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-The Project Gutenberg EBook of Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa
-correspondance, by Edmé-Jacques-Benoït Rathery and Boutron
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-Title: Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa correspondance
-
-Author: Edmé-Jacques-Benoït Rathery
- Boutron
-
-Release Date: December 18, 2016 [EBook #53761]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MADEMOISELLE DE SCUDERY ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/Canadian Libraries)
-
-
-
-
-
-
-
-Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
-typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et
-n'a pas été harmonisée.
-
-
-
-
- MADEMOISELLE
- DE SCUDÉRY
- SA VIE, SA CORRESPONDANCE, &a
-
-
-
-
-PARIS--TYPOGRAPHIE LAHURE
-
-Rue de Fleurus, 9
-
-
-
-
- MADEMOISELLE
- DE SCUDÉRY
- SA VIE ET SA CORRESPONDANCE
- AVEC
- UN CHOIX DE SES POÉSIES
- PAR
- MM. RATHERY ET BOUTRON
-
- [Illustration: logo]
-
- PARIS
- LÉON TECHENER, LIBRAIRE-ÉDITEUR
- RUE DE L'ARBRE-SEC, 52
-
- M DCCC LXXIII
-
-
-
-
-[Illustration: deco]
-
-
-AVANT-PROPOS.
-
-
-_Un écrivain que nous aurons à citer souvent, parce qu'en traçant
-l'_HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE, _il a pris
-pour guide celle à qui le présent volume est consacré, M. Cousin, a
-exprimé plus d'une fois le regret «qu'à la fin du dix-septième siècle, ou
-dans le premier tiers du dix-huitième, on n'ait pas eu l'idée de
-recueillir les petits vers si agréablement tournés que Mlle de Scudéry
-laissait échapper en toute occasion de sa veine facile, et qui charment à
-la fois l'esprit et l'oreille. On aurait pu y joindre, ajoutait-il, un
-choix de lettres sérieuses ou badines sorties de la même plume. Nous
-sommes assuré qu'on eût composé ainsi un volume agréable.»_
-
-_Ce qu'on n'a pas fait alors, peut-être y a-t-il bien de la témérité à
-l'entreprendre aujourd'hui,_ _où l'attention du public semble si
-éloignée de ces curiosités du passé. Et pourtant, est-ce bien le moment
-pour nous de dédaigner les pages brillantes de notre histoire, et l'étude
-de cette sociabilité française qui reste une de nos gloires les plus
-incontestées? Or Mlle de Scudéry a traversé tout le dix-septième siècle;
-ses écrits, son exemple, son entourage, ont contribué à cet avénement de
-la société polie qui en marqua la première moitié, qui prépara les
-splendeurs de la seconde, et que les nations voisines s'efforcèrent à
-l'envi d'imiter de leur mieux. Sans doute elle mêla quelque mauvais goût
-à cette action salutaire; elle raffina sur les sentiments, elle raffina
-sur le style. Il faut que ses lecteurs en prennent leur parti. Après
-tout, mieux vaut le langage des ruelles que celui des clubs: n'abuse pas
-qui veut de la politesse et de l'esprit. Quant aux lectrices, nous
-comptons sur leurs sympathies pour la bonne, l'aimable, l'ingénieuse Mlle
-de Scudéry, et, si elles étaient tentées de se montrer sévères pour la
-précieuse, nous leur rappellerions ce qu'un poëte disait_
-
-
-A UNE DAME EN LUI ENVOYANT LES Å’UVRES DE VOITURE
-
- Voici votre Voiture et son galant Permesse,
- Quoique guindé parfois, il est noble toujours;
- On voit tant de mauvais naturel de nos jours,
- Que ce brillant monté m'a plu, je le confesse.
-
- On voit (c'est un beau tort) que le commun le blesse,
- Et qu'il veut une langue à part pour ses amours,
- Qu'il croit les honorer par d'étranges discours;
- C'est là de ces défauts où le cœur s'intéresse.
-
- C'était le vrai pour lui que ce faux tant blâmé;
- Je sens que volontiers, femme, je l'eusse aimé;
- Il a d'ailleurs des vers pleins d'un tendre génie;
-
- Tel celui-ci, charmant, qui jaillit de son cœur:
- «Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie.»
- Saurez-vous, comme moi, comprendre sa douceur[1]?
-
- [1] Ulric Guttinguer, les _Lilas de Courcelles_, 1842, p. 41.
-
- Mlle de Scudéry, on le verra, fut une des premières à prendre
- parti pour le Sonnet d'Uranie, et l'on a surnommé Guttinguer «le
- dernier des Uranins.»
-
-_Nous devons dire quelques mots sur la manière dont nous avons compris
-nos devoirs d'éditeurs, et sur le plan que nous avons suivi._
-
-_Il y a des auteurs dont le public veut tout connaître; il en est
-d'autres qu'il lui suffit d'envisager par leurs côtés les plus
-caractéristiques. Esquisser leur physionomie en la replaçant dans le
-milieu qui l'éclaire, choisir parmi leurs productions ce qui peut le
-mieux donner l'idée de leur manière,--l'expression n'est pas déplacée
-quand il s'agit de Mlle de Scudéry,--en un mot être fidèle sans_ _se
-croire obligé d'être complet, voilà le but que les éditeurs se sont
-proposé d'atteindre._
-
-_Nous avons été particulièrement sobres dans le choix des Poésies, dont
-le principal mérite consiste dans une grâce facile ou dans des allusions
-aux événements du temps._
-
-_Mais nous avons dû faire une place plus large à la Correspondance, en y
-comprenant non-seulement les lettres écrites par Mlle de Scudéry
-elle-même, mais encore celles qui lui furent adressées par ses
-contemporains. Les premières, malgré des taches provenant de la
-négligence, et, le plus souvent, de l'affectation, ont une véritable
-valeur littéraire et historique. Les secondes donnent peut-être une plus
-haute idée encore de celle à qui elles s'adressent, par les témoignages
-de tendre amitié et de haute estime qu'elles renferment de la part de
-correspondants tels que Mme de Sévigné, la reine Christine, le grand
-Corneille, Bossuet, Leibnitz. Tout en consacrant aux unes et aux autres
-deux séries distinctes, nous avons rapproché celles qui se répondent, et
-ne sauraient être séparées sans inconvénient._
-
-_Bon nombre des lettres que nous publions ici font partie des Manuscrits
-Conrart à la Bibliothèque_ _de l'Arsenal, ou des papiers de l'abbé
-Boisot à la Bibliothèque de Besançon. Beaucoup étaient éparses dans des
-Mémoires, Correspondances ou recueils du temps. Enfin, grâce à
-l'obligeance de certains amateurs, les éditeurs ont pu, aux pièces tirées
-de leurs propres portefeuilles, en joindre d'autres pour la plupart
-inédites. Celles mêmes qui étaient déjà connues par les publications de
-MM. de Monmerqué, Cousin, etc., ont été par nous, à l'occasion,
-complétées, rectifiées, remises à leur vraie place. Nous devons déclarer,
-à ce propos, que nous avons attaché aux dates une importance
-exceptionnelle, et que, grâce à des recherches dont les lecteurs ne
-soupçonneront guères l'étendue et l'opiniâtreté, nous avons tenu à
-dater,--fût-ce approximativement, et en distinguant toujours par des
-crochets nos conjectures des indications fournies par les originaux
-eux-mêmes,--presque toutes les lettres renfermées dans notre volume._
-
-_Nous n'avons pu retrouver toutes celles dont l'existence nous est
-attestée par divers témoignages. Sans parler de la grande lettre à Mlle
-d'Arpajon sur sa retraite aux Carmélites, de l'épître de quinze pages à
-Bossuet au sujet de la mort de Pellisson, il y a des séries entières de
-lettres de Mlle de Scudéry ou à elle adressées, qui ont à peu près
-entièrement disparu. Nous savons, par Chapelain que Conrart lui écrivait
-en Provence «presque toutes les semaines.» Ce même Chapelain ne possédait
-pas moins de soixante-dix-huit lettres de Scudéry ou de sa sœur, comme
-en fait foi le_ CATALOGUE _ou plutôt l'_INVENTAIRE MANUSCRIT _de sa
-bibliothèque. Elle dit elle-même quelque part: «J'ai brûlé plus de cinq
-cents lettres de Pellisson du temps de la Bastille.» Enfin elle resta en
-correspondance jusqu'à la fin de sa vie avec d'anciens amis de Provence:
-Forbin-Janson, Mascaron, Bonnecorse. Combien peu de ces précieux
-documents sont parvenus jusqu'à nous! Cet inventaire de nos pertes, qu'il
-nous aurait été facile de grossir, nous avons tenu du moins à le
-présenter ici, dans l'espoir que le hasard ou ces indications mêmes en
-pourront faire retrouver une partie._
-
-_Nous avons eu pour le texte de notre auteur un respect suffisant, mais
-non superstitieux. Sans l'altérer jamais, nous l'avons abrégé
-quelquefois; nous ne sommes pas parvenus à en faire disparaître des
-répétitions inévitables dans les mentions d'un même fait raconté à des
-personnes différentes, ni des variations faciles à expliquer dans le
-style_ _d'un auteur qui a vu la langue se transformer pendant une longue
-carrière touchant d'un bout à Balzac et de l'autre à La Bruyère. Quant à
-l'orthographe, que Mlle de Scudéry a également vue se modifier, qu'elle a
-contribué à modifier elle-même, nous n'avons pas hésité à lui donner,
-comme l'a fait M. Cousin, les formes modernes, sauf certaines
-particularités ou locutions, dont l'absence aurait produit l'effet d'une
-espèce d'anachronisme._
-
-_Nous ne pouvions songer à faire figurer dans ce volume, même par
-extraits, ni les Romans, dont M. Cousin a donné, surtout pour ce qui
-regarde le_ GRAND CYRUS, _d'assez longs épisodes, ni même--et nous le
-regrettons davantage--les_ CONVERSATIONS MORALES _qui constituent un
-ensemble de préceptes renfermés dans un cadre analogue et difficiles à
-séparer. Nous avons du moins cherché, dans la_ NOTICE _et dans les notes,
-à donner une idée de ces compositions, et à en tirer les éclaircissements
-et les exemples qui pouvaient servir à l'intelligence de la vie et des
-écrits de l'auteur_.
-
-_Parmi les personnes qui ont pris à notre publication l'intérêt le plus
-actif, soit par des communications libérales, soit par des indications
-utiles, nous devons mentionner spécialement MM. le comte_ _de Clapiers,
-Camoin et Blancard, à Marseille, Octave Teissier, à Toulon; M. Toussaint,
-avocat au Havre; M. Tamizey de Larroque; MM. Ravenel et Baudement, de la
-Bibliothèque nationale; Miller et Ad. Regnier de l'Institut; Chambry et
-Gauthier-la-Chapelle récemment enlevés à leurs goûts studieux, et
-plusieurs autres amateurs tels que MM. Dubrunfaut, J. Boilly, Moulin,
-Étienne Charavay, etc._
-
-
-
-
- NOTICE
- SUR
- MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
-
-I
-
-FAMILLE.--PREMIÈRES ANNÉES.--SÉJOUR EN PROVENCE.
-
-1607-1647.
-
-
-En donnant ici, d'après le vœu d'un éminent écrivain, un choix de la
-correspondance et des poésies de Mlle de Scudéry, nous avons cru
-nécessaire de le faire précéder d'une notice sur sa vie, qui embrasse la
-presque totalité du dix-septième siècle, et dont M. Cousin n'a retracé
-que le milieu, correspondant à la date de la publication du _Grand
-Cyrus_. Il a concentré sur ce point unique tout l'intérêt de son tableau,
-laissant dans l'ombre ou n'éclairant que par reflet les autres parties.
-Au milieu des plus grands succès littéraires de l'auteur, il n'a vu, il
-n'a voulu voir que le _Cyrus_, et, dans ce qu'il a dit de la personne
-même de l'écrivain, il a presque complétement passé sous silence ses
-dernières années, si bien remplies par les préceptes et les exemples de
-toutes les vertus d'un sexe dont, sauf la beauté physique, elle posséda
-tous les agréments, sans en avoir connu les faiblesses.
-
-Mais, en racontant la vie de Mlle de Scudéry, il ne suffisait pas de
-retracer les événements d'une existence bien moins accidentée que celle
-de ses héros; il fallait la replacer au milieu du mouvement littéraire et
-social qui en constitue le principal intérêt. Ainsi donc, sa famille, ses
-amis, sa vie commune avec son frère, les sociétés polies qu'elle traversa
-ou qu'elle groupa autour d'elle, son individualité comme femme et comme
-écrivain, la vogue et le déclin des genres de littérature dont elle fut
-la personnification la plus complète, tels seront les principaux éléments
-de l'étude qui va suivre.
-
-Scudéry, Escudéry, Escudier, Escuyer, _Scutifer_ en latin, vieille
-famille d'Apt en Provence, y figure sous ces différents noms, au moins
-depuis le quatorzième siècle. Elle se disait d'origine italienne; on sait
-que c'était une manie assez commune chez les familles provençales.
-Pithon-Curt nous apprend qu'un Jean Scudéry épousa, par contrat passé à
-Lisle en 1360, Marguerite Isnard, dotée par son père Hugues de 1000
-florins d'or, somme considérable pour le temps. Ce Jean Scudéry paraît
-être le même que mentionne Papon, dans son _Histoire de Provence_, parmi
-les partisans de Raymond IV, et dont les biens furent confisqués en 1367
-par la reine Jeanne. Le premier de ces auteurs parle aussi d'un Sébastien
-Scudéry d'Apt qui se maria avec Lucrèce de Guast, suivant contrat du 7
-avril 1480. A la même famille appartenaient Jacques Escudier, notaire à
-Apt en 1535, Jean Escudier, 3e consul d'Avignon en 1599 et en 1618, enfin
-Elzéar Escuyer ou Scudéry[2], qui porta les armes avec distinction et fut
-lieutenant de Simiane de la Coste, gouverneur de cette ville sous Charles
-IX. Vers la fin du seizième siècle, son fils Georges, après s'être fait
-une certaine réputation militaire dans son pays, quitta Apt, et, sous le
-nom, désormais adopté, de Scudéry[3], suivit la fortune du seigneur de
-Brancas-Villars, d'abord à Lyon, dont ce seigneur fut gouverneur pour la
-Ligue, puis à Rouen, qu'il défendit contre Henri IV et où Scudéry
-commandait le fort Sainte-Catherine[4], et enfin, lorsque son protecteur
-fut devenu amiral de Villars et gouverneur du Havre, dans cette dernière
-ville où Georges de Scudéry aurait été lieutenant ou plutôt capitaine des
-ports[5].
-
- [2] Un historien de la ville d'Apt, Boze, lui donne le premier de
- ces deux noms; un autre, dont l'histoire est restée inédite,
- Remerville, l'appelle Scudéry, et, en mentionnant Jacques
- Escudier, notaire en 1535, dit positivement que la famille était
- connue sous ce dernier nom depuis plusieurs siècles, lorsqu'elle
- s'avisa de le changer en celui de Scudéry. Il est donc probable
- que cette forme n'a été qu'une traduction après coup du
- _Scutifer_ des actes latins.
-
- [3] Cependant son acte de mariage, en 1599, porte encore: Georges
- de Scudéry ou Lescuyer.
-
- [4] _Les Fastes des rois de la Maison d'Orléans et de celle de
- Bourbon_ (par le P. Du Londel). Paris, 1697, p. 110.
-
- [5] Conrart nous paraît avoir un peu embelli la situation,
- lorsqu'il parle «d'emplois considérables» qu'aurait eus ce
- personnage, «entr'autres la charge de lieutenant du
- Hâvre-de-Grâce, place importante de la province, sous l'amiral de
- Villars qui en était gouverneur.» Nous avons trouvé à la
- Bibliothèque nationale une quittance du 20 avril 1605 signée:
- Georges de Scudéry, capitaine des ports.
-
-Quoi qu'il en soit de ces antécédents des Scudéry, qu'ils ne nous
-auraient pas pardonné d'omettre, eux qui se piquaient tant d'armes et de
-noblesse, notre Provençal transplanté en Normandie se maria en 1599 à
-Madeleine de Goustimesnil, d'une bonne famille de cette province, et en
-eut Georges et Madeleine, nés tous deux au Havre, le premier en 1601, et
-la seconde en 1607[6]. Il est difficile de séparer la biographie du frère
-d'avec celle de la sœur, puisqu'ils vécurent ensemble jusqu'au mariage
-du premier, malgré la différence de leurs caractères, «la sœur, dit M.
-Cousin, étant aussi modeste qu'il était vain, et d'une humeur aussi douce
-et facile qu'il l'avait fanfaronne et querelleuse.» Tallemant des Réaux,
-moins indulgent, trace ainsi le même parallèle: «Sa sœur a plus d'esprit
-que lui et est tout autrement raisonnable, mais elle n'est guère moins
-vaine. Elle dit toujours: Depuis le renversement de notre maison; vous
-diriez qu'elle parle du renversement de l'Empire grec.» Si l'on en croit
-Conrart, «le duc de Villars ayant succédé à l'amiral son frère dans le
-gouvernement de Normandie, sa femme prit en telle haine ce lieutenant,
-après l'avoir trop aimé, qu'elle ruina toutes ses affaires.» Ici Conrart
-nous paraît être l'écho complaisant des fanfaronnades de Scudéry.
-Toujours est-il que le père en mourant, comme il le dit: «ne laissa pas
-ses affaires en bon état[7].» La mère, femme de mérite, donna ses soins à
-la première éducation de sa fille, mais elle ne tarda pas à suivre son
-mari[8], et la jeune Madeleine[9] fut recueillie par un de ses oncles qui
-avait l'esprit très-droit et très-cultivé, et qui avait vécu à la cour de
-trois de nos rois[10].
-
- [6] Tous les biographes de Mlle de Scudéry la font naître en
- 1607. Les bulletins de Clément, à la Bibliothèque nationale,
- ajoutent la date du 15 novembre. D'un autre côté, le registre des
- baptêmes de la paroisse de Notre-Dame, au Havre, constatent que
- Georges fut baptisé le 22 août 1601, et Madeleine le 1er décembre
- 1608. Nous devons ces deux dernières indications, ainsi que celle
- qui concerne l'acte de mariage du père, à l'obligeance de M. G.
- Toussaint, avocat au Havre.
-
- [7] Un document cité par M. Livet, _Précieux et Précieuses_, 2e
- édition, p. 209, nous le montre emprisonné pour dettes, à la date
- du 23 octobre 1610.
-
- [8] D'après la même autorité, le père serait mort en 1613, et la
- mère six mois après.
-
- [9] Tout cela est un peu arrangé dans le _Cyrus_: «Sapho n'avoit
- que six ans lorsque ses parents moururent. Il est vrai qu'ils la
- laissèrent sous la conduite d'une parente qui avoit toutes les
- qualités nécessaires pour bien conduire une jeune personne.» T.
- X, l. II.
-
- [10] Conrart.--_Eloge de Mlle de Scudéry_, par Bosquillon.
-
-Ici nous ne pouvons mieux faire que de suivre, en l'abrégeant, Conrart
-évidemment renseigné par Mlle de Scudéry elle-même sur les détails de sa
-première éducation. «Son oncle, dit-il, lui fit apprendre les exercices
-convenables à une fille de son âge et de sa condition, l'écriture,
-l'orthographe, la danse, à dessiner, à peindre, à travailler en toutes
-sortes d'ouvrages. De plus, comme elle avoit une humeur vive et
-naturellement portée à savoir tout ce qu'elle voyoit faire de curieux et
-tout ce qu'elle entendoit dire de louable, elle apprit d'elle-même les
-choses qui dépendent de l'agriculture, du jardinage, du ménage de la
-campagne, de la cuisine; les causes et les effets des maladies, la
-composition d'une infinité de remèdes, de parfums, d'eaux de senteur et
-de distillations utiles ou galantes, pour la nécessité ou pour le
-plaisir. Elle eut envie de savoir jouer du luth, et elle en prit quelques
-leçons avec assez de succès; mais, comme elle tenoit son temps mieux
-employé aux occupations de l'esprit, entendant souvent parler des langues
-italienne et espagnole, et de plusieurs livres écrits en l'une et en
-l'autre, qui étoient dans le cabinet de son oncle et dont il faisoit
-grande estime, elle désira de les savoir, et elle y réussit
-admirablement. Dès lors, se trouvant un peu plus avancée en âge, elle
-donna tout son loisir à la lecture et à la conversation, tant de ceux de
-la maison qui étoient très-honnêtes gens et très-bien faits, que des
-bonnes compagnies qui y abondoient tous les jours de tous côtés[11].»
-
- [11] Conrart, _Mémoires_, p. 613.
-
-On devinerait sans peine que les romans tinrent une grande place dans ses
-lectures, quand même on n'aurait pas sur ce point le témoignage de
-Tallemant et le sien propre. Elle en recevait un peu de toutes mains, si
-l'on en croit ce que raconte le premier, comme le tenant de la bouche
-même de Mlle de Scudéry: «qu'un D. Gabriel, feuillant, qui étoit son
-confesseur, lui ôta un livre de ce genre, où elle prenoit beaucoup de
-plaisir,» mais pour lui en donner d'autres qui ne valoient guère mieux,
-et qu'il finit par lui laisser le tout, en disant à la mère «que sa fille
-avoit l'esprit trop bien fait pour se laisser gâter à de semblables
-lectures.» Il ajoute que le conseiller huguenot Claude Sarrau lui en
-prêta d'autres ensuite[12].
-
- [12] Tallemant des Réaux, _Historiettes_; _Scudéry et sa sœur_,
- t. VII, p. 49 et suiv., édition de MM. de Monmerqué et Paulin
- Paris. L'_Historiette_ de Mme de Villars, _ibid._, t. I, p. 218,
- nous fournit un nouvel exemple des renseignements que Mlle de
- Scudéry avait fournis à Tallemant sur les hommes et les choses de
- sa jeunesse.
-
-Enfin il faut rapprocher ces renseignements de ce qu'elle nous apprend
-elle-même à ce sujet dans une lettre adressée à Huet lors de la
-publication du _Traité_ de ce dernier _sur l'origine des Romans_ (1670).
-«Vous avez précisément choisi les romans qui ont fait les délices de ma
-première jeunesse et qui m'ont donné l'idée des romans raisonnables qui
-peuvent s'accommoder avec la décence et l'honnêteté, je veux dire
-_Théagène et Chariclée_, _Théogène et Charide_, ainsi que l'_Astrée_;
-voilà proprement les vraies sources où mon esprit a puisé les
-connoissances qui ont fait ses délices. J'ai seulement cru qu'il falloit
-un peu plus de morale, afin de les éloigner de ces romans ennemis des
-bonnes mœurs qui ne peuvent que faire perdre le temps.» Ajoutons que
-Mlle de Scudéry à l'âge de quatre-vingt-douze ans, s'intéressait encore à
-«ces romans qui avoient fait les délices de sa première jeunesse,» car
-c'est sur sa demande que Huet lui écrivait la _Lettre_ du 15 décembre
-1699 _touchant Honoré d'Urfé et Diane de Chasteaumorand_, insérée dans
-les _Dissertations_ de Tilladet, t. II, p. 100.
-
-Suivant une tradition locale difficile à concilier avec ces témoignages
-relatifs à la jeunesse et à l'éducation de Madeleine en Normandie, elle
-aurait, vers l'année 1620, accompagné son frère dans un pèlerinage en
-Provence au berceau de leur famille[13], et c'est lors de leur passage à
-Valence qu'aurait eu lieu l'aventure de l'auberge sur laquelle nous
-reviendrons. Ce qui paraît certain, c'est que Georges fit en effet le
-voyage d'Apt où il retrouva quelques parents, entre autres sa grand'mère
-paternelle qui vécut cent huit ans[14], et que, pendant ce séjour, il
-adressa à une demoiselle du pays, Catherine de Rouyère, ses hommages et
-ses premiers vers[15].
-
- [13] La maison des Scudéry, sise rue des Pénitents-Bleus, à Apt,
- était d'apparence modeste et occupée en 1840 par un menuisier.
- Voy. le _Mercure aptésien_ du 24 mai 1840.
-
- [14] Lettre de Mlle de Scudéry à Mme de Chandiot, du 20 avril
- 1695.
-
- [15] _Histoire du Théâtre français_, par les frères Parfaict, t.
- IV, p. 430.
-
-C'est aussi à cette époque, ou environ, qu'il faut rapporter ces
-fameuses campagnes dont Scudéry a tant parlé en prose et en vers:
-
- Pour moi plus d'une fois le danger eut des charmes
- Et dans mille combats je fus tout hazarder;
- L'on me vit obéir, l'on me vit commander
- Et mon poil tout poudreux a blanchi sous les armes[16].
-
- [16] _Le Dégoust du monde_, dans les _Poésies diverses_, dédiées
- au cardinal de Richelieu, Paris, 1649, in-4º, p. 96. Les auteurs
- du _Voyage de Chapelle et Bachaumont_ ont fait, non sans quelque
- intention ironique, allusion à ces vers, quand ils ont dit, en
- parlant du gouvernement de Notre-Dame-de-la-Garde, qu'on ne le
- donnait qu'à des gens
-
- Qu'on eût vu longtemps commander,
- Et dont le poil poudreux a blanchi sous les armes.
-
-Et dans la préface de son _Ligdamon_ qu'il fit, dit-il, en sortant du
-régiment des Gardes (1631): «Je suis né d'un père qui, suivant l'exemple
-des miens, a passé tout son âge dans les charges militaires, et qui
-m'avoit destiné, dès le point de ma naissance, à pareille forme de vivre.
-Je l'ai suivie par obéissance et par inclination. Toutefois, ne pensant
-être que soldat, je me suis encore trouvé poëte. Ce sont deux métiers qui
-n'ont jamais été soupçonnés de bailler de l'argent à usure, et qui voient
-souvent ceux qui les pratiquent réduits à la même nudité où se trouvent
-la Vertu, l'Amour et les Grâces, dont ils sont les enfants.... Tu
-couleras aisément par dessus les fautes que je n'ai point remarquées, si
-tu daignes apprendre qu'on m'a vu employer la plus grande partie du peu
-d'âge que j'ai, à voir la plus belle et la plus grande Cour de l'Europe,
-et que j'ai passé plus d'années parmi les armes que d'heures dans mon
-cabinet, et usé beaucoup plus de mèches en arquebuse qu'en chandelle: de
-sorte que je sais mieux ranger les soldats que les paroles, et mieux
-quarrer les bataillons que les périodes, etc.»
-
-Il rappelait avec complaisance la part qu'il avait prise aux guerres de
-Piémont sous les ordres du duc de Longueville et du prince de Carignan,
-sa retraite du Pas-de-Suze, ses quatre voyages à Rome, etc.[17] Mais,
-comme le dit Moréri, ses voyages et ses campagnes examinés dans le détail
-se réduisent à peu de choses. Ils ne lui avaient pas, dans tous les cas,
-donné la fortune, puisque Segrais nous le représente mangeant son morceau
-de pain sous son manteau dans le jardin du Luxembourg.
-
- [17] _Historiettes_ de Tallemant.--_Le Cabinet de M. de Scudéry_,
- 1646, in-4º.--Préface de la traduction des _Harangues
- académiques_, de Menzini, 1640, in-8º.--Dans l'_Épitre
- dédicatoire_ de la _Clélie_ à Mlle de Longueville, Scudéry
- s'exprime ainsi: «Plusieurs gentilshommes de mes parents ont eu
- l'honneur d'être à Mgr votre père: deux de mes parentes ont eu
- celui d'être vos dames d'honneur, et j'ai eu moi-même la gloire
- d'être assez longtemps attaché à la suite du grand Prince à qui
- vous devez la vie, quoique je ne fusse pas son domestique. Enfin,
- j'ai reçu sept ans tout entiers les commandements de Mgr le
- Prince de Carignan, votre oncle, dans les armées du grand
- Charles-Emmanuel, son père, de qui j'avois l'honneur d'être
- aimé.»
-
-Les lettres furent pour lui une ressource. Nous le voyons, vers 1630,
-quitter le régiment des Gardes, et, de 1631 à 1644, faire représenter
-seize pièces de théâtre qui lui valurent, sinon toujours l'approbation
-du public, comme il s'en vante dans mainte préface, du moins la
-protection du cardinal de Richelieu. Les _Observations sur le Cid_ furent
-suivies des _Sentiments de l'Académie_ sur ce chef-d'œuvre (1637-1638),
-et, s'il se donna le double ridicule de se poser en rival littéraire et
-en provocateur du grand Corneille[18], il faut, pour l'excuser un peu, se
-rappeler qu'il eut parfois dans sa poésie quelque chose du souffle
-cornélien, au point qu'on lui a fait l'honneur de lui attribuer certains
-vers de l'auteur du _Cid_.
-
- [18] Il s'attira cette réponse de la part de celui-ci: «Il n'est
- pas question de savoir de combien vous êtes plus noble ou plus
- vaillant que moi, pour juger de combien _le Cid_ est meilleur que
- l'_Amant libéral_... Je ne suis point homme d'_éclaircissement_;
- ainsi vous êtes en sûreté de ce côté-là.» _Lettre Apologétique_,
- etc.
-
-Assurément Corneille n'aurait pas désavoué ces vers qui terminent la
-belle description de la décadence de Rome sous l'Empire:
-
- L'aigle qui fut longtemps plus craint que le tonnerre
- N'osoit plus s'élever et voloit terre à terre,
- Et ce superbe oiseau, loin des essors premiers,
- Se cachoit tout craintif dessous ses vieux lauriers.
-
-Il y a comme une réminiscence du sommeil de Condé à Rocroy dans ce
-passage d'_Alaric_, que Boileau déclarait «trop bon pour être de
-Scudéry»:
-
- Il n'est rien de si doux pour les cœurs pleins de gloire
- Que la paisible nuit qui suit une victoire;
- Dormir sur un trophée est un charmant repos
- Et le champ de bataille est le lit d'un héros.
-
-On retrouve quelque chose de l'inspiration de Milton dans la peinture des
-gouffres infernaux, au chant VI du même poëme:
-
- D'une éternelle nuit toujours enveloppés,
- Noir séjour des méchants que la foudre a frappés.
-
-Après avoir décrit les funèbres clartés de l'abîme, l'auteur ajoute:
-
- Et ce mélange affreux qu'accompagne un grand bruit
- Luit éternellement dans l'éternelle nuit,
- Mais c'est d'une lumière à tant d'ombre mêlée
- Qu'elle épouvante encor la troupe désolée.
-
-Concluons donc que Scudéry eut moins de mérite qu'il ne s'en croyait,
-mais plus que ne lui en attribuaient ses adversaires. Il sut quelquefois
-remonter le pas glissant qui sépare le ridicule du sublime. Il y avait
-chez lui un certain fond chevaleresque qui prêtait aisément à la
-raillerie dans le domaine de la littérature, mais qui forçait l'estime
-quand il s'appliquait aux choses du cœur. On le vit afficher pour des
-amis attaqués ou persécutés, notamment pour Théophile, une fidélité
-hautaine[19] qui rachète bien des flatteries prodiguées aux puissances du
-jour.
-
- [19] «Je me pique d'aimer jusques en la prison et dans la
- sépulture. J'en ai rendu des témoignages publics durant la plus
- chaude persécution de ce grand et divin Théophile, et j'y ai fait
- voir que parmi l'infidélité du siècle où nous sommes, il se
- trouve encore des amitiés assez généreuses pour mépriser tout ce
- que les autres craignent.»
-
- _Préface des Œuvres de Théophile_, 1630.
-
-
-Ce qui fait encore plus d'honneur à Scudéry, c'est l'anecdote suivante au
-sujet de laquelle Arckenholz (_Mémoires sur Christine_, t. I, p. 260) a
-voulu exprimer quelques doutes qui ne sauraient prévaloir contre le
-témoignage positif de Chevreau. «La reine Christine m'a répété cent fois
-qu'elle réservoit pour la dédicace que M. de Scudéry lui feroit de son
-_Alaric_ une chaîne d'or de mille pistoles; mais comme M. le comte de la
-Gardie, dont il est parlé fort avantageusement dans ce poème, essuya la
-disgrâce de la Reine, qui souhaitoit que le nom du comte fust ôté de son
-ouvrage, et que je l'en informai par la même poste qui m'apporta en
-feuilles son _Alaric_ déjà imprimé, il me répondit quinze jours après
-que, quand la chaîne d'or seroit aussi grosse que celle dont il est fait
-mention dans l'histoire des Incas, il ne détruiroit jamais l'autel où il
-avoit sacrifié[20].»
-
- [20] _Chevræana_, 1697, in-8º, p. 23.
-
-Cependant sa sœur était venue le rejoindre à Paris, et ce fut à partir
-de ce moment (1639 au plus tard) que commença entre eux cette vie commune
-et cette collaboration littéraire qui devait durer jusqu'en 1655. Dès
-lors aussi commença pour Madeleine ce rôle de providence qu'elle allait
-jouer auprès de lui, devenant, comme il le lui écrivait, «son seul
-réconfort dans le débris de toute sa maison[21],» corrigeant ses écarts
-de plume et de conduite[22], du reste abritant volontiers ses premiers
-essais littéraires sous la réputation plus ancienne et plus retentissante
-de son frère. Sans parler ici des romans sur lesquels nous reviendrons
-plus tard, voici ce que lui écrivait Chapelain à la date du 19 janvier
-1645: «Vous envoyer des vers, Mademoiselle, c'est envoyer de l'eau à la
-mer, c'est vous donner ce que vous avez chez vous en abondance. Que si
-vous en faites la modeste pour votre regard, vous l'avouerez bien au
-moins pour celui de M. votre frère qui est un océan de poésie plus
-découvert que n'est le vôtre, et qui est si plein de ce côté là, qu'on ne
-sauroit l'accroître quelque chose que l'on y verse.»
-
- [21] _Historiettes de Tallemant._ La même pensée se trouve
- exprimée dans un sonnet à sa sœur, compris dans ses _Poésies
- diverses_, 1649.
-
- Vous que toute la France estime avec raison,
- Unique et chère sœur que j'honore et que j'aime;
- Vous de qui le bon sens est un contre-poison,
- Qui me sauve souvent dans un péril extrême.
-
- Le malheur qui m'accable est sans comparaison;
- Mais ce qui me soutient le paroît tout de même:
- Et parmi les débris de toute ma Maison
- Je vois toujours debout votre vertu suprême.
-
- [22] Tallemant dit à ce propos, avec sa crudité ordinaire: «Le
- frère donna bien de l'exercice à sa sœur en ce temps là, car il
- vouloit épouser une g...., et elle qui n'espéroit plus qu'en des
- bénéfices, se voyoit bien loin de son compte.»
-
-Déjà presque vieille fille, sans beauté, mais «de très-bonne mine,»
-suivant Titon du Tillet qui avait dû la voir, telle était Mlle de Scudéry
-lorsqu'elle fut introduite par son frère à l'hôtel de Rambouillet, dans
-ce que Rœderer appelle la 4e période, s'étendant de 1630 à 1640,
-longtemps avant que le nom de _Précieuse_ fût en usage, et alors qu'on
-pouvait rencontrer en ce lieu Corneille et Bossuet à côté de Voiture et
-de l'abbé Cotin. «Elle y fut accueillie, dit l'historien de la _Société
-polie_, sinon comme auteur (elle n'avait encore rien publié), du moins
-comme une fille d'esprit, bien élevée, sœur d'un homme de lettres
-très-connu, et aussi comme une personne peu favorisée de la fortune, dont
-la société, agréable à Julie, qui était du même âge, n'était point sans
-quelques avantages pour elle-même.» Les premières lettres d'elle ou à
-elle adressées vers cette époque nous la montrent déjà en commerce
-d'esprit, en relations personnelles, formées à l'hôtel de Rambouillet ou
-en dehors, avec Chapelain, Balzac, M. de Montausier, Godeau, Boissat, la
-Mesnardière, Mlle Robineau, Mlle Paulet, Mme Aragonnais, Mlle de Chalais
-et, par conséquent, Mme de Sablé, Mme et Mlle de Clermont, Mme de
-Motteville, etc., se tenant fort au courant, non-seulement des nouvelles
-littéraires et scientifiques, mais encore des événements politiques et
-militaires. Une de ces lettres, adressée à Mlle Robineau et datée du 5
-septembre 1644, contient le récit d'un voyage qu'elle fit à Rouen avec
-son frère, et, avec un peu de manière dont elle ne se défera jamais
-complétement, révèle dans son talent un côté humoristique qui ne se
-retrouvera pas souvent sous sa plume. Le coche, les chevaux qui le
-traînent, la physionomie, le costume des voyageurs qui l'encombrent,
-appartenant aux diverses classes de la société bourgeoise, depuis
-l'épicière de la rue Saint-Antoine, «ayant plus de douze bagues à ses
-doigts, qui s'en va voir la mer en compagnie de sa tante, la chandelière
-de la rue Michel-le-Comte,» jusqu'au jeune écolier «revenant de Bourges
-et se préparant à prendre ses licences,» tout cela compose un petit
-tableau de genre achevé, qui rappelle sans trop de désavantage le coche
-de La Fontaine et le bateau de Mme de Sévigné.
-
-Ce voyage du frère et de la sœur avait probablement pour objet le
-règlement de leurs affaires de famille, qui paraît s'être soldé pour elle
-par l'abandon à son frère, prodigue et dépensier, comme on l'a vu, de ce
-qui lui revenait, soit de ses père et mère, soit du parent dont nous
-avons parlé. Mais une perspective nouvelle venait de s'ouvrir devant eux.
-
-
-En 1642, par l'intermédiaire de Philippe de Cospéau, évêque de Lisieux,
-la marquise de Rambouillet obtint pour Scudéry le gouvernement de
-Notre-Dame-de-la-Garde de Marseille. En vain le ministre de Brienne
-hasarda quelques objections tirées de l'inconvénient qu'il y avait à
-confier un pareil poste à un poëte. La marquise insista en disant qu'un
-homme comme celui-là ne voudrait pas d'un gouvernement dans une vallée,
-et elle ajoutait plaisamment: «Je m'imagine le voir sur son donjon, la
-tête dans les nues, regarder avec mépris tout ce qui est au-dessous de
-lui.» De si bonnes raisons l'emportèrent, et Scudéry fut nommé.
-
-Pour se faire une idée de ce qu'était ce «gouvernement commode et beau,»
-qu'on a peine à prendre au sérieux depuis les vers de Chapelle et
-Bachaumont, peut-être faut-il garder un milieu entre ces vers fameux et
-la solennité voulue des lettres de provision[23]. Il est certain que la
-position de ce fort qui dominait toute la partie sud du vieux port de
-Marseille, lui avait fait jouer un rôle dans les troubles de cette ville
-au siècle précédent. Mais il était alors bien déchu de son importance. Il
-paraît que les gouverneurs, assez faiblement rétribués[24], n'étaient pas
-obligés à la résidence et qu'ils pouvaient se faire remplacer par des
-lieutenants.
-
- [23] Elles sont du 29 juin 1642, et leur entérinement dans les
- registres de la Cour des Comptes de Provence à Aix, du 22 juin
- 1643. Elles ont été trouvées, d'après nos indications, par M.
- Blancard, archiviste à Marseille. Nous les donnons en appendice.
-
- [24] Un des successeurs de Scudéry, vers 1685, ne recevait que
- 1944 livres (2500 francs environ). Dans un document de 1772, on
- voit que le gouverneur recevait de plus 100 livres pour lui tenir
- lieu de la franchise du vin. Régis de la Colombière, Notice sur
- _Notre-Dame-de-la-Garde_. Marseille, 1835, in-8º, p. 10.--Méry
- et Guindon, _Histoire de la Commune de Marseille_, 1848, in-8º,
- t. VI, _Preuves_, no 443.
-
-A peine Scudéry avait-il obtenu sa nomination, qu'il adressait au
-cardinal de Richelieu des _Stances_ où, tout en le remerciant de la
-faveur qu'il venait d'obtenir, il déclarait à son Éminence que «si elle
-ne faisoit pleuvoir la manne en ce désert, il mourroit de faim dans
-cette place importante[25].» Mais le cardinal avait alors bien d'autres
-affaires. Il conduisait à Lyon Cinq-Mars et de Thou, pour les faire
-exécuter. Bientôt il les suivait lui-même dans la tombe.
-
- [25] _Poésies diverses_, p. 275.
-
-Cependant Scudéry, en attendant mieux, avait soin de mettre en tête de
-ses ouvrages le titre de _Gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde_.
-Quelquefois, à la suite de ce titre, il prit ou on lui donna celui de
-_Capitaine entretenu sur les galères du Roi_, et M. Jal nous apprend que,
-sur deux listes de capitaines de galère, gardées aux archives de la
-marine, il a lu: «De Scudéry, capitaine de galères de 1643 jusqu'à 1647.»
-Il ajoute que des brevets de cette espèce étaient souvent donnés à des
-hommes qui n'avaient rien de commun avec la marine.
-
-Ce ne fut qu'en novembre 1644, après la mort de Louis XIII et de son
-ministre, que Scudéry songea enfin à prendre possession de son
-gouvernement. Tallemant des Réaux dit crûment: «Sa sœur le suivit; elle
-eût bien fait de le laisser aller; elle a dit pour ses raisons: je
-croyois que mon frère seroit bien payé. D'ailleurs le peu que j'avois, il
-l'avoit dépensé. J'ai eu tort de lui tout donner, mais on ne sait ces
-choses là que quand on les a expérimentées.» Disons à notre tour que _ces
-choses là_, c'est-à-dire celles du cœur, échappent complétement à notre
-conteur d'historiettes. Il prête ici à Mlle de Scudéry un langage que
-démentent et sa conduite et ses propres paroles toutes les fois qu'il
-s'agissait de dévouement et d'amitié. Nous en croyons davantage
-Tallemant, lorsque reprenant son rôle de chroniqueur, il ajoute: «Scudéry
-part donc pour aller à Marseille, et cela ne se put faire sans bien des
-frais, car il s'obstina à transporter bien des bagatelles, et tous les
-portraits des illustres en poésie, depuis le père de Marot jusqu'à
-Guillaume Colletet. Ces portraits lui avoient coûté: il s'amusoit à
-dépenser ainsi son argent en badineries.» Nous pardonnons plus volontiers
-à Scudéry ce genre de _badineries_ que la manie des tulipes pour laquelle
-il dépensait aussi beaucoup d'argent, et, au risque de retarder à notre
-tour le voyage, nous dirons quelques mots de cette curiosité des
-portraits, qui lui était commune avec plusieurs de ses contemporains,
-Guy-Patin, Gaignières, Coulanges le chansonnier, etc. Ce dernier s'en est
-moqué agréablement, au risque de se chansonner lui-même, dans la pièce de
-son recueil intitulée:
-
-
-SUR UN CABINET REMPLI DE PORTRAITS.
-
-Air: _Tout mortel doit ici paroître._
-
- Tout portrait doit ici paroître,
- Il y faut être
- Grands et petits, etc.[26]
-
- [26] _Chansons de Coulanges_, 1698, t. I, p. 89.
-
-Nous voyons Chapelain, dans une lettre à Madeleine du 4 août 1639, se
-détendre--faiblement à la vérité--de donner au frère son portrait, comme
-«indigne de figurer parmi ces grands hommes qui parent un illustre
-réduit[27].»
-
- [27] _Correspondance inédite de Chapelain_, provenant de
- Sainte-Beuve. Bibl. nat. Fr. Nouv. acq., 1885-1889, 5 vol. in-4º.
- Nous en ferons plus d'une fois usage.
-
- Voy. aussi dans la Correspondance une lettre sans date de Scudéry à
- Sainte-Marthe.
-
- Scudéry a donné lui-même la description de son Cabinet et de
- quelques autres peintures, dans un volume que nous recommandons
- aux curieux: _Le Cabinet de M. de Scudéry_, Paris, Aug. Courbé,
- 1646, in-4º.
-
-Du reste Scudéry, dont un de nos poëtes les plus pittoresques[28] admire
-les descriptions, se piquait «d'employer dans ses ouvrages les termes
-exacts des arts et métiers,» et avait quelque droit de dire de lui-même:
-
- Il est peu de beaux-arts où je ne fusse instruit.
-
- [28] Théophile Gautier, _Les Grotesques_.
-
-Avec ses goûts de dépense et de représentation, on se figure ce que put
-être, pour notre nouveau gouverneur, ce voyage alors si long et si
-difficile. Sa sœur, dans une lettre du 27 novembre 1644, à l'une de ses
-premières et de ses plus intimes amies, Mlle Paulet, _la Lionne_ de la
-rue Saint-Thomas du Louvre, celle qui sera l'Élise du Grand Cyrus et dont
-elle doit, moins de six ans après, pleurer si amèrement la perte
-prématurée, raconte que son frère et elle sont arrivés à Avignon, après
-avoir deux fois manqué de faire naufrage sur le Rhône. Le pèlerinage
-obligé au tombeau de Laure, et probablement à la Fontaine de
-Vaucluse[29], quelques épigrammes contre les religieux et les dames
-d'Avignon, tels sont les points qu'elle touche sur un ton libre et
-enjoué, en y mêlant quelques souvenirs de l'hôtel de Rambouillet et des
-sociétés de Paris. Une seconde lettre à la même, est datée du 13 décembre
-à Marseille, où notre voyageuse est arrivée «assez heureusement,
-quoiqu'elle ait encore plusieurs fois pensé faire naufrage.» Le même
-jour, elle écrivait à Mlle de Chalais, et déjà, malgré la réception
-pleine de courtoisie de Mme de Mirabeau et de Mme de Morge, sa sœur,
-malgré la beauté du climat, les fleurs et les fruits nouveaux pour nos
-voyageurs, l'animation du port et des promenades, la variété des
-costumes, les repas plantureux dont on les régale à l'envi, déjà,
-disons-nous, la nécessité d'attendre trois ou quatre jours, suivant
-l'usage, et de rendre ensuite, avec l'étiquette voulue, les visites de
-toute la ville, «depuis les gentilshommes jusqu'aux forçats,» les
-petitesses de la vie provinciale, la conversation des dames de Marseille
-parmi lesquelles il n'y en a pas plus de six ou sept qui parlent
-français, tout cela suggère à notre habituée des cercles les plus
-raffinés de la capitale certaines phrases peu flatteuses, telles que
-celle-ci: «Je n'ai point l'esprit assez stupide pour m'accoutumer
-facilement à ceux qui le sont;» et le mot d'exil vient plus d'une fois se
-placer sous sa plume.
-
- [29] Voy. les XII sonnets adressés à cette Fontaine par Scudéry.
- _Œuvres poétiques_, 1649, in-4º, p. 1 et suiv.
-
-Cependant il avait bien fallu, au milieu de toutes ces visites de
-politesse, en rendre une à Notre-Dame-de-la-Garde. Un des premiers soins
-de Scudéry avait été d'y installer un lieutenant «assez honnête et assez
-riche[30].» Il donna à dîner à M. le gouverneur et à Mlle sa sœur, qui
-avaient préalablement entendu la messe au prieuré. L'un et l'autre
-payèrent leur tribut poétique et littéraire à la beauté du lieu, le
-frère, en écrivant son _Poëme de Notre-Dame-de-la-Garde, composé dans
-cette place_[31], et la sœur par le passage suivant d'une de ses lettres
-à Mlle Paulet:
-
- [30] Probablement M. de Guigonis, dont il est question dans la
- _Gazette_, à la date du 12 novembre 1647, p. 1118, comme
- commandant cette place en l'absence du sieur de Scudéry, et
- prenant des dispositions contre l'arrivée en vue de Marseille
- d'une escadre que l'on présumait hostile.
-
- [31] _Poésies diverses_, p. 200. Nous permettra-t-on de faire
- remarquer ici que nous aussi, nous avons écrit cette partie de
- notre Notice à Marseille et au pied même de
- Notre-Dame-de-la-Garde? Le poëme de Scudéry, malgré le mauvais
- goût qui le dépare, gagne à être lu sur les hauteurs et au milieu
- de l'admirable panorama qu'il décrit, et il y a tel site de la
- plage de Marseille qui nous a fait trouver un charme singulier à
- ces vers de l'auteur d'_Alaric_:
-
- En un lieu retiré, solitaire et paisible
- La mer laisse dormir sa colère terrible,
- Et sous deux grands rochers qui la couvrent des vents,
- Elle abaisse l'orgueil des flots toujours mouvants.
-
-Après avoir décrit la réception qui leur fut faite, et qui fut
-accompagnée du bruit des canons de la place, elle ajoute: «En vérité
-Notre-Dame-de-la-Garde est le plus beau lieu de la nature par sa
-situation. De la façon dont la place est disposée, il y a quatre aspects
-différents qui sont admirables. D'un côté, l'on a le port et la ville de
-Marseille sous ses pieds, et si près, que l'on entend les hautbois de
-vingt-deux galères qui y sont; de l'autre, l'on découvre plus de douze
-mille bastides, pour parler en termes du pays; du troisième, on voit les
-îles et la mer à perte de vue, et du quatrième, sans rien voir de tout ce
-que je viens de dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé de
-pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude sont aussi
-affreuses que l'abondance est agréable de tous les autres endroits.»
-
-Une préoccupation plus prosaïque les porta à tâcher de faire mettre
-Notre-Dame-de-la-Garde _sur le pays_, c'est-à-dire à la charge de la
-province, quant à l'entretien, négociation dont on peut voir les détails
-dans la lettre à Mlle Paulet, du 27 décembre 1644. Il semble du reste
-que, satisfait de la prise de possession que nous avons décrite, Scudéry
-ne se soucia guère de revoir souvent le siége de son gouvernement
-pittoresque, mais peu logeable. Sa sœur y retournait de temps à autre,
-comme lorsqu'elle y conduisit des dames marseillaises, impatientes de
-voir arriver d'Italie le cardinal de Lyon avec les quatre chaloupes du
-Grand-Duc[32].
-
- [32] Lettre à Mlle Paulet du 10 décembre 1645.
-
-Quant à Georges, il affectait aussi de se considérer «comme un pauvre
-exilé»:
-
- Pour moi, sur un rocher éloigné des humains
- Je le suivrai des yeux et je battrai des mains,
-
-écrivait il à ses amis de Paris, en leur recommandant l'une de ses
-nouvelles connaissances de Marseille, Mascaron (Pierre-Antoine), écrivain
-et jurisconsulte, père du célèbre prédicateur que nous retrouverons plus
-tard parmi les vieux amis de Madeleine.
-
-Le frère et la sœur avaient changé de maison à Marseille, pour être plus
-près de Mme de Mirabeau. Aussitôt toutes les dames de la rue de
-recommencer leurs interminables visites. «Je les recevrai si mal, disait
-Mlle de Scudéry, que j'espère qu'elles n'y reviendront plus.» Elles y
-revinrent, et celle-ci se réconcilia avec quelques personnes des deux
-sexes à Marseille et dans les environs; citons entre autres: Toussaint de
-Forbin Janson, alors chevalier de Malte, depuis évêque, cardinal,
-ambassadeur, avec lequel elle entretint une correspondance qui se
-prolongea au moins jusqu'à l'année 1694[33], et sa sœur Renée de Forbin,
-mariée depuis 1632 à Marc-Antoine de Vento, seigneur des Pennes et de
-Peiruis, premier consul de Marseille, dont elle s'est souvenue dans le
-_Cyrus_[34], et dont Mme de Sévigné écrivait le 13 mai 1671: «Mme de
-Pennes a été aimable comme un ange; Mlle de Scudéry l'adoroit: c'étoit
-la princesse Cléobuline; elle avoit un prince Thrasybule en ce temps-là;
-c'est la plus jolie histoire du _Cyrus_.» M. Cousin, qui connaissait son
-_Cyrus_ mieux que Mme de Sévigné, nous apprend qu'il faut lire Cléonisbe,
-au lieu de Cléobuline; que celui qui parvient à toucher son cœur est
-Peranius, prince de Phocée, baron de Baume ou de la Baume, suivant la
-_Clef_, le même que Marc-Antoine, dont nous venons de parler, puisque la
-Baume était une seigneurie des Vento; qu'enfin Thrasybule est le héros
-d'une autre aventure également d'origine provençale, où un corsaire
-d'Alger s'abstient par vertu d'enlever sa maîtresse Alcionide,
-c'est-à-dire Mme de Courbon, femme du lieutenant de Roi à Monaco[35]. Il
-existe donc quelque confusion chez l'aimable marquise dans les souvenirs,
-déjà un peu éloignés pour elle, d'une lecture de sa jeunesse; mais ce
-qu'il nous importe de constater, c'est que, près de trente ans après le
-séjour de Mlle de Scudéry à Marseille, son souvenir y était encore
-présent. De son côté, elle n'avait pas oublié son séjour en Provence.
-Ainsi, dans la _Clélie_, en parlant de la liberté qu'il importe de
-laisser aux femmes et dont elles abusent quelquefois: «Je connois, dit
-l'auteur, en Massilie, une femme qui a fait cent extravagances en sa vie,
-qu'elle n'auroit pas faites si elle n'avoit pas eu un trop bon mari.» (T.
-X, p. 797.)
-
- [33] Nous avons vu dans le riche cabinet de M. le comte de
- Clapiers, à Marseille, un certain nombre de lettres de ce prélat
- adressées à Mlle de Scudéry, et nous en donnerons un échantillon;
- mais, malgré toutes nos recherches en Provence et ailleurs, nous
- n'avons pu retrouver aucune de celles que Mlle de Scudéry lui a
- certainement adressées pendant leurs longues relations.
-
- [34] T. VIII, l. II, p. 653.
-
- [35] _Le Grand Cyrus_, t. III, l. III, p. 1107.--Cousin, _La
- Société française au dix-septième siècle_, t. I, p. 236 et suiv.
-
-Parmi les dames que Mlle de Scudéry distingua tout d'abord dans cette
-ville, il en était une «belle, jeune et de bonne mine, l'un des plus
-beaux naturels de femme, dit-elle, que j'aie jamais remarqué en aucune
-femme de province. Elle parle françois comme si elle étoit née à Paris,
-et, naturellement, elle est fort éloquente; elle entend l'espagnol,
-l'italien, le latin et même le grec; elle est fort douce, fort civile et
-de fort bonne maison...... Malheureusement, cette demoiselle, dans ses
-conversations ordinaires, cite souvent, si j'ai bien retenu, Trismégiste,
-Zoroastre et autres semblables messieurs qui ne sont pas de ma
-connoissance.» Malgré cette petite épigramme, que n'auraient pas attendue
-ceux qui veulent absolument voir une Philaminte dans Mlle de Scudéry, il
-y avait là trop d'affinités naturelles pour qu'une liaison ne s'établît
-pas entre ces deux femmes. Mais elles avaient compté sans l'intolérance
-et la pruderie provinciales, comme le laisse entendre la phrase suivante:
-«L'injustice qu'on lui fait ici est si grande que je n'oserai la voir
-souvent, de peur de me charger de la haine publique[36].»
-
- [36] Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle de Chalais, du 13 décembre
- 1644.
-
-Quelle était donc cette fille que la lettre ne nomme pas, et que M.
-Cousin n'a pas soupçonnée? Si l'on veut lire, dans Tallemant (t. VIII, p.
-327), l'historiette de Mlle Diodée, Provençale, qui citait à ses galants
-Aristote, Platon, Zoroastre et Mercure-Trismégiste, on ne doutera pas de
-son identité avec la demoiselle de la lettre, et l'on comprendra mieux ce
-que Mlle de Scudéry, dans son indulgence ordinaire, laisse à peine
-soupçonner, c'est qu'il y avait, dans la belle et savante Provençale,
-assez de l'aventurière et de la coquette pour compromettre, aux yeux des
-prudes marseillaises, une demoiselle respectable.
-
-Cependant, elles ne pouvaient vivre l'une sans l'autre, et elles étaient
-presque tous les jours ensemble. La conversation de Mlle de Scudéry, dit
-Tallemant, guérit un peu Diodée de son langage pédantesque, et «ne lui
-voyant point parler de Zoroastre, etc., elle n'en osoit plus parler.»
-Enfin, au bout d'un an et demi, les deux amies se brouillèrent à la suite
-d'une aventure sur le récit de laquelle notre chroniqueur, peut être à
-dessein, laisse planer quelque obscurité. Certain baron, «qui avoit
-cajolé cette fille deux ans entiers,.... mais qui ne la cajoloit plus,
-dont elle enrageoit dans son petit cœur,» se trouvait à un bal masqué où
-celle-ci figurait en sultane, lorsqu'on lui apporta une lettre dans
-laquelle, sous des noms turcs, il était fait allusion à un esclave qui
-lui était échappé en se mettant sous la protection de la reine de
-Mauritanie. C'était, ajoute Tallemant, une dame très-brune dont le baron
-était amoureux. Or, la lettre venait de Mlle de Scudéry, dont le teint ne
-passait pas pour être d'une entière blancheur. La reine de Mauritanie,
-nous le croyons bien, n'était autre qu'elle-même, quoique Tallemant ne
-le dise pas. Dans tous les cas, Mlle Diodée se crut en droit d'être
-jalouse, puisqu'elle «se gendarma et ne vit plus Mlle de Scudéry.»
-
-Ajoutons ici, toujours d'après Tallemant, pour ceux qui désireraient
-connaître la fin de l'historiette, que Mlle Diodée contracta un mariage
-tel quel avec un sieur Scarron de Vaure et vint à Paris. «Elle s'est bien
-façonnée ici. C'est une personne qui a grand soin de son ménage et de ses
-affaires, et qui n'a point fait parler d'elle.» Tout est bien qui finit
-bien.
-
-Georges et sa sœur continuaient à partager leur temps entre le séjour de
-Marseille et des excursions aux environs, dont on retrouve la trace, soit
-dans la correspondance de celle-ci, soit dans les romans qui portent le
-nom du frère. Voici, par exemple, comment est décrite, dans _le Grand
-Cyrus_, la vieille ville de Phocée, ou plutôt de Marseille: «Vous pouvez
-aisément vous imaginer qu'elle n'est pas superbement bâtie comme Babylone
-ou comme on dit qu'est Ecbatane.... Elle est beaucoup plus longue que
-large, mais elle a aussi des fontaines et un port admirable; et quoique
-sa situation soit en penchant, et, par conséquent, un peu incommode,
-parce que les rues de traverse vont en montant, elle est pourtant
-très-agréable, bien que l'architecture grecque n'ait pas eu lieu d'y
-employer tous ses ornements.» Les principaux traits de ce tableau sont
-encore reconnaissables, malgré les métamorphoses que le percement d'une
-grande voie nouvelle a produites dans «ces vieilles rues de traverse qui
-vont en montant.»
-
-Il est encore plus facile de reconnaître la côte de Provence et le pays
-de Marseille dans cette description des environs de Phocée: «Plus nous
-approchions du rivage, plus le pays où nous allions nous sembloit
-agréable; car parmi mille arbres différents dont le paysage est semé, on
-voit, à la droite, de grosses roches stériles qui font paroître davantage
-la fertilité des autres endroits....
-
-«De l'autre côté est un pays plus uni, mais qui ne laisse pas d'être
-entremêlé de collines, de vallons, de rochers, de prairies, de fontaines
-et de ruisseaux, et de faire cent agréables inégalités qui rendent les
-maisons qu'on y a bâties tout à fait charmantes. De plus on y voit une si
-grande quantité d'oliviers, de grenadiers, de myrtes et lauriers, et tous
-les jardins y sont si pleins d'orangers, de jasmins, et mille autres
-belles et agréables choses, que je ne crois pas qu'il y ait un pays plus
-aimable que celui-là[37].» Ainsi que le remarque M. Cousin, Mlle de
-Scudéry n'oublie même pas ce qui gâte un peu le plaisir d'habiter ces
-belles contrées, le mistral, «ce vent impétueux qui abat souvent les plus
-grands arbres.»
-
- [37] _Le Grand Cyrus_, t. VIII, l. II, p. 669 et suiv.
-
-Parmi les lieux que Georges et Madeleine durent aller voir aux environs,
-nous citerons le château de Pennes et celui de Forbin qui est décrit
-dans le _Cyrus_. J'ai peine à croire aussi qu'elle n'ait pas visité à
-Grasse, «dans son petit temple auprès de Sidon[38],» l'évêque Godeau,
-l'un de ses plus anciens amis, qu'elle attendait à Marseille en mars
-1647. Le 2 septembre 1646, la présence de Georges et de Madeleine est
-signalée à Aix où M. de Monconys, le voyageur, rencontra le frère aux
-Capucins, dans l'allée des Lauriers, circonstance qui dut lui inspirer
-quelque allusion flatteuse, et alla dans l'après-dîner saluer la sœur,
-souvenir qu'il n'a pas jugé indigne d'être consigné à sa date dans le
-_Journal de ses voyages_[39].
-
- [38] _Le Grand Cyrus_, t. VII, p. 513.
-
- [39] 1665, in-4º, p. 87.
-
-A l'énumération des souvenirs de la Provence qui se retrouvèrent plus
-tard sous la plume de Mlle de Scudéry peut-être faut-il ajouter un
-épisode qui, après avoir figuré au t. IX, l. III du _Cyrus_, puis au t.
-II des _Conversations sur divers sujets_, Paris, 1680, ou Amsterdam,
-1682, in-12, sous le titre de: _Bains des Thermopyles_, a été réimprimé à
-part, également sous ce dernier titre, en 1732. C'est la description
-d'une ville de bains près de la mer[40], où, sous des noms grecs,
-plusieurs personnes de la société qui s'y trouve réunie nous semblent
-désignées par des allusions assez transparentes. Eupolie, cette dame de
-Corinthe, «qui, avec mille grandes qualités qui la rendent admirable,
-craint la mort avec excès,» ne ressemble-t-elle pas singulièrement à Mme
-de Sablé[41]; et est-ce trop se hasarder que de reconnaître Ninon et
-Diodée dans Aspasie et Diodote, ces deux femmes qui «avoient donné lieu à
-la médisance de soupçonner leur vertu», que les hommes et même les femmes
-les plus vertueuses allaient voir, mais que l'auteur s'abstint de
-visiter?
-
- [40] Ce détail et plusieurs autres circonstances rendent pour
- nous improbable la supposition de M. Cousin, qu'il s'agirait ici
- d'une ville de bains des Pyrénées.
-
- [41] «Je crains toutes les maladies en général, grandes et
- petites; je crains le tonnerre, je crains la mer et les rivières;
- je crains le feu et l'eau, le froid et le chaud, le serein et le
- brouillard.... Et pour tout dire en peu de paroles, je crains
- tout ce qui directement ou indirectement peut causer la mort.» Il
- est remarquable que ce passage, ainsi que les longs
- développements dont il est accompagné ne se trouvent que dans les
- _Conversations_ de Mlle de Scudéry, parues en 1682, deux ans
- après la mort de la marquise de Sablé.
-
-Quoi qu'il en soit, ni Scudéry ni sa sœur n'avaient quitté la capitale
-sans esprit de retour. On a déjà pu voir que le gouverneur de
-Notre-Dame-de-la-Garde ne prenait pas très au sérieux le devoir de la
-résidence, et, quant à Madeleine, en supposant même «qu'elle se fût
-beaucoup plu à Marseille», comme le dit trop affirmativement M. Cousin,
-elle n'avait pas cessé, dès son arrivée en Provence, d'avoir un regard
-tourné vers Paris. Veut-elle vanter la beauté de l'hiver dans la première
-de ces villes, elle ne croit pouvoir mieux faire que de le comparer au
-printemps de la seconde. «Ce n'est pas que, si je pouvois dépeindre la
-beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous fisse un tableau assez
-agréable, et que je ne vous fisse avouer qu'il fait honte au printemps de
-Paris. L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé de glaçons,
-est ici couronné de fleurs. Sincèrement, Mademoiselle, à l'heure même que
-je vous parle, l'on vient de m'envoyer des bouquets d'anémones,
-d'œillets, de narcisses, de jasmin, de fleurs d'orange, plus beaux que
-Mlle de Lorme n'en porte au mois de mai, et ce qu'il y a de commode ici,
-est que l'on fait des visites à la fin de décembre, sans avoir besoin de
-feu, que l'on se promène sur le port comme l'on se promène aux Tuileries
-en juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une fois, et que le soleil y
-est toujours aussi pur et aussi clair que dans la saison où il fait
-naître les roses. Mais le mal est que, pour jouir de tous ces plaisirs
-innocents, il faut souffrir d'autres incommodités, et que l'on ne peut
-s'approcher de l'Orient sans s'éloigner de Paris[42].»
-
- [42] Lettre à Mlle Paulet, du 27 décembre 1644.
-
-Du reste, toutes les lettres de Mlle de Scudéry à cette époque prouvent
-que ses amis et amies de Paris étaient sans cesse présents à sa pensée.
-«Souvenez vous, écrivait-elle à Chapelain (31 janvier 1645), que l'amitié
-a ses délicatesses aussi bien que l'amour.» Tantôt elle aime à se
-persuader que Chapelain n'est pas jaloux de Conrart; tantôt, dans une
-correspondance aigre-douce avec le premier, où le dépit tâche de prendre
-le masque de la plaisanterie, elle se montre elle-même piquée des
-attentions particulières qu'il témoigne pour Mlle Robineau. On
-plaisantait un peu de tout cela dans la rue Saint-Thomas du Louvre, car
-une lettre du 28 mars 1645 renferme une allusion à la guerre que Mlle de
-Rambouillet et Mlle Paulet avaient faite là-dessus à Chapelain, et Mlle
-de Scudéry ajoutait: «Vous savez mieux que vous ne dites qu'un galant
-n'est pas pour moi.» Du reste le héros de toutes ces picoteries, comme on
-disait alors, écrivait le 12 avril suivant à l'amie de Marseille une
-lettre conciliante et affectueuse qui remettait toute chose en sa place.
-Il lui adressait en même temps des éloges sur le style de ses lettres:
-«Je les ai fait voir non seulement à Mlle Robineau qui y étoit si
-agréablement grondée, et qui ne pouvoit mais du sujet que vous avez pris
-de m'y quereller si obligeamment, mais encore à tout l'hôtel de Clermont,
-à tout l'hôtel de Rambouillet, à Mme de Sablé et à Mlle de Chalais, à M.
-Conrart, à Mlle de Longueville, et à Mme de Longueville elle-même, qui
-tous leur ont fait justice en leur donnant des éloges qu'on ne donne
-qu'aux pièces achevées.»
-
-On voit que si Madeleine pensait à ses amis de Paris, ceux-ci, de leur
-côté, ne l'oubliaient pas. Vers cette époque (1647), ils lui en donnaient
-une preuve en cherchant à la tirer de la position un peu précaire et
-dépendante où elle était auprès de son frère, pour la faire attacher à
-l'éducation de «trois importantes personnes», évidemment les trois plus
-jeunes nièces du cardinal Mazarin que celui-ci songeait alors à faire
-venir en France, ou tout au moins d'Olympe Mancini, l'une d'elles, que la
-duchesse d'Aiguillon destinait au fils du maréchal de la Porte, son neveu
-à la mode de Bretagne, devenu plus tard duc de Mazarin par son mariage
-avec Hortense. On avait aussi pensé, pour ces délicates fonctions, à Mlle
-de Chalais, amie et commensale de Mme de Sablé, et il y eut entre elle et
-Madeleine une lutte de générosité dont deux lettres de Mlle de Chalais
-nous ont conservé le souvenir. Ni l'une ni l'autre n'eut la place. Elle
-fut donnée, comme le prévoyait cette dernière[43], à une grande dame dont
-le nom répondait mieux aux vues ambitieuses du cardinal pour ses nièces,
-à la marquise de Senecey qui avait été gouvernante du jeune roi Louis
-XIV.
-
- [43] «Dans mon opinion, la conduite de ces trois importantes
- personnes est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans doute le
- mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur, plus de
- bonheur et quelque nom de Madame qui sera plus propre à l'éclat
- qu'à bien réussir dans l'éducation de ces personnes-là.» Mlle de
- Chalais à Mlle de Scudéry, lettre du 28 juin 1647.
-
-Le 21 août 1647, Madeleine de Scudéry écrivait de Marseille à Mlle Marie
-Dumoulin: «Je suis dans tout l'embarras que peut causer un voyage de 200
-lieues que j'espère commencer dans une heure.» Soit que le départ ait été
-retardé, soit plutôt que le frère et la sœur,--car ils partaient
-ensemble--aient fait plusieurs stations en route, nous ne retrouvons leur
-trace que deux mois après, aux environs de Valence où le fait de leur
-passage semble résulter d'une nouvelle singulièrement racontée, et
-rectifiée plus singulièrement encore dans la _Gazette_ de l'année 1647.
-On y lisait d'abord p. 978, sous la rubrique d'Avignon, 16 octobre:
-
-«On a ici appris la mort du sieur de Scudéry, arrivée à une lieue et
-demie au dessus de Valence, au passage de la rivière de l'Isère, par
-l'ouverture du bateau qui se fendit, en venant de Paris avec une sienne
-sœur, pour se rendre à son gouvernement de Notre-Dame-de-la-Garde de
-Marseille, dont le Roi défunt l'avoit honoré depuis quelques années à la
-recommandation du feu cardinal duc de Richelieu, qui avoit en singulière
-estime son bel esprit et sa grande capacité dans la poésie.»
-
-J'imagine que l'émotion fut grande dans la rue Saint-Thomas du Louvre et
-au quartier du Marais, à la lecture de cette feuille si mal informée.
-Heureusement que les nombreux amis de notre couple littéraire purent se
-rassurer en lisant quelques jours après, à la date du 23 octobre, p.
-1014, cette rectification naïve du malencontreux correspondant:
-
-«Le bruit du retour du sieur de Scudéry en son gouvernement, et la perte
-d'un bateau qui s'est ouvert au dessus de Valence, au passage de la
-rivière de l'Isère, dans lequel étoient quelques personnes de condition,
-avoient donné lieu à la nouvelle qu'il y étoit péri avec sa compagnie;
-mais il ne se trouve rien de vrai en ce que je vous en ai écrit, _que les
-louanges qu'on lui a données_.»
-
-C'est aussi à l'époque de ce retour que doit se placer l'anecdote plus ou
-moins arrangée par Fléchier, et exploitée depuis par les dramaturges[44],
-à laquelle nous avons déjà fait allusion. «Nous parlâmes, dit-il dans ses
-_Mémoires sur les grands jours_[45],.... des Romans de Sapho et d'une
-aventure plaisante qui lui arriva à Lyon, lorsqu'elle revenoit à Paris
-avec M. de Scudéry, son frère. On leur avoit donné une chambre dans
-l'hôtellerie, qui n'étoit séparée que d'une petite cloison d'une autre
-chambre où l'on avoit logé un bon gentilhomme d'Auvergne, si bien qu'on
-pouvoit les entendre discourir. Ces deux illustres personnes n'avoient
-pas grand équipage, mais ils traînoient partout avec eux une suite de
-héros qui les suivoient dans leur imagination.... Dès qu'ils furent
-arrivés à Lyon et qu'ils eurent pris une chambre dans l'hôtellerie, ils
-reprirent leurs discours sérieux, et tinrent conseil s'ils devoient faire
-mourir un des héros de leur histoire; et, quoiqu'il n'y eût qu'un frère
-et une sœur à opiner, les avis furent partagés. Le frère, qui a l'humeur
-un peu plus guerrière, concluoit d'abord à la mort; et la sœur, comme
-d'une complexion plus tendre, prenoit le parti de la pitié et vouloit
-bien lui sauver la vie. Ils s'échauffèrent un peu sur ce différend, et
-Sapho étant revenue à l'autre avis, la difficulté ne fut plus qu'à
-choisir le genre de mort. L'un crioit qu'il falloit le faire mourir
-très-cruellement, l'autre lui demandoit par grâce de ne le faire mourir
-que par le poison. Ils parloient si sérieusement et si haut, que le
-gentilhomme d'Auvergne, logé dans la chambre voisine, crut qu'on
-délibéroit sur la vie du Roi.....; il s'en va faire sa plainte à l'hôte,
-qui ne prenant point ce fait pour une intrigue de roman, fit appeler les
-officiers de la justice pour informer sur la conjuration de ces deux
-inconnus. Ces Messieurs... se saisirent de leurs personnes et les
-interrogèrent sur le champ: s'ils n'avoient point eu dans l'esprit
-quelque grand dessein depuis leur arrivée? M. de Scudéry répondit que
-oui; s'ils n'avoient point menacé la vie du prince de mort cruelle ou de
-poison? Il l'avoua; s'ils n'avoient pas concerté ensemble le temps et le
-lieu? Il tomba d'accord; s'ils n'alloient point à Paris pour exécuter et
-pour mettre fin à leur dessein? Il ne le nia point. Là dessus, on leur
-demanda leur nom, et ayant ouï que c'étoient M. et Mlle de Scudéry, ils
-connurent bien qu'ils parloient plutôt de Cyrus et d'Ibrahim que de
-Louis, et qu'ils n'avoient d'autre dessein que de faire mourir en idée
-des princes morts depuis longtemps. Ainsi leur innocence fut reconnue,
-etc.[46]»
-
- [44] L'_Auberge_ ou les _Brigands sans le savoir_,
- comédie-vaudeville de MM. Scribe et Delestre Poirson. Paris,
- 1812.
-
- [45] Paris et Clermont, 1844, in-8º, p. 63.
-
- [46] Les biographies anglaises racontent une anecdote semblable
- des deux auteurs dramatiques Beaumont et Fletcher.
-
-Nous avons raconté avec quelque développement les trois années que
-Scudéry et sa sœur passèrent en Provence, d'abord parce que des
-recherches faites sur les lieux mêmes nous ont permis d'éclaircir
-certains points mal connus jusqu'ici, ensuite parce que ce séjour ne fut
-pas sans influence, au point de vue social et littéraire, sur la suite de
-leur vie et de leurs ouvrages. Nous n'insisterons pas ici sur les vers,
-trop souvent médiocres, que l'aspect des lieux inspira à Scudéry, et nous
-ne citerons que pour en signaler le ridicule, un échantillon de sa prose
-daté pompeusement _du Fort de Notre-Dame-de-la-Garde_, auquel Tallemant a
-fait allusion[47]. «Ceux qui gouvernent cette monarchie y est-il dit dans
-l'_Epître au lecteur_, savent tenir les ennemis de la France si loin de
-notre royaume, que les Gouverneurs des places frontières ont loisir de
-faire des livres.... J'ai cru, lecteur, que puisque la Fortune n'a pas
-voulu que j'eusse aucune part aux affaires, il m'étoit du moins permis de
-faire voir que, si elle m'y eût appelé, je m'en serois peut-être acquitté
-sans honte, et que celui qui a fait parler Louis Quatrième et tant
-d'autres Rois auroit été capable de servir Louis Quatorze.... si, au lieu
-de le reléguer aux dernières extrémités de cet État, il avoit plu à cette
-Fortune de le retenir à la Cour et de lui donner quelqu'emploi.»
-
- [47] _Discours politiques des rois._ Paris, 1647, in-4º.
-
-Cet ouvrage est le dernier de ceux que Scudéry ait datés du lieu de son
-gouvernement, quoiqu'il ait continué à prendre le titre de Gouverneur de
-Notre-Dame-de-la-Garde jusqu'en 1663 dans les derniers volumes du roman
-d'_Almahide_.
-
-Dès 1656[48], Chapelle et Bachaumont traçaient la fameuse description qui
-est restée dans toutes les mémoires:
-
- «C'est Notre-Dame-de-la-Garde,
- Gouvernement commode et beau,
- A qui suffit pour toute garde
- Un Suisse avec sa hallebarde,
- Peint sur la porte du château.
-
-«Ce fort est sur le sommet d'un rocher presque inaccessible.... Nous
-grimpâmes plus d'une heure avant que d'arriver à l'extrémité de cette
-montagne, où l'on est bien surpris de ne trouver qu'une méchante masure
-tremblante, prête à tomber au premier vent. Nous frappâmes à la porte,
-mais doucement, de peur de la jeter par terre, et, après avoir heurté
-longtemps, sans entendre même un chien aboyer sur la tour,
-
- Des gens qui travailloient là proche
- Nous dirent: Messieurs, là dedans
- On n'entre plus depuis longtemps.
- Le gouverneur de cette roche,
- Retournant en Cour par le coche,
- A depuis environ quinze ans[49],
- Emporté la clef dans sa poche.
-
- [48] C'est la véritable date du voyage, qui se termina à Lyon
- vers le milieu du mois de novembre de cette année. Cf.
- Taillandier, _Commencements de Molière_, dans la _Revue des
- Deux-Mondes_, t. XIX, p. 280, et Péricaud, _Lyon sous Louis XIV_,
- p. 90.
-
- [49] Cela ne ferait que neuf ans (de 1647 à 1656); mais on aura
- changé le chiffre lors de l'impression du _Voyage_ dans le
- _Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes_. Cologne, P.
- Marteau, 1663, in-16. D'ailleurs nos deux auteurs n'y regardaient
- pas de si près.
-
- «La naïveté de ces bonnes gens nous fit bien rire, surtout quand
- ils nous firent remarquer un écriteau, que nous lûmes avec assez
- de peine, car le temps l'avoit presque effacé:
-
- Portion de Gouvernement
- A louer tout présentement.
-
- «Plus bas, en petit caractère:
-
- Il faut s'adresser à Paris
- Ou chez Conrart, le secrétaire,
- Ou chez Courbé, l'homme d'affaire
- De tous messieurs les beaux esprits.»
-
-Évidemment tout cela est un peu chargé, et un historien de
-Notre-Dame-de-la-Garde est allé jusqu'à douter que nos deux Épicuriens
-voyageurs se soient donné la peine de grimper jusqu'en haut de la
-montagne. Mais leur description n'en aura pas moins le dernier mot, comme
-tout ce qui est marqué au coin du goût et de la bonne plaisanterie.
-
-Mieux que les vers et la prose du frère, les lettres de la sœur, dont
-nous avons cité d'assez nombreux extraits, et qu'on retrouvera plus
-complètes dans la Correspondance, nous paraissent, malgré l'abus de
-l'esprit, avoir retenu une empreinte fidèle des lieux, des personnes et
-des mœurs. Nous avons pu contrôler sur le vif quelques-unes de ses
-peintures, et, malgré la différence des temps, nous en avons reconnu la
-fidélité. Ce petit coin de la vie provinciale sous Louis XIV, encore si
-peu connue, reçoit des lettres de Mlle de Scudéry une vive lumière, et
-elles resteront comme une page à la fois littéraire et historique.
-
-Celle-ci, comme nous l'avons vu, demeura en correspondance avec Marseille
-jusqu'aux dernières années de sa vie[50]. Aussi plus d'un souvenir de son
-séjour dans cette ville cosmopolite et semi-orientale; aventuriers des
-deux sexes, types plus ou moins francisés de Turcs et d'Africains,
-corsaires généreux, héroïques Bassas, etc., tout cela se retrouvera dans
-ses ouvrages et mêlera un peu de réalité à la fantaisie dans les
-compositions romanesques qui illustreront le nom de son frère et le sien
-au milieu du monde littéraire parisien où nous allons les suivre.
-
- [50] «On m'écrit de Marseille...,» disait-elle encore à l'abbé
- Boisot, dans une lettre du 19 juillet 1694. Bonnecorse, dont son
- frère avait fait imprimer la _Montre_, et dont elle eut occasion
- d'obliger le fils, lui servait dans cette ville de correspondant
- et d'intermédiaire auprès de ses anciens amis. Voir sa lettre du
- 20 mars 1681.
-
-
-
-
-II
-
-LE _CYRUS_, LA _CLÉLIE_, ETC.--LES SAMEDIS.--PELLISSON.--RÉACTION
-LITTÉRAIRE.
-
-1647-1659.
-
-
-Scudéry et sa sœur, lors de leur retour dans la capitale, à la veille de
-la Fronde, ne retrouvèrent pas l'hôtel de Rambouillet dans l'état où ils
-l'avaient laissé. La maîtresse du lieu, le chef de cette famille
-aristocratique, l'âme de cette réunion brillante et polie qui s'y
-groupait naguères autour d'elle, la marquise de Rambouillet, commençait à
-ressentir les atteintes de la vieillesse. Ses deux filles avaient suivi
-leurs maris en province. Les quatre années de guerre civile qui
-marquèrent la période aiguë de la Fronde, dispersèrent une partie des
-amis de la maison, quand elles ne les brouillèrent pas. En un mot, cette
-société qu'ils avaient vue si florissante penchait déjà vers son déclin,
-et, au moment même (1651) où paraissait dans le tome VII du _Grand Cyrus_
-«la description la plus fidèle, la plus complète, comme aussi la plus
-agréable qui soit parvenue jusqu'à nous, de ce sanctuaire de la bonne
-compagnie au dix-septième siècle[51]», elle allait bientôt se réduire au
-cercle étroit de la famille et de quelques amis.
-
- [51] Cousin, _La Société française au dix-septième siècle,
- d'après le_ Grand Cyrus _de Mlle de Scudéry_, 2e édition, t. I,
- p. 245.
-
-Mme de Caylus, dans ses _Souvenirs_, cite les hôtels d'Albret, de
-Richelieu, comme ayant été «une suite et une continuation de l'hôtel de
-Rambouillet»; mais nous avons le témoignage de Mlle de Scudéry elle-même
-sur les sociétés qui l'accueillirent au sortir du théâtre de ses premiers
-pas dans le monde.
-
-Dans une lettre adressée, suivant toute vraisemblance, à M. de Pomponne,
-et dont malheureusement nous n'avons pu recueillir que ce trop court
-passage, elle s'exprime ainsi: «Souvenez-vous, Monsieur, que j'ai
-commencé d'être connue des gens par l'hôtel de Rambouillet, et en suis
-sortie par l'hôtel de Nevers et l'hôtel de Créqui[52].»
-
- [52] _Catalogue d'autographes_ du 15 mai 1843, no 471.
-
- L'hôtel de Nevers était sur l'emplacement actuel de celui des
- Monnaies. Il avait été acquis en 1641 par M. de Guénégaud. M. de
- Pomponne, dans une lettre du 1er décembre 1644, a tracé le tableau
- de la société qui s'y réunissait.
-
- L'hôtel de Créqui, habité par le maréchal de ce nom, perçait de la
- rue des Poulies dans le cul-de-sac des Pères de l'Oratoire. Il fut
- démoli lors des premiers travaux de la Colonnade du Louvre, en
- 1666.
-
-Georges de Scudéry avait réuni en 1649 ses _Poésies diverses_, et, pour
-se poser en homme sérieux, il s'excusait ainsi, dans l'_Avis au lecteur_,
-de ce que ce volume renfermait pour la dernière fois des vers d'amour:
-«Ce n'est pas que j'aie encore besoin de beaucoup de poudre pour cacher
-la blancheur de mes cheveux, ni que ma vieillesse soit décrépite. Mais
-enfin, j'ai quarante-huit ans, et ma première maîtresse n'est plus belle,
-etc.» Admis à l'Académie l'année suivante, il gardait auprès de lui, avec
-une sollicitude jalouse, sa sœur Madeleine, qui lui rendait en
-collaboration utile et discrète[53] ce qu'elle recevait de lui comme
-notoriété, comme crédit auprès du public et des libraires, profitant
-ainsi, avec sa réserve ordinaire, du bruit fait autour d'un nom qui était
-aussi le sien. Cependant, on la voit prendre parti pour son compte dans
-la querelle des sonnets de Job et d'Uranie, où elle tient pour Uranie
-avec la duchesse de Longueville[54]. Dans la guerre de la Fronde, qui
-éclata presqu'en même temps, les Scudéry embrassèrent avec plus d'ardeur
-encore, et aussi avec plus de péril, le parti du grand Condé et de la
-belle duchesse. Tandis que le frère se compromettait pour les intérêts de
-M. le Prince, au point d'être obligé de se cacher[55], puis de quitter
-Paris, la sœur, animée d'un dévouement non moins chaleureux, consacrait
-sa prose et ses vers à la défense des deux grands personnages dont la
-cause se confondait dans son esprit avec le patriotisme lui-même. Car les
-sentiments monarchiques, qui lui étaient communs avec l'immense majorité
-de la nation, ne l'empêchaient pas de dire, avec un accent ému rare à
-cette époque: «L'amour de la patrie est bien avant dans mon cœur[56].»
-Sur ce chapitre, elle pensait, comme Mlle de Gournay, _à la vieille
-françoise_, et l'on voit, par exemple, dans une lettre à Conrart[57]
-qu'elle n'entendait pas raillerie lorsqu'il s'agissait de la vertu de
-l'héroïne que Chapelain s'apprêtait à chanter.
-
- [53] Nous verrons plus loin que le _Cyrus_ et la _Clélie_
- rapportèrent beaucoup d'argent, du moins au libraire. Mais il en
- passa une partie à l'emploi qu'indique avec ménagement, mais
- assez clairement du reste, l'auteur de l'_Éloge de Mlle de
- Scudéry_: «Riche des seuls biens de son esprit, elle crut qu'elle
- devoit en faire usage pour acquitter de grosses dettes _qu'elle
- n'avoit pas contractées_.»
-
- [54] Voy. sa lettre à Chapelain du 7 décembre 1649.
-
- [55] On lit dans une lettre inédite du surintendant Servien à
- Mazarin, en date du 22 août 1654: «Je crois certainement que
- celui que l'on étoit tant en peine de découvrir, qui écrivoit à
- M. le P... les lettres si importantes et si bien raisonnées que
- V. E. m'a fait quelquefois l'honneur de me montrer, c'est
- Scudéry, qui se retire, à ce qu'on m'a dit, dans le palais
- d'Orléans. Je crois qu'il importe de le faire arrêter.»
-
- [56] Voy. sa belle lettre à Godeau du 22 février 1650, celle du
- mois d'octobre suivant, où se trouvent les vers si connus sur le
- Grand Condé.
-
- Ses lettres de cette époque sont de véritables chroniques de la
- Fronde, écrites à un certain point de vue, mais sous le coup des
- événements.
-
- [57] Jointe à celle adressée de Marseille à Marie Dumoulin, le 21
- août 1647.
-
-«Mme de Longueville, dit Tallemant, à propos du dévouement des Scudéry
-dans cette circonstance, n'ayant rien de meilleur à leur donner, leur
-envoya de son exil son portrait avec un cercle de diamants; il pouvoit
-valoir douze cents écus.» Une lettre inédite que nous possédons confirme
-et les services rendus et la reconnaissance de la duchesse. «Je ne
-prétends pas, écrivait-elle à Scudéry, de Moulins, le 29 août (1654), que
-le petit présent que je vous ai fait vous montre toute ma
-reconnoissance, je prétends seulement qu'il vous la marque, et qu'en vous
-faisant souvenir de moi il vous remette dans la mémoire une personne qui
-a gravé dans la sienne ce que vous avez fait pour elle, et qui, n'étant
-pas née tout à fait bassement, ne peut être aussi touchée de votre
-générosité sans souhaiter qu'une meilleure fortune lui fournisse les
-occasions de contribuer à rendre la vôtre proportionnée à votre
-mérite.... Je vous prie que Mlle de Scudéry sache par votre moyen que je
-conserve pour elle toute l'estime qu'elle mérite.»
-
-Mais ce dévouement, cette admiration des Scudéry pour les Condé--le
-glorieux auteur d'_Alaric_ n'aurait pas parlé autrement--se révélaient
-d'une manière encore plus éclatante dans un roman qui faisait alors
-beaucoup de bruit et qui, sans inaugurer un genre tout à fait nouveau,
-passait du moins pour en être le modèle le plus accompli. _Artamène_ ou
-le _Grand Cyrus_ avait paru en dix parties ou volumes, publiés depuis le
-commencement de 1649 jusqu'à la fin de 1653, sous le nom de M. de
-Scudéry, gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde. C'était, ainsi que le
-proclamaient, dans tout le cours de la publication, les dédicaces, les
-portraits, les chiffres, les illustrations des volumes, une glorification
-perpétuelle de la maison de Condé. Mme de Longueville figurait en tête et
-à la fin de l'ouvrage dont les diverses parties lui étaient adressées, au
-fur et à mesure de leur apparition, par Mlle de Scudéry, soit à l'hôtel
-de Longueville et à celui de Condé, soit à Stenay et à Montreuil-Bellay,
-partout où les portait la bonne et la mauvaise fortune. Tout le monde, à
-commencer par les intéressés eux-mêmes, reconnaissait, sous des noms
-persans, mèdes, assyriens, le vainqueur de Rocroy et de Lens dans Cyrus;
-sa sœur dans la blonde Mandane, douce et fière à la fois; les
-lieutenants du prince dans les guerriers d'Asie qui accompagnaient le
-héros persan; les beautés célèbres de la cour d'Anne d'Autriche dans les
-belles dames des cours d'Ecbatane, de Sardes, de Babylone; l'hôtel de
-Rambouillet dans le palais de Cléomire, enfin dans Sapho, cette fille
-savante, aimable et sage de Mytilène, «dont la beauté n'étoit pas sans
-défauts, ni le teint de la dernière blancheur, mais généreuse,
-désintéressée, fidèle dans ses amitiés, à la conversation si naturelle,
-si aisée et si galante,» Mlle de Scudéry elle-même qui, entre les divers
-noms sous lesquels ses contemporains la désignèrent,--Philoclée dans le
-_Royaume de coquetterie_ de l'abbé d'Aubignac, Polymathie dans le _Roman
-bourgeois_, la bergère Acacie dans des vers de Conrart, Artélice dans
-l'_Eurymédon_, Daphné dans Mme de la Suze, la docte Sophie dans Somaize,
-etc., etc.,--choisit et adopta définitivement celui de Sapho qui lui est
-resté.
-
-Déjà en 1641, avant le voyage de Marseille, avait paru un premier roman:
-_Ibrahim ou l'Illustre Bassa_, sous le nom de Scudéry qui, deux ans
-après, en avait fait une tragi-comédie, déclarant hardiment dans la
-Préface, «qu'il avoit été trop heureux en roman pour ne pas l'être en
-comédie.» On y trouve deux épisodes que reprirent depuis les historiens
-et les dramaturges: celui du comte de Lavagne (conjuration de Fiesque),
-et celui de Mustapha et Zéangir. Guéret, dans son _Parnasse réformé_,
-insinue que Georges n'en était pas l'auteur; et Tallemant s'exprime d'une
-manière encore plus positive dans son _Historiette_ des Scudéry: «Elle a
-fait une partie des harangues des _Femmes illustres_[58] et tout
-l'_Illustre Bassa_.» Segrais, de son côté, dit qu'avant l'_Illustre
-Bassa_ Mlle de Scudéry avait beaucoup contribué aux tragédies de son
-frère. Il est certain, comme nous l'avons déjà indiqué, qu'il y eut de
-bonne heure entre le frère et la sœur une collaboration à laquelle
-chacun d'eux trouvait son compte. C'était chose sous-entendue dans leur
-entourage littéraire le plus intime. Par exemple, Balzac, dans sa
-Correspondance[59], charge Conrart de remercier Scudéry de l'envoi du
-_Grand Cyrus_; mais, en disant: «J'ai déjà été régalé du 9e volume», il
-ajoute: «Je vous demande un compliment de votre façon pour M. et Mlle de
-Scudéry.» «Ceux qui la connoissoient un peu, dit encore Tallemant, virent
-bien dès les premiers volumes de _Cyrus_ que Georges ne faisoit que la
-préface et les épîtres dédicatoires. La Calprenède le lui dit une fois en
-présence de sa sœur, et ils se fussent battus sans elle.» Et plus loin:
-«Quand Scudéry corrigeoit les épreuves des romans de sa sœur, car par
-grimace il faut bien que ce soit lui, s'il reconnoissoit quelqu'un, d'un
-trait de plume aussitôt il le défiguroit, et de brun le faisoit noir.»
-
- [58] _Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques_. Paris,
- 1665, in-12.
-
- [59] _Å’uvres_, 1665, in-fo, t. I, p. 969.
-
-Dans cette collaboration, M. Cousin donne ainsi la meilleure part à Mlle
-de Scudéry: «Selon une tradition fort vraisemblable, ils composaient de
-la manière suivante. Ils faisaient ensemble le plan: Georges, qui avait
-de l'invention et de la fécondité, fournissait les aventures et toute la
-partie romanesque, et il laissait à Madeleine le soin de jeter sur ce
-fond assez médiocre son élégante broderie de portraits, d'analyses
-sentimentales, de lettres, de conversations. S'il en est ainsi, tout ce
-qu'il y a de défectueux dans le _Cyrus_ viendrait du frère, et ce qu'il y
-a d'excellent et de durable serait l'œuvre de la sœur[60].»
-
- [60] _La Société française au dix-septième siècle_, t. II, p. 118.
-
-Peut-être ne faut-il voir là qu'une exagération en sens contraire de
-l'opinion primitivement reçue. Car il y a eu réaction dans les jugements
-des littérateurs et des bibliographes[61], quant aux ouvrages
-d'imagination portant le nom de Scudéry. Après avoir tout attribué au
-frère, on veut maintenant donner tout à la sœur. La vérité ne
-serait-elle pas entre ces deux extrêmes? Ainsi, lorsqu'on se rappelle que
-Scudéry avait servi, et qu'on le voit, en toute circonstance, se piquer
-de ses connaissances dans l'art militaire, il est difficile de croire que
-les épisodes de guerre, où se complaît l'auteur du _Cyrus_, et où M.
-Cousin a reconnu les relations les plus exactes, les plus techniques du
-siége de Dunkerque, des batailles de Lens et de Rocroy, du combat de
-Charenton, etc., ne soient pas l'ouvrage du soldat romancier dont le nom
-figure partout, sur le titre et dans les dédicaces de l'ouvrage.
-
- [61] Par exemple Niceron et Brunet attribuent _Almahide_ à Mlle
- de Scudéry. Eh bien, deux lettres de Chapelain à Georges, des 25
- août et 16 novembre 1660, renferment, sur la deuxième partie de
- ce roman, des détails, des conseils, des critiques qui prouvent
- que Chapelain le traitait comme l'auteur incontesté de l'ouvrage.
-
-Depuis quelque temps, Mlle de Scudéry voyait chez son ami Conrart un
-avocat de Castres établi à Paris, protestant comme celui-ci, pourvu comme
-lui d'une charge de secrétaire au Conseil, et qui travaillait sous ses
-auspices à la _Relation contenant l'histoire de l'Académie françoise_.
-C'était un petit homme disgracieux de taille et de visage, qui, selon le
-mot de Guilleragues répété par Mme de Sévigné, abusait de la permission
-qu'ont les hommes d'être laids. Mais, en le dédoublant, disait encore la
-spirituelle marquise, on trouvait une belle intelligence et une belle
-âme. Également propre à la société, aux lettres et aux affaires, sous un
-extérieur qui paraissait repousser la sympathie, il cachait le don de la
-ressentir et de l'inspirer. C'est par là que devait être prise Mlle de
-Scudéry, à peine moins maltraitée au point de vue des avantages
-extérieurs, mais, c'est Ménage qui l'affirme, plus capable d'aimer
-fortement que Pellisson lui-même. Ainsi commença une de ces amitiés
-célèbres, bien voisines de l'amour[62], qui en eut les vicissitudes, les
-jalousies, les petitesses et les grandeurs, et dont il est parlé si
-longuement, comme par un auteur plein de son sujet, au tome X du _Grand
-Cyrus_.
-
- [62] Voici comment elle a parlé elle-même de ces amitiés:
- «Lorsque l'amitié devient amour dans le cœur d'un amant, ou,
- pour mieux dire, lorsque cet amour se mêle à l'amitié, sans la
- détruire, il n'y a rien de si doux que cette espèce d'amour; car,
- tout violent qu'il est, il est pourtant toujours un peu plus
- réglé que l'amour ordinaire; il est plus durable, plus tendre,
- plus respectueux, et même plus ardent, quoiqu'il ne soit pas
- sujet à tant de caprices tumultueux que l'amour qui naît sans
- amitié. On peut dire, en un mot, que l'amour et l'amitié se
- mêlent comme deux fleuves dont le plus célèbre fait perdre le nom
- à l'autre.» _Esprit de Mlle de Scudéry_, 1766, p. 275.
-
-Pellisson rencontrait Mlle de Scudéry chez des amis communs, mais il
-n'osait aller chez son frère, car celui-ci lui en voulait, dit Tallemant,
-«parce qu'il ne l'avoit pas mis dans sa _Relation de l'Académie_.» Aussi,
-dans ce dernier volume du _Cyrus_, qui parut en décembre 1653, il est
-question d'un frère de Sapho, Charaxe, qui s'oppose à la liaison de sa
-sœur et de Phaon. D'ailleurs, nous avons vu qu'il la gardait presque en
-charte privée. De là, un nouveau grief qu'il faut aussi entendre raconter
-à Tallemant. «M. de Grasse[63] donnoit à dîner à la demoiselle, à Conrart
-et à quelques autres; Conrart trouva Pellisson en chemin et l'y mena. Le
-lendemain, le petit prélat, qui n'étoit point averti, rencontre Scudéry à
-l'hôtel de Rambouillet et lui dit, entr'autres choses, que Mademoiselle
-sa sœur avoit amené M. Pellisson dîner chez lui, et lui dit mille biens
-de ce garçon. Le soir, Scudéry pensa manger sa sœur[64].»
-
- [63] Antoine Godeau, évêque de Grasse et de Vence, était, comme
- nous l'avons vu, l'un des plus anciens amis de Mlle de Scudéry.
-
- [64] Il paraît que ces espèces de rencontres, que Scudéry
- regardait probablement comme des rendez-vous, se renouvelaient
- assez souvent. Pellisson écrivait à Mlle Legendre le 2 novembre
- 1656: «On me vint prendre à midi pour aller dîner chez M. de
- Vence, dont nous ne fûmes de retour qu'à la nuit. Mlle de
- Scudéry, Mlle Robineau, M. Chapelain et M. Isarn en étoient.»
-
-Cependant, lorsque l'auteur des _Historiettes_ ajoute: «Elle avoit pris
-le samedi pour demeurer au logis, afin de recevoir ses amis et ses
-amies[65],» il ne faut pas croire qu'elle ait attendu pour cela sa
-séparation d'avec son frère. Dès 1653, les Samedis se tenaient, soit au
-logis commun du frère et de la sœur, vieille rue du Temple[66], soit
-chez Mlle Boquet ou Mme Aragonnais, leurs voisines. Dès lors aussi, Mlle
-de Scudéry faisait les honneurs de cette réunion; _elle tenoit maison_,
-dit expressément le _Cyrus_. C'est à ce logis de la vieille rue du Temple
-que se rapporte la description du roman[67] et aussi la visite racontée
-par Ménage: «Mme de Montbazon vint un jour me voir et m'emmena avec elle
-dans son carrosse pour aller avec elle à la promenade. Quand nous fûmes
-montés,--Où irons-nous, me dit-elle?--Allons voir, lui dis-je, Mlle de
-Scudéry. Elle n'avoit jamais été chez elle. Étant arrivés, nous entrâmes
-dans la salle. Mlle de Scudéry étoit dans une chambre au-dessus. Sa
-vieille étant montée aussitôt pour l'avertir: Mademoiselle, lui dit-elle,
-venez vite; M. Ménage est là avec la plus belle femme de France[68].»
-
- [65] «La plupart des Précieuses, dit Somaize, ont un jour pour
- recevoir les autres. C'est une nymphe du siècle qui a inventé cet
- usage.» Ainsi l'habitude d'_avoir un jour_, comme on parle encore
- aujourd'hui, nous vient de cette époque, et probablement de Mlle
- de Scudéry.
-
- [66] Et non rue Quincampoix, comme l'a cru, sur des indices peu
- concluants, M. E. Miller, dans son travail, intéressant du reste,
- extrait du _Correspondant: Pierre Taisand, lettres inédites de
- Bossuet et de Mlle de Scudéry_. Paris; Douniol, 1869, in-8º, p.
- 21. M. Ch. Giraud dans l'_Histoire de Saint-Évremond_, qui
- précède son édition des _Œuvres mêlées_ de cet auteur, 1865, 3
- vol. in-12, a plus approché de la vérité en plaçant ce domicile
- rue de Berry. Nous avons trouvé, à cet égard, une indication
- précise dans un document sans date, mais certainement antérieur à
- la Fronde: _Rolle des taxes faites sur les_ _bourgeois et
- habitans du Quartier St-Avoye et le Temple, pour raison du
- nettoyement_:
-
- «Vieille rue du Temple.
- M. Scudéry. . . . . . . . . . . .XIII livres.»
- (Bibl. Nat. Mss fr., no 18,795, p. 31.)
-
- [67] T. X, l. II, p. 599 et suiv.
-
- [68] _Menagiana_, 1693, p. 135.
-
-Pellisson, dans une lettre datée de Chambord, le 14 octobre 1668, donne
-aussi quelques détails sur l'intérieur de Mlle de Scudéry. «Je vous
-assure qu'il me semble tous les jours que le Brun, Mansart et le Nostre
-ont employé tout leur talent et leur savoir dans les lieux où le Roi
-passe.
-
- S'il s'avisoit d'entrer jamais
- Dans le médiocre palais
- Où vous régnez dans les tournelles,
- La maison aussitôt deviendroit des plus belles,
- Le vilain vestibule en seroit honoré,
- L'obscur degré seroit tout éclairé,
- Le passage seroit paré.
- Que de lustres dans les ruelles!
- Le cabinet enfin vous paroîtroit doré[69].»
-
- [69] _Œuvres diverses de M. Pellisson, de l'Académie françoise_.
- Paris, 1735, in-12, t. II, p. 408.
-
-Le cabinet de Mlle de Scudéry fut de tout temps fort modeste, car elle
-écrivait à l'abbé Boisot, le 9 octobre 1694 (elle demeurait alors rue de
-Beauce): «Que l'Ermite vienne quelquefois à ma cellule, car mon cabinet
-se peut appeler ainsi.»
-
-Dans cette première habitation, comme plus tard dans la seconde, se
-trouvait un jardin planté d'arbres fruitiers dont Mlle de Scudéry
-distribuait les fruits à ses amis, de mûriers, d'orangers, de jasmins et
-même d'acacias, essence encore nouvelle en France. Là chantaient cette
-fauvette qui revenait tous les ans et qui revient aussi souvent dans les
-vers de Sapho et de ses amis, cette pigeonne au nom de laquelle on
-présentait des placets, ces roitelets, ces pinsons et enfin ces
-tourterelles qui inspiraient si heureusement les habitués de la
-maison[70]. Ajoutez-y une chatte favorite, dont les adorateurs
-platoniques de sa maîtresse se proclamaient jaloux, et vous aurez une
-idée de ce premier théâtre des Samedis[71]. On y tenait des conversations
-littéraires ou galantes, témoin la fameuse _Journée des Madrigaux_, du 20
-décembre 1653[72], on y échangeait des cadeaux, on s'y occupait
-quelquefois de sciences et souvent de modes. On avait des imitateurs, des
-rivaux et des critiques[73].
-
- [70] Le _Dialogue d'un Passant et d'une Tourterelle_, par
- Pellisson, est présent à toutes les mémoires. Le quatrain suivant
- est moins connu:
-
- Où peut-on trouver des amans
- Qui nous soient à jamais fidèles?
- Je n'en sais que dans les romans
- Et dans les nids des tourterelles.
-
- Ce joli quatrain, que les éditeurs des _Œuvres de Pellisson_,
- 1734, t. I, p. 158, ont attribué à ce dernier sur la foi d'une
- lettre de Mme de Scudéry à Bussy-Rabutin, doit être restitué à Mme
- de P. (probablement de Platbuisson), d'après le témoignage plus
- digne de foi de Mlle de Scudéry elle-même (Voy. sa première lettre
- à Mlle Descartes).
-
- [71] Voy. _passim_, le _Recueil de pièces galantes de la Suze et
- de Pellisson_.--Les _Å’uvres diverses de Pellisson_, etc.
-
- [72] Publiée par M. Émile Colombey, 1856, in-12.
-
- [73] «Toute cette cabale ignorante ou envieuse étoit opposée à la
- nôtre, et parloit de nous d'une si plaisante manière que je ne
- m'en puis souvenir sans étonnement; car ils se figuroient qu'on
- ne parloit jamais chez Sapho que des règles de la poésie, que de
- questions curieuses et que de philosophie, et je ne sais même
- s'ils ne disoient point qu'on s'y occupoit de magie.» Le _Grand
- Cyrus_, Xe partie, l. II, p. 347.
-
-Que faisait Scudéry pendant ce temps? Le plus souvent sans doute, il
-avait de ces boutades dont nous parle Tallemant: «Il se retiroit chez lui
-et ne vouloit voir personne.» Mais nous avons aussi la preuve qu'il ne
-s'isolait pas toujours aussi complétement, et nous le verrons tout à
-l'heure figurer dans une conversation avec sa sœur et l'abbé d'Aubignac,
-leur voisin. Il paraît même, par une pièce de vers de Pellisson, qu'il ne
-refusa pas toujours de se prêter aux coquetteries poétiques entre
-celui-ci et sa sœur, tant qu'il put les croire sans conséquence. Dans
-cette pièce intitulée _Caprice contre l'estime_, et qui commence ainsi:
-
- Donc je ne dois plus prétendre
- D'arriver un jour à Tendre;
- Donc, sans jamais être aimé
- Je ne serai qu'estimé;
-
-Dans cette pièce, disons-nous, il prend à témoin Sapho et _son excellent
-frère_ de l'insuffisance d'un sentiment froid comme l'estime, etc.[74]
-
- [74] _Recueil de pièces galantes de la Suze et de Pellisson_,
- 1741, t. I, p. 200.
-
-Bientôt le succès de _Clélie_ (1654-1661), toujours sous le nom de
-Georges, vint s'ajouter à celui d'_Artamène_. La pacification de 1652, et
-la rentrée de la Cour à Paris (21 octobre) avaient multiplié toutes les
-coteries, et, entre autres, celle des Précieuses dont le nom, encore peu
-répandu, ne se prit en mauvaise part que plusieurs années après. L'esprit
-romanesque triomphait en littérature comme en politique. «Tandis que
-l'amour du bruit, la galanterie, le goût des aventures et des grands
-coups d'épée armaient contre l'autorité royale les jeunes seigneurs, les
-héroïnes coquettes, les vieux magistrats et les masses populaires, les
-éditions multipliées de la _Clélie_ et du _Cyrus_ enivraient les lecteurs
-par leurs longs récits de guerre, de politique et d'amour[75].»
-
- [75] _Histoire des poëtes épiques français du XVIIe siècle_,
- Thèse par Julien Duchesne, 1870, p. 84.--Voici la date des
- principales éditions des romans du genre dont il s'agit:
-
- Le _Cyrus_: 1650, 1651, 54, 55, 56, 58.
- La _Clélie_: 1656, 1658, 60, 61, 1731.
- _Polexandre_ de Gomberville, 1629, 1637.
- La Calprenède, _Cassandre_, 1642, 1650, 10 vol.
- -- _Cléopâtre_, 1647, 1658, 12 vol.
-
-_Clélie_ est conçue dans le même système pseudo-historique, exposé dès la
-préface de l'_Illustre Bassa_, largement appliqué dans _Cyrus_ et repris
-avec des développements dans le chapitre des premières _Conversations_,
-intitulé: _De la manière d'inventer une fable_. On voit dans ce dernier
-écrit que l'auteur n'était pas sans avoir réfléchi à l'emploi de
-l'histoire dans le roman, quoique ses théories aient été souvent fausses
-ou mal appliquées. Il ne faut donc pas demander à la _Clélie_ la peinture
-exacte des premiers temps de Rome, ni les vrais caractères des anciens
-Romains qu'après tout Racine et même Corneille n'ont pas laissé
-d'accommoder aussi quelquefois à la française. La description de Carthage
-qu'on trouve au tome Ier[76] n'a pas les prétentions à la couleur locale
-bruyamment affichées dans un de nos romans contemporains. Il ne faut y
-chercher, en fait de témoignages historiques, qu'une vérité purement
-relative. On sent des souvenirs vivants de la Fronde dans le tableau des
-combats qui ensanglantent les faubourgs de Rome, dans la scène où Brutus
-soulève le peuple, dans le récit des intrigues qui séduisent ses fils,
-dans la peinture de leur mort, etc.
-
- [76] Pages 159-169.
-
-On y a compté jusqu'à soixante-treize portraits de personnages connus, et
-telle est leur fidélité que plusieurs ont suppléé à l'œuvre du crayon ou
-du pinceau. Ainsi pour la comtesse de Maure, pour la marquise de
-Sablé[77]. C'est là, dit l'historien de Mme de Maintenon, qu'il faut
-chercher la meilleure peinture du singulier ménage de Scarron, et le
-meilleur portrait de Mme Scarron dans sa jeunesse[78]. Non-seulement
-toutes les dames voulaient être dans les romans de Mlle de Scudéry, comme
-le dit Tallemant qui cite des exemples de cette manie, avec noms à
-l'appui, mais encore de saintes maisons, d'austères personnages, ainsi
-que nous le verrons bientôt, n'étaient pas insensibles à l'ambition de
-figurer dans cette galerie romanesque. La plume de Sapho faisait
-concurrence au pinceau de Philippe de Champagne aussi bien qu'à celui de
-Mignard ou de Petitot.
-
- [77] V. les ouvrages de MM. Ed. de Barthélemy et Cousin.
-
- [78] L'auteur de la _Clélie_ introduit les deux époux, sous les
- noms de Scaurus et Lyriane, dans le temple de la Fortune, pour
- interroger l'oracle sur leurs destinées.--Portrait de Mme
- Scarron.--La belle Lyriane, introduite auprès de l'oracle, ne
- veut rien demander. «Car enfin, dit-elle au sacrificateur, si je
- dois être heureuse, je le serai infailliblement, et s'il doit
- m'arriver quelque malheur, je le saurai toujours assez tôt.--Ce
- que vous dites est si bien dit, reprit le sacrificateur, que je
- ne doute pas que vous ne soyez un jour aussi heureuse que vous
- méritez de l'être.»
-
- Mme Scarron, dit la Beaumelle, avait vingt-quatre ans, quand Mlle
- de Scudéry fit cette prédiction. Les deux époux furent
- reconnaissants. Scarron dit dans son _Épître chagrine à de Mlle de
- Scudéry_:
-
- Vous donnez donc ainsi de l'immortalité,
- Par un pur mouvement de libéralité,
- Et de votre Scaurus l'agréable peinture
- M'affranchit donc ainsi des lois de la nature!
- Celle par qui le ciel soulage mon malheur,
- Digne d'un autre époux comme d'un sort meilleur,
- _Lyriane_ en un mot vous est fort obligée.
-
- Et non l'_Uranie_, comme portent toutes les éditions des _Œuvres
- de Scarron_.
-
-Mais il y a dans la _Clélie_ un genre d'intérêt particulier qui la
-distingue des autres romans publiés sous le nom de Georges, et qui achève
-d'en révéler le véritable auteur. La femme s'y montre de plus en plus,
-avec ses vertus comme avec ses faiblesses. Nous ne voulons pas seulement
-parler ici de la _Carte de Tendre_ qui se trouve au tome Ier, et que
-l'auteur n'a jamais entendu donner que comme une plaisanterie de
-société[79]. Ce mélange d'allégories galantes et de descriptions
-imaginaires, sans remonter ici jusqu'au _Roman de la Rose_, à la
-géographie fantastique de l'_Utopie_ et du _Pantagruel_, avait été, si
-l'on en croit l'abbé d'Aubignac, mis en œuvre dans sa _Relation du
-royaume de Coquetterie_, composée longtemps avant l'apparition du premier
-volume de _Clélie_, quoique publiée seulement pendant le cours de la même
-année 1654. Dans la _Lettre d'Ariste à Cléonte_[80], il nous apprend que
-«pour le brouiller avec l'illustre Sapho, certaines personnes, jalouses
-peut-être de ce que, par l'occasion du voisinage, il avoit depuis quelque
-temps renoué son ancienne connoissance avec elle, avoient représenté sa
-_Carte_ et sa _Description du royaume de Coquetterie_ comme une
-imitation, sinon comme un larcin de celles du Pays de Tendre.»
-
- [79] Celer conte à la princesse des Léontins que Clélie s'étant
- amusée un jour à supposer qu'il y avait un pays de _Tendre_, dans
- lequel on pouvait voyager, on lui en demanda la carte, qu'elle
- traça et dessina comme on le voit dans le roman. _Clélie_, t. I,
- p. 399-401.
-
- Mais plus loin, p. 477, elle proteste contre la publicité donnée
- malgré elle à cette bagatelle, «qui étoit faite pour n'être vue
- que de cinq ou six personnes d'esprit, et non de deux mille qui
- n'en ont guères, ou qui l'ont mal tourné.»
-
- [80] Paris, F. Bienfait, 1659, in-18.
-
-Quoi qu'il en soit de cette question, pour nous assez indifférente, de
-savoir si la création de l'abbé est antérieure, ou même, comme le veut
-Furetière, supérieure à celle de Mlle de Scudéry, d'Aubignac, dans son
-apologie, en prend occasion de nous raconter, sur ses rapports avec elle
-et avec son frère, quelques détails qui trouveront bien ici leur place.
-«Elle ne sauroit avoir perdu le souvenir que, dès la première fois
-qu'elle me montra son Pays de Tendre, je lui dis que j'avois dès
-longtemps fait une description de la vie de ces femmes extravagantes que
-l'on nomme Coquettes, mais que ma profession présente m'empêchoit de
-faire voir de quel air je les avois traitées. Elle s'efforça même de me
-relever de ce scrupule par des considérations que son frère soutint d'une
-manière fort obligeante, et nous en parlâmes trop longtemps pour avoir
-oublié cet entretien qui doit fermer la bouche à tous les autres[81].»
-
- [81] _Lettre d'Ariste_, p. 6.
-
-Des termes dont se sert d'Aubignac, et de l'affirmation même de Clélie,
-rapportée plus haut, «que cette bagatelle n'étoit faite que pour être vue
-de cinq ou six personnes,» il semble résulter qu'il existait des copies
-manuscrites de la Carte de Tendre, même avant l'apparition du premier
-volume de _Clélie_. Dans tous les cas, elle engendra une foule
-d'imitations, de commentaires, parmi lesquels il ne faut pas oublier la
-_Gazette de Tendre_, publiée par M. Émile Colombey à la suite de la
-_Journée des Madrigaux_, d'après les manuscrits de Conrart. On trouve
-dans les mêmes manuscrits une pièce en forme de Charte, dont voici
-l'intitulé: «Sapho, Reine de Tendre, Princesse d'Estime, Dame de
-Reconnoissance, Inclination et terrains adjacents, à tous présents et à
-venir, Salut, etc.
-
-Donné à Tendre, au mois des Roses, l'an de la fondation d'Amour, 1656.»
-
-Il y a aussi une _Relation de ce qui s'est depuis peu passé à Tendre,
-avec le discours que fit la souveraine de ce lieu aux habitants de
-l'Ancienne ville_[82].
-
- [82] Miller, _Pierre Taisand_, etc., p. 26.
-
-Pour racheter toutes ces puérilités, hâtons-nous de citer sur la _Clélie_
-l'opinion d'un écrivain moraliste qui nous montrera que tout n'est pas
-frivole dans cette œuvre d'une femme. «La _Clélie_, qui, au premier coup
-d'œil, ne semble qu'un roman plein de je ne sais quelle métaphysique
-amoureuse qui prête au ridicule, ou un manuel pédantesque de galanterie,
-la _Clélie_ est, quand on l'étudie de près, un livre sérieux et curieux
-où toutes les questions qui tiennent à la condition des femmes dans le
-monde sont traitées d'une manière à la fois piquante et judicieuse. Quel
-est le rang que la civilisation moderne donne à la femme, et que doit
-faire la femme pour avoir et pour garder ce rang? Voilà, en vérité, le
-sujet de la _Clélie_[83].»
-
- [83] Saint-Marc Girardin, _Cours de littérature dramatique_,
- 1861, t. III, p. 3.
-
-Au surplus, le moment approchait où Mlle de Scudéry, déjà à demi
-émancipée par le succès des derniers romans dans lesquels l'opinion lui
-attribuait une part de plus en plus large, allait plus complétement
-encore s'affranchir de la tutelle parfois gênante de son frère, et avoir
-son intérieur, son ménage, sa société, son individualité civile et
-littéraire.
-
-Georges, compromis, comme nous l'avons vu, dans la cause du prince de
-Condé, avait quitté Paris à la fin de l'année 1654, et s'était retiré à
-Graville, près du Havre[84]. «Là, dit Tallemant, une demoiselle
-romanesque, qui mouroit d'envie de travailler à un roman, croyant que
-c'étoit lui qui les faisoit, l'épousa.» Cette demoiselle était
-Marie-Madeleine du Montcel de Martin-Vast, femme d'esprit, comme le
-prouvent ses lettres éparses dans la correspondance de Bussy-Rabutin,
-d'une beauté médiocre, à en croire ce passage de l'une d'elles, si bien
-applicable à sa belle-sœur: «Voilà un des priviléges de nous autres
-dames pas belles, et il faut avouer que c'est peut-être le seul; nous
-disons en tendresse tout ce qui nous plaît sans que cela scandalise[85].»
-Époux et père de famille sans devenir plus riche ni beaucoup plus sage,
-Scudéry fit quelques tentatives pour renouer avec sa sœur une communauté
-dont il s'était bien trouvé; mais celle-ci, sans nier les obligations
-qu'elle lui avait dans le passé[86], sans rester indifférente pour
-l'avenir aux intérêts ni à la réputation de son frère, persista
-résolûment[87] à maintenir son indépendance jusqu'à la mort de ce frère,
-arrivée le 14 mai 1667.
-
- [84] Comme il règne quelque obscurité sur cette époque de la vie
- de Scudéry, nous citerons ici, d'après le Manuscrit provenant de
- Sainte-Beuve déjà signalé par nous, les lettres de Chapelain, à
- lui adressées, des 14 février et 12 juin 1659, «à Pirou, en
- Normandie;» des 25 août et 16 novembre 1660, «à Paris.» Il est
- pour la première fois question de Mme de Scudéry (Mlle de
- Martin-Vast) dans la lettre du 12 juin 1659.
-
- [85] Lettre à Bussy, du 29 avril 1672.
-
- [86] Voy. dans la Correspondance la lettre de Scudéry à l'abbesse
- de Malnoue.
-
- [87] Tallemant dit à ce sujet: «Il (Scudéry) vint ici, il y a un
- an (ceci était écrit en 1658), mais sa sœur lui déclara qu'il
- n'y avoit qu'un lit dans la maison, et il s'en retourna.»
-
-Quoique Georges, dans la préface d'_Alaric_ (1654) se fût fait honneur
-sans façon du succès de l'_Illustre Bassa_ et du _Grand Cyrus_, quoiqu'il
-eût mis encore son nom aux derniers volumes d'_Almahide ou l'Esclave
-Reine_ (1658), depuis longtemps, nous l'avons vu, dans le cercle des amis
-intimes, et même dans le monde littéraire, on avait soupçonné, puis
-désigné celle qu'on regardait comme le véritable auteur. En vain Mlle de
-Scudéry s'en défendait encore devant l'abbé de Marolles; en vain elle
-affectait d'être en colère contre Furetière qui, dans sa _Nouvelle
-allégorique_, de cette même année 1658, avait imprimé «qu'elle avoit fait
-les romans que son frère s'attribuoit;» en vain, jusqu'en 1728, l'auteur
-de la nouvelle édition du _Dictionnaire de Richelet_, exprimait-il encore
-des doutes à cet égard. Huet ne faisait que proclamer une vérité déjà
-connue, lorsque, en tête de sa _Lettre à Segrais sur l'origine des
-romans_ (1670), alors que _Zaïde_ et _la Princesse de Clèves_ n'avaient
-pas encore paru, il rendait à Mlle de Scudéry cet éclatant hommage: «On
-ne vit pas sans étonnement les romans qu'une fille autant illustre par sa
-modestie que par son mérite avoit mis au jour sous un nom emprunté, se
-privant si généreusement de la gloire qui lui étoit due, et ne cherchant
-sa récompense que dans sa vertu, comme si, lorsqu'elle travailloit ainsi
-à la gloire de notre nation, elle eût voulu épargner cette honte à notre
-sexe; mais enfin le temps lui a rendu la justice qu'elle s'étoit refusée,
-et nous avons appris que l'_Illustre Bassa_, le _Grand Cyrus_ et la
-_Clélie_, sont les ouvrages de Mlle de Scudéry.»
-
-
-On peut dire que les années qui suivirent la séparation de Mlle de
-Scudéry d'avec son frère marquèrent l'apogée du succès de ses romans et
-peut-être aussi de ses Samedis, bien que quelques écrivains représentent
-ceux-ci comme ayant déjà perdu de leur éclat. Il y a ici une distinction
-à faire. Ce qui paraît vrai, c'est que, à mesure que les réunions de la
-vieille rue du Temple s'éloignaient par la date de celles de l'hôtel de
-Rambouillet, l'élément aristocratique y diminuait d'autant, et la
-distance entre la rue Saint-Thomas du Louvre et le Marais se laissait
-mieux apercevoir. La Calprenède, jaloux du succès de la _Clélie_,
-prononçait ce terrible mot: «Pour moi, je ne vais point chercher mes
-héros dans la rue Quincampoix.» Il y avait bien encore quelques grands
-personnages qui formaient le lien entre les deux réunions: Montausier et
-sa femme, la marquise de Sablé, Mme de Rohan-Montbazon[88], «dont
-l'amitié hautement déclarée donnait au modeste salon de la vieille rue du
-Temple et à la société un peu mêlée qui s'y rassemblait de la
-considération et même un certain éclat[89].» L'auteur des _Historiettes_,
-en 1658, disait des Samedis: «Il y avoit autrefois des personnes de
-qualité, comme Mlle d'Arpajon[90] et Mme de Saint-Ange; mais l'une s'est
-mise en religion, et l'autre la voit bien encore, mais c'est plutôt
-un autre jour que le Samedi.» On pourrait encore citer les
-Duplessis-Guénégaud, les Saint-Aignan, les comtesses de Rieux et de
-Maure, Mlle de Vandy, et plus tard, la duchesse de Saint-Simon[91].
-
- [88] Marie-Éléonore de Rohan-Montbazon, abbesse de la Trinité de
- Caen, puis de Malnoue, connue dans la société précieuse sous les
- noms d'Octavie, de Méléagire, la Grande Vestale dans _Clélie_,
- fut une des femmes les plus distinguées de cette époque qui en
- comptait un si grand nombre. Elle unissait à la piété et aux
- qualités solides que Pellisson a fait ressortir dans une belle
- épitaphe (voyez-la à la fin du IIIe vol. de ses _Lettres
- historiques_), l'enjouement et les grâces de l'esprit et du
- corps. Huet, dans sa jeunesse, a tracé d'elle un portrait
- renfermant ce passage singulier quand on songe qu'il s'applique à
- une abbesse et qu'il émane d'un futur évêque: «N'ayant jamais vu
- votre gorge, je n'en puis parler; mais si votre sévérité et votre
- modestie vouloient me permettre de dire le jugement que j'en fais
- sur les apparences, je jurerois qu'il n'y a rien de plus
- accompli.»
-
- [89] Cousin, _La Société française_, t. II, p. 151.
-
- [90] Jacqueline, fille du duc d'Arpajon et petite-fille du
- maréchal de Thémines. Tallemant ajoute en note: «Quand Mlle
- d'Arpajon se fit carmélite (elle prit l'habit le 7 juillet 1655),
- Mlle Sapho s'avisa de lui écrire une grande lettre, pour l'en
- retirer, qui n'eût peut-être pas persuadé une jeune fille, et
- celle-là avoit trente ans: car elle ne lui parloit que des
- divertissements qu'elle perdoit. La reine alla ce jour-là aux
- carmélites; les religieuses vouloient lui montrer cette lettre,
- et, en effet, sans Moissy qui y prêchoit ce jour-là, elles
- l'eussent fait. Car Sapho avoit grand tort d'écrire comme cela en
- une religion où l'on ne reçoit point de lettres que les
- supérieures ne les ayent lues.» Cette affaire fit grand bruit, et
- la lettre de Mlle de Scudéry, souvent mentionnée, s'est dérobée à
- toutes nos recherches.
-
- [91] Ce devait être Diane-Henriette de Budos, première femme de
- Claude de Saint-Simon, père de l'auteur des _Mémoires_.
-
-Sans doute les noms des habitués ordinaires du Samedi, Chapelain,
-Conrart, Pellisson, Ménage, Sarazin, Doneville, Isarn, etc., ceux de Mmes
-Cornuel, Aragonnais, de leurs filles ou belles-filles, de Mlles Boquet et
-Robineau, etc., n'ont pas le même parfum aristocratique; mais il faut se
-rappeler que, dans cette société du dix-septième siècle, l'esprit était
-aussi une dignité, et que les réunions de Mlle de Scudéry, en devenant
-plus bourgeoises, n'avaient pas cessé d'être littéraires. «On y voyait,
-dit M. Marcou, et ces jeunes filles qui aimaient Descartes et le
-chantaient, et celles qui, par leur beauté, vengeaient le Samedi des
-épigrammes de Furetière, et d'autres qui les justifiaient trop; et la
-noblesse provinciale ou parisienne, d'épée ou de robe; et les
-présidentes, les avocats, les beaux esprits, les abbés, même les évêques;
-et tous ces contingents de la Normandie, de la Provence et du Languedoc,
-recrues que l'admiration ou l'amitié avaient faites à Mlle de Scudéry,
-quand elle habitait le Havre ou Marseille; à Pellisson, quand il était à
-Toulouse ou à Castres[92].» Car, il faut bien le reconnaître avec les
-mauvais plaisants, Pellisson était _le Prince_, _l'Apollon des Samedis_,
-et il avait été proclamé tel par Sapho elle-même.
-
- [92] _Étude sur Pellisson_, p. 99.
-
-Furetière avait dit spirituellement: «La Vierge du Marais s'est bornée à
-créer un monde (le Pays de Tendre), laissant à d'autres le soin de le
-peupler.» Et, dans une lettre sans date, mais qui doit se rapporter aux
-années 1654-1655, il ajoutait: «Le P. B. et moi ne vous parlons jamais de
-ce que vous ne voulez jamais entendre. Nous disons même dans le monde que
-nous avons en vous une illustre amie, mais, dans le fond de l'âme, nous
-sommes vos très-humbles et très-obéissans amans.» On sait déjà que
-Furetière ne fut pas toujours aussi tendre envers «l'illustre amie;» mais
-ce langage, et plus encore les innombrables madrigaux recueillis par
-Conrart, Pellisson et autres nous montrent sur quel ton étaient avec
-elle la plupart des hommes qui l'entouraient. D'ailleurs il est
-difficile de croire qu'elle ne songeait pas à elle-même, quand elle
-disait de Clélie: «Cette admirable fille vivoit de façon qu'elle n'avoit
-pas un amant qui ne fût obligé de se cacher sous le nom d'ami, et
-d'appeler son amour amitié, autrement ils eussent été chassés de chez
-elle[93].» De même Pellisson, qu'il est difficile de reconnaître dans le
-Phaon du _Cyrus_, est peint, à ne pas s'y méprendre, dans l'Herminius de
-la _Clélie_, deuxième et troisième parties, correspondant aux années de
-leur liaison la plus intime.
-
- [93] _Clélie_, t. Ier, p. 389.
-
-C'étaient, dans tout cet entourage, des déclarations, des échanges de
-cadeaux, des minauderies, des rivalités dont il est bien difficile de ne
-pas sourire, quand on songe à l'âge de la plupart des soupirants, et
-surtout à celui de la _Divine Sapho_ (elle avait alors près de cinquante
-ans). Néanmoins, parmi ces soupirants, il y en avait un jeune encore,
-Isarn, de Castres, qui était venu rejoindre à Paris son compatriote
-Pellisson. Aussi beau que celui-ci était laid, aimable mais inconstant,
-il adressa d'abord à Sapho des hommages que ni l'un ni l'autre ne prit au
-sérieux et qui se promenèrent de Télamire à Philoxène, de Philoxène à
-Octavie[94], etc. Cependant les coquetteries allaient leur train. On
-faisait au Raincy de longues promenades en tête à tête avec Trasile
-(Isarn); on recevait des cachets et des épîtres galantes du généreux
-Théodamas (Conrart)[95]; que dis-je, on passait un automne tout entier à
-sa maison d'Athis-Mons, et il y avait un commerce réglé de coquetterie
-entre les fauvettes du bois de Carisatis et celles du bois de Sapho. La
-plaisanterie s'exerçait sur les amours de Conrart, comme elle allait
-bientôt le faire sur ceux de Pellisson.
-
- Conrart, sage comme un Caton,
- A pourtant au cœur, ce dit-on,
- Un petit endroit attendri
- Landeriri.
-
- [94] Voy. la _Journée des Madrigaux_, p. 17, 51, 74; le _Louis
- d'or_, par Isarn, et la lettre de Mlle de Scudéry à cette
- occasion.
-
- [95] Sur le cachet donné à Sapho par Théodamas, il y eut tout un
- déluge de madrigaux passablement ridicules. Sapho termine le sien
- par ces vers:
-
- On ne peut se défendre
- De vous donner son cœur ou de le laisser prendre.
-
- Théodamas insiste:
-
- Je suivrai la leçon qu'Amour me vient apprendre,
- Donnez-moi votre cœur sans me le laisser prendre.
-
- Sapho réplique à son tour:
-
- Vous êtes un cruel vainqueur
- De vouloir qu'on porte son cœur
- Jusque dans votre chambre, etc.
-
- (_Journée des Madrigaux_, p. 39 et s.)
-
-Qui croirait que le sage Théodamas était un tigre de jalousie? C'est
-pourtant ce qu'atteste Ménage qui n'osait faire à Sapho certain présent
-de peur de paraître empiéter sur les priviléges de son rival[96]. Plus
-hardi vis-à-vis de Cotin, il se posait contre lui en galant chevalier de
-la Vierge du Marais, moins compromettant, il est vrai, par la passion que
-par le ridicule[97].
-
- [96]
-
- Quand il est en courroux
- Ce n'est plus le meilleur des hommes;
- C'est un tigre jaloux.
- Sapho, vous le savez, il entre en frénésie,
- Sa colère aussitôt trouble sa fantaisie;
- Et, saisi de fureur, comme ses ennemis
- Il traite ses amis.
-
- (_Menagii poemata_, 1680, p. 238.)
-
- [97] Voy. ci-après la petite guerre de la _Ménagerie_.
-
-C'est évidemment au milieu de ces plaisanteries de société qui suivirent
-la publication du premier volume de _Clélie_, telles que la _Journée des
-Madrigaux_, la _Carte_ et la _Gazette de Tendre_[98], au milieu de ces
-coquetteries à droite et à gauche, destinées peut-être à cacher un
-sentiment plus sérieux, qu'il faut placer le fameux quatrain:
-
- Enfin, Acanthe, il faut se rendre.
- Votre esprit a charmé le mien,
- Je vous fais citoyen de Tendre,
- Mais de grâce n'en dites rien[99].
-
- [98] On peut voir dans ce dernier opuscule, p. 75 et suiv.,
- comment l'admission d'Acanthe (Pellisson), dans le Pays de Tendre
- souleva l'opposition des habitants de l'_Ancienne-Ville_,
- assemblés chez le généreux Mégabase, qui forcèrent Sapho à lui
- faire faire quarantaine avant de l'admettre, parce que, avant de
- venir à _Nouvelle-Amitié_, il avait passé par un lieu où régnait
- une maladie contagieuse dont il avait failli mourir. Tout cela,
- dépouillé de la forme allégorique, semble indiquer que les
- anciens habitués du Samedi, à l'instigation du marquis de
- Montausier, voulurent forcer Pellisson à se contenter du titre
- d'ami, au lieu du sentiment plus tendre qu'il avait d'abord mis
- en avant.
-
- [99] «Il (Pellisson) donna de la jalousie à M. Conrart au sujet
- de Mlle de Scudéry, qui m'avoua elle-même, en me parlant un jour
- de leur mésintelligence, que c'en étoit là la cause. Elle ne put
- s'empêcher de déclarer enfin à M. Pellisson la passion qu'elle
- avoit pour lui, par des vers qu'elle fit sur le champ.»
- (_Menagiana_, 1693, p. 146.)
-
-Mme du Plessis-Bellière, l'une des dames qui paraissaient quelquefois aux
-Samedis, avait fait connaître Pellisson et Mlle de Scudéry à Fouquet,
-dont elle était parente. L'un et l'autre reçurent quelques marques de sa
-libéralité. Pellisson lui en adressa des remercîments en vers et en
-prose, et, à partir de 1656, devint un de ses principaux commis, sans que
-les relations avec Sapho en fussent interrompues. Les Papiers de Fouquet
-renferment des lettres qu'elle adressait à Pellisson pendant son voyage à
-Nantes où il accompagnait le Surintendant. Elle-même venait d'assister
-aux fêtes de Vaux[100] et avait passé quelques jours aux _Pressoirs du
-Roi_, propriété située sur les bords de la Seine, près de Fontainebleau
-où se trouvait alors la Cour, et qui, bâtie sous François Ier,
-appartenait alors à une famille Jacquinot, amie de Fouquet et de Mlle de
-Scudéry. Celle-ci était inquiète du silence prolongé de Pellisson. On
-était au commencement de septembre 1661. L'orage grondait sur la tête du
-Surintendant. Dans ces lettres datées des Pressoirs, le jargon du Royaume
-de Tendre, sous la plume de Mlle de Scudéry, a fait place aux accents du
-cœur: «Mandez-moi quand vous reviendrez, et m'écrivez un pauvre petit
-mot pour me consoler de votre absence qui m'est la plus rude du monde....
-Je ne vous demande pas de longue lettre; je ne veux qu'un mot qui me dise
-comment vous vous portez, car pour peu que je sache que vous vivez, je
-supposerai que vous m'aimez toujours.»
-
- [100] Marcou, _Étude sur Pellisson_, p. 489.
-
-Entre deux êtres qui, à défaut de la jeunesse et de la beauté, pouvaient
-mettre en commun les trésors d'une affection aussi vive et aussi sérieuse
-à la fois, on s'étonnerait de ne pas voir apparaître l'idée du
-mariage[101]. Elle se présenta au moins à leur entourage le plus
-immédiat, soit que cette éventualité ait excité ses railleries ou ses
-craintes. Les lettres que nous venons de citer renferment les passages
-suivants: «Si je ne craignois de vous fâcher, je vous dirois que v...
-m... (votre mère) dit et fait de si étranges choses tous les jours, que
-l'imagination ne peut aller jusque là, et tout le monde vous plaint
-d'avoir à essuyer une manière d'agir si injuste et si déraisonnable....»
-Et plus loin: «Votre mère a dit à M... (Ménage) des choses qui vous
-épouvanteroient si vous les saviez, tant elles sont déraisonnables,
-emportées et hors de toute raison[102].»
-
- [101] «On a toujours cru qu'il y avoit entre Mlle de Scudéry et
- Pellisson un mariage de conscience.» (Note de Saint-Marc sur
- l'Épigramme LIII de Boileau.)
-
- [102] Ici quatre lignes effacées avec soin. Voir la
- Correspondance.
-
-Ce qu'il y a d'obscur dans ces allusions sera éclairci par une lettre
-inédite de l'abbé Bourdelot que nous empruntons à la Correspondance de
-Nicaise[103]. «Je n'étois pas d'humeur à laisser passer ce que dit
-l'_Anti-Menagiana_ que, si Pellisson eût épousé Mlle de Scudéry, c'eût
-été la faim qui auroit épousé la soif, et beaucoup d'autres impertinences
-de cette nature. A propos de Pellisson, il est bon de vous dire que ce
-que dit le _Menagiana_ que sa mère offrit vingt mille livres à Mlle de
-Scudéry pour l'obliger à l'épouser est très-faux. Je sais de bonne part
-qu'elle ne craignoit rien tant que de la voir la femme de son fils.»
-
- [103] Fonds Français, 9360, t. II, p. 960.
-
-Mais, soit pruderie, soit indépendance, Mlle de Scudéry professa un
-éloignement constant pour le mariage. Elle s'était expliquée là-dessus
-très-nettement au t. X, l. II du _Cyrus_, et elle y revient encore dans
-des lettres de sa vieillesse, où, à l'occasion du mariage de Mme de
-Chandiot, une de ses amies, elle écrit: «Le mariage est, suivant moi, la
-chose du monde la plus difficile à faire bien à propos.... J'ai préféré
-trois fois dans ma vie la liberté à la richesse, et je ne saurois m'en
-repentir[104].» En revanche elle se forma toujours de l'amitié l'idée la
-plus haute. Nous allons la voir à l'épreuve.
-
- [104] Lettre à Mme de Chandiot, du 18 décembre 1691.--Lettre à
- l'abbé Boisot, du même jour.
-
-A la date de la dernière des lettres de Mlle de Scudéry citées plus haut,
-7 septembre 1661, Pellisson était arrêté avec Fouquet à Nantes depuis
-deux jours; puis, sur un ordre du roi, il fut conduit au château
-d'Angers et de là à la Bastille. On peut voir à la Correspondance la
-lettre émue qu'elle écrivait à Huet sous le coup de cette nouvelle. A
-partir de ce moment, ce fut, de la part de Mlle de Scudéry, une série de
-démarches, d'écrits, de sollicitations de ruses pieuses, d'abord pour
-adoucir sa captivité, et ensuite pour la faire cesser. Pellisson avait su
-mettre dans ses intérêts un Allemand qu'on avait placé auprès de lui
-comme espion, et dont il fit un émissaire. Par le moyen de cet homme, il
-eut avec son amie une correspondance journalière, dont on peut se faire
-une idée d'après ce qu'elle dit dans sa lettre du 12 mai 1694 à l'abbé
-Boisot: «J'ai brûlé plus de cinq cents lettres de M. de Pellisson, du
-temps de la Bastille.»
-
-Au moment où la saisie des fameuses cassettes du Surintendant provoquait
-de la part de Chapelain des paroles peu mesurées contre d'anciens
-amis[105], et jetait la terreur parmi les femmes légères et les
-entremetteuses de la ville et de la Cour, on aime à voir ces deux
-honnêtes femmes, Scudéry et Sévigné, protester contre les défaillances et
-les calomnies, se soutenir mutuellement[106], encourager les
-autres[107], et se donner la main dans cette œuvre de dévouement,
-jusqu'au moment où elles purent se présenter ainsi, avec leur ami libre
-grâce à elles, au courageux magistrat dont les conclusions avaient sauvé
-la vie à Fouquet[108]. En effet, tandis que l'une enrôlait à la cause du
-malheur ses correspondants séduits, entraînés par la magie de son style,
-Sapho espérant que le moment était venu où l'on allait se relâcher des
-premières rigueurs, écrivait à Colbert[109] une lettre éloquente pour le
-supplier d'adoucir la captivité du prisonnier, et de permettre qu'il pût
-être visité par quelques parents et amis, à commencer par sa mère,
-celle-là même qui avait tenu au sujet de leur liaison des propos si peu
-charitables[110].
-
- [105] «Est-ce être honnête homme, comme l'ont tant prôné les
- flatteurs de Fouquet, les Scarron, les Pellisson, les Sapho, et
- toute la canaille intéressée?...» (Lettre à Mme de Sévigné, du 3
- octobre 1661.)
-
- [106] Ce fut Mlle de Scudéry qui s'éleva avec le plus de force
- contre ceux qui, à l'occasion des cassettes de Fouquet, se
- permettaient des insinuations calomnieuses sur le compte de Mme
- de Sévigné. Celle-ci, dans sa lettre du 22 octobre 1661, charge
- Ménage d'en remercier leur amie commune.
-
- [107] «J'ai été voir notre chère voisine (Mme du
- Plessis-Guénégaud); nous avons bien parlé de notre cher ami. Elle
- avoit vu Sapho, qui lui a redonné du courage.» (Sévigné à M. de
- Pomponne, 27 novembre 1664.)
-
- [108] «9 février 1666.--Mme de Sévigné m'amena Pellisson et Mlle
- de Scudéry, qui me témoignèrent toute l'estime et l'amitié
- possible sur l'histoire du procès de M. Fouquet.» (_Journal
- d'Olivier d'Ormesson_, t. II, p. 446.)
-
- [109] Voir cette lettre, de décembre 1663, à la Correspondance.
-
- [110] Mme Pellisson avait obtenu en juin 1662 une permission
- restreinte qui lui avait été retirée depuis. (Fr. Ravaisson,
- _Archives de la Bastille_, t. II, p. 43.)
-
-Mais près de deux ans s'écoulèrent encore avant que Pellisson n'obtînt
-cette ombre de liberté, comme il le disait lui-même dans une lettre
-écrite le 15 novembre 1665[111] à l'abbesse de Malnoue par
-l'intermédiaire de Mlle de Scudéry, «l'amie incomparable et unique au
-monde par qui vous recevrez ce billet;» car cet homme semble avoir exercé
-sur les femmes les plus distinguées une séduction qui certes n'était pas
-celle des avantages physiques. Dans une lettre de l'abbesse de Malnoue,
-portant la suscription: _Octavie à Zénocrate_[112], on lit: «Vous
-apprendrez de bien des endroits qu'Herminius a la liberté de voir ses
-amis, et qu'on espère qu'il l'aura bientôt tout entière. Je vous envoie
-la lettre qu'il m'écrivit le jour même qu'il vit Sapho. Sans mentir, j'ai
-tout à fait de la joie de celle qu'ils ont.... Sapho me mande que la
-chambre de Pellisson est la plus triste du monde: il n'y a qu'une seule
-fenêtre à double grille dans une muraille de six pieds d'épaisseur[113].»
-C'est dans ce triste réduit qu'accoururent dès le premier jour «mille
-gens de qualité.» Quant à Sapho, elle s'y installa, pour ainsi dire, à
-demeure avec le prisonnier, puisque l'abbesse de Malnoue mandait à son
-correspondant le 8 janvier 1666: «Sapho et Acanthe m'écrivent quelquefois
-de la Bastille[114].»
-
- [111] _Ibid._, p. 455.
-
- [112] On n'est pas d'accord sur le véritable nom de ce
- correspondant de l'abbesse de Malnoue. M. Fr. Ravaisson veut
- qu'il s'agisse ici de Conrart. M. Cousin, avec plus de
- vraisemblance, désigne Isarn; l'éditeur des lettres d'Éléonore de
- Rohan hésite entre M. de Doneville, Paul Pellisson ou son frère
- George.
-
- [113] _Ibid._, t. III, p. 1.
-
- [114] Mss Conrart, in-fo, t. XI, p. 1257.
-
-La spirituelle Octavie, tout en s'associant de cœur à la joie du couple
-enfin réuni, ne se refusait pas quelques malices à leur endroit. Elle
-avait fait promettre à Sapho de lui rendre un compte très-exact de cette
-entrevue. «Il n'y a pas de plaisantes questions que je ne lui aie faites.
-Vous savez que, quand je suis en humeur de la questionner sur Herminius,
-il n'y a rien de fou qui ne me passe par l'esprit....» Un mois après la
-délivrance de Pellisson elle écrivait encore: «Il m'a envoyé des odes de
-dévotion qu'il a faites dans sa prison. Je les ai trouvées si tendres
-pour Dieu, que j'ai mandé à Sapho que j'en estime et en aime Herminius
-davantage, mais que, comme je ne la crois pas si dévote que lui, j'ai eu
-peur qu'elle n'ait été jalouse du bon Dieu[115].»
-
- [115] _Ibid._, p 1251 et 1261.
-
-Cependant la poésie qui avait consolé la captivité devait jouer son rôle
-dans la délivrance. Pellisson avait composé à la Bastille un poëme de
-1391 vers, tout en l'honneur de Mlle de Scudéry[116] qui en est l'Alpha
-et l'Oméga.
-
- [116] Voy. ce qu'elle en dit dans sa lettre à Boisot, du 7 juin
- 1693.
-
- Sapho, qui consolez mon triste éloignement,
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- O fille incomparable, en vertus éclatante,
- Qui de l'honnête amour étiez la longue attente,
- Merveille de notre âge, adorable en bontés,
- Vous me verrez un jour, et vous le méritez,
- Couronner vos vertus de cent fleurs immortelles
- Qu'un siècle laisse à l'autre également nouvelles.
- Mais pendant que le temps, trop long selon vos vœux,
- Me ramène à pas lents un destin plus heureux,
- Aimez, aimez Acanthe, et faites vos délices
- De ces fleurs qu'il vous cueille au bord des précipices.
-
-Nous avons cité les premiers et les derniers vers de ce poëme
-d'_Eurymédon_ à qui l'on jugera sans doute que Bossuet faisait bien de
-l'honneur en le relisant chaque année. Pour être indulgent à ces vers,
-ainsi qu'à la plupart de ceux qui faisaient les délices de la société du
-Samedi, il faut se rappeler que ces fadeurs et ces puérilités servaient
-d'organe à d'innocentes amitiés et parfois aux plus nobles sentiments.
-Ainsi ces interminables vers sur la fauvette, le roitelet, le pinçon,
-toute cette poésie de colombier et de volière qui met notre patience à
-une si rude épreuve en parcourant le recueil de la Suze et de Pellisson,
-trouvent presque grâce à nos yeux, quand nous savons que c'est sur un
-Placet en vers, présenté au Roi par Pellisson au nom de la pigeonne de
-Sapho[117], que celui-ci obtint enfin sa liberté. Ce fut vers la fin de
-janvier 1666 qu'il reparut dans les salons, et que, de disgracié qu'il
-était, il devint presque courtisan et homme à la mode. Mais ce qui ne
-changea pas, ce furent les sentiments qui l'unissaient à sa généreuse
-amie, et qui s'étaient retrempés à l'épreuve du malheur[118].
-
- [117] _Å’uvres diverses de Pellisson_, 1735, t. I, p. 147.
-
- [118] Sur cette amitié courageuse de Mlle de Scudéry, nous avions
- noté un passage que nous reproduisons ici, mais dont malheureusement
- nous ne nous rappelons pas la source. «Elle ne craignit point de
- publier que plusieurs personnes considérables, dont elle se mettoit
- du nombre, diroient toujours du bien de Fouquet, au risque de perdre
- leur fortune et leur vie.»
-
-Nous ne pouvons résister au désir d'anticiper un peu sur l'ordre des
-temps pour ajouter un chapitre à l'histoire de la conspiration de Mlle de
-Scudéry et de Mme de Sévigné en faveur de Fouquet et de ses amis. La
-seconde écrivait à son gendre le 25 juin 1670: «Si l'occasion vous vient
-de rendre quelque service à un gentilhomme de votre pays, qui s'appelle
-V..., je vous conjure de le faire: vous ne me sauriez donner une marque
-plus agréable de votre amitié.... vous connoissez toute sa famille. Ce
-pauvre garçon étoit attaché à M. Fouquet, il a été convaincu d'avoir
-servi à faire tenir une de ses lettres à sa femme; sur cela, il a été
-condamné aux galères pour cinq ans: c'est une chose un peu
-extraordinaire. Vous savez que c'est un des plus honnêtes garçons qu'on
-puisse voir, et propre aux galères comme à prendre la lune avec ses
-dents.»
-
-Or, ce gentilhomme dont le nom était resté en blanc dans l'édition de M.
-de Monmerqué de 1820, s'appelait Valcroissant[119]. L'aimable marquise
-avait intéressé à sa cause Mlle de Scudéry qui s'était empressée d'écrire
-en sa faveur à M. de Vivonne, général des galères. La réponse de ce
-dernier, dont M. de Monmerqué possédait l'original, portait: «Sitôt qu'on
-m'eut appris le mérite et l'infortune tout ensemble du gentilhomme pour
-qui vous m'écrivez, je fis tout ce qui dépendit de moi pour adoucir la
-rigueur de sa condamnation; vous pouvez juger de là ce que je voudrois
-faire dans la suite pour son soulagement; cela ira sans doute à tout ce
-qui sera en mon pouvoir, pour vous marquer, et à Mme la marquise de
-Sévigné, celui que vous avez sur la personne qui vous honore le plus
-l'une et l'autre[120].»
-
- [119] M. Chéruel, _Mémoires sur Fouquet_, t. II, p. 529, a
- exprimé sur ce point des doutes qui ne nous paraissent point
- motivés.
-
- [120] Vivonne à Sévigné, 23 août 1670. (Édition des _Lettres de
- Sévigné_, Blaise, 1818-1819, t. I, p. 190.)
-
-
-Grâce à l'intervention et aux démarches de ces deux généreuses personnes,
-l'arrêt fut commué, et Valcroissant, trois mois après sa condamnation,
-put se promener en liberté dans Marseille. Dix-huit ans plus tard, estimé
-de tous comme un des meilleurs officiers de l'armée, il remplissait les
-fonctions d'inspecteur, dont Louvois l'avait chargé, et avait occasion
-d'être utile au jeune marquis de Grignan, petit-fils de Mme de
-Sévigné[121]. L'année suivante, Valcroissant avait un gouvernement en
-Flandre, et faisait mettre aux cadets de Besançon le fils du poëte
-Bonnecorse, autre ami et obligé de Mlle de Scudéry.
-
-
-S'il fallait assigner une date précise au triomphe de cette littérature
-dont le _Cyrus_ et la _Clélie_ passaient pour l'expression la plus
-heureuse, nous indiquerions l'année 1658. Il y avait pour l'auteur à la
-fois succès d'estime et succès d'argent. Vers cette époque, Tallemant
-disait: «Ses livres se vendent fort bien,» et Pradon écrivait plus tard,
-à propos des critiques de Boileau: «Cependant, ces tomes _épouvantables_
-et cet _horrible Artamène_, qui ont été traduits en toutes sortes de
-langues, même en arabe, et qui sont encore aujourd'hui la plus délicieuse
-lecture des premières personnes de la cour, cet _horrible Artamène_,
-dis-je, dont on achetoit les feuilles si chèrement à mesure qu'on les
-imprimoit, et qui a fait gagner cent mille écus à Augustin Courbé, est à
-présent l'objet de la satire de M. D.... Quand ses satires auront fait
-gagner cent mille écus à Barbin, on souffrira sa critique un peu plus
-tranquillement, et quoiqu'il dise:
-
- A ses propres dépens enrichir le libraire,
-
-je crois qu'il y a encore du chemin à faire jusque-là. En vérité, _Cyrus_
-et _Clélie_ sont des ouvrages qui ont illustré la langue françoise, et
-les marques éclatantes d'estime que le roi a données à une personne
-illustre et modeste, devoient arrêter M. D......[122]»
-
- [121] Lettres de Mme de Sévigné, des 28 novembre 1670 et 26
- novembre 1690.
-
- [122] _Nouvelles remarques sur tous les ouvrages du sr D...._
- (Despréaux). La Haye, 1685, p. 105.
-
-Mais bientôt la fin de la Fronde, puis l'émancipation définitive du jeune
-roi ramenaient à la cour les princes et les grands seigneurs dispersés au
-fond des provinces. Dans le loisir des vieux châteaux, on avait
-contracté le goût des récits de longue haleine. Tandis que les dames
-brodaient d'interminables tapisseries, la demoiselle de compagnie
-faisait, à haute voix, des lectures à peine moins longues. Comme le
-remarque Mme de Genlis, «ces éternelles conversations qui, dans les
-ouvrages de Mlle de Scudéry, suspendant la marche du roman, nous
-paraissent insoutenables, étaient loin de déplaire[123].» Mais la vie de
-cour avait d'autres exigences. D'ailleurs, _Zaïde_, la _Princesse de
-Clèves_, allaient donner des allures plus vives au roman où l'histoire du
-cœur ne perdait rien à se dégager des vieux cadres soi-disant
-historiques.
-
- [123] _De l'influence des femmes sur la littérature française_,
- 1811, t. I, p. 126.
-
-En vain Ménage disait «que ces romans dureroient toujours[124],» Mlle de
-Scudéry elle-même,--c'est lui qui l'atteste à quelques lignes de
-distance,--déclarait, trop modestement sans doute, «qu'elle avoit encore
-un roman d'achevé, mais que personne ne voudroit l'acheter ni le lire.»
-Cependant, leur vogue se soutint encore longtemps dans les provinces et à
-l'étranger, et, même quand ils furent réduits «à gagner les petites
-armoires,» suivant l'expression d'un contemporain, on les retrouve encore
-dans bien des bibliothèques, sans excepter celle de Boileau[125]. Il y
-eut, pour eux, ces admirations attardées et traditionnelles qui ne
-manquent jamais aux ouvrages dont l'attention publique s'est vivement
-préoccupée. Ainsi, vers le premier tiers du dix-huitième siècle, le père
-Porée trace une peinture piquante, malgré la forme latine et pédantesque
-dont il l'enveloppe, des diverses lectures qui occupent les hôtes d'un
-vieux château. «Que fait cette fille déjà grande, assise à une petite
-table, la tête appuyée sur son coude? Elle lit avec avidité l'histoire
-d'une fille persane ou turque, devenue, par ses charmes, la favorite d'un
-roi ou d'un empereur, et illustrée par ses amours....» Et plus loin:
-«Écoutez les Céladons et les Artamènes qui se glorifient de leur
-esclavage, etc.[126]» Chateaubriand raconte, dans ses _Mémoires
-d'Outre-tombe_, que sa mère, fille d'une élève de Saint-Cyr, savait par
-cœur tout _Cyrus_. En Angleterre, ces romans français du dix-septième
-siècle, traduits, portant souvent le titre, «par des personnes de
-qualité,» se lisaient encore longtemps après que leur vogue était passée
-chez nous. La sérieuse lady Russell qualifiait la _Clélie_ de livre
-très-profitable, «_a most improving book_,» et la jeune Mary Wortley,
-depuis lady Montagu, dévorait le _Grand Cyrus_ dans sa chambre de petite
-fille. Et cependant, M. Cousin, au début même du livre où il entreprend
-la réhabilitation de cet ouvrage, réhabilitation, il est vrai, plutôt
-historique que littéraire, n'hésite pas à dire: «Qui lit aujourd'hui le
-_Grand Cyrus_, qui le lisait au dix-huitième siècle, et même dans les
-dernières années de Louis XIV?»
-
- [124] _Menagiana_, 1694, p. 191.
-
- [125] M. Berriat Saint-Prix a constaté que, dans le nombre des
- ouvrages indiqués par l'inventaire de Boileau, on trouve
- l'_Astrée_, _Cléopâtre_ et _Cyrus_.
-
- [126] _De libris qui vulgo dicuntur Romanenses_, 1736, in-4º, pp.
- 27, 28, 36.--_Observations sur quelques écrits modernes_, par
- l'abbé Desfontaines, t. V, p. 89, 91.
-
-Il est difficile de décider si Molière et Boileau, en qui se personnifia
-surtout la réaction contre le genre précieux et les romans à la Scudéry,
-suivirent ou devancèrent le goût du public. Ils affectèrent l'un et
-l'autre d'attribuer à la province[127], à «de mauvaises copies
-d'excellentes choses,» à «des Précieuses ridicules qui imitoient mal les
-véritables Précieuses» cette affectation dans les discours, cette
-recherche de sentiments qu'on étalait à Versailles, qu'on imitait à
-Paris, qu'on parodiait loin de la capitale.
-
- [127] Cathos et Madelon sont «deux pecques provinciales,» et,
- dans la IIIe satire, ce sont:
-
- Deux nobles campagnards, grands lecteurs de romans,
- Qui disent tout _Cyrus_ dans leurs longs complimens.
-
- Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'un des commentateurs modernes de
- Molière assure que le jargon précieux s'est conservé jusqu'à nos
- jours dans plusieurs sociétés de province, et il en cite des
- exemples recueillis par lui dans une ville située à moins de 80
- lieues de Paris. (_Œuvres de Molière_, édon d'Aimé-Martin, 1824.
- t. II, p. 47.)
-
-Rœderer et Cousin, après lui, n'ont pas eu de peine à démontrer que
-Molière n'a voulu jouer en 1659 ni l'hôtel de Rambouillet qui n'existait
-plus, ni les Précieuses de 1656, auxquelles personne alors n'eût osé
-appliquer l'épithète de _ridicules_. Mais, malgré les précautions
-oratoires que renferme la préface, il est bien certain que les traits de
-la pièce vont plus loin qu'il ne convient à l'auteur de l'avouer. Les
-théories de Cathos sur «la recherche dans les formes» qui doit précéder
-le mariage, les longs préliminaires qu'elle décrit complaisamment,
-n'avaient-ils pas un précédent notoire dans les quinze ans de cour que
-Julie d'Angennes imposa au duc de Montausier, et la phrase de Madelon à
-ce propos ne nous transporte-t-elle pas en plein roman de Scudéry? «La
-belle chose que ce seroit si d'abord Cyrus épousoit Mandane, et
-qu'Aronce, de plein pied, fût marié à Clélie!» Mascarille déclarant
-«qu'il est _furieusement_ pour les portraits,» et travaillant, «à mettre
-en madrigaux toute l'histoire romaine,» rappelle à la fois la langue et
-les occupations du Samedi. Allons plus loin: lorsque, d'un côté, nous
-voyons, dans la _Journée des Madrigaux_, la plupart des valets de la
-maison faisant des vers[128], et, de l'autre, les faux marquis de Molière
-et l'impromptu de Mascarille, sommes-nous dans la maison de Gorgibus ou
-dans celle de Mlle de Scudéry et de Mlle Boquet?
-
- [128] «Il est effectivement vrai que la plupart des valets de la
- maison firent des vers ce jour-là.» (Note de Conrart, reproduite
- par M. Em. Colombey, p. 17, de la _Journée des Madrigaux_.)
-
-On pourrait même trouver persistance d'épigramme dans le _Bourgeois
-gentilhomme_ (1670), car le compliment de M. Jourdain à Dorimène: _Belle
-marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour_, avec toutes ses
-variantes, ressemble assez au madrigal de Brutus à Lucrèce: _Toujours.
-l'on. si. mais. aimoit. d'éternelles. hélas. amours. d'aimer. doux. il.
-point. seroit. n'est. qu'il._
-
- Qu'il seroit doux d'aimer si l'on aimoit toujours.
- Mais hélas! il n'est point d'éternelles amours.
-
-Dans les _Femmes savantes_, représentées treize ans après les _Précieuses
-ridicules_, mais dont on parlait déjà dès 1666[129], il y a bien encore
-plus d'un trait dont les Précieuses et Mlle de Scudéry peuvent prendre
-leur part[130], mais les critiques sont plus générales et répondent à une
-nouvelle phase du goût et des mœurs. Il y est moins mention des romans
-passés de mode, et la question de l'instruction qui convient aux femmes
-est plus nettement posée. Clitandre, qui représente le juste milieu dans
-cette question de l'éducation des femmes, ne fait presque que rendre en
-vers ce que Mlle de Scudéry avait dit en prose longtemps auparavant.
-
- Je consens qu'une femme ait des clartés de tout,
- Mais je ne lui veux point la passion choquante
- De se rendre savante afin d'être savante,
- Et j'aime que souvent aux questions qu'on fait
- Elle sache ignorer les choses qu'elle sait.
- De son étude enfin je veux qu'elle se cache,
- Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache.
-
- [129] Dans la _Ménagerie_ de l'abbé Cotin, dont la première
- édition datée est de 1666, on trouve un _Avis au lecteur_
- renfermant ce passage curieux qui paraît avoir échappé aux
- éditeurs de Molière: «Je pensois que toute la _Ménagerie_ fût
- achevée, quand on m'a averti qu'après les _Précieuses_, on doit
- jouer chez Molière, _Ménage hipercritique_, le _Faux savant_, et
- le _Pédant coquet_. VIVAT. Les comédiens ont mis dans leurs
- affiches qu'il faudra retenir les loges de bonne heure, et que
- tout Paris y doit être, parce que toutes sortes de gens, grands
- et petits, mariés et non mariés, sont intéressés au _ménage_.
- C'est une plaisanterie de comédiens.»
-
- Ainsi le pauvre Cotin criait _vivat!_ à l'annonce d'une
- personnalité contre Ménage, sans se douter qu'il devait y figurer
- comme pendant, et que la caricature de Vadius appelait celle de
- Trissotin.
-
- [130] Le bonhomme Chrysale se plaint aussi de ce que ses valets
- font des vers:
-
- L'un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire,
- L'autre rêve à des vers quand je demande à boire.
-
-Écoutons maintenant Sapho s'expliquant sur le même sujet: «Encore que je
-voulusse que les femmes sussent plus de choses qu'elles n'en savent pour
-l'ordinaire, je ne veux pourtant jamais qu'elles agissent ni qu'elles
-parlent en savantes. Je veux donc bien qu'on puisse dire d'une personne
-de mon sexe qu'elle sait cent choses dont elle ne se vante pas, qu'elle a
-l'esprit fort éclairé, qu'elle connoît finement les beaux ouvrages,
-qu'elle parle bien, qu'elle écrit juste et qu'elle sait le monde, mais je
-ne veux pas qu'on puisse dire d'elle: c'est une femme savante. Ce n'est
-pas que celle qu'on n'appellera point savante ne puisse savoir autant et
-plus de choses que celle à qui on donnera ce terrible nom, mais c'est
-qu'elle sait mieux se servir de son esprit, et qu'elle sait cacher
-adroitement ce que l'autre montre mal à propos[131].»
-
- [131] Le _Grand Cyrus_, dernière partie, liv. Ier, p. 356.
-
-Ainsi, Mlle de Scudéry, près de vingt ans avant la comédie des _Femmes
-savantes_, semblait protester contre ce _terrible nom_, et contre toute
-solidarité avec les Bélise et les Philaminte de l'avenir.
-
-«M. Despréaux n'étoit pas ami de M. Pellisson ni de moi,» écrivait Mlle
-de Scudéry[132]. Elle aurait pu ajouter: «ni de mon frère,» car les
-fameux vers:
-
- Bienheureux Scudéry dont la fertile plume
- Peut tous les mois sans peine enfanter un volume, etc.
-
- [132] Lettre à Boisot, 24 juin 1693.
-
-Ces vers, disons-nous, furent le premier grief de Sapho contre le
-satirique. Le nom de Pellisson, imprimé d'abord en toutes lettres d'une
-manière peu flatteuse dans la satire VIII[133], avait été remplacé depuis
-par un synonyme encore moins flatteur[134]. Enfin, une épigramme
-grossière, que Daunou répugne à croire écrite par Boileau, aurait même
-associé ce nom à celui de Sapho dans le reproche de laideur[135]. Mais on
-sait, du moins, ce que Boileau en pensait, par ce qu'il en dit plus tard
-dans ses _Héros de roman_.
-
-«PLUTON.
-
-Quelle est cette précieuse renforcée que je vois qui vient à nous?
-
-DIOGÈNE.
-
-C'est Sapho, cette fameuse Lesbienne qui a inventé les vers saphiques.
-
-PLUTON.
-
-Je la trouve bien laide, etc.»
-
-Et plus loin, on se moque «des généreuses amies de Sapho qui ne
-surpassent guères en beauté Tisiphone, et qui, néanmoins.... ne laissent
-pas de passer pour de dignes héroïnes de roman.»
-
-Tout cela était assez peu littéraire. Ce qui l'est davantage, ce sont les
-vers de l'_Art poétique_:
-
- Gardez-vous de donner, ainsi que dans _Clélie_,
- L'art ni l'esprit françois à l'antique Italie,
- Et, sous des noms romains faisant notre portrait,
- Peindre Caton galant et Brutus dameret.
-
- [133]
-
- L'or même à Pellisson donne un teint de beauté.
-
- [134]
-
- L'or même _à la laideur_ donne un teint de beauté.
-
- [135]
-
- La figure de Pellisson
- Est une figure effroyable.
- Mais quoique ce vilain garçon
- Soit plus laid qu'un singe ou qu'un diable,
- Sapho lui trouve des appas;
- Mais je ne m'en étonne pas,
- Car chacun aime son semblable.
-
-Il faut rapprocher de ce passage une lettre de Boileau à Brossette, du 7
-janvier 1703, dont le ton dédaigneux était bien fait pour choquer celle
-qui en était l'objet, si elle avait pu la lire:
-
-«C'est une grande absurdité à la demoiselle, auteur de la _Clélie_,
-d'avoir choisi le plus grave siècle de la république romaine pour y
-peindre les caractères de nos François; car on prétend qu'il n'y a pas
-dans ce livre un seul Romain ni une seule Romaine qui ne soit copié sur
-le modèle de quelque bourgeois ou de quelque bourgeoise de son
-quartier.»
-
-Nous ne nous étonnerons donc pas de trouver, dès 1684, Mlle de Scudéry
-liguée avec Ménage pour empêcher Boileau d'entrer à l'Académie.
-Toutefois, il faut le reconnaître, ce double genre d'attaques la trouva
-beaucoup moins sensible que celles qui s'étendaient à ses amis et à son
-sexe. Dans ses lettres à l'abbé Boisot, elle parle avec une rancune peu
-dissimulée de la _Satire contre les femmes_, qui venait de paraître et
-faisait beaucoup de bruit[136].
-
- [136] Voy. la lettre du 6 mars 1694 et les suivantes.
-
-«Il y a une nouvelle satire de Despréaux imprimée contre les femmes,
-qu'il croit être la meilleure des siennes. Mais les gens de bon goût ne
-le trouvent pas, et il y a un caractère bourgeois et des phrases fort
-bizarres. Il donne un coup de griffe, suivant sa coutume, à _Clélie_,
-sans raison et sans nécessité. Mais je suis accoutumée à mépriser ce
-qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai pas. Et un livre qui a été
-traduit en italien, en anglois, en allemand et en arabe, n'a que faire
-des louanges d'un satirique de profession.» Plus loin, elle revient
-encore sur ce sujet qui lui tient au cœur, protestant, au nom de toutes
-les honnêtes femmes, contre les diatribes de leur ennemi commun[137].
-Puis, par un mouvement qui rappelle certaines préfaces de son frère,
-elle ajoute: «J'imite ce fameux Romain qui, au lieu de se justifier, dit
-à l'assemblée: Allons remercier Dieu de la victoire que nous avons
-gagnée!»
-
- [137] «Il y a une satire contre les femmes du satirique public
- que le mérite seul de votre amie (Mme de Chandiot) doit faire
- sembler plus ridicule, car il a si mauvaise opinion des femmes
- qu'il ne peut compter que trois honnêtes femmes dans tout Paris.»
-
-
-Mlle de Scudéry se montre surtout fort blessée de ce passage:
-
- D'abord tu la verras, ainsi que dans _Clélie_,
- Recevant ses amans sous le doux nom d'amis,
- S'en tenir avec eux aux petits soins permis;
- Puis bientôt en grande eau, sur le fleuve de Tendre,
- Naviguer à souhait, tout dire et tout entendre,
- Et ne présume pas que Vénus ou Satan
- Souffre qu'elle en demeure aux termes du roman.
-
-«Vous me direz, écrit-elle à l'abbé, si ce vers: _Ou Vénus ou Satan_,
-peut être fait par un chrétien.» Et il faut convenir que la suite de ce
-passage, où l'imitatrice de Clélie, débutant par l'amour platonique,
-finit par devenir une femme perdue, «une Messaline, donnant des
-rendez-vous chez la Cornu,» était bien faite pour offenser une honnête
-fille qui pouvait prêter au ridicule, mais dont les mœurs étaient
-restées inattaquables, de l'aveu même du satirique. En effet, lorsqu'il
-publia, en 1713, ses _Héros de roman_, il fit, à la fin du _Discours_ qui
-les précède, la déclaration suivante: «Comme j'étois fort jeune dans le
-temps que tous ces romans.... faisoient le plus d'éclat, je les lus,
-ainsi que les lisoit tout le monde, avec beaucoup d'admiration.... Mais
-enfin.... je reconnus la puérilité de ces ouvrages. Si bien que, l'esprit
-satirique commençant à dominer en moi, je ne me donnai point de repos que
-je n'eusse fait contre tous ces romans un dialogue à la manière de
-Lucien, etc.... Cependant, comme Mlle de Scudéry étoit alors vivante, je
-me contentai de composer ce dialogue dans ma tête, et bien loin de le
-faire imprimer, je gagnai même sur moi de ne point l'écrire et de ne
-point le laisser voir sur le papier, ne voulant pas donner ce chagrin à
-une fille qui, après tout, avoit beaucoup de mérite, et qui, s'il faut en
-croire tous ceux qui l'ont connue, nonobstant la mauvaise morale
-enseignée dans ses romans, avoit encore plus de probité et d'honneur que
-d'esprit.»
-
-«Les dévots et dévotes lui en veulent, parce qu'à leur goût c'est elle
-qui établit la galanterie.» Ce passage de Tallemant nous révèle une
-troisième espèce d'adversaires pour Mlle de Scudéry. Nous venons de voir
-que Boileau n'avait pas seulement attaqué la _Clélie_ au nom du goût,
-mais aussi au nom de la morale. Perrault lui ayant reproché «son
-acharnement contre cet ouvrage, malgré l'estime qu'on en a toujours
-faite, et l'extrême vénération qu'on a toujours eue pour l'illustre
-personne qui l'a composé,» le grand Arnauld qui, il faut le dire, était
-mieux dans son rôle, releva le gant, et voici comment il s'exprime dans
-une lettre à Despréaux (1694):
-
-«Il ne s'agit point, monsieur, du mérite de la personne qui a composé la
-_Clélie_, ni de l'estime qu'on a faite de cet ouvrage. Il en a pu mériter
-pour l'esprit, pour la politesse, pour l'agrément des inventions, pour
-les caractères bien suivis, et pour les autres choses qui rendent
-agréable à tant de personnes la lecture des romans. Que ce soit, si vous
-voulez, le plus beau de tous les romans; mais enfin c'est un roman: c'est
-tout dire. Le caractère de ces pièces est de rouler sur l'amour, et d'en
-donner des leçons d'une manière ingénieuse, et qui soit d'autant mieux
-reçue qu'on en écarte le plus, en apparence, tout ce qui pourroit
-paroître de trop grossièrement contraire à la pureté. C'est par là qu'on
-va insensiblement jusqu'au bord du précipice, s'imaginant qu'on n'y
-tombera pas, quoiqu'on y soit déjà à moitié tombé par le plaisir qu'on a
-pris à se remplir l'esprit et le cœur de la doucereuse morale qui
-s'enseigne au Pays de Tendre.»
-
-Nous sera-t-il permis de le répéter après Sainte-Beuve? Ni Arnauld, ni
-Boileau, n'avaient tout ce qu'il faut pour bien juger les femmes et leur
-rôle dans la société. Sans sortir de Port-Royal, Nicole et Du Guet les
-comprenaient mieux, et Bossuet jugeait la Xe satire moins irréprochable
-et moins édifiante que ne le faisait Arnauld. Voici comme il en parle au
-chap. XVIII du _Traité de la concupiscence_: «Celui-là s'est mis dans
-l'esprit de blâmer les femmes. Il ne se met point en peine s'il condamne
-le mariage, et s'il en éloigne ceux à qui il a été donné comme un
-remède.» Ce qu'il y a de curieux, c'est que ce dernier point de vue avait
-été également saisi par Mlle de Scudéry, ennemie du mariage[138].
-
- [138] Lettre à Boisot, du 7 avril 1694. «Le mariage de votre
- parent prouve que la Satire contre les femmes n'empêche pas qu'on
- ne se marie.»
-
-Le jansénisme n'avait pas toujours été si sévère pour la reine de celles
-que Ninon appelait: _les Jansénistes de l'amour_. Le _Provincial_, dans
-une réponse, du 2 février 1656, aux deux premières lettres de son
-correspondant, lui transmettait le billet suivant, écrit par une dame à
-une de ses amies qui lui avait fait tenir la première de ces deux
-lettres: «Je vous suis plus obligée que vous ne pouvez vous l'imaginer de
-la lettre que vous m'avez envoyée: elle est tout à fait ingénieuse et
-tout à fait bien écrite. Elle narre sans narrer; elle éclaircit les
-affaires du monde les plus embrouillées; elle raille finement; elle
-instruit même ceux qui ne savent pas bien les choses; elle redouble le
-plaisir de ceux qui les entendent. Elle est encore une excellente
-apologie, et, si l'on veut, une délicate et innocente censure. Et il y a
-enfin tant d'art, tant d'esprit et tant de jugement en cette lettre, que
-je voudrois bien savoir qui l'a faite.»
-
-Et le _Provincial_ ajoutait: «Vous voudriez bien aussi savoir qui est la
-personne qui en écrit de la sorte; mais contentez-vous de l'honorer sans
-la connoître, et, quand vous la connoîtrez, vous l'honorerez bien
-davantage[139].»
-
- [139] _Les Provinciales_, édit. Lefèvre, 1826, p. 54.
-
- Lorsque Titon du Tillet (_Parnasse François_, p. 486) parle d'une
- lettre où Pascal aurait dit qu'ayant lu _Clélie_, il avait admiré
- l'auteur sans la connaître, c'est probablement à cet endroit des
- _Provinciales_ qu'il veut faire allusion.
-
-Quelle était cette personne? Racine va nous l'apprendre dans sa _Lettre à
-l'auteur des Imaginaires_[140]. «N'est-ce pas elle (Scudéry) que l'auteur
-entend lorsqu'il parle d'une personne qu'il admire sans la connoître?»
-
- [140] _Œuvres de Racine_, édition Hachette, t. IV, p. 283.
-
-De son côté Mlle de Scudéry, qui entretenait avec M. d'Andilly des
-relations amicales, fit son portrait sous le nom de Timante et le plaça
-dans un tableau très-flatteur du Désert, au tome VI de la _Clélie_
-(1657). Elle loua beaucoup la conversion et la retraite de Lemaistre à
-Port-Royal. Elle n'était pas indigne de comprendre cette grande union
-d'une belle âme avec son Dieu. Parlant, il est vrai, de l'amour humain,
-elle avait exprimé cette noble pensée: «Il faut de la vertu pour être
-capable de ces grands attachements.... Après tout, la vertu est d'un
-assez doux usage dans le monde, et je ne sais comment la plupart des
-femmes hasardent leur réputation à si bon marché.»
-
-Il y avait donc, comme l'a remarqué Sainte-Beuve, un côté romanesque et
-dévot qui unissait Port-Royal et les héros de Corneille et du _Grand
-Cyrus_[141]. Ainsi l'on a la preuve que Nicole avait lu la
-_Clélie_[142], ce qui ne l'empêcha pas, dans sa _Première visionnaire_
-(décembre 1665), de traiter les auteurs de romans et de pièces de théâtre
-d'_empoisonneurs publics_. Racine, piqué au vif, entreprit, dans sa
-_Lettre_, déjà citée, _à l'auteur des Imaginaires_, de venger à la fois
-les auteurs dramatiques et les romanciers. Après quelques notes sur les
-premiers, il ajoute malignement: «Vous avez oublié que Mlle de Scudéry
-avoit fait une peinture avantageuse de Port-Royal dans sa _Clélie_.
-Cependant, j'avais ouï dire que vous aviez souffert patiemment qu'on vous
-eût loué dans ce livre horrible. L'on fit venir au Désert le livre qui
-parloit de vous: il y courut de main en main, et tous les solitaires
-voulurent voir l'endroit où ils étoient traités d'_illustres_.»
-
- [141] _Port-Royal_, t. Ier, p. 127.
-
- [142] D'après le témoignage de Brienne, cité par l'historien de
- Port-Royal, 1867, t. IV, p. 413.
-
-Après avoir montré la réaction qui se produisit, par l'organe de
-critiques autorisés, au nom du goût, de la morale et même du puritanisme
-religieux contre les genres précieux et romanesque, il est juste
-d'ajouter que l'un et l'autre eurent une influence souvent salutaire sur
-les progrès de la vie sociale, où s'étaient maintenus, à travers le règne
-de Henri IV, des restes de barbarie, fruits des guerres civiles du siècle
-précédent. Un peu de raffinement n'était pas inutile pour combattre ces
-tendances grossières. Mlle de Scudéry continua les réformes que l'hôtel
-de Rambouillet avait commencées; leurs innovations dans les habitudes
-sociales, dans la langue, dans l'orthographe[143] ne furent pas toutes
-stériles ou ridicules, et, parmi ce qui en est resté, il en est plus
-d'une dont l'honneur revient à Mlle de Scudéry.
-
- [143] Le _Dictionnaire des Précieuses_, de Somaize, indique un
- grand nombre de ces mots ou locutions introduits par les
- Précieuses, et presque tous sont attribués à Sophie (Mlle de
- Scudéry). Voyez l'édition donnée par M. Livet, t. Ier, p. 41 et
- suiv., 117, 179 et suiv. Voy. aussi une note des _Å’uvres de
- Molière_, par Aimé Martin, t. Ier, p. 157, et les _Amis de Mme de
- Sablé_, par E. de Barthélemy, p. 46.
-
-«Ce serait, a dit Rœderer, être injuste et aussi frivole que ces
-écrivains dont l'observation n'a pas été plus loin que le ridicule des
-Précieuses, de ne pas reconnaître qu'elles eurent leur côté estimable et
-ne servirent pas médiocrement au progrès de la socialité. On n'a pas le
-droit de remarquer leur mauvais goût, sans remarquer aussi qu'elles
-étaient une école de bonnes mœurs dans un temps de dépravation
-invétérée. Que si elles avaient le défaut de faire de l'amour un délire
-de l'imagination, elles eurent aussi le mérite d'élever les esprits et
-les âmes au dessus de l'amour d'instinct, et de préparer cet amour du
-cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices
-inconnues à l'incontinence grossière, cet amour qui donne tant
-d'heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d'heureux
-moments par l'amour d'instinct[144].»
-
- [144] _Histoire de la Société polie_, p. 95.
-
-En effet, tandis que les austères, les rigoristes faisaient le procès
-aux romans par cela seul qu'il y était question des faiblesses du cœur,
-les Épicuriens, comme Saint-Évremond et ses pareils, reprochaient aux
-Précieuses «d'avoir ôté à l'amour ce qu'il a de plus naturel à force de
-vouloir l'épurer.» «Voilà du temps et de l'esprit bien mal employés!»
-disaient-ils, à propos des longues conversations entre amoureux du
-_Cyrus_ et de la _Clélie_, et il ne manquait pas de gens pour se moquer
-des _amours à la platonique_ de Pellisson et autres adorateurs du même
-genre. Il faut se rappeler les amours sans façon du Vert-galant, ceux,
-encore plus hideux, du précédent règne, le dévergondage qui s'étale dans
-les _Historiettes_ de Tallemant, et sur lequel la majesté du grand règne
-vint à grand'peine jeter un vernis au moins extérieur de décence, pour
-pardonner à la galanterie quintessenciée que les Précieuses et les romans
-de Mlle de Scudéry introduisirent dans les rapports entre les sexes.
-
-
-
-
-III
-
- AFFAIRES DOMESTIQUES.--LES _CONVERSATIONS MORALES_.--SUCCÈS
- ACADÉMIQUES.--ILLUSTRES AMITIÉS.--VIEILLESSE ET FIN.
-
-1660-1701.
-
-
-L'affaiblissement de la vogue des romans ne retrancha rien de l'estime
-qui continuait de s'attacher à Mlle de Scudéry. «Elle est plus considérée
-que jamais,» écrivait Tallemant vers 1660, et ces sortes de témoignages
-ont dans sa bouche une valeur toute particulière. Affranchie par la mort
-de son frère de plus d'une solidarité fâcheuse, elle vivait du produit de
-sa plume auquel venaient se joindre les cadeaux de ses amis et les
-marques de la munificence des princes. Outre les présents par lesquels
-les Condé avaient reconnu le dévouement du frère et de la sœur pendant
-la Fronde, les Rambouillet, les Montausier, Mmes de Rohan-Monbazon, de
-Guénégaud, avaient pris l'habitude d'offrir à Madeleine, dans diverses
-circonstances, des cadeaux utiles et à son usage personnel, soit pour
-ménager sa délicatesse, soit pour éviter que Georges ne mît la main
-dessus. Mais il y fallait du mystère, et voici comment elle-même en parle
-dans la _Clélie_: «Sachez que cette personne (une fille de Syracuse) qui
-a de la naissance, dont la fortune est assez mauvaise, dont le cœur est
-fort noble, et qui, sans faire le bel esprit, a plus de réputation
-qu'elle n'en cherche.... a eu plusieurs aventures qui prouvent que la
-vertu est encore considérée.... On lui a fait plusieurs présents d'une
-façon particulière, et, comme on sait qu'elle aimeroit mieux donner que
-de recevoir, on a pris des biais détournés.» Suivent des exemples de ces
-dons mystérieux dont Tallemant a confirmé plus tard la réalité et nommé
-les véritables auteurs[145]. Les moins riches, les littérateurs avaient
-aussi leur modeste offrande. Conrart offrait tous les ans un cachet de
-cristal, M. Bétoulaud des agates gravées, le père Commire des fleurs
-brodées à l'aiguille, et des pierres antiques ou qui passaient pour
-telles[146], Chapelain une gélinotte, et Ménage, dans la pièce même où il
-nous révèle quelques-unes de ces particularités, exprime l'embarras où
-il est de trouver pour son compte quelque chose de nouveau[147]. En 1694,
-Mlle de Scudéry écrivait encore: «Je fus tellement accablée à ma fête de
-fleurs, de fruits, de vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours
-à remercier ceux qui me les avoient envoyés, et à recevoir les visites de
-ceux qui venoient voir les vers que j'avois reçus.»
-
- [145] _Clélie_, t. X, p. 1077.--Tallemant, _Historiettes_, t.
- VII, p. 61.
-
- [146] Les éditeurs doivent à l'obligeance de MM. Lavoix et de la
- Berge un extrait du _Journal des acquisitions du Cabinet des
- médailles du Roy, commencé le 25 octobre 1689_. On y trouve la
- mention de pierres gravées, agates, cornalines, jaspes, etc.,
- donnés au roi par Mlle de Scudéry, depuis le 4 octobre 1690
- jusqu'au 19 février 1695, et qui s'y trouvent encore aujourd'hui.
- La plupart ont été reconnus depuis pour de simples imitations de
- l'antique, mais on ne doutait guère alors de leur authenticité.
-
- [147] _Menagii Poëmata._--_Commirii Carmina_, 1753, t. II, p.
- 224, 225, 301, 302.--_La Journée des Madrigaux._--_Mss de
- Conrart_, passim.
-
-Le mystère que l'on mettait dans ces cadeaux, et qui avait d'abord pour
-principal objet d'empêcher un refus, devint bientôt une mode, une espèce
-de jeu d'esprit destiné à exercer l'imagination des donateurs en même
-temps que celui de la donataire. Cette préoccupation est visible dans une
-lettre de mai 1656[148], écrite par celle-ci _à une personne inconnue qui
-lui avoit adressé un présent_. Nous ne connaissons pas la nature de ce
-présent qu'elle traite de magnifique, mais voici ce qu'elle en dit: «Il
-me semble que vous vouliez m'obliger à porter une couleur où je croyois
-avoir renoncé, et que je ne croyois plus pouvoir porter avec bienséance,
-si ce n'étoit en œillets, en roses ou en anémones, m'étant résolue à ne
-mettre plus que du bleu, du gris de lin, de l'isabelle et du blanc.»
-
- [148] Voy. la Correspondance à cette date.
-
-Vers 1671, elle recevait, _au nom des Dames_, une ode attachée avec des
-rubans de diverses couleurs à une petite guirlande de lauriers d'or
-émaillés de vert. Le tout était renfermé dans une jolie boîte. L'objet de
-cette gracieuse offrande répondit _à l'illustre secrétaire des Dames,
-quel qu'il puisse être_. On découvrit, quelque temps après, que l'ode
-était de Mlle de la Vigne[149].
-
- [149] Voy. les Poésies, et _Recherches sur la vie et les œuvres
- d'une Précieuse_, par M. Théry. 1866, in-8º.
-
-Nous ne voulons pas trop insister sur ces épisodes un peu puérils, mais
-il en est un que nous ne pouvons passer sous silence, parce qu'il se lie
-à l'histoire littéraire et à celle des mœurs de l'époque, l'_Affaire des
-voleurs_, comme on l'appela, qui donna lieu à tout un cycle poétique, et
-qui, après avoir fait beaucoup de bruit dans son temps, a été reprise de
-nos jours par le roman et par le théâtre.
-
-Le premier jour de l'an 1665, vers dix heures du matin, Mlle de Scudéry
-reçut «une corbeille de paille brodée où il y avoit une belle bourse de
-point d'Espagne, un bracelet d'aventurine et une quantité de petits
-bijoux de filigrane[150]. Ce présent étoit apporté par un homme de
-mauvaise mine et sentant son filou, comme de la part des voleurs en
-faveur desquels elle avoit fait un peu auparavant un placet au roi contre
-celui de M. Châtillon-Barillon.»
-
- [150] L'auteur allemand dont nous allons parler tout à l'heure
- dit que le bracelet était en or, avec une montre de même métal
- travaillé à jour, et que la bourse contenait 12 pistoles.
-
-Ce passage des Manuscrits Conrart[151] a besoin d'être expliqué. Dès
-1650, Mlle de Scudéry écrivait à Godeau: «Depuis un mois ou six semaines,
-on vole si insolemment dans les rues de Paris qu'il y a eu plus de
-quarante carrosses de gens de qualité arrêtés par ces messieurs les
-voleurs, qui vont à cheval et presque toujours quinze à vingt
-ensemble[152].» Ces vols, qui passèrent à l'état chronique, et sur
-lesquels on trouve tant de témoignages dans les mémoires du temps,
-donnèrent lieu, en 1664, à des vers ayant pour titre: _Placet_ ou
-_Requête des Amans contre les Filoux_, où les premiers se plaignaient au
-roi de ce qu'on ne pouvait, sans crainte d'être dévalisé, se promener le
-soir et faire la cour aux belles. Mlle de Scudéry adressa au roi une
-_Réponse des Filoux à la Requête des Amans_, dont la conclusion était:
-
- Un amant qui craint les voleurs
- Ne mérite pas de faveurs.
-
- [151] T. XI, p. 421, in-fo. Voy. aussi Vaumorière, _Lettres sur
- toutes sortes de sujets_, 1714, in-12, t. II, p. 369. Ce dernier
- ajoute plusieurs circonstances à la note de Conrart; il décrit
- l'apparition de l'inconnu à figure rébarbative, armé jusqu'aux
- dents, la frayeur du laquais, «le petit Dubuisson que vous
- connoissez», dit-il à son correspondant; l'intervention de Mlle
- Crois...., «la demoiselle qui est à notre illustre amie», etc.
- Comme on le voit, Vaumorière était lié avec l'héroïne de
- l'aventure et pouvait avoir appris d'elle tous ces détails que,
- par cette raison, nous avons cru devoir reproduire.
-
- [152] Lettre du 4 novembre 1650.
-
-Le présent que les voleurs étaient censés faire à celle qui avait pris
-leur défense, était accompagné d'une pièce de vers commençant ainsi:
-
- Ces hommes redoutés que l'on nomme filoux
- Dont vous avez pris la défense
- Sont de leur gloire trop jaloux
- Pour demeurer dans le silence, etc.
-
-Nouvelle _Réponse de Mlle de Scudéry à une demoiselle qu'elle soupçonne
-de lui avoir fait cette galanterie_[153]. Mais il y avait lieu de
-distinguer dans la galanterie le don lui-même et les vers qui
-l'accompagnaient. Ceux-ci, Conrart nous l'apprend, étaient de Mme de
-Platbuisson, l'une des muses satellites qui gravitaient dans l'orbite de
-Sapho, et à qui celle-ci, mieux informée, ne manqua pas de témoigner sa
-reconnaissance[154]. Quant au présent lui-même, il paraît qu'il émanait
-de Mme de Montausier, ainsi qu'on le découvrit plus tard. Cette
-indication fort vraisemblable nous est fournie par un savant allemand qui
-se trouvait alors à Paris, et qui, dans un gros volume sur la ville de
-Nuremberg, sa patrie[155], a raconté longuement et lourdement, à
-l'allemande, ce petit épisode de la vie parisienne à cette époque[156];
-du reste, en position d'être bien informé, car, pendant son séjour à
-Paris (1665-1666), il fut en relation avec Chapelain et avec Mlle de
-Scudéry elle-même. Il raconte dans sa chronique qu'il lui rendit visite,
-et que, longtemps avant que le père Bouhours posât sa fameuse question:
-«Si un Allemand peut avoir de l'esprit,» elle lui demanda si l'allemand
-était véritablement une langue, ce dont elle était tentée de douter en
-entendant le rude jargon des gardes suisses et des suisses d'hôtels. Il
-l'étonna en affirmant que non-seulement l'allemand était une langue, mais
-que cette langue possédait des écrivains et même des poëtes. Il
-ajouta--et cet argument dut la convaincre--que l'on avait traduit la
-_Clélie_ en allemand: «Votre incomparable _Clélie_, Mademoiselle, n'a
-rien perdu chez nous de sa forme gracieuse en passant par la plume aussi
-noble qu'habile de Johann Wilhelm von Stubenberg.» Ceci paraît charmer
-notre demoiselle, qui raconte à son interlocuteur comment elle a trouvé
-en Italie un _traduttore traditore_. «Un de mes romans, lui dit-elle, n'a
-pas eu la chance de tomber entre les mains d'un pareil interprète.
-J'avais dit qu'un roi d'Assyrie, assiégeant Babylone avec deux cent
-mille hommes, pour animer ses soldats, leur avait promis le pillage: puis
-se ravisant, la ville prise, avait donné en place à chacun _quatre
-montres_, c'est-à-dire quatre mois de solde[157]. Le traducteur me fit
-dire que le roi ordonna de distribuer à chacun quatre montres de
-poche[158], ce qui était l'absurdité même.»
-
- [153] On trouvera ces quatre pièces dans les Poésies.
-
- [154] _Vers de Mlle de Scudéry à Mme de Platbuisson, en lui
- envoyant pour ses étrennes un déshabillé de roses à fond d'or et
- d'argent._
-
- Vous dont l'esprit charmant et les grâces divines....
-
- _Mss Conrart_, t. XI, p. 83, in-fo.
-
- [155] Wagenseil, _De Sacri Romani imperii liberâ civitate
- Noribergensi_. Altdorf, 1687, in-4º, pp. 452 et suiv., 464, etc.
- Ce Wagenseil fut pensionné par Colbert. Clément, _Histoire de
- Colbert_, p. 189.
-
- [156] Voici, par exemple, comment le digne Nurembergeois
- travestit le _mot de la fin_ de la _Réponse des Filoux_:
-
- Un amant qui craint les voleurs
- N'est point digne d'amour.
-
- [157] _Vier monatsold._ Wagenseil, p. 456.
-
- [158] _Sack Uhren._
-
-Nous nous sommes laissé aller au plaisir d'entendre une conversation de
-Mlle de Scudéry. Revenons à l'histoire, ou plutôt à la légende des
-voleurs. De nos jours, le conteur allemand Hoffmann, empruntant à
-Wagenseil la donnée du présent fait par les prétendus voleurs, et y
-mêlant, sans se soucier des anachronismes, l'histoire de la Brinvilliers
-et de la Voisin, la chambre des poisons, la Reynie et d'Argenson, composa
-du tout une nouvelle véritablement fantastique, en ce sens que la
-fantaisie seule y avait rapproché les faits et les personnes, mais à
-laquelle la création originale de l'orfévre Cardillac valut en France une
-popularité attestée par le remaniement du spirituel Henri de
-Latouche[159], et par le succès du mélodrame de _Cardillac_, l'un des
-premiers rôles où se révéla le talent de l'acteur Frédéric Lemaître[160].
-
- [159] _Olivier Brusson_, Paris, 1823, in-12.
-
- [160] _Cardillac ou le Quartier du Marais_, par MM. Antony Béraud
- et Léopold, représenté le 25 mai 1824, au théâtre de
- l'Ambigu-Comique. Paris, Bezou, 1824, in-8º.
-
-Il ne faut pas confondre, comme on l'a fait souvent, cette fiction
-poétique, cette visite toute courtoise des prétendus filous de 1665, avec
-l'aventure beaucoup plus prosaïque qui arriva vingt-six ans après à Mlle
-de Scudéry, et qu'elle raconte ainsi dans une lettre à l'abbé Boisot: «Je
-ne sais, Monsieur, si je vous ai mandé que, durant un mois, des voleurs
-ont voulu me voler. Ils se servoient d'une vieille masure à monter sur le
-toit de ma maison. Ils firent par trois fois des trous à mon grenier et
-dans la chambre de mes laquais, et il m'a fallu avoir garnison toutes les
-nuits pendant vingt-quatre jours, parce qu'il m'a fallu ce temps-là pour
-faire abattre ma vieille masure. De sorte qu'ayant dit un jour que je ne
-savois pourquoi les voleurs me cherchoient, puisque je n'avois qu'un peu
-d'esprit droit et le cœur de même, un de mes amis, M. Bosquillon,
-m'envoya le lendemain un madrigal que je vous envoie[161].»
-
- [161] Lettres des 13 janvier et 7 mars 1691. On trouvera le
- madrigal dans les Poésies. Mme de Maintenon disait aussi dans une
- lettre datée de Saint-Cyr, le 31 mai (1691): «Il est étrange que
- des voleurs aient pensé à elle.»
-
-Le père Niceron, parlant des faveurs dont Mlle de Scudéry fut l'objet de
-la part de hauts personnages, s'exprime ainsi: «Le prince de Paderborn,
-évêque de Munster, la régala de sa médaille et de ses ouvrages. La reine
-de Suède, Christine, l'honora de ses caresses, de son portrait, d'un
-brevet de pension, et souvent même de ses lettres.» Passe pour le brevet
-de pension, quoique nous n'en rencontrions pas d'autres traces[162], mais
-pour le reste, tous ces _régals_ et ces _caresses_ des grands laissaient
-à Scarron le droit de dire:
-
- Siècle méconnoissant, le dirai-je à ta honte?
- On admire Sapho, tout le monde en fait compte,
- Mais, ô siècle, à l'estime, aux admirations
- Pourquoi n'ajouter pas de bonnes pensions,
- Du bien pour soutenir une illustre naissance,
- Et pour ne laisser pas le reproche à la France,
- Que l'illustre Sapho qui lui fit tant d'honneur
- Ne manqua point d'estime et manqua de bonheur[163]?
-
- [162] Au lieu de ce brevet, nous trouvons à la fin d'une lettre
- de Ménage à Huet, Paris, 18 janvier 1662: «Mlle de Scudéry a reçu
- de la reine de Suède une boëte de diamants de 1000 écus.» De son
- côté, Mme de Sévigné écrivait à Ménage en 1661: «Je suis fort
- aise que la reine de Suède ait fait de si bons présens à Mlle de
- Scudéry.»
-
- [163] _Épître chagrine_, déjà citée. _Œuvres de Scarron_, 1786,
- t. VII, p. 162.
-
-Ménage se faisait l'écho du même vœu, lorsque, à propos des largesses
-distribuées aux savants par Colbert au nom de Louis XIV, il ne craignait
-pas de reprocher à ce ministre d'aller chercher au fond des pays les plus
-éloignés les objets de ces faveurs, et d'omettre sciemment celle qu'il
-avait sous la main et que lui désignaient à haute voix et la cour et la
-ville[164].
-
- [164]
-
- Is tamen eximiam et præsentem et præterit unam
- Scuderida, et prudens præterit atque sciens...
- Præteritam stupet aula omnis; Lutecia clamat.
-
- _Scuderia in largitionibus regiis præterita._ Dans: _Menagii
- Poemata_, 1680, p. 110.
-
-Dès l'époque de son retour à Paris après la Fronde (1653), Mazarin lui
-donnait des gratifications annuelles[165]. Il lui laissa dans son
-testament une pension viagère de mille livres[166]. Le duc de Mazarin
-ayant cessé de l'acquitter en avril 1690, fut condamné le 30 septembre
-1692, par arrêt du Grand Conseil, à payer à Mlle de Scudéry trois mille
-livres pour les arrérages et les intérêts de la pension[167].
-
- [165]
-
- Annua das nostræ munera Scuderiæ.
-
- _Scuderia in largitionibus regiis præterita._ Dans: _Menagii
- Poemata_, 1860, p. 49.
-
- [166] «Mlle DE SCUDÉRY. Quittance signée de 1000 l. de pension
- viagère que lui faisait le cardinal Mazarin. 14 février 1665.»
- _Catalogue Van-Sloppen_ (Alex. Martin), du 13 juin 1843, no 465.
-
- [167] E. Miller, _Pierre Taisand_, p. 23.
-
-Enfin le roi lui-même tint à se ranger parmi tant d'illustres
-bienfaiteurs. Il faut ici laisser la parole à Mme de Sévigné. «Vous
-savez, écrit-elle au comte et à la comtesse de Guitaut, comme le roi a
-donné deux mille livres de pension à Mlle de Scudéry. C'est par un billet
-de Mme de Maintenon qu'elle apprit cette bonne nouvelle. Elle fut
-remercier Sa Majesté un jour d'appartement; elle fut reçue en toute
-perfection; c'est une affaire que de recevoir cette merveilleuse muse. Le
-roi lui parla et l'embrassa pour l'empêcher d'embrasser ses genoux. Toute
-cette petite conversation fut d'une justesse admirable; Mme de Maintenon
-était l'interprète. Tout le Parnasse est en émotion pour remercier le
-héros et l'héroïne[168].»
-
- [168] Lettre du 5 mars 1683. Une lettre de remercîment écrite par
- Mlle de Scudéry au roi en octobre 1663 (voy. la Correspondance)
- prouve qu'elle avait dès lors reçu quelque marque de sa
- libéralité.
-
-Le chancelier Boucherat, avec qui elle était en relation dès 1675,
-établit sur le sceau en sa faveur une pension que Pontchartrain lui
-continua. Ces pensions n'étaient pas toujours exactement payées, comme le
-témoigne maint passage de sa correspondance. «Je ne suis payée de nulle
-part,» écrivait-elle à l'abbé Boisot le 16 juin 1694[169], et le 10
-juillet: «Je vous envoie, Monsieur, les deux journaux qui contiennent
-votre excellent extrait. Mais, quoique le port d'un écrit si bien fait ne
-puisse être trouvé trop cher, j'ai coupé le papier blanc pour le
-diminuer, car, pendant cette rigoureuse année, les petites épargnes ne
-sont pas honteuses, quoi qu'assez contraires à mon humeur.»
-
- [169] Même plainte dans une lettre à Huet, qui doit être de la
- même époque, et un fragment de lettre de Mme de Maintenon,
- probablement de 1691, porte: «J'ai mandé à Manseau qui est à
- Paris de donner à Mlle de Scudéry ce qu'elle auroit dû toucher au
- mois de juillet.»
-
-Vers la même époque, et comme un allégement providentiel à l'état de gêne
-que révèlent ces dernières confidences, une amie de quarante ans, Mlle de
-Clisson[170] comprenait Mlle de Scudéry dans des legs faits en faveur de
-quelques personnes qu'elle affectionnait. Quoique cette libéralité vînt
-pour elle on ne peut pas plus à propos, nous la voyons, dans les lettres
-de cette époque, moins préoccupée de ses propres intérêts que des devoirs
-de l'amitié. «Bien que ma fortune soit très-mauvaise, je ne sens en
-cette occasion que la perte d'une amie qui étoit touchée de mon malheur,
-et qui m'a voulu secourir en mourant.... Comme on m'a dit qu'il y a un
-grand nombre de legs, je voudrois bien savoir si le nom de Vaumale ou de
-Valcroissant ne se trouve pas parmi ceux à qui cette généreuse personne
-en a laissé[171].»
-
- [170] Constance-Françoise de Bretagne, sœur de la duchesse de
- Montbazon et de Mlle de Vertus, morte à Paris le 19 décembre
- 1695.
-
- [171] Lettres à Huet, de décembre 1695.
-
-Pour compléter ce chapitre des affaires domestiques, on nous permettra
-d'ajouter ici quelques détails sur l'intérieur de Mlle de Scudéry, tel
-que nous pouvons nous le figurer jusqu'à sa mort. Dans le _postscriptum_
-d'une lettre au jurisconsulte Taisand, datée du 1er septembre 1675, elle
-disait: «Je loge _à présent_ rue de Beausse, derrière le Petit-Marché, au
-Marais du Temple.» Il nous paraît évident, comme à M. Miller[172], que
-cette formule indique un changement récent de domicile, mais--et ceci
-explique l'erreur de ceux qui font remonter à une époque antérieure son
-installation rue de Beauce--elle était restée fidèle au quartier du
-Temple, à la paroisse Saint-Nicolas des Champs, à ce milieu de jardins,
-de cultures, que le projet inachevé de Henri IV avait créé dans cette
-partie de Paris demi-rurale, où des noms de provinces donnés à toutes les
-rues prêtaient encore à l'illusion.
-
- [172] _Pierre Taisand_, p. 19-21.
-
-Tracée en 1626, sur la Culture du Temple, la rue de Beauce n'avait été
-achevée qu'en 1630. Elle n'était encore qu'à l'état de ruelle. La maison
-de Mlle de Scudéry occupait le coin de cette rue et de celle des
-Oiseaux[173]. Elle continuait à y recevoir les samedis, et parfois les
-mardis depuis deux heures jusqu'à cinq, ses amis des deux sexes dont le
-nombre s'éclaircissait peu à peu, et les visiteurs accidentels que sa
-réputation y attirait. Quelquefois l'entretien, commencé dans sa chambre,
-se continuait dans le jardin, ou même chez quelqu'une de ses voisines et
-amies de la rue de Berry, Mlle Boquet ou Mme Aragonnais. Les arbres
-fruitiers ou d'agrément, les hôtes familiers ou de passage qui animaient
-l'enclos de la Vieille rue du Temple ne manquaient pas à celui de la rue
-de Beauce. La maîtresse du lieu aimait les animaux, croyait à leur
-intelligence[174]. On lui avait envoyé un petit perroquet et des
-caméléons qu'elle entreprit d'élever. Le perroquet était probablement
-celui à qui le grand Leibnitz ne dédaigna pas d'adresser des vers latins
-où il lui promettait d'aller à l'immortalité avec sa maîtresse[175].
-Quant aux caméléons, leur histoire est presque un épisode scientifique de
-la Chronique des samedis, et, comme telle, nous la laisserons raconter à
-l'un de nos naturalistes les plus distingués.
-
- [173] La rue de Beauce, très-étroite, conduit de la rue d'Anjou à
- la rue de Bretagne. La rue des Oiseaux, très-courte, n'est plus
- qu'un passage menant au Marché des Enfants-Rouges, autrefois
- _Petit-Marché-du-Temple_. L'angle des deux rues est occupé
- aujourd'hui par des constructions modernes affectées à des
- logements d'ouvriers. Tout près, et attenant à un lavoir public
- est un jardin qui peut être un reste de celui de Mlle de Scudéry.
-
- [174] Voy. ses lettres à Mlle Descartes. Elle dit dans la
- première: «Ma croyance en faveur de mon chien n'ôte rien de
- l'estime infinie que j'ai pour feu monsieur votre oncle. Ce n'est
- pas l'amitié que j'ai pour les animaux qui me prévient à leur
- avantage, c'est celle qu'ils ont pour moi qui me prévient en leur
- faveur.» Elle disait aussi dans une lettre à Huet (1689): «Il y a
- longtemps que je me suis déclarée hautement contre certaines
- machines cartésiennes, sans employer pourtant contre le
- philosophe que mon chien, ma guenon et mon perroquet.»
-
- [175]
-
- Psittace pumilio, docta sed magne loquela,
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Tu Dominæ immensum parvus comes ibis in ævum,
- Nam Sappho quidquid Musa et Apollo potest.
-
-«L'illustre Mlle de Scudéry, dit-il, avait reçu en présent trois
-caméléons envoyés d'Égypte. Elle les garda chez elle pendant plus de six
-mois[176], et l'un d'eux passa même l'hiver; il fit les délices de la
-société choisie qui se donnait rendez-vous aux Samedis de la rue de
-Beauce. Là venait Claude Perrault, admirable anatomiste autant
-qu'excellent architecte, quoi qu'en ait dit Boileau. On institua des
-expériences sous sa direction, qui furent fort bien faites. On vit que
-l'animal devenait pâle toutes les nuits, qu'il prenait une couleur plus
-foncée au soleil ou quand on le tourmentait, et enfin qu'il fallait
-traiter de fable l'opinion que les caméléons prennent la couleur des
-objets environnants. Pour s'en assurer, on enveloppait la bête dans des
-étoffes différentes, et on la regardait ensuite. Une seule fois elle
-était devenue plus pâle dans un linge blanc, mais l'expérience répétée ne
-réussit plus aussi bien. La gamme des couleurs que parcourt la peau du
-caméléon fut trouvée très-restreinte, allant du gris et du vert clair au
-brun verdâtre. Nous ne savons rien de plus aujourd'hui, et ces
-expériences de Perrault, instituées au milieu d'un cercle de beaux
-esprits du dix-septième siècle, marquent le dernier pas qui ait été fait
-dans cet ordre de recherches. Aucun naturaliste depuis ne les a
-surpassées[177].»
-
- [176] Martin Lister, dans son _Voyage à Paris_, sur lequel nous
- reviendrons tout à l'heure, parle, p. 95, de deux caméléons que
- Mlle de Scudéry aurait gardés près de quatre ans, et dont elle
- lui montra les squelettes.
-
- On trouve dans les Mss Conrart deux épitaphes du caméléon de Mlle
- de Scudéry, l'une à la page 119 du t. XI, in-fo, et l'autre, par
- Mme de Platbuisson, p. 121 du même volume.
-
- [177] G. Pouchet, _Le coloris dans la substance vivante_. _Revue
- des Deux-Mondes_, 1er janvier 1872.
-
-C'est au milieu de cet entourage que l'on peut se figurer la bonne
-demoiselle, en robe gris de lin, les cheveux grisonnants, mais la taille
-encore droite, avant que l'âge et les infirmités l'eussent forcée de
-garder la chambre, se promenant dans son jardin, ou assise avec sa chatte
-favorite sur ses genoux, par une belle soirée d'été, prêtant l'oreille au
-caquetage de son perroquet, auquel se mêlent les bruits confus du
-Petit-Marché et l'Angelus du couvent des Enfants-Rouges.
-
-Elle entretenait une correspondance étendue avec l'Allemagne, l'Italie,
-la Franche-Comté, la Provence, mais elle avait dû renoncer aux longs
-voyages, peut-être même aux séjours plus ou moins prolongés qu'elle
-faisait autrefois à Fontainebleau, aux Pressoirs, à Saint-Cyr. Plus de
-ces longues promenades avec Isarn au Raincy, ou de ces courses en bateau
-avec Mme de Saint-Simon[178]; tout au plus quelques excursions à Livry
-pour voir Mme de Sévigné, ou bien à Fresnes, chez Mme du
-Plessis-Guénégaud[179], où elles se retrouvaient ensemble, l'une toujours
-enjouée[180], l'autre toujours bonne. Les habitudes qu'elle avait
-contractées à Athis du vivant de Conrart paraissent s'être continuées
-après la mort de ce dernier (1675), ce qui a fait croire qu'elle y avait
-elle-même habité[181]. Du moins la tradition locale a rattaché à son nom
-plusieurs souvenirs. Dans une maison d'Athis ayant appartenu à M.
-Foucault, intendant de Caen, on avait conservé, par respect pour sa
-mémoire, un arbre à l'ombre duquel elle venait étudier[182]. Dans le parc
-d'une autre maison où le duc de Roquelaure avait passé les dernières
-années de sa vie, et qui appartenait en 1787 à la duchesse de Châtillon,
-on voyait encore, à cette dernière époque, un monument élevé à la chienne
-favorite de ce seigneur, avec l'inscription suivante attribuée à Mlle de
-Scudéry:
-
- Ci-gît la célèbre Badine
- Qui n'eut ni beauté ni bonté,
- Mais dont l'esprit a démonté
- Le système de la machine[183].
-
- [178] _La Gazette de Tendre_, p. 74.
-
- [179] Le château de Fresnes, dans la Brie, à deux lieues de
- Pomponne. Il appartint ensuite au duc de Nevers, puis au
- chancelier d'Aguesseau.
-
- [180] Dans la lettre du 21 juin 1680, Mme de Sévigné parle d'une
- fausse lettre que lui avaient envoyée ses femmes de chambre, et
- qui avait si parfaitement réussi «qu'elles en ont été effrayées,
- comme nous le fûmes une fois à Fresnes, pour une fausseté que
- cette bonne Scudéry avoit prise trop âprement.»
-
- [181] Voy. le _Journal de Paris_, 1787, p. 1169.
-
- [182] Lebeuf, _Histoire du diocèse de Paris_, t. XII, p. 120,
- 121.--Dulaure, _Environs de Paris_, 1790, p. 14.--Delort, _Mes
- voyages aux environs de Paris_, t. II, p. 141.
-
- Suivant M. Cousin, _La Société française au dix-septième siècle_,
- t. II, p. 304, les deux habitations n'en faisaient qu'une, ou
- plutôt n'étaient l'une et l'autre qu'un démembrement de l'ancien
- fief des d'Oysonville, des Viole et des Thibault de la Brousse.
-
- [183] «La plus petite guenon, a dit ailleurs Mlle de Scudéry,
- détruit par son industrie et son intelligence toutes les
- doctrines de Descartes.»
-
-Cependant l'âge n'avait pas arrêté la plume de Mlle de Scudéry; il avait
-seulement donné une forme plus sévère à ses compositions. A l'ère des
-romans avait succédé celle des _Conversations morales_ qui parurent de
-1680 à 1692[184]. Sans croire, ainsi que l'assure le rigide Arnauld,
-qu'elle avait «un vrai repentir de ce qu'elle avoit fait autrefois», et
-que, comme Gomberville, «elle eût voulu effacer ses romans de ses
-larmes»[185], on peut dire que, tout en conservant à la plupart de ces
-nouvelles compositions le cadre antique, les noms grecs, romains,
-africains et la forme des entretiens insérés dans ses romans[186], elle
-entend cependant les dégager des aventures purement romanesques, leur
-donner une allure plus décidément morale, en faire, comme on l'a dit, le
-bréviaire des honnêtes gens appelés à vivre dans le grand monde,
-caractère que n'hésitaient pas à leur reconnaître des femmes telles que
-Mmes de Sévigné et de Maintenon, des prélats tels que Mascaron et
-Fléchier[187], et que M. Cousin a résumé de nos jours en disant «qu'on
-pouvait offrir à une jeune femme ces dix volumes de _Conversations_,
-comme une suite de sermons laïques en quelque sorte, une véritable école
-de morale séculière, tirée de l'expérience de la meilleure
-compagnie[188].»
-
- [184] _Conversations sur divers sujets._ Paris, 1680, 2 vol.
- in-12.--_Conversations nouvelles_, etc. Paris, 1684, et
- Amsterdam, 1685, 2 vol. in-12.--_Conversations morales_, Paris,
- 1686, 2 vol. in-12.--_Nouvelles conversations de morale_, Paris,
- 1688, 2 vol. in-12.--_Entretiens de morale_, 1692, 2 vol. in-12.
-
- [185] Lettre à Perrault, du 5 mai 1694, au sujet de la dixième
- satire de Boileau.
-
- [186] C'est ainsi que, dans le volume de 1680, chapitre _De la
- raillerie_, voulant raconter un petit voyage qu'elle fait avec
- quelques amis et amies pour voir la mer, elle déclare «que la
- relation en sera moins ennuyeuse sous des noms supposés que sous
- les véritables».
-
- [187] Mme de Sévigné les recommandait à son fils, en disant: «Il
- est impossible que cela ne soit bon, quand cela n'est point noyé
- dans son grand roman.» Lettres des 25 septembre 1680 et 11
- septembre 1684. Elle y revient encore dans une lettre de 1688.
- Édition Hachette, t. VIII, p. 371.
-
- «Il n'y a point de si belle morale que celle que vous y prêchez,
- et étant détachée, comme elle est, des aventures amoureuses qui
- pourroient éveiller les passions, elle doit être entre les mains
- de tous les jeunes gens. La Cour ne seroit remplie que d'honnêtes
- gens si on la prenoit pour règle, et je vous assure, Mademoiselle,
- que ce devroit être le bréviaire de ceux qui doivent vivre dans le
- grand monde.» Mascaron à Mlle de Scudéry, Agen, 6 janvier 1681.
-
- «Tout est si raisonnable, si poli, si moral et si instructif dans
- les deux volumes que vous m'avez fait la grâce de m'envoyer, qu'il
- me prend quelquefois envie d'en distribuer dans mon diocèse pour
- édifier les gens de bien et pour donner un bon modèle de morale à
- ceux qui la prêchent.» Fléchier, à la même, 26 décembre 1685.
-
- [188] _La Société française au dix-septième siècle_, t. Ier, p.
- 14.
-
-Les Conversations étaient devenues un genre de littérature à la mode,
-depuis que l'hôtel de Rambouillet et les Précieuses, grâce aux progrès du
-confort et au rapprochement régulier des deux sexes, avaient créé ce
-nouvel élément de la vie sociale, inconnu au siècle précédent. De même
-que les _Portraits_ chez Mademoiselle, les _Caractères_ à l'hôtel de
-Condé, les _Maximes_ chez Mme de Sablé[189], les _Conversations_ étaient
-en faveur dans les salons modestes de Mlle de Scudéry et de Mme Scarron.
-Saint-Évremond et le chevalier de Méré en avaient fait le sujet de
-compositions littéraires. Il appartenait à la reine des Samedis de donner
-en même temps le précepte et l'exemple[190]. C'est ce qu'elle fit dans
-son chapitre _De la conversation_, p. 16 du volume de 1680. Elle pose en
-principe qu'il y faut le concours des deux sexes, suivant sur ce point
-l'opinion du chevalier de Méré, qui avait été à son heure, dit
-Sainte-Beuve, un maître de bel air et d'agrément, et avec lequel elle
-avait eu quelques relations. Laissons-la parler sur ce point délicat, et
-honni soit qui mal y pense! «Les plus honnêtes femmes du monde, dit-elle,
-quand elles sont un grand nombre ensemble, ne disent presque jamais rien
-qui vaille, et s'ennuient plus que si elles étoient seules.... Au
-contraire, il y a je ne sais quoi, que je ne sais comment exprimer, qui
-fait qu'un honnête homme réjouit et divertit plus une compagnie de dames,
-que la plus aimable femme de la terre ne sauroit le faire.»
-
- [189] Giraud, _Histoire de Saint-Évremond_, p. 77.
-
- [190] L'abbé de Pure, témoin non suspect, préfère sans hésiter la
- conversation de Mlle de Scudéry à ses ouvrages. «Elle est capable
- de ternir toutes ses belles productions par sa seule conversation,
- car elle y est si bonne et si aimable qu'on aime encor mieux la
- voir que la lire: ce n'est que bonté, que douceur; l'esprit n'éclate
- qu'avec tant de modestie, les sentiments n'en sortent qu'avec tant
- de retenue, elle ne parle qu'avec tant de discrétion, et tout ce
- qu'elle dit est si à propos et si raisonnable, qu'on ne peut
- s'empêcher de l'admirer et de l'aimer tout ensemble.» _La Précieuse_,
- Ire partie, p. 382.
-
-On trouve, soit dans cet article, soit dans ceux qui suivent, bien des
-choses fines et délicates, intéressantes comme peinture de la société du
-temps, et qui sont restées vraies dans le nôtre. Certains sujets de
-critique littéraire y sont touchés à l'occasion. Les conversations _sur
-la manière d'inventer une fable--sur la manière d'écrire les lettres_,
-etc., prouvent que l'auteur avait réfléchi aux règles des divers genres
-de littérature, quoiqu'elle n'ait pas toujours réussi à les mettre en
-pratique. On est étonné d'y rencontrer, au milieu d'une Nouvelle
-soi-disant historique et assez ennuyeuse, une espèce d'histoire de la
-poésie française au seizième siècle, qui suppose des connaissances
-réelles sur ce point alors peu étudié, et qui montre, par exemple, que
-Mlle de Scudéry avait mieux connu et jugé Ronsard que l'auteur de l'_Art
-poétique_[191].
-
- [191] _Conversations nouvelles sur divers sujets_, 1684, t. II,
- pp. 770 à 887.
-
-De même que les portraits du _Cyrus_ et de la _Clélie_ avaient donné
-naissance à ceux qui furent à la mode quelque temps après chez
-Mademoiselle de Montpensier, les _Conversations_ de Mlle de Scudéry
-suggérèrent à Mme de Maintenon, qui avait été son amie avant d'être sa
-protectrice, l'idée d'en composer de plus simples destinées à être
-récitées par les demoiselles de Saint-Cyr[192]. Cela résulte
-non-seulement d'une lettre de Mme de Sévigné, déjà indiquée, mais d'un
-passage de celle de Mme de Brinon leur première supérieure, à Mlle de
-Scudéry, en date du 3 août 1688. On les trouvera l'une et l'autre dans la
-Correspondance.
-
- [192] _Conversations inédites de Mme de Maintenon_, Paris,
- Blaise, 1828, in-18.
-
-En 1671, le premier prix de prose, fondé par Balzac, fut décerné à Mlle
-de Scudéry pour son _Discours de la Gloire_, qui certes n'ajoutera rien à
-celle de l'auteur. Il ne faut point y chercher de l'éloquence. On
-demandait, dans l'_Écrit portant établissement des prix de prose et de
-poësie_, que le premier traitât de certaines matières pieuses déterminées
-par le fondateur; qu'il fût revêtu d'une approbation de la Faculté
-de Théologie, et qu'il se terminât par une courte prière à
-Jésus-Christ[193]. La chose tenait à la fois du sermon et de
-l'amplification de collége.
-
- [193] _Relation contenant l'histoire de l'Académie française_,
- 1672, in-12, p. 555. _Le Discours de la Gloire_ se trouve à la
- suite, p. 561.
-
-A la mort de la savante Hélène Cornaro, l'Académie des _Ricovrati_ de
-Padoue fit écrire par Charles Patin une lettre des plus flatteuses à Mlle
-de Scudéry pour lui donner place dans cette société qui se faisait gloire
-de compter dans son sein un certain nombre de dames françaises, telles
-que la marquise de Rambouillet, les comtesses d'Aulnoy et de la Suze,
-Mesdames Deshoulières, de Villedieu, Dacier, etc. Au milieu de ces Muses
-françaises qui avaient chacune leur épithète: _la Lumière de Rome_,
-_l'Immortelle_, _l'Éloquente_, etc., Sapho était surnommée
-_l'Universelle_[194].
-
-Il aurait même été question de suivre cet exemple en France, et Mlle de
-Scudéry figurait la première sur une liste de dames illustres par leur
-esprit et par leur savoir qu'il fut question d'admettre à l'Académie
-française. La proposition attestée par Ménage, et appuyée par Charpentier
-qui invoqua le précédent des _Ricovrati_ de Padoue, n'eut pas de
-suite[195].
-
- [194] Vertron, _La Nouvelle Pandore_, t. Ier, p. 419.
-
- [195] Le Gouz, _Supplément manuscrit au Menagiana_, cité par
- l'abbé Jolly, _Remarques sur le Dictionnaire de Bayle_, t. II, p.
- 605.
-
-Ses romans, ainsi qu'elle l'a rappelé plusieurs fois, avec une certaine
-complaisance, dans ses lettres, étaient traduits en anglais, en allemand,
-en italien, et même en arabe, à ce que lui écrivait un de ses amis et
-obligés, Bonnecorse, de Syrie où il était consul à Seyde. M. Lair,
-professeur à Caen, et Charlotte Patin traduisaient en vers latins ses
-poésies. Sa correspondance, soit dans la partie que nous avons pu en
-recueillir, soit dans celle qui ne nous est connue que par des fragments
-ou des indications, nous la montre en rapport avec ce que la France et
-l'étranger renfermaient de plus distingué. On a vu, dit son panégyriste,
-avec une pointe d'exagération que le genre comporte, «des souverains ne
-recommander autre chose aux princes, leurs enfants, qui venoient en
-France, que de ne point retourner auprès d'eux sans avoir vu Mlle de
-Scudéry»[196].
-
- [196] Bosquillon, _Éloge de Mlle de Scudéry_. _Journal des
- Savants_, juillet 1701.
-
-Elle disait à l'abbé Boisot: «Je ne rejette que les louanges de mon
-esprit, et j'accepte hardiment celles qui s'adressent à mon cœur et à
-mon amitié.» Elle lui écrivait aussi, au sujet d'un service rendu à un
-ami: «Je renferme tout cela dans mon cœur _où rien ne se perd jamais_.»
-Il était d'elle encore ce mot qui avait frappé sa digne amie, Mme de
-Sévigné: «La vraie mesure du mérite doit se prendre sur la capacité que
-l'on a d'aimer[197].» Aussi Ménage, lui dédiant l'édition des œuvres
-d'un ami commun, écrivait: «Si j'ai de l'estime et de l'admiration pour
-les qualités de votre esprit, j'ai du respect et de la vénération pour
-celles de votre âme, pour votre bonté, pour votre douceur, pour votre
-_tendresse_, pour votre générosité, pour votre candeur, et surtout pour
-cette incomparable modestie qui au lieu de cacher votre mérite, le fait
-éclater davantage[198].»
-
- [197] Lettre de Mme de Sévigné, du 12 octobre 1678, édition
- Hachette, t. V, p. 490.
-
- [198] Ménage, _Épître à Mlle de Scudéry_, en tête des _Œuvres de
- Sarasin_, 1654, in-4º.
-
-S'il est vrai, comme l'a dit une de nos muses contemporaines,
-
- _Que_ louer la vertu, c'est lui désobéir,
-
-il semble qu'ici Ménage désobéissait beaucoup à Mlle de Scudéry.
-
-Un auteur que nous avons déjà cité, de Vaumorière, consignait également,
-dans la dédicace d'une Nouvelle historique, l'éloge chaleureux de la
-modestie et du mérite de Mlle de Scudéry. Rappelant le fait cité plus
-haut de la traduction en arabe d'un de ses romans, il ajoutait:
-«Pardonnez moi, s'il vous plaît, Mademoiselle, cette particularité qui
-n'est pas de votre goût, et permettez moi d'en dire une autre dont je
-suis incomparablement plus touché. C'est que vous êtes la plus généreuse,
-la plus ardente et la plus fidèle Amie qui fut jamais, et que votre cœur
-est peut-être au-dessus de ce grand esprit que toute la terre
-admire[199].» _Ma bonne amie_, ainsi l'appelaient naïvement quelques-uns
-de ses intimes, hommes et femmes[200], et elle fut en effet par
-excellence «une bonne amie», comme elle n'hésitait pas à le dire
-d'elle-même. Agréée par les plus austères, cette amitié ne
-s'effarouchait pas de quelques écarts, et, sur cette liste si nombreuse,
-à côté des Mascaron, des Montausier, des Sévigné, des Motteville,
-figurent d'autres noms moins irréprochables. L'indulgence de la femme
-sûre d'elle-même, pour des faiblesses qu'elle ne partageait pas, respire
-dans son commerce avec certains amis de l'un et de l'autre sexe. Elle
-écrivait à Bussy-Rabutin: «Votre fille que je vois souvent a autant
-d'esprit que si elle vous voyoit tous les jours, et est aussi sage que si
-elle ne vous voyoit jamais.» La galante Mme de la Suze adressait à la
-_sage Daphné_ (Scudéry) une Élégie, où cette nuance de leurs rapports
-mutuels est délicatement indiquée:
-
- Illustre et chère amie à qui dans mes malheurs
- J'ai toujours découvert mes secrètes douleurs,
- Qui sais ce que l'on doit ou désirer ou craindre
- Et qui ne blâmes pas ce qu'on ne doit que plaindre,
- Écoute-moi....
-
- [199] De Vaumorière, _Harangues_, 1713, in-4º, p. 254.
-
- [200] Voy. les lettres de M. de Pertuis, de Mme Deshoulières,
- etc.
-
-Ménage écrivait à la date du 21 août 1685:
-
-«Mlle de Scudéry m'a obligé de me réconcilier avec M. Pellisson, et je
-dînai hier chez lui. _Mortalis cum sis, odia ne geras immortalia_[201].»
-
- [201] Lettre inédite à Huet, du 21 août 1685.
-
- Il arriva pourtant à l'un de ses amis, et des plus intimes, de lui
- reprocher _son mauvais caractère_ (Voyez la lettre de Godeau du 8
- septembre 1650). Hâtons de dire que Godeau voulait parler de son
- écriture.
-
-«Ennemie de la médisance et des médisans, juste dans ses choix, sûre dans
-son commerce, sincère, discrète et judicieuse, vraie en tout et toujours
-égale, elle faisoit souhaiter à tout le monde sa connoissance et son
-amitié. Incapable de changement comme de foiblesse, ses amis n'étoient
-jamais plus assurés de son cœur que quand ils étoient malheureux[202].»
-
- [202] Bosquillon, _Éloge_.
-
-Pour prouver combien cette fois son panégyriste est resté dans la stricte
-vérité, il suffit de rappeler les noms de Fouquet, de Valcroissant, de
-Corbinelli, de Bonnecorse, du gazetier Loret qui recevait par son
-entremise les bienfaits anonymes du Surintendant alors prisonnier[203].
-Le 30 mai 1687, elle s'était associée à Pellisson pour faire célébrer un
-service funèbre à Nublé, leur ami commun[204]. Quant à Pellisson
-lui-même, il avait toujours occupé une place à part. Longtemps avant sa
-mort, et un jour qu'il n'avait pu assister à une réunion motivée par
-l'anniversaire de la naissance de Sapho, Ménage avait fait son épitaphe,
-où il disait en usant d'une fiction poétique:
-
- Passant, ne pleure point son sort.
- De l'illustre Sapho que respecta l'envie
- Il fut aimé pendant sa vie,
- Il en fut plaint après sa mort.
-
-Lorsque cette fiction se réalisa, en 1693, elle dicta à Bosquillon, sur
-cet ami de trente-huit ans, de touchantes notices qui parurent dans le
-_Mercure_ et dans le _Journal des Savants_[205], et toutes ses lettres de
-cette époque témoignent de l'ardeur passionnée[206] qu'elle mit à
-défendre Pellisson contre les attaques qui s'étaient produites en France,
-en Allemagne, en Hollande sur la sincérité de sa conversion et
-l'orthodoxie de sa fin. Elle écrivit à Mme de Maintenon, au chancelier, à
-M. Lepeletier, à Bossuet, et, en réponse à cette dernière lettre de 15
-pages[207], malheureusement perdue, obtint de l'illustre prélat un
-témoignage aussi honorable pour ses sentiments personnels que pour la
-mémoire de son ami[208]. Elle concourut à l'édition du premier volume de
-son _Traité de l'Eucharistie_, donnée par l'abbé de Faure-Ferriès. Elle
-possédait toutes ses poésies inédites, probablement celles qu'il avait
-composées à la Bastille[209] et projetait de raconter sa vie[210]. Elle
-avait écrit dans le premier moment: «La douleur m'a rendue malade; je
-fais ce que je puis pour résister, car _je suis nécessaire à conserver sa
-mémoire_[211].» Depuis elle dit: «Je n'ai point eu de véritable santé
-depuis sa mort[212].» L'année suivante la perte de l'abbé Boisot de
-Besançon, avec qui elle était en correspondance suivie depuis près de dix
-ans, lui rappelait celle de Pellisson.
-
- «Je croyois perdre Acanthe une seconde fois,»
-
-disait-elle dans un madrigal composé à cette occasion.
-
-
- [203] _Menagiana_, 1694, p. 198.--_Gazette de Loret_, lettre du
- 22 décembre 1663.
-
- [204] _Extraits des registres du Cabinet des Titres, Naissances,
- Mariages, Morts_, No 1011, à la date indiquée. Mss de la Bque
- Natale.
-
- [205] _Mercure_ de février 1693, p. 280.
-
- Dans sa lettre à Boisot du 7 mars, elle dit: «Le dernier _Mercure
- galant_ contient un éloge véritable. Ceux qui font le _Mercure_
- ont cru que je l'avois écrit, mais il est d'un de mes amis appelé
- M. Bosquillon, à qui j'avois donné un simple mémoire.» On lit dans
- la lettre du 3 mai suivant: «La semaine prochaine, il y aura un
- éloge de M. Pellisson dans le _Journal des Savants_ (17e No), fait
- par un de mes amis, instruit par moi.»
-
- [206] «La colère m'a donné la force de résister à ma douleur pour
- combattre la calomnie.» Lettre à Boisot du 7 mars 1693 et les
- suivantes.
-
- [207] Lettre au même du 21 février.
-
- [208] Lettre de Bossuet à Mlle de Scudéry, édition Lebel, t.
- XXXVII, p. 477, et à Mlle Dupré sur le même sujet, en date du 14
- février 1693, _ibid._, p. 475. «Je m'acquitte d'autant plus
- volontiers de ce devoir, que vous me faites connoître que mon
- témoignage ne sera pas inutile pour la consoler.»
-
- [209] Lettres des 7 juin 1693 et 3 octobre 1694.
-
- [210] «Si Dieu me laisse vivre assez longtemps pour écrire ce que
- je sais de sa vie, je le justifierai dans les affaires
- temporelles, comme j'ai fait dans la religion.» (13 mars 1693.)
-
- [211] Lettre du 28 février 1693.
-
- [212] Lettre du 20 février 1694.
-
-C'était aussi une amitié de quarante ans qui unissait Sapho, la
-Précieuse, la mondaine, la romancière à l'illustre et pieux Mascaron. Dès
-l'année 1646, elle se joignait à son frère pour recommander le père à
-leurs amis de Paris, et, dans une de ses dernières lettres à l'abbé
-Boisot, elle faisait du fils un éloge des mieux sentis. Celui-ci, de son
-côté, n'avait pas attendu, pour louer les écrits de son amie, qu'elle eût
-publié ses _Conversations morales_. Il lui écrivait le 12 octobre 1672:
-«L'occupation de mon automne est la lecture de _Cyrus_, de _Clélie_ et
-d'_Ibrahim_. Ces ouvrages ont toujours pour moi le charme de la
-nouveauté, et j'y trouve tant de choses propres pour réformer le monde,
-que je ne fais pas difficulté de vous avouer que, dans les sermons que je
-prépare pour la Cour, vous serez très-souvent à côté de saint Augustin et
-de saint Bernard.» A peine investi de la dignité épiscopale, il éprouve
-le besoin de raconter à sa vieille amie l'espèce d'ovation dont il a été
-l'objet dans son diocèse de Tulle, et il ajoute: «L'amitié des peuples,
-toute grossière qu'elle est, a par sa sincérité un charme qui se fait
-sentir et qui console de la perte des choses qui ont plus d'éclat à la
-vérité, mais moins de solidité. Je ne mets point dans ce rang,
-Mademoiselle, cette bonne et généreuse amitié dont vous m'honorez depuis
-si longtemps; rien ne peut consoler d'être éloigné de vous, que la
-persuasion d'être toujours dans votre souvenir, et d'avoir une petite
-place dans le cœur du monde le plus grand et le plus généreux. Je ne
-manquerai pas de faire copier les sermons que vous désirez. Je souhaite
-qu'ils puissent vous plaire; votre approbation me donnera une joie moins
-tumultueuse à la vérité, mais plus solide que celle de toute la cour, et
-votre sentiment réglera celui que j'en dois avoir.»
-
-Chargé en 1675 de prononcer l'éloge de Turenne, il faisait part à Mlle de
-Scudéry de l'embarras où le jetait le peu de temps qu'il avait pour se
-préparer à une semblable tâche. «Vous pouvez, ajoutait-il, m'aider à
-éviter ces inconvénients, si vous avez la bonté de penser un peu à ce
-que vous diriez si vous étiez chargée du même emploi[213].»
-
- [213] Lettre du 5 septembre 1675.--Des nouvellistes littéraires
- ont bâti sur cette donnée une véritable collaboration entre la
- romancière et le prédicateur. On a pu lire, à plusieurs reprises,
- dans les journaux, la découverte faite, _dans un vieux château de
- Normandie_, du manuscrit original de l'_Oraison funèbre de
- Turenne_, par Mascaron, couvert de notes manuscrites de la main
- de Mlle de Scudéry.
-
-Moins ancienne, mais non moins glorieuse pour Mlle de Scudéry était
-l'amitié du grand Leibnitz. Nous en avons des témoignages plus sérieux
-que les vers adressés au perroquet de Sapho. A propos de la question de
-l'amour divin, débattue entre Bossuet et Fénelon, le philosophe avait
-dit: «De toutes les matières de théologie, il n'y en a point dont les
-dames soient plus en droit de juger, puisqu'il s'agit de la nature de
-l'amour.... Mais j'en voudrois qui ressemblassent à Mlle de Scudéry qui a
-si bien éclairci les caractères et les passions dans les romans et dans
-les conversations de morale[214].»
