vous ne rpondez point?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Non, Madame, et je doi <span class="dalign">1575</span></p>
-<p>Ce respect aux bonts que vous avez pour moi.</p>
-<p>Qui se tait obit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> J'aime assez qu'on s'explique.</p>
-<p>Les silences de cour ont de la politique.</p>
-<p>Sitt que nous parlons, qui consent applaudit,</p>
-<p>Et c'est en se taisant que l'on nous contredit<a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor">&nbsp;[417]</a>. <span class="dalign">1580</span></p>
-<p>Le temps m'claircira de ce que je souponne.</p>
-<p>Cependant j'ai fait choix de l'poux qu'on m'ordonne.</p>
-<p>Lon vous faisoit peine, et j'ai dompt l'amour,</p>
-<p>Pour vous donner un matre admir dans la cour,</p>
-<p>Ador dans l'arme, et que de cet empire <span class="dalign">1585</span></p>
-<p>Les plus fermes soutiens feroient gloire d'lire:</p>
-<p>C'est Martian.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Tout vieil et tout cass qu'il est!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout vieil et tout cass, je l'pouse; il me plat.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span></div>
-<p>J'ai mes raisons. Au reste, il a besoin d'un gendre</p>
-<p>Qui partage avec lui les soins qu'il lui faut prendre, <span class="dalign">1590</span></p>
-<p>Qui soutienne des ans penchs dans<a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor">&nbsp;[418]</a> le tombeau,</p>
-<p>Et qui porte sous lui la moiti du fardeau.</p>
-<p>Qui jugeriez-vous propre remplir cette place?</p>
-<p>Une seconde fois vous paroissez de glace!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, Arobinde et Procope tous deux <span class="dalign">1595</span></p>
-<p>Ont engag leur c&oelig;ur et form d'autres v&oelig;ux:</p>
-<p>Sans cela je dirois....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Et sans cela moi-mme</p>
-<p>J'lverois Aspar cet honneur suprme;</p>
-<p>Mais quand il seroit homme pouvoir aisment</p>
-<p>Renoncer aux douceurs de son attachement, <span class="dalign">1600</span></p>
-<p>Justine n'auroit pas une me assez hardie</p>
-<p>Pour accepter un c&oelig;ur noirci de perfidie,</p>
-<p>Et vous regarderoit comme un volage esprit</p>
-<p>Toujours prt donner o la fortune rit.</p>
-<p>N'en savez-vous aucun de qui l'ardeur fidle....<span class="dalign">1605</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ASPAR.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, vos bonts choisiront mieux pour elle;</p>
-<p>Comme pour Martian elles nous ont surpris,</p>
-<p>Elles sauront encor surprendre nos esprits.</p>
-<p>Je vous laisse en rsoudre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Allez; et pour Irne,</p>
-<p>Si vous ne sentez rien en l'me qui vous gne,<span class="dalign">1610</span></p>
-<p>Ne faites plus douter de vos longues amours,</p>
-<p>Ou je dispose d'elle avant qu'il soit deux jours.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est pas encor tout, Justine: je veux faire</p>
-<p>Le malheureux Lon successeur de ton pre.</p>
-<p>Y contribueras-tu? prteras-tu la main <span class="dalign">1615</span></p>
-<p>Au glorieux succs d'un si noble dessein?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et la main et le c&oelig;ur sont en votre puissance,</p>
-<p>Madame: doutez-vous de mon obissance,</p>
-<p>Aprs que par votre ordre il m'a dj cot</p>
-<p>Un conseil contre vous qui doit l'avoir flatt? <span class="dalign">1620</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Achevons: le voici. Je rponds de ton pre;</p>
-<p>Son c&oelig;ur est trop moi pour nous tre contraire.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VI.</h3>
-<p class="subt">PULCHRIE, LON, JUSTINE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je me le disois bien, que vos nouveaux serments,</p>
-<p>Madame, ne seroient que des amusements.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous commencez d'un air....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> J'achverai de mme, <span class="dalign">1625</span></p>
-<p>Ingrate! ce n'est plus ce Lon qui vous aime;</p>
-<p>Non, ce n'est plus....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Sachez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Je ne veux rien savoir,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span></div>
-<p>Et je n'apporte ici ni respect ni devoir.</p>
-<p>L'imptueuse ardeur d'une rage inquite</p>
-<p>N'y vient que mriter la mort que je souhaite; <span class="dalign">1630</span></p>
-<p>Et les emportements de ma juste fureur</p>
-<p>Ne m'y parlent de vous que pour m'en faire horreur.</p>
-<p>Oui, comme Pulchrie et comme impratrice,</p>
-<p>Vous n'avez eu pour moi que dtour, qu'injustice:</p>
-<p>Si vos fausses bonts ont su me dcevoir, <span class="dalign">1635</span></p>
-<p>Vos serments m'ont rduit au dernier dsespoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! Lon.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Par quel art, que je ne puis comprendre,</p>
-<p>Forcez-vous d'un soupir ma fureur se rendre?</p>
-<p>Un coup d'&oelig;il en triomphe; et ds que je vous voi,</p>
-<p>Il ne me souvient plus de vos manques de foi. <span class="dalign">1640</span></p>
-<p>Ma bouche se refuse vous nommer parjure,</p>
-<p>Ma douleur se dfend jusqu'au moindre murmure;</p>
-<p>Et l'affreux dsespoir qui m'amne en ces lieux</p>
-<p>Cde au plaisir secret d'y mourir vos yeux.</p>
-<p>J'y vais mourir, Madame, et d'amour, non de rage:</p>
-<p>De mon dernier soupir recevez l'humble hommage<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor">&nbsp;[419]</a>;</p>
-<p>Et si de votre rang la fiert le permet,</p>
-<p>Recevez-le, de grce, avec quelque regret.</p>
-<p>Jamais fidle ardeur n'approcha de ma flamme,</p>
-<p>Jamais frivole espoir ne flatta mieux une me. <span class="dalign">1650</span></p>
-<p>Je ne mritois pas qu'il et aucun effet,</p>
-<p>Ni qu'un amour si pur se vt mieux satisfait.</p>
-<p>Mais quand vous m'avez dit: Quelque ordre qu'on me donne,</p>
-<p>Nul autre ne sera matre de ma personne,</p>
-<p>J'ai d me le promettre; et toutefois, hlas!<span class="dalign">1655</span></p>
-<p>Vous passez ds demain, Madame, en d'autres bras;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span></div>
-<p>Et ds ce mme jour, vous perdez la mmoire</p>
-<p>De ce que vos bonts me commandoient de croire!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, je ne la perds pas, et sais ce que je doi.</p>
-<p>Prenez des sentiments qui soient dignes de moi,<span class="dalign">1660</span></p>
-<p>Et ne m'accusez point de manquer de parole,</p>
-<p>Quand pour vous la tenir moi-mme je m'immole.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? vous n'pousez pas Martian ds demain?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Savez-vous quel prix je lui donne la main?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que m'importe quel prix un tel bonheur s'achte? <span class="dalign">1665</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sortez, sortez du trouble o votre erreur vous jette,</p>
-<p>Et sachez qu'avec moi ce grand titre d'poux</p>
-<p>N'a point de privilge vous rendre jaloux;</p>
-<p>Que sous l'illusion de ce faux hymne,</p>
-<p>Je fais v&oelig;u de mourir telle que je suis ne;<span class="dalign">1670</span></p>
-<p>Que Martian reoit et ma main et ma foi</p>
-<p>Pour me conserver toute, et tout l'empire moi;</p>
-<p>Et que tout le pouvoir que cette foi lui donne</p>
-<p>Ne le fera jamais matre de ma personne.</p>
-<p class="i1"> Est-ce tenir parole? et reconnoissez-vous <span class="dalign">1675</span></p>
-<p>A quel point je vous sers quand j'en fais mon poux?</p>
-<p>C'est pour vous qu'en ses mains je dpose l'empire;</p>
-<p>C'est pour vous le garder qu'il me plat de l'lire<a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor">&nbsp;[420]</a>.</p>
-<p>Rendez-vous, comme lui, digne de ce dpt,</p>
-<p>Que son ge penchant vous remettra bientt; <span class="dalign">1680</span></p>
-<p>Suivez-le pas pas; et marchant dans sa route,</p>
-<p>Mettez ce premier rang aprs lui hors de doute.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span></div>
-<p>tudiez sous lui ce grand art de rgner,</p>
-<p>Que tout autre auroit peine vous mieux enseigner;</p>
-<p>Et pour vous assurer ce que j'en veux attendre, <span class="dalign">1685</span></p>
-<p>Attachez-vous au trne, et faites-vous son gendre:</p>
-<p>Je vous donne Justine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> A moi, Madame!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> A vous,</p>
-<p>Que je m'tois promis moi-mme pour poux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est donc pas assez de vous avoir perdue,</p>
-<p>De voir en d'autres mains la main qui m'toit due, <span class="dalign">1690</span></p>
-<p>Il faut aimer ailleurs!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p> Il faut tre empereur,</p>
-<p>Et le sceptre la main, justifier mon c&oelig;ur;</p>
-<p>Montrer l'univers, dans le hros que j'aime,</p>
-<p>Tout ce qui rend un front digne du diadme;</p>
-<p>Vous mettre, mon exemple, au-dessus de l'amour,</p>
-<p>Et par mon ordre enfin rgner votre tour.</p>
-<p>Justine a du mrite, elle est jeune, elle est belle:</p>
-<p>Tous vos rivaux pour moi le vont tre pour elle;</p>
-<p>Et l'empire pour dot est un trait si charmant,</p>
-<p>Que je ne vous en puis rpondre qu'un moment. <span class="dalign">1700</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, Madame, aprs vous elle est incomparable:</p>
-<p>Elle est de votre c&oelig;ur la plus considrable;</p>
-<p>Elle a des qualits se faire adorer,</p>
-<p>Mais, hlas! jusqu' vous j'avois droit d'aspirer.</p>
-<p>Voulez-vous qu' vos yeux je trompe un tel mrite, <span class="dalign">1705</span></p>
-<p>Que sans amour pour elle m'aimer je l'invite,</p>
-<p>Qu'en vous laissant mon c&oelig;ur je demande le sien,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span></div>
-<p>Et lui promette tout pour ne lui donner rien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et ne savez-vous pas qu'il est des hymnes</p>
-<p>Que font sans nous au ciel les belles destines? <span class="dalign">1710</span></p>
-<p>Quand il veut que l'effet en clate ici-bas,</p>
-<p>Lui-mme il nous entrane o nous ne pensions pas;</p>
-<p>Et ds qu'il les rsout, il sait trouver la voie</p>
-<p>De nous faire accepter ses ordres avec joie.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais ne vous aimer plus! vous voler tous mes v&oelig;ux!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aimez-moi, j'y consens; je dis plus, je le veux,</p>
-<p>Mais comme impratrice, et non plus comme amante:</p>
-<p>Que la passion cesse, et que le zle augmente.</p>
-<p>Justine, qui m'coute, agrera bien, Seigneur,</p>
-<p>Que je conserve ainsi ma part en votre c&oelig;ur. <span class="dalign">1720</span></p>
-<p>Je connois tout le sien. Rendez-vous plus traitable,</p>
-<p>Pour apprendre l'aimer autant qu'elle est aimable;</p>
-<p>Et laissez-vous conduire qui sait mieux que vous</p>
-<p>Les chemins de vous faire un sort illustre et doux.</p>
-<p>Croyez-en votre amante et votre impratrice: <span class="dalign">1725</span></p>
-<p>L'une aime vos vertus, l'autre leur rend justice;</p>
-<p>Et sur Justine et vous je dois pouvoir assez</p>
-<p>Pour vous dire tous deux: Je parle, obissez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">LON<a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor">&nbsp;[421]</a>.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'obis donc, Madame, cet ordre suprme,</p>
-<p>Pour vous offrir un c&oelig;ur qui n'est pas lui-mme; <span class="dalign">1730</span></p>
-<p>Mais enfin je ne sais quand je pourrai donner</p>
-<p>Ce que je ne puis mme offrir sans le gner;</p>
-<p>Et cette offre d'un c&oelig;ur entre les mains d'une autre<a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor">&nbsp;[422]</a></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span></div>
-<p>Ne peut faire un amour qui mrite le vtre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">JUSTINE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est assez moi, dans de si bonnes mains, <span class="dalign">1735</span></p>
-<p>Pour n'en point redouter de vrais et longs ddains;</p>
-<p>Et je vous rpondrois d'une amiti sincre,</p>
-<p>Si j'en avois l'aveu de l'Empereur mon pre.</p>
-<p>Le temps fait tout, Seigneur.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE VII.</h3>
-
-<p class="subt">PULCHRIE, MARTIAN, LON, JUSTINE.</p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> D'une commune voix,</p>
-<p>Madame, le snat accepte votre choix. <span class="dalign">1740</span></p>
-<p>A vos bonts pour moi son allgresse unie</p>
-<p>Soupire aprs le jour de la crmonie;</p>
-<p>Et le serment prt, pour n'en retarder rien,</p>
-<p>A votre auguste nom vient de mler le mien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cependant j'ai sans vous dispos de Justine, <span class="dalign">1745</span></p>
-<p>Seigneur, et c'est Lon qui je la destine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">MARTIAN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pourrois-je lui choisir un plus illustre poux</p>
-<p>Que celui que l'amour avoit choisi pour vous?</p>
-<p>Il peut prendre aprs vous tout pouvoir dans l'empire,</p>
-<p>S'y faire des emplois o l'univers l'admire, <span class="dalign">1750</span></p>
-<p>Afin que par votre ordre et les conseils d'Aspar</p>
-<p>Nous l'installions au trne et le nommions Csar.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PULCHRIE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allons tout prparer pour ce double hymne,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span></div>
-<p>En ordonner la pompe, en choisir la journe.</p>
-<p>D'Irne avec Aspar j'en voudrois faire autant; <span class="dalign">1755</span></p>
-<p>Mais j'ai donn deux jours cet esprit flottant,</p>
-<p>Et laisse jusque-l ma faveur incertaine,</p>
-<p>Pour rgler son destin sur le destin d'Irne.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i2">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE.</span></p>
-
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_454"> 454</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span></p>
-<div class="chapter">
-<p class="extra">SURNA
-<span class="large">GNRAL DES PARTHES</span>
-<span class="medium">TRAGDIE</span>
-<span class="small">1674</span></p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span>
-</div>
-
-<h3>NOTICE.</h3>
-
-<p>Monsieur Corneille, dit Jolly<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor">&nbsp;[423]</a>, avoit en vue deux sujets de
-tragdie lorsqu'il s'arrta celui-ci: le premier toit Usanguey,
-prince chinois dont les historiens font de grands loges<a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor">&nbsp;[424]</a>, et le
-second, tir de Tacite<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor">&nbsp;[425]</a>, toit le fameux Gaulois nomm Antonius
-Primus, lequel avoit contribu plus que personne mettre
-Vespasian sur le trne, et dont les services furent mal reconnus.
-Ce nom lui paroissant peu propre entrer dans un vers,
-<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span>
-il prfra celui de Surna, dont l'histoire lui fournissoit les
-mmes circonstances, et le caractre d'un hros qui n'avoit
-point encore paru sur la scne.</p>
-
-<p>Il est fort curieux que Corneille ait ainsi song, ne ft-ce
-qu'un instant, transporter la scne d'une de ses tragdies
-dans un pays alors si mal connu, qu'il fallut encore en 1755
-beaucoup de hardiesse Voltaire pour oser faire reprsenter
-son <i>Orphelin de la Chine</i>.</p>
-
-<p>Nous ne pouvons, du reste, contrler le tmoignage de Jolly
-par aucun autre. Priv pour cette poque du secours que nous
-ont fourni prcdemment la <i>Gazette</i> de Loret et les <i>Lettres en
-vers</i> de Robinet, nous avons fort peu de dtails sur tout ce qui
-concerne la tragdie de <i>Surna</i>, et nous ignorons par quels
-acteurs cette pice fut reprsente.</p>
-
-<p>La tragdie de <i>Surna</i>, dit Voltaire dans sa prface, fut
-joue les derniers jours de 1674 et les premiers de 1675.
-Les frres Parfait en placent l'analyse la fin de l'anne 1674,
-sans marquer ni le jour ni le mois de la premire reprsentation.
-Elle est fixe au mardi 11 dcembre dans le <i>Journal du
-Thtre franois</i><a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor">&nbsp;[426]</a>, auquel nous n'avons gure recours qu'
-dfaut d'autre document, mais dont l'indication concorde en
-cette circonstance avec le passage suivant d'une lettre crite par
-Bayle M. Minutoli Rouen, en date du 15 dcembre 1674<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor">&nbsp;[427]</a>:
-On joue l'htel de Bourgogne une nouvelle pice de M. Corneille
-l'an, dont j'ai oubli le nom, qui fait, la vrit, du
-bruit, mais pas eu gard au renom de l'auteur. Aussi dit-on
-que M. de Montausier lui dit en raillant: Monsieur Corneille,
-j'ai vu le temps que je faisois d'assez bons vers; mais,
-ma foi, depuis que je suis vieux, je ne fais rien qui vaille.
-Il faut laisser cela pour les jeunes gens.</p>
-
-<p>Que M. de Montausier ait parfois trait certains potes amateurs
-comme Alceste, dont il avait, dit-on, fourni le modle,
-traite Oronte dans <i>le Misanthrope</i>, on le comprend, et l'on
-n'a pas le courage de lui en vouloir; mais on aime douter
-qu'il ait adress des paroles aussi dures un homme de
-<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span>
-gnie qui n'avait qu'un seul tort, bien respectable: celui de
-vieillir.</p>
-
-<p>Le titre exact de la pice est: <span class="small1">Surena, gnral des Parthes</span>,
-tragedie. <i>A Paris, chez Guillaume de Luyne</i>.... M.DC.LXXV.
-<i>Avec Privilege du Roy</i>. L'Achev d'imprimer est du 2 janvier
-1675. Le volume, de format in-12, se compose de 2 feuillets
-et 72 pages.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span></p>
-<h3>AU LECTEUR.</h3>
-</div>
-
-<p>Le sujet de cette tragdie est tir de Plutarque et
-d'Appian Alexandrin<a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor">&nbsp;[428]</a>. Ils disent tous deux que Surna<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor">&nbsp;[429]</a>
-toit le plus noble, le plus riche, le mieux fait,
-et le plus vaillant des Parthes<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor">&nbsp;[430]</a>. Avec ces qualits, il ne
-pouvoit manquer d'tre un des premiers hommes de son
-sicle; et si je ne m'abuse, la peinture que j'en ai faite
-ne l'a point rendu mconnoissable: vous en jugerez.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span></p>
-<h3>LISTE DES DITIONS QUI ONT T COLLATIONNES<br />
-POUR LES VARIANTES DE <i>SURNA</i>.</h3>
-
-<h3 class="normal">DITION SPARE.<br />
-1675 in-12.<br />
-RECUEIL.<br />
-1682 in-12.</h3>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span></p>
-<h3>ACTEURS.</h3>
-<table id="acteurs6" summary="parts">
-<tr>
-<td class="tdl">ORODE,</td>
-<td class="tdl">roi des Parthes<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor">&nbsp;[431]</a>.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PACORUS,</td>
-<td class="tdl">fils d'Orode<a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor">&nbsp;[432]</a>.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">SURNA,</td>
-<td class="tdl">lieutenant d'Orode<br />
-<span class="ni1">et gnral de son arme contre Crassus<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor">&nbsp;[433]</a>.</span></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">SILLACE,</td>
-<td class="tdl">autre lieutenant d'Orode<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor">&nbsp;[434]</a>.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">EURYDICE,</td>
-<td class="tdl">fille d'Artabase,<br />
-<span class="ni1">roi d'Armnie<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor">&nbsp;[435]</a>.</span></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PALMIS,</td>
-<td class="tdl">s&oelig;ur de Surna.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">ORMNE,</td>
-<td class="tdl">dame d'honneur d'Eurydice.</td>
-</tr>
-</table>
-
-<div class="chapter">
-<h3 class="subh">La scne est Sleucie, sur l'Euphrate<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor">&nbsp;[436]</a>.</h3>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span></p>
-<div class="extra">SURNA,<br />
-<span class="large">GNRAL DES PARTHES.</span><br />
-<span class="medium">TRAGDIE.</span>
-</div>
-
-<h2 class="normal">ACTE I.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, ORMNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne me parle plus tant de joie et d'hymne;</p>
-<p>Tu ne sais pas les maux o je suis condamne,</p>
-<p>Ormne: c'est ici que doit s'excuter</p>
-<p>Ce trait qu' deux rois il a plu d'arrter;</p>
-<p>Et l'on a prfr cette superbe ville, <span class="dalign">5</span></p>
-<p>Ces murs de Sleucie, aux murs d'Hcatompyle<a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor">&nbsp;[437]</a>.</p>
-<p>La Reine et la princesse en quittent le sjour,</p>
-<p>Pour rendre en ces beaux lieux tout son lustre la cour.</p>
-<p>Le Roi les mande exprs, le prince n'attend qu'elles;</p>
-<p>Et jamais ces climats n'ont vu pompes si belles. <span class="dalign">10</span></p>
-<p>Mais que servent pour moi tous ces prparatifs,</p>
-<p>Si mon c&oelig;ur est esclave et tous ses v&oelig;ux captifs,</p>
-<p>Si de tous ces efforts de publique allgresse</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span></div>
-<p>Il se fait des sujets de trouble et de tristesse?</p>
-<p>J'aime ailleurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Vous, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Ormne, je l'ai tu <span class="dalign">15</span></p>
-<p>Tant que j'ai pu me rendre toute ma vertu.</p>
-<p>N'esprant jamais voir l'amant qui m'a charme,</p>
-<p>Ma flamme dans mon c&oelig;ur se tenoit renferme:</p>
-<p>L'absence et la raison sembloient la dissiper;</p>
-<p>Le manque d'espoir mme aidoit me tromper. <span class="dalign">20</span></p>
-<p>Je crus ce c&oelig;ur tranquille, et mon devoir svre</p>
-<p>Le prparoit sans peine aux lois du Roi mon pre,</p>
-<p>Au choix qui lui plairoit. Mais, Dieux! quel tourment,</p>
-<p>S'il faut prendre un poux aux yeux de cet amant!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Aux yeux de votre amant!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Il est temps de te dire <span class="dalign">25</span></p>
-<p>Et quel malheur m'accable, et pour qui je soupire.</p>
-<p>Le mal qui s'vapore en devient plus lger,</p>
-<p>Et le mien avec toi cherche se soulager.</p>
-<p class="i1"> Quand l'avare Crassus<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor">&nbsp;[438]</a>, chef des troupes romaines,</p>
-<p>Entreprit de dompter les Parthes dans leurs plaines, <span class="dalign">30</span></p>
-<p>Tu sais que de mon pre il brigua le secours;</p>
-<p>Qu'Orode en fit autant au bout de quelques jours;</p>
-<p>Que pour ambassadeur il prit ce hros mme,</p>
-<p>Qui l'avoit su venger et rendre au diadme<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor">&nbsp;[439]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, je vis Surna vous parler pour son roi, <span class="dalign">35</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span></div>
-<p>Et Cassius<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor">&nbsp;[440]</a> pour Rome avoir le mme emploi<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor">&nbsp;[441]</a>.</p>
-<p>Je vis de ces tats l'orgueilleuse puissance</p>
-<p>D'Artabase l'envi mendier l'assistance,</p>
-<p>Ces deux grands intrts partager votre cour,</p>
-<p>Et des ambassadeurs prolonger le sjour. <span class="dalign">40</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tous deux, ainsi qu'au Roi, me rendirent visite,</p>
-<p>Et j'en connus bientt le diffrent mrite.</p>
-<p>L'un, fier et tout gonfl d'un vieux mpris des rois,</p>
-<p>Sembloit pour compliment nous apporter des lois;</p>
-<p>L'autre, par les devoirs d'un respect lgitime, <span class="dalign">45</span></p>
-<p>Vengeoit le sceptre en nous de ce manque d'estime.</p>
-<p>L'amour s'en mla mme; et tout son entretien</p>
-<p>Sembla m'offrir son c&oelig;ur, et demander le mien.</p>
-<p>Il l'obtint; et mes yeux, que charmoit sa prsence,</p>
-<p>Soudain avec les siens en firent confidence. <span class="dalign">50</span></p>
-<p>Ces muets truchements surent lui rvler</p>
-<p>Ce que je me forois lui dissimuler;</p>
-<p>Et les mmes regards qui m'expliquoient sa flamme</p>
-<p>S'instruisoient dans les miens du secret de mon me.</p>
-<p>Ses v&oelig;ux y rencontroient d'aussi tendres dsirs: <span class="dalign">55</span></p>
-<p>Un accord imprvu confondoit nos soupirs,</p>
-<p>Et d'un mot chapp la douceur hasarde</p>
-<p>Trouvoit l'me en tous deux toute persuade.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cependant est-il roi, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Il ne l'est pas;</p>
-<p>Mais il sait rtablir les rois dans leurs tats. <span class="dalign">60</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span></div>
-<p>Des Parthes le mieux fait d'esprit et de visage,</p>
-<p>Le plus puissant en biens, le plus grand en courage.</p>
-<p>Le plus noble<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor">&nbsp;[442]</a>: joins-y l'amour qu'il a pour moi;</p>
-<p>Et tout cela vaut bien un roi qui n'est que roi.</p>
-<p>Ne t'effarouche point d'un feu dont je fais gloire, <span class="dalign">65</span></p>
-<p>Et souffre de mes maux que j'achve l'histoire.</p>
-<p class="i1"> L'amour, sous les dehors de la civilit,</p>
-<p>Profita quelque temps des longueurs du trait:</p>
-<p>On ne souponna rien des soins d'un si grand homme.</p>
-<p>Mais il fallut choisir entre le Parthe et Rome. <span class="dalign">70</span></p>
-<p>Mon pre eut ses raisons en faveur du Romain;</p>
-<p>J'eus les miennes pour l'autre, et parlai mme en vain;</p>
-<p>Je fus mal coute, et dans ce grand ouvrage</p>
-<p>On ne daigna peser ni compter mon suffrage.</p>
-<p class="i1"> Nous fmes donc pour Rome<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor">&nbsp;[443]</a>; et Surna confus <span class="dalign">75</span></p>
-<p>Emporta la douleur d'un indigne refus.</p>
-<p>Il m'en parut mu, mais il sut se contraindre:</p>
-<p>Pour tout ressentiment il ne fit que nous plaindre;</p>
-<p>Et comme tout son c&oelig;ur me demeura soumis,</p>
-<p>Notre adieu ne fut point un adieu d'ennemis. <span class="dalign">80</span></p>
-<p class="i1"> Que servit de flatter l'esprance dtruite?</p>
-<p>Mon pre choisit mal: on l'a vu par la suite.</p>
-<p>Surna fit prir l'un et l'autre Crassus<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor">&nbsp;[444]</a>,</p>
-<p>Et sur notre Armnie Orode eut le dessus:</p>
-<p>Il vint dans nos tats fondre comme un tonnerre. <span class="dalign">85</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span></div>
-<p>Hlas! j'avois prvu les maux de cette guerre,</p>
-<p>Et n'avois pas compt parmi ses noirs succs</p>
-<p>Le funeste bonheur que me gardoit la paix.</p>
-<p>Les deux rois l'ont conclue<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor">&nbsp;[445]</a>, et j'en suis la victime:</p>
-<p>On m'amne pouser un prince magnanime;<span class="dalign">90</span></p>
-<p>Car son mrite enfin ne m'est point inconnu,</p>
-<p>Et se feroit aimer d'un c&oelig;ur moins prvenu;</p>
-<p>Mais quand ce c&oelig;ur est pris et la place occupe,</p>
-<p>Des vertus d'un rival en vain l'me est frappe:</p>
-<p>Tout ce qu'il a d'aimable importune les yeux; <span class="dalign">95</span></p>
-<p>Et plus il est parfait, plus il est odieux.</p>
-<p>Cependant j'obis, Ormne: je l'pouse,</p>
-<p>Et de plus....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Qu'auriez-vous de plus?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i16"> Je suis jalouse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Jalouse! Quoi? pour comble aux maux dont je vous plains....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tu vois ceux que je souffre, apprends ceux que je crains.<span class="dalign">100</span></p>
-<p class="i1"> Orode fait venir la princesse sa fille;</p>
-<p>Et s'il veut de mon bien enrichir sa famille,</p>
-<p>S'il veut qu'un double hymen honore un mme jour,</p>
-<p>Conois mes dplaisirs: je t'ai dit mon amour.</p>
-<p class="i1"> C'est bien assez, ciel! que le pouvoir suprme <span class="dalign">105</span></p>
-<p>Me livre en d'autres bras aux yeux de ce que j'aime:</p>
-<p>Ne me condamne pas ce nouvel ennui</p>
-<p>De voir tout ce que j'aime entre les bras d'autrui.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Votre douleur, Madame, est trop ingnieuse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand on a commenc de se voir malheureuse,<span class="dalign">110</span></p>
-<p>Rien ne s'offre nos yeux qui ne fasse trembler:</p>
-<p>La plus fausse apparence a droit de nous troubler;</p>
-<p>Et tout ce qu'on prvoit, tout ce qu'on s'imagine,</p>
-<p>Forme un nouveau poison pour une me chagrine.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En ces nouveaux poisons trouvez-vous tant d'appas<span class="dalign">115</span></p>
-<p>Qu'il en faille faire un d'un hymen qui n'est pas?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La princesse est mande, elle vient, elle est belle;</p>
-<p>Un vainqueur des Romains n'est que trop digne d'elle.</p>
-<p>S'il la voit, s'il lui parle, et si le Roi le veut....</p>
-<p>J'en dis trop; et dj tout mon c&oelig;ur qui s'meut.... <span class="dalign">120</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A soulager vos maux appliquez mme tude</p>
-<p>Qu' prendre un vain soupon pour une certitude:</p>
-<p>Songez par o l'aigreur s'en pourroit adoucir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'y fais ce que je puis, et n'y puis russir.</p>
-<p>N'osant voir Surna, qui rgne en ma pense,<span class="dalign">125</span></p>
-<p>Et qui me croit peut-tre une me intresse,</p>
-<p>Tu vois quelle amiti j'ai faite avec sa s&oelig;ur:</p>
-<p>Je crois le voir en elle, et c'est quelque douceur,</p>
-<p>Mais lgre, mais foible, et qui me gne l'me</p>
-<p>Par l'inutile soin de lui cacher ma flamme.<span class="dalign">130</span></p>
-<p>Elle la sait sans doute, et l'air dont elle agit</p>
-<p>M'en demande un aveu dont mon devoir rougit:</p>
-<p>Ce frre l'aime trop pour s'tre cach d'elle.</p>
-<p>N'en use pas de mme, et sois-moi plus fidle;</p>
-<p>Il suffit qu'avec toi j'amuse mon ennui.<span class="dalign">135</span></p>
-<p>Toutefois tu n'as rien me dire de lui</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span></div>
-<p>Tu ne sais ce qu'il fait, tu ne sais ce qu'il pense.</p>
-<p>Une s&oelig;ur est plus propre cette confiance:</p>
-<p>Elle sait s'il m'accuse, ou s'il plaint mon malheur,</p>
-<p>S'il partage ma peine, ou rit de ma douleur,<span class="dalign">140</span></p>
-<p>Si du vol qu'on lui fait il m'estime complice,</p>
-<p>S'il me garde son c&oelig;ur, ou s'il me rend justice.</p>
-<p>Je la vois: force-la, si tu peux, parler;</p>
-<p>Force-moi, s'il le faut, ne lui rien celer.</p>
-<p>L'oserai-je, grands Dieux! ou plutt le pourrai-je?<span class="dalign">145</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amour, ds qu'il le veut, se fait un privilge;</p>
-<p>Et quand de se forcer ses desirs sont lasss,</p>
-<p>Lui-mme n'en rien taire il s'enhardit assez.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, PALMIS, ORMNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'apporte ici, Madame, une heureuse nouvelle:</p>
-<p>Ce soir la Reine arrive.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Et Mandane avec elle?<span class="dalign">150</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On n'en fait aucun doute.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Et Surna l'attend</p>
-<p>Avec beaucoup de joie et d'un esprit content?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Avec tout le respect qu'elle a lieu d'en attendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Rien de plus?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Qu'a de plus un sujet lui rendre?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je suis trop curieuse et devrois mieux savoir<span class="dalign">155</span></p>
-<p>Ce qu'aux filles des rois un sujet peut devoir;</p>
-<p>Mais de pareils sujets, sur qui tout l'tat roule,</p>
-<p>Se font assez souvent distinguer de la foule;</p>
-<p>Et je sais qu'il en est qui, si j'en puis juger,</p>
-<p>Avec moins de respect savent mieux obliger.<span class="dalign">160</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'en sais point, Madame, et ne crois pas mon frre</p>
-<p>Plus savant que sa s&oelig;ur en un pareil mystre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Passons. Que fait le prince?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> En vritable amant,</p>
-<p>Doutez-vous qu'il ne soit dans le ravissement?</p>
-<p>Et pourroit-il n'avoir qu'une joie imparfaite<span class="dalign">165</span></p>
-<p>Quand il se voit toucher au bonheur qu'il souhaite?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-tre n'est-ce pas un grand bonheur pour lui,</p>
-<p>Madame; et j'y craindrois quelque sujet d'ennui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et quel ennui pourroit mler son amertume</p>
-<p>Au doux et plein succs du feu qui le consume?<span class="dalign">170</span></p>
-<p>Quel chagrin a de quoi troubler un tel bonheur?</p>
