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If you are not located in the United States, you'll -have to check the laws of the country where you are located before using -this ebook. - - - -Title: Pelléas et Mélisande - Drame lyrique en cinq actes tiré du théâtre de Maurice - Maeterlinck Musique de Claude Debussy - -Author: Maurice Maeterlinck - -Contributor: Claude Debussy - -Release Date: January 2, 2020 [EBook #61075] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PELLÉAS ET MÉLISANDE *** - - - - -Produced by Laurent Vogel (from images generously made -available by The Internet Archive/American Libraries) - - - - - - - - - - Nouvelle édition, modifiée conformément aux - représentations de l'Opéra-Comique - - PELLÉAS - ET - MÉLISANDE - - DRAME LYRIQUE EN CINQ ACTES - TIRÉ DU THÉÂTRE DE - MAURICE MAETERLINCK - - MUSIQUE DE - CLAUDE DEBUSSY - - BRUXELLES - Paul LACOMBLEZ, Éditeur - 31, RUE DES PAROISSIENS, 31 - - 1907 - - Dépôt pour Paris: CALMANN-LÉVY, 3, rue Auber. - - - - -DU MÊME AUTEUR: - - - Serres chaudes suivies de quinze chansons. Un volume in-18 - jésus 3.00 - - L'Ornement des Noces Spirituelles de _Ruysbroeck l'admirable_, - traduit du flamand et accompagné d'une Introduction. Un volume - in-16, sur papier à la main 5.00 - - Les Disciples à Saïs et les Fragments de _Novalis_, traduits de - l'allemand et précédés d'une Introduction. Un volume in-18 - jésus 4.00 - - Les Sept Princesses, drame. Un petit volume in-18 jésus 2.00 - - Le Temple enseveli. Un volume in-18 jésus 3.50 - - Le Trésor des Humbles. Un volume in 18 jésus 3.50 - - La Sagesse et la Destinée. Un volume in 18 jésus 3.50 - - La Vie des Abeilles. Un volume in-18 jésus 3.50 - - Théâtre Tome I: _La Princesse Maleine._--_L'Intruse._--_Les - Aveugles_ 3.50 - - Théâtre Tome II: _Pelléas et Mélisande._--_Alladine et - Palomides._--_Intérieur._--_La mort de Tintagiles_ 3.50 - - Théâtre Tome III: _Aglavaine et Sélysette._--_Ariane et - Barbe-bleue._--_Soeur Béatrice_ 3.50 - -CHEZ LE MÊME ÉDITEUR: - - Sept Essais d'Emerson, traduits par I. Will, avec une préface - de _Maurice Maeterlinck_. Un volume in-18 jésus 3.50 - - - - -Pelléas et Mélisande - -DRAME LYRIQUE - - - - -PERSONNAGES. - - - ARKEL, roi d'Allemonde. - GENEVIÈVE, mère de Pelléas et de Golaud. - PELLÉAS, GOLAUD, petits-fils d'Arkël. - MÉLISANDE. - Le petit YNIOLD, fils de Golaud (d'un premier lit). - Un médecin. - Servantes, pauvres, etc. - - - - -ACTE I - - -SCÈNE I - -Une forêt. - -_On découvre Mélisande au bord d'une fontaine.--Entre Golaud._ - -GOLAUD. - -Je ne pourrai plus sortir de cette forêt.--Dieu sait jusqu'où cette bête -m'a mené. Je croyais cependant l'avoir blessée à mort; et voici des -traces de sang. Mais maintenant, je l'ai perdue de vue; je crois que je -me suis perdu moi-même--et mes chiens ne me retrouvent plus--je vais -revenir sur mes pas...--J'entends pleurer... Oh! oh! qu'y a-t-il là au -bord de l'eau?... Une petite fille qui pleure au bord de l'eau? _Il -tousse._--Elle ne m'entend pas. Je ne vois pas son visage. _Il -s'approche et touche Mélisande à l'épaule._ Pourquoi pleures-tu? -_Mélisande tressaille, se dresse et veut fuir._--N'ayez pas peur. Vous -n'avez rien à craindre. Pourquoi pleurez-vous ici toute seule? - -MÉLISANDE. - -Ne me touchez pas! ne me touchez pas! - -GOLAUD. - -N'ayez pas peur... Je ne vous ferai pas... Oh! vous êtes belle! - -MÉLISANDE. - -Ne me touchez pas! Ne me touchez pas! ou je me jette à l'eau!... - -GOLAUD. - -Je ne vous touche pas... Voyez, je resterai ici, contre l'arbre. N'ayez -pas peur. Quelqu'un vous a-t-il fait du mal? - -MÉLISANDE. - -Oh! oui! oui, oui!... - -_Elle sanglote profondément._ - -GOLAUD. - -Qui est-ce qui vous a fait du mal? - -MÉLISANDE. - -Tous! tous! - -GOLAUD. - -Quel mal vous a-t-on fait? - -MÉLISANDE. - -Je ne veux pas le dire! je ne peux pas le dire!... - -GOLAUD. - -Voyons; ne pleurez pas ainsi. D'où venez-vous? - -MÉLISANDE. - -Je me suis enfuie!... enfuie... enfuie! - -GOLAUD. - -Oui; mais d'où vous êtes-vous enfuie? - -MÉLISANDE. - -Je suis perdue!... perdue ici... Je ne suis pas d'ici... Je ne suis pas -née là... - -GOLAUD. - -D'où êtes-vous? Où êtes-vous née? - -MÉLISANDE. - -Oh! oh! loin d'ici... loin... loin... - -GOLAUD. - -Qu'est-ce qui brille ainsi au fond de l'eau? - -MÉLISANDE. - -Où donc--Ah! c'est la couronne qu'il m'a donnée. Elle est tombée en -pleurant. - -GOLAUD. - -Une couronne?--Qui est-ce qui vous a donné une couronne?--Je vais -essayer de la prendre... - -MÉLISANDE. - -Non, non; je n'en veux plus! Je n'en veux plus! Je préfère mourir tout -de suite... - -GOLAUD. - -Je pourrais la retirer facilement. L'eau n'est pas très profonde. - -MÉLISANDE. - -Je n'en veux plus! Si vous la retirez, je me jette à sa place!... - -GOLAUD. - -Non, non; je la laisserai là; on pourrait la prendre sans peine -cependant. Elle semble très belle.--Y a-t-il longtemps que vous avez -fui? - -MÉLISANDE. - -Oui, oui... qui êtes-vous? - -GOLAUD. - -Je suis le prince Golaud--le petit-fils d'Arkël, le vieux roi -d'Allemonde... - -MÉLISANDE. - -Oh! vous avez déjà les cheveux gris... - -GOLAUD. - -Oui; quelques-uns, ici, près des tempes... - -MÉLISANDE. - -Et la barbe aussi... Pourquoi me regardez-vous ainsi? - -GOLAUD. - -Je regarde vos yeux.--Vous ne fermez jamais les yeux? - -MÉLISANDE. - -Si, si; je les ferme la nuit... - -GOLAUD. - -Pourquoi avez-vous l'air si étonné? - -MÉLISANDE. - -Vous êtes un géant? - -GOLAUD. - -Je suis un homme comme les autres... - -MÉLISANDE. - -Pourquoi êtes-vous venu ici? - -GOLAUD. - -Je n'en sais rien moi-même. Je chassais dans la forêt. Je poursuivais un -sanglier. Je me suis trompé de chemin.--Vous avez l'air très jeune. Quel -âge avez-vous? - -MÉLISANDE. - -Je commence à avoir froid... - -GOLAUD. - -Voulez-vous venir avec moi? - -MÉLISANDE. - -Non, non; je reste ici... - -GOLAUD. - -Vous ne pouvez pas rester seule. Vous ne pouvez pas rester ici toute la -nuit... Comment vous nommez-vous? - -MÉLISANDE. - -Mélisande. - -GOLAUD. - -Vous ne pouvez pas rester ici, Mélisande. Venez avec moi... - -MÉLISANDE. - -Je reste ici... - -GOLAUD. - -Vous aurez peur, toute seule. On ne sait pas ce qu'il y a ici... Toute -la nuit... Toute seule, ce n'est pas possible. Mélisande, venez, -donnez-moi la main... - -MÉLISANDE. - -Oh! ne me touchez pas!... - -GOLAUD. - -Ne criez pas... Je ne vous toucherai plus. Mais venez avec moi. La nuit -sera très noire et très froide. Venez avec moi... - -MÉLISANDE. - -Où allez-vous? - -GOLAUD. - -Je ne sais pas... Je suis perdu aussi... - -_Ils sortent._ - - -SCÈNE II - -Une salle dans le château. - -_On découvre Arkël et Geneviève._ - -GENEVIÈVE. - -Voici ce qu'il écrit à son frère Pelléas: «Un soir, je l'ai trouvée tout -en pleurs au bord d'une fontaine, dans la forêt où je m'étais perdu. Je -ne sais ni son âge, ni qui elle est, ni d'où elle vient et je n'ose pas -l'interroger, car elle doit avoir eu une grande épouvante, et quand on -lui demande ce qui lui est arrivé, elle pleure tout à coup comme un -enfant et sanglote si profondément qu'on a peur. Il y a maintenant six -mois que je l'ai épousée et je n'en sais pas plus qu'au jour de notre -rencontre. En attendant, mon cher Pelléas, toi que j'aime plus qu'un -frère, bien que nous ne soyons pas nés du même père; en attendant, -prépare mon retour... Je sais que ma mère me pardonnera volontiers. Mais -j'ai peur d'Arkël, malgré toute sa bonté, car j'ai déçu, par ce mariage -étrange, tous ses projets politiques, et je crains que la beauté de -Mélisande n'excuse pas à ses yeux, si sages, ma folie. S'il consent -néanmoins à l'accueillir comme il accueillerait sa propre fille, le -troisième soir qui suivra cette lettre, allume une lampe au sommet de la -tour qui regarde la mer. Je l'apercevrai du pont de notre navire; sinon, -j'irai plus loin et ne reviendrai plus...» Qu'en dites-vous! - -ARKEL. - -Je n'en dis rien. Cela peut nous paraître étrange, parce que nous ne -voyons jamais que l'envers des destinées... Il avait toujours suivi mes -conseils jusqu'ici; j'avais cru le rendre heureux en l'envoyant demander -la main de la princesse Ursule... Il ne pouvait pas rester seul, et -depuis la mort de sa femme il était triste d'être seul; et ce mariage -allait mettre fin à de longues guerres et à de vieilles haines... Il ne -l'a pas voulu ainsi. Qu'il en soit comme il a voulu: je ne me suis -jamais mis en travers d'une destinée: il sait mieux que moi son avenir. -Il n'arrive peut-être pas d'événements inutiles... - -GENEVIÈVE. - -Il a toujours été prudent, si grave et si ferme... Depuis la mort de sa -femme il ne vivait plus que pour son fils, le petit Yniold. Il a tout -oublié...--Qu'allons-nous faire? - -_Entre Pelléas._ - -ARKEL. - -Qui est-ce qui entre là? - -GENEVIÈVE. - -C'est Pelléas. Il a pleuré. - -ARKEL. - -Est-ce toi Pelléas?--Viens un peu plus près, que je te voie dans la -lumière. - -PELLÉAS. - -Grand-père, j'ai reçu, en même temps que la lettre de mon frère, une -autre lettre; une lettre de mon ami Marcellus... Il va mourir et il -m'appelle. - -Il dit qu'il sait exactement le jour où la mort doit venir... Il me dit -que je puis arriver avant elle si je veux, mais qu'il n'y a pas de temps -à perdre. - -ARKEL. - -Il faudrait attendre quelque temps cependant... Nous ne savons pas ce -que le retour de ton frère nous prépare. Et d'ailleurs ton père n'est-il -pas ici, au-dessus de nous, plus malade peut-être que ton ami... -Pourras-tu choisir entre le père et l'ami?... - -_Il sort._ - -GENEVIÈVE. - -Aie soin d'allumer la lampe dès ce soir, Pelléas... - -_Ils sortent séparément._ - - -SCÈNE III - -Devant le château. - -_Entrent Geneviève et Mélisande._ - -MÉLISANDE. - -Il fait sombre dans les jardins. Et quelles forêts, quelles forêts -autour des palais!... - -GENEVIÈVE. - -Oui; cela m'étonnait aussi quand je suis arrivée ici, et cela étonne -tout le monde. Il y a des endroits où l'on ne voit jamais le soleil. -Mais l'on s'y fait si vite... Il y a longtemps, il y a longtemps... Il y -a près de quarante ans que je vis ici... Regardez de l'autre côté, vous -aurez la clarté de la mer... - -MÉLISANDE. - -J'entends du bruit au-dessous de nous... - -GENEVIÈVE. - -Oui; c'est quelqu'un qui monte vers nous... Ah! C'est Pelléas... Il -semble encore fatigué de vous avoir attendue si longtemps... - -MÉLISANDE. - -Il ne nous a pas vues. - -GENEVIÈVE. - -Je crois qu'il nous a vues, mais il ne sait ce qu'il doit faire... -Pelléas, Pelléas, est-ce toi? - -PELLÉAS. - -Oui!... Je venais du côté de la mer... - -GENEVIÈVE. - -Nous aussi; nous cherchions la clarté. Ici, il fait un peu plus clair -qu'ailleurs! et cependant la mer est sombre. - -PELLÉAS. - -Nous aurons une tempête cette nuit; il y en a toutes les nuits depuis -quelque temps... et cependant elle est si calme ce soir... On -s'embarquerait sans le savoir et l'on ne reviendrait plus. - -MÉLISANDE. - -Quelque chose sort du port... - -PELLÉAS. - -Il faut que ce soit un grand navire... Les lumières sont très hautes, -nous le verrons tout à l'heure quand il entrera dans la bande de -clarté... - -GENEVIÈVE. - -Je ne sais si nous pourrons le voir... il y a encore une brume sur la -mer... - -PELLÉAS. - -On dirait que la brume s'élève lentement... - -MÉLISANDE. - -Oui; j'aperçois, là-bas, une petite lumière que je n'avais pas vue... - -PELLÉAS. - -C'est un phare; il y en a d'autres que nous ne voyons pas encore. - -MÉLISANDE. - -Le navire est dans la lumière... Il est déjà bien loin... - -PELLÉAS. - -Il s'éloigne à toutes voiles... - -MÉLISANDE. - -C'est le navire qui m'a menée ici. Il a de grandes voiles... Je le -reconnais à ses voiles... - -PELLÉAS. - -Il aura mauvaise mer cette nuit... - -MÉLISANDE. - -Pourquoi s'en va-t-il cette nuit?... On ne le voit presque plus... Il -fera peut-être naufrage... - -PELLÉAS. - -La nuit tombe très vite... - -_Un silence._ - -GENEVIÈVE. - -Il est temps de rentrer. Pelléas, montre la route à Mélisande. Il faut -que j'aille voir, un instant, le petit Yniold. - -_Elle sort._ - -PELLÉAS. - -On ne voit plus rien sur la mer... - -MÉLISANDE. - -Je vois d'autres lumières. - -PELLÉAS. - -Ce sont les autres phares... Entendez-vous la mer?... C'est le vent qui -s'élève... Descendons par ici. Voulez-vous me donner la main? - -MÉLISANDE. - -Voyez, voyez, j'ai les mains pleines de fleurs. - -PELLÉAS. - -Je vous soutiendrai par le bras, le chemin est escarpé et il y fait très -sombre... Je pars peut-être demain... - -MÉLISANDE. - -Oh!... Pourquoi partez-vous? - -_Ils sortent._ - - - - -ACTE II - - -SCÈNE I - -Une fontaine dans le parc. - -_Entrent Pelléas et Mélisande._ - -PELLÉAS. - -Vous ne savez pas où je vous ai menée?--Je viens souvent m'asseoir ici, -vers midi, lorsqu'il fait trop chaud dans les jardins. On étouffe, -aujourd'hui, même à l'ombre des arbres. - -MÉLISANDE. - -Oh! L'eau est claire... - -PELLÉAS. - -Elle est fraîche comme l'hiver. C'est une vieille fontaine abandonnée. -Il paraît que c'était une fontaine miraculeuse,--elle ouvrait les yeux -des aveugles.--On l'appelle encore la «fontaine des aveugles». - -MÉLISANDE. - -Elle n'ouvre plus les yeux des aveugles? - -PELLÉAS. - -Depuis que le roi est presque aveugle lui-même, on n'y vient plus... - -MÉLISANDE. - -Comme on est seul ici... On n'entend rien. - -PELLÉAS. - -Il y a toujours un silence extraordinaire... On entendrait dormir -l'eau... Voulez-vous vous asseoir au bord du bassin de marbre? Il y a un -tilleul où le soleil n'entre jamais... - -MÉLISANDE. - -Je vais me coucher sur le marbre.--Je voudrais voir le fond de l'eau... - -PELLÉAS. - -On ne l'a jamais vu.--Elle est peut-être aussi profonde que la mer. - -MÉLISANDE. - -Si quelque chose brillait au fond, on le verrait peut-être... - -PELLÉAS. - -Ne vous penchez pas ainsi... - -MÉLISANDE. - -Je voudrais toucher l'eau... - -PELLÉAS. - -Prenez garde de glisser... Je vais vous tenir la main... - -MÉLISANDE. - -Non, non, je voudrais y plonger mes deux mains... On dirait que mes -mains sont malades aujourd'hui... - -PELLÉAS. - -Oh! oh! prenez garde! prenez garde! Mélisande!... Mélisande!--Oh! votre -chevelure!... - -MÉLISANDE, _se redressant._ - -Je ne peux pas, je ne peux pas l'atteindre. - -PELLÉAS. - -Vos cheveux ont plongé dans l'eau... - -MÉLISANDE. - -Oui, ils sont plus longs que mes bras... Ils sont plus longs que moi... - -_Un silence._ - -PELLÉAS. - -C'est au bord d'une fontaine aussi, qu'il vous a trouvée? - -MÉLISANDE. - -Oui... - -PELLÉAS. - -Que vous a-t-il dit? - -MÉLISANDE. - -Rien;--je ne me rappelle plus... - -PELLÉAS. - -Était-il tout près de vous? - -MÉLISANDE. - -Oui, il voulait m'embrasser... - -PELLÉAS. - -Et vous ne vouliez pas? - -MÉLISANDE. - -Non. - -PELLÉAS. - -Pourquoi ne vouliez-vous pas? - -MÉLISANDE. - -Oh! oh! j'ai vu passer quelque chose au fond de l'eau... - -PELLÉAS. - -Prenez garde! prenez garde!--Vous allez tomber!--Avec quoi jouez-vous? - -MÉLISANDE. - -Avec l'anneau qu'il m'a donné... - -PELLÉAS. - -Ne jouez pas ainsi, au-dessus d'une eau si profonde... - -MÉLISANDE. - -Mes mains ne tremblent pas. - -PELLÉAS. - -Comme il brille au soleil!--Ne le jetez pas si haut vers le ciel!... - -MÉLISANDE. - -Oh!... - -PELLÉAS. - -Il est tombé? - -MÉLISANDE. - -Il est tombé dans l'eau!... - -PELLÉAS. - -Où est-il? Où est-il? - -MÉLISANDE. - -Je ne le vois pas descendre... - -PELLÉAS. - -Je crois que je la vois briller... - -MÉLISANDE. - -Ma bague? - -PELLÉAS. - -Oui, oui,... Là-bas... - -MÉLISANDE. - -Oh! Oh! elle est si loin de nous!... non, non, ce n'est pas elle... ce -n'est plus elle... Elle est perdue... perdue... Il n'y a plus qu'un -grand cercle sur l'eau... Qu'allons-nous faire maintenant?... - -PELLÉAS. - -Il ne faut pas s'inquiéter ainsi pour une bague. Ce n'est rien... nous -la retrouverons peut-être. Ou bien nous en retrouverons une autre. - -MÉLISANDE. - -Non, non, nous ne la retrouverons plus, nous n'en trouverons pas -d'autres non plus... Je croyais l'avoir dans les mains cependant... -J'avais déjà fermé les mains, et elle est tombée malgré tout... Je l'ai -jetée trop haut, du côté du soleil... - -PELLÉAS. - -Venez, nous reviendrons un autre jour... venez, il est temps. On irait à -notre rencontre... Midi sonnait au moment où l'anneau est tombé... - -MÉLISANDE. - -Qu'allons-nous dire à Golaud s'il demande où il est? - -PELLÉAS. - -La vérité, la vérité, la vérité... - -_Ils sortent._ - - -SCÈNE II - -Un appartement dans le château. - -_On découvre Golaud étendu sur son lit; Mélisande est à son chevet._ - -GOLAUD. - -Ah! ah! tout va bien, cela ne sera rien. Mais je ne puis m'expliquer -comment cela s'est passé. Je chassais tranquillement dans la forêt. Mon -cheval s'est emporté tout à coup, sans raison. A-t-il vu quelque chose -d'extraordinaire?... Je venais d'entendre sonner les douze coups de -midi. Au douzième coup, il s'effraie subitement, et court, comme un -aveugle fou, contre un arbre. Je ne sais plus ce qui est arrivé. Je suis -tombé, et lui doit être tombé sur moi. Je croyais avoir toute la forêt -sur la poitrine; je croyais que mon coeur était déchiré. Mais mon coeur -est solide. Il paraît que ce n'est rien... - -MÉLISANDE. - -Voulez-vous boire un peu d'eau? - -GOLAUD. - -Merci, je n'ai pas soif. - -MÉLISANDE. - -Voulez-vous un autre oreiller?... Il y a une petite tache de sang sur -celui-ci. - -GOLAUD. - -Non, non; ce n'est pas la peine. - -MÉLISANDE. - -Est-ce bien sûr?... Vous ne souffrez pas trop? - -GOLAUD. - -Non, non, j'en ai vu bien d'autres. Je suis fait au fer et au sang... - -MÉLISANDE. - -Fermez les yeux et tâchez de dormir. Je resterai ici toute la nuit... - -GOLAUD. - -Non, non; je ne veux pas que tu te fatigues ainsi. Je n'ai besoin de -rien; je dormirai comme un enfant... Qu'y a-t-il, Mélisande? Pourquoi -pleures-tu tout à coup?... - -MÉLISANDE, _fondant en larmes_. - -Je suis... Je suis malade ici... - -GOLAUD. - -Tu es malade?... Qu'as-tu donc, qu'as-tu donc, Mélisande?... - -MÉLISANDE. - -Je ne sais pas... Je suis malade ici... Je préfère vous le dire -aujourd'hui; seigneur, je ne suis pas heureuse ici... - -GOLAUD. - -Qu'est-il donc arrivé?... Quelqu'un t'a fait du mal?... Quelqu'un -t'aurait-il offensée? - -MÉLISANDE. - -Non, non; personne ne m'a fait le moindre mal... Ce n'est pas cela... - -GOLAUD. - -Mais tu dois me cacher quelque chose?... Dis-moi toute la vérité, -Mélisande... Est-ce le roi?... Est-ce ma mère?... Est-ce Pelléas?... - -MÉLISANDE. - -Non, non; ce n'est pas Pelléas. Ce n'est personne... Vous ne pouvez pas -me comprendre... C'est quelque chose qui est plus fort que moi... - -GOLAUD. - -Voyons; sois raisonnable, Mélisande.--Que veux-tu que je fasse?--Tu n'es -plus une enfant.--Est-ce moi que tu voudrais quitter? - -MÉLISANDE. - -Oh! non; ce n'est pas cela... Je voudrais m'en aller avec vous... C'est -ici, que je ne peux plus vivre... Je sens que je ne vivrai plus -longtemps... - -GOLAUD. - -Mais il faut une raison cependant. On va te croire folle. On va croire à -des rêves d'enfant.--Voyons, est-ce Pelléas, peut-être?