-
- [214] Foucher de Careil, _Lettres et Opuscules inédits de
- Leibnitz_, 1854, in-8º, p. 254.
-
-De son côté, l'abbé Nicaise écrivait à Huet, le 9 août 1698: «J'avois
-fait part à Mlle de Scudéry, qui est des amis de M. Leibnitz, de son
-sentiment sur l'amour désintéressé, en lui disant qu'il n'étoit contraire
-ni à M. de Meaux, ni à M. de Cambray, pour me venger un peu de quelques
-vers de sa façon dont elle m'avoit régalé. Elle me répond qu'elle ne veut
-point se mêler dans une dispute d'une matière si élevée, et qu'elle se
-tient en repos en se bornant aux Commandements de Dieu, au Nouveau
-Testament et au _Pater_. Car je crois, dit-elle, qu'une prière que
-Jésus-Christ a composée lui-même ne contient pas un intérêt criminel,
-quoique Mme Guyon la regarde comme une prière intéressée, ce qui
-renverseroit les fondements du christianisme[215].»
-
- [215] Cousin, _Fragments philosophiques_, 5e édon.--_Philosophie
- moderne_, 2e partie, 1866, in-8º, t. II, p. 182.
-
-Ces derniers mots nous amènent à la vieillesse de Mlle de Scudéry, aux
-infirmités qui l'accompagnèrent et aux pensées sérieuses que lui
-inspirèrent les approches du moment suprême.
-
-A ses amis qui lui promettaient l'immortalité, elle avait répondu:
-
- J'en quitterois ma part pour un siècle de vie,
-
-Ou mieux encore:
-
- J'y renoncerois par tendresse
- Si mes amis n'étoient immortels comme moi[216].
-
- [216] Voy. les Poésies.
-
-Ce siècle de vie, elle y toucha presque, et, depuis longtemps, les
-approches s'en faisaient sentir. Dès 1689, Richelet, dans son _Choix des
-plus belles lettres_, p. 295, insérant une épître de Balzac à elle,
-ajoutait en note: «Plût à Dieu qu'elle pût continuer à travailler et
-qu'elle fût encore en état de contenter ce qu'il y a de plus fin et de
-plus délicat dans l'un et dans l'autre sexe! Mais
-
- Non, elle cède aux ans et sa tête chenue
- Lui dit qu'il faut quitter les hommes et le jour,
- Son sang se refroidit, sa force diminue, etc.»
-
-En dépit des vers:
-
- L'oreille est le chemin du cœur
- Et le cœur l'est du reste,
-
-vers qui ont été attribués à Mlle de Scudéry, la surdité fut une des
-infirmités qui se déclarèrent de bonne heure chez elle et s'accrurent
-avec l'âge. Il y eut à ce sujet, au moins dès 1666, entre Cotin et
-Ménage, un échange d'épigrammes latines et françaises. Le premier engagea
-l'action par le quatrain suivant:
-
- Suivre la Muse est une erreur bien lourde,
- De ses faveurs voyez le fruit:
- Les écrits de Sapho menèrent tant de bruit
- Que cette nymphe en devint sourde.
-
-Ménage riposta par une épigramme latine de 18 vers:
-
- Proh scelus! incautam carpis, malesane, puellam,
- Nec pudet, et surdam surdior ipse vocas, etc.
-
-La querelle ainsi commencée continua sur le même ton. Les pièces en ont
-été recueillies par Cotin lui-même sous le titre de la _Ménagerie_[217].
-Elle eut cela de particulier que le premier auteur de la guerre protesta
-toujours de son respect pour celle qui en avait été l'occasion, et
-prétendit que l'attaque était plus respectueuse que la défense, ce qui
-donna lieu aux vers suivants:
-
- Quand le docte Cotin, l'amour des beaux esprits,
- Veut plaindre de Sapho la surdité cruelle,
- Il donne à sa disgrâce une cause si belle
- Que l'on peut souhaiter d'être sourde à ce prix.
-
- [217] Voy. ce que nous en avons dit ci-dessus, p. 70.
-
-Et à ceux-ci:
-
- Je prends pour votre ami celui qui vous attaque,
- Et pour votre ennemi celui qui vous défend.
-
-Cependant, Mlle de Scudéry s'était depuis longtemps résignée à vieillir.
-Disons mieux, dès le temps de la _Clélie_, elle prenait l'avance sur la
-vieillesse en traçant, avec une certaine complaisance, le portrait
-d'Arricidie, qui était encore à Capoue l'arbitre du bon goût et du bon
-ton, «quoiqu'elle n'eût jamais eu aucune beauté et qu'elle eût plus de
-quinze lustres» (soixante-quinze ans). Or l'auteur n'en avait guère alors
-que cinquante. Il faut lire ce portrait et l'agréable commentaire qu'en
-fait un critique, en montrant que, contre l'ordinaire des romans, la
-femme âgée a sa place dans la _Clélie_ et vieillit sans devenir inutile
-ni déplaisante[218].
-
- [218] _Clélie_, t. I, p. 297-301.--Saint-Marc Girardin, _Cours de
- littérature dramatique_, t. III, p. 121.
-
-A partir surtout de 1692, la correspondance de Mlle de Scudéry avec
-l'abbé Boisot renferme sur sa santé des plaintes qui vont en s'aggravant
-d'année en année. «Mes genoux ne me permettent pas de monter et
-descendre mon escalier sans peine et de me promener dans mon
-jardin.»--«Ma santé est plus altérée qu'elle n'étoit, et je ne suis
-encore payée de nulle part.» 12 mai et 16 juin 1694, etc., etc.
-
-Nous avons sur Mlle de Scudéry, dans les dernières années de sa vie,
-l'impression de deux témoins oculaires qui lui rendirent visite à peu de
-temps de distance. L'un et l'autre s'accordent à dire qu'elle avait
-conservé un esprit encore vigoureux dans un corps en ruines, et la
-comparent à une sibylle à qui il ne restait plus que la parole. Elle
-avait alors à peu près 92 ans. Au premier de ces visiteurs, Martin
-Lister, savant médecin et naturaliste anglais, elle montra, dans son
-cabinet, un portrait de Mme de Maintenon, son amie de longue date,
-qu'elle lui affirma être fort ressemblant, et qui, en effet, dit-il,
-représentait une femme d'une beauté remarquable. L'autre était Mme du
-Noyer, qui, dans ses _Lettres historiques et galantes_, a recueilli bien
-des commérages mêlés à quelques vérités. A l'en croire, Mlle de Scudéry,
-lorsqu'elle reçut sa visite, était tellement sourde qu'elle faisait
-écrire par une tierce personne tout ce qu'on lui disait, et répondait
-après avoir lu le papier sur lequel étaient couchés les discours de son
-interlocutrice[219].
-
- [219] Martin Lister, _A Journey to Paris_, 1699, pp. 93 et
- 94.--_Lettres de Madame du Noyer_, 1757, t. I, p. 137.
-
-Dans les dernières années de sa vie, elle composa encore des vers à la
-louange du Roi, sur l'avénement du duc d'Anjou au trône d'Espagne, sur
-les victoires de nos armées, etc. «On aime à voir, dit un écrivain, la
-noble fille, presque centenaire, soutenir jusqu'au bout l'honneur de
-la grande génération dont elle était à cette date le dernier
-représentant[220].» En effet, par sa longue existence, qui commence avec
-les premières années du dix-septième siècle et le dépasse d'un an, qui
-embrasse la fin du règne de Henri IV, celui de Louis XIII tout entier,
-les deux ministères de Richelieu et de Mazarin, la jeunesse, la maturité
-et la vieillesse de Louis XIV, il fut donné à Mlle de Scudéry d'être
-contemporaine de Balzac, de Chapelain, de Voiture, de Corneille, de
-Scarron. Elle a vu naître et mourir Molière, La Fontaine, Pascal, Racine,
-Labruyère, et n'a précédé dans la tombe que de quelques années Bossuet,
-Despréaux, Mascaron et Fléchier[221].
-
- [220] Eug. Crépet, _Trésor épistolaire de la France_, t. I. p.
- 237.
-
- [221]
-
- Balzac né en 1594, mort en 1660.
- Chapelain 1595, + 1674.
- Voiture 1598, + 1648.
- Corneille 1606, + 1684.
- Scarron 1610, + 1660.
- Molière 1620, + 1673.
- La Fontaine 1621, + 1695.
- Pascal 1623, + 1662.
- Bossuet 1627, + 1704.
- Fléchier 1632, + 1710.
- Mascaron 1634, + 1703.
- Boileau 1636, + 1711.
- Racine 1639, + 1699.
- Labruyère 1644, + 1696.
-
-Outre les ouvrages cités par nous, elle en a publié quelques autres de
-moindre importance[222]. Il est question dans les _Lettres de Mme de
-Sévigné_, t. II, p. 258, d'un commentaire qu'elle avait composé sur
-certains sonnets de Pétrarque, et Bosquillon parle à la fin de son Éloge
-«de courtes prières pour tous les dimanches de l'année et d'autres sur
-les 150 pseaumes, qu'elle avoit faites depuis longtemps pour son seul
-usage et pour celui d'un de ses plus illustres amis.»
-
- [222] _Promenade de Versailles_ ou _Histoire de Célanire_. Paris,
- Barbin, 1669, in-8º.--Les _Bains des Thermopyles_. Paris, veuve
- Ribou, 1732, in-8º. C'est un épisode tiré du t. IX du _Grand
- Cyrus_.--_Histoire de Mathilde d'Aguilar._ La Haye, 1736,
- in-8º.--_Anecdotes de la cour d'Alphonse XIe du nom, Roi de
- Castille._ Paris, 1756, 2 vol. in-12.
-
-Mlle de Scudéry, a dit M. Cousin, était pieuse sans être dévote, et la
-justesse de cette appréciation ressort de plusieurs circonstances
-énoncées par nous dans le cours de cette Notice. Ses _Conversations sur
-divers sujets_ (1680) renferment un chapitre _Contre ceux qui parlent peu
-sérieusement de la religion_. Elle y dépeint ces hommes qu'on appelait
-alors des _libertins_, mais elle se refuse à admettre qu'il puisse y
-avoir des femmes sans religion. Il est question ailleurs d'une certaine
-Belinde à qui la dévotion ôta quelques amis, et elle ajoute: «Car,
-quoique Belinde ait une piété fort solide, elle ne convenoit plus à un de
-ces dévots de cabale qui, pour l'ordinaire, songent plus à concerter
-l'extérieur de leurs actions qu'à régler le fond de leur propre
-cœur[223].»
-
- [223] _Conversations morales_, 1686, t. II, p. 989.
-
-Nous avons déjà vu par la lettre à l'abbé Nicaise, citée plus haut, que
-les sentiments religieux de Mlle de Scudéry s'accentuèrent davantage vers
-la fin de sa vie. L'auteur de son Éloge nous la représente en proie,
-pendant plusieurs années, à de vives douleurs causées par un rhumatisme
-aux genoux et souffertes avec une résignation toute chrétienne, portant
-dans un corps usé un esprit toujours serein. Nous reproduisons d'après
-lui le touchant récit de sa mort, en l'abrégeant un peu, mais en lui
-laissant toute sa naïveté.
-
-«Le 2 juin (1701) au matin, dit-il, elle se fit encore lever et habiller,
-malgré un gros rhume mêlé de fièvre. Étant debout, elle se sentit
-défaillir et dit: il faut mourir. Elle demanda le crucifix et le baisa.
-On le posa devant elle, et elle demeura les yeux attachés dessus. Son
-confesseur, qui demeuroit dans le voisinage et qui la voyoit souvent, ne
-s'étant pas trouvé, on avertit le père de Furcy, capucin. On lui redonna
-le crucifix. Comme il étoit un peu lourd, on voulut le lui ôter; mais
-elle le reprit de sa main mourante en disant: Donnez, donnez-moi mon
-Jésus. Elle l'appuya sur sa poitrine et, pendant qu'on lui donnoit la
-dernière absolution, elle expira doucement dans le baiser du
-Seigneur[224].»
-
- [224] _Eloge de Mlle de Scudéry_, par M. Bosquillon, dans le
- _Journal des Savants_, du lundi 11 juillet 1701.
-
-
-Ainsi mourut Mlle de Scudéry, à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. Deux
-églises se disputèrent l'honneur de lui donner la sépulture, celle de
-l'hôpital des Enfants-Rouges où elle avait dit souvent qu'elle souhaitait
-d'être enterrée, et celle de Saint-Nicolas-des-Champs, qui était sa
-paroisse depuis plus de cinquante ans. Le cardinal de Noailles,
-archevêque de Paris, jugea en faveur de sa paroisse, où son corps fut
-inhumé le 3 juin au soir[225].
-
- [225] Voici la mention, inexacte quant à l'âge, que M. Jal a
- relevée sur les registres de Saint-Nicolas. Ce fut le jeudi 2
- juin 1701 que décéda, en sa maison, rue de Beauce, «damoiselle
- Magdeleine de Scudéry, fille, âgée de _soixante-et-quatorze_ ans,
- ou environ.» Elle fut inhumée le lendemain 3 juin, à
- Saint-Nicolas-des-Champs, sa paroisse.
-
- E. J. B. RATHERY.
-
-
-
-
-APPENDICE[226].
-
- [226] Voyez la _Notice_ page 17.
-
-(_Extrait des archives des Bouches-du-Rhône, cour des Comptes._--_Reg.
-jurisprudentia_, _fo_ 289.)
-
- PROVISIONS DE LA CHARGE DE CAPPITAINE ET GOUVERNEUR DE LA TOUR
- NOTRE-DAME-DE-LA-GARDE POUR GEORGE DE SCUDÉRY, SIEUR
- D'AMBERVILLE, GENTILHOMME ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY.
-
-
-Louis, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, comte de
-Provence, Forcalquier et terres adjacentes, à tous ceux qui ces présentes
-lettres verront, salut. La charge de cappitaine et gouverneur de la Tour
-de Notre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de nostre pays de Provence,
-estant à présent vaccante par la mort du sieur de Boys, dernier
-possesseur d'icelle, et estant nécessère pour nostre service de la
-remplir d'une personne qui ayt les bonnes qualitéz requises pour s'en
-acquitter dignement, Nous avons creu ne pouvoir fère un meilleur choix
-que de la personne de nostre cher et bien amé le sieur de Scudéry, sur la
-confiance que nous prenons en ses sens, suffisance, valeurs, expérience
-au faict des armes et en son affection et fidélité à nostre service, dont
-il a rendu preuve en diverses occasions. A ces causes et autres bonnes
-considérations à ce nous mouvans, nous avons ledict sieur de Scudéry
-constitué, ordonné et establi, constituons, ordonnons et establissons,
-par ces présentes signées de nostre main, cappitaine et gouverneur de la
-ditte Tour de Nostre-Dame-de-la-Garde, vaccante, comme dit est, par la
-mort dudict sieur de Boys, et ladicte charge luy avons donnée et
-octroyée, donnons et octroyons pour en jouir aux honneurs, authoritéz,
-prérogatives, gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens qui y
-appartiennent, et telz et semblables dont a jouy ou deub jouyr ledict
-sieur de Boys, le tout tant qu'il nous plairra, soubz l'authorité de
-nostre trèz-cher et trèz-amé cousin le comte d'Aletz, gouverneur et
-nostre lieutenant général en nostre province de Provence et, en son
-absence, soubz celle du sieur comte de Carcèz, nostre lieutenant général
-en ladicte province, et leurs successeurs ausdictes charges. Si donnons
-en mandement à nostre trèz-cher et féal le sieur Seguier, chevalier,
-chancelier de France, que, dudict sieur de Scudéry pris et receu le
-serment en tel cas requis et accoustumé, il le mette et institue ou fasse
-mettre et instituer de par Nous en possession de ladicte charge et
-d'icelle, ensemble des honneurs, authoritéz, prérogatives, gaiges,
-droicts, profficts, revenus et esmolumens dessusdicts, le face, souffre
-et laisse jouyr et user plainement et paisiblement et à luy obéir et
-entendre de tous ceux et ainsy qu'il appartiendra ez choses touchant et
-concernant ladicte charge. Mandons en outre à noz améz et féaux
-conseillers les trésoriers généraux de France en nostre dit pays de
-Provence que par celuy de noz receveurs et comptables qu'il appartiendra,
-qui a accoustumé de payer lesdicts gaiges et droictz, ilz le fassent
-doresnavant payer et dellivrer par chascun an audict Scudéry, en la forme
-et manière accoustumée, à commencer du jour et datte des présentes,
-rapportant lesquelles ou coppie d'icelles deuement collationnées pour une
-fois seulement, avec quittance sure et suffisante. Nous voulons tout ce
-que payé et dellivré luy aura esté à l'occasion susdicte estre passé et
-alloué en la despence des comptes de celuy de nos dicts receveurs et
-comptables qui les aura payéz par noz améz et féaulx les gens de noz
-comptes, ausquelz nous mandons ainsy le fère sans difficulté; car tel est
-nostre plaisir. En tesmoing de quoy, nous avons faict mettre nostre scel
-à ces dictes présentes. Donné à Monfrin, le vingt-neufvième jour du moys
-de juin, l'an de grace MVIe XLII et de nostre règne le trente-troisième.
-Signé Louis, et, sur le reply, par le Roy, comte de Provence, Sublet.
-Scellées sur double queue du grand [scel] de cire jaune.
-
-Extraict des registres de la Cour des Comptes, Aydes et Finances. Sur la
-requeste présentée par Georges de Scudéry, sieur d'Amberville,
-gentilhomme ordinère de la Chambre du Roy, tendant à vériffication
-et entérinement de lettres patentes par lesquelles Sa Majesté l'a
-pourveu de la charge de cappitaine et gouverneur de la Tour de
-Nostre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de Provence, vaccante par la
-mort du sieur de Boys, dernier possesseur, pour en jouyr aux honneurs,
-authoritéz, prérogatives, gaiges, droicts, profficts, revenus et
-esmolumens y appartennans, telz et semblables qu'en jouyssoit ledict de
-Bouys, soubz l'authorité du sieur comte d'Aletz, gouverneur et lieutenant
-général en ladicte province et, en son absence, soubz celle du sieur
-comte de Carcès, lieutenant général audict pays; veu lesdictes lettres
-patentes données à Monfrin le vingt-neufviesme jour du moys de juin MVIC
-XLII, signées Louis et, sur le reply, par le Roy comte de Provence,
-Sublet, scellées sur double queue du grand scel en cire jaune; la
-requeste dont est question appoinctée le dix-neufviesme jour du moys de
-juin MVIC XLII, pour estre monstrée au procureur général du Roy; la
-responce de son substitut n'empêchant ladicte vériffication et
-enregistration, la requeste ce jourd'huy rechargée et rapportée par Me F.
-Margaillet, conseiller du Roy en ladicte cour, et tout considéré; dict a
-esté que la Chambre, ayant esgard à ladicte requeste, a vériffié et
-entériné, entérine et vériffie lesdittes lettres patentes, pour jouyr
-par l'impétrant dudict estat et charge de cappitaine du fort
-Nostre-Dame-de-la-Garde, aux honneurs, authoritéz, prérogatives,
-prééminences, franchises, libertéz, gaiges, droicts, fruicts, profficts,
-revenus et esmolumens y appartenans, tels et semblables et tout ainsy
-qu'en jouyssoit son devancier, à compter lesdicts gaiges déz le jour et
-datte desdictes provisions, et au surplus suyvant la forme et teneur
-d'icelles, à la charge que par le commissère qui sera depputté pour
-mettre et installer ledict de Scudéry en possession dudict estat et
-charge, il fera fère description de l'estat et qualité dudict fort,
-ensemble inventère de l'artillerie, munitions et armes, équipage de
-guerres, meubles qui seront en icelles, et de tout il se chargera
-formement, aprèz deue conférance des inventaires cy devant faicts sur
-l'installation dudict de Bouys et autres ses devanciers, sauf au
-procureur général du Roy, en cas de défectuosité ou manquement, se
-pourvoir contre iceux ainsy qu'il appartiendra. Et seront lesdictes
-lettres registrées ez registres des archifz de Sa Majesté. Faict en la
-Chambre des Comptes, Cour des Aydes et Finances du Roy en Provence, séant
-à Aix, le XXIIe jour de juin MVIC XLIII, collationné, signé Mour.
-
-
-
-
- CORRESPONDANCE
- CHOISIE.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. CHAPELAIN[227]
-
- [227] Mss de Conrart, in-4º, t. V, p. 275.
-
- M. Cousin qui a reproduit cette lettre et la suivante, n'a pas
- entrepris d'en expliquer les allusions. Nous avons dû aller plus
- loin que lui. Leur comparaison avec les lettres de Balzac à
- Chapelain des 15 mars, 15 et 29 avril 1639, et avec la lettre
- inédite de Voiture au même, datée du 1er mars de la même année
- (Mss Sainte-Beuve), nous a fourni l'explication suivante: La
- comédie de l'Arioste _I Suppositi_ avait été à l'hôtel de
- Rambouillet l'objet d'une polémique assez animée. Critiquée par
- Voiture et par Mlle de Rambouillet, elle avait eu pour défenseurs
- Chapelain, Mlle Paulet, Georges et Madeleine de Scudéry. Enfin
- Voiture s'avoua vaincu et envoya à Chapelain une paire de gants,
- enjeu du défi.
-
-
- [Mars ou avril 1639.]
-
- Monsieur,
-
-Si l'on ne m'avoit assurée que les cris d'allégresse ne déplaisent jamais
-aux victorieux, quelque modestes qu'ils soient, je ne mêlerois pas ma
-voix à celles de tant d'illustres personnes qui prennent intérêt en votre
-gloire, sachant bien qu'elle est trop peu considérable et trop foible
-pour être entendue dans le même temps que cette adorable Lionne[228],
-que vous avez placée au ciel avec tant de justice, témoigne par ses
-rugissemens la joie qu'elle a de votre triomphe. Mais après m'être laissé
-persuader que dans les réjouissances publiques chacun a droit de dire ses
-sentimens, j'ose vous assurer, que quand M. de Balzac m'auroit donné
-l'immortalité en me louant injustement dans une lettre[229], je ne serois
-pas si satisfaite, que de voir que par son jugement il vous établit le
-juge des autres. Et certes, à dire vrai, c'est un rang que vous méritez
-si bien, qu'on ne doit pas peu de louanges à votre modestie de vous être
-soumis à pouvoir être condamné; mais vous avez voulu rendre cette
-déférence aux rares qualités de votre arbitre, et de votre ennemi qui,
-certainement, ne s'est trouvé d'opinion contraire à la vôtre, que pour
-avoir la gloire de vous combattre. Il faut avoir l'âme si haute et si
-hardie, pour s'opposer à vos sentimens, que bien qu'il soit surmonté en
-cette guerre, elle ne laisse pas de lui être avantageuse. Enfin,
-Monsieur, comme elle n'est funeste pour personne, et qu'au contraire,
-elle est glorieuse et pour le juge et pour les deux partis, on peut dire
-que jamais victoire ne fut plus heureuse que la vôtre; que jamais vaincu
-ne porta ce nom avec tant d'honneur; et que jamais vainqueur ne fut
-couronné d'une main plus illustre. C'est tout ce que vous dira pour cette
-fois,
-
- Votre, etc.,
-
-
-Si ce n'est pas trop de hardiesse que de vous demander la Comédie qui a
-fait votre guerre, j'oserois vous supplier de me la prêter; afin qu'en
-admirant ses beautés, mon frère et moi, admirions encore votre jugement.
-
- Votre,
-
- [228] Mlle Paulet, sur laquelle nous reviendrons plus loin, avait
- dû ce surnom à son courage, à sa fierté, et à la nuance dorée de
- ses cheveux. Chapelain avait composé sur elle en 1633 une pièce
- de vers qu'on appelait le _Récit de la lionne_.
-
- [229] Balzac, qui s'était aussi déclaré pour l'Arioste dans la
- discussion dont nous avons parlé, se prévaut, dans sa lettre du
- 15 avril, de l'adhésion de Scudéry, et il ajoute: «Mais que
- cette sœur qui écrit si élégamment et de si bon sens, est digne
- de lui, et qu'elle est à mon gré une personne excellente!
- Prêtez-moi, monsieur, une douzaine de vos paroles, pour lui faire
- le compliment que je lui dois, et dites-lui que si j'étois le
- légitime distributeur de cette immortalité dont vous parlez, elle
- seroit assurée d'en avoir sa part.»
-
-
-AU MÊME[230].
-
- [230] Mss de Conrart, in-4º, t. V, p. 277.
-
- [Mars ou avril 1639.]
-
- Monsieur,
-
-Après avoir lu la Comédie[231] que vous m'avez fait l'honneur de me
-prêter, je ne suis pas assez inconsidérée pour publier hardiment ce que
-j'en pense. La médiocrité de mon esprit et mon ignorance sont des
-raisons assez fortes pour m'en empêcher. Je vous dirai, pourtant, que si
-quelque chose vous pouvoit faire douter de la justice de votre cause,
-vous auriez lieu de le faire, dans la seule pensée que Mlle de
-Rambouillet, qui, certainement, est la plus excellente personne de mon
-sexe, désapprouve une chose que je trouve belle, qu'elle condamne un
-intrigue qui me semble admirablement joli, et merveilleusement
-conduit[232]; et qu'enfin, elle blâme un ouvrage où je n'aperçois point
-de tache, et où le peu de lumière que j'ai me fait découvrir de grandes
-beautés. Cette opposition de toutes choses, qui se voit entre l'opinion
-de cette admirable personne et la mienne, doit, si je ne me trompe, vous
-être suspecte, et vous porter encore une fois à examiner si la raison est
-absolument contre elle; ou si, en cette rencontre, elle veut faire
-paroître son esprit au préjudice de son jugement, si elle protège le
-foible, ou si elle soutient ses sentimens propres; car, pour ne vous
-déguiser pas les miens, je ne puis concevoir que vous soyez de parti
-contraire; et lorsque je vous assure que je serai toujours du vôtre, je
-ne puis m'imaginer que je ne sois pas toujours du sien.
-
-Je suis, Monsieur, votre très humble et très affectionnée servante.
-
- [231] _I Suppositi._ Cette comédie de la jeunesse de l'Arioste
- n'est guère qu'une imitation de Plaute et de Térence. Mais
- le prologue renferme un certain nombre d'équivoques dont
- on s'explique que la pudeur de Mlle de Rambouillet et de
- quelques-uns de ses amis des deux sexes ait pu prendre ombrage.
-
- [232] _Intrigue_ était alors du masculin ou des deux genres,
- comme _équivoque_, _rencontre_, _affaire_, _énigme_, etc.
-
-
-CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[233].
-
- [233] Cette lettre, évidemment relative à la controverse sur les
- _Suppositi_ de l'Arioste, trouve sa place naturelle à la suite
- des deux précédentes. Nous l'empruntons à l'_Isographie_, avec
- une lacune que nous n'avons pu remplir.
-
-
- [Mars ou avril 1639.]
-
- Mademoiselle,
-
-Je n'étois pas bien de mon parti, même devant que d'avoir reconnu que
-vous le teniez, et le respect que je dois à la Princesse[234] que j'ai
-pour adversaire m'ôtoit la hardiesse de condamner des sentimens dont les
-contraires jusqu'ici m'avoient semblé les seuls équitables. Mais à
-présent que je vois les miens appuyés de votre autorité et protégés par
-la valeur du généreux Astolfe[235] qui a daigné descendre du ciel pour
-servir de champion à ma justice, je me détermine et veux bien désormais
-être du nombre de mes partisans, pour soutenir ma propre cause, à
-laquelle je me suis affectionné depuis seulement qu'elle est devenue la
-vôtre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
- [234] Mlle de Rambouillet, qu'on appelait souvent la _Princesse
- Julie_ dans sa société.
-
- [235] Georges de Scudéry. Voyez la lettre déjà citée de Balzac,
- du 15 avril 1639. «C'est un dangereux homme que cet Astolphe,...
- et j'aimerois mieux me réconcilier avec l'Arioste que de me
- battre contre son chevalier. Pour moi, je mets son amitié au
- nombre de mes meilleures fortunes, et suis tout glorieux du
- nouveau témoignage qu'il m'en a rendu. Mais que cette sœur,
- etc.» Suit le passage cité p. 144, note 229.
-
-
-Ce seroit ici le lieu de vous rendre très-humbles grâces de la part que
-vous avez voulu prendre en mes intérêts, si tous les devoirs et toutes
-les reconnoissances n'étoient pas comprises dans la qualité véritable que
-je prends,
-
- Mademoiselle, de
- Votre très humble et très obéissant serviteur,
- CHAPELAIN.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE ROBINEAU[236].
-
- [236] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 189.
-
- Mlle Robineau, «fille déjà âgée en 1657,» suivant Tallemant. «Elle
- a beaucoup d'esprit, dit le _Grand Dictionnaire des Précieuses_,
- et est des bonnes amies de la docte Sophie (Mlle de Scudéry) qui
- lui fait une confidence générale de tous ses ouvrages.» C'est la
- Doralise du _Grand Cyrus_. Elle habitait le quartier du Marais.
-
- Rouen, le 5 septembre 1644.
-
- Mademoiselle,
-
-Je m'étonne assez que vous, qui n'aimez guère les nouvelles et qui ne
-voyez jamais les relations de Renaudot[237], ayez souhaité que je vous en
-fisse une de mon voyage, qui sans doute n'a rien de si remarquable ni de
-si beau que le siége de Gravelines ni que l'action de M. d'Enghien.
-Néanmoins, puisque vous le désirez, il faut vous obéir et contenter votre
-curiosité par un fidèle récit de tout ce qui m'est arrivé.
-
-
- [237] Théophraste Renaudot, fondateur de la _Gazette de France_
- dont il avait obtenu le privilége à la date de 1631, par la
- protection du cardinal de Richelieu.
-
-Je ne m'arrêterai pas toutefois à vous dépeindre exactement la
-magnificence de mon équipage, quoiqu'il y ait sans doute quelque chose
-d'assez agréable à s'imaginer que les chevaux qui traînoient le char de
-triomphe qui me portoit étoient de couleurs aussi différentes que celles
-qu'on voit en l'arc-en-ciel: le premier étoit bai, le second étoit pie,
-le troisième alezan, et le quatrième gris pommelé; et tous les quatre
-ensemble étoient tels qu'il le faudroit à ces peintres qui aiment à faire
-paroître en leurs tableaux qu'ils sont savants en anatomie, n'y ayant pas
-un os, pas un nerf ni pas un muscle qui ne parût fort distinctement au
-corps de ces rares animaux. Leur humeur étoit fort docile, et leur pas
-étoit si lent et si réglé, qu'il n'y a point de cardinaux à Rome qui
-puissent aller plus gravement au consistoire que je n'ai été à Rouen.
-Aussi vous puis-je assurer que le cocher qui les conduisoit a eu tant de
-respect pour eux pendant le voyage que, de peur de les incommoder, il a
-quasi toujours été à pied. Ce n'est pas qu'il n'y ait lieu de croire
-qu'il en usoit aussi de cette sorte pour se divertir et pour nous
-désennuyer; car je puis vous dire sans mensonge qu'il aime fort la
-conversation, et que de toute la compagnie, lui et moi n'étions pas les
-plus désagréables.
-
-Mais, pour vous apprendre de quelles personnes cette compagnie étoit
-composée, vous saurez qu'il y avoit avec nous un jeune partisan, déguisé
-en soldat pour cacher sa profession, dont le manteau d'écarlate à gros
-boutons d'or, les grosses bottes et les grands bas ne convenoient pas
-trop bien à l'air de son visage; car enfin, avec tout l'appareil d'un
-chevau-léger ou d'un filou, il ressembloit très fort à un solliciteur de
-procès. Auprès de celui-ci étoit un mauvais musicien qui, craignant de
-mourir de faim à Paris, s'en alloit demander l'aumône en son pays; et
-quoique plusieurs personnes eussent beaucoup contribué à son habillement,
-il ne lui en étoit pas plus propre. Le chapeau qu'il portoit ayant, à ce
-que je crois, été autrefois à M. de Saint-Brisson[238], lui tomboit sur
-le nez à cause de la petitesse de sa tête. Son collet ressembloit assez à
-un peignoir; son pourpoint étoit à grandes basques, et ses chausses
-approchoient fort de celles des Suisses. Enfin plus d'un siècle et plus
-d'une nation avoient eu part à cet habit extraordinaire. La troisième
-personne de cette compagnie étoit une bourgeoise de Rouen qui avoit perdu
-un procès à Paris, et qui se plaignoit également de l'injustice de ses
-juges et de la fange des rues. La quatrième étoit une épicière de la rue
-Saint-Antoine, qui, ayant plus de douze bagues à ses doigts, s'en alloit
-voir la mer et le pays, pour parler en ses termes. La cinquième, tante de
-celle-là, étoit une chandelière de la rue Michel-le-Comte, qui, poussée
-de sa curiosité, s'en alloit avec elle voir la citadelle du Havre; la
-sixième étoit un jeune écolier, revenant de Bourges prendre ses licences,
-et se préparant déjà à plaider sa première cause. La septième étoit un
-bourgeois poltron qui craignoit toute chose, qui croyoit que tout ce
-qu'il voyoit étoit des voleurs, et qui n'apercevoit pas plutôt de loin
-des troupeaux de moutons et des bergers, qu'il se préparoit déjà à leur
-tendre sa bourse, tant la frayeur décevoit son imagination. La huitième
-étoit un bel esprit de Basse-Normandie, qui disoit plus de pointes que M.
-l'abbé de Franquetot n'en disoit du temps qu'elles étoient à la mode, et
-qui, voulant railler toute la compagnie, en donnoit plus de sujet que
-tous les autres. La neuvième étoit mon frère, dont j'allois vous
-dépeindre, non pas la mine, la profession ni les habillemens, mais les
-chagrins et les impatiences que lui donnoit une si étrange voiture, s'il
-n'eût retranché une partie de mon histoire, en obtenant de ma bonté de ne
-vous en dire rien.
-
- [238] Louis Séguier, baron de Saint-Brisson et prévôt de Paris.
- C'était un soupirant de Mlle Paulet, personnage ridicule dont il
- est souvent question dans les chansons du temps.
-
-Une si belle assemblée doit sans doute vous persuader que la conversation
-en étoit fort divertissante. Le partisan, quoique se voulant cacher, en
-revenoit toujours au sol pour livre. Le musicien, quoique plus incommode
-par sa voix que le bruit des roues du coche, vouloit toujours chanter. La
-bourgeoise qui avoit perdu sa cause ne faisoit que des imprécations
-contre son rapporteur. L'épicière, curieuse de voir le pays, dormoit tant
-que le jour duroit, excepté quand il falloit dîner ou descendre des
-montagnes. La chandelière ne pouvoit se lasser d'admirer le plaisir
-qu'elle auroit de voir dans les magasins de la citadelle une quantité
-prodigieuse de mèches qu'elle jugeoit y devoir être, vu le nombre des
-mousquets qu'elle avoit ouï dire qu'on y voyoit. Tantôt elle souhaitoit
-d'en avoir autant dans sa boutique, tantôt que ce fût elle qui la vendît
-à cette garnison. Enfin on peut dire que nous sortîmes du coche fort
-honorablement, c'est-à-dire tambour battant par la voix du musicien, et
-mèche allumée par notre chandelière, qui, tant que nous marchâmes de
-nuit, eut toujours une chandelle à la main pour nous éclairer dans le
-coche. Pour le jeune écolier, il ne parloit que de droit écrit, de
-coutumes et de Cujas. D'abord je crus que ce garçon déguisoit ce nom et
-que c'étoit de feu Cusac qu'il vouloit parler, quoique ce qu'il en disoit
-n'y convînt pas; mais je sus enfin que Cujas étoit un ancien docteur
-jurisconsulte, que cet écolier alléguoit sur toutes choses. Si l'on
-parloit de la guerre, il disoit qu'il aimoit mieux être disciple de Cujas
-que soldat; si l'on parloit de voyages, il assuroit que Cujas étoit connu
-partout; si l'on parloit de musique, il disoit que Cujas étoit plus juste
-en ses raisonnemens que la musique en ses notes; si l'on parloit de
-manger, il juroit qu'il aimeroit mieux jeûner toujours que de ne lire
-jamais Cujas; si l'on parloit de belles femmes, il disoit que Cujas avait
-eu une belle fille[239], et que, quoique vieille, elle n'est point
-encore laide. Enfin Cujas étoit de toutes choses, et Cujas m'a si fort
-importunée que voici la première et la dernière fois que je l'écrirai et
-le prononcerai en toute ma vie. Pour le poltron, il vous est aisé de vous
-imaginer que sa conversation ne ressembloit pas à celle d'un gascon, et
-que celle du bel esprit avoit beaucoup de rapport avec celle de feu M. de
-Nervèze[240].
-
- [239] Suzanne Cujas, fameuse par ses dérèglements. Elle était née
- en 1587, et Catherinot en nous donnant sa _Vie_, 1664 in-8º, a
- négligé de nous instruire de la date de sa mort. On voit qu'elle
- vivait encore en 1644.
-
- [240] Antoine de Nervèze, littérateur des plus médiocres, dont
- les vers, dit l'Estoile, se vendaient deux sols sur les quais de
- Paris.
-
-Après cela ne m'en demandez pas davantage, car je n'ai plus rien à vous
-dire sinon que je ne dormis point la nuit que je couchai à Magny, que de
-ma vie je ne fus si lasse que lorsque j'arrivai à Rouen, non pas comme a
-dit magnifiquement M. Chapelain parlant de la lune,
-
- Dedans un char d'argent environné d'étoiles,
-
-mais oui bien
-
- Dedans un char d'osier environné de crotte.
-
-Tout à bon, je pense que si je n'eusse eu peur qu'avec l'aide de ces
-admirables lunettes que l'on peut quasi dire qui arrachent les astres du
-ciel, vous n'eussiez découvert le coche et n'eussiez remarqué une partie
-de ce que je viens de dire, je pense, dis-je, que je ne vous en aurois
-rien appris, tant cet équipage étoit burlesque. Après vous l'avoir
-dépeint si étrange, je n'oserois quasi vous apprendre qu'en ce lieu-là je
-me souvenois de vous, de peur que, comme vous avez l'imagination
-délicate, vous ne trouviez mauvais que votre image seulement ait été en
-un si bizarre lieu. Mais pour vous consoler de cette aventure, j'ai à
-vous dire qu'il y avoit aussi bonne compagnie dans mon cœur qu'elle
-étoit mauvaise dans le coche; et pour empêcher ces figures extravagantes
-d'y faire aucune impression, je l'avois tout rempli de Mlle Paulet, de M.
-de Grasse, de Mme Aragonnais, de Mlles ses sœurs, de M. Chapelain, de M.
-Conrart, de Mlle de Chalais, de M. de la Mesnardière, de Mme et Mlles de
-Clermont et de vous[241]. Si bien que rappelant tout ce que j'aime à mon
-secours, je fis en sorte que ce que je pensois d'agréable fût plus
-puissant que ce que je voyois de fâcheux; et j'eus plus de joie à me
-souvenir de tant d'excellentes personnes, et à espérer qu'elles me
-faisoient l'honneur de se souvenir quelquefois de moi, que je n'eus de
-peine à souffrir les importunités d'une mauvaise compagnie. Ayez, s'il
-vous plaît, la bonté de leur faire agréer cet innocent artifice et de
-leur rendre grâce de m'avoir sauvée de la persécution que j'aurois eue,
-si elles ne m'avoient pas donné lieu de me souvenir agréablement de tous
-les bons offices que j'en ai reçus. Pour vous, Mademoiselle, je ne vous
-rends point de nouveaux remercîments, car ne pouvant aujourd'hui vous
-parler tout à fait sérieusement, ce sera pour une autre fois que je vous
-dirai que personne ne vous connoit mieux ni ne vous estime davantage que
-moi, que personne ne vous est plus obligée que je vous la suis, que
-personne aussi n'en est plus reconnaissante, et qu'enfin personne ne sera
-jamais plus véritablement ni plus sincèrement,
-
- Mademoiselle,
- Votre très humble et très passionnée servante.
-
- [241] Nous aurons occasion de revenir sur la plupart de ces noms.
-
-
-A MADEMOISELLE PAULET[242].
-
- [242] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 185.
-
- Angélique Paulet, fille de Charles Paulet, inventeur de l'impôt
- dit _la Paulette_, était l'une des plus anciennes amies de Mlle de
- Scudéry, qui l'a peinte dans le _Grand Cyrus_ sous le nom d'Élise.
-
- En Avignon, le 27 novembre 1644.
-
- Mademoiselle,
-
-Bien que ce soit l'opinion commune qu'il y a quelque douceur à raconter
-les périls passés, je ne vous dirai toutefois que bien vite que nous
-avons pensé faire deux fois naufrage sur le Rhône, de peur que, comme
-vous avez l'imagination délicate et le cœur sensible pour vos amies,
-vous n'eussiez encore un sentiment de douleur pour un accident qui n'est
-point arrivé et qui même ne peut plus arriver, étant bien résolue à ne
-repasser jamais sur une si fâcheuse rivière. Ce n'est pas que je n'aie
-trouvé sur ses rives de quoi me divertir et de quoi vous plaire; car vous
-saurez, Mademoiselle, que mon frère et moi ayant été nous promener un
-soir que nous étions arrivés à la couchée d'assez bonne heure, il me fit
-voir, au lieu où nous étions, des marques de la valeur d'une personne en
-qui vous prenez beaucoup d'intérêt. L'hôtellerie où nous étions logés
-n'étoit qu'une vieille ruine de maison, où depuis quelque temps on a
-remis quelques portes à demi-rompues, et cela au pied d'un grand rocher
-et au milieu d'un amas de bâtiments détruits, où à peine voit-on encore
-les vestiges d'une ville. Cette sauvage retraite ne me fit pourtant point
-murmurer contre ceux qui l'ont rendue telle; au contraire comme ces
-funestes ruines sont des monumens éternels pour leur gloire, j'ai
-souffert sans m'en plaindre toute l'incommodité d'un si mauvais logement,
-par la seule pensée que le Pouzin, qui est le lieu où nous étions, avoit
-été autrefois pris par M. d'Aiguebonne[243] que secondoit M. de
-Lesdiguières en cette occasion. L'hôte chez qui nous étions, et qui pour
-sa condition a assez d'esprit, nous raconta tant de merveilles de sa
-conduite et de son courage à la prise de cette place, qu'il y a lieu de
-croire que, s'il eût fait cette action du temps qu'on élevoit des
-statues à ceux qui faisoient de grandes choses, nous aurions trouvé la
-sienne sur les bords du Rhône. J'ai cru, Mademoiselle, que je devois vous
-apprendre, et que ce ne seroit pas vous déplaire que de vous dire que, si
-M. de Chaudebonne peut légitimement passer pour un saint de la nouvelle
-Rome, M. son frère auroit été un des héros de l'ancienne.
-
- [243] Il avait été lieutenant-général. Lui et son frère cadet, M.
- de Chaudebonne, étaient des familiers de l'hôtel de Rambouillet.
-
-Mais pour m'éloigner promptement d'une rivière où je ne veux plus
-retourner, je vous dirai qu'en arrivant ici, la première chose que je
-vis, en mettant la tête à la fenêtre, fut M. de Berville, qui étoit logé
-de l'autre côté de la rue, et qui étoit près de partir pour Aix. A
-l'instant même mon frère le fut voir; mais comme la bienséance ne me
-permettoit pas de faire la même chose, et qu'il ne me fit pas l'honneur
-de me demander, quoiqu'il n'y eût que quatre pas de lui à moi, ce ne sera
-qu'à Marseille que je le verrai, si à votre considération il me fera
-cette grâce.
-
-Au reste, Mademoiselle, je ne puis m'empêcher de vous dire qu'étant allés
-voir le tombeau de la belle Laure, qui est dans les Observantins d'ici,
-il se trouva un religieux de cette maison, ancien ami de mon frère, qui
-le pressa longtems de prendre une chambre dans leur couvent, et qui me
-proposa d'en prendre une qui touchoit leur cloître, avec la liberté,
-moyennant la permission du supérieur, de m'aller promener dans leurs
-jardins qui sont tout remplis d'orangers. Je vous laisse à penser,
-Mademoiselle, si je fus surprise de cette courtoisie qui m'étoit offerte
-à quatre pas d'une maison où logent messieurs de l'Inquisition. Ce bon
-religieux, après m'avoir montré le tombeau de Laure et raconté les amours
-de Pétrarque, me fit quérir une boîte de plomb que l'on trouva dans un
-cercueil où il y a une médaille où est la figure de cette belle, et où
-sont des vers écrits de la main de Pétrarque, et d'autres de François
-Ier, qui fit refaire ce tombeau. Mais ce qu'il y a de plus surprenant,
-c'est que ces bons pères tiennent cette boîte dans le même lieu où l'on
-tient les reliques et tout ce qui sert à l'autel. Cependant cela se fait
-dans les terres du Pape, et comme je l'ai déjà dit, à quatre pas des
-Inquisiteurs. Je vous laisse à juger de quelle humeur doivent être les
-dames en un lieu où les religieux les plus réformés agissent ainsi. Tout
-à bon[244] cela a quelque chose de si plaisant que l'on ne peut se
-l'imaginer, à moins que de l'avoir vu; car pour moi qui ne les ai
-rencontrées qu'aux églises, je ne laisse pas de m'imaginer aisément de
-quelle façon elles vivent en conversation. Premièrement, il est à
-remarquer qu'en tout Avignon je n'ai vu que trois mouchoirs à plus de
-mille femmes que j'y ai vues en dévotion; et ce qui est encore de plus
-surprenant, c'est que je n'y ai pas vu une seule gorge. Aussi, veux-je
-croire que ce n'est que celles qui en ont qui la cachent, et que c'est
-par mortification que celles qui n'en ont point se mettent en état que
-personne n'en puisse douter. Mais je ne songe pas que je ne vous
-entretiens que de folies; pardonnez cette liberté à une personne qui vit
-sans contrainte avec vous, et qui ne se pique pas de bel esprit en vous
-écrivant. Comme nous devons partir demain et qu'il est tard, je ne vous
-dirai plus rien, si ce n'est que je suis très humble et très obéissante
-servante de Mme et de Mlles de Clermont[245], très passionnée de Mlle de
-Chalais, très humble de M. Chapelain et de M. de la Mesnardière, et que
-ce sera bientôt de Marseille que je vous offrirai les complimens de mon
-frère et que vous recevrez ceux de
-
- Votre très humble et très affectionnée servante, etc.
-
- [244] Locution familière à l'auteur.
-
- [245] La marquise de Clermont d'Entragues et ses deux filles,
- Louise et Marie de Balzac.
-
-
-A LA MÊME[246].
-
- [246] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 173.
-
- Marseille, 13 décembre 1644.
-
- Mademoiselle,
-
-Enfin, après avoir plusieurs fois pensé faire naufrage, je suis arrivée
-au port de Marseille assez heureusement. Mais quelque douceur que l'on
-puisse trouver à se reposer après la fatigue d'un long voyage, je n'en ai
-néanmoins point senti de plus grande que celle que je trouve à m'imaginer
-que du moins je ne m'éloigne plus de vous. Cette pensée a certainement
-quelque chose qui flatte mon esprit, qui le délasse et qui le console
-plus que tous les divertissements que l'on tâche de me donner aux lieux
-où je suis. Ce n'est pas que je n'aie trouvé à Marseille toute la
-civilité et toute la courtoisie possible, et comme je sais que vous
-n'êtes pas marrie de savoir tout ce qui arrive à mon frère et à moi, il
-faut que je vous rende compte de quelle façon l'on nous traite ici. Vous
-saurez donc, Mademoiselle, que nous avons trouvé en Mme de Mirabeau[247]
-une des meilleures et des plus obligeantes femmes du monde; car elle ne
-sut pas plus tôt que nous étions ici, qu'elle et Mme de Morge, sa sœur,
-vinrent pour nous obliger de prendre leur maison; mais comme nous ne le
-voulûmes pas faire, elles se virent contraintes de nous instruire de la
-coutume de la ville, qui est d'être trois ou quatre jours sans sortir
-pour attendre les visites de ceux qui veulent nous en rendre. Et comme
-nous avions quelque répugnance à suivre cet ordre, elle nous dit que tout
-le monde de Marseille se tiendroit outragé et croiroit que nous ne
-voudrions pas le voir, si nous en usions autrement. Le lendemain donc, et
-quatre jours depuis, mon frère et moi avons gardé la chambre. A vous dire
-le vrai, ce n'a pas été sans voir de plaisantes choses; car, pour vous
-les dire comme elles se sont passées, je ne pense pas qu'il y ait un seul
-homme de quelque considération dans Marseille qui n'y soit venu, soit
-des gentilshommes, des consuls, des officiers de galère, des juges, des
-ecclésiastiques, des avocats, des marchands, des matelots et même des
-forçats; et pour les femmes, le nombre en est si grand que j'ai été
-contrainte d'en faire un rôle, qui présentement se monte à quarante-deux
-maisons différentes, où il faut que j'aille, qui veulent dire plus de
-quatre-vingts personnes qu'il faut demander.
-
- [247] Ce devait être Anne de Pontevez, mariée en 1620 à Thomas,
- marquis de Mirabeau.
-
-Je vous laisse à juger, Mademoiselle, si, de l'humeur dont je suis, je
-n'ai pas là une occupation bien divertissante. Mais ce qu'il y a de rare
-est que, de tout ce grand nombre de femmes, il n'y en a pas plus de six
-ou sept qui parlent françois; si bien que cela fait une si plaisante
-conversation que, si je vous la pouvois dépeindre, je vous en ferois
-rire. J'ai toutefois cet avantage, sans que je puisse dire comme je l'ai
-acquis, que j'entends assez bien le provençal, et qu'ainsi je ne laisse
-pas de les entretenir, mais c'est d'une manière si plaisante qu'il faut
-l'avoir vu pour le comprendre. Le plus fâcheux est qu'il les faut
-conduire jusques au milieu de la rue, et qu'à chaque porte il faut une
-heure de compliment. J'espère toutefois n'être pas longtemps en cette
-peine; car, comme elles passent toutes leur vie à jouer à un jeu qui
-s'appelle le basècle, que sans doute elles aiment pour son antiquité, et
-qu'il n'y en a que trois ou quatre qui ne jouent que par complaisance,
-quand je leur aurai rendu leurs visites, je pense qu'elles me laisseront
-en repos, du moins le souhaité-je ainsi. Après ces quatre jours de
-cérémonie, Mme de Mirabeau nous a traités magnifiquement. Elle a été
-imitée de quelques autres, un desquels nous a donné à dîner avec une
-prodigalité de Montoron[248]; car enfin il y avoit six services
-admirablement beaux et bons: les perdrix, les bisques, les ortolans, les
-entremets, les gelées, les conserves, les muscats, les hypocras, les
-limonades, les fruits et les confitures sèches et liquides y étoient avec
-une abondance inconcevable. Mais, après tout, au milieu de ce paradis des
-Turcs, je disois en moi-même, en songeant à vous, un vers que Malherbe a
-dit autrefois, parlant de Mme d'Auchy[249]:
-
- Où Caliste n'est pas, c'est là qu'est mon enfer.
-
- [248] Montauron, financier connu par son faste et par la dédicace
- de _Cinna_.
-
- [249] La vicomtesse d'Auchy célébrée par Malherbe.
-
-Tout à bon, Mademoiselle, je n'ai point surpris mon esprit avec un moment
-de plaisir tranquille depuis que je suis hors d'auprès de vous. Mais,
-pour n'oublier rien à vous dire, vous saurez encore que le lieutenant que
-mon frère a mis à Notre-Dame-de-la-Garde, et qui est un assez honnête
-homme et assez riche, nous y a aussi donné à dîner le premier jour que
-nous y avons été. Je ne vous dépeindrai point, s'il vous plaît, cette
-cérémonie qui ne vous ferait point ouïr le bruit des canons, car la
-distance des lieux ne le permet pas; mais je vous dirai qu'en vérité
-Notre-Dame-de-la-Garde est le plus beau lieu de la nature par sa
-situation. De la façon dont la place est disposée, il y a quatre aspects
-différents qui sont admirables. D'un côté, l'on a le port et la ville de
-Marseille sous ses pieds, et si près, que l'on entend les hautbois de
-vingt-deux galères qui y sont; de l'autre, l'on découvre plus de douze
-mille bastides, pour parler en termes du pays; du troisième, on voit les
-îles et la mer à perte de vue; et du quatrième, sans rien voir de tout ce
-que je viens de dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé de
-pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude sont aussi
-affreuses que l'abondance est agréable de tous les autres endroits.
-Aussitôt que je fus arrivée à ce bel hermitage, ma première pensée fut de
-demander au prieur de Notre-Dame-de-la-Garde, qui nous y dit la messe, où
-étoit le tombeau de feu M. de Mévouillon[250]; et comme il me l'eut
-montré, ma première dévotion fut pour cet illustre mort.
-
- [250] La baronnie de Méouillon, Mévouillon ou Mévolhon
- (_Medullio_ en latin), était une des plus anciennes de la
- Provence. Il s'agit probablement ici de Bon, baron de Mévouillon,
- gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde en 1591, et qui joua un rôle
- important dans les troubles de Marseille à cette époque.
-
-Vous me ferez, s'il vous plaît, la grâce de dire à Mlles de Clermont que,
-n'étant pas en lieu de leur pouvoir rendre d'autres devoirs, j'ai du
-moins rendu ce pieux office à un de leurs devanciers. Je me serois donné
-l'honneur de leur écrire, aussi bien qu'à Mme leur mère, sur la perte
-qu'elles ont faite; mais je vous avoue ma foiblesse: il y a si longtemps
-que la mort est introduite dans le monde et qu'il y a des gens qui en
-écrivent et qui en parlent, que je ne trouve plus rien à en dire.
-Sincèrement, Mademoiselle, je ne sais si j'ai déjà pris le mal du pays,
-mais j'ai l'esprit si fainéant, si grossier et si stupide, qu'il m'a été
-impossible d'oser entreprendre d'écrire deux lettres sur ce sujet. Mais,
-pour réparer ce manquement, il faudroit que vous m'apprissiez qu'il fût
-arrivé un grand bonheur à ces excellentes personnes; car je ne doute
-point que l'extrême joie que j'en aurois ne me fît trouver l'art de leur
-témoigner et de leur persuader que je suis certainement une de leurs plus
-passionnées servantes. En attendant cette agréable nouvelle, vous me
-ferez la faveur de les assurer de la continuation de mon très humble
-service, et vous me ferez aussi la grâce de faire encore mes complimens à
-M. Conrart. Pour M. Chapelain, quoi que vous m'en disiez, il n'est point
-jaloux de lui; c'est une flatterie que vous m'avez écrite, qu'il
-désavoueroit sans doute, s'il la savoit. Il y a deux choses qui font
-qu'il ne le sauroit être: l'une, de ce qu'il est assuré du rang qu'il
-tient dans mon esprit, et l'autre, que je ne suis pas assez bien dans le
-sien. Vous savez, Mademoiselle, que cette passion en dit une autre; c'est
-pourquoi songez une autre fois un peu mieux à expliquer ses véritables
-sentiments. Quand j'aurai rendu une partie des visites que j'ai à faire,
-peut-être lui demanderai je un peu plus sérieusement la continuation de
-son amitié; car, pourvu que je ne lui écrive qu'une fois ou deux en un
-an, je pense que _la Pucelle_ n'aura pas sujet de s'en plaindre.
-
-Au reste, Mademoiselle, je vous demande pardon si je vous entretiens si
-longtems, et de choses si peu raisonnables; mais songez que vous êtes ma
-plus grande consolation dans mon exil. J'ai eu une douleur extrême de
-n'avoir point reçu de vos nouvelles par cet ordinaire. Je sais que c'est
-être inconsidérée que d'abuser de votre loisir comme je fais; mais vous
-êtes bonne, vous me l'avez permis, et j'en ai grand besoin. Faites donc,
-s'il vous plaît, lorsque vous ne pourrez pas me faire la faveur de
-m'écrire, que M. Major m'apprenne, au moins par un billet, l'état de
-votre santé, afin que mon imagination ne me fasse pas sentir des malheurs
-qui ne me sont peut-être pas arrivés. Si je suivois l'intention de mon
-frère, j'allongerois encore ma lettre pour vous persuader fortement qu'il
-est votre serviteur très-humble et très-passionné; mais comme l'heure me
-presse, je ne vous dirai plus rien, sinon que je suis toujours de toute
-mon âme,
-
- Mademoiselle,
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
-
-A MADEMOISELLE DE CHALAIS[251].
-
- [251] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 181.
-
- Mlle de Chalais était dame de compagnie de la marquise de Sablé et
- amie intime de Mlle de Scudéry et de Mlle Paulet.
-
-
- A Marseille, le 13 décembre 1644.
-
-Comme Mlle Paulet connoit mon cœur, et qu'elle sait la tendresse que
-j'ai pour vous et le plaisir que je sens à recevoir de vos nouvelles,
-elle m'avoit fait espérer par l'autre ordinaire que vous m'en donneriez
-par celui-ci; et je m'étois entretenue si agréablement en cette attente,
-que la privation d'un bien qui m'est si cher m'a donné plus de douleur
-que l'espérance ne m'avoit donné de joie. J'ai pourtant été assez
-équitable pour ne vous accuser pas; j'ai eu du déplaisir, mais je n'ai
-pas eu de colère, et si j'ai eu quelque injustice, ça été contre
-l'aimable personne qui m'avoit promis un si grand plaisir.
-
-Ne vous imaginez pourtant pas, ma chère amie, que ce désir extrême que
-j'ai d'avoir quelquefois de vos lettres soit un effet de la foiblesse de
-mon amitié, et qu'elle ait absolument besoin de ces petits soins pour se
-maintenir; non, ce n'est point là ma pensée, et quand vous ne me diriez
-jamais que vous avez de l'affection pour moi, puisque vous me l'avez dit
-une fois, je ne laisserois pas de le croire. Mais la véritable raison qui
-fait que je le souhaite avec tant d'ardeur, est que je prévois bien que
-j'aurai grand besoin de ce secours pour adoucir l'ennui de mon exil. Je
-vous avoue ingénûment que je n'ai point l'esprit assez stupide pour
-m'accoutumer facilement avec ceux qui le sont, et que je ne l'ai pas non
-plus assez fort ni assez rempli pour trouver en moi-même de quoi me
-satisfaire. Je suis demeurée en une certaine médiocrité qui ne sert qu'à
-faire connoître le mal, mais qui ne le surmonte pas. Si j'étois de
-l'humeur de ceux qui aimeroient mieux être l'admiration des sots que de
-ne l'être de personne, je pourrois peut-être assez facilement imposer une
-partie de ce que je voudrois aux gens de ce pays-ci, étant certain que
-parce que je viens de Paris, ils ont assez d'inclination à approuver tout
-ce que je fais; mais comme je n'ai pas l'humeur tyrannique, et que, si je
-régnois, je voudrois régner légitimement, je n'apporterai nul soin à
-l'établissement d'un empire si peu glorieux, et qui seroit si mal acquis.
-Dans les choses de l'esprit, ce n'est pas assez de vaincre, il faut
-encore que ceux que l'on surmonte soient eux-mêmes capables d'en
-surmonter d'autres, et c'est enfin aux vaincus à faire la principale
-gloire des victorieux. Si les Espagnols, en conquêtant les Indes, avoient
-eu des ennemis redoutables, ils auroient égalé la gloire des plus
-illustres héros; mais parce qu'ils ont tué à coups de canon des hommes
-qui ne se défendoient point, et qui même ne se pouvoient défendre,
-puisqu'ils n'avoient point d'armes, ils passent plutôt parmi le nombre
-des usurpateurs que des conquérants. Souffrez, s'il vous plaît, cette
-comparaison historique d'une personne qui ne vous l'auroit pas écrite, si
-elle étoit seulement à cinquante lieues plus près de Paris, mais qui
-pense avoir droit de vous parler de cette manière dans une ville où il se
-trouve une demoiselle[252] belle et jeune, qui dans ses conversations
-ordinaires, cite souvent, si j'ai bien retenu, Trismégiste, Zoroastre et
-autres semblables messieurs qui ne sont pas de ma connoissance.
-Sérieusement, c'est dommage que la personne dont je vous parle n'a été
-élevée dans le monde, étant certain que c'est un des plus beaux naturels
-de femme que j'aie jamais remarqué en aucune femme de province. Elle est,
-comme je vous l'ai déjà dit, belle, jeune et de bonne mine; elle parle
-françois comme si elle étoit née à Paris, et naturellement elle est fort
-éloquente; elle entend l'espagnol, l'italien, le latin et même le grec;
-elle est fort douce, fort civile et de fort bonne maison. Cependant,
-parce qu'elle n'a pas l'art de cacher une partie des trésors qu'elle
-possède à des gens qui ne la connoissent pas, ils prennent pour du verre
-et pour du cuivre de l'or et des diamants; et l'injustice qu'on lui fait
-ici est si grande que je n'oserai la voir souvent, de peur de me charger
-de la haine publique.
-
- [252] Mlle Diodée. Voy. la _Notice_, p. 26 et suiv.
-
-Jugez, d'après cela, ma chère, si j'ai raison d'implorer votre secours en
-un lieu où il n'est pas même permis de jouir du seul bien qui s'y
-trouve. Ne me refusez donc pas, je vous en supplie, et si ce n'est point
-trop vous demander, ayez quelquefois la bonté d'assurer Mme la
-marquise[253] que de toutes celles qui ont de la vénération pour elle, je
-suis la plus passionnée pour son service, et qu'en cette considération il
-me doit être permis de porter la glorieuse qualité de sa très-humble et
-très-obéissante servante. Et comme je suis privée d'entretenir les
-personnes que j'aime, faites au moins que j'aie la satisfaction de savoir
-qu'elles s'entretiennent quelquefois de moi. Parlez-en donc avec notre
-chère Angélique[254], avec Mlle Robineau, avec M. Conrart, avec M.
-Chapelain, et si vous jugez que Mme de Motteville et Mlle sa sœur[255]
-ne m'aient pas oubliée, assurez-les que j'eus un extrême regret de partir
-sans leur dire adieu; mais comme elles n'étoient pas à Paris, c'est un
-malheur dont je ne suis pas coupable. Quand je serai un peu
-désembarrassée d'un nombre infini de visites qu'il faut que je rende, je
-me donnerai l'honneur de leur écrire et de les assurer que je suis
-toujours leur très-humble servante.
-
- [253] De Sablé.
-
- [254] Mlle Paulet.
-
- [255] Mme de Motteville a rendu hommage à Mlle de Scudéry dans
- ses _Mémoires_. 1855, t. III, p. 239.--Sa sœur, Mlle Bertaut,
- avait été surnommée _Socratine_ à cause de sa sagesse et de sa
- douceur.
-
-Adieu, je suis si pressée que je n'ai pas le temps de relire ma lettre.
-Pardonnez-moi donc toutes les fautes que j'y aurois peut-être corrigées,
-et toutes celles aussi que je n'y aurois pas remarquées. Après cette
-protestation d'imprimeur, je n'oserai quasi vous dire que je suis votre
-très-humble et très-passionnée servante, etc., etc.
-
-
-A MADEMOISELLE PAULET[256].
-
- [256] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 161.
-
-
- Marseille, 27 décembre 1644.
-
- Mademoiselle,
-
-Vous pouvez juger par l'inquiétude que je vous ai témoigné avoir de votre
-silence, combien votre lettre m'a donné de joie. Elle a été si grande,
-que ceux qui me l'ont vue recevoir et qui me l'ont vue lire ont cru que
-l'on m'avoit mandé que l'on me donnoit pour le moins cent mille écus; car
-comme les gens d'ici ont l'esprit fort intéressé, ils ne sont sensibles
-aux plaisirs que lorsqu'ils leur sont utiles. Mais après leur avoir dit
-que votre lettre ne m'apprenoit rien de plus agréable que la continuation
-de l'amitié de la personne qui me l'écrivoit, il a fallu, pour me
-justifier auprès d'eux, leur faire voir votre nom, tant il est vrai que
-la joie que j'ai eue a été grande, et tant il est vrai qu'ils ont eu
-peine à croire que, ne s'agissant ni d'amour ni d'avarice, il fût
-possible que j'eusse tant de satisfaction d'une lettre d'une de mes
-amies. Jugez de là, Mademoiselle, à quel point l'amitié est connue ici,
-et si vous devez craindre que je vous fasse infidélité. Cependant, je
-vous dirai que comme l'on ne change pas son destin en changeant de
-lieux, et que ceux qui sont malheureux, le sont partout, il y a lieu de
-craindre que nous ne puissions pas faire mettre Notre-Dame-de-la-Garde
-sur le pays[257]. Ce n'est pas que la chose ne dépende pas absolument de
-M. le comte d'Alais[258], mais c'est que nous venons d'apprendre que
-l'assemblée générale du pays est terminée au second de janvier, et
-qu'ainsi il sera impossible de tirer utilité des bons offices de M.
-Chapelain. Mon frère et moi ne laisserons pas de lui en être infiniment
-redevables; car ce n'est pas par les événements, mais par les intentions,
-qu'il faut mesurer les obligations que nous avons à nos amis. A la
-première occasion, je lui en témoignerai notre reconnoissance; mais, en
-attendant, si vous le voyez, vous l'assurerez de l'estime et de l'amitié
-particulière que mon frère et moi avons pour lui. Après cela, je vous
-dirai que nous ne laisserons pas de tenter la chose; car autrement il
-faudroit attendre encore un an; car, bien qu'il ne se tienne plus d'États
-généraux en Provence, et que ce ne soit plus qu'une assemblée de quelques
-consuls qui délibèrent de toutes choses, néanmoins, comme cette assemblée
-ne se tient qu'une fois l'année, si nous laissions passer celle-ci, cela
-nous mèneroit trop loin. A vous dire la vérité, je n'en attends rien;
-mais quand on a fait ce que l'on peut, il faut se mettre en repos et
-prendre patience. Quoi qu'il en arrive, je vous le manderai.
-
- [257] C'est-à-dire aux frais de la province.
-
- [258] Louis-Emmanuel de Valois, comte d'Alais, nommé gouverneur
- de Provence en 1637.
-
-Cependant, n'attendez pas que je puisse payer vos nouvelles par d'autres;
-car il n'y a rien ici qui puisse vous divertir. Ce n'est pas que si je
-pouvois dépeindre la beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous fisse un
-tableau assez agréable et que je ne vous fisse avouer qu'il fait honte au
-printemps de Paris. L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé
-de glaçons, est ici couronné de fleurs. Sincèrement, Mademoiselle, à
-l'heure même que je vous parle, l'on vient de m'envoyer des bouquets
-d'anémones, d'œillets, de narcisses, de jasmin, de fleurs d'orange, plus
-beaux que Mlle de Lorme n'en porte au mois de mai; et ce qu'il y a de
-commode ici est que l'on fait des visites à la fin de décembre, sans
-avoir besoin de feu, que l'on se promène sur le port comme l'on se
-promène aux Tuileries en juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une
-fois, et que le soleil y est toujours aussi pur et aussi clair que dans
-la saison où il fait naîre les roses. Mais le mal est que pour jouir de
-tous ces plaisirs innocents, il faut souffrir d'autres incommodités, et
-que l'on ne peut s'approcher de l'Orient sans s'éloigner de Paris. Je
-pourrois encore vous dire que la plus belle chose que l'on puisse voir
-est les galères, le jour de Noël, qu'elles ont toutes leurs tentes, leurs
-pavillons et leurs banderoles de cent couleurs différentes; mais cela
-seroit mieux de la main d'un peintre fameux que de la mienne. Au reste,
-Mademoiselle, il n'est pas jusques aux paroles qui ne perdent ici
-quelque chose de leur grâce et de leur agrément. Le nom d'esclave, qui
-est quelquefois si galamment placé et dans des vers d'amour et dans les
-romans, ne remplit ici l'imagination que de grosses chaînes de fer, de
-bonnets rouges, de camisoles bleues, de têtes pelées, de mines de Turcs
-et d'autres semblables choses, puisque l'on ne s'en sert jamais que pour
-parler de trois ou quatre mille forçats que l'on voit toujours sur le
-port.
-
-Je vous en dirois davantage, mais comme vous saurez que nous avons changé
-de maison afin d'être plus près de Mme de Mirabeau[259], toutes les dames
-de la rue, pour recommencer leurs civilités à l'usage du pays, entrent
-présentement dans ma chambre pour me dire que je suis la bienvenue.
-Adieu, je suis de si mauvaise humeur de ce qu'elles m'interrompent dans
-le dessein que j'avois de vous dire encore plus de cent choses, que je
-les recevrai si mal que j'espère qu'elles n'y reviendront plus. Il faut
-pourtant encore que je salue Mme et Mlles de Clermont, que je vous offre
-les compliments de mon frère, et que je vous die que je suis votre
-très-humble et très-passionnée servante.
-
- [259] L'hôtel de Mirabeau était situé place de Lenche à Marseille.
-
-
-A MADEMOISELLE ROBINEAU[260].
-
- [260] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 147.
-
- Marseille, 3 janvier 1645.
-
- Mademoiselle,
-
-Si vous avez dessein de m'instruire par votre exemple et de m'accoutumer
-à ne vous écrire qu'une fois tous les mois, je vous supplie de me faire
-l'honneur de m'en avertir; car, à moins que vous m'appreniez votre
-intention, elle ne réussira pas, parce que, comme je vous écris
-principalement pour me conserver en votre mémoire, moins vous m'écrirez,
-et plus je vous écrirai, afin de vous empêcher de m'oublier. Faites-moi
-donc, s'il vous plaît, la faveur de me dire sincèrement si vous avez
-dessein que j'imite votre silence; car, après cela, je tâcherai de
-m'accommoder à votre humeur. Je vous écrirai de petites lettres, et vous
-n'en aurez que deux ou trois tous les ans, et de cette sorte, si elles ne
-sont belles, elles seront rares; si elles ne sont divertissantes, elles
-ne seront pas incommodes, et si elles ne vous font passer quelque temps
-agréablement, elles ne vous en déroberont guère. Voilà, Mademoiselle, ce
-que je vous puis dire sur ce sujet, attendant vos ordres, que je
-n'observerai pas plus exactement que vous observez les promesses que vous
-m'aviez faites de me donner de vos nouvelles toutes les semaines; car,
-pour vous parler sans déguisement, il n'est rien qui puisse vous
-empêcher, tant que je ne serai pas malade, d'avoir une lettre de moi tous
-les ordinaires; car, si vous m'écrivez, je n'ai pas assez d'incivilité
-pour ne vous répondre point, et si vous ne me répondez pas, je n'ai point
-assez de patience pour m'empêcher de vous en gronder. Enfin,
-Mademoiselle, résolvez-vous à ce malheur, puisqu'il est inévitable. Au
-reste, ne vous imaginez point que peut-être je ne trouverai pas toujours
-de quoi vous entretenir, et que par cette raison je vous laisserai en
-repos. Les rives de la mer Méditerranée ne sont pas si désertes et si
-stériles que l'on n'y puisse trouver quelque chose à l'usage de Paris. La
-tempête amène quelquefois sur ses bords des gens qui savent parler
-françois, et qui n'ont rien de la rudesse du pays. Il se trouve ici des
-pèlerins de toutes les parties du monde, et par conséquent je ne
-manquerai pas de matière à vous écrire. Je pourrois même dire que
-j'aurois de quoi vous faire d'agréables présents si vous étiez d'humeur à
-en recevoir. Mais, quoique je sache bien que vous aimez mieux en faire
-que d'en accepter, je veux toutefois vous en offrir un aujourd'hui; mais
-auparavant que je vous dise ce que je vous envoie, je vous supplie
-d'essayer de deviner; et pour aider même à votre imagination, je vous
-dirai que ce ne sont ni des oranges, ni des citrons, ni des olives, ni
-des figues, ni des raisins, ni de l'eau de fleurs de jasmin, ni des
-branches de coral, ni des tapis de Turquie, ni des étoffes de Chine, ni
-des perles, ni des émeraudes, ni des diamants, mais quelque chose de
-plus rare en ce pays-ci que tout ce que je viens de dire. Et pour vous
-expliquer cet énigme, ce sont des vers de M. Boissat-l'Esprit[261], qu'il
-a faits ici en revenant de la Sainte-Baume. Je vous proteste,
-Mademoiselle, que depuis plus de quatre siècles l'on n'a vu de semblable
-marchandise sur le port de Marseille; aussi est-ce pour cela que je
-l'envoie à Paris. Vous en ferez part à M. Chapelain, et comme votre ami,
-et comme le mien, et comme celui de M. Boissat. Je ne vous dis point ce
-que j'en pense; car je ne m'y connois plus du tout; il me suffit de
-savoir que ce sonnet est d'une personne de beaucoup d'esprit et de
-beaucoup de dévotion présentement, pour croire qu'il est digne de vous,
-et que du moins par là ma lettre ne vous ennuiera pas[262]............
-
- [261] Pierre de Boissat, qu'on avait en effet de son temps
- surnommé _Boissat-l'Esprit_, naquit en 1603 et mourut en 1662. Il
- fut un des premiers membres de l'Académie française.
-
- [262] Nous supprimons le sonnet assez médiocre de Boissat, ainsi
- que des fragments, prose et vers, d'une lettre de Georges de
- Scudéry à Mme de Tournon.
-
-Si j'avois aussi bien retenu la prose que les vers, je vous l'aurois
-envoyée, car elle étoit assez galante pour cela. Pour la mienne, on n'en
-peut pas dire autant; c'est pourquoi je ne la continuerai pas davantage
-pour aujourd'hui; aussi bien, ayant le dessein que j'ai, n'est-il pas
-juste d'en dire tant en un jour, et il suffira que je vous assure en
-françois, et même, si vous le voulez, en provençal que, _siou vuestra
-serventa affettionada_.
-
-M. votre père, Mme Aragonnais[263] et Mlles Boquet[264] sauront que je
-suis leur servante, et vous saurez, s'il vous plait, que mon frère est
-votre serviteur très-humble. Je vous demande pardon si ma lettre est si
-brouillée, mais je vous l'écris avec tant de précipitation que je ne sais
-quasi ce que je dis.
-
- [263] Mme Aragonnais était la veuve d'un trésorier des gardes
- françaises. Elle habitait le Marais, et appartenait, comme Mme
- Cornuel, aux rangs les plus élevés de la bourgeoisie parisienne.
- Sa fortune, qui était assez considérable, lui permit de marier sa
- fille à Michel d'Aligre, un des fils du premier chancelier de ce
- nom. Mlle de Scudéry a fait de Mme Aragonnais un séduisant
- portrait sous le nom de Philoxène dans le _Grand Cyrus_. Tome
- VII, livre III, page 1046.
-
- [264] Les deux demoiselles Boquet étaient des amies particulières
- de Mlle de Scudéry et des habituées assidues du Samedi. Voici ce
- qu'en dit Somaize dans son _Grand Dictionnaire des Précieuses_:
- «Bélise et sa sœur sont deux précieuses âgées qui jouent fort
- bien du luth et qui ont une grande habitude à toucher les
- instruments. Elles logent aussi au quartier de l'Éolie (_le
- Marais_), qui est le lieu où les précieuses âgées font le plus de
- bruit.»
-
-
-CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[265].
-
- [265] Cabinet de M. A. Chauveau.
-
- Paris, 19 janvier 1645.
-
- Mademoiselle,
-
-Je vous écris par le commandement de Mlle Robineau, je dis par son
-commandement, sans qu'elle m'ait laissé la liberté de ne le pas faire,
-afin que si vous vous trouvez incommodée de ma lettre, vous n'en sachiez
-mauvais gré qu'à celle qui m'a forcé de la faire, et qui, comme vous
-savez, a droit de commander et pouvoir de forcer. Avec tout cela, encore
-que je vous écrive par force, je ne laisse pas de vous écrire avec
-plaisir, et plus que si je le faisois de mon consentement propre, lorsque
-je pense que je ne suis pas obligé à vous répondre de mes mauvaises
-écritures, et qu'un autre que moi portera le blâme de ce que j'y aurai
-mal dit. J'ai plaisir, Mademoiselle, à vous faire souvenir de l'estime
-extraordinaire que je fais de votre esprit et de votre vertu, et du
-ressentiment que j'ai toujours de la part que vous m'avez accordée en
-votre bienveillance, qui est sans doute le plus riche présent que vous
-puissiez me faire, vu la noblesse de votre âme et la bonté de votre
-cœur. J'ai plaisir à vous rendre grâces de ce que je me trouve
-quelquefois dans les lettres que vous écrivez, tantôt à l'excellente
-personne dont j'exécute ici les ordres, tantôt à son excellente voisine,
-comme à celles qui partagent votre temps et votre amitié. Enfin, j'ai
-plaisir à vous dire que ces lettres mêmes, bien qu'écrites dans la
-précipitation des courriers, sont si naturelles et si éloquentes tout
-ensemble, qu'elles pourroient donner jalousie à notre ami
-d'Angoulême[266], et qu'elles donnent très-grande satisfaction à tous
-ceux qui les voient à Paris. Par là, Mademoiselle, vous voyez que la
-force que l'on m'a faite est bien agréable, et non pas de celle pour
-lesquelles on met les gens en procès et demande réparation en justice.
-
- [266] Balzac.
-
-J'ai quelque honte de passer de ce discours à un autre et de vous dire
-que je me suis acquitté de ma promesse auprès de M. de Berville, de
-crainte qu'il ne vous semble que je vous le veux faire valoir. Mais
-puisque je vous l'ai déjà dit, je vous dirai encore que j'avois envoyé
-une copie de ma lettre à votre généreuse amie pour vous la faire tenir,
-ou du moins pour avoir en elle un témoin irréprochable de mes soins aux
-choses qui regardent votre service. J'ai depuis su d'elle qu'elle avoit
-pris le dernier parti comme le plus sûr et le plus raisonnable, et
-j'avoue qu'elle m'a fort obligé, m'épargnant par ce moyen la nécessité de
-rougir devant vous pour n'y avoir pas assez bien parlé de votre mérite.
-La même judicieuse personne se voulut bien charger ces jours passés de
-vous envoyer quelques vers que j'ai donnés à la mémoire de l'incomparable
-Mme de Lalane[267]; mais, Mademoiselle, vous envoyer des vers, c'est
-envoyer de l'eau à la mer, c'est vous donner ce que vous avez chez vous
-en abondance. Que si vous en faites la modeste pour votre regard, vous
-l'avouerez bien au moins pour celui de monsieur votre frère, qui est un
-océan de poésie plus découvert que n'est le vôtre et qui est si plein de
-ce côté-là qu'on ne sauroit l'accroître, quelque chose que l'on y
-verse[268]. Il est vrai aussi que je vous envoyai ces vers comme les
-fleuves envoient leurs eaux à la mer, non pas pour enfler votre richesse,
-mais pour vous rendre le tribut et l'hommage que vous doivent tous ceux
-qui font profession d'honorer le mérite et la vertu. Ceux de M. de
-Boissat que j'ai vus dans votre lettre sont bons, mais ceux de monsieur
-votre frère sont meilleurs, sans doute, et vous voyez bien que c'est mon
-jugement qui prononce et non pas mon amitié, et qu'en ce sentiment il n'y
-entre ni complaisance ni cajolerie. Mais c'est trop vous mal entretenir,
-et vous auriez encore plus de sujet de vous en plaindre si je ne vous
-assurois que par la patience que vous avez prise de lire cette lettre
-jusqu'au bout, vous êtes quitte de me lire de toute cette année, et que
-jusqu'en six cent quarante-six vous n'aurez à craindre aucune semblable
-persécution,
-
- Mademoiselle,
- De votre très-humble et très-obéissant serviteur
- CHAPELAIN.
-
- [267] Mlle Marie Galtelle Desroches avait épousé Pierre de
- Lalane, qui faisait sa principale occupation de la littérature et
- de la poésie. Après cinq ans de mariage, Lalane perdit cette
- femme aussi belle que spirituelle. Il célébra sa mort par des
- vers qui sont insérés dans ses Œuvres, qu'on réunit en général à
- celles de Montplaisir.
-
- [268] On connaît les vers de Boileau:
-
- Bienheureux Scudéry dont la fertile plume, etc.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MONSIEUR CHAPELAIN[269].
-
- [269] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 147.
-
- Marseille, 31 janvier 1645.
-
- Monsieur,
-
-Bien que tout ce qui part de Mlle Robineau me soit extrêmement cher, et
-que, selon mes sentiments, elle augmente le prix des plus précieuses
-choses du monde lorsqu'elles passent par ses mains, il est toutefois
-certain que votre lettre m'auroit donné plus de joie si je l'eusse reçue
-comme une simple marque de votre souvenir, que comme une preuve de votre
-obéissance pour elle, et je lui suis déjà si redevable de ses propres
-bienfaits, que j'aurois volontiers souhaité qu'elle n'eût point eu de
-part aux vôtres. Ce commandement que vous dites qu'elle vous a fait de
-m'écrire, marque si clairement l'absolu pouvoir qu'elle a sur vous et le
-peu que j'y en ai, que, si je voulois, j'aurois quasi autant de sujet de
-me plaindre de l'honneur que vous m'avez fait, que de vous en remercier;
-car enfin, une personne à qui vous devez la connoissance de Mlle Robineau
-ne devoit point lui devoir la grâce que vous m'avez fait de m'écrire. Je
-sais qu'elle a plus de mérite que moi, et qu'ainsi vous la devez plus
-estimer; mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait quelque injustice que vous
-ne vous souveniez de moi que lorsqu'elle vous le commande. Enfin,
-Monsieur, lorsque vous me voudrez faire cet honneur, écoutez votre
-inclination, et n'écoutez plus Mlle Robineau; donnez-moi vos sentiments
-tout purs sans les mêler avec les siens, et souvenez-vous de moi pour
-l'amour de moi et non pour l'amour d'elle[270]. Vous trouverez peut-être
-que j'ai beaucoup d'orgueil pour avoir si peu de mérite; mais
-souvenez-vous que l'amitié a ses délicatesses et ses jalousies aussi bien
-que l'amour, et que celle que j'ai pour vous est trop noble et trop
-généreuse pour recevoir vos civilités d'une autre main que de la vôtre,
-et pour prendre part à des choses où elle n'en a point. Je ne m'étonne
-pas, toutefois, si vous aviez tant de peine à vous résoudre de m'écrire;
-car puisque mes amis vous montrent toutes mes lettres, vous avez raison
-de craindre d'en recevoir de semblables. Je leur voudrois un grand mal
-d'en user ainsi, si ce n'étoit que sachant bien qu'elles ne le font ni
-par manque de connoissance ni par malice, il faut de nécessité que la
-seule amitié les aveugle, et que, parce qu'elles prennent plaisir que je
-leur dise que je les aime, elles se laissent persuader que je le leur dis
-de bonne grâce. Pour vous, Monsieur, qui n'avez pas cet aveuglement qui
-m'est si avantageux, vous avez voulu vous défendre de recevoir de mes
-lettres autant que vous avez pu; mais, pour me venger de vous, je vous
-déclare que quand même Mlle Robineau me le défendroit, je ne laisserois
-pas de vous écrire et de vous assurer qu'elle n'est pas tant votre
-servante que je le suis. Mais encore que je sache que vous avez plus de
-joie de recevoir ses commandements que mes prières, je ne laisserai pas
-de vous supplier sérieusement de croire que votre lettre m'a donné
-beaucoup de plaisir; que celle que vous avez écrite à M. de Berville a
-sensiblement obligé et mon frère et moi; que les vers que vous m'avez
-envoyés ont eu et de lui et de moi toute la louange qu'ils méritent, et
-que quand même vous auriez désobéi à Mlle Robineau, je n'aurois pas
-laissé d'obéir à la raison et à mon inclination, qui veulent que je sois
-toute ma vie,
-
- Votre très-humble et très-obligée servante, etc.
-
- [270] On voit par cette lettre que Mlle de Scudéry était blessée
- des attentions particulières que Chapelain avait pour Mlle
- Robineau.
-
-
-AU MÊME[271].
-
- [271] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 149. Cette lettre est sans
- date, mais, dans le manuscrit, elle vient à la suite de celle du
- 31 janvier.
-
- Monsieur,
-
-Comme le silence est, ce me semble, ordinairement pris pour un
-consentement aux choses qu'on nous a dites, je pense que la crainte de
-vous importuner par une seconde lettre ne doit point m'empêcher de
-répondre à la dernière que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et
-qu'il vaut mieux vous dérober un quart d'heure que de me détruire pour
-toute ma vie dans votre esprit, en vous laissant lieu de croire que
-j'aurois accepté, comme croyant les mériter, cette profusion de louanges
-dont votre lettre est remplie. Souffrez donc, Monsieur, que je vous die
-qu'encore que j'eusse plusieurs fois entendu que l'on vous faisoit la
-guerre d'aimer volontiers à dire des douceurs, j'avois néanmoins conçu
-une si haute estime de votre sincérité que je tenois pour certain que
-vous n'eussiez pas même voulu être le flatteur d'Alexandre, si vous
-eussiez été de son temps, ou qu'il eût été du vôtre. Cependant vous me
-donnez des louanges si excessives et vous me dites des choses si peu
-vraisemblables que vous ne me permettez pas de douter que vous ne
-puissiez être capable, la première fois que l'occasion s'en présentera,
-de louer Mme Pilou[272] de la vivacité de ses yeux, de la délicatesse de
-son teint et des charmes de sa beauté. Ce n'est pas, Monsieur, que je ne
-sache bien que toutes les flatteries ne sont pas également condamnables,
-que celles qui ne sont pas intéressées sont plutôt une galanterie qu'une
-foiblesse, et que celles qui s'adressent à une personne exilée ne peuvent
-partir que d'une personne généreuse. Aussi vous fais-je dire que, quoique
-les vôtres ne m'aient pas persuadée, elles n'ont pas laissé de
-m'obliger: j'ai plus considéré votre intention que l'injustice de vos
-louanges, et la beauté de votre lettre que la vérité de vos paroles.
-Elles m'ont causé de la joie, mais elles ne m'ont point donné d'orgueil.
-J'ai été sensible, mais je n'ai pas été crédule, et quoique j'aie fait
-tout ce que j'ai pu pour me tromper, après avoir rappelé en ma mémoire
-tout ce que je vous ai écrit, j'ai trouvé qu'il m'eût sans doute été plus
-avantageux que vous en eussiez fait un secret que de la faire voir à tant
-d'illustres personnes. Je n'entends pourtant pas, Monsieur, de cette
-espèce de secret dont Mlle Robineau auroit pu s'offenser, mais de celui
-qui vous auroit fait cacher mes défauts au lieu de les publier. Toutefois
-il peut être que, par un privilége particulier, en lisant ma lettre, vous
-l'ayez purifiée des taches que mon ignorance y avoit laissées, et qu'en
-la recevant vous l'ayez rendue digne de vous. Ce n'est pas, Monsieur, que
-je veuille dire qu'elle fût toute déraisonnable; au contraire, pour vous
-montrer que j'ai plus de sincérité que vous n'en avez, j'avouerai qu'il y
-avoit un endroit qui ne peut être défectueux que par la foiblesse de
-l'expression, et dont le sentiment est si juste et si noble que même M.
-de Balzac ne le désapprouveroit pas. Je m'assure, Monsieur, que vous
-devinerez aisément ma pensée et qu'il vous sera facile de comprendre que
-ce seul endroit qui n'est pas mauvais et que je défendrois contre tout le
-monde, s'il étoit possible qu'on le pût condamner, est celui où je vous
-assurois d'être toute ma vie, et par raison et par inclination,
-
- Votre très-humble servante.
-
- [272] Mme Pilou (Anne Baudesson), fille et veuve d'un procureur
- du Châtelet. Au dire de ses contemporains, elle était d'une
- laideur extrême. C'était une bourgeoise pleine de bon sens et
- d'esprit, qui, ayant une certaine fortune, fut mêlée à la bonne
- société de son époque. Tallemant des Réaux lui a consacré une
- historiette, et son portrait a été gravé.
-
-
-A MADEMOISELLE PAULET[273].
-
- [273] Mss de Conrart, in-4º, t. X, p. 145.
-
- Marseille, 13 mars 1645.
-
- Mademoiselle,
-
-Comme je vous fais part de toutes mes douleurs quand il m'en arrive, il
-faut que je fasse la même chose de mes joies et de mes plaisirs. Je vous
-dirai donc qu'hier au matin un homme de qualité de Marseille, qui nous
-avoit ouï dire, à mon frère et à moi, que nous attendions M. de Grasse
-avec beaucoup d'impatience, nous envoya avertir qu'il étoit arrivé, et
-nous manda qu'il étoit logé chez un gentilhomme nommé M. d'Aiglun, qui a
-été lieutenant de la galère de M. d'Aiguebonne. Cette nouvelle nous donna
-de la douleur et de la joie: la première parce qu'il ne nous avoit pas
-fait la grâce de venir loger chez nous, et l'autre parce que, de quelque
-manière que ce fût, nous aurions le plaisir de l'entretenir. A l'heure
-même, mon frère fut chez M. d'Aiglun, et il trouva que M. de Grasse étoit
-véritablement logé chez lui, mais qu'il étoit déjà sorti. Un moment après
-j'y fus, comme lui, sans être plus heureuse, et nous y retournâmes pour
-le moins trois fois avant midi, sans le pouvoir rencontrer. Enfin, à la
-quatrième que j'y allai seule, on me dit qu'il sortoit de table, et que
-j'eusse un peu de patience. Mais comme je sais que M. de Grasse n'aime
-pas fort la cérémonie, je ne m'arrêtai pas à ce que me dit le valet de M.
-d'Aiglun, et je montai dans la chambre où M. de Grasse achevoit de dîner.
-Mais je fus fort surprise de voir qu'à peine me regardoit-il et qu'à
-peine se pouvoit-il résoudre de se lever pour me saluer. Cela ne m'étonna
-pourtant pas encore tant que de voir M. de Grasse dont je vous parle,
-avec des bottes relevées, un justaucorps de chamois, un manteau
-d'écarlate, une épée d'argent, un chapeau gris et des plumes jaunes. Ne
-vous imaginez pas, Mademoiselle, que j'invente ce que je vous dis; car en
-vérité, j'ai vu M. de Grasse en l'état que je viens de vous décrire.
-Mais, pour vous expliquer cet énigme qui m'a tant fait rire, et qui m'a
-pourtant donné beaucoup de confusion, et même beaucoup de douleur de voir
-mon espérance trompée, je vous dirai que M. de Grasse que je vis n'est
-pas l'évêque, mais un gentilhomme de ce pays, qui en son propre nom
-s'appelle ainsi. Je vous laisse à juger, Mademoiselle, de quelle sorte se
-passa cette conversation du faux M. de Grasse avec moi. Mais ce qu'il y a
-de plaisant est que je ne voulus pas en désabuser mon frère, qui, étant
-arrivé chez M. d'Aiglun un moment après que j'en fus partie, trouva cet
-homme à plumes jaunes sur la porte, et lui demanda, ne trouvant point
-d'autres gens, s'il ne savoit pas si M. de Grasse étoit au logis. Enfin,
-Mademoiselle, cette aventure a eu quelque chose de si plaisant que si je
-vous la pouvois bien dépeindre, je vous en ferois certainement rire de
-fort bon cœur. Mais comme le messager me presse, il faut, pour me
-revancher en quelque sorte de vos nouvelles, que je fasse un voyage à
-Malte, en Barbarie et à la cour du Grand-Seigneur; et pour vous dire les
-choses comme je les sais, j'étois hier chez M. le Grand-Prieur de
-Saint-Gilles, où je vis entre ses mains un papier qu'un renégat, favori
-du feu grand visir, et qui s'est refait chrétien, a envoyé au
-Grand-Maître, pour l'avertir des véritables sujets de cette armée de six
-cents voiles. Et comme la chose est assez romanesque, j'ai cru que je
-pouvois vous la mander.
-
-Vous saurez donc, pour entendre la chose comme elle s'est passée, qu'il y
-a déjà assez longtemps qu'un chevalier françois dont j'ai oublié le nom,
-après avoir gagné sept ou huit mille écus d'argent dans les courses qu'il
-avoit faites, voulut s'en revenir en France; et quoique ses amis lui
-conseillassent de faire tenir son argent par lettres de change, il ne put
-se résoudre à s'en séparer. Il s'embarqua donc avec son trésor dans une
-tartane, avec l'intention de venir à Marseille; mais il fut si malheureux
-qu'à quatre milles de Malte, il trouva un corsaire qui le combattit, qui
-prit la tartane où il étoit, avec son argent et sa personne, bien heureux
-encore de pouvoir jeter sa croix dans la mer, afin de n'être pas connu
-pour chevalier. Le corsaire l'ayant mené à Tunis, et ce chevalier y ayant
-trouvé des marchands chrétiens qui le délivrèrent, il revint à Malte si
-désespéré de la perte de son argent qu'il avoit gagné aux dépens de son
-sang et au hasard de sa vie, que depuis cela il ne s'est pas passé
-d'année, point de mois, ni même de jours, qu'il n'ait donné conseil de
-quelque nouveau dessein au Grand-Maître contre les Turcs. Enfin, il y a
-environ quatre ou cinq mois, qu'ayant obtenu le commandement de quelques
-vaisseaux pour une grande entreprise qu'il faisoit sur la Goulette, il
-partit, et de plus manqua ce qu'il avoit entrepris; de sorte que comme il
-étoit prêt de s'en retourner à Malte sans rien faire, il rencontra, et
-pour son malheur et pour celui de la religion, deux galères turquesques
-dans lesquelles étoit un bacha avec sa femme parente du Grand-Seigneur,
-et ce qui est plus, deux sultanes les plus belles et les plus aimées, qui
-s'en alloient à la Mecque. Le combat fut grand et fort opiniâtre de part
-et d'autre, mais la victoire fut de son côté. Il fit main basse sur les
-Turcs, et après avoir fait passer les deux sultanes, la veuve du bacha,
-plus de quarante femmes qui les suivoient, et tous leurs trésors qui
-étoient immenses, dans ses vaisseaux, il fit couler à fond les galères
-turquesques, parcequ'il ne lui restoit pas assez d'hommes pour les
-pouvoir mener à Malte. Mais après avoir vaincu et retrouvé son argent, et
-beaucoup davantage, il mourut des blessures qu'il avoit reçues, et ses
-vaisseaux reportèrent le victorieux en aussi pitoyable état que le
-vaincu. Aussitôt que ces femmes furent arrivées à Malte, celle qui avoit
-perdu son mari au combat trouva moyen de briser un grand diamant qu'elle
-avoit caché, qu'elle avala, et dont elle se fit mourir. Or, pour revenir
-au renégat dont je vous ai parlé, il dit qu'aussitôt que le
-Grand-Seigneur, qu'il dit être le plus amoureux de tous les hommes qui
-furent jamais, eut su la prise de ses femmes et la mort de sa parente, il
-entra en une colère si furieuse qu'il jura de perdre la vie ou de perdre
-Malte; de sorte qu'à l'instant même il envoya ordre par tous ses ports et
-par tout son empire de se préparer à cette guerre. Il ajoute à cela,
-qu'outre cette colère, il se joint une raison d'État à ce dessein, qui
-est que le Grand-Seigneur, ayant pensé connoître à ses dépens que les
-janissaires sont trop puissants dans ses États, a résolu de les faire
-tous embarquer, afin d'affoiblir leur corps en cette occasion, ne doutant
-pas qu'il n'en meure une bonne partie en cette guerre, qui, par ce moyen,
-quelque succès qu'elle puisse avoir, ne peut que lui être avantageuse,
-puisque plus on lui tuera de janissaires, plus on lui ôtera d'ennemis.
-
-Voilà, Mademoiselle, ce que je n'ai pas cru indigne d'être su de vous.
-Cependant les six galères dont je vous avois parlé sont parties pour
-Catalogne, que l'on dit être en fort grande division. Vous aurez sans
-doute su comme Perpignan a pensé être surpris; mais l'on ne vous aura
-peut-être pas mandé que dix des gardes de M. le comte d'Harcourt, ayant
-été mis à garder la porte d'un gentilhomme chez qui étoit le bal, auprès
-de Béziers, ces gardes éteignirent les lumières qui éclairoient la salle,
-et volèrent toutes les pierreries et les perles des dames de l'assemblée.
-
-Enfin me voici arrivée au bout de mes nouvelles.... Après cela je n'ai
-plus qu'à assurer Mme de Clermont de mes obéissances, Mesdemoiselles ses
-filles de mes très-humbles services, et vous et elles de la passion que
-mon frère a de vous témoigner qu'il est votre très-humble et
-très-obéissant serviteur. Adieu, l'heure me presse, et il faut que je
-vous donne le bonjour, sans même vous dire que je suis, Mademoiselle,
-
- Votre très-humble et très-passionnée
- servante, etc., etc.
-
-
-A LA MÊME[274].
-
- [274] Mss de Conrart, in-4º, t. XI.
-
- Marseille, 28 mars 1645.
-
- Mademoiselle,
-
-Pour vous montrer que, même dans les petites choses, je ne suis pas plus
-heureuse que dans les grandes, je n'ai qu'à vous dire que le même soleil
-qui a déjà donné des fèves et des amandes fraîches à toute la Provence,
-et qui a déjà plus fait naître et mourir de roses à Marseille que le
-printemps et l'été n'en ont jamais donné à Paris, ne m'a fait autre bien
-à moi que m'enrhumer extrêmement pour m'être promenée en un jardin où il
-n'y avoit nul ombrage. Cela sera cause que je ne répondrai à M. Conrart
-que par l'ordinaire prochain. Mais quelque incommodité que j'aie, il faut
-que je vous donne une seconde partie du roman turquesque dont je vous ai
-fait voir la première, où vous trouverez sans doute quelque chose d'aussi
-extraordinaire.
-
-Je vous dirai donc, Mademoiselle, qu'il est arrivé ici un homme de Malte
-qui a donné à M. le Grand-Prieur de Saint-Gilles un nouvel avis qu'on y a
-reçu touchant la cause du siége que le Grand-Seigneur y doit mettre.
-Mais, pour reprendre les choses en leur source, il faut savoir que,
-lorsque le Grand-Seigneur qui règne aujourd'hui n'avoit que deux ans, il
-avoit un frère aîné qui, par la mort de son père, parvint à l'empire, et
-qui, suivant la cruelle coutume de ses prédécesseurs, commanda que l'on
-égorgeât son frère. Ceux qui sont destinés à cette exécution furent au
-lieu où il étoit nourri pour s'acquitter de leur commission; mais la
-nourrice qu'avoit cet enfant, en ayant été avertie, le cacha et en
-substitua un autre qui fut tué au lieu de lui, de sorte que, par la
-révolution des choses, le Grand-Seigneur qui régnoit lors étant mort, et
-cet enfant caché et reconnu étant parvenu à l'empire, il a tant eu de
-reconnoissance pour sa nourrice qu'il l'a plus respectée que sa mère, et
-plus aimée que tout le reste du monde. Or, Mademoiselle, il est arrivé
-que cette femme est prisonnière à Malte, avec celles dont je vous ai
-déjà parlé, aussi bien qu'une sœur du Grand-Seigneur, et que c'étoit
-sous sa conduite qu'il avoit permis à toutes les autres d'aller à la
-Mecque; de sorte qu'ayant su que celle à qui il doit et l'empire et la
-vie est en prison, il a résolu de hasarder sa vie et d'employer toutes
-les forces de son empire pour délivrer celle qui le lui a donné, et
-l'avis que l'on a eu à Malte porte expressément que, quelque amour que le
-Grand Seigneur ait pour les sultanes captives, ce n'est toutefois que
-pour sa nourrice qu'il entreprend la guerre.
-
-Je vous avoue, Mademoiselle, que cela me remplit l'imagination d'une
-manière si burlesque, que je ne saurois m'empêcher d'en rire. Ce n'est
-pas que je ne voie quelque chose de beau et de généreux d'un côté; mais
-le revers de la médaille me semble plaisant; car enfin, ceux qui ont
-écrit ou inventé la guerre de Troie ont du moins dépeint la beauté
-d'Hélène si éclatante et si lumineuse que l'on n'est pas fort étonné de
-voir que toute la Grèce soit en armes pour l'amour d'elle, et que le feu
-de ses yeux ait embrasé une ville et détruit un empire. Je n'ai même
-point eu de peine à croire que Henri IV ne faisoit une armée de cinquante
-mille hommes que pour conquérir l'illustre princesse dont il étoit
-toutefois esclave. Mais de m'imaginer qu'un empire qui est composé de
-plusieurs empires et de plusieurs royaumes emploie toutes ses forces en
-une occasion où l'on verra le Grand-Seigneur en personne, avec deux cent
-mille combattants, n'avoir pour principal objet que pour recouvrer une
-vieille nourrice qui, même dans sa jeunesse, ne fut jamais belle (car
-j'ai vu un homme qui l'a vue depuis huit jours), c'est ce que je trouve
-si grotesque que j'en ferois volontiers faire un tableau, si je
-connoissois quelque excellent peintre ici qui pût exécuter ce que je lui
-dirois et ce que j'en pense. Celui que j'ai vu et qui vient de Malte m'a
-dit que l'on y traite fort bien ces prisonnières; on les a logées chez un
-juif de Constantinople qui s'est fait chrétien et qui y demeure depuis
-longtemps, afin qu'il les serve à leur mode, comme en effet, elles ne
-mangent qu'à la turque, c'est-à-dire sur de grands tapis jetés par terre,
-et sont entièrement servies à l'usage de leur pays. Ce qu'il y a
-d'étrange est que, de cinquante ou soixante femmes qu'elles sont, qui
-sont, à ce que l'on dit, admirablement belles, excepté la nourrice qui ne
-le fut jamais, comme je l'ai dit, il est impossible de discerner laquelle
-est la sultane ou la sœur, tant elles apportent de soin à se traiter
-entre elles également. On sait bien, par les avis que l'on a de
-Constantinople, qu'elles y sont, mais de savoir lesquelles ce sont, c'est
-ce qui ne se peut, et de tout ce grand nombre, la seule nourrice s'est
-fait connoître, si l'on en veut excepter celle qui se fit connoître en
-s'empoisonnant après la mort de son mari. Toutes ces femmes paroissent
-assez constantes dans leur captivité. Mais ce qui m'étonne est d'avoir su
-que, dans un temps où il me semble que Malte devroit plus être dans la
-retenue que jamais, il y ait eu des réjouissances dans les trois
-derniers jours du carnaval, qui ressembloient bien plus au Paradis des
-Turcs qu'à un divertissement de religion. Toutes les sultanes des
-chevaliers, ou, pour les nommer par leur nom, toutes les courtisanes de
-Malte étoient déguisées par les rues avec une magnificence si grande
-qu'il y en avoit telle qui avoit pour plus de cinquante mille écus de
-pierreries. Je pense que ceux qui les leur ont données feroient mieux de
-les leur ôter pour les vendre, que d'engager des commanderies comme ils
-font pour subvenir à la guerre.
-
-Mais c'est assez parlé de celle-là, il faut que je vous parle de celle
-que Mlle de Rambouillet et vous avez faite à M. Chapelain, qui n'a sans
-doute pas été aussi cruelle que l'autre le sera, mais que je trouve
-beaucoup plus injuste; car enfin, Mademoiselle, vous savez mieux que vous
-ne dites qu'un galant n'est pas pour moi; et il est si peu vraisemblable
-qu'après avoir été le vôtre il pût jamais être le mien, que je ne sais
-comme vous osez me le vouloir persuader. Mais, pour vous parler un peu
-plus sérieusement, j'ai beaucoup de joie de savoir qu'il n'abandonnera
-point la _Pucelle_ et que vous ne le perdrez pas[275]. Je m'assure que
-vous ne me refuserez pas la grâce de le lui témoigner, quoiqu'il semble
-que vous soyez un peu jalouse, et que vous m'accorderez encore celle de
-rendre à Mme de Clermont les soumissions que je lui dois, à
-Mesdemoiselles ses filles des marques de ma passion à leur service, et à
-vous-même les assurances que je vous donne d'être, avec toute la
-sincérité imaginable,
-
- Votre, etc., etc.
-
- [275] Il s'était agi pour Chapelain d'aller au Congrès de
- Munster, nous ne savons en quelle qualité. Ce projet n'eut pas de
- suite. Voyez sa lettre à Mlle de Scudéry, du 12 avril 1645.
-
-
-A LA MARQUISE DE MONTAUSIER[276].
-
- [276] Mss Conrart, in-4º, t. XI, p. 129.
-
- Julie-Lucine d'Angennes, née en 1607. l'aînée des sept enfants de
- la marquise de Rambouillet, mariée au duc de Montausier le 15
- juillet précédent.
-
- [Août 1645.]
-
- Madame,
-
-Le respect que je dois à Mme la marquise de Rambouillet n'ayant pas été
-assez puissant pour m'empêcher de prendre la liberté de lui écrire après
-la perte qu'elle a faite[277], je pense que vous ne trouveriez pas à
-propos que je me servisse de cette raison auprès de vous pour autoriser
-mon silence, que vous auriez sujet de vous plaindre de moi si j'espérois
-moins de votre bonté que je n'ai attendu de la sienne, et si je ne
-croyois certainement que vous me pardonnerez avec la même indulgence
-qu'elle m'a pardonné. C'est sur cette confiance, Madame, qu'aussitôt que
-j'ai su le retour de votre santé, j'ai pris la résolution de vous
-témoigner la part que je prends à votre déplaisir, n'ayant pas osé vous
-donner cette importunité dans un temps où vous aviez besoin de toute
-votre patience pour supporter tout à la fois la violence d'une maladie et
-celle de votre affliction.
-
- [277] Celle du marquis de Pisani, tué à la bataille de Nordlingen
- (3 août 1645). Il était fils de la marquise de Rambouillet et
- frère de Mme de Montausier.
-
-Ce n'est pas qu'à considérer ce que je suis, je ne dusse craindre
-d'irriter votre douleur au lieu de la soulager par un discours qui sans
-doute n'a rien que de rude et de sauvage, et rien qui vous puisse plaire;
-mais comme les acclamations des peuples, quoique tumultueuses et peu
-agréables d'elles-mêmes par le bruit confus qu'elles causent, ne
-déplaisent jamais à ceux pour qui on les fait, de même, Madame, je suis
-persuadée que les plaintes ne sauroient incommoder les personnes
-affligées, quand même ces plaintes ne seroient pas faites de bonne grâce.
-Les heureux peuvent quelquefois avoir refusé de magnifiques présents, ou
-par générosité, ou comme les croyant indignes d'eux; mais les affligés,
-si je ne me trompe, n'ont jamais guère refusé de larmes de ceux qui leur
-en ont voulu donner. C'est un tribut et un hommage si précieux que le
-ciel même s'en contente, puisque ce n'est que par des larmes que l'on
-peut apaiser sa fureur quand il est irrité. En effet, lorsque les larmes
-sont véritables, et que les yeux ne font que ce que le cœur leur
-enseigne, c'est le témoignage le plus tendre que nous puissions donner de
-notre affliction. Je n'entends pas, Madame, de ces larmes qui sont plutôt
-une marque de la foiblesse de ceux qui les répandent, que de la
-sensibilité de leur esprit; mais j'entends parler de ces larmes
-généreuses qui ne paroissent que parce qu'on ne les en peut empêcher, et
-qui sont plutôt réservées pour les malheurs des personnes qui nous sont
-chères, que pour les nôtres. Recevez donc, s'il vous plaît, Madame,
-celles que j'ai données à la perte que vous avez faite de M. le marquis
-de Pisani, quoiqu'elles ne soient pas dignes de vous être offertes; je
-les devois sans doute à son extrême mérite, et je les devois aussi à
-votre extrême vertu. Quand je n'aurois pas eu l'honneur de le connoître
-et de savoir ce qu'il valoit, je n'aurois pas laissé de le regretter
-beaucoup pour votre seule considération; mais quand aussi j'aurois été
-privée de la gloire d'être connue de vous, je ne laisserois pas d'être
-fort touchée de sa perte, par la connoissance que j'avois de ses rares
-qualités.
-
-Jugez après cela, Madame, si le ressentiment que j'en ai doit être
-médiocre, ou, pour mieux dire, s'il ne doit pas être extrême, quand je
-considère que vous avez été en un même temps chargée de votre propre
-douleur et de celle de Mme la marquise qui sans doute ne vous a pas été
-moins sensible que la vôtre; qu'en versant des larmes vous étiez obligée
-d'épuiser les siennes; qu'en rejetant les consolations que l'on vous
-donnoit vous tâchiez pourtant de la consoler. J'avoue, Madame, que je ne
-puis assez admirer la grandeur de votre âme et la fermeté de votre
-esprit. Il ne faut pas toutefois s'étonner si vous savez si bien user des
-malheurs qui vous arrivent, quoiqu'ils ne vous soient pas ordinaires.
-Une personne qui ne s'est pas laissée éblouir par la gloire qu'elle
-possède depuis qu'elle jouit de la lumière, n'a eu garde de se laisser
-accabler par l'affliction; il ne faut pas plus de force à supporter le
-malheur qu'à bien user de la bonne fortune.
-
-Ainsi, Madame, bien loin de m'étonner de votre constance, je m'étonnerois
-si vous en aviez manqué. Toutes les actions de votre vie sont des
-miracles continuels. Vous avez assemblé toutes les vertus en votre âme,
-et c'est sans doute pour cette raison que vous avez acquis cette
-approbation universelle qui fait que toute la terre vous adore, et
-certes, à dire les choses comme elles sont, il ne faut pas trouver
-étrange si vous êtes aussi propre à combattre les grandes douleurs qu'à
-résister aux grandes prospérités, vous, dis-je, qui êtes accoutumée à
-vaincre les monstres, dont la victoire est bien plus difficile à
-remporter, puisqu'on ne le peut faire à moins que de vaincre presque
-toute la terre. Oui, Madame, s'il m'étoit permis, en un temps où vos yeux
-sont encore couverts de larmes, de vous parler des glorieux avantages
-qu'ils ont remportés, je dirois que nous avons vu les plus belles
-personnes de votre sexe et de votre siècle ne le paroître plus auprès de
-cette beauté majestueuse qui n'inspire pas moins de respect que
-d'adoration à tous ceux qui la voient. Mais je me contenterai de dire
-seulement que nous avons vu les lumières de votre esprit éclairer toute
-la Cour, et obscurcir pourtant tout ce qui s'en est approché; l'éclat de
-votre vertu ne trouver rien qui l'égalât, hors de l'hôtel de
-Rambouillet, et que nous n'avons pourtant point vu paroître l'envie ni la
-médisance pour vous attaquer. Vous les avez vaincues sans les combattre;
-l'admiration toute seule vous a suivie partout où vous avez été; tout le
-monde vous a rendu hommage avec joie, tout le monde vous a cédé avec
-autant de plaisir que de justice, et vous avez enfin fait une chose que
-nulle autre que vous n'a jamais faite, qui est de vaincre sans
-résistance. Mais je ne songe pas que je n'ai eu aujourd'hui dessein que
-de vous offrir des larmes, et qu'en un jour de deuil vous ne voudriez pas
-recevoir les honneurs du triomphe. Je m'assure toutefois, Madame, que du
-moins vous ne refuserez pas les assurances que je vous donne de la
-continuation de mon très-humble service, et du dessein que j'ai d'être
-toute ma vie, avec autant de respect que de passion, Madame,
-
- Votre très-humble et très-obéissante
- servante.
-
-
-A MADEMOISELLE PAULET.[278]
-
- [278] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 157.
-
- Marseille, 10 décembre 1645.
-
- Mademoiselle,
-
-Le courrier étant arrivé un jour plus tard qu'il n'a de coutume, à cause
-du mauvais temps qu'il dit avoir eu par les chemins, fait que je n'ai
-quasi pas loisir de relire vos lettres pour y répondre. Ce n'est pas que
-je ne pusse avoir encore plus de huit heures pour cela, n'étoit que je
-suis engagée dès hier de mener aujourd'hui huit ou dix de nos dames
-marseilloises à Notre-Dame-de-la-Garde, qui veulent voir arriver M. le
-cardinal de Lyon[279], que l'on attend ici de moment en moment, parce que
-s'étant ennuyé d'attendre les galères que le vent contraire a fait
-relâcher aux îles Sainte-Marguerite, il a pris quatre chaloupes du
-Grand-Duc pour s'en venir. Toutes les femmes l'attendent ici avec tant
-d'impatience que les sultanes du sérail n'en ont pas davantage, à ce que
-je crois, lorsque le Grand-Seigneur doit revenir de quelque expédition de
-guerre. Cette pensée sent un peu le voisinage d'Alger, mais je n'y
-saurois que faire. Vous savez que je n'ai pas accoutumé de vous cacher
-les folies qui me passent dans l'esprit; et puisque vous m'en avez bien
-pardonné à Paris, vous m'en pardonnerez bien encore en un pays où
-effectivement on voit tous les jours des gens que l'on peut dire qu'ils
-traitent ensemble de Turc à Maure, puisqu'ils le sont. L'on dit ici
-toutes les vérités fâcheuses sans scrupule et sans déguisement; et la
-franchise y est si grande que, si l'on y cache quelque chose, ce ne sont
-que les bonnes qualités que l'on remarque en ses plus chers amis. La
-charité ailleurs veut que l'on fasse un secret des défauts de son
-prochain; mais ici, de peur qu'il ne tombe en vaine gloire, l'on ne le
-loue jamais, quelque bien qu'il fasse.
-
- [279] Alphonse de Richelieu, frère du cardinal. Ce digne prélat
- fit lui-même son épitaphe; elle mérite d'être conservée: _Pauper
- natus sum, pauperiem vovi, pauper morior, inter pauperes sepeliri
- volo_.
-
-Je vous en dirois davantage, mais je n'en ai pas le loisir. Quelque
-pressée que je sois, je vous supplierai toutefois de témoigner à M.
-Conrart la joie que m'a donnée sa lettre; elle est si pleine d'esprit et
-de douceurs, que je ne sais comme j'y pourrai répondre. Ç'auroit pourtant
-été dès cet ordinaire, sans la partie que je vous ai dite; car, comme
-vous savez, je ne me pique pas de belles lettres, et lorsque je prétends
-que les miennes ne sont pas importunes, c'est seulement par l'amitié que
-vous avez pour moi. Je ne manquerai donc pas d'écrire la semaine
-prochaine à toutes les personnes à qui je dois des remercîments. M. de la
-Mesnardière[280], recevra aussi, s'il vous plaît, mes excuses; et pour
-ses affaires je n'ai point de conseil à donner où vous êtes, étant
-certain que ce que votre raison ne trouvera pas, celle des autres le
-chercheroit vainement. Vous le conseillerez sans doute comme il le doit
-être; c'est pourquoi il ne me reste à désirer, sinon que l'événement de
-vos conseils soit heureux. Vous me ferez aussi la faveur de remercier M.
-de la Vergne[281] de ses soins et de ses bons offices. Vous savez,
-Mademoiselle, ce que je vous ai dit de lui en plusieurs rencontres; c'est
-pourquoi je ne vous dirai pas à quel point je suis sa servante. Au reste,
-ne craignez pas que je m'accoutume jamais aux lieux où je suis, ni que je
-me désaccoutume jamais de vous; il y a des maux que l'habitude amoindrit,
-mais il y en a d'autres qui deviennent plus insupportables par la suite
-du temps. Les plus violentes douleurs, quand elles sont de peu de durée,
-se peuvent souffrir sans murmures, et les plus petites, quand elles sont
-continues, ne se peuvent endurer sans se plaindre. Jugez donc si celle
-que me donne votre absence est de nature à m'y pouvoir accoutumer, et si,
-ayant perdu un trésor inestimable je puis m'en consoler facilement. En
-vérité, Mademoiselle, je ne vous dis pas tout ce que je sens, car comme
-je sais que vous êtes sensible, j'aurois peur que ma mélancolie ne fût
-contagieuse pour vous. Adieu, on m'attend, et je n'ai pas loisir de vous
-dire ce que je suis à Mme et à Mlles de Clermont; mais, comme vous le
-savez il y a longtemps, vous le leur direz pour moi, s'il vous plaît.
-
- [280] De la Mesnardière, né en 1610, mort en 1663. Il était
- médecin du cardinal de Richelieu et de Gaston d'Orléans. Ami de
- Mme de Sablé et lié avec la plupart des gens de lettres de son
- temps, il s'occupa plus de poésie que de médecine, et fut reçu à
- l'Académie française en 1655.
-
-J'oubliois de vous dire qu'il court un bruit ici que M. le chevalier de
-la Motte a été arrêté, comme il s'en alloit à Lyon; quelques-uns disent
-que c'est pour avoir apporté ici, dans sa galère qui revint de Barcelone
-il y a trois semaines, quarante-quatre mille pistoles, que l'on dit être
-ici entre les mains de quelques-uns de ses amis. Le temps éclaircira
-toutes choses. Mon frère m'a dit qu'il veut répondre lui-même à ce que
-vous me dites pour lui dans ma lettre.
-
- [281] Aymar de la Vergne, maréchal de camp et gouverneur du
- Havre-de-Grâce, père de Marie-Madeleine Pioche de la Vergne,
- depuis comtesse de la Fayette et auteur de _Zaïde_ et de _la
- Princesse de Clèves_.
-
-
-A MADEMOISELLE MARIE DUMOULIN[282].
-
- [282] Les deux lettres qui suivent sont tirées du _Bulletin de la
- Société du protestantisme français_, t. X, p. 389 et 391.
-
- Marseille, 21 août 1647.
-
- Mademoiselle,
-
-Comme la reconnoissance est un pur sentiment du cœur, plutôt qu'un
-raisonnement de l'esprit, j'ai cru qu'encore que je fusse dans tout
-l'embarras que peut causer un voyage de deux cents lieues, que j'espère
-commencer dans une heure, je ne devois pas attendre que j'eusse plus de
-loisir que je n'en ai à vous rendre grâce de la faveur que vous m'avez
-faite de m'envoyer le portrait de Mlle de Schurman[283]. La diligence,
-qui donne un si grand prix à toutes sortes de bons offices, doit, ce me
-semble, en donner aussi à la gratitude, et il vaut beaucoup mieux faire
-une civilité un peu en tumulte, que donner loisir à une personne
-généreuse comme vous d'oublier ses propres bienfaits auparavant qu'elle
-en ait reçu les remercîments. Recevez donc, Mademoiselle, toutes les
-grâces que je vous rends, mais recevez-les, je vous en conjure, comme
-venant d'une personne que votre rare vertu vous a absolument acquise, et
-qui met au nombre de ses plus glorieuses aventures celle de votre
-connoissance et de votre affection. Et certes, à dire vrai, vous m'en
-donnez des marques d'une façon si obligeante qu'il faudroit être
-également stupide et insensible pour n'en être pas touchée. Toutes les
-amitiés commencent d'ordinaire par de simples connoissances, et ce n'est
-que dans leurs suites et dans leurs progrès qu'il est permis d'espérer de
-bons offices et d'attendre de grands témoignages de générosité et de
-tendresse, mais, pour la vôtre, on peut dire qu'elle tient quelque chose
-de la nature de l'amour (s'il est tel qu'on nous dépeint); elle n'est pas
-plutôt, qu'elle est officieuse, agissante et libérale jusques à tel point
-qu'elle donne ce que l'on doit préférer à tous les trésors et à toutes
-les richesses imaginables. En effet, le portrait d'une personne aussi
-illustre que Mlle de Schurman, envoyé par une main aussi chère que celle
-de Mlle Dumoulin et reçu par un aussi honnête homme que M. Conrart, est
-une faveur si signalée, que rien ne la sauroit égaler. Aussi vous puis-je
-assurer que je la vante comme je dois, et pour vous témoigner le respect
-que je porte à la merveilleuse fille dont vous m'avez envoyé l'image, je
-n'ai pas voulu qu'après avoir passé les mers pour venir en France à ma
-considération, elle eût encore la peine de me venir trouver à Marseille,
-et j'ai cru que je devois bien aller d'un bout du royaume à l'autre et
-passer pour le moins plusieurs rivières, pour recevoir un si grand
-honneur et un si grand plaisir. Ce n'étoit pas sans doute au bord de la
-mer Méditerranée que je devois attendre le portrait de Mlle de Schurman,
-et le voisinage d'Alger a rendu Marseille trop barbare pour mériter cette
-gloire. Véritablement, si elle eût encore été ce qu'elle étoit du temps
-que Rome même, à ce que j'ai ouï dire, s'abaissoit jusques à envoyer
-quelques-uns de ses citoyens pour apprendre les sciences de ces fameux
-Grecs dont elle étoit habitée, je vous avoue que je n'en aurois pas usé
-ainsi; mais comme il ne reste même plus nuls vestiges des maisons de ces
-savants hommes qui l'ont rendue si célèbre, et que le temps n'a pas
-seulement épargné le marbre et le bronze qui en pouvoient perpétuer la
-mémoire, je pense que Paris est le seul lieu où on lui doit offrir de
-l'encens. Souffrez donc que je vous quitte pour lui aller rendre ce
-devoir, et que je vous assure en vous quittant que je ne perdrai jamais
-le souvenir de ce que je vous dois, ni l'envie de vous témoigner, par
-quelque agréable service, à quel point je suis, Mademoiselle,
-
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [283] Anne-Marie de Schurman, née en 1607, morte en 1678,
- très-versée dans les langues anciennes, dans la langue hébraïque,
- etc.
-
-
-A M. CONRART.
-
- [1647.]
-
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-Souffrez que je m'arrête et que j'admire en même temps le savoir de M.
-Rivet, et l'esprit de Mademoiselle sa nièce[284]. Sans mentir, je ne vis
-jamais rien de plus galamment pensé, ni de plus noblement exprimé, que ce
-que cette excellente personne vous a écrit, et il y a un caractère si
-aisé, si aimable et si spirituel en cette lettre, que je ne m'étonne pas
-si Mlle de Schurman a fait sa sœur d'alliance de l'excellente fille qui
-l'a écrite. Vous me ferez sans doute bien la grâce de l'assurer que, hors
-l'intérêt de la Pucelle, je ferai toujours gloire de suivre ses
-sentiments sans consulter les miens, et de soumettre ma raison à la
-sienne, qui est infiniment plus éclairée; mais comme il n'y a que des
-personnes peu généreuses qui cèdent quand on leur résiste, elle me
-pardonnera si je tâche de repousser la force par la force, et si après
-lui avoir rendu louange pour louange et civilité pour civilité, je fais
-ce que je puis pour répondre à ses objections, car puisqu'elle a pris le
-parti de Monsieur son oncle contre son propre sexe, ce sera aussi à elle
-seule que je demanderai raison de ce que lui et elle vous ont écrit. Elle
-dit que M. Rivet n'a pas eu d'intention de rabattre rien de la gloire de
-cette héroïne, mais de faire voir seulement combien il est difficile à
-une fille de conserver sa réputation toute pure en allant à la guerre,
-etc., etc.
-
- [284] Mlle Dumoulin.
-
-
-A M. CHAPELAIN[285].
-
- [285] Le _Conservateur_, juillet 1760, p. 92. Copie du temps,
- _Collection Moreau_, t. 847, p. 29.
-
- Voyez Eug. de Beaurepaire, _Histoire de deux sonnets_ dans la
- _Revue de Rouen_, XXe année, p. 129. Les documents qu'il cite
- prouvent que la querelle commença en décembre 1649.
-
- 7 [décembre] 1649.
-
-J'ai lu deux fois l'endroit du billet que vous avez écrit à mon frère, où
-vous témoignez souhaiter que je vous mande mon sentiment sur les deux
-sonnets qui sont en contestation, n'osant pas croire que vous me fissiez
-un honneur dont je suis indigne; mais après m'être résolue de vous obéir,
-je vous dirai, sans complaisance aucune, que celui d'Uranie me plaît
-infiniment plus que l'autre, et vous ne me devez pas soupçonner d'en
-avoir en cette rencontre, puisqu'au contraire il me semble qu'une
-personne comme moi fait quelque tort à une princesse dont l'esprit est
-aussi éclairé que celui de Mme de Longueville, de penser ce qu'elle
-pense[286]. Ainsi, Monsieur, croyez, s'il vous plaît, que je parle
-sincèrement. Les deux derniers vers du sonnet de Job, s'il m'est permis
-d'en parler de cette sorte, ont quelque chose de joli et de délicat,
-mais il en faut lire onze, pour les trouver; de plus, je vous avoue que
-j'ai l'imagination un peu délicate, et que comme je ne puis jamais
-entendre nommer Job sans avoir l'esprit rempli de toutes ces vilaines
-choses dont il est environné, je ne puis souffrir qu'un galant, qui doit
-être propre, se compare à lui. En effet, Monsieur, ce sujet-là a quelque
-chose de si opposé aux Muses, que celles qui inspirent les peintres ne
-leur ont jamais guère donné l'envie d'en faire des tableaux, du moins
-sais-je bien que l'on n'en avoit point ni de Raphaël, ni du Titien, ni du
-Poussin. Mais, pour le sonnet d'Uranie, j'avoue que je le trouve si beau,
-que s'il y avoit une autre personne au monde que Mme de Longueville qui
-eût toute la beauté du corps, toutes celles de l'esprit, et toutes les
-vertus de l'âme, et que quelqu'un en osât être amoureux, je lui
-conseillerois de se servir de ce sonnet pour exprimer sa passion; et ce
-qui fait que je le trouve d'autant plus ingénieux, c'est que, faisant une
-protestation d'amour, il fait un éloge. Vous voyez, Monsieur, que je ne
-sais point vous résister, et que je vous obéis ponctuellement. C'est
-pourquoi ne me demandez rien que de juste. Je vous parle ainsi, parce
-que je vous avoue que je doute un peu si ce que vous avez désiré de moi
-l'est, et si je n'ai pas eu tort de vous l'accorder.
-
- [286] Cette préférence donnée par Mme de Longueville au sonnet
- d'Uranie sur celui de Job avait inspiré à Mlle de Scudéry le
- quatrain suivant:
-
- A vous dire la vérité,
- Le destin de Job est étrange
- D'être toujours persécuté
- Tantôt par un démon et tantôt par un ange.
-
-
-A M. GODEAU, ÉVÊQUE DE VENCE[287].
-
- [287] Les sept lettres suivantes ont été publiées par M. de
- Monmerqué au t. VI de son édition de 1835 des _Historiettes de
- Tallemant_ des Réaux, d'après des copies provenant du président
- Durey de Meinières. En les reproduisant d'après lui, nous ne
- croyons pouvoir mieux faire que de reproduire aussi les notes
- qu'il y a jointes, sauf à les abréger au besoin. Ce sont
- probablement les mêmes lettres, en tout ou en partie, qui sont
- désignées p. 517 du _Catalogue de Lamoignon_, 1784, in-fo:
- _Lettres de Mlle de Scudéry à M. Godeau, contenant plusieurs
- anecdotes historiques de l'an 1650_.
-
- [Paris, 22 février 1650.]
-
-Ayant su par une de vos lettres que vous me faisiez l'honneur de
-souhaiter que je vous écrivisse le peu de nouvelles qui viennent à ma
-connoissance, j'avoue que j'eus quelque peine à croire que mes yeux ne me
-trompoient pas, ou que vous ne vous fussiez pas trompé vous-même, en
-mettant mon nom pour celui d'un autre; étant certaine que je n'ai pas une
-des qualités nécessaires pour rendre ma correspondance agréable en
-matière de nouvelles. Je ne suis pas fort exposée au monde; les gens que
-je vois ne sont pas de la nouvelle faveur; et quand je saurois même une
-partie de ce qui se passe, je ne saurois pas assez bien écrire pour vous
-divertir. Néanmoins, comme je suis persuadée que la plus légitime excuse
-ne sauroit jamais valoir une obéissance aveugle, je ne veux point me
-servir de toutes celles que je pourrois employer pour me dispenser de
-faire ce que vous souhaitez, lorsque je saurai quelque chose de digne
-d'être su de vous.
-
-C'est pourquoi, pour commencer dès aujourd'hui, je vous dirai que l'on ne
-sait point encore avec certitude en quel lieu est Mme de Longueville, et
-que, depuis le jour qu'elle se sauva du château de Dieppe[288], avec deux
-de ses filles seulement et quatre gentilshommes, l'un desquels est le
-sieur Saint-Ibalt, et l'autre Tréry, l'on n'a pas pu encore découvrir
-précisément quelle a été sa route, ni quel est son asile. Il y a du moins
-apparence que Dieu sera son protecteur; car on m'écrit de Normandie
-qu'après qu'elle eut pensé tomber dans la mer, et qu'une de ses filles
-eut aussi failli être noyée, elle se confessa et monta à cheval un moment
-après, se préparant à ce funeste voyage comme si elle eût dû mourir.
-
- [288] La duchesse de Longueville, après l'arrestation des
- princes, qui eut lieu le 18 janvier 1650, s'enfuit en Normandie.
- La cour se rendit à Rouen le 1er février: la duchesse, qui
- s'étoit réfugiée à Dieppe, s'échappa du château. «Elle sortit la
- nuit à cheval, jambe de çà et jambe de là, avec ses femmes, en
- courant jour et nuit; elle s'embarqua sur la coste et fut en
- Hollande.... Elle gagna Stenay, où estoit le mareschal de
- Turenne.» (_Mémoires de Montglat._) Le récit de Mme de Motteville
- est plus circonstancié; elle dit que la duchesse sortit par une
- petite porte qui n'étoit pas gardée: qu'elle fit deux lieues à
- pied pour gagner un petit port, où elle ne trouva que deux
- barques de pêcheurs; elle voulut s'embarquer contre l'avis des
- mariniers, afin de gagner un vaisseau qu'elle faisoit tenir à la
- rade. Le vent étoit si grand et la marée si forte, que le
- marinier, qui l'avoit prise entre ses bras pour la porter dans la
- chaloupe, la laissa tomber dans la mer; elle se décida à prendre
- des chevaux et à se mettre en croupe, ainsi que les femmes de sa
- suite, se réfugia chez un gentilhomme, demeura cachée dans le
- pays pendant environ quinze jours, et fit enfin gagner le
- capitaine d'un vaisseau anglois, qui la reçut sous le nom d'un
- gentilhomme qui s'étoit battu en duel. _Mémoires de Mme de
- Motteville._ (M.)
-
-Sans mentir, Monsieur, le renversement de la maison de M. le Prince et de
-celle de M. de Longueville est une étrange chose, car on voit tant
-d'innocence et de persécution ensemble, qu'il n'est pas possible de
-n'être pas touché de leur malheur. M. le Prince s'est pourtant trouvé
-l'âme plus grande que son infortune; car, depuis qu'il est prisonnier, il
-n'a pas dit une parole indigne de ce même cœur qui lui a fait gagner
-quatre batailles et acquérir tant de gloire. Après avoir entendu la
-messe, il s'occupe la moitié du jour à lire, et il partage l'autre à
-converser avec Monsieur son frère, à jouer aux échecs avec lui, à railler
-avec ses gardes, et même, pour faire exercice, il joue au volant avec
-eux. Il s'est confessé une fois depuis qu'il est prisonnier, mais on ne
-veut plus lui donner le même confesseur: enfin on le garde mieux que le
-roi.
-
-Il y a trois jours que M. de Beaufort, accompagné de Mme de Chevreuse et
-de Mme de Montbazon, fut au bois de Vincennes, dans un carrosse de
-louage, afin de n'être point connu, pour voir de ses propres yeux si une
-muraille que l'on a bâtie sur la contrescarpe des fossés du donjon étoit
-assez haute pour qu'il fût impossible que M. le Prince se pût sauver. Je
-vous avoue que cette action ne me semble pas trop belle, ni pour les
-dames, ni pour Beaufort, qui, tant que le prisonnier a été libre, ne
-s'approchoit qu'en lui faisant des soumissions d'esclave. Il est vrai
-qu'un héros de la place Maubert ne doit pas être de même manière
-qu'étoient autrefois ceux qui triomphoient au champ de Mars ou au
-Capitole.
-
-Au reste, pendant que toutes choses changent en France, toutes choses
-changent aussi dans le cœur de M. de Guise; car, pour recouvrer sa
-liberté, il rompt les chaînes de Mlle de Pons, et reprend Mme la comtesse
-de Bossu, qui va être reconnue pour Mme de Guise[289].
-
- [289] Cette reconnaissance n'eut point lieu; tout ceci était un
- jeu joué par le duc de Guise, prisonnier à Madrid, dans l'espoir
- d'obtenir sa liberté. Voir dans Tallemant des Réaux
- l'_Historiette_ du duc de Guise. (M.)
-
-Vous savez sans doute que la garnison de Clermont s'est soulevée en
-l'absence de M. de la Moussaye, et qu'ainsi le parti du maréchal de
-Turenne en est plus foible; mais on assure, dès ce matin, que le duc de
-Wurtemberg assiége Mouzon. Les ennemis font de grands préparatifs en
-Flandre, et le mal est que l'on n'est pas en état de s'y opposer.
-
-La cour est à Rouen, d'où elle doit partir pour revenir ici. On dit aussi
-que le duc de Richelieu est enfin venu assurer le roi de sa fidélité, et
-qu'en considération de cette obéissance, son mariage est confirmé par la
-reine, à la condition qu'il aura un lieutenant du roi dans son
-gouvernement et que la garnison en sera changée. Je ne sais pas encore ce
-que Mme d'Aiguillon dit de cela; mais je sais bien que l'amour du duc de
-Richelieu lui coûte déjà trop, et qu'il lui auroit été toujours plus
-avantageux d'être maître du Havre absolument, que de régner dans le cœur
-d'une femme comme Mme de.....[290].
-
- [290] Armand-Jean du Plessis, duc de Richelieu, père du maréchal,
- avait épousé, le 26 décembre 1649, Anne Poussard du Fors du
- Vigean, veuve en premières noces de François-Alexandre d'Albret,
- sire de Pons. Ce mariage, fait sans le consentement de la
- duchesse d'Aiguillon, surprit tout le monde; «Mme de Richelieu,
- dit Mme de Caylus, sans biens, sans beauté, sans jeunesse, et
- même sans beaucoup d'esprit, avoit épousé, par son savoir-faire,
- au grand étonnement de toute la cour et de la reine-mère, qui s'y
- opposa, l'héritier du cardinal de Richelieu, un homme revêtu des
- plus grandes dignités de l'État, parfaitement bien fait, et qui,
- par son âge, auroit pu être son fils.» _Souvenirs de Mme de
- Caylus._ (M.)
-
-Je viens de recevoir une lettre de Rouen, qui m'apprend que cette
-nouvelle duchesse y est aussi, et que M. le Cardinal la devoit présenter
-hier à la Reine, chez laquelle elle devoit avoir le tabouret. L'on me
-mande que cela hâte le départ de la cour, qui quitte Rouen
-aujourd'hui[291]. M. de Matignon est aussi venu remettre le gouvernement
-de Granville et celui de Cherbourg entre les mains de Sa Majesté,
-ensuite de quoi on a commandé à ce lieutenant du roi et à M. de Beuvron
-de suivre la cour.
-
- [291] «La reine partit de Rouen le 22 février, après avoir veu
- Mme de Richelieu et luy avoir donné le tabouret.» (_Mémoires de
- Mme de Motteville._) Cette circonstance donne la date de cette
- lettre. (M.)
-
-On m'écrit encore que Mme de Longueville fut droit de Dieppe au château
-de Tancarville, qui est à Monsieur son mari. On m'assure qu'il y a quatre
-jours elle s'est embarquée pour la Hollande.
-
-Voilà, Monsieur, tout ce que je sais pour aujourd'hui; cependant je ne
-puis me résoudre de ne vous point parler de Mlle Paulet, de qui les maux
-me touchent encore plus que les affaires publiques, quoique l'amour de la
-patrie soit bien avant dans mon cœur. Je veux pourtant espérer que vos
-prières lui feront obtenir la santé de celui seul pour qui il n'y a point
-de maux incurables; mais je ne songe pas qu'en ne finissant une si longue
-lettre je vous donnerois lieu de croire que je veux vous en lasser pour
-la première fois; c'est pourquoi je m'en vais finir aussitôt que je vous
-aurai assuré, avec le respect que je vous dois, que je suis autant que je
-puis, etc., etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- [Paris, 8 septembre 1650.]
-
- Monsieur,
-
-Vous me reprochez si flatteusement mon mauvais caractère, que ce n'est
-pas un trop bon moyen de m'en corriger; car, puisqu'en écrivant mal je
-vous oblige enfin de m'en reprendre plus doucement qu'à me dire[292] que
-j'écris bien, je ne sais si je ne ferois pas mieux de continuer de
-faillir que de m'amender.
-
- [292] Plus doucement que si vous me disiez.... (M.)
-
-Souffrez, s'il vous plaît, que je prenne toute la part que je dois aux
-maux de votre esprit et de votre corps. Pour les premiers je ne pense pas
-que vous ayez besoin d'autre médecin que de vous-même; mais, pour les
-autres, je pense que vous auriez besoin de venir trouver à Paris quelque
-remède à vos maux; car, de la façon dont je connois ceux de la province
-où vous êtes, je ne pense pas qu'ils vous puissent guérir d'un grand mal:
-c'est pourquoi il me semble que vous y devez songer sérieusement. Je vous
-demande pardon de la liberté que je prends de donner des conseils à un
-homme que tous les rois et les sages devroient consulter; mais s'agissant
-de la conservation d'une vie aussi précieuse que la vôtre, je pense qu'il
-vaut mieux dire une chose inutile que de se mettre au hasard de manquer à
-en dire une nécessaire. Je vis même encore hier un ouvrage de vous qui me
-fortifie dans le dessein de vous conjurer de prendre soin de votre santé;
-car, Monsieur, ne seroit-ce pas un crime si vous vous mettiez par votre
-négligence à la détruire, de façon que vous ne puissiez plus enrichir
-votre siècle comme vous l'avez fait jusqu'ici?
-
-Vous jugez bien, je m'assure, que cette nouvelle richesse que j'ai vue
-de vous est l'admirable poëme que vous avez fait à la gloire de la
-_Grande Chartreuse_[293] que M. Conrart eut la bonté d'envoyer hier à mon
-frère et à moi. Après vous en avoir rendu mille grâces, je vous dirai que
-ce beau désert m'a sensiblement touchée, et que la sainte horreur de
-cette solitude a passé si doucement de vos vers dans mon esprit, que la
-compagnie que j'ai vue aujourd'hui m'a plutôt ennuyée qu'elle ne m'a
-divertie, parce qu'elle m'a empêchée de relire une seconde fois ce qui
-m'a donné tant de satisfaction la première. Mais, Monsieur, puisque vous
-faites si bien toutes choses et que vous représentez également bien les
-cours les plus superbes et les déserts les plus sauvages, je voudrois que
-vous pussiez voir ce que je vis hier, je veux dire la prison de M. le
-Prince, afin que vous pussiez laisser à la postérité une parfaite image
-de la constance de ce héros; car je ne pense pas qu'il y ait un endroit
-dans le monde où il y ait une tour plus agréable par dehors ni si
-affreuse par dedans. Cependant, comme on dit que la nécessité fait des
-armes de toutes choses, je pense qu'on peut dire que M. le Prince tire de
-la gloire de tout ce qui lui arrive, car vous saurez que depuis qu'on l'a
-mené à Marcoussis[294] le donjon de Vincennes est devenu l'objet de la
-curiosité universelle. En mon particulier j'y vis hier plus de deux
-cents personnes de qualité, à qui on montre le lieu où il dormoit, celui
-où il mangeoit, l'endroit où il avoit planté des œillets qu'il arrosoit
-tous les jours, et un cabinet où il rêvoit quelquefois et où il lisoit
-souvent. Enfin, Monsieur, on va voir cela comme on va voir à Rome les
-endroits où César passa autrefois en triomphe. Je vois même dans un
-cabinet plusieurs épigrammes écrites avec du charbon, ou gravées sur la
-muraille, qui ne parlent que de ses victoires ou de ses louanges; mais ce
-que j'y vois de plus surprenant, c'est que, durant que j'y étois, M. de
-Beaufort y vint avec Mme de Montbazon, à qui il faisoit voir toutes les
-incommodités de ce logement, triomphant lâchement du malheur d'un prince
-qu'il n'oseroit regarder qu'en tremblant, s'il étoit en liberté. Pour
-moi, j'eus tant d'horreur de voir de quel air il fit la chose, que je n'y
-pus durer davantage. En vérité, je pense qu'on peut dire que nous sommes
-au temps des prodiges et des miracles tout ensemble, tant on voit de
-choses extraordinaires.
-
- [293] Voyez les _Poésies chrétiennes et morales_ de Godeau, t.
- II. Paris, 1663. _La Grande Chartreuse_ avait paru isolément,
- comme la plupart des poésies de Godeau. (M.)
-
- [294] Les princes avaient été transférés du donjon de Vincennes
- au château de Marcoussis le 29 août précédent; c'est ce que nous
- apprenons de Loret:
-
- Ce jour (lundi) on prit occasion
- De faire la translation,
- Mais très-cachée et très-soudaine,
- Des trois prisonniers de Vincennes.
- Plaise à la divine bonté
- Que la dure captivité
- Par eux constamment endurée,
- Ne soit pas de longue durée!
-
- (_Muse historique_; lettre du 2 septembre 1650.) (M.)
-
-Je pense que vous avez bien su l'épouvante que les ennemis ont donnée à
-Paris, lorsqu'ils sont venus à la Ferté-Milon[295] et que nous avons vu
-la capitale du royaume aussi alarmée qu'ont accoutumé de l'être les
-petites bicoques des frontières. Cependant j'espère que la même puissance
-qui retient la mer dans ses bornes, quoique ses rivages ne la doivent pas
-vraisemblablement empêcher d'inonder la terre, empêchera les ennemis de
-venir ici, encore qu'il n'y ait point de rivière entre eux et nous, et
-qu'il n'y ait pas même d'armée qui pût s'opposer à leur marche, s'ils le
-vouloient. Ce qui me fait espérer ce bien, est que l'on assure qu'il y a
-déjà une partie de leur cavalerie qui a repassé la rivière d'Aisne. Nous
-verrons par le retour de M. de Verderonne[296], qui est allé porter la
-réponse de M. le duc d'Orléans à l'archiduc, ce que l'on doit craindre ou
-espérer.
-
- [295] On voit dans les _Mémoires d'Omer Talon_ que l'on avait eu
- connaissance, par des lettres interceptées, que de Madrid, sur la
- demande du marquis de Sillery qui négociait pour les rebelles,
- des ordres avaient été donnés pour que le maréchal de Turenne
- entrât dans le royaume et donnât de l'effroi à Paris. «Ce qui
- estoit desjà fait,» dit Talon, «car lors l'armée des ennemis
- étoit proche de la Ferté-Milon.» Cette alarme donna lieu au
- transfèrement des princes. Loret peint très-plaisamment l'effet
- que l'approche de l'ennemi produisit dans Paris:
-
- Lundi vinrent dedans Paris
- Avec plaintes, clameurs et cris,
- Gens conduisant, toutes complettes,
- Sept mil sept cent trente charrettes
- Pleines de coffres et paquets,
- Dont l'on fit lors de grands caquets;
- Mais ces caquets sont choses vaines.
-
- (_Muse historique_; lettre du 2 septembre 1650. M.)
-
- [296] Charles de l'Aubespine, seigneur de Verderonne, maître des
- requêtes, chancelier de Gaston d'Orléans. (M.)
-
-Mais, pendant que les ennemis ravagent la Champagne et la Picardie, sans
-qu'on puisse seulement penser à les en empêcher, les Frondeurs emploient
-tout ce qu'ils ont d'adresse et de crédit pour obliger M. le duc
-d'Orléans à mettre les princes sous sa puissance, afin de les avoir en la
-leur. On assure même qu'il leur avoit promis de le faire; mais M. le
-garde des sceaux[297], M. le Tellier et Mme de Chevreuse l'ont empêché
-jusqu'à cette heure, car encore que cette dernière soit grande Frondeuse,
-elle est pourtant présentement divisée de M. de Beaufort, et même de M.
-le Coadjuteur, pour ce qui regarde M. le Prince; de sorte que, par ce
-moyen, les amis de cet illustre captif sont en quelque espérance de voir
-bientôt la cour dans la nécessité de faire une négociation secrète avec
-lui, afin de délivrer le royaume de tant de tyrans qui l'oppriment.
-
- [297] Le chancelier Séguier n'avait pas alors les sceaux, ils lui
- avaient été redemandés le 1er mars précédent, et confiés à
- Charles de l'Aubespine, marquis de Châteuneuf, qui les garda
- jusqu'au mois d'avril 1651, et les remit alors à Mathieu Molé.
- (M.)
-
-Les affaires de Bordeaux sont toujours douteuses; peut-être que les
-députés du Parlement qui y vont, trouveront quelque expédient aux
-choses[298]. M. de Rohan est à la cour, et M. le maréchal de Grammont
-aussi; l'accommodement de M. le comte de Dognon est fait[299].
-
- [298] Le parlement de Paris avait député à la reine régente les
- deux conseillers Meusnier et Bitaut, pour la supplier de
- continuer _sa bonne volonté envers la ville de Bordeaux_.
-
- [299] Cet accommodement, qui ne fut définitivement conclu qu'en
- 1653, consistait, pour le comte de Dognon, à rendre, ou plutôt à
- vendre au cardinal Mazarin, contre le bâton de maréchal de
- France, le Brouage et autres places dont il s'était emparé à la
- faveur des troubles.
-
-Le roi a obligé la reine à chasser une de ses femmes de chambre, parce
-qu'elle lui avoit révélé une chose qu'il lui avoit confiée, quoique ce
-fût celle qu'il aimoit le plus, et ce qu'il y a de plus considérable, est
-que ce qu'il avoit dit à cette fille étoit qu'il lui avoit témoigné avoir
-beaucoup de douleur de voir les affaires de son royaume en si mauvais
-état. Jugez, s'il vous plaît, de ce qu'il fera quand il sera marié,
-puisqu'il agit présentement ainsi[300].
-
- [300] Loret nous apprend dans sa _Muse historique_, que cette
- femme de chambre s'appeloit Noiron, et que la reine la maria peu
- de temps après sa disgrâce à un sieur Ivelin, attaché comme
- médecin à sa maison. (M.)
-
-Voilà, Monsieur, tout ce que je vous dirai, car je m'aperçois bien que si
-je vous en disois davantage, vous ne le pourriez plus lire, tant j'ai
-pris une forte habitude de mal faire. Je vous dirai pourtant encore que
-mon frère est votre très-humble serviteur, et que je suis de toute mon
-âme, etc., etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- [Paris.... octobre 1650.]
-
-Je ne crois nullement mériter toutes les louanges que vous me donnez, et
-je crois seulement que me faisant l'honneur de m'aimer parce que votre
-illustre et chère Angélique[301] m'aimoit tendrement, vous n'êtes pas
-marri que je me donne l'honneur de vous entretenir. Au reste, avant que
-de vous dire des nouvelles, il faut que je vous dise que les vers que
-vous avez envoyés à Mme de Clermont m'ont fait verser plus de larmes
-qu'ils n'ont de syllabes[302]. Il me semble, Monsieur, qu'en vous
-dépeignant la douleur qu'ils ont excitée dans mon cœur, c'est en faire
-l'éloge. En effet, vous représentez si agréablement cette merveilleuse
-fille, que l'on peut assurer que jamais portrait n'a si bien ressemblé
-que celui que vous avez fait d'elle. De plus, vous touchez avec tant de
-délicatesse l'endroit où vous parlez de l'amitié que vous aviez pour elle
-et de celle qu'elle avoit pour vous, qu'il ne faut pas s'étonner si,
-ayant l'âme aussi tendre que je l'ai, j'en ai été extraordinairement
-satisfaite, et si mon cœur s'en est attendri; car enfin vous dites cent
-choses que j'ai senties pour elle, mais que je n'eusse jamais pu si bien
-dire; je vous rends donc mille grâces d'être cause que j'aurai la
-consolation de voir une peinture de la divine Angélique, plus durable et
-plus belle que ne le sont celles de Raphaël. En vérité, Monsieur, je ne
-me console point de la perte de cette généreuse amie, et je trouve une si
-notable différence de l'amitié qu'elle avoit pour moi à celle qu'ont
-quelques autres personnes qui m'aiment pourtant autant qu'elles peuvent
-aimer, que, quand elle n'auroit eu qu'un médiocre mérite, je la
-regretterois toute ma vie. Jugez donc ce que je dois faire, vous qui
-savez mieux ce qu'elle valoit que qui que ce soit. Si je suivois mon
-inclination, je ne vous parlerois d'autre chose; mais puisque je me suis
-imposé la nécessité de vous dire ce que je sais des nouvelles du monde,
-il faut que je m'en acquitte.
-
- [301] Mlle Paulet.
-
- [302] Voyez l'épître de Godeau à la marquise de Clermont
- d'Antragues, dans ses Poésies. (M.)
-
-Vous saurez donc que l'entrevue de la reine et de Mme la Princesse[303] a
-tellement épouvanté toute la Fronderie, qu'il est aisé de juger que vous
-aviez raison de dire que, _si le lion rugissoit en liberté, il feroit
-fuir tous ses ennemis_. Il est vrai que cette entrevue, aussi bien que
-celle de MM. de Bouillon et de la Rochefoucauld avec M. le Cardinal[304],
-a des circonstances qui font croire que leur peur n'est pas tout à fait
-sans fondement; car non-seulement la reine reçut admirablement bien Mme
-la Princesse, mais elle l'entretint très-longtemps en particulier; on
-ajoute même qu'il paroissoit, par l'air du visage de cette jeune
-princesse, que ce que la reine lui disoit lui donnoit de la joie. De
-plus, M. de Bouillon coucha chez M. le Cardinal, et il court un bruit que
-le neveu de Son Éminence épousera la fille aînée de ce duc. Enfin,
-personne ne doute que la paix de Bordeaux n'ait plusieurs articles
-secrets que la Gazette ne dit pas, et les politiques les plus fins disent
-que M. de Bouillon est trop habile pour s'attirer la haine de M. le
-Prince, comme il feroit sans doute s'il avoit fait un traité secret où il
-n'eût point de part. Ce qui étonne encore les Frondeurs est que M. l'abbé
-de la Rivière a eu permission, avec le consentement de Son Altesse
-Royale, de partir d'Aurillac, et de venir à son abbaye de Saint-Benoît,
-auprès d'Orléans. Outre cela, ils savent encore que cette même Altesse a
-écrit plusieurs fois de sa main à la reine et à M. le Cardinal, sans leur
-en rien dire. Ils n'ignorent pas non plus que M. le Tellier a été ces
-jours passés à Marcoussis. Ils savent encore que M. l'intendant a reçu
-ordre de faire un dernier effort pour contenter les rentiers, de peur
-qu'ils ne se servent d'eux pour faire quelque nouveau remuement à Paris.
-M. le Coadjuteur, en son particulier, sait bien que Son Altesse Royale ne
-peut plus souffrir sa domination, et il ne peut pas ignorer que la cour
-n'ait su qu'il a fait tout ce qu'il a pu pour obliger M. le duc d'Orléans
-à se rendre maître des princes prisonniers, à quelque prix que ce fût. Il
-a même tenu des discours sur cela qui font horreur.
-
- [303] Voir, sur cette entrevue de la reine et de la Princesse de
- Condé, les _Mémoires de Mlle de Montpensier_. (M.)
-
- [304] _Mémoires de Mme de Motteville._ (M.)
-
-Outre toutes ces choses, les Frondeurs voyent encore que l'ardeur du
-peuple pour _l'Amiral du Port au foin_[305] est fort ralentie, de telle
-sorte qu'il n'y a plus guères que le quartier des halles où on le salue,
-si bien que présentement la Fronderie est un peu chancelante. Dieu
-veuille qu'elle ne se raffermisse pas, et que ceux qui ont le dessein de
-faire de la France ce que Cromwel et Fairfax ont fait de l'Angleterre, ne
-puissent jamais avoir de crédit!
-
- [305] Le duc de Beaufort, grand Amiral de France, surnommé le
- _roi des halles_. (M.)
-
-On dit que la Cour avoit dessein d'aller en Languedoc et en Provence;
-mais Son Altesse Royale la presse si fort de revenir qu'on croit en effet
-qu'elle reviendra[306].
-
- [306] La cour revint à Paris au commencement du mois de novembre
- 1650. (M.)
-
-Ceux de Melun ont refusé deux fois, depuis quinze jours, d'obéir aux
-ordres de M. le duc d'Orléans, qui vouloit que ses gendarmes y
-logeassent; et quand on leur a dit qu'ils s'exposoient beaucoup, ils ont
-répondu que M. de Beaufort les avoit assurés de sa protection, et qu'ils
-ne craignoient rien. Le retour du Roi fera voir s'ils ont raison.
-
-Mme de Chevreuse et Mme de Montbazon[307] sont toujours plus mal, et
-elles vont même plaider. Le sujet du procès est digne du temps et des
-personnes; car Mme de Chevreuse demande cent mille écus qu'on lui a
-promis en mariage; à cela Mme de Montbazon dit qu'elle a une quittance
-de M. de Chevreuse, et Mme de Chevreuse répond que monsieur son mari
-l'ayant donnée du temps qu'il étoit amoureux de Mme de Montbazon, elle ne
-prétend pas qu'elle soit bonne.
-
- [307] Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, et Marie de
- Bretagne, duchesse de Montbazon. (M.)
-
-Voilà à peu près tout ce que je sais; mais puisqu'il semble que vous avez
-envie que je vous dise exactement tout ce qui regarde Monsieur le Prince,
-pour vous témoigner mon exactitude, je vous dirai que, lorsque je fus au
-donjon, j'eus la hardiesse de faire quatre vers et de les graver sur une
-pierre où Monsieur le Prince avoit fait planter des œillets qu'il
-arrosoit quand il y étoit. Mais, pour porter encore ma hardiesse plus
-loin et vous faire voir que j'ai plus de zèle que d'esprit, je m'en vais
-vous les écrire:
-
- En voyant ces œillets qu'un illustre guerrier
- Arrosa d'une main qui gagna des batailles,
- Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles,
- Et ne t'étonne pas de voir Mars jardinier[308].
-
- [308] Ces vers étaient déjà connus par le récit de Mme de
- Motteville. (M.)
-
-Je m'assure, Monsieur, que vous ne me disputerez pas la dernière chose
-que je vous ai dite; aussi ne vous envoyé-je point ces quatre vers comme
-jolis, mais comme une marque de la confiance que j'ai en votre bonté.
-
-Je vous dirai encore que mon frère envoya hier à Monsieur le Prince la
-cinquième partie du _Cyrus_; mais comme on ne parle qu'à M. de Bar qui
-lui avoit déjà donné la quatrième, lorsqu'il étoit à Vincennes, il
-écrivit à mon frère qu'il ne manqueroit pas de donner son livre à
-Monsieur le Prince aussitôt qu'il l'auroit lu[309]. Ce qu'il y a de plus
-rare, c'est qu'il écrit si mal qu'il s'en faut peu que je ne croye qu'il
-ne sait pas lire, et pour juger de sa suffisance en matière d'écriture,
-il écrit _doute_ avec une _h_; encore est-ce le mot le mieux
-orthographié.
-
- [309] M. de Bar était chargé de la garde des trois Princes; il
- était fort ignorant. On a prétendu que, comme il ne savait pas le
- latin, il voulait qu'on leur dît la messe en français, de peur
- que le prêtre, en officiant, ne leur donnât dans cette langue des
- avis qu'il ne pourrait pas comprendre. (M.)
-
-Au reste, Monsieur, si l'on ne nous avoit pas donné quelque espoir que
-vous viendriez bientôt ici, mon frère vous auroit déjà envoyé le livre
-dont je viens de parler, et vous auroit aussi renvoyé une seconde fois
-celui qui a été perdu; mais sachant cette agréable nouvelle, il se
-prépare à vous les offrir lui-même, et moi à vous protester que je suis
-de toute mon âme, etc., etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- [Paris, 4 novembre 1650.]
-
-Tant que M. Conrart est en santé, je vous écris plus pour mon intérêt que
-pour le vôtre, sachant bien qu'il vous apprend toutes les nouvelles avec
-beaucoup d'exactitude et beaucoup d'éloquence tout ensemble; mais
-aujourd'hui que cet illustre ami est malade, il me semble que c'est à moi
-à vous apprendre les choses remarquables que la bizarrerie du siècle
-produit tous les jours.
-
-Je vous dirai donc que, depuis un mois ou six semaines, on vole si
-insolemment dans les rues de Paris, qu'il y a eu plus de quarante
-carrosses de gens de qualité arrêtés par ces _messieurs les voleurs_, qui
-vont à cheval, et presque toujours quinze ou vingt ensemble. Mais, comme
-nous sommes dans un temps de confusion, ceux qui devroient donner ordre à
-de telles violences ne s'en sont point mis en peine, de sorte que, voyant
-que l'on pouvoit voler impunément, tous ceux qui se sont trouvés pauvres
-et méchants se sont mis à dérober: je vous laisse à juger après cela
-quelle multitude de voleurs il doit y avoir. On les auroit pourtant
-laissés maîtres des rues de Paris, sans une chose qui arriva samedi au
-soir, et qu'il faut que vous sachiez.
-
-Je pense que, quelque éloigné que vous soyez de Paris, vous avez bien su
-que les yeux de Mme de Montbazon ont assujetti le cœur du _Roi des
-Halles_, autrement appelé M. de Beaufort; mais vous ne savez peut-être
-pas que cet amant va tous les soirs chez la duchesse, et qu'il n'en sort,
-qu'à deux ou trois heures après minuit. Il arriva donc qu'étant allé,
-samedi dernier au soir[310], chez elle, il ne la trouva point; mais
-comme il ne se pouvoit passer de la voir, et que pourtant il vouloit
-souper, il dit tout haut au portier qu'il s'en alloit à l'hôtel de
-Vendôme et qu'il reviendroit à onze heures. L'histoire porte que, quand
-il dit cela au portier de l'hôtel de Montbazon, deux hommes inconnus, qui
-s'étoient avancés auprès du carrosse, l'entendirent et se retirèrent;
-mais la chose est un peu douteuse. Cependant, comme M. de Beaufort fut
-auprès de la Croix du Tiroir[311], il changea d'avis, et résolut de
-souper à l'hôtel de Nemours et de renvoyer son carrosse à l'hôtel de
-Vendôme, ordonnant à son écuyer de le lui ramener à onze heures, chez Mme
-de Montbazon, où un carrosse de l'hôtel de Nemours le mena aussitôt qu'il
-eut soupé.
-
- [310] Cet événement arriva le samedi 29 octobre 1650, entre onze
- heures et minuit. Voyez le _Récit véritable de tout ce qui s'est
- passé à l'assassinat commis proche l'hôtel de Schomberg, au sujet
- de Monseigneur le duc de Beaufort_. Paris, 1650, in-4º de sept
- pages. Loret a raconté aussi cet événement dans sa _Muse
- historique_. (M.)
-
- [311] _La Croix du Trahoir_; rue Saint-Honoré, au coin de la rue
- de l'Arbre-Sec. (M.)
-
-Comme ce bon prince ne va jamais sans être bien accompagné, ni sans
-armes, deux gentilshommes[312] et deux valets de chambre, qui revinrent
-dans son carrosse, avoient des pistolets et des mousquetons, qui ne leur
-servirent cependant qu'à causer le malheur qui est arrivé. Car, comme ils
-furent auprès de la Croix du Tiroir, vingt hommes à cheval ayant
-environné le carrosse et commandé au cocher d'arrêter, un des deux
-gentilshommes, qui étoit au fond du carrosse, tira un mousqueton qu'il
-avoit et blessa un des voleurs[313], de sorte qu'au même instant un de
-ceux qui attaquoient s'élança dans le carrosse et donna un coup de
-poignard à celui qui touchoit le gentilhomme qui avoit tiré ce
-mousqueton. Un moment après, plusieurs coups de pistolets suivirent ce
-coup de poignard, un desquels acheva de tuer ce pauvre malheureux qui
-étoit déjà blessé, et un autre brûla l'oreille de celui qui étoit au fond
-du carrosse et qui avoit tiré le premier. Cela fait, les voleurs, qui
-virent un des leurs blessé, tellement qu'il ne pouvoit se soutenir, s'en
-allèrent sans rien prendre à ceux qui étoient dans le carrosse, et
-emportèrent leur compagnon blessé.
-
- [312] Les sieurs de Saint-Églan et de Brinville. (M.)
-
- [313] Comme l'écrit déjà cité est l'ouvrage d'un Frondeur, et que
- ce parti ne mettoit pas en doute l'intention des assassins de
- tuer le duc de Beaufort, le pamphlet diffère essentiellement de
- la narration de Mlle de Scudéry. Il y est dit que les
- assaillants, «croyant que ledit seigneur-duc estoit dans ledit
- carrosse, à cause que le sieur de Saint-Églan avoit la chevelure
- blonde, ainsy que la porte ledit seigneur-duc, tirèrent quinze à
- vingt coups, sans blesser personne, sinon le sieur de Brinville,
- lequel fut blessé légèrement à la joue.... et tout aussitost tira
- un autre coup de mousqueton, duquel fut tué ou blessé à mort un
- desdits assassineurs, et en mesme temps ledit sieur de Brinville
- sauta legerement hors du carrosse, et à la faveur de la nuict se
- mesla parmi eux sans estre reconnû, ce que ne put faire le sieur
- de Saint-Églan, lequel fut misérablement blessé d'un coup de
- poignard ou de baïonnette au cœur, dont il mourut une demy heure
- après.» _Récit véritable._ (M.)
-
-Cependant le carrosse de M. de Beaufort fut à l'hôtel de Montbazon où il
-y eut un bruit tel que vous pouvez l'imaginer. Ce pauvre malheureux qui
-avoit été tué à la place où M. de Beaufort se met d'ordinaire, fut tiré
-de ce carrosse et exposé aux yeux du peuple jusqu'au lendemain
-après-midi. M. de Beaufort envoya à l'heure même chez tous ses amis. La
-chose passa dans son esprit pour un assassinat, et il ne s'en retourna
-chez lui qu'en état de donner bataille.
-
-Cependant le peuple n'a point fait de bruit de cet accident durant les
-premiers jours, et M. de Beaufort a vu que son règne est changé. Mais
-comme les Frondeurs sont toujours tout prêts à renouveller les désordres
-passés, ils ont fait dire parmi le peuple que c'étoit M. le Cardinal qui
-avoit fait faire cet assassinat. Dans le même temps, ils ont aussi fait
-publier que c'étoient les amis de Monsieur le Prince, et ils n'ont rien
-oublié pour tâcher à faire quelque soulèvement. Mais, par bonheur, celui
-de ces voleurs qui a été blessé, s'étant fait panser à trois chirurgiens
-différents, a été reconnu et pris; de sorte que présentement il est en
-prison, et il y a apparence qu'on lui fera dire la vérité. Il a déjà
-assuré qu'il n'avoit dessein que de voler, et que, si ceux du carrosse
-n'eussent point tiré, il n'y eût eu personne de tué. Il a nommé tous ses
-complices, et on en a déjà pris deux; de sorte que, devant qu'il soit
-trois jours, on saura la vérité de cette funeste aventure, qui fait tant
-de bruit dans le monde, et dont les Frondeurs prétendent tirer tant de
-fruit.
-
-Je n'oserois vous dire qui l'on a soupçonné de cette affaire, car cela
-seroit abominable, et il vaut mieux remettre à l'ordinaire prochain que
-la chose sera éclaircie.
-
-Au reste, il semble que M. de Beaufort soit destiné à porter la division
-partout, car il n'a pas plus tôt loué une maison dans la rue de
-Quinquenpoix, où jamais prince n'a logé, qu'il y a eu division entre deux
-paroisses, qui prétendent l'avoir toutes deux pour paroissien, l'une
-parce que de tout temps la maison où il va demeurer a été de
-Saint-Nicolas, et l'autre qui est de Saint Leu, parce que M. de Beaufort,
-voulant être voisin des marchands de la rue Saint-Denis, a fait faire une
-porte qui y donne, de sorte que, comme cet endroit de la rue Saint-Denis
-est de la paroisse Saint-Leu, le curé de cette église prétend que,
-faisant une porte plus grande dans cette rue que n'est l'ancienne porte
-dans la rue Quinquenpoix, la maison doit changer de paroisse et être de
-la sienne. On verra ce que les juges en ordonneront s'ils plaident; on
-dit qu'ils en ont le dessein.
-
-On vient de me dire que des gens conduits par des Frondeurs ont été la
-nuit dernière[314], avec tambour battant, pendre un portrait de M. le
-Cardinal à un poteau qui est auprès du Pont-Neuf, avec un arrêt écrit au
-dessus, qui porte que, pour l'assassinat commis en la personne de M. de
-Beaufort, il est condamné à être pendu: mais le jour n'eut pas plus tôt
-fait voir la chose, que le Lieutenant criminel a été faire dépendre ce
-tableau, et informer comment cela s'étoit passé. Je ne pense pourtant pas
-que la Fronderie puisse venir à bout de soulever le peuple; toutefois les
-affaires de Bordeaux se rebrouillent; Mme la Princesse douairière a été
-bien malade, mais elle est hors de danger[315]. La Reine a aussi été
-saignée trois fois pour un grand rhume dont elle est guérie. Il n'est pas
-de même de M. de Guise, qui est très-mal.
-
- [314] C'était dans la nuit du jeudi 3 novembre 1650. Voir les
- mémoires du temps et la lettre du samedi 5 novembre de la _Muse
- historique_ de Loret. (M.)
-
- [315] Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse douairière
- de Condé. (M.)
-
-Cependant les pauvres prisonniers sont toujours entre l'espérance et la
-crainte, et les choses sont présentement en tel état, qu'on ne sait ce
-que l'on doit penser; car enfin, on voit que tout le monde fait le
-contraire de ce qu'il devroit faire. Il faut du moins que ceux qui ne
-sont pas exposés au tumulte du monde se fassent sages aux dépens
-d'autrui. C'est pour cela que je m'examine moi-même, afin de régler mes
-sentiments que je suis assurée qu'on ne peut condamner, du moins pour ce
-qui vous regarde, puisque je ne pense pas que le déréglement puisse être
-assez grand dans l'esprit des hommes, pour trouver que je n'ai pas raison
-de vous honorer autant que je vous honore, et d'être autant que je suis,
-etc., etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- Paris, 18 novembre 1650.
-
-Je ne vous écrirai pas longtemps aujourd'hui, car je suis attendue en un
-lieu où je me suis engagée d'aller il y a plus de huit jours. Je me hâte
-de vous dire que la Cour est enfin revenue à Paris[316]. M. de Beaufort
-fut chez la Reine le lendemain; mais il n'en fut pas bien reçu; car à
-peine fut-il entré, qu'elle dit que l'on se retirât, et en effet le _Roi
-des halles_ sortit sans avoir dit une parole. En sortant, il rencontra
-sur l'escalier le Cardinal qui montoit. Ils se saluèrent comme des gens
-qui craindroient de s'enrhumer, car on assure qu'ils enfoncèrent plutôt
-leurs chapeaux qu'ils ne les levèrent; il est vrai qu'ils passèrent si
-vite qu'ils n'eurent pas le loisir de s'observer longtemps.
-
- [316] La cour rentra à Paris le 12 novembre 1650. (M.)
-
-J'oubliois de vous dire que le jour qui précéda le retour du Roi, on
-avoit rompu sur la roue trois des voleurs qui ont tué ce gentilhomme de
-M. de Beaufort, qui dirent toujours qu'ils n'avoient dessein que de
-voler, de sorte que voilà le prétendu assassinat mal prouvé.
-
-Mais, Monsieur, j'ai bien une plus pitoyable chose à vous dire; c'est que
-mercredi on fit partir MM. les Princes pour aller au Havre. Je vous avoue
-que quand je vois ce gagneur de batailles et ce preneur de villes, qui a
-sauvé trois fois l'État, aller de prison en prison, j'en ai une
-compassion étrange. Il a reçu cette nouvelle avec sa constance ordinaire;
-il fit même une raillerie délicate sur ce que c'est M. le comte
-d'Harcourt[317] qui les escorte avec mille hommes de pied et cinquante
-chevaux[318]. A dire vrai, cet emploi est bien étrange, car enfin, il a
-présentement le gouvernement d'un des princes qu'il mène. Je n'aurois pas
-aimé d'avoir cette conformité avec les bourreaux qui ont la dépouille de
-ceux qu'ils font mourir; car M. ***, capitaine aux gardes, a refusé d'y
-aller, on dit même que Miossens[319] a feint d'être malade pour ne s'y
-trouver pas. On mena ces pauvres princes, mercredi, coucher à Versailles;
-ils versèrent en y allant, et le prince de Conti qui se trouva dessous,
-fut une heure évanoui sur un fossé. Ils devoient hier coucher à Houdan,
-aujourd'hui à Anet, et demain à un lieu que j'ai oublié; après quoi ils
-iront au Pont-de-l'Arche, de là à Jumièges, puis à Bolbec et de là au
-Havre. Jugez quelle douleur a M. de Longueville, de passer en cette
-posture dans son gouvernement.
-
- [317] Henri de Lorraine comte d'Harcourt, mort en 1666.
-
- [318] Pendant la translation de Marcoussis au Havre, le prince de
- Condé fit contre le comte d'Harcourt le couplet suivant:
-
- Cet homme gros et court
- Si connu dans l'histoire,
- Ce grand comte d'Harcourt,
- Tout couronné de gloire,
- Qui secourut Casal et recouvra Turin,
- Est maintenant recors de Jules Mazarin.
-
- [319] César-Phébus d'Albret, comte de Miossens, alors maréchal de
- camp, depuis maréchal d'Albret. (M.)
-
-Monsieur le Cardinal a envoyé faire compliment à Mme la Princesse sur sa
-maladie, et la prier de ne pas s'alarmer sur le changement de prison de
-MM. les Princes; qu'il l'assuroit que ce ne seroit pas pour longtemps, et
-qu'il alloit faire tout ce qu'il pourroit pour mettre les choses en tel
-état que la Reine les pût délivrer sans danger. Dieu veuille que cela
-soit bientôt! car j'avoue que c'est une chose honteuse à la Reine et à
-notre nation, de voir les injustices que l'on voit.
-
-Je ne pensois pas vous en pouvoir tant dire. Je ne vous dis pourtant pas
-la moitié de ce que je pense, ni la centième partie de ce que l'on dit;
-mais on m'attend, je n'ai plus que le temps de vous assurer que je suis
-autant que je le dois, etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- [Paris, 30 décembre 1650.]
-
-Il y a quinze jours que j'étois si enrhumée, que je ne pus pas vous
-écrire, et il y en a huit que la curiosité de voir le service qu'on
-faisoit, aux Cordeliers, à feue Mme la Princesse[320], et d'entendre la
-seconde oraison funèbre que devoit prononcer M. l'évêque de Vabres[321],
-l'emporta sur l'envie que j'avois de me donner l'honneur de vous
-entretenir, joint que je crus que si j'allois en ce lieu-là, j'aurois
-plus de matière de vous divertir aujourd'hui. Je ne m'amuserai pourtant
-pas à vous dire qu'il y avoit plus de deux mille cierges à cette
-cérémonie, que le clergé et toutes les compagnies souveraines y étoient
-en corps, et que les ordres que M. le Prince a donnés de rendre tous les
-honneurs imaginables à Mme sa mère, ont été exécutés, car la gazette vous
-l'aura appris; mais je vous dirai que M. l'évêque de Vabres a acquis
-grand honneur, et par l'action qu'il fit aux Augustins, lorsque le clergé
-honora feue Mme la Princesse d'un service, et par celle qu'il fit depuis
-aux Cordeliers: car enfin, sans rien dire contre le respect qu'il doit à
-la Cour, il loua fort hardiment et les morts, et les exilés et les
-prisonniers. A sa première oraison funèbre, il prit pour sujet de son
-discours la dernière prière qu'a faite Mme la Princesse, qui fut, si je
-ne me trompe: _In te, Domine, speravi, non confundar in æternum_; et
-comme ce psaume a été appelé par quelques-uns le psaume des captifs, cet
-évêque se servit fort heureusement de cette favorable rencontre. Après
-cela, il ne s'amusa point à louer Mme la Princesse ni de sa beauté, ni de
-sa grande naissance; ou s'il le fit, ce fut sans s'y arrêter, et en
-disant qu'il laissoit toutes ces choses aux poëtes et aux orateurs. C'est
-pourquoi il ne s'attacha qu'aux vertus, et entre les vertus il ne choisit
-que la patience et la charité, qui furent les deux parties de son
-discours. Vous pouvez juger, Monsieur, qu'il ne put parler de la patience
-de Mme la Princesse, sans parler de la prison de MM. les Princes, et de
-l'exil de M. de Longueville; aussi le fit-il si généreusement et si
-sagement tout ensemble, qu'il toucha le cœur de tous ceux qui
-l'entendirent.
-
- [320] La princesse de Condé douairière mourut à
- Châtillon-sur-Loing le 2 décembre 1650. Ses restes furent
- transportés le 22 du même mois au couvent des Carmélites de la
- rue Saint-Jacques. (M.)
-
- [321] Isaac Habert, nommé évêque de Vabres en 1645. (M.)
-
-La seconde oraison ne fut pas tout à fait si hardie, parce qu'il parloit
-par le commandement du Roi; il ne se démentit pas pourtant. Il y eut de
-fort belles choses dans son discours; il prit le deuxième verset du même
-psaume dont il s'étoit servi la première fois, et joignit la persévérance
-aux deux autres vertus qu'il avoit attribuées à Mme la Princesse. Il dit
-cependant encore qu'il falloit demander la liberté de cet illustre
-captif, dont les mains victorieuses étoient chargées de fers; mais qu'il
-ne la falloit demander qu'à Dieu et au Roi. Voilà, Monsieur, à peu près
-l'ordre des deux discours qui furent tous deux fort beaux. M. l'abbé
-Roquette en doit faire un aux Carmélites, mais j'espère que ce ne sera
-qu'a la fin des quarante jours.
-
-Je ne vous parle point des assemblées du Parlement, car vous les savez
-sans doute, et vous n'ignorez pas que présentement les Frondeurs font
-semblant de demander la liberté des Princes, car comme ils savent bien
-que mille arrêts du Parlement ne feroient pas tomber une pierre du Hâvre,
-ils ne craignent pas d'obtenir ce qu'ils font semblant de souhaiter. Si
-la Cour étoit bien conseillée, elle déchaineroit ce lion contre ceux qui
-la persécutent.
-
-M. le duc d'Orléans n'est pas trop bien avec la Reine, et certes je pense
-qu'elle a raison de s'en plaindre, car enfin il voit tous les jours chez
-lui M. le Coadjuteur et M. de Beaufort, qui ne voient point le Roi, et
-qui font tous les jours ce qu'ils peuvent pour soulever le peuple et pour
-renverser l'État. La victoire de M. le maréchal du Plessis[322] les a
-pourtant un peu mortifiés, car elle est venue justement au plus fort de
-leurs assemblées. On apporta hier soixante-cinq drapeaux à Notre-Dame,
-qui passèrent durant que messieurs du Parlement délibéroient. Il
-n'achevèrent point hier; je ne sais s'ils achèveront aujourd'hui. Si je
-l'apprends avant que de fermer ma lettre, je vous le dirai. La pluralité
-des voix alloit hier à remontrance.
-
- [322] La bataille de Réthel, gagnée le 15 décembre 1650, par le
- maréchal du Plessis sur les Espagnols, dans les rangs desquels
- étoit le maréchal de Turenne. (M.)
-
-Il y avoit un homme dans leurs dernières assemblées qui ne sera pas des
-dernières, car il mourut hier au soir, fort regretté, aussi bien que M.
-d'Avaux son frère[323]. Vous pouvez juger après cela que celui dont je
-parle est M. le président de Mesmes[324]; il est mort du pourpre qui n'a
-pu sortir et qui l'a étouffé. La Cour y perd entièrement, et les
-Frondeurs y gagnent. On dit qu'il a disposé de sa charge, sous le bon
-plaisir du Roi, en faveur de M. d'Irval, son frère; mais il y en a qui
-croient que M. le Tellier y prétend.
-
- [323] Claude de Mesmes, comte d'Avaux, l'un de nos diplomates les
- plus distingués, et frère du président, étoit mort le 19
- novembre. (M.)
-
- [324] Henri de Mesmes, président à mortier au parlement de Paris,
- mourut le 29 décembre 1650. Ce passage donne la date précise de
- cette lettre. (M.)
-
-On dit toujours que M. le Cardinal revient, mais on ne le sait pourtant
-pas avec certitude.
-
-Les habitants de Réthel, en reconnoissance de ce que ça été le conseil et
-la valeur de M. de Manicamp qui les a délivrés de la domination
-espagnole, lui ont donné une fort belle épée. Ils se sont engagés à
-perpétuité d'en donner une à tous les aînés de sa maison. Il me semble
-que cette marque d'honneur est plus belle qu'un bâton de maréchal de
-France.
-
-On vient de m'assurer qu'enfin ces messieurs les sénateurs ont achevé
-d'opiner. Voici comme on dit que la chose se passa: que messieurs les
-gens du Roi iront aujourd'hui trouver la Reine pour prendre jour et
-heure, afin que le Parlement lui fasse très-humbles remontrances pour la
-liberté des Princes; qu'ils enverront des députés à M. le duc d'Orléans,
-pour le supplier d'assister à toutes les assemblées qu'ils ont résolu de
-faire, jusqu'à ce que la Reine les ait satisfaits; que pour cet effet ils
-s'assembleront dès demain pour apprendre des gens du Roi la réponse de la
-Reine et pour délibérer dessus. On me vient aussi d'apprendre que le
-président de Blancmesnil, grand Frondeur, est à l'extrémité; ainsi, le
-bon et le mauvais parti auront chacun un protecteur[325].
-
- [325] C'est-à-dire apparemment un patron dans le ciel.--René
- Potier, seigneur de Blancmesnil et du Bourget, président des
- Enquêtes, ne termina cependant sa carrière que le 17 novembre
- 1680. (M.)
-
-
-Je trouverois peut-être bien encore quelque chose à vous dire, mais ma
-lettre est si longue que ce seroit abuser de votre patience. Il faut
-pourtant encore que vous ayez la peine de lire que mon frère est votre
-très-humble et très-obéissant serviteur, et que je suis autant que je le
-dois et que je le puis, etc., etc.
-
- Votre, etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- [Paris, 2 mars 1651.]
-
-Je vous écrivis une lettre si longue, il y a quinze jours[326], que je
-jugeai à propos, l'ordinaire passé, de ne vous pas accabler par un
-nouveau griffonnage..... Je pense que ceux qui voudroient chercher
-quelque liaison en écrivant les nouvelles, et passer insensiblement d'une
-chose à une autre, s'y trouveroient bien embarrassés, car tout ce qu'on
-sait au temps où nous sommes a si peu de rapport, qu'il faut de nécessité
-l'écrire fort irrégulièrement, principalement quand on n'a pas plus d'art
-que j'en ai.
-
- [326] Cette lettre ne figure pas ici.
-
-Quoi qu'il en soit, je vous dirai que M. le Prince fut, il y a trois
-jours, demander la permission à la Reine de marier son fils et M. son
-frère, le premier avec une des filles de M. le duc d'Orléans, et l'autre
-avec Mlle de Chevreuse; et comme cette princesse n'est pas en état de
-rien refuser, elle accorda ce qu'on lui demandoit[327]. Je ne vous dis
-point après cela que M. le duc d'Orléans et M. de Chevreuse ne refusèrent
-point M. le Prince, lorsqu'il fut faire la demande de ces deux
-princesses, car vous pouvez bien juger que cela est ainsi. Le pauvre
-prince de Conti a une telle envie de se marier, qu'il en est malade. Pour
-moi, j'avoue que je ne sais pas comment il a la hardiesse d'épouser une
-fille de Mme de Chevreuse; je vis hier un homme qui me dit qu'il aimeroit
-mieux épouser quelque jeune sultane au sortir du sérail, que la fille
-d'une telle mère. Cependant quelque avancé que soit ce mariage, quoiqu'on
-ait envoyé à Rome pour avoir la dispense de tenir les bénéfices, que M.
-le prince de Conti ait nommé M. de Montreuil[328] pour titulaire, il y en
-a qui doutent encore qu'il s'achève, parce qu'on sait que Mme de
-Longueville y a une aversion étrange. Le temps nous fera voir ce qui en
-sera.
-
- [327] Les princes étaient sortis du Havre le 13 février
- précédent. Leur liberté avait été le résultat d'un traité fait
- entre le Co-adjuteur et la princesse Palatine, au nom du prince
- de Condé, dont elle avait reçu les pouvoirs tracés sur une
- ardoise. Ce double mariage en avait été l'une des conditions. Le
- but était de réunir les princes et le duc d'Orléans dans un même
- intérêt. Ces mariages ne s'accomplirent pas. (M.)
-
- [328] Jean de Montreuil, secrétaire du prince de Conti, membre de
- l'Académie française. Il n'aurait pu être longtemps le
- _custodi-nos_ du prince, car il mourut le 27 avril suivant. (M.)
-
-Pour M. le Cardinal, il est à Sedan, d'où il doit bientôt partir pour
-aller en Suisse, ou à Madrid. La Reine demanda encore huit jours, par la
-bouche de M. le duc d'Orléans, pour lui donner le loisir de sortir du
-royaume. Le Parlement les accorda, mais en même temps ces messieurs
-donnèrent un arrêt qui porte qu'on informera de ce qui s'est passé aux
-lieux où M. le Cardinal a couché depuis son départ de Dourlens. Le
-Parlement refusa aussi pour la seconde fois la déclaration du roi,
-touchant l'exclusion des étrangers et des cardinaux pour le
-ministère[329]; mais comme je crois que cette seconde affaire, qui va
-mettre une grande division entre le clergé et le Parlement, vous est
-mandée par diverses personnes, je ne vous la dirai point, et je
-continuerai ma gazette en vous parlant de l'arrivée de M.
-d'Angoulême[330], qui a été fort bien reçu de M. le Prince. Aussi vous
-puis-je assurer que tout ce qu'il y a de Provençaux ici commencent déjà
-de s'empresser fort auprès de lui, et sa cour est si grosse qu'on ne le
-sauroit croire à moins de l'avoir vue. Je voudrois de tout mon cœur que
-tous les ennemis qu'il a dans votre province vissent ce qui se passe ici,
-afin que, se repentant, ils tâchassent à se raccommoder, et qu'ils se
-tinssent en repos; car enfin, il est constamment vrai que M. le Prince va
-être maître absolu des affaires. Je vous assure qu'il n'est pas sans
-occupation. Il dîna hier chez M. le premier Président[331], qui le
-traita avec une magnificence étrange. Il y avoit quatorze potages,
-quatorze plats de poisson, entre lesquels on compte un saumon de douze
-pistoles et une carpe de huit. Jugez du reste.
-
- [329] Ce second refus du Parlement eut lieu le premier mars 1651;
- ce fait donne la date précise de cette lettre. (M.)
-
- [330] Louis de Valois, duc d'Angoulême, gouverneur de Provence,
- avait eu de violents démêlés avec le Parlement d'Aix. (M.)
-
- [331] Mathieu Molé, premier président du Parlement de Paris,
- reçut les sceaux le 3 avril 1651, et mourut dans ses fonctions le
- 3 janvier 1656. (M).
-
-Le roi a dansé un méchant ballet ces jours passés, quoique c'eût été de
-fort bonne grâce. Il le redansa hier pour la troisième fois[332]. Cela me
-fait ressouvenir de ces petits oiseaux qui chantent si bien et qui se
-réjouissent, quoiqu'ils soient prisonniers dans leurs cages; car enfin ce
-pauvre jeune Roi est présentement plus prisonnier qu'eux. On fit même
-encore hier deux barricades assez près du Palais-Royal. Je vous assure
-que ceux qui ont commencé de faire la garde aux portes ont donné une
-étrange atteinte à la royauté[333]. Dieu veuille que M. le Prince la
-puisse un jour rétablir! car présentement il faut qu'il dissimule
-beaucoup de choses, et il le sait fort bien. Il paroît même plus dévot
-qu'il n'étoit; car, outre qu'il entend la messe tous les jours, il fait
-encore le carême, quoiqu'il ne l'ait jamais fait que depuis qu'il a été
-en prison.
-
- [332] C'était le ballet de _Cassandre_ dont les paroles sont de
- Benserade. (Voir les Œuvres de ce poëte.) Il fut dansé au
- Palais-Cardinal le 26 février 1651. La reine n'y assista point;
- elle venait d'être obligée d'ordonner au cardinal Mazarin de
- quitter la France. (Voir la _Muse historique_ de Loret, lettre du
- 5 mars 1651.) (M.)
-
- [333] Les bourgeois de Paris gardaient nuit et jour le
- Palais-Royal; cela dura jusqu'au mois d'avril. (M.)
-
-Mme de Longueville reviendra dans quinze jours; on dit qu'elle tâche à
-moyenner une trève générale ou particulière. On dit qu'on fera la garde
-jusqu'à ce qu'on ait établi un Conseil à la Reine, et qu'on ait éloigné
-des affaires toutes les créatures de M. le Cardinal.
-
-Le roi semble haïr tous ceux qui veulent abaisser son autorité, et, selon
-toutes les apparences, il se souviendra longtemps de tout ce qu'on lui
-fait aujourd'hui. Au reste, M. Bonneau[334] est tellement en faveur, que
-je commence, pour l'amour de lui, à me réconcilier avec la Fortune,
-quoiqu'en mon particulier elle me traite rigoureusement. Tout de bon, je
-suis bien aise qu'un aussi honnête homme que lui ait du crédit.
-
- [334] Ce monsieur Bonneau était vraisemblablement l'oncle de Mme
- de Miramion; sa fille épousa M. de Chauvelin. (M.)
-
-Après cela, je ne vous dirai plus rien, car il faut que j'aille au
-sermon. Plût à Dieu qu'au lieu de vous écrire, je vous pusse entendre!
-Tous vos amis disent qu'il est à propos que vous veniez ici; je le
-souhaite, et pour l'amour de vous, et pour avoir l'honneur de vous
-assurer que je suis avec toute sorte de respect et d'affection, etc.,
-etc.
-
-
-A MONSIEUR CHAPELAIN[335].
-
- [335] Bibliothèque de l'Arsenal. Mss.-B. L. françaises, t. I, p.
- 43.
-
- Chapelain avait remercié Mlle Robineau d'oiseaux de Paradis que
- lui avait envoyés Mme Aragonnais. Nous avons déjà vu par la lettre
- de Mlle de Scudéry au même, du 31 janvier 1645, qu'elle l'accusait
- d'une grande partialité pour Mlle Robineau.
-
- Du 25 avril 1653.
-
-Si je pouvois parler en raillant d'une chose aussi sérieuse que celle que
-j'ai à démêler avec vous touchant vos oiseaux, je pense que je vous
-dirois, que, tout éloquent que vous êtes, vous auriez besoin que l'on
-vous mît en cage pour vous apprendre à parler. Mais comme je prends
-beaucoup de part au ressentiment de Mme Aragonnais, et que je suis même
-indirectement intéressée en l'injustice que vous lui faites, il faut que
-je vous dise plus sérieusement et plus véritablement, que si vous étiez
-aussi injuste en la distribution de vos louanges, que vous l'avez été
-depuis deux jours en celle de vos remercîmens, vous blâmeriez sans doute
-tout ce qui mérite d'être loué, et vous loueriez tout ce qui mérite
-d'être blâmé. En effet, Monsieur, vous remerciez Mlle Robineau comme si
-elle vous avoit envoyé des oiseaux de Paradis; il n'y a pas un mot dans
-la lettre que vous lui avez écrite qui n'ait un sens galant et passionné;
-il n'y a pas une syllabe pour Mme Aragonnais. Cependant, c'est elle que
-vous avez priée de vous faire avoir des oiseaux; c'est elle qui a obligé
-M. de Grandmare de prendre la peine de vous en chercher; c'est elle qui
-en a pris tous les soins; c'est elle qui vous les a envoyés par un
-laquais qu'il y a très-longtemps qui la sert, qui a été cent fois chez
-vous de sa part, dont vous savez même le nom, et qui n'avoit pas changé
-de livrée le jour qu'il vous porta vos oiseaux.
-
-Au reste, si le nom des deux personnes dont il s'agit se ressembloit
-seulement autant que celui de Mme de Chauvry et de Mme de Givry, on
-pourroit dire que vous vous seriez trompé au nom de la personne qui vous
-envoyoit les oiseaux, soit en l'entendant de la bouche du laquais, soit
-en l'écrivant sur la lettre. Mais Aragonnais et Robineau ne rimeront
-jamais ensemble, et toutefois, sans qu'on en puisse presque dire la
-raison, vous confondez les deux personnes qui portent ces noms, fort
-injustement, en donnant tout à l'une, et rien à l'autre, en une occasion
-où Mme Aragonnais toute seule devoit avoir reçu tous vos remercîments,
-puisqu'il est vrai que Mlle Robineau n'a autre part en cette affaire,
-sinon qu'elle a douté si vous voudriez une cage dorée; de sorte que si
-vous n'aviez pas été étrangement préoccupé, au lieu de la remercier comme
-vous avez fait, vous vous seriez plaint de ce qu'elle ne vous croyoit pas
-assez magnifique, et vous auriez rendu à Mme Aragonnais mille marques de
-reconnoissance de l'obligeant empressement qu'elle a eu pour vous faire
-avoir ce que vous avez souhaité. Mais, à dire les choses comme elles
-sont, votre cœur n'étant pas plus en liberté que vos oiseaux, il ne faut
-pas trouver si étrange tout ce que vous faites à l'avantage de Mlle
-Robineau, quelque injuste qu'il soit. Je ne laisse pourtant pas de me
-plaindre, comme vous me le reprochez malicieusement, de ce que vous avez
-fait en cette rencontre, parce que je comprends bien que, puisque vous
-faites cette injustice à Mme Aragonnais, vous m'en pourrez bien faire
-d'autres. Cependant, si vous voulez réparer cette faute, il faut que vous
-juriez solennellement, en présence de M. Conrart, que, tant que le
-printemps durera, vous vous souviendrez tous les matins de Mme
-Aragonnais, dès que vos oiseaux commenceront à chanter, et que vous ne
-vous souviendrez point alors de Mlle Robineau, quelque charmante qu'elle
-soit, et quelque plaisir que vous ayez de vous en souvenir; car, si vous
-ne le faites, Mme Aragonnais se souviendra toute sa vie de votre
-injustice, et je m'en souviendrai aussi toujours, pour en craindre encore
-une plus grande de vous pour ce qui me regarde, que pour ce qui la
-touche. Pensez-y donc très-sérieusement. Et pour finir cette lettre par
-un proverbe de mon pays, croyez bien fortement que tout ce que je vous
-dis «ne sont pas des moineaux.»
-
-
-LE MAGE DE SIDON (GODEAU) A SAPHO[336].
-
- [336] Mss Conrart, in-fo, t. V, p. 51, 52.
-
- De Vence, le 7 février 1654.
-
-Un moment avant que de recevoir la lettre que vous m'avez fait l'honneur
-de m'écrire, je croyois avoir de l'esprit, mais maintenant que j'y veux
-répondre, je connois que je n'en ai plus; je pense toutefois avoir gagné
-en cette perte, et si je vous ai dit galamment que, pour vous, ma mémoire
-étoit dans mon cœur; je vous dis à cette heure, très véritablement, que
-mon cœur est dans mon esprit, de sorte qu'au lieu de vous pouvoir dire
-des choses jolies, galantes et spirituelles, pour répondre à celles que
-vous m'écrivez, je ne puis vous en dire que de tendres et de passionnées.
-Voilà un effet digne de la Sapho Mytilène, qui
-
- De chaque admirateur de son esprit charmant,
- En faisoit son.....
-
-Vous n'avez pas tant de peine à deviner une rime où la raison m'a
-conduit, qu'en eut le pauvre Phaon pour le nom qui étoit en blanc dans
-ces admirables vers que vous connoissez. Je ne sais si cette déclaration
-est d'un Mage dont vous avez fait un si agréable tableau. Mais, si elle
-n'a la délicatesse du dernier, elle a la sincérité du premier, qui ne
-vous dit point une fleurette d'amitié en vous parlant de cette sorte;
-mais qui vous explique grossièrement ce qu'il a dans le cœur. Oubliez
-donc que vous êtes la Sapho de Grèce; ne vous souvenez plus des
-galanteries et de l'esprit de Phaon, afin que le Mage de la Montagne vous
-soit supportable. Si vous croyez que l'odeur des jasmins et de la fleur
-d'orange soient capables de lui faire perdre la mémoire de Sapho, vous
-avez bonne opinion de son nez, mais vous l'avez fort mauvaise de son
-esprit et de son cœur. Au contraire, tous ces objets me feront souvenir
-de vous fort agréablement. Voyant les perles, les émeraudes, et l'or de
-mes orangers, je vous en souhaiterai d'une autre nature moins fragile, et
-je penserai aux richesses de votre esprit qui valent mieux que toutes les
-pierres précieuses. Elles sont si abondantes que vous ne devez pas m'en
-être chiche.
-
-Écrivez-moi donc souvent, je vous en conjure, ma très précieuse Sapho, je
-n'oserois pas ajouter ma très chère, si l'amitié n'osoit, et ne pouvoit
-oser ce que la grimace de la civilité condamne. Vous devez juger à l'air
-de mes paroles que la foudre dont vous me menacez sur la fin de votre
-lettre, ne tombera point sur ma tête; et que vous avez plus la mine de ne
-pas bien répondre à mes sentimens, que je ne l'ai d'en conter à
-quelqu'autre, comme vous le reprochez malicieusement.
-
-
-RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON[337].
-
- [337] Mss Conrart, in-fo, t. V, p. 53, 54.
-
- A Paris, le 20 mars 1654.
-
-Votre dernière lettre est si galante, que je ne puis concevoir qu'elle
-ait été faite par un Mage de montagne, et par un Mage solitaire.
-Sincèrement, si tous ceux qui se mêlent d'écrire des billets doux, et des
-billets galants, m'écrivoient comme vous en écrivez, il seroit assez
-difficile de ne souhaiter pas d'en recevoir tous les jours, pourvu qu'il
-n'y fallût pas répondre. Car, à vous dire la vérité, c'est une assez
-grande mortification, que de ne pouvoir vous rendre que des narcisses et
-des fleurs de prairie, pour du jasmin et de la fleur d'orange. J'ai, sans
-doute, le cœur plus tendre que vous, mais je ne sais pourtant pas si
-bien l'art de dire des douceurs. Je ne sais si c'est que j'en ai
-autrefois plus écouté que je n'en ai dit, et que vous en avez plus dit
-que vous n'en avez écouté; mais je sais bien que vous savez mieux que moi
-comment il faut mêler le style galant au passionné, et comment il faut
-donner des louanges qui sentent encore plus la tendresse que l'estime. Ne
-vous prenez donc pas à mon cœur, si ma lettre n'est pas assez douce;
-contentez-vous d'en accuser mon esprit, et croyez, s'il vous plaît,
-
- Que si je voulois un amant,
- Il auroit, comme vous, l'esprit doux et charmant,
- Il seroit, comme vous, un galant agréable,
- Et mon cœur, comme à vous, lui seroit favorable.
-
-Après cela, Monsieur, il faut vous parler un peu plus sérieusement, et
-vous dire des nouvelles de notre très cher et très illustre malade, de
-qui la santé commence de revenir, et est pourtant encore très foible;
-mais j'espère que ce même soleil qui nous va bientôt donner des roses,
-lui redonnera de la force. Cependant, j'ai à vous dire que la dernière
-lettre que vous m'avez écrite a été son premier plaisir, car je ne lui
-fais pas de secret de notre galanterie, et ce seroit en effet grand
-dommage de la cacher à un tel confident que lui.
-
-
-RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON[338].
-
- [338] Mss Conrart. in fo, t. V, p. 72.
-
- A Paris, le 19 juin 1654.
-
-Lorsque je reçus votre dernière lettre, nous avions ici le plus beau
-temps du monde; mais à peine eus-je achevé de lire la description que
-vous me faites de la désolation de votre pays, qu'un effroyable coup de
-tonnerre, suivi d'une pluie terrible, et d'une grêle de grosseur
-extraordinaire, changea toute la face du ciel qui, depuis cela, ne nous a
-point paru avec sa beauté ordinaire. En vérité, il ne s'en faut guère que
-je ne croie que vous n'êtes pas seulement Mage, mais Magicien, et que
-c'est vous qui, par quelque enchantement, nous avez ôté tous nos beaux
-jours. Cependant, si toutes nos belles vous soupçonnoient de ce crime,
-vous seriez bien embarrassé à vous sauver de leur fureur. Car, enfin,
-elles ne peuvent presque aller au Cours, et celles qui s'obstinent à y
-vouloir aller, malgré le mauvais temps, y sont toutes défrisées, et n'y
-paroissent point belles. En mon particulier, comme je ne prends pas grand
-intérêt à cette promenade, je me consolerois aisément si le vent ne
-faisoit autre mal que de défriser des galans et de décoiffer des
-coquettes. Mais ce qu'il y a de pis, c'est que les blés sont déposés, si
-ce désordre de saison continue. Je veux pourtant espérer que ce malheur
-n'arrivera pas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
-On dit qu'il est difficile qu'il y ait de l'amour sans jalousie et de la
-jalousie sans amour. J'ai même bien de la peine quelquefois à n'en point
-avoir en amitié, et c'est ce qui me fait craindre que la vôtre ne soit un
-peu tiède; car vous n'êtes non plus inquiété de ce que font vos amies,
-que si vous n'y aviez nul intérêt. Il n'en est pas de même de moi,
-puisque je suis quelquefois jalouse de vos orangers, que je crois que
-vous aimez plus que vous ne m'aimez. Mais je ne songe pas, en parlant
-ainsi que je viens de dire, qu'il n'y a point de jalousie sans amour;
-pour ôter donc le scrupule, il faut y ajouter ces paroles: _ou sans
-amitié_; car, par ce moyen, je suis à couvert de toute mauvaise
-explication. Je voudrois bien vous en dire davantage, mais je n'ai plus
-de papier. Devinez le reste si vous . . . . . . . . . . vous dire autre
-chose, sinon, que je suis pour vous tout[339] . . . . . . . . . . . . . .
-
- [339] Le commencement de la ligne est coupé, et la dernière ligne
- entièrement.
-
-A MADAME LA COMTESSE DE MAURE[340].
-
- [340] Mss Conrart, in-fo, t. V, p. 905.
-
- La comtesse de Maure avait écrit à Mme de Longueville deux lettres
- du 9 juin et du.... septembre 1655, où elle se moquait des
- prétentions de Mesdames de Bouillon, à propos d'une aventure dans
- laquelle figuraient les comtesses de Maure et de Saint-Géran, le
- père gardien d'un couvent de Bourbon, etc. (Voy. sur toute cette
- histoire, Cousin, _Madame de Sablé_, 1869, p. 299 et suiv.)
-
- Octobre 1655.
-
-Foi de demoiselle, votre lettre est une des plus agréables lettres du
-monde. Mais, Madame, n'admirez-vous point qu'à l'exemple de M. de
-Bouillon qui disoit: Foi de prince, je n'ai pu m'empêcher de jurer, pour
-me donner un titre de noblesse, comme il le faisoit pour s'en donner un
-de principauté? Je sens même que j'ai quelque envie de dire que mon
-serment est peut-être mieux fondé que le sien. Mais, quoiqu'il en soit,
-l'histoire de votre lettre est une plaisante histoire, et la manière dont
-vous l'avez écrite est si ingénieuse, et fait si bien voir tous les
-personnages de cette aventure, que qui verroit un Tableau du Monde, de
-votre main, verroit une chose merveilleuse. Au reste, Madame, ceux qui
-s'imaginent qu'il faut du marbre et du jaspe pour faire un très-beau
-palais, n'y entendent rien. Du moins, êtes-vous bien plus adroite qu'eux,
-puisqu'avec un enchaînement de toutes les folies que la vanité peut faire
-dire et penser, vous faites une des plus belles lettres que je vis
-jamais. Sincèrement, Madame, je crois la chose comme je la dis, et la
-flatterie n'y ajoute rien. Je vous en dirois davantage; mais j'ai
-l'imagination si remplie de cette princesse qui se baigne, de celle qui
-se couche, de cette dame qui s'assied et se relève, et de ce capucin qui
-se fourre là, comme diable à miracle, que je ne puis même penser
-sérieusement à ce que je vous écris. Il paroît bien, Madame, que cela est
-ainsi, car je vous écris les plus terribles mots du monde; et quand
-j'aurois été à la cour de la reine de Suède, je ne dirois guère pis.
-Mais, pour finir plus sagement, je vous en demande pardon, et je vous
-proteste avec vérité que je suis absolument à vous.
-
-
-A UNE PERSONNE INCONNUE, QUI LUI AVOIT ENVOYÉ UN PRÉSENT.[341]
-
- [341] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 905.
-
- Cette lettre a été insérée par Amelot de la Houssaye dans ses
- _Mémoires historiques_, etc., 1737, t. II, p. 364. Voy. la
- _Notice_, p. 101.
-
- Mai 1656.
-
-J'avoue ingénument que je ne puis deviner qui vous êtes, et que je ne
-sais pas même si je vous dois nommer Monsieur, Madame ou Mademoiselle;
-mais qui que vous soyez, je dois vous louer et vous remercier, et je
-dois pourtant me plaindre de vous. En effet, vous avez une cruauté
-étrange de vous cacher à une personne qui, malgré toute sa mauvaise
-fortune, voudroit avoir plus donné qu'elle n'a reçu de vous, pour savoir
-votre nom; car je ne sache rien de plus cruel, que d'être obligée, sans
-savoir à qui on a de l'obligation. Mais je ne sache aussi rien de plus
-digne de louange, que d'avoir de la libéralité sans ostentation, et sans
-intérêt, puisqu'à mon avis, il n'y a guère de vertu qui soit plus souvent
-suspecte de vanité ou d'artifice que celle-là. Vous donnez, sans doute,
-de la plus généreuse manière du monde, car vous donnez à une personne
-qui, non-seulement ne vous a rien demandé, mais qui même n'aime point
-qu'on lui donne; à une personne qui ne vous connoît point, et qui ne
-pourroit, quand elle vous connoîtroit, vous rendre autre chose que des
-remercîments. Mais à ne mentir pas, je ne sais comment en faire à une
-personne inconnue. Montrez-vous donc, s'il vous plaît, puisque je ne puis
-parler à propos, si je ne sais à qui je parle.
-
-Au reste, il faut que je vous confesse qu'il y a des moments où je meurs
-de peur que vous ne me connoissiez guère mieux que je vous connois; car
-il semble que vous vouliez m'obliger à porter une couleur où je croyois
-avoir renoncé pour toute ma vie, et que je ne croyois plus pouvoir porter
-avec bienséance, si ce n'étoit en œillets, en roses, ou en anémones,
-m'étant résolue à ne mettre plus que du bleu, du gris de lin, de
-l'Isabelle et du blanc. De grâce, pensez bien sérieusement si vous ne me
-prenez point pour une autre, et si votre présent est bien adressé; mais,
-sur toutes choses, ne vous opiniâtrez point à vous cacher à moi, si vous
-ne me voulez forcer d'aller au devin. Je crains bien, pourtant, que la
-science de cette sorte de gens ne se trouve courte en cette occasion;
-car, après tout, ils n'ont jamais rien vu de semblable. On les a souvent
-consultés pour découvrir ceux qui se cachent en dérobant, mais jamais
-ceux qui se cachent en donnant; et le plus expert de tous les devins, et
-la plus vieille devineresse s'étonneroient d'une telle nouveauté. Ne me
-contraignez donc pas d'en venir là, et donnez-moi lieu de vous..... j'ai
-pensé dire de vous embrasser; mais comme je viens de me souvenir de ce
-que j'ai dit au commencement de ce billet, et que je ne sais si je vous
-dois nommer Monsieur ou Madame, je n'ose en user si librement.
-
-Contentez-vous donc que je vous assure que je n'ai jamais rien souhaité
-avec plus d'ardeur, que d'avoir l'honneur de vous connoître, et de vous
-pouvoir rendre grâces de votre galante libéralité. Ce n'est pas qu'il n'y
-ait quelque espèce de commodité à pouvoir être ingrate innocemment; mais
-au hasard de rougir en vous voyant, je voudrois pourtant bien vous voir
-afin de vous pouvoir dire tout ce que je pense de vous. Peut-être
-avez-vous passé cent fois dans mon imagination, depuis que j'ai reçu
-votre présent, et peut-être y êtes-vous encore tel ou telle que vous
-êtes. Je confesse néanmoins que vous avez cent fois changé de forme, et
-que vous m'avez paru tantôt belle, tantôt beau; tantôt galant, tantôt
-galante; tantôt douce et spirituelle; tantôt généreux et brave; tantôt
-avec une épée, tantôt avec un éventail; tantôt avec une soutane, tantôt
-avec un cordon bleu; tantôt avec une belle et magnifique jupe, et tantôt
-avec un bréviaire; et Voiture ne voyoit pas sa belle inconnue avec tant
-de beautés différentes que je vous ai vu ou vue en habillements
-différens. Faites donc cesser toutes ces illusions qui m'importunent;
-vous le pouvez par une seule parole, puisque vous n'avez qu'à me dire
-votre nom, et vous m'obligerez beaucoup plus sensiblement que vous ne
-m'avez obligée en me faisant un magnifique présent.
-
-
-PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[342].
-
- [342] Mss de Conrart, in-fo, t. V, pp. 135-138.
-
- En reproduisant les trois lettres qui suivent dans la _Société
- française au XVIIme siècle_, M. Cousin les a fait précéder du
- préambule suivant:
-
- «Mlle de Scudéry ayant été passer une partie de l'automne à la
- maison de campagne de Conrart, à Athis, en 1656, Pellisson y était
- venu en visite; mais il y était resté fort peu de temps, et, à son
- retour à Paris, il s'était empressé d'écrire à Mlle de Scudéry
- pour lui exprimer les regrets qu'il éprouvait de n'être pas auprès
- d'elle, et les pensées qui l'avaient accompagné sur la route
- d'Athis à Paris, en côtoyant les bords de la Seine. Le ton de
- cette lettre est moitié sérieux, moitié badin. La réponse de Mlle
- de Scudéry est du même style, ainsi que la réplique de Pellisson.
- Mlle de Scudéry s'appelle toujours Sapho et Pellisson s'appelle
- déjà Herminius. On touche à la fin de 1656: la douce liaison est
- encore dans sa fleur et dans tout son agrément. Nous mettons au
- jour ces billets, qui n'ont rien de fort remarquable, pour donner
- une idée de la façon dont Mlle de Scudéry et Pellisson étaient
- ensemble; on y sent une tendresse sincère, mais le bel esprit
- domine.»
-
- Les notes de M. Cousin sur ces trois lettres seront distinguées
- par les initiales: V. C.
-
- A Paris, ce lundi 9me d'octobre 1656.
-
- Accablé de soucis sans nombre,
- J'allois mélancolique et sombre,
- Comme font ceux qui sont partis
- De l'aimable Carisatis.
-
-Et j'étois déjà dans Mons[343], sans avoir trouvé, ou du moins sans avoir
-vu personne sur mon chemin, tant j'étois renfermé en moi-même, lorsque
-j'aperçus la claire rivière de Seine qui, étalant toutes ses beautés,
-m'appeloit de loin et me disoit: Si vous allez à Paris, j'y vais aussi,
-et pourvu que vous me vouliez suivre, je vous mènerai par un des plus
-agréables chemins qu'on puisse voir.
-
- J'eusse été d'humeur bien cruelle
- Si je n'eusse fait pour elle
- Ce que j'avois fait l'autre jour
- Pour un procureur de la cour.
-
- [343] Mons était un hameau dépendant d'Athis. Une station du
- chemin de fer de Paris à Orléans porte aujourd'hui le nom de
- _Athis-Mons_.
-
-C'est pourquoi, sans me faire prier davantage, je descendis par le
-côteau d'Ablon, et allai la joindre avec dessein de ne la quitter qu'aux
-portes de Paris. Je n'eus pas sujet de m'en repentir: car, encore que
-j'eusse souvent ouï parler de ses caprices et de ses boutades, je la
-trouvai tout le long du jour la plus égale du monde; soit que nous
-passassions parmi de vertes prairies, ou parmi des sablons stériles, que
-son lit fût étroit ou large, que le soleil se cachât ou se montrât, elle
-me parut toujours riante, et jamais je ne vis la moindre ride ni le
-moindre trouble sur son front. J'attribue sa bonne humeur à l'entretien
-que nous eûmes ensemble, car nous ne parlâmes jamais que de vous. Elle me
-demanda d'abord, suivant la coutume des voyageurs qui se rencontrent,
-d'où je venois et ce que j'allois faire à Paris. Je lui dis que je venois
-d'être heureux et que j'allois être malheureux, parce que j'avois quitté
-l'incomparable Sapho, le généreux Cléodamas, la sage Ibérise, l'aimable
-Agélaste et le galant Mérigène[344]. Est-il possible, me dit elle, qu'on
-me doive toujours parler de cette Sapho et de ce Cléodamas. Il n'y a
-point de corbillart[345] qui ne me rompe la tête de leur vertu et de leur
-mérite; et depuis ma source jusqu'à la mer, je ne trouve point de rivage
-où l'on ne m'en demande des nouvelles. On remarquoit autrefois qu'un de
-mes coches ne pouvoit être sans quelque religieux; mais je n'en vois
-point à cette heure où il n'y ait quelqu'un de leurs tendres amis, ou
-pour le moins de leurs admirateurs. Ces gens-là, puisqu'ils aiment tant
-de gens, ne doivent aimer personne. Si je croyois ce que vous dites, lui
-répondis-je, je me jetterois la tête la première dans votre sein. Mais il
-est vrai que Cléodamas ni Sapho n'aiment pas tous ceux dont ils sont
-aimés. Il n'est pas donné à tout le monde d'en venir là, et vous voyez
-par mon exemple qu'il y faut plus de bonheur que de mérite.
-
- [344] Cléodamas et sa femme Ibérise sont deux personnages de la
- _Clélie_, qui représentent M. et Mme Conrart. Agélaste est Mlle
- Boquet; nous ne savons qui est Mérigène. Il paraît que c'était un
- homme du monde qui n'osait se risquer à faire le bel esprit.
- Cependant, encouragé par Mlle de Scudéry, il lui écrivit
- lorsqu'elle quitta Athis pour retourner à Paris, quelques billets
- galants que Conrart nous a conservés avec les réponses de Mlle de
- Scudéry, tome XI, in-folio, page 339 (V. C.).
-
- [345] On appelait alors _corbillart_ le coche d'eau qui menait à
- Corbeil et qui passait devant Athis. (V. C.).
-
-Après cela, elle me demanda comment vous vous divertissiez à Carisatis,
-et je lui fis grand plaisir quand je lui dis qu'elle faisoit une grande
-partie de votre divertissement, et que vous vous amusiez la moitié du
-jour à la regarder. Elle se radoucit fort alors et me dit que vous
-sachant en son voisinage par le rapport de la petite rivière d'Orge,
-comme c'est fort la mode de vous visiter et de faire amitié avec vous,
-elle avoit été tentée plusieurs fois de s'élever jusque sur votre
-montagne, mais à la vérité qu'il y avoit un peu haut pour elle, et
-qu'elle n'avoit pu faire autre chose que de vous envoyer quelques
-brouillards qui peut-être vous avoient été importuns. Cela pourroit bien
-être, lui dis-je; mais, croyez-moi, on vous quitte de ce compliment. Il
-vaut mieux que l'on vous voie de plus loin, et la divine Sapho
-s'abaissera plutôt jusqu'à descendre sur vos rives. Je sais même qu'elle
-l'auroit déjà fait, mais sa chère Agélaste n'aime pas à remonter par
-cette côte si roide, et trouve aussi bien que vous que c'est un peu haut
-pour elle.
-
-Avec ces discours et plusieurs autres dont je vous rendrai compte à notre
-première vue, nous arrivâmes à la porte Saint-Bernard, où nous devions
-nous séparer. La Seine me demanda alors si je m'étois ennuyé avec elle,
-et comme je l'eus assurée que non: Quand vous retournerez, me dit-elle,
-trouver la bonne compagnie que vous avez laissée, ne viendrez-vous pas le
-long de mon rivage? Pour retourner, lui dis-je avec ma sincérité
-accoutumée, c'est une autre affaire; car, pour ne vous en point mentir,
-votre chemin est le plus long, et j'ai un peu plus d'impatience quand je
-vais à Carisatis que quand j'en reviens. La pauvre rivière comprit bien
-alors que si je l'avois suivie, c'étoit moins pour être avec elle que
-pour m'éloigner lentement de vous. Elle me quitta donc de dépit sans dire
-un seul mot davantage, et s'alla cacher toute honteuse sous le pont
-prochain. Pour moi, je me résolus de laisser passer l'eau sous le pont,
-et de venir vous écrire mon aventure. Si je ne l'ai pas écrite avec assez
-d'esprit, c'est que je garde tout ce que j'en ai pour écrire une lettre à
-Cicéron[346]. Ce Cicéron est un homme fâcheux, qui n'entend point
-raillerie; pour peu que vous vous relâchiez avec lui, il se plaint que
-vous le négligez, que vous écriviez bien mieux autrefois au commencement
-de votre connoissance, quand vous aspiriez à être de ses amis; et comme
-c'est un consul romain et le père de l'éloquence, il faut tâcher, s'il se
-peut, de le contenter. Laissez-le-moi traiter avec la cérémonie qu'il
-demande, et souvenez-vous qu'on fait festin aux étrangers, et qu'on ne
-donne à ses intimes amis que son ordinaire. Les belles paroles seront
-pour lui, et les sentiments tendres, respectueux et constants, pour vous
-et pour toute votre aimable compagnie.
-
- [346] Ce Cicéron n'est autre que M. de Doneville. Pellisson
- l'appelle ainsi, soit parce que dans leur correspondance, dont on
- voit quelques échantillons dans les manuscrits de Conrart, il est
- souvent question entre eux de Cicéron, que Doneville lisait
- beaucoup, soit parce que Pellisson comparait en badinant le
- magistrat de Toulouse au consul romain. (V. C.)
-
-
-RÉPONSE DE SAPHO A HERMINIUS (PELLISSON).
-
- De Carisatis, le 10 octobre 1656.
-
-Quand je vous fis la guerre de la négligence de vos billets, je ne
-pensois pas que vous en dussiez être sitôt corrigé. Cependant, il le faut
-avouer, ce que vous m'avez envoyé est si galant et si bien écrit, qu'on
-ne sait où prendre de l'esprit pour vous répondre. Ce n'est pas, comme
-vous savez, qu'il n'y en ait honnêtement dans la tête de Cléodamas, mais
-il ne m'en veut ni donner ni prêter. Pour l'aimable Mérigène[347], il n'y
-a pas encore assez longtemps que je le connois pour oser lui en
-emprunter; et pour Agélaste, elle dit qu'elle a affaire de tout ce
-qu'elle en a pour vous écrire, de sorte que je me trouve en un fort grand
-embarras. Si je savois qui vous a appris à parler à la Seine qui vous a
-si bien entretenu, je pourrois me servir du même maître, pour apprendre à
-vous écrire; car enfin on ne croiroit pas, à l'entendre, qu'elle vînt de
-Bourgogne, tant elle parle galamment et juste. Je voudrois bien savoir si
-toutes les autres rivières ont autant d'esprit que celle-là. Ce qui
-m'étonne, c'est que quand vous l'avez entretenue, elle n'avoit pas encore
-été à Paris. Elle n'a pourtant rien d'une provinciale, et je suis bien
-plus normande qu'elle n'est bourguignonne. Une autre fois, quand vous
-partirez de Carisatis, on ne vous plaindra plus tant, puisque vous vous
-en allez en si bonne compagnie.
-
- [347] Mérigène ne représente donc pas un des habitués du Samedi.
- (V. C.)
-
-J'ai pourtant à vous dire que la Seine, malgré vos avis, n'a pas laissé
-de nous envoyer ce matin un grand brouillard, mais il s'en est allé si
-vite qu'il ne nous a guère incommodés; c'est pourquoi ne lui en faites
-pas de reproches, au contraire, remerciez-la bien civilement, de la bonté
-qu'elle a de passer tous les jours devant mes fenêtres, elle, dis-je,
-qui seroit souhaitée en tant de beaux lieux, si on pensoit qu'elle y
-voulût aller. Priez-la aussi, je vous en conjure, s'il arrive qu'elle
-entende encore parler de moi dans les coches et dans les corbillarts,
-comme si j'étois un bel esprit,
-
- De faire entendre en son murmure,
- Que bel esprit est une injure,
- Et que j'aimerois mieux être carpe ou merlan,
- Que d'être bel esprit seulement pour un an.
-
-Tout de bon, c'est le plus fâcheux métier du monde; et si la Seine savoit
-combien c'est une chose importune, elle ne s'amuseroit pas tant à
-gazouiller, de peur de devenir elle-même un bel esprit.
-
-
-RÉPLIQUE D'HERMINIUS A SAPHO.
-
- De Paris, le 13 octobre 1656.
-
- Bel esprit, ou carpe, ou merlan,
- Ou bien Raphaël de village[348],
- Vous êtes cause que j'enrage.
- Je ne saurois qu'avec ahan
- Répondre à votre bel ouvrage,
- Et remplir de vers cette page,
- Quand vous me donneriez un an
- Et davantage, etc.
-
- [348] Cela répond à la fin d'un madrigal que Mlle de Scudéry
- avait adressé à Pellisson sous le nom de Mlle Boquet, avec un
- mauvais portrait de celle-ci:
-
- Ce travail n'est pourtant pas laid
- Pour un Raphaël de village.
-
- (V. C.)
-
-Tout de bon, encore qu'il n'y ait rien de plus galant que votre lettre et
-que vos vers, en l'humeur où je suis, il me semble qu'il n'y auroit rien
-de moins obligeant qu'une réponse fort galante, quand je pourrois vous la
-faire. Les dames que je vis hier vouloient que je ne vous en fisse point
-du tout, pour vous punir de ce que vous vous oubliez à Athis, ou plutôt
-de ce que vous oubliez tout le monde. Je n'ai pas cru que mon devoir me
-permît d'en user ainsi, mais je ne crois pas aussi qu'il m'ordonne de me
-réjouir avec vous de ce que vous dînerez dimanche à Savigny, et que vous
-n'êtes pas encore bien résolue de revenir le lendemain. Tout ce que je
-puis, c'est de souffrir mon mal en patience, et de vous écrire, comme un
-bon homme sans esprit et sans façon, ce que j'aurai à vous mander, en
-faisant autant de ratures que de lignes. Ne pensez pas que ces ratures
-soient affectées, elles sont les plus naturelles du monde, et vous verrez
-bien par là que je ne suis pas trop en état de vous divertir.
-
-J'écrivis hier soir à M. Conrart, et je prétendois ce matin faire des
-merveilles pour vous et pour Agélaste: mais en bonne foi il m'a été
-impossible. J'ai voulu fouiller dans mon magasin de fadaises, la serrure
-étoit tellement mêlée que je n'ai jamais su l'ouvrir. Si vous voulez des
-billets galants, je vous en envoie deux que M. Isarn m'écrit de Bordeaux;
-mais il est auprès d'une nouvelle maîtresse qu'il aime fort, comme vous
-verrez: ce remède est excellent pour avoir de l'esprit. Le malheur est
-qu'il est quelquefois pire que le mal même, et je ne crois pas que vous
-voulussiez me conseiller d'y avoir recours, vous qui avez banni l'amour
-de tout votre royaume de Tendre. Pardonnez-moi si je vous écris si
-bizarrement. Je suis le plus sot du monde, mais je ne vous en aime pas
-moins.
-
-
-M. DE BOUILLON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[349].
-
- [349] De Bouillon, mort en 1662, est surtout connu par
- l'_Histoire de Joconde_ qu'il versifia d'après l'Arioste en même
- temps que La Fontaine, et qui donna lieu à une _Dissertation_ de
- Boileau. Ses _Œuvres_ ont été imprimées: Paris, de Sercy, 1663,
- in-12. Mais il existe de lui une Correspondance manuscrite sur
- laquelle M. Faye a donné une _Notice_ dans les _Mémoires des
- Antiquaires de l'Ouest_, année 1843, p. 119. Cette Correspondance
- comprend 125 lettres adressées à Scarron, Chapelain, Desbarreaux
- et à Mlle de Scudéry que l'auteur connut en 1657. Nous lui
- empruntons les deux fragments qui suivent.
-
- 21 mai 1657.
-
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-«Jusques ici je m'étois renfermé dans mon métier de faire des
-chansons[350], et, parmi nos beautés champêtres, j'étois renommé pour n'y
-être pas tout à fait malhabile. Mais il a fallu que mon ambition m'ait
-porté non-seulement à faire le portrait d'Amaryllis (Mme de
-Valençay)[351], mais encore à me donner l'honneur de vous écrire. Vous
-me trouverez sans doute, Mademoiselle, bien téméraire d'avoir fait l'un
-et l'autre; mais je crois surtout que, pour entreprendre de vous faire
-une lettre, il falloit ne voir le péril que de cinquante lieues. Si
-j'avois été plus près, j'aurois été moins hardi, j'aurois imité ces faux
-braves qui ne sont jamais vaillants que hors l'occasion.». . . . . . . .
-
- [350] Dans une de ses lettres inédites, il s'intitule le _Grand
- chansonnier de France_. «M. de Boisrobert, dit-il, qui avoit
- cette charge avant moi, m'en a fait bon marché. Dieu veuille
- qu'elle me vaille une abbaye comme à lui, car il me semble qu'une
- abbaye me siéroit aussi bien qu'à un autre.»
-
- [351] _Å’uvres de Bouillon_, p. 116.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE BOUILLON.
-
-«Lorsque je reçus les beaux vers que vous m'avez fait l'honneur de
-m'envoyer, je songeois plus à la mort qu'à me divertir.... J'eusse été
-bien aise de me trouver en état d'oser vous rendre grâce comme vous le
-méritez; mais mon mal m'ayant laissé une certaine langueur d'esprit qui
-ne se dissipera de sitôt, j'ai cru qu'il valoit mieux vous remercier
-moins bien que vous remercier trop tard.»
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE RAINCY[352].
-
- [352] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 901.
-
- M. de Raincy était fils du financier Bordier qui, ayant bâti le
- château du Raincy, obtint pour son fils cadet le titre de ce beau
- domaine. Celui-ci vivait dans la société des jeunes seigneurs et
- de quelques femmes aimables, telles que Mlle de Scudéry, Mmes de
- Sévigné, de La Fayette, Scarron, etc. Il composait des vers de
- société, et est surtout connu par un madrigal dont Ménage feignit
- d'avoir trouvé l'original dans le Tasse, petite mystification qui
- trompa alors beaucoup de monde, mais dont se défièrent Mme de
- Sévigné et surtout Mlle de Scudéry.
-
- D'Athis, le 28 septembre 1657.
-
- Que vous connoissez bien cette douce folie,
- Qui ne peut se passer de la mélancolie,
- Vous qui ne pensez pas que les Ris et les Jeux,
- Soient les plus grands plaisirs de l'Empire amoureux.
- Les vulgaires amants ne demandent qu'à rire,
- Et ne connoissent pas cet aimable martyre
- Qui mêle les chagrins avecque les désirs,
- Qui confond les tourments avecque les plaisirs,
- Qui de mille douleurs et de mille supplices,
- Fait naître, en un moment, mille et mille délices.
- Ils cherchent vainement ce qu'ils ne trouvent pas,
- Car l'amour enjoué n'a que de faux appas.
-
-Vous voyez bien, Monsieur, que je suis de l'avis de vos admirables vers;
-tout de bon, j'en ai l'esprit tout à fait touché; Théodamas les admire
-aussi bien que moi; Agélaste en a le cœur tout ému, et votre ange brun
-les a trouvés les plus beaux du monde. Je ne sais même s'il ne s'est
-point repenti de son enjouement, et s'il n'a point souhaité que sa belle
-humeur ne lui eût pas fait perdre sa conquête. Quoi qu'il en soit, votre
-madrigal a été trouvé fort galant, et les vers de la fin de votre billet,
-merveilleux; de sorte qu'il faut avoir perdu la raison pour oser rimer en
-vous répondant. Mais, comme vous le savez, la rime est quelquefois une
-maladie qu'on ne guérit pas comme on veut; je n'y suis pourtant pas
-sujette, dont je suis bien aise. Cependant, je vous avouerai que malgré
-que j'en aie, il faut qu'un petit madrigal sorte de ma tête, car je sens
-qu'il y fourmille, comme les madrigaux fourmilloient dans celle de M.
-Pellisson le jour qu'il en fit tant avec Sarasin. Voyez donc ce que je
-dis de votre ange brun, sous le nom de Climène:
-
- Climène est aimable, elle est belle,
- On ne peut lui rien désirer,
- Si ce n'est qu'un amant fidèle,
- Soupirant longtemps auprès d'elle,
- Lui puisse apprendre à soupirer.
-
-Tout de bon, Monsieur, ne vous repentez-vous point de m'avoir écrit? Vous
-auriez pourtant grand tort: car la reconnoissance que j'en ai vaut mieux
-que la réponse que je vous fais. Mais, après vous avoir parlé d'un ange
-brun, qui n'est assurément pas du dernier ordre, il faut que je vous
-parle d'un ange blond, qui dînera céans aujourd'hui, car les anges dont
-nous parlons ne sont pas si spiritualisés qu'ils puissent conserver leur
-beauté sans manger. L'ange brun y viendra passer l'après-dînée; je vous
-laisse à penser combien vous serez désiré, et si les galants qui s'y
-trouveront ne seroient pas bien aise que ce fût encore la mode de dire:
-_Comme l'on voit le fer entre deux calamites_[353]. Mais comme nous ne
-sommes plus aux siècles des comparaisons, et que celle-là est trop usée,
-il faudra que les galants s'en passent. Ces galants, Monsieur, seront
-l'ingénieux Térame[354], et le sage Mérigène; je n'y mets pas Théodamas,
-parce qu'il est le juge de la galanterie. Sérieusement, Monsieur, vous ne
-sauriez croire combien je vous suis obligée de m'avoir écrit. Pour vous
-en récompenser, recevez mille douceurs non-seulement des anges blonds et
-des anges bruns, mais de Théodamas, de Mérigène, d'Agélaste et de moi,
-qui suis assurément pour vous tout ce que vous pouvez désirer que je
-sois.
-
- [353] Deux aimants.
-
- [354] Térame, dans le VIe volume de _Clélie_, est un galant de
- profession, raisonnant sur l'amour à perte de vue.
-
-Il n'y a que l'ange brun, Théodamas, Agélaste et moi qui ayons vu votre
-billet, quoiqu'il mérite d'être vu de tous ceux qui ont de l'esprit; mais
-j'ai fait vœu d'être toujours exacte. De grâce, assurez M. de Montrésor
-de la vénération que j'ai pour sa vertu.
-
-
-SAPHO AU MAGE DE SIDON.
-
- De Paris, le 21 octobre 1658[355].
-
- [355] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 863.
-
- Votre cœur n'a point de tendresse,
- Si vous étiez jaloux vous seriez envieux;
- Quand on aime bien sa maîtresse,
- On ne veut point qu'on lui parle des yeux.
-
-Il vous est aisé de juger, Monsieur le Mage, que Mlle Sapho a vu votre
-apostille en vers, dans une de vos lettres à Théodamas, et qu'elle a fort
-bien connu que votre jalousie n'est qu'un jeu de votre esprit; car si
-elle étoit effective, vous n'eussiez pas parlé comme cela. Allez, allez,
-vendez vos coquilles à d'autres qu'à ceux qui viennent du
-Mont-Saint-Michel. On se connoît ici aussi bien en jalousie qu'en lieu du
-monde, et l'on n'en prendra jamais de fausse pour de véritable. Parlez
-donc mieux une autre fois, si vous voulez être cru. Et pour vous
-apprendre à parler comme il faut pour persuader ceux à qui l'on parle, je
-vous assure, Monsieur, qu'il m'ennuie fort d'être si longtemps sans avoir
-de vos nouvelles; que nous avons parlé très-souvent de vous, Théodamas et
-moi; que nous vous avons souhaité cent fois dans l'allée des Soupirs, et
-que si vous ne m'aimez pas toujours ardemment, vous êtes plus coupable
-que vous ne pouvez vous l'imaginer. Au reste, j'ai prié M. Conrart de
-faire dire à M. Cavalier que j'ai la 4e partie de _Clélie_ à vous
-envoyer, et je vous dis à vous-même que je suis au désespoir de n'être
-point votre sœur, pour aller du moins passer tous les hivers avec vous,
-non pas pour m'aller chauffer à vos tisons, mais à votre soleil.
-Cependant, comme il n'y a pas apparence que cela puisse être, il se faut
-contenter de vous dire de loin que je suis absolument à vous.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME LA COMTESSE DE MAURE[356].
-
- [356] Mss Conrart, in-fo, t. XI, p. 79.
-
- Anne Doni d'Attichy, comtesse de Maure, née en 1600, mariée en
- 1637, morte en avril 1662. Mlle de Scudéry l'a peinte dans le
- _Grand Cyrus_ sous le nom de la princesse d'Arménie, et Mlle de
- Montpensier sous celui de la princesse de Misnie dans la
- _Princesse de Paphlagonie_, qui est le livre dont il est question
- dans cette lettre. M. A. de Barthélemy a publié la _Comtesse de
- Maure, sa vie et sa correspondance_. Paris, Gay, 1863, in-12.
-
- Juillet 1660.
-
-J'ai lu, avec beaucoup de plaisir, Madame, le livre que je vous renvoye;
-il y a de l'esprit partout, et je ne sais quel air de qualité, qui marque
-la main d'où il vient. Il y a même une ingénieuse raillerie en beaucoup
-d'endroits, qui ne s'apprend point dans les livres; et si mon nom n'étoit
-point placé aussi avantageusement qu'il est dans cet agréable ouvrage, je
-n'aurois eu que de l'admiration, et du plaisir, en le lisant. Mais,
-malgré moi, il a fallu avoir de la confusion de savoir que je ne mérite
-pas les louanges que l'on me donne, et que tout ce que j'ai écrit en ma
-vie ne mérite, non plus que moi, la gloire d'être louée par une si
-grande, et si illustre princesse. Voilà tout ce que vous peut dire une
-personne qui vous écrit avec beaucoup de précipitation, et qui est à
-vous, avec tout le respect qu'elle vous doit.
-
-
- RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A UN AUTEUR QUI LUI AVAIT
- ENVOYÉ UNE PIÈCE INTITULÉE «LE LOUIS d'Or[357].»
-
- (1660.)
-
- [357] La Suze et Pellisson, _Recueil de pièces galantes_, 1741,
- in-12, t. I, p. 266.
-
- Isarn (voy. la _Notice_, p. 68) avait adressé à Mlle de Scudéry
- une pièce mêlée de vers et de prose, intitulée le _Louis d'Or_,
- qui a été insérée dans un grand nombre de recueils, outre celui
- que nous venons de citer, et qui a donné lieu à beaucoup
- d'imitations.
-
- Voici l'indication de l'édition originale: _La Pistole parlante,
- ou la Métamorphose du Louis d'Or, dédiée à Mlle de Scudéry_.
- Paris, Ch. de Sercy et Cl. Barbin, 1660, in-12 de 48 p.
-
-Vous savez bien, Monsieur, que je suis accoutumée d'entendre parler des
-Lapins, des Fauvettes et des Abricots. Mais après tout, je n'ai pas
-laissé d'être surprise de la conversation que vous avez eue avec votre
-Louis d'or, et je le trouve si bien instruit des choses du monde, que
-j'en suis étonnée.
-
- Quand il seroit du temps des premiers jacobus,
- Des nobles à la Rose, et des vieux carolus,
- Il ne sauroit pas plus de choses.
- Ovide a moins que lui fait de Métamorphoses.
- Il fait aux plus galants d'agréables leçons,
- Il raille, il fait des vers de toutes les façons;
- Mais ce qu'il fait de plus étrange,
- C'est qu'entre mes mains il se range,
- Car ses frères ne m'aiment pas,
- Ils n'ont aussi pour moi que de foibles appas,
- Et par le mépris je m'en venge.
- Mais pour ce Louis d'or que je reçois de vous,
- De qui la gloire est immortelle
- Qui ne craint plus ni touche, ni coupelle,
- Il fait seul un trésor dont mon cœur est jaloux.
