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If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa correspondance - -Author: Edmé-Jacques-Benoït Rathery - Boutron - -Release Date: December 18, 2016 [EBook #53761] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MADEMOISELLE DE SCUDERY *** - - - - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - - - - - - - -Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le -typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et -n'a pas été harmonisée. - - - - - MADEMOISELLE - DE SCUDÉRY - SA VIE, SA CORRESPONDANCE, &a - - - - -PARIS--TYPOGRAPHIE LAHURE - -Rue de Fleurus, 9 - - - - - MADEMOISELLE - DE SCUDÉRY - SA VIE ET SA CORRESPONDANCE - AVEC - UN CHOIX DE SES POÉSIES - PAR - MM. RATHERY ET BOUTRON - - [Illustration: logo] - - PARIS - LÉON TECHENER, LIBRAIRE-ÉDITEUR - RUE DE L'ARBRE-SEC, 52 - - M DCCC LXXIII - - - - -[Illustration: deco] - - -AVANT-PROPOS. - - -_Un écrivain que nous aurons à citer souvent, parce qu'en traçant -l'_HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE, _il a pris -pour guide celle à qui le présent volume est consacré, M. Cousin, a -exprimé plus d'une fois le regret «qu'à la fin du dix-septième siècle, ou -dans le premier tiers du dix-huitième, on n'ait pas eu l'idée de -recueillir les petits vers si agréablement tournés que Mlle de Scudéry -laissait échapper en toute occasion de sa veine facile, et qui charment à -la fois l'esprit et l'oreille. On aurait pu y joindre, ajoutait-il, un -choix de lettres sérieuses ou badines sorties de la même plume. Nous -sommes assuré qu'on eût composé ainsi un volume agréable.»_ - -_Ce qu'on n'a pas fait alors, peut-être y a-t-il bien de la témérité à -l'entreprendre aujourd'hui,_ _où l'attention du public semble si -éloignée de ces curiosités du passé. Et pourtant, est-ce bien le moment -pour nous de dédaigner les pages brillantes de notre histoire, et l'étude -de cette sociabilité française qui reste une de nos gloires les plus -incontestées? Or Mlle de Scudéry a traversé tout le dix-septième siècle; -ses écrits, son exemple, son entourage, ont contribué à cet avénement de -la société polie qui en marqua la première moitié, qui prépara les -splendeurs de la seconde, et que les nations voisines s'efforcèrent à -l'envi d'imiter de leur mieux. Sans doute elle mêla quelque mauvais goût -à cette action salutaire; elle raffina sur les sentiments, elle raffina -sur le style. Il faut que ses lecteurs en prennent leur parti. Après -tout, mieux vaut le langage des ruelles que celui des clubs: n'abuse pas -qui veut de la politesse et de l'esprit. Quant aux lectrices, nous -comptons sur leurs sympathies pour la bonne, l'aimable, l'ingénieuse Mlle -de Scudéry, et, si elles étaient tentées de se montrer sévères pour la -précieuse, nous leur rappellerions ce qu'un poëte disait_ - - -A UNE DAME EN LUI ENVOYANT LES Å’UVRES DE VOITURE - - Voici votre Voiture et son galant Permesse, - Quoique guindé parfois, il est noble toujours; - On voit tant de mauvais naturel de nos jours, - Que ce brillant monté m'a plu, je le confesse. - - On voit (c'est un beau tort) que le commun le blesse, - Et qu'il veut une langue à part pour ses amours, - Qu'il croit les honorer par d'étranges discours; - C'est là de ces défauts où le cÅ“ur s'intéresse. - - C'était le vrai pour lui que ce faux tant blâmé; - Je sens que volontiers, femme, je l'eusse aimé; - Il a d'ailleurs des vers pleins d'un tendre génie; - - Tel celui-ci, charmant, qui jaillit de son cÅ“ur: - «Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie.» - Saurez-vous, comme moi, comprendre sa douceur[1]? - - [1] Ulric Guttinguer, les _Lilas de Courcelles_, 1842, p. 41. - - Mlle de Scudéry, on le verra, fut une des premières à prendre - parti pour le Sonnet d'Uranie, et l'on a surnommé Guttinguer «le - dernier des Uranins.» - -_Nous devons dire quelques mots sur la manière dont nous avons compris -nos devoirs d'éditeurs, et sur le plan que nous avons suivi._ - -_Il y a des auteurs dont le public veut tout connaître; il en est -d'autres qu'il lui suffit d'envisager par leurs côtés les plus -caractéristiques. Esquisser leur physionomie en la replaçant dans le -milieu qui l'éclaire, choisir parmi leurs productions ce qui peut le -mieux donner l'idée de leur manière,--l'expression n'est pas déplacée -quand il s'agit de Mlle de Scudéry,--en un mot être fidèle sans_ _se -croire obligé d'être complet, voilà le but que les éditeurs se sont -proposé d'atteindre._ - -_Nous avons été particulièrement sobres dans le choix des Poésies, dont -le principal mérite consiste dans une grâce facile ou dans des allusions -aux événements du temps._ - -_Mais nous avons dû faire une place plus large à la Correspondance, en y -comprenant non-seulement les lettres écrites par Mlle de Scudéry -elle-même, mais encore celles qui lui furent adressées par ses -contemporains. Les premières, malgré des taches provenant de la -négligence, et, le plus souvent, de l'affectation, ont une véritable -valeur littéraire et historique. Les secondes donnent peut-être une plus -haute idée encore de celle à qui elles s'adressent, par les témoignages -de tendre amitié et de haute estime qu'elles renferment de la part de -correspondants tels que Mme de Sévigné, la reine Christine, le grand -Corneille, Bossuet, Leibnitz. Tout en consacrant aux unes et aux autres -deux séries distinctes, nous avons rapproché celles qui se répondent, et -ne sauraient être séparées sans inconvénient._ - -_Bon nombre des lettres que nous publions ici font partie des Manuscrits -Conrart à la Bibliothèque_ _de l'Arsenal, ou des papiers de l'abbé -Boisot à la Bibliothèque de Besançon. Beaucoup étaient éparses dans des -Mémoires, Correspondances ou recueils du temps. Enfin, grâce à -l'obligeance de certains amateurs, les éditeurs ont pu, aux pièces tirées -de leurs propres portefeuilles, en joindre d'autres pour la plupart -inédites. Celles mêmes qui étaient déjà connues par les publications de -MM. de Monmerqué, Cousin, etc., ont été par nous, à l'occasion, -complétées, rectifiées, remises à leur vraie place. Nous devons déclarer, -à ce propos, que nous avons attaché aux dates une importance -exceptionnelle, et que, grâce à des recherches dont les lecteurs ne -soupçonneront guères l'étendue et l'opiniâtreté, nous avons tenu à -dater,--fût-ce approximativement, et en distinguant toujours par des -crochets nos conjectures des indications fournies par les originaux -eux-mêmes,--presque toutes les lettres renfermées dans notre volume._ - -_Nous n'avons pu retrouver toutes celles dont l'existence nous est -attestée par divers témoignages. Sans parler de la grande lettre à Mlle -d'Arpajon sur sa retraite aux Carmélites, de l'épître de quinze pages à -Bossuet au sujet de la mort de Pellisson, il y a des séries entières de -lettres de Mlle de Scudéry ou à elle adressées, qui ont à peu près -entièrement disparu. Nous savons, par Chapelain que Conrart lui écrivait -en Provence «presque toutes les semaines.» Ce même Chapelain ne possédait -pas moins de soixante-dix-huit lettres de Scudéry ou de sa sÅ“ur, comme -en fait foi le_ CATALOGUE _ou plutôt l'_INVENTAIRE MANUSCRIT _de sa -bibliothèque. Elle dit elle-même quelque part: «J'ai brûlé plus de cinq -cents lettres de Pellisson du temps de la Bastille.» Enfin elle resta en -correspondance jusqu'à la fin de sa vie avec d'anciens amis de Provence: -Forbin-Janson, Mascaron, Bonnecorse. Combien peu de ces précieux -documents sont parvenus jusqu'à nous! Cet inventaire de nos pertes, qu'il -nous aurait été facile de grossir, nous avons tenu du moins à le -présenter ici, dans l'espoir que le hasard ou ces indications mêmes en -pourront faire retrouver une partie._ - -_Nous avons eu pour le texte de notre auteur un respect suffisant, mais -non superstitieux. Sans l'altérer jamais, nous l'avons abrégé -quelquefois; nous ne sommes pas parvenus à en faire disparaître des -répétitions inévitables dans les mentions d'un même fait raconté à des -personnes différentes, ni des variations faciles à expliquer dans le -style_ _d'un auteur qui a vu la langue se transformer pendant une longue -carrière touchant d'un bout à Balzac et de l'autre à La Bruyère. Quant à -l'orthographe, que Mlle de Scudéry a également vue se modifier, qu'elle a -contribué à modifier elle-même, nous n'avons pas hésité à lui donner, -comme l'a fait M. Cousin, les formes modernes, sauf certaines -particularités ou locutions, dont l'absence aurait produit l'effet d'une -espèce d'anachronisme._ - -_Nous ne pouvions songer à faire figurer dans ce volume, même par -extraits, ni les Romans, dont M. Cousin a donné, surtout pour ce qui -regarde le_ GRAND CYRUS, _d'assez longs épisodes, ni même--et nous le -regrettons davantage--les_ CONVERSATIONS MORALES _qui constituent un -ensemble de préceptes renfermés dans un cadre analogue et difficiles à -séparer. Nous avons du moins cherché, dans la_ NOTICE _et dans les notes, -à donner une idée de ces compositions, et à en tirer les éclaircissements -et les exemples qui pouvaient servir à l'intelligence de la vie et des -écrits de l'auteur_. - -_Parmi les personnes qui ont pris à notre publication l'intérêt le plus -actif, soit par des communications libérales, soit par des indications -utiles, nous devons mentionner spécialement MM. le comte_ _de Clapiers, -Camoin et Blancard, à Marseille, Octave Teissier, à Toulon; M. Toussaint, -avocat au Havre; M. Tamizey de Larroque; MM. Ravenel et Baudement, de la -Bibliothèque nationale; Miller et Ad. Regnier de l'Institut; Chambry et -Gauthier-la-Chapelle récemment enlevés à leurs goûts studieux, et -plusieurs autres amateurs tels que MM. Dubrunfaut, J. Boilly, Moulin, -Étienne Charavay, etc._ - - - - - NOTICE - SUR - MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - -I - -FAMILLE.--PREMIÈRES ANNÉES.--SÉJOUR EN PROVENCE. - -1607-1647. - - -En donnant ici, d'après le vÅ“u d'un éminent écrivain, un choix de la -correspondance et des poésies de Mlle de Scudéry, nous avons cru -nécessaire de le faire précéder d'une notice sur sa vie, qui embrasse la -presque totalité du dix-septième siècle, et dont M. Cousin n'a retracé -que le milieu, correspondant à la date de la publication du _Grand -Cyrus_. Il a concentré sur ce point unique tout l'intérêt de son tableau, -laissant dans l'ombre ou n'éclairant que par reflet les autres parties. -Au milieu des plus grands succès littéraires de l'auteur, il n'a vu, il -n'a voulu voir que le _Cyrus_, et, dans ce qu'il a dit de la personne -même de l'écrivain, il a presque complétement passé sous silence ses -dernières années, si bien remplies par les préceptes et les exemples de -toutes les vertus d'un sexe dont, sauf la beauté physique, elle posséda -tous les agréments, sans en avoir connu les faiblesses. - -Mais, en racontant la vie de Mlle de Scudéry, il ne suffisait pas de -retracer les événements d'une existence bien moins accidentée que celle -de ses héros; il fallait la replacer au milieu du mouvement littéraire et -social qui en constitue le principal intérêt. Ainsi donc, sa famille, ses -amis, sa vie commune avec son frère, les sociétés polies qu'elle traversa -ou qu'elle groupa autour d'elle, son individualité comme femme et comme -écrivain, la vogue et le déclin des genres de littérature dont elle fut -la personnification la plus complète, tels seront les principaux éléments -de l'étude qui va suivre. - -Scudéry, Escudéry, Escudier, Escuyer, _Scutifer_ en latin, vieille -famille d'Apt en Provence, y figure sous ces différents noms, au moins -depuis le quatorzième siècle. Elle se disait d'origine italienne; on sait -que c'était une manie assez commune chez les familles provençales. -Pithon-Curt nous apprend qu'un Jean Scudéry épousa, par contrat passé à -Lisle en 1360, Marguerite Isnard, dotée par son père Hugues de 1000 -florins d'or, somme considérable pour le temps. Ce Jean Scudéry paraît -être le même que mentionne Papon, dans son _Histoire de Provence_, parmi -les partisans de Raymond IV, et dont les biens furent confisqués en 1367 -par la reine Jeanne. Le premier de ces auteurs parle aussi d'un Sébastien -Scudéry d'Apt qui se maria avec Lucrèce de Guast, suivant contrat du 7 -avril 1480. A la même famille appartenaient Jacques Escudier, notaire à -Apt en 1535, Jean Escudier, 3e consul d'Avignon en 1599 et en 1618, enfin -Elzéar Escuyer ou Scudéry[2], qui porta les armes avec distinction et fut -lieutenant de Simiane de la Coste, gouverneur de cette ville sous Charles -IX. Vers la fin du seizième siècle, son fils Georges, après s'être fait -une certaine réputation militaire dans son pays, quitta Apt, et, sous le -nom, désormais adopté, de Scudéry[3], suivit la fortune du seigneur de -Brancas-Villars, d'abord à Lyon, dont ce seigneur fut gouverneur pour la -Ligue, puis à Rouen, qu'il défendit contre Henri IV et où Scudéry -commandait le fort Sainte-Catherine[4], et enfin, lorsque son protecteur -fut devenu amiral de Villars et gouverneur du Havre, dans cette dernière -ville où Georges de Scudéry aurait été lieutenant ou plutôt capitaine des -ports[5]. - - [2] Un historien de la ville d'Apt, Boze, lui donne le premier de - ces deux noms; un autre, dont l'histoire est restée inédite, - Remerville, l'appelle Scudéry, et, en mentionnant Jacques - Escudier, notaire en 1535, dit positivement que la famille était - connue sous ce dernier nom depuis plusieurs siècles, lorsqu'elle - s'avisa de le changer en celui de Scudéry. Il est donc probable - que cette forme n'a été qu'une traduction après coup du - _Scutifer_ des actes latins. - - [3] Cependant son acte de mariage, en 1599, porte encore: Georges - de Scudéry ou Lescuyer. - - [4] _Les Fastes des rois de la Maison d'Orléans et de celle de - Bourbon_ (par le P. Du Londel). Paris, 1697, p. 110. - - [5] Conrart nous paraît avoir un peu embelli la situation, - lorsqu'il parle «d'emplois considérables» qu'aurait eus ce - personnage, «entr'autres la charge de lieutenant du - Hâvre-de-Grâce, place importante de la province, sous l'amiral de - Villars qui en était gouverneur.» Nous avons trouvé à la - Bibliothèque nationale une quittance du 20 avril 1605 signée: - Georges de Scudéry, capitaine des ports. - -Quoi qu'il en soit de ces antécédents des Scudéry, qu'ils ne nous -auraient pas pardonné d'omettre, eux qui se piquaient tant d'armes et de -noblesse, notre Provençal transplanté en Normandie se maria en 1599 à -Madeleine de Goustimesnil, d'une bonne famille de cette province, et en -eut Georges et Madeleine, nés tous deux au Havre, le premier en 1601, et -la seconde en 1607[6]. Il est difficile de séparer la biographie du frère -d'avec celle de la sÅ“ur, puisqu'ils vécurent ensemble jusqu'au mariage -du premier, malgré la différence de leurs caractères, «la sÅ“ur, dit M. -Cousin, étant aussi modeste qu'il était vain, et d'une humeur aussi douce -et facile qu'il l'avait fanfaronne et querelleuse.» Tallemant des Réaux, -moins indulgent, trace ainsi le même parallèle: «Sa sÅ“ur a plus d'esprit -que lui et est tout autrement raisonnable, mais elle n'est guère moins -vaine. Elle dit toujours: Depuis le renversement de notre maison; vous -diriez qu'elle parle du renversement de l'Empire grec.» Si l'on en croit -Conrart, «le duc de Villars ayant succédé à l'amiral son frère dans le -gouvernement de Normandie, sa femme prit en telle haine ce lieutenant, -après l'avoir trop aimé, qu'elle ruina toutes ses affaires.» Ici Conrart -nous paraît être l'écho complaisant des fanfaronnades de Scudéry. -Toujours est-il que le père en mourant, comme il le dit: «ne laissa pas -ses affaires en bon état[7].» La mère, femme de mérite, donna ses soins à -la première éducation de sa fille, mais elle ne tarda pas à suivre son -mari[8], et la jeune Madeleine[9] fut recueillie par un de ses oncles qui -avait l'esprit très-droit et très-cultivé, et qui avait vécu à la cour de -trois de nos rois[10]. - - [6] Tous les biographes de Mlle de Scudéry la font naître en - 1607. Les bulletins de Clément, à la Bibliothèque nationale, - ajoutent la date du 15 novembre. D'un autre côté, le registre des - baptêmes de la paroisse de Notre-Dame, au Havre, constatent que - Georges fut baptisé le 22 août 1601, et Madeleine le 1er décembre - 1608. Nous devons ces deux dernières indications, ainsi que celle - qui concerne l'acte de mariage du père, à l'obligeance de M. G. - Toussaint, avocat au Havre. - - [7] Un document cité par M. Livet, _Précieux et Précieuses_, 2e - édition, p. 209, nous le montre emprisonné pour dettes, à la date - du 23 octobre 1610. - - [8] D'après la même autorité, le père serait mort en 1613, et la - mère six mois après. - - [9] Tout cela est un peu arrangé dans le _Cyrus_: «Sapho n'avoit - que six ans lorsque ses parents moururent. Il est vrai qu'ils la - laissèrent sous la conduite d'une parente qui avoit toutes les - qualités nécessaires pour bien conduire une jeune personne.» T. - X, l. II. - - [10] Conrart.--_Eloge de Mlle de Scudéry_, par Bosquillon. - -Ici nous ne pouvons mieux faire que de suivre, en l'abrégeant, Conrart -évidemment renseigné par Mlle de Scudéry elle-même sur les détails de sa -première éducation. «Son oncle, dit-il, lui fit apprendre les exercices -convenables à une fille de son âge et de sa condition, l'écriture, -l'orthographe, la danse, à dessiner, à peindre, à travailler en toutes -sortes d'ouvrages. De plus, comme elle avoit une humeur vive et -naturellement portée à savoir tout ce qu'elle voyoit faire de curieux et -tout ce qu'elle entendoit dire de louable, elle apprit d'elle-même les -choses qui dépendent de l'agriculture, du jardinage, du ménage de la -campagne, de la cuisine; les causes et les effets des maladies, la -composition d'une infinité de remèdes, de parfums, d'eaux de senteur et -de distillations utiles ou galantes, pour la nécessité ou pour le -plaisir. Elle eut envie de savoir jouer du luth, et elle en prit quelques -leçons avec assez de succès; mais, comme elle tenoit son temps mieux -employé aux occupations de l'esprit, entendant souvent parler des langues -italienne et espagnole, et de plusieurs livres écrits en l'une et en -l'autre, qui étoient dans le cabinet de son oncle et dont il faisoit -grande estime, elle désira de les savoir, et elle y réussit -admirablement. Dès lors, se trouvant un peu plus avancée en âge, elle -donna tout son loisir à la lecture et à la conversation, tant de ceux de -la maison qui étoient très-honnêtes gens et très-bien faits, que des -bonnes compagnies qui y abondoient tous les jours de tous côtés[11].» - - [11] Conrart, _Mémoires_, p. 613. - -On devinerait sans peine que les romans tinrent une grande place dans ses -lectures, quand même on n'aurait pas sur ce point le témoignage de -Tallemant et le sien propre. Elle en recevait un peu de toutes mains, si -l'on en croit ce que raconte le premier, comme le tenant de la bouche -même de Mlle de Scudéry: «qu'un D. Gabriel, feuillant, qui étoit son -confesseur, lui ôta un livre de ce genre, où elle prenoit beaucoup de -plaisir,» mais pour lui en donner d'autres qui ne valoient guère mieux, -et qu'il finit par lui laisser le tout, en disant à la mère «que sa fille -avoit l'esprit trop bien fait pour se laisser gâter à de semblables -lectures.» Il ajoute que le conseiller huguenot Claude Sarrau lui en -prêta d'autres ensuite[12]. - - [12] Tallemant des Réaux, _Historiettes_; _Scudéry et sa sÅ“ur_, - t. VII, p. 49 et suiv., édition de MM. de Monmerqué et Paulin - Paris. L'_Historiette_ de Mme de Villars, _ibid._, t. I, p. 218, - nous fournit un nouvel exemple des renseignements que Mlle de - Scudéry avait fournis à Tallemant sur les hommes et les choses de - sa jeunesse. - -Enfin il faut rapprocher ces renseignements de ce qu'elle nous apprend -elle-même à ce sujet dans une lettre adressée à Huet lors de la -publication du _Traité_ de ce dernier _sur l'origine des Romans_ (1670). -«Vous avez précisément choisi les romans qui ont fait les délices de ma -première jeunesse et qui m'ont donné l'idée des romans raisonnables qui -peuvent s'accommoder avec la décence et l'honnêteté, je veux dire -_Théagène et Chariclée_, _Théogène et Charide_, ainsi que l'_Astrée_; -voilà proprement les vraies sources où mon esprit a puisé les -connoissances qui ont fait ses délices. J'ai seulement cru qu'il falloit -un peu plus de morale, afin de les éloigner de ces romans ennemis des -bonnes mÅ“urs qui ne peuvent que faire perdre le temps.» Ajoutons que -Mlle de Scudéry à l'âge de quatre-vingt-douze ans, s'intéressait encore à -«ces romans qui avoient fait les délices de sa première jeunesse,» car -c'est sur sa demande que Huet lui écrivait la _Lettre_ du 15 décembre -1699 _touchant Honoré d'Urfé et Diane de Chasteaumorand_, insérée dans -les _Dissertations_ de Tilladet, t. II, p. 100. - -Suivant une tradition locale difficile à concilier avec ces témoignages -relatifs à la jeunesse et à l'éducation de Madeleine en Normandie, elle -aurait, vers l'année 1620, accompagné son frère dans un pèlerinage en -Provence au berceau de leur famille[13], et c'est lors de leur passage à -Valence qu'aurait eu lieu l'aventure de l'auberge sur laquelle nous -reviendrons. Ce qui paraît certain, c'est que Georges fit en effet le -voyage d'Apt où il retrouva quelques parents, entre autres sa grand'mère -paternelle qui vécut cent huit ans[14], et que, pendant ce séjour, il -adressa à une demoiselle du pays, Catherine de Rouyère, ses hommages et -ses premiers vers[15]. - - [13] La maison des Scudéry, sise rue des Pénitents-Bleus, à Apt, - était d'apparence modeste et occupée en 1840 par un menuisier. - Voy. le _Mercure aptésien_ du 24 mai 1840. - - [14] Lettre de Mlle de Scudéry à Mme de Chandiot, du 20 avril - 1695. - - [15] _Histoire du Théâtre français_, par les frères Parfaict, t. - IV, p. 430. - -C'est aussi à cette époque, ou environ, qu'il faut rapporter ces -fameuses campagnes dont Scudéry a tant parlé en prose et en vers: - - Pour moi plus d'une fois le danger eut des charmes - Et dans mille combats je fus tout hazarder; - L'on me vit obéir, l'on me vit commander - Et mon poil tout poudreux a blanchi sous les armes[16]. - - [16] _Le Dégoust du monde_, dans les _Poésies diverses_, dédiées - au cardinal de Richelieu, Paris, 1649, in-4º, p. 96. Les auteurs - du _Voyage de Chapelle et Bachaumont_ ont fait, non sans quelque - intention ironique, allusion à ces vers, quand ils ont dit, en - parlant du gouvernement de Notre-Dame-de-la-Garde, qu'on ne le - donnait qu'à des gens - - Qu'on eût vu longtemps commander, - Et dont le poil poudreux a blanchi sous les armes. - -Et dans la préface de son _Ligdamon_ qu'il fit, dit-il, en sortant du -régiment des Gardes (1631): «Je suis né d'un père qui, suivant l'exemple -des miens, a passé tout son âge dans les charges militaires, et qui -m'avoit destiné, dès le point de ma naissance, à pareille forme de vivre. -Je l'ai suivie par obéissance et par inclination. Toutefois, ne pensant -être que soldat, je me suis encore trouvé poëte. Ce sont deux métiers qui -n'ont jamais été soupçonnés de bailler de l'argent à usure, et qui voient -souvent ceux qui les pratiquent réduits à la même nudité où se trouvent -la Vertu, l'Amour et les Grâces, dont ils sont les enfants.... Tu -couleras aisément par dessus les fautes que je n'ai point remarquées, si -tu daignes apprendre qu'on m'a vu employer la plus grande partie du peu -d'âge que j'ai, à voir la plus belle et la plus grande Cour de l'Europe, -et que j'ai passé plus d'années parmi les armes que d'heures dans mon -cabinet, et usé beaucoup plus de mèches en arquebuse qu'en chandelle: de -sorte que je sais mieux ranger les soldats que les paroles, et mieux -quarrer les bataillons que les périodes, etc.» - -Il rappelait avec complaisance la part qu'il avait prise aux guerres de -Piémont sous les ordres du duc de Longueville et du prince de Carignan, -sa retraite du Pas-de-Suze, ses quatre voyages à Rome, etc.[17] Mais, -comme le dit Moréri, ses voyages et ses campagnes examinés dans le détail -se réduisent à peu de choses. Ils ne lui avaient pas, dans tous les cas, -donné la fortune, puisque Segrais nous le représente mangeant son morceau -de pain sous son manteau dans le jardin du Luxembourg. - - [17] _Historiettes_ de Tallemant.--_Le Cabinet de M. de Scudéry_, - 1646, in-4º.--Préface de la traduction des _Harangues - académiques_, de Menzini, 1640, in-8º.--Dans l'_Épitre - dédicatoire_ de la _Clélie_ à Mlle de Longueville, Scudéry - s'exprime ainsi: «Plusieurs gentilshommes de mes parents ont eu - l'honneur d'être à Mgr votre père: deux de mes parentes ont eu - celui d'être vos dames d'honneur, et j'ai eu moi-même la gloire - d'être assez longtemps attaché à la suite du grand Prince à qui - vous devez la vie, quoique je ne fusse pas son domestique. Enfin, - j'ai reçu sept ans tout entiers les commandements de Mgr le - Prince de Carignan, votre oncle, dans les armées du grand - Charles-Emmanuel, son père, de qui j'avois l'honneur d'être - aimé.» - -Les lettres furent pour lui une ressource. Nous le voyons, vers 1630, -quitter le régiment des Gardes, et, de 1631 à 1644, faire représenter -seize pièces de théâtre qui lui valurent, sinon toujours l'approbation -du public, comme il s'en vante dans mainte préface, du moins la -protection du cardinal de Richelieu. Les _Observations sur le Cid_ furent -suivies des _Sentiments de l'Académie_ sur ce chef-d'Å“uvre (1637-1638), -et, s'il se donna le double ridicule de se poser en rival littéraire et -en provocateur du grand Corneille[18], il faut, pour l'excuser un peu, se -rappeler qu'il eut parfois dans sa poésie quelque chose du souffle -cornélien, au point qu'on lui a fait l'honneur de lui attribuer certains -vers de l'auteur du _Cid_. - - [18] Il s'attira cette réponse de la part de celui-ci: «Il n'est - pas question de savoir de combien vous êtes plus noble ou plus - vaillant que moi, pour juger de combien _le Cid_ est meilleur que - l'_Amant libéral_... Je ne suis point homme d'_éclaircissement_; - ainsi vous êtes en sûreté de ce côté-là .» _Lettre Apologétique_, - etc. - -Assurément Corneille n'aurait pas désavoué ces vers qui terminent la -belle description de la décadence de Rome sous l'Empire: - - L'aigle qui fut longtemps plus craint que le tonnerre - N'osoit plus s'élever et voloit terre à terre, - Et ce superbe oiseau, loin des essors premiers, - Se cachoit tout craintif dessous ses vieux lauriers. - -Il y a comme une réminiscence du sommeil de Condé à Rocroy dans ce -passage d'_Alaric_, que Boileau déclarait «trop bon pour être de -Scudéry»: - - Il n'est rien de si doux pour les cÅ“urs pleins de gloire - Que la paisible nuit qui suit une victoire; - Dormir sur un trophée est un charmant repos - Et le champ de bataille est le lit d'un héros. - -On retrouve quelque chose de l'inspiration de Milton dans la peinture des -gouffres infernaux, au chant VI du même poëme: - - D'une éternelle nuit toujours enveloppés, - Noir séjour des méchants que la foudre a frappés. - -Après avoir décrit les funèbres clartés de l'abîme, l'auteur ajoute: - - Et ce mélange affreux qu'accompagne un grand bruit - Luit éternellement dans l'éternelle nuit, - Mais c'est d'une lumière à tant d'ombre mêlée - Qu'elle épouvante encor la troupe désolée. - -Concluons donc que Scudéry eut moins de mérite qu'il ne s'en croyait, -mais plus que ne lui en attribuaient ses adversaires. Il sut quelquefois -remonter le pas glissant qui sépare le ridicule du sublime. Il y avait -chez lui un certain fond chevaleresque qui prêtait aisément à la -raillerie dans le domaine de la littérature, mais qui forçait l'estime -quand il s'appliquait aux choses du cÅ“ur. On le vit afficher pour des -amis attaqués ou persécutés, notamment pour Théophile, une fidélité -hautaine[19] qui rachète bien des flatteries prodiguées aux puissances du -jour. - - [19] «Je me pique d'aimer jusques en la prison et dans la - sépulture. J'en ai rendu des témoignages publics durant la plus - chaude persécution de ce grand et divin Théophile, et j'y ai fait - voir que parmi l'infidélité du siècle où nous sommes, il se - trouve encore des amitiés assez généreuses pour mépriser tout ce - que les autres craignent.» - - _Préface des Å’uvres de Théophile_, 1630. - - -Ce qui fait encore plus d'honneur à Scudéry, c'est l'anecdote suivante au -sujet de laquelle Arckenholz (_Mémoires sur Christine_, t. I, p. 260) a -voulu exprimer quelques doutes qui ne sauraient prévaloir contre le -témoignage positif de Chevreau. «La reine Christine m'a répété cent fois -qu'elle réservoit pour la dédicace que M. de Scudéry lui feroit de son -_Alaric_ une chaîne d'or de mille pistoles; mais comme M. le comte de la -Gardie, dont il est parlé fort avantageusement dans ce poème, essuya la -disgrâce de la Reine, qui souhaitoit que le nom du comte fust ôté de son -ouvrage, et que je l'en informai par la même poste qui m'apporta en -feuilles son _Alaric_ déjà imprimé, il me répondit quinze jours après -que, quand la chaîne d'or seroit aussi grosse que celle dont il est fait -mention dans l'histoire des Incas, il ne détruiroit jamais l'autel où il -avoit sacrifié[20].» - - [20] _Chevræana_, 1697, in-8º, p. 23. - -Cependant sa sÅ“ur était venue le rejoindre à Paris, et ce fut à partir -de ce moment (1639 au plus tard) que commença entre eux cette vie commune -et cette collaboration littéraire qui devait durer jusqu'en 1655. Dès -lors aussi commença pour Madeleine ce rôle de providence qu'elle allait -jouer auprès de lui, devenant, comme il le lui écrivait, «son seul -réconfort dans le débris de toute sa maison[21],» corrigeant ses écarts -de plume et de conduite[22], du reste abritant volontiers ses premiers -essais littéraires sous la réputation plus ancienne et plus retentissante -de son frère. Sans parler ici des romans sur lesquels nous reviendrons -plus tard, voici ce que lui écrivait Chapelain à la date du 19 janvier -1645: «Vous envoyer des vers, Mademoiselle, c'est envoyer de l'eau à la -mer, c'est vous donner ce que vous avez chez vous en abondance. Que si -vous en faites la modeste pour votre regard, vous l'avouerez bien au -moins pour celui de M. votre frère qui est un océan de poésie plus -découvert que n'est le vôtre, et qui est si plein de ce côté là , qu'on ne -sauroit l'accroître quelque chose que l'on y verse.» - - [21] _Historiettes de Tallemant._ La même pensée se trouve - exprimée dans un sonnet à sa sÅ“ur, compris dans ses _Poésies - diverses_, 1649. - - Vous que toute la France estime avec raison, - Unique et chère sÅ“ur que j'honore et que j'aime; - Vous de qui le bon sens est un contre-poison, - Qui me sauve souvent dans un péril extrême. - - Le malheur qui m'accable est sans comparaison; - Mais ce qui me soutient le paroît tout de même: - Et parmi les débris de toute ma Maison - Je vois toujours debout votre vertu suprême. - - [22] Tallemant dit à ce propos, avec sa crudité ordinaire: «Le - frère donna bien de l'exercice à sa sÅ“ur en ce temps là , car il - vouloit épouser une g...., et elle qui n'espéroit plus qu'en des - bénéfices, se voyoit bien loin de son compte.» - -Déjà presque vieille fille, sans beauté, mais «de très-bonne mine,» -suivant Titon du Tillet qui avait dû la voir, telle était Mlle de Scudéry -lorsqu'elle fut introduite par son frère à l'hôtel de Rambouillet, dans -ce que RÅ“derer appelle la 4e période, s'étendant de 1630 à 1640, -longtemps avant que le nom de _Précieuse_ fût en usage, et alors qu'on -pouvait rencontrer en ce lieu Corneille et Bossuet à côté de Voiture et -de l'abbé Cotin. «Elle y fut accueillie, dit l'historien de la _Société -polie_, sinon comme auteur (elle n'avait encore rien publié), du moins -comme une fille d'esprit, bien élevée, sÅ“ur d'un homme de lettres -très-connu, et aussi comme une personne peu favorisée de la fortune, dont -la société, agréable à Julie, qui était du même âge, n'était point sans -quelques avantages pour elle-même.» Les premières lettres d'elle ou à -elle adressées vers cette époque nous la montrent déjà en commerce -d'esprit, en relations personnelles, formées à l'hôtel de Rambouillet ou -en dehors, avec Chapelain, Balzac, M. de Montausier, Godeau, Boissat, la -Mesnardière, Mlle Robineau, Mlle Paulet, Mme Aragonnais, Mlle de Chalais -et, par conséquent, Mme de Sablé, Mme et Mlle de Clermont, Mme de -Motteville, etc., se tenant fort au courant, non-seulement des nouvelles -littéraires et scientifiques, mais encore des événements politiques et -militaires. Une de ces lettres, adressée à Mlle Robineau et datée du 5 -septembre 1644, contient le récit d'un voyage qu'elle fit à Rouen avec -son frère, et, avec un peu de manière dont elle ne se défera jamais -complétement, révèle dans son talent un côté humoristique qui ne se -retrouvera pas souvent sous sa plume. Le coche, les chevaux qui le -traînent, la physionomie, le costume des voyageurs qui l'encombrent, -appartenant aux diverses classes de la société bourgeoise, depuis -l'épicière de la rue Saint-Antoine, «ayant plus de douze bagues à ses -doigts, qui s'en va voir la mer en compagnie de sa tante, la chandelière -de la rue Michel-le-Comte,» jusqu'au jeune écolier «revenant de Bourges -et se préparant à prendre ses licences,» tout cela compose un petit -tableau de genre achevé, qui rappelle sans trop de désavantage le coche -de La Fontaine et le bateau de Mme de Sévigné. - -Ce voyage du frère et de la sÅ“ur avait probablement pour objet le -règlement de leurs affaires de famille, qui paraît s'être soldé pour elle -par l'abandon à son frère, prodigue et dépensier, comme on l'a vu, de ce -qui lui revenait, soit de ses père et mère, soit du parent dont nous -avons parlé. Mais une perspective nouvelle venait de s'ouvrir devant eux. - - -En 1642, par l'intermédiaire de Philippe de Cospéau, évêque de Lisieux, -la marquise de Rambouillet obtint pour Scudéry le gouvernement de -Notre-Dame-de-la-Garde de Marseille. En vain le ministre de Brienne -hasarda quelques objections tirées de l'inconvénient qu'il y avait à -confier un pareil poste à un poëte. La marquise insista en disant qu'un -homme comme celui-là ne voudrait pas d'un gouvernement dans une vallée, -et elle ajoutait plaisamment: «Je m'imagine le voir sur son donjon, la -tête dans les nues, regarder avec mépris tout ce qui est au-dessous de -lui.» De si bonnes raisons l'emportèrent, et Scudéry fut nommé. - -Pour se faire une idée de ce qu'était ce «gouvernement commode et beau,» -qu'on a peine à prendre au sérieux depuis les vers de Chapelle et -Bachaumont, peut-être faut-il garder un milieu entre ces vers fameux et -la solennité voulue des lettres de provision[23]. Il est certain que la -position de ce fort qui dominait toute la partie sud du vieux port de -Marseille, lui avait fait jouer un rôle dans les troubles de cette ville -au siècle précédent. Mais il était alors bien déchu de son importance. Il -paraît que les gouverneurs, assez faiblement rétribués[24], n'étaient pas -obligés à la résidence et qu'ils pouvaient se faire remplacer par des -lieutenants. - - [23] Elles sont du 29 juin 1642, et leur entérinement dans les - registres de la Cour des Comptes de Provence à Aix, du 22 juin - 1643. Elles ont été trouvées, d'après nos indications, par M. - Blancard, archiviste à Marseille. Nous les donnons en appendice. - - [24] Un des successeurs de Scudéry, vers 1685, ne recevait que - 1944 livres (2500 francs environ). Dans un document de 1772, on - voit que le gouverneur recevait de plus 100 livres pour lui tenir - lieu de la franchise du vin. Régis de la Colombière, Notice sur - _Notre-Dame-de-la-Garde_. Marseille, 1835, in-8º, p. 10.--Méry - et Guindon, _Histoire de la Commune de Marseille_, 1848, in-8º, - t. VI, _Preuves_, no 443. - -A peine Scudéry avait-il obtenu sa nomination, qu'il adressait au -cardinal de Richelieu des _Stances_ où, tout en le remerciant de la -faveur qu'il venait d'obtenir, il déclarait à son Éminence que «si elle -ne faisoit pleuvoir la manne en ce désert, il mourroit de faim dans -cette place importante[25].» Mais le cardinal avait alors bien d'autres -affaires. Il conduisait à Lyon Cinq-Mars et de Thou, pour les faire -exécuter. Bientôt il les suivait lui-même dans la tombe. - - [25] _Poésies diverses_, p. 275. - -Cependant Scudéry, en attendant mieux, avait soin de mettre en tête de -ses ouvrages le titre de _Gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde_. -Quelquefois, à la suite de ce titre, il prit ou on lui donna celui de -_Capitaine entretenu sur les galères du Roi_, et M. Jal nous apprend que, -sur deux listes de capitaines de galère, gardées aux archives de la -marine, il a lu: «De Scudéry, capitaine de galères de 1643 jusqu'à 1647.» -Il ajoute que des brevets de cette espèce étaient souvent donnés à des -hommes qui n'avaient rien de commun avec la marine. - -Ce ne fut qu'en novembre 1644, après la mort de Louis XIII et de son -ministre, que Scudéry songea enfin à prendre possession de son -gouvernement. Tallemant des Réaux dit crûment: «Sa sÅ“ur le suivit; elle -eût bien fait de le laisser aller; elle a dit pour ses raisons: je -croyois que mon frère seroit bien payé. D'ailleurs le peu que j'avois, il -l'avoit dépensé. J'ai eu tort de lui tout donner, mais on ne sait ces -choses là que quand on les a expérimentées.» Disons à notre tour que _ces -choses là _, c'est-à -dire celles du cÅ“ur, échappent complétement à notre -conteur d'historiettes. Il prête ici à Mlle de Scudéry un langage que -démentent et sa conduite et ses propres paroles toutes les fois qu'il -s'agissait de dévouement et d'amitié. Nous en croyons davantage -Tallemant, lorsque reprenant son rôle de chroniqueur, il ajoute: «Scudéry -part donc pour aller à Marseille, et cela ne se put faire sans bien des -frais, car il s'obstina à transporter bien des bagatelles, et tous les -portraits des illustres en poésie, depuis le père de Marot jusqu'à -Guillaume Colletet. Ces portraits lui avoient coûté: il s'amusoit à -dépenser ainsi son argent en badineries.» Nous pardonnons plus volontiers -à Scudéry ce genre de _badineries_ que la manie des tulipes pour laquelle -il dépensait aussi beaucoup d'argent, et, au risque de retarder à notre -tour le voyage, nous dirons quelques mots de cette curiosité des -portraits, qui lui était commune avec plusieurs de ses contemporains, -Guy-Patin, Gaignières, Coulanges le chansonnier, etc. Ce dernier s'en est -moqué agréablement, au risque de se chansonner lui-même, dans la pièce de -son recueil intitulée: - - -SUR UN CABINET REMPLI DE PORTRAITS. - -Air: _Tout mortel doit ici paroître._ - - Tout portrait doit ici paroître, - Il y faut être - Grands et petits, etc.[26] - - [26] _Chansons de Coulanges_, 1698, t. I, p. 89. - -Nous voyons Chapelain, dans une lettre à Madeleine du 4 août 1639, se -détendre--faiblement à la vérité--de donner au frère son portrait, comme -«indigne de figurer parmi ces grands hommes qui parent un illustre -réduit[27].» - - [27] _Correspondance inédite de Chapelain_, provenant de - Sainte-Beuve. Bibl. nat. Fr. Nouv. acq., 1885-1889, 5 vol. in-4º. - Nous en ferons plus d'une fois usage. - - Voy. aussi dans la Correspondance une lettre sans date de Scudéry à - Sainte-Marthe. - - Scudéry a donné lui-même la description de son Cabinet et de - quelques autres peintures, dans un volume que nous recommandons - aux curieux: _Le Cabinet de M. de Scudéry_, Paris, Aug. Courbé, - 1646, in-4º. - -Du reste Scudéry, dont un de nos poëtes les plus pittoresques[28] admire -les descriptions, se piquait «d'employer dans ses ouvrages les termes -exacts des arts et métiers,» et avait quelque droit de dire de lui-même: - - Il est peu de beaux-arts où je ne fusse instruit. - - [28] Théophile Gautier, _Les Grotesques_. - -Avec ses goûts de dépense et de représentation, on se figure ce que put -être, pour notre nouveau gouverneur, ce voyage alors si long et si -difficile. Sa sÅ“ur, dans une lettre du 27 novembre 1644, à l'une de ses -premières et de ses plus intimes amies, Mlle Paulet, _la Lionne_ de la -rue Saint-Thomas du Louvre, celle qui sera l'Élise du Grand Cyrus et dont -elle doit, moins de six ans après, pleurer si amèrement la perte -prématurée, raconte que son frère et elle sont arrivés à Avignon, après -avoir deux fois manqué de faire naufrage sur le Rhône. Le pèlerinage -obligé au tombeau de Laure, et probablement à la Fontaine de -Vaucluse[29], quelques épigrammes contre les religieux et les dames -d'Avignon, tels sont les points qu'elle touche sur un ton libre et -enjoué, en y mêlant quelques souvenirs de l'hôtel de Rambouillet et des -sociétés de Paris. Une seconde lettre à la même, est datée du 13 décembre -à Marseille, où notre voyageuse est arrivée «assez heureusement, -quoiqu'elle ait encore plusieurs fois pensé faire naufrage.» Le même -jour, elle écrivait à Mlle de Chalais, et déjà , malgré la réception -pleine de courtoisie de Mme de Mirabeau et de Mme de Morge, sa sÅ“ur, -malgré la beauté du climat, les fleurs et les fruits nouveaux pour nos -voyageurs, l'animation du port et des promenades, la variété des -costumes, les repas plantureux dont on les régale à l'envi, déjà , -disons-nous, la nécessité d'attendre trois ou quatre jours, suivant -l'usage, et de rendre ensuite, avec l'étiquette voulue, les visites de -toute la ville, «depuis les gentilshommes jusqu'aux forçats,» les -petitesses de la vie provinciale, la conversation des dames de Marseille -parmi lesquelles il n'y en a pas plus de six ou sept qui parlent -français, tout cela suggère à notre habituée des cercles les plus -raffinés de la capitale certaines phrases peu flatteuses, telles que -celle-ci: «Je n'ai point l'esprit assez stupide pour m'accoutumer -facilement à ceux qui le sont;» et le mot d'exil vient plus d'une fois se -placer sous sa plume. - - [29] Voy. les XII sonnets adressés à cette Fontaine par Scudéry. - _Å’uvres poétiques_, 1649, in-4º, p. 1 et suiv. - -Cependant il avait bien fallu, au milieu de toutes ces visites de -politesse, en rendre une à Notre-Dame-de-la-Garde. Un des premiers soins -de Scudéry avait été d'y installer un lieutenant «assez honnête et assez -riche[30].» Il donna à dîner à M. le gouverneur et à Mlle sa sÅ“ur, qui -avaient préalablement entendu la messe au prieuré. L'un et l'autre -payèrent leur tribut poétique et littéraire à la beauté du lieu, le -frère, en écrivant son _Poëme de Notre-Dame-de-la-Garde, composé dans -cette place_[31], et la sÅ“ur par le passage suivant d'une de ses lettres -à Mlle Paulet: - - [30] Probablement M. de Guigonis, dont il est question dans la - _Gazette_, à la date du 12 novembre 1647, p. 1118, comme - commandant cette place en l'absence du sieur de Scudéry, et - prenant des dispositions contre l'arrivée en vue de Marseille - d'une escadre que l'on présumait hostile. - - [31] _Poésies diverses_, p. 200. Nous permettra-t-on de faire - remarquer ici que nous aussi, nous avons écrit cette partie de - notre Notice à Marseille et au pied même de - Notre-Dame-de-la-Garde? Le poëme de Scudéry, malgré le mauvais - goût qui le dépare, gagne à être lu sur les hauteurs et au milieu - de l'admirable panorama qu'il décrit, et il y a tel site de la - plage de Marseille qui nous a fait trouver un charme singulier à - ces vers de l'auteur d'_Alaric_: - - En un lieu retiré, solitaire et paisible - La mer laisse dormir sa colère terrible, - Et sous deux grands rochers qui la couvrent des vents, - Elle abaisse l'orgueil des flots toujours mouvants. - -Après avoir décrit la réception qui leur fut faite, et qui fut -accompagnée du bruit des canons de la place, elle ajoute: «En vérité -Notre-Dame-de-la-Garde est le plus beau lieu de la nature par sa -situation. De la façon dont la place est disposée, il y a quatre aspects -différents qui sont admirables. D'un côté, l'on a le port et la ville de -Marseille sous ses pieds, et si près, que l'on entend les hautbois de -vingt-deux galères qui y sont; de l'autre, l'on découvre plus de douze -mille bastides, pour parler en termes du pays; du troisième, on voit les -îles et la mer à perte de vue, et du quatrième, sans rien voir de tout ce -que je viens de dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé de -pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude sont aussi -affreuses que l'abondance est agréable de tous les autres endroits.» - -Une préoccupation plus prosaïque les porta à tâcher de faire mettre -Notre-Dame-de-la-Garde _sur le pays_, c'est-à -dire à la charge de la -province, quant à l'entretien, négociation dont on peut voir les détails -dans la lettre à Mlle Paulet, du 27 décembre 1644. Il semble du reste -que, satisfait de la prise de possession que nous avons décrite, Scudéry -ne se soucia guère de revoir souvent le siége de son gouvernement -pittoresque, mais peu logeable. Sa sÅ“ur y retournait de temps à autre, -comme lorsqu'elle y conduisit des dames marseillaises, impatientes de -voir arriver d'Italie le cardinal de Lyon avec les quatre chaloupes du -Grand-Duc[32]. - - [32] Lettre à Mlle Paulet du 10 décembre 1645. - -Quant à Georges, il affectait aussi de se considérer «comme un pauvre -exilé»: - - Pour moi, sur un rocher éloigné des humains - Je le suivrai des yeux et je battrai des mains, - -écrivait il à ses amis de Paris, en leur recommandant l'une de ses -nouvelles connaissances de Marseille, Mascaron (Pierre-Antoine), écrivain -et jurisconsulte, père du célèbre prédicateur que nous retrouverons plus -tard parmi les vieux amis de Madeleine. - -Le frère et la sÅ“ur avaient changé de maison à Marseille, pour être plus -près de Mme de Mirabeau. Aussitôt toutes les dames de la rue de -recommencer leurs interminables visites. «Je les recevrai si mal, disait -Mlle de Scudéry, que j'espère qu'elles n'y reviendront plus.» Elles y -revinrent, et celle-ci se réconcilia avec quelques personnes des deux -sexes à Marseille et dans les environs; citons entre autres: Toussaint de -Forbin Janson, alors chevalier de Malte, depuis évêque, cardinal, -ambassadeur, avec lequel elle entretint une correspondance qui se -prolongea au moins jusqu'à l'année 1694[33], et sa sÅ“ur Renée de Forbin, -mariée depuis 1632 à Marc-Antoine de Vento, seigneur des Pennes et de -Peiruis, premier consul de Marseille, dont elle s'est souvenue dans le -_Cyrus_[34], et dont Mme de Sévigné écrivait le 13 mai 1671: «Mme de -Pennes a été aimable comme un ange; Mlle de Scudéry l'adoroit: c'étoit -la princesse Cléobuline; elle avoit un prince Thrasybule en ce temps-là ; -c'est la plus jolie histoire du _Cyrus_.» M. Cousin, qui connaissait son -_Cyrus_ mieux que Mme de Sévigné, nous apprend qu'il faut lire Cléonisbe, -au lieu de Cléobuline; que celui qui parvient à toucher son cÅ“ur est -Peranius, prince de Phocée, baron de Baume ou de la Baume, suivant la -_Clef_, le même que Marc-Antoine, dont nous venons de parler, puisque la -Baume était une seigneurie des Vento; qu'enfin Thrasybule est le héros -d'une autre aventure également d'origine provençale, où un corsaire -d'Alger s'abstient par vertu d'enlever sa maîtresse Alcionide, -c'est-à -dire Mme de Courbon, femme du lieutenant de Roi à Monaco[35]. Il -existe donc quelque confusion chez l'aimable marquise dans les souvenirs, -déjà un peu éloignés pour elle, d'une lecture de sa jeunesse; mais ce -qu'il nous importe de constater, c'est que, près de trente ans après le -séjour de Mlle de Scudéry à Marseille, son souvenir y était encore -présent. De son côté, elle n'avait pas oublié son séjour en Provence. -Ainsi, dans la _Clélie_, en parlant de la liberté qu'il importe de -laisser aux femmes et dont elles abusent quelquefois: «Je connois, dit -l'auteur, en Massilie, une femme qui a fait cent extravagances en sa vie, -qu'elle n'auroit pas faites si elle n'avoit pas eu un trop bon mari.» (T. -X, p. 797.) - - [33] Nous avons vu dans le riche cabinet de M. le comte de - Clapiers, à Marseille, un certain nombre de lettres de ce prélat - adressées à Mlle de Scudéry, et nous en donnerons un échantillon; - mais, malgré toutes nos recherches en Provence et ailleurs, nous - n'avons pu retrouver aucune de celles que Mlle de Scudéry lui a - certainement adressées pendant leurs longues relations. - - [34] T. VIII, l. II, p. 653. - - [35] _Le Grand Cyrus_, t. III, l. III, p. 1107.--Cousin, _La - Société française au dix-septième siècle_, t. I, p. 236 et suiv. - -Parmi les dames que Mlle de Scudéry distingua tout d'abord dans cette -ville, il en était une «belle, jeune et de bonne mine, l'un des plus -beaux naturels de femme, dit-elle, que j'aie jamais remarqué en aucune -femme de province. Elle parle françois comme si elle étoit née à Paris, -et, naturellement, elle est fort éloquente; elle entend l'espagnol, -l'italien, le latin et même le grec; elle est fort douce, fort civile et -de fort bonne maison...... Malheureusement, cette demoiselle, dans ses -conversations ordinaires, cite souvent, si j'ai bien retenu, Trismégiste, -Zoroastre et autres semblables messieurs qui ne sont pas de ma -connoissance.» Malgré cette petite épigramme, que n'auraient pas attendue -ceux qui veulent absolument voir une Philaminte dans Mlle de Scudéry, il -y avait là trop d'affinités naturelles pour qu'une liaison ne s'établît -pas entre ces deux femmes. Mais elles avaient compté sans l'intolérance -et la pruderie provinciales, comme le laisse entendre la phrase suivante: -«L'injustice qu'on lui fait ici est si grande que je n'oserai la voir -souvent, de peur de me charger de la haine publique[36].» - - [36] Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle de Chalais, du 13 décembre - 1644. - -Quelle était donc cette fille que la lettre ne nomme pas, et que M. -Cousin n'a pas soupçonnée? Si l'on veut lire, dans Tallemant (t. VIII, p. -327), l'historiette de Mlle Diodée, Provençale, qui citait à ses galants -Aristote, Platon, Zoroastre et Mercure-Trismégiste, on ne doutera pas de -son identité avec la demoiselle de la lettre, et l'on comprendra mieux ce -que Mlle de Scudéry, dans son indulgence ordinaire, laisse à peine -soupçonner, c'est qu'il y avait, dans la belle et savante Provençale, -assez de l'aventurière et de la coquette pour compromettre, aux yeux des -prudes marseillaises, une demoiselle respectable. - -Cependant, elles ne pouvaient vivre l'une sans l'autre, et elles étaient -presque tous les jours ensemble. La conversation de Mlle de Scudéry, dit -Tallemant, guérit un peu Diodée de son langage pédantesque, et «ne lui -voyant point parler de Zoroastre, etc., elle n'en osoit plus parler.» -Enfin, au bout d'un an et demi, les deux amies se brouillèrent à la suite -d'une aventure sur le récit de laquelle notre chroniqueur, peut être à -dessein, laisse planer quelque obscurité. Certain baron, «qui avoit -cajolé cette fille deux ans entiers,.... mais qui ne la cajoloit plus, -dont elle enrageoit dans son petit cÅ“ur,» se trouvait à un bal masqué où -celle-ci figurait en sultane, lorsqu'on lui apporta une lettre dans -laquelle, sous des noms turcs, il était fait allusion à un esclave qui -lui était échappé en se mettant sous la protection de la reine de -Mauritanie. C'était, ajoute Tallemant, une dame très-brune dont le baron -était amoureux. Or, la lettre venait de Mlle de Scudéry, dont le teint ne -passait pas pour être d'une entière blancheur. La reine de Mauritanie, -nous le croyons bien, n'était autre qu'elle-même, quoique Tallemant ne -le dise pas. Dans tous les cas, Mlle Diodée se crut en droit d'être -jalouse, puisqu'elle «se gendarma et ne vit plus Mlle de Scudéry.» - -Ajoutons ici, toujours d'après Tallemant, pour ceux qui désireraient -connaître la fin de l'historiette, que Mlle Diodée contracta un mariage -tel quel avec un sieur Scarron de Vaure et vint à Paris. «Elle s'est bien -façonnée ici. C'est une personne qui a grand soin de son ménage et de ses -affaires, et qui n'a point fait parler d'elle.» Tout est bien qui finit -bien. - -Georges et sa sÅ“ur continuaient à partager leur temps entre le séjour de -Marseille et des excursions aux environs, dont on retrouve la trace, soit -dans la correspondance de celle-ci, soit dans les romans qui portent le -nom du frère. Voici, par exemple, comment est décrite, dans _le Grand -Cyrus_, la vieille ville de Phocée, ou plutôt de Marseille: «Vous pouvez -aisément vous imaginer qu'elle n'est pas superbement bâtie comme Babylone -ou comme on dit qu'est Ecbatane.... Elle est beaucoup plus longue que -large, mais elle a aussi des fontaines et un port admirable; et quoique -sa situation soit en penchant, et, par conséquent, un peu incommode, -parce que les rues de traverse vont en montant, elle est pourtant -très-agréable, bien que l'architecture grecque n'ait pas eu lieu d'y -employer tous ses ornements.» Les principaux traits de ce tableau sont -encore reconnaissables, malgré les métamorphoses que le percement d'une -grande voie nouvelle a produites dans «ces vieilles rues de traverse qui -vont en montant.» - -Il est encore plus facile de reconnaître la côte de Provence et le pays -de Marseille dans cette description des environs de Phocée: «Plus nous -approchions du rivage, plus le pays où nous allions nous sembloit -agréable; car parmi mille arbres différents dont le paysage est semé, on -voit, à la droite, de grosses roches stériles qui font paroître davantage -la fertilité des autres endroits.... - -«De l'autre côté est un pays plus uni, mais qui ne laisse pas d'être -entremêlé de collines, de vallons, de rochers, de prairies, de fontaines -et de ruisseaux, et de faire cent agréables inégalités qui rendent les -maisons qu'on y a bâties tout à fait charmantes. De plus on y voit une si -grande quantité d'oliviers, de grenadiers, de myrtes et lauriers, et tous -les jardins y sont si pleins d'orangers, de jasmins, et mille autres -belles et agréables choses, que je ne crois pas qu'il y ait un pays plus -aimable que celui-là [37].» Ainsi que le remarque M. Cousin, Mlle de -Scudéry n'oublie même pas ce qui gâte un peu le plaisir d'habiter ces -belles contrées, le mistral, «ce vent impétueux qui abat souvent les plus -grands arbres.» - - [37] _Le Grand Cyrus_, t. VIII, l. II, p. 669 et suiv. - -Parmi les lieux que Georges et Madeleine durent aller voir aux environs, -nous citerons le château de Pennes et celui de Forbin qui est décrit -dans le _Cyrus_. J'ai peine à croire aussi qu'elle n'ait pas visité à -Grasse, «dans son petit temple auprès de Sidon[38],» l'évêque Godeau, -l'un de ses plus anciens amis, qu'elle attendait à Marseille en mars -1647. Le 2 septembre 1646, la présence de Georges et de Madeleine est -signalée à Aix où M. de Monconys, le voyageur, rencontra le frère aux -Capucins, dans l'allée des Lauriers, circonstance qui dut lui inspirer -quelque allusion flatteuse, et alla dans l'après-dîner saluer la sÅ“ur, -souvenir qu'il n'a pas jugé indigne d'être consigné à sa date dans le -_Journal de ses voyages_[39]. - - [38] _Le Grand Cyrus_, t. VII, p. 513. - - [39] 1665, in-4º, p. 87. - -A l'énumération des souvenirs de la Provence qui se retrouvèrent plus -tard sous la plume de Mlle de Scudéry peut-être faut-il ajouter un -épisode qui, après avoir figuré au t. IX, l. III du _Cyrus_, puis au t. -II des _Conversations sur divers sujets_, Paris, 1680, ou Amsterdam, -1682, in-12, sous le titre de: _Bains des Thermopyles_, a été réimprimé à -part, également sous ce dernier titre, en 1732. C'est la description -d'une ville de bains près de la mer[40], où, sous des noms grecs, -plusieurs personnes de la société qui s'y trouve réunie nous semblent -désignées par des allusions assez transparentes. Eupolie, cette dame de -Corinthe, «qui, avec mille grandes qualités qui la rendent admirable, -craint la mort avec excès,» ne ressemble-t-elle pas singulièrement à Mme -de Sablé[41]; et est-ce trop se hasarder que de reconnaître Ninon et -Diodée dans Aspasie et Diodote, ces deux femmes qui «avoient donné lieu à -la médisance de soupçonner leur vertu», que les hommes et même les femmes -les plus vertueuses allaient voir, mais que l'auteur s'abstint de -visiter? - - [40] Ce détail et plusieurs autres circonstances rendent pour - nous improbable la supposition de M. Cousin, qu'il s'agirait ici - d'une ville de bains des Pyrénées. - - [41] «Je crains toutes les maladies en général, grandes et - petites; je crains le tonnerre, je crains la mer et les rivières; - je crains le feu et l'eau, le froid et le chaud, le serein et le - brouillard.... Et pour tout dire en peu de paroles, je crains - tout ce qui directement ou indirectement peut causer la mort.» Il - est remarquable que ce passage, ainsi que les longs - développements dont il est accompagné ne se trouvent que dans les - _Conversations_ de Mlle de Scudéry, parues en 1682, deux ans - après la mort de la marquise de Sablé. - -Quoi qu'il en soit, ni Scudéry ni sa sÅ“ur n'avaient quitté la capitale -sans esprit de retour. On a déjà pu voir que le gouverneur de -Notre-Dame-de-la-Garde ne prenait pas très au sérieux le devoir de la -résidence, et, quant à Madeleine, en supposant même «qu'elle se fût -beaucoup plu à Marseille», comme le dit trop affirmativement M. Cousin, -elle n'avait pas cessé, dès son arrivée en Provence, d'avoir un regard -tourné vers Paris. Veut-elle vanter la beauté de l'hiver dans la première -de ces villes, elle ne croit pouvoir mieux faire que de le comparer au -printemps de la seconde. «Ce n'est pas que, si je pouvois dépeindre la -beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous fisse un tableau assez -agréable, et que je ne vous fisse avouer qu'il fait honte au printemps de -Paris. L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé de glaçons, -est ici couronné de fleurs. Sincèrement, Mademoiselle, à l'heure même que -je vous parle, l'on vient de m'envoyer des bouquets d'anémones, -d'Å“illets, de narcisses, de jasmin, de fleurs d'orange, plus beaux que -Mlle de Lorme n'en porte au mois de mai, et ce qu'il y a de commode ici, -est que l'on fait des visites à la fin de décembre, sans avoir besoin de -feu, que l'on se promène sur le port comme l'on se promène aux Tuileries -en juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une fois, et que le soleil y -est toujours aussi pur et aussi clair que dans la saison où il fait -naître les roses. Mais le mal est que, pour jouir de tous ces plaisirs -innocents, il faut souffrir d'autres incommodités, et que l'on ne peut -s'approcher de l'Orient sans s'éloigner de Paris[42].» - - [42] Lettre à Mlle Paulet, du 27 décembre 1644. - -Du reste, toutes les lettres de Mlle de Scudéry à cette époque prouvent -que ses amis et amies de Paris étaient sans cesse présents à sa pensée. -«Souvenez vous, écrivait-elle à Chapelain (31 janvier 1645), que l'amitié -a ses délicatesses aussi bien que l'amour.» Tantôt elle aime à se -persuader que Chapelain n'est pas jaloux de Conrart; tantôt, dans une -correspondance aigre-douce avec le premier, où le dépit tâche de prendre -le masque de la plaisanterie, elle se montre elle-même piquée des -attentions particulières qu'il témoigne pour Mlle Robineau. On -plaisantait un peu de tout cela dans la rue Saint-Thomas du Louvre, car -une lettre du 28 mars 1645 renferme une allusion à la guerre que Mlle de -Rambouillet et Mlle Paulet avaient faite là -dessus à Chapelain, et Mlle -de Scudéry ajoutait: «Vous savez mieux que vous ne dites qu'un galant -n'est pas pour moi.» Du reste le héros de toutes ces picoteries, comme on -disait alors, écrivait le 12 avril suivant à l'amie de Marseille une -lettre conciliante et affectueuse qui remettait toute chose en sa place. -Il lui adressait en même temps des éloges sur le style de ses lettres: -«Je les ai fait voir non seulement à Mlle Robineau qui y étoit si -agréablement grondée, et qui ne pouvoit mais du sujet que vous avez pris -de m'y quereller si obligeamment, mais encore à tout l'hôtel de Clermont, -à tout l'hôtel de Rambouillet, à Mme de Sablé et à Mlle de Chalais, à M. -Conrart, à Mlle de Longueville, et à Mme de Longueville elle-même, qui -tous leur ont fait justice en leur donnant des éloges qu'on ne donne -qu'aux pièces achevées.» - -On voit que si Madeleine pensait à ses amis de Paris, ceux-ci, de leur -côté, ne l'oubliaient pas. Vers cette époque (1647), ils lui en donnaient -une preuve en cherchant à la tirer de la position un peu précaire et -dépendante où elle était auprès de son frère, pour la faire attacher à -l'éducation de «trois importantes personnes», évidemment les trois plus -jeunes nièces du cardinal Mazarin que celui-ci songeait alors à faire -venir en France, ou tout au moins d'Olympe Mancini, l'une d'elles, que la -duchesse d'Aiguillon destinait au fils du maréchal de la Porte, son neveu -à la mode de Bretagne, devenu plus tard duc de Mazarin par son mariage -avec Hortense. On avait aussi pensé, pour ces délicates fonctions, à Mlle -de Chalais, amie et commensale de Mme de Sablé, et il y eut entre elle et -Madeleine une lutte de générosité dont deux lettres de Mlle de Chalais -nous ont conservé le souvenir. Ni l'une ni l'autre n'eut la place. Elle -fut donnée, comme le prévoyait cette dernière[43], à une grande dame dont -le nom répondait mieux aux vues ambitieuses du cardinal pour ses nièces, -à la marquise de Senecey qui avait été gouvernante du jeune roi Louis -XIV. - - [43] «Dans mon opinion, la conduite de ces trois importantes - personnes est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans doute le - mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur, plus de - bonheur et quelque nom de Madame qui sera plus propre à l'éclat - qu'à bien réussir dans l'éducation de ces personnes-là .» Mlle de - Chalais à Mlle de Scudéry, lettre du 28 juin 1647. - -Le 21 août 1647, Madeleine de Scudéry écrivait de Marseille à Mlle Marie -Dumoulin: «Je suis dans tout l'embarras que peut causer un voyage de 200 -lieues que j'espère commencer dans une heure.» Soit que le départ ait été -retardé, soit plutôt que le frère et la sÅ“ur,--car ils partaient -ensemble--aient fait plusieurs stations en route, nous ne retrouvons leur -trace que deux mois après, aux environs de Valence où le fait de leur -passage semble résulter d'une nouvelle singulièrement racontée, et -rectifiée plus singulièrement encore dans la _Gazette_ de l'année 1647. -On y lisait d'abord p. 978, sous la rubrique d'Avignon, 16 octobre: - -«On a ici appris la mort du sieur de Scudéry, arrivée à une lieue et -demie au dessus de Valence, au passage de la rivière de l'Isère, par -l'ouverture du bateau qui se fendit, en venant de Paris avec une sienne -sÅ“ur, pour se rendre à son gouvernement de Notre-Dame-de-la-Garde de -Marseille, dont le Roi défunt l'avoit honoré depuis quelques années à la -recommandation du feu cardinal duc de Richelieu, qui avoit en singulière -estime son bel esprit et sa grande capacité dans la poésie.» - -J'imagine que l'émotion fut grande dans la rue Saint-Thomas du Louvre et -au quartier du Marais, à la lecture de cette feuille si mal informée. -Heureusement que les nombreux amis de notre couple littéraire purent se -rassurer en lisant quelques jours après, à la date du 23 octobre, p. -1014, cette rectification naïve du malencontreux correspondant: - -«Le bruit du retour du sieur de Scudéry en son gouvernement, et la perte -d'un bateau qui s'est ouvert au dessus de Valence, au passage de la -rivière de l'Isère, dans lequel étoient quelques personnes de condition, -avoient donné lieu à la nouvelle qu'il y étoit péri avec sa compagnie; -mais il ne se trouve rien de vrai en ce que je vous en ai écrit, _que les -louanges qu'on lui a données_.» - -C'est aussi à l'époque de ce retour que doit se placer l'anecdote plus ou -moins arrangée par Fléchier, et exploitée depuis par les dramaturges[44], -à laquelle nous avons déjà fait allusion. «Nous parlâmes, dit-il dans ses -_Mémoires sur les grands jours_[45],.... des Romans de Sapho et d'une -aventure plaisante qui lui arriva à Lyon, lorsqu'elle revenoit à Paris -avec M. de Scudéry, son frère. On leur avoit donné une chambre dans -l'hôtellerie, qui n'étoit séparée que d'une petite cloison d'une autre -chambre où l'on avoit logé un bon gentilhomme d'Auvergne, si bien qu'on -pouvoit les entendre discourir. Ces deux illustres personnes n'avoient -pas grand équipage, mais ils traînoient partout avec eux une suite de -héros qui les suivoient dans leur imagination.... Dès qu'ils furent -arrivés à Lyon et qu'ils eurent pris une chambre dans l'hôtellerie, ils -reprirent leurs discours sérieux, et tinrent conseil s'ils devoient faire -mourir un des héros de leur histoire; et, quoiqu'il n'y eût qu'un frère -et une sÅ“ur à opiner, les avis furent partagés. Le frère, qui a l'humeur -un peu plus guerrière, concluoit d'abord à la mort; et la sÅ“ur, comme -d'une complexion plus tendre, prenoit le parti de la pitié et vouloit -bien lui sauver la vie. Ils s'échauffèrent un peu sur ce différend, et -Sapho étant revenue à l'autre avis, la difficulté ne fut plus qu'à -choisir le genre de mort. L'un crioit qu'il falloit le faire mourir -très-cruellement, l'autre lui demandoit par grâce de ne le faire mourir -que par le poison. Ils parloient si sérieusement et si haut, que le -gentilhomme d'Auvergne, logé dans la chambre voisine, crut qu'on -délibéroit sur la vie du Roi.....; il s'en va faire sa plainte à l'hôte, -qui ne prenant point ce fait pour une intrigue de roman, fit appeler les -officiers de la justice pour informer sur la conjuration de ces deux -inconnus. Ces Messieurs... se saisirent de leurs personnes et les -interrogèrent sur le champ: s'ils n'avoient point eu dans l'esprit -quelque grand dessein depuis leur arrivée? M. de Scudéry répondit que -oui; s'ils n'avoient point menacé la vie du prince de mort cruelle ou de -poison? Il l'avoua; s'ils n'avoient pas concerté ensemble le temps et le -lieu? Il tomba d'accord; s'ils n'alloient point à Paris pour exécuter et -pour mettre fin à leur dessein? Il ne le nia point. Là dessus, on leur -demanda leur nom, et ayant ouï que c'étoient M. et Mlle de Scudéry, ils -connurent bien qu'ils parloient plutôt de Cyrus et d'Ibrahim que de -Louis, et qu'ils n'avoient d'autre dessein que de faire mourir en idée -des princes morts depuis longtemps. Ainsi leur innocence fut reconnue, -etc.[46]» - - [44] L'_Auberge_ ou les _Brigands sans le savoir_, - comédie-vaudeville de MM. Scribe et Delestre Poirson. Paris, - 1812. - - [45] Paris et Clermont, 1844, in-8º, p. 63. - - [46] Les biographies anglaises racontent une anecdote semblable - des deux auteurs dramatiques Beaumont et Fletcher. - -Nous avons raconté avec quelque développement les trois années que -Scudéry et sa sÅ“ur passèrent en Provence, d'abord parce que des -recherches faites sur les lieux mêmes nous ont permis d'éclaircir -certains points mal connus jusqu'ici, ensuite parce que ce séjour ne fut -pas sans influence, au point de vue social et littéraire, sur la suite de -leur vie et de leurs ouvrages. Nous n'insisterons pas ici sur les vers, -trop souvent médiocres, que l'aspect des lieux inspira à Scudéry, et nous -ne citerons que pour en signaler le ridicule, un échantillon de sa prose -daté pompeusement _du Fort de Notre-Dame-de-la-Garde_, auquel Tallemant a -fait allusion[47]. «Ceux qui gouvernent cette monarchie y est-il dit dans -l'_Epître au lecteur_, savent tenir les ennemis de la France si loin de -notre royaume, que les Gouverneurs des places frontières ont loisir de -faire des livres.... J'ai cru, lecteur, que puisque la Fortune n'a pas -voulu que j'eusse aucune part aux affaires, il m'étoit du moins permis de -faire voir que, si elle m'y eût appelé, je m'en serois peut-être acquitté -sans honte, et que celui qui a fait parler Louis Quatrième et tant -d'autres Rois auroit été capable de servir Louis Quatorze.... si, au lieu -de le reléguer aux dernières extrémités de cet État, il avoit plu à cette -Fortune de le retenir à la Cour et de lui donner quelqu'emploi.» - - [47] _Discours politiques des rois._ Paris, 1647, in-4º. - -Cet ouvrage est le dernier de ceux que Scudéry ait datés du lieu de son -gouvernement, quoiqu'il ait continué à prendre le titre de Gouverneur de -Notre-Dame-de-la-Garde jusqu'en 1663 dans les derniers volumes du roman -d'_Almahide_. - -Dès 1656[48], Chapelle et Bachaumont traçaient la fameuse description qui -est restée dans toutes les mémoires: - - «C'est Notre-Dame-de-la-Garde, - Gouvernement commode et beau, - A qui suffit pour toute garde - Un Suisse avec sa hallebarde, - Peint sur la porte du château. - -«Ce fort est sur le sommet d'un rocher presque inaccessible.... Nous -grimpâmes plus d'une heure avant que d'arriver à l'extrémité de cette -montagne, où l'on est bien surpris de ne trouver qu'une méchante masure -tremblante, prête à tomber au premier vent. Nous frappâmes à la porte, -mais doucement, de peur de la jeter par terre, et, après avoir heurté -longtemps, sans entendre même un chien aboyer sur la tour, - - Des gens qui travailloient là proche - Nous dirent: Messieurs, là dedans - On n'entre plus depuis longtemps. - Le gouverneur de cette roche, - Retournant en Cour par le coche, - A depuis environ quinze ans[49], - Emporté la clef dans sa poche. - - [48] C'est la véritable date du voyage, qui se termina à Lyon - vers le milieu du mois de novembre de cette année. Cf. - Taillandier, _Commencements de Molière_, dans la _Revue des - Deux-Mondes_, t. XIX, p. 280, et Péricaud, _Lyon sous Louis XIV_, - p. 90. - - [49] Cela ne ferait que neuf ans (de 1647 à 1656); mais on aura - changé le chiffre lors de l'impression du _Voyage_ dans le - _Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes_. Cologne, P. - Marteau, 1663, in-16. D'ailleurs nos deux auteurs n'y regardaient - pas de si près. - - «La naïveté de ces bonnes gens nous fit bien rire, surtout quand - ils nous firent remarquer un écriteau, que nous lûmes avec assez - de peine, car le temps l'avoit presque effacé: - - Portion de Gouvernement - A louer tout présentement. - - «Plus bas, en petit caractère: - - Il faut s'adresser à Paris - Ou chez Conrart, le secrétaire, - Ou chez Courbé, l'homme d'affaire - De tous messieurs les beaux esprits.» - -Évidemment tout cela est un peu chargé, et un historien de -Notre-Dame-de-la-Garde est allé jusqu'à douter que nos deux Épicuriens -voyageurs se soient donné la peine de grimper jusqu'en haut de la -montagne. Mais leur description n'en aura pas moins le dernier mot, comme -tout ce qui est marqué au coin du goût et de la bonne plaisanterie. - -Mieux que les vers et la prose du frère, les lettres de la sÅ“ur, dont -nous avons cité d'assez nombreux extraits, et qu'on retrouvera plus -complètes dans la Correspondance, nous paraissent, malgré l'abus de -l'esprit, avoir retenu une empreinte fidèle des lieux, des personnes et -des mÅ“urs. Nous avons pu contrôler sur le vif quelques-unes de ses -peintures, et, malgré la différence des temps, nous en avons reconnu la -fidélité. Ce petit coin de la vie provinciale sous Louis XIV, encore si -peu connue, reçoit des lettres de Mlle de Scudéry une vive lumière, et -elles resteront comme une page à la fois littéraire et historique. - -Celle-ci, comme nous l'avons vu, demeura en correspondance avec Marseille -jusqu'aux dernières années de sa vie[50]. Aussi plus d'un souvenir de son -séjour dans cette ville cosmopolite et semi-orientale; aventuriers des -deux sexes, types plus ou moins francisés de Turcs et d'Africains, -corsaires généreux, héroïques Bassas, etc., tout cela se retrouvera dans -ses ouvrages et mêlera un peu de réalité à la fantaisie dans les -compositions romanesques qui illustreront le nom de son frère et le sien -au milieu du monde littéraire parisien où nous allons les suivre. - - [50] «On m'écrit de Marseille...,» disait-elle encore à l'abbé - Boisot, dans une lettre du 19 juillet 1694. Bonnecorse, dont son - frère avait fait imprimer la _Montre_, et dont elle eut occasion - d'obliger le fils, lui servait dans cette ville de correspondant - et d'intermédiaire auprès de ses anciens amis. Voir sa lettre du - 20 mars 1681. - - - - -II - -LE _CYRUS_, LA _CLÉLIE_, ETC.--LES SAMEDIS.--PELLISSON.--RÉACTION -LITTÉRAIRE. - -1647-1659. - - -Scudéry et sa sÅ“ur, lors de leur retour dans la capitale, à la veille de -la Fronde, ne retrouvèrent pas l'hôtel de Rambouillet dans l'état où ils -l'avaient laissé. La maîtresse du lieu, le chef de cette famille -aristocratique, l'âme de cette réunion brillante et polie qui s'y -groupait naguères autour d'elle, la marquise de Rambouillet, commençait à -ressentir les atteintes de la vieillesse. Ses deux filles avaient suivi -leurs maris en province. Les quatre années de guerre civile qui -marquèrent la période aiguë de la Fronde, dispersèrent une partie des -amis de la maison, quand elles ne les brouillèrent pas. En un mot, cette -société qu'ils avaient vue si florissante penchait déjà vers son déclin, -et, au moment même (1651) où paraissait dans le tome VII du _Grand Cyrus_ -«la description la plus fidèle, la plus complète, comme aussi la plus -agréable qui soit parvenue jusqu'à nous, de ce sanctuaire de la bonne -compagnie au dix-septième siècle[51]», elle allait bientôt se réduire au -cercle étroit de la famille et de quelques amis. - - [51] Cousin, _La Société française au dix-septième siècle, - d'après le_ Grand Cyrus _de Mlle de Scudéry_, 2e édition, t. I, - p. 245. - -Mme de Caylus, dans ses _Souvenirs_, cite les hôtels d'Albret, de -Richelieu, comme ayant été «une suite et une continuation de l'hôtel de -Rambouillet»; mais nous avons le témoignage de Mlle de Scudéry elle-même -sur les sociétés qui l'accueillirent au sortir du théâtre de ses premiers -pas dans le monde. - -Dans une lettre adressée, suivant toute vraisemblance, à M. de Pomponne, -et dont malheureusement nous n'avons pu recueillir que ce trop court -passage, elle s'exprime ainsi: «Souvenez-vous, Monsieur, que j'ai -commencé d'être connue des gens par l'hôtel de Rambouillet, et en suis -sortie par l'hôtel de Nevers et l'hôtel de Créqui[52].» - - [52] _Catalogue d'autographes_ du 15 mai 1843, no 471. - - L'hôtel de Nevers était sur l'emplacement actuel de celui des - Monnaies. Il avait été acquis en 1641 par M. de Guénégaud. M. de - Pomponne, dans une lettre du 1er décembre 1644, a tracé le tableau - de la société qui s'y réunissait. - - L'hôtel de Créqui, habité par le maréchal de ce nom, perçait de la - rue des Poulies dans le cul-de-sac des Pères de l'Oratoire. Il fut - démoli lors des premiers travaux de la Colonnade du Louvre, en - 1666. - -Georges de Scudéry avait réuni en 1649 ses _Poésies diverses_, et, pour -se poser en homme sérieux, il s'excusait ainsi, dans l'_Avis au lecteur_, -de ce que ce volume renfermait pour la dernière fois des vers d'amour: -«Ce n'est pas que j'aie encore besoin de beaucoup de poudre pour cacher -la blancheur de mes cheveux, ni que ma vieillesse soit décrépite. Mais -enfin, j'ai quarante-huit ans, et ma première maîtresse n'est plus belle, -etc.» Admis à l'Académie l'année suivante, il gardait auprès de lui, avec -une sollicitude jalouse, sa sÅ“ur Madeleine, qui lui rendait en -collaboration utile et discrète[53] ce qu'elle recevait de lui comme -notoriété, comme crédit auprès du public et des libraires, profitant -ainsi, avec sa réserve ordinaire, du bruit fait autour d'un nom qui était -aussi le sien. Cependant, on la voit prendre parti pour son compte dans -la querelle des sonnets de Job et d'Uranie, où elle tient pour Uranie -avec la duchesse de Longueville[54]. Dans la guerre de la Fronde, qui -éclata presqu'en même temps, les Scudéry embrassèrent avec plus d'ardeur -encore, et aussi avec plus de péril, le parti du grand Condé et de la -belle duchesse. Tandis que le frère se compromettait pour les intérêts de -M. le Prince, au point d'être obligé de se cacher[55], puis de quitter -Paris, la sÅ“ur, animée d'un dévouement non moins chaleureux, consacrait -sa prose et ses vers à la défense des deux grands personnages dont la -cause se confondait dans son esprit avec le patriotisme lui-même. Car les -sentiments monarchiques, qui lui étaient communs avec l'immense majorité -de la nation, ne l'empêchaient pas de dire, avec un accent ému rare à -cette époque: «L'amour de la patrie est bien avant dans mon cÅ“ur[56].» -Sur ce chapitre, elle pensait, comme Mlle de Gournay, _à la vieille -françoise_, et l'on voit, par exemple, dans une lettre à Conrart[57] -qu'elle n'entendait pas raillerie lorsqu'il s'agissait de la vertu de -l'héroïne que Chapelain s'apprêtait à chanter. - - [53] Nous verrons plus loin que le _Cyrus_ et la _Clélie_ - rapportèrent beaucoup d'argent, du moins au libraire. Mais il en - passa une partie à l'emploi qu'indique avec ménagement, mais - assez clairement du reste, l'auteur de l'_Éloge de Mlle de - Scudéry_: «Riche des seuls biens de son esprit, elle crut qu'elle - devoit en faire usage pour acquitter de grosses dettes _qu'elle - n'avoit pas contractées_.» - - [54] Voy. sa lettre à Chapelain du 7 décembre 1649. - - [55] On lit dans une lettre inédite du surintendant Servien à - Mazarin, en date du 22 août 1654: «Je crois certainement que - celui que l'on étoit tant en peine de découvrir, qui écrivoit à - M. le P... les lettres si importantes et si bien raisonnées que - V. E. m'a fait quelquefois l'honneur de me montrer, c'est - Scudéry, qui se retire, à ce qu'on m'a dit, dans le palais - d'Orléans. Je crois qu'il importe de le faire arrêter.» - - [56] Voy. sa belle lettre à Godeau du 22 février 1650, celle du - mois d'octobre suivant, où se trouvent les vers si connus sur le - Grand Condé. - - Ses lettres de cette époque sont de véritables chroniques de la - Fronde, écrites à un certain point de vue, mais sous le coup des - événements. - - [57] Jointe à celle adressée de Marseille à Marie Dumoulin, le 21 - août 1647. - -«Mme de Longueville, dit Tallemant, à propos du dévouement des Scudéry -dans cette circonstance, n'ayant rien de meilleur à leur donner, leur -envoya de son exil son portrait avec un cercle de diamants; il pouvoit -valoir douze cents écus.» Une lettre inédite que nous possédons confirme -et les services rendus et la reconnaissance de la duchesse. «Je ne -prétends pas, écrivait-elle à Scudéry, de Moulins, le 29 août (1654), que -le petit présent que je vous ai fait vous montre toute ma -reconnoissance, je prétends seulement qu'il vous la marque, et qu'en vous -faisant souvenir de moi il vous remette dans la mémoire une personne qui -a gravé dans la sienne ce que vous avez fait pour elle, et qui, n'étant -pas née tout à fait bassement, ne peut être aussi touchée de votre -générosité sans souhaiter qu'une meilleure fortune lui fournisse les -occasions de contribuer à rendre la vôtre proportionnée à votre -mérite.... Je vous prie que Mlle de Scudéry sache par votre moyen que je -conserve pour elle toute l'estime qu'elle mérite.» - -Mais ce dévouement, cette admiration des Scudéry pour les Condé--le -glorieux auteur d'_Alaric_ n'aurait pas parlé autrement--se révélaient -d'une manière encore plus éclatante dans un roman qui faisait alors -beaucoup de bruit et qui, sans inaugurer un genre tout à fait nouveau, -passait du moins pour en être le modèle le plus accompli. _Artamène_ ou -le _Grand Cyrus_ avait paru en dix parties ou volumes, publiés depuis le -commencement de 1649 jusqu'à la fin de 1653, sous le nom de M. de -Scudéry, gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde. C'était, ainsi que le -proclamaient, dans tout le cours de la publication, les dédicaces, les -portraits, les chiffres, les illustrations des volumes, une glorification -perpétuelle de la maison de Condé. Mme de Longueville figurait en tête et -à la fin de l'ouvrage dont les diverses parties lui étaient adressées, au -fur et à mesure de leur apparition, par Mlle de Scudéry, soit à l'hôtel -de Longueville et à celui de Condé, soit à Stenay et à Montreuil-Bellay, -partout où les portait la bonne et la mauvaise fortune. Tout le monde, à -commencer par les intéressés eux-mêmes, reconnaissait, sous des noms -persans, mèdes, assyriens, le vainqueur de Rocroy et de Lens dans Cyrus; -sa sÅ“ur dans la blonde Mandane, douce et fière à la fois; les -lieutenants du prince dans les guerriers d'Asie qui accompagnaient le -héros persan; les beautés célèbres de la cour d'Anne d'Autriche dans les -belles dames des cours d'Ecbatane, de Sardes, de Babylone; l'hôtel de -Rambouillet dans le palais de Cléomire, enfin dans Sapho, cette fille -savante, aimable et sage de Mytilène, «dont la beauté n'étoit pas sans -défauts, ni le teint de la dernière blancheur, mais généreuse, -désintéressée, fidèle dans ses amitiés, à la conversation si naturelle, -si aisée et si galante,» Mlle de Scudéry elle-même qui, entre les divers -noms sous lesquels ses contemporains la désignèrent,--Philoclée dans le -_Royaume de coquetterie_ de l'abbé d'Aubignac, Polymathie dans le _Roman -bourgeois_, la bergère Acacie dans des vers de Conrart, Artélice dans -l'_Eurymédon_, Daphné dans Mme de la Suze, la docte Sophie dans Somaize, -etc., etc.,--choisit et adopta définitivement celui de Sapho qui lui est -resté. - -Déjà en 1641, avant le voyage de Marseille, avait paru un premier roman: -_Ibrahim ou l'Illustre Bassa_, sous le nom de Scudéry qui, deux ans -après, en avait fait une tragi-comédie, déclarant hardiment dans la -Préface, «qu'il avoit été trop heureux en roman pour ne pas l'être en -comédie.» On y trouve deux épisodes que reprirent depuis les historiens -et les dramaturges: celui du comte de Lavagne (conjuration de Fiesque), -et celui de Mustapha et Zéangir. Guéret, dans son _Parnasse réformé_, -insinue que Georges n'en était pas l'auteur; et Tallemant s'exprime d'une -manière encore plus positive dans son _Historiette_ des Scudéry: «Elle a -fait une partie des harangues des _Femmes illustres_[58] et tout -l'_Illustre Bassa_.» Segrais, de son côté, dit qu'avant l'_Illustre -Bassa_ Mlle de Scudéry avait beaucoup contribué aux tragédies de son -frère. Il est certain, comme nous l'avons déjà indiqué, qu'il y eut de -bonne heure entre le frère et la sÅ“ur une collaboration à laquelle -chacun d'eux trouvait son compte. C'était chose sous-entendue dans leur -entourage littéraire le plus intime. Par exemple, Balzac, dans sa -Correspondance[59], charge Conrart de remercier Scudéry de l'envoi du -_Grand Cyrus_; mais, en disant: «J'ai déjà été régalé du 9e volume», il -ajoute: «Je vous demande un compliment de votre façon pour M. et Mlle de -Scudéry.» «Ceux qui la connoissoient un peu, dit encore Tallemant, virent -bien dès les premiers volumes de _Cyrus_ que Georges ne faisoit que la -préface et les épîtres dédicatoires. La Calprenède le lui dit une fois en -présence de sa sÅ“ur, et ils se fussent battus sans elle.» Et plus loin: -«Quand Scudéry corrigeoit les épreuves des romans de sa sÅ“ur, car par -grimace il faut bien que ce soit lui, s'il reconnoissoit quelqu'un, d'un -trait de plume aussitôt il le défiguroit, et de brun le faisoit noir.» - - [58] _Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques_. Paris, - 1665, in-12. - - [59] _Å’uvres_, 1665, in-fo, t. I, p. 969. - -Dans cette collaboration, M. Cousin donne ainsi la meilleure part à Mlle -de Scudéry: «Selon une tradition fort vraisemblable, ils composaient de -la manière suivante. Ils faisaient ensemble le plan: Georges, qui avait -de l'invention et de la fécondité, fournissait les aventures et toute la -partie romanesque, et il laissait à Madeleine le soin de jeter sur ce -fond assez médiocre son élégante broderie de portraits, d'analyses -sentimentales, de lettres, de conversations. S'il en est ainsi, tout ce -qu'il y a de défectueux dans le _Cyrus_ viendrait du frère, et ce qu'il y -a d'excellent et de durable serait l'Å“uvre de la sÅ“ur[60].» - - [60] _La Société française au dix-septième siècle_, t. II, p. 118. - -Peut-être ne faut-il voir là qu'une exagération en sens contraire de -l'opinion primitivement reçue. Car il y a eu réaction dans les jugements -des littérateurs et des bibliographes[61], quant aux ouvrages -d'imagination portant le nom de Scudéry. Après avoir tout attribué au -frère, on veut maintenant donner tout à la sÅ“ur. La vérité ne -serait-elle pas entre ces deux extrêmes? Ainsi, lorsqu'on se rappelle que -Scudéry avait servi, et qu'on le voit, en toute circonstance, se piquer -de ses connaissances dans l'art militaire, il est difficile de croire que -les épisodes de guerre, où se complaît l'auteur du _Cyrus_, et où M. -Cousin a reconnu les relations les plus exactes, les plus techniques du -siége de Dunkerque, des batailles de Lens et de Rocroy, du combat de -Charenton, etc., ne soient pas l'ouvrage du soldat romancier dont le nom -figure partout, sur le titre et dans les dédicaces de l'ouvrage. - - [61] Par exemple Niceron et Brunet attribuent _Almahide_ à Mlle - de Scudéry. Eh bien, deux lettres de Chapelain à Georges, des 25 - août et 16 novembre 1660, renferment, sur la deuxième partie de - ce roman, des détails, des conseils, des critiques qui prouvent - que Chapelain le traitait comme l'auteur incontesté de l'ouvrage. - -Depuis quelque temps, Mlle de Scudéry voyait chez son ami Conrart un -avocat de Castres établi à Paris, protestant comme celui-ci, pourvu comme -lui d'une charge de secrétaire au Conseil, et qui travaillait sous ses -auspices à la _Relation contenant l'histoire de l'Académie françoise_. -C'était un petit homme disgracieux de taille et de visage, qui, selon le -mot de Guilleragues répété par Mme de Sévigné, abusait de la permission -qu'ont les hommes d'être laids. Mais, en le dédoublant, disait encore la -spirituelle marquise, on trouvait une belle intelligence et une belle -âme. Également propre à la société, aux lettres et aux affaires, sous un -extérieur qui paraissait repousser la sympathie, il cachait le don de la -ressentir et de l'inspirer. C'est par là que devait être prise Mlle de -Scudéry, à peine moins maltraitée au point de vue des avantages -extérieurs, mais, c'est Ménage qui l'affirme, plus capable d'aimer -fortement que Pellisson lui-même. Ainsi commença une de ces amitiés -célèbres, bien voisines de l'amour[62], qui en eut les vicissitudes, les -jalousies, les petitesses et les grandeurs, et dont il est parlé si -longuement, comme par un auteur plein de son sujet, au tome X du _Grand -Cyrus_. - - [62] Voici comment elle a parlé elle-même de ces amitiés: - «Lorsque l'amitié devient amour dans le cÅ“ur d'un amant, ou, - pour mieux dire, lorsque cet amour se mêle à l'amitié, sans la - détruire, il n'y a rien de si doux que cette espèce d'amour; car, - tout violent qu'il est, il est pourtant toujours un peu plus - réglé que l'amour ordinaire; il est plus durable, plus tendre, - plus respectueux, et même plus ardent, quoiqu'il ne soit pas - sujet à tant de caprices tumultueux que l'amour qui naît sans - amitié. On peut dire, en un mot, que l'amour et l'amitié se - mêlent comme deux fleuves dont le plus célèbre fait perdre le nom - à l'autre.» _Esprit de Mlle de Scudéry_, 1766, p. 275. - -Pellisson rencontrait Mlle de Scudéry chez des amis communs, mais il -n'osait aller chez son frère, car celui-ci lui en voulait, dit Tallemant, -«parce qu'il ne l'avoit pas mis dans sa _Relation de l'Académie_.» Aussi, -dans ce dernier volume du _Cyrus_, qui parut en décembre 1653, il est -question d'un frère de Sapho, Charaxe, qui s'oppose à la liaison de sa -sÅ“ur et de Phaon. D'ailleurs, nous avons vu qu'il la gardait presque en -charte privée. De là , un nouveau grief qu'il faut aussi entendre raconter -à Tallemant. «M. de Grasse[63] donnoit à dîner à la demoiselle, à Conrart -et à quelques autres; Conrart trouva Pellisson en chemin et l'y mena. Le -lendemain, le petit prélat, qui n'étoit point averti, rencontre Scudéry à -l'hôtel de Rambouillet et lui dit, entr'autres choses, que Mademoiselle -sa sÅ“ur avoit amené M. Pellisson dîner chez lui, et lui dit mille biens -de ce garçon. Le soir, Scudéry pensa manger sa sÅ“ur[64].» - - [63] Antoine Godeau, évêque de Grasse et de Vence, était, comme - nous l'avons vu, l'un des plus anciens amis de Mlle de Scudéry. - - [64] Il paraît que ces espèces de rencontres, que Scudéry - regardait probablement comme des rendez-vous, se renouvelaient - assez souvent. Pellisson écrivait à Mlle Legendre le 2 novembre - 1656: «On me vint prendre à midi pour aller dîner chez M. de - Vence, dont nous ne fûmes de retour qu'à la nuit. Mlle de - Scudéry, Mlle Robineau, M. Chapelain et M. Isarn en étoient.» - -Cependant, lorsque l'auteur des _Historiettes_ ajoute: «Elle avoit pris -le samedi pour demeurer au logis, afin de recevoir ses amis et ses -amies[65],» il ne faut pas croire qu'elle ait attendu pour cela sa -séparation d'avec son frère. Dès 1653, les Samedis se tenaient, soit au -logis commun du frère et de la sÅ“ur, vieille rue du Temple[66], soit -chez Mlle Boquet ou Mme Aragonnais, leurs voisines. Dès lors aussi, Mlle -de Scudéry faisait les honneurs de cette réunion; _elle tenoit maison_, -dit expressément le _Cyrus_. C'est à ce logis de la vieille rue du Temple -que se rapporte la description du roman[67] et aussi la visite racontée -par Ménage: «Mme de Montbazon vint un jour me voir et m'emmena avec elle -dans son carrosse pour aller avec elle à la promenade. Quand nous fûmes -montés,--Où irons-nous, me dit-elle?--Allons voir, lui dis-je, Mlle de -Scudéry. Elle n'avoit jamais été chez elle. Étant arrivés, nous entrâmes -dans la salle. Mlle de Scudéry étoit dans une chambre au-dessus. Sa -vieille étant montée aussitôt pour l'avertir: Mademoiselle, lui dit-elle, -venez vite; M. Ménage est là avec la plus belle femme de France[68].» - - [65] «La plupart des Précieuses, dit Somaize, ont un jour pour - recevoir les autres. C'est une nymphe du siècle qui a inventé cet - usage.» Ainsi l'habitude d'_avoir un jour_, comme on parle encore - aujourd'hui, nous vient de cette époque, et probablement de Mlle - de Scudéry. - - [66] Et non rue Quincampoix, comme l'a cru, sur des indices peu - concluants, M. E. Miller, dans son travail, intéressant du reste, - extrait du _Correspondant: Pierre Taisand, lettres inédites de - Bossuet et de Mlle de Scudéry_. Paris; Douniol, 1869, in-8º, p. - 21. M. Ch. Giraud dans l'_Histoire de Saint-Évremond_, qui - précède son édition des _Å’uvres mêlées_ de cet auteur, 1865, 3 - vol. in-12, a plus approché de la vérité en plaçant ce domicile - rue de Berry. Nous avons trouvé, à cet égard, une indication - précise dans un document sans date, mais certainement antérieur à - la Fronde: _Rolle des taxes faites sur les_ _bourgeois et - habitans du Quartier St-Avoye et le Temple, pour raison du - nettoyement_: - - «Vieille rue du Temple. - M. Scudéry. . . . . . . . . . . .XIII livres.» - (Bibl. Nat. Mss fr., no 18,795, p. 31.) - - [67] T. X, l. II, p. 599 et suiv. - - [68] _Menagiana_, 1693, p. 135. - -Pellisson, dans une lettre datée de Chambord, le 14 octobre 1668, donne -aussi quelques détails sur l'intérieur de Mlle de Scudéry. «Je vous -assure qu'il me semble tous les jours que le Brun, Mansart et le Nostre -ont employé tout leur talent et leur savoir dans les lieux où le Roi -passe. - - S'il s'avisoit d'entrer jamais - Dans le médiocre palais - Où vous régnez dans les tournelles, - La maison aussitôt deviendroit des plus belles, - Le vilain vestibule en seroit honoré, - L'obscur degré seroit tout éclairé, - Le passage seroit paré. - Que de lustres dans les ruelles! - Le cabinet enfin vous paroîtroit doré[69].» - - [69] _Å’uvres diverses de M. Pellisson, de l'Académie françoise_. - Paris, 1735, in-12, t. II, p. 408. - -Le cabinet de Mlle de Scudéry fut de tout temps fort modeste, car elle -écrivait à l'abbé Boisot, le 9 octobre 1694 (elle demeurait alors rue de -Beauce): «Que l'Ermite vienne quelquefois à ma cellule, car mon cabinet -se peut appeler ainsi.» - -Dans cette première habitation, comme plus tard dans la seconde, se -trouvait un jardin planté d'arbres fruitiers dont Mlle de Scudéry -distribuait les fruits à ses amis, de mûriers, d'orangers, de jasmins et -même d'acacias, essence encore nouvelle en France. Là chantaient cette -fauvette qui revenait tous les ans et qui revient aussi souvent dans les -vers de Sapho et de ses amis, cette pigeonne au nom de laquelle on -présentait des placets, ces roitelets, ces pinsons et enfin ces -tourterelles qui inspiraient si heureusement les habitués de la -maison[70]. Ajoutez-y une chatte favorite, dont les adorateurs -platoniques de sa maîtresse se proclamaient jaloux, et vous aurez une -idée de ce premier théâtre des Samedis[71]. On y tenait des conversations -littéraires ou galantes, témoin la fameuse _Journée des Madrigaux_, du 20 -décembre 1653[72], on y échangeait des cadeaux, on s'y occupait -quelquefois de sciences et souvent de modes. On avait des imitateurs, des -rivaux et des critiques[73]. - - [70] Le _Dialogue d'un Passant et d'une Tourterelle_, par - Pellisson, est présent à toutes les mémoires. Le quatrain suivant - est moins connu: - - Où peut-on trouver des amans - Qui nous soient à jamais fidèles? - Je n'en sais que dans les romans - Et dans les nids des tourterelles. - - Ce joli quatrain, que les éditeurs des _Å’uvres de Pellisson_, - 1734, t. I, p. 158, ont attribué à ce dernier sur la foi d'une - lettre de Mme de Scudéry à Bussy-Rabutin, doit être restitué à Mme - de P. (probablement de Platbuisson), d'après le témoignage plus - digne de foi de Mlle de Scudéry elle-même (Voy. sa première lettre - à Mlle Descartes). - - [71] Voy. _passim_, le _Recueil de pièces galantes de la Suze et - de Pellisson_.--Les _Å’uvres diverses de Pellisson_, etc. - - [72] Publiée par M. Émile Colombey, 1856, in-12. - - [73] «Toute cette cabale ignorante ou envieuse étoit opposée à la - nôtre, et parloit de nous d'une si plaisante manière que je ne - m'en puis souvenir sans étonnement; car ils se figuroient qu'on - ne parloit jamais chez Sapho que des règles de la poésie, que de - questions curieuses et que de philosophie, et je ne sais même - s'ils ne disoient point qu'on s'y occupoit de magie.» Le _Grand - Cyrus_, Xe partie, l. II, p. 347. - -Que faisait Scudéry pendant ce temps? Le plus souvent sans doute, il -avait de ces boutades dont nous parle Tallemant: «Il se retiroit chez lui -et ne vouloit voir personne.» Mais nous avons aussi la preuve qu'il ne -s'isolait pas toujours aussi complétement, et nous le verrons tout à -l'heure figurer dans une conversation avec sa sÅ“ur et l'abbé d'Aubignac, -leur voisin. Il paraît même, par une pièce de vers de Pellisson, qu'il ne -refusa pas toujours de se prêter aux coquetteries poétiques entre -celui-ci et sa sÅ“ur, tant qu'il put les croire sans conséquence. Dans -cette pièce intitulée _Caprice contre l'estime_, et qui commence ainsi: - - Donc je ne dois plus prétendre - D'arriver un jour à Tendre; - Donc, sans jamais être aimé - Je ne serai qu'estimé; - -Dans cette pièce, disons-nous, il prend à témoin Sapho et _son excellent -frère_ de l'insuffisance d'un sentiment froid comme l'estime, etc.[74] - - [74] _Recueil de pièces galantes de la Suze et de Pellisson_, - 1741, t. I, p. 200. - -Bientôt le succès de _Clélie_ (1654-1661), toujours sous le nom de -Georges, vint s'ajouter à celui d'_Artamène_. La pacification de 1652, et -la rentrée de la Cour à Paris (21 octobre) avaient multiplié toutes les -coteries, et, entre autres, celle des Précieuses dont le nom, encore peu -répandu, ne se prit en mauvaise part que plusieurs années après. L'esprit -romanesque triomphait en littérature comme en politique. «Tandis que -l'amour du bruit, la galanterie, le goût des aventures et des grands -coups d'épée armaient contre l'autorité royale les jeunes seigneurs, les -héroïnes coquettes, les vieux magistrats et les masses populaires, les -éditions multipliées de la _Clélie_ et du _Cyrus_ enivraient les lecteurs -par leurs longs récits de guerre, de politique et d'amour[75].» - - [75] _Histoire des poëtes épiques français du XVIIe siècle_, - Thèse par Julien Duchesne, 1870, p. 84.--Voici la date des - principales éditions des romans du genre dont il s'agit: - - Le _Cyrus_: 1650, 1651, 54, 55, 56, 58. - La _Clélie_: 1656, 1658, 60, 61, 1731. - _Polexandre_ de Gomberville, 1629, 1637. - La Calprenède, _Cassandre_, 1642, 1650, 10 vol. - -- _Cléopâtre_, 1647, 1658, 12 vol. - -_Clélie_ est conçue dans le même système pseudo-historique, exposé dès la -préface de l'_Illustre Bassa_, largement appliqué dans _Cyrus_ et repris -avec des développements dans le chapitre des premières _Conversations_, -intitulé: _De la manière d'inventer une fable_. On voit dans ce dernier -écrit que l'auteur n'était pas sans avoir réfléchi à l'emploi de -l'histoire dans le roman, quoique ses théories aient été souvent fausses -ou mal appliquées. Il ne faut donc pas demander à la _Clélie_ la peinture -exacte des premiers temps de Rome, ni les vrais caractères des anciens -Romains qu'après tout Racine et même Corneille n'ont pas laissé -d'accommoder aussi quelquefois à la française. La description de Carthage -qu'on trouve au tome Ier[76] n'a pas les prétentions à la couleur locale -bruyamment affichées dans un de nos romans contemporains. Il ne faut y -chercher, en fait de témoignages historiques, qu'une vérité purement -relative. On sent des souvenirs vivants de la Fronde dans le tableau des -combats qui ensanglantent les faubourgs de Rome, dans la scène où Brutus -soulève le peuple, dans le récit des intrigues qui séduisent ses fils, -dans la peinture de leur mort, etc. - - [76] Pages 159-169. - -On y a compté jusqu'à soixante-treize portraits de personnages connus, et -telle est leur fidélité que plusieurs ont suppléé à l'Å“uvre du crayon ou -du pinceau. Ainsi pour la comtesse de Maure, pour la marquise de -Sablé[77]. C'est là , dit l'historien de Mme de Maintenon, qu'il faut -chercher la meilleure peinture du singulier ménage de Scarron, et le -meilleur portrait de Mme Scarron dans sa jeunesse[78]. Non-seulement -toutes les dames voulaient être dans les romans de Mlle de Scudéry, comme -le dit Tallemant qui cite des exemples de cette manie, avec noms à -l'appui, mais encore de saintes maisons, d'austères personnages, ainsi -que nous le verrons bientôt, n'étaient pas insensibles à l'ambition de -figurer dans cette galerie romanesque. La plume de Sapho faisait -concurrence au pinceau de Philippe de Champagne aussi bien qu'à celui de -Mignard ou de Petitot. - - [77] V. les ouvrages de MM. Ed. de Barthélemy et Cousin. - - [78] L'auteur de la _Clélie_ introduit les deux époux, sous les - noms de Scaurus et Lyriane, dans le temple de la Fortune, pour - interroger l'oracle sur leurs destinées.--Portrait de Mme - Scarron.--La belle Lyriane, introduite auprès de l'oracle, ne - veut rien demander. «Car enfin, dit-elle au sacrificateur, si je - dois être heureuse, je le serai infailliblement, et s'il doit - m'arriver quelque malheur, je le saurai toujours assez tôt.--Ce - que vous dites est si bien dit, reprit le sacrificateur, que je - ne doute pas que vous ne soyez un jour aussi heureuse que vous - méritez de l'être.» - - Mme Scarron, dit la Beaumelle, avait vingt-quatre ans, quand Mlle - de Scudéry fit cette prédiction. Les deux époux furent - reconnaissants. Scarron dit dans son _Épître chagrine à de Mlle de - Scudéry_: - - Vous donnez donc ainsi de l'immortalité, - Par un pur mouvement de libéralité, - Et de votre Scaurus l'agréable peinture - M'affranchit donc ainsi des lois de la nature! - Celle par qui le ciel soulage mon malheur, - Digne d'un autre époux comme d'un sort meilleur, - _Lyriane_ en un mot vous est fort obligée. - - Et non l'_Uranie_, comme portent toutes les éditions des _Å’uvres - de Scarron_. - -Mais il y a dans la _Clélie_ un genre d'intérêt particulier qui la -distingue des autres romans publiés sous le nom de Georges, et qui achève -d'en révéler le véritable auteur. La femme s'y montre de plus en plus, -avec ses vertus comme avec ses faiblesses. Nous ne voulons pas seulement -parler ici de la _Carte de Tendre_ qui se trouve au tome Ier, et que -l'auteur n'a jamais entendu donner que comme une plaisanterie de -société[79]. Ce mélange d'allégories galantes et de descriptions -imaginaires, sans remonter ici jusqu'au _Roman de la Rose_, à la -géographie fantastique de l'_Utopie_ et du _Pantagruel_, avait été, si -l'on en croit l'abbé d'Aubignac, mis en Å“uvre dans sa _Relation du -royaume de Coquetterie_, composée longtemps avant l'apparition du premier -volume de _Clélie_, quoique publiée seulement pendant le cours de la même -année 1654. Dans la _Lettre d'Ariste à Cléonte_[80], il nous apprend que -«pour le brouiller avec l'illustre Sapho, certaines personnes, jalouses -peut-être de ce que, par l'occasion du voisinage, il avoit depuis quelque -temps renoué son ancienne connoissance avec elle, avoient représenté sa -_Carte_ et sa _Description du royaume de Coquetterie_ comme une -imitation, sinon comme un larcin de celles du Pays de Tendre.» - - [79] Celer conte à la princesse des Léontins que Clélie s'étant - amusée un jour à supposer qu'il y avait un pays de _Tendre_, dans - lequel on pouvait voyager, on lui en demanda la carte, qu'elle - traça et dessina comme on le voit dans le roman. _Clélie_, t. I, - p. 399-401. - - Mais plus loin, p. 477, elle proteste contre la publicité donnée - malgré elle à cette bagatelle, «qui étoit faite pour n'être vue - que de cinq ou six personnes d'esprit, et non de deux mille qui - n'en ont guères, ou qui l'ont mal tourné.» - - [80] Paris, F. Bienfait, 1659, in-18. - -Quoi qu'il en soit de cette question, pour nous assez indifférente, de -savoir si la création de l'abbé est antérieure, ou même, comme le veut -Furetière, supérieure à celle de Mlle de Scudéry, d'Aubignac, dans son -apologie, en prend occasion de nous raconter, sur ses rapports avec elle -et avec son frère, quelques détails qui trouveront bien ici leur place. -«Elle ne sauroit avoir perdu le souvenir que, dès la première fois -qu'elle me montra son Pays de Tendre, je lui dis que j'avois dès -longtemps fait une description de la vie de ces femmes extravagantes que -l'on nomme Coquettes, mais que ma profession présente m'empêchoit de -faire voir de quel air je les avois traitées. Elle s'efforça même de me -relever de ce scrupule par des considérations que son frère soutint d'une -manière fort obligeante, et nous en parlâmes trop longtemps pour avoir -oublié cet entretien qui doit fermer la bouche à tous les autres[81].» - - [81] _Lettre d'Ariste_, p. 6. - -Des termes dont se sert d'Aubignac, et de l'affirmation même de Clélie, -rapportée plus haut, «que cette bagatelle n'étoit faite que pour être vue -de cinq ou six personnes,» il semble résulter qu'il existait des copies -manuscrites de la Carte de Tendre, même avant l'apparition du premier -volume de _Clélie_. Dans tous les cas, elle engendra une foule -d'imitations, de commentaires, parmi lesquels il ne faut pas oublier la -_Gazette de Tendre_, publiée par M. Émile Colombey à la suite de la -_Journée des Madrigaux_, d'après les manuscrits de Conrart. On trouve -dans les mêmes manuscrits une pièce en forme de Charte, dont voici -l'intitulé: «Sapho, Reine de Tendre, Princesse d'Estime, Dame de -Reconnoissance, Inclination et terrains adjacents, à tous présents et à -venir, Salut, etc. - -Donné à Tendre, au mois des Roses, l'an de la fondation d'Amour, 1656.» - -Il y a aussi une _Relation de ce qui s'est depuis peu passé à Tendre, -avec le discours que fit la souveraine de ce lieu aux habitants de -l'Ancienne ville_[82]. - - [82] Miller, _Pierre Taisand_, etc., p. 26. - -Pour racheter toutes ces puérilités, hâtons-nous de citer sur la _Clélie_ -l'opinion d'un écrivain moraliste qui nous montrera que tout n'est pas -frivole dans cette Å“uvre d'une femme. «La _Clélie_, qui, au premier coup -d'Å“il, ne semble qu'un roman plein de je ne sais quelle métaphysique -amoureuse qui prête au ridicule, ou un manuel pédantesque de galanterie, -la _Clélie_ est, quand on l'étudie de près, un livre sérieux et curieux -où toutes les questions qui tiennent à la condition des femmes dans le -monde sont traitées d'une manière à la fois piquante et judicieuse. Quel -est le rang que la civilisation moderne donne à la femme, et que doit -faire la femme pour avoir et pour garder ce rang? Voilà , en vérité, le -sujet de la _Clélie_[83].» - - [83] Saint-Marc Girardin, _Cours de littérature dramatique_, - 1861, t. III, p. 3. - -Au surplus, le moment approchait où Mlle de Scudéry, déjà à demi -émancipée par le succès des derniers romans dans lesquels l'opinion lui -attribuait une part de plus en plus large, allait plus complétement -encore s'affranchir de la tutelle parfois gênante de son frère, et avoir -son intérieur, son ménage, sa société, son individualité civile et -littéraire. - -Georges, compromis, comme nous l'avons vu, dans la cause du prince de -Condé, avait quitté Paris à la fin de l'année 1654, et s'était retiré à -Graville, près du Havre[84]. «Là , dit Tallemant, une demoiselle -romanesque, qui mouroit d'envie de travailler à un roman, croyant que -c'étoit lui qui les faisoit, l'épousa.» Cette demoiselle était -Marie-Madeleine du Montcel de Martin-Vast, femme d'esprit, comme le -prouvent ses lettres éparses dans la correspondance de Bussy-Rabutin, -d'une beauté médiocre, à en croire ce passage de l'une d'elles, si bien -applicable à sa belle-sÅ“ur: «Voilà un des priviléges de nous autres -dames pas belles, et il faut avouer que c'est peut-être le seul; nous -disons en tendresse tout ce qui nous plaît sans que cela scandalise[85].» -Époux et père de famille sans devenir plus riche ni beaucoup plus sage, -Scudéry fit quelques tentatives pour renouer avec sa sÅ“ur une communauté -dont il s'était bien trouvé; mais celle-ci, sans nier les obligations -qu'elle lui avait dans le passé[86], sans rester indifférente pour -l'avenir aux intérêts ni à la réputation de son frère, persista -résolûment[87] à maintenir son indépendance jusqu'à la mort de ce frère, -arrivée le 14 mai 1667. - - [84] Comme il règne quelque obscurité sur cette époque de la vie - de Scudéry, nous citerons ici, d'après le Manuscrit provenant de - Sainte-Beuve déjà signalé par nous, les lettres de Chapelain, à - lui adressées, des 14 février et 12 juin 1659, «à Pirou, en - Normandie;» des 25 août et 16 novembre 1660, «à Paris.» Il est - pour la première fois question de Mme de Scudéry (Mlle de - Martin-Vast) dans la lettre du 12 juin 1659. - - [85] Lettre à Bussy, du 29 avril 1672. - - [86] Voy. dans la Correspondance la lettre de Scudéry à l'abbesse - de Malnoue. - - [87] Tallemant dit à ce sujet: «Il (Scudéry) vint ici, il y a un - an (ceci était écrit en 1658), mais sa sÅ“ur lui déclara qu'il - n'y avoit qu'un lit dans la maison, et il s'en retourna.» - -Quoique Georges, dans la préface d'_Alaric_ (1654) se fût fait honneur -sans façon du succès de l'_Illustre Bassa_ et du _Grand Cyrus_, quoiqu'il -eût mis encore son nom aux derniers volumes d'_Almahide ou l'Esclave -Reine_ (1658), depuis longtemps, nous l'avons vu, dans le cercle des amis -intimes, et même dans le monde littéraire, on avait soupçonné, puis -désigné celle qu'on regardait comme le véritable auteur. En vain Mlle de -Scudéry s'en défendait encore devant l'abbé de Marolles; en vain elle -affectait d'être en colère contre Furetière qui, dans sa _Nouvelle -allégorique_, de cette même année 1658, avait imprimé «qu'elle avoit fait -les romans que son frère s'attribuoit;» en vain, jusqu'en 1728, l'auteur -de la nouvelle édition du _Dictionnaire de Richelet_, exprimait-il encore -des doutes à cet égard. Huet ne faisait que proclamer une vérité déjà -connue, lorsque, en tête de sa _Lettre à Segrais sur l'origine des -romans_ (1670), alors que _Zaïde_ et _la Princesse de Clèves_ n'avaient -pas encore paru, il rendait à Mlle de Scudéry cet éclatant hommage: «On -ne vit pas sans étonnement les romans qu'une fille autant illustre par sa -modestie que par son mérite avoit mis au jour sous un nom emprunté, se -privant si généreusement de la gloire qui lui étoit due, et ne cherchant -sa récompense que dans sa vertu, comme si, lorsqu'elle travailloit ainsi -à la gloire de notre nation, elle eût voulu épargner cette honte à notre -sexe; mais enfin le temps lui a rendu la justice qu'elle s'étoit refusée, -et nous avons appris que l'_Illustre Bassa_, le _Grand Cyrus_ et la -_Clélie_, sont les ouvrages de Mlle de Scudéry.» - - -On peut dire que les années qui suivirent la séparation de Mlle de -Scudéry d'avec son frère marquèrent l'apogée du succès de ses romans et -peut-être aussi de ses Samedis, bien que quelques écrivains représentent -ceux-ci comme ayant déjà perdu de leur éclat. Il y a ici une distinction -à faire. Ce qui paraît vrai, c'est que, à mesure que les réunions de la -vieille rue du Temple s'éloignaient par la date de celles de l'hôtel de -Rambouillet, l'élément aristocratique y diminuait d'autant, et la -distance entre la rue Saint-Thomas du Louvre et le Marais se laissait -mieux apercevoir. La Calprenède, jaloux du succès de la _Clélie_, -prononçait ce terrible mot: «Pour moi, je ne vais point chercher mes -héros dans la rue Quincampoix.» Il y avait bien encore quelques grands -personnages qui formaient le lien entre les deux réunions: Montausier et -sa femme, la marquise de Sablé, Mme de Rohan-Montbazon[88], «dont -l'amitié hautement déclarée donnait au modeste salon de la vieille rue du -Temple et à la société un peu mêlée qui s'y rassemblait de la -considération et même un certain éclat[89].» L'auteur des _Historiettes_, -en 1658, disait des Samedis: «Il y avoit autrefois des personnes de -qualité, comme Mlle d'Arpajon[90] et Mme de Saint-Ange; mais l'une s'est -mise en religion, et l'autre la voit bien encore, mais c'est plutôt -un autre jour que le Samedi.» On pourrait encore citer les -Duplessis-Guénégaud, les Saint-Aignan, les comtesses de Rieux et de -Maure, Mlle de Vandy, et plus tard, la duchesse de Saint-Simon[91]. - - [88] Marie-Éléonore de Rohan-Montbazon, abbesse de la Trinité de - Caen, puis de Malnoue, connue dans la société précieuse sous les - noms d'Octavie, de Méléagire, la Grande Vestale dans _Clélie_, - fut une des femmes les plus distinguées de cette époque qui en - comptait un si grand nombre. Elle unissait à la piété et aux - qualités solides que Pellisson a fait ressortir dans une belle - épitaphe (voyez-la à la fin du IIIe vol. de ses _Lettres - historiques_), l'enjouement et les grâces de l'esprit et du - corps. Huet, dans sa jeunesse, a tracé d'elle un portrait - renfermant ce passage singulier quand on songe qu'il s'applique à - une abbesse et qu'il émane d'un futur évêque: «N'ayant jamais vu - votre gorge, je n'en puis parler; mais si votre sévérité et votre - modestie vouloient me permettre de dire le jugement que j'en fais - sur les apparences, je jurerois qu'il n'y a rien de plus - accompli.» - - [89] Cousin, _La Société française_, t. II, p. 151. - - [90] Jacqueline, fille du duc d'Arpajon et petite-fille du - maréchal de Thémines. Tallemant ajoute en note: «Quand Mlle - d'Arpajon se fit carmélite (elle prit l'habit le 7 juillet 1655), - Mlle Sapho s'avisa de lui écrire une grande lettre, pour l'en - retirer, qui n'eût peut-être pas persuadé une jeune fille, et - celle-là avoit trente ans: car elle ne lui parloit que des - divertissements qu'elle perdoit. La reine alla ce jour-là aux - carmélites; les religieuses vouloient lui montrer cette lettre, - et, en effet, sans Moissy qui y prêchoit ce jour-là , elles - l'eussent fait. Car Sapho avoit grand tort d'écrire comme cela en - une religion où l'on ne reçoit point de lettres que les - supérieures ne les ayent lues.» Cette affaire fit grand bruit, et - la lettre de Mlle de Scudéry, souvent mentionnée, s'est dérobée à - toutes nos recherches. - - [91] Ce devait être Diane-Henriette de Budos, première femme de - Claude de Saint-Simon, père de l'auteur des _Mémoires_. - -Sans doute les noms des habitués ordinaires du Samedi, Chapelain, -Conrart, Pellisson, Ménage, Sarazin, Doneville, Isarn, etc., ceux de Mmes -Cornuel, Aragonnais, de leurs filles ou belles-filles, de Mlles Boquet et -Robineau, etc., n'ont pas le même parfum aristocratique; mais il faut se -rappeler que, dans cette société du dix-septième siècle, l'esprit était -aussi une dignité, et que les réunions de Mlle de Scudéry, en devenant -plus bourgeoises, n'avaient pas cessé d'être littéraires. «On y voyait, -dit M. Marcou, et ces jeunes filles qui aimaient Descartes et le -chantaient, et celles qui, par leur beauté, vengeaient le Samedi des -épigrammes de Furetière, et d'autres qui les justifiaient trop; et la -noblesse provinciale ou parisienne, d'épée ou de robe; et les -présidentes, les avocats, les beaux esprits, les abbés, même les évêques; -et tous ces contingents de la Normandie, de la Provence et du Languedoc, -recrues que l'admiration ou l'amitié avaient faites à Mlle de Scudéry, -quand elle habitait le Havre ou Marseille; à Pellisson, quand il était à -Toulouse ou à Castres[92].» Car, il faut bien le reconnaître avec les -mauvais plaisants, Pellisson était _le Prince_, _l'Apollon des Samedis_, -et il avait été proclamé tel par Sapho elle-même. - - [92] _Étude sur Pellisson_, p. 99. - -Furetière avait dit spirituellement: «La Vierge du Marais s'est bornée à -créer un monde (le Pays de Tendre), laissant à d'autres le soin de le -peupler.» Et, dans une lettre sans date, mais qui doit se rapporter aux -années 1654-1655, il ajoutait: «Le P. B. et moi ne vous parlons jamais de -ce que vous ne voulez jamais entendre. Nous disons même dans le monde que -nous avons en vous une illustre amie, mais, dans le fond de l'âme, nous -sommes vos très-humbles et très-obéissans amans.» On sait déjà que -Furetière ne fut pas toujours aussi tendre envers «l'illustre amie;» mais -ce langage, et plus encore les innombrables madrigaux recueillis par -Conrart, Pellisson et autres nous montrent sur quel ton étaient avec -elle la plupart des hommes qui l'entouraient. D'ailleurs il est -difficile de croire qu'elle ne songeait pas à elle-même, quand elle -disait de Clélie: «Cette admirable fille vivoit de façon qu'elle n'avoit -pas un amant qui ne fût obligé de se cacher sous le nom d'ami, et -d'appeler son amour amitié, autrement ils eussent été chassés de chez -elle[93].» De même Pellisson, qu'il est difficile de reconnaître dans le -Phaon du _Cyrus_, est peint, à ne pas s'y méprendre, dans l'Herminius de -la _Clélie_, deuxième et troisième parties, correspondant aux années de -leur liaison la plus intime. - - [93] _Clélie_, t. Ier, p. 389. - -C'étaient, dans tout cet entourage, des déclarations, des échanges de -cadeaux, des minauderies, des rivalités dont il est bien difficile de ne -pas sourire, quand on songe à l'âge de la plupart des soupirants, et -surtout à celui de la _Divine Sapho_ (elle avait alors près de cinquante -ans). Néanmoins, parmi ces soupirants, il y en avait un jeune encore, -Isarn, de Castres, qui était venu rejoindre à Paris son compatriote -Pellisson. Aussi beau que celui-ci était laid, aimable mais inconstant, -il adressa d'abord à Sapho des hommages que ni l'un ni l'autre ne prit au -sérieux et qui se promenèrent de Télamire à Philoxène, de Philoxène à -Octavie[94], etc. Cependant les coquetteries allaient leur train. On -faisait au Raincy de longues promenades en tête à tête avec Trasile -(Isarn); on recevait des cachets et des épîtres galantes du généreux -Théodamas (Conrart)[95]; que dis-je, on passait un automne tout entier à -sa maison d'Athis-Mons, et il y avait un commerce réglé de coquetterie -entre les fauvettes du bois de Carisatis et celles du bois de Sapho. La -plaisanterie s'exerçait sur les amours de Conrart, comme elle allait -bientôt le faire sur ceux de Pellisson. - - Conrart, sage comme un Caton, - A pourtant au cÅ“ur, ce dit-on, - Un petit endroit attendri - Landeriri. - - [94] Voy. la _Journée des Madrigaux_, p. 17, 51, 74; le _Louis - d'or_, par Isarn, et la lettre de Mlle de Scudéry à cette - occasion. - - [95] Sur le cachet donné à Sapho par Théodamas, il y eut tout un - déluge de madrigaux passablement ridicules. Sapho termine le sien - par ces vers: - - On ne peut se défendre - De vous donner son cÅ“ur ou de le laisser prendre. - - Théodamas insiste: - - Je suivrai la leçon qu'Amour me vient apprendre, - Donnez-moi votre cÅ“ur sans me le laisser prendre. - - Sapho réplique à son tour: - - Vous êtes un cruel vainqueur - De vouloir qu'on porte son cÅ“ur - Jusque dans votre chambre, etc. - - (_Journée des Madrigaux_, p. 39 et s.) - -Qui croirait que le sage Théodamas était un tigre de jalousie? C'est -pourtant ce qu'atteste Ménage qui n'osait faire à Sapho certain présent -de peur de paraître empiéter sur les priviléges de son rival[96]. Plus -hardi vis-à -vis de Cotin, il se posait contre lui en galant chevalier de -la Vierge du Marais, moins compromettant, il est vrai, par la passion que -par le ridicule[97]. - - [96] - - Quand il est en courroux - Ce n'est plus le meilleur des hommes; - C'est un tigre jaloux. - Sapho, vous le savez, il entre en frénésie, - Sa colère aussitôt trouble sa fantaisie; - Et, saisi de fureur, comme ses ennemis - Il traite ses amis. - - (_Menagii poemata_, 1680, p. 238.) - - [97] Voy. ci-après la petite guerre de la _Ménagerie_. - -C'est évidemment au milieu de ces plaisanteries de société qui suivirent -la publication du premier volume de _Clélie_, telles que la _Journée des -Madrigaux_, la _Carte_ et la _Gazette de Tendre_[98], au milieu de ces -coquetteries à droite et à gauche, destinées peut-être à cacher un -sentiment plus sérieux, qu'il faut placer le fameux quatrain: - - Enfin, Acanthe, il faut se rendre. - Votre esprit a charmé le mien, - Je vous fais citoyen de Tendre, - Mais de grâce n'en dites rien[99]. - - [98] On peut voir dans ce dernier opuscule, p. 75 et suiv., - comment l'admission d'Acanthe (Pellisson), dans le Pays de Tendre - souleva l'opposition des habitants de l'_Ancienne-Ville_, - assemblés chez le généreux Mégabase, qui forcèrent Sapho à lui - faire faire quarantaine avant de l'admettre, parce que, avant de - venir à _Nouvelle-Amitié_, il avait passé par un lieu où régnait - une maladie contagieuse dont il avait failli mourir. Tout cela, - dépouillé de la forme allégorique, semble indiquer que les - anciens habitués du Samedi, à l'instigation du marquis de - Montausier, voulurent forcer Pellisson à se contenter du titre - d'ami, au lieu du sentiment plus tendre qu'il avait d'abord mis - en avant. - - [99] «Il (Pellisson) donna de la jalousie à M. Conrart au sujet - de Mlle de Scudéry, qui m'avoua elle-même, en me parlant un jour - de leur mésintelligence, que c'en étoit là la cause. Elle ne put - s'empêcher de déclarer enfin à M. Pellisson la passion qu'elle - avoit pour lui, par des vers qu'elle fit sur le champ.» - (_Menagiana_, 1693, p. 146.) - -Mme du Plessis-Bellière, l'une des dames qui paraissaient quelquefois aux -Samedis, avait fait connaître Pellisson et Mlle de Scudéry à Fouquet, -dont elle était parente. L'un et l'autre reçurent quelques marques de sa -libéralité. Pellisson lui en adressa des remercîments en vers et en -prose, et, à partir de 1656, devint un de ses principaux commis, sans que -les relations avec Sapho en fussent interrompues. Les Papiers de Fouquet -renferment des lettres qu'elle adressait à Pellisson pendant son voyage à -Nantes où il accompagnait le Surintendant. Elle-même venait d'assister -aux fêtes de Vaux[100] et avait passé quelques jours aux _Pressoirs du -Roi_, propriété située sur les bords de la Seine, près de Fontainebleau -où se trouvait alors la Cour, et qui, bâtie sous François Ier, -appartenait alors à une famille Jacquinot, amie de Fouquet et de Mlle de -Scudéry. Celle-ci était inquiète du silence prolongé de Pellisson. On -était au commencement de septembre 1661. L'orage grondait sur la tête du -Surintendant. Dans ces lettres datées des Pressoirs, le jargon du Royaume -de Tendre, sous la plume de Mlle de Scudéry, a fait place aux accents du -cÅ“ur: «Mandez-moi quand vous reviendrez, et m'écrivez un pauvre petit -mot pour me consoler de votre absence qui m'est la plus rude du monde.... -Je ne vous demande pas de longue lettre; je ne veux qu'un mot qui me dise -comment vous vous portez, car pour peu que je sache que vous vivez, je -supposerai que vous m'aimez toujours.» - - [100] Marcou, _Étude sur Pellisson_, p. 489. - -Entre deux êtres qui, à défaut de la jeunesse et de la beauté, pouvaient -mettre en commun les trésors d'une affection aussi vive et aussi sérieuse -à la fois, on s'étonnerait de ne pas voir apparaître l'idée du -mariage[101]. Elle se présenta au moins à leur entourage le plus -immédiat, soit que cette éventualité ait excité ses railleries ou ses -craintes. Les lettres que nous venons de citer renferment les passages -suivants: «Si je ne craignois de vous fâcher, je vous dirois que v... -m... (votre mère) dit et fait de si étranges choses tous les jours, que -l'imagination ne peut aller jusque là , et tout le monde vous plaint -d'avoir à essuyer une manière d'agir si injuste et si déraisonnable....» -Et plus loin: «Votre mère a dit à M... (Ménage) des choses qui vous -épouvanteroient si vous les saviez, tant elles sont déraisonnables, -emportées et hors de toute raison[102].» - - [101] «On a toujours cru qu'il y avoit entre Mlle de Scudéry et - Pellisson un mariage de conscience.» (Note de Saint-Marc sur - l'Épigramme LIII de Boileau.) - - [102] Ici quatre lignes effacées avec soin. Voir la - Correspondance. - -Ce qu'il y a d'obscur dans ces allusions sera éclairci par une lettre -inédite de l'abbé Bourdelot que nous empruntons à la Correspondance de -Nicaise[103]. «Je n'étois pas d'humeur à laisser passer ce que dit -l'_Anti-Menagiana_ que, si Pellisson eût épousé Mlle de Scudéry, c'eût -été la faim qui auroit épousé la soif, et beaucoup d'autres impertinences -de cette nature. A propos de Pellisson, il est bon de vous dire que ce -que dit le _Menagiana_ que sa mère offrit vingt mille livres à Mlle de -Scudéry pour l'obliger à l'épouser est très-faux. Je sais de bonne part -qu'elle ne craignoit rien tant que de la voir la femme de son fils.» - - [103] Fonds Français, 9360, t. II, p. 960. - -Mais, soit pruderie, soit indépendance, Mlle de Scudéry professa un -éloignement constant pour le mariage. Elle s'était expliquée là -dessus -très-nettement au t. X, l. II du _Cyrus_, et elle y revient encore dans -des lettres de sa vieillesse, où, à l'occasion du mariage de Mme de -Chandiot, une de ses amies, elle écrit: «Le mariage est, suivant moi, la -chose du monde la plus difficile à faire bien à propos.... J'ai préféré -trois fois dans ma vie la liberté à la richesse, et je ne saurois m'en -repentir[104].» En revanche elle se forma toujours de l'amitié l'idée la -plus haute. Nous allons la voir à l'épreuve. - - [104] Lettre à Mme de Chandiot, du 18 décembre 1691.--Lettre à - l'abbé Boisot, du même jour. - -A la date de la dernière des lettres de Mlle de Scudéry citées plus haut, -7 septembre 1661, Pellisson était arrêté avec Fouquet à Nantes depuis -deux jours; puis, sur un ordre du roi, il fut conduit au château -d'Angers et de là à la Bastille. On peut voir à la Correspondance la -lettre émue qu'elle écrivait à Huet sous le coup de cette nouvelle. A -partir de ce moment, ce fut, de la part de Mlle de Scudéry, une série de -démarches, d'écrits, de sollicitations de ruses pieuses, d'abord pour -adoucir sa captivité, et ensuite pour la faire cesser. Pellisson avait su -mettre dans ses intérêts un Allemand qu'on avait placé auprès de lui -comme espion, et dont il fit un émissaire. Par le moyen de cet homme, il -eut avec son amie une correspondance journalière, dont on peut se faire -une idée d'après ce qu'elle dit dans sa lettre du 12 mai 1694 à l'abbé -Boisot: «J'ai brûlé plus de cinq cents lettres de M. de Pellisson, du -temps de la Bastille.» - -Au moment où la saisie des fameuses cassettes du Surintendant provoquait -de la part de Chapelain des paroles peu mesurées contre d'anciens -amis[105], et jetait la terreur parmi les femmes légères et les -entremetteuses de la ville et de la Cour, on aime à voir ces deux -honnêtes femmes, Scudéry et Sévigné, protester contre les défaillances et -les calomnies, se soutenir mutuellement[106], encourager les -autres[107], et se donner la main dans cette Å“uvre de dévouement, -jusqu'au moment où elles purent se présenter ainsi, avec leur ami libre -grâce à elles, au courageux magistrat dont les conclusions avaient sauvé -la vie à Fouquet[108]. En effet, tandis que l'une enrôlait à la cause du -malheur ses correspondants séduits, entraînés par la magie de son style, -Sapho espérant que le moment était venu où l'on allait se relâcher des -premières rigueurs, écrivait à Colbert[109] une lettre éloquente pour le -supplier d'adoucir la captivité du prisonnier, et de permettre qu'il pût -être visité par quelques parents et amis, à commencer par sa mère, -celle-là même qui avait tenu au sujet de leur liaison des propos si peu -charitables[110]. - - [105] «Est-ce être honnête homme, comme l'ont tant prôné les - flatteurs de Fouquet, les Scarron, les Pellisson, les Sapho, et - toute la canaille intéressée?...» (Lettre à Mme de Sévigné, du 3 - octobre 1661.) - - [106] Ce fut Mlle de Scudéry qui s'éleva avec le plus de force - contre ceux qui, à l'occasion des cassettes de Fouquet, se - permettaient des insinuations calomnieuses sur le compte de Mme - de Sévigné. Celle-ci, dans sa lettre du 22 octobre 1661, charge - Ménage d'en remercier leur amie commune. - - [107] «J'ai été voir notre chère voisine (Mme du - Plessis-Guénégaud); nous avons bien parlé de notre cher ami. Elle - avoit vu Sapho, qui lui a redonné du courage.» (Sévigné à M. de - Pomponne, 27 novembre 1664.) - - [108] «9 février 1666.--Mme de Sévigné m'amena Pellisson et Mlle - de Scudéry, qui me témoignèrent toute l'estime et l'amitié - possible sur l'histoire du procès de M. Fouquet.» (_Journal - d'Olivier d'Ormesson_, t. II, p. 446.) - - [109] Voir cette lettre, de décembre 1663, à la Correspondance. - - [110] Mme Pellisson avait obtenu en juin 1662 une permission - restreinte qui lui avait été retirée depuis. (Fr. Ravaisson, - _Archives de la Bastille_, t. II, p. 43.) - -Mais près de deux ans s'écoulèrent encore avant que Pellisson n'obtînt -cette ombre de liberté, comme il le disait lui-même dans une lettre -écrite le 15 novembre 1665[111] à l'abbesse de Malnoue par -l'intermédiaire de Mlle de Scudéry, «l'amie incomparable et unique au -monde par qui vous recevrez ce billet;» car cet homme semble avoir exercé -sur les femmes les plus distinguées une séduction qui certes n'était pas -celle des avantages physiques. Dans une lettre de l'abbesse de Malnoue, -portant la suscription: _Octavie à Zénocrate_[112], on lit: «Vous -apprendrez de bien des endroits qu'Herminius a la liberté de voir ses -amis, et qu'on espère qu'il l'aura bientôt tout entière. Je vous envoie -la lettre qu'il m'écrivit le jour même qu'il vit Sapho. Sans mentir, j'ai -tout à fait de la joie de celle qu'ils ont.... Sapho me mande que la -chambre de Pellisson est la plus triste du monde: il n'y a qu'une seule -fenêtre à double grille dans une muraille de six pieds d'épaisseur[113].» -C'est dans ce triste réduit qu'accoururent dès le premier jour «mille -gens de qualité.» Quant à Sapho, elle s'y installa, pour ainsi dire, à -demeure avec le prisonnier, puisque l'abbesse de Malnoue mandait à son -correspondant le 8 janvier 1666: «Sapho et Acanthe m'écrivent quelquefois -de la Bastille[114].» - - [111] _Ibid._, p. 455. - - [112] On n'est pas d'accord sur le véritable nom de ce - correspondant de l'abbesse de Malnoue. M. Fr. Ravaisson veut - qu'il s'agisse ici de Conrart. M. Cousin, avec plus de - vraisemblance, désigne Isarn; l'éditeur des lettres d'Éléonore de - Rohan hésite entre M. de Doneville, Paul Pellisson ou son frère - George. - - [113] _Ibid._, t. III, p. 1. - - [114] Mss Conrart, in-fo, t. XI, p. 1257. - -La spirituelle Octavie, tout en s'associant de cÅ“ur à la joie du couple -enfin réuni, ne se refusait pas quelques malices à leur endroit. Elle -avait fait promettre à Sapho de lui rendre un compte très-exact de cette -entrevue. «Il n'y a pas de plaisantes questions que je ne lui aie faites. -Vous savez que, quand je suis en humeur de la questionner sur Herminius, -il n'y a rien de fou qui ne me passe par l'esprit....» Un mois après la -délivrance de Pellisson elle écrivait encore: «Il m'a envoyé des odes de -dévotion qu'il a faites dans sa prison. Je les ai trouvées si tendres -pour Dieu, que j'ai mandé à Sapho que j'en estime et en aime Herminius -davantage, mais que, comme je ne la crois pas si dévote que lui, j'ai eu -peur qu'elle n'ait été jalouse du bon Dieu[115].» - - [115] _Ibid._, p 1251 et 1261. - -Cependant la poésie qui avait consolé la captivité devait jouer son rôle -dans la délivrance. Pellisson avait composé à la Bastille un poëme de -1391 vers, tout en l'honneur de Mlle de Scudéry[116] qui en est l'Alpha -et l'Oméga. - - [116] Voy. ce qu'elle en dit dans sa lettre à Boisot, du 7 juin - 1693. - - Sapho, qui consolez mon triste éloignement, - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - O fille incomparable, en vertus éclatante, - Qui de l'honnête amour étiez la longue attente, - Merveille de notre âge, adorable en bontés, - Vous me verrez un jour, et vous le méritez, - Couronner vos vertus de cent fleurs immortelles - Qu'un siècle laisse à l'autre également nouvelles. - Mais pendant que le temps, trop long selon vos vÅ“ux, - Me ramène à pas lents un destin plus heureux, - Aimez, aimez Acanthe, et faites vos délices - De ces fleurs qu'il vous cueille au bord des précipices. - -Nous avons cité les premiers et les derniers vers de ce poëme -d'_Eurymédon_ à qui l'on jugera sans doute que Bossuet faisait bien de -l'honneur en le relisant chaque année. Pour être indulgent à ces vers, -ainsi qu'à la plupart de ceux qui faisaient les délices de la société du -Samedi, il faut se rappeler que ces fadeurs et ces puérilités servaient -d'organe à d'innocentes amitiés et parfois aux plus nobles sentiments. -Ainsi ces interminables vers sur la fauvette, le roitelet, le pinçon, -toute cette poésie de colombier et de volière qui met notre patience à -une si rude épreuve en parcourant le recueil de la Suze et de Pellisson, -trouvent presque grâce à nos yeux, quand nous savons que c'est sur un -Placet en vers, présenté au Roi par Pellisson au nom de la pigeonne de -Sapho[117], que celui-ci obtint enfin sa liberté. Ce fut vers la fin de -janvier 1666 qu'il reparut dans les salons, et que, de disgracié qu'il -était, il devint presque courtisan et homme à la mode. Mais ce qui ne -changea pas, ce furent les sentiments qui l'unissaient à sa généreuse -amie, et qui s'étaient retrempés à l'épreuve du malheur[118]. - - [117] _Å’uvres diverses de Pellisson_, 1735, t. I, p. 147. - - [118] Sur cette amitié courageuse de Mlle de Scudéry, nous avions - noté un passage que nous reproduisons ici, mais dont malheureusement - nous ne nous rappelons pas la source. «Elle ne craignit point de - publier que plusieurs personnes considérables, dont elle se mettoit - du nombre, diroient toujours du bien de Fouquet, au risque de perdre - leur fortune et leur vie.» - -Nous ne pouvons résister au désir d'anticiper un peu sur l'ordre des -temps pour ajouter un chapitre à l'histoire de la conspiration de Mlle de -Scudéry et de Mme de Sévigné en faveur de Fouquet et de ses amis. La -seconde écrivait à son gendre le 25 juin 1670: «Si l'occasion vous vient -de rendre quelque service à un gentilhomme de votre pays, qui s'appelle -V..., je vous conjure de le faire: vous ne me sauriez donner une marque -plus agréable de votre amitié.... vous connoissez toute sa famille. Ce -pauvre garçon étoit attaché à M. Fouquet, il a été convaincu d'avoir -servi à faire tenir une de ses lettres à sa femme; sur cela, il a été -condamné aux galères pour cinq ans: c'est une chose un peu -extraordinaire. Vous savez que c'est un des plus honnêtes garçons qu'on -puisse voir, et propre aux galères comme à prendre la lune avec ses -dents.» - -Or, ce gentilhomme dont le nom était resté en blanc dans l'édition de M. -de Monmerqué de 1820, s'appelait Valcroissant[119]. L'aimable marquise -avait intéressé à sa cause Mlle de Scudéry qui s'était empressée d'écrire -en sa faveur à M. de Vivonne, général des galères. La réponse de ce -dernier, dont M. de Monmerqué possédait l'original, portait: «Sitôt qu'on -m'eut appris le mérite et l'infortune tout ensemble du gentilhomme pour -qui vous m'écrivez, je fis tout ce qui dépendit de moi pour adoucir la -rigueur de sa condamnation; vous pouvez juger de là ce que je voudrois -faire dans la suite pour son soulagement; cela ira sans doute à tout ce -qui sera en mon pouvoir, pour vous marquer, et à Mme la marquise de -Sévigné, celui que vous avez sur la personne qui vous honore le plus -l'une et l'autre[120].» - - [119] M. Chéruel, _Mémoires sur Fouquet_, t. II, p. 529, a - exprimé sur ce point des doutes qui ne nous paraissent point - motivés. - - [120] Vivonne à Sévigné, 23 août 1670. (Édition des _Lettres de - Sévigné_, Blaise, 1818-1819, t. I, p. 190.) - - -Grâce à l'intervention et aux démarches de ces deux généreuses personnes, -l'arrêt fut commué, et Valcroissant, trois mois après sa condamnation, -put se promener en liberté dans Marseille. Dix-huit ans plus tard, estimé -de tous comme un des meilleurs officiers de l'armée, il remplissait les -fonctions d'inspecteur, dont Louvois l'avait chargé, et avait occasion -d'être utile au jeune marquis de Grignan, petit-fils de Mme de -Sévigné[121]. L'année suivante, Valcroissant avait un gouvernement en -Flandre, et faisait mettre aux cadets de Besançon le fils du poëte -Bonnecorse, autre ami et obligé de Mlle de Scudéry. - - -S'il fallait assigner une date précise au triomphe de cette littérature -dont le _Cyrus_ et la _Clélie_ passaient pour l'expression la plus -heureuse, nous indiquerions l'année 1658. Il y avait pour l'auteur à la -fois succès d'estime et succès d'argent. Vers cette époque, Tallemant -disait: «Ses livres se vendent fort bien,» et Pradon écrivait plus tard, -à propos des critiques de Boileau: «Cependant, ces tomes _épouvantables_ -et cet _horrible Artamène_, qui ont été traduits en toutes sortes de -langues, même en arabe, et qui sont encore aujourd'hui la plus délicieuse -lecture des premières personnes de la cour, cet _horrible Artamène_, -dis-je, dont on achetoit les feuilles si chèrement à mesure qu'on les -imprimoit, et qui a fait gagner cent mille écus à Augustin Courbé, est à -présent l'objet de la satire de M. D.... Quand ses satires auront fait -gagner cent mille écus à Barbin, on souffrira sa critique un peu plus -tranquillement, et quoiqu'il dise: - - A ses propres dépens enrichir le libraire, - -je crois qu'il y a encore du chemin à faire jusque-là . En vérité, _Cyrus_ -et _Clélie_ sont des ouvrages qui ont illustré la langue françoise, et -les marques éclatantes d'estime que le roi a données à une personne -illustre et modeste, devoient arrêter M. D......[122]» - - [121] Lettres de Mme de Sévigné, des 28 novembre 1670 et 26 - novembre 1690. - - [122] _Nouvelles remarques sur tous les ouvrages du sr D...._ - (Despréaux). La Haye, 1685, p. 105. - -Mais bientôt la fin de la Fronde, puis l'émancipation définitive du jeune -roi ramenaient à la cour les princes et les grands seigneurs dispersés au -fond des provinces. Dans le loisir des vieux châteaux, on avait -contracté le goût des récits de longue haleine. Tandis que les dames -brodaient d'interminables tapisseries, la demoiselle de compagnie -faisait, à haute voix, des lectures à peine moins longues. Comme le -remarque Mme de Genlis, «ces éternelles conversations qui, dans les -ouvrages de Mlle de Scudéry, suspendant la marche du roman, nous -paraissent insoutenables, étaient loin de déplaire[123].» Mais la vie de -cour avait d'autres exigences. D'ailleurs, _Zaïde_, la _Princesse de -Clèves_, allaient donner des allures plus vives au roman où l'histoire du -cÅ“ur ne perdait rien à se dégager des vieux cadres soi-disant -historiques. - - [123] _De l'influence des femmes sur la littérature française_, - 1811, t. I, p. 126. - -En vain Ménage disait «que ces romans dureroient toujours[124],» Mlle de -Scudéry elle-même,--c'est lui qui l'atteste à quelques lignes de -distance,--déclarait, trop modestement sans doute, «qu'elle avoit encore -un roman d'achevé, mais que personne ne voudroit l'acheter ni le lire.» -Cependant, leur vogue se soutint encore longtemps dans les provinces et à -l'étranger, et, même quand ils furent réduits «à gagner les petites -armoires,» suivant l'expression d'un contemporain, on les retrouve encore -dans bien des bibliothèques, sans excepter celle de Boileau[125]. Il y -eut, pour eux, ces admirations attardées et traditionnelles qui ne -manquent jamais aux ouvrages dont l'attention publique s'est vivement -préoccupée. Ainsi, vers le premier tiers du dix-huitième siècle, le père -Porée trace une peinture piquante, malgré la forme latine et pédantesque -dont il l'enveloppe, des diverses lectures qui occupent les hôtes d'un -vieux château. «Que fait cette fille déjà grande, assise à une petite -table, la tête appuyée sur son coude? Elle lit avec avidité l'histoire -d'une fille persane ou turque, devenue, par ses charmes, la favorite d'un -roi ou d'un empereur, et illustrée par ses amours....» Et plus loin: -«Écoutez les Céladons et les Artamènes qui se glorifient de leur -esclavage, etc.[126]» Chateaubriand raconte, dans ses _Mémoires -d'Outre-tombe_, que sa mère, fille d'une élève de Saint-Cyr, savait par -cÅ“ur tout _Cyrus_. En Angleterre, ces romans français du dix-septième -siècle, traduits, portant souvent le titre, «par des personnes de -qualité,» se lisaient encore longtemps après que leur vogue était passée -chez nous. La sérieuse lady Russell qualifiait la _Clélie_ de livre -très-profitable, «_a most improving book_,» et la jeune Mary Wortley, -depuis lady Montagu, dévorait le _Grand Cyrus_ dans sa chambre de petite -fille. Et cependant, M. Cousin, au début même du livre où il entreprend -la réhabilitation de cet ouvrage, réhabilitation, il est vrai, plutôt -historique que littéraire, n'hésite pas à dire: «Qui lit aujourd'hui le -_Grand Cyrus_, qui le lisait au dix-huitième siècle, et même dans les -dernières années de Louis XIV?» - - [124] _Menagiana_, 1694, p. 191. - - [125] M. Berriat Saint-Prix a constaté que, dans le nombre des - ouvrages indiqués par l'inventaire de Boileau, on trouve - l'_Astrée_, _Cléopâtre_ et _Cyrus_. - - [126] _De libris qui vulgo dicuntur Romanenses_, 1736, in-4º, pp. - 27, 28, 36.--_Observations sur quelques écrits modernes_, par - l'abbé Desfontaines, t. V, p. 89, 91. - -Il est difficile de décider si Molière et Boileau, en qui se personnifia -surtout la réaction contre le genre précieux et les romans à la Scudéry, -suivirent ou devancèrent le goût du public. Ils affectèrent l'un et -l'autre d'attribuer à la province[127], à «de mauvaises copies -d'excellentes choses,» à «des Précieuses ridicules qui imitoient mal les -véritables Précieuses» cette affectation dans les discours, cette -recherche de sentiments qu'on étalait à Versailles, qu'on imitait à -Paris, qu'on parodiait loin de la capitale. - - [127] Cathos et Madelon sont «deux pecques provinciales,» et, - dans la IIIe satire, ce sont: - - Deux nobles campagnards, grands lecteurs de romans, - Qui disent tout _Cyrus_ dans leurs longs complimens. - - Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'un des commentateurs modernes de - Molière assure que le jargon précieux s'est conservé jusqu'à nos - jours dans plusieurs sociétés de province, et il en cite des - exemples recueillis par lui dans une ville située à moins de 80 - lieues de Paris. (_Å’uvres de Molière_, édon d'Aimé-Martin, 1824. - t. II, p. 47.) - -RÅ“derer et Cousin, après lui, n'ont pas eu de peine à démontrer que -Molière n'a voulu jouer en 1659 ni l'hôtel de Rambouillet qui n'existait -plus, ni les Précieuses de 1656, auxquelles personne alors n'eût osé -appliquer l'épithète de _ridicules_. Mais, malgré les précautions -oratoires que renferme la préface, il est bien certain que les traits de -la pièce vont plus loin qu'il ne convient à l'auteur de l'avouer. Les -théories de Cathos sur «la recherche dans les formes» qui doit précéder -le mariage, les longs préliminaires qu'elle décrit complaisamment, -n'avaient-ils pas un précédent notoire dans les quinze ans de cour que -Julie d'Angennes imposa au duc de Montausier, et la phrase de Madelon à -ce propos ne nous transporte-t-elle pas en plein roman de Scudéry? «La -belle chose que ce seroit si d'abord Cyrus épousoit Mandane, et -qu'Aronce, de plein pied, fût marié à Clélie!» Mascarille déclarant -«qu'il est _furieusement_ pour les portraits,» et travaillant, «à mettre -en madrigaux toute l'histoire romaine,» rappelle à la fois la langue et -les occupations du Samedi. Allons plus loin: lorsque, d'un côté, nous -voyons, dans la _Journée des Madrigaux_, la plupart des valets de la -maison faisant des vers[128], et, de l'autre, les faux marquis de Molière -et l'impromptu de Mascarille, sommes-nous dans la maison de Gorgibus ou -dans celle de Mlle de Scudéry et de Mlle Boquet? - - [128] «Il est effectivement vrai que la plupart des valets de la - maison firent des vers ce jour-là .» (Note de Conrart, reproduite - par M. Em. Colombey, p. 17, de la _Journée des Madrigaux_.) - -On pourrait même trouver persistance d'épigramme dans le _Bourgeois -gentilhomme_ (1670), car le compliment de M. Jourdain à Dorimène: _Belle -marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour_, avec toutes ses -variantes, ressemble assez au madrigal de Brutus à Lucrèce: _Toujours. -l'on. si. mais. aimoit. d'éternelles. hélas. amours. d'aimer. doux. il. -point. seroit. n'est. qu'il._ - - Qu'il seroit doux d'aimer si l'on aimoit toujours. - Mais hélas! il n'est point d'éternelles amours. - -Dans les _Femmes savantes_, représentées treize ans après les _Précieuses -ridicules_, mais dont on parlait déjà dès 1666[129], il y a bien encore -plus d'un trait dont les Précieuses et Mlle de Scudéry peuvent prendre -leur part[130], mais les critiques sont plus générales et répondent à une -nouvelle phase du goût et des mÅ“urs. Il y est moins mention des romans -passés de mode, et la question de l'instruction qui convient aux femmes -est plus nettement posée. Clitandre, qui représente le juste milieu dans -cette question de l'éducation des femmes, ne fait presque que rendre en -vers ce que Mlle de Scudéry avait dit en prose longtemps auparavant. - - Je consens qu'une femme ait des clartés de tout, - Mais je ne lui veux point la passion choquante - De se rendre savante afin d'être savante, - Et j'aime que souvent aux questions qu'on fait - Elle sache ignorer les choses qu'elle sait. - De son étude enfin je veux qu'elle se cache, - Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache. - - [129] Dans la _Ménagerie_ de l'abbé Cotin, dont la première - édition datée est de 1666, on trouve un _Avis au lecteur_ - renfermant ce passage curieux qui paraît avoir échappé aux - éditeurs de Molière: «Je pensois que toute la _Ménagerie_ fût - achevée, quand on m'a averti qu'après les _Précieuses_, on doit - jouer chez Molière, _Ménage hipercritique_, le _Faux savant_, et - le _Pédant coquet_. VIVAT. Les comédiens ont mis dans leurs - affiches qu'il faudra retenir les loges de bonne heure, et que - tout Paris y doit être, parce que toutes sortes de gens, grands - et petits, mariés et non mariés, sont intéressés au _ménage_. - C'est une plaisanterie de comédiens.» - - Ainsi le pauvre Cotin criait _vivat!_ à l'annonce d'une - personnalité contre Ménage, sans se douter qu'il devait y figurer - comme pendant, et que la caricature de Vadius appelait celle de - Trissotin. - - [130] Le bonhomme Chrysale se plaint aussi de ce que ses valets - font des vers: - - L'un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire, - L'autre rêve à des vers quand je demande à boire. - -Écoutons maintenant Sapho s'expliquant sur le même sujet: «Encore que je -voulusse que les femmes sussent plus de choses qu'elles n'en savent pour -l'ordinaire, je ne veux pourtant jamais qu'elles agissent ni qu'elles -parlent en savantes. Je veux donc bien qu'on puisse dire d'une personne -de mon sexe qu'elle sait cent choses dont elle ne se vante pas, qu'elle a -l'esprit fort éclairé, qu'elle connoît finement les beaux ouvrages, -qu'elle parle bien, qu'elle écrit juste et qu'elle sait le monde, mais je -ne veux pas qu'on puisse dire d'elle: c'est une femme savante. Ce n'est -pas que celle qu'on n'appellera point savante ne puisse savoir autant et -plus de choses que celle à qui on donnera ce terrible nom, mais c'est -qu'elle sait mieux se servir de son esprit, et qu'elle sait cacher -adroitement ce que l'autre montre mal à propos[131].» - - [131] Le _Grand Cyrus_, dernière partie, liv. Ier, p. 356. - -Ainsi, Mlle de Scudéry, près de vingt ans avant la comédie des _Femmes -savantes_, semblait protester contre ce _terrible nom_, et contre toute -solidarité avec les Bélise et les Philaminte de l'avenir. - -«M. Despréaux n'étoit pas ami de M. Pellisson ni de moi,» écrivait Mlle -de Scudéry[132]. Elle aurait pu ajouter: «ni de mon frère,» car les -fameux vers: - - Bienheureux Scudéry dont la fertile plume - Peut tous les mois sans peine enfanter un volume, etc. - - [132] Lettre à Boisot, 24 juin 1693. - -Ces vers, disons-nous, furent le premier grief de Sapho contre le -satirique. Le nom de Pellisson, imprimé d'abord en toutes lettres d'une -manière peu flatteuse dans la satire VIII[133], avait été remplacé depuis -par un synonyme encore moins flatteur[134]. Enfin, une épigramme -grossière, que Daunou répugne à croire écrite par Boileau, aurait même -associé ce nom à celui de Sapho dans le reproche de laideur[135]. Mais on -sait, du moins, ce que Boileau en pensait, par ce qu'il en dit plus tard -dans ses _Héros de roman_. - -«PLUTON. - -Quelle est cette précieuse renforcée que je vois qui vient à nous? - -DIOGÈNE. - -C'est Sapho, cette fameuse Lesbienne qui a inventé les vers saphiques. - -PLUTON. - -Je la trouve bien laide, etc.» - -Et plus loin, on se moque «des généreuses amies de Sapho qui ne -surpassent guères en beauté Tisiphone, et qui, néanmoins.... ne laissent -pas de passer pour de dignes héroïnes de roman.» - -Tout cela était assez peu littéraire. Ce qui l'est davantage, ce sont les -vers de l'_Art poétique_: - - Gardez-vous de donner, ainsi que dans _Clélie_, - L'art ni l'esprit françois à l'antique Italie, - Et, sous des noms romains faisant notre portrait, - Peindre Caton galant et Brutus dameret. - - [133] - - L'or même à Pellisson donne un teint de beauté. - - [134] - - L'or même _à la laideur_ donne un teint de beauté. - - [135] - - La figure de Pellisson - Est une figure effroyable. - Mais quoique ce vilain garçon - Soit plus laid qu'un singe ou qu'un diable, - Sapho lui trouve des appas; - Mais je ne m'en étonne pas, - Car chacun aime son semblable. - -Il faut rapprocher de ce passage une lettre de Boileau à Brossette, du 7 -janvier 1703, dont le ton dédaigneux était bien fait pour choquer celle -qui en était l'objet, si elle avait pu la lire: - -«C'est une grande absurdité à la demoiselle, auteur de la _Clélie_, -d'avoir choisi le plus grave siècle de la république romaine pour y -peindre les caractères de nos François; car on prétend qu'il n'y a pas -dans ce livre un seul Romain ni une seule Romaine qui ne soit copié sur -le modèle de quelque bourgeois ou de quelque bourgeoise de son -quartier.» - -Nous ne nous étonnerons donc pas de trouver, dès 1684, Mlle de Scudéry -liguée avec Ménage pour empêcher Boileau d'entrer à l'Académie. -Toutefois, il faut le reconnaître, ce double genre d'attaques la trouva -beaucoup moins sensible que celles qui s'étendaient à ses amis et à son -sexe. Dans ses lettres à l'abbé Boisot, elle parle avec une rancune peu -dissimulée de la _Satire contre les femmes_, qui venait de paraître et -faisait beaucoup de bruit[136]. - - [136] Voy. la lettre du 6 mars 1694 et les suivantes. - -«Il y a une nouvelle satire de Despréaux imprimée contre les femmes, -qu'il croit être la meilleure des siennes. Mais les gens de bon goût ne -le trouvent pas, et il y a un caractère bourgeois et des phrases fort -bizarres. Il donne un coup de griffe, suivant sa coutume, à _Clélie_, -sans raison et sans nécessité. Mais je suis accoutumée à mépriser ce -qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai pas. Et un livre qui a été -traduit en italien, en anglois, en allemand et en arabe, n'a que faire -des louanges d'un satirique de profession.» Plus loin, elle revient -encore sur ce sujet qui lui tient au cÅ“ur, protestant, au nom de toutes -les honnêtes femmes, contre les diatribes de leur ennemi commun[137]. -Puis, par un mouvement qui rappelle certaines préfaces de son frère, -elle ajoute: «J'imite ce fameux Romain qui, au lieu de se justifier, dit -à l'assemblée: Allons remercier Dieu de la victoire que nous avons -gagnée!» - - [137] «Il y a une satire contre les femmes du satirique public - que le mérite seul de votre amie (Mme de Chandiot) doit faire - sembler plus ridicule, car il a si mauvaise opinion des femmes - qu'il ne peut compter que trois honnêtes femmes dans tout Paris.» - - -Mlle de Scudéry se montre surtout fort blessée de ce passage: - - D'abord tu la verras, ainsi que dans _Clélie_, - Recevant ses amans sous le doux nom d'amis, - S'en tenir avec eux aux petits soins permis; - Puis bientôt en grande eau, sur le fleuve de Tendre, - Naviguer à souhait, tout dire et tout entendre, - Et ne présume pas que Vénus ou Satan - Souffre qu'elle en demeure aux termes du roman. - -«Vous me direz, écrit-elle à l'abbé, si ce vers: _Ou Vénus ou Satan_, -peut être fait par un chrétien.» Et il faut convenir que la suite de ce -passage, où l'imitatrice de Clélie, débutant par l'amour platonique, -finit par devenir une femme perdue, «une Messaline, donnant des -rendez-vous chez la Cornu,» était bien faite pour offenser une honnête -fille qui pouvait prêter au ridicule, mais dont les mÅ“urs étaient -restées inattaquables, de l'aveu même du satirique. En effet, lorsqu'il -publia, en 1713, ses _Héros de roman_, il fit, à la fin du _Discours_ qui -les précède, la déclaration suivante: «Comme j'étois fort jeune dans le -temps que tous ces romans.... faisoient le plus d'éclat, je les lus, -ainsi que les lisoit tout le monde, avec beaucoup d'admiration.... Mais -enfin.... je reconnus la puérilité de ces ouvrages. Si bien que, l'esprit -satirique commençant à dominer en moi, je ne me donnai point de repos que -je n'eusse fait contre tous ces romans un dialogue à la manière de -Lucien, etc.... Cependant, comme Mlle de Scudéry étoit alors vivante, je -me contentai de composer ce dialogue dans ma tête, et bien loin de le -faire imprimer, je gagnai même sur moi de ne point l'écrire et de ne -point le laisser voir sur le papier, ne voulant pas donner ce chagrin à -une fille qui, après tout, avoit beaucoup de mérite, et qui, s'il faut en -croire tous ceux qui l'ont connue, nonobstant la mauvaise morale -enseignée dans ses romans, avoit encore plus de probité et d'honneur que -d'esprit.» - -«Les dévots et dévotes lui en veulent, parce qu'à leur goût c'est elle -qui établit la galanterie.» Ce passage de Tallemant nous révèle une -troisième espèce d'adversaires pour Mlle de Scudéry. Nous venons de voir -que Boileau n'avait pas seulement attaqué la _Clélie_ au nom du goût, -mais aussi au nom de la morale. Perrault lui ayant reproché «son -acharnement contre cet ouvrage, malgré l'estime qu'on en a toujours -faite, et l'extrême vénération qu'on a toujours eue pour l'illustre -personne qui l'a composé,» le grand Arnauld qui, il faut le dire, était -mieux dans son rôle, releva le gant, et voici comment il s'exprime dans -une lettre à Despréaux (1694): - -«Il ne s'agit point, monsieur, du mérite de la personne qui a composé la -_Clélie_, ni de l'estime qu'on a faite de cet ouvrage. Il en a pu mériter -pour l'esprit, pour la politesse, pour l'agrément des inventions, pour -les caractères bien suivis, et pour les autres choses qui rendent -agréable à tant de personnes la lecture des romans. Que ce soit, si vous -voulez, le plus beau de tous les romans; mais enfin c'est un roman: c'est -tout dire. Le caractère de ces pièces est de rouler sur l'amour, et d'en -donner des leçons d'une manière ingénieuse, et qui soit d'autant mieux -reçue qu'on en écarte le plus, en apparence, tout ce qui pourroit -paroître de trop grossièrement contraire à la pureté. C'est par là qu'on -va insensiblement jusqu'au bord du précipice, s'imaginant qu'on n'y -tombera pas, quoiqu'on y soit déjà à moitié tombé par le plaisir qu'on a -pris à se remplir l'esprit et le cÅ“ur de la doucereuse morale qui -s'enseigne au Pays de Tendre.» - -Nous sera-t-il permis de le répéter après Sainte-Beuve? Ni Arnauld, ni -Boileau, n'avaient tout ce qu'il faut pour bien juger les femmes et leur -rôle dans la société. Sans sortir de Port-Royal, Nicole et Du Guet les -comprenaient mieux, et Bossuet jugeait la Xe satire moins irréprochable -et moins édifiante que ne le faisait Arnauld. Voici comme il en parle au -chap. XVIII du _Traité de la concupiscence_: «Celui-là s'est mis dans -l'esprit de blâmer les femmes. Il ne se met point en peine s'il condamne -le mariage, et s'il en éloigne ceux à qui il a été donné comme un -remède.» Ce qu'il y a de curieux, c'est que ce dernier point de vue avait -été également saisi par Mlle de Scudéry, ennemie du mariage[138]. - - [138] Lettre à Boisot, du 7 avril 1694. «Le mariage de votre - parent prouve que la Satire contre les femmes n'empêche pas qu'on - ne se marie.» - -Le jansénisme n'avait pas toujours été si sévère pour la reine de celles -que Ninon appelait: _les Jansénistes de l'amour_. Le _Provincial_, dans -une réponse, du 2 février 1656, aux deux premières lettres de son -correspondant, lui transmettait le billet suivant, écrit par une dame à -une de ses amies qui lui avait fait tenir la première de ces deux -lettres: «Je vous suis plus obligée que vous ne pouvez vous l'imaginer de -la lettre que vous m'avez envoyée: elle est tout à fait ingénieuse et -tout à fait bien écrite. Elle narre sans narrer; elle éclaircit les -affaires du monde les plus embrouillées; elle raille finement; elle -instruit même ceux qui ne savent pas bien les choses; elle redouble le -plaisir de ceux qui les entendent. Elle est encore une excellente -apologie, et, si l'on veut, une délicate et innocente censure. Et il y a -enfin tant d'art, tant d'esprit et tant de jugement en cette lettre, que -je voudrois bien savoir qui l'a faite.» - -Et le _Provincial_ ajoutait: «Vous voudriez bien aussi savoir qui est la -personne qui en écrit de la sorte; mais contentez-vous de l'honorer sans -la connoître, et, quand vous la connoîtrez, vous l'honorerez bien -davantage[139].» - - [139] _Les Provinciales_, édit. Lefèvre, 1826, p. 54. - - Lorsque Titon du Tillet (_Parnasse François_, p. 486) parle d'une - lettre où Pascal aurait dit qu'ayant lu _Clélie_, il avait admiré - l'auteur sans la connaître, c'est probablement à cet endroit des - _Provinciales_ qu'il veut faire allusion. - -Quelle était cette personne? Racine va nous l'apprendre dans sa _Lettre à -l'auteur des Imaginaires_[140]. «N'est-ce pas elle (Scudéry) que l'auteur -entend lorsqu'il parle d'une personne qu'il admire sans la connoître?» - - [140] _Å’uvres de Racine_, édition Hachette, t. IV, p. 283. - -De son côté Mlle de Scudéry, qui entretenait avec M. d'Andilly des -relations amicales, fit son portrait sous le nom de Timante et le plaça -dans un tableau très-flatteur du Désert, au tome VI de la _Clélie_ -(1657). Elle loua beaucoup la conversion et la retraite de Lemaistre à -Port-Royal. Elle n'était pas indigne de comprendre cette grande union -d'une belle âme avec son Dieu. Parlant, il est vrai, de l'amour humain, -elle avait exprimé cette noble pensée: «Il faut de la vertu pour être -capable de ces grands attachements.... Après tout, la vertu est d'un -assez doux usage dans le monde, et je ne sais comment la plupart des -femmes hasardent leur réputation à si bon marché.» - -Il y avait donc, comme l'a remarqué Sainte-Beuve, un côté romanesque et -dévot qui unissait Port-Royal et les héros de Corneille et du _Grand -Cyrus_[141]. Ainsi l'on a la preuve que Nicole avait lu la -_Clélie_[142], ce qui ne l'empêcha pas, dans sa _Première visionnaire_ -(décembre 1665), de traiter les auteurs de romans et de pièces de théâtre -d'_empoisonneurs publics_. Racine, piqué au vif, entreprit, dans sa -_Lettre_, déjà citée, _à l'auteur des Imaginaires_, de venger à la fois -les auteurs dramatiques et les romanciers. Après quelques notes sur les -premiers, il ajoute malignement: «Vous avez oublié que Mlle de Scudéry -avoit fait une peinture avantageuse de Port-Royal dans sa _Clélie_. -Cependant, j'avais ouï dire que vous aviez souffert patiemment qu'on vous -eût loué dans ce livre horrible. L'on fit venir au Désert le livre qui -parloit de vous: il y courut de main en main, et tous les solitaires -voulurent voir l'endroit où ils étoient traités d'_illustres_.» - - [141] _Port-Royal_, t. Ier, p. 127. - - [142] D'après le témoignage de Brienne, cité par l'historien de - Port-Royal, 1867, t. IV, p. 413. - -Après avoir montré la réaction qui se produisit, par l'organe de -critiques autorisés, au nom du goût, de la morale et même du puritanisme -religieux contre les genres précieux et romanesque, il est juste -d'ajouter que l'un et l'autre eurent une influence souvent salutaire sur -les progrès de la vie sociale, où s'étaient maintenus, à travers le règne -de Henri IV, des restes de barbarie, fruits des guerres civiles du siècle -précédent. Un peu de raffinement n'était pas inutile pour combattre ces -tendances grossières. Mlle de Scudéry continua les réformes que l'hôtel -de Rambouillet avait commencées; leurs innovations dans les habitudes -sociales, dans la langue, dans l'orthographe[143] ne furent pas toutes -stériles ou ridicules, et, parmi ce qui en est resté, il en est plus -d'une dont l'honneur revient à Mlle de Scudéry. - - [143] Le _Dictionnaire des Précieuses_, de Somaize, indique un - grand nombre de ces mots ou locutions introduits par les - Précieuses, et presque tous sont attribués à Sophie (Mlle de - Scudéry). Voyez l'édition donnée par M. Livet, t. Ier, p. 41 et - suiv., 117, 179 et suiv. Voy. aussi une note des _Å’uvres de - Molière_, par Aimé Martin, t. Ier, p. 157, et les _Amis de Mme de - Sablé_, par E. de Barthélemy, p. 46. - -«Ce serait, a dit RÅ“derer, être injuste et aussi frivole que ces -écrivains dont l'observation n'a pas été plus loin que le ridicule des -Précieuses, de ne pas reconnaître qu'elles eurent leur côté estimable et -ne servirent pas médiocrement au progrès de la socialité. On n'a pas le -droit de remarquer leur mauvais goût, sans remarquer aussi qu'elles -étaient une école de bonnes mÅ“urs dans un temps de dépravation -invétérée. Que si elles avaient le défaut de faire de l'amour un délire -de l'imagination, elles eurent aussi le mérite d'élever les esprits et -les âmes au dessus de l'amour d'instinct, et de préparer cet amour du -cÅ“ur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices -inconnues à l'incontinence grossière, cet amour qui donne tant -d'heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d'heureux -moments par l'amour d'instinct[144].» - - [144] _Histoire de la Société polie_, p. 95. - -En effet, tandis que les austères, les rigoristes faisaient le procès -aux romans par cela seul qu'il y était question des faiblesses du cÅ“ur, -les Épicuriens, comme Saint-Évremond et ses pareils, reprochaient aux -Précieuses «d'avoir ôté à l'amour ce qu'il a de plus naturel à force de -vouloir l'épurer.» «Voilà du temps et de l'esprit bien mal employés!» -disaient-ils, à propos des longues conversations entre amoureux du -_Cyrus_ et de la _Clélie_, et il ne manquait pas de gens pour se moquer -des _amours à la platonique_ de Pellisson et autres adorateurs du même -genre. Il faut se rappeler les amours sans façon du Vert-galant, ceux, -encore plus hideux, du précédent règne, le dévergondage qui s'étale dans -les _Historiettes_ de Tallemant, et sur lequel la majesté du grand règne -vint à grand'peine jeter un vernis au moins extérieur de décence, pour -pardonner à la galanterie quintessenciée que les Précieuses et les romans -de Mlle de Scudéry introduisirent dans les rapports entre les sexes. - - - - -III - - AFFAIRES DOMESTIQUES.--LES _CONVERSATIONS MORALES_.--SUCCÈS - ACADÉMIQUES.--ILLUSTRES AMITIÉS.--VIEILLESSE ET FIN. - -1660-1701. - - -L'affaiblissement de la vogue des romans ne retrancha rien de l'estime -qui continuait de s'attacher à Mlle de Scudéry. «Elle est plus considérée -que jamais,» écrivait Tallemant vers 1660, et ces sortes de témoignages -ont dans sa bouche une valeur toute particulière. Affranchie par la mort -de son frère de plus d'une solidarité fâcheuse, elle vivait du produit de -sa plume auquel venaient se joindre les cadeaux de ses amis et les -marques de la munificence des princes. Outre les présents par lesquels -les Condé avaient reconnu le dévouement du frère et de la sÅ“ur pendant -la Fronde, les Rambouillet, les Montausier, Mmes de Rohan-Monbazon, de -Guénégaud, avaient pris l'habitude d'offrir à Madeleine, dans diverses -circonstances, des cadeaux utiles et à son usage personnel, soit pour -ménager sa délicatesse, soit pour éviter que Georges ne mît la main -dessus. Mais il y fallait du mystère, et voici comment elle-même en parle -dans la _Clélie_: «Sachez que cette personne (une fille de Syracuse) qui -a de la naissance, dont la fortune est assez mauvaise, dont le cÅ“ur est -fort noble, et qui, sans faire le bel esprit, a plus de réputation -qu'elle n'en cherche.... a eu plusieurs aventures qui prouvent que la -vertu est encore considérée.... On lui a fait plusieurs présents d'une -façon particulière, et, comme on sait qu'elle aimeroit mieux donner que -de recevoir, on a pris des biais détournés.» Suivent des exemples de ces -dons mystérieux dont Tallemant a confirmé plus tard la réalité et nommé -les véritables auteurs[145]. Les moins riches, les littérateurs avaient -aussi leur modeste offrande. Conrart offrait tous les ans un cachet de -cristal, M. Bétoulaud des agates gravées, le père Commire des fleurs -brodées à l'aiguille, et des pierres antiques ou qui passaient pour -telles[146], Chapelain une gélinotte, et Ménage, dans la pièce même où il -nous révèle quelques-unes de ces particularités, exprime l'embarras où -il est de trouver pour son compte quelque chose de nouveau[147]. En 1694, -Mlle de Scudéry écrivait encore: «Je fus tellement accablée à ma fête de -fleurs, de fruits, de vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours -à remercier ceux qui me les avoient envoyés, et à recevoir les visites de -ceux qui venoient voir les vers que j'avois reçus.» - - [145] _Clélie_, t. X, p. 1077.--Tallemant, _Historiettes_, t. - VII, p. 61. - - [146] Les éditeurs doivent à l'obligeance de MM. Lavoix et de la - Berge un extrait du _Journal des acquisitions du Cabinet des - médailles du Roy, commencé le 25 octobre 1689_. On y trouve la - mention de pierres gravées, agates, cornalines, jaspes, etc., - donnés au roi par Mlle de Scudéry, depuis le 4 octobre 1690 - jusqu'au 19 février 1695, et qui s'y trouvent encore aujourd'hui. - La plupart ont été reconnus depuis pour de simples imitations de - l'antique, mais on ne doutait guère alors de leur authenticité. - - [147] _Menagii Poëmata._--_Commirii Carmina_, 1753, t. II, p. - 224, 225, 301, 302.--_La Journée des Madrigaux._--_Mss de - Conrart_, passim. - -Le mystère que l'on mettait dans ces cadeaux, et qui avait d'abord pour -principal objet d'empêcher un refus, devint bientôt une mode, une espèce -de jeu d'esprit destiné à exercer l'imagination des donateurs en même -temps que celui de la donataire. Cette préoccupation est visible dans une -lettre de mai 1656[148], écrite par celle-ci _à une personne inconnue qui -lui avoit adressé un présent_. Nous ne connaissons pas la nature de ce -présent qu'elle traite de magnifique, mais voici ce qu'elle en dit: «Il -me semble que vous vouliez m'obliger à porter une couleur où je croyois -avoir renoncé, et que je ne croyois plus pouvoir porter avec bienséance, -si ce n'étoit en Å“illets, en roses ou en anémones, m'étant résolue à ne -mettre plus que du bleu, du gris de lin, de l'isabelle et du blanc.» - - [148] Voy. la Correspondance à cette date. - -Vers 1671, elle recevait, _au nom des Dames_, une ode attachée avec des -rubans de diverses couleurs à une petite guirlande de lauriers d'or -émaillés de vert. Le tout était renfermé dans une jolie boîte. L'objet de -cette gracieuse offrande répondit _à l'illustre secrétaire des Dames, -quel qu'il puisse être_. On découvrit, quelque temps après, que l'ode -était de Mlle de la Vigne[149]. - - [149] Voy. les Poésies, et _Recherches sur la vie et les Å“uvres - d'une Précieuse_, par M. Théry. 1866, in-8º. - -Nous ne voulons pas trop insister sur ces épisodes un peu puérils, mais -il en est un que nous ne pouvons passer sous silence, parce qu'il se lie -à l'histoire littéraire et à celle des mÅ“urs de l'époque, l'_Affaire des -voleurs_, comme on l'appela, qui donna lieu à tout un cycle poétique, et -qui, après avoir fait beaucoup de bruit dans son temps, a été reprise de -nos jours par le roman et par le théâtre. - -Le premier jour de l'an 1665, vers dix heures du matin, Mlle de Scudéry -reçut «une corbeille de paille brodée où il y avoit une belle bourse de -point d'Espagne, un bracelet d'aventurine et une quantité de petits -bijoux de filigrane[150]. Ce présent étoit apporté par un homme de -mauvaise mine et sentant son filou, comme de la part des voleurs en -faveur desquels elle avoit fait un peu auparavant un placet au roi contre -celui de M. Châtillon-Barillon.» - - [150] L'auteur allemand dont nous allons parler tout à l'heure - dit que le bracelet était en or, avec une montre de même métal - travaillé à jour, et que la bourse contenait 12 pistoles. - -Ce passage des Manuscrits Conrart[151] a besoin d'être expliqué. Dès -1650, Mlle de Scudéry écrivait à Godeau: «Depuis un mois ou six semaines, -on vole si insolemment dans les rues de Paris qu'il y a eu plus de -quarante carrosses de gens de qualité arrêtés par ces messieurs les -voleurs, qui vont à cheval et presque toujours quinze à vingt -ensemble[152].» Ces vols, qui passèrent à l'état chronique, et sur -lesquels on trouve tant de témoignages dans les mémoires du temps, -donnèrent lieu, en 1664, à des vers ayant pour titre: _Placet_ ou -_Requête des Amans contre les Filoux_, où les premiers se plaignaient au -roi de ce qu'on ne pouvait, sans crainte d'être dévalisé, se promener le -soir et faire la cour aux belles. Mlle de Scudéry adressa au roi une -_Réponse des Filoux à la Requête des Amans_, dont la conclusion était: - - Un amant qui craint les voleurs - Ne mérite pas de faveurs. - - [151] T. XI, p. 421, in-fo. Voy. aussi Vaumorière, _Lettres sur - toutes sortes de sujets_, 1714, in-12, t. II, p. 369. Ce dernier - ajoute plusieurs circonstances à la note de Conrart; il décrit - l'apparition de l'inconnu à figure rébarbative, armé jusqu'aux - dents, la frayeur du laquais, «le petit Dubuisson que vous - connoissez», dit-il à son correspondant; l'intervention de Mlle - Crois...., «la demoiselle qui est à notre illustre amie», etc. - Comme on le voit, Vaumorière était lié avec l'héroïne de - l'aventure et pouvait avoir appris d'elle tous ces détails que, - par cette raison, nous avons cru devoir reproduire. - - [152] Lettre du 4 novembre 1650. - -Le présent que les voleurs étaient censés faire à celle qui avait pris -leur défense, était accompagné d'une pièce de vers commençant ainsi: - - Ces hommes redoutés que l'on nomme filoux - Dont vous avez pris la défense - Sont de leur gloire trop jaloux - Pour demeurer dans le silence, etc. - -Nouvelle _Réponse de Mlle de Scudéry à une demoiselle qu'elle soupçonne -de lui avoir fait cette galanterie_[153]. Mais il y avait lieu de -distinguer dans la galanterie le don lui-même et les vers qui -l'accompagnaient. Ceux-ci, Conrart nous l'apprend, étaient de Mme de -Platbuisson, l'une des muses satellites qui gravitaient dans l'orbite de -Sapho, et à qui celle-ci, mieux informée, ne manqua pas de témoigner sa -reconnaissance[154]. Quant au présent lui-même, il paraît qu'il émanait -de Mme de Montausier, ainsi qu'on le découvrit plus tard. Cette -indication fort vraisemblable nous est fournie par un savant allemand qui -se trouvait alors à Paris, et qui, dans un gros volume sur la ville de -Nuremberg, sa patrie[155], a raconté longuement et lourdement, à -l'allemande, ce petit épisode de la vie parisienne à cette époque[156]; -du reste, en position d'être bien informé, car, pendant son séjour à -Paris (1665-1666), il fut en relation avec Chapelain et avec Mlle de -Scudéry elle-même. Il raconte dans sa chronique qu'il lui rendit visite, -et que, longtemps avant que le père Bouhours posât sa fameuse question: -«Si un Allemand peut avoir de l'esprit,» elle lui demanda si l'allemand -était véritablement une langue, ce dont elle était tentée de douter en -entendant le rude jargon des gardes suisses et des suisses d'hôtels. Il -l'étonna en affirmant que non-seulement l'allemand était une langue, mais -que cette langue possédait des écrivains et même des poëtes. Il -ajouta--et cet argument dut la convaincre--que l'on avait traduit la -_Clélie_ en allemand: «Votre incomparable _Clélie_, Mademoiselle, n'a -rien perdu chez nous de sa forme gracieuse en passant par la plume aussi -noble qu'habile de Johann Wilhelm von Stubenberg.» Ceci paraît charmer -notre demoiselle, qui raconte à son interlocuteur comment elle a trouvé -en Italie un _traduttore traditore_. «Un de mes romans, lui dit-elle, n'a -pas eu la chance de tomber entre les mains d'un pareil interprète. -J'avais dit qu'un roi d'Assyrie, assiégeant Babylone avec deux cent -mille hommes, pour animer ses soldats, leur avait promis le pillage: puis -se ravisant, la ville prise, avait donné en place à chacun _quatre -montres_, c'est-à -dire quatre mois de solde[157]. Le traducteur me fit -dire que le roi ordonna de distribuer à chacun quatre montres de -poche[158], ce qui était l'absurdité même.» - - [153] On trouvera ces quatre pièces dans les Poésies. - - [154] _Vers de Mlle de Scudéry à Mme de Platbuisson, en lui - envoyant pour ses étrennes un déshabillé de roses à fond d'or et - d'argent._ - - Vous dont l'esprit charmant et les grâces divines.... - - _Mss Conrart_, t. XI, p. 83, in-fo. - - [155] Wagenseil, _De Sacri Romani imperii liberâ civitate - Noribergensi_. Altdorf, 1687, in-4º, pp. 452 et suiv., 464, etc. - Ce Wagenseil fut pensionné par Colbert. Clément, _Histoire de - Colbert_, p. 189. - - [156] Voici, par exemple, comment le digne Nurembergeois - travestit le _mot de la fin_ de la _Réponse des Filoux_: - - Un amant qui craint les voleurs - N'est point digne d'amour. - - [157] _Vier monatsold._ Wagenseil, p. 456. - - [158] _Sack Uhren._ - -Nous nous sommes laissé aller au plaisir d'entendre une conversation de -Mlle de Scudéry. Revenons à l'histoire, ou plutôt à la légende des -voleurs. De nos jours, le conteur allemand Hoffmann, empruntant à -Wagenseil la donnée du présent fait par les prétendus voleurs, et y -mêlant, sans se soucier des anachronismes, l'histoire de la Brinvilliers -et de la Voisin, la chambre des poisons, la Reynie et d'Argenson, composa -du tout une nouvelle véritablement fantastique, en ce sens que la -fantaisie seule y avait rapproché les faits et les personnes, mais à -laquelle la création originale de l'orfévre Cardillac valut en France une -popularité attestée par le remaniement du spirituel Henri de -Latouche[159], et par le succès du mélodrame de _Cardillac_, l'un des -premiers rôles où se révéla le talent de l'acteur Frédéric Lemaître[160]. - - [159] _Olivier Brusson_, Paris, 1823, in-12. - - [160] _Cardillac ou le Quartier du Marais_, par MM. Antony Béraud - et Léopold, représenté le 25 mai 1824, au théâtre de - l'Ambigu-Comique. Paris, Bezou, 1824, in-8º. - -Il ne faut pas confondre, comme on l'a fait souvent, cette fiction -poétique, cette visite toute courtoise des prétendus filous de 1665, avec -l'aventure beaucoup plus prosaïque qui arriva vingt-six ans après à Mlle -de Scudéry, et qu'elle raconte ainsi dans une lettre à l'abbé Boisot: «Je -ne sais, Monsieur, si je vous ai mandé que, durant un mois, des voleurs -ont voulu me voler. Ils se servoient d'une vieille masure à monter sur le -toit de ma maison. Ils firent par trois fois des trous à mon grenier et -dans la chambre de mes laquais, et il m'a fallu avoir garnison toutes les -nuits pendant vingt-quatre jours, parce qu'il m'a fallu ce temps-là pour -faire abattre ma vieille masure. De sorte qu'ayant dit un jour que je ne -savois pourquoi les voleurs me cherchoient, puisque je n'avois qu'un peu -d'esprit droit et le cÅ“ur de même, un de mes amis, M. Bosquillon, -m'envoya le lendemain un madrigal que je vous envoie[161].» - - [161] Lettres des 13 janvier et 7 mars 1691. On trouvera le - madrigal dans les Poésies. Mme de Maintenon disait aussi dans une - lettre datée de Saint-Cyr, le 31 mai (1691): «Il est étrange que - des voleurs aient pensé à elle.» - -Le père Niceron, parlant des faveurs dont Mlle de Scudéry fut l'objet de -la part de hauts personnages, s'exprime ainsi: «Le prince de Paderborn, -évêque de Munster, la régala de sa médaille et de ses ouvrages. La reine -de Suède, Christine, l'honora de ses caresses, de son portrait, d'un -brevet de pension, et souvent même de ses lettres.» Passe pour le brevet -de pension, quoique nous n'en rencontrions pas d'autres traces[162], mais -pour le reste, tous ces _régals_ et ces _caresses_ des grands laissaient -à Scarron le droit de dire: - - Siècle méconnoissant, le dirai-je à ta honte? - On admire Sapho, tout le monde en fait compte, - Mais, ô siècle, à l'estime, aux admirations - Pourquoi n'ajouter pas de bonnes pensions, - Du bien pour soutenir une illustre naissance, - Et pour ne laisser pas le reproche à la France, - Que l'illustre Sapho qui lui fit tant d'honneur - Ne manqua point d'estime et manqua de bonheur[163]? - - [162] Au lieu de ce brevet, nous trouvons à la fin d'une lettre - de Ménage à Huet, Paris, 18 janvier 1662: «Mlle de Scudéry a reçu - de la reine de Suède une boëte de diamants de 1000 écus.» De son - côté, Mme de Sévigné écrivait à Ménage en 1661: «Je suis fort - aise que la reine de Suède ait fait de si bons présens à Mlle de - Scudéry.» - - [163] _Épître chagrine_, déjà citée. _Å’uvres de Scarron_, 1786, - t. VII, p. 162. - -Ménage se faisait l'écho du même vÅ“u, lorsque, à propos des largesses -distribuées aux savants par Colbert au nom de Louis XIV, il ne craignait -pas de reprocher à ce ministre d'aller chercher au fond des pays les plus -éloignés les objets de ces faveurs, et d'omettre sciemment celle qu'il -avait sous la main et que lui désignaient à haute voix et la cour et la -ville[164]. - - [164] - - Is tamen eximiam et præsentem et præterit unam - Scuderida, et prudens præterit atque sciens... - Præteritam stupet aula omnis; Lutecia clamat. - - _Scuderia in largitionibus regiis præterita._ Dans: _Menagii - Poemata_, 1680, p. 110. - -Dès l'époque de son retour à Paris après la Fronde (1653), Mazarin lui -donnait des gratifications annuelles[165]. Il lui laissa dans son -testament une pension viagère de mille livres[166]. Le duc de Mazarin -ayant cessé de l'acquitter en avril 1690, fut condamné le 30 septembre -1692, par arrêt du Grand Conseil, à payer à Mlle de Scudéry trois mille -livres pour les arrérages et les intérêts de la pension[167]. - - [165] - - Annua das nostræ munera Scuderiæ. - - _Scuderia in largitionibus regiis præterita._ Dans: _Menagii - Poemata_, 1860, p. 49. - - [166] «Mlle DE SCUDÉRY. Quittance signée de 1000 l. de pension - viagère que lui faisait le cardinal Mazarin. 14 février 1665.» - _Catalogue Van-Sloppen_ (Alex. Martin), du 13 juin 1843, no 465. - - [167] E. Miller, _Pierre Taisand_, p. 23. - -Enfin le roi lui-même tint à se ranger parmi tant d'illustres -bienfaiteurs. Il faut ici laisser la parole à Mme de Sévigné. «Vous -savez, écrit-elle au comte et à la comtesse de Guitaut, comme le roi a -donné deux mille livres de pension à Mlle de Scudéry. C'est par un billet -de Mme de Maintenon qu'elle apprit cette bonne nouvelle. Elle fut -remercier Sa Majesté un jour d'appartement; elle fut reçue en toute -perfection; c'est une affaire que de recevoir cette merveilleuse muse. Le -roi lui parla et l'embrassa pour l'empêcher d'embrasser ses genoux. Toute -cette petite conversation fut d'une justesse admirable; Mme de Maintenon -était l'interprète. Tout le Parnasse est en émotion pour remercier le -héros et l'héroïne[168].» - - [168] Lettre du 5 mars 1683. Une lettre de remercîment écrite par - Mlle de Scudéry au roi en octobre 1663 (voy. la Correspondance) - prouve qu'elle avait dès lors reçu quelque marque de sa - libéralité. - -Le chancelier Boucherat, avec qui elle était en relation dès 1675, -établit sur le sceau en sa faveur une pension que Pontchartrain lui -continua. Ces pensions n'étaient pas toujours exactement payées, comme le -témoigne maint passage de sa correspondance. «Je ne suis payée de nulle -part,» écrivait-elle à l'abbé Boisot le 16 juin 1694[169], et le 10 -juillet: «Je vous envoie, Monsieur, les deux journaux qui contiennent -votre excellent extrait. Mais, quoique le port d'un écrit si bien fait ne -puisse être trouvé trop cher, j'ai coupé le papier blanc pour le -diminuer, car, pendant cette rigoureuse année, les petites épargnes ne -sont pas honteuses, quoi qu'assez contraires à mon humeur.» - - [169] Même plainte dans une lettre à Huet, qui doit être de la - même époque, et un fragment de lettre de Mme de Maintenon, - probablement de 1691, porte: «J'ai mandé à Manseau qui est à - Paris de donner à Mlle de Scudéry ce qu'elle auroit dû toucher au - mois de juillet.» - -Vers la même époque, et comme un allégement providentiel à l'état de gêne -que révèlent ces dernières confidences, une amie de quarante ans, Mlle de -Clisson[170] comprenait Mlle de Scudéry dans des legs faits en faveur de -quelques personnes qu'elle affectionnait. Quoique cette libéralité vînt -pour elle on ne peut pas plus à propos, nous la voyons, dans les lettres -de cette époque, moins préoccupée de ses propres intérêts que des devoirs -de l'amitié. «Bien que ma fortune soit très-mauvaise, je ne sens en -cette occasion que la perte d'une amie qui étoit touchée de mon malheur, -et qui m'a voulu secourir en mourant.... Comme on m'a dit qu'il y a un -grand nombre de legs, je voudrois bien savoir si le nom de Vaumale ou de -Valcroissant ne se trouve pas parmi ceux à qui cette généreuse personne -en a laissé[171].» - - [170] Constance-Françoise de Bretagne, sÅ“ur de la duchesse de - Montbazon et de Mlle de Vertus, morte à Paris le 19 décembre - 1695. - - [171] Lettres à Huet, de décembre 1695. - -Pour compléter ce chapitre des affaires domestiques, on nous permettra -d'ajouter ici quelques détails sur l'intérieur de Mlle de Scudéry, tel -que nous pouvons nous le figurer jusqu'à sa mort. Dans le _postscriptum_ -d'une lettre au jurisconsulte Taisand, datée du 1er septembre 1675, elle -disait: «Je loge _à présent_ rue de Beausse, derrière le Petit-Marché, au -Marais du Temple.» Il nous paraît évident, comme à M. Miller[172], que -cette formule indique un changement récent de domicile, mais--et ceci -explique l'erreur de ceux qui font remonter à une époque antérieure son -installation rue de Beauce--elle était restée fidèle au quartier du -Temple, à la paroisse Saint-Nicolas des Champs, à ce milieu de jardins, -de cultures, que le projet inachevé de Henri IV avait créé dans cette -partie de Paris demi-rurale, où des noms de provinces donnés à toutes les -rues prêtaient encore à l'illusion. - - [172] _Pierre Taisand_, p. 19-21. - -Tracée en 1626, sur la Culture du Temple, la rue de Beauce n'avait été -achevée qu'en 1630. Elle n'était encore qu'à l'état de ruelle. La maison -de Mlle de Scudéry occupait le coin de cette rue et de celle des -Oiseaux[173]. Elle continuait à y recevoir les samedis, et parfois les -mardis depuis deux heures jusqu'à cinq, ses amis des deux sexes dont le -nombre s'éclaircissait peu à peu, et les visiteurs accidentels que sa -réputation y attirait. Quelquefois l'entretien, commencé dans sa chambre, -se continuait dans le jardin, ou même chez quelqu'une de ses voisines et -amies de la rue de Berry, Mlle Boquet ou Mme Aragonnais. Les arbres -fruitiers ou d'agrément, les hôtes familiers ou de passage qui animaient -l'enclos de la Vieille rue du Temple ne manquaient pas à celui de la rue -de Beauce. La maîtresse du lieu aimait les animaux, croyait à leur -intelligence[174]. On lui avait envoyé un petit perroquet et des -caméléons qu'elle entreprit d'élever. Le perroquet était probablement -celui à qui le grand Leibnitz ne dédaigna pas d'adresser des vers latins -où il lui promettait d'aller à l'immortalité avec sa maîtresse[175]. -Quant aux caméléons, leur histoire est presque un épisode scientifique de -la Chronique des samedis, et, comme telle, nous la laisserons raconter à -l'un de nos naturalistes les plus distingués. - - [173] La rue de Beauce, très-étroite, conduit de la rue d'Anjou à - la rue de Bretagne. La rue des Oiseaux, très-courte, n'est plus - qu'un passage menant au Marché des Enfants-Rouges, autrefois - _Petit-Marché-du-Temple_. L'angle des deux rues est occupé - aujourd'hui par des constructions modernes affectées à des - logements d'ouvriers. Tout près, et attenant à un lavoir public - est un jardin qui peut être un reste de celui de Mlle de Scudéry. - - [174] Voy. ses lettres à Mlle Descartes. Elle dit dans la - première: «Ma croyance en faveur de mon chien n'ôte rien de - l'estime infinie que j'ai pour feu monsieur votre oncle. Ce n'est - pas l'amitié que j'ai pour les animaux qui me prévient à leur - avantage, c'est celle qu'ils ont pour moi qui me prévient en leur - faveur.» Elle disait aussi dans une lettre à Huet (1689): «Il y a - longtemps que je me suis déclarée hautement contre certaines - machines cartésiennes, sans employer pourtant contre le - philosophe que mon chien, ma guenon et mon perroquet.» - - [175] - - Psittace pumilio, docta sed magne loquela, - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Tu Dominæ immensum parvus comes ibis in ævum, - Nam Sappho quidquid Musa et Apollo potest. - -«L'illustre Mlle de Scudéry, dit-il, avait reçu en présent trois -caméléons envoyés d'Égypte. Elle les garda chez elle pendant plus de six -mois[176], et l'un d'eux passa même l'hiver; il fit les délices de la -société choisie qui se donnait rendez-vous aux Samedis de la rue de -Beauce. Là venait Claude Perrault, admirable anatomiste autant -qu'excellent architecte, quoi qu'en ait dit Boileau. On institua des -expériences sous sa direction, qui furent fort bien faites. On vit que -l'animal devenait pâle toutes les nuits, qu'il prenait une couleur plus -foncée au soleil ou quand on le tourmentait, et enfin qu'il fallait -traiter de fable l'opinion que les caméléons prennent la couleur des -objets environnants. Pour s'en assurer, on enveloppait la bête dans des -étoffes différentes, et on la regardait ensuite. Une seule fois elle -était devenue plus pâle dans un linge blanc, mais l'expérience répétée ne -réussit plus aussi bien. La gamme des couleurs que parcourt la peau du -caméléon fut trouvée très-restreinte, allant du gris et du vert clair au -brun verdâtre. Nous ne savons rien de plus aujourd'hui, et ces -expériences de Perrault, instituées au milieu d'un cercle de beaux -esprits du dix-septième siècle, marquent le dernier pas qui ait été fait -dans cet ordre de recherches. Aucun naturaliste depuis ne les a -surpassées[177].» - - [176] Martin Lister, dans son _Voyage à Paris_, sur lequel nous - reviendrons tout à l'heure, parle, p. 95, de deux caméléons que - Mlle de Scudéry aurait gardés près de quatre ans, et dont elle - lui montra les squelettes. - - On trouve dans les Mss Conrart deux épitaphes du caméléon de Mlle - de Scudéry, l'une à la page 119 du t. XI, in-fo, et l'autre, par - Mme de Platbuisson, p. 121 du même volume. - - [177] G. Pouchet, _Le coloris dans la substance vivante_. _Revue - des Deux-Mondes_, 1er janvier 1872. - -C'est au milieu de cet entourage que l'on peut se figurer la bonne -demoiselle, en robe gris de lin, les cheveux grisonnants, mais la taille -encore droite, avant que l'âge et les infirmités l'eussent forcée de -garder la chambre, se promenant dans son jardin, ou assise avec sa chatte -favorite sur ses genoux, par une belle soirée d'été, prêtant l'oreille au -caquetage de son perroquet, auquel se mêlent les bruits confus du -Petit-Marché et l'Angelus du couvent des Enfants-Rouges. - -Elle entretenait une correspondance étendue avec l'Allemagne, l'Italie, -la Franche-Comté, la Provence, mais elle avait dû renoncer aux longs -voyages, peut-être même aux séjours plus ou moins prolongés qu'elle -faisait autrefois à Fontainebleau, aux Pressoirs, à Saint-Cyr. Plus de -ces longues promenades avec Isarn au Raincy, ou de ces courses en bateau -avec Mme de Saint-Simon[178]; tout au plus quelques excursions à Livry -pour voir Mme de Sévigné, ou bien à Fresnes, chez Mme du -Plessis-Guénégaud[179], où elles se retrouvaient ensemble, l'une toujours -enjouée[180], l'autre toujours bonne. Les habitudes qu'elle avait -contractées à Athis du vivant de Conrart paraissent s'être continuées -après la mort de ce dernier (1675), ce qui a fait croire qu'elle y avait -elle-même habité[181]. Du moins la tradition locale a rattaché à son nom -plusieurs souvenirs. Dans une maison d'Athis ayant appartenu à M. -Foucault, intendant de Caen, on avait conservé, par respect pour sa -mémoire, un arbre à l'ombre duquel elle venait étudier[182]. Dans le parc -d'une autre maison où le duc de Roquelaure avait passé les dernières -années de sa vie, et qui appartenait en 1787 à la duchesse de Châtillon, -on voyait encore, à cette dernière époque, un monument élevé à la chienne -favorite de ce seigneur, avec l'inscription suivante attribuée à Mlle de -Scudéry: - - Ci-gît la célèbre Badine - Qui n'eut ni beauté ni bonté, - Mais dont l'esprit a démonté - Le système de la machine[183]. - - [178] _La Gazette de Tendre_, p. 74. - - [179] Le château de Fresnes, dans la Brie, à deux lieues de - Pomponne. Il appartint ensuite au duc de Nevers, puis au - chancelier d'Aguesseau. - - [180] Dans la lettre du 21 juin 1680, Mme de Sévigné parle d'une - fausse lettre que lui avaient envoyée ses femmes de chambre, et - qui avait si parfaitement réussi «qu'elles en ont été effrayées, - comme nous le fûmes une fois à Fresnes, pour une fausseté que - cette bonne Scudéry avoit prise trop âprement.» - - [181] Voy. le _Journal de Paris_, 1787, p. 1169. - - [182] Lebeuf, _Histoire du diocèse de Paris_, t. XII, p. 120, - 121.--Dulaure, _Environs de Paris_, 1790, p. 14.--Delort, _Mes - voyages aux environs de Paris_, t. II, p. 141. - - Suivant M. Cousin, _La Société française au dix-septième siècle_, - t. II, p. 304, les deux habitations n'en faisaient qu'une, ou - plutôt n'étaient l'une et l'autre qu'un démembrement de l'ancien - fief des d'Oysonville, des Viole et des Thibault de la Brousse. - - [183] «La plus petite guenon, a dit ailleurs Mlle de Scudéry, - détruit par son industrie et son intelligence toutes les - doctrines de Descartes.» - -Cependant l'âge n'avait pas arrêté la plume de Mlle de Scudéry; il avait -seulement donné une forme plus sévère à ses compositions. A l'ère des -romans avait succédé celle des _Conversations morales_ qui parurent de -1680 à 1692[184]. Sans croire, ainsi que l'assure le rigide Arnauld, -qu'elle avait «un vrai repentir de ce qu'elle avoit fait autrefois», et -que, comme Gomberville, «elle eût voulu effacer ses romans de ses -larmes»[185], on peut dire que, tout en conservant à la plupart de ces -nouvelles compositions le cadre antique, les noms grecs, romains, -africains et la forme des entretiens insérés dans ses romans[186], elle -entend cependant les dégager des aventures purement romanesques, leur -donner une allure plus décidément morale, en faire, comme on l'a dit, le -bréviaire des honnêtes gens appelés à vivre dans le grand monde, -caractère que n'hésitaient pas à leur reconnaître des femmes telles que -Mmes de Sévigné et de Maintenon, des prélats tels que Mascaron et -Fléchier[187], et que M. Cousin a résumé de nos jours en disant «qu'on -pouvait offrir à une jeune femme ces dix volumes de _Conversations_, -comme une suite de sermons laïques en quelque sorte, une véritable école -de morale séculière, tirée de l'expérience de la meilleure -compagnie[188].» - - [184] _Conversations sur divers sujets._ Paris, 1680, 2 vol. - in-12.--_Conversations nouvelles_, etc. Paris, 1684, et - Amsterdam, 1685, 2 vol. in-12.--_Conversations morales_, Paris, - 1686, 2 vol. in-12.--_Nouvelles conversations de morale_, Paris, - 1688, 2 vol. in-12.--_Entretiens de morale_, 1692, 2 vol. in-12. - - [185] Lettre à Perrault, du 5 mai 1694, au sujet de la dixième - satire de Boileau. - - [186] C'est ainsi que, dans le volume de 1680, chapitre _De la - raillerie_, voulant raconter un petit voyage qu'elle fait avec - quelques amis et amies pour voir la mer, elle déclare «que la - relation en sera moins ennuyeuse sous des noms supposés que sous - les véritables». - - [187] Mme de Sévigné les recommandait à son fils, en disant: «Il - est impossible que cela ne soit bon, quand cela n'est point noyé - dans son grand roman.» Lettres des 25 septembre 1680 et 11 - septembre 1684. Elle y revient encore dans une lettre de 1688. - Édition Hachette, t. VIII, p. 371. - - «Il n'y a point de si belle morale que celle que vous y prêchez, - et étant détachée, comme elle est, des aventures amoureuses qui - pourroient éveiller les passions, elle doit être entre les mains - de tous les jeunes gens. La Cour ne seroit remplie que d'honnêtes - gens si on la prenoit pour règle, et je vous assure, Mademoiselle, - que ce devroit être le bréviaire de ceux qui doivent vivre dans le - grand monde.» Mascaron à Mlle de Scudéry, Agen, 6 janvier 1681. - - «Tout est si raisonnable, si poli, si moral et si instructif dans - les deux volumes que vous m'avez fait la grâce de m'envoyer, qu'il - me prend quelquefois envie d'en distribuer dans mon diocèse pour - édifier les gens de bien et pour donner un bon modèle de morale à - ceux qui la prêchent.» Fléchier, à la même, 26 décembre 1685. - - [188] _La Société française au dix-septième siècle_, t. Ier, p. - 14. - -Les Conversations étaient devenues un genre de littérature à la mode, -depuis que l'hôtel de Rambouillet et les Précieuses, grâce aux progrès du -confort et au rapprochement régulier des deux sexes, avaient créé ce -nouvel élément de la vie sociale, inconnu au siècle précédent. De même -que les _Portraits_ chez Mademoiselle, les _Caractères_ à l'hôtel de -Condé, les _Maximes_ chez Mme de Sablé[189], les _Conversations_ étaient -en faveur dans les salons modestes de Mlle de Scudéry et de Mme Scarron. -Saint-Évremond et le chevalier de Méré en avaient fait le sujet de -compositions littéraires. Il appartenait à la reine des Samedis de donner -en même temps le précepte et l'exemple[190]. C'est ce qu'elle fit dans -son chapitre _De la conversation_, p. 16 du volume de 1680. Elle pose en -principe qu'il y faut le concours des deux sexes, suivant sur ce point -l'opinion du chevalier de Méré, qui avait été à son heure, dit -Sainte-Beuve, un maître de bel air et d'agrément, et avec lequel elle -avait eu quelques relations. Laissons-la parler sur ce point délicat, et -honni soit qui mal y pense! «Les plus honnêtes femmes du monde, dit-elle, -quand elles sont un grand nombre ensemble, ne disent presque jamais rien -qui vaille, et s'ennuient plus que si elles étoient seules.... Au -contraire, il y a je ne sais quoi, que je ne sais comment exprimer, qui -fait qu'un honnête homme réjouit et divertit plus une compagnie de dames, -que la plus aimable femme de la terre ne sauroit le faire.» - - [189] Giraud, _Histoire de Saint-Évremond_, p. 77. - - [190] L'abbé de Pure, témoin non suspect, préfère sans hésiter la - conversation de Mlle de Scudéry à ses ouvrages. «Elle est capable - de ternir toutes ses belles productions par sa seule conversation, - car elle y est si bonne et si aimable qu'on aime encor mieux la - voir que la lire: ce n'est que bonté, que douceur; l'esprit n'éclate - qu'avec tant de modestie, les sentiments n'en sortent qu'avec tant - de retenue, elle ne parle qu'avec tant de discrétion, et tout ce - qu'elle dit est si à propos et si raisonnable, qu'on ne peut - s'empêcher de l'admirer et de l'aimer tout ensemble.» _La Précieuse_, - Ire partie, p. 382. - -On trouve, soit dans cet article, soit dans ceux qui suivent, bien des -choses fines et délicates, intéressantes comme peinture de la société du -temps, et qui sont restées vraies dans le nôtre. Certains sujets de -critique littéraire y sont touchés à l'occasion. Les conversations _sur -la manière d'inventer une fable--sur la manière d'écrire les lettres_, -etc., prouvent que l'auteur avait réfléchi aux règles des divers genres -de littérature, quoiqu'elle n'ait pas toujours réussi à les mettre en -pratique. On est étonné d'y rencontrer, au milieu d'une Nouvelle -soi-disant historique et assez ennuyeuse, une espèce d'histoire de la -poésie française au seizième siècle, qui suppose des connaissances -réelles sur ce point alors peu étudié, et qui montre, par exemple, que -Mlle de Scudéry avait mieux connu et jugé Ronsard que l'auteur de l'_Art -poétique_[191]. - - [191] _Conversations nouvelles sur divers sujets_, 1684, t. II, - pp. 770 à 887. - -De même que les portraits du _Cyrus_ et de la _Clélie_ avaient donné -naissance à ceux qui furent à la mode quelque temps après chez -Mademoiselle de Montpensier, les _Conversations_ de Mlle de Scudéry -suggérèrent à Mme de Maintenon, qui avait été son amie avant d'être sa -protectrice, l'idée d'en composer de plus simples destinées à être -récitées par les demoiselles de Saint-Cyr[192]. Cela résulte -non-seulement d'une lettre de Mme de Sévigné, déjà indiquée, mais d'un -passage de celle de Mme de Brinon leur première supérieure, à Mlle de -Scudéry, en date du 3 août 1688. On les trouvera l'une et l'autre dans la -Correspondance. - - [192] _Conversations inédites de Mme de Maintenon_, Paris, - Blaise, 1828, in-18. - -En 1671, le premier prix de prose, fondé par Balzac, fut décerné à Mlle -de Scudéry pour son _Discours de la Gloire_, qui certes n'ajoutera rien à -celle de l'auteur. Il ne faut point y chercher de l'éloquence. On -demandait, dans l'_Écrit portant établissement des prix de prose et de -poësie_, que le premier traitât de certaines matières pieuses déterminées -par le fondateur; qu'il fût revêtu d'une approbation de la Faculté -de Théologie, et qu'il se terminât par une courte prière à -Jésus-Christ[193]. La chose tenait à la fois du sermon et de -l'amplification de collége. - - [193] _Relation contenant l'histoire de l'Académie française_, - 1672, in-12, p. 555. _Le Discours de la Gloire_ se trouve à la - suite, p. 561. - -A la mort de la savante Hélène Cornaro, l'Académie des _Ricovrati_ de -Padoue fit écrire par Charles Patin une lettre des plus flatteuses à Mlle -de Scudéry pour lui donner place dans cette société qui se faisait gloire -de compter dans son sein un certain nombre de dames françaises, telles -que la marquise de Rambouillet, les comtesses d'Aulnoy et de la Suze, -Mesdames Deshoulières, de Villedieu, Dacier, etc. Au milieu de ces Muses -françaises qui avaient chacune leur épithète: _la Lumière de Rome_, -_l'Immortelle_, _l'Éloquente_, etc., Sapho était surnommée -_l'Universelle_[194]. - -Il aurait même été question de suivre cet exemple en France, et Mlle de -Scudéry figurait la première sur une liste de dames illustres par leur -esprit et par leur savoir qu'il fut question d'admettre à l'Académie -française. La proposition attestée par Ménage, et appuyée par Charpentier -qui invoqua le précédent des _Ricovrati_ de Padoue, n'eut pas de -suite[195]. - - [194] Vertron, _La Nouvelle Pandore_, t. Ier, p. 419. - - [195] Le Gouz, _Supplément manuscrit au Menagiana_, cité par - l'abbé Jolly, _Remarques sur le Dictionnaire de Bayle_, t. II, p. - 605. - -Ses romans, ainsi qu'elle l'a rappelé plusieurs fois, avec une certaine -complaisance, dans ses lettres, étaient traduits en anglais, en allemand, -en italien, et même en arabe, à ce que lui écrivait un de ses amis et -obligés, Bonnecorse, de Syrie où il était consul à Seyde. M. Lair, -professeur à Caen, et Charlotte Patin traduisaient en vers latins ses -poésies. Sa correspondance, soit dans la partie que nous avons pu en -recueillir, soit dans celle qui ne nous est connue que par des fragments -ou des indications, nous la montre en rapport avec ce que la France et -l'étranger renfermaient de plus distingué. On a vu, dit son panégyriste, -avec une pointe d'exagération que le genre comporte, «des souverains ne -recommander autre chose aux princes, leurs enfants, qui venoient en -France, que de ne point retourner auprès d'eux sans avoir vu Mlle de -Scudéry»[196]. - - [196] Bosquillon, _Éloge de Mlle de Scudéry_. _Journal des - Savants_, juillet 1701. - -Elle disait à l'abbé Boisot: «Je ne rejette que les louanges de mon -esprit, et j'accepte hardiment celles qui s'adressent à mon cÅ“ur et à -mon amitié.» Elle lui écrivait aussi, au sujet d'un service rendu à un -ami: «Je renferme tout cela dans mon cÅ“ur _où rien ne se perd jamais_.» -Il était d'elle encore ce mot qui avait frappé sa digne amie, Mme de -Sévigné: «La vraie mesure du mérite doit se prendre sur la capacité que -l'on a d'aimer[197].» Aussi Ménage, lui dédiant l'édition des Å“uvres -d'un ami commun, écrivait: «Si j'ai de l'estime et de l'admiration pour -les qualités de votre esprit, j'ai du respect et de la vénération pour -celles de votre âme, pour votre bonté, pour votre douceur, pour votre -_tendresse_, pour votre générosité, pour votre candeur, et surtout pour -cette incomparable modestie qui au lieu de cacher votre mérite, le fait -éclater davantage[198].» - - [197] Lettre de Mme de Sévigné, du 12 octobre 1678, édition - Hachette, t. V, p. 490. - - [198] Ménage, _Épître à Mlle de Scudéry_, en tête des _Å’uvres de - Sarasin_, 1654, in-4º. - -S'il est vrai, comme l'a dit une de nos muses contemporaines, - - _Que_ louer la vertu, c'est lui désobéir, - -il semble qu'ici Ménage désobéissait beaucoup à Mlle de Scudéry. - -Un auteur que nous avons déjà cité, de Vaumorière, consignait également, -dans la dédicace d'une Nouvelle historique, l'éloge chaleureux de la -modestie et du mérite de Mlle de Scudéry. Rappelant le fait cité plus -haut de la traduction en arabe d'un de ses romans, il ajoutait: -«Pardonnez moi, s'il vous plaît, Mademoiselle, cette particularité qui -n'est pas de votre goût, et permettez moi d'en dire une autre dont je -suis incomparablement plus touché. C'est que vous êtes la plus généreuse, -la plus ardente et la plus fidèle Amie qui fut jamais, et que votre cÅ“ur -est peut-être au-dessus de ce grand esprit que toute la terre -admire[199].» _Ma bonne amie_, ainsi l'appelaient naïvement quelques-uns -de ses intimes, hommes et femmes[200], et elle fut en effet par -excellence «une bonne amie», comme elle n'hésitait pas à le dire -d'elle-même. Agréée par les plus austères, cette amitié ne -s'effarouchait pas de quelques écarts, et, sur cette liste si nombreuse, -à côté des Mascaron, des Montausier, des Sévigné, des Motteville, -figurent d'autres noms moins irréprochables. L'indulgence de la femme -sûre d'elle-même, pour des faiblesses qu'elle ne partageait pas, respire -dans son commerce avec certains amis de l'un et de l'autre sexe. Elle -écrivait à Bussy-Rabutin: «Votre fille que je vois souvent a autant -d'esprit que si elle vous voyoit tous les jours, et est aussi sage que si -elle ne vous voyoit jamais.» La galante Mme de la Suze adressait à la -_sage Daphné_ (Scudéry) une Élégie, où cette nuance de leurs rapports -mutuels est délicatement indiquée: - - Illustre et chère amie à qui dans mes malheurs - J'ai toujours découvert mes secrètes douleurs, - Qui sais ce que l'on doit ou désirer ou craindre - Et qui ne blâmes pas ce qu'on ne doit que plaindre, - Écoute-moi.... - - [199] De Vaumorière, _Harangues_, 1713, in-4º, p. 254. - - [200] Voy. les lettres de M. de Pertuis, de Mme Deshoulières, - etc. - -Ménage écrivait à la date du 21 août 1685: - -«Mlle de Scudéry m'a obligé de me réconcilier avec M. Pellisson, et je -dînai hier chez lui. _Mortalis cum sis, odia ne geras immortalia_[201].» - - [201] Lettre inédite à Huet, du 21 août 1685. - - Il arriva pourtant à l'un de ses amis, et des plus intimes, de lui - reprocher _son mauvais caractère_ (Voyez la lettre de Godeau du 8 - septembre 1650). Hâtons de dire que Godeau voulait parler de son - écriture. - -«Ennemie de la médisance et des médisans, juste dans ses choix, sûre dans -son commerce, sincère, discrète et judicieuse, vraie en tout et toujours -égale, elle faisoit souhaiter à tout le monde sa connoissance et son -amitié. Incapable de changement comme de foiblesse, ses amis n'étoient -jamais plus assurés de son cÅ“ur que quand ils étoient malheureux[202].» - - [202] Bosquillon, _Éloge_. - -Pour prouver combien cette fois son panégyriste est resté dans la stricte -vérité, il suffit de rappeler les noms de Fouquet, de Valcroissant, de -Corbinelli, de Bonnecorse, du gazetier Loret qui recevait par son -entremise les bienfaits anonymes du Surintendant alors prisonnier[203]. -Le 30 mai 1687, elle s'était associée à Pellisson pour faire célébrer un -service funèbre à Nublé, leur ami commun[204]. Quant à Pellisson -lui-même, il avait toujours occupé une place à part. Longtemps avant sa -mort, et un jour qu'il n'avait pu assister à une réunion motivée par -l'anniversaire de la naissance de Sapho, Ménage avait fait son épitaphe, -où il disait en usant d'une fiction poétique: - - Passant, ne pleure point son sort. - De l'illustre Sapho que respecta l'envie - Il fut aimé pendant sa vie, - Il en fut plaint après sa mort. - -Lorsque cette fiction se réalisa, en 1693, elle dicta à Bosquillon, sur -cet ami de trente-huit ans, de touchantes notices qui parurent dans le -_Mercure_ et dans le _Journal des Savants_[205], et toutes ses lettres de -cette époque témoignent de l'ardeur passionnée[206] qu'elle mit à -défendre Pellisson contre les attaques qui s'étaient produites en France, -en Allemagne, en Hollande sur la sincérité de sa conversion et -l'orthodoxie de sa fin. Elle écrivit à Mme de Maintenon, au chancelier, à -M. Lepeletier, à Bossuet, et, en réponse à cette dernière lettre de 15 -pages[207], malheureusement perdue, obtint de l'illustre prélat un -témoignage aussi honorable pour ses sentiments personnels que pour la -mémoire de son ami[208]. Elle concourut à l'édition du premier volume de -son _Traité de l'Eucharistie_, donnée par l'abbé de Faure-Ferriès. Elle -possédait toutes ses poésies inédites, probablement celles qu'il avait -composées à la Bastille[209] et projetait de raconter sa vie[210]. Elle -avait écrit dans le premier moment: «La douleur m'a rendue malade; je -fais ce que je puis pour résister, car _je suis nécessaire à conserver sa -mémoire_[211].» Depuis elle dit: «Je n'ai point eu de véritable santé -depuis sa mort[212].» L'année suivante la perte de l'abbé Boisot de -Besançon, avec qui elle était en correspondance suivie depuis près de dix -ans, lui rappelait celle de Pellisson. - - «Je croyois perdre Acanthe une seconde fois,» - -disait-elle dans un madrigal composé à cette occasion. - - - [203] _Menagiana_, 1694, p. 198.--_Gazette de Loret_, lettre du - 22 décembre 1663. - - [204] _Extraits des registres du Cabinet des Titres, Naissances, - Mariages, Morts_, No 1011, à la date indiquée. Mss de la Bque - Natale. - - [205] _Mercure_ de février 1693, p. 280. - - Dans sa lettre à Boisot du 7 mars, elle dit: «Le dernier _Mercure - galant_ contient un éloge véritable. Ceux qui font le _Mercure_ - ont cru que je l'avois écrit, mais il est d'un de mes amis appelé - M. Bosquillon, à qui j'avois donné un simple mémoire.» On lit dans - la lettre du 3 mai suivant: «La semaine prochaine, il y aura un - éloge de M. Pellisson dans le _Journal des Savants_ (17e No), fait - par un de mes amis, instruit par moi.» - - [206] «La colère m'a donné la force de résister à ma douleur pour - combattre la calomnie.» Lettre à Boisot du 7 mars 1693 et les - suivantes. - - [207] Lettre au même du 21 février. - - [208] Lettre de Bossuet à Mlle de Scudéry, édition Lebel, t. - XXXVII, p. 477, et à Mlle Dupré sur le même sujet, en date du 14 - février 1693, _ibid._, p. 475. «Je m'acquitte d'autant plus - volontiers de ce devoir, que vous me faites connoître que mon - témoignage ne sera pas inutile pour la consoler.» - - [209] Lettres des 7 juin 1693 et 3 octobre 1694. - - [210] «Si Dieu me laisse vivre assez longtemps pour écrire ce que - je sais de sa vie, je le justifierai dans les affaires - temporelles, comme j'ai fait dans la religion.» (13 mars 1693.) - - [211] Lettre du 28 février 1693. - - [212] Lettre du 20 février 1694. - -C'était aussi une amitié de quarante ans qui unissait Sapho, la -Précieuse, la mondaine, la romancière à l'illustre et pieux Mascaron. Dès -l'année 1646, elle se joignait à son frère pour recommander le père à -leurs amis de Paris, et, dans une de ses dernières lettres à l'abbé -Boisot, elle faisait du fils un éloge des mieux sentis. Celui-ci, de son -côté, n'avait pas attendu, pour louer les écrits de son amie, qu'elle eût -publié ses _Conversations morales_. Il lui écrivait le 12 octobre 1672: -«L'occupation de mon automne est la lecture de _Cyrus_, de _Clélie_ et -d'_Ibrahim_. Ces ouvrages ont toujours pour moi le charme de la -nouveauté, et j'y trouve tant de choses propres pour réformer le monde, -que je ne fais pas difficulté de vous avouer que, dans les sermons que je -prépare pour la Cour, vous serez très-souvent à côté de saint Augustin et -de saint Bernard.» A peine investi de la dignité épiscopale, il éprouve -le besoin de raconter à sa vieille amie l'espèce d'ovation dont il a été -l'objet dans son diocèse de Tulle, et il ajoute: «L'amitié des peuples, -toute grossière qu'elle est, a par sa sincérité un charme qui se fait -sentir et qui console de la perte des choses qui ont plus d'éclat à la -vérité, mais moins de solidité. Je ne mets point dans ce rang, -Mademoiselle, cette bonne et généreuse amitié dont vous m'honorez depuis -si longtemps; rien ne peut consoler d'être éloigné de vous, que la -persuasion d'être toujours dans votre souvenir, et d'avoir une petite -place dans le cÅ“ur du monde le plus grand et le plus généreux. Je ne -manquerai pas de faire copier les sermons que vous désirez. Je souhaite -qu'ils puissent vous plaire; votre approbation me donnera une joie moins -tumultueuse à la vérité, mais plus solide que celle de toute la cour, et -votre sentiment réglera celui que j'en dois avoir.» - -Chargé en 1675 de prononcer l'éloge de Turenne, il faisait part à Mlle de -Scudéry de l'embarras où le jetait le peu de temps qu'il avait pour se -préparer à une semblable tâche. «Vous pouvez, ajoutait-il, m'aider à -éviter ces inconvénients, si vous avez la bonté de penser un peu à ce -que vous diriez si vous étiez chargée du même emploi[213].» - - [213] Lettre du 5 septembre 1675.--Des nouvellistes littéraires - ont bâti sur cette donnée une véritable collaboration entre la - romancière et le prédicateur. On a pu lire, à plusieurs reprises, - dans les journaux, la découverte faite, _dans un vieux château de - Normandie_, du manuscrit original de l'_Oraison funèbre de - Turenne_, par Mascaron, couvert de notes manuscrites de la main - de Mlle de Scudéry. - -Moins ancienne, mais non moins glorieuse pour Mlle de Scudéry était -l'amitié du grand Leibnitz. Nous en avons des témoignages plus sérieux -que les vers adressés au perroquet de Sapho. A propos de la question de -l'amour divin, débattue entre Bossuet et Fénelon, le philosophe avait -dit: «De toutes les matières de théologie, il n'y en a point dont les -dames soient plus en droit de juger, puisqu'il s'agit de la nature de -l'amour.... Mais j'en voudrois qui ressemblassent à Mlle de Scudéry qui a -si bien éclairci les caractères et les passions dans les romans et dans -les conversations de morale[214].» - - [214] Foucher de Careil, _Lettres et Opuscules inédits de - Leibnitz_, 1854, in-8º, p. 254. - -De son côté, l'abbé Nicaise écrivait à Huet, le 9 août 1698: «J'avois -fait part à Mlle de Scudéry, qui est des amis de M. Leibnitz, de son -sentiment sur l'amour désintéressé, en lui disant qu'il n'étoit contraire -ni à M. de Meaux, ni à M. de Cambray, pour me venger un peu de quelques -vers de sa façon dont elle m'avoit régalé. Elle me répond qu'elle ne veut -point se mêler dans une dispute d'une matière si élevée, et qu'elle se -tient en repos en se bornant aux Commandements de Dieu, au Nouveau -Testament et au _Pater_. Car je crois, dit-elle, qu'une prière que -Jésus-Christ a composée lui-même ne contient pas un intérêt criminel, -quoique Mme Guyon la regarde comme une prière intéressée, ce qui -renverseroit les fondements du christianisme[215].» - - [215] Cousin, _Fragments philosophiques_, 5e édon.--_Philosophie - moderne_, 2e partie, 1866, in-8º, t. II, p. 182. - -Ces derniers mots nous amènent à la vieillesse de Mlle de Scudéry, aux -infirmités qui l'accompagnèrent et aux pensées sérieuses que lui -inspirèrent les approches du moment suprême. - -A ses amis qui lui promettaient l'immortalité, elle avait répondu: - - J'en quitterois ma part pour un siècle de vie, - -Ou mieux encore: - - J'y renoncerois par tendresse - Si mes amis n'étoient immortels comme moi[216]. - - [216] Voy. les Poésies. - -Ce siècle de vie, elle y toucha presque, et, depuis longtemps, les -approches s'en faisaient sentir. Dès 1689, Richelet, dans son _Choix des -plus belles lettres_, p. 295, insérant une épître de Balzac à elle, -ajoutait en note: «Plût à Dieu qu'elle pût continuer à travailler et -qu'elle fût encore en état de contenter ce qu'il y a de plus fin et de -plus délicat dans l'un et dans l'autre sexe! Mais - - Non, elle cède aux ans et sa tête chenue - Lui dit qu'il faut quitter les hommes et le jour, - Son sang se refroidit, sa force diminue, etc.» - -En dépit des vers: - - L'oreille est le chemin du cÅ“ur - Et le cÅ“ur l'est du reste, - -vers qui ont été attribués à Mlle de Scudéry, la surdité fut une des -infirmités qui se déclarèrent de bonne heure chez elle et s'accrurent -avec l'âge. Il y eut à ce sujet, au moins dès 1666, entre Cotin et -Ménage, un échange d'épigrammes latines et françaises. Le premier engagea -l'action par le quatrain suivant: - - Suivre la Muse est une erreur bien lourde, - De ses faveurs voyez le fruit: - Les écrits de Sapho menèrent tant de bruit - Que cette nymphe en devint sourde. - -Ménage riposta par une épigramme latine de 18 vers: - - Proh scelus! incautam carpis, malesane, puellam, - Nec pudet, et surdam surdior ipse vocas, etc. - -La querelle ainsi commencée continua sur le même ton. Les pièces en ont -été recueillies par Cotin lui-même sous le titre de la _Ménagerie_[217]. -Elle eut cela de particulier que le premier auteur de la guerre protesta -toujours de son respect pour celle qui en avait été l'occasion, et -prétendit que l'attaque était plus respectueuse que la défense, ce qui -donna lieu aux vers suivants: - - Quand le docte Cotin, l'amour des beaux esprits, - Veut plaindre de Sapho la surdité cruelle, - Il donne à sa disgrâce une cause si belle - Que l'on peut souhaiter d'être sourde à ce prix. - - [217] Voy. ce que nous en avons dit ci-dessus, p. 70. - -Et à ceux-ci: - - Je prends pour votre ami celui qui vous attaque, - Et pour votre ennemi celui qui vous défend. - -Cependant, Mlle de Scudéry s'était depuis longtemps résignée à vieillir. -Disons mieux, dès le temps de la _Clélie_, elle prenait l'avance sur la -vieillesse en traçant, avec une certaine complaisance, le portrait -d'Arricidie, qui était encore à Capoue l'arbitre du bon goût et du bon -ton, «quoiqu'elle n'eût jamais eu aucune beauté et qu'elle eût plus de -quinze lustres» (soixante-quinze ans). Or l'auteur n'en avait guère alors -que cinquante. Il faut lire ce portrait et l'agréable commentaire qu'en -fait un critique, en montrant que, contre l'ordinaire des romans, la -femme âgée a sa place dans la _Clélie_ et vieillit sans devenir inutile -ni déplaisante[218]. - - [218] _Clélie_, t. I, p. 297-301.--Saint-Marc Girardin, _Cours de - littérature dramatique_, t. III, p. 121. - -A partir surtout de 1692, la correspondance de Mlle de Scudéry avec -l'abbé Boisot renferme sur sa santé des plaintes qui vont en s'aggravant -d'année en année. «Mes genoux ne me permettent pas de monter et -descendre mon escalier sans peine et de me promener dans mon -jardin.»--«Ma santé est plus altérée qu'elle n'étoit, et je ne suis -encore payée de nulle part.» 12 mai et 16 juin 1694, etc., etc. - -Nous avons sur Mlle de Scudéry, dans les dernières années de sa vie, -l'impression de deux témoins oculaires qui lui rendirent visite à peu de -temps de distance. L'un et l'autre s'accordent à dire qu'elle avait -conservé un esprit encore vigoureux dans un corps en ruines, et la -comparent à une sibylle à qui il ne restait plus que la parole. Elle -avait alors à peu près 92 ans. Au premier de ces visiteurs, Martin -Lister, savant médecin et naturaliste anglais, elle montra, dans son -cabinet, un portrait de Mme de Maintenon, son amie de longue date, -qu'elle lui affirma être fort ressemblant, et qui, en effet, dit-il, -représentait une femme d'une beauté remarquable. L'autre était Mme du -Noyer, qui, dans ses _Lettres historiques et galantes_, a recueilli bien -des commérages mêlés à quelques vérités. A l'en croire, Mlle de Scudéry, -lorsqu'elle reçut sa visite, était tellement sourde qu'elle faisait -écrire par une tierce personne tout ce qu'on lui disait, et répondait -après avoir lu le papier sur lequel étaient couchés les discours de son -interlocutrice[219]. - - [219] Martin Lister, _A Journey to Paris_, 1699, pp. 93 et - 94.--_Lettres de Madame du Noyer_, 1757, t. I, p. 137. - -Dans les dernières années de sa vie, elle composa encore des vers à la -louange du Roi, sur l'avénement du duc d'Anjou au trône d'Espagne, sur -les victoires de nos armées, etc. «On aime à voir, dit un écrivain, la -noble fille, presque centenaire, soutenir jusqu'au bout l'honneur de -la grande génération dont elle était à cette date le dernier -représentant[220].» En effet, par sa longue existence, qui commence avec -les premières années du dix-septième siècle et le dépasse d'un an, qui -embrasse la fin du règne de Henri IV, celui de Louis XIII tout entier, -les deux ministères de Richelieu et de Mazarin, la jeunesse, la maturité -et la vieillesse de Louis XIV, il fut donné à Mlle de Scudéry d'être -contemporaine de Balzac, de Chapelain, de Voiture, de Corneille, de -Scarron. Elle a vu naître et mourir Molière, La Fontaine, Pascal, Racine, -Labruyère, et n'a précédé dans la tombe que de quelques années Bossuet, -Despréaux, Mascaron et Fléchier[221]. - - [220] Eug. Crépet, _Trésor épistolaire de la France_, t. I. p. - 237. - - [221] - - Balzac né en 1594, mort en 1660. - Chapelain 1595, + 1674. - Voiture 1598, + 1648. - Corneille 1606, + 1684. - Scarron 1610, + 1660. - Molière 1620, + 1673. - La Fontaine 1621, + 1695. - Pascal 1623, + 1662. - Bossuet 1627, + 1704. - Fléchier 1632, + 1710. - Mascaron 1634, + 1703. - Boileau 1636, + 1711. - Racine 1639, + 1699. - Labruyère 1644, + 1696. - -Outre les ouvrages cités par nous, elle en a publié quelques autres de -moindre importance[222]. Il est question dans les _Lettres de Mme de -Sévigné_, t. II, p. 258, d'un commentaire qu'elle avait composé sur -certains sonnets de Pétrarque, et Bosquillon parle à la fin de son Éloge -«de courtes prières pour tous les dimanches de l'année et d'autres sur -les 150 pseaumes, qu'elle avoit faites depuis longtemps pour son seul -usage et pour celui d'un de ses plus illustres amis.» - - [222] _Promenade de Versailles_ ou _Histoire de Célanire_. Paris, - Barbin, 1669, in-8º.--Les _Bains des Thermopyles_. Paris, veuve - Ribou, 1732, in-8º. C'est un épisode tiré du t. IX du _Grand - Cyrus_.--_Histoire de Mathilde d'Aguilar._ La Haye, 1736, - in-8º.