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-Project Gutenberg's L'occasion perdue recouverte, by Pierre Corneille
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-Title: L'occasion perdue recouverte
-
-Author: Pierre Corneille
-
-Editor: Paul Lacroix
-
-Release Date: September 10, 2020 [EBook #63174]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Hans Pieterse and the Online
-Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/Canadian Libraries)
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- Au lecteur.
-
- L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été
- harmonisée, mais quelques erreurs clairement introduites par le
- typographe ou à l'impression ont été corrigées. On trouvera ces
- corrections à la fin du texte.
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-
- L’OCCASION PERDUE
- RECOUVERTE
-
-
- TIRÉ A 320 EXEMPLAIRES, TOUS NUMÉROTÉS, ET SUR
- PAPIER VERGÉ:
-
- 250 FORMAT PETIT IN-12, ET 70 FORMAT IN-8º.
-
-
- _Nº 28_
-
-
- PARIS.--IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.
-
-
-
-
- L’OCCASION PERDUE
-
- RECOUVERTE
-
- PAR PIERRE CORNEILLE
-
-
- NOUVELLE ÉDITION
-
- ACCOMPAGNÉE DE NOTES ET DE COMMENTAIRES
- AVEC LES SOURCES ET LES IMITATIONS QUI ONT ÉTÉ FAITES
- DE CE POEME CÉLÈBRE
- NON RECUEILLI DANS LES ŒUVRES DE L’AUTEUR.
-
-
- PARIS
-
- CHEZ JULES GAY, ÉDITEUR
- QUAI DES AUGUSTINS, 41
-
- 1862
-
-
-
-
- L’OCCASION PERDUE
- RECOUVERTE
-
-
-
-
- STANCES[1]
-
- [1] Ce texte, que nous regardons comme l’original de
- Pierre Corneille, est tiré du _Nouveau Cabinet des Muses,
- ou l’Eslite des plus belles poésies de ce temps_ (Paris,
- veuve Edme Pepingué, 1658, in-12). La pièce se trouve dans
- un cahier imprimé à part vers 1660, et placé à la suite du
- recueil; ce cahier de 50 pages manque dans la plupart des
- exemplaires.
-
-
-I
-
- Un jour, le malheureux Lisandre,
- Poussé d’un amour indiscret,
- Attaquoit Cloris en secret,
- Qui ne pouvoit plus se défendre.
- Tout favorisoit son amour:
- L’astre qui nous donne le jour
- Alloit porter ses feux dans l’onde,
- Et cet ennemy de Cypris
- Ne laissoit de lumière au monde
- Que dans les beaux yeux de Cloris.
-
-
-II
-
- Avec un amoureux silence,
- Dans un secret appartement,
- Elle supporte doucement
- Son amour et sa violence;
- Ses bras qu’elle veut avancer
- Ne servent à le repousser,
- Que pour l’attirer davantage;
- Elle le souffre à ses genoux,
- Et n’a pas presque le courage
- De luy dire: «Que faites-vous?»
-
-
-III
-
- Avec un œil doux et sévère
- Elle envisage son amant,
- Et luy montre confusément
- De l’amour et de la colère.
- «Lysandre, dit-elle tout bas,
- Je crieray, car ne pensez pas
- Que je contente vostre envie;
- Cessez d’attaquer mon honneur,
- Ou commencez d’avoir ma vie,
- Comme vous avez eu mon cœur!»
-
-
-IV
-
- Mais Lisandre, aussi peu timide
- Qu’il estoit beaucoup amoureux,
- Imprime l’ardeur de ses feux
- Sur les bords de sa bouche humide,
- Et glisse sa brûlante main
- Sur la neige de son blanc sein,
- Dont il prétend fondre la glace,
- Et, la tenant entre ses bras,
- Il ose élever son audace
- Sur un lieu plus saint et plus bas.
-
-
-V
-
- Là, sans respect et sans relâche,
- Il cherche l’objet de ses vœux,
- Et trouve ce lieu bien-heureux
- Sous le cotillon qui le cache;
- De ses doigts tremblans et hardis
- Il prend le sombre paradis
- Qui donne l’enfer à nos âmes,
- Ce throsne vivant de l’amour,
- Où, parmy les feux et les flammes,
- L’on n’a jamais trouvé le jour.
-
-
-VI
-
- Attachez bouche contre bouche,
- L’un et l’autre estroitement pris,
- Il esbranla si bien Cloris,
- Qu’il la jetta sur une couche,
- Lorsqu’avecque des yeux roulans,
- Demy-vifs et demy-mourans.
- Elle feignit d’estre pasmée,
- Et, dans un si prompt changement,
- Ne parut plus estre animée
- Que par des soûpirs seulement.
-
-
-VII
-
- A voir sa gorge toute nuë,
- Son corps tout du long estendu,
- L’on sçait bien qu’elle avoit perdu
- Sa pudeur et sa retenuë;
- Que sa constance estoit à bout,
- Que son Lisandre pouvoit tout,
- Qu’elle se fust laissé tout faire;
- Mais, par un accident fascheux,
- Que je dis et qui se doit taire,
- Il ne se passa rien entr’eux.
-
-
-VIII
-
- Près de gouster mille délices,
- Ce triste et mal-heureux amant
- Vid changer son contentement
- En de très-rigoureux supplices:
- Il estoit couché sur Cloris,
- Lorsqu’il demeura tout surpris
- D’une infortune sans seconde,
- Et, pour comble de son ennuy,
- Ce qui donne la vie au monde
- Demeura mort et froid en luy.