-
-Voilà, Monsieur, tout ce qu'une malade vous peut répondre. Mais je vous
-assure que ce n'est pas tout ce qu'elle pense; et que si Sapho se portoit
-bien, elle vous loueroit de meilleure grâce, et vous remercieroit avec
-plus d'esprit. Que sais-je même si, passant des louanges de votre Louis
-d'or à un sujet plus relevé, elle ne se sentiroit point inspirée de vous
-parler
-
- D'un Louis, dont la vie en merveilles féconde,
- Est l'ouvrage du ciel et le bonheur du monde;
- Dont le bras triomphant, et les charmes vainqueurs
- Domptent les nations, et captivent les cœurs:
- D'un JVLE, dont les soins redonnent à la France
- Les Jeux et les Plaisirs, la Paix et l'Abondance,
- Qui va faire couler dans nos heureux climats
- Ces larges fleuves d'or, la force des États;
- Et gémir de regret le Pactole et le Tage,
- Que la Fable a flattés d'un pareil avantage;
- D'un JVLE dont les soins ont nos désirs bornés:
- Dont les sages conseils, justement couronnés,
- Font voir à l'univers que la plus belle gloire
- Est de cesser de vaincre au fort de la victoire.
-
-Mais je m'aperçois que ce sujet là est trop relevé pour moi, et qu'il
-vaut beaucoup mieux ne rien dire, que de n'en dire pas assez. Il n'en est
-pas de même de vous, Monsieur. Au contraire, je vous exhorte à faire
-quelque ouvrage plus grand à la gloire de ceux que vous avez loués en
-huit vers seulement; car il ne faut pas faire des portraits en petit d'un
-grand Héros, comme on en fait d'une maîtresse, puisqu'on ne doit avoir
-les uns que pour les cacher, et que les autres doivent être vus de tout
-le monde.
-
-
-A M. PELLISSON, CHEZ M. LE SURINTENDANT, A NANTES[358].
-
- [358] Les trois lettres suivantes sont tirées de la collection
- Baluze, armoire V, paquet IV, n. 3. L. I, 2 vol. in-fo. Altérée
- par la vive émotion que lui causait l'arrestation de Fouquet et
- de Pellisson, l'écriture de Mlle de Scudéry y est encore plus
- difficile à déchiffrer qu'à l'ordinaire. Elles ont été publiées
- d'abord par M. Marcou, puis plus correctement par M. Chéruel,
- dans ses _Mémoires sur Fouquet_. Nous les avons collationnées de
- nouveau sur les originaux, et nous ne sommes pas parvenus à en
- rétablir complétement les lacunes et les ratures.
-
- Aux Pressoirs[359], vendredi six heures du matin.
- Septembre 1661.
-
- [359] Voir la _Notice_, p. 71 et suiv.
-
-Je pars dans un quart d'heure pour Paris. Je ne pus m'embarquer hier
-parce qu'il fit un temps effroyable, de sorte que je prends le carrosse
-de M. de Miremont; il me le donne de fort bonne grâce. Je laisse la
-petite Marianne et M. Pineau avec la sienne (_sic_), et je suis si mal de
-ma tête que j'en perds patience. Peut-être que quelques remèdes me
-soulageront. Je vous en écrirai demain plus au long, et je ne vous écris
-aujourd'hui que pour vous demander de vos nouvelles et pour vous prier de
-m'envoyer un billet pour M. Congnet, qui lui témoigne que vous
-affectionnez l'affaire de M. Pineau; car, comme vous ne lui écrivîtes
-pas en lui envoyant les lettres dont il s'agit, il ne s'est pas pressé
-de le faire. Je vous demande pardon, mais je ne puis refuser cela à ceux
-qui m'en prient.
-
-Adieu, jusqu'à demain. Souvenez-vous de moi, plaignez-moi et m'aimez
-toujours. Je ne puis vous dire que cela aujourd'hui, mais j'en pense bien
-davantage.
-
-
-AU MÊME.
-
- Samedi au soir (septembre 1661).
-
-J'arrivai hier fort tard ici après avoir laissé le pauvre M.
-Jacquinot[360] et madame sa femme en larmes. Sincèrement je leur suis
-bien obligée de l'amitié qu'ils m'ont témoignée en partant. Je prétendois
-vous écrire une longue lettre aujourd'hui, mais quoique je n'aie fait
-savoir mon arrivée à personne, j'ai été accablée de monde et le comte
-Tott[361] qui va arriver, sera cause que je ne vous dirai pas tout ce que
-je voudrois. Ma santé est toujours de même. Deslis vient d'être reprise
-de la fièvre pour la troisième fois. Mme de Caen[362] vous baise mille
-fois les mains; Mlle Boquet et Mme Duval en font autant. Je commence
-déjà, malgré les caresses de mes amies et de mes amis, de regretter les
-Pressoirs du temps que vous y veniez.
-
- [360] Propriétaire de la maison des Pressoirs.
-
- [361] Ambassadeur de Suède à Paris.
-
- [362] Marie-Éléonore de Rohan, abbesse de la Sainte-Trinité de
- Caen, avant d'être abbesse de Malnoue.
-
-
-Au reste l'exil de Mlle de la Mothe fait grand bruit ici, mais comme je
-sais qu'on vous a mandé cette histoire[363] je ne vous en dis rien. On
-dit que M. le Surintendant doit laisser revenir le Roi et aller de
-Bretagne à B......[364] Je crois qu'il sera bien qu'il y soit le moins
-qu'il pourra, afin d'ôter à ses ennemis la liberté de dire qu'il ne
-s'arrête que pour fortifier B.... L'intérêt particulier que je prends à
-ce qui le regarde, m'oblige de vous parler ainsi. On dit fort ici dans le
-monde de Paris qu'il est mieux que personne dans l'esprit du Roi.
-Fontainebleau est si désert que l'herbe commence de croître dans la cour
-de l'Ovale. M. Ménage a été ici, qui vous baise mille fois les mains. Si
-je ne craignois pas de vous fâcher, je vous dirois que Mme v... m...[365]
-dit et fait de si étranges choses tous les jours, que l'imagination ne
-peut aller jusque-là, et tout le monde vous plaint d'avoir à essuyer une
-manière d'agir si injuste et si déraisonnable. Pour moi je souffre tout
-cela avec plaisir, puisque c'est pour l'amour d'une personne qui me tient
-lieu de toutes choses. Je ne vous en dirois rien, si la chose n'alloit à
-l'extrémité, et si je ne jugeois pas qu'il est bon qu'en général vous
-sachiez son injustice. Ne vous en fâchez pourtant pas, car cela ne tombe
-ni sur vous ni sur moi. A votre retour, je vous dirai un compliment que
-les dames de la Rivière me firent ensuite de quelque chose que m. v. m.
-(Madame votre mère) avoit dit. Mais, après tout, il faut laisser dire à
-cette personne ce qu'il lui plaira et s'en mettre l'esprit en repos. Mme
-Delorme[366] me fait des caresses inouïes et Mme de Beringhen aussi. Je
-ne sais ce qu'elles veulent de moi. En voilà plus que je ne pensois, et
-si[367] ce n'est pas tout ce que je voudrois vous dire. Souvenez-vous de
-moi, je vous en prie. Mandez-moi quand vous reviendrez, et m'écrivez un
-pauvre petit mot pour me consoler de votre absence qui m'est la plus rude
-du monde.
-
- [363] Voy. ci-après p. 282, note 2.
-
- [364] Belle-Ile.
-
- [365] Votre mère. Voy. la _Notice_, p. 72.
-
- [366] Femme d'un commis du Surintendant (Chéruel).
-
- [367] Et pourtant: «J'ai la tête plus grosse que le poing, et si
- elle n'est pas enflée,» dit Mme Jourdain dans le _Bourgeois
- Gentilhomme_.
-
-
-AU MÊME.
-
- 7 septembre 1661.
-
-Voici la troisième fois que je vous écris sans avoir entendu de vos
-nouvelles[368] depuis mon départ des Pressoirs. Il me semble pourtant que
-vous pouviez m'écrire un pauvre petit billet de deux lignes seulement
-pour me tirer de l'inquiétude où votre silence me met; car enfin il y a
-douze jours que vous êtes parti. Je ne vous demande point de longue
-lettre, je ne veux qu'un mot qui me dise comment vous vous portez. Car,
-pour peu que je sache que vous vivez, je présupposerai que vous m'aimez
-toujours, et qu'il vous souvient de moi autant que je me souviens de
-vous. J'aurois quatre mille choses à vous dire de différentes manières,
-mais il faut les garder pour votre retour.
-
- [368] Pellisson et Fouquet avaient été arrêtés à Nantes le 5
- septembre.
-
-M. de Méringat[369] qui est à Paris, vous baise les mains. M. de la
-Mothe-le-Vayer en fait autant et m'a chargée de vous donner un petit
-livre de sa façon que je vous garde. M. Nublé m'a promis la harangue que
-fit M. le premier président de la chambre des comptes[370], lorsque
-Monsieur[371] fut porter des édits à sa compagnie. Ce discours est fort
-hardi, on le loue fort à Paris, et l'on en fait grand bruit partout. Si
-je l'ai devant que de fermer mon paquet je vous l'envoyerai.
-
- [369] On trouve dans les papiers de Conrart à la bibliothèque de
- l'Arsenal (tome XI, in-folio, p. 187), un portrait de M. Méringat
- ou Mérignat, écrit par lui-même (Chéruel).
-
- [370] M. de Nicolaï (id.).
-
- [371] Philippe de France, frère de Louis XIV (id.).
-
-On dit toujours que M. le S...[372] va droit à être premier ministre, et
-ceux même qui le craignent commencent à dire que cela pourroit bien être.
-On travaille à l'accommodement de Mlle de la Mothe. Mme la comtesse de la
-Suze[373] a enfin été démariée, de sorte que c'est tout de bon qu'elle
-est Mme la comtesse d'Adington. Au reste, on dit hier chez une personne
-de qualité et du monde, que Mme Duplessis-Bellière pourroit bien épouser
-M. le duc de Villeroy, et qu'elle sera gouvernante de M. le Dauphin. Mais
-on parle parmi tout cela de Belle-Ile, de sorte qu'il est assez bon de se
-précautionner contre tout ce que l'on peut dire. Je vous mande tout ce
-que je sais, vous en ferez ce qu'il vous plaira.
-
- [372] Le Surintendant (id.).
-
- [373] Henriette de Coligny, fille du maréchal de ce nom, et
- petite-fille de l'amiral, avait épousé en 1643 Thomas Hamilton,
- comte d'Hadington, noble Écossais. Devenue veuve peu après son
- mariage, elle épousa en secondes noces le comte de la Suze, qui
- était comme elle de la religion réformée, mais elle ne tarda pas
- à souffrir beaucoup des soupçons jaloux de son mari, qui voulut
- l'emmener et la retenir dans une de ses terres. Mme de la Suze,
- qui était jolie, qui aimait le monde et s'occupait de poésie,
- chercha par tous les moyens possibles à se soustraire à la
- tyrannie de son mari. Elle embrassa la religion catholique,
- _afin_, disait la reine Christine, _de ne voir son mari ni dans
- ce monde ni dans l'autre_.
-
- Plus tard, une séparation définitive (1661) la rendit libre; elle
- se livra entièrement à son goût pour les vers, et sa maison devint
- le rendez-vous des poëtes et des beaux esprits de son temps. C'est
- à cette séparation que Mlle de Scudéry fait allusion. Mme la
- comtesse de la Suze, née en 1618, mourut en 1673. On trouve un
- certain nombre de ses productions dans l'ouvrage réimprimé
- plusieurs fois et souvent cité par nous: _Recueil de pièces
- galantes en prose et en vers de Mme la comtesse de la Suze et de
- M. Pellisson_.
-
-Au reste, j'ai été bien surprise de trouver ici, à mon retour, entre les
-mains de plusieurs personnes, les vers que M. le S... fit pour répondre
-aux vôtres[374]; car j'en faisois un grand secret. Lambert les a donnés à
-Mme de Toisy et à ma belle-sœur, et il leur a dit qu'il a eu
-commandement d'y faire un air, et en effet il en a fait un. On montre
-aussi une contre-réponse que vous avez faite, qui n'est point de ma
-connoissance.
-
- [374] On sait que Fouquet composa, pendant sa captivité, des
- poésies latines et françaises, dont M. P. Clément a donné
- quelques échantillons dans le travail intitulé: _Nicolas Fouquet,
- surintendant des finances_, qui précède son _Histoire de Colbert_
- (voy. p. 68, 446 et 451.) Mais nous ne savons quels sont les vers
- dont parle ici Mlle de Scudéry.
-
-On a fait quatre vilains vers pour l'aventure de Mlle de la Mothe que Mme
-de Beauvais[375] a fait chasser. C'est le bon M. de la Mothe qui me les a
-dits. Il y a une vilaine parole, mais n'importe! ce n'est pas moi qui l'y
-ai mise:
-
- Ami, sais-tu quelque nouvelle
- De ce qui se passe à la cour?
- --On y dit que la m.......
- A chassé la fille d'amour.
-
- [375] Catherine-Henriette Bellier, première femme de chambre de
- la reine Anne d'Autriche. Elle passe pour avoir eu les prémices
- du jeune roi Louis XIV, et fut plus tard «disgraciée par beaucoup
- de bonnes raisons,» dit l'honnête Mme de Motteville.
-
-Tout le monde blâme M. le marquis de Richelieu[376].
-
- [376] Mlle de Lamothe-Houdancourt était une des filles d'honneur
- de la reine. La comtesse de Soissons, qui n'aimait pas Mlle de la
- Vallière, voulant lui susciter une rivale, appela l'attention du
- jeune roi sur Mlle de Lamothe-Houdancourt, et facilita même à
- plusieurs reprises le rapprochement des deux amants. Mme la
- duchesse de Navailles, qui avait les filles d'honneur sous sa
- surveillance, et qui s'était aperçue de cette nouvelle passion du
- roi, lui en fit des représentations respectueuses, mais hardies.
- Elle en vint même jusqu'à faire placer des grilles aux fenêtres
- de l'appartement des filles d'honneur, afin d'empêcher le roi d'y
- pénétrer par les terrasses du château. Ces obstacles contrarièrent
- vivement le roi, qui cependant ne voulut pas faire un éclat, et il
- ne tarda pas à rentrer sous le joug si aimable et si doux de Mlle
- de la Vallière.
-
- Plusieurs écrivains ont mis l'intrigue dont il vient d'être
- question sur le compte de Mlle de Lamothe-d'Argencourt, autre
- fille d'honneur de la reine-mère, pour laquelle le roi avait
- montré de l'inclination en 1657 (voy. les _Mémoires de
- Motteville_). Mais comment croire que Mlle de Scudéry, à la fin de
- l'année 1661, pût donner comme une _nouvelle_ un fait qui se
- serait passé quatre ans auparavant? D'ailleurs, le rôle attribué
- ici à Mme de Beauvais et au marquis de Richelieu, son gendre,
- prouve qu'il s'agit bien de Mlle de Lamothe-Houdancourt, car c'est
- bien de cette dernière (et non de Mlle d'Argencourt) que les
- _Mémoires de Brienne_ (le jeune), t. I, p. 173, nous montrent le
- marquis amoureux à l'époque de la disgrâce de Fouquet, et cela
- avec des détails qui rendent toute confusion impossible.
-
-
-Adieu, en voilà trop. Pour vous j'ajouterai cependant que madame votre
-mère a dit à M. Ménage des choses qui vous épouvanteroient, si vous les
-saviez, tant elles sont déraisonnables, emportées et hors de toute
-raison. Aussi Boisrobert fait-il une comédie de toutes ces belles
-conversations[377]. Je ne vous en aurois rien dit si plusieurs personnes
-ne m'étoient venues dire que j'étois obligée de vous avertir d'une partie
-de la vérité. Pardonnez-le-moi, et croyez que, pour ce qui me regarde, je
-sacrifie toutes choses à votre plaisir, pourvu que vous me conserviez
-toujours votre affection. Vous le devez, et je vous en conjure par la
-plus sincère, la plus tendre et la plus fidèle amitié du monde. C'est
-tout ce que je puis vous dire de si loin. Bonsoir; écrivez-moi un mot,
-car votre silence me tue.
-
- [377] C'est-à-dire qu'il en faisait l'objet d'une de ces
- plaisanteries de société dans lesquelles il excellait.
-
- A la suite de ceci, il y a dans l'original quatre lignes biffées
- avec soin. Nous avons cru déchiffrer ces quelques mots: «_Il vint
- à Fontainebleau..... Mlle Loyseau..... Aragonnais....._»
-
-Mille amitiés à M. de la Bastide et à M. du Mas[378]. Donnez, s'il vous
-plaît, au premier, une lettre que M. Pineau lui écrit. Mme de Caen vous
-baise les mains, elle vous a envoyé une lettre pour M. le Surintendant.
-Le pauvre M. de Montpellier vous prie toujours de ne l'oublier pas, quand
-vous serez de retour, et dit que, s'il y a quelqu'un dans sa compagnie
-qui ne lui plaise pas, on n'a qu'à le lui dire. Ce pauvre homme me promet
-des merveilles, mais, comme vous le savez, je ne vous demande jamais que
-ce que vous devez et ce qui vous plaît.
-
- [378] Commis de Fouquet.
-
-
-A M. HUET, A CAEN[379].
-
- [379] Cette lettre, et la plupart de celles qui suivront,
- adressées à Huet par Mlle de Scudéry, sont tirées des copies de
- Léchaudé d'Anisy, conservées à la Bibliothèque nationale. Ces
- originaux sont aujourd'hui perdus ou dispersés, et ces copies
- sans date, sans ordre, ont été exécutées dans un déplorable
- système de retranchements et d'arrangements, dont on pourra juger
- par l'avis suivant que le copiste a cru devoir mettre en tête:
-
- «La nombreuse collection de lettres autographes de Mlle de
- Scudéry, que l'évêque d'Avranches avait reçues et avait
- rassemblées, aurait pu permettre d'étendre beaucoup cette
- correspondance, surtout si l'on y eût ajouté les diverses poésies
- qu'elle soumettait au jugement du savant prélat. Mais ses vers
- étant encore plus affectés que ses lettres familières, on a dû
- les supprimer totalement dans ce recueil et se borner au
- très-petit nombre de ses lettres qui se ressentent le moins de ce
- style précieux et affecté qu'on reproche à Mlle de Scudéry, et
- qui était un des caractères distinctifs de son esprit.»
-
-Ainsi, retrancher dans les lettres d'un écrivain ce qui était _un des
-caractères distinctifs de son esprit_, voilà le système avoué du
-transcripteur de la Correspondance de Huet. Ce qui peut consoler les amis
-de notre histoire littéraire, ce sont les longues et consciencieuses
-études que M. Baudement, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, a
-consacrées à l'évêque d'Avranches, études dont il nous a été donné de
-profiter, et dont il faut espérer que le public jouira bientôt à son
-tour.
-
- [Septembre 1661.]
-
-Quoique je ne sois pas ingrate, je souhaite pourtant de tout mon cœur de
-ne vous rendre jamais compassion pour compassion: cela veut dire, en un
-mot, que la fortune ne vous fasse jamais éprouver une douleur pareille à
-la mienne; car enfin, Monsieur, en une même semaine j'ai vu un homme
-illustre[380] qui me protégeoit, dans le plus pitoyable état du monde, un
-fidèle et généreux ami en prison[381] et un autre dans le tombeau[382].
-Je compte presque pour rien le renversement de la fortune de M. Pellisson
-et de la mienne en particulier, quoique ces deux choses s'y trouvent. Mon
-chagrin a une cause plus noble, et l'amitié toute seule fait toute
-l'amertume de ma douleur. Plaignez-moi donc, Monsieur, s'il est vrai que
-vous m'aimez un peu, et soyez assuré qu'il ne vous arrivera jamais ni
-joie, ni douleur que je ne partage avec vous.
-
- [380] Fouquet.
-
- [381] Pellisson.
-
- [382] Cet ami dans le tombeau serait-il Mazarin, mort le 9 mars
- précédent?
-
-
-AU MÊME[383].
-
- [383] Copie Léchaudé d'Anisy.
-
- [Fin de 1661.]
-
-On se fait honneur en plaignant ses amis malheureux, et on profite de
-leur infortune en la partageant avec eux; mais le mal est, Monsieur,
-qu'on ne les soulage guère en les plaignant; et après tout, quand on fait
-ce qu'on peut, on fait ce qu'on doit, et l'on a toujours l'avantage de
-n'augmenter pas leurs déplaisirs, par le chagrin qu'il y a d'apprendre
-qu'on a des amis ingrats: car j'appelle de ce nom-là ces âmes insensibles
-qui ne se laissent point toucher à la douleur, et qui ne prennent jamais
-de part qu'à la joie de ceux qu'ils aiment le mieux. Pour vous, Monsieur,
-vous avez l'âme trop noble pour en user de cette sorte, et je sens comme
-je dois, la bonté que vous avez de vous intéresser si obligeamment à ce
-qui me touche et à ce qui regarde un illustre malheureux, qui mérite sans
-doute votre amitié. Il n'est aucunement coupable d'aucun crime et la
-calomnie ne l'accuse même de rien. Mais après tout, il est prisonnier,
-tout son bien est entre les mains du Roi, et quand il n'auroit que le
-malheur de son maître, il seroit toujours bien à plaindre. Je suis bien
-fâchée, Monsieur, de ne vous entretenir que de choses si tristes et peu
-agréables, mais j'ai si bonne opinion de vous, que je crois que vous ne
-vous en tiendrez pas importuné, et qu'au contraire vous en estimerez
-davantage l'amitié que je vous ai promise.
-
-
-LETTRE DE REMERCÃŽMENT AU ROI[384].
-
- [384] Mss Conrart, t. IX, in-fo, p. 199.--_Pièces nouvelles et
- galantes_, 1667, t. II, p. 9.--Voir la _Notice_, p. 109, note 4.
-
- [Octobre 1663.]
-
-Je sais trop le profond respect que l'on doit à V. M. pour prendre la
-hardiesse de lui écrire, si son propre bienfait ne me l'eût donnée et
-s'il n'y avoit trop de honte à n'en pas témoigner de ressentiment. Je le
-dirai même, Sire, à V. M., puisqu'elle ne m'a pas jugée indigne de ses
-grâces. Il est désormais de son intérêt de recevoir avec la même bonté le
-très-humble et très-respectueux remercîment que j'ose lui en faire. Je
-n'ai assurément nulle de ces qualités éclatantes qui attirent son estime
-et sa faveur et en tirent un nouvel éclat. Je ne puis moi-même justifier
-l'action de V. M. qu'en l'assurant d'une reconnoissance éternelle. Elle a
-sans doute voulu montrer en pensant à moi qu'elle sait trouver du temps
-pour les moindres choses comme pour les plus grandes, qu'elle n'ignore
-rien, et ne connoît pas seulement les services mais aussi le cœur de ses
-sujets dont il n'y en a point qui ait plus de passion que j'en ai
-toujours eu pour sa gloire.
-
-J'ai fait, Sire, des vœux pour la naissance de V. M. quand c'étoit un
-bien plus souhaité qu'espéré de toute la France. J'en ai fait pour le
-bonheur de son règne que cette naissance miraculeuse nous sembloit
-promettre. Quand on a admiré les victoires et les conquêtes de V. M., je
-les ai senties; quand son heureux mariage et la paix qu'elle donnoit à
-ses peuples ont fait la prospérité de l'État, j'en ai fait la mienne;
-quand Dieu lui a donné cet aimable Dauphin qui fait présentement les
-délices des deux plus grandes reines qui aient jamais été, j'en ai eu une
-joie particulière, et, si je l'ose dire, toute cachée que je suis dans le
-monde, mon zèle et mon affection m'ont fait suivre V. M. depuis son
-berceau jusqu'à son char de triomphe.
-
-Il n'y a guère d'apparence, Sire, que je cesse aujourd'hui, qu'à tant de
-devoir et d'inclination je puis ajouter la joie d'avoir eu quelque petite
-part aux pensées du plus grand roi du monde, et d'avoir été du moins un
-moment dans cet esprit qui n'est que justice, que lumière, que gloire et
-que grandeur.
-
-Mais, Sire, il ne m'appartient pas de louer V. M., bien que ce soit
-aujourd'hui l'occupation de toute la terre. Il n'est pas juste, quelque
-bonté qu'elle pût avoir, de l'arrêter inutilement, Elle dont tous les
-moments sont autant d'actions utiles et glorieuses. Qu'elle me pardonne,
-s'il lui plaît, ce peu que je lui en ai fait perdre. Je voulois lui faire
-connoître que je sais parfaitement le prix que donne à un bienfait une
-main aussi illustre que la sienne, afin qu'elle comprît plus aisément
-avec quel zèle, quelle fidélité et quel respect je serai toute ma vie,
-etc.
-
-
-A M. HUET, A CAEN[385].
-
- [385] Copie Léchaudé d'Anisy.
-
- Le 18 décembre.... [1663].
-
-J'ai eu une extrême joie, Monsieur, de recevoir des marques de votre
-souvenir, et M. Pellisson m'a priée de vous remercier fort tendrement de
-la part que vous prenez à ce petit commencement de liberté qu'on lui a
-donné[386], et qui donne lieu d'en espérer bientôt une plus grande:
-principalement depuis que le Roi en a parlé très-ouvertement, et qu'il a
-fait lire plusieurs choses qu'il a faites pendant les temps les plus
-rigoureux de sa captivité. Il revient du moins au monde, avec la
-satisfaction de voir que son malheur lui a encore acquis un nombre infini
-d'amis, outre ceux qu'il avoit déjà. . . . . . . . . . . . .
-
- [386] Voy. la _Notice_, p. 75.
-
-
-A M. COLBERT[387].
-
- [387] Delort, _Voyages aux environs de Paris_, t. I, p.
- 141.--_Histoire de la détention des philosophes_, t. I. p. 79.
-
-
- [Décembre 1663.]
-
- Monsieur,
-
-Quoique je n'aie presque pas l'honneur d'être connue de vous, je ne
-laisse pas d'espérer que vous ne trouverez point mauvais que je prenne
-non-seulement la liberté de vous écrire, mais encore celle de vous
-demander une grâce; et pour vous obliger à m'écouter favorablement, je
-vous protesterai d'abord que le Roi n'a point de sujette qui ait plus de
-passion ni plus de zèle que j'en ai toujours eu pour sa gloire, et que
-feu M. le Cardinal n'a jamais obligé personne qui ait eu plus d'estime
-pour ses grandes qualités ni plus de reconnoissance de ses bienfaits.
-
-Après cela, Monsieur, j'ose vous conjurer très-instamment, si vous le
-pouvez, comme je n'en doute point, de faire que la prison de M. de
-Pellisson soit un peu plus douce. Si sa vertu, sa probité, son zèle pour
-le service du Roi, et la considération que je sais qu'il a toujours eue
-pour vous, vous étoient bien connus, vous le regarderiez sans doute comme
-un homme dont l'innocence doit être protégée par vous. Je le dis d'autant
-plus hardiment, Monsieur, que j'espère que j'aurai quelque jour
-l'honneur de vous le faire voir clairement. Je vous conjure donc,
-Monsieur, d'avoir la bonté de faire en sorte que la mère de M. de
-Pellisson, M. Rapin son beau-frère, M. Ménage et moi, ayons la liberté de
-le voir une fois ou deux la semaine.
-
-J'ose vous dire encore, Monsieur, que si vous saviez bien les choses,
-vous connoîtriez que je ne vous demande rien que de juste, lorsque je
-vous conjure d'adoucir la prison de mon ami. J'ose même vous assurer,
-Monsieur, que cette douceur sera glorieuse au Roi, pour le service duquel
-je suis assurée que M. de Pellisson voudroit donner toutes choses,
-jusques à sa propre vie, et je vous assure aussi que vous ne pouvez rien
-faire de plus juste ni de plus honnête. Je n'ose vous dire, Monsieur, que
-j'aurai une reconnoissance éternelle de cette grâce, si vous me
-l'accordez; mais je vous assure que vous obligerez un nombre infini
-d'honnêtes gens en obligeant mon ami. Si j'eusse cru ne vous importuner
-pas, je vous aurois demandé un quart d'heure d'audience pour vous dire ce
-que je vous écris et peut-être quelque chose de plus; mais n'ayant osé le
-faire, je me suis hasardée de vous écrire sans vouloir employer personne
-auprès de vous, quoique j'aie beaucoup d'amis par qui j'eusse pu vous
-faire prier; mais j'ai mieux aimé ne devoir rien qu'à votre propre
-générosité. Voilà, Monsieur, quels sont les sentiments d'une personne qui
-aura beaucoup de joie si vous voulez bien qu'elle ait l'honneur d'être
-toute sa vie, Monsieur, votre très-humble, très-obligée et
-très-obéissante servante,
-
- MADELEINE DE SCUDÉRY.
-
-
-A M. HUET[388].
-
- [388] Copie Léchaudé d'Anisy.
-
- [1664 ou 1665.]
-
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-Les avocats disent que l'illustre prisonnier se défend si bien lui-même,
-que nul autre ne le doit défendre, et il donne de si justes marques de sa
-capacité et de sa constance, que son infortune lui devient tous les jours
-plus glorieuse. Voilà, Monsieur, tout ce que peut vous dire une personne
-qui vous honore infiniment, et qui vous demande la continuation de votre
-amitié.
-
-
-AU MÊME.
-
- [Fin de 1665 ou commencement de 1666.]
-
-Je ne sais, Monsieur, si vous songez quelquefois qu'il y a longtemps que
-je vous dois une réponse; mais je sais bien que vous êtes obligé d'y
-songer, et que j'ai eu si souvent envie de vous écrire, que vous m'en
-devez savoir fort bon gré. J'attendois toujours que j'eusse l'esprit plus
-tranquille, afin de vous écrire sans chagrin: mais comme je prévois que
-j'aurai encore deux ou trois mois d'inquiétude, je me résous enfin à vous
-entretenir, toute mélancolique que je sois. Ce n'est pas que les affaires
-de M. de Pellisson ne soient en fort bon état, et que tout le monde ne
-rende justice à sa vertu, mais sachant combien il aime son maître, et
-étant lui-même fort touché de son infortune, je ne puis pas avoir
-l'esprit en repos que cette affaire ne soit terminée. Mais après tout,
-Monsieur, mon amitié est toujours la même, et j'espère que vous la
-reverrez paroître avec les premières roses, telle qu'elle étoit l'année
-passée à la saison des violettes. Faites donc en sorte que je retrouve la
-vôtre telle qu'elle étoit; je vous en conjure par l'admirable Octavie.
-
-
-AU MÊME[389].
-
- [389] Copie Léchaudé d'Anisy.
-
- Vendredi [1670].
-
-Comme je n'ai pas de plus grand plaisir que de louer ce qui mérite d'être
-loué, surtout quand mes amis en sont les auteurs, je suis très-fâchée,
-Monsieur, que vous ayez donné des bornes aux louanges que je vous dois,
-en me louant comme vous avez fait à la fin de votre excellent Discours
-sur l'origine des Romans[390]. Car après cela, je n'ose presque dire
-tout le bien que j'en pense, de peur qu'on ne m'accuse d'être plus
-touchée de ce que vous dites de moi, que de toutes les belles choses dont
-votre discours est rempli. Mais, puisque des raisons de modestie
-m'empêchoient peut-être de vous louer en parlant aux autres avec tout le
-zèle que je voulois, il faut du moins que je le fasse en parlant à vous,
-et que je vous die de plus que M. de Pellisson m'a écrit de Saint
-Germain, que votre ouvrage étoit très-beau et très-savant, et qu'il vous
-ira remercier d'un si agréable présent, dès qu'il viendra à Paris. Je
-pense, Monsieur, que ses louanges valent mieux que les miennes, mais je
-ne laisserai pas de vous dire que non-seulement il paroît beaucoup de
-savoir dans votre discours, mais, outre cela, un discernement exquis et
-un véritable génie pour ces sortes d'ouvrages. Vous avez précisément
-choisi les romans qui ont fait les délices de ma première jeunesse, et
-qui m'ont donné l'idée des romans raisonnables qui peuvent s'accommoder
-avec la décence et l'honnêteté; je veux dire, _Théagène et Chariclée_,
-_Théogène et Charide_[391], ainsi que l'_Astrée_; voilà proprement les
-vraies sources où mon esprit a puisé les connoissances qui ont fait ses
-délices. J'ai seulement cru qu'il falloit un peu plus de morale afin de
-les éloigner de ces romans ennemis des bonnes mœurs, qui ne peuvent que
-faire perdre le temps.
-
- [390] Il parut en 1670. «Achevé d'imprimer le 20 novembre 1670,»
- lit-on en tête de la première édition qui précède le roman de
- _Zaïde_.
-
- [391] _Du vrai et parfait amour, contenant les amours honnêtes de
- Théogène et de Charide_, etc., Paris, 1599 et 1612, in-12. C'est
- un pastiche des romans grecs, mis par son auteur, Martin Fumée,
- sr de Genillé, sous le nom du philosophe Athénagoras.
-
-Au reste si les choses que vous dites sont choisies, les expressions le
-sont aussi, et rien n'est mieux écrit que votre discours. Je vous dirai
-seulement qu'on peut en quelque sorte répondre à l'accusation que vous
-faites aux romans bien faits, d'avoir amené l'ignorance à leur suite,
-qu'ils devroient avoir produit un effet contraire; car comme l'histoire
-et la fable sont mêlées aux romans dont la scène est tirée de
-l'antiquité, les femmes qui ont de l'esprit doivent raisonnablement
-chercher à lire les originaux de ces sortes de choses dont elles trouvent
-des passages dans les romans; et j'ai une amie qui n'eût jamais connu
-Xénophon ni Hérodote, si elle n'eût jamais lu le _Cyrus_, et qui en le
-lisant s'est accoutumée à aimer l'histoire et même la fable. Je ne
-m'oppose pourtant pas à ce que vous avez avancé; je dis seulement que
-l'ignorance dont vous parlez a plus d'une cause et qu'il peut être bien
-de ne dire que celle-là.
-
-Je vous demande pardon, Monsieur, de vous faire une si longue lettre, et
-de vous dire pourtant en si peu de paroles, que personne n'est plus que
-moi, votre très-humble et très-obéissante servante.
-
-
-A M. P. TAISAND[392].
-
- [392] Cet avocat au parlement de Dijon, trésorier de France en la
- généralité de Bourgogne, était parent de Bossuet; il était né en
- 1644 et mourut en 1715. Voir la _Notice_ de M. Miller, souvent
- citée par nous, à laquelle nous empruntons cette lettre: _Pierre
- Taisand_, etc.
-
- 19 juillet 1673.
-
-J'eus hier bien du déplaisir, Monsieur, de n'être pas en état de vous
-voir, mais j'en ai beaucoup davantage d'être forcée de vous refuser la
-première chose que vous m'avez demandée; la raison de ce refus est que je
-n'ai jamais donné de clef ni de _Cyrus_, ni de _Clélie_, et je n'en ai
-pas moi-même. J'ai fait les portraits de mes amis et de mes amies, selon
-l'occasion qui s'en est présentée, et la description de quelques-unes de
-leurs maisons, sans aucune liaison aux aventures qui ne sont fondées que
-sur la vraisemblance.
-
-Si Mlle Bossuet[393] a de la curiosité pour quelques noms, je rappellerai
-ma mémoire pour la contenter. Je connois son mérite sur sa réputation, et
-je l'honore infiniment. M. de Condom, son frère, pourroit savoir de M. de
-Montausier que je dis vrai lorsque je vous assure que je n'ai point donné
-de clef de ces ouvrages-là. J'espère que vous serez assez équitable,
-Monsieur, pour recevoir mes excuses, et pour ne m'en croire pas moins
-votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [393] Mme Foucaut, sœur de Bossuet. Voy. _Pierre Taisand_, p.
- 10.
-
-
-A M. CHARPENTIER[394].
-
- [394] François Charpentier, membre de l'Académie française, était
- en correspondance avec Mlle de Scudéry. _Voy._ ci-après la lettre
- qu'il lui adressa en 1659.
-
- [1673.]
-
-J'ai reçu avec bien de la joie, Monsieur, le précieux présent que vous
-m'avez fait. Je voudrois bien que mes louanges fussent d'un prix assez
-considérable pour contribuer à votre gloire, mais, telles qu'elles sont
-je vous assure que je les emploie avec plaisir à rendre justice à votre
-Églogue[395] qui est assurément très-belle et bien digne de vous et de
-son sujet. Je n'oserois, Monsieur, vous en dire davantage en parlant à
-vous, mais ce n'est pas tout le bien que j'en dirai en parlant aux
-autres. J'aime naturellement à louer tout ce qui mérite d'être loué;
-jugez donc, Monsieur, avec quel plaisir je louerai votre ouvrage, étant
-autant que je suis votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [395] _Églogue royale à Louis XIV_. Paris, 1673, in-4º. C'est à
- cette production de Charpentier que Boileau fait allusion dans
- son _Discours au Roy_:
-
- L'un en style pompeux habillant une églogue
- De ses rares vertus se fait un long prologue,
- Et mêle, en se vantant soi-même à tout propos,
- Les louanges d'un fat à celles d'un héros.
-
- Il faut dire que Boileau était souvent en querelle à l'Académie
- avec Charpentier. Dans une lettre à Racine datée de Bourbon le 21
- juillet 1687, où Fagon l'avait envoyé prendre les eaux pour le
- guérir d'une extinction de voix qui l'affligeait depuis plusieurs
- années, il dépeint le traitement auquel on le soumet, et dit en
- s'y résignant: «Mais que ne feroit-on pas pour contredire M.
- Charpentier?»
-
-
-A M. L'ABBÉ HUET, A AUNAY[396].
-
- [396] Copie Léchaudé d'Anisy.
-
- Le 7 juillet [1684].
-
-Votre lettre m'a surprise fort agréablement, Monsieur, car depuis
-longtems l'exactitude des petits soins n'a plus été nécessaire à vous
-conserver dans mon cœur la place que votre mérite vous y a acquise. J'ai
-donc reçu le témoignage de votre souvenir avec joie, et la plainte que
-vous faites au sujet du madrigal, est trop obligeante pour ne satisfaire
-pas la curiosité que vous avez de le voir. Je l'envoyai au-devant du roi
-qui le reçut des mains de Mme de Maintenon à Roye, deux heures après
-avoir reçu la capitulation de Luxembourg[397]; car je l'avois fait dès le
-premier bruit qui avoit couru que cette place avoit capitulé; ce qui ne
-s'étoit pas trouvé véritable. Je serois bien aise qu'il ne vous déplaise
-pas, et qu'il ait l'honneur de plaire à M. de Morangis, que j'honore
-toujours beaucoup. Je fis encore une petite bagatelle quand le roi
-partit, qui n'a pas déplu au monde; mais cela est trop bagatelle pour
-vous l'envoyer. J'aurai dans douze ou quinze jours deux petits volumes à
-vous donner. Apprenez-moi ce que j'en dois faire pour les faire parvenir
-entre vos mains. Notre cher M. Ménage est toujours très-incommodé; il ne
-peut passer de sa chambre dans son cabinet qu'avec des potences. Il
-supporte cela avec beaucoup de patience, et se rend encore plus digne de
-la compassion de ses amis. Je lui ai envoyé demander votre adresse; je
-m'en sers donc, Monsieur, pour vous assurer que sans que vous en preniez
-nul soin vous me trouverez toujours la même. La mémoire de notre chère
-Mme de Malnoue[398] sert encore à conserver l'amitié que j'ai pour vous,
-et il me semble que c'est l'aimer encore que d'aimer ce qu'elle aimoit.
-Voilà, Monsieur, les sentiments très-purs de votre très-humble et
-très-obéissante servante.
-
- [397] La ville de Luxembourg se rendit au maréchal de Créqui le 4
- juin, après 24 jours de tranchée ouverte.
-
- [398] Marie-Éléonore de Rohan, morte le 8 avril 1682.
-
-
-A M. DE VERTRON[399].
-
- [399] Claude Guyonnet de Vertron, auteur de la _Nouvelle Pandore,
- ou les Femmes illustres du règne de Louis XIV_, 1698, 2 vol.
- in-12, où il a rassemblé une foule de sonnets, madrigaux, etc., à
- la gloire des dames et à la louange du roi. Ce recueil indigeste
- et assez rare offre pour nous l'intérêt d'avoir conservé quelques
- lettres de Mlle de Scudéry, parmi lesquelles nous avons choisi
- celle-ci et les deux suivantes.
-
- Cette lettre répond à une épître où M. de Vertron lui demandait à
- être introduit auprès d'elle sous les auspices de Mlle de la
- Vigne. _Nouvelle Pandore_, p. 349 à 351.
-
- [1685 OU 1686.]
-
-J'ai tant d'estime, Monsieur, pour Mlle de la Vigne, que tout ce qui
-vient de sa part m'est précieux. Je vois par vos vers et par votre lettre
-que votre seul mérite peut vous faire recevoir agréablement par
-vous-même; mais comme j'ai une toux fort cruelle qui ne me permet pas de
-beaucoup parler, je vous demande cinq ou six jours pour guérir, afin de
-pouvoir vous louer et vous remercier sans vous importuner en toussant. Ne
-vous figurez pas, Monsieur, que je sois un _bel esprit_, je ne suis rien
-moins que cela, mais je suis une bonne amie qui fais profession d'être
-fort sincère et qui suis déjà par avance,
-
- Monsieur,
-
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
-
-AU MÊME.
-
- 1685 ou 1686.
-
-Comme je suis cruellement enrhumée, Monsieur, vous me devez pardonner de
-ne vous avoir pas remercié plus promptement de la belle devise que vous
-avez faite pour M. le duc de Saint-Aignan; elle lui convient
-admirablement, et j'ai su que le jour du carrousel[400] il confirma cette
-vérité par la manière libre, noble et dégagée dont il s'acquita de
-l'emploi qu'il y avoit. Je vous en rends donc mille grâces très-humbles,
-Monsieur, et je donne à l'ouvrage que vous avez fait pour Louis le
-Grand[401], toutes les louanges qu'il mérite, en parlant aux autres, mais
-en parlant à vous, je ne me hasarderai pas d'entrer dans le détail de
-celles dont il est digne; il y auroit de la vanité à le faire. Il me
-suffit donc de vous dire, que cet ouvrage est aussi bien qu'il peut être,
-dans le dessein que vous avez eu de renfermer dans une petite
-espace[402], une gloire qu'à peine l'univers peut contenir. J'aurois
-peut-être désiré que vous eussiez un peu mieux parlé de Soliman qui avoit
-de très-grandes qualités; car il est toujours beau aux victorieux de
-soumettre des gens d'un mérite éclatant, mais cela n'est rien et ne sera
-remarqué que de moi, qui dans ma première jeunesse ai fort estimé ce
-prince othoman. Voilà, Monsieur, tout ce qu'un grand rhume me permet de
-vous dire, et que je suis autant que je le dois,
-
-Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [400] Probablement le grand carrousel des 4 et 5 juin 1685, où le
- duc de Saint-Aignan joua un rôle important, comme on le voit par
- la _Relation_ qui en fut publiée cette année même. Il y eut un
- autre carrousel en 1686.
-
- [401] _Parallèle de Louis le Grand avec les princes qui ont été
- nommés grands_, Paris, 1685, in-12.
-
- [402] _Espace_ était quelquefois employé au féminin. D'Aubigné
- lui donne ce genre.
-
-
-AU MÊME.
-
- [1685 ou 1686.]
-
-Le sonnet que vous m'envoyez[403], Monsieur, est fort beau, mais il est
-trop flatteur; j'en rabats ce que je dois, et je vous en remercie sans
-me laisser persuader ce que je ne mérite pas. Je suis fâchée, Monsieur,
-pour l'amour de vous, de ne pouvoir changer ma manière, mais je ne le
-puis. J'ai un grand nombre d'amis, et je suis assurée qu'il n'y en a pas
-un qui me conseillât de changer un caractère dont je me suis si bien
-trouvée. Il y a plus de trente ans que M. le duc de Montausier me loue de
-ne faire pas le _bel esprit_; en un mot, Monsieur, rien n'est plus opposé
-à mon humeur, et je ne puis, en façon du monde, faire ce que vous
-désirez. Quand mes amis me montrent quelque ouvrage, je ne décide jamais
-rien. Les deux aimables personnes que vous avez choisies suffisent à
-juger des choses plus difficiles[404]: Si elles ne s'accordent pas,
-choisissez un honnête homme pour être un tiers. Voilà, Monsieur, tout ce
-que je puis. Et pour finir par où j'ai commencé, je vous loue et vous
-remercie, et je vous promets de louer avec plaisir l'ouvrage qui
-remportera le prix; c'est tout ce que peut
-
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [403] Ce sonnet à la louange de Mlle de Scudéry se trouve dans la
- _Nouvelle Pandore_, t. I, p. 313.
-
- [404] Il s'agissait d'un concours de bouts-rimés en l'honneur du
- duc de Saint-Aignan, protecteur de Vertron. Celui-ci avait
- désigné Mme Deshoulières et Mlle Serment pour exercer cette
- espèce d'arbitrage que Mlle de Scudéry décline ici avec
- politesse.
-
-
-A M. BOISOT, ABBÉ DE SAINT-VINCENT, A BESANÇON[405].
-
- [405] La notice détaillée que le savant Weiss a consacrée à ce
- personnage dans la _Biographie universelle_, nous dispense d'en
- parler ici longuement. Contentons-nous de dire que l'abbé Boisot
- (Jean-Baptiste) naquit à Besançon, au mois de juillet 1638 et
- mourut le 4 décembre 1694. Il est connu par divers travaux
- d'érudition et par la part qu'il prit à la conservation et au
- classement des papiers du cardinal de Granvelle.
-
- Ami de Pellisson et de Mlle de Scudéry, il entretint avec celle-ci
- une correspondance qui s'étendit depuis la fin de l'année 1686
- jusqu'en 1694, époque de la mort de l'abbé. Conservée à la
- bibliothèque de Besançon, elle a été communiquée par le savant M.
- Weiss aux éditeurs des _Historiettes de Tallemant des Réaux_,
- 1860. Nous en reproduisons ici un certain nombre, avec les
- éclaircissements qu'y avait joints M. Weiss, nous réservant
- d'élaguer, dans le texte et dans les notes, les répétitions et les
- longueurs.
-
- Le 2 novembre 1686.
-
-Votre lettre, Monsieur, m'a surprise fort agréablement, car je n'avois
-nul lieu de l'attendre aussi flatteuse qu'elle est, et je vois bien que
-je dois la bonne opinion que vous avez de moi à mes amis; mais, au hasard
-de vous en désabuser, je voudrois bien que vous eussiez quelque affaire
-agréable en ce pays-ci, qui me donnât lieu de connoître par moi-même un
-aussi honnête homme que vous; car je ne vous connois pas seulement,
-Monsieur, par les belles lettres que j'ai reçues de vous, je vous connois
-encore par M. de Pellisson, qui ne loue jamais sans sujet. De sorte,
-Monsieur, que si mon estime peut contribuer à votre satisfaction, vous
-pouvez en être assuré et qu'il ne tiendra qu'à vous que je ne sois toute
-ma vie,
-
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
-
-A M. l'ÉVÊQUE DE POITIERS[406].
-
- [406] Cabinet de M. Toussaint, avocat au Havre.
-
- L'évêque de Poitiers était François-Ignace de Baglion de Saillant.
-
- [Février 1687.]
-
-Si je n'étois pas un peu malade et fort affligée de la mort de M. le
-maréchal de Créqui[407], j'accepterois avec joie l'honneur que vous me
-voulez faire, Monseigneur; mais je n'ai pu encore aller voir mes amies
-affligées et il n'y auroit nulle raison d'aller me réjouir dans ce temps
-où je dois pleurer avec elles. Gardez-moi votre bonne volonté pour une
-autre fois et je serai ravie de ne vous refuser pas, car je suis
-véritablement votre très-humble servante et très-obéissante malade.
-
- [407] François de Bonne, maréchal de Créqui, mort le 4 février
- 1687.
-
-
-A M. L'ABBÉ BOISOT.
-
- Le 12 septembre 1687.
-
-Quoique je sois fort diligente, Monsieur, à reconnoître dans mon cœur
-tout ce que vous avez fait pour m'obliger, je dois vous paroître un peu
-paresseuse à vous remercier du plaisir que m'ont donné toutes vos
-lettres espagnoles[408]. Mais un grand rhume m'a empêchée de les lire
-durant quelque temps. Je les trouve pleines de beaucoup d'esprit et je
-suis persuadée qu'il y en avoit plus en ce temps-là en Espagne qu'il n'y
-en a aujourd'hui, et je suis assurée que le Roi qui y règne n'écrit pas
-comme celui dont M. de Pellisson m'a fait voir les lettres, ni les dames
-de sa cour comme la _Torquilla_. Je vous remercie donc, Monsieur, d'avoir
-songé à me les faire voir. Vous ne me dites point s'il faut vous les
-renvoyer. Cependant je prends la liberté de vous donner douze vers[409]
-que je fis le lendemain que j'eus été voir Saint-Cyr par ordre de Mme de
-Maintenon, qui m'y reçut avec beaucoup de bonté. On y a fait un chant
-parfaitement beau. Il y a près de trois cents jeunes demoiselles dans
-cette maison. C'est un établissement admirable. C'est à ces jeunes filles
-que j'adresse ces vers. Je souhaite qu'ils ne vous déplaisent pas,
-Monsieur, et que vous me croyiez autant que je suis
-
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [408] Il est probable que ces lettres faisaient partie des
- papiers du cardinal de Granvelle, et que l'abbé Boisot, toujours
- empressé d'être agréable à Mlle de Scudéry, les lui avait
- envoyées. (W.)
-
- [409] Voyez-les, aux Poésies.
-
-
-AU MÊME.
-
- 17 octobre 1687.
-
-Que direz-vous, Monsieur, de mon silence? Les apparences sont contre moi,
-mais, dans la vérité, je ne suis pas coupable, car je ne suis point du
-tout ingrate. Votre italien m'a fait pour le moins autant de plaisir que
-votre espagnol, et puis un sonnet écrit de la propre main du Tasse[410]
-est une chose infiniment agréable à quiconque est sensible au mérite d'un
-si excellent homme. Je vous en aurois remercié plus tôt, sans un grand
-rhume qui m'a fort importunée; et puis j'eusse bien voulu vous envoyer en
-échange quelque chose de moi propre à vous divertir. Mais je vous envoie,
-Monsieur, des vers d'un gentilhomme de mes amis de Bordeaux qui fait de
-fort belles choses.[411] Vous en verrez le sujet au titre. Il faut
-seulement savoir qu'un peu avant cela, le Roi m'avoit fait l'honneur de
-me donner sa médaille. Vous voyez, Monsieur, que je paie mes dettes du
-bien d'autrui. Mais ce n'est qu'en vers que j'en use ainsi, car vous
-trouverez dans mon propre cœur toute l'estime que vous méritez et toute
-la reconnoissance que doit avoir votre très-humble et très-obéissante
-servante.
-
- [410] Trouvé dans les papiers du cardinal de Granvelle, par
- l'abbé Boisot, qui s'était empressé de le communiquer à Mlle de
- Scudéry. (W.)
-
- [411] Ce gentilhomme bordelais se nommait Bétoulaud. On conserve
- de lui dans les recueils académiques des provinces un grand
- nombre de pièces de poésie. (W.)
-
-
-M. de Pellisson est à Fontainebleau. Je lui montrerai le sonnet à son
-retour, qui lui fera plaisir.
-
-
-AU MÊME.
-
- Le 19 août 1689.
-
-J'ai reçu, Monsieur, de si grands remercîments de MM. de Bonnecorse père
-et fils[412], que je serois bien ingrate si je ne vous témoignois pas la
-reconnoissance que j'ai de toutes les manières honnêtes dont vous avez
-reçu ma très-humble prière. Je le fais donc de tout mon cœur et je vous
-assure que je ne perdrai jamais le souvenir de cette générosité. Mais
-pour achever la grâce, ne pourriez-vous pas obtenir de M. de Moncault
-qu'il fît pour le cadet que vous avez si bien reçu, ce que M. de
-Valcroissant écrivit hier sur ma table, en partant pour aller prendre
-possession du petit gouvernement que le Roi lui a donné? Il a été
-gouverneur de M. de Barbésieux, fils de M. de Louvois. Il est de Provence
-et de mes anciens amis, et c'est lui qui a fait mettre M. de Bonnecorse
-aux cadets de Besançon. Ce garçon m'a écrit qu'il vaquoit trois
-lieutenances d'infanterie; il en a aussi écrit à M. de Valcroissant;
-mais, par malheur, il partoit pour Flandre avec Mme sa femme. Mais lui
-ayant demandé ce qu'il falloit faire, il écrivit le petit mémoire que je
-vous envoie[413]. Voyez, Monsieur, si vous pourriez obtenir de M. de
-Moncault ce que ce mémoire porte. M. de Pellisson l'en remercieroit, et
-moi aussi, et je vous en serois parfaitement obligée. Le père de ce
-garçon est un parfaitement honnête homme que M. de Pellisson et moi
-aimons beaucoup. Je prends la liberté de mettre un petit billet dans
-votre paquet pour ce gentilhomme-là.
-
- [412] Elle les avait recommandés à l'abbé par une lettre du 6
- juin, où elle parlait du père (l'une des victimes de Boileau),
- comme d'un de ses amis particuliers depuis trente ans.
-
- [413] On n'a pas pu le retrouver dans les papiers de l'abbé
- Boisot. (W.)
-
-Je serai ravie de voir ce que le médecin écrira sur le mal extraordinaire
-de la fille dont vous m'avez fait le récit. Je crois que vous seriez bien
-aise de savoir que le Roi a donné pour gouverneur à M. le duc de
-Bourgogne, M. le duc de Beauvilliers, homme d'une grande vertu. M. de
-Chevreuse[414] est sous-gouverneur, et M. l'abbé de Fénelon précepteur.
-Le Roi sut hier, par un exprès parti de Rome le 10, que le Pape était à
-l'agonie. Il est venu aujourd'hui un autre courrier: on se figure, avec
-bien de l'apparence, qu'il apporte la nouvelle de la mort. Les cardinaux
-françois se préparent à partir, et M. le duc de Chaulnes aussi, avec la
-qualité d'ambassadeur extraordinaire. M. d'Uxelles se défend
-admirablement bien à Mayence; Brégy se défend de même. La flotte du Roi
-est la plus belle du monde. La dyssenterie est dans celle de ses ennemis,
-et il y a lieu de croire que Dieu bénira les armes de Louis le Grand et
-confondra ses ennemis. Mais pour finir par où j'ai commencé, Monsieur, je
-vous rends mille grâces très-humbles et suis pour toute ma vie votre
-très-humble et très-obéissante servante.
-
- [414] Le duc de Chevreuse remplissait réellement, comme le dit
- Mlle de Scudéry, les fonctions de sous-gouverneur du duc de
- Bourgogne, mais il n'en eut pas le titre. On lit dans la _Gazette
- de France_ du 20 août 1689: «Le marquis de Denonville
- (Jacques-René de Briney) est nommé sous-gouverneur du duc de
- Bourgogne.» M. de Denonville avait été gouverneur du Canada; il
- mourut en 1710, âgé de soixante-treize ans. (W.)
-
-
-AU MÊME.
-
- Le 7 de septembre 1689.
-
-Je réponds un peu tard, Monsieur, à votre lettre du 28, parce que je
-voulois la montrer à M. de Pellisson, afin qu'il m'aide à reconnoître la
-manière obligeante dont vous agissez pour M. de Bonnecorse. Mais vous
-pouvez assurer M. de Moncault[415] et vous assurer vous-même qu'il
-sentira vivement tout ce que vous faites l'un et l'autre pour ce
-gentilhomme dont le père est son ami et le mien, et que vous trouveriez
-très-digne d'être le vôtre si vous le connoissiez. Il a de l'esprit, du
-savoir et beaucoup de vertu. Je lui avois écrit afin qu'il rendît office
-à l'ambassadeur de Constantinople qui devoit passer à Marseille. Il a
-fait cela de si bonne grâce que ce m'est un nouvel engagement de le
-protéger en la personne de son fils. Continuez donc, Monsieur, de le
-servir auprès de M. de Moncault. Mais comme ce garçon-là n'est pas l'aîné
-de la famille, il vaut mieux lui faire donner une lieutenance dans un bon
-corps d'infanterie que de le mettre dans la cavalerie où il y a plus de
-dépenses à faire.
-
- [415] L'officier sous lequel le fils de Bonnecorse devait servir.
-
-Après cela, je laisse le reste à faire à votre générosité et à celle de
-M. de Moncault, dont M. de Pellisson me dit avant-hier encore beaucoup de
-bien. J'écris aujourd'hui au cadet de Besançon, ne voulant pas toujours
-abuser de votre honnêteté, et j'écris aussi à son père pour lui apprendre
-la continuation de vos bontés pour son fils. Je vous assure que ce
-garçon-là n'en est pas ingrat, car il m'en écrit comme en ayant le cœur
-pénétré. Mayence fait toujours des merveilles, et Brégy ne se dément pas.
-Mais les nouvelles d'Irlande ne sont pas bonnes, et l'on ne doute pas que
-Londonderry n'ait été secouru. Les cardinaux françois vont en diligence à
-Rome pour empêcher, s'ils peuvent, que le conclave ne nous donne un pape
-aussi ennemi de la France que le dernier; mais la maison d'Autriche fait
-une grande ligue. La flotte angloise n'a pas voulu attendre la nôtre. Il
-y a une épitaphe du Pape qui ne le flatte pas, mais vous l'aurez
-peut-être reçue. Je suis, Monsieur, avec autant d'estime que de
-reconnoissance, votre très-humble et très-obéissante servante.
-
-
-AU MÊME.
-
- Le 7 octobre 1689.
-
-......Il faut vous répondre, Monsieur, sur ce que vous me demandez
-touchant Saint-Cyr. Il n'y a pas toujours des places vacantes, mais on
-écrit dans un registre celles qui ont des places retenues. Il faut faire
-preuve de quatre degrés de noblesse par pièces originales par-devant M.
-d'Hozier, fils du grand généalogiste, préposé pour cela; mais il faut
-auparavant avoir parlé à Mme de Maintenon, qui seule conduit toute cette
-maison. Il faut que la petite fille ait sept ans passés; on n'en reçoit
-point au-delà de douze. On désire qu'elles soient saines et qu'elles ne
-soient pas difformes. Mais j'ai à vous dire qu'on n'en mariera plus comme
-on a fait. Elles y seront jusqu'à vingt ans. Quand il vaque des places de
-religieuses dans les abbayes royales où le Roi a droit d'en nommer une,
-s'il y a des demoiselles que Dieu appelle à la religion, on en choisit
-une et on l'envoye à cette abbaye-là. Voilà, Monsieur, ce que je vous en
-puis dire. Si les filles ne font pas bien leur devoir, on les rend aux
-parents, et il en est sorti deux il y a trois jours. J'ajoute après cela
-que, quoique j'aie refusé à une personne de me mêler de mettre des filles
-dans ce lieu-là, si vous voulez dresser un mémoire bien circonstancié de
-la condition de la demoiselle, de la vertu de la mère, du père, du bien
-de cette famille, de l'âge de la fille et peindre même la petite
-personne, je ferai voir le mémoire à Mme de Maintenon. Mais comme la Cour
-partit hier pour Fontainebleau, d'où elle ne reviendra à Versailles que
-le 23 de ce mois, il faudra attendre ce retour-là....
-
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
-
-A M. HUET[416].
-
- [416] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- [1689.]
-
-Je suis fort aise, Monseigneur, que vous m'ayez fait l'honneur de vous
-souvenir de moi, sans vous souvenir de mon ignorance; car peut-être, si
-vous vous en étiez souvenu, ne m'eussiez-vous pas donné votre excellent
-ouvrage[417]. Je voudrois bien cependant que vous m'eussiez aussi envoyé
-quelque habile traducteur, afin de ne perdre rien d'un livre qui n'est
-pas favorable à certaines machines cartésiennes, contre lesquelles je me
-suis déclarée hautement il y a longtemps, sans employer pourtant contre
-le philosophe, que mon chien, ma guenon et mon perroquet. Mais comme il y
-a certaines choses qu'on entend plus facilement que les autres, j'ai fort
-bien entendu les louanges que vous donnez à M. de Montausier dans votre
-préface, et quelques autres petits endroits dont je n'oserois parler en
-détail de peur de m'égarer. Le philosophe que vous attaquez si vivement a
-une nièce[418] que j'aime beaucoup et qui a infiniment de mérite; mais
-elle entend raillerie sur la philosophie de son oncle, comme vous le
-verrez par un madrigal qu'elle m'envoya au commencement d'avril,
-lorsqu'elle sut que la pauvre fauvette étoit revenue dans mon petit bois,
-suivant sa coutume.
-
- Quand la plus belle des fauvettes
- Je vis revenir où vous êtes,
- Ah! m'écriai-je alors avec étonnement,
- N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement.
-
- [417] C'est le livre que Huet publia en latin contre la
- philosophie de Descartes, et qui fut imprimé pour la première
- fois en 1689.
-
- [418] Catherine Descartes, nièce du célèbre philosophe, est morte
- à Rennes vers 1706. Elle avait beaucoup d'esprit et de savoir, et
- écrivait facilement en vers et en prose. Mlle de Scudéry
- l'appelait _Cartésie_ et l'aimait beaucoup, comme le témoignent
- les lettres qu'elle lui adressait et auxquelles celle-ci
- répondit. Voyez-les ci-après.
-
-Après cela j'ose vous supplier de recevoir un petit madrigal[419] .... et
-que vous me croyiez toujours votre, etc., etc.
-
- [419] Ce madrigal est celui qu'elle fit pour le duc de Bourgogne
- faisant l'exercice avec les mousquetaires devant le Roi. Voy. aux
- Poésies.
-
-
-A M. L'ABBÉ BOISOT.
-
- Le 22 mars 1690.
-
-Il y a sept semaines, Monsieur, que je suis malade, et quoique je sois
-beaucoup mieux, je ne recevrai pourtant des visites qu'après Quasimodo,
-et, à la réserve de trois ou quatre personnes, je ne vois encore qui que
-ce soit. Mais, quand je serai achevée de guérir, je serai ravie de voir
-M. l'abbé Nicaise et de le remercier de son présent. Si vous lui écrivez,
-Monsieur, vous me ferez plaisir de l'assurer de mes services très-humbles
-et de mon estime.
-
-Au reste il y a une contestation entre des gens de savoir pour donner la
-préférence à un des trois éloges du Roi que M. de Pellisson a faits dans
-ce qu'il a écrit sur la religion. Le premier est au premier volume des
-_Réflexions_[420] que je sais que vous avez: il est placé dans la
-relation sur l'état de la religion en France. Le second éloge est au
-second volume des _Réflexions_ et le troisième est à la fin des
-_Chimères_[421], que je suppose que M. de Pellisson vous a données. Comme
-j'estime beaucoup votre discernement, Monsieur, et la délicatesse de
-votre goût, je vous prie de les relire, d'en choisir un, et de me mander
-celui que vous aurez préféré, en un papier à part. J'ai déjà plusieurs
-avis de cette sorte; vous serez, Monsieur, en bonne compagnie, et cela
-fera plaisir à M. de Pellisson. Je suis avec toute l'estime que vous me
-connoissez et toute la reconnoissance possible, votre très-humble et très
-obéissante servante, etc., etc.
-
- [420] _Réflexions sur les différends en matière de religion._
- 1686, in-12.
-
- [421] _Les Chimères de M. Jurieu_, autre ouvrage de Pellisson.
- 1690, in-12.
-
-
- RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY AUX VERS DE M. LE PREMIER
- PRÉSIDENT DE LA GUYENNE,[422] OÙ IL SOUTENOIT QU'ON NE POUVOIT
- CHOISIR ENTRE LES TROIS ÉLOGES[423] PARCE QU'ILS ÉTOIENT ÉGAUX EN
- BEAUTÉ.
-
- [422] Jean-Baptiste Le Conte de la Tresne, premier président au
- parlement de Bordeaux.
-
- [423] Il s'agit des trois éloges de Louis XIV, par Pellisson,
- dont il a été question dans la lettre précédente.
-
-
- [Mai 1690.]
-
- Quoi qu'en puissent dire vos vers,
- Rien n'est égal en l'univers.
- Le soleil même en sa carrière,
- Répand diversement sa brillante lumière,
- Et ses rayons si purs, et si clairs, et si beaux,
- Aux yeux les plus perçants paroissent inégaux.
-
-.... Après cela, Monsieur, il me semble que vous devriez vous rendre à ce
-grand exemple et préférer un des trois Éloges aux deux autres.... On
-trouve, sans doute, dans le premier, tout ce que les panégyriques les
-plus étendus peuvent avoir de plus fort et de plus noble pour donner
-l'idée d'un Roi accompli. Le second, en peu de paroles, et en forçant
-l'envie même à en faire un portrait admirable, a sans doute une charmante
-nouveauté.... Mais je sens dans le troisième quelque chose de divin qui
-tient de l'inspiration, qui emporte mon cœur en ravissant mon esprit, et
-qui ne me permet pas de rester dans une neutralité volontaire comme la
-vôtre. J'ai même, ce me semble, Monsieur, un grand préjugé qui favorise
-mon sentiment; car il faut que vous demeuriez d'accord que tout homme
-sage proportionne les choses qu'il dit à ceux à qui il parle. On ne
-parle pas à un grand Roi comme à un simple particulier, à des dames comme
-à des docteurs; et, selon cette règle, l'auteur des _Éloges_ a dû
-s'élever davantage en parlant à Dieu pour un grand Roi, et y penser avec
-plus d'application que lorsqu'il en parloit à de pauvres fugitifs
-égarés.... Cette distinction de style selon les divers sujets est même le
-véritable caractère de l'auteur des _Éloges_, dont il ne s'est jamais
-départi; et qui considérera, non pas tant la multitude de ses ouvrages
-que leur prodigieuse variété, ne doutera pas qu'il n'ait eu dessein de
-mieux parler à Dieu qu'aux hommes. Dans le commencement de sa vie,
-n'ayant encore que vingt ans, il fit la paraphrase des _Institutes_ de
-Justinien, par où il sembloit qu'il ne dût jamais être appliqué qu'aux
-choses les plus savantes, et quoique ce petit ouvrage ait fait entendre
-ce que c'est que la jurisprudence romaine jusques aux dames même, quand
-elles ont voulu être curieuses, et que toutes sortes de personnes l'aient
-lu avec plaisir, il s'en faut beaucoup qu'il soit du caractère de ceux
-qui suivirent. L'_Histoire de l'Académie_ a passé et passera toujours
-pour un chef-d'œuvre, le style n'en étant ni trop, ni trop peu élevé,
-ayant même évité avec beaucoup d'art les écueils qui se rencontroient
-dans son sujet. Peu de temps après, ce qu'on appelle le monde fut rempli
-et charmé d'ouvrages de poésie ingénieuse, galante et agréable. La
-fameuse _Fauvette_ vola partout où le françois est entendu; le _Caprice
-contre l'estime_, l'_Oranger_, le _Dialogue de Pégase et d'Acante_ et
-cent autres marquent assez ce que je dis. Et pour montrer qu'il a su
-varier ses ouvrages de poésie comme ses ouvrages de prose, plusieurs odes
-héroïques ou chrétiennes ont mérité l'approbation des plus habiles; et ce
-poëme d'_Eurymedon_[424] où le Roi est si bien loué, a fait voir en
-abrégé tout ce que les poëmes épiques les plus parfaits ont de plus
-sublime et de plus héroïque. Ce Panégyrique du Roi[425] prononcé à
-l'Académie, il y a plus de quinze ans, et privé par conséquent de toutes
-les belles actions que le Roi a faites depuis, ce Panégyrique, dis-je,
-quoiqu'il ne soit pas la trentième partie de celui de Pline, qu'on a tant
-vanté, a paru donner une plus grande idée de Louis le Grand que celle que
-Pline donne de Trajan. La préface sur les ouvrages de Sarazin, que M.
-Ménage m'a fait l'honneur de me dédier, a été admirée de tous ceux qui
-l'ont vue.... Quant à ses agréables ouvrages de poésie, sachant qu'il ne
-les a jamais regardés que comme des jeux de son esprit, sans songer même
-à les conserver ni vouloir qu'on les imprimât, je dois en quelque sorte
-m'accommoder à sa modestie. Je dirai pourtant encore qu'en des siècles
-bien différents on a fort loué ceux qui ont été capables de cette
-surprenante variété, et que ceux même qui cherchent à critiquer Homère et
-l'Arioste conviennent qu'ils sont admirables par la diversité des images
-qu'ils présentent à leurs lecteurs, et en cela beaucoup au-dessus de
-Virgile et du Tasse. Mais pour reprendre ce qui me reste à dire, tout ce
-que quelques personnes de la cour et des amis particuliers de l'auteur
-des _Trois Éloges_ ont vu de son _Histoire du Roy_, tombent d'accord
-qu'on y trouve tout ce qu'on admire dans les historiens de l'antiquité
-les plus parfaits. Ses ingénieux et solides quatrains de morale pour
-l'instruction d'un jeune prince, et que tout le monde connoît, en
-conservant un style naturel et noble, tel qu'il le faut pour des maximes,
-inspirent l'amour de la vertu agréablement; et, en dernier lieu, ce que
-l'auteur des _Éloges_ a écrit sur la religion fait assez connoître qu'il
-a proportionné son style au sujet qu'il a traité, et que, par conséquent,
-il a eu dessein que ce dernier éloge du Roi, contenu avec beaucoup d'art
-dans une pièce qu'il adresse à Dieu, fût le plus élevé et le plus
-parfait. Aussi a-t-il eu l'avantage d'être loué de tout le monde et de
-l'être même par un des plus habiles protestants étrangers qu'on
-connoisse[426], ce qui n'est guère moins extraordinaire que d'être loué
-par l'envie même. Voilà, Monsieur, quel est le sentiment de votre
-très-humble et très-obéissante servante.
-
- [424] Composé en 1665, publié en 1735 dans les _Œuvres
- diverses_.
-
- [425] Paris, 1671, in-4º.
-
- [426] Leibnitz.
-
-
-A M. L'ABBÉ BOISOT.
-
- Le 7 mars 1691.
-
-Vous portez, Monsieur, la générosité si loin pour M. de Belgeri, que je
-ne trouve point de termes pour vous exprimer ma reconnoissance, ni pour
-vous louer comme vous méritez de l'être, et je renferme tout cela dans
-mon cœur où rien ne se perd jamais.... Après cela, Monsieur, je ne puis
-m'empêcher de vous faire remarquer qu'il n'eût pas été possible de
-prévoir, quand j'avois garnison toutes les nuits pour me garantir des
-voleurs, qu'une aventure si importune, au lieu de m'appauvrir comme
-j'avois lieu de le craindre, enrichiroit mon cabinet en me faisant
-recevoir des madrigaux très-agréables, et la plus jolie lettre du monde
-que j'y conserverai soigneusement. En vérité, Monsieur, après avoir lu ce
-que votre aimable amie vous écrit[427], je vous soupçonnerois volontiers
-de me tromper, et je croirois que cette jolie lettre est de quelque
-personne de la cour, que des affaires ont menée dans votre pays, si j'en
-connoissois quelqu'une qui écrivît avec autant d'esprit et autant de
-politesse. Ce qui m'en plaît encore infiniment, Monsieur, c'est qu'il me
-paroît qu'elle croit vous faire plaisir de vous parler de moi. Car, du
-reste, les louanges d'une personne qui ne me connoît pas, quoique
-très-ingénieuses et très-bien écrites, me donnent beaucoup d'estime pour
-elle sans me donner de vanité.
-
- Dieu me garde de chercher noise
- Avec une telle Comtoise!
- J'aime beaucoup mieux filer doux,
- Et ne répondre que par vous.
-
- [427] Mlle Bordey, dont il sera parlé ci-après.
-
-Vous lui direz donc, s'il vous plaît, Monsieur, que je ne sais pas si
-elle a été ou si elle est votre maîtresse, mais que je vois beaucoup
-d'apparence que vous avez été son maître en l'art de bien écrire. Mais,
-pour vous aider à divertir une si charmante écolière, je vous envoie des
-vers d'un de mes amis de Bordeaux qui s'appelle M. Bétoulaud, d'un mérite
-fort distingué, et qui est présentement à Paris. Celui dont je parle m'a
-donné lieu de faire plusieurs présents agréables au Roi. Je vous envoie
-donc une empreinte d'une aigle qui tient une couronne de laurier à son
-bec. Cette aigle est gravée sur une très-belle agate orientale que j'ai
-donnée à Sa Majesté avec les vers qui l'accompagnent. Je vous envoie
-encore une empreinte d'un cachet de cornaline, où un phénix est
-représenté sur un bûcher, que le même M. de Bétoulaud a donné à M. de
-Pellisson avec un madrigal dont vous trouverez le sens fort juste.
-
-Et comme les nouvelles peuvent divertir à la campagne, je vous apprends
-que durant que tous les princes ligués sont assemblés à la Haye pour
-résoudre quel mal ils pourront faire à la France, nous voyons de tous
-côtés de quoi troubler leur assemblée; car toute la gendarmerie a ordre
-de se tenir prête à partir au premier commandement. Toutes les troupes
-sont en mouvement en Flandre; l'artillerie doit être prête à marcher le
-10 de ce mois, et l'on ne doute pas d'un siége avant la fin de mars. Tous
-les vaisseaux de Toulon sont en état de mettre à la voile; vingt galères
-sont prêtes à Marseille. Il vient quatre mille matelots de Provence pour
-nos vaisseaux de Ponant; il marche beaucoup de troupes en Piémont, et, de
-tous les côtés, le Roi est le plus grand roi du monde. J'espère même que
-nous n'aurons pas un pape autrichien. Voilà, Monsieur, de quoi amuser
-votre aimable amie, Mlle Bordey, que je voudrois bien qui fût la mienne:
-je n'en désespérerois pas si elle savoit à quel point je suis la vôtre.
-Mais, à mon grand regret, vous ne le savez pas vous-même, n'ayant nulle
-occasion de vous témoigner combien je suis, etc., etc.
-
-
-A MADEMOISELLE BORDEY[428].
-
- [428] Jeanne-Anne de Bordey, née vers 1650 à Vuillafans, près
- d'Ornans, d'une famille noble, éprouva de bonne heure un goût
- très-vif pour les lettres; mais elle les cultivait en secret pour
- échapper au ridicule qui s'attachait alors dans sa province aux
- femmes soupçonnées de viser au bel esprit. Sa modestie ne
- l'empêcha pas d'être connue du savant abbé Boisot, qui reçut dès
- lors ses confidences littéraires et l'encouragea dans ses essais.
- Ce fut lui qui la mit en rapport avec Mlle de Scudéry, qui lui
- donna le nom de _Belle Iris_, sous lequel elle était connue dans
- les sociétés de Paris. La mort de l'abbé Boisot, son protecteur
- et son constant ami, dut être pour elle la cause d'un vif
- chagrin. Elle avait épousé peu de temps auparavant (1691) M. de
- Chandiot, d'une famille patricienne de Besançon, qui sut
- apprécier toutes les qualités de sa compagne. Elle le perdit en
- 1709, et dès lors elle vécut dans une retraite profonde,
- partageant son temps entre la culture des lettres, son unique
- consolation, et la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Sa
- charité était inépuisable; par son testament elle légua toute sa
- fortune au Grand Hôpital dont son mari avait été l'un des
- administrateurs et des éminents bienfaiteurs; elle demandait
- aussi d'être inhumée dans le cimetière de cet hospice, au milieu
- des pauvres dont elle avait été la providence, et pour ainsi
- dire, la mère. Son vœu fut exaucé. Mme de Chandiot mourut le 19
- mars 1737, dans un âge très-avancé. On ne connaît aucun écrit de
- Mme de Chandiot. Une partie de sa correspondance avec l'abbé
- Nicaise et des autres amis de Mlle de Scudéry, était entre les
- mains de M. Rousselle de Bréville, de l'académie de Besançon;
- celui-ci étant mort en 1807, dans un village où il s'était retiré
- pendant la Révolution, cette correspondance devint la proie du
- maître d'école qui, n'en connaissant pas la valeur, la donnait à
- ses élèves pour les former à la lecture des _vieux papiers_.
- Ainsi rien ne subsiste plus d'une femme aussi vertueuse que
- spirituelle; et son nom est à peine connu dans une ville où sa
- mémoire aurait dû être impérissable. (W.)
-
- Sur la mort de Mme de Chandiot et sur le sort de ses papiers, voy.
- _Revue littéraire de la Franche-Comté_, t. IV, p. 210.
-
- Cette lettre ne fait pas partie de la correspondance conservée à
- Besançon. Nous la tirons d'un Mss de la Bibliothèque nationale qui
- en renferme six autres de Mlle de Scudéry à Mme de Chandiot:
- _Lettres originales_, t. IV. N-Z.
-
- Ce 16 mars 1691.
-
-Je vous suis infiniment obligée, Mademoiselle, de l'honneur que vous
-m'avez fait de m'écrire, mais permettez-moi de vous dire que je suis la
-personne du monde qu'on doit le moins craindre, aussi vous puis-je
-assurer que je n'aime nullement qu'on me craigne, et je n'ai jamais
-inspiré ce sentiment-là dans le cœur de ceux qui m'ont vue.
-Bannissez-le donc, s'il vous plaît, du vôtre à mon égard, et la raison le
-veut ainsi. Car premièrement avec tout l'esprit que vous avez, vous ne
-devez craindre personne, et puisque vous ne craignez pas M. l'abbé de
-Saint-Vincent qui est plus redoutable que moi, vous avez eu tort de
-m'appréhender. Je ne me pique point du tout de bel esprit; je parle et
-j'écris simplement pour me faire entendre, je ne cherche pas à dire de
-belles choses que peut-être je ne trouverois pas, mes premières pensées
-me semblent ordinairement les meilleures, je les prends comme elles
-viennent. Jugez après cela, Mademoiselle, si vous avez eu raison de me
-craindre; mais je puis vous assurer que si une grande estime peut faire
-naître l'amitié, vous m'aimerez un peu, car tout ce que j'ai vu de vous
-et tout ce que M. l'abbé de Saint-Vincent m'en a écrit, vous ont donné
-une si bonne place dans mon cœur que je ne suis pas indigne d'en avoir
-du moins une petite dans le vôtre, et d'obtenir la permission d'être
-toute ma vie, avec toute l'estime que vous méritez, votre très-humble et
-très-obéissante servante.
-
-
-A M. L'ABBÉ BOISOT.
-
- Le 23 mars 1691.
-
-Je vous envoie ma réponse à votre aimable amie, Monsieur, et je vous prie
-de lui rendre témoignage que j'ai reçu sa lettre fort tard, afin qu'elle
-ne m'accuse pas d'un défaut que je n'ai point; car je suis fort exacte à
-répondre aux personnes que j'estime. Je vous envoie ma lettre ouverte,
-afin que vous voyiez qu'elle avoit tort de me craindre et que vous lui
-persuadiez qu'on peut m'aimer sans injustice. M. de Bonnecorse aura été
-fâché de ne vous trouver pas; car je sais par M. son père qu'il a
-beaucoup de reconnoissance des obligations qu'il vous a. Je crois qu'il
-aura reçu une lettre de recommandation de M. le comte Devaux pour son
-colonel, qui ne lui sera pas inutile, car il est son parent et son ami.
-
-La plupart de nos jeunes princes partirent avant-hier. M. le duc de
-Chartres partira cette semaine, mais il ne paroît pas que M. le Dauphin
-doive aller. Le secours pour l'Irlande est parti de Brest. Il n'y avoit
-encore à Rome nulle apparence de Pape le 24 du passé, et l'on croit que
-le conclave traînera. Le duc de Savoie est en un état déplorable; mais
-son imprudence le rend indigne de compassion. Sa femme et sa maîtresse
-sont françoises et il passe pour constant que la dernière l'a engagé avec
-le prince d'Orange, dont on ne sait nulles nouvelles...... M. de
-Pellisson est à Versailles, à peu près comme à l'ordinaire pour sa santé,
-et je suis toujours également, Monsieur, votre, etc., etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- Le 27 juillet 1691.
-
-Je vous envoie, Monsieur, une trop longue lettre pour cette généreuse
-amie. Je vous en demande pardon et j'accourcirai celle que je vous écris
-autant que je le pourrai. Vous aurez su la surprenante mort de M. de
-Louvois, que cinq médecins et trois chirurgiens ont dit être empoisonné;
-et l'on vous aura dit que M. le chancelier de France est aussi chancelier
-de l'ordre; mais je ne sais si vous savez que le Roi a fait ministres
-d'État M. le duc de Beauvilliers et M. de Pomponne qui ont tous deux une
-vertu distinguée. Le dernier est de mes anciens amis, qui a autant de
-capacité que de vertu.
-
-Après cela, Monsieur, je crois devoir vous dire que j'ai su par M. le
-cardinal de Forbin, que nous avons un pape dont on a lieu de beaucoup
-espérer pour la chrétienté[429]. Il est Napolitain, mais il n'a point de
-neveu; il ne veut point de parents auprès de lui, et a déclaré qu'on ne
-verra point de Napolitains au palais. Il a le cœur droit et juste et
-d'une bonté infinie. Il aime à donner l'aumône, et dès qu'il fut élu, il
-ordonna de changer quatre mille écus romains en jules, pour donner aux
-pauvres le jour de son couronnement. Voici les emplois qu'il a eus, qui
-doivent lui avoir donné de l'expérience: Référendaire de l'une et
-l'autre signatures, vice-légat d'Urbin, inquisiteur à Malte, gouverneur
-de Viterbe, nonce à Florence, archevêque de la ville[430], nonce en
-Pologne, nonce à l'Empire, évêque de Lucques, secrétaire des évêques
-réguliers, maître de chambre de Clément X et d'Innocent XI, cardinal,
-évêque de Faënse, archevêque de Naples, et souverain pontife le 12
-juillet 1691. Il garde les principaux ministres du dernier pape, qui sont
-de nation françoise. Enfin il paroît qu'on ne pouvoit mieux choisir. Il a
-87 ans, mais d'une bonne santé et d'un esprit ferme...... Je suis,
-Monsieur, avec toute l'estime que vous méritez, votre, etc., etc.
-
- [429] Innocent XII, qui succéda à Alexandre VIII. (W.)
-
-
-AU MÊME.
-
- Le 29 d'août 1691.
-
-Ne soyez point en inquiétude, Monsieur, de la malice que votre aimable
-amie vous a faite: elle n'est ni contre son honneur, ni contre le vôtre,
-et je l'en estime davantage et vous aussi. Ce que je dis vous paroîtra
-peut-être une énigme, mais c'est à elle à vous l'expliquer. Elle n'a qu'à
-vous montrer ma lettre, vous l'entendrez à l'heure même. Si je ne m'étois
-pas trouvée mal, je vous aurois répondu plus tôt. La bizarrerie de la
-saison a un peu altéré ma santé. Mais j'espère que la joie que j'ai de la
-honte dont le prince d'Orange se couvre tous les jours, aidera à la
-rétablir. Quand il partit de Londres, il dit qu'il alloit prendre Dinan,
-reprendre Mons et gagner une grande bataille. Cependant il n'en a rien
-fait et toute notre armée se moque de lui, depuis les princes jusqu'aux
-goujats. La paix de l'Empire avec les Turcs, qu'il avoit promise aux
-princes ligués, ne s'avance pas, le pape a refusé de l'argent à
-l'Empereur, et j'espère qu'il accordera bientôt des bulles à la France.
-
-J'ai encore après cela, Monsieur, une chose à vous dire, et vous ne vous
-y attendez pas, c'est que je vous défie d'honorer plus Mlle Bordey que je
-l'honore. Ne vous avisez pas de me disputer cette vérité, car vous
-offenseriez injustement votre, etc., etc.
-
- [430] Mlle de Scudéry se trompe, il n'a point été archevêque de
- Florence. (W.)
-
- Il y a une autre erreur sur l'âge de 87 ans, que Mlle de Scudéry
- donne au Pape lors de son élection, tandis que les biographes
- s'accordent pour le faire mourir en 1700, âgé de 85 ans.
-
-
-A MADEMOISELLE BORDEY.
-
- 29 août 1691.
-
-Le proverbe qui dit que tous chemins vont à Rome, est fait exprès pour
-vous, Mademoiselle, car vous allez à la gloire par des routes tout
-opposées. On vous laisse un trésor en dépôt; vous le révélez
-généreusement sans vous laisser tenter à nul intérêt. On vous confie un
-trésor d'esprit en vous confiant un agréable dialogue[431] que la
-modestie de son auteur veut cacher; vous me le montrez pour son honneur,
-sans vous arrêter à une injuste exactitude qui priveroit votre ami des
-louanges qu'il mérite d'avoir su tourner si ingénieusement un entretien
-qu'il étoit si difficile de rendre agréable. Je vous loue donc,
-Mademoiselle, et vous remercie tout ensemble de m'avoir fait part de
-cette jolie aventure dont je n'ai pu faire part à M. Pellisson; car,
-encore qu'il ait rendu justice à votre mérite, après avoir vu les lettres
-que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je vous assure, Mademoiselle,
-qu'il ne peut guère donner de temps à ses amis. Je le vois toutes les
-fois qu'il vient à Paris, mais il arrive souvent qu'on vient le chercher
-dans mon cabinet, et que ses visites sont fort interrompues. Cependant
-tenez pour certain qu'il vous honore autant que vous le méritez, et que
-je pourrois le récuser, si on me vouloit forcer de l'accepter pour juge,
-comme vous le désirez. Mais j'aime mieux vous céder, et convenir que
-j'eusse pu laisser du moins en purgatoire l'âme d'un homme qui hasardoit
-son salut pour deux mille écus, et qui en laissoit plus de cinquante
-mille à son fils unique. Je vous cède donc, Mademoiselle, sans nulle
-peine, mais je vous défie hardiment d'estimer plus M. l'abbé de
-Saint-Vincent que je l'estime, et je vais le défier, en lui répondant, de
-vous honorer plus que je fais, et d'être plus votre serviteur que je suis
-votre très-humble servante, etc., etc.
-
- [431] On n'a pu retrouver ce dialogue dans les papiers de l'abbé
- Boisot. (W.)
-
-
-A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[432].
-
- [432] Cabinet de M. Victor Cousin.
-
- Ce 25 d'octobre [1691].
-
-Je vous remercie, Monseigneur, de m'avoir appris que notre ami[433] a eu
-beaucoup de voix; je ne le savois pas. M. Pavillon est fort honnête homme
-et par-dessus cela cousin-germain de Mme de Pontchartrain[434]; il est
-constant qu'il n'y pensoit pas, je le sais de certitude. Si M. de Meaux
-et M. Dangeau eussent été à l'Académie, je crois que M. de la Loubère
-l'eût emporté; ce sera pour une autre fois, il se porte assez bien pour
-voir une autre occasion. Je suis bien aise, Monseigneur, que vous
-comptiez ma voix pour quelque chose, mais si vous connoissiez bien mon
-cœur, vous me mettriez du moins au premier rang de vos amies, et
-peut-être à côté de vos premiers amis, car personne n'est plus que je le
-suis votre très-humble et très obéissante servante.
-
- [433] Mlle de Scudéry avait recommandé à Huet, pour la place
- vacante à l'Académie par la mort de Benserade, M. de la Loubère,
- né à Toulouse en 1642.
-
- [434] Le ton de ce billet prouve que Mlle de Scudéry était
- blessée de la préférence accordée à Pavillon sur son ami, M. de
- la Loubère, qui fut ensuite nommé en 1693. La parenté de Mme de
- Pontchartrain, comptée comme un des titres de Pavillon à cette
- préférence, est même un trait assez malin pour Mlle de Scudéry;
- mais ce qu'il y a de plaisant, c'est que la Loubère fut nommé par
- le crédit de M. de Pontchartrain, chancelier, ce qui lui valut
- alors une épigramme qu'on attribue à La Fontaine, et avec plus de
- vraisemblance à Chaulieu. Elle se termine ainsi:
-
- Il en sera quoi qu'on en die:
- C'est un impôt que Pontchartrain
- Veut mettre sur l'Académie.
-
-
-A M. L'ABBÉ BOISOT.
-
- Le 18 décembre 1691.
-
-Je vous envoie, Monsieur, une lettre pour votre aimable amie, où vous
-mettrez, s'il vous plaît, le nom qu'elle porte aujourd'hui[435], car vous
-ne me l'avez pas mandé. Je ne doute point que son mariage ne soit
-heureux, puisque vous l'avez approuvé. Je n'ai pas été si prudente
-qu'elle, car j'ai préféré trois fois en ma vie la liberté à la richesse,
-et je ne m'en saurois repentir. Vous ne lui direz pas, s'il vous plaît,
-Monsieur, ce que je vous écris, car ce qui est bien pour une personne ne
-l'est pas pour l'autre. Pourvu qu'elle ait la liberté de vous voir
-souvent, je ne la plaindrai pas de toutes les suites d'un mariage que la
-sympathie réciproque n'a pas fait.
-
- [435] Mlle Bordey avait épousé, à la fin de l'année 1691, M. de
- Chandiot. S'il faut croire ce que dit Mlle de Scudéry dans cette
- lettre, cette union aurait été un mariage de raison et de
- convenance dans lequel l'amour ne serait entré pour rien.
-
-Vous aurez su que M. de Château-Renaud a amené douze mille Irlandais que
-le roi d'Angleterre veut aller voir en Bretagne, et il en viendra encore
-quatre mille. Il y a eu une entreprise sur Nice qui a manqué, l'avis en
-étant venu de Rome au gouverneur de la place. Les nouvelles d'hier de
-Montmélian étoient qu'on avoit comblé le fossé et qu'il y avoit quatre
-mineurs attachés au corps de la place. Le Pape a commencé de donner
-audience publique au peuple et avoit écouté cent personnes la veille
-qu'on m'a écrit. On travaille aux affaires de France et l'on en espère
-bien.
-
-Un fameux missionnaire, curé des Invalides, a été reconnu pour être le
-plus grand hypocrite qui fut jamais[436]. Il est en fuite et laisse cent
-mille écus de dettes. On a trouvé dans une de ses cassettes cinq
-portraits de dames et plus de cent lettres dignes du feu; il n'y a jamais
-rien eu d'égal. Il étoit confesseur de M. le duc de Beauvilliers qui est
-la vertu même. Cette histoire a des circonstances qui font détester
-l'hypocrite et l'hypocrisie. Je crois, Monsieur, qu'il est permis de se
-réjouir de ne ressembler en rien à ces gens-là, et que, sans vaine
-gloire, on en peut remercier Dieu. Cela doit même faire estimer
-davantage les amis véritables qu'on a. Vous pouvez juger, Monsieur, que
-je vous mets de ce nombre, aussi bien que M. de Pellisson, et que je me
-fais un nouveau plaisir d'être, autant que je le suis, votre, etc., etc.
-
- [436] De Mauroy. Voici ce qu'en dit Saint-Simon dans ses
- _Additions_ au _Journal de Dangeau_, t. III, p. 438: «C'étoit un
- prêtre de la Congrégation de la mission, gentilhomme de bon lieu,
- savant et de beaucoup d'esprit et d'intrigue, grand directeur et
- grand cagot, qui avoit fait longtemps avec ses poulettes de quoi
- être brûlé, sans qu'on en eût le moindre soupçon, et avoit volé
- tant et plus M. de Louvois, avec qui la cure des Invalides lui
- avoit donné grande relation, et à qui il tiroit tant qu'il
- vouloit d'aumônes, et pour des sommes très-considérables. L'éclat
- fut donc du plus grand scandale; néanmoins le roi ne voulut pas
- qu'il fût poussé à bout, et le confina dans l'abbaye de
- Sept-Fonts, où il se convertit si bien qu'il y fit profession, et
- y a été plus de trente ans l'exemple le plus parfait de la
- pénitence, de la miséricorde de Dieu et des vertus de cette
- maison, qui est la même vie et la même règle que la Trappe.»
-
-
-A MADAME DE CHANDIOT (MADEMOISELLE BORDEY).
-
- Le 18 décembre 1691.
-
-J'ai une si bonne opinion de votre jugement, Madame, que je ne doute pas
-qu'il ne faille se réjouir avec vous de votre mariage, quoique ce soit,
-selon moi, la chose du monde la plus difficile à faire bien à propos.
-Mais si j'avois l'honneur de connoître celui que vous avez choisi pour
-époux, je me réjouirois hardiment avec lui, car je le trouve le plus
-heureux du monde d'avoir une femme de votre mérite. Je vous souhaite,
-Madame, tout le bonheur dont vous êtes digne, et je souhaite en même
-temps qu'en changeant de condition, vous n'ayez pas changé de sentiments
-pour moi, qui suis toujours plus que je ne puis l'exprimer,
-
- Votre, etc., etc.
-
-
-A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[437].
-
- [437] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- [Fin de 1691.]
-
-Je vous dois, Monseigneur, non-seulement des remercîments et des
-louanges, mais de l'admiration pour avoir si bien su éclaircir ce que la
-géographie ancienne a de plus obscur et de plus embrouillé. Comme j'ai
-autrefois assez voyagé sur les bords de l'Euphrate[438] et que depuis peu
-j'ai fait un petit voyage à Suze, et que les auteurs qui en ont parlé
-sont de ma connoissance, j'ai pris beaucoup de plaisir à vous voir
-concilier des opinions si différentes, et tirer la vérité, ou du moins la
-vraisemblance, de tant de sentiments contraires. Je vous loue donc et
-vous admire, Monseigneur, et je suis avec beaucoup de sincérité,
-
- Votre, etc.
-
- [438] Le livre pour lequel Mlle de Scudéry adresse à Huet des
- remercîments est son ouvrage sur la _Situation du Paradis
- terrestre_, qu'il place en effet au confluent de l'Euphrate et du
- Tigre. (Cet ouvrage parut à Paris, chez Anisson, 1 vol. in-12,
- 1691.)--Le privilége est du 11 octobre. Quant aux voyages de Mlle
- de Scudéry aux bords de l'Euphrate et à Suze, on voit que c'est
- une allusion à ses romans.
-
-
-A M. L'ABBÉ BOISOT.
-
- 11 janvier 1692.
-
-Comme ce n'est pas ma coutume, Monsieur, de me laisser surpasser en
-témoignages d'amitié, je vous rends confidence pour confidence, en vous
-apprenant que la dernière page de votre dernière lettre a pensé donner de
-la jalousie à M. de Pellisson, et qu'elle lui a paru si bien écrite que,
-si la modestie naturelle l'avoit pu souffrir, il l'auroit fait imprimer.
-Il en a parlé à M. l'abbé de Ferrières[439] avec tant d'éloges que je la
-lui montrerai la première fois qu'il me verra. Tout ce que je vous dis,
-Monsieur, est vrai au pied de la lettre, et je vous assure, avec la
-sincérité dont je fais profession, que personne en France ne peut mieux
-écrire. Cet endroit de votre lettre a un caractère de politesse aussi
-digne d'un honnête homme de la cour que d'un excellent académicien.
-
- [439] Probablement l'abbé de Faure-Ferriès, qui publia le _Traité
- de l'Eucharistie_ de Pellisson.
-
-Après cela, Monsieur, j'ai à me réjouir avec vous de ce que vous avez des
-bulles qui sont l'objet des désirs de tant d'évêques, et je suis bien
-aise de savoir qu'un cardinal, qui est un de mes plus anciens et intimes
-amis[440], ne vous a pas été inutile. Mais il est à souhaiter que le Pape
-finisse bientôt les affaires de France. Les effroyables désordres que les
-troupes allemandes font dans le Modenais, le Parmesan et le Plaisantin y
-peuvent contribuer, et la prise de Montmélian donne beaucoup de force aux
-négociations de M. de Rebenac. La consternation a été grande à Turin en
-voyant le gouverneur de cette place n'y ramener que cinquante
-Piémontais; tous les Savoyards étant retournés chez eux, ou ayant pris
-parti dans nos troupes. M. de Chamlay est allé visiter la place afin de
-résoudre si on la rasera ou si on la fera rétablir pour la garder: il
-faut cinq cent mille francs pour la réparer. Il court bruit de quelque
-dessein en Flandre, soit pour Charleroi ou pour Namur; mais ce n'est
-encore qu'un bruit. Comme vous me marquez, Monsieur, que Mme de Chandiot
-n'a pas autant de loisirs qu'autrefois, je ne réponds pas à sa réponse,
-et je me contente de vous prier de l'assurer que je lui souhaite un grand
-nombre d'années heureuses, et pour vous, Monsieur, en vous désirant tout
-le bonheur dont vous êtes digne, c'est vous désirer des biens infinis.
-Mais permettez-moi en même temps de désirer que vous me conserviez toute
-votre amitié et que vous soyez persuadé que je suis très-sincèrement
-votre, etc.
-
-_P. S._ J'apprends qu'hier le mariage de Mlle de Blois[441] et de M. le
-duc de Chartres fut arrêté. Le Roi donne deux millions d'argent,
-cinquante mille écus de pension, le Palais-Royal en propre et cent mille
-écus de pierreries. J'apprends encore qu'il est arrivé dix-huit vaisseaux
-anglois chargés d'Irlandais et qu'il en viendra encore dix, et qu'en
-dernier lieu on a rompu la grande écluse entre Charleroi et Namur, ce qui
-incommodera beaucoup la navigation des ennemis.
-
- [440] De Forbin-Janson.
-
- [441] Fille naturelle de Louis XIV et de Mme de Montespan. Ce
- mariage eut lieu le 18 février 1692.
-
-
-AU MÊME.
-
- Le 5 avril 1692.
-
-Quand on écrit, Monsieur, comme vous écrivez, on ne doit pas craindre ni
-d'être oublié, ni d'importuner; aussi ai-je lu cet endroit de votre
-lettre comme une excuse modeste d'avoir été si longtemps sans me donner
-de vos nouvelles, et je la reçus agréablement sans la prendre dans le
-sens que vous voulez lui donner. M. de Pellisson vous pourroit témoigner
-que je lui parle de vous très-souvent. Je voulois même vous envoyer un
-exemplaire de la seconde édition de son dernier ouvrage, où vous verrez
-des additions fort curieuses; mais il a voulu que vous l'eussiez de sa
-main qui vaut mieux que la mienne. J'ai été fort aise d'apprendre que M.
-le baron de Bressey[442] et M. le chevalier de Vaudrey sont de votre pays
-et de votre connoissance; car je connois leur mérite par la renommée, et
-j'ai un ami particulier qui a contribué à attacher le premier au service
-du Roi. Car ayant été pris auprès de Namur par un parti de Dinan, il fut
-envoyé au fort de l'Escarpe proche Douai, dont M. de Valcroissant,
-gentilhomme de Provence qui a été gouverneur de M. de Barbezieux, est
-gouverneur, et fort de mes amis depuis longues années. Vous savez sans
-doute que le Roi l'a fait maréchal de camp, avec deux mille écus de
-pension, et qu'il lui donne de quoi lever un régiment à titre étranger.
-Le Roi l'a parfaitement bien traité: je le sais par M. de Valcroissant
-qui l'a bien servi. Le Roi lui fera rendre Mme sa femme qui est à Namur;
-car il y a plusieurs officiers espagnols prisonniers. Pour M. le
-chevalier de Vaudrey, son action d'éclat a été d'un héros de roman. Aussi
-ai-je ouï dire que Madame Royale de Savoye la douairière en avoit eu le
-cœur fort touché. Je suis ravie que vous ayez un ami si brave. Je ne
-savois pas la devise de sa maison, qu'il mérite bien[443]. La semaine
-sainte fait une grande stérilité de nouvelles, Monsieur; je ne puis louer
-le mari de votre aimable amie de l'avoir dérobée au monde, mais je la
-loue de sa sage conduite, et je me persuade qu'on vous l'a moins dérobée
-qu'au public, et que vous pourrez l'assurer de mon service très-humble.
-Pour vous, Monsieur, je n'ai qu'à vous assurer que mon estime et mon
-amitié dureront autant que la vie de votre, etc., etc.
-
- [442] Jean-Claude de Bressay de Belfrey servait comme ingénieur
- dans l'armée espagnole, lorsqu'il entra au service de France en
- 1691. Maréchal de camp le 30 avril 1692, il fut autorisé, le 1er
- juillet suivant, à lever un régiment d'infanterie de son nom;
- enfin, le 3 janvier 1694, il obtint le grade de lieutenant
- général.
-
- [443] J'ai valu, vaux et vaudrai. (W.)
-
-
-AU MÊME.
-
- 30 avril 1692.
-
-Je vous dois, Monsieur, non-seulement une réponse, mais mille
-remerciements d'une visite que M. le Président Boisot[444] m'a faite;
-car si vous ne lui aviez pas dit du bien de moi, je ne l'aurois pas
-reçue. Je souhaite qu'il ne s'en soit pas repenti. Je vous dois encore un
-compliment très-honnête de Mme de Chandiot dans un billet qu'elle a écrit
-à M. de Pellisson, qui est d'un tour si délicat qu'il n'y a personne qui
-ne voulût l'avoir écrit. Je vous prie, Monsieur, de la louer et de la
-remercier de ma part. Comme je ne doute pas que Monsieur votre frère ne
-vous mande toutes les nouvelles du monde, je ne vous parlerai de la belle
-entreprise d'Angleterre que parce que je ne m'en saurois empêcher; rien
-n'étant plus glorieux pour Louis le Grand que d'envoyer une armée de
-trente mille hommes pour rétablir le roi d'Angleterre, dans le même temps
-qu'il a tant de princes ligués contre lui. Cependant j'avance hardiment
-qu'il n'y a que les vents contraires qui puissent empêcher le succès de
-cette héroïque entreprise.
-
- [444] Jean-Jacques Boisot, frère cadet de l'abbé de
- Saint-Vincent, président à mortier en 1686, mort le 17 octobre
- 1731. (W.)
-
-Comme j'ai des amis et des parents tout le long des côtes de Normandie,
-je sais tout ce qui s'y passe. Le roi d'Angleterre arriva à Caen le 24 de
-ce mois, à quatre heures après-midi. Il y trouva mylord Danchot (_sic_),
-le colonel Canon et les principaux officiers écossois qui avoient
-débarqué au Havre. Ils se saluèrent avec tant de marques de tendresse que
-ce prince en eut les larmes aux yeux. Ils furent très-contents de lui. Ce
-prince partit le lendemain, à cinq heures du matin, pour aller à son
-armée, composée de vingt mille hommes de bonnes troupes, sans compter les
-dix mille qui doivent s'embarquer au Havre, où M. de Choiseul étoit déjà
-arrivé, et où le marquis de Nesmond, frère d'un de mes amis, avoit ordre
-de se rendre. M. de Tourville doit mettre à la voile le 27 pour aller à
-la Hogue, où le roi d'Angleterre doit s'embarquer, et l'on m'écrit du
-Havre que dans peu on verra passer huit à neuf cents voiles qui iront
-fondre en Angleterre. J'ai vu des lettres de la Haye. L'usurpateur étoit
-à Loo, brouillé avec M. de Bavière et fort embarrassé. On dit toujours
-que le Roi partira le 12 de mai; mais je ne puis croire que son voyage
-soit long.
-
-Le bibliothécaire du Vatican est mort: c'étoit un grand ennemi de la
-France. L'entreprise d'Angleterre va faire un grand bruit dans ce
-pays-là. Le prince de Danemarck y est, et viendra en France ensuite.
-Comme vous aimez les belles choses, je vous envoie de beaux vers d'un de
-mes amis de Bordeaux; en voici le sujet: Il m'envoya le jour de
-l'équinoxe, que le soleil commence de remonter, une pierre gravée et
-très-antique. On voit tous les signes du zodiaque à l'entour et le soleil
-dans son char au milieu. Et comme on parle en même temps du voyage du Roi
-et que le soleil est sa devise, M. Bétoulaud applique heureusement le
-voyage du Roi autour du soleil. La pierre est en jaspe oriental et les
-habiles médaillistes disent que c'est un talisman. J'ai cru que vous
-seriez bien aise de voir ce petit ouvrage[445] et que vous pardonneriez à
-l'auteur les trop grandes louanges qu'il donne à votre, etc., etc.
-
- [445] Voy. dans la _Notice_, p. 100, ce que nous avons dit des
- pierres gravées données au roi par Mlle de Scudéry. Celle dont il
- est ici question figure encore au Cabinet des médailles sous le
- no 2392, parmi les _Intailles modernes_. Sa non antiquité est
- reconnue depuis longtemps.
-
-
-AU MÊME.
-
- 10 mai 1692.
-
-Je vous prie, Monsieur, de me pardonner la liberté que je prends de vous
-envoyer une réponse que je dois à Mme de Chandiot, que je serai bien aise
-que vous lui rendiez en main propre. Après cela, Monsieur, je vous dirai
-que le Roi part aujourd'hui avec toute sa royale famille pour aller
-coucher à Chantilly où il séjournera demain, et lundi il ira à Compiègne,
-mardi à Noyon et mercredi à Château-Cambresis.... On m'écrit du camp du
-roi d'Angleterre qu'il y arrive tous les jours des Anglois qui assurent
-qu'on l'y attend avec impatience, et que la plupart des grands seigneurs
-sont à leur tête qui se déclareront pour lui dès qu'il paroîtra. Il
-arrive aussi à son camp des Écossois et des Irlandais; mais le temps est
-cause que la flotte de Brest n'est pas encore à la Hogue. Celle de
-Saint-Malo, composée de trois cents voiles, a passé au Havre où quatre
-mille chevaux s'embarquent. Il ne faut que douze heures pour passer de
-la Hogue aux ports d'Angleterre. Une chose qui fait beaucoup raisonner,
-c'est qu'on a défendu à tous nos armateurs d'attaquer ni de prendre nuls
-vaisseaux marchands anglois; cela est positivement vrai. Le prince
-d'Orange paroît, dit-on, en grande indolence à Loo.
-
-Tout va bien à Constantinople; j'en eus hier des nouvelles; et tout va
-bien à Rome. Il devoit y avoir consistoire le lundi d'après le jour qu'on
-m'écrivoit, et le Pape avoit fait la veille une action de grande vigueur
-dont on le louoit fort. Le prince Tassi (Taxis), qui a l'intendance des
-postes d'Espagne, de Naples et de Milan, et qui, en cette qualité, a les
-armes d'Espagne sur sa porte, ayant eu quelque démêlé avec le secrétaire
-de l'ambassadeur de Venise, commanda à son cocher de faire verser le
-carrosse de ce secrétaire au milieu du Cours. Mais le cocher maladroit en
-versant le secrétaire versa aussi son maître[446], qui en fut si irrité,
-qu'il battit et maltraita un laquais de l'ambassadeur de Venise, qui
-suivoit le secrétaire, et parla même insolemment de l'ambassadeur et de
-la République. Le lendemain, craignant quelque insulte de cet
-ambassadeur, il fut faire cortége à la cavalcade des cardinaux, et fut
-aussi au Cours, son fils avec lui et plusieurs braves, avec des armes
-cachées dans son carrosse. Il en avoit même trente bien armés chez lui;
-de sorte que le Pape apprenant cela, envoya deux cents sbires avec une
-compagnie du château Saint-Ange, qui prirent le prince Tassi, son fils et
-ses trente braves qui firent pourtant une décharge, et les menèrent en
-prison. L'ambassadeur d'Espagne a filé doux et ne s'en est pas mêlé. J'ai
-cru que vous seriez bien aise de savoir cela.
-
-Je suis, Monsieur, très-sincèrement votre, etc., etc.
-
- [446] C'est-à-dire son propre maître, comme la suite l'indique.
-
-
-AU MÊME.
-
- 31 mai 1692.
-
-Il y a si longtemps que je vous dois une réponse, Monsieur, que peut-être
-avez-vous oublié que je vous la dois. Mais je ne laisse pas de vous en
-demander pardon, quoique je n'aie nul tort; car des embarras imprévus ne
-m'ont pas laissé le temps de respirer. Et puis, Monsieur, votre dernière
-lettre étoit si excessivement modeste qu'il eût fallu vous en gronder.
-J'en ai fait convenir M. de Pellisson qui vous fait bien des compliments.
-Sa santé est toujours assez incertaine et la bizarrerie de la saison y
-contribue pour beaucoup. Car je n'ai jamais vu un tel printemps.
-
-Cependant les armes du Roi sont en état de le faire vaincre de toutes
-parts. Nos trente-cinq galères aux côtes d'Italie ont vu prendre Oneille,
-l'épée à la main, aux troupes qu'elles avoient descendues en ce lieu-là;
-et le Roi avec ses formidables armées fait trembler toute la Flandre, et
-trembler un usurpateur si intrépide qu'il n'a jamais craint Dieu. La
-Gazette vous dira sans doute que Namur fut investi le 24, par M. de
-Boufflers, entre Sambre et Meuse; mais je ne sais si elle vous dira assez
-bien que le Roi ayant décampé, conduisit son armée sur quatre colonnes,
-Sa Majesté se tenant à la plus proche des ennemis. Il la conduisit avec
-toute la capacité d'un général consommé en l'art militaire. Il fut, suivi
-de Vauban, reconnoître la place, marquer le camp, les attaques et les
-batteries et donner ordre à toute chose, jusques à régler les fronts de
-l'armée. Celle de M. de Luxembourg couvre le siége à une lieue et demie
-de là. Les ennemis ont tiré trois mille chevaux de la place, dont ils se
-repentent. Le prince d'Orange est vers Bruxelles qui assemble des
-troupes; on dit qu'il n'a pas encore trente-six mille hommes. Il est
-sorti trente dames de Namur que le Roi a fait arrêter. On ne sait pas
-encore ce qu'il veut en faire. Vauban assure que le siége ne sera pas
-long. La ville est commandée par deux montagnes d'où on la mettra en
-cendres. Le 21, M. le duc, M. de Villeroy et M. de Bressey arrivèrent
-devant Namur. Je reçois dans ce moment des lettres de la Hogue qui
-m'assurent que M. de Tourville a dû y arriver jeudi 29 de ce mois, avec
-les escadres de M. de Château-Renaud et de M. de Villette qui l'ont
-joint. On m'interrompt pour me donner une lettre du Havre du 29, qui
-porte que depuis dix heures et demie on entendoit des décharges
-continuelles de canon: ce qui fait croire qu'il y a un combat entre les
-deux flottes, et que les chaloupes qui étoient venues disoient que ce
-combat se faisoit à treize lieues de là au nord-ouest. J'en aurai
-apparemment demain des nouvelles, je vous les manderai l'ordinaire
-prochain. Permettez-moi d'assurer Mme de Chandiot de mon service très
-humble, Monsieur, et me croyez autant que je le suis
-
- Votre, etc., etc.
-
-P. S. J'apprends que le Roi a envoyé les trente dames dans une abbaye de
-religieuses et ordonné qu'on les traite magnifiquement et avec beaucoup
-d'honnêteté. Cela est fort beau au Roi.
-
-
-AU MÊME.
-
- 20 juillet 1692.
-
-Je reçus hier au soir, Monsieur, votre lettre du 15 qui m'a fait beaucoup
-de plaisir; car j'allois vous écrire pour me plaindre de votre silence,
-et pour vous envoyer un madrigal qui vous fera voir que j'ai trouvé plus
-de facilité à railler le prince d'Orange qu'à louer le Roi. Il est vrai
-que je le loue ailleurs, et qu'ayant écrit à Mme de Maintenon à Dinan et
-au R. P. de la Chaise devant Namur, ce madrigal n'est qu'un petit enfant
-perdu qui court le monde. Je souhaite pourtant qu'il ne vous déplaise
-pas. M. Perrault de l'Académie a fait quatre vers assez plaisants, les
-voici:
-
-AUX JÉSUITES DE L'ARMÉE.
-
- Commodément, aussi bien qu'en lieu sur,
- Vous avez vu le siége de Namur;
- C'est un emploi bien digne de louange;
- Plus n'en a fait ce grand prince d'Orange.
-
-Enfin, Monsieur, c'est la mode de se moquer de lui, et tout Paris est
-rempli de chansons de ce caractère-là. Je crois que dans un mois j'aurai
-deux petits volumes à vous envoyer. Apprenez-moi par quelle voie je
-pourrai vous les faire tenir. Le Roi est revenu en parfaite santé. Il a
-donné de fort bonne grâce le gouvernement d'Antibes au neveu du cardinal
-de Janson dont le père vient de mourir[447]. Il a dit, en le donnant,
-qu'il le donnoit aux services de l'oncle et du père. J'en écrirai demain
-à cette Éminence. Au reste, vous vous moquez de moi quand vous me dites
-que vous me devez une partie des honneurs qu'on vous a rendus à votre
-voyage; car vous ne les devez qu'à votre mérite. Mais vous me devez un
-peu d'amitié, parce que je suis sincèrement, avec toute l'estime que vous
-méritez, votre, etc., etc.
-
-P. S. Excusez une très-mauvaise plume et me permettez d'assurer l'aimable
-Mme de Chandiot de mon service très-humble.
-
- [447] Joseph de Forbin, marquis de Janson, gouverneur d'Antibes,
- comme l'avait été son père Laurent de Forbin, mort le 2 du même
- mois. Nous avons parlé du Cardinal, p. 24 de la _Notice_.
-
-
-AU MÊME.
-
- Le 20 septembre 1692.
-
-Je ne sais, Monsieur, ce que vous pensez de mon silence; mais je vous
-assure que la cause n'en est fâcheuse que pour moi, et que dans le temps
-que je ne vous ai pas répondu, je me suis souvenue tous les jours que je
-devois vous répondre, et que je me privois d'un grand plaisir en ne vous
-donnant pas lieu de me faire l'honneur de m'écrire. Mais un rhume, un
-procès au Grand Conseil[448] et plusieurs autres embarras m'ont fait
-résoudre d'attendre que je puisse vous envoyer deux petits volumes
-d'_Entretiens de morale_[449] pour faire ma paix avec vous. Mais par
-malheur il y a tant de fautes d'impression, sans compter les miennes, que
-je ne sais s'ils seront bien propres à vous apaiser, en cas que vous
-m'ayez fait l'honneur d'être un peu irrité de mon silence. Quoi qu'il en
-soit, Monsieur, je vous demande une voie pour vous les envoyer; car
-j'appris hier par M. de Pellisson que M. le président Boisot est à
-Besançon en bonne santé, dont je suis fort aise; et vous me ferez le
-plaisir de l'assurer de mon très-humble service. Nous eûmes avant-hier,
-ici et à Versailles, un tremblement de terre: je le sentis mais je ne le
-connus pas d'abord. J'étois assise dans une chaise qui touchoit la porte
-d'un petit cabinet de la chambre où je couche, qui n'est pas celle que
-vous avez vue. Je sentis que cette porte ébranloit ma chaise, et ma
-chaise m'ébranloit moi-même. Mais comme cela dura peu, j'ai cru que
-c'étoit un chat enfermé dans le cabinet qui en vouloit sortir, et je n'en
-eus nulle émotion. Mais une heure après dîner, je sus que dans tout mon
-quartier il n'y avoit pas de maison où il ne se trouvât quelqu'un qui ne
-s'en fût aperçu. Et il fut si fort à Notre-Dame que tous ceux qui s'y
-trouvoient en sortirent, croyant que l'église alloit tomber. On sentit
-aussi le tremblement plus fort sur les ponts qu'ailleurs. M. de Pellisson
-m'écrivit hier qu'il s'étoit fait sentir si fort à Versailles, au
-Grand-Commun où il loge, au château, à la Ville et à la paroisse, que le
-peuple songeoit déjà à quitter les maisons et à gagner la campagne. Le
-Roi étoit à Marly: on ne savoit pas encore hier si on l'y avoit senti;
-mais une laitière de Montreuil me dit hier que tous les arbres avoient
-été ébranlés et que ceux qui descendoient la montagne ne pouvoient
-s'empêcher de tomber: par bonheur cela fut court. M. de Pellisson n'en
-sentit rien, car il s'étoit endormi dans une chaise après avoir dîné, et
-le valet fut le seul qui s'en aperçut. J'ai cru, Monsieur, devoir vous
-dire cet événement dont tous les rois du monde ne sont pas les maîtres.
-Je ne vous dis point que tout va bien de toutes parts, ma lettre est déjà
-trop longue, mais seulement que Mme la baronne de Bressey est ici pour
-solliciter les affaires de son mari. M. de Valcroissant est venu avec
-elle. On m'a dit qu'elle est jeune et belle, et peut-être me
-viendra-t-elle voir. Son mari est à Arras. Permettez-moi d'assurer Mme de
-Chandiot de mon service très-humble et de la justice que je rends à son
-mérite, et de vous assurer vous-même, Monsieur, que personne ne vous
-honore plus que je fais, ni n'est plus véritablement votre, etc., etc.
-
-P. S. J'apprends que le tremblement de terre a été à Marly comme à
-Versailles, sans y faire aucun mal.
-
- [448] Voy. la _Notice_, p. 109.
-
- [449] Paris, 1692, 2 vol. in-12.
-
-
-AU MÊME.
-
- 11 octobre 1692.
-
-Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, par un temps si extraordinaire qu'on
-ne peut s'empêcher de s'en plaindre. Il fit hier un jour de mois de mars;
-le soleil étoit fort clair, il geloit un peu à la campagne et le froid
-étoit modéré. Présentement toutes les maisons sont couvertes de neige et
-il y en a plus d'un pied de haut dans mon jardin; et il en tombe encore
-en telle abondance que l'air en est obscurci. Et, avec cela, il fait un
-grand vent et un froid très-piquant: ce qui n'accommode pas une santé
-délicate comme est celle de M. de Pellisson, ni une enrhumée comme moi,
-ni les armées qui sont encore en campagne. Après cela, Monsieur, je vous
-dirai que je n'ai pas été obligée d'envoyer au collége de Bourgogne; car
-M. l'abbé Reud[450] est venu lui-même prendre les livres que je vous
-destinois. Et comme il y avoit déjà assez de monde dans mon cabinet, et
-que je ne parle pas de loin, je ne pus l'entretenir comme je l'eusse
-voulu, et je ne le remerciai qu'en le conduisant dans ma chambre. Vous
-trouverez des fautes d'impression sans nombre qui ne sont pas à l'errata.
-Ne les confondez pas avec les miennes et excusez les unes et les autres.
-Souvenez-vous, Monsieur, que je vous ai demandé vos sentiments sincères;
-je fais la même prière à Mme de Chandiot. Mais pour les avoir tous purs,
-je les demande de sa main, afin d'avoir deux plaisirs pour un.
-Assurez-la, s'il vous plaît, de mes très-humbles services et d'une estime
-très-distinguée. N'allez pas vous figurer que je cherche à me faire
-louer, au contraire je ne veux que m'instruire.
-
-Je ne vous dis pas de nouvelles, car vous ne pouvez ignorer que les armes
-du Roi ont été victorieuses en Allemagne comme en Flandre; que le duc de
-Savoye a abandonné le peu qu'il avoit pris, de peur d'être pris lui-même,
-et qu'au lieu d'être un conquérant, il n'est qu'un brûleur de maisons. On
-me dit hier qu'il a la fièvre tierce; cela est extraordinaire après avoir
-eu la petite vérole. Le prince d'Orange n'est pas sorti de Flandre fort
-héroïquement: car il partit de nuit sans dire adieu à personne; ses
-gardes demeurèrent en état jusqu'au lendemain au jour qu'on déclara son
-départ. On croit qu'il passera en Angleterre, où les esprits sont fort
-divisés. Le prince régent de Wirtemberg, que M. le maréchal de Duras a
-pris, est très-bien fait, a beaucoup d'esprit et n'a nul accent ni nul
-air étranger. Le Roi et la Reine d'Angleterre sont à Fontainebleau où le
-Roi les a reçus, comme les deux dernières années, avec une magnificence
-toute royale et une honnêteté héroïque. Vous en connoîtrez une partie
-dans un des Entretiens. Permettez-moi, Monsieur, de faire mille
-compliments à M. votre frère et de vous assurer sincèrement que personne
-ne vous estime et ne vous honore plus que votre servante, sans excepter
-M. de Pellisson.
-
- [450] D'une famille patricienne de Bayonne; il y a eu des
- co-gouverneurs de ce nom et des conseillers au Parlement. Elle
- est éteinte depuis la fin du dernier siècle. (W.)
-
-
-AU MÊME.
-
- 3 novembre 1692.
-
-Je dois réponse, Monsieur, à deux de vos lettres, mais un grand rhume et
-beaucoup d'affaires très-différentes m'ont empêchée de me donner
-l'honneur et le plaisir de vous répondre plus tôt. Il y a une chose dans
-la première dont j'aurois profité si je l'avois sue lorsque je fis la
-conversation sur la tyrannie de l'usage; car cela me fait croire que j'ai
-eu raison de le faire. En effet, Monsieur, peut-on rien voir de plus
-différent que l'usage singulier de Besançon et celui de tous les autres
-lieux du monde, et surtout de celui de la cour de Paris? Car vous me
-dites qu'il faut cacher soigneusement dans votre ville que j'ai l'honneur
-d'avoir quelque commerce avec Mme de Chandiot: et il m'est arrivé
-plusieurs fois que des dames que je n'ai jamais vues ont dit que j'étois
-de leurs amies et que je leur écrivois. Mais du moins me sera-t-il permis
-de parler de son mérite à M. de Pellisson et de me louer de sa bonté.
-
-Pour votre seconde lettre, Monsieur, je commence d'y répondre par vous
-remercier de la manière dont vous avez reçu mon présent. Je vous envoye
-le véritable errata que j'ai fait mieux que celui de l'imprimeur, et vous
-verrez que les _anciens Romains_, qu'on a mis au lieu de mettre _les
-Lacédémoniens_ est une faute d'impression. Cela est su trop généralement
-pour être une ignorance. Vous me ferez plaisir de me renvoyer cet errata.
-Pour ce que vous me dites, Monsieur, que les lecteurs aimeroient mieux
-qu'on leur laissât la liberté de juger, vous me permettrez de vous dire
-que je n'exécuterois pas le dessein que mes amis m'ont fait prendre, si
-je suivois vos avis. Car ces entretiens ne sont pas ceux de deux
-philosophes de la secte de Diogène, ce sont des hommes et des dames du
-monde qui doivent parler comme on y parle. Et il est constamment vrai que
-le bel usage veut qu'on relève avec esprit ce qui se dit d'agréable dans
-une compagnie composée de personnes qui savent l'exacte politesse, et les
-conversations auroient un air sec et incivil sans cet usage. De sorte,
-Monsieur, que voulant faire passer la politesse de notre temps au temps
-qui viendra, j'ai dû faire parler les personnages que j'introduis comme
-les honnêtes gens parlent. Pour l'endroit de l'amour-propre si caché dans
-notre cœur, il faut qu'il m'aveugle puisque je ne puis deviner ce que
-vous y devinez. Et comme cela a passé devant les yeux de M. de Pellisson
-sans qu'il s'y soit arrêté, et devant ceux de trois ou quatre personnes à
-qui j'ai montré cet endroit depuis votre objection, et qui n'y ont rien
-trouvé à dire, j'ai lieu de croire que s'il y a faute, elle doit être
-petite. Pour ce mot de _sentiments_ dont vous me parlez, peut-être
-seroit-il mieux qu'il y eût: _d'inspirer de semblables sentiments_, au
-lieu de _susceptibles_. Mais, Monsieur, je serois bien glorieuse, s'il
-n'y avoit pas d'autres imperfections à mon ouvrage. Il est vrai que ces
-sentiments sont si heureux dans le monde, que je crois que quelque
-constellation cache leurs défauts. Je viens de recevoir une lettre de M.
-l'évêque d'Agen[451], qui est le plus éloquent prélat du royaume, et une
-de M. l'évêque d'Avranches[452] qui est le plus savant, qui me persuadent
-ce que je dis. Une jeune demoiselle de quatorze ans a fait des vers
-au-dessus de son âge, pour les louer; une autre de vingt-quatre ans en a
-fait de très-jolis. M. le Camus Melson[453] en a fait aussi, et MM.
-Bétoulaud et Bosquillon, Petit et plusieurs autres en ont fait de
-très-beaux. Mais au milieu de tout cela, Monsieur, je donne à votre
-suffrage le prix qu'il mérite et je tiens à grand honneur que les
-_Entretiens_ ne vous aient pas ennuyé. Ma lettre est déjà si longue que
-je n'ose y rien ajouter, si ce n'est de vous supplier de me permettre
-d'assurer M. votre frère de mes très-humbles services et d'être bien
-persuadé que personne ne vous estime et ne vous honore plus que je fais,
-ni n'est avec plus de sincérité votre, etc.
-
- [451] Mascaron. Mlle de Scudéry, en le disant le plus éloquent
- prélat du royaume, oublioit Bossuet. Mais Bossuet ne l'avoit pas
- apparemment remerciée de l'envoi de son ouvrage. (W.)
-
- [452] Huet.
-
- [453] Voy. _Historiettes_. (W.)
-
-
-A M. HUET, ÉVÊQUE d'AVRANCHES[454].
-
- [454] Communiquée par M. Étienne Charavay.
-
- [1692.]
-
-Je suis ravie, Monseigneur, de vous retrouver dans votre billet tel que
-je vous trouvai autrefois à Chasse-Midi[455] et dans mon cabinet, et je
-vous assure aussi qu'à la réserve de mes oreilles qui ne valent rien,
-vous me trouverez toujours la même. J'ai murmuré en secret que vous ne
-m'ayez rien dit sur la mort de M. Ménage[456]. Vous aurez pu voir que mes
-amis vivent dans mon cœur après leur mort par ce que j'ai dit de M. de
-Montausier[457]. Vous jugez de là, Monseigneur, si je puis oublier les
-vivants, surtout quand ils ont un mérite aussi distingué que le vôtre;
-aussi vous puis-je assurer que c'est pour toute ma vie que je suis votre
-très-humble et très-obéissante servante.
-
-P. S. Je voudrois fort que l'Entretien sur la Reconnoissance ne vous
-déplût pas, je ne sais si je l'oserai espérer.
-
- [455] Chasse-Midi, Cherche-Midi, maison religieuse établie en
- 1634 dans la rue de ce nom. Mme de Rochechouart-Mortemart, future
- abbesse de Fontevrault, y allait souvent, et Marie-Éléonore de
- Rohan y mourut.
-
- [456] Ménage mourut le 23 juillet 1692.
-
- [457] Montausier était mort le 17 mai 1690. Voir aux Poésies les
- vers que Mlle de Scudéry fit à cette occasion.
-
-
-A M. L'ABBÉ BOISOT.
-
- 21 février 1693.
-
-N'attendez aujourd'hui de moi que des larmes et des plaintes, Monsieur,
-car la perte que j'ai faite est si grande, et la douleur que j'en ai est
-si vive, que rien ne la peut ni égaler ni exprimer. On peut dire sans
-flatterie que le Roi y perd le plus zélé de ses sujets, le siècle un
-grand ornement, les belles-lettres un grand éclat, tous ses amis une âme
-héroïque et la religion un grand défenseur. Mais je crois perdre plus que
-tout cela ensemble; car un ami de quarante années de ce mérite-là, qu'on
-a connu dans la bonne et dans la mauvaise fortune et trouvé toujours
-également digne d'admiration dans l'une et dans l'autre, est une perte
-que nulle autre ne peut égaler. Chacun a eu toute la surprise qui la
-pouvoit faire sentir d'une manière plus dure; car M. de Pellisson n'avoit
-pas de fièvre. Il dormoit assez bien, il n'a pas gardé le lit un seul
-jour. Il fut à la messe le dimanche gras, et le jour de la Vierge il
-écrivit au cardinal Janson une lettre de consolation sur la mort de sa
-sœur qui étoit mon amie, et une au gouverneur de Philippeville pour le
-remercier des bons offices qu'il avoit rendus à un de mes amis. Je vous
-dis tout cela, Monsieur, pour vous faire connoître qu'il ne croyoit pas
-mourir. Il m'écrivoit tous les jours l'état de son mal; mais lui, ayant
-un peu empiré le vendredi au soir, il prit la résolution de se confesser
-le lendemain au matin, et de recevoir Notre-Seigneur. Il s'endormit tout
-habillé dans sa chaise, mais ses gens, trouvant son dormir trop long et
-trop fort, le réveillèrent. Mais, hélas! il avoit perdu la connoissance
-et mourut quatre heures après sans nulle violence. De sorte, Monsieur,
-que la maladie fut courte et la mort subite. L'innocence de sa vie et un
-nombre infini de bonnes œuvres ne mettent pas ceux qui l'ont connu en
-peine de son salut. Mais un faux dévot et de malins esprits suscités par
-l'enfer, ont essayé de ternir la conversion la plus parfaite qui ait
-jamais été, et répandu un grand bruit que ce qui l'avoit empêché de se
-confesser, c'est qu'il étoit encore huguenot. Ce bruit si faux et si
-malin m'a donné beaucoup de peine pour défendre cet illustre ami dans la
-plus noire calomnie qui fût jamais. Grâce à Dieu, le Roi et tous les gens
-sages ne l'ont pas cru. J'écrivis à Mme de Maintenon, à M. le Chancelier,
-à M. Le Peletier, à M. de Meaux une lettre de quinze pages. Je vous
-enverrai, l'ordinaire prochain, une copie de sa réponse. Ce grand
-évêque, le R. P. de la Chaise, tous les jésuites des trois maisons de
-Paris, et enfin tous les honnêtes gens lui ont rendu justice, et j'ai
-trouvé une preuve incontestable pour sa foi sur le mystère de
-l'Eucharistie, et pour sa dévotion au Saint Sacrement. On a trouvé parmi
-ses papiers de Versailles un traité qu'il faisoit de ce mystère et qu'il
-espéroit faire imprimer à Pâques. On l'a porté à M. de Meaux et ses
-calomniateurs commencent d'être honteux de leur calomnie. On lui a fait
-un service à Versailles où il est enterré, un à l'abbaye Saint-Germain où
-il y eut grand monde. L'Académie en fit dire hier un aux Billettes où les
-plus illustres académiciens se trouvèrent, et l'Académie de Soissons en
-doit aussi faire dire un. J'aurois cent choses à vous dire, Monsieur,
-mais les larmes m'aveuglent et la douleur me suffoque. Je remercie Mme de
-Chandiot de l'équité qu'elle a de me plaindre, et comme ma plus douce
-consolation est d'aimer ce qu'il a aimé, permettez-moi, Monsieur, d'être
-toute ma vie, votre, etc., etc.
-
-
-AU MÊME[458].
-
- [458] Cette lettre, écrite sept jours après la précédente,
- renferme plusieurs redites que nous avons supprimées pour la
- plupart. Nous la donnons néanmoins à cause de quelques détails
- nouveaux.
-
- 28 février 1693.
-
-La vive et juste douleur dont mon cœur est pénétré pour la perte
-irréparable d'un illustre ami de quarante années, ne m'a pas permis de
-vous répondre plus tôt, Monsieur, et je vois plus de cinquante lettres
-auxquelles je n'ai pas répondu. Et ma douleur a tellement altéré ma santé
-que j'ai eu besoin de tout mon courage pour n'être pas accablée par tant
-de malheurs à la fois. Car je n'ai pas eu seulement à supporter la plus
-vive affliction qui fut jamais et la plus juste, il a fallu que j'aie à
-combattre la plus noire calomnie qui ait jamais été, et je m'y suis
-opposée avec tant de vigueur que, grâce à Dieu, ce monstre sorti d'enfer
-est près d'expirer.
-
-Il se rencontre que le curé de Versailles, qui est un missionnaire, étoit
-irrité de ce que M. de Pellisson alloit tous les jours à la messe à la
-chapelle du château, ou aux Récollets, comme en étant plus proche; de
-sorte qu'étant mal disposé, il crut ce que la canaille libertine ou
-huguenote et envieuse publia, et ce faux bruit se répandit partout. Je
-vous envoie la copie de la réponse que m'a faite M. de Meaux. Elle est
-mal écrite, mais je n'ai pas le temps de l'écrire[459]. Vous verrez que
-le Roi a rendu justice à l'illustre mort. Je le sais par cent endroits,
-et il n'y a plus que quelque canaille envieuse et hérétique qui ose mal
-parler de sa foi. Au contraire, on m'écrit des éloges de sa piété. Il
-alloit faire imprimer à Pâques ce qu'il écrivoit sur l'Eucharistie, que
-M. Pirot, docteur de Sorbonne, avoit déjà vu et fort approuvé. Enfin,
-Monsieur, j'ai la consolation de voir le mensonge s'en aller en fumée
-pour laisser briller la vérité. C'est tout ce que vous dira pour
-aujourd'hui une affligée que la douleur a fait malade. Je fais ce que je
-puis pour résister à tous ces maux, car je suis nécessaire à conserver sa
-mémoire. Aidez-moi, Monsieur, dans ce juste dessein. Remerciez pour moi
-Mme de Chandiot de la bonté qu'elle a eue de me plaindre, et l'assurez de
-mon très-humble service. Et me permettez d'espérer, Monsieur, que vous me
-continuerez l'amitié dont vous m'avez honorée, et vous souvenez pour me
-l'accorder que j'ai eu le bonheur d'être quarante années la première amie
-d'un homme si rare, qu'on peut dire que le Roi y perd le plus zélé de ses
-sujets, le siècle un grand ornement, les belles-lettres un grand éclat,
-ses amis une âme héroïque et l'Église un grand défenseur. Le temps
-m'empêchera, Monsieur, de vous en dire davantage, mais rien ne peut
-m'empêcher d'être toujours, votre, etc., etc.
-
-P. S. Je ne puis relire, je vous en demande pardon.
-
- [459] Il va sans dire que c'est la copie qui est mal écrite.
- Cette copie, de la main de Mlle de Scudéry, fait partie du
- cabinet de M. Dubrunfaut qui a bien voulu nous la communiquer.
- Voy. ci-après les lettres de Bossuet à Mlle de Scudéry et à Mlle
- Dupré sur la mort de Pellisson.
-
-
-AU MÊME.
-
- 7 mars 1693.
-
-Je ne combats pas votre douleur, Monsieur, et je vous rends la justice
-que vous me rendez, mais la colère m'a donné du courage et la force de
-résister à cette juste douleur pour combattre la calomnie qui, grâce à
-Dieu, est étouffée par la vérité. Je vous envoie la lettre de M. de Meaux
-que vous me demandez. J'en reçus hier une autre par laquelle il m'assure
-qu'il n'oublie rien pour honorer la mémoire de notre cher et illustre
-ami. Mme de Maintenon en a écrit très-avantageusement, M. l'abbé de la
-Trappe[460] en a fait l'éloge, un de ses amis, le R. P. de la Chaise, en
-rendit dimanche de grands témoignages chez Monseigneur l'archevêque où il
-y avoit assemblée, et tout d'une voix la calomnie fut condamnée. A
-Angers, l'évêque[461] a justifié pleinement l'illustre mort et deux
-ministres bien convertis l'ont défendu contre le bas peuple hérétique. Le
-dernier _Mercure galant_ contient un éloge véritable de notre ami. Ceux
-qui font le _Mercure_ ont cru que je l'avois écrit; mais il est d'un de
-mes amis appelé M. Bosquillon, à qui j'avois donné un simple mémoire. M.
-Turgot Saint-Clair a fait deux épitaphes en latin qu'on estime fort. Mais
-il les montre et ne les donne pas; il en use ainsi de tout ce qui part de
-son esprit. Il y aura encore d'autres éloges avec un peu de temps; c'est
-tout ce qu'on peut faire avec un ami qu'on perd. M. de Leibnitz d'Hanovre
-lui donne mille louanges dans une lettre qu'il a écrite à une religieuse
-de grand monde, qui est à Maubuisson[462].
-
- [460] Le célèbre abbé de Rancé.
-
- [461] Michel H. Le Peletier.
-
- [462] Cette religieuse est évidemment Louise-Hollandine, sœur de
- la Palatine, duchesse d'Orléans. Elle était en effet en
- correspondance avec Leibnitz.
-
-Enfin, Monsieur, la médisance se change en éloges et la vérité triomphe
-du mensonge.
-
-Permettez-moi, Monsieur, de remercier M. le président Boisot et toute
-votre famille de la justice qu'ils me rendent en me plaignant, et de les
-assurer de mon service très-humble. Et pour vous, Monsieur, je veux
-croire que, sachant que j'étois la première amie de l'illustre mort
-depuis trente-huit ans, cela me tiendra lieu de mérite et que vous
-voudrez bien que je sois le reste de ma vie, votre, etc., etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- 3 avril 1693.
-
-Comme la douleur est du poison pour moi, Monsieur, ma santé n'a pu
-résister à celle dont mon cœur est pénétré. Et comme mes larmes m'ont
-attiré une fluxion sur les yeux, je n'ai pas pu vous répondre plus tôt
-pour vous remercier de m'avoir envoyé ce que vous aviez écrit sur notre
-incomparable ami, qui se trouve parfaitement beau. Et je vous exhorte,
-Monsieur, à continuer votre dessein et de trouver lieu de placer cette
-belle lettre[463], qui fera honneur à l'illustre mort et à vous. Et je ne
-doute pas non plus que ce que vous écrivez n'en fasse beaucoup au
-cardinal de Granvelle[464]. Je vous exhorte donc, Monsieur, à exécuter
-votre dessein comme notre ami vous l'eût conseillé. Sa mémoire, grâce à
-Dieu, a l'éclat qu'elle mérite, et l'on m'écrit de Bordeaux que quelques
-huguenots ayant voulu dire quelque chose contre sa mémoire, on s'est
-moqué d'eux et on les fera taire. Mais ce qui est très-considérable,
-Monsieur, c'est que mardi dernier M. l'abbé de Fénelon fut reçu à
-l'Académie pour remplir la place de M. de Pellisson. L'assemblée fut
-très-nombreuse; Monseigneur l'archevêque s'y trouva. Le R. P. de la
-Chaise y étoit et plus de cent personnes de mérite, qui admirèrent la
-harangue que fit M. l'abbé de Fénelon. Car ce fut le plus bel et le plus
-grand éloge qui ait jamais été fait, et tout son discours fut rempli des
-louanges du Roi et de celles de l'illustre mort. Et comme il l'avoit vu
-et entretenu la veille qu'il mourut, il étoit un témoin irréprochable de
-tout ce qu'il disoit à son avantage. Enfin, Monsieur, il fit un portrait
-si ressemblant de notre ami et le regretta si vivement, qu'il attendrit
-tous ceux qui l'entendirent et plusieurs académiciens en pleurèrent. Le
-directeur de l'académie répondit et loua aussi beaucoup, mais l'abbé
-charma toute l'assemblée. J'espère que cela sera bientôt imprimé et vous
-verrez, Monsieur, que le médecin qui a parlé à M. votre intendant[465],
-est un très-impertinent calomniateur; mais je voudrois bien savoir les
-sottises que vous m'avez mandé qu'il disoit, car je les détruirois
-toutes. Il est vrai que M. de Pellisson ne croyoit jamais tout à fait les
-médecins qui le voyoient, et qu'ils en murmuroient. Mais enfin la vérité
-a triomphé du mensonge, et je ne doute pas que vous n'en soyez bien aise.
-Un neveu de notre incomparable ami, qui est bien connu et qui est
-capitaine dans le régiment de Guiche, a été présenté au Roi par M. le duc
-de Noailles, et il en a été reçu agréablement. Voilà, Monsieur, tout ce
-qu'une toux cruelle me permet de vous dire, et que je suis avec toute
-l'estime que vous méritez, votre, etc., etc.
-
- [463] Elle n'a point été imprimée et on ne l'a pas retrouvée dans
- les mss de l'abbé Boisot. (W.)
-
- [464] La lettre de l'abbé Boisot à Pellisson, contenant son
- projet de la Vie du cardinal de Granvelle a été publiée dans les
- _Mémoires de littérature_ de P. Desmolets, t. IV, p. 27; elle est
- très-intéressante. (W.) Nous ajouterons ici à la note de M.
- Weiss, qu'il a publié lui-même en 9 vol. in-4º les _Papiers
- d'État du cardinal de Granvelle_ et que, dans la _Notice
- préliminaire_, il est entré dans de longs détails sur l'abbé
- Boisot et sur ses travaux relatifs à ces papiers.
-
- [465] C'était M. de Lafond.
-
-
-AU MÊME.
-
- 22 mai 1693.
-
-Je dois réponse à deux de vos lettres, Monsieur, qui m'ont été
-très-agréables, car je suis ravie que mes soins ne vous déplaisent
-pas.... Dès que mes premières larmes furent essuyées j'écrivis à Castres,
-à un ancien ami de M. de Pellisson, pour le prier de m'apprendre ce qu'il
-savoit de l'enfance et de l'éducation de l'illustre mort, et vous en
-avez vu quelques petites circonstances agréables dans l'Éloge; car pour
-la suite de sa vie, je la sais par moi-même, et une amitié de trente-neuf
-années aussi intime que la nôtre ne m'en a rien laissé ignorer. Le
-malheur veut que les endroits les plus héroïques ne se peuvent écrire;
-mais il y en a sans doute assez pour faire connoître que c'étoit un homme
-d'un mérite extraordinaire, soit pour la vaste étendue de son esprit,
-aussi agréable que solide, ou par sa rare vertu et sa sincère piété. On
-n'a pas parlé de l'éloge de la feue Reine-mère, Monsieur, parce qu'il est
-court, et qu'il y a plusieurs autres choses très-ingénieuses dont les
-lecteurs seront bien aises d'être surpris. Cet éloge fut fait pour être
-gravé sur une manière de petite plaque d'argent, derrière le portrait de
-cette Reine, dont la bordure est d'or, enrichie de deux mille écus de
-pierreries, et je fus choisie par M. de Remirecour, dont j'avois donné la
-connoissance à M. de Pellisson, pour faire les vers qui sont gravés sur
-l'or au-dessous de la figure de cette princesse. Je vous les enverrai une
-autre fois[466]. Je crois que vous n'avez pas vu l'_Eurymédon_, dont je
-suis la cause de plusieurs manières[467]. C'est une chose étonnante,
-quand on sait en quelle affreuse prison il a été fait. Si je vous
-parlois, je redoublerois votre admiration pour notre ami, et vous me
-sauriez gré de lui avoir donné lieu, par mon courage et par mon
-industrie, de faire en ce lieu-là toutes les héroïques et agréables
-choses qu'il y a faites durant quatre ans. Au reste, Monsieur, j'ai à
-vous dire que ce que M. de Pellisson a laissé du _Traité de
-l'Eucharistie_ n'a nul besoin d'être retouché par personne. Il n'y faut
-pas changer un mot, ni en discuter une syllabe. Nous ne savons pas s'il
-vouloit aller plus loin, mais ce qui est fait est parfait, et ses
-calomniateurs seront confondus. Je conseillerai qu'on garde soigneusement
-le manuscrit, car il y a partout des apostilles et des corrections de la
-main de l'auteur entre les lignes. Au reste on vient de me dire que
-Roze[468] en Catalogne [est assiégé], Heidelberg en Allemagne, et que le
-Roi va en Flandre. Monsieur partira bientôt pour la Bretagne. On meuble
-le château de Vitry, qui est à six lieues de Laval. On ne craint pas le
-prince d'Orange le long de nos côtes, mais on craint avec raison que les
-pluies ne gâtent les blés et n'incommodent beaucoup les troupes. Mais il
-pleuvra sur les ennemis du Roi comme sur ses armées. Excusez toutes les
-ratures de cette lettre; ma plume ne vaut rien et mon esprit, en parlant
-de M. de Pellisson, n'est pas libre. M. Bosquillon à qui j'ai fait voir
-votre lettre, en est charmé et m'a dit qu'il voudroit écrire aussi bien
-que vous pour vous louer dignement. Pour moi, Monsieur, qui ne fais point
-de souhaits impossibles, je me contente de vous assurer avec une
-simplicité sincère que personne ne vous honore plus que votre, etc.
-
- [466] Voir aux Poésies.
-
- [467] Voir la _Notice_, p. 77.
-
- [468] Roses.
-
-
-AU MÊME.
-
- 7 juin 1693.
-
-Vous m'avez écrit une si belle lettre, Monsieur, que je n'ai pas pu
-m'empêcher de la montrer à deux ou trois de mes amis, et entre autres à
-M. Bosquillon, qui l'a admirée. Mais je ne l'ai montrée qu'après avoir
-prié ceux à qui je la faisois voir de vous pardonner ce que vous dites de
-trop à mon avantage. Je ne rejette pourtant que les louanges de mon
-esprit, et j'accepte hardiment celles qu'on donne à mon cœur et à mon
-amitié, parce que je suis persuadée qu'il est du devoir d'une personne
-raisonnable d'avoir le cœur comme je l'ai, et d'aimer ses amis comme
-j'aime les miens. Car, selon moi, quiconque n'est pas ainsi mérite d'être
-blâmé. Je vous remercie donc, Monsieur, de la justice que vous me rendez
-sur certains articles, seulement regardant vos louanges comme un pur
-effet de votre honnêteté et de votre politesse. Si vous étiez à Paris je
-vous montrerois le poëme _d'Eurymédon_......... Comme je suis la seule
-qui ai toutes les poésies de cet illustre mort et que j'y ai plus d'une
-sorte de droits, particulièrement à celles qu'il a faites dans la
-Bastille, parce qu'il n'eût pu les faire sans mon secours, je les garde
-soigneusement jusqu'à ce qu'on les mette au jour. Voici les quatre
-premiers vers d'_Eurymédon_ qui me sont adressés:
-
- Merveille d'amitié dont les vertus divines
- Surpassent les héros comme les héroïnes,
- Qui seule consolez mon triste éloignement
- Et de ces belles fleurs faites votre ornement.
-
-Il faut que vous sachiez, Monsieur, que le Prince qui est le héros du
-poëme est, à la fin de l'ouvrage, métamorphosé en fleur, et cette fleur
-est une espèce de giroflée jaune qui croît sur les murailles, que j'ai
-toujours fort aimée, et dont M. de Pellisson en voyoit beaucoup sur les
-tours de la Bastille, lorsqu'il eut la permission de s'y promener conduit
-par un officier. Cet ouvrage a assurément de grandes beautés et me fait
-beaucoup d'honneur en divers endroits, et le Roi y est mieux loué en
-quatorze vers qu'on ne l'a quelquefois loué en mille. Le beau discours de
-M. l'abbé de Fénelon est imprimé, et il mérite sans doute la réputation
-qu'il a; je suis fâchée qu'il soit trop gros pour vous l'envoyer par la
-poste.
-
-Je ne vous dis point de nouvelles aujourd'hui. On ne savoit point encore
-hier où va le Roi; mais il partit du Quesnoy le 3 de ce mois et toutes
-les armées marchoient. Les ennemis n'ont que soixante mille hommes qu'ils
-ont séparés et mis dans les villes qu'ils craignent le plus de voir
-assiégées, comme Bruxelles, Gand et Liége; et le Roi a plus de cent dix
-mille hommes en ses deux armées. Il fit ses dévotions le 1er de juin au
-Quesnoy, se portant parfaitement bien. S'il n'est pas venu de courrier la
-nuit dernière, on n'en sait que cela; mais toute l'Allemagne tremble
-depuis la prise d'Heidelberg, et on ne croit pas que le prince Louis de
-Bade attende M. le maréchal de Lorge qui marchoit vers lui quand on m'a
-écrit. Je suis, Monsieur, avec toute l'estime que vous méritez et toute
-la sincérité de mon cœur, votre, etc., etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- 15 décembre 1693.
-
-Je suis fort aise, Monsieur, que vous ayez reçu les deux ouvrages de
-l'illustre mort et que vous les trouviez aussi beaux qu'ils sont.
-L'Élégie est touchante et généreuse, mais le Discours au Roi est un
-chef-d'œuvre plein d'esprit, de jugement, de magnanimité et d'éloquence;
-et ce qui en redouble le prix est le temps et le lieu où tout cela a été
-fait: car les difficultés qui s'y rencontroient eussent paru
-insurmontables à tout autre qu'à moi. Mais l'amitié et le courage
-viennent à bout de tout....
-
-Vous ne pouvez pas ignorer ce qui est arrivé à Saint-Malo et de quelle
-manière la machine infernale qui pouvoit détruire six villes comme
-celle-là, a échoué; que l'ingénieur qui l'avoit faite y a été étouffé
-avec deux autres, qu'il est resté sept cents bombes remplies d'ingrédiens
-diaboliques et tout nouveaux, et que le fracas que fit l'embrasement de
-la poudre fut si grand qu'on crut que cent mille hommes tomboient tout à
-la fois sur la ville. Tout le monde tomba dans les rues et dans les
-maisons; un canon de fer, chargé de trois livres de balles, passa
-par-dessus la maison où étoit M. le duc de Chaulnes, et alla se ficher
-dans un grenier sans faire une ouverture plus grande que celle qu'il lui
-falloit pour passer: cela est incroyable et est très-vrai. Il y a environ
-quarante maisons découvertes et des vitres brisées. Et cependant cet
-effroyable fracas n'a pas tué un chat (on me l'écrit en ces termes-là),
-et n'a pas mis le feu aux artifices qu'on avoit préparés pour perdre la
-ville. Il nous est resté plus de sept cents bombes pleines d'ingrédiens
-nouveaux: on en a envoyé une au Roi. Le fracas fut si terrible qu'on crut
-à Caen que la terre trembloit. On a encore trouvé une chaloupe double que
-M. de Chaulnes a trouvée si bien faite qu'il en veut faire six toutes
-pareilles. Je fus si touchée de ce terrible événement quand j'en reçus la
-première nouvelle, que je fis l'impromptu que je vous envoie[469]. On dit
-que la machine coûtoit deux millions au prince d'Orange, et j'apprends en
-cet instant, par des lettres de Bretagne et de Basse-Normandie, que la
-mer a vu près de cent Anglois morts sur ses bords, que les ennemis
-n'avoient plus de vivres et qu'ils en ont été prendre aux îles de Jersey
-et de Guernesey, où ils ont enterré un mort de quelque conséquence. Je
-suis bien obligée à M. le président Boisot de son souvenir. Je vous prie
-de l'en remercier pour moi et d'être bien persuadé, Monsieur, que
-personne ne connoît votre frère mieux que je le connois, et n'est plus
-véritablement votre, etc.
-
- [469] Nous n'avons pas retrouvé cet impromptu.
-
-
-AU MÊME.
-
- 6 mars 1694.
-
-Votre dernière lettre, Monsieur, est si bien écrite, si généreuse pour
-l'illustre mort et si obligeante pour moi, que je ne puis assez la louer,
-ni vous en remercier. Je vous apprends qu'on imprime les approbations du
-_Traité de l'Eucharistie_ et l'Épître dédicatoire au Pape, et que la
-première approbation est de M. l'archevêque d'Arles[470], qui a si bien
-connu la force et la beauté de l'ouvrage qu'il approuve, et a si
-parfaitement pénétré le sens de l'auteur, qu'il ouvrira les yeux aux
-moins éclairés. Et ce qui augmente mon plaisir, c'est que c'est moi qui
-ai obtenu, par une de mes amies, que cet archevêque travaillât; il étoit
-enrhumé, il avoit des affaires et le temps étoit court. Mais enfin je
-l'ai emporté, et j'en suis ravie, car cela pare le livre. Mais comme M.
-l'abbé de Ferriès sera le maître des exemplaires, priez-le de vous en
-envoyer le plus tôt qu'il pourra. Il y a peu de nouvelles: on envoie
-vingt bataillons en Piémont, parce qu'on a su que les ennemis y en
-faisoient passer. M. le prince d'Elbeuf a gagné deux mille pistoles bien
-aisément: car ayant dit qu'il avoit six juments qui, étant attelées à une
-manière de petit chariot, alloient et revenoient de Paris à Versailles en
-moins de deux heures, Monseigneur paria que cela ne se pouvoit et tous
-les courtisans à son exemple, et ils ont tous perdu.
-
- [470] Jean-Baptiste Adhémar de Monteil de Grignan, frère du comte
- de Grignan, et dont il est souvent question dans la
- correspondance de Mme de Sévigné.
-
-Il y a une nouvelle Satire de Despréaux imprimée contre les femmes, qu'il
-croit être la meilleure des siennes. Mais les gens de bon goût ne le
-trouvent pas, et il y a un caractère bourgeois et des phrases fort
-bizarres. Il donne un coup de griffe, selon sa coutume, à _Clélie_, sans
-raison et sans nécessité[471]. Mais je suis accoutumée à mépriser ce
-qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai pas. Un livre qui a été
-traduit en italien, en anglois, en allemand et en arabe, n'a que faire
-des louanges d'un satirique de profession. Quand vous aurez vu cette
-satire qui maltraite fort M. Perrault, ami de M. de Pellisson et le mien,
-je serai bien aise d'en savoir votre sentiment. Je suis, Monsieur, avec
-toute l'estime dont vous êtes digne et toute la sincérité dont je fais
-profession, votre, etc., etc.
-
- [471] Nous avons parlé dans la _Notice_, p. 88, des attaques de
- Boileau, contre lesquelles Mlle de Scudéry proteste avec vivacité
- dans cette lettre et dans les suivantes.
-
-
-AU MÊME.
-
- 10 mars 1694.
-
-Je reçois, Monsieur, votre lettre du 4 et j'y réponds à l'heure même,
-pour vous dire que j'ai bien meilleure opinion de Besançon que vous ne
-pensez. Et s'il n'y avoit que vous, Monsieur votre frère et Mme de
-Chandiot qui eussiez de l'esprit et du mérite, il faudroit vous regarder
-comme des phénix. Mais comme j'ai beaucoup vécu, il y a longtemps que je
-sais que Besançon est une ville à qui le voisinage de peuples moins polis
-ne gâte rien. Et puis, Monsieur, quoique le proverbe dise qu'une alouette
-ne fait pas le printemps, je soutiens que vous seul inspireriez l'esprit
-et la politesse à toute une grande ville. Vous m'avez fait beaucoup de
-plaisir de me parler de Mme de Chandiot, dont je n'osois vous parler la
-première, de peur de l'importuner, car je respecte même mes amis quand
-ils s'endorment, et je ne les réveille pas étourdiment.
-
-Il y a une Satire contre les femmes du satirique public, que le mérite
-seul de votre amie doit faire sembler plus ridicule, car il a si mauvaise
-opinion des femmes qu'il ne peut compter que trois honnêtes femmes dans
-tout Paris. Mais, quoiqu'il pense que cet ouvrage est son chef-d'œuvre,
-le public n'est pas de son avis et le trouve très-bourgeois et rempli de
-phrases très-barbares. Il donne un coup de griffe assez mal à propos à
-_Clélie_. Et j'imite ce fameux Romain qui, au lieu de se justifier, dit
-à l'assemblée: «Allons remercier les dieux de la victoire que nous avons
-gagnée....»
-
-Je suis, Monsieur, avec toute l'estime dont vous êtes digne, votre, etc.,
-etc.
-
-
-AU MÊME.
-
- 20 mars 1694.
-
-Votre dernière lettre, Monsieur, est si belle qu'une enrhumée n'oseroit
-entreprendre d'y répondre, et je ne vous écris aujourd'hui que pour vous
-dire que le Roi a reçu très-favorablement le livre de M. de Pellisson,
-que M. l'abbé de Ferriès lui a présenté. Je le priai fort hier de vous
-l'envoyer promptement, et il me dit qu'il le feroit quand le libraire lui
-en auroit baillé. Je lui en demandai un pour Mme de Sévigné, qui le
-mérite par cent raisons: il me le bailla. Je ne fis que l'ouvrir et
-l'envoyer; mais, en l'ouvrant, j'y vis un assez long avertissement dont
-je n'avois pas entendu parler et dont je ne lus que trois lignes, ne
-voulant pas faire voir que je le remarquois. Je le crois de la même main
-que l'Épître: vous m'en direz votre avis. Mais je vous prie
-très-instamment de ne jamais dire à cet abbé que je vous en aie écrit, et
-de me mander votre sentiment de l'ouvrage. Comme j'ai trois lettres de M.
-de Pellisson, qui marquent qu'il a toujours cru qu'il mourroit avant moi,
-et désiré et attendu que je prendrois soin de son tombeau, j'ai sans
-doute quelque droit de m'en mêler. Au reste la Satire est toujours plus
-décriée, et il y a un grand nombre de vers qui la blâment d'une manière
-sanglante. Il y a encore un ancien satirique qui lui a donné un petit
-coup de griffe; il s'appelle Linière; voici ce qu'il dit:
-
- Ta Satire contre les femmes,
- Que si durement tu diffames,
- Vole partout, fameux Boileau;
- Et c'est le comble de ta gloire
- De voir qu'on la montre à la foire
- Comme quelque monstre nouveau.
-
-Il y en a de M. de Nevers d'un autre caractère, mais je n'aime pas à
-envoyer de pareilles choses[472]. Je suis, monsieur, avec une estime
-singulière, votre, etc., etc.
-
- [472] Philippe-Julien Mazarini-Mancini, neveu du cardinal.
-
- Il ne peut être question ici du sonnet grossier à propos de
- _Phèdre_, où le duc de Nevers menaçait Boileau et Racine de coups
- de bâton: ce sonnet est de 1674, et la _Satire contre les femmes_
- est de vingt ans postérieure. Comme elle renferme un portrait de
- la Précieuse où l'on voulut reconnaître Mme Deshoulières, il est
- possible que, cette fois encore, le duc ait voulu la venger des
- attaques de Boileau, leur ennemi commun.
-
-
-AU MÊME.
-
- 24 mars 1694.
-
-Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, sans répondre à votre belle lettre
-du 16. Elle est trop modeste pour vous et trop flatteuse pour moi. Vous
-ai-je envoyé ce que M. de Nevers a écrit contre la nouvelle satire?
-Quand vous l'aurez lue, vous me ferez le plaisir de me dire si vous savez
-ce que c'est qu'un _lit effronté_, et si ce vers:
-
- .... que Vénus ou Satan[473]
-
-peut être fait par un chrétien. Je crois, Monsieur, que vous raisonnez
-fort bien en politique. On va faire un grand effort en Piémont et en
-Catalogne. Comme je compte votre voix pour beaucoup, je vais vous écrire
-un madrigal que je fis hier et que j'enverrai à Versailles[474]. Je ne
-l'ai montré qu'à M. l'évêque d'Avranches et à M. Bosquillon qui en sont
-contents. Je souhaite que vous le soyez de même et que vous me croyiez
-sincèrement votre, etc., etc.
-
- [473] Hémistiche d'un vers de la satire.
-
- [474] Ce madrigal n'a pas été retrouvé.
-
-
-AU MÊME.
-
- 7 avril 1694.
-
-Puisque c'est un sujet de joie qui vous a détourné de la lecture du livre
-précieux de l'illustre mort, je n'en saurois murmurer, et le mariage de
-votre parent prouve que la Satire contre les femmes n'empêche pas qu'on
-ne se marie. Toutes vos remarques sont justes[475], et l'on en peut faire
-beaucoup d'autres. Il n'y a que lui au monde qui puisse mettre Faustine
-en un rang plus honnête qu'une simple coquette. Je vous envoie les vers
-qu'on donne à M. de Nevers. J'en viens de voir de si terribles que je ne
-les ai pas voulu prendre. Vous me faites beaucoup de plaisir, Monsieur,
-de me faire espérer bientôt votre sentiment sur le livre de l'illustre
-mort, qui est admiré des plus habiles, des plus savants et des plus
-polis, et même des plus emportés de ses calomniateurs....
-
-Adieu, Monsieur, la toux me presse de finir; mais ce ne sera pas sans
-vous assurer que je suis très-sincèrement votre, etc., etc.
-
- [475] Sur la _Satire contre les femmes_. (W.)
-
-
-A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[476].
-
- [476] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- 4 juin [1694].
-
-Votre lettre du 29 de mai, Monseigneur, m'a causé un plaisir
-très-sensible, car connoissant le prix de votre suffrage comme je fais,
-j'ai été ravie que le dernier ouvrage de celui que je regretterai toute
-ma vie, l'ait obtenu. J'espère que la suite de cet admirable _Traité de
-l'Eucharistie_ l'obtiendra de même, et que vous donnerez aussi votre
-approbation entière au second volume qu'on va imprimer. Je vous ai écrit
-à Avranches une lettre que je suppose qu'on vous aura envoyée; mais, à
-tout hasard, je vous répète que le nonce a remis à M. l'abbé de Ferriès,
-de la part du Pape, une belle lettre latine écrite par le cardinal Spada,
-par ordre de Sa Sainteté, qui est toute remplie des louanges de feu M.
-de Pellisson et de son ouvrage. Cela est assurément fort glorieux pour sa
-mémoire. Le Roi a vu cette lettre, M. de Meaux en est ravi. Le Pape
-paroît fort aise que cet ouvrage ait paru sous son nom, étant rempli de
-la doctrine, de la piété et de l'éloquence de son auteur; il a ajouté que
-cet écrit lui est d'autant plus agréable qu'il ne tient rien de la
-sécheresse sententieuse des controversistes, et qu'enfin ce livre ne tend
-qu'à établir et éclaircir la doctrine catholique et à la persuader d'une
-manière propre à ramener les esprits égarés. Cela est plus fort et mieux
-dit que je ne le répète, et il finit en disant que M. Pellisson a été
-heureux de finir ses jours dans une étude si simple et si louable.
-
-Après cela, Monseigneur, permettez-moi de vous dire avec la même
-franchise que vous me parlez à la fin de votre lettre, que l'éloquence
-qui paroît dans le _Traité de l'Eucharistie_ n'est pas une éloquence qui
-farde et ne fait qu'éclairer sans éblouir; car après avoir persuadé
-l'esprit, elle touche le cœur, et je vous assure, Monseigneur, que cette
-foi vive, cette charité et cet amour de Dieu qui vous touchent encore
-plus que tout le reste, vous toucheroient moins sans ce petit rayon
-d'éloquence naturelle qui brille dans tout cet ouvrage, sans lui ôter
-rien de cette noble simplicité qui doit accompagner ces sortes de
-matières.
-
- Je suis, Monseigneur, etc., etc.
-
-
-A L'ABBÉ BOISOT[477].
-
- [477] Cabinet de M. Dubrunfaut.
-
- 21 août [1694].
-
-Je n'entreprends pas, Monsieur, de répondre à votre obligeante lettre,
-car je n'en ai pas le temps aujourd'hui, mais je veux vous dire que
-j'apprends que le 9 de ce mois Papachin et milord Russell[478] sont
-arrivés devant Barcelone, et que M. de Noailles qui étoit à quatre lieues
-de là, à une petite ville au bord de la mer, dépêcha aussitôt une frégate
-légère et une tartane, pour aller, séparément, en avertir M. de Tourville
-à Toulon, qui étoit prêt à faire voiles. Il envoya aussi diverses barques
-pour observer les manœuvres des ennemis, et voir s'ils débarquoient
-beaucoup de troupes; il mit des sentinelles sur toutes les hauteurs pour
-être averti de tout. J'apprends encore d'un autre côté que le 16, le
-prince d'Orange, manquant de tout dans son camp, renvoya ses gros
-bagages, et que le 17 à neuf heures du matin[479]..., apprenant que le
-prince d'Orange faisoit quelque mouvement, fit battre la générale et
-donna ordre qu'on se tînt prêt à marcher, faisant distribuer les sacs
-d'avoine par compagnie de cavalerie, et l'on vient d'ajouter à cela que
-le prince d'Orange marchoit vers Flene[480] et Monseigneur vers la
-Sambre; dans peu de jours on en saura davantage. Mme de Nemours marie son
-héritier à Mlle de Luxembourg et lui donne des biens immenses, et c'est
-un homme qui ne sait que boire[481].
-
- [478] L'amiral anglais Russell et le vice-amiral espagnol
- Papachin commandaient les flottes combinées d'Angleterre et
- d'Espagne.
-
- [479] Il semble qu'il faudrait ajouter _Monseigneur le Dauphin_
- ou _le maréchal de Luxembourg_.
-
- [480] Probablement Falaen (Belgique, Province de Namur).
-
- [481] L'héritier de la duchesse de Nemours était le chevalier de
- Soissons, son cousin germain, à qui elle fit prendre, en le
- mariant, le titre de prince de Neufchâtel.
-
-Après cela, Monsieur, je vous dirai que le Roi a reçu admirablement bien
-le présent de M. Bétoulaud, c'est une onice[482] antique très-belle, où
-la Victoire est gravée. Ce fut le P. de la Chaise qui la lui donna avec
-de très-beaux vers qui me sont adressés et où j'ai répondu, et un autre
-ouvrage qui m'est aussi adressé et où j'ai fait aussi une réponse.
-J'avois mis le cachet de la pierre antique dans une jolie boëte d'agate
-garnie d'or. Sa Majesté trouva la pierre très-belle et très-curieuse et
-prit beaucoup de plaisir aux vers; enfin cela s'est passé
-très-glorieusement pour M. Bétoulaud et pour moi. S. M. dit qu'elle
-alloit les montrer à Mme de Maintenon, et je prétends lui écrire mercredi
-prochain pour lui apprendre que je ne suis pas payée. Il me reste à vous
-dire que je suis ravie que vous soyez guéri, que je souhaite que votre
-frère le soit bientôt, et que je suis, Monsieur, plus que je ne le puis
-dire, votre, etc., etc.
-
- [482] Onyx.--L'inventaire de la bibliothèque des Médailles, cité
- par nous p. 100 de la _Notice_, mentionne à la date du 19 février
- 1695 «une petite agathe onice montée en cachet d'or sur laquelle
- est gravée en creux une Victoire debout, donnée au Roy par Mlle
- de Scudéry.»
-
-
-AU MÊME.
-
- Août 1694.
-
-Je vous réponds un peu tard, Monsieur, par des raisons bien différentes.
-La première est que je fus accablée, à ma fête, de fleurs, de fruits, de
-vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours à remercier ceux qui
-me les avoient envoyés et à recevoir les visites de ceux qui venoient
-voir les vers que j'avois reçus. Mais, depuis cela, ma santé altérée, mes
-affaires au même état et l'inquiétude où j'étois du Havre où je suis née,
-et du pays de Caux, où j'ai un neveu à la mode de Bretagne, d'un mérite
-distingué, et plusieurs autres parents, m'ont fort occupée. Mais grâce à
-Dieu, les ennemis n'ont pas fait grand mal au Havre, quoiqu'ils y aient
-jeté plus de mille bombes, où il n'y a eu que six médiocres maisons
-brûlées, et une chapelle un peu endommagée; et la bombarde qu'une de nos
-bombes fit sauter en l'air valoit mieux que ce que la ville a perdu. Il
-n'y a eu qu'un homme tué au Havre, et deux à Dieppe. L'embrasement de
-cette dernière a été grand par la faute des habitants qui étoient tous
-sortis de la ville. Mais M. le maréchal de Choiseul, qui étoit au Havre
-avec la Maison du Roi et la noblesse du pays, fit éteindre le feu
-aussitôt qu'il prit en quelque part. La citadelle et les vaisseaux du
-port n'ont eu nul mal.
-
-Comme vous prenez part à tout ce qui me touche, je vous dirai que le
-Madrigal sur la prise de Gironne[483] a été vu du Roi par le R. P. de la
-Chaise et qu'il en a été loué plus qu'il ne mérite. J'envoyai hier à ce
-même père une pierre antique pour le Roi, avec de très-beaux vers que
-l'on m'avoit adressés, où j'ai répondu. J'ai lieu de croire, vu la
-manière dont il a reçu mon madrigal, que Sa Majesté ne sait pas que je ne
-suis pas payée. Si cela continue, je prendrai la liberté de l'écrire à
-Mme de Maintenon, pour la prier d'en dire un mot au ministre. Vous voyez,
-Monsieur, que je vous parle de mes intérêts comme si c'étoient les
-vôtres. Apprenez-moi, s'il vous plaît, Monsieur, si vous êtes soulagé de
-la douleur dont vous vous plaigniez par votre dernière lettre. Je le
-souhaite de tout mon cœur, comme étant véritablement votre, etc. etc.
-
- [483] Voy. ce Madrigal aux Poésies.
-
-AU MÊME.
-
- Le 6 novembre 1694.
-
-Un grand rhume causé par toutes les inclémences de l'air et accompagné du
-chagrin de ne voir pas finir mon affaire du Trésor royal, dont on parlera
-encore demain au ministre, m'ont empêchée de vous écrire plus tôt. Mes
-amis n'ont pas encore trouvé cet Eusèbe que vous cherchez. Nous verrons
-si le public le trouvera, car M. Bosquillon et moi nous avons fait mettre
-la question dans le _Journal_ _des Savants_[484]. Nous verrons si
-quelqu'un sera plus heureux. Il y a très-peu de nouvelles: on parle
-toujours de la paix avec espérance. Les galères hiverneront à Saint-Malo
-et à Bordeaux, dont les officiers sont bien fâchés; ils seroient plus
-agréablement à Marseille. M. l'évêque d'Agen, autrefois le père Mascaron,
-qui est de mes amis depuis plus de quarante ans, prêcha le jour de la
-Toussaint à Versailles et charma le Roi et même les courtisans. Je m'y
-étois attendue, car c'est le plus éloquent homme du royaume et qui prêche
-le plus solidement. Je vous envoie un madrigal que M. Bosquillon a fait
-sur ce sermon-là. J'ai fait aussi un impromptu[485], mais on n'y entend
-rien si on n'a vu une grande Épître que M. de Bétoulaud a faite à la
-louange de cet excellent prélat qui, dans la disette, nourrissoit les
-pauvres jusqu'à s'incommoder. Je voudrois bien, Monsieur, vous demander
-si vous n'approuviez pas mieux que je fisse des mémoires pour la vie de
-l'illustre mort qu'une vie dans les formes. Car les Mémoires permettent
-un plus grand détail, et c'est cela qui est très-beau en la vie de M. de
-Pellisson. Dites-moi votre avis et me croyez, Monsieur, très-sincèrement,
-votre, etc., etc.
-
- [484] Nous n'avons pas trouvé trace de cette question dans le
- _Journal des Savants_ de 1694 et de l'année précédente.
-
- [485] Disons ici, une fois pour toutes, que parmi les nombreuses
- pièces de circonstance de Mlle de Scudéry ou de ses amis, citées
- dans sa Correspondance et que nous avons pu retrouver, celles qui
- présentent quelque intérêt ont été reproduites ou indiquées dans
- les Poésies.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME DE CHANDIOT A BESANÇON[486].
-
- [486] Cette lettre et les suivantes à Mme de Chandiot sont tirées
- du mss de la Bibliothèque nationale indiqué ci-dessus, p. 322.
-
- Ce 20 avril [1695].
-
-Je n'ai pas voulu, Madame, me donner l'honneur de vous écrire que je
-n'eusse fait l'entrevue de M. le président Boisot et de M. Bosquillon. Il
-me paroît qu'ils sont contents l'un de l'autre, et je ne doute pas,
-Madame, que vous ne soyez contente de l'éloge que ce dernier fait de
-notre illustre ami[487], sur vos mémoires, dont il est charmé, aussi bien
-que de quelques-unes de vos lettres que je lui ai montrées. J'en ai vu
-une fort belle entre les mains de M. le président Boisot, mais comme il
-me semble qu'il vous a un peu trop alarmée sur ma santé et sur ma vie, où
-vous avez la bonté de prendre intérêt, je veux un peu vous rassurer et
-vous dire qu'il n'est pas impossible que je n'aie encore quelque petit
-nombre d'années à vivre. Il est vrai que l'excessive rigueur de l'hiver
-dernier m'a causé un fort grand rhume qui ne peut guérir que par le chaud
-qui n'est pas encore venu, mais il est sans fièvre et sans nul engagement
-de poitrine, et ce qui m'incommode le plus est un rhumatisme qui
-m'enferme dans ma chambre et dans mon cabinet, ne pouvant marcher,
-quoiqu'il ne soit qu'aux genoux.
-
- [487] L'abbé Boisot, mort le 4 décembre 1694.
-
-Mais, comme je suis d'une famille où les ressorts de la raison ne s'usent
-point, je puis espérer d'en jouir encore un petit nombre d'années, comme
-je vous l'ai dit. J'en ai un exemple domestique, car la mère de feu mon
-père a vécu cent huit ans avec toute la liberté de la sienne, et elle
-jeûna le vendredi et au pain et à l'eau la dernière année de sa vie,
-comme elle avoit accoutumé depuis quarante ans. Je n'aspire pas à en
-avoir une aussi longue, j'ai perdu trop d'illustres amis pour le désirer,
-et il y en a peu de ce temps-ci capables de les remplacer; l'amitié étant
-devenue extrêmement rare. Je n'ai pas moins perdu d'amies illustres que
-d'illustres amis. Si nous étions en même lieu, Madame, vous avez tout le
-mérite qu'il faut pour adoucir toutes mes douleurs, pourvu que je puisse
-avoir place dans votre cœur; celle que vous avez dans le mien m'en rend
-en quelque sorte digne, puisque je suis avec toute l'estime que vous
-méritez et toute la sincérité dont je fais profession, votre très-humble
-et très-obéissante servante.
-
-
-A LA MÊME.
-
- Le 15 mai [1695].
-
-Je commence, Madame, par vous assurer que vous serez contente de l'éloge
-que M. Bosquillon a fait de feu l'abbé de Saint-Vincent[488]. M. le
-président Boisot vous l'aura sans doute dit, mais je vous le confirme
-après l'avoir lu deux fois. Dès qu'il sera imprimé vous l'aurez, et M. le
-président Boisot aussi. En attendant je vous envoie un madrigal que M.
-Bosquillon a fait après avoir lu les deux vôtres avec autant de modestie
-que d'estime et de respect pour la main qui les lui donne, et je vous
-envoie en même temps un madrigal qu'il a fait au retour d'une fameuse
-fauvette[489] dont je suppose que vous connoissez la réputation. Je vous
-envoie aussi ce que j'ai dit à la même fauvette, afin que vous voyiez que
-je n'aspire pas à vivre aussi longtems que ma grand'mère, n'étant pas
-assurée des mêmes avantages qu'elle a eus. Je n'écris pas aujourd'hui à
-M. le président Boisot; je me réserve à me donner cet honneur que l'Éloge
-soit imprimé, et je vous envoyerai en même temps la copie de la lettre de
-M. [Montmort?] à M. de Pellisson que le Roi a gardée. Conservez, Madame,
-la même bonté qu'à celui que nous regrettons, pour votre très-humble et
-très-obéissante servante, car je sens assez qu'elle n'en est pas indigne
-par l'estime distinguée qu'elle fait de votre mérite. Je crois, Madame,
-qu'il n'est pas nécessaire de vous dire qu'elle s'appelle
-
- MADELEINE DE SCUDÉRY.
-
- [488] L'abbé Boisot.--Cet Éloge se trouve au _Journal des
- Savants_, 1695, p. 212, sous forme de Lettre à Mlle de Scudéry.
-
- [489] Voy. les Poésies et le _Recueil de Mme de la Suze et de
- Pellisson_, 1741, t. I, pp. 164 à 199.
-
-
-A L'ABBÉ NICAISE[490].
-
- [490] Cabinet de M. Chambry.
-
- L'abbé Nicaise, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon, avait été
- surnommé par La Monnoie le _Facteur du Parnasse_. Il entretenait
- avec divers savants, tant français qu'étrangers, une vaste
- correspondance dont plusieurs volumes sont conservés à Paris, à
- Lyon et à Montpellier.
-
- Septembre 1695.
-
-Vous m'avez fait un grand plaisir, Monsieur, de m'apprendre que j'ai eu
-l'honneur d'être en communauté d'amis avec vous, car M. Lantin[491] avoit
-témoigné autrefois aussi beaucoup de bonté pour moi; et M. l'abbé de
-Saint-Vincent et M. [_nom illisible_] ont été de mes amis jusqu'à leur
-dernier jour. Je vous dis cela, Monsieur, pour vous empêcher de vous
-repentir de tout ce que vous me dites d'obligeant et de ce que vous en
-dites à M. Bosquillon qui m'a fait voir l'agréable lettre que vous lui
-avez écrite. Je suis ravie que l'éloge qu'il a fait de M. l'abbé Boisot
-vous ait plu; il est universellement loué de tout le monde. J'écris
-aujourd'hui à M. Moreau, ce qui a engagé M. le président Cousin à le
-mettre dans le Journal[492]. Ce seroit trop long à répéter, et je suis si
-cruellement enrhumée que je suis forcée de louer en peu de paroles votre
-généreuse ardeur pour conserver la mémoire de vos illustres amis, et la
-délicatesse que vous avez sur cela est une marque certaine de la
-générosité de votre cœur, que je préfère à votre rare savoir, et à la
-vivacité brillante de votre esprit qui paroît dans la lettre que vous
-avez écrite à M. Bosquillon, et dans celle dont vous m'avez honorée. J'en
-ai, Monsieur, toute la reconnoissance que je dois très-véritablement.
-
-Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [491] Lantin (Jean-Baptiste), conseiller au parlement de Dijon,
- né en 1620, mort en 1695.
-
- [492] Le _Journal des Savants_ fut rédigé de 1687 à 1702 par
- Louis Cousin, président de la cour des Monnaies et membre de
- l'Académie française.
-
-
-A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[493].
-
- [493] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- [1695.]
-
-Ce que vous m'apprenez, Monseigneur, de la générosité de Mlle de Clisson
-redouble la douleur que j'avois déjà de sa perte; car une amie de
-quarante ans de ce mérite-là est une perte irréparable.
-
-Ce qu'elle fait pour M. Gallois[494] qui est auprès de moi me touche
-sensiblement et me fait voir qu'elle aimoit tout ce que j'aimois et tout
-ce qui m'aimoit. Ce que vous me dites, Monseigneur, de la manière
-obligeante dont M. de Lamoignon vous a parlé de moi me touche aussi bien
-sensiblement, et il faut qu'il ait deviné le respect distingué que j'ai
-toujours eu pour lui, pour me traiter avec tant d'humanité. Vous me
-ferez plaisir, si vous en trouvez l'occasion, de lui témoigner la
-reconnoissance que j'en ai. Je ne lui écris pas encore sur cela, de peur
-qu'on ne puisse me soupçonner d'un sentiment d'intérêt; car bien que ma
-fortune soit très-mauvaise, n'étant payée de nulle part, je ne sens en
-cette occasion que la perte d'une amie qui étoit touchée de mon malheur,
-et qui m'a voulu secourir en mourant.
-
- [494] Voir la _Notice_, page 110.--Nous ne savons s'il s'agit ici
- de l'abbé Jean Gallois de l'Académie des sciences et de
- l'Académie française, l'un des principaux rédacteurs du _Journal
- des Savants_, ou du sieur Legallois auteur des _Conversations
- académiques_ dédiées à Huet.
-
-Je commençois à craindre que vous ne m'eussiez oubliée, mais votre billet
-m'a rassurée, et me persuade que vous vous souvenez de la date de notre
-amitié, et que vous n'avez point d'amie qui soit avec plus d'estime, plus
-de zèle et plus de sincérité,
-
- Votre, etc., etc.
-
-
-AU MÊME[495].
-
- [495] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- 29 décembre [1695].
-
-Il est bien juste, Monseigneur, que je vous remercie de la bonté que vous
-avez eue de me rendre office auprès de M. de Lamoignon, et de m'avoir
-appris avec quelle honnêteté il vous a parlé de moi. Je lui écrivis hier
-pour l'en remercier, et je lui envoyai ma lettre par les personnes dont
-Mlle de Clisson s'est souvenue, et qu'il reçut très-civilement. Comme on
-m'a dit qu'il y a un grand nombre de legs, je voudrois bien savoir si
-les noms de Vaumale ou de Valcroissant ne se trouvent pas parmi ceux à
-qui cette généreuse personne en a laissé. Si vous trouvez occasion de le
-savoir, vous me ferez plaisir de me l'apprendre et de savoir aussi ce
-qu'elle laisse à M. de la Bastide[496], qui est en Angleterre. Vous
-voyez, Monseigneur, que j'use de la liberté que la véritable amitié
-donne. Conservez-moi la vôtre, et soyez assuré que la mienne durera
-autant que la vie de votre, etc., etc.
-
- [496] Marc-Antoine de la Bastide, controversiste protestant, né à
- Milhau en 1624, mort vers 1704. Il fut envoyé comme secrétaire
- d'ambassade en Angleterre; il était ami de Pellisson.
-
-
-A MADAME DE CHANDIOT[497].
-
- [497] De la main d'un secrétaire.
-
- Ce 27 octobre [1699].
-
-MADRIGAL.
-
- Chandiot est une merveille
- Qui n'aura jamais de pareille.
- Sa beauté n'est qu'un simple trait
- De son admirable portrait.
- Ses vertus, son cœur magnanime
- Ont acquis toute mon estime,
- Et je l'aime d'un air et si tendre et si doux
- Que mes plus chers amis en deviennent jaloux.
-
-Voilà, Madame, un impromptu que je n'ai pu m'empêcher de faire, c'est
-l'ouvrage de ma reconnoissance plutôt que de mon esprit. Je vous envoye
-un petit mot de Mme de Balmont que je vous recommande tout de nouveau
-comme ma fille. Son mari l'a mandée, mais, comme ça été après avoir reçu
-une lettre de son oncle qui lui a donné l'emploi, je crains qu'il ne soit
-pas converti, et je lui conseillerois de loger chez la veuve du médecin
-que vous lui avez enseignée, car je craindrois que, s'il n'est pas
-converti, il ne l'empoisonnât[498], et il est bon d'examiner sa conduite
-avant que de s'y fier. Elle suivra vos conseils et vous trouverez que
-c'est une très-bonne personne; elle part pour aller à Besançon le 9 du
-mois prochain. M. l'abbé Bosquillon trouve votre générosité, aussi bien
-que moi, très-grande, et nous sommes toujours tout d'un avis en parlant
-de vous. Votre dernière lettre est si bien écrite qu'il l'a admirée comme
-moi. Le Roi est revenu en santé parfaite de Fontainebleau; il a mis à son
-retour Mme la duchesse de Bourgogne avec M. son époux[499]; elle fut le
-lendemain à Saint-Cyr pour éviter les visites des courtisans en
-semblables occasions. Sa Majesté ira le jour des Morts à Marly où elle
-sera quatorze jours. Voilà, Madame, ce qu'il y a de nouveau. Je suis à
-vous comme vous le méritez, c'est-à-dire que je suis, plus que personne
-ne peut l'être, votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [498] Par ses conseils.
-
- [499] «En arrivant de Fontainebleau (22 octobre 1699), le jour
- même, Monseigneur et la duchesse de Bourgogne furent mis
- ensemble.» Saint-Simon, édition Chéruel, tome II, p. 336.
-
-
-A M. VALLÉE, PREMIER COMMIS DU CONTRÔLE GÉNÉRAL DES FINANCES[500].
-
- [500] _Musée des Archives_, no 909.
-
- 27 janvier [1701].
-
-Comme je crois que c'est aux bons offices que vous m'avez rendus,
-Monsieur, que je dois la bonté que Mgr Chamillart a eue pour moi, en me
-fesant payer de la pension dont le Roi m'honore, c'est par cette raison
-que je vous en rends de tout mon cœur mille très-humbles grâces. Je
-m'adresse aussi à vous, Monsieur, pour vous prier de lui rendre la lettre
-que j'ai l'honneur de lui écrire pour lui en témoigner ma reconnoissance.
-Soyez, s'il vous plaît, bien persuadé de la mienne à votre égard, et que
-je n'oublierai jamais tous les services que vous me rendez avec tant de
-bonté, en me fesant payer si promptement. Je suis, Monsieur, avec toute
-l'estime que vous méritez, votre très-humble et très-obéissante servante,
-etc.
-
-_P. S._--Monseigneur Chamillart a fait une réponse très-obligeante à ma
-lettre.
-
-
-A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[501].
-
- [501] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- Cette lettre n'est pas écrite par Mlle de Scudéry; elle est de la
- main d'un secrétaire, et seulement signée par elle.
-
- 23 avril [1701].
-
-J'ai reçu, Monseigneur, avec beaucoup de plaisir, la lettre que vous
-m'avez fait l'honneur de m'écrire; car je croyois que vous m'aviez
-tout-à-fait oubliée. J'ai été fort touchée de la mort de M. de
-Segrais[502]: il y avoit cinquante ans qu'il étoit de mes amis, et j'ai
-fait quelques vers pour conserver sa mémoire. Cela vous doit faire
-connoître, Monseigneur, que je n'oublie pas mes anciens amis, et que je
-me souviens parfaitement de tous les témoignages d'amitié que vous m'avez
-rendus autrefois.
-
- [502] Segrais étant mort le 25 mars 1701, cette lettre est de peu
- de temps avant la maladie qui conduisit Mlle de Scudéry au
- tombeau le 3 juin de la même année.
-
-Le rhumatisme que j'ai aux genoux est devenu si fâcheux que je ne marche
-plus, mais mon estomac et ma raison sont toujours en santé, et par
-conséquent, Monseigneur, je serai toute ma vie, avec toute l'estime et le
-respect que vous méritez, votre très-humble et très-obéissante servante,
-etc.
-
-
-
-
- LETTRES
- DONT ON N'A PU RETROUVER LA DATE
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES[503].
-
- [503] Les six lettres suivantes, échangées entre Mlle de Scudéry
- et Mlle Descartes, sont tirées d'un volume intitulé: _Essais de
- lettres familières sur toutes sortes de sujets, avec un discours
- sur l'art épistolaire et quelques remarques nouvelles sur la
- langue françoise; ouvrage posthume de l'abbé *** (Cassagne)_; mis
- en ordre par l'abbé de Furetière, de l'Académie françoise. Paris,
- Jacques Lefebvre, 1690, 1 vol. in-12.
-
- Sans date.
-
- En m'apprenant, Iris, que vous savez rimer,
- Vous m'apprenez aussi que vous savez aimer:
- Mais, Iris, l'oserois-je dire!
- Trouve-t-on quelque amant dans l'amoureux empire
- Digne de cette noble ardeur
- Dont vous peignez si bien la force et la grandeur?
- Pensez-y donc, fille charmante.
- Ah! qu'il est dangereux d'être trop tendre amante,
- Puisqu'il n'est point d'amant heureux
- Qui soit longtemps fort amoureux.
- Par une ingratitude horrible,
- Son amour s'allentit dès qu'on devient sensible,
- Et l'ignorance d'être aimé
- Le rend beaucoup plus enflammé.
-
-Voilà, Mademoiselle, des vers aussi négligés que les vôtres sont beaux;
-j'en suis charmée, et je crois bien que toutes les muses sont également
-de vos amies, puisque vous écrivez aussi bien en vers qu'en prose; mais
-pour vous montrer que mon sentiment ne m'est pas particulier, je vous
-envoye quatre vers d'une amie que j'ai, qui est très-digne d'être la
-vôtre, car elle a un mérite infini, et M. de M...., qui l'admire aussi
-bien que moi, vous en répondra. Elle s'appelle Mme de P...[504]. Voilà
-les quatre vers qu'elle engagea dans un billet fort galant qu'elle
-m'écrivit un jour:
-
- Où peut-on trouver des amans
- Qui nous soient à jamais fidèles?
- Je n'en sais que dans les romans
- Et dans les nids des tourterelles.
-
- [504] Probablement Mme de Platbuisson. Voyez la _Notice_, p. 55.
-
-Tout le monde choisi a su ces quatre vers. Si Voiture ou Sarazin
-ressuscitoient, ils voudroient les avoir faits. Cependant, Mademoiselle,
-la mauvaise opinion que j'ai des amants ne diminue rien de l'admiration
-que j'ai pour vos beaux vers. M. de M.... a trop bon goût pour y avoir
-rien changé. Il me les a montrés écrits de votre main sans une seule
-rature, et je les ai copiés de la mienne sans y rien changer; mais je
-prendrai pourtant la liberté de vous avertir de la juste signification
-d'un mot que vous avez sans doute employé sans y penser, afin qu'il n'y
-ait pas la moindre imperfection à ce que vous écrirez. Voici de quoi il
-s'agit: vous confondez deux mots, _avant_ et _devant_, et il ne les faut
-pas confondre. Vous parlez juste quand vous dites:
-
- Faut-il avant sa mort que tant de fois je meure.
-
-Mais quand vous dites au dixième vers:
-
- Et devant le trépas ne me fais pas mourir,
-
-cela n'est pas juste. Dans les règles, il faudroit refaire le vers, et
-mettre _avant_ au lieu de _devant_. On dit aller _au devant de
-quelqu'un_, ou _il demeure devant ma porte_; mais pour marquer
-précisément un temps, on dit, par exemple, _avant que je fusse née, avant
-qu'il arrivât_, et non pas _devant_.
-
-Je vous demande pardon, Mademoiselle, de cette liberté; ce n'est pas ma
-coutume de faire le bel esprit, mais j'ai voulu vous donner ce petit avis
-d'amitié qui vous doit marquer la sincérité de mes louanges et qui ne
-diminue rien de mon admiration pour votre belle élégie; non plus que ma
-croyance en faveur de mon chien n'ôte rien de l'estime infinie que j'ai
-pour feu M. votre oncle. Ce n'est pas l'amitié que j'ai pour les animaux
-qui me prévient à leur avantage, c'est celle qu'ils ont pour moi qui me
-persuade en leur faveur; car on ne peut rien aimer par choix sans quelque
-sorte de raison; et selon cette règle, Mademoiselle, je suis parfaitement
-raisonnable, puisque la connoissance de votre mérite extraordinaire
-m'engage à vous aimer infiniment, et je prévois que tout cela doit durer
-autant que la vie de votre très-humble, etc., etc.
-
-
-RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
-Je suis si fière, Mademoiselle, des vers de votre façon qui s'adressent à
-moi, que je crois déjà être immortalisée; mais est-il possible que vous
-ne trouviez à redire dans ma pauvre élégie que ce que vous y reprenez?
-Moi qui la regarde avec des yeux de mère, j'y voyois mille choses que
-j'eusse voulu n'y point voir; mais je n'ose plus blâmer ce que vous avez
-jugé digne de vos louanges, et je veux seulement, pour rendre témoignage
-à la vérité, vous assurer qu'elle est toute de mon imagination, et que
-mon cœur n'y a point de part.
-
- Mon cœur qui de l'amour sut toujours se défendre,
- Injustement en seroit soupçonné;
- Il n'est jamais permis d'en prendre
- Qu'après que l'on en a donné;
- Et dans mes plus beaux jours mes beautés innocentes
- De pareils attentats furent toujours exemptes.
-
-Non, Mademoiselle, je n'ai jamais fait, Dieu merci, de conquêtes, et
-c'est ce qui me console plutôt que toutes les raisons que vous dites si
-agréablement dans vos beaux vers.
-
- Tout berger est trompeur, inconstant et volage;
- Malheur à celle qui s'engage.
- Mille exemples fameux en convainquent l'esprit;
- Mais malgré cette règle et si juste et si belle,
- Si tôt que le cœur s'attendrit,
- On croit que l'amour est fidèle.
-
-Votre illustre amie, Mme de P..., a beau nous dire des merveilles dans
-ses quatre vers qui sont inimitables; on les admirera, on les voudra
-croire, et le cœur ira son chemin;
-
- La seule tourterelle en amour est fidèle,
- Mais quand notre cœur est charmé,
- L'objet dont il est enflammé
- Nous paraît constant tout comme elle.
-
-Ainsi, Mademoiselle, il vaut mieux que je n'aie jamais eu d'amants, que
-de n'avoir eu pour préservatif que la vue de leur inconstance.
-
- L'amour a soin de nous persuader
- Qu'on brûlera pour nous d'une flamme éternelle,
- Et que nous allons posséder
- Un sort que n'eut jamais aucune autre mortelle.
-
-Et je ne sais s'il n'est point à propos que l'on s'abuse ainsi
-quelquefois. On se tiendroit trop sur ses gardes, on vivroit dans une
-retraite et dans une solitude de cœur qui fait de la peine à imaginer;
-et, quant à la vérité, toute belle qu'elle est, elle peut être d'un
-moindre prix que certaines erreurs douces et charmantes qui flattent
-agréablement. Par exemple, Mademoiselle, je souhaite avec tant de passion
-d'être aimée de vous, que je crois qu'il en est quelque chose; ne me
-désabusez jamais, je vous en supplie, laissez-moi une imagination qui
-m'enchante et qui fait tout le bonheur de votre très-humble, etc., etc.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES.
-
- Sans date.
-
- Vous dites fort modestement
- Que vous n'avez point eu d'amant;
- Ce discours n'est pas vraisemblable:
- Mais du moins, fille incomparable,
- Pour être sincère à mon tour,
- Ne haïssez-vous point l'amour?
- Et je trouve assez incroyable
- D'aimer la passion qui peut tout enflammer
- Sans que pas un amant ait osé vous aimer.
- Où l'auriez-vous si bien connue,
- Si vous ne l'aviez jamais vue?
- Pour parler comme vous de l'amoureux ennui,
- Il faut du moins, Iris, l'avoir appris d'autrui,
- Il faut, dis-je en un mot, si l'on le veut connoître,
- Le sentir ou l'avoir fait naître;
- Mais on voit assez rarement,
- Quand on aime l'amour, qu'on haïsse l'amant.
-
-Je vous excepte pourtant de cette règle, Mademoiselle, car comme vous
-avez eu infiniment d'esprit dès votre plus tendre jeunesse, je suppose
-qu'il a été une garde fidèle de votre cœur, et que ne trouvant rien
-digne de lui, il a conservé sa liberté. Les vers dont votre lettre est
-semée, sont fort galants et fort jolis, et je vois bien que vous seriez
-plutôt de l'avis des quatre vers d'un ami que j'ai eu, que de celui des
-quatre de Mme de P.... Il les mettoit dans la bouche d'une dame. Les
-voici:
-
- Mais quand sur notre esprit un amant qu'on estime
- A pris quelque crédit,
- On commence à douter si l'amour est un crime
- Aussi grand qu'on le dit.
-
-Je prends la liberté, Mademoiselle, de vous envoyer un madrigal qui a eu
-le bonheur de ne pas déplaire au Roi, et je souhaite qu'il soit aussi
-heureux auprès de vous, car je connois tout le prix de votre voix. Je
-voudrois bien que vous connussiez de même celui de mon amitié: car en un
-mot, Mademoiselle, je ne suis aimable que parce que je sais aimer mes
-amies d'une manière tendre et désintéressée, qui me distingue de beaucoup
-d'autres; je me vante hardiment de cette bonne qualité. Car étant aussi
-éloignées l'une de l'autre, vous n'en sauriez rien, si je ne vous le
-faisois connoître; et je ne vous parle ainsi que pour vous engager à
-m'employer à quelque chose qui puisse vous donner lieu de croire que je
-suis avec beaucoup de tendresse
-
- Votre, etc., etc.
-
-
-RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- Sans date.
-
-Vous l'avez bien jugé, Mademoiselle, j'étois née avec une belle
-disposition à l'amour.
-
- Mais qui pourroit aimer, s'il ne plaît au Destin?
-
-a fort bien dit un poëte de notre pays. Il faut que je vous dise tout
-mon secret; j'y suis obligée par reconnoissance, et je vous ai plus
-d'obligation que vous ne pensez.
-
- Si mon cœur et sensible et tendre
- De l'amour a su se défendre,
- Je vous dois ce rare bonheur,
- Seule vous en avez l'honneur;
- Fille du monde sans pareille,
- Fille du siècle la merveille.
- Les héros que vous avez faits,
- Héros en amour si parfaits,
- M'ont fourni du mépris pour les amours vulgaires,
- Et dégoûté mon cœur des amours ordinaires.
-
-C'est la vérité pure, vous m'avez donné une si belle idée de l'amour dans
-tout ce que vous avez écrit, que je n'en ai rien voulu rabattre. J'ai cru
-qu'il falloit aimer ainsi, ou n'aimer pas du tout.
-
- Vos beaux livres m'ont fait connoître
- Un amour généreux, pur et sans intérêt,
- Et qui l'a vu tel qu'il doit être
- Ne peut le souffrir comme il est.
-
-Cela soit dit, Mademoiselle, à la honte de la philosophie morale, je le
-sais par expérience,
-
- D'une innocente ardeur la parfaite peinture,
- Et l'exemple fameux d'une illustre aventure
- Corrigent mieux les jeunes cœurs
- Et les penchants de la nature,
- Que la science austère et dure
- Qui s'applique à régler les mœurs.
-
-On aime tant à parler de soi-même que j'ai commencé par là, quoique je
-ne dusse vous parler que de votre merveilleux madrigal, qui est un des
-plus beaux que j'aie jamais vus.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES.
-
- Sans date.
-
- Quand je fis de l'amour une image parfaite,
- Des vulgaires amours j'espérai la défaite;
- Mais malgré cet espoir nous voyons mille cœurs
- Se laisser conquérir par d'indignes vainqueurs,
- Qui, méprisant bientôt ce qu'ils ont pris sans gloire,
- Courent incessamment de victoire en victoire,
- Et se lassant enfin d'être trop tôt aimés,
- Se moquent des Chloris dont ils furent charmés.
- Mais puisque votre cœur, fille charmante et sage,
- Est par mon assistance échappé du naufrage,
- Et que des mers d'amour ne craignant plus les flots
- Il est libre et jouit d'un glorieux repos,
- Je ne me repens pas d'avoir fait la peinture
- De cette passion et si noble et si pure,
- Qui sait unir les cœurs sans blesser la raison;
- Car l'amour héroïque est un contre-poison.
- Si l'on devoit un prix dans la superbe Rome
- A quiconque pourroit en sauver un seul homme;
- Que ne devez-vous pas à cet heureux tableau
- Où ma main a tracé ce qu'Amour a de beau,
- Par l'opposition des amours passagères,
- Des amours d'intérêt, des amours mensongères,
- Des sentiments grossiers et de leurs faux appas!
- Vous avez su franchir un si dangereux pas.
- Je vous demande donc pour prix de mon ouvrage
- Ce cœur, ce même cœur échappé du naufrage;
- Ne le refusez pas à ma tendre amitié,
- Qui vaut mieux que l'amour de plus de la moitié.
-
-
-RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- Sans date.
-
-Mon cœur est à votre service, Mademoiselle, et vous lui faites trop
-d'honneur de le souhaiter.
-
- On ne peut refuser un cœur
- Que l'illustre Sapho demande,
-
-et si quelque Tirsis me l'avoit demandé aussi galamment que vous faites,
-j'étois perdue. Mais, Mademoiselle, on m'avoit bien dit qu'on ne peut
-aimer sans inquiétude: l'amitié que j'ai pour vous me rend déjà
-malheureuse.
-
- La moindre aventure amoureuse
- Trouble notre repos, blesse notre devoir;
- Mais la tendre amitié n'est guère plus heureuse,
- Quand on ne doit jamais se voir.
-
-Il semble que vous ne m'ayez sauvée des écueils de l'amour, que pour me
-faire périr dans ceux de l'amitié.
-
- Par vous des mers d'amour j'évitai les orages,
- Mers fameuses par cent naufrages;
- Mais mon sort n'en est pas meilleur;
- Par vous, Sapho, mon malheur est extrême;
- Vous me faites aimer, et j'aurai la douleur
- De ne voir jamais ce que j'aime.
-
-Je ne sais, Mademoiselle, si l'amour cause de plus cruelles peines, mais
-je sais bien que mon cœur n'en a jamais ressenti de plus sensibles, et
-que je ne trouve rien de si chagrinant que de vous admirer de si loin.
-
- Pour moi votre commerce est honorable et doux,
- Je reçois chaque jour de vous
- Des vers que tout le monde admire;
- Mais malgré cet honneur dont je me sens combler,
- Je ne puis m'empêcher de dire:
- Heureuse à qui vous voulez bien écrire,
- Plus heureuse cent fois qui vous entend parler.
-
-Quand je vois que ce qui ne vous coûte qu'un quart d'heure à faire fera
-mes délices toute ma vie, je dis avec cette fameuse Sapho que la Grèce a
-tant chantée:
-
- Quand au rare mérite on est sensible et tendre,
- Et que par la faveur des cieux,
- On peut souvent vous voir et souvent vous entendre,
- C'est un plaisir plus grand que le plaisir des dieux.
-
-
-MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. HUET[505].
-
- [505] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- Sans date.
-
-Il y a une chanson dont la reprise dit: _Sans le secret l'amour n'a rien
-de doux_; mais à ce que je vois, Monsieur, vous voulez aussi que l'amitié
-soit mystérieuse, puisque vous ne voulez que pas une de mes amies, ni pas
-un de mes amis, voient vos billets. Si j'étois un peu plus jeune, cela me
-seroit fort suspect, mais en l'état où sont les choses, je prends tout en
-bonne part, et je veux bien avoir pour vous toute la complaisance que
-vous voudrez. Ce n'est pas que souvent il me fût fort doux de me parer
-de vos billets et de les montrer à deux ou trois personnes seulement,
-mais si vous aimez le secret, il faut l'aimer comme vous. Cependant
-quelle apparence de refuser à Octavie et à Ménalque[506] le plaisir de
-voir ce que vous m'écrivez; songez-y encore une fois avant que de
-m'engager à faire le vœu du secret, et, en attendant, soyez bien
-persuadé que je vous estime infiniment, et qu'il ne tiendra pas à moi que
-nous ne formions une de ces amitiés qui durent autant que la vie.
-
- [506] Quel est ce Ménalque? Serait-ce Brancas, le fameux distrait
- de Labruyère?
-
-
-AU MÊME[507].
-
- [507] Cabinet de M. Toussaint du Havre.
-
- Sans date.
-
-Votre billet, Monseigneur, est digne de votre cœur, et si je l'ose dire,
-de mon amitié pour vous que le temps ne peut affoiblir. Le nom que vous
-n'avez pu lire est l'abbé d'Arche, homme de beaucoup de mérite et qui,
-comme je vous l'ai dit, est fort aimé de Mgr l'évêque d'Agen et de M. de
-Bétoulaud; et je vous suis très-obligée de lui vouloir bien donner votre
-suffrage. Pour la harangue de M. le recteur de l'Université, je viens
-d'apprendre qu'elle ne se prononcera pas mardi et que vous serez invité
-dans les formes, et par conséquent vous saurez l'heure précisément. Je
-vous remercie aussi de me promettre l'ouvrage du R. P. de la Rue, car
-mes mauvaises oreilles m'empêchant d'avoir le plaisir de l'aller
-entendre, je serai fort aise d'avoir celui de lire un discours de si
-bonne main. Conservez-moi, Monseigneur, votre précieuse amitié, et soyez
-persuadé que c'est pour le reste de ma vie que je suis, avec toute
-l'amitié que vous méritez, votre très-humble et très-obéissante servante.
-
-
-AU MÊME[508].
-
- [508] Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
- Ce 21 de mai....
-
-L'impatience de lire le bel ouvrage du R. P. de la Rue m'empêcha,
-Monseigneur, de vous remercier dès hier: ajoutez aussi que je crus qu'il
-seroit mieux de joindre mes louanges à mes remercîments; mais après
-l'avoir lu avec toute l'admiration qu'il mérite, je trouve toutes mes
-expressions tellement foibles pour louer le R. P. de la Rue, que je n'ose
-presque vous dire ce que j'en pense: car, de la manière dont il
-s'exprime, toutes ses expressions sont nobles, naturelles et persuasives.
-Il montre aux yeux ce qu'il veut représenter; il ôte aux plus grandes
-louanges ce qui les pourroit faire soupçonner de flatterie, et leur donne
-un air de vérité qui persuade ceux qui les entendent ou qui les lisent.
-Enfin, Monseigneur, il a su si sagement éviter tous les écueils de son
-sujet, qu'on ne l'en peut assez louer, et je ne puis assez vous remercier
-du plaisir que j'ai eu à l'admirer. Conservez-moi, Monseigneur, votre
-précieuse amitié, et me croyez toujours, avec autant de sincérité que de
-respect,
-
-Votre très-humble, etc., etc.
-
-
-A M. DE SABATIER DE L'ACADÉMIE D'ARLES, QUI LUI AVAIT ADRESSÉ UNE ÉPITRE
-EN VERS[509].
-
- [509] L'Épître de Sabatier est insérée au tome II, p. 216, de la
- _Nouvelle Pandore_, et la lettre de Mlle de Scudéry à la page
- 211.
-
- Sans date.
-
-Les louanges que vous me donnez, Monsieur, sont si agréables et si
-délicates, qu'il est difficile de les refuser; mais elles sont d'ailleurs
-si grandes et si noblement exprimées, qu'il faudroit avoir beaucoup
-d'audace pour s'en croire digne et les accepter; de sorte, Monsieur, que
-le parti le plus juste que je puisse prendre, c'est de louer la beauté de
-votre ouvrage sans m'en faire l'application. Un portrait flatté ne laisse
-pas d'être quelquefois admirablement peint, sans être fort ressemblant,
-et c'est même une des maximes des plus grands peintres d'embellir
-toujours leur objet. Je ne me regarde donc pas dans votre ouvrage, telle
-que je suis, mais telle que je devrois être pour le mériter.
-
-Cependant, pour vous empêcher de vous repentir de l'honneur que vous
-m'avez fait, je vous apprends que mon cœur vaut mieux que mon esprit,
-que je suis une amie fidèle, sincère et désintéressée, et que si j'avois
-l'avantage d'être connue de vous par vous-même de ce côté-là, j'en
-pourrois être louée sans flatterie, et que je pourrois aussi recevoir vos
-louanges sans confusion. Mais en attendant, Monsieur, souffrez que
-j'ajoute un misérable impromptu à ce que je viens de vous dire; il n'est
-pas beau, il n'est que sincère, le voici:
-
- Ne vous y trompez pas, votre aimable fontaine,
- C'est la véritable Hippocrène;
- Votre chant me surprend, il est charmant et doux,
- Et tous les cygnes de la Seine
- Ne peuvent mieux chanter que vous.
-
-Voilà, Monsieur, les sentiments tout purs de
-
- Votre très-humble et très-obéissante servante
-
- MADELEINE DE SCUDÉRY.
-
-
-A M. NUBLÉ[510].
-
- [510] Cette lettre fait partie d'un volume publié par M. Matter,
- intitulé: _Lettres et pièces rares et inédites_, Paris,
- 1846.--Voyez la _Notice_, page 125.
-
- Sans date.
-
-C'est en vain, Monsieur, que vous me fuyez, car je suis résolue de vous
-avoir de l'obligation, et de pouvoir dire avec quelque vraisemblance, que
-vous êtes de mes amis. Je vous défie même hardiment de me refuser la
-grâce que je m'en vais vous demander. En effet, sachant quelle est votre
-vertu et votre équité, je ne pense pas que vous puissiez savoir qu'il y a
-une orpheline de douze ans qui a besoin de la protection de M. le
-président de Bailleul, sans avoir aussitôt envie de lui donner le placet
-que je vous envoie. Car, si vos amis vous connoissent bien, il n'est pas
-en votre pouvoir de vous empêcher de faire une action de vertu quand
-l'occasion s'en présente. Je vous promets pourtant de vous être fort
-obligée de votre sollicitation, quoique je sache bien que M. le président
-de Bailleul est un des juges du monde qui a le moins de besoin d'être
-sollicité, parce qu'il est un des plus équitables. Si vous aimiez les
-remercîments, je m'engagerois à vous faire remercier par MM. Ménage,
-Conrart, Chapelain, Pellisson et plusieurs autres de vos amis qui sont
-des miens.
-
-Mais, comme je n'ai garde de vous soupçonner d'aimer une chose si peu
-solide, je me contente de vous assurer, qu'en m'obligeant vous obligerez
-la personne du monde la plus reconnoissante et qui, sans que vous le
-sachiez, admire le plus votre vertu.
-
- MADELEINE DE SCUDÉRY.
-
-
-A LA REINE CHRISTINE[511].
-
- [511] Collection Lajariette.
-
- Sans date.
-
- Madame,
-
-Comme la santé est un bien si précieux qu'on ne sent presque plus la
-possession de tous les autres biens quand on a perdu celui-là, il m'est
-impossible d'apprendre que la santé de V. M. a été altérée, sans prendre
-la liberté de lui dire que personne ne peut avoir senti son mal plus
-vivement que moi; car, encore qu'en me l'apprenant on m'ait assuré que je
-n'avois rien à craindre pour sa vie, mon cœur en a été sensiblement
-touché, et j'attends l'ordinaire prochain avec la dernière impatience.
-J'ai même fait convenir M. de Pellisson, qui partage mes sentiments pour
-V. M., que les maux des personnes pour qui on a un attachement sincère,
-et s'il est permis de parler ainsi, une passion de respect, laissent une
-impression de douleur qui ne s'efface pas dès que le mal est passé, et
-qu'il faut que le temps ôte la crainte du retour du mal dont on a été
-alarmé, pour en être tout à fait en repos. Cependant lui et moi faisons
-des vœux pour l'affermissement de la santé de V. M. qui doit être
-précieuse pour tout le monde puisqu'elle en est un des plus grands
-ornements.
-
-En mon particulier, Madame, si V. M. pouvoit savoir de quelle manière je
-suis sensible à tout ce qui la regarde, elle verroit bien que son mérite
-m'est toujours présent, et que le temps et l'éloignement ne peuvent
-m'empêcher d'être toute ma vie, avec la même admiration, le même zèle et
-le même respect, Madame, de V. M. la très-humble, très-passionnée et
-très-obéissante servante.
-
- MADELEINE DE SCUDÉRY.
-
-
-
-
- LETTRES
- ADRESSÉES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY,
- OU QUI LA CONCERNENT.
-
-
-BALZAC A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[512].
-
- [512] Cabinet de M. Chambry.--Cette lettre est imprimée dans les
- _Lettres choisies_ de Balzac, édition de 1668, t. II, p. 211, et
- dans l'édition de ses _Œuvres_, 1665, in-fo, t. I, p. 647, mais
- on n'y trouve pas le _post-scriptum_ qui est dans la lettre
- originale.
-
- 25 juillet 1639.
-
- Mademoiselle,
-
-Si j'eusse pu obtenir un bon moment de ma mauvaise santé, je vous aurois
-dit, il y a longtemps, que je n'ai ni assez d'humilité pour rejeter les
-louanges que vous me donnez, ni assez de présomption pour y consentir. De
-les croire d'une foi historique, ce seroit avoir l'imagination un peu
-forte; et de s'offenser aussi d'une fable si obligeante, ce seroit être
-de mauvaise humeur. En ceci, le tempérament que je veux choisir ne vous
-sera pas désavantageux. Je considérerai vos excellentes paroles comme
-purement vôtres, et sans que je pense qu'elles m'appartiennent. De cette
-sorte, elles feront toujours leur effet, et je demeurerai toujours
-persuadé, mais ce sera, Mademoiselle, des grâces de votre esprit et de
-l'éloquence qui loue, non pas de celle qui est louée.
-
-Pardonnez à mon humeur défiante, si je ne puis bien croire que vous soyez
-de l'avis de votre lettre ni que ma _Relation à Ménandre_ soit de la
-force que vous m'écrivez. Elle vous a touchée, néanmoins, pour ce que
-vous êtes sensible aux malheurs d'autrui, et que la bonté vous intéresse
-dans toutes les causes de l'innocence. Par là véritablement je puis
-mériter votre faveur, et monsieur votre frère me pourroit prendre aussi
-pour un des sujets qui ont besoin de son assistance. Il sait défendre à
-ce que je vois, avec autant de valeur qu'il sait attaquer, et ses
-boucliers ne sont pas moins impénétrables, que ses autres armes sont
-tranchantes. En effet, l'ouvrage qu'il vous a plû de m'envoyer de sa
-part[513] me semble avoir cette fatale solidité. Les plus grands ennemis
-des spectacles et des fêtes de l'esprit ne les sauroient violer à
-l'avenir sous une telle protection. Par son moyen, la volupté sera remise
-en sa bonne renommée, et de sa grâce nous nous réjouirons, sans scrupule,
-en dépit des tristes et des sévères. Je vous en dirois davantage si vous
-aviez dessein de m'examiner sur votre livre, et si vous vouliez que je
-vous rendisse compte de mes études, mais ce n'est pas ici le lieu de
-faire ni de commentaires, ni d'avant-propos. Et d'ailleurs, puisque les
-belles assemblées, n'étant pas ingrates, retentiront de tous côtés de la
-gloire de leur défenseur, il y a de l'apparence qu'une voix si foible, et
-qui vient de si loin que la mienne ne seroit pas remarquée dans le grand
-bruit que tant d'applaudissements doivent faire. Je me contente donc de
-vous dire sans aucun ornement de paroles, que je ne manque pas de
-reconnoissance, après une parfaite obligation, et que le présent que j'ai
-reçu ne pouvant être plus riche qu'il est, M. de Scudéry a trouvé le
-moyen de me le rendre plus agréable par l'envoi qu'il a désiré que vous
-m'en fissiez. Avec sa permission, je vous en remercie de tout mon cœur,
-et veux être, s'il vous plaît, toute ma vie,
-
- Mademoiselle,
- Votre très-humble et très-obligé serviteur,
- BALZAC.
-
-_P. S._ Je viens d'apprendre, par une lettre de M. Chapelain, que M.
-votre frère m'a fait encore un nouveau présent. Je l'attends avec
-impatience et vous supplie de lui dire, Mademoiselle, qu'il n'a point un
-plus passionné serviteur que moi, ni qui fasse plus d'estime de sa vertu.
-Plût à Dieu qu'il eût l'année prochaine quelque emploi digne de lui dans
-l'armée que commande M. le Prince! Il viendroit faire ici une station et
-me donneroit bien huit jours pour l'embrasser et pour l'entretenir à mon
-aise.
-
- [513] L'_Apologie du Théâtre_, Paris, 1639, in-4º.
-
-
-CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[514].
-
- [514] _Correspondance de Chapelain._ Mss Sainte-Beuve.
-
-
- Paris, 4 aoust 1639.
-
- Mademoiselle,
-
-Je fus incivil de vous envoyer la lettre de M. de Balzac que je vous
-devois porter moi-même. Mais vous jetterez cette faute sur les embarras
-qui m'en ont déjà fait commettre tant d'autres envers vous, et qui vous
-ont dû faire étonner plus d'une fois que j'use si mal de la permission
-que vous m'avez donnée de vous rendre mes devoirs et de vous faire de
-mauvaises visites. Si vous m'avez pardonné les premières, je veux croire
-que vous ne me tiendrez pas rigueur pour cette dernière, et que vous vous
-contenterez du mal que j'ai eu en ne vous voyant pas. J'ai lu la lettre
-et l'ai trouvée digne de vous et de celui qui l'a écrite, comme je me
-l'étois bien imaginé devant que vous me l'eussiez communiquée. Avec votre
-permission, je la garderai tout aujourd'hui pour la faire voir à une
-couple de mes amis qui seront bien aises de voir que M. de Balzac connoît
-votre mérite et lui rend une partie de ce qui lui est dû.
-
-Pour ce qui regarde mon portrait, Mademoiselle, M. le marquis de
-Montausier s'est réjoui lorsqu'il vous a dit qu'il en avoit vu l'ébauche,
-et vous aurez à lui reprocher qu'en cette rencontre il n'a pas traité
-assez sérieusement avec vous. C'est une matière sur laquelle je délibère
-encore, et, à vous dire mon sentiment en liberté, je penche beaucoup plus
-à supplier M. votre frère de me dispenser de lui faire un présent si peu
-digne de son cabinet, et de garder cet honneur pour ceux qui le méritent
-davantage[515]. Je vous en parle sans cette modestie affectée qui ne
-diffère guères de la vanité, et vous jure que j'appréhende d'être mêlé
-parmi ces grands hommes qui parent et doivent parer un illustre réduit.
-Cela ne pourra être sans faire tort à leur gloire qui s'offensera d'une
-société si inégale, et M. votre frère doit craindre lui-même d'en être
-blâmé, comme s'étant volontairement trompé par ce choix qui leur est si
-peu avantageux. J'irai au premier jour chez lui essayer de lui persuader
-que je ne paroisse pas là où je n'ai pas de place légitime, ou recevoir
-de lui une nouvelle jussion qui me mette à couvert, et le charge de tout
-le mal qui en pourroit arriver. Cependant vous le solliciterez, s'il vous
-plaît, en ma faveur, et le disposerez à ne me pas faire injustice en me
-fesant plus de grâce que je ne veux. C'est cela que vous demande pour
-cette heure avec instance, Mademoiselle,
-
- Votre très-obéissant serviteur,
- CHAPELAIN.
-
- [515] George de Scudéry avait demandé à Chapelain son portrait
- pour sa collection des Illustres.
-
-
-GODEAU A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[516].
-
- [516] _Lettres de Godeau, évêque de Vence, sur divers sujets._
- Paris, 1713, in-12, p. 200.
-
- Grasse, 16 août 1641.
-
- Mademoiselle,
-
-Au lieu de vous remercier de l'éloquente lettre que vous m'avez écrite,
-il faut que je m'en plaigne, et que je vous en fasse une correction. Ne
-savez-vous pas qu'il en est des écrivains, et surtout des poëtes, de même
-que des femmes? Si vous leur dites une fois qu'elles sont belles, le
-diable le leur redit cent, et elles ajoutent plus de créance à ce père du
-mensonge qu'à la glace la plus fidèle d'un miroir. L'esprit aime toutes
-ses productions, parce qu'en l'état de péché où nous sommes l'amour
-propre infecte toutes les puissances de notre âme, et surtout celle qui
-est la plus divine; mais, comme il a plus de part dans les vers que dans
-les autres ouvrages de prose, étant, s'il faut ainsi dire, comme créateur
-de ceux-là, il en est aussi plus jaloux, pour ne pas me servir d'un terme
-plus rude. Pourquoi donc prenez-vous tant de peine à me faire avaler un
-poison dont je suis déjà tout plein? Si vous pensez que la civilité vous
-y oblige, elle est bien cruelle. Si vous croyez ce que vous dites, il
-faut que je vous détrompe, et que je vous dise que dans le livre dont
-vous faites tant de cas, il n'y a rien de précieux que la matière[517].
-C'est sans doute ce qui vous a fait tomber en erreur, et vous avez fait
-comme les amans qui trouvent que toutes les peintures de la personne
-qu'ils aiment sont des chefs-d'œuvre, et ne distinguent pas celles de
-l'ouvrier de celles de leur passion. Pour moi, je vous jure sincèrement
-que, parmi tant de pièces, je vois peu de choses qui me satisfassent, et
-beaucoup qui me déplaisent. Ma paresse naturelle m'a empêché de les
-corriger, et j'ai cru que cela n'empêcheroit pas la fin que je me suis
-proposée, qui est de rendre quelque service à Dieu, en détournant les
-hommes des choses profanes, au moins pour quelque temps. Croyez-moi, il
-n'y a point de gloire dans la terre dont on doive faire beaucoup de
-compte; les panégyristes sont vains, les louanges vaines, et ce qui en
-reste, fumée et vanité. Surtout je ne puis concevoir comment il est
-possible que, considérant avec un peu d'attention la grandeur des
-mystères de Dieu, on puisse s'imaginer que l'on en parle, je ne dirai pas
-dignement, mais médiocrement. Je le prie qu'il me pardonne mes fautes en
-cette occasion, et qu'il approuve, ou plutôt qu'il purifie mes intentions
-pour l'avenir. Je vous conseille aussi de vous repentir de vos
-cajoleries, elles ne m'ont que trop plû; mais ce qui m'oblige davantage
-c'est l'assurance qu'il vous plaît de me donner que je suis dans vos
-bonnes grâces. Croyez que je vous honore sincèrement et que je suis,
-
- Mademoiselle, votre, etc., etc.
-
- [517] Il parut en 1641 une 2e édition des _Œuvres chrestiennes_
- de Godeau.
-
-
-CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[518].
-
- [518] Cabinet de M. Rathery.
-
- Paris, 12 avril 1645.
-
- Mademoiselle,
-
-Je suis encore plus coupable devant vous que devant monsieur votre frère,
-du long temps que j'ai laissé passer sans répondre à l'excellente lettre
-que vous me fîtes l'honneur de m'écrire quelques jours avant lui. Il est
-vrai que je le serois bien davantage si vous m'aviez laissé moyen de
-répondre, et si je n'avois à dire pour excuse qu'on ne peut que mal
-écrire après une chose si bien écrite que celle-là. Tout de bon, il ne se
-peut rien de mieux que cette lettre, et l'air dont elle est prise est si
-galant et si délicat qu'elle a donné de l'ennui aux plumes qui volent le
-plus haut parmi nous, et du plaisir à des oreilles qui sont blessées de
-tout ce qui n'est que médiocrement admirable. Je n'ai point réparti à ces
-merveilles de peur de me faire voir trop au-dessous, et que, par la
-comparaison d'elles avec ce que je vous eusse écrit, vous ne parussiez
-les avoir mal employées en me les écrivant. En récompense, Mademoiselle,
-je leur ai donné le triomphe qu'elles méritoient. Je les ai fait voir
-non seulement à Mlle Robineau qui y étoit si agréablement grondée et qui
-ne pouvoit mais du sujet que vous avez pris de m'y quereller si
-noblement, mais encore à tout l'hôtel de Clermont, à tout l'hôtel de
-Rambouillet, à Mme de Sablé et à Mlle de Chalais, à M. Conrart, à Mlle de
-Longueville et à Mme de Longueville même, qui tous leur ont fait justice
-en leur donnant des éloges qu'on ne donne qu'aux pièces achevées, et les
-ont ou lues plusieurs fois, ou retenues plusieurs jours, ou copiées avec
-soin, afin d'en mieux considérer les beautés.
-
-Voilà, Mademoiselle, la seule réponse que je vous y ferai et qui vaudra
-mieux que si je vous protestois sérieusement que Mlle Robineau n'a point
-d'avantage sur vous dans mon esprit, et que je ne laisserois pas de vous
-honorer extrêmement et de me souvenir de votre mérite, quand elle se
-donneroit moins de soin qu'elle ne fait de m'exhorter à payer vos bontés
-pour moi, du moins par de mauvaises lettres. J'ai quelquefois le bonheur
-de la voir, mais ce n'est que quand elle est malheureuse, et que quelque
-rhume ou quelque autre indisposition l'arrête chez elle. Autrement vous
-savez que ses amies, ou les sermons, ou les pardons l'en tirent
-d'ordinaire, et qu'il n'y a rien de si rare que de l'y trouver. Quand je
-l'y rencontre, vous faites la meilleure partie de notre conversation,
-mais de manière que la plus grande délicatesse de votre amitié n'en
-pourroit être que satisfaite, si vous étiez aussi près de nos yeux, que
-vous l'êtes de notre cœur. Je suis témoin de la continuation de sa
-tendresse pour vous, et si elle daigne parler de moi dans ses lettres,
-elle vous aura témoigné que je suis pour vous tout ce que vous sauriez
-désirer, et qu'il n'y a point d'intérêts qui me soient plus chers que les
-vôtres. J'ai vu dans celle de Mlle Paulet ce que vous dites de si
-obligeant pour la rupture de mon voyage de Munster[519], et je l'ai plus
-senti que je ne vous le saurois dire. Il est certain, et je ne vous
-dissimulerai pas, que ce voyage choquoit entièrement mon inclination,
-qu'il troubloit l'ordre de ma vie, qu'il renversoit tous mes desseins et
-qu'il m'arrachoit à tous mes amis, si je n'eusse travaillé rigoureusement
-et avec succès pour le rompre. Je l'ai rompu et l'une des principales
-consolations qui m'en restent, c'est que par cet effort je me suis
-conservé libre, et que je m'en pourrai bien plus véritablement dire,
-
- Mademoiselle,
- Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
- CHAPELAIN.
-
- [519] Voy. ci-dessus, p. 195.
-
-
-MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[520].
-
- [520] Mss Conrart, in-4º, t. IX, p. 131.
-
- Des deux lettres ci-jointes, l'une est adressée à Mlle de Scudéry,
- l'autre se rapporte à elle. M. Cousin, en les reproduisant dans la
- _Société française au dix-septième siècle_, les a fait précéder
- d'une note qui en explique le sens; la voici:
-
- «Il paraît qu'en 1647, Mlle de Scudéry se trouva si fort ennuyée
- d'être sous la main tyrannique de son frère que, servitude pour
- servitude, elle en souhaita une autre plus favorable au moins à
- ses intérêts et à son avenir. Un de ses amis, M. de la Vergne,
- sollicita pour elle la place de gouvernante ou de dame de
- compagnie dans une très-grande maison. Mlle Paulet avait joint
- ses instances à celles de M. de la Vergne. Cependant, d'autres
- personnes avaient demandé la même place pour Mlle de Chalais, que
- nous connaissons par Mme de Sablé et par la lettre affectueuse de
- Mlle de Scudéry (Voy. plus haut, p. 166). Dès que Mlle de Chalais
- apprit qu'on avait pensé à Mlle de Scudéry pour cet emploi, elle
- fit cesser toutes démarches, et céda très-volontiers le pas à son
- illustre amie. Celle-ci n'était pas femme à se laisser vaincre en
- générosité, et à son tour elle déclara qu'elle n'entendait pas
- continuer ses poursuites. Ni l'une ni l'autre n'eurent la place
- en question; mais il nous a paru que ce petit combat d'honneur et
- d'amitié valait la peine d'être tiré de l'oubli.»
-
- Sablé, 28 juin 1647.
-
- Mademoiselle,
-
-J'ai vu la lettre que vous avez écrite à notre chère et très-aimable Mlle
-Paulet, sur le sujet qui me regarde. Il m'étoit si nouveau lorsque je
-partis de Paris, que tout ce que j'eus le temps de faire fut de dire à
-cette excellente amie ce qu'une personne de condition et de mérite avoit
-eu la bonté de me proposer pour moi, de son propre mouvement. Je dis de
-son propre mouvement, car encore qu'elle m'eût fait l'honneur de me
-dire, il y avoit quelque temps, qu'elle en vouloit parler, je tenois la
-chose si fort éloignée et de moi et de toute autre comme moi, que je
-croyois qu'il étoit entièrement impossible d'y pouvoir parvenir. Je le
-crois encore de la même sorte, et si bien, que quoique les personnes qui
-me font l'honneur de me souhaiter ce bien-là m'aient voulu empêcher de
-quitter Paris, je les ai très-humblement suppliées de me le permettre; et
-enfin je suis venue en Anjou avec aussi peu de crainte que de désir de
-l'événement de la chose.
-
-Il semble que tout ce que je viens de vous dire soit éloigné de notre
-embarras et n'en soit pas la cause; vous saurez pourtant, s'il vous
-plaît, qu'il en fait une partie. Car lorsque M. de la Vergne pria Mme la
-marquise de Sablé de s'employer pour vous auprès de Mme d'Aiguillon, elle
-comprit, et moi aussi, sans s'expliquer davantage, que c'étoit pour être
-auprès de la nièce[521] qui, selon le bruit commun, devoit épouser le
-neveu de Mme d'Aiguillon. Mme la marquise de Sablé ne comprit autre chose
-ni moi non plus, en vérité, et j'en demeurai là fort facilement par
-l'opinion où j'étois et où je suis encore que la conduite de ces trois
-importantes personnes[522] est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans
-doute le mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur, plus de
-bonheur, et quelque nom de Madame qui sera plus propre à l'éclat qu'à
-bien réussir dans l'éducation de ces personnes-là. Voilà donc ce qui
-éloigna ma pensée de vous sur ce sujet, et ce qui me l'arrêta à celui que
-je viens de vous dire. Joint, comme j'ai déjà dit, que M. de la Vergne ne
-s'expliqua point. Il y a beaucoup de circonstances qui, vous étant
-déduites, serviroient à me justifier auprès de vous; et je n'en oublierai
-aucune, tant j'ai le désir de vous faire connoître la vérité de mes
-intentions, si je n'étois assurée que la bonté et la générosité de Mlle
-Paulet lui aura fait écrire tout ce qui aura servi à ma justification,
-comme je l'en avois très-humblement suppliée, après lui avoir fait voir
-le fond de mon cœur et la vérité toute pure. Votre lettre m'a fait
-connoître qu'elle est aussi ponctuelle que parfaite amie, et que vous
-êtes bonne et généreuse, par les sentiments et par la bonne opinion que
-vous avez prise de mon procédé. Je vous en suis infiniment obligée. S'il
-se pouvoit ajouter quelque chose à l'estime et à l'extrême affection que
-j'ai pour vous, je vous puis assurer que cette dernière obligation le
-feroit; mais je suis à vous, il y a si longtemps, que tout ce que je puis
-faire est de vous confirmer les vœux de mes très-humbles services, et de
-vous assurer que je ne perdrai jamais aucune occasion de vous en rendre.
-Plût à Dieu que cet emploi dont il s'agit fût partagé, et que j'y pusse
-servir avec vous! Je l'en aimerois infiniment davantage, et si je le
-pouvois espérer de cette sorte, je commencerois à le désirer. Mais j'en
-aurois trop de joie, c'est pourquoi je ne puis me le promettre.
-
- [521] C'est-à-dire de celle des nièces du cardinal Mazarin
- (Olympe Mancini) que Mme d'Aiguillon destinait alors au fils du
- maréchal de la Meilleraie, son neveu à la mode de Bretagne,
- lequel devint plus tard duc de Mazarin par son mariage avec
- Hortense.
-
- [522] Les trois aînées des nièces de Mazarin: Anne-Marie
- Martinozzi, Laure et Olympe Mancini.
-
-J'avois supplié Mlle Paulet de ne laisser pas d'employer ses amis et les
-vôtres pour le dessein qu'elle a eu et qu'elle doit avoir encore pour
-vous. Il y a tant de raisons qui sont en votre personne, qui ne sont
-point en la mienne, qu'il devroit être plus facile de réussir pour vous
-que pour moi. J'y donnerais ma voix de tout mon cœur, si elle y pouvoit
-servir, et je vous puis assurer que j'aurais beaucoup plus de joie que ce
-bonheur-là vous arrivât qu'à moi-même, par quantité de raisons dont
-l'estime et l'affection que j'ai pour vous sont les principales. Je vous
-supplie de le croire, et que personne au monde ne saurait être, avec plus
-de vérité que je suis, votre très-humble et très-affectueuse servante.
-
-
-MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE PAULET.
-
- Sablé, 28 juin 1647.
-
- Mademoiselle,
-
-J'ai vu, par la réponse que vous a faite Mlle de Scudéry, la bonté avec
-laquelle vous lui avez écrit pour moi. Cette obligation, avec tant
-d'autres que je vous ai, touchent mon cœur si sensiblement que je n'ai
-point de paroles pour vous le pouvoir exprimer, mais seulement pour vous
-dire que je suis à vous absolument, que je vous estime et vous honore
-plus que personne du monde ne sauroit faire, et qu'enfin, je m'estimerois
-heureuse si je pouvois quelque jour vous témoigner, par mes très-humbles
-services, le désir que j'ai de vous en rendre. En vérité, ce me seroit la
-plus grande joie que je puisse recevoir. Au reste, Mademoiselle, j'écris
-à Mlle de Scudéry; je vous supplie d'avoir encore la bonté de lui vouloir
-confirmer tout ce que je lui dis. Je pense que vous me faites bien cette
-grâce de me croire et de ne douter en aucune façon de la sincérité de mes
-intentions. Je vous conjure encore de travailler et d'employer vos amis
-pour le dessein que vous avez eu pour cette excellente personne, et de
-croire que j'aurois une extrême joie si vous y pouviez réussir. En
-vérité, je n'en aurois pas tant pour moi-même. Je lui souhaite ce
-bonheur-là de toute la force de mon cœur, et je voudrois de la même
-sorte que cette autre personne qui a tant de bonté pour moi[523] n'eût
-jamais pensé à cela. J'y renonce très-volontiers, et je porte tous mes
-désirs pour notre amie; et vous, Mademoiselle, je vous conjure encore une
-fois d'y employer vos amis et vos soins. Pour moi, je suis dans une
-solitude[524] où je goûte de telle sorte le repos, que si je n'avois pas
-une extrême affection pour Mme la marquise de Sablé, et si je ne lui
-étois pas aussi obligée que je suis, j'aurois grande peine à songer à mon
-retour. Je m'y porte beaucoup mieux qu'à Paris; jugez quel charme, et
-s'il y a quelque chose dans la fortune qui vaille le bien de la santé. Je
-vous renvoie la lettre de Mlle de Scudéry, qui est admirable; je vous en
-rends mille très-humbles grâces, et vous supplie de croire que personne
-n'est avec plus de passion que moi,
-
- Mademoiselle,
- Votre très-humble et très-obéissante servante.
-
- [523] Vraisemblablement Mme de Sablé. (V. C.)
-
- [524] A Sablé. (V. C.)
-
-
-CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[525].
-
- [525] Cabinet Monmerqué.
-
- Paris, 17 juillet 1647.