-<p>Le don de votre main....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> La main n'est pas le c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est matre du vtre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Il ne l'est point, Madame;</p>
-<p>Et mme je ne sais s'il le sera de l'me:</p>
-<p>Jugez aprs cela quel bonheur est le sien.<span class="dalign">175</span></p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span>
-<p>Mais achevons, de grce, et ne dguisons rien.</p>
-<p>Savez-vous mon secret?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Je sais celui d'un frre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous savez donc le mien. Fait-il ce qu'il doit faire?</p>
-<p>Me hait-il? et son c&oelig;ur, justement irrit,</p>
-<p>Me rend-il sans regret ce que j'ai mrit? <span class="dalign">180</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, Madame, il vous rend tout ce qu'une grande me</p>
-<p>Doit au plus grand mrite et de zle et de flamme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il m'aimeroit encor?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> C'est peu de dire aimer:</p>
-<p>Il souffre sans murmure; et j'ai beau vous blmer,</p>
-<p>Lui-mme il vous dfend, vous excuse sans cesse.<span class="dalign">185</span></p>
-<p>Elle est fille, et de plus, dit-il, elle est princesse:</p>
-<p>Je sais les droits d'un pre, et connois ceux d'un roi;</p>
-<p>Je sais de ses devoirs l'indispensable loi;</p>
-<p>Je sais quel rude joug, ds sa plus tendre enfance,</p>
-<p>Imposent ses v&oelig;ux son rang et sa naissance:<span class="dalign">190</span></p>
-<p>Son c&oelig;ur n'est pas exempt d'aimer ni de har<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor">&nbsp;[446]</a>;</p>
-<p>Mais qu'il aime ou hasse, il lui faut obir.</p>
-<p>Elle m'a tout donn ce qui dpendoit d'elle,</p>
-<p>Et ma reconnoissance en doit tre ternelle.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! vous redoublez trop, par ce discours charmant,<span class="dalign">195</span></p>
-<p>Ma haine pour le prince et mes feux pour l'amant;</p>
-<p>Finissons-le, Madame; en ce malheur extrme,</p>
-<p>Plus je hais, plus je souffre, et souffre autant que j'aime.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'irritons point vos maux, et changeons d'entretien.</p>
-<p>Je sais votre secret, sachez aussi le mien.<span class="dalign">200</span></p>
-<p class="i1"> Vous n'tes pas la seule qui la destine</p>
-<p>Prpare un long supplice en ce grand hymne:</p>
-<p>Le prince....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Au nom des Dieux, ne me le nommez pas:</p>
-<p>Son nom seul me prpare plus que le trpas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un tel excs de haine!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Elle n'est que trop due<span class="dalign">205</span></p>
-<p>Aux mortelles douleurs dont m'accable sa vue.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! ce prince donc, qu'il vous plat de har,</p>
-<p>Et pour qui votre c&oelig;ur s'apprte se trahir,</p>
-<p>Ce prince qui vous aime, il m'aimoit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i17"> L'infidle!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nos v&oelig;ux toient pareils, notre ardeur mutuelle:<span class="dalign">210</span></p>
-<p>Je l'aimois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Et l'ingrat brise des n&oelig;uds si doux!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, est-il des c&oelig;urs qui tiennent contre vous?</p>
-<p>Est-il v&oelig;ux ni serments qu'ils ne vous sacrifient?</p>
-<p>Si l'ingrat me trahit, vos yeux le justifient,</p>
-<p>Vos yeux qui sur moi-mme ont un tel ascendant....<span class="dalign">215</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous demeurez vous, Madame, en le perdant;</p>
-<p>Et le bien d'tre libre aisment vous console</p>
-<p>De ce qu'a d'injustice un manque de parole;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span></div>
-<p>Mais je deviens esclave; et tels sont mes malheurs,</p>
-<p>Qu'en perdant ce que j'aime, il faut que j'aime ailleurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, trouvez-vous ma fortune meilleure?</p>
-<p>Vous perdez votre amant, mais son c&oelig;ur vous demeure;</p>
-<p>Et j'prouve en mon sort une telle rigueur,</p>
-<p>Que la perte du mien m'enlve tout son c&oelig;ur.</p>
-<p>Ma conqute m'chappe o les vtres grossissent;<span class="dalign">225</span></p>
-<p>Vous faites des captifs des miens qui s'affranchissent;</p>
-<p>Votre empire s'augmente o se dtruit le mien,</p>
-<p>Et de toute ma gloire il ne me reste rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Reprenez vos captifs, rassurez vos conqutes,</p>
-<p>Rtablissez vos lois sur les plus grandes ttes:<span class="dalign">230</span></p>
-<p>J'en serai peu jalouse, et prfre cent rois</p>
-<p>La douceur de ma flamme et l'clat de mon choix.</p>
-<p>La main de Surna vaut mieux qu'un diadme.</p>
-<p>Mais dites-moi, Madame, est-il bien vrai qu'il m'aime?</p>
-<p>Dites, et s'il est vrai, pourquoi fuit-il mes yeux?<span class="dalign">235</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, le voici qui vous le dira mieux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Juste ciel! le voir dj mon c&oelig;ur soupire!</p>
-<p>Amour, sur ma vertu prends un peu moins d'empire!</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, SURNA.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vous ai fait prier de ne me plus revoir,</p>
-<p>Seigneur: votre prsence tonne mon devoir;<span class="dalign">240</span></p>
-<p>Et ce qui de mon c&oelig;ur fit toutes les dlices,</p>
-<p>Ne sauroit plus m'offrir que de nouveaux supplices.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span></div>
-<p>Osez-vous l'ignorer? et lorsque je vous voi,</p>
-<p>S'il me faut trop souffrir, souffrez-vous moins que moi?</p>
-<p>Souffrons-nous moins tous deux pour soupirer ensemble?</p>
-<p>Allez, contentez-vous d'avoir vu que j'en tremble;</p>
-<p>Et du moins par piti d'un triomphe douteux,</p>
-<p>Ne me hasardez plus des soupirs honteux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je sais ce qu' mon c&oelig;ur cotera votre vue;</p>
-<p>Mais qui cherche mourir doit chercher ce qui tue. <span class="dalign">250</span></p>
-<p>Madame, l'heure approche, et demain votre foi</p>
-<p>Vous fait de m'oublier une ternelle loi:</p>
-<p>Je n'ai plus que ce jour, que ce moment de vie.</p>
-<p>Pardonnez l'amour qui vous la sacrifie<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor">&nbsp;[447]</a>,</p>
-<p>Et souffrez qu'un soupir exhale vos genoux,<span class="dalign">255</span></p>
-<p>Pour ma dernire joie, une me toute vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et la mienne, Seigneur, la jugez-vous si forte,</p>
-<p>Que vous ne craigniez point que ce moment l'emporte,</p>
-<p>Que ce mme soupir qui tranchera vos jours</p>
-<p>Ne tranche aussi des miens le dplorable cours? <span class="dalign">260</span></p>
-<p>Vivez, Seigneur, vivez, afin que je languisse,</p>
-<p>Qu' vos feux ma langueur rende longtemps justice.</p>
-<p>Le trpas vos yeux me sembleroit trop doux,</p>
-<p>Et je n'ai pas encore assez souffert pour vous.</p>
-<p>Je veux qu'un noir chagrin pas lents me consume,<span class="dalign">265</span></p>
-<p>Qu'il me fasse longs traits goter son amertume;</p>
-<p>Je veux, sans que la mort ose me secourir,</p>
-<p>Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.</p>
-<p>Mais pardonneriez-vous l'aveu d'une foiblesse</p>
-<p>A cette douloureuse et fatale tendresse?<span class="dalign">270</span></p>
-<p>Vous pourriez-vous, Seigneur, rsoudre soulager</p>
-<p>Un malheur si pressant par un bonheur lger?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel bonheur peut dpendre ici d'un misrable</p>
-<p>Qu'aprs tant de faveurs son amour mme accable?</p>
-<p>Puis-je encor quelque chose en l'tat o je suis?<span class="dalign">275</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous pouvez m'pargner d'assez rudes ennuis.</p>
-<p>N'pousez point Mandane<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor">&nbsp;[448]</a>: exprs on l'a mande;</p>
-<p>Mon chagrin, mes soupons m'en ont persuade.</p>
-<p>N'ajoutez point, Seigneur, des malheurs si grands</p>
-<p>Celui de vous unir au sang de mes tyrans; <span class="dalign">280</span></p>
-<p>De remettre en leurs mains<a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor">&nbsp;[449]</a> le seul bien qui me reste,</p>
-<p>Votre c&oelig;ur: un tel don me seroit trop funeste.</p>
-<p>Je veux qu'il me demeure, et malgr votre roi,</p>
-<p>Disposer d'une main qui ne peut tre moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Plein d'un amour si pur et si fort que le ntre, <span class="dalign">285</span></p>
-<p>Aveugle pour Mandane, aveugle pour toute autre<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor">&nbsp;[450]</a>,</p>
-<p>Comme je n'ai plus d'yeux vers elles tourner,</p>
-<p>Je n'ai plus ni de c&oelig;ur ni de main donner.</p>
-<p>Je vous aime et vous perds. Aprs cela, Madame,</p>
-<p>Seroit-il quelque hymen que pt souffrir mon me?<span class="dalign">290</span></p>
-<p>Seroit-il quelques n&oelig;uds o se pt attacher</p>
-<p>Le bonheur d'un amant qui vous toit si cher,</p>
-<p>Et qu' force d'amour vous rendez incapable</p>
-<p>De trouver sous le ciel quelque chose d'aimable?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce n'est pas l de vous, Seigneur, ce que je veux.<span class="dalign">295</span></p>
-<p>A la postrit vous devez des neveux;</p>
-<p>Et ces illustres morts dont vous tenez la place</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span></div>
-<p>Ont assez mrit de revivre en leur race:</p>
-<p>Je ne veux pas l'teindre, et tiendrois forfait</p>
-<p>Qu'il m'en ft chapp le plus lger souhait.<span class="dalign">300</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que tout meure avec moi, Madame: que m'importe</p>
-<p>Qui foule aprs ma mort la terre qui me porte?</p>
-<p>Sentiront-ils percer par un clat nouveau,</p>
-<p>Ces illustres aeux, la nuit de leur tombeau?</p>
-<p>Respireront-ils l'air o les feront revivre <span class="dalign">305</span></p>
-<p>Ces neveux qui peut-tre auront peine les suivre,</p>
-<p>Peut-tre ne feront que les dshonorer,</p>
-<p>Et n'en auront le sang que pour dgnrer?</p>
-<p>Quand nous avons perdu le jour qui nous claire,</p>
-<p>Cette sorte de vie est bien imaginaire,<span class="dalign">310</span></p>
-<p>Et le moindre moment d'un bonheur souhait</p>
-<p>Vaut mieux qu'une si froide et vaine ternit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, non, je suis jalouse; et mon impatience</p>
-<p>D'affranchir mon amour de toute dfiance,</p>
-<p>Tant que je vous verrai matre de votre foi, <span class="dalign">315</span></p>
-<p>La croira rserve aux volonts du Roi:</p>
-<p>Mandane aura toujours un plein droit de vous plaire;</p>
-<p>Ce sera l'pouser que de le pouvoir faire;</p>
-<p>Et ma haine sans cesse aura de quoi trembler,</p>
-<p>Tant que par l mes maux pourront se redoubler. <span class="dalign">320</span></p>
-<p>Il faut qu'un autre hymen me mette en assurance.</p>
-<p>N'y portez, s'il se peut, que de l'indiffrence;</p>
-<p>Mais par de nouveaux feux dussiez-vous me trahir,</p>
-<p>Je veux que vous aimiez afin de m'obir;</p>
-<p>Je veux que ce grand choix soit mon dernier ouvrage,<span class="dalign">325</span></p>
-<p>Qu'il tienne lieu vers moi d'un ternel hommage,</p>
-<p>Que mon ordre le rgle, et qu'on me voie enfin</p>
-<p>Reine de votre c&oelig;ur et de votre destin;</p>
-<p>Que Mandane, en dpit de l'espoir qu'on lui donne,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span></div>
-<p>Ne pouvant s'lever jusqu' votre personne,<span class="dalign">330</span></p>
-<p>Soit rduite descendre ces malheureux rois</p>
-<p>A qui, quand vous voudrez, vous donnerez des lois.</p>
-<p>Et n'apprhendez point d'en regretter la perte:</p>
-<p>Il n'est cour sous les cieux qui ne vous soit ouverte;</p>
-<p>Et partout votre gloire a fait de tels clats,<span class="dalign">335</span></p>
-<p>Que les filles de roi ne vous manqueront pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand elles me rendroient matre de tout un monde,</p>
-<p>Absolu sur la terre et souverain sur l'onde,</p>
-<p>Mon c&oelig;ur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> N'achevez point: l'air dont vous commencez</p>
-<p>Pourroit mon chagrin ne plaire pas assez;<span class="dalign">340</span></p>
-<p>Et d'un c&oelig;ur qui veut tre encor sous ma puissance</p>
-<p>Je ne veux recevoir que de l'obissance.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A qui me donnez-vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Moi? que ne puis-je, hlas!</p>
-<p>Vous ter Mandane, et ne vous donner pas!</p>
-<p>Et contre les soupons de ce c&oelig;ur qui vous aime<span class="dalign">345</span></p>
-<p>Que ne m'est-il permis de m'assurer moi-mme!</p>
-<p>Mais adieu: je m'gare.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> O dois-je recourir,</p>
-<p>O ciel! s'il faut toujours aimer, souffrir, mourir<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor">&nbsp;[451]</a>?</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU PREMIER ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE II.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">PACORUS, SURNA.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Surna, votre zle a trop servi mon pre</p>
-<p>Pour m'en laisser attendre un devoir moins sincre;<span class="dalign">350</span></p>
-<p>Et si prs d'un hymen qui doit m'tre assez doux,</p>
-<p>Je mets ma confiance et mon espoir en vous.</p>
-<p>Palmis avec raison de cet hymen murmure;</p>
-<p>Mais je puis rparer ce qu'il lui fait d'injure;</p>
-<p>Et vous n'ignorez pas qu' former ces grands n&oelig;uds<span class="dalign">355</span></p>
-<p>Mes pareils ne sont point tout fait matres d'eux.</p>
-<p>Quand vous voudrez tous deux attacher vos tendresses,</p>
-<p>Il est des rois pour elle, et pour vous des princesses,</p>
-<p>Et je puis hautement vous engager ma foi</p>
-<p>Que vous ne vous plaindrez du prince ni du Roi.<span class="dalign">360</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cessez de me traiter, Seigneur, en mercenaire:</p>
-<p>Je n'ai jamais servi par espoir de salaire;</p>
-<p>La gloire m'en suffit, et le prix que reoit....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je sais ce que je dois quand on fait ce qu'on doit,</p>
-<p>Et si de l'accepter ce grand c&oelig;ur vous dispense,<span class="dalign">365</span></p>
-<p>Le mien se satisfait alors qu'il rcompense.</p>
-<p class="i1"> J'pouse une princesse en qui les doux accords</p>
-<p>Des grces de l'esprit avec celles du corps</p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span>
-<p>Forment le plus brillant et plus noble assemblage</p>
-<p>Qui puisse orner une me et parer un visage.<span class="dalign">370</span></p>
-<p>Je n'en dis que ce mot; et vous savez assez</p>
-<p>Quels en sont les attraits, vous qui la connoissez.</p>
-<p class="i1"> Cette princesse donc, si belle, si parfaite,</p>
-<p>Je crains qu'elle n'ait pas ce que plus je souhaite:</p>
-<p>Qu'elle manque d'amour, ou plutt que ses v&oelig;ux <span class="dalign">375</span></p>
-<p>N'aillent pas tout fait du ct que je veux.</p>
-<p>Vous qui l'avez tant vue, et qu'un devoir fidle</p>
-<p>A tenu si longtemps prs de son pre et d'elle,</p>
-<p>Ne me dguisez point ce que dans cette cour</p>
-<p>Sur de pareils soupons vous auriez eu de jour. <span class="dalign">380</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je la voyois, Seigneur, mais pour gagner son pre:</p>
-<p>C'toit tout mon emploi, c'toit ma seule affaire;</p>
-<p>Et je croyois par elle tre sr de son choix;</p>
-<p>Mais Rome et son intrigue eurent le plus de voix.</p>
-<p>Du reste, ne prenant intrt m'instruire <span class="dalign">385</span></p>
-<p>Que de ce qui pouvoit vous servir ou vous nuire,</p>
-<p>Comme je me bornois remplir ce devoir,</p>
-<p>Je puis n'avoir pas vu ce qu'un autre et pu voir.</p>
-<p>Si j'eusse pressenti que la guerre acheve,</p>
-<p>A l'honneur de vos feux elle toit rserve,<span class="dalign">390</span></p>
-<p>J'aurois pris d'autres soins, et plus examin;</p>
-<p>Mais j'ai suivi mon ordre, et n'ai point devin.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? de ce que je crains vous n'auriez nulle ide?</p>
-<p>Par aucune ambassade on ne l'a demande?</p>
-<p>Aucun prince auprs d'elle, aucun digne sujet <span class="dalign">395</span></p>
-<p>Par ses attachements n'a marqu de projet?</p>
-<p>Car il vient quelquefois du milieu des provinces</p>
-<p>Des sujets en nos cours qui valent bien des princes;</p>
-<p>Et par l'objet prsent les sentiments mus</p>
-<p>N'attendent pas toujours des rois qu'on n'a point vus.<span class="dalign">400</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Durant tout mon sjour rien n'y blessoit ma vue;
-<p>Je n'y rencontrois point de visite assidue,</p>
-<p>Point de devoirs suspects, ni d'entretiens si doux</p>
-<p>Que si j'avois aim, j'en dusse tre jaloux.</p>
-<p>Mais qui vous peut donner cette importune crainte,<span class="dalign">405</span></p>
-<p>Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Plus je la vois, plus j'y vois de contrainte:</p>
-<p>Elle semble, aussitt que j'ose en approcher,</p>
-<p>Avoir je ne sais quoi qu'elle me veut cacher;</p>
-<p>Non qu'elle ait jusqu'ici demand de remise;</p>
-<p>Mais ce n'est pas m'aimer, ce n'est qu'tre soumise; <span class="dalign">410</span></p>
-<p>Et tout le bon accueil que j'en puis recevoir,</p>
-<p>Tout ce que j'en obtiens ne part que du devoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'en apprhendez rien. Encor toute tonne,</p>
-<p>Toute tremblante encore au seul nom d'hymne,</p>
-<p>Pleine de son pays, pleine de ses parents,<span class="dalign">415</span></p>
-<p>Il lui passe en l'esprit cent chagrins diffrents.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais il semble, la voir, que son chagrin s'applique</p>
-<p>A braver par dpit l'allgresse publique:</p>
-<p>Inquite, rveuse, insensible aux douceurs</p>
-<p>Que par un plein succs l'amour verse en nos c&oelig;urs....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout cessera, Seigneur, ds que sa foi reue</p>
-<p>Aura mis en vos mains la main qui vous est due:</p>
-<p>Vous verrez ces chagrins dtruits en moins d'un jour,</p>
-<p>Et toute sa vertu devenir toute<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor">&nbsp;[452]</a> amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est beaucoup hasarder que de prendre assurance <span class="dalign">425</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span></div>
-<p>Sur une si lgre et douteuse esprance;</p>
-<p>Et qu'aura cet amour d'heureux, de singulier,</p>
-<p>Qu' son trop de vertu je devrai tout entier?</p>
-<p>Qu'aura-t-il de charmant, cet amour, s'il ne donne</p>
-<p>Que ce qu'un triste hymen ne refuse personne, <span class="dalign">430</span></p>
-<p>Esclave ddaigneux d'une odieuse loi</p>
-<p>Qui n'est pour toute chane attach qu' sa foi?</p>
-<p class="i1"> Pour faire aimer ses lois, l'hymen ne doit en faire</p>
-<p>Qu'afin d'autoriser la pudeur se taire.</p>
-<p>Il faut, pour rendre heureux, qu'il donne sans gner, <span class="dalign">435</span></p>
-<p>Et prte un doux prtexte qui veut tout donner.</p>
-<p>Que sera-ce, grands Dieux! si toute ma tendresse</p>
-<p>Rencontre un souvenir plus cher ma princesse,</p>
-<p>Si le c&oelig;ur pris ailleurs ne s'en arrache pas,</p>
-<p>Si pour un autre objet il soupire en mes bras? <span class="dalign">440</span></p>
-<p>Il faut, il faut enfin m'claircir avec elle.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, je l'aperois; l'occasion est belle.</p>
-<p>Mais si vous en tirez quelque claircissement</p>
-<p>Qui donne votre crainte un juste fondement,</p>
-<p>Que ferez-vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> J'en doute, et pour ne vous rien feindre,</p>
-<p>Je crois m'aimer<a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor">&nbsp;[453]</a> assez pour ne la pas contraindre;</p>
-<p>Mais tel chagrin aussi pourroit me survenir,</p>
-<p>Que je l'pouserois afin de la punir.</p>
-<p>Un amant ddaign souvent croit beaucoup faire</p>
-<p>Quand il rompt le bonheur de ce qu'on lui prfre. <span class="dalign">450</span></p>
-<p>Mais elle approche. Allez, laissez-moi seul agir:</p>
-<p>J'aurois peur devant vous d'avoir trop rougir.</p>
-</div></div>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_482"> 482</a></span></p>
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">PACORUS, EURYDICE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? Madame, venir vous-mme ma rencontre!</p>
-<p>Cet excs de bont que votre c&oelig;ur me montre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'allois chercher Palmis, que j'aime consoler<span class="dalign">455</span></p>
-<p>Sur un malheur qui presse et ne peut reculer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Laissez-moi vous parler d'affaires plus presses,</p>
-<p>Et songez qu'il est temps de m'ouvrir vos penses:</p>
-<p>Vous vous abuseriez les plus retenir.</p>
-<p>Je vous aime, et demain l'hymen doit nous unir: <span class="dalign">460</span></p>
-<p>M'aimez-vous?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Oui, Seigneur, et ma main vous est sre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est peu que de la main, si le c&oelig;ur en murmure.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel mal pourroit causer le murmure du mien,</p>
-<p>S'il murmuroit si bas qu'aucun n'en apprt rien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! Madame, il me faut un aveu plus sincre. <span class="dalign">465</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>pousez-moi, Seigneur, et laissez-moi me taire:</p>
-<p>Un pareil doute offense, et cette libert</p>
-<p>S'attire quelquefois trop de sincrit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est ce que je demande, et qu'un mot sans contrainte</p>
-<p>Justifie aujourd'hui mon espoir ou ma crainte. <span class="dalign">470</span></p>
-<p>Ah! si vous connoissiez ce que pour vous je sens!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ferois ce que font les c&oelig;urs obissants,</p>
-<p>Ce que veut mon devoir, ce qu'attend votre flamme,</p>
-<p>Ce que je fais enfin.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Vous feriez plus, Madame:</p>
-<p>Vous me feriez justice, et prendriez plaisir <span class="dalign">475</span></p>
-<p>A montrer que nos c&oelig;urs ne forment qu'un desir.</p>
-<p>Vous me diriez sans cesse: Oui, prince, je vous aime,</p>
-<p>Mais d'une passion comme la vtre extrme;</p>
-<p>Je sens le mme feu, je fais les mmes v&oelig;ux;</p>
-<p>Ce que vous souhaitez est tout ce que je veux; <span class="dalign">480</span></p>
-<p>Et cette illustre ardeur ne sera point contente,</p>
-<p>Qu'un glorieux hymen n'ait rempli notre attente.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour vous tenir, Seigneur, un langage si doux,</p>
-<p>Il faudroit qu'en amour j'en susse autant que vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le vritable amour, ds que le c&oelig;ur soupire, <span class="dalign">485</span></p>
-<p>Instruit en un moment de tout ce qu'on doit dire.</p>
-<p>Ce langage ses feux n'est jamais importun,</p>
-<p>Et si vous l'ignorez, vous n'en sentez aucun.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Supplez-y, Seigneur, et dites-vous vous-mme</p>
-<p>Tout ce que sent un c&oelig;ur ds le moment qu'il aime;<span class="dalign">490</span></p>
-<p>Faites-vous-en pour moi le charmant entretien:</p>
-<p>J'avouerai tout, pourvu que je n'en dise rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce langage est bien clair, et je l'entends sans peine.</p>
-<p>Au dfaut de l'amour, auriez-vous de la haine?</p>
-<p>Je ne veux pas le croire, et des yeux si charmants....<span class="dalign">495</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, sachez pour vous quels sont mes sentiments.</p>
-<p>Si l'amiti vous plat, si vous aimez l'estime,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span></div>
-<p>A vous les refuser<a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor">&nbsp;[454]</a> je croirois faire un crime;</p>
-<p>Pour le c&oelig;ur, si je puis vous le dire entre nous,</p>
-<p>Je ne m'aperois point qu'il soit encore vous. <span class="dalign">500</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi donc ce trait qu'ont fait les deux couronnes....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il a pu l'une l'autre engager nos personnes,</p>
-<p>Au seul don de la main son droit est limit,</p>
-<p>Et mon c&oelig;ur avec vous n'a point fait de trait.</p>
-<p>C'est sans vous le devoir que je fais mon possible <span class="dalign">505</span></p>
-<p>A le rendre pour vous plus tendre et plus sensible:</p>
-<p>Je ne sais si le temps l'y pourra disposer;</p>
-<p>Mais qu'il le puisse ou non, vous pouvez m'pouser.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le puis, je le dois, je le veux; mais, Madame,</p>
-<p>Dans ces tristes froideurs dont vous payez ma flamme,</p>
-<p>Quelque autre amour plus fort....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Qu'osez-vous demander,</p>
-<p>Prince?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> De mon bonheur ce qui doit dcider.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce un aveu qui puisse chapper ma bouche?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est tout chapp, puisque ce mot vous touche.</p>
-<p>Si vous n'aviez du c&oelig;ur fait ailleurs l'heureux don,<span class="dalign">515</span></p>
-<p>Vous auriez moins de gne me dire que non;</p>
-<p>Et pour me garantir de ce que j'apprhende,</p>
-<p>La rponse avec joie et suivi la demande.</p>
-<p>Madame, ce qu'on fait sans honte et sans remords</p>
-<p>Ne cote rien dire, il n'y faut point d'efforts; <span class="dalign">520</span></p>
-<p>Et sans que la rougeur au visage nous monte....</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! ce n'est point pour moi que je rougis de honte.</p>
-<p>Si j'ai pu faire un choix, je l'ai fait assez beau</p>
-<p>Pour m'en faire un honneur jusque dans le tombeau;</p>
-<p>Et quand je l'avouerai, vous aurez lieu de croire<span class="dalign">525</span></p>
-<p>Que tout mon avenir en aimera la gloire.</p>
-<p>Je rougis, mais pour vous, qui m'osez demander</p>
-<p>Ce qu'on doit avoir peine se persuader;</p>
-<p>Et je ne comprends point avec quelle prudence</p>
-<p>Vous voulez qu'avec vous j'en fasse confidence, <span class="dalign">530</span></p>
-<p>Vous qui prs d'un hymen accept par devoir,</p>
-<p>Devriez sur ce point craindre de trop savoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais il est fait, ce choix qu'on s'obstine me taire,</p>
-<p>Et qu'on cherche me dire avec tant de mystre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne vous le dis point; mais si vous m'y forcez,<span class="dalign">535</span></p>
-<p>Il vous en cotera plus que vous ne pensez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Eh bien! Madame, eh bien! sachons, quoi qu'il en cote,</p>
-<p>Quel est ce grand rival qu'il faut que je redoute.</p>
-<p>Dites, est-ce un hros? est-ce un prince? est-ce un roi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est ce que j'ai connu de plus digne de moi.<span class="dalign">540</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si le mrite est grand, l'estime est un peu forte.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous la pardonnerez l'amour qui s'emporte:</p>
-<p>Comme vous le forcez se trop expliquer,</p>
-<p>S'il manque de respect, vous l'en faites manquer.</p>
-<p>Il est si naturel d'estimer ce qu'on aime,<span class="dalign">545</span></p>
-<p>Qu'on voudroit que partout on l'estimt de mme;</p>
-<p>Et la pente est si douce vanter ce qu'il vaut,</p>
-<p>Que jamais on ne craint de l'lever trop haut.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est en dire beaucoup.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Apprenez davantage,</p>
-<p>Et sachez que l'effort o mon devoir m'engage <span class="dalign">550</span></p>
-<p>Ne peut plus me rduire vous donner demain</p>
-<p>Ce qui vous toit sr, je veux dire ma main.</p>
-<p>Ne vous la promettez qu'aprs que dans mon me</p>
-<p>Votre mrite aura dissip cette flamme,</p>
-<p>Et que mon c&oelig;ur, charm par des attraits plus doux,</p>
-<p>Se sera rpondu de n'aimer rien que vous;</p>
-<p>Et ne me dites point que pour cet hymne</p>
-<p>C'est par mon propre aveu qu'on a pris la journe:</p>
-<p>J'en sais la consquence, et diffre regret;</p>
-<p>Mais puisque vous m'avez arrach mon secret,<span class="dalign">560</span></p>
-<p>Il n'est ni roi, ni pre, il n'est prire, empire,</p>
-<p>Qu'au pril de cent morts mon c&oelig;ur n'ose en ddire.</p>
-<p>C'est ce qu'il n'est plus temps de vous dissimuler,</p>
-<p>Seigneur; et c'est le prix de m'avoir fait parler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A ces bonts, Madame, ajoutez une grce; <span class="dalign">565</span></p>
-<p>Et du moins, attendant que cette ardeur se passe,</p>
-<p>Apprenez-moi le nom de cet heureux amant</p>
-<p>Qui sur tant de vertu rgne si puissamment,</p>
-<p>Par quelles qualits il a pu la surprendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne me pressez point tant, Seigneur, de vous l'apprendre.</p>
-<p>Si je vous l'avois dit....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Achevons.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> Ds demain</p>
-<p>Rien ne m'empcheroit de lui donner la main.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_487"> 487</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il est donc en ces lieux, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Il y peut tre,</p>
-<p>Seigneur, si dguis qu'on ne le peut connotre.</p>
-<p>Peut-tre en domestique est-il auprs de moi, <span class="dalign">575</span></p>
-<p>Peut-tre s'est-il mis de la maison du Roi;</p>
-<p>Peut-tre chez vous-mme il s'est rduit feindre.</p>
-<p>Craignez-le dans tous ceux que vous ne daignez craindre,</p>
-<p>Dans tous les inconnus que vous aurez voir;</p>
-<p>Et plus que tout encor, craignez de trop savoir. <span class="dalign">580</span></p>
-<p>J'en dis trop; il est temps que ce discours finisse.</p>
-<p>A Palmis que je vois rendez plus de justice;</p>
-<p>Et puissent de nouveau ses attraits vous charmer,</p>
-<p>Jusqu' ce que le temps m'apprenne vous aimer!</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">PACORUS, PALMIS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, au nom des Dieux, ne venez pas vous plaindre:</p>
-<p>On me donne sans vous assez de gens craindre;</p>
-<p>Et je serois bientt accabl de leurs coups,</p>
-<p>N'toit que pour asile on me renvoie vous.</p>
-<p>J'obis, j'y reviens, Madame; et cette joie....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que n'y revenez-vous sans qu'on vous y renvoie! <span class="dalign">590</span></p>
-<p>Votre amour ne fait rien ni pour moi ni pour lui,</p>
-<p>Si vous n'y revenez que par l'ordre d'autrui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'est-ce rien que pour vous cet ordre il dfre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, ce n'est qu'un dpit qu'il cherche satisfaire.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Depuis quand le retour d'un c&oelig;ur comme le mien <span class="dalign">595</span></p>
-<p>Fait-il si peu d'honneur qu'on ne le compte rien?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Depuis qu'il est honteux d'aimer un infidle,</p>
-<p>Que ce qu'un mpris chasse un coup d'&oelig;il le rappelle,</p>
-<p>Et que les inconstants ne donnent point de c&oelig;urs</p>
-<p>Sans tre encor tous prts<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor">&nbsp;[455]</a> de les porter ailleurs.<span class="dalign">600</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le suis, je l'avoue, et mrite la honte</p>
-<p>Que d'un retour suspect vous fassiez peu de conte<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor">&nbsp;[456]</a>.</p>
-<p>Montrez-vous gnreuse; et si mon changement</p>
-<p>A chang votre amour en vif ressentiment,</p>
-<p>Immolez un courroux si grand, si lgitime, <span class="dalign">605</span></p>
-<p>A la juste piti d'un si malheureux crime.</p>
-<p>J'en suis assez puni sans que l'indignit....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, le crime est grand; mais j'ai de la bont.</p>
-<p>Je sais ce qu' l'tat ceux de votre naissance,</p>
-<p>Tous matres qu'ils en sont, doivent d'obissance:<span class="dalign">610</span></p>
-<p>Son intrt chez eux l'emporte sur le leur,</p>
-<p>Et du moment qu'il parle, il fait taire le c&oelig;ur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Madame, souffrez que je vous dsabuse:</p>
-<p>Je ne mrite point l'honneur de cette excuse:</p>
-<p>Ma lgret seule a fait ce nouveau choix; <span class="dalign">615</span></p>
-<p>Nulles raisons d'tat ne m'en ont fait de lois;</p>
-<p>Et pour traiter la paix avec tant d'avantage,</p>
-<p>On ne m'a point forc de m'en faire le gage:</p>
-<p>J'ai pris plaisir l'tre, et plus mon crime est noir,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_489"> 489</a></span></div>
-<p>Plus l'oubli que j'en veux me fera vous devoir. <span class="dalign">620</span></p>
-<p>Tout mon c&oelig;ur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Entre amants qu'un changement spare,</p>
-<p>Le crime est oubli, sitt qu'on le rpare;</p>
-<p>Et bien qu'il vous ait plu, Seigneur, de me trahir,</p>