--Je crois qu'il -ne te parle pas souvent... - -MÉLISANDE. - -Si, si; il me parle parfois. Il ne m'aime pas, je crois; je l'ai vu dans -ses yeux... Mais il me parle quand il me rencontre... - -GOLAUD. - -Il ne faut pas lui en vouloir. Il a toujours été ainsi. Il est un peu -étrange. Il changera, tu verras; il est jeune... - -MÉLISANDE. - -Mais ce n'est pas cela... Ce n'est pas cela... - -GOLAUD. - -Qu'est-ce donc?--Ne peux-tu pas te faire à la vie qu'on mène ici? -Fait-il trop triste ici?--Il est vrai que ce château est très vieux et -très sombre... Il est très froid et très profond. Et tous ceux qui -l'habitent sont déjà vieux. Et la campagne peut sembler bien triste -aussi, avec toutes ses forêts, toutes ses vieilles forêts sans lumière. -Mais on peut égayer tout cela si l'on veut. Et puis, la joie, la joie, -on n'en a pas tous les jours; il faut prendre les choses comme elles -sont. Mais dis-moi quelque chose; n'importe quoi; je ferai tout ce que -tu voudras... - -MÉLISANDE. - -Oui, c'est vrai... On ne voit jamais le ciel clair... Je l'ai vu pour la -première fois ce matin... - -GOLAUD. - -C'est donc cela qui te fait pleurer, ma pauvre Mélisande?--Ce n'est donc -que cela?--Tu pleures de ne pas voir le ciel?--Voyons, tu n'es plus à -l'âge où l'on peut pleurer pour ces choses... Et puis l'été n'est-il pas -là? Tu vas voir le ciel tous les jours.--Et puis l'année prochaine... -Voyons, donne-moi ta main; donne-moi tes deux petites mains. _Il lui -prend les mains._ Oh! ces petites mains que je pourrais écraser comme -des fleurs...--Tiens, où est l'anneau que je t'avais donné? - -MÉLISANDE. - -L'anneau? - -GOLAUD. - -Oui; la bague de nos noces, où est-elle? - -MÉLISANDE. - -Je crois... Je crois qu'elle est tombée... - -GOLAUD. - -Tombée?--Où est-elle tombée?...--Tu ne l'as pas perdue? - -MÉLISANDE. - -Non, elle est tombée... elle doit être tombée... Mais je ne sais pas où -elle est... - -GOLAUD. - -Où est-elle? - -MÉLISANDE. - -Vous savez bien... vous savez bien... la grotte au bord de la mer? - -GOLAUD. - -Oui. - -MÉLISANDE. - -Eh bien, c'est là... Il faut que ce soit là... Oui, oui; je me -rappelle... J'y suis allée ce matin, ramasser des coquillages pour le -petit Yniold... Il y en a de très beaux... Elle a glissé de mon doigt... -puis la mer est entrée; et j'ai dû sortir avant de l'avoir retrouvée. - -GOLAUD. - -Es-tu sûre que ce soit là? - -MÉLISANDE. - -Oui, oui; tout à fait sûre... Je l'ai sentie glisser... - -GOLAUD. - -Il faut aller la chercher tout de suite. - -MÉLISANDE. - -Maintenant?--tout de suite?--dans l'obscurité? - -GOLAUD. - -Maintenant, tout de suite, dans l'obscurité. J'aimerais mieux avoir -perdu tout ce que j'ai plutôt que d'avoir perdu cette bague. Tu ne sais -pas ce que c'est. Tu ne sais pas d'où elle vient. La mer sera très haute -cette nuit. La mer viendra la prendre avant toi... Dépêche-toi. - -MÉLISANDE. - -Je n'ose pas... Je n'ose pas aller seule... - -GOLAUD. - -Vas-y, vas-y avec n'importe qui. Mais il faut y aller tout de suite, -entends-tu?--Dépêche-toi; demande à Pelléas d'y aller avec toi. - -MÉLISANDE. - -Pelléas?--Avec Pelléas?--Mais Pelléas ne voudra pas... - -GOLAUD. - -Pelléas fera tout ce que tu lui demandes. Je connais Pelléas mieux que -toi. Vas-y, hâte-toi. Je ne dormirai pas avant d'avoir la bague. - -MÉLISANDE. - -Oh! oh! Je ne suis pas heureuse!... Je ne suis pas heureuse! - -_Elle sort en pleurant._ - - -SCÈNE III - -Devant une grotte. - -_Entrent Pelléas et Mélisande._ - -PELLÉAS, _parlant avec une grande agitation._ - -Oui; c'est ici, nous y sommes. Il fait si noir que l'entrée de la grotte -ne se distingue pas du reste de la nuit... Il n'y a pas d'étoiles de ce -côté. Attendons que la lune ait déchiré ce grand nuage; elle éclairera -toute la grotte et alors nous pourrons entrer sans danger. Il y a des -endroits dangereux et le sentier est très étroit, entre deux lacs dont -on n'a pas encore trouvé le fond. Je n'ai pas songé à emporter une -torche ou une lanterne, mais je pense que la clarté du ciel nous -suffira.--Vous n'avez jamais pénétré dans cette grotte? - -MÉLISANDE. - -Non... - -PELLÉAS. - -Entrons-y... Il faut pouvoir décrire l'endroit où vous avez perdu la -bague, s'il vous interroge... Elle est très grande et très belle. Elle -est pleine de ténèbres bleues. Quand on y allume une petite lumière, on -dirait que la voûte est couverte d'étoiles, comme le ciel. Donnez-moi la -main, ne tremblez pas, ne tremblez pas ainsi. Il n'y a pas de danger: -nous nous arrêterons au moment que nous n'apercevrons plus la clarté de -la mer... Est-ce le bruit de la grotte qui vous effraie? Entendez-vous -la mer derrière nous?--Elle ne semble pas heureuse cette nuit... Ah! -Voici la clarté! - -_La lune éclaire largement l'entrée et une partie des ténèbres de la -grotte; et l'on aperçoit, à une certaine profondeur, trois vieux pauvres -à cheveux blancs, assis côte à côte, se soutenant les uns les autres, et -endormis contre un quartier de roc._ - -MÉLISANDE. - -Ah! - -PELLÉAS. - -Qu'y a-t-il? - -MÉLISANDE. - -Il y a... Il y a... - -_Elle montre les trois pauvres._ - -PELLÉAS. - -Oui, oui; je les ai vus aussi... - -MÉLISANDE. - -Allons-nous en!... Allons-nous en!... - -PELLÉAS. - -Ce sont trois vieux pauvres qui se sont endormis... Pourquoi sont-ils -venus dormir ici?... Il y aura une famine dans le pays. - -MÉLISANDE. - -Allons-nous en!... Venez... Allons-nous en!... - -PELLÉAS. - -Prenez garde, ne parlez pas si fort... Ne les éveillons pas... Ils -dorment encore profondément... Venez. - -MÉLISANDE. - -Laissez-moi; je préfère marcher seule... - -PELLÉAS. - -Nous reviendrons un autre jour... - -_Ils sortent._ - - - - -ACTE III - - -SCÈNE I - -Une des tours du château.--Un chemin de ronde passe sous une fenêtre de -la tour. - -MÉLISANDE, _à la fenêtre, tandis qu'elle peigne ses cheveux dénoués._ - - Mes longs cheveux descendent jusqu'au seuil de la tour! - Mes cheveux vous attendent tout le long de la tour! - Et tout le long du jour! - Et tout le long du jour! - - Saint Daniel et saint Michel, - Saint Michel et saint Raphaël, - Je suis née un Dimanche! - Un Dimanche à midi! - -_Entre Pelléas par le chemin de ronde._ - -PELLÉAS. - -Holà! Holà! ho! - -MÉLISANDE. - -Qui est là? - -PELLÉAS. - -Moi, moi, et moi!... Que fais-tu là à la fenêtre en chantant comme un -oiseau qui n'est pas d'ici? - -MÉLISANDE. - -J'arrange mes cheveux pour la nuit... - -PELLÉAS. - -C'est là ce que je vois sur le mur!... Je croyais que c'était un rayon -de lumière... - -MÉLISANDE. - -J'ai ouvert la fenêtre. Il fait trop chaud dans la tour, il fait beau -cette nuit. - -PELLÉAS. - -Il y a d'innombrables étoiles; je n'en ai jamais vu autant que ce -soir;... mais la lune est encore sur la mer... Ne reste pas dans -l'ombre, Mélisande, penche-toi un peu, que je voie tes cheveux dénoués. - -_Mélisande se penche à la fenêtre._ - -MÉLISANDE. - -Je suis affreuse ainsi. - -PELLÉAS. - -Oh! Mélisande!... oh! tu es belle!... tu es belle ainsi!... penche-toi! -penche-toi!... laisse-moi venir plus près de toi... - -MÉLISANDE. - -Je ne puis pas venir plus près de toi... Je me penche tant que je -peux... - -PELLÉAS. - -Je ne puis pas monter plus haut... donne-moi du moins ta main ce soir... -avant que je m'en aille... Je pars demain... - -MÉLISANDE. - -Non, non, non... - -PELLÉAS. - -Si, si; je pars, je partirai demain... donne-moi ta main, ta main, ta -petite main sur mes lèvres... - -MÉLISANDE. - -Je ne te donne pas ma main si tu pars... - -PELLÉAS. - -Donne, donne, donne... - -MÉLISANDE. - -Tu ne partiras pas?... - -PELLÉAS. - -J'attendrai, j'attendrai. - -MÉLISANDE. - -Je vois une rose dans les ténèbres... - -PELLÉAS. - -Où donc?... Je ne vois que les branches du saule qui dépassent le mur... - -MÉLISANDE. - -Plus bas, plus bas, dans le jardin; là-bas, dans le vert sombre. - -PELLÉAS. - -Ce n'est pas une rose... J'irai voir tout à l'heure, mais donne-moi ta -main d'abord; d'abord ta main... - -MÉLISANDE. - -Voilà, voilà;... Je ne puis me pencher davantage... - -PELLÉAS. - -Mes lèvres ne peuvent pas atteindre ta main... - -MÉLISANDE. - -Je ne puis me pencher davantage... Je suis sur le point de -tomber...--Oh! oh! mes cheveux descendent de la tour!... - -_Sa chevelure se révulse tout à coup, tandis qu'elle se penche ainsi et -inonde Pelléas._ - -PELLÉAS. - -Oh! oh! qu'est-ce que c'est?... Tes cheveux, tes cheveux descendent vers -moi!... Toute ta chevelure, Mélisande, toute ta chevelure est tombée de -la tour!... Je les tiens dans les mains, je les tiens dans la bouche... -Je les tiens dans les bras, je les mets autour de mon cou... Je -n'ouvrirai plus les mains cette nuit... - -MÉLISANDE. - -Laisse-moi! Laisse-moi!... Tu vas me faire tomber!... - -PELLÉAS. - -Non, non, non;... Je n'ai jamais vu de cheveux comme les tiens, -Mélisande!... Vois, vois, vois, ils viennent de si haut et ils -m'inondent jusqu'au coeur... Ils m'inondent encore jusqu'aux genoux... -Et ils sont doux, ils sont doux comme s'ils tombaient du ciel!... Je ne -vois plus le ciel à travers tes cheveux. Tu vois, tu vois, mes mains ne -peuvent plus les tenir... Il y en a jusque sur les branches du saule... -Ils vivent comme des oiseaux dans mes mains... et ils m'aiment, ils -m'aiment mille fois mieux que toi! - -MÉLISANDE. - -Laisse-moi... laisse-moi... Quelqu'un pourrait venir... - -PELLÉAS. - -Non, non, non; je ne te délivre pas cette nuit... Tu es ma prisonnière -cette nuit; toute la nuit, toute la nuit... - -MÉLISANDE. - -Pelléas! Pelléas! - -PELLÉAS. - -Tu ne t'en iras plus... Je les noue, je les noue aux branches du saule, -tes cheveux. Je ne souffre plus au milieu de tes cheveux. Tu entends mes -baisers le long de tes cheveux? Ils montent le long de tes cheveux. Il -faut que chacun t'en apporte. Tu vois, tu vois, je puis ouvrir les -mains... Tu vois, j'ai les mains libres et tu ne peux plus -m'abandonner... - -_Des colombes sortent de la tour et volent autour d'eux dans la nuit._ - -MÉLISANDE. - -Oh! oh! tu m'as fait mal!... Qu'y a-t-il, Pelléas?--Qu'est-ce qui vole -autour de moi? - -PELLÉAS. - -Ce sont les colombes qui sortent de la tour... Je les ai effrayées; -elles s'envolent. - -MÉLISANDE. - -Ce sont mes colombes, Pelléas.--Allons-nous en, laisse-moi; elles ne -reviendraient plus... - -PELLÉAS. - -Pourquoi ne reviendraient-elles plus? - -MÉLISANDE. - -Elles se perdront dans l'obscurité... Laisse-moi relever la tête... -J'entends un bruit de pas... Laisse-moi!--C'est Golaud!... Je crois que -c'est Golaud!... Il nous a entendus... - -PELLÉAS. - -Attends! Attends!... Tes cheveux sont autour des branches... Ils se sont -accrochés dans l'obscurité. Attends! attends!... il fait noir... - -_Entre Golaud par le chemin de ronde._ - -GOLAUD. - -Que faites-vous ici? - -PELLÉAS. - -Ce que je fais ici?... Je... - -GOLAUD. - -Vous êtes des enfants... Mélisande, ne te penche pas ainsi à la fenêtre, -tu vas tomber... Vous ne savez pas qu'il est tard?--Il est près de -minuit.--Ne jouez pas ainsi dans l'obscurité.--Vous êtes des enfants... -_Riant nerveusement._ Quels enfants! Quels enfants!... - -_Il sort avec Pelléas._ - - -SCÈNE II - -Les souterrains du château. - -_Entrent Golaud et Pelléas._ - -GOLAUD. - -Prenez garde; par ici, par ici.--Vous n'avez jamais pénétré dans ces -souterrains? - -PELLÉAS. - -Si, une fois, dans le temps; mais il y a longtemps... - -GOLAUD. - -Eh bien! Voici l'eau stagnante dont je vous parlais... Sentez-vous -l'odeur de mort qui monte!--Allons jusqu'au bout de ce rocher qui -surplombe et penchez-vous un peu. Elle viendra vous frapper au visage. -Penchez-vous; n'ayez pas peur... Je vous tiendrai... donnez-moi... non, -non, pas la main... elle pourrait glisser... le bras... Voyez-vous le -gouffre?... Pelléas? Pelléas?... - -PELLÉAS. - -Oui, je crois que je vois le fond du gouffre... Est-ce la lumière qui -tremble ainsi?... Vous... - -GOLAUD. - -Oui; c'est la lanterne... Voyez, je l'agitais pour éclairer les parois. - -PELLÉAS. - -J'étouffe ici... Sortons. - -GOLAUD. - -Oui, sortons... - -_Ils sortent en silence._ - - -SCÈNE III - -Une terrasse au sortir des souterrains. - -PELLÉAS. - -Ah! Je respire enfin! J'ai cru un instant que j'allais me trouver mal -dans ces énormes grottes; j'ai été sur le point de tomber... Il y a là -un air humide et lourd comme une rosée de plomb, et des ténèbres -épaisses comme une pâte empoisonnée. Et maintenant tout l'air de toute -la mer!... Il y a un vent frais, voyez; frais comme une feuille qui -vient de s'ouvrir, sur les petites lames vertes. Tiens! On vient -d'arroser les fleurs au bord de la terrasse et l'odeur de la verdure et -des roses mouillées monte jusqu'ici... Il doit être près de midi, elles -sont déjà dans l'ombre de la tour. Il est midi; j'entends sonner les -cloches et les enfants descendent sur la plage pour se baigner. - -Tiens, voilà notre mère et Mélisande à une fenêtre de la tour. - -GOLAUD. - -Oui; elles se sont réfugiées du côté de l'ombre. A propos de Mélisande, -j'ai entendu ce qui s'est passé et ce qui s'est dit hier au soir. Je le -sais bien, ce sont là jeux d'enfants; mais il ne faut pas que cela se -répète. Elle est très délicate et il faut qu'on la ménage, d'autant plus -qu'elle sera peut-être bientôt mère et la moindre émotion pourrait -amener un malheur. Ce n'est pas la première fois que je remarque qu'il -pourrait y avoir quelque chose entre vous. Vous êtes plus âgé qu'elle; -il suffira de vous l'avoir dit... Évitez-la autant que possible; mais -sans affectation d'ailleurs; sans affectation. - -_Ils sortent._ - - -SCÈNE IV - -Devant le château. - -_Entrent Golaud et le petit Yniold._ - -GOLAUD. - -Viens, nous allons nous asseoir ici, Yniold; viens sur mes genoux: nous -verrons d'ici ce qui se passe dans la forêt. Je ne te vois plus du tout -depuis quelque temps. Tu m'abandonnes aussi; tu es toujours chez -petite-mère... Tiens, nous sommes tout juste assis sous les fenêtres de -petite-mère.--Elle fait peut-être sa prière du soir en ce moment... Mais -dis-moi, Yniold, elle est souvent avec ton oncle Pelléas, n'est-ce pas? - -YNIOLD. - -Oui, oui; toujours, petit-père; quand vous n'êtes pas là. - -GOLAUD. - -Ah! Tiens, quelqu'un passe avec une lanterne dans le jardin.--Mais on -m'a dit qu'ils ne s'aimaient pas... Il paraît qu'ils se querellent -souvent... non? Est-ce vrai? - -YNIOLD. - -Oui, c'est vrai. - -GOLAUD. - -Oui?--Ah! ah!--Mais à propos de quoi se querellent-ils? - -YNIOLD. - -A propos de la porte. - -GOLAUD. - -Comment? A propos de la porte?--Qu'est-ce que tu racontes là?--Mais -voyons, explique-toi; pourquoi se querellent-ils à propos de la porte? - -YNIOLD. - -Parce qu'elle ne peut pas être ouverte. - -GOLAUD. - -Qui ne veut pas qu'elle soit ouverte?--Voyons, pourquoi se -querellent-ils? - -YNIOLD. - -Je ne sais pas, petit-père, à propos de la lumière. - -GOLAUD. - -Je ne te parle pas de la lumière: je te parle de la porte... Ne mets pas -ainsi la main dans la bouche... voyons... - -YNIOLD. - -Petit-père! petit-père!... Je ne le ferai plus... - -_Il pleure._ - -GOLAUD. - -Voyons; pourquoi pleures-tu? Qu'est-il arrivé? - -YNIOLD. - -Oh! oh! petit-père, vous m'avez fait mal... - -GOLAUD. - -Je t'ai fait mal?--Où t'ai-je fait mal! C'est sans le vouloir... - -YNIOLD. - -Ici, à mon petit bras... - -GOLAUD. - -C'est sans le vouloir; voyons, ne pleure plus, je te donnerai quelque -chose demain... - -YNIOLD. - -Quoi, petit-père? - -GOLAUD. - -Un carquois et des flèches; mais dis-moi ce que tu sais de la porte. - -YNIOLD. - -De grandes flèches? - -GOLAUD. - -Oui, de très grandes flèches.--Mais pourquoi ne veulent-ils pas que la -porte soit ouverte?--Voyons, réponds-moi à la fin!--non, non; n'ouvre -pas la bouche pour pleurer. Je ne suis pas fâché. De quoi parlent-ils -quand ils sont ensemble? - -YNIOLD. - -Pelléas et petite-mère? - -GOLAUD. - -Oui; de quoi parlent-ils? - -YNIOLD. - -De moi; toujours de moi. - -GOLAUD. - -Et que disent-ils de toi? - -YNIOLD. - -Ils disent que je serai très grand. - -GOLAUD. - -Ah! Misère de ma vie!... je suis ici comme un aveugle qui cherche son -trésor au fond de l'océan!... Je suis ici comme un nouveau-né perdu dans -la forêt et vous... Mais voyons, Yniold, j'étais distrait; nous allons -causer sérieusement. Pelléas et petite-mère ne parlent-ils jamais de moi -quand je ne suis pas là? - -YNIOLD. - -Si, si, petit-père. - -GOLAUD. - -Ah!... Et que disent-ils de moi? - -YNIOLD. - -Ils disent que je deviendrai aussi grand que vous. - -GOLAUD. - -Tu es toujours près d'eux? - -YNIOLD. - -Oui, oui; toujours, petit-père. - -GOLAUD. - -Ils ne te disent jamais d'aller jouer ailleurs? - -YNIOLD. - -Non, petit-père; ils ont peur quand je ne suis pas là. - -GOLAUD. - -Ils ont peur?... à quoi vois-tu qu'ils ont peur? - -YNIOLD. - -Ils pleurent toujours dans l'obscurité. - -GOLAUD. - -Ah! ah!... - -YNIOLD. - -Cela fait pleurer aussi... - -GOLAUD. - -Oui, oui... - -YNIOLD. - -Elle est pâle, petit-père! - -GOLAUD. - -Ah! ah!... patience, mon Dieu, patience... - -YNIOLD. - -Quoi, petit-père? - -GOLAUD. - -Rien, rien mon enfant.--J'ai vu passer un loup dans la forêt.--Ils -s'embrassent quelquefois?--Non? - -YNIOLD. - -Ils s'embrassent, petit-père?--Non, non.--Ah! si, petit-père, si; une -fois... une fois qu'il pleuvait... - -GOLAUD. - -Ils se sont embrassés?--Mais comment, comment se sont-ils embrassés?-- - -YNIOLD. - -Comme ça, petit-père, comme ça!... _Il lui donne un baiser sur la -bouche; riant._ Ah! ah! votre barbe, petit-père!... Elle pique! elle -pique! Elle devient toute grise, petit-père, et vos cheveux aussi; tout -gris, tout gris... _La fenêtre sous laquelle ils sont assis s'éclaire en -ce moment, et sa clarté vient tomber sur eux._ Ah! ah! petite-mère a -allumé la lampe. Il fait clair, petit-père; il fait clair. - -GOLAUD. - -Oui; il commence à faire clair... - -YNIOLD. - -Allons-y aussi, petit-père... - -GOLAUD. - -Où veux-tu aller? - -YNIOLD. - -Où il fait clair, petit-père. - -GOLAUD. - -Non, non, mon enfant; restons encore un peu dans l'ombre... On ne sait -pas, on ne sait pas encore... Je crois que Pelléas est fou... - -YNIOLD. - -Non, petit-père, il n'est pas fou, mais il est très bon. - -GOLAUD. - -Veux-tu voir petite-mère? - -YNIOLD. - -Oui, oui; je veux la voir! - -GOLAUD. - -Ne fais pas de bruit; je vais te hisser jusqu'à la fenêtre. Elle est -trop haute pour moi, bien que je sois si grand... _Il soulève l'enfant._ -Ne fais pas le moindre bruit; petite-mère aurait terriblement peur... La -vois-tu?--Est-elle dans la chambre? - -YNIOLD. - -Oui... Oh! il fait clair! - -GOLAUD. - -Elle est seule? - -YNIOLD. - -Oui... Non, non! mon oncle Pelléas y est aussi. - -GOLAUD. - -Il!... - -YNIOLD. - -Ah! ah! petit-père! vous m'avez fait mal!... - -GOLAUD. - -Ce n'est rien; tais-toi; je ne le ferai plus; regarde, regarde, -Yniold!... J'ai trébuché; parle plus bas. Que font-ils?