-
- Mademoiselle,
-
-Il ne falloit pas moins que d'aussi grands reproches que ceux que j'ai
-lus dans la dernière de vos lettres à Mlle Paulet, pour m'obliger à
-rendre grâces par les miennes du glorieux combat que vous avez fait pour
-l'honneur de ma _Pucelle_[526]. A moins d'être provoqué avec des
-injures, et accusé d'incivilité et d'ingratitude, je ne me fusse jamais
-résolu à vous rien écrire sur votre courageux ouvrage, dans la crainte
-qu'en vous remerciant du bien que vous dites d'elle ou plutôt de moi, il
-ne semblât que j'en demeurasse d'accord et que je reçusse vos louanges
-sous couleur de les refuser. Vous savez, mademoiselle, qu'il y a une
-modestie ambitieuse, qui est pire que la vanité découverte, et vous ne
-voudriez pas que je fisse jamais rien qui m'en pût faire soupçonner.
-Cette considération est la vraie cause de mon silence, car, pour ma
-gratitude, vous ne l'avez pu ignorer, si M. Conrart s'est acquitté de ce
-qu'il m'avoit promis, ce que je ne puis croire qu'il ait oublié. Mais,
-Mademoiselle, puisque vous en faites l'ignorante afin de me mortifier, je
-vous dirai ici que la reconnoissance que j'ai de cette faveur ne sauroit
-être plus grande ni pour l'intérêt de la Pucelle ni pour le mien, et que
-j'estime à un point les belles et rares choses que vous avez voulu dire
-sur notre sujet, que je ne suis plus en peine de sa réputation ni de la
-mienne, et que quand ce que j'ai essayé de dire de sa vertu et de sa
-valeur devroit périr devant moi-même, je ne laisserois pas d'espérer de
-voir sa gloire conservée dans ce que vous avez écrit, et mon nom consacré
-à l'immortalité, parce que vous l'y avez daigné enchasser.
-
- [526] Chapelain avait obtenu dès 1643 le privilége du Roi pour la
- publication de la _Pucelle_, qui ne parut cependant qu'en 1656.
-
- Voy. la _Notice_, p. 45, et la lettre de Mlle de Scudéry à
- Conrart, p. 207. Il est évident que l'annonce du poëme de
- Chapelain avait fait naître une polémique sur celle qui en était
- l'héroïne, et Mlle de Scudéry avait eu à la défendre contre les
- attaques du ministre Rivet et de sa nièce, Mlle Dumoulin.
-
-Du reste, je ne réponds rien sur la passion à laquelle vous imputez si
-galamment mon silence, et je laisse cela à faire à Mlle Robineau, à
-laquelle je pourrois également déplaire, en l'avouant ou en la
-désavouant. C'est une personne trop parfaite pour qu'on en doute qu'elle
-ne pût faire une conquête beaucoup plus difficile encore, et, d'un autre
-côté, elle est trop sévère pour ne trouver pas mauvais qu'on se confesse
-son esclave. C'est à elle à se prononcer là-dessus et à vous apprendre ce
-que vous en devez croire. De moi, j'avouerai tout ce qu'elle voudra,
-pourvu que ce ne soit pas que la passion que son mérite me pourroit avoir
-donnée ne pût compatir avec celle que je dois au vôtre et qui m'a rendu
-pour la vie, Mademoiselle, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
-
- CHAPELAIN.
-
-_P.S._--Ayez agréable, s'il vous plaît, que monsieur votre frère lise ici
-mes très-humbles baise-mains et les grâces que je lui rends très-humbles
-de son souvenir et du beau et généreux sonnet dont il m'a jugé digne,
-dans le petit nombre de ceux qu'il en a voulu gratifier en cette cour.
-
-
-SARASIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[527].
-
- [527] Mss de Conrart, in-4º, t. XI.
-
- A la fin de 1650, date de cette lettre, Mme de Longueville était
- sur le point d'être assiégée dans Stenay par une armée
- victorieuse. «Elle était en proie à d'autres chagrins plus cruels
- encore pour une âme telle que la sienne. Elle venait de perdre à
- Stenay sa dernière fille âgée de quatre ans; et elle y reçut
- l'affreuse nouvelle que sa mère, qu'elle aimait tant, était morte
- à Chantilly le 4 décembre, succombant à l'excès de sa douleur et à
- la ruine de sa maison.» (V. C.)
-
- Mlle de Scudéry, qui venait de publier le cinquième volume du
- Cyrus, ne voulant pas l'envoyer directement à la princesse dans
- des circonstances aussi malheureuses, l'adressa à Sarasin, qui,
- étant attaché à la maison de Condé comme secrétaire des
- commandements du prince de Conti, avait suivi la duchesse à
- Stenay. Le volume était accompagné d'une lettre d'envoi; c'est à
- cette lettre que Sarasin répond.
-
- Du 30 décembre 1650.
-
-
-N'attendez pas que je vous rende une lettre bien écrite pour celle que
-vous m'avez envoyée et qui ne le sauroit être mieux. Rien n'est si
-contraire au bel esprit que la guerre civile, et je vous supplie de
-croire que MM. Brook et Rukling, avec qui nous sommes tous les jours de
-conférence, ne sont pas de gens de l'Académie. De plus, vous savez,
-Mademoiselle, vous qui savez tout ce qui se peut sçavoir des Muses, que
-ces honnêtes filles chantent bien les combats, mais qu'elles ne suivent
-pas les armées; que lorsque les dieux et celui même qui leur préside
-vinrent à la charge devant Troye, elles demeurèrent sur le Parnasse, et
-qu'enfin elles n'ont eu guères de démêlés que celui des Piérides pour des
-chansons, ni guères pris de parti qu'entre Apollon et Marsyas pour la
-lyre contre la flûte. Une personne donc d'aussi peu d'école que je suis
-ne doit pas, ce me semble, prétendre à rien dire de beau ni s'efforcer
-inutilement à rendre les choses plus agréables. Ce sera assez qu'elles le
-soient par elles-mêmes, et vous vous contenterez, s'il vous plaît, que
-je vous envoye une bonne lettre au lieu d'une belle. De cette sorte, je
-suis fort assuré que ma réponse vous plaira, et que, pourvu que je vous
-mande que votre esprit et votre zèle ont touché son Altesse, et qu'elle
-est infiniment satisfaite de votre passion et de votre respect, vous
-n'irez pas vous plaindre que je vous l'ai dit grossièrement, et ne
-souhaiterez pas d'ornement où la simple naïveté a si bonne grâce. Que si
-le soin de votre héros vous touche autant que le vôtre propre, et que
-vous vouliez savoir s'il est autant estimé en cette cour qu'il le fut
-autrefois de toutes celles de l'Asie, j'ai bien encore de quoi vous
-plaire, et vous devez être contente de ce que jamais aucun des héros de
-sa sorte n'a mieux été reçu de la divine personne à qui monsieur votre
-frère l'a dédié. Le peu de temps que l'accablement de ses affaires et la
-nécessité de ses grandes occupations lui laissent est employé à sa
-conversation; et depuis huit jours[528] qu'on a apporté ici la cinquième
-partie de ses aventures, il ne s'en est point passé qu'on n'ait donné
-audience à Phérénice, à Orsane, ou à l'historien de Belesis[529]. Ces
-personnes ont toujours été du petit coucher, et tant qu'elles ont eu
-quelque chose à y dire, on ne les a interrompues que par des acclamations
-et des louanges. N'est-ce pas là vous dire tout ce que vous sauriez
-désirer de moi? Car, pour la continuation de mon amitié, dont vous me
-faites la grâce de témoigner trop de joie, j'espère que son Altesse aura
-bien la bonté de vous informer un jour si vos intérêts me sont chers et
-si je sais bien estimer votre mérite. Vous avez sans doute beaucoup de
-raisons de souhaiter que ce jour arrive bientôt, et vous devez vous
-intéresser plus que je ne saurois dire à voir cesser la persécution de
-cette illustre affligée. Si le ciel est juste, il préviendra les souhaits
-que nous en faisons; et, comme ce seroit impiété d'en douter, il faut
-croire que ce bonheur est proche et l'attendre avec tranquillité. Car
-enfin je ne saurois penser que ni cette excellente princesse, ni ce
-héros, pour qui vous avez une si légitime passion, étant innocents,
-soient persécutés davantage; en un mot, cela me semble autant impossible
-qu'à moi de cesser de vous honorer.
-
- [528] Le 22 décembre, à peu près avec la nouvelle de la perte de
- la bataille de Réthel, et de la marche de l'armée royale sur
- Stenay. (V. C.)
-
- [529] Personnages du tome V du _Cyrus_. (V. C.)
-
-Je suis en vérité bien affligé de la mort de Mlle Paulet[530], et si je
-juge de votre douleur par votre amitié, je suis assuré qu'elle est
-extrême. Je vous demande de transmettre beaucoup de compliments et de
-civilités de ma part à mesdames vos hôtesses[531], et si j'étois encore
-assez bien parmi vos amis, je vous supplierois d'assurer Mme Aragonnais,
-Mlle Robineau et Mlle Boquet de mes très-humbles services.
-
- SARASIN.
-
- [530] Amie intime de Mlle de Scudéry, une des personnes les plus
- distinguées de l'hôtel de Rambouillet. (V. C.)
-
- [531] Dames que recevait chez elle Mlle de Scudéry. (V. C.)
-
-
-_La duchesse de Longueville crut devoir ajouter les lignes suivantes à la
-lettre de Sarasin_:
-
-C'est être bien hardie que d'écrire à une personne dont on a vu une
-lettre comme celle que vous avez écrite depuis peu; et c'est l'être tout
-autant que de placer son compliment dans une autre faite comme celle dans
-laquelle je vous écris. Mais, comme je préfère la réputation d'être
-reconnoissante à celle de bien écrire, j'abandonne de bon cœur la
-première, pour n'être pas tout à fait indigne de l'autre, comme je le
-serois sans doute si je pouvois savoir les constantes bontés de monsieur
-votre frère et de vous, sans vous témoigner combien j'en suis touchée. Je
-le suis encore si fort de vos ouvrages, et ils adoucissent si
-agréablement l'ennui de ma vie présente, que je vous dois quasi d'aussi
-grands remercîments là-dessus que sur la solide obligation que je vous ai
-de n'avoir pas changé pour moi avec la fortune, et d'avoir bien voulu
-soulager les maux qu'elle m'a faits par les biens que donne la
-continuation d'une amitié comme la vôtre. Celle de vos hôtesses m'est si
-considérable, que l'assurance que vous me donnez qu'elles en conservent
-toujours un peu pour moi m'a causé une véritable satisfaction. Je vous
-conjure de le leur dire de ma part, et qu'elles n'en peuvent avoir pour
-personne qui les estime et qui les aime plus que je fais.
-
-
-LA PRINCESSE SIBYLLE DE BRUNSWICK A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[532].
-
- [532] Cabinet de M. Jules Boilly.
-
- Sibylle-Ursule, fille du duc de Brunswick-Wolffenbuttel, épousa le
- 13 septembre 1663 le duc Christian de Holstein-Glucksbourg. Elle
- mourut le 12 décembre 1671. C'était une femme distinguée sur
- laquelle on peut consulter Vehse, _Les Cours d'Allemagne_, et
- Havemann, _Histoire de Brunswick_. Elle était, ainsi que son
- frère, Antoine-Ulric, en correspondance avec Mlle de Scudéry. M.
- de Monmerqué a cité une autre lettre d'elle à la même, du 19
- décembre 1656, dans son article SCUDÉRY, de la _Biographie
- universelle_.
-
-
- Wolffenbuttel, 8 juillet 1654.
-
- Mademoiselle,
-
-Si je considère ce que je suis, je confesse franchement qu'il n'y a rien
-en moi qui soit digne de mériter les louanges que vous m'attribuez. Je
-sais trop mon imperfection, et connois bien que par l'excès de votre
-courtoisie et bonté ensemble, vous me veuillez par là encourager à imiter
-les vertus que vous possédez. Je m'efforcerai de suivre pour le moins
-leurs traces, si je ne les peux acquérir du tout. Que si vous avez parlé
-à mon avantage à ceux qui ont l'honneur de votre amitié, je vous en
-serois bien obligée, si ce n'est que je suis honteuse de ce que, par ma
-mauvaise lettre, j'ai publié mes défauts. Je me console pourtant qu'étant
-choisis de vous d'être dignes de votre amitié, ils auront assez de
-générosité pour les excuser. Si ce n'est une vanité de vous renouveler
-les offres de mon affection, comme une chose inutile à votre service, je
-vous dirois que je ne changerai jamais la résolution que j'ai prise de
-vous continuer les devoirs de ma bonne volonté, jusques à ce que par
-votre faveur je vous en puisse témoigner les effets, puisque je fais
-gloire d'être plus que personne du monde,
-
- Mademoiselle,
- Votre très-affectionnée,
- SIBYLLE URSULE DE BRUNSWICK.
-
-_P. S._ Mes commandements ne s'étendent jusques à la Cour de France. Si
-pourtant vous me permettez de vous prier de ne vouloir différer davantage
-le contentement que tout le monde ici aura de voir la suite de votre
-_Clélie_, je prends la liberté de vous en conjurer et pour le public et
-pour votre propre gloire.
-
-
-
-
-MÉNAGE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[533].
-
- [533] En tête des _Œuvres de Sarasin_.
-
- 1658.
-
- Mademoiselle,
-
-Il n'y a personne au monde qui ait pour vous des sentiments plus
-avantageux que moi. Je n'estime pas seulement, j'admire encore la beauté
-de votre génie, la vivacité de votre imagination, la solidité de votre
-jugement, les charmes de votre entretien, et ce nombre infini de rares
-connoissances que vous possédez si éminemment. Mais si j'ai de l'estime
-et de l'admiration pour les qualités de votre esprit, j'ai du respect et
-de la vénération pour celles de votre âme, pour votre bonté, pour votre
-douceur, pour votre tendresse, pour votre générosité, pour votre candeur,
-et surtout pour cette incomparable modestie, qui, au lieu de cacher votre
-mérite, le fait éclater davantage. Depuis que je reconnus en vous toutes
-ces excellentes qualités, et je les reconnus dès la première fois que
-j'eus l'honneur de vous entretenir, je vous ai toujours considérée comme
-un des principaux ornements de notre siècle, et comme la plus grande
-gloire de votre sexe.
-
-Cependant, Mademoiselle, il est étrange que depuis ce temps-là je n'aie
-point encore fait savoir au public l'estime particulière que je fais
-d'une personne si extraordinaire, et qu'étant un des hommes du monde qui
-vous honore le plus dans son cœur, je sois un des hommes du monde qui
-vous ai le moins célébrée dans ses écrits. Quoique ma conscience ne me
-reproche rien de ce côté-là, et que mon silence ne soit qu'un effet de
-mon admiration, je ne laisse pas d'avoir quelque honte d'être si
-longtemps à vous rendre l'hommage que vous doivent ceux qui font
-profession d'honorer publiquement le mérite et la vertu. En attendant que
-je puisse vous rendre cet hommage par quelques-uns de mes écrits, qui ne
-soient pas tout à fait indignes de vous, l'amitié qui étoit entre feu M.
-Sarasin et moi m'ayant obligé de prendre soin et du recueil et de
-l'édition de ses ouvrages, je prends la liberté de vous en faire une
-offrande. Je suis assuré que je ne fais rien en cela contre l'intention
-de l'auteur, et que, comme vous étiez l'objet éternel de ses louanges et
-de ses respects, s'il eût publié lui-même ses œuvres, et plût à Dieu que
-sa mort précipitée n'eût pas privé le monde de cet avantage, il les eût
-publiées sous cette même protection que je vous demande. Je veux croire
-aussi, Mademoiselle, que je ne fais rien en cela qui vous soit
-désagréable, et que vous ne rejetterez pas mon offrande, non-seulement à
-cause de cette amitié tendre et officieuse que vous avez toujours eue
-pour M. Sarasin, mais aussi à cause de l'estime extraordinaire que vous
-avez toujours faite des productions de son esprit. J'ose bien vous dire
-qu'elles sont en effet très-dignes de votre approbation. L'ordre y paroît
-parmi l'abondance. Elles brillent de tous côtés d'esprit et d'invention.
-On y voit une variété agréable. On y voit de la prose et des vers en tout
-genre et en toutes langues. On y voit partout une facilité merveilleuse;
-et si on y remarque en quelques endroits des négligences, ces négligences
-ne sont pas même sans quelque agrément. Mais je dois me souvenir que
-j'écris une lettre et non pas un panégyrique ou une apologie; et que de
-louer ou de défendre davantage les œuvres de M. Sarasin, ce seroit
-entreprendre sur M. Pellisson, qui les a si excellemment et louées et
-défendues dans son admirable préface. Je n'ai donc plus qu'à vous
-supplier de recevoir avec votre bonté ordinaire ces précieux restes de
-notre cher et illustre ami, et de regarder le soin que j'ai pris de les
-recueillir, non-seulement comme un effet du zèle que j'ai pour la gloire
-d'un homme qui m'a donné tant de marques éclatantes de son affection,
-mais aussi comme un témoignage de la passion ardente et respectueuse avec
-laquelle je suis,
-
- Mademoiselle,
-
- Votre très-humble
- et très-obéissant serviteur,
-
- MÉNAGE.
-
-
-P. CORNEILLE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[534].
-
- [534] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 859.
-
- A Rouen, 16 décembre 1659.
-
-L'incomparable Sapho est suppliée de mander son avis à l'illustre
-Aspasie, touchant deux épigrammes faits[535] pour une belle dame de sa
-connoissance[536], qui, par un accès d'estime, avoit baisé la main
-gauche de l'auteur. Il y a partage pour juger lequel est le plus galant:
-l'un a plus d'essor de pensée, et l'autre a quelque chose de plus simple
-et plus naturel.
-
- [535] Ce mot était encore quelquefois masculin.
-
- Voici les deux pièces dont il est ici question, publiées pour la
- première fois en 1660, sous le nom de Corneille, dans la 5e partie
- des _Poésies choisies_:
-
- I
-
- Mes deux mains a l'envi disputent de leur gloire,
- Et dans leur sentiment jaloux
- Je ne sais ce que j'en dois croire.
- Philis, je m'en rapporte à vous:
- Réglez mon avis par le vôtre.
- Vous savez leurs honneurs divers:
- La droite a mis au jour un million de vers,
- Mais votre belle bouche a daigné baiser l'autre.
- Adorable Philis, peut-on mieux décider
- Que la droite lui doit céder.
-
- II
-
- Je ne veux plus devoir à des gens comme vous;
- Je vous trouve, Philis, trop rude créancière.
- Pour un baiser prêté, qui m'a fait cent jaloux,
- Vous avez retenu mon âme prisonnière.
- Il fait mauvais garder un si dangereux prêt;
- J'aime mieux vous le rendre avec double intérêt,
- Et m'acquitter ainsi mieux que je ne mérite;
- Mais à de tels paiemens je n'ose me fier,
- Vous accroîtrez la dette en vous laissant payer,
- Et doublerez mes fers si par là je m'acquitte.
- Le péril en est grand, courons-y toutefois,
- Une prison si belle est bien digne d'envie;
- Puissé-je vous devoir plus que je ne vous dois,
- En peine d'y languir le reste de ma vie.
-
- [536] L'abbé Granet nomme Mlle Serment, née à Grenoble vers 1642,
- morte à Paris vers 1692, comme celle à qui s'adressaient les deux
- épigrammes, ou plutôt les deux madrigaux de Corneille. Elle était
- liée avec Mlle de Scudéry, et aussi avec Quinault, Maucroix,
- Pavillon, etc.
-
-
-RÉPONSE DE L'INCOMPARABLE SAPHO.
-
- [1659.]
-
- Si vous parlez sincèrement
- Lorsque vous préférez la main gauche à la droite,
- De votre jugement je suis mal satisfaite:
- Le baiser le plus doux ne dure qu'un moment;
- Un million de vers dure éternellement,
- Quand ils sont beaux comme les vôtres;
- Mais vous parlez comme un amant,
- Et peut-être comme un Normand:
- Vendez vos coquilles à d'autres[537].
-
- [537] Comme le fait remarquer M. Marty-Laveaux, cette expression
- se retrouve dans une lettre de Mlle de Scudéry au Mage de Sidon,
- du 21 octobre 1658. Nul doute d'ailleurs que ces vers ne soient
- d'elle et que la lettre de Corneille ne lui soit adressée.
-
-
-CHARPENTIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[538].
-
- [538] Donné par M. de Monmerqué, d'après l'original faisant
- partie de son cabinet, dans les éditions de 1835 et de 1854 des
- _Historiettes de Tallemant des Réaux_.
-
- Mercredi, à onze heures du matin [1659].
-
- Mademoiselle,
-
-Je reçus hier au soir fort tard le billet que vous m'avez fait l'honneur
-de m'écrire.... Si le temps l'eût permis, je vous en aurois remerciée sur
-l'heure même, car il est impossible de retenir un ressentiment si juste.
-Vous avez trop payé l'ouvrage que j'ai pris la hardiesse de vous
-offrir[539]; l'estime que vous en faites est assurément au-delà de son
-mérite, et je ne puis attribuer les louanges que vous lui avez données,
-qu'à la cause même que vous m'en découvrez en reconnoissant qu'il parle
-d'un de vos plus anciens amis. Je le sais, Mademoiselle, que Cyrus est
-un de vos amis, et que votre amitié est une de ses plus glorieuses
-aventures; c'est en cette considération que son nom est dans les plus
-belles bouches de France, et qu'il sert maintenant d'entretien au monde
-poli, qui autrement ne le connoîtroit guère:
-
- Et moi qui le connois assez parfaitement,
- Si vous en croyez mon serment,
- J'aurois eu peu de soin de relever sa gloire,
- Quoiqu'il ait autrefois mille peuples soumis,
- Si je n'avois appris ailleurs que dans l'histoire,
- Qu'il possède l'honneur d'être de vos amis.
-
- [539] La traduction de la _Cyropédie_ par Charpentier, qui est de
- 1659, donne la date de cette lettre.
-
-
-BRÉBEUF A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[540].
-
- [540] Cette lettre a été imprimée sans date, dans les _Œuvres de
- Brébeuf_, 1664, t. I, p. 64, mais nous avons pu la collationner
- et la compléter sur l'original qui fait partie du cabinet de M.
- Boutron.
-
- Rouen, 24 août [1660].
-
- Mademoiselle,
-
-Je meurs de honte d'avoir été malade lorsque je me sentois
-indispensablement obligé à vous remercier de toutes les belles choses que
-j'ai trouvées dans votre lettre, et j'ai une confusion si grande de
-m'être laissé prévenir à vos civilités et d'avoir tant différé à vous les
-rendre, que j'ai peine à me pardonner mon indisposition, et à ne faire
-pas d'une fièvre de huit ou dix jours[541] une faute inexcusable. Mais,
-à vous parler ingénûment, je vous avoue, Mademoiselle, que, dans ma
-meilleure santé, il me seroit assez difficile de trouver des termes pour
-vous expliquer tout le ressentiment que j'ai de l'honneur que vous me
-faites. Vous me louez avec des paroles si riches et d'un air si
-parfaitement obligeant qu'il m'est presque impossible d'y répondre comme
-je dois et comme je le souhaite. Cependant, ce qui seroit pour d'autres
-que vous le dernier effort de la générosité n'est que votre style
-ordinaire. C'étoit assez du témoignage public que vous m'en aviez donné,
-sans y ajouter encore cette preuve particulière. Je me souviens,
-Mademoiselle, de l'obligation que vous a l'interprète de Lucain. Je sais
-que c'est à votre recommandation seule que ce divin génie[542], qui
-produit toujours et ne s'épuise jamais, a trouvé le secret de le faire
-vivre près de trois mille ans avant sa naissance, et qu'un art si
-ingénieux et si admirable peut encore le faire vivre plus de trois mille
-ans après sa mort. Un esprit de cette force a pouvoir sur tous les temps
-aussi bien que sur tous les pays; le passé et l'avenir en relèvent
-également, et comme j'ai osé croire enfin, sur la foi de mes amis, qu'il
-a pensé à moi quand il a parlé du traducteur de la Pharsale, je me
-persuade aisément qu'avec trois paroles il a mis du moins trente siècles
-entre moi et ce fâcheux genre de trépas qui tue encore après qu'on n'a
-plus de vie. N'étoit-ce point assez, Mademoiselle, d'avoir ménagé pour
-moi un privilége si peu commun et une faveur si extraordinaire, et en
-falloit-il davantage pour obliger de la plus excellente manière un
-malheureux inconnu qui ne vous peut être considérable que parce qu'il
-vous doit beaucoup, et qui ne mérite les grâces que vous lui faites que
-parce qu'il en a déjà reçu d'autres de vous? Sans doute il n'y en avoit
-que trop pour occuper toute la reconnoissance dont un esprit est capable,
-et je vois pourtant que ce qui étoit trop pour moi n'a pas encore été
-assez pour vous. Lorsque je m'entretenois avec ressentiment et avec
-respect de cette bonté excessive avec laquelle vous avez bien voulu
-agréer les _Entretiens solitaires_[543], et que je croyois beaucoup
-moins vous avoir fait un présent que l'avoir reçu, il se trouve que vous
-me remerciez encore de l'honneur qu'il vous a plu me faire, et que vous
-me récompensez avec soin de l'obligation que je vous ai: ce sont là,
-Mademoiselle, de ces beaux excès qui ne sont guère connus dans le monde,
-et qui ont besoin d'un exemple aussi puissant que le vôtre pour s'établir
-parmi nous.
-
- [541] Les Bulletins de Clément à la Bibliothèque nationale
- renferment ce passage sur Brébeuf: «Malgré une fièvre maligne et
- opiniâtre de vingt années, il a fait des ouvrages qui ont paru le
- fruit d'une santé parfaite.»
-
- [542] A travers l'obscurité prétentieuse des lignes qui suivent,
- il y a deux points qui nous paraissent hors de doute.
-
- 1º Brébeuf avait à Mlle de Scudéry des obligations qu'il avoue ici
- hautement.
-
- 2º La principale de ces obligations paraît être d'avoir été
- recommandé par elle au grand Corneille, leur compatriote à tous
- deux, qui aurait loué et encouragé sa _Traduction de la Pharsale_.
-
- Ajoutons que ces rapports entre les deux poëtes, dont on trouve la
- trace dans les lettres de Brébeuf, p. 19, 103, 212 et 213 du
- volume de ses _Œuvres_, cité plus haut, reçoivent une
- confirmation singulière de ce fait, non assez remarqué,
- qu'indépendamment de leur prédilection commune pour Lucain, il
- leur est arrivé plusieurs fois de se rencontrer sur le même
- terrain, témoin les vers de l'un et de l'autre sur _l'art
- ingénieux_ de l'écriture, et l'épitaphe qu'ils ont consacrée,
- presque littéralement dans les mêmes termes, _A une dame
- vertueuse_, Élisabeth Ranquet. Voy. _Poésies diverses de Brébeuf_,
- 1662, p. 219, et _Œuvres de Corneille_, édition Hachette, t. X,
- p. 133.
-
- [543] Ils parurent dans le courant de l'année 1660, et Brébeuf
- mourut l'année suivante.
-
-Mais, bien que je me laisse flatter au dernier point au jugement
-avantageux que vous faites de moi et à une approbation qui ne me promet
-pas moins que celle de tout Paris ou même de toute la France, je conserve
-du moins encore assez de modération dans ma bonne fortune pour ne
-consentir pas entièrement à toutes les louanges que vous me donnez. Je me
-défends autant que possible d'une si pressante et si douce tentation de
-vanité, et je me dis à toute heure que, pour laisser descendre votre
-estime jusqu'à moi, il faut assurément que vous ayez pris plaisir à vous
-cacher tout ce que vous êtes. Je ne suis pas si étranger en mon pays que
-je ne sache un peu en quels termes les honnêtes et les habiles gens
-parlent de vous; ce n'est pas, à leur gré, dire assez tout ce qu'ils en
-pensent, que de publier en tous lieux qu'ils vous regardent comme le
-miracle de notre siècle, et pour moi, qui prends quelquefois la liberté
-de mêler ma voix à la leur et de parler le même langage, je puis dire
-que j'avance cette vérité avec d'autant plus de plaisir que je n'ai
-encore vu personne qui ait osé la contredire. Après cela, Mademoiselle,
-il semble qu'il ne vous doit point être permis de rien estimer, et que
-c'est usurper en quelque façon sur le droit des personnes qui sont
-infiniment au-dessous de vous que de vous résoudre à parler si
-avantageusement,
-
- Mademoiselle,
- De votre très-humble, très-obéissant,
- et très-obligé serviteur,
-
- BRÉBEUF.
-
-
-LA CALPRENÈDE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[544].
-
- [544] Cabinet de M. Boutron.
-
- A Vatimesnil, 12 septembre 1661.
-
-Comme je sais la part que vous avez prise au malheur de M. le
-Surintendant, je veux bien, Mademoiselle, vous témoigner la douleur que
-j'en ai, et à laquelle je suis trop obligé par le souvenir des
-obligations que je lui ai, et à M. Pellisson aussi, qui, à ce que j'ai
-appris, est enveloppé dans sa disgrâce. Je voudrois au prix de mon sang
-être en état de leur témoigner ma reconnoissance, et parce qu'on m'a
-mandé qu'on envoie Mme la Surintendante à Limoges, et que j'ai en ce
-pays-là des parents et des amis assez considérables, je vous supplie de
-me mander si vous croyez qu'il y ait lieu de les employer pour son
-service, et qu'elle en puisse recevoir d'eux dans sa mauvaise fortune,
-afin que je leur écrive pour les obliger à lui rendre toutes les
-assistances qui leur seront possibles. Faites-moi, s'il vous plaît, la
-grâce de m'en écrire un mot le plus tôt que vous le pourrez, et de
-l'envoyer à la poste de Normandie avec l'adresse: Au Tillier; et croyez,
-s'il vous plaît, que ni dans cette affaire, ni dans aucune autre, il ne
-vous arrivera jamais rien où je ne m'intéresse, comme un homme qui vous
-honore et vous honorera toute sa vie de tout son cœur.
-
- LA CALPRENÈDE.
-
-
-CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[545].
-
- [545] M. de Monmerqué nous a conservé cette lettre, dont il
- possédait l'original. «Corbinelli, dit-il, ami de Mlle de
- Montalais, avait été dépositaire des lettres du comte de Guiche à
- Madame. Il eut la faiblesse de les remettre au marquis de Vardes
- qui en abusa. Ce zèle exagéré pour un ami qui en était peu digne
- lui fit partager sa disgrâce.»
-
- Jean Corbinelli, d'une famille originaire de Florence, établie en
- France depuis deux générations, mourut à Paris, centenaire,
- dit-on, le 19 juin 1716. Il était ami intime de Mlle de Scudéry et
- de Mme de Sévigné.
-
- De ma prison (Montpellier),
-
- 7 septembre [1665].
-
-Votre générosité ordinaire seroit bien bizarre d'oublier un ami qui,
-pendant dix-huit mois d'une prison très-rigoureuse, a pensé à vous comme
-les amants font à leurs maîtresses: j'ai tant de fois songé à tout ce que
-nous avons fait, à tout ce que nous avons dit sur un certain sujet! J'ai
-fait mon cours de beaux sentiments, de générosité, d'amitié parfaite,
-pendant tout le temps de cette affaire, et il est vrai que j'ai appris
-cette grande science, non-seulement à vous entendre, mais encore à vous
-voir faire, et en faisant de petites choses sur le modèle des grandes, ou
-que vous machiniez ou que vous exécutiez, ou du moins que vous méditiez.
-Auriez-vous donc oublié un homme qui étudioit votre âme et votre esprit
-avec tant d'application, d'admiration et de plaisir? Je ne le crois pas,
-quoique les apparences soient fortes, car vous ne m'avez pas écrit sur la
-liberté presque entière que le Roi m'a si bénignement accordée. Je ne
-tiens plus qu'à un filet, et je ne suis en prison que parce que je ne
-pourrois pas sortir d'un grand château si je le voulois; mais aussi je ne
-le voudrais pas, tant que M. de Vardes sera dans le sien; si bien qu'au
-vrai je ne suis prisonnier que vraisemblablement et par métaphore,
-etc....
-
-
-LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[546].
-
- [546] Pièce de l'_Isographie_.
-
- Dimanche 22 novembre 1665.
-
- Mademoiselle,
-
-J'ai bien du déplaisir, Mademoiselle, de ne pouvoir aller moi-même vous
-faire mes compliments sur _la Tubéreuse_[547] que vous m'avez fait la
-grâce de me donner. En vérité, elle a plus de grâce et de beauté dans vos
-vers que dans son original de sa nature. Tout ce qui passe par vos mains
-se perfectionne, et c'est un de vos admirables talents de donner de la
-grâce à tout ce que vous touchez. Je ne puis m'empêcher de vous témoigner
-ma joie des douceurs qui reviennent à votre ami M. de Pellisson, après
-tout ce qu'il a souffert. Vous voulez bien demander à M. Mesnager qu'il
-veuille me mener le voir, car j'en ai grande impatience. Je suis avec mes
-respects ordinaires à vous, Mademoiselle,
-
- RAPIN,
- de la Compagnie de Jésus.
-
- [547] _La Tubéreuse, à Célie le jour de sa fête_, pièce de vers
- de Mlle de Scudéry. Voyez-la aux _Poésies_.
-
-
-FRANÇOIS DE BEAUVILLIERS, DUC DE SAINT-AIGNAN, A MADEMOISELLE DE
-SCUDÉRY[548].
-
- [548] Provenant du Cabinet de M. de Monmerqué. D'après une note
- de sa main, Beauvilliers répond à un billet par lequel Mlle de
- Scudéry lui faisait part de la liberté que Pellisson (Acante)
- venait d'obtenir par lettres du roi du 16 janvier 1666.
-
- 25 janvier [1666].
-
-Revoir le généreux Acante en liberté, recevoir de l'illustre Sapho les
-glorieuses marques d'un souvenir qui pourroit rendre heureux les plus
-infortunés de la terre, et goûter ces plaisirs en un même jour, c'est
-presque trop à la fois pour un cœur aussi tendre et aussi sensible que
-le mien. Il devroit au moins avoir le temps de se reconnoître, avant que
-d'en témoigner sa satisfaction, dans l'agréable désordre où le met cette
-double surprise; mais auroit-il pu reconnoître dignement les biens dont
-il est comblé, s'il avoit voulu attendre à vous rendre grâces qu'il se
-fût reconnu? J'aime mieux exprimer ma joie avec moins d'éloquence, et
-pendant que l'obligeant Acante est allé voir ce grand Roi duquel il a si
-bien parlé, assurer l'incomparable Sapho de l'estime et du respect que
-j'aurai toujours pour elle. Je pars demain à mon tour, jusques à mercredi
-au soir, et j'espère vous aller assurer jeudi en famille du pouvoir
-absolu que vous aurez toujours et sur ma famille et sur moi. En vérité
-Artaban[549] trouve plus de gloire à se dire à vous, Mademoiselle, que
-le fils de Pompée n'en acquit sous ce nom chez les Parthes et les Mèdes.
-
- [549] Artaban est le nom qui, parmi les beaux esprits et dans la
- société précieuse, désignait le duc de Saint-Aignan, et qu'il
- prenait lui-même quelquefois dans ses lettres. Artaban, fils de
- Pompée, est un des personnages chevaleresques de la _Cléopâtre_
- de La Calprenède.
-
-
-LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[550].
-
- [550] Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle.
-
- Le 12 décembre [1666].
-
-Un prêtre tel quel a voulu, Mademoiselle, que j'eusse l'honneur de vous
-envoyer la Vie d'un saint prêtre qu'il a fait imprimer. Le prêtre tel
-quel s'appelle M. de Saint-André, et le bon prêtre s'appeloit M. Le
-Nobletz. Si vous m'en croyez, vous n'en apprendrez pas davantage et vous
-laisserez la lecture de ce livre à d'autres moins curieux de belles
-lectures que vous.
-
-Ne laissez pas, s'il vous plaît, Mademoiselle, de me savoir quelque gré
-de ce que je suis exact à m'acquitter des plus petites commissions qu'on
-me donne, jusqu'à vous envoyer un livre aussi mal écrit et aussi peu
-considérable que l'est celui-ci[551]. Vous jugerez, s'il vous plaît, de
-la joie que j'aurois d'obéir à une personne pour qui j'ai autant de
-respect et d'admiration que j'en ai pour vous.
-
- VERJUS.
-
- [551] C'est probablement par pure modestie que le P. Verjus
- parlait ainsi du livre qu'il adressait à Mlle de Scudéry, car
- c'est lui-même qui publiait en 1666, sous le pseudonyme de l'abbé
- de Saint-André, la _Vie de Michel Le Nobletz, prêtre et
- missionnaire en Bretagne_.
-
-
-L'ÉVÊQUE DE DIGNE (FORBIN-JANSON) A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[552].
-
- [552] Cette lettre, ainsi que la suivante, nous a été communiquée
- par M. le comte de Clapiers, à Marseille.
-
- Sur Mgr de Forbin-Janson et sur les longues relations qui
- existèrent entre lui et Mlle de Scudéry, Voy. la _Notice_, p. 24.
- Nous renouvelons ici l'expression du regret de n'avoir pu
- retrouver aucune des nombreuses lettres qu'elle lui adressa
- pendant une période de plus de cinquante années.
-
-
- A Aix, le 4 février 1668.
-
-Le billet que vous m'avez envoyé a été suivi d'une lettre du P. Annat qui
-m'écrit par ordre du Roi que Sa Majesté me nomme à l'évêché de Marseille.
-Je ne vous désavoue pas que je n'aie une joie sensible de me voir honoré
-de cette nouvelle marque de l'estime qu'un prince aussi éclairé que le
-nôtre a témoignée pour ma personne en cette rencontre. Mais je vous prie
-de croire que la part que vous prenez en ce qui me touche redouble mon
-contentement par celui qui vous en demeure. Pensez-vous que je connoisse
-si peu l'honneur qu'il y a d'être de vos amis, que je ne m'estime
-infiniment heureux de passer pour tel, particulièrement dans l'esprit de
-M. de Pellisson? Comme les lumières qu'il a le rendent plus capable de
-pénétrer dans les vôtres que qui que ce soit, il ne sauroit douter que
-les personnes que vous aimez n'aient du mérite, parce qu'il sait qu'il
-n'y a que le mérite seul qui puisse attirer votre amitié. Cependant vous
-me l'avez donnée par un pur effet de votre bonté, et je rougis de
-confusion d'en être si peu digne. C'est ce qui m'oblige à vous en
-demander la continuation avec plus d'ardeur, et vous assurer,
-Mademoiselle, qu'il n'y a rien dans le monde que je souhaite davantage
-que d'être un peu aimé de la merveille de notre siècle.
-
- L'ÉVÊQUE DE DIGNE.
-
-
-LE MÊME A LA MÊME.
-
- Aix, 12 février 1668.
-
-Je voudrois bien, Mademoiselle, que la fortune me donnât lieu de vous
-faire voir combien je suis sensible à la part que vous prenez en ce qui
-me touche. En vérité, j'ai toute la confusion du monde d'avoir si peu
-d'occasion de m'employer pour votre service. Une bonne et généreuse amie
-comme vous doit avoir pitié de ma gratitude, et ne me laisser pas
-toujours souhaiter inutilement de vous être utile. Le Roi ne pouvoit pas
-me donner un établissement plus doux et plus considérable; vous le
-connoissez, Mademoiselle, mieux que personne. Je l'estimerois infiniment
-davantage si je pouvois être assez heureux de vous y voir quelque jour.
-J'ai bien de la joie d'apprendre le rétablissement de la santé de notre
-illustre amie: Dieu nous la conserve, et vous donne le moyen de vous
-faire connoître combien je vous honore!
-
- L'ÉVÊQUE DE DIGNE.
-
-
-DUC DE SAINT-AIGNAN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[553].
-
- [553] Cette lettre et la suivante, qui avaient passé du cabinet
- de M. de Monmerqué dans celui de M. Rathery, ont été communiquées
- par ce dernier à l'éditeur des _Lettres de Mme de Sévigné_,
- édition Hachette.
-
-
- Du 6 [avril 1668].
-
-Je ne sais, Mademoiselle, de quelle manière je dois répondre à votre
-obligeante lettre, après avoir même demeuré assez longtemps sans y avoir
-répondu. Sera-ce en vous rendant mille très-humbles grâces de l'utilité
-de l'avis qu'il vous a plu de me donner? Sera-ce de votre admirable
-quatrain dont toute la cour est charmée? En vérité je crois que je ne
-dirai rien de tout cela, et que je ne vous parlerai que de la belle
-Lionne, mais si peu apprivoisée, à qui l'on a dédié la fable du _Lion
-Amoureux_[554]. Puisque quand on la voit on ne sauroit regarder autre
-chose, croyez-vous que quand on s'en entretient on puisse aisément
-changer de discours? A propos de cette belle Lionne, puisque lionne il y
-a, je vous en veux faire une petite histoire. J'étois l'autre jour dans
-votre cabinet, et, quoiqu'on ne puisse vous y voir trop tôt, ni vous y
-attendre avec trop d'impatience, je faillis à vous vouloir mal, lorsque
-vous me détournâtes de la contemplation du beau portrait que vous en
-avez. Je sais bien que l'aventure du lion ne lui est point arrivée,
-qu'elle a de belles et bonnes dents, et sais mieux encore que mon respect
-me mettra toujours à couvert de ses ongles. Mais, Mademoiselle, à quoi
-vous jouez-vous de me louer? Vous prenez quelque intérêt en ma gloire, et
-vous m'allez rendre si vain que je ne serai plus digne de votre estime.
-Connoissez un peu mieux, malgré votre modestie, ce que c'est d'être loué
-par l'illustre Sapho, de qui l'approbation peut faire l'estime et la
-félicité de tous ceux qu'il lui plaira; et croyez que personne n'y est
-plus sensible ni ne la reçoit avec plus de respect et n'en est pourtant
-moins digne qu'Artaban.
-
- [554] Mlle de Sévigné, à qui La Fontaine a dédié cette fable.
- Elle fait partie du premier recueil des _Fables de La Fontaine_
- qui contient les six premiers livres; elle commence le quatrième.
- Ce recueil ayant été achevé d'imprimer le 31 mars 1668, cette
- date donne à peu près celle de la lettre.
-
-
-LE MÊME A LA MÊME.
-
- Du 19 avril 1668.
-
-Ce n'est rien, Mademoiselle, d'être sorti de dessous ce monceau de
-buffles, de pistolets, de bottes et de baudriers qui marquoient tant la
-guerre à la veille de la trêve et peut-être de la paix; je suis retombé
-de fièvre en chaud mal; de plus savants diroient de Scylle en Charibde;
-enfin ce que je veux dire, et que je ne dis point trop bien, c'est
-qu'après la troupe j'ai fait l'équipage de mon fils[555]; que la batterie
-de cuisine est une autre chose que celle des canons; que l'amour a son
-brandon, son bandeau, son arc, son carquois et ses flèches; que Mars a
-son dard, son bouclier, son casque et son cimeterre; mais que Comus a ses
-pots, ses plats et ses bouteilles. Il faut de tout à un guerrier, et
-pendant qu'on songe à l'équiper, on peut oublier jusques à l'illustre
-Sapho et jusques à la belle Lionne. Mais à propos de la belle Lionne,
-celui qui vient d'imposer aux lions un joug qu'ils ont voulu éviter[556],
-en parla, il n'y a que peu de jours, d'une manière fort agréable pour moi
-et fort glorieuse pour elle. Cet éloge fut publié, et ni elles ni nous ne
-le demandons pas particulier[557]. La seule vérité le tira de sa bouche
-et la seule vérité le tire de ma plume. Pour vous, généreuse Sapho, vous
-savez combien de pouvoir vous avez sur Artaban: il ne tiendra qu'à vous
-que vous n'en ayez des marques dans toutes les occasions où il vous
-plaira de l'employer.
-
- [555] Paul de Beauvilliers, comte de Saint-Aignan, depuis duc de
- Beauvilliers.
-
- [556] Le Roi venait de faire en personne la conquête de la
- Franche-Comté. Le comté de Bourgogne, ou Franche-Comté, portait
- d'azur semé de billettes d'or au lion de même.
-
- [557] Le Roi, en parlant à Saint-Aignan de Mlle de Sévigné _d'une
- manière fort glorieuse pour elle_, faisait allusion sans doute à
- sa sagesse, à sa vertu, à son indifférence. Cette indifférence
- était bien connue avant que La Fontaine n'en parlât dans le _Lion
- amoureux_; Bensserade l'avait déjà célébrée dans le Ballet de la
- _Naissance de Vénus_, dansé à la cour en 1665, et où Mlle de
- Sévigné représentait _Omphale_. On adressait les vers suivants à
- la reine de Lydie:
-
- Blondins accoutumés à faire des conquêtes,
- Devant ce jeune objet si charmant et si doux,
- Tout grands héros que vous êtes,
- Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux.
- L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue;
- Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue:
- Elle verroit mourir le plus fidèle amant,
- Faute de l'assister d'un regard seulement.
- Injuste procédé, sotte façon de faire,
- Que la pucelle tient de madame sa mère,
- Et que la bonne dame, au courage inhumain,
- Se lassant aussi peu d'être belle que sage,
- Encore tous les jours applique à son usage,
- Au détriment du genre humain.
-
- C'était à la fois faire l'éloge de la fille et de la mère. Il
- fallait au surplus que cette _indifférence_ naturelle ou affectée
- fût bien vraie, puisque Mme de Sévigné dans une de ses lettres à
- sa fille, du 22 septembre 1680, lui dit: «D'abord on vous craint,
- vous avez un air assez dédaigneux.»
-
-
-PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[558].
-
- [558] Pellisson, _Å’uvres diverses_, Paris, 1735, t. II, p. 402.
- _Lettres historiques_, 1729, 3 vol. in-12.
-
- Nous choisissons cette lettre et la suivante dans une longue série
- de lettres à la même, s'étendant du 14 octobre 1668 au 1er mai
- 1677. La plupart ne sont que des Gazettes de la guerre et ne
- renferment presque rien de personnel à Mlle de Scudéry.
-
-
- A Chambord, le 14 octobre 1668.
-
-Je suis persuadé, Mademoiselle, qu'on vous a écrit qu'il n'y a point de
-maison royale qui soit d'un dessin plus noble et plus magnifique que
-Chambord. Le parc et la forêt qui l'environnent sont remplis de vieux
-chênes, droits et touffus, qui ont été consultés autrefois. Si les
-anciens arbres n'avoient été condamnés par un jugement équitable à un
-éternel silence, si l'obscurité de leurs oracles, et l'indiscrétion avec
-laquelle ils trahissoient les secrets des amans n'avoient obligé les
-dieux à les réduire à servir seulement pour l'ombrage et la fraîcheur, il
-y a sans doute beaucoup d'apparence que ceux de Chambord parleroient plus
-clairement que de coutume, et qu'ils décideroient en faveur de ce qu'ils
-voyent aujourd'hui, quoiqu'ils ayent eu l'honneur d'aider aux plaisirs de
-François Ier, dont la grandeur et la magnificence n'ont pu être
-surpassées que depuis quelques années. Le temps a été admirable, contre
-l'ordre des saisons, depuis que le Roi est parti de Saint-Germain....
-
-Le Roi et la Reine sont allés assez souvent à la chasse. Rien n'est égal
-à la magnificence de tous les équipages et au bonheur avec lequel on a
-pris tout ce qu'on a attaqué. Les plus grands cerfs ont à peine duré une
-demi-heure..........
-
-Vous verrez des descriptions régulières, belles et exactes d'une fête
-superbe et très-galante, que le Roi donna à la Reine et aux Dames, il y a
-quatre jours, à Herbaud[559]. Les Dames se promenèrent à cheval dans le
-parc; vous ne sauriez vous imaginer leur bonne grâce, leur air, leur
-ajustement, ni la surprise avec laquelle je les aperçus dans un endroit
-du bois....
-
- Aussitôt que je les vis
- Tous mes sens furent interdits:
- Elles étoient aussi fières que belles.
- Ce n'est pas sans raison; quelques-unes d'entr'elles
- Ont fait des coups bien hardis;
- J'admire leur audace extrême,
- Mais je crains bien un jour pour elles même,
- Et tels vainqueurs, après leurs grands exploits,
- Peuvent être vaincus eux-mêmes quelquefois.
- Plus la conquête est grande, et moins elle est parfaite,
- Et leur victoire a bien de l'air d'une défaite[560].
-
- [559] Ou plutôt Herbault, à 17 kilom. de Blois. Le château
- actuel, qui appartient à M. le marquis de Rancongne, a été rebâti
- sous Louis XV. M. d'Herbault, dont il est question dans la
- lettre, devait être l'intendant de marine de ce nom.
-
- [560] Ces derniers vers, dit M. Saint-Marc Girardin, sont
- évidemment une allusion aux nouvelles amours du roi et à
- l'avénement prochain, sinon encore accompli, de Mme de Montespan.
- _Journal des Savants_, 1870, p. 373.
-
-Le Roi, la Reine et les Dames descendirent de cheval. Ils entrèrent dans
-une salle fort éclairée, où on dansa assez longtemps. Je ne puis me
-résoudre à vous entretenir de la beauté des Dames, de la diversité, de la
-commodité des appartemens. Je pourrois bien vous dire comme étoit
-Herbaud, un moment avant que le Roi y fût arrivé; mais tout parut en un
-moment changé par un enchantement admirable....
-
-Je suis persuadé que M. d'Herbaud n'eut pas connu lui-même sa maison, et
-que, pour peu qu'il eût eu de disposition à se flatter, il se fût imaginé
-qu'il était devenu le maître du Louvre ou des Tuileries. Je vous assure
-qu'il me semble tous les jours que Le Brun, Mansart et Le Nostre ont
-employé tout leur talent et leur savoir dans les lieux où le Roi passe.
-
- S'il s'avisoit d'entrer jamais
- Dans le médiocre palais
- Où vous régnez dans les tournelles,
- La maison aussitôt deviendroit des plus belles,
- Le vilain vestibule en seroit honoré,
- L'obscur degré seroit tout éclairé,
- Le passage seroit paré.
- Que de lustres dans les ruelles!
- Le cabinet enfin nous paroîtroit doré.
-
-On passa, après que le bal fut fini, dans une orangerie qu'on avoit
-préparée pour un souper magnifique. La disposition des ornemens, des
-lumières, des buffets et des services, étoit admirable. M. le Maréchal de
-Bellefonds, qui, comme vous savez, est propre à plus d'une chose, avoit
-fait entremêler des festons de pampres chargés de muscats, avec des
-orangers fleuris, et on avoit disposé au-dessus une confusion si
-agréable, qu'il sembloit que le hasard y eût fait naître les plus beaux
-fruits de la Touraine; on avoit eu même quelque égard aux nuances, et
-ceux de la Cour, qui sont les plus savans et les plus profonds en ces
-matières, n'y trouvèrent rien à reprendre......
-
-Vous savez, Mademoiselle, que rien n'est si périlleux que les inventions.
-Je ne voudrois pas m'attirer ceux qui les hasardent, car le nombre en est
-infini; mais il est vrai qu'on ne peut s'imaginer le succès heureux de
-celles dont je viens de vous parler, où l'on avoit pris un soin si exact
-de contenter tous les sens, qu'on n'a jamais vu une fête préparée en si
-peu de tems, avec tant de grandeur et de politesse.
-
-Le Roi en donna avant-hier une autre dans le château de Blois, dont vous
-connoissez la réputation. Tout y étoit merveilleusement bien entendu. Je
-pourrois faire une description très-pompeuse du lieu qu'on avoit choisi,
-de l'abondance et de mille autres circonstances; elle n'avoit rien
-d'humain et d'ordinaire. Je ne suis cependant tenté en aucune manière de
-la comparer aux festins des Dieux. Il me semble qu'il n'est pas
-impossible, sans en faire mention, de parler dignement de leurs Majestés.
-Toutefois, sur un pareil sujet,
-
- Un silence prudent doit être mon partage.
- Je crains de profaner ses exploits glorieux.
- Quelques foibles auteurs sans doute feroient mieux
- De prendre ce parti respectueux et sage.
- Ils font bien moins connoître à la postérité
- La grandeur du héros que leur témérité.
-
-
-PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- A Landrecy, 6 mai 1670.
-
-Je viens de recevoir en cet instant, Mademoiselle, votre lettre du 3 de
-ce mois. Elle a été ouverte, autant qu'on en peut juger par le cachet,
-mais cela n'importe guères. J'ai déjà répondu à la première, qui étoit du
-30 avril ou du 29. Je me suis aussi donné l'honneur de vous écrire
-diverses fois, et en dernier lieu avant-hier, de Landrecy même. A peine
-ma lettre étoit-elle à la poste, que la résolution changea pour le
-voyage. On apprit qu'il y avoit à Ath deux maisons fermées pour la peste.
-Ainsi on fit le soir même un autre projet, par lequel, sans passer à Ath
-ni aux environs, le voyage étoit allongé de trois jours. Il fut résolu
-aussi de séjourner encore tout hier, et hier sur le soir il y eut un
-nouveau changement. Le Roi n'ira plus à Marienbourg ni à Philippeville,
-et le voyage, au lieu d'être prolongé de trois jours, sera abrégé de
-deux; de sorte qu'on espère d'être à Saint-Germain le 16 ou le 17 de
-juin. Le projet nouveau est que le Roi est allé aujourd'hui à Avesnes;
-demain il revient dîner ici et va coucher au Quesnoy. Je ne sais pas bien
-si l'on y séjournera. Plusieurs personnes sont demeurées ici pour laisser
-reposer les équipages; M. de Crussol entr'autres, avec M. de Montausier
-et M. le Dauphin, ce qui m'a obligé à demeurer aussi. Demain nous
-marcherons avec le Roi.
-
-Je ne vous ferai point pour cette fois une longue réponse, me trouvant
-obligé à écrire plusieurs autres lettres. Je vous prie de bien remercier
-pour moi vos voisines de la rue de Berry, mais surtout Mme de Malnoue, à
-qui je prétends écrire un de ces jours. Nous parlons très-souvent de
-vous, non-seulement avec M. de Morinant, que je rencontre presque tous
-les jours, mais aussi avec M. de Montausier, qui vous aime toujours
-tendrement, et me chargea encore hier au soir de vous en assurer. Son
-petit Prince est plus joli qu'on ne vous le peut exprimer. Il profite à
-vue d'œil, pour ainsi dire, et en toutes choses; il est gai, enjoué,
-doux, civil, souple, nullement opiniâtre, témoignant de l'amitié à tout
-le monde; fort aise quand on le loue ou quand on témoigne de l'aimer. Il
-a eu ce plaisir jusques ici partout où nous avons passé. M. de Montausier
-humainement le fait voir au peuple autant qu'il peut, et l'oblige à
-caresser tout le monde. A Saint-Quentin, il combla tous ces pauvres gens
-de joie, parce qu'il le fit aller une fois à pied du logis du Roi
-jusqu'au sien, qui étoit assez loin, et une autre fois à cheval par toute
-la ville, afin qu'on le puisse mieux voir. Je ne manquerai pas de me
-souvenir de vous à Tournay avec M. l'Évêque, et partout ailleurs, quand
-ce ne seroit qu'avec moi-même. Je suis très-fâché que votre santé ne soit
-pas meilleure. Je vous conjure de m'en donner des nouvelles le plus
-souvent que vous pourrez. Il ne manque rien à la mienne que l'honneur de
-vous voir, qui l'augmenteroit sans doute par la joie que j'en aurois.
-
-
-CORBINELLI[561] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- [561] On voit dans une lettre de Corbinelli à Bussy-Rabutin, du
- 17 mai 1670, qu'il se préparait alors à rejoindre le marquis de
- Vardes, exilé dans son gouvernement d'Aigues-Mortes.
-
- [Vers 1670.]
-
-J'en use pour vous comme pour les trois meilleures amies que j'aie. Je
-pars sans dire adieu ni à vous ni à elles; j'appelle des adieux en forme,
-où l'on prie de commander quelque chose, où l'on s'embrasse
-cérémonieusement, où l'on se dit mille riens fort tendres, ou mille mots
-tendres qui ne signifient rien d'effectif. Ceci est un pur effet de la
-cordialité, c'est un billet où j'atteste l'amitié même, si elle a une
-divinité à part, que je vous honore parfaitement et que je brûlerai de
-l'encens à ses autels en votre commémoration tous les trois mois dans un
-bois auprès d'Aigues-Mortes. Là, je songerai profondément à vous et à
-votre amie l'aimable Sombreil, et je vous regretterai du meilleur de mon
-pauvre cœur. Je vous prie de l'aimer toujours, je la prie de vous chérir
-et d'admirer sans cesse votre vertu et votre mérite et de tâcher de
-l'imiter, et je vous conjure toutes deux d'être persuadées que vous êtes
-gravées dans mon cœur, chacune d'un caractère particulier, mais qui sont
-l'un et l'autre ineffaçables.
-
- CORBINELLI.
-
-
-LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[562].
-
- [562] Cabinet de M. Dubrunfaut.
-
-
- De Basville, 21 septembre [1671].
-
-Je viens de recevoir votre paquet, Mademoiselle; j'ai présenté de votre
-part à M. le P. Président celui de vos discours[563] qui est relié en
-veau: il l'avoit reçu dès hier au soir, et il nous l'avoit lu lui-même
-d'un bout à l'autre avec bien du plaisir; en effet, il loua fort le
-discours et nous le secondâmes fort. J'ai présenté les deux autres à MM.
-de Lamoignon; ils m'ont tous chargé de vous en faire leurs remercîments
-et de vous assurer de leur estime. Ils m'ordonnent de vous prier
-d'avertir M. de Pellisson de ne pas manquer à sa bonne coutume de venir à
-Basville; c'est une des personnes qu'on y voit le plus volontiers; Je ne
-sais si l'on a fait quelque chose pour l'affaire de votre neveu[564];
-j'ai fort prié qu'on ne souffre pas qu'il sorte de chez nous, on m'a fait
-espérer quelque chose.
-
- Je suis de tout mon respect à vous,
- RAPIN, de la Cie de Jésus.
-
-_P. S._ J'ai trouvé l'endroit où vous parlez du Roi très-beau, et la
-prière à Notre-Seigneur très-dévote; enfin, ce discours est digne de vous
-comme tout ce que vous avez fait. Personne ne prend plus de part à votre
-gloire que moi.
-
- [563] Le _Discours sur la gloire_ qui venait de remporter le prix
- proposé par l'Académie française.
-
- [564] Le fils de Georges, connu plus tard sous le nom de l'abbé
- de Scudéry. «Ce garçon étoit fort joli,» dit Tallemant, et il
- paraît qu'il donna plus d'un chagrin à sa mère. A la date de
- cette lettre, il n'avait guères qu'une douzaine d'années, et
- était probablement élevé chez les jésuites.
-
-
-CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[565].
-
- [565] Tiré de l'_Album des Lettres de Mme de Sévigné_, édition
- Hachette.
-
- [1671.]
-
-Moi qui ne lis non plus de gazettes que l'Alcoran, je ne pouvois pas
-deviner, Mademoiselle, que vous eussiez remporté le prix de l'éloquence,
-et en mille ans ne me serois pas avisé de vous en faire un compliment,
-parce que je n'eusse jamais pu croire que notre siècle s'avisât de mettre
-un prix pour cela. Je savois seulement en gros et en détail que vous en
-méritiez un sur tous les éloquens du monde, et que quand la fortune ne
-seroit plus brouillée avec le mérite, vous remporteriez le prix de toutes
-les belles qualités de l'esprit et du cœur. Je ne savois que cela, et ne
-devinois rien; c'est de là que procède mon silence sur votre victoire,
-mais c'est une belle victoire que celle là aussi, d'être l'admiration de
-toutes les nations qui savent notre langue, sur quoi elles ne vous ont
-rien donné. Oh! siècle, oh! mœurs, oh! honte de tout ce qu'il y a d'âmes
-sensibles! Ma cousine vient de me faire un compliment sur votre prix, et
-me chante pouilles de ne l'avoir pas deviné; elle vous aime trop; j'en
-suis jaloux.
-
- CORBINELLI.
-
-
-MASCARON, ÉVÊQUE DE TULLE, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[566].
-
- [566] Cabinet de M. Chambry.
-
- Sur la longue amitié et la correspondance qui exista entre
- Mascaron et Mlle de Scudéry, Voy. la _Notice_, p. 117 et 127. Nous
- avons évité de reproduire ici les lettres dont nous avons cité
- alors des fragments assez étendus.
-
-
- Tulle, le 5 janvier 1673.
-
-Je vous souhaite, Mademoiselle, la plus glorieuse et la plus fortunée
-année que vous ayiez passée de votre vie. Ce n'est pas faire un petit
-souhait pour une personne dont toute la vie n'a été qu'une suite de
-gloire. Aussi n'en puis-je point faire d'autres, ayant pour vous tout le
-respect et l'attachement dont je suis capable. Je me pare de cela comme
-de mon plus bel ornement, et je m'en pare encore avec plus d'amour propre
-dans mon cœur qu'à la vue de tout le monde.
-
-Plût à Dieu, Mademoiselle, avoir des occasions de vous en donner des
-marques qui ne vous laissassent aucun lieu de douter d'une vérité qui me
-tient si fort à cœur! Je partirai dans quinze jours pour Bordeaux; je
-serai étrangement mortifié si je n'y trouve point M. le premier
-Président[567], comme on m'en menace. Je me propose de cultiver avec tant
-de soin l'honneur de son amitié, si je l'y trouve, que vous aurez le
-plaisir de voir l'accroissement d'une liaison dont vous avez formé les
-premiers nœuds.
-
- [567] Nous avons mal indiqué le nom de ce magistrat à la page
- 315. Il s'appelait d'Aulède de Lestonac.
-
-
-Je suis de tout mon cœur et avec tout le respect possible, Mademoiselle,
-votre très-humble et très-obéissant serviteur,
-
- JULES EV. DE TULLE.
-
-
-MADAME DESHOULIÈRES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[568].
-
-
- [568] Cabinet de M. Chambry.
-
- Ce 1er décembre [1676].
-
-Voici le petit médaillon et le manuscrit qu'on a trouvé charmant. Je
-renvoie le tout à ma belle et chère héroïne; toutefois j'aurois bien
-désiré garder encore quelques jours le petit manuscrit pour le montrer à
-deux ou trois de nos amis, mais ç'auroit été, ce semble, abuser de la
-permission, et véritablement je suis un peu honteuse, et n'aurois pu vous
-l'envoyer avant ce jour.
-
-N'êtes-vous pas une bonne mie? Que de chagrin j'aurois si ce retard
-devoit vous en causer! Mais je me flatte que non, et que les
-Argonautes[569] pourront l'entendre avant leur départ, qui je crois n'est
-pas si près que vous pensez. Nous aurons samedi une lecture nouvelle d'un
-acte tout entier[570]; l'auteur, M. le duc de Nevers, et moi nous
-comptons sur vous. La compagnie ne sera pas nombreuse, mais elle vous
-plaira. Ainsi, ma belle et chère héroïne, ne nous manquez pas, et me
-croyez
-
- Votre bonne amie,
-
- DESHOULIÈRES.
-
- [569] Nous supposons qu'il s'agit des officiers qui devaient
- prendre part aux opérations maritimes en Sicile, sous les ordres
- du maréchal de Vivonne.
-
- [570] La pièce qu'on devait lire devant le duc de Nevers et Mme
- Deshoulières, paraît être _Phèdre et Hippolyte_, de Pradon, pour
- laquelle on sait que l'un et l'autre prirent vivement parti. Or
- cette pièce fut représentée au commencement de 1677. La lecture a
- donc pu en être faite à la fin de l'année précédente. C'est ce
- qui nous a conduits à dater cette lettre comme nous l'avons fait.
-
-
-BONNECORSE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[571].
-
- [571] Cabinet de M. Boutron.--Voy. la _Notice_, p. 41.
-
-
- De Marseille, ce 20 mars 1681.
-
-Je vous suis infiniment obligé, Mademoiselle, de l'honneur que vous
-m'avez fait de m'envoyer les deux derniers volumes des _Conversations
-morales_. J'aurai bientôt le plaisir de les lire plus d'une fois et de
-profiter de mille beaux sentiments que j'y trouverai et qui sont, sans
-doute, dignes de l'illustre et vertueuse Sapho. Je n'ai reçu ces livres
-que depuis hier, Valentin ayant demeuré quelques jours à Lion et à Aix.
-Je ne manquai pas, d'abord que j'eus reçu le paquet, d'envoyer à M. le
-marquis de Peruis[572] le sien, comme vous le savez par sa lettre. Au
-reste, Mademoiselle, je vous rends encore des très-humbles grâces des
-remarques de la petite, mais illustre société; M. Duperret m'a envoyé ses
-sentiments sur le petit ouvrage, et je ferai exactement tout ce qu'il me
-dit. Je n'ai pas l'honneur de connoître ces deux illustres personnes ni
-de savoir leur nom; je leur suis pourtant infiniment obligé, et je
-voudrois pouvoir reconnoître leurs bons offices par des services
-très-humbles. Faites-moi s'il vous plaît la grâce, Mademoiselle, d'être
-persuadée de mon zèle pour tout ce qui vous regarde, car je suis toujours
-votre très-humble et très-obéissant serviteur,
-
- BONNECORSE.
-
- [572] Voy. la _Notice_, p. 24.
-
-
-CHARLEVAL[573] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- [573] Charleval (Charles Faucon de Ris, seigneur de) était un
- aimable épicurien, issu d'une famille de Normandie, qui a donné
- quatre premiers présidents au parlement de cette province. Il a
- composé beaucoup de petits vers que Lefèvre de Saint-Marc a
- réunis à ceux de Saint-Pavin, en un volume in-18, Paris, 1759.
-
-
- Verneuil, vendredi matin 1683.
-
-J'ai peur, Mademoiselle, que vous ne vous rebutiez à la fin du commerce
-d'un gentilhomme de campagne, à qui vos lettres pourtant donnent de la
-matière pour entretenir les charmantes hôtesses qui sont venues adoucir
-l'ennui de sa solitude. Ainsi, Mademoiselle, les nouvelles que vous me
-faites la grâce de m'écrire me servent à faire l'honneur de ma maison.
-
-La levée du siége de Vienne est si importante pour l'Allemagne qu'elle
-n'avoit jamais été plus en danger d'être frontière d'un terrible voisin.
-Il me semble qu'il n'y a quasi que les moines qui montrent ici leur joie
-de cette grande expédition, et que nos politiques ont reçu cette
-nouvelle en philosophes qui sont modérés dans la prospérité.
-
-L'on me mande que M. Pelletier refuse de qui que ce soit le titre de
-Monseigneur en parlant de lui.
-
-Le soleil d'automne nous donne encore de si beaux jours que j'en ménage
-les heures dans un lieu sain et riant. C'est là qu'avec des voix
-charmantes et des figures qui plaisent aux cieux, je mène une vie
-innocente et affranchie des passions, avec des personnes capables d'en
-causer de grandes[574]. Mais les femmes et les sarabandes récréent les
-sens des gens de ménage, sans émouvoir l'âme en aucune façon. Cependant
-un homme seroit bien heureux qui pourroit, avec des voix charmantes et
-des figures agréables aux yeux, aller au ciel par le paradis terrestre.
-Mais nos docteurs nous enseignent des voies plus sûres qu'il faut suivre.
-Sans faire le dévot, voici quatre vers que j'ai donné ordre que l'on mît
-sur la porte de ma chapelle:
-
- Passant, n'entre point en ce lieu
- Si ton cœur n'est soumis et purgé de tous crimes;
- Et si tu veux être agréable à Dieu,
- N'y fais que des vœux légitimes!
-
- [574] Au nombre des amies de Charleval figuraient Ninon de
- Lenclos, Mme Du Plessis-Bellière, la comtesse de la Suze, etc.
-
-Mes hôtesses, après divers voyages, sont revenues et m'ont chargé de vous
-assurer de leurs respects et de leurs services très-humbles. Elles se
-sentent fort obligées de l'honneur de votre souvenir.
-
- CHARLEVAL.
-
-
-MADAME DE MAINTENON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[575].
-
- [575] _Correspondance générale de Mme de Maintenon_, publiée par
- Th. Lavallée, t. II, p. 384.
-
-
- Versailles, 19 août 1684.
-
-Quoique je ne vous remercie point des lettres que je reçois de vous, et
-de ce que vous y joignez quelquefois, croyez, Mademoiselle, que j'en fais
-tout le cas que je dois, que j'en fais l'usage que vous désirez, qu'elles
-font l'effet que vous en devez attendre, et que vous êtes fort estimée de
-celui dont vous faites le panégyrique[576]. Il a entendu lire de tous les
-côtés vos dernières _Conversations_[577], qu'il trouve aussi utiles
-qu'agréables. Je n'ose après cela rien dire de moi, si ce n'est que je
-suis absolument à vous.
-
- [576] Il s'agit évidemment du Roi.
-
- [577] Sur le parti que Mme de Maintenon tira des _Conversations_
- de Mlle de Scudéry, pour l'éducation des filles de Saint-Cyr,
- Voy. la _Notice_, p. 120.
-
-
-MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[578].
-
- [578] _Lettres de Mme de Sévigné_, édit. Hachette, t. VII, p.
- 274.
-
-
- Lundi, 11 septembre 1684.
-
-En cent mille paroles je ne pourrois vous dire qu'une vérité, qui se
-réduit à vous assurer, Mademoiselle, que je vous aimerai et vous
-adorerai toute ma vie; il n'y a que ce mot qui puisse remplir l'idée que
-j'ai de votre extraordinaire mérite. J'en fais souvent le sujet de mes
-admirations et du bonheur que j'ai d'avoir quelque part à l'amitié et à
-l'estime d'une telle personne. Comme la constance est une perfection, je
-me réponds à moi-même que vous ne changerez point pour moi; et j'ose me
-vanter que je ne serai jamais assez abandonnée de Dieu, pour n'être pas
-toujours toute à vous. Dans cette confiance, je pars pour Bretagne où
-j'ai mille affaires; je vous dis adieu, et vous embrasse de tout mon
-cœur; je vous demande une amitié toute des meilleures pour M. de
-Pellisson; vous me répondrez de ses sentiments. Je porte à mon fils vos
-_Conversations_[579]; je veux qu'il en soit charmé, après en avoir été
-charmée.
-
- [579] Mlle de Scudéry avait publié en 1680 les deux premiers
- volumes de ses _Conversations_; elle en publia deux autres en
- 1684, auxquels elle donna le titre de _Conversations nouvelles_.
- Ce sont celles-là que Mme de Sévigné portait à son fils qui était
- alors en Bretagne.
-
- Elle disait des premières, dans une lettre à sa fille du 25
- septembre 1680: «Il est impossible que cela ne soit bon, quand
- cela n'est point noyé dans son grand roman.»
-
- Au surplus, pour être fixé sur la date et le titre des diverses
- _Conversations_ dont il est question dans ces lettres, il faut se
- reporter à la p. 116, note 2.
-
-
-MADAME DACIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[580].
-
- [580] Cabinet de M. de Monmerqué.--_Isographie des hommes
- célèbres._
-
- Castres, 17 juillet 1685.
-
-C'est avoir bien de la bonté, Mademoiselle, de se souvenir de gens qui le
-méritent si peu, et qui font si mal leur devoir; il est pourtant vrai que
-s'il ne falloit, pour mériter l'honneur que vous venez de me faire, que
-vous estimer parfaitement et connoître le prix de cette grâce, personne
-n'en seroit plus digne que nous. Il y a longtemps que vous avez toute
-notre estime, et le beau présent que vous nous avez fait n'a pu
-qu'augmenter notre admiration. En vérité, Mademoiselle, quoique l'on
-doive tout attendre de vous, je n'ai pas laissé d'être éblouie de toutes
-les beautés qui éclatent en foule dans vos _Conversations_. On peut dire
-que tout en est bon, mais j'y ai trouvé surtout de certains endroits qui
-m'ont enchantée et qui m'ont retenue plus que les autres par le plaisir
-extraordinaire qu'ils m'ont donné. Mon exemplaire est plein des marques
-que j'ai faites sur tous ces endroits.....
-
-Votre très-humble et très-obéissante servante,
-
- ANNE LEFÈVRE DACIER.
-
-
-FLÉCHIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[581].
-
- [581] Citée par M. de Monmerqué qui possédait l'original.
-
-
- 26 décembre 1685.
-
- Mademoiselle,
-
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-
-Il me falloit une lecture aussi délicieuse que celle-là, pour me délasser
-des fatigues d'un voyage, pour me guérir de l'ennui des mauvaises
-compagnies de ces pays-ci, et pour me faire goûter le repos, où la
-rigueur de la saison et la docilité de mes nouveaux convertis me
-retiennent en ma ville épiscopale[582]. En vérité, Mademoiselle, il me
-semble que vous croissez toujours en esprit; tout est si raisonnable, si
-poli, si moral et si instructif dans ces deux volumes que vous m'avez
-fait la grâce de m'envoyer[583], qu'il me prend quelquefois envie d'en
-distribuer dans mon diocèse pour édifier les gens de bien et pour donner
-un bon modèle de morale à ceux qui la prêchent. Les louanges du Roi sont
-si finement insérées, qu'il s'en feroit, en les recueillant, un excellent
-panégyrique. Recevez donc, Mademoiselle, avec mon remercîment, les
-louanges que vous donne un homme relégué dans une province, qui n'a pas
-encore perdu le goût de Paris, et qui vous conserve toujours la même
-estime qu'il a eue toute sa vie pour vous.
-
- [582] Fléchier avait été nommé évêque de Lavaur en 1685. En lui
- annonçant sa nomination, le Roi lui avait dit: _Ne soyez pas
- surpris si j'ai récompensé si tard votre mérite, j'appréhendois
- d'être privé du plaisir de vous entendre._
-
- [583] Mlle de Scudéry avait envoyé à Fléchier ses _Conversations
- nouvelles sur divers sujets_. Paris, 1684. 2 vol. in-12.
-
-
-LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[584].
-
- [584] Cabinet de M. Boutron.
-
- A Versailles, le 25 novembre [1686].
-
-Le billet, Mademoiselle, que vous me fîtes l'honneur de m'écrire il y a
-trois jours, a eu une trop bonne fortune pour me permettre de vous la
-laisser ignorer. Comme tout le monde n'a pas le même don que moi de
-déchiffrer ce que vous écrivez, j'en fis un extrait de ma main de tout ce
-qui regarde la maladie du Roi[585] sur le dos même du billet, afin que le
-R. P. de la Chaise en pût faire plus aisément la lecture à Sa Majesté, ce
-qu'il a fait il n'y a que deux heures, en présence de Mme de Maintenon
-qui dit d'abord que, connoissant votre zèle comme elle le connoissoit,
-elle s'étonnoit qu'on n'eût encore rien vu de vous sur ce sujet; et cet
-extrait ayant été lu ensuite, fut estimé et applaudi autant que je le
-désirois, et sans doute beaucoup [plus] que vous ne l'espériez. Je n'ai
-pas cru devoir différer de vous en rendre compte par le plaisir extrême
-que j'ai de pouvoir vous donner dans les occasions les petites marques
-dont je suis capable de mon respect infini pour votre mérite et de mon
-zèle extrême pour votre très-humble service,
-
- VERJUS.
-
- [585] L'opération de la fistule fut faite au Roi le 18 novembre
- 1686.
-
-
-LA REINE CHRISTINE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[586].
-
- [586] Il a certainement existé entre la reine Christine et Mlle
- de Scudéry un commerce de lettres assez étendu. Outre celle-ci
- que nous empruntons à l'ouvrage d'Arckenholtz: _Mémoires
- concernant Christine_, t. I, p. 272, et celle que nous avons
- tirée du Cabinet de M. Cousin, voici l'analyse d'une autre lettre
- sans date que Mlle de Scudéry adressait à la reine de Suède:
-
- «Les louanges que Sa Majesté lui donne sont plutôt l'offre de sa
- bonté que de sa justice. Elle a fait l'usage qu'elle devait des
- choses nobles et délicates que la Reine a bien voulu lui marquer
- sur le grand établissement de Saint-Cyr. Sa Majesté serait
- contente si elle savait le plaisir qu'elle a donné à Mme de
- Maintenon sans en avoir le dessein. «Au reste, Madame, j'avance
- hardiment, pour répondre à la fin de la lettre de Votre Majesté,
- qu'il n'y aura jamais d'oubli pour Elle, et que sa gloire durera
- autant que l'univers.»
-
- (_Catalogue Succi_, 7 avril 1863, no 993).
-
-
- Rome, 30 septembre 1687.
-
-Je ne comprends pas, Mademoiselle de Scudéry, comment une personne qui a
-écrit comme vous sur _la Tyrannie de l'usage_, ignore celui qu'on a
-établi à Rome. Vous avez mal adressé votre ami. Ne savez-vous pas qu'il
-seroit plus facile à vos François de voir la grande Sultane que moi,
-quoique personne ne soit ni amoureux ni jaloux de moi, et que je sois,
-Dieu merci, en mon entière liberté? Il y a ici une espèce de passion qui
-n'a pas de nom, qu'on substitue à l'amour et à la jalousie qui règnent à
-Constantinople, et l'on s'y venge sur votre nation des chagrins bien ou
-mal fondés qu'on prétend avoir reçus de moi. Je suppose toutefois que cet
-usage finira, et si jamais cela arrive, je ferai voir à votre ami que
-tous les honnêtes gens sont bien reçus chez moi, mais surtout ceux qui
-sont de votre connoissance.
-
-Je suis toutefois très-résolue de ne rien contribuer à ce changement, et
-la conduite de ma vie passée doit persuader aux gens que je me passe sans
-peine de tout. Cela n'empêche pas que vos reproches sur mon portrait ne
-me soient agréables. Vous avez raison, et je vous promets de réparer ma
-faute d'une manière qui ne vous déplaira pas. En attendant, en voici un
-qui ne vous coûtera rien. Sachez donc que depuis le temps que vous m'avez
-vue, je ne suis nullement embellie. J'ai conservé toutes mes bonnes et
-mauvaises qualités aussi entières et vives qu'elles ont jamais été. Je
-suis encore, malgré la flatterie, aussi mal satisfaite de ma personne que
-je la fus jamais. Je n'envie ni la fortune, ni les vastes États, ni les
-trésors à ceux qui les possèdent, mais je voudrois bien m'élever par le
-mérite et la vertu au-dessus de tous les mortels, et c'est là ce qui me
-rend mal satisfaite de moi. Au reste, je suis en parfaite santé qui me
-durera autant qu'il plaira à Dieu. J'ai naturellement une fort grande
-aversion pour la vieillesse, et je ne sais comment je pourrai m'y
-accoutumer. Si on m'eût donné le choix d'elle et de la mort, je crois que
-j'aurois choisi sans hésiter la dernière. Toutefois, puisqu'on ne nous
-consulte pas, je me suis accoutumée à vivre avec plaisir. Aussi la mort
-qui s'approche et qui ne manque jamais à son moment, ne m'inquiète pas;
-je l'attends sans la désirer et sans la craindre.
-
-Mais il est temps de vous parler de vos ouvrages, qui sont agréables,
-utiles et savants. Vous mettez si bien en œuvre les belles choses, que
-vous me charmez. Vous divertissez et instruisez toujours sans ennuyer
-jamais. Je vous remercie du soin que vous avez pris de me les envoyer.
-Que je vous dois d'agréables moments, et comment vous les payer?
-Cependant, vous qui écrivez si bien, pourquoi avez-vous laissé mourir M.
-le Prince, sans faire quelque chose pour lui en vers ou en prose? Quelle
-perte pour la France! et quelle perte pour le siècle dont ce grand homme
-étoit un des plus dignes ornements! Pour moi je l'ai regretté autant
-qu'aucun des siens, et je vous condamne à faire quelque chose de digne
-d'un Héros d'un mérite aussi distingué et aussi extraordinaire. Il me
-semble que c'est un des plus grands plaisirs de la vie que de bien louer
-ce qui mérite de l'être. Vous qui avez des talents faits exprès, ne
-refusez pas cet encens à ce Prince qui l'a si bien mérité.
-
- CHRISTINE ALEXANDRA.
-
-
-MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- Mardi[587] [3 août 1688].
-
- [587] Cette lettre, datée simplement de mardi, a été écrite
- évidemment en 1688. Il est probable qu'elle est de juillet ou du
- commencement d'août, peut-être du 3 (c'était un mardi en 1688),
- c'est-à-dire du même jour que la lettre de Mme de Brinon qui
- suit. Mlle de Scudéry venait de publier ses _Nouvelles
- conversations de morale_, dédiées au Roi, qui faisaient suite à
- celles dont Mme de Sévigné la remerciait dans sa lettre du 11
- septembre 1684. L'achevé d'imprimer de ce nouvel ouvrage, en deux
- volumes, est du 30 juin 1688, et Mme de Sévigné ne fut sans doute
- pas des dernières à qui Mlle de Scudéry l'envoya.
-
- (_Note de l'édition Hachette_, t. VIII, p. 371.)
-
-Que voulez-vous dire de rare mérite, Mademoiselle? Peut-on nommer ainsi
-un autre mérite que le vôtre? J'en suis si persuadée, que si j'étois
-véritablement endormie, tous mes songes ne seroient que sur ce point.
-Mais croyez, Mademoiselle, que je ne le suis point, que je pense
-très-souvent à vous comme il y faut penser: tout mon crime, c'est de ne
-point témoigner des sentiments si justes et si bien fondés; mais
-attaquez-moi dans quelque moment que ce puisse être, et vous me
-retrouverez tout entière, comme dans le temps où vous avez été la plus
-persuadée de mon amitié. Ce sont des vérités que je vous dis,
-Mademoiselle; elles ne sauraient être mal reçues de vous. Je suis, comme
-vous voyez, le contraire d'une hypocrite d'amitié: pourrait-on dire qu'on
-est une hypocrite d'oubli?
-
-Je vous rends mille grâces de vos livres; j'en avois ouï parler, je les
-souhaitois, et vous m'avez donné une véritable joie. L'agrément de ces
-_Conversations_ et de cette _Morale_ ne finira jamais; je sais qu'on en
-est fort agréablement occupé à Saint-Cyr[588]; je m'en vais lire avec
-plaisir cette marque obligeante de votre souvenir. Conservez-le moi,
-Mademoiselle, puisque je suis à vous par mille raisons. Ah! si vous
-entendiez comme je parle de vous, vous reconnoîtriez bien
-certainement[589]......
-
- [588] Voy. la lettre suivante.
-
- [589] Le reste manque.
-
-
-MADAME DE BRINON[590] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- [590] Mme de Brinon était supérieure de la maison de Saint-Cyr.
-
-
- 3 août 1688.
-
-Je ne saurois différer davantage à vous témoigner le plaisir que vous
-avez fait à toute notre communauté, de lui avoir donné une morale qui
-convient si fort à celle qu'elle enseigne tous les jours. Vous avez
-trouvé le moyen, Mademoiselle, de beaucoup plaire en instruisant....
-Votre génie est sans déchet, et votre esprit, qui a toujours fait
-l'admiration du sage, croît au lieu de diminuer. Madame de Maintenon, qui
-prend un singulier plaisir de nous enrichir de bons livres, et qui ne
-savoit pas que vous m'aviez fait part des trésors de votre _Sapience_,
-après avoir vu votre morale, me l'envoya fort obligeamment pour vous et
-pour moi, me mandant qu'elle croyoit qu'en son absence, ces livres me
-tiendroient lieu d'une bonne compagnie. Elle ne se trompoit pas, car
-voulant régaler les dames de Saint-Louis de quelque _mets d'esprit_
-convenable à leur état, je leur ai lu moi-même, dans nos promenades du
-soir, l'_Histoire de la Morale_, qui leur a toujours fait dire, quand on
-a sonné la retraite, que l'heure avançoit. Ces _Conversations_ sont ici
-d'autant plus agréables qu'on en fait chez les demoiselles, qu'on a
-extraites de vos premières, qui ont donné lieu à un grand nombre
-d'autres, dont ces jeunes demoiselles font leur plaisir et celui des
-autres. Quand vous nous ferez l'honneur de venir à Saint-Cyr, vous vous
-retrouverez en plus d'un endroit, car nous sommes fort aises qu'on copie
-ce qui est bon[591].
-
- [591] Cette lettre, dont M. de Monmerqué a possédé l'original,
- est tirée de l'édition de 1835 des _Historiettes_ de Tallemant
- des Réaux, t. VI, p. 363.
-
-
-LE P. BOUHOURS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[592].
-
- [592] Cabinet de M. Boutron.
-
- La date de 1688 nous est fournie par le Catalogue de la vente
- Villenave, du 22 janvier 1850, où cette lettre figure sous le no
- 125.
-
- [1688.]
-
-J'ai laissé passer la foule pour vous donner le bonjour et vous
-renouveler les assurances de mes très-humbles services. Si mon présent
-n'est pas fort beau ni fort digne de votre cabinet, il est au moins
-assez singulier et tout propre à faire figure sur le bord de votre
-cheminée. Tel qu'il est, je vous prie, Mademoiselle, de l'agréer comme
-une marque de l'estime particulière que j'ai pour votre personne et de
-l'affection véritable avec laquelle je serai toute ma vie votre
-très-obéissant serviteur,
-
- BOUHOURS.
-
-
-MASCARON, ÉVÊQUE D'AGEN, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[593].
-
- [593] Cabinet de M. Rathery.
-
- Montbran[594], 15 octobre [1688].
-
- [594] C'est un bourg situé canton et arrondissement d'Agen.
-
-Persuadé comme je le suis, Mademoiselle, que vous m'honorez de votre
-amitié, je crois vous faire plaisir de vous apprendre que mon voyage a
-été très-heureux et que j'ai trouvé aux eaux et aux bains de Bagnères
-tout ce que j'y avois été chercher. Le Seigneur a envoyé son ange qui a
-remué les eaux et leur a donné la force de guérir. J'avois choisi pour
-mon divertissement la lecture de tous vos huit tomes de _Conversations de
-Morale_; l'_Histoire des bains des Thermopyles_[595] m'y détermina.
-Quoique cette lecture ne soit pas nouvelle pour moi, j'y retrouve
-pourtant, Mademoiselle, tous les charmes et tous les agréments de la
-nouveauté. Bon Dieu, la belle manière d'inspirer la vertu et l'amour des
-beaux sentiments! Saint Augustin a dit quelque part: _Facilius flectitur
-animus cùm delectatur._ Peut-on se faire un chemin plus doux à la
-persuasion et à la victoire?
-
- [595] Sur cet épisode du _Grand Cyrus_, réimprimé plus tard dans
- les _Conversations morales_ de 1680, voy. la _Notice_, p. 30.
-
-J'ai vu auprès de Tarbes, par où j'ai passé, une charmante maison qui
-mériteroit autant d'être célébrée qu'aucune autre que je connoisse, par
-la beauté des canaux, des cascades, des jets d'eau, des jardins, des
-bois, et par la propreté de la maison et des meubles; on l'appelle
-Séméac[596], elle appartient à M. le comte de Gramont, à qui Mme de
-Saint-Chaumont l'a laissée. Voilà les trois choses dont j'étois plein, et
-dont j'ai l'honneur de vous rendre compte: ma santé, vos admirables
-_Conversations_ et cette charmante maison. Je vous souhaite,
-Mademoiselle, assez de santé et de loisir pour instruire toujours si
-agréablement et si efficacement le public, et je suis, avec tout le
-respect et l'attachement possible, Mademoiselle, votre très-humble et
-très-obéissant serviteur,
-
- JULES, ÉVÊQUE C. D'AGEN.
-
- [596] A un kilom. de Tarbes, ancienne résidence des comtes de
- Gramont. «La tourmente révolutionnaire fit disparaître cette
- belle demeure et ses parcs délicieux.» Batsères, _Esquisses sur
- Tarbes et ses environs_, Tarbes, 1856, in-8º, p. 5.
-
-
-MASCARON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[597].
-
- [597] Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle.
-
- Le 16 août [1691].
-
-Les six vers que vous m'avez envoyés, Mademoiselle, sont les plus jolis
-du monde, et ils sont d'autant plus jolis qu'ils disent la vérité.
-Quelque gloire qu'on s'acquît par d'autres endroits, on ne peut jamais
-excuser de prendre une si grosse portion du trésor dans des conjonctures
-pareilles où se trouve l'état. J'espère la paix de l'Église de l'habileté
-de M. le cardinal de Forbin[598]. Que ne lui devra pas l'Église pour la
-consommation d'une affaire si difficile! Je n'ose pourtant m'abandonner à
-la joie d'un si heureux [_mot illisible_], car il en coûte trop de
-revenir sur une aussi douce espérance que celle-là, lorsque les
-événements ne répondent pas aux projets.
-
- [598] Le cardinal de Forbin-Janson avait été envoyé auprès du
- Pape pour aplanir les difficultés qui s'étaient élevées entre la
- cour de France et celle de Rome, au sujet des quatre articles de
- la Déclaration de 1682, et le refus fait par Alexandre VIII de
- l'expédition d'un certain nombre de bulles pour des siéges
- épiscopaux qui vaquaient depuis longtemps. La mort d'Alexandre
- VIII, arrivée le 13 août 1691, interrompit ces négociations.
- Elles furent reprises sous Innocent XII, à l'élection duquel le
- cardinal de Forbin-Janson avait contribué, et menées à bonne fin.
-
-Je vous fais mes compliments, Mademoiselle, sur la gloire que vient
-d'acquérir M. le Marquis de Créqui en Italie[599]. Si Dieu le conserve,
-nous verrons en lui l'image parfaite de l'illustre maréchal que nous
-pleurons[600].
-
- [599] François-Joseph de Blanchefort, marquis de Créqui, venait
- d'être envoyé à l'armée de Piémont pour servir sous Catinat. Il
- se distingua dans le cours de juillet 1691, en combattant contre
- le prince Eugène; il fut blessé et eut un cheval tué sous lui.
-
- [600] Le maréchal de Créqui, mort en 1687.
-
-
-Je vous souhaite de la fraîcheur, Mademoiselle; c'est à ce souhait, ce me
-semble, que tous les autres se doivent borner, car, à l'heure qu'il est,
-je crois être transporté sous la ligne, tant le ciel est brûlant ici. Je
-suis, avec tout le respect et tout l'attachement possible, à vous,
-
- JULES É. C.[601] D'AGEN.
-
- [601] C'est-à-dire évêque, comte d'Agen. Mascaron avait été nommé
- évêque de Tulle en 1671 et évêque d'Agen en 1679.
-
-
-ARNAULD DE POMPONNE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[602].
-
- [602] Pièce de l'_Isographie_.
-
- Versailles, 27 août 1691.
-
-Je réponds bien tard, Mademoiselle, aux marques si obligeantes que vous
-avez bien voulu me donner de votre souvenir dans une rencontre qui m'est
-si avantageuse. Comme je les ai fort distinguées des compliments qui
-viennent en foule dans de telles occasions[603], j'ai voulu vous dire
-avec plus de repos, qu'on ne peut vous honorer plus que je fais, ni être
-plus sensible que je le suis à vos bontés. Je pourrois, Mademoiselle, en
-trouver un grand témoignage dans la mémoire que vous me rappelez de tant
-de personnes que nous avons aimées et honorées également, mais je n'en
-veux pas d'autre que l'estime qui vous est si justement due, que j'ai
-toujours professée si vive et si forte pour votre vertu et pour votre
-mérite, et qui me fait être autant que personne
-
-Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
-
- ARNAULD DE POMPONNE.
-
- [603] Arnauld de Pomponne, disgracié en 1671, venait d'être nommé
- ministre d'État après la mort de Louvois.
-
-L'ABBESSE DE FONTEVRAULT[604] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- [604] Cabinet Monmerqué, puis d'Hervilly.
-
- Marie-Madeleine-Gabrielle-Adélaïde de Rochechouart-Mortemart,
- abbesse de Fontevrault, femme de beaucoup d'esprit et de savoir.
- Elle a traduit avec Racine une partie du _Banquet de Platon._ Elle
- était sœur du duc de Vivonne, et de Mmes de Montespan et de
- Thianges. Née en 1645, elle mourut en 1704. C'est d'elle que
- Saint-Simon disait: «On vit sortir de son cloître la reine des
- abbesses qui, chargée de son voile et de ses vœux, avec encore
- plus de beauté et d'esprit que la Montespan, sa sœur, vint jouir
- de sa gloire, etc., etc.» (_Mémoires de Saint-Simon_, t. II, p. 6,
- édition de 1791.)
-
- A Fontevrault, 18 octobre 1692.
-
-Je n'ai pas voulu vous remercier, Mademoiselle, des livres que vous avez
-eu la bonté de m'envoyer, que je ne les eusse reçus, et on les a gardés
-fort longtemps aux Filles-Dieu. J'aurois pu en toute sûreté en dire
-beaucoup de bien avant que de les avoir vus, mais j'ai cru ne vous en
-devoir parler qu'après en avoir jugé par moi-même. J'y ai trouvé toute la
-solide beauté et tout l'agrément que j'attendois; et en vérité,
-Mademoiselle, on ne sauroit trop vous admirer; je vous le dis bien
-grossièrement, mais c'est avec une sincérité dont vous devez être
-contente. Je vous supplie de me conserver quelque part en l'honneur de
-votre amitié (dont je connois tout le prix), et d'être persuadée que je
-serai toute ma vie, avec toute l'estime et toute la reconnoissance que je
-dois, Mademoiselle, votre très-humble servante.
-
- M.-M. GABRIELLE DE ROCHECHOUART ABBESSE DE FONTEVRAULT.
-
-
-BOSSUET A MADEMOISELLE DUPRÉ[605].
-
- [605] Les deux lettres qui suivent ont été imprimées dans les
- _Å’uvres de Bossuet_. Versailles, 1818, t. XXXVII, p. 475 et 477.
- La première, quoique non adressée à Mlle de Scudéry, figure ici à
- raison de sa connexité avec la seconde, qu'elle paraît avoir
- précédée.
-
- Marie Dupré, nièce de Roland Desmarets, avait beaucoup
- d'instruction; elle était liée avec Mlles de Scudéry, de la Vigne,
- etc. Titon de Tillet lui a donné place dans son _Parnasse
- françois_, et l'éditeur Léopold Collin a publié ses Lettres avec
- celles de Mlle de Montpensier et autres, 1806, in-12.
-
-
- Versailles, ce 14 février 1693.
-
-Je vous assure, Mademoiselle, que M. Pellisson est mort, comme il a vécu,
-en très-bon catholique; je l'ai toujours regardé, depuis le temps de sa
-conversion jusqu'à la fin de sa vie, comme un des meilleurs et des plus
-zélés défenseurs de notre religion. Il n'avoit l'esprit rempli d'autre
-chose, et deux jours avant sa mort, nous parlions encore des ouvrages
-qu'il continuoit pour soutenir la Transsubstantiation; de sorte qu'on
-peut dire sans hésiter qu'il est mort en travaillant ardemment et
-infatigablement pour l'Église. J'espère que ce travail ne se perdra pas,
-et qu'il s'en trouvera une partie considérable parmi ses papiers.
-
-Au reste, il a voulu entendre la messe pendant tous les jours de sa
-maladie; et je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il s'en dispensât les
-jours de fête. Il me disoit en riant qu'il n'étoit pas naturel que ce fût
-moi qui l'empêchât d'entendre la messe. Il n'a jamais cru être assez
-malade pour s'aliter; et il s'est habillé tous les jours, jusqu'à la
-veille de sa mort; et il recevoit ses amis avec sa douceur et sa
-politesse ordinaire. Son courage lui tenoit lieu de forces; et jusqu'au
-dernier soupir, il vouloit se persuader que son mal n'avoit rien de
-dangereux. A la fin, étant averti par ses amis que ce mal pouvoit le
-tromper, il différa sa confession au lendemain pour s'y préparer
-davantage: et si la mort l'a surpris, il n'y a eu rien en cela de fort
-extraordinaire. C'étoit un vrai chrétien, qui fréquentoit les sacremens.
-Il les avoit reçus à Noël, et, à ce qu'on dit, encore depuis, avec
-édification. Bien éloigné du sentiment de ceux qui croient avoir
-satisfait à tous leurs devoirs pourvu qu'ils se confessent en mourant,
-sans rien mettre de chrétien dans tout le reste de leur vie, il
-pratiquoit solidement la piété; et la surprise qui lui est arrivée ne
-m'empêche pas d'espérer de le trouver dans la compagnie des justes.
-C'est, Mademoiselle, ce que j'avois dessein d'écrire à Mlle de Scudéry,
-avant même de recevoir votre lettre; et je m'acquitte d'autant plus
-volontiers de ce devoir, que vous me faites connoître que mon témoignage
-ne sera pas inutile pour la consoler. Je profite de cette occasion pour
-vous assurer, Mademoiselle, de mes très-humbles respects, et vous
-demander l'honneur de la continuation de votre amitié.
-
-
-LE MÊME[606] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- [606] Voy. la _Notice_, p. 126, et les lettres à Boisot des 21,
- 28 février et du 7 mars. Dans la première, Mlle de Scudéry dit
- avoir écrit à M. de Meaux une lettre de quinze pages sur la mort
- de Pellisson. Cette lettre de Bossuet est vraisemblablement la
- réponse à la lettre de Mlle de Scudéry. Celle-ci l'avait
- transcrite de sa main, et cette transcription, qui prouve
- l'importance qu'elle y attachait, se trouve dans le cabinet de M.
- Dubrunfaut.
-
-
- 1693.
-
-Ce que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Mademoiselle, sur le sujet
-de M. Pellisson, me donne beaucoup de consolations, mais n'ajoute rien à
-l'opinion que j'avois de la fermeté et de la sincérité de sa foi, dont
-ceux qui l'ont connu ne demanderont jamais de preuves. J'ai parlé un
-million de fois avec lui sur des matières de religion, et ne lui ai
-jamais trouvé d'autre sentiment que ceux de l'Église catholique. Il a
-travaillé jusqu'à la fin pour sa défense: trois jours avant sa mort, nous
-parlions encore de l'ouvrage qu'il avoit entre les mains contre Aubertin,
-qu'il espéroit pousser jusqu'à la démonstration; ne souhaitant la
-prolongation de sa vie, que pour donner encore à l'Église ce dernier
-témoignage de sa foi. Je souhaite qu'on cherche au plus tôt un si utile
-travail parmi ses papiers, et qu'on le donne au public, non-seulement
-pour fermer la bouche aux ennemis de la religion, qui sont ravis de
-publier qu'il est mort des leurs, mais encore pour éclaircir des matières
-si importantes, auxquelles il étoit si capable de donner un grand jour.
-Quoiqu'il n'ait pas plu à Dieu de lui laisser le temps de faire sa
-confession, et de recevoir les saints Sacremens, je ne doute pas qu'il
-n'ait accepté en sacrifice agréable la résolution où il étoit de la faire
-le lendemain.
-
-Le Roi, à qui vous désirez qu'on fasse connoître ses bonnes dispositions,
-les a déjà sues, et j'ai en cela prévenu vos souhaits. Ainsi,
-Mademoiselle, on n'a besoin que d'un peu de temps pour faire revenir ceux
-qui ont été trompés par les faux bruits qu'on a répandus dans le monde.
-Sa Majesté n'en a jamais rien cru; je puis, Mademoiselle, vous en
-assurer; et tout ce qu'il y a de gens sages qui ont connu, pour peu que
-ce soit, M. Pellisson, s'étonnent qu'on ait pu avoir un tel soupçon.
-C'est ce que j'aurois eu l'honneur de vous dire, si je n'étois obligé
-d'aller dès aujourd'hui à Versailles, et dans peu de jours, s'il plaît à
-Dieu, dans mon diocèse. Je m'afflige cependant, et je me console avec
-vous de tout mon cœur, et suis, avec l'estime qui est due à votre vertu
-et à vos rares talents,
-
-Votre, etc., etc.
-
-
-
-
-LETTRES SANS DATE.
-
-
-LE CHEVALIER DE MÉRÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[607].
-
- [607] Richelet, _Les plus belles lettres des meilleurs auteurs
- français_, 1689, in-12, p. 276.--Sur le chevalier de Méré, voy.
- la _Notice_, p. 118.
-
- Sans date.
-
-Il y a peu d'honnêtes gens qui ne vous admirent, Mademoiselle, et ce
-n'est pas d'aujourd'hui que je suis charmé de tout ce qui vient de vous,
-et que vous êtes bien dans mon esprit. Mais si je vous ose dire ce qui se
-passe dans mon cœur, le billet que vous m'avez fait l'honneur de
-m'écrire vous y a mise bien avant. On ne devroit souhaiter d'être
-agréable que pour plaire aux personnes comme vous qui jugent sainement de
-tout. Et si je m'allois imaginer qu'il y en eût beaucoup dans le monde
-que je pusse voir quelquefois, j'aurois bien de la peine à me tenir dans
-la retraite, où mes jours s'écoulent tranquillement. J'ai donné de la
-jalousie à un de vos amis et des miens, en lui montrant votre billet, et
-l'assurant aussi que jamais ni lui ni Voiture n'ont rien fait de ce
-prix-là. Je ne sais si vous ne serez point surprise que je me sois vanté
-d'une faveur qui me devoit rendre assez heureux en moi-même sans la dire
-à personne. Mais, Mademoiselle, si vous vouliez qu'elle fût secrète, il
-ne falloit pas m'écrire des choses qui vous donnent tant de gloire, et
-qui me sont si avantageuses.
-
-
-L'ABBÉ DE FURETIÈRE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[608].
-
- [608] _Lettres choisies de Messieurs de l'Académie_, par M.
- Perrault. Paris, 1725, in-8º, p. 36.
-
- Sans date.
-
-Je suis trop honoré de la devise que vous avez faite pour moi[609], et je
-n'ai garde de manquer de vous en remercier: je ne vous remercie pas
-pourtant de l'avoir faite si belle; vous n'en faites point d'autres, et
-rien ne part de votre esprit qui ne lui ressemble. Certainement,
-Mademoiselle, les devises qui sont difficiles ne le sont pas pour vous.
-Ce petit ouvrage, que M. de Gombauld appeloit un grand travail, ne vous
-est véritablement qu'un jeu; et vous trouvez sans peine ce que les autres
-cherchent bien souvent sans le pouvoir trouver. Je voudrois bien vous
-rendre la pareille, et faire une belle devise pour Mlle de Scudéry. J'y
-ai songé, j'y songerai encore; mais je crains bien d'avoir la destinée
-de ce bonhomme.... dont je vous ai parlé quelquefois. Vous devriez,
-Mademoiselle, oublier un moment d'être vous-même, et faire votre devise;
-j'entends une devise de louange, et non pas de modestie; une devise qui
-marque l'admiration où nous sommes d'un mérite aussi extraordinaire que
-le vôtre. Mais, je le vois bien, vous voulez vous en tenir à cette devise
-cruelle[610], qui est une prescription[611] de l'Amour, et qui nous fait
-entendre qu'il faut se borner, quand on vous voit, aux sentiments qu'on a
-pour Mlle N.... Quel moyen, Mademoiselle, que vous soyez précisément
-obéie, et qu'on ne vous aime pas plus que vous ne vous aimez vous-même?
-Le P. B*** et moi ne vous parlons jamais de ce que vous ne voulez jamais
-entendre. Nous disons même dans le monde que nous avons en vous une
-illustre amie: mais, dans le fond de l'âme, nous sommes vos très-humbles
-et très-obéissants amans. Après cela, je l'adopterois, cette devise
-cruelle, et me ferois honneur de l'avoir faite; j'en serois par tout
-estimé; mais que m'en reviendroit-il? Rien, Mademoiselle, sinon d'avoir
-flatté votre humeur fière et dédaigneuse, et de n'en être pas mieux pour
-cela dans un cœur aussi aimable et aussi impénétrable que le vôtre.
-
- [609] «Une flamme qui sort d'un cœur posé sur un bûcher allumé,
- avec ce mot: PULCHRIUS ARDET, OU: YIS MAJOR INTUS.»
-
- [610] «Une rose environnée d'épines, avec ce mot: PUNGIT ET
- PLACET. Et encore cette autre: un chien à l'attache, avec ce mot
- de Pétrone: CAVE, CAVE CANEM.»
-
- [611] Ne faudrait-il pas lire: _proscription_?
-
-
-M. DE PERTUIS, GOUVERNEUR DE COURTRAY, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY, SA
-BONNE AMIE[612].
-
- [612] _Lettres choisies de Messieurs de l'Académie_, par
- Perrault, p. 38.
-
- Guy, comte de Pertuis, gouverneur des ville et châtellenie de
- Courtray, par provisions du 7 février 1669, maréchal de camp
- suivant promotion du 7 octobre 1677, mort le 7 juillet 1694.
-
-
- Sans date.
-
-Vous ne connoissez pas la vie de l'armée; elle a ses charmes, et quand on
-l'a goûtée, on ne sauroit s'en passer. Nous avons peut-être plus de peine
-que vous; mais nous avons aussi plus de plaisir. Pour ce qui est des
-périls dont vous me parlez, je ne vous répondrai pas comme le fit le
-baron de *** à Gassion, qui l'exhortoit à la bravoure: _Je rirai bien si
-tu meurs devant moi._ Je vous dirai seulement, que si l'on étoit immortel
-dans vos îles enchantées, j'irois volontiers participer à votre
-immortalité; mais puisque ce bienheureux séjour n'a pas un si beau
-privilége, je ne risque rien ici qu'il ne faille perdre ailleurs; et
-j'aime autant être tué par un carabin de Nuremberg, que par un médecin de
-Montpellier. Je suis,
-
- Mademoiselle,
- Votre très-humble, etc.,
- PERTUIS.
-
-
-LE LABOUREUR A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[613].
-
- [613] Cabinet de M. Rathery.
-
- Louis Le Laboureur, poëte, frère aîné de l'historien, né en 1615,
- mort en 1679. Il dédia à Mlle de Scudéry une pièce mêlée de vers
- et de prose, qui a pour titre: _La Promenade de Saint-Germain_.
- Paris, 1669, in-12. Dans cette pièce datée de Montmorency, il
- rappelle, p. 9, une visite qu'on lui avait faite dans la saison
- des cerises.
-
-
- Ce samedi matin.
-
-Le beau temps est venu, et les cerises s'en vont: j'ai peur,
-Mademoiselle, que si vous ne faites bientôt ici une promenade, vous n'y
-en trouviez plus. Je ne vois qu'une chose qui la doive retarder, qui est
-que la santé du R. P. Bouhours ne lui pût pas permettre encore de sortir,
-ou que vous voulussiez que M. de Pellisson fût de la partie. En ce
-cas-là, nous attendrons tant qu'il vous plaira; nous laisserons passer
-les cerises, et nous vous donnerons des prunes et des pêches qui les
-vaudront bien. Au reste, Mademoiselle, je n'entends pas que le R. P.
-Bouhours et Mme sa sœur tiennent la place d'aucune autre personne.
-J'attends toujours M. Nublé et M. Ménage. J'en dirois autant de M. de
-Pellisson, et ce seroit de bon cœur, mais c'est une étrange chose que la
-Cour. J'appréhende que quand le Roi seroit ici, il ne pût s'en séparer
-pour vous faire compagnie. Je m'en rapporte à vous: ordonnez-en comme il
-vous plaira; mais faites votre compte que je vous attends, et surtout,
-Mademoiselle, quand vous voudrez venir, faites-moi la grâce de nous
-avertir deux ou trois jours auparavant.
-
- Je suis votre très-humble et très-obéissant
- serviteur,
-
- LE LABOUREUR.
-
-
-LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[614].
-
- [614] _Études religieuses, etc., par des Pères de la Compagnie de
- Jésus_, t. V, p. 609.
-
- D'Arras, 10 mai.
-
-On m'a tant fait d'honneur ici en votre considération, Mademoiselle, que
-je ne puis en partir sans vous en faire mes remercîments. Il ne se peut
-rien ajouter à la manière dont M. de Montplaisir[615] m'a reçu. J'ai bien
-reconnu par là le pouvoir que vous avez sur lui, et que c'est vous qui
-êtes le lieutenant de Roi ici. Il m'a régalé chez lui; il m'a offert son
-carrosse pour aller à Douay, a pris la peine de me venir visiter chez
-nous: du reste, il n'a rien oublié pour me faire comprendre combien il
-vous honore et vous estime. Aidez-moi, Mademoiselle, à lui en faire de
-dignes remercîments. Vous y êtes obligée, puisque c'est en votre
-considération qu'il a fait tout cela, et pour m'obliger extrêmement.
-Faites de sorte que j'aie un peu de part de ses bonnes grâces: car on a
-fort envie d'être de ses amis dès qu'on a le bonheur de le connoître: je
-vous laisse faire cela. En partant, je laisse le pauvre M. de Verduc en
-mauvais état pour sa santé; j'en suis inquiété. Je laissai au P. Pallu,
-ami du P. Bouhours, quinze pistoles pour sa dispense, et deux pour
-l'habiller un peu honnêtement pour entrer à Cluny. Ayez la bonté de me
-faire savoir de vos nouvelles, je vous en prie; j'en pourrois recevoir à
-Bruxelles, si vous preniez la peine d'adresser vos lettres à M. de
-Gourville dans dix ou douze jours; l'abbé de Chaumont le connoît. On ne
-peut pas être si longtemps éloigné de vous sans savoir de vos nouvelles.
-Vous voulez bien que je salue M. de Pellisson pour qui je continue
-toujours à prier Dieu; car le bon Dieu nous le doit, étant aussi homme de
-bien qu'il est. N'allez pas vous aviser, s'il vous plaît, Mademoiselle,
-de nous faire la guerre pendant que je vais être Flamand. Je ne vous
-demande que deux mois de temps; après, vous ferez ce qu'il vous plaira
-pour vos prétentions sur le Brabant. Je suis, avec mon respect ordinaire,
-à vous en N. S.
-
- RAPIN de la Cie de Jésus.
-
- [615] Le même que le poëte dont les Œuvres sont ordinairement
- réunies à celles de Lalane. Il était lieutenant de Roi à Arras
- bien avant 1671, année que la _Biographie universelle_ indique
- comme celle de sa nomination, et au moins dès le mois de juillet
- 1654, lorsqu'il fut fait prisonnier par les Espagnols.
-
-
-REGNIER DESMARAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[616]
-
- [616] Cabinet de M. Moulin, avocat.
-
- Ce vendredi à midi.
-
-Votre laquais ne me donna pas l'autre jour le loisir, Mademoiselle, de
-vous remercier sur le champ des beaux vers que vous m'avez fait la grâce
-de m'envoyer, et je faisois état de vous en aller remercier dès le
-lendemain. Mais depuis cela, il m'est survenu des affaires qui m'ont
-empêché de vous aller rendre mes devoirs comme je souhaitois. En
-attendant que je le puisse, je ne veux pas différer, Mademoiselle, à vous
-témoigner combien j'ai été satisfait de votre dernier madrigal. Les
-dernières choses que vous faites l'emportent toujours sur les premières,
-mais il n'y a que vous seule qui puissiez l'emporter sur vous-même. Je ne
-saurois en même temps vous rendre d'assez grands remercîments des marques
-de bonté et de considération dont vous m'honorez. Croyez, s'il vous
-plaît, Mademoiselle, que vous n'en sauriez jamais avoir pour personne qui
-ait plus de respect et plus de vénération pour vous que j'en ai, et qui
-soit plus absolument votre très-humble et très-obéissant serviteur.
-
- REGNIER DESMARAIS.
-
-
-LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[617].
-
- [617] D'après un fac-simile.--Lettre communiquée par M. Regnier,
- qui doit la comprendre dans l'édition des _Œuvres de la
- Rochefoucauld_, pour la _Collection des grands Écrivains de la
- France_.
-
-
- Le 12 de novembre.
-
-Puisque les reproches que Mme Duplessis vous a faits m'ont valu la plus
-agréable et la plus obligeante lettre du monde, je devrois, ce me semble,
-Mademoiselle, lui laisser le soin de vous faire paroître combien j'en
-suis touché, pour m'attirer encore de nouvelles grâces; mais, quelque
-avantage que j'en puisse recevoir par là, je ne puis me priver du plaisir
-de vous témoigner moi-même ma reconnoissance, et de vous dire la joie que
-j'ai de croire avoir un peu de part en votre amitié. Je ne parlerois pas
-si hardiment, si j'avois moins de foi en vos paroles, et c'est par cette
-confiance seule que je me tiens si assuré de la chose du monde que je
-souhaite le plus. Je suis ravi de la belle action de M. de Savoie;
-j'espère que la clémence viendra à la mode, et que nous ne verrons plus
-de malheureux. J'écrirai à un de nos amis, et je vous supplierai même de
-lui vouloir faire tenir ma lettre, puisque vous me le permettez.
-
-Faites-moi l'honneur de croire, Mademoiselle, que j'ai plus d'estime et
-de respect pour vous que personne du monde, et que je suis passionnément
-votre très-humble et très-obéissant serviteur.
-
- LAROCHEFOUCAULD.
-
-LE MÊME A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[618].
-
- [618] Cabinet de M. Chambry.
-
-
- Ce 7 décembre.
-
-Je vous suis sensiblement obligé, Mademoiselle, de votre souvenir et du
-présent que vous me faites; rien n'est plus beau que ce que vous m'avez
-envoyé, et rien au monde ne me peut toucher davantage que la continuation
-de vos bontés. J'en recevrai une marque qui me sera très considérable si
-vous me faites obtenir quelque part dans l'amitié de M. Renier[619];
-personne assurément ne l'estime plus que moi. Je vous dois déjà tant de
-choses que je pense que vous voudrez bien que je vous doive encore
-celle-ci.
-
- [619] Peut-être Regnier Desmarais?
-
-Je vous demande encore d'être persuadée de mon respect et de ma
-reconnoissance, et que je suis plus que personne du monde
-
-Votre très-humble et très-obéissant serviteur.
-
- LAROCHEFOUCAULD.
-
-
-LA COMTESSE DE LAFAYETTE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[620].
-
- [620] Tiré de l'_Album des Lettres de Mme de Sévigné_, édition
- Hachette.
-
-
- Sans date.
-
-Je ne vous puis dire, Mademoiselle, quelle est ma joie quand vous me
-faites l'honneur de vous souvenir de moi, et quand je reçois des marques
-de ce souvenir par des choses qui me donnent par elles-mêmes un si
-véritable plaisir. Vous êtes toujours admirable et inimitable; il ne se
-peut rien de plus divertissant et de plus utile que ce que vous m'avez
-fait l'honneur de m'envoyer; vous seule pouvez joindre ces deux choses.
-Je vous supplie de croire que si ma santé me le permettoit, j'aurois
-souvent l'honneur de vous rendre mes devoirs.
-
- LA Csse DE LA FAYETTE.
-
-
-NANTEUIL A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[621]
-
- [621] Cabinet de M. Chambry.
-
-
- Mademoiselle,
-
-Votre générosité m'offense, et n'augmente point du tout votre gloire, du
-moins selon mon opinion. Une personne comme vous, à qui j'ai tant
-d'obligations, que je considère si extraordinairement, et pour laquelle
-non-seulement je devrois avoir fait tous les efforts de ma profession,
-mais avoir témoigné plus de reconnoissance à toutes ses civilités que je
-n'ai fait, m'envoyer de l'argent et vouloir me payer en princesse un
-portrait[622] que je lui dois il y a si longtemps, est sans doute
-pousser trop loin la générosité, et me prendre pour le plus insensible de
-tous les hommes. Vous me permettrez donc, Mademoiselle, de vous en faire
-une petite réprimande, et comme vous me permettez encore de chérir tout
-ce qui vient de vous, je prends volontiers la bourse que vous avez faite,
-et vous remercie de vos louis, que je ne crois pas être de votre façon!
-Cependant, si en quelque jour un peu moins nébuleux qu'il n'en fait en ce
-temps-ci, vous me vouliez donner deux heures de votre temps pour aller
-achever chez vous l'habit de votre portrait, je serois ravi de me rendre
-ponctuel à vos ordres. J'aurois la liberté de vous expliquer plus
-franchement mes sentiments, parce que cela ne m'attacheroit pas si fort
-que quand je travaille au visage, et après avoir achevé de vous rendre ce
-petit service, je conviendrois de m'estimer heureux puisque vous auriez
-une autre vous-même près de vous qui vous persuaderoit éloquemment que je
-suis,
-
- Mademoiselle,
- Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
- NANTEUIL.
-
- [622] Qu'est devenu le portrait de Mlle de Scudéry par Nanteuil?
- Existe-t-il dans quelque dépôt public ou dans quelque collection
- particulière? Il n'a sans doute pas été reproduit par la gravure,
- car on le trouverait dans l'œuvre du maître, ou dans les
- cabinets du temps. Il semblerait cependant résulter d'une note
- manuscrite de l'abbé Mercier de Saint-Léger sur les marges du XVº
- volume de Niceron, page 139 (Exemplaire de la Bibliothèque
- nationale), que ce portrait, quoique rare, se trouvait encore
- vers la fin du siècle dernier. «Nanteuil dessina et grava le
- portrait de Mlle de Scudéry qui, se trouvant aussi laide qu'elle
- l'était réellement, garda la planche et n'en laissa tirer qu'un
- petit nombre d'épreuves; aussi sont-elles fort rares et
- recherchées des amateurs.»
-
- Si cette perte est réelle, elle est d'autant plus regrettable que
- le talent de Nanteuil nous aurait donné de l'auteur de _Clélie_ et
- du _Grand Cyrus_ une image fidèle, tandis que nous en sommes
- réduits au portrait de Mlle Chéron gravé par J. G. Wille, et à
- celui de la collection Desrochers, qui ont entre eux fort peu
- d'analogie.
-
- Lorsque Nanteuil envoya à Mlle de Scudéry le portrait qu'il avait
- fait d'elle d'après nature, ainsi que le montre la lettre
- ci-dessus, il l'accompagna des vers suivants:
-
- Elle est savante et sage autant qu'on le peut être;
- Son esprit a charmé les plus rares esprits.
- Nanteuil, si ton pinceau la fait bien reconnoître,
- Tu te rends immortel avecque ses écrits.
-
-Mlle de Scudéry lui répondit:
-
- Je ne sais rien, Nanteuil, je dis la vérité;
- Une femme savante est souvent incommode,
- Elle a l'esprit contraint et n'est guère à la mode;
- Mais pour me bien louer, parle de ma bonté:
- C'est la seule vertu dont je fais vanité.
-
-Elle fit encore sur son portrait le quatrain suivant:
-
- Nanteuil en faisant mon image,
- A de son art divin signalé le pouvoir;
- Je hais mes yeux dans mon miroir,
- Je les aime dans son ouvrage.
-
-
-GEORGE DE SCUDÉRY A MADAME L'ABBESSE DE CAEN[623].
-
- [623] _Poésies d'Anne de Rohan-Soubise et Lettres d'Éléonore de
- Rohan-Montbazon, abbesse de Caen et de Malnoue._ Paris, 1862,
- page 148.
-
- Paris, 7 avril 1660.
-
-Un homme moins glorieux que je ne le suis, Madame, auroit cherché l'appui
-de sa sœur auprès de vous, et tâché de tirer ses avantages de l'honneur
-que vous lui faites de l'aimer, mais je vous avoue que j'aime mieux
-devoir ma gloire à ma hardiesse qu'à sa faveur, et que si je puis obtenir
-celle de votre amitié, je veux vous la devoir toute entière. Comme
-l'obligation en sera plus grande, ma reconnoissance le sera aussi, et
-comme vous n'appellerez personne au partage de la grâce, personne ne
-partagera mon ressentiment. Je vous le confesse, Madame, j'ai le cœur
-plus élevé que ce roi qui, tout Espagnol qu'il étoit, se contentoit
-d'être appelé le mari de la reine, et si vous ne me regardiez que comme
-frère de Sapho, vous ne rempliriez pas du tout mon ambition. Personne ne
-sait mieux que moi ce qu'elle vaut, car je l'ai faite ce qu'elle est;
-mais, avec tout cela, Madame, je ne lui veux point devoir votre
-bienveillance, parce que nous changerions de fortune et que je lui
-devrois plus qu'elle ne me doit. Cependant, comme il faut connoître pour
-aimer, je vous envoie de quoi me connoître, c'est le portrait d'un héros
-où j'ai employé tout mon art, et comme vous avez l'âme grande, j'espère
-que la peinture du plus grand homme de la terre ne vous déplaira pas
-trop, et qu'après avoir enduré que ma sœur vous peigne, vous souffrirez
-quelque jour que son frère prenne ses couleurs et ses pinceaux pour vous
-peindre, afin que vous puissiez juger de la diversité des manières, et
-connoître en même temps le dessein que j'ai d'être toujours
-
-Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
-
- DE SCUDÉRY.
-
-
-LE MÊME A M. DE SAINTE-MARTHE[624].
-
- [624] Cabinet de M. Boutron.--Voyez la _Notice_, page 20.
-
- Sans date.
-
- Monsieur,
-
-N'ayant pas l'honneur d'être connu de vous, je n'aurois pas aussi la
-hardiesse de vous faire une prière, si elle ne regardoit votre gloire
-aussi bien que ma satisfaction; mais ne doutant point que vous ne soyez
-sensible à cette noble passion des grandes âmes, j'ose vous dire qu'après
-avoir assemblé les portraits de tous les illustres de notre nation, je
-croirois n'avoir rien fait si je n'avois celui du grand Scévole, et comme
-je sais que vous en avez un, je vous supplie, Monsieur, de me le vouloir
-prêter pour en tirer une copie; je le conserverai avec soin, et vous le
-renvoyerai dans peu de jours. Je m'assure que vous ne condamnerez pas mon
-dessein, puisqu'il n'a pour objet que la réputation d'un homme à qui vous
-devez la vie; et, pour vous montrer que c'est dans votre maison que je
-cherche les grands personnages, mon laquais a ordre de vous faire voir le
-portrait de votre grand oncle. Que si mon nom par malheur n'a pas
-l'honneur d'être connu de vous, notre ami commun, M. Colletet, vous
-assurera qu'on me peut confier toute chose, et moi je vous assurerai
-qu'après cette grâce je serai toute ma vie,
-
- Monsieur,
- Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
- DE SCUDÉRY.
-
-
-MADAME DE LONGUEVILLE A GEORGE DE SCUDÉRY[625].
-
- [625] Cabinet de M. Rathery.
-
-
- Moulins, 29 août 1654.
-
-Ça été par vraie honte que j'ai été si longtemps sans faire réponse à
-votre dernière lettre, car elle étoit si pleine de remercîments que je ne
-trouvois pas bien fondés, qu'en vérité je ne savois du tout qu'y
-répondre; car enfin je ne prétends pas que le petit présent que je vous
-ai fait[626] vous montre toute ma reconnoissance. Je prétends seulement
-qu'il vous la marque, et qu'en vous faisant souvenir de moi, il vous
-remette dans la mémoire une personne qui a gravé dans la sienne ce que
-vous avez fait pour elle, et qui, n'étant pas née tout à fait bassement,
-ne peut être aussi touchée de votre générosité sans souhaiter qu'une
-meilleure fortune lui fournisse les occasions de contribuer à rendre la
-vôtre proportionnée à votre mérite.
-
- ANNE-GENEVIÈVE DE BOURBON.
-
-_P. S._ J'ai mandé mes sentiments sur _Alaric_ à M. Chapelain; il vous
-les auroit dit sans doute, s'il ne s'étoit pas imaginé que vous les
-devinez aisément, et que vous êtes fort persuadé que les gens qui n'ont
-pas tout à fait méchant goût ne peuvent qu'admirer ce qui part de votre
-esprit. Je vous prie que Mlle de Scudéry sache par votre moyen que je
-conserve pour elle toute l'estime qu'elle mérite.
-
- [626] Il s'agit de son portrait enrichi de diamants qu'elle lui
- avait envoyé.--Voyez la _Notice_, page 45.
-
-
-
-
- CHOIX
- DE
- POÉSIES
-
-
-
-
-[Illustration: deco]
-
-
- CHOIX
- DE
- POÉSIES.
-
-_Impromptu fait au donjon de Vincennes en visitant la chambre où le
-prince de Condé avoit été prisonnier._
-
- En voyant ces œillets qu'un illustre guerrier
- Arrosa d'une main qui gagna des batailles,
- Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles,
- Et ne t'étonne pas si Mars est jardinier[627].
-
- [627] Voyez la lettre à Godeau, du mois d'octobre 1650, p. 226.
-
- _Stances sur la Paix_[628]
-
- Taisez-vous, trop aigres trompettes
- Qui chassiez au printemps tous les braves du Cours,
- Laissez entendre les musettes,
- Voici le règne des Amours.
- La paix s'en va bientôt rétablir son empire
- Et l'on ne verra plus de cœur qui ne soupire.
-
- [628] Ces stances inédites, dont nous possédons une copie de la
- main de Conrart avec la désignation de Mlle de Scudéry pour
- auteur, se rapportent évidemment à la fin de la guerre de la
- Fronde.
-
- *
- * *
-
- Vous qui faisiez les insensibles
- Et qui par vanité pensiez l'être toujours,
- Vous ne serez plus invincibles,
- Voici le règne des Amours.
- La paix s'en va bientôt rétablir son empire
- Et l'on ne verra plus de cœur qui ne soupire.
-
- *
- * *
-
- Vous, belles, qui par mille charmes
- Êtes avec raison l'ornement de nos jours,
- Que vous ferez verser de larmes!
- Voici le règne des Amours.
- La paix s'en va bientôt rétablir son empire
- Et l'on ne verra plus de cœur qui ne soupire.
-
-_A M. Conrart, sur un cachet qu'il donna à l'auteur_[629].
-
- [629] Voy. la _Notice_, pages 69 et 100.
-
- Pour mériter un cachet si joli,
- Si bien gravé, si brillant, si poli,
- Il faudroit avoir, ce me semble,
- Quelque joli secret ensemble;
- Car enfin les jolis cachets,
- Demandent de jolis billets.
- Mais, comme je n'en sais point faire,
- Que je n'ai rien qu'il faille taire,
- Ni qui mérite aucun mystère,
- Il faut vous dire seulement
- Que vous donnez si galamment
- Qu'on ne peut se défendre
- De vous donner son cœur, ou de le laisser prendre.
-
-_Billet en vers à M. de Charleval_[630].
-
- [630] Mss de la Bibliothèque nationale. Fonds français, 22 557,
- p. 91.
-
- Qu'une louange délicate
- Nous touche, nous plaise et nous flatte,
- N'en doutez point.
- Mais, pour bien goûter cette gloire,
- Il faut, Damon, la pouvoir croire,
- C'est là le point.
-
-Voilà, Monsieur, par où je me sauve du danger où vos ingénieuses louanges
-m'ont exposée. Si je pouvois me laisser persuader, j'aurois trop de
-vanité.
-
- Mon cœur que la raison éclaire
- Méprise de l'encens vulgaire,
- N'en doutez point.
- Mais rejeter par modestie
- Le plus pur encens d'Arabie,
- C'est là le point.
-
-
-_Requête ou Placet des Amans contre les Filous_[631].
-
- [631] Pour cette pièce et les suivantes, voy. la _Notice_, pages
- 102, 103, etc.
-
- Prince, le plus aimable, et le plus grand des Rois,
- Nous venons implorer le secours de vos lois:
- Tout l'état amoureux vous adresse ses plaintes;
- Vous seul pouvez calmer nos soucis et nos craintes,
- Vous seul pouvez nous faire un sort qui soit plus doux,
- L'amour même ne peut nous rendre heureux sans vous.
- La nuit, si favorable aux flammes amoureuses,
- A beau nous préparer les faveurs précieuses,
- Sans respecter ce Dieu, les voleurs indiscrets
- Troublent impunément ces mystères secrets;
- Chaque jour leur audace éclate davantage,
- On ne va plus la nuit sans souffrir quelque outrage;
- On trompe d'un jaloux les regards curieux,
- Mais d'un filou caché l'on ne fuit point les yeux.
- Comme on n'ose marcher sans avoir une escorte,
- On ne peut se glisser par une fausse porte,
- Et seul au rendez-vous si l'on veut se trouver,
- On est déshabillé devant que d'arriver.
- La nuit dont le retour ramène les délices,
- Ces paisibles moments à l'amour si propices,
- Destinés seulement à de tendres plaisirs,
- Ne sont plus employés qu'à de fâcheux soupirs.
- Les maris rassurés, les mères sans alarmes
- Dans un si grand désordre ont su trouver des charmes.
- La nuit n'est plus à craindre à leur esprit jaloux,
- Ils dorment en repos sur la foi des filous.
- Ils aiment le plaisir qui nous tient en contrainte
- Et la frayeur publique a dissipé leur crainte.
- O vous qui dans la paix faites couler nos jours,
- Conservez dans la nuit le repos des amours;
- Que du guet surveillant la nombreuse cohorte
- Nous serve à l'avenir d'une fidèle escorte,
- Qu'ils sauvent des voleurs tous les amans heureux,
- Et souffrent seulement les larcins amoureux:
- Qu'ils nous ôtent la crainte, et qu'en toute assurance
- Nous goûtions les plaisirs de l'ombre et du silence.
- En faveur de l'amour finissez notre ennui,
- Vous n'avez pas sujet de vous plaindre de lui:
- Ce Dieu, dont le pouvoir domine tous les autres,
- En vous donnant ses lois semble avoir pris les vôtres;
- Il garde pour vous seul ce qu'il a de plus doux,
- Il commande partout et n'obéit qu'à vous,
- Il sépare de vous l'éclat de la couronne,
- Et fait qu'on aime en vous votre seule personne.
- Plaisir que rarement les Rois peuvent goûter,
- Et duquel toutefois vous ne pouvez douter.
- Ainsi puisse le ciel, pour vous faire justice,
- Au moindre de vos vœux être toujours propice,
- Épargner vos souhaits, prévenir vos désirs,
- Et remplir votre cœur de joie et de plaisirs!
- Mais comme il n'en est pas hors l'amoureux empire,
- Et qu'un roi ne peut être heureux s'il ne soupire,
- Puissiez-vous, de l'amour secrètement charmé,
- Toujours fort amoureux, être toujours aimé,
- Et sans vous désirer de nouvelles conquêtes,
- Puissiez-vous demeurer en l'état où vous êtes!
-
-
-_Réponse des Filous à la Requête des Amans._
-
- Prince, dont le seul nom fait trembler tous les Rois,
- Suspendez un moment la rigueur de vos lois;
- Souffrez que les voleurs vous demandent justice
- Contre de faux amans tout remplis d'artifice:
- Si l'on les croit, ils sont de nous fort mal-traités,
- Nous nous opposons seuls à leurs félicités,
- Nous troublons leurs plaisirs, les nuits les plus obscures
- N'ont plus pour leur amour de douces aventures.
- Où sont-ils les amans que nous avons volés?
- Commandez qu'on les nomme et qu'ils soient enrôlés.
- Hélas! depuis dix ans que nous courons sans cesse,
- Nous n'avons pu trouver ni galant, ni maîtresse,
- Et pour notre malheur nous n'avons jamais pris
- Ni portraits précieux, ni bracelets de prix:
- En vain sans respecter plumes, soutane et crosses,
- Nous avons arrêté et chaises et carrosses;
- Nous ne trouvons jamais où s'adressent nos pas,
- Que plaideurs, que joueurs, que chercheurs de repas,
- Que courtisans chagrins, que chercheurs de fortune,
- Dont la foule, grand Roi, souvent vous importune;
- Mais de tendres amans, vrais esclaves d'amour,
- On en trouve la nuit aussi peu que le jour.
- C'étoit au temps jadis que les amans fidèles
- Pour tromper les Argus montoient par les échelles,
- Qu'on les voloit sans peine au premier point du jour,
- Et qu'ils cachoient leur vol autant que leur amour.
- Sous votre grand aïeul, d'amoureuse mémoire,
- Les filous nos ayeux, célèbres dans l'histoire,
- Ne passoient pas de nuits sans prendre à des amans
- Des portraits enrichis d'or et de diamans,
- Et chacun, sans placet, sans tant de doléance,
- Rachetoit son portrait et payoit le silence.
- C'est ainsi qu'on aimoit en ce siècle si doux,
- Sous un prince charmant qu'on voit revivre en vous;
- Mais aujourd'hui qu'Amour daigne suivre la mode,
- Que le moindre respect passe pour incommode,
- Nous trouvons tout au plus quelques pauvres coquets
- Qui n'ont jamais sur eux que des madrigalets;
- Ils courent nuit et jour, se tourmentant sans cesse,
- Sans jamais enrichir ni voleurs ni maîtresse.
- Qu'ils marchent hardiment, ils font peu de jaloux
- Et n'ont à redouter ni martyrs ni filous.
- Pour tous leurs rendez-vous ils peuvent prendre escorte
- Sans besoin de la nuit ni de la fausse porte;
- Mais la licence règne avecque tant d'excès,
- Qu'ils osent bien se plaindre et donner des placets;
- Ne les écoutez pas, ils sont pleins d'artifice,
- Prononcez cet arrêt tout rempli de justice:
-
- _Un amant qui craint les voleurs
- Ne mérite pas de faveurs._
-
-_Vers envoyés à Mlle de Scudéry, pour accompagner une corbeille
- pleine de bijoux dont les Filous lui faisoient présent pour ses
- étrennes._
-
- Ces hommes redoutés que l'on nomme Filous,
- Dont vous avez pris la défense,
- Sont de leur gloire trop jaloux
- Pour demeurer dans le silence:
- Ils parlent, mais bien faiblement,
- N'ayant aujourd'hui la puissance
- De marquer leur reconnoissance
- Que par des souhaits seulement.
-
- *
- * *
-
- Si la fortune favorable
- Jetoit un doux regard sur eux,
- Et que, devenant plus traitable,
- Elle favorisât leurs vœux,
- Quand du butin ils feroient leur partage,
- Le plus riche seroit pour vous faire un hommage.
-
- *
- * *
-
- Tous les jours, en faisant leurs courses,
- Ils rapportent assez de bourses,
- Dont l'espoir les va devançant;
- Car pipés de leur bonne mine,
- Quand au fond on les examine,
- On n'y rencontre que du vent.
-
- *
- * *
-
- Telle est celle que dans ce jour
- Nous vous présentons pour étrenne.
- Nous en avons fait choix sur plus d'une douzaine,
- Prises en ville, ou dans la cour,
- Car la nuit nous ne savons pas
- Où le hasard guide nos pas.
-
- *
- * *
-
- Nous prîmes la même journée
- Le bracelet plein de petits bijoux,
- Qu'une dame peu fortunée,
- Venoit de recevoir avec un billet doux.
- La belle, croyant nous toucher,
- Nous en conta toute l'histoire,
- Que sans peine elle nous fit croire,
- Mais nos cœurs furent de rocher.
-
- *
- * *
-
- Si nous vous sommes nécessaires,
- Sans vous faire tant de discours,
- Nous quitterons en tout temps nos affaires,
- Pour vous offrir notre secours;
- Dans le besoin sonnez fort votre cloche,
- Soudain le _Balafré_, la _Roche_,
- _Bras-de-fer_ et _Roland-sans-Peur_,
- Vous serviront avec ardeur,
- Car ce sont des gens sans reproche.
-
-
-_Réponse de Mlle de Scudéry à une jeune demoiselle qu'elle soupçonne lui
- avoir fait cette galanterie._
-
- Votre injustice est sans égale,
- De faire parler des filous,
- Lorsque d'une main libérale
- Vous donnez d'aimables bijoux.
-
- *
- * *
-
- Croyez-moi, charmante Célie,
- Vous ne sauriez vous déguiser
- Et votre Muse est trop polie,
- En vain elle veut m'abuser.
-
- *
- * *
-
- Je connois sa délicatesse,
- Son air charmant et ses appas,
- Et je ne sais quelle tendresse
- Que les autres Muses n'ont pas.
-
- *
- * *
-
- En vain le _Balafré_, la _Roche_
- Entreprendroient de me duper,
- Et je vous fais un doux reproche
- De me vouloir toujours tromper.
-
- *
- * *
-
- Vous savez pourtant trop bien feindre
- Et mon cœur vous feroit pitié,
- S'il commençoit un jour à craindre
- D'être surpris en amitié.
-
- *
- * *
-
- Reprenez-vous, chère Célie,
- Et promettez-vous désormais,
- Que soit sérieux, soit folie,
- Vous ne me tromperez jamais.
-
-
-A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
-_Madrigal sur ce qu'elle a dit au sujet des vols qu'on a voulu faire chez
-elle_[632].
-
- [632] Sur ces vols qu'il ne faut pas confondre avec l'_Affaire
- des Filous_, voy. la lettre à Boisot, du 7 mars 1691, p. 319,
- ci-dessus.
-
- Afin d'écarter de chez vous
- Tous les voleurs et les filous,
- Vous prenez grand soin de répandre
- Que vous n'avez pour biens que l'esprit et le cœur.
- Sapho, je ne veux point redoubler votre peur,
- Mais si l'on croit jamais qu'on puisse vous les prendre,
- Tel vous paroît homme d'honneur
- Qui bientôt deviendra voleur.
-
- M. BOSQUILLON.
-
-_Madrigal sur le précédent._
-
- Votre esprit droit, votre bon cœur
- Ne sont point gibier à voleur;
- Mais pour la richesse infinie
- De votre admirable génie,
- Sapho, que tous les jours on lui fait de larcins!
- Des muses comme vous en la plus haute place
- De tout temps ce sont les destins;
- Et jusqu'au sommet du Parnasse
- On vole avec bien plus d'audace
- Qu'on ne fait sur les grands chemins.
-
- M. PETIT (de Rouen).
-
-
-LA TUBÉREUSE.
-
- _A Célie, le jour de sa fête._
-
- Angélique ou Célie, ou tous les deux ensemble,
- Malgré toutes les fleurs que ce beau jour assemble,
- Je veux tous vos regards, toute votre amitié,
- Ou ne leur rien laisser que regards de pitié.
- Des bords de l'Orient je suis originaire,
- Le soleil proprement se peut dire mon père,
- Le printemps ne m'est rien, je ne le connois pas,
- Et ce n'est point à lui que je dois mes appas.
- Je l'appelle en raillant le père des fleurettes,
- Du fragile muguet, des simples violettes,
- Et de cent autres fleurs qui naissent tour à tour,
- Mais de qui les beautés durent à peine un jour.
- Voyez-moi seulement, je suis la plus parfaite,
- J'ai le teint fort uni, la taille haute et droite,
- Des roses et du lis j'ai le brillant éclat,
- Et du plus beau jasmin le lustre délicat;
- Je surpasse en odeur et la jonquille et l'ambre,
- Et les plus grands des Rois me souffrent dans leur chambre.
- Faut-il vous dire tout? votre esprit est discret;
- Je vais lui confier mon plus galant secret:
- J'ai su plaire à Louis à qui tout voudroit plaire;
- Ne me regardez plus comme une fleur vulgaire.
- A son cœur de héros, à ses exploits guerriers,
- On eût dit que son cœur n'aimoit que les lauriers,
- Que seule à ses faveurs la palme osoit prétendre;
- Cependant il me voit d'un regard assez tendre.
- Après un tel honneur, cédez, moindres beautés,
- Vous avez plus de nom que vous n'en méritez.
- Vous, Célie, excusez si j'ai l'âme hautaine,
- Et si dans mes discours je parois un peu vaine.
- Par l'avis de Sapho je demande vos chants,
- Si chéris des neuf sœurs, si doux et si touchants,
- Pour publier partout du couchant à l'aurore,
- Que je suis sans égale en l'empire de Flore,
- Que le triste Hyacinthe avec tous ses appas,
- Et cette fleur qui suit mon père pas à pas,
- Les roses de Vénus nouvellement écloses,
- Ajax si renommé dans les métamorphoses,
- La fleur du beau Narcisse, et la fleur d'Adonis,
- Toutes doivent céder à la fleur de LOUIS.
-
-
-LES JASMINS JONQUILLES.
-
- _A M. l'abbé Regnier._
- _Madrigal._
-
- Cinq ou six petits arbrisseaux,
- Qui l'an prochain seront plus beaux,
- Venons en corps demander place
- Sur votre agréable terrasse.
- Si des autres jasmins nous n'avons pas l'éclat,
- Notre parfum du moins est bien plus délicat;
- Et nos petites fleurs écloses
- N'entêtent pas comme les roses.
- Nous ne disputons rien au superbe oranger,
- Sous son ombre humblement nous voulons nous ranger;
- Mais sachez que Sapho nous aime
- Avec une tendresse extrême;
- Et que ce qui doit rendre un présent précieux,
- Consiste à nous donner ce qu'on aime le mieux.
-
-
-_Sur la mort d'Anne d'Autriche_[633].
- _Janvier_ 1666.
-
- [633] Voyez, sur les circonstances où ces vers furent composés,
- la lettre à Boisot, du 22 mai 1693, p. 363. Mme de Motteville les
- a insérés dans ses _Mémoires_, Paris 1855, t. IV, p. 451, les
- faisant précéder du passage suivant: «Peu après la mort de la
- reine mère, l'illustre Mlle de Scudéry fit ces vers à sa louange,
- qui méritent d'être conservés à la postérité.»
-
- Anne, dont les vertus, l'éclat et la grandeur
- Ont rempli l'univers de leur vive splendeur,
- Dans la nuit du tombeau conserve encor sa gloire,
- Et la France à jamais aimera sa mémoire.
- Elle sut mépriser les caprices du sort,
- Regarder sans horreur les horreurs de la mort,
- Affermir un grand trône et le quitter sans peine;
- Et pour tout dire enfin, vivre et mourir en Reine.
-
-
-_Sixain sur la conquête de la Franche-Comté._
-
- Les héros de l'antiquité
- N'étoient que des héros d'été:
- Ils suivoient le printemps comme des hirondelles,
- La Victoire en hiver pour eux n'avoit pas d'ailes;
- Mais malgré les frimas, la neige et les glaçons,
- Louis est un héros de toutes les saisons.
-
-
-_Madrigal sur la Paix._
-
- Jamais on n'avoit tant vanté
- Ni campagne d'hiver, ni campagne d'été,
- Quand Louis revenoit suivi de la Victoire.
- Quelle est cette nouvelle gloire!
- Sur ses propres exploits a-t-il pu renchérir,
- Après tant de succès sur la terre et sur l'onde?
- Oui, car donner la Paix au monde
- C'est plus que de le conquérir.
-
-_Autre._
-
- Dès que tu fais un pas, l'Europe est en alarmes,
- Et contre l'effet de tes armes
- Rien ne pourroit la soutenir.
- Mais dans un calme heureux tu gouvernes la terre;
- Quand on peut lancer le tonnerre,
- Il est beau de le retenir.
-
-
-_A l'Illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être_[634].
-
- [634] L'auteur de l'ode envoyée à Sapho, au nom des Dames, avec
- une guirlande de lauriers d'or émaillés de vert, était Mlle de la
- Vigne. Voyez la _Notice_, p. 102.
-
- D'où viennent ces lauriers si verts, si précieux?
- Sortent-ils de la terre ou tombent-ils des cieux?
- Et d'où partent ces vers pleins d'esprit et de grâce,
- Dont le tour délicat tous les autres efface?
- Généreux inconnu, pourquoi vous cachez-vous?
- Le plaisir d'obliger est un plaisir si doux!
- Je vous cherche partout, et ne vous puis connoître;
- Êtes-vous mon ami? Ne le pouvez-vous être?
- Vous contenterez-vous de n'être qu'estimé?
- En ne se nommant pas on ne peut être aimé.
- Soyez du moins jaloux de votre propre ouvrage;
- Nos plus rares esprits viennent lui rendre hommage.
- Il n'a qu'un seul défaut qui se corrigera:
- Mettez-y votre nom, et rien n'y manquera.
-
-
-_Aux Demoiselles de Saint-Cyr._
-
- Vous de qui l'innocence et la noble jeunesse
- S'élève au pied du Trône à l'ombre d'un grand Roi,
- Voulez-vous recueillir le fruit de sa largesse?
- Du Roi de l'univers apprenez bien la loi.
- De la nouvelle Esther[635] admirez la sagesse,
- Sa rare piété, sa prudence et sa foi.
- Ne demandez au ciel ni grandeur, ni richesse,
- Dont le frivole éclat rend nos yeux éblouis;
- Mais par des vœux ardents et remplis de tendresse,
- Abrégeant vos souhaits, demandez-lui sans cesse,
- Pour vous, pour nous, pour tous, qu'il conserve Louis.
-
- [635] Mme de Maintenon.
-
-
-_Sur la naissance du duc de Bourgogne (1682)._
-
- Venez, heureux enfant, venez à la lumière:
- Vous allez commencer une illustre carrière;
- Et le soleil qui naît aux bords de l'Orient
- N'a pas, à sa naissance, un éclat si riant.
- Tout brille autour de vous; les jeux, les ris, la gloire,
- Parent votre berceau comme un char de victoire.
- Mais, ô royal enfant, quand on sort des héros
- On ne vit pas longtems dans les bras du repos.
- Hâtez-vous, que le corps, l'esprit et le courage
- Forcent les lois du tems et les règles de l'âge.
- Passez rapidement les frivoles plaisirs,
- Et concevez bientôt d'héroïques désirs.
- Vous pourrez surpasser tous les princes du monde,
- De vos premiers exploits couvrir la terre et l'onde,
- Digne de votre nom, être admiré de tous,
- Et voir toujours Louis bien au-dessus de vous,
- Éclairer tous vos pas, vous servir de modèle,
- Être du roi des rois une image fidèle,
- Le bonheur des François, l'âme de ses États,
- Et l'exemple éternel de tous les Potentats.
-
-
-_Pour Monseigneur le duc de Bourgogne, faisant l'exercice avec les
- Mousquetaires devant le Roi._
-
- Quel est ce petit mousquetaire
- Si savant en l'art militaire,
- Et plus encore en l'art de plaire?
- L'énigme n'est pas mal aisé:
- C'est l'Amour, sans autre mystère,
- Qui pour divertir Mars, s'est ainsi déguisé.
-
-_Sur ce que ce jeune Prince ne trouva pas bon qu'on l'eût comparé à
- l'Amour._
-
- Prince consolez-vous d'être un petit Amour,
- Imitez bien Louis, vous serez Mars un jour.
-
-
- _Portrait de Mme la duchesse de Bourgogne._
-
- Avoir tous les appas de l'aimable jeunesse,
- Joindre avec la beauté l'esprit et la sagesse,
- Suivis d'un air charmant qu'on ne peut exprimer,
- C'est ce qu'on trouve en la princesse,
- Qu'on ne se lasse point de voir et d'admirer,
- Et qui de tous les cœurs sait se faire adorer.
-
-
-_La Fauvette à Sapho, en arrivant à son petit bois, suivant sa coutume,
- le 15 d'avril._
-
- Plus vite qu'une hirondelle,
- Je viens avec les beaux jours,
- Comme fauvette fidèle,
- Avant le mois des amours.
-
- *
- * *
-
- J'ai trouvé sur mon passage
- Un spectacle fort nouveau,
- Pour m'expliquer davantage,
- C'est le Doge et son troupeau[636].
-
- *
- * *
-
- Quoi, lui dis-je, entrer en France
- Et vous montrer en ces lieux!
- Oui, dit-il, par la clémence
- Du plus grand des demi-dieux.
-
- *
- * *
-
- Son cœur toujours magnanime
- Ne pouvant se démentir,
- Veut oublier notre crime,
- Voyant notre repentir.
-
- *
- * *
-
- Ah! m'écriai-je, ravie,
- Ce héros par son grand cœur
- Pardonne à qui s'humilie,
- Et de lui-même est vainqueur.
-
- *
- * *
-
- Dieux! quel bonheur est le vôtre,
- D'aller recevoir sa loi;
- Je n'en voudrois jamais d'autre,
- Mais ce bien n'est pas pour moi.
-
- *
- * *
-
- C'est assez que ma maîtresse
- Souffre que ma foible voix,
- Chante et rechante sans cesse
- Qu'il est le phœnix des Rois.
-
- *
- * *
-
- Allez, Doge, allez sans peine
- Lui rendre grâce à genoux:
- La République romaine
- En eût fait autant que vous.
-
- [636] Louis XIV ayant fait bombarder Gênes en 1684, à cause des
- intelligences que cette ville entretenait avec l'Espagne, le doge
- Francesco Maria Imperiali vint en France, accompagné de quatre
- sénateurs, et fit à Versailles sa soumission au Roi, le 15 mai
- 1685.
-
-
-_A M. de Coulanges, à Rome._
-
- _Madrigal._
-
- Quoi, cette muse si jolie
- Qui sait badiner sagement
- Et toujours agréablement,
- Se taira-t-elle en Italie?
- Je lui demande trait pour trait
- Un bon et fidèle portrait
- D'un Pape que tout le monde aime:
- Je me connois bien en tableaux,
- Cette muse en fait de fort beaux,
- Sa manière n'est pas la même:
- Jamais sur le Parnasse on ne vit rien de tel,
- Elle est tantôt Callot et tantôt Raphaël.
-
-
- _Réponse de M. de Coulanges._
-
- Sapho, qui va trop loin se perd:
- Je crains un labyrinthe,
- Le chemin ne m'est point ouvert
- Pour aller à Corinthe.
- Vous demandez de ma façon
- Le portrait du Saint-Père:
- Pour chanter le grand Ottobon[637]
- Il faudroit un Homère[638].
-
- [637] Ottoboni, pape qui succéda à Innocent XI, sous le nom
- d'Alexandre VIII.
-
- [638] Ces deux pièces se trouvent dans le _Recueil des Œuvres
- choisies_ de Coulanges, 1698, t. I, p. 256, ou t. II, p. 69.
-
-
-COULANGES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- Sur l'air: _Quand je suis une fois en débauche._
-
- Sapho, j'ai longtemps hésité,
- Mais il faut que je chante
- Le retour de votre santé;
- Ce beau sujet me tente.
- Quand la fièvre vous fait souffrir
- Ce n'est qu'une querelle,
- Eh quoi! jamais peut-on mourir
- Quand on est immortelle?
-
-
- _Réponse de Mademoiselle de Scudéry._
-
- Vous louez trop flatteusement
- Une pauvre mortelle.
- Je sais bien qu'en vers quand on ment
- Ce n'est que bagatelle;
- Mais, pour ne vous rien déguiser,
- Je ne saurois me rendre,
- Car il faudroit pour m'apaiser
- Le portrait d'Alexandre[639].
-
- [639] Alexandre VIII, pape.
-
-
-_Sur le portrait de feu M. le duc de Montausier[640]._
-
- [640] Voir, sur la mort de M. de Montausier, p. 353.
-
- Une lettre inédite de Mlle de Scudéry à Huet renferme ce passage:
- «Voici quatre vers de M. Petit de Rouen, sur ceux que vous louez
- trop:
-
- «Vos sept vers valent un volume.
- «C'est du grand Montausier le plus riche tableau,
- «Mais, Sapho, vous savez faire voler la plume
- «Où ne peut aller le pinceau.»
-
- C'est là de Montausier l'héroïque visage,
- C'est là son air si grand, et si noble, et si sage,
- C'est tout ce qu'il nous laisse après avoir été.
- O triste souvenir! quand je mets tout ensemble,
- Son esprit, son savoir et son cœur indompté,
- Fier, bon, tendre, constant, rempli de piété,
- Hélas, je cherche en vain quelqu'un qui lui ressemble.
-
-
- _Sur la mort de l'abbé Boisot (1694)._
-
- Quoi! cet illustre abbé si bon, si vertueux,
- Si savant, si poli, d'un cœur si généreux,
- Qui connoissoit si bien le merveilleux Acante[641],
- Dont il étoit aimé d'une amitié constante,
- A subi de la mort les implacables lois!
- Ah! d'un si rare ami la perte surprenante
- Rend ma douleur si violente
- Que je crois perdre Acante une seconde fois.
-
- [641] Pellisson.
-
-
- _Madrigal de Mlle Descartes sur la fauvette de Sapho._
-
- Voici quel est mon compliment
- Pour la plus belle des fauvettes,
- Quand elle revient où vous êtes:
- Ah! m'écriai-je alors avec étonnement,
- N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement[642].
-
- [642] Mlle de Scudéry a tant de fois fait allusion à ces vers
- qu'ils doivent trouver place ici, bien que déjà cités dans une
- lettre à Huet, de 1689, p. 313. Voyez aussi, p. 54, 112, 395.
-
- La Fontaine a traité agréablement du système de Descartes sur
- l'âme et l'intelligence des bêtes, dans sa première fable du
- dixième livre, adressée à Mme de la Sablière.
-
- On voit dans le _Recueil de poésies_ du P. Bouhours la réponse de
- Mlle de Scudéry à Mlle Descartes: elle est intitulée: _Sapho à
- l'illustre Cartésie_, et se termine par les deux quatrains
- suivants où elle lui fait des reproches de son absence:
-
- Après cela, Cartésie,
- Pour vous parler franchement,
- Il m'entre en la fantaisie
- De vous gronder tendrement.
-
- *
- * *
-
- De ma fauvette fidèle
- Vous avez tous les appas,
- Vous charmez aussi bien qu'elle,
- Mais vous ne revenez pas.
-
-
-L'ANNEAU D'HORACE.
-
- _A Mlle de Scudéry, en lui envoyant un anneau d'or, dans lequel
- est enchassée une agate antique où le portrait d'Auguste est
- gravé en relief._
-
- L'aimable courtisan d'Auguste,
- Horace, dont la lyre enchanta les humains,
- Portoit au doigt ce petit buste
- Du plus grand de tous les Romains.
-
- Pour louer ce maître du monde,
- Qui, l'honorant d'un si beau sort,
- Lui fit sentir sa main en bienfaits si féconde,
- Ce portrait l'inspiroit d'abord.
-
- Mais, Sapho, si jadis cette puissante image
- Sut l'échauffer d'un feu si charmant et si doux,
- A qui convient si bien qu'à vous
- Ce reste de son héritage?
-
- Les Grâces comme à lui, sur cent sujets divers,
- Vous ouvrent leur noble carrière,
- Et son âme en vos mains passe encor tout entière,
- Quand le nom de Louis, sur l'aile de vos vers,
- Ainsi qu'en un char de lumière,
- Vole aux deux bouts de l'univers.
-
- Que dis-je! Horace même auroit manqué d'haleine,
- Et n'auroit pu vous imiter,
- S'il eût eu comme vous sur les bords de la Seine
- Tant de miracles à chanter.
-
- Qu'auroit-il dit de Mons, de Besançon, de Lille
- Et de tant d'ennemis, avec un bras d'Achille,
- Repoussés en tant de façons?
- Peut-être qu'au milieu de ces riches moissons,
- Sa muse impuissante et stérile,
- N'auroit pu lui fournir que de trop foibles sons.
-
- Peut-être que l'anneau qui fit couler sa veine
- Parmi tant de rayons n'auroit de rien servi,
- Et que son œil surpris n'eût soutenu qu'à peine
- Les hauts faits qui l'auroient ravi.
-
- Mais Louis d'un regard fait cent fois plus qu'Auguste
- N'eût fait avec mille regards,
- Sapho, quand votre esprit et si vif et si juste,
- Sous des tas de lauriers nous peint ce nouveau Mars.
-
- Pour moi, malgré ma longue absence,
- Je crois revoir encor ce Héros de la France,
- Quand mon zèle, à mes yeux, retraçant ce vainqueur,
- Chaque instant offre à ma mémoire
- Le portrait que toute sa gloire
- A si bien gravé dans mon cœur.
-
- DE BÉTOULAUD.
-
-
-_Réponse de Mlle de Scudéry à M. de Bétoulaud._
-
- L'Anneau d'Horace est précieux,
- Il plaît à tous les curieux;
- Mais, Damon, l'oserois-je dire?
- J'eusse bien mieux aimé sa lyre.
- Peut-être me la cachez-vous,
- Et vous chantez d'un air si doux,
- Si noble, si haut, et si juste
- Un héros bien plus grand qu'Auguste,
- Que j'ai sujet de soupçonner
- Que vous pouviez me la donner.
- Quoi qu'il en soit, je vous la laisse,
- Je n'aurois pas assez d'adresse
- Pour en tirer un son charmant;
- Mais je chanterai hardiment
- Que la vérité toute pure,
- Sans ornement et sans figure,
- Suffit pour faire voir que les héros romains
- N'étoient près de Louis que des fantômes vains,
- Et que le faux éclat de leurs vertus payennes
- Est terni pour jamais par ses vertus chrétiennes.
- Quand il répand son âme au pied de nos autels
- Il ne compte pour rien ses lauriers immortels,
- Et cette humilité, qui n'eut jamais d'exemple,
- Lui fait bien plus d'honneur que n'auroit fait un temple.
-
-
-_Aux habitants de Gironne, 1694._
-
- Lorsque vos Rois étoient de vrais Rois catholiques,
- Saint Narcisse[643] prioit pour vous;
- Mais lorsqu'il voit Nassau, chef de tant d'hérétiques,
- Suborner votre prince et s'unir contre nous,
- Ce saint qui sert un Dieu jaloux,
- Et qui ne veut point de partage,
- Cesse de protéger un prince si peu sage,
- Et par un équitable choix
- Se range du parti du plus juste des Rois.
-
- [643] Évêque de Gironne au IVe siècle et martyr lors de la
- persécution de Dioclétien. Voy. les _Acta Sanctorum_, à la date
- du 18 mars.
-
-
-_Sentiment généreux, ou Réponse de Mlle de Scudéry aux vers d'un de ses
- amis qui la flattoit d'immortalité._
-
- Quand l'aveugle destin auroit fait une loi
- Pour me faire vivre sans cesse,
- J'y renoncerois par tendresse,
- Si mes amis n'étoient immortels comme moi.
-
-
-_Autre réponse à un madrigal où on la traitoit encore d'immortelle.
-
- Votre madrigal est joli,
- Il est agréable et poli;
- Vous me louez de bonne grâce:
- Mais pour cette immortalité
- Dont on parle tant au Parnasse,
- Hélas! ce n'est que vanité.
- Car à la fin, Damon, le plus grand nom s'efface
- Dans la sombre postérité:
- Et si le ciel vouloit contenter mon envie
- J'en quitterois ma part pour un siècle de vie.
-
-
-_Vers adressés à Mlle de Scudéry._
-
- Sapho, l'ornement de nos jours,
- Toi qui fis de si beaux modèles
- Des plus hautes vertus, des plus chastes amours,
- Pour les héros et pour les belles,
- Qui, sans les imiter, les admirent toujours,
- Et qui n'en sont pas plus fidèles;
- Tous ces chefs-d'œuvre précieux
- Assurent à ton nom une immortelle gloire,
- Et t'ont placée au rang des filles de mémoire
- Pour chanter les exploits et les amours des dieux.
-
- DE CALLIÈRES[644].
-
- [644] _La Science du Monde_, 1717, in-12.
-
-
-_Épitaphe de Mlle de Scudéry._
-
- Ci-gît la Sapho de nos jours,
- Qui sur la Grecque eut l'avantage
- D'accorder les tendres amours
- Avec la raison la plus sage.
- Jeux innocents, prenez le deuil,
- Muses, pleurez sur son cercueil
- La perte de vos plus doux charmes,
- Beau sexe, fondez-vous en larmes;
- Votre principal ornement
- Est caché dans ce monument.
-
- Mme D'OSEVILLE.
-
-
-FIN.
-
-
-
-
-TABLE.
-
-
- AVANT-PROPOS 1
-
-
- NOTICE SUR MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.
-
- Chap. I.--Famille.--Premières années.--Séjour
- en Provence. 1607-1647 1
-
- Chap. II.--Le _Cyrus_.--La _Clélie_, etc., etc.--Les
- Samedis.--Pellisson.--Réaction littéraire. 1647-1659. 42
-
- Chap. III.--Affaires domestiques.--Les _Conversations
- Morales_.--Succès académiques.--Illustres amitiés.
- Vieillesse et fin. 1660-1701 99
-
- Appendice à la Notice 139
-
-
- CORRESPONDANCE.
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à M. Chapelain [mars ou avril 1639] 143
-
- -- au même [mars ou avril 1639] 145
-
- Lettre de Chapelain à Mlle de Scudéry (mars ou avril 1639) 147
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle Robineau, Rouen, 5 septembre
- 1644 148
-
- -- à Mlle Paulet, Avignon, 27 novembre 1644 155
-
- -- à la même, Marseille, 13 décembre 1644 159
-
- -- à Mlle de Chalais, Marseille, 13 décembre 1644 166
-
- -- à Mlle Paulet, Marseille, 27 décembre 1644 170
-
- -- à Mlle Robineau, Marseille, 3 janvier 1645 174
-
- Lettre de Chapelain à Mlle de Scudéry, Paris, 19 janvier 1645 177
-
- Réponse de Mlle de Scudéry à M. Chapelain, Marseille, 31 janvier
- 1645 181
-
- Lettre de Mlle de Scudéry au même, sans date 183
-
- -- à Mlle Paulet, Marseille, 13 mars 1645 186
-
- -- à la même, Marseille, 28 mars 1645 191
-
- -- à la marquise de Montausier [août 1645] 196
-
- -- à Mlle Paulet, Marseille, 10 décembre 1645 200
-
- -- à Mlle Dumoulin, Marseille, 21 août 1647 204
-
- -- à M. Conrart [1647] 207
-
- -- à M. Chapelain 7 [décembre] 1649 208
-
- -- à M. Godeau, évêque de Grasse et de Vence, Paris, 22 février
- 1650 210
-
- -- au même, 8 septembre 1650 215
-
- -- au même, octobre 1650 222
-
- -- au même, 4 novembre 1650 227
-
- -- au même, 18 novembre 1650 234
-
- -- au même, 30 décembre 1650 236
-
- -- au même, 2 mars 1651 241
-
- -- à M. Chapelain, 25 avril 1653 246
-
- Lettre du Mage de Sidon (Godeau) à Sapho (Mlle de Scudéry),
- Vence, 7 février 1654 249
-
- Réponse de Sapho au Mage de Sidon, 29 mars 1654 251
-
- Lettre de Mlle de Scudéry au même, 19 juin 1654 252
-
- -- à Mme la comtesse de Maure, octobre 1655 254
-
- -- à une personne inconnue qui lui avoit envoyé un présent, mai
- 1656 255
-
- Lettre de Pellisson à Mlle de Scudéry, 9 octobre 1656 258
-
- Réponse de Sapho à Herminius (Pellisson), 10 octobre 1656 263
-
- Réplique d'Herminius à Sapho, 13 octobre 1656 265
-
- Lettre de M. de Bouillon à Mlle de Scudéry, 21 mai 1657 267
-
- Réponse de Mlle de Scudéry à M. de Bouillon 268
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à M. de Raincy, Athis, septembre
- 1657 268
-
- -- au Mage de Sidon, 21 octobre 1658 271
-
- -- à Mme la comtesse de Maure, juillet 1660 273
-
- -- à un auteur qui lui avoit envoyé une pièce intitulée:
- _Le Louis d'Or_ (Isarn), 1660 274
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à M. Pellisson, les Pressoirs,
- septembre 1661 276
-
- -- au même, septembre 1661 277
-
- -- au même, 7 septembre 1661 279
-
- -- à M. Huet, à Caen [septembre 1661] 284
-
- -- au même [fin de 1661] 286
-
- -- Remercîment au Roi [octobre 1663] 287
-
- -- à M. Huet, à Caen, 18 décembre [1663] 289
-
- -- à M. Colbert, ministre d'État [décembre 1663] 290
-
- -- à M. Huet, à Caen [1664 ou 1665] 292
-
- -- au même [1665 ou 1666] _Ibid._
-
- -- au même, vendredi [1670] 293
-
- -- à P. Taisand, 19 juillet 1673 296
-
- -- à M. Charpentier, de l'Académie française [1673] 297
-
- -- à M. l'abbé Huet, à Aunay, 7 juillet 1684 298
-
- -- à M. de Vertron [1685 ou 1686] 299
-
- -- au même [1685 ou 1686] 300
-
- -- au même [1685 ou 1686] 301
-
- -- à M. l'abbé Boisot, à Besançon, 2 novembre 1686 303
-
- -- à M. l'évêque de Poitiers [février 1687] 304
-
- -- à M. l'abbé Boisot, 12 septembre 1687 304
-
- -- au même, 17 octobre 1687 306
-
- -- au même, 19 août 1689 307
-
- -- au même, 7 septembre 1689 309
-
- -- au même, 7 octobre 1689 311
-
- -- à M. Huet [1689] 312
-
- -- à M. l'abbé Boisot, 22 mars 1690 313
-
- Réponse de Mlle de Scudéry aux vers de M. le premier
- président de Guyenne [mai 1690] 315
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à M. l'abbé Boisot, 16 mars 1691 319
-
- -- à Mlle Bordey, 16 mars 1691 321
-
- -- à M. l'abbé Boisot, 23 mars 1691 323
-
- -- au même, 27 juillet 1691 325
-
- -- au même, 29 août 1691 326
-
- -- à Mlle Bordey, 29 août 1691 327
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à M. Huet, évêque d'Avranches,
- 25 octobre [1691] 329
-
- -- à M. l'abbé Boisot, 18 décembre 1691 330
-
- -- à Mme de Chandiot (Mlle Bordey), 18 décembre 1691 332
-
- -- à M. Huet, évêque d'Avranches [fin de 1691] 333
-
- -- à M. l'abbé Boisot, 17 janvier 1692 333
-
- -- au même, 5 avril 1692 336
-
- -- au même, 30 avril 1692 337
-
- -- au même, 10 mai 1692 340
-
- -- au même, 31 mai 1692 342
-
- -- au même, 20 juillet 1692 344
-
- -- au même, 20 septembre 1692 346
-
- -- au même, 11 octobre 1692 348
-
- -- au même, 3 novembre 1692 350
-
- -- à M. Huet, évêque d'Avranches [1692] 353
-
- -- à M. l'abbé Boisot, 21 février 1693 354
-
- -- au même, 28 février 1693 356
-
- -- au même, 7 mars 1693 358
-
- -- au même, 3 avril 1693 360
-
- -- au même, 22 mai 1693 362
-
- -- au même, 7 juin 1693 365
-
- -- au même, 15 décembre 1693 367
-
- -- au même, 6 mars 1694 369
-
- -- au même, 10 mars 1694 371
-
- -- au même, 20 mars 1694 372
-
- -- au même, 24 mars 1694 373
-
- -- au même, 7 avril 1694 374
-
- -- à M. Huet, évêque d'Avranches, 4 juin [1694] 375
-
- -- à M. l'abbé Boisot, 21 août 1694 377
-
- -- au même, août 1694 379
-
- -- au même, 6 novembre 1694 380
-
- -- à Mme de Chandiot, 20 avril [1695] 382
-
- -- à la même, 15 mai [1695] 383
-
- -- à M. l'abbé Nicaise, septembre 1695 385
-
- -- à M. Huet, évêque d'Avranches [1695] 386
-
- -- au même, 29 décembre [1695] 387
-
- -- à Mme de Chandiot, 27 octobre 1699 388
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à M. Vallée, premier commis
- du contrôle général des finances, 27 janvier [1701] 390
-
- -- à M. Huet, évêque d'Avranches, 23 avril [1701] 390
-
- -- à Mlle Descartes, sans date 393
-
- Réponse de Mlle Descartes à Mlle de Scudéry, sans date 396
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle Descartes, sans date 398
-
- Réponse de Mlle Descartes à Mlle de Scudéry, sans date 399
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle Descartes (en vers), sans
- date 401
-
- Réponse de Mlle Descartes à Mlle de Scudéry, sans date 402
-
- Lettre de Mlle de Scudéry à M. Huet, sans date 403
-
- -- au même, sans date 404
-
- -- au même, 21 mai 405
-
- -- à M. Sabatier, de l'Académie d'Arles, sans date 406
-
- -- à M. Nublé, sans date 407
-
- -- à la Reine Christine, sans date 408
-
-
- LETTRES ADRESSÉES A Mlle DE SCUDÉRY OU QUI LA CONCERNENT.
-
- Balzac à Mlle de Scudéry, 25 juillet 1639 411
-
- Chapelain à la même, 4 août 1639 414
-
- Godeau à la même, Grasse, 16 août 1641 416
-
- Chapelain à la même, 12 avril 1645 418
-
- Mlle de Chalais à la même, Sablé, 28 juin 1647 421
-
- Mlle de Chalais à Mlle Paulet au sujet de Mlle de Scudéry,
- Sablé, 28 juin 1647 424
-
- Chapelain à Mlle de Scudéry, 17 juillet 1647 426
-
- Sarasin à la même, 30 décembre 1650 428
-
- La princesse Sybille de Brunswick à la même, Wolffenbuttel,
- 8 juillet 1654 433
-
- Ménage à la même, 1658 434
-
- Corneille (Pierre) à la même, Rouen, 16 décembre 1659 437
-
- Réponse de Sapho à P. Corneille [1659] 438
-
- Charpentier à Mlle de Scudéry [1659] 439
-
- Brébeuf à la même, Rouen, 24 août [1660] 440
-
- La Calprenède à la même, Vatimesnil, 12 septembre 1661 444
-
- Corbinelli à Mlle de Scudéry, Montpellier, 7 septembre 1665 445
-
- Le P. Rapin à la même, 22 novembre 1665 447
-
- Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 25 janvier 1666 448
-
- Le P. Verjus à la même, 12 décembre 1666 449
-
- Forbin-Janson, évêque de Digne, à la même, Aix, 4 février 1668 450
-
- Le même à la même, Aix, 12 février 1668 451
-
- Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 6 avril [1668] 452
-
- Le même à la même, 19 avril 1668 453
-
- Pellisson à la même, Chambord, 14 octobre 1668 455
-
- Le même à la même, Landrecy, 6 mai 1670 459
-
- Corbinelli à la même [vers 1670] 461
-
- Le P. Rapin à la même, Bâville, 21 septembre [1671] 462
-
- Corbinelli à la même [1671] 464
-
- Mascaron, évêque de Tulle, à la même, Tulle, 5 juin 1673 465
-
- Deshoulières (Mme) à la même, 1er décembre [1676] 466
-
- Bonnecorse à la même, Marseille, 20 mars 1681 467
-
- Charleval à la même, Verneuil, 1683 468
-
- Maintenon (Mme de) à la même, Versailles, 19 août 1684 470
-
- Sévigné (Mme de) à la même, 11 septembre 1684 470
-
- Dacier (Mme) à la même, Castres, 17 juillet 1685 472
-
- Fléchier à la même, 26 décembre 1685 473
-
- Le P. Verjus à la même, Versailles, 25 novembre 1686 474
-
- Christine, reine de Suède, à la même, Rome, 30 septembre 1687 475
-
- Sévigné (Mlle de) à la même [3 août 1688] 478
-
- Brinon (Mme de), supérieure de la Maison de Saint-Cyr,
- à la même, 3 août 1688 479
-
- Le P. Bouhours à la même [1688] 480
-
- Mascaron, évêque d'Agen, à la même, Montbran, 15 octobre [1688] 481
-
- Le même à la même, 16 août [1691] 482
-
- Arnauld de Pomponne à la même, Versailles, 27 août 1691 484
-
- Fontevrault (l'abbesse de) à la même, Fontevrault, 18 octobre
- 1692 485
-
- Bossuet à Mlle Dupré, sur la mort de Pellisson, 14 février 1693 486
-
- Bossuet à Mlle de Scudéry, sur le même sujet, 1693 488
-
- Méré (le chevalier de) à la même, sans date 491
-
- Furetière à la même, sans date 492
-
- Pertuis (M. de) à la même, sans date 494
-
- Le Laboureur à la même, sans date 495
-
- Le P. Rapin à la même, Arras, sans date 496
-
- Regnier-Desmarais à la même, sans date 497
-
- Larochefoucauld (le duc de) à la même, sans date 498
-
- Le même à la même, sans date 499
-
- Lafayette (la comtesse de) à la même, sans date 500
-
- Nanteuil à la même, sans date 501
-
- George de Scudéry à Mme l'abbesse de Caen, 7 avril 1660 503
-
- Le même à M. de Sainte-Marthe, sans date 504
-
- Longueville (Mme la duchesse de) à George de Scudéry,
- Moulins, 29 août 1654 505
-
-
- CHOIX DE POÉSIES.
-
- Impromptu fait au donjon de Vincennes 509
-
- Stances sur la Paix 209
-
- A M. Conrart, sur un cachet 510
-
- Billet en vers à M. de Charleval 511
-
- Requête, ou Placet au Roi, des Amans contre les Filous 511
-
- Réponse des Filous à la Requête des Amans 513
-
- Vers envoyés à Mlle de Scudéry pour accompagner une corbeille,
- etc. 514
-
- Réponse de Mlle de Scudéry 516
-
- Madrigal de M. Bosquillon à Mlle de Scudéry 517
-
- Madrigal de M. Petit sur le précédent 517
-
- La Tubéreuse à Célie le jour de sa fête 518
-
- Les Jasmins jonquilles à l'abbé Regnier 519
-
- Sur la mort d'Anne d'Autriche 519
-
- Sixain sur la conquête de la Franche-Comté 520
-
- Madrigal sur la Paix 520
-
- Autre 520
-
- A l'illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être 521
-
- Aux demoiselles de Saint-Cyr 521
-
- Sur la naissance du duc de Bourgogne 522
-
- Pour Mgr le duc de Bourgogne faisant l'exercice 522
-
- Sur ce que ce jeune prince ne trouva pas bon qu'on l'eût
- comparé à l'Amour 522
-
- Portrait de Mme la duchesse de Bourgogne 523
-
- La Fauvette à Sapho 533
-
- A M. de Coulanges à Rome 524
-
- Réponse de M. de Coulanges 525
-
- M. de Coulanges à Mlle de Scudéry 525
-
- Réponse de Mlle de Scudéry 525
-
- Sur le portrait du duc de Montausier 526
-
- Sur la mort de l'abbé Boisot 526
-
- Madrigal de Mlle Descartes sur la Fauvette de Sapho 527
-
- L'anneau d'Horace à Mlle de Scudéry, par M. de Bétoulaud 527
-
- Réponse de Mlle de Scudéry 529
-
- Aux habitants de Gironne 529
-
- Sentiment généreux de Mlle de Scudéry 530
-
- Réponse à un madrigal où on la traitait d'immortelle 530
-
- Vers à Mlle de Scudéry, par M. de Callières 530
-
- Épitaphe de Mlle de Scudéry, par Mme d'Oseville 531
-
-
-FIN DE LA TABLE.
-
-
-
-
-PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE L. TECHENER
-
-
-BIBLIOTHÈQUE CHOISIE
-
-A L'USAGE DES
-
-GENS DU MONDE
-
-Qui se compose de:
-
- Bossuet, Connaissance de Dieu 1 vol. 6 00
-
- Lettres de saint François de Sales 1 vol. 6 00
-
- Pensées de Bourdaloue 2 vol. 12 00
-
- De l'éducation des filles, par Fénelon 1 vol. 6 00
-
- Réflexions sur la miséricorde de
- Dieu, par Mme de Lavallière 2 vol. 8 00
-
- Tissot, De la santé des gens de lettres 1 vol. 5 00
-
- Esquisses morales. Pensées et Réflexions
- de Daniel Stern 1 vol. 5 00
-
- Journal de Rosalba Carriera 1 vol. 6 00
-
- Les Romans de la Table-Ronde 2 vol. 12 00
-
- Aventures de Maître Renart 1 vol. 4 00
-
- Le Goupillon, par M. Boissonnade,
- de l'Institut 1 vol. 4 00
-
- Le prêtre marié, par Ch. Nodier 1 vol. 3 50
-
- Œuvres mêlées de Saint-Évremond 3 vol. 18 00
-
- Lettres de Mme de Sévigné 11 vol. 55 00
-
- Historiettes de Tallemant des Réaux 6 vol. 24 00
-
- Histoire anecdotique de la jeunesse
- de Mazarin 1 vol. 3 50
-
- Souvenirs de Mme de Caylus 1 vol. 8 00
-
- Mémoires du baron de Gleichen 1 vol. 4 00
-
- Marie-Antoinette et la Révolution
- française 1 vol. 4 00
-
- Vie de Madame de Lafayette 1 vol. 5 00
-
-
-Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Mademoiselle de Scudéry, sa vie et s
- correspondance, by Edmé-Jacques-Benoït Rathery and Boutron
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-
-
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-
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-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa
-correspondance, by Edmé-Jacques-Benoït Rathery and Boutron
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-Title: Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa correspondance
-
-Author: Edmé-Jacques-Benoït Rathery
- Boutron
-
-Release Date: December 18, 2016 [EBook #53761]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MADEMOISELLE DE SCUDERY ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/Canadian Libraries)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-<div class="tnote">
-<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
-L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.
-Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.</p>
-</div>
-
-<h1><span class="small">MADEMOISELLE</span><br />
-<span class="xlarge">DE SCUDÉRY</span><br />
-<span class="small">SA VIE, ET SA CORRESPONDANCE, &amp;<span class="super">a</span></span></h1>
-
-<div class="topspace frontmatter">
-<hr class="deco" />
-</div>
-<div class="frontmatter">
-<p><span class="small">PARIS&mdash;TYPOGRAPHIE LAHURE</span><br />
-<span class="xs">Rue de Fleurus, 9</span></p>
-</div>
-<hr class="deco" />
-
-<div class="topspace titlepage">
-<p><span class="medium">MADEMOISELLE</span><br />
-<span class="xlarge">DE SCUDÉRY</span><br />
-<span class="small">SA VIE ET SA CORRESPONDANCE</span><br />
-<span class="xss">AVEC</span><br />
-<span class="xs">UN CHOIX DE SES POÉSIES</span><br />
-<span class="xxs">PAR</span><br />
-<span class="medium">MM. RATHERY ET BOUTRON</span></p>
-<div class="figcenter">
-<img src="images/001.jpg" width="80" height="74" alt="deco" />
-</div>
-<p><span class="large">PARIS</span><br />
-<span class="small">LÉON TECHENER, LIBRAIRE-ÉDITEUR</span><br />
-<span class="xs">RUE DE L'ARBRE-SEC, 52</span></p>
-</div>
-<hr class="deco" />
-<div class="titlepage">
-<p class="small">M DCCC LXXIII</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_I"> I</a></span></p>
-<div class="chapter">
-<div class="figcenter">
-<img src="images/007.jpg" width="250" height="58" alt="deco" />
-</div>
-<h2 class="normal">AVANT-PROPOS.</h2>
-</div>
-
-<p><i>Un écrivain que nous aurons à citer souvent,
-parce qu'en traçant l'</i><span class="cap">H</span><span class="smallc">ISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
-au dix-septième siècle,</span> <i>il a pris pour guide
-celle à qui le présent volume est consacré, M. Cousin,
-a exprimé plus d'une fois le regret «qu'à la
-fin du dix-septième siècle, ou dans le premier
-tiers du dix-huitième, on n'ait pas eu l'idée de
-recueillir les petits vers si agréablement tournés
-que M<sup>lle</sup> de Scudéry laissait échapper en toute occasion
-de sa veine facile, et qui charment à la fois
-l'esprit et l'oreille. On aurait pu y joindre, ajoutait-il,
-un choix de lettres sérieuses ou badines
-sorties de la même plume. Nous sommes assuré
-qu'on eût composé ainsi un volume agréable.»</i></p>
-
-<p><i>Ce qu'on n'a pas fait alors, peut-être y a-t-il
-bien de la témérité à l'entreprendre aujourd'hui,</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_II"> II</a></span>
-<i>où l'attention du public semble si éloignée de ces
-curiosités du passé. Et pourtant, est-ce bien le
-moment pour nous de dédaigner les pages brillantes
-de notre histoire, et l'étude de cette sociabilité
-française qui reste une de nos gloires les plus
-incontestées? Or M<sup>lle</sup> de Scudéry a traversé tout
-le dix-septième siècle; ses écrits, son exemple, son
-entourage, ont contribué à cet avénement de la
-société polie qui en marqua la première moitié,
-qui prépara les splendeurs de la seconde, et que
-les nations voisines s'efforcèrent à l'envi d'imiter
-de leur mieux. Sans doute elle mêla quelque mauvais
-goût à cette action salutaire; elle raffina sur
-les sentiments, elle raffina sur le style. Il faut
-que ses lecteurs en prennent leur parti. Après
-tout, mieux vaut le langage des ruelles que celui
-des clubs: n'abuse pas qui veut de la politesse et
-de l'esprit. Quant aux lectrices, nous comptons
-sur leurs sympathies pour la bonne, l'aimable,
-l'ingénieuse M<sup>lle</sup> de Scudéry, et, si elles étaient
-tentées de se montrer sévères pour la précieuse,
-nous leur rappellerions ce qu'un poëte disait</i></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="ni2">A UNE DAME EN LUI ENVOYANT LES &OElig;UVRES DE VOITURE</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Voici votre Voiture et son galant Permesse,</p>
-<p>Quoique guindé parfois, il est noble toujours;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_III"> III</a></span></div>
-<p>On voit tant de mauvais naturel de nos jours,</p>
-<p>Que ce brillant monté m'a plu, je le confesse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>On voit (c'est un beau tort) que le commun le blesse,</p>
-<p>Et qu'il veut une langue à part pour ses amours,</p>
-<p>Qu'il croit les honorer par d'étranges discours;</p>
-<p>C'est là de ces défauts où le c&oelig;ur s'intéresse.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'était le vrai pour lui que ce faux tant blâmé;</p>
-<p>Je sens que volontiers, femme, je l'eusse aimé;</p>
-<p>Il a d'ailleurs des vers pleins d'un tendre génie;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tel celui-ci, charmant, qui jaillit de son c&oelig;ur:</p>
-<p>«Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie.»</p>
-<p>Saurez-vous, comme moi, comprendre sa douceur<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">&nbsp;[1]</a>?</p>
-</div></div>
-
-<p><i>Nous devons dire quelques mots sur la manière
-dont nous avons compris nos devoirs d'éditeurs, et
-sur le plan que nous avons suivi.</i></p>
-
-<p><i>Il y a des auteurs dont le public veut tout connaître;
-il en est d'autres qu'il lui suffit d'envisager
-par leurs côtés les plus caractéristiques. Esquisser
-leur physionomie en la replaçant dans le milieu
-qui l'éclaire, choisir parmi leurs productions ce
-qui peut le mieux donner l'idée de leur manière,&mdash;l'expression
-n'est pas déplacée quand il s'agit
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry,&mdash;en un mot être fidèle sans</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_IV"> IV</a></span>
-<i>se croire obligé d'être complet, voilà le but que
-les éditeurs se sont proposé d'atteindre.</i></p>
-
-<p><i>Nous avons été particulièrement sobres dans le
-choix des Poésies, dont le principal mérite consiste
-dans une grâce facile ou dans des allusions aux
-événements du temps.</i></p>
-
-<p><i>Mais nous avons dû faire une place plus large
-à la Correspondance, en y comprenant non-seulement
-les lettres écrites par M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même,
-mais encore celles qui lui furent adressées
-par ses contemporains. Les premières, malgré des
-taches provenant de la négligence, et, le plus souvent,
-de l'affectation, ont une véritable valeur littéraire
-et historique. Les secondes donnent peut-être
-une plus haute idée encore de celle à qui elles
-s'adressent, par les témoignages de tendre amitié
-et de haute estime qu'elles renferment de la part
-de correspondants tels que M<sup>me</sup> de Sévigné, la reine
-Christine, le grand Corneille, Bossuet, Leibnitz.
-Tout en consacrant aux unes et aux autres deux
-séries distinctes, nous avons rapproché celles qui
-se répondent, et ne sauraient être séparées sans
-inconvénient.</i></p>
-
-<p><i>Bon nombre des lettres que nous publions ici font
-partie des Manuscrits Conrart à la Bibliothèque</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_V"> V</a></span>
-<i>de l'Arsenal, ou des papiers de l'abbé Boisot à la
-Bibliothèque de Besançon. Beaucoup étaient éparses
-dans des Mémoires, Correspondances ou recueils
-du temps. Enfin, grâce à l'obligeance de certains
-amateurs, les éditeurs ont pu, aux pièces tirées de
-leurs propres portefeuilles, en joindre d'autres
-pour la plupart inédites. Celles mêmes qui étaient
-déjà connues par les publications de MM. de Monmerqué,
-Cousin, etc., ont été par nous, à l'occasion,
-complétées, rectifiées, remises à leur vraie place.
-Nous devons déclarer, à ce propos, que nous avons
-attaché aux dates une importance exceptionnelle,
-et que, grâce à des recherches dont les lecteurs ne
-soupçonneront guères l'étendue et l'opiniâtreté,
-nous avons tenu à dater,&mdash;fût-ce approximativement,
-et en distinguant toujours par des crochets
-nos conjectures des indications fournies par
-les originaux eux-mêmes,&mdash;presque toutes les
-lettres renfermées dans notre volume.</i></p>
-
-<p><i>Nous n'avons pu retrouver toutes celles dont
-l'existence nous est attestée par divers témoignages.
-Sans parler de la grande lettre à M<sup>lle</sup> d'Arpajon
-sur sa retraite aux Carmélites, de l'épître
-de quinze pages à Bossuet au sujet de la mort de
-Pellisson, il y a des séries entières de lettres de</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_VI"> VI</a></span>
-<i>M<sup>lle</sup> de Scudéry ou à elle adressées, qui ont à peu
-près entièrement disparu. Nous savons, par Chapelain
-que Conrart lui écrivait en Provence «presque
-toutes les semaines.» Ce même Chapelain ne possédait
-pas moins de soixante-dix-huit lettres de
-Scudéry ou de sa s&oelig;ur, comme en fait foi le</i> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ATALOGUE</span>
-<i>ou plutôt l'</i><span class="cap">I</span><span class="smallc">NVENTAIRE MANUSCRIT</span> <i>de sa bibliothèque.
-Elle dit elle-même quelque part: «J'ai
-brûlé plus de cinq cents lettres de Pellisson du temps
-de la Bastille.» Enfin elle resta en correspondance
-jusqu'à la fin de sa vie avec d'anciens amis de
-Provence: Forbin-Janson, Mascaron, Bonnecorse.
-Combien peu de ces précieux documents
-sont parvenus jusqu'à nous! Cet inventaire de nos
-pertes, qu'il nous aurait été facile de grossir, nous
-avons tenu du moins à le présenter ici, dans l'espoir
-que le hasard ou ces indications mêmes en
-pourront faire retrouver une partie.</i></p>
-
-<p><i>Nous avons eu pour le texte de notre auteur un
-respect suffisant, mais non superstitieux. Sans
-l'altérer jamais, nous l'avons abrégé quelquefois;
-nous ne sommes pas parvenus à en faire disparaître
-des répétitions inévitables dans les mentions
-d'un même fait raconté à des personnes différentes,
-ni des variations faciles à expliquer dans le style</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_VII"> VII</a></span>
-<i>d'un auteur qui a vu la langue se transformer pendant
-une longue carrière touchant d'un bout à
-Balzac et de l'autre à La Bruyère. Quant à l'orthographe,
-que M<sup>lle</sup> de Scudéry a également vue se modifier,
-qu'elle a contribué à modifier elle-même,
-nous n'avons pas hésité à lui donner, comme l'a
-fait M. Cousin, les formes modernes, sauf certaines
-particularités ou locutions, dont l'absence aurait
-produit l'effet d'une espèce d'anachronisme.</i></p>
-
-<p><i>Nous ne pouvions songer à faire figurer dans ce
-volume, même par extraits, ni les Romans, dont
-M. Cousin a donné, surtout pour ce qui regarde le</i>
-<span class="cap">G</span><span class="smallc">RAND</span> <span class="cap">C</span><span class="smallc">YRUS</span>,
-<i>d'assez longs épisodes, ni même&mdash;et
-nous le regrettons davantage&mdash;les</i> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ONVERSATIONS</span>
-<span class="cap">M</span><span class="smallc">ORALES</span> <i>qui constituent un ensemble de préceptes
-renfermés dans un cadre analogue et difficiles
-à séparer. Nous avons du moins cherché, dans
-la</i> <span class="cap">N</span><span class="smallc">OTICE</span> <i>et dans les notes, à donner une idée de
-ces compositions, et à en tirer les éclaircissements
-et les exemples qui pouvaient servir à l'intelligence
-de la vie et des écrits de l'auteur</i>.</p>
-
-<p><i>Parmi les personnes qui ont pris à notre publication
-l'intérêt le plus actif, soit par des communications
-libérales, soit par des indications utiles,
-nous devons mentionner spécialement MM. le comte</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_VIII"> VIII</a></span>
-<i>de Clapiers, Camoin et Blancard, à Marseille,
-Octave Teissier, à Toulon; M. Toussaint, avocat au
-Havre; M. Tamizey de Larroque; MM. Ravenel et
-Baudement, de la Bibliothèque nationale; Miller
-et Ad. Regnier de l'Institut; Chambry et Gauthier-la-Chapelle
-récemment enlevés à leurs goûts
-studieux, et plusieurs autres amateurs tels que
-MM. Dubrunfaut, J. Boilly, Moulin, Étienne
-Charavay, etc.</i></p>
-
-<hr class="deco" />
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_1"> 1</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<h2 class="normal"><span class="large">NOTICE</span><br />
-<span class="small">SUR</span><br />
-<span class="xlarge">MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</span></h2>
-
-<p class="subh"><span class="large">I</span><br />
-<span class="medium"><b>FAMILLE.&mdash;PREMIÈRES ANNÉES.&mdash;SÉJOUR EN PROVENCE.</b></span><br />
-<span class="medium"><b>1607-1647.</b></span></p>
-</div>
-
-<p>En donnant ici, d'après le v&oelig;u d'un éminent
-écrivain, un choix de la correspondance et des
-poésies de M<sup>lle</sup> de Scudéry, nous avons cru
-nécessaire de le faire précéder d'une notice sur
-sa vie, qui embrasse la presque totalité du dix-septième
-siècle, et dont M. Cousin n'a retracé que
-le milieu, correspondant à la date de la publication
-du <i>Grand Cyrus</i>. Il a concentré sur ce point
-unique tout l'intérêt de son tableau, laissant dans
-l'ombre ou n'éclairant que par reflet les autres
-parties. Au milieu des plus grands succès littéraires
-de l'auteur, il n'a vu, il n'a voulu voir que
-<span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span>
-le <i>Cyrus</i>, et, dans ce qu'il a dit de la personne
-même de l'écrivain, il a presque complétement
-passé sous silence ses dernières années, si bien
-remplies par les préceptes et les exemples de toutes
-les vertus d'un sexe dont, sauf la beauté physique,
-elle posséda tous les agréments, sans en avoir
-connu les faiblesses.</p>
-
-<p>Mais, en racontant la vie de M<sup>lle</sup> de Scudéry, il
-ne suffisait pas de retracer les événements d'une
-existence bien moins accidentée que celle de ses
-héros; il fallait la replacer au milieu du mouvement
-littéraire et social qui en constitue le principal
-intérêt. Ainsi donc, sa famille, ses amis, sa
-vie commune avec son frère, les sociétés polies
-qu'elle traversa ou qu'elle groupa autour d'elle,
-son individualité comme femme et comme écrivain,
-la vogue et le déclin des genres de littérature
-dont elle fut la personnification la plus complète,
-tels seront les principaux éléments de
-l'étude qui va suivre.</p>
-
-<p>Scudéry, Escudéry, Escudier, Escuyer, <i>Scutifer</i>
-en latin, vieille famille d'Apt en Provence, y
-figure sous ces différents noms, au moins depuis
-le quatorzième siècle. Elle se disait d'origine italienne;
-on sait que c'était une manie assez commune
-chez les familles provençales. Pithon-Curt
-nous apprend qu'un Jean Scudéry épousa, par contrat
-passé à Lisle en 1360, Marguerite Isnard,
-dotée par son père Hugues de 1000 florins d'or,
-somme considérable pour le temps. Ce Jean Scudéry
-paraît être le même que mentionne Papon,
-<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span>
-dans son <i>Histoire de Provence</i>, parmi les partisans
-de Raymond IV, et dont les biens furent confisqués
-en 1367 par la reine Jeanne. Le premier
-de ces auteurs parle aussi d'un Sébastien Scudéry
-d'Apt qui se maria avec Lucrèce de Guast, suivant
-contrat du 7 avril 1480. A la même famille appartenaient
-Jacques Escudier, notaire à Apt en 1535,
-Jean Escudier, 3<sup>e</sup> consul d'Avignon en 1599 et en
-1618, enfin Elzéar Escuyer ou Scudéry<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">&nbsp;[2]</a>, qui porta
-les armes avec distinction et fut lieutenant de
-Simiane de la Coste, gouverneur de cette ville
-sous Charles IX. Vers la fin du seizième siècle,
-son fils Georges, après s'être fait une certaine réputation
-militaire dans son pays, quitta Apt, et,
-sous le nom, désormais adopté, de Scudéry<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">&nbsp;[3]</a>, suivit
-la fortune du seigneur de Brancas-Villars, d'abord
-à Lyon, dont ce seigneur fut gouverneur pour la
-Ligue, puis à Rouen, qu'il défendit contre Henri IV
-et où Scudéry commandait le fort Sainte-Catherine<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">&nbsp;[4]</a>,
-et enfin, lorsque son protecteur fut devenu
-amiral de Villars et gouverneur du Havre, dans
-<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span>
-cette dernière ville où Georges de Scudéry aurait
-été lieutenant ou plutôt capitaine des ports<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">&nbsp;[5]</a>.</p>
-
-<p>Quoi qu'il en soit de ces antécédents des Scudéry,
-qu'ils ne nous auraient pas pardonné d'omettre,
-eux qui se piquaient tant d'armes et de
-noblesse, notre Provençal transplanté en Normandie
-se maria en 1599 à Madeleine de Goustimesnil,
-d'une bonne famille de cette province, et en eut
-Georges et Madeleine, nés tous deux au Havre, le
-premier en 1601, et la seconde en 1607<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">&nbsp;[6]</a>. Il est
-difficile de séparer la biographie du frère d'avec
-celle de la s&oelig;ur, puisqu'ils vécurent ensemble jusqu'au
-mariage du premier, malgré la différence
-de leurs caractères, «la s&oelig;ur, dit M. Cousin,
-étant aussi modeste qu'il était vain, et d'une humeur
-aussi douce et facile qu'il l'avait fanfaronne
-et querelleuse.» Tallemant des Réaux, moins indulgent,
-trace ainsi le même parallèle: «Sa s&oelig;ur
-a plus d'esprit que lui et est tout autrement raisonnable,
-<span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span>
-mais elle n'est guère moins vaine. Elle
-dit toujours: Depuis le renversement de notre
-maison; vous diriez qu'elle parle du renversement
-de l'Empire grec.» Si l'on en croit Conrart, «le
-duc de Villars ayant succédé à l'amiral son frère
-dans le gouvernement de Normandie, sa femme
-prit en telle haine ce lieutenant, après l'avoir trop
-aimé, qu'elle ruina toutes ses affaires.» Ici Conrart
-nous paraît être l'écho complaisant des fanfaronnades
-de Scudéry. Toujours est-il que le père
-en mourant, comme il le dit: «ne laissa pas ses
-affaires en bon état<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">&nbsp;[7]</a>.» La mère, femme de mérite,
-donna ses soins à la première éducation de sa fille,
-mais elle ne tarda pas à suivre son mari<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">&nbsp;[8]</a>, et la
-jeune Madeleine<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">&nbsp;[9]</a> fut recueillie par un de ses oncles
-qui avait l'esprit très-droit et très-cultivé, et qui
-avait vécu à la cour de trois de nos rois<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">&nbsp;[10]</a>.</p>
-
-<p>Ici nous ne pouvons mieux faire que de suivre,
-en l'abrégeant, Conrart évidemment renseigné par
-M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même sur les détails de sa
-première éducation. «Son oncle, dit-il, lui fit apprendre
-les exercices convenables à une fille de
-<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span>
-son âge et de sa condition, l'écriture, l'orthographe,
-la danse, à dessiner, à peindre, à travailler
-en toutes sortes d'ouvrages. De plus, comme
-elle avoit une humeur vive et naturellement portée
-à savoir tout ce qu'elle voyoit faire de curieux et
-tout ce qu'elle entendoit dire de louable, elle apprit
-d'elle-même les choses qui dépendent de l'agriculture,
-du jardinage, du ménage de la campagne,
-de la cuisine; les causes et les effets des maladies,
-la composition d'une infinité de remèdes, de parfums,
-d'eaux de senteur et de distillations utiles
-ou galantes, pour la nécessité ou pour le plaisir.
-Elle eut envie de savoir jouer du luth, et elle en
-prit quelques leçons avec assez de succès; mais,
-comme elle tenoit son temps mieux employé aux
-occupations de l'esprit, entendant souvent parler
-des langues italienne et espagnole, et de plusieurs
-livres écrits en l'une et en l'autre, qui étoient dans
-le cabinet de son oncle et dont il faisoit grande
-estime, elle désira de les savoir, et elle y réussit
-admirablement. Dès lors, se trouvant un peu plus
-avancée en âge, elle donna tout son loisir à la lecture
-et à la conversation, tant de ceux de la maison
-qui étoient très-honnêtes gens et très-bien
-faits, que des bonnes compagnies qui y abondoient
-tous les jours de tous côtés<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">&nbsp;[11]</a>.»</p>
-
-<p>On devinerait sans peine que les romans
-tinrent une grande place dans ses lectures, quand
-même on n'aurait pas sur ce point le témoignage
-<span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span>
-de Tallemant et le sien propre. Elle en recevait un
-peu de toutes mains, si l'on en croit ce que raconte
-le premier, comme le tenant de la bouche
-même de M<sup>lle</sup> de Scudéry: «qu'un D. Gabriel,
-feuillant, qui étoit son confesseur, lui ôta un
-livre de ce genre, où elle prenoit beaucoup de plaisir,»
-mais pour lui en donner d'autres qui ne
-valoient guère mieux, et qu'il finit par lui laisser
-le tout, en disant à la mère «que sa fille avoit
-l'esprit trop bien fait pour se laisser gâter à de
-semblables lectures.» Il ajoute que le conseiller
-huguenot Claude Sarrau lui en prêta d'autres ensuite<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">&nbsp;[12]</a>.</p>
-
-<p>Enfin il faut rapprocher ces renseignements de
-ce qu'elle nous apprend elle-même à ce sujet dans
-une lettre adressée à Huet lors de la publication
-du <i>Traité</i> de ce dernier <i>sur l'origine des Romans</i>
-(1670). «Vous avez précisément choisi les romans
-qui ont fait les délices de ma première jeunesse
-et qui m'ont donné l'idée des romans raisonnables
-qui peuvent s'accommoder avec la décence et
-l'honnêteté, je veux dire <i>Théagène et Chariclée</i>,
-<i>Théogène et Charide</i>, ainsi que l'<i>Astrée</i>; voilà proprement
-les vraies sources où mon esprit a puisé
-les connoissances qui ont fait ses délices. J'ai seulement
-cru qu'il falloit un peu plus de morale,
-<span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span>
-afin de les éloigner de ces romans ennemis des
-bonnes m&oelig;urs qui ne peuvent que faire perdre le
-temps.» Ajoutons que M<sup>lle</sup> de Scudéry à l'âge de
-quatre-vingt-douze ans, s'intéressait encore à
-«ces romans qui avoient fait les délices de sa
-première jeunesse,» car c'est sur sa demande
-que Huet lui écrivait la <i>Lettre</i> du 15 décembre
-1699 <i>touchant Honoré d'Urfé et Diane de Chasteaumorand</i>,
-insérée dans les <i>Dissertations</i> de Tilladet,
-t. II, p. 100.</p>
-
-<p>Suivant une tradition locale difficile à concilier
-avec ces témoignages relatifs à la jeunesse et à
-l'éducation de Madeleine en Normandie, elle aurait,
-vers l'année 1620, accompagné son frère
-dans un pèlerinage en Provence au berceau de
-leur famille<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">&nbsp;[13]</a>, et c'est lors de leur passage à Valence
-qu'aurait eu lieu l'aventure de l'auberge sur
-laquelle nous reviendrons. Ce qui paraît certain,
-c'est que Georges fit en effet le voyage d'Apt où il
-retrouva quelques parents, entre autres sa grand'mère
-paternelle qui vécut cent huit ans<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">&nbsp;[14]</a>, et que,
-pendant ce séjour, il adressa à une demoiselle du
-pays, Catherine de Rouyère, ses hommages et ses
-premiers vers<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">&nbsp;[15]</a>.</p>
-
-<p>C'est aussi à cette époque, ou environ, qu'il faut
-<span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span>
-rapporter ces fameuses campagnes dont Scudéry
-a tant parlé en prose et en vers:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Pour moi plus d'une fois le danger eut des charmes</p>
-<p>Et dans mille combats je fus tout hazarder;</p>
-<p>L'on me vit obéir, l'on me vit commander</p>
-<p>Et mon poil tout poudreux a blanchi sous les armes<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">&nbsp;[16]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et dans la préface de son <i>Ligdamon</i> qu'il fit,
-dit-il, en sortant du régiment des Gardes (1631):
-«Je suis né d'un père qui, suivant l'exemple des
-miens, a passé tout son âge dans les charges militaires,
-et qui m'avoit destiné, dès le point de ma
-naissance, à pareille forme de vivre. Je l'ai suivie
-par obéissance et par inclination. Toutefois, ne
-pensant être que soldat, je me suis encore trouvé
-poëte. Ce sont deux métiers qui n'ont jamais été
-soupçonnés de bailler de l'argent à usure, et qui
-voient souvent ceux qui les pratiquent réduits à
-la même nudité où se trouvent la Vertu, l'Amour
-et les Grâces, dont ils sont les enfants.... Tu couleras
-aisément par dessus les fautes que je n'ai
-point remarquées, si tu daignes apprendre qu'on
-m'a vu employer la plus grande partie du peu
-d'âge que j'ai, à voir la plus belle et la plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span>
-grande Cour de l'Europe, et que j'ai passé plus
-d'années parmi les armes que d'heures dans mon
-cabinet, et usé beaucoup plus de mèches en arquebuse
-qu'en chandelle: de sorte que je sais mieux
-ranger les soldats que les paroles, et mieux
-quarrer les bataillons que les périodes, etc.»</p>
-
-<p>Il rappelait avec complaisance la part qu'il avait
-prise aux guerres de Piémont sous les ordres du
-duc de Longueville et du prince de Carignan, sa
-retraite du Pas-de-Suze, ses quatre voyages à
-Rome, etc.<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">&nbsp;[17]</a> Mais, comme le dit Moréri, ses voyages
-et ses campagnes examinés dans le détail se réduisent
-à peu de choses. Ils ne lui avaient pas,
-dans tous les cas, donné la fortune, puisque Segrais
-nous le représente mangeant son morceau de
-pain sous son manteau dans le jardin du Luxembourg.</p>
-
-<p>Les lettres furent pour lui une ressource. Nous
-le voyons, vers 1630, quitter le régiment des Gardes,
-et, de 1631 à 1644, faire représenter seize
-<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span>
-pièces de théâtre qui lui valurent, sinon toujours
-l'approbation du public, comme il s'en vante dans
-mainte préface, du moins la protection du cardinal
-de Richelieu. Les <i>Observations sur le Cid</i> furent
-suivies des <i>Sentiments de l'Académie</i> sur ce chef-d'&oelig;uvre
-(1637-1638), et, s'il se donna le double
-ridicule de se poser en rival littéraire et en provocateur
-du grand Corneille<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">&nbsp;[18]</a>, il faut, pour l'excuser
-un peu, se rappeler qu'il eut parfois dans
-sa poésie quelque chose du souffle cornélien, au
-point qu'on lui a fait l'honneur de lui attribuer
-certains vers de l'auteur du <i>Cid</i>.</p>
-
-<p>Assurément Corneille n'aurait pas désavoué ces
-vers qui terminent la belle description de la décadence
-de Rome sous l'Empire:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>L'aigle qui fut longtemps plus craint que le tonnerre</p>
-<p>N'osoit plus s'élever et voloit terre à terre,</p>
-<p>Et ce superbe oiseau, loin des essors premiers,</p>
-<p>Se cachoit tout craintif dessous ses vieux lauriers.</p>
-</div></div>
-
-<p>Il y a comme une réminiscence du sommeil de
-Condé à Rocroy dans ce passage d'<i>Alaric</i>, que Boileau
-déclarait «trop bon pour être de Scudéry»:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Il n'est rien de si doux pour les c&oelig;urs pleins de gloire</p>
-<p>Que la paisible nuit qui suit une victoire;</p>
-<p>Dormir sur un trophée est un charmant repos</p>
-<p>Et le champ de bataille est le lit d'un héros.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span>
-On retrouve quelque chose de l'inspiration de
-Milton dans la peinture des gouffres infernaux, au
-chant VI du même poëme:</p>
-
-<p class="quote">D'une éternelle nuit toujours enveloppés,<br />
-Noir séjour des méchants que la foudre a frappés.</p>
-
-<p>Après avoir décrit les funèbres clartés de l'abîme,
-l'auteur ajoute:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Et ce mélange affreux qu'accompagne un grand bruit</p>
-<p>Luit éternellement dans l'éternelle nuit,</p>
-<p>Mais c'est d'une lumière à tant d'ombre mêlée</p>
-<p>Qu'elle épouvante encor la troupe désolée.</p>
-</div></div>
-
-<p>Concluons donc que Scudéry eut moins de mérite
-qu'il ne s'en croyait, mais plus que ne lui en
-attribuaient ses adversaires. Il sut quelquefois remonter
-le pas glissant qui sépare le ridicule du
-sublime. Il y avait chez lui un certain fond chevaleresque
-qui prêtait aisément à la raillerie dans le
-domaine de la littérature, mais qui forçait l'estime
-quand il s'appliquait aux choses du c&oelig;ur. On le
-vit afficher pour des amis attaqués ou persécutés,
-notamment pour Théophile, une fidélité hautaine<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">&nbsp;[19]</a>
-qui rachète bien des flatteries prodiguées aux puissances
-du jour.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span>
-Ce qui fait encore plus d'honneur à Scudéry,
-c'est l'anecdote suivante au sujet de laquelle Arckenholz
-(<i>Mémoires sur Christine</i>, t. I, p. 260) a
-voulu exprimer quelques doutes qui ne sauraient
-prévaloir contre le témoignage positif de Chevreau.
-«La reine Christine m'a répété cent fois
-qu'elle réservoit pour la dédicace que M. de Scudéry
-lui feroit de son <i>Alaric</i> une chaîne d'or de
-mille pistoles; mais comme M. le comte de la
-Gardie, dont il est parlé fort avantageusement
-dans ce poème, essuya la disgrâce de la Reine,
-qui souhaitoit que le nom du comte fust ôté de son
-ouvrage, et que je l'en informai par la même poste
-qui m'apporta en feuilles son <i>Alaric</i> déjà imprimé,
-il me répondit quinze jours après que, quand
-la chaîne d'or seroit aussi grosse que celle dont
-il est fait mention dans l'histoire des Incas,
-il ne détruiroit jamais l'autel où il avoit sacrifié<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">&nbsp;[20]</a>.»</p>
-
-<p>Cependant sa s&oelig;ur était venue le rejoindre à Paris,
-et ce fut à partir de ce moment (1639 au plus
-tard) que commença entre eux cette vie commune
-et cette collaboration littéraire qui devait durer
-jusqu'en 1655. Dès lors aussi commença pour Madeleine
-ce rôle de providence qu'elle allait jouer
-auprès de lui, devenant, comme il le lui écrivait,
-«son seul réconfort dans le débris de toute
-sa maison<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">&nbsp;[21]</a>,» corrigeant ses écarts de plume et de
-<span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span>
-conduite<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">&nbsp;[22]</a>, du reste abritant volontiers ses premiers
-essais littéraires sous la réputation plus ancienne
-et plus retentissante de son frère. Sans parler
-ici des romans sur lesquels nous reviendrons
-plus tard, voici ce que lui écrivait Chapelain à la
-date du 19 janvier 1645: «Vous envoyer des
-vers, Mademoiselle, c'est envoyer de l'eau à la
-mer, c'est vous donner ce que vous avez chez
-vous en abondance. Que si vous en faites la modeste
-pour votre regard, vous l'avouerez bien au
-moins pour celui de M. votre frère qui est un
-océan de poésie plus découvert que n'est le vôtre,
-et qui est si plein de ce côté là, qu'on ne sauroit
-l'accroître quelque chose que l'on y verse.»</p>
-
-<p>Déjà presque vieille fille, sans beauté, mais
-«de très-bonne mine,» suivant Titon du Tillet
-qui avait dû la voir, telle était M<sup>lle</sup> de Scudéry lorsqu'elle
-fut introduite par son frère à l'hôtel de
-Rambouillet, dans ce que R&oelig;derer appelle la
-<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span>
-4<sup>e</sup> période, s'étendant de 1630 à 1640, longtemps
-avant que le nom de <i>Précieuse</i> fût en usage,
-et alors qu'on pouvait rencontrer en ce lieu Corneille
-et Bossuet à côté de Voiture et de l'abbé
-Cotin. «Elle y fut accueillie, dit l'historien de la
-<i>Société polie</i>, sinon comme auteur (elle n'avait
-encore rien publié), du moins comme une fille
-d'esprit, bien élevée, s&oelig;ur d'un homme de lettres
-très-connu, et aussi comme une personne peu favorisée
-de la fortune, dont la société, agréable à
-Julie, qui était du même âge, n'était point sans
-quelques avantages pour elle-même.» Les premières
-lettres d'elle ou à elle adressées vers cette
-époque nous la montrent déjà en commerce d'esprit,
-en relations personnelles, formées à l'hôtel
-de Rambouillet ou en dehors, avec Chapelain, Balzac,
-M. de Montausier, Godeau, Boissat, la Mesnardière,
-M<sup>lle</sup> Robineau, M<sup>lle</sup> Paulet, M<sup>me</sup> Aragonnais,
-M<sup>lle</sup> de Chalais et, par conséquent, M<sup>me</sup> de
-Sablé, M<sup>me</sup> et M<sup>lle</sup> de Clermont, M<sup>me</sup> de Motteville,
-etc., se tenant fort au courant, non-seulement
-des nouvelles littéraires et scientifiques,
-mais encore des événements politiques et militaires.
-Une de ces lettres, adressée à M<sup>lle</sup> Robineau
-et datée du 5 septembre 1644, contient le récit
-d'un voyage qu'elle fit à Rouen avec son frère, et,
-avec un peu de manière dont elle ne se défera jamais
-complétement, révèle dans son talent un côté
-humoristique qui ne se retrouvera pas souvent
-sous sa plume. Le coche, les chevaux qui le traînent,
-la physionomie, le costume des voyageurs
-<span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span>
-qui l'encombrent, appartenant aux diverses classes
-de la société bourgeoise, depuis l'épicière de la
-rue Saint-Antoine, «ayant plus de douze bagues
-à ses doigts, qui s'en va voir la mer en compagnie
-de sa tante, la chandelière de la rue Michel-le-Comte,»
-jusqu'au jeune écolier «revenant de
-Bourges et se préparant à prendre ses licences,»
-tout cela compose un petit tableau de genre achevé,
-qui rappelle sans trop de désavantage le coche de
-La Fontaine et le bateau de M<sup>me</sup> de Sévigné.</p>
-
-<p>Ce voyage du frère et de la s&oelig;ur avait probablement
-pour objet le règlement de leurs affaires
-de famille, qui paraît s'être soldé pour elle par
-l'abandon à son frère, prodigue et dépensier,
-comme on l'a vu, de ce qui lui revenait, soit de
-ses père et mère, soit du parent dont nous avons
-parlé. Mais une perspective nouvelle venait de
-s'ouvrir devant eux.</p>
-
-<p class="space">En 1642, par l'intermédiaire de Philippe de
-Cospéau, évêque de Lisieux, la marquise de Rambouillet
-obtint pour Scudéry le gouvernement de
-Notre-Dame-de-la-Garde de Marseille. En vain le
-ministre de Brienne hasarda quelques objections
-tirées de l'inconvénient qu'il y avait à confier un
-pareil poste à un poëte. La marquise insista en
-disant qu'un homme comme celui-là ne voudrait
-pas d'un gouvernement dans une vallée, et elle
-ajoutait plaisamment: «Je m'imagine le voir sur
-son donjon, la tête dans les nues, regarder avec
-mépris tout ce qui est au-dessous de lui.» De
-<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span>
-si bonnes raisons l'emportèrent, et Scudéry fut
-nommé.</p>
-
-<p>Pour se faire une idée de ce qu'était ce «gouvernement
-commode et beau,» qu'on a peine à
-prendre au sérieux depuis les vers de Chapelle et
-Bachaumont, peut-être faut-il garder un milieu
-entre ces vers fameux et la solennité voulue des
-lettres de provision<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">&nbsp;[23]</a>. Il est certain que la position
-de ce fort qui dominait toute la partie sud
-du vieux port de Marseille, lui avait fait jouer
-un rôle dans les troubles de cette ville au siècle
-précédent. Mais il était alors bien déchu de son
-importance. Il paraît que les gouverneurs, assez
-faiblement rétribués<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">&nbsp;[24]</a>, n'étaient pas obligés à la résidence
-et qu'ils pouvaient se faire remplacer par
-des lieutenants.</p>
-
-<p>A peine Scudéry avait-il obtenu sa nomination,
-qu'il adressait au cardinal de Richelieu des <i>Stances</i>
-où, tout en le remerciant de la faveur qu'il
-venait d'obtenir, il déclarait à son Éminence que
-«si elle ne faisoit pleuvoir la manne en ce désert,
-<span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span>
-il mourroit de faim dans cette place importante<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">&nbsp;[25]</a>.»
-Mais le cardinal avait alors bien d'autres affaires.
-Il conduisait à Lyon Cinq-Mars et de Thou, pour
-les faire exécuter. Bientôt il les suivait lui-même
-dans la tombe.</p>
-
-<p>Cependant Scudéry, en attendant mieux, avait
-soin de mettre en tête de ses ouvrages le titre de
-<i>Gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde</i>. Quelquefois,
-à la suite de ce titre, il prit ou on lui donna
-celui de <i>Capitaine entretenu sur les galères du
-Roi</i>, et M. Jal nous apprend que, sur deux listes
-de capitaines de galère, gardées aux archives de
-la marine, il a lu: «De Scudéry, capitaine de
-galères de 1643 jusqu'à 1647.» Il ajoute que des
-brevets de cette espèce étaient souvent donnés à
-des hommes qui n'avaient rien de commun avec
-la marine.</p>
-
-<p>Ce ne fut qu'en novembre 1644, après la mort de
-Louis XIII et de son ministre, que Scudéry songea
-enfin à prendre possession de son gouvernement.
-Tallemant des Réaux dit crûment: «Sa s&oelig;ur le
-suivit; elle eût bien fait de le laisser aller; elle a
-dit pour ses raisons: je croyois que mon frère
-seroit bien payé. D'ailleurs le peu que j'avois, il
-l'avoit dépensé. J'ai eu tort de lui tout donner,
-mais on ne sait ces choses là que quand on les a
-expérimentées.» Disons à notre tour que <i>ces choses
-là</i>, c'est-à-dire celles du c&oelig;ur, échappent complétement
-à notre conteur d'historiettes. Il prête
-<span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span>
-ici à M<sup>lle</sup> de Scudéry un langage que démentent et
-sa conduite et ses propres paroles toutes les fois
-qu'il s'agissait de dévouement et d'amitié. Nous
-en croyons davantage Tallemant, lorsque reprenant
-son rôle de chroniqueur, il ajoute: «Scudéry
-part donc pour aller à Marseille, et cela ne
-se put faire sans bien des frais, car il s'obstina à
-transporter bien des bagatelles, et tous les portraits
-des illustres en poésie, depuis le père de
-Marot jusqu'à Guillaume Colletet. Ces portraits
-lui avoient coûté: il s'amusoit à dépenser ainsi
-son argent en badineries.» Nous pardonnons
-plus volontiers à Scudéry ce genre de <i>badineries</i>
-que la manie des tulipes pour laquelle il dépensait
-aussi beaucoup d'argent, et, au risque de retarder
-à notre tour le voyage, nous dirons quelques
-mots de cette curiosité des portraits, qui lui
-était commune avec plusieurs de ses contemporains,
-Guy-Patin, Gaignières, Coulanges le chansonnier,
-etc. Ce dernier s'en est moqué agréablement,
-au risque de se chansonner lui-même, dans
-la pièce de son recueil intitulée:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>SUR UN CABINET REMPLI DE PORTRAITS.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i1">Air: <i>Tout mortel doit ici paroître.</i></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Tout portrait doit ici paroître,</p>
-<p class="i2"> Il y faut être</p>
-<p class="i1"> Grands et petits, etc.<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">&nbsp;[26]</a></p>
-</div></div>
-
-<p>Nous voyons Chapelain, dans une lettre à Madeleine
-<span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span>
-du 4 août 1639, se détendre&mdash;faiblement
-à la vérité&mdash;de donner au frère son portrait,
-comme «indigne de figurer parmi ces grands
-hommes qui parent un illustre réduit<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">&nbsp;[27]</a>.»</p>
-
-<p>Du reste Scudéry, dont un de nos poëtes les plus
-pittoresques<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">&nbsp;[28]</a> admire les descriptions, se piquait
-«d'employer dans ses ouvrages les termes exacts
-des arts et métiers,» et avait quelque droit de
-dire de lui-même:</p>
-
-<p class="quote">Il est peu de beaux-arts où je ne fusse instruit.</p>
-
-<p>Avec ses goûts de dépense et de représentation,
-on se figure ce que put être, pour notre nouveau
-gouverneur, ce voyage alors si long et si difficile.
-Sa s&oelig;ur, dans une lettre du 27 novembre 1644,
-à l'une de ses premières et de ses plus intimes
-amies, M<sup>lle</sup> Paulet, <i>la Lionne</i> de la rue Saint-Thomas
-du Louvre, celle qui sera l'Élise du Grand
-Cyrus et dont elle doit, moins de six ans après,
-pleurer si amèrement la perte prématurée, raconte
-que son frère et elle sont arrivés à Avignon, après
-avoir deux fois manqué de faire naufrage sur le
-Rhône. Le pèlerinage obligé au tombeau de Laure,
-<span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span>
-et probablement à la Fontaine de Vaucluse<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">&nbsp;[29]</a>, quelques
-épigrammes contre les religieux et les dames
-d'Avignon, tels sont les points qu'elle touche sur
-un ton libre et enjoué, en y mêlant quelques souvenirs
-de l'hôtel de Rambouillet et des sociétés
-de Paris. Une seconde lettre à la même, est datée
-du 13 décembre à Marseille, où notre voyageuse
-est arrivée «assez heureusement, quoiqu'elle ait
-encore plusieurs fois pensé faire naufrage.» Le
-même jour, elle écrivait à M<sup>lle</sup> de Chalais, et déjà,
-malgré la réception pleine de courtoisie de M<sup>me</sup> de
-Mirabeau et de M<sup>me</sup> de Morge, sa s&oelig;ur, malgré la
-beauté du climat, les fleurs et les fruits nouveaux
-pour nos voyageurs, l'animation du port et des
-promenades, la variété des costumes, les repas
-plantureux dont on les régale à l'envi, déjà, disons-nous,
-la nécessité d'attendre trois ou quatre
-jours, suivant l'usage, et de rendre ensuite, avec
-l'étiquette voulue, les visites de toute la ville,
-«depuis les gentilshommes jusqu'aux forçats,»
-les petitesses de la vie provinciale, la conversation
-des dames de Marseille parmi lesquelles il n'y
-en a pas plus de six ou sept qui parlent français,
-tout cela suggère à notre habituée des cercles les
-plus raffinés de la capitale certaines phrases peu
-flatteuses, telles que celle-ci: «Je n'ai point l'esprit
-assez stupide pour m'accoutumer facilement
-à ceux qui le sont;» et le mot d'exil vient plus
-d'une fois se placer sous sa plume.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span>
-Cependant il avait bien fallu, au milieu de
-toutes ces visites de politesse, en rendre une à
-Notre-Dame-de-la-Garde. Un des premiers soins
-de Scudéry avait été d'y installer un lieutenant
-«assez honnête et assez riche<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">&nbsp;[30]</a>.» Il donna à dîner
-à M. le gouverneur et à M<sup>lle</sup> sa s&oelig;ur, qui avaient
-préalablement entendu la messe au prieuré. L'un
-et l'autre payèrent leur tribut poétique et littéraire
-à la beauté du lieu, le frère, en écrivant son <i>Poëme
-de Notre-Dame-de-la-Garde, composé dans cette
-place</i><a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">&nbsp;[31]</a>, et la s&oelig;ur par le passage suivant d'une
-de ses lettres à M<sup>lle</sup> Paulet:</p>
-
-<p>Après avoir décrit la réception qui leur fut faite,
-et qui fut accompagnée du bruit des canons de la
-place, elle ajoute: «En vérité Notre-Dame-de-la-Garde
-est le plus beau lieu de la nature par sa
-situation. De la façon dont la place est disposée, il
-<span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span>
-y a quatre aspects différents qui sont admirables.
-D'un côté, l'on a le port et la ville de Marseille
-sous ses pieds, et si près, que l'on entend les
-hautbois de vingt-deux galères qui y sont; de
-l'autre, l'on découvre plus de douze mille bastides,
-pour parler en termes du pays; du troisième, on
-voit les îles et la mer à perte de vue, et du quatrième,
-sans rien voir de tout ce que je viens de
-dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé
-de pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude
-sont aussi affreuses que l'abondance est
-agréable de tous les autres endroits.»</p>
-
-<p>Une préoccupation plus prosaïque les porta à
-tâcher de faire mettre Notre-Dame-de-la-Garde <i>sur
-le pays</i>, c'est-à-dire à la charge de la province,
-quant à l'entretien, négociation dont on peut voir
-les détails dans la lettre à M<sup>lle</sup> Paulet, du 27 décembre
-1644. Il semble du reste que, satisfait de
-la prise de possession que nous avons décrite, Scudéry
-ne se soucia guère de revoir souvent le siége
-de son gouvernement pittoresque, mais peu logeable.
-Sa s&oelig;ur y retournait de temps à autre,
-comme lorsqu'elle y conduisit des dames marseillaises,
-impatientes de voir arriver d'Italie le cardinal
-de Lyon avec les quatre chaloupes du Grand-Duc<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">&nbsp;[32]</a>.</p>
-
-<p>Quant à Georges, il affectait aussi de se considérer
-«comme un pauvre exilé»:</p>
-
-<p class="quote">Pour moi, sur un rocher éloigné des humains<br />
-Je le suivrai des yeux et je battrai des mains,</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span>
-écrivait il à ses amis de Paris, en leur recommandant
-l'une de ses nouvelles connaissances de Marseille,
-Mascaron (Pierre-Antoine), écrivain et jurisconsulte,
-père du célèbre prédicateur que nous
-retrouverons plus tard parmi les vieux amis de
-Madeleine.</p>
-
-<p>Le frère et la s&oelig;ur avaient changé de maison à
-Marseille, pour être plus près de M<sup>me</sup> de Mirabeau.
-Aussitôt toutes les dames de la rue de recommencer
-leurs interminables visites. «Je les recevrai si
-mal, disait M<sup>lle</sup> de Scudéry, que j'espère qu'elles
-n'y reviendront plus.» Elles y revinrent, et celle-ci
-se réconcilia avec quelques personnes des deux
-sexes à Marseille et dans les environs; citons
-entre autres: Toussaint de Forbin Janson, alors
-chevalier de Malte, depuis évêque, cardinal, ambassadeur,
-avec lequel elle entretint une correspondance
-qui se prolongea au moins jusqu'à l'année
-1694<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">&nbsp;[33]</a>, et sa s&oelig;ur Renée de Forbin, mariée
-depuis 1632 à Marc-Antoine de Vento, seigneur
-des Pennes et de Peiruis, premier consul de Marseille,
-dont elle s'est souvenue dans le <i>Cyrus</i><a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">&nbsp;[34]</a>, et
-dont M<sup>me</sup> de Sévigné écrivait le 13 mai 1671:
-«M<sup>me</sup> de Pennes a été aimable comme un ange;
-<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span>
-M<sup>lle</sup> de Scudéry l'adoroit: c'étoit la princesse
-Cléobuline; elle avoit un prince Thrasybule en ce
-temps-là; c'est la plus jolie histoire du <i>Cyrus</i>.»
-M. Cousin, qui connaissait son <i>Cyrus</i> mieux que
-M<sup>me</sup> de Sévigné, nous apprend qu'il faut lire
-Cléonisbe, au lieu de Cléobuline; que celui qui
-parvient à toucher son c&oelig;ur est Peranius, prince
-de Phocée, baron de Baume ou de la Baume, suivant
-la <i>Clef</i>, le même que Marc-Antoine, dont nous
-venons de parler, puisque la Baume était une seigneurie
-des Vento; qu'enfin Thrasybule est le héros
-d'une autre aventure également d'origine provençale,
-où un corsaire d'Alger s'abstient par vertu
-d'enlever sa maîtresse Alcionide, c'est-à-dire
-M<sup>me</sup> de Courbon, femme du lieutenant de Roi à
-Monaco<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">&nbsp;[35]</a>. Il existe donc quelque confusion chez
-l'aimable marquise dans les souvenirs, déjà un
-peu éloignés pour elle, d'une lecture de sa jeunesse;
-mais ce qu'il nous importe de constater,
-c'est que, près de trente ans après le séjour
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry à Marseille, son souvenir y
-était encore présent. De son côté, elle n'avait pas
-oublié son séjour en Provence. Ainsi, dans la
-<i>Clélie</i>, en parlant de la liberté qu'il importe de
-laisser aux femmes et dont elles abusent quelquefois:
-«Je connois, dit l'auteur, en Massilie, une
-femme qui a fait cent extravagances en sa vie,
-qu'elle n'auroit pas faites si elle n'avoit pas eu un
-trop bon mari.» (T. X, p. 797.)</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span>
-Parmi les dames que M<sup>lle</sup> de Scudéry distingua
-tout d'abord dans cette ville, il en était une
-«belle, jeune et de bonne mine, l'un des plus
-beaux naturels de femme, dit-elle, que j'aie jamais
-remarqué en aucune femme de province. Elle
-parle françois comme si elle étoit née à Paris, et,
-naturellement, elle est fort éloquente; elle entend
-l'espagnol, l'italien, le latin et même le grec; elle
-est fort douce, fort civile et de fort bonne maison......
-Malheureusement, cette demoiselle, dans
-ses conversations ordinaires, cite souvent, si j'ai
-bien retenu, Trismégiste, Zoroastre et autres semblables
-messieurs qui ne sont pas de ma connoissance.»
-Malgré cette petite épigramme, que n'auraient
-pas attendue ceux qui veulent absolument
-voir une Philaminte dans M<sup>lle</sup> de Scudéry, il y
-avait là trop d'affinités naturelles pour qu'une
-liaison ne s'établît pas entre ces deux femmes.
-Mais elles avaient compté sans l'intolérance et la
-pruderie provinciales, comme le laisse entendre
-la phrase suivante: «L'injustice qu'on lui fait
-ici est si grande que je n'oserai la voir souvent,
-de peur de me charger de la haine publique<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">&nbsp;[36]</a>.»</p>
-
-<p>Quelle était donc cette fille que la lettre ne
-nomme pas, et que M. Cousin n'a pas soupçonnée?
-Si l'on veut lire, dans Tallemant (t. VIII,
-p. 327), l'historiette de M<sup>lle</sup> Diodée, Provençale,
-qui citait à ses galants Aristote, Platon, Zoroastre
-<span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span>
-et Mercure-Trismégiste, on ne doutera pas de
-son identité avec la demoiselle de la lettre, et
-l'on comprendra mieux ce que M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-dans son indulgence ordinaire, laisse à peine
-soupçonner, c'est qu'il y avait, dans la belle et
-savante Provençale, assez de l'aventurière et de la
-coquette pour compromettre, aux yeux des prudes
-marseillaises, une demoiselle respectable.</p>
-
-<p>Cependant, elles ne pouvaient vivre l'une sans
-l'autre, et elles étaient presque tous les jours ensemble.
-La conversation de M<sup>lle</sup> de Scudéry, dit
-Tallemant, guérit un peu Diodée de son langage
-pédantesque, et «ne lui voyant point parler de
-Zoroastre, etc., elle n'en osoit plus parler.» Enfin,
-au bout d'un an et demi, les deux amies se
-brouillèrent à la suite d'une aventure sur le récit
-de laquelle notre chroniqueur, peut être à dessein,
-laisse planer quelque obscurité. Certain baron,
-«qui avoit cajolé cette fille deux ans entiers,....
-mais qui ne la cajoloit plus, dont elle enrageoit
-dans son petit c&oelig;ur,» se trouvait à un bal
-masqué où celle-ci figurait en sultane, lorsqu'on
-lui apporta une lettre dans laquelle, sous des
-noms turcs, il était fait allusion à un esclave qui
-lui était échappé en se mettant sous la protection
-de la reine de Mauritanie. C'était, ajoute Tallemant,
-une dame très-brune dont le baron était
-amoureux. Or, la lettre venait de M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-dont le teint ne passait pas pour être d'une
-entière blancheur. La reine de Mauritanie, nous
-le croyons bien, n'était autre qu'elle-même, quoique
-<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span>
-Tallemant ne le dise pas. Dans tous les cas,
-M<sup>lle</sup> Diodée se crut en droit d'être jalouse, puisqu'elle
-«se gendarma et ne vit plus M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p>
-
-<p>Ajoutons ici, toujours d'après Tallemant, pour
-ceux qui désireraient connaître la fin de l'historiette,
-que M<sup>lle</sup> Diodée contracta un mariage tel
-quel avec un sieur Scarron de Vaure et vint à Paris.
-«Elle s'est bien façonnée ici. C'est une personne
-qui a grand soin de son ménage et de ses
-affaires, et qui n'a point fait parler d'elle.» Tout
-est bien qui finit bien.</p>
-
-<p>Georges et sa s&oelig;ur continuaient à partager leur
-temps entre le séjour de Marseille et des excursions
-aux environs, dont on retrouve la trace, soit
-dans la correspondance de celle-ci, soit dans les
-romans qui portent le nom du frère. Voici, par
-exemple, comment est décrite, dans <i>le Grand Cyrus</i>,
-la vieille ville de Phocée, ou plutôt de Marseille:
-«Vous pouvez aisément vous imaginer
-qu'elle n'est pas superbement bâtie comme Babylone
-ou comme on dit qu'est Ecbatane.... Elle est
-beaucoup plus longue que large, mais elle a aussi
-des fontaines et un port admirable; et quoique sa
-situation soit en penchant, et, par conséquent, un
-peu incommode, parce que les rues de traverse
-vont en montant, elle est pourtant très-agréable,
-bien que l'architecture grecque n'ait pas eu lieu
-d'y employer tous ses ornements.» Les principaux
-traits de ce tableau sont encore reconnaissables,
-malgré les métamorphoses que le percement
-<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span>
-d'une grande voie nouvelle a produites dans
-«ces vieilles rues de traverse qui vont en montant.»</p>
-
-<p>Il est encore plus facile de reconnaître la côte
-de Provence et le pays de Marseille dans cette
-description des environs de Phocée: «Plus nous
-approchions du rivage, plus le pays où nous allions
-nous sembloit agréable; car parmi mille
-arbres différents dont le paysage est semé, on
-voit, à la droite, de grosses roches stériles qui
-font paroître davantage la fertilité des autres endroits....</p>
-
-<p>«De l'autre côté est un pays plus uni, mais
-qui ne laisse pas d'être entremêlé de collines, de
-vallons, de rochers, de prairies, de fontaines et
-de ruisseaux, et de faire cent agréables inégalités
-qui rendent les maisons qu'on y a bâties tout à
-fait charmantes. De plus on y voit une si grande
-quantité d'oliviers, de grenadiers, de myrtes et
-lauriers, et tous les jardins y sont si pleins d'orangers,
-de jasmins, et mille autres belles et
-agréables choses, que je ne crois pas qu'il y ait
-un pays plus aimable que celui-là<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">&nbsp;[37]</a>.» Ainsi que
-le remarque M. Cousin, M<sup>lle</sup> de Scudéry n'oublie
-même pas ce qui gâte un peu le plaisir d'habiter
-ces belles contrées, le mistral, «ce vent impétueux
-qui abat souvent les plus grands arbres.»</p>
-
-<p>Parmi les lieux que Georges et Madeleine durent
-aller voir aux environs, nous citerons le château
-<span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span>
-de Pennes et celui de Forbin qui est décrit
-dans le <i>Cyrus</i>. J'ai peine à croire aussi qu'elle
-n'ait pas visité à Grasse, «dans son petit temple
-auprès de Sidon<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">&nbsp;[38]</a>,» l'évêque Godeau, l'un de ses
-plus anciens amis, qu'elle attendait à Marseille en
-mars 1647. Le 2 septembre 1646, la présence de
-Georges et de Madeleine est signalée à Aix où
-M. de Monconys, le voyageur, rencontra le frère
-aux Capucins, dans l'allée des Lauriers, circonstance
-qui dut lui inspirer quelque allusion flatteuse,
-et alla dans l'après-dîner saluer la s&oelig;ur,
-souvenir qu'il n'a pas jugé indigne d'être consigné
-à sa date dans le <i>Journal de ses voyages</i><a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">&nbsp;[39]</a>.</p>
-
-<p>A l'énumération des souvenirs de la Provence
-qui se retrouvèrent plus tard sous la plume de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry peut-être faut-il ajouter un épisode
-qui, après avoir figuré au t. IX, l. <span class="smallc">III</span> du <i>Cyrus</i>,
-puis au t. II des <i>Conversations sur divers sujets</i>,
-Paris, 1680, ou Amsterdam, 1682, in-12, sous le
-titre de: <i>Bains des Thermopyles</i>, a été réimprimé
-à part, également sous ce dernier titre, en 1732.