-<p>Je le dis malgr moi, je ne vous puis har.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Faites-moi grce entire, et songez me rendre <span class="dalign">625</span></p>
-<p>Ce qu'un amour si pur, ce qu'une ardeur si tendre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Donnez-moi donc, Seigneur, vous-mme, quelque jour,</p>
-<p>Quelque infaillible voie fixer votre amour;</p>
-<p>Et s'il est un moyen....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> S'il en est? Oui, Madame,</p>
-<p>Il en est de fixer tous les v&oelig;ux de mon me; <span class="dalign">630</span></p>
-<p>Et ce joug qu' tous deux l'amour rendit si doux,</p>
-<p>Si je ne m'y rattache, il ne tiendra qu' vous.</p>
-<p>Il est, pour m'arrter sous un si digne empire,</p>
-<p>Un office me rendre, un secret me dire.</p>
-<p>La princesse aime ailleurs, je n'en puis plus douter, <span class="dalign">635</span></p>
-<p>Et doute quel rival s'en fait mieux couter.</p>
-<p>Vous tes avec elle en trop d'intelligence</p>
-<p>Pour n'en avoir pas eu toute la confidence:</p>
-<p>Tirez-moi de ce doute, et recevez ma foi</p>
-<p>Qu'autre que vous jamais ne rgnera sur moi. <span class="dalign">640</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quel gage en est-ce, hlas! qu'une foi si peu sre?</p>
-<p>Le ciel la rendra-t-il moins sujette au parjure?</p>
-<p>Et ces liens si doux, que vous avez briss,</p>
-<p>A briser de nouveau seront-ils moins aiss?</p>
-<p>Si vous voulez, Seigneur, rappeler mes tendresses,<span class="dalign">645</span></p>
-<p>Il me faut des effets, et non pas des promesses;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_490"> 490</a></span></div>
-<p>Et cette foi n'a rien qui me puisse branler,</p>
-<p>Quand la main seule a droit de me faire parler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La main seule en a droit! Quand cent troubles m'agitent,</p>
-<p>Que la haine, l'amour, l'honneur me sollicitent,<span class="dalign">650</span></p>
-<p>Qu' l'ardeur de punir je m'abandonne en vain,</p>
-<p>Hlas! suis-je en tat de vous donner la main?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et moi, sans cette main, Seigneur, suis-je matresse</p>
-<p>De ce que m'a daign confier la princesse,</p>
-<p>Du secret de son c&oelig;ur? Pour le tirer de moi,<span class="dalign">655</span></p>
-<p>Il me faut vous devoir plus que je ne lui doi,</p>
-<p>tre une autre vous-mme<a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor">&nbsp;[457]</a>; et le seul hymne</p>
-<p>Peut rompre le silence o je suis enchane.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! vous ne m'aimez plus.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Je voudrois le pouvoir;</p>
-<p>Mais pour ne plus aimer que sert de le vouloir? <span class="dalign">660</span></p>
-<p>J'ai pour vous trop d'amour, et je le sens renatre</p>
-<p>Et plus tendre et plus fort qu'il n'a d jamais tre.</p>
-<p>Mais si....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Ne m'aimez plus, ou nommez ce rival.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Me prserve le ciel de vous aimer si mal!</p>
-<p>Ce seroit vous livrer des guerres nouvelles, <span class="dalign">665</span></p>
-<p>Allumer entre vous des haines immortelles....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que m'importe? et qu'aurai-je redouter de lui,</p>
-<p>Tant que je me verrai Surna pour appui?</p>
-<p>Quel qu'il soit, ce rival, il sera seul plaindre:</p>
-<p>Le vainqueur des Romains n'a point de rois craindre.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_491"> 491</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le sais; mais, Seigneur, qui vous peut engager</p>
-<p>Aux soins de le punir et de vous en venger?</p>
-<p>Quand son grand c&oelig;ur charm d'une belle princesse</p>
-<p>En a su mriter l'estime et la tendresse,</p>
-<p>Quel dieu, quel bon gnie a d lui rvler <span class="dalign">675</span></p>
-<p>Que le vtre pour elle aimeroit brler?</p>
-<p>A quels traits ce rival a-t-il d le connotre,</p>
-<p>Respecter de si loin des feux encore natre,</p>
-<p>Voir pour vous d'autres fers que ceux o vous viviez,</p>
-<p>Et lire en vos destins plus que vous n'en saviez? <span class="dalign">680</span></p>
-<p>S'il a vu la conqute ses v&oelig;ux expose,</p>
-<p>S'il a trouv du c&oelig;ur la sympathie aise,</p>
-<p>S'tre empar d'un bien<a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor">&nbsp;[458]</a> o vous n'aspiriez pas,</p>
-<p>Est-ce avoir fait des vols et des assassinats?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le vois bien, Madame, et vous et ce cher frre <span class="dalign">685</span></p>
-<p>Abondez en raisons pour cacher le mystre:</p>
-<p>Je parle, promets, prie, et je n'avance rien.</p>
-<p>Aussi votre intrt est prfrable au mien;</p>
-<p>Rien n'est plus juste; mais....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Seigneur....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i18"> Adieu, Madame:</p>
-<p>Je vous fais trop jouir des troubles de mon me.<span class="dalign">690</span></p>
-<p>Le ciel se lassera de m'tre rigoureux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, quand vous voudrez, il fera quatre heureux<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor">&nbsp;[459]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i7">FIN DU SECOND ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_492"> 492</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE III.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">ORODE, SILLACE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je l'ai vu par votre ordre, et voulu par avance</p>
-<p>Pntrer le secret de son indiffrence.</p>
-<p>Il m'a paru, Seigneur, si froid, si retenu.... <span class="dalign">695</span></p>
-<p>Mais vous en jugerez quand il sera venu.</p>
-<p>Cependant je dirai que cette retenue</p>
-<p>Sent une me de trouble et d'ennuis prvenue;</p>
-<p>Que ce calme parot assez prmdit</p>
-<p>Pour ne rpondre pas de sa tranquillit; <span class="dalign">700</span></p>
-<p>Que cette indiffrence a de l'inquitude,</p>
-<p>Et que cette froideur marque un peu trop d'tude.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'un tel calme, Sillace, a droit d'inquiter</p>
-<p>Un roi qui lui doit tant, qu'il ne peut s'acquitter!</p>
-<p>Un service au-dessus de toute rcompense <span class="dalign">705</span></p>
-<p>A force d'obliger tient presque lieu d'offense<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor">&nbsp;[460]</a>:</p>
-<p>Il reproche en secret tout ce qu'il a d'clat,</p>
-<p>Il livre tout un c&oelig;ur au dpit d'tre ingrat.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_493"> 493</a></span></div>
-<p>Le plus zl dplat, le plus utile gne,</p>
-<p>Et l'excs de son poids fait pencher vers la haine. <span class="dalign">710</span></p>
-<p>Surna de l'exil lui seul m'a rappel;</p>
-<p>Il m'a rendu lui seul ce qu'on m'avoit vol,</p>
-<p>Mon sceptre<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor">&nbsp;[461]</a>; de Crassus il vient de me dfaire:</p>
-<p>Pour faire autant pour lui, quel don puis-je lui faire?</p>
-<p>Lui partager mon trne? Il seroit tout lui, <span class="dalign">715</span></p>
-<p>S'il n'avoit mieux aim n'en tre que l'appui.</p>
-<p>Quand j'en pleurois la perte, il foroit des murailles;</p>
-<p>Quand j'invoquois mes dieux, il gagnoit des batailles.</p>
-<p>J'en frmis, j'en rougis, je m'en indigne, et crains</p>
-<p>Qu'il n'ose quelque jour s'en payer par ses mains; <span class="dalign">720</span></p>
-<p>Et dans tout ce qu'il a de nom et de fortune,</p>
-<p>Sa fortune me pse, et son nom m'importune.</p>
-<p>Qu'un monarque est heureux quand parmi ses sujets</p>
-<p>Ses yeux n'ont point voir de plus nobles objets,</p>
-<p>Qu'au-dessus de sa gloire il n'y connot personne,<span class="dalign">725</span></p>
-<p>Et qu'il est le plus digne enfin de sa couronne!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, pour vous tirer de ces perplexits,</p>
-<p>La saine politique a deux extrmits.</p>
-<p>Quoi qu'ait fait Surna, quoi qu'il en faille attendre,</p>
-<p>Ou faites-le prir, ou faites-en un gendre. <span class="dalign">730</span></p>
-<p>Puissant par sa fortune, et plus par son emploi,</p>
-<p>S'il devient par l'hymen l'appui d'un autre roi,</p>
-<p>Si dans les diffrends que le ciel vous peut faire,</p>
-<p>Une femme l'entrane au parti de son pre,</p>
-<p>Que vous servira lors, Seigneur, d'en murmurer? <span class="dalign">735</span></p>
-<p>Il faut, il faut le perdre, ou vous en assurer:</p>
-<p>Il n'est point de milieu.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Ma pense est la vtre;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_494"> 494</a></span></div>
-<p>Mais s'il ne veut pas l'un, pourrai-je vouloir l'autre?</p>
-<p>Pour prix de ses hauts faits, et de m'avoir fait roi,</p>
-<p>Son trpas.... Ce mot seul me fait plir d'effroi; <span class="dalign">740</span></p>
-<p>Ne m'en parlez jamais: que tout l'tat prisse</p>
-<p>Avant que jusque-l ma vertu se ternisse,</p>
-<p>Avant que je dfre ces raisons d'tat</p>
-<p>Qui nommeroient justice un si lche attentat!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais pourquoi lui donner les Romains en partage, <span class="dalign">745</span></p>
-<p>Quand sa gloire, Seigneur, vous donnoit tant d'ombrage?</p>
-<p>Pourquoi contre Artabase attacher vos emplois,</p>
-<p>Et lui laisser matire de plus grands exploits<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor">&nbsp;[462]</a>?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'vnement, Sillace, a tromp mon attente.</p>
-<p>Je voyois des Romains la valeur clatante; <span class="dalign">750</span></p>
-<p>Et croyant leur dfaite impossible sans moi,</p>
-<p>Pour me la prparer, je fondis sur ce roi:</p>
-<p>Je crus qu'il ne pourroit la fois se dfendre</p>
-<p>Des fureurs de la guerre et de l'offre d'un gendre;</p>
-<p>Et que par tant d'horreurs son peuple pouvant <span class="dalign">755</span></p>
-<p>Lui feroit mieux goter la douceur d'un trait;</p>
-<p>Tandis que Surna, mis aux Romains en butte,</p>
-<p>Les tiendroit en balance, ou craindroit pour sa chute,</p>
-<p>Et me rserveroit la gloire d'achever,</p>
-<p>Ou de le voir tombant, et de le relever. <span class="dalign">760</span></p>
-<p>Je russis l'un, et conclus l'alliance;</p>
-<p>Mais Surna vainqueur prvint mon esprance.</p>
-<p>A peine d'Artabase eus-je sign la paix,</p>
-<p>Que j'appris Crassus mort et les Romains dfaits.</p>
-<p>Ainsi d'une si haute et si prompte victoire <span class="dalign">765</span></p>
-<p>J'emporte tout le fruit, et lui toute la gloire,</p>
-<p>Et beaucoup plus heureux que je n'aurois voulu,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_495"> 495</a></span></div>
-<p>Je me fais un malheur d'tre trop absolu.</p>
-<p>Je tiens toute l'Asie et l'Europe en alarmes,</p>
-<p>Sans que rien s'en impute l'effort de mes armes; <span class="dalign">770</span></p>
-<p>Et quand tous mes voisins tremblent pour leurs tats,</p>
-<p>Je ne les fais trembler que par un autre bras.</p>
-<p>J'en tremble enfin moi-mme, et pour remde unique,</p>
-<p>Je n'y vois qu'une basse et dure politique,</p>
-<p>Si Mandane, l'objet des v&oelig;ux de tant de rois, <span class="dalign">775</span></p>
-<p>Se doit voir d'un sujet le rebut ou le choix.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SILLACE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le rebut! Vous craignez, Seigneur, qu'il la refuse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et ne se peut-il pas qu'un autre amour l'amuse,</p>
-<p>Et que rempli qu'il est d'une juste fiert,</p>
-<p>Il n'coute son c&oelig;ur plus que ma volont? <span class="dalign">780</span></p>
-<p>Le voici; laissez-nous.</p>
-</div></div>
-
-<h3 class="subh">SCNE II<a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor">&nbsp;[463]</a>.</h3>
-<p class="subt">ORODE, SURNA.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> Surna, vos services</p>
-<p>(Qui l'auroit os croire?) ont pour moi des supplices:</p>
-<p>J'en ai honte, et ne puis assez me consoler</p>
-<p>De ne voir aucun don qui les puisse galer.</p>
-<p>Supplez au dfaut d'une reconnoissance <span class="dalign">785</span></p>
-<p>Dont vos propres exploits m'ont mis en impuissance;</p>
-<p>Et s'il en est un prix dont vous fassiez tat,</p>
-<p>Donnez-moi les moyens d'tre un peu moins ingrat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quand je vous ai servi, j'ai reu mon salaire,</p>
-<p>Seigneur, et n'ai rien fait qu'un sujet n'ait d faire;<span class="dalign">790</span></p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_496"> 496</a></span>
-<p>La gloire m'en demeure, et c'est l'unique prix</p>
-<p>Que s'en est propos le soin que j'en ai pris.</p>
-<p>Si pourtant il vous plat, Seigneur, que j'en demande</p>
-<p>De plus dignes d'un roi dont l'me est toute grande,</p>
-<p>La plus haute vertu peut faire de faux pas; <span class="dalign">795</span></p>
-<p>Si la mienne en fait un, daignez ne le voir pas:</p>
-<p>Gardez-moi des bonts toujours prtes d'teindre</p>
-<p>Le plus juste courroux que j'aurois lieu d'en craindre;</p>
-<p>Et si....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Ma gratitude oseroit se borner</p>
-<p>Au pardon d'un malheur qu'on ne peut deviner, <span class="dalign">800</span></p>
-<p>Qui n'arrivera point? et j'attendrois un crime</p>
-<p>Pour vous montrer le fond de toute mon estime?</p>
-<p>Le ciel m'est plus propice, et m'en ouvre un moyen</p>
-<p>Par l'heureuse union de votre sang au mien:</p>
-<p>D'avoir tant fait pour moi ce sera le salaire. <span class="dalign">805</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'en ai flatt longtemps un espoir tmraire;</p>
-<p>Mais puisqu'enfin le prince....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Il aima votre s&oelig;ur,</p>
-<p>Et le bien de l'tat lui drobe son c&oelig;ur:</p>
-<p>La paix de l'Armnie ce prix est jure.</p>
-<p>Mais l'injure aisment peut tre rpare; <span class="dalign">810</span></p>
-<p>J'y sais des rois tous prts<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor">&nbsp;[464]</a>; et pour vous, ds demain,</p>
-<p>Mandane, que j'attends, vous donnera la main.</p>
-<p>C'est tout ce qu'en la mienne ont mis des destines</p>
-<p>Qu' force de hauts faits la vtre a couronnes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A cet excs d'honneur rien ne peut s'galer; <span class="dalign">815</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_497"> 497</a></span></div>
-<p>Mais si vous me laissiez libert d'en parler,</p>
-<p>Je vous dirois, Seigneur, que l'amour paternelle</p>
-<p>Doit cette princesse un trne digne d'elle;</p>
-<p>Que l'ingalit de mon destin au sien</p>
-<p>Ravaleroit son sang sans lever le mien; <span class="dalign">820</span></p>
-<p>Qu'une telle union, quelque haut qu'on la mette,</p>
-<p>Me laisse encor sujet, et la rendroit sujette;</p>
-<p>Et que de son hymen, malgr tous mes hauts faits,</p>
-<p>Au lieu de rois natre, il natroit des sujets.</p>
-<p>De quel &oelig;il voulez-vous, Seigneur, qu'elle me donne<span class="dalign">825</span></p>
-<p>Une main refuse plus d'une couronne,</p>
-<p>Et qu'un si digne objet des v&oelig;ux de tant de rois</p>
-<p>Descende par votre ordre cet indigne choix?</p>
-<p>Que de mpris pour moi! que de honte pour elle!</p>
-<p>Non, Seigneur, croyez-en un serviteur fidle: <span class="dalign">830</span></p>
-<p>Si votre sang du mien veut augmenter l'honneur,</p>
-<p>Il y faut l'union du prince avec ma s&oelig;ur.</p>
-<p>Ne le mlez, Seigneur, au sang de vos anctres</p>
-<p>Qu'afin que vos sujets en reoivent des matres:</p>
-<p>Vos Parthes dans la gloire ont trop longtemps vcu, <span class="dalign">835</span></p>
-<p>Pour attendre des rois du sang de leur vaincu.</p>
-<p>Si vous ne le savez, tout le camp en murmure;</p>
-<p>Ce n'est qu'avec dpit que le peuple l'endure.</p>
-<p>Quelles lois et pu faire Artabase vainqueur</p>
-<p>Plus rudes, disent-ils, mme des gens sans c&oelig;ur?<span class="dalign">840</span></p>
-<p>Je les fais taire; mais, Seigneur, le bien prendre,</p>
-<p>C'toit moins l'attaquer que lui mener un gendre;</p>
-<p>Et si vous en aviez consult leurs souhaits,</p>
-<p>Vous auriez prfr la guerre cette paix.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce dans le dessein de vous mettre leur tte <span class="dalign">845</span></p>
-<p>Que vous me demandez ma grce toute prte?</p>
-<p>Et de leurs vains souhaits vous font-ils le porteur</p>
-<p>Pour faire Palmis reine avec plus de hauteur?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_498"> 498</a></span></div>
-<p>Il n'est rien d'impossible la valeur d'un homme</p>
-<p>Qui rtablit son matre et triomphe de Rome; <span class="dalign">850</span></p>
-<p>Mais sous le ciel tout change, et les plus valeureux</p>
-<p>N'ont jamais sret d'tre toujours heureux.</p>
-<p>J'ai donn ma parole: elle est inviolable.</p>
-<p>Le prince aime Eurydice autant qu'elle est aimable;</p>
-<p>Et s'il faut dire tout, je lui dois cet appui <span class="dalign">855</span></p>
-<p>Contre ce que Phradate<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor">&nbsp;[465]</a> osera contre lui;</p>
-<p>Car tout ce qu'attenta contre moi Mithradate<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor">&nbsp;[466]</a>,</p>
-<p>Pacorus le doit craindre son tour de Phradate:</p>
-<p>Cet esprit turbulent, et jaloux du pouvoir,</p>
-<p>Quoique son frre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Il sait que je sais mon devoir, <span class="dalign">860</span></p>
-<p>Et n'a pas oubli que dompter des rebelles,</p>
-<p>Dtrner un tyran....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Ces actions sont belles;</p>
-<p>Mais pour m'avoir remis en tat de rgner,</p>
-<p>Rendent-elles pour vous ma fille ddaigner?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_499"> 499</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La ddaigner, Seigneur, quand mon zle fidle<span class="dalign">865</span></p>
-<p>N'ose me regarder que comme indigne d'elle!</p>
-<p>Osez me dispenser de ce que je vous doi,</p>
-<p>Et pour la mriter, je cours me faire roi.</p>
-<p>S'il n'est rien d'impossible la valeur d'un homme</p>
-<p>Qui rtablit son matre et triomphe de Rome,<span class="dalign">870</span></p>
-<p>Sur quels rois aisment ne pourrai-je emporter,</p>
-<p>En faveur de Mandane, un sceptre la doter?</p>
-<p>Prescrivez-moi, Seigneur, vous-mme une conqute</p>
-<p>Dont en prenant sa main je couronne sa tte;</p>
-<p>Et vous direz aprs si c'est la ddaigner <span class="dalign">875</span></p>
-<p>Que de vouloir me perdre ou la faire rgner<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor">&nbsp;[467]</a>.</p>
-<p>Mais je suis n sujet, et j'aime trop l'tre</p>
-<p>Pour hasarder mes jours que pour servir mon matre,</p>
-<p>Et consentir jamais qu'un homme tel que moi</p>
-<p>Souille par son hymen le pur sang de son roi. <span class="dalign">880</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'examine point si ce respect dguise;</p>
-<p>Mais parlons une fois avec pleine franchise.</p>
-<p class="i1"> Vous tes mon sujet, mais un sujet si grand,</p>
-<p>Que rien n'est malais quand son bras l'entreprend.</p>
-<p>Vous possdez sous moi deux provinces entires <span class="dalign">885</span></p>
-<p>De peuples si hardis, de nations si fires,</p>
-<p>Que sur tant de vassaux je n'ai d'autorit</p>
-<p>Qu'autant que votre zle a de fidlit:</p>
-<p>Ils vous ont jusqu'ici suivi comme fidle,</p>
-<p>Et quand vous le voudrez, ils vous suivront rebelle;<span class="dalign">890</span></p>
-<p>Vous avez tant de nom, que tous les rois voisins</p>
-<p>Vous veulent, comme Orode, unir leurs destins.</p>
-<p>La victoire, chez vous passe en habitude,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_500"> 500</a></span></div>
-<p>Met jusque dans ses murs Rome en inquitude:</p>
-<p>Par gloire, ou pour braver au besoin mon courroux, <span class="dalign">895</span></p>
-<p>Vous tranez en tous lieux dix mille mes vous<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor">&nbsp;[468]</a>:</p>
-<p>Le nombre est peu commun pour un train domestique;</p>
-<p>Et s'il faut qu'avec vous tout fait je m'explique,</p>
-<p>Je ne vous saurois croire assez en mon pouvoir,</p>
-<p>Si les n&oelig;uds de l'hymen n'enchanent le devoir.<span class="dalign">900</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Par quel crime, Seigneur, ou par quelle imprudence</p>
-<p>Ai-je pu mriter si peu de confiance?</p>
-<p>Si mon c&oelig;ur, si mon bras pouvoit tre gagn,</p>
-<p>Mithradate et Crassus n'auroient rien pargn:</p>
-<p>Tous les deux....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Laissons l Crassus et Mithradate. <span class="dalign">905</span></p>
-<p>Surna, j'aime voir que votre gloire clate:</p>
-<p>Tout ce que je vous dois, j'aime le publier;</p>
-<p>Mais quand je m'en souviens, vous devez l'oublier.</p>
-<p>Si le ciel par vos mains m'a rendu cet empire,</p>
-<p>Je sais vous pargner la peine de le dire; <span class="dalign">910</span></p>
-<p>Et s'il met votre zle au-dessus du commun,</p>
-<p>Je n'en suis point ingrat: craignez d'tre importun.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je reviens Palmis, Seigneur. De mes hommages</p>
-<p>Si les lois du devoir sont de trop foibles gages,</p>
-<p>En est-il de plus srs, ou de plus fortes lois,<span class="dalign">915</span></p>
-<p>Qu'avoir une s&oelig;ur reine et des neveux pour rois?</p>
-<p>Mettez mon sang au trne, et n'en cherchez point d'autres,</p>
-<p>Pour unir tel point mes intrts aux vtres,</p>
-<p>Que tout cet univers, que tout notre avenir</p>
-<p>Ne trouve aucune voie les en dsunir. <span class="dalign">920</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_501"> 501</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais, Surna, le puis-je aprs la foi donne,</p>
-<p>Au milieu des apprts d'un si grand hymne?</p>
-<p>Et rendrai-je aux Romains qui voudront me braver</p>
-<p>Un ami que la paix vient de leur enlever?</p>
-<p>Si le prince renonce au bonheur qu'il espre, <span class="dalign">925</span></p>
-<p>Que dira la princesse, et que fera son pre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour son pre, Seigneur, laissez-m'en le souci.</p>
-<p>J'en rponds, et pourrois rpondre d'elle aussi.</p>
-<p>Malgr la triste paix que vous avez jure,</p>
-<p>Avec le prince mme elle s'est dclare;<span class="dalign">930</span></p>
-<p>Et si je puis vous dire avec quels sentiments</p>
-<p>Elle attend demain l'effet de vos serments,</p>
-<p>Elle aime ailleurs.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> Et qui?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> C'est ce qu'elle aime taire:</p>
-<p>Du reste son amour n'en fait aucun mystre,</p>
-<p>Et cherche reculer les effets d'un trait <span class="dalign">935</span></p>
-<p>Qui fait tant murmurer votre peuple irrit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce au peuple, est-ce vous, Surna, de me dire</p>
-<p>Pour lui donner des rois quel sang je dois lire?</p>
-<p>Et pour voir dans l'tat tous mes ordres suivis,</p>
-<p>Est-ce de mes sujets que je dois prendre avis? <span class="dalign">940</span></p>
-<p>Si le prince Palmis veut rendre sa tendresse,</p>
-<p>Je consens qu'il ddaigne son tour la princesse;</p>
-<p>Et nous verrons aprs quel remde apporter</p>
-<p>A la division qui peut en rsulter.</p>
-<p>Pour vous, qui vous sentez indigne de ma fille,<span class="dalign">945</span></p>
-<p>Et craignez par respect d'entrer en ma famille,</p>
-<p>Choisissez un parti qui soit digne de vous,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_502"> 502</a></span></div>
-<p>Et qui surtout n'ait rien me rendre jaloux:</p>
-<p>Mon me avec chagrin sur ce point balance</p>
-<p>En veut, et ds demain, tre dbarrasse. <span class="dalign">950</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Seigneur, je n'aime rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Que vous aimiez ou non,</p>
-<p>Faites un choix vous-mme, ou souffrez-en le don.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais si j'aime en tel lieu qu'il m'en faille avoir honte,</p>
-<p>Du secret de mon c&oelig;ur puis-je vous rendre conte?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A demain, Surna. S'il se peut, ds ce jour, <span class="dalign">955</span></p>
-<p>Rsolvons cet hymen avec ou sans amour.</p>
-<p>Cependant allez voir la princesse Eurydice;</p>
-<p>Sous les lois du devoir ramenez son caprice;</p>
-<p>Et ne m'obligez point faire ses appas</p>
-<p>Un compliment de roi qui ne lui plairoit pas. <span class="dalign">960</span></p>
-<p>Palmis vient par mon ordre, et je veux en apprendre</p>
-<p>Dans vos prtentions la part qu'elle aime prendre.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">ORODE, PALMIS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Surna m'a surpris, et je n'aurois pas dit</p>
-<p>Qu'avec tant de valeur il et eu tant d'esprit<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor">&nbsp;[469]</a>;</p>
-<p>Mais moins on le prvoit, et plus cet esprit brille: <span class="dalign">965</span></p>
-<p>Il trouve des raisons refuser ma fille,</p>
-<p>Mais fortes, et qui mme ont si bien succd,</p>
-<p>Que s'en disant indigne il m'a persuad.</p>
-<p class="i1"> Savez-vous ce qu'il aime? Il est hors d'apparence</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_503"> 503</a></span></div>
-<p>Qu'il fasse un tel refus sans quelque prfrence,<span class="dalign">970</span></p>
-<p>Sans quelque objet charmant, dont l'adorable choix</p>
-<p>Ferme tout son grand c&oelig;ur au pur sang de ses rois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ai cru qu'il n'aimoit rien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> Il me l'a dit lui-mme.</p>
-<p>Mais la princesse avoue, et hautement, qu'elle aime:</p>
-<p>Vous tes son amie, et savez quel amant <span class="dalign">975</span></p>
-<p>Dans un c&oelig;ur qu'elle doit rgne si puissamment.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si la princesse en moi prend quelque confiance,</p>
-<p>Seigneur, m'est-il permis d'en faire confidence?</p>
-<p>Reoit-on des secrets sans une forte loi...?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je croyois qu'elle pt se rompre pour un roi, <span class="dalign">980</span></p>
-<p>Et veux bien toutefois qu'elle soit si svre</p>
-<p>Qu'en mon propre intrt elle oblige se taire;</p>
-<p>Mais vous pouvez du moins me rpondre de vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! pour mes sentiments, je vous les dirai tous.</p>
-<p>J'aime ce que j'aimois, et n'ai point chang d'me:<span class="dalign">985</span></p>
-<p>Je n'en fais point secret.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> L'aimer encor, Madame?</p>
-<p>Ayez-en quelque honte, et parlez-en plus bas.</p>
-<p>C'est foiblesse d'aimer qui ne vous aime pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Seigneur: son prince attacher sa tendresse,</p>
-<p>C'est une grandeur d'me et non une foiblesse;<span class="dalign">990</span></p>
-<p>Et lui garder un c&oelig;ur qu'il lui plut mriter</p>
-<p>N'a rien d'assez honteux pour ne s'en point vanter.</p>
-<p>J'en ferai toujours gloire; et mon me, charme</p>
-<p>De l'heureux souvenir de m'tre vue aime,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_504"> 504</a></span></div>
-<p>N'touffera jamais l'clat de ces beaux feux <span class="dalign">995</span></p>
-<p>Qu'alluma son mrite, et l'offre de ses v&oelig;ux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Faites mieux, vengez-vous. Il est des rois, Madame,</p>
-<p>Plus dignes qu'un ingrat d'une si belle flamme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De ce que j'aime encor ce seroit m'loigner,</p>
-<p>Et me faire un exil sous ombre de rgner. <span class="dalign">1000</span></p>
-<p>Je veux toujours le voir, cet ingrat qui me tue,</p>
-<p>Non pour le triste bien de jouir de sa vue:</p>
-<p>Cette fausse douceur est au-dessous de moi,</p>
-<p>Et ne vaudra jamais que je nglige un roi;</p>
-<p>Mais il est des plaisirs qu'une amante trahie <span class="dalign">1005</span></p>
-<p>Gote au milieu des maux qui lui cotent la vie:</p>
-<p>Je verrai l'infidle inquiet, alarm</p>
-<p>D'un rival inconnu, mais ardemment aim,</p>
-<p>Rencontrer mes yeux sa peine dans son crime,</p>
-<p>Par les mains de l'hymen devenir ma victime,<span class="dalign">1010</span></p>
-<p>Et ne me regarder, dans ce chagrin profond,</p>
-<p>Que le remords en l'me, et la rougeur au front.</p>
-<p>De mes bonts pour lui l'impitoyable image,</p>
-<p>Qu'imprimera l'amour sur mon ple visage,</p>
-<p>Insultera son c&oelig;ur; et dans nos entretiens <span class="dalign">1015</span></p>
-<p>Mes pleurs et mes soupirs rappelleront les siens,</p>
-<p>Mais qui ne serviront qu' lui faire connotre</p>
-<p>Qu'il pouvoit tre heureux et ne sauroit plus l'tre;</p>
-<p>Qu' lui faire trop tard har son peu de foi,</p>
-<p>Et pour tout dire ensemble, avoir regret moi. <span class="dalign">1020</span></p>
-<p class="i1"> Voil tout le bonheur o mon amour aspire;</p>
-<p>Voil contre un ingrat tout ce que je conspire;</p>
-<p>Voil tous les plaisirs que j'espre le voir,</p>
-<p>Et tous les sentiments que vous vouliez savoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est bien traiter les rois en personnes communes <span class="dalign">1025</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_505"> 505</a></span></div>
-<p>Qu'attacher leur rang ces gnes importunes,</p>
-<p>Comme si pour vous plaire et les inquiter</p>
-<p>Dans le trne avec eux l'amour pouvoit monter.</p>
-<p>Il nous faut un hymen, pour nous donner des princes</p>
-<p>Qui soient l'appui du sceptre et l'espoir des provinces:<span class="dalign">1030</span></p>
-<p>C'est l qu'est notre force; et dans nos grands destins,</p>
-<p>Le manque de vengeurs enhardit les mutins.</p>
-<p>Du reste en ces grands n&oelig;uds l'tat qui s'intresse</p>
-<p>Ferme l'&oelig;il aux attraits et l'me la tendresse:</p>
-<p>La seule politique est ce qui nous meut; <span class="dalign">1035</span></p>
-<p>On la suit, et l'amour s'y mle comme il peut:</p>
-<p>S'il vient, on l'applaudit; s'il manque, on s'en console.</p>
-<p>C'est dont vous pouvez croire un roi sur sa parole.</p>
-<p>Nous ne sommes point faits pour devenir jaloux,</p>
-<p>Ni pour tre en souci si le c&oelig;ur est nous.<span class="dalign">1040</span></p>
-<p>Ne vous repaissez plus<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor">&nbsp;[470]</a> de ces vaines chimres,</p>
-<p>Qui ne font les plaisirs que des mes vulgaires,</p>
-<p>Madame; et que le prince aye ou non souffrir,</p>
-<p>Acceptez un des rois que je puis vous offrir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pardonnez-moi, Seigneur, si mon me alarme <span class="dalign">1045</span></p>
-<p>Ne veut point de ces rois dont on n'est point aime.</p>
-<p>J'ai cru l'tre du prince, et l'ai trouv si doux,</p>
-<p>Que le souvenir seul m'en plat plus qu'un poux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>N'en parlons plus, Madame; et dites ce frre</p>
-<p>Qui vous est aussi cher que vous me seriez chre,<span class="dalign">1050</span></p>
-<p>Que parmi ses respects il n'a que trop marqu....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi, Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Avec lui je crois m'tre expliqu.</p>
-<p>Qu'il y pense, Madame. Adieu.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_506"> 506</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS</span><a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor">&nbsp;[471]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Quel triste augure!</p>
-<p>Et que ne me dit point<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor">&nbsp;[472]</a> cette menace obscure!</p>
-<p>Sauvez ces deux amants, ciel! et dtournez <span class="dalign">1055</span></p>
-<p>Les soupons que leurs feux peuvent avoir donns.</p>
-</div></div>
-
-
-<p class="end"><span class="i7">FIN DU TROISIME ACTE.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_507"> 507</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE IV.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">ORMNE, EURYDICE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, votre intelligence demi dcouverte</p>
-<p>Met votre Surna sur le bord de sa perte.</p>
-<p>Je l'ai su de Sillace; et j'ai lieu de douter</p>
-<p>Qu'il n'ait, s'il faut tout dire, ordre de l'arrter.<span class="dalign">1060</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On n'oseroit, Ormne; on n'oseroit.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Madame,</p>
-<p>Croyez-en un peu moins votre fermet d'me.</p>
-<p>Un hros arrt n'a que deux bras lui,</p>
-<p>Et souvent trop de gloire est un dbile appui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je sais que le mrite est sujet l'envie, <span class="dalign">1065</span></p>
-<p>Que son chagrin s'attache la plus belle vie.</p>
-<p>Mais sur quelle apparence oses-tu prsumer</p>
-<p>Qu'on pourroit...?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i8"> Il vous aime, et s'en est fait aimer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui l'a dit?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"> Vous et lui: c'est son crime et le vtre.</p>
-<p>Il refuse Mandane, et n'en veut aucune autre;<span class="dalign">1070</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_508"> 508</a></span></div>
-<p>On sait que vous aimez; on ignore l'amant:</p>
-<p>Madame, tout cela parle trop clairement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-Ce sont de vains soupons qu'avec moi tu hasardes.