--_Anecdotes de la cour d'Alphonse XIe du nom, Roi de - Castille._ Paris, 1756, 2 vol. in-12. - -Mlle de Scudéry, a dit M. Cousin, était pieuse sans être dévote, et la -justesse de cette appréciation ressort de plusieurs circonstances -énoncées par nous dans le cours de cette Notice. Ses _Conversations sur -divers sujets_ (1680) renferment un chapitre _Contre ceux qui parlent peu -sérieusement de la religion_. Elle y dépeint ces hommes qu'on appelait -alors des _libertins_, mais elle se refuse à admettre qu'il puisse y -avoir des femmes sans religion. Il est question ailleurs d'une certaine -Belinde à qui la dévotion ôta quelques amis, et elle ajoute: «Car, -quoique Belinde ait une piété fort solide, elle ne convenoit plus à un de -ces dévots de cabale qui, pour l'ordinaire, songent plus à concerter -l'extérieur de leurs actions qu'à régler le fond de leur propre -cÅ“ur[223].» - - [223] _Conversations morales_, 1686, t. II, p. 989. - -Nous avons déjà vu par la lettre à l'abbé Nicaise, citée plus haut, que -les sentiments religieux de Mlle de Scudéry s'accentuèrent davantage vers -la fin de sa vie. L'auteur de son Éloge nous la représente en proie, -pendant plusieurs années, à de vives douleurs causées par un rhumatisme -aux genoux et souffertes avec une résignation toute chrétienne, portant -dans un corps usé un esprit toujours serein. Nous reproduisons d'après -lui le touchant récit de sa mort, en l'abrégeant un peu, mais en lui -laissant toute sa naïveté. - -«Le 2 juin (1701) au matin, dit-il, elle se fit encore lever et habiller, -malgré un gros rhume mêlé de fièvre. Étant debout, elle se sentit -défaillir et dit: il faut mourir. Elle demanda le crucifix et le baisa. -On le posa devant elle, et elle demeura les yeux attachés dessus. Son -confesseur, qui demeuroit dans le voisinage et qui la voyoit souvent, ne -s'étant pas trouvé, on avertit le père de Furcy, capucin. On lui redonna -le crucifix. Comme il étoit un peu lourd, on voulut le lui ôter; mais -elle le reprit de sa main mourante en disant: Donnez, donnez-moi mon -Jésus. Elle l'appuya sur sa poitrine et, pendant qu'on lui donnoit la -dernière absolution, elle expira doucement dans le baiser du -Seigneur[224].» - - [224] _Eloge de Mlle de Scudéry_, par M. Bosquillon, dans le - _Journal des Savants_, du lundi 11 juillet 1701. - - -Ainsi mourut Mlle de Scudéry, à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. Deux -églises se disputèrent l'honneur de lui donner la sépulture, celle de -l'hôpital des Enfants-Rouges où elle avait dit souvent qu'elle souhaitait -d'être enterrée, et celle de Saint-Nicolas-des-Champs, qui était sa -paroisse depuis plus de cinquante ans. Le cardinal de Noailles, -archevêque de Paris, jugea en faveur de sa paroisse, où son corps fut -inhumé le 3 juin au soir[225]. - - [225] Voici la mention, inexacte quant à l'âge, que M. Jal a - relevée sur les registres de Saint-Nicolas. Ce fut le jeudi 2 - juin 1701 que décéda, en sa maison, rue de Beauce, «damoiselle - Magdeleine de Scudéry, fille, âgée de _soixante-et-quatorze_ ans, - ou environ.» Elle fut inhumée le lendemain 3 juin, à - Saint-Nicolas-des-Champs, sa paroisse. - - E. J. B. RATHERY. - - - - -APPENDICE[226]. - - [226] Voyez la _Notice_ page 17. - -(_Extrait des archives des Bouches-du-Rhône, cour des Comptes._--_Reg. -jurisprudentia_, _fo_ 289.) - - PROVISIONS DE LA CHARGE DE CAPPITAINE ET GOUVERNEUR DE LA TOUR - NOTRE-DAME-DE-LA-GARDE POUR GEORGE DE SCUDÉRY, SIEUR - D'AMBERVILLE, GENTILHOMME ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY. - - -Louis, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, comte de -Provence, Forcalquier et terres adjacentes, à tous ceux qui ces présentes -lettres verront, salut. La charge de cappitaine et gouverneur de la Tour -de Notre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de nostre pays de Provence, -estant à présent vaccante par la mort du sieur de Boys, dernier -possesseur d'icelle, et estant nécessère pour nostre service de la -remplir d'une personne qui ayt les bonnes qualitéz requises pour s'en -acquitter dignement, Nous avons creu ne pouvoir fère un meilleur choix -que de la personne de nostre cher et bien amé le sieur de Scudéry, sur la -confiance que nous prenons en ses sens, suffisance, valeurs, expérience -au faict des armes et en son affection et fidélité à nostre service, dont -il a rendu preuve en diverses occasions. A ces causes et autres bonnes -considérations à ce nous mouvans, nous avons ledict sieur de Scudéry -constitué, ordonné et establi, constituons, ordonnons et establissons, -par ces présentes signées de nostre main, cappitaine et gouverneur de la -ditte Tour de Nostre-Dame-de-la-Garde, vaccante, comme dit est, par la -mort dudict sieur de Boys, et ladicte charge luy avons donnée et -octroyée, donnons et octroyons pour en jouir aux honneurs, authoritéz, -prérogatives, gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens qui y -appartiennent, et telz et semblables dont a jouy ou deub jouyr ledict -sieur de Boys, le tout tant qu'il nous plairra, soubz l'authorité de -nostre trèz-cher et trèz-amé cousin le comte d'Aletz, gouverneur et -nostre lieutenant général en nostre province de Provence et, en son -absence, soubz celle du sieur comte de Carcèz, nostre lieutenant général -en ladicte province, et leurs successeurs ausdictes charges. Si donnons -en mandement à nostre trèz-cher et féal le sieur Seguier, chevalier, -chancelier de France, que, dudict sieur de Scudéry pris et receu le -serment en tel cas requis et accoustumé, il le mette et institue ou fasse -mettre et instituer de par Nous en possession de ladicte charge et -d'icelle, ensemble des honneurs, authoritéz, prérogatives, gaiges, -droicts, profficts, revenus et esmolumens dessusdicts, le face, souffre -et laisse jouyr et user plainement et paisiblement et à luy obéir et -entendre de tous ceux et ainsy qu'il appartiendra ez choses touchant et -concernant ladicte charge. Mandons en outre à noz améz et féaux -conseillers les trésoriers généraux de France en nostre dit pays de -Provence que par celuy de noz receveurs et comptables qu'il appartiendra, -qui a accoustumé de payer lesdicts gaiges et droictz, ilz le fassent -doresnavant payer et dellivrer par chascun an audict Scudéry, en la forme -et manière accoustumée, à commencer du jour et datte des présentes, -rapportant lesquelles ou coppie d'icelles deuement collationnées pour une -fois seulement, avec quittance sure et suffisante. Nous voulons tout ce -que payé et dellivré luy aura esté à l'occasion susdicte estre passé et -alloué en la despence des comptes de celuy de nos dicts receveurs et -comptables qui les aura payéz par noz améz et féaulx les gens de noz -comptes, ausquelz nous mandons ainsy le fère sans difficulté; car tel est -nostre plaisir. En tesmoing de quoy, nous avons faict mettre nostre scel -à ces dictes présentes. Donné à Monfrin, le vingt-neufvième jour du moys -de juin, l'an de grace MVIe XLII et de nostre règne le trente-troisième. -Signé Louis, et, sur le reply, par le Roy, comte de Provence, Sublet. -Scellées sur double queue du grand [scel] de cire jaune. - -Extraict des registres de la Cour des Comptes, Aydes et Finances. Sur la -requeste présentée par Georges de Scudéry, sieur d'Amberville, -gentilhomme ordinère de la Chambre du Roy, tendant à vériffication -et entérinement de lettres patentes par lesquelles Sa Majesté l'a -pourveu de la charge de cappitaine et gouverneur de la Tour de -Nostre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de Provence, vaccante par la -mort du sieur de Boys, dernier possesseur, pour en jouyr aux honneurs, -authoritéz, prérogatives, gaiges, droicts, profficts, revenus et -esmolumens y appartennans, telz et semblables qu'en jouyssoit ledict de -Bouys, soubz l'authorité du sieur comte d'Aletz, gouverneur et lieutenant -général en ladicte province et, en son absence, soubz celle du sieur -comte de Carcès, lieutenant général audict pays; veu lesdictes lettres -patentes données à Monfrin le vingt-neufviesme jour du moys de juin MVIC -XLII, signées Louis et, sur le reply, par le Roy comte de Provence, -Sublet, scellées sur double queue du grand scel en cire jaune; la -requeste dont est question appoinctée le dix-neufviesme jour du moys de -juin MVIC XLII, pour estre monstrée au procureur général du Roy; la -responce de son substitut n'empêchant ladicte vériffication et -enregistration, la requeste ce jourd'huy rechargée et rapportée par Me F. -Margaillet, conseiller du Roy en ladicte cour, et tout considéré; dict a -esté que la Chambre, ayant esgard à ladicte requeste, a vériffié et -entériné, entérine et vériffie lesdittes lettres patentes, pour jouyr -par l'impétrant dudict estat et charge de cappitaine du fort -Nostre-Dame-de-la-Garde, aux honneurs, authoritéz, prérogatives, -prééminences, franchises, libertéz, gaiges, droicts, fruicts, profficts, -revenus et esmolumens y appartenans, tels et semblables et tout ainsy -qu'en jouyssoit son devancier, à compter lesdicts gaiges déz le jour et -datte desdictes provisions, et au surplus suyvant la forme et teneur -d'icelles, à la charge que par le commissère qui sera depputté pour -mettre et installer ledict de Scudéry en possession dudict estat et -charge, il fera fère description de l'estat et qualité dudict fort, -ensemble inventère de l'artillerie, munitions et armes, équipage de -guerres, meubles qui seront en icelles, et de tout il se chargera -formement, aprèz deue conférance des inventaires cy devant faicts sur -l'installation dudict de Bouys et autres ses devanciers, sauf au -procureur général du Roy, en cas de défectuosité ou manquement, se -pourvoir contre iceux ainsy qu'il appartiendra. Et seront lesdictes -lettres registrées ez registres des archifz de Sa Majesté. Faict en la -Chambre des Comptes, Cour des Aydes et Finances du Roy en Provence, séant -à Aix, le XXIIe jour de juin MVIC XLIII, collationné, signé Mour. - - - - - CORRESPONDANCE - CHOISIE. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. CHAPELAIN[227] - - [227] Mss de Conrart, in-4º, t. V, p. 275. - - M. Cousin qui a reproduit cette lettre et la suivante, n'a pas - entrepris d'en expliquer les allusions. Nous avons dû aller plus - loin que lui. Leur comparaison avec les lettres de Balzac à - Chapelain des 15 mars, 15 et 29 avril 1639, et avec la lettre - inédite de Voiture au même, datée du 1er mars de la même année - (Mss Sainte-Beuve), nous a fourni l'explication suivante: La - comédie de l'Arioste _I Suppositi_ avait été à l'hôtel de - Rambouillet l'objet d'une polémique assez animée. Critiquée par - Voiture et par Mlle de Rambouillet, elle avait eu pour défenseurs - Chapelain, Mlle Paulet, Georges et Madeleine de Scudéry. Enfin - Voiture s'avoua vaincu et envoya à Chapelain une paire de gants, - enjeu du défi. - - - [Mars ou avril 1639.] - - Monsieur, - -Si l'on ne m'avoit assurée que les cris d'allégresse ne déplaisent jamais -aux victorieux, quelque modestes qu'ils soient, je ne mêlerois pas ma -voix à celles de tant d'illustres personnes qui prennent intérêt en votre -gloire, sachant bien qu'elle est trop peu considérable et trop foible -pour être entendue dans le même temps que cette adorable Lionne[228], -que vous avez placée au ciel avec tant de justice, témoigne par ses -rugissemens la joie qu'elle a de votre triomphe. Mais après m'être laissé -persuader que dans les réjouissances publiques chacun a droit de dire ses -sentimens, j'ose vous assurer, que quand M. de Balzac m'auroit donné -l'immortalité en me louant injustement dans une lettre[229], je ne serois -pas si satisfaite, que de voir que par son jugement il vous établit le -juge des autres. Et certes, à dire vrai, c'est un rang que vous méritez -si bien, qu'on ne doit pas peu de louanges à votre modestie de vous être -soumis à pouvoir être condamné; mais vous avez voulu rendre cette -déférence aux rares qualités de votre arbitre, et de votre ennemi qui, -certainement, ne s'est trouvé d'opinion contraire à la vôtre, que pour -avoir la gloire de vous combattre. Il faut avoir l'âme si haute et si -hardie, pour s'opposer à vos sentimens, que bien qu'il soit surmonté en -cette guerre, elle ne laisse pas de lui être avantageuse. Enfin, -Monsieur, comme elle n'est funeste pour personne, et qu'au contraire, -elle est glorieuse et pour le juge et pour les deux partis, on peut dire -que jamais victoire ne fut plus heureuse que la vôtre; que jamais vaincu -ne porta ce nom avec tant d'honneur; et que jamais vainqueur ne fut -couronné d'une main plus illustre. C'est tout ce que vous dira pour cette -fois, - - Votre, etc., - - -Si ce n'est pas trop de hardiesse que de vous demander la Comédie qui a -fait votre guerre, j'oserois vous supplier de me la prêter; afin qu'en -admirant ses beautés, mon frère et moi, admirions encore votre jugement. - - Votre, - - [228] Mlle Paulet, sur laquelle nous reviendrons plus loin, avait - dû ce surnom à son courage, à sa fierté, et à la nuance dorée de - ses cheveux. Chapelain avait composé sur elle en 1633 une pièce - de vers qu'on appelait le _Récit de la lionne_. - - [229] Balzac, qui s'était aussi déclaré pour l'Arioste dans la - discussion dont nous avons parlé, se prévaut, dans sa lettre du - 15 avril, de l'adhésion de Scudéry, et il ajoute: «Mais que - cette sÅ“ur qui écrit si élégamment et de si bon sens, est digne - de lui, et qu'elle est à mon gré une personne excellente! - Prêtez-moi, monsieur, une douzaine de vos paroles, pour lui faire - le compliment que je lui dois, et dites-lui que si j'étois le - légitime distributeur de cette immortalité dont vous parlez, elle - seroit assurée d'en avoir sa part.» - - -AU MÊME[230]. - - [230] Mss de Conrart, in-4º, t. V, p. 277. - - [Mars ou avril 1639.] - - Monsieur, - -Après avoir lu la Comédie[231] que vous m'avez fait l'honneur de me -prêter, je ne suis pas assez inconsidérée pour publier hardiment ce que -j'en pense. La médiocrité de mon esprit et mon ignorance sont des -raisons assez fortes pour m'en empêcher. Je vous dirai, pourtant, que si -quelque chose vous pouvoit faire douter de la justice de votre cause, -vous auriez lieu de le faire, dans la seule pensée que Mlle de -Rambouillet, qui, certainement, est la plus excellente personne de mon -sexe, désapprouve une chose que je trouve belle, qu'elle condamne un -intrigue qui me semble admirablement joli, et merveilleusement -conduit[232]; et qu'enfin, elle blâme un ouvrage où je n'aperçois point -de tache, et où le peu de lumière que j'ai me fait découvrir de grandes -beautés. Cette opposition de toutes choses, qui se voit entre l'opinion -de cette admirable personne et la mienne, doit, si je ne me trompe, vous -être suspecte, et vous porter encore une fois à examiner si la raison est -absolument contre elle; ou si, en cette rencontre, elle veut faire -paroître son esprit au préjudice de son jugement, si elle protège le -foible, ou si elle soutient ses sentimens propres; car, pour ne vous -déguiser pas les miens, je ne puis concevoir que vous soyez de parti -contraire; et lorsque je vous assure que je serai toujours du vôtre, je -ne puis m'imaginer que je ne sois pas toujours du sien. - -Je suis, Monsieur, votre très humble et très affectionnée servante. - - [231] _I Suppositi._ Cette comédie de la jeunesse de l'Arioste - n'est guère qu'une imitation de Plaute et de Térence. Mais - le prologue renferme un certain nombre d'équivoques dont - on s'explique que la pudeur de Mlle de Rambouillet et de - quelques-uns de ses amis des deux sexes ait pu prendre ombrage. - - [232] _Intrigue_ était alors du masculin ou des deux genres, - comme _équivoque_, _rencontre_, _affaire_, _énigme_, etc. - - -CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[233]. - - [233] Cette lettre, évidemment relative à la controverse sur les - _Suppositi_ de l'Arioste, trouve sa place naturelle à la suite - des deux précédentes. Nous l'empruntons à l'_Isographie_, avec - une lacune que nous n'avons pu remplir. - - - [Mars ou avril 1639.] - - Mademoiselle, - -Je n'étois pas bien de mon parti, même devant que d'avoir reconnu que -vous le teniez, et le respect que je dois à la Princesse[234] que j'ai -pour adversaire m'ôtoit la hardiesse de condamner des sentimens dont les -contraires jusqu'ici m'avoient semblé les seuls équitables. Mais à -présent que je vois les miens appuyés de votre autorité et protégés par -la valeur du généreux Astolfe[235] qui a daigné descendre du ciel pour -servir de champion à ma justice, je me détermine et veux bien désormais -être du nombre de mes partisans, pour soutenir ma propre cause, à -laquelle je me suis affectionné depuis seulement qu'elle est devenue la -vôtre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - - [234] Mlle de Rambouillet, qu'on appelait souvent la _Princesse - Julie_ dans sa société. - - [235] Georges de Scudéry. Voyez la lettre déjà citée de Balzac, - du 15 avril 1639. «C'est un dangereux homme que cet Astolphe,... - et j'aimerois mieux me réconcilier avec l'Arioste que de me - battre contre son chevalier. Pour moi, je mets son amitié au - nombre de mes meilleures fortunes, et suis tout glorieux du - nouveau témoignage qu'il m'en a rendu. Mais que cette sÅ“ur, - etc.» Suit le passage cité p. 144, note 229. - - -Ce seroit ici le lieu de vous rendre très-humbles grâces de la part que -vous avez voulu prendre en mes intérêts, si tous les devoirs et toutes -les reconnoissances n'étoient pas comprises dans la qualité véritable que -je prends, - - Mademoiselle, de - Votre très humble et très obéissant serviteur, - CHAPELAIN. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE ROBINEAU[236]. - - [236] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 189. - - Mlle Robineau, «fille déjà âgée en 1657,» suivant Tallemant. «Elle - a beaucoup d'esprit, dit le _Grand Dictionnaire des Précieuses_, - et est des bonnes amies de la docte Sophie (Mlle de Scudéry) qui - lui fait une confidence générale de tous ses ouvrages.» C'est la - Doralise du _Grand Cyrus_. Elle habitait le quartier du Marais. - - Rouen, le 5 septembre 1644. - - Mademoiselle, - -Je m'étonne assez que vous, qui n'aimez guère les nouvelles et qui ne -voyez jamais les relations de Renaudot[237], ayez souhaité que je vous en -fisse une de mon voyage, qui sans doute n'a rien de si remarquable ni de -si beau que le siége de Gravelines ni que l'action de M. d'Enghien. -Néanmoins, puisque vous le désirez, il faut vous obéir et contenter votre -curiosité par un fidèle récit de tout ce qui m'est arrivé. - - - [237] Théophraste Renaudot, fondateur de la _Gazette de France_ - dont il avait obtenu le privilége à la date de 1631, par la - protection du cardinal de Richelieu. - -Je ne m'arrêterai pas toutefois à vous dépeindre exactement la -magnificence de mon équipage, quoiqu'il y ait sans doute quelque chose -d'assez agréable à s'imaginer que les chevaux qui traînoient le char de -triomphe qui me portoit étoient de couleurs aussi différentes que celles -qu'on voit en l'arc-en-ciel: le premier étoit bai, le second étoit pie, -le troisième alezan, et le quatrième gris pommelé; et tous les quatre -ensemble étoient tels qu'il le faudroit à ces peintres qui aiment à faire -paroître en leurs tableaux qu'ils sont savants en anatomie, n'y ayant pas -un os, pas un nerf ni pas un muscle qui ne parût fort distinctement au -corps de ces rares animaux. Leur humeur étoit fort docile, et leur pas -étoit si lent et si réglé, qu'il n'y a point de cardinaux à Rome qui -puissent aller plus gravement au consistoire que je n'ai été à Rouen. -Aussi vous puis-je assurer que le cocher qui les conduisoit a eu tant de -respect pour eux pendant le voyage que, de peur de les incommoder, il a -quasi toujours été à pied. Ce n'est pas qu'il n'y ait lieu de croire -qu'il en usoit aussi de cette sorte pour se divertir et pour nous -désennuyer; car je puis vous dire sans mensonge qu'il aime fort la -conversation, et que de toute la compagnie, lui et moi n'étions pas les -plus désagréables. - -Mais, pour vous apprendre de quelles personnes cette compagnie étoit -composée, vous saurez qu'il y avoit avec nous un jeune partisan, déguisé -en soldat pour cacher sa profession, dont le manteau d'écarlate à gros -boutons d'or, les grosses bottes et les grands bas ne convenoient pas -trop bien à l'air de son visage; car enfin, avec tout l'appareil d'un -chevau-léger ou d'un filou, il ressembloit très fort à un solliciteur de -procès. Auprès de celui-ci étoit un mauvais musicien qui, craignant de -mourir de faim à Paris, s'en alloit demander l'aumône en son pays; et -quoique plusieurs personnes eussent beaucoup contribué à son habillement, -il ne lui en étoit pas plus propre. Le chapeau qu'il portoit ayant, à ce -que je crois, été autrefois à M. de Saint-Brisson[238], lui tomboit sur -le nez à cause de la petitesse de sa tête. Son collet ressembloit assez à -un peignoir; son pourpoint étoit à grandes basques, et ses chausses -approchoient fort de celles des Suisses. Enfin plus d'un siècle et plus -d'une nation avoient eu part à cet habit extraordinaire. La troisième -personne de cette compagnie étoit une bourgeoise de Rouen qui avoit perdu -un procès à Paris, et qui se plaignoit également de l'injustice de ses -juges et de la fange des rues. La quatrième étoit une épicière de la rue -Saint-Antoine, qui, ayant plus de douze bagues à ses doigts, s'en alloit -voir la mer et le pays, pour parler en ses termes. La cinquième, tante de -celle-là , étoit une chandelière de la rue Michel-le-Comte, qui, poussée -de sa curiosité, s'en alloit avec elle voir la citadelle du Havre; la -sixième étoit un jeune écolier, revenant de Bourges prendre ses licences, -et se préparant déjà à plaider sa première cause. La septième étoit un -bourgeois poltron qui craignoit toute chose, qui croyoit que tout ce -qu'il voyoit étoit des voleurs, et qui n'apercevoit pas plutôt de loin -des troupeaux de moutons et des bergers, qu'il se préparoit déjà à leur -tendre sa bourse, tant la frayeur décevoit son imagination. La huitième -étoit un bel esprit de Basse-Normandie, qui disoit plus de pointes que M. -l'abbé de Franquetot n'en disoit du temps qu'elles étoient à la mode, et -qui, voulant railler toute la compagnie, en donnoit plus de sujet que -tous les autres. La neuvième étoit mon frère, dont j'allois vous -dépeindre, non pas la mine, la profession ni les habillemens, mais les -chagrins et les impatiences que lui donnoit une si étrange voiture, s'il -n'eût retranché une partie de mon histoire, en obtenant de ma bonté de ne -vous en dire rien. - - [238] Louis Séguier, baron de Saint-Brisson et prévôt de Paris. - C'était un soupirant de Mlle Paulet, personnage ridicule dont il - est souvent question dans les chansons du temps. - -Une si belle assemblée doit sans doute vous persuader que la conversation -en étoit fort divertissante. Le partisan, quoique se voulant cacher, en -revenoit toujours au sol pour livre. Le musicien, quoique plus incommode -par sa voix que le bruit des roues du coche, vouloit toujours chanter. La -bourgeoise qui avoit perdu sa cause ne faisoit que des imprécations -contre son rapporteur. L'épicière, curieuse de voir le pays, dormoit tant -que le jour duroit, excepté quand il falloit dîner ou descendre des -montagnes. La chandelière ne pouvoit se lasser d'admirer le plaisir -qu'elle auroit de voir dans les magasins de la citadelle une quantité -prodigieuse de mèches qu'elle jugeoit y devoir être, vu le nombre des -mousquets qu'elle avoit ouï dire qu'on y voyoit. Tantôt elle souhaitoit -d'en avoir autant dans sa boutique, tantôt que ce fût elle qui la vendît -à cette garnison. Enfin on peut dire que nous sortîmes du coche fort -honorablement, c'est-à -dire tambour battant par la voix du musicien, et -mèche allumée par notre chandelière, qui, tant que nous marchâmes de -nuit, eut toujours une chandelle à la main pour nous éclairer dans le -coche. Pour le jeune écolier, il ne parloit que de droit écrit, de -coutumes et de Cujas. D'abord je crus que ce garçon déguisoit ce nom et -que c'étoit de feu Cusac qu'il vouloit parler, quoique ce qu'il en disoit -n'y convînt pas; mais je sus enfin que Cujas étoit un ancien docteur -jurisconsulte, que cet écolier alléguoit sur toutes choses. Si l'on -parloit de la guerre, il disoit qu'il aimoit mieux être disciple de Cujas -que soldat; si l'on parloit de voyages, il assuroit que Cujas étoit connu -partout; si l'on parloit de musique, il disoit que Cujas étoit plus juste -en ses raisonnemens que la musique en ses notes; si l'on parloit de -manger, il juroit qu'il aimeroit mieux jeûner toujours que de ne lire -jamais Cujas; si l'on parloit de belles femmes, il disoit que Cujas avait -eu une belle fille[239], et que, quoique vieille, elle n'est point -encore laide. Enfin Cujas étoit de toutes choses, et Cujas m'a si fort -importunée que voici la première et la dernière fois que je l'écrirai et -le prononcerai en toute ma vie. Pour le poltron, il vous est aisé de vous -imaginer que sa conversation ne ressembloit pas à celle d'un gascon, et -que celle du bel esprit avoit beaucoup de rapport avec celle de feu M. de -Nervèze[240]. - - [239] Suzanne Cujas, fameuse par ses dérèglements. Elle était née - en 1587, et Catherinot en nous donnant sa _Vie_, 1664 in-8º, a - négligé de nous instruire de la date de sa mort. On voit qu'elle - vivait encore en 1644. - - [240] Antoine de Nervèze, littérateur des plus médiocres, dont - les vers, dit l'Estoile, se vendaient deux sols sur les quais de - Paris. - -Après cela ne m'en demandez pas davantage, car je n'ai plus rien à vous -dire sinon que je ne dormis point la nuit que je couchai à Magny, que de -ma vie je ne fus si lasse que lorsque j'arrivai à Rouen, non pas comme a -dit magnifiquement M. Chapelain parlant de la lune, - - Dedans un char d'argent environné d'étoiles, - -mais oui bien - - Dedans un char d'osier environné de crotte. - -Tout à bon, je pense que si je n'eusse eu peur qu'avec l'aide de ces -admirables lunettes que l'on peut quasi dire qui arrachent les astres du -ciel, vous n'eussiez découvert le coche et n'eussiez remarqué une partie -de ce que je viens de dire, je pense, dis-je, que je ne vous en aurois -rien appris, tant cet équipage étoit burlesque. Après vous l'avoir -dépeint si étrange, je n'oserois quasi vous apprendre qu'en ce lieu-là je -me souvenois de vous, de peur que, comme vous avez l'imagination -délicate, vous ne trouviez mauvais que votre image seulement ait été en -un si bizarre lieu. Mais pour vous consoler de cette aventure, j'ai à -vous dire qu'il y avoit aussi bonne compagnie dans mon cÅ“ur qu'elle -étoit mauvaise dans le coche; et pour empêcher ces figures extravagantes -d'y faire aucune impression, je l'avois tout rempli de Mlle Paulet, de M. -de Grasse, de Mme Aragonnais, de Mlles ses sÅ“urs, de M. Chapelain, de M. -Conrart, de Mlle de Chalais, de M. de la Mesnardière, de Mme et Mlles de -Clermont et de vous[241]. Si bien que rappelant tout ce que j'aime à mon -secours, je fis en sorte que ce que je pensois d'agréable fût plus -puissant que ce que je voyois de fâcheux; et j'eus plus de joie à me -souvenir de tant d'excellentes personnes, et à espérer qu'elles me -faisoient l'honneur de se souvenir quelquefois de moi, que je n'eus de -peine à souffrir les importunités d'une mauvaise compagnie. Ayez, s'il -vous plaît, la bonté de leur faire agréer cet innocent artifice et de -leur rendre grâce de m'avoir sauvée de la persécution que j'aurois eue, -si elles ne m'avoient pas donné lieu de me souvenir agréablement de tous -les bons offices que j'en ai reçus. Pour vous, Mademoiselle, je ne vous -rends point de nouveaux remercîments, car ne pouvant aujourd'hui vous -parler tout à fait sérieusement, ce sera pour une autre fois que je vous -dirai que personne ne vous connoit mieux ni ne vous estime davantage que -moi, que personne ne vous est plus obligée que je vous la suis, que -personne aussi n'en est plus reconnaissante, et qu'enfin personne ne sera -jamais plus véritablement ni plus sincèrement, - - Mademoiselle, - Votre très humble et très passionnée servante. - - [241] Nous aurons occasion de revenir sur la plupart de ces noms. - - -A MADEMOISELLE PAULET[242]. - - [242] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 185. - - Angélique Paulet, fille de Charles Paulet, inventeur de l'impôt - dit _la Paulette_, était l'une des plus anciennes amies de Mlle de - Scudéry, qui l'a peinte dans le _Grand Cyrus_ sous le nom d'Élise. - - En Avignon, le 27 novembre 1644. - - Mademoiselle, - -Bien que ce soit l'opinion commune qu'il y a quelque douceur à raconter -les périls passés, je ne vous dirai toutefois que bien vite que nous -avons pensé faire deux fois naufrage sur le Rhône, de peur que, comme -vous avez l'imagination délicate et le cÅ“ur sensible pour vos amies, -vous n'eussiez encore un sentiment de douleur pour un accident qui n'est -point arrivé et qui même ne peut plus arriver, étant bien résolue à ne -repasser jamais sur une si fâcheuse rivière. Ce n'est pas que je n'aie -trouvé sur ses rives de quoi me divertir et de quoi vous plaire; car vous -saurez, Mademoiselle, que mon frère et moi ayant été nous promener un -soir que nous étions arrivés à la couchée d'assez bonne heure, il me fit -voir, au lieu où nous étions, des marques de la valeur d'une personne en -qui vous prenez beaucoup d'intérêt. L'hôtellerie où nous étions logés -n'étoit qu'une vieille ruine de maison, où depuis quelque temps on a -remis quelques portes à demi-rompues, et cela au pied d'un grand rocher -et au milieu d'un amas de bâtiments détruits, où à peine voit-on encore -les vestiges d'une ville. Cette sauvage retraite ne me fit pourtant point -murmurer contre ceux qui l'ont rendue telle; au contraire comme ces -funestes ruines sont des monumens éternels pour leur gloire, j'ai -souffert sans m'en plaindre toute l'incommodité d'un si mauvais logement, -par la seule pensée que le Pouzin, qui est le lieu où nous étions, avoit -été autrefois pris par M. d'Aiguebonne[243] que secondoit M. de -Lesdiguières en cette occasion. L'hôte chez qui nous étions, et qui pour -sa condition a assez d'esprit, nous raconta tant de merveilles de sa -conduite et de son courage à la prise de cette place, qu'il y a lieu de -croire que, s'il eût fait cette action du temps qu'on élevoit des -statues à ceux qui faisoient de grandes choses, nous aurions trouvé la -sienne sur les bords du Rhône. J'ai cru, Mademoiselle, que je devois vous -apprendre, et que ce ne seroit pas vous déplaire que de vous dire que, si -M. de Chaudebonne peut légitimement passer pour un saint de la nouvelle -Rome, M. son frère auroit été un des héros de l'ancienne. - - [243] Il avait été lieutenant-général. Lui et son frère cadet, M. - de Chaudebonne, étaient des familiers de l'hôtel de Rambouillet. - -Mais pour m'éloigner promptement d'une rivière où je ne veux plus -retourner, je vous dirai qu'en arrivant ici, la première chose que je -vis, en mettant la tête à la fenêtre, fut M. de Berville, qui étoit logé -de l'autre côté de la rue, et qui étoit près de partir pour Aix. A -l'instant même mon frère le fut voir; mais comme la bienséance ne me -permettoit pas de faire la même chose, et qu'il ne me fit pas l'honneur -de me demander, quoiqu'il n'y eût que quatre pas de lui à moi, ce ne sera -qu'à Marseille que je le verrai, si à votre considération il me fera -cette grâce. - -Au reste, Mademoiselle, je ne puis m'empêcher de vous dire qu'étant allés -voir le tombeau de la belle Laure, qui est dans les Observantins d'ici, -il se trouva un religieux de cette maison, ancien ami de mon frère, qui -le pressa longtems de prendre une chambre dans leur couvent, et qui me -proposa d'en prendre une qui touchoit leur cloître, avec la liberté, -moyennant la permission du supérieur, de m'aller promener dans leurs -jardins qui sont tout remplis d'orangers. Je vous laisse à penser, -Mademoiselle, si je fus surprise de cette courtoisie qui m'étoit offerte -à quatre pas d'une maison où logent messieurs de l'Inquisition. Ce bon -religieux, après m'avoir montré le tombeau de Laure et raconté les amours -de Pétrarque, me fit quérir une boîte de plomb que l'on trouva dans un -cercueil où il y a une médaille où est la figure de cette belle, et où -sont des vers écrits de la main de Pétrarque, et d'autres de François -Ier, qui fit refaire ce tombeau. Mais ce qu'il y a de plus surprenant, -c'est que ces bons pères tiennent cette boîte dans le même lieu où l'on -tient les reliques et tout ce qui sert à l'autel. Cependant cela se fait -dans les terres du Pape, et comme je l'ai déjà dit, à quatre pas des -Inquisiteurs. Je vous laisse à juger de quelle humeur doivent être les -dames en un lieu où les religieux les plus réformés agissent ainsi. Tout -à bon[244] cela a quelque chose de si plaisant que l'on ne peut se -l'imaginer, à moins que de l'avoir vu; car pour moi qui ne les ai -rencontrées qu'aux églises, je ne laisse pas de m'imaginer aisément de -quelle façon elles vivent en conversation. Premièrement, il est à -remarquer qu'en tout Avignon je n'ai vu que trois mouchoirs à plus de -mille femmes que j'y ai vues en dévotion; et ce qui est encore de plus -surprenant, c'est que je n'y ai pas vu une seule gorge. Aussi, veux-je -croire que ce n'est que celles qui en ont qui la cachent, et que c'est -par mortification que celles qui n'en ont point se mettent en état que -personne n'en puisse douter. Mais je ne songe pas que je ne vous -entretiens que de folies; pardonnez cette liberté à une personne qui vit -sans contrainte avec vous, et qui ne se pique pas de bel esprit en vous -écrivant. Comme nous devons partir demain et qu'il est tard, je ne vous -dirai plus rien, si ce n'est que je suis très humble et très obéissante -servante de Mme et de Mlles de Clermont[245], très passionnée de Mlle de -Chalais, très humble de M. Chapelain et de M. de la Mesnardière, et que -ce sera bientôt de Marseille que je vous offrirai les complimens de mon -frère et que vous recevrez ceux de - - Votre très humble et très affectionnée servante, etc. - - [244] Locution familière à l'auteur. - - [245] La marquise de Clermont d'Entragues et ses deux filles, - Louise et Marie de Balzac. - - -A LA MÊME[246]. - - [246] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 173. - - Marseille, 13 décembre 1644. - - Mademoiselle, - -Enfin, après avoir plusieurs fois pensé faire naufrage, je suis arrivée -au port de Marseille assez heureusement. Mais quelque douceur que l'on -puisse trouver à se reposer après la fatigue d'un long voyage, je n'en ai -néanmoins point senti de plus grande que celle que je trouve à m'imaginer -que du moins je ne m'éloigne plus de vous. Cette pensée a certainement -quelque chose qui flatte mon esprit, qui le délasse et qui le console -plus que tous les divertissements que l'on tâche de me donner aux lieux -où je suis. Ce n'est pas que je n'aie trouvé à Marseille toute la -civilité et toute la courtoisie possible, et comme je sais que vous -n'êtes pas marrie de savoir tout ce qui arrive à mon frère et à moi, il -faut que je vous rende compte de quelle façon l'on nous traite ici. Vous -saurez donc, Mademoiselle, que nous avons trouvé en Mme de Mirabeau[247] -une des meilleures et des plus obligeantes femmes du monde; car elle ne -sut pas plus tôt que nous étions ici, qu'elle et Mme de Morge, sa sÅ“ur, -vinrent pour nous obliger de prendre leur maison; mais comme nous ne le -voulûmes pas faire, elles se virent contraintes de nous instruire de la -coutume de la ville, qui est d'être trois ou quatre jours sans sortir -pour attendre les visites de ceux qui veulent nous en rendre. Et comme -nous avions quelque répugnance à suivre cet ordre, elle nous dit que tout -le monde de Marseille se tiendroit outragé et croiroit que nous ne -voudrions pas le voir, si nous en usions autrement. Le lendemain donc, et -quatre jours depuis, mon frère et moi avons gardé la chambre. A vous dire -le vrai, ce n'a pas été sans voir de plaisantes choses; car, pour vous -les dire comme elles se sont passées, je ne pense pas qu'il y ait un seul -homme de quelque considération dans Marseille qui n'y soit venu, soit -des gentilshommes, des consuls, des officiers de galère, des juges, des -ecclésiastiques, des avocats, des marchands, des matelots et même des -forçats; et pour les femmes, le nombre en est si grand que j'ai été -contrainte d'en faire un rôle, qui présentement se monte à quarante-deux -maisons différentes, où il faut que j'aille, qui veulent dire plus de -quatre-vingts personnes qu'il faut demander. - - [247] Ce devait être Anne de Pontevez, mariée en 1620 à Thomas, - marquis de Mirabeau. - -Je vous laisse à juger, Mademoiselle, si, de l'humeur dont je suis, je -n'ai pas là une occupation bien divertissante. Mais ce qu'il y a de rare -est que, de tout ce grand nombre de femmes, il n'y en a pas plus de six -ou sept qui parlent françois; si bien que cela fait une si plaisante -conversation que, si je vous la pouvois dépeindre, je vous en ferois -rire. J'ai toutefois cet avantage, sans que je puisse dire comme je l'ai -acquis, que j'entends assez bien le provençal, et qu'ainsi je ne laisse -pas de les entretenir, mais c'est d'une manière si plaisante qu'il faut -l'avoir vu pour le comprendre. Le plus fâcheux est qu'il les faut -conduire jusques au milieu de la rue, et qu'à chaque porte il faut une -heure de compliment. J'espère toutefois n'être pas longtemps en cette -peine; car, comme elles passent toutes leur vie à jouer à un jeu qui -s'appelle le basècle, que sans doute elles aiment pour son antiquité, et -qu'il n'y en a que trois ou quatre qui ne jouent que par complaisance, -quand je leur aurai rendu leurs visites, je pense qu'elles me laisseront -en repos, du moins le souhaité-je ainsi. Après ces quatre jours de -cérémonie, Mme de Mirabeau nous a traités magnifiquement. Elle a été -imitée de quelques autres, un desquels nous a donné à dîner avec une -prodigalité de Montoron[248]; car enfin il y avoit six services -admirablement beaux et bons: les perdrix, les bisques, les ortolans, les -entremets, les gelées, les conserves, les muscats, les hypocras, les -limonades, les fruits et les confitures sèches et liquides y étoient avec -une abondance inconcevable. Mais, après tout, au milieu de ce paradis des -Turcs, je disois en moi-même, en songeant à vous, un vers que Malherbe a -dit autrefois, parlant de Mme d'Auchy[249]: - - Où Caliste n'est pas, c'est là qu'est mon enfer. - - [248] Montauron, financier connu par son faste et par la dédicace - de _Cinna_. - - [249] La vicomtesse d'Auchy célébrée par Malherbe. - -Tout à bon, Mademoiselle, je n'ai point surpris mon esprit avec un moment -de plaisir tranquille depuis que je suis hors d'auprès de vous. Mais, -pour n'oublier rien à vous dire, vous saurez encore que le lieutenant que -mon frère a mis à Notre-Dame-de-la-Garde, et qui est un assez honnête -homme et assez riche, nous y a aussi donné à dîner le premier jour que -nous y avons été. Je ne vous dépeindrai point, s'il vous plaît, cette -cérémonie qui ne vous ferait point ouïr le bruit des canons, car la -distance des lieux ne le permet pas; mais je vous dirai qu'en vérité -Notre-Dame-de-la-Garde est le plus beau lieu de la nature par sa -situation. De la façon dont la place est disposée, il y a quatre aspects -différents qui sont admirables. D'un côté, l'on a le port et la ville de -Marseille sous ses pieds, et si près, que l'on entend les hautbois de -vingt-deux galères qui y sont; de l'autre, l'on découvre plus de douze -mille bastides, pour parler en termes du pays; du troisième, on voit les -îles et la mer à perte de vue; et du quatrième, sans rien voir de tout ce -que je viens de dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé de -pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude sont aussi -affreuses que l'abondance est agréable de tous les autres endroits. -Aussitôt que je fus arrivée à ce bel hermitage, ma première pensée fut de -demander au prieur de Notre-Dame-de-la-Garde, qui nous y dit la messe, où -étoit le tombeau de feu M. de Mévouillon[250]; et comme il me l'eut -montré, ma première dévotion fut pour cet illustre mort. - - [250] La baronnie de Méouillon, Mévouillon ou Mévolhon - (_Medullio_ en latin), était une des plus anciennes de la - Provence. Il s'agit probablement ici de Bon, baron de Mévouillon, - gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde en 1591, et qui joua un rôle - important dans les troubles de Marseille à cette époque. - -Vous me ferez, s'il vous plaît, la grâce de dire à Mlles de Clermont que, -n'étant pas en lieu de leur pouvoir rendre d'autres devoirs, j'ai du -moins rendu ce pieux office à un de leurs devanciers. Je me serois donné -l'honneur de leur écrire, aussi bien qu'à Mme leur mère, sur la perte -qu'elles ont faite; mais je vous avoue ma foiblesse: il y a si longtemps -que la mort est introduite dans le monde et qu'il y a des gens qui en -écrivent et qui en parlent, que je ne trouve plus rien à en dire. -Sincèrement, Mademoiselle, je ne sais si j'ai déjà pris le mal du pays, -mais j'ai l'esprit si fainéant, si grossier et si stupide, qu'il m'a été -impossible d'oser entreprendre d'écrire deux lettres sur ce sujet. Mais, -pour réparer ce manquement, il faudroit que vous m'apprissiez qu'il fût -arrivé un grand bonheur à ces excellentes personnes; car je ne doute -point que l'extrême joie que j'en aurois ne me fît trouver l'art de leur -témoigner et de leur persuader que je suis certainement une de leurs plus -passionnées servantes. En attendant cette agréable nouvelle, vous me -ferez la faveur de les assurer de la continuation de mon très humble -service, et vous me ferez aussi la grâce de faire encore mes complimens à -M. Conrart. Pour M. Chapelain, quoi que vous m'en disiez, il n'est point -jaloux de lui; c'est une flatterie que vous m'avez écrite, qu'il -désavoueroit sans doute, s'il la savoit. Il y a deux choses qui font -qu'il ne le sauroit être: l'une, de ce qu'il est assuré du rang qu'il -tient dans mon esprit, et l'autre, que je ne suis pas assez bien dans le -sien. Vous savez, Mademoiselle, que cette passion en dit une autre; c'est -pourquoi songez une autre fois un peu mieux à expliquer ses véritables -sentiments. Quand j'aurai rendu une partie des visites que j'ai à faire, -peut-être lui demanderai je un peu plus sérieusement la continuation de -son amitié; car, pourvu que je ne lui écrive qu'une fois ou deux en un -an, je pense que _la Pucelle_ n'aura pas sujet de s'en plaindre. - -Au reste, Mademoiselle, je vous demande pardon si je vous entretiens si -longtems, et de choses si peu raisonnables; mais songez que vous êtes ma -plus grande consolation dans mon exil. J'ai eu une douleur extrême de -n'avoir point reçu de vos nouvelles par cet ordinaire. Je sais que c'est -être inconsidérée que d'abuser de votre loisir comme je fais; mais vous -êtes bonne, vous me l'avez permis, et j'en ai grand besoin. Faites donc, -s'il vous plaît, lorsque vous ne pourrez pas me faire la faveur de -m'écrire, que M. Major m'apprenne, au moins par un billet, l'état de -votre santé, afin que mon imagination ne me fasse pas sentir des malheurs -qui ne me sont peut-être pas arrivés. Si je suivois l'intention de mon -frère, j'allongerois encore ma lettre pour vous persuader fortement qu'il -est votre serviteur très-humble et très-passionné; mais comme l'heure me -presse, je ne vous dirai plus rien, sinon que je suis toujours de toute -mon âme, - - Mademoiselle, - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - -A MADEMOISELLE DE CHALAIS[251]. - - [251] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 181. - - Mlle de Chalais était dame de compagnie de la marquise de Sablé et - amie intime de Mlle de Scudéry et de Mlle Paulet. - - - A Marseille, le 13 décembre 1644. - -Comme Mlle Paulet connoit mon cÅ“ur, et qu'elle sait la tendresse que -j'ai pour vous et le plaisir que je sens à recevoir de vos nouvelles, -elle m'avoit fait espérer par l'autre ordinaire que vous m'en donneriez -par celui-ci; et je m'étois entretenue si agréablement en cette attente, -que la privation d'un bien qui m'est si cher m'a donné plus de douleur -que l'espérance ne m'avoit donné de joie. J'ai pourtant été assez -équitable pour ne vous accuser pas; j'ai eu du déplaisir, mais je n'ai -pas eu de colère, et si j'ai eu quelque injustice, ça été contre -l'aimable personne qui m'avoit promis un si grand plaisir. - -Ne vous imaginez pourtant pas, ma chère amie, que ce désir extrême que -j'ai d'avoir quelquefois de vos lettres soit un effet de la foiblesse de -mon amitié, et qu'elle ait absolument besoin de ces petits soins pour se -maintenir; non, ce n'est point là ma pensée, et quand vous ne me diriez -jamais que vous avez de l'affection pour moi, puisque vous me l'avez dit -une fois, je ne laisserois pas de le croire. Mais la véritable raison qui -fait que je le souhaite avec tant d'ardeur, est que je prévois bien que -j'aurai grand besoin de ce secours pour adoucir l'ennui de mon exil. Je -vous avoue ingénûment que je n'ai point l'esprit assez stupide pour -m'accoutumer facilement avec ceux qui le sont, et que je ne l'ai pas non -plus assez fort ni assez rempli pour trouver en moi-même de quoi me -satisfaire. Je suis demeurée en une certaine médiocrité qui ne sert qu'à -faire connoître le mal, mais qui ne le surmonte pas. Si j'étois de -l'humeur de ceux qui aimeroient mieux être l'admiration des sots que de -ne l'être de personne, je pourrois peut-être assez facilement imposer une -partie de ce que je voudrois aux gens de ce pays-ci, étant certain que -parce que je viens de Paris, ils ont assez d'inclination à approuver tout -ce que je fais; mais comme je n'ai pas l'humeur tyrannique, et que, si je -régnois, je voudrois régner légitimement, je n'apporterai nul soin à -l'établissement d'un empire si peu glorieux, et qui seroit si mal acquis. -Dans les choses de l'esprit, ce n'est pas assez de vaincre, il faut -encore que ceux que l'on surmonte soient eux-mêmes capables d'en -surmonter d'autres, et c'est enfin aux vaincus à faire la principale -gloire des victorieux. Si les Espagnols, en conquêtant les Indes, avoient -eu des ennemis redoutables, ils auroient égalé la gloire des plus -illustres héros; mais parce qu'ils ont tué à coups de canon des hommes -qui ne se défendoient point, et qui même ne se pouvoient défendre, -puisqu'ils n'avoient point d'armes, ils passent plutôt parmi le nombre -des usurpateurs que des conquérants. Souffrez, s'il vous plaît, cette -comparaison historique d'une personne qui ne vous l'auroit pas écrite, si -elle étoit seulement à cinquante lieues plus près de Paris, mais qui -pense avoir droit de vous parler de cette manière dans une ville où il se -trouve une demoiselle[252] belle et jeune, qui dans ses conversations -ordinaires, cite souvent, si j'ai bien retenu, Trismégiste, Zoroastre et -autres semblables messieurs qui ne sont pas de ma connoissance. -Sérieusement, c'est dommage que la personne dont je vous parle n'a été -élevée dans le monde, étant certain que c'est un des plus beaux naturels -de femme que j'aie jamais remarqué en aucune femme de province. Elle est, -comme je vous l'ai déjà dit, belle, jeune et de bonne mine; elle parle -françois comme si elle étoit née à Paris, et naturellement elle est fort -éloquente; elle entend l'espagnol, l'italien, le latin et même le grec; -elle est fort douce, fort civile et de fort bonne maison. Cependant, -parce qu'elle n'a pas l'art de cacher une partie des trésors qu'elle -possède à des gens qui ne la connoissent pas, ils prennent pour du verre -et pour du cuivre de l'or et des diamants; et l'injustice qu'on lui fait -ici est si grande que je n'oserai la voir souvent, de peur de me charger -de la haine publique. - - [252] Mlle Diodée. Voy. la _Notice_, p. 26 et suiv. - -Jugez, d'après cela, ma chère, si j'ai raison d'implorer votre secours en -un lieu où il n'est pas même permis de jouir du seul bien qui s'y -trouve. Ne me refusez donc pas, je vous en supplie, et si ce n'est point -trop vous demander, ayez quelquefois la bonté d'assurer Mme la -marquise[253] que de toutes celles qui ont de la vénération pour elle, je -suis la plus passionnée pour son service, et qu'en cette considération il -me doit être permis de porter la glorieuse qualité de sa très-humble et -très-obéissante servante. Et comme je suis privée d'entretenir les -personnes que j'aime, faites au moins que j'aie la satisfaction de savoir -qu'elles s'entretiennent quelquefois de moi. Parlez-en donc avec notre -chère Angélique[254], avec Mlle Robineau, avec M. Conrart, avec M. -Chapelain, et si vous jugez que Mme de Motteville et Mlle sa sÅ“ur[255] -ne m'aient pas oubliée, assurez-les que j'eus un extrême regret de partir -sans leur dire adieu; mais comme elles n'étoient pas à Paris, c'est un -malheur dont je ne suis pas coupable. Quand je serai un peu -désembarrassée d'un nombre infini de visites qu'il faut que je rende, je -me donnerai l'honneur de leur écrire et de les assurer que je suis -toujours leur très-humble servante. - - [253] De Sablé. - - [254] Mlle Paulet. - - [255] Mme de Motteville a rendu hommage à Mlle de Scudéry dans - ses _Mémoires_. 1855, t. III, p. 239.--Sa sÅ“ur, Mlle Bertaut, - avait été surnommée _Socratine_ à cause de sa sagesse et de sa - douceur. - -Adieu, je suis si pressée que je n'ai pas le temps de relire ma lettre. -Pardonnez-moi donc toutes les fautes que j'y aurois peut-être corrigées, -et toutes celles aussi que je n'y aurois pas remarquées. Après cette -protestation d'imprimeur, je n'oserai quasi vous dire que je suis votre -très-humble et très-passionnée servante, etc., etc. - - -A MADEMOISELLE PAULET[256]. - - [256] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 161. - - - Marseille, 27 décembre 1644. - - Mademoiselle, - -Vous pouvez juger par l'inquiétude que je vous ai témoigné avoir de votre -silence, combien votre lettre m'a donné de joie. Elle a été si grande, -que ceux qui me l'ont vue recevoir et qui me l'ont vue lire ont cru que -l'on m'avoit mandé que l'on me donnoit pour le moins cent mille écus; car -comme les gens d'ici ont l'esprit fort intéressé, ils ne sont sensibles -aux plaisirs que lorsqu'ils leur sont utiles. Mais après leur avoir dit -que votre lettre ne m'apprenoit rien de plus agréable que la continuation -de l'amitié de la personne qui me l'écrivoit, il a fallu, pour me -justifier auprès d'eux, leur faire voir votre nom, tant il est vrai que -la joie que j'ai eue a été grande, et tant il est vrai qu'ils ont eu -peine à croire que, ne s'agissant ni d'amour ni d'avarice, il fût -possible que j'eusse tant de satisfaction d'une lettre d'une de mes -amies. Jugez de là , Mademoiselle, à quel point l'amitié est connue ici, -et si vous devez craindre que je vous fasse infidélité. Cependant, je -vous dirai que comme l'on ne change pas son destin en changeant de -lieux, et que ceux qui sont malheureux, le sont partout, il y a lieu de -craindre que nous ne puissions pas faire mettre Notre-Dame-de-la-Garde -sur le pays[257]. Ce n'est pas que la chose ne dépende pas absolument de -M. le comte d'Alais[258], mais c'est que nous venons d'apprendre que -l'assemblée générale du pays est terminée au second de janvier, et -qu'ainsi il sera impossible de tirer utilité des bons offices de M. -Chapelain. Mon frère et moi ne laisserons pas de lui en être infiniment -redevables; car ce n'est pas par les événements, mais par les intentions, -qu'il faut mesurer les obligations que nous avons à nos amis. A la -première occasion, je lui en témoignerai notre reconnoissance; mais, en -attendant, si vous le voyez, vous l'assurerez de l'estime et de l'amitié -particulière que mon frère et moi avons pour lui. Après cela, je vous -dirai que nous ne laisserons pas de tenter la chose; car autrement il -faudroit attendre encore un an; car, bien qu'il ne se tienne plus d'États -généraux en Provence, et que ce ne soit plus qu'une assemblée de quelques -consuls qui délibèrent de toutes choses, néanmoins, comme cette assemblée -ne se tient qu'une fois l'année, si nous laissions passer celle-ci, cela -nous mèneroit trop loin. A vous dire la vérité, je n'en attends rien; -mais quand on a fait ce que l'on peut, il faut se mettre en repos et -prendre patience. Quoi qu'il en arrive, je vous le manderai. - - [257] C'est-à -dire aux frais de la province. - - [258] Louis-Emmanuel de Valois, comte d'Alais, nommé gouverneur - de Provence en 1637. - -Cependant, n'attendez pas que je puisse payer vos nouvelles par d'autres; -car il n'y a rien ici qui puisse vous divertir. Ce n'est pas que si je -pouvois dépeindre la beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous fisse un -tableau assez agréable et que je ne vous fisse avouer qu'il fait honte au -printemps de Paris. L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé -de glaçons, est ici couronné de fleurs. Sincèrement, Mademoiselle, à -l'heure même que je vous parle, l'on vient de m'envoyer des bouquets -d'anémones, d'Å“illets, de narcisses, de jasmin, de fleurs d'orange, plus -beaux que Mlle de Lorme n'en porte au mois de mai; et ce qu'il y a de -commode ici est que l'on fait des visites à la fin de décembre, sans -avoir besoin de feu, que l'on se promène sur le port comme l'on se -promène aux Tuileries en juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une -fois, et que le soleil y est toujours aussi pur et aussi clair que dans -la saison où il fait naîre les roses. Mais le mal est que pour jouir de -tous ces plaisirs innocents, il faut souffrir d'autres incommodités, et -que l'on ne peut s'approcher de l'Orient sans s'éloigner de Paris. Je -pourrois encore vous dire que la plus belle chose que l'on puisse voir -est les galères, le jour de Noël, qu'elles ont toutes leurs tentes, leurs -pavillons et leurs banderoles de cent couleurs différentes; mais cela -seroit mieux de la main d'un peintre fameux que de la mienne. Au reste, -Mademoiselle, il n'est pas jusques aux paroles qui ne perdent ici -quelque chose de leur grâce et de leur agrément. Le nom d'esclave, qui -est quelquefois si galamment placé et dans des vers d'amour et dans les -romans, ne remplit ici l'imagination que de grosses chaînes de fer, de -bonnets rouges, de camisoles bleues, de têtes pelées, de mines de Turcs -et d'autres semblables choses, puisque l'on ne s'en sert jamais que pour -parler de trois ou quatre mille forçats que l'on voit toujours sur le -port. - -Je vous en dirois davantage, mais comme vous saurez que nous avons changé -de maison afin d'être plus près de Mme de Mirabeau[259], toutes les dames -de la rue, pour recommencer leurs civilités à l'usage du pays, entrent -présentement dans ma chambre pour me dire que je suis la bienvenue. -Adieu, je suis de si mauvaise humeur de ce qu'elles m'interrompent dans -le dessein que j'avois de vous dire encore plus de cent choses, que je -les recevrai si mal que j'espère qu'elles n'y reviendront plus. Il faut -pourtant encore que je salue Mme et Mlles de Clermont, que je vous offre -les compliments de mon frère, et que je vous die que je suis votre -très-humble et très-passionnée servante. - - [259] L'hôtel de Mirabeau était situé place de Lenche à Marseille. - - -A MADEMOISELLE ROBINEAU[260]. - - [260] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 147. - - Marseille, 3 janvier 1645. - - Mademoiselle, - -Si vous avez dessein de m'instruire par votre exemple et de m'accoutumer -à ne vous écrire qu'une fois tous les mois, je vous supplie de me faire -l'honneur de m'en avertir; car, à moins que vous m'appreniez votre -intention, elle ne réussira pas, parce que, comme je vous écris -principalement pour me conserver en votre mémoire, moins vous m'écrirez, -et plus je vous écrirai, afin de vous empêcher de m'oublier. Faites-moi -donc, s'il vous plaît, la faveur de me dire sincèrement si vous avez -dessein que j'imite votre silence; car, après cela, je tâcherai de -m'accommoder à votre humeur. Je vous écrirai de petites lettres, et vous -n'en aurez que deux ou trois tous les ans, et de cette sorte, si elles ne -sont belles, elles seront rares; si elles ne sont divertissantes, elles -ne seront pas incommodes, et si elles ne vous font passer quelque temps -agréablement, elles ne vous en déroberont guère. Voilà , Mademoiselle, ce -que je vous puis dire sur ce sujet, attendant vos ordres, que je -n'observerai pas plus exactement que vous observez les promesses que vous -m'aviez faites de me donner de vos nouvelles toutes les semaines; car, -pour vous parler sans déguisement, il n'est rien qui puisse vous -empêcher, tant que je ne serai pas malade, d'avoir une lettre de moi tous -les ordinaires; car, si vous m'écrivez, je n'ai pas assez d'incivilité -pour ne vous répondre point, et si vous ne me répondez pas, je n'ai point -assez de patience pour m'empêcher de vous en gronder. Enfin, -Mademoiselle, résolvez-vous à ce malheur, puisqu'il est inévitable. Au -reste, ne vous imaginez point que peut-être je ne trouverai pas toujours -de quoi vous entretenir, et que par cette raison je vous laisserai en -repos. Les rives de la mer Méditerranée ne sont pas si désertes et si -stériles que l'on n'y puisse trouver quelque chose à l'usage de Paris. La -tempête amène quelquefois sur ses bords des gens qui savent parler -françois, et qui n'ont rien de la rudesse du pays. Il se trouve ici des -pèlerins de toutes les parties du monde, et par conséquent je ne -manquerai pas de matière à vous écrire. Je pourrois même dire que -j'aurois de quoi vous faire d'agréables présents si vous étiez d'humeur à -en recevoir. Mais, quoique je sache bien que vous aimez mieux en faire -que d'en accepter, je veux toutefois vous en offrir un aujourd'hui; mais -auparavant que je vous dise ce que je vous envoie, je vous supplie -d'essayer de deviner; et pour aider même à votre imagination, je vous -dirai que ce ne sont ni des oranges, ni des citrons, ni des olives, ni -des figues, ni des raisins, ni de l'eau de fleurs de jasmin, ni des -branches de coral, ni des tapis de Turquie, ni des étoffes de Chine, ni -des perles, ni des émeraudes, ni des diamants, mais quelque chose de -plus rare en ce pays-ci que tout ce que je viens de dire. Et pour vous -expliquer cet énigme, ce sont des vers de M. Boissat-l'Esprit[261], qu'il -a faits ici en revenant de la Sainte-Baume. Je vous proteste, -Mademoiselle, que depuis plus de quatre siècles l'on n'a vu de semblable -marchandise sur le port de Marseille; aussi est-ce pour cela que je -l'envoie à Paris. Vous en ferez part à M. Chapelain, et comme votre ami, -et comme le mien, et comme celui de M. Boissat. Je ne vous dis point ce -que j'en pense; car je ne m'y connois plus du tout; il me suffit de -savoir que ce sonnet est d'une personne de beaucoup d'esprit et de -beaucoup de dévotion présentement, pour croire qu'il est digne de vous, -et que du moins par là ma lettre ne vous ennuiera pas[262]............ - - [261] Pierre de Boissat, qu'on avait en effet de son temps - surnommé _Boissat-l'Esprit_, naquit en 1603 et mourut en 1662. Il - fut un des premiers membres de l'Académie française. - - [262] Nous supprimons le sonnet assez médiocre de Boissat, ainsi - que des fragments, prose et vers, d'une lettre de Georges de - Scudéry à Mme de Tournon. - -Si j'avois aussi bien retenu la prose que les vers, je vous l'aurois -envoyée, car elle étoit assez galante pour cela. Pour la mienne, on n'en -peut pas dire autant; c'est pourquoi je ne la continuerai pas davantage -pour aujourd'hui; aussi bien, ayant le dessein que j'ai, n'est-il pas -juste d'en dire tant en un jour, et il suffira que je vous assure en -françois, et même, si vous le voulez, en provençal que, _siou vuestra -serventa affettionada_. - -M. votre père, Mme Aragonnais[263] et Mlles Boquet[264] sauront que je -suis leur servante, et vous saurez, s'il vous plait, que mon frère est -votre serviteur très-humble. Je vous demande pardon si ma lettre est si -brouillée, mais je vous l'écris avec tant de précipitation que je ne sais -quasi ce que je dis. - - [263] Mme Aragonnais était la veuve d'un trésorier des gardes - françaises. Elle habitait le Marais, et appartenait, comme Mme - Cornuel, aux rangs les plus élevés de la bourgeoisie parisienne. - Sa fortune, qui était assez considérable, lui permit de marier sa - fille à Michel d'Aligre, un des fils du premier chancelier de ce - nom. Mlle de Scudéry a fait de Mme Aragonnais un séduisant - portrait sous le nom de Philoxène dans le _Grand Cyrus_. Tome - VII, livre III, page 1046. - - [264] Les deux demoiselles Boquet étaient des amies particulières - de Mlle de Scudéry et des habituées assidues du Samedi. Voici ce - qu'en dit Somaize dans son _Grand Dictionnaire des Précieuses_: - «Bélise et sa sÅ“ur sont deux précieuses âgées qui jouent fort - bien du luth et qui ont une grande habitude à toucher les - instruments. Elles logent aussi au quartier de l'Éolie (_le - Marais_), qui est le lieu où les précieuses âgées font le plus de - bruit.» - - -CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[265]. - - [265] Cabinet de M. A. Chauveau. - - Paris, 19 janvier 1645. - - Mademoiselle, - -Je vous écris par le commandement de Mlle Robineau, je dis par son -commandement, sans qu'elle m'ait laissé la liberté de ne le pas faire, -afin que si vous vous trouvez incommodée de ma lettre, vous n'en sachiez -mauvais gré qu'à celle qui m'a forcé de la faire, et qui, comme vous -savez, a droit de commander et pouvoir de forcer. Avec tout cela, encore -que je vous écrive par force, je ne laisse pas de vous écrire avec -plaisir, et plus que si je le faisois de mon consentement propre, lorsque -je pense que je ne suis pas obligé à vous répondre de mes mauvaises -écritures, et qu'un autre que moi portera le blâme de ce que j'y aurai -mal dit. J'ai plaisir, Mademoiselle, à vous faire souvenir de l'estime -extraordinaire que je fais de votre esprit et de votre vertu, et du -ressentiment que j'ai toujours de la part que vous m'avez accordée en -votre bienveillance, qui est sans doute le plus riche présent que vous -puissiez me faire, vu la noblesse de votre âme et la bonté de votre -cÅ“ur. J'ai plaisir à vous rendre grâces de ce que je me trouve -quelquefois dans les lettres que vous écrivez, tantôt à l'excellente -personne dont j'exécute ici les ordres, tantôt à son excellente voisine, -comme à celles qui partagent votre temps et votre amitié. Enfin, j'ai -plaisir à vous dire que ces lettres mêmes, bien qu'écrites dans la -précipitation des courriers, sont si naturelles et si éloquentes tout -ensemble, qu'elles pourroient donner jalousie à notre ami -d'Angoulême[266], et qu'elles donnent très-grande satisfaction à tous -ceux qui les voient à Paris. Par là , Mademoiselle, vous voyez que la -force que l'on m'a faite est bien agréable, et non pas de celle pour -lesquelles on met les gens en procès et demande réparation en justice. - - [266] Balzac. - -J'ai quelque honte de passer de ce discours à un autre et de vous dire -que je me suis acquitté de ma promesse auprès de M. de Berville, de -crainte qu'il ne vous semble que je vous le veux faire valoir. Mais -puisque je vous l'ai déjà dit, je vous dirai encore que j'avois envoyé -une copie de ma lettre à votre généreuse amie pour vous la faire tenir, -ou du moins pour avoir en elle un témoin irréprochable de mes soins aux -choses qui regardent votre service. J'ai depuis su d'elle qu'elle avoit -pris le dernier parti comme le plus sûr et le plus raisonnable, et -j'avoue qu'elle m'a fort obligé, m'épargnant par ce moyen la nécessité de -rougir devant vous pour n'y avoir pas assez bien parlé de votre mérite. -La même judicieuse personne se voulut bien charger ces jours passés de -vous envoyer quelques vers que j'ai donnés à la mémoire de l'incomparable -Mme de Lalane[267]; mais, Mademoiselle, vous envoyer des vers, c'est -envoyer de l'eau à la mer, c'est vous donner ce que vous avez chez vous -en abondance. Que si vous en faites la modeste pour votre regard, vous -l'avouerez bien au moins pour celui de monsieur votre frère, qui est un -océan de poésie plus découvert que n'est le vôtre et qui est si plein de -ce côté-là qu'on ne sauroit l'accroître, quelque chose que l'on y -verse[268]. Il est vrai aussi que je vous envoyai ces vers comme les -fleuves envoient leurs eaux à la mer, non pas pour enfler votre richesse, -mais pour vous rendre le tribut et l'hommage que vous doivent tous ceux -qui font profession d'honorer le mérite et la vertu. Ceux de M. de -Boissat que j'ai vus dans votre lettre sont bons, mais ceux de monsieur -votre frère sont meilleurs, sans doute, et vous voyez bien que c'est mon -jugement qui prononce et non pas mon amitié, et qu'en ce sentiment il n'y -entre ni complaisance ni cajolerie. Mais c'est trop vous mal entretenir, -et vous auriez encore plus de sujet de vous en plaindre si je ne vous -assurois que par la patience que vous avez prise de lire cette lettre -jusqu'au bout, vous êtes quitte de me lire de toute cette année, et que -jusqu'en six cent quarante-six vous n'aurez à craindre aucune semblable -persécution, - - Mademoiselle, - De votre très-humble et très-obéissant serviteur - CHAPELAIN. - - [267] Mlle Marie Galtelle Desroches avait épousé Pierre de - Lalane, qui faisait sa principale occupation de la littérature et - de la poésie. Après cinq ans de mariage, Lalane perdit cette - femme aussi belle que spirituelle. Il célébra sa mort par des - vers qui sont insérés dans ses Å’uvres, qu'on réunit en général à - celles de Montplaisir. - - [268] On connaît les vers de Boileau: - - Bienheureux Scudéry dont la fertile plume, etc. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MONSIEUR CHAPELAIN[269]. - - [269] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 147. - - Marseille, 31 janvier 1645. - - Monsieur, - -Bien que tout ce qui part de Mlle Robineau me soit extrêmement cher, et -que, selon mes sentiments, elle augmente le prix des plus précieuses -choses du monde lorsqu'elles passent par ses mains, il est toutefois -certain que votre lettre m'auroit donné plus de joie si je l'eusse reçue -comme une simple marque de votre souvenir, que comme une preuve de votre -obéissance pour elle, et je lui suis déjà si redevable de ses propres -bienfaits, que j'aurois volontiers souhaité qu'elle n'eût point eu de -part aux vôtres. Ce commandement que vous dites qu'elle vous a fait de -m'écrire, marque si clairement l'absolu pouvoir qu'elle a sur vous et le -peu que j'y en ai, que, si je voulois, j'aurois quasi autant de sujet de -me plaindre de l'honneur que vous m'avez fait, que de vous en remercier; -car enfin, une personne à qui vous devez la connoissance de Mlle Robineau -ne devoit point lui devoir la grâce que vous m'avez fait de m'écrire. Je -sais qu'elle a plus de mérite que moi, et qu'ainsi vous la devez plus -estimer; mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait quelque injustice que vous -ne vous souveniez de moi que lorsqu'elle vous le commande. Enfin, -Monsieur, lorsque vous me voudrez faire cet honneur, écoutez votre -inclination, et n'écoutez plus Mlle Robineau; donnez-moi vos sentiments -tout purs sans les mêler avec les siens, et souvenez-vous de moi pour -l'amour de moi et non pour l'amour d'elle[270]. Vous trouverez peut-être -que j'ai beaucoup d'orgueil pour avoir si peu de mérite; mais -souvenez-vous que l'amitié a ses délicatesses et ses jalousies aussi bien -que l'amour, et que celle que j'ai pour vous est trop noble et trop -généreuse pour recevoir vos civilités d'une autre main que de la vôtre, -et pour prendre part à des choses où elle n'en a point. Je ne m'étonne -pas, toutefois, si vous aviez tant de peine à vous résoudre de m'écrire; -car puisque mes amis vous montrent toutes mes lettres, vous avez raison -de craindre d'en recevoir de semblables. Je leur voudrois un grand mal -d'en user ainsi, si ce n'étoit que sachant bien qu'elles ne le font ni -par manque de connoissance ni par malice, il faut de nécessité que la -seule amitié les aveugle, et que, parce qu'elles prennent plaisir que je -leur dise que je les aime, elles se laissent persuader que je le leur dis -de bonne grâce. Pour vous, Monsieur, qui n'avez pas cet aveuglement qui -m'est si avantageux, vous avez voulu vous défendre de recevoir de mes -lettres autant que vous avez pu; mais, pour me venger de vous, je vous -déclare que quand même Mlle Robineau me le défendroit, je ne laisserois -pas de vous écrire et de vous assurer qu'elle n'est pas tant votre -servante que je le suis. Mais encore que je sache que vous avez plus de -joie de recevoir ses commandements que mes prières, je ne laisserai pas -de vous supplier sérieusement de croire que votre lettre m'a donné -beaucoup de plaisir; que celle que vous avez écrite à M. de Berville a -sensiblement obligé et mon frère et moi; que les vers que vous m'avez -envoyés ont eu et de lui et de moi toute la louange qu'ils méritent, et -que quand même vous auriez désobéi à Mlle Robineau, je n'aurois pas -laissé d'obéir à la raison et à mon inclination, qui veulent que je sois -toute ma vie, - - Votre très-humble et très-obligée servante, etc. - - [270] On voit par cette lettre que Mlle de Scudéry était blessée - des attentions particulières que Chapelain avait pour Mlle - Robineau. - - -AU MÊME[271]. - - [271] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 149. Cette lettre est sans - date, mais, dans le manuscrit, elle vient à la suite de celle du - 31 janvier. - - Monsieur, - -Comme le silence est, ce me semble, ordinairement pris pour un -consentement aux choses qu'on nous a dites, je pense que la crainte de -vous importuner par une seconde lettre ne doit point m'empêcher de -répondre à la dernière que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et -qu'il vaut mieux vous dérober un quart d'heure que de me détruire pour -toute ma vie dans votre esprit, en vous laissant lieu de croire que -j'aurois accepté, comme croyant les mériter, cette profusion de louanges -dont votre lettre est remplie. Souffrez donc, Monsieur, que je vous die -qu'encore que j'eusse plusieurs fois entendu que l'on vous faisoit la -guerre d'aimer volontiers à dire des douceurs, j'avois néanmoins conçu -une si haute estime de votre sincérité que je tenois pour certain que -vous n'eussiez pas même voulu être le flatteur d'Alexandre, si vous -eussiez été de son temps, ou qu'il eût été du vôtre. Cependant vous me -donnez des louanges si excessives et vous me dites des choses si peu -vraisemblables que vous ne me permettez pas de douter que vous ne -puissiez être capable, la première fois que l'occasion s'en présentera, -de louer Mme Pilou[272] de la vivacité de ses yeux, de la délicatesse de -son teint et des charmes de sa beauté. Ce n'est pas, Monsieur, que je ne -sache bien que toutes les flatteries ne sont pas également condamnables, -que celles qui ne sont pas intéressées sont plutôt une galanterie qu'une -foiblesse, et que celles qui s'adressent à une personne exilée ne peuvent -partir que d'une personne généreuse. Aussi vous fais-je dire que, quoique -les vôtres ne m'aient pas persuadée, elles n'ont pas laissé de -m'obliger: j'ai plus considéré votre intention que l'injustice de vos -louanges, et la beauté de votre lettre que la vérité de vos paroles. -Elles m'ont causé de la joie, mais elles ne m'ont point donné d'orgueil. -J'ai été sensible, mais je n'ai pas été crédule, et quoique j'aie fait -tout ce que j'ai pu pour me tromper, après avoir rappelé en ma mémoire -tout ce que je vous ai écrit, j'ai trouvé qu'il m'eût sans doute été plus -avantageux que vous en eussiez fait un secret que de la faire voir à tant -d'illustres personnes. Je n'entends pourtant pas, Monsieur, de cette -espèce de secret dont Mlle Robineau auroit pu s'offenser, mais de celui -qui vous auroit fait cacher mes défauts au lieu de les publier. Toutefois -il peut être que, par un privilége particulier, en lisant ma lettre, vous -l'ayez purifiée des taches que mon ignorance y avoit laissées, et qu'en -la recevant vous l'ayez rendue digne de vous. Ce n'est pas, Monsieur, que -je veuille dire qu'elle fût toute déraisonnable; au contraire, pour vous -montrer que j'ai plus de sincérité que vous n'en avez, j'avouerai qu'il y -avoit un endroit qui ne peut être défectueux que par la foiblesse de -l'expression, et dont le sentiment est si juste et si noble que même M. -de Balzac ne le désapprouveroit pas. Je m'assure, Monsieur, que vous -devinerez aisément ma pensée et qu'il vous sera facile de comprendre que -ce seul endroit qui n'est pas mauvais et que je défendrois contre tout le -monde, s'il étoit possible qu'on le pût condamner, est celui où je vous -assurois d'être toute ma vie, et par raison et par inclination, - - Votre très-humble servante. - - [272] Mme Pilou (Anne Baudesson), fille et veuve d'un procureur - du Châtelet. Au dire de ses contemporains, elle était d'une - laideur extrême. C'était une bourgeoise pleine de bon sens et - d'esprit, qui, ayant une certaine fortune, fut mêlée à la bonne - société de son époque. Tallemant des Réaux lui a consacré une - historiette, et son portrait a été gravé. - - -A MADEMOISELLE PAULET[273]. - - [273] Mss de Conrart, in-4º, t. X, p. 145. - - Marseille, 13 mars 1645. - - Mademoiselle, - -Comme je vous fais part de toutes mes douleurs quand il m'en arrive, il -faut que je fasse la même chose de mes joies et de mes plaisirs. Je vous -dirai donc qu'hier au matin un homme de qualité de Marseille, qui nous -avoit ouï dire, à mon frère et à moi, que nous attendions M. de Grasse -avec beaucoup d'impatience, nous envoya avertir qu'il étoit arrivé, et -nous manda qu'il étoit logé chez un gentilhomme nommé M. d'Aiglun, qui a -été lieutenant de la galère de M. d'Aiguebonne. Cette nouvelle nous donna -de la douleur et de la joie: la première parce qu'il ne nous avoit pas -fait la grâce de venir loger chez nous, et l'autre parce que, de quelque -manière que ce fût, nous aurions le plaisir de l'entretenir. A l'heure -même, mon frère fut chez M. d'Aiglun, et il trouva que M. de Grasse étoit -véritablement logé chez lui, mais qu'il étoit déjà sorti. Un moment après -j'y fus, comme lui, sans être plus heureuse, et nous y retournâmes pour -le moins trois fois avant midi, sans le pouvoir rencontrer. Enfin, à la -quatrième que j'y allai seule, on me dit qu'il sortoit de table, et que -j'eusse un peu de patience. Mais comme je sais que M. de Grasse n'aime -pas fort la cérémonie, je ne m'arrêtai pas à ce que me dit le valet de M. -d'Aiglun, et je montai dans la chambre où M. de Grasse achevoit de dîner. -Mais je fus fort surprise de voir qu'à peine me regardoit-il et qu'à -peine se pouvoit-il résoudre de se lever pour me saluer. Cela ne m'étonna -pourtant pas encore tant que de voir M. de Grasse dont je vous parle, -avec des bottes relevées, un justaucorps de chamois, un manteau -d'écarlate, une épée d'argent, un chapeau gris et des plumes jaunes. Ne -vous imaginez pas, Mademoiselle, que j'invente ce que je vous dis; car en -vérité, j'ai vu M. de Grasse en l'état que je viens de vous décrire. -Mais, pour vous expliquer cet énigme qui m'a tant fait rire, et qui m'a -pourtant donné beaucoup de confusion, et même beaucoup de douleur de voir -mon espérance trompée, je vous dirai que M. de Grasse que je vis n'est -pas l'évêque, mais un gentilhomme de ce pays, qui en son propre nom -s'appelle ainsi. Je vous laisse à juger, Mademoiselle, de quelle sorte se -passa cette conversation du faux M. de Grasse avec moi. Mais ce qu'il y a -de plaisant est que je ne voulus pas en désabuser mon frère, qui, étant -arrivé chez M. d'Aiglun un moment après que j'en fus partie, trouva cet -homme à plumes jaunes sur la porte, et lui demanda, ne trouvant point -d'autres gens, s'il ne savoit pas si M. de Grasse étoit au logis. Enfin, -Mademoiselle, cette aventure a eu quelque chose de si plaisant que si je -vous la pouvois bien dépeindre, je vous en ferois certainement rire de -fort bon cÅ“ur. Mais comme le messager me presse, il faut, pour me -revancher en quelque sorte de vos nouvelles, que je fasse un voyage à -Malte, en Barbarie et à la cour du Grand-Seigneur; et pour vous dire les -choses comme je les sais, j'étois hier chez M. le Grand-Prieur de -Saint-Gilles, où je vis entre ses mains un papier qu'un renégat, favori -du feu grand visir, et qui s'est refait chrétien, a envoyé au -Grand-Maître, pour l'avertir des véritables sujets de cette armée de six -cents voiles. Et comme la chose est assez romanesque, j'ai cru que je -pouvois vous la mander. - -Vous saurez donc, pour entendre la chose comme elle s'est passée, qu'il y -a déjà assez longtemps qu'un chevalier françois dont j'ai oublié le nom, -après avoir gagné sept ou huit mille écus d'argent dans les courses qu'il -avoit faites, voulut s'en revenir en France; et quoique ses amis lui -conseillassent de faire tenir son argent par lettres de change, il ne put -se résoudre à s'en séparer. Il s'embarqua donc avec son trésor dans une -tartane, avec l'intention de venir à Marseille; mais il fut si malheureux -qu'à quatre milles de Malte, il trouva un corsaire qui le combattit, qui -prit la tartane où il étoit, avec son argent et sa personne, bien heureux -encore de pouvoir jeter sa croix dans la mer, afin de n'être pas connu -pour chevalier. Le corsaire l'ayant mené à Tunis, et ce chevalier y ayant -trouvé des marchands chrétiens qui le délivrèrent, il revint à Malte si -désespéré de la perte de son argent qu'il avoit gagné aux dépens de son -sang et au hasard de sa vie, que depuis cela il ne s'est pas passé -d'année, point de mois, ni même de jours, qu'il n'ait donné conseil de -quelque nouveau dessein au Grand-Maître contre les Turcs. Enfin, il y a -environ quatre ou cinq mois, qu'ayant obtenu le commandement de quelques -vaisseaux pour une grande entreprise qu'il faisoit sur la Goulette, il -partit, et de plus manqua ce qu'il avoit entrepris; de sorte que comme il -étoit prêt de s'en retourner à Malte sans rien faire, il rencontra, et -pour son malheur et pour celui de la religion, deux galères turquesques -dans lesquelles étoit un bacha avec sa femme parente du Grand-Seigneur, -et ce qui est plus, deux sultanes les plus belles et les plus aimées, qui -s'en alloient à la Mecque. Le combat fut grand et fort opiniâtre de part -et d'autre, mais la victoire fut de son côté. Il fit main basse sur les -Turcs, et après avoir fait passer les deux sultanes, la veuve du bacha, -plus de quarante femmes qui les suivoient, et tous leurs trésors qui -étoient immenses, dans ses vaisseaux, il fit couler à fond les galères -turquesques, parcequ'il ne lui restoit pas assez d'hommes pour les -pouvoir mener à Malte. Mais après avoir vaincu et retrouvé son argent, et -beaucoup davantage, il mourut des blessures qu'il avoit reçues, et ses -vaisseaux reportèrent le victorieux en aussi pitoyable état que le -vaincu. Aussitôt que ces femmes furent arrivées à Malte, celle qui avoit -perdu son mari au combat trouva moyen de briser un grand diamant qu'elle -avoit caché, qu'elle avala, et dont elle se fit mourir. Or, pour revenir -au renégat dont je vous ai parlé, il dit qu'aussitôt que le -Grand-Seigneur, qu'il dit être le plus amoureux de tous les hommes qui -furent jamais, eut su la prise de ses femmes et la mort de sa parente, il -entra en une colère si furieuse qu'il jura de perdre la vie ou de perdre -Malte; de sorte qu'à l'instant même il envoya ordre par tous ses ports et -par tout son empire de se préparer à cette guerre. Il ajoute à cela, -qu'outre cette colère, il se joint une raison d'État à ce dessein, qui -est que le Grand-Seigneur, ayant pensé connoître à ses dépens que les -janissaires sont trop puissants dans ses États, a résolu de les faire -tous embarquer, afin d'affoiblir leur corps en cette occasion, ne doutant -pas qu'il n'en meure une bonne partie en cette guerre, qui, par ce moyen, -quelque succès qu'elle puisse avoir, ne peut que lui être avantageuse, -puisque plus on lui tuera de janissaires, plus on lui ôtera d'ennemis. - -Voilà , Mademoiselle, ce que je n'ai pas cru indigne d'être su de vous. -Cependant les six galères dont je vous avois parlé sont parties pour -Catalogne, que l'on dit être en fort grande division. Vous aurez sans -doute su comme Perpignan a pensé être surpris; mais l'on ne vous aura -peut-être pas mandé que dix des gardes de M. le comte d'Harcourt, ayant -été mis à garder la porte d'un gentilhomme chez qui étoit le bal, auprès -de Béziers, ces gardes éteignirent les lumières qui éclairoient la salle, -et volèrent toutes les pierreries et les perles des dames de l'assemblée. - -Enfin me voici arrivée au bout de mes nouvelles.... Après cela je n'ai -plus qu'à assurer Mme de Clermont de mes obéissances, Mesdemoiselles ses -filles de mes très-humbles services, et vous et elles de la passion que -mon frère a de vous témoigner qu'il est votre très-humble et -très-obéissant serviteur. Adieu, l'heure me presse, et il faut que je -vous donne le bonjour, sans même vous dire que je suis, Mademoiselle, - - Votre très-humble et très-passionnée - servante, etc., etc. - - -A LA MÊME[274]. - - [274] Mss de Conrart, in-4º, t. XI. - - Marseille, 28 mars 1645. - - Mademoiselle, - -Pour vous montrer que, même dans les petites choses, je ne suis pas plus -heureuse que dans les grandes, je n'ai qu'à vous dire que le même soleil -qui a déjà donné des fèves et des amandes fraîches à toute la Provence, -et qui a déjà plus fait naître et mourir de roses à Marseille que le -printemps et l'été n'en ont jamais donné à Paris, ne m'a fait autre bien -à moi que m'enrhumer extrêmement pour m'être promenée en un jardin où il -n'y avoit nul ombrage. Cela sera cause que je ne répondrai à M. Conrart -que par l'ordinaire prochain. Mais quelque incommodité que j'aie, il faut -que je vous donne une seconde partie du roman turquesque dont je vous ai -fait voir la première, où vous trouverez sans doute quelque chose d'aussi -extraordinaire. - -Je vous dirai donc, Mademoiselle, qu'il est arrivé ici un homme de Malte -qui a donné à M. le Grand-Prieur de Saint-Gilles un nouvel avis qu'on y a -reçu touchant la cause du siége que le Grand-Seigneur y doit mettre. -Mais, pour reprendre les choses en leur source, il faut savoir que, -lorsque le Grand-Seigneur qui règne aujourd'hui n'avoit que deux ans, il -avoit un frère aîné qui, par la mort de son père, parvint à l'empire, et -qui, suivant la cruelle coutume de ses prédécesseurs, commanda que l'on -égorgeât son frère. Ceux qui sont destinés à cette exécution furent au -lieu où il étoit nourri pour s'acquitter de leur commission; mais la -nourrice qu'avoit cet enfant, en ayant été avertie, le cacha et en -substitua un autre qui fut tué au lieu de lui, de sorte que, par la -révolution des choses, le Grand-Seigneur qui régnoit lors étant mort, et -cet enfant caché et reconnu étant parvenu à l'empire, il a tant eu de -reconnoissance pour sa nourrice qu'il l'a plus respectée que sa mère, et -plus aimée que tout le reste du monde. Or, Mademoiselle, il est arrivé -que cette femme est prisonnière à Malte, avec celles dont je vous ai -déjà parlé, aussi bien qu'une sÅ“ur du Grand-Seigneur, et que c'étoit -sous sa conduite qu'il avoit permis à toutes les autres d'aller à la -Mecque; de sorte qu'ayant su que celle à qui il doit et l'empire et la -vie est en prison, il a résolu de hasarder sa vie et d'employer toutes -les forces de son empire pour délivrer celle qui le lui a donné, et -l'avis que l'on a eu à Malte porte expressément que, quelque amour que le -Grand Seigneur ait pour les sultanes captives, ce n'est toutefois que -pour sa nourrice qu'il entreprend la guerre. - -Je vous avoue, Mademoiselle, que cela me remplit l'imagination d'une -manière si burlesque, que je ne saurois m'empêcher d'en rire. Ce n'est -pas que je ne voie quelque chose de beau et de généreux d'un côté; mais -le revers de la médaille me semble plaisant; car enfin, ceux qui ont -écrit ou inventé la guerre de Troie ont du moins dépeint la beauté -d'Hélène si éclatante et si lumineuse que l'on n'est pas fort étonné de -voir que toute la Grèce soit en armes pour l'amour d'elle, et que le feu -de ses yeux ait embrasé une ville et détruit un empire. Je n'ai même -point eu de peine à croire que Henri IV ne faisoit une armée de cinquante -mille hommes que pour conquérir l'illustre princesse dont il étoit -toutefois esclave. Mais de m'imaginer qu'un empire qui est composé de -plusieurs empires et de plusieurs royaumes emploie toutes ses forces en -une occasion où l'on verra le Grand-Seigneur en personne, avec deux cent -mille combattants, n'avoir pour principal objet que pour recouvrer une -vieille nourrice qui, même dans sa jeunesse, ne fut jamais belle (car -j'ai vu un homme qui l'a vue depuis huit jours), c'est ce que je trouve -si grotesque que j'en ferois volontiers faire un tableau, si je -connoissois quelque excellent peintre ici qui pût exécuter ce que je lui -dirois et ce que j'en pense. Celui que j'ai vu et qui vient de Malte m'a -dit que l'on y traite fort bien ces prisonnières; on les a logées chez un -juif de Constantinople qui s'est fait chrétien et qui y demeure depuis -longtemps, afin qu'il les serve à leur mode, comme en effet, elles ne -mangent qu'à la turque, c'est-à -dire sur de grands tapis jetés par terre, -et sont entièrement servies à l'usage de leur pays. Ce qu'il y a -d'étrange est que, de cinquante ou soixante femmes qu'elles sont, qui -sont, à ce que l'on dit, admirablement belles, excepté la nourrice qui ne -le fut jamais, comme je l'ai dit, il est impossible de discerner laquelle -est la sultane ou la sÅ“ur, tant elles apportent de soin à se traiter -entre elles également. On sait bien, par les avis que l'on a de -Constantinople, qu'elles y sont, mais de savoir lesquelles ce sont, c'est -ce qui ne se peut, et de tout ce grand nombre, la seule nourrice s'est -fait connoître, si l'on en veut excepter celle qui se fit connoître en -s'empoisonnant après la mort de son mari. Toutes ces femmes paroissent -assez constantes dans leur captivité. Mais ce qui m'étonne est d'avoir su -que, dans un temps où il me semble que Malte devroit plus être dans la -retenue que jamais, il y ait eu des réjouissances dans les trois -derniers jours du carnaval, qui ressembloient bien plus au Paradis des -Turcs qu'à un divertissement de religion. Toutes les sultanes des -chevaliers, ou, pour les nommer par leur nom, toutes les courtisanes de -Malte étoient déguisées par les rues avec une magnificence si grande -qu'il y en avoit telle qui avoit pour plus de cinquante mille écus de -pierreries. Je pense que ceux qui les leur ont données feroient mieux de -les leur ôter pour les vendre, que d'engager des commanderies comme ils -font pour subvenir à la guerre. - -Mais c'est assez parlé de celle-là , il faut que je vous parle de celle -que Mlle de Rambouillet et vous avez faite à M. Chapelain, qui n'a sans -doute pas été aussi cruelle que l'autre le sera, mais que je trouve -beaucoup plus injuste; car enfin, Mademoiselle, vous savez mieux que vous -ne dites qu'un galant n'est pas pour moi; et il est si peu vraisemblable -qu'après avoir été le vôtre il pût jamais être le mien, que je ne sais -comme vous osez me le vouloir persuader. Mais, pour vous parler un peu -plus sérieusement, j'ai beaucoup de joie de savoir qu'il n'abandonnera -point la _Pucelle_ et que vous ne le perdrez pas[275]. Je m'assure que -vous ne me refuserez pas la grâce de le lui témoigner, quoiqu'il semble -que vous soyez un peu jalouse, et que vous m'accorderez encore celle de -rendre à Mme de Clermont les soumissions que je lui dois, à -Mesdemoiselles ses filles des marques de ma passion à leur service, et à -vous-même les assurances que je vous donne d'être, avec toute la -sincérité imaginable, - - Votre, etc., etc. - - [275] Il s'était agi pour Chapelain d'aller au Congrès de - Munster, nous ne savons en quelle qualité. Ce projet n'eut pas de - suite. Voyez sa lettre à Mlle de Scudéry, du 12 avril 1645. - - -A LA MARQUISE DE MONTAUSIER[276]. - - [276] Mss Conrart, in-4º, t. XI, p. 129. - - Julie-Lucine d'Angennes, née en 1607. l'aînée des sept enfants de - la marquise de Rambouillet, mariée au duc de Montausier le 15 - juillet précédent. - - [Août 1645.] - - Madame, - -Le respect que je dois à Mme la marquise de Rambouillet n'ayant pas été -assez puissant pour m'empêcher de prendre la liberté de lui écrire après -la perte qu'elle a faite[277], je pense que vous ne trouveriez pas à -propos que je me servisse de cette raison auprès de vous pour autoriser -mon silence, que vous auriez sujet de vous plaindre de moi si j'espérois -moins de votre bonté que je n'ai attendu de la sienne, et si je ne -croyois certainement que vous me pardonnerez avec la même indulgence -qu'elle m'a pardonné. C'est sur cette confiance, Madame, qu'aussitôt que -j'ai su le retour de votre santé, j'ai pris la résolution de vous -témoigner la part que je prends à votre déplaisir, n'ayant pas osé vous -donner cette importunité dans un temps où vous aviez besoin de toute -votre patience pour supporter tout à la fois la violence d'une maladie et -celle de votre affliction. - - [277] Celle du marquis de Pisani, tué à la bataille de Nordlingen - (3 août 1645). Il était fils de la marquise de Rambouillet et - frère de Mme de Montausier. - -Ce n'est pas qu'à considérer ce que je suis, je ne dusse craindre -d'irriter votre douleur au lieu de la soulager par un discours qui sans -doute n'a rien que de rude et de sauvage, et rien qui vous puisse plaire; -mais comme les acclamations des peuples, quoique tumultueuses et peu -agréables d'elles-mêmes par le bruit confus qu'elles causent, ne -déplaisent jamais à ceux pour qui on les fait, de même, Madame, je suis -persuadée que les plaintes ne sauroient incommoder les personnes -affligées, quand même ces plaintes ne seroient pas faites de bonne grâce. -Les heureux peuvent quelquefois avoir refusé de magnifiques présents, ou -par générosité, ou comme les croyant indignes d'eux; mais les affligés, -si je ne me trompe, n'ont jamais guère refusé de larmes de ceux qui leur -en ont voulu donner. C'est un tribut et un hommage si précieux que le -ciel même s'en contente, puisque ce n'est que par des larmes que l'on -peut apaiser sa fureur quand il est irrité. En effet, lorsque les larmes -sont véritables, et que les yeux ne font que ce que le cÅ“ur leur -enseigne, c'est le témoignage le plus tendre que nous puissions donner de -notre affliction. Je n'entends pas, Madame, de ces larmes qui sont plutôt -une marque de la foiblesse de ceux qui les répandent, que de la -sensibilité de leur esprit; mais j'entends parler de ces larmes -généreuses qui ne paroissent que parce qu'on ne les en peut empêcher, et -qui sont plutôt réservées pour les malheurs des personnes qui nous sont -chères, que pour les nôtres. Recevez donc, s'il vous plaît, Madame, -celles que j'ai données à la perte que vous avez faite de M. le marquis -de Pisani, quoiqu'elles ne soient pas dignes de vous être offertes; je -les devois sans doute à son extrême mérite, et je les devois aussi à -votre extrême vertu. Quand je n'aurois pas eu l'honneur de le connoître -et de savoir ce qu'il valoit, je n'aurois pas laissé de le regretter -beaucoup pour votre seule considération; mais quand aussi j'aurois été -privée de la gloire d'être connue de vous, je ne laisserois pas d'être -fort touchée de sa perte, par la connoissance que j'avois de ses rares -qualités. - -Jugez après cela, Madame, si le ressentiment que j'en ai doit être -médiocre, ou, pour mieux dire, s'il ne doit pas être extrême, quand je -considère que vous avez été en un même temps chargée de votre propre -douleur et de celle de Mme la marquise qui sans doute ne vous a pas été -moins sensible que la vôtre; qu'en versant des larmes vous étiez obligée -d'épuiser les siennes; qu'en rejetant les consolations que l'on vous -donnoit vous tâchiez pourtant de la consoler. J'avoue, Madame, que je ne -puis assez admirer la grandeur de votre âme et la fermeté de votre -esprit. Il ne faut pas toutefois s'étonner si vous savez si bien user des -malheurs qui vous arrivent, quoiqu'ils ne vous soient pas ordinaires. -Une personne qui ne s'est pas laissée éblouir par la gloire qu'elle -possède depuis qu'elle jouit de la lumière, n'a eu garde de se laisser -accabler par l'affliction; il ne faut pas plus de force à supporter le -malheur qu'à bien user de la bonne fortune. - -Ainsi, Madame, bien loin de m'étonner de votre constance, je m'étonnerois -si vous en aviez manqué. Toutes les actions de votre vie sont des -miracles continuels. Vous avez assemblé toutes les vertus en votre âme, -et c'est sans doute pour cette raison que vous avez acquis cette -approbation universelle qui fait que toute la terre vous adore, et -certes, à dire les choses comme elles sont, il ne faut pas trouver -étrange si vous êtes aussi propre à combattre les grandes douleurs qu'à -résister aux grandes prospérités, vous, dis-je, qui êtes accoutumée à -vaincre les monstres, dont la victoire est bien plus difficile à -remporter, puisqu'on ne le peut faire à moins que de vaincre presque -toute la terre. Oui, Madame, s'il m'étoit permis, en un temps où vos yeux -sont encore couverts de larmes, de vous parler des glorieux avantages -qu'ils ont remportés, je dirois que nous avons vu les plus belles -personnes de votre sexe et de votre siècle ne le paroître plus auprès de -cette beauté majestueuse qui n'inspire pas moins de respect que -d'adoration à tous ceux qui la voient. Mais je me contenterai de dire -seulement que nous avons vu les lumières de votre esprit éclairer toute -la Cour, et obscurcir pourtant tout ce qui s'en est approché; l'éclat de -votre vertu ne trouver rien qui l'égalât, hors de l'hôtel de -Rambouillet, et que nous n'avons pourtant point vu paroître l'envie ni la -médisance pour vous attaquer. Vous les avez vaincues sans les combattre; -l'admiration toute seule vous a suivie partout où vous avez été; tout le -monde vous a rendu hommage avec joie, tout le monde vous a cédé avec -autant de plaisir que de justice, et vous avez enfin fait une chose que -nulle autre que vous n'a jamais faite, qui est de vaincre sans -résistance. Mais je ne songe pas que je n'ai eu aujourd'hui dessein que -de vous offrir des larmes, et qu'en un jour de deuil vous ne voudriez pas -recevoir les honneurs du triomphe. Je m'assure toutefois, Madame, que du -moins vous ne refuserez pas les assurances que je vous donne de la -continuation de mon très-humble service, et du dessein que j'ai d'être -toute ma vie, avec autant de respect que de passion, Madame, - - Votre très-humble et très-obéissante - servante. - - -A MADEMOISELLE PAULET.[278] - - [278] Mss de Conrart, in-4º, t. XI, p. 157. - - Marseille, 10 décembre 1645. - - Mademoiselle, - -Le courrier étant arrivé un jour plus tard qu'il n'a de coutume, à cause -du mauvais temps qu'il dit avoir eu par les chemins, fait que je n'ai -quasi pas loisir de relire vos lettres pour y répondre. Ce n'est pas que -je ne pusse avoir encore plus de huit heures pour cela, n'étoit que je -suis engagée dès hier de mener aujourd'hui huit ou dix de nos dames -marseilloises à Notre-Dame-de-la-Garde, qui veulent voir arriver M. le -cardinal de Lyon[279], que l'on attend ici de moment en moment, parce que -s'étant ennuyé d'attendre les galères que le vent contraire a fait -relâcher aux îles Sainte-Marguerite, il a pris quatre chaloupes du -Grand-Duc pour s'en venir. Toutes les femmes l'attendent ici avec tant -d'impatience que les sultanes du sérail n'en ont pas davantage, à ce que -je crois, lorsque le Grand-Seigneur doit revenir de quelque expédition de -guerre. Cette pensée sent un peu le voisinage d'Alger, mais je n'y -saurois que faire. Vous savez que je n'ai pas accoutumé de vous cacher -les folies qui me passent dans l'esprit; et puisque vous m'en avez bien -pardonné à Paris, vous m'en pardonnerez bien encore en un pays où -effectivement on voit tous les jours des gens que l'on peut dire qu'ils -traitent ensemble de Turc à Maure, puisqu'ils le sont. L'on dit ici -toutes les vérités fâcheuses sans scrupule et sans déguisement; et la -franchise y est si grande que, si l'on y cache quelque chose, ce ne sont -que les bonnes qualités que l'on remarque en ses plus chers amis. La -charité ailleurs veut que l'on fasse un secret des défauts de son -prochain; mais ici, de peur qu'il ne tombe en vaine gloire, l'on ne le -loue jamais, quelque bien qu'il fasse. - - [279] Alphonse de Richelieu, frère du cardinal. Ce digne prélat - fit lui-même son épitaphe; elle mérite d'être conservée: _Pauper - natus sum, pauperiem vovi, pauper morior, inter pauperes sepeliri - volo_. - -Je vous en dirois davantage, mais je n'en ai pas le loisir. Quelque -pressée que je sois, je vous supplierai toutefois de témoigner à M. -Conrart la joie que m'a donnée sa lettre; elle est si pleine d'esprit et -de douceurs, que je ne sais comme j'y pourrai répondre. Ç'auroit pourtant -été dès cet ordinaire, sans la partie que je vous ai dite; car, comme -vous savez, je ne me pique pas de belles lettres, et lorsque je prétends -que les miennes ne sont pas importunes, c'est seulement par l'amitié que -vous avez pour moi. Je ne manquerai donc pas d'écrire la semaine -prochaine à toutes les personnes à qui je dois des remercîments. M. de la -Mesnardière[280], recevra aussi, s'il vous plaît, mes excuses; et pour -ses affaires je n'ai point de conseil à donner où vous êtes, étant -certain que ce que votre raison ne trouvera pas, celle des autres le -chercheroit vainement. Vous le conseillerez sans doute comme il le doit -être; c'est pourquoi il ne me reste à désirer, sinon que l'événement de -vos conseils soit heureux. Vous me ferez aussi la faveur de remercier M. -de la Vergne[281] de ses soins et de ses bons offices. Vous savez, -Mademoiselle, ce que je vous ai dit de lui en plusieurs rencontres; c'est -pourquoi je ne vous dirai pas à quel point je suis sa servante. Au reste, -ne craignez pas que je m'accoutume jamais aux lieux où je suis, ni que je -me désaccoutume jamais de vous; il y a des maux que l'habitude amoindrit, -mais il y en a d'autres qui deviennent plus insupportables par la suite -du temps. Les plus violentes douleurs, quand elles sont de peu de durée, -se peuvent souffrir sans murmures, et les plus petites, quand elles sont -continues, ne se peuvent endurer sans se plaindre. Jugez donc si celle -que me donne votre absence est de nature à m'y pouvoir accoutumer, et si, -ayant perdu un trésor inestimable je puis m'en consoler facilement. En -vérité, Mademoiselle, je ne vous dis pas tout ce que je sens, car comme -je sais que vous êtes sensible, j'aurois peur que ma mélancolie ne fût -contagieuse pour vous. Adieu, on m'attend, et je n'ai pas loisir de vous -dire ce que je suis à Mme et à Mlles de Clermont; mais, comme vous le -savez il y a longtemps, vous le leur direz pour moi, s'il vous plaît. - - [280] De la Mesnardière, né en 1610, mort en 1663. Il était - médecin du cardinal de Richelieu et de Gaston d'Orléans. Ami de - Mme de Sablé et lié avec la plupart des gens de lettres de son - temps, il s'occupa plus de poésie que de médecine, et fut reçu à - l'Académie française en 1655. - -J'oubliois de vous dire qu'il court un bruit ici que M. le chevalier de -la Motte a été arrêté, comme il s'en alloit à Lyon; quelques-uns disent -que c'est pour avoir apporté ici, dans sa galère qui revint de Barcelone -il y a trois semaines, quarante-quatre mille pistoles, que l'on dit être -ici entre les mains de quelques-uns de ses amis. Le temps éclaircira -toutes choses. Mon frère m'a dit qu'il veut répondre lui-même à ce que -vous me dites pour lui dans ma lettre. - - [281] Aymar de la Vergne, maréchal de camp et gouverneur du - Havre-de-Grâce, père de Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, - depuis comtesse de la Fayette et auteur de _Zaïde_ et de _la - Princesse de Clèves_. - - -A MADEMOISELLE MARIE DUMOULIN[282]. - - [282] Les deux lettres qui suivent sont tirées du _Bulletin de la - Société du protestantisme français_, t. X, p. 389 et 391. - - Marseille, 21 août 1647. - - Mademoiselle, - -Comme la reconnoissance est un pur sentiment du cÅ“ur, plutôt qu'un -raisonnement de l'esprit, j'ai cru qu'encore que je fusse dans tout -l'embarras que peut causer un voyage de deux cents lieues, que j'espère -commencer dans une heure, je ne devois pas attendre que j'eusse plus de -loisir que je n'en ai à vous rendre grâce de la faveur que vous m'avez -faite de m'envoyer le portrait de Mlle de Schurman[283]. La diligence, -qui donne un si grand prix à toutes sortes de bons offices, doit, ce me -semble, en donner aussi à la gratitude, et il vaut beaucoup mieux faire -une civilité un peu en tumulte, que donner loisir à une personne -généreuse comme vous d'oublier ses propres bienfaits auparavant qu'elle -en ait reçu les remercîments. Recevez donc, Mademoiselle, toutes les -grâces que je vous rends, mais recevez-les, je vous en conjure, comme -venant d'une personne que votre rare vertu vous a absolument acquise, et -qui met au nombre de ses plus glorieuses aventures celle de votre -connoissance et de votre affection. Et certes, à dire vrai, vous m'en -donnez des marques d'une façon si obligeante qu'il faudroit être -également stupide et insensible pour n'en être pas touchée. Toutes les -amitiés commencent d'ordinaire par de simples connoissances, et ce n'est -que dans leurs suites et dans leurs progrès qu'il est permis d'espérer de -bons offices et d'attendre de grands témoignages de générosité et de -tendresse, mais, pour la vôtre, on peut dire qu'elle tient quelque chose -de la nature de l'amour (s'il est tel qu'on nous dépeint); elle n'est pas -plutôt, qu'elle est officieuse, agissante et libérale jusques à tel point -qu'elle donne ce que l'on doit préférer à tous les trésors et à toutes -les richesses imaginables. En effet, le portrait d'une personne aussi -illustre que Mlle de Schurman, envoyé par une main aussi chère que celle -de Mlle Dumoulin et reçu par un aussi honnête homme que M. Conrart, est -une faveur si signalée, que rien ne la sauroit égaler. Aussi vous puis-je -assurer que je la vante comme je dois, et pour vous témoigner le respect -que je porte à la merveilleuse fille dont vous m'avez envoyé l'image, je -n'ai pas voulu qu'après avoir passé les mers pour venir en France à ma -considération, elle eût encore la peine de me venir trouver à Marseille, -et j'ai cru que je devois bien aller d'un bout du royaume à l'autre et -passer pour le moins plusieurs rivières, pour recevoir un si grand -honneur et un si grand plaisir. Ce n'étoit pas sans doute au bord de la -mer Méditerranée que je devois attendre le portrait de Mlle de Schurman, -et le voisinage d'Alger a rendu Marseille trop barbare pour mériter cette -gloire. Véritablement, si elle eût encore été ce qu'elle étoit du temps -que Rome même, à ce que j'ai ouï dire, s'abaissoit jusques à envoyer -quelques-uns de ses citoyens pour apprendre les sciences de ces fameux -Grecs dont elle étoit habitée, je vous avoue que je n'en aurois pas usé -ainsi; mais comme il ne reste même plus nuls vestiges des maisons de ces -savants hommes qui l'ont rendue si célèbre, et que le temps n'a pas -seulement épargné le marbre et le bronze qui en pouvoient perpétuer la -mémoire, je pense que Paris est le seul lieu où on lui doit offrir de -l'encens. Souffrez donc que je vous quitte pour lui aller rendre ce -devoir, et que je vous assure en vous quittant que je ne perdrai jamais -le souvenir de ce que je vous dois, ni l'envie de vous témoigner, par -quelque agréable service, à quel point je suis, Mademoiselle, - - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - [283] Anne-Marie de Schurman, née en 1607, morte en 1678, - très-versée dans les langues anciennes, dans la langue hébraïque, - etc. - - -A M. CONRART. - - [1647.] - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . -Souffrez que je m'arrête et que j'admire en même temps le savoir de M. -Rivet, et l'esprit de Mademoiselle sa nièce[284]. Sans mentir, je ne vis -jamais rien de plus galamment pensé, ni de plus noblement exprimé, que ce -que cette excellente personne vous a écrit, et il y a un caractère si -aisé, si aimable et si spirituel en cette lettre, que je ne m'étonne pas -si Mlle de Schurman a fait sa sÅ“ur d'alliance de l'excellente fille qui -l'a écrite. Vous me ferez sans doute bien la grâce de l'assurer que, hors -l'intérêt de la Pucelle, je ferai toujours gloire de suivre ses -sentiments sans consulter les miens, et de soumettre ma raison à la -sienne, qui est infiniment plus éclairée; mais comme il n'y a que des -personnes peu généreuses qui cèdent quand on leur résiste, elle me -pardonnera si je tâche de repousser la force par la force, et si après -lui avoir rendu louange pour louange et civilité pour civilité, je fais -ce que je puis pour répondre à ses objections, car puisqu'elle a pris le -parti de Monsieur son oncle contre son propre sexe, ce sera aussi à elle -seule que je demanderai raison de ce que lui et elle vous ont écrit. Elle -dit que M. Rivet n'a pas eu d'intention de rabattre rien de la gloire de -cette héroïne, mais de faire voir seulement combien il est difficile à -une fille de conserver sa réputation toute pure en allant à la guerre, -etc., etc. - - [284] Mlle Dumoulin. - - -A M. CHAPELAIN[285]. - - [285] Le _Conservateur_, juillet 1760, p. 92. Copie du temps, - _Collection Moreau_, t. 847, p. 29. - - Voyez Eug. de Beaurepaire, _Histoire de deux sonnets_ dans la - _Revue de Rouen_, XXe année, p. 129. Les documents qu'il cite - prouvent que la querelle commença en décembre 1649. - - 7 [décembre] 1649. - -J'ai lu deux fois l'endroit du billet que vous avez écrit à mon frère, où -vous témoignez souhaiter que je vous mande mon sentiment sur les deux -sonnets qui sont en contestation, n'osant pas croire que vous me fissiez -un honneur dont je suis indigne; mais après m'être résolue de vous obéir, -je vous dirai, sans complaisance aucune, que celui d'Uranie me plaît -infiniment plus que l'autre, et vous ne me devez pas soupçonner d'en -avoir en cette rencontre, puisqu'au contraire il me semble qu'une -personne comme moi fait quelque tort à une princesse dont l'esprit est -aussi éclairé que celui de Mme de Longueville, de penser ce qu'elle -pense[286]. Ainsi, Monsieur, croyez, s'il vous plaît, que je parle -sincèrement. Les deux derniers vers du sonnet de Job, s'il m'est permis -d'en parler de cette sorte, ont quelque chose de joli et de délicat, -mais il en faut lire onze, pour les trouver; de plus, je vous avoue que -j'ai l'imagination un peu délicate, et que comme je ne puis jamais -entendre nommer Job sans avoir l'esprit rempli de toutes ces vilaines -choses dont il est environné, je ne puis souffrir qu'un galant, qui doit -être propre, se compare à lui. En effet, Monsieur, ce sujet-là a quelque -chose de si opposé aux Muses, que celles qui inspirent les peintres ne -leur ont jamais guère donné l'envie d'en faire des tableaux, du moins -sais-je bien que l'on n'en avoit point ni de Raphaël, ni du Titien, ni du -Poussin. Mais, pour le sonnet d'Uranie, j'avoue que je le trouve si beau, -que s'il y avoit une autre personne au monde que Mme de Longueville qui -eût toute la beauté du corps, toutes celles de l'esprit, et toutes les -vertus de l'âme, et que quelqu'un en osât être amoureux, je lui -conseillerois de se servir de ce sonnet pour exprimer sa passion; et ce -qui fait que je le trouve d'autant plus ingénieux, c'est que, faisant une -protestation d'amour, il fait un éloge. Vous voyez, Monsieur, que je ne -sais point vous résister, et que je vous obéis ponctuellement. C'est -pourquoi ne me demandez rien que de juste. Je vous parle ainsi, parce -que je vous avoue que je doute un peu si ce que vous avez désiré de moi -l'est, et si je n'ai pas eu tort de vous l'accorder. - - [286] Cette préférence donnée par Mme de Longueville au sonnet - d'Uranie sur celui de Job avait inspiré à Mlle de Scudéry le - quatrain suivant: - - A vous dire la vérité, - Le destin de Job est étrange - D'être toujours persécuté - Tantôt par un démon et tantôt par un ange. - - -A M. GODEAU, ÉVÊQUE DE VENCE[287]. - - [287] Les sept lettres suivantes ont été publiées par M. de - Monmerqué au t. VI de son édition de 1835 des _Historiettes de - Tallemant_ des Réaux, d'après des copies provenant du président - Durey de Meinières. En les reproduisant d'après lui, nous ne - croyons pouvoir mieux faire que de reproduire aussi les notes - qu'il y a jointes, sauf à les abréger au besoin. Ce sont - probablement les mêmes lettres, en tout ou en partie, qui sont - désignées p. 517 du _Catalogue de Lamoignon_, 1784, in-fo: - _Lettres de Mlle de Scudéry à M. Godeau, contenant plusieurs - anecdotes historiques de l'an 1650_. - - [Paris, 22 février 1650.] - -Ayant su par une de vos lettres que vous me faisiez l'honneur de -souhaiter que je vous écrivisse le peu de nouvelles qui viennent à ma -connoissance, j'avoue que j'eus quelque peine à croire que mes yeux ne me -trompoient pas, ou que vous ne vous fussiez pas trompé vous-même, en -mettant mon nom pour celui d'un autre; étant certaine que je n'ai pas une -des qualités nécessaires pour rendre ma correspondance agréable en -matière de nouvelles. Je ne suis pas fort exposée au monde; les gens que -je vois ne sont pas de la nouvelle faveur; et quand je saurois même une -partie de ce qui se passe, je ne saurois pas assez bien écrire pour vous -divertir. Néanmoins, comme je suis persuadée que la plus légitime excuse -ne sauroit jamais valoir une obéissance aveugle, je ne veux point me -servir de toutes celles que je pourrois employer pour me dispenser de -faire ce que vous souhaitez, lorsque je saurai quelque chose de digne -d'être su de vous. - -C'est pourquoi, pour commencer dès aujourd'hui, je vous dirai que l'on ne -sait point encore avec certitude en quel lieu est Mme de Longueville, et -que, depuis le jour qu'elle se sauva du château de Dieppe[288], avec deux -de ses filles seulement et quatre gentilshommes, l'un desquels est le -sieur Saint-Ibalt, et l'autre Tréry, l'on n'a pas pu encore découvrir -précisément quelle a été sa route, ni quel est son asile. Il y a du moins -apparence que Dieu sera son protecteur; car on m'écrit de Normandie -qu'après qu'elle eut pensé tomber dans la mer, et qu'une de ses filles -eut aussi failli être noyée, elle se confessa et monta à cheval un moment -après, se préparant à ce funeste voyage comme si elle eût dû mourir. - - [288] La duchesse de Longueville, après l'arrestation des - princes, qui eut lieu le 18 janvier 1650, s'enfuit en Normandie. - La cour se rendit à Rouen le 1er février: la duchesse, qui - s'étoit réfugiée à Dieppe, s'échappa du château. «Elle sortit la - nuit à cheval, jambe de çà et jambe de là , avec ses femmes, en - courant jour et nuit; elle s'embarqua sur la coste et fut en - Hollande.... Elle gagna Stenay, où estoit le mareschal de - Turenne.» (_Mémoires de Montglat._) Le récit de Mme de Motteville - est plus circonstancié; elle dit que la duchesse sortit par une - petite porte qui n'étoit pas gardée: qu'elle fit deux lieues à - pied pour gagner un petit port, où elle ne trouva que deux - barques de pêcheurs; elle voulut s'embarquer contre l'avis des - mariniers, afin de gagner un vaisseau qu'elle faisoit tenir à la - rade. Le vent étoit si grand et la marée si forte, que le - marinier, qui l'avoit prise entre ses bras pour la porter dans la - chaloupe, la laissa tomber dans la mer; elle se décida à prendre - des chevaux et à se mettre en croupe, ainsi que les femmes de sa - suite, se réfugia chez un gentilhomme, demeura cachée dans le - pays pendant environ quinze jours, et fit enfin gagner le - capitaine d'un vaisseau anglois, qui la reçut sous le nom d'un - gentilhomme qui s'étoit battu en duel. _Mémoires de Mme de - Motteville._ (M.) - -Sans mentir, Monsieur, le renversement de la maison de M. le Prince et de -celle de M. de Longueville est une étrange chose, car on voit tant -d'innocence et de persécution ensemble, qu'il n'est pas possible de -n'être pas touché de leur malheur. M. le Prince s'est pourtant trouvé -l'âme plus grande que son infortune; car, depuis qu'il est prisonnier, il -n'a pas dit une parole indigne de ce même cÅ“ur qui lui a fait gagner -quatre batailles et acquérir tant de gloire. Après avoir entendu la -messe, il s'occupe la moitié du jour à lire, et il partage l'autre à -converser avec Monsieur son frère, à jouer aux échecs avec lui, à railler -avec ses gardes, et même, pour faire exercice, il joue au volant avec -eux. Il s'est confessé une fois depuis qu'il est prisonnier, mais on ne -veut plus lui donner le même confesseur: enfin on le garde mieux que le -roi. - -Il y a trois jours que M. de Beaufort, accompagné de Mme de Chevreuse et -de Mme de Montbazon, fut au bois de Vincennes, dans un carrosse de -louage, afin de n'être point connu, pour voir de ses propres yeux si une -muraille que l'on a bâtie sur la contrescarpe des fossés du donjon étoit -assez haute pour qu'il fût impossible que M. le Prince se pût sauver. Je -vous avoue que cette action ne me semble pas trop belle, ni pour les -dames, ni pour Beaufort, qui, tant que le prisonnier a été libre, ne -s'approchoit qu'en lui faisant des soumissions d'esclave. Il est vrai -qu'un héros de la place Maubert ne doit pas être de même manière -qu'étoient autrefois ceux qui triomphoient au champ de Mars ou au -Capitole. - -Au reste, pendant que toutes choses changent en France, toutes choses -changent aussi dans le cÅ“ur de M. de Guise; car, pour recouvrer sa -liberté, il rompt les chaînes de Mlle de Pons, et reprend Mme la comtesse -de Bossu, qui va être reconnue pour Mme de Guise[289]. - - [289] Cette reconnaissance n'eut point lieu; tout ceci était un - jeu joué par le duc de Guise, prisonnier à Madrid, dans l'espoir - d'obtenir sa liberté. Voir dans Tallemant des Réaux - l'_Historiette_ du duc de Guise. (M.) - -Vous savez sans doute que la garnison de Clermont s'est soulevée en -l'absence de M. de la Moussaye, et qu'ainsi le parti du maréchal de -Turenne en est plus foible; mais on assure, dès ce matin, que le duc de -Wurtemberg assiége Mouzon. Les ennemis font de grands préparatifs en -Flandre, et le mal est que l'on n'est pas en état de s'y opposer. - -La cour est à Rouen, d'où elle doit partir pour revenir ici. On dit aussi -que le duc de Richelieu est enfin venu assurer le roi de sa fidélité, et -qu'en considération de cette obéissance, son mariage est confirmé par la -reine, à la condition qu'il aura un lieutenant du roi dans son -gouvernement et que la garnison en sera changée. Je ne sais pas encore ce -que Mme d'Aiguillon dit de cela; mais je sais bien que l'amour du duc de -Richelieu lui coûte déjà trop, et qu'il lui auroit été toujours plus -avantageux d'être maître du Havre absolument, que de régner dans le cÅ“ur -d'une femme comme Mme de.....[290]. - - [290] Armand-Jean du Plessis, duc de Richelieu, père du maréchal, - avait épousé, le 26 décembre 1649, Anne Poussard du Fors du - Vigean, veuve en premières noces de François-Alexandre d'Albret, - sire de Pons. Ce mariage, fait sans le consentement de la - duchesse d'Aiguillon, surprit tout le monde; «Mme de Richelieu, - dit Mme de Caylus, sans biens, sans beauté, sans jeunesse, et - même sans beaucoup d'esprit, avoit épousé, par son savoir-faire, - au grand étonnement de toute la cour et de la reine-mère, qui s'y - opposa, l'héritier du cardinal de Richelieu, un homme revêtu des - plus grandes dignités de l'État, parfaitement bien fait, et qui, - par son âge, auroit pu être son fils.» _Souvenirs de Mme de - Caylus._ (M.) - -Je viens de recevoir une lettre de Rouen, qui m'apprend que cette -nouvelle duchesse y est aussi, et que M. le Cardinal la devoit présenter -hier à la Reine, chez laquelle elle devoit avoir le tabouret. L'on me -mande que cela hâte le départ de la cour, qui quitte Rouen -aujourd'hui[291]. M. de Matignon est aussi venu remettre le gouvernement -de Granville et celui de Cherbourg entre les mains de Sa Majesté, -ensuite de quoi on a commandé à ce lieutenant du roi et à M. de Beuvron -de suivre la cour. - - [291] «La reine partit de Rouen le 22 février, après avoir veu - Mme de Richelieu et luy avoir donné le tabouret.» (_Mémoires de - Mme de Motteville._) Cette circonstance donne la date de cette - lettre. (M.) - -On m'écrit encore que Mme de Longueville fut droit de Dieppe au château -de Tancarville, qui est à Monsieur son mari. On m'assure qu'il y a quatre -jours elle s'est embarquée pour la Hollande. - -Voilà , Monsieur, tout ce que je sais pour aujourd'hui; cependant je ne -puis me résoudre de ne vous point parler de Mlle Paulet, de qui les maux -me touchent encore plus que les affaires publiques, quoique l'amour de la -patrie soit bien avant dans mon cÅ“ur. Je veux pourtant espérer que vos -prières lui feront obtenir la santé de celui seul pour qui il n'y a point -de maux incurables; mais je ne songe pas qu'en ne finissant une si longue -lettre je vous donnerois lieu de croire que je veux vous en lasser pour -la première fois; c'est pourquoi je m'en vais finir aussitôt que je vous -aurai assuré, avec le respect que je vous dois, que je suis autant que je -puis, etc., etc. - - -AU MÊME. - - [Paris, 8 septembre 1650.] - - Monsieur, - -Vous me reprochez si flatteusement mon mauvais caractère, que ce n'est -pas un trop bon moyen de m'en corriger; car, puisqu'en écrivant mal je -vous oblige enfin de m'en reprendre plus doucement qu'à me dire[292] que -j'écris bien, je ne sais si je ne ferois pas mieux de continuer de -faillir que de m'amender. - - [292] Plus doucement que si vous me disiez.... (M.) - -Souffrez, s'il vous plaît, que je prenne toute la part que je dois aux -maux de votre esprit et de votre corps. Pour les premiers je ne pense pas -que vous ayez besoin d'autre médecin que de vous-même; mais, pour les -autres, je pense que vous auriez besoin de venir trouver à Paris quelque -remède à vos maux; car, de la façon dont je connois ceux de la province -où vous êtes, je ne pense pas qu'ils vous puissent guérir d'un grand mal: -c'est pourquoi il me semble que vous y devez songer sérieusement. Je vous -demande pardon de la liberté que je prends de donner des conseils à un -homme que tous les rois et les sages devroient consulter; mais s'agissant -de la conservation d'une vie aussi précieuse que la vôtre, je pense qu'il -vaut mieux dire une chose inutile que de se mettre au hasard de manquer à -en dire une nécessaire. Je vis même encore hier un ouvrage de vous qui me -fortifie dans le dessein de vous conjurer de prendre soin de votre santé; -car, Monsieur, ne seroit-ce pas un crime si vous vous mettiez par votre -négligence à la détruire, de façon que vous ne puissiez plus enrichir -votre siècle comme vous l'avez fait jusqu'ici? - -Vous jugez bien, je m'assure, que cette nouvelle richesse que j'ai vue -de vous est l'admirable poëme que vous avez fait à la gloire de la -_Grande Chartreuse_[293] que M. Conrart eut la bonté d'envoyer hier à mon -frère et à moi. Après vous en avoir rendu mille grâces, je vous dirai que -ce beau désert m'a sensiblement touchée, et que la sainte horreur de -cette solitude a passé si doucement de vos vers dans mon esprit, que la -compagnie que j'ai vue aujourd'hui m'a plutôt ennuyée qu'elle ne m'a -divertie, parce qu'elle m'a empêchée de relire une seconde fois ce qui -m'a donné tant de satisfaction la première. Mais, Monsieur, puisque vous -faites si bien toutes choses et que vous représentez également bien les -cours les plus superbes et les déserts les plus sauvages, je voudrois que -vous pussiez voir ce que je vis hier, je veux dire la prison de M. le -Prince, afin que vous pussiez laisser à la postérité une parfaite image -de la constance de ce héros; car je ne pense pas qu'il y ait un endroit -dans le monde où il y ait une tour plus agréable par dehors ni si -affreuse par dedans. Cependant, comme on dit que la nécessité fait des -armes de toutes choses, je pense qu'on peut dire que M. le Prince tire de -la gloire de tout ce qui lui arrive, car vous saurez que depuis qu'on l'a -mené à Marcoussis[294] le donjon de Vincennes est devenu l'objet de la -curiosité universelle. En mon particulier j'y vis hier plus de deux -cents personnes de qualité, à qui on montre le lieu où il dormoit, celui -où il mangeoit, l'endroit où il avoit planté des Å“illets qu'il arrosoit -tous les jours, et un cabinet où il rêvoit quelquefois et où il lisoit -souvent. Enfin, Monsieur, on va voir cela comme on va voir à Rome les -endroits où César passa autrefois en triomphe. Je vois même dans un -cabinet plusieurs épigrammes écrites avec du charbon, ou gravées sur la -muraille, qui ne parlent que de ses victoires ou de ses louanges; mais ce -que j'y vois de plus surprenant, c'est que, durant que j'y étois, M. de -Beaufort y vint avec Mme de Montbazon, à qui il faisoit voir toutes les -incommodités de ce logement, triomphant lâchement du malheur d'un prince -qu'il n'oseroit regarder qu'en tremblant, s'il étoit en liberté. Pour -moi, j'eus tant d'horreur de voir de quel air il fit la chose, que je n'y -pus durer davantage. En vérité, je pense qu'on peut dire que nous sommes -au temps des prodiges et des miracles tout ensemble, tant on voit de -choses extraordinaires. - - [293] Voyez les _Poésies chrétiennes et morales_ de Godeau, t. - II. Paris, 1663. _La Grande Chartreuse_ avait paru isolément, - comme la plupart des poésies de Godeau. (M.) - - [294] Les princes avaient été transférés du donjon de Vincennes - au château de Marcoussis le 29 août précédent; c'est ce que nous - apprenons de Loret: - - Ce jour (lundi) on prit occasion - De faire la translation, - Mais très-cachée et très-soudaine, - Des trois prisonniers de Vincennes. - Plaise à la divine bonté - Que la dure captivité - Par eux constamment endurée, - Ne soit pas de longue durée! - - (_Muse historique_; lettre du 2 septembre 1650.) (M.) - -Je pense que vous avez bien su l'épouvante que les ennemis ont donnée à -Paris, lorsqu'ils sont venus à la Ferté-Milon[295] et que nous avons vu -la capitale du royaume aussi alarmée qu'ont accoutumé de l'être les -petites bicoques des frontières. Cependant j'espère que la même puissance -qui retient la mer dans ses bornes, quoique ses rivages ne la doivent pas -vraisemblablement empêcher d'inonder la terre, empêchera les ennemis de -venir ici, encore qu'il n'y ait point de rivière entre eux et nous, et -qu'il n'y ait pas même d'armée qui pût s'opposer à leur marche, s'ils le -vouloient. Ce qui me fait espérer ce bien, est que l'on assure qu'il y a -déjà une partie de leur cavalerie qui a repassé la rivière d'Aisne. Nous -verrons par le retour de M. de Verderonne[296], qui est allé porter la -réponse de M. le duc d'Orléans à l'archiduc, ce que l'on doit craindre ou -espérer. - - [295] On voit dans les _Mémoires d'Omer Talon_ que l'on avait eu - connaissance, par des lettres interceptées, que de Madrid, sur la - demande du marquis de Sillery qui négociait pour les rebelles, - des ordres avaient été donnés pour que le maréchal de Turenne - entrât dans le royaume et donnât de l'effroi à Paris. «Ce qui - estoit desjà fait,» dit Talon, «car lors l'armée des ennemis - étoit proche de la Ferté-Milon.» Cette alarme donna lieu au - transfèrement des princes. Loret peint très-plaisamment l'effet - que l'approche de l'ennemi produisit dans Paris: - - Lundi vinrent dedans Paris - Avec plaintes, clameurs et cris, - Gens conduisant, toutes complettes, - Sept mil sept cent trente charrettes - Pleines de coffres et paquets, - Dont l'on fit lors de grands caquets; - Mais ces caquets sont choses vaines. - - (_Muse historique_; lettre du 2 septembre 1650. M.) - - [296] Charles de l'Aubespine, seigneur de Verderonne, maître des - requêtes, chancelier de Gaston d'Orléans. (M.) - -Mais, pendant que les ennemis ravagent la Champagne et la Picardie, sans -qu'on puisse seulement penser à les en empêcher, les Frondeurs emploient -tout ce qu'ils ont d'adresse et de crédit pour obliger M. le duc -d'Orléans à mettre les princes sous sa puissance, afin de les avoir en la -leur. On assure même qu'il leur avoit promis de le faire; mais M. le -garde des sceaux[297], M. le Tellier et Mme de Chevreuse l'ont empêché -jusqu'à cette heure, car encore que cette dernière soit grande Frondeuse, -elle est pourtant présentement divisée de M. de Beaufort, et même de M. -le Coadjuteur, pour ce qui regarde M. le Prince; de sorte que, par ce -moyen, les amis de cet illustre captif sont en quelque espérance de voir -bientôt la cour dans la nécessité de faire une négociation secrète avec -lui, afin de délivrer le royaume de tant de tyrans qui l'oppriment. - - [297] Le chancelier Séguier n'avait pas alors les sceaux, ils lui - avaient été redemandés le 1er mars précédent, et confiés à - Charles de l'Aubespine, marquis de Châteuneuf, qui les garda - jusqu'au mois d'avril 1651, et les remit alors à Mathieu Molé. - (M.) - -Les affaires de Bordeaux sont toujours douteuses; peut-être que les -députés du Parlement qui y vont, trouveront quelque expédient aux -choses[298]. M. de Rohan est à la cour, et M. le maréchal de Grammont -aussi; l'accommodement de M. le comte de Dognon est fait[299]. - - [298] Le parlement de Paris avait député à la reine régente les - deux conseillers Meusnier et Bitaut, pour la supplier de - continuer _sa bonne volonté envers la ville de Bordeaux_. - - [299] Cet accommodement, qui ne fut définitivement conclu qu'en - 1653, consistait, pour le comte de Dognon, à rendre, ou plutôt à - vendre au cardinal Mazarin, contre le bâton de maréchal de - France, le Brouage et autres places dont il s'était emparé à la - faveur des troubles. - -Le roi a obligé la reine à chasser une de ses femmes de chambre, parce -qu'elle lui avoit révélé une chose qu'il lui avoit confiée, quoique ce -fût celle qu'il aimoit le plus, et ce qu'il y a de plus considérable, est -que ce qu'il avoit dit à cette fille étoit qu'il lui avoit témoigné avoir -beaucoup de douleur de voir les affaires de son royaume en si mauvais -état. Jugez, s'il vous plaît, de ce qu'il fera quand il sera marié, -puisqu'il agit présentement ainsi[300]. - - [300] Loret nous apprend dans sa _Muse historique_, que cette - femme de chambre s'appeloit Noiron, et que la reine la maria peu - de temps après sa disgrâce à un sieur Ivelin, attaché comme - médecin à sa maison. (M.) - -Voilà , Monsieur, tout ce que je vous dirai, car je m'aperçois bien que si -je vous en disois davantage, vous ne le pourriez plus lire, tant j'ai -pris une forte habitude de mal faire. Je vous dirai pourtant encore que -mon frère est votre très-humble serviteur, et que je suis de toute mon -âme, etc., etc. - - -AU MÊME. - - [Paris.... octobre 1650.] - -Je ne crois nullement mériter toutes les louanges que vous me donnez, et -je crois seulement que me faisant l'honneur de m'aimer parce que votre -illustre et chère Angélique[301] m'aimoit tendrement, vous n'êtes pas -marri que je me donne l'honneur de vous entretenir. Au reste, avant que -de vous dire des nouvelles, il faut que je vous dise que les vers que -vous avez envoyés à Mme de Clermont m'ont fait verser plus de larmes -qu'ils n'ont de syllabes[302]. Il me semble, Monsieur, qu'en vous -dépeignant la douleur qu'ils ont excitée dans mon cÅ“ur, c'est en faire -l'éloge. En effet, vous représentez si agréablement cette merveilleuse -fille, que l'on peut assurer que jamais portrait n'a si bien ressemblé -que celui que vous avez fait d'elle. De plus, vous touchez avec tant de -délicatesse l'endroit où vous parlez de l'amitié que vous aviez pour elle -et de celle qu'elle avoit pour vous, qu'il ne faut pas s'étonner si, -ayant l'âme aussi tendre que je l'ai, j'en ai été extraordinairement -satisfaite, et si mon cÅ“ur s'en est attendri; car enfin vous dites cent -choses que j'ai senties pour elle, mais que je n'eusse jamais pu si bien -dire; je vous rends donc mille grâces d'être cause que j'aurai la -consolation de voir une peinture de la divine Angélique, plus durable et -plus belle que ne le sont celles de Raphaël. En vérité, Monsieur, je ne -me console point de la perte de cette généreuse amie, et je trouve une si -notable différence de l'amitié qu'elle avoit pour moi à celle qu'ont -quelques autres personnes qui m'aiment pourtant autant qu'elles peuvent -aimer, que, quand elle n'auroit eu qu'un médiocre mérite, je la -regretterois toute ma vie. Jugez donc ce que je dois faire, vous qui -savez mieux ce qu'elle valoit que qui que ce soit. Si je suivois mon -inclination, je ne vous parlerois d'autre chose; mais puisque je me suis -imposé la nécessité de vous dire ce que je sais des nouvelles du monde, -il faut que je m'en acquitte. - - [301] Mlle Paulet. - - [302] Voyez l'épître de Godeau à la marquise de Clermont - d'Antragues, dans ses Poésies. (M.) - -Vous saurez donc que l'entrevue de la reine et de Mme la Princesse[303] a -tellement épouvanté toute la Fronderie, qu'il est aisé de juger que vous -aviez raison de dire que, _si le lion rugissoit en liberté, il feroit -fuir tous ses ennemis_. Il est vrai que cette entrevue, aussi bien que -celle de MM. de Bouillon et de la Rochefoucauld avec M. le Cardinal[304], -a des circonstances qui font croire que leur peur n'est pas tout à fait -sans fondement; car non-seulement la reine reçut admirablement bien Mme -la Princesse, mais elle l'entretint très-longtemps en particulier; on -ajoute même qu'il paroissoit, par l'air du visage de cette jeune -princesse, que ce que la reine lui disoit lui donnoit de la joie. De -plus, M. de Bouillon coucha chez M. le Cardinal, et il court un bruit que -le neveu de Son Éminence épousera la fille aînée de ce duc. Enfin, -personne ne doute que la paix de Bordeaux n'ait plusieurs articles -secrets que la Gazette ne dit pas, et les politiques les plus fins disent -que M. de Bouillon est trop habile pour s'attirer la haine de M. le -Prince, comme il feroit sans doute s'il avoit fait un traité secret où il -n'eût point de part. Ce qui étonne encore les Frondeurs est que M. l'abbé -de la Rivière a eu permission, avec le consentement de Son Altesse -Royale, de partir d'Aurillac, et de venir à son abbaye de Saint-Benoît, -auprès d'Orléans. Outre cela, ils savent encore que cette même Altesse a -écrit plusieurs fois de sa main à la reine et à M. le Cardinal, sans leur -en rien dire. Ils n'ignorent pas non plus que M. le Tellier a été ces -jours passés à Marcoussis. Ils savent encore que M. l'intendant a reçu -ordre de faire un dernier effort pour contenter les rentiers, de peur -qu'ils ne se servent d'eux pour faire quelque nouveau remuement à Paris. -M. le Coadjuteur, en son particulier, sait bien que Son Altesse Royale ne -peut plus souffrir sa domination, et il ne peut pas ignorer que la cour -n'ait su qu'il a fait tout ce qu'il a pu pour obliger M. le duc d'Orléans -à se rendre maître des princes prisonniers, à quelque prix que ce fût. Il -a même tenu des discours sur cela qui font horreur. - - [303] Voir, sur cette entrevue de la reine et de la Princesse de - Condé, les _Mémoires de Mlle de Montpensier_. (M.) - - [304] _Mémoires de Mme de Motteville._ (M.) - -Outre toutes ces choses, les Frondeurs voyent encore que l'ardeur du -peuple pour _l'Amiral du Port au foin_[305] est fort ralentie, de telle -sorte qu'il n'y a plus guères que le quartier des halles où on le salue, -si bien que présentement la Fronderie est un peu chancelante. Dieu -veuille qu'elle ne se raffermisse pas, et que ceux qui ont le dessein de -faire de la France ce que Cromwel et Fairfax ont fait de l'Angleterre, ne -puissent jamais avoir de crédit! - - [305] Le duc de Beaufort, grand Amiral de France, surnommé le - _roi des halles_. (M.) - -On dit que la Cour avoit dessein d'aller en Languedoc et en Provence; -mais Son Altesse Royale la presse si fort de revenir qu'on croit en effet -qu'elle reviendra[306]. - - [306] La cour revint à Paris au commencement du mois de novembre - 1650. (M.) - -Ceux de Melun ont refusé deux fois, depuis quinze jours, d'obéir aux -ordres de M. le duc d'Orléans, qui vouloit que ses gendarmes y -logeassent; et quand on leur a dit qu'ils s'exposoient beaucoup, ils ont -répondu que M. de Beaufort les avoit assurés de sa protection, et qu'ils -ne craignoient rien. Le retour du Roi fera voir s'ils ont raison. - -Mme de Chevreuse et Mme de Montbazon[307] sont toujours plus mal, et -elles vont même plaider. Le sujet du procès est digne du temps et des -personnes; car Mme de Chevreuse demande cent mille écus qu'on lui a -promis en mariage; à cela Mme de Montbazon dit qu'elle a une quittance -de M. de Chevreuse, et Mme de Chevreuse répond que monsieur son mari -l'ayant donnée du temps qu'il étoit amoureux de Mme de Montbazon, elle ne -prétend pas qu'elle soit bonne. - - [307] Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, et Marie de - Bretagne, duchesse de Montbazon. (M.) - -Voilà à peu près tout ce que je sais; mais puisqu'il semble que vous avez -envie que je vous dise exactement tout ce qui regarde Monsieur le Prince, -pour vous témoigner mon exactitude, je vous dirai que, lorsque je fus au -donjon, j'eus la hardiesse de faire quatre vers et de les graver sur une -pierre où Monsieur le Prince avoit fait planter des Å“illets qu'il -arrosoit quand il y étoit. Mais, pour porter encore ma hardiesse plus -loin et vous faire voir que j'ai plus de zèle que d'esprit, je m'en vais -vous les écrire: - - En voyant ces Å“illets qu'un illustre guerrier - Arrosa d'une main qui gagna des batailles, - Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles, - Et ne t'étonne pas de voir Mars jardinier[308]. - - [308] Ces vers étaient déjà connus par le récit de Mme de - Motteville. (M.) - -Je m'assure, Monsieur, que vous ne me disputerez pas la dernière chose -que je vous ai dite; aussi ne vous envoyé-je point ces quatre vers comme -jolis, mais comme une marque de la confiance que j'ai en votre bonté. - -Je vous dirai encore que mon frère envoya hier à Monsieur le Prince la -cinquième partie du _Cyrus_; mais comme on ne parle qu'à M. de Bar qui -lui avoit déjà donné la quatrième, lorsqu'il étoit à Vincennes, il -écrivit à mon frère qu'il ne manqueroit pas de donner son livre à -Monsieur le Prince aussitôt qu'il l'auroit lu[309]. Ce qu'il y a de plus -rare, c'est qu'il écrit si mal qu'il s'en faut peu que je ne croye qu'il -ne sait pas lire, et pour juger de sa suffisance en matière d'écriture, -il écrit _doute_ avec une _h_; encore est-ce le mot le mieux -orthographié. - - [309] M. de Bar était chargé de la garde des trois Princes; il - était fort ignorant. On a prétendu que, comme il ne savait pas le - latin, il voulait qu'on leur dît la messe en français, de peur - que le prêtre, en officiant, ne leur donnât dans cette langue des - avis qu'il ne pourrait pas comprendre. (M.) - -Au reste, Monsieur, si l'on ne nous avoit pas donné quelque espoir que -vous viendriez bientôt ici, mon frère vous auroit déjà envoyé le livre -dont je viens de parler, et vous auroit aussi renvoyé une seconde fois -celui qui a été perdu; mais sachant cette agréable nouvelle, il se -prépare à vous les offrir lui-même, et moi à vous protester que je suis -de toute mon âme, etc., etc. - - -AU MÊME. - - [Paris, 4 novembre 1650.] - -Tant que M. Conrart est en santé, je vous écris plus pour mon intérêt que -pour le vôtre, sachant bien qu'il vous apprend toutes les nouvelles avec -beaucoup d'exactitude et beaucoup d'éloquence tout ensemble; mais -aujourd'hui que cet illustre ami est malade, il me semble que c'est à moi -à vous apprendre les choses remarquables que la bizarrerie du siècle -produit tous les jours. - -Je vous dirai donc que, depuis un mois ou six semaines, on vole si -insolemment dans les rues de Paris, qu'il y a eu plus de quarante -carrosses de gens de qualité arrêtés par ces _messieurs les voleurs_, qui -vont à cheval, et presque toujours quinze ou vingt ensemble. Mais, comme -nous sommes dans un temps de confusion, ceux qui devroient donner ordre à -de telles violences ne s'en sont point mis en peine, de sorte que, voyant -que l'on pouvoit voler impunément, tous ceux qui se sont trouvés pauvres -et méchants se sont mis à dérober: je vous laisse à juger après cela -quelle multitude de voleurs il doit y avoir. On les auroit pourtant -laissés maîtres des rues de Paris, sans une chose qui arriva samedi au -soir, et qu'il faut que vous sachiez. - -Je pense que, quelque éloigné que vous soyez de Paris, vous avez bien su -que les yeux de Mme de Montbazon ont assujetti le cÅ“ur du _Roi des -Halles_, autrement appelé M. de Beaufort; mais vous ne savez peut-être -pas que cet amant va tous les soirs chez la duchesse, et qu'il n'en sort, -qu'à deux ou trois heures après minuit. Il arriva donc qu'étant allé, -samedi dernier au soir[310], chez elle, il ne la trouva point; mais -comme il ne se pouvoit passer de la voir, et que pourtant il vouloit -souper, il dit tout haut au portier qu'il s'en alloit à l'hôtel de -Vendôme et qu'il reviendroit à onze heures. L'histoire porte que, quand -il dit cela au portier de l'hôtel de Montbazon, deux hommes inconnus, qui -s'étoient avancés auprès du carrosse, l'entendirent et se retirèrent; -mais la chose est un peu douteuse. Cependant, comme M. de Beaufort fut -auprès de la Croix du Tiroir[311], il changea d'avis, et résolut de -souper à l'hôtel de Nemours et de renvoyer son carrosse à l'hôtel de -Vendôme, ordonnant à son écuyer de le lui ramener à onze heures, chez Mme -de Montbazon, où un carrosse de l'hôtel de Nemours le mena aussitôt qu'il -eut soupé. - - [310] Cet événement arriva le samedi 29 octobre 1650, entre onze - heures et minuit. Voyez le _Récit véritable de tout ce qui s'est - passé à l'assassinat commis proche l'hôtel de Schomberg, au sujet - de Monseigneur le duc de Beaufort_. Paris, 1650, in-4º de sept - pages. Loret a raconté aussi cet événement dans sa _Muse - historique_. (M.) - - [311] _La Croix du Trahoir_; rue Saint-Honoré, au coin de la rue - de l'Arbre-Sec. (M.) - -Comme ce bon prince ne va jamais sans être bien accompagné, ni sans -armes, deux gentilshommes[312] et deux valets de chambre, qui revinrent -dans son carrosse, avoient des pistolets et des mousquetons, qui ne leur -servirent cependant qu'à causer le malheur qui est arrivé. Car, comme ils -furent auprès de la Croix du Tiroir, vingt hommes à cheval ayant -environné le carrosse et commandé au cocher d'arrêter, un des deux -gentilshommes, qui étoit au fond du carrosse, tira un mousqueton qu'il -avoit et blessa un des voleurs[313], de sorte qu'au même instant un de -ceux qui attaquoient s'élança dans le carrosse et donna un coup de -poignard à celui qui touchoit le gentilhomme qui avoit tiré ce -mousqueton. Un moment après, plusieurs coups de pistolets suivirent ce -coup de poignard, un desquels acheva de tuer ce pauvre malheureux qui -étoit déjà blessé, et un autre brûla l'oreille de celui qui étoit au fond -du carrosse et qui avoit tiré le premier. Cela fait, les voleurs, qui -virent un des leurs blessé, tellement qu'il ne pouvoit se soutenir, s'en -allèrent sans rien prendre à ceux qui étoient dans le carrosse, et -emportèrent leur compagnon blessé. - - [312] Les sieurs de Saint-Églan et de Brinville. (M.) - - [313] Comme l'écrit déjà cité est l'ouvrage d'un Frondeur, et que - ce parti ne mettoit pas en doute l'intention des assassins de - tuer le duc de Beaufort, le pamphlet diffère essentiellement de - la narration de Mlle de Scudéry. Il y est dit que les - assaillants, «croyant que ledit seigneur-duc estoit dans ledit - carrosse, à cause que le sieur de Saint-Églan avoit la chevelure - blonde, ainsy que la porte ledit seigneur-duc, tirèrent quinze à - vingt coups, sans blesser personne, sinon le sieur de Brinville, - lequel fut blessé légèrement à la joue.... et tout aussitost tira - un autre coup de mousqueton, duquel fut tué ou blessé à mort un - desdits assassineurs, et en mesme temps ledit sieur de Brinville - sauta legerement hors du carrosse, et à la faveur de la nuict se - mesla parmi eux sans estre reconnû, ce que ne put faire le sieur - de Saint-Églan, lequel fut misérablement blessé d'un coup de - poignard ou de baïonnette au cÅ“ur, dont il mourut une demy heure - après.» _Récit véritable._ (M.) - -Cependant le carrosse de M. de Beaufort fut à l'hôtel de Montbazon où il -y eut un bruit tel que vous pouvez l'imaginer. Ce pauvre malheureux qui -avoit été tué à la place où M. de Beaufort se met d'ordinaire, fut tiré -de ce carrosse et exposé aux yeux du peuple jusqu'au lendemain -après-midi. M. de Beaufort envoya à l'heure même chez tous ses amis. La -chose passa dans son esprit pour un assassinat, et il ne s'en retourna -chez lui qu'en état de donner bataille. - -Cependant le peuple n'a point fait de bruit de cet accident durant les -premiers jours, et M. de Beaufort a vu que son règne est changé. Mais -comme les Frondeurs sont toujours tout prêts à renouveller les désordres -passés, ils ont fait dire parmi le peuple que c'étoit M. le Cardinal qui -avoit fait faire cet assassinat. Dans le même temps, ils ont aussi fait -publier que c'étoient les amis de Monsieur le Prince, et ils n'ont rien -oublié pour tâcher à faire quelque soulèvement. Mais, par bonheur, celui -de ces voleurs qui a été blessé, s'étant fait panser à trois chirurgiens -différents, a été reconnu et pris; de sorte que présentement il est en -prison, et il y a apparence qu'on lui fera dire la vérité. Il a déjà -assuré qu'il n'avoit dessein que de voler, et que, si ceux du carrosse -n'eussent point tiré, il n'y eût eu personne de tué. Il a nommé tous ses -complices, et on en a déjà pris deux; de sorte que, devant qu'il soit -trois jours, on saura la vérité de cette funeste aventure, qui fait tant -de bruit dans le monde, et dont les Frondeurs prétendent tirer tant de -fruit. - -Je n'oserois vous dire qui l'on a soupçonné de cette affaire, car cela -seroit abominable, et il vaut mieux remettre à l'ordinaire prochain que -la chose sera éclaircie. - -Au reste, il semble que M. de Beaufort soit destiné à porter la division -partout, car il n'a pas plus tôt loué une maison dans la rue de -Quinquenpoix, où jamais prince n'a logé, qu'il y a eu division entre deux -paroisses, qui prétendent l'avoir toutes deux pour paroissien, l'une -parce que de tout temps la maison où il va demeurer a été de -Saint-Nicolas, et l'autre qui est de Saint Leu, parce que M. de Beaufort, -voulant être voisin des marchands de la rue Saint-Denis, a fait faire une -porte qui y donne, de sorte que, comme cet endroit de la rue Saint-Denis -est de la paroisse Saint-Leu, le curé de cette église prétend que, -faisant une porte plus grande dans cette rue que n'est l'ancienne porte -dans la rue Quinquenpoix, la maison doit changer de paroisse et être de -la sienne. On verra ce que les juges en ordonneront s'ils plaident; on -dit qu'ils en ont le dessein. - -On vient de me dire que des gens conduits par des Frondeurs ont été la -nuit dernière[314], avec tambour battant, pendre un portrait de M. le -Cardinal à un poteau qui est auprès du Pont-Neuf, avec un arrêt écrit au -dessus, qui porte que, pour l'assassinat commis en la personne de M. de -Beaufort, il est condamné à être pendu: mais le jour n'eut pas plus tôt -fait voir la chose, que le Lieutenant criminel a été faire dépendre ce -tableau, et informer comment cela s'étoit passé. Je ne pense pourtant pas -que la Fronderie puisse venir à bout de soulever le peuple; toutefois les -affaires de Bordeaux se rebrouillent; Mme la Princesse douairière a été -bien malade, mais elle est hors de danger[315]. La Reine a aussi été -saignée trois fois pour un grand rhume dont elle est guérie. Il n'est pas -de même de M. de Guise, qui est très-mal. - - [314] C'était dans la nuit du jeudi 3 novembre 1650. Voir les - mémoires du temps et la lettre du samedi 5 novembre de la _Muse - historique_ de Loret. (M.) - - [315] Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse douairière - de Condé. (M.) - -Cependant les pauvres prisonniers sont toujours entre l'espérance et la -crainte, et les choses sont présentement en tel état, qu'on ne sait ce -que l'on doit penser; car enfin, on voit que tout le monde fait le -contraire de ce qu'il devroit faire. Il faut du moins que ceux qui ne -sont pas exposés au tumulte du monde se fassent sages aux dépens -d'autrui. C'est pour cela que je m'examine moi-même, afin de régler mes -sentiments que je suis assurée qu'on ne peut condamner, du moins pour ce -qui vous regarde, puisque je ne pense pas que le déréglement puisse être -assez grand dans l'esprit des hommes, pour trouver que je n'ai pas raison -de vous honorer autant que je vous honore, et d'être autant que je suis, -etc., etc. - - -AU MÊME. - - Paris, 18 novembre 1650. - -Je ne vous écrirai pas longtemps aujourd'hui, car je suis attendue en un -lieu où je me suis engagée d'aller il y a plus de huit jours. Je me hâte -de vous dire que la Cour est enfin revenue à Paris[316]. M. de Beaufort -fut chez la Reine le lendemain; mais il n'en fut pas bien reçu; car à -peine fut-il entré, qu'elle dit que l'on se retirât, et en effet le _Roi -des halles_ sortit sans avoir dit une parole. En sortant, il rencontra -sur l'escalier le Cardinal qui montoit. Ils se saluèrent comme des gens -qui craindroient de s'enrhumer, car on assure qu'ils enfoncèrent plutôt -leurs chapeaux qu'ils ne les levèrent; il est vrai qu'ils passèrent si -vite qu'ils n'eurent pas le loisir de s'observer longtemps. - - [316] La cour rentra à Paris le 12 novembre 1650. (M.) - -J'oubliois de vous dire que le jour qui précéda le retour du Roi, on -avoit rompu sur la roue trois des voleurs qui ont tué ce gentilhomme de -M. de Beaufort, qui dirent toujours qu'ils n'avoient dessein que de -voler, de sorte que voilà le prétendu assassinat mal prouvé. - -Mais, Monsieur, j'ai bien une plus pitoyable chose à vous dire; c'est que -mercredi on fit partir MM. les Princes pour aller au Havre. Je vous avoue -que quand je vois ce gagneur de batailles et ce preneur de villes, qui a -sauvé trois fois l'État, aller de prison en prison, j'en ai une -compassion étrange. Il a reçu cette nouvelle avec sa constance ordinaire; -il fit même une raillerie délicate sur ce que c'est M. le comte -d'Harcourt[317] qui les escorte avec mille hommes de pied et cinquante -chevaux[318]. A dire vrai, cet emploi est bien étrange, car enfin, il a -présentement le gouvernement d'un des princes qu'il mène. Je n'aurois pas -aimé d'avoir cette conformité avec les bourreaux qui ont la dépouille de -ceux qu'ils font mourir; car M. ***, capitaine aux gardes, a refusé d'y -aller, on dit même que Miossens[319] a feint d'être malade pour ne s'y -trouver pas. On mena ces pauvres princes, mercredi, coucher à Versailles; -ils versèrent en y allant, et le prince de Conti qui se trouva dessous, -fut une heure évanoui sur un fossé. Ils devoient hier coucher à Houdan, -aujourd'hui à Anet, et demain à un lieu que j'ai oublié; après quoi ils -iront au Pont-de-l'Arche, de là à Jumièges, puis à Bolbec et de là au -Havre. Jugez quelle douleur a M. de Longueville, de passer en cette -posture dans son gouvernement. - - [317] Henri de Lorraine comte d'Harcourt, mort en 1666. - - [318] Pendant la translation de Marcoussis au Havre, le prince de - Condé fit contre le comte d'Harcourt le couplet suivant: - - Cet homme gros et court - Si connu dans l'histoire, - Ce grand comte d'Harcourt, - Tout couronné de gloire, - Qui secourut Casal et recouvra Turin, - Est maintenant recors de Jules Mazarin. - - [319] César-Phébus d'Albret, comte de Miossens, alors maréchal de - camp, depuis maréchal d'Albret. (M.) - -Monsieur le Cardinal a envoyé faire compliment à Mme la Princesse sur sa -maladie, et la prier de ne pas s'alarmer sur le changement de prison de -MM. les Princes; qu'il l'assuroit que ce ne seroit pas pour longtemps, et -qu'il alloit faire tout ce qu'il pourroit pour mettre les choses en tel -état que la Reine les pût délivrer sans danger. Dieu veuille que cela -soit bientôt! car j'avoue que c'est une chose honteuse à la Reine et à -notre nation, de voir les injustices que l'on voit. - -Je ne pensois pas vous en pouvoir tant dire. Je ne vous dis pourtant pas -la moitié de ce que je pense, ni la centième partie de ce que l'on dit; -mais on m'attend, je n'ai plus que le temps de vous assurer que je suis -autant que je le dois, etc. - - -AU MÊME. - - [Paris, 30 décembre 1650.] - -Il y a quinze jours que j'étois si enrhumée, que je ne pus pas vous -écrire, et il y en a huit que la curiosité de voir le service qu'on -faisoit, aux Cordeliers, à feue Mme la Princesse[320], et d'entendre la -seconde oraison funèbre que devoit prononcer M. l'évêque de Vabres[321], -l'emporta sur l'envie que j'avois de me donner l'honneur de vous -entretenir, joint que je crus que si j'allois en ce lieu-là , j'aurois -plus de matière de vous divertir aujourd'hui. Je ne m'amuserai pourtant -pas à vous dire qu'il y avoit plus de deux mille cierges à cette -cérémonie, que le clergé et toutes les compagnies souveraines y étoient -en corps, et que les ordres que M. le Prince a donnés de rendre tous les -honneurs imaginables à Mme sa mère, ont été exécutés, car la gazette vous -l'aura appris; mais je vous dirai que M. l'évêque de Vabres a acquis -grand honneur, et par l'action qu'il fit aux Augustins, lorsque le clergé -honora feue Mme la Princesse d'un service, et par celle qu'il fit depuis -aux Cordeliers: car enfin, sans rien dire contre le respect qu'il doit à -la Cour, il loua fort hardiment et les morts, et les exilés et les -prisonniers. A sa première oraison funèbre, il prit pour sujet de son -discours la dernière prière qu'a faite Mme la Princesse, qui fut, si je -ne me trompe: _In te, Domine, speravi, non confundar in æternum_; et -comme ce psaume a été appelé par quelques-uns le psaume des captifs, cet -évêque se servit fort heureusement de cette favorable rencontre. Après -cela, il ne s'amusa point à louer Mme la Princesse ni de sa beauté, ni de -sa grande naissance; ou s'il le fit, ce fut sans s'y arrêter, et en -disant qu'il laissoit toutes ces choses aux poëtes et aux orateurs. C'est -pourquoi il ne s'attacha qu'aux vertus, et entre les vertus il ne choisit -que la patience et la charité, qui furent les deux parties de son -discours. Vous pouvez juger, Monsieur, qu'il ne put parler de la patience -de Mme la Princesse, sans parler de la prison de MM. les Princes, et de -l'exil de M. de Longueville; aussi le fit-il si généreusement et si -sagement tout ensemble, qu'il toucha le cÅ“ur de tous ceux qui -l'entendirent. - - [320] La princesse de Condé douairière mourut à - Châtillon-sur-Loing le 2 décembre 1650. Ses restes furent - transportés le 22 du même mois au couvent des Carmélites de la - rue Saint-Jacques. (M.) - - [321] Isaac Habert, nommé évêque de Vabres en 1645. (M.) - -La seconde oraison ne fut pas tout à fait si hardie, parce qu'il parloit -par le commandement du Roi; il ne se démentit pas pourtant. Il y eut de -fort belles choses dans son discours; il prit le deuxième verset du même -psaume dont il s'étoit servi la première fois, et joignit la persévérance -aux deux autres vertus qu'il avoit attribuées à Mme la Princesse. Il dit -cependant encore qu'il falloit demander la liberté de cet illustre -captif, dont les mains victorieuses étoient chargées de fers; mais qu'il -ne la falloit demander qu'à Dieu et au Roi. Voilà , Monsieur, à peu près -l'ordre des deux discours qui furent tous deux fort beaux. M. l'abbé -Roquette en doit faire un aux Carmélites, mais j'espère que ce ne sera -qu'a la fin des quarante jours. - -Je ne vous parle point des assemblées du Parlement, car vous les savez -sans doute, et vous n'ignorez pas que présentement les Frondeurs font -semblant de demander la liberté des Princes, car comme ils savent bien -que mille arrêts du Parlement ne feroient pas tomber une pierre du Hâvre, -ils ne craignent pas d'obtenir ce qu'ils font semblant de souhaiter. Si -la Cour étoit bien conseillée, elle déchaineroit ce lion contre ceux qui -la persécutent. - -M. le duc d'Orléans n'est pas trop bien avec la Reine, et certes je pense -qu'elle a raison de s'en plaindre, car enfin il voit tous les jours chez -lui M. le Coadjuteur et M. de Beaufort, qui ne voient point le Roi, et -qui font tous les jours ce qu'ils peuvent pour soulever le peuple et pour -renverser l'État. La victoire de M. le maréchal du Plessis[322] les a -pourtant un peu mortifiés, car elle est venue justement au plus fort de -leurs assemblées. On apporta hier soixante-cinq drapeaux à Notre-Dame, -qui passèrent durant que messieurs du Parlement délibéroient. Il -n'achevèrent point hier; je ne sais s'ils achèveront aujourd'hui. Si je -l'apprends avant que de fermer ma lettre, je vous le dirai. La pluralité -des voix alloit hier à remontrance. - - [322] La bataille de Réthel, gagnée le 15 décembre 1650, par le - maréchal du Plessis sur les Espagnols, dans les rangs desquels - étoit le maréchal de Turenne. (M.) - -Il y avoit un homme dans leurs dernières assemblées qui ne sera pas des -dernières, car il mourut hier au soir, fort regretté, aussi bien que M. -d'Avaux son frère[323]. Vous pouvez juger après cela que celui dont je -parle est M. le président de Mesmes[324]; il est mort du pourpre qui n'a -pu sortir et qui l'a étouffé. La Cour y perd entièrement, et les -Frondeurs y gagnent. On dit qu'il a disposé de sa charge, sous le bon -plaisir du Roi, en faveur de M. d'Irval, son frère; mais il y en a qui -croient que M. le Tellier y prétend. - - [323] Claude de Mesmes, comte d'Avaux, l'un de nos diplomates les - plus distingués, et frère du président, étoit mort le 19 - novembre. (M.) - - [324] Henri de Mesmes, président à mortier au parlement de Paris, - mourut le 29 décembre 1650. Ce passage donne la date précise de - cette lettre. (M.) - -On dit toujours que M. le Cardinal revient, mais on ne le sait pourtant -pas avec certitude. - -Les habitants de Réthel, en reconnoissance de ce que ça été le conseil et -la valeur de M. de Manicamp qui les a délivrés de la domination -espagnole, lui ont donné une fort belle épée. Ils se sont engagés à -perpétuité d'en donner une à tous les aînés de sa maison. Il me semble -que cette marque d'honneur est plus belle qu'un bâton de maréchal de -France. - -On vient de m'assurer qu'enfin ces messieurs les sénateurs ont achevé -d'opiner. Voici comme on dit que la chose se passa: que messieurs les -gens du Roi iront aujourd'hui trouver la Reine pour prendre jour et -heure, afin que le Parlement lui fasse très-humbles remontrances pour la -liberté des Princes; qu'ils enverront des députés à M. le duc d'Orléans, -pour le supplier d'assister à toutes les assemblées qu'ils ont résolu de -faire, jusqu'à ce que la Reine les ait satisfaits; que pour cet effet ils -s'assembleront dès demain pour apprendre des gens du Roi la réponse de la -Reine et pour délibérer dessus. On me vient aussi d'apprendre que le -président de Blancmesnil, grand Frondeur, est à l'extrémité; ainsi, le -bon et le mauvais parti auront chacun un protecteur[325]. - - [325] C'est-à -dire apparemment un patron dans le ciel.--René - Potier, seigneur de Blancmesnil et du Bourget, président des - Enquêtes, ne termina cependant sa carrière que le 17 novembre - 1680. (M.) - - -Je trouverois peut-être bien encore quelque chose à vous dire, mais ma -lettre est si longue que ce seroit abuser de votre patience. Il faut -pourtant encore que vous ayez la peine de lire que mon frère est votre -très-humble et très-obéissant serviteur, et que je suis autant que je le -dois et que je le puis, etc., etc. - - Votre, etc. - - -AU MÊME. - - [Paris, 2 mars 1651.] - -Je vous écrivis une lettre si longue, il y a quinze jours[326], que je -jugeai à propos, l'ordinaire passé, de ne vous pas accabler par un -nouveau griffonnage..... Je pense que ceux qui voudroient chercher -quelque liaison en écrivant les nouvelles, et passer insensiblement d'une -chose à une autre, s'y trouveroient bien embarrassés, car tout ce qu'on -sait au temps où nous sommes a si peu de rapport, qu'il faut de nécessité -l'écrire fort irrégulièrement, principalement quand on n'a pas plus d'art -que j'en ai. - - [326] Cette lettre ne figure pas ici. - -Quoi qu'il en soit, je vous dirai que M. le Prince fut, il y a trois -jours, demander la permission à la Reine de marier son fils et M. son -frère, le premier avec une des filles de M. le duc d'Orléans, et l'autre -avec Mlle de Chevreuse; et comme cette princesse n'est pas en état de -rien refuser, elle accorda ce qu'on lui demandoit[327]. Je ne vous dis -point après cela que M. le duc d'Orléans et M. de Chevreuse ne refusèrent -point M. le Prince, lorsqu'il fut faire la demande de ces deux -princesses, car vous pouvez bien juger que cela est ainsi. Le pauvre -prince de Conti a une telle envie de se marier, qu'il en est malade. Pour -moi, j'avoue que je ne sais pas comment il a la hardiesse d'épouser une -fille de Mme de Chevreuse; je vis hier un homme qui me dit qu'il aimeroit -mieux épouser quelque jeune sultane au sortir du sérail, que la fille -d'une telle mère. Cependant quelque avancé que soit ce mariage, quoiqu'on -ait envoyé à Rome pour avoir la dispense de tenir les bénéfices, que M. -le prince de Conti ait nommé M. de Montreuil[328] pour titulaire, il y en -a qui doutent encore qu'il s'achève, parce qu'on sait que Mme de -Longueville y a une aversion étrange. Le temps nous fera voir ce qui en -sera. - - [327] Les princes étaient sortis du Havre le 13 février - précédent. Leur liberté avait été le résultat d'un traité fait - entre le Co-adjuteur et la princesse Palatine, au nom du prince - de Condé, dont elle avait reçu les pouvoirs tracés sur une - ardoise. Ce double mariage en avait été l'une des conditions. Le - but était de réunir les princes et le duc d'Orléans dans un même - intérêt. Ces mariages ne s'accomplirent pas. (M.) - - [328] Jean de Montreuil, secrétaire du prince de Conti, membre de - l'Académie française. Il n'aurait pu être longtemps le - _custodi-nos_ du prince, car il mourut le 27 avril suivant. (M.) - -Pour M. le Cardinal, il est à Sedan, d'où il doit bientôt partir pour -aller en Suisse, ou à Madrid. La Reine demanda encore huit jours, par la -bouche de M. le duc d'Orléans, pour lui donner le loisir de sortir du -royaume. Le Parlement les accorda, mais en même temps ces messieurs -donnèrent un arrêt qui porte qu'on informera de ce qui s'est passé aux -lieux où M. le Cardinal a couché depuis son départ de Dourlens. Le -Parlement refusa aussi pour la seconde fois la déclaration du roi, -touchant l'exclusion des étrangers et des cardinaux pour le -ministère[329]; mais comme je crois que cette seconde affaire, qui va -mettre une grande division entre le clergé et le Parlement, vous est -mandée par diverses personnes, je ne vous la dirai point, et je -continuerai ma gazette en vous parlant de l'arrivée de M. -d'Angoulême[330], qui a été fort bien reçu de M. le Prince. Aussi vous -puis-je assurer que tout ce qu'il y a de Provençaux ici commencent déjà -de s'empresser fort auprès de lui, et sa cour est si grosse qu'on ne le -sauroit croire à moins de l'avoir vue. Je voudrois de tout mon cÅ“ur que -tous les ennemis qu'il a dans votre province vissent ce qui se passe ici, -afin que, se repentant, ils tâchassent à se raccommoder, et qu'ils se -tinssent en repos; car enfin, il est constamment vrai que M. le Prince va -être maître absolu des affaires. Je vous assure qu'il n'est pas sans -occupation. Il dîna hier chez M. le premier Président[331], qui le -traita avec une magnificence étrange. Il y avoit quatorze potages, -quatorze plats de poisson, entre lesquels on compte un saumon de douze -pistoles et une carpe de huit. Jugez du reste. - - [329] Ce second refus du Parlement eut lieu le premier mars 1651; - ce fait donne la date précise de cette lettre. (M.) - - [330] Louis de Valois, duc d'Angoulême, gouverneur de Provence, - avait eu de violents démêlés avec le Parlement d'Aix. (M.) - - [331] Mathieu Molé, premier président du Parlement de Paris, - reçut les sceaux le 3 avril 1651, et mourut dans ses fonctions le - 3 janvier 1656. (M). - -Le roi a dansé un méchant ballet ces jours passés, quoique c'eût été de -fort bonne grâce. Il le redansa hier pour la troisième fois[332]. Cela me -fait ressouvenir de ces petits oiseaux qui chantent si bien et qui se -réjouissent, quoiqu'ils soient prisonniers dans leurs cages; car enfin ce -pauvre jeune Roi est présentement plus prisonnier qu'eux. On fit même -encore hier deux barricades assez près du Palais-Royal. Je vous assure -que ceux qui ont commencé de faire la garde aux portes ont donné une -étrange atteinte à la royauté[333]. Dieu veuille que M. le Prince la -puisse un jour rétablir! car présentement il faut qu'il dissimule -beaucoup de choses, et il le sait fort bien. Il paroît même plus dévot -qu'il n'étoit; car, outre qu'il entend la messe tous les jours, il fait -encore le carême, quoiqu'il ne l'ait jamais fait que depuis qu'il a été -en prison. - - [332] C'était le ballet de _Cassandre_ dont les paroles sont de - Benserade. (Voir les Å’uvres de ce poëte.) Il fut dansé au - Palais-Cardinal le 26 février 1651. La reine n'y assista point; - elle venait d'être obligée d'ordonner au cardinal Mazarin de - quitter la France. (Voir la _Muse historique_ de Loret, lettre du - 5 mars 1651.) (M.) - - [333] Les bourgeois de Paris gardaient nuit et jour le - Palais-Royal; cela dura jusqu'au mois d'avril. (M.) - -Mme de Longueville reviendra dans quinze jours; on dit qu'elle tâche à -moyenner une trève générale ou particulière. On dit qu'on fera la garde -jusqu'à ce qu'on ait établi un Conseil à la Reine, et qu'on ait éloigné -des affaires toutes les créatures de M. le Cardinal. - -Le roi semble haïr tous ceux qui veulent abaisser son autorité, et, selon -toutes les apparences, il se souviendra longtemps de tout ce qu'on lui -fait aujourd'hui. Au reste, M. Bonneau[334] est tellement en faveur, que -je commence, pour l'amour de lui, à me réconcilier avec la Fortune, -quoiqu'en mon particulier elle me traite rigoureusement. Tout de bon, je -suis bien aise qu'un aussi honnête homme que lui ait du crédit. - - [334] Ce monsieur Bonneau était vraisemblablement l'oncle de Mme - de Miramion; sa fille épousa M. de Chauvelin. (M.) - -Après cela, je ne vous dirai plus rien, car il faut que j'aille au -sermon. Plût à Dieu qu'au lieu de vous écrire, je vous pusse entendre! -Tous vos amis disent qu'il est à propos que vous veniez ici; je le -souhaite, et pour l'amour de vous, et pour avoir l'honneur de vous -assurer que je suis avec toute sorte de respect et d'affection, etc., -etc. - - -A MONSIEUR CHAPELAIN[335]. - - [335] Bibliothèque de l'Arsenal. Mss.-B. L. françaises, t. I, p. - 43. - - Chapelain avait remercié Mlle Robineau d'oiseaux de Paradis que - lui avait envoyés Mme Aragonnais. Nous avons déjà vu par la lettre - de Mlle de Scudéry au même, du 31 janvier 1645, qu'elle l'accusait - d'une grande partialité pour Mlle Robineau. - - Du 25 avril 1653. - -Si je pouvois parler en raillant d'une chose aussi sérieuse que celle que -j'ai à démêler avec vous touchant vos oiseaux, je pense que je vous -dirois, que, tout éloquent que vous êtes, vous auriez besoin que l'on -vous mît en cage pour vous apprendre à parler. Mais comme je prends -beaucoup de part au ressentiment de Mme Aragonnais, et que je suis même -indirectement intéressée en l'injustice que vous lui faites, il faut que -je vous dise plus sérieusement et plus véritablement, que si vous étiez -aussi injuste en la distribution de vos louanges, que vous l'avez été -depuis deux jours en celle de vos remercîmens, vous blâmeriez sans doute -tout ce qui mérite d'être loué, et vous loueriez tout ce qui mérite -d'être blâmé. En effet, Monsieur, vous remerciez Mlle Robineau comme si -elle vous avoit envoyé des oiseaux de Paradis; il n'y a pas un mot dans -la lettre que vous lui avez écrite qui n'ait un sens galant et passionné; -il n'y a pas une syllabe pour Mme Aragonnais. Cependant, c'est elle que -vous avez priée de vous faire avoir des oiseaux; c'est elle qui a obligé -M. de Grandmare de prendre la peine de vous en chercher; c'est elle qui -en a pris tous les soins; c'est elle qui vous les a envoyés par un -laquais qu'il y a très-longtemps qui la sert, qui a été cent fois chez -vous de sa part, dont vous savez même le nom, et qui n'avoit pas changé -de livrée le jour qu'il vous porta vos oiseaux. - -Au reste, si le nom des deux personnes dont il s'agit se ressembloit -seulement autant que celui de Mme de Chauvry et de Mme de Givry, on -pourroit dire que vous vous seriez trompé au nom de la personne qui vous -envoyoit les oiseaux, soit en l'entendant de la bouche du laquais, soit -en l'écrivant sur la lettre. Mais Aragonnais et Robineau ne rimeront -jamais ensemble, et toutefois, sans qu'on en puisse presque dire la -raison, vous confondez les deux personnes qui portent ces noms, fort -injustement, en donnant tout à l'une, et rien à l'autre, en une occasion -où Mme Aragonnais toute seule devoit avoir reçu tous vos remercîments, -puisqu'il est vrai que Mlle Robineau n'a autre part en cette affaire, -sinon qu'elle a douté si vous voudriez une cage dorée; de sorte que si -vous n'aviez pas été étrangement préoccupé, au lieu de la remercier comme -vous avez fait, vous vous seriez plaint de ce qu'elle ne vous croyoit pas -assez magnifique, et vous auriez rendu à Mme Aragonnais mille marques de -reconnoissance de l'obligeant empressement qu'elle a eu pour vous faire -avoir ce que vous avez souhaité. Mais, à dire les choses comme elles -sont, votre cÅ“ur n'étant pas plus en liberté que vos oiseaux, il ne faut -pas trouver si étrange tout ce que vous faites à l'avantage de Mlle -Robineau, quelque injuste qu'il soit. Je ne laisse pourtant pas de me -plaindre, comme vous me le reprochez malicieusement, de ce que vous avez -fait en cette rencontre, parce que je comprends bien que, puisque vous -faites cette injustice à Mme Aragonnais, vous m'en pourrez bien faire -d'autres. Cependant, si vous voulez réparer cette faute, il faut que vous -juriez solennellement, en présence de M. Conrart, que, tant que le -printemps durera, vous vous souviendrez tous les matins de Mme -Aragonnais, dès que vos oiseaux commenceront à chanter, et que vous ne -vous souviendrez point alors de Mlle Robineau, quelque charmante qu'elle -soit, et quelque plaisir que vous ayez de vous en souvenir; car, si vous -ne le faites, Mme Aragonnais se souviendra toute sa vie de votre -injustice, et je m'en souviendrai aussi toujours, pour en craindre encore -une plus grande de vous pour ce qui me regarde, que pour ce qui la -touche. Pensez-y donc très-sérieusement. Et pour finir cette lettre par -un proverbe de mon pays, croyez bien fortement que tout ce que je vous -dis «ne sont pas des moineaux.» - - -LE MAGE DE SIDON (GODEAU) A SAPHO[336]. - - [336] Mss Conrart, in-fo, t. V, p. 51, 52. - - De Vence, le 7 février 1654. - -Un moment avant que de recevoir la lettre que vous m'avez fait l'honneur -de m'écrire, je croyois avoir de l'esprit, mais maintenant que j'y veux -répondre, je connois que je n'en ai plus; je pense toutefois avoir gagné -en cette perte, et si je vous ai dit galamment que, pour vous, ma mémoire -étoit dans mon cÅ“ur; je vous dis à cette heure, très véritablement, que -mon cÅ“ur est dans mon esprit, de sorte qu'au lieu de vous pouvoir dire -des choses jolies, galantes et spirituelles, pour répondre à celles que -vous m'écrivez, je ne puis vous en dire que de tendres et de passionnées. -Voilà un effet digne de la Sapho Mytilène, qui - - De chaque admirateur de son esprit charmant, - En faisoit son..... - -Vous n'avez pas tant de peine à deviner une rime où la raison m'a -conduit, qu'en eut le pauvre Phaon pour le nom qui étoit en blanc dans -ces admirables vers que vous connoissez. Je ne sais si cette déclaration -est d'un Mage dont vous avez fait un si agréable tableau. Mais, si elle -n'a la délicatesse du dernier, elle a la sincérité du premier, qui ne -vous dit point une fleurette d'amitié en vous parlant de cette sorte; -mais qui vous explique grossièrement ce qu'il a dans le cÅ“ur. Oubliez -donc que vous êtes la Sapho de Grèce; ne vous souvenez plus des -galanteries et de l'esprit de Phaon, afin que le Mage de la Montagne vous -soit supportable. Si vous croyez que l'odeur des jasmins et de la fleur -d'orange soient capables de lui faire perdre la mémoire de Sapho, vous -avez bonne opinion de son nez, mais vous l'avez fort mauvaise de son -esprit et de son cÅ“ur. Au contraire, tous ces objets me feront souvenir -de vous fort agréablement. Voyant les perles, les émeraudes, et l'or de -mes orangers, je vous en souhaiterai d'une autre nature moins fragile, et -je penserai aux richesses de votre esprit qui valent mieux que toutes les -pierres précieuses. Elles sont si abondantes que vous ne devez pas m'en -être chiche. - -Écrivez-moi donc souvent, je vous en conjure, ma très précieuse Sapho, je -n'oserois pas ajouter ma très chère, si l'amitié n'osoit, et ne pouvoit -oser ce que la grimace de la civilité condamne. Vous devez juger à l'air -de mes paroles que la foudre dont vous me menacez sur la fin de votre -lettre, ne tombera point sur ma tête; et que vous avez plus la mine de ne -pas bien répondre à mes sentimens, que je ne l'ai d'en conter à -quelqu'autre, comme vous le reprochez malicieusement. - - -RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON[337]. - - [337] Mss Conrart, in-fo, t. V, p. 53, 54. - - A Paris, le 20 mars 1654. - -Votre dernière lettre est si galante, que je ne puis concevoir qu'elle -ait été faite par un Mage de montagne, et par un Mage solitaire. -Sincèrement, si tous ceux qui se mêlent d'écrire des billets doux, et des -billets galants, m'écrivoient comme vous en écrivez, il seroit assez -difficile de ne souhaiter pas d'en recevoir tous les jours, pourvu qu'il -n'y fallût pas répondre. Car, à vous dire la vérité, c'est une assez -grande mortification, que de ne pouvoir vous rendre que des narcisses et -des fleurs de prairie, pour du jasmin et de la fleur d'orange. J'ai, sans -doute, le cÅ“ur plus tendre que vous, mais je ne sais pourtant pas si -bien l'art de dire des douceurs. Je ne sais si c'est que j'en ai -autrefois plus écouté que je n'en ai dit, et que vous en avez plus dit -que vous n'en avez écouté; mais je sais bien que vous savez mieux que moi -comment il faut mêler le style galant au passionné, et comment il faut -donner des louanges qui sentent encore plus la tendresse que l'estime. Ne -vous prenez donc pas à mon cÅ“ur, si ma lettre n'est pas assez douce; -contentez-vous d'en accuser mon esprit, et croyez, s'il vous plaît, - - Que si je voulois un amant, - Il auroit, comme vous, l'esprit doux et charmant, - Il seroit, comme vous, un galant agréable, - Et mon cÅ“ur, comme à vous, lui seroit favorable. - -Après cela, Monsieur, il faut vous parler un peu plus sérieusement, et -vous dire des nouvelles de notre très cher et très illustre malade, de -qui la santé commence de revenir, et est pourtant encore très foible; -mais j'espère que ce même soleil qui nous va bientôt donner des roses, -lui redonnera de la force. Cependant, j'ai à vous dire que la dernière -lettre que vous m'avez écrite a été son premier plaisir, car je ne lui -fais pas de secret de notre galanterie, et ce seroit en effet grand -dommage de la cacher à un tel confident que lui. - - -RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON[338]. - - [338] Mss Conrart. in fo, t. V, p. 72. - - A Paris, le 19 juin 1654. - -Lorsque je reçus votre dernière lettre, nous avions ici le plus beau -temps du monde; mais à peine eus-je achevé de lire la description que -vous me faites de la désolation de votre pays, qu'un effroyable coup de -tonnerre, suivi d'une pluie terrible, et d'une grêle de grosseur -extraordinaire, changea toute la face du ciel qui, depuis cela, ne nous a -point paru avec sa beauté ordinaire. En vérité, il ne s'en faut guère que -je ne croie que vous n'êtes pas seulement Mage, mais Magicien, et que -c'est vous qui, par quelque enchantement, nous avez ôté tous nos beaux -jours. Cependant, si toutes nos belles vous soupçonnoient de ce crime, -vous seriez bien embarrassé à vous sauver de leur fureur. Car, enfin, -elles ne peuvent presque aller au Cours, et celles qui s'obstinent à y -vouloir aller, malgré le mauvais temps, y sont toutes défrisées, et n'y -paroissent point belles. En mon particulier, comme je ne prends pas grand -intérêt à cette promenade, je me consolerois aisément si le vent ne -faisoit autre mal que de défriser des galans et de décoiffer des -coquettes. Mais ce qu'il y a de pis, c'est que les blés sont déposés, si -ce désordre de saison continue. Je veux pourtant espérer que ce malheur -n'arrivera pas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - -On dit qu'il est difficile qu'il y ait de l'amour sans jalousie et de la -jalousie sans amour. J'ai même bien de la peine quelquefois à n'en point -avoir en amitié, et c'est ce qui me fait craindre que la vôtre ne soit un -peu tiède; car vous n'êtes non plus inquiété de ce que font vos amies, -que si vous n'y aviez nul intérêt. Il n'en est pas de même de moi, -puisque je suis quelquefois jalouse de vos orangers, que je crois que -vous aimez plus que vous ne m'aimez. Mais je ne songe pas, en parlant -ainsi que je viens de dire, qu'il n'y a point de jalousie sans amour; -pour ôter donc le scrupule, il faut y ajouter ces paroles: _ou sans -amitié_; car, par ce moyen, je suis à couvert de toute mauvaise -explication. Je voudrois bien vous en dire davantage, mais je n'ai plus -de papier. Devinez le reste si vous . . . . . . . . . . vous dire autre -chose, sinon, que je suis pour vous tout[339] . . . . . . . . . . . . . . - - [339] Le commencement de la ligne est coupé, et la dernière ligne - entièrement. - -A MADAME LA COMTESSE DE MAURE[340]. - - [340] Mss Conrart, in-fo, t. V, p. 905. - - La comtesse de Maure avait écrit à Mme de Longueville deux lettres - du 9 juin et du.... septembre 1655, où elle se moquait des - prétentions de Mesdames de Bouillon, à propos d'une aventure dans - laquelle figuraient les comtesses de Maure et de Saint-Géran, le - père gardien d'un couvent de Bourbon, etc. (Voy. sur toute cette - histoire, Cousin, _Madame de Sablé_, 1869, p. 299 et suiv.) - - Octobre 1655. - -Foi de demoiselle, votre lettre est une des plus agréables lettres du -monde. Mais, Madame, n'admirez-vous point qu'à l'exemple de M. de -Bouillon qui disoit: Foi de prince, je n'ai pu m'empêcher de jurer, pour -me donner un titre de noblesse, comme il le faisoit pour s'en donner un -de principauté? Je sens même que j'ai quelque envie de dire que mon -serment est peut-être mieux fondé que le sien. Mais, quoiqu'il en soit, -l'histoire de votre lettre est une plaisante histoire, et la manière dont -vous l'avez écrite est si ingénieuse, et fait si bien voir tous les -personnages de cette aventure, que qui verroit un Tableau du Monde, de -votre main, verroit une chose merveilleuse. Au reste, Madame, ceux qui -s'imaginent qu'il faut du marbre et du jaspe pour faire un très-beau -palais, n'y entendent rien. Du moins, êtes-vous bien plus adroite qu'eux, -puisqu'avec un enchaînement de toutes les folies que la vanité peut faire -dire et penser, vous faites une des plus belles lettres que je vis -jamais. Sincèrement, Madame, je crois la chose comme je la dis, et la -flatterie n'y ajoute rien. Je vous en dirois davantage; mais j'ai -l'imagination si remplie de cette princesse qui se baigne, de celle qui -se couche, de cette dame qui s'assied et se relève, et de ce capucin qui -se fourre là , comme diable à miracle, que je ne puis même penser -sérieusement à ce que je vous écris. Il paroît bien, Madame, que cela est -ainsi, car je vous écris les plus terribles mots du monde; et quand -j'aurois été à la cour de la reine de Suède, je ne dirois guère pis. -Mais, pour finir plus sagement, je vous en demande pardon, et je vous -proteste avec vérité que je suis absolument à vous. - - -A UNE PERSONNE INCONNUE, QUI LUI AVOIT ENVOYÉ UN PRÉSENT.[341] - - [341] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 905. - - Cette lettre a été insérée par Amelot de la Houssaye dans ses - _Mémoires historiques_, etc., 1737, t. II, p. 364. Voy. la - _Notice_, p. 101. - - Mai 1656. - -J'avoue ingénument que je ne puis deviner qui vous êtes, et que je ne -sais pas même si je vous dois nommer Monsieur, Madame ou Mademoiselle; -mais qui que vous soyez, je dois vous louer et vous remercier, et je -dois pourtant me plaindre de vous. En effet, vous avez une cruauté -étrange de vous cacher à une personne qui, malgré toute sa mauvaise -fortune, voudroit avoir plus donné qu'elle n'a reçu de vous, pour savoir -votre nom; car je ne sache rien de plus cruel, que d'être obligée, sans -savoir à qui on a de l'obligation. Mais je ne sache aussi rien de plus -digne de louange, que d'avoir de la libéralité sans ostentation, et sans -intérêt, puisqu'à mon avis, il n'y a guère de vertu qui soit plus souvent -suspecte de vanité ou d'artifice que celle-là . Vous donnez, sans doute, -de la plus généreuse manière du monde, car vous donnez à une personne -qui, non-seulement ne vous a rien demandé, mais qui même n'aime point -qu'on lui donne; à une personne qui ne vous connoît point, et qui ne -pourroit, quand elle vous connoîtroit, vous rendre autre chose que des -remercîments. Mais à ne mentir pas, je ne sais comment en faire à une -personne inconnue. Montrez-vous donc, s'il vous plaît, puisque je ne puis -parler à propos, si je ne sais à qui je parle. - -Au reste, il faut que je vous confesse qu'il y a des moments où je meurs -de peur que vous ne me connoissiez guère mieux que je vous connois; car -il semble que vous vouliez m'obliger à porter une couleur où je croyois -avoir renoncé pour toute ma vie, et que je ne croyois plus pouvoir porter -avec bienséance, si ce n'étoit en Å“illets, en roses, ou en anémones, -m'étant résolue à ne mettre plus que du bleu, du gris de lin, de -l'Isabelle et du blanc. De grâce, pensez bien sérieusement si vous ne me -prenez point pour une autre, et si votre présent est bien adressé; mais, -sur toutes choses, ne vous opiniâtrez point à vous cacher à moi, si vous -ne me voulez forcer d'aller au devin. Je crains bien, pourtant, que la -science de cette sorte de gens ne se trouve courte en cette occasion; -car, après tout, ils n'ont jamais rien vu de semblable. On les a souvent -consultés pour découvrir ceux qui se cachent en dérobant, mais jamais -ceux qui se cachent en donnant; et le plus expert de tous les devins, et -la plus vieille devineresse s'étonneroient d'une telle nouveauté. Ne me -contraignez donc pas d'en venir là , et donnez-moi lieu de vous..... j'ai -pensé dire de vous embrasser; mais comme je viens de me souvenir de ce -que j'ai dit au commencement de ce billet, et que je ne sais si je vous -dois nommer Monsieur ou Madame, je n'ose en user si librement. - -Contentez-vous donc que je vous assure que je n'ai jamais rien souhaité -avec plus d'ardeur, que d'avoir l'honneur de vous connoître, et de vous -pouvoir rendre grâces de votre galante libéralité. Ce n'est pas qu'il n'y -ait quelque espèce de commodité à pouvoir être ingrate innocemment; mais -au hasard de rougir en vous voyant, je voudrois pourtant bien vous voir -afin de vous pouvoir dire tout ce que je pense de vous. Peut-être -avez-vous passé cent fois dans mon imagination, depuis que j'ai reçu -votre présent, et peut-être y êtes-vous encore tel ou telle que vous -êtes. Je confesse néanmoins que vous avez cent fois changé de forme, et -que vous m'avez paru tantôt belle, tantôt beau; tantôt galant, tantôt -galante; tantôt douce et spirituelle; tantôt généreux et brave; tantôt -avec une épée, tantôt avec un éventail; tantôt avec une soutane, tantôt -avec un cordon bleu; tantôt avec une belle et magnifique jupe, et tantôt -avec un bréviaire; et Voiture ne voyoit pas sa belle inconnue avec tant -de beautés différentes que je vous ai vu ou vue en habillements -différens. Faites donc cesser toutes ces illusions qui m'importunent; -vous le pouvez par une seule parole, puisque vous n'avez qu'à me dire -votre nom, et vous m'obligerez beaucoup plus sensiblement que vous ne -m'avez obligée en me faisant un magnifique présent. - - -PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[342]. - - [342] Mss de Conrart, in-fo, t. V, pp. 135-138. - - En reproduisant les trois lettres qui suivent dans la _Société - française au XVIIme siècle_, M. Cousin les a fait précéder du - préambule suivant: - - «Mlle de Scudéry ayant été passer une partie de l'automne à la - maison de campagne de Conrart, à Athis, en 1656, Pellisson y était - venu en visite; mais il y était resté fort peu de temps, et, à son - retour à Paris, il s'était empressé d'écrire à Mlle de Scudéry - pour lui exprimer les regrets qu'il éprouvait de n'être pas auprès - d'elle, et les pensées qui l'avaient accompagné sur la route - d'Athis à Paris, en côtoyant les bords de la Seine. Le ton de - cette lettre est moitié sérieux, moitié badin. La réponse de Mlle - de Scudéry est du même style, ainsi que la réplique de Pellisson. - Mlle de Scudéry s'appelle toujours Sapho et Pellisson s'appelle - déjà Herminius. On touche à la fin de 1656: la douce liaison est - encore dans sa fleur et dans tout son agrément. Nous mettons au - jour ces billets, qui n'ont rien de fort remarquable, pour donner - une idée de la façon dont Mlle de Scudéry et Pellisson étaient - ensemble; on y sent une tendresse sincère, mais le bel esprit - domine.» - - Les notes de M. Cousin sur ces trois lettres seront distinguées - par les initiales: V. C. - - A Paris, ce lundi 9me d'octobre 1656. - - Accablé de soucis sans nombre, - J'allois mélancolique et sombre, - Comme font ceux qui sont partis - De l'aimable Carisatis. - -Et j'étois déjà dans Mons[343], sans avoir trouvé, ou du moins sans avoir -vu personne sur mon chemin, tant j'étois renfermé en moi-même, lorsque -j'aperçus la claire rivière de Seine qui, étalant toutes ses beautés, -m'appeloit de loin et me disoit: Si vous allez à Paris, j'y vais aussi, -et pourvu que vous me vouliez suivre, je vous mènerai par un des plus -agréables chemins qu'on puisse voir. - - J'eusse été d'humeur bien cruelle - Si je n'eusse fait pour elle - Ce que j'avois fait l'autre jour - Pour un procureur de la cour. - - [343] Mons était un hameau dépendant d'Athis. Une station du - chemin de fer de Paris à Orléans porte aujourd'hui le nom de - _Athis-Mons_. - -C'est pourquoi, sans me faire prier davantage, je descendis par le -côteau d'Ablon, et allai la joindre avec dessein de ne la quitter qu'aux -portes de Paris. Je n'eus pas sujet de m'en repentir: car, encore que -j'eusse souvent ouï parler de ses caprices et de ses boutades, je la -trouvai tout le long du jour la plus égale du monde; soit que nous -passassions parmi de vertes prairies, ou parmi des sablons stériles, que -son lit fût étroit ou large, que le soleil se cachât ou se montrât, elle -me parut toujours riante, et jamais je ne vis la moindre ride ni le -moindre trouble sur son front. J'attribue sa bonne humeur à l'entretien -que nous eûmes ensemble, car nous ne parlâmes jamais que de vous. Elle me -demanda d'abord, suivant la coutume des voyageurs qui se rencontrent, -d'où je venois et ce que j'allois faire à Paris. Je lui dis que je venois -d'être heureux et que j'allois être malheureux, parce que j'avois quitté -l'incomparable Sapho, le généreux Cléodamas, la sage Ibérise, l'aimable -Agélaste et le galant Mérigène[344]. Est-il possible, me dit elle, qu'on -me doive toujours parler de cette Sapho et de ce Cléodamas. Il n'y a -point de corbillart[345] qui ne me rompe la tête de leur vertu et de leur -mérite; et depuis ma source jusqu'à la mer, je ne trouve point de rivage -où l'on ne m'en demande des nouvelles. On remarquoit autrefois qu'un de -mes coches ne pouvoit être sans quelque religieux; mais je n'en vois -point à cette heure où il n'y ait quelqu'un de leurs tendres amis, ou -pour le moins de leurs admirateurs. Ces gens-là , puisqu'ils aiment tant -de gens, ne doivent aimer personne. Si je croyois ce que vous dites, lui -répondis-je, je me jetterois la tête la première dans votre sein. Mais il -est vrai que Cléodamas ni Sapho n'aiment pas tous ceux dont ils sont -aimés. Il n'est pas donné à tout le monde d'en venir là , et vous voyez -par mon exemple qu'il y faut plus de bonheur que de mérite. - - [344] Cléodamas et sa femme Ibérise sont deux personnages de la - _Clélie_, qui représentent M. et Mme Conrart. Agélaste est Mlle - Boquet; nous ne savons qui est Mérigène. Il paraît que c'était un - homme du monde qui n'osait se risquer à faire le bel esprit. - Cependant, encouragé par Mlle de Scudéry, il lui écrivit - lorsqu'elle quitta Athis pour retourner à Paris, quelques billets - galants que Conrart nous a conservés avec les réponses de Mlle de - Scudéry, tome XI, in-folio, page 339 (V. C.). - - [345] On appelait alors _corbillart_ le coche d'eau qui menait à - Corbeil et qui passait devant Athis. (V. C.). - -Après cela, elle me demanda comment vous vous divertissiez à Carisatis, -et je lui fis grand plaisir quand je lui dis qu'elle faisoit une grande -partie de votre divertissement, et que vous vous amusiez la moitié du -jour à la regarder. Elle se radoucit fort alors et me dit que vous -sachant en son voisinage par le rapport de la petite rivière d'Orge, -comme c'est fort la mode de vous visiter et de faire amitié avec vous, -elle avoit été tentée plusieurs fois de s'élever jusque sur votre -montagne, mais à la vérité qu'il y avoit un peu haut pour elle, et -qu'elle n'avoit pu faire autre chose que de vous envoyer quelques -brouillards qui peut-être vous avoient été importuns. Cela pourroit bien -être, lui dis-je; mais, croyez-moi, on vous quitte de ce compliment. Il -vaut mieux que l'on vous voie de plus loin, et la divine Sapho -s'abaissera plutôt jusqu'à descendre sur vos rives. Je sais même qu'elle -l'auroit déjà fait, mais sa chère Agélaste n'aime pas à remonter par -cette côte si roide, et trouve aussi bien que vous que c'est un peu haut -pour elle. - -Avec ces discours et plusieurs autres dont je vous rendrai compte à notre -première vue, nous arrivâmes à la porte Saint-Bernard, où nous devions -nous séparer. La Seine me demanda alors si je m'étois ennuyé avec elle, -et comme je l'eus assurée que non: Quand vous retournerez, me dit-elle, -trouver la bonne compagnie que vous avez laissée, ne viendrez-vous pas le -long de mon rivage? Pour retourner, lui dis-je avec ma sincérité -accoutumée, c'est une autre affaire; car, pour ne vous en point mentir, -votre chemin est le plus long, et j'ai un peu plus d'impatience quand je -vais à Carisatis que quand j'en reviens. La pauvre rivière comprit bien -alors que si je l'avois suivie, c'étoit moins pour être avec elle que -pour m'éloigner lentement de vous. Elle me quitta donc de dépit sans dire -un seul mot davantage, et s'alla cacher toute honteuse sous le pont -prochain. Pour moi, je me résolus de laisser passer l'eau sous le pont, -et de venir vous écrire mon aventure. Si je ne l'ai pas écrite avec assez -d'esprit, c'est que je garde tout ce que j'en ai pour écrire une lettre à -Cicéron[346]. Ce Cicéron est un homme fâcheux, qui n'entend point -raillerie; pour peu que vous vous relâchiez avec lui, il se plaint que -vous le négligez, que vous écriviez bien mieux autrefois au commencement -de votre connoissance, quand vous aspiriez à être de ses amis; et comme -c'est un consul romain et le père de l'éloquence, il faut tâcher, s'il se -peut, de le contenter. Laissez-le-moi traiter avec la cérémonie qu'il -demande, et souvenez-vous qu'on fait festin aux étrangers, et qu'on ne -donne à ses intimes amis que son ordinaire. Les belles paroles seront -pour lui, et les sentiments tendres, respectueux et constants, pour vous -et pour toute votre aimable compagnie. - - [346] Ce Cicéron n'est autre que M. de Doneville. Pellisson - l'appelle ainsi, soit parce que dans leur correspondance, dont on - voit quelques échantillons dans les manuscrits de Conrart, il est - souvent question entre eux de Cicéron, que Doneville lisait - beaucoup, soit parce que Pellisson comparait en badinant le - magistrat de Toulouse au consul romain. (V. C.) - - -RÉPONSE DE SAPHO A HERMINIUS (PELLISSON). - - De Carisatis, le 10 octobre 1656. - -Quand je vous fis la guerre de la négligence de vos billets, je ne -pensois pas que vous en dussiez être sitôt corrigé. Cependant, il le faut -avouer, ce que vous m'avez envoyé est si galant et si bien écrit, qu'on -ne sait où prendre de l'esprit pour vous répondre. Ce n'est pas, comme -vous savez, qu'il n'y en ait honnêtement dans la tête de Cléodamas, mais -il ne m'en veut ni donner ni prêter. Pour l'aimable Mérigène[347], il n'y -a pas encore assez longtemps que je le connois pour oser lui en -emprunter; et pour Agélaste, elle dit qu'elle a affaire de tout ce -qu'elle en a pour vous écrire, de sorte que je me trouve en un fort grand -embarras. Si je savois qui vous a appris à parler à la Seine qui vous a -si bien entretenu, je pourrois me servir du même maître, pour apprendre à -vous écrire; car enfin on ne croiroit pas, à l'entendre, qu'elle vînt de -Bourgogne, tant elle parle galamment et juste. Je voudrois bien savoir si -toutes les autres rivières ont autant d'esprit que celle-là . Ce qui -m'étonne, c'est que quand vous l'avez entretenue, elle n'avoit pas encore -été à Paris. Elle n'a pourtant rien d'une provinciale, et je suis bien -plus normande qu'elle n'est bourguignonne. Une autre fois, quand vous -partirez de Carisatis, on ne vous plaindra plus tant, puisque vous vous -en allez en si bonne compagnie. - - [347] Mérigène ne représente donc pas un des habitués du Samedi. - (V. C.) - -J'ai pourtant à vous dire que la Seine, malgré vos avis, n'a pas laissé -de nous envoyer ce matin un grand brouillard, mais il s'en est allé si -vite qu'il ne nous a guère incommodés; c'est pourquoi ne lui en faites -pas de reproches, au contraire, remerciez-la bien civilement, de la bonté -qu'elle a de passer tous les jours devant mes fenêtres, elle, dis-je, -qui seroit souhaitée en tant de beaux lieux, si on pensoit qu'elle y -voulût aller. Priez-la aussi, je vous en conjure, s'il arrive qu'elle -entende encore parler de moi dans les coches et dans les corbillarts, -comme si j'étois un bel esprit, - - De faire entendre en son murmure, - Que bel esprit est une injure, - Et que j'aimerois mieux être carpe ou merlan, - Que d'être bel esprit seulement pour un an. - -Tout de bon, c'est le plus fâcheux métier du monde; et si la Seine savoit -combien c'est une chose importune, elle ne s'amuseroit pas tant à -gazouiller, de peur de devenir elle-même un bel esprit. - - -RÉPLIQUE D'HERMINIUS A SAPHO. - - De Paris, le 13 octobre 1656. - - Bel esprit, ou carpe, ou merlan, - Ou bien Raphaël de village[348], - Vous êtes cause que j'enrage. - Je ne saurois qu'avec ahan - Répondre à votre bel ouvrage, - Et remplir de vers cette page, - Quand vous me donneriez un an - Et davantage, etc. - - [348] Cela répond à la fin d'un madrigal que Mlle de Scudéry - avait adressé à Pellisson sous le nom de Mlle Boquet, avec un - mauvais portrait de celle-ci: - - Ce travail n'est pourtant pas laid - Pour un Raphaël de village. - - (V. C.) - -Tout de bon, encore qu'il n'y ait rien de plus galant que votre lettre et -que vos vers, en l'humeur où je suis, il me semble qu'il n'y auroit rien -de moins obligeant qu'une réponse fort galante, quand je pourrois vous la -faire. Les dames que je vis hier vouloient que je ne vous en fisse point -du tout, pour vous punir de ce que vous vous oubliez à Athis, ou plutôt -de ce que vous oubliez tout le monde. Je n'ai pas cru que mon devoir me -permît d'en user ainsi, mais je ne crois pas aussi qu'il m'ordonne de me -réjouir avec vous de ce que vous dînerez dimanche à Savigny, et que vous -n'êtes pas encore bien résolue de revenir le lendemain. Tout ce que je -puis, c'est de souffrir mon mal en patience, et de vous écrire, comme un -bon homme sans esprit et sans façon, ce que j'aurai à vous mander, en -faisant autant de ratures que de lignes. Ne pensez pas que ces ratures -soient affectées, elles sont les plus naturelles du monde, et vous verrez -bien par là que je ne suis pas trop en état de vous divertir. - -J'écrivis hier soir à M. Conrart, et je prétendois ce matin faire des -merveilles pour vous et pour Agélaste: mais en bonne foi il m'a été -impossible. J'ai voulu fouiller dans mon magasin de fadaises, la serrure -étoit tellement mêlée que je n'ai jamais su l'ouvrir. Si vous voulez des -billets galants, je vous en envoie deux que M. Isarn m'écrit de Bordeaux; -mais il est auprès d'une nouvelle maîtresse qu'il aime fort, comme vous -verrez: ce remède est excellent pour avoir de l'esprit. Le malheur est -qu'il est quelquefois pire que le mal même, et je ne crois pas que vous -voulussiez me conseiller d'y avoir recours, vous qui avez banni l'amour -de tout votre royaume de Tendre. Pardonnez-moi si je vous écris si -bizarrement. Je suis le plus sot du monde, mais je ne vous en aime pas -moins. - - -M. DE BOUILLON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[349]. - - [349] De Bouillon, mort en 1662, est surtout connu par - l'_Histoire de Joconde_ qu'il versifia d'après l'Arioste en même - temps que La Fontaine, et qui donna lieu à une _Dissertation_ de - Boileau. Ses _Å’uvres_ ont été imprimées: Paris, de Sercy, 1663, - in-12. Mais il existe de lui une Correspondance manuscrite sur - laquelle M. Faye a donné une _Notice_ dans les _Mémoires des - Antiquaires de l'Ouest_, année 1843, p. 119. Cette Correspondance - comprend 125 lettres adressées à Scarron, Chapelain, Desbarreaux - et à Mlle de Scudéry que l'auteur connut en 1657. Nous lui - empruntons les deux fragments qui suivent. - - 21 mai 1657. - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . -«Jusques ici je m'étois renfermé dans mon métier de faire des -chansons[350], et, parmi nos beautés champêtres, j'étois renommé pour n'y -être pas tout à fait malhabile. Mais il a fallu que mon ambition m'ait -porté non-seulement à faire le portrait d'Amaryllis (Mme de -Valençay)[351], mais encore à me donner l'honneur de vous écrire. Vous -me trouverez sans doute, Mademoiselle, bien téméraire d'avoir fait l'un -et l'autre; mais je crois surtout que, pour entreprendre de vous faire -une lettre, il falloit ne voir le péril que de cinquante lieues. Si -j'avois été plus près, j'aurois été moins hardi, j'aurois imité ces faux -braves qui ne sont jamais vaillants que hors l'occasion.». . . . . . . . - - [350] Dans une de ses lettres inédites, il s'intitule le _Grand - chansonnier de France_. «M. de Boisrobert, dit-il, qui avoit - cette charge avant moi, m'en a fait bon marché. Dieu veuille - qu'elle me vaille une abbaye comme à lui, car il me semble qu'une - abbaye me siéroit aussi bien qu'à un autre.» - - [351] _Å’uvres de Bouillon_, p. 116. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE BOUILLON. - -«Lorsque je reçus les beaux vers que vous m'avez fait l'honneur de -m'envoyer, je songeois plus à la mort qu'à me divertir.... J'eusse été -bien aise de me trouver en état d'oser vous rendre grâce comme vous le -méritez; mais mon mal m'ayant laissé une certaine langueur d'esprit qui -ne se dissipera de sitôt, j'ai cru qu'il valoit mieux vous remercier -moins bien que vous remercier trop tard.» - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE RAINCY[352]. - - [352] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 901. - - M. de Raincy était fils du financier Bordier qui, ayant bâti le - château du Raincy, obtint pour son fils cadet le titre de ce beau - domaine. Celui-ci vivait dans la société des jeunes seigneurs et - de quelques femmes aimables, telles que Mlle de Scudéry, Mmes de - Sévigné, de La Fayette, Scarron, etc. Il composait des vers de - société, et est surtout connu par un madrigal dont Ménage feignit - d'avoir trouvé l'original dans le Tasse, petite mystification qui - trompa alors beaucoup de monde, mais dont se défièrent Mme de - Sévigné et surtout Mlle de Scudéry. - - D'Athis, le 28 septembre 1657. - - Que vous connoissez bien cette douce folie, - Qui ne peut se passer de la mélancolie, - Vous qui ne pensez pas que les Ris et les Jeux, - Soient les plus grands plaisirs de l'Empire amoureux. - Les vulgaires amants ne demandent qu'à rire, - Et ne connoissent pas cet aimable martyre - Qui mêle les chagrins avecque les désirs, - Qui confond les tourments avecque les plaisirs, - Qui de mille douleurs et de mille supplices, - Fait naître, en un moment, mille et mille délices. - Ils cherchent vainement ce qu'ils ne trouvent pas, - Car l'amour enjoué n'a que de faux appas. - -Vous voyez bien, Monsieur, que je suis de l'avis de vos admirables vers; -tout de bon, j'en ai l'esprit tout à fait touché; Théodamas les admire -aussi bien que moi; Agélaste en a le cÅ“ur tout ému, et votre ange brun -les a trouvés les plus beaux du monde. Je ne sais même s'il ne s'est -point repenti de son enjouement, et s'il n'a point souhaité que sa belle -humeur ne lui eût pas fait perdre sa conquête. Quoi qu'il en soit, votre -madrigal a été trouvé fort galant, et les vers de la fin de votre billet, -merveilleux; de sorte qu'il faut avoir perdu la raison pour oser rimer en -vous répondant. Mais, comme vous le savez, la rime est quelquefois une -maladie qu'on ne guérit pas comme on veut; je n'y suis pourtant pas -sujette, dont je suis bien aise. Cependant, je vous avouerai que malgré -que j'en aie, il faut qu'un petit madrigal sorte de ma tête, car je sens -qu'il y fourmille, comme les madrigaux fourmilloient dans celle de M. -Pellisson le jour qu'il en fit tant avec Sarasin. Voyez donc ce que je -dis de votre ange brun, sous le nom de Climène: - - Climène est aimable, elle est belle, - On ne peut lui rien désirer, - Si ce n'est qu'un amant fidèle, - Soupirant longtemps auprès d'elle, - Lui puisse apprendre à soupirer. - -Tout de bon, Monsieur, ne vous repentez-vous point de m'avoir écrit? Vous -auriez pourtant grand tort: car la reconnoissance que j'en ai vaut mieux -que la réponse que je vous fais. Mais, après vous avoir parlé d'un ange -brun, qui n'est assurément pas du dernier ordre, il faut que je vous -parle d'un ange blond, qui dînera céans aujourd'hui, car les anges dont -nous parlons ne sont pas si spiritualisés qu'ils puissent conserver leur -beauté sans manger. L'ange brun y viendra passer l'après-dînée; je vous -laisse à penser combien vous serez désiré, et si les galants qui s'y -trouveront ne seroient pas bien aise que ce fût encore la mode de dire: -_Comme l'on voit le fer entre deux calamites_[353]. Mais comme nous ne -sommes plus aux siècles des comparaisons, et que celle-là est trop usée, -il faudra que les galants s'en passent. Ces galants, Monsieur, seront -l'ingénieux Térame[354], et le sage Mérigène; je n'y mets pas Théodamas, -parce qu'il est le juge de la galanterie. Sérieusement, Monsieur, vous ne -sauriez croire combien je vous suis obligée de m'avoir écrit. Pour vous -en récompenser, recevez mille douceurs non-seulement des anges blonds et -des anges bruns, mais de Théodamas, de Mérigène, d'Agélaste et de moi, -qui suis assurément pour vous tout ce que vous pouvez désirer que je -sois. - - [353] Deux aimants. - - [354] Térame, dans le VIe volume de _Clélie_, est un galant de - profession, raisonnant sur l'amour à perte de vue. - -Il n'y a que l'ange brun, Théodamas, Agélaste et moi qui ayons vu votre -billet, quoiqu'il mérite d'être vu de tous ceux qui ont de l'esprit; mais -j'ai fait vÅ“u d'être toujours exacte. De grâce, assurez M. de Montrésor -de la vénération que j'ai pour sa vertu. - - -SAPHO AU MAGE DE SIDON. - - De Paris, le 21 octobre 1658[355]. - - [355] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 863. - - Votre cÅ“ur n'a point de tendresse, - Si vous étiez jaloux vous seriez envieux; - Quand on aime bien sa maîtresse, - On ne veut point qu'on lui parle des yeux. - -Il vous est aisé de juger, Monsieur le Mage, que Mlle Sapho a vu votre -apostille en vers, dans une de vos lettres à Théodamas, et qu'elle a fort -bien connu que votre jalousie n'est qu'un jeu de votre esprit; car si -elle étoit effective, vous n'eussiez pas parlé comme cela. Allez, allez, -vendez vos coquilles à d'autres qu'à ceux qui viennent du -Mont-Saint-Michel. On se connoît ici aussi bien en jalousie qu'en lieu du -monde, et l'on n'en prendra jamais de fausse pour de véritable. Parlez -donc mieux une autre fois, si vous voulez être cru. Et pour vous -apprendre à parler comme il faut pour persuader ceux à qui l'on parle, je -vous assure, Monsieur, qu'il m'ennuie fort d'être si longtemps sans avoir -de vos nouvelles; que nous avons parlé très-souvent de vous, Théodamas et -moi; que nous vous avons souhaité cent fois dans l'allée des Soupirs, et -que si vous ne m'aimez pas toujours ardemment, vous êtes plus coupable -que vous ne pouvez vous l'imaginer. Au reste, j'ai prié M. Conrart de -faire dire à M. Cavalier que j'ai la 4e partie de _Clélie_ à vous -envoyer, et je vous dis à vous-même que je suis au désespoir de n'être -point votre sÅ“ur, pour aller du moins passer tous les hivers avec vous, -non pas pour m'aller chauffer à vos tisons, mais à votre soleil. -Cependant, comme il n'y a pas apparence que cela puisse être, il se faut -contenter de vous dire de loin que je suis absolument à vous. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME LA COMTESSE DE MAURE[356]. - - [356] Mss Conrart, in-fo, t. XI, p. 79. - - Anne Doni d'Attichy, comtesse de Maure, née en 1600, mariée en - 1637, morte en avril 1662. Mlle de Scudéry l'a peinte dans le - _Grand Cyrus_ sous le nom de la princesse d'Arménie, et Mlle de - Montpensier sous celui de la princesse de Misnie dans la - _Princesse de Paphlagonie_, qui est le livre dont il est question - dans cette lettre. M. A. de Barthélemy a publié la _Comtesse de - Maure, sa vie et sa correspondance_. Paris, Gay, 1863, in-12. - - Juillet 1660. - -J'ai lu, avec beaucoup de plaisir, Madame, le livre que je vous renvoye; -il y a de l'esprit partout, et je ne sais quel air de qualité, qui marque -la main d'où il vient. Il y a même une ingénieuse raillerie en beaucoup -d'endroits, qui ne s'apprend point dans les livres; et si mon nom n'étoit -point placé aussi avantageusement qu'il est dans cet agréable ouvrage, je -n'aurois eu que de l'admiration, et du plaisir, en le lisant. Mais, -malgré moi, il a fallu avoir de la confusion de savoir que je ne mérite -pas les louanges que l'on me donne, et que tout ce que j'ai écrit en ma -vie ne mérite, non plus que moi, la gloire d'être louée par une si -grande, et si illustre princesse. Voilà tout ce que vous peut dire une -personne qui vous écrit avec beaucoup de précipitation, et qui est à -vous, avec tout le respect qu'elle vous doit. - - - RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A UN AUTEUR QUI LUI AVAIT - ENVOYÉ UNE PIÈCE INTITULÉE «LE LOUIS d'Or[357].» - - (1660.) - - [357] La Suze et Pellisson, _Recueil de pièces galantes_, 1741, - in-12, t. I, p. 266. - - Isarn (voy. la _Notice_, p. 68) avait adressé à Mlle de Scudéry - une pièce mêlée de vers et de prose, intitulée le _Louis d'Or_, - qui a été insérée dans un grand nombre de recueils, outre celui - que nous venons de citer, et qui a donné lieu à beaucoup - d'imitations. - - Voici l'indication de l'édition originale: _La Pistole parlante, - ou la Métamorphose du Louis d'Or, dédiée à Mlle de Scudéry_. - Paris, Ch. de Sercy et Cl. Barbin, 1660, in-12 de 48 p. - -Vous savez bien, Monsieur, que je suis accoutumée d'entendre parler des -Lapins, des Fauvettes et des Abricots. Mais après tout, je n'ai pas -laissé d'être surprise de la conversation que vous avez eue avec votre -Louis d'or, et je le trouve si bien instruit des choses du monde, que -j'en suis étonnée. - - Quand il seroit du temps des premiers jacobus, - Des nobles à la Rose, et des vieux carolus, - Il ne sauroit pas plus de choses. - Ovide a moins que lui fait de Métamorphoses. - Il fait aux plus galants d'agréables leçons, - Il raille, il fait des vers de toutes les façons; - Mais ce qu'il fait de plus étrange, - C'est qu'entre mes mains il se range, - Car ses frères ne m'aiment pas, - Ils n'ont aussi pour moi que de foibles appas, - Et par le mépris je m'en venge. - Mais pour ce Louis d'or que je reçois de vous, - De qui la gloire est immortelle - Qui ne craint plus ni touche, ni coupelle, - Il fait seul un trésor dont mon cÅ“ur est jaloux. - -Voilà , Monsieur, tout ce qu'une malade vous peut répondre. Mais je vous -assure que ce n'est pas tout ce qu'elle pense; et que si Sapho se portoit -bien, elle vous loueroit de meilleure grâce, et vous remercieroit avec -plus d'esprit. Que sais-je même si, passant des louanges de votre Louis -d'or à un sujet plus relevé, elle ne se sentiroit point inspirée de vous -parler - - D'un Louis, dont la vie en merveilles féconde, - Est l'ouvrage du ciel et le bonheur du monde; - Dont le bras triomphant, et les charmes vainqueurs - Domptent les nations, et captivent les cÅ“urs: - D'un JVLE, dont les soins redonnent à la France - Les Jeux et les Plaisirs, la Paix et l'Abondance, - Qui va faire couler dans nos heureux climats - Ces larges fleuves d'or, la force des États; - Et gémir de regret le Pactole et le Tage, - Que la Fable a flattés d'un pareil avantage; - D'un JVLE dont les soins ont nos désirs bornés: - Dont les sages conseils, justement couronnés, - Font voir à l'univers que la plus belle gloire - Est de cesser de vaincre au fort de la victoire. - -Mais je m'aperçois que ce sujet là est trop relevé pour moi, et qu'il -vaut beaucoup mieux ne rien dire, que de n'en dire pas assez. Il n'en est -pas de même de vous, Monsieur. Au contraire, je vous exhorte à faire -quelque ouvrage plus grand à la gloire de ceux que vous avez loués en -huit vers seulement; car il ne faut pas faire des portraits en petit d'un -grand Héros, comme on en fait d'une maîtresse, puisqu'on ne doit avoir -les uns que pour les cacher, et que les autres doivent être vus de tout -le monde. - - -A M. PELLISSON, CHEZ M. LE SURINTENDANT, A NANTES[358]. - - [358] Les trois lettres suivantes sont tirées de la collection - Baluze, armoire V, paquet IV, n. 3. L. I, 2 vol. in-fo. Altérée - par la vive émotion que lui causait l'arrestation de Fouquet et - de Pellisson, l'écriture de Mlle de Scudéry y est encore plus - difficile à déchiffrer qu'à l'ordinaire. Elles ont été publiées - d'abord par M. Marcou, puis plus correctement par M. Chéruel, - dans ses _Mémoires sur Fouquet_. Nous les avons collationnées de - nouveau sur les originaux, et nous ne sommes pas parvenus à en - rétablir complétement les lacunes et les ratures. - - Aux Pressoirs[359], vendredi six heures du matin. - Septembre 1661. - - [359] Voir la _Notice_, p. 71 et suiv. - -Je pars dans un quart d'heure pour Paris. Je ne pus m'embarquer hier -parce qu'il fit un temps effroyable, de sorte que je prends le carrosse -de M. de Miremont; il me le donne de fort bonne grâce. Je laisse la -petite Marianne et M. Pineau avec la sienne (_sic_), et je suis si mal de -ma tête que j'en perds patience. Peut-être que quelques remèdes me -soulageront. Je vous en écrirai demain plus au long, et je ne vous écris -aujourd'hui que pour vous demander de vos nouvelles et pour vous prier de -m'envoyer un billet pour M. Congnet, qui lui témoigne que vous -affectionnez l'affaire de M. Pineau; car, comme vous ne lui écrivîtes -pas en lui envoyant les lettres dont il s'agit, il ne s'est pas pressé -de le faire. Je vous demande pardon, mais je ne puis refuser cela à ceux -qui m'en prient. - -Adieu, jusqu'à demain. Souvenez-vous de moi, plaignez-moi et m'aimez -toujours. Je ne puis vous dire que cela aujourd'hui, mais j'en pense bien -davantage. - - -AU MÊME. - - Samedi au soir (septembre 1661). - -J'arrivai hier fort tard ici après avoir laissé le pauvre M. -Jacquinot[360] et madame sa femme en larmes. Sincèrement je leur suis -bien obligée de l'amitié qu'ils m'ont témoignée en partant. Je prétendois -vous écrire une longue lettre aujourd'hui, mais quoique je n'aie fait -savoir mon arrivée à personne, j'ai été accablée de monde et le comte -Tott[361] qui va arriver, sera cause que je ne vous dirai pas tout ce que -je voudrois. Ma santé est toujours de même. Deslis vient d'être reprise -de la fièvre pour la troisième fois. Mme de Caen[362] vous baise mille -fois les mains; Mlle Boquet et Mme Duval en font autant. Je commence -déjà , malgré les caresses de mes amies et de mes amis, de regretter les -Pressoirs du temps que vous y veniez. - - [360] Propriétaire de la maison des Pressoirs. - - [361] Ambassadeur de Suède à Paris. - - [362] Marie-Éléonore de Rohan, abbesse de la Sainte-Trinité de - Caen, avant d'être abbesse de Malnoue. - - -Au reste l'exil de Mlle de la Mothe fait grand bruit ici, mais comme je -sais qu'on vous a mandé cette histoire[363] je ne vous en dis rien. On -dit que M. le Surintendant doit laisser revenir le Roi et aller de -Bretagne à B......[364] Je crois qu'il sera bien qu'il y soit le moins -qu'il pourra, afin d'ôter à ses ennemis la liberté de dire qu'il ne -s'arrête que pour fortifier B.... L'intérêt particulier que je prends à -ce qui le regarde, m'oblige de vous parler ainsi. On dit fort ici dans le -monde de Paris qu'il est mieux que personne dans l'esprit du Roi. -Fontainebleau est si désert que l'herbe commence de croître dans la cour -de l'Ovale. M. Ménage a été ici, qui vous baise mille fois les mains. Si -je ne craignois pas de vous fâcher, je vous dirois que Mme v... m...[365] -dit et fait de si étranges choses tous les jours, que l'imagination ne -peut aller jusque-là , et tout le monde vous plaint d'avoir à essuyer une -manière d'agir si injuste et si déraisonnable. Pour moi je souffre tout -cela avec plaisir, puisque c'est pour l'amour d'une personne qui me tient -lieu de toutes choses. Je ne vous en dirois rien, si la chose n'alloit à -l'extrémité, et si je ne jugeois pas qu'il est bon qu'en général vous -sachiez son injustice. Ne vous en fâchez pourtant pas, car cela ne tombe -ni sur vous ni sur moi. A votre retour, je vous dirai un compliment que -les dames de la Rivière me firent ensuite de quelque chose que m. v. m. -(Madame votre mère) avoit dit. Mais, après tout, il faut laisser dire à -cette personne ce qu'il lui plaira et s'en mettre l'esprit en repos. Mme -Delorme[366] me fait des caresses inouïes et Mme de Beringhen aussi. Je -ne sais ce qu'elles veulent de moi. En voilà plus que je ne pensois, et -si[367] ce n'est pas tout ce que je voudrois vous dire. Souvenez-vous de -moi, je vous en prie. Mandez-moi quand vous reviendrez, et m'écrivez un -pauvre petit mot pour me consoler de votre absence qui m'est la plus rude -du monde. - - [363] Voy. ci-après p. 282, note 2. - - [364] Belle-Ile. - - [365] Votre mère. Voy. la _Notice_, p. 72. - - [366] Femme d'un commis du Surintendant (Chéruel). - - [367] Et pourtant: «J'ai la tête plus grosse que le poing, et si - elle n'est pas enflée,» dit Mme Jourdain dans le _Bourgeois - Gentilhomme_. - - -AU MÊME. - - 7 septembre 1661. - -Voici la troisième fois que je vous écris sans avoir entendu de vos -nouvelles[368] depuis mon départ des Pressoirs. Il me semble pourtant que -vous pouviez m'écrire un pauvre petit billet de deux lignes seulement -pour me tirer de l'inquiétude où votre silence me met; car enfin il y a -douze jours que vous êtes parti. Je ne vous demande point de longue -lettre, je ne veux qu'un mot qui me dise comment vous vous portez. Car, -pour peu que je sache que vous vivez, je présupposerai que vous m'aimez -toujours, et qu'il vous souvient de moi autant que je me souviens de -vous. J'aurois quatre mille choses à vous dire de différentes manières, -mais il faut les garder pour votre retour. - - [368] Pellisson et Fouquet avaient été arrêtés à Nantes le 5 - septembre. - -M. de Méringat[369] qui est à Paris, vous baise les mains. M. de la -Mothe-le-Vayer en fait autant et m'a chargée de vous donner un petit -livre de sa façon que je vous garde. M. Nublé m'a promis la harangue que -fit M. le premier président de la chambre des comptes[370], lorsque -Monsieur[371] fut porter des édits à sa compagnie. Ce discours est fort -hardi, on le loue fort à Paris, et l'on en fait grand bruit partout. Si -je l'ai devant que de fermer mon paquet je vous l'envoyerai. - - [369] On trouve dans les papiers de Conrart à la bibliothèque de - l'Arsenal (tome XI, in-folio, p. 187), un portrait de M. Méringat - ou Mérignat, écrit par lui-même (Chéruel). - - [370] M. de Nicolaï (id.). - - [371] Philippe de France, frère de Louis XIV (id.). - -On dit toujours que M. le S...[372] va droit à être premier ministre, et -ceux même qui le craignent commencent à dire que cela pourroit bien être. -On travaille à l'accommodement de Mlle de la Mothe. Mme la comtesse de la -Suze[373] a enfin été démariée, de sorte que c'est tout de bon qu'elle -est Mme la comtesse d'Adington. Au reste, on dit hier chez une personne -de qualité et du monde, que Mme Duplessis-Bellière pourroit bien épouser -M. le duc de Villeroy, et qu'elle sera gouvernante de M. le Dauphin. Mais -on parle parmi tout cela de Belle-Ile, de sorte qu'il est assez bon de se -précautionner contre tout ce que l'on peut dire. Je vous mande tout ce -que je sais, vous en ferez ce qu'il vous plaira. - - [372] Le Surintendant (id.). - - [373] Henriette de Coligny, fille du maréchal de ce nom, et - petite-fille de l'amiral, avait épousé en 1643 Thomas Hamilton, - comte d'Hadington, noble Écossais. Devenue veuve peu après son - mariage, elle épousa en secondes noces le comte de la Suze, qui - était comme elle de la religion réformée, mais elle ne tarda pas - à souffrir beaucoup des soupçons jaloux de son mari, qui voulut - l'emmener et la retenir dans une de ses terres. Mme de la Suze, - qui était jolie, qui aimait le monde et s'occupait de poésie, - chercha par tous les moyens possibles à se soustraire à la - tyrannie de son mari. Elle embrassa la religion catholique, - _afin_, disait la reine Christine, _de ne voir son mari ni dans - ce monde ni dans l'autre_. - - Plus tard, une séparation définitive (1661) la rendit libre; elle - se livra entièrement à son goût pour les vers, et sa maison devint - le rendez-vous des poëtes et des beaux esprits de son temps. C'est - à cette séparation que Mlle de Scudéry fait allusion. Mme la - comtesse de la Suze, née en 1618, mourut en 1673. On trouve un - certain nombre de ses productions dans l'ouvrage réimprimé - plusieurs fois et souvent cité par nous: _Recueil de pièces - galantes en prose et en vers de Mme la comtesse de la Suze et de - M. Pellisson_. - -Au reste, j'ai été bien surprise de trouver ici, à mon retour, entre les -mains de plusieurs personnes, les vers que M. le S... fit pour répondre -aux vôtres[374]; car j'en faisois un grand secret. Lambert les a donnés à -Mme de Toisy et à ma belle-sÅ“ur, et il leur a dit qu'il a eu -commandement d'y faire un air, et en effet il en a fait un. On montre -aussi une contre-réponse que vous avez faite, qui n'est point de ma -connoissance. - - [374] On sait que Fouquet composa, pendant sa captivité, des - poésies latines et françaises, dont M. P. Clément a donné - quelques échantillons dans le travail intitulé: _Nicolas Fouquet, - surintendant des finances_, qui précède son _Histoire de Colbert_ - (voy. p. 68, 446 et 451.) Mais nous ne savons quels sont les vers - dont parle ici Mlle de Scudéry. - -On a fait quatre vilains vers pour l'aventure de Mlle de la Mothe que Mme -de Beauvais[375] a fait chasser. C'est le bon M. de la Mothe qui me les a -dits. Il y a une vilaine parole, mais n'importe! ce n'est pas moi qui l'y -ai mise: - - Ami, sais-tu quelque nouvelle - De ce qui se passe à la cour? - --On y dit que la m....... - A chassé la fille d'amour. - - [375] Catherine-Henriette Bellier, première femme de chambre de - la reine Anne d'Autriche. Elle passe pour avoir eu les prémices - du jeune roi Louis XIV, et fut plus tard «disgraciée par beaucoup - de bonnes raisons,» dit l'honnête Mme de Motteville. - -Tout le monde blâme M. le marquis de Richelieu[376]. - - [376] Mlle de Lamothe-Houdancourt était une des filles d'honneur - de la reine. La comtesse de Soissons, qui n'aimait pas Mlle de la - Vallière, voulant lui susciter une rivale, appela l'attention du - jeune roi sur Mlle de Lamothe-Houdancourt, et facilita même à - plusieurs reprises le rapprochement des deux amants. Mme la - duchesse de Navailles, qui avait les filles d'honneur sous sa - surveillance, et qui s'était aperçue de cette nouvelle passion du - roi, lui en fit des représentations respectueuses, mais hardies. - Elle en vint même jusqu'à faire placer des grilles aux fenêtres - de l'appartement des filles d'honneur, afin d'empêcher le roi d'y - pénétrer par les terrasses du château. Ces obstacles contrarièrent - vivement le roi, qui cependant ne voulut pas faire un éclat, et il - ne tarda pas à rentrer sous le joug si aimable et si doux de Mlle - de la Vallière. - - Plusieurs écrivains ont mis l'intrigue dont il vient d'être - question sur le compte de Mlle de Lamothe-d'Argencourt, autre - fille d'honneur de la reine-mère, pour laquelle le roi avait - montré de l'inclination en 1657 (voy. les _Mémoires de - Motteville_). Mais comment croire que Mlle de Scudéry, à la fin de - l'année 1661, pût donner comme une _nouvelle_ un fait qui se - serait passé quatre ans auparavant? D'ailleurs, le rôle attribué - ici à Mme de Beauvais et au marquis de Richelieu, son gendre, - prouve qu'il s'agit bien de Mlle de Lamothe-Houdancourt, car c'est - bien de cette dernière (et non de Mlle d'Argencourt) que les - _Mémoires de Brienne_ (le jeune), t. I, p. 173, nous montrent le - marquis amoureux à l'époque de la disgrâce de Fouquet, et cela - avec des détails qui rendent toute confusion impossible. - - -Adieu, en voilà trop. Pour vous j'ajouterai cependant que madame votre -mère a dit à M. Ménage des choses qui vous épouvanteroient, si vous les -saviez, tant elles sont déraisonnables, emportées et hors de toute -raison. Aussi Boisrobert fait-il une comédie de toutes ces belles -conversations[377]. Je ne vous en aurois rien dit si plusieurs personnes -ne m'étoient venues dire que j'étois obligée de vous avertir d'une partie -de la vérité. Pardonnez-le-moi, et croyez que, pour ce qui me regarde, je -sacrifie toutes choses à votre plaisir, pourvu que vous me conserviez -toujours votre affection. Vous le devez, et je vous en conjure par la -plus sincère, la plus tendre et la plus fidèle amitié du monde. C'est -tout ce que je puis vous dire de si loin. Bonsoir; écrivez-moi un mot, -car votre silence me tue. - - [377] C'est-à -dire qu'il en faisait l'objet d'une de ces - plaisanteries de société dans lesquelles il excellait. - - A la suite de ceci, il y a dans l'original quatre lignes biffées - avec soin. Nous avons cru déchiffrer ces quelques mots: «_Il vint - à Fontainebleau..... Mlle Loyseau..... Aragonnais....._» - -Mille amitiés à M. de la Bastide et à M. du Mas[378]. Donnez, s'il vous -plaît, au premier, une lettre que M. Pineau lui écrit. Mme de Caen vous -baise les mains, elle vous a envoyé une lettre pour M. le Surintendant. -Le pauvre M. de Montpellier vous prie toujours de ne l'oublier pas, quand -vous serez de retour, et dit que, s'il y a quelqu'un dans sa compagnie -qui ne lui plaise pas, on n'a qu'à le lui dire. Ce pauvre homme me promet -des merveilles, mais, comme vous le savez, je ne vous demande jamais que -ce que vous devez et ce qui vous plaît. - - [378] Commis de Fouquet. - - -A M. HUET, A CAEN[379]. - - [379] Cette lettre, et la plupart de celles qui suivront, - adressées à Huet par Mlle de Scudéry, sont tirées des copies de - Léchaudé d'Anisy, conservées à la Bibliothèque nationale. Ces - originaux sont aujourd'hui perdus ou dispersés, et ces copies - sans date, sans ordre, ont été exécutées dans un déplorable - système de retranchements et d'arrangements, dont on pourra juger - par l'avis suivant que le copiste a cru devoir mettre en tête: - - «La nombreuse collection de lettres autographes de Mlle de - Scudéry, que l'évêque d'Avranches avait reçues et avait - rassemblées, aurait pu permettre d'étendre beaucoup cette - correspondance, surtout si l'on y eût ajouté les diverses poésies - qu'elle soumettait au jugement du savant prélat. Mais ses vers - étant encore plus affectés que ses lettres familières, on a dû - les supprimer totalement dans ce recueil et se borner au - très-petit nombre de ses lettres qui se ressentent le moins de ce - style précieux et affecté qu'on reproche à Mlle de Scudéry, et - qui était un des caractères distinctifs de son esprit.» - -Ainsi, retrancher dans les lettres d'un écrivain ce qui était _un des -caractères distinctifs de son esprit_, voilà le système avoué du -transcripteur de la Correspondance de Huet. Ce qui peut consoler les amis -de notre histoire littéraire, ce sont les longues et consciencieuses -études que M. Baudement, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, a -consacrées à l'évêque d'Avranches, études dont il nous a été donné de -profiter, et dont il faut espérer que le public jouira bientôt à son -tour. - - [Septembre 1661.] - -Quoique je ne sois pas ingrate, je souhaite pourtant de tout mon cÅ“ur de -ne vous rendre jamais compassion pour compassion: cela veut dire, en un -mot, que la fortune ne vous fasse jamais éprouver une douleur pareille à -la mienne; car enfin, Monsieur, en une même semaine j'ai vu un homme -illustre[380] qui me protégeoit, dans le plus pitoyable état du monde, un -fidèle et généreux ami en prison[381] et un autre dans le tombeau[382]. -Je compte presque pour rien le renversement de la fortune de M. Pellisson -et de la mienne en particulier, quoique ces deux choses s'y trouvent. Mon -chagrin a une cause plus noble, et l'amitié toute seule fait toute -l'amertume de ma douleur. Plaignez-moi donc, Monsieur, s'il est vrai que -vous m'aimez un peu, et soyez assuré qu'il ne vous arrivera jamais ni -joie, ni douleur que je ne partage avec vous. - - [380] Fouquet. - - [381] Pellisson. - - [382] Cet ami dans le tombeau serait-il Mazarin, mort le 9 mars - précédent? - - -AU MÊME[383]. - - [383] Copie Léchaudé d'Anisy. - - [Fin de 1661.] - -On se fait honneur en plaignant ses amis malheureux, et on profite de -leur infortune en la partageant avec eux; mais le mal est, Monsieur, -qu'on ne les soulage guère en les plaignant; et après tout, quand on fait -ce qu'on peut, on fait ce qu'on doit, et l'on a toujours l'avantage de -n'augmenter pas leurs déplaisirs, par le chagrin qu'il y a d'apprendre -qu'on a des amis ingrats: car j'appelle de ce nom-là ces âmes insensibles -qui ne se laissent point toucher à la douleur, et qui ne prennent jamais -de part qu'à la joie de ceux qu'ils aiment le mieux. Pour vous, Monsieur, -vous avez l'âme trop noble pour en user de cette sorte, et je sens comme -je dois, la bonté que vous avez de vous intéresser si obligeamment à ce -qui me touche et à ce qui regarde un illustre malheureux, qui mérite sans -doute votre amitié. Il n'est aucunement coupable d'aucun crime et la -calomnie ne l'accuse même de rien. Mais après tout, il est prisonnier, -tout son bien est entre les mains du Roi, et quand il n'auroit que le -malheur de son maître, il seroit toujours bien à plaindre. Je suis bien -fâchée, Monsieur, de ne vous entretenir que de choses si tristes et peu -agréables, mais j'ai si bonne opinion de vous, que je crois que vous ne -vous en tiendrez pas importuné, et qu'au contraire vous en estimerez -davantage l'amitié que je vous ai promise. - - -LETTRE DE REMERCÃŽMENT AU ROI[384]. - - [384] Mss Conrart, t. IX, in-fo, p. 199.--_Pièces nouvelles et - galantes_, 1667, t. II, p. 9.--Voir la _Notice_, p. 109, note 4. - - [Octobre 1663.] - -Je sais trop le profond respect que l'on doit à V. M. pour prendre la -hardiesse de lui écrire, si son propre bienfait ne me l'eût donnée et -s'il n'y avoit trop de honte à n'en pas témoigner de ressentiment. Je le -dirai même, Sire, à V. M., puisqu'elle ne m'a pas jugée indigne de ses -grâces. Il est désormais de son intérêt de recevoir avec la même bonté le -très-humble et très-respectueux remercîment que j'ose lui en faire. Je -n'ai assurément nulle de ces qualités éclatantes qui attirent son estime -et sa faveur et en tirent un nouvel éclat. Je ne puis moi-même justifier -l'action de V. M. qu'en l'assurant d'une reconnoissance éternelle. Elle a -sans doute voulu montrer en pensant à moi qu'elle sait trouver du temps -pour les moindres choses comme pour les plus grandes, qu'elle n'ignore -rien, et ne connoît pas seulement les services mais aussi le cÅ“ur de ses -sujets dont il n'y en a point qui ait plus de passion que j'en ai -toujours eu pour sa gloire. - -J'ai fait, Sire, des vÅ“ux pour la naissance de V. M. quand c'étoit un -bien plus souhaité qu'espéré de toute la France. J'en ai fait pour le -bonheur de son règne que cette naissance miraculeuse nous sembloit -promettre. Quand on a admiré les victoires et les conquêtes de V. M., je -les ai senties; quand son heureux mariage et la paix qu'elle donnoit à -ses peuples ont fait la prospérité de l'État, j'en ai fait la mienne; -quand Dieu lui a donné cet aimable Dauphin qui fait présentement les -délices des deux plus grandes reines qui aient jamais été, j'en ai eu une -joie particulière, et, si je l'ose dire, toute cachée que je suis dans le -monde, mon zèle et mon affection m'ont fait suivre V. M. depuis son -berceau jusqu'à son char de triomphe. - -Il n'y a guère d'apparence, Sire, que je cesse aujourd'hui, qu'à tant de -devoir et d'inclination je puis ajouter la joie d'avoir eu quelque petite -part aux pensées du plus grand roi du monde, et d'avoir été du moins un -moment dans cet esprit qui n'est que justice, que lumière, que gloire et -que grandeur. - -Mais, Sire, il ne m'appartient pas de louer V. M., bien que ce soit -aujourd'hui l'occupation de toute la terre. Il n'est pas juste, quelque -bonté qu'elle pût avoir, de l'arrêter inutilement, Elle dont tous les -moments sont autant d'actions utiles et glorieuses. Qu'elle me pardonne, -s'il lui plaît, ce peu que je lui en ai fait perdre. Je voulois lui faire -connoître que je sais parfaitement le prix que donne à un bienfait une -main aussi illustre que la sienne, afin qu'elle comprît plus aisément -avec quel zèle, quelle fidélité et quel respect je serai toute ma vie, -etc. - - -A M. HUET, A CAEN[385]. - - [385] Copie Léchaudé d'Anisy. - - Le 18 décembre.... [1663]. - -J'ai eu une extrême joie, Monsieur, de recevoir des marques de votre -souvenir, et M. Pellisson m'a priée de vous remercier fort tendrement de -la part que vous prenez à ce petit commencement de liberté qu'on lui a -donné[386], et qui donne lieu d'en espérer bientôt une plus grande: -principalement depuis que le Roi en a parlé très-ouvertement, et qu'il a -fait lire plusieurs choses qu'il a faites pendant les temps les plus -rigoureux de sa captivité. Il revient du moins au monde, avec la -satisfaction de voir que son malheur lui a encore acquis un nombre infini -d'amis, outre ceux qu'il avoit déjà . . . . . . . . . . . . . - - [386] Voy. la _Notice_, p. 75. - - -A M. COLBERT[387]. - - [387] Delort, _Voyages aux environs de Paris_, t. I, p. - 141.