-C'est la description d'une ville de bains près de
-la mer<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">&nbsp;[40]</a>, où, sous des noms grecs, plusieurs personnes
-de la société qui s'y trouve réunie nous
-semblent désignées par des allusions assez transparentes.
-Eupolie, cette dame de Corinthe, «qui,
-<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span>
-avec mille grandes qualités qui la rendent admirable,
-craint la mort avec excès,» ne ressemble-t-elle
-pas singulièrement à M<sup>me</sup> de Sablé<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">&nbsp;[41]</a>; et est-ce
-trop se hasarder que de reconnaître Ninon et Diodée
-dans Aspasie et Diodote, ces deux femmes qui
-«avoient donné lieu à la médisance de soupçonner
-leur vertu», que les hommes et même les femmes
-les plus vertueuses allaient voir, mais que l'auteur
-s'abstint de visiter?</p>
-
-<p>Quoi qu'il en soit, ni Scudéry ni sa s&oelig;ur n'avaient
-quitté la capitale sans esprit de retour. On
-a déjà pu voir que le gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde
-ne prenait pas très au sérieux le devoir
-de la résidence, et, quant à Madeleine, en
-supposant même «qu'elle se fût beaucoup plu à
-Marseille», comme le dit trop affirmativement
-M. Cousin, elle n'avait pas cessé, dès son arrivée
-en Provence, d'avoir un regard tourné vers Paris.
-Veut-elle vanter la beauté de l'hiver dans la première
-de ces villes, elle ne croit pouvoir mieux
-faire que de le comparer au printemps de la seconde.
-«Ce n'est pas que, si je pouvois dépeindre
-la beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous fisse
-<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span>
-un tableau assez agréable, et que je ne vous fisse
-avouer qu'il fait honte au printemps de Paris.
-L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé
-de glaçons, est ici couronné de fleurs. Sincèrement,
-Mademoiselle, à l'heure même que je vous parle,
-l'on vient de m'envoyer des bouquets d'anémones,
-d'&oelig;illets, de narcisses, de jasmin, de fleurs d'orange,
-plus beaux que M<sup>lle</sup> de Lorme n'en porte
-au mois de mai, et ce qu'il y a de commode ici,
-est que l'on fait des visites à la fin de décembre,
-sans avoir besoin de feu, que l'on se promène sur
-le port comme l'on se promène aux Tuileries en
-juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une fois,
-et que le soleil y est toujours aussi pur et aussi
-clair que dans la saison où il fait naître les roses.
-Mais le mal est que, pour jouir de tous ces plaisirs
-innocents, il faut souffrir d'autres incommodités,
-et que l'on ne peut s'approcher de l'Orient sans
-s'éloigner de Paris<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">&nbsp;[42]</a>.»</p>
-
-<p>Du reste, toutes les lettres de M<sup>lle</sup> de Scudéry à
-cette époque prouvent que ses amis et amies de
-Paris étaient sans cesse présents à sa pensée.
-«Souvenez vous, écrivait-elle à Chapelain (31 janvier
-1645), que l'amitié a ses délicatesses aussi
-bien que l'amour.» Tantôt elle aime à se persuader
-que Chapelain n'est pas jaloux de Conrart;
-tantôt, dans une correspondance aigre-douce avec
-le premier, où le dépit tâche de prendre le masque
-de la plaisanterie, elle se montre elle-même piquée
-<span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span>
-des attentions particulières qu'il témoigne pour
-M<sup>lle</sup> Robineau. On plaisantait un peu de tout cela
-dans la rue Saint-Thomas du Louvre, car une
-lettre du 28 mars 1645 renferme une allusion à
-la guerre que M<sup>lle</sup> de Rambouillet et M<sup>lle</sup> Paulet
-avaient faite là-dessus à Chapelain, et M<sup>lle</sup> de Scudéry
-ajoutait: «Vous savez mieux que vous ne
-dites qu'un galant n'est pas pour moi.» Du reste
-le héros de toutes ces picoteries, comme on disait
-alors, écrivait le 12 avril suivant à l'amie de Marseille
-une lettre conciliante et affectueuse qui remettait
-toute chose en sa place. Il lui adressait
-en même temps des éloges sur le style de ses
-lettres: «Je les ai fait voir non seulement à
-M<sup>lle</sup> Robineau qui y étoit si agréablement grondée,
-et qui ne pouvoit mais du sujet que vous avez
-pris de m'y quereller si obligeamment, mais encore
-à tout l'hôtel de Clermont, à tout l'hôtel de
-Rambouillet, à M<sup>me</sup> de Sablé et à M<sup>lle</sup> de Chalais,
-à M. Conrart, à M<sup>lle</sup> de Longueville, et à M<sup>me</sup> de
-Longueville elle-même, qui tous leur ont fait justice
-en leur donnant des éloges qu'on ne donne
-qu'aux pièces achevées.»</p>
-
-<p>On voit que si Madeleine pensait à ses amis de
-Paris, ceux-ci, de leur côté, ne l'oubliaient pas.
-Vers cette époque (1647), ils lui en donnaient une
-preuve en cherchant à la tirer de la position un
-peu précaire et dépendante où elle était auprès de
-son frère, pour la faire attacher à l'éducation de
-«trois importantes personnes», évidemment les
-trois plus jeunes nièces du cardinal Mazarin que
-<span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span>
-celui-ci songeait alors à faire venir en France, ou
-tout au moins d'Olympe Mancini, l'une d'elles,
-que la duchesse d'Aiguillon destinait au fils du
-maréchal de la Porte, son neveu à la mode de Bretagne,
-devenu plus tard duc de Mazarin par son
-mariage avec Hortense. On avait aussi pensé, pour
-ces délicates fonctions, à M<sup>lle</sup> de Chalais, amie et
-commensale de M<sup>me</sup> de Sablé, et il y eut entre elle
-et Madeleine une lutte de générosité dont deux
-lettres de M<sup>lle</sup> de Chalais nous ont conservé le
-souvenir. Ni l'une ni l'autre n'eut la place. Elle
-fut donnée, comme le prévoyait cette dernière<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">&nbsp;[43]</a>,
-à une grande dame dont le nom répondait mieux
-aux vues ambitieuses du cardinal pour ses nièces,
-à la marquise de Senecey qui avait été gouvernante
-du jeune roi Louis XIV.</p>
-
-<p>Le 21 août 1647, Madeleine de Scudéry écrivait
-de Marseille à M<sup>lle</sup> Marie Dumoulin: «Je suis
-dans tout l'embarras que peut causer un voyage
-de 200 lieues que j'espère commencer dans une
-heure.» Soit que le départ ait été retardé, soit
-plutôt que le frère et la s&oelig;ur,&mdash;car ils partaient
-ensemble&mdash;aient fait plusieurs stations en route,
-nous ne retrouvons leur trace que deux mois après,
-aux environs de Valence où le fait de leur passage
-<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span>
-semble résulter d'une nouvelle singulièrement racontée,
-et rectifiée plus singulièrement encore dans
-la <i>Gazette</i> de l'année 1647. On y lisait d'abord
-p. 978, sous la rubrique d'Avignon, 16 octobre:</p>
-
-<p>«On a ici appris la mort du sieur de Scudéry,
-arrivée à une lieue et demie au dessus de Valence,
-au passage de la rivière de l'Isère, par l'ouverture
-du bateau qui se fendit, en venant de Paris
-avec une sienne s&oelig;ur, pour se rendre à son gouvernement
-de Notre-Dame-de-la-Garde de Marseille,
-dont le Roi défunt l'avoit honoré depuis
-quelques années à la recommandation du feu cardinal
-duc de Richelieu, qui avoit en singulière
-estime son bel esprit et sa grande capacité dans la
-poésie.»</p>
-
-<p>J'imagine que l'émotion fut grande dans la rue
-Saint-Thomas du Louvre et au quartier du Marais,
-à la lecture de cette feuille si mal informée. Heureusement
-que les nombreux amis de notre couple
-littéraire purent se rassurer en lisant quelques
-jours après, à la date du 23 octobre, p. 1014,
-cette rectification naïve du malencontreux correspondant:</p>
-
-<p>«Le bruit du retour du sieur de Scudéry en son
-gouvernement, et la perte d'un bateau qui s'est ouvert
-au dessus de Valence, au passage de la rivière
-de l'Isère, dans lequel étoient quelques personnes
-de condition, avoient donné lieu à la nouvelle qu'il
-y étoit péri avec sa compagnie; mais il ne se trouve
-rien de vrai en ce que je vous en ai écrit, <i>que les
-louanges qu'on lui a données</i>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span>
-C'est aussi à l'époque de ce retour que doit se
-placer l'anecdote plus ou moins arrangée par Fléchier,
-et exploitée depuis par les dramaturges<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">&nbsp;[44]</a>, à
-laquelle nous avons déjà fait allusion. «Nous parlâmes,
-dit-il dans ses <i>Mémoires sur les grands
-jours</i><a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">&nbsp;[45]</a>,.... des Romans de Sapho et d'une aventure
-plaisante qui lui arriva à Lyon, lorsqu'elle revenoit
-à Paris avec M. de Scudéry, son frère. On leur
-avoit donné une chambre dans l'hôtellerie, qui
-n'étoit séparée que d'une petite cloison d'une autre
-chambre où l'on avoit logé un bon gentilhomme
-d'Auvergne, si bien qu'on pouvoit les entendre
-discourir. Ces deux illustres personnes n'avoient
-pas grand équipage, mais ils traînoient partout
-avec eux une suite de héros qui les suivoient dans
-leur imagination.... Dès qu'ils furent arrivés à
-Lyon et qu'ils eurent pris une chambre dans l'hôtellerie,
-ils reprirent leurs discours sérieux, et tinrent
-conseil s'ils devoient faire mourir un des
-héros de leur histoire; et, quoiqu'il n'y eût qu'un
-frère et une s&oelig;ur à opiner, les avis furent partagés.
-Le frère, qui a l'humeur un peu plus guerrière,
-concluoit d'abord à la mort; et la s&oelig;ur, comme
-d'une complexion plus tendre, prenoit le parti de
-la pitié et vouloit bien lui sauver la vie. Ils s'échauffèrent
-un peu sur ce différend, et Sapho étant revenue
-à l'autre avis, la difficulté ne fut plus qu'à
-<span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span>
-choisir le genre de mort. L'un crioit qu'il falloit le
-faire mourir très-cruellement, l'autre lui demandoit
-par grâce de ne le faire mourir que par le
-poison. Ils parloient si sérieusement et si haut,
-que le gentilhomme d'Auvergne, logé dans la
-chambre voisine, crut qu'on délibéroit sur la vie
-du Roi.....; il s'en va faire sa plainte à l'hôte, qui
-ne prenant point ce fait pour une intrigue de roman,
-fit appeler les officiers de la justice pour informer
-sur la conjuration de ces deux inconnus. Ces
-Messieurs... se saisirent de leurs personnes et les
-interrogèrent sur le champ: s'ils n'avoient point
-eu dans l'esprit quelque grand dessein depuis leur
-arrivée? M. de Scudéry répondit que oui; s'ils n'avoient
-point menacé la vie du prince de mort
-cruelle ou de poison? Il l'avoua; s'ils n'avoient
-pas concerté ensemble le temps et le lieu? Il tomba
-d'accord; s'ils n'alloient point à Paris pour exécuter
-et pour mettre fin à leur dessein? Il ne le
-nia point. Là dessus, on leur demanda leur nom,
-et ayant ouï que c'étoient M. et M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-ils connurent bien qu'ils parloient plutôt de Cyrus
-et d'Ibrahim que de Louis, et qu'ils n'avoient
-d'autre dessein que de faire mourir en idée des
-princes morts depuis longtemps. Ainsi leur innocence
-fut reconnue, etc.<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">&nbsp;[46]</a>»</p>
-
-<p>Nous avons raconté avec quelque développement
-les trois années que Scudéry et sa s&oelig;ur passèrent
-<span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span>
-en Provence, d'abord parce que des recherches
-faites sur les lieux mêmes nous ont permis d'éclaircir
-certains points mal connus jusqu'ici, ensuite
-parce que ce séjour ne fut pas sans influence,
-au point de vue social et littéraire, sur la suite de
-leur vie et de leurs ouvrages. Nous n'insisterons
-pas ici sur les vers, trop souvent médiocres, que
-l'aspect des lieux inspira à Scudéry, et nous ne citerons
-que pour en signaler le ridicule, un échantillon
-de sa prose daté pompeusement <i>du Fort de
-Notre-Dame-de-la-Garde</i>, auquel Tallemant a fait
-allusion<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">&nbsp;[47]</a>. «Ceux qui gouvernent cette monarchie
-y est-il dit dans l'<i>Epître au lecteur</i>, savent tenir
-les ennemis de la France si loin de notre royaume,
-que les Gouverneurs des places frontières ont loisir
-de faire des livres.... J'ai cru, lecteur, que
-puisque la Fortune n'a pas voulu que j'eusse aucune
-part aux affaires, il m'étoit du moins permis
-de faire voir que, si elle m'y eût appelé, je m'en
-serois peut-être acquitté sans honte, et que celui
-qui a fait parler Louis Quatrième et tant d'autres
-Rois auroit été capable de servir Louis Quatorze....
-si, au lieu de le reléguer aux dernières extrémités
-de cet État, il avoit plu à cette Fortune de le
-retenir à la Cour et de lui donner quelqu'emploi.»</p>
-
-<p>Cet ouvrage est le dernier de ceux que Scudéry
-ait datés du lieu de son gouvernement, quoiqu'il
-ait continué à prendre le titre de Gouverneur de
-<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span>
-Notre-Dame-de-la-Garde jusqu'en 1663 dans les
-derniers volumes du roman d'<i>Almahide</i>.</p>
-
-<p>Dès 1656<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">&nbsp;[48]</a>, Chapelle et Bachaumont traçaient la
-fameuse description qui est restée dans toutes les
-mémoires:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>«C'est Notre-Dame-de-la-Garde,</p>
-<p>Gouvernement commode et beau,</p>
-<p>A qui suffit pour toute garde</p>
-<p>Un Suisse avec sa hallebarde,</p>
-<p>Peint sur la porte du château.</p>
-</div></div>
-
-<p>«Ce fort est sur le sommet d'un rocher presque
-inaccessible.... Nous grimpâmes plus d'une heure
-avant que d'arriver à l'extrémité de cette montagne,
-où l'on est bien surpris de ne trouver qu'une
-méchante masure tremblante, prête à tomber au
-premier vent. Nous frappâmes à la porte, mais
-doucement, de peur de la jeter par terre, et, après
-avoir heurté longtemps, sans entendre même un
-chien aboyer sur la tour,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Des gens qui travailloient là proche</p>
-<p>Nous dirent: Messieurs, là dedans</p>
-<p>On n'entre plus depuis longtemps.</p>
-<p>Le gouverneur de cette roche,</p>
-<p>Retournant en Cour par le coche,</p>
-<p>A depuis environ quinze ans<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">&nbsp;[49]</a>,</p>
-<p>Emporté la clef dans sa poche.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span>
-«La naïveté de ces bonnes gens nous fit bien
-rire, surtout quand ils nous firent remarquer un
-écriteau, que nous lûmes avec assez de peine, car
-le temps l'avoit presque effacé:</p>
-
-<p class="quote">Portion de Gouvernement<br />
-A louer tout présentement.</p>
-
-<p>«Plus bas, en petit caractère:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Il faut s'adresser à Paris</p>
-<p>Ou chez Conrart, le secrétaire,</p>
-<p>Ou chez Courbé, l'homme d'affaire</p>
-<p>De tous messieurs les beaux esprits.»</p>
-</div></div>
-
-<p>Évidemment tout cela est un peu chargé, et un
-historien de Notre-Dame-de-la-Garde est allé jusqu'à
-douter que nos deux Épicuriens voyageurs
-se soient donné la peine de grimper jusqu'en haut
-de la montagne. Mais leur description n'en aura
-pas moins le dernier mot, comme tout ce qui est
-marqué au coin du goût et de la bonne plaisanterie.</p>
-
-<p>Mieux que les vers et la prose du frère, les
-lettres de la s&oelig;ur, dont nous avons cité d'assez
-nombreux extraits, et qu'on retrouvera plus complètes
-dans la Correspondance, nous paraissent,
-malgré l'abus de l'esprit, avoir retenu une empreinte
-fidèle des lieux, des personnes et des
-m&oelig;urs. Nous avons pu contrôler sur le vif quelques-unes
-<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span>
-de ses peintures, et, malgré la différence
-des temps, nous en avons reconnu la fidélité.
-Ce petit coin de la vie provinciale sous
-Louis XIV, encore si peu connue, reçoit des lettres
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry une vive lumière, et elles
-resteront comme une page à la fois littéraire et
-historique.</p>
-
-<p>Celle-ci, comme nous l'avons vu, demeura en
-correspondance avec Marseille jusqu'aux dernières
-années de sa vie<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">&nbsp;[50]</a>. Aussi plus d'un souvenir de
-son séjour dans cette ville cosmopolite et semi-orientale;
-aventuriers des deux sexes, types plus
-ou moins francisés de Turcs et d'Africains, corsaires
-généreux, héroïques Bassas, etc., tout cela
-se retrouvera dans ses ouvrages et mêlera un peu
-de réalité à la fantaisie dans les compositions romanesques
-qui illustreront le nom de son frère
-et le sien au milieu du monde littéraire parisien
-où nous allons les suivre.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">II</span><br />
-<span class="large">LE <i>CYRUS</i>, LA <i>CLÉLIE</i>, ETC.&mdash;LES SAMEDIS.&mdash;PELLISSON.&mdash;RÉACTION<br />
-LITTÉRAIRE.</span><br />
-<span class="medium">1647-1659.</span></h2>
-</div>
-
-<p>Scudéry et sa s&oelig;ur, lors de leur retour dans la
-capitale, à la veille de la Fronde, ne retrouvèrent
-pas l'hôtel de Rambouillet dans l'état où ils l'avaient
-laissé. La maîtresse du lieu, le chef de cette
-famille aristocratique, l'âme de cette réunion brillante
-et polie qui s'y groupait naguères autour
-d'elle, la marquise de Rambouillet, commençait
-à ressentir les atteintes de la vieillesse. Ses deux
-filles avaient suivi leurs maris en province. Les
-quatre années de guerre civile qui marquèrent la
-période aiguë de la Fronde, dispersèrent une partie
-des amis de la maison, quand elles ne les brouillèrent
-pas. En un mot, cette société qu'ils avaient
-vue si florissante penchait déjà vers son déclin, et,
-au moment même (1651) où paraissait dans le
-tome VII du <i>Grand Cyrus</i> «la description la plus
-fidèle, la plus complète, comme aussi la plus
-agréable qui soit parvenue jusqu'à nous, de ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span>
-sanctuaire de la bonne compagnie au dix-septième
-siècle<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">&nbsp;[51]</a>», elle allait bientôt se réduire au cercle
-étroit de la famille et de quelques amis.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> de Caylus, dans ses <i>Souvenirs</i>, cite les hôtels
-d'Albret, de Richelieu, comme ayant été «une
-suite et une continuation de l'hôtel de Rambouillet»;
-mais nous avons le témoignage de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry elle-même sur les sociétés qui l'accueillirent
-au sortir du théâtre de ses premiers pas dans
-le monde.</p>
-
-<p>Dans une lettre adressée, suivant toute vraisemblance,
-à M. de Pomponne, et dont malheureusement
-nous n'avons pu recueillir que ce trop court
-passage, elle s'exprime ainsi: «Souvenez-vous,
-Monsieur, que j'ai commencé d'être connue des
-gens par l'hôtel de Rambouillet, et en suis sortie
-par l'hôtel de Nevers et l'hôtel de Créqui<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">&nbsp;[52]</a>.»</p>
-
-<p>Georges de Scudéry avait réuni en 1649 ses <i>Poésies
-diverses</i>, et, pour se poser en homme sérieux, il
-s'excusait ainsi, dans l'<i>Avis au lecteur</i>, de ce que
-ce volume renfermait pour la dernière fois des
-vers d'amour: «Ce n'est pas que j'aie encore besoin
-<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span>
-de beaucoup de poudre pour cacher la blancheur
-de mes cheveux, ni que ma vieillesse soit
-décrépite. Mais enfin, j'ai quarante-huit ans, et ma
-première maîtresse n'est plus belle, etc.» Admis
-à l'Académie l'année suivante, il gardait auprès
-de lui, avec une sollicitude jalouse, sa s&oelig;ur Madeleine,
-qui lui rendait en collaboration utile et discrète<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">&nbsp;[53]</a>
-ce qu'elle recevait de lui comme notoriété,
-comme crédit auprès du public et des libraires,
-profitant ainsi, avec sa réserve ordinaire, du bruit
-fait autour d'un nom qui était aussi le sien. Cependant,
-on la voit prendre parti pour son compte
-dans la querelle des sonnets de Job et d'Uranie,
-où elle tient pour Uranie avec la duchesse de Longueville<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">&nbsp;[54]</a>.
-Dans la guerre de la Fronde, qui éclata
-presqu'en même temps, les Scudéry embrassèrent
-avec plus d'ardeur encore, et aussi avec plus de
-péril, le parti du grand Condé et de la belle duchesse.
-Tandis que le frère se compromettait pour
-les intérêts de M. le Prince, au point d'être obligé
-de se cacher<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">&nbsp;[55]</a>, puis de quitter Paris, la s&oelig;ur, animée
-<span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span>
-d'un dévouement non moins chaleureux, consacrait
-sa prose et ses vers à la défense des deux
-grands personnages dont la cause se confondait
-dans son esprit avec le patriotisme lui-même. Car
-les sentiments monarchiques, qui lui étaient communs
-avec l'immense majorité de la nation, ne
-l'empêchaient pas de dire, avec un accent ému
-rare à cette époque: «L'amour de la patrie est
-bien avant dans mon c&oelig;ur<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">&nbsp;[56]</a>.» Sur ce chapitre,
-elle pensait, comme M<sup>lle</sup> de Gournay, <i>à la vieille
-françoise</i>, et l'on voit, par exemple, dans une lettre
-à Conrart<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">&nbsp;[57]</a> qu'elle n'entendait pas raillerie lorsqu'il
-s'agissait de la vertu de l'héroïne que Chapelain
-s'apprêtait à chanter.</p>
-
-<p>«M<sup>me</sup> de Longueville, dit Tallemant, à propos
-du dévouement des Scudéry dans cette circonstance,
-n'ayant rien de meilleur à leur donner, leur
-envoya de son exil son portrait avec un cercle de
-diamants; il pouvoit valoir douze cents écus.»
-Une lettre inédite que nous possédons confirme et
-les services rendus et la reconnaissance de la duchesse.
-«Je ne prétends pas, écrivait-elle à Scudéry,
-de Moulins, le 29 août (1654), que le petit
-<span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span>
-présent que je vous ai fait vous montre toute ma
-reconnoissance, je prétends seulement qu'il vous
-la marque, et qu'en vous faisant souvenir de moi
-il vous remette dans la mémoire une personne qui
-a gravé dans la sienne ce que vous avez fait pour
-elle, et qui, n'étant pas née tout à fait bassement,
-ne peut être aussi touchée de votre générosité sans
-souhaiter qu'une meilleure fortune lui fournisse
-les occasions de contribuer à rendre la vôtre proportionnée
-à votre mérite.... Je vous prie que
-M<sup>lle</sup> de Scudéry sache par votre moyen que je conserve
-pour elle toute l'estime qu'elle mérite.»</p>
-
-<p>Mais ce dévouement, cette admiration des Scudéry
-pour les Condé&mdash;le glorieux auteur d'<i>Alaric</i>
-n'aurait pas parlé autrement&mdash;se révélaient d'une
-manière encore plus éclatante dans un roman qui
-faisait alors beaucoup de bruit et qui, sans inaugurer
-un genre tout à fait nouveau, passait du
-moins pour en être le modèle le plus accompli.
-<i>Artamène</i> ou le <i>Grand Cyrus</i> avait paru en dix
-parties ou volumes, publiés depuis le commencement
-de 1649 jusqu'à la fin de 1653, sous
-le nom de M. de Scudéry, gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde.
-C'était, ainsi que le proclamaient,
-dans tout le cours de la publication, les
-dédicaces, les portraits, les chiffres, les illustrations
-des volumes, une glorification perpétuelle de
-la maison de Condé. M<sup>me</sup> de Longueville figurait
-en tête et à la fin de l'ouvrage dont les diverses
-parties lui étaient adressées, au fur et à mesure
-de leur apparition, par M<sup>lle</sup> de Scudéry, soit à
-<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span>
-l'hôtel de Longueville et à celui de Condé, soit à
-Stenay et à Montreuil-Bellay, partout où les portait
-la bonne et la mauvaise fortune. Tout le monde,
-à commencer par les intéressés eux-mêmes, reconnaissait,
-sous des noms persans, mèdes, assyriens,
-le vainqueur de Rocroy et de Lens dans Cyrus; sa
-s&oelig;ur dans la blonde Mandane, douce et fière à la
-fois; les lieutenants du prince dans les guerriers
-d'Asie qui accompagnaient le héros persan; les
-beautés célèbres de la cour d'Anne d'Autriche
-dans les belles dames des cours d'Ecbatane, de
-Sardes, de Babylone; l'hôtel de Rambouillet dans
-le palais de Cléomire, enfin dans Sapho, cette
-fille savante, aimable et sage de Mytilène, «dont
-la beauté n'étoit pas sans défauts, ni le teint de la
-dernière blancheur, mais généreuse, désintéressée,
-fidèle dans ses amitiés, à la conversation si naturelle,
-si aisée et si galante,» M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même
-qui, entre les divers noms sous lesquels
-ses contemporains la désignèrent,&mdash;Philoclée
-dans le <i>Royaume de coquetterie</i> de l'abbé d'Aubignac,
-Polymathie dans le <i>Roman bourgeois</i>, la bergère
-Acacie dans des vers de Conrart, Artélice
-dans l'<i>Eurymédon</i>, Daphné dans M<sup>me</sup> de la Suze,
-la docte Sophie dans Somaize, etc., etc.,&mdash;choisit
-et adopta définitivement celui de Sapho qui lui
-est resté.</p>
-
-<p>Déjà en 1641, avant le voyage de Marseille,
-avait paru un premier roman: <i>Ibrahim ou l'Illustre
-Bassa</i>, sous le nom de Scudéry qui, deux ans
-après, en avait fait une tragi-comédie, déclarant
-<span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span>
-hardiment dans la Préface, «qu'il avoit été trop
-heureux en roman pour ne pas l'être en comédie.»
-On y trouve deux épisodes que reprirent depuis
-les historiens et les dramaturges: celui du comte
-de Lavagne (conjuration de Fiesque), et celui de
-Mustapha et Zéangir. Guéret, dans son <i>Parnasse
-réformé</i>, insinue que Georges n'en était pas l'auteur;
-et Tallemant s'exprime d'une manière encore
-plus positive dans son <i>Historiette</i> des Scudéry:
-«Elle a fait une partie des harangues des <i>Femmes
-illustres</i><a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">&nbsp;[58]</a> et tout l'<i>Illustre Bassa</i>.» Segrais, de son
-côté, dit qu'avant l'<i>Illustre Bassa</i> M<sup>lle</sup> de Scudéry
-avait beaucoup contribué aux tragédies de son
-frère. Il est certain, comme nous l'avons déjà indiqué,
-qu'il y eut de bonne heure entre le frère et
-la s&oelig;ur une collaboration à laquelle chacun d'eux
-trouvait son compte. C'était chose sous-entendue
-dans leur entourage littéraire le plus intime. Par
-exemple, Balzac, dans sa Correspondance<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">&nbsp;[59]</a>, charge
-Conrart de remercier Scudéry de l'envoi du <i>Grand
-Cyrus</i>; mais, en disant: «J'ai déjà été régalé du
-9<sup>e</sup> volume», il ajoute: «Je vous demande un
-compliment de votre façon pour M. et M<sup>lle</sup> de Scudéry.»
-«Ceux qui la connoissoient un peu, dit encore
-Tallemant, virent bien dès les premiers volumes
-de <i>Cyrus</i> que Georges ne faisoit que la préface
-et les épîtres dédicatoires. La Calprenède le
-lui dit une fois en présence de sa s&oelig;ur, et ils se
-<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span>
-fussent battus sans elle.» Et plus loin: «Quand
-Scudéry corrigeoit les épreuves des romans de sa
-s&oelig;ur, car par grimace il faut bien que ce soit lui,
-s'il reconnoissoit quelqu'un, d'un trait de plume
-aussitôt il le défiguroit, et de brun le faisoit
-noir.»</p>
-
-<p>Dans cette collaboration, M. Cousin donne ainsi
-la meilleure part à M<sup>lle</sup> de Scudéry: «Selon une
-tradition fort vraisemblable, ils composaient de la
-manière suivante. Ils faisaient ensemble le plan:
-Georges, qui avait de l'invention et de la fécondité,
-fournissait les aventures et toute la partie romanesque,
-et il laissait à Madeleine le soin de jeter
-sur ce fond assez médiocre son élégante broderie
-de portraits, d'analyses sentimentales, de lettres,
-de conversations. S'il en est ainsi, tout ce qu'il y a
-de défectueux dans le <i>Cyrus</i> viendrait du frère, et
-ce qu'il y a d'excellent et de durable serait l'&oelig;uvre
-de la s&oelig;ur<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">&nbsp;[60]</a>.»</p>
-
-<p>Peut-être ne faut-il voir là qu'une exagération
-en sens contraire de l'opinion primitivement reçue.
-Car il y a eu réaction dans les jugements des
-littérateurs et des bibliographes<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">&nbsp;[61]</a>, quant aux ouvrages
-d'imagination portant le nom de Scudéry.
-Après avoir tout attribué au frère, on veut maintenant
-<span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span>
-donner tout à la s&oelig;ur. La vérité ne serait-elle
-pas entre ces deux extrêmes? Ainsi, lorsqu'on
-se rappelle que Scudéry avait servi, et qu'on le
-voit, en toute circonstance, se piquer de ses connaissances
-dans l'art militaire, il est difficile de
-croire que les épisodes de guerre, où se complaît
-l'auteur du <i>Cyrus</i>, et où M. Cousin a reconnu les
-relations les plus exactes, les plus techniques du
-siége de Dunkerque, des batailles de Lens et de
-Rocroy, du combat de Charenton, etc., ne soient
-pas l'ouvrage du soldat romancier dont le nom
-figure partout, sur le titre et dans les dédicaces de
-l'ouvrage.</p>
-
-<p>Depuis quelque temps, M<sup>lle</sup> de Scudéry voyait
-chez son ami Conrart un avocat de Castres établi à
-Paris, protestant comme celui-ci, pourvu comme
-lui d'une charge de secrétaire au Conseil, et qui
-travaillait sous ses auspices à la <i>Relation contenant
-l'histoire de l'Académie françoise</i>. C'était un petit
-homme disgracieux de taille et de visage, qui,
-selon le mot de Guilleragues répété par M<sup>me</sup> de
-Sévigné, abusait de la permission qu'ont les hommes
-d'être laids. Mais, en le dédoublant, disait
-encore la spirituelle marquise, on trouvait une
-belle intelligence et une belle âme. Également
-propre à la société, aux lettres et aux affaires, sous
-un extérieur qui paraissait repousser la sympathie,
-il cachait le don de la ressentir et de l'inspirer.
-C'est par là que devait être prise M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-à peine moins maltraitée au point de vue des
-avantages extérieurs, mais, c'est Ménage qui l'affirme,
-<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span>
-plus capable d'aimer fortement que Pellisson
-lui-même. Ainsi commença une de ces amitiés
-célèbres, bien voisines de l'amour<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">&nbsp;[62]</a>, qui en eut les
-vicissitudes, les jalousies, les petitesses et les
-grandeurs, et dont il est parlé si longuement,
-comme par un auteur plein de son sujet, au
-tome X du <i>Grand Cyrus</i>.</p>
-
-<p>Pellisson rencontrait M<sup>lle</sup> de Scudéry chez des
-amis communs, mais il n'osait aller chez son
-frère, car celui-ci lui en voulait, dit Tallemant,
-«parce qu'il ne l'avoit pas mis dans sa <i>Relation
-de l'Académie</i>.» Aussi, dans ce dernier volume du
-<i>Cyrus</i>, qui parut en décembre 1653, il est question
-d'un frère de Sapho, Charaxe, qui s'oppose
-à la liaison de sa s&oelig;ur et de Phaon. D'ailleurs,
-nous avons vu qu'il la gardait presque en charte
-privée. De là, un nouveau grief qu'il faut aussi
-entendre raconter à Tallemant. «M. de Grasse<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">&nbsp;[63]</a>
-donnoit à dîner à la demoiselle, à Conrart et à
-<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span>
-quelques autres; Conrart trouva Pellisson en chemin
-et l'y mena. Le lendemain, le petit prélat, qui
-n'étoit point averti, rencontre Scudéry à l'hôtel de
-Rambouillet et lui dit, entr'autres choses, que Mademoiselle
-sa s&oelig;ur avoit amené M. Pellisson dîner
-chez lui, et lui dit mille biens de ce garçon. Le
-soir, Scudéry pensa manger sa s&oelig;ur<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">&nbsp;[64]</a>.»</p>
-
-<p>Cependant, lorsque l'auteur des <i>Historiettes</i>
-ajoute: «Elle avoit pris le samedi pour demeurer
-au logis, afin de recevoir ses amis et ses
-amies<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">&nbsp;[65]</a>,» il ne faut pas croire qu'elle ait attendu
-pour cela sa séparation d'avec son frère. Dès 1653,
-les Samedis se tenaient, soit au logis commun du
-frère et de la s&oelig;ur, vieille rue du Temple<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">&nbsp;[66]</a>, soit
-<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span>
-chez M<sup>lle</sup> Boquet ou M<sup>me</sup> Aragonnais, leurs voisines.
-Dès lors aussi, M<sup>lle</sup> de Scudéry faisait les
-honneurs de cette réunion; <i>elle tenoit maison</i>, dit
-expressément le <i>Cyrus</i>. C'est à ce logis de la
-vieille rue du Temple que se rapporte la description
-du roman<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">&nbsp;[67]</a> et aussi la visite racontée par Ménage:
-«M<sup>me</sup> de Montbazon vint un jour me voir
-et m'emmena avec elle dans son carrosse pour aller
-avec elle à la promenade. Quand nous fûmes montés,&mdash;Où
-irons-nous, me dit-elle?&mdash;Allons voir,
-lui dis-je, M<sup>lle</sup> de Scudéry. Elle n'avoit jamais été
-chez elle. Étant arrivés, nous entrâmes dans la
-salle. M<sup>lle</sup> de Scudéry étoit dans une chambre au-dessus.
-Sa vieille étant montée aussitôt pour l'avertir:
-Mademoiselle, lui dit-elle, venez vite;
-M. Ménage est là avec la plus belle femme de
-France<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">&nbsp;[68]</a>.»</p>
-
-<p>Pellisson, dans une lettre datée de Chambord,
-le 14 octobre 1668, donne aussi quelques détails
-sur l'intérieur de M<sup>lle</sup> de Scudéry. «Je vous assure
-qu'il me semble tous les jours que le Brun,
-Mansart et le Nostre ont employé tout leur talent
-et leur savoir dans les lieux où le Roi passe.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span></div>
-<p class="i3"> S'il s'avisoit d'entrer jamais</p>
-<p class="i4"> Dans le médiocre palais</p>
-<p class="i2"> Où vous régnez dans les tournelles,</p>
-<p>La maison aussitôt deviendroit des plus belles,</p>
-<p class="i1"> Le vilain vestibule en seroit honoré,</p>
-<p class="i2"> L'obscur degré seroit tout éclairé,</p>
-<p class="i4"> Le passage seroit paré.</p>
-<p class="i3"> Que de lustres dans les ruelles!</p>
-<p class="i1">Le cabinet enfin vous paroîtroit doré<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">&nbsp;[69]</a>.»</p>
-</div></div>
-
-<p>Le cabinet de M<sup>lle</sup> de Scudéry fut de tout temps
-fort modeste, car elle écrivait à l'abbé Boisot, le
-9 octobre 1694 (elle demeurait alors rue de Beauce):
-«Que l'Ermite vienne quelquefois à ma cellule,
-car mon cabinet se peut appeler ainsi.»</p>
-
-<p>Dans cette première habitation, comme plus
-tard dans la seconde, se trouvait un jardin planté
-d'arbres fruitiers dont M<sup>lle</sup> de Scudéry distribuait
-les fruits à ses amis, de mûriers, d'orangers, de
-jasmins et même d'acacias, essence encore nouvelle
-en France. Là chantaient cette fauvette qui
-revenait tous les ans et qui revient aussi souvent
-dans les vers de Sapho et de ses amis, cette pigeonne
-au nom de laquelle on présentait des placets,
-ces roitelets, ces pinsons et enfin ces tourterelles
-qui inspiraient si heureusement les habitués
-de la maison<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">&nbsp;[70]</a>. Ajoutez-y une chatte favorite, dont
-<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span>
-les adorateurs platoniques de sa maîtresse se proclamaient
-jaloux, et vous aurez une idée de ce premier
-théâtre des Samedis<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">&nbsp;[71]</a>. On y tenait des conversations
-littéraires ou galantes, témoin la fameuse
-<i>Journée des Madrigaux</i>, du 20 décembre 1653<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">&nbsp;[72]</a>,
-on y échangeait des cadeaux, on s'y occupait
-quelquefois de sciences et souvent de modes. On
-avait des imitateurs, des rivaux et des critiques<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">&nbsp;[73]</a>.</p>
-
-<p>Que faisait Scudéry pendant ce temps? Le plus
-souvent sans doute, il avait de ces boutades dont
-nous parle Tallemant: «Il se retiroit chez lui et ne
-vouloit voir personne.» Mais nous avons aussi la
-preuve qu'il ne s'isolait pas toujours aussi complétement,
-et nous le verrons tout à l'heure figurer
-dans une conversation avec sa s&oelig;ur et l'abbé d'Aubignac,
-leur voisin. Il paraît même, par une pièce
-de vers de Pellisson, qu'il ne refusa pas toujours
-<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span>
-de se prêter aux coquetteries poétiques entre celui-ci
-et sa s&oelig;ur, tant qu'il put les croire sans conséquence.
-Dans cette pièce intitulée <i>Caprice contre
-l'estime</i>, et qui commence ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Donc je ne dois plus prétendre</p>
-<p>D'arriver un jour à Tendre;</p>
-<p>Donc, sans jamais être aimé</p>
-<p>Je ne serai qu'estimé;</p>
-</div></div>
-
-<p>Dans cette pièce, disons-nous, il prend à témoin
-Sapho et <i>son excellent frère</i> de l'insuffisance d'un
-sentiment froid comme l'estime, etc.<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">&nbsp;[74]</a></p>
-
-<p>Bientôt le succès de <i>Clélie</i> (1654-1661), toujours
-sous le nom de Georges, vint s'ajouter à celui
-d'<i>Artamène</i>. La pacification de 1652, et la rentrée
-de la Cour à Paris (21 octobre) avaient multiplié
-toutes les coteries, et, entre autres, celle des Précieuses
-dont le nom, encore peu répandu, ne se
-prit en mauvaise part que plusieurs années après.
-L'esprit romanesque triomphait en littérature
-comme en politique. «Tandis que l'amour du
-bruit, la galanterie, le goût des aventures et des
-grands coups d'épée armaient contre l'autorité
-royale les jeunes seigneurs, les héroïnes coquettes,
-les vieux magistrats et les masses populaires, les
-éditions multipliées de la <i>Clélie</i> et du <i>Cyrus</i> enivraient
-les lecteurs par leurs longs récits de guerre,
-de politique et d'amour<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">&nbsp;[75]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span>
-<i>Clélie</i> est conçue dans le même système pseudo-historique,
-exposé dès la préface de l'<i>Illustre Bassa</i>,
-largement appliqué dans <i>Cyrus</i> et repris avec des
-développements dans le chapitre des premières
-<i>Conversations</i>, intitulé: <i>De la manière d'inventer
-une fable</i>. On voit dans ce dernier écrit que l'auteur
-n'était pas sans avoir réfléchi à l'emploi de
-l'histoire dans le roman, quoique ses théories aient
-été souvent fausses ou mal appliquées. Il ne faut
-donc pas demander à la <i>Clélie</i> la peinture exacte
-des premiers temps de Rome, ni les vrais caractères
-des anciens Romains qu'après tout Racine et
-même Corneille n'ont pas laissé d'accommoder
-aussi quelquefois à la française. La description de
-Carthage qu'on trouve au tome I<sup>er</sup><a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">&nbsp;[76]</a> n'a pas les
-prétentions à la couleur locale bruyamment affichées
-dans un de nos romans contemporains. Il
-ne faut y chercher, en fait de témoignages historiques,
-qu'une vérité purement relative. On sent
-des souvenirs vivants de la Fronde dans le tableau
-des combats qui ensanglantent les faubourgs de
-Rome, dans la scène où Brutus soulève le peuple,
-dans le récit des intrigues qui séduisent ses fils,
-dans la peinture de leur mort, etc.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span>
-On y a compté jusqu'à soixante-treize portraits
-de personnages connus, et telle est leur fidélité que
-plusieurs ont suppléé à l'&oelig;uvre du crayon ou du
-pinceau. Ainsi pour la comtesse de Maure, pour la
-marquise de Sablé<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">&nbsp;[77]</a>. C'est là, dit l'historien de M<sup>me</sup> de
-Maintenon, qu'il faut chercher la meilleure peinture
-du singulier ménage de Scarron, et le meilleur
-portrait de M<sup>me</sup> Scarron dans sa jeunesse<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">&nbsp;[78]</a>. Non-seulement
-toutes les dames voulaient être dans
-les romans de M<sup>lle</sup> de Scudéry, comme le dit Tallemant
-qui cite des exemples de cette manie, avec
-noms à l'appui, mais encore de saintes maisons,
-<span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span>
-d'austères personnages, ainsi que nous le verrons
-bientôt, n'étaient pas insensibles à l'ambition de
-figurer dans cette galerie romanesque. La plume
-de Sapho faisait concurrence au pinceau de Philippe
-de Champagne aussi bien qu'à celui de Mignard
-ou de Petitot.</p>
-
-<p>Mais il y a dans la <i>Clélie</i> un genre d'intérêt particulier
-qui la distingue des autres romans publiés
-sous le nom de Georges, et qui achève d'en révéler
-le véritable auteur. La femme s'y montre de plus
-en plus, avec ses vertus comme avec ses faiblesses.
-Nous ne voulons pas seulement parler ici de la
-<i>Carte de Tendre</i> qui se trouve au tome I<sup>er</sup>, et que
-l'auteur n'a jamais entendu donner que comme une
-plaisanterie de société<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">&nbsp;[79]</a>. Ce mélange d'allégories
-galantes et de descriptions imaginaires, sans remonter
-ici jusqu'au <i>Roman de la Rose</i>, à la géographie
-fantastique de l'<i>Utopie</i> et du <i>Pantagruel</i>,
-avait été, si l'on en croit l'abbé d'Aubignac, mis
-en &oelig;uvre dans sa <i>Relation du royaume de Coquetterie</i>,
-composée longtemps avant l'apparition du premier
-volume de <i>Clélie</i>, quoique publiée seulement
-pendant le cours de la même année 1654. Dans la
-<span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span>
-<i>Lettre d'Ariste à Cléonte</i><a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">&nbsp;[80]</a>, il nous apprend que
-«pour le brouiller avec l'illustre Sapho, certaines
-personnes, jalouses peut-être de ce que, par l'occasion
-du voisinage, il avoit depuis quelque temps
-renoué son ancienne connoissance avec elle, avoient
-représenté sa <i>Carte</i> et sa <i>Description du royaume de
-Coquetterie</i> comme une imitation, sinon comme un
-larcin de celles du Pays de Tendre.»</p>
-
-<p>Quoi qu'il en soit de cette question, pour nous
-assez indifférente, de savoir si la création de l'abbé
-est antérieure, ou même, comme le veut Furetière,
-supérieure à celle de M<sup>lle</sup> de Scudéry, d'Aubignac,
-dans son apologie, en prend occasion de nous raconter,
-sur ses rapports avec elle et avec son frère,
-quelques détails qui trouveront bien ici leur place.
-«Elle ne sauroit avoir perdu le souvenir que, dès
-la première fois qu'elle me montra son Pays de
-Tendre, je lui dis que j'avois dès longtemps fait
-une description de la vie de ces femmes extravagantes
-que l'on nomme Coquettes, mais que ma
-profession présente m'empêchoit de faire voir de
-quel air je les avois traitées. Elle s'efforça même
-de me relever de ce scrupule par des considérations
-que son frère soutint d'une manière fort obligeante,
-et nous en parlâmes trop longtemps pour avoir
-oublié cet entretien qui doit fermer la bouche à
-tous les autres<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">&nbsp;[81]</a>.»</p>
-
-<p>Des termes dont se sert d'Aubignac, et de l'affirmation
-<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span>
-même de Clélie, rapportée plus haut,
-«que cette bagatelle n'étoit faite que pour être
-vue de cinq ou six personnes,» il semble résulter
-qu'il existait des copies manuscrites de la Carte
-de Tendre, même avant l'apparition du premier
-volume de <i>Clélie</i>. Dans tous les cas, elle engendra
-une foule d'imitations, de commentaires, parmi
-lesquels il ne faut pas oublier la <i>Gazette de Tendre</i>,
-publiée par M. Émile Colombey à la suite de la
-<i>Journée des Madrigaux</i>, d'après les manuscrits de
-Conrart. On trouve dans les mêmes manuscrits une
-pièce en forme de Charte, dont voici l'intitulé:
-«Sapho, Reine de Tendre, Princesse d'Estime,
-Dame de Reconnoissance, Inclination et terrains
-adjacents, à tous présents et à venir, Salut, etc.</p>
-
-<p>Donné à Tendre, au mois des Roses, l'an de la
-fondation d'Amour, 1656.»</p>
-
-<p>Il y a aussi une <i>Relation de ce qui s'est depuis
-peu passé à Tendre, avec le discours que fit la souveraine
-de ce lieu aux habitants de l'Ancienne ville</i><a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">&nbsp;[82]</a>.</p>
-
-<p>Pour racheter toutes ces puérilités, hâtons-nous
-de citer sur la <i>Clélie</i> l'opinion d'un écrivain moraliste
-qui nous montrera que tout n'est pas frivole
-dans cette &oelig;uvre d'une femme. «La <i>Clélie</i>,
-qui, au premier coup d'&oelig;il, ne semble qu'un roman
-plein de je ne sais quelle métaphysique amoureuse
-qui prête au ridicule, ou un manuel pédantesque
-de galanterie, la <i>Clélie</i> est, quand on l'étudie
-de près, un livre sérieux et curieux où toutes les
-<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span>
-questions qui tiennent à la condition des femmes
-dans le monde sont traitées d'une manière à la
-fois piquante et judicieuse. Quel est le rang que
-la civilisation moderne donne à la femme, et que
-doit faire la femme pour avoir et pour garder ce
-rang? Voilà, en vérité, le sujet de la <i>Clélie</i><a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">&nbsp;[83]</a>.»</p>
-
-<p>Au surplus, le moment approchait où M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, déjà à demi émancipée par le succès des
-derniers romans dans lesquels l'opinion lui attribuait
-une part de plus en plus large, allait plus
-complétement encore s'affranchir de la tutelle parfois
-gênante de son frère, et avoir son intérieur,
-son ménage, sa société, son individualité civile et
-littéraire.</p>
-
-<p>Georges, compromis, comme nous l'avons vu,
-dans la cause du prince de Condé, avait quitté
-Paris à la fin de l'année 1654, et s'était retiré à
-Graville, près du Havre<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">&nbsp;[84]</a>. «Là, dit Tallemant,
-une demoiselle romanesque, qui mouroit d'envie
-de travailler à un roman, croyant que c'étoit lui
-qui les faisoit, l'épousa.» Cette demoiselle était
-Marie-Madeleine du Montcel de Martin-Vast, femme
-d'esprit, comme le prouvent ses lettres éparses
-<span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span>
-dans la correspondance de Bussy-Rabutin, d'une
-beauté médiocre, à en croire ce passage de l'une
-d'elles, si bien applicable à sa belle-s&oelig;ur: «Voilà
-un des priviléges de nous autres dames pas belles,
-et il faut avouer que c'est peut-être le seul; nous
-disons en tendresse tout ce qui nous plaît sans
-que cela scandalise<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">&nbsp;[85]</a>.» Époux et père de famille
-sans devenir plus riche ni beaucoup plus sage,
-Scudéry fit quelques tentatives pour renouer avec
-sa s&oelig;ur une communauté dont il s'était bien trouvé;
-mais celle-ci, sans nier les obligations qu'elle lui
-avait dans le passé<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">&nbsp;[86]</a>, sans rester indifférente
-pour l'avenir aux intérêts ni à la réputation de son
-frère, persista résolûment<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">&nbsp;[87]</a> à maintenir son indépendance
-jusqu'à la mort de ce frère, arrivée le
-14 mai 1667.</p>
-
-<p>Quoique Georges, dans la préface d'<i>Alaric</i> (1654)
-se fût fait honneur sans façon du succès de l'<i>Illustre
-Bassa</i> et du <i>Grand Cyrus</i>, quoiqu'il eût mis
-encore son nom aux derniers volumes d'<i>Almahide
-ou l'Esclave Reine</i> (1658), depuis longtemps, nous
-l'avons vu, dans le cercle des amis intimes, et
-même dans le monde littéraire, on avait soupçonné,
-puis désigné celle qu'on regardait comme le véritable
-auteur. En vain M<sup>lle</sup> de Scudéry s'en défendait
-<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span>
-encore devant l'abbé de Marolles; en vain
-elle affectait d'être en colère contre Furetière qui,
-dans sa <i>Nouvelle allégorique</i>, de cette même année
-1658, avait imprimé «qu'elle avoit fait les
-romans que son frère s'attribuoit;» en vain, jusqu'en
-1728, l'auteur de la nouvelle édition du
-<i>Dictionnaire de Richelet</i>, exprimait-il encore des
-doutes à cet égard. Huet ne faisait que proclamer
-une vérité déjà connue, lorsque, en tête de sa <i>Lettre
-à Segrais sur l'origine des romans</i> (1670), alors
-que <i>Zaïde</i> et <i>la Princesse de Clèves</i> n'avaient pas
-encore paru, il rendait à M<sup>lle</sup> de Scudéry cet éclatant
-hommage: «On ne vit pas sans étonnement
-les romans qu'une fille autant illustre par sa modestie
-que par son mérite avoit mis au jour sous
-un nom emprunté, se privant si généreusement de
-la gloire qui lui étoit due, et ne cherchant sa récompense
-que dans sa vertu, comme si, lorsqu'elle
-travailloit ainsi à la gloire de notre nation, elle
-eût voulu épargner cette honte à notre sexe; mais
-enfin le temps lui a rendu la justice qu'elle s'étoit
-refusée, et nous avons appris que l'<i>Illustre Bassa</i>,
-le <i>Grand Cyrus</i> et la <i>Clélie</i>, sont les ouvrages de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p>
-
-<p class="space">On peut dire que les années qui suivirent la séparation
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry d'avec son frère marquèrent
-l'apogée du succès de ses romans et peut-être
-aussi de ses Samedis, bien que quelques
-écrivains représentent ceux-ci comme ayant déjà
-perdu de leur éclat. Il y a ici une distinction à
-<span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span>
-faire. Ce qui paraît vrai, c'est que, à mesure que
-les réunions de la vieille rue du Temple s'éloignaient
-par la date de celles de l'hôtel de Rambouillet,
-l'élément aristocratique y diminuait d'autant,
-et la distance entre la rue Saint-Thomas du
-Louvre et le Marais se laissait mieux apercevoir.
-La Calprenède, jaloux du succès de la <i>Clélie</i>, prononçait
-ce terrible mot: «Pour moi, je ne vais
-point chercher mes héros dans la rue Quincampoix.»
-Il y avait bien encore quelques grands
-personnages qui formaient le lien entre les deux
-réunions: Montausier et sa femme, la marquise
-de Sablé, M<sup>me</sup> de Rohan-Montbazon<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">&nbsp;[88]</a>, «dont l'amitié
-hautement déclarée donnait au modeste salon de
-la vieille rue du Temple et à la société un peu mêlée
-qui s'y rassemblait de la considération et même
-un certain éclat<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">&nbsp;[89]</a>.» L'auteur des <i>Historiettes</i>, en
-1658, disait des Samedis: «Il y avoit autrefois
-des personnes de qualité, comme M<sup>lle</sup> d'Arpajon<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">&nbsp;[90]</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span>
-et M<sup>me</sup> de Saint-Ange; mais l'une s'est mise
-en religion, et l'autre la voit bien encore, mais
-c'est plutôt un autre jour que le Samedi.» On
-pourrait encore citer les Duplessis-Guénégaud, les
-Saint-Aignan, les comtesses de Rieux et de Maure,
-M<sup>lle</sup> de Vandy, et plus tard, la duchesse de Saint-Simon<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">&nbsp;[91]</a>.</p>
-
-<p>Sans doute les noms des habitués ordinaires du
-Samedi, Chapelain, Conrart, Pellisson, Ménage,
-Sarazin, Doneville, Isarn, etc., ceux de M<sup>mes</sup> Cornuel,
-Aragonnais, de leurs filles ou belles-filles, de
-M<sup>lles</sup> Boquet et Robineau, etc., n'ont pas le même
-parfum aristocratique; mais il faut se rappeler que,
-dans cette société du dix-septième siècle, l'esprit
-était aussi une dignité, et que les réunions de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry, en devenant plus bourgeoises,
-n'avaient pas cessé d'être littéraires. «On y voyait,
-dit M. Marcou, et ces jeunes filles qui aimaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span>
-Descartes et le chantaient, et celles qui, par leur
-beauté, vengeaient le Samedi des épigrammes de
-Furetière, et d'autres qui les justifiaient trop; et la
-noblesse provinciale ou parisienne, d'épée ou de
-robe; et les présidentes, les avocats, les beaux esprits,
-les abbés, même les évêques; et tous ces
-contingents de la Normandie, de la Provence et du
-Languedoc, recrues que l'admiration ou l'amitié
-avaient faites à M<sup>lle</sup> de Scudéry, quand elle habitait
-le Havre ou Marseille; à Pellisson, quand il était
-à Toulouse ou à Castres<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">&nbsp;[92]</a>.» Car, il faut bien le
-reconnaître avec les mauvais plaisants, Pellisson
-était <i>le Prince</i>, <i>l'Apollon des Samedis</i>, et il avait
-été proclamé tel par Sapho elle-même.</p>
-
-<p>Furetière avait dit spirituellement: «La Vierge
-du Marais s'est bornée à créer un monde (le Pays
-de Tendre), laissant à d'autres le soin de le peupler.»
-Et, dans une lettre sans date, mais qui
-doit se rapporter aux années 1654-1655, il ajoutait:
-«Le P. B. et moi ne vous parlons jamais
-de ce que vous ne voulez jamais entendre. Nous
-disons même dans le monde que nous avons en
-vous une illustre amie, mais, dans le fond de
-l'âme, nous sommes vos très-humbles et très-obéissans
-amans.» On sait déjà que Furetière ne
-fut pas toujours aussi tendre envers «l'illustre
-amie;» mais ce langage, et plus encore les innombrables
-madrigaux recueillis par Conrart, Pellisson
-et autres nous montrent sur quel ton étaient avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span>
-elle la plupart des hommes qui l'entouraient.
-D'ailleurs il est difficile de croire qu'elle ne
-songeait pas à elle-même, quand elle disait de
-Clélie: «Cette admirable fille vivoit de façon
-qu'elle n'avoit pas un amant qui ne fût obligé de
-se cacher sous le nom d'ami, et d'appeler son
-amour amitié, autrement ils eussent été chassés
-de chez elle<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">&nbsp;[93]</a>.» De même Pellisson, qu'il est difficile
-de reconnaître dans le Phaon du <i>Cyrus</i>, est
-peint, à ne pas s'y méprendre, dans l'Herminius
-de la <i>Clélie</i>, deuxième et troisième parties, correspondant
-aux années de leur liaison la plus
-intime.</p>
-
-<p>C'étaient, dans tout cet entourage, des déclarations,
-des échanges de cadeaux, des minauderies,
-des rivalités dont il est bien difficile de ne pas sourire,
-quand on songe à l'âge de la plupart des soupirants,
-et surtout à celui de la <i>Divine Sapho</i> (elle avait
-alors près de cinquante ans). Néanmoins, parmi
-ces soupirants, il y en avait un jeune encore,
-Isarn, de Castres, qui était venu rejoindre à Paris
-son compatriote Pellisson. Aussi beau que celui-ci
-était laid, aimable mais inconstant, il adressa
-d'abord à Sapho des hommages que ni l'un ni
-l'autre ne prit au sérieux et qui se promenèrent
-de Télamire à Philoxène, de Philoxène à Octavie<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">&nbsp;[94]</a>,
-etc. Cependant les coquetteries allaient leur train.
-<span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span>
-On faisait au Raincy de longues promenades en
-tête à tête avec Trasile (Isarn); on recevait des
-cachets et des épîtres galantes du généreux Théodamas
-(Conrart)<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">&nbsp;[95]</a>; que dis-je, on passait un automne
-tout entier à sa maison d'Athis-Mons, et
-il y avait un commerce réglé de coquetterie entre
-les fauvettes du bois de Carisatis et celles du bois
-de Sapho. La plaisanterie s'exerçait sur les amours
-de Conrart, comme elle allait bientôt le faire sur
-ceux de Pellisson.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Conrart, sage comme un Caton,</p>
-<p>A pourtant au c&oelig;ur, ce dit-on,</p>
-<p>Un petit endroit attendri</p>
-<p class="i2"> Landeriri.</p>
-</div></div>
-
-<p>Qui croirait que le sage Théodamas était un
-tigre de jalousie? C'est pourtant ce qu'atteste
-Ménage qui n'osait faire à Sapho certain présent
-de peur de paraître empiéter sur les priviléges de
-<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span>
-son rival<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">&nbsp;[96]</a>. Plus hardi vis-à-vis de Cotin, il se
-posait contre lui en galant chevalier de la Vierge
-du Marais, moins compromettant, il est vrai, par
-la passion que par le ridicule<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">&nbsp;[97]</a>.</p>
-
-<p>C'est évidemment au milieu de ces plaisanteries
-de société qui suivirent la publication du premier
-volume de <i>Clélie</i>, telles que la <i>Journée des Madrigaux</i>,
-la <i>Carte</i> et la <i>Gazette de Tendre</i><a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">&nbsp;[98]</a>, au milieu
-de ces coquetteries à droite et à gauche, destinées
-peut-être à cacher un sentiment plus sérieux, qu'il
-faut placer le fameux quatrain:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Enfin, Acanthe, il faut se rendre.</p>
-<p>Votre esprit a charmé le mien,</p>
-<p>Je vous fais citoyen de Tendre,</p>
-<p>Mais de grâce n'en dites rien<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">&nbsp;[99]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span>
-M<sup>me</sup> du Plessis-Bellière, l'une des dames qui
-paraissaient quelquefois aux Samedis, avait fait
-connaître Pellisson et M<sup>lle</sup> de Scudéry à Fouquet,
-dont elle était parente. L'un et l'autre reçurent
-quelques marques de sa libéralité. Pellisson
-lui en adressa des remercîments en vers et en
-prose, et, à partir de 1656, devint un de ses principaux
-commis, sans que les relations avec Sapho
-en fussent interrompues. Les Papiers de Fouquet
-renferment des lettres qu'elle adressait à Pellisson
-pendant son voyage à Nantes où il accompagnait
-le Surintendant. Elle-même venait d'assister aux
-fêtes de Vaux<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">&nbsp;[100]</a> et avait passé quelques jours aux
-<i>Pressoirs du Roi</i>, propriété située sur les bords de
-la Seine, près de Fontainebleau où se trouvait
-alors la Cour, et qui, bâtie sous François I<sup>er</sup>, appartenait
-alors à une famille Jacquinot, amie de
-Fouquet et de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Celle-ci était inquiète
-du silence prolongé de Pellisson. On était
-au commencement de septembre 1661. L'orage
-grondait sur la tête du Surintendant. Dans
-ces lettres datées des Pressoirs, le jargon du
-Royaume de Tendre, sous la plume de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, a fait place aux accents du c&oelig;ur: «Mandez-moi
-quand vous reviendrez, et m'écrivez un
-<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span>
-pauvre petit mot pour me consoler de votre absence
-qui m'est la plus rude du monde.... Je ne
-vous demande pas de longue lettre; je ne veux
-qu'un mot qui me dise comment vous vous portez,
-car pour peu que je sache que vous vivez, je
-supposerai que vous m'aimez toujours.»</p>
-
-<p>Entre deux êtres qui, à défaut de la jeunesse et
-de la beauté, pouvaient mettre en commun les
-trésors d'une affection aussi vive et aussi sérieuse
-à la fois, on s'étonnerait de ne pas voir apparaître
-l'idée du mariage<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">&nbsp;[101]</a>. Elle se présenta au moins à
-leur entourage le plus immédiat, soit que cette
-éventualité ait excité ses railleries ou ses craintes.
-Les lettres que nous venons de citer renferment
-les passages suivants: «Si je ne craignois de vous
-fâcher, je vous dirois que v... m... (votre mère)
-dit et fait de si étranges choses tous les jours,
-que l'imagination ne peut aller jusque là, et tout
-le monde vous plaint d'avoir à essuyer une manière
-d'agir si injuste et si déraisonnable....» Et
-plus loin: «Votre mère a dit à M... (Ménage) des
-choses qui vous épouvanteroient si vous les saviez,
-tant elles sont déraisonnables, emportées et hors
-de toute raison<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">&nbsp;[102]</a>.»</p>
-
-<p>Ce qu'il y a d'obscur dans ces allusions sera
-éclairci par une lettre inédite de l'abbé Bourdelot
-<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span>
-que nous empruntons à la Correspondance de Nicaise<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">&nbsp;[103]</a>.
-«Je n'étois pas d'humeur à laisser passer
-ce que dit l'<i>Anti-Menagiana</i> que, si Pellisson eût
-épousé M<sup>lle</sup> de Scudéry, c'eût été la faim qui auroit
-épousé la soif, et beaucoup d'autres impertinences
-de cette nature. A propos de Pellisson,
-il est bon de vous dire que ce que dit le <i>Menagiana</i>
-que sa mère offrit vingt mille livres à
-M<sup>lle</sup> de Scudéry pour l'obliger à l'épouser est très-faux.
-Je sais de bonne part qu'elle ne craignoit rien
-tant que de la voir la femme de son fils.»</p>
-
-<p>Mais, soit pruderie, soit indépendance, M<sup>lle</sup> de
-Scudéry professa un éloignement constant pour le
-mariage. Elle s'était expliquée là-dessus très-nettement
-au t. X, l. <span class="smallc">II</span> du <i>Cyrus</i>, et elle y revient
-encore dans des lettres de sa vieillesse, où, à l'occasion
-du mariage de M<sup>me</sup> de Chandiot, une de
-ses amies, elle écrit: «Le mariage est, suivant
-moi, la chose du monde la plus difficile à faire
-bien à propos.... J'ai préféré trois fois dans ma
-vie la liberté à la richesse, et je ne saurois m'en
-repentir<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">&nbsp;[104]</a>.» En revanche elle se forma toujours de
-l'amitié l'idée la plus haute. Nous allons la voir à
-l'épreuve.</p>
-
-<p>A la date de la dernière des lettres de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry citées plus haut, 7 septembre 1661,
-Pellisson était arrêté avec Fouquet à Nantes depuis
-<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span>
-deux jours; puis, sur un ordre du roi, il
-fut conduit au château d'Angers et de là à la Bastille.
-On peut voir à la Correspondance la lettre
-émue qu'elle écrivait à Huet sous le coup de cette
-nouvelle. A partir de ce moment, ce fut, de la
-part de M<sup>lle</sup> de Scudéry, une série de démarches,
-d'écrits, de sollicitations de ruses pieuses, d'abord
-pour adoucir sa captivité, et ensuite pour la faire
-cesser. Pellisson avait su mettre dans ses intérêts
-un Allemand qu'on avait placé auprès de lui comme
-espion, et dont il fit un émissaire. Par le moyen
-de cet homme, il eut avec son amie une correspondance
-journalière, dont on peut se faire une
-idée d'après ce qu'elle dit dans sa lettre du 12 mai
-1694 à l'abbé Boisot: «J'ai brûlé plus de cinq
-cents lettres de M. de Pellisson, du temps de la
-Bastille.»</p>
-
-<p>Au moment où la saisie des fameuses cassettes
-du Surintendant provoquait de la part de Chapelain
-des paroles peu mesurées contre d'anciens
-amis<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">&nbsp;[105]</a>, et jetait la terreur parmi les femmes légères
-et les entremetteuses de la ville et de la
-Cour, on aime à voir ces deux honnêtes femmes,
-Scudéry et Sévigné, protester contre les défaillances
-et les calomnies, se soutenir mutuellement<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">&nbsp;[106]</a>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span>
-encourager les autres<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">&nbsp;[107]</a>, et se donner la main dans
-cette &oelig;uvre de dévouement, jusqu'au moment où
-elles purent se présenter ainsi, avec leur ami libre
-grâce à elles, au courageux magistrat dont les
-conclusions avaient sauvé la vie à Fouquet<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">&nbsp;[108]</a>. En
-effet, tandis que l'une enrôlait à la cause du malheur
-ses correspondants séduits, entraînés par la
-magie de son style, Sapho espérant que le moment
-était venu où l'on allait se relâcher des premières
-rigueurs, écrivait à Colbert<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">&nbsp;[109]</a> une lettre
-éloquente pour le supplier d'adoucir la captivité
-du prisonnier, et de permettre qu'il pût être
-visité par quelques parents et amis, à commencer
-par sa mère, celle-là même qui avait tenu au sujet
-de leur liaison des propos si peu charitables<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">&nbsp;[110]</a>.</p>
-
-<p>Mais près de deux ans s'écoulèrent encore avant
-que Pellisson n'obtînt cette ombre de liberté,
-comme il le disait lui-même dans une lettre
-écrite le 15 novembre 1665<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">&nbsp;[111]</a> à l'abbesse de Malnoue
-<span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span>
-par l'intermédiaire de M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-«l'amie incomparable et unique au monde par
-qui vous recevrez ce billet;» car cet homme
-semble avoir exercé sur les femmes les plus distinguées
-une séduction qui certes n'était pas celle
-des avantages physiques. Dans une lettre de l'abbesse
-de Malnoue, portant la suscription: <i>Octavie
-à Zénocrate</i><a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">&nbsp;[112]</a>, on lit: «Vous apprendrez de bien
-des endroits qu'Herminius a la liberté de voir
-ses amis, et qu'on espère qu'il l'aura bientôt
-tout entière. Je vous envoie la lettre qu'il m'écrivit
-le jour même qu'il vit Sapho. Sans mentir, j'ai
-tout à fait de la joie de celle qu'ils ont.... Sapho
-me mande que la chambre de Pellisson est la plus
-triste du monde: il n'y a qu'une seule fenêtre à
-double grille dans une muraille de six pieds d'épaisseur<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">&nbsp;[113]</a>.»
-C'est dans ce triste réduit qu'accoururent
-dès le premier jour «mille gens de qualité.»
-Quant à Sapho, elle s'y installa, pour ainsi
-dire, à demeure avec le prisonnier, puisque l'abbesse
-de Malnoue mandait à son correspondant le
-8 janvier 1666: «Sapho et Acanthe m'écrivent
-quelquefois de la Bastille<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">&nbsp;[114]</a>.»</p>
-
-<p>La spirituelle Octavie, tout en s'associant de
-c&oelig;ur à la joie du couple enfin réuni, ne se refusait
-<span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span>
-pas quelques malices à leur endroit. Elle
-avait fait promettre à Sapho de lui rendre un
-compte très-exact de cette entrevue. «Il n'y a pas
-de plaisantes questions que je ne lui aie faites.
-Vous savez que, quand je suis en humeur de la
-questionner sur Herminius, il n'y a rien de fou
-qui ne me passe par l'esprit....» Un mois après
-la délivrance de Pellisson elle écrivait encore:
-«Il m'a envoyé des odes de dévotion qu'il a
-faites dans sa prison. Je les ai trouvées si tendres
-pour Dieu, que j'ai mandé à Sapho que j'en
-estime et en aime Herminius davantage, mais que,
-comme je ne la crois pas si dévote que lui, j'ai eu
-peur qu'elle n'ait été jalouse du bon Dieu<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">&nbsp;[115]</a>.»</p>
-
-<p>Cependant la poésie qui avait consolé la captivité
-devait jouer son rôle dans la délivrance.
-Pellisson avait composé à la Bastille un poëme de
-1391 vers, tout en l'honneur de M<sup>lle</sup> de Scudéry<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">&nbsp;[116]</a>
-qui en est l'Alpha et l'Oméga.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Sapho, qui consolez mon triste éloignement,</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>O fille incomparable, en vertus éclatante,</p>
-<p>Qui de l'honnête amour étiez la longue attente,</p>
-<p>Merveille de notre âge, adorable en bontés,</p>
-<p>Vous me verrez un jour, et vous le méritez,</p>
-<p>Couronner vos vertus de cent fleurs immortelles</p>
-<p>Qu'un siècle laisse à l'autre également nouvelles.</p>
-<p>Mais pendant que le temps, trop long selon vos v&oelig;ux,</p>
-<p>Me ramène à pas lents un destin plus heureux,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span></div>
-<p>Aimez, aimez Acanthe, et faites vos délices</p>
-<p>De ces fleurs qu'il vous cueille au bord des précipices.</p>
-</div></div>
-
-<p>Nous avons cité les premiers et les derniers vers
-de ce poëme d'<i>Eurymédon</i> à qui l'on jugera sans
-doute que Bossuet faisait bien de l'honneur en le
-relisant chaque année. Pour être indulgent à ces
-vers, ainsi qu'à la plupart de ceux qui faisaient
-les délices de la société du Samedi, il faut se rappeler
-que ces fadeurs et ces puérilités servaient
-d'organe à d'innocentes amitiés et parfois aux
-plus nobles sentiments. Ainsi ces interminables
-vers sur la fauvette, le roitelet, le pinçon, toute
-cette poésie de colombier et de volière qui met
-notre patience à une si rude épreuve en parcourant
-le recueil de la Suze et de Pellisson, trouvent
-presque grâce à nos yeux, quand nous savons que
-c'est sur un Placet en vers, présenté au Roi par
-Pellisson au nom de la pigeonne de Sapho<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">&nbsp;[117]</a>, que
-celui-ci obtint enfin sa liberté. Ce fut vers la fin
-de janvier 1666 qu'il reparut dans les salons, et
-que, de disgracié qu'il était, il devint presque
-courtisan et homme à la mode. Mais ce qui ne
-changea pas, ce furent les sentiments qui l'unissaient
-à sa généreuse amie, et qui s'étaient retrempés
-à l'épreuve du malheur<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">&nbsp;[118]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span>
-Nous ne pouvons résister au désir d'anticiper
-un peu sur l'ordre des temps pour ajouter un chapitre
-à l'histoire de la conspiration de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry et de M<sup>me</sup> de Sévigné en faveur de Fouquet
-et de ses amis. La seconde écrivait à son
-gendre le 25 juin 1670: «Si l'occasion vous vient
-de rendre quelque service à un gentilhomme de
-votre pays, qui s'appelle V..., je vous conjure de le
-faire: vous ne me sauriez donner une marque plus
-agréable de votre amitié.... vous connoissez toute
-sa famille. Ce pauvre garçon étoit attaché à M. Fouquet,
-il a été convaincu d'avoir servi à faire tenir
-une de ses lettres à sa femme; sur cela, il a été
-condamné aux galères pour cinq ans: c'est une
-chose un peu extraordinaire. Vous savez que c'est
-un des plus honnêtes garçons qu'on puisse voir, et
-propre aux galères comme à prendre la lune avec
-ses dents.»</p>
-
-<p>Or, ce gentilhomme dont le nom était resté en
-blanc dans l'édition de M. de Monmerqué de
-1820, s'appelait Valcroissant<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">&nbsp;[119]</a>. L'aimable marquise
-avait intéressé à sa cause M<sup>lle</sup> de Scudéry qui
-s'était empressée d'écrire en sa faveur à M. de
-Vivonne, général des galères. La réponse de ce
-dernier, dont M. de Monmerqué possédait l'original,
-portait: «Sitôt qu'on m'eut appris le mérite
-<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span>
-et l'infortune tout ensemble du gentilhomme pour
-qui vous m'écrivez, je fis tout ce qui dépendit
-de moi pour adoucir la rigueur de sa condamnation;
-vous pouvez juger de là ce que je voudrois
-faire dans la suite pour son soulagement; cela
-ira sans doute à tout ce qui sera en mon pouvoir,
-pour vous marquer, et à M<sup>me</sup> la marquise de
-Sévigné, celui que vous avez sur la personne qui
-vous honore le plus l'une et l'autre<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">&nbsp;[120]</a>.»</p>
-
-
-<p class="space">Grâce à l'intervention et aux démarches de ces
-deux généreuses personnes, l'arrêt fut commué,
-et Valcroissant, trois mois après sa condamnation,
-put se promener en liberté dans Marseille.
-Dix-huit ans plus tard, estimé de tous comme un
-des meilleurs officiers de l'armée, il remplissait
-les fonctions d'inspecteur, dont Louvois l'avait
-chargé, et avait occasion d'être utile au jeune
-marquis de Grignan, petit-fils de M<sup>me</sup> de Sévigné<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">&nbsp;[121]</a>.
-L'année suivante, Valcroissant avait un
-gouvernement en Flandre, et faisait mettre aux
-cadets de Besançon le fils du poëte Bonnecorse,
-autre ami et obligé de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-
-<p class="space">S'il fallait assigner une date précise au triomphe
-de cette littérature dont le <i>Cyrus</i> et la <i>Clélie</i>
-passaient pour l'expression la plus heureuse, nous
-<span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span>
-indiquerions l'année 1658. Il y avait pour l'auteur
-à la fois succès d'estime et succès d'argent.
-Vers cette époque, Tallemant disait: «Ses livres
-se vendent fort bien,» et Pradon écrivait plus
-tard, à propos des critiques de Boileau: «Cependant,
-ces tomes <i>épouvantables</i> et cet <i>horrible Artamène</i>,
-qui ont été traduits en toutes sortes de
-langues, même en arabe, et qui sont encore aujourd'hui
-la plus délicieuse lecture des premières
-personnes de la cour, cet <i>horrible Artamène</i>, dis-je,
-dont on achetoit les feuilles si chèrement à
-mesure qu'on les imprimoit, et qui a fait gagner
-cent mille écus à Augustin Courbé, est à présent
-l'objet de la satire de M. D.... Quand ses satires
-auront fait gagner cent mille écus à Barbin, on
-souffrira sa critique un peu plus tranquillement,
-et quoiqu'il dise:</p>
-
-<p class="quote">A ses propres dépens enrichir le libraire,</p>
-
-<p>je crois qu'il y a encore du chemin à faire jusque-là.
-En vérité, <i>Cyrus</i> et <i>Clélie</i> sont des ouvrages
-qui ont illustré la langue françoise, et les marques
-éclatantes d'estime que le roi a données à
-une personne illustre et modeste, devoient arrêter
-M. D......<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor">&nbsp;[122]</a>»</p>
-
-<p>Mais bientôt la fin de la Fronde, puis l'émancipation
-définitive du jeune roi ramenaient à la cour
-les princes et les grands seigneurs dispersés au
-<span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span>
-fond des provinces. Dans le loisir des vieux châteaux,
-on avait contracté le goût des récits de
-longue haleine. Tandis que les dames brodaient
-d'interminables tapisseries, la demoiselle de compagnie
-faisait, à haute voix, des lectures à peine
-moins longues. Comme le remarque M<sup>me</sup> de Genlis,
-«ces éternelles conversations qui, dans les
-ouvrages de M<sup>lle</sup> de Scudéry, suspendant la marche
-du roman, nous paraissent insoutenables,
-étaient loin de déplaire<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor">&nbsp;[123]</a>.» Mais la vie de cour
-avait d'autres exigences. D'ailleurs, <i>Zaïde</i>, la <i>Princesse
-de Clèves</i>, allaient donner des allures plus
-vives au roman où l'histoire du c&oelig;ur ne perdait
-rien à se dégager des vieux cadres soi-disant historiques.</p>
-
-<p>En vain Ménage disait «que ces romans dureroient
-toujours<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor">&nbsp;[124]</a>,» M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même,&mdash;c'est
-lui qui l'atteste à quelques lignes de distance,&mdash;déclarait,
-trop modestement sans doute,
-«qu'elle avoit encore un roman d'achevé, mais
-que personne ne voudroit l'acheter ni le lire.» Cependant,
-leur vogue se soutint encore longtemps
-dans les provinces et à l'étranger, et, même quand
-ils furent réduits «à gagner les petites armoires,»
-suivant l'expression d'un contemporain, on les
-retrouve encore dans bien des bibliothèques, sans
-excepter celle de Boileau<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor">&nbsp;[125]</a>. Il y eut, pour eux, ces
-<span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span>
-admirations attardées et traditionnelles qui ne
-manquent jamais aux ouvrages dont l'attention
-publique s'est vivement préoccupée. Ainsi, vers
-le premier tiers du dix-huitième siècle, le père
-Porée trace une peinture piquante, malgré la
-forme latine et pédantesque dont il l'enveloppe,
-des diverses lectures qui occupent les hôtes d'un
-vieux château. «Que fait cette fille déjà grande,
-assise à une petite table, la tête appuyée sur son
-coude? Elle lit avec avidité l'histoire d'une fille
-persane ou turque, devenue, par ses charmes, la
-favorite d'un roi ou d'un empereur, et illustrée
-par ses amours....» Et plus loin: «Écoutez les
-Céladons et les Artamènes qui se glorifient de
-leur esclavage, etc.<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor">&nbsp;[126]</a>» Chateaubriand raconte, dans
-ses <i>Mémoires d'Outre-tombe</i>, que sa mère, fille
-d'une élève de Saint-Cyr, savait par c&oelig;ur tout
-<i>Cyrus</i>. En Angleterre, ces romans français du dix-septième
-siècle, traduits, portant souvent le titre,
-«par des personnes de qualité,» se lisaient encore
-longtemps après que leur vogue était passée
-chez nous. La sérieuse lady Russell qualifiait la
-<i>Clélie</i> de livre très-profitable, «<i>a most improving
-book</i>,» et la jeune Mary Wortley, depuis lady
-Montagu, dévorait le <i>Grand Cyrus</i> dans sa chambre
-de petite fille. Et cependant, M. Cousin, au
-<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span>
-début même du livre où il entreprend la réhabilitation
-de cet ouvrage, réhabilitation, il est vrai,
-plutôt historique que littéraire, n'hésite pas à
-dire: «Qui lit aujourd'hui le <i>Grand Cyrus</i>, qui
-le lisait au dix-huitième siècle, et même dans les
-dernières années de Louis XIV?»</p>
-
-<p>Il est difficile de décider si Molière et Boileau,
-en qui se personnifia surtout la réaction contre le
-genre précieux et les romans à la Scudéry, suivirent
-ou devancèrent le goût du public. Ils affectèrent
-l'un et l'autre d'attribuer à la province<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor">&nbsp;[127]</a>, à
-«de mauvaises copies d'excellentes choses,» à «des
-Précieuses ridicules qui imitoient mal les véritables
-Précieuses» cette affectation dans les discours,
-cette recherche de sentiments qu'on étalait à Versailles,
-qu'on imitait à Paris, qu'on parodiait loin
-de la capitale.</p>
-
-<p>R&oelig;derer et Cousin, après lui, n'ont pas eu de
-peine à démontrer que Molière n'a voulu jouer en
-1659 ni l'hôtel de Rambouillet qui n'existait plus,
-ni les Précieuses de 1656, auxquelles personne
-alors n'eût osé appliquer l'épithète de <i>ridicules</i>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span>
-Mais, malgré les précautions oratoires que renferme
-la préface, il est bien certain que les traits
-de la pièce vont plus loin qu'il ne convient à l'auteur
-de l'avouer. Les théories de Cathos sur «la
-recherche dans les formes» qui doit précéder le
-mariage, les longs préliminaires qu'elle décrit
-complaisamment, n'avaient-ils pas un précédent
-notoire dans les quinze ans de cour que Julie
-d'Angennes imposa au duc de Montausier, et la
-phrase de Madelon à ce propos ne nous transporte-t-elle
-pas en plein roman de Scudéry? «La belle
-chose que ce seroit si d'abord Cyrus épousoit Mandane,
-et qu'Aronce, de plein pied, fût marié à
-Clélie!» Mascarille déclarant «qu'il est <i>furieusement</i>
-pour les portraits,» et travaillant, «à mettre
-en madrigaux toute l'histoire romaine,» rappelle
-à la fois la langue et les occupations du Samedi.
-Allons plus loin: lorsque, d'un côté, nous
-voyons, dans la <i>Journée des Madrigaux</i>, la plupart
-des valets de la maison faisant des vers<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor">&nbsp;[128]</a>, et,
-de l'autre, les faux marquis de Molière et l'impromptu
-de Mascarille, sommes-nous dans la
-maison de Gorgibus ou dans celle de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry et de M<sup>lle</sup> Boquet?</p>
-
-<p>On pourrait même trouver persistance d'épigramme
-dans le <i>Bourgeois gentilhomme</i> (1670),
-car le compliment de M. Jourdain à Dorimène:
-<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span>
-<i>Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour</i>,
-avec toutes ses variantes, ressemble assez
-au madrigal de Brutus à Lucrèce: <i>Toujours.
-l'on. si. mais. aimoit. d'éternelles. hélas. amours.
-d'aimer. doux. il. point. seroit. n'est. qu'il.</i></p>
-
-<p class="quote">Qu'il seroit doux d'aimer si l'on aimoit toujours.<br />
-Mais hélas! il n'est point d'éternelles amours.</p>
-
-<p>Dans les <i>Femmes savantes</i>, représentées treize
-ans après les <i>Précieuses ridicules</i>, mais dont on
-parlait déjà dès 1666<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor">&nbsp;[129]</a>, il y a bien encore plus
-d'un trait dont les Précieuses et M<sup>lle</sup> de Scudéry
-peuvent prendre leur part<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor">&nbsp;[130]</a>, mais les critiques sont
-plus générales et répondent à une nouvelle phase
-du goût et des m&oelig;urs. Il y est moins mention des
-<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span>
-romans passés de mode, et la question de l'instruction
-qui convient aux femmes est plus nettement
-posée. Clitandre, qui représente le juste
-milieu dans cette question de l'éducation des
-femmes, ne fait presque que rendre en vers ce que
-M<sup>lle</sup> de Scudéry avait dit en prose longtemps auparavant.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Je consens qu'une femme ait des clartés de tout,</p>
-<p>Mais je ne lui veux point la passion choquante</p>
-<p>De se rendre savante afin d'être savante,</p>
-<p>Et j'aime que souvent aux questions qu'on fait</p>
-<p>Elle sache ignorer les choses qu'elle sait.</p>
-<p>De son étude enfin je veux qu'elle se cache,</p>
-<p>Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache.</p>
-</div></div>
-
-<p>Écoutons maintenant Sapho s'expliquant sur le
-même sujet: «Encore que je voulusse que les
-femmes sussent plus de choses qu'elles n'en savent
-pour l'ordinaire, je ne veux pourtant jamais
-qu'elles agissent ni qu'elles parlent en savantes.
-Je veux donc bien qu'on puisse dire d'une personne
-de mon sexe qu'elle sait cent choses dont
-elle ne se vante pas, qu'elle a l'esprit fort éclairé,
-qu'elle connoît finement les beaux ouvrages,
-qu'elle parle bien, qu'elle écrit juste et qu'elle
-sait le monde, mais je ne veux pas qu'on puisse
-dire d'elle: c'est une femme savante. Ce n'est pas
-que celle qu'on n'appellera point savante ne puisse
-savoir autant et plus de choses que celle à qui on
-donnera ce terrible nom, mais c'est qu'elle sait
-mieux se servir de son esprit, et qu'elle sait cacher
-<span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span>
-adroitement ce que l'autre montre mal à
-propos<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor">&nbsp;[131]</a>.»</p>
-
-<p>Ainsi, M<sup>lle</sup> de Scudéry, près de vingt ans avant
-la comédie des <i>Femmes savantes</i>, semblait protester
-contre ce <i>terrible nom</i>, et contre toute solidarité
-avec les Bélise et les Philaminte de l'avenir.</p>
-
-<p>«M. Despréaux n'étoit pas ami de M. Pellisson
-ni de moi,» écrivait M<sup>lle</sup> de Scudéry<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor">&nbsp;[132]</a>. Elle
-aurait pu ajouter: «ni de mon frère,» car les
-fameux vers:</p>
-
-<p class="quote">Bienheureux Scudéry dont la fertile plume<br />
-Peut tous les mois sans peine enfanter un volume, etc.</p>
-
-<p>Ces vers, disons-nous, furent le premier grief de
-Sapho contre le satirique. Le nom de Pellisson,
-imprimé d'abord en toutes lettres d'une manière
-peu flatteuse dans la satire VIII<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor">&nbsp;[133]</a>, avait été remplacé
-depuis par un synonyme encore moins flatteur<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor">&nbsp;[134]</a>.
-Enfin, une épigramme grossière, que Daunou
-répugne à croire écrite par Boileau, aurait
-même associé ce nom à celui de Sapho dans le reproche
-de laideur<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor">&nbsp;[135]</a>. Mais on sait, du moins, ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span>
-que Boileau en pensait, par ce qu'il en dit plus
-tard dans ses <i>Héros de roman</i>.</p>
-
-<p class="i9">«PLUTON.</p>
-
-<p>Quelle est cette précieuse renforcée que je vois
-qui vient à nous?</p>
-
-<p class="i9">DIOGÈNE.</p>
-
-<p>C'est Sapho, cette fameuse Lesbienne qui a inventé
-les vers saphiques.</p>
-
-<p class="i9">PLUTON.</p>
-
-<p>Je la trouve bien laide, etc.»</p>
-
-<p>Et plus loin, on se moque «des généreuses
-amies de Sapho qui ne surpassent guères en beauté
-Tisiphone, et qui, néanmoins.... ne laissent pas
-de passer pour de dignes héroïnes de roman.»</p>
-
-<p>Tout cela était assez peu littéraire. Ce qui l'est
-davantage, ce sont les vers de l'<i>Art poétique</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Gardez-vous de donner, ainsi que dans <i>Clélie</i>,</p>
-<p>L'art ni l'esprit françois à l'antique Italie,</p>
-<p>Et, sous des noms romains faisant notre portrait,</p>
-<p>Peindre Caton galant et Brutus dameret.</p>
-</div></div>
-
-<p>Il faut rapprocher de ce passage une lettre de
-Boileau à Brossette, du 7 janvier 1703, dont le
-ton dédaigneux était bien fait pour choquer celle
-qui en était l'objet, si elle avait pu la lire:</p>
-
-<p>«C'est une grande absurdité à la demoiselle,
-auteur de la <i>Clélie</i>, d'avoir choisi le plus grave
-siècle de la république romaine pour y peindre
-les caractères de nos François; car on prétend
-qu'il n'y a pas dans ce livre un seul Romain ni
-une seule Romaine qui ne soit copié sur le modèle
-<span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span>
-de quelque bourgeois ou de quelque bourgeoise
-de son quartier.»</p>
-
-<p>Nous ne nous étonnerons donc pas de trouver,
-dès 1684, M<sup>lle</sup> de Scudéry liguée avec Ménage
-pour empêcher Boileau d'entrer à l'Académie.
-Toutefois, il faut le reconnaître, ce double genre
-d'attaques la trouva beaucoup moins sensible que
-celles qui s'étendaient à ses amis et à son sexe.
-Dans ses lettres à l'abbé Boisot, elle parle avec
-une rancune peu dissimulée de la <i>Satire contre les
-femmes</i>, qui venait de paraître et faisait beaucoup
-de bruit<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor">&nbsp;[136]</a>.</p>
-
-<p>«Il y a une nouvelle satire de Despréaux imprimée
-contre les femmes, qu'il croit être la meilleure
-des siennes. Mais les gens de bon goût ne
-le trouvent pas, et il y a un caractère bourgeois et
-des phrases fort bizarres. Il donne un coup de
-griffe, suivant sa coutume, à <i>Clélie</i>, sans raison
-et sans nécessité. Mais je suis accoutumée à mépriser
-ce qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai
-pas. Et un livre qui a été traduit en italien,
-en anglois, en allemand et en arabe, n'a que
-faire des louanges d'un satirique de profession.»
-Plus loin, elle revient encore sur ce sujet qui lui
-tient au c&oelig;ur, protestant, au nom de toutes les
-honnêtes femmes, contre les diatribes de leur
-ennemi commun<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor">&nbsp;[137]</a>. Puis, par un mouvement
-<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span>
-qui rappelle certaines préfaces de son frère,
-elle ajoute: «J'imite ce fameux Romain qui, au
-lieu de se justifier, dit à l'assemblée: Allons
-remercier Dieu de la victoire que nous avons gagnée!»</p>
-
-<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry se montre surtout fort blessée
-de ce passage:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>D'abord tu la verras, ainsi que dans <i>Clélie</i>,</p>
-<p>Recevant ses amans sous le doux nom d'amis,</p>
-<p>S'en tenir avec eux aux petits soins permis;</p>
-<p>Puis bientôt en grande eau, sur le fleuve de Tendre,</p>
-<p>Naviguer à souhait, tout dire et tout entendre,</p>
-<p>Et ne présume pas que Vénus ou Satan</p>
-<p>Souffre qu'elle en demeure aux termes du roman.</p>
-</div></div>
-
-<p>«Vous me direz, écrit-elle à l'abbé, si ce vers:
-<i>Ou Vénus ou Satan</i>, peut être fait par un chrétien.»
-Et il faut convenir que la suite de ce passage, où
-l'imitatrice de Clélie, débutant par l'amour platonique,
-finit par devenir une femme perdue, «une
-Messaline, donnant des rendez-vous chez la
-Cornu,» était bien faite pour offenser une honnête
-fille qui pouvait prêter au ridicule, mais dont les
-m&oelig;urs étaient restées inattaquables, de l'aveu
-même du satirique. En effet, lorsqu'il publia, en
-1713, ses <i>Héros de roman</i>, il fit, à la fin du <i>Discours</i>
-qui les précède, la déclaration suivante:
-«Comme j'étois fort jeune dans le temps que tous
-ces romans.... faisoient le plus d'éclat, je les lus,
-<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span>
-ainsi que les lisoit tout le monde, avec beaucoup
-d'admiration.... Mais enfin.... je reconnus la puérilité
-de ces ouvrages. Si bien que, l'esprit satirique
-commençant à dominer en moi, je ne me
-donnai point de repos que je n'eusse fait contre
-tous ces romans un dialogue à la manière de Lucien,
-etc.... Cependant, comme M<sup>lle</sup> de Scudéry étoit
-alors vivante, je me contentai de composer ce
-dialogue dans ma tête, et bien loin de le faire
-imprimer, je gagnai même sur moi de ne point
-l'écrire et de ne point le laisser voir sur le papier,
-ne voulant pas donner ce chagrin à une fille
-qui, après tout, avoit beaucoup de mérite, et qui,
-s'il faut en croire tous ceux qui l'ont connue,
-nonobstant la mauvaise morale enseignée dans
-ses romans, avoit encore plus de probité et d'honneur
-que d'esprit.»</p>
-
-<p>«Les dévots et dévotes lui en veulent, parce
-qu'à leur goût c'est elle qui établit la galanterie.»
-Ce passage de Tallemant nous révèle une troisième
-espèce d'adversaires pour M<sup>lle</sup> de Scudéry.
-Nous venons de voir que Boileau n'avait pas seulement
-attaqué la <i>Clélie</i> au nom du goût, mais
-aussi au nom de la morale. Perrault lui ayant reproché
-«son acharnement contre cet ouvrage,
-malgré l'estime qu'on en a toujours faite, et l'extrême
-vénération qu'on a toujours eue pour l'illustre
-personne qui l'a composé,» le grand Arnauld
-qui, il faut le dire, était mieux dans son
-rôle, releva le gant, et voici comment il s'exprime
-dans une lettre à Despréaux (1694):</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span>
-«Il ne s'agit point, monsieur, du mérite de la
-personne qui a composé la <i>Clélie</i>, ni de l'estime
-qu'on a faite de cet ouvrage. Il en a pu mériter
-pour l'esprit, pour la politesse, pour l'agrément
-des inventions, pour les caractères bien suivis,
-et pour les autres choses qui rendent agréable à
-tant de personnes la lecture des romans. Que ce
-soit, si vous voulez, le plus beau de tous les romans;
-mais enfin c'est un roman: c'est tout dire.
-Le caractère de ces pièces est de rouler sur l'amour,
-et d'en donner des leçons d'une manière
-ingénieuse, et qui soit d'autant mieux reçue qu'on
-en écarte le plus, en apparence, tout ce qui pourroit
-paroître de trop grossièrement contraire à la
-pureté. C'est par là qu'on va insensiblement jusqu'au
-bord du précipice, s'imaginant qu'on n'y
-tombera pas, quoiqu'on y soit déjà à moitié tombé
-par le plaisir qu'on a pris à se remplir l'esprit et
-le c&oelig;ur de la doucereuse morale qui s'enseigne au
-Pays de Tendre.»</p>
-
-<p>Nous sera-t-il permis de le répéter après Sainte-Beuve?
-Ni Arnauld, ni Boileau, n'avaient tout
-ce qu'il faut pour bien juger les femmes et leur
-rôle dans la société. Sans sortir de Port-Royal,
-Nicole et Du Guet les comprenaient mieux, et Bossuet
-jugeait la X<sup>e</sup> satire moins irréprochable et
-moins édifiante que ne le faisait Arnauld. Voici
-comme il en parle au chap. <span class="smallc">XVIII</span> du <i>Traité de la
-concupiscence</i>: «Celui-là s'est mis dans l'esprit de
-blâmer les femmes. Il ne se met point en peine
-s'il condamne le mariage, et s'il en éloigne ceux
-<span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span>
-à qui il a été donné comme un remède.» Ce qu'il
-y a de curieux, c'est que ce dernier point de vue
-avait été également saisi par M<sup>lle</sup> de Scudéry, ennemie
-du mariage<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor">&nbsp;[138]</a>.</p>
-
-<p>Le jansénisme n'avait pas toujours été si sévère
-pour la reine de celles que Ninon appelait: <i>les
-Jansénistes de l'amour</i>. Le <i>Provincial</i>, dans une réponse,
-du 2 février 1656, aux deux premières
-lettres de son correspondant, lui transmettait le
-billet suivant, écrit par une dame à une de ses
-amies qui lui avait fait tenir la première de ces
-deux lettres: «Je vous suis plus obligée que vous
-ne pouvez vous l'imaginer de la lettre que vous
-m'avez envoyée: elle est tout à fait ingénieuse et
-tout à fait bien écrite. Elle narre sans narrer; elle
-éclaircit les affaires du monde les plus embrouillées;
-elle raille finement; elle instruit même ceux
-qui ne savent pas bien les choses; elle redouble
-le plaisir de ceux qui les entendent. Elle est encore
-une excellente apologie, et, si l'on veut,
-une délicate et innocente censure. Et il y a enfin
-tant d'art, tant d'esprit et tant de jugement en
-cette lettre, que je voudrois bien savoir qui l'a
-faite.»</p>
-
-<p>Et le <i>Provincial</i> ajoutait: «Vous voudriez bien
-aussi savoir qui est la personne qui en écrit de la
-sorte; mais contentez-vous de l'honorer sans la
-<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span>
-connoître, et, quand vous la connoîtrez, vous l'honorerez
-bien davantage<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor">&nbsp;[139]</a>.»</p>
-
-<p>Quelle était cette personne? Racine va nous
-l'apprendre dans sa <i>Lettre à l'auteur des Imaginaires</i><a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor">&nbsp;[140]</a>.
-«N'est-ce pas elle (Scudéry) que l'auteur
-entend lorsqu'il parle d'une personne qu'il admire
-sans la connoître?»</p>
-
-<p>De son côté M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui entretenait
-avec M. d'Andilly des relations amicales, fit son
-portrait sous le nom de Timante et le plaça dans
-un tableau très-flatteur du Désert, au tome VI de
-la <i>Clélie</i> (1657). Elle loua beaucoup la conversion
-et la retraite de Lemaistre à Port-Royal. Elle n'était
-pas indigne de comprendre cette grande union
-d'une belle âme avec son Dieu. Parlant, il est
-vrai, de l'amour humain, elle avait exprimé cette
-noble pensée: «Il faut de la vertu pour être capable
-de ces grands attachements.... Après tout,
-la vertu est d'un assez doux usage dans le monde,
-et je ne sais comment la plupart des femmes hasardent
-leur réputation à si bon marché.»</p>
-
-<p>Il y avait donc, comme l'a remarqué Sainte-Beuve,
-un côté romanesque et dévot qui unissait
-Port-Royal et les héros de Corneille et du <i>Grand
-Cyrus</i><a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor">&nbsp;[141]</a>. Ainsi l'on a la preuve que Nicole avait lu
-<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span>
-la <i>Clélie</i><a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor">&nbsp;[142]</a>, ce qui ne l'empêcha pas, dans sa <i>Première
-visionnaire</i> (décembre 1665), de traiter les
-auteurs de romans et de pièces de théâtre d'<i>empoisonneurs
-publics</i>. Racine, piqué au vif, entreprit,
-dans sa <i>Lettre</i>, déjà citée, <i>à l'auteur des Imaginaires</i>,
-de venger à la fois les auteurs dramatiques
-et les romanciers. Après quelques notes sur
-les premiers, il ajoute malignement: «Vous avez
-oublié que M<sup>lle</sup> de Scudéry avoit fait une peinture
-avantageuse de Port-Royal dans sa <i>Clélie</i>. Cependant,
-j'avais ouï dire que vous aviez souffert patiemment
-qu'on vous eût loué dans ce livre horrible.
-L'on fit venir au Désert le livre qui parloit
-de vous: il y courut de main en main, et tous
-les solitaires voulurent voir l'endroit où ils étoient
-traités d'<i>illustres</i>.»</p>
-
-<p>Après avoir montré la réaction qui se produisit,
-par l'organe de critiques autorisés, au nom du
-goût, de la morale et même du puritanisme religieux
-contre les genres précieux et romanesque, il
-est juste d'ajouter que l'un et l'autre eurent une
-influence souvent salutaire sur les progrès de la
-vie sociale, où s'étaient maintenus, à travers le
-règne de Henri IV, des restes de barbarie, fruits
-des guerres civiles du siècle précédent. Un peu
-de raffinement n'était pas inutile pour combattre
-ces tendances grossières. M<sup>lle</sup> de Scudéry continua
-les réformes que l'hôtel de Rambouillet avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span>
-commencées; leurs innovations dans les habitudes
-sociales, dans la langue, dans l'orthographe<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor">&nbsp;[143]</a> ne
-furent pas toutes stériles ou ridicules, et, parmi
-ce qui en est resté, il en est plus d'une dont l'honneur
-revient à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p>«Ce serait, a dit R&oelig;derer, être injuste et aussi
-frivole que ces écrivains dont l'observation n'a
-pas été plus loin que le ridicule des Précieuses,
-de ne pas reconnaître qu'elles eurent leur côté
-estimable et ne servirent pas médiocrement au
-progrès de la socialité. On n'a pas le droit de
-remarquer leur mauvais goût, sans remarquer
-aussi qu'elles étaient une école de bonnes m&oelig;urs
-dans un temps de dépravation invétérée. Que si
-elles avaient le défaut de faire de l'amour un délire
-de l'imagination, elles eurent aussi le mérite
-d'élever les esprits et les âmes au dessus de l'amour
-d'instinct, et de préparer cet amour du
-c&oelig;ur, ce doux accord des sympathies morales si
-fécond en délices inconnues à l'incontinence grossière,
-cet amour qui donne tant d'heureuses années
-à la vie humaine, appelée seulement à d'heureux
-moments par l'amour d'instinct<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor">&nbsp;[144]</a>.»</p>
-
-<p>En effet, tandis que les austères, les rigoristes
-<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span>
-faisaient le procès aux romans par cela seul qu'il
-y était question des faiblesses du c&oelig;ur, les Épicuriens,
-comme Saint-Évremond et ses pareils, reprochaient
-aux Précieuses «d'avoir ôté à l'amour ce
-qu'il a de plus naturel à force de vouloir l'épurer.»
-«Voilà du temps et de l'esprit bien mal employés!»
-disaient-ils, à propos des longues conversations
-entre amoureux du <i>Cyrus</i> et de la <i>Clélie</i>,
-et il ne manquait pas de gens pour se moquer des
-<i>amours à la platonique</i> de Pellisson et autres adorateurs
-du même genre. Il faut se rappeler les
-amours sans façon du Vert-galant, ceux, encore
-plus hideux, du précédent règne, le dévergondage
-qui s'étale dans les <i>Historiettes</i> de Tallemant, et
-sur lequel la majesté du grand règne vint à
-grand'peine jeter un vernis au moins extérieur de
-décence, pour pardonner à la galanterie quintessenciée
-que les Précieuses et les romans de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry introduisirent dans les rapports entre les
-sexes.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">III</span><br />
-<span class="large">AFFAIRES DOMESTIQUES.&mdash;LES <i>CONVERSATIONS MORALES</i>.</span><br />
-<span class="large">SUCCÈS ACADÉMIQUES.&mdash;ILLUSTRES AMITIÉS.&mdash;VIEILLESSE ET FIN.</span><br />
-<span class="medium">1660-1701.</span></h2>
-</div>
-
-<p>L'affaiblissement de la vogue des romans ne
-retrancha rien de l'estime qui continuait de s'attacher
-à M<sup>lle</sup> de Scudéry. «Elle est plus considérée
-que jamais,» écrivait Tallemant vers 1660,
-et ces sortes de témoignages ont dans sa bouche
-une valeur toute particulière. Affranchie par la
-mort de son frère de plus d'une solidarité fâcheuse,
-elle vivait du produit de sa plume auquel
-venaient se joindre les cadeaux de ses amis
-et les marques de la munificence des princes.
-Outre les présents par lesquels les Condé avaient
-reconnu le dévouement du frère et de la s&oelig;ur pendant
-la Fronde, les Rambouillet, les Montausier,
-M<sup>mes</sup> de Rohan-Monbazon, de Guénégaud, avaient
-pris l'habitude d'offrir à Madeleine, dans diverses
-circonstances, des cadeaux utiles et à son usage
-<span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span>
-personnel, soit pour ménager sa délicatesse, soit
-pour éviter que Georges ne mît la main dessus.
-Mais il y fallait du mystère, et voici comment
-elle-même en parle dans la <i>Clélie</i>: «Sachez que
-cette personne (une fille de Syracuse) qui a de la
-naissance, dont la fortune est assez mauvaise, dont
-le c&oelig;ur est fort noble, et qui, sans faire le bel
-esprit, a plus de réputation qu'elle n'en cherche....
-a eu plusieurs aventures qui prouvent que
-la vertu est encore considérée.... On lui a fait plusieurs
-présents d'une façon particulière, et, comme
-on sait qu'elle aimeroit mieux donner que de recevoir,
-on a pris des biais détournés.» Suivent des
-exemples de ces dons mystérieux dont Tallemant
-a confirmé plus tard la réalité et nommé les véritables
-auteurs<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor">&nbsp;[145]</a>. Les moins riches, les littérateurs
-avaient aussi leur modeste offrande. Conrart offrait
-tous les ans un cachet de cristal, M. Bétoulaud
-des agates gravées, le père Commire des
-fleurs brodées à l'aiguille, et des pierres antiques
-ou qui passaient pour telles<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor">&nbsp;[146]</a>, Chapelain une gélinotte,
-et Ménage, dans la pièce même où il nous
-<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span>
-révèle quelques-unes de ces particularités, exprime
-l'embarras où il est de trouver pour son
-compte quelque chose de nouveau<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor">&nbsp;[147]</a>. En 1694,
-M<sup>lle</sup> de Scudéry écrivait encore: «Je fus tellement
-accablée à ma fête de fleurs, de fruits, de
-vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours
-à remercier ceux qui me les avoient envoyés, et à
-recevoir les visites de ceux qui venoient voir les
-vers que j'avois reçus.»</p>
-
-<p>Le mystère que l'on mettait dans ces cadeaux, et
-qui avait d'abord pour principal objet d'empêcher
-un refus, devint bientôt une mode, une espèce de
-jeu d'esprit destiné à exercer l'imagination des
-donateurs en même temps que celui de la donataire.
-Cette préoccupation est visible dans une
-lettre de mai 1656<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor">&nbsp;[148]</a>, écrite par celle-ci <i>à une personne
-inconnue qui lui avoit adressé un présent</i>.
-Nous ne connaissons pas la nature de ce présent
-qu'elle traite de magnifique, mais voici ce qu'elle
-en dit: «Il me semble que vous vouliez m'obliger
-à porter une couleur où je croyois avoir renoncé,
-et que je ne croyois plus pouvoir porter
-avec bienséance, si ce n'étoit en &oelig;illets, en roses
-ou en anémones, m'étant résolue à ne mettre plus
-que du bleu, du gris de lin, de l'isabelle et du
-blanc.»</p>
-
-<p>Vers 1671, elle recevait, <i>au nom des Dames</i>, une
-<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span>
-ode attachée avec des rubans de diverses couleurs
-à une petite guirlande de lauriers d'or émaillés
-de vert. Le tout était renfermé dans une jolie boîte.
-L'objet de cette gracieuse offrande répondit <i>à l'illustre
-secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être</i>.
-On découvrit, quelque temps après, que l'ode était
-de M<sup>lle</sup> de la Vigne<a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor">&nbsp;[149]</a>.</p>
-
-<p>Nous ne voulons pas trop insister sur ces épisodes
-un peu puérils, mais il en est un que nous
-ne pouvons passer sous silence, parce qu'il se lie
-à l'histoire littéraire et à celle des m&oelig;urs de l'époque,
-l'<i>Affaire des voleurs</i>, comme on l'appela,
-qui donna lieu à tout un cycle poétique, et qui,
-après avoir fait beaucoup de bruit dans son temps,
-a été reprise de nos jours par le roman et par le
-théâtre.</p>
-
-<p>Le premier jour de l'an 1665, vers dix heures
-du matin, M<sup>lle</sup> de Scudéry reçut «une corbeille de
-paille brodée où il y avoit une belle bourse de point
-d'Espagne, un bracelet d'aventurine et une quantité
-de petits bijoux de filigrane<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor">&nbsp;[150]</a>. Ce présent étoit
-apporté par un homme de mauvaise mine et sentant
-son filou, comme de la part des voleurs en
-faveur desquels elle avoit fait un peu auparavant
-un placet au roi contre celui de M. Châtillon-Barillon.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span>
-Ce passage des Manuscrits Conrart<a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor">&nbsp;[151]</a> a besoin
-d'être expliqué. Dès 1650, M<sup>lle</sup> de Scudéry écrivait
-à Godeau: «Depuis un mois ou six semaines,
-on vole si insolemment dans les rues de Paris qu'il
-y a eu plus de quarante carrosses de gens de qualité
-arrêtés par ces messieurs les voleurs, qui vont
-à cheval et presque toujours quinze à vingt ensemble<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor">&nbsp;[152]</a>.»
-Ces vols, qui passèrent à l'état chronique,
-et sur lesquels on trouve tant de témoignages
-dans les mémoires du temps, donnèrent
-lieu, en 1664, à des vers ayant pour titre: <i>Placet</i>
-ou <i>Requête des Amans contre les Filoux</i>, où les premiers
-se plaignaient au roi de ce qu'on ne pouvait,
-sans crainte d'être dévalisé, se promener le soir
-et faire la cour aux belles. M<sup>lle</sup> de Scudéry adressa
-au roi une <i>Réponse des Filoux à la Requête des
-Amans</i>, dont la conclusion était:</p>
-
-<p class="quote">Un amant qui craint les voleurs<br />
-Ne mérite pas de faveurs.</p>
-
-<p>Le présent que les voleurs étaient censés faire à
-<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span>
-celle qui avait pris leur défense, était accompagné
-d'une pièce de vers commençant ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ces hommes redoutés que l'on nomme filoux</p>
-<p class="i3"> Dont vous avez pris la défense</p>
-<p class="i3"> Sont de leur gloire trop jaloux</p>
-<p class="i3"> Pour demeurer dans le silence, etc.</p>
-</div></div>
-
-<p>Nouvelle <i>Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à une demoiselle
-qu'elle soupçonne de lui avoir fait cette galanterie</i><a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor">&nbsp;[153]</a>.
-Mais il y avait lieu de distinguer dans la
-galanterie le don lui-même et les vers qui l'accompagnaient.
-Ceux-ci, Conrart nous l'apprend, étaient
-de M<sup>me</sup> de Platbuisson, l'une des muses satellites
-qui gravitaient dans l'orbite de Sapho, et à qui
-celle-ci, mieux informée, ne manqua pas de témoigner
-sa reconnaissance<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor">&nbsp;[154]</a>. Quant au présent lui-même,
-il paraît qu'il émanait de M<sup>me</sup> de Montausier,
-ainsi qu'on le découvrit plus tard. Cette
-indication fort vraisemblable nous est fournie par
-un savant allemand qui se trouvait alors à Paris,
-et qui, dans un gros volume sur la ville de Nuremberg,
-sa patrie<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor">&nbsp;[155]</a>, a raconté longuement et lourdement,
-<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span>
-à l'allemande, ce petit épisode de la vie
-parisienne à cette époque<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor">&nbsp;[156]</a>; du reste, en position
-d'être bien informé, car, pendant son séjour à
-Paris (1665-1666), il fut en relation avec Chapelain
-et avec M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même. Il raconte
-dans sa chronique qu'il lui rendit visite, et que,
-longtemps avant que le père Bouhours posât sa
-fameuse question: «Si un Allemand peut avoir
-de l'esprit,» elle lui demanda si l'allemand était
-véritablement une langue, ce dont elle était tentée
-de douter en entendant le rude jargon des gardes
-suisses et des suisses d'hôtels. Il l'étonna en affirmant
-que non-seulement l'allemand était une langue,
-mais que cette langue possédait des écrivains
-et même des poëtes. Il ajouta&mdash;et cet argument
-dut la convaincre&mdash;que l'on avait traduit la
-<i>Clélie</i> en allemand: «Votre incomparable <i>Clélie</i>,
-Mademoiselle, n'a rien perdu chez nous de sa
-forme gracieuse en passant par la plume aussi
-noble qu'habile de Johann Wilhelm von Stubenberg.»
-Ceci paraît charmer notre demoiselle, qui
-raconte à son interlocuteur comment elle a trouvé
-en Italie un <i>traduttore traditore</i>. «Un de mes romans,
-lui dit-elle, n'a pas eu la chance de tomber
-entre les mains d'un pareil interprète. J'avais dit
-qu'un roi d'Assyrie, assiégeant Babylone avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span>
-deux cent mille hommes, pour animer ses soldats,
-leur avait promis le pillage: puis se ravisant,
-la ville prise, avait donné en place à chacun
-<i>quatre montres</i>, c'est-à-dire quatre mois de solde<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor">&nbsp;[157]</a>.
-Le traducteur me fit dire que le roi ordonna de
-distribuer à chacun quatre montres de poche<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor">&nbsp;[158]</a>, ce
-qui était l'absurdité même.»</p>
-
-<p>Nous nous sommes laissé aller au plaisir d'entendre
-une conversation de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Revenons
-à l'histoire, ou plutôt à la légende des
-voleurs. De nos jours, le conteur allemand Hoffmann,
-empruntant à Wagenseil la donnée du présent
-fait par les prétendus voleurs, et y mêlant,
-sans se soucier des anachronismes, l'histoire de la
-Brinvilliers et de la Voisin, la chambre des poisons,
-la Reynie et d'Argenson, composa du tout
-une nouvelle véritablement fantastique, en ce sens
-que la fantaisie seule y avait rapproché les faits et
-les personnes, mais à laquelle la création originale
-de l'orfévre Cardillac valut en France une popularité
-attestée par le remaniement du spirituel Henri
-de Latouche<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor">&nbsp;[159]</a>, et par le succès du mélodrame de
-<i>Cardillac</i>, l'un des premiers rôles où se révéla le
-talent de l'acteur Frédéric Lemaître<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor">&nbsp;[160]</a>.</p>
-
-<p>Il ne faut pas confondre, comme on l'a fait souvent,
-<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span>
-cette fiction poétique, cette visite toute courtoise
-des prétendus filous de 1665, avec l'aventure
-beaucoup plus prosaïque qui arriva vingt-six ans
-après à M<sup>lle</sup> de Scudéry, et qu'elle raconte ainsi
-dans une lettre à l'abbé Boisot: «Je ne sais,
-Monsieur, si je vous ai mandé que, durant un
-mois, des voleurs ont voulu me voler. Ils se servoient
-d'une vieille masure à monter sur le toit de
-ma maison. Ils firent par trois fois des trous à
-mon grenier et dans la chambre de mes laquais,
-et il m'a fallu avoir garnison toutes les nuits pendant
-vingt-quatre jours, parce qu'il m'a fallu ce
-temps-là pour faire abattre ma vieille masure. De
-sorte qu'ayant dit un jour que je ne savois pourquoi
-les voleurs me cherchoient, puisque je n'avois
-qu'un peu d'esprit droit et le c&oelig;ur de même, un
-de mes amis, M. Bosquillon, m'envoya le lendemain
-un madrigal que je vous envoie<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor">&nbsp;[161]</a>.»</p>
-
-<p>Le père Niceron, parlant des faveurs dont
-M<sup>lle</sup> de Scudéry fut l'objet de la part de hauts personnages,
-s'exprime ainsi: «Le prince de Paderborn,
-évêque de Munster, la régala de sa médaille
-et de ses ouvrages. La reine de Suède, Christine,
-l'honora de ses caresses, de son portrait, d'un
-brevet de pension, et souvent même de ses lettres.»
-Passe pour le brevet de pension, quoique nous
-n'en rencontrions pas d'autres traces<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor">&nbsp;[162]</a>, mais pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span>
-le reste, tous ces <i>régals</i> et ces <i>caresses</i> des grands
-laissaient à Scarron le droit de dire:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Siècle méconnoissant, le dirai-je à ta honte?</p>
-<p>On admire Sapho, tout le monde en fait compte,</p>
-<p>Mais, ô siècle, à l'estime, aux admirations</p>
-<p>Pourquoi n'ajouter pas de bonnes pensions,</p>
-<p>Du bien pour soutenir une illustre naissance,</p>
-<p>Et pour ne laisser pas le reproche à la France,</p>
-<p>Que l'illustre Sapho qui lui fit tant d'honneur</p>
-<p>Ne manqua point d'estime et manqua de bonheur<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor">&nbsp;[163]</a>?</p>
-</div></div>
-
-<p>Ménage se faisait l'écho du même v&oelig;u, lorsque,
-à propos des largesses distribuées aux savants par
-Colbert au nom de Louis XIV, il ne craignait pas
-de reprocher à ce ministre d'aller chercher au fond
-des pays les plus éloignés les objets de ces faveurs,
-et d'omettre sciemment celle qu'il avait sous la
-main et que lui désignaient à haute voix et la
-cour et la ville<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor">&nbsp;[164]</a>.</p>
-
-<p>Dès l'époque de son retour à Paris après la
-Fronde (1653), Mazarin lui donnait des gratifications
-<span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span>
-annuelles<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor">&nbsp;[165]</a>. Il lui laissa dans son testament
-une pension viagère de mille livres<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor">&nbsp;[166]</a>. Le duc de
-Mazarin ayant cessé de l'acquitter en avril 1690,
-fut condamné le 30 septembre 1692, par arrêt du
-Grand Conseil, à payer à M<sup>lle</sup> de Scudéry trois
-mille livres pour les arrérages et les intérêts de la
-pension<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor">&nbsp;[167]</a>.</p>
-
-<p>Enfin le roi lui-même tint à se ranger parmi
-tant d'illustres bienfaiteurs. Il faut ici laisser la
-parole à M<sup>me</sup> de Sévigné. «Vous savez, écrit-elle
-au comte et à la comtesse de Guitaut, comme le
-roi a donné deux mille livres de pension à M<sup>lle</sup> de
-Scudéry. C'est par un billet de M<sup>me</sup> de Maintenon
-qu'elle apprit cette bonne nouvelle. Elle fut remercier
-Sa Majesté un jour d'appartement; elle
-fut reçue en toute perfection; c'est une affaire que
-de recevoir cette merveilleuse muse. Le roi lui
-parla et l'embrassa pour l'empêcher d'embrasser
-ses genoux. Toute cette petite conversation fut
-d'une justesse admirable; M<sup>me</sup> de Maintenon était
-l'interprète. Tout le Parnasse est en émotion pour
-remercier le héros et l'héroïne<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor">&nbsp;[168]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span>
-Le chancelier Boucherat, avec qui elle était en
-relation dès 1675, établit sur le sceau en sa faveur
-une pension que Pontchartrain lui continua. Ces
-pensions n'étaient pas toujours exactement payées,
-comme le témoigne maint passage de sa correspondance.
-«Je ne suis payée de nulle part,» écrivait-elle
-à l'abbé Boisot le 16 juin 1694<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor">&nbsp;[169]</a>, et le
-10 juillet: «Je vous envoie, Monsieur, les deux
-journaux qui contiennent votre excellent extrait.
-Mais, quoique le port d'un écrit si bien fait ne
-puisse être trouvé trop cher, j'ai coupé le papier
-blanc pour le diminuer, car, pendant cette rigoureuse
-année, les petites épargnes ne sont pas honteuses,
-quoi qu'assez contraires à mon humeur.»</p>
-
-<p>Vers la même époque, et comme un allégement
-providentiel à l'état de gêne que révèlent ces dernières
-confidences, une amie de quarante ans,
-M<sup>lle</sup> de Clisson<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor">&nbsp;[170]</a> comprenait M<sup>lle</sup> de Scudéry dans
-des legs faits en faveur de quelques personnes
-qu'elle affectionnait. Quoique cette libéralité vînt
-pour elle on ne peut pas plus à propos, nous la
-voyons, dans les lettres de cette époque, moins
-préoccupée de ses propres intérêts que des devoirs
-de l'amitié. «Bien que ma fortune soit très-mauvaise,
-<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span>
-je ne sens en cette occasion que la perte
-d'une amie qui étoit touchée de mon malheur, et
-qui m'a voulu secourir en mourant.... Comme on
-m'a dit qu'il y a un grand nombre de legs, je
-voudrois bien savoir si le nom de Vaumale ou de
-Valcroissant ne se trouve pas parmi ceux à qui
-cette généreuse personne en a laissé<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor">&nbsp;[171]</a>.»</p>
-
-<p>Pour compléter ce chapitre des affaires domestiques,
-on nous permettra d'ajouter ici quelques
-détails sur l'intérieur de M<sup>lle</sup> de Scudéry, tel que
-nous pouvons nous le figurer jusqu'à sa mort. Dans
-le <i>postscriptum</i> d'une lettre au jurisconsulte Taisand,
-datée du 1<sup>er</sup> septembre 1675, elle disait:
-«Je loge <i>à présent</i> rue de Beausse, derrière le Petit-Marché,
-au Marais du Temple.» Il nous paraît
-évident, comme à M. Miller<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor">&nbsp;[172]</a>, que cette formule
-indique un changement récent de domicile, mais&mdash;et
-ceci explique l'erreur de ceux qui font
-remonter à une époque antérieure son installation
-rue de Beauce&mdash;elle était restée fidèle au quartier
-du Temple, à la paroisse Saint-Nicolas des
-Champs, à ce milieu de jardins, de cultures, que
-le projet inachevé de Henri IV avait créé dans
-cette partie de Paris demi-rurale, où des noms de
-provinces donnés à toutes les rues prêtaient encore
-à l'illusion.</p>
-
-<p>Tracée en 1626, sur la Culture du Temple, la
-rue de Beauce n'avait été achevée qu'en 1630.
-<span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span>
-Elle n'était encore qu'à l'état de ruelle. La maison
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry occupait le coin de cette rue
-et de celle des Oiseaux<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor">&nbsp;[173]</a>. Elle continuait à y recevoir
-les samedis, et parfois les mardis depuis deux
-heures jusqu'à cinq, ses amis des deux sexes dont
-le nombre s'éclaircissait peu à peu, et les visiteurs
-accidentels que sa réputation y attirait. Quelquefois
-l'entretien, commencé dans sa chambre, se
-continuait dans le jardin, ou même chez quelqu'une
-de ses voisines et amies de la rue de Berry,
-M<sup>lle</sup> Boquet ou M<sup>me</sup> Aragonnais. Les arbres fruitiers
-ou d'agrément, les hôtes familiers ou de passage
-qui animaient l'enclos de la Vieille rue du
-Temple ne manquaient pas à celui de la rue de
-Beauce. La maîtresse du lieu aimait les animaux,
-croyait à leur intelligence<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor">&nbsp;[174]</a>. On lui avait envoyé un
-petit perroquet et des caméléons qu'elle entreprit
-<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span>
-d'élever. Le perroquet était probablement celui à
-qui le grand Leibnitz ne dédaigna pas d'adresser
-des vers latins où il lui promettait d'aller à l'immortalité
-avec sa maîtresse<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor">&nbsp;[175]</a>. Quant aux caméléons,
-leur histoire est presque un épisode scientifique
-de la Chronique des samedis, et, comme telle,
-nous la laisserons raconter à l'un de nos naturalistes
-les plus distingués.</p>
-
-<p>«L'illustre M<sup>lle</sup> de Scudéry, dit-il, avait reçu
-en présent trois caméléons envoyés d'Égypte. Elle
-les garda chez elle pendant plus de six mois<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor">&nbsp;[176]</a>, et
-l'un d'eux passa même l'hiver; il fit les délices de
-la société choisie qui se donnait rendez-vous aux
-Samedis de la rue de Beauce. Là venait Claude
-Perrault, admirable anatomiste autant qu'excellent
-architecte, quoi qu'en ait dit Boileau. On institua
-des expériences sous sa direction, qui furent fort
-bien faites. On vit que l'animal devenait pâle toutes
-les nuits, qu'il prenait une couleur plus foncée au
-soleil ou quand on le tourmentait, et enfin qu'il
-fallait traiter de fable l'opinion que les caméléons
-prennent la couleur des objets environnants. Pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span>
-s'en assurer, on enveloppait la bête dans des étoffes
-différentes, et on la regardait ensuite. Une seule
-fois elle était devenue plus pâle dans un linge
-blanc, mais l'expérience répétée ne réussit plus
-aussi bien. La gamme des couleurs que parcourt
-la peau du caméléon fut trouvée très-restreinte,
-allant du gris et du vert clair au brun verdâtre.
-Nous ne savons rien de plus aujourd'hui, et ces
-expériences de Perrault, instituées au milieu d'un
-cercle de beaux esprits du dix-septième siècle,
-marquent le dernier pas qui ait été fait dans cet
-ordre de recherches. Aucun naturaliste depuis ne
-les a surpassées<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor">&nbsp;[177]</a>.»</p>
-
-<p>C'est au milieu de cet entourage que l'on peut
-se figurer la bonne demoiselle, en robe gris de lin,
-les cheveux grisonnants, mais la taille encore
-droite, avant que l'âge et les infirmités l'eussent
-forcée de garder la chambre, se promenant dans
-son jardin, ou assise avec sa chatte favorite sur
-ses genoux, par une belle soirée d'été, prêtant l'oreille
-au caquetage de son perroquet, auquel se
-mêlent les bruits confus du Petit-Marché et l'Angelus
-du couvent des Enfants-Rouges.</p>
-
-<p>Elle entretenait une correspondance étendue avec
-l'Allemagne, l'Italie, la Franche-Comté, la Provence,
-mais elle avait dû renoncer aux longs voyages,
-peut-être même aux séjours plus ou moins
-prolongés qu'elle faisait autrefois à Fontainebleau,
-<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span>
-aux Pressoirs, à Saint-Cyr. Plus de ces longues promenades
-avec Isarn au Raincy, ou de ces courses en
-bateau avec M<sup>me</sup> de Saint-Simon<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor">&nbsp;[178]</a>; tout au plus quelques
-excursions à Livry pour voir M<sup>me</sup> de Sévigné,
-ou bien à Fresnes, chez M<sup>me</sup> du Plessis-Guénégaud<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor">&nbsp;[179]</a>,
-où elles se retrouvaient ensemble, l'une toujours
-enjouée<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor">&nbsp;[180]</a>, l'autre toujours bonne. Les habitudes
-qu'elle avait contractées à Athis du vivant de
-Conrart paraissent s'être continuées après la mort
-de ce dernier (1675), ce qui a fait croire qu'elle y
-avait elle-même habité<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor">&nbsp;[181]</a>. Du moins la tradition
-locale a rattaché à son nom plusieurs souvenirs.
-Dans une maison d'Athis ayant appartenu à M. Foucault,
-intendant de Caen, on avait conservé, par
-respect pour sa mémoire, un arbre à l'ombre duquel
-elle venait étudier<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor">&nbsp;[182]</a>. Dans le parc d'une autre
-<span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span>
-maison où le duc de Roquelaure avait passé les
-dernières années de sa vie, et qui appartenait en
-1787 à la duchesse de Châtillon, on voyait encore,
-à cette dernière époque, un monument élevé à la
-chienne favorite de ce seigneur, avec l'inscription
-suivante attribuée à M<sup>lle</sup> de Scudéry:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ci-gît la célèbre Badine</p>
-<p>Qui n'eut ni beauté ni bonté,</p>
-<p>Mais dont l'esprit a démonté</p>
-<p>Le système de la machine<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor">&nbsp;[183]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cependant l'âge n'avait pas arrêté la plume de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry; il avait seulement donné une
-forme plus sévère à ses compositions. A l'ère des
-romans avait succédé celle des <i>Conversations morales</i>
-qui parurent de 1680 à 1692<a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor">&nbsp;[184]</a>. Sans croire,
-ainsi que l'assure le rigide Arnauld, qu'elle avait
-«un vrai repentir de ce qu'elle avoit fait autrefois»,
-et que, comme Gomberville, «elle eût voulu
-effacer ses romans de ses larmes»<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor">&nbsp;[185]</a>, on peut dire
-que, tout en conservant à la plupart de ces nouvelles
-compositions le cadre antique, les noms
-grecs, romains, africains et la forme des entretiens
-<span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span>
-insérés dans ses romans<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor">&nbsp;[186]</a>, elle entend cependant
-les dégager des aventures purement romanesques,
-leur donner une allure plus décidément morale,
-en faire, comme on l'a dit, le bréviaire des honnêtes
-gens appelés à vivre dans le grand monde,
-caractère que n'hésitaient pas à leur reconnaître
-des femmes telles que M<sup>mes</sup> de Sévigné et de
-Maintenon, des prélats tels que Mascaron et Fléchier<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor">&nbsp;[187]</a>,
-et que M. Cousin a résumé de nos jours
-en disant «qu'on pouvait offrir à une jeune femme
-ces dix volumes de <i>Conversations</i>, comme une suite
-de sermons laïques en quelque sorte, une véritable
-<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span>
-école de morale séculière, tirée de l'expérience
-de la meilleure compagnie<a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor">&nbsp;[188]</a>.»</p>
-
-<p>Les Conversations étaient devenues un genre de
-littérature à la mode, depuis que l'hôtel de Rambouillet
-et les Précieuses, grâce aux progrès du
-confort et au rapprochement régulier des deux
-sexes, avaient créé ce nouvel élément de la vie sociale,
-inconnu au siècle précédent. De même que
-les <i>Portraits</i> chez Mademoiselle, les <i>Caractères</i>
-à l'hôtel de Condé, les <i>Maximes</i> chez M<sup>me</sup> de
-Sablé<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor">&nbsp;[189]</a>, les <i>Conversations</i> étaient en faveur dans les
-salons modestes de M<sup>lle</sup> de Scudéry et de M<sup>me</sup> Scarron.
-Saint-Évremond et le chevalier de Méré en
-avaient fait le sujet de compositions littéraires.
-Il appartenait à la reine des Samedis de donner
-en même temps le précepte et l'exemple<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor">&nbsp;[190]</a>. C'est ce
-qu'elle fit dans son chapitre <i>De la conversation</i>,
-p. 16 du volume de 1680. Elle pose en principe
-qu'il y faut le concours des deux sexes, suivant
-sur ce point l'opinion du chevalier de Méré, qui
-avait été à son heure, dit Sainte-Beuve, un maître
-<span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span>
-de bel air et d'agrément, et avec lequel elle avait
-eu quelques relations. Laissons-la parler sur ce
-point délicat, et honni soit qui mal y pense! «Les
-plus honnêtes femmes du monde, dit-elle, quand
-elles sont un grand nombre ensemble, ne disent
-presque jamais rien qui vaille, et s'ennuient plus
-que si elles étoient seules.... Au contraire, il y a
-je ne sais quoi, que je ne sais comment exprimer,
-qui fait qu'un honnête homme réjouit et divertit
-plus une compagnie de dames, que la plus aimable
-femme de la terre ne sauroit le faire.»</p>
-
-<p>On trouve, soit dans cet article, soit dans ceux
-qui suivent, bien des choses fines et délicates, intéressantes
-comme peinture de la société du temps, et
-qui sont restées vraies dans le nôtre. Certains sujets
-de critique littéraire y sont touchés à l'occasion.
-Les conversations <i>sur la manière d'inventer
-une fable&mdash;sur la manière d'écrire les lettres</i>, etc.,
-prouvent que l'auteur avait réfléchi aux règles des
-divers genres de littérature, quoiqu'elle n'ait pas
-toujours réussi à les mettre en pratique. On est
-étonné d'y rencontrer, au milieu d'une Nouvelle
-soi-disant historique et assez ennuyeuse, une espèce
-d'histoire de la poésie française au seizième
-siècle, qui suppose des connaissances réelles sur
-ce point alors peu étudié, et qui montre, par exemple,
-que M<sup>lle</sup> de Scudéry avait mieux connu et
-jugé Ronsard que l'auteur de l'<i>Art poétique</i><a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor">&nbsp;[191]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span>
-De même que les portraits du <i>Cyrus</i> et de la
-<i>Clélie</i> avaient donné naissance à ceux qui furent
-à la mode quelque temps après chez Mademoiselle
-de Montpensier, les <i>Conversations</i> de M<sup>lle</sup> de Scudéry
-suggérèrent à M<sup>me</sup> de Maintenon, qui avait
-été son amie avant d'être sa protectrice, l'idée d'en
-composer de plus simples destinées à être récitées
-par les demoiselles de Saint-Cyr<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor">&nbsp;[192]</a>. Cela résulte non-seulement
-d'une lettre de M<sup>me</sup> de Sévigné, déjà
-indiquée, mais d'un passage de celle de M<sup>me</sup> de
-Brinon leur première supérieure, à M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-en date du 3 août 1688. On les trouvera l'une
-et l'autre dans la Correspondance.</p>
-
-<p>En 1671, le premier prix de prose, fondé par
-Balzac, fut décerné à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour son
-<i>Discours de la Gloire</i>, qui certes n'ajoutera rien à
-celle de l'auteur. Il ne faut point y chercher de
-l'éloquence. On demandait, dans l'<i>Écrit portant
-établissement des prix de prose et de poësie</i>, que le
-premier traitât de certaines matières pieuses déterminées
-par le fondateur; qu'il fût revêtu
-d'une approbation de la Faculté de Théologie, et
-qu'il se terminât par une courte prière à Jésus-Christ<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor">&nbsp;[193]</a>.
-La chose tenait à la fois du sermon et de
-l'amplification de collége.</p>
-
-<p>A la mort de la savante Hélène Cornaro, l'Académie
-<span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span>
-des <i>Ricovrati</i> de Padoue fit écrire par Charles
-Patin une lettre des plus flatteuses à M<sup>lle</sup> de Scudéry
-pour lui donner place dans cette société qui
-se faisait gloire de compter dans son sein un certain
-nombre de dames françaises, telles que la
-marquise de Rambouillet, les comtesses d'Aulnoy
-et de la Suze, Mesdames Deshoulières, de Villedieu,
-Dacier, etc. Au milieu de ces Muses françaises
-qui avaient chacune leur épithète: <i>la Lumière
-de Rome</i>, <i>l'Immortelle</i>, <i>l'Éloquente</i>, etc., Sapho
-était surnommée <i>l'Universelle</i><a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor">&nbsp;[194]</a>.</p>
-
-<p>Il aurait même été question de suivre cet exemple
-en France, et M<sup>lle</sup> de Scudéry figurait la première
-sur une liste de dames illustres par leur
-esprit et par leur savoir qu'il fut question d'admettre
-à l'Académie française. La proposition attestée
-par Ménage, et appuyée par Charpentier qui
-invoqua le précédent des <i>Ricovrati</i> de Padoue,
-n'eut pas de suite<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor">&nbsp;[195]</a>.</p>
-
-<p>Ses romans, ainsi qu'elle l'a rappelé plusieurs
-fois, avec une certaine complaisance, dans ses lettres,
-étaient traduits en anglais, en allemand, en
-italien, et même en arabe, à ce que lui écrivait un
-de ses amis et obligés, Bonnecorse, de Syrie où il
-était consul à Seyde. M. Lair, professeur à Caen,
-et Charlotte Patin traduisaient en vers latins ses
-poésies. Sa correspondance, soit dans la partie que
-<span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span>
-nous avons pu en recueillir, soit dans celle qui ne
-nous est connue que par des fragments ou des indications,
-nous la montre en rapport avec ce que
-la France et l'étranger renfermaient de plus distingué.
-On a vu, dit son panégyriste, avec une pointe
-d'exagération que le genre comporte, «des souverains
-ne recommander autre chose aux princes,
-leurs enfants, qui venoient en France, que de ne
-point retourner auprès d'eux sans avoir vu M<sup>lle</sup> de
-Scudéry»<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor">&nbsp;[196]</a>.</p>
-
-<p>Elle disait à l'abbé Boisot: «Je ne rejette que
-les louanges de mon esprit, et j'accepte hardiment
-celles qui s'adressent à mon c&oelig;ur et à
-mon amitié.» Elle lui écrivait aussi, au sujet
-d'un service rendu à un ami: «Je renferme tout
-cela dans mon c&oelig;ur <i>où rien ne se perd jamais</i>.»
-Il était d'elle encore ce mot qui avait frappé sa
-digne amie, M<sup>me</sup> de Sévigné: «La vraie mesure
-du mérite doit se prendre sur la capacité
-que l'on a d'aimer<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor">&nbsp;[197]</a>.» Aussi Ménage, lui dédiant
-l'édition des &oelig;uvres d'un ami commun, écrivait:
-«Si j'ai de l'estime et de l'admiration pour
-les qualités de votre esprit, j'ai du respect et de
-la vénération pour celles de votre âme, pour
-votre bonté, pour votre douceur, pour votre <i>tendresse</i>,
-pour votre générosité, pour votre candeur,
-et surtout pour cette incomparable modestie
-<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span>
-qui au lieu de cacher votre mérite, le fait éclater
-davantage<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor">&nbsp;[198]</a>.»</p>
-
-<p>S'il est vrai, comme l'a dit une de nos muses
-contemporaines,</p>
-
-<p class="quote"><i>Que</i> louer la vertu, c'est lui désobéir,</p>
-
-<p>il semble qu'ici Ménage désobéissait beaucoup à
-M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p>Un auteur que nous avons déjà cité, de Vaumorière,
-consignait également, dans la dédicace
-d'une Nouvelle historique, l'éloge chaleureux de
-la modestie et du mérite de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Rappelant
-le fait cité plus haut de la traduction en
-arabe d'un de ses romans, il ajoutait: «Pardonnez
-moi, s'il vous plaît, Mademoiselle, cette particularité
-qui n'est pas de votre goût, et permettez
-moi d'en dire une autre dont je suis incomparablement
-plus touché. C'est que vous êtes la plus
-généreuse, la plus ardente et la plus fidèle Amie
-qui fut jamais, et que votre c&oelig;ur est peut-être au-dessus
-de ce grand esprit que toute la terre admire<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor">&nbsp;[199]</a>.»
-<i>Ma bonne amie</i>, ainsi l'appelaient naïvement
-quelques-uns de ses intimes, hommes et
-femmes<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor">&nbsp;[200]</a>, et elle fut en effet par excellence «une
-bonne amie», comme elle n'hésitait pas à le dire
-d'elle-même. Agréée par les plus austères, cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span>
-amitié ne s'effarouchait pas de quelques écarts,
-et, sur cette liste si nombreuse, à côté des Mascaron,
-des Montausier, des Sévigné, des Motteville,
-figurent d'autres noms moins irréprochables. L'indulgence
-de la femme sûre d'elle-même, pour des
-faiblesses qu'elle ne partageait pas, respire dans
-son commerce avec certains amis de l'un et de
-l'autre sexe. Elle écrivait à Bussy-Rabutin: «Votre
-fille que je vois souvent a autant d'esprit que si
-elle vous voyoit tous les jours, et est aussi sage
-que si elle ne vous voyoit jamais.» La galante
-M<sup>me</sup> de la Suze adressait à la <i>sage Daphné</i> (Scudéry)
-une Élégie, où cette nuance de leurs rapports
-mutuels est délicatement indiquée:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Illustre et chère amie à qui dans mes malheurs</p>
-<p>J'ai toujours découvert mes secrètes douleurs,</p>
-<p>Qui sais ce que l'on doit ou désirer ou craindre</p>
-<p>Et qui ne blâmes pas ce qu'on ne doit que plaindre,</p>
-<p>Écoute-moi....</p>
-</div></div>
-
-<p>Ménage écrivait à la date du 21 août 1685:</p>
-
-<p>«M<sup>lle</sup> de Scudéry m'a obligé de me réconcilier
-avec M. Pellisson, et je dînai hier chez lui. <i>Mortalis
-cum sis, odia ne geras immortalia</i><a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor">&nbsp;[201]</a>.»</p>
-
-<p>«Ennemie de la médisance et des médisans,
-juste dans ses choix, sûre dans son commerce,
-sincère, discrète et judicieuse, vraie en tout et toujours
-<span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span>
-égale, elle faisoit souhaiter à tout le monde
-sa connoissance et son amitié. Incapable de changement
-comme de foiblesse, ses amis n'étoient jamais
-plus assurés de son c&oelig;ur que quand ils étoient
-malheureux<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor">&nbsp;[202]</a>.»</p>
-
-<p>Pour prouver combien cette fois son panégyriste
-est resté dans la stricte vérité, il suffit de rappeler
-les noms de Fouquet, de Valcroissant, de Corbinelli,
-de Bonnecorse, du gazetier Loret qui recevait
-par son entremise les bienfaits anonymes du
-Surintendant alors prisonnier<a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor">&nbsp;[203]</a>. Le 30 mai 1687,
-elle s'était associée à Pellisson pour faire célébrer
-un service funèbre à Nublé, leur ami commun<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor">&nbsp;[204]</a>.
-Quant à Pellisson lui-même, il avait toujours occupé
-une place à part. Longtemps avant sa mort,
-et un jour qu'il n'avait pu assister à une réunion
-motivée par l'anniversaire de la naissance de Sapho,
-Ménage avait fait son épitaphe, où il disait
-en usant d'une fiction poétique:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Passant, ne pleure point son sort.</p>
-<p>De l'illustre Sapho que respecta l'envie</p>
-<p class="i1"> Il fut aimé pendant sa vie,</p>
-<p class="i1"> Il en fut plaint après sa mort.</p>
-</div></div>
-
-<p>Lorsque cette fiction se réalisa, en 1693, elle
-dicta à Bosquillon, sur cet ami de trente-huit ans,
-<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span>
-de touchantes notices qui parurent dans le <i>Mercure</i>
-et dans le <i>Journal des Savants</i><a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor">&nbsp;[205]</a>, et toutes ses
-lettres de cette époque témoignent de l'ardeur passionnée<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor">&nbsp;[206]</a>
-qu'elle mit à défendre Pellisson contre
-les attaques qui s'étaient produites en France, en
-Allemagne, en Hollande sur la sincérité de sa conversion
-et l'orthodoxie de sa fin. Elle écrivit à
-M<sup>me</sup> de Maintenon, au chancelier, à M. Lepeletier,
-à Bossuet, et, en réponse à cette dernière lettre
-de 15 pages<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor">&nbsp;[207]</a>, malheureusement perdue, obtint
-de l'illustre prélat un témoignage aussi honorable
-pour ses sentiments personnels que pour la mémoire
-de son ami<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor">&nbsp;[208]</a>. Elle concourut à l'édition du
-premier volume de son <i>Traité de l'Eucharistie</i>, donnée
-par l'abbé de Faure-Ferriès. Elle possédait
-toutes ses poésies inédites, probablement celles
-<span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span>
-qu'il avait composées à la Bastille<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor">&nbsp;[209]</a> et projetait de
-raconter sa vie<a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor">&nbsp;[210]</a>. Elle avait écrit dans le premier
-moment: «La douleur m'a rendue malade; je
-fais ce que je puis pour résister, car <i>je suis nécessaire
-à conserver sa mémoire</i><a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor">&nbsp;[211]</a>.» Depuis elle dit:
-«Je n'ai point eu de véritable santé depuis sa
-mort<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor">&nbsp;[212]</a>.» L'année suivante la perte de l'abbé Boisot
-de Besançon, avec qui elle était en correspondance
-suivie depuis près de dix ans, lui rappelait
-celle de Pellisson.</p>
-
-<p class="quote">«Je croyois perdre Acanthe une seconde fois,»</p>
-
-<p>disait-elle dans un madrigal composé à cette occasion.</p>
-
-<p>C'était aussi une amitié de quarante ans qui
-unissait Sapho, la Précieuse, la mondaine, la romancière
-à l'illustre et pieux Mascaron. Dès l'année
-1646, elle se joignait à son frère pour recommander
-le père à leurs amis de Paris, et, dans une
-de ses dernières lettres à l'abbé Boisot, elle faisait
-du fils un éloge des mieux sentis. Celui-ci, de son
-côté, n'avait pas attendu, pour louer les écrits de
-son amie, qu'elle eût publié ses <i>Conversations morales</i>.
-Il lui écrivait le 12 octobre 1672: «L'occupation
-de mon automne est la lecture de <i>Cyrus</i>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span>
-de <i>Clélie</i> et d'<i>Ibrahim</i>. Ces ouvrages ont toujours
-pour moi le charme de la nouveauté, et j'y trouve
-tant de choses propres pour réformer le monde,
-que je ne fais pas difficulté de vous avouer que,
-dans les sermons que je prépare pour la Cour,
-vous serez très-souvent à côté de saint Augustin
-et de saint Bernard.» A peine investi de la dignité
-épiscopale, il éprouve le besoin de raconter à sa
-vieille amie l'espèce d'ovation dont il a été l'objet
-dans son diocèse de Tulle, et il ajoute: «L'amitié
-des peuples, toute grossière qu'elle est, a par sa
-sincérité un charme qui se fait sentir et qui console
-de la perte des choses qui ont plus d'éclat à
-la vérité, mais moins de solidité. Je ne mets point
-dans ce rang, Mademoiselle, cette bonne et généreuse
-amitié dont vous m'honorez depuis si longtemps;
-rien ne peut consoler d'être éloigné de vous,
-que la persuasion d'être toujours dans votre souvenir,
-et d'avoir une petite place dans le c&oelig;ur du
-monde le plus grand et le plus généreux. Je ne
-manquerai pas de faire copier les sermons que
-vous désirez. Je souhaite qu'ils puissent vous
-plaire; votre approbation me donnera une joie
-moins tumultueuse à la vérité, mais plus solide
-que celle de toute la cour, et votre sentiment réglera
-celui que j'en dois avoir.»</p>
-
-<p>Chargé en 1675 de prononcer l'éloge de Turenne,
-il faisait part à M<sup>lle</sup> de Scudéry de l'embarras où
-le jetait le peu de temps qu'il avait pour se préparer
-à une semblable tâche. «Vous pouvez, ajoutait-il,
-m'aider à éviter ces inconvénients, si vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span>
-avez la bonté de penser un peu à ce que vous diriez
-si vous étiez chargée du même emploi<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor">&nbsp;[213]</a>.»</p>
-
-<p>Moins ancienne, mais non moins glorieuse pour
-M<sup>lle</sup> de Scudéry était l'amitié du grand Leibnitz.
-Nous en avons des témoignages plus sérieux que
-les vers adressés au perroquet de Sapho. A propos
-de la question de l'amour divin, débattue entre
-Bossuet et Fénelon, le philosophe avait dit: «De
-toutes les matières de théologie, il n'y en a point
-dont les dames soient plus en droit de juger, puisqu'il
-s'agit de la nature de l'amour.... Mais j'en
-voudrois qui ressemblassent à M<sup>lle</sup> de Scudéry qui
-a si bien éclairci les caractères et les passions dans
-les romans et dans les conversations de morale<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor">&nbsp;[214]</a>.»</p>
-
-<p>De son côté, l'abbé Nicaise écrivait à Huet, le
-9 août 1698: «J'avois fait part à M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-qui est des amis de M. Leibnitz, de son sentiment
-sur l'amour désintéressé, en lui disant qu'il
-n'étoit contraire ni à M. de Meaux, ni à M. de
-Cambray, pour me venger un peu de quelques
-vers de sa façon dont elle m'avoit régalé. Elle me
-répond qu'elle ne veut point se mêler dans une
-dispute d'une matière si élevée, et qu'elle se tient
-<span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span>
-en repos en se bornant aux Commandements de
-Dieu, au Nouveau Testament et au <i>Pater</i>. Car je
-crois, dit-elle, qu'une prière que Jésus-Christ a
-composée lui-même ne contient pas un intérêt criminel,
-quoique M<sup>me</sup> Guyon la regarde comme une
-prière intéressée, ce qui renverseroit les fondements
-du christianisme<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor">&nbsp;[215]</a>.»</p>
-
-<p>Ces derniers mots nous amènent à la vieillesse
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry, aux infirmités qui l'accompagnèrent
-et aux pensées sérieuses que lui inspirèrent
-les approches du moment suprême.</p>
-
-<p>A ses amis qui lui promettaient l'immortalité,
-elle avait répondu:</p>
-
-<p class="quote">J'en quitterois ma part pour un siècle de vie,</p>
-
-<p>Ou mieux encore:</p>
-
-<p class="quote"><span class="i2"> J'y renoncerois par tendresse</span><br />
-Si mes amis n'étoient immortels comme moi<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor">&nbsp;[216]</a>.</p>
-
-<p>Ce siècle de vie, elle y toucha presque, et, depuis
-longtemps, les approches s'en faisaient sentir.
-Dès 1689, Richelet, dans son <i>Choix des plus
-belles lettres</i>, p. 295, insérant une épître de Balzac
-à elle, ajoutait en note: «Plût à Dieu qu'elle pût
-continuer à travailler et qu'elle fût encore en état
-de contenter ce qu'il y a de plus fin et de plus délicat
-dans l'un et dans l'autre sexe! Mais</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Non, elle cède aux ans et sa tête chenue</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span></div>
-<p>Lui dit qu'il faut quitter les hommes et le jour,</p>
-<p>Son sang se refroidit, sa force diminue, etc.»</p>
-</div></div>
-
-<p>En dépit des vers:</p>
-
-<p class="quote">L'oreille est le chemin du c&oelig;ur<br />
-<span class="i1"> Et le c&oelig;ur l'est du reste,</span></p>
-
-<p>vers qui ont été attribués à M<sup>lle</sup> de Scudéry, la
-surdité fut une des infirmités qui se déclarèrent
-de bonne heure chez elle et s'accrurent avec l'âge.
-Il y eut à ce sujet, au moins dès 1666, entre Cotin
-et Ménage, un échange d'épigrammes latines
-et françaises. Le premier engagea l'action par le
-quatrain suivant:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Suivre la Muse est une erreur bien lourde,</p>
-<p class="i2"> De ses faveurs voyez le fruit:</p>
-<p>Les écrits de Sapho menèrent tant de bruit</p>
-<p class="i2"> Que cette nymphe en devint sourde.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ménage riposta par une épigramme latine de
-18 vers:</p>
-
-<p class="quote">Proh scelus! incautam carpis, malesane, puellam,<br />
-<span class="i1"> Nec pudet, et surdam surdior ipse vocas, etc.</span></p>
-
-<p>La querelle ainsi commencée continua sur le
-même ton. Les pièces en ont été recueillies par
-Cotin lui-même sous le titre de la <i>Ménagerie</i><a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor">&nbsp;[217]</a>.
-Elle eut cela de particulier que le premier auteur
-de la guerre protesta toujours de son respect pour
-celle qui en avait été l'occasion, et prétendit que
-<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span>
-l'attaque était plus respectueuse que la défense, ce
-qui donna lieu aux vers suivants:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quand le docte Cotin, l'amour des beaux esprits,</p>
-<p>Veut plaindre de Sapho la surdité cruelle,</p>
-<p>Il donne à sa disgrâce une cause si belle</p>
-<p>Que l'on peut souhaiter d'être sourde à ce prix.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et à ceux-ci:</p>
-
-<p class="quote">Je prends pour votre ami celui qui vous attaque,<br />
-Et pour votre ennemi celui qui vous défend.</p>
-
-<p>Cependant, M<sup>lle</sup> de Scudéry s'était depuis longtemps
-résignée à vieillir. Disons mieux, dès le
-temps de la <i>Clélie</i>, elle prenait l'avance sur la
-vieillesse en traçant, avec une certaine complaisance,
-le portrait d'Arricidie, qui était encore à
-Capoue l'arbitre du bon goût et du bon ton,
-«quoiqu'elle n'eût jamais eu aucune beauté et
-qu'elle eût plus de quinze lustres» (soixante-quinze
-ans). Or l'auteur n'en avait guère alors que cinquante.
-Il faut lire ce portrait et l'agréable commentaire
-qu'en fait un critique, en montrant que,
-contre l'ordinaire des romans, la femme âgée a sa
-place dans la <i>Clélie</i> et vieillit sans devenir inutile
-ni déplaisante<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor">&nbsp;[218]</a>.</p>
-
-<p>A partir surtout de 1692, la correspondance de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry avec l'abbé Boisot renferme sur
-sa santé des plaintes qui vont en s'aggravant d'année
-en année. «Mes genoux ne me permettent pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span>
-de monter et descendre mon escalier sans peine et
-de me promener dans mon jardin.»&mdash;«Ma santé
-est plus altérée qu'elle n'étoit, et je ne suis encore
-payée de nulle part.» 12 mai et 16 juin 1694,
-etc., etc.</p>
-
-<p>Nous avons sur M<sup>lle</sup> de Scudéry, dans les dernières
-années de sa vie, l'impression de deux
-témoins oculaires qui lui rendirent visite à peu
-de temps de distance. L'un et l'autre s'accordent
-à dire qu'elle avait conservé un esprit encore
-vigoureux dans un corps en ruines, et la
-comparent à une sibylle à qui il ne restait plus que
-la parole. Elle avait alors à peu près 92 ans. Au
-premier de ces visiteurs, Martin Lister, savant
-médecin et naturaliste anglais, elle montra, dans
-son cabinet, un portrait de M<sup>me</sup> de Maintenon, son
-amie de longue date, qu'elle lui affirma être fort
-ressemblant, et qui, en effet, dit-il, représentait
-une femme d'une beauté remarquable. L'autre
-était M<sup>me</sup> du Noyer, qui, dans ses <i>Lettres historiques
-et galantes</i>, a recueilli bien des commérages
-mêlés à quelques vérités. A l'en croire, M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, lorsqu'elle reçut sa visite, était tellement
-sourde qu'elle faisait écrire par une tierce personne
-tout ce qu'on lui disait, et répondait après
-avoir lu le papier sur lequel étaient couchés les
-discours de son interlocutrice<a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor">&nbsp;[219]</a>.</p>
-
-<p>Dans les dernières années de sa vie, elle composa
-<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span>
-encore des vers à la louange du Roi, sur l'avénement
-du duc d'Anjou au trône d'Espagne, sur
-les victoires de nos armées, etc. «On aime à voir,
-dit un écrivain, la noble fille, presque centenaire,
-soutenir jusqu'au bout l'honneur de la grande
-génération dont elle était à cette date le dernier
-représentant<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor">&nbsp;[220]</a>.» En effet, par sa longue existence,
-qui commence avec les premières années du dix-septième
-siècle et le dépasse d'un an, qui embrasse
-la fin du règne de Henri IV, celui de Louis XIII
-tout entier, les deux ministères de Richelieu et de
-Mazarin, la jeunesse, la maturité et la vieillesse
-de Louis XIV, il fut donné à M<sup>lle</sup> de Scudéry d'être
-contemporaine de Balzac, de Chapelain, de
-Voiture, de Corneille, de Scarron. Elle a vu naître
-et mourir Molière, La Fontaine, Pascal, Racine,
-Labruyère, et n'a précédé dans la tombe que de
-quelques années Bossuet, Despréaux, Mascaron
-et Fléchier<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor">&nbsp;[221]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span>
-Outre les ouvrages cités par nous, elle en a publié
-quelques autres de moindre importance<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor">&nbsp;[222]</a>. Il
-est question dans les <i>Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>,
-t. II, p. 258, d'un commentaire qu'elle avait
-composé sur certains sonnets de Pétrarque, et
-Bosquillon parle à la fin de son Éloge «de
-courtes prières pour tous les dimanches de l'année
-et d'autres sur les 150 pseaumes, qu'elle
-avoit faites depuis longtemps pour son seul
-usage et pour celui d'un de ses plus illustres
-amis.»</p>
-
-<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry, a dit M. Cousin, était pieuse
-sans être dévote, et la justesse de cette appréciation
-ressort de plusieurs circonstances énoncées
-par nous dans le cours de cette Notice. Ses <i>Conversations
-sur divers sujets</i> (1680) renferment un
-chapitre <i>Contre ceux qui parlent peu sérieusement
-de la religion</i>. Elle y dépeint ces hommes qu'on
-appelait alors des <i>libertins</i>, mais elle se refuse à
-admettre qu'il puisse y avoir des femmes sans religion.
-Il est question ailleurs d'une certaine Belinde
-à qui la dévotion ôta quelques amis, et elle
-ajoute: «Car, quoique Belinde ait une piété fort
-solide, elle ne convenoit plus à un de ces dévots
-de cabale qui, pour l'ordinaire, songent plus à concerter
-<span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span>
-l'extérieur de leurs actions qu'à régler le
-fond de leur propre c&oelig;ur<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor">&nbsp;[223]</a>.»</p>
-
-<p>Nous avons déjà vu par la lettre à l'abbé Nicaise,
-citée plus haut, que les sentiments religieux
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry s'accentuèrent davantage
-vers la fin de sa vie. L'auteur de son Éloge nous
-la représente en proie, pendant plusieurs années,
-à de vives douleurs causées par un rhumatisme
-aux genoux et souffertes avec une résignation toute
-chrétienne, portant dans un corps usé un esprit
-toujours serein. Nous reproduisons d'après lui le
-touchant récit de sa mort, en l'abrégeant un peu,
-mais en lui laissant toute sa naïveté.</p>
-
-<p>«Le 2 juin (1701) au matin, dit-il, elle se fit
-encore lever et habiller, malgré un gros rhume
-mêlé de fièvre. Étant debout, elle se sentit défaillir
-et dit: il faut mourir. Elle demanda le crucifix
-et le baisa. On le posa devant elle, et elle demeura
-les yeux attachés dessus. Son confesseur, qui demeuroit
-dans le voisinage et qui la voyoit souvent,
-ne s'étant pas trouvé, on avertit le père de Furcy,
-capucin. On lui redonna le crucifix. Comme il
-étoit un peu lourd, on voulut le lui ôter; mais elle
-le reprit de sa main mourante en disant: Donnez,
-donnez-moi mon Jésus. Elle l'appuya sur sa poitrine
-et, pendant qu'on lui donnoit la dernière absolution,
-elle expira doucement dans le baiser du
-Seigneur<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor">&nbsp;[224]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span>
-Ainsi mourut M<sup>lle</sup> de Scudéry, à l'âge de quatre-vingt-quatorze
-ans. Deux églises se disputèrent
-l'honneur de lui donner la sépulture, celle de
-l'hôpital des Enfants-Rouges où elle avait dit souvent
-qu'elle souhaitait d'être enterrée, et celle de
-Saint-Nicolas-des-Champs, qui était sa paroisse
-depuis plus de cinquante ans. Le cardinal de
-Noailles, archevêque de Paris, jugea en faveur de
-sa paroisse, où son corps fut inhumé le 3 juin au
-soir<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor">&nbsp;[225]</a>.</p>
-
-<p class="signature"><span class="cap">E. J. B. R</span><span class="smallc">ATHERY.</span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">APPENDICE<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor">&nbsp;[226]</a>.</span></h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<p class="titre"><span class="xs"><b>(<i>Extrait des archives des Bouches-du-Rhône, cour des Comptes.</i>&mdash;<i>Reg.
-jurisprudentia, f ° 289.</i>)</b></span><br />
-<span class="small"><b>PROVISIONS DE LA CHARGE DE CAPPITAINE ET GOUVERNEUR</b></span><br />
-<span class="small"><b>DE LA TOUR NOTRE-DAME-DE-LA-GARDE</b></span><br />
-<span class="small"><b>POUR GEORGE DE SCUDÉRY, SIEUR D'AMBERVILLE, GENTILHOMME
-ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY.</b></span></p>
-
-<p>Louis, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre,
-comte de Provence, Forcalquier et terres adjacentes,
-à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.
-La charge de cappitaine et gouverneur de la Tour de
-Notre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de nostre pays
-de Provence, estant à présent vaccante par la mort du
-sieur de Boys, dernier possesseur d'icelle, et estant nécessère
-pour nostre service de la remplir d'une personne
-qui ayt les bonnes qualitéz requises pour s'en acquitter
-dignement, Nous avons creu ne pouvoir fère un meilleur
-choix que de la personne de nostre cher et bien amé le
-sieur de Scudéry, sur la confiance que nous prenons en
-ses sens, suffisance, valeurs, expérience au faict des armes
-et en son affection et fidélité à nostre service, dont
-il a rendu preuve en diverses occasions. A ces causes et
-<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span>
-autres bonnes considérations à ce nous mouvans, nous
-avons ledict sieur de Scudéry constitué, ordonné et establi,
-constituons, ordonnons et establissons, par ces présentes
-signées de nostre main, cappitaine et gouverneur
-de la ditte Tour de Nostre-Dame-de-la-Garde, vaccante,
-comme dit est, par la mort dudict sieur de Boys, et ladicte
-charge luy avons donnée et octroyée, donnons et octroyons
-pour en jouir aux honneurs, authoritéz, prérogatives,
-gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens
-qui y appartiennent, et telz et semblables dont a jouy ou
-deub jouyr ledict sieur de Boys, le tout tant qu'il nous
-plairra, soubz l'authorité de nostre trèz-cher et trèz-amé
-cousin le comte d'Aletz, gouverneur et nostre lieutenant
-général en nostre province de Provence et, en son absence,
-soubz celle du sieur comte de Carcèz, nostre lieutenant
-général en ladicte province, et leurs successeurs ausdictes
-charges. Si donnons en mandement à nostre trèz-cher et
-féal le sieur Seguier, chevalier, chancelier de France, que,
-dudict sieur de Scudéry pris et receu le serment en tel
-cas requis et accoustumé, il le mette et institue ou fasse
-mettre et instituer de par Nous en possession de ladicte
-charge et d'icelle, ensemble des honneurs, authoritéz,
-prérogatives, gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens
-dessusdicts, le face, souffre et laisse jouyr et user
-plainement et paisiblement et à luy obéir et entendre de
-tous ceux et ainsy qu'il appartiendra ez choses touchant
-et concernant ladicte charge. Mandons en outre à noz
-améz et féaux conseillers les trésoriers généraux de France
-en nostre dit pays de Provence que par celuy de noz receveurs
-et comptables qu'il appartiendra, qui a accoustumé
-de payer lesdicts gaiges et droictz, ilz le fassent doresnavant
-payer et dellivrer par chascun an audict Scudéry,
-en la forme et manière accoustumée, à commencer du
-jour et datte des présentes, rapportant lesquelles ou coppie
-d'icelles deuement collationnées pour une fois seulement,
-avec quittance sure et suffisante. Nous voulons tout
-ce que payé et dellivré luy aura esté à l'occasion susdicte
-estre passé et alloué en la despence des comptes de celuy
-<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span>
-de nos dicts receveurs et comptables qui les aura payéz
-par noz améz et féaulx les gens de noz comptes, ausquelz
-nous mandons ainsy le fère sans difficulté; car tel est
-nostre plaisir. En tesmoing de quoy, nous avons faict
-mettre nostre scel à ces dictes présentes. Donné à Monfrin,
-le vingt-neufvième jour du moys de juin, l'an de
-grace <span class="smallc">MVI<sup>e</sup> XLII</span> et de nostre règne le trente-troisième.
-Signé Louis, et, sur le reply, par le Roy, comte de Provence,
-Sublet. Scellées sur double queue du grand [scel]
-de cire jaune.</p>
-
-<p>Extraict des registres de la Cour des Comptes, Aydes
-et Finances. Sur la requeste présentée par Georges de
-Scudéry, sieur d'Amberville, gentilhomme ordinère de la
-Chambre du Roy, tendant à vériffication et entérinement
-de lettres patentes par lesquelles Sa Majesté l'a pourveu
-de la charge de cappitaine et gouverneur de la Tour de
-Nostre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de Provence,
-vaccante par la mort du sieur de Boys, dernier possesseur,
-pour en jouyr aux honneurs, authoritéz, prérogatives,
-gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens y
-appartennans, telz et semblables qu'en jouyssoit ledict de
-Bouys, soubz l'authorité du sieur comte d'Aletz, gouverneur
-et lieutenant général en ladicte province et, en
-son absence, soubz celle du sieur comte de Carcès, lieutenant
-général audict pays; veu lesdictes lettres patentes
-données à Monfrin le vingt-neufviesme jour du moys de
-juin <span class="smallc">MVI<sup>c</sup> XLII</span>, signées Louis et, sur le reply, par le Roy
-comte de Provence, Sublet, scellées sur double queue du
-grand scel en cire jaune; la requeste dont est question
-appoinctée le dix-neufviesme jour du moys de juin
-<span class="smallc">MVI<sup>c</sup> XLII</span>, pour estre monstrée au procureur général du
-Roy; la responce de son substitut n'empêchant ladicte
-vériffication et enregistration, la requeste ce jourd'huy
-rechargée et rapportée par M<sup>e</sup> F. Margaillet, conseiller
-du Roy en ladicte cour, et tout considéré; dict a esté que
-la Chambre, ayant esgard à ladicte requeste, a vériffié et
-entériné, entérine et vériffie lesdittes lettres patentes,
-pour jouyr par l'impétrant dudict estat et charge de cappitaine
-<span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span>
-du fort Nostre-Dame-de-la-Garde, aux honneurs,
-authoritéz, prérogatives, prééminences, franchises, libertéz,
-gaiges, droicts, fruicts, profficts, revenus et esmolumens
-y appartenans, tels et semblables et tout ainsy
-qu'en jouyssoit son devancier, à compter lesdicts gaiges
-déz le jour et datte desdictes provisions, et au surplus
-suyvant la forme et teneur d'icelles, à la charge que par
-le commissère qui sera depputté pour mettre et installer
-ledict de Scudéry en possession dudict estat et charge,
-il fera fère description de l'estat et qualité dudict fort,
-ensemble inventère de l'artillerie, munitions et armes,
-équipage de guerres, meubles qui seront en icelles, et
-de tout il se chargera formement, aprèz deue conférance
-des inventaires cy devant faicts sur l'installation dudict
-de Bouys et autres ses devanciers, sauf au procureur général
-du Roy, en cas de défectuosité ou manquement, se
-pourvoir contre iceux ainsy qu'il appartiendra. Et seront
-lesdictes lettres registrées ez registres des archifz de Sa
-Majesté. Faict en la Chambre des Comptes, Cour des
-Aydes et Finances du Roy en Provence, séant à Aix, le
-<span class="smallc">XXII</span><sup>e</sup> jour de juin <span class="smallc">MVI<sup>c</sup> XLIII</span>, collationné, signé Mour.</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_142"> 142</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">CORRESPONDANCE</span><br />
-<span class="large">CHOISIE.</span><br />
-<span class="small">MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. CHAPELAIN</span><a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor">&nbsp;[227]</a></h2>
-</div>
-
-<p><span class="dater">[Mars ou avril 1639].</span></p>
-
-<p class="titel">Monsieur,</p>
-
-<p>Si l'on ne m'avoit assurée que les cris d'allégresse
-ne déplaisent jamais aux victorieux, quelque
-modestes qu'ils soient, je ne mêlerois pas
-ma voix à celles de tant d'illustres personnes qui
-prennent intérêt en votre gloire, sachant bien
-qu'elle est trop peu considérable et trop foible pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span>
-être entendue dans le même temps que cette adorable
-Lionne<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor">&nbsp;[228]</a>, que vous avez placée au ciel avec
-tant de justice, témoigne par ses rugissemens la
-joie qu'elle a de votre triomphe. Mais après m'être
-laissé persuader que dans les réjouissances publiques
-chacun a droit de dire ses sentimens, j'ose
-vous assurer, que quand M. de Balzac m'auroit
-donné l'immortalité en me louant injustement dans
-une lettre<a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor">&nbsp;[229]</a>, je ne serois pas si satisfaite, que de
-voir que par son jugement il vous établit le juge
-des autres. Et certes, à dire vrai, c'est un rang
-que vous méritez si bien, qu'on ne doit pas peu de
-louanges à votre modestie de vous être soumis à
-pouvoir être condamné; mais vous avez voulu
-rendre cette déférence aux rares qualités de votre
-arbitre, et de votre ennemi qui, certainement, ne
-s'est trouvé d'opinion contraire à la vôtre, que
-pour avoir la gloire de vous combattre. Il faut
-avoir l'âme si haute et si hardie, pour s'opposer à
-vos sentimens, que bien qu'il soit surmonté en
-<span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span>
-cette guerre, elle ne laisse pas de lui être avantageuse.
-Enfin, Monsieur, comme elle n'est funeste
-pour personne, et qu'au contraire, elle est glorieuse
-et pour le juge et pour les deux partis, on
-peut dire que jamais victoire ne fut plus heureuse
-que la vôtre; que jamais vaincu ne porta ce nom
-avec tant d'honneur; et que jamais vainqueur ne
-fut couronné d'une main plus illustre. C'est tout
-ce que vous dira pour cette fois,</p>
-
-<p class="sig">Votre, etc.,</p>
-
-<p>Si ce n'est pas trop de hardiesse que de vous
-demander la Comédie qui a fait votre guerre, j'oserois
-vous supplier de me la prêter; afin qu'en
-admirant ses beautés, mon frère et moi, admirions
-encore votre jugement.</p>
-
-<p class="sig">Votre,</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor">&nbsp;[230]</a>.</p>
-<p class="dater">[Mars ou avril 1639.]</p>
-<p class="titel">Monsieur,</p>
-
-<p>Après avoir lu la Comédie<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor">&nbsp;[231]</a> que vous m'avez
-fait l'honneur de me prêter, je ne suis pas assez
-inconsidérée pour publier hardiment ce que j'en
-pense. La médiocrité de mon esprit et mon ignorance
-<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span>
-sont des raisons assez fortes pour m'en
-empêcher. Je vous dirai, pourtant, que si quelque
-chose vous pouvoit faire douter de la justice de
-votre cause, vous auriez lieu de le faire, dans la
-seule pensée que M<sup>lle</sup> de Rambouillet, qui, certainement,
-est la plus excellente personne de mon
-sexe, désapprouve une chose que je trouve belle,
-qu'elle condamne un intrigue qui me semble admirablement
-joli, et merveilleusement conduit<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor">&nbsp;[232]</a>; et
-qu'enfin, elle blâme un ouvrage où je n'aperçois
-point de tache, et où le peu de lumière que j'ai me
-fait découvrir de grandes beautés. Cette opposition
-de toutes choses, qui se voit entre l'opinion de cette
-admirable personne et la mienne, doit, si je ne
-me trompe, vous être suspecte, et vous porter
-encore une fois à examiner si la raison est absolument
-contre elle; ou si, en cette rencontre, elle
-veut faire paroître son esprit au préjudice de son
-jugement, si elle protège le foible, ou si elle soutient
-ses sentimens propres; car, pour ne vous
-déguiser pas les miens, je ne puis concevoir que
-vous soyez de parti contraire; et lorsque je vous
-assure que je serai toujours du vôtre, je ne puis
-m'imaginer que je ne sois pas toujours du sien.</p>
-
-<p>Je suis, Monsieur, votre très humble et très
-affectionnée servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span>
-<span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor">&nbsp;[233]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Mars ou avril 1639.]</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Je n'étois pas bien de mon parti, même devant
-que d'avoir reconnu que vous le teniez, et le respect
-que je dois à la Princesse<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor">&nbsp;[234]</a> que j'ai pour adversaire
-m'ôtoit la hardiesse de condamner des
-sentimens dont les contraires jusqu'ici m'avoient
-semblé les seuls équitables. Mais à présent que je
-vois les miens appuyés de votre autorité et protégés
-par la valeur du généreux Astolfe<a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor">&nbsp;[235]</a> qui a
-daigné descendre du ciel pour servir de champion
-à ma justice, je me détermine et veux bien désormais
-être du nombre de mes partisans, pour soutenir
-ma propre cause, à laquelle je me suis
-affectionné depuis seulement qu'elle est devenue
-la vôtre.
-<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span>
-Ce seroit ici le lieu de vous rendre très-humbles
-grâces de la part que vous avez voulu prendre en
-mes intérêts, si tous les devoirs et toutes les reconnoissances
-n'étoient pas comprises dans la qualité
-véritable que je prends,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle, de<br />
-<span class="i1">Votre très humble et très obéissant serviteur,</span><br />
-<span class="i2"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE ROBINEAU</b></span><a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor">&nbsp;[236]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Rouen, le 5 septembre 1644.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Je m'étonne assez que vous, qui n'aimez guère
-les nouvelles et qui ne voyez jamais les relations
-de Renaudot<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor">&nbsp;[237]</a>, ayez souhaité que je vous en fisse
-une de mon voyage, qui sans doute n'a rien de si
-remarquable ni de si beau que le siége de Gravelines
-ni que l'action de M. d'Enghien. Néanmoins,
-puisque vous le désirez, il faut vous obéir et contenter
-votre curiosité par un fidèle récit de tout ce
-qui m'est arrivé.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span>
-Je ne m'arrêterai pas toutefois à vous dépeindre
-exactement la magnificence de mon équipage,
-quoiqu'il y ait sans doute quelque chose d'assez
-agréable à s'imaginer que les chevaux qui traînoient
-le char de triomphe qui me portoit étoient
-de couleurs aussi différentes que celles qu'on voit
-en l'arc-en-ciel: le premier étoit bai, le second
-étoit pie, le troisième alezan, et le quatrième gris
-pommelé; et tous les quatre ensemble étoient tels
-qu'il le faudroit à ces peintres qui aiment à faire
-paroître en leurs tableaux qu'ils sont savants en
-anatomie, n'y ayant pas un os, pas un nerf ni pas
-un muscle qui ne parût fort distinctement au corps
-de ces rares animaux. Leur humeur étoit fort docile,
-et leur pas étoit si lent et si réglé, qu'il n'y
-a point de cardinaux à Rome qui puissent aller
-plus gravement au consistoire que je n'ai été à
-Rouen. Aussi vous puis-je assurer que le cocher
-qui les conduisoit a eu tant de respect pour eux
-pendant le voyage que, de peur de les incommoder,
-il a quasi toujours été à pied. Ce n'est
-pas qu'il n'y ait lieu de croire qu'il en usoit aussi
-de cette sorte pour se divertir et pour nous désennuyer;
-car je puis vous dire sans mensonge qu'il
-aime fort la conversation, et que de toute la compagnie,
-lui et moi n'étions pas les plus désagréables.</p>
-
-<p>Mais, pour vous apprendre de quelles personnes
-cette compagnie étoit composée, vous saurez qu'il
-y avoit avec nous un jeune partisan, déguisé en
-soldat pour cacher sa profession, dont le manteau
-<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span>
-d'écarlate à gros boutons d'or, les grosses bottes
-et les grands bas ne convenoient pas trop bien à
-l'air de son visage; car enfin, avec tout l'appareil
-d'un chevau-léger ou d'un filou, il ressembloit
-très fort à un solliciteur de procès. Auprès de
-celui-ci étoit un mauvais musicien qui, craignant
-de mourir de faim à Paris, s'en alloit demander
-l'aumône en son pays; et quoique plusieurs personnes
-eussent beaucoup contribué à son habillement,
-il ne lui en étoit pas plus propre. Le chapeau
-qu'il portoit ayant, à ce que je crois, été
-autrefois à M. de Saint-Brisson<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor">&nbsp;[238]</a>, lui tomboit sur
-le nez à cause de la petitesse de sa tête. Son collet
-ressembloit assez à un peignoir; son pourpoint
-étoit à grandes basques, et ses chausses approchoient
-fort de celles des Suisses. Enfin plus d'un
-siècle et plus d'une nation avoient eu part à cet
-habit extraordinaire. La troisième personne de
-cette compagnie étoit une bourgeoise de Rouen
-qui avoit perdu un procès à Paris, et qui se plaignoit
-également de l'injustice de ses juges et de
-la fange des rues. La quatrième étoit une épicière
-de la rue Saint-Antoine, qui, ayant plus de
-douze bagues à ses doigts, s'en alloit voir la mer
-et le pays, pour parler en ses termes. La cinquième,
-tante de celle-là, étoit une chandelière
-de la rue Michel-le-Comte, qui, poussée de sa
-curiosité, s'en alloit avec elle voir la citadelle du
-<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span>
-Havre; la sixième étoit un jeune écolier, revenant
-de Bourges prendre ses licences, et se préparant
-déjà à plaider sa première cause. La septième
-étoit un bourgeois poltron qui craignoit toute
-chose, qui croyoit que tout ce qu'il voyoit étoit
-des voleurs, et qui n'apercevoit pas plutôt de loin
-des troupeaux de moutons et des bergers, qu'il se
-préparoit déjà à leur tendre sa bourse, tant la
-frayeur décevoit son imagination. La huitième
-étoit un bel esprit de Basse-Normandie, qui disoit
-plus de pointes que M. l'abbé de Franquetot n'en
-disoit du temps qu'elles étoient à la mode, et qui,
-voulant railler toute la compagnie, en donnoit
-plus de sujet que tous les autres. La neuvième
-étoit mon frère, dont j'allois vous dépeindre, non
-pas la mine, la profession ni les habillemens, mais
-les chagrins et les impatiences que lui donnoit
-une si étrange voiture, s'il n'eût retranché une
-partie de mon histoire, en obtenant de ma bonté
-de ne vous en dire rien.</p>
-
-<p>Une si belle assemblée doit sans doute vous
-persuader que la conversation en étoit fort divertissante.
-Le partisan, quoique se voulant cacher,
-en revenoit toujours au sol pour livre. Le musicien,
-quoique plus incommode par sa voix que le
-bruit des roues du coche, vouloit toujours chanter.
-La bourgeoise qui avoit perdu sa cause ne faisoit
-que des imprécations contre son rapporteur. L'épicière,
-curieuse de voir le pays, dormoit tant que
-le jour duroit, excepté quand il falloit dîner ou
-descendre des montagnes. La chandelière ne pouvoit
-<span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span>
-se lasser d'admirer le plaisir qu'elle auroit de
-voir dans les magasins de la citadelle une quantité
-prodigieuse de mèches qu'elle jugeoit y devoir
-être, vu le nombre des mousquets qu'elle avoit
-ouï dire qu'on y voyoit. Tantôt elle souhaitoit d'en
-avoir autant dans sa boutique, tantôt que ce fût
-elle qui la vendît à cette garnison. Enfin on peut
-dire que nous sortîmes du coche fort honorablement,
-c'est-à-dire tambour battant par la voix du
-musicien, et mèche allumée par notre chandelière,
-qui, tant que nous marchâmes de nuit, eut toujours
-une chandelle à la main pour nous éclairer
-dans le coche. Pour le jeune écolier, il ne parloit
-que de droit écrit, de coutumes et de Cujas. D'abord
-je crus que ce garçon déguisoit ce nom et
-que c'étoit de feu Cusac qu'il vouloit parler, quoique
-ce qu'il en disoit n'y convînt pas; mais je sus
-enfin que Cujas étoit un ancien docteur jurisconsulte,
-que cet écolier alléguoit sur toutes choses.
-Si l'on parloit de la guerre, il disoit qu'il aimoit
-mieux être disciple de Cujas que soldat; si l'on
-parloit de voyages, il assuroit que Cujas étoit
-connu partout; si l'on parloit de musique, il disoit
-que Cujas étoit plus juste en ses raisonnemens
-que la musique en ses notes; si l'on parloit de
-manger, il juroit qu'il aimeroit mieux jeûner toujours
-que de ne lire jamais Cujas; si l'on parloit de
-belles femmes, il disoit que Cujas avait eu une
-belle fille<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor">&nbsp;[239]</a>, et que, quoique vieille, elle n'est point
-<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span>
-encore laide. Enfin Cujas étoit de toutes choses, et
-Cujas m'a si fort importunée que voici la première
-et la dernière fois que je l'écrirai et le prononcerai
-en toute ma vie. Pour le poltron, il vous est aisé
-de vous imaginer que sa conversation ne ressembloit
-pas à celle d'un gascon, et que celle du bel
-esprit avoit beaucoup de rapport avec celle de feu
-M. de Nervèze<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor">&nbsp;[240]</a>.</p>
-
-<p>Après cela ne m'en demandez pas davantage,
-car je n'ai plus rien à vous dire sinon que je ne
-dormis point la nuit que je couchai à Magny, que
-de ma vie je ne fus si lasse que lorsque j'arrivai
-à Rouen, non pas comme a dit magnifiquement
-M. Chapelain parlant de la lune,</p>
-
-<p class="quote">Dedans un char d'argent environné d'étoiles,</p>
-
-<p>mais oui bien</p>
-
-<p class="quote">Dedans un char d'osier environné de crotte.</p>
-
-<p>Tout à bon, je pense que si je n'eusse eu peur
-qu'avec l'aide de ces admirables lunettes que l'on
-peut quasi dire qui arrachent les astres du ciel,
-vous n'eussiez découvert le coche et n'eussiez remarqué
-une partie de ce que je viens de dire, je
-pense, dis-je, que je ne vous en aurois rien appris,
-<span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span>
-tant cet équipage étoit burlesque. Après vous l'avoir
-dépeint si étrange, je n'oserois quasi vous apprendre
-qu'en ce lieu-là je me souvenois de vous,
-de peur que, comme vous avez l'imagination délicate,
-vous ne trouviez mauvais que votre image
-seulement ait été en un si bizarre lieu. Mais pour
-vous consoler de cette aventure, j'ai à vous dire
-qu'il y avoit aussi bonne compagnie dans mon
-c&oelig;ur qu'elle étoit mauvaise dans le coche; et pour
-empêcher ces figures extravagantes d'y faire aucune
-impression, je l'avois tout rempli de M<sup>lle</sup> Paulet,
-de M. de Grasse, de M<sup>me</sup> Aragonnais, de M<sup>lles</sup> ses
-s&oelig;urs, de M. Chapelain, de M. Conrart, de M<sup>lle</sup> de
-Chalais, de M. de la Mesnardière, de M<sup>me</sup> et M<sup>lles</sup> de
-Clermont et de vous<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor">&nbsp;[241]</a>. Si bien que rappelant tout
-ce que j'aime à mon secours, je fis en sorte que
-ce que je pensois d'agréable fût plus puissant que
-ce que je voyois de fâcheux; et j'eus plus de joie
-à me souvenir de tant d'excellentes personnes, et
-à espérer qu'elles me faisoient l'honneur de se
-souvenir quelquefois de moi, que je n'eus de peine
-à souffrir les importunités d'une mauvaise compagnie.
-Ayez, s'il vous plaît, la bonté de leur
-faire agréer cet innocent artifice et de leur rendre
-grâce de m'avoir sauvée de la persécution que j'aurois
-eue, si elles ne m'avoient pas donné lieu de
-me souvenir agréablement de tous les bons offices
-que j'en ai reçus. Pour vous, Mademoiselle, je ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span>
-vous rends point de nouveaux remercîments, car
-ne pouvant aujourd'hui vous parler tout à fait sérieusement,
-ce sera pour une autre fois que je vous
-dirai que personne ne vous connoit mieux ni ne
-vous estime davantage que moi, que personne ne
-vous est plus obligée que je vous la suis, que
-personne aussi n'en est plus reconnaissante, et
-qu'enfin personne ne sera jamais plus véritablement
-ni plus sincèrement,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i2">Votre très humble et très passionnée servante.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET</b></span><a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor">&nbsp;[242]</a>.</p>
-
-<p class="dater">En Avignon, le 27 novembre 1644.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Bien que ce soit l'opinion commune qu'il y a
-quelque douceur à raconter les périls passés, je
-ne vous dirai toutefois que bien vite que nous
-avons pensé faire deux fois naufrage sur le Rhône,
-de peur que, comme vous avez l'imagination délicate
-et le c&oelig;ur sensible pour vos amies, vous
-n'eussiez encore un sentiment de douleur pour un
-accident qui n'est point arrivé et qui même ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span>
-peut plus arriver, étant bien résolue à ne repasser
-jamais sur une si fâcheuse rivière. Ce n'est pas
-que je n'aie trouvé sur ses rives de quoi me divertir
-et de quoi vous plaire; car vous saurez,
-Mademoiselle, que mon frère et moi ayant été
-nous promener un soir que nous étions arrivés à
-la couchée d'assez bonne heure, il me fit voir, au
-lieu où nous étions, des marques de la valeur
-d'une personne en qui vous prenez beaucoup d'intérêt.
-L'hôtellerie où nous étions logés n'étoit
-qu'une vieille ruine de maison, où depuis quelque
-temps on a remis quelques portes à demi-rompues,
-et cela au pied d'un grand rocher et au milieu d'un
-amas de bâtiments détruits, où à peine voit-on
-encore les vestiges d'une ville. Cette sauvage retraite
-ne me fit pourtant point murmurer contre
-ceux qui l'ont rendue telle; au contraire comme
-ces funestes ruines sont des monumens éternels
-pour leur gloire, j'ai souffert sans m'en plaindre
-toute l'incommodité d'un si mauvais logement,
-par la seule pensée que le Pouzin, qui est le lieu
-où nous étions, avoit été autrefois pris par
-M. d'Aiguebonne<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor">&nbsp;[243]</a> que secondoit M. de Lesdiguières
-en cette occasion. L'hôte chez qui nous
-étions, et qui pour sa condition a assez d'esprit,
-nous raconta tant de merveilles de sa conduite et
-de son courage à la prise de cette place, qu'il y a
-lieu de croire que, s'il eût fait cette action du temps
-<span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span>
-qu'on élevoit des statues à ceux qui faisoient de
-grandes choses, nous aurions trouvé la sienne sur
-les bords du Rhône. J'ai cru, Mademoiselle, que je
-devois vous apprendre, et que ce ne seroit pas vous
-déplaire que de vous dire que, si M. de Chaudebonne
-peut légitimement passer pour un saint de
-la nouvelle Rome, M. son frère auroit été un des
-héros de l'ancienne.</p>
-
-<p>Mais pour m'éloigner promptement d'une rivière
-où je ne veux plus retourner, je vous dirai qu'en
-arrivant ici, la première chose que je vis, en mettant
-la tête à la fenêtre, fut M. de Berville, qui étoit
-logé de l'autre côté de la rue, et qui étoit près de
-partir pour Aix. A l'instant même mon frère le
-fut voir; mais comme la bienséance ne me permettoit
-pas de faire la même chose, et qu'il ne me fit
-pas l'honneur de me demander, quoiqu'il n'y eût
-que quatre pas de lui à moi, ce ne sera qu'à Marseille
-que je le verrai, si à votre considération il
-me fera cette grâce.</p>
-
-<p>Au reste, Mademoiselle, je ne puis m'empêcher
-de vous dire qu'étant allés voir le tombeau de la
-belle Laure, qui est dans les Observantins d'ici, il
-se trouva un religieux de cette maison, ancien ami
-de mon frère, qui le pressa longtems de prendre
-une chambre dans leur couvent, et qui me proposa
-d'en prendre une qui touchoit leur cloître, avec la
-liberté, moyennant la permission du supérieur,
-de m'aller promener dans leurs jardins qui sont
-tout remplis d'orangers. Je vous laisse à penser,
-Mademoiselle, si je fus surprise de cette courtoisie
-<span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span>
-qui m'étoit offerte à quatre pas d'une maison où
-logent messieurs de l'Inquisition. Ce bon religieux,
-après m'avoir montré le tombeau de Laure et raconté
-les amours de Pétrarque, me fit quérir une
-boîte de plomb que l'on trouva dans un cercueil
-où il y a une médaille où est la figure de cette
-belle, et où sont des vers écrits de la main de
-Pétrarque, et d'autres de François I<sup>er</sup>, qui fit refaire
-ce tombeau. Mais ce qu'il y a de plus surprenant,
-c'est que ces bons pères tiennent cette boîte
-dans le même lieu où l'on tient les reliques et tout
-ce qui sert à l'autel. Cependant cela se fait dans
-les terres du Pape, et comme je l'ai déjà dit, à
-quatre pas des Inquisiteurs. Je vous laisse à juger
-de quelle humeur doivent être les dames en un
-lieu où les religieux les plus réformés agissent
-ainsi. Tout à bon<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor">&nbsp;[244]</a> cela a quelque chose de si plaisant
-que l'on ne peut se l'imaginer, à moins que
-de l'avoir vu; car pour moi qui ne les ai rencontrées
-qu'aux églises, je ne laisse pas de m'imaginer
-aisément de quelle façon elles vivent en conversation.
-Premièrement, il est à remarquer qu'en tout
-Avignon je n'ai vu que trois mouchoirs à plus de
-mille femmes que j'y ai vues en dévotion; et ce
-qui est encore de plus surprenant, c'est que je n'y
-ai pas vu une seule gorge. Aussi, veux-je croire
-que ce n'est que celles qui en ont qui la cachent,
-et que c'est par mortification que celles qui n'en
-ont point se mettent en état que personne n'en
-<span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span>
-puisse douter. Mais je ne songe pas que je ne vous
-entretiens que de folies; pardonnez cette liberté à
-une personne qui vit sans contrainte avec vous, et
-qui ne se pique pas de bel esprit en vous écrivant.
-Comme nous devons partir demain et qu'il est
-tard, je ne vous dirai plus rien, si ce n'est que je
-suis très humble et très obéissante servante de
-M<sup>me</sup> et de M<sup>lles</sup> de Clermont<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor">&nbsp;[245]</a>, très passionnée de
-M<sup>lle</sup> de Chalais, très humble de M. Chapelain et de
-M. de la Mesnardière, et que ce sera bientôt de
-Marseille que je vous offrirai les complimens de
-mon frère et que vous recevrez ceux de</p>
-
-<p class="sig">Votre très humble et très affectionnée servante,
-etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MÊME</b></span><a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor">&nbsp;[246]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Marseille, 13 décembre 1644.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Enfin, après avoir plusieurs fois pensé faire naufrage,
-je suis arrivée au port de Marseille assez
-heureusement. Mais quelque douceur que l'on
-puisse trouver à se reposer après la fatigue d'un
-long voyage, je n'en ai néanmoins point senti de
-plus grande que celle que je trouve à m'imaginer
-que du moins je ne m'éloigne plus de vous. Cette
-pensée a certainement quelque chose qui flatte
-mon esprit, qui le délasse et qui le console plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span>
-que tous les divertissements que l'on tâche de me
-donner aux lieux où je suis. Ce n'est pas que je
-n'aie trouvé à Marseille toute la civilité et toute la
-courtoisie possible, et comme je sais que vous
-n'êtes pas marrie de savoir tout ce qui arrive à
-mon frère et à moi, il faut que je vous rende
-compte de quelle façon l'on nous traite ici. Vous
-saurez donc, Mademoiselle, que nous avons trouvé
-en M<sup>me</sup> de Mirabeau<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor">&nbsp;[247]</a> une des meilleures et des
-plus obligeantes femmes du monde; car elle ne sut
-pas plus tôt que nous étions ici, qu'elle et M<sup>me</sup> de
-Morge, sa s&oelig;ur, vinrent pour nous obliger de
-prendre leur maison; mais comme nous ne le
-voulûmes pas faire, elles se virent contraintes de
-nous instruire de la coutume de la ville, qui est
-d'être trois ou quatre jours sans sortir pour attendre
-les visites de ceux qui veulent nous en
-rendre. Et comme nous avions quelque répugnance
-à suivre cet ordre, elle nous dit que tout
-le monde de Marseille se tiendroit outragé et
-croiroit que nous ne voudrions pas le voir, si
-nous en usions autrement. Le lendemain donc,
-et quatre jours depuis, mon frère et moi avons
-gardé la chambre. A vous dire le vrai, ce n'a pas
-été sans voir de plaisantes choses; car, pour vous
-les dire comme elles se sont passées, je ne pense
-pas qu'il y ait un seul homme de quelque considération
-dans Marseille qui n'y soit venu, soit
-<span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span>
-des gentilshommes, des consuls, des officiers de
-galère, des juges, des ecclésiastiques, des avocats,
-des marchands, des matelots et même des forçats;
-et pour les femmes, le nombre en est si grand que
-j'ai été contrainte d'en faire un rôle, qui présentement
-se monte à quarante-deux maisons différentes,
-où il faut que j'aille, qui veulent dire plus
-de quatre-vingts personnes qu'il faut demander.</p>
-
-<p>Je vous laisse à juger, Mademoiselle, si, de l'humeur
-dont je suis, je n'ai pas là une occupation
-bien divertissante. Mais ce qu'il y a de rare est
-que, de tout ce grand nombre de femmes, il n'y
-en a pas plus de six ou sept qui parlent françois;
-si bien que cela fait une si plaisante conversation
-que, si je vous la pouvois dépeindre, je vous en
-ferois rire. J'ai toutefois cet avantage, sans que
-je puisse dire comme je l'ai acquis, que j'entends
-assez bien le provençal, et qu'ainsi je ne
-laisse pas de les entretenir, mais c'est d'une manière
-si plaisante qu'il faut l'avoir vu pour le
-comprendre. Le plus fâcheux est qu'il les faut
-conduire jusques au milieu de la rue, et qu'à
-chaque porte il faut une heure de compliment.
-J'espère toutefois n'être pas longtemps en cette
-peine; car, comme elles passent toutes leur vie à
-jouer à un jeu qui s'appelle le basècle, que sans
-doute elles aiment pour son antiquité, et qu'il n'y
-en a que trois ou quatre qui ne jouent que par
-complaisance, quand je leur aurai rendu leurs
-visites, je pense qu'elles me laisseront en repos,
-du moins le souhaité-je ainsi. Après ces quatre
-<span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span>
-jours de cérémonie, M<sup>me</sup> de Mirabeau nous a traités
-magnifiquement. Elle a été imitée de quelques
-autres, un desquels nous a donné à dîner avec une
-prodigalité de Montoron<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor">&nbsp;[248]</a>; car enfin il y avoit six
-services admirablement beaux et bons: les perdrix,
-les bisques, les ortolans, les entremets, les
-gelées, les conserves, les muscats, les hypocras,
-les limonades, les fruits et les confitures sèches et
-liquides y étoient avec une abondance inconcevable.
-Mais, après tout, au milieu de ce paradis
-des Turcs, je disois en moi-même, en songeant à
-vous, un vers que Malherbe a dit autrefois, parlant
-de M<sup>me</sup> d'Auchy<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor">&nbsp;[249]</a>:</p>
-
-<p class="quote">Où Caliste n'est pas, c'est là qu'est mon enfer.</p>
-
-<p>Tout à bon, Mademoiselle, je n'ai point surpris
-mon esprit avec un moment de plaisir tranquille
-depuis que je suis hors d'auprès de vous. Mais,
-pour n'oublier rien à vous dire, vous saurez encore
-que le lieutenant que mon frère a mis à
-Notre-Dame-de-la-Garde, et qui est un assez honnête
-homme et assez riche, nous y a aussi donné
-à dîner le premier jour que nous y avons été. Je
-ne vous dépeindrai point, s'il vous plaît, cette cérémonie
-qui ne vous ferait point ouïr le bruit des
-canons, car la distance des lieux ne le permet pas;
-mais je vous dirai qu'en vérité Notre-Dame-de-la-Garde
-est le plus beau lieu de la nature par sa
-<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span>
-situation. De la façon dont la place est disposée,
-il y a quatre aspects différents qui sont admirables.
-D'un côté, l'on a le port et la ville de Marseille
-sous ses pieds, et si près, que l'on entend
-les hautbois de vingt-deux galères qui y sont; de
-l'autre, l'on découvre plus de douze mille bastides,
-pour parler en termes du pays; du troisième, on
-voit les îles et la mer à perte de vue; et du quatrième,
-sans rien voir de tout ce que je viens de
-dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé
-de pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude
-sont aussi affreuses que l'abondance est
-agréable de tous les autres endroits. Aussitôt que
-je fus arrivée à ce bel hermitage, ma première
-pensée fut de demander au prieur de Notre-Dame-de-la-Garde,
-qui nous y dit la messe, où étoit le
-tombeau de feu M. de Mévouillon<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor">&nbsp;[250]</a>; et comme il
-me l'eut montré, ma première dévotion fut pour
-cet illustre mort.</p>
-
-<p>Vous me ferez, s'il vous plaît, la grâce de
-dire à M<sup>lles</sup> de Clermont que, n'étant pas en lieu
-de leur pouvoir rendre d'autres devoirs, j'ai du
-moins rendu ce pieux office à un de leurs devanciers.
-Je me serois donné l'honneur de leur
-écrire, aussi bien qu'à M<sup>me</sup> leur mère, sur la perte
-qu'elles ont faite; mais je vous avoue ma foiblesse:
-<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span>
-il y a si longtemps que la mort est introduite dans
-le monde et qu'il y a des gens qui en écrivent et
-qui en parlent, que je ne trouve plus rien à en
-dire. Sincèrement, Mademoiselle, je ne sais si j'ai
-déjà pris le mal du pays, mais j'ai l'esprit si fainéant,
-si grossier et si stupide, qu'il m'a été impossible
-d'oser entreprendre d'écrire deux lettres
-sur ce sujet. Mais, pour réparer ce manquement,
-il faudroit que vous m'apprissiez qu'il fût arrivé
-un grand bonheur à ces excellentes personnes; car
-je ne doute point que l'extrême joie que j'en aurois
-ne me fît trouver l'art de leur témoigner et
-de leur persuader que je suis certainement une de
-leurs plus passionnées servantes. En attendant
-cette agréable nouvelle, vous me ferez la faveur
-de les assurer de la continuation de mon très
-humble service, et vous me ferez aussi la grâce
-de faire encore mes complimens à M. Conrart.
-Pour M. Chapelain, quoi que vous m'en disiez, il
-n'est point jaloux de lui; c'est une flatterie que
-vous m'avez écrite, qu'il désavoueroit sans doute,
-s'il la savoit. Il y a deux choses qui font qu'il ne
-le sauroit être: l'une, de ce qu'il est assuré du
-rang qu'il tient dans mon esprit, et l'autre, que je
-ne suis pas assez bien dans le sien. Vous savez,
-Mademoiselle, que cette passion en dit une autre;
-c'est pourquoi songez une autre fois un peu
-mieux à expliquer ses véritables sentiments.
-Quand j'aurai rendu une partie des visites que
-j'ai à faire, peut-être lui demanderai je un peu
-plus sérieusement la continuation de son amitié;
-<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span>
-car, pourvu que je ne lui écrive qu'une fois ou
-deux en un an, je pense que <i>la Pucelle</i> n'aura pas
-sujet de s'en plaindre.</p>
-
-<p>Au reste, Mademoiselle, je vous demande
-pardon si je vous entretiens si longtems, et
-de choses si peu raisonnables; mais songez
-que vous êtes ma plus grande consolation dans
-mon exil. J'ai eu une douleur extrême de n'avoir
-point reçu de vos nouvelles par cet ordinaire.
-Je sais que c'est être inconsidérée que d'abuser
-de votre loisir comme je fais; mais vous
-êtes bonne, vous me l'avez permis, et j'en ai grand
-besoin. Faites donc, s'il vous plaît, lorsque vous
-ne pourrez pas me faire la faveur de m'écrire, que
-M. Major m'apprenne, au moins par un billet,
-l'état de votre santé, afin que mon imagination
-ne me fasse pas sentir des malheurs qui ne me
-sont peut-être pas arrivés. Si je suivois l'intention
-de mon frère, j'allongerois encore ma lettre pour
-vous persuader fortement qu'il est votre serviteur
-très-humble et très-passionné; mais comme l'heure
-me presse, je ne vous dirai plus rien, sinon que
-je suis toujours de toute mon âme,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i2">Votre très-humble et très-obéissante servante.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span>
-<span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE CHALAIS</b></span><a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor">&nbsp;[251]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Marseille, le 13 décembre 1644.</p>
-
-<p>Comme M<sup>lle</sup> Paulet connoit mon c&oelig;ur, et qu'elle
-sait la tendresse que j'ai pour vous et le plaisir
-que je sens à recevoir de vos nouvelles, elle m'avoit
-fait espérer par l'autre ordinaire que vous
-m'en donneriez par celui-ci; et je m'étois entretenue
-si agréablement en cette attente, que la privation
-d'un bien qui m'est si cher m'a donné plus
-de douleur que l'espérance ne m'avoit donné de
-joie. J'ai pourtant été assez équitable pour ne vous
-accuser pas; j'ai eu du déplaisir, mais je n'ai pas
-eu de colère, et si j'ai eu quelque injustice, ça été
-contre l'aimable personne qui m'avoit promis un
-si grand plaisir.</p>
-
-<p>Ne vous imaginez pourtant pas, ma chère
-amie, que ce désir extrême que j'ai d'avoir
-quelquefois de vos lettres soit un effet de la foiblesse
-de mon amitié, et qu'elle ait absolument
-besoin de ces petits soins pour se maintenir;
-non, ce n'est point là ma pensée, et quand vous
-ne me diriez jamais que vous avez de l'affection
-pour moi, puisque vous me l'avez dit une fois, je
-ne laisserois pas de le croire. Mais la véritable
-raison qui fait que je le souhaite avec tant d'ardeur,
-<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span>
-est que je prévois bien que j'aurai grand
-besoin de ce secours pour adoucir l'ennui de mon
-exil. Je vous avoue ingénûment que je n'ai point
-l'esprit assez stupide pour m'accoutumer facilement
-avec ceux qui le sont, et que je ne l'ai pas
-non plus assez fort ni assez rempli pour trouver
-en moi-même de quoi me satisfaire. Je suis demeurée
-en une certaine médiocrité qui ne sert qu'à
-faire connoître le mal, mais qui ne le surmonte
-pas. Si j'étois de l'humeur de ceux qui aimeroient
-mieux être l'admiration des sots que de ne l'être
-de personne, je pourrois peut-être assez facilement
-imposer une partie de ce que je voudrois aux gens
-de ce pays-ci, étant certain que parce que je viens
-de Paris, ils ont assez d'inclination à approuver
-tout ce que je fais; mais comme je n'ai pas l'humeur
-tyrannique, et que, si je régnois, je voudrois
-régner légitimement, je n'apporterai nul
-soin à l'établissement d'un empire si peu glorieux,
-et qui seroit si mal acquis. Dans les choses
-de l'esprit, ce n'est pas assez de vaincre, il faut
-encore que ceux que l'on surmonte soient eux-mêmes
-capables d'en surmonter d'autres, et c'est
-enfin aux vaincus à faire la principale gloire des
-victorieux. Si les Espagnols, en conquêtant les
-Indes, avoient eu des ennemis redoutables, ils auroient
-égalé la gloire des plus illustres héros;
-mais parce qu'ils ont tué à coups de canon des
-hommes qui ne se défendoient point, et qui même
-ne se pouvoient défendre, puisqu'ils n'avoient
-point d'armes, ils passent plutôt parmi le nombre
-<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span>
-des usurpateurs que des conquérants. Souffrez,
-s'il vous plaît, cette comparaison historique d'une
-personne qui ne vous l'auroit pas écrite, si elle
-étoit seulement à cinquante lieues plus près de
-Paris, mais qui pense avoir droit de vous parler
-de cette manière dans une ville où il se trouve
-une demoiselle<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor">&nbsp;[252]</a> belle et jeune, qui dans ses conversations
-ordinaires, cite souvent, si j'ai bien retenu,
-Trismégiste, Zoroastre et autres semblables
-messieurs qui ne sont pas de ma connoissance.
-Sérieusement, c'est dommage que la personne
-dont je vous parle n'a été élevée dans le monde,
-étant certain que c'est un des plus beaux naturels
-de femme que j'aie jamais remarqué en aucune
-femme de province. Elle est, comme je vous l'ai
-déjà dit, belle, jeune et de bonne mine; elle parle
-françois comme si elle étoit née à Paris, et naturellement
-elle est fort éloquente; elle entend l'espagnol,
-l'italien, le latin et même le grec; elle est
-fort douce, fort civile et de fort bonne maison.
-Cependant, parce qu'elle n'a pas l'art de cacher
-une partie des trésors qu'elle possède à des gens
-qui ne la connoissent pas, ils prennent pour du
-verre et pour du cuivre de l'or et des diamants; et
-l'injustice qu'on lui fait ici est si grande que je
-n'oserai la voir souvent, de peur de me charger
-de la haine publique.</p>
-
-<p>Jugez, d'après cela, ma chère, si j'ai raison d'implorer
-votre secours en un lieu où il n'est pas même
-<span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span>
-permis de jouir du seul bien qui s'y trouve. Ne me
-refusez donc pas, je vous en supplie, et si ce n'est
-point trop vous demander, ayez quelquefois la bonté
-d'assurer M<sup>me</sup> la marquise<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor">&nbsp;[253]</a> que de toutes celles qui
-ont de la vénération pour elle, je suis la plus passionnée
-pour son service, et qu'en cette considération
-il me doit être permis de porter la glorieuse
-qualité de sa très-humble et très-obéissante servante.
-Et comme je suis privée d'entretenir les personnes
-que j'aime, faites au moins que j'aie la satisfaction
-de savoir qu'elles s'entretiennent quelquefois
-de moi. Parlez-en donc avec notre chère Angélique<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor">&nbsp;[254]</a>,
-avec M<sup>lle</sup> Robineau, avec M. Conrart, avec
-M. Chapelain, et si vous jugez que M<sup>me</sup> de Motteville
-et M<sup>lle</sup> sa s&oelig;ur<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor">&nbsp;[255]</a> ne m'aient pas oubliée, assurez-les
-que j'eus un extrême regret de partir sans
-leur dire adieu; mais comme elles n'étoient pas à
-Paris, c'est un malheur dont je ne suis pas coupable.
-Quand je serai un peu désembarrassée d'un
-nombre infini de visites qu'il faut que je rende, je
-me donnerai l'honneur de leur écrire et de les assurer
-que je suis toujours leur très-humble servante.</p>
-
-<p>Adieu, je suis si pressée que je n'ai pas le
-temps de relire ma lettre. Pardonnez-moi donc
-toutes les fautes que j'y aurois peut-être corrigées,
-et toutes celles aussi que je n'y aurois pas remarquées.
-<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span>
-Après cette protestation d'imprimeur, je
-n'oserai quasi vous dire que je suis votre très-humble
-et très-passionnée servante, etc., etc.</p>
-
-
-<p class="titre"> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET</b></span><a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor">&nbsp;[256]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Marseille, 27 décembre 1644.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Vous pouvez juger par l'inquiétude que je vous
-ai témoigné avoir de votre silence, combien votre
-lettre m'a donné de joie. Elle a été si grande,
-que ceux qui me l'ont vue recevoir et qui me l'ont
-vue lire ont cru que l'on m'avoit mandé que l'on
-me donnoit pour le moins cent mille écus; car
-comme les gens d'ici ont l'esprit fort intéressé, ils
-ne sont sensibles aux plaisirs que lorsqu'ils leur
-sont utiles. Mais après leur avoir dit que votre lettre
-ne m'apprenoit rien de plus agréable que la continuation
-de l'amitié de la personne qui me l'écrivoit,
-il a fallu, pour me justifier auprès d'eux, leur
-faire voir votre nom, tant il est vrai que la joie
-que j'ai eue a été grande, et tant il est vrai qu'ils
-ont eu peine à croire que, ne s'agissant ni d'amour
-ni d'avarice, il fût possible que j'eusse tant
-de satisfaction d'une lettre d'une de mes amies.
-Jugez de là, Mademoiselle, à quel point l'amitié
-est connue ici, et si vous devez craindre que je
-vous fasse infidélité. Cependant, je vous dirai que
-<span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span>
-comme l'on ne change pas son destin en changeant
-de lieux, et que ceux qui sont malheureux
-le sont partout, il y a lieu de craindre que nous
-ne puissions pas faire mettre Notre-Dame-de-la-Garde
-sur le pays<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor">&nbsp;[257]</a>. Ce n'est pas que la chose ne
-dépende pas absolument de M. le comte d'Alais<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor">&nbsp;[258]</a>,
-mais c'est que nous venons d'apprendre que l'assemblée
-générale du pays est terminée au second
-de janvier, et qu'ainsi il sera impossible de tirer
-utilité des bons offices de M. Chapelain. Mon frère
-et moi ne laisserons pas de lui en être infiniment
-redevables; car ce n'est pas par les événements,
-mais par les intentions, qu'il faut mesurer les obligations
-que nous avons à nos amis. A la première
-occasion, je lui en témoignerai notre reconnoissance;
-mais, en attendant, si vous le voyez,
-vous l'assurerez de l'estime et de l'amitié particulière
-que mon frère et moi avons pour lui. Après
-cela, je vous dirai que nous ne laisserons pas de
-tenter la chose; car autrement il faudroit attendre
-encore un an; car, bien qu'il ne se tienne plus
-d'États généraux en Provence, et que ce ne soit
-plus qu'une assemblée de quelques consuls qui
-délibèrent de toutes choses, néanmoins, comme
-cette assemblée ne se tient qu'une fois l'année, si
-nous laissions passer celle-ci, cela nous mèneroit
-trop loin. A vous dire la vérité, je n'en attends
-rien; mais quand on a fait ce que l'on peut, il
-<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span>
-faut se mettre en repos et prendre patience. Quoi
-qu'il en arrive, je vous le manderai.</p>
-
-<p>Cependant, n'attendez pas que je puisse payer vos
-nouvelles par d'autres; car il n'y a rien ici qui puisse
-vous divertir. Ce n'est pas que si je pouvois dépeindre
-la beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous
-fisse un tableau assez agréable et que je ne vous
-fisse avouer qu'il fait honte au printemps de Paris.
-L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé
-de glaçons, est ici couronné de fleurs. Sincèrement,
-Mademoiselle, à l'heure même que je vous
-parle, l'on vient de m'envoyer des bouquets d'anémones,
-d'&oelig;illets, de narcisses, de jasmin, de
-fleurs d'orange, plus beaux que M<sup>lle</sup> de Lorme n'en
-porte au mois de mai; et ce qu'il y a de commode
-ici est que l'on fait des visites à la fin de décembre,
-sans avoir besoin de feu, que l'on se promène
-sur le port comme l'on se promène aux Tuileries
-en juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une
-fois, et que le soleil y est toujours aussi pur et
-aussi clair que dans la saison où il fait naîre les
-roses. Mais le mal est que pour jouir de tous ces
-plaisirs innocents, il faut souffrir d'autres incommodités,
-et que l'on ne peut s'approcher de l'Orient
-sans s'éloigner de Paris. Je pourrois encore
-vous dire que la plus belle chose que l'on puisse
-voir est les galères, le jour de Noël, qu'elles ont
-toutes leurs tentes, leurs pavillons et leurs banderoles
-de cent couleurs différentes; mais cela seroit
-mieux de la main d'un peintre fameux que de la
-mienne. Au reste, Mademoiselle, il n'est pas jusques
-<span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span>
-aux paroles qui ne perdent ici quelque chose
-de leur grâce et de leur agrément. Le nom d'esclave,
-qui est quelquefois si galamment placé et
-dans des vers d'amour et dans les romans, ne remplit
-ici l'imagination que de grosses chaînes de
-fer, de bonnets rouges, de camisoles bleues, de
-têtes pelées, de mines de Turcs et d'autres semblables
-choses, puisque l'on ne s'en sert jamais
-que pour parler de trois ou quatre mille forçats
-que l'on voit toujours sur le port.</p>
-
-<p>Je vous en dirois davantage, mais comme vous
-saurez que nous avons changé de maison afin
-d'être plus près de M<sup>me</sup> de Mirabeau<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor">&nbsp;[259]</a>, toutes les
-dames de la rue, pour recommencer leurs civilités
-à l'usage du pays, entrent présentement dans ma
-chambre pour me dire que je suis la bienvenue.
-Adieu, je suis de si mauvaise humeur de ce qu'elles
-m'interrompent dans le dessein que j'avois de vous
-dire encore plus de cent choses, que je les recevrai
-si mal que j'espère qu'elles n'y reviendront
-plus. Il faut pourtant encore que je salue M<sup>me</sup> et
-M<sup>lles</sup> de Clermont, que je vous offre les compliments
-de mon frère, et que je vous die que je
-suis votre très-humble et très-passionnée servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span>
-<span class="small"><b>A MADEMOISELLE ROBINEAU</b></span><a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor">&nbsp;[260]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Marseille, 3 janvier 1645.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Si vous avez dessein de m'instruire par votre
-exemple et de m'accoutumer à ne vous écrire
-qu'une fois tous les mois, je vous supplie de me
-faire l'honneur de m'en avertir; car, à moins que
-vous m'appreniez votre intention, elle ne réussira
-pas, parce que, comme je vous écris principalement
-pour me conserver en votre mémoire, moins
-vous m'écrirez, et plus je vous écrirai, afin de
-vous empêcher de m'oublier. Faites-moi donc, s'il
-vous plaît, la faveur de me dire sincèrement si vous
-avez dessein que j'imite votre silence; car, après
-cela, je tâcherai de m'accommoder à votre humeur.
-Je vous écrirai de petites lettres, et vous n'en
-aurez que deux ou trois tous les ans, et de cette
-sorte, si elles ne sont belles, elles seront rares; si
-elles ne sont divertissantes, elles ne seront pas incommodes,
-et si elles ne vous font passer quelque
-temps agréablement, elles ne vous en déroberont
-guère. Voilà, Mademoiselle, ce que je vous puis
-dire sur ce sujet, attendant vos ordres, que je
-n'observerai pas plus exactement que vous observez
-les promesses que vous m'aviez faites de me
-donner de vos nouvelles toutes les semaines; car,
-pour vous parler sans déguisement, il n'est rien
-<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span>
-qui puisse vous empêcher, tant que je ne serai pas
-malade, d'avoir une lettre de moi tous les ordinaires;
-car, si vous m'écrivez, je n'ai pas assez
-d'incivilité pour ne vous répondre point, et si vous
-ne me répondez pas, je n'ai point assez de patience
-pour m'empêcher de vous en gronder. Enfin, Mademoiselle,
-résolvez-vous à ce malheur, puisqu'il
-est inévitable. Au reste, ne vous imaginez point
-que peut-être je ne trouverai pas toujours de
-quoi vous entretenir, et que par cette raison je
-vous laisserai en repos. Les rives de la mer Méditerranée
-ne sont pas si désertes et si stériles que
-l'on n'y puisse trouver quelque chose à l'usage de
-Paris. La tempête amène quelquefois sur ses
-bords des gens qui savent parler françois, et qui
-n'ont rien de la rudesse du pays. Il se trouve ici
-des pèlerins de toutes les parties du monde, et par
-conséquent je ne manquerai pas de matière à vous
-écrire. Je pourrois même dire que j'aurois de quoi
-vous faire d'agréables présents si vous étiez d'humeur
-à en recevoir. Mais, quoique je sache bien
-que vous aimez mieux en faire que d'en accepter,
-je veux toutefois vous en offrir un aujourd'hui;
-mais auparavant que je vous dise ce que je vous
-envoie, je vous supplie d'essayer de deviner; et
-pour aider même à votre imagination, je vous dirai
-que ce ne sont ni des oranges, ni des citrons,
-ni des olives, ni des figues, ni des raisins, ni de
-l'eau de fleurs de jasmin, ni des branches de coral,
-ni des tapis de Turquie, ni des étoffes de
-Chine, ni des perles, ni des émeraudes, ni des
-<span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span>
-diamants, mais quelque chose de plus rare en ce
-pays-ci que tout ce que je viens de dire. Et pour
-vous expliquer cet énigme, ce sont des vers de
-M. Boissat-l'Esprit<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor">&nbsp;[261]</a>, qu'il a faits ici en revenant
-de la Sainte-Baume. Je vous proteste, Mademoiselle,
-que depuis plus de quatre siècles l'on n'a
-vu de semblable marchandise sur le port de Marseille;
-aussi est-ce pour cela que je l'envoie à
-Paris. Vous en ferez part à M. Chapelain, et comme
-votre ami, et comme le mien, et comme celui de
-M. Boissat. Je ne vous dis point ce que j'en pense;
-car je ne m'y connois plus du tout; il me suffit
-de savoir que ce sonnet est d'une personne de
-beaucoup d'esprit et de beaucoup de dévotion
-présentement, pour croire qu'il est digne de vous,
-et que du moins par là ma lettre ne vous ennuiera
-pas<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor">&nbsp;[262]</a>............</p>
-
-<p>Si j'avois aussi bien retenu la prose que les
-vers, je vous l'aurois envoyée, car elle étoit assez
-galante pour cela. Pour la mienne, on n'en peut
-pas dire autant; c'est pourquoi je ne la continuerai
-pas davantage pour aujourd'hui; aussi bien,
-ayant le dessein que j'ai, n'est-il pas juste d'en
-dire tant en un jour, et il suffira que je vous assure
-en françois, et même, si vous le voulez, en
-provençal que, <i>siou vuestra serventa affettionada</i>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span>
-M. votre père, M<sup>me</sup> Aragonnais<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor">&nbsp;[263]</a> et M<sup>lles</sup> Boquet<a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor">&nbsp;[264]</a>
-sauront que je suis leur servante, et vous
-saurez, s'il vous plait, que mon frère est votre serviteur
-très-humble. Je vous demande pardon si
-ma lettre est si brouillée, mais je vous l'écris avec
-tant de précipitation que je ne sais quasi ce que
-je dis.</p>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor">&nbsp;[265]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Paris, 19 janvier 1645.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Je vous écris par le commandement de M<sup>lle</sup> Robineau,
-je dis par son commandement, sans qu'elle
-m'ait laissé la liberté de ne le pas faire, afin que
-si vous vous trouvez incommodée de ma lettre,
-vous n'en sachiez mauvais gré qu'à celle qui m'a
-forcé de la faire, et qui, comme vous savez, a droit
-<span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span>
-de commander et pouvoir de forcer. Avec tout cela,
-encore que je vous écrive par force, je ne laisse
-pas de vous écrire avec plaisir, et plus que si je le
-faisois de mon consentement propre, lorsque je
-pense que je ne suis pas obligé à vous répondre
-de mes mauvaises écritures, et qu'un autre que
-moi portera le blâme de ce que j'y aurai mal dit.
-J'ai plaisir, Mademoiselle, à vous faire souvenir
-de l'estime extraordinaire que je fais de votre esprit
-et de votre vertu, et du ressentiment que j'ai
-toujours de la part que vous m'avez accordée en
-votre bienveillance, qui est sans doute le plus riche
-présent que vous puissiez me faire, vu la noblesse
-de votre âme et la bonté de votre c&oelig;ur. J'ai
-plaisir à vous rendre grâces de ce que je me trouve
-quelquefois dans les lettres que vous écrivez, tantôt
-à l'excellente personne dont j'exécute ici les
-ordres, tantôt à son excellente voisine, comme à
-celles qui partagent votre temps et votre amitié.
-Enfin, j'ai plaisir à vous dire que ces lettres
-mêmes, bien qu'écrites dans la précipitation des
-courriers, sont si naturelles et si éloquentes tout
-ensemble, qu'elles pourroient donner jalousie à
-notre ami d'Angoulême<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor">&nbsp;[266]</a>, et qu'elles donnent très-grande
-satisfaction à tous ceux qui les voient à
-Paris. Par là, Mademoiselle, vous voyez que la
-force que l'on m'a faite est bien agréable, et non
-pas de celle pour lesquelles on met les gens en
-procès et demande réparation en justice.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span>
-J'ai quelque honte de passer de ce discours à un
-autre et de vous dire que je me suis acquitté de ma
-promesse auprès de M. de Berville, de crainte qu'il
-ne vous semble que je vous le veux faire valoir. Mais
-puisque je vous l'ai déjà dit, je vous dirai encore
-que j'avois envoyé une copie de ma lettre à votre
-généreuse amie pour vous la faire tenir, ou du
-moins pour avoir en elle un témoin irréprochable
-de mes soins aux choses qui regardent votre service.
-J'ai depuis su d'elle qu'elle avoit pris le dernier
-parti comme le plus sûr et le plus raisonnable,
-et j'avoue qu'elle m'a fort obligé, m'épargnant
-par ce moyen la nécessité de rougir devant vous
-pour n'y avoir pas assez bien parlé de votre mérite.
-La même judicieuse personne se voulut bien
-charger ces jours passés de vous envoyer quelques
-vers que j'ai donnés à la mémoire de l'incomparable
-M<sup>me</sup> de Lalane<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor">&nbsp;[267]</a>; mais, Mademoiselle,
-vous envoyer des vers, c'est envoyer de l'eau à la
-mer, c'est vous donner ce que vous avez chez vous
-en abondance. Que si vous en faites la modeste pour
-votre regard, vous l'avouerez bien au moins pour
-celui de monsieur votre frère, qui est un océan de
-poésie plus découvert que n'est le vôtre et qui est
-si plein de ce côté-là qu'on ne sauroit l'accroître,
-<span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span>
-quelque chose que l'on y verse<a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor">&nbsp;[268]</a>. Il est vrai aussi
-que je vous envoyai ces vers comme les fleuves
-envoient leurs eaux à la mer, non pas pour enfler
-votre richesse, mais pour vous rendre le tribut et
-l'hommage que vous doivent tous ceux qui font
-profession d'honorer le mérite et la vertu. Ceux de
-M. de Boissat que j'ai vus dans votre lettre sont
-bons, mais ceux de monsieur votre frère sont
-meilleurs, sans doute, et vous voyez bien que
-c'est mon jugement qui prononce et non pas mon
-amitié, et qu'en ce sentiment il n'y entre ni complaisance
-ni cajolerie. Mais c'est trop vous mal
-entretenir, et vous auriez encore plus de sujet de
-vous en plaindre si je ne vous assurois que par la
-patience que vous avez prise de lire cette lettre
-jusqu'au bout, vous êtes quitte de me lire de toute
-cette année, et que jusqu'en six cent quarante-six
-vous n'aurez à craindre aucune semblable persécution,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i2">De votre très-humble et très-obéissant serviteur</span><br />
-<span class="i4"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span>
-<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MONSIEUR CHAPELAIN</b></span><a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor">&nbsp;[269]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Marseille, 31 janvier 1645.</p>
-
-<p class="titel">Monsieur,</p>
-
-<p>Bien que tout ce qui part de M<sup>lle</sup> Robineau me
-soit extrêmement cher, et que, selon mes sentiments,
-elle augmente le prix des plus précieuses
-choses du monde lorsqu'elles passent par ses
-mains, il est toutefois certain que votre lettre
-m'auroit donné plus de joie si je l'eusse reçue
-comme une simple marque de votre souvenir, que
-comme une preuve de votre obéissance pour elle,
-et je lui suis déjà si redevable de ses propres bienfaits,
-que j'aurois volontiers souhaité qu'elle n'eût
-point eu de part aux vôtres. Ce commandement
-que vous dites qu'elle vous a fait de m'écrire,
-marque si clairement l'absolu pouvoir qu'elle a
-sur vous et le peu que j'y en ai, que, si je voulois,
-j'aurois quasi autant de sujet de me plaindre de
-l'honneur que vous m'avez fait, que de vous en
-remercier; car enfin, une personne à qui vous devez
-la connoissance de M<sup>lle</sup> Robineau ne devoit
-point lui devoir la grâce que vous m'avez fait de
-m'écrire. Je sais qu'elle a plus de mérite que moi,
-et qu'ainsi vous la devez plus estimer; mais cela
-n'empêche pas qu'il n'y ait quelque injustice que
-vous ne vous souveniez de moi que lorsqu'elle
-vous le commande. Enfin, Monsieur, lorsque vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span>
-me voudrez faire cet honneur, écoutez votre inclination,
-et n'écoutez plus M<sup>lle</sup> Robineau; donnez-moi
-vos sentiments tout purs sans les mêler avec
-les siens, et souvenez-vous de moi pour l'amour
-de moi et non pour l'amour d'elle<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor">&nbsp;[270]</a>. Vous trouverez
-peut-être que j'ai beaucoup d'orgueil pour avoir
-si peu de mérite; mais souvenez-vous que l'amitié
-a ses délicatesses et ses jalousies aussi bien que
-l'amour, et que celle que j'ai pour vous est trop
-noble et trop généreuse pour recevoir vos civilités
-d'une autre main que de la vôtre, et pour prendre
-part à des choses où elle n'en a point. Je ne
-m'étonne pas, toutefois, si vous aviez tant de
-peine à vous résoudre de m'écrire; car puisque
-mes amis vous montrent toutes mes lettres, vous
-avez raison de craindre d'en recevoir de semblables.
-Je leur voudrois un grand mal d'en user
-ainsi, si ce n'étoit que sachant bien qu'elles ne le
-font ni par manque de connoissance ni par malice,
-il faut de nécessité que la seule amitié les
-aveugle, et que, parce qu'elles prennent plaisir
-que je leur dise que je les aime, elles se laissent
-persuader que je le leur dis de bonne grâce. Pour
-vous, Monsieur, qui n'avez pas cet aveuglement
-qui m'est si avantageux, vous avez voulu vous
-défendre de recevoir de mes lettres autant que
-vous avez pu; mais, pour me venger de vous, je
-vous déclare que quand même M<sup>lle</sup> Robineau me
-<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span>
-le défendroit, je ne laisserois pas de vous écrire et
-de vous assurer qu'elle n'est pas tant votre servante
-que je le suis. Mais encore que je sache que
-vous avez plus de joie de recevoir ses commandements
-que mes prières, je ne laisserai pas de
-vous supplier sérieusement de croire que votre
-lettre m'a donné beaucoup de plaisir; que celle
-que vous avez écrite à M. de Berville a sensiblement
-obligé et mon frère et moi; que les vers que
-vous m'avez envoyés ont eu et de lui et de moi
-toute la louange qu'ils méritent, et que quand
-même vous auriez désobéi à M<sup>lle</sup> Robineau, je
-n'aurois pas laissé d'obéir à la raison et à mon
-inclination, qui veulent que je sois toute ma vie,</p>
-
-<p class="sig">Votre très-humble et très-obligée servante, etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor">&nbsp;[271]</a>.</p>
-
-<p class="titel">Monsieur,</p>
-
-<p>Comme le silence est, ce me semble, ordinairement
-pris pour un consentement aux choses qu'on
-nous a dites, je pense que la crainte de vous importuner
-par une seconde lettre ne doit point
-m'empêcher de répondre à la dernière que vous
-m'avez fait l'honneur de m'écrire, et qu'il vaut
-mieux vous dérober un quart d'heure que de me
-<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span>
-détruire pour toute ma vie dans votre esprit, en
-vous laissant lieu de croire que j'aurois accepté,
-comme croyant les mériter, cette profusion de
-louanges dont votre lettre est remplie. Souffrez
-donc, Monsieur, que je vous die qu'encore que
-j'eusse plusieurs fois entendu que l'on vous faisoit
-la guerre d'aimer volontiers à dire des douceurs,
-j'avois néanmoins conçu une si haute
-estime de votre sincérité que je tenois pour certain
-que vous n'eussiez pas même voulu être le
-flatteur d'Alexandre, si vous eussiez été de son
-temps, ou qu'il eût été du vôtre. Cependant vous
-me donnez des louanges si excessives et vous me
-dites des choses si peu vraisemblables que vous
-ne me permettez pas de douter que vous ne puissiez
-être capable, la première fois que l'occasion
-s'en présentera, de louer M<sup>me</sup> Pilou<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor">&nbsp;[272]</a> de la vivacité
-de ses yeux, de la délicatesse de son teint et des
-charmes de sa beauté. Ce n'est pas, Monsieur, que
-je ne sache bien que toutes les flatteries ne sont
-pas également condamnables, que celles qui ne
-sont pas intéressées sont plutôt une galanterie
-qu'une foiblesse, et que celles qui s'adressent à une
-personne exilée ne peuvent partir que d'une personne
-généreuse. Aussi vous fais-je dire que, quoique
-les vôtres ne m'aient pas persuadée, elles
-<span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span>
-n'ont pas laissé de m'obliger: j'ai plus considéré
-votre intention que l'injustice de vos louanges, et
-la beauté de votre lettre que la vérité de vos paroles.
-Elles m'ont causé de la joie, mais elles ne
-m'ont point donné d'orgueil. J'ai été sensible,
-mais je n'ai pas été crédule, et quoique j'aie fait
-tout ce que j'ai pu pour me tromper, après avoir
-rappelé en ma mémoire tout ce que je vous ai
-écrit, j'ai trouvé qu'il m'eût sans doute été plus
-avantageux que vous en eussiez fait un secret que
-de la faire voir à tant d'illustres personnes. Je
-n'entends pourtant pas, Monsieur, de cette espèce
-de secret dont M<sup>lle</sup> Robineau auroit pu s'offenser,
-mais de celui qui vous auroit fait cacher mes défauts
-au lieu de les publier. Toutefois il peut être
-que, par un privilége particulier, en lisant ma
-lettre, vous l'ayez purifiée des taches que mon
-ignorance y avoit laissées, et qu'en la recevant
-vous l'ayez rendue digne de vous. Ce n'est pas,
-Monsieur, que je veuille dire qu'elle fût toute déraisonnable;
-au contraire, pour vous montrer que
-j'ai plus de sincérité que vous n'en avez, j'avouerai
-qu'il y avoit un endroit qui ne peut être défectueux
-que par la foiblesse de l'expression, et dont
-le sentiment est si juste et si noble que même
-M. de Balzac ne le désapprouveroit pas. Je m'assure,
-Monsieur, que vous devinerez aisément ma
-pensée et qu'il vous sera facile de comprendre que
-ce seul endroit qui n'est pas mauvais et que je défendrois
-contre tout le monde, s'il étoit possible
-qu'on le pût condamner, est celui où je vous assurois
-<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span>
-d'être toute ma vie, et par raison et par inclination,</p>
-
-<p class="sig">Votre très-humble servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET</b></span><a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor">&nbsp;[273]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Marseille, 13 mars 1645.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Comme je vous fais part de toutes mes douleurs
-quand il m'en arrive, il faut que je fasse la même
-chose de mes joies et de mes plaisirs. Je vous dirai
-donc qu'hier au matin un homme de qualité
-de Marseille, qui nous avoit ouï dire, à mon frère
-et à moi, que nous attendions M. de Grasse avec
-beaucoup d'impatience, nous envoya avertir qu'il
-étoit arrivé, et nous manda qu'il étoit logé chez un
-gentilhomme nommé M. d'Aiglun, qui a été lieutenant
-de la galère de M. d'Aiguebonne. Cette nouvelle
-nous donna de la douleur et de la joie: la
-première parce qu'il ne nous avoit pas fait la grâce
-de venir loger chez nous, et l'autre parce que, de
-quelque manière que ce fût, nous aurions le plaisir
-de l'entretenir. A l'heure même, mon frère fut
-chez M. d'Aiglun, et il trouva que M. de Grasse
-étoit véritablement logé chez lui, mais qu'il étoit
-déjà sorti. Un moment après j'y fus, comme lui,
-sans être plus heureuse, et nous y retournâmes
-<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span>
-pour le moins trois fois avant midi, sans le pouvoir
-rencontrer. Enfin, à la quatrième que j'y allai
-seule, on me dit qu'il sortoit de table, et que
-j'eusse un peu de patience. Mais comme je sais
-que M. de Grasse n'aime pas fort la cérémonie, je
-ne m'arrêtai pas à ce que me dit le valet de
-M. d'Aiglun, et je montai dans la chambre où
-M. de Grasse achevoit de dîner. Mais je fus fort
-surprise de voir qu'à peine me regardoit-il et qu'à
-peine se pouvoit-il résoudre de se lever pour
-me saluer. Cela ne m'étonna pourtant pas encore
-tant que de voir M. de Grasse dont je vous parle,
-avec des bottes relevées, un justaucorps de chamois,
-un manteau d'écarlate, une épée d'argent,
-un chapeau gris et des plumes jaunes. Ne vous
-imaginez pas, Mademoiselle, que j'invente ce que
-je vous dis; car en vérité, j'ai vu M. de Grasse en
-l'état que je viens de vous décrire. Mais, pour
-vous expliquer cet énigme qui m'a tant fait rire,
-et qui m'a pourtant donné beaucoup de confusion,
-et même beaucoup de douleur de voir
-mon espérance trompée, je vous dirai que M. de
-Grasse que je vis n'est pas l'évêque, mais un
-gentilhomme de ce pays, qui en son propre
-nom s'appelle ainsi. Je vous laisse à juger, Mademoiselle,
-de quelle sorte se passa cette conversation
-du faux M. de Grasse avec moi. Mais ce qu'il
-y a de plaisant est que je ne voulus pas en désabuser
-mon frère, qui, étant arrivé chez M. d'Aiglun
-un moment après que j'en fus partie, trouva
-cet homme à plumes jaunes sur la porte, et lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span>
-demanda, ne trouvant point d'autres gens, s'il ne
-savoit pas si M. de Grasse étoit au logis. Enfin,
-Mademoiselle, cette aventure a eu quelque chose
-de si plaisant que si je vous la pouvois bien dépeindre,
-je vous en ferois certainement rire de fort
-bon c&oelig;ur. Mais comme le messager me presse, il
-faut, pour me revancher en quelque sorte de vos
-nouvelles, que je fasse un voyage à Malte, en Barbarie
-et à la cour du Grand-Seigneur; et pour vous
-dire les choses comme je les sais, j'étois hier chez
-M. le Grand-Prieur de Saint-Gilles, où je vis entre
-ses mains un papier qu'un renégat, favori du feu
-grand visir, et qui s'est refait chrétien, a envoyé au
-Grand-Maître, pour l'avertir des véritables sujets
-de cette armée de six cents voiles. Et comme la
-chose est assez romanesque, j'ai cru que je pouvois
-vous la mander.</p>
-
-<p>Vous saurez donc, pour entendre la chose comme
-elle s'est passée, qu'il y a déjà assez longtemps
-qu'un chevalier françois dont j'ai oublié le nom,
-après avoir gagné sept ou huit mille écus d'argent
-dans les courses qu'il avoit faites, voulut s'en revenir
-en France; et quoique ses amis lui conseillassent
-de faire tenir son argent par lettres de
-change, il ne put se résoudre à s'en séparer. Il
-s'embarqua donc avec son trésor dans une tartane,
-avec l'intention de venir à Marseille; mais
-il fut si malheureux qu'à quatre milles de Malte,
-il trouva un corsaire qui le combattit, qui prit la
-tartane où il étoit, avec son argent et sa personne,
-bien heureux encore de pouvoir jeter sa croix dans
-<span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span>
-la mer, afin de n'être pas connu pour chevalier.