-- - -YNIOLD. - -Ils ne font rien, petit-père. - -GOLAUD. - -Est-ce qu'ils parlent? - -YNIOLD. - -Non, petit-père; ils ne parlent pas. - -GOLAUD. - -Mais que font-ils? - -YNIOLD. - -Ils regardent la lumière. - -GOLAUD. - -Tous les deux? - -YNIOLD. - -Oui, petit-père. - -GOLAUD. - -Ils ne disent rien? - -YNIOLD. - -Non, petit-père; ils ne ferment pas les yeux. - -GOLAUD. - -Ils ne s'approchent pas l'un de l'autre? - -YNIOLD. - -Non, petit-père; ils ne bougent pas, ils ne ferment jamais les yeux... -J'ai terriblement peur... - -GOLAUD. - -De quoi donc as-tu peur? Regarde! Regarde! - -YNIOLD. - -Petit-père, laissez-moi descendre! - -GOLAUD. - -Regarde! - -YNIOLD. - -Oh! je vais crier, petit-père! Laissez-moi descendre! laissez-moi -descendre! - -GOLAUD. - -Viens! nous allons voir ce qui est arrivé. - -_Ils sortent._ - - - - -ACTE IV - - -SCÈNE I - -Un corridor dans le château. - -PELLÉAS. - -Où vas-tu? Il faut que je te parle ce soir. Te verrai-je? - -MÉLISANDE. - -Oui. - -PELLÉAS. - -Je sors de la chambre de mon père. Il va mieux. Le médecin nous a dit -qu'il était sauvé. Il m'a reconnu. Il m'a pris la main, et il m'a dit de -cet air étrange qu'il a depuis qu'il est malade: «Est-ce toi, Pelléas? -Tiens, je ne l'avais jamais remarqué, mais tu as le visage grave et -amical de ceux qui ne vivront pas longtemps. Il faut voyager; il faut -voyager...» C'est étrange; je vais lui obéir... Ma mère l'écoutait et -pleurait de joie. Tu ne t'en es pas aperçue? Toute la maison semble déjà -revivre, on entend respirer, on entend marcher... Écoute, j'entends -parler derrière cette porte. Vite, vite, réponds vite, où te verrai-je? - -MÉLISANDE. - -Où veux-tu? - -PELLÉAS. - -Dans le parc: près de la fontaine des aveugles? Veux-tu? Viendras-tu? - -MÉLISANDE. - -Oui. - -PELLÉAS. - -Ce sera le dernier soir. Je vais voyager comme mon père l'a dit. Tu ne -me verras plus... - -MÉLISANDE. - -Ne dis pas cela, Pelléas... Je te verrai toujours; je te regarderai -toujours... - -PELLÉAS. - -Tu auras beau regarder... Je serai si loin que tu ne pourras plus me -voir. - -MÉLISANDE. - -Qu'est-il arrivé, Pelléas? Je ne comprends plus ce que tu dis... - -PELLÉAS. - -Va-t'en, va-t'en, séparons-nous. J'entends parler derrière cette porte. - -_Ils sortent séparément._ - -_Puis Arkël entre accompagné de Mélisande._ - -ARKEL. - -Maintenant que le père de Pelléas est sauvé, et que la maladie, la -vieille servante de la mort, a quitté le château, un peu de joie et un -peu de soleil vont enfin rentrer dans la maison... Il était temps!--Car -depuis ta venue, on n'a vécu ici qu'en chuchotant autour d'une chambre -fermée... Et vraiment, j'avais pitié de toi, Mélisande... Je -t'observais, tu étais là, insouciante peut-être, mais avec l'air étrange -et égaré de quelqu'un qui attendrait toujours un grand malheur, au -soleil, dans un beau jardin... Je ne puis pas expliquer... Mais j'étais -triste de te voir ainsi; car tu es trop jeune et trop belle pour vivre -déjà, jour et nuit, sous l'haleine de la mort... Mais à présent tout -cela va changer. A mon âge,--et c'est peut-être là le fruit le plus sûr -de ma vie,--à mon âge, j'ai acquis je ne sais quelle foi à la fidélité -des événements, et j'ai toujours vu que tout être jeune et beau, créait -autour de lui des événements jeunes, beaux et heureux... Et c'est toi, -maintenant, qui vas ouvrir la porte à l'ère nouvelle que j'entrevois... -Viens ici; pourquoi restes-tu là sans répondre et sans lever les -yeux?--Je ne t'ai embrassée qu'une seule fois jusqu'ici, le jour de ta -venue; et cependant, les vieillards ont besoin de toucher quelquefois de -leurs lèvres, le front d'une femme ou la joue d'un enfant, pour croire -encore à la fraîcheur de la vie et éloigner un moment les menaces de la -mort. As-tu peur de mes vieilles lèvres? Comme j'avais pitié de toi ces -mois-ci!... - -MÉLISANDE. - -Grand-père, je n'étais pas malheureuse... - -ARKEL. - -Laisse-moi te regarder ainsi, de tout près, un moment... on a tant -besoin de beauté aux côtés de la mort... - -_Entre Golaud._ - -GOLAUD. - -Pelléas part ce soir. - -ARKEL. - -Tu as du sang sur le front.--Qu'as-tu fait? - -GOLAUD. - -Rien, rien... J'ai passé au travers d'une haie d'épines... - -MÉLISANDE. - -Baissez un peu la tête, seigneur... Je vais essuyer votre front... - -GOLAUD, _la repoussant._ - -Je ne veux pas que tu me touches, entends-tu? Va-t'en, va-t'en!--Je ne -te parle pas.--Où est mon épée?--Je venais chercher mon épée... - -MÉLISANDE. - -Ici; sur le prie-Dieu. - -GOLAUD. - -Apporte-la. _A Arkël._ On vient encore de trouver un paysan mort de -faim, le long de la mer. On dirait qu'ils tiennent tous à mourir sous -nos yeux.--_A Mélisande._ Eh bien, mon épée?--Pourquoi tremblez-vous -ainsi? Je ne vais pas vous tuer. Je voulais simplement examiner la lame. -Je n'emploie pas l'épée à ces usages. Pourquoi m'examinez-vous comme un -pauvre?--Je ne viens pas vous demander l'aumône. Vous espérez voir -quelque chose dans mes yeux, sans que je voie quelque chose dans les -vôtres?--Croyez-vous que je sache quelque chose?--_A Arkël._ Voyez-vous -ces grands yeux?--On dirait qu'ils sont fiers d'être riches... - -ARKEL. - -Je n'y vois qu'une grande innocence... - -GOLAUD. - -Une grande innocence!... Ils sont plus grands que l'innocence!... Ils -sont plus purs que les yeux d'un agneau... Ils donneraient à Dieu des -leçons d'innocence! Une grande innocence! Écoutez: j'en suis si près que -je sens la fraîcheur de leurs cils quand ils clignent; et cependant, je -suis moins loin des grands secrets de l'autre monde que du plus petit -secret de ces yeux!... Une grande innocence!... Plus que de l'innocence! -On dirait que les anges du ciel y célèbrent sans cesse un baptême!... Je -les connais ces yeux! Je les ai vus à l'oeuvre! Fermez-les! Fermez-les! -ou je vais les fermer pour longtemps!...--Ne mettez pas ainsi votre main -à la gorge; je dis une chose très simple... Je n'ai pas -d'arrière-pensée... Si j'avais une arrière-pensée, pourquoi ne la -dirais-je pas? Ah! ah!--ne tâchez pas de fuir!--Ici!--Donnez-moi cette -main!--Ah! vos mains sont trop chaudes... Allez-vous-en! Votre chair me -dégoûte!... Il ne s'agit plus de fuir à présent!--_Il la saisit par les -cheveux._--Vous allez me suivre à genoux!--A genoux!--A genoux devant -moi!--Ah! ah! vos longs cheveux servent enfin à quelque chose!... A -droite et puis à gauche!--A gauche et puis à droite!--Absalon! -Absalon!--En avant! en arrière! Jusqu'à terre! jusqu'à terre!... Vous -voyez, vous voyez; je ris déjà comme un vieillard... - -ARKEL, _accourant._ - -Golaud!... - -GOLAUD, _affectant un calme soudain._ - -Vous ferez comme il vous plaira, voyez-vous.--Je n'attache aucune -importance à cela.--Je suis trop vieux; et puis, je ne suis pas un -espion. J'attendrai le hasard; et alors... Oh! alors!... simplement -parce que c'est l'usage; simplement parce que c'est l'usage... - -_Il sort._ - -ARKEL. - -Qu'a-t-il donc?--Il est ivre? - -MÉLISANDE, _en larmes._ - -Non, non; mais il ne m'aime plus... Je ne suis pas heureuse!... - -ARKEL. - -Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du coeur des hommes... - - -SCÈNE II - -Une terrasse, dans la brume. - -_On aperçoit le petit Yniold qui cherche à soulever un quartier de roc._ - -YNIOLD. - -Oh! Cette pierre est lourde... elle est plus lourde que moi.--Elle est -plus lourde que tout le monde.--Elle est plus lourde que tout. - -Je vois ma balle d'or entre le rocher et cette méchante pierre. Et je ne -puis pas y atteindre... Mon petit bras n'est pas assez long--et cette -pierre ne veut pas être soulevée... On dirait qu'elle a des racines dans -la terre. - -_On entend au loin les bêlements d'un troupeau._ - -Oh! oh! J'entends pleurer les moutons.--Tiens! Il n'y a plus de -soleil!--Ils arrivent les petits moutons; ils arrivent... Il y en a!... -Il y en a!... Ils ont eu peur du noir... Ils se serrent. Ils se serrent! -Ils pleurent... et ils vont vite!... Il y en a qui voudraient prendre à -droite... Ils voudraient tous aller à droite. Ils ne peuvent pas!... Le -berger leur jette de la terre!... Ah! ah!... Ils vont passer par ici... -Je vais les voir de près.--Comme il y en a!...--Maintenant, ils se -taisent tous. Berger? Pourquoi ne parlent-ils plus? - -LE BERGER, _qu'on ne voit pas._ - -Parce que ce n'est pas le chemin de l'étable!-- - -YNIOLD. - -Où vont-ils? Berger? Berger? Où vont-ils?... Il ne m'entend plus. Ils -sont déjà trop loin... Ils ne font plus de bruit.--Ce n'est pas le -chemin de l'étable... Où vont-ils dormir cette nuit?... Oh! oh! il fait -trop noir... Je vais dire quelque chose à quelqu'un! - -_Il sort._ - - -SCÈNE III - -Une fontaine dans le parc. - -_Entre Pelléas._ - -PELLÉAS. - -C'est le dernier soir... Le dernier soir... Il faut que tout finisse... -J'ai joué comme un enfant autour d'une chose que je ne soupçonnais -pas... J'ai joué en rêve autour des pièges de la destinée... Qui est-ce -qui m'a réveillé tout à coup? Je vais fuir en criant de joie et de -douleur comme un aveugle qui fuirait l'incendie de sa maison... Je vais -lui dire que je vais fuir... Il est tard; elle ne vient pas... Je ferais -mieux de m'en aller sans la revoir... Il faut que je la regarde bien -cette fois-ci... Il y a des choses que je ne me rappelle plus... on -dirait, par moment, qu'il y a plus de cent ans que je ne l'ai vue... Et -je n'ai pas encore regardé son regard... Il ne me reste rien si je m'en -vais ainsi. Et tous ces souvenirs... c'est comme si j'emportais un peu -d'eau dans un sac de mousseline... Il faut que je la voie une dernière -fois, jusqu'au fond de son coeur... Il faut que je lui dise tout ce que -je n'ai pas dit... - -_Entre Mélisande._ - -MÉLISANDE. - -Pelléas? - -PELLÉAS. - -Mélisande!--Est-ce toi, Mélisande? - -MÉLISANDE. - -Oui. - -PELLÉAS. - -Viens ici: ne reste pas au bord du clair de lune.--Viens ici. Nous avons -tant de choses à nous dire... Viens ici dans l'ombre du tilleul. - -MÉLISANDE. - -Laisse-moi dans la clarté... - -PELLÉAS. - -On pourrait nous voir des fenêtres de la tour. Viens ici; ici, nous -n'avons rien à craindre.--Prends garde; on pourrait nous voir... - -MÉLISANDE. - -Je veux qu'on me voie... - -PELLÉAS. - -Qu'as-tu donc?--Tu as pu sortir sans qu'on s'en soit aperçu? - -MÉLISANDE. - -Oui; votre frère dormait... - -PELLÉAS. - -Il est tard.--Dans une heure on fermera les portes. Il faut prendre -garde. Pourquoi es-tu venue si tard? - -MÉLISANDE. - -Votre frère avait un mauvais rêve. Et puis ma robe s'est accrochée aux -clous de la porte. Voyez, elle est déchirée. J'ai perdu tout ce temps et -j'ai couru... - -PELLÉAS. - -Ma pauvre Mélisande!... J'aurais presque peur de te toucher... Tu es -encore hors d'haleine comme un oiseau pourchassé... C'est pour moi, pour -moi que tu fais tout cela?... J'entends battre ton coeur comme si -c'était le mien... Viens ici... plus près, plus près de moi. - -MÉLISANDE. - -Pourquoi riez-vous? - -PELLÉAS. - -Je ne ris pas;--ou bien je ris de joie, sans le savoir... Il y aurait -plutôt de quoi pleurer... - -MÉLISANDE. - -Nous sommes venus ici il y a bien longtemps... Je me rappelle. - -PELLÉAS. - -Oui... Il y a de longs mois.--Alors, je ne savais pas... Sais-tu -pourquoi je t'ai demandé de venir ce soir? - -MÉLISANDE. - -Non. - -PELLÉAS. - -C'est peut-être la dernière fois que je te vois... Il faut que je m'en -aille pour toujours... - -MÉLISANDE. - -Pourquoi dis-tu toujours que tu t'en vas?... - -PELLÉAS. - -Je dois te dire ce que tu sais déjà!--Tu ne sais pas ce que je vais te -dire? - -MÉLISANDE. - -Mais non, mais non; je ne sais rien... - -PELLÉAS. - -Tu ne sais pas pourquoi il faut que je m'éloigne... _Il l'embrasse -brusquement._ Tu ne sais pas que c'est parce que je t'aime... - -MÉLISANDE, _à voix basse._ - -Je t'aime aussi... - -PELLÉAS. - -Oh! Qu'as-tu dit, Mélisande! Je ne l'ai presque pas entendu!... On a -brisé la glace avec des fers rougis!... Tu dis cela d'une voix qui vient -du bout du monde!... Je ne t'ai presque pas entendue... Tu m'aimes?--Tu -m'aimes aussi?... Depuis quand m'aimes-tu? - -MÉLISANDE. - -Depuis toujours... Depuis que je t'ai vu... - -PELLÉAS. - -Oh! comme tu dis cela!... On dirait que ta voix a passé sur la mer au -printemps!... je ne l'ai jamais entendue jusqu'ici... on dirait qu'il a -plu sur mon coeur! Tu dis cela si franchement!... Comme un ange qu'on -interroge!... Je ne puis pas le croire, Mélisande!... Pourquoi -m'aimerais-tu?--Mais pourquoi m'aimes-tu!--Est-ce vrai ce que tu -dis?--Tu ne me trompes pas?--Tu ne mens pas un peu, pour me faire -sourire?... - -MÉLISANDE. - -Non; je ne mens jamais; je ne mens qu'à ton frère... - -PELLÉAS. - -Oh! Comme tu dis cela!... Ta voix! ta voix... Elle est plus fraîche et -plus franche que l'eau!... On dirait de l'eau pure sur mes lèvres!... On -dirait de l'eau pure sur mes mains... Donne-moi, donne-moi tes mains. -Oh! tes mains sont petites!... Je ne savais pas que tu étais si -belle!... Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau, avant toi... J'étais -inquiet, je cherchais partout dans la maison... Je cherchais partout -dans la campagne... Et je ne trouvais pas la beauté... Et maintenant je -t'ai trouvée!... Je t'ai trouvée!... Je ne crois pas qu'il y ait sur la -terre une femme plus belle!... Où es-tu?--Je ne t'entends plus -respirer... - -MÉLISANDE. - -C'est que je te regarde... - -PELLÉAS. - -Pourquoi me regardes-tu si gravement!--Nous sommes déjà dans -l'ombre.--Il fait trop noir sous cet arbre. Viens dans la lumière. Nous -ne pouvons pas voir combien nous sommes heureux. Viens, viens; il nous -reste si peu de temps... - -MÉLISANDE. - -Non, non; restons ici... Je suis plus près de toi dans l'obscurité... - -PELLÉAS. - -Où sont tes yeux?--Tu ne vas pas me fuir?--Tu ne songes pas à moi en ce -moment. - -MÉLISANDE. - -Mais si, mais si, je ne songe qu'à toi... - -PELLÉAS. - -Tu regardais ailleurs... - -MÉLISANDE. - -Je te voyais ailleurs... - -PELLÉAS. - -Tu es distraite. Qu'as-tu donc?--Tu ne me sembles pas heureuse... - -MÉLISANDE. - -Si, si; je suis heureuse, mais je suis triste... - -PELLÉAS. - -Quel est ce bruit?--On ferme les portes!... - -MÉLISANDE. - -Oui, on a fermé les portes... - -PELLÉAS. - -Nous ne pouvons plus rentrer!--Entends-tu les verrous?--Écoute! -écoute!... les grandes chaînes!... Il est trop tard, il est trop -tard!... - -MÉLISANDE. - -Tant mieux! Tant mieux! - -PELLÉAS. - -Tu?... Voilà, voilà!... Ce n'est plus nous qui le voulons!... Tout est -perdu, tout est sauvé! tout est sauvé ce soir!--Viens! viens... Mon -coeur bat comme un fou jusqu'au fond de ma gorge... _Il l'enlace._ -Écoute! mon coeur est sur le point de m'étrangler... Viens! viens!... -Ah! qu'il fait beau dans les ténèbres!... - -MÉLISANDE. - -Il y a quelqu'un derrière nous!... - -PELLÉAS. - -Je ne vois personne... - -MÉLISANDE. - -J'ai entendu du bruit... - -PELLÉAS. - -Je n'entends que ton coeur dans l'obscurité... - -MÉLISANDE. - -J'ai entendu craquer les feuilles mortes... - -PELLÉAS. - -C'est le vent qui s'est tû tout à coup... Il est tombé pendant que nous -nous embrassions... - -MÉLISANDE. - -Comme nos ombres sont grandes ce soir!... - -PELLÉAS. - -Elles s'enlacent jusqu'au fond du jardin... Oh! qu'elles s'embrassent -loin de nous!... Regarde! Regarde!... - -MÉLISANDE, _d'une voix étouffée._ - -A-a-h!--Il est derrière un arbre! - -PELLÉAS. - -Qui? - -MÉLISANDE. - -Golaud! - -PELLÉAS. - -Golaud?--où donc?--je ne vois rien... - -MÉLISANDE. - -Là... au bout de nos ombres... - -PELLÉAS. - -Oui, oui; je l'ai vu... Ne nous retournons pas brusquement... - -MÉLISANDE. - -Il a son épée... - -PELLÉAS. - -Je n'ai pas la mienne... - -MÉLISANDE. - -Il a vu que nous nous embrassions... - -PELLÉAS. - -Il ne sait pas que nous l'avons vu... Ne bouge pas; ne tourne pas la -tête... Il se précipiterait... Il nous observe... Il est encore -immobile... Va-t'en, va-t'en tout de suite par ici... Je l'attendrai... -Je l'arrêterai... - -MÉLISANDE. - -Non, non, non!... - -PELLÉAS. - -Va-t'en! va-t'en! Il a tout vu!... Il nous tuera!... - -MÉLISANDE. - -Tant mieux! tant mieux! tant mieux!... - -PELLÉAS. - -Il vient! il vient!... Ta bouche!... Ta bouche!... - -MÉLISANDE. - -Oui!... Oui!... Oui!... - -_Ils s'embrassent éperdument._ - -PELLÉAS. - -Oh! oh! Toutes les étoiles tombent... - -MÉLISANDE. - -Sur moi aussi! sur moi aussi!... - -PELLÉAS. - -Toutes! toutes! toutes!... - -_Golaud se précipite sur eux l'épée à la main, et frappe Pelléas, qui -tombe au bord de la fontaine. Mélisande fuit épouvantée._ - -MÉLISANDE, _fuyant._ - -Oh! oh! Je n'ai pas de courage!... Je n'ai pas de courage!... - -_Golaud la poursuit à travers le bois, en silence._ - - - - -ACTE V - - -SCÈNE I - -Un appartement dans le château. - -_On découvre Arkël, Golaud et le médecin dans un coin de la chambre. -Mélisande est étendue sur son lit._ - -LE MÉDECIN. - -Ce n'est pas de cette petite blessure qu'elle peut mourir; un oiseau -n'en serait pas mort... ce n'est donc pas vous qui l'avez tuée, mon bon -seigneur; ne vous désolez pas ainsi... Et puis, il n'est pas dit que -nous ne la sauverons pas... - -ARKEL. - -Non, non; il me semble que nous nous taisons trop, malgré nous, dans sa -chambre... Ce n'est pas un bon signe... Regardez comme elle dort... -lentement, lentement... on dirait que son âme a froid pour toujours... - -GOLAUD. - -J'ai tué sans raison! Est-ce que ce n'est pas à faire pleurer les -pierres!... Ils s'étaient embrassés comme des petits enfants... Ils -étaient frère et soeur... Et moi, moi tout de suite!... Je l'ai fait -malgré moi, voyez-vous... Je l'ai fait malgré moi... - -LE MÉDECIN. - -Attention; je crois qu'elle s'éveille... - -MÉLISANDE. - -Ouvrez la fenêtre... ouvrez la fenêtre... - -ARKEL. - -Veux-tu que j'ouvre celle-ci, Mélisande? - -MÉLISANDE. - -Non, non; la grande fenêtre... c'est pour voir... - -ARKEL. - -Est-ce que l'air de la mer n'est pas trop froid ce soir? - -LE MÉDECIN. - -Faites, faites... - -MÉLISANDE. - -Merci... Est-ce le soleil qui se couche? - -ARKEL. - -Oui; c'est le soleil qui se couche sur la mer; il est tard.--Comment te -trouves-tu, Mélisande? - -MÉLISANDE. - -Bien, bien.--Pourquoi demandez-vous cela? Je n'ai jamais été mieux -portante.--Il me semble cependant que je sais quelque chose... - -ARKEL. - -Que dis-tu?--Je ne te comprends pas... - -MÉLISANDE. - -Je ne comprends pas non plus tout ce que je dis, voyez-vous... Je ne -sais pas ce que je dis... Je ne sais pas ce que je sais... Je ne dis -plus ce que je veux... - -ARKEL. - -Mais si, mais si... Je suis tout heureux de t'entendre parler ainsi; tu -as eu un peu de délire ces jours-ci, et l'on ne te comprenait plus... -Mais maintenant, tout cela est bien loin... - -MÉLISANDE. - -Je ne sais pas...--Êtes-vous tout seul dans la chambre, grand-père? - -ARKEL. - -Non; il y a encore le médecin qui t'a guérie... - -MÉLISANDE. - -Ah!... - -ARKEL. - -Et puis il y a encore quelqu'un... - -MÉLISANDE. - -Qui est-ce? - -ARKEL. - -C'est... il ne faut pas t'effrayer... Il ne te veut pas le moindre mal, -sois-en sûre... Si tu as peur, il s'en ira... Il est très malheureux... - -MÉLISANDE. - -Qui est-ce? - -ARKEL. - -C'est... c'est ton mari... c'est Golaud... - -MÉLISANDE. - -Golaud est ici? Pourquoi ne vient-il pas près de moi? - -GOLAUD, _se traînant vers le lit._ - -Mélisande... Mélisande... - -MÉLISANDE. - -Est-ce vous, Golaud? Je ne vous reconnaissais presque plus... C'est que -j'ai le soleil du soir dans les yeux... Pourquoi regardez-vous les murs? -Vous avez maigri et vieilli... Y a-t-il longtemps que nous ne nous -sommes vus? - -GOLAUD, _à Arkël et au médecin._ - -Voulez-vous vous éloigner un instant, mes pauvres amis... Je laisserai -la porte grande ouverte... Un instant seulement... Je voudrais lui dire -quelque chose; sans cela je ne pourrais pas mourir... Voulez-vous?