--_Histoire de la détention des philosophes_, t. I. p. 79. - - - [Décembre 1663.] - - Monsieur, - -Quoique je n'aie presque pas l'honneur d'être connue de vous, je ne -laisse pas d'espérer que vous ne trouverez point mauvais que je prenne -non-seulement la liberté de vous écrire, mais encore celle de vous -demander une grâce; et pour vous obliger à m'écouter favorablement, je -vous protesterai d'abord que le Roi n'a point de sujette qui ait plus de -passion ni plus de zèle que j'en ai toujours eu pour sa gloire, et que -feu M. le Cardinal n'a jamais obligé personne qui ait eu plus d'estime -pour ses grandes qualités ni plus de reconnoissance de ses bienfaits. - -Après cela, Monsieur, j'ose vous conjurer très-instamment, si vous le -pouvez, comme je n'en doute point, de faire que la prison de M. de -Pellisson soit un peu plus douce. Si sa vertu, sa probité, son zèle pour -le service du Roi, et la considération que je sais qu'il a toujours eue -pour vous, vous étoient bien connus, vous le regarderiez sans doute comme -un homme dont l'innocence doit être protégée par vous. Je le dis d'autant -plus hardiment, Monsieur, que j'espère que j'aurai quelque jour -l'honneur de vous le faire voir clairement. Je vous conjure donc, -Monsieur, d'avoir la bonté de faire en sorte que la mère de M. de -Pellisson, M. Rapin son beau-frère, M. Ménage et moi, ayons la liberté de -le voir une fois ou deux la semaine. - -J'ose vous dire encore, Monsieur, que si vous saviez bien les choses, -vous connoîtriez que je ne vous demande rien que de juste, lorsque je -vous conjure d'adoucir la prison de mon ami. J'ose même vous assurer, -Monsieur, que cette douceur sera glorieuse au Roi, pour le service duquel -je suis assurée que M. de Pellisson voudroit donner toutes choses, -jusques à sa propre vie, et je vous assure aussi que vous ne pouvez rien -faire de plus juste ni de plus honnête. Je n'ose vous dire, Monsieur, que -j'aurai une reconnoissance éternelle de cette grâce, si vous me -l'accordez; mais je vous assure que vous obligerez un nombre infini -d'honnêtes gens en obligeant mon ami. Si j'eusse cru ne vous importuner -pas, je vous aurois demandé un quart d'heure d'audience pour vous dire ce -que je vous écris et peut-être quelque chose de plus; mais n'ayant osé le -faire, je me suis hasardée de vous écrire sans vouloir employer personne -auprès de vous, quoique j'aie beaucoup d'amis par qui j'eusse pu vous -faire prier; mais j'ai mieux aimé ne devoir rien qu'à votre propre -générosité. Voilà , Monsieur, quels sont les sentiments d'une personne qui -aura beaucoup de joie si vous voulez bien qu'elle ait l'honneur d'être -toute sa vie, Monsieur, votre très-humble, très-obligée et -très-obéissante servante, - - MADELEINE DE SCUDÉRY. - - -A M. HUET[388]. - - [388] Copie Léchaudé d'Anisy. - - [1664 ou 1665.] - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . -Les avocats disent que l'illustre prisonnier se défend si bien lui-même, -que nul autre ne le doit défendre, et il donne de si justes marques de sa -capacité et de sa constance, que son infortune lui devient tous les jours -plus glorieuse. Voilà , Monsieur, tout ce que peut vous dire une personne -qui vous honore infiniment, et qui vous demande la continuation de votre -amitié. - - -AU MÊME. - - [Fin de 1665 ou commencement de 1666.] - -Je ne sais, Monsieur, si vous songez quelquefois qu'il y a longtemps que -je vous dois une réponse; mais je sais bien que vous êtes obligé d'y -songer, et que j'ai eu si souvent envie de vous écrire, que vous m'en -devez savoir fort bon gré. J'attendois toujours que j'eusse l'esprit plus -tranquille, afin de vous écrire sans chagrin: mais comme je prévois que -j'aurai encore deux ou trois mois d'inquiétude, je me résous enfin à vous -entretenir, toute mélancolique que je sois. Ce n'est pas que les affaires -de M. de Pellisson ne soient en fort bon état, et que tout le monde ne -rende justice à sa vertu, mais sachant combien il aime son maître, et -étant lui-même fort touché de son infortune, je ne puis pas avoir -l'esprit en repos que cette affaire ne soit terminée. Mais après tout, -Monsieur, mon amitié est toujours la même, et j'espère que vous la -reverrez paroître avec les premières roses, telle qu'elle étoit l'année -passée à la saison des violettes. Faites donc en sorte que je retrouve la -vôtre telle qu'elle étoit; je vous en conjure par l'admirable Octavie. - - -AU MÊME[389]. - - [389] Copie Léchaudé d'Anisy. - - Vendredi [1670]. - -Comme je n'ai pas de plus grand plaisir que de louer ce qui mérite d'être -loué, surtout quand mes amis en sont les auteurs, je suis très-fâchée, -Monsieur, que vous ayez donné des bornes aux louanges que je vous dois, -en me louant comme vous avez fait à la fin de votre excellent Discours -sur l'origine des Romans[390]. Car après cela, je n'ose presque dire -tout le bien que j'en pense, de peur qu'on ne m'accuse d'être plus -touchée de ce que vous dites de moi, que de toutes les belles choses dont -votre discours est rempli. Mais, puisque des raisons de modestie -m'empêchoient peut-être de vous louer en parlant aux autres avec tout le -zèle que je voulois, il faut du moins que je le fasse en parlant à vous, -et que je vous die de plus que M. de Pellisson m'a écrit de Saint -Germain, que votre ouvrage étoit très-beau et très-savant, et qu'il vous -ira remercier d'un si agréable présent, dès qu'il viendra à Paris. Je -pense, Monsieur, que ses louanges valent mieux que les miennes, mais je -ne laisserai pas de vous dire que non-seulement il paroît beaucoup de -savoir dans votre discours, mais, outre cela, un discernement exquis et -un véritable génie pour ces sortes d'ouvrages. Vous avez précisément -choisi les romans qui ont fait les délices de ma première jeunesse, et -qui m'ont donné l'idée des romans raisonnables qui peuvent s'accommoder -avec la décence et l'honnêteté; je veux dire, _Théagène et Chariclée_, -_Théogène et Charide_[391], ainsi que l'_Astrée_; voilà proprement les -vraies sources où mon esprit a puisé les connoissances qui ont fait ses -délices. J'ai seulement cru qu'il falloit un peu plus de morale afin de -les éloigner de ces romans ennemis des bonnes mÅ“urs, qui ne peuvent que -faire perdre le temps. - - [390] Il parut en 1670. «Achevé d'imprimer le 20 novembre 1670,» - lit-on en tête de la première édition qui précède le roman de - _Zaïde_. - - [391] _Du vrai et parfait amour, contenant les amours honnêtes de - Théogène et de Charide_, etc., Paris, 1599 et 1612, in-12. C'est - un pastiche des romans grecs, mis par son auteur, Martin Fumée, - sr de Genillé, sous le nom du philosophe Athénagoras. - -Au reste si les choses que vous dites sont choisies, les expressions le -sont aussi, et rien n'est mieux écrit que votre discours. Je vous dirai -seulement qu'on peut en quelque sorte répondre à l'accusation que vous -faites aux romans bien faits, d'avoir amené l'ignorance à leur suite, -qu'ils devroient avoir produit un effet contraire; car comme l'histoire -et la fable sont mêlées aux romans dont la scène est tirée de -l'antiquité, les femmes qui ont de l'esprit doivent raisonnablement -chercher à lire les originaux de ces sortes de choses dont elles trouvent -des passages dans les romans; et j'ai une amie qui n'eût jamais connu -Xénophon ni Hérodote, si elle n'eût jamais lu le _Cyrus_, et qui en le -lisant s'est accoutumée à aimer l'histoire et même la fable. Je ne -m'oppose pourtant pas à ce que vous avez avancé; je dis seulement que -l'ignorance dont vous parlez a plus d'une cause et qu'il peut être bien -de ne dire que celle-là . - -Je vous demande pardon, Monsieur, de vous faire une si longue lettre, et -de vous dire pourtant en si peu de paroles, que personne n'est plus que -moi, votre très-humble et très-obéissante servante. - - -A M. P. TAISAND[392]. - - [392] Cet avocat au parlement de Dijon, trésorier de France en la - généralité de Bourgogne, était parent de Bossuet; il était né en - 1644 et mourut en 1715. Voir la _Notice_ de M. Miller, souvent - citée par nous, à laquelle nous empruntons cette lettre: _Pierre - Taisand_, etc. - - 19 juillet 1673. - -J'eus hier bien du déplaisir, Monsieur, de n'être pas en état de vous -voir, mais j'en ai beaucoup davantage d'être forcée de vous refuser la -première chose que vous m'avez demandée; la raison de ce refus est que je -n'ai jamais donné de clef ni de _Cyrus_, ni de _Clélie_, et je n'en ai -pas moi-même. J'ai fait les portraits de mes amis et de mes amies, selon -l'occasion qui s'en est présentée, et la description de quelques-unes de -leurs maisons, sans aucune liaison aux aventures qui ne sont fondées que -sur la vraisemblance. - -Si Mlle Bossuet[393] a de la curiosité pour quelques noms, je rappellerai -ma mémoire pour la contenter. Je connois son mérite sur sa réputation, et -je l'honore infiniment. M. de Condom, son frère, pourroit savoir de M. de -Montausier que je dis vrai lorsque je vous assure que je n'ai point donné -de clef de ces ouvrages-là . J'espère que vous serez assez équitable, -Monsieur, pour recevoir mes excuses, et pour ne m'en croire pas moins -votre très-humble et très-obéissante servante. - - [393] Mme Foucaut, sÅ“ur de Bossuet. Voy. _Pierre Taisand_, p. - 10. - - -A M. CHARPENTIER[394]. - - [394] François Charpentier, membre de l'Académie française, était - en correspondance avec Mlle de Scudéry. _Voy._ ci-après la lettre - qu'il lui adressa en 1659. - - [1673.] - -J'ai reçu avec bien de la joie, Monsieur, le précieux présent que vous -m'avez fait. Je voudrois bien que mes louanges fussent d'un prix assez -considérable pour contribuer à votre gloire, mais, telles qu'elles sont -je vous assure que je les emploie avec plaisir à rendre justice à votre -Églogue[395] qui est assurément très-belle et bien digne de vous et de -son sujet. Je n'oserois, Monsieur, vous en dire davantage en parlant à -vous, mais ce n'est pas tout le bien que j'en dirai en parlant aux -autres. J'aime naturellement à louer tout ce qui mérite d'être loué; -jugez donc, Monsieur, avec quel plaisir je louerai votre ouvrage, étant -autant que je suis votre très-humble et très-obéissante servante. - - [395] _Églogue royale à Louis XIV_. Paris, 1673, in-4º. C'est à - cette production de Charpentier que Boileau fait allusion dans - son _Discours au Roy_: - - L'un en style pompeux habillant une églogue - De ses rares vertus se fait un long prologue, - Et mêle, en se vantant soi-même à tout propos, - Les louanges d'un fat à celles d'un héros. - - Il faut dire que Boileau était souvent en querelle à l'Académie - avec Charpentier. Dans une lettre à Racine datée de Bourbon le 21 - juillet 1687, où Fagon l'avait envoyé prendre les eaux pour le - guérir d'une extinction de voix qui l'affligeait depuis plusieurs - années, il dépeint le traitement auquel on le soumet, et dit en - s'y résignant: «Mais que ne feroit-on pas pour contredire M. - Charpentier?» - - -A M. L'ABBÉ HUET, A AUNAY[396]. - - [396] Copie Léchaudé d'Anisy. - - Le 7 juillet [1684]. - -Votre lettre m'a surprise fort agréablement, Monsieur, car depuis -longtems l'exactitude des petits soins n'a plus été nécessaire à vous -conserver dans mon cÅ“ur la place que votre mérite vous y a acquise. J'ai -donc reçu le témoignage de votre souvenir avec joie, et la plainte que -vous faites au sujet du madrigal, est trop obligeante pour ne satisfaire -pas la curiosité que vous avez de le voir. Je l'envoyai au-devant du roi -qui le reçut des mains de Mme de Maintenon à Roye, deux heures après -avoir reçu la capitulation de Luxembourg[397]; car je l'avois fait dès le -premier bruit qui avoit couru que cette place avoit capitulé; ce qui ne -s'étoit pas trouvé véritable. Je serois bien aise qu'il ne vous déplaise -pas, et qu'il ait l'honneur de plaire à M. de Morangis, que j'honore -toujours beaucoup. Je fis encore une petite bagatelle quand le roi -partit, qui n'a pas déplu au monde; mais cela est trop bagatelle pour -vous l'envoyer. J'aurai dans douze ou quinze jours deux petits volumes à -vous donner. Apprenez-moi ce que j'en dois faire pour les faire parvenir -entre vos mains. Notre cher M. Ménage est toujours très-incommodé; il ne -peut passer de sa chambre dans son cabinet qu'avec des potences. Il -supporte cela avec beaucoup de patience, et se rend encore plus digne de -la compassion de ses amis. Je lui ai envoyé demander votre adresse; je -m'en sers donc, Monsieur, pour vous assurer que sans que vous en preniez -nul soin vous me trouverez toujours la même. La mémoire de notre chère -Mme de Malnoue[398] sert encore à conserver l'amitié que j'ai pour vous, -et il me semble que c'est l'aimer encore que d'aimer ce qu'elle aimoit. -Voilà , Monsieur, les sentiments très-purs de votre très-humble et -très-obéissante servante. - - [397] La ville de Luxembourg se rendit au maréchal de Créqui le 4 - juin, après 24 jours de tranchée ouverte. - - [398] Marie-Éléonore de Rohan, morte le 8 avril 1682. - - -A M. DE VERTRON[399]. - - [399] Claude Guyonnet de Vertron, auteur de la _Nouvelle Pandore, - ou les Femmes illustres du règne de Louis XIV_, 1698, 2 vol. - in-12, où il a rassemblé une foule de sonnets, madrigaux, etc., à - la gloire des dames et à la louange du roi. Ce recueil indigeste - et assez rare offre pour nous l'intérêt d'avoir conservé quelques - lettres de Mlle de Scudéry, parmi lesquelles nous avons choisi - celle-ci et les deux suivantes. - - Cette lettre répond à une épître où M. de Vertron lui demandait à - être introduit auprès d'elle sous les auspices de Mlle de la - Vigne. _Nouvelle Pandore_, p. 349 à 351. - - [1685 OU 1686.] - -J'ai tant d'estime, Monsieur, pour Mlle de la Vigne, que tout ce qui -vient de sa part m'est précieux. Je vois par vos vers et par votre lettre -que votre seul mérite peut vous faire recevoir agréablement par -vous-même; mais comme j'ai une toux fort cruelle qui ne me permet pas de -beaucoup parler, je vous demande cinq ou six jours pour guérir, afin de -pouvoir vous louer et vous remercier sans vous importuner en toussant. Ne -vous figurez pas, Monsieur, que je sois un _bel esprit_, je ne suis rien -moins que cela, mais je suis une bonne amie qui fais profession d'être -fort sincère et qui suis déjà par avance, - - Monsieur, - - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - -AU MÊME. - - 1685 ou 1686. - -Comme je suis cruellement enrhumée, Monsieur, vous me devez pardonner de -ne vous avoir pas remercié plus promptement de la belle devise que vous -avez faite pour M. le duc de Saint-Aignan; elle lui convient -admirablement, et j'ai su que le jour du carrousel[400] il confirma cette -vérité par la manière libre, noble et dégagée dont il s'acquita de -l'emploi qu'il y avoit. Je vous en rends donc mille grâces très-humbles, -Monsieur, et je donne à l'ouvrage que vous avez fait pour Louis le -Grand[401], toutes les louanges qu'il mérite, en parlant aux autres, mais -en parlant à vous, je ne me hasarderai pas d'entrer dans le détail de -celles dont il est digne; il y auroit de la vanité à le faire. Il me -suffit donc de vous dire, que cet ouvrage est aussi bien qu'il peut être, -dans le dessein que vous avez eu de renfermer dans une petite -espace[402], une gloire qu'à peine l'univers peut contenir. J'aurois -peut-être désiré que vous eussiez un peu mieux parlé de Soliman qui avoit -de très-grandes qualités; car il est toujours beau aux victorieux de -soumettre des gens d'un mérite éclatant, mais cela n'est rien et ne sera -remarqué que de moi, qui dans ma première jeunesse ai fort estimé ce -prince othoman. Voilà , Monsieur, tout ce qu'un grand rhume me permet de -vous dire, et que je suis autant que je le dois, - -Votre très-humble et très-obéissante servante. - - [400] Probablement le grand carrousel des 4 et 5 juin 1685, où le - duc de Saint-Aignan joua un rôle important, comme on le voit par - la _Relation_ qui en fut publiée cette année même. Il y eut un - autre carrousel en 1686. - - [401] _Parallèle de Louis le Grand avec les princes qui ont été - nommés grands_, Paris, 1685, in-12. - - [402] _Espace_ était quelquefois employé au féminin. D'Aubigné - lui donne ce genre. - - -AU MÊME. - - [1685 ou 1686.] - -Le sonnet que vous m'envoyez[403], Monsieur, est fort beau, mais il est -trop flatteur; j'en rabats ce que je dois, et je vous en remercie sans -me laisser persuader ce que je ne mérite pas. Je suis fâchée, Monsieur, -pour l'amour de vous, de ne pouvoir changer ma manière, mais je ne le -puis. J'ai un grand nombre d'amis, et je suis assurée qu'il n'y en a pas -un qui me conseillât de changer un caractère dont je me suis si bien -trouvée. Il y a plus de trente ans que M. le duc de Montausier me loue de -ne faire pas le _bel esprit_; en un mot, Monsieur, rien n'est plus opposé -à mon humeur, et je ne puis, en façon du monde, faire ce que vous -désirez. Quand mes amis me montrent quelque ouvrage, je ne décide jamais -rien. Les deux aimables personnes que vous avez choisies suffisent à -juger des choses plus difficiles[404]: Si elles ne s'accordent pas, -choisissez un honnête homme pour être un tiers. Voilà , Monsieur, tout ce -que je puis. Et pour finir par où j'ai commencé, je vous loue et vous -remercie, et je vous promets de louer avec plaisir l'ouvrage qui -remportera le prix; c'est tout ce que peut - - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - [403] Ce sonnet à la louange de Mlle de Scudéry se trouve dans la - _Nouvelle Pandore_, t. I, p. 313. - - [404] Il s'agissait d'un concours de bouts-rimés en l'honneur du - duc de Saint-Aignan, protecteur de Vertron. Celui-ci avait - désigné Mme Deshoulières et Mlle Serment pour exercer cette - espèce d'arbitrage que Mlle de Scudéry décline ici avec - politesse. - - -A M. BOISOT, ABBÉ DE SAINT-VINCENT, A BESANÇON[405]. - - [405] La notice détaillée que le savant Weiss a consacrée à ce - personnage dans la _Biographie universelle_, nous dispense d'en - parler ici longuement. Contentons-nous de dire que l'abbé Boisot - (Jean-Baptiste) naquit à Besançon, au mois de juillet 1638 et - mourut le 4 décembre 1694. Il est connu par divers travaux - d'érudition et par la part qu'il prit à la conservation et au - classement des papiers du cardinal de Granvelle. - - Ami de Pellisson et de Mlle de Scudéry, il entretint avec celle-ci - une correspondance qui s'étendit depuis la fin de l'année 1686 - jusqu'en 1694, époque de la mort de l'abbé. Conservée à la - bibliothèque de Besançon, elle a été communiquée par le savant M. - Weiss aux éditeurs des _Historiettes de Tallemant des Réaux_, - 1860. Nous en reproduisons ici un certain nombre, avec les - éclaircissements qu'y avait joints M. Weiss, nous réservant - d'élaguer, dans le texte et dans les notes, les répétitions et les - longueurs. - - Le 2 novembre 1686. - -Votre lettre, Monsieur, m'a surprise fort agréablement, car je n'avois -nul lieu de l'attendre aussi flatteuse qu'elle est, et je vois bien que -je dois la bonne opinion que vous avez de moi à mes amis; mais, au hasard -de vous en désabuser, je voudrois bien que vous eussiez quelque affaire -agréable en ce pays-ci, qui me donnât lieu de connoître par moi-même un -aussi honnête homme que vous; car je ne vous connois pas seulement, -Monsieur, par les belles lettres que j'ai reçues de vous, je vous connois -encore par M. de Pellisson, qui ne loue jamais sans sujet. De sorte, -Monsieur, que si mon estime peut contribuer à votre satisfaction, vous -pouvez en être assuré et qu'il ne tiendra qu'à vous que je ne sois toute -ma vie, - - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - -A M. l'ÉVÊQUE DE POITIERS[406]. - - [406] Cabinet de M. Toussaint, avocat au Havre. - - L'évêque de Poitiers était François-Ignace de Baglion de Saillant. - - [Février 1687.] - -Si je n'étois pas un peu malade et fort affligée de la mort de M. le -maréchal de Créqui[407], j'accepterois avec joie l'honneur que vous me -voulez faire, Monseigneur; mais je n'ai pu encore aller voir mes amies -affligées et il n'y auroit nulle raison d'aller me réjouir dans ce temps -où je dois pleurer avec elles. Gardez-moi votre bonne volonté pour une -autre fois et je serai ravie de ne vous refuser pas, car je suis -véritablement votre très-humble servante et très-obéissante malade. - - [407] François de Bonne, maréchal de Créqui, mort le 4 février - 1687. - - -A M. L'ABBÉ BOISOT. - - Le 12 septembre 1687. - -Quoique je sois fort diligente, Monsieur, à reconnoître dans mon cÅ“ur -tout ce que vous avez fait pour m'obliger, je dois vous paroître un peu -paresseuse à vous remercier du plaisir que m'ont donné toutes vos -lettres espagnoles[408]. Mais un grand rhume m'a empêchée de les lire -durant quelque temps. Je les trouve pleines de beaucoup d'esprit et je -suis persuadée qu'il y en avoit plus en ce temps-là en Espagne qu'il n'y -en a aujourd'hui, et je suis assurée que le Roi qui y règne n'écrit pas -comme celui dont M. de Pellisson m'a fait voir les lettres, ni les dames -de sa cour comme la _Torquilla_. Je vous remercie donc, Monsieur, d'avoir -songé à me les faire voir. Vous ne me dites point s'il faut vous les -renvoyer. Cependant je prends la liberté de vous donner douze vers[409] -que je fis le lendemain que j'eus été voir Saint-Cyr par ordre de Mme de -Maintenon, qui m'y reçut avec beaucoup de bonté. On y a fait un chant -parfaitement beau. Il y a près de trois cents jeunes demoiselles dans -cette maison. C'est un établissement admirable. C'est à ces jeunes filles -que j'adresse ces vers. Je souhaite qu'ils ne vous déplaisent pas, -Monsieur, et que vous me croyiez autant que je suis - - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - [408] Il est probable que ces lettres faisaient partie des - papiers du cardinal de Granvelle, et que l'abbé Boisot, toujours - empressé d'être agréable à Mlle de Scudéry, les lui avait - envoyées. (W.) - - [409] Voyez-les, aux Poésies. - - -AU MÊME. - - 17 octobre 1687. - -Que direz-vous, Monsieur, de mon silence? Les apparences sont contre moi, -mais, dans la vérité, je ne suis pas coupable, car je ne suis point du -tout ingrate. Votre italien m'a fait pour le moins autant de plaisir que -votre espagnol, et puis un sonnet écrit de la propre main du Tasse[410] -est une chose infiniment agréable à quiconque est sensible au mérite d'un -si excellent homme. Je vous en aurois remercié plus tôt, sans un grand -rhume qui m'a fort importunée; et puis j'eusse bien voulu vous envoyer en -échange quelque chose de moi propre à vous divertir. Mais je vous envoie, -Monsieur, des vers d'un gentilhomme de mes amis de Bordeaux qui fait de -fort belles choses.[411] Vous en verrez le sujet au titre. Il faut -seulement savoir qu'un peu avant cela, le Roi m'avoit fait l'honneur de -me donner sa médaille. Vous voyez, Monsieur, que je paie mes dettes du -bien d'autrui. Mais ce n'est qu'en vers que j'en use ainsi, car vous -trouverez dans mon propre cÅ“ur toute l'estime que vous méritez et toute -la reconnoissance que doit avoir votre très-humble et très-obéissante -servante. - - [410] Trouvé dans les papiers du cardinal de Granvelle, par - l'abbé Boisot, qui s'était empressé de le communiquer à Mlle de - Scudéry. (W.) - - [411] Ce gentilhomme bordelais se nommait Bétoulaud. On conserve - de lui dans les recueils académiques des provinces un grand - nombre de pièces de poésie. (W.) - - -M. de Pellisson est à Fontainebleau. Je lui montrerai le sonnet à son -retour, qui lui fera plaisir. - - -AU MÊME. - - Le 19 août 1689. - -J'ai reçu, Monsieur, de si grands remercîments de MM. de Bonnecorse père -et fils[412], que je serois bien ingrate si je ne vous témoignois pas la -reconnoissance que j'ai de toutes les manières honnêtes dont vous avez -reçu ma très-humble prière. Je le fais donc de tout mon cÅ“ur et je vous -assure que je ne perdrai jamais le souvenir de cette générosité. Mais -pour achever la grâce, ne pourriez-vous pas obtenir de M. de Moncault -qu'il fît pour le cadet que vous avez si bien reçu, ce que M. de -Valcroissant écrivit hier sur ma table, en partant pour aller prendre -possession du petit gouvernement que le Roi lui a donné? Il a été -gouverneur de M. de Barbésieux, fils de M. de Louvois. Il est de Provence -et de mes anciens amis, et c'est lui qui a fait mettre M. de Bonnecorse -aux cadets de Besançon. Ce garçon m'a écrit qu'il vaquoit trois -lieutenances d'infanterie; il en a aussi écrit à M. de Valcroissant; -mais, par malheur, il partoit pour Flandre avec Mme sa femme. Mais lui -ayant demandé ce qu'il falloit faire, il écrivit le petit mémoire que je -vous envoie[413]. Voyez, Monsieur, si vous pourriez obtenir de M. de -Moncault ce que ce mémoire porte. M. de Pellisson l'en remercieroit, et -moi aussi, et je vous en serois parfaitement obligée. Le père de ce -garçon est un parfaitement honnête homme que M. de Pellisson et moi -aimons beaucoup. Je prends la liberté de mettre un petit billet dans -votre paquet pour ce gentilhomme-là . - - [412] Elle les avait recommandés à l'abbé par une lettre du 6 - juin, où elle parlait du père (l'une des victimes de Boileau), - comme d'un de ses amis particuliers depuis trente ans. - - [413] On n'a pas pu le retrouver dans les papiers de l'abbé - Boisot. (W.) - -Je serai ravie de voir ce que le médecin écrira sur le mal extraordinaire -de la fille dont vous m'avez fait le récit. Je crois que vous seriez bien -aise de savoir que le Roi a donné pour gouverneur à M. le duc de -Bourgogne, M. le duc de Beauvilliers, homme d'une grande vertu. M. de -Chevreuse[414] est sous-gouverneur, et M. l'abbé de Fénelon précepteur. -Le Roi sut hier, par un exprès parti de Rome le 10, que le Pape était à -l'agonie. Il est venu aujourd'hui un autre courrier: on se figure, avec -bien de l'apparence, qu'il apporte la nouvelle de la mort. Les cardinaux -françois se préparent à partir, et M. le duc de Chaulnes aussi, avec la -qualité d'ambassadeur extraordinaire. M. d'Uxelles se défend -admirablement bien à Mayence; Brégy se défend de même. La flotte du Roi -est la plus belle du monde. La dyssenterie est dans celle de ses ennemis, -et il y a lieu de croire que Dieu bénira les armes de Louis le Grand et -confondra ses ennemis. Mais pour finir par où j'ai commencé, Monsieur, je -vous rends mille grâces très-humbles et suis pour toute ma vie votre -très-humble et très-obéissante servante. - - [414] Le duc de Chevreuse remplissait réellement, comme le dit - Mlle de Scudéry, les fonctions de sous-gouverneur du duc de - Bourgogne, mais il n'en eut pas le titre. On lit dans la _Gazette - de France_ du 20 août 1689: «Le marquis de Denonville - (Jacques-René de Briney) est nommé sous-gouverneur du duc de - Bourgogne.» M. de Denonville avait été gouverneur du Canada; il - mourut en 1710, âgé de soixante-treize ans. (W.) - - -AU MÊME. - - Le 7 de septembre 1689. - -Je réponds un peu tard, Monsieur, à votre lettre du 28, parce que je -voulois la montrer à M. de Pellisson, afin qu'il m'aide à reconnoître la -manière obligeante dont vous agissez pour M. de Bonnecorse. Mais vous -pouvez assurer M. de Moncault[415] et vous assurer vous-même qu'il -sentira vivement tout ce que vous faites l'un et l'autre pour ce -gentilhomme dont le père est son ami et le mien, et que vous trouveriez -très-digne d'être le vôtre si vous le connoissiez. Il a de l'esprit, du -savoir et beaucoup de vertu. Je lui avois écrit afin qu'il rendît office -à l'ambassadeur de Constantinople qui devoit passer à Marseille. Il a -fait cela de si bonne grâce que ce m'est un nouvel engagement de le -protéger en la personne de son fils. Continuez donc, Monsieur, de le -servir auprès de M. de Moncault. Mais comme ce garçon-là n'est pas l'aîné -de la famille, il vaut mieux lui faire donner une lieutenance dans un bon -corps d'infanterie que de le mettre dans la cavalerie où il y a plus de -dépenses à faire. - - [415] L'officier sous lequel le fils de Bonnecorse devait servir. - -Après cela, je laisse le reste à faire à votre générosité et à celle de -M. de Moncault, dont M. de Pellisson me dit avant-hier encore beaucoup de -bien. J'écris aujourd'hui au cadet de Besançon, ne voulant pas toujours -abuser de votre honnêteté, et j'écris aussi à son père pour lui apprendre -la continuation de vos bontés pour son fils. Je vous assure que ce -garçon-là n'en est pas ingrat, car il m'en écrit comme en ayant le cÅ“ur -pénétré. Mayence fait toujours des merveilles, et Brégy ne se dément pas. -Mais les nouvelles d'Irlande ne sont pas bonnes, et l'on ne doute pas que -Londonderry n'ait été secouru. Les cardinaux françois vont en diligence à -Rome pour empêcher, s'ils peuvent, que le conclave ne nous donne un pape -aussi ennemi de la France que le dernier; mais la maison d'Autriche fait -une grande ligue. La flotte angloise n'a pas voulu attendre la nôtre. Il -y a une épitaphe du Pape qui ne le flatte pas, mais vous l'aurez -peut-être reçue. Je suis, Monsieur, avec autant d'estime que de -reconnoissance, votre très-humble et très-obéissante servante. - - -AU MÊME. - - Le 7 octobre 1689. - -......Il faut vous répondre, Monsieur, sur ce que vous me demandez -touchant Saint-Cyr. Il n'y a pas toujours des places vacantes, mais on -écrit dans un registre celles qui ont des places retenues. Il faut faire -preuve de quatre degrés de noblesse par pièces originales par-devant M. -d'Hozier, fils du grand généalogiste, préposé pour cela; mais il faut -auparavant avoir parlé à Mme de Maintenon, qui seule conduit toute cette -maison. Il faut que la petite fille ait sept ans passés; on n'en reçoit -point au-delà de douze. On désire qu'elles soient saines et qu'elles ne -soient pas difformes. Mais j'ai à vous dire qu'on n'en mariera plus comme -on a fait. Elles y seront jusqu'à vingt ans. Quand il vaque des places de -religieuses dans les abbayes royales où le Roi a droit d'en nommer une, -s'il y a des demoiselles que Dieu appelle à la religion, on en choisit -une et on l'envoye à cette abbaye-là . Voilà , Monsieur, ce que je vous en -puis dire. Si les filles ne font pas bien leur devoir, on les rend aux -parents, et il en est sorti deux il y a trois jours. J'ajoute après cela -que, quoique j'aie refusé à une personne de me mêler de mettre des filles -dans ce lieu-là , si vous voulez dresser un mémoire bien circonstancié de -la condition de la demoiselle, de la vertu de la mère, du père, du bien -de cette famille, de l'âge de la fille et peindre même la petite -personne, je ferai voir le mémoire à Mme de Maintenon. Mais comme la Cour -partit hier pour Fontainebleau, d'où elle ne reviendra à Versailles que -le 23 de ce mois, il faudra attendre ce retour-là .... - - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - -A M. HUET[416]. - - [416] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - [1689.] - -Je suis fort aise, Monseigneur, que vous m'ayez fait l'honneur de vous -souvenir de moi, sans vous souvenir de mon ignorance; car peut-être, si -vous vous en étiez souvenu, ne m'eussiez-vous pas donné votre excellent -ouvrage[417]. Je voudrois bien cependant que vous m'eussiez aussi envoyé -quelque habile traducteur, afin de ne perdre rien d'un livre qui n'est -pas favorable à certaines machines cartésiennes, contre lesquelles je me -suis déclarée hautement il y a longtemps, sans employer pourtant contre -le philosophe, que mon chien, ma guenon et mon perroquet. Mais comme il y -a certaines choses qu'on entend plus facilement que les autres, j'ai fort -bien entendu les louanges que vous donnez à M. de Montausier dans votre -préface, et quelques autres petits endroits dont je n'oserois parler en -détail de peur de m'égarer. Le philosophe que vous attaquez si vivement a -une nièce[418] que j'aime beaucoup et qui a infiniment de mérite; mais -elle entend raillerie sur la philosophie de son oncle, comme vous le -verrez par un madrigal qu'elle m'envoya au commencement d'avril, -lorsqu'elle sut que la pauvre fauvette étoit revenue dans mon petit bois, -suivant sa coutume. - - Quand la plus belle des fauvettes - Je vis revenir où vous êtes, - Ah! m'écriai-je alors avec étonnement, - N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement. - - [417] C'est le livre que Huet publia en latin contre la - philosophie de Descartes, et qui fut imprimé pour la première - fois en 1689. - - [418] Catherine Descartes, nièce du célèbre philosophe, est morte - à Rennes vers 1706. Elle avait beaucoup d'esprit et de savoir, et - écrivait facilement en vers et en prose. Mlle de Scudéry - l'appelait _Cartésie_ et l'aimait beaucoup, comme le témoignent - les lettres qu'elle lui adressait et auxquelles celle-ci - répondit. Voyez-les ci-après. - -Après cela j'ose vous supplier de recevoir un petit madrigal[419] .... et -que vous me croyiez toujours votre, etc., etc. - - [419] Ce madrigal est celui qu'elle fit pour le duc de Bourgogne - faisant l'exercice avec les mousquetaires devant le Roi. Voy. aux - Poésies. - - -A M. L'ABBÉ BOISOT. - - Le 22 mars 1690. - -Il y a sept semaines, Monsieur, que je suis malade, et quoique je sois -beaucoup mieux, je ne recevrai pourtant des visites qu'après Quasimodo, -et, à la réserve de trois ou quatre personnes, je ne vois encore qui que -ce soit. Mais, quand je serai achevée de guérir, je serai ravie de voir -M. l'abbé Nicaise et de le remercier de son présent. Si vous lui écrivez, -Monsieur, vous me ferez plaisir de l'assurer de mes services très-humbles -et de mon estime. - -Au reste il y a une contestation entre des gens de savoir pour donner la -préférence à un des trois éloges du Roi que M. de Pellisson a faits dans -ce qu'il a écrit sur la religion. Le premier est au premier volume des -_Réflexions_[420] que je sais que vous avez: il est placé dans la -relation sur l'état de la religion en France. Le second éloge est au -second volume des _Réflexions_ et le troisième est à la fin des -_Chimères_[421], que je suppose que M. de Pellisson vous a données. Comme -j'estime beaucoup votre discernement, Monsieur, et la délicatesse de -votre goût, je vous prie de les relire, d'en choisir un, et de me mander -celui que vous aurez préféré, en un papier à part. J'ai déjà plusieurs -avis de cette sorte; vous serez, Monsieur, en bonne compagnie, et cela -fera plaisir à M. de Pellisson. Je suis avec toute l'estime que vous me -connoissez et toute la reconnoissance possible, votre très-humble et très -obéissante servante, etc., etc. - - [420] _Réflexions sur les différends en matière de religion._ - 1686, in-12. - - [421] _Les Chimères de M. Jurieu_, autre ouvrage de Pellisson. - 1690, in-12. - - - RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY AUX VERS DE M. LE PREMIER - PRÉSIDENT DE LA GUYENNE,[422] OÙ IL SOUTENOIT QU'ON NE POUVOIT - CHOISIR ENTRE LES TROIS ÉLOGES[423] PARCE QU'ILS ÉTOIENT ÉGAUX EN - BEAUTÉ. - - [422] Jean-Baptiste Le Conte de la Tresne, premier président au - parlement de Bordeaux. - - [423] Il s'agit des trois éloges de Louis XIV, par Pellisson, - dont il a été question dans la lettre précédente. - - - [Mai 1690.] - - Quoi qu'en puissent dire vos vers, - Rien n'est égal en l'univers. - Le soleil même en sa carrière, - Répand diversement sa brillante lumière, - Et ses rayons si purs, et si clairs, et si beaux, - Aux yeux les plus perçants paroissent inégaux. - -.... Après cela, Monsieur, il me semble que vous devriez vous rendre à ce -grand exemple et préférer un des trois Éloges aux deux autres.... On -trouve, sans doute, dans le premier, tout ce que les panégyriques les -plus étendus peuvent avoir de plus fort et de plus noble pour donner -l'idée d'un Roi accompli. Le second, en peu de paroles, et en forçant -l'envie même à en faire un portrait admirable, a sans doute une charmante -nouveauté.... Mais je sens dans le troisième quelque chose de divin qui -tient de l'inspiration, qui emporte mon cÅ“ur en ravissant mon esprit, et -qui ne me permet pas de rester dans une neutralité volontaire comme la -vôtre. J'ai même, ce me semble, Monsieur, un grand préjugé qui favorise -mon sentiment; car il faut que vous demeuriez d'accord que tout homme -sage proportionne les choses qu'il dit à ceux à qui il parle. On ne -parle pas à un grand Roi comme à un simple particulier, à des dames comme -à des docteurs; et, selon cette règle, l'auteur des _Éloges_ a dû -s'élever davantage en parlant à Dieu pour un grand Roi, et y penser avec -plus d'application que lorsqu'il en parloit à de pauvres fugitifs -égarés.... Cette distinction de style selon les divers sujets est même le -véritable caractère de l'auteur des _Éloges_, dont il ne s'est jamais -départi; et qui considérera, non pas tant la multitude de ses ouvrages -que leur prodigieuse variété, ne doutera pas qu'il n'ait eu dessein de -mieux parler à Dieu qu'aux hommes. Dans le commencement de sa vie, -n'ayant encore que vingt ans, il fit la paraphrase des _Institutes_ de -Justinien, par où il sembloit qu'il ne dût jamais être appliqué qu'aux -choses les plus savantes, et quoique ce petit ouvrage ait fait entendre -ce que c'est que la jurisprudence romaine jusques aux dames même, quand -elles ont voulu être curieuses, et que toutes sortes de personnes l'aient -lu avec plaisir, il s'en faut beaucoup qu'il soit du caractère de ceux -qui suivirent. L'_Histoire de l'Académie_ a passé et passera toujours -pour un chef-d'Å“uvre, le style n'en étant ni trop, ni trop peu élevé, -ayant même évité avec beaucoup d'art les écueils qui se rencontroient -dans son sujet. Peu de temps après, ce qu'on appelle le monde fut rempli -et charmé d'ouvrages de poésie ingénieuse, galante et agréable. La -fameuse _Fauvette_ vola partout où le françois est entendu; le _Caprice -contre l'estime_, l'_Oranger_, le _Dialogue de Pégase et d'Acante_ et -cent autres marquent assez ce que je dis. Et pour montrer qu'il a su -varier ses ouvrages de poésie comme ses ouvrages de prose, plusieurs odes -héroïques ou chrétiennes ont mérité l'approbation des plus habiles; et ce -poëme d'_Eurymedon_[424] où le Roi est si bien loué, a fait voir en -abrégé tout ce que les poëmes épiques les plus parfaits ont de plus -sublime et de plus héroïque. Ce Panégyrique du Roi[425] prononcé à -l'Académie, il y a plus de quinze ans, et privé par conséquent de toutes -les belles actions que le Roi a faites depuis, ce Panégyrique, dis-je, -quoiqu'il ne soit pas la trentième partie de celui de Pline, qu'on a tant -vanté, a paru donner une plus grande idée de Louis le Grand que celle que -Pline donne de Trajan. La préface sur les ouvrages de Sarazin, que M. -Ménage m'a fait l'honneur de me dédier, a été admirée de tous ceux qui -l'ont vue.... Quant à ses agréables ouvrages de poésie, sachant qu'il ne -les a jamais regardés que comme des jeux de son esprit, sans songer même -à les conserver ni vouloir qu'on les imprimât, je dois en quelque sorte -m'accommoder à sa modestie. Je dirai pourtant encore qu'en des siècles -bien différents on a fort loué ceux qui ont été capables de cette -surprenante variété, et que ceux même qui cherchent à critiquer Homère et -l'Arioste conviennent qu'ils sont admirables par la diversité des images -qu'ils présentent à leurs lecteurs, et en cela beaucoup au-dessus de -Virgile et du Tasse. Mais pour reprendre ce qui me reste à dire, tout ce -que quelques personnes de la cour et des amis particuliers de l'auteur -des _Trois Éloges_ ont vu de son _Histoire du Roy_, tombent d'accord -qu'on y trouve tout ce qu'on admire dans les historiens de l'antiquité -les plus parfaits. Ses ingénieux et solides quatrains de morale pour -l'instruction d'un jeune prince, et que tout le monde connoît, en -conservant un style naturel et noble, tel qu'il le faut pour des maximes, -inspirent l'amour de la vertu agréablement; et, en dernier lieu, ce que -l'auteur des _Éloges_ a écrit sur la religion fait assez connoître qu'il -a proportionné son style au sujet qu'il a traité, et que, par conséquent, -il a eu dessein que ce dernier éloge du Roi, contenu avec beaucoup d'art -dans une pièce qu'il adresse à Dieu, fût le plus élevé et le plus -parfait. Aussi a-t-il eu l'avantage d'être loué de tout le monde et de -l'être même par un des plus habiles protestants étrangers qu'on -connoisse[426], ce qui n'est guère moins extraordinaire que d'être loué -par l'envie même. Voilà , Monsieur, quel est le sentiment de votre -très-humble et très-obéissante servante. - - [424] Composé en 1665, publié en 1735 dans les _Å’uvres - diverses_. - - [425] Paris, 1671, in-4º. - - [426] Leibnitz. - - -A M. L'ABBÉ BOISOT. - - Le 7 mars 1691. - -Vous portez, Monsieur, la générosité si loin pour M. de Belgeri, que je -ne trouve point de termes pour vous exprimer ma reconnoissance, ni pour -vous louer comme vous méritez de l'être, et je renferme tout cela dans -mon cÅ“ur où rien ne se perd jamais.... Après cela, Monsieur, je ne puis -m'empêcher de vous faire remarquer qu'il n'eût pas été possible de -prévoir, quand j'avois garnison toutes les nuits pour me garantir des -voleurs, qu'une aventure si importune, au lieu de m'appauvrir comme -j'avois lieu de le craindre, enrichiroit mon cabinet en me faisant -recevoir des madrigaux très-agréables, et la plus jolie lettre du monde -que j'y conserverai soigneusement. En vérité, Monsieur, après avoir lu ce -que votre aimable amie vous écrit[427], je vous soupçonnerois volontiers -de me tromper, et je croirois que cette jolie lettre est de quelque -personne de la cour, que des affaires ont menée dans votre pays, si j'en -connoissois quelqu'une qui écrivît avec autant d'esprit et autant de -politesse. Ce qui m'en plaît encore infiniment, Monsieur, c'est qu'il me -paroît qu'elle croit vous faire plaisir de vous parler de moi. Car, du -reste, les louanges d'une personne qui ne me connoît pas, quoique -très-ingénieuses et très-bien écrites, me donnent beaucoup d'estime pour -elle sans me donner de vanité. - - Dieu me garde de chercher noise - Avec une telle Comtoise! - J'aime beaucoup mieux filer doux, - Et ne répondre que par vous. - - [427] Mlle Bordey, dont il sera parlé ci-après. - -Vous lui direz donc, s'il vous plaît, Monsieur, que je ne sais pas si -elle a été ou si elle est votre maîtresse, mais que je vois beaucoup -d'apparence que vous avez été son maître en l'art de bien écrire. Mais, -pour vous aider à divertir une si charmante écolière, je vous envoie des -vers d'un de mes amis de Bordeaux qui s'appelle M. Bétoulaud, d'un mérite -fort distingué, et qui est présentement à Paris. Celui dont je parle m'a -donné lieu de faire plusieurs présents agréables au Roi. Je vous envoie -donc une empreinte d'une aigle qui tient une couronne de laurier à son -bec. Cette aigle est gravée sur une très-belle agate orientale que j'ai -donnée à Sa Majesté avec les vers qui l'accompagnent. Je vous envoie -encore une empreinte d'un cachet de cornaline, où un phénix est -représenté sur un bûcher, que le même M. de Bétoulaud a donné à M. de -Pellisson avec un madrigal dont vous trouverez le sens fort juste. - -Et comme les nouvelles peuvent divertir à la campagne, je vous apprends -que durant que tous les princes ligués sont assemblés à la Haye pour -résoudre quel mal ils pourront faire à la France, nous voyons de tous -côtés de quoi troubler leur assemblée; car toute la gendarmerie a ordre -de se tenir prête à partir au premier commandement. Toutes les troupes -sont en mouvement en Flandre; l'artillerie doit être prête à marcher le -10 de ce mois, et l'on ne doute pas d'un siége avant la fin de mars. Tous -les vaisseaux de Toulon sont en état de mettre à la voile; vingt galères -sont prêtes à Marseille. Il vient quatre mille matelots de Provence pour -nos vaisseaux de Ponant; il marche beaucoup de troupes en Piémont, et, de -tous les côtés, le Roi est le plus grand roi du monde. J'espère même que -nous n'aurons pas un pape autrichien. Voilà , Monsieur, de quoi amuser -votre aimable amie, Mlle Bordey, que je voudrois bien qui fût la mienne: -je n'en désespérerois pas si elle savoit à quel point je suis la vôtre. -Mais, à mon grand regret, vous ne le savez pas vous-même, n'ayant nulle -occasion de vous témoigner combien je suis, etc., etc. - - -A MADEMOISELLE BORDEY[428]. - - [428] Jeanne-Anne de Bordey, née vers 1650 à Vuillafans, près - d'Ornans, d'une famille noble, éprouva de bonne heure un goût - très-vif pour les lettres; mais elle les cultivait en secret pour - échapper au ridicule qui s'attachait alors dans sa province aux - femmes soupçonnées de viser au bel esprit. Sa modestie ne - l'empêcha pas d'être connue du savant abbé Boisot, qui reçut dès - lors ses confidences littéraires et l'encouragea dans ses essais. - Ce fut lui qui la mit en rapport avec Mlle de Scudéry, qui lui - donna le nom de _Belle Iris_, sous lequel elle était connue dans - les sociétés de Paris. La mort de l'abbé Boisot, son protecteur - et son constant ami, dut être pour elle la cause d'un vif - chagrin. Elle avait épousé peu de temps auparavant (1691) M. de - Chandiot, d'une famille patricienne de Besançon, qui sut - apprécier toutes les qualités de sa compagne. Elle le perdit en - 1709, et dès lors elle vécut dans une retraite profonde, - partageant son temps entre la culture des lettres, son unique - consolation, et la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Sa - charité était inépuisable; par son testament elle légua toute sa - fortune au Grand Hôpital dont son mari avait été l'un des - administrateurs et des éminents bienfaiteurs; elle demandait - aussi d'être inhumée dans le cimetière de cet hospice, au milieu - des pauvres dont elle avait été la providence, et pour ainsi - dire, la mère. Son vÅ“u fut exaucé. Mme de Chandiot mourut le 19 - mars 1737, dans un âge très-avancé. On ne connaît aucun écrit de - Mme de Chandiot. Une partie de sa correspondance avec l'abbé - Nicaise et des autres amis de Mlle de Scudéry, était entre les - mains de M. Rousselle de Bréville, de l'académie de Besançon; - celui-ci étant mort en 1807, dans un village où il s'était retiré - pendant la Révolution, cette correspondance devint la proie du - maître d'école qui, n'en connaissant pas la valeur, la donnait à - ses élèves pour les former à la lecture des _vieux papiers_. - Ainsi rien ne subsiste plus d'une femme aussi vertueuse que - spirituelle; et son nom est à peine connu dans une ville où sa - mémoire aurait dû être impérissable. (W.) - - Sur la mort de Mme de Chandiot et sur le sort de ses papiers, voy. - _Revue littéraire de la Franche-Comté_, t. IV, p. 210. - - Cette lettre ne fait pas partie de la correspondance conservée à - Besançon. Nous la tirons d'un Mss de la Bibliothèque nationale qui - en renferme six autres de Mlle de Scudéry à Mme de Chandiot: - _Lettres originales_, t. IV. N-Z. - - Ce 16 mars 1691. - -Je vous suis infiniment obligée, Mademoiselle, de l'honneur que vous -m'avez fait de m'écrire, mais permettez-moi de vous dire que je suis la -personne du monde qu'on doit le moins craindre, aussi vous puis-je -assurer que je n'aime nullement qu'on me craigne, et je n'ai jamais -inspiré ce sentiment-là dans le cÅ“ur de ceux qui m'ont vue. -Bannissez-le donc, s'il vous plaît, du vôtre à mon égard, et la raison le -veut ainsi. Car premièrement avec tout l'esprit que vous avez, vous ne -devez craindre personne, et puisque vous ne craignez pas M. l'abbé de -Saint-Vincent qui est plus redoutable que moi, vous avez eu tort de -m'appréhender. Je ne me pique point du tout de bel esprit; je parle et -j'écris simplement pour me faire entendre, je ne cherche pas à dire de -belles choses que peut-être je ne trouverois pas, mes premières pensées -me semblent ordinairement les meilleures, je les prends comme elles -viennent. Jugez après cela, Mademoiselle, si vous avez eu raison de me -craindre; mais je puis vous assurer que si une grande estime peut faire -naître l'amitié, vous m'aimerez un peu, car tout ce que j'ai vu de vous -et tout ce que M. l'abbé de Saint-Vincent m'en a écrit, vous ont donné -une si bonne place dans mon cÅ“ur que je ne suis pas indigne d'en avoir -du moins une petite dans le vôtre, et d'obtenir la permission d'être -toute ma vie, avec toute l'estime que vous méritez, votre très-humble et -très-obéissante servante. - - -A M. L'ABBÉ BOISOT. - - Le 23 mars 1691. - -Je vous envoie ma réponse à votre aimable amie, Monsieur, et je vous prie -de lui rendre témoignage que j'ai reçu sa lettre fort tard, afin qu'elle -ne m'accuse pas d'un défaut que je n'ai point; car je suis fort exacte à -répondre aux personnes que j'estime. Je vous envoie ma lettre ouverte, -afin que vous voyiez qu'elle avoit tort de me craindre et que vous lui -persuadiez qu'on peut m'aimer sans injustice. M. de Bonnecorse aura été -fâché de ne vous trouver pas; car je sais par M. son père qu'il a -beaucoup de reconnoissance des obligations qu'il vous a. Je crois qu'il -aura reçu une lettre de recommandation de M. le comte Devaux pour son -colonel, qui ne lui sera pas inutile, car il est son parent et son ami. - -La plupart de nos jeunes princes partirent avant-hier. M. le duc de -Chartres partira cette semaine, mais il ne paroît pas que M. le Dauphin -doive aller. Le secours pour l'Irlande est parti de Brest. Il n'y avoit -encore à Rome nulle apparence de Pape le 24 du passé, et l'on croit que -le conclave traînera. Le duc de Savoie est en un état déplorable; mais -son imprudence le rend indigne de compassion. Sa femme et sa maîtresse -sont françoises et il passe pour constant que la dernière l'a engagé avec -le prince d'Orange, dont on ne sait nulles nouvelles...... M. de -Pellisson est à Versailles, à peu près comme à l'ordinaire pour sa santé, -et je suis toujours également, Monsieur, votre, etc., etc. - - -AU MÊME. - - Le 27 juillet 1691. - -Je vous envoie, Monsieur, une trop longue lettre pour cette généreuse -amie. Je vous en demande pardon et j'accourcirai celle que je vous écris -autant que je le pourrai. Vous aurez su la surprenante mort de M. de -Louvois, que cinq médecins et trois chirurgiens ont dit être empoisonné; -et l'on vous aura dit que M. le chancelier de France est aussi chancelier -de l'ordre; mais je ne sais si vous savez que le Roi a fait ministres -d'État M. le duc de Beauvilliers et M. de Pomponne qui ont tous deux une -vertu distinguée. Le dernier est de mes anciens amis, qui a autant de -capacité que de vertu. - -Après cela, Monsieur, je crois devoir vous dire que j'ai su par M. le -cardinal de Forbin, que nous avons un pape dont on a lieu de beaucoup -espérer pour la chrétienté[429]. Il est Napolitain, mais il n'a point de -neveu; il ne veut point de parents auprès de lui, et a déclaré qu'on ne -verra point de Napolitains au palais. Il a le cÅ“ur droit et juste et -d'une bonté infinie. Il aime à donner l'aumône, et dès qu'il fut élu, il -ordonna de changer quatre mille écus romains en jules, pour donner aux -pauvres le jour de son couronnement. Voici les emplois qu'il a eus, qui -doivent lui avoir donné de l'expérience: Référendaire de l'une et -l'autre signatures, vice-légat d'Urbin, inquisiteur à Malte, gouverneur -de Viterbe, nonce à Florence, archevêque de la ville[430], nonce en -Pologne, nonce à l'Empire, évêque de Lucques, secrétaire des évêques -réguliers, maître de chambre de Clément X et d'Innocent XI, cardinal, -évêque de Faënse, archevêque de Naples, et souverain pontife le 12 -juillet 1691. Il garde les principaux ministres du dernier pape, qui sont -de nation françoise. Enfin il paroît qu'on ne pouvoit mieux choisir. Il a -87 ans, mais d'une bonne santé et d'un esprit ferme...... Je suis, -Monsieur, avec toute l'estime que vous méritez, votre, etc., etc. - - [429] Innocent XII, qui succéda à Alexandre VIII. (W.) - - -AU MÊME. - - Le 29 d'août 1691. - -Ne soyez point en inquiétude, Monsieur, de la malice que votre aimable -amie vous a faite: elle n'est ni contre son honneur, ni contre le vôtre, -et je l'en estime davantage et vous aussi. Ce que je dis vous paroîtra -peut-être une énigme, mais c'est à elle à vous l'expliquer. Elle n'a qu'à -vous montrer ma lettre, vous l'entendrez à l'heure même. Si je ne m'étois -pas trouvée mal, je vous aurois répondu plus tôt. La bizarrerie de la -saison a un peu altéré ma santé. Mais j'espère que la joie que j'ai de la -honte dont le prince d'Orange se couvre tous les jours, aidera à la -rétablir. Quand il partit de Londres, il dit qu'il alloit prendre Dinan, -reprendre Mons et gagner une grande bataille. Cependant il n'en a rien -fait et toute notre armée se moque de lui, depuis les princes jusqu'aux -goujats. La paix de l'Empire avec les Turcs, qu'il avoit promise aux -princes ligués, ne s'avance pas, le pape a refusé de l'argent à -l'Empereur, et j'espère qu'il accordera bientôt des bulles à la France. - -J'ai encore après cela, Monsieur, une chose à vous dire, et vous ne vous -y attendez pas, c'est que je vous défie d'honorer plus Mlle Bordey que je -l'honore. Ne vous avisez pas de me disputer cette vérité, car vous -offenseriez injustement votre, etc., etc. - - [430] Mlle de Scudéry se trompe, il n'a point été archevêque de - Florence. (W.) - - Il y a une autre erreur sur l'âge de 87 ans, que Mlle de Scudéry - donne au Pape lors de son élection, tandis que les biographes - s'accordent pour le faire mourir en 1700, âgé de 85 ans. - - -A MADEMOISELLE BORDEY. - - 29 août 1691. - -Le proverbe qui dit que tous chemins vont à Rome, est fait exprès pour -vous, Mademoiselle, car vous allez à la gloire par des routes tout -opposées. On vous laisse un trésor en dépôt; vous le révélez -généreusement sans vous laisser tenter à nul intérêt. On vous confie un -trésor d'esprit en vous confiant un agréable dialogue[431] que la -modestie de son auteur veut cacher; vous me le montrez pour son honneur, -sans vous arrêter à une injuste exactitude qui priveroit votre ami des -louanges qu'il mérite d'avoir su tourner si ingénieusement un entretien -qu'il étoit si difficile de rendre agréable. Je vous loue donc, -Mademoiselle, et vous remercie tout ensemble de m'avoir fait part de -cette jolie aventure dont je n'ai pu faire part à M. Pellisson; car, -encore qu'il ait rendu justice à votre mérite, après avoir vu les lettres -que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je vous assure, Mademoiselle, -qu'il ne peut guère donner de temps à ses amis. Je le vois toutes les -fois qu'il vient à Paris, mais il arrive souvent qu'on vient le chercher -dans mon cabinet, et que ses visites sont fort interrompues. Cependant -tenez pour certain qu'il vous honore autant que vous le méritez, et que -je pourrois le récuser, si on me vouloit forcer de l'accepter pour juge, -comme vous le désirez. Mais j'aime mieux vous céder, et convenir que -j'eusse pu laisser du moins en purgatoire l'âme d'un homme qui hasardoit -son salut pour deux mille écus, et qui en laissoit plus de cinquante -mille à son fils unique. Je vous cède donc, Mademoiselle, sans nulle -peine, mais je vous défie hardiment d'estimer plus M. l'abbé de -Saint-Vincent que je l'estime, et je vais le défier, en lui répondant, de -vous honorer plus que je fais, et d'être plus votre serviteur que je suis -votre très-humble servante, etc., etc. - - [431] On n'a pu retrouver ce dialogue dans les papiers de l'abbé - Boisot. (W.) - - -A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[432]. - - [432] Cabinet de M. Victor Cousin. - - Ce 25 d'octobre [1691]. - -Je vous remercie, Monseigneur, de m'avoir appris que notre ami[433] a eu -beaucoup de voix; je ne le savois pas. M. Pavillon est fort honnête homme -et par-dessus cela cousin-germain de Mme de Pontchartrain[434]; il est -constant qu'il n'y pensoit pas, je le sais de certitude. Si M. de Meaux -et M. Dangeau eussent été à l'Académie, je crois que M. de la Loubère -l'eût emporté; ce sera pour une autre fois, il se porte assez bien pour -voir une autre occasion. Je suis bien aise, Monseigneur, que vous -comptiez ma voix pour quelque chose, mais si vous connoissiez bien mon -cÅ“ur, vous me mettriez du moins au premier rang de vos amies, et -peut-être à côté de vos premiers amis, car personne n'est plus que je le -suis votre très-humble et très obéissante servante. - - [433] Mlle de Scudéry avait recommandé à Huet, pour la place - vacante à l'Académie par la mort de Benserade, M. de la Loubère, - né à Toulouse en 1642. - - [434] Le ton de ce billet prouve que Mlle de Scudéry était - blessée de la préférence accordée à Pavillon sur son ami, M. de - la Loubère, qui fut ensuite nommé en 1693. La parenté de Mme de - Pontchartrain, comptée comme un des titres de Pavillon à cette - préférence, est même un trait assez malin pour Mlle de Scudéry; - mais ce qu'il y a de plaisant, c'est que la Loubère fut nommé par - le crédit de M. de Pontchartrain, chancelier, ce qui lui valut - alors une épigramme qu'on attribue à La Fontaine, et avec plus de - vraisemblance à Chaulieu. Elle se termine ainsi: - - Il en sera quoi qu'on en die: - C'est un impôt que Pontchartrain - Veut mettre sur l'Académie. - - -A M. L'ABBÉ BOISOT. - - Le 18 décembre 1691. - -Je vous envoie, Monsieur, une lettre pour votre aimable amie, où vous -mettrez, s'il vous plaît, le nom qu'elle porte aujourd'hui[435], car vous -ne me l'avez pas mandé. Je ne doute point que son mariage ne soit -heureux, puisque vous l'avez approuvé. Je n'ai pas été si prudente -qu'elle, car j'ai préféré trois fois en ma vie la liberté à la richesse, -et je ne m'en saurois repentir. Vous ne lui direz pas, s'il vous plaît, -Monsieur, ce que je vous écris, car ce qui est bien pour une personne ne -l'est pas pour l'autre. Pourvu qu'elle ait la liberté de vous voir -souvent, je ne la plaindrai pas de toutes les suites d'un mariage que la -sympathie réciproque n'a pas fait. - - [435] Mlle Bordey avait épousé, à la fin de l'année 1691, M. de - Chandiot. S'il faut croire ce que dit Mlle de Scudéry dans cette - lettre, cette union aurait été un mariage de raison et de - convenance dans lequel l'amour ne serait entré pour rien. - -Vous aurez su que M. de Château-Renaud a amené douze mille Irlandais que -le roi d'Angleterre veut aller voir en Bretagne, et il en viendra encore -quatre mille. Il y a eu une entreprise sur Nice qui a manqué, l'avis en -étant venu de Rome au gouverneur de la place. Les nouvelles d'hier de -Montmélian étoient qu'on avoit comblé le fossé et qu'il y avoit quatre -mineurs attachés au corps de la place. Le Pape a commencé de donner -audience publique au peuple et avoit écouté cent personnes la veille -qu'on m'a écrit. On travaille aux affaires de France et l'on en espère -bien. - -Un fameux missionnaire, curé des Invalides, a été reconnu pour être le -plus grand hypocrite qui fut jamais[436]. Il est en fuite et laisse cent -mille écus de dettes. On a trouvé dans une de ses cassettes cinq -portraits de dames et plus de cent lettres dignes du feu; il n'y a jamais -rien eu d'égal. Il étoit confesseur de M. le duc de Beauvilliers qui est -la vertu même. Cette histoire a des circonstances qui font détester -l'hypocrite et l'hypocrisie. Je crois, Monsieur, qu'il est permis de se -réjouir de ne ressembler en rien à ces gens-là , et que, sans vaine -gloire, on en peut remercier Dieu. Cela doit même faire estimer -davantage les amis véritables qu'on a. Vous pouvez juger, Monsieur, que -je vous mets de ce nombre, aussi bien que M. de Pellisson, et que je me -fais un nouveau plaisir d'être, autant que je le suis, votre, etc., etc. - - [436] De Mauroy. Voici ce qu'en dit Saint-Simon dans ses - _Additions_ au _Journal de Dangeau_, t. III, p. 438: «C'étoit un - prêtre de la Congrégation de la mission, gentilhomme de bon lieu, - savant et de beaucoup d'esprit et d'intrigue, grand directeur et - grand cagot, qui avoit fait longtemps avec ses poulettes de quoi - être brûlé, sans qu'on en eût le moindre soupçon, et avoit volé - tant et plus M. de Louvois, avec qui la cure des Invalides lui - avoit donné grande relation, et à qui il tiroit tant qu'il - vouloit d'aumônes, et pour des sommes très-considérables. L'éclat - fut donc du plus grand scandale; néanmoins le roi ne voulut pas - qu'il fût poussé à bout, et le confina dans l'abbaye de - Sept-Fonts, où il se convertit si bien qu'il y fit profession, et - y a été plus de trente ans l'exemple le plus parfait de la - pénitence, de la miséricorde de Dieu et des vertus de cette - maison, qui est la même vie et la même règle que la Trappe.» - - -A MADAME DE CHANDIOT (MADEMOISELLE BORDEY). - - Le 18 décembre 1691. - -J'ai une si bonne opinion de votre jugement, Madame, que je ne doute pas -qu'il ne faille se réjouir avec vous de votre mariage, quoique ce soit, -selon moi, la chose du monde la plus difficile à faire bien à propos. -Mais si j'avois l'honneur de connoître celui que vous avez choisi pour -époux, je me réjouirois hardiment avec lui, car je le trouve le plus -heureux du monde d'avoir une femme de votre mérite. Je vous souhaite, -Madame, tout le bonheur dont vous êtes digne, et je souhaite en même -temps qu'en changeant de condition, vous n'ayez pas changé de sentiments -pour moi, qui suis toujours plus que je ne puis l'exprimer, - - Votre, etc., etc. - - -A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[437]. - - [437] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - [Fin de 1691.] - -Je vous dois, Monseigneur, non-seulement des remercîments et des -louanges, mais de l'admiration pour avoir si bien su éclaircir ce que la -géographie ancienne a de plus obscur et de plus embrouillé. Comme j'ai -autrefois assez voyagé sur les bords de l'Euphrate[438] et que depuis peu -j'ai fait un petit voyage à Suze, et que les auteurs qui en ont parlé -sont de ma connoissance, j'ai pris beaucoup de plaisir à vous voir -concilier des opinions si différentes, et tirer la vérité, ou du moins la -vraisemblance, de tant de sentiments contraires. Je vous loue donc et -vous admire, Monseigneur, et je suis avec beaucoup de sincérité, - - Votre, etc. - - [438] Le livre pour lequel Mlle de Scudéry adresse à Huet des - remercîments est son ouvrage sur la _Situation du Paradis - terrestre_, qu'il place en effet au confluent de l'Euphrate et du - Tigre. (Cet ouvrage parut à Paris, chez Anisson, 1 vol. in-12, - 1691.)--Le privilége est du 11 octobre. Quant aux voyages de Mlle - de Scudéry aux bords de l'Euphrate et à Suze, on voit que c'est - une allusion à ses romans. - - -A M. L'ABBÉ BOISOT. - - 11 janvier 1692. - -Comme ce n'est pas ma coutume, Monsieur, de me laisser surpasser en -témoignages d'amitié, je vous rends confidence pour confidence, en vous -apprenant que la dernière page de votre dernière lettre a pensé donner de -la jalousie à M. de Pellisson, et qu'elle lui a paru si bien écrite que, -si la modestie naturelle l'avoit pu souffrir, il l'auroit fait imprimer. -Il en a parlé à M. l'abbé de Ferrières[439] avec tant d'éloges que je la -lui montrerai la première fois qu'il me verra. Tout ce que je vous dis, -Monsieur, est vrai au pied de la lettre, et je vous assure, avec la -sincérité dont je fais profession, que personne en France ne peut mieux -écrire. Cet endroit de votre lettre a un caractère de politesse aussi -digne d'un honnête homme de la cour que d'un excellent académicien. - - [439] Probablement l'abbé de Faure-Ferriès, qui publia le _Traité - de l'Eucharistie_ de Pellisson. - -Après cela, Monsieur, j'ai à me réjouir avec vous de ce que vous avez des -bulles qui sont l'objet des désirs de tant d'évêques, et je suis bien -aise de savoir qu'un cardinal, qui est un de mes plus anciens et intimes -amis[440], ne vous a pas été inutile. Mais il est à souhaiter que le Pape -finisse bientôt les affaires de France. Les effroyables désordres que les -troupes allemandes font dans le Modenais, le Parmesan et le Plaisantin y -peuvent contribuer, et la prise de Montmélian donne beaucoup de force aux -négociations de M. de Rebenac. La consternation a été grande à Turin en -voyant le gouverneur de cette place n'y ramener que cinquante -Piémontais; tous les Savoyards étant retournés chez eux, ou ayant pris -parti dans nos troupes. M. de Chamlay est allé visiter la place afin de -résoudre si on la rasera ou si on la fera rétablir pour la garder: il -faut cinq cent mille francs pour la réparer. Il court bruit de quelque -dessein en Flandre, soit pour Charleroi ou pour Namur; mais ce n'est -encore qu'un bruit. Comme vous me marquez, Monsieur, que Mme de Chandiot -n'a pas autant de loisirs qu'autrefois, je ne réponds pas à sa réponse, -et je me contente de vous prier de l'assurer que je lui souhaite un grand -nombre d'années heureuses, et pour vous, Monsieur, en vous désirant tout -le bonheur dont vous êtes digne, c'est vous désirer des biens infinis. -Mais permettez-moi en même temps de désirer que vous me conserviez toute -votre amitié et que vous soyez persuadé que je suis très-sincèrement -votre, etc. - -_P. S._ J'apprends qu'hier le mariage de Mlle de Blois[441] et de M. le -duc de Chartres fut arrêté. Le Roi donne deux millions d'argent, -cinquante mille écus de pension, le Palais-Royal en propre et cent mille -écus de pierreries. J'apprends encore qu'il est arrivé dix-huit vaisseaux -anglois chargés d'Irlandais et qu'il en viendra encore dix, et qu'en -dernier lieu on a rompu la grande écluse entre Charleroi et Namur, ce qui -incommodera beaucoup la navigation des ennemis. - - [440] De Forbin-Janson. - - [441] Fille naturelle de Louis XIV et de Mme de Montespan. Ce - mariage eut lieu le 18 février 1692. - - -AU MÊME. - - Le 5 avril 1692. - -Quand on écrit, Monsieur, comme vous écrivez, on ne doit pas craindre ni -d'être oublié, ni d'importuner; aussi ai-je lu cet endroit de votre -lettre comme une excuse modeste d'avoir été si longtemps sans me donner -de vos nouvelles, et je la reçus agréablement sans la prendre dans le -sens que vous voulez lui donner. M. de Pellisson vous pourroit témoigner -que je lui parle de vous très-souvent. Je voulois même vous envoyer un -exemplaire de la seconde édition de son dernier ouvrage, où vous verrez -des additions fort curieuses; mais il a voulu que vous l'eussiez de sa -main qui vaut mieux que la mienne. J'ai été fort aise d'apprendre que M. -le baron de Bressey[442] et M. le chevalier de Vaudrey sont de votre pays -et de votre connoissance; car je connois leur mérite par la renommée, et -j'ai un ami particulier qui a contribué à attacher le premier au service -du Roi. Car ayant été pris auprès de Namur par un parti de Dinan, il fut -envoyé au fort de l'Escarpe proche Douai, dont M. de Valcroissant, -gentilhomme de Provence qui a été gouverneur de M. de Barbezieux, est -gouverneur, et fort de mes amis depuis longues années. Vous savez sans -doute que le Roi l'a fait maréchal de camp, avec deux mille écus de -pension, et qu'il lui donne de quoi lever un régiment à titre étranger. -Le Roi l'a parfaitement bien traité: je le sais par M. de Valcroissant -qui l'a bien servi. Le Roi lui fera rendre Mme sa femme qui est à Namur; -car il y a plusieurs officiers espagnols prisonniers. Pour M. le -chevalier de Vaudrey, son action d'éclat a été d'un héros de roman. Aussi -ai-je ouï dire que Madame Royale de Savoye la douairière en avoit eu le -cÅ“ur fort touché. Je suis ravie que vous ayez un ami si brave. Je ne -savois pas la devise de sa maison, qu'il mérite bien[443]. La semaine -sainte fait une grande stérilité de nouvelles, Monsieur; je ne puis louer -le mari de votre aimable amie de l'avoir dérobée au monde, mais je la -loue de sa sage conduite, et je me persuade qu'on vous l'a moins dérobée -qu'au public, et que vous pourrez l'assurer de mon service très-humble. -Pour vous, Monsieur, je n'ai qu'à vous assurer que mon estime et mon -amitié dureront autant que la vie de votre, etc., etc. - - [442] Jean-Claude de Bressay de Belfrey servait comme ingénieur - dans l'armée espagnole, lorsqu'il entra au service de France en - 1691. Maréchal de camp le 30 avril 1692, il fut autorisé, le 1er - juillet suivant, à lever un régiment d'infanterie de son nom; - enfin, le 3 janvier 1694, il obtint le grade de lieutenant - général. - - [443] J'ai valu, vaux et vaudrai. (W.) - - -AU MÊME. - - 30 avril 1692. - -Je vous dois, Monsieur, non-seulement une réponse, mais mille -remerciements d'une visite que M. le Président Boisot[444] m'a faite; -car si vous ne lui aviez pas dit du bien de moi, je ne l'aurois pas -reçue. Je souhaite qu'il ne s'en soit pas repenti. Je vous dois encore un -compliment très-honnête de Mme de Chandiot dans un billet qu'elle a écrit -à M. de Pellisson, qui est d'un tour si délicat qu'il n'y a personne qui -ne voulût l'avoir écrit. Je vous prie, Monsieur, de la louer et de la -remercier de ma part. Comme je ne doute pas que Monsieur votre frère ne -vous mande toutes les nouvelles du monde, je ne vous parlerai de la belle -entreprise d'Angleterre que parce que je ne m'en saurois empêcher; rien -n'étant plus glorieux pour Louis le Grand que d'envoyer une armée de -trente mille hommes pour rétablir le roi d'Angleterre, dans le même temps -qu'il a tant de princes ligués contre lui. Cependant j'avance hardiment -qu'il n'y a que les vents contraires qui puissent empêcher le succès de -cette héroïque entreprise. - - [444] Jean-Jacques Boisot, frère cadet de l'abbé de - Saint-Vincent, président à mortier en 1686, mort le 17 octobre - 1731. (W.) - -Comme j'ai des amis et des parents tout le long des côtes de Normandie, -je sais tout ce qui s'y passe. Le roi d'Angleterre arriva à Caen le 24 de -ce mois, à quatre heures après-midi. Il y trouva mylord Danchot (_sic_), -le colonel Canon et les principaux officiers écossois qui avoient -débarqué au Havre. Ils se saluèrent avec tant de marques de tendresse que -ce prince en eut les larmes aux yeux. Ils furent très-contents de lui. Ce -prince partit le lendemain, à cinq heures du matin, pour aller à son -armée, composée de vingt mille hommes de bonnes troupes, sans compter les -dix mille qui doivent s'embarquer au Havre, où M. de Choiseul étoit déjà -arrivé, et où le marquis de Nesmond, frère d'un de mes amis, avoit ordre -de se rendre. M. de Tourville doit mettre à la voile le 27 pour aller à -la Hogue, où le roi d'Angleterre doit s'embarquer, et l'on m'écrit du -Havre que dans peu on verra passer huit à neuf cents voiles qui iront -fondre en Angleterre. J'ai vu des lettres de la Haye. L'usurpateur étoit -à Loo, brouillé avec M. de Bavière et fort embarrassé. On dit toujours -que le Roi partira le 12 de mai; mais je ne puis croire que son voyage -soit long. - -Le bibliothécaire du Vatican est mort: c'étoit un grand ennemi de la -France. L'entreprise d'Angleterre va faire un grand bruit dans ce -pays-là . Le prince de Danemarck y est, et viendra en France ensuite. -Comme vous aimez les belles choses, je vous envoie de beaux vers d'un de -mes amis de Bordeaux; en voici le sujet: Il m'envoya le jour de -l'équinoxe, que le soleil commence de remonter, une pierre gravée et -très-antique. On voit tous les signes du zodiaque à l'entour et le soleil -dans son char au milieu. Et comme on parle en même temps du voyage du Roi -et que le soleil est sa devise, M. Bétoulaud applique heureusement le -voyage du Roi autour du soleil. La pierre est en jaspe oriental et les -habiles médaillistes disent que c'est un talisman. J'ai cru que vous -seriez bien aise de voir ce petit ouvrage[445] et que vous pardonneriez à -l'auteur les trop grandes louanges qu'il donne à votre, etc., etc. - - [445] Voy. dans la _Notice_, p. 100, ce que nous avons dit des - pierres gravées données au roi par Mlle de Scudéry. Celle dont il - est ici question figure encore au Cabinet des médailles sous le - no 2392, parmi les _Intailles modernes_. Sa non antiquité est - reconnue depuis longtemps. - - -AU MÊME. - - 10 mai 1692. - -Je vous prie, Monsieur, de me pardonner la liberté que je prends de vous -envoyer une réponse que je dois à Mme de Chandiot, que je serai bien aise -que vous lui rendiez en main propre. Après cela, Monsieur, je vous dirai -que le Roi part aujourd'hui avec toute sa royale famille pour aller -coucher à Chantilly où il séjournera demain, et lundi il ira à Compiègne, -mardi à Noyon et mercredi à Château-Cambresis.... On m'écrit du camp du -roi d'Angleterre qu'il y arrive tous les jours des Anglois qui assurent -qu'on l'y attend avec impatience, et que la plupart des grands seigneurs -sont à leur tête qui se déclareront pour lui dès qu'il paroîtra. Il -arrive aussi à son camp des Écossois et des Irlandais; mais le temps est -cause que la flotte de Brest n'est pas encore à la Hogue. Celle de -Saint-Malo, composée de trois cents voiles, a passé au Havre où quatre -mille chevaux s'embarquent. Il ne faut que douze heures pour passer de -la Hogue aux ports d'Angleterre. Une chose qui fait beaucoup raisonner, -c'est qu'on a défendu à tous nos armateurs d'attaquer ni de prendre nuls -vaisseaux marchands anglois; cela est positivement vrai. Le prince -d'Orange paroît, dit-on, en grande indolence à Loo. - -Tout va bien à Constantinople; j'en eus hier des nouvelles; et tout va -bien à Rome. Il devoit y avoir consistoire le lundi d'après le jour qu'on -m'écrivoit, et le Pape avoit fait la veille une action de grande vigueur -dont on le louoit fort. Le prince Tassi (Taxis), qui a l'intendance des -postes d'Espagne, de Naples et de Milan, et qui, en cette qualité, a les -armes d'Espagne sur sa porte, ayant eu quelque démêlé avec le secrétaire -de l'ambassadeur de Venise, commanda à son cocher de faire verser le -carrosse de ce secrétaire au milieu du Cours. Mais le cocher maladroit en -versant le secrétaire versa aussi son maître[446], qui en fut si irrité, -qu'il battit et maltraita un laquais de l'ambassadeur de Venise, qui -suivoit le secrétaire, et parla même insolemment de l'ambassadeur et de -la République. Le lendemain, craignant quelque insulte de cet -ambassadeur, il fut faire cortége à la cavalcade des cardinaux, et fut -aussi au Cours, son fils avec lui et plusieurs braves, avec des armes -cachées dans son carrosse. Il en avoit même trente bien armés chez lui; -de sorte que le Pape apprenant cela, envoya deux cents sbires avec une -compagnie du château Saint-Ange, qui prirent le prince Tassi, son fils et -ses trente braves qui firent pourtant une décharge, et les menèrent en -prison. L'ambassadeur d'Espagne a filé doux et ne s'en est pas mêlé. J'ai -cru que vous seriez bien aise de savoir cela. - -Je suis, Monsieur, très-sincèrement votre, etc., etc. - - [446] C'est-à -dire son propre maître, comme la suite l'indique. - - -AU MÊME. - - 31 mai 1692. - -Il y a si longtemps que je vous dois une réponse, Monsieur, que peut-être -avez-vous oublié que je vous la dois. Mais je ne laisse pas de vous en -demander pardon, quoique je n'aie nul tort; car des embarras imprévus ne -m'ont pas laissé le temps de respirer. Et puis, Monsieur, votre dernière -lettre étoit si excessivement modeste qu'il eût fallu vous en gronder. -J'en ai fait convenir M. de Pellisson qui vous fait bien des compliments. -Sa santé est toujours assez incertaine et la bizarrerie de la saison y -contribue pour beaucoup. Car je n'ai jamais vu un tel printemps. - -Cependant les armes du Roi sont en état de le faire vaincre de toutes -parts. Nos trente-cinq galères aux côtes d'Italie ont vu prendre Oneille, -l'épée à la main, aux troupes qu'elles avoient descendues en ce lieu-là ; -et le Roi avec ses formidables armées fait trembler toute la Flandre, et -trembler un usurpateur si intrépide qu'il n'a jamais craint Dieu. La -Gazette vous dira sans doute que Namur fut investi le 24, par M. de -Boufflers, entre Sambre et Meuse; mais je ne sais si elle vous dira assez -bien que le Roi ayant décampé, conduisit son armée sur quatre colonnes, -Sa Majesté se tenant à la plus proche des ennemis. Il la conduisit avec -toute la capacité d'un général consommé en l'art militaire. Il fut, suivi -de Vauban, reconnoître la place, marquer le camp, les attaques et les -batteries et donner ordre à toute chose, jusques à régler les fronts de -l'armée. Celle de M. de Luxembourg couvre le siége à une lieue et demie -de là . Les ennemis ont tiré trois mille chevaux de la place, dont ils se -repentent. Le prince d'Orange est vers Bruxelles qui assemble des -troupes; on dit qu'il n'a pas encore trente-six mille hommes. Il est -sorti trente dames de Namur que le Roi a fait arrêter. On ne sait pas -encore ce qu'il veut en faire. Vauban assure que le siége ne sera pas -long. La ville est commandée par deux montagnes d'où on la mettra en -cendres. Le 21, M. le duc, M. de Villeroy et M. de Bressey arrivèrent -devant Namur. Je reçois dans ce moment des lettres de la Hogue qui -m'assurent que M. de Tourville a dû y arriver jeudi 29 de ce mois, avec -les escadres de M. de Château-Renaud et de M. de Villette qui l'ont -joint. On m'interrompt pour me donner une lettre du Havre du 29, qui -porte que depuis dix heures et demie on entendoit des décharges -continuelles de canon: ce qui fait croire qu'il y a un combat entre les -deux flottes, et que les chaloupes qui étoient venues disoient que ce -combat se faisoit à treize lieues de là au nord-ouest. J'en aurai -apparemment demain des nouvelles, je vous les manderai l'ordinaire -prochain. Permettez-moi d'assurer Mme de Chandiot de mon service très -humble, Monsieur, et me croyez autant que je le suis - - Votre, etc., etc. - -P. S. J'apprends que le Roi a envoyé les trente dames dans une abbaye de -religieuses et ordonné qu'on les traite magnifiquement et avec beaucoup -d'honnêteté. Cela est fort beau au Roi. - - -AU MÊME. - - 20 juillet 1692. - -Je reçus hier au soir, Monsieur, votre lettre du 15 qui m'a fait beaucoup -de plaisir; car j'allois vous écrire pour me plaindre de votre silence, -et pour vous envoyer un madrigal qui vous fera voir que j'ai trouvé plus -de facilité à railler le prince d'Orange qu'à louer le Roi. Il est vrai -que je le loue ailleurs, et qu'ayant écrit à Mme de Maintenon à Dinan et -au R. P. de la Chaise devant Namur, ce madrigal n'est qu'un petit enfant -perdu qui court le monde. Je souhaite pourtant qu'il ne vous déplaise -pas. M. Perrault de l'Académie a fait quatre vers assez plaisants, les -voici: - -AUX JÉSUITES DE L'ARMÉE. - - Commodément, aussi bien qu'en lieu sur, - Vous avez vu le siége de Namur; - C'est un emploi bien digne de louange; - Plus n'en a fait ce grand prince d'Orange. - -Enfin, Monsieur, c'est la mode de se moquer de lui, et tout Paris est -rempli de chansons de ce caractère-là . Je crois que dans un mois j'aurai -deux petits volumes à vous envoyer. Apprenez-moi par quelle voie je -pourrai vous les faire tenir. Le Roi est revenu en parfaite santé. Il a -donné de fort bonne grâce le gouvernement d'Antibes au neveu du cardinal -de Janson dont le père vient de mourir[447]. Il a dit, en le donnant, -qu'il le donnoit aux services de l'oncle et du père. J'en écrirai demain -à cette Éminence. Au reste, vous vous moquez de moi quand vous me dites -que vous me devez une partie des honneurs qu'on vous a rendus à votre -voyage; car vous ne les devez qu'à votre mérite. Mais vous me devez un -peu d'amitié, parce que je suis sincèrement, avec toute l'estime que vous -méritez, votre, etc., etc. - -P. S. Excusez une très-mauvaise plume et me permettez d'assurer l'aimable -Mme de Chandiot de mon service très-humble. - - [447] Joseph de Forbin, marquis de Janson, gouverneur d'Antibes, - comme l'avait été son père Laurent de Forbin, mort le 2 du même - mois. Nous avons parlé du Cardinal, p. 24 de la _Notice_. - - -AU MÊME. - - Le 20 septembre 1692. - -Je ne sais, Monsieur, ce que vous pensez de mon silence; mais je vous -assure que la cause n'en est fâcheuse que pour moi, et que dans le temps -que je ne vous ai pas répondu, je me suis souvenue tous les jours que je -devois vous répondre, et que je me privois d'un grand plaisir en ne vous -donnant pas lieu de me faire l'honneur de m'écrire. Mais un rhume, un -procès au Grand Conseil[448] et plusieurs autres embarras m'ont fait -résoudre d'attendre que je puisse vous envoyer deux petits volumes -d'_Entretiens de morale_[449] pour faire ma paix avec vous. Mais par -malheur il y a tant de fautes d'impression, sans compter les miennes, que -je ne sais s'ils seront bien propres à vous apaiser, en cas que vous -m'ayez fait l'honneur d'être un peu irrité de mon silence. Quoi qu'il en -soit, Monsieur, je vous demande une voie pour vous les envoyer; car -j'appris hier par M. de Pellisson que M. le président Boisot est à -Besançon en bonne santé, dont je suis fort aise; et vous me ferez le -plaisir de l'assurer de mon très-humble service. Nous eûmes avant-hier, -ici et à Versailles, un tremblement de terre: je le sentis mais je ne le -connus pas d'abord. J'étois assise dans une chaise qui touchoit la porte -d'un petit cabinet de la chambre où je couche, qui n'est pas celle que -vous avez vue. Je sentis que cette porte ébranloit ma chaise, et ma -chaise m'ébranloit moi-même. Mais comme cela dura peu, j'ai cru que -c'étoit un chat enfermé dans le cabinet qui en vouloit sortir, et je n'en -eus nulle émotion. Mais une heure après dîner, je sus que dans tout mon -quartier il n'y avoit pas de maison où il ne se trouvât quelqu'un qui ne -s'en fût aperçu. Et il fut si fort à Notre-Dame que tous ceux qui s'y -trouvoient en sortirent, croyant que l'église alloit tomber. On sentit -aussi le tremblement plus fort sur les ponts qu'ailleurs. M. de Pellisson -m'écrivit hier qu'il s'étoit fait sentir si fort à Versailles, au -Grand-Commun où il loge, au château, à la Ville et à la paroisse, que le -peuple songeoit déjà à quitter les maisons et à gagner la campagne. Le -Roi étoit à Marly: on ne savoit pas encore hier si on l'y avoit senti; -mais une laitière de Montreuil me dit hier que tous les arbres avoient -été ébranlés et que ceux qui descendoient la montagne ne pouvoient -s'empêcher de tomber: par bonheur cela fut court. M. de Pellisson n'en -sentit rien, car il s'étoit endormi dans une chaise après avoir dîné, et -le valet fut le seul qui s'en aperçut. J'ai cru, Monsieur, devoir vous -dire cet événement dont tous les rois du monde ne sont pas les maîtres. -Je ne vous dis point que tout va bien de toutes parts, ma lettre est déjà -trop longue, mais seulement que Mme la baronne de Bressey est ici pour -solliciter les affaires de son mari. M. de Valcroissant est venu avec -elle. On m'a dit qu'elle est jeune et belle, et peut-être me -viendra-t-elle voir. Son mari est à Arras. Permettez-moi d'assurer Mme de -Chandiot de mon service très-humble et de la justice que je rends à son -mérite, et de vous assurer vous-même, Monsieur, que personne ne vous -honore plus que je fais, ni n'est plus véritablement votre, etc., etc. - -P. S. J'apprends que le tremblement de terre a été à Marly comme à -Versailles, sans y faire aucun mal. - - [448] Voy. la _Notice_, p. 109. - - [449] Paris, 1692, 2 vol. in-12. - - -AU MÊME. - - 11 octobre 1692. - -Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, par un temps si extraordinaire qu'on -ne peut s'empêcher de s'en plaindre. Il fit hier un jour de mois de mars; -le soleil étoit fort clair, il geloit un peu à la campagne et le froid -étoit modéré. Présentement toutes les maisons sont couvertes de neige et -il y en a plus d'un pied de haut dans mon jardin; et il en tombe encore -en telle abondance que l'air en est obscurci. Et, avec cela, il fait un -grand vent et un froid très-piquant: ce qui n'accommode pas une santé -délicate comme est celle de M. de Pellisson, ni une enrhumée comme moi, -ni les armées qui sont encore en campagne. Après cela, Monsieur, je vous -dirai que je n'ai pas été obligée d'envoyer au collége de Bourgogne; car -M. l'abbé Reud[450] est venu lui-même prendre les livres que je vous -destinois. Et comme il y avoit déjà assez de monde dans mon cabinet, et -que je ne parle pas de loin, je ne pus l'entretenir comme je l'eusse -voulu, et je ne le remerciai qu'en le conduisant dans ma chambre. Vous -trouverez des fautes d'impression sans nombre qui ne sont pas à l'errata. -Ne les confondez pas avec les miennes et excusez les unes et les autres. -Souvenez-vous, Monsieur, que je vous ai demandé vos sentiments sincères; -je fais la même prière à Mme de Chandiot. Mais pour les avoir tous purs, -je les demande de sa main, afin d'avoir deux plaisirs pour un. -Assurez-la, s'il vous plaît, de mes très-humbles services et d'une estime -très-distinguée. N'allez pas vous figurer que je cherche à me faire -louer, au contraire je ne veux que m'instruire. - -Je ne vous dis pas de nouvelles, car vous ne pouvez ignorer que les armes -du Roi ont été victorieuses en Allemagne comme en Flandre; que le duc de -Savoye a abandonné le peu qu'il avoit pris, de peur d'être pris lui-même, -et qu'au lieu d'être un conquérant, il n'est qu'un brûleur de maisons. On -me dit hier qu'il a la fièvre tierce; cela est extraordinaire après avoir -eu la petite vérole. Le prince d'Orange n'est pas sorti de Flandre fort -héroïquement: car il partit de nuit sans dire adieu à personne; ses -gardes demeurèrent en état jusqu'au lendemain au jour qu'on déclara son -départ. On croit qu'il passera en Angleterre, où les esprits sont fort -divisés. Le prince régent de Wirtemberg, que M. le maréchal de Duras a -pris, est très-bien fait, a beaucoup d'esprit et n'a nul accent ni nul -air étranger. Le Roi et la Reine d'Angleterre sont à Fontainebleau où le -Roi les a reçus, comme les deux dernières années, avec une magnificence -toute royale et une honnêteté héroïque. Vous en connoîtrez une partie -dans un des Entretiens. Permettez-moi, Monsieur, de faire mille -compliments à M. votre frère et de vous assurer sincèrement que personne -ne vous estime et ne vous honore plus que votre servante, sans excepter -M. de Pellisson. - - [450] D'une famille patricienne de Bayonne; il y a eu des - co-gouverneurs de ce nom et des conseillers au Parlement. Elle - est éteinte depuis la fin du dernier siècle. (W.) - - -AU MÊME. - - 3 novembre 1692. - -Je dois réponse, Monsieur, à deux de vos lettres, mais un grand rhume et -beaucoup d'affaires très-différentes m'ont empêchée de me donner -l'honneur et le plaisir de vous répondre plus tôt. Il y a une chose dans -la première dont j'aurois profité si je l'avois sue lorsque je fis la -conversation sur la tyrannie de l'usage; car cela me fait croire que j'ai -eu raison de le faire. En effet, Monsieur, peut-on rien voir de plus -différent que l'usage singulier de Besançon et celui de tous les autres -lieux du monde, et surtout de celui de la cour de Paris? Car vous me -dites qu'il faut cacher soigneusement dans votre ville que j'ai l'honneur -d'avoir quelque commerce avec Mme de Chandiot: et il m'est arrivé -plusieurs fois que des dames que je n'ai jamais vues ont dit que j'étois -de leurs amies et que je leur écrivois. Mais du moins me sera-t-il permis -de parler de son mérite à M. de Pellisson et de me louer de sa bonté. - -Pour votre seconde lettre, Monsieur, je commence d'y répondre par vous -remercier de la manière dont vous avez reçu mon présent. Je vous envoye -le véritable errata que j'ai fait mieux que celui de l'imprimeur, et vous -verrez que les _anciens Romains_, qu'on a mis au lieu de mettre _les -Lacédémoniens_ est une faute d'impression. Cela est su trop généralement -pour être une ignorance. Vous me ferez plaisir de me renvoyer cet errata. -Pour ce que vous me dites, Monsieur, que les lecteurs aimeroient mieux -qu'on leur laissât la liberté de juger, vous me permettrez de vous dire -que je n'exécuterois pas le dessein que mes amis m'ont fait prendre, si -je suivois vos avis. Car ces entretiens ne sont pas ceux de deux -philosophes de la secte de Diogène, ce sont des hommes et des dames du -monde qui doivent parler comme on y parle. Et il est constamment vrai que -le bel usage veut qu'on relève avec esprit ce qui se dit d'agréable dans -une compagnie composée de personnes qui savent l'exacte politesse, et les -conversations auroient un air sec et incivil sans cet usage. De sorte, -Monsieur, que voulant faire passer la politesse de notre temps au temps -qui viendra, j'ai dû faire parler les personnages que j'introduis comme -les honnêtes gens parlent. Pour l'endroit de l'amour-propre si caché dans -notre cÅ“ur, il faut qu'il m'aveugle puisque je ne puis deviner ce que -vous y devinez. Et comme cela a passé devant les yeux de M. de Pellisson -sans qu'il s'y soit arrêté, et devant ceux de trois ou quatre personnes à -qui j'ai montré cet endroit depuis votre objection, et qui n'y ont rien -trouvé à dire, j'ai lieu de croire que s'il y a faute, elle doit être -petite. Pour ce mot de _sentiments_ dont vous me parlez, peut-être -seroit-il mieux qu'il y eût: _d'inspirer de semblables sentiments_, au -lieu de _susceptibles_. Mais, Monsieur, je serois bien glorieuse, s'il -n'y avoit pas d'autres imperfections à mon ouvrage. Il est vrai que ces -sentiments sont si heureux dans le monde, que je crois que quelque -constellation cache leurs défauts. Je viens de recevoir une lettre de M. -l'évêque d'Agen[451], qui est le plus éloquent prélat du royaume, et une -de M. l'évêque d'Avranches[452] qui est le plus savant, qui me persuadent -ce que je dis. Une jeune demoiselle de quatorze ans a fait des vers -au-dessus de son âge, pour les louer; une autre de vingt-quatre ans en a -fait de très-jolis. M. le Camus Melson[453] en a fait aussi, et MM. -Bétoulaud et Bosquillon, Petit et plusieurs autres en ont fait de -très-beaux. Mais au milieu de tout cela, Monsieur, je donne à votre -suffrage le prix qu'il mérite et je tiens à grand honneur que les -_Entretiens_ ne vous aient pas ennuyé. Ma lettre est déjà si longue que -je n'ose y rien ajouter, si ce n'est de vous supplier de me permettre -d'assurer M. votre frère de mes très-humbles services et d'être bien -persuadé que personne ne vous estime et ne vous honore plus que je fais, -ni n'est avec plus de sincérité votre, etc. - - [451] Mascaron. Mlle de Scudéry, en le disant le plus éloquent - prélat du royaume, oublioit Bossuet. Mais Bossuet ne l'avoit pas - apparemment remerciée de l'envoi de son ouvrage. (W.) - - [452] Huet. - - [453] Voy. _Historiettes_. (W.) - - -A M. HUET, ÉVÊQUE d'AVRANCHES[454]. - - [454] Communiquée par M. Étienne Charavay. - - [1692.] - -Je suis ravie, Monseigneur, de vous retrouver dans votre billet tel que -je vous trouvai autrefois à Chasse-Midi[455] et dans mon cabinet, et je -vous assure aussi qu'à la réserve de mes oreilles qui ne valent rien, -vous me trouverez toujours la même. J'ai murmuré en secret que vous ne -m'ayez rien dit sur la mort de M. Ménage[456]. Vous aurez pu voir que mes -amis vivent dans mon cÅ“ur après leur mort par ce que j'ai dit de M. de -Montausier[457]. Vous jugez de là , Monseigneur, si je puis oublier les -vivants, surtout quand ils ont un mérite aussi distingué que le vôtre; -aussi vous puis-je assurer que c'est pour toute ma vie que je suis votre -très-humble et très-obéissante servante. - -P. S. Je voudrois fort que l'Entretien sur la Reconnoissance ne vous -déplût pas, je ne sais si je l'oserai espérer. - - [455] Chasse-Midi, Cherche-Midi, maison religieuse établie en - 1634 dans la rue de ce nom. Mme de Rochechouart-Mortemart, future - abbesse de Fontevrault, y allait souvent, et Marie-Éléonore de - Rohan y mourut. - - [456] Ménage mourut le 23 juillet 1692. - - [457] Montausier était mort le 17 mai 1690. Voir aux Poésies les - vers que Mlle de Scudéry fit à cette occasion. - - -A M. L'ABBÉ BOISOT. - - 21 février 1693. - -N'attendez aujourd'hui de moi que des larmes et des plaintes, Monsieur, -car la perte que j'ai faite est si grande, et la douleur que j'en ai est -si vive, que rien ne la peut ni égaler ni exprimer. On peut dire sans -flatterie que le Roi y perd le plus zélé de ses sujets, le siècle un -grand ornement, les belles-lettres un grand éclat, tous ses amis une âme -héroïque et la religion un grand défenseur. Mais je crois perdre plus que -tout cela ensemble; car un ami de quarante années de ce mérite-là , qu'on -a connu dans la bonne et dans la mauvaise fortune et trouvé toujours -également digne d'admiration dans l'une et dans l'autre, est une perte -que nulle autre ne peut égaler. Chacun a eu toute la surprise qui la -pouvoit faire sentir d'une manière plus dure; car M. de Pellisson n'avoit -pas de fièvre. Il dormoit assez bien, il n'a pas gardé le lit un seul -jour. Il fut à la messe le dimanche gras, et le jour de la Vierge il -écrivit au cardinal Janson une lettre de consolation sur la mort de sa -sÅ“ur qui étoit mon amie, et une au gouverneur de Philippeville pour le -remercier des bons offices qu'il avoit rendus à un de mes amis. Je vous -dis tout cela, Monsieur, pour vous faire connoître qu'il ne croyoit pas -mourir. Il m'écrivoit tous les jours l'état de son mal; mais lui, ayant -un peu empiré le vendredi au soir, il prit la résolution de se confesser -le lendemain au matin, et de recevoir Notre-Seigneur. Il s'endormit tout -habillé dans sa chaise, mais ses gens, trouvant son dormir trop long et -trop fort, le réveillèrent. Mais, hélas! il avoit perdu la connoissance -et mourut quatre heures après sans nulle violence. De sorte, Monsieur, -que la maladie fut courte et la mort subite. L'innocence de sa vie et un -nombre infini de bonnes Å“uvres ne mettent pas ceux qui l'ont connu en -peine de son salut. Mais un faux dévot et de malins esprits suscités par -l'enfer, ont essayé de ternir la conversion la plus parfaite qui ait -jamais été, et répandu un grand bruit que ce qui l'avoit empêché de se -confesser, c'est qu'il étoit encore huguenot. Ce bruit si faux et si -malin m'a donné beaucoup de peine pour défendre cet illustre ami dans la -plus noire calomnie qui fût jamais. Grâce à Dieu, le Roi et tous les gens -sages ne l'ont pas cru. J'écrivis à Mme de Maintenon, à M. le Chancelier, -à M. Le Peletier, à M. de Meaux une lettre de quinze pages. Je vous -enverrai, l'ordinaire prochain, une copie de sa réponse. Ce grand -évêque, le R. P. de la Chaise, tous les jésuites des trois maisons de -Paris, et enfin tous les honnêtes gens lui ont rendu justice, et j'ai -trouvé une preuve incontestable pour sa foi sur le mystère de -l'Eucharistie, et pour sa dévotion au Saint Sacrement. On a trouvé parmi -ses papiers de Versailles un traité qu'il faisoit de ce mystère et qu'il -espéroit faire imprimer à Pâques. On l'a porté à M. de Meaux et ses -calomniateurs commencent d'être honteux de leur calomnie. On lui a fait -un service à Versailles où il est enterré, un à l'abbaye Saint-Germain où -il y eut grand monde. L'Académie en fit dire hier un aux Billettes où les -plus illustres académiciens se trouvèrent, et l'Académie de Soissons en -doit aussi faire dire un. J'aurois cent choses à vous dire, Monsieur, -mais les larmes m'aveuglent et la douleur me suffoque. Je remercie Mme de -Chandiot de l'équité qu'elle a de me plaindre, et comme ma plus douce -consolation est d'aimer ce qu'il a aimé, permettez-moi, Monsieur, d'être -toute ma vie, votre, etc., etc. - - -AU MÊME[458]. - - [458] Cette lettre, écrite sept jours après la précédente, - renferme plusieurs redites que nous avons supprimées pour la - plupart. Nous la donnons néanmoins à cause de quelques détails - nouveaux. - - 28 février 1693. - -La vive et juste douleur dont mon cÅ“ur est pénétré pour la perte -irréparable d'un illustre ami de quarante années, ne m'a pas permis de -vous répondre plus tôt, Monsieur, et je vois plus de cinquante lettres -auxquelles je n'ai pas répondu. Et ma douleur a tellement altéré ma santé -que j'ai eu besoin de tout mon courage pour n'être pas accablée par tant -de malheurs à la fois. Car je n'ai pas eu seulement à supporter la plus -vive affliction qui fut jamais et la plus juste, il a fallu que j'aie à -combattre la plus noire calomnie qui ait jamais été, et je m'y suis -opposée avec tant de vigueur que, grâce à Dieu, ce monstre sorti d'enfer -est près d'expirer. - -Il se rencontre que le curé de Versailles, qui est un missionnaire, étoit -irrité de ce que M. de Pellisson alloit tous les jours à la messe à la -chapelle du château, ou aux Récollets, comme en étant plus proche; de -sorte qu'étant mal disposé, il crut ce que la canaille libertine ou -huguenote et envieuse publia, et ce faux bruit se répandit partout. Je -vous envoie la copie de la réponse que m'a faite M. de Meaux. Elle est -mal écrite, mais je n'ai pas le temps de l'écrire[459]. Vous verrez que -le Roi a rendu justice à l'illustre mort. Je le sais par cent endroits, -et il n'y a plus que quelque canaille envieuse et hérétique qui ose mal -parler de sa foi. Au contraire, on m'écrit des éloges de sa piété. Il -alloit faire imprimer à Pâques ce qu'il écrivoit sur l'Eucharistie, que -M. Pirot, docteur de Sorbonne, avoit déjà vu et fort approuvé. Enfin, -Monsieur, j'ai la consolation de voir le mensonge s'en aller en fumée -pour laisser briller la vérité. C'est tout ce que vous dira pour -aujourd'hui une affligée que la douleur a fait malade. Je fais ce que je -puis pour résister à tous ces maux, car je suis nécessaire à conserver sa -mémoire. Aidez-moi, Monsieur, dans ce juste dessein. Remerciez pour moi -Mme de Chandiot de la bonté qu'elle a eue de me plaindre, et l'assurez de -mon très-humble service. Et me permettez d'espérer, Monsieur, que vous me -continuerez l'amitié dont vous m'avez honorée, et vous souvenez pour me -l'accorder que j'ai eu le bonheur d'être quarante années la première amie -d'un homme si rare, qu'on peut dire que le Roi y perd le plus zélé de ses -sujets, le siècle un grand ornement, les belles-lettres un grand éclat, -ses amis une âme héroïque et l'Église un grand défenseur. Le temps -m'empêchera, Monsieur, de vous en dire davantage, mais rien ne peut -m'empêcher d'être toujours, votre, etc., etc. - -P. S. Je ne puis relire, je vous en demande pardon. - - [459] Il va sans dire que c'est la copie qui est mal écrite. - Cette copie, de la main de Mlle de Scudéry, fait partie du - cabinet de M. Dubrunfaut qui a bien voulu nous la communiquer. - Voy. ci-après les lettres de Bossuet à Mlle de Scudéry et à Mlle - Dupré sur la mort de Pellisson. - - -AU MÊME. - - 7 mars 1693. - -Je ne combats pas votre douleur, Monsieur, et je vous rends la justice -que vous me rendez, mais la colère m'a donné du courage et la force de -résister à cette juste douleur pour combattre la calomnie qui, grâce à -Dieu, est étouffée par la vérité. Je vous envoie la lettre de M. de Meaux -que vous me demandez. J'en reçus hier une autre par laquelle il m'assure -qu'il n'oublie rien pour honorer la mémoire de notre cher et illustre -ami. Mme de Maintenon en a écrit très-avantageusement, M. l'abbé de la -Trappe[460] en a fait l'éloge, un de ses amis, le R. P. de la Chaise, en -rendit dimanche de grands témoignages chez Monseigneur l'archevêque où il -y avoit assemblée, et tout d'une voix la calomnie fut condamnée. A -Angers, l'évêque[461] a justifié pleinement l'illustre mort et deux -ministres bien convertis l'ont défendu contre le bas peuple hérétique. Le -dernier _Mercure galant_ contient un éloge véritable de notre ami. Ceux -qui font le _Mercure_ ont cru que je l'avois écrit; mais il est d'un de -mes amis appelé M. Bosquillon, à qui j'avois donné un simple mémoire. M. -Turgot Saint-Clair a fait deux épitaphes en latin qu'on estime fort. Mais -il les montre et ne les donne pas; il en use ainsi de tout ce qui part de -son esprit. Il y aura encore d'autres éloges avec un peu de temps; c'est -tout ce qu'on peut faire avec un ami qu'on perd. M. de Leibnitz d'Hanovre -lui donne mille louanges dans une lettre qu'il a écrite à une religieuse -de grand monde, qui est à Maubuisson[462]. - - [460] Le célèbre abbé de Rancé. - - [461] Michel H. Le Peletier. - - [462] Cette religieuse est évidemment Louise-Hollandine, sÅ“ur de - la Palatine, duchesse d'Orléans. Elle était en effet en - correspondance avec Leibnitz. - -Enfin, Monsieur, la médisance se change en éloges et la vérité triomphe -du mensonge. - -Permettez-moi, Monsieur, de remercier M. le président Boisot et toute -votre famille de la justice qu'ils me rendent en me plaignant, et de les -assurer de mon service très-humble. Et pour vous, Monsieur, je veux -croire que, sachant que j'étois la première amie de l'illustre mort -depuis trente-huit ans, cela me tiendra lieu de mérite et que vous -voudrez bien que je sois le reste de ma vie, votre, etc., etc. - - -AU MÊME. - - 3 avril 1693. - -Comme la douleur est du poison pour moi, Monsieur, ma santé n'a pu -résister à celle dont mon cÅ“ur est pénétré. Et comme mes larmes m'ont -attiré une fluxion sur les yeux, je n'ai pas pu vous répondre plus tôt -pour vous remercier de m'avoir envoyé ce que vous aviez écrit sur notre -incomparable ami, qui se trouve parfaitement beau. Et je vous exhorte, -Monsieur, à continuer votre dessein et de trouver lieu de placer cette -belle lettre[463], qui fera honneur à l'illustre mort et à vous. Et je ne -doute pas non plus que ce que vous écrivez n'en fasse beaucoup au -cardinal de Granvelle[464]. Je vous exhorte donc, Monsieur, à exécuter -votre dessein comme notre ami vous l'eût conseillé. Sa mémoire, grâce à -Dieu, a l'éclat qu'elle mérite, et l'on m'écrit de Bordeaux que quelques -huguenots ayant voulu dire quelque chose contre sa mémoire, on s'est -moqué d'eux et on les fera taire. Mais ce qui est très-considérable, -Monsieur, c'est que mardi dernier M. l'abbé de Fénelon fut reçu à -l'Académie pour remplir la place de M. de Pellisson. L'assemblée fut -très-nombreuse; Monseigneur l'archevêque s'y trouva. Le R. P. de la -Chaise y étoit et plus de cent personnes de mérite, qui admirèrent la -harangue que fit M. l'abbé de Fénelon. Car ce fut le plus bel et le plus -grand éloge qui ait jamais été fait, et tout son discours fut rempli des -louanges du Roi et de celles de l'illustre mort. Et comme il l'avoit vu -et entretenu la veille qu'il mourut, il étoit un témoin irréprochable de -tout ce qu'il disoit à son avantage. Enfin, Monsieur, il fit un portrait -si ressemblant de notre ami et le regretta si vivement, qu'il attendrit -tous ceux qui l'entendirent et plusieurs académiciens en pleurèrent. Le -directeur de l'académie répondit et loua aussi beaucoup, mais l'abbé -charma toute l'assemblée. J'espère que cela sera bientôt imprimé et vous -verrez, Monsieur, que le médecin qui a parlé à M. votre intendant[465], -est un très-impertinent calomniateur; mais je voudrois bien savoir les -sottises que vous m'avez mandé qu'il disoit, car je les détruirois -toutes. Il est vrai que M. de Pellisson ne croyoit jamais tout à fait les -médecins qui le voyoient, et qu'ils en murmuroient. Mais enfin la vérité -a triomphé du mensonge, et je ne doute pas que vous n'en soyez bien aise. -Un neveu de notre incomparable ami, qui est bien connu et qui est -capitaine dans le régiment de Guiche, a été présenté au Roi par M. le duc -de Noailles, et il en a été reçu agréablement. Voilà , Monsieur, tout ce -qu'une toux cruelle me permet de vous dire, et que je suis avec toute -l'estime que vous méritez, votre, etc., etc. - - [463] Elle n'a point été imprimée et on ne l'a pas retrouvée dans - les mss de l'abbé Boisot. (W.) - - [464] La lettre de l'abbé Boisot à Pellisson, contenant son - projet de la Vie du cardinal de Granvelle a été publiée dans les - _Mémoires de littérature_ de P. Desmolets, t. IV, p. 27; elle est - très-intéressante. (W.) Nous ajouterons ici à la note de M. - Weiss, qu'il a publié lui-même en 9 vol. in-4º les _Papiers - d'État du cardinal de Granvelle_ et que, dans la _Notice - préliminaire_, il est entré dans de longs détails sur l'abbé - Boisot et sur ses travaux relatifs à ces papiers. - - [465] C'était M. de Lafond. - - -AU MÊME. - - 22 mai 1693. - -Je dois réponse à deux de vos lettres, Monsieur, qui m'ont été -très-agréables, car je suis ravie que mes soins ne vous déplaisent -pas.... Dès que mes premières larmes furent essuyées j'écrivis à Castres, -à un ancien ami de M. de Pellisson, pour le prier de m'apprendre ce qu'il -savoit de l'enfance et de l'éducation de l'illustre mort, et vous en -avez vu quelques petites circonstances agréables dans l'Éloge; car pour -la suite de sa vie, je la sais par moi-même, et une amitié de trente-neuf -années aussi intime que la nôtre ne m'en a rien laissé ignorer. Le -malheur veut que les endroits les plus héroïques ne se peuvent écrire; -mais il y en a sans doute assez pour faire connoître que c'étoit un homme -d'un mérite extraordinaire, soit pour la vaste étendue de son esprit, -aussi agréable que solide, ou par sa rare vertu et sa sincère piété. On -n'a pas parlé de l'éloge de la feue Reine-mère, Monsieur, parce qu'il est -court, et qu'il y a plusieurs autres choses très-ingénieuses dont les -lecteurs seront bien aises d'être surpris. Cet éloge fut fait pour être -gravé sur une manière de petite plaque d'argent, derrière le portrait de -cette Reine, dont la bordure est d'or, enrichie de deux mille écus de -pierreries, et je fus choisie par M. de Remirecour, dont j'avois donné la -connoissance à M. de Pellisson, pour faire les vers qui sont gravés sur -l'or au-dessous de la figure de cette princesse. Je vous les enverrai une -autre fois[466]. Je crois que vous n'avez pas vu l'_Eurymédon_, dont je -suis la cause de plusieurs manières[467]. C'est une chose étonnante, -quand on sait en quelle affreuse prison il a été fait. Si je vous -parlois, je redoublerois votre admiration pour notre ami, et vous me -sauriez gré de lui avoir donné lieu, par mon courage et par mon -industrie, de faire en ce lieu-là toutes les héroïques et agréables -choses qu'il y a faites durant quatre ans. Au reste, Monsieur, j'ai à -vous dire que ce que M. de Pellisson a laissé du _Traité de -l'Eucharistie_ n'a nul besoin d'être retouché par personne. Il n'y faut -pas changer un mot, ni en discuter une syllabe. Nous ne savons pas s'il -vouloit aller plus loin, mais ce qui est fait est parfait, et ses -calomniateurs seront confondus. Je conseillerai qu'on garde soigneusement -le manuscrit, car il y a partout des apostilles et des corrections de la -main de l'auteur entre les lignes. Au reste on vient de me dire que -Roze[468] en Catalogne [est assiégé], Heidelberg en Allemagne, et que le -Roi va en Flandre. Monsieur partira bientôt pour la Bretagne. On meuble -le château de Vitry, qui est à six lieues de Laval. On ne craint pas le -prince d'Orange le long de nos côtes, mais on craint avec raison que les -pluies ne gâtent les blés et n'incommodent beaucoup les troupes. Mais il -pleuvra sur les ennemis du Roi comme sur ses armées. Excusez toutes les -ratures de cette lettre; ma plume ne vaut rien et mon esprit, en parlant -de M. de Pellisson, n'est pas libre. M. Bosquillon à qui j'ai fait voir -votre lettre, en est charmé et m'a dit qu'il voudroit écrire aussi bien -que vous pour vous louer dignement. Pour moi, Monsieur, qui ne fais point -de souhaits impossibles, je me contente de vous assurer avec une -simplicité sincère que personne ne vous honore plus que votre, etc. - - [466] Voir aux Poésies. - - [467] Voir la _Notice_, p. 77. - - [468] Roses. - - -AU MÊME. - - 7 juin 1693. - -Vous m'avez écrit une si belle lettre, Monsieur, que je n'ai pas pu -m'empêcher de la montrer à deux ou trois de mes amis, et entre autres à -M. Bosquillon, qui l'a admirée. Mais je ne l'ai montrée qu'après avoir -prié ceux à qui je la faisois voir de vous pardonner ce que vous dites de -trop à mon avantage. Je ne rejette pourtant que les louanges de mon -esprit, et j'accepte hardiment celles qu'on donne à mon cÅ“ur et à mon -amitié, parce que je suis persuadée qu'il est du devoir d'une personne -raisonnable d'avoir le cÅ“ur comme je l'ai, et d'aimer ses amis comme -j'aime les miens. Car, selon moi, quiconque n'est pas ainsi mérite d'être -blâmé. Je vous remercie donc, Monsieur, de la justice que vous me rendez -sur certains articles, seulement regardant vos louanges comme un pur -effet de votre honnêteté et de votre politesse. Si vous étiez à Paris je -vous montrerois le poëme _d'Eurymédon_......... Comme je suis la seule -qui ai toutes les poésies de cet illustre mort et que j'y ai plus d'une -sorte de droits, particulièrement à celles qu'il a faites dans la -Bastille, parce qu'il n'eût pu les faire sans mon secours, je les garde -soigneusement jusqu'à ce qu'on les mette au jour. Voici les quatre -premiers vers d'_Eurymédon_ qui me sont adressés: - - Merveille d'amitié dont les vertus divines - Surpassent les héros comme les héroïnes, - Qui seule consolez mon triste éloignement - Et de ces belles fleurs faites votre ornement. - -Il faut que vous sachiez, Monsieur, que le Prince qui est le héros du -poëme est, à la fin de l'ouvrage, métamorphosé en fleur, et cette fleur -est une espèce de giroflée jaune qui croît sur les murailles, que j'ai -toujours fort aimée, et dont M. de Pellisson en voyoit beaucoup sur les -tours de la Bastille, lorsqu'il eut la permission de s'y promener conduit -par un officier. Cet ouvrage a assurément de grandes beautés et me fait -beaucoup d'honneur en divers endroits, et le Roi y est mieux loué en -quatorze vers qu'on ne l'a quelquefois loué en mille. Le beau discours de -M. l'abbé de Fénelon est imprimé, et il mérite sans doute la réputation -qu'il a; je suis fâchée qu'il soit trop gros pour vous l'envoyer par la -poste. - -Je ne vous dis point de nouvelles aujourd'hui. On ne savoit point encore -hier où va le Roi; mais il partit du Quesnoy le 3 de ce mois et toutes -les armées marchoient. Les ennemis n'ont que soixante mille hommes qu'ils -ont séparés et mis dans les villes qu'ils craignent le plus de voir -assiégées, comme Bruxelles, Gand et Liége; et le Roi a plus de cent dix -mille hommes en ses deux armées. Il fit ses dévotions le 1er de juin au -Quesnoy, se portant parfaitement bien. S'il n'est pas venu de courrier la -nuit dernière, on n'en sait que cela; mais toute l'Allemagne tremble -depuis la prise d'Heidelberg, et on ne croit pas que le prince Louis de -Bade attende M. le maréchal de Lorge qui marchoit vers lui quand on m'a -écrit. Je suis, Monsieur, avec toute l'estime que vous méritez et toute -la sincérité de mon cÅ“ur, votre, etc., etc. - - -AU MÊME. - - 15 décembre 1693. - -Je suis fort aise, Monsieur, que vous ayez reçu les deux ouvrages de -l'illustre mort et que vous les trouviez aussi beaux qu'ils sont. -L'Élégie est touchante et généreuse, mais le Discours au Roi est un -chef-d'Å“uvre plein d'esprit, de jugement, de magnanimité et d'éloquence; -et ce qui en redouble le prix est le temps et le lieu où tout cela a été -fait: car les difficultés qui s'y rencontroient eussent paru -insurmontables à tout autre qu'à moi. Mais l'amitié et le courage -viennent à bout de tout.... - -Vous ne pouvez pas ignorer ce qui est arrivé à Saint-Malo et de quelle -manière la machine infernale qui pouvoit détruire six villes comme -celle-là , a échoué; que l'ingénieur qui l'avoit faite y a été étouffé -avec deux autres, qu'il est resté sept cents bombes remplies d'ingrédiens -diaboliques et tout nouveaux, et que le fracas que fit l'embrasement de -la poudre fut si grand qu'on crut que cent mille hommes tomboient tout à -la fois sur la ville. Tout le monde tomba dans les rues et dans les -maisons; un canon de fer, chargé de trois livres de balles, passa -par-dessus la maison où étoit M. le duc de Chaulnes, et alla se ficher -dans un grenier sans faire une ouverture plus grande que celle qu'il lui -falloit pour passer: cela est incroyable et est très-vrai. Il y a environ -quarante maisons découvertes et des vitres brisées. Et cependant cet -effroyable fracas n'a pas tué un chat (on me l'écrit en ces termes-là ), -et n'a pas mis le feu aux artifices qu'on avoit préparés pour perdre la -ville. Il nous est resté plus de sept cents bombes pleines d'ingrédiens -nouveaux: on en a envoyé une au Roi. Le fracas fut si terrible qu'on crut -à Caen que la terre trembloit. On a encore trouvé une chaloupe double que -M. de Chaulnes a trouvée si bien faite qu'il en veut faire six toutes -pareilles. Je fus si touchée de ce terrible événement quand j'en reçus la -première nouvelle, que je fis l'impromptu que je vous envoie[469]. On dit -que la machine coûtoit deux millions au prince d'Orange, et j'apprends en -cet instant, par des lettres de Bretagne et de Basse-Normandie, que la -mer a vu près de cent Anglois morts sur ses bords, que les ennemis -n'avoient plus de vivres et qu'ils en ont été prendre aux îles de Jersey -et de Guernesey, où ils ont enterré un mort de quelque conséquence. Je -suis bien obligée à M. le président Boisot de son souvenir. Je vous prie -de l'en remercier pour moi et d'être bien persuadé, Monsieur, que -personne ne connoît votre frère mieux que je le connois, et n'est plus -véritablement votre, etc. - - [469] Nous n'avons pas retrouvé cet impromptu. - - -AU MÊME. - - 6 mars 1694. - -Votre dernière lettre, Monsieur, est si bien écrite, si généreuse pour -l'illustre mort et si obligeante pour moi, que je ne puis assez la louer, -ni vous en remercier. Je vous apprends qu'on imprime les approbations du -_Traité de l'Eucharistie_ et l'Épître dédicatoire au Pape, et que la -première approbation est de M. l'archevêque d'Arles[470], qui a si bien -connu la force et la beauté de l'ouvrage qu'il approuve, et a si -parfaitement pénétré le sens de l'auteur, qu'il ouvrira les yeux aux -moins éclairés. Et ce qui augmente mon plaisir, c'est que c'est moi qui -ai obtenu, par une de mes amies, que cet archevêque travaillât; il étoit -enrhumé, il avoit des affaires et le temps étoit court. Mais enfin je -l'ai emporté, et j'en suis ravie, car cela pare le livre. Mais comme M. -l'abbé de Ferriès sera le maître des exemplaires, priez-le de vous en -envoyer le plus tôt qu'il pourra. Il y a peu de nouvelles: on envoie -vingt bataillons en Piémont, parce qu'on a su que les ennemis y en -faisoient passer. M. le prince d'Elbeuf a gagné deux mille pistoles bien -aisément: car ayant dit qu'il avoit six juments qui, étant attelées à une -manière de petit chariot, alloient et revenoient de Paris à Versailles en -moins de deux heures, Monseigneur paria que cela ne se pouvoit et tous -les courtisans à son exemple, et ils ont tous perdu. - - [470] Jean-Baptiste Adhémar de Monteil de Grignan, frère du comte - de Grignan, et dont il est souvent question dans la - correspondance de Mme de Sévigné. - -Il y a une nouvelle Satire de Despréaux imprimée contre les femmes, qu'il -croit être la meilleure des siennes. Mais les gens de bon goût ne le -trouvent pas, et il y a un caractère bourgeois et des phrases fort -bizarres. Il donne un coup de griffe, selon sa coutume, à _Clélie_, sans -raison et sans nécessité[471]. Mais je suis accoutumée à mépriser ce -qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai pas. Un livre qui a été -traduit en italien, en anglois, en allemand et en arabe, n'a que faire -des louanges d'un satirique de profession. Quand vous aurez vu cette -satire qui maltraite fort M. Perrault, ami de M. de Pellisson et le mien, -je serai bien aise d'en savoir votre sentiment. Je suis, Monsieur, avec -toute l'estime dont vous êtes digne et toute la sincérité dont je fais -profession, votre, etc., etc. - - [471] Nous avons parlé dans la _Notice_, p. 88, des attaques de - Boileau, contre lesquelles Mlle de Scudéry proteste avec vivacité - dans cette lettre et dans les suivantes. - - -AU MÊME. - - 10 mars 1694. - -Je reçois, Monsieur, votre lettre du 4 et j'y réponds à l'heure même, -pour vous dire que j'ai bien meilleure opinion de Besançon que vous ne -pensez. Et s'il n'y avoit que vous, Monsieur votre frère et Mme de -Chandiot qui eussiez de l'esprit et du mérite, il faudroit vous regarder -comme des phénix. Mais comme j'ai beaucoup vécu, il y a longtemps que je -sais que Besançon est une ville à qui le voisinage de peuples moins polis -ne gâte rien. Et puis, Monsieur, quoique le proverbe dise qu'une alouette -ne fait pas le printemps, je soutiens que vous seul inspireriez l'esprit -et la politesse à toute une grande ville. Vous m'avez fait beaucoup de -plaisir de me parler de Mme de Chandiot, dont je n'osois vous parler la -première, de peur de l'importuner, car je respecte même mes amis quand -ils s'endorment, et je ne les réveille pas étourdiment. - -Il y a une Satire contre les femmes du satirique public, que le mérite -seul de votre amie doit faire sembler plus ridicule, car il a si mauvaise -opinion des femmes qu'il ne peut compter que trois honnêtes femmes dans -tout Paris. Mais, quoiqu'il pense que cet ouvrage est son chef-d'Å“uvre, -le public n'est pas de son avis et le trouve très-bourgeois et rempli de -phrases très-barbares. Il donne un coup de griffe assez mal à propos à -_Clélie_. Et j'imite ce fameux Romain qui, au lieu de se justifier, dit -à l'assemblée: «Allons remercier les dieux de la victoire que nous avons -gagnée....» - -Je suis, Monsieur, avec toute l'estime dont vous êtes digne, votre, etc., -etc. - - -AU MÊME. - - 20 mars 1694. - -Votre dernière lettre, Monsieur, est si belle qu'une enrhumée n'oseroit -entreprendre d'y répondre, et je ne vous écris aujourd'hui que pour vous -dire que le Roi a reçu très-favorablement le livre de M. de Pellisson, -que M. l'abbé de Ferriès lui a présenté. Je le priai fort hier de vous -l'envoyer promptement, et il me dit qu'il le feroit quand le libraire lui -en auroit baillé. Je lui en demandai un pour Mme de Sévigné, qui le -mérite par cent raisons: il me le bailla. Je ne fis que l'ouvrir et -l'envoyer; mais, en l'ouvrant, j'y vis un assez long avertissement dont -je n'avois pas entendu parler et dont je ne lus que trois lignes, ne -voulant pas faire voir que je le remarquois. Je le crois de la même main -que l'Épître: vous m'en direz votre avis. Mais je vous prie -très-instamment de ne jamais dire à cet abbé que je vous en aie écrit, et -de me mander votre sentiment de l'ouvrage. Comme j'ai trois lettres de M. -de Pellisson, qui marquent qu'il a toujours cru qu'il mourroit avant moi, -et désiré et attendu que je prendrois soin de son tombeau, j'ai sans -doute quelque droit de m'en mêler. Au reste la Satire est toujours plus -décriée, et il y a un grand nombre de vers qui la blâment d'une manière -sanglante. Il y a encore un ancien satirique qui lui a donné un petit -coup de griffe; il s'appelle Linière; voici ce qu'il dit: - - Ta Satire contre les femmes, - Que si durement tu diffames, - Vole partout, fameux Boileau; - Et c'est le comble de ta gloire - De voir qu'on la montre à la foire - Comme quelque monstre nouveau. - -Il y en a de M. de Nevers d'un autre caractère, mais je n'aime pas à -envoyer de pareilles choses[472]. Je suis, monsieur, avec une estime -singulière, votre, etc., etc. - - [472] Philippe-Julien Mazarini-Mancini, neveu du cardinal. - - Il ne peut être question ici du sonnet grossier à propos de - _Phèdre_, où le duc de Nevers menaçait Boileau et Racine de coups - de bâton: ce sonnet est de 1674, et la _Satire contre les femmes_ - est de vingt ans postérieure. Comme elle renferme un portrait de - la Précieuse où l'on voulut reconnaître Mme Deshoulières, il est - possible que, cette fois encore, le duc ait voulu la venger des - attaques de Boileau, leur ennemi commun. - - -AU MÊME. - - 24 mars 1694. - -Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, sans répondre à votre belle lettre -du 16. Elle est trop modeste pour vous et trop flatteuse pour moi. Vous -ai-je envoyé ce que M. de Nevers a écrit contre la nouvelle satire? -Quand vous l'aurez lue, vous me ferez le plaisir de me dire si vous savez -ce que c'est qu'un _lit effronté_, et si ce vers: - - .... que Vénus ou Satan[473] - -peut être fait par un chrétien. Je crois, Monsieur, que vous raisonnez -fort bien en politique. On va faire un grand effort en Piémont et en -Catalogne. Comme je compte votre voix pour beaucoup, je vais vous écrire -un madrigal que je fis hier et que j'enverrai à Versailles[474]. Je ne -l'ai montré qu'à M. l'évêque d'Avranches et à M. Bosquillon qui en sont -contents. Je souhaite que vous le soyez de même et que vous me croyiez -sincèrement votre, etc., etc. - - [473] Hémistiche d'un vers de la satire. - - [474] Ce madrigal n'a pas été retrouvé. - - -AU MÊME. - - 7 avril 1694. - -Puisque c'est un sujet de joie qui vous a détourné de la lecture du livre -précieux de l'illustre mort, je n'en saurois murmurer, et le mariage de -votre parent prouve que la Satire contre les femmes n'empêche pas qu'on -ne se marie. Toutes vos remarques sont justes[475], et l'on en peut faire -beaucoup d'autres. Il n'y a que lui au monde qui puisse mettre Faustine -en un rang plus honnête qu'une simple coquette. Je vous envoie les vers -qu'on donne à M. de Nevers. J'en viens de voir de si terribles que je ne -les ai pas voulu prendre. Vous me faites beaucoup de plaisir, Monsieur, -de me faire espérer bientôt votre sentiment sur le livre de l'illustre -mort, qui est admiré des plus habiles, des plus savants et des plus -polis, et même des plus emportés de ses calomniateurs.... - -Adieu, Monsieur, la toux me presse de finir; mais ce ne sera pas sans -vous assurer que je suis très-sincèrement votre, etc., etc. - - [475] Sur la _Satire contre les femmes_. (W.) - - -A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[476]. - - [476] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - 4 juin [1694]. - -Votre lettre du 29 de mai, Monseigneur, m'a causé un plaisir -très-sensible, car connoissant le prix de votre suffrage comme je fais, -j'ai été ravie que le dernier ouvrage de celui que je regretterai toute -ma vie, l'ait obtenu. J'espère que la suite de cet admirable _Traité de -l'Eucharistie_ l'obtiendra de même, et que vous donnerez aussi votre -approbation entière au second volume qu'on va imprimer. Je vous ai écrit -à Avranches une lettre que je suppose qu'on vous aura envoyée; mais, à -tout hasard, je vous répète que le nonce a remis à M. l'abbé de Ferriès, -de la part du Pape, une belle lettre latine écrite par le cardinal Spada, -par ordre de Sa Sainteté, qui est toute remplie des louanges de feu M. -de Pellisson et de son ouvrage. Cela est assurément fort glorieux pour sa -mémoire. Le Roi a vu cette lettre, M. de Meaux en est ravi. Le Pape -paroît fort aise que cet ouvrage ait paru sous son nom, étant rempli de -la doctrine, de la piété et de l'éloquence de son auteur; il a ajouté que -cet écrit lui est d'autant plus agréable qu'il ne tient rien de la -sécheresse sententieuse des controversistes, et qu'enfin ce livre ne tend -qu'à établir et éclaircir la doctrine catholique et à la persuader d'une -manière propre à ramener les esprits égarés. Cela est plus fort et mieux -dit que je ne le répète, et il finit en disant que M. Pellisson a été -heureux de finir ses jours dans une étude si simple et si louable. - -Après cela, Monseigneur, permettez-moi de vous dire avec la même -franchise que vous me parlez à la fin de votre lettre, que l'éloquence -qui paroît dans le _Traité de l'Eucharistie_ n'est pas une éloquence qui -farde et ne fait qu'éclairer sans éblouir; car après avoir persuadé -l'esprit, elle touche le cÅ“ur, et je vous assure, Monseigneur, que cette -foi vive, cette charité et cet amour de Dieu qui vous touchent encore -plus que tout le reste, vous toucheroient moins sans ce petit rayon -d'éloquence naturelle qui brille dans tout cet ouvrage, sans lui ôter -rien de cette noble simplicité qui doit accompagner ces sortes de -matières. - - Je suis, Monseigneur, etc., etc. - - -A L'ABBÉ BOISOT[477]. - - [477] Cabinet de M. Dubrunfaut. - - 21 août [1694]. - -Je n'entreprends pas, Monsieur, de répondre à votre obligeante lettre, -car je n'en ai pas le temps aujourd'hui, mais je veux vous dire que -j'apprends que le 9 de ce mois Papachin et milord Russell[478] sont -arrivés devant Barcelone, et que M. de Noailles qui étoit à quatre lieues -de là , à une petite ville au bord de la mer, dépêcha aussitôt une frégate -légère et une tartane, pour aller, séparément, en avertir M. de Tourville -à Toulon, qui étoit prêt à faire voiles. Il envoya aussi diverses barques -pour observer les manÅ“uvres des ennemis, et voir s'ils débarquoient -beaucoup de troupes; il mit des sentinelles sur toutes les hauteurs pour -être averti de tout. J'apprends encore d'un autre côté que le 16, le -prince d'Orange, manquant de tout dans son camp, renvoya ses gros -bagages, et que le 17 à neuf heures du matin[479]..., apprenant que le -prince d'Orange faisoit quelque mouvement, fit battre la générale et -donna ordre qu'on se tînt prêt à marcher, faisant distribuer les sacs -d'avoine par compagnie de cavalerie, et l'on vient d'ajouter à cela que -le prince d'Orange marchoit vers Flene[480] et Monseigneur vers la -Sambre; dans peu de jours on en saura davantage. Mme de Nemours marie son -héritier à Mlle de Luxembourg et lui donne des biens immenses, et c'est -un homme qui ne sait que boire[481]. - - [478] L'amiral anglais Russell et le vice-amiral espagnol - Papachin commandaient les flottes combinées d'Angleterre et - d'Espagne. - - [479] Il semble qu'il faudrait ajouter _Monseigneur le Dauphin_ - ou _le maréchal de Luxembourg_. - - [480] Probablement Falaen (Belgique, Province de Namur). - - [481] L'héritier de la duchesse de Nemours était le chevalier de - Soissons, son cousin germain, à qui elle fit prendre, en le - mariant, le titre de prince de Neufchâtel. - -Après cela, Monsieur, je vous dirai que le Roi a reçu admirablement bien -le présent de M. Bétoulaud, c'est une onice[482] antique très-belle, où -la Victoire est gravée. Ce fut le P. de la Chaise qui la lui donna avec -de très-beaux vers qui me sont adressés et où j'ai répondu, et un autre -ouvrage qui m'est aussi adressé et où j'ai fait aussi une réponse. -J'avois mis le cachet de la pierre antique dans une jolie boëte d'agate -garnie d'or. Sa Majesté trouva la pierre très-belle et très-curieuse et -prit beaucoup de plaisir aux vers; enfin cela s'est passé -très-glorieusement pour M. Bétoulaud et pour moi. S. M. dit qu'elle -alloit les montrer à Mme de Maintenon, et je prétends lui écrire mercredi -prochain pour lui apprendre que je ne suis pas payée. Il me reste à vous -dire que je suis ravie que vous soyez guéri, que je souhaite que votre -frère le soit bientôt, et que je suis, Monsieur, plus que je ne le puis -dire, votre, etc., etc. - - [482] Onyx.--L'inventaire de la bibliothèque des Médailles, cité - par nous p. 100 de la _Notice_, mentionne à la date du 19 février - 1695 «une petite agathe onice montée en cachet d'or sur laquelle - est gravée en creux une Victoire debout, donnée au Roy par Mlle - de Scudéry.» - - -AU MÊME. - - Août 1694. - -Je vous réponds un peu tard, Monsieur, par des raisons bien différentes. -La première est que je fus accablée, à ma fête, de fleurs, de fruits, de -vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours à remercier ceux qui -me les avoient envoyés et à recevoir les visites de ceux qui venoient -voir les vers que j'avois reçus. Mais, depuis cela, ma santé altérée, mes -affaires au même état et l'inquiétude où j'étois du Havre où je suis née, -et du pays de Caux, où j'ai un neveu à la mode de Bretagne, d'un mérite -distingué, et plusieurs autres parents, m'ont fort occupée. Mais grâce à -Dieu, les ennemis n'ont pas fait grand mal au Havre, quoiqu'ils y aient -jeté plus de mille bombes, où il n'y a eu que six médiocres maisons -brûlées, et une chapelle un peu endommagée; et la bombarde qu'une de nos -bombes fit sauter en l'air valoit mieux que ce que la ville a perdu. Il -n'y a eu qu'un homme tué au Havre, et deux à Dieppe. L'embrasement de -cette dernière a été grand par la faute des habitants qui étoient tous -sortis de la ville. Mais M. le maréchal de Choiseul, qui étoit au Havre -avec la Maison du Roi et la noblesse du pays, fit éteindre le feu -aussitôt qu'il prit en quelque part. La citadelle et les vaisseaux du -port n'ont eu nul mal. - -Comme vous prenez part à tout ce qui me touche, je vous dirai que le -Madrigal sur la prise de Gironne[483] a été vu du Roi par le R. P. de la -Chaise et qu'il en a été loué plus qu'il ne mérite. J'envoyai hier à ce -même père une pierre antique pour le Roi, avec de très-beaux vers que -l'on m'avoit adressés, où j'ai répondu. J'ai lieu de croire, vu la -manière dont il a reçu mon madrigal, que Sa Majesté ne sait pas que je ne -suis pas payée. Si cela continue, je prendrai la liberté de l'écrire à -Mme de Maintenon, pour la prier d'en dire un mot au ministre. Vous voyez, -Monsieur, que je vous parle de mes intérêts comme si c'étoient les -vôtres. Apprenez-moi, s'il vous plaît, Monsieur, si vous êtes soulagé de -la douleur dont vous vous plaigniez par votre dernière lettre. Je le -souhaite de tout mon cÅ“ur, comme étant véritablement votre, etc. etc. - - [483] Voy. ce Madrigal aux Poésies. - -AU MÊME. - - Le 6 novembre 1694. - -Un grand rhume causé par toutes les inclémences de l'air et accompagné du -chagrin de ne voir pas finir mon affaire du Trésor royal, dont on parlera -encore demain au ministre, m'ont empêchée de vous écrire plus tôt. Mes -amis n'ont pas encore trouvé cet Eusèbe que vous cherchez. Nous verrons -si le public le trouvera, car M. Bosquillon et moi nous avons fait mettre -la question dans le _Journal_ _des Savants_[484]. Nous verrons si -quelqu'un sera plus heureux. Il y a très-peu de nouvelles: on parle -toujours de la paix avec espérance. Les galères hiverneront à Saint-Malo -et à Bordeaux, dont les officiers sont bien fâchés; ils seroient plus -agréablement à Marseille. M. l'évêque d'Agen, autrefois le père Mascaron, -qui est de mes amis depuis plus de quarante ans, prêcha le jour de la -Toussaint à Versailles et charma le Roi et même les courtisans. Je m'y -étois attendue, car c'est le plus éloquent homme du royaume et qui prêche -le plus solidement. Je vous envoie un madrigal que M. Bosquillon a fait -sur ce sermon-là . J'ai fait aussi un impromptu[485], mais on n'y entend -rien si on n'a vu une grande Épître que M. de Bétoulaud a faite à la -louange de cet excellent prélat qui, dans la disette, nourrissoit les -pauvres jusqu'à s'incommoder. Je voudrois bien, Monsieur, vous demander -si vous n'approuviez pas mieux que je fisse des mémoires pour la vie de -l'illustre mort qu'une vie dans les formes. Car les Mémoires permettent -un plus grand détail, et c'est cela qui est très-beau en la vie de M. de -Pellisson. Dites-moi votre avis et me croyez, Monsieur, très-sincèrement, -votre, etc., etc. - - [484] Nous n'avons pas trouvé trace de cette question dans le - _Journal des Savants_ de 1694 et de l'année précédente. - - [485] Disons ici, une fois pour toutes, que parmi les nombreuses - pièces de circonstance de Mlle de Scudéry ou de ses amis, citées - dans sa Correspondance et que nous avons pu retrouver, celles qui - présentent quelque intérêt ont été reproduites ou indiquées dans - les Poésies. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME DE CHANDIOT A BESANÇON[486]. - - [486] Cette lettre et les suivantes à Mme de Chandiot sont tirées - du mss de la Bibliothèque nationale indiqué ci-dessus, p. 322. - - Ce 20 avril [1695]. - -Je n'ai pas voulu, Madame, me donner l'honneur de vous écrire que je -n'eusse fait l'entrevue de M. le président Boisot et de M. Bosquillon. Il -me paroît qu'ils sont contents l'un de l'autre, et je ne doute pas, -Madame, que vous ne soyez contente de l'éloge que ce dernier fait de -notre illustre ami[487], sur vos mémoires, dont il est charmé, aussi bien -que de quelques-unes de vos lettres que je lui ai montrées. J'en ai vu -une fort belle entre les mains de M. le président Boisot, mais comme il -me semble qu'il vous a un peu trop alarmée sur ma santé et sur ma vie, où -vous avez la bonté de prendre intérêt, je veux un peu vous rassurer et -vous dire qu'il n'est pas impossible que je n'aie encore quelque petit -nombre d'années à vivre. Il est vrai que l'excessive rigueur de l'hiver -dernier m'a causé un fort grand rhume qui ne peut guérir que par le chaud -qui n'est pas encore venu, mais il est sans fièvre et sans nul engagement -de poitrine, et ce qui m'incommode le plus est un rhumatisme qui -m'enferme dans ma chambre et dans mon cabinet, ne pouvant marcher, -quoiqu'il ne soit qu'aux genoux. - - [487] L'abbé Boisot, mort le 4 décembre 1694. - -Mais, comme je suis d'une famille où les ressorts de la raison ne s'usent -point, je puis espérer d'en jouir encore un petit nombre d'années, comme -je vous l'ai dit. J'en ai un exemple domestique, car la mère de feu mon -père a vécu cent huit ans avec toute la liberté de la sienne, et elle -jeûna le vendredi et au pain et à l'eau la dernière année de sa vie, -comme elle avoit accoutumé depuis quarante ans. Je n'aspire pas à en -avoir une aussi longue, j'ai perdu trop d'illustres amis pour le désirer, -et il y en a peu de ce temps-ci capables de les remplacer; l'amitié étant -devenue extrêmement rare. Je n'ai pas moins perdu d'amies illustres que -d'illustres amis. Si nous étions en même lieu, Madame, vous avez tout le -mérite qu'il faut pour adoucir toutes mes douleurs, pourvu que je puisse -avoir place dans votre cÅ“ur; celle que vous avez dans le mien m'en rend -en quelque sorte digne, puisque je suis avec toute l'estime que vous -méritez et toute la sincérité dont je fais profession, votre très-humble -et très-obéissante servante. - - -A LA MÊME. - - Le 15 mai [1695]. - -Je commence, Madame, par vous assurer que vous serez contente de l'éloge -que M. Bosquillon a fait de feu l'abbé de Saint-Vincent[488]. M. le -président Boisot vous l'aura sans doute dit, mais je vous le confirme -après l'avoir lu deux fois. Dès qu'il sera imprimé vous l'aurez, et M. le -président Boisot aussi. En attendant je vous envoie un madrigal que M. -Bosquillon a fait après avoir lu les deux vôtres avec autant de modestie -que d'estime et de respect pour la main qui les lui donne, et je vous -envoie en même temps un madrigal qu'il a fait au retour d'une fameuse -fauvette[489] dont je suppose que vous connoissez la réputation. Je vous -envoie aussi ce que j'ai dit à la même fauvette, afin que vous voyiez que -je n'aspire pas à vivre aussi longtems que ma grand'mère, n'étant pas -assurée des mêmes avantages qu'elle a eus. Je n'écris pas aujourd'hui à -M. le président Boisot; je me réserve à me donner cet honneur que l'Éloge -soit imprimé, et je vous envoyerai en même temps la copie de la lettre de -M. [Montmort?] à M. de Pellisson que le Roi a gardée. Conservez, Madame, -la même bonté qu'à celui que nous regrettons, pour votre très-humble et -très-obéissante servante, car je sens assez qu'elle n'en est pas indigne -par l'estime distinguée qu'elle fait de votre mérite. Je crois, Madame, -qu'il n'est pas nécessaire de vous dire qu'elle s'appelle - - MADELEINE DE SCUDÉRY. - - [488] L'abbé Boisot.--Cet Éloge se trouve au _Journal des - Savants_, 1695, p. 212, sous forme de Lettre à Mlle de Scudéry. - - [489] Voy. les Poésies et le _Recueil de Mme de la Suze et de - Pellisson_, 1741, t. I, pp. 164 à 199. - - -A L'ABBÉ NICAISE[490]. - - [490] Cabinet de M. Chambry. - - L'abbé Nicaise, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon, avait été - surnommé par La Monnoie le _Facteur du Parnasse_. Il entretenait - avec divers savants, tant français qu'étrangers, une vaste - correspondance dont plusieurs volumes sont conservés à Paris, à - Lyon et à Montpellier. - - Septembre 1695. - -Vous m'avez fait un grand plaisir, Monsieur, de m'apprendre que j'ai eu -l'honneur d'être en communauté d'amis avec vous, car M. Lantin[491] avoit -témoigné autrefois aussi beaucoup de bonté pour moi; et M. l'abbé de -Saint-Vincent et M. [_nom illisible_] ont été de mes amis jusqu'à leur -dernier jour. Je vous dis cela, Monsieur, pour vous empêcher de vous -repentir de tout ce que vous me dites d'obligeant et de ce que vous en -dites à M. Bosquillon qui m'a fait voir l'agréable lettre que vous lui -avez écrite. Je suis ravie que l'éloge qu'il a fait de M. l'abbé Boisot -vous ait plu; il est universellement loué de tout le monde. J'écris -aujourd'hui à M. Moreau, ce qui a engagé M. le président Cousin à le -mettre dans le Journal[492]. Ce seroit trop long à répéter, et je suis si -cruellement enrhumée que je suis forcée de louer en peu de paroles votre -généreuse ardeur pour conserver la mémoire de vos illustres amis, et la -délicatesse que vous avez sur cela est une marque certaine de la -générosité de votre cÅ“ur, que je préfère à votre rare savoir, et à la -vivacité brillante de votre esprit qui paroît dans la lettre que vous -avez écrite à M. Bosquillon, et dans celle dont vous m'avez honorée. J'en -ai, Monsieur, toute la reconnoissance que je dois très-véritablement. - -Votre très-humble et très-obéissante servante. - - [491] Lantin (Jean-Baptiste), conseiller au parlement de Dijon, - né en 1620, mort en 1695. - - [492] Le _Journal des Savants_ fut rédigé de 1687 à 1702 par - Louis Cousin, président de la cour des Monnaies et membre de - l'Académie française. - - -A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[493]. - - [493] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - [1695.] - -Ce que vous m'apprenez, Monseigneur, de la générosité de Mlle de Clisson -redouble la douleur que j'avois déjà de sa perte; car une amie de -quarante ans de ce mérite-là est une perte irréparable. - -Ce qu'elle fait pour M. Gallois[494] qui est auprès de moi me touche -sensiblement et me fait voir qu'elle aimoit tout ce que j'aimois et tout -ce qui m'aimoit. Ce que vous me dites, Monseigneur, de la manière -obligeante dont M. de Lamoignon vous a parlé de moi me touche aussi bien -sensiblement, et il faut qu'il ait deviné le respect distingué que j'ai -toujours eu pour lui, pour me traiter avec tant d'humanité. Vous me -ferez plaisir, si vous en trouvez l'occasion, de lui témoigner la -reconnoissance que j'en ai. Je ne lui écris pas encore sur cela, de peur -qu'on ne puisse me soupçonner d'un sentiment d'intérêt; car bien que ma -fortune soit très-mauvaise, n'étant payée de nulle part, je ne sens en -cette occasion que la perte d'une amie qui étoit touchée de mon malheur, -et qui m'a voulu secourir en mourant. - - [494] Voir la _Notice_, page 110.--Nous ne savons s'il s'agit ici - de l'abbé Jean Gallois de l'Académie des sciences et de - l'Académie française, l'un des principaux rédacteurs du _Journal - des Savants_, ou du sieur Legallois auteur des _Conversations - académiques_ dédiées à Huet. - -Je commençois à craindre que vous ne m'eussiez oubliée, mais votre billet -m'a rassurée, et me persuade que vous vous souvenez de la date de notre -amitié, et que vous n'avez point d'amie qui soit avec plus d'estime, plus -de zèle et plus de sincérité, - - Votre, etc., etc. - - -AU MÊME[495]. - - [495] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - 29 décembre [1695]. - -Il est bien juste, Monseigneur, que je vous remercie de la bonté que vous -avez eue de me rendre office auprès de M. de Lamoignon, et de m'avoir -appris avec quelle honnêteté il vous a parlé de moi. Je lui écrivis hier -pour l'en remercier, et je lui envoyai ma lettre par les personnes dont -Mlle de Clisson s'est souvenue, et qu'il reçut très-civilement. Comme on -m'a dit qu'il y a un grand nombre de legs, je voudrois bien savoir si -les noms de Vaumale ou de Valcroissant ne se trouvent pas parmi ceux à -qui cette généreuse personne en a laissé. Si vous trouvez occasion de le -savoir, vous me ferez plaisir de me l'apprendre et de savoir aussi ce -qu'elle laisse à M. de la Bastide[496], qui est en Angleterre. Vous -voyez, Monseigneur, que j'use de la liberté que la véritable amitié -donne. Conservez-moi la vôtre, et soyez assuré que la mienne durera -autant que la vie de votre, etc., etc. - - [496] Marc-Antoine de la Bastide, controversiste protestant, né à - Milhau en 1624, mort vers 1704. Il fut envoyé comme secrétaire - d'ambassade en Angleterre; il était ami de Pellisson. - - -A MADAME DE CHANDIOT[497]. - - [497] De la main d'un secrétaire. - - Ce 27 octobre [1699]. - -MADRIGAL. - - Chandiot est une merveille - Qui n'aura jamais de pareille. - Sa beauté n'est qu'un simple trait - De son admirable portrait. - Ses vertus, son cÅ“ur magnanime - Ont acquis toute mon estime, - Et je l'aime d'un air et si tendre et si doux - Que mes plus chers amis en deviennent jaloux. - -Voilà , Madame, un impromptu que je n'ai pu m'empêcher de faire, c'est -l'ouvrage de ma reconnoissance plutôt que de mon esprit. Je vous envoye -un petit mot de Mme de Balmont que je vous recommande tout de nouveau -comme ma fille. Son mari l'a mandée, mais, comme ça été après avoir reçu -une lettre de son oncle qui lui a donné l'emploi, je crains qu'il ne soit -pas converti, et je lui conseillerois de loger chez la veuve du médecin -que vous lui avez enseignée, car je craindrois que, s'il n'est pas -converti, il ne l'empoisonnât[498], et il est bon d'examiner sa conduite -avant que de s'y fier. Elle suivra vos conseils et vous trouverez que -c'est une très-bonne personne; elle part pour aller à Besançon le 9 du -mois prochain. M. l'abbé Bosquillon trouve votre générosité, aussi bien -que moi, très-grande, et nous sommes toujours tout d'un avis en parlant -de vous. Votre dernière lettre est si bien écrite qu'il l'a admirée comme -moi. Le Roi est revenu en santé parfaite de Fontainebleau; il a mis à son -retour Mme la duchesse de Bourgogne avec M. son époux[499]; elle fut le -lendemain à Saint-Cyr pour éviter les visites des courtisans en -semblables occasions. Sa Majesté ira le jour des Morts à Marly où elle -sera quatorze jours. Voilà , Madame, ce qu'il y a de nouveau. Je suis à -vous comme vous le méritez, c'est-à -dire que je suis, plus que personne -ne peut l'être, votre très-humble et très-obéissante servante. - - [498] Par ses conseils. - - [499] «En arrivant de Fontainebleau (22 octobre 1699), le jour - même, Monseigneur et la duchesse de Bourgogne furent mis - ensemble.» Saint-Simon, édition Chéruel, tome II, p. 336. - - -A M. VALLÉE, PREMIER COMMIS DU CONTRÔLE GÉNÉRAL DES FINANCES[500]. - - [500] _Musée des Archives_, no 909. - - 27 janvier [1701]. - -Comme je crois que c'est aux bons offices que vous m'avez rendus, -Monsieur, que je dois la bonté que Mgr Chamillart a eue pour moi, en me -fesant payer de la pension dont le Roi m'honore, c'est par cette raison -que je vous en rends de tout mon cÅ“ur mille très-humbles grâces. Je -m'adresse aussi à vous, Monsieur, pour vous prier de lui rendre la lettre -que j'ai l'honneur de lui écrire pour lui en témoigner ma reconnoissance. -Soyez, s'il vous plaît, bien persuadé de la mienne à votre égard, et que -je n'oublierai jamais tous les services que vous me rendez avec tant de -bonté, en me fesant payer si promptement. Je suis, Monsieur, avec toute -l'estime que vous méritez, votre très-humble et très-obéissante servante, -etc. - -_P. S._--Monseigneur Chamillart a fait une réponse très-obligeante à ma -lettre. - - -A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES[501]. - - [501] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - Cette lettre n'est pas écrite par Mlle de Scudéry; elle est de la - main d'un secrétaire, et seulement signée par elle. - - 23 avril [1701]. - -J'ai reçu, Monseigneur, avec beaucoup de plaisir, la lettre que vous -m'avez fait l'honneur de m'écrire; car je croyois que vous m'aviez -tout-à -fait oubliée. J'ai été fort touchée de la mort de M. de -Segrais[502]: il y avoit cinquante ans qu'il étoit de mes amis, et j'ai -fait quelques vers pour conserver sa mémoire. Cela vous doit faire -connoître, Monseigneur, que je n'oublie pas mes anciens amis, et que je -me souviens parfaitement de tous les témoignages d'amitié que vous m'avez -rendus autrefois. - - [502] Segrais étant mort le 25 mars 1701, cette lettre est de peu - de temps avant la maladie qui conduisit Mlle de Scudéry au - tombeau le 3 juin de la même année. - -Le rhumatisme que j'ai aux genoux est devenu si fâcheux que je ne marche -plus, mais mon estomac et ma raison sont toujours en santé, et par -conséquent, Monseigneur, je serai toute ma vie, avec toute l'estime et le -respect que vous méritez, votre très-humble et très-obéissante servante, -etc. - - - - - LETTRES - DONT ON N'A PU RETROUVER LA DATE - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES[503]. - - [503] Les six lettres suivantes, échangées entre Mlle de Scudéry - et Mlle Descartes, sont tirées d'un volume intitulé: _Essais de - lettres familières sur toutes sortes de sujets, avec un discours - sur l'art épistolaire et quelques remarques nouvelles sur la - langue françoise; ouvrage posthume de l'abbé *** (Cassagne)_; mis - en ordre par l'abbé de Furetière, de l'Académie françoise. Paris, - Jacques Lefebvre, 1690, 1 vol. in-12. - - Sans date. - - En m'apprenant, Iris, que vous savez rimer, - Vous m'apprenez aussi que vous savez aimer: - Mais, Iris, l'oserois-je dire! - Trouve-t-on quelque amant dans l'amoureux empire - Digne de cette noble ardeur - Dont vous peignez si bien la force et la grandeur? - Pensez-y donc, fille charmante. - Ah! qu'il est dangereux d'être trop tendre amante, - Puisqu'il n'est point d'amant heureux - Qui soit longtemps fort amoureux. - Par une ingratitude horrible, - Son amour s'allentit dès qu'on devient sensible, - Et l'ignorance d'être aimé - Le rend beaucoup plus enflammé. - -Voilà , Mademoiselle, des vers aussi négligés que les vôtres sont beaux; -j'en suis charmée, et je crois bien que toutes les muses sont également -de vos amies, puisque vous écrivez aussi bien en vers qu'en prose; mais -pour vous montrer que mon sentiment ne m'est pas particulier, je vous -envoye quatre vers d'une amie que j'ai, qui est très-digne d'être la -vôtre, car elle a un mérite infini, et M. de M...., qui l'admire aussi -bien que moi, vous en répondra. Elle s'appelle Mme de P...[504]. Voilà -les quatre vers qu'elle engagea dans un billet fort galant qu'elle -m'écrivit un jour: - - Où peut-on trouver des amans - Qui nous soient à jamais fidèles? - Je n'en sais que dans les romans - Et dans les nids des tourterelles. - - [504] Probablement Mme de Platbuisson. Voyez la _Notice_, p. 55. - -Tout le monde choisi a su ces quatre vers. Si Voiture ou Sarazin -ressuscitoient, ils voudroient les avoir faits. Cependant, Mademoiselle, -la mauvaise opinion que j'ai des amants ne diminue rien de l'admiration -que j'ai pour vos beaux vers. M. de M.... a trop bon goût pour y avoir -rien changé. Il me les a montrés écrits de votre main sans une seule -rature, et je les ai copiés de la mienne sans y rien changer; mais je -prendrai pourtant la liberté de vous avertir de la juste signification -d'un mot que vous avez sans doute employé sans y penser, afin qu'il n'y -ait pas la moindre imperfection à ce que vous écrirez. Voici de quoi il -s'agit: vous confondez deux mots, _avant_ et _devant_, et il ne les faut -pas confondre. Vous parlez juste quand vous dites: - - Faut-il avant sa mort que tant de fois je meure. - -Mais quand vous dites au dixième vers: - - Et devant le trépas ne me fais pas mourir, - -cela n'est pas juste. Dans les règles, il faudroit refaire le vers, et -mettre _avant_ au lieu de _devant_. On dit aller _au devant de -quelqu'un_, ou _il demeure devant ma porte_; mais pour marquer -précisément un temps, on dit, par exemple, _avant que je fusse née, avant -qu'il arrivât_, et non pas _devant_. - -Je vous demande pardon, Mademoiselle, de cette liberté; ce n'est pas ma -coutume de faire le bel esprit, mais j'ai voulu vous donner ce petit avis -d'amitié qui vous doit marquer la sincérité de mes louanges et qui ne -diminue rien de mon admiration pour votre belle élégie; non plus que ma -croyance en faveur de mon chien n'ôte rien de l'estime infinie que j'ai -pour feu M. votre oncle. Ce n'est pas l'amitié que j'ai pour les animaux -qui me prévient à leur avantage, c'est celle qu'ils ont pour moi qui me -persuade en leur faveur; car on ne peut rien aimer par choix sans quelque -sorte de raison; et selon cette règle, Mademoiselle, je suis parfaitement -raisonnable, puisque la connoissance de votre mérite extraordinaire -m'engage à vous aimer infiniment, et je prévois que tout cela doit durer -autant que la vie de votre très-humble, etc., etc. - - -RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - -Je suis si fière, Mademoiselle, des vers de votre façon qui s'adressent à -moi, que je crois déjà être immortalisée; mais est-il possible que vous -ne trouviez à redire dans ma pauvre élégie que ce que vous y reprenez? -Moi qui la regarde avec des yeux de mère, j'y voyois mille choses que -j'eusse voulu n'y point voir; mais je n'ose plus blâmer ce que vous avez -jugé digne de vos louanges, et je veux seulement, pour rendre témoignage -à la vérité, vous assurer qu'elle est toute de mon imagination, et que -mon cÅ“ur n'y a point de part. - - Mon cÅ“ur qui de l'amour sut toujours se défendre, - Injustement en seroit soupçonné; - Il n'est jamais permis d'en prendre - Qu'après que l'on en a donné; - Et dans mes plus beaux jours mes beautés innocentes - De pareils attentats furent toujours exemptes. - -Non, Mademoiselle, je n'ai jamais fait, Dieu merci, de conquêtes, et -c'est ce qui me console plutôt que toutes les raisons que vous dites si -agréablement dans vos beaux vers. - - Tout berger est trompeur, inconstant et volage; - Malheur à celle qui s'engage. - Mille exemples fameux en convainquent l'esprit; - Mais malgré cette règle et si juste et si belle, - Si tôt que le cÅ“ur s'attendrit, - On croit que l'amour est fidèle. - -Votre illustre amie, Mme de P..., a beau nous dire des merveilles dans -ses quatre vers qui sont inimitables; on les admirera, on les voudra -croire, et le cÅ“ur ira son chemin; - - La seule tourterelle en amour est fidèle, - Mais quand notre cÅ“ur est charmé, - L'objet dont il est enflammé - Nous paraît constant tout comme elle. - -Ainsi, Mademoiselle, il vaut mieux que je n'aie jamais eu d'amants, que -de n'avoir eu pour préservatif que la vue de leur inconstance. - - L'amour a soin de nous persuader - Qu'on brûlera pour nous d'une flamme éternelle, - Et que nous allons posséder - Un sort que n'eut jamais aucune autre mortelle. - -Et je ne sais s'il n'est point à propos que l'on s'abuse ainsi -quelquefois. On se tiendroit trop sur ses gardes, on vivroit dans une -retraite et dans une solitude de cÅ“ur qui fait de la peine à imaginer; -et, quant à la vérité, toute belle qu'elle est, elle peut être d'un -moindre prix que certaines erreurs douces et charmantes qui flattent -agréablement. Par exemple, Mademoiselle, je souhaite avec tant de passion -d'être aimée de vous, que je crois qu'il en est quelque chose; ne me -désabusez jamais, je vous en supplie, laissez-moi une imagination qui -m'enchante et qui fait tout le bonheur de votre très-humble, etc., etc. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES. - - Sans date. - - Vous dites fort modestement - Que vous n'avez point eu d'amant; - Ce discours n'est pas vraisemblable: - Mais du moins, fille incomparable, - Pour être sincère à mon tour, - Ne haïssez-vous point l'amour? - Et je trouve assez incroyable - D'aimer la passion qui peut tout enflammer - Sans que pas un amant ait osé vous aimer. - Où l'auriez-vous si bien connue, - Si vous ne l'aviez jamais vue? - Pour parler comme vous de l'amoureux ennui, - Il faut du moins, Iris, l'avoir appris d'autrui, - Il faut, dis-je en un mot, si l'on le veut connoître, - Le sentir ou l'avoir fait naître; - Mais on voit assez rarement, - Quand on aime l'amour, qu'on haïsse l'amant. - -Je vous excepte pourtant de cette règle, Mademoiselle, car comme vous -avez eu infiniment d'esprit dès votre plus tendre jeunesse, je suppose -qu'il a été une garde fidèle de votre cÅ“ur, et que ne trouvant rien -digne de lui, il a conservé sa liberté. Les vers dont votre lettre est -semée, sont fort galants et fort jolis, et je vois bien que vous seriez -plutôt de l'avis des quatre vers d'un ami que j'ai eu, que de celui des -quatre de Mme de P.... Il les mettoit dans la bouche d'une dame. Les -voici: - - Mais quand sur notre esprit un amant qu'on estime - A pris quelque crédit, - On commence à douter si l'amour est un crime - Aussi grand qu'on le dit. - -Je prends la liberté, Mademoiselle, de vous envoyer un madrigal qui a eu -le bonheur de ne pas déplaire au Roi, et je souhaite qu'il soit aussi -heureux auprès de vous, car je connois tout le prix de votre voix. Je -voudrois bien que vous connussiez de même celui de mon amitié: car en un -mot, Mademoiselle, je ne suis aimable que parce que je sais aimer mes -amies d'une manière tendre et désintéressée, qui me distingue de beaucoup -d'autres; je me vante hardiment de cette bonne qualité. Car étant aussi -éloignées l'une de l'autre, vous n'en sauriez rien, si je ne vous le -faisois connoître; et je ne vous parle ainsi que pour vous engager à -m'employer à quelque chose qui puisse vous donner lieu de croire que je -suis avec beaucoup de tendresse - - Votre, etc., etc. - - -RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - Sans date. - -Vous l'avez bien jugé, Mademoiselle, j'étois née avec une belle -disposition à l'amour. - - Mais qui pourroit aimer, s'il ne plaît au Destin? - -a fort bien dit un poëte de notre pays. Il faut que je vous dise tout -mon secret; j'y suis obligée par reconnoissance, et je vous ai plus -d'obligation que vous ne pensez. - - Si mon cÅ“ur et sensible et tendre - De l'amour a su se défendre, - Je vous dois ce rare bonheur, - Seule vous en avez l'honneur; - Fille du monde sans pareille, - Fille du siècle la merveille. - Les héros que vous avez faits, - Héros en amour si parfaits, - M'ont fourni du mépris pour les amours vulgaires, - Et dégoûté mon cÅ“ur des amours ordinaires. - -C'est la vérité pure, vous m'avez donné une si belle idée de l'amour dans -tout ce que vous avez écrit, que je n'en ai rien voulu rabattre. J'ai cru -qu'il falloit aimer ainsi, ou n'aimer pas du tout. - - Vos beaux livres m'ont fait connoître - Un amour généreux, pur et sans intérêt, - Et qui l'a vu tel qu'il doit être - Ne peut le souffrir comme il est. - -Cela soit dit, Mademoiselle, à la honte de la philosophie morale, je le -sais par expérience, - - D'une innocente ardeur la parfaite peinture, - Et l'exemple fameux d'une illustre aventure - Corrigent mieux les jeunes cÅ“urs - Et les penchants de la nature, - Que la science austère et dure - Qui s'applique à régler les mÅ“urs. - -On aime tant à parler de soi-même que j'ai commencé par là , quoique je -ne dusse vous parler que de votre merveilleux madrigal, qui est un des -plus beaux que j'aie jamais vus. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES. - - Sans date. - - Quand je fis de l'amour une image parfaite, - Des vulgaires amours j'espérai la défaite; - Mais malgré cet espoir nous voyons mille cÅ“urs - Se laisser conquérir par d'indignes vainqueurs, - Qui, méprisant bientôt ce qu'ils ont pris sans gloire, - Courent incessamment de victoire en victoire, - Et se lassant enfin d'être trop tôt aimés, - Se moquent des Chloris dont ils furent charmés. - Mais puisque votre cÅ“ur, fille charmante et sage, - Est par mon assistance échappé du naufrage, - Et que des mers d'amour ne craignant plus les flots - Il est libre et jouit d'un glorieux repos, - Je ne me repens pas d'avoir fait la peinture - De cette passion et si noble et si pure, - Qui sait unir les cÅ“urs sans blesser la raison; - Car l'amour héroïque est un contre-poison. - Si l'on devoit un prix dans la superbe Rome - A quiconque pourroit en sauver un seul homme; - Que ne devez-vous pas à cet heureux tableau - Où ma main a tracé ce qu'Amour a de beau, - Par l'opposition des amours passagères, - Des amours d'intérêt, des amours mensongères, - Des sentiments grossiers et de leurs faux appas! - Vous avez su franchir un si dangereux pas. - Je vous demande donc pour prix de mon ouvrage - Ce cÅ“ur, ce même cÅ“ur échappé du naufrage; - Ne le refusez pas à ma tendre amitié, - Qui vaut mieux que l'amour de plus de la moitié. - - -RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - Sans date. - -Mon cÅ“ur est à votre service, Mademoiselle, et vous lui faites trop -d'honneur de le souhaiter. - - On ne peut refuser un cÅ“ur - Que l'illustre Sapho demande, - -et si quelque Tirsis me l'avoit demandé aussi galamment que vous faites, -j'étois perdue. Mais, Mademoiselle, on m'avoit bien dit qu'on ne peut -aimer sans inquiétude: l'amitié que j'ai pour vous me rend déjà -malheureuse. - - La moindre aventure amoureuse - Trouble notre repos, blesse notre devoir; - Mais la tendre amitié n'est guère plus heureuse, - Quand on ne doit jamais se voir. - -Il semble que vous ne m'ayez sauvée des écueils de l'amour, que pour me -faire périr dans ceux de l'amitié. - - Par vous des mers d'amour j'évitai les orages, - Mers fameuses par cent naufrages; - Mais mon sort n'en est pas meilleur; - Par vous, Sapho, mon malheur est extrême; - Vous me faites aimer, et j'aurai la douleur - De ne voir jamais ce que j'aime. - -Je ne sais, Mademoiselle, si l'amour cause de plus cruelles peines, mais -je sais bien que mon cÅ“ur n'en a jamais ressenti de plus sensibles, et -que je ne trouve rien de si chagrinant que de vous admirer de si loin. - - Pour moi votre commerce est honorable et doux, - Je reçois chaque jour de vous - Des vers que tout le monde admire; - Mais malgré cet honneur dont je me sens combler, - Je ne puis m'empêcher de dire: - Heureuse à qui vous voulez bien écrire, - Plus heureuse cent fois qui vous entend parler. - -Quand je vois que ce qui ne vous coûte qu'un quart d'heure à faire fera -mes délices toute ma vie, je dis avec cette fameuse Sapho que la Grèce a -tant chantée: - - Quand au rare mérite on est sensible et tendre, - Et que par la faveur des cieux, - On peut souvent vous voir et souvent vous entendre, - C'est un plaisir plus grand que le plaisir des dieux. - - -MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. HUET[505]. - - [505] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - Sans date. - -Il y a une chanson dont la reprise dit: _Sans le secret l'amour n'a rien -de doux_; mais à ce que je vois, Monsieur, vous voulez aussi que l'amitié -soit mystérieuse, puisque vous ne voulez que pas une de mes amies, ni pas -un de mes amis, voient vos billets. Si j'étois un peu plus jeune, cela me -seroit fort suspect, mais en l'état où sont les choses, je prends tout en -bonne part, et je veux bien avoir pour vous toute la complaisance que -vous voudrez. Ce n'est pas que souvent il me fût fort doux de me parer -de vos billets et de les montrer à deux ou trois personnes seulement, -mais si vous aimez le secret, il faut l'aimer comme vous. Cependant -quelle apparence de refuser à Octavie et à Ménalque[506] le plaisir de -voir ce que vous m'écrivez; songez-y encore une fois avant que de -m'engager à faire le vÅ“u du secret, et, en attendant, soyez bien -persuadé que je vous estime infiniment, et qu'il ne tiendra pas à moi que -nous ne formions une de ces amitiés qui durent autant que la vie. - - [506] Quel est ce Ménalque? Serait-ce Brancas, le fameux distrait - de Labruyère? - - -AU MÊME[507]. - - [507] Cabinet de M. Toussaint du Havre. - - Sans date. - -Votre billet, Monseigneur, est digne de votre cÅ“ur, et si je l'ose dire, -de mon amitié pour vous que le temps ne peut affoiblir. Le nom que vous -n'avez pu lire est l'abbé d'Arche, homme de beaucoup de mérite et qui, -comme je vous l'ai dit, est fort aimé de Mgr l'évêque d'Agen et de M. de -Bétoulaud; et je vous suis très-obligée de lui vouloir bien donner votre -suffrage. Pour la harangue de M. le recteur de l'Université, je viens -d'apprendre qu'elle ne se prononcera pas mardi et que vous serez invité -dans les formes, et par conséquent vous saurez l'heure précisément. Je -vous remercie aussi de me promettre l'ouvrage du R. P. de la Rue, car -mes mauvaises oreilles m'empêchant d'avoir le plaisir de l'aller -entendre, je serai fort aise d'avoir celui de lire un discours de si -bonne main. Conservez-moi, Monseigneur, votre précieuse amitié, et soyez -persuadé que c'est pour le reste de ma vie que je suis, avec toute -l'amitié que vous méritez, votre très-humble et très-obéissante servante. - - -AU MÊME[508]. - - [508] Copie de Léchaudé d'Anisy. - - Ce 21 de mai.... - -L'impatience de lire le bel ouvrage du R. P. de la Rue m'empêcha, -Monseigneur, de vous remercier dès hier: ajoutez aussi que je crus qu'il -seroit mieux de joindre mes louanges à mes remercîments; mais après -l'avoir lu avec toute l'admiration qu'il mérite, je trouve toutes mes -expressions tellement foibles pour louer le R. P. de la Rue, que je n'ose -presque vous dire ce que j'en pense: car, de la manière dont il -s'exprime, toutes ses expressions sont nobles, naturelles et persuasives. -Il montre aux yeux ce qu'il veut représenter; il ôte aux plus grandes -louanges ce qui les pourroit faire soupçonner de flatterie, et leur donne -un air de vérité qui persuade ceux qui les entendent ou qui les lisent. -Enfin, Monseigneur, il a su si sagement éviter tous les écueils de son -sujet, qu'on ne l'en peut assez louer, et je ne puis assez vous remercier -du plaisir que j'ai eu à l'admirer. Conservez-moi, Monseigneur, votre -précieuse amitié, et me croyez toujours, avec autant de sincérité que de -respect, - -Votre très-humble, etc., etc. - - -A M. DE SABATIER DE L'ACADÉMIE D'ARLES, QUI LUI AVAIT ADRESSÉ UNE ÉPITRE -EN VERS[509]. - - [509] L'Épître de Sabatier est insérée au tome II, p. 216, de la - _Nouvelle Pandore_, et la lettre de Mlle de Scudéry à la page - 211. - - Sans date. - -Les louanges que vous me donnez, Monsieur, sont si agréables et si -délicates, qu'il est difficile de les refuser; mais elles sont d'ailleurs -si grandes et si noblement exprimées, qu'il faudroit avoir beaucoup -d'audace pour s'en croire digne et les accepter; de sorte, Monsieur, que -le parti le plus juste que je puisse prendre, c'est de louer la beauté de -votre ouvrage sans m'en faire l'application. Un portrait flatté ne laisse -pas d'être quelquefois admirablement peint, sans être fort ressemblant, -et c'est même une des maximes des plus grands peintres d'embellir -toujours leur objet. Je ne me regarde donc pas dans votre ouvrage, telle -que je suis, mais telle que je devrois être pour le mériter. - -Cependant, pour vous empêcher de vous repentir de l'honneur que vous -m'avez fait, je vous apprends que mon cÅ“ur vaut mieux que mon esprit, -que je suis une amie fidèle, sincère et désintéressée, et que si j'avois -l'avantage d'être connue de vous par vous-même de ce côté-là , j'en -pourrois être louée sans flatterie, et que je pourrois aussi recevoir vos -louanges sans confusion. Mais en attendant, Monsieur, souffrez que -j'ajoute un misérable impromptu à ce que je viens de vous dire; il n'est -pas beau, il n'est que sincère, le voici: - - Ne vous y trompez pas, votre aimable fontaine, - C'est la véritable Hippocrène; - Votre chant me surprend, il est charmant et doux, - Et tous les cygnes de la Seine - Ne peuvent mieux chanter que vous. - -Voilà , Monsieur, les sentiments tout purs de - - Votre très-humble et très-obéissante servante - - MADELEINE DE SCUDÉRY. - - -A M. NUBLÉ[510]. - - [510] Cette lettre fait partie d'un volume publié par M. Matter, - intitulé: _Lettres et pièces rares et inédites_, Paris, - 1846.--Voyez la _Notice_, page 125. - - Sans date. - -C'est en vain, Monsieur, que vous me fuyez, car je suis résolue de vous -avoir de l'obligation, et de pouvoir dire avec quelque vraisemblance, que -vous êtes de mes amis. Je vous défie même hardiment de me refuser la -grâce que je m'en vais vous demander. En effet, sachant quelle est votre -vertu et votre équité, je ne pense pas que vous puissiez savoir qu'il y a -une orpheline de douze ans qui a besoin de la protection de M. le -président de Bailleul, sans avoir aussitôt envie de lui donner le placet -que je vous envoie. Car, si vos amis vous connoissent bien, il n'est pas -en votre pouvoir de vous empêcher de faire une action de vertu quand -l'occasion s'en présente. Je vous promets pourtant de vous être fort -obligée de votre sollicitation, quoique je sache bien que M. le président -de Bailleul est un des juges du monde qui a le moins de besoin d'être -sollicité, parce qu'il est un des plus équitables. Si vous aimiez les -remercîments, je m'engagerois à vous faire remercier par MM. Ménage, -Conrart, Chapelain, Pellisson et plusieurs autres de vos amis qui sont -des miens. - -Mais, comme je n'ai garde de vous soupçonner d'aimer une chose si peu -solide, je me contente de vous assurer, qu'en m'obligeant vous obligerez -la personne du monde la plus reconnoissante et qui, sans que vous le -sachiez, admire le plus votre vertu. - - MADELEINE DE SCUDÉRY. - - -A LA REINE CHRISTINE[511]. - - [511] Collection Lajariette. - - Sans date. - - Madame, - -Comme la santé est un bien si précieux qu'on ne sent presque plus la -possession de tous les autres biens quand on a perdu celui-là , il m'est -impossible d'apprendre que la santé de V. M. a été altérée, sans prendre -la liberté de lui dire que personne ne peut avoir senti son mal plus -vivement que moi; car, encore qu'en me l'apprenant on m'ait assuré que je -n'avois rien à craindre pour sa vie, mon cÅ“ur en a été sensiblement -touché, et j'attends l'ordinaire prochain avec la dernière impatience. -J'ai même fait convenir M. de Pellisson, qui partage mes sentiments pour -V. M., que les maux des personnes pour qui on a un attachement sincère, -et s'il est permis de parler ainsi, une passion de respect, laissent une -impression de douleur qui ne s'efface pas dès que le mal est passé, et -qu'il faut que le temps ôte la crainte du retour du mal dont on a été -alarmé, pour en être tout à fait en repos. Cependant lui et moi faisons -des vÅ“ux pour l'affermissement de la santé de V. M. qui doit être -précieuse pour tout le monde puisqu'elle en est un des plus grands -ornements. - -En mon particulier, Madame, si V. M. pouvoit savoir de quelle manière je -suis sensible à tout ce qui la regarde, elle verroit bien que son mérite -m'est toujours présent, et que le temps et l'éloignement ne peuvent -m'empêcher d'être toute ma vie, avec la même admiration, le même zèle et -le même respect, Madame, de V. M. la très-humble, très-passionnée et -très-obéissante servante. - - MADELEINE DE SCUDÉRY. - - - - - LETTRES - ADRESSÉES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY, - OU QUI LA CONCERNENT. - - -BALZAC A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[512]. - - [512] Cabinet de M. Chambry.--Cette lettre est imprimée dans les - _Lettres choisies_ de Balzac, édition de 1668, t. II, p. 211, et - dans l'édition de ses _Å’uvres_, 1665, in-fo, t. I, p. 647, mais - on n'y trouve pas le _post-scriptum_ qui est dans la lettre - originale. - - 25 juillet 1639. - - Mademoiselle, - -Si j'eusse pu obtenir un bon moment de ma mauvaise santé, je vous aurois -dit, il y a longtemps, que je n'ai ni assez d'humilité pour rejeter les -louanges que vous me donnez, ni assez de présomption pour y consentir. De -les croire d'une foi historique, ce seroit avoir l'imagination un peu -forte; et de s'offenser aussi d'une fable si obligeante, ce seroit être -de mauvaise humeur. En ceci, le tempérament que je veux choisir ne vous -sera pas désavantageux. Je considérerai vos excellentes paroles comme -purement vôtres, et sans que je pense qu'elles m'appartiennent. De cette -sorte, elles feront toujours leur effet, et je demeurerai toujours -persuadé, mais ce sera, Mademoiselle, des grâces de votre esprit et de -l'éloquence qui loue, non pas de celle qui est louée. - -Pardonnez à mon humeur défiante, si je ne puis bien croire que vous soyez -de l'avis de votre lettre ni que ma _Relation à Ménandre_ soit de la -force que vous m'écrivez. Elle vous a touchée, néanmoins, pour ce que -vous êtes sensible aux malheurs d'autrui, et que la bonté vous intéresse -dans toutes les causes de l'innocence. Par là véritablement je puis -mériter votre faveur, et monsieur votre frère me pourroit prendre aussi -pour un des sujets qui ont besoin de son assistance. Il sait défendre à -ce que je vois, avec autant de valeur qu'il sait attaquer, et ses -boucliers ne sont pas moins impénétrables, que ses autres armes sont -tranchantes. En effet, l'ouvrage qu'il vous a plû de m'envoyer de sa -part[513] me semble avoir cette fatale solidité. Les plus grands ennemis -des spectacles et des fêtes de l'esprit ne les sauroient violer à -l'avenir sous une telle protection. Par son moyen, la volupté sera remise -en sa bonne renommée, et de sa grâce nous nous réjouirons, sans scrupule, -en dépit des tristes et des sévères. Je vous en dirois davantage si vous -aviez dessein de m'examiner sur votre livre, et si vous vouliez que je -vous rendisse compte de mes études, mais ce n'est pas ici le lieu de -faire ni de commentaires, ni d'avant-propos. Et d'ailleurs, puisque les -belles assemblées, n'étant pas ingrates, retentiront de tous côtés de la -gloire de leur défenseur, il y a de l'apparence qu'une voix si foible, et -qui vient de si loin que la mienne ne seroit pas remarquée dans le grand -bruit que tant d'applaudissements doivent faire. Je me contente donc de -vous dire sans aucun ornement de paroles, que je ne manque pas de -reconnoissance, après une parfaite obligation, et que le présent que j'ai -reçu ne pouvant être plus riche qu'il est, M. de Scudéry a trouvé le -moyen de me le rendre plus agréable par l'envoi qu'il a désiré que vous -m'en fissiez. Avec sa permission, je vous en remercie de tout mon cÅ“ur, -et veux être, s'il vous plaît, toute ma vie, - - Mademoiselle, - Votre très-humble et très-obligé serviteur, - BALZAC. - -_P. S._ Je viens d'apprendre, par une lettre de M. Chapelain, que M. -votre frère m'a fait encore un nouveau présent. Je l'attends avec -impatience et vous supplie de lui dire, Mademoiselle, qu'il n'a point un -plus passionné serviteur que moi, ni qui fasse plus d'estime de sa vertu. -Plût à Dieu qu'il eût l'année prochaine quelque emploi digne de lui dans -l'armée que commande M. le Prince! Il viendroit faire ici une station et -me donneroit bien huit jours pour l'embrasser et pour l'entretenir à mon -aise. - - [513] L'_Apologie du Théâtre_, Paris, 1639, in-4º. - - -CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[514]. - - [514] _Correspondance de Chapelain._ Mss Sainte-Beuve. - - - Paris, 4 aoust 1639. - - Mademoiselle, - -Je fus incivil de vous envoyer la lettre de M. de Balzac que je vous -devois porter moi-même. Mais vous jetterez cette faute sur les embarras -qui m'en ont déjà fait commettre tant d'autres envers vous, et qui vous -ont dû faire étonner plus d'une fois que j'use si mal de la permission -que vous m'avez donnée de vous rendre mes devoirs et de vous faire de -mauvaises visites. Si vous m'avez pardonné les premières, je veux croire -que vous ne me tiendrez pas rigueur pour cette dernière, et que vous vous -contenterez du mal que j'ai eu en ne vous voyant pas. J'ai lu la lettre -et l'ai trouvée digne de vous et de celui qui l'a écrite, comme je me -l'étois bien imaginé devant que vous me l'eussiez communiquée. Avec votre -permission, je la garderai tout aujourd'hui pour la faire voir à une -couple de mes amis qui seront bien aises de voir que M. de Balzac connoît -votre mérite et lui rend une partie de ce qui lui est dû. - -Pour ce qui regarde mon portrait, Mademoiselle, M. le marquis de -Montausier s'est réjoui lorsqu'il vous a dit qu'il en avoit vu l'ébauche, -et vous aurez à lui reprocher qu'en cette rencontre il n'a pas traité -assez sérieusement avec vous. C'est une matière sur laquelle je délibère -encore, et, à vous dire mon sentiment en liberté, je penche beaucoup plus -à supplier M. votre frère de me dispenser de lui faire un présent si peu -digne de son cabinet, et de garder cet honneur pour ceux qui le méritent -davantage[515]. Je vous en parle sans cette modestie affectée qui ne -diffère guères de la vanité, et vous jure que j'appréhende d'être mêlé -parmi ces grands hommes qui parent et doivent parer un illustre réduit. -Cela ne pourra être sans faire tort à leur gloire qui s'offensera d'une -société si inégale, et M. votre frère doit craindre lui-même d'en être -blâmé, comme s'étant volontairement trompé par ce choix qui leur est si -peu avantageux. J'irai au premier jour chez lui essayer de lui persuader -que je ne paroisse pas là où je n'ai pas de place légitime, ou recevoir -de lui une nouvelle jussion qui me mette à couvert, et le charge de tout -le mal qui en pourroit arriver. Cependant vous le solliciterez, s'il vous -plaît, en ma faveur, et le disposerez à ne me pas faire injustice en me -fesant plus de grâce que je ne veux. C'est cela que vous demande pour -cette heure avec instance, Mademoiselle, - - Votre très-obéissant serviteur, - CHAPELAIN. - - [515] George de Scudéry avait demandé à Chapelain son portrait - pour sa collection des Illustres. - - -GODEAU A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[516]. - - [516] _Lettres de Godeau, évêque de Vence, sur divers sujets._ - Paris, 1713, in-12, p. 200. - - Grasse, 16 août 1641. - - Mademoiselle, - -Au lieu de vous remercier de l'éloquente lettre que vous m'avez écrite, -il faut que je m'en plaigne, et que je vous en fasse une correction. Ne -savez-vous pas qu'il en est des écrivains, et surtout des poëtes, de même -que des femmes? Si vous leur dites une fois qu'elles sont belles, le -diable le leur redit cent, et elles ajoutent plus de créance à ce père du -mensonge qu'à la glace la plus fidèle d'un miroir. L'esprit aime toutes -ses productions, parce qu'en l'état de péché où nous sommes l'amour -propre infecte toutes les puissances de notre âme, et surtout celle qui -est la plus divine; mais, comme il a plus de part dans les vers que dans -les autres ouvrages de prose, étant, s'il faut ainsi dire, comme créateur -de ceux-là , il en est aussi plus jaloux, pour ne pas me servir d'un terme -plus rude. Pourquoi donc prenez-vous tant de peine à me faire avaler un -poison dont je suis déjà tout plein? Si vous pensez que la civilité vous -y oblige, elle est bien cruelle. Si vous croyez ce que vous dites, il -faut que je vous détrompe, et que je vous dise que dans le livre dont -vous faites tant de cas, il n'y a rien de précieux que la matière[517]. -C'est sans doute ce qui vous a fait tomber en erreur, et vous avez fait -comme les amans qui trouvent que toutes les peintures de la personne -qu'ils aiment sont des chefs-d'Å“uvre, et ne distinguent pas celles de -l'ouvrier de celles de leur passion. Pour moi, je vous jure sincèrement -que, parmi tant de pièces, je vois peu de choses qui me satisfassent, et -beaucoup qui me déplaisent. Ma paresse naturelle m'a empêché de les -corriger, et j'ai cru que cela n'empêcheroit pas la fin que je me suis -proposée, qui est de rendre quelque service à Dieu, en détournant les -hommes des choses profanes, au moins pour quelque temps. Croyez-moi, il -n'y a point de gloire dans la terre dont on doive faire beaucoup de -compte; les panégyristes sont vains, les louanges vaines, et ce qui en -reste, fumée et vanité. Surtout je ne puis concevoir comment il est -possible que, considérant avec un peu d'attention la grandeur des -mystères de Dieu, on puisse s'imaginer que l'on en parle, je ne dirai pas -dignement, mais médiocrement. Je le prie qu'il me pardonne mes fautes en -cette occasion, et qu'il approuve, ou plutôt qu'il purifie mes intentions -pour l'avenir. Je vous conseille aussi de vous repentir de vos -cajoleries, elles ne m'ont que trop plû; mais ce qui m'oblige davantage -c'est l'assurance qu'il vous plaît de me donner que je suis dans vos -bonnes grâces. Croyez que je vous honore sincèrement et que je suis, - - Mademoiselle, votre, etc., etc. - - [517] Il parut en 1641 une 2e édition des _Å’uvres chrestiennes_ - de Godeau. - - -CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[518]. - - [518] Cabinet de M. Rathery. - - Paris, 12 avril 1645. - - Mademoiselle, - -Je suis encore plus coupable devant vous que devant monsieur votre frère, -du long temps que j'ai laissé passer sans répondre à l'excellente lettre -que vous me fîtes l'honneur de m'écrire quelques jours avant lui. Il est -vrai que je le serois bien davantage si vous m'aviez laissé moyen de -répondre, et si je n'avois à dire pour excuse qu'on ne peut que mal -écrire après une chose si bien écrite que celle-là . Tout de bon, il ne se -peut rien de mieux que cette lettre, et l'air dont elle est prise est si -galant et si délicat qu'elle a donné de l'ennui aux plumes qui volent le -plus haut parmi nous, et du plaisir à des oreilles qui sont blessées de -tout ce qui n'est que médiocrement admirable. Je n'ai point réparti à ces -merveilles de peur de me faire voir trop au-dessous, et que, par la -comparaison d'elles avec ce que je vous eusse écrit, vous ne parussiez -les avoir mal employées en me les écrivant. En récompense, Mademoiselle, -je leur ai donné le triomphe qu'elles méritoient. Je les ai fait voir -non seulement à Mlle Robineau qui y étoit si agréablement grondée et qui -ne pouvoit mais du sujet que vous avez pris de m'y quereller si -noblement, mais encore à tout l'hôtel de Clermont, à tout l'hôtel de -Rambouillet, à Mme de Sablé et à Mlle de Chalais, à M. Conrart, à Mlle de -Longueville et à Mme de Longueville même, qui tous leur ont fait justice -en leur donnant des éloges qu'on ne donne qu'aux pièces achevées, et les -ont ou lues plusieurs fois, ou retenues plusieurs jours, ou copiées avec -soin, afin d'en mieux considérer les beautés. - -Voilà , Mademoiselle, la seule réponse que je vous y ferai et qui vaudra -mieux que si je vous protestois sérieusement que Mlle Robineau n'a point -d'avantage sur vous dans mon esprit, et que je ne laisserois pas de vous -honorer extrêmement et de me souvenir de votre mérite, quand elle se -donneroit moins de soin qu'elle ne fait de m'exhorter à payer vos bontés -pour moi, du moins par de mauvaises lettres. J'ai quelquefois le bonheur -de la voir, mais ce n'est que quand elle est malheureuse, et que quelque -rhume ou quelque autre indisposition l'arrête chez elle. Autrement vous -savez que ses amies, ou les sermons, ou les pardons l'en tirent -d'ordinaire, et qu'il n'y a rien de si rare que de l'y trouver. Quand je -l'y rencontre, vous faites la meilleure partie de notre conversation, -mais de manière que la plus grande délicatesse de votre amitié n'en -pourroit être que satisfaite, si vous étiez aussi près de nos yeux, que -vous l'êtes de notre cÅ“ur. Je suis témoin de la continuation de sa -tendresse pour vous, et si elle daigne parler de moi dans ses lettres, -elle vous aura témoigné que je suis pour vous tout ce que vous sauriez -désirer, et qu'il n'y a point d'intérêts qui me soient plus chers que les -vôtres. J'ai vu dans celle de Mlle Paulet ce que vous dites de si -obligeant pour la rupture de mon voyage de Munster[519], et je l'ai plus -senti que je ne vous le saurois dire. Il est certain, et je ne vous -dissimulerai pas, que ce voyage choquoit entièrement mon inclination, -qu'il troubloit l'ordre de ma vie, qu'il renversoit tous mes desseins et -qu'il m'arrachoit à tous mes amis, si je n'eusse travaillé rigoureusement -et avec succès pour le rompre. Je l'ai rompu et l'une des principales -consolations qui m'en restent, c'est que par cet effort je me suis -conservé libre, et que je m'en pourrai bien plus véritablement dire, - - Mademoiselle, - Votre très-humble et très-obéissant serviteur, - CHAPELAIN. - - [519] Voy. ci-dessus, p. 195. - - -MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[520]. - - [520] Mss Conrart, in-4º, t. IX, p. 131. - - Des deux lettres ci-jointes, l'une est adressée à Mlle de Scudéry, - l'autre se rapporte à elle. M. Cousin, en les reproduisant dans la - _Société française au dix-septième siècle_, les a fait précéder - d'une note qui en explique le sens; la voici: - - «Il paraît qu'en 1647, Mlle de Scudéry se trouva si fort ennuyée - d'être sous la main tyrannique de son frère que, servitude pour - servitude, elle en souhaita une autre plus favorable au moins à - ses intérêts et à son avenir. Un de ses amis, M. de la Vergne, - sollicita pour elle la place de gouvernante ou de dame de - compagnie dans une très-grande maison. Mlle Paulet avait joint - ses instances à celles de M. de la Vergne. Cependant, d'autres - personnes avaient demandé la même place pour Mlle de Chalais, que - nous connaissons par Mme de Sablé et par la lettre affectueuse de - Mlle de Scudéry (Voy. plus haut, p. 166). Dès que Mlle de Chalais - apprit qu'on avait pensé à Mlle de Scudéry pour cet emploi, elle - fit cesser toutes démarches, et céda très-volontiers le pas à son - illustre amie. Celle-ci n'était pas femme à se laisser vaincre en - générosité, et à son tour elle déclara qu'elle n'entendait pas - continuer ses poursuites. Ni l'une ni l'autre n'eurent la place - en question; mais il nous a paru que ce petit combat d'honneur et - d'amitié valait la peine d'être tiré de l'oubli.» - - Sablé, 28 juin 1647. - - Mademoiselle, - -J'ai vu la lettre que vous avez écrite à notre chère et très-aimable Mlle -Paulet, sur le sujet qui me regarde. Il m'étoit si nouveau lorsque je -partis de Paris, que tout ce que j'eus le temps de faire fut de dire à -cette excellente amie ce qu'une personne de condition et de mérite avoit -eu la bonté de me proposer pour moi, de son propre mouvement. Je dis de -son propre mouvement, car encore qu'elle m'eût fait l'honneur de me -dire, il y avoit quelque temps, qu'elle en vouloit parler, je tenois la -chose si fort éloignée et de moi et de toute autre comme moi, que je -croyois qu'il étoit entièrement impossible d'y pouvoir parvenir. Je le -crois encore de la même sorte, et si bien, que quoique les personnes qui -me font l'honneur de me souhaiter ce bien-là m'aient voulu empêcher de -quitter Paris, je les ai très-humblement suppliées de me le permettre; et -enfin je suis venue en Anjou avec aussi peu de crainte que de désir de -l'événement de la chose. - -Il semble que tout ce que je viens de vous dire soit éloigné de notre -embarras et n'en soit pas la cause; vous saurez pourtant, s'il vous -plaît, qu'il en fait une partie. Car lorsque M. de la Vergne pria Mme la -marquise de Sablé de s'employer pour vous auprès de Mme d'Aiguillon, elle -comprit, et moi aussi, sans s'expliquer davantage, que c'étoit pour être -auprès de la nièce[521] qui, selon le bruit commun, devoit épouser le -neveu de Mme d'Aiguillon. Mme la marquise de Sablé ne comprit autre chose -ni moi non plus, en vérité, et j'en demeurai là fort facilement par -l'opinion où j'étois et où je suis encore que la conduite de ces trois -importantes personnes[522] est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans -doute le mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur, plus de -bonheur, et quelque nom de Madame qui sera plus propre à l'éclat qu'à -bien réussir dans l'éducation de ces personnes-là . Voilà donc ce qui -éloigna ma pensée de vous sur ce sujet, et ce qui me l'arrêta à celui que -je viens de vous dire. Joint, comme j'ai déjà dit, que M. de la Vergne ne -s'expliqua point. Il y a beaucoup de circonstances qui, vous étant -déduites, serviroient à me justifier auprès de vous; et je n'en oublierai -aucune, tant j'ai le désir de vous faire connoître la vérité de mes -intentions, si je n'étois assurée que la bonté et la générosité de Mlle -Paulet lui aura fait écrire tout ce qui aura servi à ma justification, -comme je l'en avois très-humblement suppliée, après lui avoir fait voir -le fond de mon cÅ“ur et la vérité toute pure. Votre lettre m'a fait -connoître qu'elle est aussi ponctuelle que parfaite amie, et que vous -êtes bonne et généreuse, par les sentiments et par la bonne opinion que -vous avez prise de mon procédé. Je vous en suis infiniment obligée. S'il -se pouvoit ajouter quelque chose à l'estime et à l'extrême affection que -j'ai pour vous, je vous puis assurer que cette dernière obligation le -feroit; mais je suis à vous, il y a si longtemps, que tout ce que je puis -faire est de vous confirmer les vÅ“ux de mes très-humbles services, et de -vous assurer que je ne perdrai jamais aucune occasion de vous en rendre. -Plût à Dieu que cet emploi dont il s'agit fût partagé, et que j'y pusse -servir avec vous! Je l'en aimerois infiniment davantage, et si je le -pouvois espérer de cette sorte, je commencerois à le désirer. Mais j'en -aurois trop de joie, c'est pourquoi je ne puis me le promettre. - - [521] C'est-à -dire de celle des nièces du cardinal Mazarin - (Olympe Mancini) que Mme d'Aiguillon destinait alors au fils du - maréchal de la Meilleraie, son neveu à la mode de Bretagne, - lequel devint plus tard duc de Mazarin par son mariage avec - Hortense. - - [522] Les trois aînées des nièces de Mazarin: Anne-Marie - Martinozzi, Laure et Olympe Mancini. - -J'avois supplié Mlle Paulet de ne laisser pas d'employer ses amis et les -vôtres pour le dessein qu'elle a eu et qu'elle doit avoir encore pour -vous. Il y a tant de raisons qui sont en votre personne, qui ne sont -point en la mienne, qu'il devroit être plus facile de réussir pour vous -que pour moi. J'y donnerais ma voix de tout mon cÅ“ur, si elle y pouvoit -servir, et je vous puis assurer que j'aurais beaucoup plus de joie que ce -bonheur-là vous arrivât qu'à moi-même, par quantité de raisons dont -l'estime et l'affection que j'ai pour vous sont les principales. Je vous -supplie de le croire, et que personne au monde ne saurait être, avec plus -de vérité que je suis, votre très-humble et très-affectueuse servante. - - -MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE PAULET. - - Sablé, 28 juin 1647. - - Mademoiselle, - -J'ai vu, par la réponse que vous a faite Mlle de Scudéry, la bonté avec -laquelle vous lui avez écrit pour moi. Cette obligation, avec tant -d'autres que je vous ai, touchent mon cÅ“ur si sensiblement que je n'ai -point de paroles pour vous le pouvoir exprimer, mais seulement pour vous -dire que je suis à vous absolument, que je vous estime et vous honore -plus que personne du monde ne sauroit faire, et qu'enfin, je m'estimerois -heureuse si je pouvois quelque jour vous témoigner, par mes très-humbles -services, le désir que j'ai de vous en rendre. En vérité, ce me seroit la -plus grande joie que je puisse recevoir. Au reste, Mademoiselle, j'écris -à Mlle de Scudéry; je vous supplie d'avoir encore la bonté de lui vouloir -confirmer tout ce que je lui dis. Je pense que vous me faites bien cette -grâce de me croire et de ne douter en aucune façon de la sincérité de mes -intentions. Je vous conjure encore de travailler et d'employer vos amis -pour le dessein que vous avez eu pour cette excellente personne, et de -croire que j'aurois une extrême joie si vous y pouviez réussir. En -vérité, je n'en aurois pas tant pour moi-même. Je lui souhaite ce -bonheur-là de toute la force de mon cÅ“ur, et je voudrois de la même -sorte que cette autre personne qui a tant de bonté pour moi[523] n'eût -jamais pensé à cela. J'y renonce très-volontiers, et je porte tous mes -désirs pour notre amie; et vous, Mademoiselle, je vous conjure encore une -fois d'y employer vos amis et vos soins. Pour moi, je suis dans une -solitude[524] où je goûte de telle sorte le repos, que si je n'avois pas -une extrême affection pour Mme la marquise de Sablé, et si je ne lui -étois pas aussi obligée que je suis, j'aurois grande peine à songer à mon -retour. Je m'y porte beaucoup mieux qu'à Paris; jugez quel charme, et -s'il y a quelque chose dans la fortune qui vaille le bien de la santé. Je -vous renvoie la lettre de Mlle de Scudéry, qui est admirable; je vous en -rends mille très-humbles grâces, et vous supplie de croire que personne -n'est avec plus de passion que moi, - - Mademoiselle, - Votre très-humble et très-obéissante servante. - - [523] Vraisemblablement Mme de Sablé. (V. C.) - - [524] A Sablé. (V. C.) - - -CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[525]. - - [525] Cabinet Monmerqué. - - Paris, 17 juillet 1647. - - Mademoiselle, - -Il ne falloit pas moins que d'aussi grands reproches que ceux que j'ai -lus dans la dernière de vos lettres à Mlle Paulet, pour m'obliger à -rendre grâces par les miennes du glorieux combat que vous avez fait pour -l'honneur de ma _Pucelle_[526]. A moins d'être provoqué avec des -injures, et accusé d'incivilité et d'ingratitude, je ne me fusse jamais -résolu à vous rien écrire sur votre courageux ouvrage, dans la crainte -qu'en vous remerciant du bien que vous dites d'elle ou plutôt de moi, il -ne semblât que j'en demeurasse d'accord et que je reçusse vos louanges -sous couleur de les refuser. Vous savez, mademoiselle, qu'il y a une -modestie ambitieuse, qui est pire que la vanité découverte, et vous ne -voudriez pas que je fisse jamais rien qui m'en pût faire soupçonner. -Cette considération est la vraie cause de mon silence, car, pour ma -gratitude, vous ne l'avez pu ignorer, si M. Conrart s'est acquitté de ce -qu'il m'avoit promis, ce que je ne puis croire qu'il ait oublié. Mais, -Mademoiselle, puisque vous en faites l'ignorante afin de me mortifier, je -vous dirai ici que la reconnoissance que j'ai de cette faveur ne sauroit -être plus grande ni pour l'intérêt de la Pucelle ni pour le mien, et que -j'estime à un point les belles et rares choses que vous avez voulu dire -sur notre sujet, que je ne suis plus en peine de sa réputation ni de la -mienne, et que quand ce que j'ai essayé de dire de sa vertu et de sa -valeur devroit périr devant moi-même, je ne laisserois pas d'espérer de -voir sa gloire conservée dans ce que vous avez écrit, et mon nom consacré -à l'immortalité, parce que vous l'y avez daigné enchasser. - - [526] Chapelain avait obtenu dès 1643 le privilége du Roi pour la - publication de la _Pucelle_, qui ne parut cependant qu'en 1656. - - Voy. la _Notice_, p. 45, et la lettre de Mlle de Scudéry à - Conrart, p. 207. Il est évident que l'annonce du poëme de - Chapelain avait fait naître une polémique sur celle qui en était - l'héroïne, et Mlle de Scudéry avait eu à la défendre contre les - attaques du ministre Rivet et de sa nièce, Mlle Dumoulin. - -Du reste, je ne réponds rien sur la passion à laquelle vous imputez si -galamment mon silence, et je laisse cela à faire à Mlle Robineau, à -laquelle je pourrois également déplaire, en l'avouant ou en la -désavouant. C'est une personne trop parfaite pour qu'on en doute qu'elle -ne pût faire une conquête beaucoup plus difficile encore, et, d'un autre -côté, elle est trop sévère pour ne trouver pas mauvais qu'on se confesse -son esclave. C'est à elle à se prononcer là -dessus et à vous apprendre ce -que vous en devez croire. De moi, j'avouerai tout ce qu'elle voudra, -pourvu que ce ne soit pas que la passion que son mérite me pourroit avoir -donnée ne pût compatir avec celle que je dois au vôtre et qui m'a rendu -pour la vie, Mademoiselle, votre très-humble et très-obéissant serviteur, - - CHAPELAIN. - -_P.S._--Ayez agréable, s'il vous plaît, que monsieur votre frère lise ici -mes très-humbles baise-mains et les grâces que je lui rends très-humbles -de son souvenir et du beau et généreux sonnet dont il m'a jugé digne, -dans le petit nombre de ceux qu'il en a voulu gratifier en cette cour. - - -SARASIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[527]. - - [527] Mss de Conrart, in-4º, t. XI. - - A la fin de 1650, date de cette lettre, Mme de Longueville était - sur le point d'être assiégée dans Stenay par une armée - victorieuse. «Elle était en proie à d'autres chagrins plus cruels - encore pour une âme telle que la sienne. Elle venait de perdre à - Stenay sa dernière fille âgée de quatre ans; et elle y reçut - l'affreuse nouvelle que sa mère, qu'elle aimait tant, était morte - à Chantilly le 4 décembre, succombant à l'excès de sa douleur et à - la ruine de sa maison.» (V. C.) - - Mlle de Scudéry, qui venait de publier le cinquième volume du - Cyrus, ne voulant pas l'envoyer directement à la princesse dans - des circonstances aussi malheureuses, l'adressa à Sarasin, qui, - étant attaché à la maison de Condé comme secrétaire des - commandements du prince de Conti, avait suivi la duchesse à - Stenay. Le volume était accompagné d'une lettre d'envoi; c'est à - cette lettre que Sarasin répond. - - Du 30 décembre 1650. - - -N'attendez pas que je vous rende une lettre bien écrite pour celle que -vous m'avez envoyée et qui ne le sauroit être mieux. Rien n'est si -contraire au bel esprit que la guerre civile, et je vous supplie de -croire que MM. Brook et Rukling, avec qui nous sommes tous les jours de -conférence, ne sont pas de gens de l'Académie. De plus, vous savez, -Mademoiselle, vous qui savez tout ce qui se peut sçavoir des Muses, que -ces honnêtes filles chantent bien les combats, mais qu'elles ne suivent -pas les armées; que lorsque les dieux et celui même qui leur préside -vinrent à la charge devant Troye, elles demeurèrent sur le Parnasse, et -qu'enfin elles n'ont eu guères de démêlés que celui des Piérides pour des -chansons, ni guères pris de parti qu'entre Apollon et Marsyas pour la -lyre contre la flûte. Une personne donc d'aussi peu d'école que je suis -ne doit pas, ce me semble, prétendre à rien dire de beau ni s'efforcer -inutilement à rendre les choses plus agréables. Ce sera assez qu'elles le -soient par elles-mêmes, et vous vous contenterez, s'il vous plaît, que -je vous envoye une bonne lettre au lieu d'une belle. De cette sorte, je -suis fort assuré que ma réponse vous plaira, et que, pourvu que je vous -mande que votre esprit et votre zèle ont touché son Altesse, et qu'elle -est infiniment satisfaite de votre passion et de votre respect, vous -n'irez pas vous plaindre que je vous l'ai dit grossièrement, et ne -souhaiterez pas d'ornement où la simple naïveté a si bonne grâce. Que si -le soin de votre héros vous touche autant que le vôtre propre, et que -vous vouliez savoir s'il est autant estimé en cette cour qu'il le fut -autrefois de toutes celles de l'Asie, j'ai bien encore de quoi vous -plaire, et vous devez être contente de ce que jamais aucun des héros de -sa sorte n'a mieux été reçu de la divine personne à qui monsieur votre -frère l'a dédié. Le peu de temps que l'accablement de ses affaires et la -nécessité de ses grandes occupations lui laissent est employé à sa -conversation; et depuis huit jours[528] qu'on a apporté ici la cinquième -partie de ses aventures, il ne s'en est point passé qu'on n'ait donné -audience à Phérénice, à Orsane, ou à l'historien de Belesis[529]. Ces -personnes ont toujours été du petit coucher, et tant qu'elles ont eu -quelque chose à y dire, on ne les a interrompues que par des acclamations -et des louanges. N'est-ce pas là vous dire tout ce que vous sauriez -désirer de moi? Car, pour la continuation de mon amitié, dont vous me -faites la grâce de témoigner trop de joie, j'espère que son Altesse aura -bien la bonté de vous informer un jour si vos intérêts me sont chers et -si je sais bien estimer votre mérite. Vous avez sans doute beaucoup de -raisons de souhaiter que ce jour arrive bientôt, et vous devez vous -intéresser plus que je ne saurois dire à voir cesser la persécution de -cette illustre affligée. Si le ciel est juste, il préviendra les souhaits -que nous en faisons; et, comme ce seroit impiété d'en douter, il faut -croire que ce bonheur est proche et l'attendre avec tranquillité. Car -enfin je ne saurois penser que ni cette excellente princesse, ni ce -héros, pour qui vous avez une si légitime passion, étant innocents, -soient persécutés davantage; en un mot, cela me semble autant impossible -qu'à moi de cesser de vous honorer. - - [528] Le 22 décembre, à peu près avec la nouvelle de la perte de - la bataille de Réthel, et de la marche de l'armée royale sur - Stenay. (V. C.) - - [529] Personnages du tome V du _Cyrus_. (V. C.) - -Je suis en vérité bien affligé de la mort de Mlle Paulet[530], et si je -juge de votre douleur par votre amitié, je suis assuré qu'elle est -extrême. Je vous demande de transmettre beaucoup de compliments et de -civilités de ma part à mesdames vos hôtesses[531], et si j'étois encore -assez bien parmi vos amis, je vous supplierois d'assurer Mme Aragonnais, -Mlle Robineau et Mlle Boquet de mes très-humbles services. - - SARASIN. - - [530] Amie intime de Mlle de Scudéry, une des personnes les plus - distinguées de l'hôtel de Rambouillet. (V. C.) - - [531] Dames que recevait chez elle Mlle de Scudéry. (V. C.) - - -_La duchesse de Longueville crut devoir ajouter les lignes suivantes à la -lettre de Sarasin_: - -C'est être bien hardie que d'écrire à une personne dont on a vu une -lettre comme celle que vous avez écrite depuis peu; et c'est l'être tout -autant que de placer son compliment dans une autre faite comme celle dans -laquelle je vous écris. Mais, comme je préfère la réputation d'être -reconnoissante à celle de bien écrire, j'abandonne de bon cÅ“ur la -première, pour n'être pas tout à fait indigne de l'autre, comme je le -serois sans doute si je pouvois savoir les constantes bontés de monsieur -votre frère et de vous, sans vous témoigner combien j'en suis touchée. Je -le suis encore si fort de vos ouvrages, et ils adoucissent si -agréablement l'ennui de ma vie présente, que je vous dois quasi d'aussi -grands remercîments là -dessus que sur la solide obligation que je vous ai -de n'avoir pas changé pour moi avec la fortune, et d'avoir bien voulu -soulager les maux qu'elle m'a faits par les biens que donne la -continuation d'une amitié comme la vôtre. Celle de vos hôtesses m'est si -considérable, que l'assurance que vous me donnez qu'elles en conservent -toujours un peu pour moi m'a causé une véritable satisfaction. Je vous -conjure de le leur dire de ma part, et qu'elles n'en peuvent avoir pour -personne qui les estime et qui les aime plus que je fais. - - -LA PRINCESSE SIBYLLE DE BRUNSWICK A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[532]. - - [532] Cabinet de M. Jules Boilly. - - Sibylle-Ursule, fille du duc de Brunswick-Wolffenbuttel, épousa le - 13 septembre 1663 le duc Christian de Holstein-Glucksbourg. Elle - mourut le 12 décembre 1671. C'était une femme distinguée sur - laquelle on peut consulter Vehse, _Les Cours d'Allemagne_, et - Havemann, _Histoire de Brunswick_. Elle était, ainsi que son - frère, Antoine-Ulric, en correspondance avec Mlle de Scudéry. M. - de Monmerqué a cité une autre lettre d'elle à la même, du 19 - décembre 1656, dans son article SCUDÉRY, de la _Biographie - universelle_. - - - Wolffenbuttel, 8 juillet 1654. - - Mademoiselle, - -Si je considère ce que je suis, je confesse franchement qu'il n'y a rien -en moi qui soit digne de mériter les louanges que vous m'attribuez. Je -sais trop mon imperfection, et connois bien que par l'excès de votre -courtoisie et bonté ensemble, vous me veuillez par là encourager à imiter -les vertus que vous possédez. Je m'efforcerai de suivre pour le moins -leurs traces, si je ne les peux acquérir du tout. Que si vous avez parlé -à mon avantage à ceux qui ont l'honneur de votre amitié, je vous en -serois bien obligée, si ce n'est que je suis honteuse de ce que, par ma -mauvaise lettre, j'ai publié mes défauts. Je me console pourtant qu'étant -choisis de vous d'être dignes de votre amitié, ils auront assez de -générosité pour les excuser. Si ce n'est une vanité de vous renouveler -les offres de mon affection, comme une chose inutile à votre service, je -vous dirois que je ne changerai jamais la résolution que j'ai prise de -vous continuer les devoirs de ma bonne volonté, jusques à ce que par -votre faveur je vous en puisse témoigner les effets, puisque je fais -gloire d'être plus que personne du monde, - - Mademoiselle, - Votre très-affectionnée, - SIBYLLE URSULE DE BRUNSWICK. - -_P. S._ Mes commandements ne s'étendent jusques à la Cour de France. Si -pourtant vous me permettez de vous prier de ne vouloir différer davantage -le contentement que tout le monde ici aura de voir la suite de votre -_Clélie_, je prends la liberté de vous en conjurer et pour le public et -pour votre propre gloire. - - - - -MÉNAGE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[533]. - - [533] En tête des _Å’uvres de Sarasin_. - - 1658. - - Mademoiselle, - -Il n'y a personne au monde qui ait pour vous des sentiments plus -avantageux que moi. Je n'estime pas seulement, j'admire encore la beauté -de votre génie, la vivacité de votre imagination, la solidité de votre -jugement, les charmes de votre entretien, et ce nombre infini de rares -connoissances que vous possédez si éminemment. Mais si j'ai de l'estime -et de l'admiration pour les qualités de votre esprit, j'ai du respect et -de la vénération pour celles de votre âme, pour votre bonté, pour votre -douceur, pour votre tendresse, pour votre générosité, pour votre candeur, -et surtout pour cette incomparable modestie, qui, au lieu de cacher votre -mérite, le fait éclater davantage. Depuis que je reconnus en vous toutes -ces excellentes qualités, et je les reconnus dès la première fois que -j'eus l'honneur de vous entretenir, je vous ai toujours considérée comme -un des principaux ornements de notre siècle, et comme la plus grande -gloire de votre sexe. - -Cependant, Mademoiselle, il est étrange que depuis ce temps-là je n'aie -point encore fait savoir au public l'estime particulière que je fais -d'une personne si extraordinaire, et qu'étant un des hommes du monde qui -vous honore le plus dans son cÅ“ur, je sois un des hommes du monde qui -vous ai le moins célébrée dans ses écrits. Quoique ma conscience ne me -reproche rien de ce côté-là , et que mon silence ne soit qu'un effet de -mon admiration, je ne laisse pas d'avoir quelque honte d'être si -longtemps à vous rendre l'hommage que vous doivent ceux qui font -profession d'honorer publiquement le mérite et la vertu. En attendant que -je puisse vous rendre cet hommage par quelques-uns de mes écrits, qui ne -soient pas tout à fait indignes de vous, l'amitié qui étoit entre feu M. -Sarasin et moi m'ayant obligé de prendre soin et du recueil et de -l'édition de ses ouvrages, je prends la liberté de vous en faire une -offrande. Je suis assuré que je ne fais rien en cela contre l'intention -de l'auteur, et que, comme vous étiez l'objet éternel de ses louanges et -de ses respects, s'il eût publié lui-même ses Å“uvres, et plût à Dieu que -sa mort précipitée n'eût pas privé le monde de cet avantage, il les eût -publiées sous cette même protection que je vous demande. Je veux croire -aussi, Mademoiselle, que je ne fais rien en cela qui vous soit -désagréable, et que vous ne rejetterez pas mon offrande, non-seulement à -cause de cette amitié tendre et officieuse que vous avez toujours eue -pour M. Sarasin, mais aussi à cause de l'estime extraordinaire que vous -avez toujours faite des productions de son esprit. J'ose bien vous dire -qu'elles sont en effet très-dignes de votre approbation. L'ordre y paroît -parmi l'abondance. Elles brillent de tous côtés d'esprit et d'invention. -On y voit une variété agréable. On y voit de la prose et des vers en tout -genre et en toutes langues. On y voit partout une facilité merveilleuse; -et si on y remarque en quelques endroits des négligences, ces négligences -ne sont pas même sans quelque agrément. Mais je dois me souvenir que -j'écris une lettre et non pas un panégyrique ou une apologie; et que de -louer ou de défendre davantage les Å“uvres de M. Sarasin, ce seroit -entreprendre sur M. Pellisson, qui les a si excellemment et louées et -défendues dans son admirable préface. Je n'ai donc plus qu'à vous -supplier de recevoir avec votre bonté ordinaire ces précieux restes de -notre cher et illustre ami, et de regarder le soin que j'ai pris de les -recueillir, non-seulement comme un effet du zèle que j'ai pour la gloire -d'un homme qui m'a donné tant de marques éclatantes de son affection, -mais aussi comme un témoignage de la passion ardente et respectueuse avec -laquelle je suis, - - Mademoiselle, - - Votre très-humble - et très-obéissant serviteur, - - MÉNAGE. - - -P. CORNEILLE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[534]. - - [534] Mss Conrart, in-fo, t. IX, p. 859. - - A Rouen, 16 décembre 1659. - -L'incomparable Sapho est suppliée de mander son avis à l'illustre -Aspasie, touchant deux épigrammes faits[535] pour une belle dame de sa -connoissance[536], qui, par un accès d'estime, avoit baisé la main -gauche de l'auteur. Il y a partage pour juger lequel est le plus galant: -l'un a plus d'essor de pensée, et l'autre a quelque chose de plus simple -et plus naturel. - - [535] Ce mot était encore quelquefois masculin. - - Voici les deux pièces dont il est ici question, publiées pour la - première fois en 1660, sous le nom de Corneille, dans la 5e partie - des _Poésies choisies_: - - I - - Mes deux mains a l'envi disputent de leur gloire, - Et dans leur sentiment jaloux - Je ne sais ce que j'en dois croire. - Philis, je m'en rapporte à vous: - Réglez mon avis par le vôtre. - Vous savez leurs honneurs divers: - La droite a mis au jour un million de vers, - Mais votre belle bouche a daigné baiser l'autre. - Adorable Philis, peut-on mieux décider - Que la droite lui doit céder. - - II - - Je ne veux plus devoir à des gens comme vous; - Je vous trouve, Philis, trop rude créancière. - Pour un baiser prêté, qui m'a fait cent jaloux, - Vous avez retenu mon âme prisonnière. - Il fait mauvais garder un si dangereux prêt; - J'aime mieux vous le rendre avec double intérêt, - Et m'acquitter ainsi mieux que je ne mérite; - Mais à de tels paiemens je n'ose me fier, - Vous accroîtrez la dette en vous laissant payer, - Et doublerez mes fers si par là je m'acquitte. - Le péril en est grand, courons-y toutefois, - Une prison si belle est bien digne d'envie; - Puissé-je vous devoir plus que je ne vous dois, - En peine d'y languir le reste de ma vie. - - [536] L'abbé Granet nomme Mlle Serment, née à Grenoble vers 1642, - morte à Paris vers 1692, comme celle à qui s'adressaient les deux - épigrammes, ou plutôt les deux madrigaux de Corneille. Elle était - liée avec Mlle de Scudéry, et aussi avec Quinault, Maucroix, - Pavillon, etc. - - -RÉPONSE DE L'INCOMPARABLE SAPHO. - - [1659.] - - Si vous parlez sincèrement - Lorsque vous préférez la main gauche à la droite, - De votre jugement je suis mal satisfaite: - Le baiser le plus doux ne dure qu'un moment; - Un million de vers dure éternellement, - Quand ils sont beaux comme les vôtres; - Mais vous parlez comme un amant, - Et peut-être comme un Normand: - Vendez vos coquilles à d'autres[537]. - - [537] Comme le fait remarquer M. Marty-Laveaux, cette expression - se retrouve dans une lettre de Mlle de Scudéry au Mage de Sidon, - du 21 octobre 1658. Nul doute d'ailleurs que ces vers ne soient - d'elle et que la lettre de Corneille ne lui soit adressée. - - -CHARPENTIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[538]. - - [538] Donné par M. de Monmerqué, d'après l'original faisant - partie de son cabinet, dans les éditions de 1835 et de 1854 des - _Historiettes de Tallemant des Réaux_. - - Mercredi, à onze heures du matin [1659]. - - Mademoiselle, - -Je reçus hier au soir fort tard le billet que vous m'avez fait l'honneur -de m'écrire.... Si le temps l'eût permis, je vous en aurois remerciée sur -l'heure même, car il est impossible de retenir un ressentiment si juste. -Vous avez trop payé l'ouvrage que j'ai pris la hardiesse de vous -offrir[539]; l'estime que vous en faites est assurément au-delà de son -mérite, et je ne puis attribuer les louanges que vous lui avez données, -qu'à la cause même que vous m'en découvrez en reconnoissant qu'il parle -d'un de vos plus anciens amis. Je le sais, Mademoiselle, que Cyrus est -un de vos amis, et que votre amitié est une de ses plus glorieuses -aventures; c'est en cette considération que son nom est dans les plus -belles bouches de France, et qu'il sert maintenant d'entretien au monde -poli, qui autrement ne le connoîtroit guère: - - Et moi qui le connois assez parfaitement, - Si vous en croyez mon serment, - J'aurois eu peu de soin de relever sa gloire, - Quoiqu'il ait autrefois mille peuples soumis, - Si je n'avois appris ailleurs que dans l'histoire, - Qu'il possède l'honneur d'être de vos amis. - - [539] La traduction de la _Cyropédie_ par Charpentier, qui est de - 1659, donne la date de cette lettre. - - -BRÉBEUF A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[540]. - - [540] Cette lettre a été imprimée sans date, dans les _Å’uvres de - Brébeuf_, 1664, t. I, p. 64, mais nous avons pu la collationner - et la compléter sur l'original qui fait partie du cabinet de M. - Boutron. - - Rouen, 24 août [1660]. - - Mademoiselle, - -Je meurs de honte d'avoir été malade lorsque je me sentois -indispensablement obligé à vous remercier de toutes les belles choses que -j'ai trouvées dans votre lettre, et j'ai une confusion si grande de -m'être laissé prévenir à vos civilités et d'avoir tant différé à vous les -rendre, que j'ai peine à me pardonner mon indisposition, et à ne faire -pas d'une fièvre de huit ou dix jours[541] une faute inexcusable. Mais, -à vous parler ingénûment, je vous avoue, Mademoiselle, que, dans ma -meilleure santé, il me seroit assez difficile de trouver des termes pour -vous expliquer tout le ressentiment que j'ai de l'honneur que vous me -faites. Vous me louez avec des paroles si riches et d'un air si -parfaitement obligeant qu'il m'est presque impossible d'y répondre comme -je dois et comme je le souhaite. Cependant, ce qui seroit pour d'autres -que vous le dernier effort de la générosité n'est que votre style -ordinaire. C'étoit assez du témoignage public que vous m'en aviez donné, -sans y ajouter encore cette preuve particulière. Je me souviens, -Mademoiselle, de l'obligation que vous a l'interprète de Lucain. Je sais -que c'est à votre recommandation seule que ce divin génie[542], qui -produit toujours et ne s'épuise jamais, a trouvé le secret de le faire -vivre près de trois mille ans avant sa naissance, et qu'un art si -ingénieux et si admirable peut encore le faire vivre plus de trois mille -ans après sa mort. Un esprit de cette force a pouvoir sur tous les temps -aussi bien que sur tous les pays; le passé et l'avenir en relèvent -également, et comme j'ai osé croire enfin, sur la foi de mes amis, qu'il -a pensé à moi quand il a parlé du traducteur de la Pharsale, je me -persuade aisément qu'avec trois paroles il a mis du moins trente siècles -entre moi et ce fâcheux genre de trépas qui tue encore après qu'on n'a -plus de vie. N'étoit-ce point assez, Mademoiselle, d'avoir ménagé pour -moi un privilége si peu commun et une faveur si extraordinaire, et en -falloit-il davantage pour obliger de la plus excellente manière un -malheureux inconnu qui ne vous peut être considérable que parce qu'il -vous doit beaucoup, et qui ne mérite les grâces que vous lui faites que -parce qu'il en a déjà reçu d'autres de vous? Sans doute il n'y en avoit -que trop pour occuper toute la reconnoissance dont un esprit est capable, -et je vois pourtant que ce qui étoit trop pour moi n'a pas encore été -assez pour vous. Lorsque je m'entretenois avec ressentiment et avec -respect de cette bonté excessive avec laquelle vous avez bien voulu -agréer les _Entretiens solitaires_[543], et que je croyois beaucoup -moins vous avoir fait un présent que l'avoir reçu, il se trouve que vous -me remerciez encore de l'honneur qu'il vous a plu me faire, et que vous -me récompensez avec soin de l'obligation que je vous ai: ce sont là , -Mademoiselle, de ces beaux excès qui ne sont guère connus dans le monde, -et qui ont besoin d'un exemple aussi puissant que le vôtre pour s'établir -parmi nous. - - [541] Les Bulletins de Clément à la Bibliothèque nationale - renferment ce passage sur Brébeuf: «Malgré une fièvre maligne et - opiniâtre de vingt années, il a fait des ouvrages qui ont paru le - fruit d'une santé parfaite.» - - [542] A travers l'obscurité prétentieuse des lignes qui suivent, - il y a deux points qui nous paraissent hors de doute. - - 1º Brébeuf avait à Mlle de Scudéry des obligations qu'il avoue ici - hautement. - - 2º La principale de ces obligations paraît être d'avoir été - recommandé par elle au grand Corneille, leur compatriote à tous - deux, qui aurait loué et encouragé sa _Traduction de la Pharsale_. - - Ajoutons que ces rapports entre les deux poëtes, dont on trouve la - trace dans les lettres de Brébeuf, p. 19, 103, 212 et 213 du - volume de ses _Å’uvres_, cité plus haut, reçoivent une - confirmation singulière de ce fait, non assez remarqué, - qu'indépendamment de leur prédilection commune pour Lucain, il - leur est arrivé plusieurs fois de se rencontrer sur le même - terrain, témoin les vers de l'un et de l'autre sur _l'art - ingénieux_ de l'écriture, et l'épitaphe qu'ils ont consacrée, - presque littéralement dans les mêmes termes, _A une dame - vertueuse_, Élisabeth Ranquet. Voy. _Poésies diverses de Brébeuf_, - 1662, p. 219, et _Å’uvres de Corneille_, édition Hachette, t. X, - p. 133. - - [543] Ils parurent dans le courant de l'année 1660, et Brébeuf - mourut l'année suivante. - -Mais, bien que je me laisse flatter au dernier point au jugement -avantageux que vous faites de moi et à une approbation qui ne me promet -pas moins que celle de tout Paris ou même de toute la France, je conserve -du moins encore assez de modération dans ma bonne fortune pour ne -consentir pas entièrement à toutes les louanges que vous me donnez. Je me -défends autant que possible d'une si pressante et si douce tentation de -vanité, et je me dis à toute heure que, pour laisser descendre votre -estime jusqu'à moi, il faut assurément que vous ayez pris plaisir à vous -cacher tout ce que vous êtes. Je ne suis pas si étranger en mon pays que -je ne sache un peu en quels termes les honnêtes et les habiles gens -parlent de vous; ce n'est pas, à leur gré, dire assez tout ce qu'ils en -pensent, que de publier en tous lieux qu'ils vous regardent comme le -miracle de notre siècle, et pour moi, qui prends quelquefois la liberté -de mêler ma voix à la leur et de parler le même langage, je puis dire -que j'avance cette vérité avec d'autant plus de plaisir que je n'ai -encore vu personne qui ait osé la contredire. Après cela, Mademoiselle, -il semble qu'il ne vous doit point être permis de rien estimer, et que -c'est usurper en quelque façon sur le droit des personnes qui sont -infiniment au-dessous de vous que de vous résoudre à parler si -avantageusement, - - Mademoiselle, - De votre très-humble, très-obéissant, - et très-obligé serviteur, - - BRÉBEUF. - - -LA CALPRENÈDE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[544]. - - [544] Cabinet de M. Boutron. - - A Vatimesnil, 12 septembre 1661. - -Comme je sais la part que vous avez prise au malheur de M. le -Surintendant, je veux bien, Mademoiselle, vous témoigner la douleur que -j'en ai, et à laquelle je suis trop obligé par le souvenir des -obligations que je lui ai, et à M. Pellisson aussi, qui, à ce que j'ai -appris, est enveloppé dans sa disgrâce. Je voudrois au prix de mon sang -être en état de leur témoigner ma reconnoissance, et parce qu'on m'a -mandé qu'on envoie Mme la Surintendante à Limoges, et que j'ai en ce -pays-là des parents et des amis assez considérables, je vous supplie de -me mander si vous croyez qu'il y ait lieu de les employer pour son -service, et qu'elle en puisse recevoir d'eux dans sa mauvaise fortune, -afin que je leur écrive pour les obliger à lui rendre toutes les -assistances qui leur seront possibles. Faites-moi, s'il vous plaît, la -grâce de m'en écrire un mot le plus tôt que vous le pourrez, et de -l'envoyer à la poste de Normandie avec l'adresse: Au Tillier; et croyez, -s'il vous plaît, que ni dans cette affaire, ni dans aucune autre, il ne -vous arrivera jamais rien où je ne m'intéresse, comme un homme qui vous -honore et vous honorera toute sa vie de tout son cÅ“ur. - - LA CALPRENÈDE. - - -CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[545]. - - [545] M. de Monmerqué nous a conservé cette lettre, dont il - possédait l'original. «Corbinelli, dit-il, ami de Mlle de - Montalais, avait été dépositaire des lettres du comte de Guiche à - Madame. Il eut la faiblesse de les remettre au marquis de Vardes - qui en abusa. Ce zèle exagéré pour un ami qui en était peu digne - lui fit partager sa disgrâce.» - - Jean Corbinelli, d'une famille originaire de Florence, établie en - France depuis deux générations, mourut à Paris, centenaire, - dit-on, le 19 juin 1716. Il était ami intime de Mlle de Scudéry et - de Mme de Sévigné. - - De ma prison (Montpellier), - - 7 septembre [1665]. - -Votre générosité ordinaire seroit bien bizarre d'oublier un ami qui, -pendant dix-huit mois d'une prison très-rigoureuse, a pensé à vous comme -les amants font à leurs maîtresses: j'ai tant de fois songé à tout ce que -nous avons fait, à tout ce que nous avons dit sur un certain sujet! J'ai -fait mon cours de beaux sentiments, de générosité, d'amitié parfaite, -pendant tout le temps de cette affaire, et il est vrai que j'ai appris -cette grande science, non-seulement à vous entendre, mais encore à vous -voir faire, et en faisant de petites choses sur le modèle des grandes, ou -que vous machiniez ou que vous exécutiez, ou du moins que vous méditiez. -Auriez-vous donc oublié un homme qui étudioit votre âme et votre esprit -avec tant d'application, d'admiration et de plaisir? Je ne le crois pas, -quoique les apparences soient fortes, car vous ne m'avez pas écrit sur la -liberté presque entière que le Roi m'a si bénignement accordée. Je ne -tiens plus qu'à un filet, et je ne suis en prison que parce que je ne -pourrois pas sortir d'un grand château si je le voulois; mais aussi je ne -le voudrais pas, tant que M. de Vardes sera dans le sien; si bien qu'au -vrai je ne suis prisonnier que vraisemblablement et par métaphore, -etc.... - - -LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[546]. - - [546] Pièce de l'_Isographie_. - - Dimanche 22 novembre 1665. - - Mademoiselle, - -J'ai bien du déplaisir, Mademoiselle, de ne pouvoir aller moi-même vous -faire mes compliments sur _la Tubéreuse_[547] que vous m'avez fait la -grâce de me donner. En vérité, elle a plus de grâce et de beauté dans vos -vers que dans son original de sa nature. Tout ce qui passe par vos mains -se perfectionne, et c'est un de vos admirables talents de donner de la -grâce à tout ce que vous touchez. Je ne puis m'empêcher de vous témoigner -ma joie des douceurs qui reviennent à votre ami M. de Pellisson, après -tout ce qu'il a souffert. Vous voulez bien demander à M. Mesnager qu'il -veuille me mener le voir, car j'en ai grande impatience. Je suis avec mes -respects ordinaires à vous, Mademoiselle, - - RAPIN, - de la Compagnie de Jésus. - - [547] _La Tubéreuse, à Célie le jour de sa fête_, pièce de vers - de Mlle de Scudéry. Voyez-la aux _Poésies_. - - -FRANÇOIS DE BEAUVILLIERS, DUC DE SAINT-AIGNAN, A MADEMOISELLE DE -SCUDÉRY[548]. - - [548] Provenant du Cabinet de M. de Monmerqué. D'après une note - de sa main, Beauvilliers répond à un billet par lequel Mlle de - Scudéry lui faisait part de la liberté que Pellisson (Acante) - venait d'obtenir par lettres du roi du 16 janvier 1666. - - 25 janvier [1666]. - -Revoir le généreux Acante en liberté, recevoir de l'illustre Sapho les -glorieuses marques d'un souvenir qui pourroit rendre heureux les plus -infortunés de la terre, et goûter ces plaisirs en un même jour, c'est -presque trop à la fois pour un cÅ“ur aussi tendre et aussi sensible que -le mien. Il devroit au moins avoir le temps de se reconnoître, avant que -d'en témoigner sa satisfaction, dans l'agréable désordre où le met cette -double surprise; mais auroit-il pu reconnoître dignement les biens dont -il est comblé, s'il avoit voulu attendre à vous rendre grâces qu'il se -fût reconnu? J'aime mieux exprimer ma joie avec moins d'éloquence, et -pendant que l'obligeant Acante est allé voir ce grand Roi duquel il a si -bien parlé, assurer l'incomparable Sapho de l'estime et du respect que -j'aurai toujours pour elle. Je pars demain à mon tour, jusques à mercredi -au soir, et j'espère vous aller assurer jeudi en famille du pouvoir -absolu que vous aurez toujours et sur ma famille et sur moi. En vérité -Artaban[549] trouve plus de gloire à se dire à vous, Mademoiselle, que -le fils de Pompée n'en acquit sous ce nom chez les Parthes et les Mèdes. - - [549] Artaban est le nom qui, parmi les beaux esprits et dans la - société précieuse, désignait le duc de Saint-Aignan, et qu'il - prenait lui-même quelquefois dans ses lettres. Artaban, fils de - Pompée, est un des personnages chevaleresques de la _Cléopâtre_ - de La Calprenède. - - -LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[550]. - - [550] Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle. - - Le 12 décembre [1666]. - -Un prêtre tel quel a voulu, Mademoiselle, que j'eusse l'honneur de vous -envoyer la Vie d'un saint prêtre qu'il a fait imprimer. Le prêtre tel -quel s'appelle M. de Saint-André, et le bon prêtre s'appeloit M. Le -Nobletz. Si vous m'en croyez, vous n'en apprendrez pas davantage et vous -laisserez la lecture de ce livre à d'autres moins curieux de belles -lectures que vous. - -Ne laissez pas, s'il vous plaît, Mademoiselle, de me savoir quelque gré -de ce que je suis exact à m'acquitter des plus petites commissions qu'on -me donne, jusqu'à vous envoyer un livre aussi mal écrit et aussi peu -considérable que l'est celui-ci[551]. Vous jugerez, s'il vous plaît, de -la joie que j'aurois d'obéir à une personne pour qui j'ai autant de -respect et d'admiration que j'en ai pour vous. - - VERJUS. - - [551] C'est probablement par pure modestie que le P. Verjus - parlait ainsi du livre qu'il adressait à Mlle de Scudéry, car - c'est lui-même qui publiait en 1666, sous le pseudonyme de l'abbé - de Saint-André, la _Vie de Michel Le Nobletz, prêtre et - missionnaire en Bretagne_. - - -L'ÉVÊQUE DE DIGNE (FORBIN-JANSON) A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[552]. - - [552] Cette lettre, ainsi que la suivante, nous a été communiquée - par M. le comte de Clapiers, à Marseille. - - Sur Mgr de Forbin-Janson et sur les longues relations qui - existèrent entre lui et Mlle de Scudéry, Voy. la _Notice_, p. 24. - Nous renouvelons ici l'expression du regret de n'avoir pu - retrouver aucune des nombreuses lettres qu'elle lui adressa - pendant une période de plus de cinquante années. - - - A Aix, le 4 février 1668. - -Le billet que vous m'avez envoyé a été suivi d'une lettre du P. Annat qui -m'écrit par ordre du Roi que Sa Majesté me nomme à l'évêché de Marseille. -Je ne vous désavoue pas que je n'aie une joie sensible de me voir honoré -de cette nouvelle marque de l'estime qu'un prince aussi éclairé que le -nôtre a témoignée pour ma personne en cette rencontre. Mais je vous prie -de croire que la part que vous prenez en ce qui me touche redouble mon -contentement par celui qui vous en demeure. Pensez-vous que je connoisse -si peu l'honneur qu'il y a d'être de vos amis, que je ne m'estime -infiniment heureux de passer pour tel, particulièrement dans l'esprit de -M. de Pellisson? Comme les lumières qu'il a le rendent plus capable de -pénétrer dans les vôtres que qui que ce soit, il ne sauroit douter que -les personnes que vous aimez n'aient du mérite, parce qu'il sait qu'il -n'y a que le mérite seul qui puisse attirer votre amitié. Cependant vous -me l'avez donnée par un pur effet de votre bonté, et je rougis de -confusion d'en être si peu digne. C'est ce qui m'oblige à vous en -demander la continuation avec plus d'ardeur, et vous assurer, -Mademoiselle, qu'il n'y a rien dans le monde que je souhaite davantage -que d'être un peu aimé de la merveille de notre siècle. - - L'ÉVÊQUE DE DIGNE. - - -LE MÊME A LA MÊME. - - Aix, 12 février 1668. - -Je voudrois bien, Mademoiselle, que la fortune me donnât lieu de vous -faire voir combien je suis sensible à la part que vous prenez en ce qui -me touche. En vérité, j'ai toute la confusion du monde d'avoir si peu -d'occasion de m'employer pour votre service. Une bonne et généreuse amie -comme vous doit avoir pitié de ma gratitude, et ne me laisser pas -toujours souhaiter inutilement de vous être utile. Le Roi ne pouvoit pas -me donner un établissement plus doux et plus considérable; vous le -connoissez, Mademoiselle, mieux que personne. Je l'estimerois infiniment -davantage si je pouvois être assez heureux de vous y voir quelque jour. -J'ai bien de la joie d'apprendre le rétablissement de la santé de notre -illustre amie: Dieu nous la conserve, et vous donne le moyen de vous -faire connoître combien je vous honore! - - L'ÉVÊQUE DE DIGNE. - - -DUC DE SAINT-AIGNAN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[553]. - - [553] Cette lettre et la suivante, qui avaient passé du cabinet - de M. de Monmerqué dans celui de M. Rathery, ont été communiquées - par ce dernier à l'éditeur des _Lettres de Mme de Sévigné_, - édition Hachette. - - - Du 6 [avril 1668]. - -Je ne sais, Mademoiselle, de quelle manière je dois répondre à votre -obligeante lettre, après avoir même demeuré assez longtemps sans y avoir -répondu. Sera-ce en vous rendant mille très-humbles grâces de l'utilité -de l'avis qu'il vous a plu de me donner? Sera-ce de votre admirable -quatrain dont toute la cour est charmée? En vérité je crois que je ne -dirai rien de tout cela, et que je ne vous parlerai que de la belle -Lionne, mais si peu apprivoisée, à qui l'on a dédié la fable du _Lion -Amoureux_[554]. Puisque quand on la voit on ne sauroit regarder autre -chose, croyez-vous que quand on s'en entretient on puisse aisément -changer de discours? A propos de cette belle Lionne, puisque lionne il y -a, je vous en veux faire une petite histoire. J'étois l'autre jour dans -votre cabinet, et, quoiqu'on ne puisse vous y voir trop tôt, ni vous y -attendre avec trop d'impatience, je faillis à vous vouloir mal, lorsque -vous me détournâtes de la contemplation du beau portrait que vous en -avez. Je sais bien que l'aventure du lion ne lui est point arrivée, -qu'elle a de belles et bonnes dents, et sais mieux encore que mon respect -me mettra toujours à couvert de ses ongles. Mais, Mademoiselle, à quoi -vous jouez-vous de me louer? Vous prenez quelque intérêt en ma gloire, et -vous m'allez rendre si vain que je ne serai plus digne de votre estime. -Connoissez un peu mieux, malgré votre modestie, ce que c'est d'être loué -par l'illustre Sapho, de qui l'approbation peut faire l'estime et la -félicité de tous ceux qu'il lui plaira; et croyez que personne n'y est -plus sensible ni ne la reçoit avec plus de respect et n'en est pourtant -moins digne qu'Artaban. - - [554] Mlle de Sévigné, à qui La Fontaine a dédié cette fable. - Elle fait partie du premier recueil des _Fables de La Fontaine_ - qui contient les six premiers livres; elle commence le quatrième. - Ce recueil ayant été achevé d'imprimer le 31 mars 1668, cette - date donne à peu près celle de la lettre. - - -LE MÊME A LA MÊME. - - Du 19 avril 1668. - -Ce n'est rien, Mademoiselle, d'être sorti de dessous ce monceau de -buffles, de pistolets, de bottes et de baudriers qui marquoient tant la -guerre à la veille de la trêve et peut-être de la paix; je suis retombé -de fièvre en chaud mal; de plus savants diroient de Scylle en Charibde; -enfin ce que je veux dire, et que je ne dis point trop bien, c'est -qu'après la troupe j'ai fait l'équipage de mon fils[555]; que la batterie -de cuisine est une autre chose que celle des canons; que l'amour a son -brandon, son bandeau, son arc, son carquois et ses flèches; que Mars a -son dard, son bouclier, son casque et son cimeterre; mais que Comus a ses -pots, ses plats et ses bouteilles. Il faut de tout à un guerrier, et -pendant qu'on songe à l'équiper, on peut oublier jusques à l'illustre -Sapho et jusques à la belle Lionne. Mais à propos de la belle Lionne, -celui qui vient d'imposer aux lions un joug qu'ils ont voulu éviter[556], -en parla, il n'y a que peu de jours, d'une manière fort agréable pour moi -et fort glorieuse pour elle. Cet éloge fut publié, et ni elles ni nous ne -le demandons pas particulier[557]. La seule vérité le tira de sa bouche -et la seule vérité le tire de ma plume. Pour vous, généreuse Sapho, vous -savez combien de pouvoir vous avez sur Artaban: il ne tiendra qu'à vous -que vous n'en ayez des marques dans toutes les occasions où il vous -plaira de l'employer. - - [555] Paul de Beauvilliers, comte de Saint-Aignan, depuis duc de - Beauvilliers. - - [556] Le Roi venait de faire en personne la conquête de la - Franche-Comté. Le comté de Bourgogne, ou Franche-Comté, portait - d'azur semé de billettes d'or au lion de même. - - [557] Le Roi, en parlant à Saint-Aignan de Mlle de Sévigné _d'une - manière fort glorieuse pour elle_, faisait allusion sans doute à - sa sagesse, à sa vertu, à son indifférence. Cette indifférence - était bien connue avant que La Fontaine n'en parlât dans le _Lion - amoureux_; Bensserade l'avait déjà célébrée dans le Ballet de la - _Naissance de Vénus_, dansé à la cour en 1665, et où Mlle de - Sévigné représentait _Omphale_. On adressait les vers suivants à - la reine de Lydie: - - Blondins accoutumés à faire des conquêtes, - Devant ce jeune objet si charmant et si doux, - Tout grands héros que vous êtes, - Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux. - L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue; - Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue: - Elle verroit mourir le plus fidèle amant, - Faute de l'assister d'un regard seulement. - Injuste procédé, sotte façon de faire, - Que la pucelle tient de madame sa mère, - Et que la bonne dame, au courage inhumain, - Se lassant aussi peu d'être belle que sage, - Encore tous les jours applique à son usage, - Au détriment du genre humain. - - C'était à la fois faire l'éloge de la fille et de la mère. Il - fallait au surplus que cette _indifférence_ naturelle ou affectée - fût bien vraie, puisque Mme de Sévigné dans une de ses lettres à - sa fille, du 22 septembre 1680, lui dit: «D'abord on vous craint, - vous avez un air assez dédaigneux.» - - -PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[558]. - - [558] Pellisson, _Å’uvres diverses_, Paris, 1735, t. II, p. 402. - _Lettres historiques_, 1729, 3 vol. in-12. - - Nous choisissons cette lettre et la suivante dans une longue série - de lettres à la même, s'étendant du 14 octobre 1668 au 1er mai - 1677. La plupart ne sont que des Gazettes de la guerre et ne - renferment presque rien de personnel à Mlle de Scudéry. - - - A Chambord, le 14 octobre 1668. - -Je suis persuadé, Mademoiselle, qu'on vous a écrit qu'il n'y a point de -maison royale qui soit d'un dessin plus noble et plus magnifique que -Chambord. Le parc et la forêt qui l'environnent sont remplis de vieux -chênes, droits et touffus, qui ont été consultés autrefois. Si les -anciens arbres n'avoient été condamnés par un jugement équitable à un -éternel silence, si l'obscurité de leurs oracles, et l'indiscrétion avec -laquelle ils trahissoient les secrets des amans n'avoient obligé les -dieux à les réduire à servir seulement pour l'ombrage et la fraîcheur, il -y a sans doute beaucoup d'apparence que ceux de Chambord parleroient plus -clairement que de coutume, et qu'ils décideroient en faveur de ce qu'ils -voyent aujourd'hui, quoiqu'ils ayent eu l'honneur d'aider aux plaisirs de -François Ier, dont la grandeur et la magnificence n'ont pu être -surpassées que depuis quelques années. Le temps a été admirable, contre -l'ordre des saisons, depuis que le Roi est parti de Saint-Germain.... - -Le Roi et la Reine sont allés assez souvent à la chasse. Rien n'est égal -à la magnificence de tous les équipages et au bonheur avec lequel on a -pris tout ce qu'on a attaqué. Les plus grands cerfs ont à peine duré une -demi-heure.......... - -Vous verrez des descriptions régulières, belles et exactes d'une fête -superbe et très-galante, que le Roi donna à la Reine et aux Dames, il y a -quatre jours, à Herbaud[559]. Les Dames se promenèrent à cheval dans le -parc; vous ne sauriez vous imaginer leur bonne grâce, leur air, leur -ajustement, ni la surprise avec laquelle je les aperçus dans un endroit -du bois.... - - Aussitôt que je les vis - Tous mes sens furent interdits: - Elles étoient aussi fières que belles. - Ce n'est pas sans raison; quelques-unes d'entr'elles - Ont fait des coups bien hardis; - J'admire leur audace extrême, - Mais je crains bien un jour pour elles même, - Et tels vainqueurs, après leurs grands exploits, - Peuvent être vaincus eux-mêmes quelquefois. - Plus la conquête est grande, et moins elle est parfaite, - Et leur victoire a bien de l'air d'une défaite[560]. - - [559] Ou plutôt Herbault, à 17 kilom. de Blois. Le château - actuel, qui appartient à M. le marquis de Rancongne, a été rebâti - sous Louis XV. M. d'Herbault, dont il est question dans la - lettre, devait être l'intendant de marine de ce nom. - - [560] Ces derniers vers, dit M. Saint-Marc Girardin, sont - évidemment une allusion aux nouvelles amours du roi et à - l'avénement prochain, sinon encore accompli, de Mme de Montespan. - _Journal des Savants_, 1870, p. 373. - -Le Roi, la Reine et les Dames descendirent de cheval. Ils entrèrent dans -une salle fort éclairée, où on dansa assez longtemps. Je ne puis me -résoudre à vous entretenir de la beauté des Dames, de la diversité, de la -commodité des appartemens. Je pourrois bien vous dire comme étoit -Herbaud, un moment avant que le Roi y fût arrivé; mais tout parut en un -moment changé par un enchantement admirable.... - -Je suis persuadé que M. d'Herbaud n'eut pas connu lui-même sa maison, et -que, pour peu qu'il eût eu de disposition à se flatter, il se fût imaginé -qu'il était devenu le maître du Louvre ou des Tuileries. Je vous assure -qu'il me semble tous les jours que Le Brun, Mansart et Le Nostre ont -employé tout leur talent et leur savoir dans les lieux où le Roi passe. - - S'il s'avisoit d'entrer jamais - Dans le médiocre palais - Où vous régnez dans les tournelles, - La maison aussitôt deviendroit des plus belles, - Le vilain vestibule en seroit honoré, - L'obscur degré seroit tout éclairé, - Le passage seroit paré. - Que de lustres dans les ruelles! - Le cabinet enfin nous paroîtroit doré. - -On passa, après que le bal fut fini, dans une orangerie qu'on avoit -préparée pour un souper magnifique. La disposition des ornemens, des -lumières, des buffets et des services, étoit admirable. M. le Maréchal de -Bellefonds, qui, comme vous savez, est propre à plus d'une chose, avoit -fait entremêler des festons de pampres chargés de muscats, avec des -orangers fleuris, et on avoit disposé au-dessus une confusion si -agréable, qu'il sembloit que le hasard y eût fait naître les plus beaux -fruits de la Touraine; on avoit eu même quelque égard aux nuances, et -ceux de la Cour, qui sont les plus savans et les plus profonds en ces -matières, n'y trouvèrent rien à reprendre...... - -Vous savez, Mademoiselle, que rien n'est si périlleux que les inventions. -Je ne voudrois pas m'attirer ceux qui les hasardent, car le nombre en est -infini; mais il est vrai qu'on ne peut s'imaginer le succès heureux de -celles dont je viens de vous parler, où l'on avoit pris un soin si exact -de contenter tous les sens, qu'on n'a jamais vu une fête préparée en si -peu de tems, avec tant de grandeur et de politesse. - -Le Roi en donna avant-hier une autre dans le château de Blois, dont vous -connoissez la réputation. Tout y étoit merveilleusement bien entendu. Je -pourrois faire une description très-pompeuse du lieu qu'on avoit choisi, -de l'abondance et de mille autres circonstances; elle n'avoit rien -d'humain et d'ordinaire. Je ne suis cependant tenté en aucune manière de -la comparer aux festins des Dieux. Il me semble qu'il n'est pas -impossible, sans en faire mention, de parler dignement de leurs Majestés. -Toutefois, sur un pareil sujet, - - Un silence prudent doit être mon partage. - Je crains de profaner ses exploits glorieux. - Quelques foibles auteurs sans doute feroient mieux - De prendre ce parti respectueux et sage. - Ils font bien moins connoître à la postérité - La grandeur du héros que leur témérité. - - -PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - A Landrecy, 6 mai 1670. - -Je viens de recevoir en cet instant, Mademoiselle, votre lettre du 3 de -ce mois. Elle a été ouverte, autant qu'on en peut juger par le cachet, -mais cela n'importe guères. J'ai déjà répondu à la première, qui étoit du -30 avril ou du 29. Je me suis aussi donné l'honneur de vous écrire -diverses fois, et en dernier lieu avant-hier, de Landrecy même. A peine -ma lettre étoit-elle à la poste, que la résolution changea pour le -voyage. On apprit qu'il y avoit à Ath deux maisons fermées pour la peste. -Ainsi on fit le soir même un autre projet, par lequel, sans passer à Ath -ni aux environs, le voyage étoit allongé de trois jours. Il fut résolu -aussi de séjourner encore tout hier, et hier sur le soir il y eut un -nouveau changement. Le Roi n'ira plus à Marienbourg ni à Philippeville, -et le voyage, au lieu d'être prolongé de trois jours, sera abrégé de -deux; de sorte qu'on espère d'être à Saint-Germain le 16 ou le 17 de -juin. Le projet nouveau est que le Roi est allé aujourd'hui à Avesnes; -demain il revient dîner ici et va coucher au Quesnoy. Je ne sais pas bien -si l'on y séjournera. Plusieurs personnes sont demeurées ici pour laisser -reposer les équipages; M. de Crussol entr'autres, avec M. de Montausier -et M. le Dauphin, ce qui m'a obligé à demeurer aussi. Demain nous -marcherons avec le Roi. - -Je ne vous ferai point pour cette fois une longue réponse, me trouvant -obligé à écrire plusieurs autres lettres. Je vous prie de bien remercier -pour moi vos voisines de la rue de Berry, mais surtout Mme de Malnoue, à -qui je prétends écrire un de ces jours. Nous parlons très-souvent de -vous, non-seulement avec M. de Morinant, que je rencontre presque tous -les jours, mais aussi avec M. de Montausier, qui vous aime toujours -tendrement, et me chargea encore hier au soir de vous en assurer. Son -petit Prince est plus joli qu'on ne vous le peut exprimer. Il profite à -vue d'Å“il, pour ainsi dire, et en toutes choses; il est gai, enjoué, -doux, civil, souple, nullement opiniâtre, témoignant de l'amitié à tout -le monde; fort aise quand on le loue ou quand on témoigne de l'aimer. Il -a eu ce plaisir jusques ici partout où nous avons passé. M. de Montausier -humainement le fait voir au peuple autant qu'il peut, et l'oblige à -caresser tout le monde. A Saint-Quentin, il combla tous ces pauvres gens -de joie, parce qu'il le fit aller une fois à pied du logis du Roi -jusqu'au sien, qui étoit assez loin, et une autre fois à cheval par toute -la ville, afin qu'on le puisse mieux voir. Je ne manquerai pas de me -souvenir de vous à Tournay avec M. l'Évêque, et partout ailleurs, quand -ce ne seroit qu'avec moi-même. Je suis très-fâché que votre santé ne soit -pas meilleure. Je vous conjure de m'en donner des nouvelles le plus -souvent que vous pourrez. Il ne manque rien à la mienne que l'honneur de -vous voir, qui l'augmenteroit sans doute par la joie que j'en aurois. - - -CORBINELLI[561] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - [561] On voit dans une lettre de Corbinelli à Bussy-Rabutin, du - 17 mai 1670, qu'il se préparait alors à rejoindre le marquis de - Vardes, exilé dans son gouvernement d'Aigues-Mortes. - - [Vers 1670.] - -J'en use pour vous comme pour les trois meilleures amies que j'aie. Je -pars sans dire adieu ni à vous ni à elles; j'appelle des adieux en forme, -où l'on prie de commander quelque chose, où l'on s'embrasse -cérémonieusement, où l'on se dit mille riens fort tendres, ou mille mots -tendres qui ne signifient rien d'effectif. Ceci est un pur effet de la -cordialité, c'est un billet où j'atteste l'amitié même, si elle a une -divinité à part, que je vous honore parfaitement et que je brûlerai de -l'encens à ses autels en votre commémoration tous les trois mois dans un -bois auprès d'Aigues-Mortes. Là , je songerai profondément à vous et à -votre amie l'aimable Sombreil, et je vous regretterai du meilleur de mon -pauvre cÅ“ur. Je vous prie de l'aimer toujours, je la prie de vous chérir -et d'admirer sans cesse votre vertu et votre mérite et de tâcher de -l'imiter, et je vous conjure toutes deux d'être persuadées que vous êtes -gravées dans mon cÅ“ur, chacune d'un caractère particulier, mais qui sont -l'un et l'autre ineffaçables. - - CORBINELLI. - - -LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[562]. - - [562] Cabinet de M. Dubrunfaut. - - - De Basville, 21 septembre [1671]. - -Je viens de recevoir votre paquet, Mademoiselle; j'ai présenté de votre -part à M. le P. Président celui de vos discours[563] qui est relié en -veau: il l'avoit reçu dès hier au soir, et il nous l'avoit lu lui-même -d'un bout à l'autre avec bien du plaisir; en effet, il loua fort le -discours et nous le secondâmes fort. J'ai présenté les deux autres à MM. -de Lamoignon; ils m'ont tous chargé de vous en faire leurs remercîments -et de vous assurer de leur estime. Ils m'ordonnent de vous prier -d'avertir M. de Pellisson de ne pas manquer à sa bonne coutume de venir à -Basville; c'est une des personnes qu'on y voit le plus volontiers; Je ne -sais si l'on a fait quelque chose pour l'affaire de votre neveu[564]; -j'ai fort prié qu'on ne souffre pas qu'il sorte de chez nous, on m'a fait -espérer quelque chose. - - Je suis de tout mon respect à vous, - RAPIN, de la Cie de Jésus. - -_P. S._ J'ai trouvé l'endroit où vous parlez du Roi très-beau, et la -prière à Notre-Seigneur très-dévote; enfin, ce discours est digne de vous -comme tout ce que vous avez fait. Personne ne prend plus de part à votre -gloire que moi. - - [563] Le _Discours sur la gloire_ qui venait de remporter le prix - proposé par l'Académie française. - - [564] Le fils de Georges, connu plus tard sous le nom de l'abbé - de Scudéry. «Ce garçon étoit fort joli,» dit Tallemant, et il - paraît qu'il donna plus d'un chagrin à sa mère. A la date de - cette lettre, il n'avait guères qu'une douzaine d'années, et - était probablement élevé chez les jésuites. - - -CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[565]. - - [565] Tiré de l'_Album des Lettres de Mme de Sévigné_, édition - Hachette. - - [1671.] - -Moi qui ne lis non plus de gazettes que l'Alcoran, je ne pouvois pas -deviner, Mademoiselle, que vous eussiez remporté le prix de l'éloquence, -et en mille ans ne me serois pas avisé de vous en faire un compliment, -parce que je n'eusse jamais pu croire que notre siècle s'avisât de mettre -un prix pour cela. Je savois seulement en gros et en détail que vous en -méritiez un sur tous les éloquens du monde, et que quand la fortune ne -seroit plus brouillée avec le mérite, vous remporteriez le prix de toutes -les belles qualités de l'esprit et du cÅ“ur. Je ne savois que cela, et ne -devinois rien; c'est de là que procède mon silence sur votre victoire, -mais c'est une belle victoire que celle là aussi, d'être l'admiration de -toutes les nations qui savent notre langue, sur quoi elles ne vous ont -rien donné. Oh! siècle, oh! mÅ“urs, oh! honte de tout ce qu'il y a d'âmes -sensibles! Ma cousine vient de me faire un compliment sur votre prix, et -me chante pouilles de ne l'avoir pas deviné; elle vous aime trop; j'en -suis jaloux. - - CORBINELLI. - - -MASCARON, ÉVÊQUE DE TULLE, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[566]. - - [566] Cabinet de M. Chambry. - - Sur la longue amitié et la correspondance qui exista entre - Mascaron et Mlle de Scudéry, Voy. la _Notice_, p. 117 et 127. Nous - avons évité de reproduire ici les lettres dont nous avons cité - alors des fragments assez étendus. - - - Tulle, le 5 janvier 1673. - -Je vous souhaite, Mademoiselle, la plus glorieuse et la plus fortunée -année que vous ayiez passée de votre vie. Ce n'est pas faire un petit -souhait pour une personne dont toute la vie n'a été qu'une suite de -gloire. Aussi n'en puis-je point faire d'autres, ayant pour vous tout le -respect et l'attachement dont je suis capable. Je me pare de cela comme -de mon plus bel ornement, et je m'en pare encore avec plus d'amour propre -dans mon cÅ“ur qu'à la vue de tout le monde. - -Plût à Dieu, Mademoiselle, avoir des occasions de vous en donner des -marques qui ne vous laissassent aucun lieu de douter d'une vérité qui me -tient si fort à cÅ“ur! Je partirai dans quinze jours pour Bordeaux; je -serai étrangement mortifié si je n'y trouve point M. le premier -Président[567], comme on m'en menace. Je me propose de cultiver avec tant -de soin l'honneur de son amitié, si je l'y trouve, que vous aurez le -plaisir de voir l'accroissement d'une liaison dont vous avez formé les -premiers nÅ“uds. - - [567] Nous avons mal indiqué le nom de ce magistrat à la page - 315. Il s'appelait d'Aulède de Lestonac. - - -Je suis de tout mon cÅ“ur et avec tout le respect possible, Mademoiselle, -votre très-humble et très-obéissant serviteur, - - JULES EV. DE TULLE. - - -MADAME DESHOULIÈRES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[568]. - - - [568] Cabinet de M. Chambry. - - Ce 1er décembre [1676]. - -Voici le petit médaillon et le manuscrit qu'on a trouvé charmant. Je -renvoie le tout à ma belle et chère héroïne; toutefois j'aurois bien -désiré garder encore quelques jours le petit manuscrit pour le montrer à -deux ou trois de nos amis, mais ç'auroit été, ce semble, abuser de la -permission, et véritablement je suis un peu honteuse, et n'aurois pu vous -l'envoyer avant ce jour. - -N'êtes-vous pas une bonne mie? Que de chagrin j'aurois si ce retard -devoit vous en causer! Mais je me flatte que non, et que les -Argonautes[569] pourront l'entendre avant leur départ, qui je crois n'est -pas si près que vous pensez. Nous aurons samedi une lecture nouvelle d'un -acte tout entier[570]; l'auteur, M. le duc de Nevers, et moi nous -comptons sur vous. La compagnie ne sera pas nombreuse, mais elle vous -plaira. Ainsi, ma belle et chère héroïne, ne nous manquez pas, et me -croyez - - Votre bonne amie, - - DESHOULIÈRES. - - [569] Nous supposons qu'il s'agit des officiers qui devaient - prendre part aux opérations maritimes en Sicile, sous les ordres - du maréchal de Vivonne. - - [570] La pièce qu'on devait lire devant le duc de Nevers et Mme - Deshoulières, paraît être _Phèdre et Hippolyte_, de Pradon, pour - laquelle on sait que l'un et l'autre prirent vivement parti. Or - cette pièce fut représentée au commencement de 1677. La lecture a - donc pu en être faite à la fin de l'année précédente. C'est ce - qui nous a conduits à dater cette lettre comme nous l'avons fait. - - -BONNECORSE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[571]. - - [571] Cabinet de M. Boutron.