-Le corsaire l'ayant mené à Tunis, et ce chevalier y
-ayant trouvé des marchands chrétiens qui le délivrèrent,
-il revint à Malte si désespéré de la perte
-de son argent qu'il avoit gagné aux dépens de son
-sang et au hasard de sa vie, que depuis cela il ne
-s'est pas passé d'année, point de mois, ni même de
-jours, qu'il n'ait donné conseil de quelque nouveau
-dessein au Grand-Maître contre les Turcs. Enfin,
-il y a environ quatre ou cinq mois, qu'ayant
-obtenu le commandement de quelques vaisseaux
-pour une grande entreprise qu'il faisoit sur la Goulette,
-il partit, et de plus manqua ce qu'il avoit entrepris;
-de sorte que comme il étoit prêt de s'en
-retourner à Malte sans rien faire, il rencontra, et
-pour son malheur et pour celui de la religion, deux
-galères turquesques dans lesquelles étoit un bacha
-avec sa femme parente du Grand-Seigneur, et ce
-qui est plus, deux sultanes les plus belles et les
-plus aimées, qui s'en alloient à la Mecque. Le combat
-fut grand et fort opiniâtre de part et d'autre,
-mais la victoire fut de son côté. Il fit main basse
-sur les Turcs, et après avoir fait passer les deux
-sultanes, la veuve du bacha, plus de quarante
-femmes qui les suivoient, et tous leurs trésors qui
-étoient immenses, dans ses vaisseaux, il fit couler
-à fond les galères turquesques, parcequ'il ne lui
-restoit pas assez d'hommes pour les pouvoir mener
-à Malte. Mais après avoir vaincu et retrouvé
-son argent, et beaucoup davantage, il mourut des
-blessures qu'il avoit reçues, et ses vaisseaux reportèrent
-<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span>
-le victorieux en aussi pitoyable état que
-le vaincu. Aussitôt que ces femmes furent arrivées
-à Malte, celle qui avoit perdu son mari au combat
-trouva moyen de briser un grand diamant qu'elle
-avoit caché, qu'elle avala, et dont elle se fit mourir.
-Or, pour revenir au renégat dont je vous ai
-parlé, il dit qu'aussitôt que le Grand-Seigneur,
-qu'il dit être le plus amoureux de tous les hommes
-qui furent jamais, eut su la prise de ses femmes
-et la mort de sa parente, il entra en une colère si
-furieuse qu'il jura de perdre la vie ou de perdre
-Malte; de sorte qu'à l'instant même il envoya ordre
-par tous ses ports et par tout son empire de se
-préparer à cette guerre. Il ajoute à cela, qu'outre
-cette colère, il se joint une raison d'État à ce dessein,
-qui est que le Grand-Seigneur, ayant pensé
-connoître à ses dépens que les janissaires sont
-trop puissants dans ses États, a résolu de les faire
-tous embarquer, afin d'affoiblir leur corps en cette
-occasion, ne doutant pas qu'il n'en meure une
-bonne partie en cette guerre, qui, par ce moyen,
-quelque succès qu'elle puisse avoir, ne peut que
-lui être avantageuse, puisque plus on lui tuera
-de janissaires, plus on lui ôtera d'ennemis.</p>
-
-<p>Voilà, Mademoiselle, ce que je n'ai pas cru indigne
-d'être su de vous. Cependant les six galères
-dont je vous avois parlé sont parties pour Catalogne,
-que l'on dit être en fort grande division. Vous
-aurez sans doute su comme Perpignan a pensé être
-surpris; mais l'on ne vous aura peut-être pas
-mandé que dix des gardes de M. le comte d'Harcourt,
-<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span>
-ayant été mis à garder la porte d'un gentilhomme
-chez qui étoit le bal, auprès de Béziers,
-ces gardes éteignirent les lumières qui éclairoient
-la salle, et volèrent toutes les pierreries et les perles
-des dames de l'assemblée.</p>
-
-<p>Enfin me voici arrivée au bout de mes nouvelles....
-Après cela je n'ai plus qu'à assurer
-M<sup>me</sup> de Clermont de mes obéissances, Mesdemoiselles
-ses filles de mes très-humbles services, et
-vous et elles de la passion que mon frère a de
-vous témoigner qu'il est votre très-humble et très-obéissant
-serviteur. Adieu, l'heure me presse, et
-il faut que je vous donne le bonjour, sans même
-vous dire que je suis, Mademoiselle,</p>
-
-<p class="sig">Votre très-humble et très-passionnée
-servante, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MÊME</b></span><a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor">&nbsp;[274]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Marseille, 28 mars 1645.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Pour vous montrer que, même dans les petites
-choses, je ne suis pas plus heureuse que dans les
-grandes, je n'ai qu'à vous dire que le même soleil
-qui a déjà donné des fèves et des amandes
-fraîches à toute la Provence, et qui a déjà plus
-fait naître et mourir de roses à Marseille que le
-printemps et l'été n'en ont jamais donné à Paris,
-<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span>
-ne m'a fait autre bien à moi que m'enrhumer extrêmement
-pour m'être promenée en un jardin où
-il n'y avoit nul ombrage. Cela sera cause que je
-ne répondrai à M. Conrart que par l'ordinaire prochain.
-Mais quelque incommodité que j'aie, il faut
-que je vous donne une seconde partie du roman
-turquesque dont je vous ai fait voir la première,
-où vous trouverez sans doute quelque chose d'aussi
-extraordinaire.</p>
-
-<p>Je vous dirai donc, Mademoiselle, qu'il est arrivé
-ici un homme de Malte qui a donné à M. le Grand-Prieur
-de Saint-Gilles un nouvel avis qu'on y a
-reçu touchant la cause du siége que le Grand-Seigneur
-y doit mettre. Mais, pour reprendre les
-choses en leur source, il faut savoir que, lorsque le
-Grand-Seigneur qui règne aujourd'hui n'avoit que
-deux ans, il avoit un frère aîné qui, par la mort
-de son père, parvint à l'empire, et qui, suivant
-la cruelle coutume de ses prédécesseurs, commanda
-que l'on égorgeât son frère. Ceux qui sont
-destinés à cette exécution furent au lieu où il étoit
-nourri pour s'acquitter de leur commission; mais
-la nourrice qu'avoit cet enfant, en ayant été avertie,
-le cacha et en substitua un autre qui fut tué
-au lieu de lui, de sorte que, par la révolution des
-choses, le Grand-Seigneur qui régnoit lors étant
-mort, et cet enfant caché et reconnu étant parvenu
-à l'empire, il a tant eu de reconnoissance pour
-sa nourrice qu'il l'a plus respectée que sa mère,
-et plus aimée que tout le reste du monde. Or,
-Mademoiselle, il est arrivé que cette femme est
-<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span>
-prisonnière à Malte, avec celles dont je vous ai
-déjà parlé, aussi bien qu'une s&oelig;ur du Grand-Seigneur,
-et que c'étoit sous sa conduite qu'il avoit
-permis à toutes les autres d'aller à la Mecque; de
-sorte qu'ayant su que celle à qui il doit et l'empire
-et la vie est en prison, il a résolu de hasarder
-sa vie et d'employer toutes les forces de son empire
-pour délivrer celle qui le lui a donné, et l'avis
-que l'on a eu à Malte porte expressément que,
-quelque amour que le Grand Seigneur ait pour les
-sultanes captives, ce n'est toutefois que pour sa
-nourrice qu'il entreprend la guerre.</p>
-
-<p>Je vous avoue, Mademoiselle, que cela me remplit
-l'imagination d'une manière si burlesque, que je
-ne saurois m'empêcher d'en rire. Ce n'est pas que je
-ne voie quelque chose de beau et de généreux d'un
-côté; mais le revers de la médaille me semble plaisant;
-car enfin, ceux qui ont écrit ou inventé la
-guerre de Troie ont du moins dépeint la beauté d'Hélène
-si éclatante et si lumineuse que l'on n'est pas
-fort étonné de voir que toute la Grèce soit en armes
-pour l'amour d'elle, et que le feu de ses yeux ait
-embrasé une ville et détruit un empire. Je n'ai
-même point eu de peine à croire que Henri IV ne
-faisoit une armée de cinquante mille hommes que
-pour conquérir l'illustre princesse dont il étoit
-toutefois esclave. Mais de m'imaginer qu'un empire
-qui est composé de plusieurs empires et de
-plusieurs royaumes emploie toutes ses forces en
-une occasion où l'on verra le Grand-Seigneur en
-personne, avec deux cent mille combattants, n'avoir
-<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span>
-pour principal objet que pour recouvrer une
-vieille nourrice qui, même dans sa jeunesse, ne fut
-jamais belle (car j'ai vu un homme qui l'a vue depuis
-huit jours), c'est ce que je trouve si grotesque
-que j'en ferois volontiers faire un tableau, si
-je connoissois quelque excellent peintre ici qui
-pût exécuter ce que je lui dirois et ce que j'en
-pense. Celui que j'ai vu et qui vient de Malte m'a
-dit que l'on y traite fort bien ces prisonnières; on
-les a logées chez un juif de Constantinople qui
-s'est fait chrétien et qui y demeure depuis longtemps,
-afin qu'il les serve à leur mode, comme
-en effet, elles ne mangent qu'à la turque, c'est-à-dire
-sur de grands tapis jetés par terre, et sont
-entièrement servies à l'usage de leur pays. Ce qu'il
-y a d'étrange est que, de cinquante ou soixante
-femmes qu'elles sont, qui sont, à ce que l'on dit,
-admirablement belles, excepté la nourrice qui ne
-le fut jamais, comme je l'ai dit, il est impossible
-de discerner laquelle est la sultane ou la s&oelig;ur,
-tant elles apportent de soin à se traiter entre elles
-également. On sait bien, par les avis que l'on a de
-Constantinople, qu'elles y sont, mais de savoir
-lesquelles ce sont, c'est ce qui ne se peut, et de
-tout ce grand nombre, la seule nourrice s'est fait
-connoître, si l'on en veut excepter celle qui se fit
-connoître en s'empoisonnant après la mort de son
-mari. Toutes ces femmes paroissent assez constantes
-dans leur captivité. Mais ce qui m'étonne
-est d'avoir su que, dans un temps où il me semble
-que Malte devroit plus être dans la retenue
-<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span>
-que jamais, il y ait eu des réjouissances dans les
-trois derniers jours du carnaval, qui ressembloient
-bien plus au Paradis des Turcs qu'à un divertissement
-de religion. Toutes les sultanes des chevaliers,
-ou, pour les nommer par leur nom, toutes
-les courtisanes de Malte étoient déguisées par les
-rues avec une magnificence si grande qu'il y en
-avoit telle qui avoit pour plus de cinquante mille
-écus de pierreries. Je pense que ceux qui les
-leur ont données feroient mieux de les leur ôter
-pour les vendre, que d'engager des commanderies
-comme ils font pour subvenir à la guerre.</p>
-
-<p>Mais c'est assez parlé de celle-là, il faut que je
-vous parle de celle que M<sup>lle</sup> de Rambouillet et
-vous avez faite à M. Chapelain, qui n'a sans doute
-pas été aussi cruelle que l'autre le sera, mais que
-je trouve beaucoup plus injuste; car enfin, Mademoiselle,
-vous savez mieux que vous ne dites qu'un
-galant n'est pas pour moi; et il est si peu vraisemblable
-qu'après avoir été le vôtre il pût jamais
-être le mien, que je ne sais comme vous osez me
-le vouloir persuader. Mais, pour vous parler un
-peu plus sérieusement, j'ai beaucoup de joie de
-savoir qu'il n'abandonnera point la <i>Pucelle</i> et que
-vous ne le perdrez pas<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor">&nbsp;[275]</a>. Je m'assure que vous ne
-me refuserez pas la grâce de le lui témoigner,
-quoiqu'il semble que vous soyez un peu jalouse,
-et que vous m'accorderez encore celle de rendre à
-<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span>
-M<sup>me</sup> de Clermont les soumissions que je lui dois,
-à Mesdemoiselles ses filles des marques de ma passion
-à leur service, et à vous-même les assurances
-que je vous donne d'être, avec toute la sincérité
-imaginable,</p>
-
-<p class="sig">Votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MARQUISE DE MONTAUSIER</b></span><a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor">&nbsp;[276]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Août 1645.]</p>
-
-<p class="titel">Madame,</p>
-
-<p>Le respect que je dois à M<sup>me</sup> la marquise
-de Rambouillet n'ayant pas été assez puissant
-pour m'empêcher de prendre la liberté de lui écrire
-après la perte qu'elle a faite<a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor">&nbsp;[277]</a>, je pense que vous
-ne trouveriez pas à propos que je me servisse de
-cette raison auprès de vous pour autoriser mon
-silence, que vous auriez sujet de vous plaindre de
-moi si j'espérois moins de votre bonté que je n'ai
-attendu de la sienne, et si je ne croyois certainement
-que vous me pardonnerez avec la même indulgence
-qu'elle m'a pardonné. C'est sur cette confiance,
-Madame, qu'aussitôt que j'ai su le retour
-de votre santé, j'ai pris la résolution de vous témoigner
-<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span>
-la part que je prends à votre déplaisir,
-n'ayant pas osé vous donner cette importunité dans
-un temps où vous aviez besoin de toute votre patience
-pour supporter tout à la fois la violence
-d'une maladie et celle de votre affliction.</p>
-
-<p>Ce n'est pas qu'à considérer ce que je suis, je ne
-dusse craindre d'irriter votre douleur au lieu de la
-soulager par un discours qui sans doute n'a rien que
-de rude et de sauvage, et rien qui vous puisse plaire;
-mais comme les acclamations des peuples, quoique
-tumultueuses et peu agréables d'elles-mêmes par le
-bruit confus qu'elles causent, ne déplaisent jamais
-à ceux pour qui on les fait, de même, Madame, je
-suis persuadée que les plaintes ne sauroient incommoder
-les personnes affligées, quand même
-ces plaintes ne seroient pas faites de bonne grâce.
-Les heureux peuvent quelquefois avoir refusé de
-magnifiques présents, ou par générosité, ou
-comme les croyant indignes d'eux; mais les
-affligés, si je ne me trompe, n'ont jamais guère refusé
-de larmes de ceux qui leur en ont voulu donner.
-C'est un tribut et un hommage si précieux
-que le ciel même s'en contente, puisque ce n'est
-que par des larmes que l'on peut apaiser sa fureur
-quand il est irrité. En effet, lorsque les larmes
-sont véritables, et que les yeux ne font que
-ce que le c&oelig;ur leur enseigne, c'est le témoignage
-le plus tendre que nous puissions donner de notre
-affliction. Je n'entends pas, Madame, de ces larmes
-qui sont plutôt une marque de la foiblesse de
-ceux qui les répandent, que de la sensibilité de
-<span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span>
-leur esprit; mais j'entends parler de ces larmes
-généreuses qui ne paroissent que parce qu'on ne
-les en peut empêcher, et qui sont plutôt réservées
-pour les malheurs des personnes qui nous sont
-chères, que pour les nôtres. Recevez donc, s'il vous
-plaît, Madame, celles que j'ai données à la perte
-que vous avez faite de M. le marquis de Pisani,
-quoiqu'elles ne soient pas dignes de vous être
-offertes; je les devois sans doute à son extrême
-mérite, et je les devois aussi à votre extrême vertu.
-Quand je n'aurois pas eu l'honneur de le connoître
-et de savoir ce qu'il valoit, je n'aurois pas
-laissé de le regretter beaucoup pour votre seule
-considération; mais quand aussi j'aurois été privée
-de la gloire d'être connue de vous, je ne laisserois
-pas d'être fort touchée de sa perte, par la connoissance
-que j'avois de ses rares qualités.</p>
-
-<p>Jugez après cela, Madame, si le ressentiment que
-j'en ai doit être médiocre, ou, pour mieux dire, s'il
-ne doit pas être extrême, quand je considère que
-vous avez été en un même temps chargée de votre
-propre douleur et de celle de M<sup>me</sup> la marquise
-qui sans doute ne vous a pas été moins sensible
-que la vôtre; qu'en versant des larmes vous étiez
-obligée d'épuiser les siennes; qu'en rejetant les
-consolations que l'on vous donnoit vous tâchiez
-pourtant de la consoler. J'avoue, Madame, que je
-ne puis assez admirer la grandeur de votre âme et
-la fermeté de votre esprit. Il ne faut pas toutefois s'étonner
-si vous savez si bien user des malheurs qui
-vous arrivent, quoiqu'ils ne vous soient pas ordinaires.
-<span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span>
-Une personne qui ne s'est pas laissée éblouir
-par la gloire qu'elle possède depuis qu'elle jouit de
-la lumière, n'a eu garde de se laisser accabler par
-l'affliction; il ne faut pas plus de force à supporter
-le malheur qu'à bien user de la bonne fortune.</p>
-
-<p>Ainsi, Madame, bien loin de m'étonner de
-votre constance, je m'étonnerois si vous en aviez
-manqué. Toutes les actions de votre vie sont
-des miracles continuels. Vous avez assemblé toutes
-les vertus en votre âme, et c'est sans doute
-pour cette raison que vous avez acquis cette approbation
-universelle qui fait que toute la terre
-vous adore, et certes, à dire les choses comme
-elles sont, il ne faut pas trouver étrange si vous
-êtes aussi propre à combattre les grandes douleurs
-qu'à résister aux grandes prospérités, vous, dis-je,
-qui êtes accoutumée à vaincre les monstres,
-dont la victoire est bien plus difficile à remporter,
-puisqu'on ne le peut faire à moins que de vaincre
-presque toute la terre. Oui, Madame, s'il m'étoit
-permis, en un temps où vos yeux sont encore
-couverts de larmes, de vous parler des glorieux
-avantages qu'ils ont remportés, je dirois que nous
-avons vu les plus belles personnes de votre sexe
-et de votre siècle ne le paroître plus auprès de
-cette beauté majestueuse qui n'inspire pas moins
-de respect que d'adoration à tous ceux qui la voient.
-Mais je me contenterai de dire seulement que nous
-avons vu les lumières de votre esprit éclairer
-toute la Cour, et obscurcir pourtant tout ce qui
-s'en est approché; l'éclat de votre vertu ne trouver
-<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span>
-rien qui l'égalât, hors de l'hôtel de Rambouillet,
-et que nous n'avons pourtant point vu paroître
-l'envie ni la médisance pour vous attaquer. Vous
-les avez vaincues sans les combattre; l'admiration
-toute seule vous a suivie partout où vous avez
-été; tout le monde vous a rendu hommage avec
-joie, tout le monde vous a cédé avec autant de
-plaisir que de justice, et vous avez enfin fait une
-chose que nulle autre que vous n'a jamais faite,
-qui est de vaincre sans résistance. Mais je ne songe
-pas que je n'ai eu aujourd'hui dessein que de
-vous offrir des larmes, et qu'en un jour de deuil
-vous ne voudriez pas recevoir les honneurs du
-triomphe. Je m'assure toutefois, Madame, que du
-moins vous ne refuserez pas les assurances que je
-vous donne de la continuation de mon très-humble
-service, et du dessein que j'ai d'être toute ma
-vie, avec autant de respect que de passion, Madame,</p>
-
-<p class="sig">Votre très-humble et très-obéissante
-servante.</p>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET.</b></span><a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor">&nbsp;[278]</a></p>
-
-<p class="dater">Marseille, 10 décembre 1645.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Le courrier étant arrivé un jour plus tard qu'il
-n'a de coutume, à cause du mauvais temps qu'il
-<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span>
-dit avoir eu par les chemins, fait que je n'ai quasi
-pas loisir de relire vos lettres pour y répondre.
-Ce n'est pas que je ne pusse avoir encore plus de huit
-heures pour cela, n'étoit que je suis engagée dès
-hier de mener aujourd'hui huit ou dix de nos dames
-marseilloises à Notre-Dame-de-la-Garde, qui
-veulent voir arriver M. le cardinal de Lyon<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor">&nbsp;[279]</a>, que
-l'on attend ici de moment en moment, parce que
-s'étant ennuyé d'attendre les galères que le vent
-contraire a fait relâcher aux îles Sainte-Marguerite,
-il a pris quatre chaloupes du Grand-Duc pour s'en
-venir. Toutes les femmes l'attendent ici avec tant
-d'impatience que les sultanes du sérail n'en ont
-pas davantage, à ce que je crois, lorsque
-le Grand-Seigneur doit revenir de quelque expédition de
-guerre. Cette pensée sent un peu le voisinage
-d'Alger, mais je n'y saurois que faire. Vous savez
-que je n'ai pas accoutumé de vous cacher les folies
-qui me passent dans l'esprit; et puisque vous
-m'en avez bien pardonné à Paris, vous m'en
-pardonnerez bien encore en un pays où effectivement
-on voit tous les jours des gens que l'on peut dire
-qu'ils traitent ensemble de Turc à Maure, puisqu'ils
-le sont. L'on dit ici toutes les vérités fâcheuses
-sans scrupule et sans déguisement; et la
-franchise y est si grande que, si l'on y cache quelque
-chose, ce ne sont que les bonnes qualités que
-<span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span>
-l'on remarque en ses plus chers amis. La charité
-ailleurs veut que l'on fasse un secret des défauts
-de son prochain; mais ici, de peur qu'il ne tombe
-en vaine gloire, l'on ne le loue jamais, quelque
-bien qu'il fasse.
-
-Je vous en dirois davantage, mais je n'en ai pas
-le loisir. Quelque pressée que je sois, je vous supplierai
-toutefois de témoigner à M. Conrart la joie
-que m'a donnée sa lettre; elle est si pleine d'esprit
-et de douceurs, que je ne sais comme j'y pourrai
-répondre. Ç'auroit pourtant été dès cet ordinaire,
-sans la partie que je vous ai dite; car, comme
-vous savez, je ne me pique pas de belles lettres,
-et lorsque je prétends que les miennes ne sont pas
-importunes, c'est seulement par l'amitié que vous
-avez pour moi. Je ne manquerai donc pas d'écrire
-la semaine prochaine à toutes les personnes à qui
-je dois des remercîments. M. de la Mesnardière<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor">&nbsp;[280]</a>,
-recevra aussi, s'il vous plaît, mes excuses; et pour
-ses affaires je n'ai point de conseil à donner où vous
-êtes, étant certain que ce que votre raison ne trouvera
-pas, celle des autres le chercheroit vainement.
-Vous le conseillerez sans doute comme il le doit
-être; c'est pourquoi il ne me reste à désirer, sinon
-que l'événement de vos conseils soit heureux.
-Vous me ferez aussi la faveur de remercier M. de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span>
-Vergne<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor">&nbsp;[281]</a> de ses soins et de ses bons offices. Vous
-savez, Mademoiselle, ce que je vous ai dit de lui
-en plusieurs rencontres; c'est pourquoi je ne vous
-dirai pas à quel point je suis sa servante. Au
-reste, ne craignez pas que je m'accoutume jamais
-aux lieux où je suis, ni que je me désaccoutume
-jamais de vous; il y a des maux que l'habitude
-amoindrit, mais il y en a d'autres qui deviennent
-plus insupportables par la suite du temps. Les
-plus violentes douleurs, quand elles sont de peu
-de durée, se peuvent souffrir sans murmures, et
-les plus petites, quand elles sont continues, ne se
-peuvent endurer sans se plaindre. Jugez donc si
-celle que me donne votre absence est de nature à
-m'y pouvoir accoutumer, et si, ayant perdu un
-trésor inestimable je puis m'en consoler facilement.
-En vérité, Mademoiselle, je ne vous dis pas tout
-ce que je sens, car comme je sais que vous êtes
-sensible, j'aurois peur que ma mélancolie ne fût
-contagieuse pour vous. Adieu, on m'attend, et je
-n'ai pas loisir de vous dire ce que je suis à M<sup>me</sup> et
-à M<sup>lles</sup> de Clermont; mais, comme vous le savez il y
-a longtemps, vous le leur direz pour moi, s'il vous
-plaît.
-
-J'oubliois de vous dire qu'il court un bruit ici
-que M. le chevalier de la Motte a été arrêté, comme
-il s'en alloit à Lyon; quelques-uns disent que c'est
-<span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span>
-pour avoir apporté ici, dans sa galère qui revint
-de Barcelone il y a trois semaines, quarante-quatre
-mille pistoles, que l'on dit être ici entre les mains
-de quelques-uns de ses amis. Le temps éclaircira
-toutes choses. Mon frère m'a dit qu'il veut répondre
-lui-même à ce que vous me dites pour lui
-dans ma lettre.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE MARIE DUMOULIN</b></span><a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor">&nbsp;[282]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Marseille, 21 août 1647.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Comme la reconnoissance est un pur sentiment
-du c&oelig;ur, plutôt qu'un raisonnement de l'esprit,
-j'ai cru qu'encore que je fusse dans tout l'embarras
-que peut causer un voyage de deux cents lieues,
-que j'espère commencer dans une heure, je ne
-devois pas attendre que j'eusse plus de loisir que
-je n'en ai à vous rendre grâce de la faveur que
-vous m'avez faite de m'envoyer le portrait de
-M<sup>lle</sup> de Schurman<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor">&nbsp;[283]</a>. La diligence, qui donne un si
-grand prix à toutes sortes de bons offices, doit, ce
-me semble, en donner aussi à la gratitude, et il
-vaut beaucoup mieux faire une civilité un peu en
-tumulte, que donner loisir à une personne généreuse
-<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span>
-comme vous d'oublier ses propres bienfaits
-auparavant qu'elle en ait reçu les remercîments.
-Recevez donc, Mademoiselle, toutes les grâces que
-je vous rends, mais recevez-les, je vous en conjure,
-comme venant d'une personne que votre rare
-vertu vous a absolument acquise, et qui met au
-nombre de ses plus glorieuses aventures celle de
-votre connoissance et de votre affection. Et certes,
-à dire vrai, vous m'en donnez des marques d'une
-façon si obligeante qu'il faudroit être également
-stupide et insensible pour n'en être pas touchée.
-Toutes les amitiés commencent d'ordinaire par de
-simples connoissances, et ce n'est que dans leurs
-suites et dans leurs progrès qu'il est permis d'espérer
-de bons offices et d'attendre de grands témoignages
-de générosité et de tendresse, mais, pour
-la vôtre, on peut dire qu'elle tient quelque chose
-de la nature de l'amour (s'il est tel qu'on nous
-dépeint); elle n'est pas plutôt, qu'elle est officieuse,
-agissante et libérale jusques à tel point qu'elle
-donne ce que l'on doit préférer à tous les trésors et à
-toutes les richesses imaginables. En effet, le portrait
-d'une personne aussi illustre que M<sup>lle</sup> de Schurman,
-envoyé par une main aussi chère que celle de M<sup>lle</sup> Dumoulin
-et reçu par un aussi honnête homme que
-M. Conrart, est une faveur si signalée, que rien
-ne la sauroit égaler. Aussi vous puis-je assurer
-que je la vante comme je dois, et pour vous témoigner
-le respect que je porte à la merveilleuse fille
-dont vous m'avez envoyé l'image, je n'ai pas voulu
-qu'après avoir passé les mers pour venir en France
-<span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span>
-à ma considération, elle eût encore la peine de
-me venir trouver à Marseille, et j'ai cru que je
-devois bien aller d'un bout du royaume à l'autre
-et passer pour le moins plusieurs rivières, pour
-recevoir un si grand honneur et un si grand plaisir.
-Ce n'étoit pas sans doute au bord de la mer Méditerranée
-que je devois attendre le portrait de
-M<sup>lle</sup> de Schurman, et le voisinage d'Alger a rendu
-Marseille trop barbare pour mériter cette gloire.
-Véritablement, si elle eût encore été ce qu'elle étoit
-du temps que Rome même, à ce que j'ai ouï dire,
-s'abaissoit jusques à envoyer quelques-uns de ses
-citoyens pour apprendre les sciences de ces fameux
-Grecs dont elle étoit habitée, je vous avoue que je
-n'en aurois pas usé ainsi; mais comme il ne reste
-même plus nuls vestiges des maisons de ces savants
-hommes qui l'ont rendue si célèbre, et que
-le temps n'a pas seulement épargné le marbre et
-le bronze qui en pouvoient perpétuer la mémoire,
-je pense que Paris est le seul lieu où on lui doit
-offrir de l'encens. Souffrez donc que je vous quitte
-pour lui aller rendre ce devoir, et que je vous assure
-en vous quittant que je ne perdrai jamais le
-souvenir de ce que je vous dois, ni l'envie de vous
-témoigner, par quelque agréable service, à quel
-point je suis, Mademoiselle,</p>
-
-<p class="sig">Votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span>
-<span class="small"><b>A M. CONRART.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[1647].</p>
-
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b>
-Souffrez que je m'arrête et que j'admire en
-même temps le savoir de M. Rivet, et l'esprit de
-Mademoiselle sa nièce<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor">&nbsp;[284]</a>. Sans mentir, je ne vis
-jamais rien de plus galamment pensé, ni de plus
-noblement exprimé, que ce que cette excellente personne
-vous a écrit, et il y a un caractère si aisé,
-si aimable et si spirituel en cette lettre, que je ne
-m'étonne pas si M<sup>lle</sup> de Schurman a fait sa s&oelig;ur
-d'alliance de l'excellente fille qui l'a écrite. Vous
-me ferez sans doute bien la grâce de l'assurer
-que, hors l'intérêt de la Pucelle, je ferai toujours
-gloire de suivre ses sentiments sans consulter les
-miens, et de soumettre ma raison à la sienne,
-qui est infiniment plus éclairée; mais comme il
-n'y a que des personnes peu généreuses qui cèdent
-quand on leur résiste, elle me pardonnera si
-je tâche de repousser la force par la force, et si
-après lui avoir rendu louange pour louange et
-civilité pour civilité, je fais ce que je puis pour
-répondre à ses objections, car puisqu'elle a pris
-le parti de Monsieur son oncle contre son propre sexe,
-ce sera aussi à elle seule que je demanderai raison
-de ce que lui et elle vous ont écrit. Elle dit que
-M. Rivet n'a pas eu d'intention de rabattre rien de
-<span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span>
-la gloire de cette héroïne, mais de faire voir seulement
-combien il est difficile à une fille de conserver
-sa réputation toute pure en allant à la
-guerre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. CHAPELAIN</b></span><a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor">&nbsp;[285]</a>.</p>
-
-<p class="dater">7 [décembre] 1649.</p>
-
-<p>J'ai lu deux fois l'endroit du billet que vous
-avez écrit à mon frère, où vous témoignez souhaiter
-que je vous mande mon sentiment sur les
-deux sonnets qui sont en contestation, n'osant pas
-croire que vous me fissiez un honneur dont je suis
-indigne; mais après m'être résolue de vous obéir,
-je vous dirai, sans complaisance aucune, que celui
-d'Uranie me plaît infiniment plus que l'autre, et
-vous ne me devez pas soupçonner d'en avoir en
-cette rencontre, puisqu'au contraire il me semble
-qu'une personne comme moi fait quelque tort à
-une princesse dont l'esprit est aussi éclairé que
-celui de M<sup>me</sup> de Longueville, de penser ce qu'elle
-pense<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor">&nbsp;[286]</a>. Ainsi, Monsieur, croyez, s'il vous plaît,
-que je parle sincèrement. Les deux derniers vers
-du sonnet de Job, s'il m'est permis d'en parler de
-<span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span>
-cette sorte, ont quelque chose de joli et de délicat,
-mais il en faut lire onze, pour les trouver; de
-plus, je vous avoue que j'ai l'imagination un peu
-délicate, et que comme je ne puis jamais entendre
-nommer Job sans avoir l'esprit rempli de toutes
-ces vilaines choses dont il est environné, je ne
-puis souffrir qu'un galant, qui doit être propre, se
-compare à lui. En effet, Monsieur, ce sujet-là a
-quelque chose de si opposé aux Muses, que celles
-qui inspirent les peintres ne leur ont jamais
-guère donné l'envie d'en faire des tableaux, du
-moins sais-je bien que l'on n'en avoit point ni de
-Raphaël, ni du Titien, ni du Poussin. Mais, pour
-le sonnet d'Uranie, j'avoue que je le trouve si
-beau, que s'il y avoit une autre personne au
-monde que M<sup>me</sup> de Longueville qui eût toute la
-beauté du corps, toutes celles de l'esprit, et toutes
-les vertus de l'âme, et que quelqu'un en osât être
-amoureux, je lui conseillerois de se servir de ce
-sonnet pour exprimer sa passion; et ce qui fait
-que je le trouve d'autant plus ingénieux, c'est
-que, faisant une protestation d'amour, il fait un
-éloge. Vous voyez, Monsieur, que je ne sais point
-vous résister, et que je vous obéis ponctuellement.
-C'est pourquoi ne me demandez rien que de juste.
-<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span>
-Je vous parle ainsi, parce que je vous avoue que
-je doute un peu si ce que vous avez désiré de
-moi l'est, et si je n'ai pas eu tort de vous l'accorder.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. GODEAU, ÉVÊQUE DE VENCE</b></span><a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor">&nbsp;[287]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Paris, 22 février 1650.]</p>
-
-<p>Ayant su par une de vos lettres que vous me
-faisiez l'honneur de souhaiter que je vous écrivisse
-le peu de nouvelles qui viennent à ma connoissance,
-j'avoue que j'eus quelque peine à croire
-que mes yeux ne me trompoient pas, ou que vous
-ne vous fussiez pas trompé vous-même, en mettant
-mon nom pour celui d'un autre; étant certaine
-que je n'ai pas une des qualités nécessaires
-pour rendre ma correspondance agréable en matière
-de nouvelles. Je ne suis pas fort exposée au
-monde; les gens que je vois ne sont pas de
-la nouvelle faveur; et quand je saurois même
-une partie de ce qui se passe, je ne saurois pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span>
-assez bien écrire pour vous divertir. Néanmoins,
-comme je suis persuadée que la plus légitime
-excuse ne sauroit jamais valoir une obéissance
-aveugle, je ne veux point me servir de toutes celles
-que je pourrois employer pour me dispenser de
-faire ce que vous souhaitez, lorsque je saurai
-quelque chose de digne d'être su de vous.</p>
-
-<p>C'est pourquoi, pour commencer dès aujourd'hui,
-je vous dirai que l'on ne sait point encore
-avec certitude en quel lieu est M<sup>me</sup> de Longueville,
-et que, depuis le jour qu'elle se sauva du château
-de Dieppe<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor">&nbsp;[288]</a>, avec deux de ses filles seulement et
-quatre gentilshommes, l'un desquels est le sieur
-Saint-Ibalt, et l'autre Tréry, l'on n'a pas pu encore
-<span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span>
-découvrir précisément quelle a été sa route,
-ni quel est son asile. Il y a du moins apparence
-que Dieu sera son protecteur; car on m'écrit de
-Normandie qu'après qu'elle eut pensé tomber
-dans la mer, et qu'une de ses filles eut aussi failli
-être noyée, elle se confessa et monta à cheval un
-moment après, se préparant à ce funeste voyage
-comme si elle eût dû mourir.</p>
-
-<p>Sans mentir, Monsieur, le renversement de la
-maison de M. le Prince et de celle de M. de Longueville
-est une étrange chose, car on voit tant
-d'innocence et de persécution ensemble, qu'il
-n'est pas possible de n'être pas touché de leur
-malheur. M. le Prince s'est pourtant trouvé l'âme
-plus grande que son infortune; car, depuis
-qu'il est prisonnier, il n'a pas dit une parole indigne
-de ce même c&oelig;ur qui lui a fait gagner
-quatre batailles et acquérir tant de gloire. Après
-avoir entendu la messe, il s'occupe la moitié du
-jour à lire, et il partage l'autre à converser avec
-Monsieur son frère, à jouer aux échecs avec lui, à
-railler avec ses gardes, et même, pour faire exercice,
-il joue au volant avec eux. Il s'est confessé une fois
-depuis qu'il est prisonnier, mais on ne veut plus
-lui donner le même confesseur: enfin on le garde
-mieux que le roi.</p>
-
-<p>Il y a trois jours que M. de Beaufort, accompagné
-de M<sup>me</sup> de Chevreuse et de M<sup>me</sup> de Montbazon,
-fut au bois de Vincennes, dans un carrosse de
-louage, afin de n'être point connu, pour voir de
-ses propres yeux si une muraille que l'on a bâtie
-<span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span>
-sur la contrescarpe des fossés du donjon étoit
-assez haute pour qu'il fût impossible que M. le
-Prince se pût sauver. Je vous avoue que cette
-action ne me semble pas trop belle, ni pour
-les dames, ni pour Beaufort, qui, tant que le
-prisonnier a été libre, ne s'approchoit qu'en lui
-faisant des soumissions d'esclave. Il est vrai qu'un
-héros de la place Maubert ne doit pas être de
-même manière qu'étoient autrefois ceux qui triomphoient
-au champ de Mars ou au Capitole.</p>
-
-<p>Au reste, pendant que toutes choses changent
-en France, toutes choses changent aussi dans le
-c&oelig;ur de M. de Guise; car, pour recouvrer sa
-liberté, il rompt les chaînes de M<sup>lle</sup> de Pons, et
-reprend M<sup>me</sup> la comtesse de Bossu, qui va être
-reconnue pour M<sup>me</sup> de Guise<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor">&nbsp;[289]</a>.</p>
-
-<p>Vous savez sans doute que la garnison de Clermont
-s'est soulevée en l'absence de M. de la
-Moussaye, et qu'ainsi le parti du maréchal de
-Turenne en est plus foible; mais on assure, dès
-ce matin, que le duc de Wurtemberg assiége
-Mouzon. Les ennemis font de grands préparatifs
-en Flandre, et le mal est que l'on n'est pas en état
-de s'y opposer.</p>
-
-<p>La cour est à Rouen, d'où elle doit partir pour
-revenir ici. On dit aussi que le duc de Richelieu
-est enfin venu assurer le roi de sa fidélité, et qu'en
-<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span>
-considération de cette obéissance, son mariage est
-confirmé par la reine, à la condition qu'il aura un
-lieutenant du roi dans son gouvernement et que la
-garnison en sera changée. Je ne sais pas encore
-ce que M<sup>me</sup> d'Aiguillon dit de cela; mais je sais
-bien que l'amour du duc de Richelieu lui coûte
-déjà trop, et qu'il lui auroit été toujours plus avantageux
-d'être maître du Havre absolument, que
-de régner dans le c&oelig;ur d'une femme comme
-M<sup>me</sup> de.....<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor">&nbsp;[290]</a>.</p>
-
-<p>Je viens de recevoir une lettre de Rouen, qui
-m'apprend que cette nouvelle duchesse y est aussi,
-et que M. le Cardinal la devoit présenter hier à la
-Reine, chez laquelle elle devoit avoir le tabouret.
-L'on me mande que cela hâte le départ de la cour,
-qui quitte Rouen aujourd'hui<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor">&nbsp;[291]</a>. M. de Matignon est
-aussi venu remettre le gouvernement de Granville
-et celui de Cherbourg entre les mains de Sa
-<span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span>
-Majesté, ensuite de quoi on a commandé à ce
-lieutenant du roi et à M. de Beuvron de suivre
-la cour.</p>
-
-<p>On m'écrit encore que M<sup>me</sup> de Longueville fut
-droit de Dieppe au château de Tancarville, qui est
-à Monsieur son mari. On m'assure qu'il y a quatre
-jours elle s'est embarquée pour la Hollande.</p>
-
-<p>Voilà, Monsieur, tout ce que je sais pour aujourd'hui;
-cependant je ne puis me résoudre de
-ne vous point parler de M<sup>lle</sup> Paulet, de qui les
-maux me touchent encore plus que les affaires
-publiques, quoique l'amour de la patrie soit bien
-avant dans mon c&oelig;ur. Je veux pourtant espérer
-que vos prières lui feront obtenir la santé de
-celui seul pour qui il n'y a point de maux incurables;
-mais je ne songe pas qu'en ne finissant
-une si longue lettre je vous donnerois lieu de
-croire que je veux vous en lasser pour la première
-fois; c'est pourquoi je m'en vais finir aussitôt que
-je vous aurai assuré, avec le respect que je vous
-dois, que je suis autant que je puis, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[Paris, 8 septembre 1650.]</p>
-
-<p class="titel">Monsieur,</p>
-
-<p>Vous me reprochez si flatteusement mon mauvais
-caractère, que ce n'est pas un trop bon moyen
-de m'en corriger; car, puisqu'en écrivant mal je
-<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span>
-vous oblige enfin de m'en reprendre plus doucement
-qu'à me dire<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor">&nbsp;[292]</a> que j'écris bien, je ne sais si
-je ne ferois pas mieux de continuer de faillir que
-de m'amender.</p>
-
-<p>Souffrez, s'il vous plaît, que je prenne toute la
-part que je dois aux maux de votre esprit et de
-votre corps. Pour les premiers je ne pense pas
-que vous ayez besoin d'autre médecin que de vous-même;
-mais, pour les autres, je pense que vous
-auriez besoin de venir trouver à Paris quelque
-remède à vos maux; car, de la façon dont je connois
-ceux de la province où vous êtes, je ne pense
-pas qu'ils vous puissent guérir d'un grand mal:
-c'est pourquoi il me semble que vous y devez
-songer sérieusement. Je vous demande pardon de
-la liberté que je prends de donner des conseils à
-un homme que tous les rois et les sages devroient
-consulter; mais s'agissant de la conservation
-d'une vie aussi précieuse que la vôtre, je pense
-qu'il vaut mieux dire une chose inutile que de se
-mettre au hasard de manquer à en dire une nécessaire.
-Je vis même encore hier un ouvrage de
-vous qui me fortifie dans le dessein de vous conjurer
-de prendre soin de votre santé; car, Monsieur,
-ne seroit-ce pas un crime si vous vous
-mettiez par votre négligence à la détruire, de façon
-que vous ne puissiez plus enrichir votre siècle
-comme vous l'avez fait jusqu'ici?</p>
-
-<p>Vous jugez bien, je m'assure, que cette nouvelle
-<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span>
-richesse que j'ai vue de vous est l'admirable poëme
-que vous avez fait à la gloire de la <i>Grande Chartreuse</i><a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor">&nbsp;[293]</a>
-que M. Conrart eut la bonté d'envoyer hier
-à mon frère et à moi. Après vous en avoir rendu
-mille grâces, je vous dirai que ce beau désert m'a
-sensiblement touchée, et que la sainte horreur de
-cette solitude a passé si doucement de vos vers
-dans mon esprit, que la compagnie que j'ai vue
-aujourd'hui m'a plutôt ennuyée qu'elle ne m'a
-divertie, parce qu'elle m'a empêchée de relire une
-seconde fois ce qui m'a donné tant de satisfaction
-la première. Mais, Monsieur, puisque vous faites
-si bien toutes choses et que vous représentez également
-bien les cours les plus superbes et les déserts
-les plus sauvages, je voudrois que vous
-pussiez voir ce que je vis hier, je veux dire la
-prison de M. le Prince, afin que vous pussiez
-laisser à la postérité une parfaite image de la
-constance de ce héros; car je ne pense pas qu'il
-y ait un endroit dans le monde où il y ait une
-tour plus agréable par dehors ni si affreuse par
-dedans. Cependant, comme on dit que la nécessité
-fait des armes de toutes choses, je pense qu'on
-peut dire que M. le Prince tire de la gloire
-de tout ce qui lui arrive, car vous saurez que depuis
-qu'on l'a mené à Marcoussis<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor">&nbsp;[294]</a> le donjon de
-Vincennes est devenu l'objet de la curiosité universelle.
-<span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span>
-En mon particulier j'y vis hier plus de
-deux cents personnes de qualité, à qui on montre
-le lieu où il dormoit, celui où il mangeoit, l'endroit
-où il avoit planté des &oelig;illets qu'il arrosoit
-tous les jours, et un cabinet où il rêvoit quelquefois
-et où il lisoit souvent. Enfin, Monsieur, on va
-voir cela comme on va voir à Rome les endroits
-où César passa autrefois en triomphe. Je vois
-même dans un cabinet plusieurs épigrammes
-écrites avec du charbon, ou gravées sur la muraille,
-qui ne parlent que de ses victoires ou de
-ses louanges; mais ce que j'y vois de plus surprenant,
-c'est que, durant que j'y étois, M. de
-Beaufort y vint avec M<sup>me</sup> de Montbazon, à qui
-il faisoit voir toutes les incommodités de ce
-logement, triomphant lâchement du malheur
-d'un prince qu'il n'oseroit regarder qu'en tremblant,
-s'il étoit en liberté. Pour moi, j'eus tant
-d'horreur de voir de quel air il fit la chose, que
-je n'y pus durer davantage. En vérité, je pense
-qu'on peut dire que nous sommes au temps des
-<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span>
-prodiges et des miracles tout ensemble, tant on
-voit de choses extraordinaires.</p>
-
-<p>Je pense que vous avez bien su l'épouvante que
-les ennemis ont donnée à Paris, lorsqu'ils sont venus
-à la Ferté-Milon<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor">&nbsp;[295]</a> et que nous avons vu la
-capitale du royaume aussi alarmée qu'ont accoutumé
-de l'être les petites bicoques des frontières.
-Cependant j'espère que la même puissance qui retient
-la mer dans ses bornes, quoique ses rivages
-ne la doivent pas vraisemblablement empêcher
-d'inonder la terre, empêchera les ennemis de venir
-ici, encore qu'il n'y ait point de rivière entre eux
-et nous, et qu'il n'y ait pas même d'armée qui pût
-s'opposer à leur marche, s'ils le vouloient. Ce qui
-me fait espérer ce bien, est que l'on assure qu'il y
-a déjà une partie de leur cavalerie qui a repassé la
-rivière d'Aisne. Nous verrons par le retour de
-<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span>
-M. de Verderonne<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor">&nbsp;[296]</a>, qui est allé porter la réponse
-de M. le duc d'Orléans à l'archiduc, ce que l'on
-doit craindre ou espérer.</p>
-
-<p>Mais, pendant que les ennemis ravagent la
-Champagne et la Picardie, sans qu'on puisse seulement
-penser à les en empêcher, les Frondeurs
-emploient tout ce qu'ils ont d'adresse et de crédit
-pour obliger M. le duc d'Orléans à mettre les
-princes sous sa puissance, afin de les avoir en la
-leur. On assure même qu'il leur avoit promis de
-le faire; mais M. le garde des sceaux<a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor">&nbsp;[297]</a>, M. le Tellier
-et M<sup>me</sup> de Chevreuse l'ont empêché jusqu'à
-cette heure, car encore que cette dernière soit
-grande Frondeuse, elle est pourtant présentement
-divisée de M. de Beaufort, et même de M. le Coadjuteur,
-pour ce qui regarde M. le Prince; de
-sorte que, par ce moyen, les amis de cet illustre
-captif sont en quelque espérance de voir bientôt
-la cour dans la nécessité de faire une négociation
-secrète avec lui, afin de délivrer le royaume de
-tant de tyrans qui l'oppriment.</p>
-
-<p>Les affaires de Bordeaux sont toujours douteuses;
-peut-être que les députés du Parlement
-qui y vont, trouveront quelque expédient aux
-<span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span>
-choses<a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor">&nbsp;[298]</a>. M. de Rohan est à la cour, et M. le maréchal
-de Grammont aussi; l'accommodement de
-M. le comte de Dognon est fait<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor">&nbsp;[299]</a>.</p>
-
-<p>Le roi a obligé la reine à chasser une de ses
-femmes de chambre, parce qu'elle lui avoit révélé
-une chose qu'il lui avoit confiée, quoique ce fût
-celle qu'il aimoit le plus, et ce qu'il y a de plus
-considérable, est que ce qu'il avoit dit à cette fille
-étoit qu'il lui avoit témoigné avoir beaucoup de
-douleur de voir les affaires de son royaume en si
-mauvais état. Jugez, s'il vous plaît, de ce qu'il
-fera quand il sera marié, puisqu'il agit présentement
-ainsi<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor">&nbsp;[300]</a>.</p>
-
-<p>Voilà, Monsieur, tout ce que je vous dirai, car
-je m'aperçois bien que si je vous en disois davantage,
-vous ne le pourriez plus lire, tant j'ai pris
-une forte habitude de mal faire. Je vous dirai
-pourtant encore que mon frère est votre très-humble
-serviteur, et que je suis de toute mon
-âme, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[Paris.... octobre 1650.]</p>
-
-<p>Je ne crois nullement mériter toutes les louanges
-que vous me donnez, et je crois seulement que
-me faisant l'honneur de m'aimer parce que votre
-illustre et chère Angélique<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor">&nbsp;[301]</a> m'aimoit tendrement,
-vous n'êtes pas marri que je me donne l'honneur
-de vous entretenir. Au reste, avant que de vous
-dire des nouvelles, il faut que je vous dise que les
-vers que vous avez envoyés à M<sup>me</sup> de Clermont
-m'ont fait verser plus de larmes qu'ils n'ont de
-syllabes<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor">&nbsp;[302]</a>. Il me semble, Monsieur, qu'en vous
-dépeignant la douleur qu'ils ont excitée dans mon
-c&oelig;ur, c'est en faire l'éloge. En effet, vous représentez
-si agréablement cette merveilleuse fille, que
-l'on peut assurer que jamais portrait n'a si
-bien ressemblé que celui que vous avez fait
-d'elle. De plus, vous touchez avec tant de délicatesse
-l'endroit où vous parlez de l'amitié que vous
-aviez pour elle et de celle qu'elle avoit pour vous,
-qu'il ne faut pas s'étonner si, ayant l'âme aussi
-tendre que je l'ai, j'en ai été extraordinairement
-satisfaite, et si mon c&oelig;ur s'en est attendri; car
-enfin vous dites cent choses que j'ai senties pour
-elle, mais que je n'eusse jamais pu si bien dire;
-je vous rends donc mille grâces d'être cause que
-<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span>
-j'aurai la consolation de voir une peinture de la
-divine Angélique, plus durable et plus belle que
-ne le sont celles de Raphaël. En vérité, Monsieur,
-je ne me console point de la perte de cette généreuse
-amie, et je trouve une si notable différence
-de l'amitié qu'elle avoit pour moi à celle qu'ont
-quelques autres personnes qui m'aiment pourtant
-autant qu'elles peuvent aimer, que, quand elle
-n'auroit eu qu'un médiocre mérite, je la regretterois
-toute ma vie. Jugez donc ce que je dois faire,
-vous qui savez mieux ce qu'elle valoit que qui que
-ce soit. Si je suivois mon inclination, je ne vous
-parlerois d'autre chose; mais puisque je me suis
-imposé la nécessité de vous dire ce que je sais des
-nouvelles du monde, il faut que je m'en acquitte.</p>
-
-<p>Vous saurez donc que l'entrevue de la reine et
-de M<sup>me</sup> la Princesse<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor">&nbsp;[303]</a> a tellement épouvanté toute
-la Fronderie, qu'il est aisé de juger que vous
-aviez raison de dire que, <i>si le lion rugissoit en
-liberté, il feroit fuir tous ses ennemis</i>. Il est vrai que
-cette entrevue, aussi bien que celle de MM. de
-Bouillon et de la Rochefoucauld avec M. le Cardinal<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor">&nbsp;[304]</a>,
-a des circonstances qui font croire que leur
-peur n'est pas tout à fait sans fondement; car non-seulement
-la reine reçut admirablement bien
-M<sup>me</sup> la Princesse, mais elle l'entretint très-longtemps
-en particulier; on ajoute même qu'il paroissoit,
-par l'air du visage de cette jeune princesse,
-<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span>
-que ce que la reine lui disoit lui donnoit de
-la joie. De plus, M. de Bouillon coucha chez M. le
-Cardinal, et il court un bruit que le neveu de Son
-Éminence épousera la fille aînée de ce duc. Enfin,
-personne ne doute que la paix de Bordeaux n'ait
-plusieurs articles secrets que la Gazette ne dit pas,
-et les politiques les plus fins disent que M. de
-Bouillon est trop habile pour s'attirer la haine de
-M. le Prince, comme il feroit sans doute s'il
-avoit fait un traité secret où il n'eût point de part.
-Ce qui étonne encore les Frondeurs est que M. l'abbé
-de la Rivière a eu permission, avec le consentement
-de Son Altesse Royale, de partir d'Aurillac, et de
-venir à son abbaye de Saint-Benoît, auprès d'Orléans.
-Outre cela, ils savent encore que cette même
-Altesse a écrit plusieurs fois de sa main à la reine
-et à M. le Cardinal, sans leur en rien dire. Ils
-n'ignorent pas non plus que M. le Tellier a été ces
-jours passés à Marcoussis. Ils savent encore que
-M. l'intendant a reçu ordre de faire un dernier
-effort pour contenter les rentiers, de peur qu'ils ne
-se servent d'eux pour faire quelque nouveau remuement
-à Paris. M. le Coadjuteur, en son particulier,
-sait bien que Son Altesse Royale ne peut
-plus souffrir sa domination, et il ne peut pas
-ignorer que la cour n'ait su qu'il a fait tout ce
-qu'il a pu pour obliger M. le duc d'Orléans à se
-rendre maître des princes prisonniers, à quelque
-prix que ce fût. Il a même tenu des discours sur
-cela qui font horreur.</p>
-
-<p>Outre toutes ces choses, les Frondeurs voyent
-<span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span>
-encore que l'ardeur du peuple pour <i>l'Amiral du
-Port au foin</i><a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor">&nbsp;[305]</a> est fort ralentie, de telle sorte qu'il
-n'y a plus guères que le quartier des halles où on
-le salue, si bien que présentement la Fronderie
-est un peu chancelante. Dieu veuille qu'elle ne se
-raffermisse pas, et que ceux qui ont le dessein de
-faire de la France ce que Cromwel et Fairfax ont
-fait de l'Angleterre, ne puissent jamais avoir de
-crédit!</p>
-
-<p>On dit que la Cour avoit dessein d'aller en Languedoc
-et en Provence; mais Son Altesse Royale
-la presse si fort de revenir qu'on croit en effet
-qu'elle reviendra<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor">&nbsp;[306]</a>.</p>
-
-<p>Ceux de Melun ont refusé deux fois, depuis
-quinze jours, d'obéir aux ordres de M. le duc
-d'Orléans, qui vouloit que ses gendarmes y logeassent;
-et quand on leur a dit qu'ils s'exposoient
-beaucoup, ils ont répondu que M. de Beaufort les
-avoit assurés de sa protection, et qu'ils ne craignoient
-rien. Le retour du Roi fera voir s'ils ont
-raison.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> de Chevreuse et M<sup>me</sup> de Montbazon<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor">&nbsp;[307]</a> sont
-toujours plus mal, et elles vont même plaider. Le
-sujet du procès est digne du temps et des personnes;
-car M<sup>me</sup> de Chevreuse demande cent mille
-écus qu'on lui a promis en mariage; à cela M<sup>me</sup> de
-<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span>
-Montbazon dit qu'elle a une quittance de M. de
-Chevreuse, et M<sup>me</sup> de Chevreuse répond que monsieur
-son mari l'ayant donnée du temps qu'il étoit
-amoureux de M<sup>me</sup> de Montbazon, elle ne prétend
-pas qu'elle soit bonne.</p>
-
-<p>Voilà à peu près tout ce que je sais; mais puisqu'il
-semble que vous avez envie que je vous dise
-exactement tout ce qui regarde Monsieur le Prince,
-pour vous témoigner mon exactitude, je vous dirai
-que, lorsque je fus au donjon, j'eus la hardiesse
-de faire quatre vers et de les graver sur une pierre
-où Monsieur le Prince avoit fait planter des &oelig;illets
-qu'il arrosoit quand il y étoit. Mais, pour porter
-encore ma hardiesse plus loin et vous faire voir
-que j'ai plus de zèle que d'esprit, je m'en vais vous
-les écrire:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>En voyant ces &oelig;illets qu'un illustre guerrier</p>
-<p>Arrosa d'une main qui gagna des batailles,</p>
-<p>Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles,</p>
-<p>Et ne t'étonne pas de voir Mars jardinier<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor">&nbsp;[308]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Je m'assure, Monsieur, que vous ne me disputerez
-pas la dernière chose que je vous ai dite;
-aussi ne vous envoyé-je point ces quatre vers
-comme jolis, mais comme une marque de la confiance
-que j'ai en votre bonté.</p>
-
-<p>Je vous dirai encore que mon frère envoya hier
-à Monsieur le Prince la cinquième partie du <i>Cyrus</i>;
-mais comme on ne parle qu'à M. de Bar qui lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span>
-avoit déjà donné la quatrième, lorsqu'il étoit à Vincennes,
-il écrivit à mon frère qu'il ne manqueroit
-pas de donner son livre à Monsieur le Prince aussitôt
-qu'il l'auroit lu<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor">&nbsp;[309]</a>. Ce qu'il y a de plus rare,
-c'est qu'il écrit si mal qu'il s'en faut peu que je
-ne croye qu'il ne sait pas lire, et pour juger de sa
-suffisance en matière d'écriture, il écrit <i>doute</i>
-avec une <i>h</i>; encore est-ce le mot le mieux orthographié.</p>
-
-<p>Au reste, Monsieur, si l'on ne nous avoit pas
-donné quelque espoir que vous viendriez bientôt
-ici, mon frère vous auroit déjà envoyé le livre dont
-je viens de parler, et vous auroit aussi renvoyé
-une seconde fois celui qui a été perdu; mais sachant
-cette agréable nouvelle, il se prépare à vous
-les offrir lui-même, et moi à vous protester que
-je suis de toute mon âme, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[Paris, 4 novembre 1650.]</p>
-
-<p>Tant que M. Conrart est en santé, je vous écris
-plus pour mon intérêt que pour le vôtre, sachant
-bien qu'il vous apprend toutes les nouvelles avec
-beaucoup d'exactitude et beaucoup d'éloquence
-<span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span>
-tout ensemble; mais aujourd'hui que cet illustre
-ami est malade, il me semble que c'est à moi à
-vous apprendre les choses remarquables que la
-bizarrerie du siècle produit tous les jours.</p>
-
-<p>Je vous dirai donc que, depuis un mois ou six
-semaines, on vole si insolemment dans les rues de
-Paris, qu'il y a eu plus de quarante carrosses de
-gens de qualité arrêtés par ces <i>messieurs les voleurs</i>,
-qui vont à cheval, et presque toujours quinze
-ou vingt ensemble. Mais, comme nous sommes
-dans un temps de confusion, ceux qui devroient
-donner ordre à de telles violences ne s'en sont
-point mis en peine, de sorte que, voyant que l'on
-pouvoit voler impunément, tous ceux qui se sont
-trouvés pauvres et méchants se sont mis à dérober:
-je vous laisse à juger après cela quelle multitude
-de voleurs il doit y avoir. On les auroit pourtant
-laissés maîtres des rues de Paris, sans une chose
-qui arriva samedi au soir, et qu'il faut que vous
-sachiez.</p>
-
-<p>Je pense que, quelque éloigné que vous soyez
-de Paris, vous avez bien su que les yeux de M<sup>me</sup> de
-Montbazon ont assujetti le c&oelig;ur du <i>Roi des Halles</i>,
-autrement appelé M. de Beaufort; mais vous ne
-savez peut-être pas que cet amant va tous les soirs
-chez la duchesse, et qu'il n'en sort, qu'à deux
-ou trois heures après minuit. Il arriva donc qu'étant
-allé, samedi dernier au soir<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor">&nbsp;[310]</a>, chez elle, il ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span>
-la trouva point; mais comme il ne se pouvoit
-passer de la voir, et que pourtant il vouloit souper,
-il dit tout haut au portier qu'il s'en alloit à
-l'hôtel de Vendôme et qu'il reviendroit à onze
-heures. L'histoire porte que, quand il dit cela au
-portier de l'hôtel de Montbazon, deux hommes
-inconnus, qui s'étoient avancés auprès du carrosse,
-l'entendirent et se retirèrent; mais la chose est
-un peu douteuse. Cependant, comme M. de Beaufort
-fut auprès de la Croix du Tiroir<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor">&nbsp;[311]</a>, il changea
-d'avis, et résolut de souper à l'hôtel de Nemours
-et de renvoyer son carrosse à l'hôtel de Vendôme,
-ordonnant à son écuyer de le lui ramener à onze
-heures, chez M<sup>me</sup> de Montbazon, où un carrosse
-de l'hôtel de Nemours le mena aussitôt qu'il eut
-soupé.</p>
-
-<p>Comme ce bon prince ne va jamais sans être
-bien accompagné, ni sans armes, deux gentilshommes<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor">&nbsp;[312]</a>
-et deux valets de chambre, qui revinrent
-dans son carrosse, avoient des pistolets et des
-mousquetons, qui ne leur servirent cependant qu'à
-causer le malheur qui est arrivé. Car, comme ils
-furent auprès de la Croix du Tiroir, vingt hommes
-à cheval ayant environné le carrosse et commandé
-au cocher d'arrêter, un des deux gentilshommes,
-qui étoit au fond du carrosse, tira un mousqueton
-<span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span>
-qu'il avoit et blessa un des voleurs<a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor">&nbsp;[313]</a>, de sorte
-qu'au même instant un de ceux qui attaquoient
-s'élança dans le carrosse et donna un coup de poignard
-à celui qui touchoit le gentilhomme qui
-avoit tiré ce mousqueton. Un moment après, plusieurs
-coups de pistolets suivirent ce coup de poignard,
-un desquels acheva de tuer ce pauvre
-malheureux qui étoit déjà blessé, et un autre brûla
-l'oreille de celui qui étoit au fond du carrosse et
-qui avoit tiré le premier. Cela fait, les voleurs, qui
-virent un des leurs blessé, tellement qu'il ne pouvoit
-se soutenir, s'en allèrent sans rien prendre à
-ceux qui étoient dans le carrosse, et emportèrent
-leur compagnon blessé.</p>
-
-<p>Cependant le carrosse de M. de Beaufort fut à
-l'hôtel de Montbazon où il y eut un bruit tel que
-vous pouvez l'imaginer. Ce pauvre malheureux
-<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span>
-qui avoit été tué à la place où M. de Beaufort se
-met d'ordinaire, fut tiré de ce carrosse et exposé
-aux yeux du peuple jusqu'au lendemain après-midi.
-M. de Beaufort envoya à l'heure même chez
-tous ses amis. La chose passa dans son esprit pour
-un assassinat, et il ne s'en retourna chez lui qu'en
-état de donner bataille.</p>
-
-<p>Cependant le peuple n'a point fait de bruit de
-cet accident durant les premiers jours, et M. de
-Beaufort a vu que son règne est changé. Mais
-comme les Frondeurs sont toujours tout prêts à
-renouveller les désordres passés, ils ont fait dire
-parmi le peuple que c'étoit M. le Cardinal qui avoit
-fait faire cet assassinat. Dans le même temps, ils
-ont aussi fait publier que c'étoient les amis de
-Monsieur le Prince, et ils n'ont rien oublié pour tâcher
-à faire quelque soulèvement. Mais, par bonheur,
-celui de ces voleurs qui a été blessé, s'étant
-fait panser à trois chirurgiens différents, a été reconnu
-et pris; de sorte que présentement il est en
-prison, et il y a apparence qu'on lui fera dire la
-vérité. Il a déjà assuré qu'il n'avoit dessein que de
-voler, et que, si ceux du carrosse n'eussent point
-tiré, il n'y eût eu personne de tué. Il a nommé
-tous ses complices, et on en a déjà pris deux; de
-sorte que, devant qu'il soit trois jours, on saura
-la vérité de cette funeste aventure, qui fait tant de
-bruit dans le monde, et dont les Frondeurs prétendent
-tirer tant de fruit.</p>
-
-<p>Je n'oserois vous dire qui l'on a soupçonné de
-cette affaire, car cela seroit abominable, et il vaut
-<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span>
-mieux remettre à l'ordinaire prochain que la chose
-sera éclaircie.</p>
-
-<p>Au reste, il semble que M. de Beaufort soit destiné
-à porter la division partout, car il n'a pas
-plus tôt loué une maison dans la rue de Quinquenpoix,
-où jamais prince n'a logé, qu'il y a eu division
-entre deux paroisses, qui prétendent l'avoir
-toutes deux pour paroissien, l'une parce que de
-tout temps la maison où il va demeurer a été de
-Saint-Nicolas, et l'autre qui est de Saint Leu, parce
-que M. de Beaufort, voulant être voisin des marchands
-de la rue Saint-Denis, a fait faire une porte
-qui y donne, de sorte que, comme cet endroit de
-la rue Saint-Denis est de la paroisse Saint-Leu, le
-curé de cette église prétend que, faisant une porte
-plus grande dans cette rue que n'est l'ancienne
-porte dans la rue Quinquenpoix, la maison doit
-changer de paroisse et être de la sienne. On verra
-ce que les juges en ordonneront s'ils plaident; on
-dit qu'ils en ont le dessein.</p>
-
-<p>On vient de me dire que des gens conduits par
-des Frondeurs ont été la nuit dernière<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor">&nbsp;[314]</a>, avec tambour
-battant, pendre un portrait de M. le Cardinal
-à un poteau qui est auprès du Pont-Neuf, avec un
-arrêt écrit au dessus, qui porte que, pour l'assassinat
-commis en la personne de M. de Beaufort, il
-est condamné à être pendu: mais le jour n'eut
-pas plus tôt fait voir la chose, que le Lieutenant
-<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span>
-criminel a été faire dépendre ce tableau, et informer
-comment cela s'étoit passé. Je ne pense pourtant
-pas que la Fronderie puisse venir à bout de
-soulever le peuple; toutefois les affaires de Bordeaux
-se rebrouillent; M<sup>me</sup> la Princesse douairière
-a été bien malade, mais elle est hors de danger<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor">&nbsp;[315]</a>.
-La Reine a aussi été saignée trois fois pour un
-grand rhume dont elle est guérie. Il n'est pas de
-même de M. de Guise, qui est très-mal.</p>
-
-<p>Cependant les pauvres prisonniers sont toujours
-entre l'espérance et la crainte, et les choses sont
-présentement en tel état, qu'on ne sait ce que l'on
-doit penser; car enfin, on voit que tout le monde
-fait le contraire de ce qu'il devroit faire. Il faut
-du moins que ceux qui ne sont pas exposés au
-tumulte du monde se fassent sages aux dépens
-d'autrui. C'est pour cela que je m'examine moi-même,
-afin de régler mes sentiments que je suis
-assurée qu'on ne peut condamner, du moins pour
-ce qui vous regarde, puisque je ne pense pas que
-le déréglement puisse être assez grand dans l'esprit
-des hommes, pour trouver que je n'ai pas
-raison de vous honorer autant que je vous honore,
-et d'être autant que je suis, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Paris, 18 novembre 1650.</p>
-
-<p>Je ne vous écrirai pas longtemps aujourd'hui,
-car je suis attendue en un lieu où je me suis engagée
-d'aller il y a plus de huit jours. Je me hâte
-de vous dire que la Cour est enfin revenue à Paris<a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor">&nbsp;[316]</a>.
-M. de Beaufort fut chez la Reine le lendemain;
-mais il n'en fut pas bien reçu; car à peine fut-il
-entré, qu'elle dit que l'on se retirât, et en effet le
-<i>Roi des halles</i> sortit sans avoir dit une parole. En
-sortant, il rencontra sur l'escalier le Cardinal qui
-montoit. Ils se saluèrent comme des gens qui
-craindroient de s'enrhumer, car on assure qu'ils
-enfoncèrent plutôt leurs chapeaux qu'ils ne les
-levèrent; il est vrai qu'ils passèrent si vite qu'ils
-n'eurent pas le loisir de s'observer longtemps.</p>
-
-<p>J'oubliois de vous dire que le jour qui précéda
-le retour du Roi, on avoit rompu sur la roue trois
-des voleurs qui ont tué ce gentilhomme de M. de
-Beaufort, qui dirent toujours qu'ils n'avoient dessein
-que de voler, de sorte que voilà le prétendu
-assassinat mal prouvé.</p>
-
-<p>Mais, Monsieur, j'ai bien une plus pitoyable
-chose à vous dire; c'est que mercredi on fit partir
-MM. les Princes pour aller au Havre. Je vous
-avoue que quand je vois ce gagneur de batailles et
-ce preneur de villes, qui a sauvé trois fois l'État,
-<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span>
-aller de prison en prison, j'en ai une compassion
-étrange. Il a reçu cette nouvelle avec sa constance
-ordinaire; il fit même une raillerie délicate sur ce
-que c'est M. le comte d'Harcourt<a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor">&nbsp;[317]</a> qui les escorte
-avec mille hommes de pied et cinquante chevaux<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor">&nbsp;[318]</a>.
-A dire vrai, cet emploi est bien étrange, car enfin,
-il a présentement le gouvernement d'un des princes
-qu'il mène. Je n'aurois pas aimé d'avoir cette conformité
-avec les bourreaux qui ont la dépouille de
-ceux qu'ils font mourir; car M. ***, capitaine aux
-gardes, a refusé d'y aller, on dit même que Miossens<a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor">&nbsp;[319]</a>
-a feint d'être malade pour ne s'y trouver
-pas. On mena ces pauvres princes, mercredi, coucher
-à Versailles; ils versèrent en y allant, et le
-prince de Conti qui se trouva dessous, fut une
-heure évanoui sur un fossé. Ils devoient hier coucher
-à Houdan, aujourd'hui à Anet, et demain à
-un lieu que j'ai oublié; après quoi ils iront au
-Pont-de-l'Arche, de là à Jumièges, puis à Bolbec et
-de là au Havre. Jugez quelle douleur a M. de Longueville,
-de passer en cette posture dans son gouvernement.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span>
-Monsieur le Cardinal a envoyé faire compliment
-à M<sup>me</sup> la Princesse sur sa maladie, et la prier de
-ne pas s'alarmer sur le changement de prison de
-MM. les Princes; qu'il l'assuroit que ce ne seroit
-pas pour longtemps, et qu'il alloit faire tout ce
-qu'il pourroit pour mettre les choses en tel état
-que la Reine les pût délivrer sans danger. Dieu
-veuille que cela soit bientôt! car j'avoue que c'est
-une chose honteuse à la Reine et à notre nation, de
-voir les injustices que l'on voit.</p>
-
-<p>Je ne pensois pas vous en pouvoir tant dire. Je
-ne vous dis pourtant pas la moitié de ce que je
-pense, ni la centième partie de ce que l'on dit;
-mais on m'attend, je n'ai plus que le temps de
-vous assurer que je suis autant que je le dois, etc.</p>
-
-<p class="titre"><b>AU MÊME.</b></p>
-
-<p class="dater">[Paris, 30 décembre 1650.]</p>
-
-<p>Il y a quinze jours que j'étois si enrhumée, que
-je ne pus pas vous écrire, et il y en a huit que la
-curiosité de voir le service qu'on faisoit, aux Cordeliers,
-à feue M<sup>me</sup> la Princesse<a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor">&nbsp;[320]</a>, et d'entendre la
-seconde oraison funèbre que devoit prononcer
-M. l'évêque de Vabres<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor">&nbsp;[321]</a>, l'emporta sur l'envie que
-j'avois de me donner l'honneur de vous entretenir,
-<span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span>
-joint que je crus que si j'allois en ce lieu-là, j'aurois
-plus de matière de vous divertir aujourd'hui.
-Je ne m'amuserai pourtant pas à vous dire qu'il y
-avoit plus de deux mille cierges à cette cérémonie,
-que le clergé et toutes les compagnies souveraines
-y étoient en corps, et que les ordres que
-M. le Prince a donnés de rendre tous les honneurs
-imaginables à M<sup>me</sup> sa mère, ont été exécutés, car
-la gazette vous l'aura appris; mais je vous dirai
-que M. l'évêque de Vabres a acquis grand honneur,
-et par l'action qu'il fit aux Augustins, lorsque
-le clergé honora feue M<sup>me</sup> la Princesse d'un
-service, et par celle qu'il fit depuis aux Cordeliers:
-car enfin, sans rien dire contre le respect qu'il
-doit à la Cour, il loua fort hardiment et les morts,
-et les exilés et les prisonniers. A sa première
-oraison funèbre, il prit pour sujet de son discours
-la dernière prière qu'a faite M<sup>me</sup> la Princesse, qui
-fut, si je ne me trompe: <i>In te, Domine, speravi,
-non confundar in æternum</i>; et comme ce psaume
-a été appelé par quelques-uns le psaume des captifs,
-cet évêque se servit fort heureusement de cette
-favorable rencontre. Après cela, il ne s'amusa
-point à louer M<sup>me</sup> la Princesse ni de sa beauté, ni
-de sa grande naissance; ou s'il le fit, ce fut sans
-s'y arrêter, et en disant qu'il laissoit toutes ces
-choses aux poëtes et aux orateurs. C'est pourquoi
-il ne s'attacha qu'aux vertus, et entre les vertus il
-ne choisit que la patience et la charité, qui furent
-les deux parties de son discours. Vous pouvez
-juger, Monsieur, qu'il ne put parler de la patience
-<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span>
-de M<sup>me</sup> la Princesse, sans parler de la prison de
-MM. les Princes, et de l'exil de M. de Longueville;
-aussi le fit-il si généreusement et si sagement tout
-ensemble, qu'il toucha le c&oelig;ur de tous ceux qui
-l'entendirent.</p>
-
-<p>La seconde oraison ne fut pas tout à fait si
-hardie, parce qu'il parloit par le commandement
-du Roi; il ne se démentit pas pourtant. Il y eut de
-fort belles choses dans son discours; il prit le
-deuxième verset du même psaume dont il s'étoit
-servi la première fois, et joignit la persévérance
-aux deux autres vertus qu'il avoit attribuées à
-M<sup>me</sup> la Princesse. Il dit cependant encore qu'il
-falloit demander la liberté de cet illustre captif,
-dont les mains victorieuses étoient chargées de
-fers; mais qu'il ne la falloit demander qu'à Dieu
-et au Roi. Voilà, Monsieur, à peu près l'ordre des
-deux discours qui furent tous deux fort beaux.
-M. l'abbé Roquette en doit faire un aux Carmélites,
-mais j'espère que ce ne sera qu'a la fin des
-quarante jours.</p>
-
-<p>Je ne vous parle point des assemblées du Parlement,
-car vous les savez sans doute, et vous
-n'ignorez pas que présentement les Frondeurs font
-semblant de demander la liberté des Princes, car
-comme ils savent bien que mille arrêts du Parlement
-ne feroient pas tomber une pierre du Hâvre,
-ils ne craignent pas d'obtenir ce qu'ils font semblant
-de souhaiter. Si la Cour étoit bien conseillée,
-elle déchaineroit ce lion contre ceux qui la persécutent.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span>
-M. le duc d'Orléans n'est pas trop bien avec la
-Reine, et certes je pense qu'elle a raison de s'en
-plaindre, car enfin il voit tous les jours chez lui
-M. le Coadjuteur et M. de Beaufort, qui ne voient
-point le Roi, et qui font tous les jours ce qu'ils
-peuvent pour soulever le peuple et pour renverser
-l'État. La victoire de M. le maréchal du Plessis<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor">&nbsp;[322]</a>
-les a pourtant un peu mortifiés, car elle est venue
-justement au plus fort de leurs assemblées. On
-apporta hier soixante-cinq drapeaux à Notre-Dame,
-qui passèrent durant que messieurs du Parlement
-délibéroient. Il n'achevèrent point hier; je ne sais
-s'ils achèveront aujourd'hui. Si je l'apprends avant
-que de fermer ma lettre, je vous le dirai. La pluralité
-des voix alloit hier à remontrance.</p>
-
-<p>Il y avoit un homme dans leurs dernières assemblées
-qui ne sera pas des dernières, car il
-mourut hier au soir, fort regretté, aussi bien que
-M. d'Avaux son frère<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor">&nbsp;[323]</a>. Vous pouvez juger après
-cela que celui dont je parle est M. le président de
-Mesmes<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor">&nbsp;[324]</a>; il est mort du pourpre qui n'a pu sortir
-et qui l'a étouffé. La Cour y perd entièrement, et
-les Frondeurs y gagnent. On dit qu'il a disposé
-<span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span>
-de sa charge, sous le bon plaisir du Roi, en faveur
-de M. d'Irval, son frère; mais il y en a qui croient
-que M. le Tellier y prétend.</p>
-
-<p>On dit toujours que M. le Cardinal revient,
-mais on ne le sait pourtant pas avec certitude.</p>
-
-<p>Les habitants de Réthel, en reconnoissance de
-ce que ça été le conseil et la valeur de M. de Manicamp
-qui les a délivrés de la domination espagnole,
-lui ont donné une fort belle épée. Ils se
-sont engagés à perpétuité d'en donner une à tous
-les aînés de sa maison. Il me semble que cette
-marque d'honneur est plus belle qu'un bâton de
-maréchal de France.</p>
-
-<p>On vient de m'assurer qu'enfin ces messieurs
-les sénateurs ont achevé d'opiner. Voici comme on
-dit que la chose se passa: que messieurs les gens
-du Roi iront aujourd'hui trouver la Reine pour
-prendre jour et heure, afin que le Parlement lui
-fasse très-humbles remontrances pour la liberté
-des Princes; qu'ils enverront des députés à M. le
-duc d'Orléans, pour le supplier d'assister à toutes
-les assemblées qu'ils ont résolu de faire, jusqu'à
-ce que la Reine les ait satisfaits; que pour cet
-effet ils s'assembleront dès demain pour apprendre
-des gens du Roi la réponse de la Reine et pour
-délibérer dessus. On me vient aussi d'apprendre
-que le président de Blancmesnil, grand Frondeur,
-est à l'extrémité; ainsi, le bon et le mauvais parti
-auront chacun un protecteur<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor">&nbsp;[325]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span>
-Je trouverois peut-être bien encore quelque
-chose à vous dire, mais ma lettre est si longue
-que ce seroit abuser de votre patience. Il faut
-pourtant encore que vous ayez la peine de lire que
-mon frère est votre très-humble et très-obéissant
-serviteur, et que je suis autant que je le dois et
-que je le puis, etc., etc.</p>
-
-<p class="sig">Votre, etc.</p>
-
-<p class="titre"><b>AU MÊME.</b></p>
-
-<p class="dater">[Paris, 2 mars 1651.]</p>
-
-<p>Je vous écrivis une lettre si longue, il y a
-quinze jours<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor">&nbsp;[326]</a>, que je jugeai à propos, l'ordinaire
-passé, de ne vous pas accabler par un nouveau
-griffonnage..... Je pense que ceux qui voudroient
-chercher quelque liaison en écrivant les nouvelles,
-et passer insensiblement d'une chose à une autre,
-s'y trouveroient bien embarrassés, car tout ce
-qu'on sait au temps où nous sommes a si peu de
-rapport, qu'il faut de nécessité l'écrire fort irrégulièrement,
-principalement quand on n'a pas plus
-d'art que j'en ai.</p>
-
-<p>Quoi qu'il en soit, je vous dirai que M. le Prince
-fut, il y a trois jours, demander la permission à
-la Reine de marier son fils et M. son frère, le
-<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span>
-premier avec une des filles de M. le duc d'Orléans,
-et l'autre avec M<sup>lle</sup> de Chevreuse; et comme cette
-princesse n'est pas en état de rien refuser, elle accorda
-ce qu'on lui demandoit<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor">&nbsp;[327]</a>. Je ne vous dis
-point après cela que M. le duc d'Orléans et M. de
-Chevreuse ne refusèrent point M. le Prince, lorsqu'il
-fut faire la demande de ces deux princesses,
-car vous pouvez bien juger que cela est ainsi. Le
-pauvre prince de Conti a une telle envie de se marier,
-qu'il en est malade. Pour moi, j'avoue que
-je ne sais pas comment il a la hardiesse d'épouser
-une fille de M<sup>me</sup> de Chevreuse; je vis hier un
-homme qui me dit qu'il aimeroit mieux épouser
-quelque jeune sultane au sortir du sérail, que la
-fille d'une telle mère. Cependant quelque avancé
-que soit ce mariage, quoiqu'on ait envoyé à Rome
-pour avoir la dispense de tenir les bénéfices, que
-M. le prince de Conti ait nommé M. de Montreuil<a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor">&nbsp;[328]</a>
-pour titulaire, il y en a qui doutent encore qu'il s'achève,
-parce qu'on sait que M<sup>me</sup> de Longueville y
-a une aversion étrange. Le temps nous fera voir
-ce qui en sera.</p>
-
-<p>Pour M. le Cardinal, il est à Sedan, d'où il doit
-<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span>
-bientôt partir pour aller en Suisse, ou à Madrid.
-La Reine demanda encore huit jours, par la bouche
-de M. le duc d'Orléans, pour lui donner le loisir
-de sortir du royaume. Le Parlement les accorda,
-mais en même temps ces messieurs donnèrent un
-arrêt qui porte qu'on informera de ce qui s'est
-passé aux lieux où M. le Cardinal a couché depuis
-son départ de Dourlens. Le Parlement refusa aussi
-pour la seconde fois la déclaration du roi, touchant
-l'exclusion des étrangers et des cardinaux pour le
-ministère<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor">&nbsp;[329]</a>; mais comme je crois que cette seconde
-affaire, qui va mettre une grande division entre
-le clergé et le Parlement, vous est mandée par diverses
-personnes, je ne vous la dirai point, et je
-continuerai ma gazette en vous parlant de l'arrivée
-de M. d'Angoulême<a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor">&nbsp;[330]</a>, qui a été fort bien reçu
-de M. le Prince. Aussi vous puis-je assurer que
-tout ce qu'il y a de Provençaux ici commencent
-déjà de s'empresser fort auprès de lui, et sa cour
-est si grosse qu'on ne le sauroit croire à moins de
-l'avoir vue. Je voudrois de tout mon c&oelig;ur que
-tous les ennemis qu'il a dans votre province vissent
-ce qui se passe ici, afin que, se repentant,
-ils tâchassent à se raccommoder, et qu'ils se tinssent
-en repos; car enfin, il est constamment vrai
-que M. le Prince va être maître absolu des affaires.
-Je vous assure qu'il n'est pas sans occupation. Il
-<span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span>
-dîna hier chez M. le premier Président<a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor">&nbsp;[331]</a>, qui le
-traita avec une magnificence étrange. Il y avoit
-quatorze potages, quatorze plats de poisson, entre
-lesquels on compte un saumon de douze pistoles
-et une carpe de huit. Jugez du reste.</p>
-
-<p>Le roi a dansé un méchant ballet ces jours passés,
-quoique c'eût été de fort bonne grâce. Il le
-redansa hier pour la troisième fois<a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor">&nbsp;[332]</a>. Cela me fait
-ressouvenir de ces petits oiseaux qui chantent si
-bien et qui se réjouissent, quoiqu'ils soient prisonniers
-dans leurs cages; car enfin ce pauvre
-jeune Roi est présentement plus prisonnier qu'eux.
-On fit même encore hier deux barricades assez
-près du Palais-Royal. Je vous assure que ceux qui
-ont commencé de faire la garde aux portes ont
-donné une étrange atteinte à la royauté<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor">&nbsp;[333]</a>. Dieu
-veuille que M. le Prince la puisse un jour rétablir!
-car présentement il faut qu'il dissimule beaucoup
-de choses, et il le sait fort bien. Il paroît
-même plus dévot qu'il n'étoit; car, outre qu'il entend
-la messe tous les jours, il fait encore le carême,
-<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span>
-quoiqu'il ne l'ait jamais fait que depuis
-qu'il a été en prison.</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> de Longueville reviendra dans quinze jours;
-on dit qu'elle tâche à moyenner une trève générale
-ou particulière. On dit qu'on fera la garde
-jusqu'à ce qu'on ait établi un Conseil à la Reine,
-et qu'on ait éloigné des affaires toutes les créatures
-de M. le Cardinal.</p>
-
-<p>Le roi semble haïr tous ceux qui veulent abaisser
-son autorité, et, selon toutes les apparences, il
-se souviendra longtemps de tout ce qu'on lui fait
-aujourd'hui. Au reste, M. Bonneau<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor">&nbsp;[334]</a> est tellement
-en faveur, que je commence, pour l'amour de lui,
-à me réconcilier avec la Fortune, quoiqu'en mon
-particulier elle me traite rigoureusement. Tout de
-bon, je suis bien aise qu'un aussi honnête homme
-que lui ait du crédit.</p>
-
-<p>Après cela, je ne vous dirai plus rien, car il
-faut que j'aille au sermon. Plût à Dieu qu'au lieu
-de vous écrire, je vous pusse entendre! Tous vos
-amis disent qu'il est à propos que vous veniez
-ici; je le souhaite, et pour l'amour de vous, et
-pour avoir l'honneur de vous assurer que je suis
-avec toute sorte de respect et d'affection, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span>
-<span class="small"><b>A MONSIEUR CHAPELAIN</b></span><a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor">&nbsp;[335]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Du 25 avril 1653.</p>
-
-<p>Si je pouvois parler en raillant d'une chose
-aussi sérieuse que celle que j'ai à démêler avec
-vous touchant vos oiseaux, je pense que je vous
-dirois, que, tout éloquent que vous êtes, vous auriez
-besoin que l'on vous mît en cage pour vous
-apprendre à parler. Mais comme je prends beaucoup
-de part au ressentiment de M<sup>me</sup> Aragonnais,
-et que je suis même indirectement intéressée en
-l'injustice que vous lui faites, il faut que je vous
-dise plus sérieusement et plus véritablement, que
-si vous étiez aussi injuste en la distribution de
-vos louanges, que vous l'avez été depuis deux
-jours en celle de vos remercîmens, vous blâmeriez
-sans doute tout ce qui mérite d'être loué, et vous
-loueriez tout ce qui mérite d'être blâmé. En effet,
-Monsieur, vous remerciez M<sup>lle</sup> Robineau comme si
-elle vous avoit envoyé des oiseaux de Paradis; il
-n'y a pas un mot dans la lettre que vous lui avez
-écrite qui n'ait un sens galant et passionné; il n'y
-a pas une syllabe pour M<sup>me</sup> Aragonnais. Cependant,
-c'est elle que vous avez priée de vous faire
-<span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span>
-avoir des oiseaux; c'est elle qui a obligé M. de
-Grandmare de prendre la peine de vous en chercher;
-c'est elle qui en a pris tous les soins; c'est elle
-qui vous les a envoyés par un laquais qu'il y a
-très-longtemps qui la sert, qui a été cent fois chez
-vous de sa part, dont vous savez même le nom,
-et qui n'avoit pas changé de livrée le jour qu'il
-vous porta vos oiseaux.</p>
-
-<p>Au reste, si le nom des deux personnes dont il
-s'agit se ressembloit seulement autant que celui
-de M<sup>me</sup> de Chauvry et de M<sup>me</sup> de Givry, on pourroit
-dire que vous vous seriez trompé au nom
-de la personne qui vous envoyoit les oiseaux,
-soit en l'entendant de la bouche du laquais, soit
-en l'écrivant sur la lettre. Mais Aragonnais et
-Robineau ne rimeront jamais ensemble, et toutefois,
-sans qu'on en puisse presque dire la raison,
-vous confondez les deux personnes qui portent
-ces noms, fort injustement, en donnant tout
-à l'une, et rien à l'autre, en une occasion où
-M<sup>me</sup> Aragonnais toute seule devoit avoir reçu tous
-vos remercîments, puisqu'il est vrai que M<sup>lle</sup> Robineau
-n'a autre part en cette affaire, sinon qu'elle
-a douté si vous voudriez une cage dorée; de
-sorte que si vous n'aviez pas été étrangement
-préoccupé, au lieu de la remercier comme vous
-avez fait, vous vous seriez plaint de ce qu'elle
-ne vous croyoit pas assez magnifique, et vous auriez
-rendu à M<sup>me</sup> Aragonnais mille marques de reconnoissance
-de l'obligeant empressement qu'elle
-a eu pour vous faire avoir ce que vous avez souhaité.
-<span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span>
-Mais, à dire les choses comme elles sont,
-votre c&oelig;ur n'étant pas plus en liberté que vos oiseaux,
-il ne faut pas trouver si étrange tout ce que
-vous faites à l'avantage de M<sup>lle</sup> Robineau, quelque
-injuste qu'il soit. Je ne laisse pourtant pas de me
-plaindre, comme vous me le reprochez malicieusement,
-de ce que vous avez fait en cette rencontre,
-parce que je comprends bien que, puisque
-vous faites cette injustice à M<sup>me</sup> Aragonnais, vous
-m'en pourrez bien faire d'autres. Cependant, si
-vous voulez réparer cette faute, il faut que vous
-juriez solennellement, en présence de M. Conrart,
-que, tant que le printemps durera, vous vous souviendrez
-tous les matins de M<sup>me</sup> Aragonnais, dès
-que vos oiseaux commenceront à chanter, et que
-vous ne vous souviendrez point alors de M<sup>lle</sup> Robineau,
-quelque charmante qu'elle soit, et quelque
-plaisir que vous ayez de vous en souvenir; car, si
-vous ne le faites, M<sup>me</sup> Aragonnais se souviendra
-toute sa vie de votre injustice, et je m'en souviendrai
-aussi toujours, pour en craindre encore une
-plus grande de vous pour ce qui me regarde, que
-pour ce qui la touche. Pensez-y donc très-sérieusement.
-Et pour finir cette lettre par un proverbe
-de mon pays, croyez bien fortement que tout ce
-que je vous dis «ne sont pas des moineaux.»</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span>
-<span class="small"><b>LE MAGE DE SIDON (GODEAU) A SAPHO</b></span><a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor">&nbsp;[336]</a>.</p>
-
-<p class="dater">De Vence, le 7 février 1654.</p>
-
-<p>Un moment avant que de recevoir la lettre que
-vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je croyois
-avoir de l'esprit, mais maintenant que j'y veux
-répondre, je connois que je n'en ai plus; je pense
-toutefois avoir gagné en cette perte, et si je vous
-ai dit galamment que, pour vous, ma mémoire
-étoit dans mon c&oelig;ur; je vous dis à cette heure,
-très véritablement, que mon c&oelig;ur est dans mon
-esprit, de sorte qu'au lieu de vous pouvoir dire des
-choses jolies, galantes et spirituelles, pour répondre
-à celles que vous m'écrivez, je ne puis vous
-en dire que de tendres et de passionnées. Voilà
-un effet digne de la Sapho Mytilène, qui</p>
-
-<p class="quote">De chaque admirateur de son esprit charmant,<br />
-<span class="i3"> En faisoit son<b>.....</b></span></p>
-
-<p>Vous n'avez pas tant de peine à deviner une rime
-où la raison m'a conduit, qu'en eut le pauvre Phaon
-pour le nom qui étoit en blanc dans ces admirables
-vers que vous connoissez. Je ne sais si cette
-déclaration est d'un Mage dont vous avez fait un si
-agréable tableau. Mais, si elle n'a la délicatesse du
-dernier, elle a la sincérité du premier, qui ne vous
-dit point une fleurette d'amitié en vous parlant de
-cette sorte; mais qui vous explique grossièrement
-<span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span>
-ce qu'il a dans le c&oelig;ur. Oubliez donc que vous
-êtes la Sapho de Grèce; ne vous souvenez plus des
-galanteries et de l'esprit de Phaon, afin que le
-Mage de la Montagne vous soit supportable. Si
-vous croyez que l'odeur des jasmins et de la fleur
-d'orange soient capables de lui faire perdre la mémoire
-de Sapho, vous avez bonne opinion de son
-nez, mais vous l'avez fort mauvaise de son esprit
-et de son c&oelig;ur. Au contraire, tous ces objets me
-feront souvenir de vous fort agréablement. Voyant
-les perles, les émeraudes, et l'or de mes orangers,
-je vous en souhaiterai d'une autre nature moins
-fragile, et je penserai aux richesses de votre esprit
-qui valent mieux que toutes les pierres précieuses.
-Elles sont si abondantes que vous ne devez
-pas m'en être chiche.</p>
-
-<p>Écrivez-moi donc souvent, je vous en conjure,
-ma très précieuse Sapho, je n'oserois pas ajouter
-ma très chère, si l'amitié n'osoit, et ne pouvoit
-oser ce que la grimace de la civilité condamne.
-Vous devez juger à l'air de mes paroles que la
-foudre dont vous me menacez sur la fin de votre
-lettre, ne tombera point sur ma tête; et que vous
-avez plus la mine de ne pas bien répondre à mes
-sentimens, que je ne l'ai d'en conter à quelqu'autre,
-comme vous le reprochez malicieusement.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span>
-<span class="small"><b>RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON</b></span><a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor">&nbsp;[337]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Paris, le 20 mars 1654.</p>
-
-<p>Votre dernière lettre est si galante, que je ne
-puis concevoir qu'elle ait été faite par un Mage de
-montagne, et par un Mage solitaire. Sincèrement,
-si tous ceux qui se mêlent d'écrire des billets
-doux, et des billets galants, m'écrivoient comme
-vous en écrivez, il seroit assez difficile de ne souhaiter
-pas d'en recevoir tous les jours, pourvu
-qu'il n'y fallût pas répondre. Car, à vous dire la
-vérité, c'est une assez grande mortification, que
-de ne pouvoir vous rendre que des narcisses et
-des fleurs de prairie, pour du jasmin et de la fleur
-d'orange. J'ai, sans doute, le c&oelig;ur plus tendre
-que vous, mais je ne sais pourtant pas si bien
-l'art de dire des douceurs. Je ne sais si c'est que
-j'en ai autrefois plus écouté que je n'en ai dit, et
-que vous en avez plus dit que vous n'en avez
-écouté; mais je sais bien que vous savez mieux
-que moi comment il faut mêler le style galant au
-passionné, et comment il faut donner des louanges
-qui sentent encore plus la tendresse que l'estime.
-Ne vous prenez donc pas à mon c&oelig;ur, si ma
-lettre n'est pas assez douce; contentez-vous d'en
-accuser mon esprit, et croyez, s'il vous plaît,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Que si je voulois un amant,</p>
-<p>Il auroit, comme vous, l'esprit doux et charmant,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span></div>
-<p>Il seroit, comme vous, un galant agréable,</p>
-<p>Et mon c&oelig;ur, comme à vous, lui seroit favorable.</p>
-</div></div>
-
-<p>Après cela, Monsieur, il faut vous parler un peu
-plus sérieusement, et vous dire des nouvelles de
-notre très cher et très illustre malade, de qui la
-santé commence de revenir, et est pourtant encore
-très foible; mais j'espère que ce même soleil qui
-nous va bientôt donner des roses, lui redonnera
-de la force. Cependant, j'ai à vous dire que la dernière
-lettre que vous m'avez écrite a été son premier
-plaisir, car je ne lui fais pas de secret de notre
-galanterie, et ce seroit en effet grand dommage
-de la cacher à un tel confident que lui.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON</b></span><a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor">&nbsp;[338]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Paris, le 19 juin 1654.</p>
-
-<p>Lorsque je reçus votre dernière lettre, nous
-avions ici le plus beau temps du monde; mais à
-peine eus-je achevé de lire la description que vous
-me faites de la désolation de votre pays, qu'un effroyable
-coup de tonnerre, suivi d'une pluie terrible,
-et d'une grêle de grosseur extraordinaire,
-changea toute la face du ciel qui, depuis cela,
-ne nous a point paru avec sa beauté ordinaire. En
-vérité, il ne s'en faut guère que je ne croie que
-vous n'êtes pas seulement Mage, mais Magicien,
-et que c'est vous qui, par quelque enchantement,
-<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span>
-nous avez ôté tous nos beaux jours. Cependant, si
-toutes nos belles vous soupçonnoient de ce crime,
-vous seriez bien embarrassé à vous sauver de leur
-fureur. Car, enfin, elles ne peuvent presque aller
-au Cours, et celles qui s'obstinent à y vouloir aller,
-malgré le mauvais temps, y sont toutes défrisées,
-et n'y paroissent point belles. En mon particulier,
-comme je ne prends pas grand intérêt à
-cette promenade, je me consolerois aisément si le
-vent ne faisoit autre mal que de défriser des galans
-et de décoiffer des coquettes. Mais ce qu'il y a
-de pis, c'est que les blés sont déposés, si ce désordre
-de saison continue. Je veux pourtant espérer
-que ce malheur n'arrivera pas <b>. . . . .</b>
-<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-
-<p>On dit qu'il est difficile qu'il y ait de l'amour
-sans jalousie et de la jalousie sans amour. J'ai
-même bien de la peine quelquefois à n'en point
-avoir en amitié, et c'est ce qui me fait craindre que
-la vôtre ne soit un peu tiède; car vous n'êtes non
-plus inquiété de ce que font vos amies, que si vous n'y
-aviez nul intérêt. Il n'en est pas de même de moi,
-puisque je suis quelquefois jalouse de vos orangers,
-que je crois que vous aimez plus que vous ne
-m'aimez. Mais je ne songe pas, en parlant ainsi
-que je viens de dire, qu'il n'y a point de jalousie
-sans amour; pour ôter donc le scrupule, il faut y
-ajouter ces paroles: <i>ou sans amitié</i>; car, par ce
-moyen, je suis à couvert de toute mauvaise explication.
-Je voudrois bien vous en dire davantage,
-mais je n'ai plus de papier. Devinez le reste si
-<span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span>
-vous <b>. . . . . . . . . .</b> vous dire
-autre chose, sinon, que je suis pour vous tout<a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor">&nbsp;[339]</a>
-<b>. . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADAME LA COMTESSE DE MAURE</b></span><a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor">&nbsp;[340]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Octobre 1655.</p>
-
-<p>Foi de demoiselle, votre lettre est une des plus
-agréables lettres du monde. Mais, Madame, n'admirez-vous
-point qu'à l'exemple de M. de Bouillon
-qui disoit: Foi de prince, je n'ai pu m'empêcher
-de jurer, pour me donner un titre de noblesse,
-comme il le faisoit pour s'en donner un de principauté?
-Je sens même que j'ai quelque envie de
-dire que mon serment est peut-être mieux fondé
-que le sien. Mais, quoiqu'il en soit, l'histoire de
-votre lettre est une plaisante histoire, et la manière
-dont vous l'avez écrite est si ingénieuse, et
-fait si bien voir tous les personnages de cette
-aventure, que qui verroit un Tableau du Monde,
-de votre main, verroit une chose merveilleuse. Au
-reste, Madame, ceux qui s'imaginent qu'il faut du
-<span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span>
-marbre et du jaspe pour faire un très-beau palais,
-n'y entendent rien. Du moins, êtes-vous bien plus
-adroite qu'eux, puisqu'avec un enchaînement de
-toutes les folies que la vanité peut faire dire et
-penser, vous faites une des plus belles lettres que
-je vis jamais. Sincèrement, Madame, je crois la
-chose comme je la dis, et la flatterie n'y ajoute
-rien. Je vous en dirois davantage; mais j'ai l'imagination
-si remplie de cette princesse qui se baigne,
-de celle qui se couche, de cette dame qui s'assied
-et se relève, et de ce capucin qui se fourre
-là, comme diable à miracle, que je ne puis même
-penser sérieusement à ce que je vous écris. Il
-paroît bien, Madame, que cela est ainsi, car je
-vous écris les plus terribles mots du monde; et
-quand j'aurois été à la cour de la reine de Suède,
-je ne dirois guère pis. Mais, pour finir plus sagement,
-je vous en demande pardon, et je vous proteste
-avec vérité que je suis absolument à vous.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A UNE PERSONNE INCONNUE, QUI LUI AVOIT ENVOYÉ
-UN PRÉSENT.</b></span><a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor">&nbsp;[341]</a></p>
-
-<p class="dater">Mai 1656.</p>
-
-<p>J'avoue ingénument que je ne puis deviner qui
-vous êtes, et que je ne sais pas même si je vous
-dois nommer Monsieur, Madame ou Mademoiselle;
-<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span>
-mais qui que vous soyez, je dois vous
-louer et vous remercier, et je dois pourtant me
-plaindre de vous. En effet, vous avez une cruauté
-étrange de vous cacher à une personne qui, malgré
-toute sa mauvaise fortune, voudroit avoir plus
-donné qu'elle n'a reçu de vous, pour savoir votre
-nom; car je ne sache rien de plus cruel, que
-d'être obligée, sans savoir à qui on a de l'obligation.
-Mais je ne sache aussi rien de plus digne de
-louange, que d'avoir de la libéralité sans ostentation,
-et sans intérêt, puisqu'à mon avis, il n'y a
-guère de vertu qui soit plus souvent suspecte de
-vanité ou d'artifice que celle-là. Vous donnez, sans
-doute, de la plus généreuse manière du monde,
-car vous donnez à une personne qui, non-seulement
-ne vous a rien demandé, mais qui même
-n'aime point qu'on lui donne; à une personne
-qui ne vous connoît point, et qui ne pourroit,
-quand elle vous connoîtroit, vous rendre autre
-chose que des remercîments. Mais à ne mentir
-pas, je ne sais comment en faire à une personne
-inconnue. Montrez-vous donc, s'il vous plaît,
-puisque je ne puis parler à propos, si je ne sais à
-qui je parle.</p>
-
-<p>Au reste, il faut que je vous confesse qu'il y a
-des moments où je meurs de peur que vous ne
-me connoissiez guère mieux que je vous connois;
-car il semble que vous vouliez m'obliger à porter
-une couleur où je croyois avoir renoncé pour
-toute ma vie, et que je ne croyois plus pouvoir
-porter avec bienséance, si ce n'étoit en &oelig;illets,
-<span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span>
-en roses, ou en anémones, m'étant résolue à ne
-mettre plus que du bleu, du gris de lin, de l'Isabelle
-et du blanc. De grâce, pensez bien sérieusement
-si vous ne me prenez point pour une autre,
-et si votre présent est bien adressé; mais, sur toutes
-choses, ne vous opiniâtrez point à vous cacher
-à moi, si vous ne me voulez forcer d'aller au devin.
-Je crains bien, pourtant, que la science de
-cette sorte de gens ne se trouve courte en cette
-occasion; car, après tout, ils n'ont jamais rien vu
-de semblable. On les a souvent consultés pour découvrir
-ceux qui se cachent en dérobant, mais jamais
-ceux qui se cachent en donnant; et le plus
-expert de tous les devins, et la plus vieille devineresse
-s'étonneroient d'une telle nouveauté. Ne
-me contraignez donc pas d'en venir là, et donnez-moi
-lieu de vous..... j'ai pensé dire de vous embrasser;
-mais comme je viens de me souvenir de
-ce que j'ai dit au commencement de ce billet, et
-que je ne sais si je vous dois nommer Monsieur ou
-Madame, je n'ose en user si librement.</p>
-
-<p>Contentez-vous donc que je vous assure que je
-n'ai jamais rien souhaité avec plus d'ardeur, que
-d'avoir l'honneur de vous connoître, et de vous
-pouvoir rendre grâces de votre galante libéralité.
-Ce n'est pas qu'il n'y ait quelque espèce de commodité
-à pouvoir être ingrate innocemment; mais
-au hasard de rougir en vous voyant, je voudrois
-pourtant bien vous voir afin de vous pouvoir dire
-tout ce que je pense de vous. Peut-être avez-vous
-passé cent fois dans mon imagination, depuis que
-<span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span>
-j'ai reçu votre présent, et peut-être y êtes-vous encore
-tel ou telle que vous êtes. Je confesse néanmoins
-que vous avez cent fois changé de forme, et
-que vous m'avez paru tantôt belle, tantôt beau; tantôt
-galant, tantôt galante; tantôt douce et spirituelle;
-tantôt généreux et brave; tantôt avec une
-épée, tantôt avec un éventail; tantôt avec une soutane,
-tantôt avec un cordon bleu; tantôt avec une
-belle et magnifique jupe, et tantôt avec un bréviaire;
-et Voiture ne voyoit pas sa belle inconnue
-avec tant de beautés différentes que je vous ai vu ou
-vue en habillements différens. Faites donc cesser
-toutes ces illusions qui m'importunent; vous le
-pouvez par une seule parole, puisque vous n'avez
-qu'à me dire votre nom, et vous m'obligerez beaucoup
-plus sensiblement que vous ne m'avez obligée
-en me faisant un magnifique présent.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor">&nbsp;[342]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Paris, ce lundi 9<sup>me</sup> d'octobre 1656.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Accablé de soucis sans nombre,</p>
-<p>J'allois mélancolique et sombre,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span></div>
-<p>Comme font ceux qui sont partis</p>
-<p class="i2"> De l'aimable Carisatis.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et j'étois déjà dans Mons<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor">&nbsp;[343]</a>, sans avoir trouvé, ou
-du moins sans avoir vu personne sur mon chemin,
-tant j'étois renfermé en moi-même, lorsque
-j'aperçus la claire rivière de Seine qui, étalant
-toutes ses beautés, m'appeloit de loin et me disoit:
-Si vous allez à Paris, j'y vais aussi, et
-pourvu que vous me vouliez suivre, je vous mènerai
-par un des plus agréables chemins qu'on
-puisse voir.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>J'eusse été d'humeur bien cruelle</p>
-<p>Si je n'eusse fait pour elle</p>
-<p>Ce que j'avois fait l'autre jour</p>
-<p>Pour un procureur de la cour.</p>
-</div></div>
-
-<p>C'est pourquoi, sans me faire prier davantage,
-<span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span>
-je descendis par le côteau d'Ablon, et allai la joindre
-avec dessein de ne la quitter qu'aux portes de
-Paris. Je n'eus pas sujet de m'en repentir: car, encore
-que j'eusse souvent ouï parler de ses caprices
-et de ses boutades, je la trouvai tout le long du
-jour la plus égale du monde; soit que nous passassions
-parmi de vertes prairies, ou parmi des sablons
-stériles, que son lit fût étroit ou large, que
-le soleil se cachât ou se montrât, elle me parut
-toujours riante, et jamais je ne vis la moindre ride
-ni le moindre trouble sur son front. J'attribue sa
-bonne humeur à l'entretien que nous eûmes ensemble,
-car nous ne parlâmes jamais que de vous.
-Elle me demanda d'abord, suivant la coutume des
-voyageurs qui se rencontrent, d'où je venois et ce
-que j'allois faire à Paris. Je lui dis que je venois
-d'être heureux et que j'allois être malheureux,
-parce que j'avois quitté l'incomparable Sapho, le
-généreux Cléodamas, la sage Ibérise, l'aimable Agélaste
-et le galant Mérigène<a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor">&nbsp;[344]</a>. Est-il possible, me dit elle,
-qu'on me doive toujours parler de cette Sapho
-et de ce Cléodamas. Il n'y a point de corbillart<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor">&nbsp;[345]</a> qui
-ne me rompe la tête de leur vertu et de leur mérite;
-<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span>
-et depuis ma source jusqu'à la mer, je ne
-trouve point de rivage où l'on ne m'en demande
-des nouvelles. On remarquoit autrefois qu'un de
-mes coches ne pouvoit être sans quelque religieux;
-mais je n'en vois point à cette heure où il n'y ait
-quelqu'un de leurs tendres amis, ou pour le moins
-de leurs admirateurs. Ces gens-là, puisqu'ils aiment
-tant de gens, ne doivent aimer personne. Si
-je croyois ce que vous dites, lui répondis-je, je me
-jetterois la tête la première dans votre sein. Mais
-il est vrai que Cléodamas ni Sapho n'aiment pas
-tous ceux dont ils sont aimés. Il n'est pas donné
-à tout le monde d'en venir là, et vous voyez par
-mon exemple qu'il y faut plus de bonheur que de
-mérite.</p>
-
-<p>Après cela, elle me demanda comment vous
-vous divertissiez à Carisatis, et je lui fis grand
-plaisir quand je lui dis qu'elle faisoit une grande
-partie de votre divertissement, et que vous vous
-amusiez la moitié du jour à la regarder. Elle se
-radoucit fort alors et me dit que vous sachant en
-son voisinage par le rapport de la petite rivière
-d'Orge, comme c'est fort la mode de vous visiter
-et de faire amitié avec vous, elle avoit été tentée
-plusieurs fois de s'élever jusque sur votre montagne,
-mais à la vérité qu'il y avoit un peu haut
-pour elle, et qu'elle n'avoit pu faire autre chose
-que de vous envoyer quelques brouillards qui
-peut-être vous avoient été importuns. Cela pourroit
-bien être, lui dis-je; mais, croyez-moi, on
-vous quitte de ce compliment. Il vaut mieux que
-<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span>
-l'on vous voie de plus loin, et la divine Sapho
-s'abaissera plutôt jusqu'à descendre sur vos rives.
-Je sais même qu'elle l'auroit déjà fait, mais sa
-chère Agélaste n'aime pas à remonter par cette
-côte si roide, et trouve aussi bien que vous que
-c'est un peu haut pour elle.</p>
-
-<p>Avec ces discours et plusieurs autres dont je
-vous rendrai compte à notre première vue, nous
-arrivâmes à la porte Saint-Bernard, où nous devions
-nous séparer. La Seine me demanda alors
-si je m'étois ennuyé avec elle, et comme je l'eus
-assurée que non: Quand vous retournerez, me
-dit-elle, trouver la bonne compagnie que vous
-avez laissée, ne viendrez-vous pas le long de mon
-rivage? Pour retourner, lui dis-je avec ma sincérité
-accoutumée, c'est une autre affaire; car,
-pour ne vous en point mentir, votre chemin
-est le plus long, et j'ai un peu plus d'impatience
-quand je vais à Carisatis que quand j'en reviens.
-La pauvre rivière comprit bien alors que
-si je l'avois suivie, c'étoit moins pour être avec
-elle que pour m'éloigner lentement de vous. Elle
-me quitta donc de dépit sans dire un seul mot
-davantage, et s'alla cacher toute honteuse sous
-le pont prochain. Pour moi, je me résolus de
-laisser passer l'eau sous le pont, et de venir
-vous écrire mon aventure. Si je ne l'ai pas écrite
-avec assez d'esprit, c'est que je garde tout ce que
-j'en ai pour écrire une lettre à Cicéron<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor">&nbsp;[346]</a>. Ce Cicéron
-<span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span>
-est un homme fâcheux, qui n'entend point
-raillerie; pour peu que vous vous relâchiez avec
-lui, il se plaint que vous le négligez, que vous
-écriviez bien mieux autrefois au commencement
-de votre connoissance, quand vous aspiriez à être
-de ses amis; et comme c'est un consul romain et
-le père de l'éloquence, il faut tâcher, s'il se peut,
-de le contenter. Laissez-le-moi traiter avec la cérémonie
-qu'il demande, et souvenez-vous qu'on
-fait festin aux étrangers, et qu'on ne donne à ses
-intimes amis que son ordinaire. Les belles paroles
-seront pour lui, et les sentiments tendres,
-respectueux et constants, pour vous et pour toute
-votre aimable compagnie.</p>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE SAPHO A HERMINIUS (PELLISSON).</b></span></p>
-
-<p class="dater">De Carisatis, le 10 octobre 1656.</p>
-
-<p>Quand je vous fis la guerre de la négligence de
-vos billets, je ne pensois pas que vous en dussiez
-être sitôt corrigé. Cependant, il le faut avouer, ce
-que vous m'avez envoyé est si galant et si bien
-écrit, qu'on ne sait où prendre de l'esprit pour
-vous répondre. Ce n'est pas, comme vous savez,
-<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span>
-qu'il n'y en ait honnêtement dans la tête de Cléodamas,
-mais il ne m'en veut ni donner ni prêter.
-Pour l'aimable Mérigène<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor">&nbsp;[347]</a>, il n'y a pas encore assez
-longtemps que je le connois pour oser lui en
-emprunter; et pour Agélaste, elle dit qu'elle a affaire
-de tout ce qu'elle en a pour vous écrire, de
-sorte que je me trouve en un fort grand embarras.
-Si je savois qui vous a appris à parler à la Seine
-qui vous a si bien entretenu, je pourrois me servir
-du même maître, pour apprendre à vous
-écrire; car enfin on ne croiroit pas, à l'entendre,
-qu'elle vînt de Bourgogne, tant elle parle galamment
-et juste. Je voudrois bien savoir si toutes les
-autres rivières ont autant d'esprit que celle-là. Ce
-qui m'étonne, c'est que quand vous l'avez entretenue,
-elle n'avoit pas encore été à Paris. Elle
-n'a pourtant rien d'une provinciale, et je suis
-bien plus normande qu'elle n'est bourguignonne.
-Une autre fois, quand vous partirez de Carisatis,
-on ne vous plaindra plus tant, puisque vous vous
-en allez en si bonne compagnie.</p>
-
-<p>J'ai pourtant à vous dire que la Seine, malgré
-vos avis, n'a pas laissé de nous envoyer ce matin
-un grand brouillard, mais il s'en est allé si vite
-qu'il ne nous a guère incommodés; c'est pourquoi
-ne lui en faites pas de reproches, au contraire,
-remerciez-la bien civilement, de la bonté
-qu'elle a de passer tous les jours devant mes fenêtres,
-<span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span>
-elle, dis-je, qui seroit souhaitée en tant
-de beaux lieux, si on pensoit qu'elle y voulût
-aller. Priez-la aussi, je vous en conjure, s'il arrive
-qu'elle entende encore parler de moi dans
-les coches et dans les corbillarts, comme si j'étois
-un bel esprit,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> De faire entendre en son murmure,</p>
-<p class="i2"> Que bel esprit est une injure,</p>
-<p>Et que j'aimerois mieux être carpe ou merlan,</p>
-<p>Que d'être bel esprit seulement pour un an.</p>
-</div></div>
-
-<p>Tout de bon, c'est le plus fâcheux métier du
-monde; et si la Seine savoit combien c'est une
-chose importune, elle ne s'amuseroit pas tant à
-gazouiller, de peur de devenir elle-même un bel
-esprit.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPLIQUE D'HERMINIUS A SAPHO.</b></span></p>
-
-<p class="dater">De Paris, le 13 octobre 1656.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Bel esprit, ou carpe, ou merlan,</p>
-<p>Ou bien Raphaël de village<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor">&nbsp;[348]</a>,</p>
-<p>Vous êtes cause que j'enrage.</p>
-<p>Je ne saurois qu'avec ahan</p>
-<p>Répondre à votre bel ouvrage,</p>
-<p>Et remplir de vers cette page,</p>
-<p>Quand vous me donneriez un an</p>
-<p class="i2"> Et davantage, etc.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span>
-Tout de bon, encore qu'il n'y ait rien de plus
-galant que votre lettre et que vos vers, en l'humeur
-où je suis, il me semble qu'il n'y auroit
-rien de moins obligeant qu'une réponse fort galante,
-quand je pourrois vous la faire. Les dames que je
-vis hier vouloient que je ne vous en fisse point
-du tout, pour vous punir de ce que vous vous oubliez
-à Athis, ou plutôt de ce que vous oubliez
-tout le monde. Je n'ai pas cru que mon devoir me
-permît d'en user ainsi, mais je ne crois pas aussi
-qu'il m'ordonne de me réjouir avec vous de ce
-que vous dînerez dimanche à Savigny, et que vous
-n'êtes pas encore bien résolue de revenir le lendemain.
-Tout ce que je puis, c'est de souffrir mon
-mal en patience, et de vous écrire, comme un bon
-homme sans esprit et sans façon, ce que j'aurai à
-vous mander, en faisant autant de ratures que de
-lignes. Ne pensez pas que ces ratures soient affectées,
-elles sont les plus naturelles du monde, et
-vous verrez bien par là que je ne suis pas trop en
-état de vous divertir.</p>
-
-<p>J'écrivis hier soir à M. Conrart, et je prétendois
-ce matin faire des merveilles pour vous et pour
-Agélaste: mais en bonne foi il m'a été impossible.
-J'ai voulu fouiller dans mon magasin de fadaises,
-la serrure étoit tellement mêlée que je n'ai
-jamais su l'ouvrir. Si vous voulez des billets galants,
-je vous en envoie deux que M. Isarn m'écrit
-de Bordeaux; mais il est auprès d'une nouvelle
-maîtresse qu'il aime fort, comme vous verrez: ce
-remède est excellent pour avoir de l'esprit. Le
-<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span>
-malheur est qu'il est quelquefois pire que le mal
-même, et je ne crois pas que vous voulussiez me
-conseiller d'y avoir recours, vous qui avez banni
-l'amour de tout votre royaume de Tendre. Pardonnez-moi
-si je vous écris si bizarrement. Je
-suis le plus sot du monde, mais je ne vous en
-aime pas moins.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>M. DE BOUILLON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor">&nbsp;[349]</a>.</p>
-
-<p class="dater">21 mai 1657.</p>
-
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . .</b>
-<b>. . . .</b> «Jusques ici je m'étois renfermé dans
-mon métier de faire des chansons<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor">&nbsp;[350]</a>, et, parmi nos
-beautés champêtres, j'étois renommé pour n'y
-être pas tout à fait malhabile. Mais il a fallu que
-mon ambition m'ait porté non-seulement à faire
-le portrait d'Amaryllis (M<sup>me</sup> de Valençay)<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor">&nbsp;[351]</a>, mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span>
-encore à me donner l'honneur de vous écrire.
-Vous me trouverez sans doute, Mademoiselle, bien
-téméraire d'avoir fait l'un et l'autre; mais je crois
-surtout que, pour entreprendre de vous faire une
-lettre, il falloit ne voir le péril que de cinquante
-lieues. Si j'avois été plus près, j'aurois été moins
-hardi, j'aurois imité ces faux braves qui ne sont
-jamais vaillants que hors l'occasion.». . . .</p>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE BOUILLON.</b></span></p>
-
-<p>«Lorsque je reçus les beaux vers que vous
-m'avez fait l'honneur de m'envoyer, je songeois
-plus à la mort qu'à me divertir.... J'eusse été bien
-aise de me trouver en état d'oser vous rendre
-grâce comme vous le méritez; mais mon mal
-m'ayant laissé une certaine langueur d'esprit qui
-ne se dissipera de sitôt, j'ai cru qu'il valoit mieux
-vous remercier moins bien que vous remercier
-trop tard.»</p>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE RAINCY</b></span><a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor">&nbsp;[352]</a>.</p>
-
-<p class="dater">D'Athis, le 28 septembre 1657.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Que vous connoissez bien cette douce folie,</p>
-<p>Qui ne peut se passer de la mélancolie,</p>
-<p>Vous qui ne pensez pas que les Ris et les Jeux,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span></div>
-<p>Soient les plus grands plaisirs de l'Empire amoureux.</p>
-<p>Les vulgaires amants ne demandent qu'à rire,</p>
-<p>Et ne connoissent pas cet aimable martyre</p>
-<p>Qui mêle les chagrins avecque les désirs,</p>
-<p>Qui confond les tourments avecque les plaisirs,</p>
-<p>Qui de mille douleurs et de mille supplices,</p>
-<p>Fait naître, en un moment, mille et mille délices.</p>
-<p>Ils cherchent vainement ce qu'ils ne trouvent pas,</p>
-<p>Car l'amour enjoué n'a que de faux appas.</p>
-</div></div>
-
-<p>Vous voyez bien, Monsieur, que je suis de l'avis
-de vos admirables vers; tout de bon, j'en ai l'esprit
-tout à fait touché; Théodamas les admire
-aussi bien que moi; Agélaste en a le c&oelig;ur tout
-ému, et votre ange brun les a trouvés les plus
-beaux du monde. Je ne sais même s'il ne s'est
-point repenti de son enjouement, et s'il n'a point
-souhaité que sa belle humeur ne lui eût pas fait
-perdre sa conquête. Quoi qu'il en soit, votre madrigal
-a été trouvé fort galant, et les vers de la fin
-de votre billet, merveilleux; de sorte qu'il faut
-avoir perdu la raison pour oser rimer en vous répondant.
-Mais, comme vous le savez, la rime est
-quelquefois une maladie qu'on ne guérit pas
-comme on veut; je n'y suis pourtant pas sujette,
-dont je suis bien aise. Cependant, je vous avouerai
-<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span>
-que malgré que j'en aie, il faut qu'un petit
-madrigal sorte de ma tête, car je sens qu'il y
-fourmille, comme les madrigaux fourmilloient
-dans celle de M. Pellisson le jour qu'il en fit tant
-avec Sarasin. Voyez donc ce que je dis de votre
-ange brun, sous le nom de Climène:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Climène est aimable, elle est belle,</p>
-<p>On ne peut lui rien désirer,</p>
-<p>Si ce n'est qu'un amant fidèle,</p>
-<p>Soupirant longtemps auprès d'elle,</p>
-<p>Lui puisse apprendre à soupirer.</p>
-</div></div>
-
-<p>Tout de bon, Monsieur, ne vous repentez-vous
-point de m'avoir écrit? Vous auriez pourtant grand
-tort: car la reconnoissance que j'en ai vaut
-mieux que la réponse que je vous fais. Mais,
-après vous avoir parlé d'un ange brun, qui n'est
-assurément pas du dernier ordre, il faut que je
-vous parle d'un ange blond, qui dînera céans aujourd'hui,
-car les anges dont nous parlons ne sont
-pas si spiritualisés qu'ils puissent conserver leur
-beauté sans manger. L'ange brun y viendra passer
-l'après-dînée; je vous laisse à penser combien
-vous serez désiré, et si les galants qui s'y trouveront
-ne seroient pas bien aise que ce fût encore
-la mode de dire: <i>Comme l'on voit le fer entre deux
-calamites</i><a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor">&nbsp;[353]</a>. Mais comme nous ne sommes plus
-aux siècles des comparaisons, et que celle-là est
-trop usée, il faudra que les galants s'en passent.
-<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span>
-Ces galants, Monsieur, seront l'ingénieux Térame<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor">&nbsp;[354]</a>,
-et le sage Mérigène; je n'y mets pas Théodamas,
-parce qu'il est le juge de la galanterie. Sérieusement,
-Monsieur, vous ne sauriez croire combien
-je vous suis obligée de m'avoir écrit. Pour vous en
-récompenser, recevez mille douceurs non-seulement
-des anges blonds et des anges bruns, mais
-de Théodamas, de Mérigène, d'Agélaste et de moi,
-qui suis assurément pour vous tout ce que vous
-pouvez désirer que je sois.</p>
-
-<p>Il n'y a que l'ange brun, Théodamas, Agélaste
-et moi qui ayons vu votre billet, quoiqu'il mérite
-d'être vu de tous ceux qui ont de l'esprit; mais
-j'ai fait v&oelig;u d'être toujours exacte. De grâce, assurez
-M. de Montrésor de la vénération que j'ai
-pour sa vertu.</p>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>SAPHO AU MAGE DE SIDON.</b></span></p>
-
-<p class="dater">De Paris, le 21 octobre 1658<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor">&nbsp;[355]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Votre c&oelig;ur n'a point de tendresse,</p>
-<p>Si vous étiez jaloux vous seriez envieux;</p>
-<p>Quand on aime bien sa maîtresse,</p>
-<p>On ne veut point qu'on lui parle des yeux.</p>
-</div></div>
-
-<p>Il vous est aisé de juger, Monsieur le Mage, que
-M<sup>lle</sup> Sapho a vu votre apostille en vers, dans une
-de vos lettres à Théodamas, et qu'elle a fort bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span>
-connu que votre jalousie n'est qu'un jeu de votre
-esprit; car si elle étoit effective, vous n'eussiez
-pas parlé comme cela. Allez, allez, vendez vos coquilles
-à d'autres qu'à ceux qui viennent du Mont-Saint-Michel.
-On se connoît ici aussi bien en jalousie
-qu'en lieu du monde, et l'on n'en prendra
-jamais de fausse pour de véritable. Parlez donc
-mieux une autre fois, si vous voulez être cru. Et
-pour vous apprendre à parler comme il faut pour
-persuader ceux à qui l'on parle, je vous assure,
-Monsieur, qu'il m'ennuie fort d'être si longtemps
-sans avoir de vos nouvelles; que nous avons parlé
-très-souvent de vous, Théodamas et moi; que
-nous vous avons souhaité cent fois dans l'allée des
-Soupirs, et que si vous ne m'aimez pas toujours
-ardemment, vous êtes plus coupable que vous ne
-pouvez vous l'imaginer. Au reste, j'ai prié M. Conrart
-de faire dire à M. Cavalier que j'ai la 4<sup>e</sup> partie
-de <i>Clélie</i> à vous envoyer, et je vous dis à vous-même
-que je suis au désespoir de n'être point
-votre s&oelig;ur, pour aller du moins passer tous les
-hivers avec vous, non pas pour m'aller chauffer à
-vos tisons, mais à votre soleil. Cependant, comme
-il n'y a pas apparence que cela puisse être, il se
-faut contenter de vous dire de loin que je suis absolument
-à vous.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span>
-<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME LA COMTESSE
-DE MAURE</b></span><a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor">&nbsp;[356]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Juillet 1660.</p>
-
-<p>J'ai lu, avec beaucoup de plaisir, Madame, le
-livre que je vous renvoye; il y a de l'esprit partout,
-et je ne sais quel air de qualité, qui marque
-la main d'où il vient. Il y a même une ingénieuse
-raillerie en beaucoup d'endroits, qui ne s'apprend
-point dans les livres; et si mon nom n'étoit point
-placé aussi avantageusement qu'il est dans cet
-agréable ouvrage, je n'aurois eu que de l'admiration,
-et du plaisir, en le lisant. Mais, malgré
-moi, il a fallu avoir de la confusion de savoir
-que je ne mérite pas les louanges que l'on me
-donne, et que tout ce que j'ai écrit en ma vie ne
-mérite, non plus que moi, la gloire d'être louée
-par une si grande, et si illustre princesse. Voilà
-tout ce que vous peut dire une personne qui vous
-écrit avec beaucoup de précipitation, et qui est à
-vous, avec tout le respect qu'elle vous doit.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span>
-<span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A UN AUTEUR QUI
-LUI AVAIT ENVOYÉ UNE PIÈCE INTITULÉE<br />
-«LE LOUIS D'OR</b></span><a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor">&nbsp;[357]</a>.»</p>
-
-<p class="dater">(1660.)</p>
-
-<p>Vous savez bien, Monsieur, que je suis accoutumée
-d'entendre parler des Lapins, des Fauvettes
-et des Abricots. Mais après tout, je n'ai pas laissé
-d'être surprise de la conversation que vous avez
-eue avec votre Louis d'or, et je le trouve si bien
-instruit des choses du monde, que j'en suis étonnée.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quand il seroit du temps des premiers jacobus,</p>
-<p>Des nobles à la Rose, et des vieux carolus,</p>
-<p class="i3"> Il ne sauroit pas plus de choses.</p>
-<p>Ovide a moins que lui fait de Métamorphoses.</p>
-<p>Il fait aux plus galants d'agréables leçons,</p>
-<p>Il raille, il fait des vers de toutes les façons;</p>
-<p class="i3"> Mais ce qu'il fait de plus étrange,</p>
-<p class="i3"> C'est qu'entre mes mains il se range,</p>
-<p class="i3"> Car ses frères ne m'aiment pas,</p>
-<p>Ils n'ont aussi pour moi que de foibles appas,</p>
-<p class="i3"> Et par le mépris je m'en venge.</p>
-<p>Mais pour ce Louis d'or que je reçois de vous,</p>
-<p class="i3"> De qui la gloire est immortelle</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span></div>
-<p class="i3"> Qui ne craint plus ni touche, ni coupelle,</p>
-<p>Il fait seul un trésor dont mon c&oelig;ur est jaloux.</p>
-</div></div>
-
-<p>Voilà, Monsieur, tout ce qu'une malade vous
-peut répondre. Mais je vous assure que ce n'est
-pas tout ce qu'elle pense; et que si Sapho se portoit
-bien, elle vous loueroit de meilleure grâce, et
-vous remercieroit avec plus d'esprit. Que sais-je
-même si, passant des louanges de votre Louis d'or
-à un sujet plus relevé, elle ne se sentiroit point
-inspirée de vous parler</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>D'un Louis, dont la vie en merveilles féconde,</p>
-<p>Est l'ouvrage du ciel et le bonheur du monde;</p>
-<p>Dont le bras triomphant, et les charmes vainqueurs</p>
-<p>Domptent les nations, et captivent les c&oelig;urs:</p>
-<p>D'un JVLE, dont les soins redonnent à la France</p>
-<p>Les Jeux et les Plaisirs, la Paix et l'Abondance,</p>
-<p>Qui va faire couler dans nos heureux climats</p>
-<p>Ces larges fleuves d'or, la force des États;</p>
-<p>Et gémir de regret le Pactole et le Tage,</p>
-<p>Que la Fable a flattés d'un pareil avantage;</p>
-<p>D'un JVLE dont les soins ont nos désirs bornés:</p>
-<p>Dont les sages conseils, justement couronnés,</p>
-<p>Font voir à l'univers que la plus belle gloire</p>
-<p>Est de cesser de vaincre au fort de la victoire.</p>
-</div></div>
-
-<p>Mais je m'aperçois que ce sujet là est trop relevé
-pour moi, et qu'il vaut beaucoup mieux ne
-rien dire, que de n'en dire pas assez. Il n'en est
-pas de même de vous, Monsieur. Au contraire, je
-vous exhorte à faire quelque ouvrage plus grand
-à la gloire de ceux que vous avez loués en huit
-vers seulement; car il ne faut pas faire des portraits
-en petit d'un grand Héros, comme on en
-<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span>
-fait d'une maîtresse, puisqu'on ne doit avoir les
-uns que pour les cacher, et que les autres doivent
-être vus de tout le monde.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. PELLISSON, CHEZ M. LE SURINTENDANT, A NANTES</b></span><a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor">&nbsp;[358]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Aux Pressoirs<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor">&nbsp;[359]</a>, <br />
-vendredi six heures du matin.<br />
-Septembre 1661.</p>
-
-<p>Je pars dans un quart d'heure pour Paris. Je ne
-pus m'embarquer hier parce qu'il fit un temps
-effroyable, de sorte que je prends le carrosse de
-M. de Miremont; il me le donne de fort bonne
-grâce. Je laisse la petite Marianne et M. Pineau
-avec la sienne (<i>sic</i>), et je suis si mal de ma tête
-que j'en perds patience. Peut-être que quelques
-remèdes me soulageront. Je vous en écrirai demain
-plus au long, et je ne vous écris aujourd'hui
-que pour vous demander de vos nouvelles et pour
-vous prier de m'envoyer un billet pour M. Congnet,
-qui lui témoigne que vous affectionnez l'affaire
-de M. Pineau; car, comme vous ne lui écrivîtes
-<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span>
-pas en lui envoyant les lettres dont il s'agit,
-il ne s'est pas pressé de le faire. Je vous demande
-pardon, mais je ne puis refuser cela à ceux qui
-m'en prient.</p>
-
-<p>Adieu, jusqu'à demain. Souvenez-vous de moi,
-plaignez-moi et m'aimez toujours. Je ne puis vous
-dire que cela aujourd'hui, mais j'en pense bien
-davantage.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Samedi au soir (septembre 1661).</p>
-
-<p>J'arrivai hier fort tard ici après avoir laissé le
-pauvre M. Jacquinot<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor">&nbsp;[360]</a> et madame sa femme en
-larmes. Sincèrement je leur suis bien obligée de
-l'amitié qu'ils m'ont témoignée en partant. Je prétendois
-vous écrire une longue lettre aujourd'hui,
-mais quoique je n'aie fait savoir mon arrivée à
-personne, j'ai été accablée de monde et le comte
-Tott<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor">&nbsp;[361]</a> qui va arriver, sera cause que je ne vous
-dirai pas tout ce que je voudrois. Ma santé est
-toujours de même. Deslis vient d'être reprise de
-la fièvre pour la troisième fois. M<sup>me</sup> de Caen<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor">&nbsp;[362]</a> vous
-baise mille fois les mains; M<sup>lle</sup> Boquet et M<sup>me</sup> Duval
-en font autant. Je commence déjà, malgré les
-caresses de mes amies et de mes amis, de regretter
-les Pressoirs du temps que vous y veniez.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span>
-Au reste l'exil de M<sup>lle</sup> de la Mothe fait grand
-bruit ici, mais comme je sais qu'on vous a mandé
-cette histoire<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor">&nbsp;[363]</a> je ne vous en dis rien. On dit que
-M. le Surintendant doit laisser revenir le Roi et
-aller de Bretagne à B......<a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor">&nbsp;[364]</a> Je crois qu'il sera bien
-qu'il y soit le moins qu'il pourra, afin d'ôter à ses
-ennemis la liberté de dire qu'il ne s'arrête que pour
-fortifier B.... L'intérêt particulier que je prends
-à ce qui le regarde, m'oblige de vous parler ainsi.
-On dit fort ici dans le monde de Paris qu'il est
-mieux que personne dans l'esprit du Roi. Fontainebleau
-est si désert que l'herbe commence de
-croître dans la cour de l'Ovale. M. Ménage a été
-ici, qui vous baise mille fois les mains. Si je ne
-craignois pas de vous fâcher, je vous dirois que
-M<sup>me</sup> v... m...<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor">&nbsp;[365]</a> dit et fait de si étranges choses tous
-les jours, que l'imagination ne peut aller jusque-là,
-et tout le monde vous plaint d'avoir à essuyer
-une manière d'agir si injuste et si déraisonnable.
-Pour moi je souffre tout cela avec plaisir, puisque
-c'est pour l'amour d'une personne qui me tient
-lieu de toutes choses. Je ne vous en dirois rien, si
-la chose n'alloit à l'extrémité, et si je ne jugeois
-pas qu'il est bon qu'en général vous sachiez son
-injustice. Ne vous en fâchez pourtant pas, car cela
-ne tombe ni sur vous ni sur moi. A votre retour,
-je vous dirai un compliment que les dames de la
-Rivière me firent ensuite de quelque chose que
-<span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span>
-m. v. m. (Madame votre mère) avoit dit. Mais,
-après tout, il faut laisser dire à cette personne ce
-qu'il lui plaira et s'en mettre l'esprit en repos.
-M<sup>me</sup> Delorme<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor">&nbsp;[366]</a> me fait des caresses inouïes et
-M<sup>me</sup> de Beringhen aussi. Je ne sais ce qu'elles
-veulent de moi. En voilà plus que je ne pensois,
-et si<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor">&nbsp;[367]</a> ce n'est pas tout ce que je voudrois vous
-dire. Souvenez-vous de moi, je vous en prie.
-Mandez-moi quand vous reviendrez, et m'écrivez
-un pauvre petit mot pour me consoler de votre
-absence qui m'est la plus rude du monde.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">7 septembre 1661.</p>
-
-<p>Voici la troisième fois que je vous écris sans
-avoir entendu de vos nouvelles<a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor">&nbsp;[368]</a> depuis mon départ
-des Pressoirs. Il me semble pourtant que
-vous pouviez m'écrire un pauvre petit billet de
-deux lignes seulement pour me tirer de l'inquiétude
-où votre silence me met; car enfin il y a douze
-jours que vous êtes parti. Je ne vous demande
-point de longue lettre, je ne veux qu'un mot qui
-me dise comment vous vous portez. Car, pour
-peu que je sache que vous vivez, je présupposerai
-<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span>
-que vous m'aimez toujours, et qu'il vous souvient
-de moi autant que je me souviens de vous. J'aurois
-quatre mille choses à vous dire de différentes
-manières, mais il faut les garder pour votre retour.</p>
-
-<p>M. de Méringat<a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor">&nbsp;[369]</a> qui est à Paris, vous baise les
-mains. M. de la Mothe-le-Vayer en fait autant et
-m'a chargée de vous donner un petit livre de sa
-façon que je vous garde. M. Nublé m'a promis la
-harangue que fit M. le premier président de la
-chambre des comptes<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor">&nbsp;[370]</a>, lorsque Monsieur<a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor">&nbsp;[371]</a> fut porter
-des édits à sa compagnie. Ce discours est fort
-hardi, on le loue fort à Paris, et l'on en fait grand
-bruit partout. Si je l'ai devant que de fermer mon
-paquet je vous l'envoyerai.</p>
-
-<p>On dit toujours que M. le S...<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor">&nbsp;[372]</a> va droit à être
-premier ministre, et ceux même qui le craignent
-commencent à dire que cela pourroit bien être. On
-travaille à l'accommodement de M<sup>lle</sup> de la Mothe.
-M<sup>me</sup> la comtesse de la Suze<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor">&nbsp;[373]</a> a enfin été démariée,
-<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span>
-de sorte que c'est tout de bon qu'elle est M<sup>me</sup> la
-comtesse d'Adington. Au reste, on dit hier chez
-une personne de qualité et du monde, que M<sup>me</sup> Duplessis-Bellière
-pourroit bien épouser M. le duc de
-Villeroy, et qu'elle sera gouvernante de M. le Dauphin.
-Mais on parle parmi tout cela de Belle-Ile,
-de sorte qu'il est assez bon de se précautionner
-contre tout ce que l'on peut dire. Je vous mande
-tout ce que je sais, vous en ferez ce qu'il vous
-plaira.</p>
-
-<p>Au reste, j'ai été bien surprise de trouver ici, à
-mon retour, entre les mains de plusieurs personnes,
-les vers que M. le S... fit pour répondre
-aux vôtres<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor">&nbsp;[374]</a>; car j'en faisois un grand secret. Lambert
-les a donnés à M<sup>me</sup> de Toisy et à ma belle-s&oelig;ur,
-et il leur a dit qu'il a eu commandement
-<span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span>
-d'y faire un air, et en effet il en a fait un. On
-montre aussi une contre-réponse que vous avez
-faite, qui n'est point de ma connoissance.</p>
-
-<p>On a fait quatre vilains vers pour l'aventure de
-M<sup>lle</sup> de la Mothe que M<sup>me</sup> de Beauvais<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor">&nbsp;[375]</a> a fait chasser.
-C'est le bon M. de la Mothe qui me les a dits.
-Il y a une vilaine parole, mais n'importe! ce n'est
-pas moi qui l'y ai mise:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ami, sais-tu quelque nouvelle</p>
-<p>De ce qui se passe à la cour?</p>
-<p>&mdash;On y dit que la m<b>.......</b></p>
-<p>A chassé la fille d'amour.</p>
-</div></div>
-
-<p>Tout le monde blâme M. le marquis de Richelieu<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor">&nbsp;[376]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span>
-Adieu, en voilà trop. Pour vous j'ajouterai cependant
-que madame votre mère a dit à M. Ménage
-des choses qui vous épouvanteroient, si vous
-les saviez, tant elles sont déraisonnables, emportées
-et hors de toute raison. Aussi Boisrobert fait-il
-une comédie de toutes ces belles conversations<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor">&nbsp;[377]</a>.
-Je ne vous en aurois rien dit si plusieurs personnes
-ne m'étoient venues dire que j'étois obligée
-de vous avertir d'une partie de la vérité. Pardonnez-le-moi,
-et croyez que, pour ce qui me regarde,
-je sacrifie toutes choses à votre plaisir, pourvu
-que vous me conserviez toujours votre affection.
-Vous le devez, et je vous en conjure par la plus
-sincère, la plus tendre et la plus fidèle amitié du
-monde. C'est tout ce que je puis vous dire de si
-loin. Bonsoir; écrivez-moi un mot, car votre silence
-me tue.</p>
-
-<p>Mille amitiés à M. de la Bastide et à M. du
-<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span>
-Mas<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor">&nbsp;[378]</a>. Donnez, s'il vous plaît, au premier, une
-lettre que M. Pineau lui écrit. M<sup>me</sup> de Caen vous
-baise les mains, elle vous a envoyé une lettre pour
-M. le Surintendant. Le pauvre M. de Montpellier
-vous prie toujours de ne l'oublier pas, quand vous
-serez de retour, et dit que, s'il y a quelqu'un dans
-sa compagnie qui ne lui plaise pas, on n'a qu'à le
-lui dire. Ce pauvre homme me promet des merveilles,
-mais, comme vous le savez, je ne vous
-demande jamais que ce que vous devez et ce qui
-vous plaît.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, A CAEN</b></span><a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor">&nbsp;[379]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Septembre 1661.]</p>
-
-<p>Quoique je ne sois pas ingrate, je souhaite pourtant
-de tout mon c&oelig;ur de ne vous rendre jamais
-compassion pour compassion: cela veut dire, en
-<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span>
-un mot, que la fortune ne vous fasse jamais éprouver
-une douleur pareille à la mienne; car enfin,
-Monsieur, en une même semaine j'ai vu un
-homme illustre<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor">&nbsp;[380]</a> qui me protégeoit, dans le plus
-pitoyable état du monde, un fidèle et généreux
-ami en prison<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor">&nbsp;[381]</a> et un autre dans le tombeau<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor">&nbsp;[382]</a>. Je
-compte presque pour rien le renversement de la
-fortune de M. Pellisson et de la mienne en particulier,
-quoique ces deux choses s'y trouvent.
-Mon chagrin a une cause plus noble, et l'amitié
-toute seule fait toute l'amertume de ma douleur.
-Plaignez-moi donc, Monsieur, s'il est vrai que
-vous m'aimez un peu, et soyez assuré qu'il ne vous
-arrivera jamais ni joie, ni douleur que je ne partage
-avec vous.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor">&nbsp;[383]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Fin de 1661.]</p>
-
-<p>On se fait honneur en plaignant ses amis malheureux,
-et on profite de leur infortune en la partageant
-avec eux; mais le mal est, Monsieur,
-qu'on ne les soulage guère en les plaignant; et
-après tout, quand on fait ce qu'on peut, on fait ce
-qu'on doit, et l'on a toujours l'avantage de n'augmenter
-pas leurs déplaisirs, par le chagrin qu'il
-y a d'apprendre qu'on a des amis ingrats: car
-j'appelle de ce nom-là ces âmes insensibles qui
-ne se laissent point toucher à la douleur, et qui
-ne prennent jamais de part qu'à la joie de ceux
-qu'ils aiment le mieux. Pour vous, Monsieur, vous
-avez l'âme trop noble pour en user de cette sorte,
-et je sens comme je dois, la bonté que vous avez
-de vous intéresser si obligeamment à ce qui me
-touche et à ce qui regarde un illustre malheureux,
-qui mérite sans doute votre amitié. Il n'est aucunement
-coupable d'aucun crime et la calomnie ne
-l'accuse même de rien. Mais après tout, il est prisonnier,
-tout son bien est entre les mains du Roi,
-et quand il n'auroit que le malheur de son maître,
-il seroit toujours bien à plaindre. Je suis bien fâchée,
-Monsieur, de ne vous entretenir que de choses
-si tristes et peu agréables, mais j'ai si bonne
-opinion de vous, que je crois que vous ne vous
-en tiendrez pas importuné, et qu'au contraire vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span>
-en estimerez davantage l'amitié que je vous ai
-promise.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LETTRE DE REMERCÎMENT AU ROI</b></span><a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor">&nbsp;[384]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Octobre 1663.]</p>
-
-<p>Je sais trop le profond respect que l'on doit à
-V. M. pour prendre la hardiesse de lui écrire, si
-son propre bienfait ne me l'eût donnée et s'il n'y
-avoit trop de honte à n'en pas témoigner de ressentiment.
-Je le dirai même, Sire, à V. M., puisqu'elle
-ne m'a pas jugée indigne de ses grâces. Il
-est désormais de son intérêt de recevoir avec la
-même bonté le très-humble et très-respectueux
-remercîment que j'ose lui en faire. Je n'ai assurément
-nulle de ces qualités éclatantes qui attirent
-son estime et sa faveur et en tirent un nouvel éclat.
-Je ne puis moi-même justifier l'action de V. M.
-qu'en l'assurant d'une reconnoissance éternelle.
-Elle a sans doute voulu montrer en pensant à moi
-qu'elle sait trouver du temps pour les moindres
-choses comme pour les plus grandes, qu'elle n'ignore
-rien, et ne connoît pas seulement les services
-mais aussi le c&oelig;ur de ses sujets dont il n'y
-en a point qui ait plus de passion que j'en ai toujours
-eu pour sa gloire.</p>
-
-<p>J'ai fait, Sire, des v&oelig;ux pour la naissance de
-V. M. quand c'étoit un bien plus souhaité qu'espéré
-<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span>
-de toute la France. J'en ai fait pour le bonheur
-de son règne que cette naissance miraculeuse
-nous sembloit promettre. Quand on a admiré les
-victoires et les conquêtes de V. M., je les ai senties;
-quand son heureux mariage et la paix qu'elle donnoit
-à ses peuples ont fait la prospérité de l'État,
-j'en ai fait la mienne; quand Dieu lui a donné
-cet aimable Dauphin qui fait présentement les délices
-des deux plus grandes reines qui aient jamais
-été, j'en ai eu une joie particulière, et, si je
-l'ose dire, toute cachée que je suis dans le monde,
-mon zèle et mon affection m'ont fait suivre V. M.
-depuis son berceau jusqu'à son char de triomphe.</p>
-
-<p>Il n'y a guère d'apparence, Sire, que je cesse
-aujourd'hui, qu'à tant de devoir et d'inclination je
-puis ajouter la joie d'avoir eu quelque petite part
-aux pensées du plus grand roi du monde, et d'avoir
-été du moins un moment dans cet esprit qui
-n'est que justice, que lumière, que gloire et que
-grandeur.</p>
-
-<p>Mais, Sire, il ne m'appartient pas de louer
-V. M., bien que ce soit aujourd'hui l'occupation de
-toute la terre. Il n'est pas juste, quelque bonté
-qu'elle pût avoir, de l'arrêter inutilement, Elle
-dont tous les moments sont autant d'actions utiles
-et glorieuses. Qu'elle me pardonne, s'il lui plaît, ce
-peu que je lui en ai fait perdre. Je voulois lui faire
-connoître que je sais parfaitement le prix que
-donne à un bienfait une main aussi illustre que
-la sienne, afin qu'elle comprît plus aisément avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span>
-quel zèle, quelle fidélité et quel respect je serai
-toute ma vie, etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, A CAEN</b></span><a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor">&nbsp;[385]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Le 18 décembre.... [1663].</p>
-
-<p>J'ai eu une extrême joie, Monsieur, de recevoir
-des marques de votre souvenir, et M. Pellisson
-m'a priée de vous remercier fort tendrement de
-la part que vous prenez à ce petit commencement
-de liberté qu'on lui a donné<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor">&nbsp;[386]</a>, et qui donne lieu
-d'en espérer bientôt une plus grande: principalement
-depuis que le Roi en a parlé très-ouvertement,
-et qu'il a fait lire plusieurs choses qu'il a
-faites pendant les temps les plus rigoureux de sa
-captivité. Il revient du moins au monde, avec la
-satisfaction de voir que son malheur lui a encore
-acquis un nombre infini d'amis, outre ceux qu'il
-avoit déjà<b>. . . . . . . . . . . . .</b></p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span>
-<span class="small"><b>A M. COLBERT</b></span><a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor">&nbsp;[387]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Décembre 1663.]</p>
-
-<p class="titel">Monsieur,</p>
-
-<p>Quoique je n'aie presque pas l'honneur d'être
-connue de vous, je ne laisse pas d'espérer que
-vous ne trouverez point mauvais que je prenne
-non-seulement la liberté de vous écrire, mais encore
-celle de vous demander une grâce; et pour
-vous obliger à m'écouter favorablement, je vous
-protesterai d'abord que le Roi n'a point de sujette
-qui ait plus de passion ni plus de zèle que j'en ai
-toujours eu pour sa gloire, et que feu M. le Cardinal
-n'a jamais obligé personne qui ait eu plus
-d'estime pour ses grandes qualités ni plus de reconnoissance
-de ses bienfaits.</p>
-
-<p>Après cela, Monsieur, j'ose vous conjurer très-instamment,
-si vous le pouvez, comme je n'en
-doute point, de faire que la prison de M. de Pellisson
-soit un peu plus douce. Si sa vertu, sa probité,
-son zèle pour le service du Roi, et la considération
-que je sais qu'il a toujours eue pour vous,
-vous étoient bien connus, vous le regarderiez sans
-doute comme un homme dont l'innocence doit
-être protégée par vous. Je le dis d'autant plus
-hardiment, Monsieur, que j'espère que j'aurai
-<span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span>
-quelque jour l'honneur de vous le faire voir clairement.
-Je vous conjure donc, Monsieur, d'avoir
-la bonté de faire en sorte que la mère de M. de
-Pellisson, M. Rapin son beau-frère, M. Ménage
-et moi, ayons la liberté de le voir une fois ou deux
-la semaine.</p>
-
-<p>J'ose vous dire encore, Monsieur, que si vous
-saviez bien les choses, vous connoîtriez que je ne
-vous demande rien que de juste, lorsque je vous
-conjure d'adoucir la prison de mon ami. J'ose
-même vous assurer, Monsieur, que cette douceur
-sera glorieuse au Roi, pour le service duquel je
-suis assurée que M. de Pellisson voudroit donner
-toutes choses, jusques à sa propre vie, et je vous assure
-aussi que vous ne pouvez rien faire de plus
-juste ni de plus honnête. Je n'ose vous dire, Monsieur,
-que j'aurai une reconnoissance éternelle de
-cette grâce, si vous me l'accordez; mais je vous
-assure que vous obligerez un nombre infini d'honnêtes
-gens en obligeant mon ami. Si j'eusse cru
-ne vous importuner pas, je vous aurois demandé
-un quart d'heure d'audience pour vous dire ce que
-je vous écris et peut-être quelque chose de plus;
-mais n'ayant osé le faire, je me suis hasardée de
-vous écrire sans vouloir employer personne auprès
-de vous, quoique j'aie beaucoup d'amis par
-qui j'eusse pu vous faire prier; mais j'ai mieux
-aimé ne devoir rien qu'à votre propre générosité.
-Voilà, Monsieur, quels sont les sentiments d'une
-personne qui aura beaucoup de joie si vous voulez
-bien qu'elle ait l'honneur d'être toute sa vie,
-<span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span>
-Monsieur, votre très-humble, très-obligée et très-obéissante
-servante,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET</b></span><a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor">&nbsp;[388]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1664 ou 1665.]</p>
-
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . .</b>
-<b>. . . .</b> Les avocats disent que l'illustre prisonnier
-se défend si bien lui-même, que nul autre
-ne le doit défendre, et il donne de si justes marques
-de sa capacité et de sa constance, que son
-infortune lui devient tous les jours plus glorieuse.
-Voilà, Monsieur, tout ce que peut vous dire une
-personne qui vous honore infiniment, et qui vous
-demande la continuation de votre amitié.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[Fin de 1665 ou commencement de 1666.]</p>
-
-<p>Je ne sais, Monsieur, si vous songez quelquefois
-qu'il y a longtemps que je vous dois une réponse;
-mais je sais bien que vous êtes obligé d'y
-songer, et que j'ai eu si souvent envie de vous
-écrire, que vous m'en devez savoir fort bon gré.
-J'attendois toujours que j'eusse l'esprit plus tranquille,
-afin de vous écrire sans chagrin: mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span>
-comme je prévois que j'aurai encore deux ou trois
-mois d'inquiétude, je me résous enfin à vous entretenir,
-toute mélancolique que je sois. Ce n'est
-pas que les affaires de M. de Pellisson ne soient
-en fort bon état, et que tout le monde ne rende
-justice à sa vertu, mais sachant combien il aime
-son maître, et étant lui-même fort touché de son
-infortune, je ne puis pas avoir l'esprit en repos
-que cette affaire ne soit terminée. Mais après tout,
-Monsieur, mon amitié est toujours la même, et
-j'espère que vous la reverrez paroître avec les
-premières roses, telle qu'elle étoit l'année passée à
-la saison des violettes. Faites donc en sorte que je
-retrouve la vôtre telle qu'elle étoit; je vous en
-conjure par l'admirable Octavie.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor">&nbsp;[389]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Vendredi [1670].</p>
-
-<p>Comme je n'ai pas de plus grand plaisir que
-de louer ce qui mérite d'être loué, surtout quand
-mes amis en sont les auteurs, je suis très-fâchée,
-Monsieur, que vous ayez donné des bornes aux
-louanges que je vous dois, en me louant comme
-vous avez fait à la fin de votre excellent Discours
-sur l'origine des Romans<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor">&nbsp;[390]</a>. Car après cela, je n'ose
-<span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span>
-presque dire tout le bien que j'en pense, de peur
-qu'on ne m'accuse d'être plus touchée de ce que
-vous dites de moi, que de toutes les belles choses
-dont votre discours est rempli. Mais, puisque des
-raisons de modestie m'empêchoient peut-être de
-vous louer en parlant aux autres avec tout le zèle
-que je voulois, il faut du moins que je le fasse
-en parlant à vous, et que je vous die de plus que
-M. de Pellisson m'a écrit de Saint Germain, que
-votre ouvrage étoit très-beau et très-savant, et
-qu'il vous ira remercier d'un si agréable présent,
-dès qu'il viendra à Paris. Je pense, Monsieur, que
-ses louanges valent mieux que les miennes, mais
-je ne laisserai pas de vous dire que non-seulement
-il paroît beaucoup de savoir dans votre discours,
-mais, outre cela, un discernement exquis et un
-véritable génie pour ces sortes d'ouvrages. Vous
-avez précisément choisi les romans qui ont fait
-les délices de ma première jeunesse, et qui m'ont
-donné l'idée des romans raisonnables qui peuvent
-s'accommoder avec la décence et l'honnêteté; je
-veux dire, <i>Théagène et Chariclée</i>, <i>Théogène et Charide</i><a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor">&nbsp;[391]</a>,
-ainsi que l'<i>Astrée</i>; voilà proprement les vraies
-sources où mon esprit a puisé les connoissances
-qui ont fait ses délices. J'ai seulement cru qu'il
-falloit un peu plus de morale afin de les éloigner
-<span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span>
-de ces romans ennemis des bonnes m&oelig;urs, qui
-ne peuvent que faire perdre le temps.</p>
-
-<p>Au reste si les choses que vous dites sont choisies,
-les expressions le sont aussi, et rien n'est
-mieux écrit que votre discours. Je vous dirai seulement
-qu'on peut en quelque sorte répondre à l'accusation
-que vous faites aux romans bien faits, d'avoir
-amené l'ignorance à leur suite, qu'ils devroient
-avoir produit un effet contraire; car comme l'histoire
-et la fable sont mêlées aux romans dont la
-scène est tirée de l'antiquité, les femmes qui ont de
-l'esprit doivent raisonnablement chercher à lire les
-originaux de ces sortes de choses dont elles trouvent
-des passages dans les romans; et j'ai une amie qui
-n'eût jamais connu Xénophon ni Hérodote, si elle
-n'eût jamais lu le <i>Cyrus</i>, et qui en le lisant s'est accoutumée
-à aimer l'histoire et même la fable. Je ne
-m'oppose pourtant pas à ce que vous avez avancé;
-je dis seulement que l'ignorance dont vous parlez
-a plus d'une cause et qu'il peut être bien de ne
-dire que celle-là.</p>
-
-<p>Je vous demande pardon, Monsieur, de vous
-faire une si longue lettre, et de vous dire pourtant
-en si peu de paroles, que personne n'est plus
-que moi, votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span>
-<span class="small"><b>A M. P. TAISAND</b></span><a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor">&nbsp;[392]</a>.</p>
-
-<p class="dater">19 juillet 1673.</p>
-
-<p>J'eus hier bien du déplaisir, Monsieur, de n'être
-pas en état de vous voir, mais j'en ai beaucoup
-davantage d'être forcée de vous refuser la première
-chose que vous m'avez demandée; la raison de ce
-refus est que je n'ai jamais donné de clef ni de
-<i>Cyrus</i>, ni de <i>Clélie</i>, et je n'en ai pas moi-même.
-J'ai fait les portraits de mes amis et de mes amies,
-selon l'occasion qui s'en est présentée, et la description
-de quelques-unes de leurs maisons, sans
-aucune liaison aux aventures qui ne sont fondées
-que sur la vraisemblance.</p>
-
-<p>Si M<sup>lle</sup> Bossuet<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor">&nbsp;[393]</a> a de la curiosité pour quelques
-noms, je rappellerai ma mémoire pour la contenter.
-Je connois son mérite sur sa réputation, et je
-l'honore infiniment. M. de Condom, son frère,
-pourroit savoir de M. de Montausier que je dis
-vrai lorsque je vous assure que je n'ai point donné
-de clef de ces ouvrages-là. J'espère que vous serez
-assez équitable, Monsieur, pour recevoir mes excuses,
-et pour ne m'en croire pas moins votre
-très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span>
-<span class="small"><b>A M. CHARPENTIER</b></span><a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor">&nbsp;[394]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1673.]</p>
-
-<p>J'ai reçu avec bien de la joie, Monsieur, le
-précieux présent que vous m'avez fait. Je voudrois
-bien que mes louanges fussent d'un prix assez
-considérable pour contribuer à votre gloire, mais,
-telles qu'elles sont je vous assure que je les emploie
-avec plaisir à rendre justice à votre Églogue<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor">&nbsp;[395]</a>
-qui est assurément très-belle et bien digne de vous
-et de son sujet. Je n'oserois, Monsieur, vous en
-dire davantage en parlant à vous, mais ce n'est
-pas tout le bien que j'en dirai en parlant aux
-autres. J'aime naturellement à louer tout ce qui
-mérite d'être loué; jugez donc, Monsieur, avec
-quel plaisir je louerai votre ouvrage, étant autant
-que je suis votre très-humble et très-obéissante
-servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span>
-<span class="small"><b>A M. L'ABBÉ HUET, A AUNAY</b></span><a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor">&nbsp;[396]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Le 7 juillet [1684].</p>
-
-<p>Votre lettre m'a surprise fort agréablement,
-Monsieur, car depuis longtems l'exactitude des
-petits soins n'a plus été nécessaire à vous conserver
-dans mon c&oelig;ur la place que votre mérite vous
-y a acquise. J'ai donc reçu le témoignage de votre
-souvenir avec joie, et la plainte que vous faites
-au sujet du madrigal, est trop obligeante pour ne
-satisfaire pas la curiosité que vous avez de le voir.
-Je l'envoyai au-devant du roi qui le reçut des
-mains de M<sup>me</sup> de Maintenon à Roye, deux heures
-après avoir reçu la capitulation de Luxembourg<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor">&nbsp;[397]</a>;
-car je l'avois fait dès le premier bruit qui avoit
-couru que cette place avoit capitulé; ce qui ne
-s'étoit pas trouvé véritable. Je serois bien aise
-qu'il ne vous déplaise pas, et qu'il ait l'honneur
-de plaire à M. de Morangis, que j'honore toujours
-beaucoup. Je fis encore une petite bagatelle quand
-le roi partit, qui n'a pas déplu au monde; mais
-cela est trop bagatelle pour vous l'envoyer. J'aurai
-dans douze ou quinze jours deux petits volumes
-à vous donner. Apprenez-moi ce que j'en
-dois faire pour les faire parvenir entre vos mains.
-Notre cher M. Ménage est toujours très-incommodé;
-<span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span>
-il ne peut passer de sa chambre dans
-son cabinet qu'avec des potences. Il supporte
-cela avec beaucoup de patience, et se rend encore
-plus digne de la compassion de ses amis. Je lui
-ai envoyé demander votre adresse; je m'en sers
-donc, Monsieur, pour vous assurer que sans que
-vous en preniez nul soin vous me trouverez toujours
-la même. La mémoire de notre chère
-M<sup>me</sup> de Malnoue<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor">&nbsp;[398]</a> sert encore à conserver l'amitié
-que j'ai pour vous, et il me semble que c'est
-l'aimer encore que d'aimer ce qu'elle aimoit.
-Voilà, Monsieur, les sentiments très-purs de votre
-très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. DE VERTRON</b></span><a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor">&nbsp;[399]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1685 OU 1686.]</p>
-
-<p>J'ai tant d'estime, Monsieur, pour M<sup>lle</sup> de la
-Vigne, que tout ce qui vient de sa part m'est précieux.
-Je vois par vos vers et par votre lettre que
-<span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span>
-votre seul mérite peut vous faire recevoir agréablement
-par vous-même; mais comme j'ai une
-toux fort cruelle qui ne me permet pas de beaucoup
-parler, je vous demande cinq ou six jours
-pour guérir, afin de pouvoir vous louer et vous
-remercier sans vous importuner en toussant. Ne
-vous figurez pas, Monsieur, que je sois un <i>bel
-esprit</i>, je ne suis rien moins que cela, mais je suis
-une bonne amie qui fais profession d'être fort sincère
-et qui suis déjà par avance,</p>
-
-<p class="sig">Monsieur,<br />
-<span class="i2">Votre très-humble et très-obéissante servante.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">1685 ou 1686.</p>
-
-<p>Comme je suis cruellement enrhumée, Monsieur,
-vous me devez pardonner de ne vous avoir pas remercié
-plus promptement de la belle devise que
-vous avez faite pour M. le duc de Saint-Aignan;
-elle lui convient admirablement, et j'ai su que
-le jour du carrousel<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor">&nbsp;[400]</a> il confirma cette vérité par
-la manière libre, noble et dégagée dont il s'acquita
-de l'emploi qu'il y avoit. Je vous en rends donc
-mille grâces très-humbles, Monsieur, et je donne
-à l'ouvrage que vous avez fait pour Louis le
-<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span>
-Grand<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor">&nbsp;[401]</a>, toutes les louanges qu'il mérite, en parlant
-aux autres, mais en parlant à vous, je ne me hasarderai
-pas d'entrer dans le détail de celles dont
-il est digne; il y auroit de la vanité à le faire.
-Il me suffit donc de vous dire, que cet ouvrage
-est aussi bien qu'il peut être, dans le dessein
-que vous avez eu de renfermer dans une petite
-espace<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor">&nbsp;[402]</a>, une gloire qu'à peine l'univers peut contenir.
-J'aurois peut-être désiré que vous eussiez
-un peu mieux parlé de Soliman qui avoit de très-grandes
-qualités; car il est toujours beau aux
-victorieux de soumettre des gens d'un mérite éclatant,
-mais cela n'est rien et ne sera remarqué
-que de moi, qui dans ma première jeunesse ai fort
-estimé ce prince othoman. Voilà, Monsieur, tout
-ce qu'un grand rhume me permet de vous dire, et
-que je suis autant que je le dois,</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[1685 ou 1686.]</p>
-
-<p>Le sonnet que vous m'envoyez<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor">&nbsp;[403]</a>, Monsieur, est
-fort beau, mais il est trop flatteur; j'en rabats ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span>
-que je dois, et je vous en remercie sans me laisser
-persuader ce que je ne mérite pas. Je suis fâchée,
-Monsieur, pour l'amour de vous, de ne pouvoir
-changer ma manière, mais je ne le puis. J'ai
-un grand nombre d'amis, et je suis assurée qu'il
-n'y en a pas un qui me conseillât de changer un
-caractère dont je me suis si bien trouvée. Il y a
-plus de trente ans que M. le duc de Montausier
-me loue de ne faire pas le <i>bel esprit</i>; en un mot,
-Monsieur, rien n'est plus opposé à mon humeur,
-et je ne puis, en façon du monde, faire ce que vous
-désirez. Quand mes amis me montrent quelque
-ouvrage, je ne décide jamais rien. Les deux aimables
-personnes que vous avez choisies suffisent à
-juger des choses plus difficiles<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor">&nbsp;[404]</a>: Si elles ne s'accordent
-pas, choisissez un honnête homme pour
-être un tiers. Voilà, Monsieur, tout ce que je puis.
-Et pour finir par où j'ai commencé, je vous loue
-et vous remercie, et je vous promets de louer avec
-plaisir l'ouvrage qui remportera le prix; c'est tout
-ce que peut</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span>
-<span class="small"><b>A M. BOISOT, ABBÉ DE SAINT-VINCENT, A BESANÇON</b></span><a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor">&nbsp;[405]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Le 2 novembre 1686.</p>
-
-<p>Votre lettre, Monsieur, m'a surprise fort agréablement,
-car je n'avois nul lieu de l'attendre aussi
-flatteuse qu'elle est, et je vois bien que je dois la
-bonne opinion que vous avez de moi à mes amis;
-mais, au hasard de vous en désabuser, je voudrois
-bien que vous eussiez quelque affaire agréable en
-ce pays-ci, qui me donnât lieu de connoître par
-moi-même un aussi honnête homme que vous;
-car je ne vous connois pas seulement, Monsieur,
-par les belles lettres que j'ai reçues de vous, je
-vous connois encore par M. de Pellisson, qui ne
-loue jamais sans sujet. De sorte, Monsieur, que
-si mon estime peut contribuer à votre satisfaction,
-vous pouvez en être assuré et qu'il ne tiendra
-qu'à vous que je ne sois toute ma vie,</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span>
-<span class="small"><b>A M. l'ÉVÊQUE DE POITIERS</b></span><a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor">&nbsp;[406]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Février 1687.]</p>
-
-<p>Si je n'étois pas un peu malade et fort affligée
-de la mort de M. le maréchal de Créqui<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor">&nbsp;[407]</a>, j'accepterois
-avec joie l'honneur que vous me voulez
-faire, Monseigneur; mais je n'ai pu encore aller
-voir mes amies affligées et il n'y auroit nulle
-raison d'aller me réjouir dans ce temps où je dois
-pleurer avec elles. Gardez-moi votre bonne volonté
-pour une autre fois et je serai ravie de ne vous
-refuser pas, car je suis véritablement votre très-humble
-servante et très-obéissante malade.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 12 septembre 1687.</p>
-
-<p>Quoique je sois fort diligente, Monsieur, à
-reconnoître dans mon c&oelig;ur tout ce que vous avez
-fait pour m'obliger, je dois vous paroître un peu
-paresseuse à vous remercier du plaisir que m'ont
-<span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span>
-donné toutes vos lettres espagnoles<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor">&nbsp;[408]</a>. Mais un
-grand rhume m'a empêchée de les lire durant
-quelque temps. Je les trouve pleines de beaucoup
-d'esprit et je suis persuadée qu'il y en avoit plus
-en ce temps-là en Espagne qu'il n'y en a aujourd'hui,
-et je suis assurée que le Roi qui y règne
-n'écrit pas comme celui dont M. de Pellisson m'a
-fait voir les lettres, ni les dames de sa cour
-comme la <i>Torquilla</i>. Je vous remercie donc, Monsieur,
-d'avoir songé à me les faire voir. Vous ne
-me dites point s'il faut vous les renvoyer. Cependant
-je prends la liberté de vous donner douze
-vers<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor">&nbsp;[409]</a> que je fis le lendemain que j'eus été voir
-Saint-Cyr par ordre de M<sup>me</sup> de Maintenon, qui m'y
-reçut avec beaucoup de bonté. On y a fait un
-chant parfaitement beau. Il y a près de trois cents
-jeunes demoiselles dans cette maison. C'est un
-établissement admirable. C'est à ces jeunes filles
-que j'adresse ces vers. Je souhaite qu'ils ne vous
-déplaisent pas, Monsieur, et que vous me croyiez
-autant que je suis</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">17 octobre 1687.</p>
-
-<p>Que direz-vous, Monsieur, de mon silence? Les
-apparences sont contre moi, mais, dans la vérité,
-je ne suis pas coupable, car je ne suis point du
-tout ingrate. Votre italien m'a fait pour le moins
-autant de plaisir que votre espagnol, et puis un
-sonnet écrit de la propre main du Tasse<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor">&nbsp;[410]</a> est une
-chose infiniment agréable à quiconque est sensible
-au mérite d'un si excellent homme. Je vous en aurois
-remercié plus tôt, sans un grand rhume qui
-m'a fort importunée; et puis j'eusse bien voulu
-vous envoyer en échange quelque chose de moi
-propre à vous divertir. Mais je vous envoie, Monsieur,
-des vers d'un gentilhomme de mes amis de
-Bordeaux qui fait de fort belles choses.<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor">&nbsp;[411]</a> Vous en
-verrez le sujet au titre. Il faut seulement savoir
-qu'un peu avant cela, le Roi m'avoit fait l'honneur
-de me donner sa médaille. Vous voyez, Monsieur,
-que je paie mes dettes du bien d'autrui. Mais ce
-n'est qu'en vers que j'en use ainsi, car vous trouverez
-dans mon propre c&oelig;ur toute l'estime que
-vous méritez et toute la reconnoissance que doit
-avoir votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span>
-M. de Pellisson est à Fontainebleau. Je lui
-montrerai le sonnet à son retour, qui lui fera
-plaisir.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 19 août 1689.</p>
-
-<p>J'ai reçu, Monsieur, de si grands remercîments
-de MM. de Bonnecorse père et fils<a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor">&nbsp;[412]</a>, que je serois
-bien ingrate si je ne vous témoignois pas la reconnoissance
-que j'ai de toutes les manières honnêtes
-dont vous avez reçu ma très-humble prière. Je le
-fais donc de tout mon c&oelig;ur et je vous assure que
-je ne perdrai jamais le souvenir de cette générosité.
-Mais pour achever la grâce, ne pourriez-vous
-pas obtenir de M. de Moncault qu'il fît pour le
-cadet que vous avez si bien reçu, ce que M. de
-Valcroissant écrivit hier sur ma table, en partant
-pour aller prendre possession du petit gouvernement
-que le Roi lui a donné? Il a été gouverneur
-de M. de Barbésieux, fils de M. de Louvois. Il est
-de Provence et de mes anciens amis, et c'est lui
-qui a fait mettre M. de Bonnecorse aux cadets de
-Besançon. Ce garçon m'a écrit qu'il vaquoit trois
-lieutenances d'infanterie; il en a aussi écrit à
-M. de Valcroissant; mais, par malheur, il partoit
-pour Flandre avec M<sup>me</sup> sa femme. Mais lui ayant
-<span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span>
-demandé ce qu'il falloit faire, il écrivit le petit mémoire
-que je vous envoie<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor">&nbsp;[413]</a>. Voyez, Monsieur, si
-vous pourriez obtenir de M. de Moncault ce que
-ce mémoire porte. M. de Pellisson l'en remercieroit,
-et moi aussi, et je vous en serois parfaitement
-obligée. Le père de ce garçon est un parfaitement
-honnête homme que M. de Pellisson et moi aimons
-beaucoup. Je prends la liberté de mettre un petit
-billet dans votre paquet pour ce gentilhomme-là.</p>
-
-<p>Je serai ravie de voir ce que le médecin écrira
-sur le mal extraordinaire de la fille dont vous
-m'avez fait le récit. Je crois que vous seriez bien
-aise de savoir que le Roi a donné pour gouverneur
-à M. le duc de Bourgogne, M. le duc de Beauvilliers,
-homme d'une grande vertu. M. de Chevreuse<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor">&nbsp;[414]</a>
-est sous-gouverneur, et M. l'abbé de Fénelon
-précepteur. Le Roi sut hier, par un exprès
-parti de Rome le 10, que le Pape était à l'agonie.
-Il est venu aujourd'hui un autre courrier: on se
-figure, avec bien de l'apparence, qu'il apporte la
-nouvelle de la mort. Les cardinaux françois se préparent
-à partir, et M. le duc de Chaulnes aussi,
-avec la qualité d'ambassadeur extraordinaire.
-<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span>
-M. d'Uxelles se défend admirablement bien à
-Mayence; Brégy se défend de même. La flotte du
-Roi est la plus belle du monde. La dyssenterie est
-dans celle de ses ennemis, et il y a lieu de croire
-que Dieu bénira les armes de Louis le Grand et
-confondra ses ennemis. Mais pour finir par où j'ai
-commencé, Monsieur, je vous rends mille grâces
-très-humbles et suis pour toute ma vie votre très-humble
-et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 7 de septembre 1689.</p>
-
-<p>Je réponds un peu tard, Monsieur, à votre lettre
-du 28, parce que je voulois la montrer à M. de
-Pellisson, afin qu'il m'aide à reconnoître la manière
-obligeante dont vous agissez pour M. de
-Bonnecorse. Mais vous pouvez assurer M. de Moncault<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor">&nbsp;[415]</a>
-et vous assurer vous-même qu'il sentira
-vivement tout ce que vous faites l'un et l'autre
-pour ce gentilhomme dont le père est son ami et
-le mien, et que vous trouveriez très-digne d'être
-le vôtre si vous le connoissiez. Il a de l'esprit, du
-savoir et beaucoup de vertu. Je lui avois écrit afin
-qu'il rendît office à l'ambassadeur de Constantinople
-qui devoit passer à Marseille. Il a fait cela
-de si bonne grâce que ce m'est un nouvel engagement
-de le protéger en la personne de son fils.
-<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span>
-Continuez donc, Monsieur, de le servir auprès de
-M. de Moncault. Mais comme ce garçon-là n'est
-pas l'aîné de la famille, il vaut mieux lui faire
-donner une lieutenance dans un bon corps d'infanterie
-que de le mettre dans la cavalerie où il y a
-plus de dépenses à faire.</p>
-
-<p>Après cela, je laisse le reste à faire à votre générosité
-et à celle de M. de Moncault, dont M. de
-Pellisson me dit avant-hier encore beaucoup de
-bien. J'écris aujourd'hui au cadet de Besançon,
-ne voulant pas toujours abuser de votre honnêteté,
-et j'écris aussi à son père pour lui apprendre la
-continuation de vos bontés pour son fils. Je vous
-assure que ce garçon-là n'en est pas ingrat, car il
-m'en écrit comme en ayant le c&oelig;ur pénétré.
-Mayence fait toujours des merveilles, et Brégy ne
-se dément pas. Mais les nouvelles d'Irlande ne
-sont pas bonnes, et l'on ne doute pas que Londonderry
-n'ait été secouru. Les cardinaux françois
-vont en diligence à Rome pour empêcher, s'ils
-peuvent, que le conclave ne nous donne un pape
-aussi ennemi de la France que le dernier; mais la
-maison d'Autriche fait une grande ligue. La flotte
-angloise n'a pas voulu attendre la nôtre. Il y a une
-épitaphe du Pape qui ne le flatte pas, mais vous
-l'aurez peut-être reçue. Je suis, Monsieur, avec autant
-d'estime que de reconnoissance, votre très-humble
-et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 7 octobre 1689.</p>
-
-<p><b>......</b>Il faut vous répondre, Monsieur, sur ce
-que vous me demandez touchant Saint-Cyr. Il
-n'y a pas toujours des places vacantes, mais on
-écrit dans un registre celles qui ont des places retenues.
-Il faut faire preuve de quatre degrés de noblesse
-par pièces originales par-devant M. d'Hozier,
-fils du grand généalogiste, préposé pour cela;
-mais il faut auparavant avoir parlé à M<sup>me</sup> de Maintenon,
-qui seule conduit toute cette maison. Il
-faut que la petite fille ait sept ans passés; on n'en
-reçoit point au-delà de douze. On désire qu'elles
-soient saines et qu'elles ne soient pas difformes.
-Mais j'ai à vous dire qu'on n'en mariera plus
-comme on a fait. Elles y seront jusqu'à vingt ans.
-Quand il vaque des places de religieuses dans les
-abbayes royales où le Roi a droit d'en nommer une,
-s'il y a des demoiselles que Dieu appelle à la religion,
-on en choisit une et on l'envoye à cette abbaye-là.
-Voilà, Monsieur, ce que je vous en puis
-dire. Si les filles ne font pas bien leur devoir, on
-les rend aux parents, et il en est sorti deux il y a
-trois jours. J'ajoute après cela que, quoique j'aie
-refusé à une personne de me mêler de mettre des
-filles dans ce lieu-là, si vous voulez dresser un
-mémoire bien circonstancié de la condition de la
-demoiselle, de la vertu de la mère, du père, du
-bien de cette famille, de l'âge de la fille et peindre
-<span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span>
-même la petite personne, je ferai voir le mémoire
-à M<sup>me</sup> de Maintenon. Mais comme la Cour partit hier
-pour Fontainebleau, d'où elle ne reviendra à
-Versailles que le 23 de ce mois, il faudra attendre ce
-retour-là....</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET</b></span><a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor">&nbsp;[416]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1689.]</p>
-
-<p>Je suis fort aise, Monseigneur, que vous m'ayez
-fait l'honneur de vous souvenir de moi, sans vous
-souvenir de mon ignorance; car peut-être, si vous
-vous en étiez souvenu, ne m'eussiez-vous pas
-donné votre excellent ouvrage<a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor">&nbsp;[417]</a>. Je voudrois bien
-cependant que vous m'eussiez aussi envoyé quelque
-habile traducteur, afin de ne perdre rien d'un
-livre qui n'est pas favorable à certaines machines
-cartésiennes, contre lesquelles je me suis déclarée
-hautement il y a longtemps, sans employer pourtant
-contre le philosophe, que mon chien, ma
-guenon et mon perroquet. Mais comme il y a certaines
-choses qu'on entend plus facilement que les
-autres, j'ai fort bien entendu les louanges que
-vous donnez à M. de Montausier dans votre préface,
-et quelques autres petits endroits dont je
-<span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span>
-n'oserois parler en détail de peur de m'égarer. Le
-philosophe que vous attaquez si vivement a une
-nièce<a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor">&nbsp;[418]</a> que j'aime beaucoup et qui a infiniment de
-mérite; mais elle entend raillerie sur la philosophie
-de son oncle, comme vous le verrez par un
-madrigal qu'elle m'envoya au commencement
-d'avril, lorsqu'elle sut que la pauvre fauvette étoit
-revenue dans mon petit bois, suivant sa coutume.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Quand la plus belle des fauvettes</p>
-<p class="i2"> Je vis revenir où vous êtes,</p>
-<p>Ah! m'écriai-je alors avec étonnement,</p>
-<p>N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement.</p>
-</div></div>
-
-<p>Après cela j'ose vous supplier de recevoir un
-petit madrigal<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor">&nbsp;[419]</a> .... et que vous me croyiez toujours
-votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 22 mars 1690.</p>
-
-<p>Il y a sept semaines, Monsieur, que je suis malade,
-et quoique je sois beaucoup mieux, je ne recevrai
-pourtant des visites qu'après Quasimodo,
-<span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span>
-et, à la réserve de trois ou quatre personnes, je
-ne vois encore qui que ce soit. Mais, quand je
-serai achevée de guérir, je serai ravie de voir
-M. l'abbé Nicaise et de le remercier de son présent.
-Si vous lui écrivez, Monsieur, vous me ferez plaisir
-de l'assurer de mes services très-humbles et
-de mon estime.</p>
-
-<p>Au reste il y a une contestation entre des gens de
-savoir pour donner la préférence à un des trois éloges
-du Roi que M. de Pellisson a faits dans ce qu'il
-a écrit sur la religion. Le premier est au premier
-volume des <i>Réflexions</i><a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor">&nbsp;[420]</a> que je sais que vous avez:
-il est placé dans la relation sur l'état de la religion
-en France. Le second éloge est au second volume
-des <i>Réflexions</i> et le troisième est à la fin des
-<i>Chimères</i><a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor">&nbsp;[421]</a>, que je suppose que M. de Pellisson vous
-a données. Comme j'estime beaucoup votre discernement,
-Monsieur, et la délicatesse de votre goût,
-je vous prie de les relire, d'en choisir un, et de me
-mander celui que vous aurez préféré, en un papier
-à part. J'ai déjà plusieurs avis de cette sorte; vous
-serez, Monsieur, en bonne compagnie, et cela fera
-plaisir à M. de Pellisson. Je suis avec toute l'estime
-que vous me connoissez et toute la reconnoissance
-possible, votre très-humble et très
-obéissante servante, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span>
-<span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY AUX VERS DE M. LE
-PREMIER PRÉSIDENT DE LA GUYENNE,</b></span><a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor">&nbsp;[422]</a><br />
-<span class="small"><b>OÙ IL SOUTENOIT
-QU'ON NE POUVOIT CHOISIR ENTRE LES TROIS ÉLOGES<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor">&nbsp;[423]</a><br /> PARCE
-QU'ILS ÉTOIENT ÉGAUX EN BEAUTÉ.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[Mai 1690.]</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Quoi qu'en puissent dire vos vers,</p>
-<p class="i2"> Rien n'est égal en l'univers.</p>
-<p class="i2"> Le soleil même en sa carrière,</p>
-<p>Répand diversement sa brillante lumière,</p>
-<p>Et ses rayons si purs, et si clairs, et si beaux,</p>
-<p>Aux yeux les plus perçants paroissent inégaux.</p>
-</div></div>
-
-<p><b>....</b> Après cela, Monsieur, il me semble que
-vous devriez vous rendre à ce grand exemple et
-préférer un des trois Éloges aux deux autres....
-On trouve, sans doute, dans le premier, tout ce
-que les panégyriques les plus étendus peuvent
-avoir de plus fort et de plus noble pour donner
-l'idée d'un Roi accompli. Le second, en peu de paroles,
-et en forçant l'envie même à en faire un
-portrait admirable, a sans doute une charmante
-nouveauté.... Mais je sens dans le troisième quelque
-chose de divin qui tient de l'inspiration, qui
-emporte mon c&oelig;ur en ravissant mon esprit, et
-qui ne me permet pas de rester dans une neutralité
-volontaire comme la vôtre. J'ai même, ce me
-semble, Monsieur, un grand préjugé qui favorise
-mon sentiment; car il faut que vous demeuriez
-d'accord que tout homme sage proportionne les
-<span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span>
-choses qu'il dit à ceux à qui il parle. On ne parle
-pas à un grand Roi comme à un simple particulier,
-à des dames comme à des docteurs; et, selon cette
-règle, l'auteur des <i>Éloges</i> a dû s'élever davantage
-en parlant à Dieu pour un grand Roi, et y penser
-avec plus d'application que lorsqu'il en parloit à
-de pauvres fugitifs égarés.... Cette distinction de
-style selon les divers sujets est même le véritable
-caractère de l'auteur des <i>Éloges</i>, dont il ne s'est
-jamais départi; et qui considérera, non pas tant la
-multitude de ses ouvrages que leur prodigieuse
-variété, ne doutera pas qu'il n'ait eu dessein de
-mieux parler à Dieu qu'aux hommes. Dans le
-commencement de sa vie, n'ayant encore que
-vingt ans, il fit la paraphrase des <i>Institutes</i> de Justinien,
-par où il sembloit qu'il ne dût jamais être
-appliqué qu'aux choses les plus savantes, et quoique
-ce petit ouvrage ait fait entendre ce que c'est
-que la jurisprudence romaine jusques aux dames
-même, quand elles ont voulu être curieuses, et que
-toutes sortes de personnes l'aient lu avec plaisir,
-il s'en faut beaucoup qu'il soit du caractère de
-ceux qui suivirent. L'<i>Histoire de l'Académie</i> a passé
-et passera toujours pour un chef-d'&oelig;uvre, le style
-n'en étant ni trop, ni trop peu élevé, ayant même
-évité avec beaucoup d'art les écueils qui se rencontroient
-dans son sujet. Peu de temps après, ce
-qu'on appelle le monde fut rempli et charmé d'ouvrages
-de poésie ingénieuse, galante et agréable.
-La fameuse <i>Fauvette</i> vola partout où le françois
-est entendu; le <i>Caprice contre l'estime</i>, l'<i>Oranger</i>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span>
-le <i>Dialogue de Pégase et d'Acante</i> et cent autres
-marquent assez ce que je dis. Et pour montrer
-qu'il a su varier ses ouvrages de poésie comme
-ses ouvrages de prose, plusieurs odes héroïques ou
-chrétiennes ont mérité l'approbation des plus habiles;
-et ce poëme d'<i>Eurymedon</i><a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor">&nbsp;[424]</a> où le Roi est si
-bien loué, a fait voir en abrégé tout ce que les
-poëmes épiques les plus parfaits ont de plus sublime
-et de plus héroïque. Ce Panégyrique du
-Roi<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor">&nbsp;[425]</a> prononcé à l'Académie, il y a plus de quinze
-ans, et privé par conséquent de toutes les belles
-actions que le Roi a faites depuis, ce Panégyrique,
-dis-je, quoiqu'il ne soit pas la trentième partie de
-celui de Pline, qu'on a tant vanté, a paru donner
-une plus grande idée de Louis le Grand que celle
-que Pline donne de Trajan. La préface sur les ouvrages
-de Sarazin, que M. Ménage m'a fait l'honneur
-de me dédier, a été admirée de tous ceux qui
-l'ont vue.... Quant à ses agréables ouvrages de
-poésie, sachant qu'il ne les a jamais regardés que
-comme des jeux de son esprit, sans songer même
-à les conserver ni vouloir qu'on les imprimât, je
-dois en quelque sorte m'accommoder à sa modestie.
-Je dirai pourtant encore qu'en des siècles
-bien différents on a fort loué ceux qui ont été capables
-de cette surprenante variété, et que ceux
-même qui cherchent à critiquer Homère et
-l'Arioste conviennent qu'ils sont admirables par
-la diversité des images qu'ils présentent à leurs
-<span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span>
-lecteurs, et en cela beaucoup au-dessus de Virgile
-et du Tasse. Mais pour reprendre ce qui me reste
-à dire, tout ce que quelques personnes de la cour
-et des amis particuliers de l'auteur des <i>Trois
-Éloges</i> ont vu de son <i>Histoire du Roy</i>, tombent
-d'accord qu'on y trouve tout ce qu'on admire
-dans les historiens de l'antiquité les plus parfaits.
-Ses ingénieux et solides quatrains de morale pour
-l'instruction d'un jeune prince, et que tout le
-monde connoît, en conservant un style naturel et
-noble, tel qu'il le faut pour des maximes, inspirent
-l'amour de la vertu agréablement; et, en dernier
-lieu, ce que l'auteur des <i>Éloges</i> a écrit sur la
-religion fait assez connoître qu'il a proportionné
-son style au sujet qu'il a traité, et que, par conséquent,
-il a eu dessein que ce dernier éloge du
-Roi, contenu avec beaucoup d'art dans une pièce
-qu'il adresse à Dieu, fût le plus élevé et le plus
-parfait. Aussi a-t-il eu l'avantage d'être loué de
-tout le monde et de l'être même par un des plus
-habiles protestants étrangers qu'on connoisse<a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor">&nbsp;[426]</a>, ce
-qui n'est guère moins extraordinaire que d'être
-loué par l'envie même. Voilà, Monsieur, quel est
-le sentiment de votre très-humble et très-obéissante
-servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span>
-<span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 7 mars 1691.</p>
-
-<p>Vous portez, Monsieur, la générosité si loin
-pour M. de Belgeri, que je ne trouve point de
-termes pour vous exprimer ma reconnoissance, ni
-pour vous louer comme vous méritez de l'être, et
-je renferme tout cela dans mon c&oelig;ur où rien ne
-se perd jamais.... Après cela, Monsieur, je ne puis
-m'empêcher de vous faire remarquer qu'il n'eût
-pas été possible de prévoir, quand j'avois garnison
-toutes les nuits pour me garantir des voleurs,
-qu'une aventure si importune, au lieu de m'appauvrir
-comme j'avois lieu de le craindre, enrichiroit
-mon cabinet en me faisant recevoir des
-madrigaux très-agréables, et la plus jolie lettre du
-monde que j'y conserverai soigneusement. En vérité,
-Monsieur, après avoir lu ce que votre aimable
-amie vous écrit<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor">&nbsp;[427]</a>, je vous soupçonnerois volontiers
-de me tromper, et je croirois que cette jolie
-lettre est de quelque personne de la cour, que des
-affaires ont menée dans votre pays, si j'en connoissois
-quelqu'une qui écrivît avec autant d'esprit et
-autant de politesse. Ce qui m'en plaît encore infiniment,
-Monsieur, c'est qu'il me paroît qu'elle
-croit vous faire plaisir de vous parler de moi. Car,
-du reste, les louanges d'une personne qui ne me
-connoît pas, quoique très-ingénieuses et très-bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span>
-écrites, me donnent beaucoup d'estime pour elle
-sans me donner de vanité.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Dieu me garde de chercher noise</p>
-<p>Avec une telle Comtoise!</p>
-<p>J'aime beaucoup mieux filer doux,</p>
-<p>Et ne répondre que par vous.</p>
-</div></div>
-
-<p>Vous lui direz donc, s'il vous plaît, Monsieur,
-que je ne sais pas si elle a été ou si elle est votre
-maîtresse, mais que je vois beaucoup d'apparence
-que vous avez été son maître en l'art de bien
-écrire. Mais, pour vous aider à divertir une si charmante
-écolière, je vous envoie des vers d'un de
-mes amis de Bordeaux qui s'appelle M. Bétoulaud,
-d'un mérite fort distingué, et qui est présentement
-à Paris. Celui dont je parle m'a donné lieu
-de faire plusieurs présents agréables au Roi. Je
-vous envoie donc une empreinte d'une aigle qui
-tient une couronne de laurier à son bec. Cette
-aigle est gravée sur une très-belle agate orientale
-que j'ai donnée à Sa Majesté avec les vers qui l'accompagnent.
-Je vous envoie encore une empreinte
-d'un cachet de cornaline, où un phénix est représenté
-sur un bûcher, que le même M. de Bétoulaud
-a donné à M. de Pellisson avec un madrigal
-dont vous trouverez le sens fort juste.</p>
-
-<p>Et comme les nouvelles peuvent divertir à la campagne,
-je vous apprends que durant que tous les
-princes ligués sont assemblés à la Haye pour résoudre
-quel mal ils pourront faire à la France, nous
-voyons de tous côtés de quoi troubler leur assemblée;
-<span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span>
-car toute la gendarmerie a ordre de se tenir
-prête à partir au premier commandement. Toutes
-les troupes sont en mouvement en Flandre; l'artillerie
-doit être prête à marcher le 10 de ce mois,
-et l'on ne doute pas d'un siége avant la fin de
-mars. Tous les vaisseaux de Toulon sont en état
-de mettre à la voile; vingt galères sont prêtes à
-Marseille. Il vient quatre mille matelots de Provence
-pour nos vaisseaux de Ponant; il marche
-beaucoup de troupes en Piémont, et, de tous les
-côtés, le Roi est le plus grand roi du monde. J'espère
-même que nous n'aurons pas un pape autrichien.
-Voilà, Monsieur, de quoi amuser votre aimable
-amie, M<sup>lle</sup> Bordey, que je voudrois bien
-qui fût la mienne: je n'en désespérerois pas si
-elle savoit à quel point je suis la vôtre. Mais, à
-mon grand regret, vous ne le savez pas vous-même,
-n'ayant nulle occasion de vous témoigner combien
-je suis, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE BORDEY</b></span><a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor">&nbsp;[428]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce 16 mars 1691.</p>
-
-<p>Je vous suis infiniment obligée, Mademoiselle,
-de l'honneur que vous m'avez fait de m'écrire,
-<span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span>
-mais permettez-moi de vous dire que je suis la
-personne du monde qu'on doit le moins craindre,
-aussi vous puis-je assurer que je n'aime nullement
-qu'on me craigne, et je n'ai jamais inspiré
-ce sentiment-là dans le c&oelig;ur de ceux qui m'ont
-<span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span>
-vue. Bannissez-le donc, s'il vous plaît, du vôtre à
-mon égard, et la raison le veut ainsi. Car premièrement
-avec tout l'esprit que vous avez, vous ne
-devez craindre personne, et puisque vous ne craignez
-pas M. l'abbé de Saint-Vincent qui est plus
-redoutable que moi, vous avez eu tort de m'appréhender.
-Je ne me pique point du tout de bel
-esprit; je parle et j'écris simplement pour me faire
-entendre, je ne cherche pas à dire de belles choses
-que peut-être je ne trouverois pas, mes premières
-pensées me semblent ordinairement les meilleures,
-je les prends comme elles viennent. Jugez après cela,
-Mademoiselle, si vous avez eu raison de me craindre;
-mais je puis vous assurer que si une grande
-estime peut faire naître l'amitié, vous m'aimerez
-un peu, car tout ce que j'ai vu de vous et tout ce
-que M. l'abbé de Saint-Vincent m'en a écrit, vous
-ont donné une si bonne place dans mon c&oelig;ur que
-je ne suis pas indigne d'en avoir du moins une
-petite dans le vôtre, et d'obtenir la permission
-d'être toute ma vie, avec toute l'estime que vous
-méritez, votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 23 mars 1691.</p>
-
-<p>Je vous envoie ma réponse à votre aimable
-amie, Monsieur, et je vous prie de lui rendre témoignage
-que j'ai reçu sa lettre fort tard, afin
-<span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span>
-qu'elle ne m'accuse pas d'un défaut que je n'ai
-point; car je suis fort exacte à répondre aux personnes
-que j'estime. Je vous envoie ma lettre ouverte,
-afin que vous voyiez qu'elle avoit tort de me
-craindre et que vous lui persuadiez qu'on peut
-m'aimer sans injustice. M. de Bonnecorse aura été
-fâché de ne vous trouver pas; car je sais par
-M. son père qu'il a beaucoup de reconnoissance
-des obligations qu'il vous a. Je crois qu'il aura
-reçu une lettre de recommandation de M. le comte
-Devaux pour son colonel, qui ne lui sera pas inutile,
-car il est son parent et son ami.</p>
-
-<p>La plupart de nos jeunes princes partirent
-avant-hier. M. le duc de Chartres partira cette semaine,
-mais il ne paroît pas que M. le Dauphin
-doive aller. Le secours pour l'Irlande est parti de
-Brest. Il n'y avoit encore à Rome nulle apparence
-de Pape le 24 du passé, et l'on croit que le conclave
-traînera. Le duc de Savoie est en un état
-déplorable; mais son imprudence le rend indigne
-de compassion. Sa femme et sa maîtresse sont
-françoises et il passe pour constant que la dernière
-l'a engagé avec le prince d'Orange, dont on
-ne sait nulles nouvelles...... M. de Pellisson est à
-Versailles, à peu près comme à l'ordinaire pour sa
-santé, et je suis toujours également, Monsieur,
-votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 27 juillet 1691.</p>
-
-<p>Je vous envoie, Monsieur, une trop longue lettre
-pour cette généreuse amie. Je vous en demande
-pardon et j'accourcirai celle que je vous écris autant
-que je le pourrai. Vous aurez su la surprenante
-mort de M. de Louvois, que cinq médecins et
-trois chirurgiens ont dit être empoisonné; et l'on
-vous aura dit que M. le chancelier de France est
-aussi chancelier de l'ordre; mais je ne sais si
-vous savez que le Roi a fait ministres d'État M. le
-duc de Beauvilliers et M. de Pomponne qui ont
-tous deux une vertu distinguée. Le dernier est de
-mes anciens amis, qui a autant de capacité que
-de vertu.</p>
-
-<p>Après cela, Monsieur, je crois devoir vous dire
-que j'ai su par M. le cardinal de Forbin, que
-nous avons un pape dont on a lieu de beaucoup
-espérer pour la chrétienté<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor">&nbsp;[429]</a>. Il est Napolitain, mais
-il n'a point de neveu; il ne veut point de parents
-auprès de lui, et a déclaré qu'on ne verra point
-de Napolitains au palais. Il a le c&oelig;ur droit et
-juste et d'une bonté infinie. Il aime à donner l'aumône,
-et dès qu'il fut élu, il ordonna de changer
-quatre mille écus romains en jules, pour donner
-aux pauvres le jour de son couronnement. Voici les
-emplois qu'il a eus, qui doivent lui avoir donné de
-<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span>
-l'expérience: Référendaire de l'une et l'autre signatures,
-vice-légat d'Urbin, inquisiteur à Malte, gouverneur
-de Viterbe, nonce à Florence, archevêque
-de la ville<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor">&nbsp;[430]</a>, nonce en Pologne, nonce à l'Empire,
-évêque de Lucques, secrétaire des évêques réguliers,
-maître de chambre de Clément X et d'Innocent XI,
-cardinal, évêque de Faënse, archevêque de Naples,
-et souverain pontife le 12 juillet 1691. Il garde
-les principaux ministres du dernier pape, qui sont
-de nation françoise. Enfin il paroît qu'on ne pouvoit
-mieux choisir. Il a 87 ans, mais d'une bonne
-santé et d'un esprit ferme...... Je suis, Monsieur,
-avec toute l'estime que vous méritez, votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 29 d'août 1691.</p>
-
-<p>Ne soyez point en inquiétude, Monsieur, de la
-malice que votre aimable amie vous a faite: elle
-n'est ni contre son honneur, ni contre le vôtre, et
-je l'en estime davantage et vous aussi. Ce que je
-dis vous paroîtra peut-être une énigme, mais c'est
-à elle à vous l'expliquer. Elle n'a qu'à vous montrer
-ma lettre, vous l'entendrez à l'heure même.
-Si je ne m'étois pas trouvée mal, je vous aurois
-<span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span>
-répondu plus tôt. La bizarrerie de la saison a un
-peu altéré ma santé. Mais j'espère que la joie que
-j'ai de la honte dont le prince d'Orange se couvre
-tous les jours, aidera à la rétablir. Quand il partit
-de Londres, il dit qu'il alloit prendre Dinan, reprendre
-Mons et gagner une grande bataille. Cependant
-il n'en a rien fait et toute notre armée se
-moque de lui, depuis les princes jusqu'aux goujats.
-La paix de l'Empire avec les Turcs, qu'il
-avoit promise aux princes ligués, ne s'avance pas,
-le pape a refusé de l'argent à l'Empereur, et j'espère
-qu'il accordera bientôt des bulles à la France.</p>
-
-<p>J'ai encore après cela, Monsieur, une chose à
-vous dire, et vous ne vous y attendez pas, c'est que
-je vous défie d'honorer plus M<sup>lle</sup> Bordey que je
-l'honore. Ne vous avisez pas de me disputer cette
-vérité, car vous offenseriez injustement votre, etc.,
-etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE BORDEY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">29 août 1691.</p>
-
-<p>Le proverbe qui dit que tous chemins vont à
-Rome, est fait exprès pour vous, Mademoiselle,
-car vous allez à la gloire par des routes tout opposées.
-On vous laisse un trésor en dépôt; vous le
-révélez généreusement sans vous laisser tenter à
-nul intérêt. On vous confie un trésor d'esprit en
-vous confiant un agréable dialogue<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor">&nbsp;[431]</a> que la modestie
-<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span>
-de son auteur veut cacher; vous me le montrez
-pour son honneur, sans vous arrêter à une injuste
-exactitude qui priveroit votre ami des louanges
-qu'il mérite d'avoir su tourner si ingénieusement
-un entretien qu'il étoit si difficile de rendre agréable.
-Je vous loue donc, Mademoiselle, et vous remercie
-tout ensemble de m'avoir fait part de cette
-jolie aventure dont je n'ai pu faire part à M. Pellisson;
-car, encore qu'il ait rendu justice à votre
-mérite, après avoir vu les lettres que vous m'avez
-fait l'honneur de m'écrire, je vous assure, Mademoiselle,
-qu'il ne peut guère donner de temps à
-ses amis. Je le vois toutes les fois qu'il vient à
-Paris, mais il arrive souvent qu'on vient le chercher
-dans mon cabinet, et que ses visites sont fort
-interrompues. Cependant tenez pour certain qu'il
-vous honore autant que vous le méritez, et que je
-pourrois le récuser, si on me vouloit forcer de
-l'accepter pour juge, comme vous le désirez. Mais
-j'aime mieux vous céder, et convenir que j'eusse
-pu laisser du moins en purgatoire l'âme d'un
-homme qui hasardoit son salut pour deux mille
-écus, et qui en laissoit plus de cinquante mille à
-son fils unique. Je vous cède donc, Mademoiselle,
-sans nulle peine, mais je vous défie hardiment
-d'estimer plus M. l'abbé de Saint-Vincent que je
-l'estime, et je vais le défier, en lui répondant, de
-vous honorer plus que je fais, et d'être plus votre
-serviteur que je suis votre très-humble servante,
-etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span>
-<span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor">&nbsp;[432]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce 25 d'octobre [1691].</p>
-
-<p>Je vous remercie, Monseigneur, de m'avoir appris
-que notre ami<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor">&nbsp;[433]</a> a eu beaucoup de voix; je ne
-le savois pas. M. Pavillon est fort honnête homme
-et par-dessus cela cousin-germain de M<sup>me</sup> de Pontchartrain<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor">&nbsp;[434]</a>;
-il est constant qu'il n'y pensoit pas, je
-le sais de certitude. Si M. de Meaux et M. Dangeau
-eussent été à l'Académie, je crois que M. de
-la Loubère l'eût emporté; ce sera pour une autre
-fois, il se porte assez bien pour voir une autre occasion.
-Je suis bien aise, Monseigneur, que vous
-comptiez ma voix pour quelque chose, mais si
-vous connoissiez bien mon c&oelig;ur, vous me mettriez
-du moins au premier rang de vos amies, et peut-être
-à côté de vos premiers amis, car personne
-<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span>
-n'est plus que je le suis votre très-humble et très
-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 18 décembre 1691.</p>
-
-<p>Je vous envoie, Monsieur, une lettre pour votre
-aimable amie, où vous mettrez, s'il vous plaît, le
-nom qu'elle porte aujourd'hui<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor">&nbsp;[435]</a>, car vous ne me l'avez
-pas mandé. Je ne doute point que son mariage
-ne soit heureux, puisque vous l'avez approuvé. Je
-n'ai pas été si prudente qu'elle, car j'ai préféré
-trois fois en ma vie la liberté à la richesse, et je ne
-m'en saurois repentir. Vous ne lui direz pas, s'il
-vous plaît, Monsieur, ce que je vous écris, car ce
-qui est bien pour une personne ne l'est pas pour
-l'autre. Pourvu qu'elle ait la liberté de vous voir
-souvent, je ne la plaindrai pas de toutes les suites
-d'un mariage que la sympathie réciproque n'a pas
-fait.</p>
-
-<p>Vous aurez su que M. de Château-Renaud a
-amené douze mille Irlandais que le roi d'Angleterre
-veut aller voir en Bretagne, et il en viendra
-encore quatre mille. Il y a eu une entreprise sur
-Nice qui a manqué, l'avis en étant venu de Rome au
-gouverneur de la place. Les nouvelles d'hier de
-<span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span>
-Montmélian étoient qu'on avoit comblé le fossé et
-qu'il y avoit quatre mineurs attachés au corps de la
-place. Le Pape a commencé de donner audience
-publique au peuple et avoit écouté cent personnes
-la veille qu'on m'a écrit. On travaille aux affaires
-de France et l'on en espère bien.</p>
-
-<p>Un fameux missionnaire, curé des Invalides, a
-été reconnu pour être le plus grand hypocrite qui
-fut jamais<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor">&nbsp;[436]</a>. Il est en fuite et laisse cent mille écus
-de dettes. On a trouvé dans une de ses cassettes
-cinq portraits de dames et plus de cent lettres dignes
-du feu; il n'y a jamais rien eu d'égal. Il étoit
-confesseur de M. le duc de Beauvilliers qui est la
-vertu même. Cette histoire a des circonstances
-qui font détester l'hypocrite et l'hypocrisie. Je
-crois, Monsieur, qu'il est permis de se réjouir de
-ne ressembler en rien à ces gens-là, et que, sans
-vaine gloire, on en peut remercier Dieu. Cela doit
-<span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span>
-même faire estimer davantage les amis véritables
-qu'on a. Vous pouvez juger, Monsieur, que je vous
-mets de ce nombre, aussi bien que M. de Pellisson,
-et que je me fais un nouveau plaisir d'être, autant
-que je le suis, votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADAME DE CHANDIOT (MADEMOISELLE BORDEY).</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 18 décembre 1691.</p>
-
-<p>J'ai une si bonne opinion de votre jugement,
-Madame, que je ne doute pas qu'il ne faille se
-réjouir avec vous de votre mariage, quoique ce
-soit, selon moi, la chose du monde la plus difficile
-à faire bien à propos. Mais si j'avois l'honneur de
-connoître celui que vous avez choisi pour époux,
-je me réjouirois hardiment avec lui, car je le
-trouve le plus heureux du monde d'avoir une
-femme de votre mérite. Je vous souhaite, Madame,
-tout le bonheur dont vous êtes digne, et je souhaite
-en même temps qu'en changeant de condition,
-vous n'ayez pas changé de sentiments pour
-moi, qui suis toujours plus que je ne puis l'exprimer,</p>
-
-<p>Votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span>
-<span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor">&nbsp;[437]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[Fin de 1691.]</p>
-
-<p>Je vous dois, Monseigneur, non-seulement des
-remercîments et des louanges, mais de l'admiration
-pour avoir si bien su éclaircir ce que la
-géographie ancienne a de plus obscur et de plus
-embrouillé. Comme j'ai autrefois assez voyagé sur
-les bords de l'Euphrate<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor">&nbsp;[438]</a> et que depuis peu j'ai
-fait un petit voyage à Suze, et que les auteurs qui
-en ont parlé sont de ma connoissance, j'ai pris
-beaucoup de plaisir à vous voir concilier des opinions
-si différentes, et tirer la vérité, ou du moins
-la vraisemblance, de tant de sentiments contraires.
-Je vous loue donc et vous admire, Monseigneur,
-et je suis avec beaucoup de sincérité,</p>
-
-<p>Votre, etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p>
-
-<p class="dater">11 janvier 1692.</p>
-
-<p>Comme ce n'est pas ma coutume, Monsieur, de
-me laisser surpasser en témoignages d'amitié, je
-<span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span>
-vous rends confidence pour confidence, en vous
-apprenant que la dernière page de votre dernière
-lettre a pensé donner de la jalousie à M. de Pellisson,
-et qu'elle lui a paru si bien écrite que, si
-la modestie naturelle l'avoit pu souffrir, il l'auroit
-fait imprimer. Il en a parlé à M. l'abbé de Ferrières<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor">&nbsp;[439]</a>
-avec tant d'éloges que je la lui montrerai
-la première fois qu'il me verra. Tout ce que je
-vous dis, Monsieur, est vrai au pied de la lettre,
-et je vous assure, avec la sincérité dont je fais
-profession, que personne en France ne peut mieux
-écrire. Cet endroit de votre lettre a un caractère
-de politesse aussi digne d'un honnête homme de
-la cour que d'un excellent académicien.</p>
-
-<p>Après cela, Monsieur, j'ai à me réjouir avec
-vous de ce que vous avez des bulles qui sont
-l'objet des désirs de tant d'évêques, et je suis bien
-aise de savoir qu'un cardinal, qui est un de mes
-plus anciens et intimes amis<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor">&nbsp;[440]</a>, ne vous a pas été
-inutile. Mais il est à souhaiter que le Pape finisse
-bientôt les affaires de France. Les effroyables
-désordres que les troupes allemandes font dans le
-Modenais, le Parmesan et le Plaisantin y peuvent
-contribuer, et la prise de Montmélian donne beaucoup
-de force aux négociations de M. de Rebenac.
-La consternation a été grande à Turin en voyant
-le gouverneur de cette place n'y ramener que cinquante
-<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span>
-Piémontais; tous les Savoyards étant retournés
-chez eux, ou ayant pris parti dans nos
-troupes. M. de Chamlay est allé visiter la place
-afin de résoudre si on la rasera ou si on la fera
-rétablir pour la garder: il faut cinq cent mille
-francs pour la réparer. Il court bruit de quelque
-dessein en Flandre, soit pour Charleroi ou pour
-Namur; mais ce n'est encore qu'un bruit. Comme
-vous me marquez, Monsieur, que M<sup>me</sup> de Chandiot
-n'a pas autant de loisirs qu'autrefois, je ne réponds
-pas à sa réponse, et je me contente de vous
-prier de l'assurer que je lui souhaite un grand
-nombre d'années heureuses, et pour vous, Monsieur,
-en vous désirant tout le bonheur dont vous
-êtes digne, c'est vous désirer des biens infinis.
-Mais permettez-moi en même temps de désirer
-que vous me conserviez toute votre amitié et que
-vous soyez persuadé que je suis très-sincèrement
-votre, etc.</p>
-
-<p><i>P. S.</i> J'apprends qu'hier le mariage de M<sup>lle</sup> de
-Blois<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor">&nbsp;[441]</a> et de M. le duc de Chartres fut arrêté. Le
-Roi donne deux millions d'argent, cinquante mille
-écus de pension, le Palais-Royal en propre et cent
-mille écus de pierreries. J'apprends encore qu'il
-est arrivé dix-huit vaisseaux anglois chargés d'Irlandais
-et qu'il en viendra encore dix, et qu'en
-dernier lieu on a rompu la grande écluse entre
-Charleroi et Namur, ce qui incommodera beaucoup
-la navigation des ennemis.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 5 avril 1692.</p>
-
-<p>Quand on écrit, Monsieur, comme vous écrivez,
-on ne doit pas craindre ni d'être oublié, ni d'importuner;
-aussi ai-je lu cet endroit de votre lettre
-comme une excuse modeste d'avoir été si longtemps
-sans me donner de vos nouvelles, et je la
-reçus agréablement sans la prendre dans le sens
-que vous voulez lui donner. M. de Pellisson vous
-pourroit témoigner que je lui parle de vous très-souvent.
-Je voulois même vous envoyer un exemplaire
-de la seconde édition de son dernier ouvrage,
-où vous verrez des additions fort curieuses; mais
-il a voulu que vous l'eussiez de sa main qui vaut
-mieux que la mienne. J'ai été fort aise d'apprendre
-que M. le baron de Bressey<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor">&nbsp;[442]</a> et M. le chevalier de
-Vaudrey sont de votre pays et de votre connoissance;
-car je connois leur mérite par la renommée,
-et j'ai un ami particulier qui a contribué à attacher
-le premier au service du Roi. Car ayant été pris
-auprès de Namur par un parti de Dinan, il fut
-envoyé au fort de l'Escarpe proche Douai, dont
-M. de Valcroissant, gentilhomme de Provence qui
-a été gouverneur de M. de Barbezieux, est gouverneur,
-<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span>
-et fort de mes amis depuis longues années.
-Vous savez sans doute que le Roi l'a fait maréchal
-de camp, avec deux mille écus de pension, et qu'il
-lui donne de quoi lever un régiment à titre étranger.
-Le Roi l'a parfaitement bien traité: je le sais
-par M. de Valcroissant qui l'a bien servi. Le Roi
-lui fera rendre M<sup>me</sup> sa femme qui est à Namur;
-car il y a plusieurs officiers espagnols prisonniers.
-Pour M. le chevalier de Vaudrey, son action d'éclat
-a été d'un héros de roman. Aussi ai-je ouï dire
-que Madame Royale de Savoye la douairière en avoit
-eu le c&oelig;ur fort touché. Je suis ravie que vous
-ayez un ami si brave. Je ne savois pas la devise
-de sa maison, qu'il mérite bien<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor">&nbsp;[443]</a>. La semaine sainte
-fait une grande stérilité de nouvelles, Monsieur;
-je ne puis louer le mari de votre aimable amie de
-l'avoir dérobée au monde, mais je la loue de sa
-sage conduite, et je me persuade qu'on vous l'a
-moins dérobée qu'au public, et que vous pourrez
-l'assurer de mon service très-humble. Pour vous,
-Monsieur, je n'ai qu'à vous assurer que mon
-estime et mon amitié dureront autant que la vie
-de votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">30 avril 1692.</p>
-
-<p>Je vous dois, Monsieur, non-seulement une réponse,
-mais mille remerciements d'une visite que
-<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span>
-M. le Président Boisot<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor">&nbsp;[444]</a> m'a faite; car si vous ne
-lui aviez pas dit du bien de moi, je ne l'aurois pas
-reçue. Je souhaite qu'il ne s'en soit pas repenti. Je
-vous dois encore un compliment très-honnête de
-M<sup>me</sup> de Chandiot dans un billet qu'elle a écrit à
-M. de Pellisson, qui est d'un tour si délicat qu'il
-n'y a personne qui ne voulût l'avoir écrit. Je vous
-prie, Monsieur, de la louer et de la remercier de
-ma part. Comme je ne doute pas que Monsieur
-votre frère ne vous mande toutes les nouvelles du
-monde, je ne vous parlerai de la belle entreprise
-d'Angleterre que parce que je ne m'en saurois empêcher;
-rien n'étant plus glorieux pour Louis le
-Grand que d'envoyer une armée de trente mille
-hommes pour rétablir le roi d'Angleterre, dans le
-même temps qu'il a tant de princes ligués contre
-lui. Cependant j'avance hardiment qu'il n'y a que
-les vents contraires qui puissent empêcher le
-succès de cette héroïque entreprise.</p>
-
-<p>Comme j'ai des amis et des parents tout le long
-des côtes de Normandie, je sais tout ce qui s'y
-passe. Le roi d'Angleterre arriva à Caen le 24 de
-ce mois, à quatre heures après-midi. Il y trouva
-mylord Danchot (<i>sic</i>), le colonel Canon et les principaux
-officiers écossois qui avoient débarqué au
-Havre. Ils se saluèrent avec tant de marques de
-tendresse que ce prince en eut les larmes aux
-yeux. Ils furent très-contents de lui. Ce prince
-<span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span>
-partit le lendemain, à cinq heures du matin, pour
-aller à son armée, composée de vingt mille hommes
-de bonnes troupes, sans compter les dix mille
-qui doivent s'embarquer au Havre, où M. de Choiseul
-étoit déjà arrivé, et où le marquis de Nesmond,
-frère d'un de mes amis, avoit ordre de se
-rendre. M. de Tourville doit mettre à la voile le
-27 pour aller à la Hogue, où le roi d'Angleterre
-doit s'embarquer, et l'on m'écrit du Havre que
-dans peu on verra passer huit à neuf cents voiles
-qui iront fondre en Angleterre. J'ai vu des lettres
-de la Haye. L'usurpateur étoit à Loo, brouillé avec
-M. de Bavière et fort embarrassé. On dit toujours
-que le Roi partira le 12 de mai; mais je ne puis
-croire que son voyage soit long.</p>
-
-<p>Le bibliothécaire du Vatican est mort: c'étoit
-un grand ennemi de la France. L'entreprise d'Angleterre
-va faire un grand bruit dans ce pays-là.
-Le prince de Danemarck y est, et viendra en
-France ensuite. Comme vous aimez les belles
-choses, je vous envoie de beaux vers d'un de mes
-amis de Bordeaux; en voici le sujet: Il m'envoya
-le jour de l'équinoxe, que le soleil commence de
-remonter, une pierre gravée et très-antique. On
-voit tous les signes du zodiaque à l'entour et le
-soleil dans son char au milieu. Et comme on
-parle en même temps du voyage du Roi et que le
-soleil est sa devise, M. Bétoulaud applique heureusement
-le voyage du Roi autour du soleil. La
-pierre est en jaspe oriental et les habiles médaillistes
-disent que c'est un talisman. J'ai cru que
-<span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span>
-vous seriez bien aise de voir ce petit ouvrage<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor">&nbsp;[445]</a> et
-que vous pardonneriez à l'auteur les trop grandes
-louanges qu'il donne à votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">10 mai 1692.</p>
-
-<p>Je vous prie, Monsieur, de me pardonner la
-liberté que je prends de vous envoyer une réponse
-que je dois à M<sup>me</sup> de Chandiot, que je serai bien
-aise que vous lui rendiez en main propre. Après
-cela, Monsieur, je vous dirai que le Roi part aujourd'hui
-avec toute sa royale famille pour aller
-coucher à Chantilly où il séjournera demain, et
-lundi il ira à Compiègne, mardi à Noyon et mercredi
-à Château-Cambresis.... On m'écrit du camp
-du roi d'Angleterre qu'il y arrive tous les jours
-des Anglois qui assurent qu'on l'y attend avec
-impatience, et que la plupart des grands seigneurs
-sont à leur tête qui se déclareront pour lui dès
-qu'il paroîtra. Il arrive aussi à son camp des
-Écossois et des Irlandais; mais le temps est cause
-que la flotte de Brest n'est pas encore à la Hogue.
-Celle de Saint-Malo, composée de trois cents voiles,
-a passé au Havre où quatre mille chevaux s'embarquent.
-<span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span>
-Il ne faut que douze heures pour passer
-de la Hogue aux ports d'Angleterre. Une chose
-qui fait beaucoup raisonner, c'est qu'on a défendu
-à tous nos armateurs d'attaquer ni de prendre nuls
-vaisseaux marchands anglois; cela est positivement
-vrai. Le prince d'Orange paroît, dit-on, en
-grande indolence à Loo.</p>
-
-<p>Tout va bien à Constantinople; j'en eus hier des
-nouvelles; et tout va bien à Rome. Il devoit y
-avoir consistoire le lundi d'après le jour qu'on
-m'écrivoit, et le Pape avoit fait la veille une action
-de grande vigueur dont on le louoit fort. Le prince
-Tassi (Taxis), qui a l'intendance des postes d'Espagne,
-de Naples et de Milan, et qui, en cette
-qualité, a les armes d'Espagne sur sa porte, ayant
-eu quelque démêlé avec le secrétaire de l'ambassadeur
-de Venise, commanda à son cocher de faire
-verser le carrosse de ce secrétaire au milieu du
-Cours. Mais le cocher maladroit en versant le secrétaire
-versa aussi son maître<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor">&nbsp;[446]</a>, qui en fut si irrité,
-qu'il battit et maltraita un laquais de l'ambassadeur
-de Venise, qui suivoit le secrétaire, et
-parla même insolemment de l'ambassadeur et de
-la République. Le lendemain, craignant quelque
-insulte de cet ambassadeur, il fut faire cortége à la
-cavalcade des cardinaux, et fut aussi au Cours,
-son fils avec lui et plusieurs braves, avec des armes
-cachées dans son carrosse. Il en avoit même
-trente bien armés chez lui; de sorte que le Pape
-<span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span>
-apprenant cela, envoya deux cents sbires avec une
-compagnie du château Saint-Ange, qui prirent le
-prince Tassi, son fils et ses trente braves qui firent
-pourtant une décharge, et les menèrent en prison.
-L'ambassadeur d'Espagne a filé doux et ne s'en est
-pas mêlé. J'ai cru que vous seriez bien aise de savoir
-cela.</p>
-
-<p>Je suis, Monsieur, très-sincèrement votre, etc.,
-etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">31 mai 1692.</p>
-
-<p>Il y a si longtemps que je vous dois une réponse,
-Monsieur, que peut-être avez-vous oublié
-que je vous la dois. Mais je ne laisse pas de vous
-en demander pardon, quoique je n'aie nul tort;
-car des embarras imprévus ne m'ont pas laissé le
-temps de respirer. Et puis, Monsieur, votre dernière
-lettre étoit si excessivement modeste qu'il
-eût fallu vous en gronder. J'en ai fait convenir
-M. de Pellisson qui vous fait bien des compliments.
-Sa santé est toujours assez incertaine et la bizarrerie
-de la saison y contribue pour beaucoup. Car
-je n'ai jamais vu un tel printemps.</p>
-
-<p>Cependant les armes du Roi sont en état de le
-faire vaincre de toutes parts. Nos trente-cinq galères
-aux côtes d'Italie ont vu prendre Oneille, l'épée
-à la main, aux troupes qu'elles avoient descendues
-en ce lieu-là; et le Roi avec ses formidables
-armées fait trembler toute la Flandre, et
-<span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span>
-trembler un usurpateur si intrépide qu'il n'a jamais
-craint Dieu. La Gazette vous dira sans doute
-que Namur fut investi le 24, par M. de Boufflers,
-entre Sambre et Meuse; mais je ne sais si elle vous
-dira assez bien que le Roi ayant décampé, conduisit
-son armée sur quatre colonnes, Sa Majesté se
-tenant à la plus proche des ennemis. Il la conduisit
-avec toute la capacité d'un général consommé
-en l'art militaire. Il fut, suivi de Vauban, reconnoître
-la place, marquer le camp, les attaques et
-les batteries et donner ordre à toute chose, jusques
-à régler les fronts de l'armée. Celle de M. de
-Luxembourg couvre le siége à une lieue et demie
-de là. Les ennemis ont tiré trois mille chevaux de
-la place, dont ils se repentent. Le prince d'Orange
-est vers Bruxelles qui assemble des troupes; on
-dit qu'il n'a pas encore trente-six mille hommes.
-Il est sorti trente dames de Namur que le Roi a
-fait arrêter. On ne sait pas encore ce qu'il veut en
-faire. Vauban assure que le siége ne sera pas long.
-La ville est commandée par deux montagnes d'où
-on la mettra en cendres. Le 21, M. le duc, M. de
-Villeroy et M. de Bressey arrivèrent devant Namur.
-Je reçois dans ce moment des lettres de la Hogue
-qui m'assurent que M. de Tourville a dû y arriver
-jeudi 29 de ce mois, avec les escadres de M. de Château-Renaud
-et de M. de Villette qui l'ont joint. On
-m'interrompt pour me donner une lettre du Havre
-du 29, qui porte que depuis dix heures et demie
-on entendoit des décharges continuelles de canon:
-ce qui fait croire qu'il y a un combat entre les
-<span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span>
-deux flottes, et que les chaloupes qui étoient venues
-disoient que ce combat se faisoit à treize lieues de
-là au nord-ouest. J'en aurai apparemment demain
-des nouvelles, je vous les manderai l'ordinaire
-prochain. Permettez-moi d'assurer M<sup>me</sup> de Chandiot
-de mon service très humble, Monsieur, et
-me croyez autant que je le suis</p>
-
-<p>Votre, etc., etc.</p>
-
-<p>P. S. J'apprends que le Roi a envoyé les trente
-dames dans une abbaye de religieuses et ordonné
-qu'on les traite magnifiquement et avec beaucoup
-d'honnêteté. Cela est fort beau au Roi.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">20 juillet 1692.</p>
-
-<p>Je reçus hier au soir, Monsieur, votre lettre du
-15 qui m'a fait beaucoup de plaisir; car j'allois
-vous écrire pour me plaindre de votre silence, et
-pour vous envoyer un madrigal qui vous fera voir
-que j'ai trouvé plus de facilité à railler le prince
-d'Orange qu'à louer le Roi. Il est vrai que je le loue
-ailleurs, et qu'ayant écrit à M<sup>me</sup> de Maintenon à
-Dinan et au R. P. de la Chaise devant Namur, ce
-madrigal n'est qu'un petit enfant perdu qui court
-le monde. Je souhaite pourtant qu'il ne vous déplaise
-pas. M. Perrault de l'Académie a fait quatre
-vers assez plaisants, les voici:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span></div>
-<p class="i3">AUX JÉSUITES DE L'ARMÉE.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Commodément, aussi bien qu'en lieu sur,</p>
-<p>Vous avez vu le siége de Namur;</p>
-<p>C'est un emploi bien digne de louange;</p>
-<p>Plus n'en a fait ce grand prince d'Orange.</p>
-</div></div>
-
-<p>Enfin, Monsieur, c'est la mode de se moquer de
-lui, et tout Paris est rempli de chansons de ce caractère-là.
-Je crois que dans un mois j'aurai deux
-petits volumes à vous envoyer. Apprenez-moi par
-quelle voie je pourrai vous les faire tenir. Le Roi
-est revenu en parfaite santé. Il a donné de fort
-bonne grâce le gouvernement d'Antibes au neveu
-du cardinal de Janson dont le père vient de mourir<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor">&nbsp;[447]</a>.
-Il a dit, en le donnant, qu'il le donnoit aux
-services de l'oncle et du père. J'en écrirai demain
-à cette Éminence. Au reste, vous vous moquez de
-moi quand vous me dites que vous me devez une
-partie des honneurs qu'on vous a rendus à votre
-voyage; car vous ne les devez qu'à votre mérite.
-Mais vous me devez un peu d'amitié, parce que je
-suis sincèrement, avec toute l'estime que vous
-méritez, votre, etc., etc.</p>
-
-<p>P. S. Excusez une très-mauvaise plume et me
-permettez d'assurer l'aimable M<sup>me</sup> de Chandiot de
-mon service très-humble.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 20 septembre 1692.</p>
-
-<p>Je ne sais, Monsieur, ce que vous pensez de mon
-silence; mais je vous assure que la cause n'en est
-fâcheuse que pour moi, et que dans le temps que
-je ne vous ai pas répondu, je me suis souvenue
-tous les jours que je devois vous répondre, et que
-je me privois d'un grand plaisir en ne vous donnant
-pas lieu de me faire l'honneur de m'écrire.
-Mais un rhume, un procès au Grand Conseil<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor">&nbsp;[448]</a> et
-plusieurs autres embarras m'ont fait résoudre
-d'attendre que je puisse vous envoyer deux petits
-volumes d'<i>Entretiens de morale</i><a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor">&nbsp;[449]</a> pour faire ma paix
-avec vous. Mais par malheur il y a tant de fautes
-d'impression, sans compter les miennes, que je
-ne sais s'ils seront bien propres à vous apaiser,
-en cas que vous m'ayez fait l'honneur d'être un
-peu irrité de mon silence. Quoi qu'il en soit,
-Monsieur, je vous demande une voie pour vous
-les envoyer; car j'appris hier par M. de Pellisson
-que M. le président Boisot est à Besançon en bonne
-santé, dont je suis fort aise; et vous me ferez le
-plaisir de l'assurer de mon très-humble service.
-Nous eûmes avant-hier, ici et à Versailles, un
-tremblement de terre: je le sentis mais je ne le
-connus pas d'abord. J'étois assise dans une chaise
-<span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span>
-qui touchoit la porte d'un petit cabinet de la
-chambre où je couche, qui n'est pas celle que vous
-avez vue. Je sentis que cette porte ébranloit ma
-chaise, et ma chaise m'ébranloit moi-même. Mais
-comme cela dura peu, j'ai cru que c'étoit un chat
-enfermé dans le cabinet qui en vouloit sortir, et je
-n'en eus nulle émotion. Mais une heure après
-dîner, je sus que dans tout mon quartier il n'y
-avoit pas de maison où il ne se trouvât quelqu'un
-qui ne s'en fût aperçu. Et il fut si fort à Notre-Dame
-que tous ceux qui s'y trouvoient en sortirent,
-croyant que l'église alloit tomber. On sentit aussi
-le tremblement plus fort sur les ponts qu'ailleurs.
-M. de Pellisson m'écrivit hier qu'il s'étoit fait
-sentir si fort à Versailles, au Grand-Commun où
-il loge, au château, à la Ville et à la paroisse, que
-le peuple songeoit déjà à quitter les maisons et à
-gagner la campagne. Le Roi étoit à Marly: on ne
-savoit pas encore hier si on l'y avoit senti; mais
-une laitière de Montreuil me dit hier que tous les
-arbres avoient été ébranlés et que ceux qui descendoient
-la montagne ne pouvoient s'empêcher de
-tomber: par bonheur cela fut court. M. de Pellisson
-n'en sentit rien, car il s'étoit endormi dans une
-chaise après avoir dîné, et le valet fut le seul qui
-s'en aperçut. J'ai cru, Monsieur, devoir vous dire
-cet événement dont tous les rois du monde ne sont
-pas les maîtres. Je ne vous dis point que tout va
-bien de toutes parts, ma lettre est déjà trop longue,
-mais seulement que M<sup>me</sup> la baronne de Bressey est
-ici pour solliciter les affaires de son mari. M. de
-<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span>
-Valcroissant est venu avec elle. On m'a dit qu'elle
-est jeune et belle, et peut-être me viendra-t-elle
-voir. Son mari est à Arras. Permettez-moi d'assurer
-M<sup>me</sup> de Chandiot de mon service très-humble
-et de la justice que je rends à son mérite, et de
-vous assurer vous-même, Monsieur, que personne
-ne vous honore plus que je fais, ni n'est plus véritablement
-votre, etc., etc.</p>
-
-<p>P. S. J'apprends que le tremblement de terre a
-été à Marly comme à Versailles, sans y faire aucun
-mal.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">11 octobre 1692.</p>
-
-<p>Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, par un
-temps si extraordinaire qu'on ne peut s'empêcher
-de s'en plaindre. Il fit hier un jour de mois de
-mars; le soleil étoit fort clair, il geloit un peu à
-la campagne et le froid étoit modéré. Présentement
-toutes les maisons sont couvertes de neige
-et il y en a plus d'un pied de haut dans mon jardin;
-et il en tombe encore en telle abondance que
-l'air en est obscurci. Et, avec cela, il fait un grand
-vent et un froid très-piquant: ce qui n'accommode
-pas une santé délicate comme est celle de M. de
-Pellisson, ni une enrhumée comme moi, ni les
-armées qui sont encore en campagne. Après cela,
-Monsieur, je vous dirai que je n'ai pas été obligée
-d'envoyer au collége de Bourgogne; car M. l'abbé
-<span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span>
-Reud<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor">&nbsp;[450]</a> est venu lui-même prendre les livres que
-je vous destinois. Et comme il y avoit déjà assez
-de monde dans mon cabinet, et que je ne parle pas
-de loin, je ne pus l'entretenir comme je l'eusse
-voulu, et je ne le remerciai qu'en le conduisant
-dans ma chambre. Vous trouverez des fautes d'impression
-sans nombre qui ne sont pas à l'errata.
-Ne les confondez pas avec les miennes et excusez
-les unes et les autres. Souvenez-vous, Monsieur,
-que je vous ai demandé vos sentiments sincères;
-je fais la même prière à M<sup>me</sup> de Chandiot. Mais
-pour les avoir tous purs, je les demande de sa
-main, afin d'avoir deux plaisirs pour un. Assurez-la,
-s'il vous plaît, de mes très-humbles services et
-d'une estime très-distinguée. N'allez pas vous figurer
-que je cherche à me faire louer, au contraire
-je ne veux que m'instruire.</p>
-
-<p>Je ne vous dis pas de nouvelles, car vous ne
-pouvez ignorer que les armes du Roi ont été victorieuses
-en Allemagne comme en Flandre; que le
-duc de Savoye a abandonné le peu qu'il avoit pris,
-de peur d'être pris lui-même, et qu'au lieu d'être
-un conquérant, il n'est qu'un brûleur de maisons.
-On me dit hier qu'il a la fièvre tierce; cela est
-extraordinaire après avoir eu la petite vérole. Le
-prince d'Orange n'est pas sorti de Flandre fort
-héroïquement: car il partit de nuit sans dire
-adieu à personne; ses gardes demeurèrent en état
-<span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span>
-jusqu'au lendemain au jour qu'on déclara son
-départ. On croit qu'il passera en Angleterre, où
-les esprits sont fort divisés. Le prince régent de
-Wirtemberg, que M. le maréchal de Duras a pris,
-est très-bien fait, a beaucoup d'esprit et n'a nul
-accent ni nul air étranger. Le Roi et la Reine
-d'Angleterre sont à Fontainebleau où le Roi les a
-reçus, comme les deux dernières années, avec une
-magnificence toute royale et une honnêteté héroïque.
-Vous en connoîtrez une partie dans un des
-Entretiens. Permettez-moi, Monsieur, de faire
-mille compliments à M. votre frère et de vous
-assurer sincèrement que personne ne vous estime
-et ne vous honore plus que votre servante, sans
-excepter M. de Pellisson.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">3 novembre 1692.</p>
-
-<p>Je dois réponse, Monsieur, à deux de vos lettres,
-mais un grand rhume et beaucoup d'affaires très-différentes
-m'ont empêchée de me donner l'honneur
-et le plaisir de vous répondre plus tôt. Il y a
-une chose dans la première dont j'aurois profité si
-je l'avois sue lorsque je fis la conversation sur la
-tyrannie de l'usage; car cela me fait croire que
-j'ai eu raison de le faire. En effet, Monsieur, peut-on
-rien voir de plus différent que l'usage singulier
-de Besançon et celui de tous les autres lieux
-du monde, et surtout de celui de la cour de Paris?
-<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span>
-Car vous me dites qu'il faut cacher soigneusement
-dans votre ville que j'ai l'honneur d'avoir quelque
-commerce avec M<sup>me</sup> de Chandiot: et il m'est arrivé
-plusieurs fois que des dames que je n'ai jamais
-vues ont dit que j'étois de leurs amies et que
-je leur écrivois. Mais du moins me sera-t-il permis
-de parler de son mérite à M. de Pellisson et
-de me louer de sa bonté.</p>
-
-<p>Pour votre seconde lettre, Monsieur, je commence
-d'y répondre par vous remercier de la
-manière dont vous avez reçu mon présent. Je vous
-envoye le véritable errata que j'ai fait mieux que
-celui de l'imprimeur, et vous verrez que les
-<i>anciens Romains</i>, qu'on a mis au lieu de mettre
-<i>les Lacédémoniens</i> est une faute d'impression. Cela
-est su trop généralement pour être une ignorance.
-Vous me ferez plaisir de me renvoyer cet errata.