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, PALMIS, ORMNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, chaque porte on a pos des gardes:</p>
-<p>Rien n'entre, rien ne sort qu'avec ordre du Roi.<span class="dalign">1075</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'importe? et quel sujet en prenez-vous d'effroi?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ou quelque grand orage nous troubler s'apprte,</p>
-<p>Ou l'on en veut, Madame, quelque grande tte:</p>
-<p>Je tremble pour mon frre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i13"> A quel propos trembler?</p>
-<p>Un roi qui lui doit tout voudroit-il l'accabler?<span class="dalign">1080</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous le figurez-vous tel point insensible,</p>
-<p>Que de son alliance un refus si visible...?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Un si rare service a su le prvenir</p>
-<p>Qu'il doit rcompenser avant que de punir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il le doit; mais aprs une pareille offense,<span class="dalign">1085</span></p>
-<p>Il est rare qu'on songe la reconnoissance,</p>
-<p>Et par un tel mpris le service effac</p>
-<p>Ne tient plus d'yeux ouverts sur ce qui s'est pass.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pour la s&oelig;ur d'un hros, c'est tre bien timide.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_509"> 509</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amante a-t-elle droit d'tre plus intrpide? <span class="dalign">1090</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>L'amante d'un hros aime lui ressembler,</p>
-<p>Et voit ainsi que lui ses prils sans trembler.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous vous flattez, Madame: elle a de la tendresse</p>
-<p>Que leur ide tonne, et leur image blesse;</p>
-<p>Et ce que dans sa perte elle prend d'intrt <span class="dalign">1095</span></p>
-<p>Ne sauroit sans dsordre en attendre l'arrt.</p>
-<p>Cette mle vigueur de constance hroque</p>
-<p>N'est point une vertu dont le sexe se pique,</p>
-<p>Ou s'il peut jusque-l porter sa fermet,</p>
-<p>Ce qu'il appelle amour n'est qu'une duret. <span class="dalign">1100</span></p>
-<p>Si vous aimiez mon frre, on verroit quelque alarme:</p>
-<p>Il vous chapperoit un soupir, une larme,</p>
-<p>Qui marqueroit du moins un sentiment jaloux</p>
-<p>Qu'une s&oelig;ur se montrt plus sensible que vous.</p>
-<p>Dieux! je donne l'exemple, et l'on s'en peut dfendre!</p>
-<p>Je le donne des yeux qui ne daignent le prendre!</p>
-<p>Auroit-on jamais cru qu'on pt voir quelque jour</p>
-<p>Les n&oelig;uds du sang plus forts que les n&oelig;uds de l'amour?</p>
-<p>Mais j'ai tort, et la perte est pour vous moins amre:</p>
-<p>On recouvre un amant plus aisment qu'un frre<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor">&nbsp;[473]</a>; <span class="dalign">1110</span></p>
-<p>Et si je perds celui que le ciel me donna,</p>
-<p>Quand j'en recouvrerois, seroit-ce un Surna?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et si j'avois perdu cet amant qu'on menace,</p>
-<p>Seroit-ce un Surna qui rempliroit sa place?</p>
-<p>Pensez-vous qu'expose de si rudes coups, <span class="dalign">1115</span></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_510"> 510</a></span></div>
-<p>J'en soupire au dedans, et tremble moins que vous?</p>
-<p>Mon intrpidit n'est qu'un effort de gloire,</p>
-<p>Que, tout fier qu'il parot, mon c&oelig;ur n'en veut pas croire.</p>
-<p>Il est tendre, et ne rend ce tribut qu' regret</p>
-<p>Au juste et dur orgueil qu'il dment en secret. <span class="dalign">1120</span></p>
-<p>Oui, s'il en faut parler avec une me ouverte,</p>
-<p>Je pense voir dj l'appareil de sa perte,</p>
-<p>De ce hros si cher; et ce mortel ennui</p>
-<p>N'ose plus aspirer qu' mourir avec lui.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Avec moins de chaleur, vous pourriez bien plus faire.</p>
-<p>Acceptez mon amant pour conserver mon frre,</p>
-<p>Madame; et puisqu'enfin il vous faut l'pouser,</p>
-<p>Tchez, par politique, vous y disposer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mon amour est trop fort pour cette politique:</p>
-<p>Tout entier on l'a vu, tout entier il s'explique;<span class="dalign">1130</span></p>
-<p>Et le prince sait trop ce que j'ai dans le c&oelig;ur,</p>
-<p>Pour recevoir ma main comme un parfait bonheur.</p>
-<p>J'aime ailleurs, et l'ai dit trop haut pour m'en ddire,</p>
-<p>Avant qu'en sa faveur tout cet amour expire.</p>
-<p>C'est avoir trop parl; mais dt se perdre tout,<span class="dalign">1135</span></p>
-<p>Je me tiendrai parole, et j'irai jusqu'au bout.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ainsi donc vous voulez que ce hros prisse?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Pourroit-on en venir jusqu' cette injustice?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, il rpondra de toutes vos rigueurs,</p>
-<p>Et du trop d'union<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor">&nbsp;[474]</a> o s'obstinent vos c&oelig;urs. <span class="dalign">1140</span></p>
-<p>Rendez heureux le prince, il n'est plus sa victime;</p>
-<p>Qu'il se donne Mandane, il n'aura plus de crime.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_511"> 511</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'il s'y donne, Madame, et ne m'en dise rien,</p>
-<p>Ou si son c&oelig;ur encor peut dpendre du mien,</p>
-<p>Qu'il attende l'aimer que ma haine cesse <span class="dalign">1145</span></p>
-<p>Vers l'amour de son frre ait tourn ma pense.</p>
-<p>Rsolvez-le vous-mme me dsobir;</p>
-<p>Forcez-moi, s'il se peut, moi-mme le har:</p>
-<p>A force de raisons faites-m'en un rebelle;</p>
-<p>Accablez-le de pleurs pour le rendre infidle; <span class="dalign">1150</span></p>
-<p>Par piti, par tendresse, appliquez tous vos soins</p>
-<p>A me mettre en tat de l'aimer un peu moins:</p>
-<p>J'achverai le reste. A quelque point qu'on aime,</p>
-<p>Quand le feu diminue, il s'teint de lui-mme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le prince vient, Madame, et n'a pas grand besoin,<span class="dalign">1155</span></p>
-<p>Dans son amour pour vous, d'un odieux tmoin:</p>
-<p>Vous pourrez mieux sans moi flatter son esprance,</p>
-<p>Mieux en notre faveur tourner sa dfrence;</p>
-<p>Et ce que je prvois me fait assez souffrir,</p>
-<p>Sans y joindre les v&oelig;ux qu'il cherche vous offrir.<span class="dalign">1160</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-
-<p class="subt">PACORUS, EURYDICE, ORMNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce pour moi, Seigneur, qu'on fait garde vos portes?</p>
-<p>Pour assurer ma fuite, ai-je ici des escortes?</p>
-<p>Ou si ce grand hymen, pour ses derniers apprts....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, ainsi que vous chacun a ses secrets.</p>
-<p>Ceux que vous honorez de votre confidence <span class="dalign">1165</span></p>
-<p>Observent par votre ordre un gnreux silence.</p>
-<p>Le Roi suit votre exemple; et si c'est vous gner,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_512"> 512</a></span></div>
-<p>Comme nous devinons, vous pouvez deviner.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui devine est souvent sujet se mprendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Si je devine mal, je sais qui m'en prendre; <span class="dalign">1170</span></p>
-<p>Et comme votre amour n'est que trop vident,</p>
-<p>Si je n'en sais l'objet, j'en sais le confident.</p>
-<p>Il est le plus coupable: un amant peut se taire;</p>
-<p>Mais d'un sujet au Roi, c'est crime qu'un mystre.</p>
-<p>Qui connot un obstacle au bonheur de l'tat, <span class="dalign">1175</span></p>
-<p>Tant qu'il le tient cach commet un attentat.</p>
-<p>Ainsi ce confident.... Vous m'entendez, Madame,</p>
-<p>Et je vois dans les yeux ce qui se passe en l'me.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il a ma confidence, il a mon amiti;</p>
-<p>Et je lui dois, Seigneur, du moins quelque piti.<span class="dalign">1180</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce sentiment est juste, et mme je veux croire</p>
-<p>Qu'un c&oelig;ur comme le vtre a droit d'en faire gloire;</p>
-<p>Mais ce trouble, Madame, et cette motion,</p>
-<p>N'ont-ils rien de plus fort que la compassion?</p>
-<p>Et quand de ses prils l'ombre vous intresse, <span class="dalign">1185</span></p>
-<p>Qu'une piti si prompte en sa faveur vous presse,</p>
-<p>Un si cher confident ne fait-il point douter</p>
-<p>De l'amant ou de lui qui les peut exciter?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'importe? et quel besoin de les confondre ensemble,</p>
-<p>Quand ce n'est que pour vous, aprs tout, que je tremble?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? vous me menacez moi-mme<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor">&nbsp;[475]</a> votre tour!</p>
-<p>Et les emportements de votre aveugle amour....</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_513"> 513</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je m'emporte et m'aveugle un peu moins qu'on ne pense:</p>
-<p>Pour l'avouer vous-mme, entrons en confidence.</p>
-<p class="i1"> Seigneur, je vous regarde en qualit d'poux: <span class="dalign">1195</span></p>
-<p>Ma main ne sauroit tre et ne sera qu' vous;</p>
-<p>Mes v&oelig;ux y sont dj, tout mon c&oelig;ur y veut tre:</p>
-<p>Ds que je le pourrai, je vous en ferai matre;</p>
-<p>Et si pour s'y rduire il me fait diffrer,</p>
-<p>Cet amant si chri n'en peut rien esprer. <span class="dalign">1200</span></p>
-<p>Je ne serai qu' vous, qui que ce soit que j'aime,</p>
-<p>A moins qu' vous quitter vous m'obligiez vous-mme;</p>
-<p>Mais s'il faut que le temps m'apprenne vous aimer,</p>
-<p>Il ne me l'apprendra qu' force d'estimer;</p>
-<p>Et si vous me forcez perdre cette estime, <span class="dalign">1205</span></p>
-<p>Si votre impatience ose aller jusqu'au crime....</p>
-<p>Vous m'entendez, Seigneur, et c'est vous dire assez</p>
-<p>D'o me viennent pour vous ces v&oelig;ux intresss.</p>
-<p>J'ai part votre gloire, et je tremble pour elle</p>
-<p>Que vous ne la souilliez d'une tache ternelle, <span class="dalign">1210</span></p>
-<p>Que le barbare clat d'un indigne soupon</p>
-<p>Ne fasse l'univers dtester votre nom,</p>
-<p>Et que vous ne veuilliez<a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor">&nbsp;[476]</a> sortir d'inquitude</p>
-<p>Par une pouvantable et noire ingratitude.</p>
-<p>Pourrois-je aprs cela vous conserver ma foi, <span class="dalign">1215</span></p>
-<p>Comme si vous tiez encor digne de moi;</p>
-<p>Recevoir sans horreur l'offre d'une couronne,</p>
-<p>Toute fumante encor du sang qui vous la donne,</p>
-<p>Et m'exposer en proie aux fureurs des Romains,</p>
-<p>Quand pour les repousser vous n'aurez plus<a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor">&nbsp;[477]</a> de mains?</p>
-<p>Si Crassus est dfait, Rome n'est pas dtruite:</p>
-<p>D'autres ont ramass les dbris de sa fuite,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_514"> 514</a></span></div>
-<p>De nouveaux escadrons leur vont enfler le c&oelig;ur,</p>
-<p>Et vous avez besoin encor de son vainqueur.</p>
-<p> Voil ce que pour vous craint une destine <span class="dalign">1225</span></p>
-<p>Qui se doit bientt voir la vtre enchane,</p>
-<p>Et deviendroit infme se vouloir unir</p>
-<p>Qu' des rois dont on puisse aimer le souvenir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout ce que vous craignez est en votre puissance,</p>
-<p>Madame; il ne vous faut qu'un peu d'obissance, <span class="dalign">1230</span></p>
-<p>Qu'excuter demain ce qu'un pre a promis:</p>
-<p>L'amant, le confident, n'auront plus d'ennemis.</p>
-<p>C'est de quoi tout mon c&oelig;ur de nouveau vous conjure<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor">&nbsp;[478]</a>,</p>
-<p>Par les tendres respects d'une flamme si pure,</p>
-<p>Ces assidus respects, qui sans cesse bravs, <span class="dalign">1235</span></p>
-<p>Ne peuvent obtenir ce que vous me devez,</p>
-<p>Par tout ce qu'a de rude un orgueil inflexible,</p>
-<p>Par tous les maux que souffre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i15"> Et moi, suis-je insensible?</p>
-<p>Livre-t-on mon c&oelig;ur de moins rudes combats?</p>
-<p>Seigneur, je suis aime, et vous ne l'tes pas. <span class="dalign">1240</span></p>
-<p>Mon devoir vous prpare un assur remde,</p>
-<p>Quand il n'en peut souffrir au mal qui me possde;</p>
-<p>Et pour finir le vtre, il ne veut qu'un moment,</p>
-<p>Quand il faut que le mien dure ternellement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ce moment quelquefois est difficile prendre, <span class="dalign">1245</span></p>
-<p>Madame; et si le Roi se lasse de l'attendre,</p>
-<p>Pour venger le mpris de son autorit,</p>
-<p>Songez ce que peut un monarque irrit.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_515"> 515</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ma vie est en ses mains, et de son grand courage</p>
-<p>Il peut montrer sur elle un glorieux ouvrage. <span class="dalign">1250</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Traitez-le mieux, de grce, et ne vous alarmez</p>
-<p>Que pour la sret de ce que vous aimez.</p>
-<p>Le Roi sait votre foible et le trouble que porte</p>
-<p>Le pril d'un amant dans l'me la plus forte.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est mon foible, il est vrai; mais si j'ai de l'amour,</p>
-<p>J'ai du c&oelig;ur, et pourrois le mettre en son plein jour.</p>
-<p>Ce grand roi cependant prend une aimable voie</p>
-<p>Pour me faire accepter ses ordres avec joie!</p>
-<p>Pensez-y mieux, de grce; et songez qu'au besoin</p>
-<p>Un pas hors du devoir nous peut mener bien loin.<span class="dalign">1260</span></p>
-<p>Aprs ce premier pas, ce pas qui seul nous gne,</p>
-<p>L'amour rompt aisment le reste de sa chane;</p>
-<p>Et tyran son tour du devoir mpris,</p>
-<p>Il s'applaudit longtemps du joug qu'il a bris.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Aprs cela, Seigneur, je me retire, <span class="dalign">1265</span></p>
-<p>Et s'il vous reste encor quelque chose me dire,</p>
-<p>Pour viter l'clat d'un orgueil imprudent,</p>
-<p>Je vous laisse achever avec mon confident.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">PACORUS, SURNA.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Surna, je me plains, et j'ai lieu de me plaindre.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_516"> 516</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>De moi, Seigneur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9"> De vous. Il n'est plus temps de feindre:</p>
-<p>Malgr tous vos dtours on sait la vrit;</p>
-<p>Et j'attendois de vous plus de sincrit,</p>
-<p>Moi qui mettois en vous ma confiance entire,</p>
-<p>Et ne voulois souffrir aucune autre lumire.</p>
-<p>L'amour dans sa prudence est toujours indiscret;<span class="dalign">1275</span></p>
-<p>A force de se taire il trahit son secret:</p>
-<p>Le soin de le cacher dcouvre ce qu'il cache,</p>
-<p>Et son silence dit tout ce qu'il craint qu'on sache.</p>
-<p>Ne cachez plus le vtre, il est connu de tous,</p>
-<p>Et toute votre adresse a parl contre vous. <span class="dalign">1280</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Puisque vous vous plaignez, la plainte est lgitime,</p>
-<p>Seigneur; mais aprs tout j'ignore encor mon crime.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous refusez Mandane avec tant de respect,</p>
-<p>Qu'il est trop raisonn pour n'tre point suspect.</p>
-<p>Avant qu'on vous l'offrt vos raisons toient prtes,<span class="dalign">1285</span></p>
-<p>Et jamais on n'a vu de refus plus honntes;</p>
-<p>Mais ces honntets ne font pas moins rougir:</p>
-<p>Il falloit tout promettre, et la laisser agir;</p>
-<p>Il falloit esprer de son orgueil svre</p>
-<p>Un juste dsaveu des volonts d'un pre, <span class="dalign">1290</span></p>
-<p>Et l'aigrir par des v&oelig;ux si froids, si mal conus,</p>
-<p>Qu'elle usurpt sur vous la gloire du refus.</p>
-<p>Vous avez mieux aim tenter un artifice</p>
-<p>Qui pt mettre Palmis o doit tre Eurydice,</p>
-<p>En me donnant le change attirer mon courroux, <span class="dalign">1295</span></p>
-<p>Et montrer quel objet vous rservez pour vous.</p>
-<p>Mais vous auriez mieux fait d'appliquer tant d'adresse</p>
-<p>A remettre au devoir l'esprit de la princesse:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_517"> 517</a></span></div>
-<p>Vous en avez eu l'ordre, et j'en suis plus ha</p>
-<p>C'est pour un bon sujet avoir bien obi.<span class="dalign">1300</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je le vois bien, Seigneur: qu'on m'aime, qu'on vous aime,</p>
-<p>Qu'on ne vous aime pas, que je n'aime pas mme,</p>
-<p>Tout m'est compt pour crime; et je dois seul au Roi</p>
-<p>Rpondre de Palmis, d'Eurydice et de moi:</p>
-<p>Comme si je pouvois sur une me enflamme <span class="dalign">1305</span></p>
-<p>Ce qu'on me voit pouvoir sur tout un corps d'arme,</p>
-<p>Et qu'un c&oelig;ur ne ft pas plus pnible tourner</p>
-<p>Que les Romains vaincre, ou qu'un sceptre donner.</p>
-<p class="i1"> Sans faire un nouveau crime, oserai-je vous dire</p>
-<p>Que l'empire des c&oelig;urs n'est pas de votre empire,<span class="dalign">1310</span></p>
-<p>Et que l'amour, jaloux de son autorit,</p>
-<p>Ne reconnot ni roi ni souverainet?</p>
-<p>Il hait tous les emplois o la force l'appelle:</p>
-<p>Ds qu'on le violente, on en fait un rebelle;</p>
-<p>Et je suis criminel de ne pas triompher<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor">&nbsp;[479]</a>, <span class="dalign">1315</span></p>
-<p>Quand vous-mme, Seigneur, ne pouvez l'touffer!</p>
-<p>Changez-en par votre ordre tel point le caprice,</p>
-<p>Qu'Eurydice vous aime, et Palmis vous hasse;</p>
-<p>Ou rendez votre c&oelig;ur vos lois si soumis,</p>
-<p>Qu'il ddaigne Eurydice, et retourne<a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor">&nbsp;[480]</a> Palmis.<span class="dalign">1320</span></p>
-<p>Tout ce que vous pourrez ou sur vous ou sur elles</p>
-<p>Rendra mes actions d'autant plus criminelles;</p>
-<p>Mais sur elles, sur vous si vous ne pouvez rien,</p>
-<p>Des crimes de l'amour ne faites plus le mien.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je pardonne l'amour les crimes qu'il fait faire; <span class="dalign">1325</span></p>
-<p>Mais je n'excuse point ceux qu'il s'obstine taire,</p>
-<p>Qui cachs avec soin se commettent longtemps,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_518"> 518</a></span></div>
-<p>Et tiennent prs des rois de secrets mcontents.</p>
-<p>Un sujet qui se voit le rival de son matre,</p>
-<p>Quelque tude qu'il perde ne le point parotre,<span class="dalign">1330</span></p>
-<p>Ne pousse aucun soupir sans faire un attentat;</p>
-<p>Et d'un crime d'amour il en fait un d'tat.</p>
-<p>Il a besoin de grce, et surtout quand on l'aime</p>
-<p>Jusqu' se rvolter contre le diadme,</p>
-<p>Jusqu' servir d'obstacle au bonheur gnral. <span class="dalign">1335</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui; mais quand de son matre on lui fait un rival;</p>
-<p>Qu'il aimoit<a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor">&nbsp;[481]</a> le premier; qu'en dpit de sa flamme,</p>
-<p>Il cde, aim qu'il est, ce qu'adore son me;</p>
-<p>Qu'il renonce l'espoir, ddit sa passion:</p>
-<p>Est-il digne de grce, ou de compassion? <span class="dalign">1340</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qui cde ce qu'il aime est digne qu'on le loue;</p>
-<p>Mais il ne cde rien, quand on l'en dsavoue;</p>
-<p>Et les illusions d'un si faux compliment</p>
-<p>Ne mritent qu'un long et vrai ressentiment.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout l'heure, Seigneur, vous me parliez de grce,<span class="dalign">1345</span></p>
-<p>Et dj vous passez jusques la menace!</p>
-<p>La grce est aux grands c&oelig;urs honteuse recevoir;</p>
-<p>La menace n'a rien qui les puisse mouvoir.</p>
-<p>Tandis que hors des murs ma suite est disperse,</p>
-<p>Que la garde au dedans par Sillace est place,<span class="dalign">1350</span></p>
-<p>Que le peuple s'attend me voir arrter,</p>
-<p>Si quelqu'un en a l'ordre, il peut l'excuter.</p>
-<p>Qu'on veuille mon pe, ou qu'on veuille ma tte,</p>
-<p>Dites un mot, Seigneur, et l'une et l'autre est prte:</p>
-<p>Je n'ai goutte de sang qui ne soit mon roi; <span class="dalign">1355</span></p>
-<p>Et si l'on m'ose perdre, il perdra plus que moi.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_519"> 519</a></span></div>
-<p>J'ai vcu pour ma gloire autant qu'il falloit vivre,</p>
-<p>Et laisse un grand exemple qui pourra me suivre;</p>
-<p>Mais si vous me livrez vos chagrins jaloux,</p>
-<p>Je n'aurai pas peut-tre assez vcu pour vous. <span class="dalign">1360</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PACORUS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Surna, mes pareils n'aiment point ces manires:</p>
-<p>Ce sont fausses vertus que des vertus si fires.</p>
-<p>Aprs tant de hauts faits et d'exploits signals,</p>
-<p>Le Roi ne peut douter de ce que vous valez;</p>
-<p>Il ne veut point vous perdre: pargnez-vous la peine</p>
-<p>D'attirer sa colre et mriter ma haine;</p>
-<p>Donnez vos gaux l'exemple d'obir,</p>
-<p>Plutt que d'un amour qui cherche vous trahir.</p>
-<p>Il sied bien aux grands c&oelig;urs de parotre intrpides,</p>
-<p>De donner l'orgueil plus qu'aux vertus solides;<span class="dalign">1370</span></p>
-<p>Mais souvent ces grands c&oelig;urs n'en font que mieux leur cour<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor">&nbsp;[482]</a></p>
-<p>A parotre au besoin matres de leur amour.</p>
-<p>Recevez cet avis d'une amiti fidle.</p>
-<p>Ce soir la Reine arrive, et Mandane avec elle.</p>
-<p>Je ne demande point le secret de vos feux;<span class="dalign">1375</span></p>
-<p>Mais songez bien qu'un roi, quand il dit: Je le veux....</p>
-<p>Adieu: ce mot suffit, et vous devez m'entendre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je fais plus, je prvois ce que j'en dois attendre:</p>
-<p>Je l'attends sans frayeur; et quel qu'en soit le cours,</p>
-<p>J'aurai soin de ma gloire; ordonnez de mes jours. <span class="dalign">1380</span></p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i6">FIN DU QUATRIME ACTE.</span></p>
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_520"> 520</a></span></p>
-<h2 class="normal">ACTE V.</h2>
-<hr class="deco" />
-
-<h3 class="subh">SCNE PREMIRE.</h3>
-<p class="subt">ORODE, EURYDICE.</p>
-</div>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ne me l'avouez point: en cette conjoncture,</p>
-<p>Le soupon m'est plus doux que la vrit sre;</p>
-<p>L'obscurit m'en plat, et j'aime n'couter</p>
-<p>Que ce qui laisse encor libert d'en douter.</p>
-<p>Cependant par mon ordre on a mis garde aux portes,</p>
-<p>Et d'un amant suspect dispers les escortes,</p>
-<p>De crainte qu'un aveugle et fol emportement</p>
-<p>N'allt, et malgr vous, jusqu' l'enlvement.</p>
-<p>La vertu la plus haute alors cde la force;</p>
-<p>Et pour deux c&oelig;urs unis l'amour a tant d'amorce,<span class="dalign">1390</span></p>
-<p>Que le plus grand courroux qu'on voie y succder<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor">&nbsp;[483]</a></p>
-<p>N'aspire qu'aux douceurs de se raccommoder.</p>
-<p>Il n'est que trop ais de juger quelle suite</p>
-<p>Exigeroit de moi l'clat de cette fuite;</p>
-<p>Et pour n'en pas venir ces extrmits, <span class="dalign">1395</span></p>
-<p>Que vous l'aimiez ou non, j'ai pris mes srets.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A ces prcautions je suis trop redevable;</p>
-<p>Une prudence moindre en seroit incapable,</p>
-<p>Seigneur; mais dans le doute o votre esprit se plat,</p>
-<p>Si j'ose en ce hros prendre quelque intrt, <span class="dalign">1400</span></p>
-<p>Son sort est plus douteux que votre incertitude,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_521"> 521</a></span></div>
-<p>Et j'ai lieu plus que vous d'tre en inquitude.</p>
-<p>Je ne vous rponds point sur cet enlvement:</p>
-<p>Mon devoir, ma fiert, tout en moi le dment.</p>
-<p>La plus haute vertu peut cder la force, <span class="dalign">1405</span></p>
-<p>Je le sais: de l'amour je sais quelle est l'amorce;</p>
-<p>Mais contre tous les deux l'orgueil peut secourir,</p>
-<p>Et rien n'en est craindre alors qu'on sait mourir.</p>
-<p>Je ne serai qu'au prince.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Oui; mais quand, Madame,</p>
-<p>A quand cet heureux jour, que de toute son me....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il se verroit, Seigneur, ds ce soir mon poux,</p>
-<p>S'il n'et point voulu voir dans mon c&oelig;ur plus que vous:</p>
-<p>Sa curiosit s'est trop embarrasse</p>
-<p>D'un point dont il devoit loigner sa pense.</p>
-<p>Il sait que j'aime ailleurs, et l'a voulu savoir:<span class="dalign">1415</span></p>
-<p>Pour peine il attendra l'effort de mon devoir.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les dlais les plus longs, Madame, ont quelque terme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le devoir vient bout de l'amour le plus ferme:</p>
-<p>Les grands c&oelig;urs ont vers lui des retours clatants;</p>
-<p>Et quand on veut se vaincre, il y faut peu de temps.</p>
-<p>Un jour y peut beaucoup, une heure y peut suffire,</p>
-<p>Un de ces bons moments qu'un c&oelig;ur n'ose en ddire;</p>
-<p>S'il ne suit pas toujours nos souhaits et nos soins,</p>
-<p>Il arrive souvent quand on l'attend le moins.</p>
-<p>Mais je ne promets pas de m'y rendre facile, <span class="dalign">1425</span></p>
-<p>Seigneur, tant que j'aurai l'me si peu tranquille;</p>
-<p>Et je ne livrerai mon c&oelig;ur qu' mes ennuis,</p>
-<p>Tant qu'on me laissera dans l'alarme o je suis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le sort de Surna vous met donc en alarme</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_522"> 522</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je vois ce que pour tous ses vertus ont de charme, <span class="dalign">1430</span></p>
-<p>Et puis craindre pour lui ce qu'on voit craindre tous,</p>
-<p>Ou d'un matre en colre, ou d'un rival jaloux.</p>
-<p class="i1"> Ce n'est point toutefois l'amour qui m'intresse,</p>
-<p>C'est.... Je crains encor plus que ce mot ne vous blesse,</p>
-<p>Et qu'il ne vaille mieux s'en tenir l'amour,<span class="dalign">1435</span></p>
-<p>Que d'en mettre, et sitt, le vrai sujet au jour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, Madame, parlez, montrez toutes vos craintes:</p>
-<p>Puis-je sans les connotre en gurir les atteintes,</p>
-<p>Et dans l'paisse nuit o vous vous retranchez,</p>
-<p>Choisir le vrai remde aux maux que vous cachez? <span class="dalign">1440</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais si je vous disois que j'ai droit d'tre en peine</p>
-<p>Pour un trne o je dois un jour monter en reine;</p>
-<p>Que perdre Surna, c'est livrer aux Romains</p>
-<p>Un sceptre que son bras a remis en vos mains;</p>
-<p>Que c'est ressusciter l'orgueil de Mithradate,<span class="dalign">1445</span></p>
-<p>Exposer avec vous Pacorus et Phradate<a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor">&nbsp;[484]</a>;</p>
-<p>Que je crains que sa mort, enlevant votre appui,</p>
-<p>Vous renvoie l'exil o vous seriez sans lui:</p>
-<p>Seigneur, ce seroit tre un peu trop tmraire.</p>
-<p>J'ai d le dire au prince, et je dois vous le taire;<span class="dalign">1450</span></p>
-<p>J'en dois craindre un trop long et trop juste courroux;</p>
-<p>Et l'amour trouvera plus de grce chez vous.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais, Madame, est-ce vous d'tre si politique?</p>
-<p>Qui peut se taire ainsi, voyons comme il s'explique.</p>
-<p class="i1"> Si votre Surna m'a rendu mes tats, <span class="dalign">1455</span></p>
-<p>Me les a-t-il rendus pour ne m'obir pas?</p>
-<p>Et trouvez-vous par l sa valeur bien fonde</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_523"> 523</a></span></div>
-<p>A ne m'estimer plus son matre qu'en ide,</p>
-<p>A vouloir qu' ses lois j'obisse mon tour?</p>
-<p>Ce discours iroit loin: revenons l'amour, <span class="dalign">1460</span></p>
-<p>Madame; et s'il est vrai qu'enfin....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i16"> Laissez-m'en faire,</p>
-<p>Seigneur: je me vaincrai, j'y tche, je l'espre;</p>
-<p>J'ose dire encor plus, je m'en fais une loi;</p>
-<p>Mais je veux que le temps en dpende de moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est bien parler en reine, et j'aime assez, Madame,<span class="dalign">1465</span></p>
-<p>L'imptuosit de cette grandeur d'me:</p>
-<p>Cette noble fiert que rien ne peut dompter</p>
-<p>Remplira bien ce trne o vous devez monter.</p>
-<p>Donnez-moi donc en reine un ordre que je suive.</p>
-<p class="i1"> Phradate est arriv, ce soir Mandane arrive; <span class="dalign">1470</span></p>
-<p>Ils sauront quels respects a montrs pour sa main</p>
-<p>Cet intrpide effroi de l'empire romain.</p>
-<p>Mandane en rougira, le voyant auprs d'elle;</p>
-<p>Phradate est violent, et prendra sa querelle.</p>
-<p>Prs d'un esprit si chaud et si fort emport,<span class="dalign">1475</span></p>
-<p>Surna dans ma cour est-il en sret?</p>
-<p>Puis-je vous en rpondre, moins qu'il se retire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Bannir de votre cour l'honneur de votre empire!</p>
-<p>Vous le pouvez, Seigneur, et vous tes son roi;</p>
-<p>Mais je ne puis souffrir qu'il soit banni pour moi.<span class="dalign">1480</span></p>
-<p>Car enfin les couleurs ne font rien la chose;</p>
-<p>Sous un prtexte faux je n'en suis pas moins cause;</p>
-<p>Et qui craint pour Mandane un peu trop de rougeur</p>
-<p>Ne craint pour Surna que le fond de mon c&oelig;ur.</p>
-<p>Qu'il parte, il vous dplat; faites-vous-en justice;<span class="dalign">1485</span></p>
-<p>Punissez, exilez: il faut qu'il obisse.</p>
-<p>Pour remplir mes devoirs j'attendrai son retour.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_524"> 524</a></span></div>
-<p>Seigneur; et jusque-l point d'hymen ni d'amour.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous pourriez pouser le prince en sa prsence?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne sais; mais enfin je hais la violence. <span class="dalign">1490</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Empchez-la, Madame, en vous donnant nous;</p>
-<p>Ou faites qu' Mandane il s'offre pour poux.</p>
-<p>Cet ordre excut, mon me satisfaite</p>
-<p>Pour ce hros si cher ne veut plus de retraite.</p>
-<p>Qu'on le fasse venir. Modrez vos hauteurs: <span class="dalign">1493</span></p>
-<p>L'orgueil n'est pas toujours la marque des grands c&oelig;urs.</p>
-<p>Il me faut un hymen: choisissez l'un ou l'autre,</p>
-<p>Ou lui dites adieu pour le moins jusqu'au vtre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je sais tenir, Seigneur, tout ce que je promets,</p>
-<p>Et promettrois en vain de ne ne le voir jamais, <span class="dalign">1500</span></p>
-<p>Moi qui sais que bientt la guerre rallume</p>
-<p>Le rendra pour le moins ncessaire l'arme.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORODE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Nous ferons voir, Madame, en cette extrmit,</p>
-<p>Comme il faut obir la ncessit.</p>
-<p>Je vous laisse avec lui.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE II.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, SURNA.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Seigneur, le Roi condamne <span class="dalign">1505</span></p>
-<p>Ma main Pacorus, ou la vtre Mandane;</p>
-<p>Le refus n'en sauroit demeurer impuni:</p>
-<p>Il lui faut l'une ou l'autre, ou vous tes banni.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Madame, ce refus n'est point vers lui mon crime;</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_525"> 525</a></span></p>
-<p>Vous m'aimez: ce n'est point non plus ce qui l'anime.</p>
-<p>Mon crime vritable est d'avoir aujourd'hui</p>
-<p>Plus de nom que mon roi, plus de vertu que lui;</p>
-<p>Et c'est de l que part cette secrte haine</p>
-<p>Que le temps ne rendra que plus forte et plus pleine.</p>
-<p>Plus on sert des ingrats, plus on s'en fait har: <span class="dalign">1515</span></p>
-<p>Tout ce qu'on fait pour eux ne fait que nous trahir.</p>
-<p>Mon visage l'offense, et ma gloire le blesse.</p>
-<p>Jusqu'au fond de mon me il cherche une bassesse,</p>
-<p>Et tche s'riger par l'offre ou par la peur,</p>
-<p>De roi que je l'ai fait, en tyran de mon c&oelig;ur; <span class="dalign">1520</span></p>
-<p>Comme si par ses dons il pouvoit me sduire,</p>
-<p>Ou qu'il pt m'accabler, et ne se point dtruire.</p>
-<p>Je lui dois en sujet tout mon sang, tout mon bien;</p>
-<p>Mais si je lui dois tout, mon c&oelig;ur ne lui doit rien,</p>
-<p>Et n'en reoit de lois que comme autant d'outrages,<span class="dalign">1525</span></p>
-<p>Comme autant d'attentats sur de plus doux hommages.</p>
-<p>Cependant pour jamais il faut nous sparer,</p>
-<p>Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> Cet exil pourroit toujours durer?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>En vain pour mes pareils leur vertu sollicite:</p>
-<p>Jamais un envieux ne pardonne au mrite.<span class="dalign">1530</span></p>
-<p>Cet exil toutefois n'est pas un long malheur;</p>
-<p>Et je n'irai pas loin sans mourir de douleur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! craignez de m'en voir assez persuade</p>
-<p>Pour mourir avant vous de cette seule ide.</p>
-<p>Vivez, si vous m'aimez.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p> Je vivrois pour savoir <span class="dalign">1535</span></p>
-<p>Que vous aurez enfin rempli votre devoir,</p>
-<p>Que d'un c&oelig;ur tout moi, que de votre personne</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_526"> 526</a></span></div>
-<p>Pacorus sera matre, ou plutt sa couronne!</p>
-<p>Ce penser m'assassine, et je cours de ce pas</p>