--Vous -pouvez revenir tout de suite... Ne me refusez pas cela... Je suis un -malheureux... _Sortent Arkël et le médecin._ Mélisande, as-tu pitié de -moi, comme j'ai pitié de toi?... Mélisande?... Me pardonnes-tu, -Mélisande?... - -MÉLISANDE. - -Oui, oui, je te pardonne... Que faut-il pardonner? - -GOLAUD. - -Je t'ai fait tant de mal, Mélisande... Je ne puis pas te dire le mal que -je t'ai fait... Mais je le vois, je le vois si clairement aujourd'hui... -depuis le premier jour... Et tout est de ma faute, tout ce qui est -arrivé, tout ce qui va arriver... Si je pouvais le dire, tu verrais -comme je le vois!... Je vois tout, je vois tout!... Mais je t'aimais -tant!... Je t'aimais tant!... Mais maintenant, quelqu'un va mourir... -C'est moi qui vais mourir... Et je voudrais savoir... Je voudrais te -demander... Tu ne m'en voudras pas?... Il faut dire la vérité à -quelqu'un qui va mourir... Il faut qu'il sache la vérité, sans cela il -ne pourrait pas dormir... Me jures-tu de dire la vérité? - -MÉLISANDE. - -Oui. - -GOLAUD. - -As-tu aimé Pelléas? - -MÉLISANDE. - -Mais oui; je l'ai aimé. Où est-il? - -GOLAUD. - -Tu ne me comprends pas?--Tu ne veux pas me comprendre?--Il me semble... -Il me semble... Eh bien, voici: Je te demande si tu l'as aimé d'un amour -défendu?... As-tu... Avez-vous été coupables? Dis, dis, oui, oui, oui? - -MÉLISANDE. - -Non, non; nous n'avons pas été coupables.--Pourquoi demandez-vous cela? - -GOLAUD. - -Mélisande!... Dis-moi la vérité pour l'amour de Dieu! - -MÉLISANDE. - -Pourquoi n'ai-je pas dit la vérité? - -GOLAUD. - -Ne mens plus ainsi, au moment de mourir! - -MÉLISANDE. - -Qui est-ce qui va mourir?--Est-ce moi? - -GOLAUD. - -Toi, toi! et moi, moi aussi, après toi!... Et il nous faut la vérité... -Il nous faut enfin la vérité, entends-tu!... Dis-moi tout! Dis-moi tout! -Je te pardonne tout!... - -MÉLISANDE. - -Pourquoi vais-je mourir?--Je ne le savais pas... - -GOLAUD. - -Tu le sais maintenant... Il est temps!... Il est temps!... Vite! -vite!... La vérité! la vérité!... - -MÉLISANDE. - -La vérité... la vérité... - -GOLAUD. - -Où es-tu?--Mélisande!--Où es-tu?--Ce n'est pas naturel! Mélisande! Où -es-tu? _Apercevant Arkël et le médecin à la porte de la chambre._--Oui, -oui; vous pouvez rentrer... Je ne sais rien; c'est inutile... Elle est -déjà trop loin de nous... Je ne saurai jamais!... Je vais mourir ici -comme un aveugle!... - -ARKEL. - -Qu'avez-vous fait? Vous allez la tuer... - -GOLAUD. - -Je l'ai déjà tuée... - -ARKEL. - -Mélisande... - -MÉLISANDE. - -Est-ce vous, grand-père? - -ARKEL. - -Oui, ma fille... Que veux-tu que je fasse? - -MÉLISANDE. - -Est-il vrai que l'hiver commence? - -ARKEL. - -Pourquoi demandes-tu cela? - -MÉLISANDE. - -C'est qu'il fait froid et qu'il n'y a plus de feuilles... - -ARKEL. - -Tu as froid?--Veux-tu qu'on ferme les fenêtres? - -MÉLISANDE. - -Non, non... jusqu'à ce que le soleil soit au fond de la mer.--Il descend -lentement, alors c'est l'hiver qui commence? - -ARKEL. - -Oui.--Tu n'aimes pas l'hiver? - -MÉLISANDE. - -Oh! non. J'ai peur du froid!--Ah! J'ai peur des grands froids... - -ARKEL. - -Te sens-tu mieux? - -MÉLISANDE. - -Oui, oui; je n'ai plus toutes ces inquiétudes... - -ARKEL. - -Veux-tu voir ton enfant? - -MÉLISANDE. - -Quel enfant? - -ARKEL. - -Ton enfant, ta petite fille... - -MÉLISANDE. - -Où est-elle? - -ARKEL. - -Ici... - -MÉLISANDE. - -C'est étrange... Je ne peux pas lever les bras pour la prendre... - -ARKEL. - -C'est que tu es encore très faible... Je la tiendrai moi-même; -regarde... - -MÉLISANDE. - -Elle ne rit pas... Elle est petite... Elle va pleurer aussi... J'ai -pitié d'elle... - -_La chambre est envahie, peu à peu, par les servantes du château, qui se -rangent en silence le long des murs et attendent._ - -GOLAUD, _se levant brusquement._ - -Qu'y a-t-il?--Qu'est-ce que toutes ces femmes viennent faire ici? - -LE MÉDECIN. - -Ce sont les servantes... - -ARKEL. - -Qui est-ce qui les a appelées? - -LE MÉDECIN. - -Ce n'est pas moi... - -GOLAUD. - -Que venez-vous faire ici?--Personne ne vous a demandées... Que -venez-vous faire ici?--Mais qu'est-ce que donc! Répondez!... - -_Les servantes ne répondent pas._ - -ARKEL. - -Ne parlez pas trop fort... Elle va dormir; elle a fermé les yeux... - -GOLAUD. - -Ce n'est pas?... - -LE MÉDECIN. - -Non, non; voyez, elle respire... - -ARKEL. - -Ses yeux sont pleins de larmes.--Maintenant c'est son âme qui pleure... -Pourquoi étend-elle ainsi les bras? Que veut-elle? - -LE MÉDECIN. - -C'est vers l'enfant sans doute. C'est la lutte de la mère contre la -mort... - -GOLAUD. - -En ce moment?--En ce moment?--Il faut le dire, dites! dites! - -LE MÉDECIN. - -Peut-être... - -GOLAUD. - -Tout de suite?... Oh! Oh! Il faut que je lui dise...--Mélisande! -Mélisande!... Laissez-moi seul! laissez-moi seul avec elle!... - -ARKEL. - -Non, non, n'approchez pas... Ne la troublez pas... Ne lui parlez plus... -Vous ne savez pas ce que c'est que l'âme... - -GOLAUD. - -Ce n'est pas ma faute, ce n'est pas ma faute! - -ARKEL. - -Attention... Attention... Il faut parler à voix basse.--Il ne faut plus -l'inquiéter... L'âme humaine est très silencieuse... L'âme humaine aime -à s'en aller seule... Elle souffre si timidement... Mais la tristesse, -Golaud... mais la tristesse de tout ce que l'on voit!... Oh! oh! oh!... - -_En ce moment, toutes les servantes tombent subitement à genoux au fond -de la chambre._ - -ARKEL, _se retournant._ - -Qu'y a-t-il? - -LE MÉDECIN, _s'approchant du lit et tâtant le corps._ - -Elles ont raison... - -_Un long silence._ - -ARKEL. - -Je n'ai rien vu.--Êtes-vous sûr?... - -LE MÉDECIN. - -Oui, oui. - -ARKEL. - -Je n'ai rien entendu... Si vite, si vite... Tout à coup... Elle s'en va -sans rien dire... - -GOLAUD, _sanglotant._ - -Oh! oh! oh!... - -ARKEL. - -Ne restez pas ici, Golaud... Il lui faut le silence, maintenant... -Venez, venez... C'est terrible, mais ce n'est pas votre faute... C'était -un petit être si tranquille, si timide et si silencieux... C'était un -pauvre petit être mystérieux, comme tout le monde... Elle est là, comme -si elle était la grande soeur de son enfant...--Venez; il ne faut pas -que l'enfant reste ici dans cette chambre... Il faut qu'il vive, -maintenant, à sa place... C'est au tour de la pauvre petite... - -_Ils sortent en silence._ - - -FIN. - - - - - - -End of Project Gutenberg's Pelléas et Mélisande, by Maurice Maeterlinck - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PELLÉAS ET MÉLISANDE *** - -***** This file should be named 61075-8.txt or 61075-8.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/6/1/0/7/61075/ - -Produced by Laurent Vogel (from images generously made -available by The Internet Archive/American Libraries) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org Section 3. Information about the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. 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Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. - -Most people start at our Web site which has the main PG search -facility: www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - diff --git a/old/61075-8.zip b/old/61075-8.zip Binary files differdeleted file mode 100644 index dc6c025..0000000 --- a/old/61075-8.zip +++ /dev/null diff --git a/old/61075-h.zip b/old/61075-h.zip Binary files differdeleted file mode 100644 index 942ebb2..0000000 --- a/old/61075-h.zip +++ /dev/null diff --git a/old/61075-h/61075-h.htm b/old/61075-h/61075-h.htm deleted file mode 100644 index 6af164a..0000000 --- a/old/61075-h/61075-h.htm +++ /dev/null @@ -1,3072 +0,0 @@ -<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" - "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> - -<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" lang="fr" xml:lang="fr"> -<head> -<meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=iso-8859-1" /> -<title> - The Project Gutenberg eBook of Pelléas et Mélisande, by Maurice Maeterlinck. -</title> -<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg" /> -<style type="text/css"> -p { margin: .2em 0; text-indent: 1.5em; text-align: justify; } - -h1 { text-align: center; font-weight: normal; margin: 1em 0 1em 0; } -h2 { text-align: center; font-weight: normal; margin: 4em 0 1em 0; } -h3 { text-align: center; font-weight: normal; margin: 2em 0 1em 0; } - -hr { margin: 1.5em 40%; width: 20%; } - - -.small { font-size: 90%; } -.xsmall { font-size: 80%; } -.large { font-size: 120%; } - -.sc { font-variant: small-caps; } - - -sup { font-size: .7em; vertical-align: top; font-style: normal; - font-weight: normal; font-variant: normal; } -i sup { padding-left: .25em; } - -.p { text-align: center; margin: 1em 0; } -.drap { text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; text-align: justify; } -.rdrap { text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; text-align: justify; margin: 1em 0 1em 20%; } -.r { text-align: right; margin: 1em 0; } - -p.c, div.c { text-align: center; text-indent: 0; margin: 1.5em 0; line-height: 1.5em; } - -table { margin: 1em auto; } -td { vertical-align: top; padding: 0 1em; } -td.c { text-align: center; line-height: 1.5em; } -td.topbot { padding: 1em 0 .5em 0; } -td.drap { text-indent: -1.5em; padding-left: 1.5em; text-align: justify; } -td.num { vertical-align: bottom; text-align: right; } - - -.poetry { } -.stanza { margin-top: 1em; } - -.verse { text-indent: -3em; padding-left: 3em; } -.i3 { margin-left: 15%; } - -ul, li { list-style: none; } - -.gap { margin-top: 2.5em; } -.chapter, .break { margin-top: 5em; } - -@media screen { - body { margin: 0 auto; max-width: 40em; width: 80%; } -} - -@media handheld { - .chapter, .break { page-break-before: always; } - .top4em { padding-top: 4em; } - .nobreak { page-break-before: avoid; } -} - -</style> -</head> -<body> - - -<pre> - -The Project Gutenberg EBook of Pelléas et Mélisande, by Maurice Maeterlinck - -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and -most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll -have to check the laws of the country where you are located before using -this ebook. - - - -Title: Pelléas et Mélisande - Drame lyrique en cinq actes tiré du théâtre de Maurice - Maeterlinck Musique de Claude Debussy - -Author: Maurice Maeterlinck - -Contributor: Claude Debussy - -Release Date: January 2, 2020 [EBook #61075] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PELLÉAS ET MÉLISANDE *** - - - - -Produced by Laurent Vogel (from images generously made -available by The Internet Archive/American Libraries) - - - - - - -</pre> - -<p class="c large"><b>Nouvelle édition, modifiée conformément aux -représentations de l'Opéra-Comique</b></p> - -<h1><span class="large">PELLÉAS</span><br /> -<span class="xsmall">ET</span><br /> -<span class="large">MÉLISANDE</span></h1> - -<p class="c"><span class="small">DRAME LYRIQUE EN CINQ ACTES</span><br /> -<span class="xsmall">TIRÉ DU THÉÂTRE DE</span><br /> -<span class="large">MAURICE MAETERLINCK</span></p> - -<p class="c"><span class="small">MUSIQUE DE</span><br /> -<span class="large">CLAUDE DEBUSSY</span></p> - -<p class="c gap">BRUXELLES<br /> -<span class="large sc">Paul LACOMBLEZ, Éditeur</span><br /> -31, <span class="small">RUE DES PAROISSIENS</span>, 31</p> - -<p class="c">1907</p> - -<p class="c"><span class="sc">Dépôt pour Paris: CALMANN-LÉVY, 3, rue Auber.</span></p> - -<div class="break"></div> - -<h2>DU MÊME AUTEUR:</h2> - -<table summary=""> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Serres chaudes</span> suivies de <span class="sc">quinze chansons</span>. -Un volume in-18 jésus</td> -<td class="num">3.00</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">L'Ornement des Noces Spirituelles</span> de <i>Ruysbroeck l'admirable</i>, -traduit du flamand et accompagné d'une Introduction. Un volume -in-16, sur papier à la main</td> -<td class="num">5.00</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Les Disciples à Saïs et les Fragments</span> de <i>Novalis</i>, traduits de -l'allemand et précédés d'une Introduction. Un volume in-18 -jésus</td> -<td class="num">4.00</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Les Sept Princesses</span>, drame. Un petit volume in-18 jésus</td> -<td class="num">2.00</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Le Temple enseveli</span>. Un volume in-18 jésus</td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Le Trésor des Humbles</span>. Un volume in 18 jésus</td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">La Sagesse et la Destinée</span>. Un volume in 18 jésus</td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">La Vie des Abeilles</span>. Un volume in-18 jésus</td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Théâtre</span> Tome I: <i>La Princesse Maleine.</i>—<i>L'Intruse.</i>—<i>Les -Aveugles</i></td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Théâtre</span> Tome II: <i>Pelléas et Mélisande.</i>—<i>Alladine et -Palomides.</i>—<i>Intérieur.</i>—<i>La mort de Tintagiles</i></td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Théâtre</span> Tome III: <i>Aglavaine et Sélysette.</i>—<i>Ariane et -Barbe-bleue.</i>—<i>Sœur Béatrice</i></td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -<tr><td colspan="2" class="c topbot">CHEZ LE MÊME ÉDITEUR:</td></tr> -<tr> -<td class="drap"><span class="sc">Sept Essais d'Emerson</span>, traduits par I. Will, avec une préface -de <i>Maurice Maeterlinck</i>. Un volume in-18 jésus</td> -<td class="num">3.50</td> -</tr> -</table> -<div class="break"></div> - -<p class="c large top4em"><b>Pelléas et Mélisande</b></p> - -<p class="c small">DRAME LYRIQUE</p> - -<div class="break"></div> - -<h2 class="nobreak">PERSONNAGES.</h2> - - -<ul><li>A<small>RKEL</small>, roi d'Allemonde.</li> -<li>G<small>ENEVIÈVE</small>, mère de Pelléas et de Golaud.</li> -<li>P<small>ELLÉAS</small>, G<small>OLAUD</small>, petits-fils d'Arkël.</li> -<li>M<small>ÉLISANDE</small>.</li> -<li>Le petit Y<small>NIOLD</small>, fils de Golaud (d'un premier lit).</li> -<li>Un médecin.</li> -<li>Servantes, pauvres, etc.</li> -</ul> -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">ACTE I</h2> - - -<h3>SCÈNE I</h3> - -<p class="c"><b>Une forêt.</b></p> - -<p class="rdrap"><i>On découvre Mélisande au bord d'une fontaine.—Entre -Golaud.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je ne pourrai plus sortir de cette forêt.—Dieu -sait jusqu'où cette bête m'a mené. Je croyais -cependant l'avoir blessée à mort; et voici des -traces de sang. Mais maintenant, je l'ai perdue de -vue; je crois que je me suis perdu moi-même—et -mes chiens ne me retrouvent plus—je vais -revenir sur mes pas…—J'entends pleurer… Oh! -oh! qu'y a-t-il là au bord de l'eau?… Une petite -fille qui pleure au bord de l'eau? <i>Il tousse.</i>—Elle -ne m'entend pas. Je ne vois pas son visage. -<i>Il s'approche et touche Mélisande à l'épaule.</i> Pourquoi -pleures-tu? <i>Mélisande tressaille, se dresse et -veut fuir.</i>—N'ayez pas peur. Vous n'avez rien à -craindre. Pourquoi pleurez-vous ici toute seule?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ne me touchez pas! ne me touchez pas!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>N'ayez pas peur… Je ne vous ferai pas… Oh! -vous êtes belle!</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ne me touchez pas! Ne me touchez pas! ou -je me jette à l'eau!…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je ne vous touche pas… Voyez, je resterai ici, -contre l'arbre. N'ayez pas peur. Quelqu'un vous -a-t-il fait du mal?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! oui! oui, oui!…</p> - -<p class="r"><i>Elle sanglote profondément.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Qui est-ce qui vous a fait du mal?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Tous! tous!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Quel mal vous a-t-on fait?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne veux pas le dire! je ne peux pas le dire!…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Voyons; ne pleurez pas ainsi. D'où venez-vous?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je me suis enfuie!… enfuie… enfuie!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui; mais d'où vous êtes-vous enfuie?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je suis perdue!… perdue ici… Je ne suis pas -d'ici… Je ne suis pas née là…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>D'où êtes-vous? Où êtes-vous née?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! oh! loin d'ici… loin… loin…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Qu'est-ce qui brille ainsi au fond de l'eau?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Où donc—Ah! c'est la couronne qu'il m'a -donnée. Elle est tombée en pleurant.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Une couronne?—Qui est-ce qui vous a donné -une couronne?—Je vais essayer de la prendre…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non; je n'en veux plus! Je n'en veux -plus! Je préfère mourir tout de suite…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je pourrais la retirer facilement. L'eau n'est -pas très profonde.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je n'en veux plus! Si vous la retirez, je me -jette à sa place!…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Non, non; je la laisserai là; on pourrait la -prendre sans peine cependant. Elle semble très -belle.—Y a-t-il longtemps que vous avez fui?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, oui… qui êtes-vous?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je suis le prince Golaud—le petit-fils d'Arkël, -le vieux roi d'Allemonde…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! vous avez déjà les cheveux gris…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui; quelques-uns, ici, près des tempes…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Et la barbe aussi… Pourquoi me regardez-vous -ainsi?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je regarde vos yeux.—Vous ne fermez jamais -les yeux?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Si, si; je les ferme la nuit…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Pourquoi avez-vous l'air si étonné?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Vous êtes un géant?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je suis un homme comme les autres…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pourquoi êtes-vous venu ici?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je n'en sais rien moi-même. Je chassais dans -la forêt. Je poursuivais un sanglier. Je me suis -trompé de chemin.—Vous avez l'air très jeune. -Quel âge avez-vous?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je commence à avoir froid…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Voulez-vous venir avec moi?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non; je reste ici…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Vous ne pouvez pas rester seule. Vous ne -pouvez pas rester ici toute la nuit… Comment -vous nommez-vous?