--Voy. la _Notice_, p. 41. - - - De Marseille, ce 20 mars 1681. - -Je vous suis infiniment obligé, Mademoiselle, de l'honneur que vous -m'avez fait de m'envoyer les deux derniers volumes des _Conversations -morales_. J'aurai bientôt le plaisir de les lire plus d'une fois et de -profiter de mille beaux sentiments que j'y trouverai et qui sont, sans -doute, dignes de l'illustre et vertueuse Sapho. Je n'ai reçu ces livres -que depuis hier, Valentin ayant demeuré quelques jours à Lion et à Aix. -Je ne manquai pas, d'abord que j'eus reçu le paquet, d'envoyer à M. le -marquis de Peruis[572] le sien, comme vous le savez par sa lettre. Au -reste, Mademoiselle, je vous rends encore des très-humbles grâces des -remarques de la petite, mais illustre société; M. Duperret m'a envoyé ses -sentiments sur le petit ouvrage, et je ferai exactement tout ce qu'il me -dit. Je n'ai pas l'honneur de connoître ces deux illustres personnes ni -de savoir leur nom; je leur suis pourtant infiniment obligé, et je -voudrois pouvoir reconnoître leurs bons offices par des services -très-humbles. Faites-moi s'il vous plaît la grâce, Mademoiselle, d'être -persuadée de mon zèle pour tout ce qui vous regarde, car je suis toujours -votre très-humble et très-obéissant serviteur, - - BONNECORSE. - - [572] Voy. la _Notice_, p. 24. - - -CHARLEVAL[573] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - [573] Charleval (Charles Faucon de Ris, seigneur de) était un - aimable épicurien, issu d'une famille de Normandie, qui a donné - quatre premiers présidents au parlement de cette province. Il a - composé beaucoup de petits vers que Lefèvre de Saint-Marc a - réunis à ceux de Saint-Pavin, en un volume in-18, Paris, 1759. - - - Verneuil, vendredi matin 1683. - -J'ai peur, Mademoiselle, que vous ne vous rebutiez à la fin du commerce -d'un gentilhomme de campagne, à qui vos lettres pourtant donnent de la -matière pour entretenir les charmantes hôtesses qui sont venues adoucir -l'ennui de sa solitude. Ainsi, Mademoiselle, les nouvelles que vous me -faites la grâce de m'écrire me servent à faire l'honneur de ma maison. - -La levée du siége de Vienne est si importante pour l'Allemagne qu'elle -n'avoit jamais été plus en danger d'être frontière d'un terrible voisin. -Il me semble qu'il n'y a quasi que les moines qui montrent ici leur joie -de cette grande expédition, et que nos politiques ont reçu cette -nouvelle en philosophes qui sont modérés dans la prospérité. - -L'on me mande que M. Pelletier refuse de qui que ce soit le titre de -Monseigneur en parlant de lui. - -Le soleil d'automne nous donne encore de si beaux jours que j'en ménage -les heures dans un lieu sain et riant. C'est là qu'avec des voix -charmantes et des figures qui plaisent aux cieux, je mène une vie -innocente et affranchie des passions, avec des personnes capables d'en -causer de grandes[574]. Mais les femmes et les sarabandes récréent les -sens des gens de ménage, sans émouvoir l'âme en aucune façon. Cependant -un homme seroit bien heureux qui pourroit, avec des voix charmantes et -des figures agréables aux yeux, aller au ciel par le paradis terrestre. -Mais nos docteurs nous enseignent des voies plus sûres qu'il faut suivre. -Sans faire le dévot, voici quatre vers que j'ai donné ordre que l'on mît -sur la porte de ma chapelle: - - Passant, n'entre point en ce lieu - Si ton cÅ“ur n'est soumis et purgé de tous crimes; - Et si tu veux être agréable à Dieu, - N'y fais que des vÅ“ux légitimes! - - [574] Au nombre des amies de Charleval figuraient Ninon de - Lenclos, Mme Du Plessis-Bellière, la comtesse de la Suze, etc. - -Mes hôtesses, après divers voyages, sont revenues et m'ont chargé de vous -assurer de leurs respects et de leurs services très-humbles. Elles se -sentent fort obligées de l'honneur de votre souvenir. - - CHARLEVAL. - - -MADAME DE MAINTENON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[575]. - - [575] _Correspondance générale de Mme de Maintenon_, publiée par - Th. Lavallée, t. II, p. 384. - - - Versailles, 19 août 1684. - -Quoique je ne vous remercie point des lettres que je reçois de vous, et -de ce que vous y joignez quelquefois, croyez, Mademoiselle, que j'en fais -tout le cas que je dois, que j'en fais l'usage que vous désirez, qu'elles -font l'effet que vous en devez attendre, et que vous êtes fort estimée de -celui dont vous faites le panégyrique[576]. Il a entendu lire de tous les -côtés vos dernières _Conversations_[577], qu'il trouve aussi utiles -qu'agréables. Je n'ose après cela rien dire de moi, si ce n'est que je -suis absolument à vous. - - [576] Il s'agit évidemment du Roi. - - [577] Sur le parti que Mme de Maintenon tira des _Conversations_ - de Mlle de Scudéry, pour l'éducation des filles de Saint-Cyr, - Voy. la _Notice_, p. 120. - - -MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[578]. - - [578] _Lettres de Mme de Sévigné_, édit. Hachette, t. VII, p. - 274. - - - Lundi, 11 septembre 1684. - -En cent mille paroles je ne pourrois vous dire qu'une vérité, qui se -réduit à vous assurer, Mademoiselle, que je vous aimerai et vous -adorerai toute ma vie; il n'y a que ce mot qui puisse remplir l'idée que -j'ai de votre extraordinaire mérite. J'en fais souvent le sujet de mes -admirations et du bonheur que j'ai d'avoir quelque part à l'amitié et à -l'estime d'une telle personne. Comme la constance est une perfection, je -me réponds à moi-même que vous ne changerez point pour moi; et j'ose me -vanter que je ne serai jamais assez abandonnée de Dieu, pour n'être pas -toujours toute à vous. Dans cette confiance, je pars pour Bretagne où -j'ai mille affaires; je vous dis adieu, et vous embrasse de tout mon -cÅ“ur; je vous demande une amitié toute des meilleures pour M. de -Pellisson; vous me répondrez de ses sentiments. Je porte à mon fils vos -_Conversations_[579]; je veux qu'il en soit charmé, après en avoir été -charmée. - - [579] Mlle de Scudéry avait publié en 1680 les deux premiers - volumes de ses _Conversations_; elle en publia deux autres en - 1684, auxquels elle donna le titre de _Conversations nouvelles_. - Ce sont celles-là que Mme de Sévigné portait à son fils qui était - alors en Bretagne. - - Elle disait des premières, dans une lettre à sa fille du 25 - septembre 1680: «Il est impossible que cela ne soit bon, quand - cela n'est point noyé dans son grand roman.» - - Au surplus, pour être fixé sur la date et le titre des diverses - _Conversations_ dont il est question dans ces lettres, il faut se - reporter à la p. 116, note 2. - - -MADAME DACIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[580]. - - [580] Cabinet de M. de Monmerqué.--_Isographie des hommes - célèbres._ - - Castres, 17 juillet 1685. - -C'est avoir bien de la bonté, Mademoiselle, de se souvenir de gens qui le -méritent si peu, et qui font si mal leur devoir; il est pourtant vrai que -s'il ne falloit, pour mériter l'honneur que vous venez de me faire, que -vous estimer parfaitement et connoître le prix de cette grâce, personne -n'en seroit plus digne que nous. Il y a longtemps que vous avez toute -notre estime, et le beau présent que vous nous avez fait n'a pu -qu'augmenter notre admiration. En vérité, Mademoiselle, quoique l'on -doive tout attendre de vous, je n'ai pas laissé d'être éblouie de toutes -les beautés qui éclatent en foule dans vos _Conversations_. On peut dire -que tout en est bon, mais j'y ai trouvé surtout de certains endroits qui -m'ont enchantée et qui m'ont retenue plus que les autres par le plaisir -extraordinaire qu'ils m'ont donné. Mon exemplaire est plein des marques -que j'ai faites sur tous ces endroits..... - -Votre très-humble et très-obéissante servante, - - ANNE LEFÈVRE DACIER. - - -FLÉCHIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[581]. - - [581] Citée par M. de Monmerqué qui possédait l'original. - - - 26 décembre 1685. - - Mademoiselle, - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - -Il me falloit une lecture aussi délicieuse que celle-là , pour me délasser -des fatigues d'un voyage, pour me guérir de l'ennui des mauvaises -compagnies de ces pays-ci, et pour me faire goûter le repos, où la -rigueur de la saison et la docilité de mes nouveaux convertis me -retiennent en ma ville épiscopale[582]. En vérité, Mademoiselle, il me -semble que vous croissez toujours en esprit; tout est si raisonnable, si -poli, si moral et si instructif dans ces deux volumes que vous m'avez -fait la grâce de m'envoyer[583], qu'il me prend quelquefois envie d'en -distribuer dans mon diocèse pour édifier les gens de bien et pour donner -un bon modèle de morale à ceux qui la prêchent. Les louanges du Roi sont -si finement insérées, qu'il s'en feroit, en les recueillant, un excellent -panégyrique. Recevez donc, Mademoiselle, avec mon remercîment, les -louanges que vous donne un homme relégué dans une province, qui n'a pas -encore perdu le goût de Paris, et qui vous conserve toujours la même -estime qu'il a eue toute sa vie pour vous. - - [582] Fléchier avait été nommé évêque de Lavaur en 1685. En lui - annonçant sa nomination, le Roi lui avait dit: _Ne soyez pas - surpris si j'ai récompensé si tard votre mérite, j'appréhendois - d'être privé du plaisir de vous entendre._ - - [583] Mlle de Scudéry avait envoyé à Fléchier ses _Conversations - nouvelles sur divers sujets_. Paris, 1684. 2 vol. in-12. - - -LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[584]. - - [584] Cabinet de M. Boutron. - - A Versailles, le 25 novembre [1686]. - -Le billet, Mademoiselle, que vous me fîtes l'honneur de m'écrire il y a -trois jours, a eu une trop bonne fortune pour me permettre de vous la -laisser ignorer. Comme tout le monde n'a pas le même don que moi de -déchiffrer ce que vous écrivez, j'en fis un extrait de ma main de tout ce -qui regarde la maladie du Roi[585] sur le dos même du billet, afin que le -R. P. de la Chaise en pût faire plus aisément la lecture à Sa Majesté, ce -qu'il a fait il n'y a que deux heures, en présence de Mme de Maintenon -qui dit d'abord que, connoissant votre zèle comme elle le connoissoit, -elle s'étonnoit qu'on n'eût encore rien vu de vous sur ce sujet; et cet -extrait ayant été lu ensuite, fut estimé et applaudi autant que je le -désirois, et sans doute beaucoup [plus] que vous ne l'espériez. Je n'ai -pas cru devoir différer de vous en rendre compte par le plaisir extrême -que j'ai de pouvoir vous donner dans les occasions les petites marques -dont je suis capable de mon respect infini pour votre mérite et de mon -zèle extrême pour votre très-humble service, - - VERJUS. - - [585] L'opération de la fistule fut faite au Roi le 18 novembre - 1686. - - -LA REINE CHRISTINE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[586]. - - [586] Il a certainement existé entre la reine Christine et Mlle - de Scudéry un commerce de lettres assez étendu. Outre celle-ci - que nous empruntons à l'ouvrage d'Arckenholtz: _Mémoires - concernant Christine_, t. I, p. 272, et celle que nous avons - tirée du Cabinet de M. Cousin, voici l'analyse d'une autre lettre - sans date que Mlle de Scudéry adressait à la reine de Suède: - - «Les louanges que Sa Majesté lui donne sont plutôt l'offre de sa - bonté que de sa justice. Elle a fait l'usage qu'elle devait des - choses nobles et délicates que la Reine a bien voulu lui marquer - sur le grand établissement de Saint-Cyr. Sa Majesté serait - contente si elle savait le plaisir qu'elle a donné à Mme de - Maintenon sans en avoir le dessein. «Au reste, Madame, j'avance - hardiment, pour répondre à la fin de la lettre de Votre Majesté, - qu'il n'y aura jamais d'oubli pour Elle, et que sa gloire durera - autant que l'univers.» - - (_Catalogue Succi_, 7 avril 1863, no 993). - - - Rome, 30 septembre 1687. - -Je ne comprends pas, Mademoiselle de Scudéry, comment une personne qui a -écrit comme vous sur _la Tyrannie de l'usage_, ignore celui qu'on a -établi à Rome. Vous avez mal adressé votre ami. Ne savez-vous pas qu'il -seroit plus facile à vos François de voir la grande Sultane que moi, -quoique personne ne soit ni amoureux ni jaloux de moi, et que je sois, -Dieu merci, en mon entière liberté? Il y a ici une espèce de passion qui -n'a pas de nom, qu'on substitue à l'amour et à la jalousie qui règnent à -Constantinople, et l'on s'y venge sur votre nation des chagrins bien ou -mal fondés qu'on prétend avoir reçus de moi. Je suppose toutefois que cet -usage finira, et si jamais cela arrive, je ferai voir à votre ami que -tous les honnêtes gens sont bien reçus chez moi, mais surtout ceux qui -sont de votre connoissance. - -Je suis toutefois très-résolue de ne rien contribuer à ce changement, et -la conduite de ma vie passée doit persuader aux gens que je me passe sans -peine de tout. Cela n'empêche pas que vos reproches sur mon portrait ne -me soient agréables. Vous avez raison, et je vous promets de réparer ma -faute d'une manière qui ne vous déplaira pas. En attendant, en voici un -qui ne vous coûtera rien. Sachez donc que depuis le temps que vous m'avez -vue, je ne suis nullement embellie. J'ai conservé toutes mes bonnes et -mauvaises qualités aussi entières et vives qu'elles ont jamais été. Je -suis encore, malgré la flatterie, aussi mal satisfaite de ma personne que -je la fus jamais. Je n'envie ni la fortune, ni les vastes États, ni les -trésors à ceux qui les possèdent, mais je voudrois bien m'élever par le -mérite et la vertu au-dessus de tous les mortels, et c'est là ce qui me -rend mal satisfaite de moi. Au reste, je suis en parfaite santé qui me -durera autant qu'il plaira à Dieu. J'ai naturellement une fort grande -aversion pour la vieillesse, et je ne sais comment je pourrai m'y -accoutumer. Si on m'eût donné le choix d'elle et de la mort, je crois que -j'aurois choisi sans hésiter la dernière. Toutefois, puisqu'on ne nous -consulte pas, je me suis accoutumée à vivre avec plaisir. Aussi la mort -qui s'approche et qui ne manque jamais à son moment, ne m'inquiète pas; -je l'attends sans la désirer et sans la craindre. - -Mais il est temps de vous parler de vos ouvrages, qui sont agréables, -utiles et savants. Vous mettez si bien en Å“uvre les belles choses, que -vous me charmez. Vous divertissez et instruisez toujours sans ennuyer -jamais. Je vous remercie du soin que vous avez pris de me les envoyer. -Que je vous dois d'agréables moments, et comment vous les payer? -Cependant, vous qui écrivez si bien, pourquoi avez-vous laissé mourir M. -le Prince, sans faire quelque chose pour lui en vers ou en prose? Quelle -perte pour la France! et quelle perte pour le siècle dont ce grand homme -étoit un des plus dignes ornements! Pour moi je l'ai regretté autant -qu'aucun des siens, et je vous condamne à faire quelque chose de digne -d'un Héros d'un mérite aussi distingué et aussi extraordinaire. Il me -semble que c'est un des plus grands plaisirs de la vie que de bien louer -ce qui mérite de l'être. Vous qui avez des talents faits exprès, ne -refusez pas cet encens à ce Prince qui l'a si bien mérité. - - CHRISTINE ALEXANDRA. - - -MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - Mardi[587] [3 août 1688]. - - [587] Cette lettre, datée simplement de mardi, a été écrite - évidemment en 1688. Il est probable qu'elle est de juillet ou du - commencement d'août, peut-être du 3 (c'était un mardi en 1688), - c'est-à -dire du même jour que la lettre de Mme de Brinon qui - suit. Mlle de Scudéry venait de publier ses _Nouvelles - conversations de morale_, dédiées au Roi, qui faisaient suite à - celles dont Mme de Sévigné la remerciait dans sa lettre du 11 - septembre 1684. L'achevé d'imprimer de ce nouvel ouvrage, en deux - volumes, est du 30 juin 1688, et Mme de Sévigné ne fut sans doute - pas des dernières à qui Mlle de Scudéry l'envoya. - - (_Note de l'édition Hachette_, t. VIII, p. 371.) - -Que voulez-vous dire de rare mérite, Mademoiselle? Peut-on nommer ainsi -un autre mérite que le vôtre? J'en suis si persuadée, que si j'étois -véritablement endormie, tous mes songes ne seroient que sur ce point. -Mais croyez, Mademoiselle, que je ne le suis point, que je pense -très-souvent à vous comme il y faut penser: tout mon crime, c'est de ne -point témoigner des sentiments si justes et si bien fondés; mais -attaquez-moi dans quelque moment que ce puisse être, et vous me -retrouverez tout entière, comme dans le temps où vous avez été la plus -persuadée de mon amitié. Ce sont des vérités que je vous dis, -Mademoiselle; elles ne sauraient être mal reçues de vous. Je suis, comme -vous voyez, le contraire d'une hypocrite d'amitié: pourrait-on dire qu'on -est une hypocrite d'oubli? - -Je vous rends mille grâces de vos livres; j'en avois ouï parler, je les -souhaitois, et vous m'avez donné une véritable joie. L'agrément de ces -_Conversations_ et de cette _Morale_ ne finira jamais; je sais qu'on en -est fort agréablement occupé à Saint-Cyr[588]; je m'en vais lire avec -plaisir cette marque obligeante de votre souvenir. Conservez-le moi, -Mademoiselle, puisque je suis à vous par mille raisons. Ah! si vous -entendiez comme je parle de vous, vous reconnoîtriez bien -certainement[589]...... - - [588] Voy. la lettre suivante. - - [589] Le reste manque. - - -MADAME DE BRINON[590] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - [590] Mme de Brinon était supérieure de la maison de Saint-Cyr. - - - 3 août 1688. - -Je ne saurois différer davantage à vous témoigner le plaisir que vous -avez fait à toute notre communauté, de lui avoir donné une morale qui -convient si fort à celle qu'elle enseigne tous les jours. Vous avez -trouvé le moyen, Mademoiselle, de beaucoup plaire en instruisant.... -Votre génie est sans déchet, et votre esprit, qui a toujours fait -l'admiration du sage, croît au lieu de diminuer. Madame de Maintenon, qui -prend un singulier plaisir de nous enrichir de bons livres, et qui ne -savoit pas que vous m'aviez fait part des trésors de votre _Sapience_, -après avoir vu votre morale, me l'envoya fort obligeamment pour vous et -pour moi, me mandant qu'elle croyoit qu'en son absence, ces livres me -tiendroient lieu d'une bonne compagnie. Elle ne se trompoit pas, car -voulant régaler les dames de Saint-Louis de quelque _mets d'esprit_ -convenable à leur état, je leur ai lu moi-même, dans nos promenades du -soir, l'_Histoire de la Morale_, qui leur a toujours fait dire, quand on -a sonné la retraite, que l'heure avançoit. Ces _Conversations_ sont ici -d'autant plus agréables qu'on en fait chez les demoiselles, qu'on a -extraites de vos premières, qui ont donné lieu à un grand nombre -d'autres, dont ces jeunes demoiselles font leur plaisir et celui des -autres. Quand vous nous ferez l'honneur de venir à Saint-Cyr, vous vous -retrouverez en plus d'un endroit, car nous sommes fort aises qu'on copie -ce qui est bon[591]. - - [591] Cette lettre, dont M. de Monmerqué a possédé l'original, - est tirée de l'édition de 1835 des _Historiettes_ de Tallemant - des Réaux, t. VI, p. 363. - - -LE P. BOUHOURS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[592]. - - [592] Cabinet de M. Boutron. - - La date de 1688 nous est fournie par le Catalogue de la vente - Villenave, du 22 janvier 1850, où cette lettre figure sous le no - 125. - - [1688.] - -J'ai laissé passer la foule pour vous donner le bonjour et vous -renouveler les assurances de mes très-humbles services. Si mon présent -n'est pas fort beau ni fort digne de votre cabinet, il est au moins -assez singulier et tout propre à faire figure sur le bord de votre -cheminée. Tel qu'il est, je vous prie, Mademoiselle, de l'agréer comme -une marque de l'estime particulière que j'ai pour votre personne et de -l'affection véritable avec laquelle je serai toute ma vie votre -très-obéissant serviteur, - - BOUHOURS. - - -MASCARON, ÉVÊQUE D'AGEN, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[593]. - - [593] Cabinet de M. Rathery. - - Montbran[594], 15 octobre [1688]. - - [594] C'est un bourg situé canton et arrondissement d'Agen. - -Persuadé comme je le suis, Mademoiselle, que vous m'honorez de votre -amitié, je crois vous faire plaisir de vous apprendre que mon voyage a -été très-heureux et que j'ai trouvé aux eaux et aux bains de Bagnères -tout ce que j'y avois été chercher. Le Seigneur a envoyé son ange qui a -remué les eaux et leur a donné la force de guérir. J'avois choisi pour -mon divertissement la lecture de tous vos huit tomes de _Conversations de -Morale_; l'_Histoire des bains des Thermopyles_[595] m'y détermina. -Quoique cette lecture ne soit pas nouvelle pour moi, j'y retrouve -pourtant, Mademoiselle, tous les charmes et tous les agréments de la -nouveauté. Bon Dieu, la belle manière d'inspirer la vertu et l'amour des -beaux sentiments! Saint Augustin a dit quelque part: _Facilius flectitur -animus cùm delectatur._ Peut-on se faire un chemin plus doux à la -persuasion et à la victoire? - - [595] Sur cet épisode du _Grand Cyrus_, réimprimé plus tard dans - les _Conversations morales_ de 1680, voy. la _Notice_, p. 30. - -J'ai vu auprès de Tarbes, par où j'ai passé, une charmante maison qui -mériteroit autant d'être célébrée qu'aucune autre que je connoisse, par -la beauté des canaux, des cascades, des jets d'eau, des jardins, des -bois, et par la propreté de la maison et des meubles; on l'appelle -Séméac[596], elle appartient à M. le comte de Gramont, à qui Mme de -Saint-Chaumont l'a laissée. Voilà les trois choses dont j'étois plein, et -dont j'ai l'honneur de vous rendre compte: ma santé, vos admirables -_Conversations_ et cette charmante maison. Je vous souhaite, -Mademoiselle, assez de santé et de loisir pour instruire toujours si -agréablement et si efficacement le public, et je suis, avec tout le -respect et l'attachement possible, Mademoiselle, votre très-humble et -très-obéissant serviteur, - - JULES, ÉVÊQUE C. D'AGEN. - - [596] A un kilom. de Tarbes, ancienne résidence des comtes de - Gramont. «La tourmente révolutionnaire fit disparaître cette - belle demeure et ses parcs délicieux.» Batsères, _Esquisses sur - Tarbes et ses environs_, Tarbes, 1856, in-8º, p. 5. - - -MASCARON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[597]. - - [597] Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle. - - Le 16 août [1691]. - -Les six vers que vous m'avez envoyés, Mademoiselle, sont les plus jolis -du monde, et ils sont d'autant plus jolis qu'ils disent la vérité. -Quelque gloire qu'on s'acquît par d'autres endroits, on ne peut jamais -excuser de prendre une si grosse portion du trésor dans des conjonctures -pareilles où se trouve l'état. J'espère la paix de l'Église de l'habileté -de M. le cardinal de Forbin[598]. Que ne lui devra pas l'Église pour la -consommation d'une affaire si difficile! Je n'ose pourtant m'abandonner à -la joie d'un si heureux [_mot illisible_], car il en coûte trop de -revenir sur une aussi douce espérance que celle-là , lorsque les -événements ne répondent pas aux projets. - - [598] Le cardinal de Forbin-Janson avait été envoyé auprès du - Pape pour aplanir les difficultés qui s'étaient élevées entre la - cour de France et celle de Rome, au sujet des quatre articles de - la Déclaration de 1682, et le refus fait par Alexandre VIII de - l'expédition d'un certain nombre de bulles pour des siéges - épiscopaux qui vaquaient depuis longtemps. La mort d'Alexandre - VIII, arrivée le 13 août 1691, interrompit ces négociations. - Elles furent reprises sous Innocent XII, à l'élection duquel le - cardinal de Forbin-Janson avait contribué, et menées à bonne fin. - -Je vous fais mes compliments, Mademoiselle, sur la gloire que vient -d'acquérir M. le Marquis de Créqui en Italie[599]. Si Dieu le conserve, -nous verrons en lui l'image parfaite de l'illustre maréchal que nous -pleurons[600]. - - [599] François-Joseph de Blanchefort, marquis de Créqui, venait - d'être envoyé à l'armée de Piémont pour servir sous Catinat. Il - se distingua dans le cours de juillet 1691, en combattant contre - le prince Eugène; il fut blessé et eut un cheval tué sous lui. - - [600] Le maréchal de Créqui, mort en 1687. - - -Je vous souhaite de la fraîcheur, Mademoiselle; c'est à ce souhait, ce me -semble, que tous les autres se doivent borner, car, à l'heure qu'il est, -je crois être transporté sous la ligne, tant le ciel est brûlant ici. Je -suis, avec tout le respect et tout l'attachement possible, à vous, - - JULES É. C.[601] D'AGEN. - - [601] C'est-à -dire évêque, comte d'Agen. Mascaron avait été nommé - évêque de Tulle en 1671 et évêque d'Agen en 1679. - - -ARNAULD DE POMPONNE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[602]. - - [602] Pièce de l'_Isographie_. - - Versailles, 27 août 1691. - -Je réponds bien tard, Mademoiselle, aux marques si obligeantes que vous -avez bien voulu me donner de votre souvenir dans une rencontre qui m'est -si avantageuse. Comme je les ai fort distinguées des compliments qui -viennent en foule dans de telles occasions[603], j'ai voulu vous dire -avec plus de repos, qu'on ne peut vous honorer plus que je fais, ni être -plus sensible que je le suis à vos bontés. Je pourrois, Mademoiselle, en -trouver un grand témoignage dans la mémoire que vous me rappelez de tant -de personnes que nous avons aimées et honorées également, mais je n'en -veux pas d'autre que l'estime qui vous est si justement due, que j'ai -toujours professée si vive et si forte pour votre vertu et pour votre -mérite, et qui me fait être autant que personne - -Votre très-humble et très-obéissant serviteur, - - ARNAULD DE POMPONNE. - - [603] Arnauld de Pomponne, disgracié en 1671, venait d'être nommé - ministre d'État après la mort de Louvois. - -L'ABBESSE DE FONTEVRAULT[604] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - [604] Cabinet Monmerqué, puis d'Hervilly. - - Marie-Madeleine-Gabrielle-Adélaïde de Rochechouart-Mortemart, - abbesse de Fontevrault, femme de beaucoup d'esprit et de savoir. - Elle a traduit avec Racine une partie du _Banquet de Platon._ Elle - était sÅ“ur du duc de Vivonne, et de Mmes de Montespan et de - Thianges. Née en 1645, elle mourut en 1704. C'est d'elle que - Saint-Simon disait: «On vit sortir de son cloître la reine des - abbesses qui, chargée de son voile et de ses vÅ“ux, avec encore - plus de beauté et d'esprit que la Montespan, sa sÅ“ur, vint jouir - de sa gloire, etc., etc.» (_Mémoires de Saint-Simon_, t. II, p. 6, - édition de 1791.) - - A Fontevrault, 18 octobre 1692. - -Je n'ai pas voulu vous remercier, Mademoiselle, des livres que vous avez -eu la bonté de m'envoyer, que je ne les eusse reçus, et on les a gardés -fort longtemps aux Filles-Dieu. J'aurois pu en toute sûreté en dire -beaucoup de bien avant que de les avoir vus, mais j'ai cru ne vous en -devoir parler qu'après en avoir jugé par moi-même. J'y ai trouvé toute la -solide beauté et tout l'agrément que j'attendois; et en vérité, -Mademoiselle, on ne sauroit trop vous admirer; je vous le dis bien -grossièrement, mais c'est avec une sincérité dont vous devez être -contente. Je vous supplie de me conserver quelque part en l'honneur de -votre amitié (dont je connois tout le prix), et d'être persuadée que je -serai toute ma vie, avec toute l'estime et toute la reconnoissance que je -dois, Mademoiselle, votre très-humble servante. - - M.-M. GABRIELLE DE ROCHECHOUART ABBESSE DE FONTEVRAULT. - - -BOSSUET A MADEMOISELLE DUPRÉ[605]. - - [605] Les deux lettres qui suivent ont été imprimées dans les - _Å’uvres de Bossuet_. Versailles, 1818, t. XXXVII, p. 475 et 477. - La première, quoique non adressée à Mlle de Scudéry, figure ici à - raison de sa connexité avec la seconde, qu'elle paraît avoir - précédée. - - Marie Dupré, nièce de Roland Desmarets, avait beaucoup - d'instruction; elle était liée avec Mlles de Scudéry, de la Vigne, - etc. Titon de Tillet lui a donné place dans son _Parnasse - françois_, et l'éditeur Léopold Collin a publié ses Lettres avec - celles de Mlle de Montpensier et autres, 1806, in-12. - - - Versailles, ce 14 février 1693. - -Je vous assure, Mademoiselle, que M. Pellisson est mort, comme il a vécu, -en très-bon catholique; je l'ai toujours regardé, depuis le temps de sa -conversion jusqu'à la fin de sa vie, comme un des meilleurs et des plus -zélés défenseurs de notre religion. Il n'avoit l'esprit rempli d'autre -chose, et deux jours avant sa mort, nous parlions encore des ouvrages -qu'il continuoit pour soutenir la Transsubstantiation; de sorte qu'on -peut dire sans hésiter qu'il est mort en travaillant ardemment et -infatigablement pour l'Église. J'espère que ce travail ne se perdra pas, -et qu'il s'en trouvera une partie considérable parmi ses papiers. - -Au reste, il a voulu entendre la messe pendant tous les jours de sa -maladie; et je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il s'en dispensât les -jours de fête. Il me disoit en riant qu'il n'étoit pas naturel que ce fût -moi qui l'empêchât d'entendre la messe. Il n'a jamais cru être assez -malade pour s'aliter; et il s'est habillé tous les jours, jusqu'à la -veille de sa mort; et il recevoit ses amis avec sa douceur et sa -politesse ordinaire. Son courage lui tenoit lieu de forces; et jusqu'au -dernier soupir, il vouloit se persuader que son mal n'avoit rien de -dangereux. A la fin, étant averti par ses amis que ce mal pouvoit le -tromper, il différa sa confession au lendemain pour s'y préparer -davantage: et si la mort l'a surpris, il n'y a eu rien en cela de fort -extraordinaire. C'étoit un vrai chrétien, qui fréquentoit les sacremens. -Il les avoit reçus à Noël, et, à ce qu'on dit, encore depuis, avec -édification. Bien éloigné du sentiment de ceux qui croient avoir -satisfait à tous leurs devoirs pourvu qu'ils se confessent en mourant, -sans rien mettre de chrétien dans tout le reste de leur vie, il -pratiquoit solidement la piété; et la surprise qui lui est arrivée ne -m'empêche pas d'espérer de le trouver dans la compagnie des justes. -C'est, Mademoiselle, ce que j'avois dessein d'écrire à Mlle de Scudéry, -avant même de recevoir votre lettre; et je m'acquitte d'autant plus -volontiers de ce devoir, que vous me faites connoître que mon témoignage -ne sera pas inutile pour la consoler. Je profite de cette occasion pour -vous assurer, Mademoiselle, de mes très-humbles respects, et vous -demander l'honneur de la continuation de votre amitié. - - -LE MÊME[606] A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - [606] Voy. la _Notice_, p. 126, et les lettres à Boisot des 21, - 28 février et du 7 mars. Dans la première, Mlle de Scudéry dit - avoir écrit à M. de Meaux une lettre de quinze pages sur la mort - de Pellisson. Cette lettre de Bossuet est vraisemblablement la - réponse à la lettre de Mlle de Scudéry. Celle-ci l'avait - transcrite de sa main, et cette transcription, qui prouve - l'importance qu'elle y attachait, se trouve dans le cabinet de M. - Dubrunfaut. - - - 1693. - -Ce que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Mademoiselle, sur le sujet -de M. Pellisson, me donne beaucoup de consolations, mais n'ajoute rien à -l'opinion que j'avois de la fermeté et de la sincérité de sa foi, dont -ceux qui l'ont connu ne demanderont jamais de preuves. J'ai parlé un -million de fois avec lui sur des matières de religion, et ne lui ai -jamais trouvé d'autre sentiment que ceux de l'Église catholique. Il a -travaillé jusqu'à la fin pour sa défense: trois jours avant sa mort, nous -parlions encore de l'ouvrage qu'il avoit entre les mains contre Aubertin, -qu'il espéroit pousser jusqu'à la démonstration; ne souhaitant la -prolongation de sa vie, que pour donner encore à l'Église ce dernier -témoignage de sa foi. Je souhaite qu'on cherche au plus tôt un si utile -travail parmi ses papiers, et qu'on le donne au public, non-seulement -pour fermer la bouche aux ennemis de la religion, qui sont ravis de -publier qu'il est mort des leurs, mais encore pour éclaircir des matières -si importantes, auxquelles il étoit si capable de donner un grand jour. -Quoiqu'il n'ait pas plu à Dieu de lui laisser le temps de faire sa -confession, et de recevoir les saints Sacremens, je ne doute pas qu'il -n'ait accepté en sacrifice agréable la résolution où il étoit de la faire -le lendemain. - -Le Roi, à qui vous désirez qu'on fasse connoître ses bonnes dispositions, -les a déjà sues, et j'ai en cela prévenu vos souhaits. Ainsi, -Mademoiselle, on n'a besoin que d'un peu de temps pour faire revenir ceux -qui ont été trompés par les faux bruits qu'on a répandus dans le monde. -Sa Majesté n'en a jamais rien cru; je puis, Mademoiselle, vous en -assurer; et tout ce qu'il y a de gens sages qui ont connu, pour peu que -ce soit, M. Pellisson, s'étonnent qu'on ait pu avoir un tel soupçon. -C'est ce que j'aurois eu l'honneur de vous dire, si je n'étois obligé -d'aller dès aujourd'hui à Versailles, et dans peu de jours, s'il plaît à -Dieu, dans mon diocèse. Je m'afflige cependant, et je me console avec -vous de tout mon cÅ“ur, et suis, avec l'estime qui est due à votre vertu -et à vos rares talents, - -Votre, etc., etc. - - - - -LETTRES SANS DATE. - - -LE CHEVALIER DE MÉRÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[607]. - - [607] Richelet, _Les plus belles lettres des meilleurs auteurs - français_, 1689, in-12, p. 276.--Sur le chevalier de Méré, voy. - la _Notice_, p. 118. - - Sans date. - -Il y a peu d'honnêtes gens qui ne vous admirent, Mademoiselle, et ce -n'est pas d'aujourd'hui que je suis charmé de tout ce qui vient de vous, -et que vous êtes bien dans mon esprit. Mais si je vous ose dire ce qui se -passe dans mon cÅ“ur, le billet que vous m'avez fait l'honneur de -m'écrire vous y a mise bien avant. On ne devroit souhaiter d'être -agréable que pour plaire aux personnes comme vous qui jugent sainement de -tout. Et si je m'allois imaginer qu'il y en eût beaucoup dans le monde -que je pusse voir quelquefois, j'aurois bien de la peine à me tenir dans -la retraite, où mes jours s'écoulent tranquillement. J'ai donné de la -jalousie à un de vos amis et des miens, en lui montrant votre billet, et -l'assurant aussi que jamais ni lui ni Voiture n'ont rien fait de ce -prix-là . Je ne sais si vous ne serez point surprise que je me sois vanté -d'une faveur qui me devoit rendre assez heureux en moi-même sans la dire -à personne. Mais, Mademoiselle, si vous vouliez qu'elle fût secrète, il -ne falloit pas m'écrire des choses qui vous donnent tant de gloire, et -qui me sont si avantageuses. - - -L'ABBÉ DE FURETIÈRE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[608]. - - [608] _Lettres choisies de Messieurs de l'Académie_, par M. - Perrault. Paris, 1725, in-8º, p. 36. - - Sans date. - -Je suis trop honoré de la devise que vous avez faite pour moi[609], et je -n'ai garde de manquer de vous en remercier: je ne vous remercie pas -pourtant de l'avoir faite si belle; vous n'en faites point d'autres, et -rien ne part de votre esprit qui ne lui ressemble. Certainement, -Mademoiselle, les devises qui sont difficiles ne le sont pas pour vous. -Ce petit ouvrage, que M. de Gombauld appeloit un grand travail, ne vous -est véritablement qu'un jeu; et vous trouvez sans peine ce que les autres -cherchent bien souvent sans le pouvoir trouver. Je voudrois bien vous -rendre la pareille, et faire une belle devise pour Mlle de Scudéry. J'y -ai songé, j'y songerai encore; mais je crains bien d'avoir la destinée -de ce bonhomme.... dont je vous ai parlé quelquefois. Vous devriez, -Mademoiselle, oublier un moment d'être vous-même, et faire votre devise; -j'entends une devise de louange, et non pas de modestie; une devise qui -marque l'admiration où nous sommes d'un mérite aussi extraordinaire que -le vôtre. Mais, je le vois bien, vous voulez vous en tenir à cette devise -cruelle[610], qui est une prescription[611] de l'Amour, et qui nous fait -entendre qu'il faut se borner, quand on vous voit, aux sentiments qu'on a -pour Mlle N.... Quel moyen, Mademoiselle, que vous soyez précisément -obéie, et qu'on ne vous aime pas plus que vous ne vous aimez vous-même? -Le P. B*** et moi ne vous parlons jamais de ce que vous ne voulez jamais -entendre. Nous disons même dans le monde que nous avons en vous une -illustre amie: mais, dans le fond de l'âme, nous sommes vos très-humbles -et très-obéissants amans. Après cela, je l'adopterois, cette devise -cruelle, et me ferois honneur de l'avoir faite; j'en serois par tout -estimé; mais que m'en reviendroit-il? Rien, Mademoiselle, sinon d'avoir -flatté votre humeur fière et dédaigneuse, et de n'en être pas mieux pour -cela dans un cÅ“ur aussi aimable et aussi impénétrable que le vôtre. - - [609] «Une flamme qui sort d'un cÅ“ur posé sur un bûcher allumé, - avec ce mot: PULCHRIUS ARDET, OU: YIS MAJOR INTUS.» - - [610] «Une rose environnée d'épines, avec ce mot: PUNGIT ET - PLACET. Et encore cette autre: un chien à l'attache, avec ce mot - de Pétrone: CAVE, CAVE CANEM.» - - [611] Ne faudrait-il pas lire: _proscription_? - - -M. DE PERTUIS, GOUVERNEUR DE COURTRAY, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY, SA -BONNE AMIE[612]. - - [612] _Lettres choisies de Messieurs de l'Académie_, par - Perrault, p. 38. - - Guy, comte de Pertuis, gouverneur des ville et châtellenie de - Courtray, par provisions du 7 février 1669, maréchal de camp - suivant promotion du 7 octobre 1677, mort le 7 juillet 1694. - - - Sans date. - -Vous ne connoissez pas la vie de l'armée; elle a ses charmes, et quand on -l'a goûtée, on ne sauroit s'en passer. Nous avons peut-être plus de peine -que vous; mais nous avons aussi plus de plaisir. Pour ce qui est des -périls dont vous me parlez, je ne vous répondrai pas comme le fit le -baron de *** à Gassion, qui l'exhortoit à la bravoure: _Je rirai bien si -tu meurs devant moi._ Je vous dirai seulement, que si l'on étoit immortel -dans vos îles enchantées, j'irois volontiers participer à votre -immortalité; mais puisque ce bienheureux séjour n'a pas un si beau -privilége, je ne risque rien ici qu'il ne faille perdre ailleurs; et -j'aime autant être tué par un carabin de Nuremberg, que par un médecin de -Montpellier. Je suis, - - Mademoiselle, - Votre très-humble, etc., - PERTUIS. - - -LE LABOUREUR A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[613]. - - [613] Cabinet de M. Rathery. - - Louis Le Laboureur, poëte, frère aîné de l'historien, né en 1615, - mort en 1679. Il dédia à Mlle de Scudéry une pièce mêlée de vers - et de prose, qui a pour titre: _La Promenade de Saint-Germain_. - Paris, 1669, in-12. Dans cette pièce datée de Montmorency, il - rappelle, p. 9, une visite qu'on lui avait faite dans la saison - des cerises. - - - Ce samedi matin. - -Le beau temps est venu, et les cerises s'en vont: j'ai peur, -Mademoiselle, que si vous ne faites bientôt ici une promenade, vous n'y -en trouviez plus. Je ne vois qu'une chose qui la doive retarder, qui est -que la santé du R. P. Bouhours ne lui pût pas permettre encore de sortir, -ou que vous voulussiez que M. de Pellisson fût de la partie. En ce -cas-là , nous attendrons tant qu'il vous plaira; nous laisserons passer -les cerises, et nous vous donnerons des prunes et des pêches qui les -vaudront bien. Au reste, Mademoiselle, je n'entends pas que le R. P. -Bouhours et Mme sa sÅ“ur tiennent la place d'aucune autre personne. -J'attends toujours M. Nublé et M. Ménage. J'en dirois autant de M. de -Pellisson, et ce seroit de bon cÅ“ur, mais c'est une étrange chose que la -Cour. J'appréhende que quand le Roi seroit ici, il ne pût s'en séparer -pour vous faire compagnie. Je m'en rapporte à vous: ordonnez-en comme il -vous plaira; mais faites votre compte que je vous attends, et surtout, -Mademoiselle, quand vous voudrez venir, faites-moi la grâce de nous -avertir deux ou trois jours auparavant. - - Je suis votre très-humble et très-obéissant - serviteur, - - LE LABOUREUR. - - -LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[614]. - - [614] _Études religieuses, etc., par des Pères de la Compagnie de - Jésus_, t. V, p. 609. - - D'Arras, 10 mai. - -On m'a tant fait d'honneur ici en votre considération, Mademoiselle, que -je ne puis en partir sans vous en faire mes remercîments. Il ne se peut -rien ajouter à la manière dont M. de Montplaisir[615] m'a reçu. J'ai bien -reconnu par là le pouvoir que vous avez sur lui, et que c'est vous qui -êtes le lieutenant de Roi ici. Il m'a régalé chez lui; il m'a offert son -carrosse pour aller à Douay, a pris la peine de me venir visiter chez -nous: du reste, il n'a rien oublié pour me faire comprendre combien il -vous honore et vous estime. Aidez-moi, Mademoiselle, à lui en faire de -dignes remercîments. Vous y êtes obligée, puisque c'est en votre -considération qu'il a fait tout cela, et pour m'obliger extrêmement. -Faites de sorte que j'aie un peu de part de ses bonnes grâces: car on a -fort envie d'être de ses amis dès qu'on a le bonheur de le connoître: je -vous laisse faire cela. En partant, je laisse le pauvre M. de Verduc en -mauvais état pour sa santé; j'en suis inquiété. Je laissai au P. Pallu, -ami du P. Bouhours, quinze pistoles pour sa dispense, et deux pour -l'habiller un peu honnêtement pour entrer à Cluny. Ayez la bonté de me -faire savoir de vos nouvelles, je vous en prie; j'en pourrois recevoir à -Bruxelles, si vous preniez la peine d'adresser vos lettres à M. de -Gourville dans dix ou douze jours; l'abbé de Chaumont le connoît. On ne -peut pas être si longtemps éloigné de vous sans savoir de vos nouvelles. -Vous voulez bien que je salue M. de Pellisson pour qui je continue -toujours à prier Dieu; car le bon Dieu nous le doit, étant aussi homme de -bien qu'il est. N'allez pas vous aviser, s'il vous plaît, Mademoiselle, -de nous faire la guerre pendant que je vais être Flamand. Je ne vous -demande que deux mois de temps; après, vous ferez ce qu'il vous plaira -pour vos prétentions sur le Brabant. Je suis, avec mon respect ordinaire, -à vous en N. S. - - RAPIN de la Cie de Jésus. - - [615] Le même que le poëte dont les Å’uvres sont ordinairement - réunies à celles de Lalane. Il était lieutenant de Roi à Arras - bien avant 1671, année que la _Biographie universelle_ indique - comme celle de sa nomination, et au moins dès le mois de juillet - 1654, lorsqu'il fut fait prisonnier par les Espagnols. - - -REGNIER DESMARAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[616] - - [616] Cabinet de M. Moulin, avocat. - - Ce vendredi à midi. - -Votre laquais ne me donna pas l'autre jour le loisir, Mademoiselle, de -vous remercier sur le champ des beaux vers que vous m'avez fait la grâce -de m'envoyer, et je faisois état de vous en aller remercier dès le -lendemain. Mais depuis cela, il m'est survenu des affaires qui m'ont -empêché de vous aller rendre mes devoirs comme je souhaitois. En -attendant que je le puisse, je ne veux pas différer, Mademoiselle, à vous -témoigner combien j'ai été satisfait de votre dernier madrigal. Les -dernières choses que vous faites l'emportent toujours sur les premières, -mais il n'y a que vous seule qui puissiez l'emporter sur vous-même. Je ne -saurois en même temps vous rendre d'assez grands remercîments des marques -de bonté et de considération dont vous m'honorez. Croyez, s'il vous -plaît, Mademoiselle, que vous n'en sauriez jamais avoir pour personne qui -ait plus de respect et plus de vénération pour vous que j'en ai, et qui -soit plus absolument votre très-humble et très-obéissant serviteur. - - REGNIER DESMARAIS. - - -LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[617]. - - [617] D'après un fac-simile.--Lettre communiquée par M. Regnier, - qui doit la comprendre dans l'édition des _Å’uvres de la - Rochefoucauld_, pour la _Collection des grands Écrivains de la - France_. - - - Le 12 de novembre. - -Puisque les reproches que Mme Duplessis vous a faits m'ont valu la plus -agréable et la plus obligeante lettre du monde, je devrois, ce me semble, -Mademoiselle, lui laisser le soin de vous faire paroître combien j'en -suis touché, pour m'attirer encore de nouvelles grâces; mais, quelque -avantage que j'en puisse recevoir par là , je ne puis me priver du plaisir -de vous témoigner moi-même ma reconnoissance, et de vous dire la joie que -j'ai de croire avoir un peu de part en votre amitié. Je ne parlerois pas -si hardiment, si j'avois moins de foi en vos paroles, et c'est par cette -confiance seule que je me tiens si assuré de la chose du monde que je -souhaite le plus. Je suis ravi de la belle action de M. de Savoie; -j'espère que la clémence viendra à la mode, et que nous ne verrons plus -de malheureux. J'écrirai à un de nos amis, et je vous supplierai même de -lui vouloir faire tenir ma lettre, puisque vous me le permettez. - -Faites-moi l'honneur de croire, Mademoiselle, que j'ai plus d'estime et -de respect pour vous que personne du monde, et que je suis passionnément -votre très-humble et très-obéissant serviteur. - - LAROCHEFOUCAULD. - -LE MÊME A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[618]. - - [618] Cabinet de M. Chambry. - - - Ce 7 décembre. - -Je vous suis sensiblement obligé, Mademoiselle, de votre souvenir et du -présent que vous me faites; rien n'est plus beau que ce que vous m'avez -envoyé, et rien au monde ne me peut toucher davantage que la continuation -de vos bontés. J'en recevrai une marque qui me sera très considérable si -vous me faites obtenir quelque part dans l'amitié de M. Renier[619]; -personne assurément ne l'estime plus que moi. Je vous dois déjà tant de -choses que je pense que vous voudrez bien que je vous doive encore -celle-ci. - - [619] Peut-être Regnier Desmarais? - -Je vous demande encore d'être persuadée de mon respect et de ma -reconnoissance, et que je suis plus que personne du monde - -Votre très-humble et très-obéissant serviteur. - - LAROCHEFOUCAULD. - - -LA COMTESSE DE LAFAYETTE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[620]. - - [620] Tiré de l'_Album des Lettres de Mme de Sévigné_, édition - Hachette. - - - Sans date. - -Je ne vous puis dire, Mademoiselle, quelle est ma joie quand vous me -faites l'honneur de vous souvenir de moi, et quand je reçois des marques -de ce souvenir par des choses qui me donnent par elles-mêmes un si -véritable plaisir. Vous êtes toujours admirable et inimitable; il ne se -peut rien de plus divertissant et de plus utile que ce que vous m'avez -fait l'honneur de m'envoyer; vous seule pouvez joindre ces deux choses. -Je vous supplie de croire que si ma santé me le permettoit, j'aurois -souvent l'honneur de vous rendre mes devoirs. - - LA Csse DE LA FAYETTE. - - -NANTEUIL A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY[621] - - [621] Cabinet de M. Chambry. - - - Mademoiselle, - -Votre générosité m'offense, et n'augmente point du tout votre gloire, du -moins selon mon opinion. Une personne comme vous, à qui j'ai tant -d'obligations, que je considère si extraordinairement, et pour laquelle -non-seulement je devrois avoir fait tous les efforts de ma profession, -mais avoir témoigné plus de reconnoissance à toutes ses civilités que je -n'ai fait, m'envoyer de l'argent et vouloir me payer en princesse un -portrait[622] que je lui dois il y a si longtemps, est sans doute -pousser trop loin la générosité, et me prendre pour le plus insensible de -tous les hommes. Vous me permettrez donc, Mademoiselle, de vous en faire -une petite réprimande, et comme vous me permettez encore de chérir tout -ce qui vient de vous, je prends volontiers la bourse que vous avez faite, -et vous remercie de vos louis, que je ne crois pas être de votre façon! -Cependant, si en quelque jour un peu moins nébuleux qu'il n'en fait en ce -temps-ci, vous me vouliez donner deux heures de votre temps pour aller -achever chez vous l'habit de votre portrait, je serois ravi de me rendre -ponctuel à vos ordres. J'aurois la liberté de vous expliquer plus -franchement mes sentiments, parce que cela ne m'attacheroit pas si fort -que quand je travaille au visage, et après avoir achevé de vous rendre ce -petit service, je conviendrois de m'estimer heureux puisque vous auriez -une autre vous-même près de vous qui vous persuaderoit éloquemment que je -suis, - - Mademoiselle, - Votre très-humble et très-obéissant serviteur, - NANTEUIL. - - [622] Qu'est devenu le portrait de Mlle de Scudéry par Nanteuil? - Existe-t-il dans quelque dépôt public ou dans quelque collection - particulière? Il n'a sans doute pas été reproduit par la gravure, - car on le trouverait dans l'Å“uvre du maître, ou dans les - cabinets du temps. Il semblerait cependant résulter d'une note - manuscrite de l'abbé Mercier de Saint-Léger sur les marges du XVº - volume de Niceron, page 139 (Exemplaire de la Bibliothèque - nationale), que ce portrait, quoique rare, se trouvait encore - vers la fin du siècle dernier. «Nanteuil dessina et grava le - portrait de Mlle de Scudéry qui, se trouvant aussi laide qu'elle - l'était réellement, garda la planche et n'en laissa tirer qu'un - petit nombre d'épreuves; aussi sont-elles fort rares et - recherchées des amateurs.» - - Si cette perte est réelle, elle est d'autant plus regrettable que - le talent de Nanteuil nous aurait donné de l'auteur de _Clélie_ et - du _Grand Cyrus_ une image fidèle, tandis que nous en sommes - réduits au portrait de Mlle Chéron gravé par J. G. Wille, et à - celui de la collection Desrochers, qui ont entre eux fort peu - d'analogie. - - Lorsque Nanteuil envoya à Mlle de Scudéry le portrait qu'il avait - fait d'elle d'après nature, ainsi que le montre la lettre - ci-dessus, il l'accompagna des vers suivants: - - Elle est savante et sage autant qu'on le peut être; - Son esprit a charmé les plus rares esprits. - Nanteuil, si ton pinceau la fait bien reconnoître, - Tu te rends immortel avecque ses écrits. - -Mlle de Scudéry lui répondit: - - Je ne sais rien, Nanteuil, je dis la vérité; - Une femme savante est souvent incommode, - Elle a l'esprit contraint et n'est guère à la mode; - Mais pour me bien louer, parle de ma bonté: - C'est la seule vertu dont je fais vanité. - -Elle fit encore sur son portrait le quatrain suivant: - - Nanteuil en faisant mon image, - A de son art divin signalé le pouvoir; - Je hais mes yeux dans mon miroir, - Je les aime dans son ouvrage. - - -GEORGE DE SCUDÉRY A MADAME L'ABBESSE DE CAEN[623]. - - [623] _Poésies d'Anne de Rohan-Soubise et Lettres d'Éléonore de - Rohan-Montbazon, abbesse de Caen et de Malnoue._ Paris, 1862, - page 148. - - Paris, 7 avril 1660. - -Un homme moins glorieux que je ne le suis, Madame, auroit cherché l'appui -de sa sÅ“ur auprès de vous, et tâché de tirer ses avantages de l'honneur -que vous lui faites de l'aimer, mais je vous avoue que j'aime mieux -devoir ma gloire à ma hardiesse qu'à sa faveur, et que si je puis obtenir -celle de votre amitié, je veux vous la devoir toute entière. Comme -l'obligation en sera plus grande, ma reconnoissance le sera aussi, et -comme vous n'appellerez personne au partage de la grâce, personne ne -partagera mon ressentiment. Je vous le confesse, Madame, j'ai le cÅ“ur -plus élevé que ce roi qui, tout Espagnol qu'il étoit, se contentoit -d'être appelé le mari de la reine, et si vous ne me regardiez que comme -frère de Sapho, vous ne rempliriez pas du tout mon ambition. Personne ne -sait mieux que moi ce qu'elle vaut, car je l'ai faite ce qu'elle est; -mais, avec tout cela, Madame, je ne lui veux point devoir votre -bienveillance, parce que nous changerions de fortune et que je lui -devrois plus qu'elle ne me doit. Cependant, comme il faut connoître pour -aimer, je vous envoie de quoi me connoître, c'est le portrait d'un héros -où j'ai employé tout mon art, et comme vous avez l'âme grande, j'espère -que la peinture du plus grand homme de la terre ne vous déplaira pas -trop, et qu'après avoir enduré que ma sÅ“ur vous peigne, vous souffrirez -quelque jour que son frère prenne ses couleurs et ses pinceaux pour vous -peindre, afin que vous puissiez juger de la diversité des manières, et -connoître en même temps le dessein que j'ai d'être toujours - -Votre très-humble et très-obéissant serviteur, - - DE SCUDÉRY. - - -LE MÊME A M. DE SAINTE-MARTHE[624]. - - [624] Cabinet de M. Boutron.--Voyez la _Notice_, page 20. - - Sans date. - - Monsieur, - -N'ayant pas l'honneur d'être connu de vous, je n'aurois pas aussi la -hardiesse de vous faire une prière, si elle ne regardoit votre gloire -aussi bien que ma satisfaction; mais ne doutant point que vous ne soyez -sensible à cette noble passion des grandes âmes, j'ose vous dire qu'après -avoir assemblé les portraits de tous les illustres de notre nation, je -croirois n'avoir rien fait si je n'avois celui du grand Scévole, et comme -je sais que vous en avez un, je vous supplie, Monsieur, de me le vouloir -prêter pour en tirer une copie; je le conserverai avec soin, et vous le -renvoyerai dans peu de jours. Je m'assure que vous ne condamnerez pas mon -dessein, puisqu'il n'a pour objet que la réputation d'un homme à qui vous -devez la vie; et, pour vous montrer que c'est dans votre maison que je -cherche les grands personnages, mon laquais a ordre de vous faire voir le -portrait de votre grand oncle. Que si mon nom par malheur n'a pas -l'honneur d'être connu de vous, notre ami commun, M. Colletet, vous -assurera qu'on me peut confier toute chose, et moi je vous assurerai -qu'après cette grâce je serai toute ma vie, - - Monsieur, - Votre très-humble et très-obéissant serviteur, - DE SCUDÉRY. - - -MADAME DE LONGUEVILLE A GEORGE DE SCUDÉRY[625]. - - [625] Cabinet de M. Rathery. - - - Moulins, 29 août 1654. - -Ça été par vraie honte que j'ai été si longtemps sans faire réponse à -votre dernière lettre, car elle étoit si pleine de remercîments que je ne -trouvois pas bien fondés, qu'en vérité je ne savois du tout qu'y -répondre; car enfin je ne prétends pas que le petit présent que je vous -ai fait[626] vous montre toute ma reconnoissance. Je prétends seulement -qu'il vous la marque, et qu'en vous faisant souvenir de moi, il vous -remette dans la mémoire une personne qui a gravé dans la sienne ce que -vous avez fait pour elle, et qui, n'étant pas née tout à fait bassement, -ne peut être aussi touchée de votre générosité sans souhaiter qu'une -meilleure fortune lui fournisse les occasions de contribuer à rendre la -vôtre proportionnée à votre mérite. - - ANNE-GENEVIÈVE DE BOURBON. - -_P. S._ J'ai mandé mes sentiments sur _Alaric_ à M. Chapelain; il vous -les auroit dit sans doute, s'il ne s'étoit pas imaginé que vous les -devinez aisément, et que vous êtes fort persuadé que les gens qui n'ont -pas tout à fait méchant goût ne peuvent qu'admirer ce qui part de votre -esprit. Je vous prie que Mlle de Scudéry sache par votre moyen que je -conserve pour elle toute l'estime qu'elle mérite. - - [626] Il s'agit de son portrait enrichi de diamants qu'elle lui - avait envoyé.--Voyez la _Notice_, page 45. - - - - - CHOIX - DE - POÉSIES - - - - -[Illustration: deco] - - - CHOIX - DE - POÉSIES. - -_Impromptu fait au donjon de Vincennes en visitant la chambre où le -prince de Condé avoit été prisonnier._ - - En voyant ces Å“illets qu'un illustre guerrier - Arrosa d'une main qui gagna des batailles, - Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles, - Et ne t'étonne pas si Mars est jardinier[627]. - - [627] Voyez la lettre à Godeau, du mois d'octobre 1650, p. 226. - - _Stances sur la Paix_[628] - - Taisez-vous, trop aigres trompettes - Qui chassiez au printemps tous les braves du Cours, - Laissez entendre les musettes, - Voici le règne des Amours. - La paix s'en va bientôt rétablir son empire - Et l'on ne verra plus de cÅ“ur qui ne soupire. - - [628] Ces stances inédites, dont nous possédons une copie de la - main de Conrart avec la désignation de Mlle de Scudéry pour - auteur, se rapportent évidemment à la fin de la guerre de la - Fronde. - - * - * * - - Vous qui faisiez les insensibles - Et qui par vanité pensiez l'être toujours, - Vous ne serez plus invincibles, - Voici le règne des Amours. - La paix s'en va bientôt rétablir son empire - Et l'on ne verra plus de cÅ“ur qui ne soupire. - - * - * * - - Vous, belles, qui par mille charmes - Êtes avec raison l'ornement de nos jours, - Que vous ferez verser de larmes! - Voici le règne des Amours. - La paix s'en va bientôt rétablir son empire - Et l'on ne verra plus de cÅ“ur qui ne soupire. - -_A M. Conrart, sur un cachet qu'il donna à l'auteur_[629]. - - [629] Voy. la _Notice_, pages 69 et 100. - - Pour mériter un cachet si joli, - Si bien gravé, si brillant, si poli, - Il faudroit avoir, ce me semble, - Quelque joli secret ensemble; - Car enfin les jolis cachets, - Demandent de jolis billets. - Mais, comme je n'en sais point faire, - Que je n'ai rien qu'il faille taire, - Ni qui mérite aucun mystère, - Il faut vous dire seulement - Que vous donnez si galamment - Qu'on ne peut se défendre - De vous donner son cÅ“ur, ou de le laisser prendre. - -_Billet en vers à M. de Charleval_[630]. - - [630] Mss de la Bibliothèque nationale. Fonds français, 22 557, - p. 91. - - Qu'une louange délicate - Nous touche, nous plaise et nous flatte, - N'en doutez point. - Mais, pour bien goûter cette gloire, - Il faut, Damon, la pouvoir croire, - C'est là le point. - -Voilà , Monsieur, par où je me sauve du danger où vos ingénieuses louanges -m'ont exposée. Si je pouvois me laisser persuader, j'aurois trop de -vanité. - - Mon cÅ“ur que la raison éclaire - Méprise de l'encens vulgaire, - N'en doutez point. - Mais rejeter par modestie - Le plus pur encens d'Arabie, - C'est là le point. - - -_Requête ou Placet des Amans contre les Filous_[631]. - - [631] Pour cette pièce et les suivantes, voy. la _Notice_, pages - 102, 103, etc. - - Prince, le plus aimable, et le plus grand des Rois, - Nous venons implorer le secours de vos lois: - Tout l'état amoureux vous adresse ses plaintes; - Vous seul pouvez calmer nos soucis et nos craintes, - Vous seul pouvez nous faire un sort qui soit plus doux, - L'amour même ne peut nous rendre heureux sans vous. - La nuit, si favorable aux flammes amoureuses, - A beau nous préparer les faveurs précieuses, - Sans respecter ce Dieu, les voleurs indiscrets - Troublent impunément ces mystères secrets; - Chaque jour leur audace éclate davantage, - On ne va plus la nuit sans souffrir quelque outrage; - On trompe d'un jaloux les regards curieux, - Mais d'un filou caché l'on ne fuit point les yeux. - Comme on n'ose marcher sans avoir une escorte, - On ne peut se glisser par une fausse porte, - Et seul au rendez-vous si l'on veut se trouver, - On est déshabillé devant que d'arriver. - La nuit dont le retour ramène les délices, - Ces paisibles moments à l'amour si propices, - Destinés seulement à de tendres plaisirs, - Ne sont plus employés qu'à de fâcheux soupirs. - Les maris rassurés, les mères sans alarmes - Dans un si grand désordre ont su trouver des charmes. - La nuit n'est plus à craindre à leur esprit jaloux, - Ils dorment en repos sur la foi des filous. - Ils aiment le plaisir qui nous tient en contrainte - Et la frayeur publique a dissipé leur crainte. - O vous qui dans la paix faites couler nos jours, - Conservez dans la nuit le repos des amours; - Que du guet surveillant la nombreuse cohorte - Nous serve à l'avenir d'une fidèle escorte, - Qu'ils sauvent des voleurs tous les amans heureux, - Et souffrent seulement les larcins amoureux: - Qu'ils nous ôtent la crainte, et qu'en toute assurance - Nous goûtions les plaisirs de l'ombre et du silence. - En faveur de l'amour finissez notre ennui, - Vous n'avez pas sujet de vous plaindre de lui: - Ce Dieu, dont le pouvoir domine tous les autres, - En vous donnant ses lois semble avoir pris les vôtres; - Il garde pour vous seul ce qu'il a de plus doux, - Il commande partout et n'obéit qu'à vous, - Il sépare de vous l'éclat de la couronne, - Et fait qu'on aime en vous votre seule personne. - Plaisir que rarement les Rois peuvent goûter, - Et duquel toutefois vous ne pouvez douter. - Ainsi puisse le ciel, pour vous faire justice, - Au moindre de vos vÅ“ux être toujours propice, - Épargner vos souhaits, prévenir vos désirs, - Et remplir votre cÅ“ur de joie et de plaisirs! - Mais comme il n'en est pas hors l'amoureux empire, - Et qu'un roi ne peut être heureux s'il ne soupire, - Puissiez-vous, de l'amour secrètement charmé, - Toujours fort amoureux, être toujours aimé, - Et sans vous désirer de nouvelles conquêtes, - Puissiez-vous demeurer en l'état où vous êtes! - - -_Réponse des Filous à la Requête des Amans._ - - Prince, dont le seul nom fait trembler tous les Rois, - Suspendez un moment la rigueur de vos lois; - Souffrez que les voleurs vous demandent justice - Contre de faux amans tout remplis d'artifice: - Si l'on les croit, ils sont de nous fort mal-traités, - Nous nous opposons seuls à leurs félicités, - Nous troublons leurs plaisirs, les nuits les plus obscures - N'ont plus pour leur amour de douces aventures. - Où sont-ils les amans que nous avons volés? - Commandez qu'on les nomme et qu'ils soient enrôlés. - Hélas! depuis dix ans que nous courons sans cesse, - Nous n'avons pu trouver ni galant, ni maîtresse, - Et pour notre malheur nous n'avons jamais pris - Ni portraits précieux, ni bracelets de prix: - En vain sans respecter plumes, soutane et crosses, - Nous avons arrêté et chaises et carrosses; - Nous ne trouvons jamais où s'adressent nos pas, - Que plaideurs, que joueurs, que chercheurs de repas, - Que courtisans chagrins, que chercheurs de fortune, - Dont la foule, grand Roi, souvent vous importune; - Mais de tendres amans, vrais esclaves d'amour, - On en trouve la nuit aussi peu que le jour. - C'étoit au temps jadis que les amans fidèles - Pour tromper les Argus montoient par les échelles, - Qu'on les voloit sans peine au premier point du jour, - Et qu'ils cachoient leur vol autant que leur amour. - Sous votre grand aïeul, d'amoureuse mémoire, - Les filous nos ayeux, célèbres dans l'histoire, - Ne passoient pas de nuits sans prendre à des amans - Des portraits enrichis d'or et de diamans, - Et chacun, sans placet, sans tant de doléance, - Rachetoit son portrait et payoit le silence. - C'est ainsi qu'on aimoit en ce siècle si doux, - Sous un prince charmant qu'on voit revivre en vous; - Mais aujourd'hui qu'Amour daigne suivre la mode, - Que le moindre respect passe pour incommode, - Nous trouvons tout au plus quelques pauvres coquets - Qui n'ont jamais sur eux que des madrigalets; - Ils courent nuit et jour, se tourmentant sans cesse, - Sans jamais enrichir ni voleurs ni maîtresse. - Qu'ils marchent hardiment, ils font peu de jaloux - Et n'ont à redouter ni martyrs ni filous. - Pour tous leurs rendez-vous ils peuvent prendre escorte - Sans besoin de la nuit ni de la fausse porte; - Mais la licence règne avecque tant d'excès, - Qu'ils osent bien se plaindre et donner des placets; - Ne les écoutez pas, ils sont pleins d'artifice, - Prononcez cet arrêt tout rempli de justice: - - _Un amant qui craint les voleurs - Ne mérite pas de faveurs._ - -_Vers envoyés à Mlle de Scudéry, pour accompagner une corbeille - pleine de bijoux dont les Filous lui faisoient présent pour ses - étrennes._ - - Ces hommes redoutés que l'on nomme Filous, - Dont vous avez pris la défense, - Sont de leur gloire trop jaloux - Pour demeurer dans le silence: - Ils parlent, mais bien faiblement, - N'ayant aujourd'hui la puissance - De marquer leur reconnoissance - Que par des souhaits seulement. - - * - * * - - Si la fortune favorable - Jetoit un doux regard sur eux, - Et que, devenant plus traitable, - Elle favorisât leurs vÅ“ux, - Quand du butin ils feroient leur partage, - Le plus riche seroit pour vous faire un hommage. - - * - * * - - Tous les jours, en faisant leurs courses, - Ils rapportent assez de bourses, - Dont l'espoir les va devançant; - Car pipés de leur bonne mine, - Quand au fond on les examine, - On n'y rencontre que du vent. - - * - * * - - Telle est celle que dans ce jour - Nous vous présentons pour étrenne. - Nous en avons fait choix sur plus d'une douzaine, - Prises en ville, ou dans la cour, - Car la nuit nous ne savons pas - Où le hasard guide nos pas. - - * - * * - - Nous prîmes la même journée - Le bracelet plein de petits bijoux, - Qu'une dame peu fortunée, - Venoit de recevoir avec un billet doux. - La belle, croyant nous toucher, - Nous en conta toute l'histoire, - Que sans peine elle nous fit croire, - Mais nos cÅ“urs furent de rocher. - - * - * * - - Si nous vous sommes nécessaires, - Sans vous faire tant de discours, - Nous quitterons en tout temps nos affaires, - Pour vous offrir notre secours; - Dans le besoin sonnez fort votre cloche, - Soudain le _Balafré_, la _Roche_, - _Bras-de-fer_ et _Roland-sans-Peur_, - Vous serviront avec ardeur, - Car ce sont des gens sans reproche. - - -_Réponse de Mlle de Scudéry à une jeune demoiselle qu'elle soupçonne lui - avoir fait cette galanterie._ - - Votre injustice est sans égale, - De faire parler des filous, - Lorsque d'une main libérale - Vous donnez d'aimables bijoux. - - * - * * - - Croyez-moi, charmante Célie, - Vous ne sauriez vous déguiser - Et votre Muse est trop polie, - En vain elle veut m'abuser. - - * - * * - - Je connois sa délicatesse, - Son air charmant et ses appas, - Et je ne sais quelle tendresse - Que les autres Muses n'ont pas. - - * - * * - - En vain le _Balafré_, la _Roche_ - Entreprendroient de me duper, - Et je vous fais un doux reproche - De me vouloir toujours tromper. - - * - * * - - Vous savez pourtant trop bien feindre - Et mon cÅ“ur vous feroit pitié, - S'il commençoit un jour à craindre - D'être surpris en amitié. - - * - * * - - Reprenez-vous, chère Célie, - Et promettez-vous désormais, - Que soit sérieux, soit folie, - Vous ne me tromperez jamais. - - -A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - -_Madrigal sur ce qu'elle a dit au sujet des vols qu'on a voulu faire chez -elle_[632]. - - [632] Sur ces vols qu'il ne faut pas confondre avec l'_Affaire - des Filous_, voy. la lettre à Boisot, du 7 mars 1691, p. 319, - ci-dessus. - - Afin d'écarter de chez vous - Tous les voleurs et les filous, - Vous prenez grand soin de répandre - Que vous n'avez pour biens que l'esprit et le cÅ“ur. - Sapho, je ne veux point redoubler votre peur, - Mais si l'on croit jamais qu'on puisse vous les prendre, - Tel vous paroît homme d'honneur - Qui bientôt deviendra voleur. - - M. BOSQUILLON. - -_Madrigal sur le précédent._ - - Votre esprit droit, votre bon cÅ“ur - Ne sont point gibier à voleur; - Mais pour la richesse infinie - De votre admirable génie, - Sapho, que tous les jours on lui fait de larcins! - Des muses comme vous en la plus haute place - De tout temps ce sont les destins; - Et jusqu'au sommet du Parnasse - On vole avec bien plus d'audace - Qu'on ne fait sur les grands chemins. - - M. PETIT (de Rouen). - - -LA TUBÉREUSE. - - _A Célie, le jour de sa fête._ - - Angélique ou Célie, ou tous les deux ensemble, - Malgré toutes les fleurs que ce beau jour assemble, - Je veux tous vos regards, toute votre amitié, - Ou ne leur rien laisser que regards de pitié. - Des bords de l'Orient je suis originaire, - Le soleil proprement se peut dire mon père, - Le printemps ne m'est rien, je ne le connois pas, - Et ce n'est point à lui que je dois mes appas. - Je l'appelle en raillant le père des fleurettes, - Du fragile muguet, des simples violettes, - Et de cent autres fleurs qui naissent tour à tour, - Mais de qui les beautés durent à peine un jour. - Voyez-moi seulement, je suis la plus parfaite, - J'ai le teint fort uni, la taille haute et droite, - Des roses et du lis j'ai le brillant éclat, - Et du plus beau jasmin le lustre délicat; - Je surpasse en odeur et la jonquille et l'ambre, - Et les plus grands des Rois me souffrent dans leur chambre. - Faut-il vous dire tout? votre esprit est discret; - Je vais lui confier mon plus galant secret: - J'ai su plaire à Louis à qui tout voudroit plaire; - Ne me regardez plus comme une fleur vulgaire. - A son cÅ“ur de héros, à ses exploits guerriers, - On eût dit que son cÅ“ur n'aimoit que les lauriers, - Que seule à ses faveurs la palme osoit prétendre; - Cependant il me voit d'un regard assez tendre. - Après un tel honneur, cédez, moindres beautés, - Vous avez plus de nom que vous n'en méritez. - Vous, Célie, excusez si j'ai l'âme hautaine, - Et si dans mes discours je parois un peu vaine. - Par l'avis de Sapho je demande vos chants, - Si chéris des neuf sÅ“urs, si doux et si touchants, - Pour publier partout du couchant à l'aurore, - Que je suis sans égale en l'empire de Flore, - Que le triste Hyacinthe avec tous ses appas, - Et cette fleur qui suit mon père pas à pas, - Les roses de Vénus nouvellement écloses, - Ajax si renommé dans les métamorphoses, - La fleur du beau Narcisse, et la fleur d'Adonis, - Toutes doivent céder à la fleur de LOUIS. - - -LES JASMINS JONQUILLES. - - _A M. l'abbé Regnier._ - _Madrigal._ - - Cinq ou six petits arbrisseaux, - Qui l'an prochain seront plus beaux, - Venons en corps demander place - Sur votre agréable terrasse. - Si des autres jasmins nous n'avons pas l'éclat, - Notre parfum du moins est bien plus délicat; - Et nos petites fleurs écloses - N'entêtent pas comme les roses. - Nous ne disputons rien au superbe oranger, - Sous son ombre humblement nous voulons nous ranger; - Mais sachez que Sapho nous aime - Avec une tendresse extrême; - Et que ce qui doit rendre un présent précieux, - Consiste à nous donner ce qu'on aime le mieux. - - -_Sur la mort d'Anne d'Autriche_[633]. - _Janvier_ 1666. - - [633] Voyez, sur les circonstances où ces vers furent composés, - la lettre à Boisot, du 22 mai 1693, p. 363. Mme de Motteville les - a insérés dans ses _Mémoires_, Paris 1855, t. IV, p. 451, les - faisant précéder du passage suivant: «Peu après la mort de la - reine mère, l'illustre Mlle de Scudéry fit ces vers à sa louange, - qui méritent d'être conservés à la postérité.» - - Anne, dont les vertus, l'éclat et la grandeur - Ont rempli l'univers de leur vive splendeur, - Dans la nuit du tombeau conserve encor sa gloire, - Et la France à jamais aimera sa mémoire. - Elle sut mépriser les caprices du sort, - Regarder sans horreur les horreurs de la mort, - Affermir un grand trône et le quitter sans peine; - Et pour tout dire enfin, vivre et mourir en Reine. - - -_Sixain sur la conquête de la Franche-Comté._ - - Les héros de l'antiquité - N'étoient que des héros d'été: - Ils suivoient le printemps comme des hirondelles, - La Victoire en hiver pour eux n'avoit pas d'ailes; - Mais malgré les frimas, la neige et les glaçons, - Louis est un héros de toutes les saisons. - - -_Madrigal sur la Paix._ - - Jamais on n'avoit tant vanté - Ni campagne d'hiver, ni campagne d'été, - Quand Louis revenoit suivi de la Victoire. - Quelle est cette nouvelle gloire! - Sur ses propres exploits a-t-il pu renchérir, - Après tant de succès sur la terre et sur l'onde? - Oui, car donner la Paix au monde - C'est plus que de le conquérir. - -_Autre._ - - Dès que tu fais un pas, l'Europe est en alarmes, - Et contre l'effet de tes armes - Rien ne pourroit la soutenir. - Mais dans un calme heureux tu gouvernes la terre; - Quand on peut lancer le tonnerre, - Il est beau de le retenir. - - -_A l'Illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être_[634]. - - [634] L'auteur de l'ode envoyée à Sapho, au nom des Dames, avec - une guirlande de lauriers d'or émaillés de vert, était Mlle de la - Vigne. Voyez la _Notice_, p. 102. - - D'où viennent ces lauriers si verts, si précieux? - Sortent-ils de la terre ou tombent-ils des cieux? - Et d'où partent ces vers pleins d'esprit et de grâce, - Dont le tour délicat tous les autres efface? - Généreux inconnu, pourquoi vous cachez-vous? - Le plaisir d'obliger est un plaisir si doux! - Je vous cherche partout, et ne vous puis connoître; - Êtes-vous mon ami? Ne le pouvez-vous être? - Vous contenterez-vous de n'être qu'estimé? - En ne se nommant pas on ne peut être aimé. - Soyez du moins jaloux de votre propre ouvrage; - Nos plus rares esprits viennent lui rendre hommage. - Il n'a qu'un seul défaut qui se corrigera: - Mettez-y votre nom, et rien n'y manquera. - - -_Aux Demoiselles de Saint-Cyr._ - - Vous de qui l'innocence et la noble jeunesse - S'élève au pied du Trône à l'ombre d'un grand Roi, - Voulez-vous recueillir le fruit de sa largesse? - Du Roi de l'univers apprenez bien la loi. - De la nouvelle Esther[635] admirez la sagesse, - Sa rare piété, sa prudence et sa foi. - Ne demandez au ciel ni grandeur, ni richesse, - Dont le frivole éclat rend nos yeux éblouis; - Mais par des vÅ“ux ardents et remplis de tendresse, - Abrégeant vos souhaits, demandez-lui sans cesse, - Pour vous, pour nous, pour tous, qu'il conserve Louis. - - [635] Mme de Maintenon. - - -_Sur la naissance du duc de Bourgogne (1682)._ - - Venez, heureux enfant, venez à la lumière: - Vous allez commencer une illustre carrière; - Et le soleil qui naît aux bords de l'Orient - N'a pas, à sa naissance, un éclat si riant. - Tout brille autour de vous; les jeux, les ris, la gloire, - Parent votre berceau comme un char de victoire. - Mais, ô royal enfant, quand on sort des héros - On ne vit pas longtems dans les bras du repos. - Hâtez-vous, que le corps, l'esprit et le courage - Forcent les lois du tems et les règles de l'âge. - Passez rapidement les frivoles plaisirs, - Et concevez bientôt d'héroïques désirs. - Vous pourrez surpasser tous les princes du monde, - De vos premiers exploits couvrir la terre et l'onde, - Digne de votre nom, être admiré de tous, - Et voir toujours Louis bien au-dessus de vous, - Éclairer tous vos pas, vous servir de modèle, - Être du roi des rois une image fidèle, - Le bonheur des François, l'âme de ses États, - Et l'exemple éternel de tous les Potentats. - - -_Pour Monseigneur le duc de Bourgogne, faisant l'exercice avec les - Mousquetaires devant le Roi._ - - Quel est ce petit mousquetaire - Si savant en l'art militaire, - Et plus encore en l'art de plaire? - L'énigme n'est pas mal aisé: - C'est l'Amour, sans autre mystère, - Qui pour divertir Mars, s'est ainsi déguisé. - -_Sur ce que ce jeune Prince ne trouva pas bon qu'on l'eût comparé à - l'Amour._ - - Prince consolez-vous d'être un petit Amour, - Imitez bien Louis, vous serez Mars un jour. - - - _Portrait de Mme la duchesse de Bourgogne._ - - Avoir tous les appas de l'aimable jeunesse, - Joindre avec la beauté l'esprit et la sagesse, - Suivis d'un air charmant qu'on ne peut exprimer, - C'est ce qu'on trouve en la princesse, - Qu'on ne se lasse point de voir et d'admirer, - Et qui de tous les cÅ“urs sait se faire adorer. - - -_La Fauvette à Sapho, en arrivant à son petit bois, suivant sa coutume, - le 15 d'avril._ - - Plus vite qu'une hirondelle, - Je viens avec les beaux jours, - Comme fauvette fidèle, - Avant le mois des amours. - - * - * * - - J'ai trouvé sur mon passage - Un spectacle fort nouveau, - Pour m'expliquer davantage, - C'est le Doge et son troupeau[636]. - - * - * * - - Quoi, lui dis-je, entrer en France - Et vous montrer en ces lieux! - Oui, dit-il, par la clémence - Du plus grand des demi-dieux. - - * - * * - - Son cÅ“ur toujours magnanime - Ne pouvant se démentir, - Veut oublier notre crime, - Voyant notre repentir. - - * - * * - - Ah! m'écriai-je, ravie, - Ce héros par son grand cÅ“ur - Pardonne à qui s'humilie, - Et de lui-même est vainqueur. - - * - * * - - Dieux! quel bonheur est le vôtre, - D'aller recevoir sa loi; - Je n'en voudrois jamais d'autre, - Mais ce bien n'est pas pour moi. - - * - * * - - C'est assez que ma maîtresse - Souffre que ma foible voix, - Chante et rechante sans cesse - Qu'il est le phÅ“nix des Rois. - - * - * * - - Allez, Doge, allez sans peine - Lui rendre grâce à genoux: - La République romaine - En eût fait autant que vous. - - [636] Louis XIV ayant fait bombarder Gênes en 1684, à cause des - intelligences que cette ville entretenait avec l'Espagne, le doge - Francesco Maria Imperiali vint en France, accompagné de quatre - sénateurs, et fit à Versailles sa soumission au Roi, le 15 mai - 1685. - - -_A M. de Coulanges, à Rome._ - - _Madrigal._ - - Quoi, cette muse si jolie - Qui sait badiner sagement - Et toujours agréablement, - Se taira-t-elle en Italie? - Je lui demande trait pour trait - Un bon et fidèle portrait - D'un Pape que tout le monde aime: - Je me connois bien en tableaux, - Cette muse en fait de fort beaux, - Sa manière n'est pas la même: - Jamais sur le Parnasse on ne vit rien de tel, - Elle est tantôt Callot et tantôt Raphaël. - - - _Réponse de M. de Coulanges._ - - Sapho, qui va trop loin se perd: - Je crains un labyrinthe, - Le chemin ne m'est point ouvert - Pour aller à Corinthe. - Vous demandez de ma façon - Le portrait du Saint-Père: - Pour chanter le grand Ottobon[637] - Il faudroit un Homère[638]. - - [637] Ottoboni, pape qui succéda à Innocent XI, sous le nom - d'Alexandre VIII. - - [638] Ces deux pièces se trouvent dans le _Recueil des Å’uvres - choisies_ de Coulanges, 1698, t. I, p. 256, ou t. II, p. 69. - - -COULANGES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - Sur l'air: _Quand je suis une fois en débauche._ - - Sapho, j'ai longtemps hésité, - Mais il faut que je chante - Le retour de votre santé; - Ce beau sujet me tente. - Quand la fièvre vous fait souffrir - Ce n'est qu'une querelle, - Eh quoi! jamais peut-on mourir - Quand on est immortelle? - - - _Réponse de Mademoiselle de Scudéry._ - - Vous louez trop flatteusement - Une pauvre mortelle. - Je sais bien qu'en vers quand on ment - Ce n'est que bagatelle; - Mais, pour ne vous rien déguiser, - Je ne saurois me rendre, - Car il faudroit pour m'apaiser - Le portrait d'Alexandre[639]. - - [639] Alexandre VIII, pape. - - -_Sur le portrait de feu M. le duc de Montausier[640]._ - - [640] Voir, sur la mort de M. de Montausier, p. 353. - - Une lettre inédite de Mlle de Scudéry à Huet renferme ce passage: - «Voici quatre vers de M. Petit de Rouen, sur ceux que vous louez - trop: - - «Vos sept vers valent un volume. - «C'est du grand Montausier le plus riche tableau, - «Mais, Sapho, vous savez faire voler la plume - «Où ne peut aller le pinceau.» - - C'est là de Montausier l'héroïque visage, - C'est là son air si grand, et si noble, et si sage, - C'est tout ce qu'il nous laisse après avoir été. - O triste souvenir! quand je mets tout ensemble, - Son esprit, son savoir et son cÅ“ur indompté, - Fier, bon, tendre, constant, rempli de piété, - Hélas, je cherche en vain quelqu'un qui lui ressemble. - - - _Sur la mort de l'abbé Boisot (1694)._ - - Quoi! cet illustre abbé si bon, si vertueux, - Si savant, si poli, d'un cÅ“ur si généreux, - Qui connoissoit si bien le merveilleux Acante[641], - Dont il étoit aimé d'une amitié constante, - A subi de la mort les implacables lois! - Ah! d'un si rare ami la perte surprenante - Rend ma douleur si violente - Que je crois perdre Acante une seconde fois. - - [641] Pellisson. - - - _Madrigal de Mlle Descartes sur la fauvette de Sapho._ - - Voici quel est mon compliment - Pour la plus belle des fauvettes, - Quand elle revient où vous êtes: - Ah! m'écriai-je alors avec étonnement, - N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement[642]. - - [642] Mlle de Scudéry a tant de fois fait allusion à ces vers - qu'ils doivent trouver place ici, bien que déjà cités dans une - lettre à Huet, de 1689, p. 313. Voyez aussi, p. 54, 112, 395. - - La Fontaine a traité agréablement du système de Descartes sur - l'âme et l'intelligence des bêtes, dans sa première fable du - dixième livre, adressée à Mme de la Sablière. - - On voit dans le _Recueil de poésies_ du P. Bouhours la réponse de - Mlle de Scudéry à Mlle Descartes: elle est intitulée: _Sapho à - l'illustre Cartésie_, et se termine par les deux quatrains - suivants où elle lui fait des reproches de son absence: - - Après cela, Cartésie, - Pour vous parler franchement, - Il m'entre en la fantaisie - De vous gronder tendrement. - - * - * * - - De ma fauvette fidèle - Vous avez tous les appas, - Vous charmez aussi bien qu'elle, - Mais vous ne revenez pas. - - -L'ANNEAU D'HORACE. - - _A Mlle de Scudéry, en lui envoyant un anneau d'or, dans lequel - est enchassée une agate antique où le portrait d'Auguste est - gravé en relief._ - - L'aimable courtisan d'Auguste, - Horace, dont la lyre enchanta les humains, - Portoit au doigt ce petit buste - Du plus grand de tous les Romains. - - Pour louer ce maître du monde, - Qui, l'honorant d'un si beau sort, - Lui fit sentir sa main en bienfaits si féconde, - Ce portrait l'inspiroit d'abord. - - Mais, Sapho, si jadis cette puissante image - Sut l'échauffer d'un feu si charmant et si doux, - A qui convient si bien qu'à vous - Ce reste de son héritage? - - Les Grâces comme à lui, sur cent sujets divers, - Vous ouvrent leur noble carrière, - Et son âme en vos mains passe encor tout entière, - Quand le nom de Louis, sur l'aile de vos vers, - Ainsi qu'en un char de lumière, - Vole aux deux bouts de l'univers. - - Que dis-je! Horace même auroit manqué d'haleine, - Et n'auroit pu vous imiter, - S'il eût eu comme vous sur les bords de la Seine - Tant de miracles à chanter. - - Qu'auroit-il dit de Mons, de Besançon, de Lille - Et de tant d'ennemis, avec un bras d'Achille, - Repoussés en tant de façons? - Peut-être qu'au milieu de ces riches moissons, - Sa muse impuissante et stérile, - N'auroit pu lui fournir que de trop foibles sons. - - Peut-être que l'anneau qui fit couler sa veine - Parmi tant de rayons n'auroit de rien servi, - Et que son Å“il surpris n'eût soutenu qu'à peine - Les hauts faits qui l'auroient ravi. - - Mais Louis d'un regard fait cent fois plus qu'Auguste - N'eût fait avec mille regards, - Sapho, quand votre esprit et si vif et si juste, - Sous des tas de lauriers nous peint ce nouveau Mars. - - Pour moi, malgré ma longue absence, - Je crois revoir encor ce Héros de la France, - Quand mon zèle, à mes yeux, retraçant ce vainqueur, - Chaque instant offre à ma mémoire - Le portrait que toute sa gloire - A si bien gravé dans mon cÅ“ur. - - DE BÉTOULAUD. - - -_Réponse de Mlle de Scudéry à M. de Bétoulaud._ - - L'Anneau d'Horace est précieux, - Il plaît à tous les curieux; - Mais, Damon, l'oserois-je dire? - J'eusse bien mieux aimé sa lyre. - Peut-être me la cachez-vous, - Et vous chantez d'un air si doux, - Si noble, si haut, et si juste - Un héros bien plus grand qu'Auguste, - Que j'ai sujet de soupçonner - Que vous pouviez me la donner. - Quoi qu'il en soit, je vous la laisse, - Je n'aurois pas assez d'adresse - Pour en tirer un son charmant; - Mais je chanterai hardiment - Que la vérité toute pure, - Sans ornement et sans figure, - Suffit pour faire voir que les héros romains - N'étoient près de Louis que des fantômes vains, - Et que le faux éclat de leurs vertus payennes - Est terni pour jamais par ses vertus chrétiennes. - Quand il répand son âme au pied de nos autels - Il ne compte pour rien ses lauriers immortels, - Et cette humilité, qui n'eut jamais d'exemple, - Lui fait bien plus d'honneur que n'auroit fait un temple. - - -_Aux habitants de Gironne, 1694._ - - Lorsque vos Rois étoient de vrais Rois catholiques, - Saint Narcisse[643] prioit pour vous; - Mais lorsqu'il voit Nassau, chef de tant d'hérétiques, - Suborner votre prince et s'unir contre nous, - Ce saint qui sert un Dieu jaloux, - Et qui ne veut point de partage, - Cesse de protéger un prince si peu sage, - Et par un équitable choix - Se range du parti du plus juste des Rois. - - [643] Évêque de Gironne au IVe siècle et martyr lors de la - persécution de Dioclétien. Voy. les _Acta Sanctorum_, à la date - du 18 mars. - - -_Sentiment généreux, ou Réponse de Mlle de Scudéry aux vers d'un de ses - amis qui la flattoit d'immortalité._ - - Quand l'aveugle destin auroit fait une loi - Pour me faire vivre sans cesse, - J'y renoncerois par tendresse, - Si mes amis n'étoient immortels comme moi. - - -_Autre réponse à un madrigal où on la traitoit encore d'immortelle. - - Votre madrigal est joli, - Il est agréable et poli; - Vous me louez de bonne grâce: - Mais pour cette immortalité - Dont on parle tant au Parnasse, - Hélas! ce n'est que vanité. - Car à la fin, Damon, le plus grand nom s'efface - Dans la sombre postérité: - Et si le ciel vouloit contenter mon envie - J'en quitterois ma part pour un siècle de vie. - - -_Vers adressés à Mlle de Scudéry._ - - Sapho, l'ornement de nos jours, - Toi qui fis de si beaux modèles - Des plus hautes vertus, des plus chastes amours, - Pour les héros et pour les belles, - Qui, sans les imiter, les admirent toujours, - Et qui n'en sont pas plus fidèles; - Tous ces chefs-d'Å“uvre précieux - Assurent à ton nom une immortelle gloire, - Et t'ont placée au rang des filles de mémoire - Pour chanter les exploits et les amours des dieux. - - DE CALLIÈRES[644]. - - [644] _La Science du Monde_, 1717, in-12. - - -_Épitaphe de Mlle de Scudéry._ - - Ci-gît la Sapho de nos jours, - Qui sur la Grecque eut l'avantage - D'accorder les tendres amours - Avec la raison la plus sage. - Jeux innocents, prenez le deuil, - Muses, pleurez sur son cercueil - La perte de vos plus doux charmes, - Beau sexe, fondez-vous en larmes; - Votre principal ornement - Est caché dans ce monument. - - Mme D'OSEVILLE. - - -FIN. - - - - -TABLE. - - - AVANT-PROPOS 1 - - - NOTICE SUR MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. - - Chap. I.--Famille.--Premières années.--Séjour - en Provence. 1607-1647 1 - - Chap. II.--Le _Cyrus_.--La _Clélie_, etc., etc.--Les - Samedis.--Pellisson.--Réaction littéraire. 1647-1659. 42 - - Chap. III.--Affaires domestiques.--Les _Conversations - Morales_.--Succès académiques.--Illustres amitiés. - Vieillesse et fin. 1660-1701 99 - - Appendice à la Notice 139 - - - CORRESPONDANCE. - - Lettre de Mlle de Scudéry à M. Chapelain [mars ou avril 1639] 143 - - -- au même [mars ou avril 1639] 145 - - Lettre de Chapelain à Mlle de Scudéry (mars ou avril 1639) 147 - - Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle Robineau, Rouen, 5 septembre - 1644 148 - - -- à Mlle Paulet, Avignon, 27 novembre 1644 155 - - -- à la même, Marseille, 13 décembre 1644 159 - - -- à Mlle de Chalais, Marseille, 13 décembre 1644 166 - - -- à Mlle Paulet, Marseille, 27 décembre 1644 170 - - -- à Mlle Robineau, Marseille, 3 janvier 1645 174 - - Lettre de Chapelain à Mlle de Scudéry, Paris, 19 janvier 1645 177 - - Réponse de Mlle de Scudéry à M. Chapelain, Marseille, 31 janvier - 1645 181 - - Lettre de Mlle de Scudéry au même, sans date 183 - - -- à Mlle Paulet, Marseille, 13 mars 1645 186 - - -- à la même, Marseille, 28 mars 1645 191 - - -- à la marquise de Montausier [août 1645] 196 - - -- à Mlle Paulet, Marseille, 10 décembre 1645 200 - - -- à Mlle Dumoulin, Marseille, 21 août 1647 204 - - -- à M. Conrart [1647] 207 - - -- à M. Chapelain 7 [décembre] 1649 208 - - -- à M. Godeau, évêque de Grasse et de Vence, Paris, 22 février - 1650 210 - - -- au même, 8 septembre 1650 215 - - -- au même, octobre 1650 222 - - -- au même, 4 novembre 1650 227 - - -- au même, 18 novembre 1650 234 - - -- au même, 30 décembre 1650 236 - - -- au même, 2 mars 1651 241 - - -- à M. Chapelain, 25 avril 1653 246 - - Lettre du Mage de Sidon (Godeau) à Sapho (Mlle de Scudéry), - Vence, 7 février 1654 249 - - Réponse de Sapho au Mage de Sidon, 29 mars 1654 251 - - Lettre de Mlle de Scudéry au même, 19 juin 1654 252 - - -- à Mme la comtesse de Maure, octobre 1655 254 - - -- à une personne inconnue qui lui avoit envoyé un présent, mai - 1656 255 - - Lettre de Pellisson à Mlle de Scudéry, 9 octobre 1656 258 - - Réponse de Sapho à Herminius (Pellisson), 10 octobre 1656 263 - - Réplique d'Herminius à Sapho, 13 octobre 1656 265 - - Lettre de M. de Bouillon à Mlle de Scudéry, 21 mai 1657 267 - - Réponse de Mlle de Scudéry à M. de Bouillon 268 - - Lettre de Mlle de Scudéry à M. de Raincy, Athis, septembre - 1657 268 - - -- au Mage de Sidon, 21 octobre 1658 271 - - -- à Mme la comtesse de Maure, juillet 1660 273 - - -- à un auteur qui lui avoit envoyé une pièce intitulée: - _Le Louis d'Or_ (Isarn), 1660 274 - - Lettre de Mlle de Scudéry à M. Pellisson, les Pressoirs, - septembre 1661 276 - - -- au même, septembre 1661 277 - - -- au même, 7 septembre 1661 279 - - -- à M. Huet, à Caen [septembre 1661] 284 - - -- au même [fin de 1661] 286 - - -- Remercîment au Roi [octobre 1663] 287 - - -- à M. Huet, à Caen, 18 décembre [1663] 289 - - -- à M. Colbert, ministre d'État [décembre 1663] 290 - - -- à M. Huet, à Caen [1664 ou 1665] 292 - - -- au même [1665 ou 1666] _Ibid._ - - -- au même, vendredi [1670] 293 - - -- à P. Taisand, 19 juillet 1673 296 - - -- à M. Charpentier, de l'Académie française [1673] 297 - - -- à M. l'abbé Huet, à Aunay, 7 juillet 1684 298 - - -- à M. de Vertron [1685 ou 1686] 299 - - -- au même [1685 ou 1686] 300 - - -- au même [1685 ou 1686] 301 - - -- à M. l'abbé Boisot, à Besançon, 2 novembre 1686 303 - - -- à M. l'évêque de Poitiers [février 1687] 304 - - -- à M. l'abbé Boisot, 12 septembre 1687 304 - - -- au même, 17 octobre 1687 306 - - -- au même, 19 août 1689 307 - - -- au même, 7 septembre 1689 309 - - -- au même, 7 octobre 1689 311 - - -- à M. Huet [1689] 312 - - -- à M. l'abbé Boisot, 22 mars 1690 313 - - Réponse de Mlle de Scudéry aux vers de M. le premier - président de Guyenne [mai 1690] 315 - - Lettre de Mlle de Scudéry à M. l'abbé Boisot, 16 mars 1691 319 - - -- à Mlle Bordey, 16 mars 1691 321 - - -- à M. l'abbé Boisot, 23 mars 1691 323 - - -- au même, 27 juillet 1691 325 - - -- au même, 29 août 1691 326 - - -- à Mlle Bordey, 29 août 1691 327 - - Lettre de Mlle de Scudéry à M. Huet, évêque d'Avranches, - 25 octobre [1691] 329 - - -- à M. l'abbé Boisot, 18 décembre 1691 330 - - -- à Mme de Chandiot (Mlle Bordey), 18 décembre 1691 332 - - -- à M. Huet, évêque d'Avranches [fin de 1691] 333 - - -- à M. l'abbé Boisot, 17 janvier 1692 333 - - -- au même, 5 avril 1692 336 - - -- au même, 30 avril 1692 337 - - -- au même, 10 mai 1692 340 - - -- au même, 31 mai 1692 342 - - -- au même, 20 juillet 1692 344 - - -- au même, 20 septembre 1692 346 - - -- au même, 11 octobre 1692 348 - - -- au même, 3 novembre 1692 350 - - -- à M. Huet, évêque d'Avranches [1692] 353 - - -- à M. l'abbé Boisot, 21 février 1693 354 - - -- au même, 28 février 1693 356 - - -- au même, 7 mars 1693 358 - - -- au même, 3 avril 1693 360 - - -- au même, 22 mai 1693 362 - - -- au même, 7 juin 1693 365 - - -- au même, 15 décembre 1693 367 - - -- au même, 6 mars 1694 369 - - -- au même, 10 mars 1694 371 - - -- au même, 20 mars 1694 372 - - -- au même, 24 mars 1694 373 - - -- au même, 7 avril 1694 374 - - -- à M. Huet, évêque d'Avranches, 4 juin [1694] 375 - - -- à M. l'abbé Boisot, 21 août 1694 377 - - -- au même, août 1694 379 - - -- au même, 6 novembre 1694 380 - - -- à Mme de Chandiot, 20 avril [1695] 382 - - -- à la même, 15 mai [1695] 383 - - -- à M. l'abbé Nicaise, septembre 1695 385 - - -- à M. Huet, évêque d'Avranches [1695] 386 - - -- au même, 29 décembre [1695] 387 - - -- à Mme de Chandiot, 27 octobre 1699 388 - - Lettre de Mlle de Scudéry à M. Vallée, premier commis - du contrôle général des finances, 27 janvier [1701] 390 - - -- à M. Huet, évêque d'Avranches, 23 avril [1701] 390 - - -- à Mlle Descartes, sans date 393 - - Réponse de Mlle Descartes à Mlle de Scudéry, sans date 396 - - Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle Descartes, sans date 398 - - Réponse de Mlle Descartes à Mlle de Scudéry, sans date 399 - - Lettre de Mlle de Scudéry à Mlle Descartes (en vers), sans - date 401 - - Réponse de Mlle Descartes à Mlle de Scudéry, sans date 402 - - Lettre de Mlle de Scudéry à M. Huet, sans date 403 - - -- au même, sans date 404 - - -- au même, 21 mai 405 - - -- à M. Sabatier, de l'Académie d'Arles, sans date 406 - - -- à M. Nublé, sans date 407 - - -- à la Reine Christine, sans date 408 - - - LETTRES ADRESSÉES A Mlle DE SCUDÉRY OU QUI LA CONCERNENT. - - Balzac à Mlle de Scudéry, 25 juillet 1639 411 - - Chapelain à la même, 4 août 1639 414 - - Godeau à la même, Grasse, 16 août 1641 416 - - Chapelain à la même, 12 avril 1645 418 - - Mlle de Chalais à la même, Sablé, 28 juin 1647 421 - - Mlle de Chalais à Mlle Paulet au sujet de Mlle de Scudéry, - Sablé, 28 juin 1647 424 - - Chapelain à Mlle de Scudéry, 17 juillet 1647 426 - - Sarasin à la même, 30 décembre 1650 428 - - La princesse Sybille de Brunswick à la même, Wolffenbuttel, - 8 juillet 1654 433 - - Ménage à la même, 1658 434 - - Corneille (Pierre) à la même, Rouen, 16 décembre 1659 437 - - Réponse de Sapho à P. Corneille [1659] 438 - - Charpentier à Mlle de Scudéry [1659] 439 - - Brébeuf à la même, Rouen, 24 août [1660] 440 - - La Calprenède à la même, Vatimesnil, 12 septembre 1661 444 - - Corbinelli à Mlle de Scudéry, Montpellier, 7 septembre 1665 445 - - Le P. Rapin à la même, 22 novembre 1665 447 - - Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 25 janvier 1666 448 - - Le P. Verjus à la même, 12 décembre 1666 449 - - Forbin-Janson, évêque de Digne, à la même, Aix, 4 février 1668 450 - - Le même à la même, Aix, 12 février 1668 451 - - Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 6 avril [1668] 452 - - Le même à la même, 19 avril 1668 453 - - Pellisson à la même, Chambord, 14 octobre 1668 455 - - Le même à la même, Landrecy, 6 mai 1670 459 - - Corbinelli à la même [vers 1670] 461 - - Le P. Rapin à la même, Bâville, 21 septembre [1671] 462 - - Corbinelli à la même [1671] 464 - - Mascaron, évêque de Tulle, à la même, Tulle, 5 juin 1673 465 - - Deshoulières (Mme) à la même, 1er décembre [1676] 466 - - Bonnecorse à la même, Marseille, 20 mars 1681 467 - - Charleval à la même, Verneuil, 1683 468 - - Maintenon (Mme de) à la même, Versailles, 19 août 1684 470 - - Sévigné (Mme de) à la même, 11 septembre 1684 470 - - Dacier (Mme) à la même, Castres, 17 juillet 1685 472 - - Fléchier à la même, 26 décembre 1685 473 - - Le P. Verjus à la même, Versailles, 25 novembre 1686 474 - - Christine, reine de Suède, à la même, Rome, 30 septembre 1687 475 - - Sévigné (Mlle de) à la même [3 août 1688] 478 - - Brinon (Mme de), supérieure de la Maison de Saint-Cyr, - à la même, 3 août 1688 479 - - Le P. Bouhours à la même [1688] 480 - - Mascaron, évêque d'Agen, à la même, Montbran, 15 octobre [1688] 481 - - Le même à la même, 16 août [1691] 482 - - Arnauld de Pomponne à la même, Versailles, 27 août 1691 484 - - Fontevrault (l'abbesse de) à la même, Fontevrault, 18 octobre - 1692 485 - - Bossuet à Mlle Dupré, sur la mort de Pellisson, 14 février 1693 486 - - Bossuet à Mlle de Scudéry, sur le même sujet, 1693 488 - - Méré (le chevalier de) à la même, sans date 491 - - Furetière à la même, sans date 492 - - Pertuis (M. de) à la même, sans date 494 - - Le Laboureur à la même, sans date 495 - - Le P. Rapin à la même, Arras, sans date 496 - - Regnier-Desmarais à la même, sans date 497 - - Larochefoucauld (le duc de) à la même, sans date 498 - - Le même à la même, sans date 499 - - Lafayette (la comtesse de) à la même, sans date 500 - - Nanteuil à la même, sans date 501 - - George de Scudéry à Mme l'abbesse de Caen, 7 avril 1660 503 - - Le même à M. de Sainte-Marthe, sans date 504 - - Longueville (Mme la duchesse de) à George de Scudéry, - Moulins, 29 août 1654 505 - - - CHOIX DE POÉSIES. - - Impromptu fait au donjon de Vincennes 509 - - Stances sur la Paix 209 - - A M. Conrart, sur un cachet 510 - - Billet en vers à M. de Charleval 511 - - Requête, ou Placet au Roi, des Amans contre les Filous 511 - - Réponse des Filous à la Requête des Amans 513 - - Vers envoyés à Mlle de Scudéry pour accompagner une corbeille, - etc. 514 - - Réponse de Mlle de Scudéry 516 - - Madrigal de M. Bosquillon à Mlle de Scudéry 517 - - Madrigal de M. Petit sur le précédent 517 - - La Tubéreuse à Célie le jour de sa fête 518 - - Les Jasmins jonquilles à l'abbé Regnier 519 - - Sur la mort d'Anne d'Autriche 519 - - Sixain sur la conquête de la Franche-Comté 520 - - Madrigal sur la Paix 520 - - Autre 520 - - A l'illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être 521 - - Aux demoiselles de Saint-Cyr 521 - - Sur la naissance du duc de Bourgogne 522 - - Pour Mgr le duc de Bourgogne faisant l'exercice 522 - - Sur ce que ce jeune prince ne trouva pas bon qu'on l'eût - comparé à l'Amour 522 - - Portrait de Mme la duchesse de Bourgogne 523 - - La Fauvette à Sapho 533 - - A M. de Coulanges à Rome 524 - - Réponse de M. de Coulanges 525 - - M. de Coulanges à Mlle de Scudéry 525 - - Réponse de Mlle de Scudéry 525 - - Sur le portrait du duc de Montausier 526 - - Sur la mort de l'abbé Boisot 526 - - Madrigal de Mlle Descartes sur la Fauvette de Sapho 527 - - L'anneau d'Horace à Mlle de Scudéry, par M. de Bétoulaud 527 - - Réponse de Mlle de Scudéry 529 - - Aux habitants de Gironne 529 - - Sentiment généreux de Mlle de Scudéry 530 - - Réponse à un madrigal où on la traitait d'immortelle 530 - - Vers à Mlle de Scudéry, par M. de Callières 530 - - Épitaphe de Mlle de Scudéry, par Mme d'Oseville 531 - - -FIN DE LA TABLE. - - - - -PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE L. TECHENER - - -BIBLIOTHÈQUE CHOISIE - -A L'USAGE DES - -GENS DU MONDE - -Qui se compose de: - - Bossuet, Connaissance de Dieu 1 vol. 6 00 - - Lettres de saint François de Sales 1 vol. 6 00 - - Pensées de Bourdaloue 2 vol. 12 00 - - De l'éducation des filles, par Fénelon 1 vol. 6 00 - - Réflexions sur la miséricorde de - Dieu, par Mme de Lavallière 2 vol. 8 00 - - Tissot, De la santé des gens de lettres 1 vol. 5 00 - - Esquisses morales. Pensées et Réflexions - de Daniel Stern 1 vol. 5 00 - - Journal de Rosalba Carriera 1 vol. 6 00 - - Les Romans de la Table-Ronde 2 vol. 12 00 - - Aventures de Maître Renart 1 vol. 4 00 - - Le Goupillon, par M. Boissonnade, - de l'Institut 1 vol. 4 00 - - Le prêtre marié, par Ch. Nodier 1 vol. 3 50 - - Å’uvres mêlées de Saint-Évremond 3 vol. 18 00 - - Lettres de Mme de Sévigné 11 vol. 55 00 - - Historiettes de Tallemant des Réaux 6 vol. 24 00 - - Histoire anecdotique de la jeunesse - de Mazarin 1 vol. 3 50 - - Souvenirs de Mme de Caylus 1 vol. 8 00 - - Mémoires du baron de Gleichen 1 vol. 4 00 - - Marie-Antoinette et la Révolution - française 1 vol. 4 00 - - Vie de Madame de Lafayette 1 vol. 5 00 - - -Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris. - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Mademoiselle de Scudéry, sa vie et s - correspondance, by Edmé-Jacques-Benoït Rathery and Boutron - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MADEMOISELLE DE SCUDERY *** - -***** This file should be named 53761-0.txt or 53761-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/3/7/6/53761/ - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa correspondance - -Author: Edmé-Jacques-Benoït Rathery - Boutron - -Release Date: December 18, 2016 [EBook #53761] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MADEMOISELLE DE SCUDERY *** - - - - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - - - - - - -</pre> - - -<div class="tnote"> -<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. -L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. -Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.</p> -</div> - -<h1><span class="small">MADEMOISELLE</span><br /> -<span class="xlarge">DE SCUDÉRY</span><br /> -<span class="small">SA VIE, ET SA CORRESPONDANCE, &<span class="super">a</span></span></h1> - -<div class="topspace frontmatter"> -<hr class="deco" /> -</div> -<div class="frontmatter"> -<p><span class="small">PARIS—TYPOGRAPHIE LAHURE</span><br /> -<span class="xs">Rue de Fleurus, 9</span></p> -</div> -<hr class="deco" /> - -<div class="topspace titlepage"> -<p><span class="medium">MADEMOISELLE</span><br /> -<span class="xlarge">DE SCUDÉRY</span><br /> -<span class="small">SA VIE ET SA CORRESPONDANCE</span><br /> -<span class="xss">AVEC</span><br /> -<span class="xs">UN CHOIX DE SES POÉSIES</span><br /> -<span class="xxs">PAR</span><br /> -<span class="medium">MM. RATHERY ET BOUTRON</span></p> -<div class="figcenter"> -<img src="images/001.jpg" width="80" height="74" alt="deco" /> -</div> -<p><span class="large">PARIS</span><br /> -<span class="small">LÉON TECHENER, LIBRAIRE-ÉDITEUR</span><br /> -<span class="xs">RUE DE L'ARBRE-SEC, 52</span></p> -</div> -<hr class="deco" /> -<div class="titlepage"> -<p class="small">M DCCC LXXIII</p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_I"> I</a></span></p> -<div class="chapter"> -<div class="figcenter"> -<img src="images/007.jpg" width="250" height="58" alt="deco" /> -</div> -<h2 class="normal">AVANT-PROPOS.</h2> -</div> - -<p><i>Un écrivain que nous aurons à citer souvent, -parce qu'en traçant l'</i><span class="cap">H</span><span class="smallc">ISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE -au dix-septième siècle,</span> <i>il a pris pour guide -celle à qui le présent volume est consacré, M. Cousin, -a exprimé plus d'une fois le regret «qu'à la -fin du dix-septième siècle, ou dans le premier -tiers du dix-huitième, on n'ait pas eu l'idée de -recueillir les petits vers si agréablement tournés -que M<sup>lle</sup> de Scudéry laissait échapper en toute occasion -de sa veine facile, et qui charment à la fois -l'esprit et l'oreille. On aurait pu y joindre, ajoutait-il, -un choix de lettres sérieuses ou badines -sorties de la même plume. Nous sommes assuré -qu'on eût composé ainsi un volume agréable.»</i></p> - -<p><i>Ce qu'on n'a pas fait alors, peut-être y a-t-il -bien de la témérité à l'entreprendre aujourd'hui,</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_II"> II</a></span> -<i>où l'attention du public semble si éloignée de ces -curiosités du passé. Et pourtant, est-ce bien le -moment pour nous de dédaigner les pages brillantes -de notre histoire, et l'étude de cette sociabilité -française qui reste une de nos gloires les plus -incontestées? Or M<sup>lle</sup> de Scudéry a traversé tout -le dix-septième siècle; ses écrits, son exemple, son -entourage, ont contribué à cet avénement de la -société polie qui en marqua la première moitié, -qui prépara les splendeurs de la seconde, et que -les nations voisines s'efforcèrent à l'envi d'imiter -de leur mieux. Sans doute elle mêla quelque mauvais -goût à cette action salutaire; elle raffina sur -les sentiments, elle raffina sur le style. Il faut -que ses lecteurs en prennent leur parti. Après -tout, mieux vaut le langage des ruelles que celui -des clubs: n'abuse pas qui veut de la politesse et -de l'esprit. Quant aux lectrices, nous comptons -sur leurs sympathies pour la bonne, l'aimable, -l'ingénieuse M<sup>lle</sup> de Scudéry, et, si elles étaient -tentées de se montrer sévères pour la précieuse, -nous leur rappellerions ce qu'un poëte disait</i></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="ni2">A UNE DAME EN LUI ENVOYANT LES ŒUVRES DE VOITURE</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Voici votre Voiture et son galant Permesse,</p> -<p>Quoique guindé parfois, il est noble toujours;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_III"> III</a></span></div> -<p>On voit tant de mauvais naturel de nos jours,</p> -<p>Que ce brillant monté m'a plu, je le confesse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>On voit (c'est un beau tort) que le commun le blesse,</p> -<p>Et qu'il veut une langue à part pour ses amours,</p> -<p>Qu'il croit les honorer par d'étranges discours;</p> -<p>C'est là de ces défauts où le cœur s'intéresse.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'était le vrai pour lui que ce faux tant blâmé;</p> -<p>Je sens que volontiers, femme, je l'eusse aimé;</p> -<p>Il a d'ailleurs des vers pleins d'un tendre génie;</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tel celui-ci, charmant, qui jaillit de son cœur:</p> -<p>«Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie.»</p> -<p>Saurez-vous, comme moi, comprendre sa douceur<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor"> [1]</a>?</p> -</div></div> - -<p><i>Nous devons dire quelques mots sur la manière -dont nous avons compris nos devoirs d'éditeurs, et -sur le plan que nous avons suivi.</i></p> - -<p><i>Il y a des auteurs dont le public veut tout connaître; -il en est d'autres qu'il lui suffit d'envisager -par leurs côtés les plus caractéristiques. Esquisser -leur physionomie en la replaçant dans le milieu -qui l'éclaire, choisir parmi leurs productions ce -qui peut le mieux donner l'idée de leur manière,—l'expression -n'est pas déplacée quand il s'agit -de M<sup>lle</sup> de Scudéry,—en un mot être fidèle sans</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_IV"> IV</a></span> -<i>se croire obligé d'être complet, voilà le but que -les éditeurs se sont proposé d'atteindre.</i></p> - -<p><i>Nous avons été particulièrement sobres dans le -choix des Poésies, dont le principal mérite consiste -dans une grâce facile ou dans des allusions aux -événements du temps.</i></p> - -<p><i>Mais nous avons dû faire une place plus large -à la Correspondance, en y comprenant non-seulement -les lettres écrites par M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même, -mais encore celles qui lui furent adressées -par ses contemporains. Les premières, malgré des -taches provenant de la négligence, et, le plus souvent, -de l'affectation, ont une véritable valeur littéraire -et historique. Les secondes donnent peut-être -une plus haute idée encore de celle à qui elles -s'adressent, par les témoignages de tendre amitié -et de haute estime qu'elles renferment de la part -de correspondants tels que M<sup>me</sup> de Sévigné, la reine -Christine, le grand Corneille, Bossuet, Leibnitz. -Tout en consacrant aux unes et aux autres deux -séries distinctes, nous avons rapproché celles qui -se répondent, et ne sauraient être séparées sans -inconvénient.</i></p> - -<p><i>Bon nombre des lettres que nous publions ici font -partie des Manuscrits Conrart à la Bibliothèque</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_V"> V</a></span> -<i>de l'Arsenal, ou des papiers de l'abbé Boisot à la -Bibliothèque de Besançon. Beaucoup étaient éparses -dans des Mémoires, Correspondances ou recueils -du temps. Enfin, grâce à l'obligeance de certains -amateurs, les éditeurs ont pu, aux pièces tirées de -leurs propres portefeuilles, en joindre d'autres -pour la plupart inédites. Celles mêmes qui étaient -déjà connues par les publications de MM. de Monmerqué, -Cousin, etc., ont été par nous, à l'occasion, -complétées, rectifiées, remises à leur vraie place. -Nous devons déclarer, à ce propos, que nous avons -attaché aux dates une importance exceptionnelle, -et que, grâce à des recherches dont les lecteurs ne -soupçonneront guères l'étendue et l'opiniâtreté, -nous avons tenu à dater,—fût-ce approximativement, -et en distinguant toujours par des crochets -nos conjectures des indications fournies par -les originaux eux-mêmes,—presque toutes les -lettres renfermées dans notre volume.</i></p> - -<p><i>Nous n'avons pu retrouver toutes celles dont -l'existence nous est attestée par divers témoignages. -Sans parler de la grande lettre à M<sup>lle</sup> d'Arpajon -sur sa retraite aux Carmélites, de l'épître -de quinze pages à Bossuet au sujet de la mort de -Pellisson, il y a des séries entières de lettres de</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_VI"> VI</a></span> -<i>M<sup>lle</sup> de Scudéry ou à elle adressées, qui ont à peu -près entièrement disparu. Nous savons, par Chapelain -que Conrart lui écrivait en Provence «presque -toutes les semaines.» Ce même Chapelain ne possédait -pas moins de soixante-dix-huit lettres de -Scudéry ou de sa sœur, comme en fait foi le</i> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ATALOGUE</span> -<i>ou plutôt l'</i><span class="cap">I</span><span class="smallc">NVENTAIRE MANUSCRIT</span> <i>de sa bibliothèque. -Elle dit elle-même quelque part: «J'ai -brûlé plus de cinq cents lettres de Pellisson du temps -de la Bastille.» Enfin elle resta en correspondance -jusqu'à la fin de sa vie avec d'anciens amis de -Provence: Forbin-Janson, Mascaron, Bonnecorse. -Combien peu de ces précieux documents -sont parvenus jusqu'à nous! Cet inventaire de nos -pertes, qu'il nous aurait été facile de grossir, nous -avons tenu du moins à le présenter ici, dans l'espoir -que le hasard ou ces indications mêmes en -pourront faire retrouver une partie.</i></p> - -<p><i>Nous avons eu pour le texte de notre auteur un -respect suffisant, mais non superstitieux. Sans -l'altérer jamais, nous l'avons abrégé quelquefois; -nous ne sommes pas parvenus à en faire disparaître -des répétitions inévitables dans les mentions -d'un même fait raconté à des personnes différentes, -ni des variations faciles à expliquer dans le style</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_VII"> VII</a></span> -<i>d'un auteur qui a vu la langue se transformer pendant -une longue carrière touchant d'un bout à -Balzac et de l'autre à La Bruyère. Quant à l'orthographe, -que M<sup>lle</sup> de Scudéry a également vue se modifier, -qu'elle a contribué à modifier elle-même, -nous n'avons pas hésité à lui donner, comme l'a -fait M. Cousin, les formes modernes, sauf certaines -particularités ou locutions, dont l'absence aurait -produit l'effet d'une espèce d'anachronisme.</i></p> - -<p><i>Nous ne pouvions songer à faire figurer dans ce -volume, même par extraits, ni les Romans, dont -M. Cousin a donné, surtout pour ce qui regarde le</i> -<span class="cap">G</span><span class="smallc">RAND</span> <span class="cap">C</span><span class="smallc">YRUS</span>, -<i>d'assez longs épisodes, ni même—et -nous le regrettons davantage—les</i> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ONVERSATIONS</span> -<span class="cap">M</span><span class="smallc">ORALES</span> <i>qui constituent un ensemble de préceptes -renfermés dans un cadre analogue et difficiles -à séparer. Nous avons du moins cherché, dans -la</i> <span class="cap">N</span><span class="smallc">OTICE</span> <i>et dans les notes, à donner une idée de -ces compositions, et à en tirer les éclaircissements -et les exemples qui pouvaient servir à l'intelligence -de la vie et des écrits de l'auteur</i>.</p> - -<p><i>Parmi les personnes qui ont pris à notre publication -l'intérêt le plus actif, soit par des communications -libérales, soit par des indications utiles, -nous devons mentionner spécialement MM. le comte</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_VIII"> VIII</a></span> -<i>de Clapiers, Camoin et Blancard, à Marseille, -Octave Teissier, à Toulon; M. Toussaint, avocat au -Havre; M. Tamizey de Larroque; MM. Ravenel et -Baudement, de la Bibliothèque nationale; Miller -et Ad. Regnier de l'Institut; Chambry et Gauthier-la-Chapelle -récemment enlevés à leurs goûts -studieux, et plusieurs autres amateurs tels que -MM. Dubrunfaut, J. Boilly, Moulin, Étienne -Charavay, etc.</i></p> - -<hr class="deco" /> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_1"> 1</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<h2 class="normal"><span class="large">NOTICE</span><br /> -<span class="small">SUR</span><br /> -<span class="xlarge">MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</span></h2> - -<p class="subh"><span class="large">I</span><br /> -<span class="medium"><b>FAMILLE.—PREMIÈRES ANNÉES.—SÉJOUR EN PROVENCE.</b></span><br /> -<span class="medium"><b>1607-1647.</b></span></p> -</div> - -<p>En donnant ici, d'après le vœu d'un éminent -écrivain, un choix de la correspondance et des -poésies de M<sup>lle</sup> de Scudéry, nous avons cru -nécessaire de le faire précéder d'une notice sur -sa vie, qui embrasse la presque totalité du dix-septième -siècle, et dont M. Cousin n'a retracé que -le milieu, correspondant à la date de la publication -du <i>Grand Cyrus</i>. Il a concentré sur ce point -unique tout l'intérêt de son tableau, laissant dans -l'ombre ou n'éclairant que par reflet les autres -parties. Au milieu des plus grands succès littéraires -de l'auteur, il n'a vu, il n'a voulu voir que -<span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span> -le <i>Cyrus</i>, et, dans ce qu'il a dit de la personne -même de l'écrivain, il a presque complétement -passé sous silence ses dernières années, si bien -remplies par les préceptes et les exemples de toutes -les vertus d'un sexe dont, sauf la beauté physique, -elle posséda tous les agréments, sans en avoir -connu les faiblesses.</p> - -<p>Mais, en racontant la vie de M<sup>lle</sup> de Scudéry, il -ne suffisait pas de retracer les événements d'une -existence bien moins accidentée que celle de ses -héros; il fallait la replacer au milieu du mouvement -littéraire et social qui en constitue le principal -intérêt. Ainsi donc, sa famille, ses amis, sa -vie commune avec son frère, les sociétés polies -qu'elle traversa ou qu'elle groupa autour d'elle, -son individualité comme femme et comme écrivain, -la vogue et le déclin des genres de littérature -dont elle fut la personnification la plus complète, -tels seront les principaux éléments de -l'étude qui va suivre.</p> - -<p>Scudéry, Escudéry, Escudier, Escuyer, <i>Scutifer</i> -en latin, vieille famille d'Apt en Provence, y -figure sous ces différents noms, au moins depuis -le quatorzième siècle. Elle se disait d'origine italienne; -on sait que c'était une manie assez commune -chez les familles provençales. Pithon-Curt -nous apprend qu'un Jean Scudéry épousa, par contrat -passé à Lisle en 1360, Marguerite Isnard, -dotée par son père Hugues de 1000 florins d'or, -somme considérable pour le temps. Ce Jean Scudéry -paraît être le même que mentionne Papon, -<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span> -dans son <i>Histoire de Provence</i>, parmi les partisans -de Raymond IV, et dont les biens furent confisqués -en 1367 par la reine Jeanne. Le premier -de ces auteurs parle aussi d'un Sébastien Scudéry -d'Apt qui se maria avec Lucrèce de Guast, suivant -contrat du 7 avril 1480. A la même famille appartenaient -Jacques Escudier, notaire à Apt en 1535, -Jean Escudier, 3<sup>e</sup> consul d'Avignon en 1599 et en -1618, enfin Elzéar Escuyer ou Scudéry<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor"> [2]</a>, qui porta -les armes avec distinction et fut lieutenant de -Simiane de la Coste, gouverneur de cette ville -sous Charles IX. Vers la fin du seizième siècle, -son fils Georges, après s'être fait une certaine réputation -militaire dans son pays, quitta Apt, et, -sous le nom, désormais adopté, de Scudéry<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor"> [3]</a>, suivit -la fortune du seigneur de Brancas-Villars, d'abord -à Lyon, dont ce seigneur fut gouverneur pour la -Ligue, puis à Rouen, qu'il défendit contre Henri IV -et où Scudéry commandait le fort Sainte-Catherine<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor"> [4]</a>, -et enfin, lorsque son protecteur fut devenu -amiral de Villars et gouverneur du Havre, dans -<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span> -cette dernière ville où Georges de Scudéry aurait -été lieutenant ou plutôt capitaine des ports<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor"> [5]</a>.</p> - -<p>Quoi qu'il en soit de ces antécédents des Scudéry, -qu'ils ne nous auraient pas pardonné d'omettre, -eux qui se piquaient tant d'armes et de -noblesse, notre Provençal transplanté en Normandie -se maria en 1599 à Madeleine de Goustimesnil, -d'une bonne famille de cette province, et en eut -Georges et Madeleine, nés tous deux au Havre, le -premier en 1601, et la seconde en 1607<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor"> [6]</a>. Il est -difficile de séparer la biographie du frère d'avec -celle de la sœur, puisqu'ils vécurent ensemble jusqu'au -mariage du premier, malgré la différence -de leurs caractères, «la sœur, dit M. Cousin, -étant aussi modeste qu'il était vain, et d'une humeur -aussi douce et facile qu'il l'avait fanfaronne -et querelleuse.» Tallemant des Réaux, moins indulgent, -trace ainsi le même parallèle: «Sa sœur -a plus d'esprit que lui et est tout autrement raisonnable, -<span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span> -mais elle n'est guère moins vaine. Elle -dit toujours: Depuis le renversement de notre -maison; vous diriez qu'elle parle du renversement -de l'Empire grec.» Si l'on en croit Conrart, «le -duc de Villars ayant succédé à l'amiral son frère -dans le gouvernement de Normandie, sa femme -prit en telle haine ce lieutenant, après l'avoir trop -aimé, qu'elle ruina toutes ses affaires.» Ici Conrart -nous paraît être l'écho complaisant des fanfaronnades -de Scudéry. Toujours est-il que le père -en mourant, comme il le dit: «ne laissa pas ses -affaires en bon état<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor"> [7]</a>.» La mère, femme de mérite, -donna ses soins à la première éducation de sa fille, -mais elle ne tarda pas à suivre son mari<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor"> [8]</a>, et la -jeune Madeleine<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor"> [9]</a> fut recueillie par un de ses oncles -qui avait l'esprit très-droit et très-cultivé, et qui -avait vécu à la cour de trois de nos rois<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor"> [10]</a>.</p> - -<p>Ici nous ne pouvons mieux faire que de suivre, -en l'abrégeant, Conrart évidemment renseigné par -M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même sur les détails de sa -première éducation. «Son oncle, dit-il, lui fit apprendre -les exercices convenables à une fille de -<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span> -son âge et de sa condition, l'écriture, l'orthographe, -la danse, à dessiner, à peindre, à travailler -en toutes sortes d'ouvrages. De plus, comme -elle avoit une humeur vive et naturellement portée -à savoir tout ce qu'elle voyoit faire de curieux et -tout ce qu'elle entendoit dire de louable, elle apprit -d'elle-même les choses qui dépendent de l'agriculture, -du jardinage, du ménage de la campagne, -de la cuisine; les causes et les effets des maladies, -la composition d'une infinité de remèdes, de parfums, -d'eaux de senteur et de distillations utiles -ou galantes, pour la nécessité ou pour le plaisir. -Elle eut envie de savoir jouer du luth, et elle en -prit quelques leçons avec assez de succès; mais, -comme elle tenoit son temps mieux employé aux -occupations de l'esprit, entendant souvent parler -des langues italienne et espagnole, et de plusieurs -livres écrits en l'une et en l'autre, qui étoient dans -le cabinet de son oncle et dont il faisoit grande -estime, elle désira de les savoir, et elle y réussit -admirablement. Dès lors, se trouvant un peu plus -avancée en âge, elle donna tout son loisir à la lecture -et à la conversation, tant de ceux de la maison -qui étoient très-honnêtes gens et très-bien -faits, que des bonnes compagnies qui y abondoient -tous les jours de tous côtés<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor"> [11]</a>.»</p> - -<p>On devinerait sans peine que les romans -tinrent une grande place dans ses lectures, quand -même on n'aurait pas sur ce point le témoignage -<span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span> -de Tallemant et le sien propre. Elle en recevait un -peu de toutes mains, si l'on en croit ce que raconte -le premier, comme le tenant de la bouche -même de M<sup>lle</sup> de Scudéry: «qu'un D. Gabriel, -feuillant, qui étoit son confesseur, lui ôta un -livre de ce genre, où elle prenoit beaucoup de plaisir,» -mais pour lui en donner d'autres qui ne -valoient guère mieux, et qu'il finit par lui laisser -le tout, en disant à la mère «que sa fille avoit -l'esprit trop bien fait pour se laisser gâter à de -semblables lectures.» Il ajoute que le conseiller -huguenot Claude Sarrau lui en prêta d'autres ensuite<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor"> [12]</a>.</p> - -<p>Enfin il faut rapprocher ces renseignements de -ce qu'elle nous apprend elle-même à ce sujet dans -une lettre adressée à Huet lors de la publication -du <i>Traité</i> de ce dernier <i>sur l'origine des Romans</i> -(1670). «Vous avez précisément choisi les romans -qui ont fait les délices de ma première jeunesse -et qui m'ont donné l'idée des romans raisonnables -qui peuvent s'accommoder avec la décence et -l'honnêteté, je veux dire <i>Théagène et Chariclée</i>, -<i>Théogène et Charide</i>, ainsi que l'<i>Astrée</i>; voilà proprement -les vraies sources où mon esprit a puisé -les connoissances qui ont fait ses délices. J'ai seulement -cru qu'il falloit un peu plus de morale, -<span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span> -afin de les éloigner de ces romans ennemis des -bonnes mœurs qui ne peuvent que faire perdre le -temps.» Ajoutons que M<sup>lle</sup> de Scudéry à l'âge de -quatre-vingt-douze ans, s'intéressait encore à -«ces romans qui avoient fait les délices de sa -première jeunesse,» car c'est sur sa demande -que Huet lui écrivait la <i>Lettre</i> du 15 décembre -1699 <i>touchant Honoré d'Urfé et Diane de Chasteaumorand</i>, -insérée dans les <i>Dissertations</i> de Tilladet, -t. II, p. 100.</p> - -<p>Suivant une tradition locale difficile à concilier -avec ces témoignages relatifs à la jeunesse et à -l'éducation de Madeleine en Normandie, elle aurait, -vers l'année 1620, accompagné son frère -dans un pèlerinage en Provence au berceau de -leur famille<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor"> [13]</a>, et c'est lors de leur passage à Valence -qu'aurait eu lieu l'aventure de l'auberge sur -laquelle nous reviendrons. Ce qui paraît certain, -c'est que Georges fit en effet le voyage d'Apt où il -retrouva quelques parents, entre autres sa grand'mère -paternelle qui vécut cent huit ans<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor"> [14]</a>, et que, -pendant ce séjour, il adressa à une demoiselle du -pays, Catherine de Rouyère, ses hommages et ses -premiers vers<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor"> [15]</a>.</p> - -<p>C'est aussi à cette époque, ou environ, qu'il faut -<span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span> -rapporter ces fameuses campagnes dont Scudéry -a tant parlé en prose et en vers:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Pour moi plus d'une fois le danger eut des charmes</p> -<p>Et dans mille combats je fus tout hazarder;</p> -<p>L'on me vit obéir, l'on me vit commander</p> -<p>Et mon poil tout poudreux a blanchi sous les armes<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor"> [16]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Et dans la préface de son <i>Ligdamon</i> qu'il fit, -dit-il, en sortant du régiment des Gardes (1631): -«Je suis né d'un père qui, suivant l'exemple des -miens, a passé tout son âge dans les charges militaires, -et qui m'avoit destiné, dès le point de ma -naissance, à pareille forme de vivre. Je l'ai suivie -par obéissance et par inclination. Toutefois, ne -pensant être que soldat, je me suis encore trouvé -poëte. Ce sont deux métiers qui n'ont jamais été -soupçonnés de bailler de l'argent à usure, et qui -voient souvent ceux qui les pratiquent réduits à -la même nudité où se trouvent la Vertu, l'Amour -et les Grâces, dont ils sont les enfants.... Tu couleras -aisément par dessus les fautes que je n'ai -point remarquées, si tu daignes apprendre qu'on -m'a vu employer la plus grande partie du peu -d'âge que j'ai, à voir la plus belle et la plus -<span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span> -grande Cour de l'Europe, et que j'ai passé plus -d'années parmi les armes que d'heures dans mon -cabinet, et usé beaucoup plus de mèches en arquebuse -qu'en chandelle: de sorte que je sais mieux -ranger les soldats que les paroles, et mieux -quarrer les bataillons que les périodes, etc.»</p> - -<p>Il rappelait avec complaisance la part qu'il avait -prise aux guerres de Piémont sous les ordres du -duc de Longueville et du prince de Carignan, sa -retraite du Pas-de-Suze, ses quatre voyages à -Rome, etc.<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor"> [17]</a> Mais, comme le dit Moréri, ses voyages -et ses campagnes examinés dans le détail se réduisent -à peu de choses. Ils ne lui avaient pas, -dans tous les cas, donné la fortune, puisque Segrais -nous le représente mangeant son morceau de -pain sous son manteau dans le jardin du Luxembourg.</p> - -<p>Les lettres furent pour lui une ressource. Nous -le voyons, vers 1630, quitter le régiment des Gardes, -et, de 1631 à 1644, faire représenter seize -<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span> -pièces de théâtre qui lui valurent, sinon toujours -l'approbation du public, comme il s'en vante dans -mainte préface, du moins la protection du cardinal -de Richelieu. Les <i>Observations sur le Cid</i> furent -suivies des <i>Sentiments de l'Académie</i> sur ce chef-d'œuvre -(1637-1638), et, s'il se donna le double -ridicule de se poser en rival littéraire et en provocateur -du grand Corneille<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor"> [18]</a>, il faut, pour l'excuser -un peu, se rappeler qu'il eut parfois dans -sa poésie quelque chose du souffle cornélien, au -point qu'on lui a fait l'honneur de lui attribuer -certains vers de l'auteur du <i>Cid</i>.</p> - -<p>Assurément Corneille n'aurait pas désavoué ces -vers qui terminent la belle description de la décadence -de Rome sous l'Empire:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>L'aigle qui fut longtemps plus craint que le tonnerre</p> -<p>N'osoit plus s'élever et voloit terre à terre,</p> -<p>Et ce superbe oiseau, loin des essors premiers,</p> -<p>Se cachoit tout craintif dessous ses vieux lauriers.</p> -</div></div> - -<p>Il y a comme une réminiscence du sommeil de -Condé à Rocroy dans ce passage d'<i>Alaric</i>, que Boileau -déclarait «trop bon pour être de Scudéry»:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Il n'est rien de si doux pour les cœurs pleins de gloire</p> -<p>Que la paisible nuit qui suit une victoire;</p> -<p>Dormir sur un trophée est un charmant repos</p> -<p>Et le champ de bataille est le lit d'un héros.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span> -On retrouve quelque chose de l'inspiration de -Milton dans la peinture des gouffres infernaux, au -chant VI du même poëme:</p> - -<p class="quote">D'une éternelle nuit toujours enveloppés,<br /> -Noir séjour des méchants que la foudre a frappés.</p> - -<p>Après avoir décrit les funèbres clartés de l'abîme, -l'auteur ajoute:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Et ce mélange affreux qu'accompagne un grand bruit</p> -<p>Luit éternellement dans l'éternelle nuit,</p> -<p>Mais c'est d'une lumière à tant d'ombre mêlée</p> -<p>Qu'elle épouvante encor la troupe désolée.</p> -</div></div> - -<p>Concluons donc que Scudéry eut moins de mérite -qu'il ne s'en croyait, mais plus que ne lui en -attribuaient ses adversaires. Il sut quelquefois remonter -le pas glissant qui sépare le ridicule du -sublime. Il y avait chez lui un certain fond chevaleresque -qui prêtait aisément à la raillerie dans le -domaine de la littérature, mais qui forçait l'estime -quand il s'appliquait aux choses du cœur. On le -vit afficher pour des amis attaqués ou persécutés, -notamment pour Théophile, une fidélité hautaine<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor"> [19]</a> -qui rachète bien des flatteries prodiguées aux puissances -du jour.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span> -Ce qui fait encore plus d'honneur à Scudéry, -c'est l'anecdote suivante au sujet de laquelle Arckenholz -(<i>Mémoires sur Christine</i>, t. I, p. 260) a -voulu exprimer quelques doutes qui ne sauraient -prévaloir contre le témoignage positif de Chevreau. -«La reine Christine m'a répété cent fois -qu'elle réservoit pour la dédicace que M. de Scudéry -lui feroit de son <i>Alaric</i> une chaîne d'or de -mille pistoles; mais comme M. le comte de la -Gardie, dont il est parlé fort avantageusement -dans ce poème, essuya la disgrâce de la Reine, -qui souhaitoit que le nom du comte fust ôté de son -ouvrage, et que je l'en informai par la même poste -qui m'apporta en feuilles son <i>Alaric</i> déjà imprimé, -il me répondit quinze jours après que, quand -la chaîne d'or seroit aussi grosse que celle dont -il est fait mention dans l'histoire des Incas, -il ne détruiroit jamais l'autel où il avoit sacrifié<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor"> [20]</a>.»</p> - -<p>Cependant sa sœur était venue le rejoindre à Paris, -et ce fut à partir de ce moment (1639 au plus -tard) que commença entre eux cette vie commune -et cette collaboration littéraire qui devait durer -jusqu'en 1655. Dès lors aussi commença pour Madeleine -ce rôle de providence qu'elle allait jouer -auprès de lui, devenant, comme il le lui écrivait, -«son seul réconfort dans le débris de toute -sa maison<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor"> [21]</a>,» corrigeant ses écarts de plume et de -<span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span> -conduite<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor"> [22]</a>, du reste abritant volontiers ses premiers -essais littéraires sous la réputation plus ancienne -et plus retentissante de son frère. Sans parler -ici des romans sur lesquels nous reviendrons -plus tard, voici ce que lui écrivait Chapelain à la -date du 19 janvier 1645: «Vous envoyer des -vers, Mademoiselle, c'est envoyer de l'eau à la -mer, c'est vous donner ce que vous avez chez -vous en abondance. Que si vous en faites la modeste -pour votre regard, vous l'avouerez bien au -moins pour celui de M. votre frère qui est un -océan de poésie plus découvert que n'est le vôtre, -et qui est si plein de ce côté là, qu'on ne sauroit -l'accroître quelque chose que l'on y verse.»</p> - -<p>Déjà presque vieille fille, sans beauté, mais -«de très-bonne mine,» suivant Titon du Tillet -qui avait dû la voir, telle était M<sup>lle</sup> de Scudéry lorsqu'elle -fut introduite par son frère à l'hôtel de -Rambouillet, dans ce que Rœderer appelle la -<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span> -4<sup>e</sup> période, s'étendant de 1630 à 1640, longtemps -avant que le nom de <i>Précieuse</i> fût en usage, -et alors qu'on pouvait rencontrer en ce lieu Corneille -et Bossuet à côté de Voiture et de l'abbé -Cotin. «Elle y fut accueillie, dit l'historien de la -<i>Société polie</i>, sinon comme auteur (elle n'avait -encore rien publié), du moins comme une fille -d'esprit, bien élevée, sœur d'un homme de lettres -très-connu, et aussi comme une personne peu favorisée -de la fortune, dont la société, agréable à -Julie, qui était du même âge, n'était point sans -quelques avantages pour elle-même.» Les premières -lettres d'elle ou à elle adressées vers cette -époque nous la montrent déjà en commerce d'esprit, -en relations personnelles, formées à l'hôtel -de Rambouillet ou en dehors, avec Chapelain, Balzac, -M. de Montausier, Godeau, Boissat, la Mesnardière, -M<sup>lle</sup> Robineau, M<sup>lle</sup> Paulet, M<sup>me</sup> Aragonnais, -M<sup>lle</sup> de Chalais et, par conséquent, M<sup>me</sup> de -Sablé, M<sup>me</sup> et M<sup>lle</sup> de Clermont, M<sup>me</sup> de Motteville, -etc., se tenant fort au courant, non-seulement -des nouvelles littéraires et scientifiques, -mais encore des événements politiques et militaires. -Une de ces lettres, adressée à M<sup>lle</sup> Robineau -et datée du 5 septembre 1644, contient le récit -d'un voyage qu'elle fit à Rouen avec son frère, et, -avec un peu de manière dont elle ne se défera jamais -complétement, révèle dans son talent un côté -humoristique qui ne se retrouvera pas souvent -sous sa plume. Le coche, les chevaux qui le traînent, -la physionomie, le costume des voyageurs -<span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span> -qui l'encombrent, appartenant aux diverses classes -de la société bourgeoise, depuis l'épicière de la -rue Saint-Antoine, «ayant plus de douze bagues -à ses doigts, qui s'en va voir la mer en compagnie -de sa tante, la chandelière de la rue Michel-le-Comte,» -jusqu'au jeune écolier «revenant de -Bourges et se préparant à prendre ses licences,» -tout cela compose un petit tableau de genre achevé, -qui rappelle sans trop de désavantage le coche de -La Fontaine et le bateau de M<sup>me</sup> de Sévigné.</p> - -<p>Ce voyage du frère et de la sœur avait probablement -pour objet le règlement de leurs affaires -de famille, qui paraît s'être soldé pour elle par -l'abandon à son frère, prodigue et dépensier, -comme on l'a vu, de ce qui lui revenait, soit de -ses père et mère, soit du parent dont nous avons -parlé. Mais une perspective nouvelle venait de -s'ouvrir devant eux.</p> - -<p class="space">En 1642, par l'intermédiaire de Philippe de -Cospéau, évêque de Lisieux, la marquise de Rambouillet -obtint pour Scudéry le gouvernement de -Notre-Dame-de-la-Garde de Marseille. En vain le -ministre de Brienne hasarda quelques objections -tirées de l'inconvénient qu'il y avait à confier un -pareil poste à un poëte. La marquise insista en -disant qu'un homme comme celui-là ne voudrait -pas d'un gouvernement dans une vallée, et elle -ajoutait plaisamment: «Je m'imagine le voir sur -son donjon, la tête dans les nues, regarder avec -mépris tout ce qui est au-dessous de lui.» De -<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span> -si bonnes raisons l'emportèrent, et Scudéry fut -nommé.</p> - -<p>Pour se faire une idée de ce qu'était ce «gouvernement -commode et beau,» qu'on a peine à -prendre au sérieux depuis les vers de Chapelle et -Bachaumont, peut-être faut-il garder un milieu -entre ces vers fameux et la solennité voulue des -lettres de provision<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor"> [23]</a>. Il est certain que la position -de ce fort qui dominait toute la partie sud -du vieux port de Marseille, lui avait fait jouer -un rôle dans les troubles de cette ville au siècle -précédent. Mais il était alors bien déchu de son -importance. Il paraît que les gouverneurs, assez -faiblement rétribués<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor"> [24]</a>, n'étaient pas obligés à la résidence -et qu'ils pouvaient se faire remplacer par -des lieutenants.</p> - -<p>A peine Scudéry avait-il obtenu sa nomination, -qu'il adressait au cardinal de Richelieu des <i>Stances</i> -où, tout en le remerciant de la faveur qu'il -venait d'obtenir, il déclarait à son Éminence que -«si elle ne faisoit pleuvoir la manne en ce désert, -<span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span> -il mourroit de faim dans cette place importante<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor"> [25]</a>.» -Mais le cardinal avait alors bien d'autres affaires. -Il conduisait à Lyon Cinq-Mars et de Thou, pour -les faire exécuter. Bientôt il les suivait lui-même -dans la tombe.</p> - -<p>Cependant Scudéry, en attendant mieux, avait -soin de mettre en tête de ses ouvrages le titre de -<i>Gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde</i>. Quelquefois, -à la suite de ce titre, il prit ou on lui donna -celui de <i>Capitaine entretenu sur les galères du -Roi</i>, et M. Jal nous apprend que, sur deux listes -de capitaines de galère, gardées aux archives de -la marine, il a lu: «De Scudéry, capitaine de -galères de 1643 jusqu'à 1647.» Il ajoute que des -brevets de cette espèce étaient souvent donnés à -des hommes qui n'avaient rien de commun avec -la marine.</p> - -<p>Ce ne fut qu'en novembre 1644, après la mort de -Louis XIII et de son ministre, que Scudéry songea -enfin à prendre possession de son gouvernement. -Tallemant des Réaux dit crûment: «Sa sœur le -suivit; elle eût bien fait de le laisser aller; elle a -dit pour ses raisons: je croyois que mon frère -seroit bien payé. D'ailleurs le peu que j'avois, il -l'avoit dépensé. J'ai eu tort de lui tout donner, -mais on ne sait ces choses là que quand on les a -expérimentées.» Disons à notre tour que <i>ces choses -là</i>, c'est-à-dire celles du cœur, échappent complétement -à notre conteur d'historiettes. Il prête -<span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span> -ici à M<sup>lle</sup> de Scudéry un langage que démentent et -sa conduite et ses propres paroles toutes les fois -qu'il s'agissait de dévouement et d'amitié. Nous -en croyons davantage Tallemant, lorsque reprenant -son rôle de chroniqueur, il ajoute: «Scudéry -part donc pour aller à Marseille, et cela ne -se put faire sans bien des frais, car il s'obstina à -transporter bien des bagatelles, et tous les portraits -des illustres en poésie, depuis le père de -Marot jusqu'à Guillaume Colletet. Ces portraits -lui avoient coûté: il s'amusoit à dépenser ainsi -son argent en badineries.» Nous pardonnons -plus volontiers à Scudéry ce genre de <i>badineries</i> -que la manie des tulipes pour laquelle il dépensait -aussi beaucoup d'argent, et, au risque de retarder -à notre tour le voyage, nous dirons quelques -mots de cette curiosité des portraits, qui lui -était commune avec plusieurs de ses contemporains, -Guy-Patin, Gaignières, Coulanges le chansonnier, -etc. Ce dernier s'en est moqué agréablement, -au risque de se chansonner lui-même, dans -la pièce de son recueil intitulée:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>SUR UN CABINET REMPLI DE PORTRAITS.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i1">Air: <i>Tout mortel doit ici paroître.</i></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Tout portrait doit ici paroître,</p> -<p class="i2"> Il y faut être</p> -<p class="i1"> Grands et petits, etc.<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor"> [26]</a></p> -</div></div> - -<p>Nous voyons Chapelain, dans une lettre à Madeleine -<span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span> -du 4 août 1639, se détendre—faiblement -à la vérité—de donner au frère son portrait, -comme «indigne de figurer parmi ces grands -hommes qui parent un illustre réduit<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor"> [27]</a>.»</p> - -<p>Du reste Scudéry, dont un de nos poëtes les plus -pittoresques<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor"> [28]</a> admire les descriptions, se piquait -«d'employer dans ses ouvrages les termes exacts -des arts et métiers,» et avait quelque droit de -dire de lui-même:</p> - -<p class="quote">Il est peu de beaux-arts où je ne fusse instruit.</p> - -<p>Avec ses goûts de dépense et de représentation, -on se figure ce que put être, pour notre nouveau -gouverneur, ce voyage alors si long et si difficile. -Sa sœur, dans une lettre du 27 novembre 1644, -à l'une de ses premières et de ses plus intimes -amies, M<sup>lle</sup> Paulet, <i>la Lionne</i> de la rue Saint-Thomas -du Louvre, celle qui sera l'Élise du Grand -Cyrus et dont elle doit, moins de six ans après, -pleurer si amèrement la perte prématurée, raconte -que son frère et elle sont arrivés à Avignon, après -avoir deux fois manqué de faire naufrage sur le -Rhône. Le pèlerinage obligé au tombeau de Laure, -<span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span> -et probablement à la Fontaine de Vaucluse<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor"> [29]</a>, quelques -épigrammes contre les religieux et les dames -d'Avignon, tels sont les points qu'elle touche sur -un ton libre et enjoué, en y mêlant quelques souvenirs -de l'hôtel de Rambouillet et des sociétés -de Paris. Une seconde lettre à la même, est datée -du 13 décembre à Marseille, où notre voyageuse -est arrivée «assez heureusement, quoiqu'elle ait -encore plusieurs fois pensé faire naufrage.» Le -même jour, elle écrivait à M<sup>lle</sup> de Chalais, et déjà, -malgré la réception pleine de courtoisie de M<sup>me</sup> de -Mirabeau et de M<sup>me</sup> de Morge, sa sœur, malgré la -beauté du climat, les fleurs et les fruits nouveaux -pour nos voyageurs, l'animation du port et des -promenades, la variété des costumes, les repas -plantureux dont on les régale à l'envi, déjà, disons-nous, -la nécessité d'attendre trois ou quatre -jours, suivant l'usage, et de rendre ensuite, avec -l'étiquette voulue, les visites de toute la ville, -«depuis les gentilshommes jusqu'aux forçats,» -les petitesses de la vie provinciale, la conversation -des dames de Marseille parmi lesquelles il n'y -en a pas plus de six ou sept qui parlent français, -tout cela suggère à notre habituée des cercles les -plus raffinés de la capitale certaines phrases peu -flatteuses, telles que celle-ci: «Je n'ai point l'esprit -assez stupide pour m'accoutumer facilement -à ceux qui le sont;» et le mot d'exil vient plus -d'une fois se placer sous sa plume.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span> -Cependant il avait bien fallu, au milieu de -toutes ces visites de politesse, en rendre une à -Notre-Dame-de-la-Garde. Un des premiers soins -de Scudéry avait été d'y installer un lieutenant -«assez honnête et assez riche<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor"> [30]</a>.» Il donna à dîner -à M. le gouverneur et à M<sup>lle</sup> sa sœur, qui avaient -préalablement entendu la messe au prieuré. L'un -et l'autre payèrent leur tribut poétique et littéraire -à la beauté du lieu, le frère, en écrivant son <i>Poëme -de Notre-Dame-de-la-Garde, composé dans cette -place</i><a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor"> [31]</a>, et la sœur par le passage suivant d'une -de ses lettres à M<sup>lle</sup> Paulet:</p> - -<p>Après avoir décrit la réception qui leur fut faite, -et qui fut accompagnée du bruit des canons de la -place, elle ajoute: «En vérité Notre-Dame-de-la-Garde -est le plus beau lieu de la nature par sa -situation. De la façon dont la place est disposée, il -<span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span> -y a quatre aspects différents qui sont admirables. -D'un côté, l'on a le port et la ville de Marseille -sous ses pieds, et si près, que l'on entend les -hautbois de vingt-deux galères qui y sont; de -l'autre, l'on découvre plus de douze mille bastides, -pour parler en termes du pays; du troisième, on -voit les îles et la mer à perte de vue, et du quatrième, -sans rien voir de tout ce que je viens de -dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé -de pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude -sont aussi affreuses que l'abondance est -agréable de tous les autres endroits.»</p> - -<p>Une préoccupation plus prosaïque les porta à -tâcher de faire mettre Notre-Dame-de-la-Garde <i>sur -le pays</i>, c'est-à-dire à la charge de la province, -quant à l'entretien, négociation dont on peut voir -les détails dans la lettre à M<sup>lle</sup> Paulet, du 27 décembre -1644. Il semble du reste que, satisfait de -la prise de possession que nous avons décrite, Scudéry -ne se soucia guère de revoir souvent le siége -de son gouvernement pittoresque, mais peu logeable. -Sa sœur y retournait de temps à autre, -comme lorsqu'elle y conduisit des dames marseillaises, -impatientes de voir arriver d'Italie le cardinal -de Lyon avec les quatre chaloupes du Grand-Duc<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor"> [32]</a>.</p> - -<p>Quant à Georges, il affectait aussi de se considérer -«comme un pauvre exilé»:</p> - -<p class="quote">Pour moi, sur un rocher éloigné des humains<br /> -Je le suivrai des yeux et je battrai des mains,</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span> -écrivait il à ses amis de Paris, en leur recommandant -l'une de ses nouvelles connaissances de Marseille, -Mascaron (Pierre-Antoine), écrivain et jurisconsulte, -père du célèbre prédicateur que nous -retrouverons plus tard parmi les vieux amis de -Madeleine.</p> - -<p>Le frère et la sœur avaient changé de maison à -Marseille, pour être plus près de M<sup>me</sup> de Mirabeau. -Aussitôt toutes les dames de la rue de recommencer -leurs interminables visites. «Je les recevrai si -mal, disait M<sup>lle</sup> de Scudéry, que j'espère qu'elles -n'y reviendront plus.» Elles y revinrent, et celle-ci -se réconcilia avec quelques personnes des deux -sexes à Marseille et dans les environs; citons -entre autres: Toussaint de Forbin Janson, alors -chevalier de Malte, depuis évêque, cardinal, ambassadeur, -avec lequel elle entretint une correspondance -qui se prolongea au moins jusqu'à l'année -1694<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor"> [33]</a>, et sa sœur Renée de Forbin, mariée -depuis 1632 à Marc-Antoine de Vento, seigneur -des Pennes et de Peiruis, premier consul de Marseille, -dont elle s'est souvenue dans le <i>Cyrus</i><a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor"> [34]</a>, et -dont M<sup>me</sup> de Sévigné écrivait le 13 mai 1671: -«M<sup>me</sup> de Pennes a été aimable comme un ange; -<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span> -M<sup>lle</sup> de Scudéry l'adoroit: c'étoit la princesse -Cléobuline; elle avoit un prince Thrasybule en ce -temps-là; c'est la plus jolie histoire du <i>Cyrus</i>.» -M. Cousin, qui connaissait son <i>Cyrus</i> mieux que -M<sup>me</sup> de Sévigné, nous apprend qu'il faut lire -Cléonisbe, au lieu de Cléobuline; que celui qui -parvient à toucher son cœur est Peranius, prince -de Phocée, baron de Baume ou de la Baume, suivant -la <i>Clef</i>, le même que Marc-Antoine, dont nous -venons de parler, puisque la Baume était une seigneurie -des Vento; qu'enfin Thrasybule est le héros -d'une autre aventure également d'origine provençale, -où un corsaire d'Alger s'abstient par vertu -d'enlever sa maîtresse Alcionide, c'est-à-dire -M<sup>me</sup> de Courbon, femme du lieutenant de Roi à -Monaco<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor"> [35]</a>. Il existe donc quelque confusion chez -l'aimable marquise dans les souvenirs, déjà un -peu éloignés pour elle, d'une lecture de sa jeunesse; -mais ce qu'il nous importe de constater, -c'est que, près de trente ans après le séjour -de M<sup>lle</sup> de Scudéry à Marseille, son souvenir y -était encore présent. De son côté, elle n'avait pas -oublié son séjour en Provence. Ainsi, dans la -<i>Clélie</i>, en parlant de la liberté qu'il importe de -laisser aux femmes et dont elles abusent quelquefois: -«Je connois, dit l'auteur, en Massilie, une -femme qui a fait cent extravagances en sa vie, -qu'elle n'auroit pas faites si elle n'avoit pas eu un -trop bon mari.» (T. X, p. 797.)</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span> -Parmi les dames que M<sup>lle</sup> de Scudéry distingua -tout d'abord dans cette ville, il en était une -«belle, jeune et de bonne mine, l'un des plus -beaux naturels de femme, dit-elle, que j'aie jamais -remarqué en aucune femme de province. Elle -parle françois comme si elle étoit née à Paris, et, -naturellement, elle est fort éloquente; elle entend -l'espagnol, l'italien, le latin et même le grec; elle -est fort douce, fort civile et de fort bonne maison...... -Malheureusement, cette demoiselle, dans -ses conversations ordinaires, cite souvent, si j'ai -bien retenu, Trismégiste, Zoroastre et autres semblables -messieurs qui ne sont pas de ma connoissance.» -Malgré cette petite épigramme, que n'auraient -pas attendue ceux qui veulent absolument -voir une Philaminte dans M<sup>lle</sup> de Scudéry, il y -avait là trop d'affinités naturelles pour qu'une -liaison ne s'établît pas entre ces deux femmes. -Mais elles avaient compté sans l'intolérance et la -pruderie provinciales, comme le laisse entendre -la phrase suivante: «L'injustice qu'on lui fait -ici est si grande que je n'oserai la voir souvent, -de peur de me charger de la haine publique<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor"> [36]</a>.»</p> - -<p>Quelle était donc cette fille que la lettre ne -nomme pas, et que M. Cousin n'a pas soupçonnée? -Si l'on veut lire, dans Tallemant (t. VIII, -p. 327), l'historiette de M<sup>lle</sup> Diodée, Provençale, -qui citait à ses galants Aristote, Platon, Zoroastre -<span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span> -et Mercure-Trismégiste, on ne doutera pas de -son identité avec la demoiselle de la lettre, et -l'on comprendra mieux ce que M<sup>lle</sup> de Scudéry, -dans son indulgence ordinaire, laisse à peine -soupçonner, c'est qu'il y avait, dans la belle et -savante Provençale, assez de l'aventurière et de la -coquette pour compromettre, aux yeux des prudes -marseillaises, une demoiselle respectable.</p> - -<p>Cependant, elles ne pouvaient vivre l'une sans -l'autre, et elles étaient presque tous les jours ensemble. -La conversation de M<sup>lle</sup> de Scudéry, dit -Tallemant, guérit un peu Diodée de son langage -pédantesque, et «ne lui voyant point parler de -Zoroastre, etc., elle n'en osoit plus parler.» Enfin, -au bout d'un an et demi, les deux amies se -brouillèrent à la suite d'une aventure sur le récit -de laquelle notre chroniqueur, peut être à dessein, -laisse planer quelque obscurité. Certain baron, -«qui avoit cajolé cette fille deux ans entiers,.... -mais qui ne la cajoloit plus, dont elle enrageoit -dans son petit cœur,» se trouvait à un bal -masqué où celle-ci figurait en sultane, lorsqu'on -lui apporta une lettre dans laquelle, sous des -noms turcs, il était fait allusion à un esclave qui -lui était échappé en se mettant sous la protection -de la reine de Mauritanie. C'était, ajoute Tallemant, -une dame très-brune dont le baron était -amoureux. Or, la lettre venait de M<sup>lle</sup> de Scudéry, -dont le teint ne passait pas pour être d'une -entière blancheur. La reine de Mauritanie, nous -le croyons bien, n'était autre qu'elle-même, quoique -<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span> -Tallemant ne le dise pas. Dans tous les cas, -M<sup>lle</sup> Diodée se crut en droit d'être jalouse, puisqu'elle -«se gendarma et ne vit plus M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p> - -<p>Ajoutons ici, toujours d'après Tallemant, pour -ceux qui désireraient connaître la fin de l'historiette, -que M<sup>lle</sup> Diodée contracta un mariage tel -quel avec un sieur Scarron de Vaure et vint à Paris. -«Elle s'est bien façonnée ici. C'est une personne -qui a grand soin de son ménage et de ses -affaires, et qui n'a point fait parler d'elle.» Tout -est bien qui finit bien.</p> - -<p>Georges et sa sœur continuaient à partager leur -temps entre le séjour de Marseille et des excursions -aux environs, dont on retrouve la trace, soit -dans la correspondance de celle-ci, soit dans les -romans qui portent le nom du frère. Voici, par -exemple, comment est décrite, dans <i>le Grand Cyrus</i>, -la vieille ville de Phocée, ou plutôt de Marseille: -«Vous pouvez aisément vous imaginer -qu'elle n'est pas superbement bâtie comme Babylone -ou comme on dit qu'est Ecbatane.... Elle est -beaucoup plus longue que large, mais elle a aussi -des fontaines et un port admirable; et quoique sa -situation soit en penchant, et, par conséquent, un -peu incommode, parce que les rues de traverse -vont en montant, elle est pourtant très-agréable, -bien que l'architecture grecque n'ait pas eu lieu -d'y employer tous ses ornements.» Les principaux -traits de ce tableau sont encore reconnaissables, -malgré les métamorphoses que le percement -<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span> -d'une grande voie nouvelle a produites dans -«ces vieilles rues de traverse qui vont en montant.»</p> - -<p>Il est encore plus facile de reconnaître la côte -de Provence et le pays de Marseille dans cette -description des environs de Phocée: «Plus nous -approchions du rivage, plus le pays où nous allions -nous sembloit agréable; car parmi mille -arbres différents dont le paysage est semé, on -voit, à la droite, de grosses roches stériles qui -font paroître davantage la fertilité des autres endroits....</p> - -<p>«De l'autre côté est un pays plus uni, mais -qui ne laisse pas d'être entremêlé de collines, de -vallons, de rochers, de prairies, de fontaines et -de ruisseaux, et de faire cent agréables inégalités -qui rendent les maisons qu'on y a bâties tout à -fait charmantes. De plus on y voit une si grande -quantité d'oliviers, de grenadiers, de myrtes et -lauriers, et tous les jardins y sont si pleins d'orangers, -de jasmins, et mille autres belles et -agréables choses, que je ne crois pas qu'il y ait -un pays plus aimable que celui-là<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor"> [37]</a>.» Ainsi que -le remarque M. Cousin, M<sup>lle</sup> de Scudéry n'oublie -même pas ce qui gâte un peu le plaisir d'habiter -ces belles contrées, le mistral, «ce vent impétueux -qui abat souvent les plus grands arbres.»</p> - -<p>Parmi les lieux que Georges et Madeleine durent -aller voir aux environs, nous citerons le château -<span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span> -de Pennes et celui de Forbin qui est décrit -dans le <i>Cyrus</i>. J'ai peine à croire aussi qu'elle -n'ait pas visité à Grasse, «dans son petit temple -auprès de Sidon<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor"> [38]</a>,» l'évêque Godeau, l'un de ses -plus anciens amis, qu'elle attendait à Marseille en -mars 1647. Le 2 septembre 1646, la présence de -Georges et de Madeleine est signalée à Aix où -M. de Monconys, le voyageur, rencontra le frère -aux Capucins, dans l'allée des Lauriers, circonstance -qui dut lui inspirer quelque allusion flatteuse, -et alla dans l'après-dîner saluer la sœur, -souvenir qu'il n'a pas jugé indigne d'être consigné -à sa date dans le <i>Journal de ses voyages</i><a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor"> [39]</a>.</p> - -<p>A l'énumération des souvenirs de la Provence -qui se retrouvèrent plus tard sous la plume de -M<sup>lle</sup> de Scudéry peut-être faut-il ajouter un épisode -qui, après avoir figuré au t. IX, l. <span class="smallc">III</span> du <i>Cyrus</i>, -puis au t. II des <i>Conversations sur divers sujets</i>, -Paris, 1680, ou Amsterdam, 1682, in-12, sous le -titre de: <i>Bains des Thermopyles</i>, a été réimprimé -à part, également sous ce dernier titre, en 1732. -C'est la description d'une ville de bains près de -la mer<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor"> [40]</a>, où, sous des noms grecs, plusieurs personnes -de la société qui s'y trouve réunie nous -semblent désignées par des allusions assez transparentes. -Eupolie, cette dame de Corinthe, «qui, -<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span> -avec mille grandes qualités qui la rendent admirable, -craint la mort avec excès,» ne ressemble-t-elle -pas singulièrement à M<sup>me</sup> de Sablé<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor"> [41]</a>; et est-ce -trop se hasarder que de reconnaître Ninon et Diodée -dans Aspasie et Diodote, ces deux femmes qui -«avoient donné lieu à la médisance de soupçonner -leur vertu», que les hommes et même les femmes -les plus vertueuses allaient voir, mais que l'auteur -s'abstint de visiter?</p> - -<p>Quoi qu'il en soit, ni Scudéry ni sa sœur n'avaient -quitté la capitale sans esprit de retour. On -a déjà pu voir que le gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde -ne prenait pas très au sérieux le devoir -de la résidence, et, quant à Madeleine, en -supposant même «qu'elle se fût beaucoup plu à -Marseille», comme le dit trop affirmativement -M. Cousin, elle n'avait pas cessé, dès son arrivée -en Provence, d'avoir un regard tourné vers Paris. -Veut-elle vanter la beauté de l'hiver dans la première -de ces villes, elle ne croit pouvoir mieux -faire que de le comparer au printemps de la seconde. -«Ce n'est pas que, si je pouvois dépeindre -la beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous fisse -<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span> -un tableau assez agréable, et que je ne vous fisse -avouer qu'il fait honte au printemps de Paris. -L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé -de glaçons, est ici couronné de fleurs. Sincèrement, -Mademoiselle, à l'heure même que je vous parle, -l'on vient de m'envoyer des bouquets d'anémones, -d'œillets, de narcisses, de jasmin, de fleurs d'orange, -plus beaux que M<sup>lle</sup> de Lorme n'en porte -au mois de mai, et ce qu'il y a de commode ici, -est que l'on fait des visites à la fin de décembre, -sans avoir besoin de feu, que l'on se promène sur -le port comme l'on se promène aux Tuileries en -juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une fois, -et que le soleil y est toujours aussi pur et aussi -clair que dans la saison où il fait naître les roses. -Mais le mal est que, pour jouir de tous ces plaisirs -innocents, il faut souffrir d'autres incommodités, -et que l'on ne peut s'approcher de l'Orient sans -s'éloigner de Paris<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor"> [42]</a>.»</p> - -<p>Du reste, toutes les lettres de M<sup>lle</sup> de Scudéry à -cette époque prouvent que ses amis et amies de -Paris étaient sans cesse présents à sa pensée. -«Souvenez vous, écrivait-elle à Chapelain (31 janvier -1645), que l'amitié a ses délicatesses aussi -bien que l'amour.» Tantôt elle aime à se persuader -que Chapelain n'est pas jaloux de Conrart; -tantôt, dans une correspondance aigre-douce avec -le premier, où le dépit tâche de prendre le masque -de la plaisanterie, elle se montre elle-même piquée -<span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span> -des attentions particulières qu'il témoigne pour -M<sup>lle</sup> Robineau. On plaisantait un peu de tout cela -dans la rue Saint-Thomas du Louvre, car une -lettre du 28 mars 1645 renferme une allusion à -la guerre que M<sup>lle</sup> de Rambouillet et M<sup>lle</sup> Paulet -avaient faite là-dessus à Chapelain, et M<sup>lle</sup> de Scudéry -ajoutait: «Vous savez mieux que vous ne -dites qu'un galant n'est pas pour moi.» Du reste -le héros de toutes ces picoteries, comme on disait -alors, écrivait le 12 avril suivant à l'amie de Marseille -une lettre conciliante et affectueuse qui remettait -toute chose en sa place. Il lui adressait -en même temps des éloges sur le style de ses -lettres: «Je les ai fait voir non seulement à -M<sup>lle</sup> Robineau qui y étoit si agréablement grondée, -et qui ne pouvoit mais du sujet que vous avez -pris de m'y quereller si obligeamment, mais encore -à tout l'hôtel de Clermont, à tout l'hôtel de -Rambouillet, à M<sup>me</sup> de Sablé et à M<sup>lle</sup> de Chalais, -à M. Conrart, à M<sup>lle</sup> de Longueville, et à M<sup>me</sup> de -Longueville elle-même, qui tous leur ont fait justice -en leur donnant des éloges qu'on ne donne -qu'aux pièces achevées.»</p> - -<p>On voit que si Madeleine pensait à ses amis de -Paris, ceux-ci, de leur côté, ne l'oubliaient pas. -Vers cette époque (1647), ils lui en donnaient une -preuve en cherchant à la tirer de la position un -peu précaire et dépendante où elle était auprès de -son frère, pour la faire attacher à l'éducation de -«trois importantes personnes», évidemment les -trois plus jeunes nièces du cardinal Mazarin que -<span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span> -celui-ci songeait alors à faire venir en France, ou -tout au moins d'Olympe Mancini, l'une d'elles, -que la duchesse d'Aiguillon destinait au fils du -maréchal de la Porte, son neveu à la mode de Bretagne, -devenu plus tard duc de Mazarin par son -mariage avec Hortense. On avait aussi pensé, pour -ces délicates fonctions, à M<sup>lle</sup> de Chalais, amie et -commensale de M<sup>me</sup> de Sablé, et il y eut entre elle -et Madeleine une lutte de générosité dont deux -lettres de M<sup>lle</sup> de Chalais nous ont conservé le -souvenir. Ni l'une ni l'autre n'eut la place. Elle -fut donnée, comme le prévoyait cette dernière<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor"> [43]</a>, -à une grande dame dont le nom répondait mieux -aux vues ambitieuses du cardinal pour ses nièces, -à la marquise de Senecey qui avait été gouvernante -du jeune roi Louis XIV.</p> - -<p>Le 21 août 1647, Madeleine de Scudéry écrivait -de Marseille à M<sup>lle</sup> Marie Dumoulin: «Je suis -dans tout l'embarras que peut causer un voyage -de 200 lieues que j'espère commencer dans une -heure.» Soit que le départ ait été retardé, soit -plutôt que le frère et la sœur,—car ils partaient -ensemble—aient fait plusieurs stations en route, -nous ne retrouvons leur trace que deux mois après, -aux environs de Valence où le fait de leur passage -<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span> -semble résulter d'une nouvelle singulièrement racontée, -et rectifiée plus singulièrement encore dans -la <i>Gazette</i> de l'année 1647. On y lisait d'abord -p. 978, sous la rubrique d'Avignon, 16 octobre:</p> - -<p>«On a ici appris la mort du sieur de Scudéry, -arrivée à une lieue et demie au dessus de Valence, -au passage de la rivière de l'Isère, par l'ouverture -du bateau qui se fendit, en venant de Paris -avec une sienne sœur, pour se rendre à son gouvernement -de Notre-Dame-de-la-Garde de Marseille, -dont le Roi défunt l'avoit honoré depuis -quelques années à la recommandation du feu cardinal -duc de Richelieu, qui avoit en singulière -estime son bel esprit et sa grande capacité dans la -poésie.»</p> - -<p>J'imagine que l'émotion fut grande dans la rue -Saint-Thomas du Louvre et au quartier du Marais, -à la lecture de cette feuille si mal informée. Heureusement -que les nombreux amis de notre couple -littéraire purent se rassurer en lisant quelques -jours après, à la date du 23 octobre, p. 1014, -cette rectification naïve du malencontreux correspondant:</p> - -<p>«Le bruit du retour du sieur de Scudéry en son -gouvernement, et la perte d'un bateau qui s'est ouvert -au dessus de Valence, au passage de la rivière -de l'Isère, dans lequel étoient quelques personnes -de condition, avoient donné lieu à la nouvelle qu'il -y étoit péri avec sa compagnie; mais il ne se trouve -rien de vrai en ce que je vous en ai écrit, <i>que les -louanges qu'on lui a données</i>.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span> -C'est aussi à l'époque de ce retour que doit se -placer l'anecdote plus ou moins arrangée par Fléchier, -et exploitée depuis par les dramaturges<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor"> [44]</a>, à -laquelle nous avons déjà fait allusion. «Nous parlâmes, -dit-il dans ses <i>Mémoires sur les grands -jours</i><a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor"> [45]</a>,.... des Romans de Sapho et d'une aventure -plaisante qui lui arriva à Lyon, lorsqu'elle revenoit -à Paris avec M. de Scudéry, son frère. On leur -avoit donné une chambre dans l'hôtellerie, qui -n'étoit séparée que d'une petite cloison d'une autre -chambre où l'on avoit logé un bon gentilhomme -d'Auvergne, si bien qu'on pouvoit les entendre -discourir. Ces deux illustres personnes n'avoient -pas grand équipage, mais ils traînoient partout -avec eux une suite de héros qui les suivoient dans -leur imagination.... Dès qu'ils furent arrivés à -Lyon et qu'ils eurent pris une chambre dans l'hôtellerie, -ils reprirent leurs discours sérieux, et tinrent -conseil s'ils devoient faire mourir un des -héros de leur histoire; et, quoiqu'il n'y eût qu'un -frère et une sœur à opiner, les avis furent partagés. -Le frère, qui a l'humeur un peu plus guerrière, -concluoit d'abord à la mort; et la sœur, comme -d'une complexion plus tendre, prenoit le parti de -la pitié et vouloit bien lui sauver la vie. Ils s'échauffèrent -un peu sur ce différend, et Sapho étant revenue -à l'autre avis, la difficulté ne fut plus qu'à -<span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span> -choisir le genre de mort. L'un crioit qu'il falloit le -faire mourir très-cruellement, l'autre lui demandoit -par grâce de ne le faire mourir que par le -poison. Ils parloient si sérieusement et si haut, -que le gentilhomme d'Auvergne, logé dans la -chambre voisine, crut qu'on délibéroit sur la vie -du Roi.....; il s'en va faire sa plainte à l'hôte, qui -ne prenant point ce fait pour une intrigue de roman, -fit appeler les officiers de la justice pour informer -sur la conjuration de ces deux inconnus. Ces -Messieurs... se saisirent de leurs personnes et les -interrogèrent sur le champ: s'ils n'avoient point -eu dans l'esprit quelque grand dessein depuis leur -arrivée? M. de Scudéry répondit que oui; s'ils n'avoient -point menacé la vie du prince de mort -cruelle ou de poison? Il l'avoua; s'ils n'avoient -pas concerté ensemble le temps et le lieu? Il tomba -d'accord; s'ils n'alloient point à Paris pour exécuter -et pour mettre fin à leur dessein? Il ne le -nia point. Là dessus, on leur demanda leur nom, -et ayant ouï que c'étoient M. et M<sup>lle</sup> de Scudéry, -ils connurent bien qu'ils parloient plutôt de Cyrus -et d'Ibrahim que de Louis, et qu'ils n'avoient -d'autre dessein que de faire mourir en idée des -princes morts depuis longtemps. Ainsi leur innocence -fut reconnue, etc.<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor"> [46]</a>»</p> - -<p>Nous avons raconté avec quelque développement -les trois années que Scudéry et sa sœur passèrent -<span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span> -en Provence, d'abord parce que des recherches -faites sur les lieux mêmes nous ont permis d'éclaircir -certains points mal connus jusqu'ici, ensuite -parce que ce séjour ne fut pas sans influence, -au point de vue social et littéraire, sur la suite de -leur vie et de leurs ouvrages. Nous n'insisterons -pas ici sur les vers, trop souvent médiocres, que -l'aspect des lieux inspira à Scudéry, et nous ne citerons -que pour en signaler le ridicule, un échantillon -de sa prose daté pompeusement <i>du Fort de -Notre-Dame-de-la-Garde</i>, auquel Tallemant a fait -allusion<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor"> [47]</a>. «Ceux qui gouvernent cette monarchie -y est-il dit dans l'<i>Epître au lecteur</i>, savent tenir -les ennemis de la France si loin de notre royaume, -que les Gouverneurs des places frontières ont loisir -de faire des livres.... J'ai cru, lecteur, que -puisque la Fortune n'a pas voulu que j'eusse aucune -part aux affaires, il m'étoit du moins permis -de faire voir que, si elle m'y eût appelé, je m'en -serois peut-être acquitté sans honte, et que celui -qui a fait parler Louis Quatrième et tant d'autres -Rois auroit été capable de servir Louis Quatorze.... -si, au lieu de le reléguer aux dernières extrémités -de cet État, il avoit plu à cette Fortune de le -retenir à la Cour et de lui donner quelqu'emploi.»</p> - -<p>Cet ouvrage est le dernier de ceux que Scudéry -ait datés du lieu de son gouvernement, quoiqu'il -ait continué à prendre le titre de Gouverneur de -<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span> -Notre-Dame-de-la-Garde jusqu'en 1663 dans les -derniers volumes du roman d'<i>Almahide</i>.</p> - -<p>Dès 1656<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor"> [48]</a>, Chapelle et Bachaumont traçaient la -fameuse description qui est restée dans toutes les -mémoires:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>«C'est Notre-Dame-de-la-Garde,</p> -<p>Gouvernement commode et beau,</p> -<p>A qui suffit pour toute garde</p> -<p>Un Suisse avec sa hallebarde,</p> -<p>Peint sur la porte du château.</p> -</div></div> - -<p>«Ce fort est sur le sommet d'un rocher presque -inaccessible.... Nous grimpâmes plus d'une heure -avant que d'arriver à l'extrémité de cette montagne, -où l'on est bien surpris de ne trouver qu'une -méchante masure tremblante, prête à tomber au -premier vent. Nous frappâmes à la porte, mais -doucement, de peur de la jeter par terre, et, après -avoir heurté longtemps, sans entendre même un -chien aboyer sur la tour,</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Des gens qui travailloient là proche</p> -<p>Nous dirent: Messieurs, là dedans</p> -<p>On n'entre plus depuis longtemps.</p> -<p>Le gouverneur de cette roche,</p> -<p>Retournant en Cour par le coche,</p> -<p>A depuis environ quinze ans<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor"> [49]</a>,</p> -<p>Emporté la clef dans sa poche.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span> -«La naïveté de ces bonnes gens nous fit bien -rire, surtout quand ils nous firent remarquer un -écriteau, que nous lûmes avec assez de peine, car -le temps l'avoit presque effacé:</p> - -<p class="quote">Portion de Gouvernement<br /> -A louer tout présentement.</p> - -<p>«Plus bas, en petit caractère:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Il faut s'adresser à Paris</p> -<p>Ou chez Conrart, le secrétaire,</p> -<p>Ou chez Courbé, l'homme d'affaire</p> -<p>De tous messieurs les beaux esprits.»</p> -</div></div> - -<p>Évidemment tout cela est un peu chargé, et un -historien de Notre-Dame-de-la-Garde est allé jusqu'à -douter que nos deux Épicuriens voyageurs -se soient donné la peine de grimper jusqu'en haut -de la montagne. Mais leur description n'en aura -pas moins le dernier mot, comme tout ce qui est -marqué au coin du goût et de la bonne plaisanterie.</p> - -<p>Mieux que les vers et la prose du frère, les -lettres de la sœur, dont nous avons cité d'assez -nombreux extraits, et qu'on retrouvera plus complètes -dans la Correspondance, nous paraissent, -malgré l'abus de l'esprit, avoir retenu une empreinte -fidèle des lieux, des personnes et des -mœurs. Nous avons pu contrôler sur le vif quelques-unes -<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span> -de ses peintures, et, malgré la différence -des temps, nous en avons reconnu la fidélité. -Ce petit coin de la vie provinciale sous -Louis XIV, encore si peu connue, reçoit des lettres -de M<sup>lle</sup> de Scudéry une vive lumière, et elles -resteront comme une page à la fois littéraire et -historique.</p> - -<p>Celle-ci, comme nous l'avons vu, demeura en -correspondance avec Marseille jusqu'aux dernières -années de sa vie<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor"> [50]</a>. Aussi plus d'un souvenir de -son séjour dans cette ville cosmopolite et semi-orientale; -aventuriers des deux sexes, types plus -ou moins francisés de Turcs et d'Africains, corsaires -généreux, héroïques Bassas, etc., tout cela -se retrouvera dans ses ouvrages et mêlera un peu -de réalité à la fantaisie dans les compositions romanesques -qui illustreront le nom de son frère -et le sien au milieu du monde littéraire parisien -où nous allons les suivre.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="xlarge">II</span><br /> -<span class="large">LE <i>CYRUS</i>, LA <i>CLÉLIE</i>, ETC.—LES SAMEDIS.—PELLISSON.—RÉACTION<br /> -LITTÉRAIRE.</span><br /> -<span class="medium">1647-1659.</span></h2> -</div> - -<p>Scudéry et sa sœur, lors de leur retour dans la -capitale, à la veille de la Fronde, ne retrouvèrent -pas l'hôtel de Rambouillet dans l'état où ils l'avaient -laissé. La maîtresse du lieu, le chef de cette -famille aristocratique, l'âme de cette réunion brillante -et polie qui s'y groupait naguères autour -d'elle, la marquise de Rambouillet, commençait -à ressentir les atteintes de la vieillesse. Ses deux -filles avaient suivi leurs maris en province. Les -quatre années de guerre civile qui marquèrent la -période aiguë de la Fronde, dispersèrent une partie -des amis de la maison, quand elles ne les brouillèrent -pas. En un mot, cette société qu'ils avaient -vue si florissante penchait déjà vers son déclin, et, -au moment même (1651) où paraissait dans le -tome VII du <i>Grand Cyrus</i> «la description la plus -fidèle, la plus complète, comme aussi la plus -agréable qui soit parvenue jusqu'à nous, de ce -<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span> -sanctuaire de la bonne compagnie au dix-septième -siècle<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor"> [51]</a>», elle allait bientôt se réduire au cercle -étroit de la famille et de quelques amis.</p> - -<p>M<sup>me</sup> de Caylus, dans ses <i>Souvenirs</i>, cite les hôtels -d'Albret, de Richelieu, comme ayant été «une -suite et une continuation de l'hôtel de Rambouillet»; -mais nous avons le témoignage de M<sup>lle</sup> de -Scudéry elle-même sur les sociétés qui l'accueillirent -au sortir du théâtre de ses premiers pas dans -le monde.</p> - -<p>Dans une lettre adressée, suivant toute vraisemblance, -à M. de Pomponne, et dont malheureusement -nous n'avons pu recueillir que ce trop court -passage, elle s'exprime ainsi: «Souvenez-vous, -Monsieur, que j'ai commencé d'être connue des -gens par l'hôtel de Rambouillet, et en suis sortie -par l'hôtel de Nevers et l'hôtel de Créqui<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor"> [52]</a>.»</p> - -<p>Georges de Scudéry avait réuni en 1649 ses <i>Poésies -diverses</i>, et, pour se poser en homme sérieux, il -s'excusait ainsi, dans l'<i>Avis au lecteur</i>, de ce que -ce volume renfermait pour la dernière fois des -vers d'amour: «Ce n'est pas que j'aie encore besoin -<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span> -de beaucoup de poudre pour cacher la blancheur -de mes cheveux, ni que ma vieillesse soit -décrépite. Mais enfin, j'ai quarante-huit ans, et ma -première maîtresse n'est plus belle, etc.» Admis -à l'Académie l'année suivante, il gardait auprès -de lui, avec une sollicitude jalouse, sa sœur Madeleine, -qui lui rendait en collaboration utile et discrète<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor"> [53]</a> -ce qu'elle recevait de lui comme notoriété, -comme crédit auprès du public et des libraires, -profitant ainsi, avec sa réserve ordinaire, du bruit -fait autour d'un nom qui était aussi le sien. Cependant, -on la voit prendre parti pour son compte -dans la querelle des sonnets de Job et d'Uranie, -où elle tient pour Uranie avec la duchesse de Longueville<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor"> [54]</a>. -Dans la guerre de la Fronde, qui éclata -presqu'en même temps, les Scudéry embrassèrent -avec plus d'ardeur encore, et aussi avec plus de -péril, le parti du grand Condé et de la belle duchesse. -Tandis que le frère se compromettait pour -les intérêts de M. le Prince, au point d'être obligé -de se cacher<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor"> [55]</a>, puis de quitter Paris, la sœur, animée -<span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span> -d'un dévouement non moins chaleureux, consacrait -sa prose et ses vers à la défense des deux -grands personnages dont la cause se confondait -dans son esprit avec le patriotisme lui-même. Car -les sentiments monarchiques, qui lui étaient communs -avec l'immense majorité de la nation, ne -l'empêchaient pas de dire, avec un accent ému -rare à cette époque: «L'amour de la patrie est -bien avant dans mon cœur<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor"> [56]</a>.» Sur ce chapitre, -elle pensait, comme M<sup>lle</sup> de Gournay, <i>à la vieille -françoise</i>, et l'on voit, par exemple, dans une lettre -à Conrart<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor"> [57]</a> qu'elle n'entendait pas raillerie lorsqu'il -s'agissait de la vertu de l'héroïne que Chapelain -s'apprêtait à chanter.</p> - -<p>«M<sup>me</sup> de Longueville, dit Tallemant, à propos -du dévouement des Scudéry dans cette circonstance, -n'ayant rien de meilleur à leur donner, leur -envoya de son exil son portrait avec un cercle de -diamants; il pouvoit valoir douze cents écus.» -Une lettre inédite que nous possédons confirme et -les services rendus et la reconnaissance de la duchesse. -«Je ne prétends pas, écrivait-elle à Scudéry, -de Moulins, le 29 août (1654), que le petit -<span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span> -présent que je vous ai fait vous montre toute ma -reconnoissance, je prétends seulement qu'il vous -la marque, et qu'en vous faisant souvenir de moi -il vous remette dans la mémoire une personne qui -a gravé dans la sienne ce que vous avez fait pour -elle, et qui, n'étant pas née tout à fait bassement, -ne peut être aussi touchée de votre générosité sans -souhaiter qu'une meilleure fortune lui fournisse -les occasions de contribuer à rendre la vôtre proportionnée -à votre mérite.... Je vous prie que -M<sup>lle</sup> de Scudéry sache par votre moyen que je conserve -pour elle toute l'estime qu'elle mérite.»</p> - -<p>Mais ce dévouement, cette admiration des Scudéry -pour les Condé—le glorieux auteur d'<i>Alaric</i> -n'aurait pas parlé autrement—se révélaient d'une -manière encore plus éclatante dans un roman qui -faisait alors beaucoup de bruit et qui, sans inaugurer -un genre tout à fait nouveau, passait du -moins pour en être le modèle le plus accompli. -<i>Artamène</i> ou le <i>Grand Cyrus</i> avait paru en dix -parties ou volumes, publiés depuis le commencement -de 1649 jusqu'à la fin de 1653, sous -le nom de M. de Scudéry, gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde. -C'était, ainsi que le proclamaient, -dans tout le cours de la publication, les -dédicaces, les portraits, les chiffres, les illustrations -des volumes, une glorification perpétuelle de -la maison de Condé. M<sup>me</sup> de Longueville figurait -en tête et à la fin de l'ouvrage dont les diverses -parties lui étaient adressées, au fur et à mesure -de leur apparition, par M<sup>lle</sup> de Scudéry, soit à -<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span> -l'hôtel de Longueville et à celui de Condé, soit à -Stenay et à Montreuil-Bellay, partout où les portait -la bonne et la mauvaise fortune. Tout le monde, -à commencer par les intéressés eux-mêmes, reconnaissait, -sous des noms persans, mèdes, assyriens, -le vainqueur de Rocroy et de Lens dans Cyrus; sa -sœur dans la blonde Mandane, douce et fière à la -fois; les lieutenants du prince dans les guerriers -d'Asie qui accompagnaient le héros persan; les -beautés célèbres de la cour d'Anne d'Autriche -dans les belles dames des cours d'Ecbatane, de -Sardes, de Babylone; l'hôtel de Rambouillet dans -le palais de Cléomire, enfin dans Sapho, cette -fille savante, aimable et sage de Mytilène, «dont -la beauté n'étoit pas sans défauts, ni le teint de la -dernière blancheur, mais généreuse, désintéressée, -fidèle dans ses amitiés, à la conversation si naturelle, -si aisée et si galante,» M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même -qui, entre les divers noms sous lesquels -ses contemporains la désignèrent,—Philoclée -dans le <i>Royaume de coquetterie</i> de l'abbé d'Aubignac, -Polymathie dans le <i>Roman bourgeois</i>, la bergère -Acacie dans des vers de Conrart, Artélice -dans l'<i>Eurymédon</i>, Daphné dans M<sup>me</sup> de la Suze, -la docte Sophie dans Somaize, etc., etc.,—choisit -et adopta définitivement celui de Sapho qui lui -est resté.</p> - -<p>Déjà en 1641, avant le voyage de Marseille, -avait paru un premier roman: <i>Ibrahim ou l'Illustre -Bassa</i>, sous le nom de Scudéry qui, deux ans -après, en avait fait une tragi-comédie, déclarant -<span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span> -hardiment dans la Préface, «qu'il avoit été trop -heureux en roman pour ne pas l'être en comédie.» -On y trouve deux épisodes que reprirent depuis -les historiens et les dramaturges: celui du comte -de Lavagne (conjuration de Fiesque), et celui de -Mustapha et Zéangir. Guéret, dans son <i>Parnasse -réformé</i>, insinue que Georges n'en était pas l'auteur; -et Tallemant s'exprime d'une manière encore -plus positive dans son <i>Historiette</i> des Scudéry: -«Elle a fait une partie des harangues des <i>Femmes -illustres</i><a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor"> [58]</a> et tout l'<i>Illustre Bassa</i>.» Segrais, de son -côté, dit qu'avant l'<i>Illustre Bassa</i> M<sup>lle</sup> de Scudéry -avait beaucoup contribué aux tragédies de son -frère. Il est certain, comme nous l'avons déjà indiqué, -qu'il y eut de bonne heure entre le frère et -la sœur une collaboration à laquelle chacun d'eux -trouvait son compte. C'était chose sous-entendue -dans leur entourage littéraire le plus intime. Par -exemple, Balzac, dans sa Correspondance<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor"> [59]</a>, charge -Conrart de remercier Scudéry de l'envoi du <i>Grand -Cyrus</i>; mais, en disant: «J'ai déjà été régalé du -9<sup>e</sup> volume», il ajoute: «Je vous demande un -compliment de votre façon pour M. et M<sup>lle</sup> de Scudéry.» -«Ceux qui la connoissoient un peu, dit encore -Tallemant, virent bien dès les premiers volumes -de <i>Cyrus</i> que Georges ne faisoit que la préface -et les épîtres dédicatoires. La Calprenède le -lui dit une fois en présence de sa sœur, et ils se -<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span> -fussent battus sans elle.» Et plus loin: «Quand -Scudéry corrigeoit les épreuves des romans de sa -sœur, car par grimace il faut bien que ce soit lui, -s'il reconnoissoit quelqu'un, d'un trait de plume -aussitôt il le défiguroit, et de brun le faisoit -noir.»</p> - -<p>Dans cette collaboration, M. Cousin donne ainsi -la meilleure part à M<sup>lle</sup> de Scudéry: «Selon une -tradition fort vraisemblable, ils composaient de la -manière suivante. Ils faisaient ensemble le plan: -Georges, qui avait de l'invention et de la fécondité, -fournissait les aventures et toute la partie romanesque, -et il laissait à Madeleine le soin de jeter -sur ce fond assez médiocre son élégante broderie -de portraits, d'analyses sentimentales, de lettres, -de conversations. S'il en est ainsi, tout ce qu'il y a -de défectueux dans le <i>Cyrus</i> viendrait du frère, et -ce qu'il y a d'excellent et de durable serait l'œuvre -de la sœur<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor"> [60]</a>.»</p> - -<p>Peut-être ne faut-il voir là qu'une exagération -en sens contraire de l'opinion primitivement reçue. -Car il y a eu réaction dans les jugements des -littérateurs et des bibliographes<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor"> [61]</a>, quant aux ouvrages -d'imagination portant le nom de Scudéry. -Après avoir tout attribué au frère, on veut maintenant -<span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span> -donner tout à la sœur. La vérité ne serait-elle -pas entre ces deux extrêmes? Ainsi, lorsqu'on -se rappelle que Scudéry avait servi, et qu'on le -voit, en toute circonstance, se piquer de ses connaissances -dans l'art militaire, il est difficile de -croire que les épisodes de guerre, où se complaît -l'auteur du <i>Cyrus</i>, et où M. Cousin a reconnu les -relations les plus exactes, les plus techniques du -siége de Dunkerque, des batailles de Lens et de -Rocroy, du combat de Charenton, etc., ne soient -pas l'ouvrage du soldat romancier dont le nom -figure partout, sur le titre et dans les dédicaces de -l'ouvrage.</p> - -<p>Depuis quelque temps, M<sup>lle</sup> de Scudéry voyait -chez son ami Conrart un avocat de Castres établi à -Paris, protestant comme celui-ci, pourvu comme -lui d'une charge de secrétaire au Conseil, et qui -travaillait sous ses auspices à la <i>Relation contenant -l'histoire de l'Académie françoise</i>. C'était un petit -homme disgracieux de taille et de visage, qui, -selon le mot de Guilleragues répété par M<sup>me</sup> de -Sévigné, abusait de la permission qu'ont les hommes -d'être laids. Mais, en le dédoublant, disait -encore la spirituelle marquise, on trouvait une -belle intelligence et une belle âme. Également -propre à la société, aux lettres et aux affaires, sous -un extérieur qui paraissait repousser la sympathie, -il cachait le don de la ressentir et de l'inspirer. -C'est par là que devait être prise M<sup>lle</sup> de Scudéry, -à peine moins maltraitée au point de vue des -avantages extérieurs, mais, c'est Ménage qui l'affirme, -<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span> -plus capable d'aimer fortement que Pellisson -lui-même. Ainsi commença une de ces amitiés -célèbres, bien voisines de l'amour<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor"> [62]</a>, qui en eut les -vicissitudes, les jalousies, les petitesses et les -grandeurs, et dont il est parlé si longuement, -comme par un auteur plein de son sujet, au -tome X du <i>Grand Cyrus</i>.</p> - -<p>Pellisson rencontrait M<sup>lle</sup> de Scudéry chez des -amis communs, mais il n'osait aller chez son -frère, car celui-ci lui en voulait, dit Tallemant, -«parce qu'il ne l'avoit pas mis dans sa <i>Relation -de l'Académie</i>.» Aussi, dans ce dernier volume du -<i>Cyrus</i>, qui parut en décembre 1653, il est question -d'un frère de Sapho, Charaxe, qui s'oppose -à la liaison de sa sœur et de Phaon. D'ailleurs, -nous avons vu qu'il la gardait presque en charte -privée. De là, un nouveau grief qu'il faut aussi -entendre raconter à Tallemant. «M. de Grasse<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor"> [63]</a> -donnoit à dîner à la demoiselle, à Conrart et à -<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span> -quelques autres; Conrart trouva Pellisson en chemin -et l'y mena. Le lendemain, le petit prélat, qui -n'étoit point averti, rencontre Scudéry à l'hôtel de -Rambouillet et lui dit, entr'autres choses, que Mademoiselle -sa sœur avoit amené M. Pellisson dîner -chez lui, et lui dit mille biens de ce garçon. Le -soir, Scudéry pensa manger sa sœur<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor"> [64]</a>.»</p> - -<p>Cependant, lorsque l'auteur des <i>Historiettes</i> -ajoute: «Elle avoit pris le samedi pour demeurer -au logis, afin de recevoir ses amis et ses -amies<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor"> [65]</a>,» il ne faut pas croire qu'elle ait attendu -pour cela sa séparation d'avec son frère. Dès 1653, -les Samedis se tenaient, soit au logis commun du -frère et de la sœur, vieille rue du Temple<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor"> [66]</a>, soit -<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span> -chez M<sup>lle</sup> Boquet ou M<sup>me</sup> Aragonnais, leurs voisines. -Dès lors aussi, M<sup>lle</sup> de Scudéry faisait les -honneurs de cette réunion; <i>elle tenoit maison</i>, dit -expressément le <i>Cyrus</i>. C'est à ce logis de la -vieille rue du Temple que se rapporte la description -du roman<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor"> [67]</a> et aussi la visite racontée par Ménage: -«M<sup>me</sup> de Montbazon vint un jour me voir -et m'emmena avec elle dans son carrosse pour aller -avec elle à la promenade. Quand nous fûmes montés,—Où -irons-nous, me dit-elle?—Allons voir, -lui dis-je, M<sup>lle</sup> de Scudéry. Elle n'avoit jamais été -chez elle. Étant arrivés, nous entrâmes dans la -salle. M<sup>lle</sup> de Scudéry étoit dans une chambre au-dessus. -Sa vieille étant montée aussitôt pour l'avertir: -Mademoiselle, lui dit-elle, venez vite; -M. Ménage est là avec la plus belle femme de -France<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor"> [68]</a>.»</p> - -<p>Pellisson, dans une lettre datée de Chambord, -le 14 octobre 1668, donne aussi quelques détails -sur l'intérieur de M<sup>lle</sup> de Scudéry. «Je vous assure -qu'il me semble tous les jours que le Brun, -Mansart et le Nostre ont employé tout leur talent -et leur savoir dans les lieux où le Roi passe.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span></div> -<p class="i3"> S'il s'avisoit d'entrer jamais</p> -<p class="i4"> Dans le médiocre palais</p> -<p class="i2"> Où vous régnez dans les tournelles,</p> -<p>La maison aussitôt deviendroit des plus belles,</p> -<p class="i1"> Le vilain vestibule en seroit honoré,</p> -<p class="i2"> L'obscur degré seroit tout éclairé,</p> -<p class="i4"> Le passage seroit paré.</p> -<p class="i3"> Que de lustres dans les ruelles!</p> -<p class="i1">Le cabinet enfin vous paroîtroit doré<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor"> [69]</a>.»</p> -</div></div> - -<p>Le cabinet de M<sup>lle</sup> de Scudéry fut de tout temps -fort modeste, car elle écrivait à l'abbé Boisot, le -9 octobre 1694 (elle demeurait alors rue de Beauce): -«Que l'Ermite vienne quelquefois à ma cellule, -car mon cabinet se peut appeler ainsi.»</p> - -<p>Dans cette première habitation, comme plus -tard dans la seconde, se trouvait un jardin planté -d'arbres fruitiers dont M<sup>lle</sup> de Scudéry distribuait -les fruits à ses amis, de mûriers, d'orangers, de -jasmins et même d'acacias, essence encore nouvelle -en France. Là chantaient cette fauvette qui -revenait tous les ans et qui revient aussi souvent -dans les vers de Sapho et de ses amis, cette pigeonne -au nom de laquelle on présentait des placets, -ces roitelets, ces pinsons et enfin ces tourterelles -qui inspiraient si heureusement les habitués -de la maison<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor"> [70]</a>. Ajoutez-y une chatte favorite, dont -<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span> -les adorateurs platoniques de sa maîtresse se proclamaient -jaloux, et vous aurez une idée de ce premier -théâtre des Samedis<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor"> [71]</a>. On y tenait des conversations -littéraires ou galantes, témoin la fameuse -<i>Journée des Madrigaux</i>, du 20 décembre 1653<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor"> [72]</a>, -on y échangeait des cadeaux, on s'y occupait -quelquefois de sciences et souvent de modes. On -avait des imitateurs, des rivaux et des critiques<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor"> [73]</a>.</p> - -<p>Que faisait Scudéry pendant ce temps? Le plus -souvent sans doute, il avait de ces boutades dont -nous parle Tallemant: «Il se retiroit chez lui et ne -vouloit voir personne.» Mais nous avons aussi la -preuve qu'il ne s'isolait pas toujours aussi complétement, -et nous le verrons tout à l'heure figurer -dans une conversation avec sa sœur et l'abbé d'Aubignac, -leur voisin. Il paraît même, par une pièce -de vers de Pellisson, qu'il ne refusa pas toujours -<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span> -de se prêter aux coquetteries poétiques entre celui-ci -et sa sœur, tant qu'il put les croire sans conséquence. -Dans cette pièce intitulée <i>Caprice contre -l'estime</i>, et qui commence ainsi:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Donc je ne dois plus prétendre</p> -<p>D'arriver un jour à Tendre;</p> -<p>Donc, sans jamais être aimé</p> -<p>Je ne serai qu'estimé;</p> -</div></div> - -<p>Dans cette pièce, disons-nous, il prend à témoin -Sapho et <i>son excellent frère</i> de l'insuffisance d'un -sentiment froid comme l'estime, etc.<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor"> [74]</a></p> - -<p>Bientôt le succès de <i>Clélie</i> (1654-1661), toujours -sous le nom de Georges, vint s'ajouter à celui -d'<i>Artamène</i>. La pacification de 1652, et la rentrée -de la Cour à Paris (21 octobre) avaient multiplié -toutes les coteries, et, entre autres, celle des Précieuses -dont le nom, encore peu répandu, ne se -prit en mauvaise part que plusieurs années après. -L'esprit romanesque triomphait en littérature -comme en politique. «Tandis que l'amour du -bruit, la galanterie, le goût des aventures et des -grands coups d'épée armaient contre l'autorité -royale les jeunes seigneurs, les héroïnes coquettes, -les vieux magistrats et les masses populaires, les -éditions multipliées de la <i>Clélie</i> et du <i>Cyrus</i> enivraient -les lecteurs par leurs longs récits de guerre, -de politique et d'amour<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor"> [75]</a>.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span> -<i>Clélie</i> est conçue dans le même système pseudo-historique, -exposé dès la préface de l'<i>Illustre Bassa</i>, -largement appliqué dans <i>Cyrus</i> et repris avec des -développements dans le chapitre des premières -<i>Conversations</i>, intitulé: <i>De la manière d'inventer -une fable</i>. On voit dans ce dernier écrit que l'auteur -n'était pas sans avoir réfléchi à l'emploi de -l'histoire dans le roman, quoique ses théories aient -été souvent fausses ou mal appliquées. Il ne faut -donc pas demander à la <i>Clélie</i> la peinture exacte -des premiers temps de Rome, ni les vrais caractères -des anciens Romains qu'après tout Racine et -même Corneille n'ont pas laissé d'accommoder -aussi quelquefois à la française. La description de -Carthage qu'on trouve au tome I<sup>er</sup><a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor"> [76]</a> n'a pas les -prétentions à la couleur locale bruyamment affichées -dans un de nos romans contemporains. Il -ne faut y chercher, en fait de témoignages historiques, -qu'une vérité purement relative. On sent -des souvenirs vivants de la Fronde dans le tableau -des combats qui ensanglantent les faubourgs de -Rome, dans la scène où Brutus soulève le peuple, -dans le récit des intrigues qui séduisent ses fils, -dans la peinture de leur mort, etc.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span> -On y a compté jusqu'à soixante-treize portraits -de personnages connus, et telle est leur fidélité que -plusieurs ont suppléé à l'œuvre du crayon ou du -pinceau. Ainsi pour la comtesse de Maure, pour la -marquise de Sablé<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor"> [77]</a>. C'est là, dit l'historien de M<sup>me</sup> de -Maintenon, qu'il faut chercher la meilleure peinture -du singulier ménage de Scarron, et le meilleur -portrait de M<sup>me</sup> Scarron dans sa jeunesse<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor"> [78]</a>. Non-seulement -toutes les dames voulaient être dans -les romans de M<sup>lle</sup> de Scudéry, comme le dit Tallemant -qui cite des exemples de cette manie, avec -noms à l'appui, mais encore de saintes maisons, -<span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span> -d'austères personnages, ainsi que nous le verrons -bientôt, n'étaient pas insensibles à l'ambition de -figurer dans cette galerie romanesque. La plume -de Sapho faisait concurrence au pinceau de Philippe -de Champagne aussi bien qu'à celui de Mignard -ou de Petitot.</p> - -<p>Mais il y a dans la <i>Clélie</i> un genre d'intérêt particulier -qui la distingue des autres romans publiés -sous le nom de Georges, et qui achève d'en révéler -le véritable auteur. La femme s'y montre de plus -en plus, avec ses vertus comme avec ses faiblesses. -Nous ne voulons pas seulement parler ici de la -<i>Carte de Tendre</i> qui se trouve au tome I<sup>er</sup>, et que -l'auteur n'a jamais entendu donner que comme une -plaisanterie de société<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor"> [79]</a>. Ce mélange d'allégories -galantes et de descriptions imaginaires, sans remonter -ici jusqu'au <i>Roman de la Rose</i>, à la géographie -fantastique de l'<i>Utopie</i> et du <i>Pantagruel</i>, -avait été, si l'on en croit l'abbé d'Aubignac, mis -en œuvre dans sa <i>Relation du royaume de Coquetterie</i>, -composée longtemps avant l'apparition du premier -volume de <i>Clélie</i>, quoique publiée seulement -pendant le cours de la même année 1654. Dans la -<span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span> -<i>Lettre d'Ariste à Cléonte</i><a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor"> [80]</a>, il nous apprend que -«pour le brouiller avec l'illustre Sapho, certaines -personnes, jalouses peut-être de ce que, par l'occasion -du voisinage, il avoit depuis quelque temps -renoué son ancienne connoissance avec elle, avoient -représenté sa <i>Carte</i> et sa <i>Description du royaume de -Coquetterie</i> comme une imitation, sinon comme un -larcin de celles du Pays de Tendre.»</p> - -<p>Quoi qu'il en soit de cette question, pour nous -assez indifférente, de savoir si la création de l'abbé -est antérieure, ou même, comme le veut Furetière, -supérieure à celle de M<sup>lle</sup> de Scudéry, d'Aubignac, -dans son apologie, en prend occasion de nous raconter, -sur ses rapports avec elle et avec son frère, -quelques détails qui trouveront bien ici leur place. -«Elle ne sauroit avoir perdu le souvenir que, dès -la première fois qu'elle me montra son Pays de -Tendre, je lui dis que j'avois dès longtemps fait -une description de la vie de ces femmes extravagantes -que l'on nomme Coquettes, mais que ma -profession présente m'empêchoit de faire voir de -quel air je les avois traitées. Elle s'efforça même -de me relever de ce scrupule par des considérations -que son frère soutint d'une manière fort obligeante, -et nous en parlâmes trop longtemps pour avoir -oublié cet entretien qui doit fermer la bouche à -tous les autres<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor"> [81]</a>.»