-<p>Beaucoup moins l'exil, Madame, qu'au trpas. <span class="dalign">1540</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que le ciel n'a-t-il mis en ma main et la vtre,</p>
-<p>Ou de n'tre personne, ou d'tre l'un l'autre!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Falloit-il que l'amour vt l'ingalit</p>
-<p>Vous abandonner toute aux rigueurs d'un trait!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Cette ingalit me souffroit l'esprance. <span class="dalign">1545</span></p>
-<p>Votre nom, vos vertus valoient bien ma naissance,</p>
-<p>Et Crassus a rendu plus digne encor de moi</p>
-<p>Un hros dont le zle a rtabli son roi.</p>
-<p>Dans les maux o j'ai vu l'Armnie expose,</p>
-<p>Mon pays dsol m'a seul tyrannise. <span class="dalign">1550</span></p>
-<p>Esclave de l'tat, victime de la paix,</p>
-<p>Je m'tois rpondu de vaincre mes souhaits,</p>
-<p>Sans songer qu'un amour comme le ntre extrme</p>
-<p>S'y rend inexorable aux yeux de ce qu'on aime.</p>
-<p>Pour le bonheur public j'ai promis; mais, hlas!<span class="dalign">1555</span></p>
-<p>Quand j'ai promis, Seigneur, je ne vous voyois pas.</p>
-<p>Votre rencontre ici m'ayant fait voir ma faute,</p>
-<p>Je diffre donner le bien que je vous te;</p>
-<p>Et l'unique bonheur que j'y puis esprer,</p>
-<p>C'est de toujours promettre et toujours diffrer.<span class="dalign">1560</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que je serois heureux! Mais qu'os-je vous dire?</p>
-<p>L'indigne et vain bonheur o mon amour aspire!</p>
-<p>Fermez les yeux aux maux o l'on me fait courir:</p>
-<p>Songez vivre heureuse, et me laissez mourir.</p>
-<p>Un trne vous attend, le premier de la terre,<span class="dalign">1565</span></p>
-<p>Un trne o l'on ne craint que l'clat du tonnerre,</p>
-<p>Qui rgle le destin du reste des humains,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_527"> 527</a></span></div>
-<p>Et jusque dans leurs murs alarme les Romains.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'envisage ce trne et tous ses avantages,</p>
-<p>Et je n'y vois partout, Seigneur, que vos ouvrages;<span class="dalign">1570</span></p>
-<p>Sa gloire ne me peint que celle de mes fers,</p>
-<p>Et dans ce qui m'attend je vois ce que je perds.</p>
-<p>Ah! Seigneur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> pargnez la douleur qui me presse;</p>
-<p>Ne la ravalez point jusques la tendresse;</p>
-<p>Et laissez-moi partir dans cette fermet <span class="dalign">1575</span></p>
-<p>Qui fait de tels jaloux<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor">&nbsp;[485]</a>, et qui m'a tant cot.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Partez, puisqu'il le faut, avec ce grand courage</p>
-<p>Qui mrita mon c&oelig;ur et donne tant d'ombrage.</p>
-<p>Je suivrai votre exemple, et vous n'aurez point lieu....</p>
-<p>Mais j'aperois Palmis qui vient vous dire adieu,<span class="dalign">1580</span></p>
-<p>Et je puis, en dpit de tout ce qui me tue,</p>
-<p>Quelques moments encor jouir de votre vue.</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE III.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, SURNA, PALMIS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On dit qu'on vous exile moins que d'pouser,</p>
-<p>Seigneur, ce que le Roi daigne vous proposer.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non; mais jusqu' l'hymen que Pacorus souhaite, <span class="dalign">1585</span></p>
-<p>Il m'ordonne chez moi quelques jours de retraite.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Et vous partez?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_528"> 528</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Je pars.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Et malgr son courroux,</p>
-<p>Vous avez sret d'aller jusque chez vous?</p>
-<p>Vous tes couvert des prils dont menace</p>
-<p>Les gens de votre sorte une telle disgrce,<span class="dalign">1590</span></p>
-<p>Et s'il faut dire tout, sur de si longs chemins</p>
-<p>Il n'est point de poisons, il n'est point d'assassins?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le Roi n'a pas encore oubli mes services,</p>
-<p>Pour commencer par moi de telles injustices:</p>
-<p>Il est trop gnreux pour perdre son appui.<span class="dalign">1595</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>S'il l'est, tous vos jaloux le sont-ils comme lui?</p>
-<p>Est-il aucun flatteur, Seigneur, qui lui refuse</p>
-<p>De lui prter un crime et lui faire une excuse?</p>
-<p>En est-il que l'espoir d'en faire mieux sa cour</p>
-<p>N'expose sans scrupule ces courroux d'un jour,<span class="dalign">1600</span></p>
-<p>Ces courroux qu'on affecte alors qu'on dsavoue</p>
-<p>De lches coups d'tat dont en l'me on se loue,</p>
-<p>Et qu'une absence lude, attendant le moment</p>
-<p>Qui laisse vanouir ce faux ressentiment?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ces courroux affects que l'artifice donne<span class="dalign">1605</span></p>
-<p>Font souvent trop de bruit pour abuser personne.</p>
-<p>Si ma mort plat au Roi, s'il la veut tt ou tard,</p>
-<p>J'aime mieux qu'elle soit un crime qu'un hasard;</p>
-<p>Qu'aucun ne l'attribue cette loi commune</p>
-<p>Qu'impose la nature et rgle la fortune; <span class="dalign">1610</span></p>
-<p>Que son perfide auteur, bien qu'il cache sa main,</p>
-<p>Devienne abominable tout le genre humain;</p>
-<p>Et qu'il en naisse enfin des haines immortelles</p>
-<p>Qui de tous ses sujets lui fassent des rebelles.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_529"> 529</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je veux que la vengeance aille son plus haut point:<span class="dalign">1615</span></p>
-<p>Les morts les mieux vengs ne ressuscitent point,</p>
-<p>Et de tout l'univers la fureur clatante</p>
-<p>En consoleroit mal et la s&oelig;ur et l'amante.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que faire donc, ma s&oelig;ur?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Votre asile est ouvert.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-<p>Quel asile?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> L'hymen qui vous vient d'tre offert. <span class="dalign">1620</span></p>
-<p>Vos jours en sret dans les bras de Mandane,</p>
-<p>Sans plus rien craindre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Et c'est ma s&oelig;ur qui m'y condamne!</p>
-<p>C'est elle qui m'ordonne avec tranquillit</p>
-<p>Aux yeux de ma princesse une infidlit!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Lorsque d'aucun espoir notre ardeur n'est suivie,<span class="dalign">1625</span></p>
-<p>Doit-on tre fidle aux dpens de sa vie?</p>
-<p>Mais vous ne m'aidez point le persuader,</p>
-<p>Vous qui d'un seul regard pourriez tout dcider?</p>
-<p>Madame, ses prils ont-ils de quoi vous plaire?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je crois faire beaucoup, Madame, de me taire; <span class="dalign">1630</span></p>
-<p>Et tandis qu' mes yeux vous donnez tout mon bien,</p>
-<p>C'est tout ce que je puis que de ne dire rien.</p>
-<p>Forcez-le, s'il se peut, au n&oelig;ud que je dteste;</p>
-<p>Je vous laisse en parler, dispensez-moi du reste:</p>
-<p>Je n'y mets point d'obstacle, et mon esprit confus....</p>
-<p>C'est m'expliquer assez: n'exigez rien de plus.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_530"> 530</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? vous vous figurez que l'heureux nom de gendre,</p>
-<p>Si ma perte est jure, a de quoi m'en dfendre,</p>
-<p>Quand malgr la nature, en dpit de ses lois,</p>
-<p>Le parricide a fait la moiti de nos rois,<span class="dalign">1640</span></p>
-<p>Qu'un frre pour rgner se baigne au sang d'un frre,</p>
-<p>Qu'un fils impatient prvient la mort d'un pre?</p>
-<p>Notre Orode lui-mme, o seroit-il sans moi?</p>
-<p>Mithradate pour lui montroit-il plus de foi<a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor">&nbsp;[486]</a>?</p>
-<p>Croyez-vous Pacorus bien plus sr de Phradate?<span class="dalign">1645</span></p>
-<p>J'en connois mal le c&oelig;ur, si bientt il n'clate,</p>
-<p>Et si de ce haut rang, que j'ai vu l'blouir<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor">&nbsp;[487]</a>,</p>
-<p>Son pre et son an peuvent longtemps jouir<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor">&nbsp;[488]</a>.</p>
-<p>Je n'aurai plus de bras alors pour leur dfense;</p>
-<p>Car enfin mes refus ne font pas mon offense;<span class="dalign">1650</span></p>
-<p>Mon vrai crime est ma gloire, et non pas mon amour:</p>
-<p>Je l'ai dit, avec elle il crotra chaque jour;</p>
-<p>Plus je les servirai, plus je serai coupable;</p>
-<p>Et s'ils veulent ma mort, elle est invitable.</p>
-<p>Chaque instant que l'hymen pourroit la reculer<span class="dalign">1655</span></p>
-<p>Ne les attacheroit qu' mieux dissimuler;</p>
-<p>Qu' rendre, sous l'appas d'une amiti tranquille,</p>
-<p>L'attentat plus secret, plus noir et plus facile.</p>
-<p>Ainsi dans ce grand n&oelig;ud chercher ma sret,</p>
-<p>C'est inutilement faire une lchet,<span class="dalign">1660</span></p>
-<p>Souiller en vain mon nom, et vouloir qu'on m'impute</p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_531"> 531</a></span>
-<p>D'avoir enseveli ma gloire sous ma chute.</p>
-<p>Mais, Dieux! se pourroit-il qu'ayant si bien servi,</p>
-<p>Par l'ordre de mon roi le jour me ft ravi?</p>
-<p>Non, non: c'est d'un bon &oelig;il qu'Orode me regarde; <span class="dalign">1665</span></p>
-<p>Vous le voyez, ma s&oelig;ur, je n'ai pas mme un garde:</p>
-<p>Je suis libre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7"> Et j'en crains d'autant plus son courroux:</p>
-<p>S'il vous faisoit garder, il rpondroit de vous.</p>
-<p>Mais pouvez-vous, Seigneur, rejoindre votre suite?</p>
-<p>tes-vous libre assez pour choisir une fuite?<span class="dalign">1670</span></p>
-<p>Garde-t-on chaque porte moins d'un grand dessein?</p>
-<p>Pour en rompre l'effet, il ne faut qu'une main.</p>
-<p class="i1"> Par toute l'amiti que le sang doit attendre,</p>
-<p>Par tout ce que l'amour a pour vous de plus tendre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>La tendresse n'est point de l'amour d'un hros:<span class="dalign">1675</span></p>
-<p>Il est honteux pour lui d'couter des sanglots;</p>
-<p>Et parmi la douceur des plus illustres flammes,</p>
-<p>Un peu de duret sied bien aux grandes mes.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? vous pourriez....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">SURNA.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Adieu: le trouble o je vous voi</p>
-<p>Me fait vous craindre plus que je ne crains le Roi.<span class="dalign">1680</span></p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE IV.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, PALMIS.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Il court son trpas, et vous en serez cause,</p>
-<p>A moins que votre amour son dpart s'oppose.</p>
-<p>J'ai perdu mes soupirs, et j'y perdrois mes pas;</p>
-<span class="pagenum"><a id="Page_532"> 532</a></span>
-<p>Mais il vous en croira, vous ne les perdrez pas.</p>
-<p>Ne lui refusez point un mot qui le retienne,<span class="dalign">1685</span></p>
-<p>Madame.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"> S'il prit, ma mort suivra la sienne.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je puis en dire autant; mais ce n'est pas assez.</p>
-<p>Vous avez tant d'amour, Madame, et balancez!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Est-ce le mal aimer que de le vouloir suivre?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est un excs d'amour qui ne fait point revivre.<span class="dalign">1690</span></p>
-<p>De quoi lui servira notre mortel ennui?</p>
-<p>De quoi nous servira de mourir aprs lui?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous vous alarmez trop: le Roi dans sa colre</p>
-<p>Ne parle....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Vous dit-il tout ce qu'il prtend faire?</p>
-<p>D'un trne o ce hros a su le replacer, <span class="dalign">1695</span></p>
-<p>S'il en veut ses jours, l'ose-t-il prononcer?</p>
-<p>Le pourroit-il sans honte? et pourrez-vous attendre<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor">&nbsp;[489]</a></p>
-<p>A prendre soin de lui qu'il soit trop tard d'en prendre?</p>
-<p>N'y perdez aucun temps, partez: que tardez-vous?</p>
-<p>Peut-tre en ce moment on le perce de coups; <span class="dalign">1700</span></p>
-<p>Peut-tre....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5"> Que d'horreurs vous me jetez dans l'me!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi? vous n'y courez pas!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i12"> Et le puis-je, Madame?</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_533"> 533</a></span></div>
-<p>Donner ce qu'on adore ce qu'on veut har,</p>
-<p>Quel amour jusque-l put jamais se trahir?</p>
-<p>Savez-vous qu' Mandane envoyer ce que j'aime,<span class="dalign">1705</span></p>
-<p>C'est de ma propre main m'assassiner moi-mme?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Savez-vous qu'il le faut, ou que vous le perdez?</p>
-</div></div>
-
-
-<h3 class="subh">SCNE V.</h3>
-<p class="subt">EURYDICE, PALMIS, ORMNE.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je n'y rsiste plus, vous me le dfendez.</p>
-<p>Ormne vient nous, et lui peut aller dire</p>
-<p>Qu'il pouse.... Achevez tandis que je soupire.<span class="dalign">1710</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Elle vient toute en pleurs<a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor">&nbsp;[490]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i14"> Qu'il vous en va coter!</p>
-<p>Et que pour Surna....</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i11"> L'a-t-on fait arrter?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>A peine du palais il sortoit dans la rue,</p>
-<p>Qu'une flche a parti d'une main inconnue;</p>
-<p>Deux autres l'ont suivie; et j'ai vu ce vainqueur,<span class="dalign">1715</span></p>
-<p>Comme si toutes trois l'avoient atteint au c&oelig;ur,</p>
-<p>Dans un ruisseau de sang tomber mort sur la place<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor">&nbsp;[491]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Hlas!</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_534"> 534</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Songez vous, la suite vous menace;</p>
-<p>Et je pense avoir mme entendu quelque voix</p>
-<p>Nous crier qu'on apprt ddaigner les rois.<span class="dalign">1720</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Prince ingrat! lche roi! Que fais-tu du tonnerre,</p>
-<p>Ciel, si tu daignes voir ce qu'on fait sur la terre?</p>
-<p>Et pour qui gardes-tu tes carreaux embrass,</p>
-<p>Si de pareils tyrans n'en sont point crass?</p>
-<p>Et vous, Madame, et vous dont l'amour inutile,<span class="dalign">1725</span></p>
-<p>Dont l'intrpide orgueil parot encor tranquille,</p>
-<p>Vous qui brlant pour lui, sans vous dterminer,</p>
-<p>Ne l'avez tant aim que pour l'assassiner,</p>
-<p>Allez d'un tel amour, allez voir tout l'ouvrage,</p>
-<p>En recueillir le fruit, en goter l'avantage.<span class="dalign">1730</span></p>
-<p>Quoi? vous causez sa perte, et n'avez point de pleurs!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Non, je ne pleure point, Madame, mais je meurs.</p>
-<p>Ormne, soutiens-moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i10"> Que dites-vous, Madame?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">EURYDICE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Gnreux Surna, reois toute mon me.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">ORMNE.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Emportons-la d'ici pour la mieux secourir.<span class="dalign">1735</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6 small1">PALMIS.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Suspendez ces douleurs<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor">&nbsp;[492]</a> qui pressent de mourir,</p>
-<p>Grands Dieux! et dans les maux o vous m'avez plonge,</p>
-<p>Ne souffrez point ma mort que je ne sois venge!</p>
-</div></div>
-
-<p class="end"><span class="i2">FIN DU CINQUIME ET DERNIER ACTE</span>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_535"> 535</a></span></p>
-<h2 class="normal">TABLE DES TRAGDIES<br />
-<span class="small">CONTENUES DANS LES SEPT VOLUMES</span><br />
-<span class="large">DU THATRE DE CORNEILLE<a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor">&nbsp;[493]</a>.</span></h2>
-</div>
-
-<table id="tragedies" summary="contents">
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">SUJETS MYTHOLOGIQUES OU DES TEMPS HROQUES.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PSYCH</td>
-<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_277">277</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">ANDROMDE</td>
-<td class="tdl">Tome V, p. 243</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">LA TOISON D'OR </td>
-<td class="tdl">Tome VI, p. 221</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">MDE</td>
-<td class="tdl">Tome II, p. 327</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">&OElig;DIPE</td>
-<td class="tdl">Tome VI, p. 101</td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">SUJETS HISTORIQUES, RANGS SUIVANT
-L'ORDRE CHRONOLOGIQUE.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">HORACE</td>
-<td class="tdl">Tome III, p. 243</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">AGSILAS</td>
-<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_1">1</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">SOPHONISBE</td>
-<td class="tdl">Tome VI, p. 447</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">NICOMDE</td>
-<td class="tdl">Tome V, p. 495</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">RODOGUNE</td>
-<td class="tdl">Tome IV, p. 397
-<span class="pagenumh"><a id="Page_536"> 536</a></span></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">SERTORIUS</td>
-<td class="tdl">Tome VI, p. 351</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">SURNA</td>
-<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_455">455</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">POMPE</td>
-<td class="tdl">Tome IV, p. 1</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">CINNA</td>
-<td class="tdl">Tome III, p. 359</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">OTHON</td>
-<td class="tdl">Tome VI, p. 565</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">TITE ET BRNICE</td>
-<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_183">183</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">POLYEUCTE</td>
-<td class="tdl">Tome III, p. 463</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">THODORE</td>
-<td class="tdl">Tome V, p. 1</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PULCHRIE</td>
-<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_371">371</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">ATTILA</td>
-<td class="tdl">Tome VII, p. <a href="#Page_97">97</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">HRACLIUS</td>
-<td class="tdl">Tome V, p. 113</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">PERTHARITE</td>
-<td class="tdl">Tome VI, p. 1</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">LE CID</td>
-<td class="tdl">Tome III, p. 1</td>
-</tr>
-</table>
-
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_537"> 537</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<div class="footnotes">
-<h2 class="normal">NOTES:</h2>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, tome X, p. 21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> Voyez Robinet, <i>Lettre</i> du 24 janvier 1666, et la <i>Gazette</i> du
-23 janvier, p. 95. Les dictionnaires biographiques indiquent le
-20 janvier comme date de la mort de la Reine.</p>
-
-<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Voyez ci-aprs la Notice d'<i>Attila</i>, p. <a href="#Page_101">101</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> <i>Avertissement</i> en tte du <i>Thtre</i> de Corneille, p. <span class="small1">LXV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> Voyez tome VI, p. 469 et la note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, tome X, p. 27.</p>
-
-<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> On prtend que la mesure des vers qu'il employa dans <i>Agsilas</i>
-nuisit beaucoup au succs de cette tragdie. Je crois au contraire
-que cette nouveaut aurait russi, et qu'on aurait prodigu les
-louanges ce gnie si fcond et si vari, s'il n'avait pas entirement
-nglig dans <i>Agsilas</i>, comme dans les pices prcdentes, l'intrt et
-le style. (Voltaire, <i>Prface d'Agsilas</i>.)&mdash;On sait que Voltaire a fait
- son tour, dans <i>Tancrde</i>, un essai non pas des vers libres ingaux,
-mais des vers croiss.</p>
-
-<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> Voyez ci-aprs, p. 8, note <a href="#FNanchor_11">11</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> Feuilletez nuit et jour les modles que les Grecs nous ont laisss.
-(<i>Art potique</i>, vers 268 et 269.)</p>
-</div>
-<div class="footnote">
-<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> Nos potes n'ont nglig aucune tentative, et n'ont pas mrit
-peu de gloire en osant abandonner les traces des Grecs. (<i>Ibidem</i>,
-vers 285-287.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> Agsilas rgna de l'an 399 l'an 361. On sait que Plutarque a
-crit sa vie ainsi que celle de Lysandre. Le mme auteur nomme Cotys
-et Spitridate, mais il ne les donne point pour prtendants aux filles
-d'Agsilas. Il dit dans la vie de ce roi: Il.... passa jusqu'au royaume
-de Paphlagonie, o il fit alliance auec le roy Cotys, qui rechercha affectueusement
-son amiti.... comme fit aussi Spitridates, lequel abandonna
-Pharnabazus pour se rendre Agesilaus.... Il (<i>Spitridates</i>) auoit....
-vne fort belle fille preste marier, qu'Agesilaus feit espouser ce roy
-Cotys. (<i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">XI</span>, traduction d'Amyot.) Quant
- Mandane, c'est un personnage d'invention. Il en est presque de
-mme d'Elpinice et d'Aglatide. Plutarque ne les nomme pas, et nous
-dit seulement leur sujet, dans la <i>Vie de Lysandre</i> (chapitre <span class="small1">XXX</span>),
-que les Spartiates condamnrent en grosse amende deux citoyens,
-qui auoient fianc ses deux filles du viuant de leur pere, et puis les
-refuserent quand ilz virent qu' sa mort il se trouua.... pauure.
-Xnocls et Clon sont indiqus par Plutarque, le premier au chapitre
-<span class="small1">XVI</span> de la <i>Vie d'Agsilas</i>, le second au chapitre <span class="small1">XX</span>, et dans la
-<i>Vie de Lysandre</i>: voyez ci-aprs, p. 37, note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> Rgion de l'Asie Mineure, entre le Pont et la Bithynie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> Voyez Plutarque, <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">VII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> L'dition de 1692 et Voltaire d'aprs elle ont chang <i>qu'alors qu'il</i>
-en <i>que lorsqu'il</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> Lysandre, envoy par Agsilas au pays de l'Hellespont, practiqua et
-fit rebeller contre son maistre vn capitaine persien nomm Spitridates, vaillant
-homme de sa personne, et qui estoit grand ennemy de Pharuabazus, et
-auoit vne arme qu'il mena Agesilaus. (Plutarque, <i>Vie de Lysandre</i>, chapitre
-<span class="small1">XXIV</span>, traduction d'Amyot.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> Lysandre tait vn de ceux-la qui estoient descendus de la vraye race
-d'Hercules, et qui neantmoins n'auoient point de part la royaut. (Plutarque,
-<i>ibidem</i>, chapitre <span class="small1">XXIV</span>.)&mdash;Entre tous les Hraclides tablis Sparte,
-les deux maisons des Eurytionides et des Agiades taient les seules qui eussent
-le droit de succder au trne. Agsilas appartenait la premire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> Voyez au tome VI, p. 391, note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Aprs la mort d'Agis, Lysander, qui.... auoit plus de credit et d'authorit
-en la ville de Sparte que nul autre, entreprit de faire tomber la royaut
-sur Agesilaus. Ensuite ce fut encore Lysandre qui dtermina Agsilas passer
-en Asie et lui fit obtenir tout ce qu'il demandait aux Spartiates pour la conduite
-de la guerre; mais arriv phse, Agsilas eut incontinent desplaisir
-l'honneur qu'il vit que on y faisoit Lysander.... Parquoy il commena
-se porter de ceste sorte enuers luy: .... il contredisoit tous ses conseilz, et
-toutes les entreprises que il mettoit en auant, mesmement celles ausquelles il
-se monstroit plus affectionn, il n'en faisoit pas vne, ains en prenoit d'autres
-executer plustost que celles-la. (Voyez Plutarque, <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitres
-<span class="small1">III</span>, <span class="small1">VI</span> et <span class="small1">VII</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> <i>Var.</i> Et si ce c&oelig;ur vouloit s'entendre avec le mien.... (1666 et 68)</p>
-
-<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> On lit: <i>la</i> main, dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire
-(1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <i>Var.</i> Lui fait pour notre hymen refuser son aveu<a id="FNanchor_21-a" href="#Footnote_21-a" class="fnanchor">&nbsp;[21-a]</a>. (1666 et 68)</p>
-
-<p class="i2"><a id="Footnote_21-a" href="#FNanchor_21-a" class="label">[21-a]</a> Cette leon a t reproduite par l'dition de 1692 et par celle de Voltaire
-(1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Voyez tome I, p. 169, note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> Pharnabaze, satrape d'une partie de l'Asie Mineure, qui, aprs le retour
-d'Agsilas en Grce, battit avec Conon, prs de Cnide, la flotte de Lacdmone.</p>
-
-<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> <i>Var.</i> N'y laisse aucun droit au caprice. (1666 et 68)</p>
-
-<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> L'dition de 1692 a chang <i>qui n'en et</i> en <i>qui n'auroit</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> L'dition de 1682 donne, par erreur: <i>mettez</i>, pour <i>mettrez</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> Toutes les ditions publies du vivant de Corneille et celle de Voltaire
-(1764) portent <i>tout</i>, pour <i>tort</i>, qui est videmment la vraie leon; c'est celle
-de Thomas Corneille (1692).</p>
-
-<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <i>puissiez</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> Il y a ici comme un souvenir des vers 359 et 360 de <i>Rodogune</i>. Corneille
-du reste a souvent exprim cette mme ide presque dans les mmes
-termes. Voyez tome II, p. 308 et 309.</p>
-
-<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> Voltaire fait des quatre derniers vers une scne part, la scne <span class="small1">IV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> Voltaire (1764) a substitu <i>pouvoir</i> <i>vouloir</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> On dit que Lysandre vouloit faire tendre le droit de parvenir la royaut
- tous les naturels spartiates, celle fin que ce loyer d'honneur fust affect
-non ceux qui seroyent descendus de la race d'Hercules, mais tous ceux
-qui le ressembleroient en vertu, laquelle l'auoit rendu luy-mesme egal aux
-Dieux en honneur; car il esperoit bien que quand on jugeroit ainsi de la
-royaut, il n'y auroit homme en la ville de Sparte qui plus tost fust eleu roy
-que luy: au moyen de quoy, il attenta premierement de le suader ses citoyens
-par viues raisons, et ces fins apprit par cueur une harangue, que
-luy composa Cleon halicarnassien sur ce propos. (Plutarque, <i>Vie de Lysandre</i>,
-chapitres <span class="small1">XXIV</span> et <span class="small1">XXV</span>, traduction d'Amyot; voyez aussi la <i>Vie d'Agsilas</i>,
-chapitre <span class="small1">XX</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> <i>Var.</i> Vous ne savez que c'est d'aimer ni de har. (1666 et 68)</p>
-
-<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> On lit: Il m'en faudroit, dans l'dition de 1692 et dans celle de
-Voltaire (1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> Ce vers et le suivant ont t omis, par erreur, dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> L'acte finit ici dans l'dition de 1666, qui n'a point la scne <span class="small1">VII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> L'dition de 1682 a seule <i>veut</i>, au lieu de <i>peut</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> L'dition de 1692 et Voltaire (1764) ont chang <i>autre</i> en <i>d'autre</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> On lit: <i>de</i> Perse, dans les ditions de 1682, de 1692 et dans celle de
-Voltaire (1764): c'est probablement une erreur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> Voyez plus haut, p. 12, note <a href="#FNanchor_18">18</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> Aprs la mort du roi Agis, frre d'Agsilas, Lysandre porta ce dernier au
-trne, en soutenant que Lotychide tait btard, qu'il n'tait point le fils
-d'Agis, mais d'Alcibiade. Voyez la <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">III</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> Qu'il me soit permis de dire ici que, dans mon enfance, le P. de Tournemine,
-jsuite, partisan outr de Corneille, et ennemi de Racine, qu'il regardait
-comme jansniste, me faisait remarquer ce morceau (<i> partir du vers
-976</i>), qu'il prfrait toutes les pices de Racine. (Voltaire, <i>Prface d'Agsilas</i>.&mdash;L'ide
-premire de cette partie de la scne est dans le rapide entretien
-rapport deux fois par Plutarque, dans la <i>Vie de Lysandre</i>, chapitre <span class="small1">XXIII</span>,
-et dans la <i>Vie d'Agsilas</i>, chapitre <span class="small1">VIII</span>. On peut voir aussi l'<i>Histoire grecque</i>
-de Xnophon, livre III, chapitre <span class="small1">IV</span>, 8 et 9.</p>
-
-<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> Il y a ici une faute trange dans l'dition de 1682: <i>frapper</i>, pour <i>saper</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> En toutes les villes o il passoit, si elles estoyent gouuernes par authorit
-du peuple, ou qu'il y eust quelque autre sorte de gouuernement, il
-(<i>Lysandre</i>) y laissoit en chacune vn capitaine ou gouuerneur laced&oelig;monien,
-auec vn conseil de dix officiers, de ceux qui parauant auoyent eu amiti et intelligence
-auec luy. (Plutarque, <i>Vie de Lysandre</i>, chapitre <span class="small1">XIII</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> La pauvret de Lysander, qui vint estre descouuerte sa mort, rendit
-sa vertu plus claire et plus illustre qu'elle n'estoit en son viuant, quand on
-veid que de tant d'or et d'argent qui estoit pass par ses mains.... jamais il
-n'en auoit aggrandy ny augment sa maison d'vne seule maille. (Plutarque,
-<i>Vie de Lysandre</i>, chapitre <span class="small1">XXX</span>, traduction d'Amyot.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> Malherbe a dit la fin d'une de ses odes:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Apollon, portes ouvertes,</p>
-<p>Laisse indiffremment cueillir</p>
-<p>Les belles feuilles toujours vertes</p>
-<p>Qui gardent les noms de vieillir.</p>
-</div></div>
-
-<p>Voyez l'dition de M. Lalanne, tome I, p. 188, pice <span class="small1">LIII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> Voyez plus haut, p. 8, note <a href="#FNanchor_11">11</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> On lit <i>prendre</i>, au lieu de <i>perdre</i>, dans l'dition de 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> Voyez ci-dessus, p. 37, note <a href="#FNanchor_32">32</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> <i>Les</i> (c'est--dire Lysandre et Clon) est la leon de toutes les ditions
-publies du vivant de Corneille. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764)
-y ont substitu <i>la</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> <i>Var.</i> Cotys, Seigneur, veut vous parler. (1666 et 68)</p>
-
-<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <i>Var.</i> Vous ne venez nous que pour suivre ses pas. (1666 et 68)</p>
-
-<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> Le mot <i>rendre</i> est omis dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> Pausanias fut pendant plusieurs annes roi de Lacdmone avec Agsilas.
-Les Spartiates le bannirent l'an 395 avant Jsus-Christ.</p>
-
-<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> Les ditions de 1666 et de 1668 portent <i>d'honneurs</i>, au pluriel.</p>
-
-<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> On lit dans l'dition de 1692: <span class="small1">SPITRIDATE</span>, <i> Mandane qui parot</i>. Voltaire
-(1764) coupe ici la scne et fait de ce qui suit la scne <span class="small1">II</span>, ayant pour
-personnages: <span class="small1">MANDANE</span>, <span class="small1">ELPINICE</span>, <span class="small1">SPITRIDATE</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire aprs lui (1764) ont ainsi modifi
-ce vers:</p>
-
-<p class="quote">Ose faire clater ma flamme avant la sienne?</p>
-
-<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> <i>Var.</i> Il ne peut lui donner de rois<a id="FNanchor_58-a" href="#Footnote_58-a" class="fnanchor">&nbsp;[58-a]</a>. (1666 et 68)</p>
-
-<p class="i2"><a id="Footnote_58-a" href="#FNanchor_58-a" class="label">[58-a]</a> Cette leon a t reproduite par l'dition de 1692 et par Voltaire (1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> On trouve dans une lettre manuscrite d'un homme de ce temps-l qu'il
-s'leva un murmure trs-dsagrable dans le parterre, ces vers d'Aglatide.