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Mélisande.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Vous ne pouvez pas rester ici, Mélisande. -Venez avec moi…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je reste ici…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Vous aurez peur, toute seule. On ne sait pas -ce qu'il y a ici… Toute la nuit… Toute seule, ce -n'est pas possible. Mélisande, venez, donnez-moi -la main…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! ne me touchez pas!…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ne criez pas… Je ne vous toucherai plus. Mais -venez avec moi. La nuit sera très noire et très -froide. Venez avec moi…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Où allez-vous?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je ne sais pas… Je suis perdu aussi…</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent.</i></p> - - -<h3>SCÈNE II</h3> - -<p class="c"><b>Une salle dans le château.</b></p> - -<p class="c"><i>On découvre Arkël et Geneviève.</i></p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Voici ce qu'il écrit à son frère Pelléas: «Un -soir, je l'ai trouvée tout en pleurs au bord d'une -fontaine, dans la forêt où je m'étais perdu. Je ne -sais ni son âge, ni qui elle est, ni d'où elle vient -et je n'ose pas l'interroger, car elle doit avoir eu -une grande épouvante, et quand on lui demande -ce qui lui est arrivé, elle pleure tout à coup -comme un enfant et sanglote si profondément -qu'on a peur. Il y a maintenant six mois que je -l'ai épousée et je n'en sais pas plus qu'au jour de -notre rencontre. En attendant, mon cher Pelléas, -toi que j'aime plus qu'un frère, bien que nous ne -soyons pas nés du même père; en attendant, -prépare mon retour… Je sais que ma mère me -pardonnera volontiers. Mais j'ai peur d'Arkël, -malgré toute sa bonté, car j'ai déçu, par ce mariage -étrange, tous ses projets politiques, et je crains -que la beauté de Mélisande n'excuse pas à ses -yeux, si sages, ma folie. S'il consent néanmoins -à l'accueillir comme il accueillerait sa propre fille, -le troisième soir qui suivra cette lettre, allume -une lampe au sommet de la tour qui regarde la -mer. Je l'apercevrai du pont de notre navire; -sinon, j'irai plus loin et ne reviendrai plus…» -Qu'en dites-vous!</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Je n'en dis rien. Cela peut nous paraître -étrange, parce que nous ne voyons jamais que -l'envers des destinées… Il avait toujours suivi -mes conseils jusqu'ici; j'avais cru le rendre -heureux en l'envoyant demander la main de la -princesse Ursule… Il ne pouvait pas rester seul, -et depuis la mort de sa femme il était triste -d'être seul; et ce mariage allait mettre fin à de -longues guerres et à de vieilles haines… Il ne l'a -pas voulu ainsi. Qu'il en soit comme il a voulu: -je ne me suis jamais mis en travers d'une destinée: -il sait mieux que moi son avenir. Il n'arrive -peut-être pas d'événements inutiles…</p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Il a toujours été prudent, si grave et si -ferme… Depuis la mort de sa femme il ne vivait -plus que pour son fils, le petit Yniold. Il a tout -oublié…—Qu'allons-nous faire?</p> - -<p class="r"><i>Entre Pelléas.</i></p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Qui est-ce qui entre là?</p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>C'est Pelléas. Il a pleuré.</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Est-ce toi Pelléas?—Viens un peu plus près, -que je te voie dans la lumière.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Grand-père, j'ai reçu, en même temps que la -lettre de mon frère, une autre lettre; une lettre -de mon ami Marcellus… Il va mourir et il m'appelle.</p> - -<p>Il dit qu'il sait exactement le jour où la mort -doit venir… Il me dit que je puis arriver avant -elle si je veux, mais qu'il n'y a pas de temps à -perdre.</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Il faudrait attendre quelque temps cependant… -Nous ne savons pas ce que le retour de ton frère -nous prépare. Et d'ailleurs ton père n'est-il pas -ici, au-dessus de nous, plus malade peut-être que -ton ami… Pourras-tu choisir entre le père et -l'ami?…</p> - -<p class="r"><i>Il sort.</i></p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Aie soin d'allumer la lampe dès ce soir, -Pelléas…</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent séparément.</i></p> - - -<h3>SCÈNE III</h3> - -<p class="c"><b>Devant le château.</b></p> - -<p class="r"><i>Entrent Geneviève et Mélisande.</i></p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Il fait sombre dans les jardins. Et quelles forêts, -quelles forêts autour des palais!…</p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Oui; cela m'étonnait aussi quand je suis arrivée -ici, et cela étonne tout le monde. Il y a des -endroits où l'on ne voit jamais le soleil. Mais l'on -s'y fait si vite… Il y a longtemps, il y a longtemps… -Il y a près de quarante ans que je vis -ici… Regardez de l'autre côté, vous aurez la -clarté de la mer…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>J'entends du bruit au-dessous de nous…</p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Oui; c'est quelqu'un qui monte vers nous… -Ah! C'est Pelléas… Il semble encore fatigué de -vous avoir attendue si longtemps…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Il ne nous a pas vues.</p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Je crois qu'il nous a vues, mais il ne sait ce -qu'il doit faire… Pelléas, Pelléas, est-ce toi?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oui!… Je venais du côté de la mer…</p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Nous aussi; nous cherchions la clarté. Ici, il -fait un peu plus clair qu'ailleurs! et cependant la -mer est sombre.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Nous aurons une tempête cette nuit; il y en a -toutes les nuits depuis quelque temps… et cependant -elle est si calme ce soir… On s'embarquerait -sans le savoir et l'on ne reviendrait plus.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Quelque chose sort du port…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il faut que ce soit un grand navire… Les -lumières sont très hautes, nous le verrons tout à -l'heure quand il entrera dans la bande de clarté…</p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Je ne sais si nous pourrons le voir… il y a -encore une brume sur la mer…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>On dirait que la brume s'élève lentement…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui; j'aperçois, là-bas, une petite lumière que -je n'avais pas vue…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>C'est un phare; il y en a d'autres que nous ne -voyons pas encore.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Le navire est dans la lumière… Il est déjà bien -loin…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il s'éloigne à toutes voiles…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>C'est le navire qui m'a menée ici. Il a de -grandes voiles… Je le reconnais à ses voiles…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il aura mauvaise mer cette nuit…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pourquoi s'en va-t-il cette nuit?… On ne le -voit presque plus… Il fera peut-être naufrage…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>La nuit tombe très vite…</p> - -<p class="r"><i>Un silence.</i></p> - -<div class="p"><small>GENEVIÈVE</small>.</div> -<p>Il est temps de rentrer. Pelléas, montre la -route à Mélisande. Il faut que j'aille voir, un -instant, le petit Yniold.</p> - -<p class="r"><i>Elle sort.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>On ne voit plus rien sur la mer…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je vois d'autres lumières.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ce sont les autres phares… Entendez-vous la -mer?… C'est le vent qui s'élève… Descendons -par ici. Voulez-vous me donner la main?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Voyez, voyez, j'ai les mains pleines de fleurs.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je vous soutiendrai par le bras, le chemin est -escarpé et il y fait très sombre… Je pars peut-être -demain…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh!… Pourquoi partez-vous?</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent.</i></p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">ACTE II</h2> - - -<h3>SCÈNE I</h3> - -<p class="c"><b>Une fontaine dans le parc.</b></p> - -<p class="r"><i>Entrent Pelléas et Mélisande.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Vous ne savez pas où je vous ai menée?—Je -viens souvent m'asseoir ici, vers midi, lorsqu'il -fait trop chaud dans les jardins. On étouffe, -aujourd'hui, même à l'ombre des arbres.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! L'eau est claire…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Elle est fraîche comme l'hiver. C'est une vieille -fontaine abandonnée. Il paraît que c'était une -fontaine miraculeuse,—elle ouvrait les yeux des -aveugles.—On l'appelle encore la «fontaine -des aveugles».</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Elle n'ouvre plus les yeux des aveugles?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Depuis que le roi est presque aveugle lui-même, -on n'y vient plus…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Comme on est seul ici… On n'entend rien.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il y a toujours un silence extraordinaire… On -entendrait dormir l'eau… Voulez-vous vous asseoir -au bord du bassin de marbre? Il y a un -tilleul où le soleil n'entre jamais…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je vais me coucher sur le marbre.—Je voudrais -voir le fond de l'eau…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>On ne l'a jamais vu.—Elle est peut-être aussi -profonde que la mer.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Si quelque chose brillait au fond, on le verrait -peut-être…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ne vous penchez pas ainsi…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je voudrais toucher l'eau…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Prenez garde de glisser… Je vais vous tenir la -main…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non, je voudrais y plonger mes deux -mains… On dirait que mes mains sont malades -aujourd'hui…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oh! oh! prenez garde! prenez garde! Mélisande!… -Mélisande!—Oh! votre chevelure!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>, <i>se redressant.</i></div> -<p>Je ne peux pas, je ne peux pas l'atteindre.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Vos cheveux ont plongé dans l'eau…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, ils sont plus longs que mes bras… Ils sont -plus longs que moi…</p> - -<p class="r"><i>Un silence.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>C'est au bord d'une fontaine aussi, qu'il vous a -trouvée?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Que vous a-t-il dit?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Rien;—je ne me rappelle plus…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Était-il tout près de vous?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, il voulait m'embrasser…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Et vous ne vouliez pas?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Pourquoi ne vouliez-vous pas?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! oh! j'ai vu passer quelque chose au fond -de l'eau…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Prenez garde! prenez garde!—Vous allez -tomber!—Avec quoi jouez-vous?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Avec l'anneau qu'il m'a donné…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ne jouez pas ainsi, au-dessus d'une eau si profonde…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Mes mains ne tremblent pas.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Comme il brille au soleil!—Ne le jetez pas si -haut vers le ciel!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il est tombé?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Il est tombé dans l'eau!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Où est-il? Où est-il?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne le vois pas descendre…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je crois que je la vois briller…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ma bague?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oui, oui,… Là-bas…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! Oh! elle est si loin de nous!… non, non, -ce n'est pas elle… ce n'est plus elle… Elle est perdue… -perdue… Il n'y a plus qu'un grand cercle -sur l'eau… Qu'allons-nous faire maintenant?…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il ne faut pas s'inquiéter ainsi pour une bague. -Ce n'est rien… nous la retrouverons peut-être. -Ou bien nous en retrouverons une autre.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non, nous ne la retrouverons plus, nous -n'en trouverons pas d'autres non plus… Je -croyais l'avoir dans les mains cependant… J'avais -déjà fermé les mains, et elle est tombée malgré -tout… Je l'ai jetée trop haut, du côté du soleil…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Venez, nous reviendrons un autre jour… -venez, il est temps. On irait à notre rencontre… -Midi sonnait au moment où l'anneau est tombé…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Qu'allons-nous dire à Golaud s'il demande où -il est?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>La vérité, la vérité, la vérité…</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent.</i></p> - - -<h3>SCÈNE II</h3> - -<p class="c"><b>Un appartement dans le château.</b></p> - -<p class="r"><i>On découvre Golaud étendu sur son lit; Mélisande -est à son chevet.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ah! ah! tout va bien, cela ne sera rien. Mais je -ne puis m'expliquer comment cela s'est passé. Je -chassais tranquillement dans la forêt. Mon cheval -s'est emporté tout à coup, sans raison. A-t-il -vu quelque chose d'extraordinaire?… Je venais -d'entendre sonner les douze coups de midi. Au -douzième coup, il s'effraie subitement, et court, -comme un aveugle fou, contre un arbre. Je ne -sais plus ce qui est arrivé. Je suis tombé, et lui -doit être tombé sur moi. Je croyais avoir toute -la forêt sur la poitrine; je croyais que mon cœur -était déchiré. Mais mon cœur est solide. Il paraît -que ce n'est rien…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Voulez-vous boire un peu d'eau?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Merci, je n'ai pas soif.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Voulez-vous un autre oreiller?… Il y a une -petite tache de sang sur celui-ci.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Non, non; ce n'est pas la peine.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Est-ce bien sûr?… Vous ne souffrez pas trop?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Non, non, j'en ai vu bien d'autres. Je suis fait -au fer et au sang…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Fermez les yeux et tâchez de dormir. Je resterai -ici toute la nuit…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Non, non; je ne veux pas que tu te fatigues -ainsi. Je n'ai besoin de rien; je dormirai comme -un enfant… Qu'y a-t-il, Mélisande? Pourquoi -pleures-tu tout à coup?…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>, <i>fondant en larmes</i>.</div> -<p>Je suis… Je suis malade ici…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Tu es malade?… Qu'as-tu donc, qu'as-tu donc, -Mélisande?…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne sais pas… Je suis malade ici… Je préfère -vous le dire aujourd'hui; seigneur, je ne suis -pas heureuse ici…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Qu'est-il donc arrivé?… Quelqu'un t'a fait du -mal?… Quelqu'un t'aurait-il offensée?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non; personne ne m'a fait le moindre -mal… Ce n'est pas cela…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Mais tu dois me cacher quelque chose?… Dis-moi -toute la vérité, Mélisande… Est-ce le roi?… -Est-ce ma mère?… Est-ce Pelléas?…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non; ce n'est pas Pelléas. Ce n'est personne… -Vous ne pouvez pas me comprendre… -C'est quelque chose qui est plus fort que moi…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Voyons; sois raisonnable, Mélisande.—Que -veux-tu que je fasse?—Tu n'es plus une enfant.—Est-ce -moi que tu voudrais quitter?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! non; ce n'est pas cela… Je voudrais m'en -aller avec vous… C'est ici, que je ne peux plus -vivre… Je sens que je ne vivrai plus longtemps…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Mais il faut une raison cependant. On va te -croire folle. On va croire à des rêves d'enfant.—Voyons, -est-ce Pelléas, peut-être?—Je crois -qu'il ne te parle pas souvent…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Si, si; il me parle parfois. Il ne m'aime pas, je -crois; je l'ai vu dans ses yeux… Mais il me parle -quand il me rencontre…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Il ne faut pas lui en vouloir. Il a toujours été -ainsi. Il est un peu étrange. Il changera, tu -verras; il est jeune…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Mais ce n'est pas cela… Ce n'est pas cela…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Qu'est-ce donc?—Ne peux-tu pas te faire à la -vie qu'on mène ici? Fait-il trop triste ici?—Il -est vrai que ce château est très vieux et très -sombre… Il est très froid et très profond. Et tous -ceux qui l'habitent sont déjà vieux. Et la campagne -peut sembler bien triste aussi, avec toutes -ses forêts, toutes ses vieilles forêts sans lumière. -Mais on peut égayer tout cela si l'on veut. Et -puis, la joie, la joie, on n'en a pas tous les jours; -il faut prendre les choses comme elles sont. Mais -dis-moi quelque chose; n'importe quoi; je ferai -tout ce que tu voudras…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, c'est vrai… On ne voit jamais le ciel clair… -Je l'ai vu pour la première fois ce matin…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>C'est donc cela qui te fait pleurer, ma pauvre -Mélisande?—Ce n'est donc que cela?—Tu -pleures de ne pas voir le ciel?—Voyons, tu n'es -plus à l'âge où l'on peut pleurer pour ces choses… -Et puis l'été n'est-il pas là? Tu vas voir le ciel -tous les jours.—Et puis l'année prochaine… -Voyons, donne-moi ta main; donne-moi tes deux -petites mains. <i>Il lui prend les mains.</i> Oh! ces -petites mains que je pourrais écraser comme des -fleurs…—Tiens, où est l'anneau que je t'avais -donné?