-Pour ce que vous me dites, Monsieur, que les lecteurs
-aimeroient mieux qu'on leur laissât la
-liberté de juger, vous me permettrez de vous dire
-que je n'exécuterois pas le dessein que mes amis
-m'ont fait prendre, si je suivois vos avis. Car ces
-entretiens ne sont pas ceux de deux philosophes
-de la secte de Diogène, ce sont des hommes et des
-dames du monde qui doivent parler comme on y
-parle. Et il est constamment vrai que le bel usage
-veut qu'on relève avec esprit ce qui se dit d'agréable
-dans une compagnie composée de personnes
-qui savent l'exacte politesse, et les conversations
-auroient un air sec et incivil sans cet usage. De
-sorte, Monsieur, que voulant faire passer la politesse
-<span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span>
-de notre temps au temps qui viendra, j'ai dû
-faire parler les personnages que j'introduis comme
-les honnêtes gens parlent. Pour l'endroit de
-l'amour-propre si caché dans notre c&oelig;ur, il faut
-qu'il m'aveugle puisque je ne puis deviner ce que
-vous y devinez. Et comme cela a passé devant les
-yeux de M. de Pellisson sans qu'il s'y soit arrêté,
-et devant ceux de trois ou quatre personnes à qui
-j'ai montré cet endroit depuis votre objection, et
-qui n'y ont rien trouvé à dire, j'ai lieu de croire
-que s'il y a faute, elle doit être petite. Pour ce mot
-de <i>sentiments</i> dont vous me parlez, peut-être seroit-il
-mieux qu'il y eût: <i>d'inspirer de semblables sentiments</i>,
-au lieu de <i>susceptibles</i>. Mais, Monsieur, je
-serois bien glorieuse, s'il n'y avoit pas d'autres
-imperfections à mon ouvrage. Il est vrai que ces
-sentiments sont si heureux dans le monde, que je
-crois que quelque constellation cache leurs défauts.
-Je viens de recevoir une lettre de M. l'évêque
-d'Agen<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor">&nbsp;[451]</a>, qui est le plus éloquent prélat du
-royaume, et une de M. l'évêque d'Avranches<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor">&nbsp;[452]</a> qui
-est le plus savant, qui me persuadent ce que je
-dis. Une jeune demoiselle de quatorze ans a fait
-des vers au-dessus de son âge, pour les louer;
-une autre de vingt-quatre ans en a fait de très-jolis.
-M. le Camus Melson<a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor">&nbsp;[453]</a> en a fait aussi, et MM. Bétoulaud
-<span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span>
-et Bosquillon, Petit et plusieurs autres en
-ont fait de très-beaux. Mais au milieu de tout
-cela, Monsieur, je donne à votre suffrage le prix
-qu'il mérite et je tiens à grand honneur que les
-<i>Entretiens</i> ne vous aient pas ennuyé. Ma lettre est
-déjà si longue que je n'ose y rien ajouter, si ce
-n'est de vous supplier de me permettre d'assurer
-M. votre frère de mes très-humbles services et
-d'être bien persuadé que personne ne vous estime
-et ne vous honore plus que je fais, ni n'est avec
-plus de sincérité votre, etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE d'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor">&nbsp;[454]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1692.]</p>
-
-<p>Je suis ravie, Monseigneur, de vous retrouver
-dans votre billet tel que je vous trouvai autrefois
-à Chasse-Midi<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor">&nbsp;[455]</a> et dans mon cabinet, et je vous
-assure aussi qu'à la réserve de mes oreilles qui ne
-valent rien, vous me trouverez toujours la même.
-J'ai murmuré en secret que vous ne m'ayez rien
-dit sur la mort de M. Ménage<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor">&nbsp;[456]</a>. Vous aurez pu
-voir que mes amis vivent dans mon c&oelig;ur après
-leur mort par ce que j'ai dit de M. de Montausier<a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor">&nbsp;[457]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span>
-Vous jugez de là, Monseigneur, si je puis oublier
-les vivants, surtout quand ils ont un mérite aussi
-distingué que le vôtre; aussi vous puis-je assurer
-que c'est pour toute ma vie que je suis votre très-humble
-et très-obéissante servante.</p>
-
-<p>P. S. Je voudrois fort que l'Entretien sur la
-Reconnoissance ne vous déplût pas, je ne sais si
-je l'oserai espérer.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p>
-
-<p class="dater">21 février 1693.</p>
-
-<p>N'attendez aujourd'hui de moi que des larmes
-et des plaintes, Monsieur, car la perte que j'ai
-faite est si grande, et la douleur que j'en ai est si
-vive, que rien ne la peut ni égaler ni exprimer. On
-peut dire sans flatterie que le Roi y perd le plus
-zélé de ses sujets, le siècle un grand ornement,
-les belles-lettres un grand éclat, tous ses amis une
-âme héroïque et la religion un grand défenseur.
-Mais je crois perdre plus que tout cela ensemble;
-car un ami de quarante années de ce mérite-là,
-qu'on a connu dans la bonne et dans la mauvaise
-fortune et trouvé toujours également digne d'admiration
-dans l'une et dans l'autre, est une perte
-que nulle autre ne peut égaler. Chacun a eu toute
-la surprise qui la pouvoit faire sentir d'une manière
-plus dure; car M. de Pellisson n'avoit pas
-de fièvre. Il dormoit assez bien, il n'a pas gardé
-le lit un seul jour. Il fut à la messe le dimanche
-<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span>
-gras, et le jour de la Vierge il écrivit au cardinal
-Janson une lettre de consolation sur la mort de sa
-s&oelig;ur qui étoit mon amie, et une au gouverneur de
-Philippeville pour le remercier des bons offices
-qu'il avoit rendus à un de mes amis. Je vous dis
-tout cela, Monsieur, pour vous faire connoître
-qu'il ne croyoit pas mourir. Il m'écrivoit tous les
-jours l'état de son mal; mais lui, ayant un peu
-empiré le vendredi au soir, il prit la résolution de
-se confesser le lendemain au matin, et de recevoir
-Notre-Seigneur. Il s'endormit tout habillé dans sa
-chaise, mais ses gens, trouvant son dormir trop
-long et trop fort, le réveillèrent. Mais, hélas! il
-avoit perdu la connoissance et mourut quatre
-heures après sans nulle violence. De sorte, Monsieur,
-que la maladie fut courte et la mort subite.
-L'innocence de sa vie et un nombre infini de bonnes
-&oelig;uvres ne mettent pas ceux qui l'ont connu
-en peine de son salut. Mais un faux dévot et de
-malins esprits suscités par l'enfer, ont essayé de
-ternir la conversion la plus parfaite qui ait jamais
-été, et répandu un grand bruit que ce qui
-l'avoit empêché de se confesser, c'est qu'il étoit
-encore huguenot. Ce bruit si faux et si malin m'a
-donné beaucoup de peine pour défendre cet illustre
-ami dans la plus noire calomnie qui fût jamais.
-Grâce à Dieu, le Roi et tous les gens sages
-ne l'ont pas cru. J'écrivis à M<sup>me</sup> de Maintenon, à
-M. le Chancelier, à M. Le Peletier, à M. de Meaux
-une lettre de quinze pages. Je vous enverrai, l'ordinaire
-prochain, une copie de sa réponse. Ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span>
-grand évêque, le R. P. de la Chaise, tous les jésuites
-des trois maisons de Paris, et enfin tous les
-honnêtes gens lui ont rendu justice, et j'ai trouvé
-une preuve incontestable pour sa foi sur le mystère
-de l'Eucharistie, et pour sa dévotion au Saint
-Sacrement. On a trouvé parmi ses papiers de Versailles
-un traité qu'il faisoit de ce mystère et qu'il
-espéroit faire imprimer à Pâques. On l'a porté à
-M. de Meaux et ses calomniateurs commencent
-d'être honteux de leur calomnie. On lui a fait un
-service à Versailles où il est enterré, un à l'abbaye
-Saint-Germain où il y eut grand monde. L'Académie
-en fit dire hier un aux Billettes où les plus
-illustres académiciens se trouvèrent, et l'Académie
-de Soissons en doit aussi faire dire un. J'aurois
-cent choses à vous dire, Monsieur, mais les
-larmes m'aveuglent et la douleur me suffoque. Je
-remercie M<sup>me</sup> de Chandiot de l'équité qu'elle a de
-me plaindre, et comme ma plus douce consolation
-est d'aimer ce qu'il a aimé, permettez-moi,
-Monsieur, d'être toute ma vie, votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor">&nbsp;[458]</a>.</p>
-
-<p class="dater">28 février 1693.</p>
-
-<p>La vive et juste douleur dont mon c&oelig;ur est
-pénétré pour la perte irréparable d'un illustre ami
-<span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span>
-de quarante années, ne m'a pas permis de vous répondre
-plus tôt, Monsieur, et je vois plus de cinquante
-lettres auxquelles je n'ai pas répondu. Et
-ma douleur a tellement altéré ma santé que j'ai
-eu besoin de tout mon courage pour n'être pas
-accablée par tant de malheurs à la fois. Car je n'ai
-pas eu seulement à supporter la plus vive affliction
-qui fut jamais et la plus juste, il a fallu que j'aie
-à combattre la plus noire calomnie qui ait jamais
-été, et je m'y suis opposée avec tant de vigueur
-que, grâce à Dieu, ce monstre sorti d'enfer est
-près d'expirer.</p>
-
-<p>Il se rencontre que le curé de Versailles, qui est
-un missionnaire, étoit irrité de ce que M. de Pellisson
-alloit tous les jours à la messe à la chapelle
-du château, ou aux Récollets, comme en étant
-plus proche; de sorte qu'étant mal disposé, il crut
-ce que la canaille libertine ou huguenote et envieuse
-publia, et ce faux bruit se répandit partout.
-Je vous envoie la copie de la réponse que m'a faite
-M. de Meaux. Elle est mal écrite, mais je n'ai pas
-le temps de l'écrire<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor">&nbsp;[459]</a>. Vous verrez que le Roi a
-rendu justice à l'illustre mort. Je le sais par cent
-endroits, et il n'y a plus que quelque canaille envieuse
-et hérétique qui ose mal parler de sa foi. Au
-contraire, on m'écrit des éloges de sa piété. Il alloit
-<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span>
-faire imprimer à Pâques ce qu'il écrivoit sur l'Eucharistie,
-que M. Pirot, docteur de Sorbonne,
-avoit déjà vu et fort approuvé. Enfin, Monsieur,
-j'ai la consolation de voir le mensonge s'en aller
-en fumée pour laisser briller la vérité. C'est tout
-ce que vous dira pour aujourd'hui une affligée que
-la douleur a fait malade. Je fais ce que je puis
-pour résister à tous ces maux, car je suis nécessaire
-à conserver sa mémoire. Aidez-moi, Monsieur,
-dans ce juste dessein. Remerciez pour moi
-M<sup>me</sup> de Chandiot de la bonté qu'elle a eue de me
-plaindre, et l'assurez de mon très-humble service.
-Et me permettez d'espérer, Monsieur, que vous me
-continuerez l'amitié dont vous m'avez honorée, et
-vous souvenez pour me l'accorder que j'ai eu le
-bonheur d'être quarante années la première amie
-d'un homme si rare, qu'on peut dire que le Roi y
-perd le plus zélé de ses sujets, le siècle un grand
-ornement, les belles-lettres un grand éclat, ses
-amis une âme héroïque et l'Église un grand défenseur.
-Le temps m'empêchera, Monsieur, de
-vous en dire davantage, mais rien ne peut m'empêcher
-d'être toujours, votre, etc., etc.</p>
-
-<p>P. S. Je ne puis relire, je vous en demande pardon.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">7 mars 1693.</p>
-
-<p>Je ne combats pas votre douleur, Monsieur, et
-je vous rends la justice que vous me rendez, mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span>
-la colère m'a donné du courage et la force de résister
-à cette juste douleur pour combattre la calomnie
-qui, grâce à Dieu, est étouffée par la vérité.
-Je vous envoie la lettre de M. de Meaux que
-vous me demandez. J'en reçus hier une autre par
-laquelle il m'assure qu'il n'oublie rien pour honorer
-la mémoire de notre cher et illustre ami.
-M<sup>me</sup> de Maintenon en a écrit très-avantageusement,
-M. l'abbé de la Trappe<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor">&nbsp;[460]</a> en a fait l'éloge, un de ses
-amis, le R. P. de la Chaise, en rendit dimanche de
-grands témoignages chez Monseigneur l'archevêque
-où il y avoit assemblée, et tout d'une voix la calomnie
-fut condamnée. A Angers, l'évêque<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor">&nbsp;[461]</a> a justifié
-pleinement l'illustre mort et deux ministres
-bien convertis l'ont défendu contre le bas peuple
-hérétique. Le dernier <i>Mercure galant</i> contient un
-éloge véritable de notre ami. Ceux qui font le <i>Mercure</i>
-ont cru que je l'avois écrit; mais il est d'un
-de mes amis appelé M. Bosquillon, à qui j'avois
-donné un simple mémoire. M. Turgot Saint-Clair
-a fait deux épitaphes en latin qu'on estime fort.
-Mais il les montre et ne les donne pas; il en use
-ainsi de tout ce qui part de son esprit. Il y aura
-encore d'autres éloges avec un peu de temps;
-c'est tout ce qu'on peut faire avec un ami qu'on
-perd. M. de Leibnitz d'Hanovre lui donne mille
-louanges dans une lettre qu'il a écrite à une religieuse
-de grand monde, qui est à Maubuisson<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor">&nbsp;[462]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span>
-Enfin, Monsieur, la médisance se change en éloges
-et la vérité triomphe du mensonge.</p>
-
-<p>Permettez-moi, Monsieur, de remercier M. le
-président Boisot et toute votre famille de la justice
-qu'ils me rendent en me plaignant, et de les
-assurer de mon service très-humble. Et pour vous,
-Monsieur, je veux croire que, sachant que j'étois la
-première amie de l'illustre mort depuis trente-huit
-ans, cela me tiendra lieu de mérite et que vous
-voudrez bien que je sois le reste de ma vie, votre,
-etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">3 avril 1693.</p>
-
-<p>Comme la douleur est du poison pour moi,
-Monsieur, ma santé n'a pu résister à celle dont mon
-c&oelig;ur est pénétré. Et comme mes larmes m'ont attiré
-une fluxion sur les yeux, je n'ai pas pu vous
-répondre plus tôt pour vous remercier de m'avoir
-envoyé ce que vous aviez écrit sur notre incomparable
-ami, qui se trouve parfaitement beau. Et je
-vous exhorte, Monsieur, à continuer votre dessein
-et de trouver lieu de placer cette belle lettre<a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor">&nbsp;[463]</a>, qui
-fera honneur à l'illustre mort et à vous. Et je ne
-doute pas non plus que ce que vous écrivez n'en
-<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span>
-fasse beaucoup au cardinal de Granvelle<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor">&nbsp;[464]</a>. Je vous
-exhorte donc, Monsieur, à exécuter votre dessein
-comme notre ami vous l'eût conseillé. Sa mémoire,
-grâce à Dieu, a l'éclat qu'elle mérite, et l'on m'écrit
-de Bordeaux que quelques huguenots ayant
-voulu dire quelque chose contre sa mémoire, on
-s'est moqué d'eux et on les fera taire. Mais ce qui
-est très-considérable, Monsieur, c'est que mardi
-dernier M. l'abbé de Fénelon fut reçu à l'Académie
-pour remplir la place de M. de Pellisson. L'assemblée
-fut très-nombreuse; Monseigneur l'archevêque
-s'y trouva. Le R. P. de la Chaise y étoit et
-plus de cent personnes de mérite, qui admirèrent
-la harangue que fit M. l'abbé de Fénelon. Car ce
-fut le plus bel et le plus grand éloge qui ait jamais
-été fait, et tout son discours fut rempli des louanges
-du Roi et de celles de l'illustre mort. Et comme
-il l'avoit vu et entretenu la veille qu'il mourut, il
-étoit un témoin irréprochable de tout ce qu'il
-disoit à son avantage. Enfin, Monsieur, il fit un
-portrait si ressemblant de notre ami et le regretta
-si vivement, qu'il attendrit tous ceux qui l'entendirent
-et plusieurs académiciens en pleurèrent. Le
-directeur de l'académie répondit et loua aussi
-<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span>
-beaucoup, mais l'abbé charma toute l'assemblée.
-J'espère que cela sera bientôt imprimé et vous
-verrez, Monsieur, que le médecin qui a parlé à
-M. votre intendant<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor">&nbsp;[465]</a>, est un très-impertinent calomniateur;
-mais je voudrois bien savoir les sottises
-que vous m'avez mandé qu'il disoit, car je les détruirois
-toutes. Il est vrai que M. de Pellisson ne
-croyoit jamais tout à fait les médecins qui le
-voyoient, et qu'ils en murmuroient. Mais enfin la
-vérité a triomphé du mensonge, et je ne doute pas
-que vous n'en soyez bien aise. Un neveu de notre
-incomparable ami, qui est bien connu et qui est
-capitaine dans le régiment de Guiche, a été présenté
-au Roi par M. le duc de Noailles, et il en a
-été reçu agréablement. Voilà, Monsieur, tout ce
-qu'une toux cruelle me permet de vous dire, et
-que je suis avec toute l'estime que vous méritez,
-votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">22 mai 1693.</p>
-
-<p>Je dois réponse à deux de vos lettres, Monsieur,
-qui m'ont été très-agréables, car je suis ravie que
-mes soins ne vous déplaisent pas.... Dès que mes
-premières larmes furent essuyées j'écrivis à Castres,
-à un ancien ami de M. de Pellisson, pour le
-prier de m'apprendre ce qu'il savoit de l'enfance
-et de l'éducation de l'illustre mort, et vous en
-<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span>
-avez vu quelques petites circonstances agréables
-dans l'Éloge; car pour la suite de sa vie, je la sais
-par moi-même, et une amitié de trente-neuf années
-aussi intime que la nôtre ne m'en a rien
-laissé ignorer. Le malheur veut que les endroits
-les plus héroïques ne se peuvent écrire; mais il y
-en a sans doute assez pour faire connoître que
-c'étoit un homme d'un mérite extraordinaire, soit
-pour la vaste étendue de son esprit, aussi agréable
-que solide, ou par sa rare vertu et sa sincère
-piété. On n'a pas parlé de l'éloge de la feue Reine-mère,
-Monsieur, parce qu'il est court, et qu'il y
-a plusieurs autres choses très-ingénieuses dont
-les lecteurs seront bien aises d'être surpris. Cet
-éloge fut fait pour être gravé sur une manière de
-petite plaque d'argent, derrière le portrait de cette
-Reine, dont la bordure est d'or, enrichie de deux
-mille écus de pierreries, et je fus choisie par
-M. de Remirecour, dont j'avois donné la connoissance
-à M. de Pellisson, pour faire les vers qui
-sont gravés sur l'or au-dessous de la figure de cette
-princesse. Je vous les enverrai une autre fois<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor">&nbsp;[466]</a>. Je
-crois que vous n'avez pas vu l'<i>Eurymédon</i>, dont je
-suis la cause de plusieurs manières<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor">&nbsp;[467]</a>. C'est une
-chose étonnante, quand on sait en quelle affreuse
-prison il a été fait. Si je vous parlois, je redoublerois
-votre admiration pour notre ami, et vous
-me sauriez gré de lui avoir donné lieu, par mon
-courage et par mon industrie, de faire en ce lieu-là
-<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span>
-toutes les héroïques et agréables choses qu'il y
-a faites durant quatre ans. Au reste, Monsieur,
-j'ai à vous dire que ce que M. de Pellisson a laissé
-du <i>Traité de l'Eucharistie</i> n'a nul besoin d'être
-retouché par personne. Il n'y faut pas changer un
-mot, ni en discuter une syllabe. Nous ne savons
-pas s'il vouloit aller plus loin, mais ce qui est fait
-est parfait, et ses calomniateurs seront confondus.
-Je conseillerai qu'on garde soigneusement le manuscrit,
-car il y a partout des apostilles et des
-corrections de la main de l'auteur entre les lignes.
-Au reste on vient de me dire que Roze<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor">&nbsp;[468]</a> en Catalogne
-[est assiégé], Heidelberg en Allemagne, et
-que le Roi va en Flandre. Monsieur partira bientôt
-pour la Bretagne. On meuble le château de Vitry,
-qui est à six lieues de Laval. On ne craint pas le
-prince d'Orange le long de nos côtes, mais on
-craint avec raison que les pluies ne gâtent les blés
-et n'incommodent beaucoup les troupes. Mais il
-pleuvra sur les ennemis du Roi comme sur ses
-armées. Excusez toutes les ratures de cette lettre;
-ma plume ne vaut rien et mon esprit, en parlant
-de M. de Pellisson, n'est pas libre. M. Bosquillon à
-qui j'ai fait voir votre lettre, en est charmé et m'a
-dit qu'il voudroit écrire aussi bien que vous pour
-vous louer dignement. Pour moi, Monsieur, qui
-ne fais point de souhaits impossibles, je me contente
-de vous assurer avec une simplicité sincère
-que personne ne vous honore plus que votre, etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">7 juin 1693.</p>
-
-<p>Vous m'avez écrit une si belle lettre, Monsieur,
-que je n'ai pas pu m'empêcher de la montrer à
-deux ou trois de mes amis, et entre autres à
-M. Bosquillon, qui l'a admirée. Mais je ne l'ai
-montrée qu'après avoir prié ceux à qui je la faisois
-voir de vous pardonner ce que vous dites de
-trop à mon avantage. Je ne rejette pourtant que les
-louanges de mon esprit, et j'accepte hardiment
-celles qu'on donne à mon c&oelig;ur et à mon amitié,
-parce que je suis persuadée qu'il est du devoir
-d'une personne raisonnable d'avoir le c&oelig;ur comme
-je l'ai, et d'aimer ses amis comme j'aime les
-miens. Car, selon moi, quiconque n'est pas ainsi
-mérite d'être blâmé. Je vous remercie donc, Monsieur,
-de la justice que vous me rendez sur certains
-articles, seulement regardant vos louanges
-comme un pur effet de votre honnêteté et de votre
-politesse. Si vous étiez à Paris je vous montrerois
-le poëme <i>d'Eurymédon</i>.........
-Comme je suis la seule qui ai toutes les poésies
-de cet illustre mort et que j'y ai plus d'une sorte
-de droits, particulièrement à celles qu'il a faites
-dans la Bastille, parce qu'il n'eût pu les faire sans
-mon secours, je les garde soigneusement jusqu'à
-ce qu'on les mette au jour. Voici les quatre premiers
-vers d'<i>Eurymédon</i> qui me sont adressés:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Merveille d'amitié dont les vertus divines</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span></div>
-<p>Surpassent les héros comme les héroïnes,</p>
-<p>Qui seule consolez mon triste éloignement</p>
-<p>Et de ces belles fleurs faites votre ornement.</p>
-</div></div>
-
-<p>Il faut que vous sachiez, Monsieur, que le
-Prince qui est le héros du poëme est, à la fin de
-l'ouvrage, métamorphosé en fleur, et cette fleur
-est une espèce de giroflée jaune qui croît sur les
-murailles, que j'ai toujours fort aimée, et dont
-M. de Pellisson en voyoit beaucoup sur les tours
-de la Bastille, lorsqu'il eut la permission de s'y
-promener conduit par un officier. Cet ouvrage a
-assurément de grandes beautés et me fait beaucoup
-d'honneur en divers endroits, et le Roi y est
-mieux loué en quatorze vers qu'on ne l'a quelquefois
-loué en mille. Le beau discours de M. l'abbé
-de Fénelon est imprimé, et il mérite sans doute la
-réputation qu'il a; je suis fâchée qu'il soit trop
-gros pour vous l'envoyer par la poste.</p>
-
-<p>Je ne vous dis point de nouvelles aujourd'hui.
-On ne savoit point encore hier où va le Roi; mais
-il partit du Quesnoy le 3 de ce mois et toutes les
-armées marchoient. Les ennemis n'ont que soixante
-mille hommes qu'ils ont séparés et mis dans les
-villes qu'ils craignent le plus de voir assiégées,
-comme Bruxelles, Gand et Liége; et le Roi a plus
-de cent dix mille hommes en ses deux armées. Il
-fit ses dévotions le 1<sup>er</sup> de juin au Quesnoy, se portant
-parfaitement bien. S'il n'est pas venu de courrier
-la nuit dernière, on n'en sait que cela; mais
-toute l'Allemagne tremble depuis la prise d'Heidelberg,
-et on ne croit pas que le prince Louis de
-<span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span>
-Bade attende M. le maréchal de Lorge qui marchoit
-vers lui quand on m'a écrit. Je suis, Monsieur,
-avec toute l'estime que vous méritez et toute la
-sincérité de mon c&oelig;ur, votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">15 décembre 1693.</p>
-
-<p>Je suis fort aise, Monsieur, que vous ayez reçu
-les deux ouvrages de l'illustre mort et que vous
-les trouviez aussi beaux qu'ils sont. L'Élégie est
-touchante et généreuse, mais le Discours au Roi
-est un chef-d'&oelig;uvre plein d'esprit, de jugement,
-de magnanimité et d'éloquence; et ce qui en redouble
-le prix est le temps et le lieu où tout cela
-a été fait: car les difficultés qui s'y rencontroient
-eussent paru insurmontables à tout autre qu'à
-moi. Mais l'amitié et le courage viennent à bout
-de tout<b>....</b></p>
-
-<p>Vous ne pouvez pas ignorer ce qui est arrivé à
-Saint-Malo et de quelle manière la machine infernale
-qui pouvoit détruire six villes comme celle-là,
-a échoué; que l'ingénieur qui l'avoit faite y a
-été étouffé avec deux autres, qu'il est resté sept
-cents bombes remplies d'ingrédiens diaboliques
-et tout nouveaux, et que le fracas que fit l'embrasement
-de la poudre fut si grand qu'on crut
-que cent mille hommes tomboient tout à la fois
-sur la ville. Tout le monde tomba dans les rues
-<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span>
-et dans les maisons; un canon de fer, chargé de
-trois livres de balles, passa par-dessus la maison
-où étoit M. le duc de Chaulnes, et alla se ficher
-dans un grenier sans faire une ouverture plus
-grande que celle qu'il lui falloit pour passer: cela
-est incroyable et est très-vrai. Il y a environ quarante
-maisons découvertes et des vitres brisées.
-Et cependant cet effroyable fracas n'a pas tué un
-chat (on me l'écrit en ces termes-là), et n'a pas
-mis le feu aux artifices qu'on avoit préparés pour
-perdre la ville. Il nous est resté plus de sept cents
-bombes pleines d'ingrédiens nouveaux: on en a
-envoyé une au Roi. Le fracas fut si terrible qu'on
-crut à Caen que la terre trembloit. On a encore
-trouvé une chaloupe double que M. de Chaulnes a
-trouvée si bien faite qu'il en veut faire six toutes
-pareilles. Je fus si touchée de ce terrible événement
-quand j'en reçus la première nouvelle, que
-je fis l'impromptu que je vous envoie<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor">&nbsp;[469]</a>. On dit que
-la machine coûtoit deux millions au prince d'Orange,
-et j'apprends en cet instant, par des lettres
-de Bretagne et de Basse-Normandie, que la mer a
-vu près de cent Anglois morts sur ses bords, que
-les ennemis n'avoient plus de vivres et qu'ils en
-ont été prendre aux îles de Jersey et de Guernesey,
-où ils ont enterré un mort de quelque conséquence.
-Je suis bien obligée à M. le président
-Boisot de son souvenir. Je vous prie de l'en remercier
-pour moi et d'être bien persuadé, Monsieur,
-<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span>
-que personne ne connoît votre frère mieux que je
-le connois, et n'est plus véritablement votre, etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">6 mars 1694.</p>
-
-<p>Votre dernière lettre, Monsieur, est si bien
-écrite, si généreuse pour l'illustre mort et si obligeante
-pour moi, que je ne puis assez la louer, ni
-vous en remercier. Je vous apprends qu'on imprime
-les approbations du <i>Traité de l'Eucharistie</i>
-et l'Épître dédicatoire au Pape, et que la première
-approbation est de M. l'archevêque d'Arles<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor">&nbsp;[470]</a>, qui
-a si bien connu la force et la beauté de l'ouvrage
-qu'il approuve, et a si parfaitement pénétré le
-sens de l'auteur, qu'il ouvrira les yeux aux moins
-éclairés. Et ce qui augmente mon plaisir, c'est
-que c'est moi qui ai obtenu, par une de mes
-amies, que cet archevêque travaillât; il étoit enrhumé,
-il avoit des affaires et le temps étoit court.
-Mais enfin je l'ai emporté, et j'en suis ravie, car
-cela pare le livre. Mais comme M. l'abbé de Ferriès
-sera le maître des exemplaires, priez-le de
-vous en envoyer le plus tôt qu'il pourra. Il y a
-peu de nouvelles: on envoie vingt bataillons en
-Piémont, parce qu'on a su que les ennemis y en
-faisoient passer. M. le prince d'Elbeuf a gagné deux
-<span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span>
-mille pistoles bien aisément: car ayant dit qu'il
-avoit six juments qui, étant attelées à une manière
-de petit chariot, alloient et revenoient de Paris à
-Versailles en moins de deux heures, Monseigneur
-paria que cela ne se pouvoit et tous les courtisans
-à son exemple, et ils ont tous perdu.</p>
-
-<p>Il y a une nouvelle Satire de Despréaux imprimée
-contre les femmes, qu'il croit être la meilleure
-des siennes. Mais les gens de bon goût ne le trouvent
-pas, et il y a un caractère bourgeois et des
-phrases fort bizarres. Il donne un coup de griffe,
-selon sa coutume, à <i>Clélie</i>, sans raison et sans nécessité<a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor">&nbsp;[471]</a>.
-Mais je suis accoutumée à mépriser ce
-qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai pas.
-Un livre qui a été traduit en italien, en anglois,
-en allemand et en arabe, n'a que faire des louanges
-d'un satirique de profession. Quand vous
-aurez vu cette satire qui maltraite fort M. Perrault,
-ami de M. de Pellisson et le mien, je serai bien
-aise d'en savoir votre sentiment. Je suis, Monsieur,
-avec toute l'estime dont vous êtes digne et toute
-la sincérité dont je fais profession, votre, etc.,
-etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">10 mars 1694.</p>
-
-<p>Je reçois, Monsieur, votre lettre du 4 et j'y réponds
-à l'heure même, pour vous dire que j'ai bien
-meilleure opinion de Besançon que vous ne pensez.
-Et s'il n'y avoit que vous, Monsieur votre frère
-et M<sup>me</sup> de Chandiot qui eussiez de l'esprit et du
-mérite, il faudroit vous regarder comme des phénix.
-Mais comme j'ai beaucoup vécu, il y a longtemps
-que je sais que Besançon est une ville à qui
-le voisinage de peuples moins polis ne gâte rien.
-Et puis, Monsieur, quoique le proverbe dise qu'une
-alouette ne fait pas le printemps, je soutiens que
-vous seul inspireriez l'esprit et la politesse à toute
-une grande ville. Vous m'avez fait beaucoup de
-plaisir de me parler de M<sup>me</sup> de Chandiot, dont je
-n'osois vous parler la première, de peur de l'importuner,
-car je respecte même mes amis quand
-ils s'endorment, et je ne les réveille pas étourdiment.</p>
-
-<p>Il y a une Satire contre les femmes du satirique
-public, que le mérite seul de votre amie doit faire
-sembler plus ridicule, car il a si mauvaise opinion
-des femmes qu'il ne peut compter que trois
-honnêtes femmes dans tout Paris. Mais, quoiqu'il
-pense que cet ouvrage est son chef-d'&oelig;uvre, le public
-n'est pas de son avis et le trouve très-bourgeois
-et rempli de phrases très-barbares. Il donne
-un coup de griffe assez mal à propos à <i>Clélie</i>. Et
-<span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span>
-j'imite ce fameux Romain qui, au lieu de se justifier,
-dit à l'assemblée: «Allons remercier les
-dieux de la victoire que nous avons gagnée....»</p>
-
-<p>Je suis, Monsieur, avec toute l'estime dont vous
-êtes digne, votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">20 mars 1694.</p>
-
-<p>Votre dernière lettre, Monsieur, est si belle
-qu'une enrhumée n'oseroit entreprendre d'y répondre,
-et je ne vous écris aujourd'hui que pour
-vous dire que le Roi a reçu très-favorablement le
-livre de M. de Pellisson, que M. l'abbé de Ferriès
-lui a présenté. Je le priai fort hier de vous l'envoyer
-promptement, et il me dit qu'il le feroit
-quand le libraire lui en auroit baillé. Je lui en
-demandai un pour M<sup>me</sup> de Sévigné, qui le mérite
-par cent raisons: il me le bailla. Je ne fis que
-l'ouvrir et l'envoyer; mais, en l'ouvrant, j'y vis
-un assez long avertissement dont je n'avois pas
-entendu parler et dont je ne lus que trois lignes,
-ne voulant pas faire voir que je le remarquois. Je
-le crois de la même main que l'Épître: vous m'en
-direz votre avis. Mais je vous prie très-instamment
-de ne jamais dire à cet abbé que je vous en aie
-écrit, et de me mander votre sentiment de l'ouvrage.
-Comme j'ai trois lettres de M. de Pellisson,
-qui marquent qu'il a toujours cru qu'il mourroit
-avant moi, et désiré et attendu que je prendrois
-<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span>
-soin de son tombeau, j'ai sans doute quelque droit
-de m'en mêler. Au reste la Satire est toujours plus
-décriée, et il y a un grand nombre de vers qui la
-blâment d'une manière sanglante. Il y a encore un
-ancien satirique qui lui a donné un petit coup de
-griffe; il s'appelle Linière; voici ce qu'il dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ta Satire contre les femmes,</p>
-<p>Que si durement tu diffames,</p>
-<p>Vole partout, fameux Boileau;</p>
-<p>Et c'est le comble de ta gloire</p>
-<p>De voir qu'on la montre à la foire</p>
-<p>Comme quelque monstre nouveau.</p>
-</div></div>
-
-<p>Il y en a de M. de Nevers d'un autre caractère,
-mais je n'aime pas à envoyer de pareilles choses<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor">&nbsp;[472]</a>.
-Je suis, monsieur, avec une estime singulière,
-votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">24 mars 1694.</p>
-
-<p>Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, sans répondre
-à votre belle lettre du 16. Elle est trop modeste
-pour vous et trop flatteuse pour moi. Vous
-ai-je envoyé ce que M. de Nevers a écrit contre la
-<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span>
-nouvelle satire? Quand vous l'aurez lue, vous me
-ferez le plaisir de me dire si vous savez ce que
-c'est qu'un <i>lit effronté</i>, et si ce vers:</p>
-
-<p class="quote"><b>....</b> que Vénus ou Satan<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor">&nbsp;[473]</a></p>
-
-<p>peut être fait par un chrétien. Je crois, Monsieur,
-que vous raisonnez fort bien en politique. On va
-faire un grand effort en Piémont et en Catalogne.
-Comme je compte votre voix pour beaucoup, je
-vais vous écrire un madrigal que je fis hier et que
-j'enverrai à Versailles<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor">&nbsp;[474]</a>. Je ne l'ai montré qu'à
-M. l'évêque d'Avranches et à M. Bosquillon qui en
-sont contents. Je souhaite que vous le soyez de
-même et que vous me croyiez sincèrement votre,
-etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">7 avril 1694.</p>
-
-<p>Puisque c'est un sujet de joie qui vous a détourné
-de la lecture du livre précieux de l'illustre
-mort, je n'en saurois murmurer, et le mariage de
-votre parent prouve que la Satire contre les femmes
-n'empêche pas qu'on ne se marie. Toutes vos
-remarques sont justes<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor">&nbsp;[475]</a>, et l'on en peut faire beaucoup
-d'autres. Il n'y a que lui au monde qui
-puisse mettre Faustine en un rang plus honnête
-<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span>
-qu'une simple coquette. Je vous envoie les vers
-qu'on donne à M. de Nevers. J'en viens de voir de
-si terribles que je ne les ai pas voulu prendre.
-Vous me faites beaucoup de plaisir, Monsieur, de
-me faire espérer bientôt votre sentiment sur le
-livre de l'illustre mort, qui est admiré des plus
-habiles, des plus savants et des plus polis, et
-même des plus emportés de ses calomniateurs....</p>
-
-<p>Adieu, Monsieur, la toux me presse de finir;
-mais ce ne sera pas sans vous assurer que je suis
-très-sincèrement votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span></span><a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor">&nbsp;[476]</a>.</p>
-
-<p class="dater">4 juin [1694].</p>
-
-<p>Votre lettre du 29 de mai, Monseigneur, m'a
-causé un plaisir très-sensible, car connoissant le
-prix de votre suffrage comme je fais, j'ai été ravie
-que le dernier ouvrage de celui que je regretterai
-toute ma vie, l'ait obtenu. J'espère que la suite de
-cet admirable <i>Traité de l'Eucharistie</i> l'obtiendra de
-même, et que vous donnerez aussi votre approbation
-entière au second volume qu'on va imprimer.
-Je vous ai écrit à Avranches une lettre que je suppose
-qu'on vous aura envoyée; mais, à tout hasard,
-je vous répète que le nonce a remis à M. l'abbé de
-Ferriès, de la part du Pape, une belle lettre latine
-écrite par le cardinal Spada, par ordre de Sa Sainteté,
-qui est toute remplie des louanges de feu
-<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span>
-M. de Pellisson et de son ouvrage. Cela est assurément
-fort glorieux pour sa mémoire. Le Roi a vu
-cette lettre, M. de Meaux en est ravi. Le Pape
-paroît fort aise que cet ouvrage ait paru sous son
-nom, étant rempli de la doctrine, de la piété et de
-l'éloquence de son auteur; il a ajouté que cet
-écrit lui est d'autant plus agréable qu'il ne tient
-rien de la sécheresse sententieuse des controversistes,
-et qu'enfin ce livre ne tend qu'à établir et
-éclaircir la doctrine catholique et à la persuader
-d'une manière propre à ramener les esprits égarés.
-Cela est plus fort et mieux dit que je ne le
-répète, et il finit en disant que M. Pellisson a été
-heureux de finir ses jours dans une étude si simple
-et si louable.</p>
-
-<p>Après cela, Monseigneur, permettez-moi de vous
-dire avec la même franchise que vous me parlez
-à la fin de votre lettre, que l'éloquence qui paroît
-dans le <i>Traité de l'Eucharistie</i> n'est pas une éloquence
-qui farde et ne fait qu'éclairer sans éblouir;
-car après avoir persuadé l'esprit, elle touche le
-c&oelig;ur, et je vous assure, Monseigneur, que cette
-foi vive, cette charité et cet amour de Dieu qui
-vous touchent encore plus que tout le reste, vous
-toucheroient moins sans ce petit rayon d'éloquence
-naturelle qui brille dans tout cet ouvrage, sans
-lui ôter rien de cette noble simplicité qui doit
-accompagner ces sortes de matières.</p>
-
-<p>Je suis, Monseigneur, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span>
-<span class="small"><b>A L'ABBÉ BOISOT</b></span><a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor">&nbsp;[477]</a>.</p>
-
-<p class="dater">21 août [1694].</p>
-
-<p>Je n'entreprends pas, Monsieur, de répondre à
-votre obligeante lettre, car je n'en ai pas le temps
-aujourd'hui, mais je veux vous dire que j'apprends
-que le 9 de ce mois Papachin et milord Russell<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor">&nbsp;[478]</a>
-sont arrivés devant Barcelone, et que M. de
-Noailles qui étoit à quatre lieues de là, à une petite
-ville au bord de la mer, dépêcha aussitôt une
-frégate légère et une tartane, pour aller, séparément,
-en avertir M. de Tourville à Toulon, qui
-étoit prêt à faire voiles. Il envoya aussi diverses
-barques pour observer les man&oelig;uvres des ennemis,
-et voir s'ils débarquoient beaucoup de troupes;
-il mit des sentinelles sur toutes les hauteurs
-pour être averti de tout. J'apprends encore d'un
-autre côté que le 16, le prince d'Orange, manquant
-de tout dans son camp, renvoya ses gros bagages,
-et que le 17 à neuf heures du matin<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor">&nbsp;[479]</a>..., apprenant
-que le prince d'Orange faisoit quelque mouvement,
-fit battre la générale et donna ordre qu'on se tînt
-prêt à marcher, faisant distribuer les sacs d'avoine
-par compagnie de cavalerie, et l'on vient
-d'ajouter à cela que le prince d'Orange marchoit
-<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span>
-vers Flene<a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor">&nbsp;[480]</a> et Monseigneur vers la Sambre; dans
-peu de jours on en saura davantage. M<sup>me</sup> de Nemours
-marie son héritier à M<sup>lle</sup> de Luxembourg et
-lui donne des biens immenses, et c'est un homme
-qui ne sait que boire<a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor">&nbsp;[481]</a>.</p>
-
-<p>Après cela, Monsieur, je vous dirai que le Roi a
-reçu admirablement bien le présent de M. Bétoulaud,
-c'est une onice<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor">&nbsp;[482]</a> antique très-belle, où la Victoire
-est gravée. Ce fut le P. de la Chaise qui la
-lui donna avec de très-beaux vers qui me sont
-adressés et où j'ai répondu, et un autre ouvrage
-qui m'est aussi adressé et où j'ai fait aussi une
-réponse. J'avois mis le cachet de la pierre antique
-dans une jolie boëte d'agate garnie d'or. Sa Majesté
-trouva la pierre très-belle et très-curieuse et
-prit beaucoup de plaisir aux vers; enfin cela s'est
-passé très-glorieusement pour M. Bétoulaud et pour
-moi. S. M. dit qu'elle alloit les montrer à M<sup>me</sup> de
-Maintenon, et je prétends lui écrire mercredi prochain
-pour lui apprendre que je ne suis pas payée.
-Il me reste à vous dire que je suis ravie que vous
-soyez guéri, que je souhaite que votre frère le
-soit bientôt, et que je suis, Monsieur, plus que je
-ne le puis dire, votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span>
-<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Août 1694.</p>
-
-<p>Je vous réponds un peu tard, Monsieur, par des
-raisons bien différentes. La première est que je
-fus accablée, à ma fête, de fleurs, de fruits, de
-vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours à
-remercier ceux qui me les avoient envoyés et à
-recevoir les visites de ceux qui venoient voir les
-vers que j'avois reçus. Mais, depuis cela, ma santé
-altérée, mes affaires au même état et l'inquiétude
-où j'étois du Havre où je suis née, et du pays de
-Caux, où j'ai un neveu à la mode de Bretagne,
-d'un mérite distingué, et plusieurs autres parents,
-m'ont fort occupée. Mais grâce à Dieu, les ennemis
-n'ont pas fait grand mal au Havre, quoiqu'ils
-y aient jeté plus de mille bombes, où il n'y a eu
-que six médiocres maisons brûlées, et une chapelle
-un peu endommagée; et la bombarde qu'une de
-nos bombes fit sauter en l'air valoit mieux que
-ce que la ville a perdu. Il n'y a eu qu'un homme
-tué au Havre, et deux à Dieppe. L'embrasement de
-cette dernière a été grand par la faute des habitants
-qui étoient tous sortis de la ville. Mais M. le maréchal
-de Choiseul, qui étoit au Havre avec la
-Maison du Roi et la noblesse du pays, fit éteindre
-le feu aussitôt qu'il prit en quelque part. La citadelle
-et les vaisseaux du port n'ont eu nul mal.</p>
-
-<p>Comme vous prenez part à tout ce qui me touche,
-je vous dirai que le Madrigal sur la prise de
-<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span>
-Gironne<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor">&nbsp;[483]</a> a été vu du Roi par le R. P. de la Chaise
-et qu'il en a été loué plus qu'il ne mérite. J'envoyai
-hier à ce même père une pierre antique pour
-le Roi, avec de très-beaux vers que l'on m'avoit
-adressés, où j'ai répondu. J'ai lieu de croire, vu
-la manière dont il a reçu mon madrigal, que Sa
-Majesté ne sait pas que je ne suis pas payée. Si
-cela continue, je prendrai la liberté de l'écrire à
-M<sup>me</sup> de Maintenon, pour la prier d'en dire un mot
-au ministre. Vous voyez, Monsieur, que je vous
-parle de mes intérêts comme si c'étoient les vôtres.
-Apprenez-moi, s'il vous plaît, Monsieur, si vous
-êtes soulagé de la douleur dont vous vous plaigniez
-par votre dernière lettre. Je le souhaite de tout
-mon c&oelig;ur, comme étant véritablement votre, etc.
-etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 6 novembre 1694.</p>
-
-<p>Un grand rhume causé par toutes les inclémences
-de l'air et accompagné du chagrin de ne voir
-pas finir mon affaire du Trésor royal, dont on parlera
-encore demain au ministre, m'ont empêchée
-de vous écrire plus tôt. Mes amis n'ont pas encore
-trouvé cet Eusèbe que vous cherchez. Nous verrons
-si le public le trouvera, car M. Bosquillon et moi
-nous avons fait mettre la question dans le <i>Journal</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span>
-<i>des Savants</i><a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor">&nbsp;[484]</a>. Nous verrons si quelqu'un sera plus
-heureux. Il y a très-peu de nouvelles: on parle
-toujours de la paix avec espérance. Les galères
-hiverneront à Saint-Malo et à Bordeaux, dont les
-officiers sont bien fâchés; ils seroient plus agréablement
-à Marseille. M. l'évêque d'Agen, autrefois
-le père Mascaron, qui est de mes amis depuis plus
-de quarante ans, prêcha le jour de la Toussaint à
-Versailles et charma le Roi et même les courtisans.
-Je m'y étois attendue, car c'est le plus éloquent
-homme du royaume et qui prêche le plus solidement.
-Je vous envoie un madrigal que M. Bosquillon
-a fait sur ce sermon-là. J'ai fait aussi un impromptu<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor">&nbsp;[485]</a>,
-mais on n'y entend rien si on n'a vu
-une grande Épître que M. de Bétoulaud a faite
-à la louange de cet excellent prélat qui, dans
-la disette, nourrissoit les pauvres jusqu'à s'incommoder.
-Je voudrois bien, Monsieur, vous
-demander si vous n'approuviez pas mieux que je
-fisse des mémoires pour la vie de l'illustre mort
-qu'une vie dans les formes. Car les Mémoires permettent
-un plus grand détail, et c'est cela qui est
-très-beau en la vie de M. de Pellisson. Dites-moi
-votre avis et me croyez, Monsieur, très-sincèrement,
-votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span>
-<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME DE CHANDIOT</b></span><br />
-<span class="small"><b>A BESANÇON</b></span><a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor">&nbsp;[486]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce 20 avril [1695].</p>
-
-<p>Je n'ai pas voulu, Madame, me donner l'honneur
-de vous écrire que je n'eusse fait l'entrevue
-de M. le président Boisot et de M. Bosquillon. Il
-me paroît qu'ils sont contents l'un de l'autre, et je
-ne doute pas, Madame, que vous ne soyez contente
-de l'éloge que ce dernier fait de notre illustre
-ami<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor">&nbsp;[487]</a>, sur vos mémoires, dont il est charmé,
-aussi bien que de quelques-unes de vos lettres
-que je lui ai montrées. J'en ai vu une fort belle
-entre les mains de M. le président Boisot, mais
-comme il me semble qu'il vous a un peu trop
-alarmée sur ma santé et sur ma vie, où vous avez
-la bonté de prendre intérêt, je veux un peu vous
-rassurer et vous dire qu'il n'est pas impossible
-que je n'aie encore quelque petit nombre d'années
-à vivre. Il est vrai que l'excessive rigueur de l'hiver
-dernier m'a causé un fort grand rhume qui ne
-peut guérir que par le chaud qui n'est pas encore
-venu, mais il est sans fièvre et sans nul engagement
-de poitrine, et ce qui m'incommode le plus
-est un rhumatisme qui m'enferme dans ma chambre
-et dans mon cabinet, ne pouvant marcher,
-quoiqu'il ne soit qu'aux genoux.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span>
-Mais, comme je suis d'une famille où les ressorts
-de la raison ne s'usent point, je puis espérer
-d'en jouir encore un petit nombre d'années, comme
-je vous l'ai dit. J'en ai un exemple domestique,
-car la mère de feu mon père a vécu cent huit ans
-avec toute la liberté de la sienne, et elle jeûna le
-vendredi et au pain et à l'eau la dernière année de
-sa vie, comme elle avoit accoutumé depuis quarante
-ans. Je n'aspire pas à en avoir une aussi
-longue, j'ai perdu trop d'illustres amis pour le
-désirer, et il y en a peu de ce temps-ci capables
-de les remplacer; l'amitié étant devenue extrêmement
-rare. Je n'ai pas moins perdu d'amies illustres
-que d'illustres amis. Si nous étions en même
-lieu, Madame, vous avez tout le mérite qu'il faut
-pour adoucir toutes mes douleurs, pourvu que je
-puisse avoir place dans votre c&oelig;ur; celle que vous
-avez dans le mien m'en rend en quelque sorte
-digne, puisque je suis avec toute l'estime que vous
-méritez et toute la sincérité dont je fais profession,
-votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Le 15 mai [1695].</p>
-
-<p>Je commence, Madame, par vous assurer que
-vous serez contente de l'éloge que M. Bosquillon
-a fait de feu l'abbé de Saint-Vincent<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor">&nbsp;[488]</a>. M. le président
-<span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span>
-Boisot vous l'aura sans doute dit, mais je
-vous le confirme après l'avoir lu deux fois. Dès
-qu'il sera imprimé vous l'aurez, et M. le président
-Boisot aussi. En attendant je vous envoie un madrigal
-que M. Bosquillon a fait après avoir lu les
-deux vôtres avec autant de modestie que d'estime
-et de respect pour la main qui les lui donne, et je
-vous envoie en même temps un madrigal qu'il a
-fait au retour d'une fameuse fauvette<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor">&nbsp;[489]</a> dont je suppose
-que vous connoissez la réputation. Je vous
-envoie aussi ce que j'ai dit à la même fauvette,
-afin que vous voyiez que je n'aspire pas à vivre
-aussi longtems que ma grand'mère, n'étant pas
-assurée des mêmes avantages qu'elle a eus. Je n'écris
-pas aujourd'hui à M. le président Boisot; je me
-réserve à me donner cet honneur que l'Éloge soit
-imprimé, et je vous envoyerai en même temps la
-copie de la lettre de M. [Montmort?] à M. de Pellisson
-que le Roi a gardée. Conservez, Madame, la même
-bonté qu'à celui que nous regrettons, pour votre
-très-humble et très-obéissante servante, car je
-sens assez qu'elle n'en est pas indigne par l'estime
-distinguée qu'elle fait de votre mérite. Je
-crois, Madame, qu'il n'est pas nécessaire de vous
-dire qu'elle s'appelle</p>
-
-<p class="sig"> <span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span>
-<span class="small"><b>A L'ABBÉ NICAISE</b></span><a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor">&nbsp;[490]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Septembre 1695.</p>
-
-<p>Vous m'avez fait un grand plaisir, Monsieur,
-de m'apprendre que j'ai eu l'honneur d'être en
-communauté d'amis avec vous, car M. Lantin<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor">&nbsp;[491]</a>
-avoit témoigné autrefois aussi beaucoup de bonté
-pour moi; et M. l'abbé de Saint-Vincent et
-M. [<i>nom illisible</i>] ont été de mes amis jusqu'à leur
-dernier jour. Je vous dis cela, Monsieur, pour
-vous empêcher de vous repentir de tout ce que
-vous me dites d'obligeant et de ce que vous en
-dites à M. Bosquillon qui m'a fait voir l'agréable
-lettre que vous lui avez écrite. Je suis ravie que
-l'éloge qu'il a fait de M. l'abbé Boisot vous ait plu;
-il est universellement loué de tout le monde. J'écris
-aujourd'hui à M. Moreau, ce qui a engagé
-M. le président Cousin à le mettre dans le Journal<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor">&nbsp;[492]</a>.
-Ce seroit trop long à répéter, et je suis si
-cruellement enrhumée que je suis forcée de louer
-en peu de paroles votre généreuse ardeur pour
-conserver la mémoire de vos illustres amis, et la
-<span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span>
-délicatesse que vous avez sur cela est une marque
-certaine de la générosité de votre c&oelig;ur, que je
-préfère à votre rare savoir, et à la vivacité brillante
-de votre esprit qui paroît dans la lettre que
-vous avez écrite à M. Bosquillon, et dans celle
-dont vous m'avez honorée. J'en ai, Monsieur, toute
-la reconnoissance que je dois très-véritablement.</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor">&nbsp;[493]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1695].</p>
-
-<p>Ce que vous m'apprenez, Monseigneur, de la
-générosité de M<sup>lle</sup> de Clisson redouble la douleur
-que j'avois déjà de sa perte; car une amie de quarante
-ans de ce mérite-là est une perte irréparable.</p>
-
-<p>Ce qu'elle fait pour M. Gallois<a id="FNanchor_494" href="#Footnote_494" class="fnanchor">&nbsp;[494]</a> qui est auprès
-de moi me touche sensiblement et me fait voir
-qu'elle aimoit tout ce que j'aimois et tout ce qui
-m'aimoit. Ce que vous me dites, Monseigneur, de
-la manière obligeante dont M. de Lamoignon vous
-a parlé de moi me touche aussi bien sensiblement,
-et il faut qu'il ait deviné le respect distingué que
-j'ai toujours eu pour lui, pour me traiter avec
-<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span>
-tant d'humanité. Vous me ferez plaisir, si vous en
-trouvez l'occasion, de lui témoigner la reconnoissance
-que j'en ai. Je ne lui écris pas encore sur
-cela, de peur qu'on ne puisse me soupçonner d'un
-sentiment d'intérêt; car bien que ma fortune soit
-très-mauvaise, n'étant payée de nulle part, je ne
-sens en cette occasion que la perte d'une amie qui
-étoit touchée de mon malheur, et qui m'a voulu
-secourir en mourant.</p>
-
-<p>Je commençois à craindre que vous ne m'eussiez
-oubliée, mais votre billet m'a rassurée, et me
-persuade que vous vous souvenez de la date de
-notre amitié, et que vous n'avez point d'amie qui
-soit avec plus d'estime, plus de zèle et plus de sincérité,</p>
-
-<p>Votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_495" href="#Footnote_495" class="fnanchor">&nbsp;[495]</a>.</p>
-
-<p class="dater">29 décembre [1695].</p>
-
-<p>Il est bien juste, Monseigneur, que je vous remercie
-de la bonté que vous avez eue de me rendre
-office auprès de M. de Lamoignon, et de m'avoir
-appris avec quelle honnêteté il vous a parlé de
-moi. Je lui écrivis hier pour l'en remercier, et je
-lui envoyai ma lettre par les personnes dont
-M<sup>lle</sup> de Clisson s'est souvenue, et qu'il reçut très-civilement.
-Comme on m'a dit qu'il y a un grand
-<span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span>
-nombre de legs, je voudrois bien savoir si les noms
-de Vaumale ou de Valcroissant ne se trouvent pas
-parmi ceux à qui cette généreuse personne en a
-laissé. Si vous trouvez occasion de le savoir, vous
-me ferez plaisir de me l'apprendre et de savoir
-aussi ce qu'elle laisse à M. de la Bastide<a id="FNanchor_496" href="#Footnote_496" class="fnanchor">&nbsp;[496]</a>, qui est
-en Angleterre. Vous voyez, Monseigneur, que j'use
-de la liberté que la véritable amitié donne. Conservez-moi
-la vôtre, et soyez assuré que la mienne
-durera autant que la vie de votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A MADAME DE CHANDIOT</b></span><a id="FNanchor_497" href="#Footnote_497" class="fnanchor">&nbsp;[497]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce 27 octobre [1699.]</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i4">MADRIGAL.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Chandiot est une merveille</p>
-<p class="i2"> Qui n'aura jamais de pareille.</p>
-<p class="i2"> Sa beauté n'est qu'un simple trait</p>
-<p class="i2"> De son admirable portrait.</p>
-<p class="i2"> Ses vertus, son c&oelig;ur magnanime</p>
-<p class="i2"> Ont acquis toute mon estime,</p>
-<p>Et je l'aime d'un air et si tendre et si doux</p>
-<p>Que mes plus chers amis en deviennent jaloux.</p>
-</div></div>
-
-<p>Voilà, Madame, un impromptu que je n'ai pu
-m'empêcher de faire, c'est l'ouvrage de ma reconnoissance
-plutôt que de mon esprit. Je vous envoye
-un petit mot de M<sup>me</sup> de Balmont que je vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span>
-recommande tout de nouveau comme ma fille.
-Son mari l'a mandée, mais, comme ça été après
-avoir reçu une lettre de son oncle qui lui a donné
-l'emploi, je crains qu'il ne soit pas converti, et je
-lui conseillerois de loger chez la veuve du médecin
-que vous lui avez enseignée, car je craindrois
-que, s'il n'est pas converti, il ne l'empoisonnât<a id="FNanchor_498" href="#Footnote_498" class="fnanchor">&nbsp;[498]</a>, et
-il est bon d'examiner sa conduite avant que de s'y
-fier. Elle suivra vos conseils et vous trouverez que
-c'est une très-bonne personne; elle part pour
-aller à Besançon le 9 du mois prochain. M. l'abbé
-Bosquillon trouve votre générosité, aussi bien que
-moi, très-grande, et nous sommes toujours tout
-d'un avis en parlant de vous. Votre dernière lettre
-est si bien écrite qu'il l'a admirée comme moi.
-Le Roi est revenu en santé parfaite de Fontainebleau;
-il a mis à son retour M<sup>me</sup> la duchesse
-de Bourgogne avec M. son époux<a id="FNanchor_499" href="#Footnote_499" class="fnanchor">&nbsp;[499]</a>; elle fut le lendemain
-à Saint-Cyr pour éviter les visites des courtisans
-en semblables occasions. Sa Majesté ira le
-jour des Morts à Marly où elle sera quatorze jours.
-Voilà, Madame, ce qu'il y a de nouveau. Je suis
-à vous comme vous le méritez, c'est-à-dire que je
-suis, plus que personne ne peut l'être, votre très-humble
-et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span>
-<span class="small"><b>A M. VALLÉE, PREMIER COMMIS DU CONTRÔLE GÉNÉRAL</b></span><br />
-<span class="small"><b>DES FINANCES</b></span><a id="FNanchor_500" href="#Footnote_500" class="fnanchor">&nbsp;[500]</a>.</p>
-
-<p class="dater">27 janvier [1701].</p>
-
-<p>Comme je crois que c'est aux bons offices que
-vous m'avez rendus, Monsieur, que je dois la
-bonté que M<sup>gr</sup> Chamillart a eue pour moi, en
-me fesant payer de la pension dont le Roi m'honore,
-c'est par cette raison que je vous en rends
-de tout mon c&oelig;ur mille très-humbles grâces. Je
-m'adresse aussi à vous, Monsieur, pour vous prier
-de lui rendre la lettre que j'ai l'honneur de lui
-écrire pour lui en témoigner ma reconnoissance.
-Soyez, s'il vous plaît, bien persuadé de la
-mienne à votre égard, et que je n'oublierai jamais
-tous les services que vous me rendez avec tant
-de bonté, en me fesant payer si promptement.
-Je suis, Monsieur, avec toute l'estime que vous
-méritez, votre très-humble et très-obéissante servante,
-etc.</p>
-
-<p><i>P. S.</i>&mdash;Monseigneur Chamillart a fait une réponse
-très-obligeante à ma lettre.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_501" href="#Footnote_501" class="fnanchor">&nbsp;[501]</a>.</p>
-
-<p class="dater">23 avril [1701].</p>
-
-<p>J'ai reçu, Monseigneur, avec beaucoup de plaisir,
-<span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span>
-la lettre que vous m'avez fait l'honneur de
-m'écrire; car je croyois que vous m'aviez tout-à-fait
-oubliée. J'ai été fort touchée de la mort de
-M. de Segrais<a id="FNanchor_502" href="#Footnote_502" class="fnanchor">&nbsp;[502]</a>: il y avoit cinquante ans qu'il
-étoit de mes amis, et j'ai fait quelques vers pour
-conserver sa mémoire. Cela vous doit faire connoître,
-Monseigneur, que je n'oublie pas mes anciens
-amis, et que je me souviens parfaitement de
-tous les témoignages d'amitié que vous m'avez
-rendus autrefois.</p>
-
-<p>Le rhumatisme que j'ai aux genoux est devenu
-si fâcheux que je ne marche plus, mais mon estomac
-et ma raison sont toujours en santé, et par
-conséquent, Monseigneur, je serai toute ma vie,
-avec toute l'estime et le respect que vous méritez,
-votre très-humble et très-obéissante servante, etc.</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_392"> 392</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">LETTRES</span><br />
-<span class="large">DONT ON N'A PU RETROUVER LA DATE</span></h2>
-</div>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES</b></span><a id="FNanchor_503" href="#Footnote_503" class="fnanchor">&nbsp;[503]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>En m'apprenant, Iris, que vous savez rimer,</p>
-<p>Vous m'apprenez aussi que vous savez aimer:</p>
-<p class="i2"> Mais, Iris, l'oserois-je dire!</p>
-<p>Trouve-t-on quelque amant dans l'amoureux empire</p>
-<p class="i2"> Digne de cette noble ardeur</p>
-<p>Dont vous peignez si bien la force et la grandeur?</p>
-<p class="i2"> Pensez-y donc, fille charmante.</p>
-<p>Ah! qu'il est dangereux d'être trop tendre amante,</p>
-<p class="i2"> Puisqu'il n'est point d'amant heureux</p>
-<p class="i2"> Qui soit longtemps fort amoureux.</p>
-<p class="i3"> Par une ingratitude horrible,</p>
-<p>Son amour s'allentit dès qu'on devient sensible,</p>
-<p class="i3"> Et l'ignorance d'être aimé</p>
-<p class="i2"> Le rend beaucoup plus enflammé.</p>
-</div></div>
-
-<p>Voilà, Mademoiselle, des vers aussi négligés que
-<span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span>
-les vôtres sont beaux; j'en suis charmée, et je crois
-bien que toutes les muses sont également de vos
-amies, puisque vous écrivez aussi bien en vers
-qu'en prose; mais pour vous montrer que mon
-sentiment ne m'est pas particulier, je vous envoye
-quatre vers d'une amie que j'ai, qui est très-digne
-d'être la vôtre, car elle a un mérite infini, et M. de
-M...., qui l'admire aussi bien que moi, vous en
-répondra. Elle s'appelle M<sup>me</sup> de P...<a id="FNanchor_504" href="#Footnote_504" class="fnanchor">&nbsp;[504]</a>. Voilà
-les quatre vers qu'elle engagea dans un billet
-fort galant qu'elle m'écrivit un jour:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Où peut-on trouver des amans</p>
-<p>Qui nous soient à jamais fidèles?</p>
-<p>Je n'en sais que dans les romans</p>
-<p>Et dans les nids des tourterelles.</p>
-</div></div>
-
-<p>Tout le monde choisi a su ces quatre vers. Si Voiture
-ou Sarazin ressuscitoient, ils voudroient les
-avoir faits. Cependant, Mademoiselle, la mauvaise
-opinion que j'ai des amants ne diminue rien de
-l'admiration que j'ai pour vos beaux vers. M. de
-M.... a trop bon goût pour y avoir rien changé. Il
-me les a montrés écrits de votre main sans une
-seule rature, et je les ai copiés de la mienne sans
-y rien changer; mais je prendrai pourtant la liberté
-de vous avertir de la juste signification d'un
-mot que vous avez sans doute employé sans y
-penser, afin qu'il n'y ait pas la moindre imperfection
-à ce que vous écrirez. Voici de quoi il s'agit:
-<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span>
-vous confondez deux mots, <i>avant</i> et <i>devant</i>, et
-il ne les faut pas confondre. Vous parlez juste quand
-vous dites:</p>
-
-<p class="quote">Faut-il avant sa mort que tant de fois je meure.</p>
-
-<p>Mais quand vous dites au dixième vers:</p>
-
-<p class="quote">Et devant le trépas ne me fais pas mourir,</p>
-
-<p>cela n'est pas juste. Dans les règles, il faudroit
-refaire le vers, et mettre <i>avant</i> au lieu de <i>devant</i>.
-On dit aller <i>au devant de quelqu'un</i>, ou <i>il demeure
-devant ma porte</i>; mais pour marquer précisément
-un temps, on dit, par exemple, <i>avant que je fusse
-née, avant qu'il arrivât</i>, et non pas <i>devant</i>.</p>
-
-<p>Je vous demande pardon, Mademoiselle, de cette
-liberté; ce n'est pas ma coutume de faire le bel esprit,
-mais j'ai voulu vous donner ce petit avis d'amitié
-qui vous doit marquer la sincérité de mes
-louanges et qui ne diminue rien de mon admiration
-pour votre belle élégie; non plus que ma
-croyance en faveur de mon chien n'ôte rien
-de l'estime infinie que j'ai pour feu M. votre
-oncle. Ce n'est pas l'amitié que j'ai pour les animaux
-qui me prévient à leur avantage, c'est celle
-qu'ils ont pour moi qui me persuade en leur faveur;
-car on ne peut rien aimer par choix sans
-quelque sorte de raison; et selon cette règle, Mademoiselle,
-je suis parfaitement raisonnable, puisque
-la connoissance de votre mérite extraordinaire
-m'engage à vous aimer infiniment, et je prévois
-<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span>
-que tout cela doit durer autant que la vie de votre
-très-humble, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE
-DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p>Je suis si fière, Mademoiselle, des vers de votre
-façon qui s'adressent à moi, que je crois déjà être
-immortalisée; mais est-il possible que vous ne
-trouviez à redire dans ma pauvre élégie que ce
-que vous y reprenez? Moi qui la regarde avec des
-yeux de mère, j'y voyois mille choses que j'eusse
-voulu n'y point voir; mais je n'ose plus blâmer ce
-que vous avez jugé digne de vos louanges, et
-je veux seulement, pour rendre témoignage à la
-vérité, vous assurer qu'elle est toute de mon imagination,
-et que mon c&oelig;ur n'y a point de part.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Mon c&oelig;ur qui de l'amour sut toujours se défendre,</p>
-<p class="i2"> Injustement en seroit soupçonné;</p>
-<p class="i1"> Il n'est jamais permis d'en prendre</p>
-<p class="i2"> Qu'après que l'on en a donné;</p>
-<p>Et dans mes plus beaux jours mes beautés innocentes</p>
-<p>De pareils attentats furent toujours exemptes.</p>
-</div></div>
-
-<p>Non, Mademoiselle, je n'ai jamais fait, Dieu
-merci, de conquêtes, et c'est ce qui me console
-plutôt que toutes les raisons que vous dites si
-agréablement dans vos beaux vers.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Tout berger est trompeur, inconstant et volage;</p>
-<p class="i2"> Malheur à celle qui s'engage.</p>
-<p>Mille exemples fameux en convainquent l'esprit;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span></div>
-<p>Mais malgré cette règle et si juste et si belle,</p>
-<p class="i2"> Si tôt que le c&oelig;ur s'attendrit,</p>
-<p class="i2"> On croit que l'amour est fidèle.</p>
-</div></div>
-
-<p>Votre illustre amie, M<sup>me</sup> de P..., a beau nous
-dire des merveilles dans ses quatre vers qui sont
-inimitables; on les admirera, on les voudra croire,
-et le c&oelig;ur ira son chemin;</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>La seule tourterelle en amour est fidèle,</p>
-<p class="i1"> Mais quand notre c&oelig;ur est charmé,</p>
-<p class="i2"> L'objet dont il est enflammé</p>
-<p class="i1"> Nous paraît constant tout comme elle.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ainsi, Mademoiselle, il vaut mieux que je n'aie
-jamais eu d'amants, que de n'avoir eu pour préservatif
-que la vue de leur inconstance.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> L'amour a soin de nous persuader</p>
-<p>Qu'on brûlera pour nous d'une flamme éternelle,</p>
-<p class="i2"> Et que nous allons posséder</p>
-<p>Un sort que n'eut jamais aucune autre mortelle.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et je ne sais s'il n'est point à propos que l'on
-s'abuse ainsi quelquefois. On se tiendroit trop sur
-ses gardes, on vivroit dans une retraite et dans
-une solitude de c&oelig;ur qui fait de la peine à imaginer;
-et, quant à la vérité, toute belle qu'elle est, elle
-peut être d'un moindre prix que certaines erreurs
-douces et charmantes qui flattent agréablement.
-Par exemple, Mademoiselle, je souhaite avec tant
-de passion d'être aimée de vous, que je crois qu'il
-en est quelque chose; ne me désabusez jamais, je
-vous en supplie, laissez-moi une imagination qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span>
-m'enchante et qui fait tout le bonheur de votre
-très-humble, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Vous dites fort modestement</p>
-<p class="i2"> Que vous n'avez point eu d'amant;</p>
-<p class="i2"> Ce discours n'est pas vraisemblable:</p>
-<p class="i2"> Mais du moins, fille incomparable,</p>
-<p class="i2"> Pour être sincère à mon tour,</p>
-<p class="i2"> Ne haïssez-vous point l'amour?</p>
-<p class="i2"> Et je trouve assez incroyable</p>
-<p>D'aimer la passion qui peut tout enflammer</p>
-<p>Sans que pas un amant ait osé vous aimer.</p>
-<p class="i2"> Où l'auriez-vous si bien connue,</p>
-<p class="i2"> Si vous ne l'aviez jamais vue?</p>
-<p>Pour parler comme vous de l'amoureux ennui,</p>
-<p>Il faut du moins, Iris, l'avoir appris d'autrui,</p>
-<p>Il faut, dis-je en un mot, si l'on le veut connoître,</p>
-<p class="i2"> Le sentir ou l'avoir fait naître;</p>
-<p class="i2"> Mais on voit assez rarement,</p>
-<p>Quand on aime l'amour, qu'on haïsse l'amant.</p>
-</div></div>
-
-<p>Je vous excepte pourtant de cette règle, Mademoiselle,
-car comme vous avez eu infiniment d'esprit
-dès votre plus tendre jeunesse, je suppose
-qu'il a été une garde fidèle de votre c&oelig;ur, et que
-ne trouvant rien digne de lui, il a conservé sa
-liberté. Les vers dont votre lettre est semée, sont
-fort galants et fort jolis, et je vois bien que vous
-seriez plutôt de l'avis des quatre vers d'un ami que
-j'ai eu, que de celui des quatre de M<sup>me</sup> de P....
-<span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span>
-Il les mettoit dans la bouche d'une dame. Les
-voici:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Mais quand sur notre esprit un amant qu'on estime</p>
-<p class="i3"> A pris quelque crédit,</p>
-<p>On commence à douter si l'amour est un crime</p>
-<p class="i3"> Aussi grand qu'on le dit.</p>
-</div></div>
-
-<p>Je prends la liberté, Mademoiselle, de vous envoyer
-un madrigal qui a eu le bonheur de ne pas
-déplaire au Roi, et je souhaite qu'il soit aussi heureux
-auprès de vous, car je connois tout le prix
-de votre voix. Je voudrois bien que vous connussiez
-de même celui de mon amitié: car en un
-mot, Mademoiselle, je ne suis aimable que parce
-que je sais aimer mes amies d'une manière tendre
-et désintéressée, qui me distingue de beaucoup
-d'autres; je me vante hardiment de cette bonne
-qualité. Car étant aussi éloignées l'une de l'autre,
-vous n'en sauriez rien, si je ne vous le faisois connoître;
-et je ne vous parle ainsi que pour vous
-engager à m'employer à quelque chose qui puisse
-vous donner lieu de croire que je suis avec beaucoup
-de tendresse</p>
-
-<p>Votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE
-DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Vous l'avez bien jugé, Mademoiselle, j'étois née
-avec une belle disposition à l'amour.</p>
-
-<p class="quote">Mais qui pourroit aimer, s'il ne plaît au Destin?</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span>
-a fort bien dit un poëte de notre pays. Il faut
-que je vous dise tout mon secret; j'y suis obligée
-par reconnoissance, et je vous ai plus d'obligation
-que vous ne pensez.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Si mon c&oelig;ur et sensible et tendre</p>
-<p class="i3"> De l'amour a su se défendre,</p>
-<p class="i3"> Je vous dois ce rare bonheur,</p>
-<p class="i3"> Seule vous en avez l'honneur;</p>
-<p class="i3"> Fille du monde sans pareille,</p>
-<p class="i3"> Fille du siècle la merveille.</p>
-<p class="i3"> Les héros que vous avez faits,</p>
-<p class="i3"> Héros en amour si parfaits,</p>
-<p>M'ont fourni du mépris pour les amours vulgaires,</p>
-<p>Et dégoûté mon c&oelig;ur des amours ordinaires.</p>
-</div></div>
-
-<p>C'est la vérité pure, vous m'avez donné une si
-belle idée de l'amour dans tout ce que vous avez
-écrit, que je n'en ai rien voulu rabattre. J'ai
-cru qu'il falloit aimer ainsi, ou n'aimer pas du
-tout.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Vos beaux livres m'ont fait connoître</p>
-<p>Un amour généreux, pur et sans intérêt,</p>
-<p class="i2"> Et qui l'a vu tel qu'il doit être</p>
-<p class="i2"> Ne peut le souffrir comme il est.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cela soit dit, Mademoiselle, à la honte de la
-philosophie morale, je le sais par expérience,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>D'une innocente ardeur la parfaite peinture,</p>
-<p>Et l'exemple fameux d'une illustre aventure</p>
-<p class="i2"> Corrigent mieux les jeunes c&oelig;urs</p>
-<p class="i2"> Et les penchants de la nature,</p>
-<p class="i2"> Que la science austère et dure</p>
-<p class="i2"> Qui s'applique à régler les m&oelig;urs.</p>
-</div></div>
-
-<p>On aime tant à parler de soi-même que j'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span>
-commencé par là, quoique je ne dusse vous parler
-que de votre merveilleux madrigal, qui est un des
-plus beaux que j'aie jamais vus.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quand je fis de l'amour une image parfaite,</p>
-<p>Des vulgaires amours j'espérai la défaite;</p>
-<p>Mais malgré cet espoir nous voyons mille c&oelig;urs</p>
-<p>Se laisser conquérir par d'indignes vainqueurs,</p>
-<p>Qui, méprisant bientôt ce qu'ils ont pris sans gloire,</p>
-<p>Courent incessamment de victoire en victoire,</p>
-<p>Et se lassant enfin d'être trop tôt aimés,</p>
-<p>Se moquent des Chloris dont ils furent charmés.</p>
-<p>Mais puisque votre c&oelig;ur, fille charmante et sage,</p>
-<p>Est par mon assistance échappé du naufrage,</p>
-<p>Et que des mers d'amour ne craignant plus les flots</p>
-<p>Il est libre et jouit d'un glorieux repos,</p>
-<p>Je ne me repens pas d'avoir fait la peinture</p>
-<p>De cette passion et si noble et si pure,</p>
-<p>Qui sait unir les c&oelig;urs sans blesser la raison;</p>
-<p>Car l'amour héroïque est un contre-poison.</p>
-<p>Si l'on devoit un prix dans la superbe Rome</p>
-<p>A quiconque pourroit en sauver un seul homme;</p>
-<p>Que ne devez-vous pas à cet heureux tableau</p>
-<p>Où ma main a tracé ce qu'Amour a de beau,</p>
-<p>Par l'opposition des amours passagères,</p>
-<p>Des amours d'intérêt, des amours mensongères,</p>
-<p>Des sentiments grossiers et de leurs faux appas!</p>
-<p>Vous avez su franchir un si dangereux pas.</p>
-<p>Je vous demande donc pour prix de mon ouvrage</p>
-<p>Ce c&oelig;ur, ce même c&oelig;ur échappé du naufrage;</p>
-<p>Ne le refusez pas à ma tendre amitié,</p>
-<p>Qui vaut mieux que l'amour de plus de la moitié.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span>
-<span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE</b></span><br />
-<span class="small"><b>DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Mon c&oelig;ur est à votre service, Mademoiselle, et
-vous lui faites trop d'honneur de le souhaiter.</p>
-
-<p class="quote">On ne peut refuser un c&oelig;ur<br />
-Que l'illustre Sapho demande,</p>
-
-<p>et si quelque Tirsis me l'avoit demandé aussi
-galamment que vous faites, j'étois perdue. Mais,
-Mademoiselle, on m'avoit bien dit qu'on ne peut
-aimer sans inquiétude: l'amitié que j'ai pour vous
-me rend déjà malheureuse.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> La moindre aventure amoureuse</p>
-<p>Trouble notre repos, blesse notre devoir;</p>
-<p>Mais la tendre amitié n'est guère plus heureuse,</p>
-<p class="i2"> Quand on ne doit jamais se voir.</p>
-</div></div>
-
-<p>Il semble que vous ne m'ayez sauvée des
-écueils de l'amour, que pour me faire périr dans
-ceux de l'amitié.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Par vous des mers d'amour j'évitai les orages,</p>
-<p class="i3"> Mers fameuses par cent naufrages;</p>
-<p class="i2"> Mais mon sort n'en est pas meilleur;</p>
-<p class="i1"> Par vous, Sapho, mon malheur est extrême;</p>
-<p>Vous me faites aimer, et j'aurai la douleur</p>
-<p class="i3"> De ne voir jamais ce que j'aime.</p>
-</div></div>
-
-<p>Je ne sais, Mademoiselle, si l'amour cause de
-plus cruelles peines, mais je sais bien que mon
-c&oelig;ur n'en a jamais ressenti de plus sensibles, et que
-je ne trouve rien de si chagrinant que de vous
-admirer de si loin.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></div>
-<p>Pour moi votre commerce est honorable et doux,</p>
-<p class="i2"> Je reçois chaque jour de vous</p>
-<p class="i2"> Des vers que tout le monde admire;</p>
-<p>Mais malgré cet honneur dont je me sens combler,</p>
-<p class="i3"> Je ne puis m'empêcher de dire:</p>
-<p class="i2"> Heureuse à qui vous voulez bien écrire,</p>
-<p>Plus heureuse cent fois qui vous entend parler.</p>
-</div></div>
-
-<p>Quand je vois que ce qui ne vous coûte qu'un
-quart d'heure à faire fera mes délices toute ma
-vie, je dis avec cette fameuse Sapho que la Grèce
-a tant chantée:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quand au rare mérite on est sensible et tendre,</p>
-<p class="i3"> Et que par la faveur des cieux,</p>
-<p>On peut souvent vous voir et souvent vous entendre,</p>
-<p>C'est un plaisir plus grand que le plaisir des dieux.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. HUET</b></span><a id="FNanchor_505" href="#Footnote_505" class="fnanchor">&nbsp;[505]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Il y a une chanson dont la reprise dit: <i>Sans le
-secret l'amour n'a rien de doux</i>; mais à ce que je
-vois, Monsieur, vous voulez aussi que l'amitié
-soit mystérieuse, puisque vous ne voulez que pas
-une de mes amies, ni pas un de mes amis, voient
-vos billets. Si j'étois un peu plus jeune, cela me
-seroit fort suspect, mais en l'état où sont les choses,
-je prends tout en bonne part, et je veux bien
-avoir pour vous toute la complaisance que vous
-voudrez. Ce n'est pas que souvent il me fût fort
-<span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span>
-doux de me parer de vos billets et de les montrer
-à deux ou trois personnes seulement, mais si vous
-aimez le secret, il faut l'aimer comme vous. Cependant
-quelle apparence de refuser à Octavie et
-à Ménalque<a id="FNanchor_506" href="#Footnote_506" class="fnanchor">&nbsp;[506]</a> le plaisir de voir ce que vous m'écrivez;
-songez-y encore une fois avant que de
-m'engager à faire le v&oelig;u du secret, et, en attendant,
-soyez bien persuadé que je vous estime infiniment,
-et qu'il ne tiendra pas à moi que nous
-ne formions une de ces amitiés qui durent autant
-que la vie.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_507" href="#Footnote_507" class="fnanchor">&nbsp;[507]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Votre billet, Monseigneur, est digne de votre
-c&oelig;ur, et si je l'ose dire, de mon amitié pour vous
-que le temps ne peut affoiblir. Le nom que vous
-n'avez pu lire est l'abbé d'Arche, homme de beaucoup
-de mérite et qui, comme je vous l'ai dit, est
-fort aimé de M<sup>gr</sup> l'évêque d'Agen et de M. de Bétoulaud;
-et je vous suis très-obligée de lui vouloir
-bien donner votre suffrage. Pour la harangue de
-M. le recteur de l'Université, je viens d'apprendre
-qu'elle ne se prononcera pas mardi et que vous
-serez invité dans les formes, et par conséquent
-vous saurez l'heure précisément. Je vous remercie
-<span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span>
-aussi de me promettre l'ouvrage du R. P. de la
-Rue, car mes mauvaises oreilles m'empêchant
-d'avoir le plaisir de l'aller entendre, je serai fort
-aise d'avoir celui de lire un discours de si bonne
-main. Conservez-moi, Monseigneur, votre précieuse
-amitié, et soyez persuadé que c'est pour le
-reste de ma vie que je suis, avec toute l'amitié que
-vous méritez, votre très-humble et très-obéissante
-servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_508" href="#Footnote_508" class="fnanchor">&nbsp;[508]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce 21 de mai....</p>
-
-<p>L'impatience de lire le bel ouvrage du R. P. de
-la Rue m'empêcha, Monseigneur, de vous remercier
-dès hier: ajoutez aussi que je crus qu'il
-seroit mieux de joindre mes louanges à mes remercîments;
-mais après l'avoir lu avec toute
-l'admiration qu'il mérite, je trouve toutes mes
-expressions tellement foibles pour louer le R. P.
-de la Rue, que je n'ose presque vous dire ce que
-j'en pense: car, de la manière dont il s'exprime,
-toutes ses expressions sont nobles, naturelles et
-persuasives. Il montre aux yeux ce qu'il veut représenter;
-il ôte aux plus grandes louanges ce
-qui les pourroit faire soupçonner de flatterie, et
-leur donne un air de vérité qui persuade ceux qui
-les entendent ou qui les lisent. Enfin, Monseigneur,
-<span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span>
-il a su si sagement éviter tous les écueils
-de son sujet, qu'on ne l'en peut assez louer, et je
-ne puis assez vous remercier du plaisir que j'ai
-eu à l'admirer. Conservez-moi, Monseigneur, votre
-précieuse amitié, et me croyez toujours, avec autant
-de sincérité que de respect,</p>
-
-<p>Votre très-humble, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. DE SABATIER DE L'ACADÉMIE D'ARLES, QUI LUI AVAIT</b></span><br />
-<span class="small"><b>ADRESSÉ UNE ÉPITRE EN VERS</b></span><a id="FNanchor_509" href="#Footnote_509" class="fnanchor">&nbsp;[509]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Les louanges que vous me donnez, Monsieur,
-sont si agréables et si délicates, qu'il est difficile
-de les refuser; mais elles sont d'ailleurs si grandes
-et si noblement exprimées, qu'il faudroit avoir
-beaucoup d'audace pour s'en croire digne et les
-accepter; de sorte, Monsieur, que le parti le plus
-juste que je puisse prendre, c'est de louer la beauté
-de votre ouvrage sans m'en faire l'application. Un
-portrait flatté ne laisse pas d'être quelquefois admirablement
-peint, sans être fort ressemblant, et
-c'est même une des maximes des plus grands
-peintres d'embellir toujours leur objet. Je ne me
-regarde donc pas dans votre ouvrage, telle que je
-suis, mais telle que je devrois être pour le mériter.</p>
-
-<p>Cependant, pour vous empêcher de vous repentir
-<span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span>
-de l'honneur que vous m'avez fait, je vous apprends
-que mon c&oelig;ur vaut mieux que mon esprit,
-que je suis une amie fidèle, sincère et désintéressée,
-et que si j'avois l'avantage d'être connue de
-vous par vous-même de ce côté-là, j'en pourrois
-être louée sans flatterie, et que je pourrois aussi
-recevoir vos louanges sans confusion. Mais en attendant,
-Monsieur, souffrez que j'ajoute un misérable
-impromptu à ce que je viens de vous dire;
-il n'est pas beau, il n'est que sincère, le voici:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ne vous y trompez pas, votre aimable fontaine,</p>
-<p class="i3"> C'est la véritable Hippocrène;</p>
-<p>Votre chant me surprend, il est charmant et doux,</p>
-<p class="i3"> Et tous les cygnes de la Seine</p>
-<p class="i3"> Ne peuvent mieux chanter que vous.</p>
-</div></div>
-
-<p class="sig">Voilà, Monsieur, les sentiments tout purs de<br />
-<span class="i3">Votre très-humble et très-obéissante servante</span><br />
-<span class="i4 cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A M. NUBLÉ</b></span><a id="FNanchor_510" href="#Footnote_510" class="fnanchor">&nbsp;[510]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>C'est en vain, Monsieur, que vous me fuyez, car
-je suis résolue de vous avoir de l'obligation, et
-de pouvoir dire avec quelque vraisemblance, que
-vous êtes de mes amis. Je vous défie même hardiment
-de me refuser la grâce que je m'en vais vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span>
-demander. En effet, sachant quelle est votre vertu
-et votre équité, je ne pense pas que vous puissiez
-savoir qu'il y a une orpheline de douze ans qui a
-besoin de la protection de M. le président de Bailleul,
-sans avoir aussitôt envie de lui donner le
-placet que je vous envoie. Car, si vos amis vous
-connoissent bien, il n'est pas en votre pouvoir de
-vous empêcher de faire une action de vertu quand
-l'occasion s'en présente. Je vous promets pourtant
-de vous être fort obligée de votre sollicitation,
-quoique je sache bien que M. le président de Bailleul
-est un des juges du monde qui a le moins de
-besoin d'être sollicité, parce qu'il est un des plus
-équitables. Si vous aimiez les remercîments, je
-m'engagerois à vous faire remercier par MM. Ménage,
-Conrart, Chapelain, Pellisson et plusieurs
-autres de vos amis qui sont des miens.</p>
-
-<p>Mais, comme je n'ai garde de vous soupçonner
-d'aimer une chose si peu solide, je me contente de
-vous assurer, qu'en m'obligeant vous obligerez la
-personne du monde la plus reconnoissante et qui,
-sans que vous le sachiez, admire le plus votre
-vertu.</p>
-
-<p class="signature"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>A LA REINE CHRISTINE</b></span><a id="FNanchor_511" href="#Footnote_511" class="fnanchor">&nbsp;[511]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p class="titel">Madame,</p>
-
-<p>Comme la santé est un bien si précieux qu'on
-<span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span>
-ne sent presque plus la possession de tous les autres
-biens quand on a perdu celui-là, il m'est
-impossible d'apprendre que la santé de V. M. a
-été altérée, sans prendre la liberté de lui dire que
-personne ne peut avoir senti son mal plus vivement
-que moi; car, encore qu'en me l'apprenant on
-m'ait assuré que je n'avois rien à craindre pour sa
-vie, mon c&oelig;ur en a été sensiblement touché, et
-j'attends l'ordinaire prochain avec la dernière impatience.
-J'ai même fait convenir M. de Pellisson,
-qui partage mes sentiments pour V. M., que les
-maux des personnes pour qui on a un attachement
-sincère, et s'il est permis de parler ainsi, une
-passion de respect, laissent une impression de
-douleur qui ne s'efface pas dès que le mal est
-passé, et qu'il faut que le temps ôte la crainte du
-retour du mal dont on a été alarmé, pour en être
-tout à fait en repos. Cependant lui et moi faisons
-des v&oelig;ux pour l'affermissement de la santé de
-V. M. qui doit être précieuse pour tout le monde
-puisqu'elle en est un des plus grands ornements.</p>
-
-<p>En mon particulier, Madame, si V. M. pouvoit
-savoir de quelle manière je suis sensible à tout
-ce qui la regarde, elle verroit bien que son
-mérite m'est toujours présent, et que le temps
-et l'éloignement ne peuvent m'empêcher d'être
-toute ma vie, avec la même admiration, le même
-zèle et le même respect, Madame, de V. M. la très-humble,
-très-passionnée et très-obéissante servante.</p>
-
-<p class="signature"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_410"> 410</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">LETTRES</span><br />
-<span class="large">ADRESSÉES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</span>,<br />
-<span class="small">OU QUI LA CONCERNENT.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>BALZAC A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_512" href="#Footnote_512" class="fnanchor">&nbsp;[512]</a>.</p>
-
-<p class="dater">25 juillet 1639.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Si j'eusse pu obtenir un bon moment de ma
-mauvaise santé, je vous aurois dit, il y a longtemps,
-que je n'ai ni assez d'humilité pour rejeter
-les louanges que vous me donnez, ni assez de
-présomption pour y consentir. De les croire d'une
-foi historique, ce seroit avoir l'imagination un
-peu forte; et de s'offenser aussi d'une fable si
-obligeante, ce seroit être de mauvaise humeur. En
-ceci, le tempérament que je veux choisir ne
-vous sera pas désavantageux. Je considérerai vos
-excellentes paroles comme purement vôtres, et sans
-<span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span>
-que je pense qu'elles m'appartiennent. De cette
-sorte, elles feront toujours leur effet, et je demeurerai
-toujours persuadé, mais ce sera, Mademoiselle,
-des grâces de votre esprit et de l'éloquence
-qui loue, non pas de celle qui est louée.</p>
-
-<p>Pardonnez à mon humeur défiante, si je ne puis
-bien croire que vous soyez de l'avis de votre lettre
-ni que ma <i>Relation à Ménandre</i> soit de la force que
-vous m'écrivez. Elle vous a touchée, néanmoins,
-pour ce que vous êtes sensible aux malheurs d'autrui,
-et que la bonté vous intéresse dans toutes
-les causes de l'innocence. Par là véritablement je
-puis mériter votre faveur, et monsieur votre frère
-me pourroit prendre aussi pour un des sujets qui
-ont besoin de son assistance. Il sait défendre à ce
-que je vois, avec autant de valeur qu'il sait attaquer,
-et ses boucliers ne sont pas moins impénétrables,
-que ses autres armes sont tranchantes.
-En effet, l'ouvrage qu'il vous a plû de m'envoyer
-de sa part<a id="FNanchor_513" href="#Footnote_513" class="fnanchor">&nbsp;[513]</a> me semble avoir cette fatale solidité.
-Les plus grands ennemis des spectacles et des
-fêtes de l'esprit ne les sauroient violer à l'avenir
-sous une telle protection. Par son moyen, la volupté
-sera remise en sa bonne renommée, et de sa
-grâce nous nous réjouirons, sans scrupule, en
-dépit des tristes et des sévères. Je vous en dirois
-davantage si vous aviez dessein de m'examiner
-sur votre livre, et si vous vouliez que je vous rendisse
-compte de mes études, mais ce n'est pas ici
-<span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span>
-le lieu de faire ni de commentaires, ni d'avant-propos.
-Et d'ailleurs, puisque les belles assemblées,
-n'étant pas ingrates, retentiront de tous
-côtés de la gloire de leur défenseur, il y a de l'apparence
-qu'une voix si foible, et qui vient de si
-loin que la mienne ne seroit pas remarquée dans
-le grand bruit que tant d'applaudissements doivent
-faire. Je me contente donc de vous dire sans aucun
-ornement de paroles, que je ne manque pas
-de reconnoissance, après une parfaite obligation,
-et que le présent que j'ai reçu ne pouvant être
-plus riche qu'il est, M. de Scudéry a trouvé le
-moyen de me le rendre plus agréable par l'envoi
-qu'il a désiré que vous m'en fissiez. Avec sa permission,
-je vous en remercie de tout mon c&oelig;ur,
-et veux être, s'il vous plaît, toute ma vie,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i1">Votre très-humble et très-obligé serviteur,</span><br />
-<span class="i2"><span class="cap">B</span><span class="smallc">ALZAC</span>.</span></p>
-
-<p><i>P. S.</i> Je viens d'apprendre, par une lettre de
-M. Chapelain, que M. votre frère m'a fait encore
-un nouveau présent. Je l'attends avec impatience
-et vous supplie de lui dire, Mademoiselle, qu'il
-n'a point un plus passionné serviteur que moi, ni
-qui fasse plus d'estime de sa vertu. Plût à Dieu
-qu'il eût l'année prochaine quelque emploi digne
-de lui dans l'armée que commande M. le Prince!
-Il viendroit faire ici une station et me donneroit
-bien huit jours pour l'embrasser et pour l'entretenir
-à mon aise.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span>
-<span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_514" href="#Footnote_514" class="fnanchor">&nbsp;[514]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Paris, 4 aoust 1639.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Je fus incivil de vous envoyer la lettre de M. de
-Balzac que je vous devois porter moi-même. Mais
-vous jetterez cette faute sur les embarras qui m'en
-ont déjà fait commettre tant d'autres envers vous,
-et qui vous ont dû faire étonner plus d'une fois
-que j'use si mal de la permission que vous m'avez
-donnée de vous rendre mes devoirs et de vous
-faire de mauvaises visites. Si vous m'avez pardonné
-les premières, je veux croire que vous ne
-me tiendrez pas rigueur pour cette dernière, et
-que vous vous contenterez du mal que j'ai eu en
-ne vous voyant pas. J'ai lu la lettre et l'ai trouvée
-digne de vous et de celui qui l'a écrite, comme je
-me l'étois bien imaginé devant que vous me l'eussiez
-communiquée. Avec votre permission, je la
-garderai tout aujourd'hui pour la faire voir à une
-couple de mes amis qui seront bien aises de voir
-que M. de Balzac connoît votre mérite et lui rend
-une partie de ce qui lui est dû.</p>
-
-<p>Pour ce qui regarde mon portrait, Mademoiselle,
-M. le marquis de Montausier s'est réjoui
-lorsqu'il vous a dit qu'il en avoit vu l'ébauche, et
-vous aurez à lui reprocher qu'en cette rencontre
-il n'a pas traité assez sérieusement avec vous.
-<span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span>
-C'est une matière sur laquelle je délibère encore,
-et, à vous dire mon sentiment en liberté, je penche
-beaucoup plus à supplier M. votre frère de
-me dispenser de lui faire un présent si peu digne
-de son cabinet, et de garder cet honneur pour
-ceux qui le méritent davantage<a id="FNanchor_515" href="#Footnote_515" class="fnanchor">&nbsp;[515]</a>. Je vous en parle
-sans cette modestie affectée qui ne diffère guères
-de la vanité, et vous jure que j'appréhende d'être
-mêlé parmi ces grands hommes qui parent et doivent
-parer un illustre réduit. Cela ne pourra être
-sans faire tort à leur gloire qui s'offensera d'une
-société si inégale, et M. votre frère doit craindre
-lui-même d'en être blâmé, comme s'étant volontairement
-trompé par ce choix qui leur est si peu
-avantageux. J'irai au premier jour chez lui essayer
-de lui persuader que je ne paroisse pas là où je
-n'ai pas de place légitime, ou recevoir de lui une
-nouvelle jussion qui me mette à couvert, et le
-charge de tout le mal qui en pourroit arriver. Cependant
-vous le solliciterez, s'il vous plaît, en ma
-faveur, et le disposerez à ne me pas faire injustice
-en me fesant plus de grâce que je ne veux. C'est
-cela que vous demande pour cette heure avec instance,
-Mademoiselle,</p>
-
-<p class="signature">Votre très-obéissant serviteur,<br />
-<span class="i2"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span></span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span>
-<span class="small"><b>GODEAU A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_516" href="#Footnote_516" class="fnanchor">&nbsp;[516]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Grasse, 16 août 1641.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Au lieu de vous remercier de l'éloquente lettre
-que vous m'avez écrite, il faut que je m'en plaigne,
-et que je vous en fasse une correction. Ne
-savez-vous pas qu'il en est des écrivains, et surtout
-des poëtes, de même que des femmes? Si vous
-leur dites une fois qu'elles sont belles, le diable le
-leur redit cent, et elles ajoutent plus de créance à
-ce père du mensonge qu'à la glace la plus fidèle
-d'un miroir. L'esprit aime toutes ses productions,
-parce qu'en l'état de péché où nous sommes l'amour
-propre infecte toutes les puissances de notre
-âme, et surtout celle qui est la plus divine; mais,
-comme il a plus de part dans les vers que dans
-les autres ouvrages de prose, étant, s'il faut ainsi
-dire, comme créateur de ceux-là, il en est aussi
-plus jaloux, pour ne pas me servir d'un terme
-plus rude. Pourquoi donc prenez-vous tant de
-peine à me faire avaler un poison dont je suis
-déjà tout plein? Si vous pensez que la civilité vous
-y oblige, elle est bien cruelle. Si vous croyez ce
-que vous dites, il faut que je vous détrompe, et
-que je vous dise que dans le livre dont vous faites
-<span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span>
-tant de cas, il n'y a rien de précieux que la matière<a id="FNanchor_517" href="#Footnote_517" class="fnanchor">&nbsp;[517]</a>.
-C'est sans doute ce qui vous a fait tomber
-en erreur, et vous avez fait comme les amans qui
-trouvent que toutes les peintures de la personne
-qu'ils aiment sont des chefs-d'&oelig;uvre, et ne distinguent
-pas celles de l'ouvrier de celles de leur
-passion. Pour moi, je vous jure sincèrement que,
-parmi tant de pièces, je vois peu de choses qui
-me satisfassent, et beaucoup qui me déplaisent.
-Ma paresse naturelle m'a empêché de les corriger,
-et j'ai cru que cela n'empêcheroit pas la fin que
-je me suis proposée, qui est de rendre quelque service
-à Dieu, en détournant les hommes des choses
-profanes, au moins pour quelque temps. Croyez-moi,
-il n'y a point de gloire dans la terre dont on
-doive faire beaucoup de compte; les panégyristes
-sont vains, les louanges vaines, et ce qui en reste,
-fumée et vanité. Surtout je ne puis concevoir comment
-il est possible que, considérant avec un peu
-d'attention la grandeur des mystères de Dieu, on
-puisse s'imaginer que l'on en parle, je ne dirai
-pas dignement, mais médiocrement. Je le prie
-qu'il me pardonne mes fautes en cette occasion, et
-qu'il approuve, ou plutôt qu'il purifie mes intentions
-pour l'avenir. Je vous conseille aussi de vous
-repentir de vos cajoleries, elles ne m'ont que trop
-plû; mais ce qui m'oblige davantage c'est l'assurance
-qu'il vous plaît de me donner que je suis
-<span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span>
-dans vos bonnes grâces. Croyez que je vous honore
-sincèrement et que je suis,</p>
-
-<p>Mademoiselle, votre, etc., etc.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_518" href="#Footnote_518" class="fnanchor">&nbsp;[518]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Paris, 12 avril 1645.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Je suis encore plus coupable devant vous que
-devant monsieur votre frère, du long temps que
-j'ai laissé passer sans répondre à l'excellente lettre
-que vous me fîtes l'honneur de m'écrire quelques
-jours avant lui. Il est vrai que je le serois bien
-davantage si vous m'aviez laissé moyen de répondre,
-et si je n'avois à dire pour excuse qu'on ne
-peut que mal écrire après une chose si bien écrite
-que celle-là. Tout de bon, il ne se peut rien de
-mieux que cette lettre, et l'air dont elle est prise
-est si galant et si délicat qu'elle a donné de l'ennui
-aux plumes qui volent le plus haut parmi
-nous, et du plaisir à des oreilles qui sont blessées
-de tout ce qui n'est que médiocrement admirable.
-Je n'ai point réparti à ces merveilles de peur de
-me faire voir trop au-dessous, et que, par la comparaison
-d'elles avec ce que je vous eusse écrit,
-vous ne parussiez les avoir mal employées en me
-les écrivant. En récompense, Mademoiselle, je
-<span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span>
-leur ai donné le triomphe qu'elles méritoient. Je
-les ai fait voir non seulement à M<sup>lle</sup> Robineau qui
-y étoit si agréablement grondée et qui ne pouvoit
-mais du sujet que vous avez pris de m'y quereller
-si noblement, mais encore à tout l'hôtel de Clermont,
-à tout l'hôtel de Rambouillet, à M<sup>me</sup> de Sablé
-et à M<sup>lle</sup> de Chalais, à M. Conrart, à M<sup>lle</sup> de Longueville
-et à M<sup>me</sup> de Longueville même, qui tous
-leur ont fait justice en leur donnant des éloges
-qu'on ne donne qu'aux pièces achevées, et les ont
-ou lues plusieurs fois, ou retenues plusieurs jours,
-ou copiées avec soin, afin d'en mieux considérer
-les beautés.</p>
-
-<p>Voilà, Mademoiselle, la seule réponse que je
-vous y ferai et qui vaudra mieux que si je vous
-protestois sérieusement que M<sup>lle</sup> Robineau n'a
-point d'avantage sur vous dans mon esprit, et que
-je ne laisserois pas de vous honorer extrêmement
-et de me souvenir de votre mérite, quand elle se
-donneroit moins de soin qu'elle ne fait de m'exhorter
-à payer vos bontés pour moi, du moins par
-de mauvaises lettres. J'ai quelquefois le bonheur
-de la voir, mais ce n'est que quand elle est malheureuse,
-et que quelque rhume ou quelque autre
-indisposition l'arrête chez elle. Autrement vous
-savez que ses amies, ou les sermons, ou les pardons
-l'en tirent d'ordinaire, et qu'il n'y a rien de
-si rare que de l'y trouver. Quand je l'y rencontre,
-vous faites la meilleure partie de notre conversation,
-mais de manière que la plus grande délicatesse
-de votre amitié n'en pourroit être que satisfaite,
-<span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span>
-si vous étiez aussi près de nos yeux, que
-vous l'êtes de notre c&oelig;ur. Je suis témoin de la
-continuation de sa tendresse pour vous, et si elle
-daigne parler de moi dans ses lettres, elle vous
-aura témoigné que je suis pour vous tout ce que
-vous sauriez désirer, et qu'il n'y a point d'intérêts
-qui me soient plus chers que les vôtres. J'ai vu
-dans celle de M<sup>lle</sup> Paulet ce que vous dites de si
-obligeant pour la rupture de mon voyage de Munster<a id="FNanchor_519" href="#Footnote_519" class="fnanchor">&nbsp;[519]</a>,
-et je l'ai plus senti que je ne vous le saurois
-dire. Il est certain, et je ne vous dissimulerai pas,
-que ce voyage choquoit entièrement mon inclination,
-qu'il troubloit l'ordre de ma vie, qu'il renversoit
-tous mes desseins et qu'il m'arrachoit à
-tous mes amis, si je n'eusse travaillé rigoureusement
-et avec succès pour le rompre. Je l'ai rompu
-et l'une des principales consolations qui m'en
-restent, c'est que par cet effort je me suis conservé
-libre, et que je m'en pourrai bien plus véritablement
-dire,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</span></p>
-
-<p class="sig"><span class="i2"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span>
-<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_520" href="#Footnote_520" class="fnanchor">&nbsp;[520]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sablé, 28 juin 1647.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>J'ai vu la lettre que vous avez écrite à notre
-chère et très-aimable M<sup>lle</sup> Paulet, sur le sujet qui
-me regarde. Il m'étoit si nouveau lorsque je partis
-de Paris, que tout ce que j'eus le temps de faire
-fut de dire à cette excellente amie ce qu'une personne
-de condition et de mérite avoit eu la bonté
-de me proposer pour moi, de son propre mouvement.
-Je dis de son propre mouvement, car encore
-<span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span>
-qu'elle m'eût fait l'honneur de me dire, il y
-avoit quelque temps, qu'elle en vouloit parler, je
-tenois la chose si fort éloignée et de moi et de
-toute autre comme moi, que je croyois qu'il étoit
-entièrement impossible d'y pouvoir parvenir. Je le
-crois encore de la même sorte, et si bien, que
-quoique les personnes qui me font l'honneur de
-me souhaiter ce bien-là m'aient voulu empêcher
-de quitter Paris, je les ai très-humblement suppliées
-de me le permettre; et enfin je suis venue en
-Anjou avec aussi peu de crainte que de désir de
-l'événement de la chose.</p>
-
-<p>Il semble que tout ce que je viens de vous dire
-soit éloigné de notre embarras et n'en soit pas la
-cause; vous saurez pourtant, s'il vous plaît, qu'il
-en fait une partie. Car lorsque M. de la Vergne pria
-M<sup>me</sup> la marquise de Sablé de s'employer pour vous
-auprès de M<sup>me</sup> d'Aiguillon, elle comprit, et moi
-aussi, sans s'expliquer davantage, que c'étoit pour
-être auprès de la nièce<a id="FNanchor_521" href="#Footnote_521" class="fnanchor">&nbsp;[521]</a> qui, selon le bruit commun,
-devoit épouser le neveu de M<sup>me</sup> d'Aiguillon. M<sup>me</sup> la
-marquise de Sablé ne comprit autre chose ni moi
-non plus, en vérité, et j'en demeurai là fort facilement
-par l'opinion où j'étois et où je suis encore
-que la conduite de ces trois importantes personnes<a id="FNanchor_522" href="#Footnote_522" class="fnanchor">&nbsp;[522]</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span>
-est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans doute
-le mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur,
-plus de bonheur, et quelque nom de Madame
-qui sera plus propre à l'éclat qu'à bien réussir
-dans l'éducation de ces personnes-là. Voilà donc
-ce qui éloigna ma pensée de vous sur ce sujet, et
-ce qui me l'arrêta à celui que je viens de vous
-dire. Joint, comme j'ai déjà dit, que M. de la
-Vergne ne s'expliqua point. Il y a beaucoup de
-circonstances qui, vous étant déduites, serviroient
-à me justifier auprès de vous; et je n'en oublierai
-aucune, tant j'ai le désir de vous faire connoître
-la vérité de mes intentions, si je n'étois
-assurée que la bonté et la générosité de M<sup>lle</sup> Paulet
-lui aura fait écrire tout ce qui aura servi à ma justification,
-comme je l'en avois très-humblement
-suppliée, après lui avoir fait voir le fond de mon
-c&oelig;ur et la vérité toute pure. Votre lettre m'a fait
-connoître qu'elle est aussi ponctuelle que parfaite
-amie, et que vous êtes bonne et généreuse, par les
-sentiments et par la bonne opinion que vous avez
-prise de mon procédé. Je vous en suis infiniment
-obligée. S'il se pouvoit ajouter quelque chose à
-l'estime et à l'extrême affection que j'ai pour
-vous, je vous puis assurer que cette dernière obligation
-le feroit; mais je suis à vous, il y a si
-longtemps, que tout ce que je puis faire est de
-vous confirmer les v&oelig;ux de mes très-humbles services,
-et de vous assurer que je ne perdrai jamais
-aucune occasion de vous en rendre. Plût à Dieu
-que cet emploi dont il s'agit fût partagé, et que
-<span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span>
-j'y pusse servir avec vous! Je l'en aimerois infiniment
-davantage, et si je le pouvois espérer de cette
-sorte, je commencerois à le désirer. Mais j'en aurois
-trop de joie, c'est pourquoi je ne puis me le
-promettre.</p>
-
-<p>J'avois supplié M<sup>lle</sup> Paulet de ne laisser pas
-d'employer ses amis et les vôtres pour le dessein
-qu'elle a eu et qu'elle doit avoir encore pour
-vous. Il y a tant de raisons qui sont en votre personne,
-qui ne sont point en la mienne, qu'il devroit
-être plus facile de réussir pour vous que
-pour moi. J'y donnerais ma voix de tout mon c&oelig;ur,
-si elle y pouvoit servir, et je vous puis assurer que
-j'aurais beaucoup plus de joie que ce bonheur-là
-vous arrivât qu'à moi-même, par quantité de raisons
-dont l'estime et l'affection que j'ai pour vous
-sont les principales. Je vous supplie de le croire,
-et que personne au monde ne saurait être, avec
-plus de vérité que je suis, votre très-humble et
-très-affectueuse servante.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE PAULET.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Sablé, 28 juin 1647.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>J'ai vu, par la réponse que vous a faite M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, la bonté avec laquelle vous lui avez écrit
-pour moi. Cette obligation, avec tant d'autres que
-je vous ai, touchent mon c&oelig;ur si sensiblement
-<span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span>
-que je n'ai point de paroles pour vous le pouvoir
-exprimer, mais seulement pour vous dire que je
-suis à vous absolument, que je vous estime et
-vous honore plus que personne du monde ne sauroit
-faire, et qu'enfin, je m'estimerois heureuse si
-je pouvois quelque jour vous témoigner, par mes
-très-humbles services, le désir que j'ai de vous en
-rendre. En vérité, ce me seroit la plus grande
-joie que je puisse recevoir. Au reste, Mademoiselle,
-j'écris à M<sup>lle</sup> de Scudéry; je vous supplie
-d'avoir encore la bonté de lui vouloir confirmer
-tout ce que je lui dis. Je pense que vous me faites
-bien cette grâce de me croire et de ne douter en
-aucune façon de la sincérité de mes intentions. Je
-vous conjure encore de travailler et d'employer vos
-amis pour le dessein que vous avez eu pour cette
-excellente personne, et de croire que j'aurois une
-extrême joie si vous y pouviez réussir. En vérité,
-je n'en aurois pas tant pour moi-même. Je lui
-souhaite ce bonheur-là de toute la force de mon
-c&oelig;ur, et je voudrois de la même sorte que cette
-autre personne qui a tant de bonté pour moi<a id="FNanchor_523" href="#Footnote_523" class="fnanchor">&nbsp;[523]</a>
-n'eût jamais pensé à cela. J'y renonce très-volontiers,
-et je porte tous mes désirs pour notre amie;
-et vous, Mademoiselle, je vous conjure encore une
-fois d'y employer vos amis et vos soins. Pour
-moi, je suis dans une solitude<a id="FNanchor_524" href="#Footnote_524" class="fnanchor">&nbsp;[524]</a> où je goûte de telle
-sorte le repos, que si je n'avois pas une extrême
-<span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span>
-affection pour M<sup>me</sup> la marquise de Sablé, et si je
-ne lui étois pas aussi obligée que je suis, j'aurois
-grande peine à songer à mon retour. Je m'y porte
-beaucoup mieux qu'à Paris; jugez quel charme,
-et s'il y a quelque chose dans la fortune qui vaille
-le bien de la santé. Je vous renvoie la lettre de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui est admirable; je vous en
-rends mille très-humbles grâces, et vous supplie
-de croire que personne n'est avec plus de passion
-que moi,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissante servante.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_525" href="#Footnote_525" class="fnanchor">&nbsp;[525]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Paris, 17 juillet 1647.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Il ne falloit pas moins que d'aussi grands reproches
-que ceux que j'ai lus dans la dernière de
-vos lettres à M<sup>lle</sup> Paulet, pour m'obliger à rendre
-grâces par les miennes du glorieux combat que
-vous avez fait pour l'honneur de ma <i>Pucelle</i><a id="FNanchor_526" href="#Footnote_526" class="fnanchor">&nbsp;[526]</a>. A
-<span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span>
-moins d'être provoqué avec des injures, et accusé
-d'incivilité et d'ingratitude, je ne me fusse jamais
-résolu à vous rien écrire sur votre courageux ouvrage,
-dans la crainte qu'en vous remerciant du
-bien que vous dites d'elle ou plutôt de moi, il ne
-semblât que j'en demeurasse d'accord et que je
-reçusse vos louanges sous couleur de les refuser.
-Vous savez, mademoiselle, qu'il y a une modestie
-ambitieuse, qui est pire que la vanité découverte,
-et vous ne voudriez pas que je fisse jamais
-rien qui m'en pût faire soupçonner. Cette considération
-est la vraie cause de mon silence, car, pour
-ma gratitude, vous ne l'avez pu ignorer, si
-M. Conrart s'est acquitté de ce qu'il m'avoit promis,
-ce que je ne puis croire qu'il ait oublié.
-Mais, Mademoiselle, puisque vous en faites l'ignorante
-afin de me mortifier, je vous dirai ici que la
-reconnoissance que j'ai de cette faveur ne sauroit
-être plus grande ni pour l'intérêt de la Pucelle ni
-pour le mien, et que j'estime à un point les belles
-et rares choses que vous avez voulu dire sur notre
-sujet, que je ne suis plus en peine de sa réputation
-ni de la mienne, et que quand ce que j'ai essayé
-de dire de sa vertu et de sa valeur devroit
-périr devant moi-même, je ne laisserois pas d'espérer
-de voir sa gloire conservée dans ce que vous
-avez écrit, et mon nom consacré à l'immortalité,
-parce que vous l'y avez daigné enchasser.</p>
-
-<p>Du reste, je ne réponds rien sur la passion à laquelle
-vous imputez si galamment mon silence, et
-je laisse cela à faire à M<sup>lle</sup> Robineau, à laquelle je
-<span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span>
-pourrois également déplaire, en l'avouant ou en
-la désavouant. C'est une personne trop parfaite
-pour qu'on en doute qu'elle ne pût faire une conquête
-beaucoup plus difficile encore, et, d'un
-autre côté, elle est trop sévère pour ne trouver
-pas mauvais qu'on se confesse son esclave. C'est
-à elle à se prononcer là-dessus et à vous apprendre
-ce que vous en devez croire. De moi, j'avouerai
-tout ce qu'elle voudra, pourvu que ce ne soit
-pas que la passion que son mérite me pourroit
-avoir donnée ne pût compatir avec celle que je
-dois au vôtre et qui m'a rendu pour la vie, Mademoiselle,
-votre très-humble et très-obéissant serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</p>
-
-<p><i>P.S.</i>&mdash;Ayez agréable, s'il vous plaît, que
-monsieur votre frère lise ici mes très-humbles
-baise-mains et les grâces que je lui rends très-humbles
-de son souvenir et du beau et généreux
-sonnet dont il m'a jugé digne, dans le petit nombre
-de ceux qu'il en a voulu gratifier en cette cour.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>SARASIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_527" href="#Footnote_527" class="fnanchor">&nbsp;[527]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Du 30 décembre 1650.</p>
-
-<p>N'attendez pas que je vous rende une lettre
-<span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span>
-bien écrite pour celle que vous m'avez envoyée et
-qui ne le sauroit être mieux. Rien n'est si contraire
-au bel esprit que la guerre civile, et je vous
-supplie de croire que MM. Brook et Rukling, avec
-qui nous sommes tous les jours de conférence, ne
-sont pas de gens de l'Académie. De plus, vous
-savez, Mademoiselle, vous qui savez tout ce qui
-se peut sçavoir des Muses, que ces honnêtes filles
-chantent bien les combats, mais qu'elles ne suivent
-pas les armées; que lorsque les dieux et celui
-même qui leur préside vinrent à la charge devant
-Troye, elles demeurèrent sur le Parnasse, et
-qu'enfin elles n'ont eu guères de démêlés que celui
-des Piérides pour des chansons, ni guères pris
-de parti qu'entre Apollon et Marsyas pour la lyre
-contre la flûte. Une personne donc d'aussi peu
-d'école que je suis ne doit pas, ce me semble,
-prétendre à rien dire de beau ni s'efforcer inutilement
-à rendre les choses plus agréables. Ce sera
-assez qu'elles le soient par elles-mêmes, et vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span>
-vous contenterez, s'il vous plaît, que je vous envoye
-une bonne lettre au lieu d'une belle. De cette
-sorte, je suis fort assuré que ma réponse vous
-plaira, et que, pourvu que je vous mande que
-votre esprit et votre zèle ont touché son Altesse, et
-qu'elle est infiniment satisfaite de votre passion et
-de votre respect, vous n'irez pas vous plaindre
-que je vous l'ai dit grossièrement, et ne souhaiterez
-pas d'ornement où la simple naïveté a si
-bonne grâce. Que si le soin de votre héros vous
-touche autant que le vôtre propre, et que vous
-vouliez savoir s'il est autant estimé en cette cour
-qu'il le fut autrefois de toutes celles de l'Asie, j'ai
-bien encore de quoi vous plaire, et vous devez être
-contente de ce que jamais aucun des héros de sa
-sorte n'a mieux été reçu de la divine personne à
-qui monsieur votre frère l'a dédié. Le peu de
-temps que l'accablement de ses affaires et la nécessité
-de ses grandes occupations lui laissent est
-employé à sa conversation; et depuis huit jours<a id="FNanchor_528" href="#Footnote_528" class="fnanchor">&nbsp;[528]</a>
-qu'on a apporté ici la cinquième partie de ses
-aventures, il ne s'en est point passé qu'on n'ait
-donné audience à Phérénice, à Orsane, ou à l'historien
-de Belesis<a id="FNanchor_529" href="#Footnote_529" class="fnanchor">&nbsp;[529]</a>. Ces personnes ont toujours été
-du petit coucher, et tant qu'elles ont eu quelque
-chose à y dire, on ne les a interrompues que par
-des acclamations et des louanges. N'est-ce pas là
-<span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span>
-vous dire tout ce que vous sauriez désirer de
-moi? Car, pour la continuation de mon amitié,
-dont vous me faites la grâce de témoigner trop
-de joie, j'espère que son Altesse aura bien la
-bonté de vous informer un jour si vos intérêts me
-sont chers et si je sais bien estimer votre mérite.
-Vous avez sans doute beaucoup de raisons de
-souhaiter que ce jour arrive bientôt, et vous devez
-vous intéresser plus que je ne saurois dire à
-voir cesser la persécution de cette illustre affligée.
-Si le ciel est juste, il préviendra les souhaits que
-nous en faisons; et, comme ce seroit impiété d'en
-douter, il faut croire que ce bonheur est proche et
-l'attendre avec tranquillité. Car enfin je ne saurois
-penser que ni cette excellente princesse, ni ce
-héros, pour qui vous avez une si légitime passion,
-étant innocents, soient persécutés davantage; en
-un mot, cela me semble autant impossible qu'à
-moi de cesser de vous honorer.</p>
-
-<p>Je suis en vérité bien affligé de la mort de
-M<sup>lle</sup> Paulet<a id="FNanchor_530" href="#Footnote_530" class="fnanchor">&nbsp;[530]</a>, et si je juge de votre douleur par
-votre amitié, je suis assuré qu'elle est extrême. Je
-vous demande de transmettre beaucoup de compliments
-et de civilités de ma part à mesdames
-vos hôtesses<a id="FNanchor_531" href="#Footnote_531" class="fnanchor">&nbsp;[531]</a>, et si j'étois encore assez bien parmi
-vos amis, je vous supplierois d'assurer M<sup>me</sup> Aragonnais,
-M<sup>lle</sup> Robineau et M<sup>lle</sup> Boquet de mes très-humbles
-services.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span>
-<i>La duchesse de Longueville crut devoir ajouter les
-lignes suivantes à la lettre de Sarasin</i>:</p>
-
-<p>C'est être bien hardie que d'écrire à une personne
-dont on a vu une lettre comme celle que
-vous avez écrite depuis peu; et c'est l'être tout
-autant que de placer son compliment dans une
-autre faite comme celle dans laquelle je vous écris.
-Mais, comme je préfère la réputation d'être reconnoissante
-à celle de bien écrire, j'abandonne de
-bon c&oelig;ur la première, pour n'être pas tout à fait
-indigne de l'autre, comme je le serois sans doute
-si je pouvois savoir les constantes bontés de
-monsieur votre frère et de vous, sans vous témoigner
-combien j'en suis touchée. Je le suis encore
-si fort de vos ouvrages, et ils adoucissent si agréablement
-l'ennui de ma vie présente, que je vous
-dois quasi d'aussi grands remercîments là-dessus
-que sur la solide obligation que je vous ai de n'avoir
-pas changé pour moi avec la fortune, et d'avoir
-bien voulu soulager les maux qu'elle m'a
-faits par les biens que donne la continuation d'une
-amitié comme la vôtre. Celle de vos hôtesses m'est
-si considérable, que l'assurance que vous me
-donnez qu'elles en conservent toujours un peu
-pour moi m'a causé une véritable satisfaction. Je
-vous conjure de le leur dire de ma part, et qu'elles
-n'en peuvent avoir pour personne qui les estime
-et qui les aime plus que je fais.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span>
-<span class="small"><b>LA PRINCESSE SIBYLLE DE BRUNSWICK A MADEMOISELLE
-DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_532" href="#Footnote_532" class="fnanchor">&nbsp;[532]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Wolffenbuttel, 8 juillet 1654.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Si je considère ce que je suis, je confesse franchement
-qu'il n'y a rien en moi qui soit digne de
-mériter les louanges que vous m'attribuez. Je sais
-trop mon imperfection, et connois bien que par
-l'excès de votre courtoisie et bonté ensemble, vous
-me veuillez par là encourager à imiter les vertus
-que vous possédez. Je m'efforcerai de suivre pour
-le moins leurs traces, si je ne les peux acquérir
-du tout. Que si vous avez parlé à mon avantage à
-ceux qui ont l'honneur de votre amitié, je vous en
-serois bien obligée, si ce n'est que je suis honteuse
-de ce que, par ma mauvaise lettre, j'ai publié mes
-défauts. Je me console pourtant qu'étant choisis
-de vous d'être dignes de votre amitié, ils auront
-assez de générosité pour les excuser. Si ce n'est
-une vanité de vous renouveler les offres de mon
-affection, comme une chose inutile à votre service,
-<span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span>
-je vous dirois que je ne changerai jamais la résolution
-que j'ai prise de vous continuer les devoirs
-de ma bonne volonté, jusques à ce que par votre
-faveur je vous en puisse témoigner les effets, puisque
-je fais gloire d'être plus que personne du
-monde,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i1">Votre très-affectionnée,</span></p>
-
-<p class="sig"><span class="i2"><span class="cap">S</span><span class="smallc">IBYLLE</span> <span class="cap">U</span><span class="smallc">RSULE DE</span> <span class="cap">B</span><span class="smallc">RUNSWICK</span>.</span></p>
-
-<p><i>P. S.</i> Mes commandements ne s'étendent jusques
-à la Cour de France. Si pourtant vous me
-permettez de vous prier de ne vouloir différer
-davantage le contentement que tout le monde ici
-aura de voir la suite de votre <i>Clélie</i>, je prends la
-liberté de vous en conjurer et pour le public et
-pour votre propre gloire.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MÉNAGE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_533" href="#Footnote_533" class="fnanchor">&nbsp;[533]</a>.</p>
-
-<p class="dater">1658.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Il n'y a personne au monde qui ait pour vous
-des sentiments plus avantageux que moi. Je n'estime
-pas seulement, j'admire encore la beauté de
-votre génie, la vivacité de votre imagination, la
-solidité de votre jugement, les charmes de votre
-entretien, et ce nombre infini de rares connoissances
-que vous possédez si éminemment. Mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span>
-si j'ai de l'estime et de l'admiration pour les qualités
-de votre esprit, j'ai du respect et de la vénération
-pour celles de votre âme, pour votre bonté,
-pour votre douceur, pour votre tendresse, pour
-votre générosité, pour votre candeur, et surtout
-pour cette incomparable modestie, qui, au lieu de
-cacher votre mérite, le fait éclater davantage. Depuis
-que je reconnus en vous toutes ces excellentes
-qualités, et je les reconnus dès la première fois que
-j'eus l'honneur de vous entretenir, je vous ai toujours
-considérée comme un des principaux ornements
-de notre siècle, et comme la plus grande
-gloire de votre sexe.</p>
-
-<p>Cependant, Mademoiselle, il est étrange que
-depuis ce temps-là je n'aie point encore fait savoir
-au public l'estime particulière que je fais
-d'une personne si extraordinaire, et qu'étant un
-des hommes du monde qui vous honore le plus
-dans son c&oelig;ur, je sois un des hommes du
-monde qui vous ai le moins célébrée dans ses
-écrits. Quoique ma conscience ne me reproche
-rien de ce côté-là, et que mon silence ne soit
-qu'un effet de mon admiration, je ne laisse pas
-d'avoir quelque honte d'être si longtemps à vous
-rendre l'hommage que vous doivent ceux qui
-font profession d'honorer publiquement le mérite
-et la vertu. En attendant que je puisse vous rendre
-cet hommage par quelques-uns de mes écrits,
-qui ne soient pas tout à fait indignes de vous, l'amitié
-qui étoit entre feu M. Sarasin et moi
-m'ayant obligé de prendre soin et du recueil et de
-<span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span>
-l'édition de ses ouvrages, je prends la liberté de
-vous en faire une offrande. Je suis assuré que je ne
-fais rien en cela contre l'intention de l'auteur, et
-que, comme vous étiez l'objet éternel de ses louanges
-et de ses respects, s'il eût publié lui-même
-ses &oelig;uvres, et plût à Dieu que sa mort précipitée
-n'eût pas privé le monde de cet avantage, il les
-eût publiées sous cette même protection que je
-vous demande. Je veux croire aussi, Mademoiselle,
-que je ne fais rien en cela qui vous soit
-désagréable, et que vous ne rejetterez pas mon offrande,
-non-seulement à cause de cette amitié
-tendre et officieuse que vous avez toujours eue
-pour M. Sarasin, mais aussi à cause de l'estime
-extraordinaire que vous avez toujours faite
-des productions de son esprit. J'ose bien vous
-dire qu'elles sont en effet très-dignes de votre approbation.
-L'ordre y paroît parmi l'abondance.
-Elles brillent de tous côtés d'esprit et d'invention.
-On y voit une variété agréable. On y voit de la
-prose et des vers en tout genre et en toutes langues.
-On y voit partout une facilité merveilleuse;
-et si on y remarque en quelques endroits des négligences,
-ces négligences ne sont pas même sans
-quelque agrément. Mais je dois me souvenir que
-j'écris une lettre et non pas un panégyrique ou
-une apologie; et que de louer ou de défendre davantage
-les &oelig;uvres de M. Sarasin, ce seroit
-entreprendre sur M. Pellisson, qui les a si excellemment
-et louées et défendues dans son admirable
-préface. Je n'ai donc plus qu'à vous supplier
-<span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span>
-de recevoir avec votre bonté ordinaire ces
-précieux restes de notre cher et illustre ami, et de
-regarder le soin que j'ai pris de les recueillir,
-non-seulement comme un effet du zèle que j'ai
-pour la gloire d'un homme qui m'a donné tant de
-marques éclatantes de son affection, mais aussi
-comme un témoignage de la passion ardente et
-respectueuse avec laquelle je suis,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i1">Votre très-humble</span><br />
-<span class="i2">et très-obéissant serviteur,</span></p>
-
-<p class="sig"><span class="i4"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ÉNAGE</span>.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>P. CORNEILLE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_534" href="#Footnote_534" class="fnanchor">&nbsp;[534]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Rouen, 16 décembre 1659.</p>
-
-<p>L'incomparable Sapho est suppliée de mander
-son avis à l'illustre Aspasie, touchant deux épigrammes
-faits<a id="FNanchor_535" href="#Footnote_535" class="fnanchor">&nbsp;[535]</a> pour une belle dame de sa connoissance<a id="FNanchor_536" href="#Footnote_536" class="fnanchor">&nbsp;[536]</a>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span>
-qui, par un accès d'estime, avoit
-baisé la main gauche de l'auteur. Il y a partage
-pour juger lequel est le plus galant: l'un a plus
-d'essor de pensée, et l'autre a quelque chose de
-plus simple et plus naturel.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE L'INCOMPARABLE SAPHO.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[1659.]</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i4"> Si vous parlez sincèrement</p>
-<p>Lorsque vous préférez la main gauche à la droite,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span></div>
-<p class="i2"> De votre jugement je suis mal satisfaite:</p>
-<p>Le baiser le plus doux ne dure qu'un moment;</p>
-<p class="i2"> Un million de vers dure éternellement,</p>
-<p class="i2"> Quand ils sont beaux comme les vôtres;</p>
-<p class="i2"> Mais vous parlez comme un amant,</p>
-<p class="i2"> Et peut-être comme un Normand:</p>
-<p class="i2"> Vendez vos coquilles à d'autres<a id="FNanchor_537" href="#Footnote_537" class="fnanchor">&nbsp;[537]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>CHARPENTIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_538" href="#Footnote_538" class="fnanchor">&nbsp;[538]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Mercredi, à onze heures du matin [1659].</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Je reçus hier au soir fort tard le billet que vous
-m'avez fait l'honneur de m'écrire.... Si le temps
-l'eût permis, je vous en aurois remerciée sur l'heure
-même, car il est impossible de retenir un ressentiment
-si juste. Vous avez trop payé l'ouvrage que
-j'ai pris la hardiesse de vous offrir<a id="FNanchor_539" href="#Footnote_539" class="fnanchor">&nbsp;[539]</a>; l'estime que
-vous en faites est assurément au-delà de son mérite,
-et je ne puis attribuer les louanges que vous
-lui avez données, qu'à la cause même que vous
-m'en découvrez en reconnoissant qu'il parle d'un
-<span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span>
-de vos plus anciens amis. Je le sais, Mademoiselle,
-que Cyrus est un de vos amis, et que votre
-amitié est une de ses plus glorieuses aventures;
-c'est en cette considération que son nom est dans
-les plus belles bouches de France, et qu'il sert
-maintenant d'entretien au monde poli, qui autrement
-ne le connoîtroit guère:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Et moi qui le connois assez parfaitement,</p>
-<p class="i2"> Si vous en croyez mon serment,</p>
-<p>J'aurois eu peu de soin de relever sa gloire,</p>
-<p>Quoiqu'il ait autrefois mille peuples soumis,</p>
-<p>Si je n'avois appris ailleurs que dans l'histoire,</p>
-<p>Qu'il possède l'honneur d'être de vos amis.</p>
-</div></div>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>BRÉBEUF A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_540" href="#Footnote_540" class="fnanchor">&nbsp;[540]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Rouen, 24 août [1660].</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Je meurs de honte d'avoir été malade lorsque je
-me sentois indispensablement obligé à vous remercier
-de toutes les belles choses que j'ai trouvées
-dans votre lettre, et j'ai une confusion si
-grande de m'être laissé prévenir à vos civilités et
-d'avoir tant différé à vous les rendre, que j'ai
-peine à me pardonner mon indisposition, et à ne
-faire pas d'une fièvre de huit ou dix jours<a id="FNanchor_541" href="#Footnote_541" class="fnanchor">&nbsp;[541]</a> une
-<span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span>
-faute inexcusable. Mais, à vous parler ingénûment,
-je vous avoue, Mademoiselle, que, dans ma
-meilleure santé, il me seroit assez difficile de
-trouver des termes pour vous expliquer tout le
-ressentiment que j'ai de l'honneur que vous me
-faites. Vous me louez avec des paroles si riches et
-d'un air si parfaitement obligeant qu'il m'est
-presque impossible d'y répondre comme je dois et
-comme je le souhaite. Cependant, ce qui seroit
-pour d'autres que vous le dernier effort de la générosité
-n'est que votre style ordinaire. C'étoit
-assez du témoignage public que vous m'en aviez
-donné, sans y ajouter encore cette preuve particulière.
-Je me souviens, Mademoiselle, de l'obligation
-que vous a l'interprète de Lucain. Je sais que
-c'est à votre recommandation seule que ce divin
-génie<a id="FNanchor_542" href="#Footnote_542" class="fnanchor">&nbsp;[542]</a>, qui produit toujours et ne s'épuise jamais,
-<span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span>
-a trouvé le secret de le faire vivre près de trois
-mille ans avant sa naissance, et qu'un art si ingénieux
-et si admirable peut encore le faire vivre
-plus de trois mille ans après sa mort. Un esprit
-de cette force a pouvoir sur tous les temps aussi
-bien que sur tous les pays; le passé et l'avenir en
-relèvent également, et comme j'ai osé croire enfin,
-sur la foi de mes amis, qu'il a pensé à moi quand
-il a parlé du traducteur de la Pharsale, je me persuade
-aisément qu'avec trois paroles il a mis du
-moins trente siècles entre moi et ce fâcheux genre
-de trépas qui tue encore après qu'on n'a plus de
-vie. N'étoit-ce point assez, Mademoiselle, d'avoir
-ménagé pour moi un privilége si peu commun et
-une faveur si extraordinaire, et en falloit-il davantage
-pour obliger de la plus excellente manière
-un malheureux inconnu qui ne vous peut être
-considérable que parce qu'il vous doit beaucoup,
-et qui ne mérite les grâces que vous lui faites que
-parce qu'il en a déjà reçu d'autres de vous? Sans
-doute il n'y en avoit que trop pour occuper toute
-la reconnoissance dont un esprit est capable, et je
-vois pourtant que ce qui étoit trop pour moi n'a
-pas encore été assez pour vous. Lorsque je m'entretenois
-avec ressentiment et avec respect de cette
-bonté excessive avec laquelle vous avez bien voulu
-<span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span>
-agréer les <i>Entretiens solitaires</i><a id="FNanchor_543" href="#Footnote_543" class="fnanchor">&nbsp;[543]</a>, et que je croyois
-beaucoup moins vous avoir fait un présent que
-l'avoir reçu, il se trouve que vous me remerciez
-encore de l'honneur qu'il vous a plu me faire, et
-que vous me récompensez avec soin de l'obligation
-que je vous ai: ce sont là, Mademoiselle, de
-ces beaux excès qui ne sont guère connus dans
-le monde, et qui ont besoin d'un exemple aussi
-puissant que le vôtre pour s'établir parmi nous.</p>
-
-<p>Mais, bien que je me laisse flatter au dernier
-point au jugement avantageux que vous faites de
-moi et à une approbation qui ne me promet pas
-moins que celle de tout Paris ou même de toute
-la France, je conserve du moins encore assez de
-modération dans ma bonne fortune pour ne consentir
-pas entièrement à toutes les louanges que
-vous me donnez. Je me défends autant que possible
-d'une si pressante et si douce tentation de vanité,
-et je me dis à toute heure que, pour laisser
-descendre votre estime jusqu'à moi, il faut assurément
-que vous ayez pris plaisir à vous cacher
-tout ce que vous êtes. Je ne suis pas si étranger
-en mon pays que je ne sache un peu en quels
-termes les honnêtes et les habiles gens parlent de
-vous; ce n'est pas, à leur gré, dire assez tout ce
-qu'ils en pensent, que de publier en tous lieux
-qu'ils vous regardent comme le miracle de notre
-siècle, et pour moi, qui prends quelquefois la liberté
-<span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span>
-de mêler ma voix à la leur et de parler le
-même langage, je puis dire que j'avance cette vérité
-avec d'autant plus de plaisir que je n'ai encore
-vu personne qui ait osé la contredire. Après
-cela, Mademoiselle, il semble qu'il ne vous doit
-point être permis de rien estimer, et que c'est
-usurper en quelque façon sur le droit des personnes
-qui sont infiniment au-dessous de vous
-que de vous résoudre à parler si avantageusement,</p>
-
-<p class="sig">Mademoiselle,<br />
-<span class="i1">De votre très-humble, très-obéissant</span>,<br />
-<span class="i2">et très-obligé serviteur,</span></p>
-
-<p class="sig"><span class="i3"><span class="cap">B</span><span class="smallc">RÉBEUF</span>.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LA CALPRENÈDE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_544" href="#Footnote_544" class="fnanchor">&nbsp;[544]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Vatimesnil, 12 septembre 1661.</p>
-
-<p>Comme je sais la part que vous avez prise au
-malheur de M. le Surintendant, je veux bien, Mademoiselle,
-vous témoigner la douleur que j'en
-ai, et à laquelle je suis trop obligé par le souvenir
-des obligations que je lui ai, et à M. Pellisson
-aussi, qui, à ce que j'ai appris, est enveloppé
-dans sa disgrâce. Je voudrois au prix de mon sang
-être en état de leur témoigner ma reconnoissance,
-et parce qu'on m'a mandé qu'on envoie M<sup>me</sup> la Surintendante
-à Limoges, et que j'ai en ce pays-là
-<span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span>
-des parents et des amis assez considérables, je
-vous supplie de me mander si vous croyez qu'il y
-ait lieu de les employer pour son service, et
-qu'elle en puisse recevoir d'eux dans sa mauvaise
-fortune, afin que je leur écrive pour les obliger à
-lui rendre toutes les assistances qui leur seront
-possibles. Faites-moi, s'il vous plaît, la grâce de
-m'en écrire un mot le plus tôt que vous le pourrez,
-et de l'envoyer à la poste de Normandie avec
-l'adresse: Au Tillier; et croyez, s'il vous plaît,
-que ni dans cette affaire, ni dans aucune autre,
-il ne vous arrivera jamais rien où je ne m'intéresse,
-comme un homme qui vous honore et vous
-honorera toute sa vie de tout son c&oelig;ur.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">A</span> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ALPRENÈDE.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_545" href="#Footnote_545" class="fnanchor">&nbsp;[545]</a>.</p>
-
-<p class="dater">De ma prison (Montpellier),<br />
-7 septembre [1665].</p>
-
-<p>Votre générosité ordinaire seroit bien bizarre
-d'oublier un ami qui, pendant dix-huit mois
-<span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span>
-d'une prison très-rigoureuse, a pensé à vous
-comme les amants font à leurs maîtresses: j'ai
-tant de fois songé à tout ce que nous avons fait, à
-tout ce que nous avons dit sur un certain sujet!
-J'ai fait mon cours de beaux sentiments, de générosité,
-d'amitié parfaite, pendant tout le temps
-de cette affaire, et il est vrai que j'ai appris cette
-grande science, non-seulement à vous entendre,
-mais encore à vous voir faire, et en faisant de petites
-choses sur le modèle des grandes, ou que
-vous machiniez ou que vous exécutiez, ou du
-moins que vous méditiez. Auriez-vous donc oublié
-un homme qui étudioit votre âme et votre esprit
-avec tant d'application, d'admiration et de plaisir?
-Je ne le crois pas, quoique les apparences soient
-fortes, car vous ne m'avez pas écrit sur la liberté
-presque entière que le Roi m'a si bénignement
-accordée. Je ne tiens plus qu'à un filet, et je
-ne suis en prison que parce que je ne pourrois
-pas sortir d'un grand château si je le voulois;
-mais aussi je ne le voudrais pas, tant que
-M. de Vardes sera dans le sien; si bien qu'au vrai
-je ne suis prisonnier que vraisemblablement et
-par métaphore, etc....</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span>
-<span class="small"><b>LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_546" href="#Footnote_546" class="fnanchor">&nbsp;[546]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Dimanche 22 novembre 1665.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>J'ai bien du déplaisir, Mademoiselle, de ne
-pouvoir aller moi-même vous faire mes compliments
-sur <i>la Tubéreuse</i><a id="FNanchor_547" href="#Footnote_547" class="fnanchor">&nbsp;[547]</a> que vous m'avez fait la
-grâce de me donner. En vérité, elle a plus de grâce
-et de beauté dans vos vers que dans son original
-de sa nature. Tout ce qui passe par vos mains se
-perfectionne, et c'est un de vos admirables talents
-de donner de la grâce à tout ce que vous touchez.
-Je ne puis m'empêcher de vous témoigner
-ma joie des douceurs qui reviennent à votre ami
-M. de Pellisson, après tout ce qu'il a souffert.
-Vous voulez bien demander à M. Mesnager qu'il
-veuille me mener le voir, car j'en ai grande impatience.
-Je suis avec mes respects ordinaires à
-vous, Mademoiselle,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">APIN</span>,<br />
-de la Compagnie de Jésus.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span>
-<span class="small"><b>FRANÇOIS DE BEAUVILLIERS, DUC DE SAINT-AIGNAN,
-A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_548" href="#Footnote_548" class="fnanchor">&nbsp;[548]</a>.</p>
-
-<p class="dater">25 janvier [1666].</p>
-
-<p>Revoir le généreux Acante en liberté, recevoir
-de l'illustre Sapho les glorieuses marques d'un
-souvenir qui pourroit rendre heureux les plus infortunés
-de la terre, et goûter ces plaisirs en un
-même jour, c'est presque trop à la fois pour un
-c&oelig;ur aussi tendre et aussi sensible que le mien. Il
-devroit au moins avoir le temps de se reconnoître,
-avant que d'en témoigner sa satisfaction, dans l'agréable
-désordre où le met cette double surprise;
-mais auroit-il pu reconnoître dignement les biens
-dont il est comblé, s'il avoit voulu attendre à vous
-rendre grâces qu'il se fût reconnu? J'aime mieux
-exprimer ma joie avec moins d'éloquence, et
-pendant que l'obligeant Acante est allé voir ce
-grand Roi duquel il a si bien parlé, assurer l'incomparable
-Sapho de l'estime et du respect que
-j'aurai toujours pour elle. Je pars demain à mon
-tour, jusques à mercredi au soir, et j'espère vous
-aller assurer jeudi en famille du pouvoir absolu
-que vous aurez toujours et sur ma famille et sur
-moi. En vérité Artaban<a id="FNanchor_549" href="#Footnote_549" class="fnanchor">&nbsp;[549]</a> trouve plus de gloire à se
-<span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span>
-dire à vous, Mademoiselle, que le fils de Pompée
-n'en acquit sous ce nom chez les Parthes et les
-Mèdes.</p>
-
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_550" href="#Footnote_550" class="fnanchor">&nbsp;[550]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Le 12 décembre [1666].</p>
-
-<p>Un prêtre tel quel a voulu, Mademoiselle, que
-j'eusse l'honneur de vous envoyer la Vie d'un saint
-prêtre qu'il a fait imprimer. Le prêtre tel quel
-s'appelle M. de Saint-André, et le bon prêtre
-s'appeloit M. Le Nobletz. Si vous m'en croyez,
-vous n'en apprendrez pas davantage et vous laisserez
-la lecture de ce livre à d'autres moins curieux
-de belles lectures que vous.</p>
-
-<p>Ne laissez pas, s'il vous plaît, Mademoiselle, de
-me savoir quelque gré de ce que je suis exact à
-m'acquitter des plus petites commissions qu'on
-me donne, jusqu'à vous envoyer un livre aussi
-mal écrit et aussi peu considérable que l'est celui-ci<a id="FNanchor_551" href="#Footnote_551" class="fnanchor">&nbsp;[551]</a>.
-Vous jugerez, s'il vous plaît, de la joie
-que j'aurois d'obéir à une personne pour qui j'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span>
-autant de respect et d'admiration que j'en ai pour
-vous.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">V</span><span class="smallc">ERJUS.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>L'ÉVÊQUE DE DIGNE (FORBIN-JANSON)
-A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_552" href="#Footnote_552" class="fnanchor">&nbsp;[552]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Aix, le 4 février 1668.</p>
-
-<p>Le billet que vous m'avez envoyé a été suivi
-d'une lettre du P. Annat qui m'écrit par ordre du
-Roi que Sa Majesté me nomme à l'évêché de Marseille.
-Je ne vous désavoue pas que je n'aie une
-joie sensible de me voir honoré de cette nouvelle
-marque de l'estime qu'un prince aussi éclairé que
-le nôtre a témoignée pour ma personne en cette
-rencontre. Mais je vous prie de croire que la part
-que vous prenez en ce qui me touche redouble
-mon contentement par celui qui vous en demeure.
-Pensez-vous que je connoisse si peu l'honneur
-qu'il y a d'être de vos amis, que je ne m'estime
-infiniment heureux de passer pour tel, particulièrement
-dans l'esprit de M. de Pellisson? Comme
-les lumières qu'il a le rendent plus capable de
-pénétrer dans les vôtres que qui que ce soit, il ne
-sauroit douter que les personnes que vous aimez
-<span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span>
-n'aient du mérite, parce qu'il sait qu'il n'y a que
-le mérite seul qui puisse attirer votre amitié. Cependant
-vous me l'avez donnée par un pur effet
-de votre bonté, et je rougis de confusion d'en être
-si peu digne. C'est ce qui m'oblige à vous en demander
-la continuation avec plus d'ardeur, et
-vous assurer, Mademoiselle, qu'il n'y a rien dans
-le monde que je souhaite davantage que d'être un
-peu aimé de la merveille de notre siècle.</p>
-
-<p class="sig"><span class="smallc">L'ÉVÊQUE DE</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">IGNE.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A LA MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Aix, 12 février 1668.</p>
-
-<p>Je voudrois bien, Mademoiselle, que la fortune
-me donnât lieu de vous faire voir combien je suis
-sensible à la part que vous prenez en ce qui me
-touche. En vérité, j'ai toute la confusion du monde
-d'avoir si peu d'occasion de m'employer pour
-votre service. Une bonne et généreuse amie comme
-vous doit avoir pitié de ma gratitude, et ne me
-laisser pas toujours souhaiter inutilement de
-vous être utile. Le Roi ne pouvoit pas me donner
-un établissement plus doux et plus considérable;
-vous le connoissez, Mademoiselle, mieux que personne.
-Je l'estimerois infiniment davantage si je
-pouvois être assez heureux de vous y voir quelque
-jour. J'ai bien de la joie d'apprendre le rétablissement
-de la santé de notre illustre amie: Dieu
-<span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span>
-nous la conserve, et vous donne le moyen de
-vous faire connoître combien je vous honore!</p>
-
-<p class="sig"><span class="smallc">L'ÉVÊQUE DE</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">IGNE.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>DUC DE SAINT-AIGNAN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_553" href="#Footnote_553" class="fnanchor">&nbsp;[553]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Du 6 [avril 1668].</p>
-
-<p>Je ne sais, Mademoiselle, de quelle manière je
-dois répondre à votre obligeante lettre, après avoir
-même demeuré assez longtemps sans y avoir répondu.
-Sera-ce en vous rendant mille très-humbles
-grâces de l'utilité de l'avis qu'il vous a plu de me
-donner? Sera-ce de votre admirable quatrain dont
-toute la cour est charmée? En vérité je crois que
-je ne dirai rien de tout cela, et que je ne vous parlerai
-que de la belle Lionne, mais si peu apprivoisée,
-à qui l'on a dédié la fable du <i>Lion Amoureux</i><a id="FNanchor_554" href="#Footnote_554" class="fnanchor">&nbsp;[554]</a>.
-Puisque quand on la voit on ne sauroit regarder
-autre chose, croyez-vous que quand on s'en entretient
-on puisse aisément changer de discours? A
-propos de cette belle Lionne, puisque lionne il y
-a, je vous en veux faire une petite histoire. J'étois
-<span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span>
-l'autre jour dans votre cabinet, et, quoiqu'on ne
-puisse vous y voir trop tôt, ni vous y attendre
-avec trop d'impatience, je faillis à vous vouloir
-mal, lorsque vous me détournâtes de la contemplation
-du beau portrait que vous en avez. Je sais
-bien que l'aventure du lion ne lui est point arrivée,
-qu'elle a de belles et bonnes dents, et sais
-mieux encore que mon respect me mettra toujours
-à couvert de ses ongles. Mais, Mademoiselle, à
-quoi vous jouez-vous de me louer? Vous prenez
-quelque intérêt en ma gloire, et vous m'allez
-rendre si vain que je ne serai plus digne de votre
-estime. Connoissez un peu mieux, malgré votre
-modestie, ce que c'est d'être loué par l'illustre
-Sapho, de qui l'approbation peut faire l'estime et
-la félicité de tous ceux qu'il lui plaira; et croyez
-que personne n'y est plus sensible ni ne la reçoit
-avec plus de respect et n'en est pourtant moins
-digne qu'Artaban.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A LA MÊME.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Du 19 avril 1668.</p>
-
-<p>Ce n'est rien, Mademoiselle, d'être sorti de dessous
-ce monceau de buffles, de pistolets, de bottes
-et de baudriers qui marquoient tant la guerre à
-la veille de la trêve et peut-être de la paix; je suis
-retombé de fièvre en chaud mal; de plus savants
-diroient de Scylle en Charibde; enfin ce que je
-<span class="pagenum"><a id="Page_454"> 454</a></span>
-veux dire, et que je ne dis point trop bien, c'est
-qu'après la troupe j'ai fait l'équipage de mon
-fils<a id="FNanchor_555" href="#Footnote_555" class="fnanchor">&nbsp;[555]</a>; que la batterie de cuisine est une autre
-chose que celle des canons; que l'amour a son
-brandon, son bandeau, son arc, son carquois et
-ses flèches; que Mars a son dard, son bouclier,
-son casque et son cimeterre; mais que Comus a
-ses pots, ses plats et ses bouteilles. Il faut de tout
-à un guerrier, et pendant qu'on songe à l'équiper,
-on peut oublier jusques à l'illustre Sapho et jusques
-à la belle Lionne. Mais à propos de la belle
-Lionne, celui qui vient d'imposer aux lions un
-joug qu'ils ont voulu éviter<a id="FNanchor_556" href="#Footnote_556" class="fnanchor">&nbsp;[556]</a>, en parla, il n'y a
-que peu de jours, d'une manière fort agréable
-pour moi et fort glorieuse pour elle. Cet éloge fut
-publié, et ni elles ni nous ne le demandons pas
-particulier<a id="FNanchor_557" href="#Footnote_557" class="fnanchor">&nbsp;[557]</a>. La seule vérité le tira de sa bouche
-<span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span>
-et la seule vérité le tire de ma plume. Pour vous,
-généreuse Sapho, vous savez combien de pouvoir
-vous avez sur Artaban: il ne tiendra qu'à vous
-que vous n'en ayez des marques dans toutes les
-occasions où il vous plaira de l'employer.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_558" href="#Footnote_558" class="fnanchor">&nbsp;[558]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Chambord, le 14 octobre 1668.</p>
-
-<p>Je suis persuadé, Mademoiselle, qu'on vous a
-écrit qu'il n'y a point de maison royale qui soit
-d'un dessin plus noble et plus magnifique que
-Chambord. Le parc et la forêt qui l'environnent
-sont remplis de vieux chênes, droits et touffus,
-<span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span>
-qui ont été consultés autrefois. Si les anciens
-arbres n'avoient été condamnés par un jugement
-équitable à un éternel silence, si l'obscurité de
-leurs oracles, et l'indiscrétion avec laquelle ils
-trahissoient les secrets des amans n'avoient obligé
-les dieux à les réduire à servir seulement pour
-l'ombrage et la fraîcheur, il y a sans doute beaucoup
-d'apparence que ceux de Chambord parleroient
-plus clairement que de coutume, et qu'ils
-décideroient en faveur de ce qu'ils voyent aujourd'hui,
-quoiqu'ils ayent eu l'honneur d'aider aux
-plaisirs de François I<sup>er</sup>, dont la grandeur et la
-magnificence n'ont pu être surpassées que depuis
-quelques années. Le temps a été admirable, contre
-l'ordre des saisons, depuis que le Roi est parti de
-Saint-Germain<b>....</b></p>
-
-<p>Le Roi et la Reine sont allés assez souvent à la
-chasse. Rien n'est égal à la magnificence de tous
-les équipages et au bonheur avec lequel on a pris
-tout ce qu'on a attaqué. Les plus grands cerfs ont
-à peine duré une demi-heure<b>..........</b></p>
-
-<p>Vous verrez des descriptions régulières, belles
-et exactes d'une fête superbe et très-galante, que
-le Roi donna à la Reine et aux Dames, il y a quatre
-jours, à Herbaud<a id="FNanchor_559" href="#Footnote_559" class="fnanchor">&nbsp;[559]</a>. Les Dames se promenèrent
-à cheval dans le parc; vous ne sauriez vous imaginer
-leur bonne grâce, leur air, leur ajustement,
-<span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span>
-ni la surprise avec laquelle je les aperçus dans un
-endroit du bois....</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i5"> Aussitôt que je les vis</p>
-<p class="i4"> Tous mes sens furent interdits:</p>
-<p class="i3"> Elles étoient aussi fières que belles.</p>
-<p>Ce n'est pas sans raison; quelques-unes d'entr'elles</p>
-<p class="i5"> Ont fait des coups bien hardis;</p>
-<p class="i4"> J'admire leur audace extrême,</p>
-<p class="i2"> Mais je crains bien un jour pour elles même,</p>
-<p class="i1"> Et tels vainqueurs, après leurs grands exploits,</p>
-<p class="i1">Peuvent être vaincus eux-mêmes quelquefois.</p>
-<p>Plus la conquête est grande, et moins elle est parfaite,</p>
-<p class="i1"> Et leur victoire a bien de l'air d'une défaite<a id="FNanchor_560" href="#Footnote_560" class="fnanchor">&nbsp;[560]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Le Roi, la Reine et les Dames descendirent de
-cheval. Ils entrèrent dans une salle fort éclairée,
-où on dansa assez longtemps. Je ne puis me
-résoudre à vous entretenir de la beauté des Dames,
-de la diversité, de la commodité des appartemens.
-Je pourrois bien vous dire comme étoit Herbaud,
-un moment avant que le Roi y fût arrivé; mais
-tout parut en un moment changé par un enchantement
-admirable<b>....</b></p>
-
-<p>Je suis persuadé que M. d'Herbaud n'eut pas
-connu lui-même sa maison, et que, pour peu qu'il
-eût eu de disposition à se flatter, il se fût imaginé
-qu'il était devenu le maître du Louvre ou des
-Tuileries. Je vous assure qu'il me semble tous les
-jours que Le Brun, Mansart et Le Nostre ont
-<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span>
-employé tout leur talent et leur savoir dans les
-lieux où le Roi passe.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> S'il s'avisoit d'entrer jamais</p>
-<p class="i4"> Dans le médiocre palais</p>
-<p class="i3"> Où vous régnez dans les tournelles,</p>
-<p>La maison aussitôt deviendroit des plus belles,</p>
-<p class="i1"> Le vilain vestibule en seroit honoré,</p>
-<p class="i1"> L'obscur degré seroit tout éclairé,</p>
-<p class="i4"> Le passage seroit paré.</p>
-<p class="i2"> Que de lustres dans les ruelles!</p>
-<p class="i1"> Le cabinet enfin nous paroîtroit doré.</p>
-</div></div>
-
-<p>On passa, après que le bal fut fini, dans une
-orangerie qu'on avoit préparée pour un souper
-magnifique. La disposition des ornemens, des
-lumières, des buffets et des services, étoit admirable.
-M. le Maréchal de Bellefonds, qui, comme
-vous savez, est propre à plus d'une chose, avoit
-fait entremêler des festons de pampres chargés de
-muscats, avec des orangers fleuris, et on avoit
-disposé au-dessus une confusion si agréable, qu'il
-sembloit que le hasard y eût fait naître les plus
-beaux fruits de la Touraine; on avoit eu même
-quelque égard aux nuances, et ceux de la Cour,
-qui sont les plus savans et les plus profonds en
-ces matières, n'y trouvèrent rien à reprendre<b>......</b></p>
-
-<p>Vous savez, Mademoiselle, que rien n'est si
-périlleux que les inventions. Je ne voudrois pas
-m'attirer ceux qui les hasardent, car le nombre
-en est infini; mais il est vrai qu'on ne peut s'imaginer
-le succès heureux de celles dont je viens de
-vous parler, où l'on avoit pris un soin si exact de
-<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span>
-contenter tous les sens, qu'on n'a jamais vu une
-fête préparée en si peu de tems, avec tant de grandeur
-et de politesse.</p>
-
-<p>Le Roi en donna avant-hier une autre dans le
-château de Blois, dont vous connoissez la réputation.
-Tout y étoit merveilleusement bien entendu.
-Je pourrois faire une description très-pompeuse
-du lieu qu'on avoit choisi, de l'abondance et de
-mille autres circonstances; elle n'avoit rien d'humain
-et d'ordinaire. Je ne suis cependant tenté
-en aucune manière de la comparer aux festins des
-Dieux. Il me semble qu'il n'est pas impossible,
-sans en faire mention, de parler dignement de
-leurs Majestés. Toutefois, sur un pareil sujet,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Un silence prudent doit être mon partage.</p>
-<p>Je crains de profaner ses exploits glorieux.</p>
-<p>Quelques foibles auteurs sans doute feroient mieux</p>
-<p>De prendre ce parti respectueux et sage.</p>
-<p>Ils font bien moins connoître à la postérité</p>
-<p>La grandeur du héros que leur témérité.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">A Landrecy, 6 mai 1670.</p>
-
-<p>Je viens de recevoir en cet instant, Mademoiselle,
-votre lettre du 3 de ce mois. Elle a été ouverte,
-autant qu'on en peut juger par le cachet,
-mais cela n'importe guères. J'ai déjà répondu à
-la première, qui étoit du 30 avril ou du 29. Je me
-suis aussi donné l'honneur de vous écrire diverses
-<span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span>
-fois, et en dernier lieu avant-hier, de Landrecy
-même. A peine ma lettre étoit-elle à la poste, que
-la résolution changea pour le voyage. On apprit
-qu'il y avoit à Ath deux maisons fermées pour la
-peste. Ainsi on fit le soir même un autre projet,
-par lequel, sans passer à Ath ni aux environs, le
-voyage étoit allongé de trois jours. Il fut résolu
-aussi de séjourner encore tout hier, et hier sur le
-soir il y eut un nouveau changement. Le Roi n'ira
-plus à Marienbourg ni à Philippeville, et le
-voyage, au lieu d'être prolongé de trois jours,
-sera abrégé de deux; de sorte qu'on espère d'être
-à Saint-Germain le 16 ou le 17 de juin. Le projet
-nouveau est que le Roi est allé aujourd'hui à Avesnes;
-demain il revient dîner ici et va coucher au
-Quesnoy. Je ne sais pas bien si l'on y séjournera.
-Plusieurs personnes sont demeurées ici pour laisser
-reposer les équipages; M. de Crussol entr'autres,
-avec M. de Montausier et M. le Dauphin, ce
-qui m'a obligé à demeurer aussi. Demain nous
-marcherons avec le Roi.</p>
-
-<p>Je ne vous ferai point pour cette fois une longue
-réponse, me trouvant obligé à écrire plusieurs
-autres lettres. Je vous prie de bien remercier pour
-moi vos voisines de la rue de Berry, mais surtout
-M<sup>me</sup> de Malnoue, à qui je prétends écrire un de ces
-jours. Nous parlons très-souvent de vous, non-seulement
-avec M. de Morinant, que je rencontre
-presque tous les jours, mais aussi avec M. de
-Montausier, qui vous aime toujours tendrement,
-et me chargea encore hier au soir de vous en assurer.
-<span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span>
-Son petit Prince est plus joli qu'on ne vous
-le peut exprimer. Il profite à vue d'&oelig;il, pour ainsi
-dire, et en toutes choses; il est gai, enjoué, doux,
-civil, souple, nullement opiniâtre, témoignant de
-l'amitié à tout le monde; fort aise quand on le
-loue ou quand on témoigne de l'aimer. Il a eu ce
-plaisir jusques ici partout où nous avons passé.
-M. de Montausier humainement le fait voir au
-peuple autant qu'il peut, et l'oblige à caresser tout
-le monde. A Saint-Quentin, il combla tous ces
-pauvres gens de joie, parce qu'il le fit aller une
-fois à pied du logis du Roi jusqu'au sien, qui étoit
-assez loin, et une autre fois à cheval par toute la
-ville, afin qu'on le puisse mieux voir. Je ne manquerai
-pas de me souvenir de vous à Tournay avec
-M. l'Évêque, et partout ailleurs, quand ce ne seroit
-qu'avec moi-même. Je suis très-fâché que votre
-santé ne soit pas meilleure. Je vous conjure de
-m'en donner des nouvelles le plus souvent que
-vous pourrez. Il ne manque rien à la mienne que
-l'honneur de vous voir, qui l'augmenteroit sans
-doute par la joie que j'en aurois.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>CORBINELLI</b></span><a id="FNanchor_561" href="#Footnote_561" class="fnanchor">&nbsp;[561]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">[Vers 1670.]</p>
-
-<p>J'en use pour vous comme pour les trois meilleures
-<span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span>
-amies que j'aie. Je pars sans dire adieu ni
-à vous ni à elles; j'appelle des adieux en forme,
-où l'on prie de commander quelque chose, où l'on
-s'embrasse cérémonieusement, où l'on se dit mille
-riens fort tendres, ou mille mots tendres qui ne
-signifient rien d'effectif. Ceci est un pur effet de la
-cordialité, c'est un billet où j'atteste l'amitié
-même, si elle a une divinité à part, que je vous
-honore parfaitement et que je brûlerai de l'encens
-à ses autels en votre commémoration tous les trois
-mois dans un bois auprès d'Aigues-Mortes. Là, je
-songerai profondément à vous et à votre amie
-l'aimable Sombreil, et je vous regretterai du meilleur
-de mon pauvre c&oelig;ur. Je vous prie de l'aimer
-toujours, je la prie de vous chérir et d'admirer
-sans cesse votre vertu et votre mérite et de tâcher
-de l'imiter, et je vous conjure toutes deux d'être
-persuadées que vous êtes gravées dans mon c&oelig;ur,
-chacune d'un caractère particulier, mais qui sont
-l'un et l'autre ineffaçables.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">ORBINELLI.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_562" href="#Footnote_562" class="fnanchor">&nbsp;[562]</a>.</p>
-
-<p class="dater">De Basville, 21 septembre [1671].</p>
-
-<p>Je viens de recevoir votre paquet, Mademoiselle;
-j'ai présenté de votre part à M. le P. Président celui
-<span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span>
-de vos discours<a id="FNanchor_563" href="#Footnote_563" class="fnanchor">&nbsp;[563]</a> qui est relié en veau: il l'avoit
-reçu dès hier au soir, et il nous l'avoit lu lui-même
-d'un bout à l'autre avec bien du plaisir; en effet,
-il loua fort le discours et nous le secondâmes
-fort. J'ai présenté les deux autres à MM. de Lamoignon;
-ils m'ont tous chargé de vous en faire leurs
-remercîments et de vous assurer de leur estime.
-Ils m'ordonnent de vous prier d'avertir M. de Pellisson
-de ne pas manquer à sa bonne coutume de
-venir à Basville; c'est une des personnes qu'on y
-voit le plus volontiers; Je ne sais si l'on a fait
-quelque chose pour l'affaire de votre neveu<a id="FNanchor_564" href="#Footnote_564" class="fnanchor">&nbsp;[564]</a>; j'ai
-fort prié qu'on ne souffre pas qu'il sorte de chez
-nous, on m'a fait espérer quelque chose.</p>
-
-<p>Je suis de tout mon respect à vous,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">APIN</span>,<br />
-de la C<sup>ie</sup> de Jésus.</p>
-
-<p><i>P. S.</i> J'ai trouvé l'endroit où vous parlez du Roi
-très-beau, et la prière à Notre-Seigneur très-dévote;
-enfin, ce discours est digne de vous comme
-tout ce que vous avez fait. Personne ne prend plus
-de part à votre gloire que moi.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span>
-<span class="small"><b>CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_565" href="#Footnote_565" class="fnanchor">&nbsp;[565]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1671.]</p>
-
-<p>Moi qui ne lis non plus de gazettes que l'Alcoran,
-je ne pouvois pas deviner, Mademoiselle, que
-vous eussiez remporté le prix de l'éloquence, et en
-mille ans ne me serois pas avisé de vous en faire
-un compliment, parce que je n'eusse jamais pu
-croire que notre siècle s'avisât de mettre un prix
-pour cela. Je savois seulement en gros et en détail
-que vous en méritiez un sur tous les éloquens du
-monde, et que quand la fortune ne seroit plus
-brouillée avec le mérite, vous remporteriez le prix
-de toutes les belles qualités de l'esprit et du c&oelig;ur.
-Je ne savois que cela, et ne devinois rien; c'est de
-là que procède mon silence sur votre victoire,
-mais c'est une belle victoire que celle là aussi,
-d'être l'admiration de toutes les nations qui savent
-notre langue, sur quoi elles ne vous ont rien donné.
-Oh! siècle, oh! m&oelig;urs, oh! honte de tout ce qu'il y a
-d'âmes sensibles! Ma cousine vient de me faire un
-compliment sur votre prix, et me chante pouilles
-de ne l'avoir pas deviné; elle vous aime trop; j'en
-suis jaloux.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">ORBINELLI.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span>
-<span class="small"><b>MASCARON, ÉVÊQUE DE TULLE, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_566" href="#Footnote_566" class="fnanchor">&nbsp;[566]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Tulle, le 5 janvier 1673.</p>
-
-<p>Je vous souhaite, Mademoiselle, la plus glorieuse
-et la plus fortunée année que vous ayiez
-passée de votre vie. Ce n'est pas faire un petit souhait
-pour une personne dont toute la vie n'a été
-qu'une suite de gloire. Aussi n'en puis-je point
-faire d'autres, ayant pour vous tout le respect et
-l'attachement dont je suis capable. Je me pare de
-cela comme de mon plus bel ornement, et je m'en
-pare encore avec plus d'amour propre dans mon
-c&oelig;ur qu'à la vue de tout le monde.</p>
-
-<p>Plût à Dieu, Mademoiselle, avoir des occasions
-de vous en donner des marques qui ne vous laissassent
-aucun lieu de douter d'une vérité qui me
-tient si fort à c&oelig;ur! Je partirai dans quinze jours
-pour Bordeaux; je serai étrangement mortifié si je
-n'y trouve point M. le premier Président<a id="FNanchor_567" href="#Footnote_567" class="fnanchor">&nbsp;[567]</a>, comme
-on m'en menace. Je me propose de cultiver avec
-tant de soin l'honneur de son amitié, si je l'y
-trouve, que vous aurez le plaisir de voir l'accroissement
-d'une liaison dont vous avez formé les premiers
-n&oelig;uds.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span>
-Je suis de tout mon c&oelig;ur et avec tout le respect
-possible, Mademoiselle, votre très-humble et très-obéissant
-serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">J</span><span class="smallc">ULES</span> <span class="cap">E</span><span class="smallc">V. DE</span> <span class="cap">T</span><span class="smallc">ULLE.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DESHOULIÈRES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_568" href="#Footnote_568" class="fnanchor">&nbsp;[568]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce 1<sup>er</sup> décembre [1676].</p>
-
-<p>Voici le petit médaillon et le manuscrit qu'on a
-trouvé charmant. Je renvoie le tout à ma belle et
-chère héroïne; toutefois j'aurois bien désiré garder
-encore quelques jours le petit manuscrit pour le
-montrer à deux ou trois de nos amis, mais ç'auroit
-été, ce semble, abuser de la permission, et
-véritablement je suis un peu honteuse, et n'aurois
-pu vous l'envoyer avant ce jour.</p>
-
-<p>N'êtes-vous pas une bonne mie? Que de chagrin
-j'aurois si ce retard devoit vous en causer!
-Mais je me flatte que non, et que les Argonautes<a id="FNanchor_569" href="#Footnote_569" class="fnanchor">&nbsp;[569]</a>
-pourront l'entendre avant leur départ, qui je crois
-n'est pas si près que vous pensez. Nous aurons
-samedi une lecture nouvelle d'un acte tout entier<a id="FNanchor_570" href="#Footnote_570" class="fnanchor">&nbsp;[570]</a>;
-l'auteur, M. le duc de Nevers, et moi nous comptons
-sur vous. La compagnie ne sera pas nombreuse,
-<span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span>
-mais elle vous plaira. Ainsi, ma belle et
-chère héroïne, ne nous manquez pas, et me croyez</p>
-
-<p>Votre bonne amie,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">ESHOULIÈRES</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>BONNECORSE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_571" href="#Footnote_571" class="fnanchor">&nbsp;[571]</a>.</p>
-
-<p class="dater">De Marseille, ce 20 mars 1681.</p>
-
-<p>Je vous suis infiniment obligé, Mademoiselle,
-de l'honneur que vous m'avez fait de m'envoyer
-les deux derniers volumes des <i>Conversations morales</i>.
-J'aurai bientôt le plaisir de les lire plus
-d'une fois et de profiter de mille beaux sentiments
-que j'y trouverai et qui sont, sans doute, dignes
-de l'illustre et vertueuse Sapho. Je n'ai reçu ces
-livres que depuis hier, Valentin ayant demeuré
-quelques jours à Lion et à Aix. Je ne manquai
-pas, d'abord que j'eus reçu le paquet, d'envoyer à
-M. le marquis de Peruis<a id="FNanchor_572" href="#Footnote_572" class="fnanchor">&nbsp;[572]</a> le sien, comme vous le
-savez par sa lettre. Au reste, Mademoiselle, je vous
-rends encore des très-humbles grâces des remarques
-de la petite, mais illustre société; M. Duperret
-m'a envoyé ses sentiments sur le petit ouvrage, et
-je ferai exactement tout ce qu'il me dit. Je n'ai pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span>
-l'honneur de connoître ces deux illustres personnes
-ni de savoir leur nom; je leur suis pourtant infiniment
-obligé, et je voudrois pouvoir reconnoître
-leurs bons offices par des services très-humbles.
-Faites-moi s'il vous plaît la grâce, Mademoiselle,
-d'être persuadée de mon zèle pour tout ce qui vous
-regarde, car je suis toujours votre très-humble et
-très-obéissant serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">B</span><span class="smallc">ONNECORSE</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>CHARLEVAL</b></span><a id="FNanchor_573" href="#Footnote_573" class="fnanchor">&nbsp;[573]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Verneuil, vendredi matin 1683.</p>
-
-<p>J'ai peur, Mademoiselle, que vous ne vous rebutiez
-à la fin du commerce d'un gentilhomme de
-campagne, à qui vos lettres pourtant donnent de
-la matière pour entretenir les charmantes hôtesses
-qui sont venues adoucir l'ennui de sa solitude.
-Ainsi, Mademoiselle, les nouvelles que vous me
-faites la grâce de m'écrire me servent à faire l'honneur
-de ma maison.</p>
-
-<p>La levée du siége de Vienne est si importante
-pour l'Allemagne qu'elle n'avoit jamais été plus
-en danger d'être frontière d'un terrible voisin. Il
-me semble qu'il n'y a quasi que les moines qui
-montrent ici leur joie de cette grande expédition,
-<span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span>
-et que nos politiques ont reçu cette nouvelle
-en philosophes qui sont modérés dans la prospérité.</p>
-
-<p>L'on me mande que M. Pelletier refuse de qui
-que ce soit le titre de Monseigneur en parlant de
-lui.</p>
-
-<p>Le soleil d'automne nous donne encore de si
-beaux jours que j'en ménage les heures dans un
-lieu sain et riant. C'est là qu'avec des voix charmantes
-et des figures qui plaisent aux cieux, je
-mène une vie innocente et affranchie des passions,
-avec des personnes capables d'en causer de grandes<a id="FNanchor_574" href="#Footnote_574" class="fnanchor">&nbsp;[574]</a>.
-Mais les femmes et les sarabandes récréent les
-sens des gens de ménage, sans émouvoir l'âme en
-aucune façon. Cependant un homme seroit bien
-heureux qui pourroit, avec des voix charmantes et
-des figures agréables aux yeux, aller au ciel par
-le paradis terrestre. Mais nos docteurs nous enseignent
-des voies plus sûres qu'il faut suivre.
-Sans faire le dévot, voici quatre vers que j'ai donné
-ordre que l'on mît sur la porte de ma chapelle:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Passant, n'entre point en ce lieu</p>
-<p>Si ton c&oelig;ur n'est soumis et purgé de tous crimes;</p>
-<p class="i3"> Et si tu veux être agréable à Dieu,</p>
-<p class="i3"> N'y fais que des v&oelig;ux légitimes!</p>
-</div></div>
-
-<p>Mes hôtesses, après divers voyages, sont revenues
-et m'ont chargé de vous assurer de leurs
-respects et de leurs services très-humbles. Elles se
-<span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span>
-sentent fort obligées de l'honneur de votre souvenir.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HARLEVAL.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE MAINTENON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_575" href="#Footnote_575" class="fnanchor">&nbsp;[575]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Versailles, 19 août 1684.</p>
-
-<p>Quoique je ne vous remercie point des lettres
-que je reçois de vous, et de ce que vous y joignez
-quelquefois, croyez, Mademoiselle, que j'en fais
-tout le cas que je dois, que j'en fais l'usage que
-vous désirez, qu'elles font l'effet que vous en devez
-attendre, et que vous êtes fort estimée de celui
-dont vous faites le panégyrique<a id="FNanchor_576" href="#Footnote_576" class="fnanchor">&nbsp;[576]</a>. Il a entendu lire
-de tous les côtés vos dernières <i>Conversations</i><a id="FNanchor_577" href="#Footnote_577" class="fnanchor">&nbsp;[577]</a>, qu'il
-trouve aussi utiles qu'agréables. Je n'ose après
-cela rien dire de moi, si ce n'est que je suis absolument
-à vous.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_578" href="#Footnote_578" class="fnanchor">&nbsp;[578]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Lundi, 11 septembre 1684.</p>
-
-<p>En cent mille paroles je ne pourrois vous dire
-qu'une vérité, qui se réduit à vous assurer, Mademoiselle,
-<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span>
-que je vous aimerai et vous adorerai
-toute ma vie; il n'y a que ce mot qui puisse remplir
-l'idée que j'ai de votre extraordinaire mérite.
-J'en fais souvent le sujet de mes admirations et
-du bonheur que j'ai d'avoir quelque part à l'amitié
-et à l'estime d'une telle personne. Comme la
-constance est une perfection, je me réponds à
-moi-même que vous ne changerez point pour moi;
-et j'ose me vanter que je ne serai jamais assez
-abandonnée de Dieu, pour n'être pas toujours
-toute à vous. Dans cette confiance, je pars pour
-Bretagne où j'ai mille affaires; je vous dis adieu,
-et vous embrasse de tout mon c&oelig;ur; je vous demande
-une amitié toute des meilleures pour M. de
-Pellisson; vous me répondrez de ses sentiments.
-Je porte à mon fils vos <i>Conversations</i><a id="FNanchor_579" href="#Footnote_579" class="fnanchor">&nbsp;[579]</a>; je veux
-qu'il en soit charmé, après en avoir été charmée.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span>
-<span class="small"><b>MADAME DACIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_580" href="#Footnote_580" class="fnanchor">&nbsp;[580]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Castres, 17 juillet 1685.</p>
-
-<p>C'est avoir bien de la bonté, Mademoiselle, de
-se souvenir de gens qui le méritent si peu, et qui
-font si mal leur devoir; il est pourtant vrai que
-s'il ne falloit, pour mériter l'honneur que vous
-venez de me faire, que vous estimer parfaitement
-et connoître le prix de cette grâce, personne n'en
-seroit plus digne que nous. Il y a longtemps que
-vous avez toute notre estime, et le beau présent
-que vous nous avez fait n'a pu qu'augmenter notre
-admiration. En vérité, Mademoiselle, quoique
-l'on doive tout attendre de vous, je n'ai pas laissé
-d'être éblouie de toutes les beautés qui éclatent
-en foule dans vos <i>Conversations</i>. On peut dire que
-tout en est bon, mais j'y ai trouvé surtout de certains
-endroits qui m'ont enchantée et qui m'ont
-retenue plus que les autres par le plaisir extraordinaire
-qu'ils m'ont donné. Mon exemplaire est
-plein des marques que j'ai faites sur tous ces endroits<b>.....</b></p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissante servante,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">A</span><span class="smallc">NNE</span> <span class="cap">L</span><span class="smallc">EFÈVRE</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">ACIER.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span>
-<span class="small"><b>FLÉCHIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_581" href="#Footnote_581" class="fnanchor">&nbsp;[581]</a>.</p>
-
-<p class="dater">26 décembre 1685.</p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b>
-Il me falloit une lecture aussi délicieuse que
-celle-là, pour me délasser des fatigues d'un
-voyage, pour me guérir de l'ennui des mauvaises
-compagnies de ces pays-ci, et pour me faire goûter
-le repos, où la rigueur de la saison et la docilité
-de mes nouveaux convertis me retiennent en
-ma ville épiscopale<a id="FNanchor_582" href="#Footnote_582" class="fnanchor">&nbsp;[582]</a>. En vérité, Mademoiselle, il
-me semble que vous croissez toujours en esprit;
-tout est si raisonnable, si poli, si moral et si instructif
-dans ces deux volumes que vous m'avez
-fait la grâce de m'envoyer<a id="FNanchor_583" href="#Footnote_583" class="fnanchor">&nbsp;[583]</a>, qu'il me prend quelquefois
-envie d'en distribuer dans mon diocèse
-pour édifier les gens de bien et pour donner un
-bon modèle de morale à ceux qui la prêchent. Les
-louanges du Roi sont si finement insérées, qu'il
-s'en feroit, en les recueillant, un excellent panégyrique.
-Recevez donc, Mademoiselle, avec mon
-remercîment, les louanges que vous donne un
-homme relégué dans une province, qui n'a pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span>
-encore perdu le goût de Paris, et qui vous conserve
-toujours la même estime qu'il a eue toute sa
-vie pour vous.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_584" href="#Footnote_584" class="fnanchor">&nbsp;[584]</a>.</p>
-
-<p class="dater">A Versailles, le 25 novembre [1686].</p>
-
-<p>Le billet, Mademoiselle, que vous me fîtes
-l'honneur de m'écrire il y a trois jours, a eu une
-trop bonne fortune pour me permettre de vous la
-laisser ignorer. Comme tout le monde n'a pas le
-même don que moi de déchiffrer ce que vous
-écrivez, j'en fis un extrait de ma main de tout ce
-qui regarde la maladie du Roi<a id="FNanchor_585" href="#Footnote_585" class="fnanchor">&nbsp;[585]</a> sur le dos même
-du billet, afin que le R. P. de la Chaise en pût
-faire plus aisément la lecture à Sa Majesté, ce
-qu'il a fait il n'y a que deux heures, en présence de
-M<sup>me</sup> de Maintenon qui dit d'abord que, connoissant
-votre zèle comme elle le connoissoit, elle s'étonnoit
-qu'on n'eût encore rien vu de vous sur ce
-sujet; et cet extrait ayant été lu ensuite, fut estimé
-et applaudi autant que je le désirois, et sans doute
-beaucoup [plus] que vous ne l'espériez. Je n'ai pas
-cru devoir différer de vous en rendre compte par
-le plaisir extrême que j'ai de pouvoir vous donner
-dans les occasions les petites marques dont je
-<span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span>
-suis capable de mon respect infini pour votre mérite
-et de mon zèle extrême pour votre très-humble
-service,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">V</span><span class="smallc">ERJUS</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LA REINE CHRISTINE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_586" href="#Footnote_586" class="fnanchor">&nbsp;[586]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Rome, 30 septembre 1687.</p>
-
-<p>Je ne comprends pas, Mademoiselle de Scudéry,
-comment une personne qui a écrit comme vous
-sur <i>la Tyrannie de l'usage</i>, ignore celui qu'on a
-établi à Rome. Vous avez mal adressé votre ami.
-Ne savez-vous pas qu'il seroit plus facile à vos
-François de voir la grande Sultane que moi, quoique
-personne ne soit ni amoureux ni jaloux de
-moi, et que je sois, Dieu merci, en mon entière
-liberté? Il y a ici une espèce de passion qui n'a
-pas de nom, qu'on substitue à l'amour et à la jalousie
-<span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span>
-qui règnent à Constantinople, et l'on s'y
-venge sur votre nation des chagrins bien ou mal
-fondés qu'on prétend avoir reçus de moi. Je suppose
-toutefois que cet usage finira, et si jamais
-cela arrive, je ferai voir à votre ami que tous les
-honnêtes gens sont bien reçus chez moi, mais
-surtout ceux qui sont de votre connoissance.</p>
-
-<p>Je suis toutefois très-résolue de ne rien contribuer
-à ce changement, et la conduite de ma vie
-passée doit persuader aux gens que je me passe
-sans peine de tout. Cela n'empêche pas que vos
-reproches sur mon portrait ne me soient agréables.
-Vous avez raison, et je vous promets de réparer
-ma faute d'une manière qui ne vous déplaira pas.
-En attendant, en voici un qui ne vous coûtera
-rien. Sachez donc que depuis le temps que vous
-m'avez vue, je ne suis nullement embellie. J'ai
-conservé toutes mes bonnes et mauvaises qualités
-aussi entières et vives qu'elles ont jamais été.
-Je suis encore, malgré la flatterie, aussi mal satisfaite
-de ma personne que je la fus jamais. Je n'envie ni la fortune,
-ni les vastes États, ni les trésors
-à ceux qui les possèdent, mais je voudrois bien
-m'élever par le mérite et la vertu au-dessus de
-tous les mortels, et c'est là ce qui me rend mal
-satisfaite de moi. Au reste, je suis en parfaite
-santé qui me durera autant qu'il plaira à Dieu.
-J'ai naturellement une fort grande aversion pour
-la vieillesse, et je ne sais comment je pourrai m'y
-accoutumer. Si on m'eût donné le choix d'elle et
-de la mort, je crois que j'aurois choisi sans hésiter
-<span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span>
-la dernière. Toutefois, puisqu'on ne nous
-consulte pas, je me suis accoutumée à vivre avec
-plaisir. Aussi la mort qui s'approche et qui ne
-manque jamais à son moment, ne m'inquiète pas;
-je l'attends sans la désirer et sans la craindre.</p>
-
-<p>Mais il est temps de vous parler de vos ouvrages,
-qui sont agréables, utiles et savants. Vous
-mettez si bien en &oelig;uvre les belles choses, que vous
-me charmez. Vous divertissez et instruisez toujours
-sans ennuyer jamais. Je vous remercie du soin
-que vous avez pris de me les envoyer. Que je vous
-dois d'agréables moments, et comment vous les
-payer? Cependant, vous qui écrivez si bien, pourquoi
-avez-vous laissé mourir M. le Prince, sans
-faire quelque chose pour lui en vers ou en prose?
-Quelle perte pour la France! et quelle perte pour
-le siècle dont ce grand homme étoit un des plus
-dignes ornements! Pour moi je l'ai regretté autant
-qu'aucun des siens, et je vous condamne à faire
-quelque chose de digne d'un Héros d'un mérite
-aussi distingué et aussi extraordinaire. Il me semble
-que c'est un des plus grands plaisirs de la vie
-que de bien louer ce qui mérite de l'être. Vous
-qui avez des talents faits exprès, ne refusez pas cet
-encens à ce Prince qui l'a si bien mérité.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HRISTINE</span> <span class="cap">A</span><span class="smallc">LEXANDRA.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span>
-<span class="small"><b>MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">Mardi<a id="FNanchor_587" href="#Footnote_587" class="fnanchor">&nbsp;[587]</a> [3 août 1688].</p>
-
-<p>Que voulez-vous dire de rare mérite, Mademoiselle?
-Peut-on nommer ainsi un autre mérite que
-le vôtre? J'en suis si persuadée, que si j'étois véritablement
-endormie, tous mes songes ne seroient
-que sur ce point. Mais croyez, Mademoiselle, que
-je ne le suis point, que je pense très-souvent à
-vous comme il y faut penser: tout mon crime,
-c'est de ne point témoigner des sentiments si justes
-et si bien fondés; mais attaquez-moi dans quelque
-moment que ce puisse être, et vous me retrouverez tout
-entière, comme dans le temps où vous
-avez été la plus persuadée de mon amitié. Ce sont
-des vérités que je vous dis, Mademoiselle; elles
-ne sauraient être mal reçues de vous. Je suis,
-comme vous voyez, le contraire d'une hypocrite
-d'amitié: pourrait-on dire qu'on est une hypocrite
-d'oubli?</p>
-
-<p>Je vous rends mille grâces de vos livres; j'en
-<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span>
-avois ouï parler, je les souhaitois, et vous m'avez
-donné une véritable joie. L'agrément de ces <i>Conversations</i>
-et de cette <i>Morale</i> ne finira jamais; je
-sais qu'on en est fort agréablement occupé à Saint-Cyr<a id="FNanchor_588" href="#Footnote_588" class="fnanchor">&nbsp;[588]</a>;
-je m'en vais lire avec plaisir cette marque
-obligeante de votre souvenir. Conservez-le moi,
-Mademoiselle, puisque je suis à vous par mille
-raisons. Ah! si vous entendiez comme je parle de
-vous, vous reconnoîtriez bien certainement<a id="FNanchor_589" href="#Footnote_589" class="fnanchor">&nbsp;[589]</a><b>......</b></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE BRINON</b></span><a id="FNanchor_590" href="#Footnote_590" class="fnanchor">&nbsp;[590]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">3 août 1688.</p>
-
-<p>Je ne saurois différer davantage à vous témoigner
-le plaisir que vous avez fait à toute notre
-communauté, de lui avoir donné une morale qui
-convient si fort à celle qu'elle enseigne tous les
-jours. Vous avez trouvé le moyen, Mademoiselle,
-de beaucoup plaire en instruisant.... Votre génie
-est sans déchet, et votre esprit, qui a toujours fait
-l'admiration du sage, croît au lieu de diminuer.
-Madame de Maintenon, qui prend un singulier
-plaisir de nous enrichir de bons livres, et qui ne
-savoit pas que vous m'aviez fait part des trésors
-de votre <i>Sapience</i>, après avoir vu votre morale, me
-l'envoya fort obligeamment pour vous et pour moi,
-<span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span>
-me mandant qu'elle croyoit qu'en son absence, ces
-livres me tiendroient lieu d'une bonne compagnie.
-Elle ne se trompoit pas, car voulant régaler les
-dames de Saint-Louis de quelque <i>mets d'esprit</i>
-convenable à leur état, je leur ai lu moi-même,
-dans nos promenades du soir, l'<i>Histoire de la Morale</i>,
-qui leur a toujours fait dire, quand on a
-sonné la retraite, que l'heure avançoit. Ces <i>Conversations</i>
-sont ici d'autant plus agréables qu'on en
-fait chez les demoiselles, qu'on a extraites de vos
-premières, qui ont donné lieu à un grand nombre
-d'autres, dont ces jeunes demoiselles font leur
-plaisir et celui des autres. Quand vous nous ferez
-l'honneur de venir à Saint-Cyr, vous vous retrouverez
-en plus d'un endroit, car nous sommes fort
-aises qu'on copie ce qui est bon<a id="FNanchor_591" href="#Footnote_591" class="fnanchor">&nbsp;[591]</a>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. BOUHOURS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_592" href="#Footnote_592" class="fnanchor">&nbsp;[592]</a>.</p>
-
-<p class="dater">[1688.]</p>
-
-<p>J'ai laissé passer la foule pour vous donner le
-bonjour et vous renouveler les assurances de mes
-très-humbles services. Si mon présent n'est pas
-fort beau ni fort digne de votre cabinet, il est au
-<span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span>
-moins assez singulier et tout propre à faire figure
-sur le bord de votre cheminée. Tel qu'il est, je vous
-prie, Mademoiselle, de l'agréer comme une marque
-de l'estime particulière que j'ai pour votre
-personne et de l'affection véritable avec laquelle je
-serai toute ma vie votre très-obéissant serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">B</span><span class="smallc">OUHOURS</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MASCARON, ÉVÊQUE D'AGEN, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_593" href="#Footnote_593" class="fnanchor">&nbsp;[593]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Montbran<a id="FNanchor_594" href="#Footnote_594" class="fnanchor">&nbsp;[594]</a>, 15 octobre [1688].</p>
-
-<p>Persuadé comme je le suis, Mademoiselle, que
-vous m'honorez de votre amitié, je crois vous
-faire plaisir de vous apprendre que mon voyage
-a été très-heureux et que j'ai trouvé aux eaux et
-aux bains de Bagnères tout ce que j'y avois été
-chercher. Le Seigneur a envoyé son ange qui a
-remué les eaux et leur a donné la force de guérir.
-J'avois choisi pour mon divertissement la lecture
-de tous vos huit tomes de <i>Conversations de Morale</i>;
-l'<i>Histoire des bains des Thermopyles</i><a id="FNanchor_595" href="#Footnote_595" class="fnanchor">&nbsp;[595]</a> m'y détermina.
-Quoique cette lecture ne soit pas nouvelle pour
-moi, j'y retrouve pourtant, Mademoiselle, tous les
-charmes et tous les agréments de la nouveauté.
-Bon Dieu, la belle manière d'inspirer la vertu et
-l'amour des beaux sentiments! Saint Augustin a dit
-<span class="pagenum"><a id="Page_482"> 482</a></span>
-quelque part: <i>Facilius flectitur animus cùm delectatur.</i>
-Peut-on se faire un chemin plus doux à la
-persuasion et à la victoire?</p>
-
-<p>J'ai vu auprès de Tarbes, par où j'ai passé, une
-charmante maison qui mériteroit autant d'être célébrée
-qu'aucune autre que je connoisse, par la
-beauté des canaux, des cascades, des jets d'eau,
-des jardins, des bois, et par la propreté de la
-maison et des meubles; on l'appelle Séméac<a id="FNanchor_596" href="#Footnote_596" class="fnanchor">&nbsp;[596]</a>, elle
-appartient à M. le comte de Gramont, à qui
-M<sup>me</sup> de Saint-Chaumont l'a laissée. Voilà les trois
-choses dont j'étois plein, et dont j'ai l'honneur
-de vous rendre compte: ma santé, vos admirables
-<i>Conversations</i> et cette charmante maison. Je vous
-souhaite, Mademoiselle, assez de santé et de loisir
-pour instruire toujours si agréablement et si efficacement
-le public, et je suis, avec tout le respect
-et l'attachement possible, Mademoiselle, votre
-très-humble et très-obéissant serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">J</span><span class="smallc">ULES, ÉVÊQUE</span> <span class="cap">C.</span> <span class="smallc">D'</span><span class="cap">A</span><span class="smallc">GEN</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MASCARON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_597" href="#Footnote_597" class="fnanchor">&nbsp;[597]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Le 16 août [1691].</p>
-
-<p>Les six vers que vous m'avez envoyés, Mademoiselle,
-<span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span>
-sont les plus jolis du monde, et ils sont
-d'autant plus jolis qu'ils disent la vérité. Quelque
-gloire qu'on s'acquît par d'autres endroits, on ne
-peut jamais excuser de prendre une si grosse portion
-du trésor dans des conjonctures pareilles où
-se trouve l'état. J'espère la paix de l'Église de l'habileté
-de M. le cardinal de Forbin<a id="FNanchor_598" href="#Footnote_598" class="fnanchor">&nbsp;[598]</a>. Que ne lui
-devra pas l'Église pour la consommation d'une
-affaire si difficile! Je n'ose pourtant m'abandonner
-à la joie d'un si heureux [<i>mot illisible</i>], car il en
-coûte trop de revenir sur une aussi douce espérance
-que celle-là, lorsque les événements ne répondent
-pas aux projets.</p>
-
-<p>Je vous fais mes compliments, Mademoiselle,
-sur la gloire que vient d'acquérir M. le Marquis
-de Créqui en Italie<a id="FNanchor_599" href="#Footnote_599" class="fnanchor">&nbsp;[599]</a>. Si Dieu le conserve,
-nous verrons en lui l'image parfaite de l'illustre
-maréchal que nous pleurons<a id="FNanchor_600" href="#Footnote_600" class="fnanchor">&nbsp;[600]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span>
-Je vous souhaite de la fraîcheur, Mademoiselle;
-c'est à ce souhait, ce me semble, que tous les autres
-se doivent borner, car, à l'heure qu'il est, je
-crois être transporté sous la ligne, tant le ciel est
-brûlant ici. Je suis, avec tout le respect et tout
-l'attachement possible, à vous,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">J</span><span class="smallc">ULES</span> <span class="cap">É. C.</span><a id="FNanchor_601" href="#Footnote_601" class="fnanchor">&nbsp;[601]</a> <span class="smallc">D'</span><span class="cap">A</span><span class="smallc">GEN</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>ARNAULD DE POMPONNE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_602" href="#Footnote_602" class="fnanchor">&nbsp;[602]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Versailles, 27 août 1691.</p>
-
-<p>Je réponds bien tard, Mademoiselle, aux marques
-si obligeantes que vous avez bien voulu me
-donner de votre souvenir dans une rencontre qui
-m'est si avantageuse. Comme je les ai fort distinguées
-des compliments qui viennent en foule dans
-de telles occasions<a id="FNanchor_603" href="#Footnote_603" class="fnanchor">&nbsp;[603]</a>, j'ai voulu vous dire avec plus
-de repos, qu'on ne peut vous honorer plus que je
-fais, ni être plus sensible que je le suis à vos bontés.
-Je pourrois, Mademoiselle, en trouver un
-grand témoignage dans la mémoire que vous me
-rappelez de tant de personnes que nous avons
-aimées et honorées également, mais je n'en veux
-pas d'autre que l'estime qui vous est si justement
-due, que j'ai toujours professée si vive et si forte
-<span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span>
-pour votre vertu et pour votre mérite, et qui me
-fait être autant que personne</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">A</span><span class="smallc">RNAULD DE</span> <span class="cap">P</span><span class="smallc">OMPONNE</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>L'ABBESSE DE FONTEVRAULT</b></span><a id="FNanchor_604" href="#Footnote_604" class="fnanchor">&nbsp;[604]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span>.</p>
-
-<p class="dater">A Fontevrault, 18 octobre 1692.</p>
-
-<p>Je n'ai pas voulu vous remercier, Mademoiselle,
-des livres que vous avez eu la bonté de m'envoyer,
-que je ne les eusse reçus, et on les a gardés
-fort longtemps aux Filles-Dieu. J'aurois pu en
-toute sûreté en dire beaucoup de bien avant que
-de les avoir vus, mais j'ai cru ne vous en devoir
-parler qu'après en avoir jugé par moi-même. J'y
-ai trouvé toute la solide beauté et tout l'agrément
-que j'attendois; et en vérité, Mademoiselle, on ne
-sauroit trop vous admirer; je vous le dis bien
-grossièrement, mais c'est avec une sincérité dont
-vous devez être contente. Je vous supplie de me
-conserver quelque part en l'honneur de votre amitié
-<span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span>
-(dont je connois tout le prix), et d'être persuadée
-que je serai toute ma vie, avec toute l'estime et
-toute la reconnoissance que je dois, Mademoiselle,
-votre très-humble servante.</p>
-
-<p class="sig">M.-M. <span class="cap">G</span><span class="smallc">ABRIELLE DE</span> <span class="cap">R</span><span class="smallc">OCHECHOUART ABBESSE DE</span> <span class="cap">F</span><span class="smallc">ONTEVRAULT.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>BOSSUET A MADEMOISELLE DUPRÉ</b></span><a id="FNanchor_605" href="#Footnote_605" class="fnanchor">&nbsp;[605]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Versailles, ce 14 février 1693.</p>
-
-<p>Je vous assure, Mademoiselle, que M. Pellisson
-est mort, comme il a vécu, en très-bon catholique;
-je l'ai toujours regardé, depuis le temps de sa
-conversion jusqu'à la fin de sa vie, comme un des
-meilleurs et des plus zélés défenseurs de notre religion.
-Il n'avoit l'esprit rempli d'autre chose, et
-deux jours avant sa mort, nous parlions encore
-des ouvrages qu'il continuoit pour soutenir la
-Transsubstantiation; de sorte qu'on peut dire sans
-hésiter qu'il est mort en travaillant ardemment
-et infatigablement pour l'Église. J'espère que ce
-<span class="pagenum"><a id="Page_487"> 487</a></span>
-travail ne se perdra pas, et qu'il s'en trouvera une
-partie considérable parmi ses papiers.</p>
-
-<p>Au reste, il a voulu entendre la messe pendant
-tous les jours de sa maladie; et je n'ai jamais pu
-obtenir de lui qu'il s'en dispensât les jours
-de fête. Il me disoit en riant qu'il n'étoit pas naturel
-que ce fût moi qui l'empêchât d'entendre la
-messe. Il n'a jamais cru être assez malade pour
-s'aliter; et il s'est habillé tous les jours, jusqu'à
-la veille de sa mort; et il recevoit ses amis avec
-sa douceur et sa politesse ordinaire. Son courage
-lui tenoit lieu de forces; et jusqu'au dernier soupir,
-il vouloit se persuader que son mal n'avoit
-rien de dangereux. A la fin, étant averti par ses
-amis que ce mal pouvoit le tromper, il différa sa
-confession au lendemain pour s'y préparer davantage:
-et si la mort l'a surpris, il n'y a eu rien en
-cela de fort extraordinaire. C'étoit un vrai chrétien,
-qui fréquentoit les sacremens. Il les avoit
-reçus à Noël, et, à ce qu'on dit, encore depuis,
-avec édification. Bien éloigné du sentiment de
-ceux qui croient avoir satisfait à tous leurs devoirs
-pourvu qu'ils se confessent en mourant, sans rien
-mettre de chrétien dans tout le reste de leur vie,
-il pratiquoit solidement la piété; et la surprise
-qui lui est arrivée ne m'empêche pas d'espérer de
-le trouver dans la compagnie des justes. C'est,
-Mademoiselle, ce que j'avois dessein d'écrire à
-M<sup>lle</sup> de Scudéry, avant même de recevoir votre
-lettre; et je m'acquitte d'autant plus volontiers de
-ce devoir, que vous me faites connoître que mon
-<span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span>
-témoignage ne sera pas inutile pour la consoler.
-Je profite de cette occasion pour vous assurer,
-Mademoiselle, de mes très-humbles respects, et
-vous demander l'honneur de la continuation de
-votre amitié.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME</b></span><a id="FNanchor_606" href="#Footnote_606" class="fnanchor">&nbsp;[606]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<p class="dater">1693.</p>
-
-<p>Ce que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire,
-Mademoiselle, sur le sujet de M. Pellisson, me
-donne beaucoup de consolations, mais n'ajoute
-rien à l'opinion que j'avois de la fermeté et de la
-sincérité de sa foi, dont ceux qui l'ont connu ne
-demanderont jamais de preuves. J'ai parlé un
-million de fois avec lui sur des matières de religion,
-et ne lui ai jamais trouvé d'autre sentiment
-que ceux de l'Église catholique. Il a travaillé jusqu'à
-la fin pour sa défense: trois jours avant sa
-mort, nous parlions encore de l'ouvrage qu'il avoit
-entre les mains contre Aubertin, qu'il espéroit
-pousser jusqu'à la démonstration; ne souhaitant
-la prolongation de sa vie, que pour donner encore
-à l'Église ce dernier témoignage de sa foi. Je souhaite
-<span class="pagenum"><a id="Page_489"> 489</a></span>
-qu'on cherche au plus tôt un si utile travail
-parmi ses papiers, et qu'on le donne au public,
-non-seulement pour fermer la bouche aux ennemis
-de la religion, qui sont ravis de publier qu'il est
-mort des leurs, mais encore pour éclaircir des
-matières si importantes, auxquelles il étoit si capable
-de donner un grand jour. Quoiqu'il n'ait
-pas plu à Dieu de lui laisser le temps de faire sa
-confession, et de recevoir les saints Sacremens, je
-ne doute pas qu'il n'ait accepté en sacrifice agréable
-la résolution où il étoit de la faire le lendemain.</p>
-
-<p>Le Roi, à qui vous désirez qu'on fasse connoître
-ses bonnes dispositions, les a déjà sues,
-et j'ai en cela prévenu vos souhaits. Ainsi, Mademoiselle,
-on n'a besoin que d'un peu de temps
-pour faire revenir ceux qui ont été trompés par les
-faux bruits qu'on a répandus dans le monde. Sa
-Majesté n'en a jamais rien cru; je puis, Mademoiselle,
-vous en assurer; et tout ce qu'il y a de
-gens sages qui ont connu, pour peu que ce soit,
-M. Pellisson, s'étonnent qu'on ait pu avoir un tel
-soupçon. C'est ce que j'aurois eu l'honneur de vous
-dire, si je n'étois obligé d'aller dès aujourd'hui à
-Versailles, et dans peu de jours, s'il plaît à Dieu,
-dans mon diocèse. Je m'afflige cependant, et je me
-console avec vous de tout mon c&oelig;ur, et suis, avec
-l'estime qui est due à votre vertu et à vos rares
-talents,</p>
-
-<p>Votre, etc., etc.</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_490"> 490</a></span></p>
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_491"> 491</a></span></p>
-<h2 class="normal">LETTRES SANS DATE.</h2>
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE CHEVALIER DE MÉRÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_607" href="#Footnote_607" class="fnanchor">&nbsp;[607]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Il y a peu d'honnêtes gens qui ne vous admirent,
-Mademoiselle, et ce n'est pas d'aujourd'hui que je
-suis charmé de tout ce qui vient de vous, et que
-vous êtes bien dans mon esprit. Mais si je vous
-ose dire ce qui se passe dans mon c&oelig;ur, le billet
-que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire vous y
-a mise bien avant. On ne devroit souhaiter d'être
-agréable que pour plaire aux personnes comme
-vous qui jugent sainement de tout. Et si je m'allois
-imaginer qu'il y en eût beaucoup dans le
-monde que je pusse voir quelquefois, j'aurois bien
-de la peine à me tenir dans la retraite, où mes
-jours s'écoulent tranquillement. J'ai donné de la
-jalousie à un de vos amis et des miens, en lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_492"> 492</a></span>
-montrant votre billet, et l'assurant aussi que jamais
-ni lui ni Voiture n'ont rien fait de ce prix-là.
-Je ne sais si vous ne serez point surprise que
-je me sois vanté d'une faveur qui me devoit rendre
-assez heureux en moi-même sans la dire à
-personne. Mais, Mademoiselle, si vous vouliez
-qu'elle fût secrète, il ne falloit pas m'écrire des
-choses qui vous donnent tant de gloire, et qui me
-sont si avantageuses.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>L'ABBÉ DE FURETIÈRE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_608" href="#Footnote_608" class="fnanchor">&nbsp;[608]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Je suis trop honoré de la devise que vous avez
-faite pour moi<a id="FNanchor_609" href="#Footnote_609" class="fnanchor">&nbsp;[609]</a>, et je n'ai garde de manquer de
-vous en remercier: je ne vous remercie pas pourtant
-de l'avoir faite si belle; vous n'en faites
-point d'autres, et rien ne part de votre esprit qui
-ne lui ressemble. Certainement, Mademoiselle, les
-devises qui sont difficiles ne le sont pas pour
-vous. Ce petit ouvrage, que M. de Gombauld appeloit
-un grand travail, ne vous est véritablement
-qu'un jeu; et vous trouvez sans peine ce que les
-autres cherchent bien souvent sans le pouvoir
-trouver. Je voudrois bien vous rendre la pareille,
-et faire une belle devise pour M<sup>lle</sup> de Scudéry. J'y
-<span class="pagenum"><a id="Page_493"> 493</a></span>
-ai songé, j'y songerai encore; mais je crains bien
-d'avoir la destinée de ce bonhomme.... dont je
-vous ai parlé quelquefois. Vous devriez, Mademoiselle,
-oublier un moment d'être vous-même, et
-faire votre devise; j'entends une devise de louange,
-et non pas de modestie; une devise qui marque
-l'admiration où nous sommes d'un mérite aussi
-extraordinaire que le vôtre. Mais, je le vois bien,
-vous voulez vous en tenir à cette devise cruelle<a id="FNanchor_610" href="#Footnote_610" class="fnanchor">&nbsp;[610]</a>,
-qui est une prescription<a id="FNanchor_611" href="#Footnote_611" class="fnanchor">&nbsp;[611]</a> de l'Amour, et qui nous
-fait entendre qu'il faut se borner, quand on vous
-voit, aux sentiments qu'on a pour M<sup>lle</sup> N.... Quel
-moyen, Mademoiselle, que vous soyez précisément
-obéie, et qu'on ne vous aime pas plus que vous ne
-vous aimez vous-même? Le P. B*** et moi ne vous
-parlons jamais de ce que vous ne voulez jamais
-entendre. Nous disons même dans le monde que
-nous avons en vous une illustre amie: mais, dans
-le fond de l'âme, nous sommes vos très-humbles et
-très-obéissants amans. Après cela, je l'adopterois,
-cette devise cruelle, et me ferois honneur de l'avoir
-faite; j'en serois par tout estimé; mais que m'en
-reviendroit-il? Rien, Mademoiselle, sinon d'avoir
-flatté votre humeur fière et dédaigneuse, et de
-n'en être pas mieux pour cela dans un c&oelig;ur aussi
-aimable et aussi impénétrable que le vôtre.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_494"> 494</a></span>
-<span class="small"><b>M. DE PERTUIS, GOUVERNEUR DE COURTRAY, A MADEMOISELLE
-DE SCUDÉRY, SA BONNE AMIE</b></span><a id="FNanchor_612" href="#Footnote_612" class="fnanchor">&nbsp;[612]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Vous ne connoissez pas la vie de l'armée; elle
-a ses charmes, et quand on l'a goûtée, on ne sauroit
-s'en passer. Nous avons peut-être plus de
-peine que vous; mais nous avons aussi plus de
-plaisir. Pour ce qui est des périls dont vous me
-parlez, je ne vous répondrai pas comme le fit le
-baron de *** à Gassion, qui l'exhortoit à la bravoure:
-<i>Je rirai bien si tu meurs devant moi.</i> Je vous
-dirai seulement, que si l'on étoit immortel dans
-vos îles enchantées, j'irois volontiers participer à
-votre immortalité; mais puisque ce bienheureux
-séjour n'a pas un si beau privilége, je ne risque
-rien ici qu'il ne faille perdre ailleurs; et j'aime
-autant être tué par un carabin de Nuremberg, que
-par un médecin de Montpellier. Je suis,</p>
-
-<p>Mademoiselle,</p>
-
-<p>Votre très-humble, etc.,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">P</span><span class="smallc">ERTUIS</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_495"> 495</a></span>
-<span class="small"><b>LE LABOUREUR A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_613" href="#Footnote_613" class="fnanchor">&nbsp;[613]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce samedi matin.</p>
-
-<p>Le beau temps est venu, et les cerises s'en
-vont: j'ai peur, Mademoiselle, que si vous ne
-faites bientôt ici une promenade, vous n'y en trouviez
-plus. Je ne vois qu'une chose qui la doive retarder,
-qui est que la santé du R. P. Bouhours ne lui
-pût pas permettre encore de sortir, ou que vous
-voulussiez que M. de Pellisson fût de la partie. En ce
-cas-là, nous attendrons tant qu'il vous plaira; nous
-laisserons passer les cerises, et nous vous donnerons
-des prunes et des pêches qui les vaudront
-bien. Au reste, Mademoiselle, je n'entends pas
-que le R. P. Bouhours et M<sup>me</sup> sa s&oelig;ur tiennent la
-place d'aucune autre personne. J'attends toujours
-M. Nublé et M. Ménage. J'en dirois autant de
-M. de Pellisson, et ce seroit de bon c&oelig;ur, mais
-c'est une étrange chose que la Cour. J'appréhende
-que quand le Roi seroit ici, il ne pût s'en séparer
-pour vous faire compagnie. Je m'en rapporte à
-vous: ordonnez-en comme il vous plaira; mais
-faites votre compte que je vous attends, et surtout,
-Mademoiselle, quand vous voudrez venir, faites-moi
-<span class="pagenum"><a id="Page_496"> 496</a></span>
-la grâce de nous avertir deux ou trois jours
-auparavant.</p>
-
-<p>Je suis votre très-humble et très-obéissant
-serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">L</span><span class="smallc">ABOUREUR</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_614" href="#Footnote_614" class="fnanchor">&nbsp;[614]</a>.</p>
-
-<p class="dater">D'Arras, 10 mai.</p>
-
-<p>On m'a tant fait d'honneur ici en votre considération,
-Mademoiselle, que je ne puis en partir
-sans vous en faire mes remercîments. Il ne se peut
-rien ajouter à la manière dont M. de Montplaisir<a id="FNanchor_615" href="#Footnote_615" class="fnanchor">&nbsp;[615]</a>
-m'a reçu. J'ai bien reconnu par là le pouvoir que
-vous avez sur lui, et que c'est vous qui êtes le
-lieutenant de Roi ici. Il m'a régalé chez lui; il m'a
-offert son carrosse pour aller à Douay, a pris la
-peine de me venir visiter chez nous: du reste, il
-n'a rien oublié pour me faire comprendre combien
-il vous honore et vous estime. Aidez-moi, Mademoiselle,
-à lui en faire de dignes remercîments.
-Vous y êtes obligée, puisque c'est en votre considération
-qu'il a fait tout cela, et pour m'obliger
-extrêmement. Faites de sorte que j'aie un peu de
-<span class="pagenum"><a id="Page_497"> 497</a></span>
-part de ses bonnes grâces: car on a fort envie
-d'être de ses amis dès qu'on a le bonheur de le
-connoître: je vous laisse faire cela. En partant, je
-laisse le pauvre M. de Verduc en mauvais état
-pour sa santé; j'en suis inquiété. Je laissai au
-P. Pallu, ami du P. Bouhours, quinze pistoles pour
-sa dispense, et deux pour l'habiller un peu honnêtement
-pour entrer à Cluny. Ayez la bonté de me
-faire savoir de vos nouvelles, je vous en prie; j'en
-pourrois recevoir à Bruxelles, si vous preniez la
-peine d'adresser vos lettres à M. de Gourville dans
-dix ou douze jours; l'abbé de Chaumont le connoît.
-On ne peut pas être si longtemps éloigné de
-vous sans savoir de vos nouvelles. Vous voulez
-bien que je salue M. de Pellisson pour qui je continue
-toujours à prier Dieu; car le bon Dieu nous
-le doit, étant aussi homme de bien qu'il est.
-N'allez pas vous aviser, s'il vous plaît, Mademoiselle,
-de nous faire la guerre pendant que je vais
-être Flamand. Je ne vous demande que deux mois
-de temps; après, vous ferez ce qu'il vous plaira
-pour vos prétentions sur le Brabant. Je suis, avec
-mon respect ordinaire, à vous en N. S.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">APIN</span><br />
-de la C<sup>ie</sup> de Jésus.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>REGNIER DESMARAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_616" href="#Footnote_616" class="fnanchor">&nbsp;[616]</a></p>
-
-<p class="dater">Ce vendredi à midi.</p>
-
-<p>Votre laquais ne me donna pas l'autre jour le
-<span class="pagenum"><a id="Page_498"> 498</a></span>
-loisir, Mademoiselle, de vous remercier sur le
-champ des beaux vers que vous m'avez fait la
-grâce de m'envoyer, et je faisois état de vous en
-aller remercier dès le lendemain. Mais depuis cela,
-il m'est survenu des affaires qui m'ont empêché
-de vous aller rendre mes devoirs comme je souhaitois.
-En attendant que je le puisse, je ne veux
-pas différer, Mademoiselle, à vous témoigner combien
-j'ai été satisfait de votre dernier madrigal.
-Les dernières choses que vous faites l'emportent
-toujours sur les premières, mais il n'y a que vous
-seule qui puissiez l'emporter sur vous-même. Je
-ne saurois en même temps vous rendre d'assez
-grands remercîments des marques de bonté et
-de considération dont vous m'honorez. Croyez,
-s'il vous plaît, Mademoiselle, que vous n'en sauriez
-jamais avoir pour personne qui ait plus de
-respect et plus de vénération pour vous que j'en ai,
-et qui soit plus absolument votre très-humble et
-très-obéissant serviteur.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">EGNIER</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">ESMARAIS.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_617" href="#Footnote_617" class="fnanchor">&nbsp;[617]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Le 12 de novembre.</p>
-
-<p>Puisque les reproches que M<sup>me</sup> Duplessis vous
-<span class="pagenum"><a id="Page_499"> 499</a></span>
-a faits m'ont valu la plus agréable et la plus obligeante
-lettre du monde, je devrois, ce me semble,
-Mademoiselle, lui laisser le soin de vous faire
-paroître combien j'en suis touché, pour m'attirer
-encore de nouvelles grâces; mais, quelque avantage
-que j'en puisse recevoir par là, je ne puis me
-priver du plaisir de vous témoigner moi-même
-ma reconnoissance, et de vous dire la joie que
-j'ai de croire avoir un peu de part en votre amitié.
-Je ne parlerois pas si hardiment, si j'avois moins
-de foi en vos paroles, et c'est par cette confiance
-seule que je me tiens si assuré de la chose du
-monde que je souhaite le plus. Je suis ravi de la
-belle action de M. de Savoie; j'espère que la clémence
-viendra à la mode, et que nous ne verrons
-plus de malheureux. J'écrirai à un de nos amis, et
-je vous supplierai même de lui vouloir faire tenir
-ma lettre, puisque vous me le permettez.</p>
-
-<p>Faites-moi l'honneur de croire, Mademoiselle,
-que j'ai plus d'estime et de respect pour vous que
-personne du monde, et que je suis passionnément
-votre très-humble et très-obéissant serviteur.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">AROCHEFOUCAULD.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_618" href="#Footnote_618" class="fnanchor">&nbsp;[618]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Ce 7 décembre.</p>
-
-<p>Je vous suis sensiblement obligé, Mademoiselle,
-de votre souvenir et du présent que vous me faites;
-<span class="pagenum"><a id="Page_500"> 500</a></span>
-rien n'est plus beau que ce que vous m'avez
-envoyé, et rien au monde ne me peut toucher
-davantage que la continuation de vos bontés. J'en
-recevrai une marque qui me sera très considérable
-si vous me faites obtenir quelque part dans l'amitié
-de M. Renier<a id="FNanchor_619" href="#Footnote_619" class="fnanchor">&nbsp;[619]</a>; personne assurément ne
-l'estime plus que moi. Je vous dois déjà tant de
-choses que je pense que vous voudrez bien que je
-vous doive encore celle-ci.</p>
-
-<p>Je vous demande encore d'être persuadée de
-mon respect et de ma reconnoissance, et que je
-suis plus que personne du monde</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissant serviteur.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">AROCHEFOUCAULD.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LA COMTESSE DE LAFAYETTE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_620" href="#Footnote_620" class="fnanchor">&nbsp;[620]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p>Je ne vous puis dire, Mademoiselle, quelle est
-ma joie quand vous me faites l'honneur de vous souvenir
-de moi, et quand je reçois des marques de
-ce souvenir par des choses qui me donnent par
-elles-mêmes un si véritable plaisir. Vous êtes toujours
-admirable et inimitable; il ne se peut rien
-de plus divertissant et de plus utile que ce que
-vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer; vous
-seule pouvez joindre ces deux choses. Je vous supplie
-<span class="pagenum"><a id="Page_501"> 501</a></span>
-de croire que si ma santé me le permettoit,
-j'aurois souvent l'honneur de vous rendre mes
-devoirs.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">A</span> <span class="smallc">C <span class="super">sse</span> DE LA</span> <span class="cap">F</span><span class="smallc">AYETTE.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>NANTEUIL A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_621" href="#Footnote_621" class="fnanchor">&nbsp;[621]</a></p>
-
-<p class="titel">Mademoiselle,</p>
-
-<p>Votre générosité m'offense, et n'augmente point
-du tout votre gloire, du moins selon mon opinion.
-Une personne comme vous, à qui j'ai tant d'obligations,
-que je considère si extraordinairement,
-et pour laquelle non-seulement je devrois avoir
-fait tous les efforts de ma profession, mais avoir
-témoigné plus de reconnoissance à toutes ses civilités
-que je n'ai fait, m'envoyer de l'argent et vouloir
-me payer en princesse un portrait<a id="FNanchor_622" href="#Footnote_622" class="fnanchor">&nbsp;[622]</a> que je lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_502"> 502</a></span>
-dois il y a si longtemps, est sans doute pousser
-trop loin la générosité, et me prendre pour le plus
-insensible de tous les hommes. Vous me permettrez
-donc, Mademoiselle, de vous en faire une petite
-réprimande, et comme vous me permettez encore
-de chérir tout ce qui vient de vous, je prends
-volontiers la bourse que vous avez faite, et vous remercie
-de vos louis, que je ne crois pas être de
-votre façon! Cependant, si en quelque jour un peu
-moins nébuleux qu'il n'en fait en ce temps-ci, vous
-me vouliez donner deux heures de votre temps
-pour aller achever chez vous l'habit de votre portrait,
-je serois ravi de me rendre ponctuel à vos
-<span class="pagenum"><a id="Page_503"> 503</a></span>
-ordres. J'aurois la liberté de vous expliquer plus
-franchement mes sentiments, parce que cela ne
-m'attacheroit pas si fort que quand je travaille au
-visage, et après avoir achevé de vous rendre ce
-petit service, je conviendrois de m'estimer heureux
-puisque vous auriez une autre vous-même près de
-vous qui vous persuaderoit éloquemment que je
-suis,</p>
-
-<p>Mademoiselle,<br />
-<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</span></p>
-
-<p class="sig"><span class="i3"><span class="cap">N</span><span class="smallc">ANTEUIL</span>.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>GEORGE DE SCUDÉRY A MADAME L'ABBESSE DE CAEN</b></span><a id="FNanchor_623" href="#Footnote_623" class="fnanchor">&nbsp;[623]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Paris, 7 avril 1660.</p>
-
-<p>Un homme moins glorieux que je ne le suis,
-Madame, auroit cherché l'appui de sa s&oelig;ur auprès
-de vous, et tâché de tirer ses avantages de
-l'honneur que vous lui faites de l'aimer, mais je
-vous avoue que j'aime mieux devoir ma gloire à
-ma hardiesse qu'à sa faveur, et que si je puis obtenir
-celle de votre amitié, je veux vous la devoir
-toute entière. Comme l'obligation en sera plus
-grande, ma reconnoissance le sera aussi, et comme
-vous n'appellerez personne au partage de la grâce,
-personne ne partagera mon ressentiment. Je vous
-le confesse, Madame, j'ai le c&oelig;ur plus élevé que
-<span class="pagenum"><a id="Page_504"> 504</a></span>
-ce roi qui, tout Espagnol qu'il étoit, se contentoit
-d'être appelé le mari de la reine, et si vous ne me
-regardiez que comme frère de Sapho, vous ne rempliriez
-pas du tout mon ambition. Personne ne
-sait mieux que moi ce qu'elle vaut, car je l'ai
-faite ce qu'elle est; mais, avec tout cela, Madame,
-je ne lui veux point devoir votre bienveillance,
-parce que nous changerions de fortune et que je
-lui devrois plus qu'elle ne me doit. Cependant,
-comme il faut connoître pour aimer, je vous envoie
-de quoi me connoître, c'est le portrait d'un
-héros où j'ai employé tout mon art, et comme vous
-avez l'âme grande, j'espère que la peinture du
-plus grand homme de la terre ne vous déplaira
-pas trop, et qu'après avoir enduré que ma s&oelig;ur
-vous peigne, vous souffrirez quelque jour que son
-frère prenne ses couleurs et ses pinceaux pour
-vous peindre, afin que vous puissiez juger de la
-diversité des manières, et connoître en même
-temps le dessein que j'ai d'être toujours</p>
-
-<p>Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A M. DE SAINTE-MARTHE</b></span><a id="FNanchor_624" href="#Footnote_624" class="fnanchor">&nbsp;[624]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Sans date.</p>
-
-<p class="titel">Monsieur,</p>
-
-<p>N'ayant pas l'honneur d'être connu de vous, je
-n'aurois pas aussi la hardiesse de vous faire une
-<span class="pagenum"><a id="Page_505"> 505</a></span>
-prière, si elle ne regardoit votre gloire aussi bien
-que ma satisfaction; mais ne doutant point que
-vous ne soyez sensible à cette noble passion des
-grandes âmes, j'ose vous dire qu'après avoir assemblé
-les portraits de tous les illustres de notre
-nation, je croirois n'avoir rien fait si je n'avois
-celui du grand Scévole, et comme je sais que vous
-en avez un, je vous supplie, Monsieur, de me le
-vouloir prêter pour en tirer une copie; je le conserverai
-avec soin, et vous le renvoyerai dans peu
-de jours. Je m'assure que vous ne condamnerez
-pas mon dessein, puisqu'il n'a pour objet que la
-réputation d'un homme à qui vous devez la vie;
-et, pour vous montrer que c'est dans votre maison
-que je cherche les grands personnages, mon laquais
-a ordre de vous faire voir le portrait de votre
-grand oncle. Que si mon nom par malheur n'a
-pas l'honneur d'être connu de vous, notre ami
-commun, M. Colletet, vous assurera qu'on me
-peut confier toute chose, et moi je vous assurerai
-qu'après cette grâce je serai toute ma vie,</p>
-
-<p>Monsieur,<br />
-<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</span></p>
-
-<p class="sig"><span class="i3"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</span></p>
-
-<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE LONGUEVILLE A GEORGE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_625" href="#Footnote_625" class="fnanchor">&nbsp;[625]</a>.</p>
-
-<p class="dater">Moulins, 29 août 1654.</p>
-
-<p>Ça été par vraie honte que j'ai été si longtemps
-<span class="pagenum"><a id="Page_506"> 506</a></span>
-sans faire réponse à votre dernière lettre, car elle
-étoit si pleine de remercîments que je ne trouvois
-pas bien fondés, qu'en vérité je ne savois du tout
-qu'y répondre; car enfin je ne prétends pas que
-le petit présent que je vous ai fait<a id="FNanchor_626" href="#Footnote_626" class="fnanchor">&nbsp;[626]</a> vous montre
-toute ma reconnoissance. Je prétends seulement
-qu'il vous la marque, et qu'en vous faisant souvenir
-de moi, il vous remette dans la mémoire une
-personne qui a gravé dans la sienne ce que vous
-avez fait pour elle, et qui, n'étant pas née tout à fait
-bassement, ne peut être aussi touchée de votre générosité
-sans souhaiter qu'une meilleure fortune lui
-fournisse les occasions de contribuer à rendre la
-vôtre proportionnée à votre mérite.</p>
-
-<p class="sig"><span class="cap">A</span><span class="smallc">NNE-</span><span class="cap">G</span><span class="smallc">ENEVIÈVE DE</span> <span class="cap">B</span><span class="smallc">OURBON.</span></p>
-
-<p><i>P. S.</i> J'ai mandé mes sentiments sur <i>Alaric</i> à
-M. Chapelain; il vous les auroit dit sans doute,
-s'il ne s'étoit pas imaginé que vous les devinez aisément,
-et que vous êtes fort persuadé que les
-gens qui n'ont pas tout à fait méchant goût ne
-peuvent qu'admirer ce qui part de votre esprit.