</p> - -<p>Des termes dont se sert d'Aubignac, et de l'affirmation -<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span> -même de Clélie, rapportée plus haut, -«que cette bagatelle n'étoit faite que pour être -vue de cinq ou six personnes,» il semble résulter -qu'il existait des copies manuscrites de la Carte -de Tendre, même avant l'apparition du premier -volume de <i>Clélie</i>. Dans tous les cas, elle engendra -une foule d'imitations, de commentaires, parmi -lesquels il ne faut pas oublier la <i>Gazette de Tendre</i>, -publiée par M. Émile Colombey à la suite de la -<i>Journée des Madrigaux</i>, d'après les manuscrits de -Conrart. On trouve dans les mêmes manuscrits une -pièce en forme de Charte, dont voici l'intitulé: -«Sapho, Reine de Tendre, Princesse d'Estime, -Dame de Reconnoissance, Inclination et terrains -adjacents, à tous présents et à venir, Salut, etc.</p> - -<p>Donné à Tendre, au mois des Roses, l'an de la -fondation d'Amour, 1656.»</p> - -<p>Il y a aussi une <i>Relation de ce qui s'est depuis -peu passé à Tendre, avec le discours que fit la souveraine -de ce lieu aux habitants de l'Ancienne ville</i><a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor"> [82]</a>.</p> - -<p>Pour racheter toutes ces puérilités, hâtons-nous -de citer sur la <i>Clélie</i> l'opinion d'un écrivain moraliste -qui nous montrera que tout n'est pas frivole -dans cette œuvre d'une femme. «La <i>Clélie</i>, -qui, au premier coup d'œil, ne semble qu'un roman -plein de je ne sais quelle métaphysique amoureuse -qui prête au ridicule, ou un manuel pédantesque -de galanterie, la <i>Clélie</i> est, quand on l'étudie -de près, un livre sérieux et curieux où toutes les -<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span> -questions qui tiennent à la condition des femmes -dans le monde sont traitées d'une manière à la -fois piquante et judicieuse. Quel est le rang que -la civilisation moderne donne à la femme, et que -doit faire la femme pour avoir et pour garder ce -rang? Voilà, en vérité, le sujet de la <i>Clélie</i><a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor"> [83]</a>.»</p> - -<p>Au surplus, le moment approchait où M<sup>lle</sup> de -Scudéry, déjà à demi émancipée par le succès des -derniers romans dans lesquels l'opinion lui attribuait -une part de plus en plus large, allait plus -complétement encore s'affranchir de la tutelle parfois -gênante de son frère, et avoir son intérieur, -son ménage, sa société, son individualité civile et -littéraire.</p> - -<p>Georges, compromis, comme nous l'avons vu, -dans la cause du prince de Condé, avait quitté -Paris à la fin de l'année 1654, et s'était retiré à -Graville, près du Havre<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor"> [84]</a>. «Là, dit Tallemant, -une demoiselle romanesque, qui mouroit d'envie -de travailler à un roman, croyant que c'étoit lui -qui les faisoit, l'épousa.» Cette demoiselle était -Marie-Madeleine du Montcel de Martin-Vast, femme -d'esprit, comme le prouvent ses lettres éparses -<span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span> -dans la correspondance de Bussy-Rabutin, d'une -beauté médiocre, à en croire ce passage de l'une -d'elles, si bien applicable à sa belle-sœur: «Voilà -un des priviléges de nous autres dames pas belles, -et il faut avouer que c'est peut-être le seul; nous -disons en tendresse tout ce qui nous plaît sans -que cela scandalise<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor"> [85]</a>.» Époux et père de famille -sans devenir plus riche ni beaucoup plus sage, -Scudéry fit quelques tentatives pour renouer avec -sa sœur une communauté dont il s'était bien trouvé; -mais celle-ci, sans nier les obligations qu'elle lui -avait dans le passé<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor"> [86]</a>, sans rester indifférente -pour l'avenir aux intérêts ni à la réputation de son -frère, persista résolûment<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor"> [87]</a> à maintenir son indépendance -jusqu'à la mort de ce frère, arrivée le -14 mai 1667.</p> - -<p>Quoique Georges, dans la préface d'<i>Alaric</i> (1654) -se fût fait honneur sans façon du succès de l'<i>Illustre -Bassa</i> et du <i>Grand Cyrus</i>, quoiqu'il eût mis -encore son nom aux derniers volumes d'<i>Almahide -ou l'Esclave Reine</i> (1658), depuis longtemps, nous -l'avons vu, dans le cercle des amis intimes, et -même dans le monde littéraire, on avait soupçonné, -puis désigné celle qu'on regardait comme le véritable -auteur. En vain M<sup>lle</sup> de Scudéry s'en défendait -<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span> -encore devant l'abbé de Marolles; en vain -elle affectait d'être en colère contre Furetière qui, -dans sa <i>Nouvelle allégorique</i>, de cette même année -1658, avait imprimé «qu'elle avoit fait les -romans que son frère s'attribuoit;» en vain, jusqu'en -1728, l'auteur de la nouvelle édition du -<i>Dictionnaire de Richelet</i>, exprimait-il encore des -doutes à cet égard. Huet ne faisait que proclamer -une vérité déjà connue, lorsque, en tête de sa <i>Lettre -à Segrais sur l'origine des romans</i> (1670), alors -que <i>Zaïde</i> et <i>la Princesse de Clèves</i> n'avaient pas -encore paru, il rendait à M<sup>lle</sup> de Scudéry cet éclatant -hommage: «On ne vit pas sans étonnement -les romans qu'une fille autant illustre par sa modestie -que par son mérite avoit mis au jour sous -un nom emprunté, se privant si généreusement de -la gloire qui lui étoit due, et ne cherchant sa récompense -que dans sa vertu, comme si, lorsqu'elle -travailloit ainsi à la gloire de notre nation, elle -eût voulu épargner cette honte à notre sexe; mais -enfin le temps lui a rendu la justice qu'elle s'étoit -refusée, et nous avons appris que l'<i>Illustre Bassa</i>, -le <i>Grand Cyrus</i> et la <i>Clélie</i>, sont les ouvrages de -M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p> - -<p class="space">On peut dire que les années qui suivirent la séparation -de M<sup>lle</sup> de Scudéry d'avec son frère marquèrent -l'apogée du succès de ses romans et peut-être -aussi de ses Samedis, bien que quelques -écrivains représentent ceux-ci comme ayant déjà -perdu de leur éclat. Il y a ici une distinction à -<span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span> -faire. Ce qui paraît vrai, c'est que, à mesure que -les réunions de la vieille rue du Temple s'éloignaient -par la date de celles de l'hôtel de Rambouillet, -l'élément aristocratique y diminuait d'autant, -et la distance entre la rue Saint-Thomas du -Louvre et le Marais se laissait mieux apercevoir. -La Calprenède, jaloux du succès de la <i>Clélie</i>, prononçait -ce terrible mot: «Pour moi, je ne vais -point chercher mes héros dans la rue Quincampoix.» -Il y avait bien encore quelques grands -personnages qui formaient le lien entre les deux -réunions: Montausier et sa femme, la marquise -de Sablé, M<sup>me</sup> de Rohan-Montbazon<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor"> [88]</a>, «dont l'amitié -hautement déclarée donnait au modeste salon de -la vieille rue du Temple et à la société un peu mêlée -qui s'y rassemblait de la considération et même -un certain éclat<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor"> [89]</a>.» L'auteur des <i>Historiettes</i>, en -1658, disait des Samedis: «Il y avoit autrefois -des personnes de qualité, comme M<sup>lle</sup> d'Arpajon<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor"> [90]</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span> -et M<sup>me</sup> de Saint-Ange; mais l'une s'est mise -en religion, et l'autre la voit bien encore, mais -c'est plutôt un autre jour que le Samedi.» On -pourrait encore citer les Duplessis-Guénégaud, les -Saint-Aignan, les comtesses de Rieux et de Maure, -M<sup>lle</sup> de Vandy, et plus tard, la duchesse de Saint-Simon<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor"> [91]</a>.</p> - -<p>Sans doute les noms des habitués ordinaires du -Samedi, Chapelain, Conrart, Pellisson, Ménage, -Sarazin, Doneville, Isarn, etc., ceux de M<sup>mes</sup> Cornuel, -Aragonnais, de leurs filles ou belles-filles, de -M<sup>lles</sup> Boquet et Robineau, etc., n'ont pas le même -parfum aristocratique; mais il faut se rappeler que, -dans cette société du dix-septième siècle, l'esprit -était aussi une dignité, et que les réunions de -M<sup>lle</sup> de Scudéry, en devenant plus bourgeoises, -n'avaient pas cessé d'être littéraires. «On y voyait, -dit M. Marcou, et ces jeunes filles qui aimaient -<span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span> -Descartes et le chantaient, et celles qui, par leur -beauté, vengeaient le Samedi des épigrammes de -Furetière, et d'autres qui les justifiaient trop; et la -noblesse provinciale ou parisienne, d'épée ou de -robe; et les présidentes, les avocats, les beaux esprits, -les abbés, même les évêques; et tous ces -contingents de la Normandie, de la Provence et du -Languedoc, recrues que l'admiration ou l'amitié -avaient faites à M<sup>lle</sup> de Scudéry, quand elle habitait -le Havre ou Marseille; à Pellisson, quand il était -à Toulouse ou à Castres<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor"> [92]</a>.» Car, il faut bien le -reconnaître avec les mauvais plaisants, Pellisson -était <i>le Prince</i>, <i>l'Apollon des Samedis</i>, et il avait -été proclamé tel par Sapho elle-même.</p> - -<p>Furetière avait dit spirituellement: «La Vierge -du Marais s'est bornée à créer un monde (le Pays -de Tendre), laissant à d'autres le soin de le peupler.» -Et, dans une lettre sans date, mais qui -doit se rapporter aux années 1654-1655, il ajoutait: -«Le P. B. et moi ne vous parlons jamais -de ce que vous ne voulez jamais entendre. Nous -disons même dans le monde que nous avons en -vous une illustre amie, mais, dans le fond de -l'âme, nous sommes vos très-humbles et très-obéissans -amans.» On sait déjà que Furetière ne -fut pas toujours aussi tendre envers «l'illustre -amie;» mais ce langage, et plus encore les innombrables -madrigaux recueillis par Conrart, Pellisson -et autres nous montrent sur quel ton étaient avec -<span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span> -elle la plupart des hommes qui l'entouraient. -D'ailleurs il est difficile de croire qu'elle ne -songeait pas à elle-même, quand elle disait de -Clélie: «Cette admirable fille vivoit de façon -qu'elle n'avoit pas un amant qui ne fût obligé de -se cacher sous le nom d'ami, et d'appeler son -amour amitié, autrement ils eussent été chassés -de chez elle<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor"> [93]</a>.» De même Pellisson, qu'il est difficile -de reconnaître dans le Phaon du <i>Cyrus</i>, est -peint, à ne pas s'y méprendre, dans l'Herminius -de la <i>Clélie</i>, deuxième et troisième parties, correspondant -aux années de leur liaison la plus -intime.</p> - -<p>C'étaient, dans tout cet entourage, des déclarations, -des échanges de cadeaux, des minauderies, -des rivalités dont il est bien difficile de ne pas sourire, -quand on songe à l'âge de la plupart des soupirants, -et surtout à celui de la <i>Divine Sapho</i> (elle avait -alors près de cinquante ans). Néanmoins, parmi -ces soupirants, il y en avait un jeune encore, -Isarn, de Castres, qui était venu rejoindre à Paris -son compatriote Pellisson. Aussi beau que celui-ci -était laid, aimable mais inconstant, il adressa -d'abord à Sapho des hommages que ni l'un ni -l'autre ne prit au sérieux et qui se promenèrent -de Télamire à Philoxène, de Philoxène à Octavie<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor"> [94]</a>, -etc. Cependant les coquetteries allaient leur train. -<span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span> -On faisait au Raincy de longues promenades en -tête à tête avec Trasile (Isarn); on recevait des -cachets et des épîtres galantes du généreux Théodamas -(Conrart)<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor"> [95]</a>; que dis-je, on passait un automne -tout entier à sa maison d'Athis-Mons, et -il y avait un commerce réglé de coquetterie entre -les fauvettes du bois de Carisatis et celles du bois -de Sapho. La plaisanterie s'exerçait sur les amours -de Conrart, comme elle allait bientôt le faire sur -ceux de Pellisson.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Conrart, sage comme un Caton,</p> -<p>A pourtant au cœur, ce dit-on,</p> -<p>Un petit endroit attendri</p> -<p class="i2"> Landeriri.</p> -</div></div> - -<p>Qui croirait que le sage Théodamas était un -tigre de jalousie? C'est pourtant ce qu'atteste -Ménage qui n'osait faire à Sapho certain présent -de peur de paraître empiéter sur les priviléges de -<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span> -son rival<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor"> [96]</a>. Plus hardi vis-à-vis de Cotin, il se -posait contre lui en galant chevalier de la Vierge -du Marais, moins compromettant, il est vrai, par -la passion que par le ridicule<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor"> [97]</a>.</p> - -<p>C'est évidemment au milieu de ces plaisanteries -de société qui suivirent la publication du premier -volume de <i>Clélie</i>, telles que la <i>Journée des Madrigaux</i>, -la <i>Carte</i> et la <i>Gazette de Tendre</i><a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor"> [98]</a>, au milieu -de ces coquetteries à droite et à gauche, destinées -peut-être à cacher un sentiment plus sérieux, qu'il -faut placer le fameux quatrain:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Enfin, Acanthe, il faut se rendre.</p> -<p>Votre esprit a charmé le mien,</p> -<p>Je vous fais citoyen de Tendre,</p> -<p>Mais de grâce n'en dites rien<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor"> [99]</a>.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span> -M<sup>me</sup> du Plessis-Bellière, l'une des dames qui -paraissaient quelquefois aux Samedis, avait fait -connaître Pellisson et M<sup>lle</sup> de Scudéry à Fouquet, -dont elle était parente. L'un et l'autre reçurent -quelques marques de sa libéralité. Pellisson -lui en adressa des remercîments en vers et en -prose, et, à partir de 1656, devint un de ses principaux -commis, sans que les relations avec Sapho -en fussent interrompues. Les Papiers de Fouquet -renferment des lettres qu'elle adressait à Pellisson -pendant son voyage à Nantes où il accompagnait -le Surintendant. Elle-même venait d'assister aux -fêtes de Vaux<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor"> [100]</a> et avait passé quelques jours aux -<i>Pressoirs du Roi</i>, propriété située sur les bords de -la Seine, près de Fontainebleau où se trouvait -alors la Cour, et qui, bâtie sous François I<sup>er</sup>, appartenait -alors à une famille Jacquinot, amie de -Fouquet et de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Celle-ci était inquiète -du silence prolongé de Pellisson. On était -au commencement de septembre 1661. L'orage -grondait sur la tête du Surintendant. Dans -ces lettres datées des Pressoirs, le jargon du -Royaume de Tendre, sous la plume de M<sup>lle</sup> de -Scudéry, a fait place aux accents du cœur: «Mandez-moi -quand vous reviendrez, et m'écrivez un -<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span> -pauvre petit mot pour me consoler de votre absence -qui m'est la plus rude du monde.... Je ne -vous demande pas de longue lettre; je ne veux -qu'un mot qui me dise comment vous vous portez, -car pour peu que je sache que vous vivez, je -supposerai que vous m'aimez toujours.»</p> - -<p>Entre deux êtres qui, à défaut de la jeunesse et -de la beauté, pouvaient mettre en commun les -trésors d'une affection aussi vive et aussi sérieuse -à la fois, on s'étonnerait de ne pas voir apparaître -l'idée du mariage<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor"> [101]</a>. Elle se présenta au moins à -leur entourage le plus immédiat, soit que cette -éventualité ait excité ses railleries ou ses craintes. -Les lettres que nous venons de citer renferment -les passages suivants: «Si je ne craignois de vous -fâcher, je vous dirois que v... m... (votre mère) -dit et fait de si étranges choses tous les jours, -que l'imagination ne peut aller jusque là, et tout -le monde vous plaint d'avoir à essuyer une manière -d'agir si injuste et si déraisonnable....» Et -plus loin: «Votre mère a dit à M... (Ménage) des -choses qui vous épouvanteroient si vous les saviez, -tant elles sont déraisonnables, emportées et hors -de toute raison<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor"> [102]</a>.»</p> - -<p>Ce qu'il y a d'obscur dans ces allusions sera -éclairci par une lettre inédite de l'abbé Bourdelot -<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span> -que nous empruntons à la Correspondance de Nicaise<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor"> [103]</a>. -«Je n'étois pas d'humeur à laisser passer -ce que dit l'<i>Anti-Menagiana</i> que, si Pellisson eût -épousé M<sup>lle</sup> de Scudéry, c'eût été la faim qui auroit -épousé la soif, et beaucoup d'autres impertinences -de cette nature. A propos de Pellisson, -il est bon de vous dire que ce que dit le <i>Menagiana</i> -que sa mère offrit vingt mille livres à -M<sup>lle</sup> de Scudéry pour l'obliger à l'épouser est très-faux. -Je sais de bonne part qu'elle ne craignoit rien -tant que de la voir la femme de son fils.»</p> - -<p>Mais, soit pruderie, soit indépendance, M<sup>lle</sup> de -Scudéry professa un éloignement constant pour le -mariage. Elle s'était expliquée là-dessus très-nettement -au t. X, l. <span class="smallc">II</span> du <i>Cyrus</i>, et elle y revient -encore dans des lettres de sa vieillesse, où, à l'occasion -du mariage de M<sup>me</sup> de Chandiot, une de -ses amies, elle écrit: «Le mariage est, suivant -moi, la chose du monde la plus difficile à faire -bien à propos.... J'ai préféré trois fois dans ma -vie la liberté à la richesse, et je ne saurois m'en -repentir<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor"> [104]</a>.» En revanche elle se forma toujours de -l'amitié l'idée la plus haute. Nous allons la voir à -l'épreuve.</p> - -<p>A la date de la dernière des lettres de M<sup>lle</sup> de -Scudéry citées plus haut, 7 septembre 1661, -Pellisson était arrêté avec Fouquet à Nantes depuis -<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span> -deux jours; puis, sur un ordre du roi, il -fut conduit au château d'Angers et de là à la Bastille. -On peut voir à la Correspondance la lettre -émue qu'elle écrivait à Huet sous le coup de cette -nouvelle. A partir de ce moment, ce fut, de la -part de M<sup>lle</sup> de Scudéry, une série de démarches, -d'écrits, de sollicitations de ruses pieuses, d'abord -pour adoucir sa captivité, et ensuite pour la faire -cesser. Pellisson avait su mettre dans ses intérêts -un Allemand qu'on avait placé auprès de lui comme -espion, et dont il fit un émissaire. Par le moyen -de cet homme, il eut avec son amie une correspondance -journalière, dont on peut se faire une -idée d'après ce qu'elle dit dans sa lettre du 12 mai -1694 à l'abbé Boisot: «J'ai brûlé plus de cinq -cents lettres de M. de Pellisson, du temps de la -Bastille.»</p> - -<p>Au moment où la saisie des fameuses cassettes -du Surintendant provoquait de la part de Chapelain -des paroles peu mesurées contre d'anciens -amis<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor"> [105]</a>, et jetait la terreur parmi les femmes légères -et les entremetteuses de la ville et de la -Cour, on aime à voir ces deux honnêtes femmes, -Scudéry et Sévigné, protester contre les défaillances -et les calomnies, se soutenir mutuellement<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor"> [106]</a>, -<span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span> -encourager les autres<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor"> [107]</a>, et se donner la main dans -cette œuvre de dévouement, jusqu'au moment où -elles purent se présenter ainsi, avec leur ami libre -grâce à elles, au courageux magistrat dont les -conclusions avaient sauvé la vie à Fouquet<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor"> [108]</a>. En -effet, tandis que l'une enrôlait à la cause du malheur -ses correspondants séduits, entraînés par la -magie de son style, Sapho espérant que le moment -était venu où l'on allait se relâcher des premières -rigueurs, écrivait à Colbert<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor"> [109]</a> une lettre -éloquente pour le supplier d'adoucir la captivité -du prisonnier, et de permettre qu'il pût être -visité par quelques parents et amis, à commencer -par sa mère, celle-là même qui avait tenu au sujet -de leur liaison des propos si peu charitables<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor"> [110]</a>.</p> - -<p>Mais près de deux ans s'écoulèrent encore avant -que Pellisson n'obtînt cette ombre de liberté, -comme il le disait lui-même dans une lettre -écrite le 15 novembre 1665<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor"> [111]</a> à l'abbesse de Malnoue -<span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span> -par l'intermédiaire de M<sup>lle</sup> de Scudéry, -«l'amie incomparable et unique au monde par -qui vous recevrez ce billet;» car cet homme -semble avoir exercé sur les femmes les plus distinguées -une séduction qui certes n'était pas celle -des avantages physiques. Dans une lettre de l'abbesse -de Malnoue, portant la suscription: <i>Octavie -à Zénocrate</i><a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor"> [112]</a>, on lit: «Vous apprendrez de bien -des endroits qu'Herminius a la liberté de voir -ses amis, et qu'on espère qu'il l'aura bientôt -tout entière. Je vous envoie la lettre qu'il m'écrivit -le jour même qu'il vit Sapho. Sans mentir, j'ai -tout à fait de la joie de celle qu'ils ont.... Sapho -me mande que la chambre de Pellisson est la plus -triste du monde: il n'y a qu'une seule fenêtre à -double grille dans une muraille de six pieds d'épaisseur<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor"> [113]</a>.» -C'est dans ce triste réduit qu'accoururent -dès le premier jour «mille gens de qualité.» -Quant à Sapho, elle s'y installa, pour ainsi -dire, à demeure avec le prisonnier, puisque l'abbesse -de Malnoue mandait à son correspondant le -8 janvier 1666: «Sapho et Acanthe m'écrivent -quelquefois de la Bastille<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor"> [114]</a>.»</p> - -<p>La spirituelle Octavie, tout en s'associant de -cœur à la joie du couple enfin réuni, ne se refusait -<span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span> -pas quelques malices à leur endroit. Elle -avait fait promettre à Sapho de lui rendre un -compte très-exact de cette entrevue. «Il n'y a pas -de plaisantes questions que je ne lui aie faites. -Vous savez que, quand je suis en humeur de la -questionner sur Herminius, il n'y a rien de fou -qui ne me passe par l'esprit....» Un mois après -la délivrance de Pellisson elle écrivait encore: -«Il m'a envoyé des odes de dévotion qu'il a -faites dans sa prison. Je les ai trouvées si tendres -pour Dieu, que j'ai mandé à Sapho que j'en -estime et en aime Herminius davantage, mais que, -comme je ne la crois pas si dévote que lui, j'ai eu -peur qu'elle n'ait été jalouse du bon Dieu<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor"> [115]</a>.»</p> - -<p>Cependant la poésie qui avait consolé la captivité -devait jouer son rôle dans la délivrance. -Pellisson avait composé à la Bastille un poëme de -1391 vers, tout en l'honneur de M<sup>lle</sup> de Scudéry<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor"> [116]</a> -qui en est l'Alpha et l'Oméga.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Sapho, qui consolez mon triste éloignement,</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>O fille incomparable, en vertus éclatante,</p> -<p>Qui de l'honnête amour étiez la longue attente,</p> -<p>Merveille de notre âge, adorable en bontés,</p> -<p>Vous me verrez un jour, et vous le méritez,</p> -<p>Couronner vos vertus de cent fleurs immortelles</p> -<p>Qu'un siècle laisse à l'autre également nouvelles.</p> -<p>Mais pendant que le temps, trop long selon vos vœux,</p> -<p>Me ramène à pas lents un destin plus heureux,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span></div> -<p>Aimez, aimez Acanthe, et faites vos délices</p> -<p>De ces fleurs qu'il vous cueille au bord des précipices.</p> -</div></div> - -<p>Nous avons cité les premiers et les derniers vers -de ce poëme d'<i>Eurymédon</i> à qui l'on jugera sans -doute que Bossuet faisait bien de l'honneur en le -relisant chaque année. Pour être indulgent à ces -vers, ainsi qu'à la plupart de ceux qui faisaient -les délices de la société du Samedi, il faut se rappeler -que ces fadeurs et ces puérilités servaient -d'organe à d'innocentes amitiés et parfois aux -plus nobles sentiments. Ainsi ces interminables -vers sur la fauvette, le roitelet, le pinçon, toute -cette poésie de colombier et de volière qui met -notre patience à une si rude épreuve en parcourant -le recueil de la Suze et de Pellisson, trouvent -presque grâce à nos yeux, quand nous savons que -c'est sur un Placet en vers, présenté au Roi par -Pellisson au nom de la pigeonne de Sapho<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor"> [117]</a>, que -celui-ci obtint enfin sa liberté. Ce fut vers la fin -de janvier 1666 qu'il reparut dans les salons, et -que, de disgracié qu'il était, il devint presque -courtisan et homme à la mode. Mais ce qui ne -changea pas, ce furent les sentiments qui l'unissaient -à sa généreuse amie, et qui s'étaient retrempés -à l'épreuve du malheur<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor"> [118]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span> -Nous ne pouvons résister au désir d'anticiper -un peu sur l'ordre des temps pour ajouter un chapitre -à l'histoire de la conspiration de M<sup>lle</sup> de -Scudéry et de M<sup>me</sup> de Sévigné en faveur de Fouquet -et de ses amis. La seconde écrivait à son -gendre le 25 juin 1670: «Si l'occasion vous vient -de rendre quelque service à un gentilhomme de -votre pays, qui s'appelle V..., je vous conjure de le -faire: vous ne me sauriez donner une marque plus -agréable de votre amitié.... vous connoissez toute -sa famille. Ce pauvre garçon étoit attaché à M. Fouquet, -il a été convaincu d'avoir servi à faire tenir -une de ses lettres à sa femme; sur cela, il a été -condamné aux galères pour cinq ans: c'est une -chose un peu extraordinaire. Vous savez que c'est -un des plus honnêtes garçons qu'on puisse voir, et -propre aux galères comme à prendre la lune avec -ses dents.»</p> - -<p>Or, ce gentilhomme dont le nom était resté en -blanc dans l'édition de M. de Monmerqué de -1820, s'appelait Valcroissant<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor"> [119]</a>. L'aimable marquise -avait intéressé à sa cause M<sup>lle</sup> de Scudéry qui -s'était empressée d'écrire en sa faveur à M. de -Vivonne, général des galères. La réponse de ce -dernier, dont M. de Monmerqué possédait l'original, -portait: «Sitôt qu'on m'eut appris le mérite -<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span> -et l'infortune tout ensemble du gentilhomme pour -qui vous m'écrivez, je fis tout ce qui dépendit -de moi pour adoucir la rigueur de sa condamnation; -vous pouvez juger de là ce que je voudrois -faire dans la suite pour son soulagement; cela -ira sans doute à tout ce qui sera en mon pouvoir, -pour vous marquer, et à M<sup>me</sup> la marquise de -Sévigné, celui que vous avez sur la personne qui -vous honore le plus l'une et l'autre<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor"> [120]</a>.»</p> - - -<p class="space">Grâce à l'intervention et aux démarches de ces -deux généreuses personnes, l'arrêt fut commué, -et Valcroissant, trois mois après sa condamnation, -put se promener en liberté dans Marseille. -Dix-huit ans plus tard, estimé de tous comme un -des meilleurs officiers de l'armée, il remplissait -les fonctions d'inspecteur, dont Louvois l'avait -chargé, et avait occasion d'être utile au jeune -marquis de Grignan, petit-fils de M<sup>me</sup> de Sévigné<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor"> [121]</a>. -L'année suivante, Valcroissant avait un -gouvernement en Flandre, et faisait mettre aux -cadets de Besançon le fils du poëte Bonnecorse, -autre ami et obligé de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - - -<p class="space">S'il fallait assigner une date précise au triomphe -de cette littérature dont le <i>Cyrus</i> et la <i>Clélie</i> -passaient pour l'expression la plus heureuse, nous -<span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span> -indiquerions l'année 1658. Il y avait pour l'auteur -à la fois succès d'estime et succès d'argent. -Vers cette époque, Tallemant disait: «Ses livres -se vendent fort bien,» et Pradon écrivait plus -tard, à propos des critiques de Boileau: «Cependant, -ces tomes <i>épouvantables</i> et cet <i>horrible Artamène</i>, -qui ont été traduits en toutes sortes de -langues, même en arabe, et qui sont encore aujourd'hui -la plus délicieuse lecture des premières -personnes de la cour, cet <i>horrible Artamène</i>, dis-je, -dont on achetoit les feuilles si chèrement à -mesure qu'on les imprimoit, et qui a fait gagner -cent mille écus à Augustin Courbé, est à présent -l'objet de la satire de M. D.... Quand ses satires -auront fait gagner cent mille écus à Barbin, on -souffrira sa critique un peu plus tranquillement, -et quoiqu'il dise:</p> - -<p class="quote">A ses propres dépens enrichir le libraire,</p> - -<p>je crois qu'il y a encore du chemin à faire jusque-là. -En vérité, <i>Cyrus</i> et <i>Clélie</i> sont des ouvrages -qui ont illustré la langue françoise, et les marques -éclatantes d'estime que le roi a données à -une personne illustre et modeste, devoient arrêter -M. D......<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor"> [122]</a>»</p> - -<p>Mais bientôt la fin de la Fronde, puis l'émancipation -définitive du jeune roi ramenaient à la cour -les princes et les grands seigneurs dispersés au -<span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span> -fond des provinces. Dans le loisir des vieux châteaux, -on avait contracté le goût des récits de -longue haleine. Tandis que les dames brodaient -d'interminables tapisseries, la demoiselle de compagnie -faisait, à haute voix, des lectures à peine -moins longues. Comme le remarque M<sup>me</sup> de Genlis, -«ces éternelles conversations qui, dans les -ouvrages de M<sup>lle</sup> de Scudéry, suspendant la marche -du roman, nous paraissent insoutenables, -étaient loin de déplaire<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor"> [123]</a>.» Mais la vie de cour -avait d'autres exigences. D'ailleurs, <i>Zaïde</i>, la <i>Princesse -de Clèves</i>, allaient donner des allures plus -vives au roman où l'histoire du cœur ne perdait -rien à se dégager des vieux cadres soi-disant historiques.</p> - -<p>En vain Ménage disait «que ces romans dureroient -toujours<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor"> [124]</a>,» M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même,—c'est -lui qui l'atteste à quelques lignes de distance,—déclarait, -trop modestement sans doute, -«qu'elle avoit encore un roman d'achevé, mais -que personne ne voudroit l'acheter ni le lire.» Cependant, -leur vogue se soutint encore longtemps -dans les provinces et à l'étranger, et, même quand -ils furent réduits «à gagner les petites armoires,» -suivant l'expression d'un contemporain, on les -retrouve encore dans bien des bibliothèques, sans -excepter celle de Boileau<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor"> [125]</a>. Il y eut, pour eux, ces -<span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span> -admirations attardées et traditionnelles qui ne -manquent jamais aux ouvrages dont l'attention -publique s'est vivement préoccupée. Ainsi, vers -le premier tiers du dix-huitième siècle, le père -Porée trace une peinture piquante, malgré la -forme latine et pédantesque dont il l'enveloppe, -des diverses lectures qui occupent les hôtes d'un -vieux château. «Que fait cette fille déjà grande, -assise à une petite table, la tête appuyée sur son -coude? Elle lit avec avidité l'histoire d'une fille -persane ou turque, devenue, par ses charmes, la -favorite d'un roi ou d'un empereur, et illustrée -par ses amours....» Et plus loin: «Écoutez les -Céladons et les Artamènes qui se glorifient de -leur esclavage, etc.<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor"> [126]</a>» Chateaubriand raconte, dans -ses <i>Mémoires d'Outre-tombe</i>, que sa mère, fille -d'une élève de Saint-Cyr, savait par cœur tout -<i>Cyrus</i>. En Angleterre, ces romans français du dix-septième -siècle, traduits, portant souvent le titre, -«par des personnes de qualité,» se lisaient encore -longtemps après que leur vogue était passée -chez nous. La sérieuse lady Russell qualifiait la -<i>Clélie</i> de livre très-profitable, «<i>a most improving -book</i>,» et la jeune Mary Wortley, depuis lady -Montagu, dévorait le <i>Grand Cyrus</i> dans sa chambre -de petite fille. Et cependant, M. Cousin, au -<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span> -début même du livre où il entreprend la réhabilitation -de cet ouvrage, réhabilitation, il est vrai, -plutôt historique que littéraire, n'hésite pas à -dire: «Qui lit aujourd'hui le <i>Grand Cyrus</i>, qui -le lisait au dix-huitième siècle, et même dans les -dernières années de Louis XIV?»</p> - -<p>Il est difficile de décider si Molière et Boileau, -en qui se personnifia surtout la réaction contre le -genre précieux et les romans à la Scudéry, suivirent -ou devancèrent le goût du public. Ils affectèrent -l'un et l'autre d'attribuer à la province<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor"> [127]</a>, à -«de mauvaises copies d'excellentes choses,» à «des -Précieuses ridicules qui imitoient mal les véritables -Précieuses» cette affectation dans les discours, -cette recherche de sentiments qu'on étalait à Versailles, -qu'on imitait à Paris, qu'on parodiait loin -de la capitale.</p> - -<p>Rœderer et Cousin, après lui, n'ont pas eu de -peine à démontrer que Molière n'a voulu jouer en -1659 ni l'hôtel de Rambouillet qui n'existait plus, -ni les Précieuses de 1656, auxquelles personne -alors n'eût osé appliquer l'épithète de <i>ridicules</i>. -<span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span> -Mais, malgré les précautions oratoires que renferme -la préface, il est bien certain que les traits -de la pièce vont plus loin qu'il ne convient à l'auteur -de l'avouer. Les théories de Cathos sur «la -recherche dans les formes» qui doit précéder le -mariage, les longs préliminaires qu'elle décrit -complaisamment, n'avaient-ils pas un précédent -notoire dans les quinze ans de cour que Julie -d'Angennes imposa au duc de Montausier, et la -phrase de Madelon à ce propos ne nous transporte-t-elle -pas en plein roman de Scudéry? «La belle -chose que ce seroit si d'abord Cyrus épousoit Mandane, -et qu'Aronce, de plein pied, fût marié à -Clélie!» Mascarille déclarant «qu'il est <i>furieusement</i> -pour les portraits,» et travaillant, «à mettre -en madrigaux toute l'histoire romaine,» rappelle -à la fois la langue et les occupations du Samedi. -Allons plus loin: lorsque, d'un côté, nous -voyons, dans la <i>Journée des Madrigaux</i>, la plupart -des valets de la maison faisant des vers<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor"> [128]</a>, et, -de l'autre, les faux marquis de Molière et l'impromptu -de Mascarille, sommes-nous dans la -maison de Gorgibus ou dans celle de M<sup>lle</sup> de -Scudéry et de M<sup>lle</sup> Boquet?</p> - -<p>On pourrait même trouver persistance d'épigramme -dans le <i>Bourgeois gentilhomme</i> (1670), -car le compliment de M. Jourdain à Dorimène: -<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span> -<i>Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour</i>, -avec toutes ses variantes, ressemble assez -au madrigal de Brutus à Lucrèce: <i>Toujours. -l'on. si. mais. aimoit. d'éternelles. hélas. amours. -d'aimer. doux. il. point. seroit. n'est. qu'il.</i></p> - -<p class="quote">Qu'il seroit doux d'aimer si l'on aimoit toujours.<br /> -Mais hélas! il n'est point d'éternelles amours.</p> - -<p>Dans les <i>Femmes savantes</i>, représentées treize -ans après les <i>Précieuses ridicules</i>, mais dont on -parlait déjà dès 1666<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor"> [129]</a>, il y a bien encore plus -d'un trait dont les Précieuses et M<sup>lle</sup> de Scudéry -peuvent prendre leur part<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor"> [130]</a>, mais les critiques sont -plus générales et répondent à une nouvelle phase -du goût et des mœurs. Il y est moins mention des -<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span> -romans passés de mode, et la question de l'instruction -qui convient aux femmes est plus nettement -posée. Clitandre, qui représente le juste -milieu dans cette question de l'éducation des -femmes, ne fait presque que rendre en vers ce que -M<sup>lle</sup> de Scudéry avait dit en prose longtemps auparavant.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Je consens qu'une femme ait des clartés de tout,</p> -<p>Mais je ne lui veux point la passion choquante</p> -<p>De se rendre savante afin d'être savante,</p> -<p>Et j'aime que souvent aux questions qu'on fait</p> -<p>Elle sache ignorer les choses qu'elle sait.</p> -<p>De son étude enfin je veux qu'elle se cache,</p> -<p>Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache.</p> -</div></div> - -<p>Écoutons maintenant Sapho s'expliquant sur le -même sujet: «Encore que je voulusse que les -femmes sussent plus de choses qu'elles n'en savent -pour l'ordinaire, je ne veux pourtant jamais -qu'elles agissent ni qu'elles parlent en savantes. -Je veux donc bien qu'on puisse dire d'une personne -de mon sexe qu'elle sait cent choses dont -elle ne se vante pas, qu'elle a l'esprit fort éclairé, -qu'elle connoît finement les beaux ouvrages, -qu'elle parle bien, qu'elle écrit juste et qu'elle -sait le monde, mais je ne veux pas qu'on puisse -dire d'elle: c'est une femme savante. Ce n'est pas -que celle qu'on n'appellera point savante ne puisse -savoir autant et plus de choses que celle à qui on -donnera ce terrible nom, mais c'est qu'elle sait -mieux se servir de son esprit, et qu'elle sait cacher -<span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span> -adroitement ce que l'autre montre mal à -propos<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor"> [131]</a>.»</p> - -<p>Ainsi, M<sup>lle</sup> de Scudéry, près de vingt ans avant -la comédie des <i>Femmes savantes</i>, semblait protester -contre ce <i>terrible nom</i>, et contre toute solidarité -avec les Bélise et les Philaminte de l'avenir.</p> - -<p>«M. Despréaux n'étoit pas ami de M. Pellisson -ni de moi,» écrivait M<sup>lle</sup> de Scudéry<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor"> [132]</a>. Elle -aurait pu ajouter: «ni de mon frère,» car les -fameux vers:</p> - -<p class="quote">Bienheureux Scudéry dont la fertile plume<br /> -Peut tous les mois sans peine enfanter un volume, etc.</p> - -<p>Ces vers, disons-nous, furent le premier grief de -Sapho contre le satirique. Le nom de Pellisson, -imprimé d'abord en toutes lettres d'une manière -peu flatteuse dans la satire VIII<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor"> [133]</a>, avait été remplacé -depuis par un synonyme encore moins flatteur<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor"> [134]</a>. -Enfin, une épigramme grossière, que Daunou -répugne à croire écrite par Boileau, aurait -même associé ce nom à celui de Sapho dans le reproche -de laideur<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor"> [135]</a>. Mais on sait, du moins, ce -<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span> -que Boileau en pensait, par ce qu'il en dit plus -tard dans ses <i>Héros de roman</i>.</p> - -<p class="i9">«PLUTON.</p> - -<p>Quelle est cette précieuse renforcée que je vois -qui vient à nous?</p> - -<p class="i9">DIOGÈNE.</p> - -<p>C'est Sapho, cette fameuse Lesbienne qui a inventé -les vers saphiques.</p> - -<p class="i9">PLUTON.</p> - -<p>Je la trouve bien laide, etc.»</p> - -<p>Et plus loin, on se moque «des généreuses -amies de Sapho qui ne surpassent guères en beauté -Tisiphone, et qui, néanmoins.... ne laissent pas -de passer pour de dignes héroïnes de roman.»</p> - -<p>Tout cela était assez peu littéraire. Ce qui l'est -davantage, ce sont les vers de l'<i>Art poétique</i>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Gardez-vous de donner, ainsi que dans <i>Clélie</i>,</p> -<p>L'art ni l'esprit françois à l'antique Italie,</p> -<p>Et, sous des noms romains faisant notre portrait,</p> -<p>Peindre Caton galant et Brutus dameret.</p> -</div></div> - -<p>Il faut rapprocher de ce passage une lettre de -Boileau à Brossette, du 7 janvier 1703, dont le -ton dédaigneux était bien fait pour choquer celle -qui en était l'objet, si elle avait pu la lire:</p> - -<p>«C'est une grande absurdité à la demoiselle, -auteur de la <i>Clélie</i>, d'avoir choisi le plus grave -siècle de la république romaine pour y peindre -les caractères de nos François; car on prétend -qu'il n'y a pas dans ce livre un seul Romain ni -une seule Romaine qui ne soit copié sur le modèle -<span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span> -de quelque bourgeois ou de quelque bourgeoise -de son quartier.»</p> - -<p>Nous ne nous étonnerons donc pas de trouver, -dès 1684, M<sup>lle</sup> de Scudéry liguée avec Ménage -pour empêcher Boileau d'entrer à l'Académie. -Toutefois, il faut le reconnaître, ce double genre -d'attaques la trouva beaucoup moins sensible que -celles qui s'étendaient à ses amis et à son sexe. -Dans ses lettres à l'abbé Boisot, elle parle avec -une rancune peu dissimulée de la <i>Satire contre les -femmes</i>, qui venait de paraître et faisait beaucoup -de bruit<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor"> [136]</a>.</p> - -<p>«Il y a une nouvelle satire de Despréaux imprimée -contre les femmes, qu'il croit être la meilleure -des siennes. Mais les gens de bon goût ne -le trouvent pas, et il y a un caractère bourgeois et -des phrases fort bizarres. Il donne un coup de -griffe, suivant sa coutume, à <i>Clélie</i>, sans raison -et sans nécessité. Mais je suis accoutumée à mépriser -ce qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai -pas. Et un livre qui a été traduit en italien, -en anglois, en allemand et en arabe, n'a que -faire des louanges d'un satirique de profession.» -Plus loin, elle revient encore sur ce sujet qui lui -tient au cœur, protestant, au nom de toutes les -honnêtes femmes, contre les diatribes de leur -ennemi commun<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor"> [137]</a>. Puis, par un mouvement -<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span> -qui rappelle certaines préfaces de son frère, -elle ajoute: «J'imite ce fameux Romain qui, au -lieu de se justifier, dit à l'assemblée: Allons -remercier Dieu de la victoire que nous avons gagnée!»</p> - -<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry se montre surtout fort blessée -de ce passage:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>D'abord tu la verras, ainsi que dans <i>Clélie</i>,</p> -<p>Recevant ses amans sous le doux nom d'amis,</p> -<p>S'en tenir avec eux aux petits soins permis;</p> -<p>Puis bientôt en grande eau, sur le fleuve de Tendre,</p> -<p>Naviguer à souhait, tout dire et tout entendre,</p> -<p>Et ne présume pas que Vénus ou Satan</p> -<p>Souffre qu'elle en demeure aux termes du roman.</p> -</div></div> - -<p>«Vous me direz, écrit-elle à l'abbé, si ce vers: -<i>Ou Vénus ou Satan</i>, peut être fait par un chrétien.» -Et il faut convenir que la suite de ce passage, où -l'imitatrice de Clélie, débutant par l'amour platonique, -finit par devenir une femme perdue, «une -Messaline, donnant des rendez-vous chez la -Cornu,» était bien faite pour offenser une honnête -fille qui pouvait prêter au ridicule, mais dont les -mœurs étaient restées inattaquables, de l'aveu -même du satirique. En effet, lorsqu'il publia, en -1713, ses <i>Héros de roman</i>, il fit, à la fin du <i>Discours</i> -qui les précède, la déclaration suivante: -«Comme j'étois fort jeune dans le temps que tous -ces romans.... faisoient le plus d'éclat, je les lus, -<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span> -ainsi que les lisoit tout le monde, avec beaucoup -d'admiration.... Mais enfin.... je reconnus la puérilité -de ces ouvrages. Si bien que, l'esprit satirique -commençant à dominer en moi, je ne me -donnai point de repos que je n'eusse fait contre -tous ces romans un dialogue à la manière de Lucien, -etc.... Cependant, comme M<sup>lle</sup> de Scudéry étoit -alors vivante, je me contentai de composer ce -dialogue dans ma tête, et bien loin de le faire -imprimer, je gagnai même sur moi de ne point -l'écrire et de ne point le laisser voir sur le papier, -ne voulant pas donner ce chagrin à une fille -qui, après tout, avoit beaucoup de mérite, et qui, -s'il faut en croire tous ceux qui l'ont connue, -nonobstant la mauvaise morale enseignée dans -ses romans, avoit encore plus de probité et d'honneur -que d'esprit.»</p> - -<p>«Les dévots et dévotes lui en veulent, parce -qu'à leur goût c'est elle qui établit la galanterie.» -Ce passage de Tallemant nous révèle une troisième -espèce d'adversaires pour M<sup>lle</sup> de Scudéry. -Nous venons de voir que Boileau n'avait pas seulement -attaqué la <i>Clélie</i> au nom du goût, mais -aussi au nom de la morale. Perrault lui ayant reproché -«son acharnement contre cet ouvrage, -malgré l'estime qu'on en a toujours faite, et l'extrême -vénération qu'on a toujours eue pour l'illustre -personne qui l'a composé,» le grand Arnauld -qui, il faut le dire, était mieux dans son -rôle, releva le gant, et voici comment il s'exprime -dans une lettre à Despréaux (1694):</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span> -«Il ne s'agit point, monsieur, du mérite de la -personne qui a composé la <i>Clélie</i>, ni de l'estime -qu'on a faite de cet ouvrage. Il en a pu mériter -pour l'esprit, pour la politesse, pour l'agrément -des inventions, pour les caractères bien suivis, -et pour les autres choses qui rendent agréable à -tant de personnes la lecture des romans. Que ce -soit, si vous voulez, le plus beau de tous les romans; -mais enfin c'est un roman: c'est tout dire. -Le caractère de ces pièces est de rouler sur l'amour, -et d'en donner des leçons d'une manière -ingénieuse, et qui soit d'autant mieux reçue qu'on -en écarte le plus, en apparence, tout ce qui pourroit -paroître de trop grossièrement contraire à la -pureté. C'est par là qu'on va insensiblement jusqu'au -bord du précipice, s'imaginant qu'on n'y -tombera pas, quoiqu'on y soit déjà à moitié tombé -par le plaisir qu'on a pris à se remplir l'esprit et -le cœur de la doucereuse morale qui s'enseigne au -Pays de Tendre.»</p> - -<p>Nous sera-t-il permis de le répéter après Sainte-Beuve? -Ni Arnauld, ni Boileau, n'avaient tout -ce qu'il faut pour bien juger les femmes et leur -rôle dans la société. Sans sortir de Port-Royal, -Nicole et Du Guet les comprenaient mieux, et Bossuet -jugeait la X<sup>e</sup> satire moins irréprochable et -moins édifiante que ne le faisait Arnauld. Voici -comme il en parle au chap. <span class="smallc">XVIII</span> du <i>Traité de la -concupiscence</i>: «Celui-là s'est mis dans l'esprit de -blâmer les femmes. Il ne se met point en peine -s'il condamne le mariage, et s'il en éloigne ceux -<span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span> -à qui il a été donné comme un remède.» Ce qu'il -y a de curieux, c'est que ce dernier point de vue -avait été également saisi par M<sup>lle</sup> de Scudéry, ennemie -du mariage<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor"> [138]</a>.</p> - -<p>Le jansénisme n'avait pas toujours été si sévère -pour la reine de celles que Ninon appelait: <i>les -Jansénistes de l'amour</i>. Le <i>Provincial</i>, dans une réponse, -du 2 février 1656, aux deux premières -lettres de son correspondant, lui transmettait le -billet suivant, écrit par une dame à une de ses -amies qui lui avait fait tenir la première de ces -deux lettres: «Je vous suis plus obligée que vous -ne pouvez vous l'imaginer de la lettre que vous -m'avez envoyée: elle est tout à fait ingénieuse et -tout à fait bien écrite. Elle narre sans narrer; elle -éclaircit les affaires du monde les plus embrouillées; -elle raille finement; elle instruit même ceux -qui ne savent pas bien les choses; elle redouble -le plaisir de ceux qui les entendent. Elle est encore -une excellente apologie, et, si l'on veut, -une délicate et innocente censure. Et il y a enfin -tant d'art, tant d'esprit et tant de jugement en -cette lettre, que je voudrois bien savoir qui l'a -faite.»</p> - -<p>Et le <i>Provincial</i> ajoutait: «Vous voudriez bien -aussi savoir qui est la personne qui en écrit de la -sorte; mais contentez-vous de l'honorer sans la -<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span> -connoître, et, quand vous la connoîtrez, vous l'honorerez -bien davantage<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor"> [139]</a>.»</p> - -<p>Quelle était cette personne? Racine va nous -l'apprendre dans sa <i>Lettre à l'auteur des Imaginaires</i><a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor"> [140]</a>. -«N'est-ce pas elle (Scudéry) que l'auteur -entend lorsqu'il parle d'une personne qu'il admire -sans la connoître?»</p> - -<p>De son côté M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui entretenait -avec M. d'Andilly des relations amicales, fit son -portrait sous le nom de Timante et le plaça dans -un tableau très-flatteur du Désert, au tome VI de -la <i>Clélie</i> (1657). Elle loua beaucoup la conversion -et la retraite de Lemaistre à Port-Royal. Elle n'était -pas indigne de comprendre cette grande union -d'une belle âme avec son Dieu. Parlant, il est -vrai, de l'amour humain, elle avait exprimé cette -noble pensée: «Il faut de la vertu pour être capable -de ces grands attachements.... Après tout, -la vertu est d'un assez doux usage dans le monde, -et je ne sais comment la plupart des femmes hasardent -leur réputation à si bon marché.»</p> - -<p>Il y avait donc, comme l'a remarqué Sainte-Beuve, -un côté romanesque et dévot qui unissait -Port-Royal et les héros de Corneille et du <i>Grand -Cyrus</i><a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor"> [141]</a>. Ainsi l'on a la preuve que Nicole avait lu -<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span> -la <i>Clélie</i><a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor"> [142]</a>, ce qui ne l'empêcha pas, dans sa <i>Première -visionnaire</i> (décembre 1665), de traiter les -auteurs de romans et de pièces de théâtre d'<i>empoisonneurs -publics</i>. Racine, piqué au vif, entreprit, -dans sa <i>Lettre</i>, déjà citée, <i>à l'auteur des Imaginaires</i>, -de venger à la fois les auteurs dramatiques -et les romanciers. Après quelques notes sur -les premiers, il ajoute malignement: «Vous avez -oublié que M<sup>lle</sup> de Scudéry avoit fait une peinture -avantageuse de Port-Royal dans sa <i>Clélie</i>. Cependant, -j'avais ouï dire que vous aviez souffert patiemment -qu'on vous eût loué dans ce livre horrible. -L'on fit venir au Désert le livre qui parloit -de vous: il y courut de main en main, et tous -les solitaires voulurent voir l'endroit où ils étoient -traités d'<i>illustres</i>.»</p> - -<p>Après avoir montré la réaction qui se produisit, -par l'organe de critiques autorisés, au nom du -goût, de la morale et même du puritanisme religieux -contre les genres précieux et romanesque, il -est juste d'ajouter que l'un et l'autre eurent une -influence souvent salutaire sur les progrès de la -vie sociale, où s'étaient maintenus, à travers le -règne de Henri IV, des restes de barbarie, fruits -des guerres civiles du siècle précédent. Un peu -de raffinement n'était pas inutile pour combattre -ces tendances grossières. M<sup>lle</sup> de Scudéry continua -les réformes que l'hôtel de Rambouillet avait -<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span> -commencées; leurs innovations dans les habitudes -sociales, dans la langue, dans l'orthographe<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor"> [143]</a> ne -furent pas toutes stériles ou ridicules, et, parmi -ce qui en est resté, il en est plus d'une dont l'honneur -revient à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p>«Ce serait, a dit Rœderer, être injuste et aussi -frivole que ces écrivains dont l'observation n'a -pas été plus loin que le ridicule des Précieuses, -de ne pas reconnaître qu'elles eurent leur côté -estimable et ne servirent pas médiocrement au -progrès de la socialité. On n'a pas le droit de -remarquer leur mauvais goût, sans remarquer -aussi qu'elles étaient une école de bonnes mœurs -dans un temps de dépravation invétérée. Que si -elles avaient le défaut de faire de l'amour un délire -de l'imagination, elles eurent aussi le mérite -d'élever les esprits et les âmes au dessus de l'amour -d'instinct, et de préparer cet amour du -cœur, ce doux accord des sympathies morales si -fécond en délices inconnues à l'incontinence grossière, -cet amour qui donne tant d'heureuses années -à la vie humaine, appelée seulement à d'heureux -moments par l'amour d'instinct<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor"> [144]</a>.»</p> - -<p>En effet, tandis que les austères, les rigoristes -<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span> -faisaient le procès aux romans par cela seul qu'il -y était question des faiblesses du cœur, les Épicuriens, -comme Saint-Évremond et ses pareils, reprochaient -aux Précieuses «d'avoir ôté à l'amour ce -qu'il a de plus naturel à force de vouloir l'épurer.» -«Voilà du temps et de l'esprit bien mal employés!» -disaient-ils, à propos des longues conversations -entre amoureux du <i>Cyrus</i> et de la <i>Clélie</i>, -et il ne manquait pas de gens pour se moquer des -<i>amours à la platonique</i> de Pellisson et autres adorateurs -du même genre. Il faut se rappeler les -amours sans façon du Vert-galant, ceux, encore -plus hideux, du précédent règne, le dévergondage -qui s'étale dans les <i>Historiettes</i> de Tallemant, et -sur lequel la majesté du grand règne vint à -grand'peine jeter un vernis au moins extérieur de -décence, pour pardonner à la galanterie quintessenciée -que les Précieuses et les romans de M<sup>lle</sup> de -Scudéry introduisirent dans les rapports entre les -sexes.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="xlarge">III</span><br /> -<span class="large">AFFAIRES DOMESTIQUES.—LES <i>CONVERSATIONS MORALES</i>.</span><br /> -<span class="large">SUCCÈS ACADÉMIQUES.—ILLUSTRES AMITIÉS.—VIEILLESSE ET FIN.</span><br /> -<span class="medium">1660-1701.</span></h2> -</div> - -<p>L'affaiblissement de la vogue des romans ne -retrancha rien de l'estime qui continuait de s'attacher -à M<sup>lle</sup> de Scudéry. «Elle est plus considérée -que jamais,» écrivait Tallemant vers 1660, -et ces sortes de témoignages ont dans sa bouche -une valeur toute particulière. Affranchie par la -mort de son frère de plus d'une solidarité fâcheuse, -elle vivait du produit de sa plume auquel -venaient se joindre les cadeaux de ses amis -et les marques de la munificence des princes. -Outre les présents par lesquels les Condé avaient -reconnu le dévouement du frère et de la sœur pendant -la Fronde, les Rambouillet, les Montausier, -M<sup>mes</sup> de Rohan-Monbazon, de Guénégaud, avaient -pris l'habitude d'offrir à Madeleine, dans diverses -circonstances, des cadeaux utiles et à son usage -<span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span> -personnel, soit pour ménager sa délicatesse, soit -pour éviter que Georges ne mît la main dessus. -Mais il y fallait du mystère, et voici comment -elle-même en parle dans la <i>Clélie</i>: «Sachez que -cette personne (une fille de Syracuse) qui a de la -naissance, dont la fortune est assez mauvaise, dont -le cœur est fort noble, et qui, sans faire le bel -esprit, a plus de réputation qu'elle n'en cherche.... -a eu plusieurs aventures qui prouvent que -la vertu est encore considérée.... On lui a fait plusieurs -présents d'une façon particulière, et, comme -on sait qu'elle aimeroit mieux donner que de recevoir, -on a pris des biais détournés.» Suivent des -exemples de ces dons mystérieux dont Tallemant -a confirmé plus tard la réalité et nommé les véritables -auteurs<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor"> [145]</a>. Les moins riches, les littérateurs -avaient aussi leur modeste offrande. Conrart offrait -tous les ans un cachet de cristal, M. Bétoulaud -des agates gravées, le père Commire des -fleurs brodées à l'aiguille, et des pierres antiques -ou qui passaient pour telles<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor"> [146]</a>, Chapelain une gélinotte, -et Ménage, dans la pièce même où il nous -<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span> -révèle quelques-unes de ces particularités, exprime -l'embarras où il est de trouver pour son -compte quelque chose de nouveau<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor"> [147]</a>. En 1694, -M<sup>lle</sup> de Scudéry écrivait encore: «Je fus tellement -accablée à ma fête de fleurs, de fruits, de -vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours -à remercier ceux qui me les avoient envoyés, et à -recevoir les visites de ceux qui venoient voir les -vers que j'avois reçus.»</p> - -<p>Le mystère que l'on mettait dans ces cadeaux, et -qui avait d'abord pour principal objet d'empêcher -un refus, devint bientôt une mode, une espèce de -jeu d'esprit destiné à exercer l'imagination des -donateurs en même temps que celui de la donataire. -Cette préoccupation est visible dans une -lettre de mai 1656<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor"> [148]</a>, écrite par celle-ci <i>à une personne -inconnue qui lui avoit adressé un présent</i>. -Nous ne connaissons pas la nature de ce présent -qu'elle traite de magnifique, mais voici ce qu'elle -en dit: «Il me semble que vous vouliez m'obliger -à porter une couleur où je croyois avoir renoncé, -et que je ne croyois plus pouvoir porter -avec bienséance, si ce n'étoit en œillets, en roses -ou en anémones, m'étant résolue à ne mettre plus -que du bleu, du gris de lin, de l'isabelle et du -blanc.»</p> - -<p>Vers 1671, elle recevait, <i>au nom des Dames</i>, une -<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span> -ode attachée avec des rubans de diverses couleurs -à une petite guirlande de lauriers d'or émaillés -de vert. Le tout était renfermé dans une jolie boîte. -L'objet de cette gracieuse offrande répondit <i>à l'illustre -secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être</i>. -On découvrit, quelque temps après, que l'ode était -de M<sup>lle</sup> de la Vigne<a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor"> [149]</a>.</p> - -<p>Nous ne voulons pas trop insister sur ces épisodes -un peu puérils, mais il en est un que nous -ne pouvons passer sous silence, parce qu'il se lie -à l'histoire littéraire et à celle des mœurs de l'époque, -l'<i>Affaire des voleurs</i>, comme on l'appela, -qui donna lieu à tout un cycle poétique, et qui, -après avoir fait beaucoup de bruit dans son temps, -a été reprise de nos jours par le roman et par le -théâtre.</p> - -<p>Le premier jour de l'an 1665, vers dix heures -du matin, M<sup>lle</sup> de Scudéry reçut «une corbeille de -paille brodée où il y avoit une belle bourse de point -d'Espagne, un bracelet d'aventurine et une quantité -de petits bijoux de filigrane<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor"> [150]</a>. Ce présent étoit -apporté par un homme de mauvaise mine et sentant -son filou, comme de la part des voleurs en -faveur desquels elle avoit fait un peu auparavant -un placet au roi contre celui de M. Châtillon-Barillon.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span> -Ce passage des Manuscrits Conrart<a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor"> [151]</a> a besoin -d'être expliqué. Dès 1650, M<sup>lle</sup> de Scudéry écrivait -à Godeau: «Depuis un mois ou six semaines, -on vole si insolemment dans les rues de Paris qu'il -y a eu plus de quarante carrosses de gens de qualité -arrêtés par ces messieurs les voleurs, qui vont -à cheval et presque toujours quinze à vingt ensemble<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor"> [152]</a>.» -Ces vols, qui passèrent à l'état chronique, -et sur lesquels on trouve tant de témoignages -dans les mémoires du temps, donnèrent -lieu, en 1664, à des vers ayant pour titre: <i>Placet</i> -ou <i>Requête des Amans contre les Filoux</i>, où les premiers -se plaignaient au roi de ce qu'on ne pouvait, -sans crainte d'être dévalisé, se promener le soir -et faire la cour aux belles. M<sup>lle</sup> de Scudéry adressa -au roi une <i>Réponse des Filoux à la Requête des -Amans</i>, dont la conclusion était:</p> - -<p class="quote">Un amant qui craint les voleurs<br /> -Ne mérite pas de faveurs.</p> - -<p>Le présent que les voleurs étaient censés faire à -<span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span> -celle qui avait pris leur défense, était accompagné -d'une pièce de vers commençant ainsi:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ces hommes redoutés que l'on nomme filoux</p> -<p class="i3"> Dont vous avez pris la défense</p> -<p class="i3"> Sont de leur gloire trop jaloux</p> -<p class="i3"> Pour demeurer dans le silence, etc.</p> -</div></div> - -<p>Nouvelle <i>Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à une demoiselle -qu'elle soupçonne de lui avoir fait cette galanterie</i><a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor"> [153]</a>. -Mais il y avait lieu de distinguer dans la -galanterie le don lui-même et les vers qui l'accompagnaient. -Ceux-ci, Conrart nous l'apprend, étaient -de M<sup>me</sup> de Platbuisson, l'une des muses satellites -qui gravitaient dans l'orbite de Sapho, et à qui -celle-ci, mieux informée, ne manqua pas de témoigner -sa reconnaissance<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor"> [154]</a>. Quant au présent lui-même, -il paraît qu'il émanait de M<sup>me</sup> de Montausier, -ainsi qu'on le découvrit plus tard. Cette -indication fort vraisemblable nous est fournie par -un savant allemand qui se trouvait alors à Paris, -et qui, dans un gros volume sur la ville de Nuremberg, -sa patrie<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor"> [155]</a>, a raconté longuement et lourdement, -<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span> -à l'allemande, ce petit épisode de la vie -parisienne à cette époque<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor"> [156]</a>; du reste, en position -d'être bien informé, car, pendant son séjour à -Paris (1665-1666), il fut en relation avec Chapelain -et avec M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même. Il raconte -dans sa chronique qu'il lui rendit visite, et que, -longtemps avant que le père Bouhours posât sa -fameuse question: «Si un Allemand peut avoir -de l'esprit,» elle lui demanda si l'allemand était -véritablement une langue, ce dont elle était tentée -de douter en entendant le rude jargon des gardes -suisses et des suisses d'hôtels. Il l'étonna en affirmant -que non-seulement l'allemand était une langue, -mais que cette langue possédait des écrivains -et même des poëtes. Il ajouta—et cet argument -dut la convaincre—que l'on avait traduit la -<i>Clélie</i> en allemand: «Votre incomparable <i>Clélie</i>, -Mademoiselle, n'a rien perdu chez nous de sa -forme gracieuse en passant par la plume aussi -noble qu'habile de Johann Wilhelm von Stubenberg.» -Ceci paraît charmer notre demoiselle, qui -raconte à son interlocuteur comment elle a trouvé -en Italie un <i>traduttore traditore</i>. «Un de mes romans, -lui dit-elle, n'a pas eu la chance de tomber -entre les mains d'un pareil interprète. J'avais dit -qu'un roi d'Assyrie, assiégeant Babylone avec -<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span> -deux cent mille hommes, pour animer ses soldats, -leur avait promis le pillage: puis se ravisant, -la ville prise, avait donné en place à chacun -<i>quatre montres</i>, c'est-à-dire quatre mois de solde<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor"> [157]</a>. -Le traducteur me fit dire que le roi ordonna de -distribuer à chacun quatre montres de poche<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor"> [158]</a>, ce -qui était l'absurdité même.»</p> - -<p>Nous nous sommes laissé aller au plaisir d'entendre -une conversation de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Revenons -à l'histoire, ou plutôt à la légende des -voleurs. De nos jours, le conteur allemand Hoffmann, -empruntant à Wagenseil la donnée du présent -fait par les prétendus voleurs, et y mêlant, -sans se soucier des anachronismes, l'histoire de la -Brinvilliers et de la Voisin, la chambre des poisons, -la Reynie et d'Argenson, composa du tout -une nouvelle véritablement fantastique, en ce sens -que la fantaisie seule y avait rapproché les faits et -les personnes, mais à laquelle la création originale -de l'orfévre Cardillac valut en France une popularité -attestée par le remaniement du spirituel Henri -de Latouche<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor"> [159]</a>, et par le succès du mélodrame de -<i>Cardillac</i>, l'un des premiers rôles où se révéla le -talent de l'acteur Frédéric Lemaître<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor"> [160]</a>.</p> - -<p>Il ne faut pas confondre, comme on l'a fait souvent, -<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span> -cette fiction poétique, cette visite toute courtoise -des prétendus filous de 1665, avec l'aventure -beaucoup plus prosaïque qui arriva vingt-six ans -après à M<sup>lle</sup> de Scudéry, et qu'elle raconte ainsi -dans une lettre à l'abbé Boisot: «Je ne sais, -Monsieur, si je vous ai mandé que, durant un -mois, des voleurs ont voulu me voler. Ils se servoient -d'une vieille masure à monter sur le toit de -ma maison. Ils firent par trois fois des trous à -mon grenier et dans la chambre de mes laquais, -et il m'a fallu avoir garnison toutes les nuits pendant -vingt-quatre jours, parce qu'il m'a fallu ce -temps-là pour faire abattre ma vieille masure. De -sorte qu'ayant dit un jour que je ne savois pourquoi -les voleurs me cherchoient, puisque je n'avois -qu'un peu d'esprit droit et le cœur de même, un -de mes amis, M. Bosquillon, m'envoya le lendemain -un madrigal que je vous envoie<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor"> [161]</a>.»</p> - -<p>Le père Niceron, parlant des faveurs dont -M<sup>lle</sup> de Scudéry fut l'objet de la part de hauts personnages, -s'exprime ainsi: «Le prince de Paderborn, -évêque de Munster, la régala de sa médaille -et de ses ouvrages. La reine de Suède, Christine, -l'honora de ses caresses, de son portrait, d'un -brevet de pension, et souvent même de ses lettres.» -Passe pour le brevet de pension, quoique nous -n'en rencontrions pas d'autres traces<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor"> [162]</a>, mais pour -<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span> -le reste, tous ces <i>régals</i> et ces <i>caresses</i> des grands -laissaient à Scarron le droit de dire:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Siècle méconnoissant, le dirai-je à ta honte?</p> -<p>On admire Sapho, tout le monde en fait compte,</p> -<p>Mais, ô siècle, à l'estime, aux admirations</p> -<p>Pourquoi n'ajouter pas de bonnes pensions,</p> -<p>Du bien pour soutenir une illustre naissance,</p> -<p>Et pour ne laisser pas le reproche à la France,</p> -<p>Que l'illustre Sapho qui lui fit tant d'honneur</p> -<p>Ne manqua point d'estime et manqua de bonheur<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor"> [163]</a>?</p> -</div></div> - -<p>Ménage se faisait l'écho du même vœu, lorsque, -à propos des largesses distribuées aux savants par -Colbert au nom de Louis XIV, il ne craignait pas -de reprocher à ce ministre d'aller chercher au fond -des pays les plus éloignés les objets de ces faveurs, -et d'omettre sciemment celle qu'il avait sous la -main et que lui désignaient à haute voix et la -cour et la ville<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor"> [164]</a>.</p> - -<p>Dès l'époque de son retour à Paris après la -Fronde (1653), Mazarin lui donnait des gratifications -<span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span> -annuelles<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor"> [165]</a>. Il lui laissa dans son testament -une pension viagère de mille livres<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor"> [166]</a>. Le duc de -Mazarin ayant cessé de l'acquitter en avril 1690, -fut condamné le 30 septembre 1692, par arrêt du -Grand Conseil, à payer à M<sup>lle</sup> de Scudéry trois -mille livres pour les arrérages et les intérêts de la -pension<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor"> [167]</a>.</p> - -<p>Enfin le roi lui-même tint à se ranger parmi -tant d'illustres bienfaiteurs. Il faut ici laisser la -parole à M<sup>me</sup> de Sévigné. «Vous savez, écrit-elle -au comte et à la comtesse de Guitaut, comme le -roi a donné deux mille livres de pension à M<sup>lle</sup> de -Scudéry. C'est par un billet de M<sup>me</sup> de Maintenon -qu'elle apprit cette bonne nouvelle. Elle fut remercier -Sa Majesté un jour d'appartement; elle -fut reçue en toute perfection; c'est une affaire que -de recevoir cette merveilleuse muse. Le roi lui -parla et l'embrassa pour l'empêcher d'embrasser -ses genoux. Toute cette petite conversation fut -d'une justesse admirable; M<sup>me</sup> de Maintenon était -l'interprète. Tout le Parnasse est en émotion pour -remercier le héros et l'héroïne<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor"> [168]</a>.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span> -Le chancelier Boucherat, avec qui elle était en -relation dès 1675, établit sur le sceau en sa faveur -une pension que Pontchartrain lui continua. Ces -pensions n'étaient pas toujours exactement payées, -comme le témoigne maint passage de sa correspondance. -«Je ne suis payée de nulle part,» écrivait-elle -à l'abbé Boisot le 16 juin 1694<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor"> [169]</a>, et le -10 juillet: «Je vous envoie, Monsieur, les deux -journaux qui contiennent votre excellent extrait. -Mais, quoique le port d'un écrit si bien fait ne -puisse être trouvé trop cher, j'ai coupé le papier -blanc pour le diminuer, car, pendant cette rigoureuse -année, les petites épargnes ne sont pas honteuses, -quoi qu'assez contraires à mon humeur.»</p> - -<p>Vers la même époque, et comme un allégement -providentiel à l'état de gêne que révèlent ces dernières -confidences, une amie de quarante ans, -M<sup>lle</sup> de Clisson<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor"> [170]</a> comprenait M<sup>lle</sup> de Scudéry dans -des legs faits en faveur de quelques personnes -qu'elle affectionnait. Quoique cette libéralité vînt -pour elle on ne peut pas plus à propos, nous la -voyons, dans les lettres de cette époque, moins -préoccupée de ses propres intérêts que des devoirs -de l'amitié. «Bien que ma fortune soit très-mauvaise, -<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span> -je ne sens en cette occasion que la perte -d'une amie qui étoit touchée de mon malheur, et -qui m'a voulu secourir en mourant.... Comme on -m'a dit qu'il y a un grand nombre de legs, je -voudrois bien savoir si le nom de Vaumale ou de -Valcroissant ne se trouve pas parmi ceux à qui -cette généreuse personne en a laissé<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor"> [171]</a>.»</p> - -<p>Pour compléter ce chapitre des affaires domestiques, -on nous permettra d'ajouter ici quelques -détails sur l'intérieur de M<sup>lle</sup> de Scudéry, tel que -nous pouvons nous le figurer jusqu'à sa mort. Dans -le <i>postscriptum</i> d'une lettre au jurisconsulte Taisand, -datée du 1<sup>er</sup> septembre 1675, elle disait: -«Je loge <i>à présent</i> rue de Beausse, derrière le Petit-Marché, -au Marais du Temple.» Il nous paraît -évident, comme à M. Miller<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor"> [172]</a>, que cette formule -indique un changement récent de domicile, mais—et -ceci explique l'erreur de ceux qui font -remonter à une époque antérieure son installation -rue de Beauce—elle était restée fidèle au quartier -du Temple, à la paroisse Saint-Nicolas des -Champs, à ce milieu de jardins, de cultures, que -le projet inachevé de Henri IV avait créé dans -cette partie de Paris demi-rurale, où des noms de -provinces donnés à toutes les rues prêtaient encore -à l'illusion.</p> - -<p>Tracée en 1626, sur la Culture du Temple, la -rue de Beauce n'avait été achevée qu'en 1630. -<span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span> -Elle n'était encore qu'à l'état de ruelle. La maison -de M<sup>lle</sup> de Scudéry occupait le coin de cette rue -et de celle des Oiseaux<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor"> [173]</a>. Elle continuait à y recevoir -les samedis, et parfois les mardis depuis deux -heures jusqu'à cinq, ses amis des deux sexes dont -le nombre s'éclaircissait peu à peu, et les visiteurs -accidentels que sa réputation y attirait. Quelquefois -l'entretien, commencé dans sa chambre, se -continuait dans le jardin, ou même chez quelqu'une -de ses voisines et amies de la rue de Berry, -M<sup>lle</sup> Boquet ou M<sup>me</sup> Aragonnais. Les arbres fruitiers -ou d'agrément, les hôtes familiers ou de passage -qui animaient l'enclos de la Vieille rue du -Temple ne manquaient pas à celui de la rue de -Beauce. La maîtresse du lieu aimait les animaux, -croyait à leur intelligence<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor"> [174]</a>. On lui avait envoyé un -petit perroquet et des caméléons qu'elle entreprit -<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span> -d'élever. Le perroquet était probablement celui à -qui le grand Leibnitz ne dédaigna pas d'adresser -des vers latins où il lui promettait d'aller à l'immortalité -avec sa maîtresse<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor"> [175]</a>. Quant aux caméléons, -leur histoire est presque un épisode scientifique -de la Chronique des samedis, et, comme telle, -nous la laisserons raconter à l'un de nos naturalistes -les plus distingués.</p> - -<p>«L'illustre M<sup>lle</sup> de Scudéry, dit-il, avait reçu -en présent trois caméléons envoyés d'Égypte. Elle -les garda chez elle pendant plus de six mois<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor"> [176]</a>, et -l'un d'eux passa même l'hiver; il fit les délices de -la société choisie qui se donnait rendez-vous aux -Samedis de la rue de Beauce. Là venait Claude -Perrault, admirable anatomiste autant qu'excellent -architecte, quoi qu'en ait dit Boileau. On institua -des expériences sous sa direction, qui furent fort -bien faites. On vit que l'animal devenait pâle toutes -les nuits, qu'il prenait une couleur plus foncée au -soleil ou quand on le tourmentait, et enfin qu'il -fallait traiter de fable l'opinion que les caméléons -prennent la couleur des objets environnants. Pour -<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span> -s'en assurer, on enveloppait la bête dans des étoffes -différentes, et on la regardait ensuite. Une seule -fois elle était devenue plus pâle dans un linge -blanc, mais l'expérience répétée ne réussit plus -aussi bien. La gamme des couleurs que parcourt -la peau du caméléon fut trouvée très-restreinte, -allant du gris et du vert clair au brun verdâtre. -Nous ne savons rien de plus aujourd'hui, et ces -expériences de Perrault, instituées au milieu d'un -cercle de beaux esprits du dix-septième siècle, -marquent le dernier pas qui ait été fait dans cet -ordre de recherches. Aucun naturaliste depuis ne -les a surpassées<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor"> [177]</a>.»</p> - -<p>C'est au milieu de cet entourage que l'on peut -se figurer la bonne demoiselle, en robe gris de lin, -les cheveux grisonnants, mais la taille encore -droite, avant que l'âge et les infirmités l'eussent -forcée de garder la chambre, se promenant dans -son jardin, ou assise avec sa chatte favorite sur -ses genoux, par une belle soirée d'été, prêtant l'oreille -au caquetage de son perroquet, auquel se -mêlent les bruits confus du Petit-Marché et l'Angelus -du couvent des Enfants-Rouges.</p> - -<p>Elle entretenait une correspondance étendue avec -l'Allemagne, l'Italie, la Franche-Comté, la Provence, -mais elle avait dû renoncer aux longs voyages, -peut-être même aux séjours plus ou moins -prolongés qu'elle faisait autrefois à Fontainebleau, -<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span> -aux Pressoirs, à Saint-Cyr. Plus de ces longues promenades -avec Isarn au Raincy, ou de ces courses en -bateau avec M<sup>me</sup> de Saint-Simon<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor"> [178]</a>; tout au plus quelques -excursions à Livry pour voir M<sup>me</sup> de Sévigné, -ou bien à Fresnes, chez M<sup>me</sup> du Plessis-Guénégaud<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor"> [179]</a>, -où elles se retrouvaient ensemble, l'une toujours -enjouée<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor"> [180]</a>, l'autre toujours bonne. Les habitudes -qu'elle avait contractées à Athis du vivant de -Conrart paraissent s'être continuées après la mort -de ce dernier (1675), ce qui a fait croire qu'elle y -avait elle-même habité<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor"> [181]</a>. Du moins la tradition -locale a rattaché à son nom plusieurs souvenirs. -Dans une maison d'Athis ayant appartenu à M. Foucault, -intendant de Caen, on avait conservé, par -respect pour sa mémoire, un arbre à l'ombre duquel -elle venait étudier<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor"> [182]</a>. Dans le parc d'une autre -<span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span> -maison où le duc de Roquelaure avait passé les -dernières années de sa vie, et qui appartenait en -1787 à la duchesse de Châtillon, on voyait encore, -à cette dernière époque, un monument élevé à la -chienne favorite de ce seigneur, avec l'inscription -suivante attribuée à M<sup>lle</sup> de Scudéry:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ci-gît la célèbre Badine</p> -<p>Qui n'eut ni beauté ni bonté,</p> -<p>Mais dont l'esprit a démonté</p> -<p>Le système de la machine<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor"> [183]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Cependant l'âge n'avait pas arrêté la plume de -M<sup>lle</sup> de Scudéry; il avait seulement donné une -forme plus sévère à ses compositions. A l'ère des -romans avait succédé celle des <i>Conversations morales</i> -qui parurent de 1680 à 1692<a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor"> [184]</a>. Sans croire, -ainsi que l'assure le rigide Arnauld, qu'elle avait -«un vrai repentir de ce qu'elle avoit fait autrefois», -et que, comme Gomberville, «elle eût voulu -effacer ses romans de ses larmes»<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor"> [185]</a>, on peut dire -que, tout en conservant à la plupart de ces nouvelles -compositions le cadre antique, les noms -grecs, romains, africains et la forme des entretiens -<span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span> -insérés dans ses romans<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor"> [186]</a>, elle entend cependant -les dégager des aventures purement romanesques, -leur donner une allure plus décidément morale, -en faire, comme on l'a dit, le bréviaire des honnêtes -gens appelés à vivre dans le grand monde, -caractère que n'hésitaient pas à leur reconnaître -des femmes telles que M<sup>mes</sup> de Sévigné et de -Maintenon, des prélats tels que Mascaron et Fléchier<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor"> [187]</a>, -et que M. Cousin a résumé de nos jours -en disant «qu'on pouvait offrir à une jeune femme -ces dix volumes de <i>Conversations</i>, comme une suite -de sermons laïques en quelque sorte, une véritable -<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span> -école de morale séculière, tirée de l'expérience -de la meilleure compagnie<a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor"> [188]</a>.»</p> - -<p>Les Conversations étaient devenues un genre de -littérature à la mode, depuis que l'hôtel de Rambouillet -et les Précieuses, grâce aux progrès du -confort et au rapprochement régulier des deux -sexes, avaient créé ce nouvel élément de la vie sociale, -inconnu au siècle précédent. De même que -les <i>Portraits</i> chez Mademoiselle, les <i>Caractères</i> -à l'hôtel de Condé, les <i>Maximes</i> chez M<sup>me</sup> de -Sablé<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor"> [189]</a>, les <i>Conversations</i> étaient en faveur dans les -salons modestes de M<sup>lle</sup> de Scudéry et de M<sup>me</sup> Scarron. -Saint-Évremond et le chevalier de Méré en -avaient fait le sujet de compositions littéraires. -Il appartenait à la reine des Samedis de donner -en même temps le précepte et l'exemple<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor"> [190]</a>. C'est ce -qu'elle fit dans son chapitre <i>De la conversation</i>, -p. 16 du volume de 1680. Elle pose en principe -qu'il y faut le concours des deux sexes, suivant -sur ce point l'opinion du chevalier de Méré, qui -avait été à son heure, dit Sainte-Beuve, un maître -<span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span> -de bel air et d'agrément, et avec lequel elle avait -eu quelques relations. Laissons-la parler sur ce -point délicat, et honni soit qui mal y pense! «Les -plus honnêtes femmes du monde, dit-elle, quand -elles sont un grand nombre ensemble, ne disent -presque jamais rien qui vaille, et s'ennuient plus -que si elles étoient seules.... Au contraire, il y a -je ne sais quoi, que je ne sais comment exprimer, -qui fait qu'un honnête homme réjouit et divertit -plus une compagnie de dames, que la plus aimable -femme de la terre ne sauroit le faire.»</p> - -<p>On trouve, soit dans cet article, soit dans ceux -qui suivent, bien des choses fines et délicates, intéressantes -comme peinture de la société du temps, et -qui sont restées vraies dans le nôtre. Certains sujets -de critique littéraire y sont touchés à l'occasion. -Les conversations <i>sur la manière d'inventer -une fable—sur la manière d'écrire les lettres</i>, etc., -prouvent que l'auteur avait réfléchi aux règles des -divers genres de littérature, quoiqu'elle n'ait pas -toujours réussi à les mettre en pratique. On est -étonné d'y rencontrer, au milieu d'une Nouvelle -soi-disant historique et assez ennuyeuse, une espèce -d'histoire de la poésie française au seizième -siècle, qui suppose des connaissances réelles sur -ce point alors peu étudié, et qui montre, par exemple, -que M<sup>lle</sup> de Scudéry avait mieux connu et -jugé Ronsard que l'auteur de l'<i>Art poétique</i><a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor"> [191]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span> -De même que les portraits du <i>Cyrus</i> et de la -<i>Clélie</i> avaient donné naissance à ceux qui furent -à la mode quelque temps après chez Mademoiselle -de Montpensier, les <i>Conversations</i> de M<sup>lle</sup> de Scudéry -suggérèrent à M<sup>me</sup> de Maintenon, qui avait -été son amie avant d'être sa protectrice, l'idée d'en -composer de plus simples destinées à être récitées -par les demoiselles de Saint-Cyr<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor"> [192]</a>. Cela résulte non-seulement -d'une lettre de M<sup>me</sup> de Sévigné, déjà -indiquée, mais d'un passage de celle de M<sup>me</sup> de -Brinon leur première supérieure, à M<sup>lle</sup> de Scudéry, -en date du 3 août 1688. On les trouvera l'une -et l'autre dans la Correspondance.</p> - -<p>En 1671, le premier prix de prose, fondé par -Balzac, fut décerné à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour son -<i>Discours de la Gloire</i>, qui certes n'ajoutera rien à -celle de l'auteur. Il ne faut point y chercher de -l'éloquence. On demandait, dans l'<i>Écrit portant -établissement des prix de prose et de poësie</i>, que le -premier traitât de certaines matières pieuses déterminées -par le fondateur; qu'il fût revêtu -d'une approbation de la Faculté de Théologie, et -qu'il se terminât par une courte prière à Jésus-Christ<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor"> [193]</a>. -La chose tenait à la fois du sermon et de -l'amplification de collége.</p> - -<p>A la mort de la savante Hélène Cornaro, l'Académie -<span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span> -des <i>Ricovrati</i> de Padoue fit écrire par Charles -Patin une lettre des plus flatteuses à M<sup>lle</sup> de Scudéry -pour lui donner place dans cette société qui -se faisait gloire de compter dans son sein un certain -nombre de dames françaises, telles que la -marquise de Rambouillet, les comtesses d'Aulnoy -et de la Suze, Mesdames Deshoulières, de Villedieu, -Dacier, etc. Au milieu de ces Muses françaises -qui avaient chacune leur épithète: <i>la Lumière -de Rome</i>, <i>l'Immortelle</i>, <i>l'Éloquente</i>, etc., Sapho -était surnommée <i>l'Universelle</i><a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor"> [194]</a>.</p> - -<p>Il aurait même été question de suivre cet exemple -en France, et M<sup>lle</sup> de Scudéry figurait la première -sur une liste de dames illustres par leur -esprit et par leur savoir qu'il fut question d'admettre -à l'Académie française. La proposition attestée -par Ménage, et appuyée par Charpentier qui -invoqua le précédent des <i>Ricovrati</i> de Padoue, -n'eut pas de suite<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor"> [195]</a>.</p> - -<p>Ses romans, ainsi qu'elle l'a rappelé plusieurs -fois, avec une certaine complaisance, dans ses lettres, -étaient traduits en anglais, en allemand, en -italien, et même en arabe, à ce que lui écrivait un -de ses amis et obligés, Bonnecorse, de Syrie où il -était consul à Seyde. M. Lair, professeur à Caen, -et Charlotte Patin traduisaient en vers latins ses -poésies. Sa correspondance, soit dans la partie que -<span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span> -nous avons pu en recueillir, soit dans celle qui ne -nous est connue que par des fragments ou des indications, -nous la montre en rapport avec ce que -la France et l'étranger renfermaient de plus distingué. -On a vu, dit son panégyriste, avec une pointe -d'exagération que le genre comporte, «des souverains -ne recommander autre chose aux princes, -leurs enfants, qui venoient en France, que de ne -point retourner auprès d'eux sans avoir vu M<sup>lle</sup> de -Scudéry»<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor"> [196]</a>.</p> - -<p>Elle disait à l'abbé Boisot: «Je ne rejette que -les louanges de mon esprit, et j'accepte hardiment -celles qui s'adressent à mon cœur et à -mon amitié.» Elle lui écrivait aussi, au sujet -d'un service rendu à un ami: «Je renferme tout -cela dans mon cœur <i>où rien ne se perd jamais</i>.» -Il était d'elle encore ce mot qui avait frappé sa -digne amie, M<sup>me</sup> de Sévigné: «La vraie mesure -du mérite doit se prendre sur la capacité -que l'on a d'aimer<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor"> [197]</a>.» Aussi Ménage, lui dédiant -l'édition des œuvres d'un ami commun, écrivait: -«Si j'ai de l'estime et de l'admiration pour -les qualités de votre esprit, j'ai du respect et de -la vénération pour celles de votre âme, pour -votre bonté, pour votre douceur, pour votre <i>tendresse</i>, -pour votre générosité, pour votre candeur, -et surtout pour cette incomparable modestie -<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span> -qui au lieu de cacher votre mérite, le fait éclater -davantage<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor"> [198]</a>.»</p> - -<p>S'il est vrai, comme l'a dit une de nos muses -contemporaines,</p> - -<p class="quote"><i>Que</i> louer la vertu, c'est lui désobéir,</p> - -<p>il semble qu'ici Ménage désobéissait beaucoup à -M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p>Un auteur que nous avons déjà cité, de Vaumorière, -consignait également, dans la dédicace -d'une Nouvelle historique, l'éloge chaleureux de -la modestie et du mérite de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Rappelant -le fait cité plus haut de la traduction en -arabe d'un de ses romans, il ajoutait: «Pardonnez -moi, s'il vous plaît, Mademoiselle, cette particularité -qui n'est pas de votre goût, et permettez -moi d'en dire une autre dont je suis incomparablement -plus touché. C'est que vous êtes la plus -généreuse, la plus ardente et la plus fidèle Amie -qui fut jamais, et que votre cœur est peut-être au-dessus -de ce grand esprit que toute la terre admire<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor"> [199]</a>.» -<i>Ma bonne amie</i>, ainsi l'appelaient naïvement -quelques-uns de ses intimes, hommes et -femmes<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor"> [200]</a>, et elle fut en effet par excellence «une -bonne amie», comme elle n'hésitait pas à le dire -d'elle-même. Agréée par les plus austères, cette -<span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span> -amitié ne s'effarouchait pas de quelques écarts, -et, sur cette liste si nombreuse, à côté des Mascaron, -des Montausier, des Sévigné, des Motteville, -figurent d'autres noms moins irréprochables. L'indulgence -de la femme sûre d'elle-même, pour des -faiblesses qu'elle ne partageait pas, respire dans -son commerce avec certains amis de l'un et de -l'autre sexe. Elle écrivait à Bussy-Rabutin: «Votre -fille que je vois souvent a autant d'esprit que si -elle vous voyoit tous les jours, et est aussi sage -que si elle ne vous voyoit jamais.» La galante -M<sup>me</sup> de la Suze adressait à la <i>sage Daphné</i> (Scudéry) -une Élégie, où cette nuance de leurs rapports -mutuels est délicatement indiquée:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Illustre et chère amie à qui dans mes malheurs</p> -<p>J'ai toujours découvert mes secrètes douleurs,</p> -<p>Qui sais ce que l'on doit ou désirer ou craindre</p> -<p>Et qui ne blâmes pas ce qu'on ne doit que plaindre,</p> -<p>Écoute-moi....</p> -</div></div> - -<p>Ménage écrivait à la date du 21 août 1685:</p> - -<p>«M<sup>lle</sup> de Scudéry m'a obligé de me réconcilier -avec M. Pellisson, et je dînai hier chez lui. <i>Mortalis -cum sis, odia ne geras immortalia</i><a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor"> [201]</a>.»</p> - -<p>«Ennemie de la médisance et des médisans, -juste dans ses choix, sûre dans son commerce, -sincère, discrète et judicieuse, vraie en tout et toujours -<span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span> -égale, elle faisoit souhaiter à tout le monde -sa connoissance et son amitié. Incapable de changement -comme de foiblesse, ses amis n'étoient jamais -plus assurés de son cœur que quand ils étoient -malheureux<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor"> [202]</a>.»</p> - -<p>Pour prouver combien cette fois son panégyriste -est resté dans la stricte vérité, il suffit de rappeler -les noms de Fouquet, de Valcroissant, de Corbinelli, -de Bonnecorse, du gazetier Loret qui recevait -par son entremise les bienfaits anonymes du -Surintendant alors prisonnier<a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor"> [203]</a>. Le 30 mai 1687, -elle s'était associée à Pellisson pour faire célébrer -un service funèbre à Nublé, leur ami commun<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor"> [204]</a>. -Quant à Pellisson lui-même, il avait toujours occupé -une place à part. Longtemps avant sa mort, -et un jour qu'il n'avait pu assister à une réunion -motivée par l'anniversaire de la naissance de Sapho, -Ménage avait fait son épitaphe, où il disait -en usant d'une fiction poétique:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Passant, ne pleure point son sort.</p> -<p>De l'illustre Sapho que respecta l'envie</p> -<p class="i1"> Il fut aimé pendant sa vie,</p> -<p class="i1"> Il en fut plaint après sa mort.</p> -</div></div> - -<p>Lorsque cette fiction se réalisa, en 1693, elle -dicta à Bosquillon, sur cet ami de trente-huit ans, -<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span> -de touchantes notices qui parurent dans le <i>Mercure</i> -et dans le <i>Journal des Savants</i><a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor"> [205]</a>, et toutes ses -lettres de cette époque témoignent de l'ardeur passionnée<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor"> [206]</a> -qu'elle mit à défendre Pellisson contre -les attaques qui s'étaient produites en France, en -Allemagne, en Hollande sur la sincérité de sa conversion -et l'orthodoxie de sa fin. Elle écrivit à -M<sup>me</sup> de Maintenon, au chancelier, à M. Lepeletier, -à Bossuet, et, en réponse à cette dernière lettre -de 15 pages<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor"> [207]</a>, malheureusement perdue, obtint -de l'illustre prélat un témoignage aussi honorable -pour ses sentiments personnels que pour la mémoire -de son ami<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor"> [208]</a>. Elle concourut à l'édition du -premier volume de son <i>Traité de l'Eucharistie</i>, donnée -par l'abbé de Faure-Ferriès. Elle possédait -toutes ses poésies inédites, probablement celles -<span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span> -qu'il avait composées à la Bastille<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor"> [209]</a> et projetait de -raconter sa vie<a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor"> [210]</a>. Elle avait écrit dans le premier -moment: «La douleur m'a rendue malade; je -fais ce que je puis pour résister, car <i>je suis nécessaire -à conserver sa mémoire</i><a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor"> [211]</a>.» Depuis elle dit: -«Je n'ai point eu de véritable santé depuis sa -mort<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor"> [212]</a>.» L'année suivante la perte de l'abbé Boisot -de Besançon, avec qui elle était en correspondance -suivie depuis près de dix ans, lui rappelait -celle de Pellisson.</p> - -<p class="quote">«Je croyois perdre Acanthe une seconde fois,»</p> - -<p>disait-elle dans un madrigal composé à cette occasion.</p> - -<p>C'était aussi une amitié de quarante ans qui -unissait Sapho, la Précieuse, la mondaine, la romancière -à l'illustre et pieux Mascaron. Dès l'année -1646, elle se joignait à son frère pour recommander -le père à leurs amis de Paris, et, dans une -de ses dernières lettres à l'abbé Boisot, elle faisait -du fils un éloge des mieux sentis. Celui-ci, de son -côté, n'avait pas attendu, pour louer les écrits de -son amie, qu'elle eût publié ses <i>Conversations morales</i>. -Il lui écrivait le 12 octobre 1672: «L'occupation -de mon automne est la lecture de <i>Cyrus</i>, -<span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span> -de <i>Clélie</i> et d'<i>Ibrahim</i>. Ces ouvrages ont toujours -pour moi le charme de la nouveauté, et j'y trouve -tant de choses propres pour réformer le monde, -que je ne fais pas difficulté de vous avouer que, -dans les sermons que je prépare pour la Cour, -vous serez très-souvent à côté de saint Augustin -et de saint Bernard.» A peine investi de la dignité -épiscopale, il éprouve le besoin de raconter à sa -vieille amie l'espèce d'ovation dont il a été l'objet -dans son diocèse de Tulle, et il ajoute: «L'amitié -des peuples, toute grossière qu'elle est, a par sa -sincérité un charme qui se fait sentir et qui console -de la perte des choses qui ont plus d'éclat à -la vérité, mais moins de solidité. Je ne mets point -dans ce rang, Mademoiselle, cette bonne et généreuse -amitié dont vous m'honorez depuis si longtemps; -rien ne peut consoler d'être éloigné de vous, -que la persuasion d'être toujours dans votre souvenir, -et d'avoir une petite place dans le cœur du -monde le plus grand et le plus généreux. Je ne -manquerai pas de faire copier les sermons que -vous désirez. Je souhaite qu'ils puissent vous -plaire; votre approbation me donnera une joie -moins tumultueuse à la vérité, mais plus solide -que celle de toute la cour, et votre sentiment réglera -celui que j'en dois avoir.»</p> - -<p>Chargé en 1675 de prononcer l'éloge de Turenne, -il faisait part à M<sup>lle</sup> de Scudéry de l'embarras où -le jetait le peu de temps qu'il avait pour se préparer -à une semblable tâche. «Vous pouvez, ajoutait-il, -m'aider à éviter ces inconvénients, si vous -<span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span> -avez la bonté de penser un peu à ce que vous diriez -si vous étiez chargée du même emploi<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor"> [213]</a>.»</p> - -<p>Moins ancienne, mais non moins glorieuse pour -M<sup>lle</sup> de Scudéry était l'amitié du grand Leibnitz. -Nous en avons des témoignages plus sérieux que -les vers adressés au perroquet de Sapho. A propos -de la question de l'amour divin, débattue entre -Bossuet et Fénelon, le philosophe avait dit: «De -toutes les matières de théologie, il n'y en a point -dont les dames soient plus en droit de juger, puisqu'il -s'agit de la nature de l'amour.... Mais j'en -voudrois qui ressemblassent à M<sup>lle</sup> de Scudéry qui -a si bien éclairci les caractères et les passions dans -les romans et dans les conversations de morale<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor"> [214]</a>.»</p> - -<p>De son côté, l'abbé Nicaise écrivait à Huet, le -9 août 1698: «J'avois fait part à M<sup>lle</sup> de Scudéry, -qui est des amis de M. Leibnitz, de son sentiment -sur l'amour désintéressé, en lui disant qu'il -n'étoit contraire ni à M. de Meaux, ni à M. de -Cambray, pour me venger un peu de quelques -vers de sa façon dont elle m'avoit régalé. Elle me -répond qu'elle ne veut point se mêler dans une -dispute d'une matière si élevée, et qu'elle se tient -<span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span> -en repos en se bornant aux Commandements de -Dieu, au Nouveau Testament et au <i>Pater</i>. Car je -crois, dit-elle, qu'une prière que Jésus-Christ a -composée lui-même ne contient pas un intérêt criminel, -quoique M<sup>me</sup> Guyon la regarde comme une -prière intéressée, ce qui renverseroit les fondements -du christianisme<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor"> [215]</a>.»</p> - -<p>Ces derniers mots nous amènent à la vieillesse -de M<sup>lle</sup> de Scudéry, aux infirmités qui l'accompagnèrent -et aux pensées sérieuses que lui inspirèrent -les approches du moment suprême.</p> - -<p>A ses amis qui lui promettaient l'immortalité, -elle avait répondu:</p> - -<p class="quote">J'en quitterois ma part pour un siècle de vie,</p> - -<p>Ou mieux encore:</p> - -<p class="quote"><span class="i2"> J'y renoncerois par tendresse</span><br /> -Si mes amis n'étoient immortels comme moi<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor"> [216]</a>.</p> - -<p>Ce siècle de vie, elle y toucha presque, et, depuis -longtemps, les approches s'en faisaient sentir. -Dès 1689, Richelet, dans son <i>Choix des plus -belles lettres</i>, p. 295, insérant une épître de Balzac -à elle, ajoutait en note: «Plût à Dieu qu'elle pût -continuer à travailler et qu'elle fût encore en état -de contenter ce qu'il y a de plus fin et de plus délicat -dans l'un et dans l'autre sexe! Mais</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Non, elle cède aux ans et sa tête chenue</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span></div> -<p>Lui dit qu'il faut quitter les hommes et le jour,</p> -<p>Son sang se refroidit, sa force diminue, etc.»</p> -</div></div> - -<p>En dépit des vers:</p> - -<p class="quote">L'oreille est le chemin du cœur<br /> -<span class="i1"> Et le cœur l'est du reste,</span></p> - -<p>vers qui ont été attribués à M<sup>lle</sup> de Scudéry, la -surdité fut une des infirmités qui se déclarèrent -de bonne heure chez elle et s'accrurent avec l'âge. -Il y eut à ce sujet, au moins dès 1666, entre Cotin -et Ménage, un échange d'épigrammes latines -et françaises. Le premier engagea l'action par le -quatrain suivant:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Suivre la Muse est une erreur bien lourde,</p> -<p class="i2"> De ses faveurs voyez le fruit:</p> -<p>Les écrits de Sapho menèrent tant de bruit</p> -<p class="i2"> Que cette nymphe en devint sourde.</p> -</div></div> - -<p>Ménage riposta par une épigramme latine de -18 vers:</p> - -<p class="quote">Proh scelus! incautam carpis, malesane, puellam,<br /> -<span class="i1"> Nec pudet, et surdam surdior ipse vocas, etc.</span></p> - -<p>La querelle ainsi commencée continua sur le -même ton. Les pièces en ont été recueillies par -Cotin lui-même sous le titre de la <i>Ménagerie</i><a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor"> [217]</a>. -Elle eut cela de particulier que le premier auteur -de la guerre protesta toujours de son respect pour -celle qui en avait été l'occasion, et prétendit que -<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span> -l'attaque était plus respectueuse que la défense, ce -qui donna lieu aux vers suivants:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quand le docte Cotin, l'amour des beaux esprits,</p> -<p>Veut plaindre de Sapho la surdité cruelle,</p> -<p>Il donne à sa disgrâce une cause si belle</p> -<p>Que l'on peut souhaiter d'être sourde à ce prix.</p> -</div></div> - -<p>Et à ceux-ci:</p> - -<p class="quote">Je prends pour votre ami celui qui vous attaque,<br /> -Et pour votre ennemi celui qui vous défend.</p> - -<p>Cependant, M<sup>lle</sup> de Scudéry s'était depuis longtemps -résignée à vieillir. Disons mieux, dès le -temps de la <i>Clélie</i>, elle prenait l'avance sur la -vieillesse en traçant, avec une certaine complaisance, -le portrait d'Arricidie, qui était encore à -Capoue l'arbitre du bon goût et du bon ton, -«quoiqu'elle n'eût jamais eu aucune beauté et -qu'elle eût plus de quinze lustres» (soixante-quinze -ans). Or l'auteur n'en avait guère alors que cinquante. -Il faut lire ce portrait et l'agréable commentaire -qu'en fait un critique, en montrant que, -contre l'ordinaire des romans, la femme âgée a sa -place dans la <i>Clélie</i> et vieillit sans devenir inutile -ni déplaisante<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor"> [218]</a>.</p> - -<p>A partir surtout de 1692, la correspondance de -M<sup>lle</sup> de Scudéry avec l'abbé Boisot renferme sur -sa santé des plaintes qui vont en s'aggravant d'année -en année. «Mes genoux ne me permettent pas -<span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span> -de monter et descendre mon escalier sans peine et -de me promener dans mon jardin.»—«Ma santé -est plus altérée qu'elle n'étoit, et je ne suis encore -payée de nulle part.» 12 mai et 16 juin 1694, -etc., etc.</p> - -<p>Nous avons sur M<sup>lle</sup> de Scudéry, dans les dernières -années de sa vie, l'impression de deux -témoins oculaires qui lui rendirent visite à peu -de temps de distance. L'un et l'autre s'accordent -à dire qu'elle avait conservé un esprit encore -vigoureux dans un corps en ruines, et la -comparent à une sibylle à qui il ne restait plus que -la parole. Elle avait alors à peu près 92 ans. Au -premier de ces visiteurs, Martin Lister, savant -médecin et naturaliste anglais, elle montra, dans -son cabinet, un portrait de M<sup>me</sup> de Maintenon, son -amie de longue date, qu'elle lui affirma être fort -ressemblant, et qui, en effet, dit-il, représentait -une femme d'une beauté remarquable. L'autre -était M<sup>me</sup> du Noyer, qui, dans ses <i>Lettres historiques -et galantes</i>, a recueilli bien des commérages -mêlés à quelques vérités. A l'en croire, M<sup>lle</sup> de -Scudéry, lorsqu'elle reçut sa visite, était tellement -sourde qu'elle faisait écrire par une tierce personne -tout ce qu'on lui disait, et répondait après -avoir lu le papier sur lequel étaient couchés les -discours de son interlocutrice<a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor"> [219]</a>.</p> - -<p>Dans les dernières années de sa vie, elle composa -<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span> -encore des vers à la louange du Roi, sur l'avénement -du duc d'Anjou au trône d'Espagne, sur -les victoires de nos armées, etc. «On aime à voir, -dit un écrivain, la noble fille, presque centenaire, -soutenir jusqu'au bout l'honneur de la grande -génération dont elle était à cette date le dernier -représentant<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor"> [220]</a>.» En effet, par sa longue existence, -qui commence avec les premières années du dix-septième -siècle et le dépasse d'un an, qui embrasse -la fin du règne de Henri IV, celui de Louis XIII -tout entier, les deux ministères de Richelieu et de -Mazarin, la jeunesse, la maturité et la vieillesse -de Louis XIV, il fut donné à M<sup>lle</sup> de Scudéry d'être -contemporaine de Balzac, de Chapelain, de -Voiture, de Corneille, de Scarron. Elle a vu naître -et mourir Molière, La Fontaine, Pascal, Racine, -Labruyère, et n'a précédé dans la tombe que de -quelques années Bossuet, Despréaux, Mascaron -et Fléchier<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor"> [221]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span> -Outre les ouvrages cités par nous, elle en a publié -quelques autres de moindre importance<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor"> [222]</a>. Il -est question dans les <i>Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>, -t. II, p. 258, d'un commentaire qu'elle avait -composé sur certains sonnets de Pétrarque, et -Bosquillon parle à la fin de son Éloge «de -courtes prières pour tous les dimanches de l'année -et d'autres sur les 150 pseaumes, qu'elle -avoit faites depuis longtemps pour son seul -usage et pour celui d'un de ses plus illustres -amis.»</p> - -<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry, a dit M. Cousin, était pieuse -sans être dévote, et la justesse de cette appréciation -ressort de plusieurs circonstances énoncées -par nous dans le cours de cette Notice. Ses <i>Conversations -sur divers sujets</i> (1680) renferment un -chapitre <i>Contre ceux qui parlent peu sérieusement -de la religion</i>. Elle y dépeint ces hommes qu'on -appelait alors des <i>libertins</i>, mais elle se refuse à -admettre qu'il puisse y avoir des femmes sans religion. -Il est question ailleurs d'une certaine Belinde -à qui la dévotion ôta quelques amis, et elle -ajoute: «Car, quoique Belinde ait une piété fort -solide, elle ne convenoit plus à un de ces dévots -de cabale qui, pour l'ordinaire, songent plus à concerter -<span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span> -l'extérieur de leurs actions qu'à régler le -fond de leur propre cœur<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor"> [223]</a>.»</p> - -<p>Nous avons déjà vu par la lettre à l'abbé Nicaise, -citée plus haut, que les sentiments religieux -de M<sup>lle</sup> de Scudéry s'accentuèrent davantage -vers la fin de sa vie. L'auteur de son Éloge nous -la représente en proie, pendant plusieurs années, -à de vives douleurs causées par un rhumatisme -aux genoux et souffertes avec une résignation toute -chrétienne, portant dans un corps usé un esprit -toujours serein. Nous reproduisons d'après lui le -touchant récit de sa mort, en l'abrégeant un peu, -mais en lui laissant toute sa naïveté.</p> - -<p>«Le 2 juin (1701) au matin, dit-il, elle se fit -encore lever et habiller, malgré un gros rhume -mêlé de fièvre. Étant debout, elle se sentit défaillir -et dit: il faut mourir. Elle demanda le crucifix -et le baisa. On le posa devant elle, et elle demeura -les yeux attachés dessus. Son confesseur, qui demeuroit -dans le voisinage et qui la voyoit souvent, -ne s'étant pas trouvé, on avertit le père de Furcy, -capucin. On lui redonna le crucifix. Comme il -étoit un peu lourd, on voulut le lui ôter; mais elle -le reprit de sa main mourante en disant: Donnez, -donnez-moi mon Jésus. Elle l'appuya sur sa poitrine -et, pendant qu'on lui donnoit la dernière absolution, -elle expira doucement dans le baiser du -Seigneur<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor"> [224]</a>.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span> -Ainsi mourut M<sup>lle</sup> de Scudéry, à l'âge de quatre-vingt-quatorze -ans. Deux églises se disputèrent -l'honneur de lui donner la sépulture, celle de -l'hôpital des Enfants-Rouges où elle avait dit souvent -qu'elle souhaitait d'être enterrée, et celle de -Saint-Nicolas-des-Champs, qui était sa paroisse -depuis plus de cinquante ans. Le cardinal de -Noailles, archevêque de Paris, jugea en faveur de -sa paroisse, où son corps fut inhumé le 3 juin au -soir<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor"> [225]</a>.</p> - -<p class="signature"><span class="cap">E. J. B. R</span><span class="smallc">ATHERY.</span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="xlarge">APPENDICE<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor"> [226]</a>.</span></h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<p class="titre"><span class="xs"><b>(<i>Extrait des archives des Bouches-du-Rhône, cour des Comptes.</i>—<i>Reg. -jurisprudentia, f ° 289.</i>)</b></span><br /> -<span class="small"><b>PROVISIONS DE LA CHARGE DE CAPPITAINE ET GOUVERNEUR</b></span><br /> -<span class="small"><b>DE LA TOUR NOTRE-DAME-DE-LA-GARDE</b></span><br /> -<span class="small"><b>POUR GEORGE DE SCUDÉRY, SIEUR D'AMBERVILLE, GENTILHOMME -ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY.</b></span></p> - -<p>Louis, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, -comte de Provence, Forcalquier et terres adjacentes, -à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. -La charge de cappitaine et gouverneur de la Tour de -Notre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de nostre pays -de Provence, estant à présent vaccante par la mort du -sieur de Boys, dernier possesseur d'icelle, et estant nécessère -pour nostre service de la remplir d'une personne -qui ayt les bonnes qualitéz requises pour s'en acquitter -dignement, Nous avons creu ne pouvoir fère un meilleur -choix que de la personne de nostre cher et bien amé le -sieur de Scudéry, sur la confiance que nous prenons en -ses sens, suffisance, valeurs, expérience au faict des armes -et en son affection et fidélité à nostre service, dont -il a rendu preuve en diverses occasions. A ces causes et -<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span> -autres bonnes considérations à ce nous mouvans, nous -avons ledict sieur de Scudéry constitué, ordonné et establi, -constituons, ordonnons et establissons, par ces présentes -signées de nostre main, cappitaine et gouverneur -de la ditte Tour de Nostre-Dame-de-la-Garde, vaccante, -comme dit est, par la mort dudict sieur de Boys, et ladicte -charge luy avons donnée et octroyée, donnons et octroyons -pour en jouir aux honneurs, authoritéz, prérogatives, -gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens -qui y appartiennent, et telz et semblables dont a jouy ou -deub jouyr ledict sieur de Boys, le tout tant qu'il nous -plairra, soubz l'authorité de nostre trèz-cher et trèz-amé -cousin le comte d'Aletz, gouverneur et nostre lieutenant -général en nostre province de Provence et, en son absence, -soubz celle du sieur comte de Carcèz, nostre lieutenant -général en ladicte province, et leurs successeurs ausdictes -charges. Si donnons en mandement à nostre trèz-cher et -féal le sieur Seguier, chevalier, chancelier de France, que, -dudict sieur de Scudéry pris et receu le serment en tel -cas requis et accoustumé, il le mette et institue ou fasse -mettre et instituer de par Nous en possession de ladicte -charge et d'icelle, ensemble des honneurs, authoritéz, -prérogatives, gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens -dessusdicts, le face, souffre et laisse jouyr et user -plainement et paisiblement et à luy obéir et entendre de -tous ceux et ainsy qu'il appartiendra ez choses touchant -et concernant ladicte charge. Mandons en outre à noz -améz et féaux conseillers les trésoriers généraux de France -en nostre dit pays de Provence que par celuy de noz receveurs -et comptables qu'il appartiendra, qui a accoustumé -de payer lesdicts gaiges et droictz, ilz le fassent doresnavant -payer et dellivrer par chascun an audict Scudéry, -en la forme et manière accoustumée, à commencer du -jour et datte des présentes, rapportant lesquelles ou coppie -d'icelles deuement collationnées pour une fois seulement, -avec quittance sure et suffisante. Nous voulons tout -ce que payé et dellivré luy aura esté à l'occasion susdicte -estre passé et alloué en la despence des comptes de celuy -<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span> -de nos dicts receveurs et comptables qui les aura payéz -par noz améz et féaulx les gens de noz comptes, ausquelz -nous mandons ainsy le fère sans difficulté; car tel est -nostre plaisir. En tesmoing de quoy, nous avons faict -mettre nostre scel à ces dictes présentes. Donné à Monfrin, -le vingt-neufvième jour du moys de juin, l'an de -grace <span class="smallc">MVI<sup>e</sup> XLII</span> et de nostre règne le trente-troisième. -Signé Louis, et, sur le reply, par le Roy, comte de Provence, -Sublet. Scellées sur double queue du grand [scel] -de cire jaune.</p> - -<p>Extraict des registres de la Cour des Comptes, Aydes -et Finances. Sur la requeste présentée par Georges de -Scudéry, sieur d'Amberville, gentilhomme ordinère de la -Chambre du Roy, tendant à vériffication et entérinement -de lettres patentes par lesquelles Sa Majesté l'a pourveu -de la charge de cappitaine et gouverneur de la Tour de -Nostre-Dame-de-la-Garde, size sur la coste de Provence, -vaccante par la mort du sieur de Boys, dernier possesseur, -pour en jouyr aux honneurs, authoritéz, prérogatives, -gaiges, droicts, profficts, revenus et esmolumens y -appartennans, telz et semblables qu'en jouyssoit ledict de -Bouys, soubz l'authorité du sieur comte d'Aletz, gouverneur -et lieutenant général en ladicte province et, en -son absence, soubz celle du sieur comte de Carcès, lieutenant -général audict pays; veu lesdictes lettres patentes -données à Monfrin le vingt-neufviesme jour du moys de -juin <span class="smallc">MVI<sup>c</sup> XLII</span>, signées Louis et, sur le reply, par le Roy -comte de Provence, Sublet, scellées sur double queue du -grand scel en cire jaune; la requeste dont est question -appoinctée le dix-neufviesme jour du moys de juin -<span class="smallc">MVI<sup>c</sup> XLII</span>, pour estre monstrée au procureur général du -Roy; la responce de son substitut n'empêchant ladicte -vériffication et enregistration, la requeste ce jourd'huy -rechargée et rapportée par M<sup>e</sup> F. Margaillet, conseiller -du Roy en ladicte cour, et tout considéré; dict a esté que -la Chambre, ayant esgard à ladicte requeste, a vériffié et -entériné, entérine et vériffie lesdittes lettres patentes, -pour jouyr par l'impétrant dudict estat et charge de cappitaine -<span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span> -du fort Nostre-Dame-de-la-Garde, aux honneurs, -authoritéz, prérogatives, prééminences, franchises, libertéz, -gaiges, droicts, fruicts, profficts, revenus et esmolumens -y appartenans, tels et semblables et tout ainsy -qu'en jouyssoit son devancier, à compter lesdicts gaiges -déz le jour et datte desdictes provisions, et au surplus -suyvant la forme et teneur d'icelles, à la charge que par -le commissère qui sera depputté pour mettre et installer -ledict de Scudéry en possession dudict estat et charge, -il fera fère description de l'estat et qualité dudict fort, -ensemble inventère de l'artillerie, munitions et armes, -équipage de guerres, meubles qui seront en icelles, et -de tout il se chargera formement, aprèz deue conférance -des inventaires cy devant faicts sur l'installation dudict -de Bouys et autres ses devanciers, sauf au procureur général -du Roy, en cas de défectuosité ou manquement, se -pourvoir contre iceux ainsy qu'il appartiendra. Et seront -lesdictes lettres registrées ez registres des archifz de Sa -Majesté. Faict en la Chambre des Comptes, Cour des -Aydes et Finances du Roy en Provence, séant à Aix, le -<span class="smallc">XXII</span><sup>e</sup> jour de juin <span class="smallc">MVI<sup>c</sup> XLIII</span>, collationné, signé Mour.</p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_142"> 142</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="xlarge">CORRESPONDANCE</span><br /> -<span class="large">CHOISIE.</span><br /> -<span class="small">MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. CHAPELAIN</span><a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor"> [227]</a></h2> -</div> - -<p><span class="dater">[Mars ou avril 1639].</span></p> - -<p class="titel">Monsieur,</p> - -<p>Si l'on ne m'avoit assurée que les cris d'allégresse -ne déplaisent jamais aux victorieux, quelque -modestes qu'ils soient, je ne mêlerois pas -ma voix à celles de tant d'illustres personnes qui -prennent intérêt en votre gloire, sachant bien -qu'elle est trop peu considérable et trop foible pour -<span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span> -être entendue dans le même temps que cette adorable -Lionne<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor"> [228]</a>, que vous avez placée au ciel avec -tant de justice, témoigne par ses rugissemens la -joie qu'elle a de votre triomphe. Mais après m'être -laissé persuader que dans les réjouissances publiques -chacun a droit de dire ses sentimens, j'ose -vous assurer, que quand M. de Balzac m'auroit -donné l'immortalité en me louant injustement dans -une lettre<a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor"> [229]</a>, je ne serois pas si satisfaite, que de -voir que par son jugement il vous établit le juge -des autres. Et certes, à dire vrai, c'est un rang -que vous méritez si bien, qu'on ne doit pas peu de -louanges à votre modestie de vous être soumis à -pouvoir être condamné; mais vous avez voulu -rendre cette déférence aux rares qualités de votre -arbitre, et de votre ennemi qui, certainement, ne -s'est trouvé d'opinion contraire à la vôtre, que -pour avoir la gloire de vous combattre. Il faut -avoir l'âme si haute et si hardie, pour s'opposer à -vos sentimens, que bien qu'il soit surmonté en -<span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span> -cette guerre, elle ne laisse pas de lui être avantageuse. -Enfin, Monsieur, comme elle n'est funeste -pour personne, et qu'au contraire, elle est glorieuse -et pour le juge et pour les deux partis, on -peut dire que jamais victoire ne fut plus heureuse -que la vôtre; que jamais vaincu ne porta ce nom -avec tant d'honneur; et que jamais vainqueur ne -fut couronné d'une main plus illustre. C'est tout -ce que vous dira pour cette fois,</p> - -<p class="sig">Votre, etc.,</p> - -<p>Si ce n'est pas trop de hardiesse que de vous -demander la Comédie qui a fait votre guerre, j'oserois -vous supplier de me la prêter; afin qu'en -admirant ses beautés, mon frère et moi, admirions -encore votre jugement.</p> - -<p class="sig">Votre,</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor"> [230]</a>.</p> -<p class="dater">[Mars ou avril 1639.]</p> -<p class="titel">Monsieur,</p> - -<p>Après avoir lu la Comédie<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor"> [231]</a> que vous m'avez -fait l'honneur de me prêter, je ne suis pas assez -inconsidérée pour publier hardiment ce que j'en -pense. La médiocrité de mon esprit et mon ignorance -<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span> -sont des raisons assez fortes pour m'en -empêcher. Je vous dirai, pourtant, que si quelque -chose vous pouvoit faire douter de la justice de -votre cause, vous auriez lieu de le faire, dans la -seule pensée que M<sup>lle</sup> de Rambouillet, qui, certainement, -est la plus excellente personne de mon -sexe, désapprouve une chose que je trouve belle, -qu'elle condamne un intrigue qui me semble admirablement -joli, et merveilleusement conduit<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor"> [232]</a>; et -qu'enfin, elle blâme un ouvrage où je n'aperçois -point de tache, et où le peu de lumière que j'ai me -fait découvrir de grandes beautés. Cette opposition -de toutes choses, qui se voit entre l'opinion de cette -admirable personne et la mienne, doit, si je ne -me trompe, vous être suspecte, et vous porter -encore une fois à examiner si la raison est absolument -contre elle; ou si, en cette rencontre, elle -veut faire paroître son esprit au préjudice de son -jugement, si elle protège le foible, ou si elle soutient -ses sentimens propres; car, pour ne vous -déguiser pas les miens, je ne puis concevoir que -vous soyez de parti contraire; et lorsque je vous -assure que je serai toujours du vôtre, je ne puis -m'imaginer que je ne sois pas toujours du sien.</p> - -<p>Je suis, Monsieur, votre très humble et très -affectionnée servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span> -<span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor"> [233]</a>.</p> - -<p class="dater">[Mars ou avril 1639.]</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Je n'étois pas bien de mon parti, même devant -que d'avoir reconnu que vous le teniez, et le respect -que je dois à la Princesse<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor"> [234]</a> que j'ai pour adversaire -m'ôtoit la hardiesse de condamner des -sentimens dont les contraires jusqu'ici m'avoient -semblé les seuls équitables. Mais à présent que je -vois les miens appuyés de votre autorité et protégés -par la valeur du généreux Astolfe<a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor"> [235]</a> qui a -daigné descendre du ciel pour servir de champion -à ma justice, je me détermine et veux bien désormais -être du nombre de mes partisans, pour soutenir -ma propre cause, à laquelle je me suis -affectionné depuis seulement qu'elle est devenue -la vôtre. -<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span> -Ce seroit ici le lieu de vous rendre très-humbles -grâces de la part que vous avez voulu prendre en -mes intérêts, si tous les devoirs et toutes les reconnoissances -n'étoient pas comprises dans la qualité -véritable que je prends,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle, de<br /> -<span class="i1">Votre très humble et très obéissant serviteur,</span><br /> -<span class="i2"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE ROBINEAU</b></span><a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor"> [236]</a>.</p> - -<p class="dater">Rouen, le 5 septembre 1644.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Je m'étonne assez que vous, qui n'aimez guère -les nouvelles et qui ne voyez jamais les relations -de Renaudot<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor"> [237]</a>, ayez souhaité que je vous en fisse -une de mon voyage, qui sans doute n'a rien de si -remarquable ni de si beau que le siége de Gravelines -ni que l'action de M. d'Enghien. Néanmoins, -puisque vous le désirez, il faut vous obéir et contenter -votre curiosité par un fidèle récit de tout ce -qui m'est arrivé.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span> -Je ne m'arrêterai pas toutefois à vous dépeindre -exactement la magnificence de mon équipage, -quoiqu'il y ait sans doute quelque chose d'assez -agréable à s'imaginer que les chevaux qui traînoient -le char de triomphe qui me portoit étoient -de couleurs aussi différentes que celles qu'on voit -en l'arc-en-ciel: le premier étoit bai, le second -étoit pie, le troisième alezan, et le quatrième gris -pommelé; et tous les quatre ensemble étoient tels -qu'il le faudroit à ces peintres qui aiment à faire -paroître en leurs tableaux qu'ils sont savants en -anatomie, n'y ayant pas un os, pas un nerf ni pas -un muscle qui ne parût fort distinctement au corps -de ces rares animaux. Leur humeur étoit fort docile, -et leur pas étoit si lent et si réglé, qu'il n'y -a point de cardinaux à Rome qui puissent aller -plus gravement au consistoire que je n'ai été à -Rouen. Aussi vous puis-je assurer que le cocher -qui les conduisoit a eu tant de respect pour eux -pendant le voyage que, de peur de les incommoder, -il a quasi toujours été à pied. Ce n'est -pas qu'il n'y ait lieu de croire qu'il en usoit aussi -de cette sorte pour se divertir et pour nous désennuyer; -car je puis vous dire sans mensonge qu'il -aime fort la conversation, et que de toute la compagnie, -lui et moi n'étions pas les plus désagréables.</p> - -<p>Mais, pour vous apprendre de quelles personnes -cette compagnie étoit composée, vous saurez qu'il -y avoit avec nous un jeune partisan, déguisé en -soldat pour cacher sa profession, dont le manteau -<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span> -d'écarlate à gros boutons d'or, les grosses bottes -et les grands bas ne convenoient pas trop bien à -l'air de son visage; car enfin, avec tout l'appareil -d'un chevau-léger ou d'un filou, il ressembloit -très fort à un solliciteur de procès. Auprès de -celui-ci étoit un mauvais musicien qui, craignant -de mourir de faim à Paris, s'en alloit demander -l'aumône en son pays; et quoique plusieurs personnes -eussent beaucoup contribué à son habillement, -il ne lui en étoit pas plus propre. Le chapeau -qu'il portoit ayant, à ce que je crois, été -autrefois à M. de Saint-Brisson<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor"> [238]</a>, lui tomboit sur -le nez à cause de la petitesse de sa tête. Son collet -ressembloit assez à un peignoir; son pourpoint -étoit à grandes basques, et ses chausses approchoient -fort de celles des Suisses. Enfin plus d'un -siècle et plus d'une nation avoient eu part à cet -habit extraordinaire. La troisième personne de -cette compagnie étoit une bourgeoise de Rouen -qui avoit perdu un procès à Paris, et qui se plaignoit -également de l'injustice de ses juges et de -la fange des rues. La quatrième étoit une épicière -de la rue Saint-Antoine, qui, ayant plus de -douze bagues à ses doigts, s'en alloit voir la mer -et le pays, pour parler en ses termes. La cinquième, -tante de celle-là, étoit une chandelière -de la rue Michel-le-Comte, qui, poussée de sa -curiosité, s'en alloit avec elle voir la citadelle du -<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span> -Havre; la sixième étoit un jeune écolier, revenant -de Bourges prendre ses licences, et se préparant -déjà à plaider sa première cause. La septième -étoit un bourgeois poltron qui craignoit toute -chose, qui croyoit que tout ce qu'il voyoit étoit -des voleurs, et qui n'apercevoit pas plutôt de loin -des troupeaux de moutons et des bergers, qu'il se -préparoit déjà à leur tendre sa bourse, tant la -frayeur décevoit son imagination. La huitième -étoit un bel esprit de Basse-Normandie, qui disoit -plus de pointes que M. l'abbé de Franquetot n'en -disoit du temps qu'elles étoient à la mode, et qui, -voulant railler toute la compagnie, en donnoit -plus de sujet que tous les autres. La neuvième -étoit mon frère, dont j'allois vous dépeindre, non -pas la mine, la profession ni les habillemens, mais -les chagrins et les impatiences que lui donnoit -une si étrange voiture, s'il n'eût retranché une -partie de mon histoire, en obtenant de ma bonté -de ne vous en dire rien.</p> - -<p>Une si belle assemblée doit sans doute vous -persuader que la conversation en étoit fort divertissante. -Le partisan, quoique se voulant cacher, -en revenoit toujours au sol pour livre. Le musicien, -quoique plus incommode par sa voix que le -bruit des roues du coche, vouloit toujours chanter. -La bourgeoise qui avoit perdu sa cause ne faisoit -que des imprécations contre son rapporteur. L'épicière, -curieuse de voir le pays, dormoit tant que -le jour duroit, excepté quand il falloit dîner ou -descendre des montagnes. La chandelière ne pouvoit -<span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span> -se lasser d'admirer le plaisir qu'elle auroit de -voir dans les magasins de la citadelle une quantité -prodigieuse de mèches qu'elle jugeoit y devoir -être, vu le nombre des mousquets qu'elle avoit -ouï dire qu'on y voyoit. Tantôt elle souhaitoit d'en -avoir autant dans sa boutique, tantôt que ce fût -elle qui la vendît à cette garnison. Enfin on peut -dire que nous sortîmes du coche fort honorablement, -c'est-à-dire tambour battant par la voix du -musicien, et mèche allumée par notre chandelière, -qui, tant que nous marchâmes de nuit, eut toujours -une chandelle à la main pour nous éclairer -dans le coche. Pour le jeune écolier, il ne parloit -que de droit écrit, de coutumes et de Cujas. D'abord -je crus que ce garçon déguisoit ce nom et -que c'étoit de feu Cusac qu'il vouloit parler, quoique -ce qu'il en disoit n'y convînt pas; mais je sus -enfin que Cujas étoit un ancien docteur jurisconsulte, -que cet écolier alléguoit sur toutes choses. -Si l'on parloit de la guerre, il disoit qu'il aimoit -mieux être disciple de Cujas que soldat; si l'on -parloit de voyages, il assuroit que Cujas étoit -connu partout; si l'on parloit de musique, il disoit -que Cujas étoit plus juste en ses raisonnemens -que la musique en ses notes; si l'on parloit de -manger, il juroit qu'il aimeroit mieux jeûner toujours -que de ne lire jamais Cujas; si l'on parloit de -belles femmes, il disoit que Cujas avait eu une -belle fille<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor"> [239]</a>, et que, quoique vieille, elle n'est point -<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span> -encore laide. Enfin Cujas étoit de toutes choses, et -Cujas m'a si fort importunée que voici la première -et la dernière fois que je l'écrirai et le prononcerai -en toute ma vie. Pour le poltron, il vous est aisé -de vous imaginer que sa conversation ne ressembloit -pas à celle d'un gascon, et que celle du bel -esprit avoit beaucoup de rapport avec celle de feu -M. de Nervèze<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor"> [240]</a>.</p> - -<p>Après cela ne m'en demandez pas davantage, -car je n'ai plus rien à vous dire sinon que je ne -dormis point la nuit que je couchai à Magny, que -de ma vie je ne fus si lasse que lorsque j'arrivai -à Rouen, non pas comme a dit magnifiquement -M. Chapelain parlant de la lune,</p> - -<p class="quote">Dedans un char d'argent environné d'étoiles,</p> - -<p>mais oui bien</p> - -<p class="quote">Dedans un char d'osier environné de crotte.</p> - -<p>Tout à bon, je pense que si je n'eusse eu peur -qu'avec l'aide de ces admirables lunettes que l'on -peut quasi dire qui arrachent les astres du ciel, -vous n'eussiez découvert le coche et n'eussiez remarqué -une partie de ce que je viens de dire, je -pense, dis-je, que je ne vous en aurois rien appris, -<span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span> -tant cet équipage étoit burlesque. Après vous l'avoir -dépeint si étrange, je n'oserois quasi vous apprendre -qu'en ce lieu-là je me souvenois de vous, -de peur que, comme vous avez l'imagination délicate, -vous ne trouviez mauvais que votre image -seulement ait été en un si bizarre lieu. Mais pour -vous consoler de cette aventure, j'ai à vous dire -qu'il y avoit aussi bonne compagnie dans mon -cœur qu'elle étoit mauvaise dans le coche; et pour -empêcher ces figures extravagantes d'y faire aucune -impression, je l'avois tout rempli de M<sup>lle</sup> Paulet, -de M. de Grasse, de M<sup>me</sup> Aragonnais, de M<sup>lles</sup> ses -sœurs, de M. Chapelain, de M. Conrart, de M<sup>lle</sup> de -Chalais, de M. de la Mesnardière, de M<sup>me</sup> et M<sup>lles</sup> de -Clermont et de vous<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor"> [241]</a>. Si bien que rappelant tout -ce que j'aime à mon secours, je fis en sorte que -ce que je pensois d'agréable fût plus puissant que -ce que je voyois de fâcheux; et j'eus plus de joie -à me souvenir de tant d'excellentes personnes, et -à espérer qu'elles me faisoient l'honneur de se -souvenir quelquefois de moi, que je n'eus de peine -à souffrir les importunités d'une mauvaise compagnie. -Ayez, s'il vous plaît, la bonté de leur -faire agréer cet innocent artifice et de leur rendre -grâce de m'avoir sauvée de la persécution que j'aurois -eue, si elles ne m'avoient pas donné lieu de -me souvenir agréablement de tous les bons offices -que j'en ai reçus. Pour vous, Mademoiselle, je ne -<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span> -vous rends point de nouveaux remercîments, car -ne pouvant aujourd'hui vous parler tout à fait sérieusement, -ce sera pour une autre fois que je vous -dirai que personne ne vous connoit mieux ni ne -vous estime davantage que moi, que personne ne -vous est plus obligée que je vous la suis, que -personne aussi n'en est plus reconnaissante, et -qu'enfin personne ne sera jamais plus véritablement -ni plus sincèrement,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i2">Votre très humble et très passionnée servante.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET</b></span><a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor"> [242]</a>.</p> - -<p class="dater">En Avignon, le 27 novembre 1644.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Bien que ce soit l'opinion commune qu'il y a -quelque douceur à raconter les périls passés, je -ne vous dirai toutefois que bien vite que nous -avons pensé faire deux fois naufrage sur le Rhône, -de peur que, comme vous avez l'imagination délicate -et le cœur sensible pour vos amies, vous -n'eussiez encore un sentiment de douleur pour un -accident qui n'est point arrivé et qui même ne -<span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span> -peut plus arriver, étant bien résolue à ne repasser -jamais sur une si fâcheuse rivière. Ce n'est pas -que je n'aie trouvé sur ses rives de quoi me divertir -et de quoi vous plaire; car vous saurez, -Mademoiselle, que mon frère et moi ayant été -nous promener un soir que nous étions arrivés à -la couchée d'assez bonne heure, il me fit voir, au -lieu où nous étions, des marques de la valeur -d'une personne en qui vous prenez beaucoup d'intérêt. -L'hôtellerie où nous étions logés n'étoit -qu'une vieille ruine de maison, où depuis quelque -temps on a remis quelques portes à demi-rompues, -et cela au pied d'un grand rocher et au milieu d'un -amas de bâtiments détruits, où à peine voit-on -encore les vestiges d'une ville. Cette sauvage retraite -ne me fit pourtant point murmurer contre -ceux qui l'ont rendue telle; au contraire comme -ces funestes ruines sont des monumens éternels -pour leur gloire, j'ai souffert sans m'en plaindre -toute l'incommodité d'un si mauvais logement, -par la seule pensée que le Pouzin, qui est le lieu -où nous étions, avoit été autrefois pris par -M. d'Aiguebonne<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor"> [243]</a> que secondoit M. de Lesdiguières -en cette occasion. L'hôte chez qui nous -étions, et qui pour sa condition a assez d'esprit, -nous raconta tant de merveilles de sa conduite et -de son courage à la prise de cette place, qu'il y a -lieu de croire que, s'il eût fait cette action du temps -<span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span> -qu'on élevoit des statues à ceux qui faisoient de -grandes choses, nous aurions trouvé la sienne sur -les bords du Rhône. J'ai cru, Mademoiselle, que je -devois vous apprendre, et que ce ne seroit pas vous -déplaire que de vous dire que, si M. de Chaudebonne -peut légitimement passer pour un saint de -la nouvelle Rome, M. son frère auroit été un des -héros de l'ancienne.</p> - -<p>Mais pour m'éloigner promptement d'une rivière -où je ne veux plus retourner, je vous dirai qu'en -arrivant ici, la première chose que je vis, en mettant -la tête à la fenêtre, fut M. de Berville, qui étoit -logé de l'autre côté de la rue, et qui étoit près de -partir pour Aix. A l'instant même mon frère le -fut voir; mais comme la bienséance ne me permettoit -pas de faire la même chose, et qu'il ne me fit -pas l'honneur de me demander, quoiqu'il n'y eût -que quatre pas de lui à moi, ce ne sera qu'à Marseille -que je le verrai, si à votre considération il -me fera cette grâce.</p> - -<p>Au reste, Mademoiselle, je ne puis m'empêcher -de vous dire qu'étant allés voir le tombeau de la -belle Laure, qui est dans les Observantins d'ici, il -se trouva un religieux de cette maison, ancien ami -de mon frère, qui le pressa longtems de prendre -une chambre dans leur couvent, et qui me proposa -d'en prendre une qui touchoit leur cloître, avec la -liberté, moyennant la permission du supérieur, -de m'aller promener dans leurs jardins qui sont -tout remplis d'orangers. Je vous laisse à penser, -Mademoiselle, si je fus surprise de cette courtoisie -<span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span> -qui m'étoit offerte à quatre pas d'une maison où -logent messieurs de l'Inquisition. Ce bon religieux, -après m'avoir montré le tombeau de Laure et raconté -les amours de Pétrarque, me fit quérir une -boîte de plomb que l'on trouva dans un cercueil -où il y a une médaille où est la figure de cette -belle, et où sont des vers écrits de la main de -Pétrarque, et d'autres de François I<sup>er</sup>, qui fit refaire -ce tombeau. Mais ce qu'il y a de plus surprenant, -c'est que ces bons pères tiennent cette boîte -dans le même lieu où l'on tient les reliques et tout -ce qui sert à l'autel. Cependant cela se fait dans -les terres du Pape, et comme je l'ai déjà dit, à -quatre pas des Inquisiteurs. Je vous laisse à juger -de quelle humeur doivent être les dames en un -lieu où les religieux les plus réformés agissent -ainsi. Tout à bon<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor"> [244]</a> cela a quelque chose de si plaisant -que l'on ne peut se l'imaginer, à moins que -de l'avoir vu; car pour moi qui ne les ai rencontrées -qu'aux églises, je ne laisse pas de m'imaginer -aisément de quelle façon elles vivent en conversation. -Premièrement, il est à remarquer qu'en tout -Avignon je n'ai vu que trois mouchoirs à plus de -mille femmes que j'y ai vues en dévotion; et ce -qui est encore de plus surprenant, c'est que je n'y -ai pas vu une seule gorge. Aussi, veux-je croire -que ce n'est que celles qui en ont qui la cachent, -et que c'est par mortification que celles qui n'en -ont point se mettent en état que personne n'en -<span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span> -puisse douter. Mais je ne songe pas que je ne vous -entretiens que de folies; pardonnez cette liberté à -une personne qui vit sans contrainte avec vous, et -qui ne se pique pas de bel esprit en vous écrivant. -Comme nous devons partir demain et qu'il est -tard, je ne vous dirai plus rien, si ce n'est que je -suis très humble et très obéissante servante de -M<sup>me</sup> et de M<sup>lles</sup> de Clermont<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor"> [245]</a>, très passionnée de -M<sup>lle</sup> de Chalais, très humble de M. Chapelain et de -M. de la Mesnardière, et que ce sera bientôt de -Marseille que je vous offrirai les complimens de -mon frère et que vous recevrez ceux de</p> - -<p class="sig">Votre très humble et très affectionnée servante, -etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MÊME</b></span><a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor"> [246]</a>.</p> - -<p class="dater">Marseille, 13 décembre 1644.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Enfin, après avoir plusieurs fois pensé faire naufrage, -je suis arrivée au port de Marseille assez -heureusement. Mais quelque douceur que l'on -puisse trouver à se reposer après la fatigue d'un -long voyage, je n'en ai néanmoins point senti de -plus grande que celle que je trouve à m'imaginer -que du moins je ne m'éloigne plus de vous. Cette -pensée a certainement quelque chose qui flatte -mon esprit, qui le délasse et qui le console plus -<span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span> -que tous les divertissements que l'on tâche de me -donner aux lieux où je suis. Ce n'est pas que je -n'aie trouvé à Marseille toute la civilité et toute la -courtoisie possible, et comme je sais que vous -n'êtes pas marrie de savoir tout ce qui arrive à -mon frère et à moi, il faut que je vous rende -compte de quelle façon l'on nous traite ici. Vous -saurez donc, Mademoiselle, que nous avons trouvé -en M<sup>me</sup> de Mirabeau<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor"> [247]</a> une des meilleures et des -plus obligeantes femmes du monde; car elle ne sut -pas plus tôt que nous étions ici, qu'elle et M<sup>me</sup> de -Morge, sa sœur, vinrent pour nous obliger de -prendre leur maison; mais comme nous ne le -voulûmes pas faire, elles se virent contraintes de -nous instruire de la coutume de la ville, qui est -d'être trois ou quatre jours sans sortir pour attendre -les visites de ceux qui veulent nous en -rendre. Et comme nous avions quelque répugnance -à suivre cet ordre, elle nous dit que tout -le monde de Marseille se tiendroit outragé et -croiroit que nous ne voudrions pas le voir, si -nous en usions autrement. Le lendemain donc, -et quatre jours depuis, mon frère et moi avons -gardé la chambre. A vous dire le vrai, ce n'a pas -été sans voir de plaisantes choses; car, pour vous -les dire comme elles se sont passées, je ne pense -pas qu'il y ait un seul homme de quelque considération -dans Marseille qui n'y soit venu, soit -<span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span> -des gentilshommes, des consuls, des officiers de -galère, des juges, des ecclésiastiques, des avocats, -des marchands, des matelots et même des forçats; -et pour les femmes, le nombre en est si grand que -j'ai été contrainte d'en faire un rôle, qui présentement -se monte à quarante-deux maisons différentes, -où il faut que j'aille, qui veulent dire plus -de quatre-vingts personnes qu'il faut demander.</p> - -<p>Je vous laisse à juger, Mademoiselle, si, de l'humeur -dont je suis, je n'ai pas là une occupation -bien divertissante. Mais ce qu'il y a de rare est -que, de tout ce grand nombre de femmes, il n'y -en a pas plus de six ou sept qui parlent françois; -si bien que cela fait une si plaisante conversation -que, si je vous la pouvois dépeindre, je vous en -ferois rire. J'ai toutefois cet avantage, sans que -je puisse dire comme je l'ai acquis, que j'entends -assez bien le provençal, et qu'ainsi je ne -laisse pas de les entretenir, mais c'est d'une manière -si plaisante qu'il faut l'avoir vu pour le -comprendre. Le plus fâcheux est qu'il les faut -conduire jusques au milieu de la rue, et qu'à -chaque porte il faut une heure de compliment. -J'espère toutefois n'être pas longtemps en cette -peine; car, comme elles passent toutes leur vie à -jouer à un jeu qui s'appelle le basècle, que sans -doute elles aiment pour son antiquité, et qu'il n'y -en a que trois ou quatre qui ne jouent que par -complaisance, quand je leur aurai rendu leurs -visites, je pense qu'elles me laisseront en repos, -du moins le souhaité-je ainsi. Après ces quatre -<span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span> -jours de cérémonie, M<sup>me</sup> de Mirabeau nous a traités -magnifiquement. Elle a été imitée de quelques -autres, un desquels nous a donné à dîner avec une -prodigalité de Montoron<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor"> [248]</a>; car enfin il y avoit six -services admirablement beaux et bons: les perdrix, -les bisques, les ortolans, les entremets, les -gelées, les conserves, les muscats, les hypocras, -les limonades, les fruits et les confitures sèches et -liquides y étoient avec une abondance inconcevable. -Mais, après tout, au milieu de ce paradis -des Turcs, je disois en moi-même, en songeant à -vous, un vers que Malherbe a dit autrefois, parlant -de M<sup>me</sup> d'Auchy<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor"> [249]</a>:</p> - -<p class="quote">Où Caliste n'est pas, c'est là qu'est mon enfer.</p> - -<p>Tout à bon, Mademoiselle, je n'ai point surpris -mon esprit avec un moment de plaisir tranquille -depuis que je suis hors d'auprès de vous. Mais, -pour n'oublier rien à vous dire, vous saurez encore -que le lieutenant que mon frère a mis à -Notre-Dame-de-la-Garde, et qui est un assez honnête -homme et assez riche, nous y a aussi donné -à dîner le premier jour que nous y avons été. Je -ne vous dépeindrai point, s'il vous plaît, cette cérémonie -qui ne vous ferait point ouïr le bruit des -canons, car la distance des lieux ne le permet pas; -mais je vous dirai qu'en vérité Notre-Dame-de-la-Garde -est le plus beau lieu de la nature par sa -<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span> -situation. De la façon dont la place est disposée, -il y a quatre aspects différents qui sont admirables. -D'un côté, l'on a le port et la ville de Marseille -sous ses pieds, et si près, que l'on entend -les hautbois de vingt-deux galères qui y sont; de -l'autre, l'on découvre plus de douze mille bastides, -pour parler en termes du pays; du troisième, on -voit les îles et la mer à perte de vue; et du quatrième, -sans rien voir de tout ce que je viens de -dire, on n'aperçoit qu'un grand désert tout hérissé -de pointes de rochers, et où la stérilité et la solitude -sont aussi affreuses que l'abondance est -agréable de tous les autres endroits. Aussitôt que -je fus arrivée à ce bel hermitage, ma première -pensée fut de demander au prieur de Notre-Dame-de-la-Garde, -qui nous y dit la messe, où étoit le -tombeau de feu M. de Mévouillon<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor"> [250]</a>; et comme il -me l'eut montré, ma première dévotion fut pour -cet illustre mort.</p> - -<p>Vous me ferez, s'il vous plaît, la grâce de -dire à M<sup>lles</sup> de Clermont que, n'étant pas en lieu -de leur pouvoir rendre d'autres devoirs, j'ai du -moins rendu ce pieux office à un de leurs devanciers. -Je me serois donné l'honneur de leur -écrire, aussi bien qu'à M<sup>me</sup> leur mère, sur la perte -qu'elles ont faite; mais je vous avoue ma foiblesse: -<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span> -il y a si longtemps que la mort est introduite dans -le monde et qu'il y a des gens qui en écrivent et -qui en parlent, que je ne trouve plus rien à en -dire. Sincèrement, Mademoiselle, je ne sais si j'ai -déjà pris le mal du pays, mais j'ai l'esprit si fainéant, -si grossier et si stupide, qu'il m'a été impossible -d'oser entreprendre d'écrire deux lettres -sur ce sujet. Mais, pour réparer ce manquement, -il faudroit que vous m'apprissiez qu'il fût arrivé -un grand bonheur à ces excellentes personnes; car -je ne doute point que l'extrême joie que j'en aurois -ne me fît trouver l'art de leur témoigner et -de leur persuader que je suis certainement une de -leurs plus passionnées servantes. En attendant -cette agréable nouvelle, vous me ferez la faveur -de les assurer de la continuation de mon très -humble service, et vous me ferez aussi la grâce -de faire encore mes complimens à M. Conrart. -Pour M. Chapelain, quoi que vous m'en disiez, il -n'est point jaloux de lui; c'est une flatterie que -vous m'avez écrite, qu'il désavoueroit sans doute, -s'il la savoit. Il y a deux choses qui font qu'il ne -le sauroit être: l'une, de ce qu'il est assuré du -rang qu'il tient dans mon esprit, et l'autre, que je -ne suis pas assez bien dans le sien. Vous savez, -Mademoiselle, que cette passion en dit une autre; -c'est pourquoi songez une autre fois un peu -mieux à expliquer ses véritables sentiments. -Quand j'aurai rendu une partie des visites que -j'ai à faire, peut-être lui demanderai je un peu -plus sérieusement la continuation de son amitié; -<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span> -car, pourvu que je ne lui écrive qu'une fois ou -deux en un an, je pense que <i>la Pucelle</i> n'aura pas -sujet de s'en plaindre.</p> - -<p>Au reste, Mademoiselle, je vous demande -pardon si je vous entretiens si longtems, et -de choses si peu raisonnables; mais songez -que vous êtes ma plus grande consolation dans -mon exil. J'ai eu une douleur extrême de n'avoir -point reçu de vos nouvelles par cet ordinaire. -Je sais que c'est être inconsidérée que d'abuser -de votre loisir comme je fais; mais vous -êtes bonne, vous me l'avez permis, et j'en ai grand -besoin. Faites donc, s'il vous plaît, lorsque vous -ne pourrez pas me faire la faveur de m'écrire, que -M. Major m'apprenne, au moins par un billet, -l'état de votre santé, afin que mon imagination -ne me fasse pas sentir des malheurs qui ne me -sont peut-être pas arrivés. Si je suivois l'intention -de mon frère, j'allongerois encore ma lettre pour -vous persuader fortement qu'il est votre serviteur -très-humble et très-passionné; mais comme l'heure -me presse, je ne vous dirai plus rien, sinon que -je suis toujours de toute mon âme,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i2">Votre très-humble et très-obéissante servante.</span></p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span> -<span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE CHALAIS</b></span><a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor"> [251]</a>.</p> - -<p class="dater">A Marseille, le 13 décembre 1644.</p> - -<p>Comme M<sup>lle</sup> Paulet connoit mon cœur, et qu'elle -sait la tendresse que j'ai pour vous et le plaisir -que je sens à recevoir de vos nouvelles, elle m'avoit -fait espérer par l'autre ordinaire que vous -m'en donneriez par celui-ci; et je m'étois entretenue -si agréablement en cette attente, que la privation -d'un bien qui m'est si cher m'a donné plus -de douleur que l'espérance ne m'avoit donné de -joie. J'ai pourtant été assez équitable pour ne vous -accuser pas; j'ai eu du déplaisir, mais je n'ai pas -eu de colère, et si j'ai eu quelque injustice, ça été -contre l'aimable personne qui m'avoit promis un -si grand plaisir.</p> - -<p>Ne vous imaginez pourtant pas, ma chère -amie, que ce désir extrême que j'ai d'avoir -quelquefois de vos lettres soit un effet de la foiblesse -de mon amitié, et qu'elle ait absolument -besoin de ces petits soins pour se maintenir; -non, ce n'est point là ma pensée, et quand vous -ne me diriez jamais que vous avez de l'affection -pour moi, puisque vous me l'avez dit une fois, je -ne laisserois pas de le croire. Mais la véritable -raison qui fait que je le souhaite avec tant d'ardeur, -<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span> -est que je prévois bien que j'aurai grand -besoin de ce secours pour adoucir l'ennui de mon -exil. Je vous avoue ingénûment que je n'ai point -l'esprit assez stupide pour m'accoutumer facilement -avec ceux qui le sont, et que je ne l'ai pas -non plus assez fort ni assez rempli pour trouver -en moi-même de quoi me satisfaire. Je suis demeurée -en une certaine médiocrité qui ne sert qu'à -faire connoître le mal, mais qui ne le surmonte -pas. Si j'étois de l'humeur de ceux qui aimeroient -mieux être l'admiration des sots que de ne l'être -de personne, je pourrois peut-être assez facilement -imposer une partie de ce que je voudrois aux gens -de ce pays-ci, étant certain que parce que je viens -de Paris, ils ont assez d'inclination à approuver -tout ce que je fais; mais comme je n'ai pas l'humeur -tyrannique, et que, si je régnois, je voudrois -régner légitimement, je n'apporterai nul -soin à l'établissement d'un empire si peu glorieux, -et qui seroit si mal acquis. Dans les choses -de l'esprit, ce n'est pas assez de vaincre, il faut -encore que ceux que l'on surmonte soient eux-mêmes -capables d'en surmonter d'autres, et c'est -enfin aux vaincus à faire la principale gloire des -victorieux. Si les Espagnols, en conquêtant les -Indes, avoient eu des ennemis redoutables, ils auroient -égalé la gloire des plus illustres héros; -mais parce qu'ils ont tué à coups de canon des -hommes qui ne se défendoient point, et qui même -ne se pouvoient défendre, puisqu'ils n'avoient -point d'armes, ils passent plutôt parmi le nombre -<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span> -des usurpateurs que des conquérants. Souffrez, -s'il vous plaît, cette comparaison historique d'une -personne qui ne vous l'auroit pas écrite, si elle -étoit seulement à cinquante lieues plus près de -Paris, mais qui pense avoir droit de vous parler -de cette manière dans une ville où il se trouve -une demoiselle<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor"> [252]</a> belle et jeune, qui dans ses conversations -ordinaires, cite souvent, si j'ai bien retenu, -Trismégiste, Zoroastre et autres semblables -messieurs qui ne sont pas de ma connoissance. -Sérieusement, c'est dommage que la personne -dont je vous parle n'a été élevée dans le monde, -étant certain que c'est un des plus beaux naturels -de femme que j'aie jamais remarqué en aucune -femme de province. Elle est, comme je vous l'ai -déjà dit, belle, jeune et de bonne mine; elle parle -françois comme si elle étoit née à Paris, et naturellement -elle est fort éloquente; elle entend l'espagnol, -l'italien, le latin et même le grec; elle est -fort douce, fort civile et de fort bonne maison. -Cependant, parce qu'elle n'a pas l'art de cacher -une partie des trésors qu'elle possède à des gens -qui ne la connoissent pas, ils prennent pour du -verre et pour du cuivre de l'or et des diamants; et -l'injustice qu'on lui fait ici est si grande que je -n'oserai la voir souvent, de peur de me charger -de la haine publique.</p> - -<p>Jugez, d'après cela, ma chère, si j'ai raison d'implorer -votre secours en un lieu où il n'est pas même -<span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span> -permis de jouir du seul bien qui s'y trouve. Ne me -refusez donc pas, je vous en supplie, et si ce n'est -point trop vous demander, ayez quelquefois la bonté -d'assurer M<sup>me</sup> la marquise<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor"> [253]</a> que de toutes celles qui -ont de la vénération pour elle, je suis la plus passionnée -pour son service, et qu'en cette considération -il me doit être permis de porter la glorieuse -qualité de sa très-humble et très-obéissante servante. -Et comme je suis privée d'entretenir les personnes -que j'aime, faites au moins que j'aie la satisfaction -de savoir qu'elles s'entretiennent quelquefois -de moi. Parlez-en donc avec notre chère Angélique<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor"> [254]</a>, -avec M<sup>lle</sup> Robineau, avec M. Conrart, avec -M. Chapelain, et si vous jugez que M<sup>me</sup> de Motteville -et M<sup>lle</sup> sa sœur<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor"> [255]</a> ne m'aient pas oubliée, assurez-les -que j'eus un extrême regret de partir sans -leur dire adieu; mais comme elles n'étoient pas à -Paris, c'est un malheur dont je ne suis pas coupable. -Quand je serai un peu désembarrassée d'un -nombre infini de visites qu'il faut que je rende, je -me donnerai l'honneur de leur écrire et de les assurer -que je suis toujours leur très-humble servante.</p> - -<p>Adieu, je suis si pressée que je n'ai pas le -temps de relire ma lettre. Pardonnez-moi donc -toutes les fautes que j'y aurois peut-être corrigées, -et toutes celles aussi que je n'y aurois pas remarquées. -<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span> -Après cette protestation d'imprimeur, je -n'oserai quasi vous dire que je suis votre très-humble -et très-passionnée servante, etc., etc.</p> - - -<p class="titre"> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET</b></span><a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor"> [256]</a>.</p> - -<p class="dater">Marseille, 27 décembre 1644.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Vous pouvez juger par l'inquiétude que je vous -ai témoigné avoir de votre silence, combien votre -lettre m'a donné de joie. Elle a été si grande, -que ceux qui me l'ont vue recevoir et qui me l'ont -vue lire ont cru que l'on m'avoit mandé que l'on -me donnoit pour le moins cent mille écus; car -comme les gens d'ici ont l'esprit fort intéressé, ils -ne sont sensibles aux plaisirs que lorsqu'ils leur -sont utiles. Mais après leur avoir dit que votre lettre -ne m'apprenoit rien de plus agréable que la continuation -de l'amitié de la personne qui me l'écrivoit, -il a fallu, pour me justifier auprès d'eux, leur -faire voir votre nom, tant il est vrai que la joie -que j'ai eue a été grande, et tant il est vrai qu'ils -ont eu peine à croire que, ne s'agissant ni d'amour -ni d'avarice, il fût possible que j'eusse tant -de satisfaction d'une lettre d'une de mes amies. -Jugez de là, Mademoiselle, à quel point l'amitié -est connue ici, et si vous devez craindre que je -vous fasse infidélité. Cependant, je vous dirai que -<span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span> -comme l'on ne change pas son destin en changeant -de lieux, et que ceux qui sont malheureux -le sont partout, il y a lieu de craindre que nous -ne puissions pas faire mettre Notre-Dame-de-la-Garde -sur le pays<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor"> [257]</a>. Ce n'est pas que la chose ne -dépende pas absolument de M. le comte d'Alais<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor"> [258]</a>, -mais c'est que nous venons d'apprendre que l'assemblée -générale du pays est terminée au second -de janvier, et qu'ainsi il sera impossible de tirer -utilité des bons offices de M. Chapelain. Mon frère -et moi ne laisserons pas de lui en être infiniment -redevables; car ce n'est pas par les événements, -mais par les intentions, qu'il faut mesurer les obligations -que nous avons à nos amis. A la première -occasion, je lui en témoignerai notre reconnoissance; -mais, en attendant, si vous le voyez, -vous l'assurerez de l'estime et de l'amitié particulière -que mon frère et moi avons pour lui. Après -cela, je vous dirai que nous ne laisserons pas de -tenter la chose; car autrement il faudroit attendre -encore un an; car, bien qu'il ne se tienne plus -d'États généraux en Provence, et que ce ne soit -plus qu'une assemblée de quelques consuls qui -délibèrent de toutes choses, néanmoins, comme -cette assemblée ne se tient qu'une fois l'année, si -nous laissions passer celle-ci, cela nous mèneroit -trop loin. A vous dire la vérité, je n'en attends -rien; mais quand on a fait ce que l'on peut, il -<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span> -faut se mettre en repos et prendre patience. Quoi -qu'il en arrive, je vous le manderai.</p> - -<p>Cependant, n'attendez pas que je puisse payer vos -nouvelles par d'autres; car il n'y a rien ici qui puisse -vous divertir. Ce n'est pas que si je pouvois dépeindre -la beauté de l'hiver de Marseille, je ne vous -fisse un tableau assez agréable et que je ne vous -fisse avouer qu'il fait honte au printemps de Paris. -L'hiver qui, aux lieux où vous êtes, est tout hérissé -de glaçons, est ici couronné de fleurs. Sincèrement, -Mademoiselle, à l'heure même que je vous -parle, l'on vient de m'envoyer des bouquets d'anémones, -d'œillets, de narcisses, de jasmin, de -fleurs d'orange, plus beaux que M<sup>lle</sup> de Lorme n'en -porte au mois de mai; et ce qu'il y a de commode -ici est que l'on fait des visites à la fin de décembre, -sans avoir besoin de feu, que l'on se promène -sur le port comme l'on se promène aux Tuileries -en juillet, qu'il ne pleut qu'en deux mois une -fois, et que le soleil y est toujours aussi pur et -aussi clair que dans la saison où il fait naîre les -roses. Mais le mal est que pour jouir de tous ces -plaisirs innocents, il faut souffrir d'autres incommodités, -et que l'on ne peut s'approcher de l'Orient -sans s'éloigner de Paris. Je pourrois encore -vous dire que la plus belle chose que l'on puisse -voir est les galères, le jour de Noël, qu'elles ont -toutes leurs tentes, leurs pavillons et leurs banderoles -de cent couleurs différentes; mais cela seroit -mieux de la main d'un peintre fameux que de la -mienne. Au reste, Mademoiselle, il n'est pas jusques -<span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span> -aux paroles qui ne perdent ici quelque chose -de leur grâce et de leur agrément. Le nom d'esclave, -qui est quelquefois si galamment placé et -dans des vers d'amour et dans les romans, ne remplit -ici l'imagination que de grosses chaînes de -fer, de bonnets rouges, de camisoles bleues, de -têtes pelées, de mines de Turcs et d'autres semblables -choses, puisque l'on ne s'en sert jamais -que pour parler de trois ou quatre mille forçats -que l'on voit toujours sur le port.</p> - -<p>Je vous en dirois davantage, mais comme vous -saurez que nous avons changé de maison afin -d'être plus près de M<sup>me</sup> de Mirabeau<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor"> [259]</a>, toutes les -dames de la rue, pour recommencer leurs civilités -à l'usage du pays, entrent présentement dans ma -chambre pour me dire que je suis la bienvenue. -Adieu, je suis de si mauvaise humeur de ce qu'elles -m'interrompent dans le dessein que j'avois de vous -dire encore plus de cent choses, que je les recevrai -si mal que j'espère qu'elles n'y reviendront -plus. Il faut pourtant encore que je salue M<sup>me</sup> et -M<sup>lles</sup> de Clermont, que je vous offre les compliments -de mon frère, et que je vous die que je -suis votre très-humble et très-passionnée servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span> -<span class="small"><b>A MADEMOISELLE ROBINEAU</b></span><a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor"> [260]</a>.</p> - -<p class="dater">Marseille, 3 janvier 1645.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Si vous avez dessein de m'instruire par votre -exemple et de m'accoutumer à ne vous écrire -qu'une fois tous les mois, je vous supplie de me -faire l'honneur de m'en avertir; car, à moins que -vous m'appreniez votre intention, elle ne réussira -pas, parce que, comme je vous écris principalement -pour me conserver en votre mémoire, moins -vous m'écrirez, et plus je vous écrirai, afin de -vous empêcher de m'oublier. Faites-moi donc, s'il -vous plaît, la faveur de me dire sincèrement si vous -avez dessein que j'imite votre silence; car, après -cela, je tâcherai de m'accommoder à votre humeur. -Je vous écrirai de petites lettres, et vous n'en -aurez que deux ou trois tous les ans, et de cette -sorte, si elles ne sont belles, elles seront rares; si -elles ne sont divertissantes, elles ne seront pas incommodes, -et si elles ne vous font passer quelque -temps agréablement, elles ne vous en déroberont -guère. Voilà, Mademoiselle, ce que je vous puis -dire sur ce sujet, attendant vos ordres, que je -n'observerai pas plus exactement que vous observez -les promesses que vous m'aviez faites de me -donner de vos nouvelles toutes les semaines; car, -pour vous parler sans déguisement, il n'est rien -<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span> -qui puisse vous empêcher, tant que je ne serai pas -malade, d'avoir une lettre de moi tous les ordinaires; -car, si vous m'écrivez, je n'ai pas assez -d'incivilité pour ne vous répondre point, et si vous -ne me répondez pas, je n'ai point assez de patience -pour m'empêcher de vous en gronder. Enfin, Mademoiselle, -résolvez-vous à ce malheur, puisqu'il -est inévitable. Au reste, ne vous imaginez point -que peut-être je ne trouverai pas toujours de -quoi vous entretenir, et que par cette raison je -vous laisserai en repos. Les rives de la mer Méditerranée -ne sont pas si désertes et si stériles que -l'on n'y puisse trouver quelque chose à l'usage de -Paris. La tempête amène quelquefois sur ses -bords des gens qui savent parler françois, et qui -n'ont rien de la rudesse du pays. Il se trouve ici -des pèlerins de toutes les parties du monde, et par -conséquent je ne manquerai pas de matière à vous -écrire. Je pourrois même dire que j'aurois de quoi -vous faire d'agréables présents si vous étiez d'humeur -à en recevoir. Mais, quoique je sache bien -que vous aimez mieux en faire que d'en accepter, -je veux toutefois vous en offrir un aujourd'hui; -mais auparavant que je vous dise ce que je vous -envoie, je vous supplie d'essayer de deviner; et -pour aider même à votre imagination, je vous dirai -que ce ne sont ni des oranges, ni des citrons, -ni des olives, ni des figues, ni des raisins, ni de -l'eau de fleurs de jasmin, ni des branches de coral, -ni des tapis de Turquie, ni des étoffes de -Chine, ni des perles, ni des émeraudes, ni des -<span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span> -diamants, mais quelque chose de plus rare en ce -pays-ci que tout ce que je viens de dire. Et pour -vous expliquer cet énigme, ce sont des vers de -M. Boissat-l'Esprit<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor"> [261]</a>, qu'il a faits ici en revenant -de la Sainte-Baume. Je vous proteste, Mademoiselle, -que depuis plus de quatre siècles l'on n'a -vu de semblable marchandise sur le port de Marseille; -aussi est-ce pour cela que je l'envoie à -Paris. Vous en ferez part à M. Chapelain, et comme -votre ami, et comme le mien, et comme celui de -M. Boissat. Je ne vous dis point ce que j'en pense; -car je ne m'y connois plus du tout; il me suffit -de savoir que ce sonnet est d'une personne de -beaucoup d'esprit et de beaucoup de dévotion -présentement, pour croire qu'il est digne de vous, -et que du moins par là ma lettre ne vous ennuiera -pas<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor"> [262]</a>............</p> - -<p>Si j'avois aussi bien retenu la prose que les -vers, je vous l'aurois envoyée, car elle étoit assez -galante pour cela. Pour la mienne, on n'en peut -pas dire autant; c'est pourquoi je ne la continuerai -pas davantage pour aujourd'hui; aussi bien, -ayant le dessein que j'ai, n'est-il pas juste d'en -dire tant en un jour, et il suffira que je vous assure -en françois, et même, si vous le voulez, en -provençal que, <i>siou vuestra serventa affettionada</i>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span> -M. votre père, M<sup>me</sup> Aragonnais<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor"> [263]</a> et M<sup>lles</sup> Boquet<a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor"> [264]</a> -sauront que je suis leur servante, et vous -saurez, s'il vous plait, que mon frère est votre serviteur -très-humble. Je vous demande pardon si -ma lettre est si brouillée, mais je vous l'écris avec -tant de précipitation que je ne sais quasi ce que -je dis.</p> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor"> [265]</a>.</p> - -<p class="dater">Paris, 19 janvier 1645.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Je vous écris par le commandement de M<sup>lle</sup> Robineau, -je dis par son commandement, sans qu'elle -m'ait laissé la liberté de ne le pas faire, afin que -si vous vous trouvez incommodée de ma lettre, -vous n'en sachiez mauvais gré qu'à celle qui m'a -forcé de la faire, et qui, comme vous savez, a droit -<span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span> -de commander et pouvoir de forcer. Avec tout cela, -encore que je vous écrive par force, je ne laisse -pas de vous écrire avec plaisir, et plus que si je le -faisois de mon consentement propre, lorsque je -pense que je ne suis pas obligé à vous répondre -de mes mauvaises écritures, et qu'un autre que -moi portera le blâme de ce que j'y aurai mal dit. -J'ai plaisir, Mademoiselle, à vous faire souvenir -de l'estime extraordinaire que je fais de votre esprit -et de votre vertu, et du ressentiment que j'ai -toujours de la part que vous m'avez accordée en -votre bienveillance, qui est sans doute le plus riche -présent que vous puissiez me faire, vu la noblesse -de votre âme et la bonté de votre cœur. J'ai -plaisir à vous rendre grâces de ce que je me trouve -quelquefois dans les lettres que vous écrivez, tantôt -à l'excellente personne dont j'exécute ici les -ordres, tantôt à son excellente voisine, comme à -celles qui partagent votre temps et votre amitié. -Enfin, j'ai plaisir à vous dire que ces lettres -mêmes, bien qu'écrites dans la précipitation des -courriers, sont si naturelles et si éloquentes tout -ensemble, qu'elles pourroient donner jalousie à -notre ami d'Angoulême<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor"> [266]</a>, et qu'elles donnent très-grande -satisfaction à tous ceux qui les voient à -Paris. Par là, Mademoiselle, vous voyez que la -force que l'on m'a faite est bien agréable, et non -pas de celle pour lesquelles on met les gens en -procès et demande réparation en justice.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span> -J'ai quelque honte de passer de ce discours à un -autre et de vous dire que je me suis acquitté de ma -promesse auprès de M. de Berville, de crainte qu'il -ne vous semble que je vous le veux faire valoir. Mais -puisque je vous l'ai déjà dit, je vous dirai encore -que j'avois envoyé une copie de ma lettre à votre -généreuse amie pour vous la faire tenir, ou du -moins pour avoir en elle un témoin irréprochable -de mes soins aux choses qui regardent votre service. -J'ai depuis su d'elle qu'elle avoit pris le dernier -parti comme le plus sûr et le plus raisonnable, -et j'avoue qu'elle m'a fort obligé, m'épargnant -par ce moyen la nécessité de rougir devant vous -pour n'y avoir pas assez bien parlé de votre mérite. -La même judicieuse personne se voulut bien -charger ces jours passés de vous envoyer quelques -vers que j'ai donnés à la mémoire de l'incomparable -M<sup>me</sup> de Lalane<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor"> [267]</a>; mais, Mademoiselle, -vous envoyer des vers, c'est envoyer de l'eau à la -mer, c'est vous donner ce que vous avez chez vous -en abondance. Que si vous en faites la modeste pour -votre regard, vous l'avouerez bien au moins pour -celui de monsieur votre frère, qui est un océan de -poésie plus découvert que n'est le vôtre et qui est -si plein de ce côté-là qu'on ne sauroit l'accroître, -<span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span> -quelque chose que l'on y verse<a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor"> [268]</a>. Il est vrai aussi -que je vous envoyai ces vers comme les fleuves -envoient leurs eaux à la mer, non pas pour enfler -votre richesse, mais pour vous rendre le tribut et -l'hommage que vous doivent tous ceux qui font -profession d'honorer le mérite et la vertu. Ceux de -M. de Boissat que j'ai vus dans votre lettre sont -bons, mais ceux de monsieur votre frère sont -meilleurs, sans doute, et vous voyez bien que -c'est mon jugement qui prononce et non pas mon -amitié, et qu'en ce sentiment il n'y entre ni complaisance -ni cajolerie. Mais c'est trop vous mal -entretenir, et vous auriez encore plus de sujet de -vous en plaindre si je ne vous assurois que par la -patience que vous avez prise de lire cette lettre -jusqu'au bout, vous êtes quitte de me lire de toute -cette année, et que jusqu'en six cent quarante-six -vous n'aurez à craindre aucune semblable persécution,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i2">De votre très-humble et très-obéissant serviteur</span><br /> -<span class="i4"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</span></p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span> -<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MONSIEUR CHAPELAIN</b></span><a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor"> [269]</a>.</p> - -<p class="dater">Marseille, 31 janvier 1645.</p> - -<p class="titel">Monsieur,</p> - -<p>Bien que tout ce qui part de M<sup>lle</sup> Robineau me -soit extrêmement cher, et que, selon mes sentiments, -elle augmente le prix des plus précieuses -choses du monde lorsqu'elles passent par ses -mains, il est toutefois certain que votre lettre -m'auroit donné plus de joie si je l'eusse reçue -comme une simple marque de votre souvenir, que -comme une preuve de votre obéissance pour elle, -et je lui suis déjà si redevable de ses propres bienfaits, -que j'aurois volontiers souhaité qu'elle n'eût -point eu de part aux vôtres. Ce commandement -que vous dites qu'elle vous a fait de m'écrire, -marque si clairement l'absolu pouvoir qu'elle a -sur vous et le peu que j'y en ai, que, si je voulois, -j'aurois quasi autant de sujet de me plaindre de -l'honneur que vous m'avez fait, que de vous en -remercier; car enfin, une personne à qui vous devez -la connoissance de M<sup>lle</sup> Robineau ne devoit -point lui devoir la grâce que vous m'avez fait de -m'écrire. Je sais qu'elle a plus de mérite que moi, -et qu'ainsi vous la devez plus estimer; mais cela -n'empêche pas qu'il n'y ait quelque injustice que -vous ne vous souveniez de moi que lorsqu'elle -vous le commande. Enfin, Monsieur, lorsque vous -<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span> -me voudrez faire cet honneur, écoutez votre inclination, -et n'écoutez plus M<sup>lle</sup> Robineau; donnez-moi -vos sentiments tout purs sans les mêler avec -les siens, et souvenez-vous de moi pour l'amour -de moi et non pour l'amour d'elle<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor"> [270]</a>. Vous trouverez -peut-être que j'ai beaucoup d'orgueil pour avoir -si peu de mérite; mais souvenez-vous que l'amitié -a ses délicatesses et ses jalousies aussi bien que -l'amour, et que celle que j'ai pour vous est trop -noble et trop généreuse pour recevoir vos civilités -d'une autre main que de la vôtre, et pour prendre -part à des choses où elle n'en a point. Je ne -m'étonne pas, toutefois, si vous aviez tant de -peine à vous résoudre de m'écrire; car puisque -mes amis vous montrent toutes mes lettres, vous -avez raison de craindre d'en recevoir de semblables. -Je leur voudrois un grand mal d'en user -ainsi, si ce n'étoit que sachant bien qu'elles ne le -font ni par manque de connoissance ni par malice, -il faut de nécessité que la seule amitié les -aveugle, et que, parce qu'elles prennent plaisir -que je leur dise que je les aime, elles se laissent -persuader que je le leur dis de bonne grâce. Pour -vous, Monsieur, qui n'avez pas cet aveuglement -qui m'est si avantageux, vous avez voulu vous -défendre de recevoir de mes lettres autant que -vous avez pu; mais, pour me venger de vous, je -vous déclare que quand même M<sup>lle</sup> Robineau me -<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span> -le défendroit, je ne laisserois pas de vous écrire et -de vous assurer qu'elle n'est pas tant votre servante -que je le suis. Mais encore que je sache que -vous avez plus de joie de recevoir ses commandements -que mes prières, je ne laisserai pas de -vous supplier sérieusement de croire que votre -lettre m'a donné beaucoup de plaisir; que celle -que vous avez écrite à M. de Berville a sensiblement -obligé et mon frère et moi; que les vers que -vous m'avez envoyés ont eu et de lui et de moi -toute la louange qu'ils méritent, et que quand -même vous auriez désobéi à M<sup>lle</sup> Robineau, je -n'aurois pas laissé d'obéir à la raison et à mon -inclination, qui veulent que je sois toute ma vie,</p> - -<p class="sig">Votre très-humble et très-obligée servante, etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor"> [271]</a>.</p> - -<p class="titel">Monsieur,</p> - -<p>Comme le silence est, ce me semble, ordinairement -pris pour un consentement aux choses qu'on -nous a dites, je pense que la crainte de vous importuner -par une seconde lettre ne doit point -m'empêcher de répondre à la dernière que vous -m'avez fait l'honneur de m'écrire, et qu'il vaut -mieux vous dérober un quart d'heure que de me -<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span> -détruire pour toute ma vie dans votre esprit, en -vous laissant lieu de croire que j'aurois accepté, -comme croyant les mériter, cette profusion de -louanges dont votre lettre est remplie. Souffrez -donc, Monsieur, que je vous die qu'encore que -j'eusse plusieurs fois entendu que l'on vous faisoit -la guerre d'aimer volontiers à dire des douceurs, -j'avois néanmoins conçu une si haute -estime de votre sincérité que je tenois pour certain -que vous n'eussiez pas même voulu être le -flatteur d'Alexandre, si vous eussiez été de son -temps, ou qu'il eût été du vôtre. Cependant vous -me donnez des louanges si excessives et vous me -dites des choses si peu vraisemblables que vous -ne me permettez pas de douter que vous ne puissiez -être capable, la première fois que l'occasion -s'en présentera, de louer M<sup>me</sup> Pilou<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor"> [272]</a> de la vivacité -de ses yeux, de la délicatesse de son teint et des -charmes de sa beauté. Ce n'est pas, Monsieur, que -je ne sache bien que toutes les flatteries ne sont -pas également condamnables, que celles qui ne -sont pas intéressées sont plutôt une galanterie -qu'une foiblesse, et que celles qui s'adressent à une -personne exilée ne peuvent partir que d'une personne -généreuse. Aussi vous fais-je dire que, quoique -les vôtres ne m'aient pas persuadée, elles -<span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span> -n'ont pas laissé de m'obliger: j'ai plus considéré -votre intention que l'injustice de vos louanges, et -la beauté de votre lettre que la vérité de vos paroles. -Elles m'ont causé de la joie, mais elles ne -m'ont point donné d'orgueil. J'ai été sensible, -mais je n'ai pas été crédule, et quoique j'aie fait -tout ce que j'ai pu pour me tromper, après avoir -rappelé en ma mémoire tout ce que je vous ai -écrit, j'ai trouvé qu'il m'eût sans doute été plus -avantageux que vous en eussiez fait un secret que -de la faire voir à tant d'illustres personnes. Je -n'entends pourtant pas, Monsieur, de cette espèce -de secret dont M<sup>lle</sup> Robineau auroit pu s'offenser, -mais de celui qui vous auroit fait cacher mes défauts -au lieu de les publier. Toutefois il peut être -que, par un privilége particulier, en lisant ma -lettre, vous l'ayez purifiée des taches que mon -ignorance y avoit laissées, et qu'en la recevant -vous l'ayez rendue digne de vous. Ce n'est pas, -Monsieur, que je veuille dire qu'elle fût toute déraisonnable; -au contraire, pour vous montrer que -j'ai plus de sincérité que vous n'en avez, j'avouerai -qu'il y avoit un endroit qui ne peut être défectueux -que par la foiblesse de l'expression, et dont -le sentiment est si juste et si noble que même -M. de Balzac ne le désapprouveroit pas. Je m'assure, -Monsieur, que vous devinerez aisément ma -pensée et qu'il vous sera facile de comprendre que -ce seul endroit qui n'est pas mauvais et que je défendrois -contre tout le monde, s'il étoit possible -qu'on le pût condamner, est celui où je vous assurois -<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span> -d'être toute ma vie, et par raison et par inclination,</p> - -<p class="sig">Votre très-humble servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET</b></span><a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor"> [273]</a>.</p> - -<p class="dater">Marseille, 13 mars 1645.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Comme je vous fais part de toutes mes douleurs -quand il m'en arrive, il faut que je fasse la même -chose de mes joies et de mes plaisirs. Je vous dirai -donc qu'hier au matin un homme de qualité -de Marseille, qui nous avoit ouï dire, à mon frère -et à moi, que nous attendions M. de Grasse avec -beaucoup d'impatience, nous envoya avertir qu'il -étoit arrivé, et nous manda qu'il étoit logé chez un -gentilhomme nommé M. d'Aiglun, qui a été lieutenant -de la galère de M. d'Aiguebonne. Cette nouvelle -nous donna de la douleur et de la joie: la -première parce qu'il ne nous avoit pas fait la grâce -de venir loger chez nous, et l'autre parce que, de -quelque manière que ce fût, nous aurions le plaisir -de l'entretenir. A l'heure même, mon frère fut -chez M. d'Aiglun, et il trouva que M. de Grasse -étoit véritablement logé chez lui, mais qu'il étoit -déjà sorti. Un moment après j'y fus, comme lui, -sans être plus heureuse, et nous y retournâmes -<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span> -pour le moins trois fois avant midi, sans le pouvoir -rencontrer. Enfin, à la quatrième que j'y allai -seule, on me dit qu'il sortoit de table, et que -j'eusse un peu de patience. Mais comme je sais -que M. de Grasse n'aime pas fort la cérémonie, je -ne m'arrêtai pas à ce que me dit le valet de -M. d'Aiglun, et je montai dans la chambre où -M. de Grasse achevoit de dîner. Mais je fus fort -surprise de voir qu'à peine me regardoit-il et qu'à -peine se pouvoit-il résoudre de se lever pour -me saluer. Cela ne m'étonna pourtant pas encore -tant que de voir M. de Grasse dont je vous parle, -avec des bottes relevées, un justaucorps de chamois, -un manteau d'écarlate, une épée d'argent, -un chapeau gris et des plumes jaunes. Ne vous -imaginez pas, Mademoiselle, que j'invente ce que -je vous dis; car en vérité, j'ai vu M. de Grasse en -l'état que je viens de vous décrire. Mais, pour -vous expliquer cet énigme qui m'a tant fait rire, -et qui m'a pourtant donné beaucoup de confusion, -et même beaucoup de douleur de voir -mon espérance trompée, je vous dirai que M. de -Grasse que je vis n'est pas l'évêque, mais un -gentilhomme de ce pays, qui en son propre -nom s'appelle ainsi. Je vous laisse à juger, Mademoiselle, -de quelle sorte se passa cette conversation -du faux M. de Grasse avec moi. Mais ce qu'il -y a de plaisant est que je ne voulus pas en désabuser -mon frère, qui, étant arrivé chez M. d'Aiglun -un moment après que j'en fus partie, trouva -cet homme à plumes jaunes sur la porte, et lui -<span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span> -demanda, ne trouvant point d'autres gens, s'il ne -savoit pas si M. de Grasse étoit au logis. Enfin, -Mademoiselle, cette aventure a eu quelque chose -de si plaisant que si je vous la pouvois bien dépeindre, -je vous en ferois certainement rire de fort -bon cœur. Mais comme le messager me presse, il -faut, pour me revancher en quelque sorte de vos -nouvelles, que je fasse un voyage à Malte, en Barbarie -et à la cour du Grand-Seigneur; et pour vous -dire les choses comme je les sais, j'étois hier chez -M. le Grand-Prieur de Saint-Gilles, où je vis entre -ses mains un papier qu'un renégat, favori du feu -grand visir, et qui s'est refait chrétien, a envoyé au -Grand-Maître, pour l'avertir des véritables sujets -de cette armée de six cents voiles. Et comme la -chose est assez romanesque, j'ai cru que je pouvois -vous la mander.</p> - -<p>Vous saurez donc, pour entendre la chose comme -elle s'est passée, qu'il y a déjà assez longtemps -qu'un chevalier françois dont j'ai oublié le nom, -après avoir gagné sept ou huit mille écus d'argent -dans les courses qu'il avoit faites, voulut s'en revenir -en France; et quoique ses amis lui conseillassent -de faire tenir son argent par lettres de -change, il ne put se résoudre à s'en séparer. Il -s'embarqua donc avec son trésor dans une tartane, -avec l'intention de venir à Marseille; mais -il fut si malheureux qu'à quatre milles de Malte, -il trouva un corsaire qui le combattit, qui prit la -tartane où il étoit, avec son argent et sa personne, -bien heureux encore de pouvoir jeter sa croix dans -<span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span> -la mer, afin de n'être pas connu pour chevalier. -Le corsaire l'ayant mené à Tunis, et ce chevalier y -ayant trouvé des marchands chrétiens qui le délivrèrent, -il revint à Malte si désespéré de la perte -de son argent qu'il avoit gagné aux dépens de son -sang et au hasard de sa vie, que depuis cela il ne -s'est pas passé d'année, point de mois, ni même de -jours, qu'il n'ait donné conseil de quelque nouveau -dessein au Grand-Maître contre les Turcs. Enfin, -il y a environ quatre ou cinq mois, qu'ayant -obtenu le commandement de quelques vaisseaux -pour une grande entreprise qu'il faisoit sur la Goulette, -il partit, et de plus manqua ce qu'il avoit entrepris; -de sorte que comme il étoit prêt de s'en -retourner à Malte sans rien faire, il rencontra, et -pour son malheur et pour celui de la religion, deux -galères turquesques dans lesquelles étoit un bacha -avec sa femme parente du Grand-Seigneur, et ce -qui est plus, deux sultanes les plus belles et les -plus aimées, qui s'en alloient à la Mecque. Le combat -fut grand et fort opiniâtre de part et d'autre, -mais la victoire fut de son côté. Il fit main basse -sur les Turcs, et après avoir fait passer les deux -sultanes, la veuve du bacha, plus de quarante -femmes qui les suivoient, et tous leurs trésors qui -étoient immenses, dans ses vaisseaux, il fit couler -à fond les galères turquesques, parcequ'il ne lui -restoit pas assez d'hommes pour les pouvoir mener -à Malte. Mais après avoir vaincu et retrouvé -son argent, et beaucoup davantage, il mourut des -blessures qu'il avoit reçues, et ses vaisseaux reportèrent -<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span> -le victorieux en aussi pitoyable état que -le vaincu. Aussitôt que ces femmes furent arrivées -à Malte, celle qui avoit perdu son mari au combat -trouva moyen de briser un grand diamant qu'elle -avoit caché, qu'elle avala, et dont elle se fit mourir. -Or, pour revenir au renégat dont je vous ai -parlé, il dit qu'aussitôt que le Grand-Seigneur, -qu'il dit être le plus amoureux de tous les hommes -qui furent jamais, eut su la prise de ses femmes -et la mort de sa parente, il entra en une colère si -furieuse qu'il jura de perdre la vie ou de perdre -Malte; de sorte qu'à l'instant même il envoya ordre -par tous ses ports et par tout son empire de se -préparer à cette guerre. Il ajoute à cela, qu'outre -cette colère, il se joint une raison d'État à ce dessein, -qui est que le Grand-Seigneur, ayant pensé -connoître à ses dépens que les janissaires sont -trop puissants dans ses États, a résolu de les faire -tous embarquer, afin d'affoiblir leur corps en cette -occasion, ne doutant pas qu'il n'en meure une -bonne partie en cette guerre, qui, par ce moyen, -quelque succès qu'elle puisse avoir, ne peut que -lui être avantageuse, puisque plus on lui tuera -de janissaires, plus on lui ôtera d'ennemis.</p> - -<p>Voilà, Mademoiselle, ce que je n'ai pas cru indigne -d'être su de vous. Cependant les six galères -dont je vous avois parlé sont parties pour Catalogne, -que l'on dit être en fort grande division. Vous -aurez sans doute su comme Perpignan a pensé être -surpris; mais l'on ne vous aura peut-être pas -mandé que dix des gardes de M. le comte d'Harcourt, -<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span> -ayant été mis à garder la porte d'un gentilhomme -chez qui étoit le bal, auprès de Béziers, -ces gardes éteignirent les lumières qui éclairoient -la salle, et volèrent toutes les pierreries et les perles -des dames de l'assemblée.</p> - -<p>Enfin me voici arrivée au bout de mes nouvelles.... -Après cela je n'ai plus qu'à assurer -M<sup>me</sup> de Clermont de mes obéissances, Mesdemoiselles -ses filles de mes très-humbles services, et -vous et elles de la passion que mon frère a de -vous témoigner qu'il est votre très-humble et très-obéissant -serviteur. Adieu, l'heure me presse, et -il faut que je vous donne le bonjour, sans même -vous dire que je suis, Mademoiselle,</p> - -<p class="sig">Votre très-humble et très-passionnée -servante, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MÊME</b></span><a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor"> [274]</a>.</p> - -<p class="dater">Marseille, 28 mars 1645.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Pour vous montrer que, même dans les petites -choses, je ne suis pas plus heureuse que dans les -grandes, je n'ai qu'à vous dire que le même soleil -qui a déjà donné des fèves et des amandes -fraîches à toute la Provence, et qui a déjà plus -fait naître et mourir de roses à Marseille que le -printemps et l'été n'en ont jamais donné à Paris, -<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span> -ne m'a fait autre bien à moi que m'enrhumer extrêmement -pour m'être promenée en un jardin où -il n'y avoit nul ombrage. Cela sera cause que je -ne répondrai à M. Conrart que par l'ordinaire prochain. -Mais quelque incommodité que j'aie, il faut -que je vous donne une seconde partie du roman -turquesque dont je vous ai fait voir la première, -où vous trouverez sans doute quelque chose d'aussi -extraordinaire.</p> - -<p>Je vous dirai donc, Mademoiselle, qu'il est arrivé -ici un homme de Malte qui a donné à M. le Grand-Prieur -de Saint-Gilles un nouvel avis qu'on y a -reçu touchant la cause du siége que le Grand-Seigneur -y doit mettre. Mais, pour reprendre les -choses en leur source, il faut savoir que, lorsque le -Grand-Seigneur qui règne aujourd'hui n'avoit que -deux ans, il avoit un frère aîné qui, par la mort -de son père, parvint à l'empire, et qui, suivant -la cruelle coutume de ses prédécesseurs, commanda -que l'on égorgeât son frère. Ceux qui sont -destinés à cette exécution furent au lieu où il étoit -nourri pour s'acquitter de leur commission; mais -la nourrice qu'avoit cet enfant, en ayant été avertie, -le cacha et en substitua un autre qui fut tué -au lieu de lui, de sorte que, par la révolution des -choses, le Grand-Seigneur qui régnoit lors étant -mort, et cet enfant caché et reconnu étant parvenu -à l'empire, il a tant eu de reconnoissance pour -sa nourrice qu'il l'a plus respectée que sa mère, -et plus aimée que tout le reste du monde. Or, -Mademoiselle, il est arrivé que cette femme est -<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span> -prisonnière à Malte, avec celles dont je vous ai -déjà parlé, aussi bien qu'une sœur du Grand-Seigneur, -et que c'étoit sous sa conduite qu'il avoit -permis à toutes les autres d'aller à la Mecque; de -sorte qu'ayant su que celle à qui il doit et l'empire -et la vie est en prison, il a résolu de hasarder -sa vie et d'employer toutes les forces de son empire -pour délivrer celle qui le lui a donné, et l'avis -que l'on a eu à Malte porte expressément que, -quelque amour que le Grand Seigneur ait pour les -sultanes captives, ce n'est toutefois que pour sa -nourrice qu'il entreprend la guerre.</p> - -<p>Je vous avoue, Mademoiselle, que cela me remplit -l'imagination d'une manière si burlesque, que je -ne saurois m'empêcher d'en rire. Ce n'est pas que je -ne voie quelque chose de beau et de généreux d'un -côté; mais le revers de la médaille me semble plaisant; -car enfin, ceux qui ont écrit ou inventé la -guerre de Troie ont du moins dépeint la beauté d'Hélène -si éclatante et si lumineuse que l'on n'est pas -fort étonné de voir que toute la Grèce soit en armes -pour l'amour d'elle, et que le feu de ses yeux ait -embrasé une ville et détruit un empire. Je n'ai -même point eu de peine à croire que Henri IV ne -faisoit une armée de cinquante mille hommes que -pour conquérir l'illustre princesse dont il étoit -toutefois esclave. Mais de m'imaginer qu'un empire -qui est composé de plusieurs empires et de -plusieurs royaumes emploie toutes ses forces en -une occasion où l'on verra le Grand-Seigneur en -personne, avec deux cent mille combattants, n'avoir -<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span> -pour principal objet que pour recouvrer une -vieille nourrice qui, même dans sa jeunesse, ne fut -jamais belle (car j'ai vu un homme qui l'a vue depuis -huit jours), c'est ce que je trouve si grotesque -que j'en ferois volontiers faire un tableau, si -je connoissois quelque excellent peintre ici qui -pût exécuter ce que je lui dirois et ce que j'en -pense. Celui que j'ai vu et qui vient de Malte m'a -dit que l'on y traite fort bien ces prisonnières; on -les a logées chez un juif de Constantinople qui -s'est fait chrétien et qui y demeure depuis longtemps, -afin qu'il les serve à leur mode, comme -en effet, elles ne mangent qu'à la turque, c'est-à-dire -sur de grands tapis jetés par terre, et sont -entièrement servies à l'usage de leur pays. Ce qu'il -y a d'étrange est que, de cinquante ou soixante -femmes qu'elles sont, qui sont, à ce que l'on dit, -admirablement belles, excepté la nourrice qui ne -le fut jamais, comme je l'ai dit, il est impossible -de discerner laquelle est la sultane ou la sœur, -tant elles apportent de soin à se traiter entre elles -également. On sait bien, par les avis que l'on a de -Constantinople, qu'elles y sont, mais de savoir -lesquelles ce sont, c'est ce qui ne se peut, et de -tout ce grand nombre, la seule nourrice s'est fait -connoître, si l'on en veut excepter celle qui se fit -connoître en s'empoisonnant après la mort de son -mari. Toutes ces femmes paroissent assez constantes -dans leur captivité. Mais ce qui m'étonne -est d'avoir su que, dans un temps où il me semble -que Malte devroit plus être dans la retenue -<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span> -que jamais, il y ait eu des réjouissances dans les -trois derniers jours du carnaval, qui ressembloient -bien plus au Paradis des Turcs qu'à un divertissement -de religion. Toutes les sultanes des chevaliers, -ou, pour les nommer par leur nom, toutes -les courtisanes de Malte étoient déguisées par les -rues avec une magnificence si grande qu'il y en -avoit telle qui avoit pour plus de cinquante mille -écus de pierreries. Je pense que ceux qui les -leur ont données feroient mieux de les leur ôter -pour les vendre, que d'engager des commanderies -comme ils font pour subvenir à la guerre.</p> - -<p>Mais c'est assez parlé de celle-là, il faut que je -vous parle de celle que M<sup>lle</sup> de Rambouillet et -vous avez faite à M. Chapelain, qui n'a sans doute -pas été aussi cruelle que l'autre le sera, mais que -je trouve beaucoup plus injuste; car enfin, Mademoiselle, -vous savez mieux que vous ne dites qu'un -galant n'est pas pour moi; et il est si peu vraisemblable -qu'après avoir été le vôtre il pût jamais -être le mien, que je ne sais comme vous osez me -le vouloir persuader. Mais, pour vous parler un -peu plus sérieusement, j'ai beaucoup de joie de -savoir qu'il n'abandonnera point la <i>Pucelle</i> et que -vous ne le perdrez pas<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor"> [275]</a>. Je m'assure que vous ne -me refuserez pas la grâce de le lui témoigner, -quoiqu'il semble que vous soyez un peu jalouse, -et que vous m'accorderez encore celle de rendre à -<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span> -M<sup>me</sup> de Clermont les soumissions que je lui dois, -à Mesdemoiselles ses filles des marques de ma passion -à leur service, et à vous-même les assurances -que je vous donne d'être, avec toute la sincérité -imaginable,</p> - -<p class="sig">Votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MARQUISE DE MONTAUSIER</b></span><a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor"> [276]</a>.</p> - -<p class="dater">[Août 1645.]</p> - -<p class="titel">Madame,</p> - -<p>Le respect que je dois à M<sup>me</sup> la marquise -de Rambouillet n'ayant pas été assez puissant -pour m'empêcher de prendre la liberté de lui écrire -après la perte qu'elle a faite<a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor"> [277]</a>, je pense que vous -ne trouveriez pas à propos que je me servisse de -cette raison auprès de vous pour autoriser mon -silence, que vous auriez sujet de vous plaindre de -moi si j'espérois moins de votre bonté que je n'ai -attendu de la sienne, et si je ne croyois certainement -que vous me pardonnerez avec la même indulgence -qu'elle m'a pardonné. C'est sur cette confiance, -Madame, qu'aussitôt que j'ai su le retour -de votre santé, j'ai pris la résolution de vous témoigner -<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span> -la part que je prends à votre déplaisir, -n'ayant pas osé vous donner cette importunité dans -un temps où vous aviez besoin de toute votre patience -pour supporter tout à la fois la violence -d'une maladie et celle de votre affliction.</p> - -<p>Ce n'est pas qu'à considérer ce que je suis, je ne -dusse craindre d'irriter votre douleur au lieu de la -soulager par un discours qui sans doute n'a rien que -de rude et de sauvage, et rien qui vous puisse plaire; -mais comme les acclamations des peuples, quoique -tumultueuses et peu agréables d'elles-mêmes par le -bruit confus qu'elles causent, ne déplaisent jamais -à ceux pour qui on les fait, de même, Madame, je -suis persuadée que les plaintes ne sauroient incommoder -les personnes affligées, quand même -ces plaintes ne seroient pas faites de bonne grâce. -Les heureux peuvent quelquefois avoir refusé de -magnifiques présents, ou par générosité, ou -comme les croyant indignes d'eux; mais les -affligés, si je ne me trompe, n'ont jamais guère refusé -de larmes de ceux qui leur en ont voulu donner. -C'est un tribut et un hommage si précieux -que le ciel même s'en contente, puisque ce n'est -que par des larmes que l'on peut apaiser sa fureur -quand il est irrité. En effet, lorsque les larmes -sont véritables, et que les yeux ne font que -ce que le cœur leur enseigne, c'est le témoignage -le plus tendre que nous puissions donner de notre -affliction. Je n'entends pas, Madame, de ces larmes -qui sont plutôt une marque de la foiblesse de -ceux qui les répandent, que de la sensibilité de -<span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span> -leur esprit; mais j'entends parler de ces larmes -généreuses qui ne paroissent que parce qu'on ne -les en peut empêcher, et qui sont plutôt réservées -pour les malheurs des personnes qui nous sont -chères, que pour les nôtres. Recevez donc, s'il vous -plaît, Madame, celles que j'ai données à la perte -que vous avez faite de M. le marquis de Pisani, -quoiqu'elles ne soient pas dignes de vous être -offertes; je les devois sans doute à son extrême -mérite, et je les devois aussi à votre extrême vertu. -Quand je n'aurois pas eu l'honneur de le connoître -et de savoir ce qu'il valoit, je n'aurois pas -laissé de le regretter beaucoup pour votre seule -considération; mais quand aussi j'aurois été privée -de la gloire d'être connue de vous, je ne laisserois -pas d'être fort touchée de sa perte, par la connoissance -que j'avois de ses rares qualités.</p> - -<p>Jugez après cela, Madame, si le ressentiment que -j'en ai doit être médiocre, ou, pour mieux dire, s'il -ne doit pas être extrême, quand je considère que -vous avez été en un même temps chargée de votre -propre douleur et de celle de M<sup>me</sup> la marquise -qui sans doute ne vous a pas été moins sensible -que la vôtre; qu'en versant des larmes vous étiez -obligée d'épuiser les siennes; qu'en rejetant les -consolations que l'on vous donnoit vous tâchiez -pourtant de la consoler. J'avoue, Madame, que je -ne puis assez admirer la grandeur de votre âme et -la fermeté de votre esprit. Il ne faut pas toutefois s'étonner -si vous savez si bien user des malheurs qui -vous arrivent, quoiqu'ils ne vous soient pas ordinaires. -<span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span> -Une personne qui ne s'est pas laissée éblouir -par la gloire qu'elle possède depuis qu'elle jouit de -la lumière, n'a eu garde de se laisser accabler par -l'affliction; il ne faut pas plus de force à supporter -le malheur qu'à bien user de la bonne fortune.</p> - -<p>Ainsi, Madame, bien loin de m'étonner de -votre constance, je m'étonnerois si vous en aviez -manqué. Toutes les actions de votre vie sont -des miracles continuels. Vous avez assemblé toutes -les vertus en votre âme, et c'est sans doute -pour cette raison que vous avez acquis cette approbation -universelle qui fait que toute la terre -vous adore, et certes, à dire les choses comme -elles sont, il ne faut pas trouver étrange si vous -êtes aussi propre à combattre les grandes douleurs -qu'à résister aux grandes prospérités, vous, dis-je, -qui êtes accoutumée à vaincre les monstres, -dont la victoire est bien plus difficile à remporter, -puisqu'on ne le peut faire à moins que de vaincre -presque toute la terre. Oui, Madame, s'il m'étoit -permis, en un temps où vos yeux sont encore -couverts de larmes, de vous parler des glorieux -avantages qu'ils ont remportés, je dirois que nous -avons vu les plus belles personnes de votre sexe -et de votre siècle ne le paroître plus auprès de -cette beauté majestueuse qui n'inspire pas moins -de respect que d'adoration à tous ceux qui la voient. -Mais je me contenterai de dire seulement que nous -avons vu les lumières de votre esprit éclairer -toute la Cour, et obscurcir pourtant tout ce qui -s'en est approché; l'éclat de votre vertu ne trouver -<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span> -rien qui l'égalât, hors de l'hôtel de Rambouillet, -et que nous n'avons pourtant point vu paroître -l'envie ni la médisance pour vous attaquer. Vous -les avez vaincues sans les combattre; l'admiration -toute seule vous a suivie partout où vous avez -été; tout le monde vous a rendu hommage avec -joie, tout le monde vous a cédé avec autant de -plaisir que de justice, et vous avez enfin fait une -chose que nulle autre que vous n'a jamais faite, -qui est de vaincre sans résistance. Mais je ne songe -pas que je n'ai eu aujourd'hui dessein que de -vous offrir des larmes, et qu'en un jour de deuil -vous ne voudriez pas recevoir les honneurs du -triomphe. Je m'assure toutefois, Madame, que du -moins vous ne refuserez pas les assurances que je -vous donne de la continuation de mon très-humble -service, et du dessein que j'ai d'être toute ma -vie, avec autant de respect que de passion, Madame,</p> - -<p class="sig">Votre très-humble et très-obéissante -servante.</p> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE PAULET.</b></span><a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor"> [278]</a></p> - -<p class="dater">Marseille, 10 décembre 1645.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Le courrier étant arrivé un jour plus tard qu'il -n'a de coutume, à cause du mauvais temps qu'il -<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span> -dit avoir eu par les chemins, fait que je n'ai quasi -pas loisir de relire vos lettres pour y répondre. -Ce n'est pas que je ne pusse avoir encore plus de huit -heures pour cela, n'étoit que je suis engagée dès -hier de mener aujourd'hui huit ou dix de nos dames -marseilloises à Notre-Dame-de-la-Garde, qui -veulent voir arriver M. le cardinal de Lyon<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor"> [279]</a>, que -l'on attend ici de moment en moment, parce que -s'étant ennuyé d'attendre les galères que le vent -contraire a fait relâcher aux îles Sainte-Marguerite, -il a pris quatre chaloupes du Grand-Duc pour s'en -venir. Toutes les femmes l'attendent ici avec tant -d'impatience que les sultanes du sérail n'en ont -pas davantage, à ce que je crois, lorsque -le Grand-Seigneur doit revenir de quelque expédition de -guerre. Cette pensée sent un peu le voisinage -d'Alger, mais je n'y saurois que faire. Vous savez -que je n'ai pas accoutumé de vous cacher les folies -qui me passent dans l'esprit; et puisque vous -m'en avez bien pardonné à Paris, vous m'en -pardonnerez bien encore en un pays où effectivement -on voit tous les jours des gens que l'on peut dire -qu'ils traitent ensemble de Turc à Maure, puisqu'ils -le sont. L'on dit ici toutes les vérités fâcheuses -sans scrupule et sans déguisement; et la -franchise y est si grande que, si l'on y cache quelque -chose, ce ne sont que les bonnes qualités que -<span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span> -l'on remarque en ses plus chers amis. La charité -ailleurs veut que l'on fasse un secret des défauts -de son prochain; mais ici, de peur qu'il ne tombe -en vaine gloire, l'on ne le loue jamais, quelque -bien qu'il fasse. - -Je vous en dirois davantage, mais je n'en ai pas -le loisir. Quelque pressée que je sois, je vous supplierai -toutefois de témoigner à M. Conrart la joie -que m'a donnée sa lettre; elle est si pleine d'esprit -et de douceurs, que je ne sais comme j'y pourrai -répondre. Ç'auroit pourtant été dès cet ordinaire, -sans la partie que je vous ai dite; car, comme -vous savez, je ne me pique pas de belles lettres, -et lorsque je prétends que les miennes ne sont pas -importunes, c'est seulement par l'amitié que vous -avez pour moi. Je ne manquerai donc pas d'écrire -la semaine prochaine à toutes les personnes à qui -je dois des remercîments. M. de la Mesnardière<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor"> [280]</a>, -recevra aussi, s'il vous plaît, mes excuses; et pour -ses affaires je n'ai point de conseil à donner où vous -êtes, étant certain que ce que votre raison ne trouvera -pas, celle des autres le chercheroit vainement. -Vous le conseillerez sans doute comme il le doit -être; c'est pourquoi il ne me reste à désirer, sinon -que l'événement de vos conseils soit heureux. -Vous me ferez aussi la faveur de remercier M. de la -<span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span> -Vergne<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor"> [281]</a> de ses soins et de ses bons offices. Vous -savez, Mademoiselle, ce que je vous ai dit de lui -en plusieurs rencontres; c'est pourquoi je ne vous -dirai pas à quel point je suis sa servante. Au -reste, ne craignez pas que je m'accoutume jamais -aux lieux où je suis, ni que je me désaccoutume -jamais de vous; il y a des maux que l'habitude -amoindrit, mais il y en a d'autres qui deviennent -plus insupportables par la suite du temps. Les -plus violentes douleurs, quand elles sont de peu -de durée, se peuvent souffrir sans murmures, et -les plus petites, quand elles sont continues, ne se -peuvent endurer sans se plaindre. Jugez donc si -celle que me donne votre absence est de nature à -m'y pouvoir accoutumer, et si, ayant perdu un -trésor inestimable je puis m'en consoler facilement. -En vérité, Mademoiselle, je ne vous dis pas tout -ce que je sens, car comme je sais que vous êtes -sensible, j'aurois peur que ma mélancolie ne fût -contagieuse pour vous. Adieu, on m'attend, et je -n'ai pas loisir de vous dire ce que je suis à M<sup>me</sup> et -à M<sup>lles</sup> de Clermont; mais, comme vous le savez il y -a longtemps, vous le leur direz pour moi, s'il vous -plaît. - -J'oubliois de vous dire qu'il court un bruit ici -que M. le chevalier de la Motte a été arrêté, comme -il s'en alloit à Lyon; quelques-uns disent que c'est -<span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span> -pour avoir apporté ici, dans sa galère qui revint -de Barcelone il y a trois semaines, quarante-quatre -mille pistoles, que l'on dit être ici entre les mains -de quelques-uns de ses amis. Le temps éclaircira -toutes choses. Mon frère m'a dit qu'il veut répondre -lui-même à ce que vous me dites pour lui -dans ma lettre.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE MARIE DUMOULIN</b></span><a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor"> [282]</a>.</p> - -<p class="dater">Marseille, 21 août 1647.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Comme la reconnoissance est un pur sentiment -du cœur, plutôt qu'un raisonnement de l'esprit, -j'ai cru qu'encore que je fusse dans tout l'embarras -que peut causer un voyage de deux cents lieues, -que j'espère commencer dans une heure, je ne -devois pas attendre que j'eusse plus de loisir que -je n'en ai à vous rendre grâce de la faveur que -vous m'avez faite de m'envoyer le portrait de -M<sup>lle</sup> de Schurman<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor"> [283]</a>. La diligence, qui donne un si -grand prix à toutes sortes de bons offices, doit, ce -me semble, en donner aussi à la gratitude, et il -vaut beaucoup mieux faire une civilité un peu en -tumulte, que donner loisir à une personne généreuse -<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span> -comme vous d'oublier ses propres bienfaits -auparavant qu'elle en ait reçu les remercîments. -Recevez donc, Mademoiselle, toutes les grâces que -je vous rends, mais recevez-les, je vous en conjure, -comme venant d'une personne que votre rare -vertu vous a absolument acquise, et qui met au -nombre de ses plus glorieuses aventures celle de -votre connoissance et de votre affection. Et certes, -à dire vrai, vous m'en donnez des marques d'une -façon si obligeante qu'il faudroit être également -stupide et insensible pour n'en être pas touchée. -Toutes les amitiés commencent d'ordinaire par de -simples connoissances, et ce n'est que dans leurs -suites et dans leurs progrès qu'il est permis d'espérer -de bons offices et d'attendre de grands témoignages -de générosité et de tendresse, mais, pour -la vôtre, on peut dire qu'elle tient quelque chose -de la nature de l'amour (s'il est tel qu'on nous -dépeint); elle n'est pas plutôt, qu'elle est officieuse, -agissante et libérale jusques à tel point qu'elle -donne ce que l'on doit préférer à tous les trésors et à -toutes les richesses imaginables. En effet, le portrait -d'une personne aussi illustre que M<sup>lle</sup> de Schurman, -envoyé par une main aussi chère que celle de M<sup>lle</sup> Dumoulin -et reçu par un aussi honnête homme que -M. Conrart, est une faveur si signalée, que rien -ne la sauroit égaler. Aussi vous puis-je assurer -que je la vante comme je dois, et pour vous témoigner -le respect que je porte à la merveilleuse fille -dont vous m'avez envoyé l'image, je n'ai pas voulu -qu'après avoir passé les mers pour venir en France -<span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span> -à ma considération, elle eût encore la peine de -me venir trouver à Marseille, et j'ai cru que je -devois bien aller d'un bout du royaume à l'autre -et passer pour le moins plusieurs rivières, pour -recevoir un si grand honneur et un si grand plaisir. -Ce n'étoit pas sans doute au bord de la mer Méditerranée -que je devois attendre le portrait de -M<sup>lle</sup> de Schurman, et le voisinage d'Alger a rendu -Marseille trop barbare pour mériter cette gloire. -Véritablement, si elle eût encore été ce qu'elle étoit -du temps que Rome même, à ce que j'ai ouï dire, -s'abaissoit jusques à envoyer quelques-uns de ses -citoyens pour apprendre les sciences de ces fameux -Grecs dont elle étoit habitée, je vous avoue que je -n'en aurois pas usé ainsi; mais comme il ne reste -même plus nuls vestiges des maisons de ces savants -hommes qui l'ont rendue si célèbre, et que -le temps n'a pas seulement épargné le marbre et -le bronze qui en pouvoient perpétuer la mémoire, -je pense que Paris est le seul lieu où on lui doit -offrir de l'encens. Souffrez donc que je vous quitte -pour lui aller rendre ce devoir, et que je vous assure -en vous quittant que je ne perdrai jamais le -souvenir de ce que je vous dois, ni l'envie de vous -témoigner, par quelque agréable service, à quel -point je suis, Mademoiselle,</p> - -<p class="sig">Votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span> -<span class="small"><b>A M. CONRART.</b></span></p> - -<p class="dater">[1647].</p> - -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b> -Souffrez que je m'arrête et que j'admire en -même temps le savoir de M. Rivet, et l'esprit de -Mademoiselle sa nièce<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor"> [284]</a>. Sans mentir, je ne vis -jamais rien de plus galamment pensé, ni de plus -noblement exprimé, que ce que cette excellente personne -vous a écrit, et il y a un caractère si aisé, -si aimable et si spirituel en cette lettre, que je ne -m'étonne pas si M<sup>lle</sup> de Schurman a fait sa sœur -d'alliance de l'excellente fille qui l'a écrite. Vous -me ferez sans doute bien la grâce de l'assurer -que, hors l'intérêt de la Pucelle, je ferai toujours -gloire de suivre ses sentiments sans consulter les -miens, et de soumettre ma raison à la sienne, -qui est infiniment plus éclairée; mais comme il -n'y a que des personnes peu généreuses qui cèdent -quand on leur résiste, elle me pardonnera si -je tâche de repousser la force par la force, et si -après lui avoir rendu louange pour louange et -civilité pour civilité, je fais ce que je puis pour -répondre à ses objections, car puisqu'elle a pris -le parti de Monsieur son oncle contre son propre sexe, -ce sera aussi à elle seule que je demanderai raison -de ce que lui et elle vous ont écrit. Elle dit que -M. Rivet n'a pas eu d'intention de rabattre rien de -<span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span> -la gloire de cette héroïne, mais de faire voir seulement -combien il est difficile à une fille de conserver -sa réputation toute pure en allant à la -guerre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. CHAPELAIN</b></span><a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor"> [285]</a>.</p> - -<p class="dater">7 [décembre] 1649.</p> - -<p>J'ai lu deux fois l'endroit du billet que vous -avez écrit à mon frère, où vous témoignez souhaiter -que je vous mande mon sentiment sur les -deux sonnets qui sont en contestation, n'osant pas -croire que vous me fissiez un honneur dont je suis -indigne; mais après m'être résolue de vous obéir, -je vous dirai, sans complaisance aucune, que celui -d'Uranie me plaît infiniment plus que l'autre, et -vous ne me devez pas soupçonner d'en avoir en -cette rencontre, puisqu'au contraire il me semble -qu'une personne comme moi fait quelque tort à -une princesse dont l'esprit est aussi éclairé que -celui de M<sup>me</sup> de Longueville, de penser ce qu'elle -pense<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor"> [286]</a>. Ainsi, Monsieur, croyez, s'il vous plaît, -que je parle sincèrement. Les deux derniers vers -du sonnet de Job, s'il m'est permis d'en parler de -<span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span> -cette sorte, ont quelque chose de joli et de délicat, -mais il en faut lire onze, pour les trouver; de -plus, je vous avoue que j'ai l'imagination un peu -délicate, et que comme je ne puis jamais entendre -nommer Job sans avoir l'esprit rempli de toutes -ces vilaines choses dont il est environné, je ne -puis souffrir qu'un galant, qui doit être propre, se -compare à lui. En effet, Monsieur, ce sujet-là a -quelque chose de si opposé aux Muses, que celles -qui inspirent les peintres ne leur ont jamais -guère donné l'envie d'en faire des tableaux, du -moins sais-je bien que l'on n'en avoit point ni de -Raphaël, ni du Titien, ni du Poussin. Mais, pour -le sonnet d'Uranie, j'avoue que je le trouve si -beau, que s'il y avoit une autre personne au -monde que M<sup>me</sup> de Longueville qui eût toute la -beauté du corps, toutes celles de l'esprit, et toutes -les vertus de l'âme, et que quelqu'un en osât être -amoureux, je lui conseillerois de se servir de ce -sonnet pour exprimer sa passion; et ce qui fait -que je le trouve d'autant plus ingénieux, c'est -que, faisant une protestation d'amour, il fait un -éloge. Vous voyez, Monsieur, que je ne sais point -vous résister, et que je vous obéis ponctuellement. -C'est pourquoi ne me demandez rien que de juste. -<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span> -Je vous parle ainsi, parce que je vous avoue que -je doute un peu si ce que vous avez désiré de -moi l'est, et si je n'ai pas eu tort de vous l'accorder.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. GODEAU, ÉVÊQUE DE VENCE</b></span><a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor"> [287]</a>.</p> - -<p class="dater">[Paris, 22 février 1650.]</p> - -<p>Ayant su par une de vos lettres que vous me -faisiez l'honneur de souhaiter que je vous écrivisse -le peu de nouvelles qui viennent à ma connoissance, -j'avoue que j'eus quelque peine à croire -que mes yeux ne me trompoient pas, ou que vous -ne vous fussiez pas trompé vous-même, en mettant -mon nom pour celui d'un autre; étant certaine -que je n'ai pas une des qualités nécessaires -pour rendre ma correspondance agréable en matière -de nouvelles. Je ne suis pas fort exposée au -monde; les gens que je vois ne sont pas de -la nouvelle faveur; et quand je saurois même -une partie de ce qui se passe, je ne saurois pas -<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span> -assez bien écrire pour vous divertir. Néanmoins, -comme je suis persuadée que la plus légitime -excuse ne sauroit jamais valoir une obéissance -aveugle, je ne veux point me servir de toutes celles -que je pourrois employer pour me dispenser de -faire ce que vous souhaitez, lorsque je saurai -quelque chose de digne d'être su de vous.</p> - -<p>C'est pourquoi, pour commencer dès aujourd'hui, -je vous dirai que l'on ne sait point encore -avec certitude en quel lieu est M<sup>me</sup> de Longueville, -et que, depuis le jour qu'elle se sauva du château -de Dieppe<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor"> [288]</a>, avec deux de ses filles seulement et -quatre gentilshommes, l'un desquels est le sieur -Saint-Ibalt, et l'autre Tréry, l'on n'a pas pu encore -<span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span> -découvrir précisément quelle a été sa route, -ni quel est son asile. Il y a du moins apparence -que Dieu sera son protecteur; car on m'écrit de -Normandie qu'après qu'elle eut pensé tomber -dans la mer, et qu'une de ses filles eut aussi failli -être noyée, elle se confessa et monta à cheval un -moment après, se préparant à ce funeste voyage -comme si elle eût dû mourir.</p> - -<p>Sans mentir, Monsieur, le renversement de la -maison de M. le Prince et de celle de M. de Longueville -est une étrange chose, car on voit tant -d'innocence et de persécution ensemble, qu'il -n'est pas possible de n'être pas touché de leur -malheur. M. le Prince s'est pourtant trouvé l'âme -plus grande que son infortune; car, depuis -qu'il est prisonnier, il n'a pas dit une parole indigne -de ce même cœur qui lui a fait gagner -quatre batailles et acquérir tant de gloire. Après -avoir entendu la messe, il s'occupe la moitié du -jour à lire, et il partage l'autre à converser avec -Monsieur son frère, à jouer aux échecs avec lui, à -railler avec ses gardes, et même, pour faire exercice, -il joue au volant avec eux. Il s'est confessé une fois -depuis qu'il est prisonnier, mais on ne veut plus -lui donner le même confesseur: enfin on le garde -mieux que le roi.</p> - -<p>Il y a trois jours que M. de Beaufort, accompagné -de M<sup>me</sup> de Chevreuse et de M<sup>me</sup> de Montbazon, -fut au bois de Vincennes, dans un carrosse de -louage, afin de n'être point connu, pour voir de -ses propres yeux si une muraille que l'on a bâtie -<span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span> -sur la contrescarpe des fossés du donjon étoit -assez haute pour qu'il fût impossible que M. le -Prince se pût sauver. Je vous avoue que cette -action ne me semble pas trop belle, ni pour -les dames, ni pour Beaufort, qui, tant que le -prisonnier a été libre, ne s'approchoit qu'en lui -faisant des soumissions d'esclave. Il est vrai qu'un -héros de la place Maubert ne doit pas être de -même manière qu'étoient autrefois ceux qui triomphoient -au champ de Mars ou au Capitole.</p> - -<p>Au reste, pendant que toutes choses changent -en France, toutes choses changent aussi dans le -cœur de M. de Guise; car, pour recouvrer sa -liberté, il rompt les chaînes de M<sup>lle</sup> de Pons, et -reprend M<sup>me</sup> la comtesse de Bossu, qui va être -reconnue pour M<sup>me</sup> de Guise<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor"> [289]</a>.</p> - -<p>Vous savez sans doute que la garnison de Clermont -s'est soulevée en l'absence de M. de la -Moussaye, et qu'ainsi le parti du maréchal de -Turenne en est plus foible; mais on assure, dès -ce matin, que le duc de Wurtemberg assiége -Mouzon. Les ennemis font de grands préparatifs -en Flandre, et le mal est que l'on n'est pas en état -de s'y opposer.</p> - -<p>La cour est à Rouen, d'où elle doit partir pour -revenir ici. On dit aussi que le duc de Richelieu -est enfin venu assurer le roi de sa fidélité, et qu'en -<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span> -considération de cette obéissance, son mariage est -confirmé par la reine, à la condition qu'il aura un -lieutenant du roi dans son gouvernement et que la -garnison en sera changée. Je ne sais pas encore -ce que M<sup>me</sup> d'Aiguillon dit de cela; mais je sais -bien que l'amour du duc de Richelieu lui coûte -déjà trop, et qu'il lui auroit été toujours plus avantageux -d'être maître du Havre absolument, que -de régner dans le cœur d'une femme comme -M<sup>me</sup> de.....<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor"> [290]</a>.</p> - -<p>Je viens de recevoir une lettre de Rouen, qui -m'apprend que cette nouvelle duchesse y est aussi, -et que M. le Cardinal la devoit présenter hier à la -Reine, chez laquelle elle devoit avoir le tabouret. -L'on me mande que cela hâte le départ de la cour, -qui quitte Rouen aujourd'hui<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor"> [291]</a>. M. de Matignon est -aussi venu remettre le gouvernement de Granville -et celui de Cherbourg entre les mains de Sa -<span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span> -Majesté, ensuite de quoi on a commandé à ce -lieutenant du roi et à M. de Beuvron de suivre -la cour.</p> - -<p>On m'écrit encore que M<sup>me</sup> de Longueville fut -droit de Dieppe au château de Tancarville, qui est -à Monsieur son mari. On m'assure qu'il y a quatre -jours elle s'est embarquée pour la Hollande.