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>L'anneau?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui; la bague de nos noces, où est-elle?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je crois… Je crois qu'elle est tombée…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Tombée?—Où est-elle tombée?…—Tu ne l'as -pas perdue?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, elle est tombée… elle doit être tombée… -Mais je ne sais pas où elle est…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Où est-elle?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Vous savez bien… vous savez bien… la grotte -au bord de la mer?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Eh bien, c'est là… Il faut que ce soit là… Oui, -oui; je me rappelle… J'y suis allée ce matin, -ramasser des coquillages pour le petit Yniold… Il -y en a de très beaux… Elle a glissé de mon -doigt… puis la mer est entrée; et j'ai dû sortir -avant de l'avoir retrouvée.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Es-tu sûre que ce soit là?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, oui; tout à fait sûre… Je l'ai sentie glisser…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Il faut aller la chercher tout de suite.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Maintenant?—tout de suite?—dans l'obscurité?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Maintenant, tout de suite, dans l'obscurité. -J'aimerais mieux avoir perdu tout ce que j'ai plutôt -que d'avoir perdu cette bague. Tu ne sais pas -ce que c'est. Tu ne sais pas d'où elle vient. La -mer sera très haute cette nuit. La mer viendra la -prendre avant toi… Dépêche-toi.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je n'ose pas… Je n'ose pas aller seule…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Vas-y, vas-y avec n'importe qui. Mais il faut y -aller tout de suite, entends-tu?—Dépêche-toi; -demande à Pelléas d'y aller avec toi.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pelléas?—Avec Pelléas?—Mais Pelléas ne -voudra pas…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Pelléas fera tout ce que tu lui demandes. Je -connais Pelléas mieux que toi. Vas-y, hâte-toi. -Je ne dormirai pas avant d'avoir la bague.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! oh! Je ne suis pas heureuse!… Je ne suis -pas heureuse!</p> - -<p class="r"><i>Elle sort en pleurant.</i></p> - - -<h3>SCÈNE III</h3> - -<p class="c"><b>Devant une grotte.</b></p> - -<p class="r"><i>Entrent Pelléas et Mélisande.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>, <i>parlant avec une grande agitation.</i></div> -<p>Oui; c'est ici, nous y sommes. Il fait si noir que -l'entrée de la grotte ne se distingue pas du reste -de la nuit… Il n'y a pas d'étoiles de ce côté. -Attendons que la lune ait déchiré ce grand -nuage; elle éclairera toute la grotte et alors nous -pourrons entrer sans danger. Il y a des endroits -dangereux et le sentier est très étroit, entre -deux lacs dont on n'a pas encore trouvé le fond. -Je n'ai pas songé à emporter une torche ou une -lanterne, mais je pense que la clarté du ciel -nous suffira.—Vous n'avez jamais pénétré dans -cette grotte?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Entrons-y… Il faut pouvoir décrire l'endroit où -vous avez perdu la bague, s'il vous interroge… -Elle est très grande et très belle. Elle est pleine -de ténèbres bleues. Quand on y allume une -petite lumière, on dirait que la voûte est couverte -d'étoiles, comme le ciel. Donnez-moi la main, ne -tremblez pas, ne tremblez pas ainsi. Il n'y a pas -de danger: nous nous arrêterons au moment que -nous n'apercevrons plus la clarté de la mer… -Est-ce le bruit de la grotte qui vous effraie? -Entendez-vous la mer derrière nous?—Elle ne -semble pas heureuse cette nuit… Ah! Voici -la clarté!</p> - -<p class="rdrap"><i>La lune éclaire largement l'entrée et une -partie des ténèbres de la grotte; et l'on aperçoit, -à une certaine profondeur, trois vieux -pauvres à cheveux blancs, assis côte à -côte, se soutenant les uns les autres, et endormis -contre un quartier de roc.</i></p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ah!</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Qu'y a-t-il?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Il y a… Il y a…</p> - -<p class="r"><i>Elle montre les trois pauvres.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oui, oui; je les ai vus aussi…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Allons-nous en!… Allons-nous en!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ce sont trois vieux pauvres qui se sont endormis… -Pourquoi sont-ils venus dormir ici?… Il y -aura une famine dans le pays.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Allons-nous en!… Venez… Allons-nous en!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Prenez garde, ne parlez pas si fort… Ne les -éveillons pas… Ils dorment encore profondément… -Venez.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Laissez-moi; je préfère marcher seule…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Nous reviendrons un autre jour…</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent.</i></p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">ACTE III</h2> - - -<h3>SCÈNE I</h3> - -<p class="drap"><b>Une des tours du château.—Un chemin -de ronde passe sous une fenêtre de la tour.</b></p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>, <i>à la fenêtre, tandis qu'elle peigne -ses cheveux dénoués.</i></div> -<div class="poetry"> -<div class="verse">Mes longs cheveux descendent jusqu'au seuil de la tour!</div> -<div class="verse">Mes cheveux vous attendent tout le long de la tour!</div> -<div class="verse i3">Et tout le long du jour!</div> -<div class="verse i3">Et tout le long du jour!</div> - -<div class="verse i3 stanza">Saint Daniel et saint Michel,</div> -<div class="verse i3">Saint Michel et saint Raphaël,</div> -<div class="verse i3">Je suis née un Dimanche!</div> -<div class="verse i3">Un Dimanche à midi!</div> -</div> - -<p class="r"><i>Entre Pelléas par le chemin de ronde.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Holà! Holà! ho!</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Qui est là?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Moi, moi, et moi!… Que fais-tu là à la fenêtre -en chantant comme un oiseau qui n'est pas d'ici?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>J'arrange mes cheveux pour la nuit…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>C'est là ce que je vois sur le mur!… Je croyais -que c'était un rayon de lumière…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>J'ai ouvert la fenêtre. Il fait trop chaud dans la -tour, il fait beau cette nuit.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il y a d'innombrables étoiles; je n'en ai jamais -vu autant que ce soir;… mais la lune est encore -sur la mer… Ne reste pas dans l'ombre, Mélisande, -penche-toi un peu, que je voie tes cheveux -dénoués.</p> - -<p class="r"><i>Mélisande se penche à la fenêtre.</i></p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je suis affreuse ainsi.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oh! Mélisande!… oh! tu es belle!… tu es belle -ainsi!… penche-toi! penche-toi!… laisse-moi -venir plus près de toi…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne puis pas venir plus près de toi… Je me -penche tant que je peux…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je ne puis pas monter plus haut… donne-moi -du moins ta main ce soir… avant que je m'en -aille… Je pars demain…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non, non…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Si, si; je pars, je partirai demain… donne-moi -ta main, ta main, ta petite main sur mes lèvres…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne te donne pas ma main si tu pars…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Donne, donne, donne…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Tu ne partiras pas?…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>J'attendrai, j'attendrai.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je vois une rose dans les ténèbres…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Où donc?… Je ne vois que les branches du -saule qui dépassent le mur…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Plus bas, plus bas, dans le jardin; là-bas, dans -le vert sombre.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ce n'est pas une rose… J'irai voir tout à -l'heure, mais donne-moi ta main d'abord; d'abord -ta main…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Voilà, voilà;… Je ne puis me pencher davantage…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Mes lèvres ne peuvent pas atteindre ta main…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne puis me pencher davantage… Je suis -sur le point de tomber…—Oh! oh! mes cheveux -descendent de la tour!…</p> - -<p class="rdrap"><i>Sa chevelure se révulse tout à coup, tandis -qu'elle se penche ainsi et inonde Pelléas.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oh! oh! qu'est-ce que c'est?… Tes cheveux, -tes cheveux descendent vers moi!… Toute ta -chevelure, Mélisande, toute ta chevelure est -tombée de la tour!… Je les tiens dans les mains, -je les tiens dans la bouche… Je les tiens dans les -bras, je les mets autour de mon cou… Je n'ouvrirai -plus les mains cette nuit…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Laisse-moi! Laisse-moi!… Tu vas me faire -tomber!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Non, non, non;… Je n'ai jamais vu de cheveux -comme les tiens, Mélisande!… Vois, vois, vois, -ils viennent de si haut et ils m'inondent jusqu'au -cœur… Ils m'inondent encore jusqu'aux genoux… -Et ils sont doux, ils sont doux comme s'ils tombaient -du ciel!… Je ne vois plus le ciel à travers -tes cheveux. Tu vois, tu vois, mes mains ne -peuvent plus les tenir… Il y en a jusque sur les -branches du saule… Ils vivent comme des oiseaux -dans mes mains… et ils m'aiment, ils m'aiment -mille fois mieux que toi!</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Laisse-moi… laisse-moi… Quelqu'un pourrait -venir…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Non, non, non; je ne te délivre pas cette -nuit… Tu es ma prisonnière cette nuit; toute la -nuit, toute la nuit…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pelléas! Pelléas!</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Tu ne t'en iras plus… Je les noue, je les noue -aux branches du saule, tes cheveux. Je ne souffre -plus au milieu de tes cheveux. Tu entends mes -baisers le long de tes cheveux? Ils montent le -long de tes cheveux. Il faut que chacun t'en -apporte. Tu vois, tu vois, je puis ouvrir les -mains… Tu vois, j'ai les mains libres et tu ne -peux plus m'abandonner…</p> - -<p class="rdrap"><i>Des colombes sortent de la tour et volent -autour d'eux dans la nuit.</i></p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! oh! tu m'as fait mal!… Qu'y a-t-il, Pelléas?—Qu'est-ce -qui vole autour de moi?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ce sont les colombes qui sortent de la tour… Je -les ai effrayées; elles s'envolent.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ce sont mes colombes, Pelléas.—Allons-nous en, -laisse-moi; elles ne reviendraient plus…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Pourquoi ne reviendraient-elles plus?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Elles se perdront dans l'obscurité… Laisse-moi -relever la tête… J'entends un bruit de pas… -Laisse-moi!—C'est Golaud!… Je crois que c'est -Golaud!… Il nous a entendus…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Attends! Attends!… Tes cheveux sont autour -des branches… Ils se sont accrochés dans l'obscurité. -Attends! attends!… il fait noir…</p> - -<p class="r"><i>Entre Golaud par le chemin de ronde.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Que faites-vous ici?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ce que je fais ici?… Je…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Vous êtes des enfants… Mélisande, ne te penche -pas ainsi à la fenêtre, tu vas tomber… Vous -ne savez pas qu'il est tard?—Il est près de -minuit.—Ne jouez pas ainsi dans l'obscurité.—Vous -êtes des enfants… <i>Riant nerveusement.</i> -Quels enfants! Quels enfants!…</p> - -<p class="r"><i>Il sort avec Pelléas.</i></p> - - -<h3>SCÈNE II</h3> - -<p class="c"><b>Les souterrains du château.</b></p> - -<p class="r"><i>Entrent Golaud et Pelléas.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Prenez garde; par ici, par ici.—Vous n'avez -jamais pénétré dans ces souterrains?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Si, une fois, dans le temps; mais il y a longtemps…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Eh bien! Voici l'eau stagnante dont je vous -parlais… Sentez-vous l'odeur de mort qui monte!—Allons -jusqu'au bout de ce rocher qui surplombe -et penchez-vous un peu. Elle viendra -vous frapper au visage. Penchez-vous; n'ayez pas -peur… Je vous tiendrai… donnez-moi… non, -non, pas la main… elle pourrait glisser… le bras… -Voyez-vous le gouffre?… Pelléas? Pelléas?…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oui, je crois que je vois le fond du gouffre… -Est-ce la lumière qui tremble ainsi?… Vous…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui; c'est la lanterne… Voyez, je l'agitais pour -éclairer les parois.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>J'étouffe ici… Sortons.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui, sortons…</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent en silence.</i></p> - - -<h3>SCÈNE III</h3> - -<p class="c"><b>Une terrasse au sortir des souterrains.</b></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ah! Je respire enfin! J'ai cru un instant que -j'allais me trouver mal dans ces énormes grottes; -j'ai été sur le point de tomber… Il y a là un air -humide et lourd comme une rosée de plomb, et -des ténèbres épaisses comme une pâte empoisonnée. -Et maintenant tout l'air de toute la -mer!… Il y a un vent frais, voyez; frais comme -une feuille qui vient de s'ouvrir, sur les petites -lames vertes. Tiens! On vient d'arroser les fleurs -au bord de la terrasse et l'odeur de la verdure et -des roses mouillées monte jusqu'ici… Il doit -être près de midi, elles sont déjà dans l'ombre de -la tour. Il est midi; j'entends sonner les cloches -et les enfants descendent sur la plage pour se -baigner.</p> - -<p>Tiens, voilà notre mère et Mélisande à une -fenêtre de la tour.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui; elles se sont réfugiées du côté de l'ombre. -A propos de Mélisande, j'ai entendu ce qui s'est -passé et ce qui s'est dit hier au soir. Je le sais -bien, ce sont là jeux d'enfants; mais il ne faut pas -que cela se répète. Elle est très délicate et il -faut qu'on la ménage, d'autant plus qu'elle sera -peut-être bientôt mère et la moindre émotion -pourrait amener un malheur. Ce n'est pas la -première fois que je remarque qu'il pourrait y -avoir quelque chose entre vous. Vous êtes plus -âgé qu'elle; il suffira de vous l'avoir dit… Évitez-la -autant que possible; mais sans affectation -d'ailleurs; sans affectation.</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent.</i></p> - - -<h3>SCÈNE IV</h3> - -<p class="c"><b>Devant le château.</b></p> - -<p class="r"><i>Entrent Golaud et le petit Yniold.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Viens, nous allons nous asseoir ici, Yniold; -viens sur mes genoux: nous verrons d'ici ce qui -se passe dans la forêt. Je ne te vois plus du tout -depuis quelque temps. Tu m'abandonnes aussi; -tu es toujours chez petite-mère… Tiens, nous -sommes tout juste assis sous les fenêtres de petite-mère.—Elle -fait peut-être sa prière du soir en -ce moment… Mais dis-moi, Yniold, elle est souvent -avec ton oncle Pelléas, n'est-ce pas?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oui, oui; toujours, petit-père; quand vous -n'êtes pas là.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ah! Tiens, quelqu'un passe avec une lanterne -dans le jardin.—Mais on m'a dit qu'ils ne -s'aimaient pas… Il paraît qu'ils se querellent -souvent… non? Est-ce vrai?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oui, c'est vrai.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui?—Ah! ah!—Mais à propos de quoi se -querellent-ils?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>A propos de la porte.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Comment? A propos de la porte?—Qu'est-ce -que tu racontes là?—Mais voyons, explique-toi; -pourquoi se querellent-ils à propos de la porte?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Parce qu'elle ne peut pas être ouverte.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Qui ne veut pas qu'elle soit ouverte?—Voyons, -pourquoi se querellent-ils?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Je ne sais pas, petit-père, à propos de la -lumière.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je ne te parle pas de la lumière: je te parle -de la porte… Ne mets pas ainsi la main dans la -bouche… voyons…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Petit-père! petit-père!… Je ne le ferai plus…</p> - -<p class="r"><i>Il pleure.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Voyons; pourquoi pleures-tu? Qu'est-il arrivé?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oh! oh! petit-père, vous m'avez fait mal…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je t'ai fait mal?—Où t'ai-je fait mal! C'est -sans le vouloir…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ici, à mon petit bras…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>C'est sans le vouloir; voyons, ne pleure plus, -je te donnerai quelque chose demain…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Quoi, petit-père?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Un carquois et des flèches; mais dis-moi ce que -tu sais de la porte.</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>De grandes flèches?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui, de très grandes flèches.—Mais pourquoi -ne veulent-ils pas que la porte soit ouverte?—Voyons, -réponds-moi à la fin!—non, non; n'ouvre -pas la bouche pour pleurer. Je ne suis pas fâché. -De quoi parlent-ils quand ils sont ensemble?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Pelléas et petite-mère?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui; de quoi parlent-ils?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>De moi; toujours de moi.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Et que disent-ils de toi?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ils disent que je serai très grand.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ah! Misère de ma vie!… je suis ici comme un -aveugle qui cherche son trésor au fond de -l'océan!… Je suis ici comme un nouveau-né -perdu dans la forêt et vous… Mais voyons, -Yniold, j'étais distrait; nous allons causer sérieusement. -Pelléas et petite-mère ne parlent-ils -jamais de moi quand je ne suis pas là?