-(Voltaire, <i>Prface d'Agsilas</i>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> Il y a, par erreur, <i>perdre</i>, au lieu de <i>prendre</i>, dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> Voyez tome I, p. 148, note 3.</p>
-
-<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> Voltaire fait des six derniers vers la scne <span class="small1">VI</span> (voyez ci-dessus, p. 62,
-note 1), ayant pour personnages <span class="small1">COTYS</span>, <span class="small1">MANDANE</span>, <span class="small1">AGLATIDE</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> Cet hmistiche a t ainsi modifi dans l'dition de 1692:</p>
-
-<p class="quote">Le changement vous plat.</p>
-
-<p>&mdash;Voltaire a gard la leon des ditions antrieures.</p>
-
-<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> On lit: Avec tant d'intrts, dans l'dition de 1692 et dans celle de
-Voltaire (1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> Voltaire fait de ce qui suit une scne part, la scne <span class="small1">VIII</span> (voyez ci-dessus,
-p. 62, note 1, et p. 72, note 2). Dans les ditions anciennes, y
-compris celle de 1692, le nom de <span class="small1">CLON</span> ne figure pas mme en tte de la
-scne <span class="small1">V</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> L'dition de 1682 donne seule, par une faute vidente, <i>nous</i>, au lieu de
-<i>vous</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> Ici, par une autre erreur, l'dition de 1682 porte <i>attendoit</i>, pour <i>entendoit</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> Comparez ce vers au vers 1454 de <i>Cinna</i>, acte V, scne <span class="small1">I</span>, et un peu plus
-loin, les vers 1982 et suivants aux vers 1696 et suivants de la mme pice,
-acte V, scne <span class="small1">III</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> L'dition de 1682 donne, par erreur encore, <i>votre</i>, pour <i>notre</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <i>Il parle bas Xnocls, qui sort</i>.
-Voyez tome VI, p. 650, note 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> Voyez ci-dessus, p. 37, note <a href="#FNanchor_32">32</a>, et p. <a href="#Page_52">52</a>, vers 1096 et suivants.</p>
-
-<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> On lit ici dans l'dition de 1692 un vers de plus, que Voltaire donne
-galement:</p>
-
-<p class="quote">Avec moi n'apprhendez rien.</p>
-
-<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> Ce vers a t omis dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <i>Var.</i> N'oubliez plus ceux d'un sujet. (1666 et 68)</p>
-
-<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> C'est--dire Armande Bjart, femme de Molire, qui remplissait
-le rle de Flavie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> Voyez le Mazurier, <i>Galerie historique du thtre franais</i>,
-tome I, p. 543.</p>
-
-<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> <i>Bolana</i>, 1742, in-12, p. 40 et 41.</p>
-
-<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> <i>Prface d'Attila</i>, p. 7 et 8. Le nom est <i>Ildione</i> dans Corneille.</p>
-
-<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> Voyez Jornands, <i>de Getarum origine et rebus gestis</i>, chapitre
-<span class="small1">XLIX</span>. Jornands s'appuie sur l'autorit de Priscus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Voyez <i>Histoire d'Attila</i>.... par M. Amde Thierry, 1856,
-tome I, p. 226, et tome II, p. 307 et suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> Le titre <i>Au lecteur</i> ne se trouve que dans l'dition originale,
-1668. Voyez tome VI, p. 357, note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> Attila, roi des Huns, qui commena rgner l'an de Jsus-Christ
-434 ou 435, tait n, suivant toute apparence, dans les dernires
-annes du quatrime sicle. Il mourut en 453.</p>
-
-<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> <i>Homo subtilis, antequam arma gereret, arte pugnabat.</i> (Jornands,
-<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXVI</span>.) Au chapitre prcdent Jornands
-dit de lui qu'il tait trs-fort par le conseil, <i>consilio validissimus</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> A quelle poque prcise est ne cette formule fameuse d'<i>Attila
-flagellum Dei</i>, dont les lgendaires et les chroniqueurs ne font
-qu'un mot auquel ils laissent la physionomie latine, mme en langue
-vulgaire? On ne le sait pas: tout ce qu'on peut dire, c'est qu'elle
-ne se trouve chez aucun auteur contemporain, et que la lgende de
-saint Loup.... crite au huitime ou neuvime sicle par un prtre
-de Troyes, est le plus ancien document qui nous la donne. (<i>Histoire
-d'Attila</i>, par M. Amde Thierry, tome II, p. 248.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> Les mots: et les Gpides, ne sont pas dans l'dition originale.</p>
-
-<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> Les ditions de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764)
-portent ici <i>Valentinien</i>, mais dans la liste des acteurs, o ce nom
-propre reparat, elles donnent, comme les ditions publies du vivant
-de l'auteur, <i>Valentinian</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> Voyez <a id="acte_II"></a>acte II, (p. <a href="#Page_37">37</a>) scne <span class="small1">VI</span>, vers 683-704.&mdash;On voit comme Corneille
-met profit les versions diverses qui se rapportent un fait
-historique; il a procd d'une manire analogue dans <i>Othon</i> au sujet
-de la mort de Vinius. Voyez tome VI, p. 654 et la note 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> Justa Grata Honoria, petite-fille du grand Thodose, fille de
-Constance III et de Placidie et s&oelig;ur de Valentinien III, ne Ravenne
-en 417, envoya son anneau Attila en le priant de la demander
-en mariage. Attila ne rpondit point, et quelque temps aprs
-Honoria fut enferme Constantinople, puis Ravenne, cause de
-sa conduite scandaleuse avec son intendant Eugnius. Ce fut alors
-qu'Attila rclama sa fiance, exigeant sa mise en libert et la part
-qui lui revenait dans la succession de son pre, qui se composait,
-suivant le roi des Huns, non-seulement de la moiti des biens personnels
-de Constance, mais aussi de la moiti de l'empire d'Occident.
-Valentinien rpondit que sa s&oelig;ur tait marie, et que d'ailleurs
-l'Empire ne constituait pas un patrimoine de famille. Toutefois,
-lorsque plus tard le pape Lon vint supplier Attila vainqueur
-d'pargner Rome, celui-ci en se retirant dclara encore qu'il reviendrait
-accabler l'Italie si on ne lui envoyait Honoria et ses trsors.
-Voyez Jornands, <i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> Dans les deux impressions de 1668, l'dition originale, aussi
-bien que le recueil, on lit: et en l'attendant.</p>
-
-<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> <i>Puellam, Ildico nomine, decoram valde, sibi in matrimonium post
-innumerabiles uxores, ut mos erat gentis illius, socians.</i> (Jornands, <i>de
-Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> Qu'tait-ce qu'Ildico? La tradition germaine en fait une fille
-de roi, tantt d'un roi des Franks d'outre-Rhin, tantt d'un roi des
-Burgondes. (<i>Histoire d'Attila</i>, par M. Amde Thierry, tome I,
-p. 226.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <i>Attila.... noctu mulieris manu cultroque confoditur.</i> (Marcellini
-comitis <i>Chronicon</i>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> <i>Vino somnoque gravatus, resupinus jacebat, redundansque sanguis,
-qui ei solite de naribus effluebat, dum consuetis meatibus impeditur, itinere
-ferali faucibus illapsus eum exstinxit.</i> (Jornands, <i>de Getarum rebus
-gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> On a prtendu que Corneille avait ici uniquement en vue le
-trait <i>de la Comdie</i> de Nicole, publi en 1659, et rimprim plus
-tard dans ses <i>Essais de morale</i>. Cela n'est pas exact. Bien que les diverses
-situations du <i>Cid</i> et les imprcations de Camille dans <i>Horace</i>
-fussent vivement blmes dans cet ouvrage (voyez chapitres <span class="small1">VI</span> et <span class="small1">VII</span>),
-Corneille n'avait pas jug propos de rpondre; il aurait eu, depuis
-1659, de frquentes occasions de le faire. Il rsulte de l'examen que
-nous avons fait des ouvrages dirigs contre le thtre que notre pote
-veut surtout parler ici d'un <i>Trait de la comdie et des spectacles selon
-la tradition de l'glise, tire des conciles et des Saints-Pres</i>, publi
-en 1667. Ce qui l'mut, ce fut moins coup sr la force des raisonnements,
-que le nom de l'auteur, qui ne figure point sur le titre,
-mais qu'on trouve mentionn en toutes lettres dans l'approbation des
-docteurs, et qui n'est autre que Mgr le prince de Conty. Lorsqu'on
-sait qui s'adressent les paroles de Corneille, que jusqu'ici on
-pouvait croire diriges contre quelque obscur controversiste, on est
-frapp de l'nergique indpendance du pote. Il faut remarquer du
-reste qu'il avait t attaqu avec une grande violence: <i>Cinna</i>, <i>Pompe</i>,
-<i>Polyeucte</i> mme n'avaient pas t pargns; enfin le prince portait
-sur <i>le Cid</i> cet trange jugement, qui parat avoir surtout bless Corneille:
-Rodrigue n'obtiendroit pas le rang qu'il a dans la comdie,
-s'il ne l'et mrit par deux duels, en tuant le Comte et en dsarmant
-don Sanche; et si l'histoire le considre davantage par le nom
-de Cid et par ses exploits contre les Mores, la comdie l'estime beaucoup
-plus par sa compassion pour Chimne et par ses deux combats
-particuliers. Le rcit mme de la dfaite des Mores y est fort ennuyeux
-et peu ncessaire l'ouvrage, tant certain qu'il n'y avoit
-nulle rigueur en ce temps-l contre les duels, et n'y ayant pas d'apparence
-que la svrit du roi de Castille ft si grande en cette matire,
-contre la coutume de son sicle, qu'il n'en pt bien pardonner
-deux par jour, mme sans le prtexte d'une victoire aussi importante.</p>
-
-<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Tel est le texte de toutes les ditions anciennes, y compris
-celle de 1692. <i>L'un</i> est employ ici neutralement; Voltaire y a substitu
-le fminin: l'<i>une</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> Dans l'dition de 1692: ce qu'elles n'auroient jamais fait.
-Voltaire (1764) a gard l'ancienne leon.</p>
-
-<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> La traduction de Port-Royal, attribue le Maistre de Saci,
-qui est dsign dans le privilge par le pseudonyme du: sieur de
-S. Aubin. (Voyez le <i>Port-Royal</i> de M. Sainte-Beuve, tome II,
-p. 372 et note 2.) Voici le titre de ce volume: <i>Comdies de Terence
-traduites en franois avec le latin cost et rendues tres-honnestes en y
-changeant fort peu de chose</i>.... A Paris, chez la veuve Martin Durand....
-M.DC.XXXXVII, in-12. Il ne comprend que trois pices:
-l'<i>Andrienne</i>, <i>les Adelphes</i> et le <i>Phormion</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> Corneille a dj dfendu son <i>Menteur</i> par des arguments tout
- fait semblables. Voyez tome IV, p. 284.</p>
-
-<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> Presque tous les personnages de cette pice sont historiques.
-Voyez ci-dessus pour Attila, p. 103, note <a href="#FNanchor_82">82</a>; pour Honorie, p. 104,
-note <a href="#FNanchor_88">88</a>; pour Ildione, p. 102, et p. 104, notes <a href="#FNanchor_91">91</a> et <a href="#FNanchor_92">92</a>. Le capitaine des
-gardes d'Attila et la dame d'honneur d'Honorie sont les seuls rles
-d'invention, encore faut-il remarquer que le nom d'Octar n'est pas
-imaginaire; c'est celui de l'oncle d'Attila: voyez Jornands, <i>de Getarum
-rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>. Le mme historien dit au sujet d'Ardaric
-et Valamir, qu'Attila les aimait plus que tous les autres petits rois:
-<i>super cteros regulos diligebat</i>. (Chapitre <span class="small1">XXXVIII</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> C'est ainsi que ce nom est imprim dans toutes les ditions
-(avec un trma de plus: <i>Meroe</i>, pour marquer que l'<i>u</i> ne doit pas
-se prononcer comme un <i>v</i>).&mdash;Mrove est nomm dans Grgoire
-de Tours. Quelques-uns affirment que de la race de Chlogion<a id="FNanchor_100-a" href="#Footnote_100-a" class="fnanchor">&nbsp;[100-a]</a> tait
-le roi Mrovech, dont Childric fut fils. <i>De hujus</i> (Chlogionis)
-<i>stirpe quidam Merovechum regem fuisse adserunt, cujus fuit filius Childericus</i>.
-(Livre II, fin du chapitre <span class="small1">IX</span>.)</p>
-
-<p class="i2"><a id="Footnote_100-a" href="#FNanchor_100-a" class="label">[100-a]</a> Il nomme un peu plus haut Chlogion (<i>Clodion</i>) roi des Francs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> Province de l'empire romain, borne au nord par le Danube,
-comprise dans le diocse d'Illyrie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> On portait cinq cent mille hommes le nombre des troupes d'Attila.
-<i>Cujus exercitus quingentorum millium esse numero ferebantur.</i> (Jornands,
-<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Voyez plus loin, p. 113, le vers 102 et la note <a href="#FNanchor_105">105</a> qui s'y rapporte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> On lit <i>vous donnent</i> dans l'dition de 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> On dsigne sous ce nom les plaines situes entre Chlons-sur-Marne
-(<i>Catalaunum</i>) et Troyes, o Attila fut dfait en 451 par Atius, gnral romain,
-qui avait runi sous ses ordres les Burgondes, les Saxons, les Alains, les
-Francs, les Visigoths.</p>
-
-<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> L'dition de 1692 et celle de Voltaire (1764) portent <i>leurs forces</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> L'dition de 1682 donne <i>seul</i>, au lieu de <i>sur</i>, ce qui n'a point de sens.</p>
-
-<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> Voltaire (1764) a chang <i>des</i> en <i>les</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> Chefs des allis d'Atius (voyez ci-dessus, p. 113, note 1). Thierri
-(<i>Thodoric</i>), roi des Visigoths, prit dans la bataille des Champs catalauniques.</p>
-
-<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> Arcadius et Honorius. Le premier, empereur d'Orient, tait mort l'an de
-Jsus-Christ 408; le second, empereur d'Occident, l'an 423.</p>
-
-<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> Voyez, pour le genre du mot <i>idole</i>, tome VI, p. 608, note 1, et le
-<i>Lexique</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> <i>Var.</i> Qui n'osoit son aide appeler de Romains. (1668)</p>
-
-<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> Gainas, gnral goth, aprs avoir domin pendant quelque temps Arcadius,
-prit de la main des Huns, chez qui il avait cherch un asile. Stilicon,
-tuteur d'Honorius et rgent de l'empire d'Occident, tait Vandale d'origine.</p>
-
-<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> Thodose II, fils d'Arcadius, rgna en Orient jusqu' l'an 450. Sa s&oelig;ur
-Pulchrie, qui monta sur le trne aprs lui, mourut en 453, la mme anne
-qu'Attila.</p>
-
-<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> Valentinien III, petit-fils de Thodose par sa mre Placidie, fut empereur
-d'Occident de 425 455. Placidie mourut en 450.</p>
-
-<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> L'<i>Arar</i>, en latin <i>Arar</i> et <i>Araris</i>, ancien nom de la Sane.</p>
-
-<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont chang <i>Qu'alors que</i> en
-<i>Que lorsque</i>. Nous avons eu dj cette mme correction dans <i>Agsilas</i>, acte I,
-scne <span class="small1">I</span>, vers 33. Voyez plus loin le vers 1589 (acte V, scne <span class="small1">III</span> p. <a href="#Page_173">173</a>), o Thomas
-Corneille et Voltaire ont laiss tous deux <i>alors que</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> L'empereur Honorius donna Constance, gnral victorieux, la main de
-sa s&oelig;ur Placidie, mre de Valentinien, et lui confra le titre d'Auguste, en 421.
-Constance mourut peu de mois aprs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> Voyez ci-dessus, p. 104, note <a href="#FNanchor_88">88</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> L'dition de 1682 et celle de 1692 ont l'une et l'autre <i>les debris</i>, au pluriel,
-mais elles ont laiss le verbe au singulier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> On lit <i>pour vous</i>, au lieu de <i>par vous</i>, dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> Ce vers et le prcdent ont t omis par erreur dans l'dition de 1682.&mdash;Comparez
-<i>Othon</i>, acte V, scne <span class="small1">II</span>, vers 1601-1604 (tome VI, p. 645).</p>
-
-<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> Thodoric, roi des Ostrogoths, n en 455, qui en 493 se fit reconnatre
-roi d'Italie par l'empereur Anastase, tait fils de Theodemir, frre et successeur
-de Valamir.</p>
-
-<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> <i>Bleda, rex Hunnorum, Attil, fratris sui, insidiis interimitur.</i> (Marcellini
-comitis <i>Chronicon</i>; voyez aussi Jornands, <i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre
-<span class="small1">XXXV</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> Voyez plus haut, p. 121, la note <a href="#FNanchor_124">124</a> du vers 342.</p>
-
-<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> Voyez encore ci-dessus, p. 105 et la note <a href="#FNanchor_93">93</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> Voyez ci-dessus, p. 104, note <a href="#FNanchor_88">88</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> Malgr la rime, on lit ici <i>compte</i>, et non pas <i>conte</i>, dans l'dition de 1692.
-Il en est de mme au vers 1001 (acte III, scne <span class="small1">IV</span>). Plus loin, dans le courant
-du vers 737 (acte III, scne <span class="small1">I</span>), l'dition originale porte <i>comte</i>, et les recueils
-de 1668, de 1682 et de 1692, <i>compte</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> Lorsque Boileau, quelques annes plus tard, traduisait ce vers d'Horace
-(<i>Art potique</i>, vers 31):</p>
-
-<p class="quote"><i>In vitium ducit culp fuga, si caret arte,</i></p>
-
-<p>par</p>
-
-<p class="quote">Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire</p>
-
-<p class="signature">(<i>Art potique</i>, chant I, vers 64),</p>
-
-<p>il se rapprochait de Corneille au moins autant que de son modle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> Le genre du mot <i>insulte</i> tait encore douteux. Voyez le <i>Lexique</i>. Voltaire
-(1764) a ainsi modifi le vers:</p>
-
-<p class="quote">Endure telle insulte au milieu de sa cour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> Voyez tome IV, p. 190, la variante du vers 936 du <i>Menteur</i>, et le
-<i>Lexique</i>.&mdash;Voltaire (1764) a ajout une syllabe:</p>
-
-<p class="quote">Et bien que sur le choix il me semble hsiter.</p>
-
-<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> Voltaire (1764) donne <i>l'un et l'autre</i>. Voyez plus loin le vers 605 (p. <a href="#Page_133">133</a>) .</p>
-
-<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a> Dans ce portrait de Mrove et de son fils, Corneille s'est appliqu peindre
-Louis XIV et le grand Dauphin, qui, n en 1661, tait alors effectivement
-dans son premier lustre, ou du moins en sortait peine.</p>
-
-<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a> Ce mot, dont l'orthographe ordinaire dans Corneille est <i>submissions</i>, est
-imprim ici, dans toutes les ditions, avec un accent circonflexe: <i>somissions</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a> En 1666, il y avait eu Compigne et ailleurs de grandes revues, pour
-prparer les troupes aux expditions de l'anne suivante. (<i>Abrg chronologique
-de l'Histoire de France</i>, par le prsident Hnault, anne 1666.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> Comparez les vers 277 et 278 du <i>Cid</i> (tome III, p. 120).</p>
-
-<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> Il nous parat peu prs certain que Corneille a compos postrieurement
- la reprsentation, qui avait eu lieu, comme nous l'avons dit, au mois
-de mars 1667, ces vers o il fait videmment allusion la campagne de Flandre,
-et aux rcentes conqutes de Louis XIV, qui prit en personne, en juin,
-juillet et aot 1667, les villes de Tournai, de Douai, de Lille. Au sige de cette
-dernire place, il s'exposa tellement que Turenne menaa de se retirer s'il ne
-se mnageait davantage. L'impression de la pice, nous l'avons dit aussi, ne
-fut acheve que vers la fin de novembre 1667.</p>
-
-<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> Ici encore le pote a en vue les exercices militaires de l'anne 1666.
-Robinet, le continuateur de la <i>Muse historique</i> de Loret, raconte, dans sa
-<i>Lettre Madame</i> du 14 fvrier, que le lundi 8, proche Conflans, dans la
-plaine, le Roi fit la revue</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Des troupes de son cher Dauphin....</p>
-<p>Qui dj l'amant de Bellone,</p>
-<p>En ce lieu parut en personne</p>
-<p>Dessus un petit Bucphal, etc.</p>
-</div></div>
-
-<p>La <i>Gazette</i>, dans les numros du 8 mai et du 10 juillet, parle de deux autres
-revues o le Dauphin figura soit la tte de son rgiment, soit la tte de sa
-compagnie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> Voyez plus haut, p. <a href="#Page_127">127</a>, la note du vers 461. Ici ce n'est pas seulement
-Voltaire (1764), mais encore l'dition de 1682 qui donnent: l'un et l'autre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> Telle est l'orthographe de ce mot dans toutes les anciennes ditions, et
-mme dans celle de Voltaire (1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> Suivant son habitude, Thomas Corneille a corrig <i>die</i> en <i>dise</i>. Voltaire a
-fait de mme.</p>
-
-<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_104">104</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> Voltaire a supprim ces mots, et il a ensuite ajout <i>seul</i> au nom d'<span class="small1">ARDARIC</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> L'dition de 1692, aussi bien que celle de Voltaire (1764), portent <i>tout</i>,
-invariable.&mdash;Dans l'dition originale, de 1668, <i>tous</i> est joint au participe par
-un trait d'union, comme ne formant avec lui qu'un seul mot: tous-placs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> Ce fut Valentinien lui-mme qui tua de sa main Atius, l'anne qui suivit
-la mort d'Attila: <i>Aetius, dux et patricius, fraudulenter singuluris accitus
-intra palatium, manu ipsius Valentiniani imperatoris occiditur</i>. (Idacii, episcopi
-<i>Chronica</i>, dition de 1633, p. 35.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> <i>Var.</i> Vouloir qu' mes yeux mme un autre la possde! (1668)</p>
-
-<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>) exprime nergiquement
-la terreur qu'inspirait Attila: <i>Vir in concussionem gentium natus in
-mundo, terrarum omnium metus, qui, nescio qua sorte, terrebat cuncta formidabili
-de se opinione vulgata</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> Voyez ci-dessus, p. 103, note <a href="#FNanchor_84">84</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> <i>Var.</i> Il faut donc m'y rsoudre? Eh bien! j'ose.... De grce. (1668)</p>
-
-<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> L'dition de 1682 donne, par erreur, <i>mais</i>, au lieu de <i>mes</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> C'est la traduction du vers bien connu (Juvnal, satire <span class="small1">vi</span>, vers 223):</p>
-
-<p class="quote"><i>Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> Les deux ditions de 1668 ont <i>faite</i>; celles de 1682, de 1692 et de
-Voltaire (1764) portent <i>fait</i>, sans accord.</p>
-
-<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> Voltaire (1764) a remplac <i>une autre moi-mme</i> par <i>un autre moi-mme</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> Attila est nomm ainsi dans Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre
-<span class="small1">XXXVIII</span>): <i>Attila rex omnium regum</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> Telle est la leon des deux ditions antrieures 1682. Celle-ci porte
-<i>ton pouvoir</i>, pour <i>tout pouvoir</i>, ainsi que l'dition de 1692. Voltaire a adopt
-comme nous la leon primitive: <i>tout</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> <i>Var.</i> Et pour ne plus souffrir de fers qui les captivent. (1668)&mdash;Cette
-leon a t reproduite par l'dition de 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> C'est la hblerie du Matamore prise au srieux. Voyez <i>l'Illusion comique</i>,
-vers 233 (tome II, p. 447).</p>
-
-<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> <i>Bellorum quidem amator, sed ipse manu temperans.</i> (Jornands, <i>de Getarum
-rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">XXXV</span>.) Voyez ci-dessus, p. 103 et la note <a href="#FNanchor_83">83</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> L'dition de 1692 porte <i>quelle insulte</i>, au fminin. Plus haut, au vers 424,
-p. 125, elle avait laiss ce mot au masculin. Voltaire a mis le fminin aux
-deux endroits.</p>
-
-<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> Tel est le texte de toutes les ditions anciennes, et mme encore de celle
-de Voltaire (1764). Il est conforme l'usage ordinaire de Corneille. Dans des
-ditions modernes on a ajout <i>ne</i>: moins qu'on n'assassine. Voyez le
-<i>Lexique</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> Voyez ci-dessus, acte III, scne <span class="small1">IV</span>, vers 1069 et 1070. (p. <a href="#Page_151">151</a>)</p>
-
-<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> <i>Var.</i> Et me remerciez de suivre ainsi vos lois. (1668, dition originale.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <i>Bandolier</i>, <i>bandoulier</i>, de l'espagnol <i>bandolero</i>, voleur de campagne,
-qui vole en troupe et avec armes feu. (<i>Dictionnaire de Furetire.</i>) Voyez
-le <i>Lexique</i>.&mdash;L'empereur Philippe, dit l'Arabe, tait fils d'un chef de brigands;
-Diocltien tait, selon les uns, l'affranchi d'un snateur, selon d'autres
-le fils d'un greffier; Galre avait t berger, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a> Il est parl de Sigismond roi des Bourguignons au chapitre <span class="small1">LVIII</span> de
-Jornands.</p>
-
-<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a> Il y a le futur, <i>dfendront</i>, dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> Torrismond, ou plutt <i>Thorismond</i>, un des vainqueurs d'Attila dans la
-bataille des Champs catalauniques, tait fils et successeur de Thodoric, roi des
-Visigoths, qui prit dans cette bataille.</p>
-
-<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> Voyez ci-dessus, p. 117, note <a href="#FNanchor_116">116</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> Voyez acte III, scne <span class="small1">II</span>, vers 920 (p. <a href="#Page_146">146</a>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <span class="small1">ILDIONE</span>, <i>seule</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_104">104</a>, et p. <a href="#Page_137">137</a>, vers 693-704.</p>
-
-<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> Dans Voltaire: <i>ni l'un ni l'autre</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <i>Var.</i> A jet trop d'amorce votre ambition. (1668)</p>
-
-<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> Voyez ci-dessus, p. 120, note <a href="#FNanchor_123">123</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> C'est encore un nom emprunt Jornands. Dans son <i>Histoire des Goths</i>
-(chapitre <span class="small1">XLV</span>), c'est celui du frre de Thodoric, roi des Visigoths, tu aux
-Champs catalauniques.</p>
-
-<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a> L'dition de Voltaire (1764) a ici une leon qui altre le sens: qu'il
-punit par avance.</p>
-
-<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> Voyez plus haut, p. 103, note <a href="#FNanchor_84">84</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> <i>Sanguis, qui ci solite de naribus effluebat....</i> (Jornands, <i>de Getarum rebus
-gestis</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.) Voyez ci-dessus, p. 105, note <a href="#FNanchor_93">93</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> Ici Voltaire (1764), bien qu'il ait laiss ailleurs (au vers 833 par exemple)
-<i>envoyerez</i>, donne <i>enverroient</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> Aprs ce vers, l'dition de 1692 donne seule le jeu de scne suivant: <i>Il
-montre Ildione Honorie</i>; et aprs le vers 1694, cette mme dition ajoute:
-<i> Ildione</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> L'dition originale porte <i>un jour</i>, pour <i>au jour</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> Voltaire a chang ta gloire en la gloire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764), ce vers, prcd des mots: <span class="small1">HONORIE</span>
-<i> Valamir</i>, commence la scne <span class="small1">VI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_174">174</a>, vers 1599-1604.</p>
-
-<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> Ce sont les mots dj cits de Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre
-<span class="small1">XLIX</span>): <i>Redundansque sanguis.... dum consuetis meatibus impeditur....
-eum exstinxit</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> Jornands (<i>de Getarum rebus gestis</i>, chapitre <span class="small1">L</span>) rapporte que ce fut Ardaric
-qui le premier, aprs la mort d'Attila, se souleva contre son fils, et qui
-par sa dfection dlivra non-seulement sa propre nation, mais encore toutes
-les autres, qui taient galement opprimes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> Henriette-Anne d'Angleterre, fille de Charles I<sup>er</sup>, roi d'Angleterre,
-et de Henriette-Marie de France, fille de Henri IV; ne
-Exeter en 1644, marie en 1661 Philippe d'Orlans, frre de
-Louis XIV, morte en 1670.</p>
-
-<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> Fontenelle raconte le mme fait, mais beaucoup plus brivement.
-Toutefois comme il est, notre connaissance, le premier qui
-en ait parl, nous croyons utile de reproduire ici son tmoignage:
-<i>Brnice</i> fut un duel dont tout le monde sait l'histoire. Une princesse,
-fort touche des choses d'esprit et qui et pu les mettre
-la mode dans un pays barbare, eut besoin de beaucoup d'adresse
-pour faire trouver les deux combattants sur le champ de bataille,
-sans qu'ils sussent o on les menoit. Mais qui demeura la victoire?
-Au plus jeune. (<i>Vie de Corneille</i> dans l'<i>Histoire de l'Acadmie franoise</i>
-de Pellisson, publie par l'abb d'Olivet en 1729, in-4<sup>o</sup>, p. 195.)
-En 1742, lorsque la <i>Vie de Corneille</i> parut pour la premire fois dans
-les <i>&OElig;uvres de Fontenelle</i>, le passage que nous venons de citer ne subit
-qu'un fort lger changement: Feue Madame, princesse, au
-lieu de une princesse. (Tome III, p. 116 et 117.) Du reste, dans
-l'une et l'autre publication, le mot <i>princesse</i> est expliqu par cette
-note au bas de la page: Henriette-Anne d'Angleterre. En 1747,
-Louis Racine, dans ses <i>Mmoires</i>, rappelle fort sommairement le
-mme fait; il dit en parlant de <i>Brnice</i>: M. de Fontenelle, dans la
-<i>Vie de Corneille</i>, son oncle, nous dit que <i>Brnice</i> fut un duel.... Une
-princesse fameuse par son esprit et par son amour pour la posie avait
-engag les deux rivaux traiter le mme sujet. (Pages 87 et 88.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> Chapitre <span class="small1">XXV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> Marie Mancini, nice du cardinal Mazarin, ne Rome
-en 1639, pousa en 1661 le prince Colonna, conntable de Naples;
-elle mourut vers 1715. Dans la tragdie de Racine (acte IV, scne <span class="small1">V</span>),
-Brnice dit Titus:</p>
-
-<p class="quote">Vous tes empereur, Seigneur, et vous pleurez!</p>
-
-<p>Au sujet de cette parole, on lit parmi les notes de Voltaire, qui dans
-son <i>Thtre de Corneille</i> a comment les pices des deux potes rivaux,
-la remarque suivante: Ce vers si connu faisait allusion
-cette rponse de Mlle Mancini Louis XIV: Vous m'aimez, vous
-tes roi, vous pleurez, et je pars!</p>
-
-<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> Pierre du Ryer, dit Jolly dans son <i>Avertissement</i> du <i>Thtre
-de P. Corneille</i> (p. <span class="small1">LXX</span>), fit imprimer, en 1645, <i>Brnice</i>, tragi-comdie
-en prose. C'est sans doute ce qui a amen l'auteur du
-<i>Dictionnaire portatif des thtres</i> dire: Outre la tragdie de <i>Tite
-et Brnice</i> de Pierre Corneille, ce sujet en a fourni deux autres sous
-le titre simple de <i>Brnice</i>: l'une de du Ryer, donne en 1645, et
-qui est en prose, et l'autre de l'illustre Racine. Rien n'est plus
-faux que cette assertion. La <i>Brnice</i> de du Ryer est un sujet purement
-romanesque remis au thtre en 1657 par Thomas Corneille,
-sous le mme titre de <i>Brnice</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> Ce n'est pas simplement pour la rime, comme on pourrait
-tre tent de le croire, que Robinet donne cette qualit Mlle de
-Beauval; il se proccupe toujours beaucoup des sentiments religieux
-des personnes de thtre, et annonant dans son numro du
-6 dcembre de la mme anne la mort d'une autre actrice, il nous
-dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Cette illustre comdienne,</p>
-<p>Et non moins illustre chrtienne,</p>
-<p>Par son dcs des plus pieux,</p>
-<p>Qui fait croire que dans les cieux</p>
-<p>On aura colloqu son me,</p>
-<p>De de Villiers toit la femme,</p>
-<p>Qui fut aussi tout singulier</p>
-<p>Dedans le comique mtier,</p>
-<p>Composant mme en vers et prose,</p>
-<p>Mais maintenant il se repose,</p>
-<p>Faisant, je crois, tout ce qu'il faut</p>
-<p>Pour monter son tour l-haut.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> Dans le rle de Plautine, confidente de Domitie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> <i>Rcrations littraires ou Anecdotes et remarques sur diffrents
-sujets</i>, recueillies par M. C. R*** (Cizeron Rival). Paris et Lyon,
-1765, in-12, p. 67-69.</p>
-
-<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> <i>Recueil de dissertations</i>.... publi par Granet, tome II, p. 223.</p>
-
-<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> Virgile, <i>nide</i>, livre I, vers 475.</p>
-
-<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> <i>Recueil</i> de Granet, tome II, p. 206 et 207.</p>
-
-<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> <i>Ibidem</i>, p. 209.</p>
-
-<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> <i>Recueil de dissertations</i>.... publi par Granet, tome II, p. 219.</p>
-
-<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> <i>Ibidem</i>, tome II, p. 223 et suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> <i>Ibidem</i>, tome II, p. 242 et 243.</p>
-
-<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> <i>Recueil</i> de Granet, tome II, p. 311 et 312.&mdash;L'histoire en
-effet nous montre Brnice, fille d'Agrippa, roi de Jude, ne
-l'an 28 de Jsus-Christ, comme une femme corrompue, qui, aprs
-avoir pous d'abord son oncle Hrode, roi de Chalcis, puis Polmon,
-roi de Cilicie, lequel s'tait fait juif pour elle, fut rpudie
-par lui, cause des dbordements auxquels elle se livrait. Titus,
-parvenu l'empire trente-neuf ans, jugea indispensable de s'en sparer;
-elle tait alors ge de cinquante et un ans. Il y a loin de l
-l'hrone de Corneille et de Racine. On a prtendu il est vrai que la
-Brnice de Titus tait une nice de celle dont nous venons de parler,
-mais cette interprtation ne s'est pas accrdite. Voyez le <i>Dictionnaire
-historique</i> de Bayle au nom de <i>Brnice</i>, et la <i>Dissertation sur Brnice</i>,
-par M. Rey, dans les <i>Mmoires de la Socit des antiquaires de France</i>,
-nouvelle srie, tome I, p. 235 et suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> Voyez l'<i>Avertissement</i>, tome I, p. <span class="small1">XIII</span> et <span class="small1">XIV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> Sutone, <i>Vie de Titus</i>, chapitre <span class="small1">VII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> L'abrg de l'histoire de Dion Cassius par Xiphilin a t imprim
-pour la premire fois en 1551, par Robert Estienne, avec la
-traduction latine de Guillaume Blanc d'Alby, en un volume in-4<sup>o</sup>.