</p> - -<p>Voilà, Monsieur, tout ce que je sais pour aujourd'hui; -cependant je ne puis me résoudre de -ne vous point parler de M<sup>lle</sup> Paulet, de qui les -maux me touchent encore plus que les affaires -publiques, quoique l'amour de la patrie soit bien -avant dans mon cœur. Je veux pourtant espérer -que vos prières lui feront obtenir la santé de -celui seul pour qui il n'y a point de maux incurables; -mais je ne songe pas qu'en ne finissant -une si longue lettre je vous donnerois lieu de -croire que je veux vous en lasser pour la première -fois; c'est pourquoi je m'en vais finir aussitôt que -je vous aurai assuré, avec le respect que je vous -dois, que je suis autant que je puis, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">[Paris, 8 septembre 1650.]</p> - -<p class="titel">Monsieur,</p> - -<p>Vous me reprochez si flatteusement mon mauvais -caractère, que ce n'est pas un trop bon moyen -de m'en corriger; car, puisqu'en écrivant mal je -<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span> -vous oblige enfin de m'en reprendre plus doucement -qu'à me dire<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor"> [292]</a> que j'écris bien, je ne sais si -je ne ferois pas mieux de continuer de faillir que -de m'amender.</p> - -<p>Souffrez, s'il vous plaît, que je prenne toute la -part que je dois aux maux de votre esprit et de -votre corps. Pour les premiers je ne pense pas -que vous ayez besoin d'autre médecin que de vous-même; -mais, pour les autres, je pense que vous -auriez besoin de venir trouver à Paris quelque -remède à vos maux; car, de la façon dont je connois -ceux de la province où vous êtes, je ne pense -pas qu'ils vous puissent guérir d'un grand mal: -c'est pourquoi il me semble que vous y devez -songer sérieusement. Je vous demande pardon de -la liberté que je prends de donner des conseils à -un homme que tous les rois et les sages devroient -consulter; mais s'agissant de la conservation -d'une vie aussi précieuse que la vôtre, je pense -qu'il vaut mieux dire une chose inutile que de se -mettre au hasard de manquer à en dire une nécessaire. -Je vis même encore hier un ouvrage de -vous qui me fortifie dans le dessein de vous conjurer -de prendre soin de votre santé; car, Monsieur, -ne seroit-ce pas un crime si vous vous -mettiez par votre négligence à la détruire, de façon -que vous ne puissiez plus enrichir votre siècle -comme vous l'avez fait jusqu'ici?</p> - -<p>Vous jugez bien, je m'assure, que cette nouvelle -<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span> -richesse que j'ai vue de vous est l'admirable poëme -que vous avez fait à la gloire de la <i>Grande Chartreuse</i><a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor"> [293]</a> -que M. Conrart eut la bonté d'envoyer hier -à mon frère et à moi. Après vous en avoir rendu -mille grâces, je vous dirai que ce beau désert m'a -sensiblement touchée, et que la sainte horreur de -cette solitude a passé si doucement de vos vers -dans mon esprit, que la compagnie que j'ai vue -aujourd'hui m'a plutôt ennuyée qu'elle ne m'a -divertie, parce qu'elle m'a empêchée de relire une -seconde fois ce qui m'a donné tant de satisfaction -la première. Mais, Monsieur, puisque vous faites -si bien toutes choses et que vous représentez également -bien les cours les plus superbes et les déserts -les plus sauvages, je voudrois que vous -pussiez voir ce que je vis hier, je veux dire la -prison de M. le Prince, afin que vous pussiez -laisser à la postérité une parfaite image de la -constance de ce héros; car je ne pense pas qu'il -y ait un endroit dans le monde où il y ait une -tour plus agréable par dehors ni si affreuse par -dedans. Cependant, comme on dit que la nécessité -fait des armes de toutes choses, je pense qu'on -peut dire que M. le Prince tire de la gloire -de tout ce qui lui arrive, car vous saurez que depuis -qu'on l'a mené à Marcoussis<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor"> [294]</a> le donjon de -Vincennes est devenu l'objet de la curiosité universelle. -<span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span> -En mon particulier j'y vis hier plus de -deux cents personnes de qualité, à qui on montre -le lieu où il dormoit, celui où il mangeoit, l'endroit -où il avoit planté des œillets qu'il arrosoit -tous les jours, et un cabinet où il rêvoit quelquefois -et où il lisoit souvent. Enfin, Monsieur, on va -voir cela comme on va voir à Rome les endroits -où César passa autrefois en triomphe. Je vois -même dans un cabinet plusieurs épigrammes -écrites avec du charbon, ou gravées sur la muraille, -qui ne parlent que de ses victoires ou de -ses louanges; mais ce que j'y vois de plus surprenant, -c'est que, durant que j'y étois, M. de -Beaufort y vint avec M<sup>me</sup> de Montbazon, à qui -il faisoit voir toutes les incommodités de ce -logement, triomphant lâchement du malheur -d'un prince qu'il n'oseroit regarder qu'en tremblant, -s'il étoit en liberté. Pour moi, j'eus tant -d'horreur de voir de quel air il fit la chose, que -je n'y pus durer davantage. En vérité, je pense -qu'on peut dire que nous sommes au temps des -<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span> -prodiges et des miracles tout ensemble, tant on -voit de choses extraordinaires.</p> - -<p>Je pense que vous avez bien su l'épouvante que -les ennemis ont donnée à Paris, lorsqu'ils sont venus -à la Ferté-Milon<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor"> [295]</a> et que nous avons vu la -capitale du royaume aussi alarmée qu'ont accoutumé -de l'être les petites bicoques des frontières. -Cependant j'espère que la même puissance qui retient -la mer dans ses bornes, quoique ses rivages -ne la doivent pas vraisemblablement empêcher -d'inonder la terre, empêchera les ennemis de venir -ici, encore qu'il n'y ait point de rivière entre eux -et nous, et qu'il n'y ait pas même d'armée qui pût -s'opposer à leur marche, s'ils le vouloient. Ce qui -me fait espérer ce bien, est que l'on assure qu'il y -a déjà une partie de leur cavalerie qui a repassé la -rivière d'Aisne. Nous verrons par le retour de -<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span> -M. de Verderonne<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor"> [296]</a>, qui est allé porter la réponse -de M. le duc d'Orléans à l'archiduc, ce que l'on -doit craindre ou espérer.</p> - -<p>Mais, pendant que les ennemis ravagent la -Champagne et la Picardie, sans qu'on puisse seulement -penser à les en empêcher, les Frondeurs -emploient tout ce qu'ils ont d'adresse et de crédit -pour obliger M. le duc d'Orléans à mettre les -princes sous sa puissance, afin de les avoir en la -leur. On assure même qu'il leur avoit promis de -le faire; mais M. le garde des sceaux<a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor"> [297]</a>, M. le Tellier -et M<sup>me</sup> de Chevreuse l'ont empêché jusqu'à -cette heure, car encore que cette dernière soit -grande Frondeuse, elle est pourtant présentement -divisée de M. de Beaufort, et même de M. le Coadjuteur, -pour ce qui regarde M. le Prince; de -sorte que, par ce moyen, les amis de cet illustre -captif sont en quelque espérance de voir bientôt -la cour dans la nécessité de faire une négociation -secrète avec lui, afin de délivrer le royaume de -tant de tyrans qui l'oppriment.</p> - -<p>Les affaires de Bordeaux sont toujours douteuses; -peut-être que les députés du Parlement -qui y vont, trouveront quelque expédient aux -<span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span> -choses<a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor"> [298]</a>. M. de Rohan est à la cour, et M. le maréchal -de Grammont aussi; l'accommodement de -M. le comte de Dognon est fait<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor"> [299]</a>.</p> - -<p>Le roi a obligé la reine à chasser une de ses -femmes de chambre, parce qu'elle lui avoit révélé -une chose qu'il lui avoit confiée, quoique ce fût -celle qu'il aimoit le plus, et ce qu'il y a de plus -considérable, est que ce qu'il avoit dit à cette fille -étoit qu'il lui avoit témoigné avoir beaucoup de -douleur de voir les affaires de son royaume en si -mauvais état. Jugez, s'il vous plaît, de ce qu'il -fera quand il sera marié, puisqu'il agit présentement -ainsi<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor"> [300]</a>.</p> - -<p>Voilà, Monsieur, tout ce que je vous dirai, car -je m'aperçois bien que si je vous en disois davantage, -vous ne le pourriez plus lire, tant j'ai pris -une forte habitude de mal faire. Je vous dirai -pourtant encore que mon frère est votre très-humble -serviteur, et que je suis de toute mon -âme, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">[Paris.... octobre 1650.]</p> - -<p>Je ne crois nullement mériter toutes les louanges -que vous me donnez, et je crois seulement que -me faisant l'honneur de m'aimer parce que votre -illustre et chère Angélique<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor"> [301]</a> m'aimoit tendrement, -vous n'êtes pas marri que je me donne l'honneur -de vous entretenir. Au reste, avant que de vous -dire des nouvelles, il faut que je vous dise que les -vers que vous avez envoyés à M<sup>me</sup> de Clermont -m'ont fait verser plus de larmes qu'ils n'ont de -syllabes<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor"> [302]</a>. Il me semble, Monsieur, qu'en vous -dépeignant la douleur qu'ils ont excitée dans mon -cœur, c'est en faire l'éloge. En effet, vous représentez -si agréablement cette merveilleuse fille, que -l'on peut assurer que jamais portrait n'a si -bien ressemblé que celui que vous avez fait -d'elle. De plus, vous touchez avec tant de délicatesse -l'endroit où vous parlez de l'amitié que vous -aviez pour elle et de celle qu'elle avoit pour vous, -qu'il ne faut pas s'étonner si, ayant l'âme aussi -tendre que je l'ai, j'en ai été extraordinairement -satisfaite, et si mon cœur s'en est attendri; car -enfin vous dites cent choses que j'ai senties pour -elle, mais que je n'eusse jamais pu si bien dire; -je vous rends donc mille grâces d'être cause que -<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span> -j'aurai la consolation de voir une peinture de la -divine Angélique, plus durable et plus belle que -ne le sont celles de Raphaël. En vérité, Monsieur, -je ne me console point de la perte de cette généreuse -amie, et je trouve une si notable différence -de l'amitié qu'elle avoit pour moi à celle qu'ont -quelques autres personnes qui m'aiment pourtant -autant qu'elles peuvent aimer, que, quand elle -n'auroit eu qu'un médiocre mérite, je la regretterois -toute ma vie. Jugez donc ce que je dois faire, -vous qui savez mieux ce qu'elle valoit que qui que -ce soit. Si je suivois mon inclination, je ne vous -parlerois d'autre chose; mais puisque je me suis -imposé la nécessité de vous dire ce que je sais des -nouvelles du monde, il faut que je m'en acquitte.</p> - -<p>Vous saurez donc que l'entrevue de la reine et -de M<sup>me</sup> la Princesse<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor"> [303]</a> a tellement épouvanté toute -la Fronderie, qu'il est aisé de juger que vous -aviez raison de dire que, <i>si le lion rugissoit en -liberté, il feroit fuir tous ses ennemis</i>. Il est vrai que -cette entrevue, aussi bien que celle de MM. de -Bouillon et de la Rochefoucauld avec M. le Cardinal<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor"> [304]</a>, -a des circonstances qui font croire que leur -peur n'est pas tout à fait sans fondement; car non-seulement -la reine reçut admirablement bien -M<sup>me</sup> la Princesse, mais elle l'entretint très-longtemps -en particulier; on ajoute même qu'il paroissoit, -par l'air du visage de cette jeune princesse, -<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span> -que ce que la reine lui disoit lui donnoit de -la joie. De plus, M. de Bouillon coucha chez M. le -Cardinal, et il court un bruit que le neveu de Son -Éminence épousera la fille aînée de ce duc. Enfin, -personne ne doute que la paix de Bordeaux n'ait -plusieurs articles secrets que la Gazette ne dit pas, -et les politiques les plus fins disent que M. de -Bouillon est trop habile pour s'attirer la haine de -M. le Prince, comme il feroit sans doute s'il -avoit fait un traité secret où il n'eût point de part. -Ce qui étonne encore les Frondeurs est que M. l'abbé -de la Rivière a eu permission, avec le consentement -de Son Altesse Royale, de partir d'Aurillac, et de -venir à son abbaye de Saint-Benoît, auprès d'Orléans. -Outre cela, ils savent encore que cette même -Altesse a écrit plusieurs fois de sa main à la reine -et à M. le Cardinal, sans leur en rien dire. Ils -n'ignorent pas non plus que M. le Tellier a été ces -jours passés à Marcoussis. Ils savent encore que -M. l'intendant a reçu ordre de faire un dernier -effort pour contenter les rentiers, de peur qu'ils ne -se servent d'eux pour faire quelque nouveau remuement -à Paris. M. le Coadjuteur, en son particulier, -sait bien que Son Altesse Royale ne peut -plus souffrir sa domination, et il ne peut pas -ignorer que la cour n'ait su qu'il a fait tout ce -qu'il a pu pour obliger M. le duc d'Orléans à se -rendre maître des princes prisonniers, à quelque -prix que ce fût. Il a même tenu des discours sur -cela qui font horreur.</p> - -<p>Outre toutes ces choses, les Frondeurs voyent -<span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span> -encore que l'ardeur du peuple pour <i>l'Amiral du -Port au foin</i><a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor"> [305]</a> est fort ralentie, de telle sorte qu'il -n'y a plus guères que le quartier des halles où on -le salue, si bien que présentement la Fronderie -est un peu chancelante. Dieu veuille qu'elle ne se -raffermisse pas, et que ceux qui ont le dessein de -faire de la France ce que Cromwel et Fairfax ont -fait de l'Angleterre, ne puissent jamais avoir de -crédit!</p> - -<p>On dit que la Cour avoit dessein d'aller en Languedoc -et en Provence; mais Son Altesse Royale -la presse si fort de revenir qu'on croit en effet -qu'elle reviendra<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor"> [306]</a>.</p> - -<p>Ceux de Melun ont refusé deux fois, depuis -quinze jours, d'obéir aux ordres de M. le duc -d'Orléans, qui vouloit que ses gendarmes y logeassent; -et quand on leur a dit qu'ils s'exposoient -beaucoup, ils ont répondu que M. de Beaufort les -avoit assurés de sa protection, et qu'ils ne craignoient -rien. Le retour du Roi fera voir s'ils ont -raison.</p> - -<p>M<sup>me</sup> de Chevreuse et M<sup>me</sup> de Montbazon<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor"> [307]</a> sont -toujours plus mal, et elles vont même plaider. Le -sujet du procès est digne du temps et des personnes; -car M<sup>me</sup> de Chevreuse demande cent mille -écus qu'on lui a promis en mariage; à cela M<sup>me</sup> de -<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span> -Montbazon dit qu'elle a une quittance de M. de -Chevreuse, et M<sup>me</sup> de Chevreuse répond que monsieur -son mari l'ayant donnée du temps qu'il étoit -amoureux de M<sup>me</sup> de Montbazon, elle ne prétend -pas qu'elle soit bonne.</p> - -<p>Voilà à peu près tout ce que je sais; mais puisqu'il -semble que vous avez envie que je vous dise -exactement tout ce qui regarde Monsieur le Prince, -pour vous témoigner mon exactitude, je vous dirai -que, lorsque je fus au donjon, j'eus la hardiesse -de faire quatre vers et de les graver sur une pierre -où Monsieur le Prince avoit fait planter des œillets -qu'il arrosoit quand il y étoit. Mais, pour porter -encore ma hardiesse plus loin et vous faire voir -que j'ai plus de zèle que d'esprit, je m'en vais vous -les écrire:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>En voyant ces œillets qu'un illustre guerrier</p> -<p>Arrosa d'une main qui gagna des batailles,</p> -<p>Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles,</p> -<p>Et ne t'étonne pas de voir Mars jardinier<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor"> [308]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Je m'assure, Monsieur, que vous ne me disputerez -pas la dernière chose que je vous ai dite; -aussi ne vous envoyé-je point ces quatre vers -comme jolis, mais comme une marque de la confiance -que j'ai en votre bonté.</p> - -<p>Je vous dirai encore que mon frère envoya hier -à Monsieur le Prince la cinquième partie du <i>Cyrus</i>; -mais comme on ne parle qu'à M. de Bar qui lui -<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span> -avoit déjà donné la quatrième, lorsqu'il étoit à Vincennes, -il écrivit à mon frère qu'il ne manqueroit -pas de donner son livre à Monsieur le Prince aussitôt -qu'il l'auroit lu<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor"> [309]</a>. Ce qu'il y a de plus rare, -c'est qu'il écrit si mal qu'il s'en faut peu que je -ne croye qu'il ne sait pas lire, et pour juger de sa -suffisance en matière d'écriture, il écrit <i>doute</i> -avec une <i>h</i>; encore est-ce le mot le mieux orthographié.</p> - -<p>Au reste, Monsieur, si l'on ne nous avoit pas -donné quelque espoir que vous viendriez bientôt -ici, mon frère vous auroit déjà envoyé le livre dont -je viens de parler, et vous auroit aussi renvoyé -une seconde fois celui qui a été perdu; mais sachant -cette agréable nouvelle, il se prépare à vous -les offrir lui-même, et moi à vous protester que -je suis de toute mon âme, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">[Paris, 4 novembre 1650.]</p> - -<p>Tant que M. Conrart est en santé, je vous écris -plus pour mon intérêt que pour le vôtre, sachant -bien qu'il vous apprend toutes les nouvelles avec -beaucoup d'exactitude et beaucoup d'éloquence -<span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span> -tout ensemble; mais aujourd'hui que cet illustre -ami est malade, il me semble que c'est à moi à -vous apprendre les choses remarquables que la -bizarrerie du siècle produit tous les jours.</p> - -<p>Je vous dirai donc que, depuis un mois ou six -semaines, on vole si insolemment dans les rues de -Paris, qu'il y a eu plus de quarante carrosses de -gens de qualité arrêtés par ces <i>messieurs les voleurs</i>, -qui vont à cheval, et presque toujours quinze -ou vingt ensemble. Mais, comme nous sommes -dans un temps de confusion, ceux qui devroient -donner ordre à de telles violences ne s'en sont -point mis en peine, de sorte que, voyant que l'on -pouvoit voler impunément, tous ceux qui se sont -trouvés pauvres et méchants se sont mis à dérober: -je vous laisse à juger après cela quelle multitude -de voleurs il doit y avoir. On les auroit pourtant -laissés maîtres des rues de Paris, sans une chose -qui arriva samedi au soir, et qu'il faut que vous -sachiez.</p> - -<p>Je pense que, quelque éloigné que vous soyez -de Paris, vous avez bien su que les yeux de M<sup>me</sup> de -Montbazon ont assujetti le cœur du <i>Roi des Halles</i>, -autrement appelé M. de Beaufort; mais vous ne -savez peut-être pas que cet amant va tous les soirs -chez la duchesse, et qu'il n'en sort, qu'à deux -ou trois heures après minuit. Il arriva donc qu'étant -allé, samedi dernier au soir<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor"> [310]</a>, chez elle, il ne -<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span> -la trouva point; mais comme il ne se pouvoit -passer de la voir, et que pourtant il vouloit souper, -il dit tout haut au portier qu'il s'en alloit à -l'hôtel de Vendôme et qu'il reviendroit à onze -heures. L'histoire porte que, quand il dit cela au -portier de l'hôtel de Montbazon, deux hommes -inconnus, qui s'étoient avancés auprès du carrosse, -l'entendirent et se retirèrent; mais la chose est -un peu douteuse. Cependant, comme M. de Beaufort -fut auprès de la Croix du Tiroir<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor"> [311]</a>, il changea -d'avis, et résolut de souper à l'hôtel de Nemours -et de renvoyer son carrosse à l'hôtel de Vendôme, -ordonnant à son écuyer de le lui ramener à onze -heures, chez M<sup>me</sup> de Montbazon, où un carrosse -de l'hôtel de Nemours le mena aussitôt qu'il eut -soupé.</p> - -<p>Comme ce bon prince ne va jamais sans être -bien accompagné, ni sans armes, deux gentilshommes<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor"> [312]</a> -et deux valets de chambre, qui revinrent -dans son carrosse, avoient des pistolets et des -mousquetons, qui ne leur servirent cependant qu'à -causer le malheur qui est arrivé. Car, comme ils -furent auprès de la Croix du Tiroir, vingt hommes -à cheval ayant environné le carrosse et commandé -au cocher d'arrêter, un des deux gentilshommes, -qui étoit au fond du carrosse, tira un mousqueton -<span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span> -qu'il avoit et blessa un des voleurs<a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor"> [313]</a>, de sorte -qu'au même instant un de ceux qui attaquoient -s'élança dans le carrosse et donna un coup de poignard -à celui qui touchoit le gentilhomme qui -avoit tiré ce mousqueton. Un moment après, plusieurs -coups de pistolets suivirent ce coup de poignard, -un desquels acheva de tuer ce pauvre -malheureux qui étoit déjà blessé, et un autre brûla -l'oreille de celui qui étoit au fond du carrosse et -qui avoit tiré le premier. Cela fait, les voleurs, qui -virent un des leurs blessé, tellement qu'il ne pouvoit -se soutenir, s'en allèrent sans rien prendre à -ceux qui étoient dans le carrosse, et emportèrent -leur compagnon blessé.</p> - -<p>Cependant le carrosse de M. de Beaufort fut à -l'hôtel de Montbazon où il y eut un bruit tel que -vous pouvez l'imaginer. Ce pauvre malheureux -<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span> -qui avoit été tué à la place où M. de Beaufort se -met d'ordinaire, fut tiré de ce carrosse et exposé -aux yeux du peuple jusqu'au lendemain après-midi. -M. de Beaufort envoya à l'heure même chez -tous ses amis. La chose passa dans son esprit pour -un assassinat, et il ne s'en retourna chez lui qu'en -état de donner bataille.</p> - -<p>Cependant le peuple n'a point fait de bruit de -cet accident durant les premiers jours, et M. de -Beaufort a vu que son règne est changé. Mais -comme les Frondeurs sont toujours tout prêts à -renouveller les désordres passés, ils ont fait dire -parmi le peuple que c'étoit M. le Cardinal qui avoit -fait faire cet assassinat. Dans le même temps, ils -ont aussi fait publier que c'étoient les amis de -Monsieur le Prince, et ils n'ont rien oublié pour tâcher -à faire quelque soulèvement. Mais, par bonheur, -celui de ces voleurs qui a été blessé, s'étant -fait panser à trois chirurgiens différents, a été reconnu -et pris; de sorte que présentement il est en -prison, et il y a apparence qu'on lui fera dire la -vérité. Il a déjà assuré qu'il n'avoit dessein que de -voler, et que, si ceux du carrosse n'eussent point -tiré, il n'y eût eu personne de tué. Il a nommé -tous ses complices, et on en a déjà pris deux; de -sorte que, devant qu'il soit trois jours, on saura -la vérité de cette funeste aventure, qui fait tant de -bruit dans le monde, et dont les Frondeurs prétendent -tirer tant de fruit.</p> - -<p>Je n'oserois vous dire qui l'on a soupçonné de -cette affaire, car cela seroit abominable, et il vaut -<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span> -mieux remettre à l'ordinaire prochain que la chose -sera éclaircie.</p> - -<p>Au reste, il semble que M. de Beaufort soit destiné -à porter la division partout, car il n'a pas -plus tôt loué une maison dans la rue de Quinquenpoix, -où jamais prince n'a logé, qu'il y a eu division -entre deux paroisses, qui prétendent l'avoir -toutes deux pour paroissien, l'une parce que de -tout temps la maison où il va demeurer a été de -Saint-Nicolas, et l'autre qui est de Saint Leu, parce -que M. de Beaufort, voulant être voisin des marchands -de la rue Saint-Denis, a fait faire une porte -qui y donne, de sorte que, comme cet endroit de -la rue Saint-Denis est de la paroisse Saint-Leu, le -curé de cette église prétend que, faisant une porte -plus grande dans cette rue que n'est l'ancienne -porte dans la rue Quinquenpoix, la maison doit -changer de paroisse et être de la sienne. On verra -ce que les juges en ordonneront s'ils plaident; on -dit qu'ils en ont le dessein.</p> - -<p>On vient de me dire que des gens conduits par -des Frondeurs ont été la nuit dernière<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor"> [314]</a>, avec tambour -battant, pendre un portrait de M. le Cardinal -à un poteau qui est auprès du Pont-Neuf, avec un -arrêt écrit au dessus, qui porte que, pour l'assassinat -commis en la personne de M. de Beaufort, il -est condamné à être pendu: mais le jour n'eut -pas plus tôt fait voir la chose, que le Lieutenant -<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span> -criminel a été faire dépendre ce tableau, et informer -comment cela s'étoit passé. Je ne pense pourtant -pas que la Fronderie puisse venir à bout de -soulever le peuple; toutefois les affaires de Bordeaux -se rebrouillent; M<sup>me</sup> la Princesse douairière -a été bien malade, mais elle est hors de danger<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor"> [315]</a>. -La Reine a aussi été saignée trois fois pour un -grand rhume dont elle est guérie. Il n'est pas de -même de M. de Guise, qui est très-mal.</p> - -<p>Cependant les pauvres prisonniers sont toujours -entre l'espérance et la crainte, et les choses sont -présentement en tel état, qu'on ne sait ce que l'on -doit penser; car enfin, on voit que tout le monde -fait le contraire de ce qu'il devroit faire. Il faut -du moins que ceux qui ne sont pas exposés au -tumulte du monde se fassent sages aux dépens -d'autrui. C'est pour cela que je m'examine moi-même, -afin de régler mes sentiments que je suis -assurée qu'on ne peut condamner, du moins pour -ce qui vous regarde, puisque je ne pense pas que -le déréglement puisse être assez grand dans l'esprit -des hommes, pour trouver que je n'ai pas -raison de vous honorer autant que je vous honore, -et d'être autant que je suis, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Paris, 18 novembre 1650.</p> - -<p>Je ne vous écrirai pas longtemps aujourd'hui, -car je suis attendue en un lieu où je me suis engagée -d'aller il y a plus de huit jours. Je me hâte -de vous dire que la Cour est enfin revenue à Paris<a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor"> [316]</a>. -M. de Beaufort fut chez la Reine le lendemain; -mais il n'en fut pas bien reçu; car à peine fut-il -entré, qu'elle dit que l'on se retirât, et en effet le -<i>Roi des halles</i> sortit sans avoir dit une parole. En -sortant, il rencontra sur l'escalier le Cardinal qui -montoit. Ils se saluèrent comme des gens qui -craindroient de s'enrhumer, car on assure qu'ils -enfoncèrent plutôt leurs chapeaux qu'ils ne les -levèrent; il est vrai qu'ils passèrent si vite qu'ils -n'eurent pas le loisir de s'observer longtemps.</p> - -<p>J'oubliois de vous dire que le jour qui précéda -le retour du Roi, on avoit rompu sur la roue trois -des voleurs qui ont tué ce gentilhomme de M. de -Beaufort, qui dirent toujours qu'ils n'avoient dessein -que de voler, de sorte que voilà le prétendu -assassinat mal prouvé.</p> - -<p>Mais, Monsieur, j'ai bien une plus pitoyable -chose à vous dire; c'est que mercredi on fit partir -MM. les Princes pour aller au Havre. Je vous -avoue que quand je vois ce gagneur de batailles et -ce preneur de villes, qui a sauvé trois fois l'État, -<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span> -aller de prison en prison, j'en ai une compassion -étrange. Il a reçu cette nouvelle avec sa constance -ordinaire; il fit même une raillerie délicate sur ce -que c'est M. le comte d'Harcourt<a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor"> [317]</a> qui les escorte -avec mille hommes de pied et cinquante chevaux<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor"> [318]</a>. -A dire vrai, cet emploi est bien étrange, car enfin, -il a présentement le gouvernement d'un des princes -qu'il mène. Je n'aurois pas aimé d'avoir cette conformité -avec les bourreaux qui ont la dépouille de -ceux qu'ils font mourir; car M. ***, capitaine aux -gardes, a refusé d'y aller, on dit même que Miossens<a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor"> [319]</a> -a feint d'être malade pour ne s'y trouver -pas. On mena ces pauvres princes, mercredi, coucher -à Versailles; ils versèrent en y allant, et le -prince de Conti qui se trouva dessous, fut une -heure évanoui sur un fossé. Ils devoient hier coucher -à Houdan, aujourd'hui à Anet, et demain à -un lieu que j'ai oublié; après quoi ils iront au -Pont-de-l'Arche, de là à Jumièges, puis à Bolbec et -de là au Havre. Jugez quelle douleur a M. de Longueville, -de passer en cette posture dans son gouvernement.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span> -Monsieur le Cardinal a envoyé faire compliment -à M<sup>me</sup> la Princesse sur sa maladie, et la prier de -ne pas s'alarmer sur le changement de prison de -MM. les Princes; qu'il l'assuroit que ce ne seroit -pas pour longtemps, et qu'il alloit faire tout ce -qu'il pourroit pour mettre les choses en tel état -que la Reine les pût délivrer sans danger. Dieu -veuille que cela soit bientôt! car j'avoue que c'est -une chose honteuse à la Reine et à notre nation, de -voir les injustices que l'on voit.</p> - -<p>Je ne pensois pas vous en pouvoir tant dire. Je -ne vous dis pourtant pas la moitié de ce que je -pense, ni la centième partie de ce que l'on dit; -mais on m'attend, je n'ai plus que le temps de -vous assurer que je suis autant que je le dois, etc.</p> - -<p class="titre"><b>AU MÊME.</b></p> - -<p class="dater">[Paris, 30 décembre 1650.]</p> - -<p>Il y a quinze jours que j'étois si enrhumée, que -je ne pus pas vous écrire, et il y en a huit que la -curiosité de voir le service qu'on faisoit, aux Cordeliers, -à feue M<sup>me</sup> la Princesse<a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor"> [320]</a>, et d'entendre la -seconde oraison funèbre que devoit prononcer -M. l'évêque de Vabres<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor"> [321]</a>, l'emporta sur l'envie que -j'avois de me donner l'honneur de vous entretenir, -<span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span> -joint que je crus que si j'allois en ce lieu-là, j'aurois -plus de matière de vous divertir aujourd'hui. -Je ne m'amuserai pourtant pas à vous dire qu'il y -avoit plus de deux mille cierges à cette cérémonie, -que le clergé et toutes les compagnies souveraines -y étoient en corps, et que les ordres que -M. le Prince a donnés de rendre tous les honneurs -imaginables à M<sup>me</sup> sa mère, ont été exécutés, car -la gazette vous l'aura appris; mais je vous dirai -que M. l'évêque de Vabres a acquis grand honneur, -et par l'action qu'il fit aux Augustins, lorsque -le clergé honora feue M<sup>me</sup> la Princesse d'un -service, et par celle qu'il fit depuis aux Cordeliers: -car enfin, sans rien dire contre le respect qu'il -doit à la Cour, il loua fort hardiment et les morts, -et les exilés et les prisonniers. A sa première -oraison funèbre, il prit pour sujet de son discours -la dernière prière qu'a faite M<sup>me</sup> la Princesse, qui -fut, si je ne me trompe: <i>In te, Domine, speravi, -non confundar in æternum</i>; et comme ce psaume -a été appelé par quelques-uns le psaume des captifs, -cet évêque se servit fort heureusement de cette -favorable rencontre. Après cela, il ne s'amusa -point à louer M<sup>me</sup> la Princesse ni de sa beauté, ni -de sa grande naissance; ou s'il le fit, ce fut sans -s'y arrêter, et en disant qu'il laissoit toutes ces -choses aux poëtes et aux orateurs. C'est pourquoi -il ne s'attacha qu'aux vertus, et entre les vertus il -ne choisit que la patience et la charité, qui furent -les deux parties de son discours. Vous pouvez -juger, Monsieur, qu'il ne put parler de la patience -<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span> -de M<sup>me</sup> la Princesse, sans parler de la prison de -MM. les Princes, et de l'exil de M. de Longueville; -aussi le fit-il si généreusement et si sagement tout -ensemble, qu'il toucha le cœur de tous ceux qui -l'entendirent.</p> - -<p>La seconde oraison ne fut pas tout à fait si -hardie, parce qu'il parloit par le commandement -du Roi; il ne se démentit pas pourtant. Il y eut de -fort belles choses dans son discours; il prit le -deuxième verset du même psaume dont il s'étoit -servi la première fois, et joignit la persévérance -aux deux autres vertus qu'il avoit attribuées à -M<sup>me</sup> la Princesse. Il dit cependant encore qu'il -falloit demander la liberté de cet illustre captif, -dont les mains victorieuses étoient chargées de -fers; mais qu'il ne la falloit demander qu'à Dieu -et au Roi. Voilà, Monsieur, à peu près l'ordre des -deux discours qui furent tous deux fort beaux. -M. l'abbé Roquette en doit faire un aux Carmélites, -mais j'espère que ce ne sera qu'a la fin des -quarante jours.</p> - -<p>Je ne vous parle point des assemblées du Parlement, -car vous les savez sans doute, et vous -n'ignorez pas que présentement les Frondeurs font -semblant de demander la liberté des Princes, car -comme ils savent bien que mille arrêts du Parlement -ne feroient pas tomber une pierre du Hâvre, -ils ne craignent pas d'obtenir ce qu'ils font semblant -de souhaiter. Si la Cour étoit bien conseillée, -elle déchaineroit ce lion contre ceux qui la persécutent.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span> -M. le duc d'Orléans n'est pas trop bien avec la -Reine, et certes je pense qu'elle a raison de s'en -plaindre, car enfin il voit tous les jours chez lui -M. le Coadjuteur et M. de Beaufort, qui ne voient -point le Roi, et qui font tous les jours ce qu'ils -peuvent pour soulever le peuple et pour renverser -l'État. La victoire de M. le maréchal du Plessis<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor"> [322]</a> -les a pourtant un peu mortifiés, car elle est venue -justement au plus fort de leurs assemblées. On -apporta hier soixante-cinq drapeaux à Notre-Dame, -qui passèrent durant que messieurs du Parlement -délibéroient. Il n'achevèrent point hier; je ne sais -s'ils achèveront aujourd'hui. Si je l'apprends avant -que de fermer ma lettre, je vous le dirai. La pluralité -des voix alloit hier à remontrance.</p> - -<p>Il y avoit un homme dans leurs dernières assemblées -qui ne sera pas des dernières, car il -mourut hier au soir, fort regretté, aussi bien que -M. d'Avaux son frère<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor"> [323]</a>. Vous pouvez juger après -cela que celui dont je parle est M. le président de -Mesmes<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor"> [324]</a>; il est mort du pourpre qui n'a pu sortir -et qui l'a étouffé. La Cour y perd entièrement, et -les Frondeurs y gagnent. On dit qu'il a disposé -<span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span> -de sa charge, sous le bon plaisir du Roi, en faveur -de M. d'Irval, son frère; mais il y en a qui croient -que M. le Tellier y prétend.</p> - -<p>On dit toujours que M. le Cardinal revient, -mais on ne le sait pourtant pas avec certitude.</p> - -<p>Les habitants de Réthel, en reconnoissance de -ce que ça été le conseil et la valeur de M. de Manicamp -qui les a délivrés de la domination espagnole, -lui ont donné une fort belle épée. Ils se -sont engagés à perpétuité d'en donner une à tous -les aînés de sa maison. Il me semble que cette -marque d'honneur est plus belle qu'un bâton de -maréchal de France.</p> - -<p>On vient de m'assurer qu'enfin ces messieurs -les sénateurs ont achevé d'opiner. Voici comme on -dit que la chose se passa: que messieurs les gens -du Roi iront aujourd'hui trouver la Reine pour -prendre jour et heure, afin que le Parlement lui -fasse très-humbles remontrances pour la liberté -des Princes; qu'ils enverront des députés à M. le -duc d'Orléans, pour le supplier d'assister à toutes -les assemblées qu'ils ont résolu de faire, jusqu'à -ce que la Reine les ait satisfaits; que pour cet -effet ils s'assembleront dès demain pour apprendre -des gens du Roi la réponse de la Reine et pour -délibérer dessus. On me vient aussi d'apprendre -que le président de Blancmesnil, grand Frondeur, -est à l'extrémité; ainsi, le bon et le mauvais parti -auront chacun un protecteur<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor"> [325]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span> -Je trouverois peut-être bien encore quelque -chose à vous dire, mais ma lettre est si longue -que ce seroit abuser de votre patience. Il faut -pourtant encore que vous ayez la peine de lire que -mon frère est votre très-humble et très-obéissant -serviteur, et que je suis autant que je le dois et -que je le puis, etc., etc.</p> - -<p class="sig">Votre, etc.</p> - -<p class="titre"><b>AU MÊME.</b></p> - -<p class="dater">[Paris, 2 mars 1651.]</p> - -<p>Je vous écrivis une lettre si longue, il y a -quinze jours<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor"> [326]</a>, que je jugeai à propos, l'ordinaire -passé, de ne vous pas accabler par un nouveau -griffonnage..... Je pense que ceux qui voudroient -chercher quelque liaison en écrivant les nouvelles, -et passer insensiblement d'une chose à une autre, -s'y trouveroient bien embarrassés, car tout ce -qu'on sait au temps où nous sommes a si peu de -rapport, qu'il faut de nécessité l'écrire fort irrégulièrement, -principalement quand on n'a pas plus -d'art que j'en ai.</p> - -<p>Quoi qu'il en soit, je vous dirai que M. le Prince -fut, il y a trois jours, demander la permission à -la Reine de marier son fils et M. son frère, le -<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span> -premier avec une des filles de M. le duc d'Orléans, -et l'autre avec M<sup>lle</sup> de Chevreuse; et comme cette -princesse n'est pas en état de rien refuser, elle accorda -ce qu'on lui demandoit<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor"> [327]</a>. Je ne vous dis -point après cela que M. le duc d'Orléans et M. de -Chevreuse ne refusèrent point M. le Prince, lorsqu'il -fut faire la demande de ces deux princesses, -car vous pouvez bien juger que cela est ainsi. Le -pauvre prince de Conti a une telle envie de se marier, -qu'il en est malade. Pour moi, j'avoue que -je ne sais pas comment il a la hardiesse d'épouser -une fille de M<sup>me</sup> de Chevreuse; je vis hier un -homme qui me dit qu'il aimeroit mieux épouser -quelque jeune sultane au sortir du sérail, que la -fille d'une telle mère. Cependant quelque avancé -que soit ce mariage, quoiqu'on ait envoyé à Rome -pour avoir la dispense de tenir les bénéfices, que -M. le prince de Conti ait nommé M. de Montreuil<a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor"> [328]</a> -pour titulaire, il y en a qui doutent encore qu'il s'achève, -parce qu'on sait que M<sup>me</sup> de Longueville y -a une aversion étrange. Le temps nous fera voir -ce qui en sera.</p> - -<p>Pour M. le Cardinal, il est à Sedan, d'où il doit -<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span> -bientôt partir pour aller en Suisse, ou à Madrid. -La Reine demanda encore huit jours, par la bouche -de M. le duc d'Orléans, pour lui donner le loisir -de sortir du royaume. Le Parlement les accorda, -mais en même temps ces messieurs donnèrent un -arrêt qui porte qu'on informera de ce qui s'est -passé aux lieux où M. le Cardinal a couché depuis -son départ de Dourlens. Le Parlement refusa aussi -pour la seconde fois la déclaration du roi, touchant -l'exclusion des étrangers et des cardinaux pour le -ministère<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor"> [329]</a>; mais comme je crois que cette seconde -affaire, qui va mettre une grande division entre -le clergé et le Parlement, vous est mandée par diverses -personnes, je ne vous la dirai point, et je -continuerai ma gazette en vous parlant de l'arrivée -de M. d'Angoulême<a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor"> [330]</a>, qui a été fort bien reçu -de M. le Prince. Aussi vous puis-je assurer que -tout ce qu'il y a de Provençaux ici commencent -déjà de s'empresser fort auprès de lui, et sa cour -est si grosse qu'on ne le sauroit croire à moins de -l'avoir vue. Je voudrois de tout mon cœur que -tous les ennemis qu'il a dans votre province vissent -ce qui se passe ici, afin que, se repentant, -ils tâchassent à se raccommoder, et qu'ils se tinssent -en repos; car enfin, il est constamment vrai -que M. le Prince va être maître absolu des affaires. -Je vous assure qu'il n'est pas sans occupation. Il -<span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span> -dîna hier chez M. le premier Président<a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor"> [331]</a>, qui le -traita avec une magnificence étrange. Il y avoit -quatorze potages, quatorze plats de poisson, entre -lesquels on compte un saumon de douze pistoles -et une carpe de huit. Jugez du reste.</p> - -<p>Le roi a dansé un méchant ballet ces jours passés, -quoique c'eût été de fort bonne grâce. Il le -redansa hier pour la troisième fois<a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor"> [332]</a>. Cela me fait -ressouvenir de ces petits oiseaux qui chantent si -bien et qui se réjouissent, quoiqu'ils soient prisonniers -dans leurs cages; car enfin ce pauvre -jeune Roi est présentement plus prisonnier qu'eux. -On fit même encore hier deux barricades assez -près du Palais-Royal. Je vous assure que ceux qui -ont commencé de faire la garde aux portes ont -donné une étrange atteinte à la royauté<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor"> [333]</a>. Dieu -veuille que M. le Prince la puisse un jour rétablir! -car présentement il faut qu'il dissimule beaucoup -de choses, et il le sait fort bien. Il paroît -même plus dévot qu'il n'étoit; car, outre qu'il entend -la messe tous les jours, il fait encore le carême, -<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span> -quoiqu'il ne l'ait jamais fait que depuis -qu'il a été en prison.</p> - -<p>M<sup>me</sup> de Longueville reviendra dans quinze jours; -on dit qu'elle tâche à moyenner une trève générale -ou particulière. On dit qu'on fera la garde -jusqu'à ce qu'on ait établi un Conseil à la Reine, -et qu'on ait éloigné des affaires toutes les créatures -de M. le Cardinal.</p> - -<p>Le roi semble haïr tous ceux qui veulent abaisser -son autorité, et, selon toutes les apparences, il -se souviendra longtemps de tout ce qu'on lui fait -aujourd'hui. Au reste, M. Bonneau<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor"> [334]</a> est tellement -en faveur, que je commence, pour l'amour de lui, -à me réconcilier avec la Fortune, quoiqu'en mon -particulier elle me traite rigoureusement. Tout de -bon, je suis bien aise qu'un aussi honnête homme -que lui ait du crédit.</p> - -<p>Après cela, je ne vous dirai plus rien, car il -faut que j'aille au sermon. Plût à Dieu qu'au lieu -de vous écrire, je vous pusse entendre! Tous vos -amis disent qu'il est à propos que vous veniez -ici; je le souhaite, et pour l'amour de vous, et -pour avoir l'honneur de vous assurer que je suis -avec toute sorte de respect et d'affection, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span> -<span class="small"><b>A MONSIEUR CHAPELAIN</b></span><a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor"> [335]</a>.</p> - -<p class="dater">Du 25 avril 1653.</p> - -<p>Si je pouvois parler en raillant d'une chose -aussi sérieuse que celle que j'ai à démêler avec -vous touchant vos oiseaux, je pense que je vous -dirois, que, tout éloquent que vous êtes, vous auriez -besoin que l'on vous mît en cage pour vous -apprendre à parler. Mais comme je prends beaucoup -de part au ressentiment de M<sup>me</sup> Aragonnais, -et que je suis même indirectement intéressée en -l'injustice que vous lui faites, il faut que je vous -dise plus sérieusement et plus véritablement, que -si vous étiez aussi injuste en la distribution de -vos louanges, que vous l'avez été depuis deux -jours en celle de vos remercîmens, vous blâmeriez -sans doute tout ce qui mérite d'être loué, et vous -loueriez tout ce qui mérite d'être blâmé. En effet, -Monsieur, vous remerciez M<sup>lle</sup> Robineau comme si -elle vous avoit envoyé des oiseaux de Paradis; il -n'y a pas un mot dans la lettre que vous lui avez -écrite qui n'ait un sens galant et passionné; il n'y -a pas une syllabe pour M<sup>me</sup> Aragonnais. Cependant, -c'est elle que vous avez priée de vous faire -<span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span> -avoir des oiseaux; c'est elle qui a obligé M. de -Grandmare de prendre la peine de vous en chercher; -c'est elle qui en a pris tous les soins; c'est elle -qui vous les a envoyés par un laquais qu'il y a -très-longtemps qui la sert, qui a été cent fois chez -vous de sa part, dont vous savez même le nom, -et qui n'avoit pas changé de livrée le jour qu'il -vous porta vos oiseaux.</p> - -<p>Au reste, si le nom des deux personnes dont il -s'agit se ressembloit seulement autant que celui -de M<sup>me</sup> de Chauvry et de M<sup>me</sup> de Givry, on pourroit -dire que vous vous seriez trompé au nom -de la personne qui vous envoyoit les oiseaux, -soit en l'entendant de la bouche du laquais, soit -en l'écrivant sur la lettre. Mais Aragonnais et -Robineau ne rimeront jamais ensemble, et toutefois, -sans qu'on en puisse presque dire la raison, -vous confondez les deux personnes qui portent -ces noms, fort injustement, en donnant tout -à l'une, et rien à l'autre, en une occasion où -M<sup>me</sup> Aragonnais toute seule devoit avoir reçu tous -vos remercîments, puisqu'il est vrai que M<sup>lle</sup> Robineau -n'a autre part en cette affaire, sinon qu'elle -a douté si vous voudriez une cage dorée; de -sorte que si vous n'aviez pas été étrangement -préoccupé, au lieu de la remercier comme vous -avez fait, vous vous seriez plaint de ce qu'elle -ne vous croyoit pas assez magnifique, et vous auriez -rendu à M<sup>me</sup> Aragonnais mille marques de reconnoissance -de l'obligeant empressement qu'elle -a eu pour vous faire avoir ce que vous avez souhaité. -<span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span> -Mais, à dire les choses comme elles sont, -votre cœur n'étant pas plus en liberté que vos oiseaux, -il ne faut pas trouver si étrange tout ce que -vous faites à l'avantage de M<sup>lle</sup> Robineau, quelque -injuste qu'il soit. Je ne laisse pourtant pas de me -plaindre, comme vous me le reprochez malicieusement, -de ce que vous avez fait en cette rencontre, -parce que je comprends bien que, puisque -vous faites cette injustice à M<sup>me</sup> Aragonnais, vous -m'en pourrez bien faire d'autres. Cependant, si -vous voulez réparer cette faute, il faut que vous -juriez solennellement, en présence de M. Conrart, -que, tant que le printemps durera, vous vous souviendrez -tous les matins de M<sup>me</sup> Aragonnais, dès -que vos oiseaux commenceront à chanter, et que -vous ne vous souviendrez point alors de M<sup>lle</sup> Robineau, -quelque charmante qu'elle soit, et quelque -plaisir que vous ayez de vous en souvenir; car, si -vous ne le faites, M<sup>me</sup> Aragonnais se souviendra -toute sa vie de votre injustice, et je m'en souviendrai -aussi toujours, pour en craindre encore une -plus grande de vous pour ce qui me regarde, que -pour ce qui la touche. Pensez-y donc très-sérieusement. -Et pour finir cette lettre par un proverbe -de mon pays, croyez bien fortement que tout ce -que je vous dis «ne sont pas des moineaux.»</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span> -<span class="small"><b>LE MAGE DE SIDON (GODEAU) A SAPHO</b></span><a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor"> [336]</a>.</p> - -<p class="dater">De Vence, le 7 février 1654.</p> - -<p>Un moment avant que de recevoir la lettre que -vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je croyois -avoir de l'esprit, mais maintenant que j'y veux -répondre, je connois que je n'en ai plus; je pense -toutefois avoir gagné en cette perte, et si je vous -ai dit galamment que, pour vous, ma mémoire -étoit dans mon cœur; je vous dis à cette heure, -très véritablement, que mon cœur est dans mon -esprit, de sorte qu'au lieu de vous pouvoir dire des -choses jolies, galantes et spirituelles, pour répondre -à celles que vous m'écrivez, je ne puis vous -en dire que de tendres et de passionnées. Voilà -un effet digne de la Sapho Mytilène, qui</p> - -<p class="quote">De chaque admirateur de son esprit charmant,<br /> -<span class="i3"> En faisoit son<b>.....</b></span></p> - -<p>Vous n'avez pas tant de peine à deviner une rime -où la raison m'a conduit, qu'en eut le pauvre Phaon -pour le nom qui étoit en blanc dans ces admirables -vers que vous connoissez. Je ne sais si cette -déclaration est d'un Mage dont vous avez fait un si -agréable tableau. Mais, si elle n'a la délicatesse du -dernier, elle a la sincérité du premier, qui ne vous -dit point une fleurette d'amitié en vous parlant de -cette sorte; mais qui vous explique grossièrement -<span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span> -ce qu'il a dans le cœur. Oubliez donc que vous -êtes la Sapho de Grèce; ne vous souvenez plus des -galanteries et de l'esprit de Phaon, afin que le -Mage de la Montagne vous soit supportable. Si -vous croyez que l'odeur des jasmins et de la fleur -d'orange soient capables de lui faire perdre la mémoire -de Sapho, vous avez bonne opinion de son -nez, mais vous l'avez fort mauvaise de son esprit -et de son cœur. Au contraire, tous ces objets me -feront souvenir de vous fort agréablement. Voyant -les perles, les émeraudes, et l'or de mes orangers, -je vous en souhaiterai d'une autre nature moins -fragile, et je penserai aux richesses de votre esprit -qui valent mieux que toutes les pierres précieuses. -Elles sont si abondantes que vous ne devez -pas m'en être chiche.</p> - -<p>Écrivez-moi donc souvent, je vous en conjure, -ma très précieuse Sapho, je n'oserois pas ajouter -ma très chère, si l'amitié n'osoit, et ne pouvoit -oser ce que la grimace de la civilité condamne. -Vous devez juger à l'air de mes paroles que la -foudre dont vous me menacez sur la fin de votre -lettre, ne tombera point sur ma tête; et que vous -avez plus la mine de ne pas bien répondre à mes -sentimens, que je ne l'ai d'en conter à quelqu'autre, -comme vous le reprochez malicieusement.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span> -<span class="small"><b>RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON</b></span><a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor"> [337]</a>.</p> - -<p class="dater">A Paris, le 20 mars 1654.</p> - -<p>Votre dernière lettre est si galante, que je ne -puis concevoir qu'elle ait été faite par un Mage de -montagne, et par un Mage solitaire. Sincèrement, -si tous ceux qui se mêlent d'écrire des billets -doux, et des billets galants, m'écrivoient comme -vous en écrivez, il seroit assez difficile de ne souhaiter -pas d'en recevoir tous les jours, pourvu -qu'il n'y fallût pas répondre. Car, à vous dire la -vérité, c'est une assez grande mortification, que -de ne pouvoir vous rendre que des narcisses et -des fleurs de prairie, pour du jasmin et de la fleur -d'orange. J'ai, sans doute, le cœur plus tendre -que vous, mais je ne sais pourtant pas si bien -l'art de dire des douceurs. Je ne sais si c'est que -j'en ai autrefois plus écouté que je n'en ai dit, et -que vous en avez plus dit que vous n'en avez -écouté; mais je sais bien que vous savez mieux -que moi comment il faut mêler le style galant au -passionné, et comment il faut donner des louanges -qui sentent encore plus la tendresse que l'estime. -Ne vous prenez donc pas à mon cœur, si ma -lettre n'est pas assez douce; contentez-vous d'en -accuser mon esprit, et croyez, s'il vous plaît,</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Que si je voulois un amant,</p> -<p>Il auroit, comme vous, l'esprit doux et charmant,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span></div> -<p>Il seroit, comme vous, un galant agréable,</p> -<p>Et mon cœur, comme à vous, lui seroit favorable.</p> -</div></div> - -<p>Après cela, Monsieur, il faut vous parler un peu -plus sérieusement, et vous dire des nouvelles de -notre très cher et très illustre malade, de qui la -santé commence de revenir, et est pourtant encore -très foible; mais j'espère que ce même soleil qui -nous va bientôt donner des roses, lui redonnera -de la force. Cependant, j'ai à vous dire que la dernière -lettre que vous m'avez écrite a été son premier -plaisir, car je ne lui fais pas de secret de notre -galanterie, et ce seroit en effet grand dommage -de la cacher à un tel confident que lui.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE SAPHO AU MAGE DE SIDON</b></span><a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor"> [338]</a>.</p> - -<p class="dater">A Paris, le 19 juin 1654.</p> - -<p>Lorsque je reçus votre dernière lettre, nous -avions ici le plus beau temps du monde; mais à -peine eus-je achevé de lire la description que vous -me faites de la désolation de votre pays, qu'un effroyable -coup de tonnerre, suivi d'une pluie terrible, -et d'une grêle de grosseur extraordinaire, -changea toute la face du ciel qui, depuis cela, -ne nous a point paru avec sa beauté ordinaire. En -vérité, il ne s'en faut guère que je ne croie que -vous n'êtes pas seulement Mage, mais Magicien, -et que c'est vous qui, par quelque enchantement, -<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span> -nous avez ôté tous nos beaux jours. Cependant, si -toutes nos belles vous soupçonnoient de ce crime, -vous seriez bien embarrassé à vous sauver de leur -fureur. Car, enfin, elles ne peuvent presque aller -au Cours, et celles qui s'obstinent à y vouloir aller, -malgré le mauvais temps, y sont toutes défrisées, -et n'y paroissent point belles. En mon particulier, -comme je ne prends pas grand intérêt à -cette promenade, je me consolerois aisément si le -vent ne faisoit autre mal que de défriser des galans -et de décoiffer des coquettes. Mais ce qu'il y a -de pis, c'est que les blés sont déposés, si ce désordre -de saison continue. Je veux pourtant espérer -que ce malheur n'arrivera pas <b>. . . . .</b> -<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> - -<p>On dit qu'il est difficile qu'il y ait de l'amour -sans jalousie et de la jalousie sans amour. J'ai -même bien de la peine quelquefois à n'en point -avoir en amitié, et c'est ce qui me fait craindre que -la vôtre ne soit un peu tiède; car vous n'êtes non -plus inquiété de ce que font vos amies, que si vous n'y -aviez nul intérêt. Il n'en est pas de même de moi, -puisque je suis quelquefois jalouse de vos orangers, -que je crois que vous aimez plus que vous ne -m'aimez. Mais je ne songe pas, en parlant ainsi -que je viens de dire, qu'il n'y a point de jalousie -sans amour; pour ôter donc le scrupule, il faut y -ajouter ces paroles: <i>ou sans amitié</i>; car, par ce -moyen, je suis à couvert de toute mauvaise explication. -Je voudrois bien vous en dire davantage, -mais je n'ai plus de papier. Devinez le reste si -<span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span> -vous <b>. . . . . . . . . .</b> vous dire -autre chose, sinon, que je suis pour vous tout<a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor"> [339]</a> -<b>. . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADAME LA COMTESSE DE MAURE</b></span><a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor"> [340]</a>.</p> - -<p class="dater">Octobre 1655.</p> - -<p>Foi de demoiselle, votre lettre est une des plus -agréables lettres du monde. Mais, Madame, n'admirez-vous -point qu'à l'exemple de M. de Bouillon -qui disoit: Foi de prince, je n'ai pu m'empêcher -de jurer, pour me donner un titre de noblesse, -comme il le faisoit pour s'en donner un de principauté? -Je sens même que j'ai quelque envie de -dire que mon serment est peut-être mieux fondé -que le sien. Mais, quoiqu'il en soit, l'histoire de -votre lettre est une plaisante histoire, et la manière -dont vous l'avez écrite est si ingénieuse, et -fait si bien voir tous les personnages de cette -aventure, que qui verroit un Tableau du Monde, -de votre main, verroit une chose merveilleuse. Au -reste, Madame, ceux qui s'imaginent qu'il faut du -<span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span> -marbre et du jaspe pour faire un très-beau palais, -n'y entendent rien. Du moins, êtes-vous bien plus -adroite qu'eux, puisqu'avec un enchaînement de -toutes les folies que la vanité peut faire dire et -penser, vous faites une des plus belles lettres que -je vis jamais. Sincèrement, Madame, je crois la -chose comme je la dis, et la flatterie n'y ajoute -rien. Je vous en dirois davantage; mais j'ai l'imagination -si remplie de cette princesse qui se baigne, -de celle qui se couche, de cette dame qui s'assied -et se relève, et de ce capucin qui se fourre -là, comme diable à miracle, que je ne puis même -penser sérieusement à ce que je vous écris. Il -paroît bien, Madame, que cela est ainsi, car je -vous écris les plus terribles mots du monde; et -quand j'aurois été à la cour de la reine de Suède, -je ne dirois guère pis. Mais, pour finir plus sagement, -je vous en demande pardon, et je vous proteste -avec vérité que je suis absolument à vous.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A UNE PERSONNE INCONNUE, QUI LUI AVOIT ENVOYÉ -UN PRÉSENT.</b></span><a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor"> [341]</a></p> - -<p class="dater">Mai 1656.</p> - -<p>J'avoue ingénument que je ne puis deviner qui -vous êtes, et que je ne sais pas même si je vous -dois nommer Monsieur, Madame ou Mademoiselle; -<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span> -mais qui que vous soyez, je dois vous -louer et vous remercier, et je dois pourtant me -plaindre de vous. En effet, vous avez une cruauté -étrange de vous cacher à une personne qui, malgré -toute sa mauvaise fortune, voudroit avoir plus -donné qu'elle n'a reçu de vous, pour savoir votre -nom; car je ne sache rien de plus cruel, que -d'être obligée, sans savoir à qui on a de l'obligation. -Mais je ne sache aussi rien de plus digne de -louange, que d'avoir de la libéralité sans ostentation, -et sans intérêt, puisqu'à mon avis, il n'y a -guère de vertu qui soit plus souvent suspecte de -vanité ou d'artifice que celle-là. Vous donnez, sans -doute, de la plus généreuse manière du monde, -car vous donnez à une personne qui, non-seulement -ne vous a rien demandé, mais qui même -n'aime point qu'on lui donne; à une personne -qui ne vous connoît point, et qui ne pourroit, -quand elle vous connoîtroit, vous rendre autre -chose que des remercîments. Mais à ne mentir -pas, je ne sais comment en faire à une personne -inconnue. Montrez-vous donc, s'il vous plaît, -puisque je ne puis parler à propos, si je ne sais à -qui je parle.</p> - -<p>Au reste, il faut que je vous confesse qu'il y a -des moments où je meurs de peur que vous ne -me connoissiez guère mieux que je vous connois; -car il semble que vous vouliez m'obliger à porter -une couleur où je croyois avoir renoncé pour -toute ma vie, et que je ne croyois plus pouvoir -porter avec bienséance, si ce n'étoit en œillets, -<span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span> -en roses, ou en anémones, m'étant résolue à ne -mettre plus que du bleu, du gris de lin, de l'Isabelle -et du blanc. De grâce, pensez bien sérieusement -si vous ne me prenez point pour une autre, -et si votre présent est bien adressé; mais, sur toutes -choses, ne vous opiniâtrez point à vous cacher -à moi, si vous ne me voulez forcer d'aller au devin. -Je crains bien, pourtant, que la science de -cette sorte de gens ne se trouve courte en cette -occasion; car, après tout, ils n'ont jamais rien vu -de semblable. On les a souvent consultés pour découvrir -ceux qui se cachent en dérobant, mais jamais -ceux qui se cachent en donnant; et le plus -expert de tous les devins, et la plus vieille devineresse -s'étonneroient d'une telle nouveauté. Ne -me contraignez donc pas d'en venir là, et donnez-moi -lieu de vous..... j'ai pensé dire de vous embrasser; -mais comme je viens de me souvenir de -ce que j'ai dit au commencement de ce billet, et -que je ne sais si je vous dois nommer Monsieur ou -Madame, je n'ose en user si librement.</p> - -<p>Contentez-vous donc que je vous assure que je -n'ai jamais rien souhaité avec plus d'ardeur, que -d'avoir l'honneur de vous connoître, et de vous -pouvoir rendre grâces de votre galante libéralité. -Ce n'est pas qu'il n'y ait quelque espèce de commodité -à pouvoir être ingrate innocemment; mais -au hasard de rougir en vous voyant, je voudrois -pourtant bien vous voir afin de vous pouvoir dire -tout ce que je pense de vous. Peut-être avez-vous -passé cent fois dans mon imagination, depuis que -<span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span> -j'ai reçu votre présent, et peut-être y êtes-vous encore -tel ou telle que vous êtes. Je confesse néanmoins -que vous avez cent fois changé de forme, et -que vous m'avez paru tantôt belle, tantôt beau; tantôt -galant, tantôt galante; tantôt douce et spirituelle; -tantôt généreux et brave; tantôt avec une -épée, tantôt avec un éventail; tantôt avec une soutane, -tantôt avec un cordon bleu; tantôt avec une -belle et magnifique jupe, et tantôt avec un bréviaire; -et Voiture ne voyoit pas sa belle inconnue -avec tant de beautés différentes que je vous ai vu ou -vue en habillements différens. Faites donc cesser -toutes ces illusions qui m'importunent; vous le -pouvez par une seule parole, puisque vous n'avez -qu'à me dire votre nom, et vous m'obligerez beaucoup -plus sensiblement que vous ne m'avez obligée -en me faisant un magnifique présent.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor"> [342]</a>.</p> - -<p class="dater">A Paris, ce lundi 9<sup>me</sup> d'octobre 1656.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Accablé de soucis sans nombre,</p> -<p>J'allois mélancolique et sombre,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span></div> -<p>Comme font ceux qui sont partis</p> -<p class="i2"> De l'aimable Carisatis.</p> -</div></div> - -<p>Et j'étois déjà dans Mons<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor"> [343]</a>, sans avoir trouvé, ou -du moins sans avoir vu personne sur mon chemin, -tant j'étois renfermé en moi-même, lorsque -j'aperçus la claire rivière de Seine qui, étalant -toutes ses beautés, m'appeloit de loin et me disoit: -Si vous allez à Paris, j'y vais aussi, et -pourvu que vous me vouliez suivre, je vous mènerai -par un des plus agréables chemins qu'on -puisse voir.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>J'eusse été d'humeur bien cruelle</p> -<p>Si je n'eusse fait pour elle</p> -<p>Ce que j'avois fait l'autre jour</p> -<p>Pour un procureur de la cour.</p> -</div></div> - -<p>C'est pourquoi, sans me faire prier davantage, -<span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span> -je descendis par le côteau d'Ablon, et allai la joindre -avec dessein de ne la quitter qu'aux portes de -Paris. Je n'eus pas sujet de m'en repentir: car, encore -que j'eusse souvent ouï parler de ses caprices -et de ses boutades, je la trouvai tout le long du -jour la plus égale du monde; soit que nous passassions -parmi de vertes prairies, ou parmi des sablons -stériles, que son lit fût étroit ou large, que -le soleil se cachât ou se montrât, elle me parut -toujours riante, et jamais je ne vis la moindre ride -ni le moindre trouble sur son front. J'attribue sa -bonne humeur à l'entretien que nous eûmes ensemble, -car nous ne parlâmes jamais que de vous. -Elle me demanda d'abord, suivant la coutume des -voyageurs qui se rencontrent, d'où je venois et ce -que j'allois faire à Paris. Je lui dis que je venois -d'être heureux et que j'allois être malheureux, -parce que j'avois quitté l'incomparable Sapho, le -généreux Cléodamas, la sage Ibérise, l'aimable Agélaste -et le galant Mérigène<a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor"> [344]</a>. Est-il possible, me dit elle, -qu'on me doive toujours parler de cette Sapho -et de ce Cléodamas. Il n'y a point de corbillart<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor"> [345]</a> qui -ne me rompe la tête de leur vertu et de leur mérite; -<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span> -et depuis ma source jusqu'à la mer, je ne -trouve point de rivage où l'on ne m'en demande -des nouvelles. On remarquoit autrefois qu'un de -mes coches ne pouvoit être sans quelque religieux; -mais je n'en vois point à cette heure où il n'y ait -quelqu'un de leurs tendres amis, ou pour le moins -de leurs admirateurs. Ces gens-là, puisqu'ils aiment -tant de gens, ne doivent aimer personne. Si -je croyois ce que vous dites, lui répondis-je, je me -jetterois la tête la première dans votre sein. Mais -il est vrai que Cléodamas ni Sapho n'aiment pas -tous ceux dont ils sont aimés. Il n'est pas donné -à tout le monde d'en venir là, et vous voyez par -mon exemple qu'il y faut plus de bonheur que de -mérite.</p> - -<p>Après cela, elle me demanda comment vous -vous divertissiez à Carisatis, et je lui fis grand -plaisir quand je lui dis qu'elle faisoit une grande -partie de votre divertissement, et que vous vous -amusiez la moitié du jour à la regarder. Elle se -radoucit fort alors et me dit que vous sachant en -son voisinage par le rapport de la petite rivière -d'Orge, comme c'est fort la mode de vous visiter -et de faire amitié avec vous, elle avoit été tentée -plusieurs fois de s'élever jusque sur votre montagne, -mais à la vérité qu'il y avoit un peu haut -pour elle, et qu'elle n'avoit pu faire autre chose -que de vous envoyer quelques brouillards qui -peut-être vous avoient été importuns. Cela pourroit -bien être, lui dis-je; mais, croyez-moi, on -vous quitte de ce compliment. Il vaut mieux que -<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span> -l'on vous voie de plus loin, et la divine Sapho -s'abaissera plutôt jusqu'à descendre sur vos rives. -Je sais même qu'elle l'auroit déjà fait, mais sa -chère Agélaste n'aime pas à remonter par cette -côte si roide, et trouve aussi bien que vous que -c'est un peu haut pour elle.</p> - -<p>Avec ces discours et plusieurs autres dont je -vous rendrai compte à notre première vue, nous -arrivâmes à la porte Saint-Bernard, où nous devions -nous séparer. La Seine me demanda alors -si je m'étois ennuyé avec elle, et comme je l'eus -assurée que non: Quand vous retournerez, me -dit-elle, trouver la bonne compagnie que vous -avez laissée, ne viendrez-vous pas le long de mon -rivage? Pour retourner, lui dis-je avec ma sincérité -accoutumée, c'est une autre affaire; car, -pour ne vous en point mentir, votre chemin -est le plus long, et j'ai un peu plus d'impatience -quand je vais à Carisatis que quand j'en reviens. -La pauvre rivière comprit bien alors que -si je l'avois suivie, c'étoit moins pour être avec -elle que pour m'éloigner lentement de vous. Elle -me quitta donc de dépit sans dire un seul mot -davantage, et s'alla cacher toute honteuse sous -le pont prochain. Pour moi, je me résolus de -laisser passer l'eau sous le pont, et de venir -vous écrire mon aventure. Si je ne l'ai pas écrite -avec assez d'esprit, c'est que je garde tout ce que -j'en ai pour écrire une lettre à Cicéron<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor"> [346]</a>. Ce Cicéron -<span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span> -est un homme fâcheux, qui n'entend point -raillerie; pour peu que vous vous relâchiez avec -lui, il se plaint que vous le négligez, que vous -écriviez bien mieux autrefois au commencement -de votre connoissance, quand vous aspiriez à être -de ses amis; et comme c'est un consul romain et -le père de l'éloquence, il faut tâcher, s'il se peut, -de le contenter. Laissez-le-moi traiter avec la cérémonie -qu'il demande, et souvenez-vous qu'on -fait festin aux étrangers, et qu'on ne donne à ses -intimes amis que son ordinaire. Les belles paroles -seront pour lui, et les sentiments tendres, -respectueux et constants, pour vous et pour toute -votre aimable compagnie.</p> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE SAPHO A HERMINIUS (PELLISSON).</b></span></p> - -<p class="dater">De Carisatis, le 10 octobre 1656.</p> - -<p>Quand je vous fis la guerre de la négligence de -vos billets, je ne pensois pas que vous en dussiez -être sitôt corrigé. Cependant, il le faut avouer, ce -que vous m'avez envoyé est si galant et si bien -écrit, qu'on ne sait où prendre de l'esprit pour -vous répondre. Ce n'est pas, comme vous savez, -<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span> -qu'il n'y en ait honnêtement dans la tête de Cléodamas, -mais il ne m'en veut ni donner ni prêter. -Pour l'aimable Mérigène<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor"> [347]</a>, il n'y a pas encore assez -longtemps que je le connois pour oser lui en -emprunter; et pour Agélaste, elle dit qu'elle a affaire -de tout ce qu'elle en a pour vous écrire, de -sorte que je me trouve en un fort grand embarras. -Si je savois qui vous a appris à parler à la Seine -qui vous a si bien entretenu, je pourrois me servir -du même maître, pour apprendre à vous -écrire; car enfin on ne croiroit pas, à l'entendre, -qu'elle vînt de Bourgogne, tant elle parle galamment -et juste. Je voudrois bien savoir si toutes les -autres rivières ont autant d'esprit que celle-là. Ce -qui m'étonne, c'est que quand vous l'avez entretenue, -elle n'avoit pas encore été à Paris. Elle -n'a pourtant rien d'une provinciale, et je suis -bien plus normande qu'elle n'est bourguignonne. -Une autre fois, quand vous partirez de Carisatis, -on ne vous plaindra plus tant, puisque vous vous -en allez en si bonne compagnie.</p> - -<p>J'ai pourtant à vous dire que la Seine, malgré -vos avis, n'a pas laissé de nous envoyer ce matin -un grand brouillard, mais il s'en est allé si vite -qu'il ne nous a guère incommodés; c'est pourquoi -ne lui en faites pas de reproches, au contraire, -remerciez-la bien civilement, de la bonté -qu'elle a de passer tous les jours devant mes fenêtres, -<span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span> -elle, dis-je, qui seroit souhaitée en tant -de beaux lieux, si on pensoit qu'elle y voulût -aller. Priez-la aussi, je vous en conjure, s'il arrive -qu'elle entende encore parler de moi dans -les coches et dans les corbillarts, comme si j'étois -un bel esprit,</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> De faire entendre en son murmure,</p> -<p class="i2"> Que bel esprit est une injure,</p> -<p>Et que j'aimerois mieux être carpe ou merlan,</p> -<p>Que d'être bel esprit seulement pour un an.</p> -</div></div> - -<p>Tout de bon, c'est le plus fâcheux métier du -monde; et si la Seine savoit combien c'est une -chose importune, elle ne s'amuseroit pas tant à -gazouiller, de peur de devenir elle-même un bel -esprit.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPLIQUE D'HERMINIUS A SAPHO.</b></span></p> - -<p class="dater">De Paris, le 13 octobre 1656.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Bel esprit, ou carpe, ou merlan,</p> -<p>Ou bien Raphaël de village<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor"> [348]</a>,</p> -<p>Vous êtes cause que j'enrage.</p> -<p>Je ne saurois qu'avec ahan</p> -<p>Répondre à votre bel ouvrage,</p> -<p>Et remplir de vers cette page,</p> -<p>Quand vous me donneriez un an</p> -<p class="i2"> Et davantage, etc.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span> -Tout de bon, encore qu'il n'y ait rien de plus -galant que votre lettre et que vos vers, en l'humeur -où je suis, il me semble qu'il n'y auroit -rien de moins obligeant qu'une réponse fort galante, -quand je pourrois vous la faire. Les dames que je -vis hier vouloient que je ne vous en fisse point -du tout, pour vous punir de ce que vous vous oubliez -à Athis, ou plutôt de ce que vous oubliez -tout le monde. Je n'ai pas cru que mon devoir me -permît d'en user ainsi, mais je ne crois pas aussi -qu'il m'ordonne de me réjouir avec vous de ce -que vous dînerez dimanche à Savigny, et que vous -n'êtes pas encore bien résolue de revenir le lendemain. -Tout ce que je puis, c'est de souffrir mon -mal en patience, et de vous écrire, comme un bon -homme sans esprit et sans façon, ce que j'aurai à -vous mander, en faisant autant de ratures que de -lignes. Ne pensez pas que ces ratures soient affectées, -elles sont les plus naturelles du monde, et -vous verrez bien par là que je ne suis pas trop en -état de vous divertir.</p> - -<p>J'écrivis hier soir à M. Conrart, et je prétendois -ce matin faire des merveilles pour vous et pour -Agélaste: mais en bonne foi il m'a été impossible. -J'ai voulu fouiller dans mon magasin de fadaises, -la serrure étoit tellement mêlée que je n'ai -jamais su l'ouvrir. Si vous voulez des billets galants, -je vous en envoie deux que M. Isarn m'écrit -de Bordeaux; mais il est auprès d'une nouvelle -maîtresse qu'il aime fort, comme vous verrez: ce -remède est excellent pour avoir de l'esprit. Le -<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span> -malheur est qu'il est quelquefois pire que le mal -même, et je ne crois pas que vous voulussiez me -conseiller d'y avoir recours, vous qui avez banni -l'amour de tout votre royaume de Tendre. Pardonnez-moi -si je vous écris si bizarrement. Je -suis le plus sot du monde, mais je ne vous en -aime pas moins.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>M. DE BOUILLON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor"> [349]</a>.</p> - -<p class="dater">21 mai 1657.</p> - -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . .</b> -<b>. . . .</b> «Jusques ici je m'étois renfermé dans -mon métier de faire des chansons<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor"> [350]</a>, et, parmi nos -beautés champêtres, j'étois renommé pour n'y -être pas tout à fait malhabile. Mais il a fallu que -mon ambition m'ait porté non-seulement à faire -le portrait d'Amaryllis (M<sup>me</sup> de Valençay)<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor"> [351]</a>, mais -<span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span> -encore à me donner l'honneur de vous écrire. -Vous me trouverez sans doute, Mademoiselle, bien -téméraire d'avoir fait l'un et l'autre; mais je crois -surtout que, pour entreprendre de vous faire une -lettre, il falloit ne voir le péril que de cinquante -lieues. Si j'avois été plus près, j'aurois été moins -hardi, j'aurois imité ces faux braves qui ne sont -jamais vaillants que hors l'occasion.». . . .</p> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE BOUILLON.</b></span></p> - -<p>«Lorsque je reçus les beaux vers que vous -m'avez fait l'honneur de m'envoyer, je songeois -plus à la mort qu'à me divertir.... J'eusse été bien -aise de me trouver en état d'oser vous rendre -grâce comme vous le méritez; mais mon mal -m'ayant laissé une certaine langueur d'esprit qui -ne se dissipera de sitôt, j'ai cru qu'il valoit mieux -vous remercier moins bien que vous remercier -trop tard.»</p> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. DE RAINCY</b></span><a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor"> [352]</a>.</p> - -<p class="dater">D'Athis, le 28 septembre 1657.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Que vous connoissez bien cette douce folie,</p> -<p>Qui ne peut se passer de la mélancolie,</p> -<p>Vous qui ne pensez pas que les Ris et les Jeux,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span></div> -<p>Soient les plus grands plaisirs de l'Empire amoureux.</p> -<p>Les vulgaires amants ne demandent qu'à rire,</p> -<p>Et ne connoissent pas cet aimable martyre</p> -<p>Qui mêle les chagrins avecque les désirs,</p> -<p>Qui confond les tourments avecque les plaisirs,</p> -<p>Qui de mille douleurs et de mille supplices,</p> -<p>Fait naître, en un moment, mille et mille délices.</p> -<p>Ils cherchent vainement ce qu'ils ne trouvent pas,</p> -<p>Car l'amour enjoué n'a que de faux appas.</p> -</div></div> - -<p>Vous voyez bien, Monsieur, que je suis de l'avis -de vos admirables vers; tout de bon, j'en ai l'esprit -tout à fait touché; Théodamas les admire -aussi bien que moi; Agélaste en a le cœur tout -ému, et votre ange brun les a trouvés les plus -beaux du monde. Je ne sais même s'il ne s'est -point repenti de son enjouement, et s'il n'a point -souhaité que sa belle humeur ne lui eût pas fait -perdre sa conquête. Quoi qu'il en soit, votre madrigal -a été trouvé fort galant, et les vers de la fin -de votre billet, merveilleux; de sorte qu'il faut -avoir perdu la raison pour oser rimer en vous répondant. -Mais, comme vous le savez, la rime est -quelquefois une maladie qu'on ne guérit pas -comme on veut; je n'y suis pourtant pas sujette, -dont je suis bien aise. Cependant, je vous avouerai -<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span> -que malgré que j'en aie, il faut qu'un petit -madrigal sorte de ma tête, car je sens qu'il y -fourmille, comme les madrigaux fourmilloient -dans celle de M. Pellisson le jour qu'il en fit tant -avec Sarasin. Voyez donc ce que je dis de votre -ange brun, sous le nom de Climène:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Climène est aimable, elle est belle,</p> -<p>On ne peut lui rien désirer,</p> -<p>Si ce n'est qu'un amant fidèle,</p> -<p>Soupirant longtemps auprès d'elle,</p> -<p>Lui puisse apprendre à soupirer.</p> -</div></div> - -<p>Tout de bon, Monsieur, ne vous repentez-vous -point de m'avoir écrit? Vous auriez pourtant grand -tort: car la reconnoissance que j'en ai vaut -mieux que la réponse que je vous fais. Mais, -après vous avoir parlé d'un ange brun, qui n'est -assurément pas du dernier ordre, il faut que je -vous parle d'un ange blond, qui dînera céans aujourd'hui, -car les anges dont nous parlons ne sont -pas si spiritualisés qu'ils puissent conserver leur -beauté sans manger. L'ange brun y viendra passer -l'après-dînée; je vous laisse à penser combien -vous serez désiré, et si les galants qui s'y trouveront -ne seroient pas bien aise que ce fût encore -la mode de dire: <i>Comme l'on voit le fer entre deux -calamites</i><a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor"> [353]</a>. Mais comme nous ne sommes plus -aux siècles des comparaisons, et que celle-là est -trop usée, il faudra que les galants s'en passent. -<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span> -Ces galants, Monsieur, seront l'ingénieux Térame<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor"> [354]</a>, -et le sage Mérigène; je n'y mets pas Théodamas, -parce qu'il est le juge de la galanterie. Sérieusement, -Monsieur, vous ne sauriez croire combien -je vous suis obligée de m'avoir écrit. Pour vous en -récompenser, recevez mille douceurs non-seulement -des anges blonds et des anges bruns, mais -de Théodamas, de Mérigène, d'Agélaste et de moi, -qui suis assurément pour vous tout ce que vous -pouvez désirer que je sois.</p> - -<p>Il n'y a que l'ange brun, Théodamas, Agélaste -et moi qui ayons vu votre billet, quoiqu'il mérite -d'être vu de tous ceux qui ont de l'esprit; mais -j'ai fait vœu d'être toujours exacte. De grâce, assurez -M. de Montrésor de la vénération que j'ai -pour sa vertu.</p> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>SAPHO AU MAGE DE SIDON.</b></span></p> - -<p class="dater">De Paris, le 21 octobre 1658<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor"> [355]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Votre cœur n'a point de tendresse,</p> -<p>Si vous étiez jaloux vous seriez envieux;</p> -<p>Quand on aime bien sa maîtresse,</p> -<p>On ne veut point qu'on lui parle des yeux.</p> -</div></div> - -<p>Il vous est aisé de juger, Monsieur le Mage, que -M<sup>lle</sup> Sapho a vu votre apostille en vers, dans une -de vos lettres à Théodamas, et qu'elle a fort bien -<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span> -connu que votre jalousie n'est qu'un jeu de votre -esprit; car si elle étoit effective, vous n'eussiez -pas parlé comme cela. Allez, allez, vendez vos coquilles -à d'autres qu'à ceux qui viennent du Mont-Saint-Michel. -On se connoît ici aussi bien en jalousie -qu'en lieu du monde, et l'on n'en prendra -jamais de fausse pour de véritable. Parlez donc -mieux une autre fois, si vous voulez être cru. Et -pour vous apprendre à parler comme il faut pour -persuader ceux à qui l'on parle, je vous assure, -Monsieur, qu'il m'ennuie fort d'être si longtemps -sans avoir de vos nouvelles; que nous avons parlé -très-souvent de vous, Théodamas et moi; que -nous vous avons souhaité cent fois dans l'allée des -Soupirs, et que si vous ne m'aimez pas toujours -ardemment, vous êtes plus coupable que vous ne -pouvez vous l'imaginer. Au reste, j'ai prié M. Conrart -de faire dire à M. Cavalier que j'ai la 4<sup>e</sup> partie -de <i>Clélie</i> à vous envoyer, et je vous dis à vous-même -que je suis au désespoir de n'être point -votre sœur, pour aller du moins passer tous les -hivers avec vous, non pas pour m'aller chauffer à -vos tisons, mais à votre soleil. Cependant, comme -il n'y a pas apparence que cela puisse être, il se -faut contenter de vous dire de loin que je suis absolument -à vous.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span> -<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME LA COMTESSE -DE MAURE</b></span><a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor"> [356]</a>.</p> - -<p class="dater">Juillet 1660.</p> - -<p>J'ai lu, avec beaucoup de plaisir, Madame, le -livre que je vous renvoye; il y a de l'esprit partout, -et je ne sais quel air de qualité, qui marque -la main d'où il vient. Il y a même une ingénieuse -raillerie en beaucoup d'endroits, qui ne s'apprend -point dans les livres; et si mon nom n'étoit point -placé aussi avantageusement qu'il est dans cet -agréable ouvrage, je n'aurois eu que de l'admiration, -et du plaisir, en le lisant. Mais, malgré -moi, il a fallu avoir de la confusion de savoir -que je ne mérite pas les louanges que l'on me -donne, et que tout ce que j'ai écrit en ma vie ne -mérite, non plus que moi, la gloire d'être louée -par une si grande, et si illustre princesse. Voilà -tout ce que vous peut dire une personne qui vous -écrit avec beaucoup de précipitation, et qui est à -vous, avec tout le respect qu'elle vous doit.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span> -<span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A UN AUTEUR QUI -LUI AVAIT ENVOYÉ UNE PIÈCE INTITULÉE<br /> -«LE LOUIS D'OR</b></span><a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor"> [357]</a>.»</p> - -<p class="dater">(1660.)</p> - -<p>Vous savez bien, Monsieur, que je suis accoutumée -d'entendre parler des Lapins, des Fauvettes -et des Abricots. Mais après tout, je n'ai pas laissé -d'être surprise de la conversation que vous avez -eue avec votre Louis d'or, et je le trouve si bien -instruit des choses du monde, que j'en suis étonnée.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quand il seroit du temps des premiers jacobus,</p> -<p>Des nobles à la Rose, et des vieux carolus,</p> -<p class="i3"> Il ne sauroit pas plus de choses.</p> -<p>Ovide a moins que lui fait de Métamorphoses.</p> -<p>Il fait aux plus galants d'agréables leçons,</p> -<p>Il raille, il fait des vers de toutes les façons;</p> -<p class="i3"> Mais ce qu'il fait de plus étrange,</p> -<p class="i3"> C'est qu'entre mes mains il se range,</p> -<p class="i3"> Car ses frères ne m'aiment pas,</p> -<p>Ils n'ont aussi pour moi que de foibles appas,</p> -<p class="i3"> Et par le mépris je m'en venge.</p> -<p>Mais pour ce Louis d'or que je reçois de vous,</p> -<p class="i3"> De qui la gloire est immortelle</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span></div> -<p class="i3"> Qui ne craint plus ni touche, ni coupelle,</p> -<p>Il fait seul un trésor dont mon cœur est jaloux.</p> -</div></div> - -<p>Voilà, Monsieur, tout ce qu'une malade vous -peut répondre. Mais je vous assure que ce n'est -pas tout ce qu'elle pense; et que si Sapho se portoit -bien, elle vous loueroit de meilleure grâce, et -vous remercieroit avec plus d'esprit. Que sais-je -même si, passant des louanges de votre Louis d'or -à un sujet plus relevé, elle ne se sentiroit point -inspirée de vous parler</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>D'un Louis, dont la vie en merveilles féconde,</p> -<p>Est l'ouvrage du ciel et le bonheur du monde;</p> -<p>Dont le bras triomphant, et les charmes vainqueurs</p> -<p>Domptent les nations, et captivent les cœurs:</p> -<p>D'un JVLE, dont les soins redonnent à la France</p> -<p>Les Jeux et les Plaisirs, la Paix et l'Abondance,</p> -<p>Qui va faire couler dans nos heureux climats</p> -<p>Ces larges fleuves d'or, la force des États;</p> -<p>Et gémir de regret le Pactole et le Tage,</p> -<p>Que la Fable a flattés d'un pareil avantage;</p> -<p>D'un JVLE dont les soins ont nos désirs bornés:</p> -<p>Dont les sages conseils, justement couronnés,</p> -<p>Font voir à l'univers que la plus belle gloire</p> -<p>Est de cesser de vaincre au fort de la victoire.</p> -</div></div> - -<p>Mais je m'aperçois que ce sujet là est trop relevé -pour moi, et qu'il vaut beaucoup mieux ne -rien dire, que de n'en dire pas assez. Il n'en est -pas de même de vous, Monsieur. Au contraire, je -vous exhorte à faire quelque ouvrage plus grand -à la gloire de ceux que vous avez loués en huit -vers seulement; car il ne faut pas faire des portraits -en petit d'un grand Héros, comme on en -<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span> -fait d'une maîtresse, puisqu'on ne doit avoir les -uns que pour les cacher, et que les autres doivent -être vus de tout le monde.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. PELLISSON, CHEZ M. LE SURINTENDANT, A NANTES</b></span><a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor"> [358]</a>.</p> - -<p class="dater">Aux Pressoirs<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor"> [359]</a>, <br /> -vendredi six heures du matin.<br /> -Septembre 1661.</p> - -<p>Je pars dans un quart d'heure pour Paris. Je ne -pus m'embarquer hier parce qu'il fit un temps -effroyable, de sorte que je prends le carrosse de -M. de Miremont; il me le donne de fort bonne -grâce. Je laisse la petite Marianne et M. Pineau -avec la sienne (<i>sic</i>), et je suis si mal de ma tête -que j'en perds patience. Peut-être que quelques -remèdes me soulageront. Je vous en écrirai demain -plus au long, et je ne vous écris aujourd'hui -que pour vous demander de vos nouvelles et pour -vous prier de m'envoyer un billet pour M. Congnet, -qui lui témoigne que vous affectionnez l'affaire -de M. Pineau; car, comme vous ne lui écrivîtes -<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span> -pas en lui envoyant les lettres dont il s'agit, -il ne s'est pas pressé de le faire. Je vous demande -pardon, mais je ne puis refuser cela à ceux qui -m'en prient.</p> - -<p>Adieu, jusqu'à demain. Souvenez-vous de moi, -plaignez-moi et m'aimez toujours. Je ne puis vous -dire que cela aujourd'hui, mais j'en pense bien -davantage.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Samedi au soir (septembre 1661).</p> - -<p>J'arrivai hier fort tard ici après avoir laissé le -pauvre M. Jacquinot<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor"> [360]</a> et madame sa femme en -larmes. Sincèrement je leur suis bien obligée de -l'amitié qu'ils m'ont témoignée en partant. Je prétendois -vous écrire une longue lettre aujourd'hui, -mais quoique je n'aie fait savoir mon arrivée à -personne, j'ai été accablée de monde et le comte -Tott<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor"> [361]</a> qui va arriver, sera cause que je ne vous -dirai pas tout ce que je voudrois. Ma santé est -toujours de même. Deslis vient d'être reprise de -la fièvre pour la troisième fois. M<sup>me</sup> de Caen<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor"> [362]</a> vous -baise mille fois les mains; M<sup>lle</sup> Boquet et M<sup>me</sup> Duval -en font autant. Je commence déjà, malgré les -caresses de mes amies et de mes amis, de regretter -les Pressoirs du temps que vous y veniez.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span> -Au reste l'exil de M<sup>lle</sup> de la Mothe fait grand -bruit ici, mais comme je sais qu'on vous a mandé -cette histoire<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor"> [363]</a> je ne vous en dis rien. On dit que -M. le Surintendant doit laisser revenir le Roi et -aller de Bretagne à B......<a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor"> [364]</a> Je crois qu'il sera bien -qu'il y soit le moins qu'il pourra, afin d'ôter à ses -ennemis la liberté de dire qu'il ne s'arrête que pour -fortifier B.... L'intérêt particulier que je prends -à ce qui le regarde, m'oblige de vous parler ainsi. -On dit fort ici dans le monde de Paris qu'il est -mieux que personne dans l'esprit du Roi. Fontainebleau -est si désert que l'herbe commence de -croître dans la cour de l'Ovale. M. Ménage a été -ici, qui vous baise mille fois les mains. Si je ne -craignois pas de vous fâcher, je vous dirois que -M<sup>me</sup> v... m...<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor"> [365]</a> dit et fait de si étranges choses tous -les jours, que l'imagination ne peut aller jusque-là, -et tout le monde vous plaint d'avoir à essuyer -une manière d'agir si injuste et si déraisonnable. -Pour moi je souffre tout cela avec plaisir, puisque -c'est pour l'amour d'une personne qui me tient -lieu de toutes choses. Je ne vous en dirois rien, si -la chose n'alloit à l'extrémité, et si je ne jugeois -pas qu'il est bon qu'en général vous sachiez son -injustice. Ne vous en fâchez pourtant pas, car cela -ne tombe ni sur vous ni sur moi. A votre retour, -je vous dirai un compliment que les dames de la -Rivière me firent ensuite de quelque chose que -<span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span> -m. v. m. (Madame votre mère) avoit dit. Mais, -après tout, il faut laisser dire à cette personne ce -qu'il lui plaira et s'en mettre l'esprit en repos. -M<sup>me</sup> Delorme<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor"> [366]</a> me fait des caresses inouïes et -M<sup>me</sup> de Beringhen aussi. Je ne sais ce qu'elles -veulent de moi. En voilà plus que je ne pensois, -et si<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor"> [367]</a> ce n'est pas tout ce que je voudrois vous -dire. Souvenez-vous de moi, je vous en prie. -Mandez-moi quand vous reviendrez, et m'écrivez -un pauvre petit mot pour me consoler de votre -absence qui m'est la plus rude du monde.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">7 septembre 1661.</p> - -<p>Voici la troisième fois que je vous écris sans -avoir entendu de vos nouvelles<a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor"> [368]</a> depuis mon départ -des Pressoirs. Il me semble pourtant que -vous pouviez m'écrire un pauvre petit billet de -deux lignes seulement pour me tirer de l'inquiétude -où votre silence me met; car enfin il y a douze -jours que vous êtes parti. Je ne vous demande -point de longue lettre, je ne veux qu'un mot qui -me dise comment vous vous portez. Car, pour -peu que je sache que vous vivez, je présupposerai -<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span> -que vous m'aimez toujours, et qu'il vous souvient -de moi autant que je me souviens de vous. J'aurois -quatre mille choses à vous dire de différentes -manières, mais il faut les garder pour votre retour.</p> - -<p>M. de Méringat<a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor"> [369]</a> qui est à Paris, vous baise les -mains. M. de la Mothe-le-Vayer en fait autant et -m'a chargée de vous donner un petit livre de sa -façon que je vous garde. M. Nublé m'a promis la -harangue que fit M. le premier président de la -chambre des comptes<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor"> [370]</a>, lorsque Monsieur<a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor"> [371]</a> fut porter -des édits à sa compagnie. Ce discours est fort -hardi, on le loue fort à Paris, et l'on en fait grand -bruit partout. Si je l'ai devant que de fermer mon -paquet je vous l'envoyerai.</p> - -<p>On dit toujours que M. le S...<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor"> [372]</a> va droit à être -premier ministre, et ceux même qui le craignent -commencent à dire que cela pourroit bien être. On -travaille à l'accommodement de M<sup>lle</sup> de la Mothe. -M<sup>me</sup> la comtesse de la Suze<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor"> [373]</a> a enfin été démariée, -<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span> -de sorte que c'est tout de bon qu'elle est M<sup>me</sup> la -comtesse d'Adington. Au reste, on dit hier chez -une personne de qualité et du monde, que M<sup>me</sup> Duplessis-Bellière -pourroit bien épouser M. le duc de -Villeroy, et qu'elle sera gouvernante de M. le Dauphin. -Mais on parle parmi tout cela de Belle-Ile, -de sorte qu'il est assez bon de se précautionner -contre tout ce que l'on peut dire. Je vous mande -tout ce que je sais, vous en ferez ce qu'il vous -plaira.</p> - -<p>Au reste, j'ai été bien surprise de trouver ici, à -mon retour, entre les mains de plusieurs personnes, -les vers que M. le S... fit pour répondre -aux vôtres<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor"> [374]</a>; car j'en faisois un grand secret. Lambert -les a donnés à M<sup>me</sup> de Toisy et à ma belle-sœur, -et il leur a dit qu'il a eu commandement -<span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span> -d'y faire un air, et en effet il en a fait un. On -montre aussi une contre-réponse que vous avez -faite, qui n'est point de ma connoissance.</p> - -<p>On a fait quatre vilains vers pour l'aventure de -M<sup>lle</sup> de la Mothe que M<sup>me</sup> de Beauvais<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor"> [375]</a> a fait chasser. -C'est le bon M. de la Mothe qui me les a dits. -Il y a une vilaine parole, mais n'importe! ce n'est -pas moi qui l'y ai mise:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ami, sais-tu quelque nouvelle</p> -<p>De ce qui se passe à la cour?</p> -<p>—On y dit que la m<b>.......</b></p> -<p>A chassé la fille d'amour.</p> -</div></div> - -<p>Tout le monde blâme M. le marquis de Richelieu<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor"> [376]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span> -Adieu, en voilà trop. Pour vous j'ajouterai cependant -que madame votre mère a dit à M. Ménage -des choses qui vous épouvanteroient, si vous -les saviez, tant elles sont déraisonnables, emportées -et hors de toute raison. Aussi Boisrobert fait-il -une comédie de toutes ces belles conversations<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor"> [377]</a>. -Je ne vous en aurois rien dit si plusieurs personnes -ne m'étoient venues dire que j'étois obligée -de vous avertir d'une partie de la vérité. Pardonnez-le-moi, -et croyez que, pour ce qui me regarde, -je sacrifie toutes choses à votre plaisir, pourvu -que vous me conserviez toujours votre affection. -Vous le devez, et je vous en conjure par la plus -sincère, la plus tendre et la plus fidèle amitié du -monde. C'est tout ce que je puis vous dire de si -loin. Bonsoir; écrivez-moi un mot, car votre silence -me tue.</p> - -<p>Mille amitiés à M. de la Bastide et à M. du -<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span> -Mas<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor"> [378]</a>. Donnez, s'il vous plaît, au premier, une -lettre que M. Pineau lui écrit. M<sup>me</sup> de Caen vous -baise les mains, elle vous a envoyé une lettre pour -M. le Surintendant. Le pauvre M. de Montpellier -vous prie toujours de ne l'oublier pas, quand vous -serez de retour, et dit que, s'il y a quelqu'un dans -sa compagnie qui ne lui plaise pas, on n'a qu'à le -lui dire. Ce pauvre homme me promet des merveilles, -mais, comme vous le savez, je ne vous -demande jamais que ce que vous devez et ce qui -vous plaît.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, A CAEN</b></span><a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor"> [379]</a>.</p> - -<p class="dater">[Septembre 1661.]</p> - -<p>Quoique je ne sois pas ingrate, je souhaite pourtant -de tout mon cœur de ne vous rendre jamais -compassion pour compassion: cela veut dire, en -<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span> -un mot, que la fortune ne vous fasse jamais éprouver -une douleur pareille à la mienne; car enfin, -Monsieur, en une même semaine j'ai vu un -homme illustre<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor"> [380]</a> qui me protégeoit, dans le plus -pitoyable état du monde, un fidèle et généreux -ami en prison<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor"> [381]</a> et un autre dans le tombeau<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor"> [382]</a>. Je -compte presque pour rien le renversement de la -fortune de M. Pellisson et de la mienne en particulier, -quoique ces deux choses s'y trouvent. -Mon chagrin a une cause plus noble, et l'amitié -toute seule fait toute l'amertume de ma douleur. -Plaignez-moi donc, Monsieur, s'il est vrai que -vous m'aimez un peu, et soyez assuré qu'il ne vous -arrivera jamais ni joie, ni douleur que je ne partage -avec vous.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor"> [383]</a>.</p> - -<p class="dater">[Fin de 1661.]</p> - -<p>On se fait honneur en plaignant ses amis malheureux, -et on profite de leur infortune en la partageant -avec eux; mais le mal est, Monsieur, -qu'on ne les soulage guère en les plaignant; et -après tout, quand on fait ce qu'on peut, on fait ce -qu'on doit, et l'on a toujours l'avantage de n'augmenter -pas leurs déplaisirs, par le chagrin qu'il -y a d'apprendre qu'on a des amis ingrats: car -j'appelle de ce nom-là ces âmes insensibles qui -ne se laissent point toucher à la douleur, et qui -ne prennent jamais de part qu'à la joie de ceux -qu'ils aiment le mieux. Pour vous, Monsieur, vous -avez l'âme trop noble pour en user de cette sorte, -et je sens comme je dois, la bonté que vous avez -de vous intéresser si obligeamment à ce qui me -touche et à ce qui regarde un illustre malheureux, -qui mérite sans doute votre amitié. Il n'est aucunement -coupable d'aucun crime et la calomnie ne -l'accuse même de rien. Mais après tout, il est prisonnier, -tout son bien est entre les mains du Roi, -et quand il n'auroit que le malheur de son maître, -il seroit toujours bien à plaindre. Je suis bien fâchée, -Monsieur, de ne vous entretenir que de choses -si tristes et peu agréables, mais j'ai si bonne -opinion de vous, que je crois que vous ne vous -en tiendrez pas importuné, et qu'au contraire vous -<span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span> -en estimerez davantage l'amitié que je vous ai -promise.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LETTRE DE REMERCÎMENT AU ROI</b></span><a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor"> [384]</a>.</p> - -<p class="dater">[Octobre 1663.]</p> - -<p>Je sais trop le profond respect que l'on doit à -V. M. pour prendre la hardiesse de lui écrire, si -son propre bienfait ne me l'eût donnée et s'il n'y -avoit trop de honte à n'en pas témoigner de ressentiment. -Je le dirai même, Sire, à V. M., puisqu'elle -ne m'a pas jugée indigne de ses grâces. Il -est désormais de son intérêt de recevoir avec la -même bonté le très-humble et très-respectueux -remercîment que j'ose lui en faire. Je n'ai assurément -nulle de ces qualités éclatantes qui attirent -son estime et sa faveur et en tirent un nouvel éclat. -Je ne puis moi-même justifier l'action de V. M. -qu'en l'assurant d'une reconnoissance éternelle. -Elle a sans doute voulu montrer en pensant à moi -qu'elle sait trouver du temps pour les moindres -choses comme pour les plus grandes, qu'elle n'ignore -rien, et ne connoît pas seulement les services -mais aussi le cœur de ses sujets dont il n'y -en a point qui ait plus de passion que j'en ai toujours -eu pour sa gloire.</p> - -<p>J'ai fait, Sire, des vœux pour la naissance de -V. M. quand c'étoit un bien plus souhaité qu'espéré -<span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span> -de toute la France. J'en ai fait pour le bonheur -de son règne que cette naissance miraculeuse -nous sembloit promettre. Quand on a admiré les -victoires et les conquêtes de V. M., je les ai senties; -quand son heureux mariage et la paix qu'elle donnoit -à ses peuples ont fait la prospérité de l'État, -j'en ai fait la mienne; quand Dieu lui a donné -cet aimable Dauphin qui fait présentement les délices -des deux plus grandes reines qui aient jamais -été, j'en ai eu une joie particulière, et, si je -l'ose dire, toute cachée que je suis dans le monde, -mon zèle et mon affection m'ont fait suivre V. M. -depuis son berceau jusqu'à son char de triomphe.</p> - -<p>Il n'y a guère d'apparence, Sire, que je cesse -aujourd'hui, qu'à tant de devoir et d'inclination je -puis ajouter la joie d'avoir eu quelque petite part -aux pensées du plus grand roi du monde, et d'avoir -été du moins un moment dans cet esprit qui -n'est que justice, que lumière, que gloire et que -grandeur.</p> - -<p>Mais, Sire, il ne m'appartient pas de louer -V. M., bien que ce soit aujourd'hui l'occupation de -toute la terre. Il n'est pas juste, quelque bonté -qu'elle pût avoir, de l'arrêter inutilement, Elle -dont tous les moments sont autant d'actions utiles -et glorieuses. Qu'elle me pardonne, s'il lui plaît, ce -peu que je lui en ai fait perdre. Je voulois lui faire -connoître que je sais parfaitement le prix que -donne à un bienfait une main aussi illustre que -la sienne, afin qu'elle comprît plus aisément avec -<span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span> -quel zèle, quelle fidélité et quel respect je serai -toute ma vie, etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, A CAEN</b></span><a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor"> [385]</a>.</p> - -<p class="dater">Le 18 décembre.... [1663].</p> - -<p>J'ai eu une extrême joie, Monsieur, de recevoir -des marques de votre souvenir, et M. Pellisson -m'a priée de vous remercier fort tendrement de -la part que vous prenez à ce petit commencement -de liberté qu'on lui a donné<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor"> [386]</a>, et qui donne lieu -d'en espérer bientôt une plus grande: principalement -depuis que le Roi en a parlé très-ouvertement, -et qu'il a fait lire plusieurs choses qu'il a -faites pendant les temps les plus rigoureux de sa -captivité. Il revient du moins au monde, avec la -satisfaction de voir que son malheur lui a encore -acquis un nombre infini d'amis, outre ceux qu'il -avoit déjà<b>. . . . . . . . . . . . .</b></p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span> -<span class="small"><b>A M. COLBERT</b></span><a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor"> [387]</a>.</p> - -<p class="dater">[Décembre 1663.]</p> - -<p class="titel">Monsieur,</p> - -<p>Quoique je n'aie presque pas l'honneur d'être -connue de vous, je ne laisse pas d'espérer que -vous ne trouverez point mauvais que je prenne -non-seulement la liberté de vous écrire, mais encore -celle de vous demander une grâce; et pour -vous obliger à m'écouter favorablement, je vous -protesterai d'abord que le Roi n'a point de sujette -qui ait plus de passion ni plus de zèle que j'en ai -toujours eu pour sa gloire, et que feu M. le Cardinal -n'a jamais obligé personne qui ait eu plus -d'estime pour ses grandes qualités ni plus de reconnoissance -de ses bienfaits.</p> - -<p>Après cela, Monsieur, j'ose vous conjurer très-instamment, -si vous le pouvez, comme je n'en -doute point, de faire que la prison de M. de Pellisson -soit un peu plus douce. Si sa vertu, sa probité, -son zèle pour le service du Roi, et la considération -que je sais qu'il a toujours eue pour vous, -vous étoient bien connus, vous le regarderiez sans -doute comme un homme dont l'innocence doit -être protégée par vous. Je le dis d'autant plus -hardiment, Monsieur, que j'espère que j'aurai -<span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span> -quelque jour l'honneur de vous le faire voir clairement. -Je vous conjure donc, Monsieur, d'avoir -la bonté de faire en sorte que la mère de M. de -Pellisson, M. Rapin son beau-frère, M. Ménage -et moi, ayons la liberté de le voir une fois ou deux -la semaine.</p> - -<p>J'ose vous dire encore, Monsieur, que si vous -saviez bien les choses, vous connoîtriez que je ne -vous demande rien que de juste, lorsque je vous -conjure d'adoucir la prison de mon ami. J'ose -même vous assurer, Monsieur, que cette douceur -sera glorieuse au Roi, pour le service duquel je -suis assurée que M. de Pellisson voudroit donner -toutes choses, jusques à sa propre vie, et je vous assure -aussi que vous ne pouvez rien faire de plus -juste ni de plus honnête. Je n'ose vous dire, Monsieur, -que j'aurai une reconnoissance éternelle de -cette grâce, si vous me l'accordez; mais je vous -assure que vous obligerez un nombre infini d'honnêtes -gens en obligeant mon ami. Si j'eusse cru -ne vous importuner pas, je vous aurois demandé -un quart d'heure d'audience pour vous dire ce que -je vous écris et peut-être quelque chose de plus; -mais n'ayant osé le faire, je me suis hasardée de -vous écrire sans vouloir employer personne auprès -de vous, quoique j'aie beaucoup d'amis par -qui j'eusse pu vous faire prier; mais j'ai mieux -aimé ne devoir rien qu'à votre propre générosité. -Voilà, Monsieur, quels sont les sentiments d'une -personne qui aura beaucoup de joie si vous voulez -bien qu'elle ait l'honneur d'être toute sa vie, -<span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span> -Monsieur, votre très-humble, très-obligée et très-obéissante -servante,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET</b></span><a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor"> [388]</a>.</p> - -<p class="dater">[1664 ou 1665.]</p> - -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . .</b> -<b>. . . .</b> Les avocats disent que l'illustre prisonnier -se défend si bien lui-même, que nul autre -ne le doit défendre, et il donne de si justes marques -de sa capacité et de sa constance, que son -infortune lui devient tous les jours plus glorieuse. -Voilà, Monsieur, tout ce que peut vous dire une -personne qui vous honore infiniment, et qui vous -demande la continuation de votre amitié.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">[Fin de 1665 ou commencement de 1666.]</p> - -<p>Je ne sais, Monsieur, si vous songez quelquefois -qu'il y a longtemps que je vous dois une réponse; -mais je sais bien que vous êtes obligé d'y -songer, et que j'ai eu si souvent envie de vous -écrire, que vous m'en devez savoir fort bon gré. -J'attendois toujours que j'eusse l'esprit plus tranquille, -afin de vous écrire sans chagrin: mais -<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span> -comme je prévois que j'aurai encore deux ou trois -mois d'inquiétude, je me résous enfin à vous entretenir, -toute mélancolique que je sois. Ce n'est -pas que les affaires de M. de Pellisson ne soient -en fort bon état, et que tout le monde ne rende -justice à sa vertu, mais sachant combien il aime -son maître, et étant lui-même fort touché de son -infortune, je ne puis pas avoir l'esprit en repos -que cette affaire ne soit terminée. Mais après tout, -Monsieur, mon amitié est toujours la même, et -j'espère que vous la reverrez paroître avec les -premières roses, telle qu'elle étoit l'année passée à -la saison des violettes. Faites donc en sorte que je -retrouve la vôtre telle qu'elle étoit; je vous en -conjure par l'admirable Octavie.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor"> [389]</a>.</p> - -<p class="dater">Vendredi [1670].</p> - -<p>Comme je n'ai pas de plus grand plaisir que -de louer ce qui mérite d'être loué, surtout quand -mes amis en sont les auteurs, je suis très-fâchée, -Monsieur, que vous ayez donné des bornes aux -louanges que je vous dois, en me louant comme -vous avez fait à la fin de votre excellent Discours -sur l'origine des Romans<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor"> [390]</a>. Car après cela, je n'ose -<span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span> -presque dire tout le bien que j'en pense, de peur -qu'on ne m'accuse d'être plus touchée de ce que -vous dites de moi, que de toutes les belles choses -dont votre discours est rempli. Mais, puisque des -raisons de modestie m'empêchoient peut-être de -vous louer en parlant aux autres avec tout le zèle -que je voulois, il faut du moins que je le fasse -en parlant à vous, et que je vous die de plus que -M. de Pellisson m'a écrit de Saint Germain, que -votre ouvrage étoit très-beau et très-savant, et -qu'il vous ira remercier d'un si agréable présent, -dès qu'il viendra à Paris. Je pense, Monsieur, que -ses louanges valent mieux que les miennes, mais -je ne laisserai pas de vous dire que non-seulement -il paroît beaucoup de savoir dans votre discours, -mais, outre cela, un discernement exquis et un -véritable génie pour ces sortes d'ouvrages. Vous -avez précisément choisi les romans qui ont fait -les délices de ma première jeunesse, et qui m'ont -donné l'idée des romans raisonnables qui peuvent -s'accommoder avec la décence et l'honnêteté; je -veux dire, <i>Théagène et Chariclée</i>, <i>Théogène et Charide</i><a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor"> [391]</a>, -ainsi que l'<i>Astrée</i>; voilà proprement les vraies -sources où mon esprit a puisé les connoissances -qui ont fait ses délices. J'ai seulement cru qu'il -falloit un peu plus de morale afin de les éloigner -<span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span> -de ces romans ennemis des bonnes mœurs, qui -ne peuvent que faire perdre le temps.</p> - -<p>Au reste si les choses que vous dites sont choisies, -les expressions le sont aussi, et rien n'est -mieux écrit que votre discours. Je vous dirai seulement -qu'on peut en quelque sorte répondre à l'accusation -que vous faites aux romans bien faits, d'avoir -amené l'ignorance à leur suite, qu'ils devroient -avoir produit un effet contraire; car comme l'histoire -et la fable sont mêlées aux romans dont la -scène est tirée de l'antiquité, les femmes qui ont de -l'esprit doivent raisonnablement chercher à lire les -originaux de ces sortes de choses dont elles trouvent -des passages dans les romans; et j'ai une amie qui -n'eût jamais connu Xénophon ni Hérodote, si elle -n'eût jamais lu le <i>Cyrus</i>, et qui en le lisant s'est accoutumée -à aimer l'histoire et même la fable. Je ne -m'oppose pourtant pas à ce que vous avez avancé; -je dis seulement que l'ignorance dont vous parlez -a plus d'une cause et qu'il peut être bien de ne -dire que celle-là.</p> - -<p>Je vous demande pardon, Monsieur, de vous -faire une si longue lettre, et de vous dire pourtant -en si peu de paroles, que personne n'est plus -que moi, votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span> -<span class="small"><b>A M. P. TAISAND</b></span><a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor"> [392]</a>.</p> - -<p class="dater">19 juillet 1673.</p> - -<p>J'eus hier bien du déplaisir, Monsieur, de n'être -pas en état de vous voir, mais j'en ai beaucoup -davantage d'être forcée de vous refuser la première -chose que vous m'avez demandée; la raison de ce -refus est que je n'ai jamais donné de clef ni de -<i>Cyrus</i>, ni de <i>Clélie</i>, et je n'en ai pas moi-même. -J'ai fait les portraits de mes amis et de mes amies, -selon l'occasion qui s'en est présentée, et la description -de quelques-unes de leurs maisons, sans -aucune liaison aux aventures qui ne sont fondées -que sur la vraisemblance.</p> - -<p>Si M<sup>lle</sup> Bossuet<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor"> [393]</a> a de la curiosité pour quelques -noms, je rappellerai ma mémoire pour la contenter. -Je connois son mérite sur sa réputation, et je -l'honore infiniment. M. de Condom, son frère, -pourroit savoir de M. de Montausier que je dis -vrai lorsque je vous assure que je n'ai point donné -de clef de ces ouvrages-là. J'espère que vous serez -assez équitable, Monsieur, pour recevoir mes excuses, -et pour ne m'en croire pas moins votre -très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span> -<span class="small"><b>A M. CHARPENTIER</b></span><a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor"> [394]</a>.</p> - -<p class="dater">[1673.]</p> - -<p>J'ai reçu avec bien de la joie, Monsieur, le -précieux présent que vous m'avez fait. Je voudrois -bien que mes louanges fussent d'un prix assez -considérable pour contribuer à votre gloire, mais, -telles qu'elles sont je vous assure que je les emploie -avec plaisir à rendre justice à votre Églogue<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor"> [395]</a> -qui est assurément très-belle et bien digne de vous -et de son sujet. Je n'oserois, Monsieur, vous en -dire davantage en parlant à vous, mais ce n'est -pas tout le bien que j'en dirai en parlant aux -autres. J'aime naturellement à louer tout ce qui -mérite d'être loué; jugez donc, Monsieur, avec -quel plaisir je louerai votre ouvrage, étant autant -que je suis votre très-humble et très-obéissante -servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span> -<span class="small"><b>A M. L'ABBÉ HUET, A AUNAY</b></span><a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor"> [396]</a>.</p> - -<p class="dater">Le 7 juillet [1684].</p> - -<p>Votre lettre m'a surprise fort agréablement, -Monsieur, car depuis longtems l'exactitude des -petits soins n'a plus été nécessaire à vous conserver -dans mon cœur la place que votre mérite vous -y a acquise. J'ai donc reçu le témoignage de votre -souvenir avec joie, et la plainte que vous faites -au sujet du madrigal, est trop obligeante pour ne -satisfaire pas la curiosité que vous avez de le voir. -Je l'envoyai au-devant du roi qui le reçut des -mains de M<sup>me</sup> de Maintenon à Roye, deux heures -après avoir reçu la capitulation de Luxembourg<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor"> [397]</a>; -car je l'avois fait dès le premier bruit qui avoit -couru que cette place avoit capitulé; ce qui ne -s'étoit pas trouvé véritable. Je serois bien aise -qu'il ne vous déplaise pas, et qu'il ait l'honneur -de plaire à M. de Morangis, que j'honore toujours -beaucoup. Je fis encore une petite bagatelle quand -le roi partit, qui n'a pas déplu au monde; mais -cela est trop bagatelle pour vous l'envoyer. J'aurai -dans douze ou quinze jours deux petits volumes -à vous donner. Apprenez-moi ce que j'en -dois faire pour les faire parvenir entre vos mains. -Notre cher M. Ménage est toujours très-incommodé; -<span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span> -il ne peut passer de sa chambre dans -son cabinet qu'avec des potences. Il supporte -cela avec beaucoup de patience, et se rend encore -plus digne de la compassion de ses amis. Je lui -ai envoyé demander votre adresse; je m'en sers -donc, Monsieur, pour vous assurer que sans que -vous en preniez nul soin vous me trouverez toujours -la même. La mémoire de notre chère -M<sup>me</sup> de Malnoue<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor"> [398]</a> sert encore à conserver l'amitié -que j'ai pour vous, et il me semble que c'est -l'aimer encore que d'aimer ce qu'elle aimoit. -Voilà, Monsieur, les sentiments très-purs de votre -très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. DE VERTRON</b></span><a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor"> [399]</a>.</p> - -<p class="dater">[1685 OU 1686.]</p> - -<p>J'ai tant d'estime, Monsieur, pour M<sup>lle</sup> de la -Vigne, que tout ce qui vient de sa part m'est précieux. -Je vois par vos vers et par votre lettre que -<span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span> -votre seul mérite peut vous faire recevoir agréablement -par vous-même; mais comme j'ai une -toux fort cruelle qui ne me permet pas de beaucoup -parler, je vous demande cinq ou six jours -pour guérir, afin de pouvoir vous louer et vous -remercier sans vous importuner en toussant. Ne -vous figurez pas, Monsieur, que je sois un <i>bel -esprit</i>, je ne suis rien moins que cela, mais je suis -une bonne amie qui fais profession d'être fort sincère -et qui suis déjà par avance,</p> - -<p class="sig">Monsieur,<br /> -<span class="i2">Votre très-humble et très-obéissante servante.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">1685 ou 1686.</p> - -<p>Comme je suis cruellement enrhumée, Monsieur, -vous me devez pardonner de ne vous avoir pas remercié -plus promptement de la belle devise que -vous avez faite pour M. le duc de Saint-Aignan; -elle lui convient admirablement, et j'ai su que -le jour du carrousel<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor"> [400]</a> il confirma cette vérité par -la manière libre, noble et dégagée dont il s'acquita -de l'emploi qu'il y avoit. Je vous en rends donc -mille grâces très-humbles, Monsieur, et je donne -à l'ouvrage que vous avez fait pour Louis le -<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span> -Grand<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor"> [401]</a>, toutes les louanges qu'il mérite, en parlant -aux autres, mais en parlant à vous, je ne me hasarderai -pas d'entrer dans le détail de celles dont -il est digne; il y auroit de la vanité à le faire. -Il me suffit donc de vous dire, que cet ouvrage -est aussi bien qu'il peut être, dans le dessein -que vous avez eu de renfermer dans une petite -espace<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor"> [402]</a>, une gloire qu'à peine l'univers peut contenir. -J'aurois peut-être désiré que vous eussiez -un peu mieux parlé de Soliman qui avoit de très-grandes -qualités; car il est toujours beau aux -victorieux de soumettre des gens d'un mérite éclatant, -mais cela n'est rien et ne sera remarqué -que de moi, qui dans ma première jeunesse ai fort -estimé ce prince othoman. Voilà, Monsieur, tout -ce qu'un grand rhume me permet de vous dire, et -que je suis autant que je le dois,</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">[1685 ou 1686.]</p> - -<p>Le sonnet que vous m'envoyez<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor"> [403]</a>, Monsieur, est -fort beau, mais il est trop flatteur; j'en rabats ce -<span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span> -que je dois, et je vous en remercie sans me laisser -persuader ce que je ne mérite pas. Je suis fâchée, -Monsieur, pour l'amour de vous, de ne pouvoir -changer ma manière, mais je ne le puis. J'ai -un grand nombre d'amis, et je suis assurée qu'il -n'y en a pas un qui me conseillât de changer un -caractère dont je me suis si bien trouvée. Il y a -plus de trente ans que M. le duc de Montausier -me loue de ne faire pas le <i>bel esprit</i>; en un mot, -Monsieur, rien n'est plus opposé à mon humeur, -et je ne puis, en façon du monde, faire ce que vous -désirez. Quand mes amis me montrent quelque -ouvrage, je ne décide jamais rien. Les deux aimables -personnes que vous avez choisies suffisent à -juger des choses plus difficiles<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor"> [404]</a>: Si elles ne s'accordent -pas, choisissez un honnête homme pour -être un tiers. Voilà, Monsieur, tout ce que je puis. -Et pour finir par où j'ai commencé, je vous loue -et vous remercie, et je vous promets de louer avec -plaisir l'ouvrage qui remportera le prix; c'est tout -ce que peut</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span> -<span class="small"><b>A M. BOISOT, ABBÉ DE SAINT-VINCENT, A BESANÇON</b></span><a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor"> [405]</a>.</p> - -<p class="dater">Le 2 novembre 1686.</p> - -<p>Votre lettre, Monsieur, m'a surprise fort agréablement, -car je n'avois nul lieu de l'attendre aussi -flatteuse qu'elle est, et je vois bien que je dois la -bonne opinion que vous avez de moi à mes amis; -mais, au hasard de vous en désabuser, je voudrois -bien que vous eussiez quelque affaire agréable en -ce pays-ci, qui me donnât lieu de connoître par -moi-même un aussi honnête homme que vous; -car je ne vous connois pas seulement, Monsieur, -par les belles lettres que j'ai reçues de vous, je -vous connois encore par M. de Pellisson, qui ne -loue jamais sans sujet. De sorte, Monsieur, que -si mon estime peut contribuer à votre satisfaction, -vous pouvez en être assuré et qu'il ne tiendra -qu'à vous que je ne sois toute ma vie,</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span> -<span class="small"><b>A M. l'ÉVÊQUE DE POITIERS</b></span><a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor"> [406]</a>.</p> - -<p class="dater">[Février 1687.]</p> - -<p>Si je n'étois pas un peu malade et fort affligée -de la mort de M. le maréchal de Créqui<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor"> [407]</a>, j'accepterois -avec joie l'honneur que vous me voulez -faire, Monseigneur; mais je n'ai pu encore aller -voir mes amies affligées et il n'y auroit nulle -raison d'aller me réjouir dans ce temps où je dois -pleurer avec elles. Gardez-moi votre bonne volonté -pour une autre fois et je serai ravie de ne vous -refuser pas, car je suis véritablement votre très-humble -servante et très-obéissante malade.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 12 septembre 1687.</p> - -<p>Quoique je sois fort diligente, Monsieur, à -reconnoître dans mon cœur tout ce que vous avez -fait pour m'obliger, je dois vous paroître un peu -paresseuse à vous remercier du plaisir que m'ont -<span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span> -donné toutes vos lettres espagnoles<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor"> [408]</a>. Mais un -grand rhume m'a empêchée de les lire durant -quelque temps. Je les trouve pleines de beaucoup -d'esprit et je suis persuadée qu'il y en avoit plus -en ce temps-là en Espagne qu'il n'y en a aujourd'hui, -et je suis assurée que le Roi qui y règne -n'écrit pas comme celui dont M. de Pellisson m'a -fait voir les lettres, ni les dames de sa cour -comme la <i>Torquilla</i>. Je vous remercie donc, Monsieur, -d'avoir songé à me les faire voir. Vous ne -me dites point s'il faut vous les renvoyer. Cependant -je prends la liberté de vous donner douze -vers<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor"> [409]</a> que je fis le lendemain que j'eus été voir -Saint-Cyr par ordre de M<sup>me</sup> de Maintenon, qui m'y -reçut avec beaucoup de bonté. On y a fait un -chant parfaitement beau. Il y a près de trois cents -jeunes demoiselles dans cette maison. C'est un -établissement admirable. C'est à ces jeunes filles -que j'adresse ces vers. Je souhaite qu'ils ne vous -déplaisent pas, Monsieur, et que vous me croyiez -autant que je suis</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">17 octobre 1687.</p> - -<p>Que direz-vous, Monsieur, de mon silence? Les -apparences sont contre moi, mais, dans la vérité, -je ne suis pas coupable, car je ne suis point du -tout ingrate. Votre italien m'a fait pour le moins -autant de plaisir que votre espagnol, et puis un -sonnet écrit de la propre main du Tasse<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor"> [410]</a> est une -chose infiniment agréable à quiconque est sensible -au mérite d'un si excellent homme. Je vous en aurois -remercié plus tôt, sans un grand rhume qui -m'a fort importunée; et puis j'eusse bien voulu -vous envoyer en échange quelque chose de moi -propre à vous divertir. Mais je vous envoie, Monsieur, -des vers d'un gentilhomme de mes amis de -Bordeaux qui fait de fort belles choses.<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor"> [411]</a> Vous en -verrez le sujet au titre. Il faut seulement savoir -qu'un peu avant cela, le Roi m'avoit fait l'honneur -de me donner sa médaille. Vous voyez, Monsieur, -que je paie mes dettes du bien d'autrui. Mais ce -n'est qu'en vers que j'en use ainsi, car vous trouverez -dans mon propre cœur toute l'estime que -vous méritez et toute la reconnoissance que doit -avoir votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span> -M. de Pellisson est à Fontainebleau. Je lui -montrerai le sonnet à son retour, qui lui fera -plaisir.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 19 août 1689.</p> - -<p>J'ai reçu, Monsieur, de si grands remercîments -de MM. de Bonnecorse père et fils<a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor"> [412]</a>, que je serois -bien ingrate si je ne vous témoignois pas la reconnoissance -que j'ai de toutes les manières honnêtes -dont vous avez reçu ma très-humble prière. Je le -fais donc de tout mon cœur et je vous assure que -je ne perdrai jamais le souvenir de cette générosité. -Mais pour achever la grâce, ne pourriez-vous -pas obtenir de M. de Moncault qu'il fît pour le -cadet que vous avez si bien reçu, ce que M. de -Valcroissant écrivit hier sur ma table, en partant -pour aller prendre possession du petit gouvernement -que le Roi lui a donné? Il a été gouverneur -de M. de Barbésieux, fils de M. de Louvois. Il est -de Provence et de mes anciens amis, et c'est lui -qui a fait mettre M. de Bonnecorse aux cadets de -Besançon. Ce garçon m'a écrit qu'il vaquoit trois -lieutenances d'infanterie; il en a aussi écrit à -M. de Valcroissant; mais, par malheur, il partoit -pour Flandre avec M<sup>me</sup> sa femme. Mais lui ayant -<span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span> -demandé ce qu'il falloit faire, il écrivit le petit mémoire -que je vous envoie<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor"> [413]</a>. Voyez, Monsieur, si -vous pourriez obtenir de M. de Moncault ce que -ce mémoire porte. M. de Pellisson l'en remercieroit, -et moi aussi, et je vous en serois parfaitement -obligée. Le père de ce garçon est un parfaitement -honnête homme que M. de Pellisson et moi aimons -beaucoup. Je prends la liberté de mettre un petit -billet dans votre paquet pour ce gentilhomme-là.</p> - -<p>Je serai ravie de voir ce que le médecin écrira -sur le mal extraordinaire de la fille dont vous -m'avez fait le récit. Je crois que vous seriez bien -aise de savoir que le Roi a donné pour gouverneur -à M. le duc de Bourgogne, M. le duc de Beauvilliers, -homme d'une grande vertu. M. de Chevreuse<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor"> [414]</a> -est sous-gouverneur, et M. l'abbé de Fénelon -précepteur. Le Roi sut hier, par un exprès -parti de Rome le 10, que le Pape était à l'agonie. -Il est venu aujourd'hui un autre courrier: on se -figure, avec bien de l'apparence, qu'il apporte la -nouvelle de la mort. Les cardinaux françois se préparent -à partir, et M. le duc de Chaulnes aussi, -avec la qualité d'ambassadeur extraordinaire. -<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span> -M. d'Uxelles se défend admirablement bien à -Mayence; Brégy se défend de même. La flotte du -Roi est la plus belle du monde. La dyssenterie est -dans celle de ses ennemis, et il y a lieu de croire -que Dieu bénira les armes de Louis le Grand et -confondra ses ennemis. Mais pour finir par où j'ai -commencé, Monsieur, je vous rends mille grâces -très-humbles et suis pour toute ma vie votre très-humble -et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 7 de septembre 1689.</p> - -<p>Je réponds un peu tard, Monsieur, à votre lettre -du 28, parce que je voulois la montrer à M. de -Pellisson, afin qu'il m'aide à reconnoître la manière -obligeante dont vous agissez pour M. de -Bonnecorse. Mais vous pouvez assurer M. de Moncault<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor"> [415]</a> -et vous assurer vous-même qu'il sentira -vivement tout ce que vous faites l'un et l'autre -pour ce gentilhomme dont le père est son ami et -le mien, et que vous trouveriez très-digne d'être -le vôtre si vous le connoissiez. Il a de l'esprit, du -savoir et beaucoup de vertu. Je lui avois écrit afin -qu'il rendît office à l'ambassadeur de Constantinople -qui devoit passer à Marseille. Il a fait cela -de si bonne grâce que ce m'est un nouvel engagement -de le protéger en la personne de son fils. -<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span> -Continuez donc, Monsieur, de le servir auprès de -M. de Moncault. Mais comme ce garçon-là n'est -pas l'aîné de la famille, il vaut mieux lui faire -donner une lieutenance dans un bon corps d'infanterie -que de le mettre dans la cavalerie où il y a -plus de dépenses à faire.</p> - -<p>Après cela, je laisse le reste à faire à votre générosité -et à celle de M. de Moncault, dont M. de -Pellisson me dit avant-hier encore beaucoup de -bien. J'écris aujourd'hui au cadet de Besançon, -ne voulant pas toujours abuser de votre honnêteté, -et j'écris aussi à son père pour lui apprendre la -continuation de vos bontés pour son fils. Je vous -assure que ce garçon-là n'en est pas ingrat, car il -m'en écrit comme en ayant le cœur pénétré. -Mayence fait toujours des merveilles, et Brégy ne -se dément pas. Mais les nouvelles d'Irlande ne -sont pas bonnes, et l'on ne doute pas que Londonderry -n'ait été secouru. Les cardinaux françois -vont en diligence à Rome pour empêcher, s'ils -peuvent, que le conclave ne nous donne un pape -aussi ennemi de la France que le dernier; mais la -maison d'Autriche fait une grande ligue. La flotte -angloise n'a pas voulu attendre la nôtre. Il y a une -épitaphe du Pape qui ne le flatte pas, mais vous -l'aurez peut-être reçue. Je suis, Monsieur, avec autant -d'estime que de reconnoissance, votre très-humble -et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 7 octobre 1689.</p> - -<p><b>......</b>Il faut vous répondre, Monsieur, sur ce -que vous me demandez touchant Saint-Cyr. Il -n'y a pas toujours des places vacantes, mais on -écrit dans un registre celles qui ont des places retenues. -Il faut faire preuve de quatre degrés de noblesse -par pièces originales par-devant M. d'Hozier, -fils du grand généalogiste, préposé pour cela; -mais il faut auparavant avoir parlé à M<sup>me</sup> de Maintenon, -qui seule conduit toute cette maison. Il -faut que la petite fille ait sept ans passés; on n'en -reçoit point au-delà de douze. On désire qu'elles -soient saines et qu'elles ne soient pas difformes. -Mais j'ai à vous dire qu'on n'en mariera plus -comme on a fait. Elles y seront jusqu'à vingt ans. -Quand il vaque des places de religieuses dans les -abbayes royales où le Roi a droit d'en nommer une, -s'il y a des demoiselles que Dieu appelle à la religion, -on en choisit une et on l'envoye à cette abbaye-là. -Voilà, Monsieur, ce que je vous en puis -dire. Si les filles ne font pas bien leur devoir, on -les rend aux parents, et il en est sorti deux il y a -trois jours. J'ajoute après cela que, quoique j'aie -refusé à une personne de me mêler de mettre des -filles dans ce lieu-là, si vous voulez dresser un -mémoire bien circonstancié de la condition de la -demoiselle, de la vertu de la mère, du père, du -bien de cette famille, de l'âge de la fille et peindre -<span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span> -même la petite personne, je ferai voir le mémoire -à M<sup>me</sup> de Maintenon. Mais comme la Cour partit hier -pour Fontainebleau, d'où elle ne reviendra à -Versailles que le 23 de ce mois, il faudra attendre ce -retour-là....</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET</b></span><a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor"> [416]</a>.</p> - -<p class="dater">[1689.]</p> - -<p>Je suis fort aise, Monseigneur, que vous m'ayez -fait l'honneur de vous souvenir de moi, sans vous -souvenir de mon ignorance; car peut-être, si vous -vous en étiez souvenu, ne m'eussiez-vous pas -donné votre excellent ouvrage<a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor"> [417]</a>. Je voudrois bien -cependant que vous m'eussiez aussi envoyé quelque -habile traducteur, afin de ne perdre rien d'un -livre qui n'est pas favorable à certaines machines -cartésiennes, contre lesquelles je me suis déclarée -hautement il y a longtemps, sans employer pourtant -contre le philosophe, que mon chien, ma -guenon et mon perroquet. Mais comme il y a certaines -choses qu'on entend plus facilement que les -autres, j'ai fort bien entendu les louanges que -vous donnez à M. de Montausier dans votre préface, -et quelques autres petits endroits dont je -<span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span> -n'oserois parler en détail de peur de m'égarer. Le -philosophe que vous attaquez si vivement a une -nièce<a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor"> [418]</a> que j'aime beaucoup et qui a infiniment de -mérite; mais elle entend raillerie sur la philosophie -de son oncle, comme vous le verrez par un -madrigal qu'elle m'envoya au commencement -d'avril, lorsqu'elle sut que la pauvre fauvette étoit -revenue dans mon petit bois, suivant sa coutume.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Quand la plus belle des fauvettes</p> -<p class="i2"> Je vis revenir où vous êtes,</p> -<p>Ah! m'écriai-je alors avec étonnement,</p> -<p>N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement.</p> -</div></div> - -<p>Après cela j'ose vous supplier de recevoir un -petit madrigal<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor"> [419]</a> .... et que vous me croyiez toujours -votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 22 mars 1690.</p> - -<p>Il y a sept semaines, Monsieur, que je suis malade, -et quoique je sois beaucoup mieux, je ne recevrai -pourtant des visites qu'après Quasimodo, -<span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span> -et, à la réserve de trois ou quatre personnes, je -ne vois encore qui que ce soit. Mais, quand je -serai achevée de guérir, je serai ravie de voir -M. l'abbé Nicaise et de le remercier de son présent. -Si vous lui écrivez, Monsieur, vous me ferez plaisir -de l'assurer de mes services très-humbles et -de mon estime.</p> - -<p>Au reste il y a une contestation entre des gens de -savoir pour donner la préférence à un des trois éloges -du Roi que M. de Pellisson a faits dans ce qu'il -a écrit sur la religion. Le premier est au premier -volume des <i>Réflexions</i><a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor"> [420]</a> que je sais que vous avez: -il est placé dans la relation sur l'état de la religion -en France. Le second éloge est au second volume -des <i>Réflexions</i> et le troisième est à la fin des -<i>Chimères</i><a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor"> [421]</a>, que je suppose que M. de Pellisson vous -a données. Comme j'estime beaucoup votre discernement, -Monsieur, et la délicatesse de votre goût, -je vous prie de les relire, d'en choisir un, et de me -mander celui que vous aurez préféré, en un papier -à part. J'ai déjà plusieurs avis de cette sorte; vous -serez, Monsieur, en bonne compagnie, et cela fera -plaisir à M. de Pellisson. Je suis avec toute l'estime -que vous me connoissez et toute la reconnoissance -possible, votre très-humble et très -obéissante servante, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span> -<span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DE SCUDÉRY AUX VERS DE M. LE -PREMIER PRÉSIDENT DE LA GUYENNE,</b></span><a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor"> [422]</a><br /> -<span class="small"><b>OÙ IL SOUTENOIT -QU'ON NE POUVOIT CHOISIR ENTRE LES TROIS ÉLOGES<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor"> [423]</a><br /> PARCE -QU'ILS ÉTOIENT ÉGAUX EN BEAUTÉ.</b></span></p> - -<p class="dater">[Mai 1690.]</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Quoi qu'en puissent dire vos vers,</p> -<p class="i2"> Rien n'est égal en l'univers.</p> -<p class="i2"> Le soleil même en sa carrière,</p> -<p>Répand diversement sa brillante lumière,</p> -<p>Et ses rayons si purs, et si clairs, et si beaux,</p> -<p>Aux yeux les plus perçants paroissent inégaux.</p> -</div></div> - -<p><b>....</b> Après cela, Monsieur, il me semble que -vous devriez vous rendre à ce grand exemple et -préférer un des trois Éloges aux deux autres.... -On trouve, sans doute, dans le premier, tout ce -que les panégyriques les plus étendus peuvent -avoir de plus fort et de plus noble pour donner -l'idée d'un Roi accompli. Le second, en peu de paroles, -et en forçant l'envie même à en faire un -portrait admirable, a sans doute une charmante -nouveauté.... Mais je sens dans le troisième quelque -chose de divin qui tient de l'inspiration, qui -emporte mon cœur en ravissant mon esprit, et -qui ne me permet pas de rester dans une neutralité -volontaire comme la vôtre. J'ai même, ce me -semble, Monsieur, un grand préjugé qui favorise -mon sentiment; car il faut que vous demeuriez -d'accord que tout homme sage proportionne les -<span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span> -choses qu'il dit à ceux à qui il parle. On ne parle -pas à un grand Roi comme à un simple particulier, -à des dames comme à des docteurs; et, selon cette -règle, l'auteur des <i>Éloges</i> a dû s'élever davantage -en parlant à Dieu pour un grand Roi, et y penser -avec plus d'application que lorsqu'il en parloit à -de pauvres fugitifs égarés.... Cette distinction de -style selon les divers sujets est même le véritable -caractère de l'auteur des <i>Éloges</i>, dont il ne s'est -jamais départi; et qui considérera, non pas tant la -multitude de ses ouvrages que leur prodigieuse -variété, ne doutera pas qu'il n'ait eu dessein de -mieux parler à Dieu qu'aux hommes. Dans le -commencement de sa vie, n'ayant encore que -vingt ans, il fit la paraphrase des <i>Institutes</i> de Justinien, -par où il sembloit qu'il ne dût jamais être -appliqué qu'aux choses les plus savantes, et quoique -ce petit ouvrage ait fait entendre ce que c'est -que la jurisprudence romaine jusques aux dames -même, quand elles ont voulu être curieuses, et que -toutes sortes de personnes l'aient lu avec plaisir, -il s'en faut beaucoup qu'il soit du caractère de -ceux qui suivirent. L'<i>Histoire de l'Académie</i> a passé -et passera toujours pour un chef-d'œuvre, le style -n'en étant ni trop, ni trop peu élevé, ayant même -évité avec beaucoup d'art les écueils qui se rencontroient -dans son sujet. Peu de temps après, ce -qu'on appelle le monde fut rempli et charmé d'ouvrages -de poésie ingénieuse, galante et agréable. -La fameuse <i>Fauvette</i> vola partout où le françois -est entendu; le <i>Caprice contre l'estime</i>, l'<i>Oranger</i>, -<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span> -le <i>Dialogue de Pégase et d'Acante</i> et cent autres -marquent assez ce que je dis. Et pour montrer -qu'il a su varier ses ouvrages de poésie comme -ses ouvrages de prose, plusieurs odes héroïques ou -chrétiennes ont mérité l'approbation des plus habiles; -et ce poëme d'<i>Eurymedon</i><a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor"> [424]</a> où le Roi est si -bien loué, a fait voir en abrégé tout ce que les -poëmes épiques les plus parfaits ont de plus sublime -et de plus héroïque. Ce Panégyrique du -Roi<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor"> [425]</a> prononcé à l'Académie, il y a plus de quinze -ans, et privé par conséquent de toutes les belles -actions que le Roi a faites depuis, ce Panégyrique, -dis-je, quoiqu'il ne soit pas la trentième partie de -celui de Pline, qu'on a tant vanté, a paru donner -une plus grande idée de Louis le Grand que celle -que Pline donne de Trajan. La préface sur les ouvrages -de Sarazin, que M. Ménage m'a fait l'honneur -de me dédier, a été admirée de tous ceux qui -l'ont vue.... Quant à ses agréables ouvrages de -poésie, sachant qu'il ne les a jamais regardés que -comme des jeux de son esprit, sans songer même -à les conserver ni vouloir qu'on les imprimât, je -dois en quelque sorte m'accommoder à sa modestie. -Je dirai pourtant encore qu'en des siècles -bien différents on a fort loué ceux qui ont été capables -de cette surprenante variété, et que ceux -même qui cherchent à critiquer Homère et -l'Arioste conviennent qu'ils sont admirables par -la diversité des images qu'ils présentent à leurs -<span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span> -lecteurs, et en cela beaucoup au-dessus de Virgile -et du Tasse. Mais pour reprendre ce qui me reste -à dire, tout ce que quelques personnes de la cour -et des amis particuliers de l'auteur des <i>Trois -Éloges</i> ont vu de son <i>Histoire du Roy</i>, tombent -d'accord qu'on y trouve tout ce qu'on admire -dans les historiens de l'antiquité les plus parfaits. -Ses ingénieux et solides quatrains de morale pour -l'instruction d'un jeune prince, et que tout le -monde connoît, en conservant un style naturel et -noble, tel qu'il le faut pour des maximes, inspirent -l'amour de la vertu agréablement; et, en dernier -lieu, ce que l'auteur des <i>Éloges</i> a écrit sur la -religion fait assez connoître qu'il a proportionné -son style au sujet qu'il a traité, et que, par conséquent, -il a eu dessein que ce dernier éloge du -Roi, contenu avec beaucoup d'art dans une pièce -qu'il adresse à Dieu, fût le plus élevé et le plus -parfait. Aussi a-t-il eu l'avantage d'être loué de -tout le monde et de l'être même par un des plus -habiles protestants étrangers qu'on connoisse<a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor"> [426]</a>, ce -qui n'est guère moins extraordinaire que d'être -loué par l'envie même. Voilà, Monsieur, quel est -le sentiment de votre très-humble et très-obéissante -servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span> -<span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 7 mars 1691.</p> - -<p>Vous portez, Monsieur, la générosité si loin -pour M. de Belgeri, que je ne trouve point de -termes pour vous exprimer ma reconnoissance, ni -pour vous louer comme vous méritez de l'être, et -je renferme tout cela dans mon cœur où rien ne -se perd jamais.... Après cela, Monsieur, je ne puis -m'empêcher de vous faire remarquer qu'il n'eût -pas été possible de prévoir, quand j'avois garnison -toutes les nuits pour me garantir des voleurs, -qu'une aventure si importune, au lieu de m'appauvrir -comme j'avois lieu de le craindre, enrichiroit -mon cabinet en me faisant recevoir des -madrigaux très-agréables, et la plus jolie lettre du -monde que j'y conserverai soigneusement. En vérité, -Monsieur, après avoir lu ce que votre aimable -amie vous écrit<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor"> [427]</a>, je vous soupçonnerois volontiers -de me tromper, et je croirois que cette jolie -lettre est de quelque personne de la cour, que des -affaires ont menée dans votre pays, si j'en connoissois -quelqu'une qui écrivît avec autant d'esprit et -autant de politesse. Ce qui m'en plaît encore infiniment, -Monsieur, c'est qu'il me paroît qu'elle -croit vous faire plaisir de vous parler de moi. Car, -du reste, les louanges d'une personne qui ne me -connoît pas, quoique très-ingénieuses et très-bien -<span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span> -écrites, me donnent beaucoup d'estime pour elle -sans me donner de vanité.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Dieu me garde de chercher noise</p> -<p>Avec une telle Comtoise!</p> -<p>J'aime beaucoup mieux filer doux,</p> -<p>Et ne répondre que par vous.</p> -</div></div> - -<p>Vous lui direz donc, s'il vous plaît, Monsieur, -que je ne sais pas si elle a été ou si elle est votre -maîtresse, mais que je vois beaucoup d'apparence -que vous avez été son maître en l'art de bien -écrire. Mais, pour vous aider à divertir une si charmante -écolière, je vous envoie des vers d'un de -mes amis de Bordeaux qui s'appelle M. Bétoulaud, -d'un mérite fort distingué, et qui est présentement -à Paris. Celui dont je parle m'a donné lieu -de faire plusieurs présents agréables au Roi. Je -vous envoie donc une empreinte d'une aigle qui -tient une couronne de laurier à son bec. Cette -aigle est gravée sur une très-belle agate orientale -que j'ai donnée à Sa Majesté avec les vers qui l'accompagnent. -Je vous envoie encore une empreinte -d'un cachet de cornaline, où un phénix est représenté -sur un bûcher, que le même M. de Bétoulaud -a donné à M. de Pellisson avec un madrigal -dont vous trouverez le sens fort juste.</p> - -<p>Et comme les nouvelles peuvent divertir à la campagne, -je vous apprends que durant que tous les -princes ligués sont assemblés à la Haye pour résoudre -quel mal ils pourront faire à la France, nous -voyons de tous côtés de quoi troubler leur assemblée; -<span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span> -car toute la gendarmerie a ordre de se tenir -prête à partir au premier commandement. Toutes -les troupes sont en mouvement en Flandre; l'artillerie -doit être prête à marcher le 10 de ce mois, -et l'on ne doute pas d'un siége avant la fin de -mars. Tous les vaisseaux de Toulon sont en état -de mettre à la voile; vingt galères sont prêtes à -Marseille. Il vient quatre mille matelots de Provence -pour nos vaisseaux de Ponant; il marche -beaucoup de troupes en Piémont, et, de tous les -côtés, le Roi est le plus grand roi du monde. J'espère -même que nous n'aurons pas un pape autrichien. -Voilà, Monsieur, de quoi amuser votre aimable -amie, M<sup>lle</sup> Bordey, que je voudrois bien -qui fût la mienne: je n'en désespérerois pas si -elle savoit à quel point je suis la vôtre. Mais, à -mon grand regret, vous ne le savez pas vous-même, -n'ayant nulle occasion de vous témoigner combien -je suis, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE BORDEY</b></span><a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor"> [428]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce 16 mars 1691.</p> - -<p>Je vous suis infiniment obligée, Mademoiselle, -de l'honneur que vous m'avez fait de m'écrire, -<span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span> -mais permettez-moi de vous dire que je suis la -personne du monde qu'on doit le moins craindre, -aussi vous puis-je assurer que je n'aime nullement -qu'on me craigne, et je n'ai jamais inspiré -ce sentiment-là dans le cœur de ceux qui m'ont -<span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span> -vue. Bannissez-le donc, s'il vous plaît, du vôtre à -mon égard, et la raison le veut ainsi. Car premièrement -avec tout l'esprit que vous avez, vous ne -devez craindre personne, et puisque vous ne craignez -pas M. l'abbé de Saint-Vincent qui est plus -redoutable que moi, vous avez eu tort de m'appréhender. -Je ne me pique point du tout de bel -esprit; je parle et j'écris simplement pour me faire -entendre, je ne cherche pas à dire de belles choses -que peut-être je ne trouverois pas, mes premières -pensées me semblent ordinairement les meilleures, -je les prends comme elles viennent. Jugez après cela, -Mademoiselle, si vous avez eu raison de me craindre; -mais je puis vous assurer que si une grande -estime peut faire naître l'amitié, vous m'aimerez -un peu, car tout ce que j'ai vu de vous et tout ce -que M. l'abbé de Saint-Vincent m'en a écrit, vous -ont donné une si bonne place dans mon cœur que -je ne suis pas indigne d'en avoir du moins une -petite dans le vôtre, et d'obtenir la permission -d'être toute ma vie, avec toute l'estime que vous -méritez, votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 23 mars 1691.</p> - -<p>Je vous envoie ma réponse à votre aimable -amie, Monsieur, et je vous prie de lui rendre témoignage -que j'ai reçu sa lettre fort tard, afin -<span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span> -qu'elle ne m'accuse pas d'un défaut que je n'ai -point; car je suis fort exacte à répondre aux personnes -que j'estime. Je vous envoie ma lettre ouverte, -afin que vous voyiez qu'elle avoit tort de me -craindre et que vous lui persuadiez qu'on peut -m'aimer sans injustice. M. de Bonnecorse aura été -fâché de ne vous trouver pas; car je sais par -M. son père qu'il a beaucoup de reconnoissance -des obligations qu'il vous a. Je crois qu'il aura -reçu une lettre de recommandation de M. le comte -Devaux pour son colonel, qui ne lui sera pas inutile, -car il est son parent et son ami.</p> - -<p>La plupart de nos jeunes princes partirent -avant-hier. M. le duc de Chartres partira cette semaine, -mais il ne paroît pas que M. le Dauphin -doive aller. Le secours pour l'Irlande est parti de -Brest. Il n'y avoit encore à Rome nulle apparence -de Pape le 24 du passé, et l'on croit que le conclave -traînera. Le duc de Savoie est en un état -déplorable; mais son imprudence le rend indigne -de compassion. Sa femme et sa maîtresse sont -françoises et il passe pour constant que la dernière -l'a engagé avec le prince d'Orange, dont on -ne sait nulles nouvelles...... M. de Pellisson est à -Versailles, à peu près comme à l'ordinaire pour sa -santé, et je suis toujours également, Monsieur, -votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 27 juillet 1691.</p> - -<p>Je vous envoie, Monsieur, une trop longue lettre -pour cette généreuse amie. Je vous en demande -pardon et j'accourcirai celle que je vous écris autant -que je le pourrai. Vous aurez su la surprenante -mort de M. de Louvois, que cinq médecins et -trois chirurgiens ont dit être empoisonné; et l'on -vous aura dit que M. le chancelier de France est -aussi chancelier de l'ordre; mais je ne sais si -vous savez que le Roi a fait ministres d'État M. le -duc de Beauvilliers et M. de Pomponne qui ont -tous deux une vertu distinguée. Le dernier est de -mes anciens amis, qui a autant de capacité que -de vertu.</p> - -<p>Après cela, Monsieur, je crois devoir vous dire -que j'ai su par M. le cardinal de Forbin, que -nous avons un pape dont on a lieu de beaucoup -espérer pour la chrétienté<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor"> [429]</a>. Il est Napolitain, mais -il n'a point de neveu; il ne veut point de parents -auprès de lui, et a déclaré qu'on ne verra point -de Napolitains au palais. Il a le cœur droit et -juste et d'une bonté infinie. Il aime à donner l'aumône, -et dès qu'il fut élu, il ordonna de changer -quatre mille écus romains en jules, pour donner -aux pauvres le jour de son couronnement. Voici les -emplois qu'il a eus, qui doivent lui avoir donné de -<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span> -l'expérience: Référendaire de l'une et l'autre signatures, -vice-légat d'Urbin, inquisiteur à Malte, gouverneur -de Viterbe, nonce à Florence, archevêque -de la ville<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor"> [430]</a>, nonce en Pologne, nonce à l'Empire, -évêque de Lucques, secrétaire des évêques réguliers, -maître de chambre de Clément X et d'Innocent XI, -cardinal, évêque de Faënse, archevêque de Naples, -et souverain pontife le 12 juillet 1691. Il garde -les principaux ministres du dernier pape, qui sont -de nation françoise. Enfin il paroît qu'on ne pouvoit -mieux choisir. Il a 87 ans, mais d'une bonne -santé et d'un esprit ferme...... Je suis, Monsieur, -avec toute l'estime que vous méritez, votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 29 d'août 1691.</p> - -<p>Ne soyez point en inquiétude, Monsieur, de la -malice que votre aimable amie vous a faite: elle -n'est ni contre son honneur, ni contre le vôtre, et -je l'en estime davantage et vous aussi. Ce que je -dis vous paroîtra peut-être une énigme, mais c'est -à elle à vous l'expliquer. Elle n'a qu'à vous montrer -ma lettre, vous l'entendrez à l'heure même. -Si je ne m'étois pas trouvée mal, je vous aurois -<span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span> -répondu plus tôt. La bizarrerie de la saison a un -peu altéré ma santé. Mais j'espère que la joie que -j'ai de la honte dont le prince d'Orange se couvre -tous les jours, aidera à la rétablir. Quand il partit -de Londres, il dit qu'il alloit prendre Dinan, reprendre -Mons et gagner une grande bataille. Cependant -il n'en a rien fait et toute notre armée se -moque de lui, depuis les princes jusqu'aux goujats. -La paix de l'Empire avec les Turcs, qu'il -avoit promise aux princes ligués, ne s'avance pas, -le pape a refusé de l'argent à l'Empereur, et j'espère -qu'il accordera bientôt des bulles à la France.</p> - -<p>J'ai encore après cela, Monsieur, une chose à -vous dire, et vous ne vous y attendez pas, c'est que -je vous défie d'honorer plus M<sup>lle</sup> Bordey que je -l'honore. Ne vous avisez pas de me disputer cette -vérité, car vous offenseriez injustement votre, etc., -etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADEMOISELLE BORDEY.</b></span></p> - -<p class="dater">29 août 1691.</p> - -<p>Le proverbe qui dit que tous chemins vont à -Rome, est fait exprès pour vous, Mademoiselle, -car vous allez à la gloire par des routes tout opposées. -On vous laisse un trésor en dépôt; vous le -révélez généreusement sans vous laisser tenter à -nul intérêt. On vous confie un trésor d'esprit en -vous confiant un agréable dialogue<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor"> [431]</a> que la modestie -<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span> -de son auteur veut cacher; vous me le montrez -pour son honneur, sans vous arrêter à une injuste -exactitude qui priveroit votre ami des louanges -qu'il mérite d'avoir su tourner si ingénieusement -un entretien qu'il étoit si difficile de rendre agréable. -Je vous loue donc, Mademoiselle, et vous remercie -tout ensemble de m'avoir fait part de cette -jolie aventure dont je n'ai pu faire part à M. Pellisson; -car, encore qu'il ait rendu justice à votre -mérite, après avoir vu les lettres que vous m'avez -fait l'honneur de m'écrire, je vous assure, Mademoiselle, -qu'il ne peut guère donner de temps à -ses amis. Je le vois toutes les fois qu'il vient à -Paris, mais il arrive souvent qu'on vient le chercher -dans mon cabinet, et que ses visites sont fort -interrompues. Cependant tenez pour certain qu'il -vous honore autant que vous le méritez, et que je -pourrois le récuser, si on me vouloit forcer de -l'accepter pour juge, comme vous le désirez. Mais -j'aime mieux vous céder, et convenir que j'eusse -pu laisser du moins en purgatoire l'âme d'un -homme qui hasardoit son salut pour deux mille -écus, et qui en laissoit plus de cinquante mille à -son fils unique. Je vous cède donc, Mademoiselle, -sans nulle peine, mais je vous défie hardiment -d'estimer plus M. l'abbé de Saint-Vincent que je -l'estime, et je vais le défier, en lui répondant, de -vous honorer plus que je fais, et d'être plus votre -serviteur que je suis votre très-humble servante, -etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span> -<span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor"> [432]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce 25 d'octobre [1691].</p> - -<p>Je vous remercie, Monseigneur, de m'avoir appris -que notre ami<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor"> [433]</a> a eu beaucoup de voix; je ne -le savois pas. M. Pavillon est fort honnête homme -et par-dessus cela cousin-germain de M<sup>me</sup> de Pontchartrain<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor"> [434]</a>; -il est constant qu'il n'y pensoit pas, je -le sais de certitude. Si M. de Meaux et M. Dangeau -eussent été à l'Académie, je crois que M. de -la Loubère l'eût emporté; ce sera pour une autre -fois, il se porte assez bien pour voir une autre occasion. -Je suis bien aise, Monseigneur, que vous -comptiez ma voix pour quelque chose, mais si -vous connoissiez bien mon cœur, vous me mettriez -du moins au premier rang de vos amies, et peut-être -à côté de vos premiers amis, car personne -<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span> -n'est plus que je le suis votre très-humble et très -obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 18 décembre 1691.</p> - -<p>Je vous envoie, Monsieur, une lettre pour votre -aimable amie, où vous mettrez, s'il vous plaît, le -nom qu'elle porte aujourd'hui<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor"> [435]</a>, car vous ne me l'avez -pas mandé. Je ne doute point que son mariage -ne soit heureux, puisque vous l'avez approuvé. Je -n'ai pas été si prudente qu'elle, car j'ai préféré -trois fois en ma vie la liberté à la richesse, et je ne -m'en saurois repentir. Vous ne lui direz pas, s'il -vous plaît, Monsieur, ce que je vous écris, car ce -qui est bien pour une personne ne l'est pas pour -l'autre. Pourvu qu'elle ait la liberté de vous voir -souvent, je ne la plaindrai pas de toutes les suites -d'un mariage que la sympathie réciproque n'a pas -fait.</p> - -<p>Vous aurez su que M. de Château-Renaud a -amené douze mille Irlandais que le roi d'Angleterre -veut aller voir en Bretagne, et il en viendra -encore quatre mille. Il y a eu une entreprise sur -Nice qui a manqué, l'avis en étant venu de Rome au -gouverneur de la place. Les nouvelles d'hier de -<span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span> -Montmélian étoient qu'on avoit comblé le fossé et -qu'il y avoit quatre mineurs attachés au corps de la -place. Le Pape a commencé de donner audience -publique au peuple et avoit écouté cent personnes -la veille qu'on m'a écrit. On travaille aux affaires -de France et l'on en espère bien.</p> - -<p>Un fameux missionnaire, curé des Invalides, a -été reconnu pour être le plus grand hypocrite qui -fut jamais<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor"> [436]</a>. Il est en fuite et laisse cent mille écus -de dettes. On a trouvé dans une de ses cassettes -cinq portraits de dames et plus de cent lettres dignes -du feu; il n'y a jamais rien eu d'égal. Il étoit -confesseur de M. le duc de Beauvilliers qui est la -vertu même. Cette histoire a des circonstances -qui font détester l'hypocrite et l'hypocrisie. Je -crois, Monsieur, qu'il est permis de se réjouir de -ne ressembler en rien à ces gens-là, et que, sans -vaine gloire, on en peut remercier Dieu. Cela doit -<span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span> -même faire estimer davantage les amis véritables -qu'on a. Vous pouvez juger, Monsieur, que je vous -mets de ce nombre, aussi bien que M. de Pellisson, -et que je me fais un nouveau plaisir d'être, autant -que je le suis, votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADAME DE CHANDIOT (MADEMOISELLE BORDEY).</b></span></p> - -<p class="dater">Le 18 décembre 1691.</p> - -<p>J'ai une si bonne opinion de votre jugement, -Madame, que je ne doute pas qu'il ne faille se -réjouir avec vous de votre mariage, quoique ce -soit, selon moi, la chose du monde la plus difficile -à faire bien à propos. Mais si j'avois l'honneur de -connoître celui que vous avez choisi pour époux, -je me réjouirois hardiment avec lui, car je le -trouve le plus heureux du monde d'avoir une -femme de votre mérite. Je vous souhaite, Madame, -tout le bonheur dont vous êtes digne, et je souhaite -en même temps qu'en changeant de condition, -vous n'ayez pas changé de sentiments pour -moi, qui suis toujours plus que je ne puis l'exprimer,</p> - -<p>Votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span> -<span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor"> [437]</a>.</p> - -<p class="dater">[Fin de 1691.]</p> - -<p>Je vous dois, Monseigneur, non-seulement des -remercîments et des louanges, mais de l'admiration -pour avoir si bien su éclaircir ce que la -géographie ancienne a de plus obscur et de plus -embrouillé. Comme j'ai autrefois assez voyagé sur -les bords de l'Euphrate<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor"> [438]</a> et que depuis peu j'ai -fait un petit voyage à Suze, et que les auteurs qui -en ont parlé sont de ma connoissance, j'ai pris -beaucoup de plaisir à vous voir concilier des opinions -si différentes, et tirer la vérité, ou du moins -la vraisemblance, de tant de sentiments contraires. -Je vous loue donc et vous admire, Monseigneur, -et je suis avec beaucoup de sincérité,</p> - -<p>Votre, etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p> - -<p class="dater">11 janvier 1692.</p> - -<p>Comme ce n'est pas ma coutume, Monsieur, de -me laisser surpasser en témoignages d'amitié, je -<span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span> -vous rends confidence pour confidence, en vous -apprenant que la dernière page de votre dernière -lettre a pensé donner de la jalousie à M. de Pellisson, -et qu'elle lui a paru si bien écrite que, si -la modestie naturelle l'avoit pu souffrir, il l'auroit -fait imprimer. Il en a parlé à M. l'abbé de Ferrières<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor"> [439]</a> -avec tant d'éloges que je la lui montrerai -la première fois qu'il me verra. Tout ce que je -vous dis, Monsieur, est vrai au pied de la lettre, -et je vous assure, avec la sincérité dont je fais -profession, que personne en France ne peut mieux -écrire. Cet endroit de votre lettre a un caractère -de politesse aussi digne d'un honnête homme de -la cour que d'un excellent académicien.</p> - -<p>Après cela, Monsieur, j'ai à me réjouir avec -vous de ce que vous avez des bulles qui sont -l'objet des désirs de tant d'évêques, et je suis bien -aise de savoir qu'un cardinal, qui est un de mes -plus anciens et intimes amis<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor"> [440]</a>, ne vous a pas été -inutile. Mais il est à souhaiter que le Pape finisse -bientôt les affaires de France. Les effroyables -désordres que les troupes allemandes font dans le -Modenais, le Parmesan et le Plaisantin y peuvent -contribuer, et la prise de Montmélian donne beaucoup -de force aux négociations de M. de Rebenac. -La consternation a été grande à Turin en voyant -le gouverneur de cette place n'y ramener que cinquante -<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span> -Piémontais; tous les Savoyards étant retournés -chez eux, ou ayant pris parti dans nos -troupes. M. de Chamlay est allé visiter la place -afin de résoudre si on la rasera ou si on la fera -rétablir pour la garder: il faut cinq cent mille -francs pour la réparer. Il court bruit de quelque -dessein en Flandre, soit pour Charleroi ou pour -Namur; mais ce n'est encore qu'un bruit. Comme -vous me marquez, Monsieur, que M<sup>me</sup> de Chandiot -n'a pas autant de loisirs qu'autrefois, je ne réponds -pas à sa réponse, et je me contente de vous -prier de l'assurer que je lui souhaite un grand -nombre d'années heureuses, et pour vous, Monsieur, -en vous désirant tout le bonheur dont vous -êtes digne, c'est vous désirer des biens infinis. -Mais permettez-moi en même temps de désirer -que vous me conserviez toute votre amitié et que -vous soyez persuadé que je suis très-sincèrement -votre, etc.</p> - -<p><i>P. S.</i> J'apprends qu'hier le mariage de M<sup>lle</sup> de -Blois<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor"> [441]</a> et de M. le duc de Chartres fut arrêté. Le -Roi donne deux millions d'argent, cinquante mille -écus de pension, le Palais-Royal en propre et cent -mille écus de pierreries. J'apprends encore qu'il -est arrivé dix-huit vaisseaux anglois chargés d'Irlandais -et qu'il en viendra encore dix, et qu'en -dernier lieu on a rompu la grande écluse entre -Charleroi et Namur, ce qui incommodera beaucoup -la navigation des ennemis.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 5 avril 1692.</p> - -<p>Quand on écrit, Monsieur, comme vous écrivez, -on ne doit pas craindre ni d'être oublié, ni d'importuner; -aussi ai-je lu cet endroit de votre lettre -comme une excuse modeste d'avoir été si longtemps -sans me donner de vos nouvelles, et je la -reçus agréablement sans la prendre dans le sens -que vous voulez lui donner. M. de Pellisson vous -pourroit témoigner que je lui parle de vous très-souvent. -Je voulois même vous envoyer un exemplaire -de la seconde édition de son dernier ouvrage, -où vous verrez des additions fort curieuses; mais -il a voulu que vous l'eussiez de sa main qui vaut -mieux que la mienne. J'ai été fort aise d'apprendre -que M. le baron de Bressey<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor"> [442]</a> et M. le chevalier de -Vaudrey sont de votre pays et de votre connoissance; -car je connois leur mérite par la renommée, -et j'ai un ami particulier qui a contribué à attacher -le premier au service du Roi. Car ayant été pris -auprès de Namur par un parti de Dinan, il fut -envoyé au fort de l'Escarpe proche Douai, dont -M. de Valcroissant, gentilhomme de Provence qui -a été gouverneur de M. de Barbezieux, est gouverneur, -<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span> -et fort de mes amis depuis longues années. -Vous savez sans doute que le Roi l'a fait maréchal -de camp, avec deux mille écus de pension, et qu'il -lui donne de quoi lever un régiment à titre étranger. -Le Roi l'a parfaitement bien traité: je le sais -par M. de Valcroissant qui l'a bien servi. Le Roi -lui fera rendre M<sup>me</sup> sa femme qui est à Namur; -car il y a plusieurs officiers espagnols prisonniers. -Pour M. le chevalier de Vaudrey, son action d'éclat -a été d'un héros de roman. Aussi ai-je ouï dire -que Madame Royale de Savoye la douairière en avoit -eu le cœur fort touché. Je suis ravie que vous -ayez un ami si brave. Je ne savois pas la devise -de sa maison, qu'il mérite bien<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor"> [443]</a>. La semaine sainte -fait une grande stérilité de nouvelles, Monsieur; -je ne puis louer le mari de votre aimable amie de -l'avoir dérobée au monde, mais je la loue de sa -sage conduite, et je me persuade qu'on vous l'a -moins dérobée qu'au public, et que vous pourrez -l'assurer de mon service très-humble. Pour vous, -Monsieur, je n'ai qu'à vous assurer que mon -estime et mon amitié dureront autant que la vie -de votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">30 avril 1692.</p> - -<p>Je vous dois, Monsieur, non-seulement une réponse, -mais mille remerciements d'une visite que -<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span> -M. le Président Boisot<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor"> [444]</a> m'a faite; car si vous ne -lui aviez pas dit du bien de moi, je ne l'aurois pas -reçue. Je souhaite qu'il ne s'en soit pas repenti. Je -vous dois encore un compliment très-honnête de -M<sup>me</sup> de Chandiot dans un billet qu'elle a écrit à -M. de Pellisson, qui est d'un tour si délicat qu'il -n'y a personne qui ne voulût l'avoir écrit. Je vous -prie, Monsieur, de la louer et de la remercier de -ma part. Comme je ne doute pas que Monsieur -votre frère ne vous mande toutes les nouvelles du -monde, je ne vous parlerai de la belle entreprise -d'Angleterre que parce que je ne m'en saurois empêcher; -rien n'étant plus glorieux pour Louis le -Grand que d'envoyer une armée de trente mille -hommes pour rétablir le roi d'Angleterre, dans le -même temps qu'il a tant de princes ligués contre -lui. Cependant j'avance hardiment qu'il n'y a que -les vents contraires qui puissent empêcher le -succès de cette héroïque entreprise.</p> - -<p>Comme j'ai des amis et des parents tout le long -des côtes de Normandie, je sais tout ce qui s'y -passe. Le roi d'Angleterre arriva à Caen le 24 de -ce mois, à quatre heures après-midi. Il y trouva -mylord Danchot (<i>sic</i>), le colonel Canon et les principaux -officiers écossois qui avoient débarqué au -Havre. Ils se saluèrent avec tant de marques de -tendresse que ce prince en eut les larmes aux -yeux. Ils furent très-contents de lui. Ce prince -<span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span> -partit le lendemain, à cinq heures du matin, pour -aller à son armée, composée de vingt mille hommes -de bonnes troupes, sans compter les dix mille -qui doivent s'embarquer au Havre, où M. de Choiseul -étoit déjà arrivé, et où le marquis de Nesmond, -frère d'un de mes amis, avoit ordre de se -rendre. M. de Tourville doit mettre à la voile le -27 pour aller à la Hogue, où le roi d'Angleterre -doit s'embarquer, et l'on m'écrit du Havre que -dans peu on verra passer huit à neuf cents voiles -qui iront fondre en Angleterre. J'ai vu des lettres -de la Haye. L'usurpateur étoit à Loo, brouillé avec -M. de Bavière et fort embarrassé. On dit toujours -que le Roi partira le 12 de mai; mais je ne puis -croire que son voyage soit long.</p> - -<p>Le bibliothécaire du Vatican est mort: c'étoit -un grand ennemi de la France. L'entreprise d'Angleterre -va faire un grand bruit dans ce pays-là. -Le prince de Danemarck y est, et viendra en -France ensuite. Comme vous aimez les belles -choses, je vous envoie de beaux vers d'un de mes -amis de Bordeaux; en voici le sujet: Il m'envoya -le jour de l'équinoxe, que le soleil commence de -remonter, une pierre gravée et très-antique. On -voit tous les signes du zodiaque à l'entour et le -soleil dans son char au milieu. Et comme on -parle en même temps du voyage du Roi et que le -soleil est sa devise, M. Bétoulaud applique heureusement -le voyage du Roi autour du soleil. La -pierre est en jaspe oriental et les habiles médaillistes -disent que c'est un talisman. J'ai cru que -<span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span> -vous seriez bien aise de voir ce petit ouvrage<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor"> [445]</a> et -que vous pardonneriez à l'auteur les trop grandes -louanges qu'il donne à votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">10 mai 1692.</p> - -<p>Je vous prie, Monsieur, de me pardonner la -liberté que je prends de vous envoyer une réponse -que je dois à M<sup>me</sup> de Chandiot, que je serai bien -aise que vous lui rendiez en main propre. Après -cela, Monsieur, je vous dirai que le Roi part aujourd'hui -avec toute sa royale famille pour aller -coucher à Chantilly où il séjournera demain, et -lundi il ira à Compiègne, mardi à Noyon et mercredi -à Château-Cambresis.... On m'écrit du camp -du roi d'Angleterre qu'il y arrive tous les jours -des Anglois qui assurent qu'on l'y attend avec -impatience, et que la plupart des grands seigneurs -sont à leur tête qui se déclareront pour lui dès -qu'il paroîtra. Il arrive aussi à son camp des -Écossois et des Irlandais; mais le temps est cause -que la flotte de Brest n'est pas encore à la Hogue. -Celle de Saint-Malo, composée de trois cents voiles, -a passé au Havre où quatre mille chevaux s'embarquent. -<span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span> -Il ne faut que douze heures pour passer -de la Hogue aux ports d'Angleterre. Une chose -qui fait beaucoup raisonner, c'est qu'on a défendu -à tous nos armateurs d'attaquer ni de prendre nuls -vaisseaux marchands anglois; cela est positivement -vrai. Le prince d'Orange paroît, dit-on, en -grande indolence à Loo.</p> - -<p>Tout va bien à Constantinople; j'en eus hier des -nouvelles; et tout va bien à Rome. Il devoit y -avoir consistoire le lundi d'après le jour qu'on -m'écrivoit, et le Pape avoit fait la veille une action -de grande vigueur dont on le louoit fort. Le prince -Tassi (Taxis), qui a l'intendance des postes d'Espagne, -de Naples et de Milan, et qui, en cette -qualité, a les armes d'Espagne sur sa porte, ayant -eu quelque démêlé avec le secrétaire de l'ambassadeur -de Venise, commanda à son cocher de faire -verser le carrosse de ce secrétaire au milieu du -Cours. Mais le cocher maladroit en versant le secrétaire -versa aussi son maître<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor"> [446]</a>, qui en fut si irrité, -qu'il battit et maltraita un laquais de l'ambassadeur -de Venise, qui suivoit le secrétaire, et -parla même insolemment de l'ambassadeur et de -la République. Le lendemain, craignant quelque -insulte de cet ambassadeur, il fut faire cortége à la -cavalcade des cardinaux, et fut aussi au Cours, -son fils avec lui et plusieurs braves, avec des armes -cachées dans son carrosse. Il en avoit même -trente bien armés chez lui; de sorte que le Pape -<span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span> -apprenant cela, envoya deux cents sbires avec une -compagnie du château Saint-Ange, qui prirent le -prince Tassi, son fils et ses trente braves qui firent -pourtant une décharge, et les menèrent en prison. -L'ambassadeur d'Espagne a filé doux et ne s'en est -pas mêlé. J'ai cru que vous seriez bien aise de savoir -cela.</p> - -<p>Je suis, Monsieur, très-sincèrement votre, etc., -etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">31 mai 1692.</p> - -<p>Il y a si longtemps que je vous dois une réponse, -Monsieur, que peut-être avez-vous oublié -que je vous la dois. Mais je ne laisse pas de vous -en demander pardon, quoique je n'aie nul tort; -car des embarras imprévus ne m'ont pas laissé le -temps de respirer. Et puis, Monsieur, votre dernière -lettre étoit si excessivement modeste qu'il -eût fallu vous en gronder. J'en ai fait convenir -M. de Pellisson qui vous fait bien des compliments. -Sa santé est toujours assez incertaine et la bizarrerie -de la saison y contribue pour beaucoup. Car -je n'ai jamais vu un tel printemps.</p> - -<p>Cependant les armes du Roi sont en état de le -faire vaincre de toutes parts. Nos trente-cinq galères -aux côtes d'Italie ont vu prendre Oneille, l'épée -à la main, aux troupes qu'elles avoient descendues -en ce lieu-là; et le Roi avec ses formidables -armées fait trembler toute la Flandre, et -<span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span> -trembler un usurpateur si intrépide qu'il n'a jamais -craint Dieu. La Gazette vous dira sans doute -que Namur fut investi le 24, par M. de Boufflers, -entre Sambre et Meuse; mais je ne sais si elle vous -dira assez bien que le Roi ayant décampé, conduisit -son armée sur quatre colonnes, Sa Majesté se -tenant à la plus proche des ennemis. Il la conduisit -avec toute la capacité d'un général consommé -en l'art militaire. Il fut, suivi de Vauban, reconnoître -la place, marquer le camp, les attaques et -les batteries et donner ordre à toute chose, jusques -à régler les fronts de l'armée. Celle de M. de -Luxembourg couvre le siége à une lieue et demie -de là. Les ennemis ont tiré trois mille chevaux de -la place, dont ils se repentent. Le prince d'Orange -est vers Bruxelles qui assemble des troupes; on -dit qu'il n'a pas encore trente-six mille hommes. -Il est sorti trente dames de Namur que le Roi a -fait arrêter. On ne sait pas encore ce qu'il veut en -faire. Vauban assure que le siége ne sera pas long. -La ville est commandée par deux montagnes d'où -on la mettra en cendres. Le 21, M. le duc, M. de -Villeroy et M. de Bressey arrivèrent devant Namur. -Je reçois dans ce moment des lettres de la Hogue -qui m'assurent que M. de Tourville a dû y arriver -jeudi 29 de ce mois, avec les escadres de M. de Château-Renaud -et de M. de Villette qui l'ont joint. On -m'interrompt pour me donner une lettre du Havre -du 29, qui porte que depuis dix heures et demie -on entendoit des décharges continuelles de canon: -ce qui fait croire qu'il y a un combat entre les -<span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span> -deux flottes, et que les chaloupes qui étoient venues -disoient que ce combat se faisoit à treize lieues de -là au nord-ouest. J'en aurai apparemment demain -des nouvelles, je vous les manderai l'ordinaire -prochain. Permettez-moi d'assurer M<sup>me</sup> de Chandiot -de mon service très humble, Monsieur, et -me croyez autant que je le suis</p> - -<p>Votre, etc., etc.</p> - -<p>P. S. J'apprends que le Roi a envoyé les trente -dames dans une abbaye de religieuses et ordonné -qu'on les traite magnifiquement et avec beaucoup -d'honnêteté. Cela est fort beau au Roi.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">20 juillet 1692.</p> - -<p>Je reçus hier au soir, Monsieur, votre lettre du -15 qui m'a fait beaucoup de plaisir; car j'allois -vous écrire pour me plaindre de votre silence, et -pour vous envoyer un madrigal qui vous fera voir -que j'ai trouvé plus de facilité à railler le prince -d'Orange qu'à louer le Roi. Il est vrai que je le loue -ailleurs, et qu'ayant écrit à M<sup>me</sup> de Maintenon à -Dinan et au R. P. de la Chaise devant Namur, ce -madrigal n'est qu'un petit enfant perdu qui court -le monde. Je souhaite pourtant qu'il ne vous déplaise -pas. M. Perrault de l'Académie a fait quatre -vers assez plaisants, les voici:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span></div> -<p class="i3">AUX JÉSUITES DE L'ARMÉE.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Commodément, aussi bien qu'en lieu sur,</p> -<p>Vous avez vu le siége de Namur;</p> -<p>C'est un emploi bien digne de louange;</p> -<p>Plus n'en a fait ce grand prince d'Orange.</p> -</div></div> - -<p>Enfin, Monsieur, c'est la mode de se moquer de -lui, et tout Paris est rempli de chansons de ce caractère-là. -Je crois que dans un mois j'aurai deux -petits volumes à vous envoyer. Apprenez-moi par -quelle voie je pourrai vous les faire tenir. Le Roi -est revenu en parfaite santé. Il a donné de fort -bonne grâce le gouvernement d'Antibes au neveu -du cardinal de Janson dont le père vient de mourir<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor"> [447]</a>. -Il a dit, en le donnant, qu'il le donnoit aux -services de l'oncle et du père. J'en écrirai demain -à cette Éminence. Au reste, vous vous moquez de -moi quand vous me dites que vous me devez une -partie des honneurs qu'on vous a rendus à votre -voyage; car vous ne les devez qu'à votre mérite. -Mais vous me devez un peu d'amitié, parce que je -suis sincèrement, avec toute l'estime que vous -méritez, votre, etc., etc.</p> - -<p>P. S. Excusez une très-mauvaise plume et me -permettez d'assurer l'aimable M<sup>me</sup> de Chandiot de -mon service très-humble.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 20 septembre 1692.</p> - -<p>Je ne sais, Monsieur, ce que vous pensez de mon -silence; mais je vous assure que la cause n'en est -fâcheuse que pour moi, et que dans le temps que -je ne vous ai pas répondu, je me suis souvenue -tous les jours que je devois vous répondre, et que -je me privois d'un grand plaisir en ne vous donnant -pas lieu de me faire l'honneur de m'écrire. -Mais un rhume, un procès au Grand Conseil<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor"> [448]</a> et -plusieurs autres embarras m'ont fait résoudre -d'attendre que je puisse vous envoyer deux petits -volumes d'<i>Entretiens de morale</i><a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor"> [449]</a> pour faire ma paix -avec vous. Mais par malheur il y a tant de fautes -d'impression, sans compter les miennes, que je -ne sais s'ils seront bien propres à vous apaiser, -en cas que vous m'ayez fait l'honneur d'être un -peu irrité de mon silence. Quoi qu'il en soit, -Monsieur, je vous demande une voie pour vous -les envoyer; car j'appris hier par M. de Pellisson -que M. le président Boisot est à Besançon en bonne -santé, dont je suis fort aise; et vous me ferez le -plaisir de l'assurer de mon très-humble service. -Nous eûmes avant-hier, ici et à Versailles, un -tremblement de terre: je le sentis mais je ne le -connus pas d'abord. J'étois assise dans une chaise -<span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span> -qui touchoit la porte d'un petit cabinet de la -chambre où je couche, qui n'est pas celle que vous -avez vue. Je sentis que cette porte ébranloit ma -chaise, et ma chaise m'ébranloit moi-même. Mais -comme cela dura peu, j'ai cru que c'étoit un chat -enfermé dans le cabinet qui en vouloit sortir, et je -n'en eus nulle émotion. Mais une heure après -dîner, je sus que dans tout mon quartier il n'y -avoit pas de maison où il ne se trouvât quelqu'un -qui ne s'en fût aperçu. Et il fut si fort à Notre-Dame -que tous ceux qui s'y trouvoient en sortirent, -croyant que l'église alloit tomber. On sentit aussi -le tremblement plus fort sur les ponts qu'ailleurs. -M. de Pellisson m'écrivit hier qu'il s'étoit fait -sentir si fort à Versailles, au Grand-Commun où -il loge, au château, à la Ville et à la paroisse, que -le peuple songeoit déjà à quitter les maisons et à -gagner la campagne. Le Roi étoit à Marly: on ne -savoit pas encore hier si on l'y avoit senti; mais -une laitière de Montreuil me dit hier que tous les -arbres avoient été ébranlés et que ceux qui descendoient -la montagne ne pouvoient s'empêcher de -tomber: par bonheur cela fut court. M. de Pellisson -n'en sentit rien, car il s'étoit endormi dans une -chaise après avoir dîné, et le valet fut le seul qui -s'en aperçut. J'ai cru, Monsieur, devoir vous dire -cet événement dont tous les rois du monde ne sont -pas les maîtres. Je ne vous dis point que tout va -bien de toutes parts, ma lettre est déjà trop longue, -mais seulement que M<sup>me</sup> la baronne de Bressey est -ici pour solliciter les affaires de son mari. M. de -<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span> -Valcroissant est venu avec elle. On m'a dit qu'elle -est jeune et belle, et peut-être me viendra-t-elle -voir. Son mari est à Arras. Permettez-moi d'assurer -M<sup>me</sup> de Chandiot de mon service très-humble -et de la justice que je rends à son mérite, et de -vous assurer vous-même, Monsieur, que personne -ne vous honore plus que je fais, ni n'est plus véritablement -votre, etc., etc.</p> - -<p>P. S. J'apprends que le tremblement de terre a -été à Marly comme à Versailles, sans y faire aucun -mal.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">11 octobre 1692.</p> - -<p>Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, par un -temps si extraordinaire qu'on ne peut s'empêcher -de s'en plaindre. Il fit hier un jour de mois de -mars; le soleil étoit fort clair, il geloit un peu à -la campagne et le froid étoit modéré. Présentement -toutes les maisons sont couvertes de neige -et il y en a plus d'un pied de haut dans mon jardin; -et il en tombe encore en telle abondance que -l'air en est obscurci. Et, avec cela, il fait un grand -vent et un froid très-piquant: ce qui n'accommode -pas une santé délicate comme est celle de M. de -Pellisson, ni une enrhumée comme moi, ni les -armées qui sont encore en campagne. Après cela, -Monsieur, je vous dirai que je n'ai pas été obligée -d'envoyer au collége de Bourgogne; car M. l'abbé -<span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span> -Reud<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor"> [450]</a> est venu lui-même prendre les livres que -je vous destinois. Et comme il y avoit déjà assez -de monde dans mon cabinet, et que je ne parle pas -de loin, je ne pus l'entretenir comme je l'eusse -voulu, et je ne le remerciai qu'en le conduisant -dans ma chambre. Vous trouverez des fautes d'impression -sans nombre qui ne sont pas à l'errata. -Ne les confondez pas avec les miennes et excusez -les unes et les autres. Souvenez-vous, Monsieur, -que je vous ai demandé vos sentiments sincères; -je fais la même prière à M<sup>me</sup> de Chandiot. Mais -pour les avoir tous purs, je les demande de sa -main, afin d'avoir deux plaisirs pour un. Assurez-la, -s'il vous plaît, de mes très-humbles services et -d'une estime très-distinguée. N'allez pas vous figurer -que je cherche à me faire louer, au contraire -je ne veux que m'instruire.</p> - -<p>Je ne vous dis pas de nouvelles, car vous ne -pouvez ignorer que les armes du Roi ont été victorieuses -en Allemagne comme en Flandre; que le -duc de Savoye a abandonné le peu qu'il avoit pris, -de peur d'être pris lui-même, et qu'au lieu d'être -un conquérant, il n'est qu'un brûleur de maisons. -On me dit hier qu'il a la fièvre tierce; cela est -extraordinaire après avoir eu la petite vérole. Le -prince d'Orange n'est pas sorti de Flandre fort -héroïquement: car il partit de nuit sans dire -adieu à personne; ses gardes demeurèrent en état -<span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span> -jusqu'au lendemain au jour qu'on déclara son -départ. On croit qu'il passera en Angleterre, où -les esprits sont fort divisés. Le prince régent de -Wirtemberg, que M. le maréchal de Duras a pris, -est très-bien fait, a beaucoup d'esprit et n'a nul -accent ni nul air étranger. Le Roi et la Reine -d'Angleterre sont à Fontainebleau où le Roi les a -reçus, comme les deux dernières années, avec une -magnificence toute royale et une honnêteté héroïque. -Vous en connoîtrez une partie dans un des -Entretiens. Permettez-moi, Monsieur, de faire -mille compliments à M. votre frère et de vous -assurer sincèrement que personne ne vous estime -et ne vous honore plus que votre servante, sans -excepter M. de Pellisson.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">3 novembre 1692.</p> - -<p>Je dois réponse, Monsieur, à deux de vos lettres, -mais un grand rhume et beaucoup d'affaires très-différentes -m'ont empêchée de me donner l'honneur -et le plaisir de vous répondre plus tôt. Il y a -une chose dans la première dont j'aurois profité si -je l'avois sue lorsque je fis la conversation sur la -tyrannie de l'usage; car cela me fait croire que -j'ai eu raison de le faire. En effet, Monsieur, peut-on -rien voir de plus différent que l'usage singulier -de Besançon et celui de tous les autres lieux -du monde, et surtout de celui de la cour de Paris? -<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span> -Car vous me dites qu'il faut cacher soigneusement -dans votre ville que j'ai l'honneur d'avoir quelque -commerce avec M<sup>me</sup> de Chandiot: et il m'est arrivé -plusieurs fois que des dames que je n'ai jamais -vues ont dit que j'étois de leurs amies et que -je leur écrivois. Mais du moins me sera-t-il permis -de parler de son mérite à M. de Pellisson et -de me louer de sa bonté.</p> - -<p>Pour votre seconde lettre, Monsieur, je commence -d'y répondre par vous remercier de la -manière dont vous avez reçu mon présent. Je vous -envoye le véritable errata que j'ai fait mieux que -celui de l'imprimeur, et vous verrez que les -<i>anciens Romains</i>, qu'on a mis au lieu de mettre -<i>les Lacédémoniens</i> est une faute d'impression. Cela -est su trop généralement pour être une ignorance. -Vous me ferez plaisir de me renvoyer cet errata. -Pour ce que vous me dites, Monsieur, que les lecteurs -aimeroient mieux qu'on leur laissât la -liberté de juger, vous me permettrez de vous dire -que je n'exécuterois pas le dessein que mes amis -m'ont fait prendre, si je suivois vos avis. Car ces -entretiens ne sont pas ceux de deux philosophes -de la secte de Diogène, ce sont des hommes et des -dames du monde qui doivent parler comme on y -parle. Et il est constamment vrai que le bel usage -veut qu'on relève avec esprit ce qui se dit d'agréable -dans une compagnie composée de personnes -qui savent l'exacte politesse, et les conversations -auroient un air sec et incivil sans cet usage. De -sorte, Monsieur, que voulant faire passer la politesse -<span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span> -de notre temps au temps qui viendra, j'ai dû -faire parler les personnages que j'introduis comme -les honnêtes gens parlent. Pour l'endroit de -l'amour-propre si caché dans notre cœur, il faut -qu'il m'aveugle puisque je ne puis deviner ce que -vous y devinez. Et comme cela a passé devant les -yeux de M. de Pellisson sans qu'il s'y soit arrêté, -et devant ceux de trois ou quatre personnes à qui -j'ai montré cet endroit depuis votre objection, et -qui n'y ont rien trouvé à dire, j'ai lieu de croire -que s'il y a faute, elle doit être petite. Pour ce mot -de <i>sentiments</i> dont vous me parlez, peut-être seroit-il -mieux qu'il y eût: <i>d'inspirer de semblables sentiments</i>, -au lieu de <i>susceptibles</i>. Mais, Monsieur, je -serois bien glorieuse, s'il n'y avoit pas d'autres -imperfections à mon ouvrage. Il est vrai que ces -sentiments sont si heureux dans le monde, que je -crois que quelque constellation cache leurs défauts. -Je viens de recevoir une lettre de M. l'évêque -d'Agen<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor"> [451]</a>, qui est le plus éloquent prélat du -royaume, et une de M. l'évêque d'Avranches<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor"> [452]</a> qui -est le plus savant, qui me persuadent ce que je -dis. Une jeune demoiselle de quatorze ans a fait -des vers au-dessus de son âge, pour les louer; -une autre de vingt-quatre ans en a fait de très-jolis. -M. le Camus Melson<a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor"> [453]</a> en a fait aussi, et MM. Bétoulaud -<span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span> -et Bosquillon, Petit et plusieurs autres en -ont fait de très-beaux. Mais au milieu de tout -cela, Monsieur, je donne à votre suffrage le prix -qu'il mérite et je tiens à grand honneur que les -<i>Entretiens</i> ne vous aient pas ennuyé. Ma lettre est -déjà si longue que je n'ose y rien ajouter, si ce -n'est de vous supplier de me permettre d'assurer -M. votre frère de mes très-humbles services et -d'être bien persuadé que personne ne vous estime -et ne vous honore plus que je fais, ni n'est avec -plus de sincérité votre, etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE d'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor"> [454]</a>.</p> - -<p class="dater">[1692.]</p> - -<p>Je suis ravie, Monseigneur, de vous retrouver -dans votre billet tel que je vous trouvai autrefois -à Chasse-Midi<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor"> [455]</a> et dans mon cabinet, et je vous -assure aussi qu'à la réserve de mes oreilles qui ne -valent rien, vous me trouverez toujours la même. -J'ai murmuré en secret que vous ne m'ayez rien -dit sur la mort de M. Ménage<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor"> [456]</a>. Vous aurez pu -voir que mes amis vivent dans mon cœur après -leur mort par ce que j'ai dit de M. de Montausier<a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor"> [457]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span> -Vous jugez de là, Monseigneur, si je puis oublier -les vivants, surtout quand ils ont un mérite aussi -distingué que le vôtre; aussi vous puis-je assurer -que c'est pour toute ma vie que je suis votre très-humble -et très-obéissante servante.</p> - -<p>P. S. Je voudrois fort que l'Entretien sur la -Reconnoissance ne vous déplût pas, je ne sais si -je l'oserai espérer.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. L'ABBÉ BOISOT.</b></span></p> - -<p class="dater">21 février 1693.</p> - -<p>N'attendez aujourd'hui de moi que des larmes -et des plaintes, Monsieur, car la perte que j'ai -faite est si grande, et la douleur que j'en ai est si -vive, que rien ne la peut ni égaler ni exprimer. On -peut dire sans flatterie que le Roi y perd le plus -zélé de ses sujets, le siècle un grand ornement, -les belles-lettres un grand éclat, tous ses amis une -âme héroïque et la religion un grand défenseur. -Mais je crois perdre plus que tout cela ensemble; -car un ami de quarante années de ce mérite-là, -qu'on a connu dans la bonne et dans la mauvaise -fortune et trouvé toujours également digne d'admiration -dans l'une et dans l'autre, est une perte -que nulle autre ne peut égaler. Chacun a eu toute -la surprise qui la pouvoit faire sentir d'une manière -plus dure; car M. de Pellisson n'avoit pas -de fièvre. Il dormoit assez bien, il n'a pas gardé -le lit un seul jour. Il fut à la messe le dimanche -<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span> -gras, et le jour de la Vierge il écrivit au cardinal -Janson une lettre de consolation sur la mort de sa -sœur qui étoit mon amie, et une au gouverneur de -Philippeville pour le remercier des bons offices -qu'il avoit rendus à un de mes amis. Je vous dis -tout cela, Monsieur, pour vous faire connoître -qu'il ne croyoit pas mourir. Il m'écrivoit tous les -jours l'état de son mal; mais lui, ayant un peu -empiré le vendredi au soir, il prit la résolution de -se confesser le lendemain au matin, et de recevoir -Notre-Seigneur. Il s'endormit tout habillé dans sa -chaise, mais ses gens, trouvant son dormir trop -long et trop fort, le réveillèrent. Mais, hélas! il -avoit perdu la connoissance et mourut quatre -heures après sans nulle violence. De sorte, Monsieur, -que la maladie fut courte et la mort subite. -L'innocence de sa vie et un nombre infini de bonnes -œuvres ne mettent pas ceux qui l'ont connu -en peine de son salut. Mais un faux dévot et de -malins esprits suscités par l'enfer, ont essayé de -ternir la conversion la plus parfaite qui ait jamais -été, et répandu un grand bruit que ce qui -l'avoit empêché de se confesser, c'est qu'il étoit -encore huguenot. Ce bruit si faux et si malin m'a -donné beaucoup de peine pour défendre cet illustre -ami dans la plus noire calomnie qui fût jamais. -Grâce à Dieu, le Roi et tous les gens sages -ne l'ont pas cru. J'écrivis à M<sup>me</sup> de Maintenon, à -M. le Chancelier, à M. Le Peletier, à M. de Meaux -une lettre de quinze pages. Je vous enverrai, l'ordinaire -prochain, une copie de sa réponse. Ce -<span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span> -grand évêque, le R. P. de la Chaise, tous les jésuites -des trois maisons de Paris, et enfin tous les -honnêtes gens lui ont rendu justice, et j'ai trouvé -une preuve incontestable pour sa foi sur le mystère -de l'Eucharistie, et pour sa dévotion au Saint -Sacrement. On a trouvé parmi ses papiers de Versailles -un traité qu'il faisoit de ce mystère et qu'il -espéroit faire imprimer à Pâques. On l'a porté à -M. de Meaux et ses calomniateurs commencent -d'être honteux de leur calomnie. On lui a fait un -service à Versailles où il est enterré, un à l'abbaye -Saint-Germain où il y eut grand monde. L'Académie -en fit dire hier un aux Billettes où les plus -illustres académiciens se trouvèrent, et l'Académie -de Soissons en doit aussi faire dire un. J'aurois -cent choses à vous dire, Monsieur, mais les -larmes m'aveuglent et la douleur me suffoque. Je -remercie M<sup>me</sup> de Chandiot de l'équité qu'elle a de -me plaindre, et comme ma plus douce consolation -est d'aimer ce qu'il a aimé, permettez-moi, -Monsieur, d'être toute ma vie, votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor"> [458]</a>.</p> - -<p class="dater">28 février 1693.</p> - -<p>La vive et juste douleur dont mon cœur est -pénétré pour la perte irréparable d'un illustre ami -<span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span> -de quarante années, ne m'a pas permis de vous répondre -plus tôt, Monsieur, et je vois plus de cinquante -lettres auxquelles je n'ai pas répondu. Et -ma douleur a tellement altéré ma santé que j'ai -eu besoin de tout mon courage pour n'être pas -accablée par tant de malheurs à la fois. Car je n'ai -pas eu seulement à supporter la plus vive affliction -qui fut jamais et la plus juste, il a fallu que j'aie -à combattre la plus noire calomnie qui ait jamais -été, et je m'y suis opposée avec tant de vigueur -que, grâce à Dieu, ce monstre sorti d'enfer est -près d'expirer.</p> - -<p>Il se rencontre que le curé de Versailles, qui est -un missionnaire, étoit irrité de ce que M. de Pellisson -alloit tous les jours à la messe à la chapelle -du château, ou aux Récollets, comme en étant -plus proche; de sorte qu'étant mal disposé, il crut -ce que la canaille libertine ou huguenote et envieuse -publia, et ce faux bruit se répandit partout. -Je vous envoie la copie de la réponse que m'a faite -M. de Meaux. Elle est mal écrite, mais je n'ai pas -le temps de l'écrire<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor"> [459]</a>. Vous verrez que le Roi a -rendu justice à l'illustre mort. Je le sais par cent -endroits, et il n'y a plus que quelque canaille envieuse -et hérétique qui ose mal parler de sa foi. Au -contraire, on m'écrit des éloges de sa piété. Il alloit -<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span> -faire imprimer à Pâques ce qu'il écrivoit sur l'Eucharistie, -que M. Pirot, docteur de Sorbonne, -avoit déjà vu et fort approuvé. Enfin, Monsieur, -j'ai la consolation de voir le mensonge s'en aller -en fumée pour laisser briller la vérité. C'est tout -ce que vous dira pour aujourd'hui une affligée que -la douleur a fait malade. Je fais ce que je puis -pour résister à tous ces maux, car je suis nécessaire -à conserver sa mémoire. Aidez-moi, Monsieur, -dans ce juste dessein. Remerciez pour moi -M<sup>me</sup> de Chandiot de la bonté qu'elle a eue de me -plaindre, et l'assurez de mon très-humble service. -Et me permettez d'espérer, Monsieur, que vous me -continuerez l'amitié dont vous m'avez honorée, et -vous souvenez pour me l'accorder que j'ai eu le -bonheur d'être quarante années la première amie -d'un homme si rare, qu'on peut dire que le Roi y -perd le plus zélé de ses sujets, le siècle un grand -ornement, les belles-lettres un grand éclat, ses -amis une âme héroïque et l'Église un grand défenseur. -Le temps m'empêchera, Monsieur, de -vous en dire davantage, mais rien ne peut m'empêcher -d'être toujours, votre, etc., etc.</p> - -<p>P. S. Je ne puis relire, je vous en demande pardon.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">7 mars 1693.</p> - -<p>Je ne combats pas votre douleur, Monsieur, et -je vous rends la justice que vous me rendez, mais -<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span> -la colère m'a donné du courage et la force de résister -à cette juste douleur pour combattre la calomnie -qui, grâce à Dieu, est étouffée par la vérité. -Je vous envoie la lettre de M. de Meaux que -vous me demandez. J'en reçus hier une autre par -laquelle il m'assure qu'il n'oublie rien pour honorer -la mémoire de notre cher et illustre ami. -M<sup>me</sup> de Maintenon en a écrit très-avantageusement, -M. l'abbé de la Trappe<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor"> [460]</a> en a fait l'éloge, un de ses -amis, le R. P. de la Chaise, en rendit dimanche de -grands témoignages chez Monseigneur l'archevêque -où il y avoit assemblée, et tout d'une voix la calomnie -fut condamnée. A Angers, l'évêque<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor"> [461]</a> a justifié -pleinement l'illustre mort et deux ministres -bien convertis l'ont défendu contre le bas peuple -hérétique. Le dernier <i>Mercure galant</i> contient un -éloge véritable de notre ami. Ceux qui font le <i>Mercure</i> -ont cru que je l'avois écrit; mais il est d'un -de mes amis appelé M. Bosquillon, à qui j'avois -donné un simple mémoire. M. Turgot Saint-Clair -a fait deux épitaphes en latin qu'on estime fort. -Mais il les montre et ne les donne pas; il en use -ainsi de tout ce qui part de son esprit. Il y aura -encore d'autres éloges avec un peu de temps; -c'est tout ce qu'on peut faire avec un ami qu'on -perd. M. de Leibnitz d'Hanovre lui donne mille -louanges dans une lettre qu'il a écrite à une religieuse -de grand monde, qui est à Maubuisson<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor"> [462]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span> -Enfin, Monsieur, la médisance se change en éloges -et la vérité triomphe du mensonge.</p> - -<p>Permettez-moi, Monsieur, de remercier M. le -président Boisot et toute votre famille de la justice -qu'ils me rendent en me plaignant, et de les -assurer de mon service très-humble. Et pour vous, -Monsieur, je veux croire que, sachant que j'étois la -première amie de l'illustre mort depuis trente-huit -ans, cela me tiendra lieu de mérite et que vous -voudrez bien que je sois le reste de ma vie, votre, -etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">3 avril 1693.</p> - -<p>Comme la douleur est du poison pour moi, -Monsieur, ma santé n'a pu résister à celle dont mon -cœur est pénétré. Et comme mes larmes m'ont attiré -une fluxion sur les yeux, je n'ai pas pu vous -répondre plus tôt pour vous remercier de m'avoir -envoyé ce que vous aviez écrit sur notre incomparable -ami, qui se trouve parfaitement beau. Et je -vous exhorte, Monsieur, à continuer votre dessein -et de trouver lieu de placer cette belle lettre<a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor"> [463]</a>, qui -fera honneur à l'illustre mort et à vous. Et je ne -doute pas non plus que ce que vous écrivez n'en -<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span> -fasse beaucoup au cardinal de Granvelle<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor"> [464]</a>. Je vous -exhorte donc, Monsieur, à exécuter votre dessein -comme notre ami vous l'eût conseillé. Sa mémoire, -grâce à Dieu, a l'éclat qu'elle mérite, et l'on m'écrit -de Bordeaux que quelques huguenots ayant -voulu dire quelque chose contre sa mémoire, on -s'est moqué d'eux et on les fera taire. Mais ce qui -est très-considérable, Monsieur, c'est que mardi -dernier M. l'abbé de Fénelon fut reçu à l'Académie -pour remplir la place de M. de Pellisson. L'assemblée -fut très-nombreuse; Monseigneur l'archevêque -s'y trouva. Le R. P. de la Chaise y étoit et -plus de cent personnes de mérite, qui admirèrent -la harangue que fit M. l'abbé de Fénelon. Car ce -fut le plus bel et le plus grand éloge qui ait jamais -été fait, et tout son discours fut rempli des louanges -du Roi et de celles de l'illustre mort. Et comme -il l'avoit vu et entretenu la veille qu'il mourut, il -étoit un témoin irréprochable de tout ce qu'il -disoit à son avantage. Enfin, Monsieur, il fit un -portrait si ressemblant de notre ami et le regretta -si vivement, qu'il attendrit tous ceux qui l'entendirent -et plusieurs académiciens en pleurèrent. Le -directeur de l'académie répondit et loua aussi -<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span> -beaucoup, mais l'abbé charma toute l'assemblée. -J'espère que cela sera bientôt imprimé et vous -verrez, Monsieur, que le médecin qui a parlé à -M. votre intendant<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor"> [465]</a>, est un très-impertinent calomniateur; -mais je voudrois bien savoir les sottises -que vous m'avez mandé qu'il disoit, car je les détruirois -toutes. Il est vrai que M. de Pellisson ne -croyoit jamais tout à fait les médecins qui le -voyoient, et qu'ils en murmuroient. Mais enfin la -vérité a triomphé du mensonge, et je ne doute pas -que vous n'en soyez bien aise. Un neveu de notre -incomparable ami, qui est bien connu et qui est -capitaine dans le régiment de Guiche, a été présenté -au Roi par M. le duc de Noailles, et il en a -été reçu agréablement. Voilà, Monsieur, tout ce -qu'une toux cruelle me permet de vous dire, et -que je suis avec toute l'estime que vous méritez, -votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">22 mai 1693.</p> - -<p>Je dois réponse à deux de vos lettres, Monsieur, -qui m'ont été très-agréables, car je suis ravie que -mes soins ne vous déplaisent pas.... Dès que mes -premières larmes furent essuyées j'écrivis à Castres, -à un ancien ami de M. de Pellisson, pour le -prier de m'apprendre ce qu'il savoit de l'enfance -et de l'éducation de l'illustre mort, et vous en -<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span> -avez vu quelques petites circonstances agréables -dans l'Éloge; car pour la suite de sa vie, je la sais -par moi-même, et une amitié de trente-neuf années -aussi intime que la nôtre ne m'en a rien -laissé ignorer. Le malheur veut que les endroits -les plus héroïques ne se peuvent écrire; mais il y -en a sans doute assez pour faire connoître que -c'étoit un homme d'un mérite extraordinaire, soit -pour la vaste étendue de son esprit, aussi agréable -que solide, ou par sa rare vertu et sa sincère -piété. On n'a pas parlé de l'éloge de la feue Reine-mère, -Monsieur, parce qu'il est court, et qu'il y -a plusieurs autres choses très-ingénieuses dont -les lecteurs seront bien aises d'être surpris. Cet -éloge fut fait pour être gravé sur une manière de -petite plaque d'argent, derrière le portrait de cette -Reine, dont la bordure est d'or, enrichie de deux -mille écus de pierreries, et je fus choisie par -M. de Remirecour, dont j'avois donné la connoissance -à M. de Pellisson, pour faire les vers qui -sont gravés sur l'or au-dessous de la figure de cette -princesse. Je vous les enverrai une autre fois<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor"> [466]</a>. Je -crois que vous n'avez pas vu l'<i>Eurymédon</i>, dont je -suis la cause de plusieurs manières<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor"> [467]</a>. C'est une -chose étonnante, quand on sait en quelle affreuse -prison il a été fait. Si je vous parlois, je redoublerois -votre admiration pour notre ami, et vous -me sauriez gré de lui avoir donné lieu, par mon -courage et par mon industrie, de faire en ce lieu-là -<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span> -toutes les héroïques et agréables choses qu'il y -a faites durant quatre ans. Au reste, Monsieur, -j'ai à vous dire que ce que M. de Pellisson a laissé -du <i>Traité de l'Eucharistie</i> n'a nul besoin d'être -retouché par personne. Il n'y faut pas changer un -mot, ni en discuter une syllabe. Nous ne savons -pas s'il vouloit aller plus loin, mais ce qui est fait -est parfait, et ses calomniateurs seront confondus. -Je conseillerai qu'on garde soigneusement le manuscrit, -car il y a partout des apostilles et des -corrections de la main de l'auteur entre les lignes. -Au reste on vient de me dire que Roze<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor"> [468]</a> en Catalogne -[est assiégé], Heidelberg en Allemagne, et -que le Roi va en Flandre. Monsieur partira bientôt -pour la Bretagne. On meuble le château de Vitry, -qui est à six lieues de Laval. On ne craint pas le -prince d'Orange le long de nos côtes, mais on -craint avec raison que les pluies ne gâtent les blés -et n'incommodent beaucoup les troupes. Mais il -pleuvra sur les ennemis du Roi comme sur ses -armées. Excusez toutes les ratures de cette lettre; -ma plume ne vaut rien et mon esprit, en parlant -de M. de Pellisson, n'est pas libre. M. Bosquillon à -qui j'ai fait voir votre lettre, en est charmé et m'a -dit qu'il voudroit écrire aussi bien que vous pour -vous louer dignement. Pour moi, Monsieur, qui -ne fais point de souhaits impossibles, je me contente -de vous assurer avec une simplicité sincère -que personne ne vous honore plus que votre, etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">7 juin 1693.</p> - -<p>Vous m'avez écrit une si belle lettre, Monsieur, -que je n'ai pas pu m'empêcher de la montrer à -deux ou trois de mes amis, et entre autres à -M. Bosquillon, qui l'a admirée. Mais je ne l'ai -montrée qu'après avoir prié ceux à qui je la faisois -voir de vous pardonner ce que vous dites de -trop à mon avantage. Je ne rejette pourtant que les -louanges de mon esprit, et j'accepte hardiment -celles qu'on donne à mon cœur et à mon amitié, -parce que je suis persuadée qu'il est du devoir -d'une personne raisonnable d'avoir le cœur comme -je l'ai, et d'aimer ses amis comme j'aime les -miens. Car, selon moi, quiconque n'est pas ainsi -mérite d'être blâmé. Je vous remercie donc, Monsieur, -de la justice que vous me rendez sur certains -articles, seulement regardant vos louanges -comme un pur effet de votre honnêteté et de votre -politesse. Si vous étiez à Paris je vous montrerois -le poëme <i>d'Eurymédon</i>......... -Comme je suis la seule qui ai toutes les poésies -de cet illustre mort et que j'y ai plus d'une sorte -de droits, particulièrement à celles qu'il a faites -dans la Bastille, parce qu'il n'eût pu les faire sans -mon secours, je les garde soigneusement jusqu'à -ce qu'on les mette au jour. Voici les quatre premiers -vers d'<i>Eurymédon</i> qui me sont adressés:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Merveille d'amitié dont les vertus divines</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span></div> -<p>Surpassent les héros comme les héroïnes,</p> -<p>Qui seule consolez mon triste éloignement</p> -<p>Et de ces belles fleurs faites votre ornement.</p> -</div></div> - -<p>Il faut que vous sachiez, Monsieur, que le -Prince qui est le héros du poëme est, à la fin de -l'ouvrage, métamorphosé en fleur, et cette fleur -est une espèce de giroflée jaune qui croît sur les -murailles, que j'ai toujours fort aimée, et dont -M. de Pellisson en voyoit beaucoup sur les tours -de la Bastille, lorsqu'il eut la permission de s'y -promener conduit par un officier. Cet ouvrage a -assurément de grandes beautés et me fait beaucoup -d'honneur en divers endroits, et le Roi y est -mieux loué en quatorze vers qu'on ne l'a quelquefois -loué en mille. Le beau discours de M. l'abbé -de Fénelon est imprimé, et il mérite sans doute la -réputation qu'il a; je suis fâchée qu'il soit trop -gros pour vous l'envoyer par la poste.</p> - -<p>Je ne vous dis point de nouvelles aujourd'hui. -On ne savoit point encore hier où va le Roi; mais -il partit du Quesnoy le 3 de ce mois et toutes les -armées marchoient. Les ennemis n'ont que soixante -mille hommes qu'ils ont séparés et mis dans les -villes qu'ils craignent le plus de voir assiégées, -comme Bruxelles, Gand et Liége; et le Roi a plus -de cent dix mille hommes en ses deux armées. Il -fit ses dévotions le 1<sup>er</sup> de juin au Quesnoy, se portant -parfaitement bien. S'il n'est pas venu de courrier -la nuit dernière, on n'en sait que cela; mais -toute l'Allemagne tremble depuis la prise d'Heidelberg, -et on ne croit pas que le prince Louis de -<span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span> -Bade attende M. le maréchal de Lorge qui marchoit -vers lui quand on m'a écrit. Je suis, Monsieur, -avec toute l'estime que vous méritez et toute la -sincérité de mon cœur, votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">15 décembre 1693.</p> - -<p>Je suis fort aise, Monsieur, que vous ayez reçu -les deux ouvrages de l'illustre mort et que vous -les trouviez aussi beaux qu'ils sont. L'Élégie est -touchante et généreuse, mais le Discours au Roi -est un chef-d'œuvre plein d'esprit, de jugement, -de magnanimité et d'éloquence; et ce qui en redouble -le prix est le temps et le lieu où tout cela -a été fait: car les difficultés qui s'y rencontroient -eussent paru insurmontables à tout autre qu'à -moi. Mais l'amitié et le courage viennent à bout -de tout<b>....</b></p> - -<p>Vous ne pouvez pas ignorer ce qui est arrivé à -Saint-Malo et de quelle manière la machine infernale -qui pouvoit détruire six villes comme celle-là, -a échoué; que l'ingénieur qui l'avoit faite y a -été étouffé avec deux autres, qu'il est resté sept -cents bombes remplies d'ingrédiens diaboliques -et tout nouveaux, et que le fracas que fit l'embrasement -de la poudre fut si grand qu'on crut -que cent mille hommes tomboient tout à la fois -sur la ville. Tout le monde tomba dans les rues -<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span> -et dans les maisons; un canon de fer, chargé de -trois livres de balles, passa par-dessus la maison -où étoit M. le duc de Chaulnes, et alla se ficher -dans un grenier sans faire une ouverture plus -grande que celle qu'il lui falloit pour passer: cela -est incroyable et est très-vrai. Il y a environ quarante -maisons découvertes et des vitres brisées. -Et cependant cet effroyable fracas n'a pas tué un -chat (on me l'écrit en ces termes-là), et n'a pas -mis le feu aux artifices qu'on avoit préparés pour -perdre la ville. Il nous est resté plus de sept cents -bombes pleines d'ingrédiens nouveaux: on en a -envoyé une au Roi. Le fracas fut si terrible qu'on -crut à Caen que la terre trembloit. On a encore -trouvé une chaloupe double que M. de Chaulnes a -trouvée si bien faite qu'il en veut faire six toutes -pareilles. Je fus si touchée de ce terrible événement -quand j'en reçus la première nouvelle, que -je fis l'impromptu que je vous envoie<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor"> [469]</a>. On dit que -la machine coûtoit deux millions au prince d'Orange, -et j'apprends en cet instant, par des lettres -de Bretagne et de Basse-Normandie, que la mer a -vu près de cent Anglois morts sur ses bords, que -les ennemis n'avoient plus de vivres et qu'ils en -ont été prendre aux îles de Jersey et de Guernesey, -où ils ont enterré un mort de quelque conséquence. -Je suis bien obligée à M. le président -Boisot de son souvenir. Je vous prie de l'en remercier -pour moi et d'être bien persuadé, Monsieur, -<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span> -que personne ne connoît votre frère mieux que je -le connois, et n'est plus véritablement votre, etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">6 mars 1694.</p> - -<p>Votre dernière lettre, Monsieur, est si bien -écrite, si généreuse pour l'illustre mort et si obligeante -pour moi, que je ne puis assez la louer, ni -vous en remercier. Je vous apprends qu'on imprime -les approbations du <i>Traité de l'Eucharistie</i> -et l'Épître dédicatoire au Pape, et que la première -approbation est de M. l'archevêque d'Arles<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor"> [470]</a>, qui -a si bien connu la force et la beauté de l'ouvrage -qu'il approuve, et a si parfaitement pénétré le -sens de l'auteur, qu'il ouvrira les yeux aux moins -éclairés. Et ce qui augmente mon plaisir, c'est -que c'est moi qui ai obtenu, par une de mes -amies, que cet archevêque travaillât; il étoit enrhumé, -il avoit des affaires et le temps étoit court. -Mais enfin je l'ai emporté, et j'en suis ravie, car -cela pare le livre. Mais comme M. l'abbé de Ferriès -sera le maître des exemplaires, priez-le de -vous en envoyer le plus tôt qu'il pourra. Il y a -peu de nouvelles: on envoie vingt bataillons en -Piémont, parce qu'on a su que les ennemis y en -faisoient passer. M. le prince d'Elbeuf a gagné deux -<span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span> -mille pistoles bien aisément: car ayant dit qu'il -avoit six juments qui, étant attelées à une manière -de petit chariot, alloient et revenoient de Paris à -Versailles en moins de deux heures, Monseigneur -paria que cela ne se pouvoit et tous les courtisans -à son exemple, et ils ont tous perdu.</p> - -<p>Il y a une nouvelle Satire de Despréaux imprimée -contre les femmes, qu'il croit être la meilleure -des siennes. Mais les gens de bon goût ne le trouvent -pas, et il y a un caractère bourgeois et des -phrases fort bizarres. Il donne un coup de griffe, -selon sa coutume, à <i>Clélie</i>, sans raison et sans nécessité<a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor"> [471]</a>. -Mais je suis accoutumée à mépriser ce -qu'il dit contre ce livre, et je n'y répondrai pas. -Un livre qui a été traduit en italien, en anglois, -en allemand et en arabe, n'a que faire des louanges -d'un satirique de profession. Quand vous -aurez vu cette satire qui maltraite fort M. Perrault, -ami de M. de Pellisson et le mien, je serai bien -aise d'en savoir votre sentiment. Je suis, Monsieur, -avec toute l'estime dont vous êtes digne et toute -la sincérité dont je fais profession, votre, etc., -etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">10 mars 1694.</p> - -<p>Je reçois, Monsieur, votre lettre du 4 et j'y réponds -à l'heure même, pour vous dire que j'ai bien -meilleure opinion de Besançon que vous ne pensez. -Et s'il n'y avoit que vous, Monsieur votre frère -et M<sup>me</sup> de Chandiot qui eussiez de l'esprit et du -mérite, il faudroit vous regarder comme des phénix. -Mais comme j'ai beaucoup vécu, il y a longtemps -que je sais que Besançon est une ville à qui -le voisinage de peuples moins polis ne gâte rien. -Et puis, Monsieur, quoique le proverbe dise qu'une -alouette ne fait pas le printemps, je soutiens que -vous seul inspireriez l'esprit et la politesse à toute -une grande ville. Vous m'avez fait beaucoup de -plaisir de me parler de M<sup>me</sup> de Chandiot, dont je -n'osois vous parler la première, de peur de l'importuner, -car je respecte même mes amis quand -ils s'endorment, et je ne les réveille pas étourdiment.</p> - -<p>Il y a une Satire contre les femmes du satirique -public, que le mérite seul de votre amie doit faire -sembler plus ridicule, car il a si mauvaise opinion -des femmes qu'il ne peut compter que trois -honnêtes femmes dans tout Paris. Mais, quoiqu'il -pense que cet ouvrage est son chef-d'œuvre, le public -n'est pas de son avis et le trouve très-bourgeois -et rempli de phrases très-barbares. Il donne -un coup de griffe assez mal à propos à <i>Clélie</i>. Et -<span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span> -j'imite ce fameux Romain qui, au lieu de se justifier, -dit à l'assemblée: «Allons remercier les -dieux de la victoire que nous avons gagnée....»</p> - -<p>Je suis, Monsieur, avec toute l'estime dont vous -êtes digne, votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">20 mars 1694.</p> - -<p>Votre dernière lettre, Monsieur, est si belle -qu'une enrhumée n'oseroit entreprendre d'y répondre, -et je ne vous écris aujourd'hui que pour -vous dire que le Roi a reçu très-favorablement le -livre de M. de Pellisson, que M. l'abbé de Ferriès -lui a présenté. Je le priai fort hier de vous l'envoyer -promptement, et il me dit qu'il le feroit -quand le libraire lui en auroit baillé. Je lui en -demandai un pour M<sup>me</sup> de Sévigné, qui le mérite -par cent raisons: il me le bailla. Je ne fis que -l'ouvrir et l'envoyer; mais, en l'ouvrant, j'y vis -un assez long avertissement dont je n'avois pas -entendu parler et dont je ne lus que trois lignes, -ne voulant pas faire voir que je le remarquois. Je -le crois de la même main que l'Épître: vous m'en -direz votre avis. Mais je vous prie très-instamment -de ne jamais dire à cet abbé que je vous en aie -écrit, et de me mander votre sentiment de l'ouvrage. -Comme j'ai trois lettres de M. de Pellisson, -qui marquent qu'il a toujours cru qu'il mourroit -avant moi, et désiré et attendu que je prendrois -<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span> -soin de son tombeau, j'ai sans doute quelque droit -de m'en mêler. Au reste la Satire est toujours plus -décriée, et il y a un grand nombre de vers qui la -blâment d'une manière sanglante. Il y a encore un -ancien satirique qui lui a donné un petit coup de -griffe; il s'appelle Linière; voici ce qu'il dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ta Satire contre les femmes,</p> -<p>Que si durement tu diffames,</p> -<p>Vole partout, fameux Boileau;</p> -<p>Et c'est le comble de ta gloire</p> -<p>De voir qu'on la montre à la foire</p> -<p>Comme quelque monstre nouveau.</p> -</div></div> - -<p>Il y en a de M. de Nevers d'un autre caractère, -mais je n'aime pas à envoyer de pareilles choses<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor"> [472]</a>. -Je suis, monsieur, avec une estime singulière, -votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">24 mars 1694.</p> - -<p>Je vous écris aujourd'hui, Monsieur, sans répondre -à votre belle lettre du 16. Elle est trop modeste -pour vous et trop flatteuse pour moi. Vous -ai-je envoyé ce que M. de Nevers a écrit contre la -<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span> -nouvelle satire? Quand vous l'aurez lue, vous me -ferez le plaisir de me dire si vous savez ce que -c'est qu'un <i>lit effronté</i>, et si ce vers:</p> - -<p class="quote"><b>....</b> que Vénus ou Satan<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor"> [473]</a></p> - -<p>peut être fait par un chrétien. Je crois, Monsieur, -que vous raisonnez fort bien en politique. On va -faire un grand effort en Piémont et en Catalogne. -Comme je compte votre voix pour beaucoup, je -vais vous écrire un madrigal que je fis hier et que -j'enverrai à Versailles<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor"> [474]</a>. Je ne l'ai montré qu'à -M. l'évêque d'Avranches et à M. Bosquillon qui en -sont contents. Je souhaite que vous le soyez de -même et que vous me croyiez sincèrement votre, -etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">7 avril 1694.</p> - -<p>Puisque c'est un sujet de joie qui vous a détourné -de la lecture du livre précieux de l'illustre -mort, je n'en saurois murmurer, et le mariage de -votre parent prouve que la Satire contre les femmes -n'empêche pas qu'on ne se marie. Toutes vos -remarques sont justes<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor"> [475]</a>, et l'on en peut faire beaucoup -d'autres. Il n'y a que lui au monde qui -puisse mettre Faustine en un rang plus honnête -<span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span> -qu'une simple coquette. Je vous envoie les vers -qu'on donne à M. de Nevers. J'en viens de voir de -si terribles que je ne les ai pas voulu prendre. -Vous me faites beaucoup de plaisir, Monsieur, de -me faire espérer bientôt votre sentiment sur le -livre de l'illustre mort, qui est admiré des plus -habiles, des plus savants et des plus polis, et -même des plus emportés de ses calomniateurs....</p> - -<p>Adieu, Monsieur, la toux me presse de finir; -mais ce ne sera pas sans vous assurer que je suis -très-sincèrement votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span></span><a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor"> [476]</a>.</p> - -<p class="dater">4 juin [1694].</p> - -<p>Votre lettre du 29 de mai, Monseigneur, m'a -causé un plaisir très-sensible, car connoissant le -prix de votre suffrage comme je fais, j'ai été ravie -que le dernier ouvrage de celui que je regretterai -toute ma vie, l'ait obtenu. J'espère que la suite de -cet admirable <i>Traité de l'Eucharistie</i> l'obtiendra de -même, et que vous donnerez aussi votre approbation -entière au second volume qu'on va imprimer. -Je vous ai écrit à Avranches une lettre que je suppose -qu'on vous aura envoyée; mais, à tout hasard, -je vous répète que le nonce a remis à M. l'abbé de -Ferriès, de la part du Pape, une belle lettre latine -écrite par le cardinal Spada, par ordre de Sa Sainteté, -qui est toute remplie des louanges de feu -<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span> -M. de Pellisson et de son ouvrage. Cela est assurément -fort glorieux pour sa mémoire. Le Roi a vu -cette lettre, M. de Meaux en est ravi. Le Pape -paroît fort aise que cet ouvrage ait paru sous son -nom, étant rempli de la doctrine, de la piété et de -l'éloquence de son auteur; il a ajouté que cet -écrit lui est d'autant plus agréable qu'il ne tient -rien de la sécheresse sententieuse des controversistes, -et qu'enfin ce livre ne tend qu'à établir et -éclaircir la doctrine catholique et à la persuader -d'une manière propre à ramener les esprits égarés. -Cela est plus fort et mieux dit que je ne le -répète, et il finit en disant que M. Pellisson a été -heureux de finir ses jours dans une étude si simple -et si louable.