-Je vous prie que M<sup>lle</sup> de Scudéry sache par votre
-moyen que je conserve pour elle toute l'estime
-qu'elle mérite.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_507"> 507</a></span></p>
-<p class="extra"><span class="large">CHOIX</span><br />
-<span class="xs">DE</span><br />
-<span class="xlarge">POÉSIES</span></p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_508"> 508</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_509"> 509</a></span></p>
-
-<div class="figcenter">
-<img src="images/523.jpg" width="243" height="36" alt="deco" />
-</div>
-
-<h2 class="normal"><span class="large">CHOIX</span><br />
-<span class="xs">DE</span><br />
-<span class="xxlarge">POÉSIES.</span></h2>
-
-<hr class="deco" />
-</div>
-
-<p class="titre2"><i>Impromptu fait au donjon de Vincennes en visitant la chambre</i><br />
-<span class="i3"> <i>où le prince de Condé avoit été prisonnier.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>En voyant ces &oelig;illets qu'un illustre guerrier</p>
-<p>Arrosa d'une main qui gagna des batailles,</p>
-<p>Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles,</p>
-<p>Et ne t'étonne pas si Mars est jardinier<a id="FNanchor_627" href="#Footnote_627" class="fnanchor">&nbsp;[627]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i4"><i>Stances sur la Paix</i></span><a id="FNanchor_628" href="#Footnote_628" class="fnanchor">&nbsp;[628]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Taisez-vous, trop aigres trompettes</p>
-<p>Qui chassiez au printemps tous les braves du Cours,</p>
-<p class="i2"> Laissez entendre les musettes,</p>
-<p class="i2"> Voici le règne des Amours.</p>
-<p>La paix s'en va bientôt rétablir son empire</p>
-<p>Et l'on ne verra plus de c&oelig;ur qui ne soupire.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_510"> 510</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Vous qui faisiez les insensibles</p>
-<p>Et qui par vanité pensiez l'être toujours,</p>
-<p class="i2"> Vous ne serez plus invincibles,</p>
-<p class="i2"> Voici le règne des Amours.</p>
-<p>La paix s'en va bientôt rétablir son empire</p>
-<p>Et l'on ne verra plus de c&oelig;ur qui ne soupire.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Vous, belles, qui par mille charmes</p>
-<p>Êtes avec raison l'ornement de nos jours,</p>
-<p class="i2"> Que vous ferez verser de larmes!</p>
-<p class="i2"> Voici le règne des Amours.</p>
-<p>La paix s'en va bientôt rétablir son empire</p>
-<p>Et l'on ne verra plus de c&oelig;ur qui ne soupire.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i>A M. Conrart, sur un cachet qu'il donna à l'auteur</i><a id="FNanchor_629" href="#Footnote_629" class="fnanchor">&nbsp;[629]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Pour mériter un cachet si joli,</p>
-<p>Si bien gravé, si brillant, si poli,</p>
-<p> Il faudroit avoir, ce me semble,</p>
-<p> Quelque joli secret ensemble;</p>
-<p> Car enfin les jolis cachets,</p>
-<p> Demandent de jolis billets.</p>
-<p> Mais, comme je n'en sais point faire,</p>
-<p> Que je n'ai rien qu'il faille taire,</p>
-<p> Ni qui mérite aucun mystère,</p>
-<p> Il faut vous dire seulement</p>
-<p> Que vous donnez si galamment</p>
-<p> Qu'on ne peut se défendre</p>
-<p>De vous donner son c&oelig;ur, ou de le laisser prendre.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_511"> 511</a></span>
-<i>Billet en vers à M. de Charleval</i><a id="FNanchor_630" href="#Footnote_630" class="fnanchor">&nbsp;[630]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Qu'une louange délicate</p>
-<p>Nous touche, nous plaise et nous flatte,</p>
-<p class="i3"> N'en doutez point.</p>
-<p>Mais, pour bien goûter cette gloire,</p>
-<p>Il faut, Damon, la pouvoir croire,</p>
-<p class="i3"> C'est là le point.</p>
-</div></div>
-
-<p>Voilà, Monsieur, par où je me sauve du danger où
-vos ingénieuses louanges m'ont exposée. Si je pouvois
-me laisser persuader, j'aurois trop de vanité.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Mon c&oelig;ur que la raison éclaire</p>
-<p>Méprise de l'encens vulgaire,</p>
-<p class="i2"> N'en doutez point.</p>
-<p>Mais rejeter par modestie</p>
-<p>Le plus pur encens d'Arabie,</p>
-<p class="i2"> C'est là le point.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i>Requête ou Placet des Amans contre les Filous</i><a id="FNanchor_631" href="#Footnote_631" class="fnanchor">&nbsp;[631]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Prince, le plus aimable, et le plus grand des Rois,</p>
-<p>Nous venons implorer le secours de vos lois:</p>
-<p>Tout l'état amoureux vous adresse ses plaintes;</p>
-<p>Vous seul pouvez calmer nos soucis et nos craintes,</p>
-<p>Vous seul pouvez nous faire un sort qui soit plus doux,</p>
-<p>L'amour même ne peut nous rendre heureux sans vous.</p>
-<p>La nuit, si favorable aux flammes amoureuses,</p>
-<p>A beau nous préparer les faveurs précieuses,</p>
-<p>Sans respecter ce Dieu, les voleurs indiscrets</p>
-<p>Troublent impunément ces mystères secrets;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_512"> 512</a></span></div>
-<p>Chaque jour leur audace éclate davantage,</p>
-<p>On ne va plus la nuit sans souffrir quelque outrage;</p>
-<p>On trompe d'un jaloux les regards curieux,</p>
-<p>Mais d'un filou caché l'on ne fuit point les yeux.</p>
-<p>Comme on n'ose marcher sans avoir une escorte,</p>
-<p>On ne peut se glisser par une fausse porte,</p>
-<p>Et seul au rendez-vous si l'on veut se trouver,</p>
-<p>On est déshabillé devant que d'arriver.</p>
-<p>La nuit dont le retour ramène les délices,</p>
-<p>Ces paisibles moments à l'amour si propices,</p>
-<p>Destinés seulement à de tendres plaisirs,</p>
-<p>Ne sont plus employés qu'à de fâcheux soupirs.</p>
-<p>Les maris rassurés, les mères sans alarmes</p>
-<p>Dans un si grand désordre ont su trouver des charmes.</p>
-<p>La nuit n'est plus à craindre à leur esprit jaloux,</p>
-<p>Ils dorment en repos sur la foi des filous.</p>
-<p>Ils aiment le plaisir qui nous tient en contrainte</p>
-<p>Et la frayeur publique a dissipé leur crainte.</p>
-<p>O vous qui dans la paix faites couler nos jours,</p>
-<p>Conservez dans la nuit le repos des amours;</p>
-<p>Que du guet surveillant la nombreuse cohorte</p>
-<p>Nous serve à l'avenir d'une fidèle escorte,</p>
-<p>Qu'ils sauvent des voleurs tous les amans heureux,</p>
-<p>Et souffrent seulement les larcins amoureux:</p>
-<p>Qu'ils nous ôtent la crainte, et qu'en toute assurance</p>
-<p>Nous goûtions les plaisirs de l'ombre et du silence.</p>
-<p>En faveur de l'amour finissez notre ennui,</p>
-<p>Vous n'avez pas sujet de vous plaindre de lui:</p>
-<p>Ce Dieu, dont le pouvoir domine tous les autres,</p>
-<p>En vous donnant ses lois semble avoir pris les vôtres;</p>
-<p>Il garde pour vous seul ce qu'il a de plus doux,</p>
-<p>Il commande partout et n'obéit qu'à vous,</p>
-<p>Il sépare de vous l'éclat de la couronne,</p>
-<p>Et fait qu'on aime en vous votre seule personne.</p>
-<p>Plaisir que rarement les Rois peuvent goûter,</p>
-<p>Et duquel toutefois vous ne pouvez douter.</p>
-<p>Ainsi puisse le ciel, pour vous faire justice,</p>
-<p>Au moindre de vos v&oelig;ux être toujours propice,</p>
-<p>Épargner vos souhaits, prévenir vos désirs,</p>
-<p>Et remplir votre c&oelig;ur de joie et de plaisirs!</p>
-<p>Mais comme il n'en est pas hors l'amoureux empire,</p>
-<p>Et qu'un roi ne peut être heureux s'il ne soupire,</p>
-<p>Puissiez-vous, de l'amour secrètement charmé,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_513"> 513</a></span></div>
-<p>Toujours fort amoureux, être toujours aimé,</p>
-<p>Et sans vous désirer de nouvelles conquêtes,</p>
-<p>Puissiez-vous demeurer en l'état où vous êtes!</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i>Réponse des Filous à la Requête des Amans.</i></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Prince, dont le seul nom fait trembler tous les Rois,</p>
-<p>Suspendez un moment la rigueur de vos lois;</p>
-<p>Souffrez que les voleurs vous demandent justice</p>
-<p>Contre de faux amans tout remplis d'artifice:</p>
-<p>Si l'on les croit, ils sont de nous fort mal-traités,</p>
-<p>Nous nous opposons seuls à leurs félicités,</p>
-<p>Nous troublons leurs plaisirs, les nuits les plus obscures</p>
-<p>N'ont plus pour leur amour de douces aventures.</p>
-<p>Où sont-ils les amans que nous avons volés?</p>
-<p>Commandez qu'on les nomme et qu'ils soient enrôlés.</p>
-<p>Hélas! depuis dix ans que nous courons sans cesse,</p>
-<p>Nous n'avons pu trouver ni galant, ni maîtresse,</p>
-<p>Et pour notre malheur nous n'avons jamais pris</p>
-<p>Ni portraits précieux, ni bracelets de prix:</p>
-<p>En vain sans respecter plumes, soutane et crosses,</p>
-<p>Nous avons arrêté et chaises et carrosses;</p>
-<p>Nous ne trouvons jamais où s'adressent nos pas,</p>
-<p>Que plaideurs, que joueurs, que chercheurs de repas,</p>
-<p>Que courtisans chagrins, que chercheurs de fortune,</p>
-<p>Dont la foule, grand Roi, souvent vous importune;</p>
-<p>Mais de tendres amans, vrais esclaves d'amour,</p>
-<p>On en trouve la nuit aussi peu que le jour.</p>
-<p>C'étoit au temps jadis que les amans fidèles</p>
-<p>Pour tromper les Argus montoient par les échelles,</p>
-<p>Qu'on les voloit sans peine au premier point du jour,</p>
-<p>Et qu'ils cachoient leur vol autant que leur amour.</p>
-<p>Sous votre grand aïeul, d'amoureuse mémoire,</p>
-<p>Les filous nos ayeux, célèbres dans l'histoire,</p>
-<p>Ne passoient pas de nuits sans prendre à des amans</p>
-<p>Des portraits enrichis d'or et de diamans,</p>
-<p>Et chacun, sans placet, sans tant de doléance,</p>
-<p>Rachetoit son portrait et payoit le silence.</p>
-<p>C'est ainsi qu'on aimoit en ce siècle si doux,</p>
-<p>Sous un prince charmant qu'on voit revivre en vous;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_514"> 514</a></span></div>
-<p>Mais aujourd'hui qu'Amour daigne suivre la mode,</p>
-<p>Que le moindre respect passe pour incommode,</p>
-<p>Nous trouvons tout au plus quelques pauvres coquets</p>
-<p>Qui n'ont jamais sur eux que des madrigalets;</p>
-<p>Ils courent nuit et jour, se tourmentant sans cesse,</p>
-<p>Sans jamais enrichir ni voleurs ni maîtresse.</p>
-<p>Qu'ils marchent hardiment, ils font peu de jaloux</p>
-<p>Et n'ont à redouter ni martyrs ni filous.</p>
-<p>Pour tous leurs rendez-vous ils peuvent prendre escorte</p>
-<p>Sans besoin de la nuit ni de la fausse porte;</p>
-<p>Mais la licence règne avecque tant d'excès,</p>
-<p>Qu'ils osent bien se plaindre et donner des placets;</p>
-<p>Ne les écoutez pas, ils sont pleins d'artifice,</p>
-<p>Prononcez cet arrêt tout rempli de justice:</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> <i>Un amant qui craint les voleurs</i></p>
-<p class="i3"> <i>Ne mérite pas de faveurs.</i></p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i>Vers envoyés à M<sup>lle</sup> de Scudéry, pour accompagner une corbeille</i><br />
-<i>pleine de bijoux dont les Filous lui faisoient présent pour ses étrennes.</i></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ces hommes redoutés que l'on nomme Filous,</p>
-<p class="i2"> Dont vous avez pris la défense,</p>
-<p class="i2"> Sont de leur gloire trop jaloux</p>
-<p class="i2"> Pour demeurer dans le silence:</p>
-<p class="i2"> Ils parlent, mais bien faiblement,</p>
-<p class="i2"> N'ayant aujourd'hui la puissance</p>
-<p class="i2"> De marquer leur reconnoissance</p>
-<p class="i2"> Que par des souhaits seulement.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i3"> Si la fortune favorable</p>
-<p class="i2"> Jetoit un doux regard sur eux,</p>
-<p class="i2"> Et que, devenant plus traitable,</p>
-<p class="i3"> Elle favorisât leurs v&oelig;ux,</p>
-<p class="i1"> Quand du butin ils feroient leur partage,</p>
-<p>Le plus riche seroit pour vous faire un hommage.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_515"> 515</a></span></div>
-<p class="i9">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i1"> Tous les jours, en faisant leurs courses,</p>
-<p class="i2"> Ils rapportent assez de bourses,</p>
-<p class="i2"> Dont l'espoir les va devançant;</p>
-<p class="i2"> Car pipés de leur bonne mine,</p>
-<p class="i2"> Quand au fond on les examine,</p>
-<p class="i2"> On n'y rencontre que du vent.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Telle est celle que dans ce jour</p>
-<p class="i2"> Nous vous présentons pour étrenne.</p>
-<p>Nous en avons fait choix sur plus d'une douzaine,</p>
-<p class="i2"> Prises en ville, ou dans la cour,</p>
-<p class="i2"> Car la nuit nous ne savons pas</p>
-<p class="i2"> Où le hasard guide nos pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Nous prîmes la même journée</p>
-<p class="i1"> Le bracelet plein de petits bijoux,</p>
-<p class="i2"> Qu'une dame peu fortunée,</p>
-<p>Venoit de recevoir avec un billet doux.</p>
-<p class="i2"> La belle, croyant nous toucher,</p>
-<p class="i2"> Nous en conta toute l'histoire,</p>
-<p class="i2"> Que sans peine elle nous fit croire,</p>
-<p class="i2"> Mais nos c&oelig;urs furent de rocher.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i9">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Si nous vous sommes nécessaires,</p>
-<p class="i2"> Sans vous faire tant de discours,</p>
-<p>Nous quitterons en tout temps nos affaires,</p>
-<p class="i3"> Pour vous offrir notre secours;</p>
-<p>Dans le besoin sonnez fort votre cloche,</p>
-<p class="i2"> Soudain le <i>Balafré</i>, la <i>Roche</i>,</p>
-<p class="i2"> <i>Bras-de-fer</i> et <i>Roland-sans-Peur</i>,</p>
-<p class="i2"> Vous serviront avec ardeur,</p>
-<p class="i1"> Car ce sont des gens sans reproche.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_516"> 516</a></span>
-<span class="titre2"><i>Réponse de Mlle de Scudéry à une jeune demoiselle qu'elle</i></span><br />
-<span class="i2"><i>soupçonne lui avoir fait cette galanterie.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Votre injustice est sans égale,</p>
-<p class="i1">De faire parler des filous,</p>
-<p class="i1">Lorsque d'une main libérale</p>
-<p>Vous donnez d'aimables bijoux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i1">Croyez-moi, charmante Célie,</p>
-<p>Vous ne sauriez vous déguiser</p>
-<p>Et votre Muse est trop polie,</p>
-<p class="i1">En vain elle veut m'abuser.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i1">Je connois sa délicatesse,</p>
-<p>Son air charmant et ses appas,</p>
-<p>Et je ne sais quelle tendresse</p>
-<p>Que les autres Muses n'ont pas.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i1"> En vain le <i>Balafré</i>, la <i>Roche</i></p>
-<p>Entreprendroient de me duper,</p>
-<p>Et je vous fais un doux reproche</p>
-<p>De me vouloir toujours tromper.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous savez pourtant trop bien feindre</p>
-<p>Et mon c&oelig;ur vous feroit pitié,</p>
-<p>S'il commençoit un jour à craindre</p>
-<p class="i1">D'être surpris en amitié.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Reprenez-vous, chère Célie,</p>
-<p>Et promettez-vous désormais,</p>
-<p>Que soit sérieux, soit folie,</p>
-<p>Vous ne me tromperez jamais.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_517"> 517</a></span>
-<span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span>.</p>
-
-<p class="titre2"><i>Madrigal sur ce qu'elle a dit au sujet des vols qu'on a voulu
-faire chez elle</i><a id="FNanchor_632" href="#Footnote_632" class="fnanchor">&nbsp;[632]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Afin d'écarter de chez vous</p>
-<p class="i3"> Tous les voleurs et les filous,</p>
-<p class="i3"> Vous prenez grand soin de répandre</p>
-<p>Que vous n'avez pour biens que l'esprit et le c&oelig;ur.</p>
-<p class="i1"> Sapho, je ne veux point redoubler votre peur,</p>
-<p>Mais si l'on croit jamais qu'on puisse vous les prendre,</p>
-<p class="i3"> Tel vous paroît homme d'honneur</p>
-<p class="i3"> Qui bientôt deviendra voleur.</p>
-</div></div>
-
-<p class="sig"><span class="cap">M. B</span><span class="smallc">OSQUILLON.</span></p>
-
-<p class="titre2"><span class="i4 small"><i>Madrigal sur le précédent.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Votre esprit droit, votre bon c&oelig;ur</p>
-<p class="i3"> Ne sont point gibier à voleur;</p>
-<p class="i3"> Mais pour la richesse infinie</p>
-<p class="i4"> De votre admirable génie,</p>
-<p>Sapho, que tous les jours on lui fait de larcins!</p>
-<p>Des muses comme vous en la plus haute place</p>
-<p class="i3"> De tout temps ce sont les destins;</p>
-<p class="i3"> Et jusqu'au sommet du Parnasse</p>
-<p class="i3"> On vole avec bien plus d'audace</p>
-<p class="i3"> Qu'on ne fait sur les grands chemins.</p>
-</div></div>
-
-<p class="sig"><span class="cap">M. P</span><span class="smallc">ETIT</span> (de Rouen).</p>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_518"> 518</a></span>
-<span class="i5 small"><b>LA TUBÉREUSE.</b></span></p>
-
-<p class="titre2"><span class="i4 small"><i>A Célie, le jour de sa fête.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Angélique ou Célie, ou tous les deux ensemble,</p>
-<p>Malgré toutes les fleurs que ce beau jour assemble,</p>
-<p>Je veux tous vos regards, toute votre amitié,</p>
-<p>Ou ne leur rien laisser que regards de pitié.</p>
-<p>Des bords de l'Orient je suis originaire,</p>
-<p>Le soleil proprement se peut dire mon père,</p>
-<p>Le printemps ne m'est rien, je ne le connois pas,</p>
-<p>Et ce n'est point à lui que je dois mes appas.</p>
-<p>Je l'appelle en raillant le père des fleurettes,</p>
-<p>Du fragile muguet, des simples violettes,</p>
-<p>Et de cent autres fleurs qui naissent tour à tour,</p>
-<p>Mais de qui les beautés durent à peine un jour.</p>
-<p>Voyez-moi seulement, je suis la plus parfaite,</p>
-<p>J'ai le teint fort uni, la taille haute et droite,</p>
-<p>Des roses et du lis j'ai le brillant éclat,</p>
-<p>Et du plus beau jasmin le lustre délicat;</p>
-<p>Je surpasse en odeur et la jonquille et l'ambre,</p>
-<p>Et les plus grands des Rois me souffrent dans leur chambre.</p>
-<p>Faut-il vous dire tout? votre esprit est discret;</p>
-<p>Je vais lui confier mon plus galant secret:</p>
-<p>J'ai su plaire à Louis à qui tout voudroit plaire;</p>
-<p>Ne me regardez plus comme une fleur vulgaire.</p>
-<p>A son c&oelig;ur de héros, à ses exploits guerriers,</p>
-<p>On eût dit que son c&oelig;ur n'aimoit que les lauriers,</p>
-<p>Que seule à ses faveurs la palme osoit prétendre;</p>
-<p>Cependant il me voit d'un regard assez tendre.</p>
-<p>Après un tel honneur, cédez, moindres beautés,</p>
-<p>Vous avez plus de nom que vous n'en méritez.</p>
-<p>Vous, Célie, excusez si j'ai l'âme hautaine,</p>
-<p>Et si dans mes discours je parois un peu vaine.</p>
-<p>Par l'avis de Sapho je demande vos chants,</p>
-<p>Si chéris des neuf s&oelig;urs, si doux et si touchants,</p>
-<p>Pour publier partout du couchant à l'aurore,</p>
-<p>Que je suis sans égale en l'empire de Flore,</p>
-<p>Que le triste Hyacinthe avec tous ses appas,</p>
-<p>Et cette fleur qui suit mon père pas à pas,</p>
-<p>Les roses de Vénus nouvellement écloses,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_519"> 519</a></span></div>
-<p>Ajax si renommé dans les métamorphoses,</p>
-<p>La fleur du beau Narcisse, et la fleur d'Adonis,</p>
-<p>Toutes doivent céder à la fleur de LOUIS.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i3 small"><b>LES JASMINS JONQUILLES.</b></span></p>
-
-<p class="titre2"><span class="i4"><i>A M. l'abbé Regnier.</i></span><br />
-<span class="i6 small"><i>Madrigal.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Cinq ou six petits arbrisseaux,</p>
-<p class="i2"> Qui l'an prochain seront plus beaux,</p>
-<p class="i3"> Venons en corps demander place</p>
-<p class="i4"> Sur votre agréable terrasse.</p>
-<p>Si des autres jasmins nous n'avons pas l'éclat,</p>
-<p>Notre parfum du moins est bien plus délicat;</p>
-<p class="i3"> Et nos petites fleurs écloses</p>
-<p class="i3"> N'entêtent pas comme les roses.</p>
-<p>Nous ne disputons rien au superbe oranger,</p>
-<p>Sous son ombre humblement nous voulons nous ranger;</p>
-<p class="i3"> Mais sachez que Sapho nous aime</p>
-<p class="i4"> Avec une tendresse extrême;</p>
-<p>Et que ce qui doit rendre un présent précieux,</p>
-<p>Consiste à nous donner ce qu'on aime le mieux.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small i2"><i>Sur la mort d'Anne d'Autriche</i></span><a id="FNanchor_633" href="#Footnote_633" class="fnanchor">&nbsp;[633]</a>.<br />
-<span class="i6"><span class="small"><i>Janvier 1666.</i></span></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Anne, dont les vertus, l'éclat et la grandeur</p>
-<p>Ont rempli l'univers de leur vive splendeur,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_520"> 520</a></span></div>
-<p>Dans la nuit du tombeau conserve encor sa gloire,</p>
-<p>Et la France à jamais aimera sa mémoire.</p>
-<p>Elle sut mépriser les caprices du sort,</p>
-<p>Regarder sans horreur les horreurs de la mort,</p>
-<p>Affermir un grand trône et le quitter sans peine;</p>
-<p>Et pour tout dire enfin, vivre et mourir en Reine.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i2 small"><i>Sixain sur la conquête de la Franche-Comté.</i></span></p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Les héros de l'antiquité</p>
-<p class="i3"> N'étoient que des héros d'été:</p>
-<p>Ils suivoient le printemps comme des hirondelles,</p>
-<p>La Victoire en hiver pour eux n'avoit pas d'ailes;</p>
-<p>Mais malgré les frimas, la neige et les glaçons,</p>
-<p class="i1"> Louis est un héros de toutes les saisons.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i3"><i>Madrigal sur la Paix.</i></span></p>
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Jamais on n'avoit tant vanté</p>
-<p>Ni campagne d'hiver, ni campagne d'été,</p>
-<p>Quand Louis revenoit suivi de la Victoire.</p>
-<p class="i2"> Quelle est cette nouvelle gloire!</p>
-<p>Sur ses propres exploits a-t-il pu renchérir,</p>
-<p>Après tant de succès sur la terre et sur l'onde?</p>
-<p class="i2"> Oui, car donner la Paix au monde</p>
-<p class="i2"> C'est plus que de le conquérir.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i7 small"><i>Autre.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Dès que tu fais un pas, l'Europe est en alarmes,</p>
-<p class="i3"> Et contre l'effet de tes armes</p>
-<p class="i3"> Rien ne pourroit la soutenir.</p>
-<p>Mais dans un calme heureux tu gouvernes la terre;</p>
-<p class="i3"> Quand on peut lancer le tonnerre,</p>
-<p class="i3"> Il est beau de le retenir.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_521"> 521</a></span>
-<span class="small"><i>A l'Illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être</i></span><a id="FNanchor_634" href="#Footnote_634" class="fnanchor">&nbsp;[634]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>D'où viennent ces lauriers si verts, si précieux?</p>
-<p>Sortent-ils de la terre ou tombent-ils des cieux?</p>
-<p>Et d'où partent ces vers pleins d'esprit et de grâce,</p>
-<p>Dont le tour délicat tous les autres efface?</p>
-<p>Généreux inconnu, pourquoi vous cachez-vous?</p>
-<p>Le plaisir d'obliger est un plaisir si doux!</p>
-<p>Je vous cherche partout, et ne vous puis connoître;</p>
-<p>Êtes-vous mon ami? Ne le pouvez-vous être?</p>
-<p>Vous contenterez-vous de n'être qu'estimé?</p>
-<p>En ne se nommant pas on ne peut être aimé.</p>
-<p>Soyez du moins jaloux de votre propre ouvrage;</p>
-<p>Nos plus rares esprits viennent lui rendre hommage.</p>
-<p>Il n'a qu'un seul défaut qui se corrigera:</p>
-<p>Mettez-y votre nom, et rien n'y manquera.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i3 small"><i>Aux Demoiselles de Saint-Cyr.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Vous de qui l'innocence et la noble jeunesse</p>
-<p>S'élève au pied du Trône à l'ombre d'un grand Roi,</p>
-<p>Voulez-vous recueillir le fruit de sa largesse?</p>
-<p>Du Roi de l'univers apprenez bien la loi.</p>
-<p>De la nouvelle Esther<a id="FNanchor_635" href="#Footnote_635" class="fnanchor">&nbsp;[635]</a> admirez la sagesse,</p>
-<p>Sa rare piété, sa prudence et sa foi.</p>
-<p>Ne demandez au ciel ni grandeur, ni richesse,</p>
-<p>Dont le frivole éclat rend nos yeux éblouis;</p>
-<p>Mais par des v&oelig;ux ardents et remplis de tendresse,</p>
-<p>Abrégeant vos souhaits, demandez-lui sans cesse,</p>
-<p>Pour vous, pour nous, pour tous, qu'il conserve Louis.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_522"> 522</a></span>
-<span class="small"><i>Sur la naissance du duc de Bourgogne (1682).</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Venez, heureux enfant, venez à la lumière:</p>
-<p>Vous allez commencer une illustre carrière;</p>
-<p>Et le soleil qui naît aux bords de l'Orient</p>
-<p>N'a pas, à sa naissance, un éclat si riant.</p>
-<p>Tout brille autour de vous; les jeux, les ris, la gloire,</p>
-<p>Parent votre berceau comme un char de victoire.</p>
-<p>Mais, ô royal enfant, quand on sort des héros</p>
-<p>On ne vit pas longtems dans les bras du repos.</p>
-<p>Hâtez-vous, que le corps, l'esprit et le courage</p>
-<p>Forcent les lois du tems et les règles de l'âge.</p>
-<p>Passez rapidement les frivoles plaisirs,</p>
-<p>Et concevez bientôt d'héroïques désirs.</p>
-<p>Vous pourrez surpasser tous les princes du monde,</p>
-<p>De vos premiers exploits couvrir la terre et l'onde,</p>
-<p>Digne de votre nom, être admiré de tous,</p>
-<p>Et voir toujours Louis bien au-dessus de vous,</p>
-<p>Éclairer tous vos pas, vous servir de modèle,</p>
-<p>Être du roi des rois une image fidèle,</p>
-<p>Le bonheur des François, l'âme de ses États,</p>
-<p>Et l'exemple éternel de tous les Potentats.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small"><i>Pour Monseigneur le duc de Bourgogne, faisant l'exercice</i></span><br />
-<span class="small"><i>avec les Mousquetaires devant le Roi.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Quel est ce petit mousquetaire</p>
-<p class="i2"> Si savant en l'art militaire,</p>
-<p class="i1"> Et plus encore en l'art de plaire?</p>
-<p class="i2"> L'énigme n'est pas mal aisé:</p>
-<p class="i1"> C'est l'Amour, sans autre mystère,</p>
-<p>Qui pour divertir Mars, s'est ainsi déguisé.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small"><i>Sur ce que ce jeune Prince ne trouva pas bon qu'on l'eût</i></span><br />
-<span class="i5 small"><i>comparé à l'Amour.</i></span></p>
-
-<p class="quote">Prince consolez-vous d'être un petit Amour,<br />
-Imitez bien Louis, vous serez Mars un jour.</p>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_523"> 523</a></span>
-<span class="small"><i>Portrait de M<sup>me</sup> la duchesse de Bourgogne.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Avoir tous les appas de l'aimable jeunesse,</p>
-<p>Joindre avec la beauté l'esprit et la sagesse,</p>
-<p>Suivis d'un air charmant qu'on ne peut exprimer,</p>
-<p class="i2"> C'est ce qu'on trouve en la princesse,</p>
-<p>Qu'on ne se lasse point de voir et d'admirer,</p>
-<p>Et qui de tous les c&oelig;urs sait se faire adorer.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small"><i>La Fauvette à Sapho, en arrivant à son petit bois,</i></span><br />
-<i><span class="i2">suivant sa coutume, le 15 d'avril.</span></i></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Plus vite qu'une hirondelle,</p>
-<p>Je viens avec les beaux jours,</p>
-<p>Comme fauvette fidèle,</p>
-<p>Avant le mois des amours.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>J'ai trouvé sur mon passage</p>
-<p>Un spectacle fort nouveau,</p>
-<p>Pour m'expliquer davantage,</p>
-<p>C'est le Doge et son troupeau<a id="FNanchor_636" href="#Footnote_636" class="fnanchor">&nbsp;[636]</a>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quoi, lui dis-je, entrer en France</p>
-<p>Et vous montrer en ces lieux!</p>
-<p>Oui, dit-il, par la clémence</p>
-<p>Du plus grand des demi-dieux.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Son c&oelig;ur toujours magnanime</p>
-<p>Ne pouvant se démentir,</p>
-<p>Veut oublier notre crime,</p>
-<p>Voyant notre repentir.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_524"> 524</a></span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Ah! m'écriai-je, ravie,</p>
-<p>Ce héros par son grand c&oelig;ur</p>
-<p>Pardonne à qui s'humilie,</p>
-<p>Et de lui-même est vainqueur.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Dieux! quel bonheur est le vôtre,</p>
-<p>D'aller recevoir sa loi;</p>
-<p>Je n'en voudrois jamais d'autre,</p>
-<p>Mais ce bien n'est pas pour moi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>C'est assez que ma maîtresse</p>
-<p>Souffre que ma foible voix,</p>
-<p>Chante et rechante sans cesse</p>
-<p>Qu'il est le ph&oelig;nix des Rois.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i5">&#8258;</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Allez, Doge, allez sans peine</p>
-<p>Lui rendre grâce à genoux:</p>
-<p>La République romaine</p>
-<p>En eût fait autant que vous.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i>A M. de Coulanges, à Rome.</i></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"><i>Madrigal.</i></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Quoi, cette muse si jolie</p>
-<p class="i2"> Qui sait badiner sagement</p>
-<p class="i2"> Et toujours agréablement,</p>
-<p class="i2"> Se taira-t-elle en Italie?</p>
-<p class="i2"> Je lui demande trait pour trait</p>
-<p class="i2"> Un bon et fidèle portrait</p>
-<p class="i2"> D'un Pape que tout le monde aime:</p>
-<p class="i2"> Je me connois bien en tableaux,</p>
-<p class="i2"> Cette muse en fait de fort beaux,</p>
-<p class="i2"> Sa manière n'est pas la même:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_525"> 525</a></span></div>
-<p>Jamais sur le Parnasse on ne vit rien de tel,</p>
-<p>Elle est tantôt Callot et tantôt Raphaël.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small"><i>Réponse de M. de Coulanges.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Sapho, qui va trop loin se perd:</p>
-<p class="i2"> Je crains un labyrinthe,</p>
-<p>Le chemin ne m'est point ouvert</p>
-<p class="i2"> Pour aller à Corinthe.</p>
-<p>Vous demandez de ma façon</p>
-<p class="i2"> Le portrait du Saint-Père:</p>
-<p>Pour chanter le grand Ottobon<a id="FNanchor_637" href="#Footnote_637" class="fnanchor">&nbsp;[637]</a></p>
-<p class="i2"> Il faudroit un Homère<a id="FNanchor_638" href="#Footnote_638" class="fnanchor">&nbsp;[638]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small"><b>COULANGES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Sur l'air: <i>Quand je suis une fois en débauche.</i></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Sapho, j'ai longtemps hésité,</p>
-<p class="i1"> Mais il faut que je chante</p>
-<p>Le retour de votre santé;</p>
-<p class="i1"> Ce beau sujet me tente.</p>
-<p>Quand la fièvre vous fait souffrir</p>
-<p class="i1"> Ce n'est qu'une querelle,</p>
-<p>Eh quoi! jamais peut-on mourir</p>
-<p class="i1"> Quand on est immortelle?</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small"><i>Réponse de Mademoiselle de Scudéry.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Vous louez trop flatteusement</p>
-<p class="i1"> Une pauvre mortelle.</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_526"> 526</a></span></p>
-<p>Je sais bien qu'en vers quand on ment</p>
-<p class="i1"> Ce n'est que bagatelle;</p>
-<p>Mais, pour ne vous rien déguiser,</p>
-<p class="i1"> Je ne saurois me rendre,</p>
-<p>Car il faudroit pour m'apaiser</p>
-<p class="i1"> Le portrait d'Alexandre<a id="FNanchor_639" href="#Footnote_639" class="fnanchor">&nbsp;[639]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i><span class="small">Sur le portrait de feu M. le duc de Montausier</span></i><a id="FNanchor_640" href="#Footnote_640" class="fnanchor">&nbsp;[640]</a>.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>C'est là de Montausier l'héroïque visage,</p>
-<p>C'est là son air si grand, et si noble, et si sage,</p>
-<p>C'est tout ce qu'il nous laisse après avoir été.</p>
-<p>O triste souvenir! quand je mets tout ensemble,</p>
-<p>Son esprit, son savoir et son c&oelig;ur indompté,</p>
-<p>Fier, bon, tendre, constant, rempli de piété,</p>
-<p>Hélas, je cherche en vain quelqu'un qui lui ressemble.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i><span class="small"><span class="i3">Sur la mort de l'abbé Boisot (1694).</span></span></i></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quoi! cet illustre abbé si bon, si vertueux,</p>
-<p>Si savant, si poli, d'un c&oelig;ur si généreux,</p>
-<p>Qui connoissoit si bien le merveilleux Acante<a id="FNanchor_641" href="#Footnote_641" class="fnanchor">&nbsp;[641]</a>,</p>
-<p>Dont il étoit aimé d'une amitié constante,</p>
-<p>A subi de la mort les implacables lois!</p>
-<p>Ah! d'un si rare ami la perte surprenante</p>
-<p class="i3"> Rend ma douleur si violente</p>
-<p>Que je crois perdre Acante une seconde fois.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_527"> 527</a></span></div>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><i><span class="small">Madrigal de M<sup>lle</sup> Descartes sur la fauvette de Sapho.</span></i></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Voici quel est mon compliment</p>
-<p class="i2"> Pour la plus belle des fauvettes,</p>
-<p class="i2"> Quand elle revient où vous êtes:</p>
-<p>Ah! m'écriai-je alors avec étonnement,</p>
-<p>N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement<a id="FNanchor_642" href="#Footnote_642" class="fnanchor">&nbsp;[642]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i3 small"><b>L'ANNEAU D'HORACE.</b></span></p>
-<p class="i2"><i>A M<sup>lle</sup> de Scudéry, en lui envoyant un anneau d'or, dans lequel est enchassée</i><br />
-<span class="i2"><i>une agate antique où le portrait d'Auguste est gravé en relief.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> L'aimable courtisan d'Auguste,</p>
-<p>Horace, dont la lyre enchanta les humains,</p>
-<p class="i2"> Portoit au doigt ce petit buste</p>
-<p class="i2"> Du plus grand de tous les Romains.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Pour louer ce maître du monde,</p>
-<p class="i2"> Qui, l'honorant d'un si beau sort,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_528"> 528</a></span></div>
-<p>Lui fit sentir sa main en bienfaits si féconde,</p>
-<p class="i2"> Ce portrait l'inspiroit d'abord.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais, Sapho, si jadis cette puissante image</p>
-<p>Sut l'échauffer d'un feu si charmant et si doux,</p>
-<p class="i2"> A qui convient si bien qu'à vous</p>
-<p class="i2"> Ce reste de son héritage?</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Les Grâces comme à lui, sur cent sujets divers,</p>
-<p class="i2"> Vous ouvrent leur noble carrière,</p>
-<p>Et son âme en vos mains passe encor tout entière,</p>
-<p>Quand le nom de Louis, sur l'aile de vos vers,</p>
-<p class="i2"> Ainsi qu'en un char de lumière,</p>
-<p class="i2"> Vole aux deux bouts de l'univers.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Que dis-je! Horace même auroit manqué d'haleine,</p>
-<p class="i2"> Et n'auroit pu vous imiter,</p>
-<p>S'il eût eu comme vous sur les bords de la Seine</p>
-<p class="i2"> Tant de miracles à chanter.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Qu'auroit-il dit de Mons, de Besançon, de Lille</p>
-<p>Et de tant d'ennemis, avec un bras d'Achille,</p>
-<p class="i2"> Repoussés en tant de façons?</p>
-<p>Peut-être qu'au milieu de ces riches moissons,</p>
-<p class="i2"> Sa muse impuissante et stérile,</p>
-<p>N'auroit pu lui fournir que de trop foibles sons.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Peut-être que l'anneau qui fit couler sa veine</p>
-<p>Parmi tant de rayons n'auroit de rien servi,</p>
-<p>Et que son &oelig;il surpris n'eût soutenu qu'à peine</p>
-<p class="i2"> Les hauts faits qui l'auroient ravi.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mais Louis d'un regard fait cent fois plus qu'Auguste</p>
-<p class="i2"> N'eût fait avec mille regards,</p>
-<p>Sapho, quand votre esprit et si vif et si juste,</p>
-<p>Sous des tas de lauriers nous peint ce nouveau Mars.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2"> Pour moi, malgré ma longue absence,</p>
-<p>Je crois revoir encor ce Héros de la France,</p>
-<p>Quand mon zèle, à mes yeux, retraçant ce vainqueur,</p>
-<p class="i2"> Chaque instant offre à ma mémoire</p>
-<p>Le portrait que toute sa gloire</p>
-<p class="i2"> A si bien gravé dans mon c&oelig;ur.</p>
-</div></div>
-
-<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">B</span><span class="smallc">ÉTOULAUD.</span></p>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_529"> 529</a></span>
-<span class="small"><i>Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. de Bétoulaud.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> L'Anneau d'Horace est précieux,</p>
-<p class="i2"> Il plaît à tous les curieux;</p>
-<p class="i2"> Mais, Damon, l'oserois-je dire?</p>
-<p class="i2"> J'eusse bien mieux aimé sa lyre.</p>
-<p class="i2"> Peut-être me la cachez-vous,</p>
-<p class="i2"> Et vous chantez d'un air si doux,</p>
-<p class="i2"> Si noble, si haut, et si juste</p>
-<p class="i2"> Un héros bien plus grand qu'Auguste,</p>
-<p class="i2"> Que j'ai sujet de soupçonner</p>
-<p class="i2"> Que vous pouviez me la donner.</p>
-<p class="i2"> Quoi qu'il en soit, je vous la laisse,</p>
-<p class="i2"> Je n'aurois pas assez d'adresse</p>
-<p class="i2"> Pour en tirer un son charmant;</p>
-<p class="i2"> Mais je chanterai hardiment</p>
-<p class="i2"> Que la vérité toute pure,</p>
-<p class="i2"> Sans ornement et sans figure,</p>
-<p>Suffit pour faire voir que les héros romains</p>
-<p>N'étoient près de Louis que des fantômes vains,</p>
-<p>Et que le faux éclat de leurs vertus payennes</p>
-<p>Est terni pour jamais par ses vertus chrétiennes.</p>
-<p>Quand il répand son âme au pied de nos autels</p>
-<p>Il ne compte pour rien ses lauriers immortels,</p>
-<p>Et cette humilité, qui n'eut jamais d'exemple,</p>
-<p>Lui fait bien plus d'honneur que n'auroit fait un temple.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i4 small"><i>Aux habitants de Gironne, 1694.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Lorsque vos Rois étoient de vrais Rois catholiques,</p>
-<p class="i3"> Saint Narcisse<a id="FNanchor_643" href="#Footnote_643" class="fnanchor">&nbsp;[643]</a> prioit pour vous;</p>
-<p>Mais lorsqu'il voit Nassau, chef de tant d'hérétiques,</p>
-<p class="i2">Suborner votre prince et s'unir contre nous,</p>
-<p class="i2"> Ce saint qui sert un Dieu jaloux,</p>
-<p class="i2"> Et qui ne veut point de partage,</p>
-<p>Cesse de protéger un prince si peu sage,</p>
-<p class="i3"> Et par un équitable choix</p>
-<p>Se range du parti du plus juste des Rois.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_530"> 530</a></span>
-<span class="small"><i>Sentiment généreux, ou Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry aux vers d'un</i></span><br />
-<span class="small i4"><i>de ses amis qui la flattoit d'immortalité.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quand l'aveugle destin auroit fait une loi</p>
-<p class="i3"> Pour me faire vivre sans cesse,</p>
-<p class="i3"> J'y renoncerois par tendresse,</p>
-<p>Si mes amis n'étoient immortels comme moi.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="small"><i>Autre réponse à un madrigal où on la traitoit encore</i></span><br />
-<span class="i7 small"><i>d'immortelle.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Votre madrigal est joli,</p>
-<p class="i2"> Il est agréable et poli;</p>
-<p class="i2"> Vous me louez de bonne grâce:</p>
-<p class="i2"> Mais pour cette immortalité</p>
-<p class="i2"> Dont on parle tant au Parnasse,</p>
-<p class="i2"> Hélas! ce n'est que vanité.</p>
-<p>Car à la fin, Damon, le plus grand nom s'efface</p>
-<p class="i2"> Dans la sombre postérité:</p>
-<p>Et si le ciel vouloit contenter mon envie</p>
-<p>J'en quitterois ma part pour un siècle de vie.</p>
-</div></div>
-
-<p class="titre2"><span class="i3 small"><i>Vers adressés à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Sapho, l'ornement de nos jours,</p>
-<p class="i2"> Toi qui fis de si beaux modèles</p>
-<p>Des plus hautes vertus, des plus chastes amours,</p>
-<p class="i2"> Pour les héros et pour les belles,</p>
-<p>Qui, sans les imiter, les admirent toujours,</p>
-<p class="i2"> Et qui n'en sont pas plus fidèles;</p>
-<p class="i2"> Tous ces chefs-d'&oelig;uvre précieux</p>
-<p>Assurent à ton nom une immortelle gloire,</p>
-<p>Et t'ont placée au rang des filles de mémoire</p>
-<p>Pour chanter les exploits et les amours des dieux.</p>
-</div></div>
-
-<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ALLIÈRES</span><a id="FNanchor_644" href="#Footnote_644" class="fnanchor">&nbsp;[644]</a>.</p>
-
-<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_531"> 531</a></span>
-<span class="small"><i>Épitaphe de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</i></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ci-gît la Sapho de nos jours,</p>
-<p>Qui sur la Grecque eut l'avantage</p>
-<p>D'accorder les tendres amours</p>
-<p>Avec la raison la plus sage.</p>
-<p>Jeux innocents, prenez le deuil,</p>
-<p>Muses, pleurez sur son cercueil</p>
-<p>La perte de vos plus doux charmes,</p>
-<p>Beau sexe, fondez-vous en larmes;</p>
-<p>Votre principal ornement</p>
-<p>Est caché dans ce monument.</p>
-</div></div>
-
-<p class="sig"><span class="cap">M<sup>me</sup></span> <span class="smallc">D'</span><span class="cap">O</span><span class="smallc">SEVILLE.</span></p>
-
-<p class="end">FIN.</p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_532"> 532</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_533"> 533</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="xlarge">TABLE.</span></h2>
-</div>
-<table id="ToC" summary="contents">
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="smallc">Avant-propos</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_1"> 1</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">NOTICE SUR MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Chap. I.&mdash;Famille.&mdash;Premières années.&mdash;Séjour en Provence.<br />
-1607-1647</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_1"> 1</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Chap. II.&mdash;Le <i>Cyrus</i>.&mdash;La <i>Clélie</i>, etc., etc.<br />
-&mdash;Les Samedis.&mdash;Pellisson.&mdash;Réaction littéraire. 1647-1659.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_42"> 42</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Chap. III.&mdash;Affaires domestiques.&mdash;Les <i>Conversations Morales</i>.<br />
-&mdash;Succès académiques.&mdash;Illustres amitiés. Vieillesse et fin.<br />
-1660-1701</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_99"> 99</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Appendice à la Notice</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_139"> 139</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CORRESPONDANCE.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td>Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Chapelain [mars ou avril 1639]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_143"> 143</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même [mars ou avril 1639]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_145"> 145</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td>Lettre de Chapelain à M<sup>lle</sup> de Scudéry (mars ou avril 1639)</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_147"> 147</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td>Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Robineau, Rouen, 5 septembre 1644</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_148"> 148</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Avignon, 27 novembre 1644</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_155"> 155</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à la même, Marseille,<br />
-13 décembre 1644</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_159"> 159</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> de Chalais,<br />
-Marseille, 13 décembre 1644</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_166"> 166</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Marseille, 27 décembre 1644</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_170"> 170</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Robineau, Marseille, 3 janvier 1645</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_174"> 174</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td>Lettre de Chapelain à M<sup>lle</sup> de Scudéry, Paris, 19 janvier 1645</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_177"> 177</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="pagenum"><a id="Page_534"> 534</a></span>
-Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Chapelain, Marseille, 31 janvier 1645</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_181"> 181</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_183"> 183</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Marseille, 13 mars 1645</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_186"> 186</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à la même, Marseille, 28 mars 1645</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_191"> 191</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à la marquise de Montausier [août 1645]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_196"> 196</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Marseille, 10 décembre 1645</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_200"> 200</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Dumoulin, Marseille, 21 août 1647</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_204"> 204</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Conrart [1647]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_207"> 207</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Chapelain 7 [décembre] 1649</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_208"> 208</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Godeau, évêque de Grasse et de Vence, Paris, 22 février 1650</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_210"> 210</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 8 septembre 1650</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_215"> 215</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, octobre 1650</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_222"> 222</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 4 novembre 1650</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_227"> 227</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 18 novembre 1650</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_234"> 234</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 30 décembre 1650</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_236"> 236</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 2 mars 1651</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_241"> 241</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Chapelain, 25 avril 1653</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_246"> 246</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre du Mage de Sidon (Godeau) à Sapho (M<sup>lle</sup> de Scudéry), Vence, 7 février 1654</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_249"> 249</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de Sapho au Mage de Sidon, 29 mars 1654</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_251"> 251</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au même, 19 juin 1654</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_252"> 252</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>me</sup> la comtesse de Maure, octobre 1655</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_254"> 254</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à une personne inconnue qui lui avoit envoyé un présent, mai 1656</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_255"> 255</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de Pellisson à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 9 octobre 1656</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_258"> 258</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de Sapho à Herminius (Pellisson), 10 octobre 1656</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_263"> 263</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réplique d'Herminius à Sapho, 13 octobre 1656</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_265"> 265</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M. de Bouillon à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 21 mai 1657</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_267"> 267</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. de Bouillon</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_268"> 268</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. de Raincy, Athis, septembre 1657</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_268"> 268</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au Mage de Sidon, 21 octobre 1658</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_271"> 271</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>me</sup> la comtesse de Maure, juillet 1660</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_273"> 273</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à un auteur qui lui avoit envoyé une pièce intitulée: <i>Le Louis d'Or</i> (Isarn), 1660</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_274"> 274</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_535"> 535</a></span>
-Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Pellisson, les Pressoirs, septembre 1661</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_276"> 276</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, septembre 1661</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_277"> 277</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 7 septembre 1661</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_279"> 279</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet, à Caen [septembre 1661]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_284"> 284</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même [fin de 1661]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_286"> 286</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> Remercîment au Roi [octobre 1663]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_287"> 287</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet, à Caen, 18 décembre [1663]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_289"> 289</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Colbert, ministre d'État [décembre 1663]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_290"> 290</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet, à Caen [1664 ou 1665]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_292"> 292</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même [1665 ou 1666]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_292"> 292</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, vendredi [1670]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_293"> 293</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à P. Taisand, 19 juillet 1673</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_296"> 296</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Charpentier, de l'Académie française [1673]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_297"> 297</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Huet, à Aunay, 7 juillet 1684</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_298"> 298</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. de Vertron [1685 ou 1686]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_299"> 299</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même [1685 ou 1686]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_300"> 300</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même [1685 ou 1686]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_301"> 301</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, à Besançon, 2 novembre 1686</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_303"> 303</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'évêque de Poitiers [février 1687]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_304"> 304</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, 12 septembre 1687</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_304"> 304</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 17 octobre 1687</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_306"> 306</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 19 août 1689</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_307"> 307</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 7 septembre 1689</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_309"> 309</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 7 octobre 1689</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_311"> 311</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet [1689]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_312"> 312</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, 22 mars 1690</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_313"> 313</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry aux vers de M. le premier président de Guyenne [mai 1690]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_315"> 315</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. l'abbé Boisot, 16 mars 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_319"> 319</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Bordey, 16 mars 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_321"> 321</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, 23 mars 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_323"> 323</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 27 juillet 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_325"> 325</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 29 août 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_326"> 326</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Bordey, 29 août 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_327"> 327</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_536"> 536</a></span>
-Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Huet, évêque d'Avranches, 25 octobre [1691]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_329"> 329</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, 18 décembre 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_330"> 330</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>me</sup> de Chandiot (M<sup>lle</sup> Bordey), 18 décembre 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_332"> 332</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet, évêque d'Avranches [fin de 1691]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_333"> 333</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, 17 janvier 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_333"> 333</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 5 avril 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_336"> 336</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 30 avril 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_337"> 337</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 10 mai 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_340"> 340</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 31 mai 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_342"> 342</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 20 juillet 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_344"> 344</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 20 septembre 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_346"> 346</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 11 octobre 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_348"> 348</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 3 novembre 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_350"> 350</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet, évêque d'Avranches [1692]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_353"> 353</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, 21 février 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_354"> 354</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 28 février 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_356"> 356</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 7 mars 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_358"> 358</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 3 avril 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_360"> 360</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 22 mai 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_362"> 362</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 7 juin 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_365"> 365</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 15 décembre 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_367"> 367</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 6 mars 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_369"> 369</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 10 mars 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_371"> 371</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 20 mars 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_372"> 372</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 24 mars 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_373"> 373</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 7 avril 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_374"> 374</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet, évêque d'Avranches, 4 juin [1694]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_375"> 375</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Boisot, 21 août 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_377"> 377</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, août 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_379"> 379</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 6 novembre 1694</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_380"> 380</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>me</sup> de Chandiot, 20 avril [1695]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_382"> 382</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à la même, 15 mai [1695)</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_383"> 383</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. l'abbé Nicaise, septembre 1695</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_385"> 385</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Huet, évêque d'Avranches [1695]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_386"> 386</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 29 décembre [1695]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_387"> 387</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>me</sup> de Chandiot, 27 octobre 1699</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_388"> 388</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_537"> 537</a></span>
-Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Vallée, premier commis du contrôle général des finances,</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_390"> 390</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">27 janvier à M. Huet, évêque d'Avranches, 23 avril [1701]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_390"> 390</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M<sup>lle</sup> Descartes, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_393"> 393</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> Descartes à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_396"> 396</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Descartes, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_398"> 398</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> Descartes à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_399"> 399</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Descartes (en vers), sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_401"> 401</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> Descartes à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_402"> 402</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Huet, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_403"> 403</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_404"> 404</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> au même, 21 mai</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_405"> 405</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Sabatier, de l'Académie d'Arles, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_406"> 406</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à M. Nublé, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_407"> 407</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td><span class="i2">&mdash;</span> à la Reine Christine, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_408"> 408</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th>LETTRES ADRESSÉES A M<sup>lle</sup> DE SCUDÉRY OU QUI LA CONCERNENT.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Balzac à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 25 juillet 1639</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_411"> 411</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Chapelain à la même, 4 août 1639</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_414"> 414</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Godeau à la même, Grasse, 16 août 1641</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_416"> 416</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Chapelain à la même, 12 avril 1645</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_418"> 418</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">M<sup>lle</sup> de Chalais à la même, Sablé, 28 juin 1647</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_421"> 421</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">M<sup>lle</sup> de Chalais à M<sup>lle</sup> Paulet au sujet de M<sup>lle</sup> de Scudéry, Sablé, 28 juin 1647</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_424"> 424</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Chapelain à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 17 juillet 1647</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_426"> 426</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sarasin à la même, 30 décembre 1650</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_428"> 428</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">La princesse Sybille de Brunswick à la même, Wolffenbuttel, 8 juillet 1654</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_433"> 433</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Ménage à la même, 1658</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_434"> 434</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Corneille (Pierre) à la même, Rouen, 16 décembre 1659</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_437"> 437</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de Sapho à P. Corneille [1659]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_438"> 438</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Charpentier à M<sup>lle</sup> de Scudéry [1659]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_439"> 439</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Brébeuf à la même, Rouen, 24 août [1660]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_440"> 440</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">La Calprenède à la même, Vatimesnil, 12 septembre 1661</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_444"> 444</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_538"> 538</a></span>
-Corbinelli à M<sup>lle</sup> de Scudéry, Montpellier, 7 septembre 1665</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_445"> 445</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le P. Rapin à la même, 22 novembre 1665</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_447"> 447</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 25 janvier 1666</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_448"> 448</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le P. Verjus à la même, 12 décembre 1666</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_449"> 449</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Forbin-Janson, évêque de Digne, à la même, Aix, 4 février 1668</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_450"> 450</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le même à la même, Aix, 12 février 1668</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_451"> 451</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 6 avril [1668]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_452"> 452</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le même à la même, 19 avril 1668</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_453"> 453</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Pellisson à la même, Chambord, 14 octobre 1668</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_455"> 455</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le même à la même, Landrecy, 6 mai 1670</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_459"> 459</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Corbinelli à la même [vers 1670]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_461"> 461</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le P. Rapin à la même, Bâville, 21 septembre [1671]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_462"> 462</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Corbinelli à la même [1671]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_464"> 464</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Mascaron, évêque de Tulle, à la même, Tulle, 5 juin 1673</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_465"> 465</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Deshoulières (M<sup>me</sup>) à la même, 1<sup>er</sup> décembre [1676]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_466"> 466</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Bonnecorse à la même, Marseille, 20 mars 1681</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_467"> 467</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Charleval à la même, Verneuil, 1683</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_468"> 468</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Maintenon (M<sup>me</sup> de) à la même, Versailles, 19 août 1684</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_470"> 470</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sévigné (M<sup>me</sup> de) à la même, 11 septembre 1684</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_470"> 470</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Dacier (M<sup>me</sup>) à la même, Castres, 17 juillet 1685</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_472"> 472</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Fléchier à la même, 26 décembre 1685</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_473"> 473</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le P. Verjus à la même, Versailles, 25 novembre 1686</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_474"> 474</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Christine, reine de Suède, à la même, Rome, 30 septembre 1687</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_475"> 475</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sévigné (M<sup>lle</sup> de) à la même [3 août 1688]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_478"> 478</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Brinon (M<sup>me</sup> de), supérieure de la Maison de Saint-Cyr, à la même, 3 août 1688</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_479"> 479</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le P. Bouhours à la même [1688]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_480"> 480</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Mascaron, évêque d'Agen, à la même, Montbran, 15 octobre [1688]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_481"> 481</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le même à la même, 16 août [1691]</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_482"> 482</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Arnauld de Pomponne à la même, Versailles, 27 août 1691</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_484"> 484</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Fontevrault (l'abbesse de) à la même, Fontevrault, 18 octobre 1692</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_485"> 485</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Bossuet à M<sup>lle</sup> Dupré, sur la mort de Pellisson, 14 février 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_486"> 486</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_539"> 539</a></span>
-Bossuet à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sur le même sujet, 1693</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_488"> 488</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Méré (le chevalier de) à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_491"> 491</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Furetière à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_492"> 492</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Pertuis (M. de) à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_494"> 494</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le Laboureur à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_495"> 495</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le P. Rapin à la même, Arras, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_496"> 496</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Regnier-Desmarais à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_497"> 497</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Larochefoucauld (le duc de) à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_498"> 498</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le même à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_499"> 499</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Lafayette (la comtesse de) à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_500"> 500</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Nanteuil à la même, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_501"> 501</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">George de Scudéry à M<sup>me</sup> l'abbesse de Caen, 7 avril 1660</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_503"> 503</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Le même à M. de Sainte-Marthe, sans date</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_504"> 504</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Longueville (M<sup>me</sup> la duchesse de) à George de Scudéry, Moulins, 29 août 1654</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_505"> 505</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th>CHOIX DE POÉSIES.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Impromptu fait au donjon de Vincennes</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_509"> 509</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Stances sur la Paix</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_509"> 509</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">A M. Conrart, sur un cachet</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_510"> 510</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Billet en vers à M. de Charleval</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_511"> 511</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Requête, ou Placet au Roi, des Amans contre les Filous</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_511"> 511</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse des Filous à la Requête des Amans</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_513"> 513</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Vers envoyés à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour accompagner une corbeille, etc.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_514"> 514</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_516"> 516</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Madrigal de M. Bosquillon à M<sup>lle</sup> de Scudéry</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_517"> 517</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Madrigal de M. Petit sur le précédent</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_517"> 517</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">La Tubéreuse à Célie le jour de sa fête</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_518"> 518</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Les Jasmins jonquilles à l'abbé Regnier</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_519"> 519</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sur la mort d'Anne d'Autriche</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_519"> 519</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sixain sur la conquête de la Franche-Comté</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_520"> 520</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Madrigal sur la Paix</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_520"> 520</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Autre</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_520"> 520</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">A l'illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_521"> 521</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Aux demoiselles de Saint-Cyr</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_521"> 521</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sur la naissance du duc de Bourgogne</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_522"> 522</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Pour Mgr le duc de Bourgogne faisant l'exercice</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_522"> 522</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_540"> 540</a></span>
-Sur ce que ce jeune prince ne trouva pas bon qu'on l'eût comparé à l'Amour</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_522"> 522</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Portrait de M<sup>me</sup> la duchesse de Bourgogne</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_523"> 523</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">La Fauvette à Sapho</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_523"> 523</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">A M. de Coulanges à Rome</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_524"> 524</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M. de Coulanges</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_525"> 525</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">M. de Coulanges à M<sup>lle</sup> de Scudéry</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_525"> 525</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_525"> 525</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sur le portrait du duc de Montausier</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_526"> 526</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sur la mort de l'abbé Boisot</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_526"> 526</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Madrigal de M<sup>lle</sup> Descartes sur la Fauvette de Sapho</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_527"> 527</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">L'anneau d'Horace à M<sup>lle</sup> de Scudéry, par M. de Bétoulaud</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_527"> 527</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_529"> 529</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Aux habitants de Gironne</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_529"> 529</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Sentiment généreux de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_530"> 530</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Réponse à un madrigal où on la traitait d'immortelle</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_530"> 530</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Vers à M<sup>lle</sup> de Scudéry, par M. de Callières</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_530"> 530</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Épitaphe de M<sup>lle</sup> de Scudéry, par M<sup>me</sup> d'Oseville</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_531"> 531</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th>FIN DE LA TABLE.</th>
-</tr>
-</table>
-
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_541"> 541</a></span></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_542"> 542</a></span></p>
-
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-
-<table id="pub" summary="contents">
-<tr>
-<td class="tdl">Bossuet, Connaissance de Dieu</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 6 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Lettres de saint François de Sales</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 6 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Pensées de Bourdaloue</td>
-<td class="tdr">2 vol. 12 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De l'éducation des filles, par Fénelon</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 6 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Réflexions sur la miséricorde de<br />
-Dieu, par M<sup>me</sup> de Lavallière</td>
-<td class="tdr">2 vol. &nbsp; 8 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Tissot, De la santé des gens de lettres</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 5 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Esquisses morales. Pensées et Réflexions<br />
-de Daniel Stern</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 5 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Journal de Rosalba Carriera</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 6 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Les Romans de la Table-Ronde</td>
-<td class="tdr">2 vol. 12 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Aventures de Maître Renart</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 4 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le Goupillon, par M. Boissonnade,<br />
-de l'Institut</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 4 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le prêtre marié, par Ch. Nodier</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 3 50</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">&OElig;uvres mêlées de Saint-Évremond</td>
-<td class="tdr">3 vol. 18 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné </td>
-<td class="tdr">11 vol. 55 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Historiettes de Tallemant des Réaux</td>
-<td class="tdr">6 vol. 24 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Histoire anecdotique de la jeunesse<br />
-de Mazarin</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 3 50</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Souvenirs de M<sup>me</sup> de Caylus</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 8 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Mémoires du baron de Gleichen</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 4 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Marie-Antoinette et la Révolution<br />
-française </td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 4 00</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Vie de Madame de Lafayette</td>
-<td class="tdr">1 vol. &nbsp; 5 00</td>
-</tr>
-</table>
-
-
-<div class="chapter">
-<div class="footnotes">
-<h2 class="normal">NOTES:</h2>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> Ulric Guttinguer, les <i>Lilas de Courcelles</i>, 1842, p. 41.
-
-M<sup>lle</sup> de Scudéry, on le verra, fut une des premières à prendre parti
-pour le Sonnet d'Uranie, et l'on a surnommé Guttinguer «le dernier
-des Uranins.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> Un historien de la ville d'Apt, Boze, lui donne le premier
-de ces deux noms; un autre, dont l'histoire est restée inédite,
-Remerville, l'appelle Scudéry, et, en mentionnant Jacques
-Escudier, notaire en 1535, dit positivement que la famille était
-connue sous ce dernier nom depuis plusieurs siècles, lorsqu'elle
-s'avisa de le changer en celui de Scudéry. Il est donc
-probable que cette forme n'a été qu'une traduction après coup
-du <i>Scutifer</i> des actes latins.</p>
-
-<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Cependant son acte de mariage, en 1599, porte encore:
-Georges de Scudéry ou Lescuyer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> <i>Les Fastes des rois de la Maison d'Orléans et de celle de
-Bourbon</i> (par le P. Du Londel). Paris, 1697, p. 110.</p>
-
-<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> Conrart nous paraît avoir un peu embelli la situation,
-lorsqu'il parle «d'emplois considérables» qu'aurait eus ce personnage,
-«entr'autres la charge de lieutenant du Hâvre-de-Grâce,
-place importante de la province, sous l'amiral de Villars
-qui en était gouverneur.» Nous avons trouvé à la Bibliothèque
-nationale une quittance du 20 avril 1605 signée: Georges de
-Scudéry, capitaine des ports.</p>
-</div>
-<div class="footnote">
-<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> Tous les biographes de M<sup>lle</sup> de Scudéry la font naître
-en 1607. Les bulletins de Clément, à la Bibliothèque nationale,
-ajoutent la date du 15 novembre. D'un autre côté, le registre
-des baptêmes de la paroisse de Notre-Dame, au Havre,
-constatent que Georges fut baptisé le 22 août 1601, et Madeleine
-le 1<sup>er</sup> décembre 1608. Nous devons ces deux dernières
-indications, ainsi que celle qui concerne l'acte de mariage du
-père, à l'obligeance de M. G. Toussaint, avocat au Havre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> Un document cité par M. Livet, <i>Précieux et Précieuses</i>,
-2<sup>e</sup> édition, p. 209, nous le montre emprisonné pour dettes, à
-la date du 23 octobre 1610.</p>
-
-<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> D'après la même autorité, le père serait mort en 1613, et
-la mère six mois après.</p>
-
-<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> Tout cela est un peu arrangé dans le <i>Cyrus</i>: «Sapho
-n'avoit que six ans lorsque ses parents moururent. Il est vrai
-qu'ils la laissèrent sous la conduite d'une parente qui avoit
-toutes les qualités nécessaires pour bien conduire une jeune
-personne.» T. X, l. <span class="smallc">II</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> Conrart.&mdash;<i>Eloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, par Bosquillon.</p>
-
-<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> Conrart, <i>Mémoires</i>, p. 613.</p>
-
-<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> Tallemant des Réaux, <i>Historiettes</i>; <i>Scudéry et sa s&oelig;ur</i>,
-t. VII, p. 49 et suiv., édition de MM. de Monmerqué et Paulin
-Paris. L'<i>Historiette</i> de M<sup>me</sup> de Villars, <i>ibid.</i>, t. I, p. 218, nous
-fournit un nouvel exemple des renseignements que M<sup>lle</sup> de
-Scudéry avait fournis à Tallemant sur les hommes et les choses
-de sa jeunesse.</p>
-
-<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> La maison des Scudéry, sise rue des Pénitents-Bleus, à
-Apt, était d'apparence modeste et occupée en 1840 par un menuisier.
-Voy. le <i>Mercure aptésien</i> du 24 mai 1840.</p>
-
-<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>me</sup> de Chandiot, du 20 avril
-1695.</p>
-
-<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> <i>Histoire du Théâtre français</i>, par les frères Parfaict, t. IV,
-p. 430.</p>
-
-<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> <i>Le Dégoust du monde</i>, dans les <i>Poésies diverses</i>, dédiées
-au cardinal de Richelieu, Paris, 1649, in-4<sup>o</sup>, p. 96. Les auteurs
-du <i>Voyage de Chapelle et Bachaumont</i> ont fait, non sans
-quelque intention ironique, allusion à ces vers, quand ils ont
-dit, en parlant du gouvernement de Notre-Dame-de-la-Garde,</p>
-qu'on ne le donnait qu'à des gens
-
-<p class="quote"><span class="i3"> Qu'on eût vu longtemps commander,</span><br />
-Et dont le poil poudreux a blanchi sous les armes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> <i>Historiettes</i> de Tallemant.&mdash;<i>Le Cabinet de M. de Scudéry</i>,
-1646, in-4<sup>o</sup>.&mdash;Préface de la traduction des <i>Harangues académiques</i>,
-de Menzini, 1640, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Dans l'<i>Épitre dédicatoire</i> de la
-<i>Clélie</i> à M<sup>lle</sup> de Longueville, Scudéry s'exprime ainsi: «Plusieurs
-gentilshommes de mes parents ont eu l'honneur d'être à
-Mgr votre père: deux de mes parentes ont eu celui d'être vos
-dames d'honneur, et j'ai eu moi-même la gloire d'être assez
-longtemps attaché à la suite du grand Prince à qui vous devez
-la vie, quoique je ne fusse pas son domestique. Enfin, j'ai
-reçu sept ans tout entiers les commandements de Mgr le
-Prince de Carignan, votre oncle, dans les armées du grand
-Charles-Emmanuel, son père, de qui j'avois l'honneur d'être
-aimé.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Il s'attira cette réponse de la part de celui-ci: «Il n'est
-pas question de savoir de combien vous êtes plus noble ou
-plus vaillant que moi, pour juger de combien <i>le Cid</i> est meilleur
-que l'<i>Amant libéral</i>... Je ne suis point homme d'<i>éclaircissement</i>;
-ainsi vous êtes en sûreté de ce côté-là.» <i>Lettre Apologétique</i>,
-etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> «Je me pique d'aimer jusques en la prison et dans la
-sépulture. J'en ai rendu des témoignages publics durant la
-plus chaude persécution de ce grand et divin Théophile, et j'y
-ai fait voir que parmi l'infidélité du siècle où nous sommes, il
-se trouve encore des amitiés assez généreuses pour mépriser
-tout ce que les autres craignent.»</p>
-
-<p class="quote"><i>Préface des &OElig;uvres de Théophile</i>, 1630.</p>
-
-<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> <i>Chevræana</i>, 1697, in-8<sup>o</sup>, p. 23.</p>
-
-<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <i>Historiettes de Tallemant.</i> La même pensée se trouve exprimée
-dans un sonnet à sa s&oelig;ur, compris dans ses <i>Poésies
-diverses</i>, 1649.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Vous que toute la France estime avec raison,</p>
-<p>Unique et chère s&oelig;ur que j'honore et que j'aime;</p>
-<p>Vous de qui le bon sens est un contre-poison,</p>
-<p>Qui me sauve souvent dans un péril extrême.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Le malheur qui m'accable est sans comparaison;</p>
-<p>Mais ce qui me soutient le paroît tout de même:</p>
-<p>Et parmi les débris de toute ma Maison</p>
-<p>Je vois toujours debout votre vertu suprême.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Tallemant dit à ce propos, avec sa crudité ordinaire:
-«Le frère donna bien de l'exercice à sa s&oelig;ur en ce temps là,
-car il vouloit épouser une g...., et elle qui n'espéroit plus
-qu'en des bénéfices, se voyoit bien loin de son compte.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> Elles sont du 29 juin 1642, et leur entérinement dans les
-registres de la Cour des Comptes de Provence à Aix, du
-22 juin 1643. Elles ont été trouvées, d'après nos indications,
-par M. Blancard, archiviste à Marseille. Nous les donnons en
-appendice.</p>
-
-<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> Un des successeurs de Scudéry, vers 1685, ne recevait
-que 1944 livres (2500 francs environ). Dans un document de
-1772, on voit que le gouverneur recevait de plus 100 livres
-pour lui tenir lieu de la franchise du vin. Régis de la Colombière,
-Notice sur <i>Notre-Dame-de-la-Garde</i>. Marseille, 1835, in-8<sup>o</sup>,
-p. 10. - Méry et Guindon, <i>Histoire de la Commune de
-Marseille</i>, 1848, in-8<sup>o</sup>, t. VI, <i>Preuves</i>, n<sup>o</sup> 443.</p>
-
-<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> <i>Poésies diverses</i>, p. 275.</p>
-
-<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> <i>Chansons de Coulanges</i>, 1698, t. I, p. 89.</p>
-
-<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> <i>Correspondance inédite de Chapelain</i>, provenant de Sainte-Beuve.
-Bibl. nat. Fr. Nouv. acq., 1885-1889, 5 vol. in-4<sup>o</sup>. Nous
-en ferons plus d'une fois usage.
-
-Voy. aussi dans la Correspondance une lettre sans date de
-Scudéry à Sainte-Marthe.
-
-Scudéry a donné lui-même la description de son Cabinet et
-de quelques autres peintures, dans un volume que nous recommandons
-aux curieux: <i>Le Cabinet de M. de Scudéry</i>, Paris,
-Aug. Courbé, 1646, in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> Théophile Gautier, <i>Les Grotesques</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> Voy. les <span class="smallc">XII</span> sonnets adressés à cette Fontaine par Scudéry.
-<i>&OElig;uvres poétiques</i>, 1649, in-4<sup>o</sup>, p. 1 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> Probablement M. de Guigonis, dont il est question dans
-la <i>Gazette</i>, à la date du 12 novembre 1647, p. 1118, comme
-commandant cette place en l'absence du sieur de Scudéry, et
-prenant des dispositions contre l'arrivée en vue de Marseille
-d'une escadre que l'on présumait hostile.</p>
-
-<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> <i>Poésies diverses</i>, p. 200. Nous permettra-t-on de faire remarquer
-ici que nous aussi, nous avons écrit cette partie de
-notre Notice à Marseille et au pied même de Notre-Dame-de-la-Garde?
-Le poëme de Scudéry, malgré le mauvais goût qui
-le dépare, gagne à être lu sur les hauteurs et au milieu de
-l'admirable panorama qu'il décrit, et il y a tel site de la plage
-de Marseille qui nous a fait trouver un charme singulier à ces
-vers de l'auteur d'<i>Alaric</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>En un lieu retiré, solitaire et paisible</p>
-<p>La mer laisse dormir sa colère terrible,</p>
-<p>Et sous deux grands rochers qui la couvrent des vents,</p>
-<p>Elle abaisse l'orgueil des flots toujours mouvants.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> Lettre à M<sup>lle</sup> Paulet du 10 décembre 1645.</p>
-
-<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> Nous avons vu dans le riche cabinet de M. le comte de
-Clapiers, à Marseille, un certain nombre de lettres de ce prélat
-adressées à M<sup>lle</sup> de Scudéry, et nous en donnerons un échantillon;
-mais, malgré toutes nos recherches en Provence et
-ailleurs, nous n'avons pu retrouver aucune de celles que
-M<sup>lle</sup> de Scudéry lui a certainement adressées pendant leurs
-longues relations.</p>
-
-<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> T. VIII, l. <span class="smallc">II</span>, p. 653.</p>
-
-<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> <i>Le Grand Cyrus</i>, t. III, l. <span class="smallc">III</span>, p. 1107.&mdash;Cousin, <i>La
-Société française au dix-septième siècle</i>, t. I, p. 236 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> de Chalais, du 13 décembre
-1644.</p>
-
-<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> <i>Le Grand Cyrus</i>, t. VIII, l. <span class="smallc">II</span>, p. 669 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> <i>Le Grand Cyrus</i>, t. VII, p. 513.</p>
-
-<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> 1665, in-4<sup>o</sup>, p. 87.</p>
-
-<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> Ce détail et plusieurs autres circonstances rendent pour
-nous improbable la supposition de M. Cousin, qu'il s'agirait
-ici d'une ville de bains des Pyrénées.</p>
-
-<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> «Je crains toutes les maladies en général, grandes et
-petites; je crains le tonnerre, je crains la mer et les rivières;
-je crains le feu et l'eau, le froid et le chaud, le serein et le
-brouillard.... Et pour tout dire en peu de paroles, je crains tout
-ce qui directement ou indirectement peut causer la mort.»
-Il est remarquable que ce passage, ainsi que les longs développements
-dont il est accompagné ne se trouvent que dans les
-<i>Conversations</i> de M<sup>lle</sup> de Scudéry, parues en 1682, deux ans
-après la mort de la marquise de Sablé.</p>
-
-<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> Lettre à M<sup>lle</sup> Paulet, du 27 décembre 1644.</p>
-
-<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> «Dans mon opinion, la conduite de ces trois importantes
-personnes est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans doute
-le mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur, plus de
-bonheur et quelque nom de Madame qui sera plus propre à
-l'éclat qu'à bien réussir dans l'éducation de ces personnes-là.»
-M<sup>lle</sup> de Chalais à M<sup>lle</sup> de Scudéry, lettre du 28 juin 1647.</p>
-
-<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> L'<i>Auberge</i> ou les <i>Brigands sans le savoir</i>, comédie-vaudeville
-de MM. Scribe et Delestre Poirson. Paris, 1812.</p>
-
-<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> Paris et Clermont, 1844, in-8<sup>o</sup>, p. 63.</p>
-
-<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> Les biographies anglaises racontent une anecdote semblable
-des deux auteurs dramatiques Beaumont et Fletcher.</p>
-
-<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> <i>Discours politiques des rois.</i> Paris, 1647, in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> C'est la véritable date du voyage, qui se termina à Lyon
-vers le milieu du mois de novembre de cette année. Cf. Taillandier,
-<i>Commencements de Molière</i>, dans la <i>Revue des Deux-Mondes</i>,
-t. XIX, p. 280, et Péricaud, <i>Lyon sous Louis XIV</i>,
-p. 90.</p>
-
-<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> Cela ne ferait que neuf ans (de 1647 à 1656); mais on
-aura changé le chiffre lors de l'impression du <i>Voyage</i> dans
-le <i>Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes</i>. Cologne,
-P. Marteau, 1663, in-16. D'ailleurs nos deux auteurs n'y regardaient
-pas de si près.</p>
-
-<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> «On m'écrit de Marseille...,» disait-elle encore à l'abbé
-Boisot, dans une lettre du 19 juillet 1694. Bonnecorse, dont
-son frère avait fait imprimer la <i>Montre</i>, et dont elle eut occasion
-d'obliger le fils, lui servait dans cette ville de correspondant
-et d'intermédiaire auprès de ses anciens amis. Voir sa
-lettre du 20 mars 1681.</p>
-
-<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> Cousin, <i>La Société française au dix-septième siècle, d'après
-le</i> Grand Cyrus <i>de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, 2<sup>e</sup> édition, t. I, p. 245.</p>
-
-<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <i>Catalogue d'autographes</i> du 15 mai 1843, n<sup>o</sup> 471.
-
-L'hôtel de Nevers était sur l'emplacement actuel de celui
-des Monnaies. Il avait été acquis en 1641 par M. de Guénégaud.
-M. de Pomponne, dans une lettre du 1<sup>er</sup> décembre 1644,
-a tracé le tableau de la société qui s'y réunissait.
-
-L'hôtel de Créqui, habité par le maréchal de ce nom, perçait
-de la rue des Poulies dans le cul-de-sac des Pères de
-l'Oratoire. Il fut démoli lors des premiers travaux de la Colonnade
-du Louvre, en 1666.</p>
-
-<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> Nous verrons plus loin que le <i>Cyrus</i> et la <i>Clélie</i> rapportèrent
-beaucoup d'argent, du moins au libraire. Mais il en
-passa une partie à l'emploi qu'indique avec ménagement, mais
-assez clairement du reste, l'auteur de l'<i>Éloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>:
-«Riche des seuls biens de son esprit, elle crut qu'elle
-devoit en faire usage pour acquitter de grosses dettes <i>qu'elle
-n'avoit pas contractées</i>.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> Voy. sa lettre à Chapelain du 7 décembre 1649.</p>
-
-<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> On lit dans une lettre inédite du surintendant Servien à
-Mazarin, en date du 22 août 1654: «Je crois certainement
-que celui que l'on étoit tant en peine de découvrir, qui écrivoit
-à M. le P... les lettres si importantes et si bien raisonnées que
-V. E. m'a fait quelquefois l'honneur de me montrer, c'est
-Scudéry, qui se retire, à ce qu'on m'a dit, dans le palais d'Orléans.
-Je crois qu'il importe de le faire arrêter.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> Voy. sa belle lettre à Godeau du 22 février 1650, celle du
-mois d'octobre suivant, où se trouvent les vers si connus sur
-le Grand Condé.
-
-Ses lettres de cette époque sont de véritables chroniques de
-la Fronde, écrites à un certain point de vue, mais sous le coup
-des événements.</p>
-
-<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> Jointe à celle adressée de Marseille à Marie Dumoulin,
-le 21 août 1647.</p>
-
-<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> <i>Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques</i>. Paris,
-1665, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> <i>&OElig;uvres</i>, 1665, in-f<sup>o</sup>, t. I, p. 969.</p>
-
-<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> <i>La Société française au dix-septième siècle</i>, t. II, p. 118.</p>
-
-<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> Par exemple Niceron et Brunet attribuent <i>Almahide</i> à
-M<sup>lle</sup> de Scudéry. Eh bien, deux lettres de Chapelain à Georges,
-des 25 août et 16 novembre 1660, renferment, sur la
-deuxième partie de ce roman, des détails, des conseils, des
-critiques qui prouvent que Chapelain le traitait comme l'auteur
-incontesté de l'ouvrage.</p>
-
-<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> Voici comment elle a parlé elle-même de ces amitiés:
-«Lorsque l'amitié devient amour dans le c&oelig;ur d'un amant,
-ou, pour mieux dire, lorsque cet amour se mêle à l'amitié,
-sans la détruire, il n'y a rien de si doux que cette espèce
-d'amour; car, tout violent qu'il est, il est pourtant toujours
-un peu plus réglé que l'amour ordinaire; il est plus durable,
-plus tendre, plus respectueux, et même plus ardent, quoiqu'il
-ne soit pas sujet à tant de caprices tumultueux que l'amour
-qui naît sans amitié. On peut dire, en un mot, que l'amour et
-l'amitié se mêlent comme deux fleuves dont le plus célèbre
-fait perdre le nom à l'autre.» <i>Esprit de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, 1766,
-p. 275.</p>
-
-<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> Antoine Godeau, évêque de Grasse et de Vence, était,
-comme nous l'avons vu, l'un des plus anciens amis de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> Il paraît que ces espèces de rencontres, que Scudéry regardait
-probablement comme des rendez-vous, se renouvelaient
-assez souvent. Pellisson écrivait à M<sup>lle</sup> Legendre le
-2 novembre 1656: «On me vint prendre à midi pour aller
-dîner chez M. de Vence, dont nous ne fûmes de retour qu'à
-la nuit. M<sup>lle</sup> de Scudéry, M<sup>lle</sup> Robineau, M. Chapelain et
-M. Isarn en étoient.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> «La plupart des Précieuses, dit Somaize, ont un jour
-pour recevoir les autres. C'est une nymphe du siècle qui a inventé
-cet usage.» Ainsi l'habitude d'<i>avoir un jour</i>, comme on
-parle encore aujourd'hui, nous vient de cette époque, et probablement
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> Et non rue Quincampoix, comme l'a cru, sur des indices
-peu concluants, M. E. Miller, dans son travail, intéressant du
-reste, extrait du <i>Correspondant: Pierre Taisand, lettres inédites
-de Bossuet et de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>. Paris; Douniol, 1869, in-8<sup>o</sup>,
-p. 21. M. Ch. Giraud dans l'<i>Histoire de Saint-Évremond</i>, qui
-précède son édition des <i>&OElig;uvres mêlées</i> de cet auteur, 1865,
-3 vol. in-12, a plus approché de la vérité en plaçant ce domicile
-rue de Berry. Nous avons trouvé, à cet égard, une
-indication précise dans un document sans date, mais certainement
-antérieur à la Fronde: <i>Rolle des taxes faites sur les</i>
-<i>bourgeois et habitans du Quartier St-Avoye et le Temple, pour
-raison du nettoyement</i>:</p>
-
-<p>«Vieille rue du Temple.<br />
-M. Scudéry<b>. . . . . . . . . . . .</b><span class="smallc">XIII</span> livres.»</p>
-
-<p class="i9">(Bibl. Nat. M<sup>ss</sup> fr., n<sup>o</sup> 18,795, p. 31.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> T. X, l. <span class="smallc">II</span>, p. 599 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> <i>Menagiana</i>, 1693, p. 135.</p>
-
-<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> <i>&OElig;uvres diverses de M. Pellisson, de l'Académie françoise</i>.
-Paris, 1735, in-12, t. II, p. 408.</p>
-
-<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> Le <i>Dialogue d'un Passant et d'une Tourterelle</i>, par Pellisson,
-est présent à toutes les mémoires. Le quatrain suivant
-est moins connu:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Où peut-on trouver des amans</p>
-<p>Qui nous soient à jamais fidèles?</p>
-<p>Je n'en sais que dans les romans</p>
-<p>Et dans les nids des tourterelles.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ce joli quatrain, que les éditeurs des <i>&OElig;uvres de Pellisson</i>,
-1734, t. I, p. 158, ont attribué à ce dernier sur la foi d'une lettre
-de M<sup>me</sup> de Scudéry à Bussy-Rabutin, doit être restitué à
-M<sup>me</sup> de P. (probablement de Platbuisson), d'après le témoignage
-plus digne de foi de M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même (Voy. sa
-première lettre à M<sup>lle</sup> Descartes).</p>
-
-<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> Voy. <i>passim</i>, le <i>Recueil de pièces galantes de la Suze et de
-Pellisson</i>.&mdash;Les <i>&OElig;uvres diverses de Pellisson</i>, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> Publiée par M. Émile Colombey, 1856, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> «Toute cette cabale ignorante ou envieuse étoit opposée
-à la nôtre, et parloit de nous d'une si plaisante manière que je
-ne m'en puis souvenir sans étonnement; car ils se figuroient
-qu'on ne parloit jamais chez Sapho que des règles de la poésie,
-que de questions curieuses et que de philosophie, et je ne sais
-même s'ils ne disoient point qu'on s'y occupoit de magie.»
-Le <i>Grand Cyrus</i>, X<sup>e</sup> partie, l. <span class="smallc">II</span>, p. 347.</p>
-
-<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <i>Recueil de pièces galantes de la Suze et de Pellisson</i>, 1741,
-t. I, p. 200.</p>
-
-<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> <i>Histoire des poëtes épiques français du XVII<sup>e</sup> siècle</i>, Thèse
-par Julien Duchesne, 1870, p. 84.&mdash;Voici la date des principales
-éditions des romans du genre dont il s'agit:</p>
-
-<ul>
-<li><span class="i1">Le <i>Cyrus</i>:</span> 1650, 1651, 54, 55, 56, 58.</li>
-<li>La <i>Clélie</i>: 1656, 1658, 60, 61, 1731.</li>
-<li><span class="i2"><i>Polexandre</i></span> de Gomberville, 1629, 1637.</li>
-<li><span class="i5">La Calprenède,</span> <i>Cassandre</i>, 1642, 1650, 10 vol.</li>
-<li><span class="i6"> &mdash; &mdash; <span class="i3"> <i>Cléopâtre</i></span>, 1647, 1658, 12 vol.</span></li>
-</ul>
-
-<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> Pages 159-169.</p>
-
-<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> V. les ouvrages de MM. Ed. de Barthélemy et Cousin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> L'auteur de la <i>Clélie</i> introduit les deux époux, sous les
-noms de Scaurus et Lyriane, dans le temple de la Fortune,
-pour interroger l'oracle sur leurs destinées.&mdash;Portrait de
-M<sup>me</sup> Scarron.&mdash;La belle Lyriane, introduite auprès de l'oracle,
-ne veut rien demander. «Car enfin, dit-elle au sacrificateur,
-si je dois être heureuse, je le serai infailliblement, et s'il doit
-m'arriver quelque malheur, je le saurai toujours assez tôt.&mdash;Ce
-que vous dites est si bien dit, reprit le sacrificateur,
-que je ne doute pas que vous ne soyez un jour aussi heureuse
-que vous méritez de l'être.»</p>
-
-<p>M<sup>me</sup> Scarron, dit la Beaumelle, avait vingt-quatre ans, quand
-M<sup>lle</sup> de Scudéry fit cette prédiction. Les deux époux furent reconnaissants.
-Scarron dit dans son <i>Épître chagrine à de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Vous donnez donc ainsi de l'immortalité,</p>
-<p>Par un pur mouvement de libéralité,</p>
-<p>Et de votre Scaurus l'agréable peinture</p>
-<p>M'affranchit donc ainsi des lois de la nature!</p>
-<p>Celle par qui le ciel soulage mon malheur,</p>
-<p>Digne d'un autre époux comme d'un sort meilleur,</p>
-<p><i>Lyriane</i> en un mot vous est fort obligée.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et non l'<i>Uranie</i>, comme portent toutes les éditions des <i>&OElig;uvres
-de Scarron</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> Celer conte à la princesse des Léontins que Clélie s'étant
-amusée un jour à supposer qu'il y avait un pays de <i>Tendre</i>,
-dans lequel on pouvait voyager, on lui en demanda la carte,
-qu'elle traça et dessina comme on le voit dans le roman.
-<i>Clélie</i>, t. I, p. 399-401.</p>
-
-<p>Mais plus loin, p. 477, elle proteste contre la publicité donnée
-malgré elle à cette bagatelle, «qui étoit faite pour n'être
-vue que de cinq ou six personnes d'esprit, et non de deux
-mille qui n'en ont guères, ou qui l'ont mal tourné.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Paris, F. Bienfait, 1659, in-18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> <i>Lettre d'Ariste</i>, p. 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> Miller, <i>Pierre Taisand</i>, etc., p. 26.</p>
-
-<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> Saint-Marc Girardin, <i>Cours de littérature dramatique</i>, 1861,
-t. III, p. 3.</p>
-
-<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> Comme il règne quelque obscurité sur cette époque de la
-vie de Scudéry, nous citerons ici, d'après le Manuscrit provenant
-de Sainte-Beuve déjà signalé par nous, les lettres de
-Chapelain, à lui adressées, des 14 février et 12 juin 1659, «à
-Pirou, en Normandie;» des 25 août et 16 novembre 1660, «à
-Paris.» Il est pour la première fois question de M<sup>me</sup> de Scudéry
-(M<sup>lle</sup> de Martin-Vast) dans la lettre du 12 juin 1659.</p>
-
-<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> Lettre à Bussy, du 29 avril 1672.</p>
-
-<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> Voy. dans la Correspondance la lettre de Scudéry à
-l'abbesse de Malnoue.</p>
-
-<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> Tallemant dit à ce sujet: «Il (Scudéry) vint ici, il y a
-un an (ceci était écrit en 1658), mais sa s&oelig;ur lui déclara
-qu'il n'y avoit qu'un lit dans la maison, et il s'en retourna.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> Marie-Éléonore de Rohan-Montbazon, abbesse de la Trinité
-de Caen, puis de Malnoue, connue dans la société précieuse
-sous les noms d'Octavie, de Méléagire, la Grande Vestale
-dans <i>Clélie</i>, fut une des femmes les plus distinguées de cette
-époque qui en comptait un si grand nombre. Elle unissait à la
-piété et aux qualités solides que Pellisson a fait ressortir dans
-une belle épitaphe (voyez-la à la fin du III<sup>e</sup> vol. de ses <i>Lettres
-historiques</i>), l'enjouement et les grâces de l'esprit et du corps.
-Huet, dans sa jeunesse, a tracé d'elle un portrait renfermant ce
-passage singulier quand on songe qu'il s'applique à une abbesse
-et qu'il émane d'un futur évêque: «N'ayant jamais vu
-votre gorge, je n'en puis parler; mais si votre sévérité et votre
-modestie vouloient me permettre de dire le jugement que j'en
-fais sur les apparences, je jurerois qu'il n'y a rien de plus accompli.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> Cousin, <i>La Société française</i>, t. II, p. 151.</p>
-
-<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> Jacqueline, fille du duc d'Arpajon et petite-fille du maréchal
-de Thémines. Tallemant ajoute en note: «Quand
-M<sup>lle</sup> d'Arpajon se fit carmélite (elle prit l'habit le 7 juillet
-1655), M<sup>lle</sup> Sapho s'avisa de lui écrire une grande lettre, pour
-l'en retirer, qui n'eût peut-être pas persuadé une jeune fille, et
-celle-là avoit trente ans: car elle ne lui parloit que des divertissements
-qu'elle perdoit. La reine alla ce jour-là aux carmélites;
-les religieuses vouloient lui montrer cette lettre, et, en
-effet, sans Moissy qui y prêchoit ce jour-là, elles l'eussent
-fait. Car Sapho avoit grand tort d'écrire comme cela en une religion
-où l'on ne reçoit point de lettres que les supérieures ne
-les ayent lues.» Cette affaire fit grand bruit, et la lettre de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry, souvent mentionnée, s'est dérobée à toutes
-nos recherches.</p>
-
-<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> Ce devait être Diane-Henriette de Budos, première
-femme de Claude de Saint-Simon, père de l'auteur des <i>Mémoires</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <i>Étude sur Pellisson</i>, p. 99.</p>
-
-<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> <i>Clélie</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 389.</p>
-
-<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> Voy. la <i>Journée des Madrigaux</i>, p. 17, 51, 74; le <i>Louis
-d'or</i>, par Isarn, et la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à cette occasion.</p>
-
-<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Sur le cachet donné à Sapho par Théodamas, il y eut tout
-un déluge de madrigaux passablement ridicules. Sapho termine
-le sien par ces vers:</p>
-
-<p class="quote"><span class="i3"> On ne peut se défendre</span><br />
-De vous donner son c&oelig;ur ou de le laisser prendre.</p>
-
-<p>Théodamas insiste:</p>
-
-<p class="quote">Je suivrai la leçon qu'Amour me vient apprendre,<br />
-Donnez-moi votre c&oelig;ur sans me le laisser prendre.</p>
-
-<p>Sapho réplique à son tour:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Vous êtes un cruel vainqueur</p>
-<p>De vouloir qu'on porte son c&oelig;ur</p>
-<p>Jusque dans votre chambre, etc.</p>
-</div></div>
-
-<p class="i9">(<i>Journée des Madrigaux</i>, p. 39 et s.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Quand il est en courroux</p>
-<p class="i1"> Ce n'est plus le meilleur des hommes;</p>
-<p class="i3"> C'est un tigre jaloux.</p>
-<p>Sapho, vous le savez, il entre en frénésie,</p>
-<p>Sa colère aussitôt trouble sa fantaisie;</p>
-<p>Et, saisi de fureur, comme ses ennemis</p>
-<p class="i3"> Il traite ses amis.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6">(<i>Menagii poemata</i>, 1680, p. 238.)</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> Voy. ci-après la petite guerre de la <i>Ménagerie</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> On peut voir dans ce dernier opuscule, p. 75 et suiv.,
-comment l'admission d'Acanthe (Pellisson), dans le Pays de
-Tendre souleva l'opposition des habitants de l'<i>Ancienne-Ville</i>,
-assemblés chez le généreux Mégabase, qui forcèrent Sapho à
-lui faire faire quarantaine avant de l'admettre, parce que,
-avant de venir à <i>Nouvelle-Amitié</i>, il avait passé par un lieu
-où régnait une maladie contagieuse dont il avait failli mourir.
-Tout cela, dépouillé de la forme allégorique, semble indiquer
-que les anciens habitués du Samedi, à l'instigation du marquis
-de Montausier, voulurent forcer Pellisson à se contenter du
-titre d'ami, au lieu du sentiment plus tendre qu'il avait d'abord
-mis en avant.</p>
-
-<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> «Il (Pellisson) donna de la jalousie à M. Conrart au sujet
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui m'avoua elle-même, en me parlant
-un jour de leur mésintelligence, que c'en étoit là la cause.
-Elle ne put s'empêcher de déclarer enfin à M. Pellisson la
-passion qu'elle avoit pour lui, par des vers qu'elle fit sur le
-champ.» (<i>Menagiana</i>, 1693, p. 146.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> Marcou, <i>Étude sur Pellisson</i>, p. 489.</p>
-
-<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> «On a toujours cru qu'il y avoit entre M<sup>lle</sup> de Scudéry
-et Pellisson un mariage de conscience.» (Note de Saint-Marc
-sur l'Épigramme <span class="smallc">LIII</span> de Boileau.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> Ici quatre lignes effacées avec soin. Voir la Correspondance.</p>
-
-<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Fonds Français, 9360, t. II, p. 960.</p>
-
-<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> Lettre à M<sup>me</sup> de Chandiot, du 18 décembre 1691.&mdash;Lettre
-à l'abbé Boisot, du même jour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> «Est-ce être honnête homme, comme l'ont tant prôné
-les flatteurs de Fouquet, les Scarron, les Pellisson, les Sapho,
-et toute la canaille intéressée?...» (Lettre à M<sup>me</sup> de Sévigné,
-du 3 octobre 1661.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> Ce fut M<sup>lle</sup> de Scudéry qui s'éleva avec le plus de force
-contre ceux qui, à l'occasion des cassettes de Fouquet, se
-permettaient des insinuations calomnieuses sur le compte de
-M<sup>me</sup> de Sévigné. Celle-ci, dans sa lettre du 22 octobre 1661,
-charge Ménage d'en remercier leur amie commune.</p>
-
-<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> «J'ai été voir notre chère voisine (M<sup>me</sup> du Plessis-Guénégaud);
-nous avons bien parlé de notre cher ami. Elle avoit
-vu Sapho, qui lui a redonné du courage.» (Sévigné à M. de
-Pomponne, 27 novembre 1664.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> «9 février 1666.&mdash;M<sup>me</sup> de Sévigné m'amena Pellisson
-et M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui me témoignèrent toute l'estime et
-l'amitié possible sur l'histoire du procès de M. Fouquet.»
-(<i>Journal d'Olivier d'Ormesson</i>, t. II, p. 446.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> Voir cette lettre, de décembre 1663, à la Correspondance.</p>
-
-<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> M<sup>me</sup> Pellisson avait obtenu en juin 1662 une permission
-restreinte qui lui avait été retirée depuis. (Fr. Ravaisson,
-<i>Archives de la Bastille</i>, t. II, p. 43.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> <i>Ibid.</i>, p. 455.</p>
-
-<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> On n'est pas d'accord sur le véritable nom de ce correspondant
-de l'abbesse de Malnoue. M. Fr. Ravaisson veut qu'il
-s'agisse ici de Conrart. M. Cousin, avec plus de vraisemblance,
-désigne Isarn; l'éditeur des lettres d'Éléonore de Rohan hésite
-entre M. de Doneville, Paul Pellisson ou son frère George.</p>
-
-<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. XI, p. 1257.</p>
-
-<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> <i>Ibid.</i>, p 1251 et 1261.</p>
-
-<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> Voy. ce qu'elle en dit dans sa lettre à Boisot, du 7 juin
-1693.</p>
-
-<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> <i>&OElig;uvres diverses de Pellisson</i>, 1735, t. I, p. 147.</p>
-
-<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> Sur cette amitié courageuse de M<sup>lle</sup> de Scudéry, nous
-avions noté un passage que nous reproduisons ici, mais dont
-malheureusement nous ne nous rappelons pas la source.
-«Elle ne craignit point de publier que plusieurs personnes
-considérables, dont elle se mettoit du nombre, diroient toujours
-du bien de Fouquet, au risque de perdre leur fortune et
-leur vie.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> M. Chéruel, <i>Mémoires sur Fouquet</i>, t. II, p. 529, a exprimé
-sur ce point des doutes qui ne nous paraissent point
-motivés.</p>
-
-<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> Vivonne à Sévigné, 23 août 1670. (Édition des <i>Lettres de
-Sévigné</i>, Blaise, 1818-1819, t. I, p. 190.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné, des 28 novembre 1670 et 26
-novembre 1690.</p>
-
-<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> <i>Nouvelles remarques sur tous les ouvrages du s<sup>r</sup> D....</i>
-(Despréaux). La Haye, 1685, p. 105.</p>
-
-<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> <i>De l'influence des femmes sur la littérature française</i>, 1811,
-t. I, p. 126.</p>
-
-<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> <i>Menagiana</i>, 1694, p. 191.</p>
-
-<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> M. Berriat Saint-Prix a constaté que, dans le nombre
-des ouvrages indiqués par l'inventaire de Boileau, on trouve
-l'<i>Astrée</i>, <i>Cléopâtre</i> et <i>Cyrus</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> <i>De libris qui vulgo dicuntur Romanenses</i>, 1736, in-4<sup>o</sup>, pp.
-27, 28, 36.&mdash;<i>Observations sur quelques écrits modernes</i>, par
-l'abbé Desfontaines, t. V, p. 89, 91.</p>
-
-<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> Cathos et Madelon sont «deux pecques provinciales,»
-et, dans la III<sup>e</sup> satire, ce sont:</p>
-
-<p class="quote">Deux nobles campagnards, grands lecteurs de romans,<br />
-Qui disent tout <i>Cyrus</i> dans leurs longs complimens.</p>
-
-<p>Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'un des commentateurs modernes
-de Molière assure que le jargon précieux s'est conservé
-jusqu'à nos jours dans plusieurs sociétés de province, et il en
-cite des exemples recueillis par lui dans une ville située à
-moins de 80 lieues de Paris. (<i>&OElig;uvres de Molière</i>, éd<sup>on</sup> d'Aimé-Martin,
-1824. t. II, p. 47.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> «Il est effectivement vrai que la plupart des valets de la
-maison firent des vers ce jour-là.» (Note de Conrart, reproduite
-par M. Em. Colombey, p. 17, de la <i>Journée des Madrigaux</i>.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> Dans la <i>Ménagerie</i> de l'abbé Cotin, dont la première édition
-datée est de 1666, on trouve un <i>Avis au lecteur</i> renfermant
-ce passage curieux qui paraît avoir échappé aux éditeurs de
-Molière: «Je pensois que toute la <i>Ménagerie</i> fût achevée,
-quand on m'a averti qu'après les <i>Précieuses</i>, on doit jouer
-chez Molière, <i>Ménage hipercritique</i>, le <i>Faux savant</i>, et le
-<i>Pédant coquet</i>. <span class="smallc">Vivat.</span> Les comédiens ont mis dans leurs affiches
-qu'il faudra retenir les loges de bonne heure, et que tout
-Paris y doit être, parce que toutes sortes de gens, grands et
-petits, mariés et non mariés, sont intéressés au <i>ménage</i>. C'est
-une plaisanterie de comédiens.»</p>
-
-<p>Ainsi le pauvre Cotin criait <i>vivat!</i> à l'annonce d'une personnalité
-contre Ménage, sans se douter qu'il devait y figurer
-comme pendant, et que la caricature de Vadius appelait celle
-de Trissotin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> Le bonhomme Chrysale se plaint aussi de ce que ses valets
-font des vers:</p>
-
-<p class="quote">L'un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire,<br />
-L'autre rêve à des vers quand je demande à boire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> Le <i>Grand Cyrus</i>, dernière partie, liv. I<sup>er</sup>, p. 356.</p>
-
-<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> Lettre à Boisot, 24 juin 1693.</p>
-
-<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a></p>
-
-<p class="quote">L'or même à Pellisson donne un teint de beauté.</p>
-
-<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a></p>
-
-<p class="quote">L'or même <i>à la laideur</i> donne un teint de beauté.</p>
-
-<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> La figure de Pellisson</p>
-<p>Est une figure effroyable.</p>
-<p class="i1"> Mais quoique ce vilain garçon</p>
-<p>Soit plus laid qu'un singe ou qu'un diable,</p>
-<p class="i1"> Sapho lui trouve des appas;</p>
-<p class="i1"> Mais je ne m'en étonne pas,</p>
-<p class="i1"> Car chacun aime son semblable.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> Voy. la lettre du 6 mars 1694 et les suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> «Il y a une satire contre les femmes du satirique public
-que le mérite seul de votre amie (M<sup>me</sup> de Chandiot) doit faire
-sembler plus ridicule, car il a si mauvaise opinion des femmes
-qu'il ne peut compter que trois honnêtes femmes dans tout
-Paris.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> Lettre à Boisot, du 7 avril 1694. «Le mariage de votre
-parent prouve que la Satire contre les femmes n'empêche pas
-qu'on ne se marie.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> <i>Les Provinciales</i>, édit. Lefèvre, 1826, p. 54.</p>
-
-<p>Lorsque Titon du Tillet (<i>Parnasse François</i>, p. 486) parle
-d'une lettre où Pascal aurait dit qu'ayant lu <i>Clélie</i>, il avait admiré
-l'auteur sans la connaître, c'est probablement à cet endroit
-des <i>Provinciales</i> qu'il veut faire allusion.</p>
-
-<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> <i>&OElig;uvres de Racine</i>, édition Hachette, t. IV, p. 283.</p>
-
-<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> <i>Port-Royal</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 127.</p>
-
-<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> D'après le témoignage de Brienne, cité par l'historien de
-Port-Royal, 1867, t. IV, p. 413.</p>
-
-<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> Le <i>Dictionnaire des Précieuses</i>, de Somaize, indique un
-grand nombre de ces mots ou locutions introduits par les
-Précieuses, et presque tous sont attribués à Sophie (M<sup>lle</sup> de
-Scudéry). Voyez l'édition donnée par M. Livet, t. I<sup>er</sup>, p. 41
-et suiv., 117, 179 et suiv. Voy. aussi une note des <i>&OElig;uvres
-de Molière</i>, par Aimé Martin, t. I<sup>er</sup>, p. 157, et les <i>Amis de
-M<sup>me</sup> de Sablé</i>, par E. de Barthélemy, p. 46.</p>
-
-<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> <i>Histoire de la Société polie</i>, p. 95.</p>
-
-<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> <i>Clélie</i>, t. X, p. 1077.&mdash;Tallemant, <i>Historiettes</i>, t. VII,
-p. 61.</p>
-
-<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> Les éditeurs doivent à l'obligeance de MM. Lavoix et de
-la Berge un extrait du <i>Journal des acquisitions du Cabinet des
-médailles du Roy, commencé le 25 octobre 1689</i>. On y trouve la
-mention de pierres gravées, agates, cornalines, jaspes, etc.,
-donnés au roi par M<sup>lle</sup> de Scudéry, depuis le 4 octobre 1690
-jusqu'au 19 février 1695, et qui s'y trouvent encore aujourd'hui.
-La plupart ont été reconnus depuis pour de simples
-imitations de l'antique, mais on ne doutait guère alors de leur
-authenticité.</p>
-
-<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> <i>Menagii Poëmata.</i>&mdash;<i>Commirii Carmina</i>, 1753, t. II,
-p. 224, 225, 301, 302.&mdash;<i>La Journée des Madrigaux.</i>&mdash;<i>M<sup>ss</sup> de
-Conrart</i>, passim.</p>
-
-<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> Voy. la Correspondance à cette date.</p>
-
-<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> Voy. les Poésies, et <i>Recherches sur la vie et les &oelig;uvres
-d'une Précieuse</i>, par M. Théry. 1866, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> L'auteur allemand dont nous allons parler tout à l'heure
-dit que le bracelet était en or, avec une montre de même métal
-travaillé à jour, et que la bourse contenait 12 pistoles.</p>
-
-<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> T. XI, p. 421, in-f<sup>o</sup>. Voy. aussi Vaumorière, <i>Lettres sur
-toutes sortes de sujets</i>, 1714, in-12, t. II, p. 369. Ce dernier
-ajoute plusieurs circonstances à la note de Conrart; il décrit
-l'apparition de l'inconnu à figure rébarbative, armé jusqu'aux
-dents, la frayeur du laquais, «le petit Dubuisson que vous
-connoissez», dit-il à son correspondant; l'intervention de
-M<sup>lle</sup> Crois...., «la demoiselle qui est à notre illustre amie»,
-etc. Comme on le voit, Vaumorière était lié avec l'héroïne de
-l'aventure et pouvait avoir appris d'elle tous ces détails que,
-par cette raison, nous avons cru devoir reproduire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> Lettre du 4 novembre 1650.</p>
-
-<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> On trouvera ces quatre pièces dans les Poésies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> <i>Vers de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>me</sup> de Platbuisson, en lui envoyant
-pour ses étrennes un déshabillé de roses à fond d'or et
-d'argent.</i></p>
-
-<p class="quote">Vous dont l'esprit charmant et les grâces divines<b>....</b></p>
-
-<p><i>M<sup>ss</sup> Conrart</i>, t. XI, p. 83, in-f<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> Wagenseil, <i>De Sacri Romani imperii liberâ civitate Noribergensi</i>.
-Altdorf, 1687, in-4<sup>o</sup>, pp. 452 et suiv., 464, etc. Ce
-Wagenseil fut pensionné par Colbert. Clément, <i>Histoire de
-Colbert</i>, p. 189.</p>
-
-<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> Voici, par exemple, comment le digne Nurembergeois
-travestit le <i>mot de la fin</i> de la <i>Réponse des Filoux</i>:</p>
-
-<p class="quote">Un amant qui craint les voleurs<br />
-<span class="i1"> N'est point digne d'amour.</span></p>
-
-<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> <i>Vier monatsold.</i> Wagenseil, p. 456.</p>
-
-<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> <i>Sack Uhren.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> <i>Olivier Brusson</i>, Paris, 1823, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> <i>Cardillac ou le Quartier du Marais</i>, par MM. Antony Béraud
-et Léopold, représenté le 25 mai 1824, au théâtre de
-l'Ambigu-Comique. Paris, Bezou, 1824, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> Lettres des 13 janvier et 7 mars 1691. On trouvera le
-madrigal dans les Poésies. M<sup>me</sup> de Maintenon disait aussi
-dans une lettre datée de Saint-Cyr, le 31 mai (1691): «Il est
-étrange que des voleurs aient pensé à elle.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> Au lieu de ce brevet, nous trouvons à la fin d'une lettre
-de Ménage à Huet, Paris, 18 janvier 1662: «M<sup>lle</sup> de Scudéry
-a reçu de la reine de Suède une boëte de diamants de 1000
-écus.» De son côté, M<sup>me</sup> de Sévigné écrivait à Ménage en
-1661: «Je suis fort aise que la reine de Suède ait fait de si
-bons présens à M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <i>Épître chagrine</i>, déjà citée. <i>&OElig;uvres de Scarron</i>, 1786,
-t. VII, p. 162.</p>
-
-<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Is tamen eximiam et præsentem et præterit unam</p>
-<p class="i2"> Scuderida, et prudens præterit atque sciens...</p>
-<p>Præteritam stupet aula omnis; Lutecia clamat.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i6"><i>Scuderia in largitionibus regiis præterita.</i> Dans: <i>Menagii
-Poemata</i>, 1680, p. 110.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a>
-Annua das nostræ munera Scuderiæ.<br />
-<span class="i6"><i>Scuderia in largitionibus regiis præterita.</i> Dans: <i>Menagii
-Poemata</i>, 1860, p. 49.</span></p>
-
-<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> «M<sup>lle</sup> <span class="smallc">de Scudéry</span>. Quittance signée de 1000 l. de pension
-viagère que lui faisait le cardinal Mazarin. 14 février 1665.»
-<i>Catalogue Van-Sloppen</i> (Alex. Martin), du 13 juin 1843, n<sup>o</sup> 465.</p>
-
-<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> E. Miller, <i>Pierre Taisand</i>, p. 23.</p>
-
-<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> Lettre du 5 mars 1683. Une lettre de remercîment écrite
-par M<sup>lle</sup> de Scudéry au roi en octobre 1663 (voy. la Correspondance)
-prouve qu'elle avait dès lors reçu quelque marque de sa
-libéralité.</p>
-
-<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> Même plainte dans une lettre à Huet, qui doit être de la
-même époque, et un fragment de lettre de M<sup>me</sup> de Maintenon,
-probablement de 1691, porte: «J'ai mandé à Manseau qui est
-à Paris de donner à M<sup>lle</sup> de Scudéry ce qu'elle auroit dû toucher
-au mois de juillet.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> Constance-Françoise de Bretagne, s&oelig;ur de la duchesse
-de Montbazon et de M<sup>lle</sup> de Vertus, morte à Paris le 19 décembre
-1695.</p>
-
-<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> Lettres à Huet, de décembre 1695.</p>
-
-<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <i>Pierre Taisand</i>, p. 19-21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> La rue de Beauce, très-étroite, conduit de la rue d'Anjou
-à la rue de Bretagne. La rue des Oiseaux, très-courte, n'est
-plus qu'un passage menant au Marché des Enfants-Rouges,
-autrefois <i>Petit-Marché-du-Temple</i>. L'angle des deux rues est
-occupé aujourd'hui par des constructions modernes affectées
-à des logements d'ouvriers. Tout près, et attenant à un lavoir
-public est un jardin qui peut être un reste de celui de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> Voy. ses lettres à M<sup>lle</sup> Descartes. Elle dit dans la première:
-«Ma croyance en faveur de mon chien n'ôte rien de
-l'estime infinie que j'ai pour feu monsieur votre oncle. Ce
-n'est pas l'amitié que j'ai pour les animaux qui me prévient à
-leur avantage, c'est celle qu'ils ont pour moi qui me prévient
-en leur faveur.» Elle disait aussi dans une lettre à Huet
-(1689): «Il y a longtemps que je me suis déclarée hautement
-contre certaines machines cartésiennes, sans employer pourtant
-contre le philosophe que mon chien, ma guenon et mon
-perroquet.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Psittace pumilio, docta sed magne loquela,</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Tu Dominæ immensum parvus comes ibis in ævum,</p>
-<p class="i2"> Nam Sappho quidquid Musa et Apollo potest.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> Martin Lister, dans son <i>Voyage à Paris</i>, sur lequel nous
-reviendrons tout à l'heure, parle, p. 95, de deux caméléons que
-M<sup>lle</sup> de Scudéry aurait gardés près de quatre ans, et dont elle
-lui montra les squelettes.</p>
-
-<p>On trouve dans les M<sup>ss</sup> Conrart deux épitaphes du caméléon
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry, l'une à la page 119 du t. XI, in-f<sup>o</sup>, et l'autre,
-par M<sup>me</sup> de Platbuisson, p. 121 du même volume.</p>
-
-<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> G. Pouchet, <i>Le coloris dans la substance vivante</i>. <i>Revue
-des Deux-Mondes</i>, 1<sup>er</sup> janvier 1872.</p>
-
-<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> <i>La Gazette de Tendre</i>, p. 74.</p>
-
-<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> Le château de Fresnes, dans la Brie, à deux lieues de
-Pomponne. Il appartint ensuite au duc de Nevers, puis au
-chancelier d'Aguesseau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> Dans la lettre du 21 juin 1680, M<sup>me</sup> de Sévigné parle
-d'une fausse lettre que lui avaient envoyée ses femmes de
-chambre, et qui avait si parfaitement réussi «qu'elles en ont
-été effrayées, comme nous le fûmes une fois à Fresnes, pour
-une fausseté que cette bonne Scudéry avoit prise trop âprement.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> Voy. le <i>Journal de Paris</i>, 1787, p. 1169.</p>
-
-<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> Lebeuf, <i>Histoire du diocèse de Paris</i>, t. XII, p. 120, 121.&mdash;Dulaure,
-<i>Environs de Paris</i>, 1790, p. 14.&mdash;Delort, <i>Mes voyages
-aux environs de Paris</i>, t. II, p. 141.</p>
-
-<p>Suivant M. Cousin, <i>La Société française au dix-septième siècle</i>,
-t. II, p. 304, les deux habitations n'en faisaient qu'une, ou
-plutôt n'étaient l'une et l'autre qu'un démembrement de l'ancien
-fief des d'Oysonville, des Viole et des Thibault de la
-Brousse.</p>
-
-<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> «La plus petite guenon, a dit ailleurs M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-détruit par son industrie et son intelligence toutes les doctrines
-de Descartes.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> <i>Conversations sur divers sujets.</i> Paris, 1680, 2 vol. in-12.&mdash;<i>Conversations
-nouvelles</i>, etc. Paris, 1684, et Amsterdam, 1685,
-2 vol. in-12.&mdash;<i>Conversations morales</i>, Paris, 1686, 2 vol. in-12.&mdash;<i>Nouvelles
-conversations de morale</i>, Paris, 1688, 2 vol. in-12.&mdash;<i>Entretiens
-de morale</i>, 1692, 2 vol. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> Lettre à Perrault, du 5 mai 1694, au sujet de la dixième
-satire de Boileau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> C'est ainsi que, dans le volume de 1680, chapitre <i>De la
-raillerie</i>, voulant raconter un petit voyage qu'elle fait avec
-quelques amis et amies pour voir la mer, elle déclare «que la
-relation en sera moins ennuyeuse sous des noms supposés que
-sous les véritables».</p>
-
-<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> M<sup>me</sup> de Sévigné les recommandait à son fils, en disant:
-«Il est impossible que cela ne soit bon, quand cela n'est point
-noyé dans son grand roman.» Lettres des 25 septembre 1680
-et 11 septembre 1684. Elle y revient encore dans une lettre de
-1688. Édition Hachette, t. VIII, p. 371.</p>
-
-<p>«Il n'y a point de si belle morale que celle que vous y prêchez,
-et étant détachée, comme elle est, des aventures amoureuses
-qui pourroient éveiller les passions, elle doit être entre
-les mains de tous les jeunes gens. La Cour ne seroit remplie
-que d'honnêtes gens si on la prenoit pour règle, et je vous assure,
-Mademoiselle, que ce devroit être le bréviaire de ceux
-qui doivent vivre dans le grand monde.» Mascaron à M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, Agen, 6 janvier 1681.</p>
-
-<p>«Tout est si raisonnable, si poli, si moral et si instructif
-dans les deux volumes que vous m'avez fait la grâce de m'envoyer,
-qu'il me prend quelquefois envie d'en distribuer dans
-mon diocèse pour édifier les gens de bien et pour donner un
-bon modèle de morale à ceux qui la prêchent.» Fléchier, à la
-même, 26 décembre 1685.</p>
-
-<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> <i>La Société française au dix-septième siècle</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 14.</p>
-
-<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> Giraud, <i>Histoire de Saint-Évremond</i>, p. 77.</p>
-
-<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> L'abbé de Pure, témoin non suspect, préfère sans hésiter
-la conversation de M<sup>lle</sup> de Scudéry à ses ouvrages. «Elle est
-capable de ternir toutes ses belles productions par sa seule
-conversation, car elle y est si bonne et si aimable qu'on aime
-encor mieux la voir que la lire: ce n'est que bonté, que douceur;
-l'esprit n'éclate qu'avec tant de modestie, les sentiments
-n'en sortent qu'avec tant de retenue, elle ne parle qu'avec tant
-de discrétion, et tout ce qu'elle dit est si à propos et si raisonnable,
-qu'on ne peut s'empêcher de l'admirer et de l'aimer
-tout ensemble.» <i>La Précieuse</i>, I<sup>re</sup> partie, p. 382.</p>
-
-<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> <i>Conversations nouvelles sur divers sujets</i>, 1684, t. II, pp.
-770 à 887.</p>
-
-<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> <i>Conversations inédites de M<sup>me</sup> de Maintenon</i>, Paris, Blaise,
-1828, in-18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> <i>Relation contenant l'histoire de l'Académie française</i>, 1672,
-in-12, p. 555. <i>Le Discours de la Gloire</i> se trouve à la suite,
-p. 561.</p>
-
-<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> Vertron, <i>La Nouvelle Pandore</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 419.</p>
-
-<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> Le Gouz, <i>Supplément manuscrit au Menagiana</i>, cité par
-l'abbé Jolly, <i>Remarques sur le Dictionnaire de Bayle</i>, t. II,
-p. 605.</p>
-
-<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> Bosquillon, <i>Éloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>. <i>Journal des Savants</i>,
-juillet 1701.</p>
-
-<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> Lettre de M<sup>me</sup> de Sévigné, du 12 octobre 1678, édition
-Hachette, t. V, p. 490.</p>
-
-<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> Ménage, <i>Épître à M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, en tête des <i>&OElig;uvres de
-Sarasin</i>, 1654, in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> De Vaumorière, <i>Harangues</i>, 1713, in-4<sup>o</sup>, p. 254.</p>
-
-<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> Voy. les lettres de M. de Pertuis, de M<sup>me</sup> Deshoulières,
-etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> Lettre inédite à Huet, du 21 août 1685.</p>
-
-<p>Il arriva pourtant à l'un de ses amis, et des plus intimes, de
-lui reprocher <i>son mauvais caractère</i> (Voyez la lettre de Godeau
-du 8 septembre 1650). Hâtons de dire que Godeau voulait
-parler de son écriture.</p>
-
-<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> Bosquillon, <i>Éloge</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> <i>Menagiana</i>, 1694, p. 198.&mdash;<i>Gazette de Loret</i>, lettre du 22
-décembre 1663.</p>
-
-<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> <i>Extraits des registres du Cabinet des Titres, Naissances,
-Mariages, Morts</i>, N<sup>o</sup> 1011, à la date indiquée. M<sup>ss</sup> de la
-B<sup>que</sup> Nat<sup>ale</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> <i>Mercure</i> de février 1693, p. 280.</p>
-
-<p>Dans sa lettre à Boisot du 7 mars, elle dit: «Le dernier
-<i>Mercure galant</i> contient un éloge véritable. Ceux qui font le
-<i>Mercure</i> ont cru que je l'avois écrit, mais il est d'un de mes
-amis appelé M. Bosquillon, à qui j'avois donné un simple mémoire.»
-On lit dans la lettre du 3 mai suivant: «La semaine
-prochaine, il y aura un éloge de M. Pellisson dans le <i>Journal
-des Savants</i> (17<sup>e</sup> N<sup>o</sup>), fait par un de mes amis, instruit par
-moi.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> «La colère m'a donné la force de résister à ma douleur
-pour combattre la calomnie.» Lettre à Boisot du 7 mars 1693
-et les suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> Lettre au même du 21 février.</p>
-
-<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> Lettre de Bossuet à M<sup>lle</sup> de Scudéry, édition Lebel,
-t. XXXVII, p. 477, et à M<sup>lle</sup> Dupré sur le même sujet, en date
-du 14 février 1693, <i>ibid.</i>, p. 475. «Je m'acquitte d'autant
-plus volontiers de ce devoir, que vous me faites connoître
-que mon témoignage ne sera pas inutile pour la consoler.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> Lettres des 7 juin 1693 et 3 octobre 1694.</p>
-
-<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> «Si Dieu me laisse vivre assez longtemps pour écrire ce
-que je sais de sa vie, je le justifierai dans les affaires temporelles,
-comme j'ai fait dans la religion.» (13 mars 1693.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> Lettre du 28 février 1693.</p>
-
-<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> Lettre du 20 février 1694.</p>
-
-<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> Lettre du 5 septembre 1675.&mdash;Des nouvellistes littéraires
-ont bâti sur cette donnée une véritable collaboration
-entre la romancière et le prédicateur. On a pu lire, à plusieurs
-reprises, dans les journaux, la découverte faite, <i>dans
-un vieux château de Normandie</i>, du manuscrit original de
-l'<i>Oraison funèbre de Turenne</i>, par Mascaron, couvert de notes
-manuscrites de la main de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> Foucher de Careil, <i>Lettres et Opuscules inédits de Leibnitz</i>,
-1854, in-8<sup>o</sup>, p. 254.</p>
-
-<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> Cousin, <i>Fragments philosophiques</i>, 5<sup>e</sup> éd<sup>on</sup>.&mdash;<i>Philosophie
-moderne</i>, 2<sup>e</sup> partie, 1866, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 182.</p>
-
-<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> Voy. les Poésies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> Voy. ce que nous en avons dit ci-dessus, p. 70.</p>
-
-<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> <i>Clélie</i>, t. I, p. 297-301.&mdash;Saint-Marc Girardin, <i>Cours
-de littérature dramatique</i>, t. III, p. 121.</p>
-
-<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> Martin Lister, <i>A Journey to Paris</i>, 1699, pp. 93 et 94.&mdash;<i>Lettres
-de Madame du Noyer</i>, 1757, t. I, p. 137.</p>
-
-<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> Eug. Crépet, <i>Trésor épistolaire de la France</i>, t. I. p. 237.</p>
-
-<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a></p>
-
-<table id="list" summary="contents">
-<tr>
-<td class="td">Balzac<b>. . . . . . . . . . </b></td>
-<td class="tdr">né en 1594, mort en 1660.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Chapelain<b>. .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1595,</span>&#10013;1674.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Voiture<b>. . . . </b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1598,</span>&#10013;1648.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Corneille<b>. . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1606,</span>&#10013;1684.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Scarron<b>. . . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1610,</span>&#10013;1660.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Molière<b>. . . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1620,&#10013;</span>1673.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">La Fontaine<b>.</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1621,</span>&#10013;1695.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Pascal<b>. . . . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1623,</span>&#10013;1662.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Bossuet<b>. . . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1627,</span>&#10013;1704.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Fléchier<b>. . . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1632,</span>&#10013;1710.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Mascaron<b>. . . </b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1634,</span>&#10013;1703.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Boileau<b>. . . . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1636,</span>&#10013;1711.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Racine<b>. . . . .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1639,</span>&#10013;1699.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="td">Labruyère<b>. .</b></td>
-<td class="td">&mdash;<span class="i3">1644,</span>&#10013;1696.</td>
-</tr>
-</table>
-
-
-<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> <i>Promenade de Versailles</i> ou <i>Histoire de Célanire</i>. Paris,
-Barbin, 1669, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Les <i>Bains des Thermopyles</i>. Paris, veuve
-Ribou, 1732, in-8<sup>o</sup>. C'est un épisode tiré du t. IX du <i>Grand
-Cyrus</i>.&mdash;<i>Histoire de Mathilde d'Aguilar.</i> La Haye, 1736, in-8<sup>o</sup>.&mdash;<i>Anecdotes
-de la cour d'Alphonse XI<sup>e</sup> du nom, Roi de Castille.</i>
-Paris, 1756, 2 vol. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> <i>Conversations morales</i>, 1686, t. II, p. 989.</p>
-
-<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> <i>Eloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, par M. Bosquillon, dans le
-<i>Journal des Savants</i>, du lundi 11 juillet 1701.</p>
-
-<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> Voici la mention, inexacte quant à l'âge, que M. Jal a
-relevée sur les registres de Saint-Nicolas. Ce fut le jeudi 2
-juin 1701 que décéda, en sa maison, rue de Beauce, «damoiselle
-Magdeleine de Scudéry, fille, âgée de <i>soixante-et-quatorze</i>
-ans, ou environ.» Elle fut inhumée le lendemain 3 juin, à
-Saint-Nicolas-des-Champs, sa paroisse.</p>
-
-<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> Voyez la <i>Notice</i> page 17.</p>
-
-<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. V, p. 275.</p>
-
-<p>M. Cousin qui a reproduit cette lettre et la suivante, n'a pas
-entrepris d'en expliquer les allusions. Nous avons dû aller plus
-loin que lui. Leur comparaison avec les lettres de Balzac à
-Chapelain des 15 mars, 15 et 29 avril 1639, et avec la lettre
-inédite de Voiture au même, datée du 1<sup>er</sup> mars de la même
-année (M<sup>ss</sup> Sainte-Beuve), nous a fourni l'explication suivante:
-La comédie de l'Arioste <i>I Suppositi</i> avait été à l'hôtel de Rambouillet
-l'objet d'une polémique assez animée. Critiquée par
-Voiture et par M<sup>lle</sup> de Rambouillet, elle avait eu pour défenseurs
-Chapelain, M<sup>lle</sup> Paulet, Georges et Madeleine de Scudéry.
-Enfin Voiture s'avoua vaincu et envoya à Chapelain une
-paire de gants, enjeu du défi.</p>
-
-<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> M<sup>lle</sup> Paulet, sur laquelle nous reviendrons plus loin, avait
-dû ce surnom à son courage, à sa fierté, et à la nuance dorée
-de ses cheveux. Chapelain avait composé sur elle en 1633 une
-pièce de vers qu'on appelait le <i>Récit de la lionne</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> Balzac, qui s'était aussi déclaré pour l'Arioste dans la
-discussion dont nous avons parlé, se prévaut, dans sa lettre
-du 15 avril, de l'adhésion de Scudéry, et il ajoute: «Mais que
-cette s&oelig;ur qui écrit si élégamment et de si bon sens, est digne
-de lui, et qu'elle est à mon gré une personne excellente! Prêtez-moi,
-monsieur, une douzaine de vos paroles, pour lui faire
-le compliment que je lui dois, et dites-lui que si j'étois le légitime
-distributeur de cette immortalité dont vous parlez, elle
-seroit assurée d'en avoir sa part.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. V, p. 277.</p>
-
-<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> <i>I Suppositi.</i> Cette comédie de la jeunesse de l'Arioste
-n'est guère qu'une imitation de Plaute et de Térence. Mais le
-prologue renferme un certain nombre d'équivoques dont on
-s'explique que la pudeur de M<sup>lle</sup> de Rambouillet et de quelques-uns
-de ses amis des deux sexes ait pu prendre ombrage.</p>
-
-<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> <i>Intrigue</i> était alors du masculin ou des deux genres,
-comme <i>équivoque</i>, <i>rencontre</i>, <i>affaire</i>, <i>énigme</i>, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> Cette lettre, évidemment relative à la controverse sur les
-<i>Suppositi</i> de l'Arioste, trouve sa place naturelle à la suite des
-deux précédentes. Nous l'empruntons à l'<i>Isographie</i>, avec une
-lacune que nous n'avons pu remplir.</p>
-
-<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> M<sup>lle</sup> de Rambouillet, qu'on appelait souvent la <i>Princesse
-Julie</i> dans sa société.</p>
-
-<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> Georges de Scudéry. Voyez la lettre déjà citée de Balzac,
-du 15 avril 1639. «C'est un dangereux homme que
-cet Astolphe,... et j'aimerois mieux me réconcilier avec
-l'Arioste que de me battre contre son chevalier. Pour moi,
-je mets son amitié au nombre de mes meilleures fortunes,
-et suis tout glorieux du nouveau témoignage qu'il m'en a
-rendu. Mais que cette s&oelig;ur, etc.» Suit le passage cité p. 144,
-note 229.</p>
-
-<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 189.</p>
-
-<p>M<sup>lle</sup> Robineau, «fille déjà âgée en 1657,» suivant Tallemant.
-«Elle a beaucoup d'esprit, dit le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>,
-et est des bonnes amies de la docte Sophie (M<sup>lle</sup> de
-Scudéry) qui lui fait une confidence générale de tous ses
-ouvrages.» C'est la Doralise du <i>Grand Cyrus</i>. Elle habitait le
-quartier du Marais.</p>
-
-<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> Théophraste Renaudot, fondateur de la <i>Gazette de France</i>
-dont il avait obtenu le privilége à la date de 1631, par la protection
-du cardinal de Richelieu.</p>
-
-<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> Louis Séguier, baron de Saint-Brisson et prévôt de Paris.
-C'était un soupirant de M<sup>lle</sup> Paulet, personnage ridicule
-dont il est souvent question dans les chansons du temps.</p>
-
-<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> Suzanne Cujas, fameuse par ses dérèglements. Elle était
-née en 1587, et Catherinot en nous donnant sa <i>Vie</i>, 1664 in-8<sup>o</sup>,
-a négligé de nous instruire de la date de sa mort. On voit
-qu'elle vivait encore en 1644.</p>
-
-<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> Antoine de Nervèze, littérateur des plus médiocres, dont
-les vers, dit l'Estoile, se vendaient deux sols sur les quais de
-Paris.</p>
-
-<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> Nous aurons occasion de revenir sur la plupart de ces
-noms.</p>
-
-<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 185.</p>
-
-<p>Angélique Paulet, fille de Charles Paulet, inventeur de l'impôt
-dit <i>la Paulette</i>, était l'une des plus anciennes amies de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui l'a peinte dans le <i>Grand Cyrus</i> sous le
-nom d'Élise.</p>
-
-<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> Il avait été lieutenant-général. Lui et son frère cadet,
-M. de Chaudebonne, étaient des familiers de l'hôtel de Rambouillet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> Locution familière à l'auteur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> La marquise de Clermont d'Entragues et ses deux filles,
-Louise et Marie de Balzac.</p>
-
-<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 173.</p>
-
-<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> Ce devait être Anne de Pontevez, mariée en 1620 à Thomas,
-marquis de Mirabeau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> Montauron, financier connu par son faste et par la dédicace
-de <i>Cinna</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> La vicomtesse d'Auchy célébrée par Malherbe.</p>
-
-<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> La baronnie de Méouillon, Mévouillon ou Mévolhon (<i>Medullio</i>
-en latin), était une des plus anciennes de la Provence. Il
-s'agit probablement ici de Bon, baron de Mévouillon, gouverneur
-de Notre-Dame-de-la-Garde en 1591, et qui joua un rôle
-important dans les troubles de Marseille à cette époque.</p>
-
-<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 181.</p>
-
-<p>M<sup>lle</sup> de Chalais était dame de compagnie de la marquise
-de Sablé et amie intime de M<sup>lle</sup> de Scudéry et de M<sup>lle</sup> Paulet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> M<sup>lle</sup> Diodée. Voy. la <i>Notice</i>, p. 26 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> De Sablé.</p>
-
-<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> M<sup>lle</sup> Paulet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> M<sup>me</sup> de Motteville a rendu hommage à M<sup>lle</sup> de Scudéry
-dans ses <i>Mémoires</i>. 1855, t. III, p. 239.&mdash;Sa s&oelig;ur, M<sup>lle</sup> Bertaut,
-avait été surnommée <i>Socratine</i> à cause de sa sagesse et de sa
-douceur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 161.</p>
-
-<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> C'est-à-dire aux frais de la province.</p>
-
-<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> Louis-Emmanuel de Valois, comte d'Alais, nommé gouverneur
-de Provence en 1637.</p>
-
-<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> L'hôtel de Mirabeau était situé place de Lenche à Marseille.</p>
-
-<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 147.</p>
-
-<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> Pierre de Boissat, qu'on avait en effet de son temps surnommé
-<i>Boissat-l'Esprit</i>, naquit en 1603 et mourut en 1662.
-Il fut un des premiers membres de l'Académie française.</p>
-
-<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> Nous supprimons le sonnet assez médiocre de Boissat,
-ainsi que des fragments, prose et vers, d'une lettre de Georges
-de Scudéry à M<sup>me</sup> de Tournon.</p>
-
-<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> M<sup>me</sup> Aragonnais était la veuve d'un trésorier des gardes
-françaises. Elle habitait le Marais, et appartenait, comme
-M<sup>me</sup> Cornuel, aux rangs les plus élevés de la bourgeoisie parisienne.
-Sa fortune, qui était assez considérable, lui permit de
-marier sa fille à Michel d'Aligre, un des fils du premier chancelier
-de ce nom. M<sup>lle</sup> de Scudéry a fait de M<sup>me</sup> Aragonnais un
-séduisant portrait sous le nom de Philoxène dans le <i>Grand Cyrus</i>.
-Tome VII, livre III, page 1046.</p>
-
-<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> Les deux demoiselles Boquet étaient des amies particulières
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry et des habituées assidues du Samedi.
-Voici ce qu'en dit Somaize dans son <i>Grand Dictionnaire des
-Précieuses</i>: «Bélise et sa s&oelig;ur sont deux précieuses âgées
-qui jouent fort bien du luth et qui ont une grande habitude
-à toucher les instruments. Elles logent aussi au quartier de
-l'Éolie (<i>le Marais</i>), qui est le lieu où les précieuses âgées font
-le plus de bruit.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> Cabinet de M. A. Chauveau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> Balzac.</p>
-
-<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> M<sup>lle</sup> Marie Galtelle Desroches avait épousé Pierre de Lalane,
-qui faisait sa principale occupation de la littérature et de la
-poésie. Après cinq ans de mariage, Lalane perdit cette femme
-aussi belle que spirituelle. Il célébra sa mort par des vers
-qui sont insérés dans ses &OElig;uvres, qu'on réunit en général à
-celles de Montplaisir.</p>
-
-<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> On connaît les vers de Boileau:</p>
-
-<p class="quote">Bienheureux Scudéry dont la fertile plume, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 147.</p>
-
-<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> On voit par cette lettre que M<sup>lle</sup> de Scudéry était blessée
-des attentions particulières que Chapelain avait pour M<sup>lle</sup> Robineau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 149. Cette lettre est sans
-date, mais, dans le manuscrit, elle vient à la suite de celle du
-31 janvier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> M<sup>me</sup> Pilou (Anne Baudesson), fille et veuve d'un procureur
-du Châtelet. Au dire de ses contemporains, elle était d'une
-laideur extrême. C'était une bourgeoise pleine de bon sens et
-d'esprit, qui, ayant une certaine fortune, fut mêlée à la bonne
-société de son époque. Tallemant des Réaux lui a consacré
-une historiette, et son portrait a été gravé.</p>
-
-<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. X, p. 145.</p>
-
-<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI.</p>
-
-<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> Il s'était agi pour Chapelain d'aller au Congrès de Munster,
-nous ne savons en quelle qualité. Ce projet n'eut pas de
-suite. Voyez sa lettre à M<sup>lle</sup> de Scudéry, du 12 avril 1645.</p>
-
-<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 129.</p>
-
-<p>Julie-Lucine d'Angennes, née en 1607. l'aînée des sept enfants
-de la marquise de Rambouillet, mariée au duc de Montausier
-le 15 juillet précédent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> Celle du marquis de Pisani, tué à la bataille de Nordlingen
-(3 août 1645). Il était fils de la marquise de Rambouillet
-et frère de M<sup>me</sup> de Montausier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 157.</p>
-
-<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> Alphonse de Richelieu, frère du cardinal. Ce digne prélat
-fit lui-même son épitaphe; elle mérite d'être conservée: <i>Pauper
-natus sum, pauperiem vovi, pauper morior, inter pauperes
-sepeliri volo</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> De la Mesnardière, né en 1610, mort en 1663. Il était
-médecin du cardinal de Richelieu et de Gaston d'Orléans.
-Ami de M<sup>me</sup> de Sablé et lié avec la plupart des gens de lettres
-de son temps, il s'occupa plus de poésie que de médecine, et
-fut reçu à l'Académie française en 1655.</p>
-
-<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> Aymar de la Vergne, maréchal de camp et gouverneur
-du Havre-de-Grâce, père de Marie-Madeleine Pioche de la
-Vergne, depuis comtesse de la Fayette et auteur de <i>Zaïde</i> et
-de <i>la Princesse de Clèves</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> Les deux lettres qui suivent sont tirées du <i>Bulletin de la
-Société du protestantisme français</i>, t. X, p. 389 et 391.</p>
-
-<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> Anne-Marie de Schurman, née en 1607, morte en 1678,
-très-versée dans les langues anciennes, dans la langue hébraïque,
-etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> M<sup>lle</sup> Dumoulin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> Le <i>Conservateur</i>, juillet 1760, p. 92. Copie du temps, <i>Collection
-Moreau</i>, t. 847, p. 29.</p>
-
-<p>Voyez Eug. de Beaurepaire, <i>Histoire de deux sonnets</i> dans la
-<i>Revue de Rouen</i>, XX<sup>e</sup> année, p. 129. Les documents qu'il cite
-prouvent que la querelle commença en décembre 1649.</p>
-
-<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> Cette préférence donnée par M<sup>me</sup> de Longueville au sonnet
-d'Uranie sur celui de Job avait inspiré à M<sup>lle</sup> de Scudéry le
-quatrain suivant:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> A vous dire la vérité,</p>
-<p class="i2"> Le destin de Job est étrange</p>
-<p class="i2"> D'être toujours persécuté</p>
-<p>Tantôt par un démon et tantôt par un ange.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> Les sept lettres suivantes ont été publiées par M. de Monmerqué
-au t. VI de son édition de 1835 des <i>Historiettes de
-Tallemant</i> des Réaux, d'après des copies provenant du président
-Durey de Meinières. En les reproduisant d'après lui, nous
-ne croyons pouvoir mieux faire que de reproduire aussi les
-notes qu'il y a jointes, sauf à les abréger au besoin. Ce sont
-probablement les mêmes lettres, en tout ou en partie, qui sont
-désignées p. 517 du <i>Catalogue de Lamoignon</i>, 1784, in-f<sup>o</sup>:
-<i>Lettres de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Godeau, contenant plusieurs
-anecdotes historiques de l'an 1650</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> La duchesse de Longueville, après l'arrestation des princes,
-qui eut lieu le 18 janvier 1650, s'enfuit en Normandie. La
-cour se rendit à Rouen le 1<sup>er</sup> février: la duchesse, qui s'étoit
-réfugiée à Dieppe, s'échappa du château. «Elle sortit la nuit
-à cheval, jambe de çà et jambe de là, avec ses femmes, en courant
-jour et nuit; elle s'embarqua sur la coste et fut en Hollande....
-Elle gagna Stenay, où estoit le mareschal de Turenne.»
-(<i>Mémoires de Montglat.</i>) Le récit de M<sup>me</sup> de Motteville est plus
-circonstancié; elle dit que la duchesse sortit par une petite
-porte qui n'étoit pas gardée: qu'elle fit deux lieues à pied pour
-gagner un petit port, où elle ne trouva que deux barques de
-pêcheurs; elle voulut s'embarquer contre l'avis des mariniers,
-afin de gagner un vaisseau qu'elle faisoit tenir à la rade. Le
-vent étoit si grand et la marée si forte, que le marinier, qui
-l'avoit prise entre ses bras pour la porter dans la chaloupe, la
-laissa tomber dans la mer; elle se décida à prendre des chevaux
-et à se mettre en croupe, ainsi que les femmes de sa suite,
-se réfugia chez un gentilhomme, demeura cachée dans
-le pays pendant environ quinze jours, et fit enfin gagner le
-capitaine d'un vaisseau anglois, qui la reçut sous le nom d'un
-gentilhomme qui s'étoit battu en duel. <i>Mémoires de M<sup>me</sup> de
-Motteville.</i> (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> Cette reconnaissance n'eut point lieu; tout ceci était un
-jeu joué par le duc de Guise, prisonnier à Madrid, dans l'espoir
-d'obtenir sa liberté. Voir dans Tallemant des Réaux
-l'<i>Historiette</i> du duc de Guise. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> Armand-Jean du Plessis, duc de Richelieu, père du maréchal,
-avait épousé, le 26 décembre 1649, Anne Poussard du
-Fors du Vigean, veuve en premières noces de François-Alexandre
-d'Albret, sire de Pons. Ce mariage, fait sans le consentement
-de la duchesse d'Aiguillon, surprit tout le monde;
-«M<sup>me</sup> de Richelieu, dit M<sup>me</sup> de Caylus, sans biens, sans
-beauté, sans jeunesse, et même sans beaucoup d'esprit, avoit
-épousé, par son savoir-faire, au grand étonnement de
-toute la cour et de la reine-mère, qui s'y opposa, l'héritier
-du cardinal de Richelieu, un homme revêtu des plus grandes
-dignités de l'État, parfaitement bien fait, et qui, par son âge,
-auroit pu être son fils.» <i>Souvenirs de M<sup>me</sup> de Caylus.</i> (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> «La reine partit de Rouen le 22 février, après avoir veu
-M<sup>me</sup> de Richelieu et luy avoir donné le tabouret.» (<i>Mémoires de
-M<sup>me</sup> de Motteville.</i>) Cette circonstance donne la date de cette
-lettre. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> Plus doucement que si vous me disiez.... (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> Voyez les <i>Poésies chrétiennes et morales</i> de Godeau, t. II.
-Paris, 1663. <i>La Grande Chartreuse</i> avait paru isolément,
-comme la plupart des poésies de Godeau. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> Les princes avaient été transférés du donjon de Vincennes
-au château de Marcoussis le 29 août précédent; c'est ce que
-nous apprenons de Loret:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ce jour (lundi) on prit occasion</p>
-<p>De faire la translation,</p>
-<p>Mais très-cachée et très-soudaine,</p>
-<p>Des trois prisonniers de Vincennes.</p>
-<p>Plaise à la divine bonté</p>
-<p>Que la dure captivité</p>
-<p>Par eux constamment endurée,</p>
-<p>Ne soit pas de longue durée!</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6">(<i>Muse historique</i>; lettre du 2 septembre 1650.) (M.)</span></p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> On voit dans les <i>Mémoires d'Omer Talon</i> que l'on avait eu
-connaissance, par des lettres interceptées, que de Madrid, sur
-la demande du marquis de Sillery qui négociait pour les rebelles,
-des ordres avaient été donnés pour que le maréchal de
-Turenne entrât dans le royaume et donnât de l'effroi à Paris.
-«Ce qui estoit desjà fait,» dit Talon, «car lors l'armée des
-ennemis étoit proche de la Ferté-Milon.» Cette alarme donna
-lieu au transfèrement des princes. Loret peint très-plaisamment
-l'effet que l'approche de l'ennemi produisit dans Paris:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Lundi vinrent dedans Paris</p>
-<p>Avec plaintes, clameurs et cris,</p>
-<p>Gens conduisant, toutes complettes,</p>
-<p>Sept mil sept cent trente charrettes</p>
-<p>Pleines de coffres et paquets,</p>
-<p>Dont l'on fit lors de grands caquets;</p>
-<p>Mais ces caquets sont choses vaines.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p><span class="i6">(<i>Muse historique</i>; lettre du 2 septembre 1650. M.)</span></p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> Charles de l'Aubespine, seigneur de Verderonne, maître
-des requêtes, chancelier de Gaston d'Orléans. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> Le chancelier Séguier n'avait pas alors les sceaux, ils lui
-avaient été redemandés le 1<sup>er</sup> mars précédent, et confiés
-à Charles de l'Aubespine, marquis de Châteuneuf, qui les
-garda jusqu'au mois d'avril 1651, et les remit alors à Mathieu
-Molé. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> Le parlement de Paris avait député à la reine régente les
-deux conseillers Meusnier et Bitaut, pour la supplier de continuer
-<i>sa bonne volonté envers la ville de Bordeaux</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> Cet accommodement, qui ne fut définitivement conclu
-qu'en 1653, consistait, pour le comte de Dognon, à rendre,
-ou plutôt à vendre au cardinal Mazarin, contre le bâton de
-maréchal de France, le Brouage et autres places dont il s'était
-emparé à la faveur des troubles.</p>
-
-<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> Loret nous apprend dans sa <i>Muse historique</i>, que cette
-femme de chambre s'appeloit Noiron, et que la reine la maria
-peu de temps après sa disgrâce à un sieur Ivelin, attaché
-comme médecin à sa maison. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> M<sup>lle</sup> Paulet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> Voyez l'épître de Godeau à la marquise de Clermont
-d'Antragues, dans ses Poésies. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> Voir, sur cette entrevue de la reine et de la Princesse de
-Condé, les <i>Mémoires de M<sup>lle</sup> de Montpensier</i>. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> <i>Mémoires de M<sup>me</sup> de Motteville.</i> (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> Le duc de Beaufort, grand Amiral de France, surnommé
-le <i>roi des halles</i>. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> La cour revint à Paris au commencement du mois de
-novembre 1650. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, et Marie de Bretagne,
-duchesse de Montbazon. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> Ces vers étaient déjà connus par le récit de M<sup>me</sup> de Motteville.
-(M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> M. de Bar était chargé de la garde des trois Princes; il
-était fort ignorant. On a prétendu que, comme il ne savait pas
-le latin, il voulait qu'on leur dît la messe en français, de peur
-que le prêtre, en officiant, ne leur donnât dans cette langue
-des avis qu'il ne pourrait pas comprendre. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> Cet événement arriva le samedi 29 octobre 1650, entre
-onze heures et minuit. Voyez le <i>Récit véritable de tout ce qui
-s'est passé à l'assassinat commis proche l'hôtel de Schomberg, au
-sujet de Monseigneur le duc de Beaufort</i>. Paris, 1650, in-4<sup>o</sup> de
-sept pages. Loret a raconté aussi cet événement dans sa <i>Muse
-historique</i>. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> <i>La Croix du Trahoir</i>; rue Saint-Honoré, au coin de la rue
-de l'Arbre-Sec. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> Les sieurs de Saint-Églan et de Brinville. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> Comme l'écrit déjà cité est l'ouvrage d'un Frondeur, et
-que ce parti ne mettoit pas en doute l'intention des assassins
-de tuer le duc de Beaufort, le pamphlet diffère essentiellement
-de la narration de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Il y est dit que les
-assaillants, «croyant que ledit seigneur-duc estoit dans ledit
-carrosse, à cause que le sieur de Saint-Églan avoit la chevelure
-blonde, ainsy que la porte ledit seigneur-duc, tirèrent quinze
-à vingt coups, sans blesser personne, sinon le sieur de
-Brinville, lequel fut blessé légèrement à la joue.... et tout
-aussitost tira un autre coup de mousqueton, duquel fut tué ou
-blessé à mort un desdits assassineurs, et en mesme temps ledit
-sieur de Brinville sauta legerement hors du carrosse, et à la
-faveur de la nuict se mesla parmi eux sans estre reconnû,
-ce que ne put faire le sieur de Saint-Églan, lequel fut misérablement
-blessé d'un coup de poignard ou de baïonnette au
-c&oelig;ur, dont il mourut une demy heure après.» <i>Récit véritable.</i>
-(M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> C'était dans la nuit du jeudi 3 novembre 1650. Voir les
-mémoires du temps et la lettre du samedi 5 novembre de la
-<i>Muse historique</i> de Loret. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse douairière
-de Condé. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> La cour rentra à Paris le 12 novembre 1650. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> Henri de Lorraine comte d'Harcourt, mort en 1666.</p>
-
-<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> Pendant la translation de Marcoussis au Havre, le prince
-de Condé fit contre le comte d'Harcourt le couplet suivant:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Cet homme gros et court</p>
-<p class="i1"> Si connu dans l'histoire,</p>
-<p class="i1"> Ce grand comte d'Harcourt,</p>
-<p class="i1"> Tout couronné de gloire,</p>
-<p>Qui secourut Casal et recouvra Turin,</p>
-<p>Est maintenant recors de Jules Mazarin.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> César-Phébus d'Albret, comte de Miossens, alors maréchal
-de camp, depuis maréchal d'Albret. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> La princesse de Condé douairière mourut à Châtillon-sur-Loing
-le 2 décembre 1650. Ses restes furent transportés
-le 22 du même mois au couvent des Carmélites de la rue
-Saint-Jacques. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> Isaac Habert, nommé évêque de Vabres en 1645. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> La bataille de Réthel, gagnée le 15 décembre 1650, par le
-maréchal du Plessis sur les Espagnols, dans les rangs desquels
-étoit le maréchal de Turenne. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> Claude de Mesmes, comte d'Avaux, l'un de nos diplomates
-les plus distingués, et frère du président, étoit mort le 19 novembre.
-(M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> Henri de Mesmes, président à mortier au parlement de
-Paris, mourut le 29 décembre 1650. Ce passage donne la date
-précise de cette lettre. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> C'est-à-dire apparemment un patron dans le ciel.&mdash;René
-Potier, seigneur de Blancmesnil et du Bourget, président des
-Enquêtes, ne termina cependant sa carrière que le 17 novembre
-1680. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> Cette lettre ne figure pas ici.</p>
-
-<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> Les princes étaient sortis du Havre le 13 février précédent.
-Leur liberté avait été le résultat d'un traité fait entre le Co-adjuteur
-et la princesse Palatine, au nom du prince de Condé,
-dont elle avait reçu les pouvoirs tracés sur une ardoise. Ce
-double mariage en avait été l'une des conditions. Le but était
-de réunir les princes et le duc d'Orléans dans un même intérêt.
-Ces mariages ne s'accomplirent pas. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> Jean de Montreuil, secrétaire du prince de Conti, membre
-de l'Académie française. Il n'aurait pu être longtemps le <i>custodi-nos</i>
-du prince, car il mourut le 27 avril suivant. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> Ce second refus du Parlement eut lieu le premier mars
-1651; ce fait donne la date précise de cette lettre. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> Louis de Valois, duc d'Angoulême, gouverneur de Provence,
-avait eu de violents démêlés avec le Parlement d'Aix. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> Mathieu Molé, premier président du Parlement de Paris,
-reçut les sceaux le 3 avril 1651, et mourut dans ses fonctions
-le 3 janvier 1656. (M).</p>
-
-<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> C'était le ballet de <i>Cassandre</i> dont les paroles sont de
-Benserade. (Voir les &OElig;uvres de ce poëte.) Il fut dansé au
-Palais-Cardinal le 26 février 1651. La reine n'y assista point;
-elle venait d'être obligée d'ordonner au cardinal Mazarin de
-quitter la France. (Voir la <i>Muse historique</i> de Loret, lettre du
-5 mars 1651.) (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> Les bourgeois de Paris gardaient nuit et jour le Palais-Royal;
-cela dura jusqu'au mois d'avril. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> Ce monsieur Bonneau était vraisemblablement l'oncle de
-M<sup>me</sup> de Miramion; sa fille épousa M. de Chauvelin. (M.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> Bibliothèque de l'Arsenal. M<sup>ss</sup>.-B. L. françaises, t. I,
-p. 43.</p>
-
-<p>Chapelain avait remercié M<sup>lle</sup> Robineau d'oiseaux de Paradis
-que lui avait envoyés M<sup>me</sup> Aragonnais. Nous avons déjà
-vu par la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au même, du 31 janvier
-1645, qu'elle l'accusait d'une grande partialité pour M<sup>lle</sup> Robineau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, p. 51, 52.</p>
-
-<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, p. 53, 54.</p>
-
-<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> M<sup>ss</sup> Conrart. in f<sup>o</sup>, t. V, p. 72.</p>
-
-<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> Le commencement de la ligne est coupé, et la dernière
-ligne entièrement.</p>
-
-<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, p. 905.</p>
-
-<p>La comtesse de Maure avait écrit à M<sup>me</sup> de Longueville deux
-lettres du 9 juin et du.... septembre 1655, où elle se moquait
-des prétentions de Mesdames de Bouillon, à propos d'une
-aventure dans laquelle figuraient les comtesses de Maure et de
-Saint-Géran, le père gardien d'un couvent de Bourbon, etc.
-(Voy. sur toute cette histoire, Cousin, <i>Madame de Sablé</i>, 1869,
-p. 299 et suiv.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 905.</p>
-
-<p>Cette lettre a été insérée par Amelot de la Houssaye dans
-ses <i>Mémoires historiques</i>, etc., 1737, t. II, p. 364. Voy. la <i>Notice</i>,
-p. 101.</p>
-
-<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, pp. 135-138.</p>
-
-<p>En reproduisant les trois lettres qui suivent dans la <i>Société
-française au XVII<sup>me</sup> siècle</i>, M. Cousin les a fait précéder du
-préambule suivant:</p>
-
-<p>«M<sup>lle</sup> de Scudéry ayant été passer une partie de l'automne
-à la maison de campagne de Conrart, à Athis, en 1656, Pellisson
-y était venu en visite; mais il y était resté fort peu de
-temps, et, à son retour à Paris, il s'était empressé d'écrire
-à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour lui exprimer les regrets qu'il éprouvait
-de n'être pas auprès d'elle, et les pensées qui l'avaient
-accompagné sur la route d'Athis à Paris, en côtoyant les
-bords de la Seine. Le ton de cette lettre est moitié sérieux,
-moitié badin. La réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry est du même
-style, ainsi que la réplique de Pellisson. M<sup>lle</sup> de Scudéry
-s'appelle toujours Sapho et Pellisson s'appelle déjà Herminius.
-On touche à la fin de 1656: la douce liaison est
-encore dans sa fleur et dans tout son agrément. Nous mettons
-au jour ces billets, qui n'ont rien de fort remarquable,
-pour donner une idée de la façon dont M<sup>lle</sup> de Scudéry et
-Pellisson étaient ensemble; on y sent une tendresse sincère,
-mais le bel esprit domine.»</p>
-
-<p>Les notes de M. Cousin sur ces trois lettres seront distinguées
-par les initiales: V. C.</p>
-
-<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> Mons était un hameau dépendant d'Athis. Une station du
-chemin de fer de Paris à Orléans porte aujourd'hui le nom de
-<i>Athis-Mons</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> Cléodamas et sa femme Ibérise sont deux personnages
-de la <i>Clélie</i>, qui représentent M. et M<sup>me</sup> Conrart. Agélaste est
-M<sup>lle</sup> Boquet; nous ne savons qui est Mérigène. Il paraît que
-c'était un homme du monde qui n'osait se risquer à faire le bel
-esprit. Cependant, encouragé par M<sup>lle</sup> de Scudéry, il lui écrivit
-lorsqu'elle quitta Athis pour retourner à Paris, quelques billets
-galants que Conrart nous a conservés avec les réponses
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry, tome XI, in-folio, page 339 (V. C.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> On appelait alors <i>corbillart</i> le coche d'eau qui menait à
-Corbeil et qui passait devant Athis. (V. C.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> Ce Cicéron n'est autre que M. de Doneville. Pellisson
-l'appelle ainsi, soit parce que dans leur correspondance, dont
-on voit quelques échantillons dans les manuscrits de Conrart,
-il est souvent question entre eux de Cicéron, que Doneville
-lisait beaucoup, soit parce que Pellisson comparait en badinant
-le magistrat de Toulouse au consul romain. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> Mérigène ne représente donc pas un des habitués du
-Samedi. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> Cela répond à la fin d'un madrigal que M<sup>lle</sup> de Scudéry
-avait adressé à Pellisson sous le nom de M<sup>lle</sup> Boquet, avec un
-mauvais portrait de celle-ci:</p>
-
-<p class="quote">Ce travail n'est pourtant pas laid<br />
-Pour un Raphaël de village.</p>
-
-<p class="signature">(V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> De Bouillon, mort en 1662, est surtout connu par l'<i>Histoire
-de Joconde</i> qu'il versifia d'après l'Arioste en même temps que
-La Fontaine, et qui donna lieu à une <i>Dissertation</i> de Boileau.
-Ses <i>&OElig;uvres</i> ont été imprimées: Paris, de Sercy, 1663, in-12.
-Mais il existe de lui une Correspondance manuscrite sur laquelle
-M. Faye a donné une <i>Notice</i> dans les <i>Mémoires des Antiquaires
-de l'Ouest</i>, année 1843, p. 119. Cette Correspondance
-comprend 125 lettres adressées à Scarron, Chapelain, Desbarreaux
-et à M<sup>lle</sup> de Scudéry que l'auteur connut en 1657. Nous
-lui empruntons les deux fragments qui suivent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> Dans une de ses lettres inédites, il s'intitule le <i>Grand
-chansonnier de France</i>. «M. de Boisrobert, dit-il, qui avoit cette
-charge avant moi, m'en a fait bon marché. Dieu veuille qu'elle
-me vaille une abbaye comme à lui, car il me semble qu'une
-abbaye me siéroit aussi bien qu'à un autre.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> <i>&OElig;uvres de Bouillon</i>, p. 116.</p>
-
-<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 901.
-
-M. de Raincy était fils du financier Bordier qui, ayant bâti
-le château du Raincy, obtint pour son fils cadet le titre de ce
-beau domaine. Celui-ci vivait dans la société des jeunes seigneurs
-et de quelques femmes aimables, telles que M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, M<sup>mes</sup> de Sévigné, de La Fayette, Scarron, etc. Il
-composait des vers de société, et est surtout connu par un madrigal
-dont Ménage feignit d'avoir trouvé l'original dans le
-Tasse, petite mystification qui trompa alors beaucoup de
-monde, mais dont se défièrent M<sup>me</sup> de Sévigné et surtout
-M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> Deux aimants.</p>
-
-<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> Térame, dans le VI<sup>e</sup> volume de <i>Clélie</i>, est un galant de
-profession, raisonnant sur l'amour à perte de vue.</p>
-
-<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 863.</p>
-
-<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. XI, p. 79.</p>
-
-<p>Anne Doni d'Attichy, comtesse de Maure, née en 1600,
-mariée en 1637, morte en avril 1662. M<sup>lle</sup> de Scudéry l'a peinte
-dans le <i>Grand Cyrus</i> sous le nom de la princesse d'Arménie,
-et M<sup>lle</sup> de Montpensier sous celui de la princesse de Misnie
-dans la <i>Princesse de Paphlagonie</i>, qui est le livre dont il est
-question dans cette lettre. M. A. de Barthélemy a publié la
-<i>Comtesse de Maure, sa vie et sa correspondance</i>. Paris, Gay,
-1863, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> La Suze et Pellisson, <i>Recueil de pièces galantes</i>, 1741, in-12,
-t. I, p. 266.</p>
-
-<p>Isarn (voy. la <i>Notice</i>, p. 68) avait adressé à M<sup>lle</sup> de Scudéry
-une pièce mêlée de vers et de prose, intitulée le <i>Louis d'Or</i>,
-qui a été insérée dans un grand nombre de recueils, outre celui
-que nous venons de citer, et qui a donné lieu à beaucoup
-d'imitations.</p>
-
-<p>Voici l'indication de l'édition originale: <i>La Pistole parlante,
-ou la Métamorphose du Louis d'Or, dédiée à M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>.
-Paris, Ch. de Sercy et Cl. Barbin, 1660, in-12 de 48 p.</p>
-
-<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> Les trois lettres suivantes sont tirées de la collection
-Baluze, armoire <span class="smallc">V</span>, paquet <span class="smallc">IV</span>, n. 3. L. I, 2 vol. in-f<sup>o</sup>. Altérée
-par la vive émotion que lui causait l'arrestation de
-Fouquet et de Pellisson, l'écriture de M<sup>lle</sup> de Scudéry y est
-encore plus difficile à déchiffrer qu'à l'ordinaire. Elles ont été
-publiées d'abord par M. Marcou, puis plus correctement par
-M. Chéruel, dans ses <i>Mémoires sur Fouquet</i>. Nous les avons
-collationnées de nouveau sur les originaux, et nous ne sommes
-pas parvenus à en rétablir complétement les lacunes et
-les ratures.</p>
-
-<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> Voir la <i>Notice</i>, p. 71 et suiv.</p>
-
-<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> Propriétaire de la maison des Pressoirs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> Ambassadeur de Suède à Paris.</p>
-
-<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> Marie-Éléonore de Rohan, abbesse de la Sainte-Trinité de
-Caen, avant d'être abbesse de Malnoue.</p>
-
-<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> Voy. ci-après p. 282, note 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> Belle-Ile.</p>
-
-<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> Votre mère. Voy. la <i>Notice</i>, p. 72.</p>
-
-<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> Femme d'un commis du Surintendant (Chéruel).</p>
-
-<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> Et pourtant: «J'ai la tête plus grosse que le poing, et
-si elle n'est pas enflée,» dit M<sup>me</sup> Jourdain dans le <i>Bourgeois
-Gentilhomme</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> Pellisson et Fouquet avaient été arrêtés à Nantes le
-5 septembre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> On trouve dans les papiers de Conrart à la bibliothèque
-de l'Arsenal (tome XI, in-folio, p. 187), un portrait de M. Méringat
-ou Mérignat, écrit par lui-même (Chéruel).</p>
-
-<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> M. de Nicolaï (id.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> Philippe de France, frère de Louis XIV (id.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> Le Surintendant (id.).</p>
-
-<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> Henriette de Coligny, fille du maréchal de ce nom, et
-petite-fille de l'amiral, avait épousé en 1643 Thomas Hamilton,
-comte d'Hadington, noble Écossais. Devenue veuve peu
-après son mariage, elle épousa en secondes noces le comte de
-la Suze, qui était comme elle de la religion réformée, mais elle
-ne tarda pas à souffrir beaucoup des soupçons jaloux de son
-mari, qui voulut l'emmener et la retenir dans une de ses
-terres. M<sup>me</sup> de la Suze, qui était jolie, qui aimait le monde et
-s'occupait de poésie, chercha par tous les moyens possibles à
-se soustraire à la tyrannie de son mari. Elle embrassa la religion
-catholique, <i>afin</i>, disait la reine Christine, <i>de ne voir son
-mari ni dans ce monde ni dans l'autre</i>.</p>
-
-<p>Plus tard, une séparation définitive (1661) la rendit libre;
-elle se livra entièrement à son goût pour les vers, et sa maison
-devint le rendez-vous des poëtes et des beaux esprits de
-son temps. C'est à cette séparation que M<sup>lle</sup> de Scudéry fait
-allusion. M<sup>me</sup> la comtesse de la Suze, née en 1618, mourut en
-1673. On trouve un certain nombre de ses productions dans
-l'ouvrage réimprimé plusieurs fois et souvent cité par nous:
-<i>Recueil de pièces galantes en prose et en vers de M<sup>me</sup> la comtesse
-de la Suze et de M. Pellisson</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> On sait que Fouquet composa, pendant sa captivité, des
-poésies latines et françaises, dont M. P. Clément a donné
-quelques échantillons dans le travail intitulé: <i>Nicolas Fouquet,
-surintendant des finances</i>, qui précède son <i>Histoire de Colbert</i>
-(voy. p. 68, 446 et 451.) Mais nous ne savons quels sont les
-vers dont parle ici M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> Catherine-Henriette Bellier, première femme de chambre
-de la reine Anne d'Autriche. Elle passe pour avoir eu les prémices
-du jeune roi Louis XIV, et fut plus tard «disgraciée par
-beaucoup de bonnes raisons,» dit l'honnête M<sup>me</sup> de Motteville.</p>
-
-<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> M<sup>lle</sup> de Lamothe-Houdancourt était une des filles d'honneur
-de la reine. La comtesse de Soissons, qui n'aimait pas M<sup>lle</sup> de
-la Vallière, voulant lui susciter une rivale, appela l'attention
-du jeune roi sur M<sup>lle</sup> de Lamothe-Houdancourt, et facilita même
-à plusieurs reprises le rapprochement des deux amants. M<sup>me</sup> la
-duchesse de Navailles, qui avait les filles d'honneur sous sa
-surveillance, et qui s'était aperçue de cette nouvelle passion
-du roi, lui en fit des représentations respectueuses, mais hardies.
-Elle en vint même jusqu'à faire placer des grilles aux fenêtres
-de l'appartement des filles d'honneur, afin d'empêcher le
-roi d'y pénétrer par les terrasses du château. Ces obstacles
-contrarièrent vivement le roi, qui cependant ne voulut pas
-faire un éclat, et il ne tarda pas à rentrer sous le joug si aimable
-et si doux de M<sup>lle</sup> de la Vallière.</p>
-
-<p>Plusieurs écrivains ont mis l'intrigue dont il vient d'être
-question sur le compte de M<sup>lle</sup> de Lamothe-d'Argencourt, autre
-fille d'honneur de la reine-mère, pour laquelle le roi avait
-montré de l'inclination en 1657 (voy. les <i>Mémoires de Motteville</i>).
-Mais comment croire que M<sup>lle</sup> de Scudéry, à la fin de
-l'année 1661, pût donner comme une <i>nouvelle</i> un fait qui se
-serait passé quatre ans auparavant? D'ailleurs, le rôle attribué
-ici à M<sup>me</sup> de Beauvais et au marquis de Richelieu, son
-gendre, prouve qu'il s'agit bien de M<sup>lle</sup> de Lamothe-Houdancourt,
-car c'est bien de cette dernière (et non de M<sup>lle</sup> d'Argencourt)
-que les <i>Mémoires de Brienne</i> (le jeune), t. I, p. 173, nous
-montrent le marquis amoureux à l'époque de la disgrâce de
-Fouquet, et cela avec des détails qui rendent toute confusion
-impossible.</p>
-
-<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> C'est-à-dire qu'il en faisait l'objet d'une de ces plaisanteries
-de société dans lesquelles il excellait.</p>
-
-<p>A la suite de ceci, il y a dans l'original quatre lignes biffées
-avec soin. Nous avons cru déchiffrer ces quelques mots: «<i>Il
-vint à Fontainebleau..... M<sup>lle</sup> Loyseau..... Aragonnais.....</i>»</p>
-
-<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> Commis de Fouquet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> Cette lettre, et la plupart de celles qui suivront, adressées
-à Huet par M<sup>lle</sup> de Scudéry, sont tirées des copies de Léchaudé
-d'Anisy, conservées à la Bibliothèque nationale. Ces originaux
-sont aujourd'hui perdus ou dispersés, et ces copies sans date,
-sans ordre, ont été exécutées dans un déplorable système de
-retranchements et d'arrangements, dont on pourra juger par
-l'avis suivant que le copiste a cru devoir mettre en tête:</p>
-
-<p class="blockquote">
-«La nombreuse collection de lettres autographes de M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, que l'évêque d'Avranches avait reçues et avait rassemblées,
-aurait pu permettre d'étendre beaucoup cette correspondance,
-surtout si l'on y eût ajouté les diverses poésies
-qu'elle soumettait au jugement du savant prélat. Mais ses vers
-étant encore plus affectés que ses lettres familières, on a dû
-les supprimer totalement dans ce recueil et se borner au très-petit
-nombre de ses lettres qui se ressentent le moins de ce
-style précieux et affecté qu'on reproche à M<sup>lle</sup> de Scudéry, et
-qui était un des caractères distinctifs de son esprit.»</p>
-
-<p>Ainsi, retrancher dans les lettres d'un écrivain ce qui était
-<i>un des caractères distinctifs de son esprit</i>, voilà le système avoué
-du transcripteur de la Correspondance de Huet. Ce qui peut
-consoler les amis de notre histoire littéraire, ce sont les longues
-et consciencieuses études que M. Baudement, bibliothécaire
-à la Bibliothèque nationale, a consacrées à l'évêque
-d'Avranches, études dont il nous a été donné de profiter, et
-dont il faut espérer que le public jouira bientôt à son tour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> Fouquet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> Pellisson.</p>
-
-<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> Cet ami dans le tombeau serait-il Mazarin, mort le 9 mars
-précédent?</p>
-
-<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, t. IX, in-f<sup>o</sup>, p. 199.&mdash;<i>Pièces nouvelles et
-galantes</i>, 1667, t. II, p. 9.&mdash;Voir la <i>Notice</i>, p. 109, note 4.</p>
-
-<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 75.</p>
-
-<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> Delort, <i>Voyages aux environs de Paris</i>, t. I, p. 141.&mdash;<i>Histoire
-de la détention des philosophes</i>, t. I. p. 79.</p>
-
-<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> Il parut en 1670. «Achevé d'imprimer le 20 novembre
-1670,» lit-on en tête de la première édition qui précède le
-roman de <i>Zaïde</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> <i>Du vrai et parfait amour, contenant les amours honnêtes de
-Théogène et de Charide</i>, etc., Paris, 1599 et 1612, in-12. C'est
-un pastiche des romans grecs, mis par son auteur, Martin
-Fumée, s<sup>r</sup> de Genillé, sous le nom du philosophe Athénagoras.</p>
-
-<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> Cet avocat au parlement de Dijon, trésorier de France en
-la généralité de Bourgogne, était parent de Bossuet; il était né
-en 1644 et mourut en 1715. Voir la <i>Notice</i> de M. Miller, souvent
-citée par nous, à laquelle nous empruntons cette lettre:
-<i>Pierre Taisand</i>, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> M<sup>me</sup> Foucaut, s&oelig;ur de Bossuet. Voy. <i>Pierre Taisand</i>, p. 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> François Charpentier, membre de l'Académie française,
-était en correspondance avec M<sup>lle</sup> de Scudéry. <i>Voy.</i> ci-après la
-lettre qu'il lui adressa en 1659.</p>
-
-<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> <i>Églogue royale à Louis XIV</i>. Paris, 1673, in-4<sup>o</sup>. C'est à
-cette production de Charpentier que Boileau fait allusion dans
-son <i>Discours au Roy</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>L'un en style pompeux habillant une églogue</p>
-<p>De ses rares vertus se fait un long prologue,</p>
-<p>Et mêle, en se vantant soi-même à tout propos,</p>
-<p>Les louanges d'un fat à celles d'un héros.</p>
-</div></div>
-
-<p>Il faut dire que Boileau était souvent en querelle à l'Académie
-avec Charpentier. Dans une lettre à Racine datée de Bourbon
-le 21 juillet 1687, où Fagon l'avait envoyé prendre les eaux pour
-le guérir d'une extinction de voix qui l'affligeait depuis plusieurs
-années, il dépeint le traitement auquel on le soumet, et dit en
-s'y résignant: «Mais que ne feroit-on pas pour contredire
-M. Charpentier?»</p>
-
-<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> La ville de Luxembourg se rendit au maréchal de Créqui
-le 4 juin, après 24 jours de tranchée ouverte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> Marie-Éléonore de Rohan, morte le 8 avril 1682.</p>
-
-<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> Claude Guyonnet de Vertron, auteur de la <i>Nouvelle Pandore,
-ou les Femmes illustres du règne de Louis XIV</i>, 1698, 2 vol.
-in-12, où il a rassemblé une foule de sonnets, madrigaux, etc.,
-à la gloire des dames et à la louange du roi. Ce recueil indigeste
-et assez rare offre pour nous l'intérêt d'avoir conservé
-quelques lettres de M<sup>lle</sup> de Scudéry, parmi lesquelles nous
-avons choisi celle-ci et les deux suivantes.</p>
-
-<p>Cette lettre répond à une épître où M. de Vertron lui demandait
-à être introduit auprès d'elle sous les auspices de
-M<sup>lle</sup> de la Vigne. <i>Nouvelle Pandore</i>, p. 349 à 351.</p>
-
-<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> Probablement le grand carrousel des 4 et 5 juin 1685,
-où le duc de Saint-Aignan joua un rôle important, comme on
-le voit par la <i>Relation</i> qui en fut publiée cette année même. Il
-y eut un autre carrousel en 1686.</p>
-
-<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> <i>Parallèle de Louis le Grand avec les princes qui ont été nommés
-grands</i>, Paris, 1685, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> <i>Espace</i> était quelquefois employé au féminin. D'Aubigné
-lui donne ce genre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> Ce sonnet à la louange de M<sup>lle</sup> de Scudéry se trouve
-dans la <i>Nouvelle Pandore</i>, t. I, p. 313.</p>
-
-<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> Il s'agissait d'un concours de bouts-rimés en l'honneur
-du duc de Saint-Aignan, protecteur de Vertron. Celui-ci avait
-désigné M<sup>me</sup> Deshoulières et M<sup>lle</sup> Serment pour exercer cette
-espèce d'arbitrage que M<sup>lle</sup> de Scudéry décline ici avec politesse.</p>
-
-<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> La notice détaillée que le savant Weiss a consacrée à ce
-personnage dans la <i>Biographie universelle</i>, nous dispense d'en
-parler ici longuement. Contentons-nous de dire que l'abbé
-Boisot (Jean-Baptiste) naquit à Besançon, au mois de juillet
-1638 et mourut le 4 décembre 1694. Il est connu par divers travaux
-d'érudition et par la part qu'il prit à la conservation et au
-classement des papiers du cardinal de Granvelle.</p>
-
-<p>Ami de Pellisson et de M<sup>lle</sup> de Scudéry, il entretint avec
-celle-ci une correspondance qui s'étendit depuis la fin de l'année
-1686 jusqu'en 1694, époque de la mort de l'abbé. Conservée
-à la bibliothèque de Besançon, elle a été communiquée par le
-savant M. Weiss aux éditeurs des <i>Historiettes de Tallemant des
-Réaux</i>, 1860. Nous en reproduisons ici un certain nombre, avec
-les éclaircissements qu'y avait joints M. Weiss, nous réservant
-d'élaguer, dans le texte et dans les notes, les répétitions et les
-longueurs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> Cabinet de M. Toussaint, avocat au Havre.</p>
-
-<p>L'évêque de Poitiers était François-Ignace de Baglion de
-Saillant.</p>
-
-<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> François de Bonne, maréchal de Créqui, mort le 4 février
-1687.</p>
-
-<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> Il est probable que ces lettres faisaient partie des papiers
-du cardinal de Granvelle, et que l'abbé Boisot, toujours empressé
-d'être agréable à M<sup>lle</sup> de Scudéry, les lui avait envoyées.
-(W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> Voyez-les, aux Poésies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> Trouvé dans les papiers du cardinal de Granvelle, par
-l'abbé Boisot, qui s'était empressé de le communiquer à
-M<sup>lle</sup> de Scudéry. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> Ce gentilhomme bordelais se nommait Bétoulaud. On
-conserve de lui dans les recueils académiques des provinces
-un grand nombre de pièces de poésie. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> Elle les avait recommandés à l'abbé par une lettre du
-6 juin, où elle parlait du père (l'une des victimes de Boileau),
-comme d'un de ses amis particuliers depuis trente ans.</p>
-
-<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> On n'a pas pu le retrouver dans les papiers de l'abbé
-Boisot. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> Le duc de Chevreuse remplissait réellement, comme le
-dit M<sup>lle</sup> de Scudéry, les fonctions de sous-gouverneur du duc
-de Bourgogne, mais il n'en eut pas le titre. On lit dans la <i>Gazette
-de France</i> du 20 août 1689: «Le marquis de Denonville
-(Jacques-René de Briney) est nommé sous-gouverneur du duc
-de Bourgogne.» M. de Denonville avait été gouverneur du
-Canada; il mourut en 1710, âgé de soixante-treize ans. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> L'officier sous lequel le fils de Bonnecorse devait servir.</p>
-
-<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> C'est le livre que Huet publia en latin contre la philosophie
-de Descartes, et qui fut imprimé pour la première fois
-en 1689.</p>
-
-<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> Catherine Descartes, nièce du célèbre philosophe, est
-morte à Rennes vers 1706. Elle avait beaucoup d'esprit et de
-savoir, et écrivait facilement en vers et en prose. M<sup>lle</sup> de Scudéry
-l'appelait <i>Cartésie</i> et l'aimait beaucoup, comme le témoignent
-les lettres qu'elle lui adressait et auxquelles celle-ci
-répondit. Voyez-les ci-après.</p>
-
-<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> Ce madrigal est celui qu'elle fit pour le duc de Bourgogne
-faisant l'exercice avec les mousquetaires devant le Roi. Voy.
-aux Poésies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> <i>Réflexions sur les différends en matière de religion.</i> 1686,
-in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> <i>Les Chimères de M. Jurieu</i>, autre ouvrage de Pellisson.
-1690, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> Jean-Baptiste Le Conte de la Tresne, premier président
-au parlement de Bordeaux.</p>
-
-<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> Il s'agit des trois éloges de Louis XIV, par Pellisson,
-dont il a été question dans la lettre précédente.</p>
-
-<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> Composé en 1665, publié en 1735 dans les <i>&OElig;uvres diverses</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> Paris, 1671, in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> Leibnitz.</p>
-
-<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> M<sup>lle</sup> Bordey, dont il sera parlé ci-après.</p>
-
-<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> Jeanne-Anne de Bordey, née vers 1650 à Vuillafans, près
-d'Ornans, d'une famille noble, éprouva de bonne heure un
-goût très-vif pour les lettres; mais elle les cultivait en secret
-pour échapper au ridicule qui s'attachait alors dans sa province
-aux femmes soupçonnées de viser au bel esprit. Sa modestie
-ne l'empêcha pas d'être connue du savant abbé Boisot, qui
-reçut dès lors ses confidences littéraires et l'encouragea dans
-ses essais. Ce fut lui qui la mit en rapport avec M<sup>lle</sup> de Scudéry,
-qui lui donna le nom de <i>Belle Iris</i>, sous lequel elle était
-connue dans les sociétés de Paris. La mort de l'abbé Boisot,
-son protecteur et son constant ami, dut être pour elle la cause
-d'un vif chagrin. Elle avait épousé peu de temps auparavant
-(1691) M. de Chandiot, d'une famille patricienne de Besançon,
-qui sut apprécier toutes les qualités de sa compagne. Elle le
-perdit en 1709, et dès lors elle vécut dans une retraite profonde,
-partageant son temps entre la culture des lettres, son
-unique consolation, et la pratique de toutes les vertus chrétiennes.
-Sa charité était inépuisable; par son testament elle
-légua toute sa fortune au Grand Hôpital dont son mari avait été
-l'un des administrateurs et des éminents bienfaiteurs; elle demandait
-aussi d'être inhumée dans le cimetière de cet hospice,
-au milieu des pauvres dont elle avait été la providence, et pour
-ainsi dire, la mère. Son v&oelig;u fut exaucé. M<sup>me</sup> de Chandiot mourut
-le 19 mars 1737, dans un âge très-avancé. On ne connaît aucun
-écrit de M<sup>me</sup> de Chandiot. Une partie de sa correspondance
-avec l'abbé Nicaise et des autres amis de M<sup>lle</sup> de Scudéry, était
-entre les mains de M. Rousselle de Bréville, de l'académie de
-Besançon; celui-ci étant mort en 1807, dans un village où il
-s'était retiré pendant la Révolution, cette correspondance devint
-la proie du maître d'école qui, n'en connaissant pas la
-valeur, la donnait à ses élèves pour les former à la lecture des
-<i>vieux papiers</i>. Ainsi rien ne subsiste plus d'une femme aussi
-vertueuse que spirituelle; et son nom est à peine connu dans
-une ville où sa mémoire aurait dû être impérissable. (W.)</p>
-
-<p>Sur la mort de M<sup>me</sup> de Chandiot et sur le sort de ses papiers,
-voy. <i>Revue littéraire de la Franche-Comté</i>, t. IV, p. 210.</p>
-
-<p>Cette lettre ne fait pas partie de la correspondance conservée
-à Besançon. Nous la tirons d'un M<sup>ss</sup> de la Bibliothèque nationale
-qui en renferme six autres de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>me</sup> de
-Chandiot: <i>Lettres originales</i>, t. IV. N-Z.</p>
-
-<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> Innocent XII, qui succéda à Alexandre VIII. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry se trompe, il n'a point été archevêque de
-Florence. (W.)</p>
-
-<p>Il y a une autre erreur sur l'âge de 87 ans, que M<sup>lle</sup> de
-Scudéry donne au Pape lors de son élection, tandis que les
-biographes s'accordent pour le faire mourir en 1700, âgé de
-85 ans.</p>
-
-<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> On n'a pu retrouver ce dialogue dans les papiers de l'abbé
-Boisot. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> Cabinet de M. Victor Cousin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry avait recommandé à Huet, pour la place
-vacante à l'Académie par la mort de Benserade, M. de la Loubère,
-né à Toulouse en 1642.</p>
-
-<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> Le ton de ce billet prouve que M<sup>lle</sup> de Scudéry était
-blessée de la préférence accordée à Pavillon sur son ami, M. de
-la Loubère, qui fut ensuite nommé en 1693. La parenté de
-M<sup>me</sup> de Pontchartrain, comptée comme un des titres de Pavillon
-à cette préférence, est même un trait assez malin pour
-M<sup>lle</sup> de Scudéry; mais ce qu'il y a de plaisant, c'est que la Loubère
-fut nommé par le crédit de M. de Pontchartrain, chancelier,
-ce qui lui valut alors une épigramme qu'on attribue à
-La Fontaine, et avec plus de vraisemblance à Chaulieu. Elle se
-termine ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Il en sera quoi qu'on en die:</p>
-<p>C'est un impôt que Pontchartrain</p>
-<p>Veut mettre sur l'Académie.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> M<sup>lle</sup> Bordey avait épousé, à la fin de l'année 1691, M. de
-Chandiot. S'il faut croire ce que dit M<sup>lle</sup> de Scudéry dans cette
-lettre, cette union aurait été un mariage de raison et de convenance
-dans lequel l'amour ne serait entré pour rien.</p>
-
-<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> De Mauroy. Voici ce qu'en dit Saint-Simon dans ses <i>Additions</i>
-au <i>Journal de Dangeau</i>, t. III, p. 438: «C'étoit un prêtre
-de la Congrégation de la mission, gentilhomme de bon
-lieu, savant et de beaucoup d'esprit et d'intrigue, grand directeur
-et grand cagot, qui avoit fait longtemps avec ses poulettes
-de quoi être brûlé, sans qu'on en eût le moindre soupçon, et
-avoit volé tant et plus M. de Louvois, avec qui la cure des
-Invalides lui avoit donné grande relation, et à qui il tiroit tant
-qu'il vouloit d'aumônes, et pour des sommes très-considérables.
-L'éclat fut donc du plus grand scandale; néanmoins le
-roi ne voulut pas qu'il fût poussé à bout, et le confina dans
-l'abbaye de Sept-Fonts, où il se convertit si bien qu'il y fit
-profession, et y a été plus de trente ans l'exemple le plus parfait
-de la pénitence, de la miséricorde de Dieu et des vertus de
-cette maison, qui est la même vie et la même règle que la
-Trappe.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> Le livre pour lequel M<sup>lle</sup> de Scudéry adresse à Huet des
-remercîments est son ouvrage sur la <i>Situation du Paradis terrestre</i>,
-qu'il place en effet au confluent de l'Euphrate et du
-Tigre. (Cet ouvrage parut à Paris, chez Anisson, 1 vol. in-12,
-1691.)&mdash;Le privilége est du 11 octobre. Quant aux voyages de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry aux bords de l'Euphrate et à Suze, on voit
-que c'est une allusion à ses romans.</p>
-
-<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> Probablement l'abbé de Faure-Ferriès, qui publia le <i>Traité
-de l'Eucharistie</i> de Pellisson.</p>
-
-<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> De Forbin-Janson.</p>
-
-<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> Fille naturelle de Louis XIV et de M<sup>me</sup> de Montespan. Ce
-mariage eut lieu le 18 février 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> Jean-Claude de Bressay de Belfrey servait comme ingénieur
-dans l'armée espagnole, lorsqu'il entra au service de
-France en 1691. Maréchal de camp le 30 avril 1692, il fut autorisé,
-le 1<sup>er</sup> juillet suivant, à lever un régiment d'infanterie
-de son nom; enfin, le 3 janvier 1694, il obtint le grade de
-lieutenant général.</p>
-
-<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> J'ai valu, vaux et vaudrai. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> Jean-Jacques Boisot, frère cadet de l'abbé de Saint-Vincent,
-président à mortier en 1686, mort le 17 octobre
-1731. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> Voy. dans la <i>Notice</i>, p. 100, ce que nous avons dit des
-pierres gravées données au roi par M<sup>lle</sup> de Scudéry. Celle dont
-il est ici question figure encore au Cabinet des médailles sous
-le n<sup>o</sup> 2392, parmi les <i>Intailles modernes</i>. Sa non antiquité est
-reconnue depuis longtemps.</p>
-
-<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> C'est-à-dire son propre maître, comme la suite l'indique.</p>
-
-<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> Joseph de Forbin, marquis de Janson, gouverneur d'Antibes,
-comme l'avait été son père Laurent de Forbin, mort le
-2 du même mois. Nous avons parlé du Cardinal, p. 24 de la
-<i>Notice</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 109.</p>
-
-<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> Paris, 1692, 2 vol. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> D'une famille patricienne de Bayonne; il y a eu des co-gouverneurs
-de ce nom et des conseillers au Parlement. Elle
-est éteinte depuis la fin du dernier siècle. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> Mascaron. M<sup>lle</sup> de Scudéry, en le disant le plus éloquent
-prélat du royaume, oublioit Bossuet. Mais Bossuet ne l'avoit
-pas apparemment remerciée de l'envoi de son ouvrage. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> Huet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> Voy. <i>Historiettes</i>. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> Communiquée par M. Étienne Charavay.</p>
-
-<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> Chasse-Midi, Cherche-Midi, maison religieuse établie en
-1634 dans la rue de ce nom. M<sup>me</sup> de Rochechouart-Mortemart,
-future abbesse de Fontevrault, y allait souvent, et Marie-Éléonore
-de Rohan y mourut.</p>
-
-<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> Ménage mourut le 23 juillet 1692.</p>
-
-<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> Montausier était mort le 17 mai 1690. Voir aux Poésies
-les vers que M<sup>lle</sup> de Scudéry fit à cette occasion.</p>
-
-<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> Cette lettre, écrite sept jours après la précédente, renferme
-plusieurs redites que nous avons supprimées pour la
-plupart. Nous la donnons néanmoins à cause de quelques détails
-nouveaux.</p>
-
-<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> Il va sans dire que c'est la copie qui est mal écrite. Cette
-copie, de la main de M<sup>lle</sup> de Scudéry, fait partie du cabinet de
-M. Dubrunfaut qui a bien voulu nous la communiquer. Voy. ci-après
-les lettres de Bossuet à M<sup>lle</sup> de Scudéry et à M<sup>lle</sup> Dupré
-sur la mort de Pellisson.</p>
-
-<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> Le célèbre abbé de Rancé.</p>
-
-<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> Michel H. Le Peletier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> Cette religieuse est évidemment Louise-Hollandine, s&oelig;ur
-de la Palatine, duchesse d'Orléans. Elle était en effet en correspondance
-avec Leibnitz.</p>
-
-<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> Elle n'a point été imprimée et on ne l'a pas retrouvée
-dans les m<sup>ss</sup> de l'abbé Boisot. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> La lettre de l'abbé Boisot à Pellisson, contenant son projet
-de la Vie du cardinal de Granvelle a été publiée dans les
-<i>Mémoires de littérature</i> de P. Desmolets, t. IV, p. 27; elle est
-très-intéressante. (W.) Nous ajouterons ici à la note de
-M. Weiss, qu'il a publié lui-même en 9 vol. in-4<sup>o</sup> les <i>Papiers
-d'État du cardinal de Granvelle</i> et que, dans la <i>Notice préliminaire</i>,
-il est entré dans de longs détails sur l'abbé Boisot et
-sur ses travaux relatifs à ces papiers.</p>
-
-<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> C'était M. de Lafond.</p>
-
-<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> Voir aux Poésies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> Voir la <i>Notice</i>, p. 77.</p>
-
-<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> Roses.</p>
-
-<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> Nous n'avons pas retrouvé cet impromptu.</p>
-
-<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> Jean-Baptiste Adhémar de Monteil de Grignan, frère du
-comte de Grignan, et dont il est souvent question dans la correspondance
-de M<sup>me</sup> de Sévigné.</p>
-
-<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> Nous avons parlé dans la <i>Notice</i>, p. 88, des attaques de
-Boileau, contre lesquelles M<sup>lle</sup> de Scudéry proteste avec vivacité
-dans cette lettre et dans les suivantes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> Philippe-Julien Mazarini-Mancini, neveu du cardinal.</p>
-
-<p>Il ne peut être question ici du sonnet grossier à propos de
-<i>Phèdre</i>, où le duc de Nevers menaçait Boileau et Racine de
-coups de bâton: ce sonnet est de 1674, et la <i>Satire contre les
-femmes</i> est de vingt ans postérieure. Comme elle renferme un
-portrait de la Précieuse où l'on voulut reconnaître M<sup>me</sup> Deshoulières,
-il est possible que, cette fois encore, le duc ait voulu
-la venger des attaques de Boileau, leur ennemi commun.</p>
-
-<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> Hémistiche d'un vers de la satire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> Ce madrigal n'a pas été retrouvé.</p>
-
-<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> Sur la <i>Satire contre les femmes</i>. (W.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> Cabinet de M. Dubrunfaut.</p>
-
-<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> L'amiral anglais Russell et le vice-amiral espagnol Papachin
-commandaient les flottes combinées d'Angleterre et
-d'Espagne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> Il semble qu'il faudrait ajouter <i>Monseigneur le Dauphin</i> ou
-<i>le maréchal de Luxembourg</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> Probablement Falaen (Belgique, Province de Namur).</p>
-
-<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> L'héritier de la duchesse de Nemours était le chevalier
-de Soissons, son cousin germain, à qui elle fit prendre, en le
-mariant, le titre de prince de Neufchâtel.</p>
-
-<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> Onyx.&mdash;L'inventaire de la bibliothèque des Médailles, cité
-par nous p. 100 de la <i>Notice</i>, mentionne à la date du 19 février
-1695 «une petite agathe onice montée en cachet d'or sur
-laquelle est gravée en creux une Victoire debout, donnée au
-Roy par M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> Voy. ce Madrigal aux Poésies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> Nous n'avons pas trouvé trace de cette question dans le
-<i>Journal des Savants</i> de 1694 et de l'année précédente.</p>
-
-<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> Disons ici, une fois pour toutes, que parmi les nombreuses
-pièces de circonstance de M<sup>lle</sup> de Scudéry ou de ses
-amis, citées dans sa Correspondance et que nous avons pu
-retrouver, celles qui présentent quelque intérêt ont été reproduites
-ou indiquées dans les Poésies.</p>
-
-<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> Cette lettre et les suivantes à M<sup>me</sup> de Chandiot sont tirées
-du m<sup>ss</sup> de la Bibliothèque nationale indiqué ci-dessus, p. 322.</p>
-
-<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> L'abbé Boisot, mort le 4 décembre 1694.</p>
-
-<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> L'abbé Boisot.&mdash;Cet Éloge se trouve au <i>Journal des Savants</i>,
-1695, p. 212, sous forme de Lettre à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Voy. les Poésies et le <i>Recueil de M<sup>me</sup> de la Suze et de Pellisson</i>,
-1741, t. I, pp. 164 à 199.</p>
-
-<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> Cabinet de M. Chambry.
-
-L'abbé Nicaise, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon,
-avait été surnommé par La Monnoie le <i>Facteur du Parnasse</i>.
-Il entretenait avec divers savants, tant français qu'étrangers,
-une vaste correspondance dont plusieurs volumes sont conservés
-à Paris, à Lyon et à Montpellier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> Lantin (Jean-Baptiste), conseiller au parlement de Dijon,
-né en 1620, mort en 1695.</p>
-
-<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> Le <i>Journal des Savants</i> fut rédigé de 1687 à 1702 par
-Louis Cousin, président de la cour des Monnaies et membre de
-l'Académie française.</p>
-
-<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_494" href="#FNanchor_494" class="label">[494]</a> Voir la <i>Notice</i>, page 110.&mdash;Nous ne savons s'il s'agit ici
-de l'abbé Jean Gallois de l'Académie des sciences et de l'Académie
-française, l'un des principaux rédacteurs du <i>Journal
-des Savants</i>, ou du sieur Legallois auteur des <i>Conversations
-académiques</i> dédiées à Huet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_495" href="#FNanchor_495" class="label">[495]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_496" href="#FNanchor_496" class="label">[496]</a> Marc-Antoine de la Bastide, controversiste protestant, né
-à Milhau en 1624, mort vers 1704. Il fut envoyé comme secrétaire
-d'ambassade en Angleterre; il était ami de Pellisson.</p>
-
-<p><a id="Footnote_497" href="#FNanchor_497" class="label">[497]</a> De la main d'un secrétaire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_498" href="#FNanchor_498" class="label">[498]</a> Par ses conseils.</p>
-
-<p><a id="Footnote_499" href="#FNanchor_499" class="label">[499]</a> «En arrivant de Fontainebleau (22 octobre 1699), le jour
-même, Monseigneur et la duchesse de Bourgogne furent mis
-ensemble.» Saint-Simon, édition Chéruel, tome II, p. 336.</p>
-
-<p><a id="Footnote_500" href="#FNanchor_500" class="label">[500]</a> <i>Musée des Archives</i>, n<sup>o</sup> 909.</p>
-
-<p><a id="Footnote_501" href="#FNanchor_501" class="label">[501]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.
-
-Cette lettre n'est pas écrite par M<sup>lle</sup> de Scudéry; elle est de
-la main d'un secrétaire, et seulement signée par elle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_502" href="#FNanchor_502" class="label">[502]</a> Segrais étant mort le 25 mars 1701, cette lettre est de
-peu de temps avant la maladie qui conduisit M<sup>lle</sup> de Scudéry
-au tombeau le 3 juin de la même année.</p>
-
-<p><a id="Footnote_503" href="#FNanchor_503" class="label">[503]</a> Les six lettres suivantes, échangées entre M<sup>lle</sup> de Scudéry
-et M<sup>lle</sup> Descartes, sont tirées d'un volume intitulé: <i>Essais de
-lettres familières sur toutes sortes de sujets, avec un discours
-sur l'art épistolaire et quelques remarques nouvelles sur la langue
-françoise; ouvrage posthume de l'abbé *** (Cassagne)</i>; mis en
-ordre par l'abbé de Furetière, de l'Académie françoise. Paris,
-Jacques Lefebvre, 1690, 1 vol. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_504" href="#FNanchor_504" class="label">[504]</a> Probablement M<sup>me</sup> de Platbuisson. Voyez la <i>Notice</i>, p. 55.</p>
-
-<p><a id="Footnote_505" href="#FNanchor_505" class="label">[505]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_506" href="#FNanchor_506" class="label">[506]</a> Quel est ce Ménalque? Serait-ce Brancas, le fameux distrait
-de Labruyère?</p>
-
-<p><a id="Footnote_507" href="#FNanchor_507" class="label">[507]</a> Cabinet de M. Toussaint du Havre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_508" href="#FNanchor_508" class="label">[508]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_509" href="#FNanchor_509" class="label">[509]</a> L'Épître de Sabatier est insérée au tome II, p. 216, de la
-<i>Nouvelle Pandore</i>, et la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à la page 211.</p>
-
-<p><a id="Footnote_510" href="#FNanchor_510" class="label">[510]</a> Cette lettre fait partie d'un volume publié par M. Matter,
-intitulé: <i>Lettres et pièces rares et inédites</i>, Paris, 1846.&mdash;Voyez
-la <i>Notice</i>, page 125.</p>
-
-<p><a id="Footnote_511" href="#FNanchor_511" class="label">[511]</a> Collection Lajariette.</p>
-
-<p><a id="Footnote_512" href="#FNanchor_512" class="label">[512]</a> Cabinet de M. Chambry.&mdash;Cette lettre est imprimée
-dans les <i>Lettres choisies</i> de Balzac, édition de 1668, t. II, p. 211,
-et dans l'édition de ses <i>&OElig;uvres</i>, 1665, in-f<sup>o</sup>, t. I, p. 647, mais
-on n'y trouve pas le <i>post-scriptum</i> qui est dans la lettre originale.</p>
-
-<p><a id="Footnote_513" href="#FNanchor_513" class="label">[513]</a> L'<i>Apologie du Théâtre</i>, Paris, 1639, in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_514" href="#FNanchor_514" class="label">[514]</a> <i>Correspondance de Chapelain.</i> M<sup>ss</sup> Sainte-Beuve.</p>
-
-<p><a id="Footnote_515" href="#FNanchor_515" class="label">[515]</a> George de Scudéry avait demandé à Chapelain son portrait
-pour sa collection des Illustres.</p>
-
-<p><a id="Footnote_516" href="#FNanchor_516" class="label">[516]</a> <i>Lettres de Godeau, évêque de Vence, sur divers sujets.</i> Paris,
-1713, in-12, p. 200.</p>
-
-<p><a id="Footnote_517" href="#FNanchor_517" class="label">[517]</a> Il parut en 1641 une 2<sup>e</sup> édition des <i>&OElig;uvres chrestiennes</i>
-de Godeau.</p>
-
-<p><a id="Footnote_518" href="#FNanchor_518" class="label">[518]</a> Cabinet de M. Rathery.</p>
-
-<p><a id="Footnote_519" href="#FNanchor_519" class="label">[519]</a> Voy. ci-dessus, p. 195.</p>
-
-<p><a id="Footnote_520" href="#FNanchor_520" class="label">[520]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. IX, p. 131.</p>
-
-<p>Des deux lettres ci-jointes, l'une est adressée à M<sup>lle</sup> de
-Scudéry, l'autre se rapporte à elle. M. Cousin, en les reproduisant
-dans la <i>Société française au dix-septième siècle</i>, les a
-fait précéder d'une note qui en explique le sens; la voici:</p>
-
-<p class="blockquote">«Il paraît qu'en 1647, M<sup>lle</sup> de Scudéry se trouva si fort ennuyée
-d'être sous la main tyrannique de son frère que, servitude
-pour servitude, elle en souhaita une autre plus favorable
-au moins à ses intérêts et à son avenir. Un de ses
-amis, M. de la Vergne, sollicita pour elle la place de gouvernante
-ou de dame de compagnie dans une très-grande maison.
-M<sup>lle</sup> Paulet avait joint ses instances à celles de M. de la
-Vergne. Cependant, d'autres personnes avaient demandé la
-même place pour M<sup>lle</sup> de Chalais, que nous connaissons par
-M<sup>me</sup> de Sablé et par la lettre affectueuse de M<sup>lle</sup> de Scudéry
-(Voy. plus haut, p. 166). Dès que M<sup>lle</sup> de Chalais apprit
-qu'on avait pensé à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour cet emploi, elle
-fit cesser toutes démarches, et céda très-volontiers le pas
-à son illustre amie. Celle-ci n'était pas femme à se laisser
-vaincre en générosité, et à son tour elle déclara qu'elle
-n'entendait pas continuer ses poursuites. Ni l'une ni l'autre
-n'eurent la place en question; mais il nous a paru que ce
-petit combat d'honneur et d'amitié valait la peine d'être
-tiré de l'oubli.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_521" href="#FNanchor_521" class="label">[521]</a> C'est-à-dire de celle des nièces du cardinal Mazarin
-(Olympe Mancini) que M<sup>me</sup> d'Aiguillon destinait alors au fils
-du maréchal de la Meilleraie, son neveu à la mode de Bretagne,
-lequel devint plus tard duc de Mazarin par son mariage
-avec Hortense.</p>
-
-<p><a id="Footnote_522" href="#FNanchor_522" class="label">[522]</a> Les trois aînées des nièces de Mazarin: Anne-Marie Martinozzi,
-Laure et Olympe Mancini.</p>
-
-<p><a id="Footnote_523" href="#FNanchor_523" class="label">[523]</a> Vraisemblablement M<sup>me</sup> de Sablé. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_524" href="#FNanchor_524" class="label">[524]</a> A Sablé. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_525" href="#FNanchor_525" class="label">[525]</a> Cabinet Monmerqué.</p>
-
-<p><a id="Footnote_526" href="#FNanchor_526" class="label">[526]</a> Chapelain avait obtenu dès 1643 le privilége du Roi pour
-la publication de la <i>Pucelle</i>, qui ne parut cependant qu'en
-1656.</p>
-
-<p>Voy. la <i>Notice</i>, p. 45, et la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à Conrart,
-p. 207. Il est évident que l'annonce du poëme de Chapelain
-avait fait naître une polémique sur celle qui en était
-l'héroïne, et M<sup>lle</sup> de Scudéry avait eu à la défendre contre les
-attaques du ministre Rivet et de sa nièce, M<sup>lle</sup> Dumoulin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_527" href="#FNanchor_527" class="label">[527]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI.</p>
-
-<p>A la fin de 1650, date de cette lettre, M<sup>me</sup> de Longueville
-était sur le point d'être assiégée dans Stenay par une armée
-victorieuse. «Elle était en proie à d'autres chagrins plus
-cruels encore pour une âme telle que la sienne. Elle venait
-de perdre à Stenay sa dernière fille âgée de quatre ans;
-et elle y reçut l'affreuse nouvelle que sa mère, qu'elle aimait
-tant, était morte à Chantilly le 4 décembre, succombant à
-l'excès de sa douleur et à la ruine de sa maison.» (V. C.)</p>
-
-<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui venait de publier le cinquième volume
-du Cyrus, ne voulant pas l'envoyer directement à la princesse
-dans des circonstances aussi malheureuses, l'adressa à Sarasin,
-qui, étant attaché à la maison de Condé comme secrétaire
-des commandements du prince de Conti, avait suivi la duchesse
-à Stenay. Le volume était accompagné d'une lettre d'envoi;
-c'est à cette lettre que Sarasin répond.</p>
-
-<p><a id="Footnote_528" href="#FNanchor_528" class="label">[528]</a> Le 22 décembre, à peu près avec la nouvelle de la perte
-de la bataille de Réthel, et de la marche de l'armée royale sur
-Stenay. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_529" href="#FNanchor_529" class="label">[529]</a> Personnages du tome V du <i>Cyrus</i>. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_530" href="#FNanchor_530" class="label">[530]</a> Amie intime de M<sup>lle</sup> de Scudéry, une des personnes les
-plus distinguées de l'hôtel de Rambouillet. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_531" href="#FNanchor_531" class="label">[531]</a> Dames que recevait chez elle M<sup>lle</sup> de Scudéry. (V. C.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_532" href="#FNanchor_532" class="label">[532]</a> Cabinet de M. Jules Boilly.</p>
-
-<p>Sibylle-Ursule, fille du duc de Brunswick-Wolffenbuttel,
-épousa le 13 septembre 1663 le duc Christian de Holstein-Glucksbourg.
-Elle mourut le 12 décembre 1671. C'était une
-femme distinguée sur laquelle on peut consulter Vehse, <i>Les
-Cours d'Allemagne</i>, et Havemann, <i>Histoire de Brunswick</i>. Elle
-était, ainsi que son frère, Antoine-Ulric, en correspondance
-avec M<sup>lle</sup> de Scudéry. M. de Monmerqué a cité une autre lettre
-d'elle à la même, du 19 décembre 1656, dans son article
-<span class="smallc">Scudéry</span>, de la <i>Biographie universelle</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_533" href="#FNanchor_533" class="label">[533]</a> En tête des <i>&OElig;uvres de Sarasin</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_534" href="#FNanchor_534" class="label">[534]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 859.</p>
-
-<p><a id="Footnote_535" href="#FNanchor_535" class="label">[535]</a> Ce mot était encore quelquefois masculin.</p>
-
-<p>Voici les deux pièces dont il est ici question, publiées pour
-la première fois en 1660, sous le nom de Corneille, dans la
-5<sup>e</sup> partie des <i>Poésies choisies</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i7">I</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Mes deux mains a l'envi disputent de leur gloire,</p>
-<p class="i4"> Et dans leur sentiment jaloux</p>
-<p class="i4"> Je ne sais ce que j'en dois croire.</p>
-<p class="i4"> Philis, je m'en rapporte à vous:</p>
-<p class="i4"> Réglez mon avis par le vôtre.</p>
-<p class="i4"> Vous savez leurs honneurs divers:</p>
-<p>La droite a mis au jour un million de vers,</p>
-<p>Mais votre belle bouche a daigné baiser l'autre.</p>
-<p>Adorable Philis, peut-on mieux décider</p>
-<p class="i4"> Que la droite lui doit céder.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i7">II</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je ne veux plus devoir à des gens comme vous;</p>
-<p>Je vous trouve, Philis, trop rude créancière.</p>
-<p>Pour un baiser prêté, qui m'a fait cent jaloux,</p>
-<p>Vous avez retenu mon âme prisonnière.</p>
-<p>Il fait mauvais garder un si dangereux prêt;</p>
-<p>J'aime mieux vous le rendre avec double intérêt,</p>
-<p>Et m'acquitter ainsi mieux que je ne mérite;</p>
-<p>Mais à de tels paiemens je n'ose me fier,</p>
-<p>Vous accroîtrez la dette en vous laissant payer,</p>
-<p>Et doublerez mes fers si par là je m'acquitte.</p>
-<p>Le péril en est grand, courons-y toutefois,</p>
-<p>Une prison si belle est bien digne d'envie;</p>
-<p>Puissé-je vous devoir plus que je ne vous dois,</p>
-<p>En peine d'y languir le reste de ma vie.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_536" href="#FNanchor_536" class="label">[536]</a> L'abbé Granet nomme M<sup>lle</sup> Serment, née à Grenoble vers
-1642, morte à Paris vers 1692, comme celle à qui s'adressaient
-les deux épigrammes, ou plutôt les deux madrigaux de Corneille.
-Elle était liée avec M<sup>lle</sup> de Scudéry, et aussi avec Quinault,
-Maucroix, Pavillon, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_537" href="#FNanchor_537" class="label">[537]</a> Comme le fait remarquer M. Marty-Laveaux, cette expression
-se retrouve dans une lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au
-Mage de Sidon, du 21 octobre 1658. Nul doute d'ailleurs que
-ces vers ne soient d'elle et que la lettre de Corneille ne lui soit
-adressée.</p>
-
-<p><a id="Footnote_538" href="#FNanchor_538" class="label">[538]</a> Donné par M. de Monmerqué, d'après l'original faisant
-partie de son cabinet, dans les éditions de 1835 et de 1854 des
-<i>Historiettes de Tallemant des Réaux</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_539" href="#FNanchor_539" class="label">[539]</a> La traduction de la <i>Cyropédie</i> par Charpentier, qui est
-de 1659, donne la date de cette lettre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_540" href="#FNanchor_540" class="label">[540]</a> Cette lettre a été imprimée sans date, dans les <i>&OElig;uvres
-de Brébeuf</i>, 1664, t. I, p. 64, mais nous avons pu la collationner
-et la compléter sur l'original qui fait partie du cabinet
-de M. Boutron.</p>
-
-<p><a id="Footnote_541" href="#FNanchor_541" class="label">[541]</a> Les Bulletins de Clément à la Bibliothèque nationale renferment
-ce passage sur Brébeuf: «Malgré une fièvre maligne
-et opiniâtre de vingt années, il a fait des ouvrages qui ont paru
-le fruit d'une santé parfaite.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_542" href="#FNanchor_542" class="label">[542]</a> A travers l'obscurité prétentieuse des lignes qui suivent,
-il y a deux points qui nous paraissent hors de doute.</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> Brébeuf avait à M<sup>lle</sup> de Scudéry des obligations qu'il
-avoue ici hautement.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> La principale de ces obligations paraît être d'avoir été
-recommandé par elle au grand Corneille, leur compatriote à
-tous deux, qui aurait loué et encouragé sa <i>Traduction de la
-Pharsale</i>.</p>
-
-<p>Ajoutons que ces rapports entre les deux poëtes, dont on
-trouve la trace dans les lettres de Brébeuf, p. 19, 103, 212 et
-213 du volume de ses <i>&OElig;uvres</i>, cité plus haut, reçoivent une
-confirmation singulière de ce fait, non assez remarqué, qu'indépendamment
-de leur prédilection commune pour Lucain, il
-leur est arrivé plusieurs fois de se rencontrer sur le même
-terrain, témoin les vers de l'un et de l'autre sur <i>l'art ingénieux</i>
-de l'écriture, et l'épitaphe qu'ils ont consacrée, presque
-littéralement dans les mêmes termes, <i>A une dame vertueuse</i>,
-Élisabeth Ranquet. Voy. <i>Poésies diverses de Brébeuf</i>, 1662,
-p. 219, et <i>&OElig;uvres de Corneille</i>, édition Hachette, t. X, p. 133.</p>
-
-<p><a id="Footnote_543" href="#FNanchor_543" class="label">[543]</a> Ils parurent dans le courant de l'année 1660, et Brébeuf
-mourut l'année suivante.</p>
-
-<p><a id="Footnote_544" href="#FNanchor_544" class="label">[544]</a> Cabinet de M. Boutron.</p>
-
-<p><a id="Footnote_545" href="#FNanchor_545" class="label">[545]</a> M. de Monmerqué nous a conservé cette lettre, dont il
-possédait l'original. «Corbinelli, dit-il, ami de M<sup>lle</sup> de Montalais,
-avait été dépositaire des lettres du comte de Guiche à Madame.
-Il eut la faiblesse de les remettre au marquis de Vardes
-qui en abusa. Ce zèle exagéré pour un ami qui en était peu
-digne lui fit partager sa disgrâce.»</p>
-
-<p>Jean Corbinelli, d'une famille originaire de Florence, établie
-en France depuis deux générations, mourut à Paris, centenaire,
-dit-on, le 19 juin 1716. Il était ami intime de M<sup>lle</sup> de Scudéry
-et de M<sup>me</sup> de Sévigné.</p>
-
-<p><a id="Footnote_546" href="#FNanchor_546" class="label">[546]</a> Pièce de l'<i>Isographie</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_547" href="#FNanchor_547" class="label">[547]</a> <i>La Tubéreuse, à Célie le jour de sa fête</i>, pièce de vers de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry. Voyez-la aux <i>Poésies</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_548" href="#FNanchor_548" class="label">[548]</a> Provenant du Cabinet de M. de Monmerqué. D'après une
-note de sa main, Beauvilliers répond à un billet par lequel
-M<sup>lle</sup> de Scudéry lui faisait part de la liberté que Pellisson
-(Acante) venait d'obtenir par lettres du roi du 16 janvier 1666.</p>
-
-<p><a id="Footnote_549" href="#FNanchor_549" class="label">[549]</a> Artaban est le nom qui, parmi les beaux esprits et dans
-la société précieuse, désignait le duc de Saint-Aignan, et qu'il
-prenait lui-même quelquefois dans ses lettres. Artaban, fils de
-Pompée, est un des personnages chevaleresques de la <i>Cléopâtre</i>
-de La Calprenède.</p>
-
-<p><a id="Footnote_550" href="#FNanchor_550" class="label">[550]</a> Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_551" href="#FNanchor_551" class="label">[551]</a> C'est probablement par pure modestie que le P. Verjus
-parlait ainsi du livre qu'il adressait à M<sup>lle</sup> de Scudéry, car c'est
-lui-même qui publiait en 1666, sous le pseudonyme de l'abbé
-de Saint-André, la <i>Vie de Michel Le Nobletz, prêtre et missionnaire
-en Bretagne</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_552" href="#FNanchor_552" class="label">[552]</a> Cette lettre, ainsi que la suivante, nous a été communiquée
-par M. le comte de Clapiers, à Marseille.</p>
-
-<p>Sur Mgr de Forbin-Janson et sur les longues relations qui
-existèrent entre lui et M<sup>lle</sup> de Scudéry, Voy. la <i>Notice</i>, p. 24.
-Nous renouvelons ici l'expression du regret de n'avoir pu retrouver
-aucune des nombreuses lettres qu'elle lui adressa pendant
-une période de plus de cinquante années.</p>
-
-<p><a id="Footnote_553" href="#FNanchor_553" class="label">[553]</a> Cette lettre et la suivante, qui avaient passé du cabinet
-de M. de Monmerqué dans celui de M. Rathery, ont été communiquées
-par ce dernier à l'éditeur des <i>Lettres de M<sup>me</sup> de
-Sévigné</i>, édition Hachette.</p>
-
-<p><a id="Footnote_554" href="#FNanchor_554" class="label">[554]</a> M<sup>lle</sup> de Sévigné, à qui La Fontaine a dédié cette fable. Elle
-fait partie du premier recueil des <i>Fables de La Fontaine</i> qui
-contient les six premiers livres; elle commence le quatrième.
-Ce recueil ayant été achevé d'imprimer le 31 mars 1668, cette
-date donne à peu près celle de la lettre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_555" href="#FNanchor_555" class="label">[555]</a> Paul de Beauvilliers, comte de Saint-Aignan, depuis duc
-de Beauvilliers.</p>
-
-<p><a id="Footnote_556" href="#FNanchor_556" class="label">[556]</a> Le Roi venait de faire en personne la conquête de la
-Franche-Comté. Le comté de Bourgogne, ou Franche-Comté,
-portait d'azur semé de billettes d'or au lion de même.</p>
-
-<p><a id="Footnote_557" href="#FNanchor_557" class="label">[557]</a> Le Roi, en parlant à Saint-Aignan de M<sup>lle</sup> de Sévigné
-<i>d'une manière fort glorieuse pour elle</i>, faisait allusion sans doute
-à sa sagesse, à sa vertu, à son indifférence. Cette indifférence
-était bien connue avant que La Fontaine n'en parlât dans le
-<i>Lion amoureux</i>; Bensserade l'avait déjà célébrée dans le Ballet
-de la <i>Naissance de Vénus</i>, dansé à la cour en 1665, et où M<sup>lle</sup> de
-Sévigné représentait <i>Omphale</i>. On adressait les vers suivants
-à la reine de Lydie:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Blondins accoutumés à faire des conquêtes,</p>
-<p>Devant ce jeune objet si charmant et si doux,</p>
-<p class="i3"> Tout grands héros que vous êtes,</p>
-<p>Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux.</p>
-<p>L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue;</p>
-<p>Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue:</p>
-<p>Elle verroit mourir le plus fidèle amant,</p>
-<p>Faute de l'assister d'un regard seulement.</p>
-<p>Injuste procédé, sotte façon de faire,</p>
-<p>Que la pucelle tient de madame sa mère,</p>
-<p>Et que la bonne dame, au courage inhumain,</p>
-<p>Se lassant aussi peu d'être belle que sage,</p>
-<p>Encore tous les jours applique à son usage,</p>
-<p class="i3"> Au détriment du genre humain.</p>
-</div></div>
-
-<p>C'était à la fois faire l'éloge de la fille et de la mère. Il fallait
-au surplus que cette <i>indifférence</i> naturelle ou affectée fût
-bien vraie, puisque M<sup>me</sup> de Sévigné dans une de ses lettres à
-sa fille, du 22 septembre 1680, lui dit: «D'abord on vous
-craint, vous avez un air assez dédaigneux.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_558" href="#FNanchor_558" class="label">[558]</a> Pellisson, <i>&OElig;uvres diverses</i>, Paris, 1735, t. II, p. 402.
-<i>Lettres historiques</i>, 1729, 3 vol. in-12.</p>
-
-<p>Nous choisissons cette lettre et la suivante dans une longue
-série de lettres à la même, s'étendant du 14 octobre 1668 au
-1<sup>er</sup> mai 1677. La plupart ne sont que des Gazettes de la guerre
-et ne renferment presque rien de personnel à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_559" href="#FNanchor_559" class="label">[559]</a> Ou plutôt Herbault, à 17 kilom. de Blois. Le château actuel,
-qui appartient à M. le marquis de Rancongne, a été rebâti
-sous Louis XV. M. d'Herbault, dont il est question dans
-la lettre, devait être l'intendant de marine de ce nom.</p>
-
-<p><a id="Footnote_560" href="#FNanchor_560" class="label">[560]</a> Ces derniers vers, dit M. Saint-Marc Girardin, sont évidemment
-une allusion aux nouvelles amours du roi et à l'avénement
-prochain, sinon encore accompli, de M<sup>me</sup> de Montespan.
-<i>Journal des Savants</i>, 1870, p. 373.</p>
-
-<p><a id="Footnote_561" href="#FNanchor_561" class="label">[561]</a> On voit dans une lettre de Corbinelli à Bussy-Rabutin,
-du 17 mai 1670, qu'il se préparait alors à rejoindre le marquis
-de Vardes, exilé dans son gouvernement d'Aigues-Mortes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_562" href="#FNanchor_562" class="label">[562]</a> Cabinet de M. Dubrunfaut.</p>
-
-<p><a id="Footnote_563" href="#FNanchor_563" class="label">[563]</a> Le <i>Discours sur la gloire</i> qui venait de remporter le prix
-proposé par l'Académie française.</p>
-
-<p><a id="Footnote_564" href="#FNanchor_564" class="label">[564]</a> Le fils de Georges, connu plus tard sous le nom de l'abbé
-de Scudéry. «Ce garçon étoit fort joli,» dit Tallemant, et il
-paraît qu'il donna plus d'un chagrin à sa mère. A la date de
-cette lettre, il n'avait guères qu'une douzaine d'années, et était
-probablement élevé chez les jésuites.</p>
-
-<p><a id="Footnote_565" href="#FNanchor_565" class="label">[565]</a> Tiré de l'<i>Album des Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>, édition
-Hachette.</p>
-
-<p><a id="Footnote_566" href="#FNanchor_566" class="label">[566]</a> Cabinet de M. Chambry.</p>
-
-<p>Sur la longue amitié et la correspondance qui exista entre
-Mascaron et M<sup>lle</sup> de Scudéry, Voy. la <i>Notice</i>, p. 117 et 127.
-Nous avons évité de reproduire ici les lettres dont nous
-avons cité alors des fragments assez étendus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_567" href="#FNanchor_567" class="label">[567]</a> Nous avons mal indiqué le nom de ce magistrat à la
-page 315. Il s'appelait d'Aulède de Lestonac.</p>
-
-<p><a id="Footnote_568" href="#FNanchor_568" class="label">[568]</a> Cabinet de M. Chambry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_569" href="#FNanchor_569" class="label">[569]</a> Nous supposons qu'il s'agit des officiers qui devaient
-prendre part aux opérations maritimes en Sicile, sous les ordres
-du maréchal de Vivonne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_570" href="#FNanchor_570" class="label">[570]</a> La pièce qu'on devait lire devant le duc de Nevers et
-M<sup>me</sup> Deshoulières, paraît être <i>Phèdre et Hippolyte</i>, de Pradon,
-pour laquelle on sait que l'un et l'autre prirent vivement parti.
-Or cette pièce fut représentée au commencement de 1677. La
-lecture a donc pu en être faite à la fin de l'année précédente.
-C'est ce qui nous a conduits à dater cette lettre comme nous
-l'avons fait.</p>
-
-<p><a id="Footnote_571" href="#FNanchor_571" class="label">[571]</a> Cabinet de M. Boutron.&mdash;Voy. la <i>Notice</i>, p. 41.</p>
-
-<p><a id="Footnote_572" href="#FNanchor_572" class="label">[572]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 24.</p>
-
-<p><a id="Footnote_573" href="#FNanchor_573" class="label">[573]</a> Charleval (Charles Faucon de Ris, seigneur de) était un
-aimable épicurien, issu d'une famille de Normandie, qui a donné
-quatre premiers présidents au parlement de cette province. Il a
-composé beaucoup de petits vers que Lefèvre de Saint-Marc a
-réunis à ceux de Saint-Pavin, en un volume in-18, Paris, 1759.</p>
-
-<p><a id="Footnote_574" href="#FNanchor_574" class="label">[574]</a> Au nombre des amies de Charleval figuraient Ninon de
-Lenclos, M<sup>me</sup> Du Plessis-Bellière, la comtesse de la Suze, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_575" href="#FNanchor_575" class="label">[575]</a> <i>Correspondance générale de M<sup>me</sup> de Maintenon</i>, publiée par
-Th. Lavallée, t. II, p. 384.</p>
-
-<p><a id="Footnote_576" href="#FNanchor_576" class="label">[576]</a> Il s'agit évidemment du Roi.</p>
-
-<p><a id="Footnote_577" href="#FNanchor_577" class="label">[577]</a> Sur le parti que M<sup>me</sup> de Maintenon tira des <i>Conversations</i>
-de M<sup>lle</sup> de Scudéry, pour l'éducation des filles de Saint-Cyr,
-Voy. la <i>Notice</i>, p. 120.</p>
-
-<p><a id="Footnote_578" href="#FNanchor_578" class="label">[578]</a> <i>Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>, édit. Hachette, t. VII, p. 274.</p>
-
-<p><a id="Footnote_579" href="#FNanchor_579" class="label">[579]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry avait publié en 1680 les deux premiers
-volumes de ses <i>Conversations</i>; elle en publia deux autres en
-1684, auxquels elle donna le titre de <i>Conversations nouvelles</i>.
-Ce sont celles-là que M<sup>me</sup> de Sévigné portait à son fils qui était
-alors en Bretagne.</p>
-
-<p>Elle disait des premières, dans une lettre à sa fille du 25 septembre
-1680: «Il est impossible que cela ne soit bon, quand
-cela n'est point noyé dans son grand roman.»</p>
-
-<p>Au surplus, pour être fixé sur la date et le titre des diverses
-<i>Conversations</i> dont il est question dans ces lettres, il faut se
-reporter à la p. 116, note 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_580" href="#FNanchor_580" class="label">[580]</a> Cabinet de M. de Monmerqué.&mdash;<i>Isographie des hommes
-célèbres.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_581" href="#FNanchor_581" class="label">[581]</a> Citée par M. de Monmerqué qui possédait l'original.</p>
-
-<p><a id="Footnote_582" href="#FNanchor_582" class="label">[582]</a> Fléchier avait été nommé évêque de Lavaur en 1685. En
-lui annonçant sa nomination, le Roi lui avait dit: <i>Ne soyez
-pas surpris si j'ai récompensé si tard votre mérite, j'appréhendois
-d'être privé du plaisir de vous entendre.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_583" href="#FNanchor_583" class="label">[583]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry avait envoyé à Fléchier ses <i>Conversations
-nouvelles sur divers sujets</i>. Paris, 1684. 2 vol. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_584" href="#FNanchor_584" class="label">[584]</a> Cabinet de M. Boutron.</p>
-
-<p><a id="Footnote_585" href="#FNanchor_585" class="label">[585]</a> L'opération de la fistule fut faite au Roi le 18 novembre
-1686.</p>
-
-<p><a id="Footnote_586" href="#FNanchor_586" class="label">[586]</a> Il a certainement existé entre la reine Christine et M<sup>lle</sup> de
-Scudéry un commerce de lettres assez étendu. Outre celle-ci
-que nous empruntons à l'ouvrage d'Arckenholtz: <i>Mémoires
-concernant Christine</i>, t. I, p. 272, et celle que nous avons tirée
-du Cabinet de M. Cousin, voici l'analyse d'une autre lettre sans
-date que M<sup>lle</sup> de Scudéry adressait à la reine de Suède:</p>
-
-<p>«Les louanges que Sa Majesté lui donne sont plutôt l'offre
-de sa bonté que de sa justice. Elle a fait l'usage qu'elle devait
-des choses nobles et délicates que la Reine a bien voulu lui
-marquer sur le grand établissement de Saint-Cyr. Sa Majesté
-serait contente si elle savait le plaisir qu'elle a donné à M<sup>me</sup> de
-Maintenon sans en avoir le dessein. «Au reste, Madame,
-j'avance hardiment, pour répondre à la fin de la lettre de Votre
-Majesté, qu'il n'y aura jamais d'oubli pour Elle, et que sa
-gloire durera autant que l'univers.»</p>
-
-<p class="i6">(<i>Catalogue Succi</i>, 7 avril 1863, n<sup>o</sup> 993).</p>
-
-<p><a id="Footnote_587" href="#FNanchor_587" class="label">[587]</a> Cette lettre, datée simplement de mardi, a été écrite évidemment
-en 1688. Il est probable qu'elle est de juillet ou du
-commencement d'août, peut-être du 3 (c'était un mardi en
-1688), c'est-à-dire du même jour que la lettre de M<sup>me</sup> de Brinon
-qui suit. M<sup>lle</sup> de Scudéry venait de publier ses <i>Nouvelles
-conversations de morale</i>, dédiées au Roi, qui faisaient suite à
-celles dont M<sup>me</sup> de Sévigné la remerciait dans sa lettre du
-11 septembre 1684. L'achevé d'imprimer de ce nouvel ouvrage,
-en deux volumes, est du 30 juin 1688, et M<sup>me</sup> de Sévigné ne
-fut sans doute pas des dernières à qui M<sup>lle</sup> de Scudéry l'envoya.</p>
-
-<p class="i6">(<i>Note de l'édition Hachette</i>, t. VIII, p. 371.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_588" href="#FNanchor_588" class="label">[588]</a> Voy. la lettre suivante.</p>
-
-<p><a id="Footnote_589" href="#FNanchor_589" class="label">[589]</a> Le reste manque.</p>
-
-<p><a id="Footnote_590" href="#FNanchor_590" class="label">[590]</a> M<sup>me</sup> de Brinon était supérieure de la maison de Saint-Cyr.</p>
-
-<p><a id="Footnote_591" href="#FNanchor_591" class="label">[591]</a> Cette lettre, dont M. de Monmerqué a possédé l'original,
-est tirée de l'édition de 1835 des <i>Historiettes</i> de Tallemant des
-Réaux, t. VI, p. 363.</p>
-
-<p><a id="Footnote_592" href="#FNanchor_592" class="label">[592]</a> Cabinet de M. Boutron.</p>
-
-<p>La date de 1688 nous est fournie par le Catalogue de la vente
-Villenave, du 22 janvier 1850, où cette lettre figure sous le
-n<sup>o</sup> 125.</p>
-
-<p><a id="Footnote_593" href="#FNanchor_593" class="label">[593]</a> Cabinet de M. Rathery.</p>
-
-<p><a id="Footnote_594" href="#FNanchor_594" class="label">[594]</a> C'est un bourg situé canton et arrondissement d'Agen.</p>
-
-<p><a id="Footnote_595" href="#FNanchor_595" class="label">[595]</a> Sur cet épisode du <i>Grand Cyrus</i>, réimprimé plus tard
-dans les <i>Conversations morales</i> de 1680, voy. la <i>Notice</i>, p. 30.</p>
-
-<p><a id="Footnote_596" href="#FNanchor_596" class="label">[596]</a> A un kilom. de Tarbes, ancienne résidence des comtes de
-Gramont. «La tourmente révolutionnaire fit disparaître cette
-belle demeure et ses parcs délicieux.» Batsères, <i>Esquisses sur
-Tarbes et ses environs</i>, Tarbes, 1856, in-8<sup>o</sup>, p. 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_597" href="#FNanchor_597" class="label">[597]</a> Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_598" href="#FNanchor_598" class="label">[598]</a> Le cardinal de Forbin-Janson avait été envoyé auprès du
-Pape pour aplanir les difficultés qui s'étaient élevées entre la
-cour de France et celle de Rome, au sujet des quatre articles
-de la Déclaration de 1682, et le refus fait par Alexandre VIII
-de l'expédition d'un certain nombre de bulles pour des siéges
-épiscopaux qui vaquaient depuis longtemps. La mort d'Alexandre
-VIII, arrivée le 13 août 1691, interrompit ces négociations.
-Elles furent reprises sous Innocent XII, à l'élection
-duquel le cardinal de Forbin-Janson avait contribué, et menées
-à bonne fin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_599" href="#FNanchor_599" class="label">[599]</a> François-Joseph de Blanchefort, marquis de Créqui, venait
-d'être envoyé à l'armée de Piémont pour servir sous Catinat.
-Il se distingua dans le cours de juillet 1691, en combattant
-contre le prince Eugène; il fut blessé et eut un cheval tué
-sous lui.</p>
-
-<p><a id="Footnote_600" href="#FNanchor_600" class="label">[600]</a> Le maréchal de Créqui, mort en 1687.</p>
-
-<p><a id="Footnote_601" href="#FNanchor_601" class="label">[601]</a> C'est-à-dire évêque, comte d'Agen. Mascaron avait été
-nommé évêque de Tulle en 1671 et évêque d'Agen en 1679.</p>
-
-<p><a id="Footnote_602" href="#FNanchor_602" class="label">[602]</a> Pièce de l'<i>Isographie</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_603" href="#FNanchor_603" class="label">[603]</a> Arnauld de Pomponne, disgracié en 1671, venait d'être
-nommé ministre d'État après la mort de Louvois.</p>
-
-<p><a id="Footnote_604" href="#FNanchor_604" class="label">[604]</a> Cabinet Monmerqué, puis d'Hervilly.
-Marie-Madeleine-Gabrielle-Adélaïde de Rochechouart-Mortemart,
-abbesse de Fontevrault, femme de beaucoup d'esprit et
-de savoir. Elle a traduit avec Racine une partie du <i>Banquet de
-Platon.</i> Elle était s&oelig;ur du duc de Vivonne, et de M<sup>mes</sup> de Montespan
-et de Thianges. Née en 1645, elle mourut en 1704.
-C'est d'elle que Saint-Simon disait: «On vit sortir de son
-cloître la reine des abbesses qui, chargée de son voile et de
-ses v&oelig;ux, avec encore plus de beauté et d'esprit que la Montespan,
-sa s&oelig;ur, vint jouir de sa gloire, etc., etc.» (<i>Mémoires
-de Saint-Simon</i>, t. II, p. 6, édition de 1791.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_605" href="#FNanchor_605" class="label">[605]</a> Les deux lettres qui suivent ont été imprimées dans les
-<i>&OElig;uvres de Bossuet</i>. Versailles, 1818, t. XXXVII, p. 475 et 477.
-La première, quoique non adressée à M<sup>lle</sup> de Scudéry, figure
-ici à raison de sa connexité avec la seconde, qu'elle paraît avoir
-précédée.</p>
-
-<p>Marie Dupré, nièce de Roland Desmarets, avait beaucoup
-d'instruction; elle était liée avec M<sup>lles</sup> de Scudéry, de la Vigne,
-etc. Titon de Tillet lui a donné place dans son <i>Parnasse
-françois</i>, et l'éditeur Léopold Collin a publié ses Lettres avec
-celles de M<sup>lle</sup> de Montpensier et autres, 1806, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_606" href="#FNanchor_606" class="label">[606]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 126, et les lettres à Boisot des 21, 28 février
-et du 7 mars. Dans la première, M<sup>lle</sup> de Scudéry dit avoir
-écrit à M. de Meaux une lettre de quinze pages sur la mort de
-Pellisson. Cette lettre de Bossuet est vraisemblablement la
-réponse à la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Celle-ci l'avait transcrite
-de sa main, et cette transcription, qui prouve l'importance
-qu'elle y attachait, se trouve dans le cabinet de M. Dubrunfaut.</p>
-
-<p><a id="Footnote_607" href="#FNanchor_607" class="label">[607]</a> Richelet, <i>Les plus belles lettres des meilleurs auteurs français</i>,
-1689, in-12, p. 276.&mdash;Sur le chevalier de Méré, voy. la
-<i>Notice</i>, p. 118.</p>
-
-<p><a id="Footnote_608" href="#FNanchor_608" class="label">[608]</a> <i>Lettres choisies de Messieurs de l'Académie</i>, par M. Perrault.
-Paris, 1725, in-8<sup>o</sup>, p. 36.</p>
-
-<p><a id="Footnote_609" href="#FNanchor_609" class="label">[609]</a> «Une flamme qui sort d'un c&oelig;ur posé sur un bûcher
-allumé, avec ce mot: <span class="smallc">PULCHRIUS ARDET</span>, OU: <span class="smallc">YIS MAJOR INTUS</span>.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_610" href="#FNanchor_610" class="label">[610]</a> «Une rose environnée d'épines, avec ce mot: <span class="smallc">PUNGIT ET
-PLACET</span>. Et encore cette autre: un chien à l'attache, avec ce
-mot de Pétrone: <span class="smallc">CAVE, CAVE CANEM</span>.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_611" href="#FNanchor_611" class="label">[611]</a> Ne faudrait-il pas lire: <i>proscription</i>?</p>
-
-<p><a id="Footnote_612" href="#FNanchor_612" class="label">[612]</a> <i>Lettres choisies de Messieurs de l'Académie</i>, par Perrault,
-p. 38.</p>
-
-<p>Guy, comte de Pertuis, gouverneur des ville et châtellenie de
-Courtray, par provisions du 7 février 1669, maréchal de camp
-suivant promotion du 7 octobre 1677, mort le 7 juillet 1694.</p>
-
-<p><a id="Footnote_613" href="#FNanchor_613" class="label">[613]</a> Cabinet de M. Rathery.</p>
-
-<p>Louis Le Laboureur, poëte, frère aîné de l'historien, né en
-1615, mort en 1679. Il dédia à M<sup>lle</sup> de Scudéry une pièce mêlée
-de vers et de prose, qui a pour titre: <i>La Promenade de Saint-Germain</i>.
-Paris, 1669, in-12. Dans cette pièce datée de Montmorency,
-il rappelle, p. 9, une visite qu'on lui avait faite dans
-la saison des cerises.</p>
-
-<p><a id="Footnote_614" href="#FNanchor_614" class="label">[614]</a> <i>Études religieuses, etc., par des Pères de la Compagnie de
-Jésus</i>, t. V, p. 609.</p>
-
-<p><a id="Footnote_615" href="#FNanchor_615" class="label">[615]</a> Le même que le poëte dont les &OElig;uvres sont ordinairement
-réunies à celles de Lalane. Il était lieutenant de Roi à
-Arras bien avant 1671, année que la <i>Biographie universelle</i> indique
-comme celle de sa nomination, et au moins dès le mois
-de juillet 1654, lorsqu'il fut fait prisonnier par les Espagnols.</p>
-
-<p><a id="Footnote_616" href="#FNanchor_616" class="label">[616]</a> Cabinet de M. Moulin, avocat.</p>
-
-<p><a id="Footnote_617" href="#FNanchor_617" class="label">[617]</a> D'après un fac-simile.&mdash;Lettre communiquée par M. Regnier,
-qui doit la comprendre dans l'édition des <i>&OElig;uvres de
-la Rochefoucauld</i>, pour la <i>Collection des grands Écrivains de la
-France</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_618" href="#FNanchor_618" class="label">[618]</a> Cabinet de M. Chambry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_619" href="#FNanchor_619" class="label">[619]</a> Peut-être Regnier Desmarais?</p>
-
-<p><a id="Footnote_620" href="#FNanchor_620" class="label">[620]</a> Tiré de l'<i>Album des Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>, édition
-Hachette.</p>
-
-<p><a id="Footnote_621" href="#FNanchor_621" class="label">[621]</a> Cabinet de M. Chambry.</p>
-
-<p><a id="Footnote_622" href="#FNanchor_622" class="label">[622]</a> Qu'est devenu le portrait de M<sup>lle</sup> de Scudéry par Nanteuil?
-Existe-t-il dans quelque dépôt public ou dans quelque collection
-particulière? Il n'a sans doute pas été reproduit par la
-gravure, car on le trouverait dans l'&oelig;uvre du maître, ou dans
-les cabinets du temps. Il semblerait cependant résulter d'une
-note manuscrite de l'abbé Mercier de Saint-Léger sur les
-marges du XV<sup>e</sup> volume de Niceron, page 139 (Exemplaire de
-la Bibliothèque nationale), que ce portrait, quoique rare, se
-trouvait encore vers la fin du siècle dernier. «Nanteuil dessina
-et grava le portrait de M<sup>lle</sup> de Scudéry qui, se trouvant aussi
-laide qu'elle l'était réellement, garda la planche et n'en laissa
-tirer qu'un petit nombre d'épreuves; aussi sont-elles fort rares
-et recherchées des amateurs.»</p>
-
-<p>Si cette perte est réelle, elle est d'autant plus regrettable
-que le talent de Nanteuil nous aurait donné de l'auteur de
-<i>Clélie</i> et du <i>Grand Cyrus</i> une image fidèle, tandis que nous en
-sommes réduits au portrait de M<sup>lle</sup> Chéron gravé par J. G.
-Wille, et à celui de la collection Desrochers, qui ont entre eux
-fort peu d'analogie.</p>
-
-<p>Lorsque Nanteuil envoya à M<sup>lle</sup> de Scudéry le portrait qu'il
-avait fait d'elle d'après nature, ainsi que le montre la lettre ci-dessus,
-il l'accompagna des vers suivants:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Elle est savante et sage autant qu'on le peut être;</p>
-<p>Son esprit a charmé les plus rares esprits.</p>
-<p>Nanteuil, si ton pinceau la fait bien reconnoître,</p>
-<p>Tu te rends immortel avecque ses écrits.</p>
-</div></div>
-
-<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry lui répondit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Je ne sais rien, Nanteuil, je dis la vérité;</p>
-<p>Une femme savante est souvent incommode,</p>
-<p>Elle a l'esprit contraint et n'est guère à la mode;</p>
-<p>Mais pour me bien louer, parle de ma bonté:</p>
-<p>C'est la seule vertu dont je fais vanité.</p>
-</div></div>
-
-<p>Elle fit encore sur son portrait le quatrain suivant:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Nanteuil en faisant mon image,</p>
-<p>A de son art divin signalé le pouvoir;</p>
-<p class="i1"> Je hais mes yeux dans mon miroir,</p>
-<p class="i1"> Je les aime dans son ouvrage.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_623" href="#FNanchor_623" class="label">[623]</a> <i>Poésies d'Anne de Rohan-Soubise et Lettres d'Éléonore de
-Rohan-Montbazon, abbesse de Caen et de Malnoue.</i> Paris, 1862,
-page 148.</p>
-
-<p><a id="Footnote_624" href="#FNanchor_624" class="label">[624]</a> Cabinet de M. Boutron.&mdash;Voyez la <i>Notice</i>, page 20.</p>
-
-<p><a id="Footnote_625" href="#FNanchor_625" class="label">[625]</a> Cabinet de M. Rathery.</p>
-
-<p><a id="Footnote_626" href="#FNanchor_626" class="label">[626]</a> Il s'agit de son portrait enrichi de diamants qu'elle lui
-avait envoyé.&mdash;Voyez la <i>Notice</i>, page 45.</p>
-
-<p><a id="Footnote_627" href="#FNanchor_627" class="label">[627]</a> Voyez la lettre à Godeau, du mois d'octobre 1650, p. 226.</p>
-
-<p><a id="Footnote_628" href="#FNanchor_628" class="label">[628]</a> Ces stances inédites, dont nous possédons une copie de la main
-de Conrart avec la désignation de M<sup>lle</sup> de Scudéry pour auteur, se
-rapportent évidemment à la fin de la guerre de la Fronde.</p>
-
-<p><a id="Footnote_629" href="#FNanchor_629" class="label">[629]</a> Voy. la <i>Notice</i>, pages 69 et 100.</p>
-
-<p><a id="Footnote_630" href="#FNanchor_630" class="label">[630]</a> M<sup>ss</sup> de la Bibliothèque nationale. Fonds français, 22 557,
-p. 91.</p>
-
-<p><a id="Footnote_631" href="#FNanchor_631" class="label">[631]</a> Pour cette pièce et les suivantes, voy. la <i>Notice</i>, pages 102,
-103, etc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_632" href="#FNanchor_632" class="label">[632]</a> Sur ces vols qu'il ne faut pas confondre avec l'<i>Affaire des Filous</i>,
-voy. la lettre à Boisot, du 7 mars 1691, p. 319, ci-dessus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_633" href="#FNanchor_633" class="label">[633]</a> Voyez, sur les circonstances où ces vers furent composés, la
-lettre à Boisot, du 22 mai 1693, p. 363. M<sup>me</sup> de Motteville les a insérés
-dans ses <i>Mémoires</i>, Paris 1855, t. IV, p. 451, les faisant précéder
-du passage suivant: «Peu après la mort de la reine mère, l'illustre
-M<sup>lle</sup> de Scudéry fit ces vers à sa louange, qui méritent d'être conservés
-à la postérité.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_634" href="#FNanchor_634" class="label">[634]</a> L'auteur de l'ode envoyée à Sapho, au nom des Dames, avec une
-guirlande de lauriers d'or émaillés de vert, était M<sup>lle</sup> de la Vigne.
-Voyez la <i>Notice</i>, p. 102.</p>
-
-<p><a id="Footnote_635" href="#FNanchor_635" class="label">[635]</a> M<sup>me</sup> de Maintenon.</p>
-
-<p><a id="Footnote_636" href="#FNanchor_636" class="label">[636]</a> Louis XIV ayant fait bombarder Gênes en 1684, à cause des intelligences
-que cette ville entretenait avec l'Espagne, le doge Francesco
-Maria Imperiali vint en France, accompagné de quatre sénateurs,
-et fit à Versailles sa soumission au Roi, le 15 mai 1685.</p>
-
-<p><a id="Footnote_637" href="#FNanchor_637" class="label">[637]</a> Ottoboni, pape qui succéda à Innocent XI, sous le nom d'Alexandre VIII.</p>
-
-<p><a id="Footnote_638" href="#FNanchor_638" class="label">[638]</a> Ces deux pièces se trouvent dans le <i>Recueil des &OElig;uvres choisies</i>
-de Coulanges, 1698, t. I, p. 256, ou t. II, p. 69.</p>
-
-<p><a id="Footnote_639" href="#FNanchor_639" class="label">[639]</a> Alexandre VIII, pape.</p>
-
-<p><a id="Footnote_640" href="#FNanchor_640" class="label">[640]</a> Voir, sur la mort de M. de Montausier, p. 353.</p>
-
-<p>Une lettre inédite de M<sup>lle</sup> de Scudéry à Huet renferme ce passage:
-«Voici quatre vers de M. Petit de Rouen, sur ceux que vous louez
-trop:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> «Vos sept vers valent un volume.</p>
-<p>«C'est du grand Montausier le plus riche tableau,</p>
-<p>«Mais, Sapho, vous savez faire voler la plume</p>
-<p class="i2"> «Où ne peut aller le pinceau.»</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_641" href="#FNanchor_641" class="label">[641]</a> Pellisson.</p>
-
-<p><a id="Footnote_642" href="#FNanchor_642" class="label">[642]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry a tant de fois fait allusion à ces vers qu'ils doivent
-trouver place ici, bien que déjà cités dans une lettre à Huet,
-de 1689, p. 313. Voyez aussi, p. 54, 112, 395.</p>
-
-<p>La Fontaine a traité agréablement du système de Descartes sur
-l'âme et l'intelligence des bêtes, dans sa première fable du dixième
-livre, adressée à M<sup>me</sup> de la Sablière.</p>
-
-<p>On voit dans le <i>Recueil de poésies</i> du P. Bouhours la réponse de
-M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Descartes: elle est intitulée: <i>Sapho à l'illustre
-Cartésie</i>, et se termine par les deux quatrains suivants où elle lui fait
-des reproches de son absence:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Après cela, Cartésie,</p>
-<p>Pour vous parler franchement,</p>
-<p>Il m'entre en la fantaisie</p>
-<p>De vous gronder tendrement.</p>
-</div></div>
-
-<p class="i12">&#8258;</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>De ma fauvette fidèle</p>
-<p>Vous avez tous les appas,</p>
-<p>Vous charmez aussi bien qu'elle,</p>
-<p>Mais vous ne revenez pas.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_643" href="#FNanchor_643" class="label">[643]</a> Évêque de Gironne au iv<sup>e</sup> siècle et martyr lors de la persécution
-de Dioclétien. Voy. les <i>Acta Sanctorum</i>, à la date du 18 mars.</p>
-
-<p><a id="Footnote_644" href="#FNanchor_644" class="label">[644]</a> <i>La Science du Monde</i>, 1717, in-12.</p>
- </div>
- </div>
-</div>
-
-<p class="end">Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.</p>
-
-
-
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-
-
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-
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa
-correspondance, by Edmé-Jacques-Benoït Rathery and Boutron
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MADEMOISELLE DE SCUDERY ***
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