-Il y a entre les extraits de Corneille et le texte de 1551 deux ou trois
-diffrences insignifiantes, qu'il est inutile de relever. Les phrases
-qu'il cite ne se suivent pas dans Xiphilin: elles se trouvent aux
-p. 159, 160, 163, 164, 165, 169, de l'dition princeps de Robert
-Estienne. En 1589 a paru chez Lucas Bregel, Paris, la traduction
-du mme ouvrage par Antoine Canque, conseiller du Roy au siege
-presidial de Clermont en Auvergne. Nous en extrayons les passages
-qui correspondent ceux que Corneille a cits:</p>
-
-<p>Estans les choses en tel estat, Vespasien fut par le Senat declar
-Empereur, et Titus et Domitianus Csars....</p>
-
-<p>Domitianus.... se tenoit la pluspart du temps en sa maison au
-pont d'Alba, estant du tout affoll et asserui de l'amour de Domitia
-fille de Corbulo, laquelle il auoit enleuee par force son mary Lucius
-Lamius milianus, et pour lors il la tenoit seulement auec luy
-comme sa concubine, mais du depuis il l'espousa....</p>
-
-<p>En ce temps aussi le renom et bruict de Berenice estoit grand:
-elle s'en alla Rome en la compagnie de son frere Agrippa, auquel
-on donna la dignit honoraire de Preteur, et elle eut pour sa maison
-et demeure le Palais, o Titus l'entretenoit, et cuidoit-on qu'il la deut
-espouser, car desia elle se comportoit comme son espouse et femme
-legitime, mais Titus ayant senty le vent que les Romains estoient
-malcontens de telles choses la renuoya en son pays: aussi murmuroit-on
-fort Rome de leur accointance.</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p>Tout le temps que Titus iouyt seul de l'Empire se passa sans
-meurtres et effusion de sang, il ne commit aucun acte par lequel on
-peut iuger qu'il se laissast plus aller aux passions d'Amour. Tellement
-que iaoit qu'on luy eut machin trahisons, il se monstra neantmoins
-tousiours doux et clement mesmes enuers les trahistres, et Berenice
-estant derechef venu Rome il se monstra homme chaste et continent....</p>
-
-<p>Comme Titus rendit l'esprit, il dit qu'il auoit commis vn seul
-pech duquel il se repentoit, mais il ne declaira pas quel, ny personne
-ne le peut oncques asseurement sauoir, les vns imaginans
-vne chose, les autres vne autre<a id="FNanchor_204-a" href="#Footnote_204-a" class="fnanchor">&nbsp;[204-a]</a>. On tient pour asseur, ce que
-aucuns disent, qu'il se repentit d'auoir entretenu la femme de son
-frere nomme Domitia: les autres, ausquels i'adioute foy, de ce
-qu'ayant surprins Domitianus en manifeste trahison contre luy, il
-ne l'auoit pas occis, ains auoit plustost choisi de souffrir le malheur
-qui luy estoit aduenu, que de le faire tuer. Ou bien de ce qu'il laissoit
-l'Empire Romain entre les mains d'vn homme tel....</p>
-
-<p class="i2"><a id="Footnote_204-a" href="#FNanchor_204-a" class="label">[204-a]</a> Sutone, dans sa <i>Vie de Titus</i>, chapitre <span class="small1">X</span>, parle aussi de ce regret
-de Titus mourant, et rejette, comme Xiphilin, la premire interprtation:
-<i>Suspexisse dicitur.... c&oelig;lum, multumque conquestus eripi sibi</i>
-<i>vitam immerenti: neque enim exstare ullum suum factum pnitendum,
-excepto duntaxat uno. Id quale fuerit, neque ipse tunc prodidit, neque
-cuiquam facile succurrat. Quidam opinantur consuetudinem recordatum
-quam cum fratris uxore habuerit; sed nullam habuisse persancte Domitia
-jurabat, haud negatura, si qua omnino fuisset; imo etiam gloriatura,
-quod illi promptissimum erat in omnibus probris.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> L'dition de 1679 a la faute trange de <i>numero</i>, pour <i>rumores</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> Le recueil de 1668 se termine par <i>Attila</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> La <i>Notice</i> et les extraits qui prcdent renferment les renseignements
-ncessaires sur les quatre premiers personnages, qui appartiennent
- l'histoire; les autres sont d'invention.</p>
-
-<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> Le second hmistiche de ce vers est le premier du vers 1050 de <i>Polyeucte</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> <i>Var.</i> Ne devoit-il pas faire aussi tous mes plaisirs? (1679)</p>
-
-<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_204">204</a>, les vers 87-91 et la note <a href="#FNanchor_213">213</a>.&mdash;Dion Cassius
-(livre LXII, chapitre <span class="small1">XXIII</span>) rapporte que Corbulon, ayant un grand pouvoir
-comme gnral, et une grande renomme, aurait pu fort aisment se faire lire
-empereur, car tous hassaient Nron et tous l'admiraient lui-mme; mais il
-demeura soumis, et ne tenta point de rvolte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> Il y a lieu de croire que Cnius Domitius Corbulon appartenait l'illustre
-famille Domitia; l'empereur Nron tait, comme l'on sait, fils de Cnius
-Domitius Ahenobarbus. En outre, la s&oelig;ur de Corbulon, Csonia, avait pous
-Caligula: voyez Pline l'ancien, livre VII, chapitre <span class="small1">V</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> Par une erreur singulire, les ditions de 1679 et de 1682 portent toutes
-deux <i>Pompe</i>, pour <i>Poppe</i>, et un peu plus loin, au vers 115, <i>Martine</i>, pour
-<i>Martie</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> Corbulon ayant appris, son arrive Corinthe, que Nron, qui l'avait
-mand en Grce, avait ordonn sa mort, se frappa lui-mme de son pe,
-l'an 67 aprs Jsus-Christ, et dit en mourant: Je l'ai mrit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> Galba, Othon et Vitellius, qui rgnrent en 68 et 69, et dont les trois
-rgnes runis ne durrent que dix-huit mois.</p>
-
-<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> Sutone, au chapitre <span class="small1">IV</span> de la <i>Vie de Titus</i>, dit que sa seconde femme
-se nommait Marcia Furnilla, et que Titus, aprs en avoir eu une fille, fit divorce
-avec elle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> Il est dit dans le premier extrait de Xiphilin que Brnice habita dans le
-palais: <i>habitavit in palatio</i>: voyez ci-dessus, p. 197.</p>
-
-<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_191">191</a> et <a href="#Page_192">192</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> Les ditions publies du vivant de Corneille (1671-82) portent <i>leur
-prix</i>, corrig par l'dition de 1692 en <i>son prix</i>. Voltaire a gard <i>leur</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont chang la construction;
-ils donnent: et je ne te puis croire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> Domitien prtendait que Vespasien l'avait institu cohritier de l'empire,
-mais que le testament avait t falsifi. Voyez Sutone, <i>Vie de Domitien</i>,
-chapitre <span class="small1">II</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a> Ce morceau, souvent reproch Corneille, pourrait bien lui avoir t
-inspir par le livre des <i>Maximes</i> de la Rochefoucauld, dont la premire dition
-a paru en 1665, cinq ans avant <i>Tite et Berenice</i>, et qui faisait encore
-le sujet de tous les entretiens. La <i>maxime</i> 262 commence ainsi: Il n'y a
-point de passion o l'amour de soi-mme rgne si puissamment que dans l'amour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> On lit <i>un</i> autre dans l'dition de 1682. Voyez le vers 1732 et la note <a href="#Page_273"></a> <a href="#FNanchor_288">288</a>
-qui s'y rapporte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> Voltaire (1764) a ainsi modifi ce vers:</p>
-
-<p class="quote">Et profitons par l d'un c&oelig;ur embarrass.</p>
-
-<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> Ce vers se trouve dj dans <i>Pertharite</i>, acte II, scne <span class="small1">V</span>, vers 744.</p>
-
-<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> Polmon, roi de Cilicie. Voyez ci-dessus, p. 194, note <a href="#FNanchor_201">201</a>, et plus loin,
-p. 245, note <a href="#FNanchor_258">258</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> Le clbre M. de Santeul, voulant composer des vers sur la campagne
-d'Hollande de 1672, crut ne pouvoir mieux faire que de traduire en latin ces
-huit vers (397-404).... Il prsenta au Roi ses vers latins sous ce titre: <span class="small1">Sur le
-dpart du Roi</span>, et mit ct ceux de M. Corneille. (Jolly, <i>Avertissement du
-Thetre de Corneille</i>, p. <span class="small1">LXIX</span> et <span class="small1">LXX</span>.)&mdash;Santeul donne les vers 403 et 404
-avec une double variante:</p>
-
-<p class="quote">Pour envoyer l'effroi <i>sur</i> l'un et l'autre ple<br />
-Je n'ai qu' faire un pas et hausser <i>ma</i> parole.</p>
-
-<p>Voici sa traduction latine:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i5"><i>REX ITER MEDITANS.</i></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><i>Sic c&oelig;ptis favet usque meis Victoria, ut hostes</i></p>
-<p><i>Me quoque pace data timeant, credantque leonem,</i></p>
-<p><i>Qui male sopitos premit alto corde furores,</i></p>
-<p><i>Ancipiti dudum meditans bella horrida somno;</i></p>
-<p><i>Nec tam blanda Venus media dominatur in aula,</i></p>
-<p><i>Quin, Marti tantum annuerim, mox palleat orbis.</i></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>(<i>J. B. Santolii Victorini</i> opera poetica. Paris, M.DC.XCIV, p. 211.)</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> Ce vers est la contre-partie de celui que Corneille a plac dans la bouche
-d'Auguste (<i>Cinna</i>, acte V, scne <span class="small1">III</span>, vers 1696):</p>
-
-<p class="quote">Je suis matre de moi comme de l'univers.</p>
-
-<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> Voyez plus haut, p. 204, le vers 80 et la note <a href="#FNanchor_211">211</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> Voyez ci-dessus, p. 203, note <a href="#FNanchor_210">210</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> Sutone commence ainsi sa <i>Vie de Titus: Titus.... amor ac delici generis
-humani</i>; et Eutrope, au livre VII de son <i>Abrg de l'Histoire romaine</i> (chapitre
-<span class="small1">XXI</span>), dit au sujet du mme empereur: <i>Huic</i> (Vespasiano) <i>Titus filius
-successit.... vir omnium virtutum genere mirabilis adeo, ut amor et delici
-humani generis diceretur</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> Il dclara qu'il n'acceptait le souverain pontificat qu'afin de conserver
-toujours ses mains pures. Il tint parole; car depuis ce moment, il ne fut ni
-l'auteur ni le complice de la mort de personne. <i>Nec auctor posthac cujusquam
-necis, nec conscius.</i> (Sutone, <i>Titus</i>, chapitre <span class="small1">IX</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_247">247</a>, la note <a href="#FNanchor_262">262</a> du vers 1112. Aprs l'ruption du Vsuve,
-Titus tira au sort, parmi les consulaires, des curateurs chargs de soulager les
-maux de la Campanie. (Sutone, <i>Titus</i>, chapitre <span class="small1">VIII</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> L'dition de 1692 donne <i>trompez</i>, pour <i>rompez</i>, ce qui ne peut tre
-qu'une faute d'impression.</p>
-
-<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> Aprs ce vers, Voltaire a ajout les mots: <i> Tite</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> C'est, avec une tournure un peu diffrente, le vers 279 de <i>Sertorius</i>:</p>
-
-<p class="quote">Qu'importe de mon c&oelig;ur, si je sais mon devoir?</p>
-
-<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> Nous avons vu dans les extraits de Xiphilin (p. 197 et 198) qu'aprs tre
-venue une premire fois Rome avec son frre Agrippa, du vivant de Vespasien,
-Brnice y retourna sous le rgne de Titus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> Voltaire (1764) fait suivre ce vers de l'indication: <i> Flavian et Albin</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> Voyez plus haut, p. <a href="#Page_223">223</a>, le vers 570 et les vers 559 et 560.</p>
-
-<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> On lit ici: <i>la</i> Reine, dans les ditions de Thomas Corneille et de
-Voltaire, qui deux vers plus loin ont maintenu l'un et l'autre: <i>sa</i> reine.</p>
-
-<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> Tel est le texte des anciennes ditions, y compris celle de 1692. Voltaire
-a mis: Serait-ce un crime moi?</p>
-
-<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> Allusion l'affranchi Flix. Voyez tome VI, p. 597, la note du vers 510
-d'<i>Othon</i>.&mdash;Racine parle aussi de l'affranchi Flix, dans sa <i>Brnice</i> (acte II,
-scne II):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>De l'affranchi Pallas nous avons vu le frre,</p>
-<p>Des fers de Claudius Flix encor fltri,</p>
-<p>De deux reines, Seigneur, devenir le mari;</p>
-<p>Et s'il faut jusqu'au bout que je vous obisse,</p>
-<p>Ces deux reines toient du sang de Brnice.</p>
-</div></div>
-
-<p>L'une des deux Drusille que Flix pousa tait s&oelig;ur de Brnice.</p>
-
-<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> Tacite, au livre II des <i>Histoires</i> (chapitre <span class="small1">LXXXI</span>), raconte que le parti
-de Vespasien, au moment de son avnement l'empire, trouva une auxiliaire
-zle dans la reine Brnice: <i>nec minore animo regina Berenice partes juvabat,
-florens tate formaque, et seni quoque Vespasiano magnificentia munerum
-grata</i>. Voyez aussi plus loin, vers 861 et suivants. p. <a href="#Page_236">236</a></p>
-
-<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> L'dition de 1692 a chang <i>regarder</i> en <i>remarquer</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> Thomas Corneille et Voltaire ajoutent ici: <i> Brnice</i>, et au-dessus de
-la seconde phrase du vers 820, Voltaire seul: <i> Domitie</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> L'dition de 1682 donne seule: d'un prince, pour du prince.</p>
-
-<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_226">226</a>, les vers 631 et 632.</p>
-
-<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_227">227</a>, vers 642-644.</p>
-
-<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> L'dition de 1682 porte seule <i>ma honte</i> pour <i>ma bont</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> Toutes les ditions publies du vivant de Corneille portent ici <i>rejallit</i>,
-que l'dition de 1692 a chang en <i>rejaillit</i>. Plus loin, au vers 1505, l'dition
-de 1671 est la seule qui porte <i>rejaillt</i>: toutes les autres, mme celle de 1692,
-ont <i>rejallt</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> On a rapproch de ce passage ce vers que dit Nron dans le <i>Britannicus</i>
-de Racine (publi en 1669):</p>
-
-<p class="quote">Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire?<br />
-<span class="i4">(Acte IV, scne <span class="small1">III</span>.)</span></p>
-
-<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> Racine, dans sa <i>Brnice</i> (acte II, scne <span class="small1">II</span>), emploie le mme mot:</p>
-
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i8"> Soit raison, soit caprice,</p>
-<p>Rome ne l'attend point pour son impratrice.</p>
-</div></div>
-
-<p>Puis, quelques vers plus loin, il dveloppe ainsi l'ide contenue dans les
-vers 1001 et 1002 de Corneille:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>D'ailleurs, vous le savez, en bannissant ses rois,</p>
-<p>Rome ce nom, si noble et si saint autrefois,</p>
-<p>Attacha pour jamais une haine puissante;</p>
-<p>Et quoiqu' ses Csars fidle, obissante,</p>
-<p>Cette haine, Seigneur, reste de sa fiert,</p>
-<p>Survit dans tous les c&oelig;urs aprs la libert.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> Voyez ci-dessus, p. 232, note <a href="#FNanchor_242">242</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> Dans l'dition de 1692: <i>feront</i> ma seule chane.</p>
-
-<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_196">196</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> Voltaire (1764) a remplac qui se retire, par qui sort.</p>
-
-<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> Dans la <i>Brnice</i> de Racine (acte II, scne <span class="small1">II</span>), Titus interroge de mme
-son confident Paulin, et celui-ci lui fait connatre, comme ici Philon Brnice,
-les dispositions des Romains.</p>
-
-<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> Telle est l'orthographe de toutes les ditions donnes par Corneille.
-L'dition de 1692, et Voltaire d'aprs elle, ont substitu le pluriel au singulier:
-assurent ce haut rang.</p>
-
-<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> Voyez plus haut, p. 194, note <a href="#FNanchor_201">201</a>, et p. <a href="#Page_216">216</a>, vers 381. L'historien Josphe
-raconte au livre XX de ses <i>Antiquits judaques</i>, chapitre <span class="small1">VII</span>, 3, que Polmon,
-pour pouser Brnice, se fit circoncire; puis que Brnice l'ayant quitt fort
-peu de temps aprs le mariage, il renona la religion juive.</p>
-
-<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> Dans la <i>Brnice</i> de Racine (acte II, scne <span class="small1">II</span>, et acte III, scne <span class="small1">I</span>), il
-s'agit d'un semblable tmoignage de reconnaissance, de l'agrandissement des
-tats de Brnice.</p>
-
-<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> Tacite raconte au livre IV de ses <i>Histoires</i> (chapitres <span class="small1">LXXXV</span> et <span class="small1">LXXXVI</span>)
-comment Mucien dcida Domitien rester Lyon, au lieu d'aller sur le thtre
-mme de la guerre. Puis il ajoute: Domitien comprit l'artifice; mais les
-gards commandaient de ne pas l'apercevoir: on alla donc Lyon. De l on
-croit qu'il tenta par de secrets missaires la foi de Cerealis (<i>ou</i> Cerialis, <i>le gnral
-qui commandait l'arme romaine oppose au Batave Civilis</i>): il voulait
-savoir si ce chef lui remettrait, en cas qu'il part, l'arme et le commandement.
-Cette pense cachait-elle un projet de guerre contre son pre, ou cherchait-il
- se mnager contre son frre des ressources et des forces? la chose
-demeura incertaine. <i>Intellegebantur artes; sed pars obsequii in eo ne deprehenderentur:
-ita Lugdunum ventum. Unde creditur Domitianus occultis ad
-Cerialem nunciis, fidem ejus tentavisse an prsenti sibi exercitum imperiumque
-traditurus foret: qua cogitatione bellum adversus patrem agitaverit, an
-opes virisque adversus fratrem, in incerto fuit.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> Toutes les ditions anciennes, y compris celles de Thomas Corneille (1692)
-et de Voltaire (1764), donnent <i>caus</i>, sans accord.</p>
-
-<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> <i>Qudam sub eo fortuita ac tristia acciderunt: ut conflagratio Vesevi
-montis in Campania.</i> (Sutone, <i>Titus</i>, chapitre <span class="small1">VIII</span>.) Cette ruption de 79 est
-celle qui dtruisit Herculanum, Pompeies et Stabies, et dont Pline l'Ancien fut
-victime.</p>
-
-<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> Nous avons adopt la leon de l'dition de 1692, qui est aussi celle de
-Voltaire. Elle nous a paru prfrable au texte des ditions antrieures: vous
-pourrez.</p>
-
-<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> <i>Var.</i> Cet unique secours qui pouvoit le servir. (1671 et 79)</p>
-
-<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> L'dition de 1682 porte, par erreur, <i>un</i> excuse.</p>
-
-<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> On lit <i>marcenaire</i> dans les deux ditions de 1682 et de 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> Aprs la mort de Messaline, Claude pousa, avec l'assentiment du snat,
-sa nice Agrippine, dont le fils Nron avait dj onze ans. Voyez Tacite, <i>Annales</i>,
-livre XII, chapitres <span class="small1">V-VII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> Voltaire (1764) a mis le singulier: <i>moyen</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> L'dition de 1682 donne seule: en des plus sres mains.</p>
-
-<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> Voyez ci-dessus, p. 246, note <a href="#FNanchor_260">260</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> Corneille avait dit dans <i>Polyeucte</i> (acte II, scne <span class="small1">I</span>, vers 388):</p>
-
-<p class="quote">M'en croirez-vous, Seigneur? ne la revoyez point.</p>
-
-<p>Voyez tome III, p. 505.</p>
-
-<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> Ces six vers se trouvent dj, avec quelques variantes et l, dans <i>Sophonisbe</i>,
-o Llius dit Massinisse (acte IV, scne <span class="small1">III</span>, vers 1373-1378):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Mais quand cette ardeur un monarque dfre,</p>
-<p>Il s'en fait un plaisir et non pas une affaire;</p>
-<p>Il repousse l'amour comme un lche attentat,</p>
-<p>Ds qu'il veut prvaloir sur la raison d'tat;</p>
-<p>Et son c&oelig;ur, au-dessus de ces basses amorces,</p>
-<p>Laisse cette raison toujours toutes ses forces.</p>
-</div></div>
-
-<p>Voyez tome VI, p. 529.</p>
-
-<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> Telle est l'orthographe de toutes les ditions anciennes, y compris celles
-de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> Il y a <i>Nous mourrons</i>, au futur, dans l'dition de 1671, ce qui n'offre
-pas de sens.</p>
-
-<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> On lit dans l'<i>Imitation de Jsus-Christ</i> (livre II, chapitre <span class="small1">XII</span>): <i>Scias
-pro certo quia morientem te oportet ducere vitam</i>. Corneille a traduit ainsi ce
-passage:</p>
-
-<p class="quote">Pour maxime infaillible imprime en ta pense<br />
-Que chaque instant de vie est un pas vers la mort.</p>
-
-<p>C'est ce dernier vers qu'il s'est rappel et qu'il a reproduit presque textuellement
-ici. Comme l'a remarqu M. Quittard, il redit par un tour diffrent
-ce que disent beaucoup de proverbes, entre autres ceux-ci: le moment o l'on
-nat est le commencement de la mort; le jour de la naissance est le messager
-de la mort; la vie est le chemin de la mort; la mort commence avec la
-vie, etc. (<i>tudes sur les proverbes franais</i>, p. 65.)&mdash;Plusieurs potes ont
-rpt ce vers avec de lgres variantes. Casimir Delavigne a dit dans son
-<i>Louis XI</i> (acte 1, scne <span class="small1">IX</span>):</p>
-
-<p class="quote">Chaque pas dans la vie est un pas vers la mort.</p>
-
-<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> Voyez plus haut, p. 239, note <a href="#FNanchor_249">249</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> <i>Var.</i> Non, Madame, et je veux que vous sortiez d'erreur. (1671)</p>
-
-<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> Cette ide revient plusieurs fois dans la <i>Brnice</i> de Racine. Voyez le
-commencement de la scne <span class="small1">IV</span> du I<sup>er</sup> acte, et la fin de la scne <span class="small1">II</span> du II<sup>e</sup> acte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> Nron entendant approcher les cavaliers qui avaient ordre de l'amener
-vivant, s'enfona le fer dans la gorge, aid de son secrtaire paphrodite.
-Voyez Sutone, <i>Vie de Nron</i>, chapitre <span class="small1">XLIX</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> Il y a <i>voulue</i> dans toutes les ditions antrieures 1692. Thomas Corneille
-a ainsi corrig ce vers:</p>
-
-<p class="quote">Si l'ardeur de vous voir a voulu l'ignorer.</p>
-
-<p>Voltaire (1764) a supprim l'accord irrgulier et donne l'hiatus: l'a voulu
-ignorer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> Brnice exprime le mme dsir Titus dans la tragdie de Racine
-(acte IV, scne <span class="small1">V</span>):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ah! Seigneur.... pourquoi nous sparer?</p>
-<p>Je ne vous parle point d'un heureux hymne.</p>
-<p>Rome ne vous plus voir m'a-t-elle condamne?</p>
-<p>Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez?</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> Voltaire (1764) a supprim ces mots et plac <span class="small1">DOMITIAN</span> en tte des noms
-des personnages.</p>
-
-<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> Voyez ci-dessus, p. 247, note <a href="#FNanchor_262">262</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> Voyez ci-dessus, p. 218, note <a href="#FNanchor_230">230</a>.&mdash;Racine, dans sa dernire scne,
-place galement ce mot dans la bouche de Brnice:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Brnice, Seigneur, ne vaut point tant d'alarmes;</p>
-<p>Ni que par votre amour l'univers malheureux,</p>
-<p>Dans le temps que Titus attire tous ses v&oelig;ux</p>
-<p>Et que de vos vertus il gote les prmices,</p>
-<p>Se voye en un moment enlever ses dlices.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> <i>Var.</i> Votre c&oelig;ur est moi, j'y rgne, et c'est assez. (1671)</p>
-
-<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_195">195</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> Voyez plus haut, p. <a href="#Page_240">240</a>, vers 971-974.</p>
-
-<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> Ici, comme au vers 306 et comme plus bas au vers 1748, on lit <i>un</i>
-autre dans l'dition de 1682.&mdash;Voyez tome I, p. 228, note 3-<i>a</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> Voyez la note prcdente.<a href="#FNanchor_288">288</a></p>
-
-<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> Le mot est crit ainsi dans toutes les anciennes ditions, y compris celles
-de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764). Voyez tome III, p. 136,
-note 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> C'est Brnice qui exprime cette ide chez Racine, dans les derniers vers
-de la tragdie. Elle s'adresse Titus et Antiochus.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Adieu: servons tous trois d'exemple l'univers</p>
-<p>De l'amour la plus tendre et la plus malheureuse</p>
-<p>Dont il puisse garder l'histoire douloureuse.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> Tel est le texte des ditions publies du vivant de l'auteur. Thomas Corneille
-(1692) et Voltaire (1764) ont chang, avec raison ce semble, <i>pour vous</i>
-en <i>pour nous</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> <i>Molire et sa troupe</i>, p. 92 et 93.</p>
-
-<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> Voyez <i>Anecdotes dramatiques</i>, tome II, p. 443.</p>
-
-<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_288">288</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> Acte III, scne <span class="small1">III</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> 1668, p. 311 et suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> Contrleur des btiments du Roi.</p>
-
-<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, par les frres Parfait, tome XI,
-p. 126.</p>
-
-<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> Numro du 24 janvier 1671, p. 81-83.</p>
-
-<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> Voyez ci-dessus la Notice de <i>Brnice</i>, p. <a href="#Page_190">190</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> Pages 107 et 108.</p>
-
-<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> Dans l'dition de Molire de 1682 on lit la suite du titre de
-<i>Psych</i>: Represente pour le Roy dans la grande Salle des Machines
-du Palais des Tuilleries en Janvier, et durant tout le Carnaval
-de l'anne 1670. Par la Troupe du Roy. Et donne au Public sur le
-Thetre de la Salle du Palais Royal, le 24 juillet 1671.</p>
-
-<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> Voyez <i>la Fameuse Comdienne</i>, p. 33 et suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> Tome III, p. 369.</p>
-
-<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> <i>Histoire du Thtre franois</i>, tome XI, p. 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> Tome XIV, p. 307.</p>
-
-<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> Dans le premier des deux passages cits, les frres Parfait
-donnent le 1<sup>er</sup> juin 1703 comme tombant au mardi, dans le second
-comme tombant au mercredi. C'tait en ralit au vendredi, ce qui
-nous a engag supprimer la mention du jour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> Mlle Desmares. (<i>Note des frres Parfait.</i>)</p>
-
-<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> M. Baron fils. (<i>Note des mmes.</i>)</p>
-
-<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> Un passage du prologue ajout par Dancourt la comdie de
-<i>l'Inconnu</i> de Thomas Corneille, lors de la reprise de cet ouvrage le
-21 aot 1703, nous fait connatre un petit dtail assez curieux:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"><span class="small1">MADEMOISELLE DESMARES.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p> <b>. . . .</b> Nous venons de remettre <i>Psych</i></p>
-<p>Avec tout le succs qu'on s'en pouvoit promettre.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><span class="small1">CRISPIN.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Oui, mais au double il a fallu la mettre,</p>
-<p>Et le public s'en est presque fch.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> Les principaux rles de cette pice, joue le 19 aot 1862,
-taient ainsi distribus: <i>Jupiter</i>, Chri; <i>Vnus</i>, Mlle Devoyod;
-<i>l'Amour</i>, Mlle Fix; <i>giale</i>, Mlle Rose Deschamps; <i>Psych</i>, Mlle Favart;
-<i>le Roi</i>, Maubant; <i>Aglaure</i>, Mlle Tordeus; <i>Cydippe</i>, Mlle Ponsin;
-<i>Clomne</i>, Worms; <i>Agnor</i>, Ariste; <i>le Zphire</i>, Mlle Rosa Didier;
-<i>Lycas</i>, Tronchet; <i>le dieu d'un fleuve</i>, Verdellet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> Voyez le <i>Dictionnaire portatif des thtres</i>, article <i>Psych</i>, et
-l'<i>Histoire de l'Acadmie royale des inscriptions et belles-lettres</i>,
-tome XXVIII, p. 264.</p>
-
-<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> Voyez ci-aprs, p. <a href="#Page_309">309</a> et <a href="#Page_310">310</a>, vers 546-570. Les paroles de
-cette plainte sont de Lully, qui composa les airs. Voyez l'<i>Histoire
-du Thtre franois</i>, tome XI, p. 127, note <i>a</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> Tel est le texte de l'dition originale; les suivantes donnent:
-M. Molire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> Dans les ditions de 1682 et de 1697: M. Corneille l'an.</p>
-
-<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> Si Corneille est intervenu dans l'impression de <i>Psych</i>, ce
-doit tre pour l'dition originale; c'est celle que nous suivrons. Au
-reste il n'y a entre elle et les ditions postrieures qu'un petit
-nombre d'insignifiantes diffrences. Nous avons fait imprimer en
-petit texte tout ce qui n'est pas de Corneille; nous ne donnons ni
-notes ni variantes pour cette portion de l'ouvrage, qui sera annote
-dans l'dition de Molire de M. E. Souli.</p>
-
-<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> <i>Psych</i> n'a pas t, du vivant de Corneille, runie ses &oelig;uvres.
-Les recueils indiqus ici sont ceux du thtre de Molire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> Ces noms d'acteurs sont tirs du programme de <i>Psych</i> dont
-nous avons parl dans la <i>Notice</i>, p. 282 et 284.</p>
-
-<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> Thrse Lenoir de la Thorillire, ne en 1660, avait alors
-onze ans; Marie-Anglique du Croisy, ne en 1658, en avait treize.&mdash;Voyez
-p. <a href="#Page_294">294</a> les vers 75 et 76.</p>
-
-<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> Il faut remarquer que le zphir qui chante au troisime
-intermde est un autre personnage. Il tait jou, nous dit le programme,
-par un nomm Iannot.</p>
-
-<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> Ce qui suit, jusqu' la fin de la pice, est de M. C.<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor">&nbsp;[323]</a>, la rserve de la
-premire scne du troisime acte, qui est de la mme main que ce qui a prcd.