</p> - -<p>Après cela, Monseigneur, permettez-moi de vous -dire avec la même franchise que vous me parlez -à la fin de votre lettre, que l'éloquence qui paroît -dans le <i>Traité de l'Eucharistie</i> n'est pas une éloquence -qui farde et ne fait qu'éclairer sans éblouir; -car après avoir persuadé l'esprit, elle touche le -cœur, et je vous assure, Monseigneur, que cette -foi vive, cette charité et cet amour de Dieu qui -vous touchent encore plus que tout le reste, vous -toucheroient moins sans ce petit rayon d'éloquence -naturelle qui brille dans tout cet ouvrage, sans -lui ôter rien de cette noble simplicité qui doit -accompagner ces sortes de matières.</p> - -<p>Je suis, Monseigneur, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span> -<span class="small"><b>A L'ABBÉ BOISOT</b></span><a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor"> [477]</a>.</p> - -<p class="dater">21 août [1694].</p> - -<p>Je n'entreprends pas, Monsieur, de répondre à -votre obligeante lettre, car je n'en ai pas le temps -aujourd'hui, mais je veux vous dire que j'apprends -que le 9 de ce mois Papachin et milord Russell<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor"> [478]</a> -sont arrivés devant Barcelone, et que M. de -Noailles qui étoit à quatre lieues de là, à une petite -ville au bord de la mer, dépêcha aussitôt une -frégate légère et une tartane, pour aller, séparément, -en avertir M. de Tourville à Toulon, qui -étoit prêt à faire voiles. Il envoya aussi diverses -barques pour observer les manœuvres des ennemis, -et voir s'ils débarquoient beaucoup de troupes; -il mit des sentinelles sur toutes les hauteurs -pour être averti de tout. J'apprends encore d'un -autre côté que le 16, le prince d'Orange, manquant -de tout dans son camp, renvoya ses gros bagages, -et que le 17 à neuf heures du matin<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor"> [479]</a>..., apprenant -que le prince d'Orange faisoit quelque mouvement, -fit battre la générale et donna ordre qu'on se tînt -prêt à marcher, faisant distribuer les sacs d'avoine -par compagnie de cavalerie, et l'on vient -d'ajouter à cela que le prince d'Orange marchoit -<span class="pagenum"><a id="Page_378"> 378</a></span> -vers Flene<a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor"> [480]</a> et Monseigneur vers la Sambre; dans -peu de jours on en saura davantage. M<sup>me</sup> de Nemours -marie son héritier à M<sup>lle</sup> de Luxembourg et -lui donne des biens immenses, et c'est un homme -qui ne sait que boire<a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor"> [481]</a>.</p> - -<p>Après cela, Monsieur, je vous dirai que le Roi a -reçu admirablement bien le présent de M. Bétoulaud, -c'est une onice<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor"> [482]</a> antique très-belle, où la Victoire -est gravée. Ce fut le P. de la Chaise qui la -lui donna avec de très-beaux vers qui me sont -adressés et où j'ai répondu, et un autre ouvrage -qui m'est aussi adressé et où j'ai fait aussi une -réponse. J'avois mis le cachet de la pierre antique -dans une jolie boëte d'agate garnie d'or. Sa Majesté -trouva la pierre très-belle et très-curieuse et -prit beaucoup de plaisir aux vers; enfin cela s'est -passé très-glorieusement pour M. Bétoulaud et pour -moi. S. M. dit qu'elle alloit les montrer à M<sup>me</sup> de -Maintenon, et je prétends lui écrire mercredi prochain -pour lui apprendre que je ne suis pas payée. -Il me reste à vous dire que je suis ravie que vous -soyez guéri, que je souhaite que votre frère le -soit bientôt, et que je suis, Monsieur, plus que je -ne le puis dire, votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span> -<span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Août 1694.</p> - -<p>Je vous réponds un peu tard, Monsieur, par des -raisons bien différentes. La première est que je -fus accablée, à ma fête, de fleurs, de fruits, de -vers et de billets, qu'il m'a fallu plusieurs jours à -remercier ceux qui me les avoient envoyés et à -recevoir les visites de ceux qui venoient voir les -vers que j'avois reçus. Mais, depuis cela, ma santé -altérée, mes affaires au même état et l'inquiétude -où j'étois du Havre où je suis née, et du pays de -Caux, où j'ai un neveu à la mode de Bretagne, -d'un mérite distingué, et plusieurs autres parents, -m'ont fort occupée. Mais grâce à Dieu, les ennemis -n'ont pas fait grand mal au Havre, quoiqu'ils -y aient jeté plus de mille bombes, où il n'y a eu -que six médiocres maisons brûlées, et une chapelle -un peu endommagée; et la bombarde qu'une de -nos bombes fit sauter en l'air valoit mieux que -ce que la ville a perdu. Il n'y a eu qu'un homme -tué au Havre, et deux à Dieppe. L'embrasement de -cette dernière a été grand par la faute des habitants -qui étoient tous sortis de la ville. Mais M. le maréchal -de Choiseul, qui étoit au Havre avec la -Maison du Roi et la noblesse du pays, fit éteindre -le feu aussitôt qu'il prit en quelque part. La citadelle -et les vaisseaux du port n'ont eu nul mal.</p> - -<p>Comme vous prenez part à tout ce qui me touche, -je vous dirai que le Madrigal sur la prise de -<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span> -Gironne<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor"> [483]</a> a été vu du Roi par le R. P. de la Chaise -et qu'il en a été loué plus qu'il ne mérite. J'envoyai -hier à ce même père une pierre antique pour -le Roi, avec de très-beaux vers que l'on m'avoit -adressés, où j'ai répondu. J'ai lieu de croire, vu -la manière dont il a reçu mon madrigal, que Sa -Majesté ne sait pas que je ne suis pas payée. Si -cela continue, je prendrai la liberté de l'écrire à -M<sup>me</sup> de Maintenon, pour la prier d'en dire un mot -au ministre. Vous voyez, Monsieur, que je vous -parle de mes intérêts comme si c'étoient les vôtres. -Apprenez-moi, s'il vous plaît, Monsieur, si vous -êtes soulagé de la douleur dont vous vous plaigniez -par votre dernière lettre. Je le souhaite de tout -mon cœur, comme étant véritablement votre, etc. -etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 6 novembre 1694.</p> - -<p>Un grand rhume causé par toutes les inclémences -de l'air et accompagné du chagrin de ne voir -pas finir mon affaire du Trésor royal, dont on parlera -encore demain au ministre, m'ont empêchée -de vous écrire plus tôt. Mes amis n'ont pas encore -trouvé cet Eusèbe que vous cherchez. Nous verrons -si le public le trouvera, car M. Bosquillon et moi -nous avons fait mettre la question dans le <i>Journal</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span> -<i>des Savants</i><a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor"> [484]</a>. Nous verrons si quelqu'un sera plus -heureux. Il y a très-peu de nouvelles: on parle -toujours de la paix avec espérance. Les galères -hiverneront à Saint-Malo et à Bordeaux, dont les -officiers sont bien fâchés; ils seroient plus agréablement -à Marseille. M. l'évêque d'Agen, autrefois -le père Mascaron, qui est de mes amis depuis plus -de quarante ans, prêcha le jour de la Toussaint à -Versailles et charma le Roi et même les courtisans. -Je m'y étois attendue, car c'est le plus éloquent -homme du royaume et qui prêche le plus solidement. -Je vous envoie un madrigal que M. Bosquillon -a fait sur ce sermon-là. J'ai fait aussi un impromptu<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor"> [485]</a>, -mais on n'y entend rien si on n'a vu -une grande Épître que M. de Bétoulaud a faite -à la louange de cet excellent prélat qui, dans -la disette, nourrissoit les pauvres jusqu'à s'incommoder. -Je voudrois bien, Monsieur, vous -demander si vous n'approuviez pas mieux que je -fisse des mémoires pour la vie de l'illustre mort -qu'une vie dans les formes. Car les Mémoires permettent -un plus grand détail, et c'est cela qui est -très-beau en la vie de M. de Pellisson. Dites-moi -votre avis et me croyez, Monsieur, très-sincèrement, -votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span> -<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADAME DE CHANDIOT</b></span><br /> -<span class="small"><b>A BESANÇON</b></span><a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor"> [486]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce 20 avril [1695].</p> - -<p>Je n'ai pas voulu, Madame, me donner l'honneur -de vous écrire que je n'eusse fait l'entrevue -de M. le président Boisot et de M. Bosquillon. Il -me paroît qu'ils sont contents l'un de l'autre, et je -ne doute pas, Madame, que vous ne soyez contente -de l'éloge que ce dernier fait de notre illustre -ami<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor"> [487]</a>, sur vos mémoires, dont il est charmé, -aussi bien que de quelques-unes de vos lettres -que je lui ai montrées. J'en ai vu une fort belle -entre les mains de M. le président Boisot, mais -comme il me semble qu'il vous a un peu trop -alarmée sur ma santé et sur ma vie, où vous avez -la bonté de prendre intérêt, je veux un peu vous -rassurer et vous dire qu'il n'est pas impossible -que je n'aie encore quelque petit nombre d'années -à vivre. Il est vrai que l'excessive rigueur de l'hiver -dernier m'a causé un fort grand rhume qui ne -peut guérir que par le chaud qui n'est pas encore -venu, mais il est sans fièvre et sans nul engagement -de poitrine, et ce qui m'incommode le plus -est un rhumatisme qui m'enferme dans ma chambre -et dans mon cabinet, ne pouvant marcher, -quoiqu'il ne soit qu'aux genoux.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span> -Mais, comme je suis d'une famille où les ressorts -de la raison ne s'usent point, je puis espérer -d'en jouir encore un petit nombre d'années, comme -je vous l'ai dit. J'en ai un exemple domestique, -car la mère de feu mon père a vécu cent huit ans -avec toute la liberté de la sienne, et elle jeûna le -vendredi et au pain et à l'eau la dernière année de -sa vie, comme elle avoit accoutumé depuis quarante -ans. Je n'aspire pas à en avoir une aussi -longue, j'ai perdu trop d'illustres amis pour le -désirer, et il y en a peu de ce temps-ci capables -de les remplacer; l'amitié étant devenue extrêmement -rare. Je n'ai pas moins perdu d'amies illustres -que d'illustres amis. Si nous étions en même -lieu, Madame, vous avez tout le mérite qu'il faut -pour adoucir toutes mes douleurs, pourvu que je -puisse avoir place dans votre cœur; celle que vous -avez dans le mien m'en rend en quelque sorte -digne, puisque je suis avec toute l'estime que vous -méritez et toute la sincérité dont je fais profession, -votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A LA MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Le 15 mai [1695].</p> - -<p>Je commence, Madame, par vous assurer que -vous serez contente de l'éloge que M. Bosquillon -a fait de feu l'abbé de Saint-Vincent<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor"> [488]</a>. M. le président -<span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span> -Boisot vous l'aura sans doute dit, mais je -vous le confirme après l'avoir lu deux fois. Dès -qu'il sera imprimé vous l'aurez, et M. le président -Boisot aussi. En attendant je vous envoie un madrigal -que M. Bosquillon a fait après avoir lu les -deux vôtres avec autant de modestie que d'estime -et de respect pour la main qui les lui donne, et je -vous envoie en même temps un madrigal qu'il a -fait au retour d'une fameuse fauvette<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor"> [489]</a> dont je suppose -que vous connoissez la réputation. Je vous -envoie aussi ce que j'ai dit à la même fauvette, -afin que vous voyiez que je n'aspire pas à vivre -aussi longtems que ma grand'mère, n'étant pas -assurée des mêmes avantages qu'elle a eus. Je n'écris -pas aujourd'hui à M. le président Boisot; je me -réserve à me donner cet honneur que l'Éloge soit -imprimé, et je vous envoyerai en même temps la -copie de la lettre de M. [Montmort?] à M. de Pellisson -que le Roi a gardée. Conservez, Madame, la même -bonté qu'à celui que nous regrettons, pour votre -très-humble et très-obéissante servante, car je -sens assez qu'elle n'en est pas indigne par l'estime -distinguée qu'elle fait de votre mérite. Je -crois, Madame, qu'il n'est pas nécessaire de vous -dire qu'elle s'appelle</p> - -<p class="sig"> <span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span> -<span class="small"><b>A L'ABBÉ NICAISE</b></span><a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor"> [490]</a>.</p> - -<p class="dater">Septembre 1695.</p> - -<p>Vous m'avez fait un grand plaisir, Monsieur, -de m'apprendre que j'ai eu l'honneur d'être en -communauté d'amis avec vous, car M. Lantin<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor"> [491]</a> -avoit témoigné autrefois aussi beaucoup de bonté -pour moi; et M. l'abbé de Saint-Vincent et -M. [<i>nom illisible</i>] ont été de mes amis jusqu'à leur -dernier jour. Je vous dis cela, Monsieur, pour -vous empêcher de vous repentir de tout ce que -vous me dites d'obligeant et de ce que vous en -dites à M. Bosquillon qui m'a fait voir l'agréable -lettre que vous lui avez écrite. Je suis ravie que -l'éloge qu'il a fait de M. l'abbé Boisot vous ait plu; -il est universellement loué de tout le monde. J'écris -aujourd'hui à M. Moreau, ce qui a engagé -M. le président Cousin à le mettre dans le Journal<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor"> [492]</a>. -Ce seroit trop long à répéter, et je suis si -cruellement enrhumée que je suis forcée de louer -en peu de paroles votre généreuse ardeur pour -conserver la mémoire de vos illustres amis, et la -<span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span> -délicatesse que vous avez sur cela est une marque -certaine de la générosité de votre cœur, que je -préfère à votre rare savoir, et à la vivacité brillante -de votre esprit qui paroît dans la lettre que -vous avez écrite à M. Bosquillon, et dans celle -dont vous m'avez honorée. J'en ai, Monsieur, toute -la reconnoissance que je dois très-véritablement.</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor"> [493]</a>.</p> - -<p class="dater">[1695].</p> - -<p>Ce que vous m'apprenez, Monseigneur, de la -générosité de M<sup>lle</sup> de Clisson redouble la douleur -que j'avois déjà de sa perte; car une amie de quarante -ans de ce mérite-là est une perte irréparable.</p> - -<p>Ce qu'elle fait pour M. Gallois<a id="FNanchor_494" href="#Footnote_494" class="fnanchor"> [494]</a> qui est auprès -de moi me touche sensiblement et me fait voir -qu'elle aimoit tout ce que j'aimois et tout ce qui -m'aimoit. Ce que vous me dites, Monseigneur, de -la manière obligeante dont M. de Lamoignon vous -a parlé de moi me touche aussi bien sensiblement, -et il faut qu'il ait deviné le respect distingué que -j'ai toujours eu pour lui, pour me traiter avec -<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span> -tant d'humanité. Vous me ferez plaisir, si vous en -trouvez l'occasion, de lui témoigner la reconnoissance -que j'en ai. Je ne lui écris pas encore sur -cela, de peur qu'on ne puisse me soupçonner d'un -sentiment d'intérêt; car bien que ma fortune soit -très-mauvaise, n'étant payée de nulle part, je ne -sens en cette occasion que la perte d'une amie qui -étoit touchée de mon malheur, et qui m'a voulu -secourir en mourant.</p> - -<p>Je commençois à craindre que vous ne m'eussiez -oubliée, mais votre billet m'a rassurée, et me -persuade que vous vous souvenez de la date de -notre amitié, et que vous n'avez point d'amie qui -soit avec plus d'estime, plus de zèle et plus de sincérité,</p> - -<p>Votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_495" href="#Footnote_495" class="fnanchor"> [495]</a>.</p> - -<p class="dater">29 décembre [1695].</p> - -<p>Il est bien juste, Monseigneur, que je vous remercie -de la bonté que vous avez eue de me rendre -office auprès de M. de Lamoignon, et de m'avoir -appris avec quelle honnêteté il vous a parlé de -moi. Je lui écrivis hier pour l'en remercier, et je -lui envoyai ma lettre par les personnes dont -M<sup>lle</sup> de Clisson s'est souvenue, et qu'il reçut très-civilement. -Comme on m'a dit qu'il y a un grand -<span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span> -nombre de legs, je voudrois bien savoir si les noms -de Vaumale ou de Valcroissant ne se trouvent pas -parmi ceux à qui cette généreuse personne en a -laissé. Si vous trouvez occasion de le savoir, vous -me ferez plaisir de me l'apprendre et de savoir -aussi ce qu'elle laisse à M. de la Bastide<a id="FNanchor_496" href="#Footnote_496" class="fnanchor"> [496]</a>, qui est -en Angleterre. Vous voyez, Monseigneur, que j'use -de la liberté que la véritable amitié donne. Conservez-moi -la vôtre, et soyez assuré que la mienne -durera autant que la vie de votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A MADAME DE CHANDIOT</b></span><a id="FNanchor_497" href="#Footnote_497" class="fnanchor"> [497]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce 27 octobre [1699.]</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i4">MADRIGAL.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Chandiot est une merveille</p> -<p class="i2"> Qui n'aura jamais de pareille.</p> -<p class="i2"> Sa beauté n'est qu'un simple trait</p> -<p class="i2"> De son admirable portrait.</p> -<p class="i2"> Ses vertus, son cœur magnanime</p> -<p class="i2"> Ont acquis toute mon estime,</p> -<p>Et je l'aime d'un air et si tendre et si doux</p> -<p>Que mes plus chers amis en deviennent jaloux.</p> -</div></div> - -<p>Voilà, Madame, un impromptu que je n'ai pu -m'empêcher de faire, c'est l'ouvrage de ma reconnoissance -plutôt que de mon esprit. Je vous envoye -un petit mot de M<sup>me</sup> de Balmont que je vous -<span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span> -recommande tout de nouveau comme ma fille. -Son mari l'a mandée, mais, comme ça été après -avoir reçu une lettre de son oncle qui lui a donné -l'emploi, je crains qu'il ne soit pas converti, et je -lui conseillerois de loger chez la veuve du médecin -que vous lui avez enseignée, car je craindrois -que, s'il n'est pas converti, il ne l'empoisonnât<a id="FNanchor_498" href="#Footnote_498" class="fnanchor"> [498]</a>, et -il est bon d'examiner sa conduite avant que de s'y -fier. Elle suivra vos conseils et vous trouverez que -c'est une très-bonne personne; elle part pour -aller à Besançon le 9 du mois prochain. M. l'abbé -Bosquillon trouve votre générosité, aussi bien que -moi, très-grande, et nous sommes toujours tout -d'un avis en parlant de vous. Votre dernière lettre -est si bien écrite qu'il l'a admirée comme moi. -Le Roi est revenu en santé parfaite de Fontainebleau; -il a mis à son retour M<sup>me</sup> la duchesse -de Bourgogne avec M. son époux<a id="FNanchor_499" href="#Footnote_499" class="fnanchor"> [499]</a>; elle fut le lendemain -à Saint-Cyr pour éviter les visites des courtisans -en semblables occasions. Sa Majesté ira le -jour des Morts à Marly où elle sera quatorze jours. -Voilà, Madame, ce qu'il y a de nouveau. Je suis -à vous comme vous le méritez, c'est-à-dire que je -suis, plus que personne ne peut l'être, votre très-humble -et très-obéissante servante.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span> -<span class="small"><b>A M. VALLÉE, PREMIER COMMIS DU CONTRÔLE GÉNÉRAL</b></span><br /> -<span class="small"><b>DES FINANCES</b></span><a id="FNanchor_500" href="#Footnote_500" class="fnanchor"> [500]</a>.</p> - -<p class="dater">27 janvier [1701].</p> - -<p>Comme je crois que c'est aux bons offices que -vous m'avez rendus, Monsieur, que je dois la -bonté que M<sup>gr</sup> Chamillart a eue pour moi, en -me fesant payer de la pension dont le Roi m'honore, -c'est par cette raison que je vous en rends -de tout mon cœur mille très-humbles grâces. Je -m'adresse aussi à vous, Monsieur, pour vous prier -de lui rendre la lettre que j'ai l'honneur de lui -écrire pour lui en témoigner ma reconnoissance. -Soyez, s'il vous plaît, bien persuadé de la -mienne à votre égard, et que je n'oublierai jamais -tous les services que vous me rendez avec tant -de bonté, en me fesant payer si promptement. -Je suis, Monsieur, avec toute l'estime que vous -méritez, votre très-humble et très-obéissante servante, -etc.</p> - -<p><i>P. S.</i>—Monseigneur Chamillart a fait une réponse -très-obligeante à ma lettre.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. HUET, ÉVÊQUE D'AVRANCHES</b></span><a id="FNanchor_501" href="#Footnote_501" class="fnanchor"> [501]</a>.</p> - -<p class="dater">23 avril [1701].</p> - -<p>J'ai reçu, Monseigneur, avec beaucoup de plaisir, -<span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span> -la lettre que vous m'avez fait l'honneur de -m'écrire; car je croyois que vous m'aviez tout-à-fait -oubliée. J'ai été fort touchée de la mort de -M. de Segrais<a id="FNanchor_502" href="#Footnote_502" class="fnanchor"> [502]</a>: il y avoit cinquante ans qu'il -étoit de mes amis, et j'ai fait quelques vers pour -conserver sa mémoire. Cela vous doit faire connoître, -Monseigneur, que je n'oublie pas mes anciens -amis, et que je me souviens parfaitement de -tous les témoignages d'amitié que vous m'avez -rendus autrefois.</p> - -<p>Le rhumatisme que j'ai aux genoux est devenu -si fâcheux que je ne marche plus, mais mon estomac -et ma raison sont toujours en santé, et par -conséquent, Monseigneur, je serai toute ma vie, -avec toute l'estime et le respect que vous méritez, -votre très-humble et très-obéissante servante, etc.</p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_392"> 392</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="xlarge">LETTRES</span><br /> -<span class="large">DONT ON N'A PU RETROUVER LA DATE</span></h2> -</div> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES</b></span><a id="FNanchor_503" href="#Footnote_503" class="fnanchor"> [503]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>En m'apprenant, Iris, que vous savez rimer,</p> -<p>Vous m'apprenez aussi que vous savez aimer:</p> -<p class="i2"> Mais, Iris, l'oserois-je dire!</p> -<p>Trouve-t-on quelque amant dans l'amoureux empire</p> -<p class="i2"> Digne de cette noble ardeur</p> -<p>Dont vous peignez si bien la force et la grandeur?</p> -<p class="i2"> Pensez-y donc, fille charmante.</p> -<p>Ah! qu'il est dangereux d'être trop tendre amante,</p> -<p class="i2"> Puisqu'il n'est point d'amant heureux</p> -<p class="i2"> Qui soit longtemps fort amoureux.</p> -<p class="i3"> Par une ingratitude horrible,</p> -<p>Son amour s'allentit dès qu'on devient sensible,</p> -<p class="i3"> Et l'ignorance d'être aimé</p> -<p class="i2"> Le rend beaucoup plus enflammé.</p> -</div></div> - -<p>Voilà, Mademoiselle, des vers aussi négligés que -<span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span> -les vôtres sont beaux; j'en suis charmée, et je crois -bien que toutes les muses sont également de vos -amies, puisque vous écrivez aussi bien en vers -qu'en prose; mais pour vous montrer que mon -sentiment ne m'est pas particulier, je vous envoye -quatre vers d'une amie que j'ai, qui est très-digne -d'être la vôtre, car elle a un mérite infini, et M. de -M...., qui l'admire aussi bien que moi, vous en -répondra. Elle s'appelle M<sup>me</sup> de P...<a id="FNanchor_504" href="#Footnote_504" class="fnanchor"> [504]</a>. Voilà -les quatre vers qu'elle engagea dans un billet -fort galant qu'elle m'écrivit un jour:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Où peut-on trouver des amans</p> -<p>Qui nous soient à jamais fidèles?</p> -<p>Je n'en sais que dans les romans</p> -<p>Et dans les nids des tourterelles.</p> -</div></div> - -<p>Tout le monde choisi a su ces quatre vers. Si Voiture -ou Sarazin ressuscitoient, ils voudroient les -avoir faits. Cependant, Mademoiselle, la mauvaise -opinion que j'ai des amants ne diminue rien de -l'admiration que j'ai pour vos beaux vers. M. de -M.... a trop bon goût pour y avoir rien changé. Il -me les a montrés écrits de votre main sans une -seule rature, et je les ai copiés de la mienne sans -y rien changer; mais je prendrai pourtant la liberté -de vous avertir de la juste signification d'un -mot que vous avez sans doute employé sans y -penser, afin qu'il n'y ait pas la moindre imperfection -à ce que vous écrirez. Voici de quoi il s'agit: -<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span> -vous confondez deux mots, <i>avant</i> et <i>devant</i>, et -il ne les faut pas confondre. Vous parlez juste quand -vous dites:</p> - -<p class="quote">Faut-il avant sa mort que tant de fois je meure.</p> - -<p>Mais quand vous dites au dixième vers:</p> - -<p class="quote">Et devant le trépas ne me fais pas mourir,</p> - -<p>cela n'est pas juste. Dans les règles, il faudroit -refaire le vers, et mettre <i>avant</i> au lieu de <i>devant</i>. -On dit aller <i>au devant de quelqu'un</i>, ou <i>il demeure -devant ma porte</i>; mais pour marquer précisément -un temps, on dit, par exemple, <i>avant que je fusse -née, avant qu'il arrivât</i>, et non pas <i>devant</i>.</p> - -<p>Je vous demande pardon, Mademoiselle, de cette -liberté; ce n'est pas ma coutume de faire le bel esprit, -mais j'ai voulu vous donner ce petit avis d'amitié -qui vous doit marquer la sincérité de mes -louanges et qui ne diminue rien de mon admiration -pour votre belle élégie; non plus que ma -croyance en faveur de mon chien n'ôte rien -de l'estime infinie que j'ai pour feu M. votre -oncle. Ce n'est pas l'amitié que j'ai pour les animaux -qui me prévient à leur avantage, c'est celle -qu'ils ont pour moi qui me persuade en leur faveur; -car on ne peut rien aimer par choix sans -quelque sorte de raison; et selon cette règle, Mademoiselle, -je suis parfaitement raisonnable, puisque -la connoissance de votre mérite extraordinaire -m'engage à vous aimer infiniment, et je prévois -<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span> -que tout cela doit durer autant que la vie de votre -très-humble, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE -DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p>Je suis si fière, Mademoiselle, des vers de votre -façon qui s'adressent à moi, que je crois déjà être -immortalisée; mais est-il possible que vous ne -trouviez à redire dans ma pauvre élégie que ce -que vous y reprenez? Moi qui la regarde avec des -yeux de mère, j'y voyois mille choses que j'eusse -voulu n'y point voir; mais je n'ose plus blâmer ce -que vous avez jugé digne de vos louanges, et -je veux seulement, pour rendre témoignage à la -vérité, vous assurer qu'elle est toute de mon imagination, -et que mon cœur n'y a point de part.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Mon cœur qui de l'amour sut toujours se défendre,</p> -<p class="i2"> Injustement en seroit soupçonné;</p> -<p class="i1"> Il n'est jamais permis d'en prendre</p> -<p class="i2"> Qu'après que l'on en a donné;</p> -<p>Et dans mes plus beaux jours mes beautés innocentes</p> -<p>De pareils attentats furent toujours exemptes.</p> -</div></div> - -<p>Non, Mademoiselle, je n'ai jamais fait, Dieu -merci, de conquêtes, et c'est ce qui me console -plutôt que toutes les raisons que vous dites si -agréablement dans vos beaux vers.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Tout berger est trompeur, inconstant et volage;</p> -<p class="i2"> Malheur à celle qui s'engage.</p> -<p>Mille exemples fameux en convainquent l'esprit;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span></div> -<p>Mais malgré cette règle et si juste et si belle,</p> -<p class="i2"> Si tôt que le cœur s'attendrit,</p> -<p class="i2"> On croit que l'amour est fidèle.</p> -</div></div> - -<p>Votre illustre amie, M<sup>me</sup> de P..., a beau nous -dire des merveilles dans ses quatre vers qui sont -inimitables; on les admirera, on les voudra croire, -et le cœur ira son chemin;</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>La seule tourterelle en amour est fidèle,</p> -<p class="i1"> Mais quand notre cœur est charmé,</p> -<p class="i2"> L'objet dont il est enflammé</p> -<p class="i1"> Nous paraît constant tout comme elle.</p> -</div></div> - -<p>Ainsi, Mademoiselle, il vaut mieux que je n'aie -jamais eu d'amants, que de n'avoir eu pour préservatif -que la vue de leur inconstance.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> L'amour a soin de nous persuader</p> -<p>Qu'on brûlera pour nous d'une flamme éternelle,</p> -<p class="i2"> Et que nous allons posséder</p> -<p>Un sort que n'eut jamais aucune autre mortelle.</p> -</div></div> - -<p>Et je ne sais s'il n'est point à propos que l'on -s'abuse ainsi quelquefois. On se tiendroit trop sur -ses gardes, on vivroit dans une retraite et dans -une solitude de cœur qui fait de la peine à imaginer; -et, quant à la vérité, toute belle qu'elle est, elle -peut être d'un moindre prix que certaines erreurs -douces et charmantes qui flattent agréablement. -Par exemple, Mademoiselle, je souhaite avec tant -de passion d'être aimée de vous, que je crois qu'il -en est quelque chose; ne me désabusez jamais, je -vous en supplie, laissez-moi une imagination qui -<span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span> -m'enchante et qui fait tout le bonheur de votre -très-humble, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES.</b></span></p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Vous dites fort modestement</p> -<p class="i2"> Que vous n'avez point eu d'amant;</p> -<p class="i2"> Ce discours n'est pas vraisemblable:</p> -<p class="i2"> Mais du moins, fille incomparable,</p> -<p class="i2"> Pour être sincère à mon tour,</p> -<p class="i2"> Ne haïssez-vous point l'amour?</p> -<p class="i2"> Et je trouve assez incroyable</p> -<p>D'aimer la passion qui peut tout enflammer</p> -<p>Sans que pas un amant ait osé vous aimer.</p> -<p class="i2"> Où l'auriez-vous si bien connue,</p> -<p class="i2"> Si vous ne l'aviez jamais vue?</p> -<p>Pour parler comme vous de l'amoureux ennui,</p> -<p>Il faut du moins, Iris, l'avoir appris d'autrui,</p> -<p>Il faut, dis-je en un mot, si l'on le veut connoître,</p> -<p class="i2"> Le sentir ou l'avoir fait naître;</p> -<p class="i2"> Mais on voit assez rarement,</p> -<p>Quand on aime l'amour, qu'on haïsse l'amant.</p> -</div></div> - -<p>Je vous excepte pourtant de cette règle, Mademoiselle, -car comme vous avez eu infiniment d'esprit -dès votre plus tendre jeunesse, je suppose -qu'il a été une garde fidèle de votre cœur, et que -ne trouvant rien digne de lui, il a conservé sa -liberté. Les vers dont votre lettre est semée, sont -fort galants et fort jolis, et je vois bien que vous -seriez plutôt de l'avis des quatre vers d'un ami que -j'ai eu, que de celui des quatre de M<sup>me</sup> de P.... -<span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span> -Il les mettoit dans la bouche d'une dame. Les -voici:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Mais quand sur notre esprit un amant qu'on estime</p> -<p class="i3"> A pris quelque crédit,</p> -<p>On commence à douter si l'amour est un crime</p> -<p class="i3"> Aussi grand qu'on le dit.</p> -</div></div> - -<p>Je prends la liberté, Mademoiselle, de vous envoyer -un madrigal qui a eu le bonheur de ne pas -déplaire au Roi, et je souhaite qu'il soit aussi heureux -auprès de vous, car je connois tout le prix -de votre voix. Je voudrois bien que vous connussiez -de même celui de mon amitié: car en un -mot, Mademoiselle, je ne suis aimable que parce -que je sais aimer mes amies d'une manière tendre -et désintéressée, qui me distingue de beaucoup -d'autres; je me vante hardiment de cette bonne -qualité. Car étant aussi éloignées l'une de l'autre, -vous n'en sauriez rien, si je ne vous le faisois connoître; -et je ne vous parle ainsi que pour vous -engager à m'employer à quelque chose qui puisse -vous donner lieu de croire que je suis avec beaucoup -de tendresse</p> - -<p>Votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE -DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Vous l'avez bien jugé, Mademoiselle, j'étois née -avec une belle disposition à l'amour.</p> - -<p class="quote">Mais qui pourroit aimer, s'il ne plaît au Destin?</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span> -a fort bien dit un poëte de notre pays. Il faut -que je vous dise tout mon secret; j'y suis obligée -par reconnoissance, et je vous ai plus d'obligation -que vous ne pensez.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Si mon cœur et sensible et tendre</p> -<p class="i3"> De l'amour a su se défendre,</p> -<p class="i3"> Je vous dois ce rare bonheur,</p> -<p class="i3"> Seule vous en avez l'honneur;</p> -<p class="i3"> Fille du monde sans pareille,</p> -<p class="i3"> Fille du siècle la merveille.</p> -<p class="i3"> Les héros que vous avez faits,</p> -<p class="i3"> Héros en amour si parfaits,</p> -<p>M'ont fourni du mépris pour les amours vulgaires,</p> -<p>Et dégoûté mon cœur des amours ordinaires.</p> -</div></div> - -<p>C'est la vérité pure, vous m'avez donné une si -belle idée de l'amour dans tout ce que vous avez -écrit, que je n'en ai rien voulu rabattre. J'ai -cru qu'il falloit aimer ainsi, ou n'aimer pas du -tout.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Vos beaux livres m'ont fait connoître</p> -<p>Un amour généreux, pur et sans intérêt,</p> -<p class="i2"> Et qui l'a vu tel qu'il doit être</p> -<p class="i2"> Ne peut le souffrir comme il est.</p> -</div></div> - -<p>Cela soit dit, Mademoiselle, à la honte de la -philosophie morale, je le sais par expérience,</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>D'une innocente ardeur la parfaite peinture,</p> -<p>Et l'exemple fameux d'une illustre aventure</p> -<p class="i2"> Corrigent mieux les jeunes cœurs</p> -<p class="i2"> Et les penchants de la nature,</p> -<p class="i2"> Que la science austère et dure</p> -<p class="i2"> Qui s'applique à régler les mœurs.</p> -</div></div> - -<p>On aime tant à parler de soi-même que j'ai -<span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span> -commencé par là, quoique je ne dusse vous parler -que de votre merveilleux madrigal, qui est un des -plus beaux que j'aie jamais vus.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A MADEMOISELLE DESCARTES.</b></span></p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quand je fis de l'amour une image parfaite,</p> -<p>Des vulgaires amours j'espérai la défaite;</p> -<p>Mais malgré cet espoir nous voyons mille cœurs</p> -<p>Se laisser conquérir par d'indignes vainqueurs,</p> -<p>Qui, méprisant bientôt ce qu'ils ont pris sans gloire,</p> -<p>Courent incessamment de victoire en victoire,</p> -<p>Et se lassant enfin d'être trop tôt aimés,</p> -<p>Se moquent des Chloris dont ils furent charmés.</p> -<p>Mais puisque votre cœur, fille charmante et sage,</p> -<p>Est par mon assistance échappé du naufrage,</p> -<p>Et que des mers d'amour ne craignant plus les flots</p> -<p>Il est libre et jouit d'un glorieux repos,</p> -<p>Je ne me repens pas d'avoir fait la peinture</p> -<p>De cette passion et si noble et si pure,</p> -<p>Qui sait unir les cœurs sans blesser la raison;</p> -<p>Car l'amour héroïque est un contre-poison.</p> -<p>Si l'on devoit un prix dans la superbe Rome</p> -<p>A quiconque pourroit en sauver un seul homme;</p> -<p>Que ne devez-vous pas à cet heureux tableau</p> -<p>Où ma main a tracé ce qu'Amour a de beau,</p> -<p>Par l'opposition des amours passagères,</p> -<p>Des amours d'intérêt, des amours mensongères,</p> -<p>Des sentiments grossiers et de leurs faux appas!</p> -<p>Vous avez su franchir un si dangereux pas.</p> -<p>Je vous demande donc pour prix de mon ouvrage</p> -<p>Ce cœur, ce même cœur échappé du naufrage;</p> -<p>Ne le refusez pas à ma tendre amitié,</p> -<p>Qui vaut mieux que l'amour de plus de la moitié.</p> -</div></div> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span> -<span class="small"><b>RÉPONSE DE MADEMOISELLE DESCARTES A MADEMOISELLE</b></span><br /> -<span class="small"><b>DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Mon cœur est à votre service, Mademoiselle, et -vous lui faites trop d'honneur de le souhaiter.</p> - -<p class="quote">On ne peut refuser un cœur<br /> -Que l'illustre Sapho demande,</p> - -<p>et si quelque Tirsis me l'avoit demandé aussi -galamment que vous faites, j'étois perdue. Mais, -Mademoiselle, on m'avoit bien dit qu'on ne peut -aimer sans inquiétude: l'amitié que j'ai pour vous -me rend déjà malheureuse.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> La moindre aventure amoureuse</p> -<p>Trouble notre repos, blesse notre devoir;</p> -<p>Mais la tendre amitié n'est guère plus heureuse,</p> -<p class="i2"> Quand on ne doit jamais se voir.</p> -</div></div> - -<p>Il semble que vous ne m'ayez sauvée des -écueils de l'amour, que pour me faire périr dans -ceux de l'amitié.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Par vous des mers d'amour j'évitai les orages,</p> -<p class="i3"> Mers fameuses par cent naufrages;</p> -<p class="i2"> Mais mon sort n'en est pas meilleur;</p> -<p class="i1"> Par vous, Sapho, mon malheur est extrême;</p> -<p>Vous me faites aimer, et j'aurai la douleur</p> -<p class="i3"> De ne voir jamais ce que j'aime.</p> -</div></div> - -<p>Je ne sais, Mademoiselle, si l'amour cause de -plus cruelles peines, mais je sais bien que mon -cœur n'en a jamais ressenti de plus sensibles, et que -je ne trouve rien de si chagrinant que de vous -admirer de si loin.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></div> -<p>Pour moi votre commerce est honorable et doux,</p> -<p class="i2"> Je reçois chaque jour de vous</p> -<p class="i2"> Des vers que tout le monde admire;</p> -<p>Mais malgré cet honneur dont je me sens combler,</p> -<p class="i3"> Je ne puis m'empêcher de dire:</p> -<p class="i2"> Heureuse à qui vous voulez bien écrire,</p> -<p>Plus heureuse cent fois qui vous entend parler.</p> -</div></div> - -<p>Quand je vois que ce qui ne vous coûte qu'un -quart d'heure à faire fera mes délices toute ma -vie, je dis avec cette fameuse Sapho que la Grèce -a tant chantée:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quand au rare mérite on est sensible et tendre,</p> -<p class="i3"> Et que par la faveur des cieux,</p> -<p>On peut souvent vous voir et souvent vous entendre,</p> -<p>C'est un plaisir plus grand que le plaisir des dieux.</p> -</div></div> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE SCUDÉRY A M. HUET</b></span><a id="FNanchor_505" href="#Footnote_505" class="fnanchor"> [505]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Il y a une chanson dont la reprise dit: <i>Sans le -secret l'amour n'a rien de doux</i>; mais à ce que je -vois, Monsieur, vous voulez aussi que l'amitié -soit mystérieuse, puisque vous ne voulez que pas -une de mes amies, ni pas un de mes amis, voient -vos billets. Si j'étois un peu plus jeune, cela me -seroit fort suspect, mais en l'état où sont les choses, -je prends tout en bonne part, et je veux bien -avoir pour vous toute la complaisance que vous -voudrez. Ce n'est pas que souvent il me fût fort -<span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span> -doux de me parer de vos billets et de les montrer -à deux ou trois personnes seulement, mais si vous -aimez le secret, il faut l'aimer comme vous. Cependant -quelle apparence de refuser à Octavie et -à Ménalque<a id="FNanchor_506" href="#Footnote_506" class="fnanchor"> [506]</a> le plaisir de voir ce que vous m'écrivez; -songez-y encore une fois avant que de -m'engager à faire le vœu du secret, et, en attendant, -soyez bien persuadé que je vous estime infiniment, -et qu'il ne tiendra pas à moi que nous -ne formions une de ces amitiés qui durent autant -que la vie.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_507" href="#Footnote_507" class="fnanchor"> [507]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Votre billet, Monseigneur, est digne de votre -cœur, et si je l'ose dire, de mon amitié pour vous -que le temps ne peut affoiblir. Le nom que vous -n'avez pu lire est l'abbé d'Arche, homme de beaucoup -de mérite et qui, comme je vous l'ai dit, est -fort aimé de M<sup>gr</sup> l'évêque d'Agen et de M. de Bétoulaud; -et je vous suis très-obligée de lui vouloir -bien donner votre suffrage. Pour la harangue de -M. le recteur de l'Université, je viens d'apprendre -qu'elle ne se prononcera pas mardi et que vous -serez invité dans les formes, et par conséquent -vous saurez l'heure précisément. Je vous remercie -<span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span> -aussi de me promettre l'ouvrage du R. P. de la -Rue, car mes mauvaises oreilles m'empêchant -d'avoir le plaisir de l'aller entendre, je serai fort -aise d'avoir celui de lire un discours de si bonne -main. Conservez-moi, Monseigneur, votre précieuse -amitié, et soyez persuadé que c'est pour le -reste de ma vie que je suis, avec toute l'amitié que -vous méritez, votre très-humble et très-obéissante -servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>AU MÊME</b></span><a id="FNanchor_508" href="#Footnote_508" class="fnanchor"> [508]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce 21 de mai....</p> - -<p>L'impatience de lire le bel ouvrage du R. P. de -la Rue m'empêcha, Monseigneur, de vous remercier -dès hier: ajoutez aussi que je crus qu'il -seroit mieux de joindre mes louanges à mes remercîments; -mais après l'avoir lu avec toute -l'admiration qu'il mérite, je trouve toutes mes -expressions tellement foibles pour louer le R. P. -de la Rue, que je n'ose presque vous dire ce que -j'en pense: car, de la manière dont il s'exprime, -toutes ses expressions sont nobles, naturelles et -persuasives. Il montre aux yeux ce qu'il veut représenter; -il ôte aux plus grandes louanges ce -qui les pourroit faire soupçonner de flatterie, et -leur donne un air de vérité qui persuade ceux qui -les entendent ou qui les lisent. Enfin, Monseigneur, -<span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span> -il a su si sagement éviter tous les écueils -de son sujet, qu'on ne l'en peut assez louer, et je -ne puis assez vous remercier du plaisir que j'ai -eu à l'admirer. Conservez-moi, Monseigneur, votre -précieuse amitié, et me croyez toujours, avec autant -de sincérité que de respect,</p> - -<p>Votre très-humble, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. DE SABATIER DE L'ACADÉMIE D'ARLES, QUI LUI AVAIT</b></span><br /> -<span class="small"><b>ADRESSÉ UNE ÉPITRE EN VERS</b></span><a id="FNanchor_509" href="#Footnote_509" class="fnanchor"> [509]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Les louanges que vous me donnez, Monsieur, -sont si agréables et si délicates, qu'il est difficile -de les refuser; mais elles sont d'ailleurs si grandes -et si noblement exprimées, qu'il faudroit avoir -beaucoup d'audace pour s'en croire digne et les -accepter; de sorte, Monsieur, que le parti le plus -juste que je puisse prendre, c'est de louer la beauté -de votre ouvrage sans m'en faire l'application. Un -portrait flatté ne laisse pas d'être quelquefois admirablement -peint, sans être fort ressemblant, et -c'est même une des maximes des plus grands -peintres d'embellir toujours leur objet. Je ne me -regarde donc pas dans votre ouvrage, telle que je -suis, mais telle que je devrois être pour le mériter.</p> - -<p>Cependant, pour vous empêcher de vous repentir -<span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span> -de l'honneur que vous m'avez fait, je vous apprends -que mon cœur vaut mieux que mon esprit, -que je suis une amie fidèle, sincère et désintéressée, -et que si j'avois l'avantage d'être connue de -vous par vous-même de ce côté-là, j'en pourrois -être louée sans flatterie, et que je pourrois aussi -recevoir vos louanges sans confusion. Mais en attendant, -Monsieur, souffrez que j'ajoute un misérable -impromptu à ce que je viens de vous dire; -il n'est pas beau, il n'est que sincère, le voici:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ne vous y trompez pas, votre aimable fontaine,</p> -<p class="i3"> C'est la véritable Hippocrène;</p> -<p>Votre chant me surprend, il est charmant et doux,</p> -<p class="i3"> Et tous les cygnes de la Seine</p> -<p class="i3"> Ne peuvent mieux chanter que vous.</p> -</div></div> - -<p class="sig">Voilà, Monsieur, les sentiments tout purs de<br /> -<span class="i3">Votre très-humble et très-obéissante servante</span><br /> -<span class="i4 cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A M. NUBLÉ</b></span><a id="FNanchor_510" href="#Footnote_510" class="fnanchor"> [510]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>C'est en vain, Monsieur, que vous me fuyez, car -je suis résolue de vous avoir de l'obligation, et -de pouvoir dire avec quelque vraisemblance, que -vous êtes de mes amis. Je vous défie même hardiment -de me refuser la grâce que je m'en vais vous -<span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span> -demander. En effet, sachant quelle est votre vertu -et votre équité, je ne pense pas que vous puissiez -savoir qu'il y a une orpheline de douze ans qui a -besoin de la protection de M. le président de Bailleul, -sans avoir aussitôt envie de lui donner le -placet que je vous envoie. Car, si vos amis vous -connoissent bien, il n'est pas en votre pouvoir de -vous empêcher de faire une action de vertu quand -l'occasion s'en présente. Je vous promets pourtant -de vous être fort obligée de votre sollicitation, -quoique je sache bien que M. le président de Bailleul -est un des juges du monde qui a le moins de -besoin d'être sollicité, parce qu'il est un des plus -équitables. Si vous aimiez les remercîments, je -m'engagerois à vous faire remercier par MM. Ménage, -Conrart, Chapelain, Pellisson et plusieurs -autres de vos amis qui sont des miens.</p> - -<p>Mais, comme je n'ai garde de vous soupçonner -d'aimer une chose si peu solide, je me contente de -vous assurer, qu'en m'obligeant vous obligerez la -personne du monde la plus reconnoissante et qui, -sans que vous le sachiez, admire le plus votre -vertu.</p> - -<p class="signature"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>A LA REINE CHRISTINE</b></span><a id="FNanchor_511" href="#Footnote_511" class="fnanchor"> [511]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p class="titel">Madame,</p> - -<p>Comme la santé est un bien si précieux qu'on -<span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span> -ne sent presque plus la possession de tous les autres -biens quand on a perdu celui-là, il m'est -impossible d'apprendre que la santé de V. M. a -été altérée, sans prendre la liberté de lui dire que -personne ne peut avoir senti son mal plus vivement -que moi; car, encore qu'en me l'apprenant on -m'ait assuré que je n'avois rien à craindre pour sa -vie, mon cœur en a été sensiblement touché, et -j'attends l'ordinaire prochain avec la dernière impatience. -J'ai même fait convenir M. de Pellisson, -qui partage mes sentiments pour V. M., que les -maux des personnes pour qui on a un attachement -sincère, et s'il est permis de parler ainsi, une -passion de respect, laissent une impression de -douleur qui ne s'efface pas dès que le mal est -passé, et qu'il faut que le temps ôte la crainte du -retour du mal dont on a été alarmé, pour en être -tout à fait en repos. Cependant lui et moi faisons -des vœux pour l'affermissement de la santé de -V. M. qui doit être précieuse pour tout le monde -puisqu'elle en est un des plus grands ornements.</p> - -<p>En mon particulier, Madame, si V. M. pouvoit -savoir de quelle manière je suis sensible à tout -ce qui la regarde, elle verroit bien que son -mérite m'est toujours présent, et que le temps -et l'éloignement ne peuvent m'empêcher d'être -toute ma vie, avec la même admiration, le même -zèle et le même respect, Madame, de V. M. la très-humble, -très-passionnée et très-obéissante servante.</p> - -<p class="signature"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ADELEINE DE</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_410"> 410</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="xlarge">LETTRES</span><br /> -<span class="large">ADRESSÉES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</span>,<br /> -<span class="small">OU QUI LA CONCERNENT.</span></h2> -</div> - -<p class="titre"><span class="small"><b>BALZAC A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_512" href="#Footnote_512" class="fnanchor"> [512]</a>.</p> - -<p class="dater">25 juillet 1639.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Si j'eusse pu obtenir un bon moment de ma -mauvaise santé, je vous aurois dit, il y a longtemps, -que je n'ai ni assez d'humilité pour rejeter -les louanges que vous me donnez, ni assez de -présomption pour y consentir. De les croire d'une -foi historique, ce seroit avoir l'imagination un -peu forte; et de s'offenser aussi d'une fable si -obligeante, ce seroit être de mauvaise humeur. En -ceci, le tempérament que je veux choisir ne -vous sera pas désavantageux. Je considérerai vos -excellentes paroles comme purement vôtres, et sans -<span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span> -que je pense qu'elles m'appartiennent. De cette -sorte, elles feront toujours leur effet, et je demeurerai -toujours persuadé, mais ce sera, Mademoiselle, -des grâces de votre esprit et de l'éloquence -qui loue, non pas de celle qui est louée.</p> - -<p>Pardonnez à mon humeur défiante, si je ne puis -bien croire que vous soyez de l'avis de votre lettre -ni que ma <i>Relation à Ménandre</i> soit de la force que -vous m'écrivez. Elle vous a touchée, néanmoins, -pour ce que vous êtes sensible aux malheurs d'autrui, -et que la bonté vous intéresse dans toutes -les causes de l'innocence. Par là véritablement je -puis mériter votre faveur, et monsieur votre frère -me pourroit prendre aussi pour un des sujets qui -ont besoin de son assistance. Il sait défendre à ce -que je vois, avec autant de valeur qu'il sait attaquer, -et ses boucliers ne sont pas moins impénétrables, -que ses autres armes sont tranchantes. -En effet, l'ouvrage qu'il vous a plû de m'envoyer -de sa part<a id="FNanchor_513" href="#Footnote_513" class="fnanchor"> [513]</a> me semble avoir cette fatale solidité. -Les plus grands ennemis des spectacles et des -fêtes de l'esprit ne les sauroient violer à l'avenir -sous une telle protection. Par son moyen, la volupté -sera remise en sa bonne renommée, et de sa -grâce nous nous réjouirons, sans scrupule, en -dépit des tristes et des sévères. Je vous en dirois -davantage si vous aviez dessein de m'examiner -sur votre livre, et si vous vouliez que je vous rendisse -compte de mes études, mais ce n'est pas ici -<span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span> -le lieu de faire ni de commentaires, ni d'avant-propos. -Et d'ailleurs, puisque les belles assemblées, -n'étant pas ingrates, retentiront de tous -côtés de la gloire de leur défenseur, il y a de l'apparence -qu'une voix si foible, et qui vient de si -loin que la mienne ne seroit pas remarquée dans -le grand bruit que tant d'applaudissements doivent -faire. Je me contente donc de vous dire sans aucun -ornement de paroles, que je ne manque pas -de reconnoissance, après une parfaite obligation, -et que le présent que j'ai reçu ne pouvant être -plus riche qu'il est, M. de Scudéry a trouvé le -moyen de me le rendre plus agréable par l'envoi -qu'il a désiré que vous m'en fissiez. Avec sa permission, -je vous en remercie de tout mon cœur, -et veux être, s'il vous plaît, toute ma vie,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i1">Votre très-humble et très-obligé serviteur,</span><br /> -<span class="i2"><span class="cap">B</span><span class="smallc">ALZAC</span>.</span></p> - -<p><i>P. S.</i> Je viens d'apprendre, par une lettre de -M. Chapelain, que M. votre frère m'a fait encore -un nouveau présent. Je l'attends avec impatience -et vous supplie de lui dire, Mademoiselle, qu'il -n'a point un plus passionné serviteur que moi, ni -qui fasse plus d'estime de sa vertu. Plût à Dieu -qu'il eût l'année prochaine quelque emploi digne -de lui dans l'armée que commande M. le Prince! -Il viendroit faire ici une station et me donneroit -bien huit jours pour l'embrasser et pour l'entretenir -à mon aise.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span> -<span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_514" href="#Footnote_514" class="fnanchor"> [514]</a>.</p> - -<p class="dater">Paris, 4 aoust 1639.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Je fus incivil de vous envoyer la lettre de M. de -Balzac que je vous devois porter moi-même. Mais -vous jetterez cette faute sur les embarras qui m'en -ont déjà fait commettre tant d'autres envers vous, -et qui vous ont dû faire étonner plus d'une fois -que j'use si mal de la permission que vous m'avez -donnée de vous rendre mes devoirs et de vous -faire de mauvaises visites. Si vous m'avez pardonné -les premières, je veux croire que vous ne -me tiendrez pas rigueur pour cette dernière, et -que vous vous contenterez du mal que j'ai eu en -ne vous voyant pas. J'ai lu la lettre et l'ai trouvée -digne de vous et de celui qui l'a écrite, comme je -me l'étois bien imaginé devant que vous me l'eussiez -communiquée. Avec votre permission, je la -garderai tout aujourd'hui pour la faire voir à une -couple de mes amis qui seront bien aises de voir -que M. de Balzac connoît votre mérite et lui rend -une partie de ce qui lui est dû.</p> - -<p>Pour ce qui regarde mon portrait, Mademoiselle, -M. le marquis de Montausier s'est réjoui -lorsqu'il vous a dit qu'il en avoit vu l'ébauche, et -vous aurez à lui reprocher qu'en cette rencontre -il n'a pas traité assez sérieusement avec vous. -<span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span> -C'est une matière sur laquelle je délibère encore, -et, à vous dire mon sentiment en liberté, je penche -beaucoup plus à supplier M. votre frère de -me dispenser de lui faire un présent si peu digne -de son cabinet, et de garder cet honneur pour -ceux qui le méritent davantage<a id="FNanchor_515" href="#Footnote_515" class="fnanchor"> [515]</a>. Je vous en parle -sans cette modestie affectée qui ne diffère guères -de la vanité, et vous jure que j'appréhende d'être -mêlé parmi ces grands hommes qui parent et doivent -parer un illustre réduit. Cela ne pourra être -sans faire tort à leur gloire qui s'offensera d'une -société si inégale, et M. votre frère doit craindre -lui-même d'en être blâmé, comme s'étant volontairement -trompé par ce choix qui leur est si peu -avantageux. J'irai au premier jour chez lui essayer -de lui persuader que je ne paroisse pas là où je -n'ai pas de place légitime, ou recevoir de lui une -nouvelle jussion qui me mette à couvert, et le -charge de tout le mal qui en pourroit arriver. Cependant -vous le solliciterez, s'il vous plaît, en ma -faveur, et le disposerez à ne me pas faire injustice -en me fesant plus de grâce que je ne veux. C'est -cela que vous demande pour cette heure avec instance, -Mademoiselle,</p> - -<p class="signature">Votre très-obéissant serviteur,<br /> -<span class="i2"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span></span>.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span> -<span class="small"><b>GODEAU A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_516" href="#Footnote_516" class="fnanchor"> [516]</a>.</p> - -<p class="dater">Grasse, 16 août 1641.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Au lieu de vous remercier de l'éloquente lettre -que vous m'avez écrite, il faut que je m'en plaigne, -et que je vous en fasse une correction. Ne -savez-vous pas qu'il en est des écrivains, et surtout -des poëtes, de même que des femmes? Si vous -leur dites une fois qu'elles sont belles, le diable le -leur redit cent, et elles ajoutent plus de créance à -ce père du mensonge qu'à la glace la plus fidèle -d'un miroir. L'esprit aime toutes ses productions, -parce qu'en l'état de péché où nous sommes l'amour -propre infecte toutes les puissances de notre -âme, et surtout celle qui est la plus divine; mais, -comme il a plus de part dans les vers que dans -les autres ouvrages de prose, étant, s'il faut ainsi -dire, comme créateur de ceux-là, il en est aussi -plus jaloux, pour ne pas me servir d'un terme -plus rude. Pourquoi donc prenez-vous tant de -peine à me faire avaler un poison dont je suis -déjà tout plein? Si vous pensez que la civilité vous -y oblige, elle est bien cruelle. Si vous croyez ce -que vous dites, il faut que je vous détrompe, et -que je vous dise que dans le livre dont vous faites -<span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span> -tant de cas, il n'y a rien de précieux que la matière<a id="FNanchor_517" href="#Footnote_517" class="fnanchor"> [517]</a>. -C'est sans doute ce qui vous a fait tomber -en erreur, et vous avez fait comme les amans qui -trouvent que toutes les peintures de la personne -qu'ils aiment sont des chefs-d'œuvre, et ne distinguent -pas celles de l'ouvrier de celles de leur -passion. Pour moi, je vous jure sincèrement que, -parmi tant de pièces, je vois peu de choses qui -me satisfassent, et beaucoup qui me déplaisent. -Ma paresse naturelle m'a empêché de les corriger, -et j'ai cru que cela n'empêcheroit pas la fin que -je me suis proposée, qui est de rendre quelque service -à Dieu, en détournant les hommes des choses -profanes, au moins pour quelque temps. Croyez-moi, -il n'y a point de gloire dans la terre dont on -doive faire beaucoup de compte; les panégyristes -sont vains, les louanges vaines, et ce qui en reste, -fumée et vanité. Surtout je ne puis concevoir comment -il est possible que, considérant avec un peu -d'attention la grandeur des mystères de Dieu, on -puisse s'imaginer que l'on en parle, je ne dirai -pas dignement, mais médiocrement. Je le prie -qu'il me pardonne mes fautes en cette occasion, et -qu'il approuve, ou plutôt qu'il purifie mes intentions -pour l'avenir. Je vous conseille aussi de vous -repentir de vos cajoleries, elles ne m'ont que trop -plû; mais ce qui m'oblige davantage c'est l'assurance -qu'il vous plaît de me donner que je suis -<span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span> -dans vos bonnes grâces. Croyez que je vous honore -sincèrement et que je suis,</p> - -<p>Mademoiselle, votre, etc., etc.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_518" href="#Footnote_518" class="fnanchor"> [518]</a>.</p> - -<p class="dater">Paris, 12 avril 1645.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Je suis encore plus coupable devant vous que -devant monsieur votre frère, du long temps que -j'ai laissé passer sans répondre à l'excellente lettre -que vous me fîtes l'honneur de m'écrire quelques -jours avant lui. Il est vrai que je le serois bien -davantage si vous m'aviez laissé moyen de répondre, -et si je n'avois à dire pour excuse qu'on ne -peut que mal écrire après une chose si bien écrite -que celle-là. Tout de bon, il ne se peut rien de -mieux que cette lettre, et l'air dont elle est prise -est si galant et si délicat qu'elle a donné de l'ennui -aux plumes qui volent le plus haut parmi -nous, et du plaisir à des oreilles qui sont blessées -de tout ce qui n'est que médiocrement admirable. -Je n'ai point réparti à ces merveilles de peur de -me faire voir trop au-dessous, et que, par la comparaison -d'elles avec ce que je vous eusse écrit, -vous ne parussiez les avoir mal employées en me -les écrivant. En récompense, Mademoiselle, je -<span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span> -leur ai donné le triomphe qu'elles méritoient. Je -les ai fait voir non seulement à M<sup>lle</sup> Robineau qui -y étoit si agréablement grondée et qui ne pouvoit -mais du sujet que vous avez pris de m'y quereller -si noblement, mais encore à tout l'hôtel de Clermont, -à tout l'hôtel de Rambouillet, à M<sup>me</sup> de Sablé -et à M<sup>lle</sup> de Chalais, à M. Conrart, à M<sup>lle</sup> de Longueville -et à M<sup>me</sup> de Longueville même, qui tous -leur ont fait justice en leur donnant des éloges -qu'on ne donne qu'aux pièces achevées, et les ont -ou lues plusieurs fois, ou retenues plusieurs jours, -ou copiées avec soin, afin d'en mieux considérer -les beautés.</p> - -<p>Voilà, Mademoiselle, la seule réponse que je -vous y ferai et qui vaudra mieux que si je vous -protestois sérieusement que M<sup>lle</sup> Robineau n'a -point d'avantage sur vous dans mon esprit, et que -je ne laisserois pas de vous honorer extrêmement -et de me souvenir de votre mérite, quand elle se -donneroit moins de soin qu'elle ne fait de m'exhorter -à payer vos bontés pour moi, du moins par -de mauvaises lettres. J'ai quelquefois le bonheur -de la voir, mais ce n'est que quand elle est malheureuse, -et que quelque rhume ou quelque autre -indisposition l'arrête chez elle. Autrement vous -savez que ses amies, ou les sermons, ou les pardons -l'en tirent d'ordinaire, et qu'il n'y a rien de -si rare que de l'y trouver. Quand je l'y rencontre, -vous faites la meilleure partie de notre conversation, -mais de manière que la plus grande délicatesse -de votre amitié n'en pourroit être que satisfaite, -<span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span> -si vous étiez aussi près de nos yeux, que -vous l'êtes de notre cœur. Je suis témoin de la -continuation de sa tendresse pour vous, et si elle -daigne parler de moi dans ses lettres, elle vous -aura témoigné que je suis pour vous tout ce que -vous sauriez désirer, et qu'il n'y a point d'intérêts -qui me soient plus chers que les vôtres. J'ai vu -dans celle de M<sup>lle</sup> Paulet ce que vous dites de si -obligeant pour la rupture de mon voyage de Munster<a id="FNanchor_519" href="#Footnote_519" class="fnanchor"> [519]</a>, -et je l'ai plus senti que je ne vous le saurois -dire. Il est certain, et je ne vous dissimulerai pas, -que ce voyage choquoit entièrement mon inclination, -qu'il troubloit l'ordre de ma vie, qu'il renversoit -tous mes desseins et qu'il m'arrachoit à -tous mes amis, si je n'eusse travaillé rigoureusement -et avec succès pour le rompre. Je l'ai rompu -et l'une des principales consolations qui m'en -restent, c'est que par cet effort je me suis conservé -libre, et que je m'en pourrai bien plus véritablement -dire,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</span></p> - -<p class="sig"><span class="i2"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</span></p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span> -<span class="small"><b>MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_520" href="#Footnote_520" class="fnanchor"> [520]</a>.</p> - -<p class="dater">Sablé, 28 juin 1647.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>J'ai vu la lettre que vous avez écrite à notre -chère et très-aimable M<sup>lle</sup> Paulet, sur le sujet qui -me regarde. Il m'étoit si nouveau lorsque je partis -de Paris, que tout ce que j'eus le temps de faire -fut de dire à cette excellente amie ce qu'une personne -de condition et de mérite avoit eu la bonté -de me proposer pour moi, de son propre mouvement. -Je dis de son propre mouvement, car encore -<span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span> -qu'elle m'eût fait l'honneur de me dire, il y -avoit quelque temps, qu'elle en vouloit parler, je -tenois la chose si fort éloignée et de moi et de -toute autre comme moi, que je croyois qu'il étoit -entièrement impossible d'y pouvoir parvenir. Je le -crois encore de la même sorte, et si bien, que -quoique les personnes qui me font l'honneur de -me souhaiter ce bien-là m'aient voulu empêcher -de quitter Paris, je les ai très-humblement suppliées -de me le permettre; et enfin je suis venue en -Anjou avec aussi peu de crainte que de désir de -l'événement de la chose.</p> - -<p>Il semble que tout ce que je viens de vous dire -soit éloigné de notre embarras et n'en soit pas la -cause; vous saurez pourtant, s'il vous plaît, qu'il -en fait une partie. Car lorsque M. de la Vergne pria -M<sup>me</sup> la marquise de Sablé de s'employer pour vous -auprès de M<sup>me</sup> d'Aiguillon, elle comprit, et moi -aussi, sans s'expliquer davantage, que c'étoit pour -être auprès de la nièce<a id="FNanchor_521" href="#Footnote_521" class="fnanchor"> [521]</a> qui, selon le bruit commun, -devoit épouser le neveu de M<sup>me</sup> d'Aiguillon. M<sup>me</sup> la -marquise de Sablé ne comprit autre chose ni moi -non plus, en vérité, et j'en demeurai là fort facilement -par l'opinion où j'étois et où je suis encore -que la conduite de ces trois importantes personnes<a id="FNanchor_522" href="#Footnote_522" class="fnanchor"> [522]</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span> -est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans doute -le mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur, -plus de bonheur, et quelque nom de Madame -qui sera plus propre à l'éclat qu'à bien réussir -dans l'éducation de ces personnes-là. Voilà donc -ce qui éloigna ma pensée de vous sur ce sujet, et -ce qui me l'arrêta à celui que je viens de vous -dire. Joint, comme j'ai déjà dit, que M. de la -Vergne ne s'expliqua point. Il y a beaucoup de -circonstances qui, vous étant déduites, serviroient -à me justifier auprès de vous; et je n'en oublierai -aucune, tant j'ai le désir de vous faire connoître -la vérité de mes intentions, si je n'étois -assurée que la bonté et la générosité de M<sup>lle</sup> Paulet -lui aura fait écrire tout ce qui aura servi à ma justification, -comme je l'en avois très-humblement -suppliée, après lui avoir fait voir le fond de mon -cœur et la vérité toute pure. Votre lettre m'a fait -connoître qu'elle est aussi ponctuelle que parfaite -amie, et que vous êtes bonne et généreuse, par les -sentiments et par la bonne opinion que vous avez -prise de mon procédé. Je vous en suis infiniment -obligée. S'il se pouvoit ajouter quelque chose à -l'estime et à l'extrême affection que j'ai pour -vous, je vous puis assurer que cette dernière obligation -le feroit; mais je suis à vous, il y a si -longtemps, que tout ce que je puis faire est de -vous confirmer les vœux de mes très-humbles services, -et de vous assurer que je ne perdrai jamais -aucune occasion de vous en rendre. Plût à Dieu -que cet emploi dont il s'agit fût partagé, et que -<span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span> -j'y pusse servir avec vous! Je l'en aimerois infiniment -davantage, et si je le pouvois espérer de cette -sorte, je commencerois à le désirer. Mais j'en aurois -trop de joie, c'est pourquoi je ne puis me le -promettre.</p> - -<p>J'avois supplié M<sup>lle</sup> Paulet de ne laisser pas -d'employer ses amis et les vôtres pour le dessein -qu'elle a eu et qu'elle doit avoir encore pour -vous. Il y a tant de raisons qui sont en votre personne, -qui ne sont point en la mienne, qu'il devroit -être plus facile de réussir pour vous que -pour moi. J'y donnerais ma voix de tout mon cœur, -si elle y pouvoit servir, et je vous puis assurer que -j'aurais beaucoup plus de joie que ce bonheur-là -vous arrivât qu'à moi-même, par quantité de raisons -dont l'estime et l'affection que j'ai pour vous -sont les principales. Je vous supplie de le croire, -et que personne au monde ne saurait être, avec -plus de vérité que je suis, votre très-humble et -très-affectueuse servante.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADEMOISELLE DE CHALAIS A MADEMOISELLE PAULET.</b></span></p> - -<p class="dater">Sablé, 28 juin 1647.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>J'ai vu, par la réponse que vous a faite M<sup>lle</sup> de -Scudéry, la bonté avec laquelle vous lui avez écrit -pour moi. Cette obligation, avec tant d'autres que -je vous ai, touchent mon cœur si sensiblement -<span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span> -que je n'ai point de paroles pour vous le pouvoir -exprimer, mais seulement pour vous dire que je -suis à vous absolument, que je vous estime et -vous honore plus que personne du monde ne sauroit -faire, et qu'enfin, je m'estimerois heureuse si -je pouvois quelque jour vous témoigner, par mes -très-humbles services, le désir que j'ai de vous en -rendre. En vérité, ce me seroit la plus grande -joie que je puisse recevoir. Au reste, Mademoiselle, -j'écris à M<sup>lle</sup> de Scudéry; je vous supplie -d'avoir encore la bonté de lui vouloir confirmer -tout ce que je lui dis. Je pense que vous me faites -bien cette grâce de me croire et de ne douter en -aucune façon de la sincérité de mes intentions. Je -vous conjure encore de travailler et d'employer vos -amis pour le dessein que vous avez eu pour cette -excellente personne, et de croire que j'aurois une -extrême joie si vous y pouviez réussir. En vérité, -je n'en aurois pas tant pour moi-même. Je lui -souhaite ce bonheur-là de toute la force de mon -cœur, et je voudrois de la même sorte que cette -autre personne qui a tant de bonté pour moi<a id="FNanchor_523" href="#Footnote_523" class="fnanchor"> [523]</a> -n'eût jamais pensé à cela. J'y renonce très-volontiers, -et je porte tous mes désirs pour notre amie; -et vous, Mademoiselle, je vous conjure encore une -fois d'y employer vos amis et vos soins. Pour -moi, je suis dans une solitude<a id="FNanchor_524" href="#Footnote_524" class="fnanchor"> [524]</a> où je goûte de telle -sorte le repos, que si je n'avois pas une extrême -<span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span> -affection pour M<sup>me</sup> la marquise de Sablé, et si je -ne lui étois pas aussi obligée que je suis, j'aurois -grande peine à songer à mon retour. Je m'y porte -beaucoup mieux qu'à Paris; jugez quel charme, -et s'il y a quelque chose dans la fortune qui vaille -le bien de la santé. Je vous renvoie la lettre de -M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui est admirable; je vous en -rends mille très-humbles grâces, et vous supplie -de croire que personne n'est avec plus de passion -que moi,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissante servante.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>CHAPELAIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_525" href="#Footnote_525" class="fnanchor"> [525]</a>.</p> - -<p class="dater">Paris, 17 juillet 1647.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Il ne falloit pas moins que d'aussi grands reproches -que ceux que j'ai lus dans la dernière de -vos lettres à M<sup>lle</sup> Paulet, pour m'obliger à rendre -grâces par les miennes du glorieux combat que -vous avez fait pour l'honneur de ma <i>Pucelle</i><a id="FNanchor_526" href="#Footnote_526" class="fnanchor"> [526]</a>. A -<span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span> -moins d'être provoqué avec des injures, et accusé -d'incivilité et d'ingratitude, je ne me fusse jamais -résolu à vous rien écrire sur votre courageux ouvrage, -dans la crainte qu'en vous remerciant du -bien que vous dites d'elle ou plutôt de moi, il ne -semblât que j'en demeurasse d'accord et que je -reçusse vos louanges sous couleur de les refuser. -Vous savez, mademoiselle, qu'il y a une modestie -ambitieuse, qui est pire que la vanité découverte, -et vous ne voudriez pas que je fisse jamais -rien qui m'en pût faire soupçonner. Cette considération -est la vraie cause de mon silence, car, pour -ma gratitude, vous ne l'avez pu ignorer, si -M. Conrart s'est acquitté de ce qu'il m'avoit promis, -ce que je ne puis croire qu'il ait oublié. -Mais, Mademoiselle, puisque vous en faites l'ignorante -afin de me mortifier, je vous dirai ici que la -reconnoissance que j'ai de cette faveur ne sauroit -être plus grande ni pour l'intérêt de la Pucelle ni -pour le mien, et que j'estime à un point les belles -et rares choses que vous avez voulu dire sur notre -sujet, que je ne suis plus en peine de sa réputation -ni de la mienne, et que quand ce que j'ai essayé -de dire de sa vertu et de sa valeur devroit -périr devant moi-même, je ne laisserois pas d'espérer -de voir sa gloire conservée dans ce que vous -avez écrit, et mon nom consacré à l'immortalité, -parce que vous l'y avez daigné enchasser.</p> - -<p>Du reste, je ne réponds rien sur la passion à laquelle -vous imputez si galamment mon silence, et -je laisse cela à faire à M<sup>lle</sup> Robineau, à laquelle je -<span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span> -pourrois également déplaire, en l'avouant ou en -la désavouant. C'est une personne trop parfaite -pour qu'on en doute qu'elle ne pût faire une conquête -beaucoup plus difficile encore, et, d'un -autre côté, elle est trop sévère pour ne trouver -pas mauvais qu'on se confesse son esclave. C'est -à elle à se prononcer là-dessus et à vous apprendre -ce que vous en devez croire. De moi, j'avouerai -tout ce qu'elle voudra, pourvu que ce ne soit -pas que la passion que son mérite me pourroit -avoir donnée ne pût compatir avec celle que je -dois au vôtre et qui m'a rendu pour la vie, Mademoiselle, -votre très-humble et très-obéissant serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</p> - -<p><i>P.S.</i>—Ayez agréable, s'il vous plaît, que -monsieur votre frère lise ici mes très-humbles -baise-mains et les grâces que je lui rends très-humbles -de son souvenir et du beau et généreux -sonnet dont il m'a jugé digne, dans le petit nombre -de ceux qu'il en a voulu gratifier en cette cour.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>SARASIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_527" href="#Footnote_527" class="fnanchor"> [527]</a>.</p> - -<p class="dater">Du 30 décembre 1650.</p> - -<p>N'attendez pas que je vous rende une lettre -<span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span> -bien écrite pour celle que vous m'avez envoyée et -qui ne le sauroit être mieux. Rien n'est si contraire -au bel esprit que la guerre civile, et je vous -supplie de croire que MM. Brook et Rukling, avec -qui nous sommes tous les jours de conférence, ne -sont pas de gens de l'Académie. De plus, vous -savez, Mademoiselle, vous qui savez tout ce qui -se peut sçavoir des Muses, que ces honnêtes filles -chantent bien les combats, mais qu'elles ne suivent -pas les armées; que lorsque les dieux et celui -même qui leur préside vinrent à la charge devant -Troye, elles demeurèrent sur le Parnasse, et -qu'enfin elles n'ont eu guères de démêlés que celui -des Piérides pour des chansons, ni guères pris -de parti qu'entre Apollon et Marsyas pour la lyre -contre la flûte. Une personne donc d'aussi peu -d'école que je suis ne doit pas, ce me semble, -prétendre à rien dire de beau ni s'efforcer inutilement -à rendre les choses plus agréables. Ce sera -assez qu'elles le soient par elles-mêmes, et vous -<span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span> -vous contenterez, s'il vous plaît, que je vous envoye -une bonne lettre au lieu d'une belle. De cette -sorte, je suis fort assuré que ma réponse vous -plaira, et que, pourvu que je vous mande que -votre esprit et votre zèle ont touché son Altesse, et -qu'elle est infiniment satisfaite de votre passion et -de votre respect, vous n'irez pas vous plaindre -que je vous l'ai dit grossièrement, et ne souhaiterez -pas d'ornement où la simple naïveté a si -bonne grâce. Que si le soin de votre héros vous -touche autant que le vôtre propre, et que vous -vouliez savoir s'il est autant estimé en cette cour -qu'il le fut autrefois de toutes celles de l'Asie, j'ai -bien encore de quoi vous plaire, et vous devez être -contente de ce que jamais aucun des héros de sa -sorte n'a mieux été reçu de la divine personne à -qui monsieur votre frère l'a dédié. Le peu de -temps que l'accablement de ses affaires et la nécessité -de ses grandes occupations lui laissent est -employé à sa conversation; et depuis huit jours<a id="FNanchor_528" href="#Footnote_528" class="fnanchor"> [528]</a> -qu'on a apporté ici la cinquième partie de ses -aventures, il ne s'en est point passé qu'on n'ait -donné audience à Phérénice, à Orsane, ou à l'historien -de Belesis<a id="FNanchor_529" href="#Footnote_529" class="fnanchor"> [529]</a>. Ces personnes ont toujours été -du petit coucher, et tant qu'elles ont eu quelque -chose à y dire, on ne les a interrompues que par -des acclamations et des louanges. N'est-ce pas là -<span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span> -vous dire tout ce que vous sauriez désirer de -moi? Car, pour la continuation de mon amitié, -dont vous me faites la grâce de témoigner trop -de joie, j'espère que son Altesse aura bien la -bonté de vous informer un jour si vos intérêts me -sont chers et si je sais bien estimer votre mérite. -Vous avez sans doute beaucoup de raisons de -souhaiter que ce jour arrive bientôt, et vous devez -vous intéresser plus que je ne saurois dire à -voir cesser la persécution de cette illustre affligée. -Si le ciel est juste, il préviendra les souhaits que -nous en faisons; et, comme ce seroit impiété d'en -douter, il faut croire que ce bonheur est proche et -l'attendre avec tranquillité. Car enfin je ne saurois -penser que ni cette excellente princesse, ni ce -héros, pour qui vous avez une si légitime passion, -étant innocents, soient persécutés davantage; en -un mot, cela me semble autant impossible qu'à -moi de cesser de vous honorer.</p> - -<p>Je suis en vérité bien affligé de la mort de -M<sup>lle</sup> Paulet<a id="FNanchor_530" href="#Footnote_530" class="fnanchor"> [530]</a>, et si je juge de votre douleur par -votre amitié, je suis assuré qu'elle est extrême. Je -vous demande de transmettre beaucoup de compliments -et de civilités de ma part à mesdames -vos hôtesses<a id="FNanchor_531" href="#Footnote_531" class="fnanchor"> [531]</a>, et si j'étois encore assez bien parmi -vos amis, je vous supplierois d'assurer M<sup>me</sup> Aragonnais, -M<sup>lle</sup> Robineau et M<sup>lle</sup> Boquet de mes très-humbles -services.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HAPELAIN</span>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span> -<i>La duchesse de Longueville crut devoir ajouter les -lignes suivantes à la lettre de Sarasin</i>:</p> - -<p>C'est être bien hardie que d'écrire à une personne -dont on a vu une lettre comme celle que -vous avez écrite depuis peu; et c'est l'être tout -autant que de placer son compliment dans une -autre faite comme celle dans laquelle je vous écris. -Mais, comme je préfère la réputation d'être reconnoissante -à celle de bien écrire, j'abandonne de -bon cœur la première, pour n'être pas tout à fait -indigne de l'autre, comme je le serois sans doute -si je pouvois savoir les constantes bontés de -monsieur votre frère et de vous, sans vous témoigner -combien j'en suis touchée. Je le suis encore -si fort de vos ouvrages, et ils adoucissent si agréablement -l'ennui de ma vie présente, que je vous -dois quasi d'aussi grands remercîments là-dessus -que sur la solide obligation que je vous ai de n'avoir -pas changé pour moi avec la fortune, et d'avoir -bien voulu soulager les maux qu'elle m'a -faits par les biens que donne la continuation d'une -amitié comme la vôtre. Celle de vos hôtesses m'est -si considérable, que l'assurance que vous me -donnez qu'elles en conservent toujours un peu -pour moi m'a causé une véritable satisfaction. Je -vous conjure de le leur dire de ma part, et qu'elles -n'en peuvent avoir pour personne qui les estime -et qui les aime plus que je fais.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span> -<span class="small"><b>LA PRINCESSE SIBYLLE DE BRUNSWICK A MADEMOISELLE -DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_532" href="#Footnote_532" class="fnanchor"> [532]</a>.</p> - -<p class="dater">Wolffenbuttel, 8 juillet 1654.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Si je considère ce que je suis, je confesse franchement -qu'il n'y a rien en moi qui soit digne de -mériter les louanges que vous m'attribuez. Je sais -trop mon imperfection, et connois bien que par -l'excès de votre courtoisie et bonté ensemble, vous -me veuillez par là encourager à imiter les vertus -que vous possédez. Je m'efforcerai de suivre pour -le moins leurs traces, si je ne les peux acquérir -du tout. Que si vous avez parlé à mon avantage à -ceux qui ont l'honneur de votre amitié, je vous en -serois bien obligée, si ce n'est que je suis honteuse -de ce que, par ma mauvaise lettre, j'ai publié mes -défauts. Je me console pourtant qu'étant choisis -de vous d'être dignes de votre amitié, ils auront -assez de générosité pour les excuser. Si ce n'est -une vanité de vous renouveler les offres de mon -affection, comme une chose inutile à votre service, -<span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span> -je vous dirois que je ne changerai jamais la résolution -que j'ai prise de vous continuer les devoirs -de ma bonne volonté, jusques à ce que par votre -faveur je vous en puisse témoigner les effets, puisque -je fais gloire d'être plus que personne du -monde,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i1">Votre très-affectionnée,</span></p> - -<p class="sig"><span class="i2"><span class="cap">S</span><span class="smallc">IBYLLE</span> <span class="cap">U</span><span class="smallc">RSULE DE</span> <span class="cap">B</span><span class="smallc">RUNSWICK</span>.</span></p> - -<p><i>P. S.</i> Mes commandements ne s'étendent jusques -à la Cour de France. Si pourtant vous me -permettez de vous prier de ne vouloir différer -davantage le contentement que tout le monde ici -aura de voir la suite de votre <i>Clélie</i>, je prends la -liberté de vous en conjurer et pour le public et -pour votre propre gloire.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MÉNAGE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_533" href="#Footnote_533" class="fnanchor"> [533]</a>.</p> - -<p class="dater">1658.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Il n'y a personne au monde qui ait pour vous -des sentiments plus avantageux que moi. Je n'estime -pas seulement, j'admire encore la beauté de -votre génie, la vivacité de votre imagination, la -solidité de votre jugement, les charmes de votre -entretien, et ce nombre infini de rares connoissances -que vous possédez si éminemment. Mais -<span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span> -si j'ai de l'estime et de l'admiration pour les qualités -de votre esprit, j'ai du respect et de la vénération -pour celles de votre âme, pour votre bonté, -pour votre douceur, pour votre tendresse, pour -votre générosité, pour votre candeur, et surtout -pour cette incomparable modestie, qui, au lieu de -cacher votre mérite, le fait éclater davantage. Depuis -que je reconnus en vous toutes ces excellentes -qualités, et je les reconnus dès la première fois que -j'eus l'honneur de vous entretenir, je vous ai toujours -considérée comme un des principaux ornements -de notre siècle, et comme la plus grande -gloire de votre sexe.</p> - -<p>Cependant, Mademoiselle, il est étrange que -depuis ce temps-là je n'aie point encore fait savoir -au public l'estime particulière que je fais -d'une personne si extraordinaire, et qu'étant un -des hommes du monde qui vous honore le plus -dans son cœur, je sois un des hommes du -monde qui vous ai le moins célébrée dans ses -écrits. Quoique ma conscience ne me reproche -rien de ce côté-là, et que mon silence ne soit -qu'un effet de mon admiration, je ne laisse pas -d'avoir quelque honte d'être si longtemps à vous -rendre l'hommage que vous doivent ceux qui -font profession d'honorer publiquement le mérite -et la vertu. En attendant que je puisse vous rendre -cet hommage par quelques-uns de mes écrits, -qui ne soient pas tout à fait indignes de vous, l'amitié -qui étoit entre feu M. Sarasin et moi -m'ayant obligé de prendre soin et du recueil et de -<span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span> -l'édition de ses ouvrages, je prends la liberté de -vous en faire une offrande. Je suis assuré que je ne -fais rien en cela contre l'intention de l'auteur, et -que, comme vous étiez l'objet éternel de ses louanges -et de ses respects, s'il eût publié lui-même -ses œuvres, et plût à Dieu que sa mort précipitée -n'eût pas privé le monde de cet avantage, il les -eût publiées sous cette même protection que je -vous demande. Je veux croire aussi, Mademoiselle, -que je ne fais rien en cela qui vous soit -désagréable, et que vous ne rejetterez pas mon offrande, -non-seulement à cause de cette amitié -tendre et officieuse que vous avez toujours eue -pour M. Sarasin, mais aussi à cause de l'estime -extraordinaire que vous avez toujours faite -des productions de son esprit. J'ose bien vous -dire qu'elles sont en effet très-dignes de votre approbation. -L'ordre y paroît parmi l'abondance. -Elles brillent de tous côtés d'esprit et d'invention. -On y voit une variété agréable. On y voit de la -prose et des vers en tout genre et en toutes langues. -On y voit partout une facilité merveilleuse; -et si on y remarque en quelques endroits des négligences, -ces négligences ne sont pas même sans -quelque agrément. Mais je dois me souvenir que -j'écris une lettre et non pas un panégyrique ou -une apologie; et que de louer ou de défendre davantage -les œuvres de M. Sarasin, ce seroit -entreprendre sur M. Pellisson, qui les a si excellemment -et louées et défendues dans son admirable -préface. Je n'ai donc plus qu'à vous supplier -<span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span> -de recevoir avec votre bonté ordinaire ces -précieux restes de notre cher et illustre ami, et de -regarder le soin que j'ai pris de les recueillir, -non-seulement comme un effet du zèle que j'ai -pour la gloire d'un homme qui m'a donné tant de -marques éclatantes de son affection, mais aussi -comme un témoignage de la passion ardente et -respectueuse avec laquelle je suis,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i1">Votre très-humble</span><br /> -<span class="i2">et très-obéissant serviteur,</span></p> - -<p class="sig"><span class="i4"><span class="cap">M</span><span class="smallc">ÉNAGE</span>.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>P. CORNEILLE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_534" href="#Footnote_534" class="fnanchor"> [534]</a>.</p> - -<p class="dater">A Rouen, 16 décembre 1659.</p> - -<p>L'incomparable Sapho est suppliée de mander -son avis à l'illustre Aspasie, touchant deux épigrammes -faits<a id="FNanchor_535" href="#Footnote_535" class="fnanchor"> [535]</a> pour une belle dame de sa connoissance<a id="FNanchor_536" href="#Footnote_536" class="fnanchor"> [536]</a>, -<span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span> -qui, par un accès d'estime, avoit -baisé la main gauche de l'auteur. Il y a partage -pour juger lequel est le plus galant: l'un a plus -d'essor de pensée, et l'autre a quelque chose de -plus simple et plus naturel.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>RÉPONSE DE L'INCOMPARABLE SAPHO.</b></span></p> - -<p class="dater">[1659.]</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i4"> Si vous parlez sincèrement</p> -<p>Lorsque vous préférez la main gauche à la droite,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span></div> -<p class="i2"> De votre jugement je suis mal satisfaite:</p> -<p>Le baiser le plus doux ne dure qu'un moment;</p> -<p class="i2"> Un million de vers dure éternellement,</p> -<p class="i2"> Quand ils sont beaux comme les vôtres;</p> -<p class="i2"> Mais vous parlez comme un amant,</p> -<p class="i2"> Et peut-être comme un Normand:</p> -<p class="i2"> Vendez vos coquilles à d'autres<a id="FNanchor_537" href="#Footnote_537" class="fnanchor"> [537]</a>.</p> -</div></div> - -<p class="titre"><span class="small"><b>CHARPENTIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_538" href="#Footnote_538" class="fnanchor"> [538]</a>.</p> - -<p class="dater">Mercredi, à onze heures du matin [1659].</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Je reçus hier au soir fort tard le billet que vous -m'avez fait l'honneur de m'écrire.... Si le temps -l'eût permis, je vous en aurois remerciée sur l'heure -même, car il est impossible de retenir un ressentiment -si juste. Vous avez trop payé l'ouvrage que -j'ai pris la hardiesse de vous offrir<a id="FNanchor_539" href="#Footnote_539" class="fnanchor"> [539]</a>; l'estime que -vous en faites est assurément au-delà de son mérite, -et je ne puis attribuer les louanges que vous -lui avez données, qu'à la cause même que vous -m'en découvrez en reconnoissant qu'il parle d'un -<span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span> -de vos plus anciens amis. Je le sais, Mademoiselle, -que Cyrus est un de vos amis, et que votre -amitié est une de ses plus glorieuses aventures; -c'est en cette considération que son nom est dans -les plus belles bouches de France, et qu'il sert -maintenant d'entretien au monde poli, qui autrement -ne le connoîtroit guère:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Et moi qui le connois assez parfaitement,</p> -<p class="i2"> Si vous en croyez mon serment,</p> -<p>J'aurois eu peu de soin de relever sa gloire,</p> -<p>Quoiqu'il ait autrefois mille peuples soumis,</p> -<p>Si je n'avois appris ailleurs que dans l'histoire,</p> -<p>Qu'il possède l'honneur d'être de vos amis.</p> -</div></div> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>BRÉBEUF A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_540" href="#Footnote_540" class="fnanchor"> [540]</a>.</p> - -<p class="dater">Rouen, 24 août [1660].</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Je meurs de honte d'avoir été malade lorsque je -me sentois indispensablement obligé à vous remercier -de toutes les belles choses que j'ai trouvées -dans votre lettre, et j'ai une confusion si -grande de m'être laissé prévenir à vos civilités et -d'avoir tant différé à vous les rendre, que j'ai -peine à me pardonner mon indisposition, et à ne -faire pas d'une fièvre de huit ou dix jours<a id="FNanchor_541" href="#Footnote_541" class="fnanchor"> [541]</a> une -<span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span> -faute inexcusable. Mais, à vous parler ingénûment, -je vous avoue, Mademoiselle, que, dans ma -meilleure santé, il me seroit assez difficile de -trouver des termes pour vous expliquer tout le -ressentiment que j'ai de l'honneur que vous me -faites. Vous me louez avec des paroles si riches et -d'un air si parfaitement obligeant qu'il m'est -presque impossible d'y répondre comme je dois et -comme je le souhaite. Cependant, ce qui seroit -pour d'autres que vous le dernier effort de la générosité -n'est que votre style ordinaire. C'étoit -assez du témoignage public que vous m'en aviez -donné, sans y ajouter encore cette preuve particulière. -Je me souviens, Mademoiselle, de l'obligation -que vous a l'interprète de Lucain. Je sais que -c'est à votre recommandation seule que ce divin -génie<a id="FNanchor_542" href="#Footnote_542" class="fnanchor"> [542]</a>, qui produit toujours et ne s'épuise jamais, -<span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span> -a trouvé le secret de le faire vivre près de trois -mille ans avant sa naissance, et qu'un art si ingénieux -et si admirable peut encore le faire vivre -plus de trois mille ans après sa mort. Un esprit -de cette force a pouvoir sur tous les temps aussi -bien que sur tous les pays; le passé et l'avenir en -relèvent également, et comme j'ai osé croire enfin, -sur la foi de mes amis, qu'il a pensé à moi quand -il a parlé du traducteur de la Pharsale, je me persuade -aisément qu'avec trois paroles il a mis du -moins trente siècles entre moi et ce fâcheux genre -de trépas qui tue encore après qu'on n'a plus de -vie. N'étoit-ce point assez, Mademoiselle, d'avoir -ménagé pour moi un privilége si peu commun et -une faveur si extraordinaire, et en falloit-il davantage -pour obliger de la plus excellente manière -un malheureux inconnu qui ne vous peut être -considérable que parce qu'il vous doit beaucoup, -et qui ne mérite les grâces que vous lui faites que -parce qu'il en a déjà reçu d'autres de vous? Sans -doute il n'y en avoit que trop pour occuper toute -la reconnoissance dont un esprit est capable, et je -vois pourtant que ce qui étoit trop pour moi n'a -pas encore été assez pour vous. Lorsque je m'entretenois -avec ressentiment et avec respect de cette -bonté excessive avec laquelle vous avez bien voulu -<span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span> -agréer les <i>Entretiens solitaires</i><a id="FNanchor_543" href="#Footnote_543" class="fnanchor"> [543]</a>, et que je croyois -beaucoup moins vous avoir fait un présent que -l'avoir reçu, il se trouve que vous me remerciez -encore de l'honneur qu'il vous a plu me faire, et -que vous me récompensez avec soin de l'obligation -que je vous ai: ce sont là, Mademoiselle, de -ces beaux excès qui ne sont guère connus dans -le monde, et qui ont besoin d'un exemple aussi -puissant que le vôtre pour s'établir parmi nous.</p> - -<p>Mais, bien que je me laisse flatter au dernier -point au jugement avantageux que vous faites de -moi et à une approbation qui ne me promet pas -moins que celle de tout Paris ou même de toute -la France, je conserve du moins encore assez de -modération dans ma bonne fortune pour ne consentir -pas entièrement à toutes les louanges que -vous me donnez. Je me défends autant que possible -d'une si pressante et si douce tentation de vanité, -et je me dis à toute heure que, pour laisser -descendre votre estime jusqu'à moi, il faut assurément -que vous ayez pris plaisir à vous cacher -tout ce que vous êtes. Je ne suis pas si étranger -en mon pays que je ne sache un peu en quels -termes les honnêtes et les habiles gens parlent de -vous; ce n'est pas, à leur gré, dire assez tout ce -qu'ils en pensent, que de publier en tous lieux -qu'ils vous regardent comme le miracle de notre -siècle, et pour moi, qui prends quelquefois la liberté -<span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span> -de mêler ma voix à la leur et de parler le -même langage, je puis dire que j'avance cette vérité -avec d'autant plus de plaisir que je n'ai encore -vu personne qui ait osé la contredire. Après -cela, Mademoiselle, il semble qu'il ne vous doit -point être permis de rien estimer, et que c'est -usurper en quelque façon sur le droit des personnes -qui sont infiniment au-dessous de vous -que de vous résoudre à parler si avantageusement,</p> - -<p class="sig">Mademoiselle,<br /> -<span class="i1">De votre très-humble, très-obéissant</span>,<br /> -<span class="i2">et très-obligé serviteur,</span></p> - -<p class="sig"><span class="i3"><span class="cap">B</span><span class="smallc">RÉBEUF</span>.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LA CALPRENÈDE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_544" href="#Footnote_544" class="fnanchor"> [544]</a>.</p> - -<p class="dater">A Vatimesnil, 12 septembre 1661.</p> - -<p>Comme je sais la part que vous avez prise au -malheur de M. le Surintendant, je veux bien, Mademoiselle, -vous témoigner la douleur que j'en -ai, et à laquelle je suis trop obligé par le souvenir -des obligations que je lui ai, et à M. Pellisson -aussi, qui, à ce que j'ai appris, est enveloppé -dans sa disgrâce. Je voudrois au prix de mon sang -être en état de leur témoigner ma reconnoissance, -et parce qu'on m'a mandé qu'on envoie M<sup>me</sup> la Surintendante -à Limoges, et que j'ai en ce pays-là -<span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span> -des parents et des amis assez considérables, je -vous supplie de me mander si vous croyez qu'il y -ait lieu de les employer pour son service, et -qu'elle en puisse recevoir d'eux dans sa mauvaise -fortune, afin que je leur écrive pour les obliger à -lui rendre toutes les assistances qui leur seront -possibles. Faites-moi, s'il vous plaît, la grâce de -m'en écrire un mot le plus tôt que vous le pourrez, -et de l'envoyer à la poste de Normandie avec -l'adresse: Au Tillier; et croyez, s'il vous plaît, -que ni dans cette affaire, ni dans aucune autre, -il ne vous arrivera jamais rien où je ne m'intéresse, -comme un homme qui vous honore et vous -honorera toute sa vie de tout son cœur.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">A</span> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ALPRENÈDE.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_545" href="#Footnote_545" class="fnanchor"> [545]</a>.</p> - -<p class="dater">De ma prison (Montpellier),<br /> -7 septembre [1665].</p> - -<p>Votre générosité ordinaire seroit bien bizarre -d'oublier un ami qui, pendant dix-huit mois -<span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span> -d'une prison très-rigoureuse, a pensé à vous -comme les amants font à leurs maîtresses: j'ai -tant de fois songé à tout ce que nous avons fait, à -tout ce que nous avons dit sur un certain sujet! -J'ai fait mon cours de beaux sentiments, de générosité, -d'amitié parfaite, pendant tout le temps -de cette affaire, et il est vrai que j'ai appris cette -grande science, non-seulement à vous entendre, -mais encore à vous voir faire, et en faisant de petites -choses sur le modèle des grandes, ou que -vous machiniez ou que vous exécutiez, ou du -moins que vous méditiez. Auriez-vous donc oublié -un homme qui étudioit votre âme et votre esprit -avec tant d'application, d'admiration et de plaisir? -Je ne le crois pas, quoique les apparences soient -fortes, car vous ne m'avez pas écrit sur la liberté -presque entière que le Roi m'a si bénignement -accordée. Je ne tiens plus qu'à un filet, et je -ne suis en prison que parce que je ne pourrois -pas sortir d'un grand château si je le voulois; -mais aussi je ne le voudrais pas, tant que -M. de Vardes sera dans le sien; si bien qu'au vrai -je ne suis prisonnier que vraisemblablement et -par métaphore, etc....</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span> -<span class="small"><b>LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_546" href="#Footnote_546" class="fnanchor"> [546]</a>.</p> - -<p class="dater">Dimanche 22 novembre 1665.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>J'ai bien du déplaisir, Mademoiselle, de ne -pouvoir aller moi-même vous faire mes compliments -sur <i>la Tubéreuse</i><a id="FNanchor_547" href="#Footnote_547" class="fnanchor"> [547]</a> que vous m'avez fait la -grâce de me donner. En vérité, elle a plus de grâce -et de beauté dans vos vers que dans son original -de sa nature. Tout ce qui passe par vos mains se -perfectionne, et c'est un de vos admirables talents -de donner de la grâce à tout ce que vous touchez. -Je ne puis m'empêcher de vous témoigner -ma joie des douceurs qui reviennent à votre ami -M. de Pellisson, après tout ce qu'il a souffert. -Vous voulez bien demander à M. Mesnager qu'il -veuille me mener le voir, car j'en ai grande impatience. -Je suis avec mes respects ordinaires à -vous, Mademoiselle,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">APIN</span>,<br /> -de la Compagnie de Jésus.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span> -<span class="small"><b>FRANÇOIS DE BEAUVILLIERS, DUC DE SAINT-AIGNAN, -A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_548" href="#Footnote_548" class="fnanchor"> [548]</a>.</p> - -<p class="dater">25 janvier [1666].</p> - -<p>Revoir le généreux Acante en liberté, recevoir -de l'illustre Sapho les glorieuses marques d'un -souvenir qui pourroit rendre heureux les plus infortunés -de la terre, et goûter ces plaisirs en un -même jour, c'est presque trop à la fois pour un -cœur aussi tendre et aussi sensible que le mien. Il -devroit au moins avoir le temps de se reconnoître, -avant que d'en témoigner sa satisfaction, dans l'agréable -désordre où le met cette double surprise; -mais auroit-il pu reconnoître dignement les biens -dont il est comblé, s'il avoit voulu attendre à vous -rendre grâces qu'il se fût reconnu? J'aime mieux -exprimer ma joie avec moins d'éloquence, et -pendant que l'obligeant Acante est allé voir ce -grand Roi duquel il a si bien parlé, assurer l'incomparable -Sapho de l'estime et du respect que -j'aurai toujours pour elle. Je pars demain à mon -tour, jusques à mercredi au soir, et j'espère vous -aller assurer jeudi en famille du pouvoir absolu -que vous aurez toujours et sur ma famille et sur -moi. En vérité Artaban<a id="FNanchor_549" href="#Footnote_549" class="fnanchor"> [549]</a> trouve plus de gloire à se -<span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span> -dire à vous, Mademoiselle, que le fils de Pompée -n'en acquit sous ce nom chez les Parthes et les -Mèdes.</p> - - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_550" href="#Footnote_550" class="fnanchor"> [550]</a>.</p> - -<p class="dater">Le 12 décembre [1666].</p> - -<p>Un prêtre tel quel a voulu, Mademoiselle, que -j'eusse l'honneur de vous envoyer la Vie d'un saint -prêtre qu'il a fait imprimer. Le prêtre tel quel -s'appelle M. de Saint-André, et le bon prêtre -s'appeloit M. Le Nobletz. Si vous m'en croyez, -vous n'en apprendrez pas davantage et vous laisserez -la lecture de ce livre à d'autres moins curieux -de belles lectures que vous.</p> - -<p>Ne laissez pas, s'il vous plaît, Mademoiselle, de -me savoir quelque gré de ce que je suis exact à -m'acquitter des plus petites commissions qu'on -me donne, jusqu'à vous envoyer un livre aussi -mal écrit et aussi peu considérable que l'est celui-ci<a id="FNanchor_551" href="#Footnote_551" class="fnanchor"> [551]</a>. -Vous jugerez, s'il vous plaît, de la joie -que j'aurois d'obéir à une personne pour qui j'ai -<span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span> -autant de respect et d'admiration que j'en ai pour -vous.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">V</span><span class="smallc">ERJUS.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>L'ÉVÊQUE DE DIGNE (FORBIN-JANSON) -A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_552" href="#Footnote_552" class="fnanchor"> [552]</a>.</p> - -<p class="dater">A Aix, le 4 février 1668.</p> - -<p>Le billet que vous m'avez envoyé a été suivi -d'une lettre du P. Annat qui m'écrit par ordre du -Roi que Sa Majesté me nomme à l'évêché de Marseille. -Je ne vous désavoue pas que je n'aie une -joie sensible de me voir honoré de cette nouvelle -marque de l'estime qu'un prince aussi éclairé que -le nôtre a témoignée pour ma personne en cette -rencontre. Mais je vous prie de croire que la part -que vous prenez en ce qui me touche redouble -mon contentement par celui qui vous en demeure. -Pensez-vous que je connoisse si peu l'honneur -qu'il y a d'être de vos amis, que je ne m'estime -infiniment heureux de passer pour tel, particulièrement -dans l'esprit de M. de Pellisson? Comme -les lumières qu'il a le rendent plus capable de -pénétrer dans les vôtres que qui que ce soit, il ne -sauroit douter que les personnes que vous aimez -<span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span> -n'aient du mérite, parce qu'il sait qu'il n'y a que -le mérite seul qui puisse attirer votre amitié. Cependant -vous me l'avez donnée par un pur effet -de votre bonté, et je rougis de confusion d'en être -si peu digne. C'est ce qui m'oblige à vous en demander -la continuation avec plus d'ardeur, et -vous assurer, Mademoiselle, qu'il n'y a rien dans -le monde que je souhaite davantage que d'être un -peu aimé de la merveille de notre siècle.</p> - -<p class="sig"><span class="smallc">L'ÉVÊQUE DE</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">IGNE.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A LA MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Aix, 12 février 1668.</p> - -<p>Je voudrois bien, Mademoiselle, que la fortune -me donnât lieu de vous faire voir combien je suis -sensible à la part que vous prenez en ce qui me -touche. En vérité, j'ai toute la confusion du monde -d'avoir si peu d'occasion de m'employer pour -votre service. Une bonne et généreuse amie comme -vous doit avoir pitié de ma gratitude, et ne me -laisser pas toujours souhaiter inutilement de -vous être utile. Le Roi ne pouvoit pas me donner -un établissement plus doux et plus considérable; -vous le connoissez, Mademoiselle, mieux que personne. -Je l'estimerois infiniment davantage si je -pouvois être assez heureux de vous y voir quelque -jour. J'ai bien de la joie d'apprendre le rétablissement -de la santé de notre illustre amie: Dieu -<span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span> -nous la conserve, et vous donne le moyen de -vous faire connoître combien je vous honore!</p> - -<p class="sig"><span class="smallc">L'ÉVÊQUE DE</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">IGNE.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>DUC DE SAINT-AIGNAN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_553" href="#Footnote_553" class="fnanchor"> [553]</a>.</p> - -<p class="dater">Du 6 [avril 1668].</p> - -<p>Je ne sais, Mademoiselle, de quelle manière je -dois répondre à votre obligeante lettre, après avoir -même demeuré assez longtemps sans y avoir répondu. -Sera-ce en vous rendant mille très-humbles -grâces de l'utilité de l'avis qu'il vous a plu de me -donner? Sera-ce de votre admirable quatrain dont -toute la cour est charmée? En vérité je crois que -je ne dirai rien de tout cela, et que je ne vous parlerai -que de la belle Lionne, mais si peu apprivoisée, -à qui l'on a dédié la fable du <i>Lion Amoureux</i><a id="FNanchor_554" href="#Footnote_554" class="fnanchor"> [554]</a>. -Puisque quand on la voit on ne sauroit regarder -autre chose, croyez-vous que quand on s'en entretient -on puisse aisément changer de discours? A -propos de cette belle Lionne, puisque lionne il y -a, je vous en veux faire une petite histoire. J'étois -<span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span> -l'autre jour dans votre cabinet, et, quoiqu'on ne -puisse vous y voir trop tôt, ni vous y attendre -avec trop d'impatience, je faillis à vous vouloir -mal, lorsque vous me détournâtes de la contemplation -du beau portrait que vous en avez. Je sais -bien que l'aventure du lion ne lui est point arrivée, -qu'elle a de belles et bonnes dents, et sais -mieux encore que mon respect me mettra toujours -à couvert de ses ongles. Mais, Mademoiselle, à -quoi vous jouez-vous de me louer? Vous prenez -quelque intérêt en ma gloire, et vous m'allez -rendre si vain que je ne serai plus digne de votre -estime. Connoissez un peu mieux, malgré votre -modestie, ce que c'est d'être loué par l'illustre -Sapho, de qui l'approbation peut faire l'estime et -la félicité de tous ceux qu'il lui plaira; et croyez -que personne n'y est plus sensible ni ne la reçoit -avec plus de respect et n'en est pourtant moins -digne qu'Artaban.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A LA MÊME.</b></span></p> - -<p class="dater">Du 19 avril 1668.</p> - -<p>Ce n'est rien, Mademoiselle, d'être sorti de dessous -ce monceau de buffles, de pistolets, de bottes -et de baudriers qui marquoient tant la guerre à -la veille de la trêve et peut-être de la paix; je suis -retombé de fièvre en chaud mal; de plus savants -diroient de Scylle en Charibde; enfin ce que je -<span class="pagenum"><a id="Page_454"> 454</a></span> -veux dire, et que je ne dis point trop bien, c'est -qu'après la troupe j'ai fait l'équipage de mon -fils<a id="FNanchor_555" href="#Footnote_555" class="fnanchor"> [555]</a>; que la batterie de cuisine est une autre -chose que celle des canons; que l'amour a son -brandon, son bandeau, son arc, son carquois et -ses flèches; que Mars a son dard, son bouclier, -son casque et son cimeterre; mais que Comus a -ses pots, ses plats et ses bouteilles. Il faut de tout -à un guerrier, et pendant qu'on songe à l'équiper, -on peut oublier jusques à l'illustre Sapho et jusques -à la belle Lionne. Mais à propos de la belle -Lionne, celui qui vient d'imposer aux lions un -joug qu'ils ont voulu éviter<a id="FNanchor_556" href="#Footnote_556" class="fnanchor"> [556]</a>, en parla, il n'y a -que peu de jours, d'une manière fort agréable -pour moi et fort glorieuse pour elle. Cet éloge fut -publié, et ni elles ni nous ne le demandons pas -particulier<a id="FNanchor_557" href="#Footnote_557" class="fnanchor"> [557]</a>. La seule vérité le tira de sa bouche -<span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span> -et la seule vérité le tire de ma plume. Pour vous, -généreuse Sapho, vous savez combien de pouvoir -vous avez sur Artaban: il ne tiendra qu'à vous -que vous n'en ayez des marques dans toutes les -occasions où il vous plaira de l'employer.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_558" href="#Footnote_558" class="fnanchor"> [558]</a>.</p> - -<p class="dater">A Chambord, le 14 octobre 1668.</p> - -<p>Je suis persuadé, Mademoiselle, qu'on vous a -écrit qu'il n'y a point de maison royale qui soit -d'un dessin plus noble et plus magnifique que -Chambord. Le parc et la forêt qui l'environnent -sont remplis de vieux chênes, droits et touffus, -<span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span> -qui ont été consultés autrefois. Si les anciens -arbres n'avoient été condamnés par un jugement -équitable à un éternel silence, si l'obscurité de -leurs oracles, et l'indiscrétion avec laquelle ils -trahissoient les secrets des amans n'avoient obligé -les dieux à les réduire à servir seulement pour -l'ombrage et la fraîcheur, il y a sans doute beaucoup -d'apparence que ceux de Chambord parleroient -plus clairement que de coutume, et qu'ils -décideroient en faveur de ce qu'ils voyent aujourd'hui, -quoiqu'ils ayent eu l'honneur d'aider aux -plaisirs de François I<sup>er</sup>, dont la grandeur et la -magnificence n'ont pu être surpassées que depuis -quelques années. Le temps a été admirable, contre -l'ordre des saisons, depuis que le Roi est parti de -Saint-Germain<b>....</b></p> - -<p>Le Roi et la Reine sont allés assez souvent à la -chasse. Rien n'est égal à la magnificence de tous -les équipages et au bonheur avec lequel on a pris -tout ce qu'on a attaqué. Les plus grands cerfs ont -à peine duré une demi-heure<b>..........</b></p> - -<p>Vous verrez des descriptions régulières, belles -et exactes d'une fête superbe et très-galante, que -le Roi donna à la Reine et aux Dames, il y a quatre -jours, à Herbaud<a id="FNanchor_559" href="#Footnote_559" class="fnanchor"> [559]</a>. Les Dames se promenèrent -à cheval dans le parc; vous ne sauriez vous imaginer -leur bonne grâce, leur air, leur ajustement, -<span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span> -ni la surprise avec laquelle je les aperçus dans un -endroit du bois....</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i5"> Aussitôt que je les vis</p> -<p class="i4"> Tous mes sens furent interdits:</p> -<p class="i3"> Elles étoient aussi fières que belles.</p> -<p>Ce n'est pas sans raison; quelques-unes d'entr'elles</p> -<p class="i5"> Ont fait des coups bien hardis;</p> -<p class="i4"> J'admire leur audace extrême,</p> -<p class="i2"> Mais je crains bien un jour pour elles même,</p> -<p class="i1"> Et tels vainqueurs, après leurs grands exploits,</p> -<p class="i1">Peuvent être vaincus eux-mêmes quelquefois.</p> -<p>Plus la conquête est grande, et moins elle est parfaite,</p> -<p class="i1"> Et leur victoire a bien de l'air d'une défaite<a id="FNanchor_560" href="#Footnote_560" class="fnanchor"> [560]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Le Roi, la Reine et les Dames descendirent de -cheval. Ils entrèrent dans une salle fort éclairée, -où on dansa assez longtemps. Je ne puis me -résoudre à vous entretenir de la beauté des Dames, -de la diversité, de la commodité des appartemens. -Je pourrois bien vous dire comme étoit Herbaud, -un moment avant que le Roi y fût arrivé; mais -tout parut en un moment changé par un enchantement -admirable<b>....</b></p> - -<p>Je suis persuadé que M. d'Herbaud n'eut pas -connu lui-même sa maison, et que, pour peu qu'il -eût eu de disposition à se flatter, il se fût imaginé -qu'il était devenu le maître du Louvre ou des -Tuileries. Je vous assure qu'il me semble tous les -jours que Le Brun, Mansart et Le Nostre ont -<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span> -employé tout leur talent et leur savoir dans les -lieux où le Roi passe.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> S'il s'avisoit d'entrer jamais</p> -<p class="i4"> Dans le médiocre palais</p> -<p class="i3"> Où vous régnez dans les tournelles,</p> -<p>La maison aussitôt deviendroit des plus belles,</p> -<p class="i1"> Le vilain vestibule en seroit honoré,</p> -<p class="i1"> L'obscur degré seroit tout éclairé,</p> -<p class="i4"> Le passage seroit paré.</p> -<p class="i2"> Que de lustres dans les ruelles!</p> -<p class="i1"> Le cabinet enfin nous paroîtroit doré.</p> -</div></div> - -<p>On passa, après que le bal fut fini, dans une -orangerie qu'on avoit préparée pour un souper -magnifique. La disposition des ornemens, des -lumières, des buffets et des services, étoit admirable. -M. le Maréchal de Bellefonds, qui, comme -vous savez, est propre à plus d'une chose, avoit -fait entremêler des festons de pampres chargés de -muscats, avec des orangers fleuris, et on avoit -disposé au-dessus une confusion si agréable, qu'il -sembloit que le hasard y eût fait naître les plus -beaux fruits de la Touraine; on avoit eu même -quelque égard aux nuances, et ceux de la Cour, -qui sont les plus savans et les plus profonds en -ces matières, n'y trouvèrent rien à reprendre<b>......</b></p> - -<p>Vous savez, Mademoiselle, que rien n'est si -périlleux que les inventions. Je ne voudrois pas -m'attirer ceux qui les hasardent, car le nombre -en est infini; mais il est vrai qu'on ne peut s'imaginer -le succès heureux de celles dont je viens de -vous parler, où l'on avoit pris un soin si exact de -<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span> -contenter tous les sens, qu'on n'a jamais vu une -fête préparée en si peu de tems, avec tant de grandeur -et de politesse.</p> - -<p>Le Roi en donna avant-hier une autre dans le -château de Blois, dont vous connoissez la réputation. -Tout y étoit merveilleusement bien entendu. -Je pourrois faire une description très-pompeuse -du lieu qu'on avoit choisi, de l'abondance et de -mille autres circonstances; elle n'avoit rien d'humain -et d'ordinaire. Je ne suis cependant tenté -en aucune manière de la comparer aux festins des -Dieux. Il me semble qu'il n'est pas impossible, -sans en faire mention, de parler dignement de -leurs Majestés. Toutefois, sur un pareil sujet,</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Un silence prudent doit être mon partage.</p> -<p>Je crains de profaner ses exploits glorieux.</p> -<p>Quelques foibles auteurs sans doute feroient mieux</p> -<p>De prendre ce parti respectueux et sage.</p> -<p>Ils font bien moins connoître à la postérité</p> -<p>La grandeur du héros que leur témérité.</p> -</div></div> - -<p class="titre"><span class="small"><b>PELLISSON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">A Landrecy, 6 mai 1670.</p> - -<p>Je viens de recevoir en cet instant, Mademoiselle, -votre lettre du 3 de ce mois. Elle a été ouverte, -autant qu'on en peut juger par le cachet, -mais cela n'importe guères. J'ai déjà répondu à -la première, qui étoit du 30 avril ou du 29. Je me -suis aussi donné l'honneur de vous écrire diverses -<span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span> -fois, et en dernier lieu avant-hier, de Landrecy -même. A peine ma lettre étoit-elle à la poste, que -la résolution changea pour le voyage. On apprit -qu'il y avoit à Ath deux maisons fermées pour la -peste. Ainsi on fit le soir même un autre projet, -par lequel, sans passer à Ath ni aux environs, le -voyage étoit allongé de trois jours. Il fut résolu -aussi de séjourner encore tout hier, et hier sur le -soir il y eut un nouveau changement. Le Roi n'ira -plus à Marienbourg ni à Philippeville, et le -voyage, au lieu d'être prolongé de trois jours, -sera abrégé de deux; de sorte qu'on espère d'être -à Saint-Germain le 16 ou le 17 de juin. Le projet -nouveau est que le Roi est allé aujourd'hui à Avesnes; -demain il revient dîner ici et va coucher au -Quesnoy. Je ne sais pas bien si l'on y séjournera. -Plusieurs personnes sont demeurées ici pour laisser -reposer les équipages; M. de Crussol entr'autres, -avec M. de Montausier et M. le Dauphin, ce -qui m'a obligé à demeurer aussi. Demain nous -marcherons avec le Roi.</p> - -<p>Je ne vous ferai point pour cette fois une longue -réponse, me trouvant obligé à écrire plusieurs -autres lettres. Je vous prie de bien remercier pour -moi vos voisines de la rue de Berry, mais surtout -M<sup>me</sup> de Malnoue, à qui je prétends écrire un de ces -jours. Nous parlons très-souvent de vous, non-seulement -avec M. de Morinant, que je rencontre -presque tous les jours, mais aussi avec M. de -Montausier, qui vous aime toujours tendrement, -et me chargea encore hier au soir de vous en assurer. -<span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span> -Son petit Prince est plus joli qu'on ne vous -le peut exprimer. Il profite à vue d'œil, pour ainsi -dire, et en toutes choses; il est gai, enjoué, doux, -civil, souple, nullement opiniâtre, témoignant de -l'amitié à tout le monde; fort aise quand on le -loue ou quand on témoigne de l'aimer. Il a eu ce -plaisir jusques ici partout où nous avons passé. -M. de Montausier humainement le fait voir au -peuple autant qu'il peut, et l'oblige à caresser tout -le monde. A Saint-Quentin, il combla tous ces -pauvres gens de joie, parce qu'il le fit aller une -fois à pied du logis du Roi jusqu'au sien, qui étoit -assez loin, et une autre fois à cheval par toute la -ville, afin qu'on le puisse mieux voir. Je ne manquerai -pas de me souvenir de vous à Tournay avec -M. l'Évêque, et partout ailleurs, quand ce ne seroit -qu'avec moi-même. Je suis très-fâché que votre -santé ne soit pas meilleure. Je vous conjure de -m'en donner des nouvelles le plus souvent que -vous pourrez. Il ne manque rien à la mienne que -l'honneur de vous voir, qui l'augmenteroit sans -doute par la joie que j'en aurois.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>CORBINELLI</b></span><a id="FNanchor_561" href="#Footnote_561" class="fnanchor"> [561]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">[Vers 1670.]</p> - -<p>J'en use pour vous comme pour les trois meilleures -<span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span> -amies que j'aie. Je pars sans dire adieu ni -à vous ni à elles; j'appelle des adieux en forme, -où l'on prie de commander quelque chose, où l'on -s'embrasse cérémonieusement, où l'on se dit mille -riens fort tendres, ou mille mots tendres qui ne -signifient rien d'effectif. Ceci est un pur effet de la -cordialité, c'est un billet où j'atteste l'amitié -même, si elle a une divinité à part, que je vous -honore parfaitement et que je brûlerai de l'encens -à ses autels en votre commémoration tous les trois -mois dans un bois auprès d'Aigues-Mortes. Là, je -songerai profondément à vous et à votre amie -l'aimable Sombreil, et je vous regretterai du meilleur -de mon pauvre cœur. Je vous prie de l'aimer -toujours, je la prie de vous chérir et d'admirer -sans cesse votre vertu et votre mérite et de tâcher -de l'imiter, et je vous conjure toutes deux d'être -persuadées que vous êtes gravées dans mon cœur, -chacune d'un caractère particulier, mais qui sont -l'un et l'autre ineffaçables.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">ORBINELLI.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_562" href="#Footnote_562" class="fnanchor"> [562]</a>.</p> - -<p class="dater">De Basville, 21 septembre [1671].</p> - -<p>Je viens de recevoir votre paquet, Mademoiselle; -j'ai présenté de votre part à M. le P. Président celui -<span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span> -de vos discours<a id="FNanchor_563" href="#Footnote_563" class="fnanchor"> [563]</a> qui est relié en veau: il l'avoit -reçu dès hier au soir, et il nous l'avoit lu lui-même -d'un bout à l'autre avec bien du plaisir; en effet, -il loua fort le discours et nous le secondâmes -fort. J'ai présenté les deux autres à MM. de Lamoignon; -ils m'ont tous chargé de vous en faire leurs -remercîments et de vous assurer de leur estime. -Ils m'ordonnent de vous prier d'avertir M. de Pellisson -de ne pas manquer à sa bonne coutume de -venir à Basville; c'est une des personnes qu'on y -voit le plus volontiers; Je ne sais si l'on a fait -quelque chose pour l'affaire de votre neveu<a id="FNanchor_564" href="#Footnote_564" class="fnanchor"> [564]</a>; j'ai -fort prié qu'on ne souffre pas qu'il sorte de chez -nous, on m'a fait espérer quelque chose.</p> - -<p>Je suis de tout mon respect à vous,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">APIN</span>,<br /> -de la C<sup>ie</sup> de Jésus.</p> - -<p><i>P. S.</i> J'ai trouvé l'endroit où vous parlez du Roi -très-beau, et la prière à Notre-Seigneur très-dévote; -enfin, ce discours est digne de vous comme -tout ce que vous avez fait. Personne ne prend plus -de part à votre gloire que moi.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span> -<span class="small"><b>CORBINELLI A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_565" href="#Footnote_565" class="fnanchor"> [565]</a>.</p> - -<p class="dater">[1671.]</p> - -<p>Moi qui ne lis non plus de gazettes que l'Alcoran, -je ne pouvois pas deviner, Mademoiselle, que -vous eussiez remporté le prix de l'éloquence, et en -mille ans ne me serois pas avisé de vous en faire -un compliment, parce que je n'eusse jamais pu -croire que notre siècle s'avisât de mettre un prix -pour cela. Je savois seulement en gros et en détail -que vous en méritiez un sur tous les éloquens du -monde, et que quand la fortune ne seroit plus -brouillée avec le mérite, vous remporteriez le prix -de toutes les belles qualités de l'esprit et du cœur. -Je ne savois que cela, et ne devinois rien; c'est de -là que procède mon silence sur votre victoire, -mais c'est une belle victoire que celle là aussi, -d'être l'admiration de toutes les nations qui savent -notre langue, sur quoi elles ne vous ont rien donné. -Oh! siècle, oh! mœurs, oh! honte de tout ce qu'il y a -d'âmes sensibles! Ma cousine vient de me faire un -compliment sur votre prix, et me chante pouilles -de ne l'avoir pas deviné; elle vous aime trop; j'en -suis jaloux.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">ORBINELLI.</span></p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span> -<span class="small"><b>MASCARON, ÉVÊQUE DE TULLE, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_566" href="#Footnote_566" class="fnanchor"> [566]</a>.</p> - -<p class="dater">Tulle, le 5 janvier 1673.</p> - -<p>Je vous souhaite, Mademoiselle, la plus glorieuse -et la plus fortunée année que vous ayiez -passée de votre vie. Ce n'est pas faire un petit souhait -pour une personne dont toute la vie n'a été -qu'une suite de gloire. Aussi n'en puis-je point -faire d'autres, ayant pour vous tout le respect et -l'attachement dont je suis capable. Je me pare de -cela comme de mon plus bel ornement, et je m'en -pare encore avec plus d'amour propre dans mon -cœur qu'à la vue de tout le monde.</p> - -<p>Plût à Dieu, Mademoiselle, avoir des occasions -de vous en donner des marques qui ne vous laissassent -aucun lieu de douter d'une vérité qui me -tient si fort à cœur! Je partirai dans quinze jours -pour Bordeaux; je serai étrangement mortifié si je -n'y trouve point M. le premier Président<a id="FNanchor_567" href="#Footnote_567" class="fnanchor"> [567]</a>, comme -on m'en menace. Je me propose de cultiver avec -tant de soin l'honneur de son amitié, si je l'y -trouve, que vous aurez le plaisir de voir l'accroissement -d'une liaison dont vous avez formé les premiers -nœuds.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span> -Je suis de tout mon cœur et avec tout le respect -possible, Mademoiselle, votre très-humble et très-obéissant -serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">J</span><span class="smallc">ULES</span> <span class="cap">E</span><span class="smallc">V. DE</span> <span class="cap">T</span><span class="smallc">ULLE.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DESHOULIÈRES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_568" href="#Footnote_568" class="fnanchor"> [568]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce 1<sup>er</sup> décembre [1676].</p> - -<p>Voici le petit médaillon et le manuscrit qu'on a -trouvé charmant. Je renvoie le tout à ma belle et -chère héroïne; toutefois j'aurois bien désiré garder -encore quelques jours le petit manuscrit pour le -montrer à deux ou trois de nos amis, mais ç'auroit -été, ce semble, abuser de la permission, et -véritablement je suis un peu honteuse, et n'aurois -pu vous l'envoyer avant ce jour.</p> - -<p>N'êtes-vous pas une bonne mie? Que de chagrin -j'aurois si ce retard devoit vous en causer! -Mais je me flatte que non, et que les Argonautes<a id="FNanchor_569" href="#Footnote_569" class="fnanchor"> [569]</a> -pourront l'entendre avant leur départ, qui je crois -n'est pas si près que vous pensez. Nous aurons -samedi une lecture nouvelle d'un acte tout entier<a id="FNanchor_570" href="#Footnote_570" class="fnanchor"> [570]</a>; -l'auteur, M. le duc de Nevers, et moi nous comptons -sur vous. La compagnie ne sera pas nombreuse, -<span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span> -mais elle vous plaira. Ainsi, ma belle et -chère héroïne, ne nous manquez pas, et me croyez</p> - -<p>Votre bonne amie,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">ESHOULIÈRES</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>BONNECORSE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_571" href="#Footnote_571" class="fnanchor"> [571]</a>.</p> - -<p class="dater">De Marseille, ce 20 mars 1681.</p> - -<p>Je vous suis infiniment obligé, Mademoiselle, -de l'honneur que vous m'avez fait de m'envoyer -les deux derniers volumes des <i>Conversations morales</i>. -J'aurai bientôt le plaisir de les lire plus -d'une fois et de profiter de mille beaux sentiments -que j'y trouverai et qui sont, sans doute, dignes -de l'illustre et vertueuse Sapho. Je n'ai reçu ces -livres que depuis hier, Valentin ayant demeuré -quelques jours à Lion et à Aix. Je ne manquai -pas, d'abord que j'eus reçu le paquet, d'envoyer à -M. le marquis de Peruis<a id="FNanchor_572" href="#Footnote_572" class="fnanchor"> [572]</a> le sien, comme vous le -savez par sa lettre. Au reste, Mademoiselle, je vous -rends encore des très-humbles grâces des remarques -de la petite, mais illustre société; M. Duperret -m'a envoyé ses sentiments sur le petit ouvrage, et -je ferai exactement tout ce qu'il me dit. Je n'ai pas -<span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span> -l'honneur de connoître ces deux illustres personnes -ni de savoir leur nom; je leur suis pourtant infiniment -obligé, et je voudrois pouvoir reconnoître -leurs bons offices par des services très-humbles. -Faites-moi s'il vous plaît la grâce, Mademoiselle, -d'être persuadée de mon zèle pour tout ce qui vous -regarde, car je suis toujours votre très-humble et -très-obéissant serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">B</span><span class="smallc">ONNECORSE</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>CHARLEVAL</b></span><a id="FNanchor_573" href="#Footnote_573" class="fnanchor"> [573]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">Verneuil, vendredi matin 1683.</p> - -<p>J'ai peur, Mademoiselle, que vous ne vous rebutiez -à la fin du commerce d'un gentilhomme de -campagne, à qui vos lettres pourtant donnent de -la matière pour entretenir les charmantes hôtesses -qui sont venues adoucir l'ennui de sa solitude. -Ainsi, Mademoiselle, les nouvelles que vous me -faites la grâce de m'écrire me servent à faire l'honneur -de ma maison.</p> - -<p>La levée du siége de Vienne est si importante -pour l'Allemagne qu'elle n'avoit jamais été plus -en danger d'être frontière d'un terrible voisin. Il -me semble qu'il n'y a quasi que les moines qui -montrent ici leur joie de cette grande expédition, -<span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span> -et que nos politiques ont reçu cette nouvelle -en philosophes qui sont modérés dans la prospérité.</p> - -<p>L'on me mande que M. Pelletier refuse de qui -que ce soit le titre de Monseigneur en parlant de -lui.</p> - -<p>Le soleil d'automne nous donne encore de si -beaux jours que j'en ménage les heures dans un -lieu sain et riant. C'est là qu'avec des voix charmantes -et des figures qui plaisent aux cieux, je -mène une vie innocente et affranchie des passions, -avec des personnes capables d'en causer de grandes<a id="FNanchor_574" href="#Footnote_574" class="fnanchor"> [574]</a>. -Mais les femmes et les sarabandes récréent les -sens des gens de ménage, sans émouvoir l'âme en -aucune façon. Cependant un homme seroit bien -heureux qui pourroit, avec des voix charmantes et -des figures agréables aux yeux, aller au ciel par -le paradis terrestre. Mais nos docteurs nous enseignent -des voies plus sûres qu'il faut suivre. -Sans faire le dévot, voici quatre vers que j'ai donné -ordre que l'on mît sur la porte de ma chapelle:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Passant, n'entre point en ce lieu</p> -<p>Si ton cœur n'est soumis et purgé de tous crimes;</p> -<p class="i3"> Et si tu veux être agréable à Dieu,</p> -<p class="i3"> N'y fais que des vœux légitimes!</p> -</div></div> - -<p>Mes hôtesses, après divers voyages, sont revenues -et m'ont chargé de vous assurer de leurs -respects et de leurs services très-humbles. Elles se -<span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span> -sentent fort obligées de l'honneur de votre souvenir.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HARLEVAL.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE MAINTENON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_575" href="#Footnote_575" class="fnanchor"> [575]</a>.</p> - -<p class="dater">Versailles, 19 août 1684.</p> - -<p>Quoique je ne vous remercie point des lettres -que je reçois de vous, et de ce que vous y joignez -quelquefois, croyez, Mademoiselle, que j'en fais -tout le cas que je dois, que j'en fais l'usage que -vous désirez, qu'elles font l'effet que vous en devez -attendre, et que vous êtes fort estimée de celui -dont vous faites le panégyrique<a id="FNanchor_576" href="#Footnote_576" class="fnanchor"> [576]</a>. Il a entendu lire -de tous les côtés vos dernières <i>Conversations</i><a id="FNanchor_577" href="#Footnote_577" class="fnanchor"> [577]</a>, qu'il -trouve aussi utiles qu'agréables. Je n'ose après -cela rien dire de moi, si ce n'est que je suis absolument -à vous.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_578" href="#Footnote_578" class="fnanchor"> [578]</a>.</p> - -<p class="dater">Lundi, 11 septembre 1684.</p> - -<p>En cent mille paroles je ne pourrois vous dire -qu'une vérité, qui se réduit à vous assurer, Mademoiselle, -<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span> -que je vous aimerai et vous adorerai -toute ma vie; il n'y a que ce mot qui puisse remplir -l'idée que j'ai de votre extraordinaire mérite. -J'en fais souvent le sujet de mes admirations et -du bonheur que j'ai d'avoir quelque part à l'amitié -et à l'estime d'une telle personne. Comme la -constance est une perfection, je me réponds à -moi-même que vous ne changerez point pour moi; -et j'ose me vanter que je ne serai jamais assez -abandonnée de Dieu, pour n'être pas toujours -toute à vous. Dans cette confiance, je pars pour -Bretagne où j'ai mille affaires; je vous dis adieu, -et vous embrasse de tout mon cœur; je vous demande -une amitié toute des meilleures pour M. de -Pellisson; vous me répondrez de ses sentiments. -Je porte à mon fils vos <i>Conversations</i><a id="FNanchor_579" href="#Footnote_579" class="fnanchor"> [579]</a>; je veux -qu'il en soit charmé, après en avoir été charmée.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span> -<span class="small"><b>MADAME DACIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_580" href="#Footnote_580" class="fnanchor"> [580]</a>.</p> - -<p class="dater">Castres, 17 juillet 1685.</p> - -<p>C'est avoir bien de la bonté, Mademoiselle, de -se souvenir de gens qui le méritent si peu, et qui -font si mal leur devoir; il est pourtant vrai que -s'il ne falloit, pour mériter l'honneur que vous -venez de me faire, que vous estimer parfaitement -et connoître le prix de cette grâce, personne n'en -seroit plus digne que nous. Il y a longtemps que -vous avez toute notre estime, et le beau présent -que vous nous avez fait n'a pu qu'augmenter notre -admiration. En vérité, Mademoiselle, quoique -l'on doive tout attendre de vous, je n'ai pas laissé -d'être éblouie de toutes les beautés qui éclatent -en foule dans vos <i>Conversations</i>. On peut dire que -tout en est bon, mais j'y ai trouvé surtout de certains -endroits qui m'ont enchantée et qui m'ont -retenue plus que les autres par le plaisir extraordinaire -qu'ils m'ont donné. Mon exemplaire est -plein des marques que j'ai faites sur tous ces endroits<b>.....</b></p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissante servante,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">A</span><span class="smallc">NNE</span> <span class="cap">L</span><span class="smallc">EFÈVRE</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">ACIER.</span></p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span> -<span class="small"><b>FLÉCHIER A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_581" href="#Footnote_581" class="fnanchor"> [581]</a>.</p> - -<p class="dater">26 décembre 1685.</p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b> -Il me falloit une lecture aussi délicieuse que -celle-là, pour me délasser des fatigues d'un -voyage, pour me guérir de l'ennui des mauvaises -compagnies de ces pays-ci, et pour me faire goûter -le repos, où la rigueur de la saison et la docilité -de mes nouveaux convertis me retiennent en -ma ville épiscopale<a id="FNanchor_582" href="#Footnote_582" class="fnanchor"> [582]</a>. En vérité, Mademoiselle, il -me semble que vous croissez toujours en esprit; -tout est si raisonnable, si poli, si moral et si instructif -dans ces deux volumes que vous m'avez -fait la grâce de m'envoyer<a id="FNanchor_583" href="#Footnote_583" class="fnanchor"> [583]</a>, qu'il me prend quelquefois -envie d'en distribuer dans mon diocèse -pour édifier les gens de bien et pour donner un -bon modèle de morale à ceux qui la prêchent. Les -louanges du Roi sont si finement insérées, qu'il -s'en feroit, en les recueillant, un excellent panégyrique. -Recevez donc, Mademoiselle, avec mon -remercîment, les louanges que vous donne un -homme relégué dans une province, qui n'a pas -<span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span> -encore perdu le goût de Paris, et qui vous conserve -toujours la même estime qu'il a eue toute sa -vie pour vous.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. VERJUS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_584" href="#Footnote_584" class="fnanchor"> [584]</a>.</p> - -<p class="dater">A Versailles, le 25 novembre [1686].</p> - -<p>Le billet, Mademoiselle, que vous me fîtes -l'honneur de m'écrire il y a trois jours, a eu une -trop bonne fortune pour me permettre de vous la -laisser ignorer. Comme tout le monde n'a pas le -même don que moi de déchiffrer ce que vous -écrivez, j'en fis un extrait de ma main de tout ce -qui regarde la maladie du Roi<a id="FNanchor_585" href="#Footnote_585" class="fnanchor"> [585]</a> sur le dos même -du billet, afin que le R. P. de la Chaise en pût -faire plus aisément la lecture à Sa Majesté, ce -qu'il a fait il n'y a que deux heures, en présence de -M<sup>me</sup> de Maintenon qui dit d'abord que, connoissant -votre zèle comme elle le connoissoit, elle s'étonnoit -qu'on n'eût encore rien vu de vous sur ce -sujet; et cet extrait ayant été lu ensuite, fut estimé -et applaudi autant que je le désirois, et sans doute -beaucoup [plus] que vous ne l'espériez. Je n'ai pas -cru devoir différer de vous en rendre compte par -le plaisir extrême que j'ai de pouvoir vous donner -dans les occasions les petites marques dont je -<span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span> -suis capable de mon respect infini pour votre mérite -et de mon zèle extrême pour votre très-humble -service,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">V</span><span class="smallc">ERJUS</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LA REINE CHRISTINE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_586" href="#Footnote_586" class="fnanchor"> [586]</a>.</p> - -<p class="dater">Rome, 30 septembre 1687.</p> - -<p>Je ne comprends pas, Mademoiselle de Scudéry, -comment une personne qui a écrit comme vous -sur <i>la Tyrannie de l'usage</i>, ignore celui qu'on a -établi à Rome. Vous avez mal adressé votre ami. -Ne savez-vous pas qu'il seroit plus facile à vos -François de voir la grande Sultane que moi, quoique -personne ne soit ni amoureux ni jaloux de -moi, et que je sois, Dieu merci, en mon entière -liberté? Il y a ici une espèce de passion qui n'a -pas de nom, qu'on substitue à l'amour et à la jalousie -<span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span> -qui règnent à Constantinople, et l'on s'y -venge sur votre nation des chagrins bien ou mal -fondés qu'on prétend avoir reçus de moi. Je suppose -toutefois que cet usage finira, et si jamais -cela arrive, je ferai voir à votre ami que tous les -honnêtes gens sont bien reçus chez moi, mais -surtout ceux qui sont de votre connoissance.</p> - -<p>Je suis toutefois très-résolue de ne rien contribuer -à ce changement, et la conduite de ma vie -passée doit persuader aux gens que je me passe -sans peine de tout. Cela n'empêche pas que vos -reproches sur mon portrait ne me soient agréables. -Vous avez raison, et je vous promets de réparer -ma faute d'une manière qui ne vous déplaira pas. -En attendant, en voici un qui ne vous coûtera -rien. Sachez donc que depuis le temps que vous -m'avez vue, je ne suis nullement embellie. J'ai -conservé toutes mes bonnes et mauvaises qualités -aussi entières et vives qu'elles ont jamais été. -Je suis encore, malgré la flatterie, aussi mal satisfaite -de ma personne que je la fus jamais. Je n'envie ni la fortune, -ni les vastes États, ni les trésors -à ceux qui les possèdent, mais je voudrois bien -m'élever par le mérite et la vertu au-dessus de -tous les mortels, et c'est là ce qui me rend mal -satisfaite de moi. Au reste, je suis en parfaite -santé qui me durera autant qu'il plaira à Dieu. -J'ai naturellement une fort grande aversion pour -la vieillesse, et je ne sais comment je pourrai m'y -accoutumer. Si on m'eût donné le choix d'elle et -de la mort, je crois que j'aurois choisi sans hésiter -<span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span> -la dernière. Toutefois, puisqu'on ne nous -consulte pas, je me suis accoutumée à vivre avec -plaisir. Aussi la mort qui s'approche et qui ne -manque jamais à son moment, ne m'inquiète pas; -je l'attends sans la désirer et sans la craindre.</p> - -<p>Mais il est temps de vous parler de vos ouvrages, -qui sont agréables, utiles et savants. Vous -mettez si bien en œuvre les belles choses, que vous -me charmez. Vous divertissez et instruisez toujours -sans ennuyer jamais. Je vous remercie du soin -que vous avez pris de me les envoyer. Que je vous -dois d'agréables moments, et comment vous les -payer? Cependant, vous qui écrivez si bien, pourquoi -avez-vous laissé mourir M. le Prince, sans -faire quelque chose pour lui en vers ou en prose? -Quelle perte pour la France! et quelle perte pour -le siècle dont ce grand homme étoit un des plus -dignes ornements! Pour moi je l'ai regretté autant -qu'aucun des siens, et je vous condamne à faire -quelque chose de digne d'un Héros d'un mérite -aussi distingué et aussi extraordinaire. Il me semble -que c'est un des plus grands plaisirs de la vie -que de bien louer ce qui mérite de l'être. Vous -qui avez des talents faits exprès, ne refusez pas cet -encens à ce Prince qui l'a si bien mérité.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">C</span><span class="smallc">HRISTINE</span> <span class="cap">A</span><span class="smallc">LEXANDRA.</span></p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span> -<span class="small"><b>MADAME DE SÉVIGNÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">Mardi<a id="FNanchor_587" href="#Footnote_587" class="fnanchor"> [587]</a> [3 août 1688].</p> - -<p>Que voulez-vous dire de rare mérite, Mademoiselle? -Peut-on nommer ainsi un autre mérite que -le vôtre? J'en suis si persuadée, que si j'étois véritablement -endormie, tous mes songes ne seroient -que sur ce point. Mais croyez, Mademoiselle, que -je ne le suis point, que je pense très-souvent à -vous comme il y faut penser: tout mon crime, -c'est de ne point témoigner des sentiments si justes -et si bien fondés; mais attaquez-moi dans quelque -moment que ce puisse être, et vous me retrouverez tout -entière, comme dans le temps où vous -avez été la plus persuadée de mon amitié. Ce sont -des vérités que je vous dis, Mademoiselle; elles -ne sauraient être mal reçues de vous. Je suis, -comme vous voyez, le contraire d'une hypocrite -d'amitié: pourrait-on dire qu'on est une hypocrite -d'oubli?</p> - -<p>Je vous rends mille grâces de vos livres; j'en -<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span> -avois ouï parler, je les souhaitois, et vous m'avez -donné une véritable joie. L'agrément de ces <i>Conversations</i> -et de cette <i>Morale</i> ne finira jamais; je -sais qu'on en est fort agréablement occupé à Saint-Cyr<a id="FNanchor_588" href="#Footnote_588" class="fnanchor"> [588]</a>; -je m'en vais lire avec plaisir cette marque -obligeante de votre souvenir. Conservez-le moi, -Mademoiselle, puisque je suis à vous par mille -raisons. Ah! si vous entendiez comme je parle de -vous, vous reconnoîtriez bien certainement<a id="FNanchor_589" href="#Footnote_589" class="fnanchor"> [589]</a><b>......</b></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE BRINON</b></span><a id="FNanchor_590" href="#Footnote_590" class="fnanchor"> [590]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">3 août 1688.</p> - -<p>Je ne saurois différer davantage à vous témoigner -le plaisir que vous avez fait à toute notre -communauté, de lui avoir donné une morale qui -convient si fort à celle qu'elle enseigne tous les -jours. Vous avez trouvé le moyen, Mademoiselle, -de beaucoup plaire en instruisant.... Votre génie -est sans déchet, et votre esprit, qui a toujours fait -l'admiration du sage, croît au lieu de diminuer. -Madame de Maintenon, qui prend un singulier -plaisir de nous enrichir de bons livres, et qui ne -savoit pas que vous m'aviez fait part des trésors -de votre <i>Sapience</i>, après avoir vu votre morale, me -l'envoya fort obligeamment pour vous et pour moi, -<span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span> -me mandant qu'elle croyoit qu'en son absence, ces -livres me tiendroient lieu d'une bonne compagnie. -Elle ne se trompoit pas, car voulant régaler les -dames de Saint-Louis de quelque <i>mets d'esprit</i> -convenable à leur état, je leur ai lu moi-même, -dans nos promenades du soir, l'<i>Histoire de la Morale</i>, -qui leur a toujours fait dire, quand on a -sonné la retraite, que l'heure avançoit. Ces <i>Conversations</i> -sont ici d'autant plus agréables qu'on en -fait chez les demoiselles, qu'on a extraites de vos -premières, qui ont donné lieu à un grand nombre -d'autres, dont ces jeunes demoiselles font leur -plaisir et celui des autres. Quand vous nous ferez -l'honneur de venir à Saint-Cyr, vous vous retrouverez -en plus d'un endroit, car nous sommes fort -aises qu'on copie ce qui est bon<a id="FNanchor_591" href="#Footnote_591" class="fnanchor"> [591]</a>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. BOUHOURS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_592" href="#Footnote_592" class="fnanchor"> [592]</a>.</p> - -<p class="dater">[1688.]</p> - -<p>J'ai laissé passer la foule pour vous donner le -bonjour et vous renouveler les assurances de mes -très-humbles services. Si mon présent n'est pas -fort beau ni fort digne de votre cabinet, il est au -<span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span> -moins assez singulier et tout propre à faire figure -sur le bord de votre cheminée. Tel qu'il est, je vous -prie, Mademoiselle, de l'agréer comme une marque -de l'estime particulière que j'ai pour votre -personne et de l'affection véritable avec laquelle je -serai toute ma vie votre très-obéissant serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">B</span><span class="smallc">OUHOURS</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MASCARON, ÉVÊQUE D'AGEN, A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_593" href="#Footnote_593" class="fnanchor"> [593]</a>.</p> - -<p class="dater">Montbran<a id="FNanchor_594" href="#Footnote_594" class="fnanchor"> [594]</a>, 15 octobre [1688].</p> - -<p>Persuadé comme je le suis, Mademoiselle, que -vous m'honorez de votre amitié, je crois vous -faire plaisir de vous apprendre que mon voyage -a été très-heureux et que j'ai trouvé aux eaux et -aux bains de Bagnères tout ce que j'y avois été -chercher. Le Seigneur a envoyé son ange qui a -remué les eaux et leur a donné la force de guérir. -J'avois choisi pour mon divertissement la lecture -de tous vos huit tomes de <i>Conversations de Morale</i>; -l'<i>Histoire des bains des Thermopyles</i><a id="FNanchor_595" href="#Footnote_595" class="fnanchor"> [595]</a> m'y détermina. -Quoique cette lecture ne soit pas nouvelle pour -moi, j'y retrouve pourtant, Mademoiselle, tous les -charmes et tous les agréments de la nouveauté. -Bon Dieu, la belle manière d'inspirer la vertu et -l'amour des beaux sentiments! Saint Augustin a dit -<span class="pagenum"><a id="Page_482"> 482</a></span> -quelque part: <i>Facilius flectitur animus cùm delectatur.</i> -Peut-on se faire un chemin plus doux à la -persuasion et à la victoire?</p> - -<p>J'ai vu auprès de Tarbes, par où j'ai passé, une -charmante maison qui mériteroit autant d'être célébrée -qu'aucune autre que je connoisse, par la -beauté des canaux, des cascades, des jets d'eau, -des jardins, des bois, et par la propreté de la -maison et des meubles; on l'appelle Séméac<a id="FNanchor_596" href="#Footnote_596" class="fnanchor"> [596]</a>, elle -appartient à M. le comte de Gramont, à qui -M<sup>me</sup> de Saint-Chaumont l'a laissée. Voilà les trois -choses dont j'étois plein, et dont j'ai l'honneur -de vous rendre compte: ma santé, vos admirables -<i>Conversations</i> et cette charmante maison. Je vous -souhaite, Mademoiselle, assez de santé et de loisir -pour instruire toujours si agréablement et si efficacement -le public, et je suis, avec tout le respect -et l'attachement possible, Mademoiselle, votre -très-humble et très-obéissant serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">J</span><span class="smallc">ULES, ÉVÊQUE</span> <span class="cap">C.</span> <span class="smallc">D'</span><span class="cap">A</span><span class="smallc">GEN</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MASCARON A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_597" href="#Footnote_597" class="fnanchor"> [597]</a>.</p> - -<p class="dater">Le 16 août [1691].</p> - -<p>Les six vers que vous m'avez envoyés, Mademoiselle, -<span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span> -sont les plus jolis du monde, et ils sont -d'autant plus jolis qu'ils disent la vérité. Quelque -gloire qu'on s'acquît par d'autres endroits, on ne -peut jamais excuser de prendre une si grosse portion -du trésor dans des conjonctures pareilles où -se trouve l'état. J'espère la paix de l'Église de l'habileté -de M. le cardinal de Forbin<a id="FNanchor_598" href="#Footnote_598" class="fnanchor"> [598]</a>. Que ne lui -devra pas l'Église pour la consommation d'une -affaire si difficile! Je n'ose pourtant m'abandonner -à la joie d'un si heureux [<i>mot illisible</i>], car il en -coûte trop de revenir sur une aussi douce espérance -que celle-là, lorsque les événements ne répondent -pas aux projets.</p> - -<p>Je vous fais mes compliments, Mademoiselle, -sur la gloire que vient d'acquérir M. le Marquis -de Créqui en Italie<a id="FNanchor_599" href="#Footnote_599" class="fnanchor"> [599]</a>. Si Dieu le conserve, -nous verrons en lui l'image parfaite de l'illustre -maréchal que nous pleurons<a id="FNanchor_600" href="#Footnote_600" class="fnanchor"> [600]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span> -Je vous souhaite de la fraîcheur, Mademoiselle; -c'est à ce souhait, ce me semble, que tous les autres -se doivent borner, car, à l'heure qu'il est, je -crois être transporté sous la ligne, tant le ciel est -brûlant ici. Je suis, avec tout le respect et tout -l'attachement possible, à vous,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">J</span><span class="smallc">ULES</span> <span class="cap">É. C.</span><a id="FNanchor_601" href="#Footnote_601" class="fnanchor"> [601]</a> <span class="smallc">D'</span><span class="cap">A</span><span class="smallc">GEN</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>ARNAULD DE POMPONNE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_602" href="#Footnote_602" class="fnanchor"> [602]</a>.</p> - -<p class="dater">Versailles, 27 août 1691.</p> - -<p>Je réponds bien tard, Mademoiselle, aux marques -si obligeantes que vous avez bien voulu me -donner de votre souvenir dans une rencontre qui -m'est si avantageuse. Comme je les ai fort distinguées -des compliments qui viennent en foule dans -de telles occasions<a id="FNanchor_603" href="#Footnote_603" class="fnanchor"> [603]</a>, j'ai voulu vous dire avec plus -de repos, qu'on ne peut vous honorer plus que je -fais, ni être plus sensible que je le suis à vos bontés. -Je pourrois, Mademoiselle, en trouver un -grand témoignage dans la mémoire que vous me -rappelez de tant de personnes que nous avons -aimées et honorées également, mais je n'en veux -pas d'autre que l'estime qui vous est si justement -due, que j'ai toujours professée si vive et si forte -<span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span> -pour votre vertu et pour votre mérite, et qui me -fait être autant que personne</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">A</span><span class="smallc">RNAULD DE</span> <span class="cap">P</span><span class="smallc">OMPONNE</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>L'ABBESSE DE FONTEVRAULT</b></span><a id="FNanchor_604" href="#Footnote_604" class="fnanchor"> [604]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span>.</p> - -<p class="dater">A Fontevrault, 18 octobre 1692.</p> - -<p>Je n'ai pas voulu vous remercier, Mademoiselle, -des livres que vous avez eu la bonté de m'envoyer, -que je ne les eusse reçus, et on les a gardés -fort longtemps aux Filles-Dieu. J'aurois pu en -toute sûreté en dire beaucoup de bien avant que -de les avoir vus, mais j'ai cru ne vous en devoir -parler qu'après en avoir jugé par moi-même. J'y -ai trouvé toute la solide beauté et tout l'agrément -que j'attendois; et en vérité, Mademoiselle, on ne -sauroit trop vous admirer; je vous le dis bien -grossièrement, mais c'est avec une sincérité dont -vous devez être contente. Je vous supplie de me -conserver quelque part en l'honneur de votre amitié -<span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span> -(dont je connois tout le prix), et d'être persuadée -que je serai toute ma vie, avec toute l'estime et -toute la reconnoissance que je dois, Mademoiselle, -votre très-humble servante.</p> - -<p class="sig">M.-M. <span class="cap">G</span><span class="smallc">ABRIELLE DE</span> <span class="cap">R</span><span class="smallc">OCHECHOUART ABBESSE DE</span> <span class="cap">F</span><span class="smallc">ONTEVRAULT.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>BOSSUET A MADEMOISELLE DUPRÉ</b></span><a id="FNanchor_605" href="#Footnote_605" class="fnanchor"> [605]</a>.</p> - -<p class="dater">Versailles, ce 14 février 1693.</p> - -<p>Je vous assure, Mademoiselle, que M. Pellisson -est mort, comme il a vécu, en très-bon catholique; -je l'ai toujours regardé, depuis le temps de sa -conversion jusqu'à la fin de sa vie, comme un des -meilleurs et des plus zélés défenseurs de notre religion. -Il n'avoit l'esprit rempli d'autre chose, et -deux jours avant sa mort, nous parlions encore -des ouvrages qu'il continuoit pour soutenir la -Transsubstantiation; de sorte qu'on peut dire sans -hésiter qu'il est mort en travaillant ardemment -et infatigablement pour l'Église. J'espère que ce -<span class="pagenum"><a id="Page_487"> 487</a></span> -travail ne se perdra pas, et qu'il s'en trouvera une -partie considérable parmi ses papiers.</p> - -<p>Au reste, il a voulu entendre la messe pendant -tous les jours de sa maladie; et je n'ai jamais pu -obtenir de lui qu'il s'en dispensât les jours -de fête. Il me disoit en riant qu'il n'étoit pas naturel -que ce fût moi qui l'empêchât d'entendre la -messe. Il n'a jamais cru être assez malade pour -s'aliter; et il s'est habillé tous les jours, jusqu'à -la veille de sa mort; et il recevoit ses amis avec -sa douceur et sa politesse ordinaire. Son courage -lui tenoit lieu de forces; et jusqu'au dernier soupir, -il vouloit se persuader que son mal n'avoit -rien de dangereux. A la fin, étant averti par ses -amis que ce mal pouvoit le tromper, il différa sa -confession au lendemain pour s'y préparer davantage: -et si la mort l'a surpris, il n'y a eu rien en -cela de fort extraordinaire. C'étoit un vrai chrétien, -qui fréquentoit les sacremens. Il les avoit -reçus à Noël, et, à ce qu'on dit, encore depuis, -avec édification. Bien éloigné du sentiment de -ceux qui croient avoir satisfait à tous leurs devoirs -pourvu qu'ils se confessent en mourant, sans rien -mettre de chrétien dans tout le reste de leur vie, -il pratiquoit solidement la piété; et la surprise -qui lui est arrivée ne m'empêche pas d'espérer de -le trouver dans la compagnie des justes. C'est, -Mademoiselle, ce que j'avois dessein d'écrire à -M<sup>lle</sup> de Scudéry, avant même de recevoir votre -lettre; et je m'acquitte d'autant plus volontiers de -ce devoir, que vous me faites connoître que mon -<span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span> -témoignage ne sera pas inutile pour la consoler. -Je profite de cette occasion pour vous assurer, -Mademoiselle, de mes très-humbles respects, et -vous demander l'honneur de la continuation de -votre amitié.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME</b></span><a id="FNanchor_606" href="#Footnote_606" class="fnanchor"> [606]</a> <span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<p class="dater">1693.</p> - -<p>Ce que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, -Mademoiselle, sur le sujet de M. Pellisson, me -donne beaucoup de consolations, mais n'ajoute -rien à l'opinion que j'avois de la fermeté et de la -sincérité de sa foi, dont ceux qui l'ont connu ne -demanderont jamais de preuves. J'ai parlé un -million de fois avec lui sur des matières de religion, -et ne lui ai jamais trouvé d'autre sentiment -que ceux de l'Église catholique. Il a travaillé jusqu'à -la fin pour sa défense: trois jours avant sa -mort, nous parlions encore de l'ouvrage qu'il avoit -entre les mains contre Aubertin, qu'il espéroit -pousser jusqu'à la démonstration; ne souhaitant -la prolongation de sa vie, que pour donner encore -à l'Église ce dernier témoignage de sa foi. Je souhaite -<span class="pagenum"><a id="Page_489"> 489</a></span> -qu'on cherche au plus tôt un si utile travail -parmi ses papiers, et qu'on le donne au public, -non-seulement pour fermer la bouche aux ennemis -de la religion, qui sont ravis de publier qu'il est -mort des leurs, mais encore pour éclaircir des -matières si importantes, auxquelles il étoit si capable -de donner un grand jour. Quoiqu'il n'ait -pas plu à Dieu de lui laisser le temps de faire sa -confession, et de recevoir les saints Sacremens, je -ne doute pas qu'il n'ait accepté en sacrifice agréable -la résolution où il étoit de la faire le lendemain.</p> - -<p>Le Roi, à qui vous désirez qu'on fasse connoître -ses bonnes dispositions, les a déjà sues, -et j'ai en cela prévenu vos souhaits. Ainsi, Mademoiselle, -on n'a besoin que d'un peu de temps -pour faire revenir ceux qui ont été trompés par les -faux bruits qu'on a répandus dans le monde. Sa -Majesté n'en a jamais rien cru; je puis, Mademoiselle, -vous en assurer; et tout ce qu'il y a de -gens sages qui ont connu, pour peu que ce soit, -M. Pellisson, s'étonnent qu'on ait pu avoir un tel -soupçon. C'est ce que j'aurois eu l'honneur de vous -dire, si je n'étois obligé d'aller dès aujourd'hui à -Versailles, et dans peu de jours, s'il plaît à Dieu, -dans mon diocèse. Je m'afflige cependant, et je me -console avec vous de tout mon cœur, et suis, avec -l'estime qui est due à votre vertu et à vos rares -talents,</p> - -<p>Votre, etc., etc.</p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_490"> 490</a></span></p> -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_491"> 491</a></span></p> -<h2 class="normal">LETTRES SANS DATE.</h2> -<hr class="deco" /> -</div> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE CHEVALIER DE MÉRÉ A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_607" href="#Footnote_607" class="fnanchor"> [607]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Il y a peu d'honnêtes gens qui ne vous admirent, -Mademoiselle, et ce n'est pas d'aujourd'hui que je -suis charmé de tout ce qui vient de vous, et que -vous êtes bien dans mon esprit. Mais si je vous -ose dire ce qui se passe dans mon cœur, le billet -que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire vous y -a mise bien avant. On ne devroit souhaiter d'être -agréable que pour plaire aux personnes comme -vous qui jugent sainement de tout. Et si je m'allois -imaginer qu'il y en eût beaucoup dans le -monde que je pusse voir quelquefois, j'aurois bien -de la peine à me tenir dans la retraite, où mes -jours s'écoulent tranquillement. J'ai donné de la -jalousie à un de vos amis et des miens, en lui -<span class="pagenum"><a id="Page_492"> 492</a></span> -montrant votre billet, et l'assurant aussi que jamais -ni lui ni Voiture n'ont rien fait de ce prix-là. -Je ne sais si vous ne serez point surprise que -je me sois vanté d'une faveur qui me devoit rendre -assez heureux en moi-même sans la dire à -personne. Mais, Mademoiselle, si vous vouliez -qu'elle fût secrète, il ne falloit pas m'écrire des -choses qui vous donnent tant de gloire, et qui me -sont si avantageuses.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>L'ABBÉ DE FURETIÈRE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_608" href="#Footnote_608" class="fnanchor"> [608]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Je suis trop honoré de la devise que vous avez -faite pour moi<a id="FNanchor_609" href="#Footnote_609" class="fnanchor"> [609]</a>, et je n'ai garde de manquer de -vous en remercier: je ne vous remercie pas pourtant -de l'avoir faite si belle; vous n'en faites -point d'autres, et rien ne part de votre esprit qui -ne lui ressemble. Certainement, Mademoiselle, les -devises qui sont difficiles ne le sont pas pour -vous. Ce petit ouvrage, que M. de Gombauld appeloit -un grand travail, ne vous est véritablement -qu'un jeu; et vous trouvez sans peine ce que les -autres cherchent bien souvent sans le pouvoir -trouver. Je voudrois bien vous rendre la pareille, -et faire une belle devise pour M<sup>lle</sup> de Scudéry. J'y -<span class="pagenum"><a id="Page_493"> 493</a></span> -ai songé, j'y songerai encore; mais je crains bien -d'avoir la destinée de ce bonhomme.... dont je -vous ai parlé quelquefois. Vous devriez, Mademoiselle, -oublier un moment d'être vous-même, et -faire votre devise; j'entends une devise de louange, -et non pas de modestie; une devise qui marque -l'admiration où nous sommes d'un mérite aussi -extraordinaire que le vôtre. Mais, je le vois bien, -vous voulez vous en tenir à cette devise cruelle<a id="FNanchor_610" href="#Footnote_610" class="fnanchor"> [610]</a>, -qui est une prescription<a id="FNanchor_611" href="#Footnote_611" class="fnanchor"> [611]</a> de l'Amour, et qui nous -fait entendre qu'il faut se borner, quand on vous -voit, aux sentiments qu'on a pour M<sup>lle</sup> N.... Quel -moyen, Mademoiselle, que vous soyez précisément -obéie, et qu'on ne vous aime pas plus que vous ne -vous aimez vous-même? Le P. B*** et moi ne vous -parlons jamais de ce que vous ne voulez jamais -entendre. Nous disons même dans le monde que -nous avons en vous une illustre amie: mais, dans -le fond de l'âme, nous sommes vos très-humbles et -très-obéissants amans. Après cela, je l'adopterois, -cette devise cruelle, et me ferois honneur de l'avoir -faite; j'en serois par tout estimé; mais que m'en -reviendroit-il? Rien, Mademoiselle, sinon d'avoir -flatté votre humeur fière et dédaigneuse, et de -n'en être pas mieux pour cela dans un cœur aussi -aimable et aussi impénétrable que le vôtre.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_494"> 494</a></span> -<span class="small"><b>M. DE PERTUIS, GOUVERNEUR DE COURTRAY, A MADEMOISELLE -DE SCUDÉRY, SA BONNE AMIE</b></span><a id="FNanchor_612" href="#Footnote_612" class="fnanchor"> [612]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Vous ne connoissez pas la vie de l'armée; elle -a ses charmes, et quand on l'a goûtée, on ne sauroit -s'en passer. Nous avons peut-être plus de -peine que vous; mais nous avons aussi plus de -plaisir. Pour ce qui est des périls dont vous me -parlez, je ne vous répondrai pas comme le fit le -baron de *** à Gassion, qui l'exhortoit à la bravoure: -<i>Je rirai bien si tu meurs devant moi.</i> Je vous -dirai seulement, que si l'on étoit immortel dans -vos îles enchantées, j'irois volontiers participer à -votre immortalité; mais puisque ce bienheureux -séjour n'a pas un si beau privilége, je ne risque -rien ici qu'il ne faille perdre ailleurs; et j'aime -autant être tué par un carabin de Nuremberg, que -par un médecin de Montpellier. Je suis,</p> - -<p>Mademoiselle,</p> - -<p>Votre très-humble, etc.,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">P</span><span class="smallc">ERTUIS</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="pagenum"><a id="Page_495"> 495</a></span> -<span class="small"><b>LE LABOUREUR A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_613" href="#Footnote_613" class="fnanchor"> [613]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce samedi matin.</p> - -<p>Le beau temps est venu, et les cerises s'en -vont: j'ai peur, Mademoiselle, que si vous ne -faites bientôt ici une promenade, vous n'y en trouviez -plus. Je ne vois qu'une chose qui la doive retarder, -qui est que la santé du R. P. Bouhours ne lui -pût pas permettre encore de sortir, ou que vous -voulussiez que M. de Pellisson fût de la partie. En ce -cas-là, nous attendrons tant qu'il vous plaira; nous -laisserons passer les cerises, et nous vous donnerons -des prunes et des pêches qui les vaudront -bien. Au reste, Mademoiselle, je n'entends pas -que le R. P. Bouhours et M<sup>me</sup> sa sœur tiennent la -place d'aucune autre personne. J'attends toujours -M. Nublé et M. Ménage. J'en dirois autant de -M. de Pellisson, et ce seroit de bon cœur, mais -c'est une étrange chose que la Cour. J'appréhende -que quand le Roi seroit ici, il ne pût s'en séparer -pour vous faire compagnie. Je m'en rapporte à -vous: ordonnez-en comme il vous plaira; mais -faites votre compte que je vous attends, et surtout, -Mademoiselle, quand vous voudrez venir, faites-moi -<span class="pagenum"><a id="Page_496"> 496</a></span> -la grâce de nous avertir deux ou trois jours -auparavant.</p> - -<p>Je suis votre très-humble et très-obéissant -serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">L</span><span class="smallc">ABOUREUR</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE P. RAPIN A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_614" href="#Footnote_614" class="fnanchor"> [614]</a>.</p> - -<p class="dater">D'Arras, 10 mai.</p> - -<p>On m'a tant fait d'honneur ici en votre considération, -Mademoiselle, que je ne puis en partir -sans vous en faire mes remercîments. Il ne se peut -rien ajouter à la manière dont M. de Montplaisir<a id="FNanchor_615" href="#Footnote_615" class="fnanchor"> [615]</a> -m'a reçu. J'ai bien reconnu par là le pouvoir que -vous avez sur lui, et que c'est vous qui êtes le -lieutenant de Roi ici. Il m'a régalé chez lui; il m'a -offert son carrosse pour aller à Douay, a pris la -peine de me venir visiter chez nous: du reste, il -n'a rien oublié pour me faire comprendre combien -il vous honore et vous estime. Aidez-moi, Mademoiselle, -à lui en faire de dignes remercîments. -Vous y êtes obligée, puisque c'est en votre considération -qu'il a fait tout cela, et pour m'obliger -extrêmement. Faites de sorte que j'aie un peu de -<span class="pagenum"><a id="Page_497"> 497</a></span> -part de ses bonnes grâces: car on a fort envie -d'être de ses amis dès qu'on a le bonheur de le -connoître: je vous laisse faire cela. En partant, je -laisse le pauvre M. de Verduc en mauvais état -pour sa santé; j'en suis inquiété. Je laissai au -P. Pallu, ami du P. Bouhours, quinze pistoles pour -sa dispense, et deux pour l'habiller un peu honnêtement -pour entrer à Cluny. Ayez la bonté de me -faire savoir de vos nouvelles, je vous en prie; j'en -pourrois recevoir à Bruxelles, si vous preniez la -peine d'adresser vos lettres à M. de Gourville dans -dix ou douze jours; l'abbé de Chaumont le connoît. -On ne peut pas être si longtemps éloigné de -vous sans savoir de vos nouvelles. Vous voulez -bien que je salue M. de Pellisson pour qui je continue -toujours à prier Dieu; car le bon Dieu nous -le doit, étant aussi homme de bien qu'il est. -N'allez pas vous aviser, s'il vous plaît, Mademoiselle, -de nous faire la guerre pendant que je vais -être Flamand. Je ne vous demande que deux mois -de temps; après, vous ferez ce qu'il vous plaira -pour vos prétentions sur le Brabant. Je suis, avec -mon respect ordinaire, à vous en N. S.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">APIN</span><br /> -de la C<sup>ie</sup> de Jésus.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>REGNIER DESMARAIS A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_616" href="#Footnote_616" class="fnanchor"> [616]</a></p> - -<p class="dater">Ce vendredi à midi.</p> - -<p>Votre laquais ne me donna pas l'autre jour le -<span class="pagenum"><a id="Page_498"> 498</a></span> -loisir, Mademoiselle, de vous remercier sur le -champ des beaux vers que vous m'avez fait la -grâce de m'envoyer, et je faisois état de vous en -aller remercier dès le lendemain. Mais depuis cela, -il m'est survenu des affaires qui m'ont empêché -de vous aller rendre mes devoirs comme je souhaitois. -En attendant que je le puisse, je ne veux -pas différer, Mademoiselle, à vous témoigner combien -j'ai été satisfait de votre dernier madrigal. -Les dernières choses que vous faites l'emportent -toujours sur les premières, mais il n'y a que vous -seule qui puissiez l'emporter sur vous-même. Je -ne saurois en même temps vous rendre d'assez -grands remercîments des marques de bonté et -de considération dont vous m'honorez. Croyez, -s'il vous plaît, Mademoiselle, que vous n'en sauriez -jamais avoir pour personne qui ait plus de -respect et plus de vénération pour vous que j'en ai, -et qui soit plus absolument votre très-humble et -très-obéissant serviteur.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">R</span><span class="smallc">EGNIER</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">ESMARAIS.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_617" href="#Footnote_617" class="fnanchor"> [617]</a>.</p> - -<p class="dater">Le 12 de novembre.</p> - -<p>Puisque les reproches que M<sup>me</sup> Duplessis vous -<span class="pagenum"><a id="Page_499"> 499</a></span> -a faits m'ont valu la plus agréable et la plus obligeante -lettre du monde, je devrois, ce me semble, -Mademoiselle, lui laisser le soin de vous faire -paroître combien j'en suis touché, pour m'attirer -encore de nouvelles grâces; mais, quelque avantage -que j'en puisse recevoir par là, je ne puis me -priver du plaisir de vous témoigner moi-même -ma reconnoissance, et de vous dire la joie que -j'ai de croire avoir un peu de part en votre amitié. -Je ne parlerois pas si hardiment, si j'avois moins -de foi en vos paroles, et c'est par cette confiance -seule que je me tiens si assuré de la chose du -monde que je souhaite le plus. Je suis ravi de la -belle action de M. de Savoie; j'espère que la clémence -viendra à la mode, et que nous ne verrons -plus de malheureux. J'écrirai à un de nos amis, et -je vous supplierai même de lui vouloir faire tenir -ma lettre, puisque vous me le permettez.</p> - -<p>Faites-moi l'honneur de croire, Mademoiselle, -que j'ai plus d'estime et de respect pour vous que -personne du monde, et que je suis passionnément -votre très-humble et très-obéissant serviteur.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">AROCHEFOUCAULD.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_618" href="#Footnote_618" class="fnanchor"> [618]</a>.</p> - -<p class="dater">Ce 7 décembre.</p> - -<p>Je vous suis sensiblement obligé, Mademoiselle, -de votre souvenir et du présent que vous me faites; -<span class="pagenum"><a id="Page_500"> 500</a></span> -rien n'est plus beau que ce que vous m'avez -envoyé, et rien au monde ne me peut toucher -davantage que la continuation de vos bontés. J'en -recevrai une marque qui me sera très considérable -si vous me faites obtenir quelque part dans l'amitié -de M. Renier<a id="FNanchor_619" href="#Footnote_619" class="fnanchor"> [619]</a>; personne assurément ne -l'estime plus que moi. Je vous dois déjà tant de -choses que je pense que vous voudrez bien que je -vous doive encore celle-ci.</p> - -<p>Je vous demande encore d'être persuadée de -mon respect et de ma reconnoissance, et que je -suis plus que personne du monde</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissant serviteur.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">AROCHEFOUCAULD.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LA COMTESSE DE LAFAYETTE A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_620" href="#Footnote_620" class="fnanchor"> [620]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p>Je ne vous puis dire, Mademoiselle, quelle est -ma joie quand vous me faites l'honneur de vous souvenir -de moi, et quand je reçois des marques de -ce souvenir par des choses qui me donnent par -elles-mêmes un si véritable plaisir. Vous êtes toujours -admirable et inimitable; il ne se peut rien -de plus divertissant et de plus utile que ce que -vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer; vous -seule pouvez joindre ces deux choses. Je vous supplie -<span class="pagenum"><a id="Page_501"> 501</a></span> -de croire que si ma santé me le permettoit, -j'aurois souvent l'honneur de vous rendre mes -devoirs.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">L</span><span class="smallc">A</span> <span class="smallc">C <span class="super">sse</span> DE LA</span> <span class="cap">F</span><span class="smallc">AYETTE.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>NANTEUIL A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_621" href="#Footnote_621" class="fnanchor"> [621]</a></p> - -<p class="titel">Mademoiselle,</p> - -<p>Votre générosité m'offense, et n'augmente point -du tout votre gloire, du moins selon mon opinion. -Une personne comme vous, à qui j'ai tant d'obligations, -que je considère si extraordinairement, -et pour laquelle non-seulement je devrois avoir -fait tous les efforts de ma profession, mais avoir -témoigné plus de reconnoissance à toutes ses civilités -que je n'ai fait, m'envoyer de l'argent et vouloir -me payer en princesse un portrait<a id="FNanchor_622" href="#Footnote_622" class="fnanchor"> [622]</a> que je lui -<span class="pagenum"><a id="Page_502"> 502</a></span> -dois il y a si longtemps, est sans doute pousser -trop loin la générosité, et me prendre pour le plus -insensible de tous les hommes. Vous me permettrez -donc, Mademoiselle, de vous en faire une petite -réprimande, et comme vous me permettez encore -de chérir tout ce qui vient de vous, je prends -volontiers la bourse que vous avez faite, et vous remercie -de vos louis, que je ne crois pas être de -votre façon! Cependant, si en quelque jour un peu -moins nébuleux qu'il n'en fait en ce temps-ci, vous -me vouliez donner deux heures de votre temps -pour aller achever chez vous l'habit de votre portrait, -je serois ravi de me rendre ponctuel à vos -<span class="pagenum"><a id="Page_503"> 503</a></span> -ordres. J'aurois la liberté de vous expliquer plus -franchement mes sentiments, parce que cela ne -m'attacheroit pas si fort que quand je travaille au -visage, et après avoir achevé de vous rendre ce -petit service, je conviendrois de m'estimer heureux -puisque vous auriez une autre vous-même près de -vous qui vous persuaderoit éloquemment que je -suis,</p> - -<p>Mademoiselle,<br /> -<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</span></p> - -<p class="sig"><span class="i3"><span class="cap">N</span><span class="smallc">ANTEUIL</span>.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>GEORGE DE SCUDÉRY A MADAME L'ABBESSE DE CAEN</b></span><a id="FNanchor_623" href="#Footnote_623" class="fnanchor"> [623]</a>.</p> - -<p class="dater">Paris, 7 avril 1660.</p> - -<p>Un homme moins glorieux que je ne le suis, -Madame, auroit cherché l'appui de sa sœur auprès -de vous, et tâché de tirer ses avantages de -l'honneur que vous lui faites de l'aimer, mais je -vous avoue que j'aime mieux devoir ma gloire à -ma hardiesse qu'à sa faveur, et que si je puis obtenir -celle de votre amitié, je veux vous la devoir -toute entière. Comme l'obligation en sera plus -grande, ma reconnoissance le sera aussi, et comme -vous n'appellerez personne au partage de la grâce, -personne ne partagera mon ressentiment. Je vous -le confesse, Madame, j'ai le cœur plus élevé que -<span class="pagenum"><a id="Page_504"> 504</a></span> -ce roi qui, tout Espagnol qu'il étoit, se contentoit -d'être appelé le mari de la reine, et si vous ne me -regardiez que comme frère de Sapho, vous ne rempliriez -pas du tout mon ambition. Personne ne -sait mieux que moi ce qu'elle vaut, car je l'ai -faite ce qu'elle est; mais, avec tout cela, Madame, -je ne lui veux point devoir votre bienveillance, -parce que nous changerions de fortune et que je -lui devrois plus qu'elle ne me doit. Cependant, -comme il faut connoître pour aimer, je vous envoie -de quoi me connoître, c'est le portrait d'un -héros où j'ai employé tout mon art, et comme vous -avez l'âme grande, j'espère que la peinture du -plus grand homme de la terre ne vous déplaira -pas trop, et qu'après avoir enduré que ma sœur -vous peigne, vous souffrirez quelque jour que son -frère prenne ses couleurs et ses pinceaux pour -vous peindre, afin que vous puissiez juger de la -diversité des manières, et connoître en même -temps le dessein que j'ai d'être toujours</p> - -<p>Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</p> - -<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>LE MÊME A M. DE SAINTE-MARTHE</b></span><a id="FNanchor_624" href="#Footnote_624" class="fnanchor"> [624]</a>.</p> - -<p class="dater">Sans date.</p> - -<p class="titel">Monsieur,</p> - -<p>N'ayant pas l'honneur d'être connu de vous, je -n'aurois pas aussi la hardiesse de vous faire une -<span class="pagenum"><a id="Page_505"> 505</a></span> -prière, si elle ne regardoit votre gloire aussi bien -que ma satisfaction; mais ne doutant point que -vous ne soyez sensible à cette noble passion des -grandes âmes, j'ose vous dire qu'après avoir assemblé -les portraits de tous les illustres de notre -nation, je croirois n'avoir rien fait si je n'avois -celui du grand Scévole, et comme je sais que vous -en avez un, je vous supplie, Monsieur, de me le -vouloir prêter pour en tirer une copie; je le conserverai -avec soin, et vous le renvoyerai dans peu -de jours. Je m'assure que vous ne condamnerez -pas mon dessein, puisqu'il n'a pour objet que la -réputation d'un homme à qui vous devez la vie; -et, pour vous montrer que c'est dans votre maison -que je cherche les grands personnages, mon laquais -a ordre de vous faire voir le portrait de votre -grand oncle. Que si mon nom par malheur n'a -pas l'honneur d'être connu de vous, notre ami -commun, M. Colletet, vous assurera qu'on me -peut confier toute chose, et moi je vous assurerai -qu'après cette grâce je serai toute ma vie,</p> - -<p>Monsieur,<br /> -<span class="i1">Votre très-humble et très-obéissant serviteur,</span></p> - -<p class="sig"><span class="i3"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">S</span><span class="smallc">CUDÉRY</span>.</span></p> - -<p class="titre"><span class="small"><b>MADAME DE LONGUEVILLE A GEORGE DE SCUDÉRY</b></span><a id="FNanchor_625" href="#Footnote_625" class="fnanchor"> [625]</a>.</p> - -<p class="dater">Moulins, 29 août 1654.</p> - -<p>Ça été par vraie honte que j'ai été si longtemps -<span class="pagenum"><a id="Page_506"> 506</a></span> -sans faire réponse à votre dernière lettre, car elle -étoit si pleine de remercîments que je ne trouvois -pas bien fondés, qu'en vérité je ne savois du tout -qu'y répondre; car enfin je ne prétends pas que -le petit présent que je vous ai fait<a id="FNanchor_626" href="#Footnote_626" class="fnanchor"> [626]</a> vous montre -toute ma reconnoissance. Je prétends seulement -qu'il vous la marque, et qu'en vous faisant souvenir -de moi, il vous remette dans la mémoire une -personne qui a gravé dans la sienne ce que vous -avez fait pour elle, et qui, n'étant pas née tout à fait -bassement, ne peut être aussi touchée de votre générosité -sans souhaiter qu'une meilleure fortune lui -fournisse les occasions de contribuer à rendre la -vôtre proportionnée à votre mérite.</p> - -<p class="sig"><span class="cap">A</span><span class="smallc">NNE-</span><span class="cap">G</span><span class="smallc">ENEVIÈVE DE</span> <span class="cap">B</span><span class="smallc">OURBON.</span></p> - -<p><i>P. S.</i> J'ai mandé mes sentiments sur <i>Alaric</i> à -M. Chapelain; il vous les auroit dit sans doute, -s'il ne s'étoit pas imaginé que vous les devinez aisément, -et que vous êtes fort persuadé que les -gens qui n'ont pas tout à fait méchant goût ne -peuvent qu'admirer ce qui part de votre esprit. -Je vous prie que M<sup>lle</sup> de Scudéry sache par votre -moyen que je conserve pour elle toute l'estime -qu'elle mérite.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_507"> 507</a></span></p> -<p class="extra"><span class="large">CHOIX</span><br /> -<span class="xs">DE</span><br /> -<span class="xlarge">POÉSIES</span></p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_508"> 508</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_509"> 509</a></span></p> - -<div class="figcenter"> -<img src="images/523.jpg" width="243" height="36" alt="deco" /> -</div> - -<h2 class="normal"><span class="large">CHOIX</span><br /> -<span class="xs">DE</span><br /> -<span class="xxlarge">POÉSIES.</span></h2> - -<hr class="deco" /> -</div> - -<p class="titre2"><i>Impromptu fait au donjon de Vincennes en visitant la chambre</i><br /> -<span class="i3"> <i>où le prince de Condé avoit été prisonnier.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>En voyant ces œillets qu'un illustre guerrier</p> -<p>Arrosa d'une main qui gagna des batailles,</p> -<p>Souviens-toi qu'Apollon bâtissoit des murailles,</p> -<p>Et ne t'étonne pas si Mars est jardinier<a id="FNanchor_627" href="#Footnote_627" class="fnanchor"> [627]</a>.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i4"><i>Stances sur la Paix</i></span><a id="FNanchor_628" href="#Footnote_628" class="fnanchor"> [628]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Taisez-vous, trop aigres trompettes</p> -<p>Qui chassiez au printemps tous les braves du Cours,</p> -<p class="i2"> Laissez entendre les musettes,</p> -<p class="i2"> Voici le règne des Amours.</p> -<p>La paix s'en va bientôt rétablir son empire</p> -<p>Et l'on ne verra plus de cœur qui ne soupire.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_510"> 510</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Vous qui faisiez les insensibles</p> -<p>Et qui par vanité pensiez l'être toujours,</p> -<p class="i2"> Vous ne serez plus invincibles,</p> -<p class="i2"> Voici le règne des Amours.</p> -<p>La paix s'en va bientôt rétablir son empire</p> -<p>Et l'on ne verra plus de cœur qui ne soupire.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Vous, belles, qui par mille charmes</p> -<p>Êtes avec raison l'ornement de nos jours,</p> -<p class="i2"> Que vous ferez verser de larmes!</p> -<p class="i2"> Voici le règne des Amours.</p> -<p>La paix s'en va bientôt rétablir son empire</p> -<p>Et l'on ne verra plus de cœur qui ne soupire.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><i>A M. Conrart, sur un cachet qu'il donna à l'auteur</i><a id="FNanchor_629" href="#Footnote_629" class="fnanchor"> [629]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Pour mériter un cachet si joli,</p> -<p>Si bien gravé, si brillant, si poli,</p> -<p> Il faudroit avoir, ce me semble,</p> -<p> Quelque joli secret ensemble;</p> -<p> Car enfin les jolis cachets,</p> -<p> Demandent de jolis billets.</p> -<p> Mais, comme je n'en sais point faire,</p> -<p> Que je n'ai rien qu'il faille taire,</p> -<p> Ni qui mérite aucun mystère,</p> -<p> Il faut vous dire seulement</p> -<p> Que vous donnez si galamment</p> -<p> Qu'on ne peut se défendre</p> -<p>De vous donner son cœur, ou de le laisser prendre.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_511"> 511</a></span> -<i>Billet en vers à M. de Charleval</i><a id="FNanchor_630" href="#Footnote_630" class="fnanchor"> [630]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Qu'une louange délicate</p> -<p>Nous touche, nous plaise et nous flatte,</p> -<p class="i3"> N'en doutez point.</p> -<p>Mais, pour bien goûter cette gloire,</p> -<p>Il faut, Damon, la pouvoir croire,</p> -<p class="i3"> C'est là le point.</p> -</div></div> - -<p>Voilà, Monsieur, par où je me sauve du danger où -vos ingénieuses louanges m'ont exposée. Si je pouvois -me laisser persuader, j'aurois trop de vanité.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Mon cœur que la raison éclaire</p> -<p>Méprise de l'encens vulgaire,</p> -<p class="i2"> N'en doutez point.</p> -<p>Mais rejeter par modestie</p> -<p>Le plus pur encens d'Arabie,</p> -<p class="i2"> C'est là le point.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><i>Requête ou Placet des Amans contre les Filous</i><a id="FNanchor_631" href="#Footnote_631" class="fnanchor"> [631]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Prince, le plus aimable, et le plus grand des Rois,</p> -<p>Nous venons implorer le secours de vos lois:</p> -<p>Tout l'état amoureux vous adresse ses plaintes;</p> -<p>Vous seul pouvez calmer nos soucis et nos craintes,</p> -<p>Vous seul pouvez nous faire un sort qui soit plus doux,</p> -<p>L'amour même ne peut nous rendre heureux sans vous.</p> -<p>La nuit, si favorable aux flammes amoureuses,</p> -<p>A beau nous préparer les faveurs précieuses,</p> -<p>Sans respecter ce Dieu, les voleurs indiscrets</p> -<p>Troublent impunément ces mystères secrets;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_512"> 512</a></span></div> -<p>Chaque jour leur audace éclate davantage,</p> -<p>On ne va plus la nuit sans souffrir quelque outrage;</p> -<p>On trompe d'un jaloux les regards curieux,</p> -<p>Mais d'un filou caché l'on ne fuit point les yeux.</p> -<p>Comme on n'ose marcher sans avoir une escorte,</p> -<p>On ne peut se glisser par une fausse porte,</p> -<p>Et seul au rendez-vous si l'on veut se trouver,</p> -<p>On est déshabillé devant que d'arriver.</p> -<p>La nuit dont le retour ramène les délices,</p> -<p>Ces paisibles moments à l'amour si propices,</p> -<p>Destinés seulement à de tendres plaisirs,</p> -<p>Ne sont plus employés qu'à de fâcheux soupirs.</p> -<p>Les maris rassurés, les mères sans alarmes</p> -<p>Dans un si grand désordre ont su trouver des charmes.</p> -<p>La nuit n'est plus à craindre à leur esprit jaloux,</p> -<p>Ils dorment en repos sur la foi des filous.</p> -<p>Ils aiment le plaisir qui nous tient en contrainte</p> -<p>Et la frayeur publique a dissipé leur crainte.</p> -<p>O vous qui dans la paix faites couler nos jours,</p> -<p>Conservez dans la nuit le repos des amours;</p> -<p>Que du guet surveillant la nombreuse cohorte</p> -<p>Nous serve à l'avenir d'une fidèle escorte,</p> -<p>Qu'ils sauvent des voleurs tous les amans heureux,</p> -<p>Et souffrent seulement les larcins amoureux:</p> -<p>Qu'ils nous ôtent la crainte, et qu'en toute assurance</p> -<p>Nous goûtions les plaisirs de l'ombre et du silence.</p> -<p>En faveur de l'amour finissez notre ennui,</p> -<p>Vous n'avez pas sujet de vous plaindre de lui:</p> -<p>Ce Dieu, dont le pouvoir domine tous les autres,</p> -<p>En vous donnant ses lois semble avoir pris les vôtres;</p> -<p>Il garde pour vous seul ce qu'il a de plus doux,</p> -<p>Il commande partout et n'obéit qu'à vous,</p> -<p>Il sépare de vous l'éclat de la couronne,</p> -<p>Et fait qu'on aime en vous votre seule personne.</p> -<p>Plaisir que rarement les Rois peuvent goûter,</p> -<p>Et duquel toutefois vous ne pouvez douter.</p> -<p>Ainsi puisse le ciel, pour vous faire justice,</p> -<p>Au moindre de vos vœux être toujours propice,</p> -<p>Épargner vos souhaits, prévenir vos désirs,</p> -<p>Et remplir votre cœur de joie et de plaisirs!</p> -<p>Mais comme il n'en est pas hors l'amoureux empire,</p> -<p>Et qu'un roi ne peut être heureux s'il ne soupire,</p> -<p>Puissiez-vous, de l'amour secrètement charmé,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_513"> 513</a></span></div> -<p>Toujours fort amoureux, être toujours aimé,</p> -<p>Et sans vous désirer de nouvelles conquêtes,</p> -<p>Puissiez-vous demeurer en l'état où vous êtes!</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><i>Réponse des Filous à la Requête des Amans.</i></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Prince, dont le seul nom fait trembler tous les Rois,</p> -<p>Suspendez un moment la rigueur de vos lois;</p> -<p>Souffrez que les voleurs vous demandent justice</p> -<p>Contre de faux amans tout remplis d'artifice:</p> -<p>Si l'on les croit, ils sont de nous fort mal-traités,</p> -<p>Nous nous opposons seuls à leurs félicités,</p> -<p>Nous troublons leurs plaisirs, les nuits les plus obscures</p> -<p>N'ont plus pour leur amour de douces aventures.</p> -<p>Où sont-ils les amans que nous avons volés?</p> -<p>Commandez qu'on les nomme et qu'ils soient enrôlés.</p> -<p>Hélas! depuis dix ans que nous courons sans cesse,</p> -<p>Nous n'avons pu trouver ni galant, ni maîtresse,</p> -<p>Et pour notre malheur nous n'avons jamais pris</p> -<p>Ni portraits précieux, ni bracelets de prix:</p> -<p>En vain sans respecter plumes, soutane et crosses,</p> -<p>Nous avons arrêté et chaises et carrosses;</p> -<p>Nous ne trouvons jamais où s'adressent nos pas,</p> -<p>Que plaideurs, que joueurs, que chercheurs de repas,</p> -<p>Que courtisans chagrins, que chercheurs de fortune,</p> -<p>Dont la foule, grand Roi, souvent vous importune;</p> -<p>Mais de tendres amans, vrais esclaves d'amour,</p> -<p>On en trouve la nuit aussi peu que le jour.</p> -<p>C'étoit au temps jadis que les amans fidèles</p> -<p>Pour tromper les Argus montoient par les échelles,</p> -<p>Qu'on les voloit sans peine au premier point du jour,</p> -<p>Et qu'ils cachoient leur vol autant que leur amour.</p> -<p>Sous votre grand aïeul, d'amoureuse mémoire,</p> -<p>Les filous nos ayeux, célèbres dans l'histoire,</p> -<p>Ne passoient pas de nuits sans prendre à des amans</p> -<p>Des portraits enrichis d'or et de diamans,</p> -<p>Et chacun, sans placet, sans tant de doléance,</p> -<p>Rachetoit son portrait et payoit le silence.</p> -<p>C'est ainsi qu'on aimoit en ce siècle si doux,</p> -<p>Sous un prince charmant qu'on voit revivre en vous;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_514"> 514</a></span></div> -<p>Mais aujourd'hui qu'Amour daigne suivre la mode,</p> -<p>Que le moindre respect passe pour incommode,</p> -<p>Nous trouvons tout au plus quelques pauvres coquets</p> -<p>Qui n'ont jamais sur eux que des madrigalets;</p> -<p>Ils courent nuit et jour, se tourmentant sans cesse,</p> -<p>Sans jamais enrichir ni voleurs ni maîtresse.</p> -<p>Qu'ils marchent hardiment, ils font peu de jaloux</p> -<p>Et n'ont à redouter ni martyrs ni filous.</p> -<p>Pour tous leurs rendez-vous ils peuvent prendre escorte</p> -<p>Sans besoin de la nuit ni de la fausse porte;</p> -<p>Mais la licence règne avecque tant d'excès,</p> -<p>Qu'ils osent bien se plaindre et donner des placets;</p> -<p>Ne les écoutez pas, ils sont pleins d'artifice,</p> -<p>Prononcez cet arrêt tout rempli de justice:</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> <i>Un amant qui craint les voleurs</i></p> -<p class="i3"> <i>Ne mérite pas de faveurs.</i></p> -</div></div> - -<p class="titre2"><i>Vers envoyés à M<sup>lle</sup> de Scudéry, pour accompagner une corbeille</i><br /> -<i>pleine de bijoux dont les Filous lui faisoient présent pour ses étrennes.</i></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ces hommes redoutés que l'on nomme Filous,</p> -<p class="i2"> Dont vous avez pris la défense,</p> -<p class="i2"> Sont de leur gloire trop jaloux</p> -<p class="i2"> Pour demeurer dans le silence:</p> -<p class="i2"> Ils parlent, mais bien faiblement,</p> -<p class="i2"> N'ayant aujourd'hui la puissance</p> -<p class="i2"> De marquer leur reconnoissance</p> -<p class="i2"> Que par des souhaits seulement.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i3"> Si la fortune favorable</p> -<p class="i2"> Jetoit un doux regard sur eux,</p> -<p class="i2"> Et que, devenant plus traitable,</p> -<p class="i3"> Elle favorisât leurs vœux,</p> -<p class="i1"> Quand du butin ils feroient leur partage,</p> -<p>Le plus riche seroit pour vous faire un hommage.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_515"> 515</a></span></div> -<p class="i9">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i1"> Tous les jours, en faisant leurs courses,</p> -<p class="i2"> Ils rapportent assez de bourses,</p> -<p class="i2"> Dont l'espoir les va devançant;</p> -<p class="i2"> Car pipés de leur bonne mine,</p> -<p class="i2"> Quand au fond on les examine,</p> -<p class="i2"> On n'y rencontre que du vent.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Telle est celle que dans ce jour</p> -<p class="i2"> Nous vous présentons pour étrenne.</p> -<p>Nous en avons fait choix sur plus d'une douzaine,</p> -<p class="i2"> Prises en ville, ou dans la cour,</p> -<p class="i2"> Car la nuit nous ne savons pas</p> -<p class="i2"> Où le hasard guide nos pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Nous prîmes la même journée</p> -<p class="i1"> Le bracelet plein de petits bijoux,</p> -<p class="i2"> Qu'une dame peu fortunée,</p> -<p>Venoit de recevoir avec un billet doux.</p> -<p class="i2"> La belle, croyant nous toucher,</p> -<p class="i2"> Nous en conta toute l'histoire,</p> -<p class="i2"> Que sans peine elle nous fit croire,</p> -<p class="i2"> Mais nos cœurs furent de rocher.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i9">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Si nous vous sommes nécessaires,</p> -<p class="i2"> Sans vous faire tant de discours,</p> -<p>Nous quitterons en tout temps nos affaires,</p> -<p class="i3"> Pour vous offrir notre secours;</p> -<p>Dans le besoin sonnez fort votre cloche,</p> -<p class="i2"> Soudain le <i>Balafré</i>, la <i>Roche</i>,</p> -<p class="i2"> <i>Bras-de-fer</i> et <i>Roland-sans-Peur</i>,</p> -<p class="i2"> Vous serviront avec ardeur,</p> -<p class="i1"> Car ce sont des gens sans reproche.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_516"> 516</a></span> -<span class="titre2"><i>Réponse de Mlle de Scudéry à une jeune demoiselle qu'elle</i></span><br /> -<span class="i2"><i>soupçonne lui avoir fait cette galanterie.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Votre injustice est sans égale,</p> -<p class="i1">De faire parler des filous,</p> -<p class="i1">Lorsque d'une main libérale</p> -<p>Vous donnez d'aimables bijoux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i1">Croyez-moi, charmante Célie,</p> -<p>Vous ne sauriez vous déguiser</p> -<p>Et votre Muse est trop polie,</p> -<p class="i1">En vain elle veut m'abuser.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i1">Je connois sa délicatesse,</p> -<p>Son air charmant et ses appas,</p> -<p>Et je ne sais quelle tendresse</p> -<p>Que les autres Muses n'ont pas.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i1"> En vain le <i>Balafré</i>, la <i>Roche</i></p> -<p>Entreprendroient de me duper,</p> -<p>Et je vous fais un doux reproche</p> -<p>De me vouloir toujours tromper.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous savez pourtant trop bien feindre</p> -<p>Et mon cœur vous feroit pitié,</p> -<p>S'il commençoit un jour à craindre</p> -<p class="i1">D'être surpris en amitié.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Reprenez-vous, chère Célie,</p> -<p>Et promettez-vous désormais,</p> -<p>Que soit sérieux, soit folie,</p> -<p>Vous ne me tromperez jamais.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_517"> 517</a></span> -<span class="small"><b>A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY</b></span>.</p> - -<p class="titre2"><i>Madrigal sur ce qu'elle a dit au sujet des vols qu'on a voulu -faire chez elle</i><a id="FNanchor_632" href="#Footnote_632" class="fnanchor"> [632]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Afin d'écarter de chez vous</p> -<p class="i3"> Tous les voleurs et les filous,</p> -<p class="i3"> Vous prenez grand soin de répandre</p> -<p>Que vous n'avez pour biens que l'esprit et le cœur.</p> -<p class="i1"> Sapho, je ne veux point redoubler votre peur,</p> -<p>Mais si l'on croit jamais qu'on puisse vous les prendre,</p> -<p class="i3"> Tel vous paroît homme d'honneur</p> -<p class="i3"> Qui bientôt deviendra voleur.</p> -</div></div> - -<p class="sig"><span class="cap">M. B</span><span class="smallc">OSQUILLON.</span></p> - -<p class="titre2"><span class="i4 small"><i>Madrigal sur le précédent.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Votre esprit droit, votre bon cœur</p> -<p class="i3"> Ne sont point gibier à voleur;</p> -<p class="i3"> Mais pour la richesse infinie</p> -<p class="i4"> De votre admirable génie,</p> -<p>Sapho, que tous les jours on lui fait de larcins!</p> -<p>Des muses comme vous en la plus haute place</p> -<p class="i3"> De tout temps ce sont les destins;</p> -<p class="i3"> Et jusqu'au sommet du Parnasse</p> -<p class="i3"> On vole avec bien plus d'audace</p> -<p class="i3"> Qu'on ne fait sur les grands chemins.</p> -</div></div> - -<p class="sig"><span class="cap">M. P</span><span class="smallc">ETIT</span> (de Rouen).</p> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_518"> 518</a></span> -<span class="i5 small"><b>LA TUBÉREUSE.</b></span></p> - -<p class="titre2"><span class="i4 small"><i>A Célie, le jour de sa fête.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Angélique ou Célie, ou tous les deux ensemble,</p> -<p>Malgré toutes les fleurs que ce beau jour assemble,</p> -<p>Je veux tous vos regards, toute votre amitié,</p> -<p>Ou ne leur rien laisser que regards de pitié.</p> -<p>Des bords de l'Orient je suis originaire,</p> -<p>Le soleil proprement se peut dire mon père,</p> -<p>Le printemps ne m'est rien, je ne le connois pas,</p> -<p>Et ce n'est point à lui que je dois mes appas.</p> -<p>Je l'appelle en raillant le père des fleurettes,</p> -<p>Du fragile muguet, des simples violettes,</p> -<p>Et de cent autres fleurs qui naissent tour à tour,</p> -<p>Mais de qui les beautés durent à peine un jour.</p> -<p>Voyez-moi seulement, je suis la plus parfaite,</p> -<p>J'ai le teint fort uni, la taille haute et droite,</p> -<p>Des roses et du lis j'ai le brillant éclat,</p> -<p>Et du plus beau jasmin le lustre délicat;</p> -<p>Je surpasse en odeur et la jonquille et l'ambre,</p> -<p>Et les plus grands des Rois me souffrent dans leur chambre.</p> -<p>Faut-il vous dire tout? votre esprit est discret;</p> -<p>Je vais lui confier mon plus galant secret:</p> -<p>J'ai su plaire à Louis à qui tout voudroit plaire;</p> -<p>Ne me regardez plus comme une fleur vulgaire.</p> -<p>A son cœur de héros, à ses exploits guerriers,</p> -<p>On eût dit que son cœur n'aimoit que les lauriers,</p> -<p>Que seule à ses faveurs la palme osoit prétendre;</p> -<p>Cependant il me voit d'un regard assez tendre.</p> -<p>Après un tel honneur, cédez, moindres beautés,</p> -<p>Vous avez plus de nom que vous n'en méritez.</p> -<p>Vous, Célie, excusez si j'ai l'âme hautaine,</p> -<p>Et si dans mes discours je parois un peu vaine.</p> -<p>Par l'avis de Sapho je demande vos chants,</p> -<p>Si chéris des neuf sœurs, si doux et si touchants,</p> -<p>Pour publier partout du couchant à l'aurore,</p> -<p>Que je suis sans égale en l'empire de Flore,</p> -<p>Que le triste Hyacinthe avec tous ses appas,</p> -<p>Et cette fleur qui suit mon père pas à pas,</p> -<p>Les roses de Vénus nouvellement écloses,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_519"> 519</a></span></div> -<p>Ajax si renommé dans les métamorphoses,</p> -<p>La fleur du beau Narcisse, et la fleur d'Adonis,</p> -<p>Toutes doivent céder à la fleur de LOUIS.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i3 small"><b>LES JASMINS JONQUILLES.</b></span></p> - -<p class="titre2"><span class="i4"><i>A M. l'abbé Regnier.</i></span><br /> -<span class="i6 small"><i>Madrigal.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Cinq ou six petits arbrisseaux,</p> -<p class="i2"> Qui l'an prochain seront plus beaux,</p> -<p class="i3"> Venons en corps demander place</p> -<p class="i4"> Sur votre agréable terrasse.</p> -<p>Si des autres jasmins nous n'avons pas l'éclat,</p> -<p>Notre parfum du moins est bien plus délicat;</p> -<p class="i3"> Et nos petites fleurs écloses</p> -<p class="i3"> N'entêtent pas comme les roses.</p> -<p>Nous ne disputons rien au superbe oranger,</p> -<p>Sous son ombre humblement nous voulons nous ranger;</p> -<p class="i3"> Mais sachez que Sapho nous aime</p> -<p class="i4"> Avec une tendresse extrême;</p> -<p>Et que ce qui doit rendre un présent précieux,</p> -<p>Consiste à nous donner ce qu'on aime le mieux.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small i2"><i>Sur la mort d'Anne d'Autriche</i></span><a id="FNanchor_633" href="#Footnote_633" class="fnanchor"> [633]</a>.<br /> -<span class="i6"><span class="small"><i>Janvier 1666.</i></span></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Anne, dont les vertus, l'éclat et la grandeur</p> -<p>Ont rempli l'univers de leur vive splendeur,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_520"> 520</a></span></div> -<p>Dans la nuit du tombeau conserve encor sa gloire,</p> -<p>Et la France à jamais aimera sa mémoire.</p> -<p>Elle sut mépriser les caprices du sort,</p> -<p>Regarder sans horreur les horreurs de la mort,</p> -<p>Affermir un grand trône et le quitter sans peine;</p> -<p>Et pour tout dire enfin, vivre et mourir en Reine.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i2 small"><i>Sixain sur la conquête de la Franche-Comté.</i></span></p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Les héros de l'antiquité</p> -<p class="i3"> N'étoient que des héros d'été:</p> -<p>Ils suivoient le printemps comme des hirondelles,</p> -<p>La Victoire en hiver pour eux n'avoit pas d'ailes;</p> -<p>Mais malgré les frimas, la neige et les glaçons,</p> -<p class="i1"> Louis est un héros de toutes les saisons.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i3"><i>Madrigal sur la Paix.</i></span></p> -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Jamais on n'avoit tant vanté</p> -<p>Ni campagne d'hiver, ni campagne d'été,</p> -<p>Quand Louis revenoit suivi de la Victoire.</p> -<p class="i2"> Quelle est cette nouvelle gloire!</p> -<p>Sur ses propres exploits a-t-il pu renchérir,</p> -<p>Après tant de succès sur la terre et sur l'onde?</p> -<p class="i2"> Oui, car donner la Paix au monde</p> -<p class="i2"> C'est plus que de le conquérir.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i7 small"><i>Autre.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Dès que tu fais un pas, l'Europe est en alarmes,</p> -<p class="i3"> Et contre l'effet de tes armes</p> -<p class="i3"> Rien ne pourroit la soutenir.</p> -<p>Mais dans un calme heureux tu gouvernes la terre;</p> -<p class="i3"> Quand on peut lancer le tonnerre,</p> -<p class="i3"> Il est beau de le retenir.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_521"> 521</a></span> -<span class="small"><i>A l'Illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être</i></span><a id="FNanchor_634" href="#Footnote_634" class="fnanchor"> [634]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>D'où viennent ces lauriers si verts, si précieux?</p> -<p>Sortent-ils de la terre ou tombent-ils des cieux?</p> -<p>Et d'où partent ces vers pleins d'esprit et de grâce,</p> -<p>Dont le tour délicat tous les autres efface?</p> -<p>Généreux inconnu, pourquoi vous cachez-vous?</p> -<p>Le plaisir d'obliger est un plaisir si doux!</p> -<p>Je vous cherche partout, et ne vous puis connoître;</p> -<p>Êtes-vous mon ami? Ne le pouvez-vous être?</p> -<p>Vous contenterez-vous de n'être qu'estimé?</p> -<p>En ne se nommant pas on ne peut être aimé.</p> -<p>Soyez du moins jaloux de votre propre ouvrage;</p> -<p>Nos plus rares esprits viennent lui rendre hommage.</p> -<p>Il n'a qu'un seul défaut qui se corrigera:</p> -<p>Mettez-y votre nom, et rien n'y manquera.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i3 small"><i>Aux Demoiselles de Saint-Cyr.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Vous de qui l'innocence et la noble jeunesse</p> -<p>S'élève au pied du Trône à l'ombre d'un grand Roi,</p> -<p>Voulez-vous recueillir le fruit de sa largesse?</p> -<p>Du Roi de l'univers apprenez bien la loi.</p> -<p>De la nouvelle Esther<a id="FNanchor_635" href="#Footnote_635" class="fnanchor"> [635]</a> admirez la sagesse,</p> -<p>Sa rare piété, sa prudence et sa foi.</p> -<p>Ne demandez au ciel ni grandeur, ni richesse,</p> -<p>Dont le frivole éclat rend nos yeux éblouis;</p> -<p>Mais par des vœux ardents et remplis de tendresse,</p> -<p>Abrégeant vos souhaits, demandez-lui sans cesse,</p> -<p>Pour vous, pour nous, pour tous, qu'il conserve Louis.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_522"> 522</a></span> -<span class="small"><i>Sur la naissance du duc de Bourgogne (1682).</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Venez, heureux enfant, venez à la lumière:</p> -<p>Vous allez commencer une illustre carrière;</p> -<p>Et le soleil qui naît aux bords de l'Orient</p> -<p>N'a pas, à sa naissance, un éclat si riant.</p> -<p>Tout brille autour de vous; les jeux, les ris, la gloire,</p> -<p>Parent votre berceau comme un char de victoire.</p> -<p>Mais, ô royal enfant, quand on sort des héros</p> -<p>On ne vit pas longtems dans les bras du repos.</p> -<p>Hâtez-vous, que le corps, l'esprit et le courage</p> -<p>Forcent les lois du tems et les règles de l'âge.</p> -<p>Passez rapidement les frivoles plaisirs,</p> -<p>Et concevez bientôt d'héroïques désirs.</p> -<p>Vous pourrez surpasser tous les princes du monde,</p> -<p>De vos premiers exploits couvrir la terre et l'onde,</p> -<p>Digne de votre nom, être admiré de tous,</p> -<p>Et voir toujours Louis bien au-dessus de vous,</p> -<p>Éclairer tous vos pas, vous servir de modèle,</p> -<p>Être du roi des rois une image fidèle,</p> -<p>Le bonheur des François, l'âme de ses États,</p> -<p>Et l'exemple éternel de tous les Potentats.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small"><i>Pour Monseigneur le duc de Bourgogne, faisant l'exercice</i></span><br /> -<span class="small"><i>avec les Mousquetaires devant le Roi.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Quel est ce petit mousquetaire</p> -<p class="i2"> Si savant en l'art militaire,</p> -<p class="i1"> Et plus encore en l'art de plaire?</p> -<p class="i2"> L'énigme n'est pas mal aisé:</p> -<p class="i1"> C'est l'Amour, sans autre mystère,</p> -<p>Qui pour divertir Mars, s'est ainsi déguisé.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small"><i>Sur ce que ce jeune Prince ne trouva pas bon qu'on l'eût</i></span><br /> -<span class="i5 small"><i>comparé à l'Amour.</i></span></p> - -<p class="quote">Prince consolez-vous d'être un petit Amour,<br /> -Imitez bien Louis, vous serez Mars un jour.</p> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_523"> 523</a></span> -<span class="small"><i>Portrait de M<sup>me</sup> la duchesse de Bourgogne.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Avoir tous les appas de l'aimable jeunesse,</p> -<p>Joindre avec la beauté l'esprit et la sagesse,</p> -<p>Suivis d'un air charmant qu'on ne peut exprimer,</p> -<p class="i2"> C'est ce qu'on trouve en la princesse,</p> -<p>Qu'on ne se lasse point de voir et d'admirer,</p> -<p>Et qui de tous les cœurs sait se faire adorer.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small"><i>La Fauvette à Sapho, en arrivant à son petit bois,</i></span><br /> -<i><span class="i2">suivant sa coutume, le 15 d'avril.</span></i></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Plus vite qu'une hirondelle,</p> -<p>Je viens avec les beaux jours,</p> -<p>Comme fauvette fidèle,</p> -<p>Avant le mois des amours.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>J'ai trouvé sur mon passage</p> -<p>Un spectacle fort nouveau,</p> -<p>Pour m'expliquer davantage,</p> -<p>C'est le Doge et son troupeau<a id="FNanchor_636" href="#Footnote_636" class="fnanchor"> [636]</a>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quoi, lui dis-je, entrer en France</p> -<p>Et vous montrer en ces lieux!</p> -<p>Oui, dit-il, par la clémence</p> -<p>Du plus grand des demi-dieux.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Son cœur toujours magnanime</p> -<p>Ne pouvant se démentir,</p> -<p>Veut oublier notre crime,</p> -<p>Voyant notre repentir.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_524"> 524</a></span></div> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Ah! m'écriai-je, ravie,</p> -<p>Ce héros par son grand cœur</p> -<p>Pardonne à qui s'humilie,</p> -<p>Et de lui-même est vainqueur.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Dieux! quel bonheur est le vôtre,</p> -<p>D'aller recevoir sa loi;</p> -<p>Je n'en voudrois jamais d'autre,</p> -<p>Mais ce bien n'est pas pour moi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>C'est assez que ma maîtresse</p> -<p>Souffre que ma foible voix,</p> -<p>Chante et rechante sans cesse</p> -<p>Qu'il est le phœnix des Rois.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i5">⁂</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Allez, Doge, allez sans peine</p> -<p>Lui rendre grâce à genoux:</p> -<p>La République romaine</p> -<p>En eût fait autant que vous.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><i>A M. de Coulanges, à Rome.</i></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"><i>Madrigal.</i></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Quoi, cette muse si jolie</p> -<p class="i2"> Qui sait badiner sagement</p> -<p class="i2"> Et toujours agréablement,</p> -<p class="i2"> Se taira-t-elle en Italie?</p> -<p class="i2"> Je lui demande trait pour trait</p> -<p class="i2"> Un bon et fidèle portrait</p> -<p class="i2"> D'un Pape que tout le monde aime:</p> -<p class="i2"> Je me connois bien en tableaux,</p> -<p class="i2"> Cette muse en fait de fort beaux,</p> -<p class="i2"> Sa manière n'est pas la même:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_525"> 525</a></span></div> -<p>Jamais sur le Parnasse on ne vit rien de tel,</p> -<p>Elle est tantôt Callot et tantôt Raphaël.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small"><i>Réponse de M. de Coulanges.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Sapho, qui va trop loin se perd:</p> -<p class="i2"> Je crains un labyrinthe,</p> -<p>Le chemin ne m'est point ouvert</p> -<p class="i2"> Pour aller à Corinthe.</p> -<p>Vous demandez de ma façon</p> -<p class="i2"> Le portrait du Saint-Père:</p> -<p>Pour chanter le grand Ottobon<a id="FNanchor_637" href="#Footnote_637" class="fnanchor"> [637]</a></p> -<p class="i2"> Il faudroit un Homère<a id="FNanchor_638" href="#Footnote_638" class="fnanchor"> [638]</a>.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small"><b>COULANGES A MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</b></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Sur l'air: <i>Quand je suis une fois en débauche.</i></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Sapho, j'ai longtemps hésité,</p> -<p class="i1"> Mais il faut que je chante</p> -<p>Le retour de votre santé;</p> -<p class="i1"> Ce beau sujet me tente.</p> -<p>Quand la fièvre vous fait souffrir</p> -<p class="i1"> Ce n'est qu'une querelle,</p> -<p>Eh quoi! jamais peut-on mourir</p> -<p class="i1"> Quand on est immortelle?</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small"><i>Réponse de Mademoiselle de Scudéry.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Vous louez trop flatteusement</p> -<p class="i1"> Une pauvre mortelle.</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_526"> 526</a></span></p> -<p>Je sais bien qu'en vers quand on ment</p> -<p class="i1"> Ce n'est que bagatelle;</p> -<p>Mais, pour ne vous rien déguiser,</p> -<p class="i1"> Je ne saurois me rendre,</p> -<p>Car il faudroit pour m'apaiser</p> -<p class="i1"> Le portrait d'Alexandre<a id="FNanchor_639" href="#Footnote_639" class="fnanchor"> [639]</a>.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><i><span class="small">Sur le portrait de feu M. le duc de Montausier</span></i><a id="FNanchor_640" href="#Footnote_640" class="fnanchor"> [640]</a>.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>C'est là de Montausier l'héroïque visage,</p> -<p>C'est là son air si grand, et si noble, et si sage,</p> -<p>C'est tout ce qu'il nous laisse après avoir été.</p> -<p>O triste souvenir! quand je mets tout ensemble,</p> -<p>Son esprit, son savoir et son cœur indompté,</p> -<p>Fier, bon, tendre, constant, rempli de piété,</p> -<p>Hélas, je cherche en vain quelqu'un qui lui ressemble.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><i><span class="small"><span class="i3">Sur la mort de l'abbé Boisot (1694).</span></span></i></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quoi! cet illustre abbé si bon, si vertueux,</p> -<p>Si savant, si poli, d'un cœur si généreux,</p> -<p>Qui connoissoit si bien le merveilleux Acante<a id="FNanchor_641" href="#Footnote_641" class="fnanchor"> [641]</a>,</p> -<p>Dont il étoit aimé d'une amitié constante,</p> -<p>A subi de la mort les implacables lois!</p> -<p>Ah! d'un si rare ami la perte surprenante</p> -<p class="i3"> Rend ma douleur si violente</p> -<p>Que je crois perdre Acante une seconde fois.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_527"> 527</a></span></div> -</div></div> - -<p class="titre2"><i><span class="small">Madrigal de M<sup>lle</sup> Descartes sur la fauvette de Sapho.</span></i></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Voici quel est mon compliment</p> -<p class="i2"> Pour la plus belle des fauvettes,</p> -<p class="i2"> Quand elle revient où vous êtes:</p> -<p>Ah! m'écriai-je alors avec étonnement,</p> -<p>N'en déplaise à mon oncle, elle a du jugement<a id="FNanchor_642" href="#Footnote_642" class="fnanchor"> [642]</a>.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i3 small"><b>L'ANNEAU D'HORACE.</b></span></p> -<p class="i2"><i>A M<sup>lle</sup> de Scudéry, en lui envoyant un anneau d'or, dans lequel est enchassée</i><br /> -<span class="i2"><i>une agate antique où le portrait d'Auguste est gravé en relief.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> L'aimable courtisan d'Auguste,</p> -<p>Horace, dont la lyre enchanta les humains,</p> -<p class="i2"> Portoit au doigt ce petit buste</p> -<p class="i2"> Du plus grand de tous les Romains.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Pour louer ce maître du monde,</p> -<p class="i2"> Qui, l'honorant d'un si beau sort,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_528"> 528</a></span></div> -<p>Lui fit sentir sa main en bienfaits si féconde,</p> -<p class="i2"> Ce portrait l'inspiroit d'abord.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais, Sapho, si jadis cette puissante image</p> -<p>Sut l'échauffer d'un feu si charmant et si doux,</p> -<p class="i2"> A qui convient si bien qu'à vous</p> -<p class="i2"> Ce reste de son héritage?</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Les Grâces comme à lui, sur cent sujets divers,</p> -<p class="i2"> Vous ouvrent leur noble carrière,</p> -<p>Et son âme en vos mains passe encor tout entière,</p> -<p>Quand le nom de Louis, sur l'aile de vos vers,</p> -<p class="i2"> Ainsi qu'en un char de lumière,</p> -<p class="i2"> Vole aux deux bouts de l'univers.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Que dis-je! Horace même auroit manqué d'haleine,</p> -<p class="i2"> Et n'auroit pu vous imiter,</p> -<p>S'il eût eu comme vous sur les bords de la Seine</p> -<p class="i2"> Tant de miracles à chanter.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Qu'auroit-il dit de Mons, de Besançon, de Lille</p> -<p>Et de tant d'ennemis, avec un bras d'Achille,</p> -<p class="i2"> Repoussés en tant de façons?</p> -<p>Peut-être qu'au milieu de ces riches moissons,</p> -<p class="i2"> Sa muse impuissante et stérile,</p> -<p>N'auroit pu lui fournir que de trop foibles sons.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Peut-être que l'anneau qui fit couler sa veine</p> -<p>Parmi tant de rayons n'auroit de rien servi,</p> -<p>Et que son œil surpris n'eût soutenu qu'à peine</p> -<p class="i2"> Les hauts faits qui l'auroient ravi.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mais Louis d'un regard fait cent fois plus qu'Auguste</p> -<p class="i2"> N'eût fait avec mille regards,</p> -<p>Sapho, quand votre esprit et si vif et si juste,</p> -<p>Sous des tas de lauriers nous peint ce nouveau Mars.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2"> Pour moi, malgré ma longue absence,</p> -<p>Je crois revoir encor ce Héros de la France,</p> -<p>Quand mon zèle, à mes yeux, retraçant ce vainqueur,</p> -<p class="i2"> Chaque instant offre à ma mémoire</p> -<p>Le portrait que toute sa gloire</p> -<p class="i2"> A si bien gravé dans mon cœur.</p> -</div></div> - -<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">B</span><span class="smallc">ÉTOULAUD.</span></p> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_529"> 529</a></span> -<span class="small"><i>Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. de Bétoulaud.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> L'Anneau d'Horace est précieux,</p> -<p class="i2"> Il plaît à tous les curieux;</p> -<p class="i2"> Mais, Damon, l'oserois-je dire?</p> -<p class="i2"> J'eusse bien mieux aimé sa lyre.</p> -<p class="i2"> Peut-être me la cachez-vous,</p> -<p class="i2"> Et vous chantez d'un air si doux,</p> -<p class="i2"> Si noble, si haut, et si juste</p> -<p class="i2"> Un héros bien plus grand qu'Auguste,</p> -<p class="i2"> Que j'ai sujet de soupçonner</p> -<p class="i2"> Que vous pouviez me la donner.</p> -<p class="i2"> Quoi qu'il en soit, je vous la laisse,</p> -<p class="i2"> Je n'aurois pas assez d'adresse</p> -<p class="i2"> Pour en tirer un son charmant;</p> -<p class="i2"> Mais je chanterai hardiment</p> -<p class="i2"> Que la vérité toute pure,</p> -<p class="i2"> Sans ornement et sans figure,</p> -<p>Suffit pour faire voir que les héros romains</p> -<p>N'étoient près de Louis que des fantômes vains,</p> -<p>Et que le faux éclat de leurs vertus payennes</p> -<p>Est terni pour jamais par ses vertus chrétiennes.</p> -<p>Quand il répand son âme au pied de nos autels</p> -<p>Il ne compte pour rien ses lauriers immortels,</p> -<p>Et cette humilité, qui n'eut jamais d'exemple,</p> -<p>Lui fait bien plus d'honneur que n'auroit fait un temple.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i4 small"><i>Aux habitants de Gironne, 1694.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Lorsque vos Rois étoient de vrais Rois catholiques,</p> -<p class="i3"> Saint Narcisse<a id="FNanchor_643" href="#Footnote_643" class="fnanchor"> [643]</a> prioit pour vous;</p> -<p>Mais lorsqu'il voit Nassau, chef de tant d'hérétiques,</p> -<p class="i2">Suborner votre prince et s'unir contre nous,</p> -<p class="i2"> Ce saint qui sert un Dieu jaloux,</p> -<p class="i2"> Et qui ne veut point de partage,</p> -<p>Cesse de protéger un prince si peu sage,</p> -<p class="i3"> Et par un équitable choix</p> -<p>Se range du parti du plus juste des Rois.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_530"> 530</a></span> -<span class="small"><i>Sentiment généreux, ou Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry aux vers d'un</i></span><br /> -<span class="small i4"><i>de ses amis qui la flattoit d'immortalité.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quand l'aveugle destin auroit fait une loi</p> -<p class="i3"> Pour me faire vivre sans cesse,</p> -<p class="i3"> J'y renoncerois par tendresse,</p> -<p>Si mes amis n'étoient immortels comme moi.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="small"><i>Autre réponse à un madrigal où on la traitoit encore</i></span><br /> -<span class="i7 small"><i>d'immortelle.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Votre madrigal est joli,</p> -<p class="i2"> Il est agréable et poli;</p> -<p class="i2"> Vous me louez de bonne grâce:</p> -<p class="i2"> Mais pour cette immortalité</p> -<p class="i2"> Dont on parle tant au Parnasse,</p> -<p class="i2"> Hélas! ce n'est que vanité.</p> -<p>Car à la fin, Damon, le plus grand nom s'efface</p> -<p class="i2"> Dans la sombre postérité:</p> -<p>Et si le ciel vouloit contenter mon envie</p> -<p>J'en quitterois ma part pour un siècle de vie.</p> -</div></div> - -<p class="titre2"><span class="i3 small"><i>Vers adressés à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Sapho, l'ornement de nos jours,</p> -<p class="i2"> Toi qui fis de si beaux modèles</p> -<p>Des plus hautes vertus, des plus chastes amours,</p> -<p class="i2"> Pour les héros et pour les belles,</p> -<p>Qui, sans les imiter, les admirent toujours,</p> -<p class="i2"> Et qui n'en sont pas plus fidèles;</p> -<p class="i2"> Tous ces chefs-d'œuvre précieux</p> -<p>Assurent à ton nom une immortelle gloire,</p> -<p>Et t'ont placée au rang des filles de mémoire</p> -<p>Pour chanter les exploits et les amours des dieux.</p> -</div></div> - -<p class="sig"><span class="cap">D</span><span class="smallc">E</span> <span class="cap">C</span><span class="smallc">ALLIÈRES</span><a id="FNanchor_644" href="#Footnote_644" class="fnanchor"> [644]</a>.</p> - -<p class="titre2"><span class="pagenum"><a id="Page_531"> 531</a></span> -<span class="small"><i>Épitaphe de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</i></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ci-gît la Sapho de nos jours,</p> -<p>Qui sur la Grecque eut l'avantage</p> -<p>D'accorder les tendres amours</p> -<p>Avec la raison la plus sage.</p> -<p>Jeux innocents, prenez le deuil,</p> -<p>Muses, pleurez sur son cercueil</p> -<p>La perte de vos plus doux charmes,</p> -<p>Beau sexe, fondez-vous en larmes;</p> -<p>Votre principal ornement</p> -<p>Est caché dans ce monument.</p> -</div></div> - -<p class="sig"><span class="cap">M<sup>me</sup></span> <span class="smallc">D'</span><span class="cap">O</span><span class="smallc">SEVILLE.</span></p> - -<p class="end">FIN.</p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_532"> 532</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_533"> 533</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="xlarge">TABLE.</span></h2> -</div> -<table id="ToC" summary="contents"> -<tr> -<td class="tdl"><span class="smallc">Avant-propos</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_1"> 1</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">NOTICE SUR MADEMOISELLE DE SCUDÉRY.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Chap. I.—Famille.—Premières années.—Séjour en Provence.<br /> -1607-1647</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_1"> 1</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Chap. II.—Le <i>Cyrus</i>.—La <i>Clélie</i>, etc., etc.<br /> -—Les Samedis.—Pellisson.—Réaction littéraire. 1647-1659.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_42"> 42</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Chap. III.—Affaires domestiques.—Les <i>Conversations Morales</i>.<br /> -—Succès académiques.—Illustres amitiés. Vieillesse et fin.