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Si, si, petit-père.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ah!… Et que disent-ils de moi?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ils disent que je deviendrai aussi grand que -vous.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Tu es toujours près d'eux?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oui, oui; toujours, petit-père.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ils ne te disent jamais d'aller jouer ailleurs?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Non, petit-père; ils ont peur quand je ne suis -pas là.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ils ont peur?… à quoi vois-tu qu'ils ont peur?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ils pleurent toujours dans l'obscurité.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ah! ah!…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Cela fait pleurer aussi…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui, oui…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Elle est pâle, petit-père!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ah! ah!… patience, mon Dieu, patience…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Quoi, petit-père?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Rien, rien mon enfant.—J'ai vu passer un -loup dans la forêt.—Ils s'embrassent quelquefois?—Non?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ils s'embrassent, petit-père?—Non, non.—Ah! -si, petit-père, si; une fois… une fois qu'il -pleuvait…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ils se sont embrassés?—Mais comment, comment -se sont-ils embrassés?—</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Comme ça, petit-père, comme ça!… <i>Il lui -donne un baiser sur la bouche; riant.</i> Ah! ah! -votre barbe, petit-père!… Elle pique! elle pique! -Elle devient toute grise, petit-père, et vos cheveux -aussi; tout gris, tout gris… <i>La fenêtre sous -laquelle ils sont assis s'éclaire en ce moment, et sa -clarté vient tomber sur eux.</i> Ah! ah! petite-mère -a allumé la lampe. Il fait clair, petit-père; il fait -clair.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Oui; il commence à faire clair…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Allons-y aussi, petit-père…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Où veux-tu aller?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Où il fait clair, petit-père.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Non, non, mon enfant; restons encore un peu -dans l'ombre… On ne sait pas, on ne sait pas -encore… Je crois que Pelléas est fou…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Non, petit-père, il n'est pas fou, mais il est -très bon.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Veux-tu voir petite-mère?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oui, oui; je veux la voir!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ne fais pas de bruit; je vais te hisser jusqu'à la -fenêtre. Elle est trop haute pour moi, bien que -je sois si grand… <i>Il soulève l'enfant.</i> Ne fais pas le -moindre bruit; petite-mère aurait terriblement -peur… La vois-tu?—Est-elle dans la chambre?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oui… Oh! il fait clair!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Elle est seule?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oui… Non, non! mon oncle Pelléas y est aussi.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Il!…</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ah! ah! petit-père! vous m'avez fait mal!…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ce n'est rien; tais-toi; je ne le ferai plus; -regarde, regarde, Yniold!… J'ai trébuché; parle -plus bas. Que font-ils?—</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ils ne font rien, petit-père.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Est-ce qu'ils parlent?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Non, petit-père; ils ne parlent pas.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Mais que font-ils?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Ils regardent la lumière.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Tous les deux?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oui, petit-père.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ils ne disent rien?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Non, petit-père; ils ne ferment pas les yeux.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ils ne s'approchent pas l'un de l'autre?</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Non, petit-père; ils ne bougent pas, ils ne ferment -jamais les yeux… J'ai terriblement peur…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>De quoi donc as-tu peur? Regarde! Regarde!</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Petit-père, laissez-moi descendre!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Regarde!</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oh! je vais crier, petit-père! Laissez-moi descendre! -laissez-moi descendre!</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Viens! nous allons voir ce qui est arrivé.</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent.</i></p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">ACTE IV</h2> - - -<h3>SCÈNE I</h3> - -<p class="c"><b>Un corridor dans le château.</b></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Où vas-tu? Il faut que je te parle ce soir. Te -verrai-je?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je sors de la chambre de mon père. Il va -mieux. Le médecin nous a dit qu'il était sauvé. -Il m'a reconnu. Il m'a pris la main, et il m'a dit -de cet air étrange qu'il a depuis qu'il est malade: -«Est-ce toi, Pelléas? Tiens, je ne l'avais jamais -remarqué, mais tu as le visage grave et amical de -ceux qui ne vivront pas longtemps. Il faut -voyager; il faut voyager…» C'est étrange; je vais -lui obéir… Ma mère l'écoutait et pleurait de joie. -Tu ne t'en es pas aperçue? Toute la maison semble -déjà revivre, on entend respirer, on entend -marcher… Écoute, j'entends parler derrière cette -porte. Vite, vite, réponds vite, où te verrai-je?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Où veux-tu?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Dans le parc: près de la fontaine des aveugles? -Veux-tu? Viendras-tu?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ce sera le dernier soir. Je vais voyager comme -mon père l'a dit. Tu ne me verras plus…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ne dis pas cela, Pelléas… Je te verrai toujours; -je te regarderai toujours…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Tu auras beau regarder… Je serai si loin que -tu ne pourras plus me voir.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Qu'est-il arrivé, Pelléas? Je ne comprends -plus ce que tu dis…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Va-t'en, va-t'en, séparons-nous. J'entends -parler derrière cette porte.</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent séparément.</i><br /> -<i>Puis Arkël entre accompagné de Mélisande.</i></p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Maintenant que le père de Pelléas est sauvé, et -que la maladie, la vieille servante de la mort, a -quitté le château, un peu de joie et un peu de -soleil vont enfin rentrer dans la maison… Il était -temps!—Car depuis ta venue, on n'a vécu ici -qu'en chuchotant autour d'une chambre fermée… -Et vraiment, j'avais pitié de toi, Mélisande… -Je t'observais, tu étais là, insouciante -peut-être, mais avec l'air étrange et égaré de -quelqu'un qui attendrait toujours un grand -malheur, au soleil, dans un beau jardin… Je ne -puis pas expliquer… Mais j'étais triste de te voir -ainsi; car tu es trop jeune et trop belle pour -vivre déjà, jour et nuit, sous l'haleine de la mort… -Mais à présent tout cela va changer. A mon âge,—et -c'est peut-être là le fruit le plus sûr de ma -vie,—à mon âge, j'ai acquis je ne sais quelle foi -à la fidélité des événements, et j'ai toujours vu que -tout être jeune et beau, créait autour de lui des -événements jeunes, beaux et heureux… Et c'est -toi, maintenant, qui vas ouvrir la porte à l'ère -nouvelle que j'entrevois… Viens ici; pourquoi -restes-tu là sans répondre et sans lever les yeux?—Je -ne t'ai embrassée qu'une seule fois jusqu'ici, le -jour de ta venue; et cependant, les vieillards ont -besoin de toucher quelquefois de leurs lèvres, le -front d'une femme ou la joue d'un enfant, pour -croire encore à la fraîcheur de la vie et éloigner -un moment les menaces de la mort. As-tu peur -de mes vieilles lèvres? Comme j'avais pitié de toi -ces mois-ci!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Grand-père, je n'étais pas malheureuse…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Laisse-moi te regarder ainsi, de tout près, un -moment… on a tant besoin de beauté aux côtés -de la mort…</p> - -<p class="r"><i>Entre Golaud.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Pelléas part ce soir.</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Tu as du sang sur le front.—Qu'as-tu fait?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Rien, rien… J'ai passé au travers d'une haie -d'épines…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Baissez un peu la tête, seigneur… Je vais -essuyer votre front…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>, <i>la repoussant.</i></div> -<p>Je ne veux pas que tu me touches, entends-tu? -Va-t'en, va-t'en!—Je ne te parle pas.—Où est -mon épée?—Je venais chercher mon épée…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ici; sur le prie-Dieu.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Apporte-la. <i>A Arkël.</i> On vient encore de -trouver un paysan mort de faim, le long de la -mer. On dirait qu'ils tiennent tous à mourir sous -nos yeux.—<i>A Mélisande.</i> Eh bien, mon épée?—Pourquoi -tremblez-vous ainsi? Je ne vais pas -vous tuer. Je voulais simplement examiner la -lame. Je n'emploie pas l'épée à ces usages. Pourquoi -m'examinez-vous comme un pauvre?—Je -ne viens pas vous demander l'aumône. Vous -espérez voir quelque chose dans mes yeux, sans -que je voie quelque chose dans les vôtres?—Croyez-vous -que je sache quelque chose?—<i>A -Arkël.</i> Voyez-vous ces grands yeux?—On -dirait qu'ils sont fiers d'être riches…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Je n'y vois qu'une grande innocence…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Une grande innocence!… Ils sont plus grands -que l'innocence!… Ils sont plus purs que les yeux -d'un agneau… Ils donneraient à Dieu des leçons -d'innocence! Une grande innocence! Écoutez: -j'en suis si près que je sens la fraîcheur de leurs -cils quand ils clignent; et cependant, je suis -moins loin des grands secrets de l'autre monde -que du plus petit secret de ces yeux!… Une grande -innocence!… Plus que de l'innocence! On dirait -que les anges du ciel y célèbrent sans cesse un -baptême!… Je les connais ces yeux! Je les ai vus -à l'œuvre! Fermez-les! Fermez-les! ou je vais les -fermer pour longtemps!…—Ne mettez pas -ainsi votre main à la gorge; je dis une chose très -simple… Je n'ai pas d'arrière-pensée… Si j'avais -une arrière-pensée, pourquoi ne la dirais-je pas? -Ah! ah!—ne tâchez pas de fuir!—Ici!—Donnez-moi -cette main!—Ah! vos mains sont -trop chaudes… Allez-vous-en! Votre chair me -dégoûte!… Il ne s'agit plus de fuir à présent!—<i>Il -la saisit par les cheveux.</i>—Vous allez me -suivre à genoux!—A genoux!—A genoux -devant moi!—Ah! ah! vos longs cheveux servent -enfin à quelque chose!… A droite et puis à -gauche!—A gauche et puis à droite!—Absalon! -Absalon!—En avant! en arrière! Jusqu'à -terre! jusqu'à terre!… Vous voyez, vous voyez; -je ris déjà comme un vieillard…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>, <i>accourant.</i></div> -<p>Golaud!…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>, <i>affectant un calme soudain.</i></div> -<p>Vous ferez comme il vous plaira, voyez-vous.—Je -n'attache aucune importance à cela.—Je -suis trop vieux; et puis, je ne suis pas un espion. -J'attendrai le hasard; et alors… Oh! alors!… -simplement parce que c'est l'usage; simplement -parce que c'est l'usage…</p> - -<p class="r"><i>Il sort.</i></p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Qu'a-t-il donc?—Il est ivre?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>, <i>en larmes.</i></div> -<p>Non, non; mais il ne m'aime plus… Je ne suis -pas heureuse!…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du cœur des -hommes…</p> - - -<h3>SCÈNE II</h3> - -<p class="c"><b>Une terrasse, dans la brume.</b></p> - -<p class="r"><i>On aperçoit le petit Yniold qui cherche à soulever -un quartier de roc.</i></p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Oh! Cette pierre est lourde… elle est plus -lourde que moi.—Elle est plus lourde que tout -le monde.—Elle est plus lourde que tout.</p> - -<p>Je vois ma balle d'or entre le rocher et cette -méchante pierre. Et je ne puis pas y atteindre… -Mon petit bras n'est pas assez long—et cette -pierre ne veut pas être soulevée… On dirait -qu'elle a des racines dans la terre.</p> - -<p class="r"><i>On entend au loin les bêlements d'un troupeau.</i></p> - -<p>Oh! oh! J'entends pleurer les moutons.—Tiens! -Il n'y a plus de soleil!—Ils arrivent les -petits moutons; ils arrivent… Il y en a!… Il y en -a!… Ils ont eu peur du noir… Ils se serrent. Ils -se serrent! Ils pleurent… et ils vont vite!… Il y -en a qui voudraient prendre à droite… Ils voudraient -tous aller à droite. Ils ne peuvent pas!… -Le berger leur jette de la terre!… Ah! ah!… Ils -vont passer par ici… Je vais les voir de près.—Comme -il y en a!…—Maintenant, ils se taisent -tous. Berger? Pourquoi ne parlent-ils plus?</p> - -<div class="p"><small>LE BERGER</small>, <i>qu'on ne voit pas.</i></div> -<p>Parce que ce n'est pas le chemin de l'étable!—</p> - -<div class="p"><small>YNIOLD</small>.</div> -<p>Où vont-ils? Berger? Berger? Où vont-ils?… -Il ne m'entend plus. Ils sont déjà trop loin… Ils -ne font plus de bruit.—Ce n'est pas le chemin -de l'étable… Où vont-ils dormir cette nuit?… -Oh! oh! il fait trop noir… Je vais dire quelque -chose à quelqu'un!</p> - -<p class="r"><i>Il sort.</i></p> - - -<h3>SCÈNE III</h3> - -<p class="c"><b>Une fontaine dans le parc.</b></p> - -<p class="r"><i>Entre Pelléas.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>C'est le dernier soir… Le dernier soir… Il faut -que tout finisse… J'ai joué comme un enfant -autour d'une chose que je ne soupçonnais pas… -J'ai joué en rêve autour des pièges de la destinée… -Qui est-ce qui m'a réveillé tout à coup? Je -vais fuir en criant de joie et de douleur comme -un aveugle qui fuirait l'incendie de sa maison… -Je vais lui dire que je vais fuir… Il est tard; elle -ne vient pas… Je ferais mieux de m'en aller sans -la revoir… Il faut que je la regarde bien cette -fois-ci… Il y a des choses que je ne me rappelle -plus… on dirait, par moment, qu'il y a plus de -cent ans que je ne l'ai vue… Et je n'ai pas encore -regardé son regard… Il ne me reste rien si je m'en -vais ainsi. Et tous ces souvenirs… c'est comme si -j'emportais un peu d'eau dans un sac de mousseline… -Il faut que je la voie une dernière fois, -jusqu'au fond de son cœur… Il faut que je lui -dise tout ce que je n'ai pas dit…</p> - -<p class="r"><i>Entre Mélisande.</i></p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pelléas?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Mélisande!—Est-ce toi, Mélisande?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Viens ici: ne reste pas au bord du clair de -lune.—Viens ici. Nous avons tant de choses à -nous dire… Viens ici dans l'ombre du tilleul.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Laisse-moi dans la clarté…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>On pourrait nous voir des fenêtres de la tour. -Viens ici; ici, nous n'avons rien à craindre.—Prends -garde; on pourrait nous voir…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je veux qu'on me voie…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Qu'as-tu donc?—Tu as pu sortir sans qu'on -s'en soit aperçu?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui; votre frère dormait…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il est tard.—Dans une heure on fermera les -portes. Il faut prendre garde. Pourquoi es-tu -venue si tard?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Votre frère avait un mauvais rêve. Et puis ma -robe s'est accrochée aux clous de la porte. Voyez, -elle est déchirée. J'ai perdu tout ce temps et j'ai -couru…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Ma pauvre Mélisande!… J'aurais presque peur -de te toucher… Tu es encore hors d'haleine -comme un oiseau pourchassé… C'est pour moi, -pour moi que tu fais tout cela?… J'entends -battre ton cœur comme si c'était le mien… Viens -ici… plus près, plus près de moi.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pourquoi riez-vous?</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je ne ris pas;—ou bien je ris de joie, sans le -savoir… Il y aurait plutôt de quoi pleurer…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Nous sommes venus ici il y a bien longtemps… -Je me rappelle.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oui… Il y a de longs mois.—Alors, je ne -savais pas… Sais-tu pourquoi je t'ai demandé de -venir ce soir?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non.</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>C'est peut-être la dernière fois que je te vois… -Il faut que je m'en aille pour toujours…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pourquoi dis-tu toujours que tu t'en vas?…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je dois te dire ce que tu sais déjà!—Tu ne -sais pas ce que je vais te dire?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Mais non, mais non; je ne sais rien…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Tu ne sais pas pourquoi il faut que je m'éloigne… -<i>Il l'embrasse brusquement.</i> Tu ne sais pas -que c'est parce que je t'aime…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>, <i>à voix basse.</i></div> -<p>Je t'aime aussi…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oh! Qu'as-tu dit, Mélisande! Je ne l'ai presque -pas entendu!… On a brisé la glace avec des -fers rougis!… Tu dis cela d'une voix qui vient -du bout du monde!… Je ne t'ai presque pas -entendue… Tu m'aimes?—Tu m'aimes aussi?… -Depuis quand m'aimes-tu?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Depuis toujours… Depuis que je t'ai vu…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oh! comme tu dis cela!… On dirait que ta -voix a passé sur la mer au printemps!… je ne l'ai -jamais entendue jusqu'ici… on dirait qu'il a plu -sur mon cœur! Tu dis cela si franchement!… -Comme un ange qu'on interroge!… Je ne puis -pas le croire, Mélisande!… Pourquoi m'aimerais-tu?