-(<i>Note des ditions de</i> 1671-1697.) Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_287">287</a> et <a href="#Page_288">288</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> Tel est le texte des ditions de 1671 et de 1676; les suivantes donnent le
-nom en toutes lettres: de Monsieur de Corneille l'an.</p>
-
-<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> Ces deux vers sont un souvenir de ce passage de la tragdie d'<i>Horace</i>
-(acte III, scne <span class="small1">III</span>, vers 851 et 852):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Un oracle jamais ne se laisse comprendre:</p>
-<p>On l'entend d'autant moins que plus on croit l'entendre.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> On lit <i>chacun</i> dans l'dition de 1697. L'dition de 1682 donne de mme,
-plus haut, au vers 482, <i>un autre</i>, pour <i>une autre</i>. Voyez tome I, p. 288,
-note 3-<i>a</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> Dans les ditions de 1682 et de 1697: pour ne vous pas dplaire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> Cette scne, comme il a t dit plus haut, est de Molire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> Tel est le texte de l'dition originale; dans les impressions postrieures
-on lit: que dcouvrir mon c&oelig;ur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> <span class="small1">Psych</span>, <i>seule</i>. (1676-97)</p>
-
-<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> Ordonne Zphyre ton serviteur de m'amener ici mes s&oelig;urs, comme
-il m'y a transport moi-mme. <i>Illi tuo famulo prcipe Zephyro, simili
-vectura sorores hic mihi sistat.</i> (Apule, <i>la Metamorphose</i>, livre V.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> Dans l'dition de 1697: N'en a jamais vu.</p>
-
-<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> <i>Sorores egregi, domum redeuntes, jamque gliscentis invidi felle flagrantes,
-multa secum sermonibus mutuis perstrepebant. Sic denique infit altera:
-En orba et sva et iniqua fortuna! Hoccine tibi complacuit, ut utroque
-parente prognat, diversam sortem sustineremus?</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>,
-livre V.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> Une des choses qui leur causa le plus de dpit fut qu'en leur prsence
-notre hrone ordonna aux Zphyrs de redoubler la fracheur ordinaire de ce
-sjour. (La Fontaine, <i>les Amours de Psych et de Cupidon</i>, livre I.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> <i>Deam quoque illam deus maritus efficiet.</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>,
-livre V.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> <i>Quod si maritum etiam tam formosum tenet, ut affirmat, nulla nunc in
-orbe toto felicior vivit.</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre V.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> <i>Consilium validum amb requiramus.</i> (<i>Ibidem.</i>)</p>
-
-<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> L'dition de 1697 porte seule <i>tout prts</i>. Voyez plus loin le vers 1800
-et la note qui s'y rapporte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> <i>Prclarus ille sagittarius, ipse me telo meo percussi.</i> (Apule, <i>la Mtamorphose</i>,
-livre V.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> On lit <i>me croire</i> dans l'dition de 1697.</p>
-
-<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> Les ditions anciennes ne font figurer en tte de cette scne, que <span class="small1">PSYCH</span>,
-bien qu'elle y ait pour interlocuteur <span class="small1">LE DIEU DU FLEUVE</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> L'impression de 1676 porte <i>veux</i>, pour <i>yeux</i>, et de cette faute typographique
-l'dition de 1682 a fait <i>v&oelig;ux</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> <i>Psyche.... neque tua miserrima morte meas sanctas aquas polluas,
-nec</i>, etc. (Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre VI.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> Dans les ditions de 1676, de 1682 et de 1697: se doivent refuser.</p>
-
-<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> L'dition de 1671 porte, par erreur sans doute, <i>d'un fils</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> Dans l'dition de 1697: Tout morts. Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_340">340</a>, le
-vers 1350 et la note (<a href="#FNanchor_337">337</a>) qui s'y rapporte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> <i>Et ecce, inquit, inepta ego divin formositatis gerula, qu ne tantillum
-quidem indidem mihi delibo, vel sic illi amatori meo formoso placitura.</i>
-(Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre VI.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> <i>Reserat pyxidem</i> (Psyche). <i>Nec quidquam ibi rerum, nec formositas ulla,</i>
-<i>sed infernus somnus ac vere stygius; qui statim cooperculo revelatus, invadit
-eam, crassaque soporis nebula cunctis ejus membris perfunditur, et in ipso
-vestigio ipsaque semita collapsam possidet; et jacebat immobilis, et nihil aliud
-quam dormiens cadaver.</i> (Apule, <i>la Metamorphose</i>, livre VI.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> Les anciennes ditions donnent <i>se sont laisss traner</i>, avec accord du
-participe.</p>
-
-<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> Les ditions de 1676, de 1682 et de 1697 portent <i>On</i>, pour <i>Ou</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> <i>Porrecto ambrosi poculo, Sume, inquit, Psyche, et immortalis esto.</i>
-(Apule, <i>la Mtamorphose</i>, livre VI.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> Voyez ce qui est racont au tome III, p. 254 et 465, et au
-tome VI, p. 567.</p>
-
-<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> dition Monmerqu (1862), tome II, p. 470.</p>
-
-<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> Tome II, p. 524.&mdash;L'analogie de cette dernire phrase avec
-ce passage de la lettre du 15 janvier, que nous venons de rapporter:
-qui fait souvenir de sa dfunte veine, pourrait, comme il est dit
-dans une note de l'dition de Mme de Svign laquelle nous empruntons
-ces citations, donner un certain degr de vraisemblance
- cette leon de Perrin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> Allusion ce passage des <i>Vers</i> Foucquet en tte d'<i>&OElig;dipe</i>(tome VI, p. 122, vers 35 et 36):</p>
-
-<p class="quote">Et je me trouve encor la main qui crayonna<br />
-L'me du grand Pompe et l'esprit de Cinna.</p>
-
-<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> Tome II, p. 529.</p>
-
-<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> Tome I, p. 221 et 222.</p>
-
-<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> <i>Notes sur la vie de Corneille</i>, en tte de <i>Corneille la butte
-Saint-Roch</i>, p. <span class="small1">XXIII</span> et <span class="small1">XXIV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> <i>&OElig;uvres</i>, dition de 1742, tome III, p. 117.</p>
-
-<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> Lettre de Mlle Dupr Bussy, 29 janvier 1675. <i>Correspondance
-de Roger de Rabutin, comte de Bussy</i>, publie par M. Lalanne, tome II,
-p. 213.</p>
-
-<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> <i>Prface de Pulchrie.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> Voyez tome I, p. 258.</p>
-
-<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> Tome III, p. 370.</p>
-
-<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> Tome IV, p. 225 et suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> <i>Lettres de Mme de Svign</i>, tome III, p. 192.</p>
-
-<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> lia Pulcheria, ne le 19 janvier 399, petite-fille de Thodose
-le Grand, deuxime fille d'Arcadius et d'lia Eudoxia, fut dclare
-Auguste et impratrice le 4 juillet 414, pour prendre soin de tout
-l'empire et de son frre Thodose, qui n'avoit que deux ans de moins
-qu'elle. Pulchrie consacra sa virginit Jsus-Christ, et son exemple
-fut suivi par ses trois s&oelig;urs Flaccille, Arcadie et Marine. C'est par son
-influence que furent convoqus les conciles d'phse et de Chalcdoine.
-L'glise grecque la vnre comme sainte et clbre sa fte le
-15 septembre. La disgrce de Pulchrie et son loignement passager
-de la cour eurent lieu en 447. Dans <i>Attila</i>, Corneille indique, en
-quatre vers, le caractre de cette princesse et la position qu'elle occupait;
-aprs avoir parl de plusieurs souverains qui se laissent gouverner
-par ceux qui les entourent, Valamir ajoute:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Le second Thodose avoit pris leur modle:</p>
-<p>Sa s&oelig;ur cinquante ans le tenoit en tutelle,</p>
-<p>Et fut, tant qu'il rgna, l'me de ce grand corps,</p>
-<p>Dont elle fait encor mouvoir tous les ressorts.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4">(Acte I, scne <span class="small1">II</span>, vers 205-208.)</p>
-</div></div>
-
-<p>Peut-tre est-ce en crivant ce passage que l'ide de mettre au thtre
-le personnage de Pulchrie s'est prsente notre pote.</p>
-
-<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> Dans sa <i>Prface de Pulchrie</i>, Voltaire dit que Martian ou
-Marcien avait soixante et dix ans au moment o il se maria. C'est
-une assez grave erreur. Marcien, n en 391, n'avait que neuf ans de
-plus que l'Impratrice. Marcien, qui avait pass dix-neuf ans au
-service domestique et militaire d'Aspar (patrice et gnral romain)
-et de son fils, et qui avait fait sous leurs ordres les guerres de Perse
-et d'Afrique, tait parvenu, grce leur protection, au rang de
-tribun et de snateur. Thodose mourut le 20 juin ou le 28 juillet
-450; Marcien, dclar empereur le 24 ou le 25 aot, pousa ensuite
-Pulchrie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> Lon I<sup>er</sup>, dit le Thrace, l'Ancien ou le Grand, rgna de 457
- 474. Il avait t intendant d'Aspar, qui par son crdit le fit parvenir
- l'empire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> Aspar, Alain de naissance et arien de religion, fit ses premires
-armes sous la conduite de son pre, Ardaburius, gnral de Thodose
-II, qui commandait en 421 l'arme qui marcha contre les
-Perses. Il devint son tour gnral de Thodose, conserva son
-crdit sous Marcien, et en 457, la mort de ce prince, il tait le
-personnage le plus considrable de l'Empire. Il fut massacr en 471.</p>
-
-<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> <i>Aye t.... ait pass</i>: tel est le texte des deux ditions publies
-du vivant de Corneille; voyez tome VI, p. 611, note 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_376">376</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) donnent: qu'il
-l'a t.</p>
-
-<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> Presque tous les personnages de cette pice sont historiques.
-Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_376">376</a>-<a href="#Page_378">378</a>, l'avis <i>Au lecteur</i> et les notes qui l'accompagnent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> Dans l'dition de 1692 il y a simplement: sous Thodose.</p>
-
-<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> Voyez ci-dessus la <i>Notice</i>, p. <a href="#Page_373">373</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> Non pas quinze ans, mais plus de trente, ainsi qu'il rsulte du propre
-tmoignage de Corneille (voyez ci-dessus, p. 376 et note 2). Comme il donne
-de l'amour Pulchrie, il cherche dissimuler son ge aux spectateurs. <i>Quinze</i>
-<i>ans</i> ne marque pas la dure du gouvernement de Pulchrie, mais c'est l'ge
-qu'elle avait lorsqu'elle empita le gouvernement sur son frre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> L'dition de 1682 donne seule ici le singulier <i>vouloit</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> L'dition de 1692 a chang <i>nous</i> eu <i>vous</i>; Voltaire (1764) a gard
-<i>nous</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> On a rapproch de ce passage ces vers de Voltaire (<i>Mort de Csar</i>,
-acte III, scne <span class="small1">IV</span>):</p>
-
-<p class="quote">Ce colosse effrayant dont le monde est foul,<br />
-En pressant l'univers, est lui-mme branl.</p>
-
-<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> Procope, Arobinde et Ardabure, qui est nomm trois vers plus loin,
-avaient command les troupes romaines dans la guerre de 421 contre les
-Perses. Voyez <i>l'Histoire ecclesiastique</i> de Socrate, livre VII, chapitres <span class="small1">XVIII</span>
-et <span class="small1">XX</span>. Arobinde figure avec Aspar dans les Fastes consulaires, l'anne 434.</p>
-
-<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> Si nous en croyons Socrate (au chapitre xviii dj cit), c'est Arobinde
-qui tua en combat singulier le plus brave des Perses. Quant Ardabure,
-il surprit et fit prir dans une embuscade sept des principaux officiers de leur
-arme.</p>
-
-<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> Athnas, fille du sophiste athnien Lontius, embrassa le christianisme,
-prit le nom d'Eudoxie, et, grce l'influence de Pulchrie, pousa Thodose II
-le 7 juin 421. Souponne d'infidlit par son mari, elle se retira Jrusalem,
-o elle mourut en 460.</p>
-
-<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> On lit <i>Vous m'aimiez</i>, pour <i>Vous m'aimez</i>, dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> lia Eudoxia, mre de Pulchrie, pousa Arcadius en 395 et mourut
-en 404. Galla Placidia Augusta, s&oelig;ur d'Arcadius et d'Honorius, et par consquent
-tante de Pulchrie, pousa un gnral d'Honorius, Constance III, qui
-reut le titre d'Auguste en 421, et dont elle eut Honoria (voyez ci-dessus,
-p. 104, note 1) et Valentinien III.</p>
-
-<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> Dans l'dition de 1692:</p>
-
-<p class="quote">Vous avez mes souhaits, vous <i>avez</i> mes amis.</p>
-
-<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> Il y a ici une faute commune aux deux ditions de 1673 et de 1682: le
-pronom <i>vous</i> manque dans l'une et dans l'autre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> Les deux ditions publies du vivant de Corneille (1673 et 1682) ont
-ici encore une mme faute: <i>Porcope</i>, pour <i>Procope</i>; partout ailleurs elles
-portent <i>Procope</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> Dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire (1764):</p>
-
-<p class="quote">Et les <i>plus</i> couts sont <i>les</i> plus mal suivis.</p>
-
-<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> Suivant Fontenelle, Corneille parle ici de lui-mme. Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_374">374</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> L'dition de 1682 a ici une faute qui dnature le sens: <i>digne</i>, au singulier,
-au lieu de <i>dignes</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> Voyez tome 1, p. 205, note 3.</p>
-
-<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> Tel est le texte des deux ditions publies du vivant de Corneille
-(1673 et 1682). Thomas Corneille (1692) donne <i>promettre</i>; Voltaire (1764) a
-gard <i>permettre</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> Voyez ci-dessus, p. 381, note <a href="#FNanchor_375">375</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> On lit <i>Qu'a fait</i>, sans accord, dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764), il y a <i>sauvez</i>, au lieu de <i>sauver</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> Voltaire (1764) a chang <i>l'envoira</i> en <i>l'enverra</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont substitu <i>vous plains
-nous plains</i>, qui est la leon des deux ditions publies du vivant de l'auteur
-(1673 et 1682).</p>
-
-<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> L'dition de 1682 porte seule <i>emplir</i>, au lieu de <i>remplir</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> <i>Garder</i> a t chang en <i>gagner</i> dans l'dition de 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> <i>Le dmon</i>, le gnie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> <i>Var.</i> Je vous vois un c&oelig;ur grand, une vertu sublime. (1673)</p>
-
-<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> Il y a <i>digne</i>, au singulier, dans toutes les ditions anciennes, y compris
-celles de 1692 et de Voltaire (1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> Voyez ci-dessus l'avis <i>Au lecteur</i>, p. <a href="#Page_377">377</a>: Elle proposa son mariage
- Martian, la charge qu'il lui permettroit de garder sa virginit, qu'elle
-avoit voue et consacre Dieu.</p>
-
-<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> Voici pour ce vers la leon de 1692:</p>
-
-<p class="i4 quote">Mais si vous la piquiez un peu de jalousie.</p>
-
-<p>&mdash;L'dition de 1682 a <i>piquez</i> et <i>brouillez</i>, au prsent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> Dans l'dition de 1692: Voil ce que je sais.</p>
-
-<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> Thomas Corneille (1692) a remplac <i>en vain</i> par <i>enfin</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> Cet hmistiche se trouve dans <i>Polyeucte</i>. Voyez tome III, p. 501,
-vers 323.</p>
-
-<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> On lit: Qu'ainsi <i>de</i> lui, dans les deux ditions de 1673 et de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> Thodose le Grand et Arcadius.</p>
-
-<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> L'dition de 1682 porte par erreur <i>Quand</i>, pour <i>Que</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> On lit: Je pourrois, pour Et pourrois, dans l'dition de 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> Aprs la mort de Valens, Gratien proposa Thodose de partager l'empire
-et le proclama empereur d'Orient.</p>
-
-<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> L'dition de 1692 porte, par erreur: et <i>voir</i> d'un &oelig;il d'envie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> On lit <i>Et</i>, pour <i>En</i>, dans l'dition de 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> Cette expression a t blme par Boubours (<i>Remarques nouvelles sur la
-langue franoise</i>, 1675, in-4<sup>o</sup>, p. 385). Non-seulement Mnage en fait l'loge,
-mais il ajoute: J'ai ou dire plus d'une fois M. Corneille que ce vers:</p>
-
-<p class="quote">Prtez-moi votre main, je vous donne l'empire,</p>
-
-<p>toit un des plus beaux qu'il et jamais faits. (<i>Observations de M. Mnage
-sur la langue franoise. Segonde partie</i>, 1676, in-12, p. 149.) Voyez le <i>Lexique</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> L'dition de 1682 a la leon impossible: <i>notre</i>, pour <i>votre</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> Cet hmistiche termine la scne III dans l'dition de 1692, ainsi que
-dans celle de Voltaire (1764), qui donne <i>entrer</i>, pour <i>rentrer</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> On ne manque jamais leur applaudir (<i>aux rois</i>) quand on entre dans
-leurs sentiments; et le seul moyen de leur contredire avec le respect qui leur
-est d, c'est de se taire. (<i>Examen</i> du <i>Cid</i>, tome III, p. 93.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> Tel est le texte de l'dition de 1682 et de celles de Thomas Corneille (1692)
-et de Voltaire (1764). L'impression originale (1673) donne seule: penchs
-vers le tombeau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> Comparez ce vers le vers 430 de <i>Polyeucte</i>:</p>
-
-<p class="quote">De son dernier soupir puisse lui faire hommage!</p>
-
-<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_377">377</a>, et la note <a href="#Footnote_367">367</a> de la p. 378.</p>
-
-<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> On lit dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire (1764): <span class="small1">LON</span>, <i>
-Justine</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> <i>D'une autre</i> est la leon de Thomas Corneille et de Voltaire. Les
-ditions antrieures (1673 et 1682) ont <i>d'un autre</i>. Voyez tome 1, p. 228,
-note 3-<i>a</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> <i>Avertissement</i> du <i>Thtre de P. Corneille</i>, p. <span class="small1">LXXI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> Voyez l'histoire de la Chine, par le P. du Halde, jsuite. (<i>Note
-de Jolly.</i>)&mdash;L'ouvrage de du Halde n'a t indiqu dans cette note
-qu' titre de renseignement et non comme la source laquelle Corneille
-aurait puis; son histoire ou plutt sa <i>Description gographique,
-historique, etc., de l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise</i>, n'a
-paru qu'en 1735. Il y est question en divers endroits, aux tomes I
-et III, d'Usangey (<i>Ou san guey</i>), ce fameux gnral chinois qui ayant
-introduit les Tartares dans la Chine pour exterminer les rebelles, et
-contribu, sans le vouloir, la conqute qu'ils en firent, forma le
-projet de dlivrer sa patrie du joug tartare. (Tome III, p. 113.) Il
-mourut accabl de vieillesse, aprs avoir reu la dignit de roi et le
-titre de <i>Ping si</i>, pacificateur d'Occident. (Tome I, p. 467 et 476.)
-Le livre o Corneille avait pris ce sujet chinois est sans doute celui
-du missionnaire jsuite Martin Martini, qui fut publi Rome
-en 1654, sous ce titre: <i>De Bello Tartarico in Sinis</i> (in-12), qui fut
-traduit, ds cette mme anne 1654, et en italien, et en franais
-(sous ce titre: <i>Histoire de la guerre des Tartares contre la Chine, traduite
-du latin du P. Martini</i>), puis de nouveau en franais par
-le P. Semedo, la suite de l'<i>Histoire de la Chine</i> (Lyon, 1667
-in-4<sup>o</sup>).</p>
-
-<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> <i>Histoires</i>, livres II, III et IV.</p>
-
-<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> Tome III, feuillet 1329 recto.</p>
-
-<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> <i>Lettres de M. Bayle</i>, publies sur les originaux par des Maizeaux,
-Amsterdam, 1729, tome I, p. 61 et 62.</p>
-
-<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> Voyez la <i>Vie de Crassus</i> de Plutarque. Quant Appien, s'il a
-rellement crit l'histoire de la guerre des Parthes, comme il promet
-de le faire au chapitre <span class="small1">XVIII</span> du livre II de ses <i>Guerres civiles</i>, o il
-mentionne en deux mots la dfaite et la mort de Crassus, cette partie
-de son ouvrage n'est point parvenue jusqu' nous. Le livre de la
-<i>Guerre des Parthes</i> qu'on a mis sous son nom est tout simplement un
-extrait des <i>Vies de Crassus</i> et <i>d'Antoine</i>, de Plutarque.</p>
-
-<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> Voltaire reproche Corneille de s'tre mpris: Surna, dit-il,
-n'est point un nom propre; c'est un titre d'honneur, un nom de dignit.
-Cette critique ne fait que reproduire l'opinion adopte par tous
-les modernes sur la foi de Zosime; mais cette opinion est une erreur.
-Saint-Martin, dans ses notes sur l'<i>Histoire du bas empire</i> de le Beau
-(tome III, p. 79), a prouv, par le tmoignage des auteurs armniens,
-que Surna tait bien un nom propre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> Surena n'estoit point homme de basse ou petite qualit, ains
-le second des Parthes aprs le Roy, tant en noblesse qu'en richesse et
-en reputation; mais en vaillance, suffisance et experience au fait
-des armes, le premier personnage qui fust de son temps entre les
-Parthes, et au demourant en grandeur et beault de corps ne cedant
-a nul autre. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXI</span>, traduction
-d'Amyot.)&mdash;Un peu plus loin, dans le mme chapitre, Plutarque
-dit que Surna n'avait pas encore trente ans.</p>
-
-<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> Ce roi, que Plutarque nomme Hyrodes (<i>Vie de Crassus</i>, chapitre
-<span class="small1">XXI</span>), est appel Orodes par Appien (<i>Guerres de Syrie</i>, chapitre <span class="small1">LI</span>),
-et par la plupart des auteurs, et cette dernire forme a prvalu. Il
-tait fils de Phraate III et mourut l'an 36 avant Jsus-Christ. Voyez
-ci-aprs, p. 498, note <a href="#FNanchor_466">466</a>, et p. 530, note <a href="#FNanchor_488">488</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> Pacorus, fils an d'Orode, contribua la victoire de Carrhes
-(en Msopotamie), remporte sur Crassus l'an 53 avant Jsus-Christ.
-Dfait en l'an 38 par Ventidius, il prit dans la bataille.</p>
-
-<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> Voyez ci-dessus, p. 460, notes <a href="#Footnote_429">429</a> et <a href="#Footnote_430">430</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> Dans le rcit de Plutarque, c'est Sillace qui apporte la tte de
-Crassus et la jette aux pieds du roi Orode, au milieu d'une reprsentation
-des <i>Bacchantes</i> d'Euripide. Voyez la <i>Vie de Crassus</i>, chapitre
-<span class="small1">XXXIII</span>. Plus haut, au chapitre <span class="small1">XXI</span>, Sillace est nomm avec Surna,
-comme un des gnraux des Parthes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> Personnage d'invention. Dans l'histoire ce n'est pas la fille,
-mais la s&oelig;ur d'Artabase (successivement <i>Artabaze</i> et <i>Artavasde</i> dans
-Plutarque) qui est fiance Pacorus, et elle n'est point nomme:
-voyez Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXXIII</span>. Peut-tre Corneille
-a-t-il pris l'ide de ce changement dans une indication marginale
-fautive de l'Appien de Tollius (Amsterdam, 1670), o l'on lit <i>Artabazis
-filia</i> (au lieu de <i>soror</i>) <i>Pacoro desponsata</i>. Quant aux deux
-derniers personnages, ils n'ont rien d'historique.</p>
-
-<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> (<i>Surna</i>) auoit remis le Roy Hyrodes.... en son royaume, duquel
-il auoit est dechass, et luy auoit conquis la grande cit de
-Seleucie. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXI</span>, traduction d'Amyot.)&mdash;Sleucie
-tait situe dans la Babylonie, sur un canal qui
-joignait le Tigre l'Euphrate.</p>
-
-<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> <i>Hcatompylos</i>, ville de l'ancienne Hyrcanie, tait devenu la capitale de
-Parthes, et la rsidence ordinaire des Arsacides.</p>
-
-<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> On blasme aussi grandement les occupations ausquelles il vaqua pendant
-qu'il fut de sejour en la Syrie, comme tenant plus du marchand que du
-capitaine. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XVII</span>, traduction d'Amyot.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> Voyez plus haut, p. 462, note <a href="#Footnote_436">436</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> Le questeur Cassius tait un des principaux officiers de Crassus; il est
-nomm plusieurs fois dans Plutarque: voyez la <i>Vie de Crassus</i>, chapitres <span class="small1">XVIII</span>
-et <span class="small1">XXII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont remplac l'infinitif par
-l'imparfait: avoit le mme emploi.</p>
-
-<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> Voyez ci-dessus, p. 460, note <a href="#FNanchor_430">430</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> Ce qui plus l'asseura (<i>Crassus</i>) et l'encouragea, fut Artabazes le roy
-de l'Armenie, lequel vint deuers luy en son camp avec six mille cheuaux.
-(Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XIX</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> Voyez le rcit de la mort de Publius, fils de Marcus Crassus, au chapitre
-<span class="small1">XXV</span> de la <i>Vie de Crassus</i> par Plutarque, et celui de la mort de Marcus
-Crassus lui-mme au chapitre <span class="small1">XXXI</span> du mme ouvrage.</p>
-
-<p>Hyrodes ayant.... diuis ses forces en deux, luy auec vne partie alloit
-destruisant le royaume d'Armenie pour se venger du roy Artabazes, et auoit
-enuoy Surena l'encontre des Romains. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre
-<span class="small1">XXI</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> Plutarque mentionne ce trait: Hyrodes, dit-il, auoit desia fait appointement
-et alliance auec Artabazes le roy d'Armenie. (<i>Vie de Crassus</i>,
-chapitre <span class="small1">XXXIII</span>.) Mais, comme nous l'avons dj remarqu (ci-dessus, P.462,
-note 5), il s'agissait du mariage de la s&oelig;ur, et non de la fille d'Artabase, avec
-Pacorus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> On lit: d'aimer <i>ou</i> de har, dans l'dition de 1692. Voltaire (1764)
-a gard <i>ni</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> L'dition de 1692 a chang <i>la</i> en <i>le</i>: qui vous le sacrifie. Voltaire
-(1764) a gard <i>la</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> Par une singulire erreur, la premire dition (1675) porte <i>Madame</i>,
-pour <i>Mandane</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> L'dition de 1692 et celle de Voltaire (1764) portent <i>en leur main</i>, au
-singulier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> On lit: pour tout autre, au masculin, dans l'dition de 1682. Voyez
-tome I, p. 228, note 3-<i>a</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> Voyez ci-dessus, p. <a href="#Page_474">474</a>, vers 268.</p>
-
-<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> Il y a <i>toute</i>, au fminin, dans toutes les ditions anciennes, y compris
-celles de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764).</p>
-
-<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> Voltaire (1764) a substitu <i>l'aimer</i> <i>m'aimer</i>, qui est la leon de toutes
-les ditions antrieures.&mdash;Dans le second hmistiche, l'dition de 1682, par
-une erreur vidente, a <i>le</i>, pour <i>la</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> L'dition de 1682 porte: A vous <i>le</i> refuser.</p>
-
-<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> Thomas Corneille (1692), et Voltaire aprs lui (1764), ont corrig <i>tous
-prts</i> en <i>tout prts</i>; et un peu plus loin, au vers 610, <i>Tous matres</i> en <i>Tout
-matres</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> Voyez tome I, p. 150, note 1-<i>a</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> On lit: <i>un</i> autre vous-mme, dans l'dition de 1692. Voltaire a conserv
-la leon des ditions antrieures: une autre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> L'dition de 1692 porte: S'tre empar <i>du</i> bien....</p>
-
-<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> La mme situation et une pense analogue se trouvaient dj dans <i>Tite
-et Brnice</i>. Domitian y dit Brnice (acte III, scne <span class="small1">II</span>, vers 799 et 800):</p>
-
-<p class="quote">Les scrupules d'tat, qu'il falloit mieux combattre,<br />
-Assez et trop longtemps nous ont gns tous quatre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> Corneille avait dit au I<sup>er</sup> acte, scne II, de <i>Cinna</i> (vers 73 et 74):</p>
-
-<p class="quote">Les bienfaits ne font pas toujours ce que tu penses;<br />
-D'une main odieuse ils tiennent lieu d'offenses;</p>
-
-<p>et Racine, au IV<sup>e</sup> acte, scne <span class="small1">VI</span>, de son <i>Iphigenie</i>, qui fut joue plusieurs mois
-avant <i>Surna</i>, en fvrier 1674:</p>
-
-<p class="quote">Un bienfait reproch tint toujours lieu d'offense.</p>
-
-<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> Voyez ci-dessus, p. 462, note <a href="#Footnote_436">436</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> Voyez ci-dessus, p. 466, note <a href="#Footnote_444">444</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> Cette scne rappelle en plus d'un endroit la 1<sup>re</sup> scne du III<sup>e</sup> acte d'<i>Agsilas</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> Ici encore Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) donnent: tout
-prts. Comparez plus haut, p. 488, vers 600 et 610.</p>
-
-<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> Dans les auteurs anciens la forme ordinaire de ce nom est <i>Phraates</i>,
-<i>Phrahates</i>; cependant on trouve <i>Phradates</i> dans Quinte-Curce (livre VI, chapitre
-<span class="small1">V</span>). Le frre de Pacorus fut, aprs la mort de celui-ci, associ au trne
-par Orode, et rgna aprs lui sous le nom de Phraate IV. Voyez plus loin,
-p. <a href="#Page_530">530</a>, la note (<a href="#FNanchor_487">487</a>) du vers 1648.</p>
-
-<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> Mithridate III, fils et successeur de Phraate III, et frre d'Orode, tait
-mont sur le trne par l'assassinat de son pre, l'an 58 avant Jsus-Christ. Orode
-ayant voulu s'emparer de la couronne, fut d'abord vaincu par lui, puis le
-vainquit plusieurs fois son tour sans pouvoir le rduire, et finit par le faire
-mettre mort. Corneille, qui nous a prvenus dans l'<i>Avertissement de Rodogune</i>
-qu'il avait vit de nommer dans ses vers la Clopatre qu'il introduit dans cet
-ouvrage, de peur qu'on ne la confondt avec la reine d'gypte (voyez tome IV,
-p. 416), a, sans doute par un scrupule analogue, chang le nom de Mithridate,
-que Racine avait l'anne prcdente remis en mmoire tous, en celui de Mithradate,
-qui ne peut donner lieu aucune confusion, et qui du reste se trouve
-sur des mdailles.&mdash;Les ditions anciennes donnent trois fois dans cette scne
-<i>Mitradate</i>, sans <i>h</i>; mais plus loin, aux vers 1445 et 1644, elles portent <i>Mithradate</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> Thomas Corneille (1692) a ainsi modifi ce vers:</p>
-
-<p class="quote">Que vouloir ou me perdre ou la faire rgner.</p>
-
-<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> Il (<i>Surna</i>) faisoit en tout de ses subjects et vassaux plus de dix mille
-cheuaux. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, chapitre <span class="small1">XXI</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> Dans l'dition de 1692: <i>on</i> et eu tant d'esprit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> L'dition de 1692 a chang <i>plus</i> en <i>point</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): <span class="small1">PALMIS</span>, <i>seule</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> On lit: Et que ne <i>nous</i> dit point, dans l'dition de 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> Antigone, dans la tragdie de Sophocle qui porte son nom (vers 901 et
-suivants), exprime avec plus de force la mme ide, et dit que la perte d'un
-frre est plus grande que celle d'un fils et d'un poux, parce qu'elle est plus
-irrparable.&mdash;Voyez aussi la tragdie d'<i>Horace</i>, vers 895-916.</p>
-
-<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> L'dition de 1682 porte: Et <i>de</i> trop d'union....</p>
-
-<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> Voltaire (1764) a remplac <i>moi-mme</i> par <i>vous-mme</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> L'dition de 1692 a chang <i>veuilliez</i> en <i>vouliez</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> L'dition de 1692 et celle de Voltaire (1764) ont chang <i>plus</i> en <i>point</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont modifi ce vers par une
-inversion:</p>
-
-<p class="quote">C'est de quoi de nouveau tout mon c&oelig;ur vous conjure.</p>
-
-<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> On lit dans l'dition de 1692 et dans celle de Voltaire (1764): de <i>n'en</i>
-pas triompher.</p>
-
-<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> L'dition de 1682 porte, par erreur, <i>renonce</i>, pour <i>retourne</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> L'dition de 1692 a chang <i>Qu'il aimoit</i> en <i>Qu'il aime</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> L'dition de 1692 porte: <i>ne</i> font que mieux leur cour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> Dans l'dition de Voltaire (1764): qu'on voit y succder.</p>
-
-<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> Voyez ci-dessus, p. 498, notes <a href="#Footnote_465">465</a> et <a href="#Footnote_466">466</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> Thomas Corneille (1692) a ainsi modifi cet hmistiche:</p>
-
-<p class="quote">Qui fait tant de jaloux....</p>
-
-<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> Voyez plus haut, p. 498, note <a href="#Footnote_466">466</a>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> Les deux ditions publies du vivant de Corneille (1675 et 1682) portent:
-Que j'ai vu blouir, ce qui fait un non-sens et un hiatus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> Hyrodes, aprs auoir perdu son fils Pacorus en vne bataille, o il fut
-desfait par les Romains, deuint malade d'vne maladie qui se tourna en hydropisie;
-et son second fils, Phraates, luy cuydant auancer ses jours, luy donna
-boire du jus de l'aconite. La maladie recent le poison, de sorte qu'ilz se chasserent
-l'vn l'autre hors du corps: l'occasion de quoy Phraates voyant que
-son pere commenceoit se mieux porter, pour auoir plus tost fait, l'estrangla
-luy-mesme. (Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, <span class="small1">XXXIII</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Voltaire (1764) a chang le futur en un conditionnel: et pourriez-vous
-attendre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> C'est ici seulement que Voltaire termine la scne <span class="small1">IV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> Hyrodes feit mourir Surena pour l'envie qu'il porta sa gloire.
-(Plutarque, <i>Vie de Crassus</i>, <span class="small1">XXXIII</span>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> L'dition de 1692 a chang <i>ces douleurs</i> en <i>les douleurs</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> A la page <span class="small1">IX</span> du tome I du <i>Thtre des Grecs</i> du P. Brumoy (dition
-de 1785), on trouve un <i>Arrangement des tragdies suivant l'ordre historique
-des sujets</i>. Il nous a sembl qu'une table du mme genre ne serait pas sans
-utilit pour les pices de Corneille, et qu'elle contribuerait peut-tre faire
-ressortir l'intrt historique de quelques-uns de ses derniers ouvrages, qui,
-au point de vue littraire, n'en prsentent pas un bien grand.</p>
- </div>
- </div>
-</div>
-
-
-<div class="chapter">
-<h2 class="normal">TABLE DES MATIRES<br />
-<span class="large">CONTENUES DANS LE SEPTIME VOLUME.</span></h2>
-</div>
-
-<table id="ToC" summary="contents">
-<tr>
-<td class="tdlt">AGSILAS, tragdie</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_3">3</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_5">5</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes
-d'<i>Agsilas</i></span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_7">7</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i15 small1">Agsilas</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_9">9</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdlt">ATTILA, <span class="small1">roi des Huns,</span> tragdie</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_97">97</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_99">99</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_103">103</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes
-d'<i>Attila</i></span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_107">107</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i15 small1">Attila</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_109">109</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdlt">TITE ET BRNICE, comdie hroque</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_183">183</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_185">185</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Extrait de Xiphilin</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_197">197</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes
-de <i>Tite et Brnice</i></span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_199">199</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i15 small1">Tite et Brnice</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_201">201</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdlt">PSYCH, tragdie-ballet</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_277">277</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_538"> 538</a></span></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_279">279</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Le libraire au lecteur</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_287">287</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes
-de <i>Psych</i></span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_289">289</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i15 small1">Psych</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_291">291</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdlt">PULCHRIE, comdie hroque</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_371">371</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_373">373</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_376">376</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes
-de <i>Pulchrie</i></span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_379">379</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i15 small1">Pulchrie</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_381">381</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdlt">SURNA, G<span class="small1">nral des Parthes</span>, tragdie</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_455">455</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Notice</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_457">457</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Au lecteur</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_460">460</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i2">Liste des ditions qui ont t collationnes pour les variantes
-de <i>Surna</i></span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_461">461</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="i15 small1">Surna</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_463">463</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdlt">Table, suivant l'ordre chronologique, des tragdies contenues
-dans les sept volumes du thtre de Corneille</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_535">535</a></td>
-</tr>
-</table>
-
-
-<p class="end"><span class="i2">FIN DE LA TABLE DES MATIRES.</span></p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_539"> 539</a></span></p>
-
-<p class="end">PARIS.&mdash;IMPRIMERIE DE CH. LAHURE<br />
-<span class="i5 xs">Rue de Fleurus, 9</span></p>
-
-
-
-
-
-
-
-
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Oeuvres de P. Corneille, Tome 07, by
-Pierre Corneille
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE P. CORNEILLE, TOME 07 ***
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-To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
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-
-
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
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-
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-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
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-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
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-
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-
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-
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-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations.
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-
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
-works.
-
-Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
-concept of a library of electronic works that could be freely shared
-with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
-Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
-
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
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