<br /> -1660-1701</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_99"> 99</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Appendice à la Notice</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_139"> 139</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CORRESPONDANCE.</th> -</tr> -<tr> -<td>Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Chapelain [mars ou avril 1639]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_143"> 143</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même [mars ou avril 1639]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_145"> 145</a></td> -</tr> -<tr> -<td>Lettre de Chapelain à M<sup>lle</sup> de Scudéry (mars ou avril 1639)</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_147"> 147</a></td> -</tr> -<tr> -<td>Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Robineau, Rouen, 5 septembre 1644</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_148"> 148</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Avignon, 27 novembre 1644</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_155"> 155</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à la même, Marseille,<br /> -13 décembre 1644</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_159"> 159</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> de Chalais,<br /> -Marseille, 13 décembre 1644</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_166"> 166</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Marseille, 27 décembre 1644</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_170"> 170</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Robineau, Marseille, 3 janvier 1645</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_174"> 174</a></td> -</tr> -<tr> -<td>Lettre de Chapelain à M<sup>lle</sup> de Scudéry, Paris, 19 janvier 1645</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_177"> 177</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="pagenum"><a id="Page_534"> 534</a></span> -Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Chapelain, Marseille, 31 janvier 1645</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_181"> 181</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_183"> 183</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Marseille, 13 mars 1645</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_186"> 186</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à la même, Marseille, 28 mars 1645</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_191"> 191</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à la marquise de Montausier [août 1645]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_196"> 196</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Paulet, Marseille, 10 décembre 1645</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_200"> 200</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Dumoulin, Marseille, 21 août 1647</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_204"> 204</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Conrart [1647]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_207"> 207</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Chapelain 7 [décembre] 1649</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_208"> 208</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Godeau, évêque de Grasse et de Vence, Paris, 22 février 1650</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_210"> 210</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 8 septembre 1650</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_215"> 215</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, octobre 1650</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_222"> 222</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 4 novembre 1650</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_227"> 227</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 18 novembre 1650</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_234"> 234</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 30 décembre 1650</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_236"> 236</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 2 mars 1651</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_241"> 241</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Chapelain, 25 avril 1653</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_246"> 246</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre du Mage de Sidon (Godeau) à Sapho (M<sup>lle</sup> de Scudéry), Vence, 7 février 1654</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_249"> 249</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de Sapho au Mage de Sidon, 29 mars 1654</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_251"> 251</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au même, 19 juin 1654</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_252"> 252</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>me</sup> la comtesse de Maure, octobre 1655</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_254"> 254</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à une personne inconnue qui lui avoit envoyé un présent, mai 1656</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_255"> 255</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de Pellisson à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 9 octobre 1656</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_258"> 258</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de Sapho à Herminius (Pellisson), 10 octobre 1656</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_263"> 263</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réplique d'Herminius à Sapho, 13 octobre 1656</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_265"> 265</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M. de Bouillon à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 21 mai 1657</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_267"> 267</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. de Bouillon</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_268"> 268</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. de Raincy, Athis, septembre 1657</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_268"> 268</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au Mage de Sidon, 21 octobre 1658</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_271"> 271</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>me</sup> la comtesse de Maure, juillet 1660</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_273"> 273</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à un auteur qui lui avoit envoyé une pièce intitulée: <i>Le Louis d'Or</i> (Isarn), 1660</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_274"> 274</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_535"> 535</a></span> -Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Pellisson, les Pressoirs, septembre 1661</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_276"> 276</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, septembre 1661</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_277"> 277</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 7 septembre 1661</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_279"> 279</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet, à Caen [septembre 1661]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_284"> 284</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même [fin de 1661]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_286"> 286</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> Remercîment au Roi [octobre 1663]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_287"> 287</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet, à Caen, 18 décembre [1663]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_289"> 289</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Colbert, ministre d'État [décembre 1663]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_290"> 290</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet, à Caen [1664 ou 1665]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_292"> 292</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même [1665 ou 1666]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_292"> 292</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, vendredi [1670]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_293"> 293</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à P. Taisand, 19 juillet 1673</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_296"> 296</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Charpentier, de l'Académie française [1673]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_297"> 297</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Huet, à Aunay, 7 juillet 1684</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_298"> 298</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. de Vertron [1685 ou 1686]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_299"> 299</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même [1685 ou 1686]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_300"> 300</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même [1685 ou 1686]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_301"> 301</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, à Besançon, 2 novembre 1686</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_303"> 303</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'évêque de Poitiers [février 1687]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_304"> 304</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, 12 septembre 1687</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_304"> 304</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 17 octobre 1687</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_306"> 306</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 19 août 1689</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_307"> 307</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 7 septembre 1689</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_309"> 309</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 7 octobre 1689</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_311"> 311</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet [1689]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_312"> 312</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, 22 mars 1690</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_313"> 313</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry aux vers de M. le premier président de Guyenne [mai 1690]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_315"> 315</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. l'abbé Boisot, 16 mars 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_319"> 319</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Bordey, 16 mars 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_321"> 321</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, 23 mars 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_323"> 323</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 27 juillet 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_325"> 325</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 29 août 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_326"> 326</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Bordey, 29 août 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_327"> 327</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_536"> 536</a></span> -Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Huet, évêque d'Avranches, 25 octobre [1691]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_329"> 329</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, 18 décembre 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_330"> 330</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>me</sup> de Chandiot (M<sup>lle</sup> Bordey), 18 décembre 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_332"> 332</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet, évêque d'Avranches [fin de 1691]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_333"> 333</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, 17 janvier 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_333"> 333</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 5 avril 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_336"> 336</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 30 avril 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_337"> 337</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 10 mai 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_340"> 340</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 31 mai 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_342"> 342</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 20 juillet 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_344"> 344</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 20 septembre 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_346"> 346</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 11 octobre 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_348"> 348</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 3 novembre 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_350"> 350</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet, évêque d'Avranches [1692]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_353"> 353</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, 21 février 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_354"> 354</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 28 février 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_356"> 356</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 7 mars 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_358"> 358</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 3 avril 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_360"> 360</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 22 mai 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_362"> 362</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 7 juin 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_365"> 365</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 15 décembre 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_367"> 367</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 6 mars 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_369"> 369</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 10 mars 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_371"> 371</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 20 mars 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_372"> 372</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 24 mars 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_373"> 373</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 7 avril 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_374"> 374</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet, évêque d'Avranches, 4 juin [1694]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_375"> 375</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Boisot, 21 août 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_377"> 377</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, août 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_379"> 379</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 6 novembre 1694</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_380"> 380</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>me</sup> de Chandiot, 20 avril [1695]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_382"> 382</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à la même, 15 mai [1695)</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_383"> 383</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. l'abbé Nicaise, septembre 1695</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_385"> 385</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Huet, évêque d'Avranches [1695]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_386"> 386</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 29 décembre [1695]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_387"> 387</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>me</sup> de Chandiot, 27 octobre 1699</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_388"> 388</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_537"> 537</a></span> -Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Vallée, premier commis du contrôle général des finances,</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_390"> 390</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">27 janvier à M. Huet, évêque d'Avranches, 23 avril [1701]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_390"> 390</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M<sup>lle</sup> Descartes, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_393"> 393</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> Descartes à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_396"> 396</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Descartes, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_398"> 398</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> Descartes à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_399"> 399</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Descartes (en vers), sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_401"> 401</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> Descartes à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_402"> 402</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Huet, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_403"> 403</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_404"> 404</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> au même, 21 mai</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_405"> 405</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Sabatier, de l'Académie d'Arles, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_406"> 406</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à M. Nublé, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_407"> 407</a></td> -</tr> -<tr> -<td><span class="i2">—</span> à la Reine Christine, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_408"> 408</a></td> -</tr> -<tr> -<th>LETTRES ADRESSÉES A M<sup>lle</sup> DE SCUDÉRY OU QUI LA CONCERNENT.</th> -</tr> -<tr> -<td class="td">Balzac à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 25 juillet 1639</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_411"> 411</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Chapelain à la même, 4 août 1639</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_414"> 414</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Godeau à la même, Grasse, 16 août 1641</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_416"> 416</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Chapelain à la même, 12 avril 1645</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_418"> 418</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">M<sup>lle</sup> de Chalais à la même, Sablé, 28 juin 1647</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_421"> 421</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">M<sup>lle</sup> de Chalais à M<sup>lle</sup> Paulet au sujet de M<sup>lle</sup> de Scudéry, Sablé, 28 juin 1647</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_424"> 424</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Chapelain à M<sup>lle</sup> de Scudéry, 17 juillet 1647</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_426"> 426</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sarasin à la même, 30 décembre 1650</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_428"> 428</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">La princesse Sybille de Brunswick à la même, Wolffenbuttel, 8 juillet 1654</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_433"> 433</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Ménage à la même, 1658</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_434"> 434</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Corneille (Pierre) à la même, Rouen, 16 décembre 1659</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_437"> 437</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de Sapho à P. Corneille [1659]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_438"> 438</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Charpentier à M<sup>lle</sup> de Scudéry [1659]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_439"> 439</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Brébeuf à la même, Rouen, 24 août [1660]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_440"> 440</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">La Calprenède à la même, Vatimesnil, 12 septembre 1661</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_444"> 444</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_538"> 538</a></span> -Corbinelli à M<sup>lle</sup> de Scudéry, Montpellier, 7 septembre 1665</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_445"> 445</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le P. Rapin à la même, 22 novembre 1665</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_447"> 447</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 25 janvier 1666</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_448"> 448</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le P. Verjus à la même, 12 décembre 1666</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_449"> 449</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Forbin-Janson, évêque de Digne, à la même, Aix, 4 février 1668</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_450"> 450</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le même à la même, Aix, 12 février 1668</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_451"> 451</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, à la même, 6 avril [1668]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_452"> 452</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le même à la même, 19 avril 1668</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_453"> 453</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Pellisson à la même, Chambord, 14 octobre 1668</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_455"> 455</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le même à la même, Landrecy, 6 mai 1670</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_459"> 459</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Corbinelli à la même [vers 1670]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_461"> 461</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le P. Rapin à la même, Bâville, 21 septembre [1671]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_462"> 462</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Corbinelli à la même [1671]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_464"> 464</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Mascaron, évêque de Tulle, à la même, Tulle, 5 juin 1673</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_465"> 465</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Deshoulières (M<sup>me</sup>) à la même, 1<sup>er</sup> décembre [1676]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_466"> 466</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Bonnecorse à la même, Marseille, 20 mars 1681</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_467"> 467</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Charleval à la même, Verneuil, 1683</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_468"> 468</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Maintenon (M<sup>me</sup> de) à la même, Versailles, 19 août 1684</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_470"> 470</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sévigné (M<sup>me</sup> de) à la même, 11 septembre 1684</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_470"> 470</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Dacier (M<sup>me</sup>) à la même, Castres, 17 juillet 1685</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_472"> 472</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Fléchier à la même, 26 décembre 1685</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_473"> 473</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le P. Verjus à la même, Versailles, 25 novembre 1686</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_474"> 474</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Christine, reine de Suède, à la même, Rome, 30 septembre 1687</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_475"> 475</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sévigné (M<sup>lle</sup> de) à la même [3 août 1688]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_478"> 478</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Brinon (M<sup>me</sup> de), supérieure de la Maison de Saint-Cyr, à la même, 3 août 1688</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_479"> 479</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le P. Bouhours à la même [1688]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_480"> 480</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Mascaron, évêque d'Agen, à la même, Montbran, 15 octobre [1688]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_481"> 481</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le même à la même, 16 août [1691]</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_482"> 482</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Arnauld de Pomponne à la même, Versailles, 27 août 1691</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_484"> 484</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Fontevrault (l'abbesse de) à la même, Fontevrault, 18 octobre 1692</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_485"> 485</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Bossuet à M<sup>lle</sup> Dupré, sur la mort de Pellisson, 14 février 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_486"> 486</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_539"> 539</a></span> -Bossuet à M<sup>lle</sup> de Scudéry, sur le même sujet, 1693</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_488"> 488</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Méré (le chevalier de) à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_491"> 491</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Furetière à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_492"> 492</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Pertuis (M. de) à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_494"> 494</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le Laboureur à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_495"> 495</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le P. Rapin à la même, Arras, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_496"> 496</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Regnier-Desmarais à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_497"> 497</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Larochefoucauld (le duc de) à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_498"> 498</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le même à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_499"> 499</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Lafayette (la comtesse de) à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_500"> 500</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Nanteuil à la même, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_501"> 501</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">George de Scudéry à M<sup>me</sup> l'abbesse de Caen, 7 avril 1660</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_503"> 503</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Le même à M. de Sainte-Marthe, sans date</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_504"> 504</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Longueville (M<sup>me</sup> la duchesse de) à George de Scudéry, Moulins, 29 août 1654</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_505"> 505</a></td> -</tr> -<tr> -<th>CHOIX DE POÉSIES.</th> -</tr> -<tr> -<td class="td">Impromptu fait au donjon de Vincennes</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_509"> 509</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Stances sur la Paix</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_509"> 509</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">A M. Conrart, sur un cachet</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_510"> 510</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Billet en vers à M. de Charleval</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_511"> 511</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Requête, ou Placet au Roi, des Amans contre les Filous</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_511"> 511</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse des Filous à la Requête des Amans</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_513"> 513</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Vers envoyés à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour accompagner une corbeille, etc.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_514"> 514</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_516"> 516</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Madrigal de M. Bosquillon à M<sup>lle</sup> de Scudéry</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_517"> 517</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Madrigal de M. Petit sur le précédent</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_517"> 517</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">La Tubéreuse à Célie le jour de sa fête</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_518"> 518</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Les Jasmins jonquilles à l'abbé Regnier</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_519"> 519</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sur la mort d'Anne d'Autriche</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_519"> 519</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sixain sur la conquête de la Franche-Comté</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_520"> 520</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Madrigal sur la Paix</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_520"> 520</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Autre</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_520"> 520</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">A l'illustre secrétaire des Dames, quel qu'il puisse être</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_521"> 521</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Aux demoiselles de Saint-Cyr</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_521"> 521</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sur la naissance du duc de Bourgogne</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_522"> 522</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Pour Mgr le duc de Bourgogne faisant l'exercice</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_522"> 522</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td"><span class="pagenum"><a id="Page_540"> 540</a></span> -Sur ce que ce jeune prince ne trouva pas bon qu'on l'eût comparé à l'Amour</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_522"> 522</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Portrait de M<sup>me</sup> la duchesse de Bourgogne</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_523"> 523</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">La Fauvette à Sapho</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_523"> 523</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">A M. de Coulanges à Rome</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_524"> 524</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M. de Coulanges</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_525"> 525</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">M. de Coulanges à M<sup>lle</sup> de Scudéry</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_525"> 525</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_525"> 525</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sur le portrait du duc de Montausier</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_526"> 526</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sur la mort de l'abbé Boisot</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_526"> 526</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Madrigal de M<sup>lle</sup> Descartes sur la Fauvette de Sapho</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_527"> 527</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">L'anneau d'Horace à M<sup>lle</sup> de Scudéry, par M. de Bétoulaud</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_527"> 527</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_529"> 529</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Aux habitants de Gironne</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_529"> 529</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Sentiment généreux de M<sup>lle</sup> de Scudéry</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_530"> 530</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Réponse à un madrigal où on la traitait d'immortelle</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_530"> 530</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Vers à M<sup>lle</sup> de Scudéry, par M. de Callières</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_530"> 530</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Épitaphe de M<sup>lle</sup> de Scudéry, par M<sup>me</sup> d'Oseville</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_531"> 531</a></td> -</tr> -<tr> -<th>FIN DE LA TABLE.</th> -</tr> -</table> - - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_541"> 541</a></span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_542"> 542</a></span></p> - -<p class="ad"><span class="medium">PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE L. TECHENER</span><br /> -<span class="large">BIBLIOTHÈQUE CHOISIE</span><br /> -<span class="xs">A L'USAGE DES</span><br /> -<span class="small">GENS DU MONDE</span><br /> -<span class="xs">Qui se compose de:</span></p> - -<table id="pub" summary="contents"> -<tr> -<td class="tdl">Bossuet, Connaissance de Dieu</td> -<td class="tdr">1 vol. 6 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Lettres de saint François de Sales</td> -<td class="tdr">1 vol. 6 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Pensées de Bourdaloue</td> -<td class="tdr">2 vol. 12 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De l'éducation des filles, par Fénelon</td> -<td class="tdr">1 vol. 6 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Réflexions sur la miséricorde de<br /> -Dieu, par M<sup>me</sup> de Lavallière</td> -<td class="tdr">2 vol. 8 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Tissot, De la santé des gens de lettres</td> -<td class="tdr">1 vol. 5 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Esquisses morales. Pensées et Réflexions<br /> -de Daniel Stern</td> -<td class="tdr">1 vol. 5 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Journal de Rosalba Carriera</td> -<td class="tdr">1 vol. 6 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Les Romans de la Table-Ronde</td> -<td class="tdr">2 vol. 12 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Aventures de Maître Renart</td> -<td class="tdr">1 vol. 4 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Le Goupillon, par M. Boissonnade,<br /> -de l'Institut</td> -<td class="tdr">1 vol. 4 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Le prêtre marié, par Ch. Nodier</td> -<td class="tdr">1 vol. 3 50</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Œuvres mêlées de Saint-Évremond</td> -<td class="tdr">3 vol. 18 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné </td> -<td class="tdr">11 vol. 55 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Historiettes de Tallemant des Réaux</td> -<td class="tdr">6 vol. 24 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Histoire anecdotique de la jeunesse<br /> -de Mazarin</td> -<td class="tdr">1 vol. 3 50</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Souvenirs de M<sup>me</sup> de Caylus</td> -<td class="tdr">1 vol. 8 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Mémoires du baron de Gleichen</td> -<td class="tdr">1 vol. 4 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Marie-Antoinette et la Révolution<br /> -française </td> -<td class="tdr">1 vol. 4 00</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Vie de Madame de Lafayette</td> -<td class="tdr">1 vol. 5 00</td> -</tr> -</table> - - -<div class="chapter"> -<div class="footnotes"> -<h2 class="normal">NOTES:</h2> -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> Ulric Guttinguer, les <i>Lilas de Courcelles</i>, 1842, p. 41. - -M<sup>lle</sup> de Scudéry, on le verra, fut une des premières à prendre parti -pour le Sonnet d'Uranie, et l'on a surnommé Guttinguer «le dernier -des Uranins.»</p> - -<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> Un historien de la ville d'Apt, Boze, lui donne le premier -de ces deux noms; un autre, dont l'histoire est restée inédite, -Remerville, l'appelle Scudéry, et, en mentionnant Jacques -Escudier, notaire en 1535, dit positivement que la famille était -connue sous ce dernier nom depuis plusieurs siècles, lorsqu'elle -s'avisa de le changer en celui de Scudéry. Il est donc -probable que cette forme n'a été qu'une traduction après coup -du <i>Scutifer</i> des actes latins.</p> - -<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Cependant son acte de mariage, en 1599, porte encore: -Georges de Scudéry ou Lescuyer.</p> - -<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> <i>Les Fastes des rois de la Maison d'Orléans et de celle de -Bourbon</i> (par le P. Du Londel). Paris, 1697, p. 110.</p> - -<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> Conrart nous paraît avoir un peu embelli la situation, -lorsqu'il parle «d'emplois considérables» qu'aurait eus ce personnage, -«entr'autres la charge de lieutenant du Hâvre-de-Grâce, -place importante de la province, sous l'amiral de Villars -qui en était gouverneur.» Nous avons trouvé à la Bibliothèque -nationale une quittance du 20 avril 1605 signée: Georges de -Scudéry, capitaine des ports.</p> -</div> -<div class="footnote"> -<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> Tous les biographes de M<sup>lle</sup> de Scudéry la font naître -en 1607. Les bulletins de Clément, à la Bibliothèque nationale, -ajoutent la date du 15 novembre. D'un autre côté, le registre -des baptêmes de la paroisse de Notre-Dame, au Havre, -constatent que Georges fut baptisé le 22 août 1601, et Madeleine -le 1<sup>er</sup> décembre 1608. Nous devons ces deux dernières -indications, ainsi que celle qui concerne l'acte de mariage du -père, à l'obligeance de M. G. Toussaint, avocat au Havre.</p> - -<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> Un document cité par M. Livet, <i>Précieux et Précieuses</i>, -2<sup>e</sup> édition, p. 209, nous le montre emprisonné pour dettes, à -la date du 23 octobre 1610.</p> - -<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> D'après la même autorité, le père serait mort en 1613, et -la mère six mois après.</p> - -<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> Tout cela est un peu arrangé dans le <i>Cyrus</i>: «Sapho -n'avoit que six ans lorsque ses parents moururent. Il est vrai -qu'ils la laissèrent sous la conduite d'une parente qui avoit -toutes les qualités nécessaires pour bien conduire une jeune -personne.» T. X, l. <span class="smallc">II</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> Conrart.—<i>Eloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, par Bosquillon.</p> - -<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> Conrart, <i>Mémoires</i>, p. 613.</p> - -<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> Tallemant des Réaux, <i>Historiettes</i>; <i>Scudéry et sa sœur</i>, -t. VII, p. 49 et suiv., édition de MM. de Monmerqué et Paulin -Paris. L'<i>Historiette</i> de M<sup>me</sup> de Villars, <i>ibid.</i>, t. I, p. 218, nous -fournit un nouvel exemple des renseignements que M<sup>lle</sup> de -Scudéry avait fournis à Tallemant sur les hommes et les choses -de sa jeunesse.</p> - -<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> La maison des Scudéry, sise rue des Pénitents-Bleus, à -Apt, était d'apparence modeste et occupée en 1840 par un menuisier. -Voy. le <i>Mercure aptésien</i> du 24 mai 1840.</p> - -<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>me</sup> de Chandiot, du 20 avril -1695.</p> - -<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> <i>Histoire du Théâtre français</i>, par les frères Parfaict, t. IV, -p. 430.</p> - -<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> <i>Le Dégoust du monde</i>, dans les <i>Poésies diverses</i>, dédiées -au cardinal de Richelieu, Paris, 1649, in-4<sup>o</sup>, p. 96. Les auteurs -du <i>Voyage de Chapelle et Bachaumont</i> ont fait, non sans -quelque intention ironique, allusion à ces vers, quand ils ont -dit, en parlant du gouvernement de Notre-Dame-de-la-Garde,</p> -qu'on ne le donnait qu'à des gens - -<p class="quote"><span class="i3"> Qu'on eût vu longtemps commander,</span><br /> -Et dont le poil poudreux a blanchi sous les armes.</p> - -<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> <i>Historiettes</i> de Tallemant.—<i>Le Cabinet de M. de Scudéry</i>, -1646, in-4<sup>o</sup>.—Préface de la traduction des <i>Harangues académiques</i>, -de Menzini, 1640, in-8<sup>o</sup>.—Dans l'<i>Épitre dédicatoire</i> de la -<i>Clélie</i> à M<sup>lle</sup> de Longueville, Scudéry s'exprime ainsi: «Plusieurs -gentilshommes de mes parents ont eu l'honneur d'être à -Mgr votre père: deux de mes parentes ont eu celui d'être vos -dames d'honneur, et j'ai eu moi-même la gloire d'être assez -longtemps attaché à la suite du grand Prince à qui vous devez -la vie, quoique je ne fusse pas son domestique. Enfin, j'ai -reçu sept ans tout entiers les commandements de Mgr le -Prince de Carignan, votre oncle, dans les armées du grand -Charles-Emmanuel, son père, de qui j'avois l'honneur d'être -aimé.»</p> - -<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Il s'attira cette réponse de la part de celui-ci: «Il n'est -pas question de savoir de combien vous êtes plus noble ou -plus vaillant que moi, pour juger de combien <i>le Cid</i> est meilleur -que l'<i>Amant libéral</i>... Je ne suis point homme d'<i>éclaircissement</i>; -ainsi vous êtes en sûreté de ce côté-là.» <i>Lettre Apologétique</i>, -etc.</p> - -<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> «Je me pique d'aimer jusques en la prison et dans la -sépulture. J'en ai rendu des témoignages publics durant la -plus chaude persécution de ce grand et divin Théophile, et j'y -ai fait voir que parmi l'infidélité du siècle où nous sommes, il -se trouve encore des amitiés assez généreuses pour mépriser -tout ce que les autres craignent.»</p> - -<p class="quote"><i>Préface des Œuvres de Théophile</i>, 1630.</p> - -<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> <i>Chevræana</i>, 1697, in-8<sup>o</sup>, p. 23.</p> - -<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <i>Historiettes de Tallemant.</i> La même pensée se trouve exprimée -dans un sonnet à sa sœur, compris dans ses <i>Poésies -diverses</i>, 1649.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Vous que toute la France estime avec raison,</p> -<p>Unique et chère sœur que j'honore et que j'aime;</p> -<p>Vous de qui le bon sens est un contre-poison,</p> -<p>Qui me sauve souvent dans un péril extrême.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Le malheur qui m'accable est sans comparaison;</p> -<p>Mais ce qui me soutient le paroît tout de même:</p> -<p>Et parmi les débris de toute ma Maison</p> -<p>Je vois toujours debout votre vertu suprême.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Tallemant dit à ce propos, avec sa crudité ordinaire: -«Le frère donna bien de l'exercice à sa sœur en ce temps là, -car il vouloit épouser une g...., et elle qui n'espéroit plus -qu'en des bénéfices, se voyoit bien loin de son compte.»</p> - -<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> Elles sont du 29 juin 1642, et leur entérinement dans les -registres de la Cour des Comptes de Provence à Aix, du -22 juin 1643. Elles ont été trouvées, d'après nos indications, -par M. Blancard, archiviste à Marseille. Nous les donnons en -appendice.</p> - -<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> Un des successeurs de Scudéry, vers 1685, ne recevait -que 1944 livres (2500 francs environ). Dans un document de -1772, on voit que le gouverneur recevait de plus 100 livres -pour lui tenir lieu de la franchise du vin. Régis de la Colombière, -Notice sur <i>Notre-Dame-de-la-Garde</i>. Marseille, 1835, in-8<sup>o</sup>, -p. 10. - Méry et Guindon, <i>Histoire de la Commune de -Marseille</i>, 1848, in-8<sup>o</sup>, t. VI, <i>Preuves</i>, n<sup>o</sup> 443.</p> - -<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> <i>Poésies diverses</i>, p. 275.</p> - -<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> <i>Chansons de Coulanges</i>, 1698, t. I, p. 89.</p> - -<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> <i>Correspondance inédite de Chapelain</i>, provenant de Sainte-Beuve. -Bibl. nat. Fr. Nouv. acq., 1885-1889, 5 vol. in-4<sup>o</sup>. Nous -en ferons plus d'une fois usage. - -Voy. aussi dans la Correspondance une lettre sans date de -Scudéry à Sainte-Marthe. - -Scudéry a donné lui-même la description de son Cabinet et -de quelques autres peintures, dans un volume que nous recommandons -aux curieux: <i>Le Cabinet de M. de Scudéry</i>, Paris, -Aug. Courbé, 1646, in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> Théophile Gautier, <i>Les Grotesques</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> Voy. les <span class="smallc">XII</span> sonnets adressés à cette Fontaine par Scudéry. -<i>Œuvres poétiques</i>, 1649, in-4<sup>o</sup>, p. 1 et suiv.</p> - -<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> Probablement M. de Guigonis, dont il est question dans -la <i>Gazette</i>, à la date du 12 novembre 1647, p. 1118, comme -commandant cette place en l'absence du sieur de Scudéry, et -prenant des dispositions contre l'arrivée en vue de Marseille -d'une escadre que l'on présumait hostile.</p> - -<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> <i>Poésies diverses</i>, p. 200. Nous permettra-t-on de faire remarquer -ici que nous aussi, nous avons écrit cette partie de -notre Notice à Marseille et au pied même de Notre-Dame-de-la-Garde? -Le poëme de Scudéry, malgré le mauvais goût qui -le dépare, gagne à être lu sur les hauteurs et au milieu de -l'admirable panorama qu'il décrit, et il y a tel site de la plage -de Marseille qui nous a fait trouver un charme singulier à ces -vers de l'auteur d'<i>Alaric</i>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>En un lieu retiré, solitaire et paisible</p> -<p>La mer laisse dormir sa colère terrible,</p> -<p>Et sous deux grands rochers qui la couvrent des vents,</p> -<p>Elle abaisse l'orgueil des flots toujours mouvants.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> Lettre à M<sup>lle</sup> Paulet du 10 décembre 1645.</p> - -<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> Nous avons vu dans le riche cabinet de M. le comte de -Clapiers, à Marseille, un certain nombre de lettres de ce prélat -adressées à M<sup>lle</sup> de Scudéry, et nous en donnerons un échantillon; -mais, malgré toutes nos recherches en Provence et -ailleurs, nous n'avons pu retrouver aucune de celles que -M<sup>lle</sup> de Scudéry lui a certainement adressées pendant leurs -longues relations.</p> - -<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> T. VIII, l. <span class="smallc">II</span>, p. 653.</p> - -<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> <i>Le Grand Cyrus</i>, t. III, l. <span class="smallc">III</span>, p. 1107.—Cousin, <i>La -Société française au dix-septième siècle</i>, t. I, p. 236 et suiv.</p> - -<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> Lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> de Chalais, du 13 décembre -1644.</p> - -<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> <i>Le Grand Cyrus</i>, t. VIII, l. <span class="smallc">II</span>, p. 669 et suiv.</p> - -<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> <i>Le Grand Cyrus</i>, t. VII, p. 513.</p> - -<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> 1665, in-4<sup>o</sup>, p. 87.</p> - -<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> Ce détail et plusieurs autres circonstances rendent pour -nous improbable la supposition de M. Cousin, qu'il s'agirait -ici d'une ville de bains des Pyrénées.</p> - -<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> «Je crains toutes les maladies en général, grandes et -petites; je crains le tonnerre, je crains la mer et les rivières; -je crains le feu et l'eau, le froid et le chaud, le serein et le -brouillard.... Et pour tout dire en peu de paroles, je crains tout -ce qui directement ou indirectement peut causer la mort.» -Il est remarquable que ce passage, ainsi que les longs développements -dont il est accompagné ne se trouvent que dans les -<i>Conversations</i> de M<sup>lle</sup> de Scudéry, parues en 1682, deux ans -après la mort de la marquise de Sablé.</p> - -<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> Lettre à M<sup>lle</sup> Paulet, du 27 décembre 1644.</p> - -<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> «Dans mon opinion, la conduite de ces trois importantes -personnes est destinée à quelqu'une qui n'aura pas sans doute -le mérite que vous avez, mais qui aura plus de faveur, plus de -bonheur et quelque nom de Madame qui sera plus propre à -l'éclat qu'à bien réussir dans l'éducation de ces personnes-là.» -M<sup>lle</sup> de Chalais à M<sup>lle</sup> de Scudéry, lettre du 28 juin 1647.</p> - -<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> L'<i>Auberge</i> ou les <i>Brigands sans le savoir</i>, comédie-vaudeville -de MM. Scribe et Delestre Poirson. Paris, 1812.</p> - -<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> Paris et Clermont, 1844, in-8<sup>o</sup>, p. 63.</p> - -<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> Les biographies anglaises racontent une anecdote semblable -des deux auteurs dramatiques Beaumont et Fletcher.</p> - -<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> <i>Discours politiques des rois.</i> Paris, 1647, in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> C'est la véritable date du voyage, qui se termina à Lyon -vers le milieu du mois de novembre de cette année. Cf. Taillandier, -<i>Commencements de Molière</i>, dans la <i>Revue des Deux-Mondes</i>, -t. XIX, p. 280, et Péricaud, <i>Lyon sous Louis XIV</i>, -p. 90.</p> - -<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> Cela ne ferait que neuf ans (de 1647 à 1656); mais on -aura changé le chiffre lors de l'impression du <i>Voyage</i> dans -le <i>Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes</i>. Cologne, -P. Marteau, 1663, in-16. D'ailleurs nos deux auteurs n'y regardaient -pas de si près.</p> - -<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> «On m'écrit de Marseille...,» disait-elle encore à l'abbé -Boisot, dans une lettre du 19 juillet 1694. Bonnecorse, dont -son frère avait fait imprimer la <i>Montre</i>, et dont elle eut occasion -d'obliger le fils, lui servait dans cette ville de correspondant -et d'intermédiaire auprès de ses anciens amis. Voir sa -lettre du 20 mars 1681.</p> - -<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> Cousin, <i>La Société française au dix-septième siècle, d'après -le</i> Grand Cyrus <i>de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, 2<sup>e</sup> édition, t. I, p. 245.</p> - -<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <i>Catalogue d'autographes</i> du 15 mai 1843, n<sup>o</sup> 471. - -L'hôtel de Nevers était sur l'emplacement actuel de celui -des Monnaies. Il avait été acquis en 1641 par M. de Guénégaud. -M. de Pomponne, dans une lettre du 1<sup>er</sup> décembre 1644, -a tracé le tableau de la société qui s'y réunissait. - -L'hôtel de Créqui, habité par le maréchal de ce nom, perçait -de la rue des Poulies dans le cul-de-sac des Pères de -l'Oratoire. Il fut démoli lors des premiers travaux de la Colonnade -du Louvre, en 1666.</p> - -<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> Nous verrons plus loin que le <i>Cyrus</i> et la <i>Clélie</i> rapportèrent -beaucoup d'argent, du moins au libraire. Mais il en -passa une partie à l'emploi qu'indique avec ménagement, mais -assez clairement du reste, l'auteur de l'<i>Éloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>: -«Riche des seuls biens de son esprit, elle crut qu'elle -devoit en faire usage pour acquitter de grosses dettes <i>qu'elle -n'avoit pas contractées</i>.»</p> - -<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> Voy. sa lettre à Chapelain du 7 décembre 1649.</p> - -<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> On lit dans une lettre inédite du surintendant Servien à -Mazarin, en date du 22 août 1654: «Je crois certainement -que celui que l'on étoit tant en peine de découvrir, qui écrivoit -à M. le P... les lettres si importantes et si bien raisonnées que -V. E. m'a fait quelquefois l'honneur de me montrer, c'est -Scudéry, qui se retire, à ce qu'on m'a dit, dans le palais d'Orléans. -Je crois qu'il importe de le faire arrêter.»</p> - -<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> Voy. sa belle lettre à Godeau du 22 février 1650, celle du -mois d'octobre suivant, où se trouvent les vers si connus sur -le Grand Condé. - -Ses lettres de cette époque sont de véritables chroniques de -la Fronde, écrites à un certain point de vue, mais sous le coup -des événements.</p> - -<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> Jointe à celle adressée de Marseille à Marie Dumoulin, -le 21 août 1647.</p> - -<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> <i>Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques</i>. Paris, -1665, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> <i>Œuvres</i>, 1665, in-f<sup>o</sup>, t. I, p. 969.</p> - -<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> <i>La Société française au dix-septième siècle</i>, t. II, p. 118.</p> - -<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> Par exemple Niceron et Brunet attribuent <i>Almahide</i> à -M<sup>lle</sup> de Scudéry. Eh bien, deux lettres de Chapelain à Georges, -des 25 août et 16 novembre 1660, renferment, sur la -deuxième partie de ce roman, des détails, des conseils, des -critiques qui prouvent que Chapelain le traitait comme l'auteur -incontesté de l'ouvrage.</p> - -<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> Voici comment elle a parlé elle-même de ces amitiés: -«Lorsque l'amitié devient amour dans le cœur d'un amant, -ou, pour mieux dire, lorsque cet amour se mêle à l'amitié, -sans la détruire, il n'y a rien de si doux que cette espèce -d'amour; car, tout violent qu'il est, il est pourtant toujours -un peu plus réglé que l'amour ordinaire; il est plus durable, -plus tendre, plus respectueux, et même plus ardent, quoiqu'il -ne soit pas sujet à tant de caprices tumultueux que l'amour -qui naît sans amitié. On peut dire, en un mot, que l'amour et -l'amitié se mêlent comme deux fleuves dont le plus célèbre -fait perdre le nom à l'autre.» <i>Esprit de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, 1766, -p. 275.</p> - -<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> Antoine Godeau, évêque de Grasse et de Vence, était, -comme nous l'avons vu, l'un des plus anciens amis de M<sup>lle</sup> de -Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> Il paraît que ces espèces de rencontres, que Scudéry regardait -probablement comme des rendez-vous, se renouvelaient -assez souvent. Pellisson écrivait à M<sup>lle</sup> Legendre le -2 novembre 1656: «On me vint prendre à midi pour aller -dîner chez M. de Vence, dont nous ne fûmes de retour qu'à -la nuit. M<sup>lle</sup> de Scudéry, M<sup>lle</sup> Robineau, M. Chapelain et -M. Isarn en étoient.»</p> - -<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> «La plupart des Précieuses, dit Somaize, ont un jour -pour recevoir les autres. C'est une nymphe du siècle qui a inventé -cet usage.» Ainsi l'habitude d'<i>avoir un jour</i>, comme on -parle encore aujourd'hui, nous vient de cette époque, et probablement -de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> Et non rue Quincampoix, comme l'a cru, sur des indices -peu concluants, M. E. Miller, dans son travail, intéressant du -reste, extrait du <i>Correspondant: Pierre Taisand, lettres inédites -de Bossuet et de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>. Paris; Douniol, 1869, in-8<sup>o</sup>, -p. 21. M. Ch. Giraud dans l'<i>Histoire de Saint-Évremond</i>, qui -précède son édition des <i>Œuvres mêlées</i> de cet auteur, 1865, -3 vol. in-12, a plus approché de la vérité en plaçant ce domicile -rue de Berry. Nous avons trouvé, à cet égard, une -indication précise dans un document sans date, mais certainement -antérieur à la Fronde: <i>Rolle des taxes faites sur les</i> -<i>bourgeois et habitans du Quartier St-Avoye et le Temple, pour -raison du nettoyement</i>:</p> - -<p>«Vieille rue du Temple.<br /> -M. Scudéry<b>. . . . . . . . . . . .</b><span class="smallc">XIII</span> livres.»</p> - -<p class="i9">(Bibl. Nat. M<sup>ss</sup> fr., n<sup>o</sup> 18,795, p. 31.)</p> - -<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> T. X, l. <span class="smallc">II</span>, p. 599 et suiv.</p> - -<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> <i>Menagiana</i>, 1693, p. 135.</p> - -<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> <i>Œuvres diverses de M. Pellisson, de l'Académie françoise</i>. -Paris, 1735, in-12, t. II, p. 408.</p> - -<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> Le <i>Dialogue d'un Passant et d'une Tourterelle</i>, par Pellisson, -est présent à toutes les mémoires. Le quatrain suivant -est moins connu:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Où peut-on trouver des amans</p> -<p>Qui nous soient à jamais fidèles?</p> -<p>Je n'en sais que dans les romans</p> -<p>Et dans les nids des tourterelles.</p> -</div></div> - -<p>Ce joli quatrain, que les éditeurs des <i>Œuvres de Pellisson</i>, -1734, t. I, p. 158, ont attribué à ce dernier sur la foi d'une lettre -de M<sup>me</sup> de Scudéry à Bussy-Rabutin, doit être restitué à -M<sup>me</sup> de P. (probablement de Platbuisson), d'après le témoignage -plus digne de foi de M<sup>lle</sup> de Scudéry elle-même (Voy. sa -première lettre à M<sup>lle</sup> Descartes).</p> - -<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> Voy. <i>passim</i>, le <i>Recueil de pièces galantes de la Suze et de -Pellisson</i>.—Les <i>Œuvres diverses de Pellisson</i>, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> Publiée par M. Émile Colombey, 1856, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> «Toute cette cabale ignorante ou envieuse étoit opposée -à la nôtre, et parloit de nous d'une si plaisante manière que je -ne m'en puis souvenir sans étonnement; car ils se figuroient -qu'on ne parloit jamais chez Sapho que des règles de la poésie, -que de questions curieuses et que de philosophie, et je ne sais -même s'ils ne disoient point qu'on s'y occupoit de magie.» -Le <i>Grand Cyrus</i>, X<sup>e</sup> partie, l. <span class="smallc">II</span>, p. 347.</p> - -<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <i>Recueil de pièces galantes de la Suze et de Pellisson</i>, 1741, -t. I, p. 200.</p> - -<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> <i>Histoire des poëtes épiques français du XVII<sup>e</sup> siècle</i>, Thèse -par Julien Duchesne, 1870, p. 84.—Voici la date des principales -éditions des romans du genre dont il s'agit:</p> - -<ul> -<li><span class="i1">Le <i>Cyrus</i>:</span> 1650, 1651, 54, 55, 56, 58.</li> -<li>La <i>Clélie</i>: 1656, 1658, 60, 61, 1731.</li> -<li><span class="i2"><i>Polexandre</i></span> de Gomberville, 1629, 1637.</li> -<li><span class="i5">La Calprenède,</span> <i>Cassandre</i>, 1642, 1650, 10 vol.</li> -<li><span class="i6"> — — <span class="i3"> <i>Cléopâtre</i></span>, 1647, 1658, 12 vol.</span></li> -</ul> - -<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> Pages 159-169.</p> - -<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> V. les ouvrages de MM. Ed. de Barthélemy et Cousin.</p> - -<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> L'auteur de la <i>Clélie</i> introduit les deux époux, sous les -noms de Scaurus et Lyriane, dans le temple de la Fortune, -pour interroger l'oracle sur leurs destinées.—Portrait de -M<sup>me</sup> Scarron.—La belle Lyriane, introduite auprès de l'oracle, -ne veut rien demander. «Car enfin, dit-elle au sacrificateur, -si je dois être heureuse, je le serai infailliblement, et s'il doit -m'arriver quelque malheur, je le saurai toujours assez tôt.—Ce -que vous dites est si bien dit, reprit le sacrificateur, -que je ne doute pas que vous ne soyez un jour aussi heureuse -que vous méritez de l'être.»</p> - -<p>M<sup>me</sup> Scarron, dit la Beaumelle, avait vingt-quatre ans, quand -M<sup>lle</sup> de Scudéry fit cette prédiction. Les deux époux furent reconnaissants. -Scarron dit dans son <i>Épître chagrine à de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Vous donnez donc ainsi de l'immortalité,</p> -<p>Par un pur mouvement de libéralité,</p> -<p>Et de votre Scaurus l'agréable peinture</p> -<p>M'affranchit donc ainsi des lois de la nature!</p> -<p>Celle par qui le ciel soulage mon malheur,</p> -<p>Digne d'un autre époux comme d'un sort meilleur,</p> -<p><i>Lyriane</i> en un mot vous est fort obligée.</p> -</div></div> - -<p>Et non l'<i>Uranie</i>, comme portent toutes les éditions des <i>Œuvres -de Scarron</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> Celer conte à la princesse des Léontins que Clélie s'étant -amusée un jour à supposer qu'il y avait un pays de <i>Tendre</i>, -dans lequel on pouvait voyager, on lui en demanda la carte, -qu'elle traça et dessina comme on le voit dans le roman. -<i>Clélie</i>, t. I, p. 399-401.</p> - -<p>Mais plus loin, p. 477, elle proteste contre la publicité donnée -malgré elle à cette bagatelle, «qui étoit faite pour n'être -vue que de cinq ou six personnes d'esprit, et non de deux -mille qui n'en ont guères, ou qui l'ont mal tourné.»</p> - -<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Paris, F. Bienfait, 1659, in-18.</p> - -<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> <i>Lettre d'Ariste</i>, p. 6.</p> - -<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> Miller, <i>Pierre Taisand</i>, etc., p. 26.</p> - -<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> Saint-Marc Girardin, <i>Cours de littérature dramatique</i>, 1861, -t. III, p. 3.</p> - -<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> Comme il règne quelque obscurité sur cette époque de la -vie de Scudéry, nous citerons ici, d'après le Manuscrit provenant -de Sainte-Beuve déjà signalé par nous, les lettres de -Chapelain, à lui adressées, des 14 février et 12 juin 1659, «à -Pirou, en Normandie;» des 25 août et 16 novembre 1660, «à -Paris.» Il est pour la première fois question de M<sup>me</sup> de Scudéry -(M<sup>lle</sup> de Martin-Vast) dans la lettre du 12 juin 1659.</p> - -<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> Lettre à Bussy, du 29 avril 1672.</p> - -<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> Voy. dans la Correspondance la lettre de Scudéry à -l'abbesse de Malnoue.</p> - -<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> Tallemant dit à ce sujet: «Il (Scudéry) vint ici, il y a -un an (ceci était écrit en 1658), mais sa sœur lui déclara -qu'il n'y avoit qu'un lit dans la maison, et il s'en retourna.»</p> - -<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> Marie-Éléonore de Rohan-Montbazon, abbesse de la Trinité -de Caen, puis de Malnoue, connue dans la société précieuse -sous les noms d'Octavie, de Méléagire, la Grande Vestale -dans <i>Clélie</i>, fut une des femmes les plus distinguées de cette -époque qui en comptait un si grand nombre. Elle unissait à la -piété et aux qualités solides que Pellisson a fait ressortir dans -une belle épitaphe (voyez-la à la fin du III<sup>e</sup> vol. de ses <i>Lettres -historiques</i>), l'enjouement et les grâces de l'esprit et du corps. -Huet, dans sa jeunesse, a tracé d'elle un portrait renfermant ce -passage singulier quand on songe qu'il s'applique à une abbesse -et qu'il émane d'un futur évêque: «N'ayant jamais vu -votre gorge, je n'en puis parler; mais si votre sévérité et votre -modestie vouloient me permettre de dire le jugement que j'en -fais sur les apparences, je jurerois qu'il n'y a rien de plus accompli.»</p> - -<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> Cousin, <i>La Société française</i>, t. II, p. 151.</p> - -<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> Jacqueline, fille du duc d'Arpajon et petite-fille du maréchal -de Thémines. Tallemant ajoute en note: «Quand -M<sup>lle</sup> d'Arpajon se fit carmélite (elle prit l'habit le 7 juillet -1655), M<sup>lle</sup> Sapho s'avisa de lui écrire une grande lettre, pour -l'en retirer, qui n'eût peut-être pas persuadé une jeune fille, et -celle-là avoit trente ans: car elle ne lui parloit que des divertissements -qu'elle perdoit. La reine alla ce jour-là aux carmélites; -les religieuses vouloient lui montrer cette lettre, et, en -effet, sans Moissy qui y prêchoit ce jour-là, elles l'eussent -fait. Car Sapho avoit grand tort d'écrire comme cela en une religion -où l'on ne reçoit point de lettres que les supérieures ne -les ayent lues.» Cette affaire fit grand bruit, et la lettre de -M<sup>lle</sup> de Scudéry, souvent mentionnée, s'est dérobée à toutes -nos recherches.</p> - -<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> Ce devait être Diane-Henriette de Budos, première -femme de Claude de Saint-Simon, père de l'auteur des <i>Mémoires</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <i>Étude sur Pellisson</i>, p. 99.</p> - -<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> <i>Clélie</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 389.</p> - -<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> Voy. la <i>Journée des Madrigaux</i>, p. 17, 51, 74; le <i>Louis -d'or</i>, par Isarn, et la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à cette occasion.</p> - -<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Sur le cachet donné à Sapho par Théodamas, il y eut tout -un déluge de madrigaux passablement ridicules. Sapho termine -le sien par ces vers:</p> - -<p class="quote"><span class="i3"> On ne peut se défendre</span><br /> -De vous donner son cœur ou de le laisser prendre.</p> - -<p>Théodamas insiste:</p> - -<p class="quote">Je suivrai la leçon qu'Amour me vient apprendre,<br /> -Donnez-moi votre cœur sans me le laisser prendre.</p> - -<p>Sapho réplique à son tour:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Vous êtes un cruel vainqueur</p> -<p>De vouloir qu'on porte son cœur</p> -<p>Jusque dans votre chambre, etc.</p> -</div></div> - -<p class="i9">(<i>Journée des Madrigaux</i>, p. 39 et s.)</p> - -<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Quand il est en courroux</p> -<p class="i1"> Ce n'est plus le meilleur des hommes;</p> -<p class="i3"> C'est un tigre jaloux.</p> -<p>Sapho, vous le savez, il entre en frénésie,</p> -<p>Sa colère aussitôt trouble sa fantaisie;</p> -<p>Et, saisi de fureur, comme ses ennemis</p> -<p class="i3"> Il traite ses amis.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6">(<i>Menagii poemata</i>, 1680, p. 238.)</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> Voy. ci-après la petite guerre de la <i>Ménagerie</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> On peut voir dans ce dernier opuscule, p. 75 et suiv., -comment l'admission d'Acanthe (Pellisson), dans le Pays de -Tendre souleva l'opposition des habitants de l'<i>Ancienne-Ville</i>, -assemblés chez le généreux Mégabase, qui forcèrent Sapho à -lui faire faire quarantaine avant de l'admettre, parce que, -avant de venir à <i>Nouvelle-Amitié</i>, il avait passé par un lieu -où régnait une maladie contagieuse dont il avait failli mourir. -Tout cela, dépouillé de la forme allégorique, semble indiquer -que les anciens habitués du Samedi, à l'instigation du marquis -de Montausier, voulurent forcer Pellisson à se contenter du -titre d'ami, au lieu du sentiment plus tendre qu'il avait d'abord -mis en avant.</p> - -<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> «Il (Pellisson) donna de la jalousie à M. Conrart au sujet -de M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui m'avoua elle-même, en me parlant -un jour de leur mésintelligence, que c'en étoit là la cause. -Elle ne put s'empêcher de déclarer enfin à M. Pellisson la -passion qu'elle avoit pour lui, par des vers qu'elle fit sur le -champ.» (<i>Menagiana</i>, 1693, p. 146.)</p> - -<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> Marcou, <i>Étude sur Pellisson</i>, p. 489.</p> - -<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> «On a toujours cru qu'il y avoit entre M<sup>lle</sup> de Scudéry -et Pellisson un mariage de conscience.» (Note de Saint-Marc -sur l'Épigramme <span class="smallc">LIII</span> de Boileau.)</p> - -<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> Ici quatre lignes effacées avec soin. Voir la Correspondance.</p> - -<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Fonds Français, 9360, t. II, p. 960.</p> - -<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> Lettre à M<sup>me</sup> de Chandiot, du 18 décembre 1691.—Lettre -à l'abbé Boisot, du même jour.</p> - -<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> «Est-ce être honnête homme, comme l'ont tant prôné -les flatteurs de Fouquet, les Scarron, les Pellisson, les Sapho, -et toute la canaille intéressée?...» (Lettre à M<sup>me</sup> de Sévigné, -du 3 octobre 1661.)</p> - -<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> Ce fut M<sup>lle</sup> de Scudéry qui s'éleva avec le plus de force -contre ceux qui, à l'occasion des cassettes de Fouquet, se -permettaient des insinuations calomnieuses sur le compte de -M<sup>me</sup> de Sévigné. Celle-ci, dans sa lettre du 22 octobre 1661, -charge Ménage d'en remercier leur amie commune.</p> - -<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> «J'ai été voir notre chère voisine (M<sup>me</sup> du Plessis-Guénégaud); -nous avons bien parlé de notre cher ami. Elle avoit -vu Sapho, qui lui a redonné du courage.» (Sévigné à M. de -Pomponne, 27 novembre 1664.)</p> - -<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> «9 février 1666.—M<sup>me</sup> de Sévigné m'amena Pellisson -et M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui me témoignèrent toute l'estime et -l'amitié possible sur l'histoire du procès de M. Fouquet.» -(<i>Journal d'Olivier d'Ormesson</i>, t. II, p. 446.)</p> - -<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> Voir cette lettre, de décembre 1663, à la Correspondance.</p> - -<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> M<sup>me</sup> Pellisson avait obtenu en juin 1662 une permission -restreinte qui lui avait été retirée depuis. (Fr. Ravaisson, -<i>Archives de la Bastille</i>, t. II, p. 43.)</p> - -<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> <i>Ibid.</i>, p. 455.</p> - -<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> On n'est pas d'accord sur le véritable nom de ce correspondant -de l'abbesse de Malnoue. M. Fr. Ravaisson veut qu'il -s'agisse ici de Conrart. M. Cousin, avec plus de vraisemblance, -désigne Isarn; l'éditeur des lettres d'Éléonore de Rohan hésite -entre M. de Doneville, Paul Pellisson ou son frère George.</p> - -<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 1.</p> - -<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. XI, p. 1257.</p> - -<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> <i>Ibid.</i>, p 1251 et 1261.</p> - -<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> Voy. ce qu'elle en dit dans sa lettre à Boisot, du 7 juin -1693.</p> - -<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> <i>Œuvres diverses de Pellisson</i>, 1735, t. I, p. 147.</p> - -<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> Sur cette amitié courageuse de M<sup>lle</sup> de Scudéry, nous -avions noté un passage que nous reproduisons ici, mais dont -malheureusement nous ne nous rappelons pas la source. -«Elle ne craignit point de publier que plusieurs personnes -considérables, dont elle se mettoit du nombre, diroient toujours -du bien de Fouquet, au risque de perdre leur fortune et -leur vie.»</p> - -<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> M. Chéruel, <i>Mémoires sur Fouquet</i>, t. II, p. 529, a exprimé -sur ce point des doutes qui ne nous paraissent point -motivés.</p> - -<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> Vivonne à Sévigné, 23 août 1670. (Édition des <i>Lettres de -Sévigné</i>, Blaise, 1818-1819, t. I, p. 190.)</p> - -<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné, des 28 novembre 1670 et 26 -novembre 1690.</p> - -<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> <i>Nouvelles remarques sur tous les ouvrages du s<sup>r</sup> D....</i> -(Despréaux). La Haye, 1685, p. 105.</p> - -<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> <i>De l'influence des femmes sur la littérature française</i>, 1811, -t. I, p. 126.</p> - -<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> <i>Menagiana</i>, 1694, p. 191.</p> - -<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> M. Berriat Saint-Prix a constaté que, dans le nombre -des ouvrages indiqués par l'inventaire de Boileau, on trouve -l'<i>Astrée</i>, <i>Cléopâtre</i> et <i>Cyrus</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> <i>De libris qui vulgo dicuntur Romanenses</i>, 1736, in-4<sup>o</sup>, pp. -27, 28, 36.—<i>Observations sur quelques écrits modernes</i>, par -l'abbé Desfontaines, t. V, p. 89, 91.</p> - -<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> Cathos et Madelon sont «deux pecques provinciales,» -et, dans la III<sup>e</sup> satire, ce sont:</p> - -<p class="quote">Deux nobles campagnards, grands lecteurs de romans,<br /> -Qui disent tout <i>Cyrus</i> dans leurs longs complimens.</p> - -<p>Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'un des commentateurs modernes -de Molière assure que le jargon précieux s'est conservé -jusqu'à nos jours dans plusieurs sociétés de province, et il en -cite des exemples recueillis par lui dans une ville située à -moins de 80 lieues de Paris. (<i>Œuvres de Molière</i>, éd<sup>on</sup> d'Aimé-Martin, -1824. t. II, p. 47.)</p> - -<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> «Il est effectivement vrai que la plupart des valets de la -maison firent des vers ce jour-là.» (Note de Conrart, reproduite -par M. Em. Colombey, p. 17, de la <i>Journée des Madrigaux</i>.)</p> - -<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> Dans la <i>Ménagerie</i> de l'abbé Cotin, dont la première édition -datée est de 1666, on trouve un <i>Avis au lecteur</i> renfermant -ce passage curieux qui paraît avoir échappé aux éditeurs de -Molière: «Je pensois que toute la <i>Ménagerie</i> fût achevée, -quand on m'a averti qu'après les <i>Précieuses</i>, on doit jouer -chez Molière, <i>Ménage hipercritique</i>, le <i>Faux savant</i>, et le -<i>Pédant coquet</i>. <span class="smallc">Vivat.</span> Les comédiens ont mis dans leurs affiches -qu'il faudra retenir les loges de bonne heure, et que tout -Paris y doit être, parce que toutes sortes de gens, grands et -petits, mariés et non mariés, sont intéressés au <i>ménage</i>. C'est -une plaisanterie de comédiens.»</p> - -<p>Ainsi le pauvre Cotin criait <i>vivat!</i> à l'annonce d'une personnalité -contre Ménage, sans se douter qu'il devait y figurer -comme pendant, et que la caricature de Vadius appelait celle -de Trissotin.</p> - -<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> Le bonhomme Chrysale se plaint aussi de ce que ses valets -font des vers:</p> - -<p class="quote">L'un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire,<br /> -L'autre rêve à des vers quand je demande à boire.</p> - -<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> Le <i>Grand Cyrus</i>, dernière partie, liv. I<sup>er</sup>, p. 356.</p> - -<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> Lettre à Boisot, 24 juin 1693.</p> - -<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a></p> - -<p class="quote">L'or même à Pellisson donne un teint de beauté.</p> - -<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a></p> - -<p class="quote">L'or même <i>à la laideur</i> donne un teint de beauté.</p> - -<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> La figure de Pellisson</p> -<p>Est une figure effroyable.</p> -<p class="i1"> Mais quoique ce vilain garçon</p> -<p>Soit plus laid qu'un singe ou qu'un diable,</p> -<p class="i1"> Sapho lui trouve des appas;</p> -<p class="i1"> Mais je ne m'en étonne pas,</p> -<p class="i1"> Car chacun aime son semblable.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> Voy. la lettre du 6 mars 1694 et les suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> «Il y a une satire contre les femmes du satirique public -que le mérite seul de votre amie (M<sup>me</sup> de Chandiot) doit faire -sembler plus ridicule, car il a si mauvaise opinion des femmes -qu'il ne peut compter que trois honnêtes femmes dans tout -Paris.»</p> - -<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> Lettre à Boisot, du 7 avril 1694. «Le mariage de votre -parent prouve que la Satire contre les femmes n'empêche pas -qu'on ne se marie.»</p> - -<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> <i>Les Provinciales</i>, édit. Lefèvre, 1826, p. 54.</p> - -<p>Lorsque Titon du Tillet (<i>Parnasse François</i>, p. 486) parle -d'une lettre où Pascal aurait dit qu'ayant lu <i>Clélie</i>, il avait admiré -l'auteur sans la connaître, c'est probablement à cet endroit -des <i>Provinciales</i> qu'il veut faire allusion.</p> - -<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> <i>Œuvres de Racine</i>, édition Hachette, t. IV, p. 283.</p> - -<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> <i>Port-Royal</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 127.</p> - -<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> D'après le témoignage de Brienne, cité par l'historien de -Port-Royal, 1867, t. IV, p. 413.</p> - -<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> Le <i>Dictionnaire des Précieuses</i>, de Somaize, indique un -grand nombre de ces mots ou locutions introduits par les -Précieuses, et presque tous sont attribués à Sophie (M<sup>lle</sup> de -Scudéry). Voyez l'édition donnée par M. Livet, t. I<sup>er</sup>, p. 41 -et suiv., 117, 179 et suiv. Voy. aussi une note des <i>Œuvres -de Molière</i>, par Aimé Martin, t. I<sup>er</sup>, p. 157, et les <i>Amis de -M<sup>me</sup> de Sablé</i>, par E. de Barthélemy, p. 46.</p> - -<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> <i>Histoire de la Société polie</i>, p. 95.</p> - -<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> <i>Clélie</i>, t. X, p. 1077.—Tallemant, <i>Historiettes</i>, t. VII, -p. 61.</p> - -<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> Les éditeurs doivent à l'obligeance de MM. Lavoix et de -la Berge un extrait du <i>Journal des acquisitions du Cabinet des -médailles du Roy, commencé le 25 octobre 1689</i>. On y trouve la -mention de pierres gravées, agates, cornalines, jaspes, etc., -donnés au roi par M<sup>lle</sup> de Scudéry, depuis le 4 octobre 1690 -jusqu'au 19 février 1695, et qui s'y trouvent encore aujourd'hui. -La plupart ont été reconnus depuis pour de simples -imitations de l'antique, mais on ne doutait guère alors de leur -authenticité.</p> - -<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> <i>Menagii Poëmata.</i>—<i>Commirii Carmina</i>, 1753, t. II, -p. 224, 225, 301, 302.—<i>La Journée des Madrigaux.</i>—<i>M<sup>ss</sup> de -Conrart</i>, passim.</p> - -<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> Voy. la Correspondance à cette date.</p> - -<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> Voy. les Poésies, et <i>Recherches sur la vie et les œuvres -d'une Précieuse</i>, par M. Théry. 1866, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> L'auteur allemand dont nous allons parler tout à l'heure -dit que le bracelet était en or, avec une montre de même métal -travaillé à jour, et que la bourse contenait 12 pistoles.</p> - -<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> T. XI, p. 421, in-f<sup>o</sup>. Voy. aussi Vaumorière, <i>Lettres sur -toutes sortes de sujets</i>, 1714, in-12, t. II, p. 369. Ce dernier -ajoute plusieurs circonstances à la note de Conrart; il décrit -l'apparition de l'inconnu à figure rébarbative, armé jusqu'aux -dents, la frayeur du laquais, «le petit Dubuisson que vous -connoissez», dit-il à son correspondant; l'intervention de -M<sup>lle</sup> Crois...., «la demoiselle qui est à notre illustre amie», -etc. Comme on le voit, Vaumorière était lié avec l'héroïne de -l'aventure et pouvait avoir appris d'elle tous ces détails que, -par cette raison, nous avons cru devoir reproduire.</p> - -<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> Lettre du 4 novembre 1650.</p> - -<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> On trouvera ces quatre pièces dans les Poésies.</p> - -<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> <i>Vers de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>me</sup> de Platbuisson, en lui envoyant -pour ses étrennes un déshabillé de roses à fond d'or et -d'argent.</i></p> - -<p class="quote">Vous dont l'esprit charmant et les grâces divines<b>....</b></p> - -<p><i>M<sup>ss</sup> Conrart</i>, t. XI, p. 83, in-f<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> Wagenseil, <i>De Sacri Romani imperii liberâ civitate Noribergensi</i>. -Altdorf, 1687, in-4<sup>o</sup>, pp. 452 et suiv., 464, etc. Ce -Wagenseil fut pensionné par Colbert. Clément, <i>Histoire de -Colbert</i>, p. 189.</p> - -<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> Voici, par exemple, comment le digne Nurembergeois -travestit le <i>mot de la fin</i> de la <i>Réponse des Filoux</i>:</p> - -<p class="quote">Un amant qui craint les voleurs<br /> -<span class="i1"> N'est point digne d'amour.</span></p> - -<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> <i>Vier monatsold.</i> Wagenseil, p. 456.</p> - -<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> <i>Sack Uhren.</i></p> - -<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> <i>Olivier Brusson</i>, Paris, 1823, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> <i>Cardillac ou le Quartier du Marais</i>, par MM. Antony Béraud -et Léopold, représenté le 25 mai 1824, au théâtre de -l'Ambigu-Comique. Paris, Bezou, 1824, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> Lettres des 13 janvier et 7 mars 1691. On trouvera le -madrigal dans les Poésies. M<sup>me</sup> de Maintenon disait aussi -dans une lettre datée de Saint-Cyr, le 31 mai (1691): «Il est -étrange que des voleurs aient pensé à elle.»</p> - -<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> Au lieu de ce brevet, nous trouvons à la fin d'une lettre -de Ménage à Huet, Paris, 18 janvier 1662: «M<sup>lle</sup> de Scudéry -a reçu de la reine de Suède une boëte de diamants de 1000 -écus.» De son côté, M<sup>me</sup> de Sévigné écrivait à Ménage en -1661: «Je suis fort aise que la reine de Suède ait fait de si -bons présens à M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p> - -<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <i>Épître chagrine</i>, déjà citée. <i>Œuvres de Scarron</i>, 1786, -t. VII, p. 162.</p> - -<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Is tamen eximiam et præsentem et præterit unam</p> -<p class="i2"> Scuderida, et prudens præterit atque sciens...</p> -<p>Præteritam stupet aula omnis; Lutecia clamat.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i6"><i>Scuderia in largitionibus regiis præterita.</i> Dans: <i>Menagii -Poemata</i>, 1680, p. 110.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a> -Annua das nostræ munera Scuderiæ.<br /> -<span class="i6"><i>Scuderia in largitionibus regiis præterita.</i> Dans: <i>Menagii -Poemata</i>, 1860, p. 49.</span></p> - -<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> «M<sup>lle</sup> <span class="smallc">de Scudéry</span>. Quittance signée de 1000 l. de pension -viagère que lui faisait le cardinal Mazarin. 14 février 1665.» -<i>Catalogue Van-Sloppen</i> (Alex. Martin), du 13 juin 1843, n<sup>o</sup> 465.</p> - -<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> E. Miller, <i>Pierre Taisand</i>, p. 23.</p> - -<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> Lettre du 5 mars 1683. Une lettre de remercîment écrite -par M<sup>lle</sup> de Scudéry au roi en octobre 1663 (voy. la Correspondance) -prouve qu'elle avait dès lors reçu quelque marque de sa -libéralité.</p> - -<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> Même plainte dans une lettre à Huet, qui doit être de la -même époque, et un fragment de lettre de M<sup>me</sup> de Maintenon, -probablement de 1691, porte: «J'ai mandé à Manseau qui est -à Paris de donner à M<sup>lle</sup> de Scudéry ce qu'elle auroit dû toucher -au mois de juillet.»</p> - -<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> Constance-Françoise de Bretagne, sœur de la duchesse -de Montbazon et de M<sup>lle</sup> de Vertus, morte à Paris le 19 décembre -1695.</p> - -<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> Lettres à Huet, de décembre 1695.</p> - -<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <i>Pierre Taisand</i>, p. 19-21.</p> - -<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> La rue de Beauce, très-étroite, conduit de la rue d'Anjou -à la rue de Bretagne. La rue des Oiseaux, très-courte, n'est -plus qu'un passage menant au Marché des Enfants-Rouges, -autrefois <i>Petit-Marché-du-Temple</i>. L'angle des deux rues est -occupé aujourd'hui par des constructions modernes affectées -à des logements d'ouvriers. Tout près, et attenant à un lavoir -public est un jardin qui peut être un reste de celui de M<sup>lle</sup> de -Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> Voy. ses lettres à M<sup>lle</sup> Descartes. Elle dit dans la première: -«Ma croyance en faveur de mon chien n'ôte rien de -l'estime infinie que j'ai pour feu monsieur votre oncle. Ce -n'est pas l'amitié que j'ai pour les animaux qui me prévient à -leur avantage, c'est celle qu'ils ont pour moi qui me prévient -en leur faveur.» Elle disait aussi dans une lettre à Huet -(1689): «Il y a longtemps que je me suis déclarée hautement -contre certaines machines cartésiennes, sans employer pourtant -contre le philosophe que mon chien, ma guenon et mon -perroquet.»</p> - -<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Psittace pumilio, docta sed magne loquela,</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Tu Dominæ immensum parvus comes ibis in ævum,</p> -<p class="i2"> Nam Sappho quidquid Musa et Apollo potest.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> Martin Lister, dans son <i>Voyage à Paris</i>, sur lequel nous -reviendrons tout à l'heure, parle, p. 95, de deux caméléons que -M<sup>lle</sup> de Scudéry aurait gardés près de quatre ans, et dont elle -lui montra les squelettes.</p> - -<p>On trouve dans les M<sup>ss</sup> Conrart deux épitaphes du caméléon -de M<sup>lle</sup> de Scudéry, l'une à la page 119 du t. XI, in-f<sup>o</sup>, et l'autre, -par M<sup>me</sup> de Platbuisson, p. 121 du même volume.</p> - -<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> G. Pouchet, <i>Le coloris dans la substance vivante</i>. <i>Revue -des Deux-Mondes</i>, 1<sup>er</sup> janvier 1872.</p> - -<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> <i>La Gazette de Tendre</i>, p. 74.</p> - -<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> Le château de Fresnes, dans la Brie, à deux lieues de -Pomponne. Il appartint ensuite au duc de Nevers, puis au -chancelier d'Aguesseau.</p> - -<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> Dans la lettre du 21 juin 1680, M<sup>me</sup> de Sévigné parle -d'une fausse lettre que lui avaient envoyée ses femmes de -chambre, et qui avait si parfaitement réussi «qu'elles en ont -été effrayées, comme nous le fûmes une fois à Fresnes, pour -une fausseté que cette bonne Scudéry avoit prise trop âprement.»</p> - -<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> Voy. le <i>Journal de Paris</i>, 1787, p. 1169.</p> - -<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> Lebeuf, <i>Histoire du diocèse de Paris</i>, t. XII, p. 120, 121.—Dulaure, -<i>Environs de Paris</i>, 1790, p. 14.—Delort, <i>Mes voyages -aux environs de Paris</i>, t. II, p. 141.</p> - -<p>Suivant M. Cousin, <i>La Société française au dix-septième siècle</i>, -t. II, p. 304, les deux habitations n'en faisaient qu'une, ou -plutôt n'étaient l'une et l'autre qu'un démembrement de l'ancien -fief des d'Oysonville, des Viole et des Thibault de la -Brousse.</p> - -<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> «La plus petite guenon, a dit ailleurs M<sup>lle</sup> de Scudéry, -détruit par son industrie et son intelligence toutes les doctrines -de Descartes.»</p> - -<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> <i>Conversations sur divers sujets.</i> Paris, 1680, 2 vol. in-12.—<i>Conversations -nouvelles</i>, etc. Paris, 1684, et Amsterdam, 1685, -2 vol. in-12.—<i>Conversations morales</i>, Paris, 1686, 2 vol. in-12.—<i>Nouvelles -conversations de morale</i>, Paris, 1688, 2 vol. in-12.—<i>Entretiens -de morale</i>, 1692, 2 vol. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> Lettre à Perrault, du 5 mai 1694, au sujet de la dixième -satire de Boileau.</p> - -<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> C'est ainsi que, dans le volume de 1680, chapitre <i>De la -raillerie</i>, voulant raconter un petit voyage qu'elle fait avec -quelques amis et amies pour voir la mer, elle déclare «que la -relation en sera moins ennuyeuse sous des noms supposés que -sous les véritables».</p> - -<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> M<sup>me</sup> de Sévigné les recommandait à son fils, en disant: -«Il est impossible que cela ne soit bon, quand cela n'est point -noyé dans son grand roman.» Lettres des 25 septembre 1680 -et 11 septembre 1684. Elle y revient encore dans une lettre de -1688. Édition Hachette, t. VIII, p. 371.</p> - -<p>«Il n'y a point de si belle morale que celle que vous y prêchez, -et étant détachée, comme elle est, des aventures amoureuses -qui pourroient éveiller les passions, elle doit être entre -les mains de tous les jeunes gens. La Cour ne seroit remplie -que d'honnêtes gens si on la prenoit pour règle, et je vous assure, -Mademoiselle, que ce devroit être le bréviaire de ceux -qui doivent vivre dans le grand monde.» Mascaron à M<sup>lle</sup> de -Scudéry, Agen, 6 janvier 1681.</p> - -<p>«Tout est si raisonnable, si poli, si moral et si instructif -dans les deux volumes que vous m'avez fait la grâce de m'envoyer, -qu'il me prend quelquefois envie d'en distribuer dans -mon diocèse pour édifier les gens de bien et pour donner un -bon modèle de morale à ceux qui la prêchent.» Fléchier, à la -même, 26 décembre 1685.</p> - -<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> <i>La Société française au dix-septième siècle</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 14.</p> - -<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> Giraud, <i>Histoire de Saint-Évremond</i>, p. 77.</p> - -<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> L'abbé de Pure, témoin non suspect, préfère sans hésiter -la conversation de M<sup>lle</sup> de Scudéry à ses ouvrages. «Elle est -capable de ternir toutes ses belles productions par sa seule -conversation, car elle y est si bonne et si aimable qu'on aime -encor mieux la voir que la lire: ce n'est que bonté, que douceur; -l'esprit n'éclate qu'avec tant de modestie, les sentiments -n'en sortent qu'avec tant de retenue, elle ne parle qu'avec tant -de discrétion, et tout ce qu'elle dit est si à propos et si raisonnable, -qu'on ne peut s'empêcher de l'admirer et de l'aimer -tout ensemble.» <i>La Précieuse</i>, I<sup>re</sup> partie, p. 382.</p> - -<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> <i>Conversations nouvelles sur divers sujets</i>, 1684, t. II, pp. -770 à 887.</p> - -<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> <i>Conversations inédites de M<sup>me</sup> de Maintenon</i>, Paris, Blaise, -1828, in-18.</p> - -<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> <i>Relation contenant l'histoire de l'Académie française</i>, 1672, -in-12, p. 555. <i>Le Discours de la Gloire</i> se trouve à la suite, -p. 561.</p> - -<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> Vertron, <i>La Nouvelle Pandore</i>, t. I<sup>er</sup>, p. 419.</p> - -<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> Le Gouz, <i>Supplément manuscrit au Menagiana</i>, cité par -l'abbé Jolly, <i>Remarques sur le Dictionnaire de Bayle</i>, t. II, -p. 605.</p> - -<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> Bosquillon, <i>Éloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>. <i>Journal des Savants</i>, -juillet 1701.</p> - -<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> Lettre de M<sup>me</sup> de Sévigné, du 12 octobre 1678, édition -Hachette, t. V, p. 490.</p> - -<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> Ménage, <i>Épître à M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, en tête des <i>Œuvres de -Sarasin</i>, 1654, in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> De Vaumorière, <i>Harangues</i>, 1713, in-4<sup>o</sup>, p. 254.</p> - -<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> Voy. les lettres de M. de Pertuis, de M<sup>me</sup> Deshoulières, -etc.</p> - -<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> Lettre inédite à Huet, du 21 août 1685.</p> - -<p>Il arriva pourtant à l'un de ses amis, et des plus intimes, de -lui reprocher <i>son mauvais caractère</i> (Voyez la lettre de Godeau -du 8 septembre 1650). Hâtons de dire que Godeau voulait -parler de son écriture.</p> - -<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> Bosquillon, <i>Éloge</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> <i>Menagiana</i>, 1694, p. 198.—<i>Gazette de Loret</i>, lettre du 22 -décembre 1663.</p> - -<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> <i>Extraits des registres du Cabinet des Titres, Naissances, -Mariages, Morts</i>, N<sup>o</sup> 1011, à la date indiquée. M<sup>ss</sup> de la -B<sup>que</sup> Nat<sup>ale</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> <i>Mercure</i> de février 1693, p. 280.</p> - -<p>Dans sa lettre à Boisot du 7 mars, elle dit: «Le dernier -<i>Mercure galant</i> contient un éloge véritable. Ceux qui font le -<i>Mercure</i> ont cru que je l'avois écrit, mais il est d'un de mes -amis appelé M. Bosquillon, à qui j'avois donné un simple mémoire.» -On lit dans la lettre du 3 mai suivant: «La semaine -prochaine, il y aura un éloge de M. Pellisson dans le <i>Journal -des Savants</i> (17<sup>e</sup> N<sup>o</sup>), fait par un de mes amis, instruit par -moi.»</p> - -<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> «La colère m'a donné la force de résister à ma douleur -pour combattre la calomnie.» Lettre à Boisot du 7 mars 1693 -et les suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> Lettre au même du 21 février.</p> - -<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> Lettre de Bossuet à M<sup>lle</sup> de Scudéry, édition Lebel, -t. XXXVII, p. 477, et à M<sup>lle</sup> Dupré sur le même sujet, en date -du 14 février 1693, <i>ibid.</i>, p. 475. «Je m'acquitte d'autant -plus volontiers de ce devoir, que vous me faites connoître -que mon témoignage ne sera pas inutile pour la consoler.»</p> - -<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> Lettres des 7 juin 1693 et 3 octobre 1694.</p> - -<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> «Si Dieu me laisse vivre assez longtemps pour écrire ce -que je sais de sa vie, je le justifierai dans les affaires temporelles, -comme j'ai fait dans la religion.» (13 mars 1693.)</p> - -<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> Lettre du 28 février 1693.</p> - -<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> Lettre du 20 février 1694.</p> - -<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> Lettre du 5 septembre 1675.—Des nouvellistes littéraires -ont bâti sur cette donnée une véritable collaboration -entre la romancière et le prédicateur. On a pu lire, à plusieurs -reprises, dans les journaux, la découverte faite, <i>dans -un vieux château de Normandie</i>, du manuscrit original de -l'<i>Oraison funèbre de Turenne</i>, par Mascaron, couvert de notes -manuscrites de la main de M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> Foucher de Careil, <i>Lettres et Opuscules inédits de Leibnitz</i>, -1854, in-8<sup>o</sup>, p. 254.</p> - -<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> Cousin, <i>Fragments philosophiques</i>, 5<sup>e</sup> éd<sup>on</sup>.—<i>Philosophie -moderne</i>, 2<sup>e</sup> partie, 1866, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 182.</p> - -<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> Voy. les Poésies.</p> - -<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> Voy. ce que nous en avons dit ci-dessus, p. 70.</p> - -<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> <i>Clélie</i>, t. I, p. 297-301.—Saint-Marc Girardin, <i>Cours -de littérature dramatique</i>, t. III, p. 121.</p> - -<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> Martin Lister, <i>A Journey to Paris</i>, 1699, pp. 93 et 94.—<i>Lettres -de Madame du Noyer</i>, 1757, t. I, p. 137.</p> - -<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> Eug. Crépet, <i>Trésor épistolaire de la France</i>, t. I. p. 237.</p> - -<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a></p> - -<table id="list" summary="contents"> -<tr> -<td class="td">Balzac<b>. . . . . . . . . . </b></td> -<td class="tdr">né en 1594, mort en 1660.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Chapelain<b>. .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1595,</span>✝1674.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Voiture<b>. . . . </b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1598,</span>✝1648.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Corneille<b>. . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1606,</span>✝1684.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Scarron<b>. . . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1610,</span>✝1660.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Molière<b>. . . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1620,✝</span>1673.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">La Fontaine<b>.</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1621,</span>✝1695.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Pascal<b>. . . . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1623,</span>✝1662.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Bossuet<b>. . . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1627,</span>✝1704.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Fléchier<b>. . . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1632,</span>✝1710.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Mascaron<b>. . . </b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1634,</span>✝1703.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Boileau<b>. . . . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1636,</span>✝1711.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Racine<b>. . . . .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1639,</span>✝1699.</td> -</tr> -<tr> -<td class="td">Labruyère<b>. .</b></td> -<td class="td">—<span class="i3">1644,</span>✝1696.</td> -</tr> -</table> - - -<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> <i>Promenade de Versailles</i> ou <i>Histoire de Célanire</i>. Paris, -Barbin, 1669, in-8<sup>o</sup>.—Les <i>Bains des Thermopyles</i>. Paris, veuve -Ribou, 1732, in-8<sup>o</sup>. C'est un épisode tiré du t. IX du <i>Grand -Cyrus</i>.—<i>Histoire de Mathilde d'Aguilar.</i> La Haye, 1736, in-8<sup>o</sup>.—<i>Anecdotes -de la cour d'Alphonse XI<sup>e</sup> du nom, Roi de Castille.</i> -Paris, 1756, 2 vol. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> <i>Conversations morales</i>, 1686, t. II, p. 989.</p> - -<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> <i>Eloge de M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>, par M. Bosquillon, dans le -<i>Journal des Savants</i>, du lundi 11 juillet 1701.</p> - -<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> Voici la mention, inexacte quant à l'âge, que M. Jal a -relevée sur les registres de Saint-Nicolas. Ce fut le jeudi 2 -juin 1701 que décéda, en sa maison, rue de Beauce, «damoiselle -Magdeleine de Scudéry, fille, âgée de <i>soixante-et-quatorze</i> -ans, ou environ.» Elle fut inhumée le lendemain 3 juin, à -Saint-Nicolas-des-Champs, sa paroisse.</p> - -<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> Voyez la <i>Notice</i> page 17.</p> - -<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. V, p. 275.</p> - -<p>M. Cousin qui a reproduit cette lettre et la suivante, n'a pas -entrepris d'en expliquer les allusions. Nous avons dû aller plus -loin que lui. Leur comparaison avec les lettres de Balzac à -Chapelain des 15 mars, 15 et 29 avril 1639, et avec la lettre -inédite de Voiture au même, datée du 1<sup>er</sup> mars de la même -année (M<sup>ss</sup> Sainte-Beuve), nous a fourni l'explication suivante: -La comédie de l'Arioste <i>I Suppositi</i> avait été à l'hôtel de Rambouillet -l'objet d'une polémique assez animée. Critiquée par -Voiture et par M<sup>lle</sup> de Rambouillet, elle avait eu pour défenseurs -Chapelain, M<sup>lle</sup> Paulet, Georges et Madeleine de Scudéry. -Enfin Voiture s'avoua vaincu et envoya à Chapelain une -paire de gants, enjeu du défi.</p> - -<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> M<sup>lle</sup> Paulet, sur laquelle nous reviendrons plus loin, avait -dû ce surnom à son courage, à sa fierté, et à la nuance dorée -de ses cheveux. Chapelain avait composé sur elle en 1633 une -pièce de vers qu'on appelait le <i>Récit de la lionne</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> Balzac, qui s'était aussi déclaré pour l'Arioste dans la -discussion dont nous avons parlé, se prévaut, dans sa lettre -du 15 avril, de l'adhésion de Scudéry, et il ajoute: «Mais que -cette sœur qui écrit si élégamment et de si bon sens, est digne -de lui, et qu'elle est à mon gré une personne excellente! Prêtez-moi, -monsieur, une douzaine de vos paroles, pour lui faire -le compliment que je lui dois, et dites-lui que si j'étois le légitime -distributeur de cette immortalité dont vous parlez, elle -seroit assurée d'en avoir sa part.»</p> - -<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. V, p. 277.</p> - -<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> <i>I Suppositi.</i> Cette comédie de la jeunesse de l'Arioste -n'est guère qu'une imitation de Plaute et de Térence. Mais le -prologue renferme un certain nombre d'équivoques dont on -s'explique que la pudeur de M<sup>lle</sup> de Rambouillet et de quelques-uns -de ses amis des deux sexes ait pu prendre ombrage.</p> - -<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> <i>Intrigue</i> était alors du masculin ou des deux genres, -comme <i>équivoque</i>, <i>rencontre</i>, <i>affaire</i>, <i>énigme</i>, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> Cette lettre, évidemment relative à la controverse sur les -<i>Suppositi</i> de l'Arioste, trouve sa place naturelle à la suite des -deux précédentes. Nous l'empruntons à l'<i>Isographie</i>, avec une -lacune que nous n'avons pu remplir.</p> - -<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> M<sup>lle</sup> de Rambouillet, qu'on appelait souvent la <i>Princesse -Julie</i> dans sa société.</p> - -<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> Georges de Scudéry. Voyez la lettre déjà citée de Balzac, -du 15 avril 1639. «C'est un dangereux homme que -cet Astolphe,... et j'aimerois mieux me réconcilier avec -l'Arioste que de me battre contre son chevalier. Pour moi, -je mets son amitié au nombre de mes meilleures fortunes, -et suis tout glorieux du nouveau témoignage qu'il m'en a -rendu. Mais que cette sœur, etc.» Suit le passage cité p. 144, -note 229.</p> - -<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 189.</p> - -<p>M<sup>lle</sup> Robineau, «fille déjà âgée en 1657,» suivant Tallemant. -«Elle a beaucoup d'esprit, dit le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>, -et est des bonnes amies de la docte Sophie (M<sup>lle</sup> de -Scudéry) qui lui fait une confidence générale de tous ses -ouvrages.» C'est la Doralise du <i>Grand Cyrus</i>. Elle habitait le -quartier du Marais.</p> - -<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> Théophraste Renaudot, fondateur de la <i>Gazette de France</i> -dont il avait obtenu le privilége à la date de 1631, par la protection -du cardinal de Richelieu.</p> - -<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> Louis Séguier, baron de Saint-Brisson et prévôt de Paris. -C'était un soupirant de M<sup>lle</sup> Paulet, personnage ridicule -dont il est souvent question dans les chansons du temps.</p> - -<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> Suzanne Cujas, fameuse par ses dérèglements. Elle était -née en 1587, et Catherinot en nous donnant sa <i>Vie</i>, 1664 in-8<sup>o</sup>, -a négligé de nous instruire de la date de sa mort. On voit -qu'elle vivait encore en 1644.</p> - -<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> Antoine de Nervèze, littérateur des plus médiocres, dont -les vers, dit l'Estoile, se vendaient deux sols sur les quais de -Paris.</p> - -<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> Nous aurons occasion de revenir sur la plupart de ces -noms.</p> - -<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 185.</p> - -<p>Angélique Paulet, fille de Charles Paulet, inventeur de l'impôt -dit <i>la Paulette</i>, était l'une des plus anciennes amies de -M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui l'a peinte dans le <i>Grand Cyrus</i> sous le -nom d'Élise.</p> - -<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> Il avait été lieutenant-général. Lui et son frère cadet, -M. de Chaudebonne, étaient des familiers de l'hôtel de Rambouillet.</p> - -<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> Locution familière à l'auteur.</p> - -<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> La marquise de Clermont d'Entragues et ses deux filles, -Louise et Marie de Balzac.</p> - -<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 173.</p> - -<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> Ce devait être Anne de Pontevez, mariée en 1620 à Thomas, -marquis de Mirabeau.</p> - -<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> Montauron, financier connu par son faste et par la dédicace -de <i>Cinna</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> La vicomtesse d'Auchy célébrée par Malherbe.</p> - -<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> La baronnie de Méouillon, Mévouillon ou Mévolhon (<i>Medullio</i> -en latin), était une des plus anciennes de la Provence. Il -s'agit probablement ici de Bon, baron de Mévouillon, gouverneur -de Notre-Dame-de-la-Garde en 1591, et qui joua un rôle -important dans les troubles de Marseille à cette époque.</p> - -<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 181.</p> - -<p>M<sup>lle</sup> de Chalais était dame de compagnie de la marquise -de Sablé et amie intime de M<sup>lle</sup> de Scudéry et de M<sup>lle</sup> Paulet.</p> - -<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> M<sup>lle</sup> Diodée. Voy. la <i>Notice</i>, p. 26 et suiv.</p> - -<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> De Sablé.</p> - -<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> M<sup>lle</sup> Paulet.</p> - -<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> M<sup>me</sup> de Motteville a rendu hommage à M<sup>lle</sup> de Scudéry -dans ses <i>Mémoires</i>. 1855, t. III, p. 239.—Sa sœur, M<sup>lle</sup> Bertaut, -avait été surnommée <i>Socratine</i> à cause de sa sagesse et de sa -douceur.</p> - -<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 161.</p> - -<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> C'est-à-dire aux frais de la province.</p> - -<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> Louis-Emmanuel de Valois, comte d'Alais, nommé gouverneur -de Provence en 1637.</p> - -<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> L'hôtel de Mirabeau était situé place de Lenche à Marseille.</p> - -<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 147.</p> - -<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> Pierre de Boissat, qu'on avait en effet de son temps surnommé -<i>Boissat-l'Esprit</i>, naquit en 1603 et mourut en 1662. -Il fut un des premiers membres de l'Académie française.</p> - -<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> Nous supprimons le sonnet assez médiocre de Boissat, -ainsi que des fragments, prose et vers, d'une lettre de Georges -de Scudéry à M<sup>me</sup> de Tournon.</p> - -<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> M<sup>me</sup> Aragonnais était la veuve d'un trésorier des gardes -françaises. Elle habitait le Marais, et appartenait, comme -M<sup>me</sup> Cornuel, aux rangs les plus élevés de la bourgeoisie parisienne. -Sa fortune, qui était assez considérable, lui permit de -marier sa fille à Michel d'Aligre, un des fils du premier chancelier -de ce nom. M<sup>lle</sup> de Scudéry a fait de M<sup>me</sup> Aragonnais un -séduisant portrait sous le nom de Philoxène dans le <i>Grand Cyrus</i>. -Tome VII, livre III, page 1046.</p> - -<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> Les deux demoiselles Boquet étaient des amies particulières -de M<sup>lle</sup> de Scudéry et des habituées assidues du Samedi. -Voici ce qu'en dit Somaize dans son <i>Grand Dictionnaire des -Précieuses</i>: «Bélise et sa sœur sont deux précieuses âgées -qui jouent fort bien du luth et qui ont une grande habitude -à toucher les instruments. Elles logent aussi au quartier de -l'Éolie (<i>le Marais</i>), qui est le lieu où les précieuses âgées font -le plus de bruit.»</p> - -<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> Cabinet de M. A. Chauveau.</p> - -<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> Balzac.</p> - -<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> M<sup>lle</sup> Marie Galtelle Desroches avait épousé Pierre de Lalane, -qui faisait sa principale occupation de la littérature et de la -poésie. Après cinq ans de mariage, Lalane perdit cette femme -aussi belle que spirituelle. Il célébra sa mort par des vers -qui sont insérés dans ses Œuvres, qu'on réunit en général à -celles de Montplaisir.</p> - -<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> On connaît les vers de Boileau:</p> - -<p class="quote">Bienheureux Scudéry dont la fertile plume, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 147.</p> - -<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> On voit par cette lettre que M<sup>lle</sup> de Scudéry était blessée -des attentions particulières que Chapelain avait pour M<sup>lle</sup> Robineau.</p> - -<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 149. Cette lettre est sans -date, mais, dans le manuscrit, elle vient à la suite de celle du -31 janvier.</p> - -<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> M<sup>me</sup> Pilou (Anne Baudesson), fille et veuve d'un procureur -du Châtelet. Au dire de ses contemporains, elle était d'une -laideur extrême. C'était une bourgeoise pleine de bon sens et -d'esprit, qui, ayant une certaine fortune, fut mêlée à la bonne -société de son époque. Tallemant des Réaux lui a consacré -une historiette, et son portrait a été gravé.</p> - -<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. X, p. 145.</p> - -<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI.</p> - -<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> Il s'était agi pour Chapelain d'aller au Congrès de Munster, -nous ne savons en quelle qualité. Ce projet n'eut pas de -suite. Voyez sa lettre à M<sup>lle</sup> de Scudéry, du 12 avril 1645.</p> - -<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 129.</p> - -<p>Julie-Lucine d'Angennes, née en 1607. l'aînée des sept enfants -de la marquise de Rambouillet, mariée au duc de Montausier -le 15 juillet précédent.</p> - -<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> Celle du marquis de Pisani, tué à la bataille de Nordlingen -(3 août 1645). Il était fils de la marquise de Rambouillet -et frère de M<sup>me</sup> de Montausier.</p> - -<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI, p. 157.</p> - -<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> Alphonse de Richelieu, frère du cardinal. Ce digne prélat -fit lui-même son épitaphe; elle mérite d'être conservée: <i>Pauper -natus sum, pauperiem vovi, pauper morior, inter pauperes -sepeliri volo</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> De la Mesnardière, né en 1610, mort en 1663. Il était -médecin du cardinal de Richelieu et de Gaston d'Orléans. -Ami de M<sup>me</sup> de Sablé et lié avec la plupart des gens de lettres -de son temps, il s'occupa plus de poésie que de médecine, et -fut reçu à l'Académie française en 1655.</p> - -<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> Aymar de la Vergne, maréchal de camp et gouverneur -du Havre-de-Grâce, père de Marie-Madeleine Pioche de la -Vergne, depuis comtesse de la Fayette et auteur de <i>Zaïde</i> et -de <i>la Princesse de Clèves</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> Les deux lettres qui suivent sont tirées du <i>Bulletin de la -Société du protestantisme français</i>, t. X, p. 389 et 391.</p> - -<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> Anne-Marie de Schurman, née en 1607, morte en 1678, -très-versée dans les langues anciennes, dans la langue hébraïque, -etc.</p> - -<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> M<sup>lle</sup> Dumoulin.</p> - -<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> Le <i>Conservateur</i>, juillet 1760, p. 92. Copie du temps, <i>Collection -Moreau</i>, t. 847, p. 29.</p> - -<p>Voyez Eug. de Beaurepaire, <i>Histoire de deux sonnets</i> dans la -<i>Revue de Rouen</i>, XX<sup>e</sup> année, p. 129. Les documents qu'il cite -prouvent que la querelle commença en décembre 1649.</p> - -<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> Cette préférence donnée par M<sup>me</sup> de Longueville au sonnet -d'Uranie sur celui de Job avait inspiré à M<sup>lle</sup> de Scudéry le -quatrain suivant:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> A vous dire la vérité,</p> -<p class="i2"> Le destin de Job est étrange</p> -<p class="i2"> D'être toujours persécuté</p> -<p>Tantôt par un démon et tantôt par un ange.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> Les sept lettres suivantes ont été publiées par M. de Monmerqué -au t. VI de son édition de 1835 des <i>Historiettes de -Tallemant</i> des Réaux, d'après des copies provenant du président -Durey de Meinières. En les reproduisant d'après lui, nous -ne croyons pouvoir mieux faire que de reproduire aussi les -notes qu'il y a jointes, sauf à les abréger au besoin. Ce sont -probablement les mêmes lettres, en tout ou en partie, qui sont -désignées p. 517 du <i>Catalogue de Lamoignon</i>, 1784, in-f<sup>o</sup>: -<i>Lettres de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M. Godeau, contenant plusieurs -anecdotes historiques de l'an 1650</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> La duchesse de Longueville, après l'arrestation des princes, -qui eut lieu le 18 janvier 1650, s'enfuit en Normandie. La -cour se rendit à Rouen le 1<sup>er</sup> février: la duchesse, qui s'étoit -réfugiée à Dieppe, s'échappa du château. «Elle sortit la nuit -à cheval, jambe de çà et jambe de là, avec ses femmes, en courant -jour et nuit; elle s'embarqua sur la coste et fut en Hollande.... -Elle gagna Stenay, où estoit le mareschal de Turenne.» -(<i>Mémoires de Montglat.</i>) Le récit de M<sup>me</sup> de Motteville est plus -circonstancié; elle dit que la duchesse sortit par une petite -porte qui n'étoit pas gardée: qu'elle fit deux lieues à pied pour -gagner un petit port, où elle ne trouva que deux barques de -pêcheurs; elle voulut s'embarquer contre l'avis des mariniers, -afin de gagner un vaisseau qu'elle faisoit tenir à la rade. Le -vent étoit si grand et la marée si forte, que le marinier, qui -l'avoit prise entre ses bras pour la porter dans la chaloupe, la -laissa tomber dans la mer; elle se décida à prendre des chevaux -et à se mettre en croupe, ainsi que les femmes de sa suite, -se réfugia chez un gentilhomme, demeura cachée dans -le pays pendant environ quinze jours, et fit enfin gagner le -capitaine d'un vaisseau anglois, qui la reçut sous le nom d'un -gentilhomme qui s'étoit battu en duel. <i>Mémoires de M<sup>me</sup> de -Motteville.</i> (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> Cette reconnaissance n'eut point lieu; tout ceci était un -jeu joué par le duc de Guise, prisonnier à Madrid, dans l'espoir -d'obtenir sa liberté. Voir dans Tallemant des Réaux -l'<i>Historiette</i> du duc de Guise. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> Armand-Jean du Plessis, duc de Richelieu, père du maréchal, -avait épousé, le 26 décembre 1649, Anne Poussard du -Fors du Vigean, veuve en premières noces de François-Alexandre -d'Albret, sire de Pons. Ce mariage, fait sans le consentement -de la duchesse d'Aiguillon, surprit tout le monde; -«M<sup>me</sup> de Richelieu, dit M<sup>me</sup> de Caylus, sans biens, sans -beauté, sans jeunesse, et même sans beaucoup d'esprit, avoit -épousé, par son savoir-faire, au grand étonnement de -toute la cour et de la reine-mère, qui s'y opposa, l'héritier -du cardinal de Richelieu, un homme revêtu des plus grandes -dignités de l'État, parfaitement bien fait, et qui, par son âge, -auroit pu être son fils.» <i>Souvenirs de M<sup>me</sup> de Caylus.</i> (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> «La reine partit de Rouen le 22 février, après avoir veu -M<sup>me</sup> de Richelieu et luy avoir donné le tabouret.» (<i>Mémoires de -M<sup>me</sup> de Motteville.</i>) Cette circonstance donne la date de cette -lettre. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> Plus doucement que si vous me disiez.... (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> Voyez les <i>Poésies chrétiennes et morales</i> de Godeau, t. II. -Paris, 1663. <i>La Grande Chartreuse</i> avait paru isolément, -comme la plupart des poésies de Godeau. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> Les princes avaient été transférés du donjon de Vincennes -au château de Marcoussis le 29 août précédent; c'est ce que -nous apprenons de Loret:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ce jour (lundi) on prit occasion</p> -<p>De faire la translation,</p> -<p>Mais très-cachée et très-soudaine,</p> -<p>Des trois prisonniers de Vincennes.</p> -<p>Plaise à la divine bonté</p> -<p>Que la dure captivité</p> -<p>Par eux constamment endurée,</p> -<p>Ne soit pas de longue durée!</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6">(<i>Muse historique</i>; lettre du 2 septembre 1650.) (M.)</span></p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> On voit dans les <i>Mémoires d'Omer Talon</i> que l'on avait eu -connaissance, par des lettres interceptées, que de Madrid, sur -la demande du marquis de Sillery qui négociait pour les rebelles, -des ordres avaient été donnés pour que le maréchal de -Turenne entrât dans le royaume et donnât de l'effroi à Paris. -«Ce qui estoit desjà fait,» dit Talon, «car lors l'armée des -ennemis étoit proche de la Ferté-Milon.» Cette alarme donna -lieu au transfèrement des princes. Loret peint très-plaisamment -l'effet que l'approche de l'ennemi produisit dans Paris:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Lundi vinrent dedans Paris</p> -<p>Avec plaintes, clameurs et cris,</p> -<p>Gens conduisant, toutes complettes,</p> -<p>Sept mil sept cent trente charrettes</p> -<p>Pleines de coffres et paquets,</p> -<p>Dont l'on fit lors de grands caquets;</p> -<p>Mais ces caquets sont choses vaines.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p><span class="i6">(<i>Muse historique</i>; lettre du 2 septembre 1650. M.)</span></p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> Charles de l'Aubespine, seigneur de Verderonne, maître -des requêtes, chancelier de Gaston d'Orléans. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> Le chancelier Séguier n'avait pas alors les sceaux, ils lui -avaient été redemandés le 1<sup>er</sup> mars précédent, et confiés -à Charles de l'Aubespine, marquis de Châteuneuf, qui les -garda jusqu'au mois d'avril 1651, et les remit alors à Mathieu -Molé. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> Le parlement de Paris avait député à la reine régente les -deux conseillers Meusnier et Bitaut, pour la supplier de continuer -<i>sa bonne volonté envers la ville de Bordeaux</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> Cet accommodement, qui ne fut définitivement conclu -qu'en 1653, consistait, pour le comte de Dognon, à rendre, -ou plutôt à vendre au cardinal Mazarin, contre le bâton de -maréchal de France, le Brouage et autres places dont il s'était -emparé à la faveur des troubles.</p> - -<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> Loret nous apprend dans sa <i>Muse historique</i>, que cette -femme de chambre s'appeloit Noiron, et que la reine la maria -peu de temps après sa disgrâce à un sieur Ivelin, attaché -comme médecin à sa maison. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> M<sup>lle</sup> Paulet.</p> - -<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> Voyez l'épître de Godeau à la marquise de Clermont -d'Antragues, dans ses Poésies. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> Voir, sur cette entrevue de la reine et de la Princesse de -Condé, les <i>Mémoires de M<sup>lle</sup> de Montpensier</i>. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> <i>Mémoires de M<sup>me</sup> de Motteville.</i> (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> Le duc de Beaufort, grand Amiral de France, surnommé -le <i>roi des halles</i>. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> La cour revint à Paris au commencement du mois de -novembre 1650. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, et Marie de Bretagne, -duchesse de Montbazon. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> Ces vers étaient déjà connus par le récit de M<sup>me</sup> de Motteville. -(M.)</p> - -<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> M. de Bar était chargé de la garde des trois Princes; il -était fort ignorant. On a prétendu que, comme il ne savait pas -le latin, il voulait qu'on leur dît la messe en français, de peur -que le prêtre, en officiant, ne leur donnât dans cette langue -des avis qu'il ne pourrait pas comprendre. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> Cet événement arriva le samedi 29 octobre 1650, entre -onze heures et minuit. Voyez le <i>Récit véritable de tout ce qui -s'est passé à l'assassinat commis proche l'hôtel de Schomberg, au -sujet de Monseigneur le duc de Beaufort</i>. Paris, 1650, in-4<sup>o</sup> de -sept pages. Loret a raconté aussi cet événement dans sa <i>Muse -historique</i>. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> <i>La Croix du Trahoir</i>; rue Saint-Honoré, au coin de la rue -de l'Arbre-Sec. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> Les sieurs de Saint-Églan et de Brinville. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> Comme l'écrit déjà cité est l'ouvrage d'un Frondeur, et -que ce parti ne mettoit pas en doute l'intention des assassins -de tuer le duc de Beaufort, le pamphlet diffère essentiellement -de la narration de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Il y est dit que les -assaillants, «croyant que ledit seigneur-duc estoit dans ledit -carrosse, à cause que le sieur de Saint-Églan avoit la chevelure -blonde, ainsy que la porte ledit seigneur-duc, tirèrent quinze -à vingt coups, sans blesser personne, sinon le sieur de -Brinville, lequel fut blessé légèrement à la joue.... et tout -aussitost tira un autre coup de mousqueton, duquel fut tué ou -blessé à mort un desdits assassineurs, et en mesme temps ledit -sieur de Brinville sauta legerement hors du carrosse, et à la -faveur de la nuict se mesla parmi eux sans estre reconnû, -ce que ne put faire le sieur de Saint-Églan, lequel fut misérablement -blessé d'un coup de poignard ou de baïonnette au -cœur, dont il mourut une demy heure après.» <i>Récit véritable.</i> -(M.)</p> - -<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> C'était dans la nuit du jeudi 3 novembre 1650. Voir les -mémoires du temps et la lettre du samedi 5 novembre de la -<i>Muse historique</i> de Loret. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse douairière -de Condé. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> La cour rentra à Paris le 12 novembre 1650. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> Henri de Lorraine comte d'Harcourt, mort en 1666.</p> - -<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> Pendant la translation de Marcoussis au Havre, le prince -de Condé fit contre le comte d'Harcourt le couplet suivant:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Cet homme gros et court</p> -<p class="i1"> Si connu dans l'histoire,</p> -<p class="i1"> Ce grand comte d'Harcourt,</p> -<p class="i1"> Tout couronné de gloire,</p> -<p>Qui secourut Casal et recouvra Turin,</p> -<p>Est maintenant recors de Jules Mazarin.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> César-Phébus d'Albret, comte de Miossens, alors maréchal -de camp, depuis maréchal d'Albret. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> La princesse de Condé douairière mourut à Châtillon-sur-Loing -le 2 décembre 1650. Ses restes furent transportés -le 22 du même mois au couvent des Carmélites de la rue -Saint-Jacques. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> Isaac Habert, nommé évêque de Vabres en 1645. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> La bataille de Réthel, gagnée le 15 décembre 1650, par le -maréchal du Plessis sur les Espagnols, dans les rangs desquels -étoit le maréchal de Turenne. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> Claude de Mesmes, comte d'Avaux, l'un de nos diplomates -les plus distingués, et frère du président, étoit mort le 19 novembre. -(M.)</p> - -<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> Henri de Mesmes, président à mortier au parlement de -Paris, mourut le 29 décembre 1650. Ce passage donne la date -précise de cette lettre. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> C'est-à-dire apparemment un patron dans le ciel.—René -Potier, seigneur de Blancmesnil et du Bourget, président des -Enquêtes, ne termina cependant sa carrière que le 17 novembre -1680. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> Cette lettre ne figure pas ici.</p> - -<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> Les princes étaient sortis du Havre le 13 février précédent. -Leur liberté avait été le résultat d'un traité fait entre le Co-adjuteur -et la princesse Palatine, au nom du prince de Condé, -dont elle avait reçu les pouvoirs tracés sur une ardoise. Ce -double mariage en avait été l'une des conditions. Le but était -de réunir les princes et le duc d'Orléans dans un même intérêt. -Ces mariages ne s'accomplirent pas. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> Jean de Montreuil, secrétaire du prince de Conti, membre -de l'Académie française. Il n'aurait pu être longtemps le <i>custodi-nos</i> -du prince, car il mourut le 27 avril suivant. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> Ce second refus du Parlement eut lieu le premier mars -1651; ce fait donne la date précise de cette lettre. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> Louis de Valois, duc d'Angoulême, gouverneur de Provence, -avait eu de violents démêlés avec le Parlement d'Aix. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> Mathieu Molé, premier président du Parlement de Paris, -reçut les sceaux le 3 avril 1651, et mourut dans ses fonctions -le 3 janvier 1656. (M).</p> - -<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> C'était le ballet de <i>Cassandre</i> dont les paroles sont de -Benserade. (Voir les Œuvres de ce poëte.) Il fut dansé au -Palais-Cardinal le 26 février 1651. La reine n'y assista point; -elle venait d'être obligée d'ordonner au cardinal Mazarin de -quitter la France. (Voir la <i>Muse historique</i> de Loret, lettre du -5 mars 1651.) (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> Les bourgeois de Paris gardaient nuit et jour le Palais-Royal; -cela dura jusqu'au mois d'avril. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> Ce monsieur Bonneau était vraisemblablement l'oncle de -M<sup>me</sup> de Miramion; sa fille épousa M. de Chauvelin. (M.)</p> - -<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> Bibliothèque de l'Arsenal. M<sup>ss</sup>.-B. L. françaises, t. I, -p. 43.</p> - -<p>Chapelain avait remercié M<sup>lle</sup> Robineau d'oiseaux de Paradis -que lui avait envoyés M<sup>me</sup> Aragonnais. Nous avons déjà -vu par la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au même, du 31 janvier -1645, qu'elle l'accusait d'une grande partialité pour M<sup>lle</sup> Robineau.</p> - -<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, p. 51, 52.</p> - -<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, p. 53, 54.</p> - -<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> M<sup>ss</sup> Conrart. in f<sup>o</sup>, t. V, p. 72.</p> - -<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> Le commencement de la ligne est coupé, et la dernière -ligne entièrement.</p> - -<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, p. 905.</p> - -<p>La comtesse de Maure avait écrit à M<sup>me</sup> de Longueville deux -lettres du 9 juin et du.... septembre 1655, où elle se moquait -des prétentions de Mesdames de Bouillon, à propos d'une -aventure dans laquelle figuraient les comtesses de Maure et de -Saint-Géran, le père gardien d'un couvent de Bourbon, etc. -(Voy. sur toute cette histoire, Cousin, <i>Madame de Sablé</i>, 1869, -p. 299 et suiv.)</p> - -<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 905.</p> - -<p>Cette lettre a été insérée par Amelot de la Houssaye dans -ses <i>Mémoires historiques</i>, etc., 1737, t. II, p. 364. Voy. la <i>Notice</i>, -p. 101.</p> - -<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. V, pp. 135-138.</p> - -<p>En reproduisant les trois lettres qui suivent dans la <i>Société -française au XVII<sup>me</sup> siècle</i>, M. Cousin les a fait précéder du -préambule suivant:</p> - -<p>«M<sup>lle</sup> de Scudéry ayant été passer une partie de l'automne -à la maison de campagne de Conrart, à Athis, en 1656, Pellisson -y était venu en visite; mais il y était resté fort peu de -temps, et, à son retour à Paris, il s'était empressé d'écrire -à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour lui exprimer les regrets qu'il éprouvait -de n'être pas auprès d'elle, et les pensées qui l'avaient -accompagné sur la route d'Athis à Paris, en côtoyant les -bords de la Seine. Le ton de cette lettre est moitié sérieux, -moitié badin. La réponse de M<sup>lle</sup> de Scudéry est du même -style, ainsi que la réplique de Pellisson. M<sup>lle</sup> de Scudéry -s'appelle toujours Sapho et Pellisson s'appelle déjà Herminius. -On touche à la fin de 1656: la douce liaison est -encore dans sa fleur et dans tout son agrément. Nous mettons -au jour ces billets, qui n'ont rien de fort remarquable, -pour donner une idée de la façon dont M<sup>lle</sup> de Scudéry et -Pellisson étaient ensemble; on y sent une tendresse sincère, -mais le bel esprit domine.»</p> - -<p>Les notes de M. Cousin sur ces trois lettres seront distinguées -par les initiales: V. C.</p> - -<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> Mons était un hameau dépendant d'Athis. Une station du -chemin de fer de Paris à Orléans porte aujourd'hui le nom de -<i>Athis-Mons</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> Cléodamas et sa femme Ibérise sont deux personnages -de la <i>Clélie</i>, qui représentent M. et M<sup>me</sup> Conrart. Agélaste est -M<sup>lle</sup> Boquet; nous ne savons qui est Mérigène. Il paraît que -c'était un homme du monde qui n'osait se risquer à faire le bel -esprit. Cependant, encouragé par M<sup>lle</sup> de Scudéry, il lui écrivit -lorsqu'elle quitta Athis pour retourner à Paris, quelques billets -galants que Conrart nous a conservés avec les réponses -de M<sup>lle</sup> de Scudéry, tome XI, in-folio, page 339 (V. C.).</p> - -<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> On appelait alors <i>corbillart</i> le coche d'eau qui menait à -Corbeil et qui passait devant Athis. (V. C.).</p> - -<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> Ce Cicéron n'est autre que M. de Doneville. Pellisson -l'appelle ainsi, soit parce que dans leur correspondance, dont -on voit quelques échantillons dans les manuscrits de Conrart, -il est souvent question entre eux de Cicéron, que Doneville -lisait beaucoup, soit parce que Pellisson comparait en badinant -le magistrat de Toulouse au consul romain. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> Mérigène ne représente donc pas un des habitués du -Samedi. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> Cela répond à la fin d'un madrigal que M<sup>lle</sup> de Scudéry -avait adressé à Pellisson sous le nom de M<sup>lle</sup> Boquet, avec un -mauvais portrait de celle-ci:</p> - -<p class="quote">Ce travail n'est pourtant pas laid<br /> -Pour un Raphaël de village.</p> - -<p class="signature">(V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> De Bouillon, mort en 1662, est surtout connu par l'<i>Histoire -de Joconde</i> qu'il versifia d'après l'Arioste en même temps que -La Fontaine, et qui donna lieu à une <i>Dissertation</i> de Boileau. -Ses <i>Œuvres</i> ont été imprimées: Paris, de Sercy, 1663, in-12. -Mais il existe de lui une Correspondance manuscrite sur laquelle -M. Faye a donné une <i>Notice</i> dans les <i>Mémoires des Antiquaires -de l'Ouest</i>, année 1843, p. 119. Cette Correspondance -comprend 125 lettres adressées à Scarron, Chapelain, Desbarreaux -et à M<sup>lle</sup> de Scudéry que l'auteur connut en 1657. Nous -lui empruntons les deux fragments qui suivent.</p> - -<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> Dans une de ses lettres inédites, il s'intitule le <i>Grand -chansonnier de France</i>. «M. de Boisrobert, dit-il, qui avoit cette -charge avant moi, m'en a fait bon marché. Dieu veuille qu'elle -me vaille une abbaye comme à lui, car il me semble qu'une -abbaye me siéroit aussi bien qu'à un autre.»</p> - -<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> <i>Œuvres de Bouillon</i>, p. 116.</p> - -<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 901. - -M. de Raincy était fils du financier Bordier qui, ayant bâti -le château du Raincy, obtint pour son fils cadet le titre de ce -beau domaine. Celui-ci vivait dans la société des jeunes seigneurs -et de quelques femmes aimables, telles que M<sup>lle</sup> de -Scudéry, M<sup>mes</sup> de Sévigné, de La Fayette, Scarron, etc. Il -composait des vers de société, et est surtout connu par un madrigal -dont Ménage feignit d'avoir trouvé l'original dans le -Tasse, petite mystification qui trompa alors beaucoup de -monde, mais dont se défièrent M<sup>me</sup> de Sévigné et surtout -M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> Deux aimants.</p> - -<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> Térame, dans le VI<sup>e</sup> volume de <i>Clélie</i>, est un galant de -profession, raisonnant sur l'amour à perte de vue.</p> - -<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 863.</p> - -<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. XI, p. 79.</p> - -<p>Anne Doni d'Attichy, comtesse de Maure, née en 1600, -mariée en 1637, morte en avril 1662. M<sup>lle</sup> de Scudéry l'a peinte -dans le <i>Grand Cyrus</i> sous le nom de la princesse d'Arménie, -et M<sup>lle</sup> de Montpensier sous celui de la princesse de Misnie -dans la <i>Princesse de Paphlagonie</i>, qui est le livre dont il est -question dans cette lettre. M. A. de Barthélemy a publié la -<i>Comtesse de Maure, sa vie et sa correspondance</i>. Paris, Gay, -1863, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> La Suze et Pellisson, <i>Recueil de pièces galantes</i>, 1741, in-12, -t. I, p. 266.</p> - -<p>Isarn (voy. la <i>Notice</i>, p. 68) avait adressé à M<sup>lle</sup> de Scudéry -une pièce mêlée de vers et de prose, intitulée le <i>Louis d'Or</i>, -qui a été insérée dans un grand nombre de recueils, outre celui -que nous venons de citer, et qui a donné lieu à beaucoup -d'imitations.</p> - -<p>Voici l'indication de l'édition originale: <i>La Pistole parlante, -ou la Métamorphose du Louis d'Or, dédiée à M<sup>lle</sup> de Scudéry</i>. -Paris, Ch. de Sercy et Cl. Barbin, 1660, in-12 de 48 p.</p> - -<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> Les trois lettres suivantes sont tirées de la collection -Baluze, armoire <span class="smallc">V</span>, paquet <span class="smallc">IV</span>, n. 3. L. I, 2 vol. in-f<sup>o</sup>. Altérée -par la vive émotion que lui causait l'arrestation de -Fouquet et de Pellisson, l'écriture de M<sup>lle</sup> de Scudéry y est -encore plus difficile à déchiffrer qu'à l'ordinaire. Elles ont été -publiées d'abord par M. Marcou, puis plus correctement par -M. Chéruel, dans ses <i>Mémoires sur Fouquet</i>. Nous les avons -collationnées de nouveau sur les originaux, et nous ne sommes -pas parvenus à en rétablir complétement les lacunes et -les ratures.</p> - -<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> Voir la <i>Notice</i>, p. 71 et suiv.</p> - -<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> Propriétaire de la maison des Pressoirs.</p> - -<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> Ambassadeur de Suède à Paris.</p> - -<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> Marie-Éléonore de Rohan, abbesse de la Sainte-Trinité de -Caen, avant d'être abbesse de Malnoue.</p> - -<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> Voy. ci-après p. 282, note 2.</p> - -<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> Belle-Ile.</p> - -<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> Votre mère. Voy. la <i>Notice</i>, p. 72.</p> - -<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> Femme d'un commis du Surintendant (Chéruel).</p> - -<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> Et pourtant: «J'ai la tête plus grosse que le poing, et -si elle n'est pas enflée,» dit M<sup>me</sup> Jourdain dans le <i>Bourgeois -Gentilhomme</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> Pellisson et Fouquet avaient été arrêtés à Nantes le -5 septembre.</p> - -<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> On trouve dans les papiers de Conrart à la bibliothèque -de l'Arsenal (tome XI, in-folio, p. 187), un portrait de M. Méringat -ou Mérignat, écrit par lui-même (Chéruel).</p> - -<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> M. de Nicolaï (id.).</p> - -<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> Philippe de France, frère de Louis XIV (id.).</p> - -<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> Le Surintendant (id.).</p> - -<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> Henriette de Coligny, fille du maréchal de ce nom, et -petite-fille de l'amiral, avait épousé en 1643 Thomas Hamilton, -comte d'Hadington, noble Écossais. Devenue veuve peu -après son mariage, elle épousa en secondes noces le comte de -la Suze, qui était comme elle de la religion réformée, mais elle -ne tarda pas à souffrir beaucoup des soupçons jaloux de son -mari, qui voulut l'emmener et la retenir dans une de ses -terres. M<sup>me</sup> de la Suze, qui était jolie, qui aimait le monde et -s'occupait de poésie, chercha par tous les moyens possibles à -se soustraire à la tyrannie de son mari. Elle embrassa la religion -catholique, <i>afin</i>, disait la reine Christine, <i>de ne voir son -mari ni dans ce monde ni dans l'autre</i>.</p> - -<p>Plus tard, une séparation définitive (1661) la rendit libre; -elle se livra entièrement à son goût pour les vers, et sa maison -devint le rendez-vous des poëtes et des beaux esprits de -son temps. C'est à cette séparation que M<sup>lle</sup> de Scudéry fait -allusion. M<sup>me</sup> la comtesse de la Suze, née en 1618, mourut en -1673. On trouve un certain nombre de ses productions dans -l'ouvrage réimprimé plusieurs fois et souvent cité par nous: -<i>Recueil de pièces galantes en prose et en vers de M<sup>me</sup> la comtesse -de la Suze et de M. Pellisson</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> On sait que Fouquet composa, pendant sa captivité, des -poésies latines et françaises, dont M. P. Clément a donné -quelques échantillons dans le travail intitulé: <i>Nicolas Fouquet, -surintendant des finances</i>, qui précède son <i>Histoire de Colbert</i> -(voy. p. 68, 446 et 451.) Mais nous ne savons quels sont les -vers dont parle ici M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> Catherine-Henriette Bellier, première femme de chambre -de la reine Anne d'Autriche. Elle passe pour avoir eu les prémices -du jeune roi Louis XIV, et fut plus tard «disgraciée par -beaucoup de bonnes raisons,» dit l'honnête M<sup>me</sup> de Motteville.</p> - -<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> M<sup>lle</sup> de Lamothe-Houdancourt était une des filles d'honneur -de la reine. La comtesse de Soissons, qui n'aimait pas M<sup>lle</sup> de -la Vallière, voulant lui susciter une rivale, appela l'attention -du jeune roi sur M<sup>lle</sup> de Lamothe-Houdancourt, et facilita même -à plusieurs reprises le rapprochement des deux amants. M<sup>me</sup> la -duchesse de Navailles, qui avait les filles d'honneur sous sa -surveillance, et qui s'était aperçue de cette nouvelle passion -du roi, lui en fit des représentations respectueuses, mais hardies. -Elle en vint même jusqu'à faire placer des grilles aux fenêtres -de l'appartement des filles d'honneur, afin d'empêcher le -roi d'y pénétrer par les terrasses du château. Ces obstacles -contrarièrent vivement le roi, qui cependant ne voulut pas -faire un éclat, et il ne tarda pas à rentrer sous le joug si aimable -et si doux de M<sup>lle</sup> de la Vallière.</p> - -<p>Plusieurs écrivains ont mis l'intrigue dont il vient d'être -question sur le compte de M<sup>lle</sup> de Lamothe-d'Argencourt, autre -fille d'honneur de la reine-mère, pour laquelle le roi avait -montré de l'inclination en 1657 (voy. les <i>Mémoires de Motteville</i>). -Mais comment croire que M<sup>lle</sup> de Scudéry, à la fin de -l'année 1661, pût donner comme une <i>nouvelle</i> un fait qui se -serait passé quatre ans auparavant? D'ailleurs, le rôle attribué -ici à M<sup>me</sup> de Beauvais et au marquis de Richelieu, son -gendre, prouve qu'il s'agit bien de M<sup>lle</sup> de Lamothe-Houdancourt, -car c'est bien de cette dernière (et non de M<sup>lle</sup> d'Argencourt) -que les <i>Mémoires de Brienne</i> (le jeune), t. I, p. 173, nous -montrent le marquis amoureux à l'époque de la disgrâce de -Fouquet, et cela avec des détails qui rendent toute confusion -impossible.</p> - -<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> C'est-à-dire qu'il en faisait l'objet d'une de ces plaisanteries -de société dans lesquelles il excellait.</p> - -<p>A la suite de ceci, il y a dans l'original quatre lignes biffées -avec soin. Nous avons cru déchiffrer ces quelques mots: «<i>Il -vint à Fontainebleau..... M<sup>lle</sup> Loyseau..... Aragonnais.....</i>»</p> - -<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> Commis de Fouquet.</p> - -<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> Cette lettre, et la plupart de celles qui suivront, adressées -à Huet par M<sup>lle</sup> de Scudéry, sont tirées des copies de Léchaudé -d'Anisy, conservées à la Bibliothèque nationale. Ces originaux -sont aujourd'hui perdus ou dispersés, et ces copies sans date, -sans ordre, ont été exécutées dans un déplorable système de -retranchements et d'arrangements, dont on pourra juger par -l'avis suivant que le copiste a cru devoir mettre en tête:</p> - -<p class="blockquote"> -«La nombreuse collection de lettres autographes de M<sup>lle</sup> de -Scudéry, que l'évêque d'Avranches avait reçues et avait rassemblées, -aurait pu permettre d'étendre beaucoup cette correspondance, -surtout si l'on y eût ajouté les diverses poésies -qu'elle soumettait au jugement du savant prélat. Mais ses vers -étant encore plus affectés que ses lettres familières, on a dû -les supprimer totalement dans ce recueil et se borner au très-petit -nombre de ses lettres qui se ressentent le moins de ce -style précieux et affecté qu'on reproche à M<sup>lle</sup> de Scudéry, et -qui était un des caractères distinctifs de son esprit.»</p> - -<p>Ainsi, retrancher dans les lettres d'un écrivain ce qui était -<i>un des caractères distinctifs de son esprit</i>, voilà le système avoué -du transcripteur de la Correspondance de Huet. Ce qui peut -consoler les amis de notre histoire littéraire, ce sont les longues -et consciencieuses études que M. Baudement, bibliothécaire -à la Bibliothèque nationale, a consacrées à l'évêque -d'Avranches, études dont il nous a été donné de profiter, et -dont il faut espérer que le public jouira bientôt à son tour.</p> - -<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> Fouquet.</p> - -<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> Pellisson.</p> - -<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> Cet ami dans le tombeau serait-il Mazarin, mort le 9 mars -précédent?</p> - -<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, t. IX, in-f<sup>o</sup>, p. 199.—<i>Pièces nouvelles et -galantes</i>, 1667, t. II, p. 9.—Voir la <i>Notice</i>, p. 109, note 4.</p> - -<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 75.</p> - -<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> Delort, <i>Voyages aux environs de Paris</i>, t. I, p. 141.—<i>Histoire -de la détention des philosophes</i>, t. I. p. 79.</p> - -<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> Il parut en 1670. «Achevé d'imprimer le 20 novembre -1670,» lit-on en tête de la première édition qui précède le -roman de <i>Zaïde</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> <i>Du vrai et parfait amour, contenant les amours honnêtes de -Théogène et de Charide</i>, etc., Paris, 1599 et 1612, in-12. C'est -un pastiche des romans grecs, mis par son auteur, Martin -Fumée, s<sup>r</sup> de Genillé, sous le nom du philosophe Athénagoras.</p> - -<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> Cet avocat au parlement de Dijon, trésorier de France en -la généralité de Bourgogne, était parent de Bossuet; il était né -en 1644 et mourut en 1715. Voir la <i>Notice</i> de M. Miller, souvent -citée par nous, à laquelle nous empruntons cette lettre: -<i>Pierre Taisand</i>, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> M<sup>me</sup> Foucaut, sœur de Bossuet. Voy. <i>Pierre Taisand</i>, p. 10.</p> - -<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> François Charpentier, membre de l'Académie française, -était en correspondance avec M<sup>lle</sup> de Scudéry. <i>Voy.</i> ci-après la -lettre qu'il lui adressa en 1659.</p> - -<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> <i>Églogue royale à Louis XIV</i>. Paris, 1673, in-4<sup>o</sup>. C'est à -cette production de Charpentier que Boileau fait allusion dans -son <i>Discours au Roy</i>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>L'un en style pompeux habillant une églogue</p> -<p>De ses rares vertus se fait un long prologue,</p> -<p>Et mêle, en se vantant soi-même à tout propos,</p> -<p>Les louanges d'un fat à celles d'un héros.</p> -</div></div> - -<p>Il faut dire que Boileau était souvent en querelle à l'Académie -avec Charpentier. Dans une lettre à Racine datée de Bourbon -le 21 juillet 1687, où Fagon l'avait envoyé prendre les eaux pour -le guérir d'une extinction de voix qui l'affligeait depuis plusieurs -années, il dépeint le traitement auquel on le soumet, et dit en -s'y résignant: «Mais que ne feroit-on pas pour contredire -M. Charpentier?»</p> - -<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> Copie Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> La ville de Luxembourg se rendit au maréchal de Créqui -le 4 juin, après 24 jours de tranchée ouverte.</p> - -<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> Marie-Éléonore de Rohan, morte le 8 avril 1682.</p> - -<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> Claude Guyonnet de Vertron, auteur de la <i>Nouvelle Pandore, -ou les Femmes illustres du règne de Louis XIV</i>, 1698, 2 vol. -in-12, où il a rassemblé une foule de sonnets, madrigaux, etc., -à la gloire des dames et à la louange du roi. Ce recueil indigeste -et assez rare offre pour nous l'intérêt d'avoir conservé -quelques lettres de M<sup>lle</sup> de Scudéry, parmi lesquelles nous -avons choisi celle-ci et les deux suivantes.</p> - -<p>Cette lettre répond à une épître où M. de Vertron lui demandait -à être introduit auprès d'elle sous les auspices de -M<sup>lle</sup> de la Vigne. <i>Nouvelle Pandore</i>, p. 349 à 351.</p> - -<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> Probablement le grand carrousel des 4 et 5 juin 1685, -où le duc de Saint-Aignan joua un rôle important, comme on -le voit par la <i>Relation</i> qui en fut publiée cette année même. Il -y eut un autre carrousel en 1686.</p> - -<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> <i>Parallèle de Louis le Grand avec les princes qui ont été nommés -grands</i>, Paris, 1685, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> <i>Espace</i> était quelquefois employé au féminin. D'Aubigné -lui donne ce genre.</p> - -<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> Ce sonnet à la louange de M<sup>lle</sup> de Scudéry se trouve -dans la <i>Nouvelle Pandore</i>, t. I, p. 313.</p> - -<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> Il s'agissait d'un concours de bouts-rimés en l'honneur -du duc de Saint-Aignan, protecteur de Vertron. Celui-ci avait -désigné M<sup>me</sup> Deshoulières et M<sup>lle</sup> Serment pour exercer cette -espèce d'arbitrage que M<sup>lle</sup> de Scudéry décline ici avec politesse.</p> - -<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> La notice détaillée que le savant Weiss a consacrée à ce -personnage dans la <i>Biographie universelle</i>, nous dispense d'en -parler ici longuement. Contentons-nous de dire que l'abbé -Boisot (Jean-Baptiste) naquit à Besançon, au mois de juillet -1638 et mourut le 4 décembre 1694. Il est connu par divers travaux -d'érudition et par la part qu'il prit à la conservation et au -classement des papiers du cardinal de Granvelle.</p> - -<p>Ami de Pellisson et de M<sup>lle</sup> de Scudéry, il entretint avec -celle-ci une correspondance qui s'étendit depuis la fin de l'année -1686 jusqu'en 1694, époque de la mort de l'abbé. Conservée -à la bibliothèque de Besançon, elle a été communiquée par le -savant M. Weiss aux éditeurs des <i>Historiettes de Tallemant des -Réaux</i>, 1860. Nous en reproduisons ici un certain nombre, avec -les éclaircissements qu'y avait joints M. Weiss, nous réservant -d'élaguer, dans le texte et dans les notes, les répétitions et les -longueurs.</p> - -<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> Cabinet de M. Toussaint, avocat au Havre.</p> - -<p>L'évêque de Poitiers était François-Ignace de Baglion de -Saillant.</p> - -<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> François de Bonne, maréchal de Créqui, mort le 4 février -1687.</p> - -<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> Il est probable que ces lettres faisaient partie des papiers -du cardinal de Granvelle, et que l'abbé Boisot, toujours empressé -d'être agréable à M<sup>lle</sup> de Scudéry, les lui avait envoyées. -(W.)</p> - -<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> Voyez-les, aux Poésies.</p> - -<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> Trouvé dans les papiers du cardinal de Granvelle, par -l'abbé Boisot, qui s'était empressé de le communiquer à -M<sup>lle</sup> de Scudéry. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> Ce gentilhomme bordelais se nommait Bétoulaud. On -conserve de lui dans les recueils académiques des provinces -un grand nombre de pièces de poésie. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> Elle les avait recommandés à l'abbé par une lettre du -6 juin, où elle parlait du père (l'une des victimes de Boileau), -comme d'un de ses amis particuliers depuis trente ans.</p> - -<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> On n'a pas pu le retrouver dans les papiers de l'abbé -Boisot. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> Le duc de Chevreuse remplissait réellement, comme le -dit M<sup>lle</sup> de Scudéry, les fonctions de sous-gouverneur du duc -de Bourgogne, mais il n'en eut pas le titre. On lit dans la <i>Gazette -de France</i> du 20 août 1689: «Le marquis de Denonville -(Jacques-René de Briney) est nommé sous-gouverneur du duc -de Bourgogne.» M. de Denonville avait été gouverneur du -Canada; il mourut en 1710, âgé de soixante-treize ans. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> L'officier sous lequel le fils de Bonnecorse devait servir.</p> - -<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> C'est le livre que Huet publia en latin contre la philosophie -de Descartes, et qui fut imprimé pour la première fois -en 1689.</p> - -<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> Catherine Descartes, nièce du célèbre philosophe, est -morte à Rennes vers 1706. Elle avait beaucoup d'esprit et de -savoir, et écrivait facilement en vers et en prose. M<sup>lle</sup> de Scudéry -l'appelait <i>Cartésie</i> et l'aimait beaucoup, comme le témoignent -les lettres qu'elle lui adressait et auxquelles celle-ci -répondit. Voyez-les ci-après.</p> - -<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> Ce madrigal est celui qu'elle fit pour le duc de Bourgogne -faisant l'exercice avec les mousquetaires devant le Roi. Voy. -aux Poésies.</p> - -<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> <i>Réflexions sur les différends en matière de religion.</i> 1686, -in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> <i>Les Chimères de M. Jurieu</i>, autre ouvrage de Pellisson. -1690, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> Jean-Baptiste Le Conte de la Tresne, premier président -au parlement de Bordeaux.</p> - -<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> Il s'agit des trois éloges de Louis XIV, par Pellisson, -dont il a été question dans la lettre précédente.</p> - -<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> Composé en 1665, publié en 1735 dans les <i>Œuvres diverses</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> Paris, 1671, in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> Leibnitz.</p> - -<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> M<sup>lle</sup> Bordey, dont il sera parlé ci-après.</p> - -<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> Jeanne-Anne de Bordey, née vers 1650 à Vuillafans, près -d'Ornans, d'une famille noble, éprouva de bonne heure un -goût très-vif pour les lettres; mais elle les cultivait en secret -pour échapper au ridicule qui s'attachait alors dans sa province -aux femmes soupçonnées de viser au bel esprit. Sa modestie -ne l'empêcha pas d'être connue du savant abbé Boisot, qui -reçut dès lors ses confidences littéraires et l'encouragea dans -ses essais. Ce fut lui qui la mit en rapport avec M<sup>lle</sup> de Scudéry, -qui lui donna le nom de <i>Belle Iris</i>, sous lequel elle était -connue dans les sociétés de Paris. La mort de l'abbé Boisot, -son protecteur et son constant ami, dut être pour elle la cause -d'un vif chagrin. Elle avait épousé peu de temps auparavant -(1691) M. de Chandiot, d'une famille patricienne de Besançon, -qui sut apprécier toutes les qualités de sa compagne. Elle le -perdit en 1709, et dès lors elle vécut dans une retraite profonde, -partageant son temps entre la culture des lettres, son -unique consolation, et la pratique de toutes les vertus chrétiennes. -Sa charité était inépuisable; par son testament elle -légua toute sa fortune au Grand Hôpital dont son mari avait été -l'un des administrateurs et des éminents bienfaiteurs; elle demandait -aussi d'être inhumée dans le cimetière de cet hospice, -au milieu des pauvres dont elle avait été la providence, et pour -ainsi dire, la mère. Son vœu fut exaucé. M<sup>me</sup> de Chandiot mourut -le 19 mars 1737, dans un âge très-avancé. On ne connaît aucun -écrit de M<sup>me</sup> de Chandiot. Une partie de sa correspondance -avec l'abbé Nicaise et des autres amis de M<sup>lle</sup> de Scudéry, était -entre les mains de M. Rousselle de Bréville, de l'académie de -Besançon; celui-ci étant mort en 1807, dans un village où il -s'était retiré pendant la Révolution, cette correspondance devint -la proie du maître d'école qui, n'en connaissant pas la -valeur, la donnait à ses élèves pour les former à la lecture des -<i>vieux papiers</i>. Ainsi rien ne subsiste plus d'une femme aussi -vertueuse que spirituelle; et son nom est à peine connu dans -une ville où sa mémoire aurait dû être impérissable. (W.)</p> - -<p>Sur la mort de M<sup>me</sup> de Chandiot et sur le sort de ses papiers, -voy. <i>Revue littéraire de la Franche-Comté</i>, t. IV, p. 210.</p> - -<p>Cette lettre ne fait pas partie de la correspondance conservée -à Besançon. Nous la tirons d'un M<sup>ss</sup> de la Bibliothèque nationale -qui en renferme six autres de M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>me</sup> de -Chandiot: <i>Lettres originales</i>, t. IV. N-Z.</p> - -<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> Innocent XII, qui succéda à Alexandre VIII. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry se trompe, il n'a point été archevêque de -Florence. (W.)</p> - -<p>Il y a une autre erreur sur l'âge de 87 ans, que M<sup>lle</sup> de -Scudéry donne au Pape lors de son élection, tandis que les -biographes s'accordent pour le faire mourir en 1700, âgé de -85 ans.</p> - -<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> On n'a pu retrouver ce dialogue dans les papiers de l'abbé -Boisot. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> Cabinet de M. Victor Cousin.</p> - -<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry avait recommandé à Huet, pour la place -vacante à l'Académie par la mort de Benserade, M. de la Loubère, -né à Toulouse en 1642.</p> - -<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> Le ton de ce billet prouve que M<sup>lle</sup> de Scudéry était -blessée de la préférence accordée à Pavillon sur son ami, M. de -la Loubère, qui fut ensuite nommé en 1693. La parenté de -M<sup>me</sup> de Pontchartrain, comptée comme un des titres de Pavillon -à cette préférence, est même un trait assez malin pour -M<sup>lle</sup> de Scudéry; mais ce qu'il y a de plaisant, c'est que la Loubère -fut nommé par le crédit de M. de Pontchartrain, chancelier, -ce qui lui valut alors une épigramme qu'on attribue à -La Fontaine, et avec plus de vraisemblance à Chaulieu. Elle se -termine ainsi:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Il en sera quoi qu'on en die:</p> -<p>C'est un impôt que Pontchartrain</p> -<p>Veut mettre sur l'Académie.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> M<sup>lle</sup> Bordey avait épousé, à la fin de l'année 1691, M. de -Chandiot. S'il faut croire ce que dit M<sup>lle</sup> de Scudéry dans cette -lettre, cette union aurait été un mariage de raison et de convenance -dans lequel l'amour ne serait entré pour rien.</p> - -<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> De Mauroy. Voici ce qu'en dit Saint-Simon dans ses <i>Additions</i> -au <i>Journal de Dangeau</i>, t. III, p. 438: «C'étoit un prêtre -de la Congrégation de la mission, gentilhomme de bon -lieu, savant et de beaucoup d'esprit et d'intrigue, grand directeur -et grand cagot, qui avoit fait longtemps avec ses poulettes -de quoi être brûlé, sans qu'on en eût le moindre soupçon, et -avoit volé tant et plus M. de Louvois, avec qui la cure des -Invalides lui avoit donné grande relation, et à qui il tiroit tant -qu'il vouloit d'aumônes, et pour des sommes très-considérables. -L'éclat fut donc du plus grand scandale; néanmoins le -roi ne voulut pas qu'il fût poussé à bout, et le confina dans -l'abbaye de Sept-Fonts, où il se convertit si bien qu'il y fit -profession, et y a été plus de trente ans l'exemple le plus parfait -de la pénitence, de la miséricorde de Dieu et des vertus de -cette maison, qui est la même vie et la même règle que la -Trappe.»</p> - -<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> Le livre pour lequel M<sup>lle</sup> de Scudéry adresse à Huet des -remercîments est son ouvrage sur la <i>Situation du Paradis terrestre</i>, -qu'il place en effet au confluent de l'Euphrate et du -Tigre. (Cet ouvrage parut à Paris, chez Anisson, 1 vol. in-12, -1691.)—Le privilége est du 11 octobre. Quant aux voyages de -M<sup>lle</sup> de Scudéry aux bords de l'Euphrate et à Suze, on voit -que c'est une allusion à ses romans.</p> - -<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> Probablement l'abbé de Faure-Ferriès, qui publia le <i>Traité -de l'Eucharistie</i> de Pellisson.</p> - -<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> De Forbin-Janson.</p> - -<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> Fille naturelle de Louis XIV et de M<sup>me</sup> de Montespan. Ce -mariage eut lieu le 18 février 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> Jean-Claude de Bressay de Belfrey servait comme ingénieur -dans l'armée espagnole, lorsqu'il entra au service de -France en 1691. Maréchal de camp le 30 avril 1692, il fut autorisé, -le 1<sup>er</sup> juillet suivant, à lever un régiment d'infanterie -de son nom; enfin, le 3 janvier 1694, il obtint le grade de -lieutenant général.</p> - -<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> J'ai valu, vaux et vaudrai. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> Jean-Jacques Boisot, frère cadet de l'abbé de Saint-Vincent, -président à mortier en 1686, mort le 17 octobre -1731. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> Voy. dans la <i>Notice</i>, p. 100, ce que nous avons dit des -pierres gravées données au roi par M<sup>lle</sup> de Scudéry. Celle dont -il est ici question figure encore au Cabinet des médailles sous -le n<sup>o</sup> 2392, parmi les <i>Intailles modernes</i>. Sa non antiquité est -reconnue depuis longtemps.</p> - -<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> C'est-à-dire son propre maître, comme la suite l'indique.</p> - -<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> Joseph de Forbin, marquis de Janson, gouverneur d'Antibes, -comme l'avait été son père Laurent de Forbin, mort le -2 du même mois. Nous avons parlé du Cardinal, p. 24 de la -<i>Notice</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 109.</p> - -<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> Paris, 1692, 2 vol. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> D'une famille patricienne de Bayonne; il y a eu des co-gouverneurs -de ce nom et des conseillers au Parlement. Elle -est éteinte depuis la fin du dernier siècle. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> Mascaron. M<sup>lle</sup> de Scudéry, en le disant le plus éloquent -prélat du royaume, oublioit Bossuet. Mais Bossuet ne l'avoit -pas apparemment remerciée de l'envoi de son ouvrage. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> Huet.</p> - -<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> Voy. <i>Historiettes</i>. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> Communiquée par M. Étienne Charavay.</p> - -<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> Chasse-Midi, Cherche-Midi, maison religieuse établie en -1634 dans la rue de ce nom. M<sup>me</sup> de Rochechouart-Mortemart, -future abbesse de Fontevrault, y allait souvent, et Marie-Éléonore -de Rohan y mourut.</p> - -<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> Ménage mourut le 23 juillet 1692.</p> - -<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> Montausier était mort le 17 mai 1690. Voir aux Poésies -les vers que M<sup>lle</sup> de Scudéry fit à cette occasion.</p> - -<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> Cette lettre, écrite sept jours après la précédente, renferme -plusieurs redites que nous avons supprimées pour la -plupart. Nous la donnons néanmoins à cause de quelques détails -nouveaux.</p> - -<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> Il va sans dire que c'est la copie qui est mal écrite. Cette -copie, de la main de M<sup>lle</sup> de Scudéry, fait partie du cabinet de -M. Dubrunfaut qui a bien voulu nous la communiquer. Voy. ci-après -les lettres de Bossuet à M<sup>lle</sup> de Scudéry et à M<sup>lle</sup> Dupré -sur la mort de Pellisson.</p> - -<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> Le célèbre abbé de Rancé.</p> - -<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> Michel H. Le Peletier.</p> - -<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> Cette religieuse est évidemment Louise-Hollandine, sœur -de la Palatine, duchesse d'Orléans. Elle était en effet en correspondance -avec Leibnitz.</p> - -<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> Elle n'a point été imprimée et on ne l'a pas retrouvée -dans les m<sup>ss</sup> de l'abbé Boisot. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> La lettre de l'abbé Boisot à Pellisson, contenant son projet -de la Vie du cardinal de Granvelle a été publiée dans les -<i>Mémoires de littérature</i> de P. Desmolets, t. IV, p. 27; elle est -très-intéressante. (W.) Nous ajouterons ici à la note de -M. Weiss, qu'il a publié lui-même en 9 vol. in-4<sup>o</sup> les <i>Papiers -d'État du cardinal de Granvelle</i> et que, dans la <i>Notice préliminaire</i>, -il est entré dans de longs détails sur l'abbé Boisot et -sur ses travaux relatifs à ces papiers.</p> - -<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> C'était M. de Lafond.</p> - -<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> Voir aux Poésies.</p> - -<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> Voir la <i>Notice</i>, p. 77.</p> - -<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> Roses.</p> - -<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> Nous n'avons pas retrouvé cet impromptu.</p> - -<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> Jean-Baptiste Adhémar de Monteil de Grignan, frère du -comte de Grignan, et dont il est souvent question dans la correspondance -de M<sup>me</sup> de Sévigné.</p> - -<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> Nous avons parlé dans la <i>Notice</i>, p. 88, des attaques de -Boileau, contre lesquelles M<sup>lle</sup> de Scudéry proteste avec vivacité -dans cette lettre et dans les suivantes.</p> - -<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> Philippe-Julien Mazarini-Mancini, neveu du cardinal.</p> - -<p>Il ne peut être question ici du sonnet grossier à propos de -<i>Phèdre</i>, où le duc de Nevers menaçait Boileau et Racine de -coups de bâton: ce sonnet est de 1674, et la <i>Satire contre les -femmes</i> est de vingt ans postérieure. Comme elle renferme un -portrait de la Précieuse où l'on voulut reconnaître M<sup>me</sup> Deshoulières, -il est possible que, cette fois encore, le duc ait voulu -la venger des attaques de Boileau, leur ennemi commun.</p> - -<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> Hémistiche d'un vers de la satire.</p> - -<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> Ce madrigal n'a pas été retrouvé.</p> - -<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> Sur la <i>Satire contre les femmes</i>. (W.)</p> - -<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> Cabinet de M. Dubrunfaut.</p> - -<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> L'amiral anglais Russell et le vice-amiral espagnol Papachin -commandaient les flottes combinées d'Angleterre et -d'Espagne.</p> - -<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> Il semble qu'il faudrait ajouter <i>Monseigneur le Dauphin</i> ou -<i>le maréchal de Luxembourg</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> Probablement Falaen (Belgique, Province de Namur).</p> - -<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> L'héritier de la duchesse de Nemours était le chevalier -de Soissons, son cousin germain, à qui elle fit prendre, en le -mariant, le titre de prince de Neufchâtel.</p> - -<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> Onyx.—L'inventaire de la bibliothèque des Médailles, cité -par nous p. 100 de la <i>Notice</i>, mentionne à la date du 19 février -1695 «une petite agathe onice montée en cachet d'or sur -laquelle est gravée en creux une Victoire debout, donnée au -Roy par M<sup>lle</sup> de Scudéry.»</p> - -<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> Voy. ce Madrigal aux Poésies.</p> - -<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> Nous n'avons pas trouvé trace de cette question dans le -<i>Journal des Savants</i> de 1694 et de l'année précédente.</p> - -<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> Disons ici, une fois pour toutes, que parmi les nombreuses -pièces de circonstance de M<sup>lle</sup> de Scudéry ou de ses -amis, citées dans sa Correspondance et que nous avons pu -retrouver, celles qui présentent quelque intérêt ont été reproduites -ou indiquées dans les Poésies.</p> - -<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> Cette lettre et les suivantes à M<sup>me</sup> de Chandiot sont tirées -du m<sup>ss</sup> de la Bibliothèque nationale indiqué ci-dessus, p. 322.</p> - -<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> L'abbé Boisot, mort le 4 décembre 1694.</p> - -<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> L'abbé Boisot.—Cet Éloge se trouve au <i>Journal des Savants</i>, -1695, p. 212, sous forme de Lettre à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Voy. les Poésies et le <i>Recueil de M<sup>me</sup> de la Suze et de Pellisson</i>, -1741, t. I, pp. 164 à 199.</p> - -<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> Cabinet de M. Chambry. - -L'abbé Nicaise, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon, -avait été surnommé par La Monnoie le <i>Facteur du Parnasse</i>. -Il entretenait avec divers savants, tant français qu'étrangers, -une vaste correspondance dont plusieurs volumes sont conservés -à Paris, à Lyon et à Montpellier.</p> - -<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> Lantin (Jean-Baptiste), conseiller au parlement de Dijon, -né en 1620, mort en 1695.</p> - -<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> Le <i>Journal des Savants</i> fut rédigé de 1687 à 1702 par -Louis Cousin, président de la cour des Monnaies et membre de -l'Académie française.</p> - -<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_494" href="#FNanchor_494" class="label">[494]</a> Voir la <i>Notice</i>, page 110.—Nous ne savons s'il s'agit ici -de l'abbé Jean Gallois de l'Académie des sciences et de l'Académie -française, l'un des principaux rédacteurs du <i>Journal -des Savants</i>, ou du sieur Legallois auteur des <i>Conversations -académiques</i> dédiées à Huet.</p> - -<p><a id="Footnote_495" href="#FNanchor_495" class="label">[495]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_496" href="#FNanchor_496" class="label">[496]</a> Marc-Antoine de la Bastide, controversiste protestant, né -à Milhau en 1624, mort vers 1704. Il fut envoyé comme secrétaire -d'ambassade en Angleterre; il était ami de Pellisson.</p> - -<p><a id="Footnote_497" href="#FNanchor_497" class="label">[497]</a> De la main d'un secrétaire.</p> - -<p><a id="Footnote_498" href="#FNanchor_498" class="label">[498]</a> Par ses conseils.</p> - -<p><a id="Footnote_499" href="#FNanchor_499" class="label">[499]</a> «En arrivant de Fontainebleau (22 octobre 1699), le jour -même, Monseigneur et la duchesse de Bourgogne furent mis -ensemble.» Saint-Simon, édition Chéruel, tome II, p. 336.</p> - -<p><a id="Footnote_500" href="#FNanchor_500" class="label">[500]</a> <i>Musée des Archives</i>, n<sup>o</sup> 909.</p> - -<p><a id="Footnote_501" href="#FNanchor_501" class="label">[501]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy. - -Cette lettre n'est pas écrite par M<sup>lle</sup> de Scudéry; elle est de -la main d'un secrétaire, et seulement signée par elle.</p> - -<p><a id="Footnote_502" href="#FNanchor_502" class="label">[502]</a> Segrais étant mort le 25 mars 1701, cette lettre est de -peu de temps avant la maladie qui conduisit M<sup>lle</sup> de Scudéry -au tombeau le 3 juin de la même année.</p> - -<p><a id="Footnote_503" href="#FNanchor_503" class="label">[503]</a> Les six lettres suivantes, échangées entre M<sup>lle</sup> de Scudéry -et M<sup>lle</sup> Descartes, sont tirées d'un volume intitulé: <i>Essais de -lettres familières sur toutes sortes de sujets, avec un discours -sur l'art épistolaire et quelques remarques nouvelles sur la langue -françoise; ouvrage posthume de l'abbé *** (Cassagne)</i>; mis en -ordre par l'abbé de Furetière, de l'Académie françoise. Paris, -Jacques Lefebvre, 1690, 1 vol. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_504" href="#FNanchor_504" class="label">[504]</a> Probablement M<sup>me</sup> de Platbuisson. Voyez la <i>Notice</i>, p. 55.</p> - -<p><a id="Footnote_505" href="#FNanchor_505" class="label">[505]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_506" href="#FNanchor_506" class="label">[506]</a> Quel est ce Ménalque? Serait-ce Brancas, le fameux distrait -de Labruyère?</p> - -<p><a id="Footnote_507" href="#FNanchor_507" class="label">[507]</a> Cabinet de M. Toussaint du Havre.</p> - -<p><a id="Footnote_508" href="#FNanchor_508" class="label">[508]</a> Copie de Léchaudé d'Anisy.</p> - -<p><a id="Footnote_509" href="#FNanchor_509" class="label">[509]</a> L'Épître de Sabatier est insérée au tome II, p. 216, de la -<i>Nouvelle Pandore</i>, et la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à la page 211.</p> - -<p><a id="Footnote_510" href="#FNanchor_510" class="label">[510]</a> Cette lettre fait partie d'un volume publié par M. Matter, -intitulé: <i>Lettres et pièces rares et inédites</i>, Paris, 1846.—Voyez -la <i>Notice</i>, page 125.</p> - -<p><a id="Footnote_511" href="#FNanchor_511" class="label">[511]</a> Collection Lajariette.</p> - -<p><a id="Footnote_512" href="#FNanchor_512" class="label">[512]</a> Cabinet de M. Chambry.—Cette lettre est imprimée -dans les <i>Lettres choisies</i> de Balzac, édition de 1668, t. II, p. 211, -et dans l'édition de ses <i>Œuvres</i>, 1665, in-f<sup>o</sup>, t. I, p. 647, mais -on n'y trouve pas le <i>post-scriptum</i> qui est dans la lettre originale.</p> - -<p><a id="Footnote_513" href="#FNanchor_513" class="label">[513]</a> L'<i>Apologie du Théâtre</i>, Paris, 1639, in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_514" href="#FNanchor_514" class="label">[514]</a> <i>Correspondance de Chapelain.</i> M<sup>ss</sup> Sainte-Beuve.</p> - -<p><a id="Footnote_515" href="#FNanchor_515" class="label">[515]</a> George de Scudéry avait demandé à Chapelain son portrait -pour sa collection des Illustres.</p> - -<p><a id="Footnote_516" href="#FNanchor_516" class="label">[516]</a> <i>Lettres de Godeau, évêque de Vence, sur divers sujets.</i> Paris, -1713, in-12, p. 200.</p> - -<p><a id="Footnote_517" href="#FNanchor_517" class="label">[517]</a> Il parut en 1641 une 2<sup>e</sup> édition des <i>Œuvres chrestiennes</i> -de Godeau.</p> - -<p><a id="Footnote_518" href="#FNanchor_518" class="label">[518]</a> Cabinet de M. Rathery.</p> - -<p><a id="Footnote_519" href="#FNanchor_519" class="label">[519]</a> Voy. ci-dessus, p. 195.</p> - -<p><a id="Footnote_520" href="#FNanchor_520" class="label">[520]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. IX, p. 131.</p> - -<p>Des deux lettres ci-jointes, l'une est adressée à M<sup>lle</sup> de -Scudéry, l'autre se rapporte à elle. M. Cousin, en les reproduisant -dans la <i>Société française au dix-septième siècle</i>, les a -fait précéder d'une note qui en explique le sens; la voici:</p> - -<p class="blockquote">«Il paraît qu'en 1647, M<sup>lle</sup> de Scudéry se trouva si fort ennuyée -d'être sous la main tyrannique de son frère que, servitude -pour servitude, elle en souhaita une autre plus favorable -au moins à ses intérêts et à son avenir. Un de ses -amis, M. de la Vergne, sollicita pour elle la place de gouvernante -ou de dame de compagnie dans une très-grande maison. -M<sup>lle</sup> Paulet avait joint ses instances à celles de M. de la -Vergne. Cependant, d'autres personnes avaient demandé la -même place pour M<sup>lle</sup> de Chalais, que nous connaissons par -M<sup>me</sup> de Sablé et par la lettre affectueuse de M<sup>lle</sup> de Scudéry -(Voy. plus haut, p. 166). Dès que M<sup>lle</sup> de Chalais apprit -qu'on avait pensé à M<sup>lle</sup> de Scudéry pour cet emploi, elle -fit cesser toutes démarches, et céda très-volontiers le pas -à son illustre amie. Celle-ci n'était pas femme à se laisser -vaincre en générosité, et à son tour elle déclara qu'elle -n'entendait pas continuer ses poursuites. Ni l'une ni l'autre -n'eurent la place en question; mais il nous a paru que ce -petit combat d'honneur et d'amitié valait la peine d'être -tiré de l'oubli.»</p> - -<p><a id="Footnote_521" href="#FNanchor_521" class="label">[521]</a> C'est-à-dire de celle des nièces du cardinal Mazarin -(Olympe Mancini) que M<sup>me</sup> d'Aiguillon destinait alors au fils -du maréchal de la Meilleraie, son neveu à la mode de Bretagne, -lequel devint plus tard duc de Mazarin par son mariage -avec Hortense.</p> - -<p><a id="Footnote_522" href="#FNanchor_522" class="label">[522]</a> Les trois aînées des nièces de Mazarin: Anne-Marie Martinozzi, -Laure et Olympe Mancini.</p> - -<p><a id="Footnote_523" href="#FNanchor_523" class="label">[523]</a> Vraisemblablement M<sup>me</sup> de Sablé. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_524" href="#FNanchor_524" class="label">[524]</a> A Sablé. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_525" href="#FNanchor_525" class="label">[525]</a> Cabinet Monmerqué.</p> - -<p><a id="Footnote_526" href="#FNanchor_526" class="label">[526]</a> Chapelain avait obtenu dès 1643 le privilége du Roi pour -la publication de la <i>Pucelle</i>, qui ne parut cependant qu'en -1656.</p> - -<p>Voy. la <i>Notice</i>, p. 45, et la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry à Conrart, -p. 207. Il est évident que l'annonce du poëme de Chapelain -avait fait naître une polémique sur celle qui en était -l'héroïne, et M<sup>lle</sup> de Scudéry avait eu à la défendre contre les -attaques du ministre Rivet et de sa nièce, M<sup>lle</sup> Dumoulin.</p> - -<p><a id="Footnote_527" href="#FNanchor_527" class="label">[527]</a> M<sup>ss</sup> de Conrart, in-4<sup>o</sup>, t. XI.</p> - -<p>A la fin de 1650, date de cette lettre, M<sup>me</sup> de Longueville -était sur le point d'être assiégée dans Stenay par une armée -victorieuse. «Elle était en proie à d'autres chagrins plus -cruels encore pour une âme telle que la sienne. Elle venait -de perdre à Stenay sa dernière fille âgée de quatre ans; -et elle y reçut l'affreuse nouvelle que sa mère, qu'elle aimait -tant, était morte à Chantilly le 4 décembre, succombant à -l'excès de sa douleur et à la ruine de sa maison.» (V. C.)</p> - -<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry, qui venait de publier le cinquième volume -du Cyrus, ne voulant pas l'envoyer directement à la princesse -dans des circonstances aussi malheureuses, l'adressa à Sarasin, -qui, étant attaché à la maison de Condé comme secrétaire -des commandements du prince de Conti, avait suivi la duchesse -à Stenay. Le volume était accompagné d'une lettre d'envoi; -c'est à cette lettre que Sarasin répond.</p> - -<p><a id="Footnote_528" href="#FNanchor_528" class="label">[528]</a> Le 22 décembre, à peu près avec la nouvelle de la perte -de la bataille de Réthel, et de la marche de l'armée royale sur -Stenay. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_529" href="#FNanchor_529" class="label">[529]</a> Personnages du tome V du <i>Cyrus</i>. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_530" href="#FNanchor_530" class="label">[530]</a> Amie intime de M<sup>lle</sup> de Scudéry, une des personnes les -plus distinguées de l'hôtel de Rambouillet. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_531" href="#FNanchor_531" class="label">[531]</a> Dames que recevait chez elle M<sup>lle</sup> de Scudéry. (V. C.)</p> - -<p><a id="Footnote_532" href="#FNanchor_532" class="label">[532]</a> Cabinet de M. Jules Boilly.</p> - -<p>Sibylle-Ursule, fille du duc de Brunswick-Wolffenbuttel, -épousa le 13 septembre 1663 le duc Christian de Holstein-Glucksbourg. -Elle mourut le 12 décembre 1671. C'était une -femme distinguée sur laquelle on peut consulter Vehse, <i>Les -Cours d'Allemagne</i>, et Havemann, <i>Histoire de Brunswick</i>. Elle -était, ainsi que son frère, Antoine-Ulric, en correspondance -avec M<sup>lle</sup> de Scudéry. M. de Monmerqué a cité une autre lettre -d'elle à la même, du 19 décembre 1656, dans son article -<span class="smallc">Scudéry</span>, de la <i>Biographie universelle</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_533" href="#FNanchor_533" class="label">[533]</a> En tête des <i>Œuvres de Sarasin</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_534" href="#FNanchor_534" class="label">[534]</a> M<sup>ss</sup> Conrart, in-f<sup>o</sup>, t. IX, p. 859.</p> - -<p><a id="Footnote_535" href="#FNanchor_535" class="label">[535]</a> Ce mot était encore quelquefois masculin.</p> - -<p>Voici les deux pièces dont il est ici question, publiées pour -la première fois en 1660, sous le nom de Corneille, dans la -5<sup>e</sup> partie des <i>Poésies choisies</i>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i7">I</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Mes deux mains a l'envi disputent de leur gloire,</p> -<p class="i4"> Et dans leur sentiment jaloux</p> -<p class="i4"> Je ne sais ce que j'en dois croire.</p> -<p class="i4"> Philis, je m'en rapporte à vous:</p> -<p class="i4"> Réglez mon avis par le vôtre.</p> -<p class="i4"> Vous savez leurs honneurs divers:</p> -<p>La droite a mis au jour un million de vers,</p> -<p>Mais votre belle bouche a daigné baiser l'autre.</p> -<p>Adorable Philis, peut-on mieux décider</p> -<p class="i4"> Que la droite lui doit céder.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i7">II</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je ne veux plus devoir à des gens comme vous;</p> -<p>Je vous trouve, Philis, trop rude créancière.</p> -<p>Pour un baiser prêté, qui m'a fait cent jaloux,</p> -<p>Vous avez retenu mon âme prisonnière.</p> -<p>Il fait mauvais garder un si dangereux prêt;</p> -<p>J'aime mieux vous le rendre avec double intérêt,</p> -<p>Et m'acquitter ainsi mieux que je ne mérite;</p> -<p>Mais à de tels paiemens je n'ose me fier,</p> -<p>Vous accroîtrez la dette en vous laissant payer,</p> -<p>Et doublerez mes fers si par là je m'acquitte.</p> -<p>Le péril en est grand, courons-y toutefois,</p> -<p>Une prison si belle est bien digne d'envie;</p> -<p>Puissé-je vous devoir plus que je ne vous dois,</p> -<p>En peine d'y languir le reste de ma vie.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_536" href="#FNanchor_536" class="label">[536]</a> L'abbé Granet nomme M<sup>lle</sup> Serment, née à Grenoble vers -1642, morte à Paris vers 1692, comme celle à qui s'adressaient -les deux épigrammes, ou plutôt les deux madrigaux de Corneille. -Elle était liée avec M<sup>lle</sup> de Scudéry, et aussi avec Quinault, -Maucroix, Pavillon, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_537" href="#FNanchor_537" class="label">[537]</a> Comme le fait remarquer M. Marty-Laveaux, cette expression -se retrouve dans une lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry au -Mage de Sidon, du 21 octobre 1658. Nul doute d'ailleurs que -ces vers ne soient d'elle et que la lettre de Corneille ne lui soit -adressée.</p> - -<p><a id="Footnote_538" href="#FNanchor_538" class="label">[538]</a> Donné par M. de Monmerqué, d'après l'original faisant -partie de son cabinet, dans les éditions de 1835 et de 1854 des -<i>Historiettes de Tallemant des Réaux</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_539" href="#FNanchor_539" class="label">[539]</a> La traduction de la <i>Cyropédie</i> par Charpentier, qui est -de 1659, donne la date de cette lettre.</p> - -<p><a id="Footnote_540" href="#FNanchor_540" class="label">[540]</a> Cette lettre a été imprimée sans date, dans les <i>Œuvres -de Brébeuf</i>, 1664, t. I, p. 64, mais nous avons pu la collationner -et la compléter sur l'original qui fait partie du cabinet -de M. Boutron.</p> - -<p><a id="Footnote_541" href="#FNanchor_541" class="label">[541]</a> Les Bulletins de Clément à la Bibliothèque nationale renferment -ce passage sur Brébeuf: «Malgré une fièvre maligne -et opiniâtre de vingt années, il a fait des ouvrages qui ont paru -le fruit d'une santé parfaite.»</p> - -<p><a id="Footnote_542" href="#FNanchor_542" class="label">[542]</a> A travers l'obscurité prétentieuse des lignes qui suivent, -il y a deux points qui nous paraissent hors de doute.</p> - -<p>1<sup>o</sup> Brébeuf avait à M<sup>lle</sup> de Scudéry des obligations qu'il -avoue ici hautement.</p> - -<p>2<sup>o</sup> La principale de ces obligations paraît être d'avoir été -recommandé par elle au grand Corneille, leur compatriote à -tous deux, qui aurait loué et encouragé sa <i>Traduction de la -Pharsale</i>.</p> - -<p>Ajoutons que ces rapports entre les deux poëtes, dont on -trouve la trace dans les lettres de Brébeuf, p. 19, 103, 212 et -213 du volume de ses <i>Œuvres</i>, cité plus haut, reçoivent une -confirmation singulière de ce fait, non assez remarqué, qu'indépendamment -de leur prédilection commune pour Lucain, il -leur est arrivé plusieurs fois de se rencontrer sur le même -terrain, témoin les vers de l'un et de l'autre sur <i>l'art ingénieux</i> -de l'écriture, et l'épitaphe qu'ils ont consacrée, presque -littéralement dans les mêmes termes, <i>A une dame vertueuse</i>, -Élisabeth Ranquet. Voy. <i>Poésies diverses de Brébeuf</i>, 1662, -p. 219, et <i>Œuvres de Corneille</i>, édition Hachette, t. X, p. 133.</p> - -<p><a id="Footnote_543" href="#FNanchor_543" class="label">[543]</a> Ils parurent dans le courant de l'année 1660, et Brébeuf -mourut l'année suivante.</p> - -<p><a id="Footnote_544" href="#FNanchor_544" class="label">[544]</a> Cabinet de M. Boutron.</p> - -<p><a id="Footnote_545" href="#FNanchor_545" class="label">[545]</a> M. de Monmerqué nous a conservé cette lettre, dont il -possédait l'original. «Corbinelli, dit-il, ami de M<sup>lle</sup> de Montalais, -avait été dépositaire des lettres du comte de Guiche à Madame. -Il eut la faiblesse de les remettre au marquis de Vardes -qui en abusa. Ce zèle exagéré pour un ami qui en était peu -digne lui fit partager sa disgrâce.»</p> - -<p>Jean Corbinelli, d'une famille originaire de Florence, établie -en France depuis deux générations, mourut à Paris, centenaire, -dit-on, le 19 juin 1716. Il était ami intime de M<sup>lle</sup> de Scudéry -et de M<sup>me</sup> de Sévigné.</p> - -<p><a id="Footnote_546" href="#FNanchor_546" class="label">[546]</a> Pièce de l'<i>Isographie</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_547" href="#FNanchor_547" class="label">[547]</a> <i>La Tubéreuse, à Célie le jour de sa fête</i>, pièce de vers de -M<sup>lle</sup> de Scudéry. Voyez-la aux <i>Poésies</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_548" href="#FNanchor_548" class="label">[548]</a> Provenant du Cabinet de M. de Monmerqué. D'après une -note de sa main, Beauvilliers répond à un billet par lequel -M<sup>lle</sup> de Scudéry lui faisait part de la liberté que Pellisson -(Acante) venait d'obtenir par lettres du roi du 16 janvier 1666.</p> - -<p><a id="Footnote_549" href="#FNanchor_549" class="label">[549]</a> Artaban est le nom qui, parmi les beaux esprits et dans -la société précieuse, désignait le duc de Saint-Aignan, et qu'il -prenait lui-même quelquefois dans ses lettres. Artaban, fils de -Pompée, est un des personnages chevaleresques de la <i>Cléopâtre</i> -de La Calprenède.</p> - -<p><a id="Footnote_550" href="#FNanchor_550" class="label">[550]</a> Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle.</p> - -<p><a id="Footnote_551" href="#FNanchor_551" class="label">[551]</a> C'est probablement par pure modestie que le P. Verjus -parlait ainsi du livre qu'il adressait à M<sup>lle</sup> de Scudéry, car c'est -lui-même qui publiait en 1666, sous le pseudonyme de l'abbé -de Saint-André, la <i>Vie de Michel Le Nobletz, prêtre et missionnaire -en Bretagne</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_552" href="#FNanchor_552" class="label">[552]</a> Cette lettre, ainsi que la suivante, nous a été communiquée -par M. le comte de Clapiers, à Marseille.</p> - -<p>Sur Mgr de Forbin-Janson et sur les longues relations qui -existèrent entre lui et M<sup>lle</sup> de Scudéry, Voy. la <i>Notice</i>, p. 24. -Nous renouvelons ici l'expression du regret de n'avoir pu retrouver -aucune des nombreuses lettres qu'elle lui adressa pendant -une période de plus de cinquante années.</p> - -<p><a id="Footnote_553" href="#FNanchor_553" class="label">[553]</a> Cette lettre et la suivante, qui avaient passé du cabinet -de M. de Monmerqué dans celui de M. Rathery, ont été communiquées -par ce dernier à l'éditeur des <i>Lettres de M<sup>me</sup> de -Sévigné</i>, édition Hachette.</p> - -<p><a id="Footnote_554" href="#FNanchor_554" class="label">[554]</a> M<sup>lle</sup> de Sévigné, à qui La Fontaine a dédié cette fable. Elle -fait partie du premier recueil des <i>Fables de La Fontaine</i> qui -contient les six premiers livres; elle commence le quatrième. -Ce recueil ayant été achevé d'imprimer le 31 mars 1668, cette -date donne à peu près celle de la lettre.</p> - -<p><a id="Footnote_555" href="#FNanchor_555" class="label">[555]</a> Paul de Beauvilliers, comte de Saint-Aignan, depuis duc -de Beauvilliers.</p> - -<p><a id="Footnote_556" href="#FNanchor_556" class="label">[556]</a> Le Roi venait de faire en personne la conquête de la -Franche-Comté. Le comté de Bourgogne, ou Franche-Comté, -portait d'azur semé de billettes d'or au lion de même.</p> - -<p><a id="Footnote_557" href="#FNanchor_557" class="label">[557]</a> Le Roi, en parlant à Saint-Aignan de M<sup>lle</sup> de Sévigné -<i>d'une manière fort glorieuse pour elle</i>, faisait allusion sans doute -à sa sagesse, à sa vertu, à son indifférence. Cette indifférence -était bien connue avant que La Fontaine n'en parlât dans le -<i>Lion amoureux</i>; Bensserade l'avait déjà célébrée dans le Ballet -de la <i>Naissance de Vénus</i>, dansé à la cour en 1665, et où M<sup>lle</sup> de -Sévigné représentait <i>Omphale</i>. On adressait les vers suivants -à la reine de Lydie:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Blondins accoutumés à faire des conquêtes,</p> -<p>Devant ce jeune objet si charmant et si doux,</p> -<p class="i3"> Tout grands héros que vous êtes,</p> -<p>Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux.</p> -<p>L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue;</p> -<p>Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue:</p> -<p>Elle verroit mourir le plus fidèle amant,</p> -<p>Faute de l'assister d'un regard seulement.</p> -<p>Injuste procédé, sotte façon de faire,</p> -<p>Que la pucelle tient de madame sa mère,</p> -<p>Et que la bonne dame, au courage inhumain,</p> -<p>Se lassant aussi peu d'être belle que sage,</p> -<p>Encore tous les jours applique à son usage,</p> -<p class="i3"> Au détriment du genre humain.</p> -</div></div> - -<p>C'était à la fois faire l'éloge de la fille et de la mère. Il fallait -au surplus que cette <i>indifférence</i> naturelle ou affectée fût -bien vraie, puisque M<sup>me</sup> de Sévigné dans une de ses lettres à -sa fille, du 22 septembre 1680, lui dit: «D'abord on vous -craint, vous avez un air assez dédaigneux.»</p> - -<p><a id="Footnote_558" href="#FNanchor_558" class="label">[558]</a> Pellisson, <i>Œuvres diverses</i>, Paris, 1735, t. II, p. 402. -<i>Lettres historiques</i>, 1729, 3 vol. in-12.</p> - -<p>Nous choisissons cette lettre et la suivante dans une longue -série de lettres à la même, s'étendant du 14 octobre 1668 au -1<sup>er</sup> mai 1677. La plupart ne sont que des Gazettes de la guerre -et ne renferment presque rien de personnel à M<sup>lle</sup> de Scudéry.</p> - -<p><a id="Footnote_559" href="#FNanchor_559" class="label">[559]</a> Ou plutôt Herbault, à 17 kilom. de Blois. Le château actuel, -qui appartient à M. le marquis de Rancongne, a été rebâti -sous Louis XV. M. d'Herbault, dont il est question dans -la lettre, devait être l'intendant de marine de ce nom.</p> - -<p><a id="Footnote_560" href="#FNanchor_560" class="label">[560]</a> Ces derniers vers, dit M. Saint-Marc Girardin, sont évidemment -une allusion aux nouvelles amours du roi et à l'avénement -prochain, sinon encore accompli, de M<sup>me</sup> de Montespan. -<i>Journal des Savants</i>, 1870, p. 373.</p> - -<p><a id="Footnote_561" href="#FNanchor_561" class="label">[561]</a> On voit dans une lettre de Corbinelli à Bussy-Rabutin, -du 17 mai 1670, qu'il se préparait alors à rejoindre le marquis -de Vardes, exilé dans son gouvernement d'Aigues-Mortes.</p> - -<p><a id="Footnote_562" href="#FNanchor_562" class="label">[562]</a> Cabinet de M. Dubrunfaut.</p> - -<p><a id="Footnote_563" href="#FNanchor_563" class="label">[563]</a> Le <i>Discours sur la gloire</i> qui venait de remporter le prix -proposé par l'Académie française.</p> - -<p><a id="Footnote_564" href="#FNanchor_564" class="label">[564]</a> Le fils de Georges, connu plus tard sous le nom de l'abbé -de Scudéry. «Ce garçon étoit fort joli,» dit Tallemant, et il -paraît qu'il donna plus d'un chagrin à sa mère. A la date de -cette lettre, il n'avait guères qu'une douzaine d'années, et était -probablement élevé chez les jésuites.</p> - -<p><a id="Footnote_565" href="#FNanchor_565" class="label">[565]</a> Tiré de l'<i>Album des Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>, édition -Hachette.</p> - -<p><a id="Footnote_566" href="#FNanchor_566" class="label">[566]</a> Cabinet de M. Chambry.</p> - -<p>Sur la longue amitié et la correspondance qui exista entre -Mascaron et M<sup>lle</sup> de Scudéry, Voy. la <i>Notice</i>, p. 117 et 127. -Nous avons évité de reproduire ici les lettres dont nous -avons cité alors des fragments assez étendus.</p> - -<p><a id="Footnote_567" href="#FNanchor_567" class="label">[567]</a> Nous avons mal indiqué le nom de ce magistrat à la -page 315. Il s'appelait d'Aulède de Lestonac.</p> - -<p><a id="Footnote_568" href="#FNanchor_568" class="label">[568]</a> Cabinet de M. Chambry.</p> - -<p><a id="Footnote_569" href="#FNanchor_569" class="label">[569]</a> Nous supposons qu'il s'agit des officiers qui devaient -prendre part aux opérations maritimes en Sicile, sous les ordres -du maréchal de Vivonne.</p> - -<p><a id="Footnote_570" href="#FNanchor_570" class="label">[570]</a> La pièce qu'on devait lire devant le duc de Nevers et -M<sup>me</sup> Deshoulières, paraît être <i>Phèdre et Hippolyte</i>, de Pradon, -pour laquelle on sait que l'un et l'autre prirent vivement parti. -Or cette pièce fut représentée au commencement de 1677. La -lecture a donc pu en être faite à la fin de l'année précédente. -C'est ce qui nous a conduits à dater cette lettre comme nous -l'avons fait.</p> - -<p><a id="Footnote_571" href="#FNanchor_571" class="label">[571]</a> Cabinet de M. Boutron.—Voy. la <i>Notice</i>, p. 41.</p> - -<p><a id="Footnote_572" href="#FNanchor_572" class="label">[572]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 24.</p> - -<p><a id="Footnote_573" href="#FNanchor_573" class="label">[573]</a> Charleval (Charles Faucon de Ris, seigneur de) était un -aimable épicurien, issu d'une famille de Normandie, qui a donné -quatre premiers présidents au parlement de cette province. Il a -composé beaucoup de petits vers que Lefèvre de Saint-Marc a -réunis à ceux de Saint-Pavin, en un volume in-18, Paris, 1759.</p> - -<p><a id="Footnote_574" href="#FNanchor_574" class="label">[574]</a> Au nombre des amies de Charleval figuraient Ninon de -Lenclos, M<sup>me</sup> Du Plessis-Bellière, la comtesse de la Suze, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_575" href="#FNanchor_575" class="label">[575]</a> <i>Correspondance générale de M<sup>me</sup> de Maintenon</i>, publiée par -Th. Lavallée, t. II, p. 384.</p> - -<p><a id="Footnote_576" href="#FNanchor_576" class="label">[576]</a> Il s'agit évidemment du Roi.</p> - -<p><a id="Footnote_577" href="#FNanchor_577" class="label">[577]</a> Sur le parti que M<sup>me</sup> de Maintenon tira des <i>Conversations</i> -de M<sup>lle</sup> de Scudéry, pour l'éducation des filles de Saint-Cyr, -Voy. la <i>Notice</i>, p. 120.</p> - -<p><a id="Footnote_578" href="#FNanchor_578" class="label">[578]</a> <i>Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>, édit. Hachette, t. VII, p. 274.</p> - -<p><a id="Footnote_579" href="#FNanchor_579" class="label">[579]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry avait publié en 1680 les deux premiers -volumes de ses <i>Conversations</i>; elle en publia deux autres en -1684, auxquels elle donna le titre de <i>Conversations nouvelles</i>. -Ce sont celles-là que M<sup>me</sup> de Sévigné portait à son fils qui était -alors en Bretagne.</p> - -<p>Elle disait des premières, dans une lettre à sa fille du 25 septembre -1680: «Il est impossible que cela ne soit bon, quand -cela n'est point noyé dans son grand roman.»</p> - -<p>Au surplus, pour être fixé sur la date et le titre des diverses -<i>Conversations</i> dont il est question dans ces lettres, il faut se -reporter à la p. 116, note 2.</p> - -<p><a id="Footnote_580" href="#FNanchor_580" class="label">[580]</a> Cabinet de M. de Monmerqué.—<i>Isographie des hommes -célèbres.</i></p> - -<p><a id="Footnote_581" href="#FNanchor_581" class="label">[581]</a> Citée par M. de Monmerqué qui possédait l'original.</p> - -<p><a id="Footnote_582" href="#FNanchor_582" class="label">[582]</a> Fléchier avait été nommé évêque de Lavaur en 1685. En -lui annonçant sa nomination, le Roi lui avait dit: <i>Ne soyez -pas surpris si j'ai récompensé si tard votre mérite, j'appréhendois -d'être privé du plaisir de vous entendre.</i></p> - -<p><a id="Footnote_583" href="#FNanchor_583" class="label">[583]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry avait envoyé à Fléchier ses <i>Conversations -nouvelles sur divers sujets</i>. Paris, 1684. 2 vol. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_584" href="#FNanchor_584" class="label">[584]</a> Cabinet de M. Boutron.</p> - -<p><a id="Footnote_585" href="#FNanchor_585" class="label">[585]</a> L'opération de la fistule fut faite au Roi le 18 novembre -1686.</p> - -<p><a id="Footnote_586" href="#FNanchor_586" class="label">[586]</a> Il a certainement existé entre la reine Christine et M<sup>lle</sup> de -Scudéry un commerce de lettres assez étendu. Outre celle-ci -que nous empruntons à l'ouvrage d'Arckenholtz: <i>Mémoires -concernant Christine</i>, t. I, p. 272, et celle que nous avons tirée -du Cabinet de M. Cousin, voici l'analyse d'une autre lettre sans -date que M<sup>lle</sup> de Scudéry adressait à la reine de Suède:</p> - -<p>«Les louanges que Sa Majesté lui donne sont plutôt l'offre -de sa bonté que de sa justice. Elle a fait l'usage qu'elle devait -des choses nobles et délicates que la Reine a bien voulu lui -marquer sur le grand établissement de Saint-Cyr. Sa Majesté -serait contente si elle savait le plaisir qu'elle a donné à M<sup>me</sup> de -Maintenon sans en avoir le dessein. «Au reste, Madame, -j'avance hardiment, pour répondre à la fin de la lettre de Votre -Majesté, qu'il n'y aura jamais d'oubli pour Elle, et que sa -gloire durera autant que l'univers.»</p> - -<p class="i6">(<i>Catalogue Succi</i>, 7 avril 1863, n<sup>o</sup> 993).</p> - -<p><a id="Footnote_587" href="#FNanchor_587" class="label">[587]</a> Cette lettre, datée simplement de mardi, a été écrite évidemment -en 1688. Il est probable qu'elle est de juillet ou du -commencement d'août, peut-être du 3 (c'était un mardi en -1688), c'est-à-dire du même jour que la lettre de M<sup>me</sup> de Brinon -qui suit. M<sup>lle</sup> de Scudéry venait de publier ses <i>Nouvelles -conversations de morale</i>, dédiées au Roi, qui faisaient suite à -celles dont M<sup>me</sup> de Sévigné la remerciait dans sa lettre du -11 septembre 1684. L'achevé d'imprimer de ce nouvel ouvrage, -en deux volumes, est du 30 juin 1688, et M<sup>me</sup> de Sévigné ne -fut sans doute pas des dernières à qui M<sup>lle</sup> de Scudéry l'envoya.</p> - -<p class="i6">(<i>Note de l'édition Hachette</i>, t. VIII, p. 371.)</p> - -<p><a id="Footnote_588" href="#FNanchor_588" class="label">[588]</a> Voy. la lettre suivante.</p> - -<p><a id="Footnote_589" href="#FNanchor_589" class="label">[589]</a> Le reste manque.</p> - -<p><a id="Footnote_590" href="#FNanchor_590" class="label">[590]</a> M<sup>me</sup> de Brinon était supérieure de la maison de Saint-Cyr.</p> - -<p><a id="Footnote_591" href="#FNanchor_591" class="label">[591]</a> Cette lettre, dont M. de Monmerqué a possédé l'original, -est tirée de l'édition de 1835 des <i>Historiettes</i> de Tallemant des -Réaux, t. VI, p. 363.</p> - -<p><a id="Footnote_592" href="#FNanchor_592" class="label">[592]</a> Cabinet de M. Boutron.</p> - -<p>La date de 1688 nous est fournie par le Catalogue de la vente -Villenave, du 22 janvier 1850, où cette lettre figure sous le -n<sup>o</sup> 125.</p> - -<p><a id="Footnote_593" href="#FNanchor_593" class="label">[593]</a> Cabinet de M. Rathery.</p> - -<p><a id="Footnote_594" href="#FNanchor_594" class="label">[594]</a> C'est un bourg situé canton et arrondissement d'Agen.</p> - -<p><a id="Footnote_595" href="#FNanchor_595" class="label">[595]</a> Sur cet épisode du <i>Grand Cyrus</i>, réimprimé plus tard -dans les <i>Conversations morales</i> de 1680, voy. la <i>Notice</i>, p. 30.</p> - -<p><a id="Footnote_596" href="#FNanchor_596" class="label">[596]</a> A un kilom. de Tarbes, ancienne résidence des comtes de -Gramont. «La tourmente révolutionnaire fit disparaître cette -belle demeure et ses parcs délicieux.» Batsères, <i>Esquisses sur -Tarbes et ses environs</i>, Tarbes, 1856, in-8<sup>o</sup>, p. 5.</p> - -<p><a id="Footnote_597" href="#FNanchor_597" class="label">[597]</a> Cabinet de M. Gauthier-la-Chapelle.</p> - -<p><a id="Footnote_598" href="#FNanchor_598" class="label">[598]</a> Le cardinal de Forbin-Janson avait été envoyé auprès du -Pape pour aplanir les difficultés qui s'étaient élevées entre la -cour de France et celle de Rome, au sujet des quatre articles -de la Déclaration de 1682, et le refus fait par Alexandre VIII -de l'expédition d'un certain nombre de bulles pour des siéges -épiscopaux qui vaquaient depuis longtemps. La mort d'Alexandre -VIII, arrivée le 13 août 1691, interrompit ces négociations. -Elles furent reprises sous Innocent XII, à l'élection -duquel le cardinal de Forbin-Janson avait contribué, et menées -à bonne fin.</p> - -<p><a id="Footnote_599" href="#FNanchor_599" class="label">[599]</a> François-Joseph de Blanchefort, marquis de Créqui, venait -d'être envoyé à l'armée de Piémont pour servir sous Catinat. -Il se distingua dans le cours de juillet 1691, en combattant -contre le prince Eugène; il fut blessé et eut un cheval tué -sous lui.</p> - -<p><a id="Footnote_600" href="#FNanchor_600" class="label">[600]</a> Le maréchal de Créqui, mort en 1687.</p> - -<p><a id="Footnote_601" href="#FNanchor_601" class="label">[601]</a> C'est-à-dire évêque, comte d'Agen. Mascaron avait été -nommé évêque de Tulle en 1671 et évêque d'Agen en 1679.</p> - -<p><a id="Footnote_602" href="#FNanchor_602" class="label">[602]</a> Pièce de l'<i>Isographie</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_603" href="#FNanchor_603" class="label">[603]</a> Arnauld de Pomponne, disgracié en 1671, venait d'être -nommé ministre d'État après la mort de Louvois.</p> - -<p><a id="Footnote_604" href="#FNanchor_604" class="label">[604]</a> Cabinet Monmerqué, puis d'Hervilly. -Marie-Madeleine-Gabrielle-Adélaïde de Rochechouart-Mortemart, -abbesse de Fontevrault, femme de beaucoup d'esprit et -de savoir. Elle a traduit avec Racine une partie du <i>Banquet de -Platon.</i> Elle était sœur du duc de Vivonne, et de M<sup>mes</sup> de Montespan -et de Thianges. Née en 1645, elle mourut en 1704. -C'est d'elle que Saint-Simon disait: «On vit sortir de son -cloître la reine des abbesses qui, chargée de son voile et de -ses vœux, avec encore plus de beauté et d'esprit que la Montespan, -sa sœur, vint jouir de sa gloire, etc., etc.» (<i>Mémoires -de Saint-Simon</i>, t. II, p. 6, édition de 1791.)</p> - -<p><a id="Footnote_605" href="#FNanchor_605" class="label">[605]</a> Les deux lettres qui suivent ont été imprimées dans les -<i>Œuvres de Bossuet</i>. Versailles, 1818, t. XXXVII, p. 475 et 477. -La première, quoique non adressée à M<sup>lle</sup> de Scudéry, figure -ici à raison de sa connexité avec la seconde, qu'elle paraît avoir -précédée.</p> - -<p>Marie Dupré, nièce de Roland Desmarets, avait beaucoup -d'instruction; elle était liée avec M<sup>lles</sup> de Scudéry, de la Vigne, -etc. Titon de Tillet lui a donné place dans son <i>Parnasse -françois</i>, et l'éditeur Léopold Collin a publié ses Lettres avec -celles de M<sup>lle</sup> de Montpensier et autres, 1806, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_606" href="#FNanchor_606" class="label">[606]</a> Voy. la <i>Notice</i>, p. 126, et les lettres à Boisot des 21, 28 février -et du 7 mars. Dans la première, M<sup>lle</sup> de Scudéry dit avoir -écrit à M. de Meaux une lettre de quinze pages sur la mort de -Pellisson. Cette lettre de Bossuet est vraisemblablement la -réponse à la lettre de M<sup>lle</sup> de Scudéry. Celle-ci l'avait transcrite -de sa main, et cette transcription, qui prouve l'importance -qu'elle y attachait, se trouve dans le cabinet de M. Dubrunfaut.</p> - -<p><a id="Footnote_607" href="#FNanchor_607" class="label">[607]</a> Richelet, <i>Les plus belles lettres des meilleurs auteurs français</i>, -1689, in-12, p. 276.—Sur le chevalier de Méré, voy. la -<i>Notice</i>, p. 118.</p> - -<p><a id="Footnote_608" href="#FNanchor_608" class="label">[608]</a> <i>Lettres choisies de Messieurs de l'Académie</i>, par M. Perrault. -Paris, 1725, in-8<sup>o</sup>, p. 36.</p> - -<p><a id="Footnote_609" href="#FNanchor_609" class="label">[609]</a> «Une flamme qui sort d'un cœur posé sur un bûcher -allumé, avec ce mot: <span class="smallc">PULCHRIUS ARDET</span>, OU: <span class="smallc">YIS MAJOR INTUS</span>.»</p> - -<p><a id="Footnote_610" href="#FNanchor_610" class="label">[610]</a> «Une rose environnée d'épines, avec ce mot: <span class="smallc">PUNGIT ET -PLACET</span>. Et encore cette autre: un chien à l'attache, avec ce -mot de Pétrone: <span class="smallc">CAVE, CAVE CANEM</span>.»</p> - -<p><a id="Footnote_611" href="#FNanchor_611" class="label">[611]</a> Ne faudrait-il pas lire: <i>proscription</i>?</p> - -<p><a id="Footnote_612" href="#FNanchor_612" class="label">[612]</a> <i>Lettres choisies de Messieurs de l'Académie</i>, par Perrault, -p. 38.</p> - -<p>Guy, comte de Pertuis, gouverneur des ville et châtellenie de -Courtray, par provisions du 7 février 1669, maréchal de camp -suivant promotion du 7 octobre 1677, mort le 7 juillet 1694.</p> - -<p><a id="Footnote_613" href="#FNanchor_613" class="label">[613]</a> Cabinet de M. Rathery.</p> - -<p>Louis Le Laboureur, poëte, frère aîné de l'historien, né en -1615, mort en 1679. Il dédia à M<sup>lle</sup> de Scudéry une pièce mêlée -de vers et de prose, qui a pour titre: <i>La Promenade de Saint-Germain</i>. -Paris, 1669, in-12. Dans cette pièce datée de Montmorency, -il rappelle, p. 9, une visite qu'on lui avait faite dans -la saison des cerises.</p> - -<p><a id="Footnote_614" href="#FNanchor_614" class="label">[614]</a> <i>Études religieuses, etc., par des Pères de la Compagnie de -Jésus</i>, t. V, p. 609.</p> - -<p><a id="Footnote_615" href="#FNanchor_615" class="label">[615]</a> Le même que le poëte dont les Œuvres sont ordinairement -réunies à celles de Lalane. Il était lieutenant de Roi à -Arras bien avant 1671, année que la <i>Biographie universelle</i> indique -comme celle de sa nomination, et au moins dès le mois -de juillet 1654, lorsqu'il fut fait prisonnier par les Espagnols.</p> - -<p><a id="Footnote_616" href="#FNanchor_616" class="label">[616]</a> Cabinet de M. Moulin, avocat.</p> - -<p><a id="Footnote_617" href="#FNanchor_617" class="label">[617]</a> D'après un fac-simile.—Lettre communiquée par M. Regnier, -qui doit la comprendre dans l'édition des <i>Œuvres de -la Rochefoucauld</i>, pour la <i>Collection des grands Écrivains de la -France</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_618" href="#FNanchor_618" class="label">[618]</a> Cabinet de M. Chambry.</p> - -<p><a id="Footnote_619" href="#FNanchor_619" class="label">[619]</a> Peut-être Regnier Desmarais?</p> - -<p><a id="Footnote_620" href="#FNanchor_620" class="label">[620]</a> Tiré de l'<i>Album des Lettres de M<sup>me</sup> de Sévigné</i>, édition -Hachette.</p> - -<p><a id="Footnote_621" href="#FNanchor_621" class="label">[621]</a> Cabinet de M. Chambry.</p> - -<p><a id="Footnote_622" href="#FNanchor_622" class="label">[622]</a> Qu'est devenu le portrait de M<sup>lle</sup> de Scudéry par Nanteuil? -Existe-t-il dans quelque dépôt public ou dans quelque collection -particulière? Il n'a sans doute pas été reproduit par la -gravure, car on le trouverait dans l'œuvre du maître, ou dans -les cabinets du temps. Il semblerait cependant résulter d'une -note manuscrite de l'abbé Mercier de Saint-Léger sur les -marges du XV<sup>e</sup> volume de Niceron, page 139 (Exemplaire de -la Bibliothèque nationale), que ce portrait, quoique rare, se -trouvait encore vers la fin du siècle dernier. «Nanteuil dessina -et grava le portrait de M<sup>lle</sup> de Scudéry qui, se trouvant aussi -laide qu'elle l'était réellement, garda la planche et n'en laissa -tirer qu'un petit nombre d'épreuves; aussi sont-elles fort rares -et recherchées des amateurs.»</p> - -<p>Si cette perte est réelle, elle est d'autant plus regrettable -que le talent de Nanteuil nous aurait donné de l'auteur de -<i>Clélie</i> et du <i>Grand Cyrus</i> une image fidèle, tandis que nous en -sommes réduits au portrait de M<sup>lle</sup> Chéron gravé par J. G. -Wille, et à celui de la collection Desrochers, qui ont entre eux -fort peu d'analogie.</p> - -<p>Lorsque Nanteuil envoya à M<sup>lle</sup> de Scudéry le portrait qu'il -avait fait d'elle d'après nature, ainsi que le montre la lettre ci-dessus, -il l'accompagna des vers suivants:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Elle est savante et sage autant qu'on le peut être;</p> -<p>Son esprit a charmé les plus rares esprits.</p> -<p>Nanteuil, si ton pinceau la fait bien reconnoître,</p> -<p>Tu te rends immortel avecque ses écrits.</p> -</div></div> - -<p>M<sup>lle</sup> de Scudéry lui répondit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Je ne sais rien, Nanteuil, je dis la vérité;</p> -<p>Une femme savante est souvent incommode,</p> -<p>Elle a l'esprit contraint et n'est guère à la mode;</p> -<p>Mais pour me bien louer, parle de ma bonté:</p> -<p>C'est la seule vertu dont je fais vanité.</p> -</div></div> - -<p>Elle fit encore sur son portrait le quatrain suivant:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Nanteuil en faisant mon image,</p> -<p>A de son art divin signalé le pouvoir;</p> -<p class="i1"> Je hais mes yeux dans mon miroir,</p> -<p class="i1"> Je les aime dans son ouvrage.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_623" href="#FNanchor_623" class="label">[623]</a> <i>Poésies d'Anne de Rohan-Soubise et Lettres d'Éléonore de -Rohan-Montbazon, abbesse de Caen et de Malnoue.</i> Paris, 1862, -page 148.</p> - -<p><a id="Footnote_624" href="#FNanchor_624" class="label">[624]</a> Cabinet de M. Boutron.—Voyez la <i>Notice</i>, page 20.</p> - -<p><a id="Footnote_625" href="#FNanchor_625" class="label">[625]</a> Cabinet de M. Rathery.</p> - -<p><a id="Footnote_626" href="#FNanchor_626" class="label">[626]</a> Il s'agit de son portrait enrichi de diamants qu'elle lui -avait envoyé.—Voyez la <i>Notice</i>, page 45.</p> - -<p><a id="Footnote_627" href="#FNanchor_627" class="label">[627]</a> Voyez la lettre à Godeau, du mois d'octobre 1650, p. 226.</p> - -<p><a id="Footnote_628" href="#FNanchor_628" class="label">[628]</a> Ces stances inédites, dont nous possédons une copie de la main -de Conrart avec la désignation de M<sup>lle</sup> de Scudéry pour auteur, se -rapportent évidemment à la fin de la guerre de la Fronde.</p> - -<p><a id="Footnote_629" href="#FNanchor_629" class="label">[629]</a> Voy. la <i>Notice</i>, pages 69 et 100.</p> - -<p><a id="Footnote_630" href="#FNanchor_630" class="label">[630]</a> M<sup>ss</sup> de la Bibliothèque nationale. Fonds français, 22 557, -p. 91.</p> - -<p><a id="Footnote_631" href="#FNanchor_631" class="label">[631]</a> Pour cette pièce et les suivantes, voy. la <i>Notice</i>, pages 102, -103, etc.</p> - -<p><a id="Footnote_632" href="#FNanchor_632" class="label">[632]</a> Sur ces vols qu'il ne faut pas confondre avec l'<i>Affaire des Filous</i>, -voy. la lettre à Boisot, du 7 mars 1691, p. 319, ci-dessus.</p> - -<p><a id="Footnote_633" href="#FNanchor_633" class="label">[633]</a> Voyez, sur les circonstances où ces vers furent composés, la -lettre à Boisot, du 22 mai 1693, p. 363. M<sup>me</sup> de Motteville les a insérés -dans ses <i>Mémoires</i>, Paris 1855, t. IV, p. 451, les faisant précéder -du passage suivant: «Peu après la mort de la reine mère, l'illustre -M<sup>lle</sup> de Scudéry fit ces vers à sa louange, qui méritent d'être conservés -à la postérité.»</p> - -<p><a id="Footnote_634" href="#FNanchor_634" class="label">[634]</a> L'auteur de l'ode envoyée à Sapho, au nom des Dames, avec une -guirlande de lauriers d'or émaillés de vert, était M<sup>lle</sup> de la Vigne. -Voyez la <i>Notice</i>, p. 102.</p> - -<p><a id="Footnote_635" href="#FNanchor_635" class="label">[635]</a> M<sup>me</sup> de Maintenon.</p> - -<p><a id="Footnote_636" href="#FNanchor_636" class="label">[636]</a> Louis XIV ayant fait bombarder Gênes en 1684, à cause des intelligences -que cette ville entretenait avec l'Espagne, le doge Francesco -Maria Imperiali vint en France, accompagné de quatre sénateurs, -et fit à Versailles sa soumission au Roi, le 15 mai 1685.</p> - -<p><a id="Footnote_637" href="#FNanchor_637" class="label">[637]</a> Ottoboni, pape qui succéda à Innocent XI, sous le nom d'Alexandre VIII.</p> - -<p><a id="Footnote_638" href="#FNanchor_638" class="label">[638]</a> Ces deux pièces se trouvent dans le <i>Recueil des Œuvres choisies</i> -de Coulanges, 1698, t. I, p. 256, ou t. II, p. 69.</p> - -<p><a id="Footnote_639" href="#FNanchor_639" class="label">[639]</a> Alexandre VIII, pape.</p> - -<p><a id="Footnote_640" href="#FNanchor_640" class="label">[640]</a> Voir, sur la mort de M. de Montausier, p. 353.</p> - -<p>Une lettre inédite de M<sup>lle</sup> de Scudéry à Huet renferme ce passage: -«Voici quatre vers de M. Petit de Rouen, sur ceux que vous louez -trop:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> «Vos sept vers valent un volume.</p> -<p>«C'est du grand Montausier le plus riche tableau,</p> -<p>«Mais, Sapho, vous savez faire voler la plume</p> -<p class="i2"> «Où ne peut aller le pinceau.»</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_641" href="#FNanchor_641" class="label">[641]</a> Pellisson.</p> - -<p><a id="Footnote_642" href="#FNanchor_642" class="label">[642]</a> M<sup>lle</sup> de Scudéry a tant de fois fait allusion à ces vers qu'ils doivent -trouver place ici, bien que déjà cités dans une lettre à Huet, -de 1689, p. 313. Voyez aussi, p. 54, 112, 395.</p> - -<p>La Fontaine a traité agréablement du système de Descartes sur -l'âme et l'intelligence des bêtes, dans sa première fable du dixième -livre, adressée à M<sup>me</sup> de la Sablière.</p> - -<p>On voit dans le <i>Recueil de poésies</i> du P. Bouhours la réponse de -M<sup>lle</sup> de Scudéry à M<sup>lle</sup> Descartes: elle est intitulée: <i>Sapho à l'illustre -Cartésie</i>, et se termine par les deux quatrains suivants où elle lui fait -des reproches de son absence:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Après cela, Cartésie,</p> -<p>Pour vous parler franchement,</p> -<p>Il m'entre en la fantaisie</p> -<p>De vous gronder tendrement.</p> -</div></div> - -<p class="i12">⁂</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>De ma fauvette fidèle</p> -<p>Vous avez tous les appas,</p> -<p>Vous charmez aussi bien qu'elle,</p> -<p>Mais vous ne revenez pas.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_643" href="#FNanchor_643" class="label">[643]</a> Évêque de Gironne au iv<sup>e</sup> siècle et martyr lors de la persécution -de Dioclétien. Voy. les <i>Acta Sanctorum</i>, à la date du 18 mars.</p> - -<p><a id="Footnote_644" href="#FNanchor_644" class="label">[644]</a> <i>La Science du Monde</i>, 1717, in-12.</p> - </div> - </div> -</div> - -<p class="end">Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.</p> - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa -correspondance, by Edmé-Jacques-Benoït Rathery and Boutron - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MADEMOISELLE DE SCUDERY *** - -***** This file should be named 53761-h.htm or 53761-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/3/7/6/53761/ - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular -state visit www.gutenberg.org/donate - -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. - -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. - -Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate - -Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. - -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. - -Most people start at our Web site which has the main PG search -facility: www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - - - -</pre> - -</body> -</html> diff --git a/old/53761-h/images/001.jpg b/old/53761-h/images/001.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 77afdc6..0000000 --- a/old/53761-h/images/001.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/53761-h/images/007.jpg b/old/53761-h/images/007.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index fe4b252..0000000 --- a/old/53761-h/images/007.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/53761-h/images/523.jpg b/old/53761-h/images/523.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index f6407cb..0000000 --- a/old/53761-h/images/523.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/53761-h/images/cover.jpg b/old/53761-h/images/cover.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 860b8a4..0000000 --- a/old/53761-h/images/cover.jpg +++ /dev/null |