—Mais -pourquoi m'aimes-tu!—Est-ce vrai -ce que tu dis?—Tu ne me trompes pas?—Tu -ne mens pas un peu, pour me faire sourire?…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non; je ne mens jamais; je ne mens qu'à ton -frère…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oh! Comme tu dis cela!… Ta voix! ta voix… -Elle est plus fraîche et plus franche que l'eau!… -On dirait de l'eau pure sur mes lèvres!… On dirait -de l'eau pure sur mes mains… Donne-moi, -donne-moi tes mains. Oh! tes mains sont petites!… -Je ne savais pas que tu étais si belle!… Je -n'avais jamais rien vu d'aussi beau, avant toi… -J'étais inquiet, je cherchais partout dans la maison… -Je cherchais partout dans la campagne… -Et je ne trouvais pas la beauté… Et maintenant -je t'ai trouvée!… Je t'ai trouvée!… Je ne crois -pas qu'il y ait sur la terre une femme plus belle!… -Où es-tu?—Je ne t'entends plus respirer…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>C'est que je te regarde…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Pourquoi me regardes-tu si gravement!—Nous -sommes déjà dans l'ombre.—Il fait trop noir -sous cet arbre. Viens dans la lumière. Nous ne -pouvons pas voir combien nous sommes heureux. -Viens, viens; il nous reste si peu de temps…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non; restons ici… Je suis plus près de toi -dans l'obscurité…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Où sont tes yeux?—Tu ne vas pas me fuir?—Tu -ne songes pas à moi en ce moment.</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Mais si, mais si, je ne songe qu'à toi…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Tu regardais ailleurs…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je te voyais ailleurs…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Tu es distraite. Qu'as-tu donc?—Tu ne me -sembles pas heureuse…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Si, si; je suis heureuse, mais je suis triste…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Quel est ce bruit?—On ferme les portes!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, on a fermé les portes…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Nous ne pouvons plus rentrer!—Entends-tu -les verrous?—Écoute! écoute!… les grandes -chaînes!… Il est trop tard, il est trop tard!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Tant mieux! Tant mieux!</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Tu?… Voilà, voilà!… Ce n'est plus nous qui le -voulons!… Tout est perdu, tout est sauvé! tout -est sauvé ce soir!—Viens! viens… Mon cœur -bat comme un fou jusqu'au fond de ma gorge… -<i>Il l'enlace.</i> Écoute! mon cœur est sur le point de -m'étrangler… Viens! viens!… Ah! qu'il fait beau -dans les ténèbres!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Il y a quelqu'un derrière nous!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je ne vois personne…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>J'ai entendu du bruit…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je n'entends que ton cœur dans l'obscurité…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>J'ai entendu craquer les feuilles mortes…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>C'est le vent qui s'est tû tout à coup… Il est -tombé pendant que nous nous embrassions…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Comme nos ombres sont grandes ce soir!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Elles s'enlacent jusqu'au fond du jardin… Oh! -qu'elles s'embrassent loin de nous!… Regarde! -Regarde!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>, <i>d'une voix étouffée.</i></div> -<p>A-a-h!—Il est derrière un arbre!</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Qui?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Golaud!</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Golaud?—où donc?—je ne vois rien…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Là… au bout de nos ombres…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oui, oui; je l'ai vu… Ne nous retournons pas -brusquement…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Il a son épée…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Je n'ai pas la mienne…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Il a vu que nous nous embrassions…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il ne sait pas que nous l'avons vu… Ne bouge -pas; ne tourne pas la tête… Il se précipiterait… -Il nous observe… Il est encore immobile… Va-t'en, -va-t'en tout de suite par ici… Je l'attendrai… -Je l'arrêterai…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non, non!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Va-t'en! va-t'en! Il a tout vu!… Il nous tuera!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Tant mieux! tant mieux! tant mieux!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Il vient! il vient!… Ta bouche!… Ta bouche!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui!… Oui!… Oui!…</p> - -<p class="r"><i>Ils s'embrassent éperdument.</i></p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Oh! oh! Toutes les étoiles tombent…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Sur moi aussi! sur moi aussi!…</p> - -<div class="p"><small>PELLÉAS</small>.</div> -<p>Toutes! toutes! toutes!…</p> - -<p class="rdrap"><i>Golaud se précipite sur eux l'épée à la main, -et frappe Pelléas, qui tombe au bord de la -fontaine. Mélisande fuit épouvantée.</i></p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>, <i>fuyant.</i></div> -<p>Oh! oh! Je n'ai pas de courage!… Je n'ai pas -de courage!…</p> - -<p class="r"><i>Golaud la poursuit à travers le bois, en silence.</i></p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">ACTE V</h2> - - -<h3>SCÈNE I</h3> - -<p class="c"><b>Un appartement dans le château.</b></p> - -<p class="rdrap"><i>On découvre Arkël, Golaud et le médecin dans -un coin de la chambre. Mélisande est étendue -sur son lit.</i></p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Ce n'est pas de cette petite blessure qu'elle -peut mourir; un oiseau n'en serait pas mort… -ce n'est donc pas vous qui l'avez tuée, mon bon -seigneur; ne vous désolez pas ainsi… Et puis, il -n'est pas dit que nous ne la sauverons pas…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Non, non; il me semble que nous nous taisons -trop, malgré nous, dans sa chambre… Ce n'est -pas un bon signe… Regardez comme elle dort… -lentement, lentement… on dirait que son âme a -froid pour toujours…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>J'ai tué sans raison! Est-ce que ce n'est pas à -faire pleurer les pierres!… Ils s'étaient embrassés -comme des petits enfants… Ils étaient frère et -sœur… Et moi, moi tout de suite!… Je l'ai fait -malgré moi, voyez-vous… Je l'ai fait malgré -moi…</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Attention; je crois qu'elle s'éveille…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ouvrez la fenêtre… ouvrez la fenêtre…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Veux-tu que j'ouvre celle-ci, Mélisande?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non; la grande fenêtre… c'est pour voir…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Est-ce que l'air de la mer n'est pas trop froid -ce soir?</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Faites, faites…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Merci… Est-ce le soleil qui se couche?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Oui; c'est le soleil qui se couche sur la mer; il -est tard.—Comment te trouves-tu, Mélisande?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Bien, bien.—Pourquoi demandez-vous cela? -Je n'ai jamais été mieux portante.—Il me semble -cependant que je sais quelque chose…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Que dis-tu?—Je ne te comprends pas…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne comprends pas non plus tout ce que je -dis, voyez-vous… Je ne sais pas ce que je dis… -Je ne sais pas ce que je sais… Je ne dis plus ce -que je veux…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Mais si, mais si… Je suis tout heureux de t'entendre -parler ainsi; tu as eu un peu de délire ces -jours-ci, et l'on ne te comprenait plus… Mais -maintenant, tout cela est bien loin…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Je ne sais pas…—Êtes-vous tout seul dans la -chambre, grand-père?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Non; il y a encore le médecin qui t'a guérie…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Ah!…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Et puis il y a encore quelqu'un…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Qui est-ce?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>C'est… il ne faut pas t'effrayer… Il ne te veut -pas le moindre mal, sois-en sûre… Si tu as peur, -il s'en ira… Il est très malheureux…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Qui est-ce?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>C'est… c'est ton mari… c'est Golaud…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Golaud est ici? Pourquoi ne vient-il pas près -de moi?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>, <i>se traînant vers le lit.</i></div> -<p>Mélisande… Mélisande…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Est-ce vous, Golaud? Je ne vous reconnaissais -presque plus… C'est que j'ai le soleil du soir dans -les yeux… Pourquoi regardez-vous les murs? -Vous avez maigri et vieilli… Y a-t-il longtemps -que nous ne nous sommes vus?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>, <i>à Arkël et au médecin.</i></div> -<p>Voulez-vous vous éloigner un instant, mes pauvres -amis… Je laisserai la porte grande ouverte… -Un instant seulement… Je voudrais lui dire quelque -chose; sans cela je ne pourrais pas mourir… -Voulez-vous?—Vous pouvez revenir tout de -suite… Ne me refusez pas cela… Je suis un malheureux… -<i>Sortent Arkël et le médecin.</i> Mélisande, -as-tu pitié de moi, comme j'ai pitié de toi?… -Mélisande?… Me pardonnes-tu, Mélisande?…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, oui, je te pardonne… Que faut-il pardonner?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je t'ai fait tant de mal, Mélisande… Je ne puis -pas te dire le mal que je t'ai fait… Mais je le vois, -je le vois si clairement aujourd'hui… depuis le -premier jour… Et tout est de ma faute, tout ce -qui est arrivé, tout ce qui va arriver… Si je pouvais -le dire, tu verrais comme je le vois!… Je -vois tout, je vois tout!… Mais je t'aimais tant!… -Je t'aimais tant!… Mais maintenant, quelqu'un -va mourir… C'est moi qui vais mourir… Et je -voudrais savoir… Je voudrais te demander… Tu -ne m'en voudras pas?… Il faut dire la vérité à -quelqu'un qui va mourir… Il faut qu'il sache la -vérité, sans cela il ne pourrait pas dormir… Me -jures-tu de dire la vérité?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui.</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>As-tu aimé Pelléas?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Mais oui; je l'ai aimé. Où est-il?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Tu ne me comprends pas?—Tu ne veux pas -me comprendre?—Il me semble… Il me semble… -Eh bien, voici: Je te demande si tu l'as -aimé d'un amour défendu?… As-tu… Avez-vous -été coupables? Dis, dis, oui, oui, oui?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non; nous n'avons pas été coupables.—Pourquoi -demandez-vous cela?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Mélisande!… Dis-moi la vérité pour l'amour de -Dieu!</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pourquoi n'ai-je pas dit la vérité?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ne mens plus ainsi, au moment de mourir!</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Qui est-ce qui va mourir?—Est-ce moi?</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Toi, toi! et moi, moi aussi, après toi!… Et il -nous faut la vérité… Il nous faut enfin la vérité, -entends-tu!… Dis-moi tout! Dis-moi tout! Je te -pardonne tout!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Pourquoi vais-je mourir?—Je ne le savais pas…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Tu le sais maintenant… Il est temps!… Il est -temps!… Vite! vite!… La vérité! la vérité!…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>La vérité… la vérité…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Où es-tu?—Mélisande!—Où es-tu?—Ce -n'est pas naturel! Mélisande! Où es-tu? <i>Apercevant -Arkël et le médecin à la porte de la chambre.</i>—Oui, -oui; vous pouvez rentrer… Je ne sais -rien; c'est inutile… Elle est déjà trop loin de -nous… Je ne saurai jamais!… Je vais mourir ici -comme un aveugle!…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Qu'avez-vous fait? Vous allez la tuer…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Je l'ai déjà tuée…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Mélisande…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Est-ce vous, grand-père?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Oui, ma fille… Que veux-tu que je fasse?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Est-il vrai que l'hiver commence?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Pourquoi demandes-tu cela?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>C'est qu'il fait froid et qu'il n'y a plus de -feuilles…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Tu as froid?—Veux-tu qu'on ferme les fenêtres?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Non, non… jusqu'à ce que le soleil soit au fond -de la mer.—Il descend lentement, alors c'est -l'hiver qui commence?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Oui.—Tu n'aimes pas l'hiver?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oh! non. J'ai peur du froid!—Ah! J'ai peur -des grands froids…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Te sens-tu mieux?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Oui, oui; je n'ai plus toutes ces inquiétudes…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Veux-tu voir ton enfant?</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Quel enfant?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Ton enfant, ta petite fille…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Où est-elle?</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Ici…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>C'est étrange… Je ne peux pas lever les bras -pour la prendre…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>C'est que tu es encore très faible… Je la tiendrai -moi-même; regarde…</p> - -<div class="p"><small>MÉLISANDE</small>.</div> -<p>Elle ne rit pas… Elle est petite… Elle va pleurer -aussi… J'ai pitié d'elle…</p> - -<p class="rdrap"><i>La chambre est envahie, peu à peu, par les -servantes du château, qui se rangent en -silence le long des murs et attendent.</i></p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>, <i>se levant brusquement.</i></div> -<p>Qu'y a-t-il?—Qu'est-ce que toutes ces femmes -viennent faire ici?</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Ce sont les servantes…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Qui est-ce qui les a appelées?</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Ce n'est pas moi…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Que venez-vous faire ici?—Personne ne vous -a demandées… Que venez-vous faire ici?—Mais -qu'est-ce que donc! Répondez!…</p> - -<p class="r"><i>Les servantes ne répondent pas.</i></p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Ne parlez pas trop fort… Elle va dormir; elle -a fermé les yeux…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ce n'est pas?…</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Non, non; voyez, elle respire…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Ses yeux sont pleins de larmes.—Maintenant -c'est son âme qui pleure… Pourquoi étend-elle -ainsi les bras? Que veut-elle?</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>C'est vers l'enfant sans doute. C'est la lutte de -la mère contre la mort…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>En ce moment?—En ce moment?—Il faut -le dire, dites! dites!</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Peut-être…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Tout de suite?… Oh! Oh! Il faut que je lui -dise…—Mélisande! Mélisande!… Laissez-moi -seul! laissez-moi seul avec elle!…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Non, non, n'approchez pas… Ne la troublez -pas… Ne lui parlez plus… Vous ne savez pas ce -que c'est que l'âme…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>.</div> -<p>Ce n'est pas ma faute, ce n'est pas ma faute!</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Attention… Attention… Il faut parler à voix -basse.—Il ne faut plus l'inquiéter… L'âme -humaine est très silencieuse… L'âme humaine -aime à s'en aller seule… Elle souffre si timidement… -Mais la tristesse, Golaud… mais la tristesse -de tout ce que l'on voit!… Oh! oh! oh!…</p> - -<p class="rdrap"><i>En ce moment, toutes les servantes -tombent subitement à genoux au fond de la chambre.</i></p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>, <i>se retournant.</i></div> -<p>Qu'y a-t-il?</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>, <i>s'approchant du lit et tâtant le corps.</i></div> -<p>Elles ont raison…</p> - -<p class="r"><i>Un long silence.</i></p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Je n'ai rien vu.—Êtes-vous sûr?…</p> - -<div class="p"><small>LE MÉDECIN</small>.</div> -<p>Oui, oui.</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Je n'ai rien entendu… Si vite, si vite… Tout à -coup… Elle s'en va sans rien dire…</p> - -<div class="p"><small>GOLAUD</small>, <i>sanglotant.</i></div> -<p>Oh! oh! oh!…</p> - -<div class="p"><small>ARKEL</small>.</div> -<p>Ne restez pas ici, Golaud… Il lui faut le silence, -maintenant… Venez, venez… C'est terrible, -mais ce n'est pas votre faute… C'était un petit -être si tranquille, si timide et si silencieux… -C'était un pauvre petit être mystérieux, comme -tout le monde… Elle est là, comme si elle était la -grande sœur de son enfant…—Venez; il ne faut -pas que l'enfant reste ici dans cette chambre… -Il faut qu'il vive, maintenant, à sa place… C'est -au tour de la pauvre petite…</p> - -<p class="r"><i>Ils sortent en silence.</i></p> - - -<p class="c gap">FIN.</p> - - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of Project Gutenberg's Pelléas et Mélisande, by Maurice Maeterlinck - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PELLÉAS ET MÉLISANDE *** - -***** This file should be named 61075-h.htm or 61075-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/6/1/0/7/61075/ - -Produced by Laurent Vogel (from images generously made -available by The Internet Archive/American Libraries) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Information about the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. 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