-
-
-IX
-
- Ce directeur de la nature,
- Ce principe du mouvement,
- Immobile et sans sentiment,
- Perd sa vigueur et sa figure;
- Lisandre a beau se tourmenter,
- Il a beau le solliciter
- Et luy préparer des amorces,
- Ce lasche qu’il excite en vain,
- Au lieu de reprendre ses forces,
- Pleure mollement sur sa main.
-
-
-X
-
- Dans cette cruelle adventure,
- Triste, désespéré, confus,
- Le pauvre amant ne songe plus
- Qu’à renoncer à sa nature.
- Dans sa furie et ses transports,
- Craignant que, malgré ses efforts,
- On ne l’accuse d’impuissance,
- Appelle d’un air languissant
- Des témoins de son innocence
- Sur le crime auquel il consent.
-
-
-XI
-
- Cependant Cloris, revenuë
- De ce feint assoupissement,
- Porte les deux mains promptement
- Dessus sa cuisse toute nuë.
- Là, par dessein ou par hazard,
- Elle empoigna ce dieu camard,
- Second Priape de la Fable;
- Mais, le sentant froid et rampant,
- Elle pense que c’est un diable
- Sous la figure d’un serpent.
-
-
-XII
-
- Jamais une jeune bergère
- Ne retira si promptement
- Sa main qui trouve innocemment
- Un aspic dessous la fougère.
- Que fit Cloris sa belle main
- De dessus ce membre trop vain
- Qu’elle toucha dessous sa robe,
- Lorsqu’avec un juste dépit
- Elle se lève et se dérobe
- Des bras de Lisandre et du lit.
-
-
-XIII
-
- Dans la colère qui l’emporte
- Elle pousse ce pauvre amant.
- Et sans l’écouter seulement,
- Se dispose à gagner la porte,
- Lorsque Lisandre, à ses genoux,
- Luy dit: «Cloris, que faites-vous?
- Tout du moins escoutez mes plaintes.
- Et regardez dans mon malheur
- Toutes les plus vives atteintes
- De l’amour et de la douleur.
-
-
-XIV
-
- «Ma chère Cloris, je vous aime
- Plus que les délices des cieux,
- Plus que les hommes et les dieux,
- Et mille fois plus que moy-mesme;
- Je brusle d’une vive ardeur,
- Et cette nouvelle froideur
- Ne vous doit pas sembler estrange:
- Je sçay bien comme il faut aimer;
- Mais, pour m’oster des bras d’un ange,
- Un diable est venu me charmer.
-
-
-XV
-
- «Quelque ennemy de la Nature
- Trouble mes sens et ma raison,
- Et de son funeste poison
- Souille une flamme toute pure;
- Peut-estre sont-ce aussi les dieux
- Qui, se voyans moins glorieux,
- M’ont voulu rendre misérable:
- Mais, que dis-je? ils sont innocens;
- Cloris, elle seule, est coupable.
- Elle seule a charmé mes sens.
-
-
-XVI
-
- «C’est sa beauté qui, dans mon âme,
- A joint le respect à l’amour;
- C’est son œil plus beau que le jour
- Qui fait croistre et mourir ma flamme;
- Heureux dans ma captivité,
- Je n’osois avec liberté
- Jouir d’une grâce imprévuë.
- Et de tous mes sens transportez
- Je n’ay réservé que la veuë
- Pour admirer tant de beautez.
-
-
-XVII
-
- «Quoy qu’il en soit, mon adorable,
- Avant que vous quittiez ces lieux
- Souffrez que je perce à vos yeux
- Un cœur fidèle et misérable,
- Afin que j’expie en mourant
- Un crime si noir et si grand,
- Qu’il choque la Nature mesme,
- Et que, pour venger vos appas,
- Ma mort vous tesmoigne que j’aime,
- Puisque ma vie ne le fait pas.»
-
-
-XVIII
-
- Il alloit parler davantage
- Pour exprimer son désespoir,
- Et peut-estre qu’il eût fait voir
- Des sanglans effets de sa rage,
- Lorsque, l’arrestant par le bras,
- Cloris luy dit: «Ne parlez pas!
- J’entends quelqu’un qui se promène,
- Et je vois avecque grand bruit
- Resplendir la chambre prochaine
- De la lumière de la nuit!»
-
-
-XIX
-
- Soudain une voix entenduë
- Redoubla son estonnement,
- Et luy fit dire promptement:
- «Cher Lisandre, je suis perduë!
- Ha! cessez de me retenir;
- C’est mon mary qui va venir!
- Je l’entends, il est à la porte;
- Il faut toujours craindre un jaloux.
- Et, vous, dont la vigueur est morte,
- Comment luy résisterez-vous?»
-
-
-XX
-
- Lors cette belle, transportée
- D’amour, de crainte et de soucy,
- Mena nostre amoureux transi
- Près d’une fenestre escartée,
- Et, sans beaucoup de compliment,
- Il se glissa légèrement
- Et descendit dedans la ruë,
- Où, pressé d’un mortel ennuy,
- Il fit longtemps le pied de gruë,
- Et puis se retira chez luy.
-
-
-XXI
-
- Frappé de la funeste envie
- Qui fait la honte et le remords.
- Il souffrit mille fois la mort
- Du dernier malheur de sa vie.
- Quoy qu’alors les jours fussent grands,
- Cette nuit luy dura mille ans;
- Il ne pust fermer la paupière;
- Sur le poinct du jour seulement,
- Honteux de revoir la lumière,
- Il les ferma pour un moment.
-
-
-XXII
-
- Le Soleil, qui chasse les ombres
- Et l’espouvantement des nuits,
- Loin de dissiper ses ennuis,
- Les rendit plus noirs et plus sombres;
- Quand il vit ce père du jour,
- Il crut, par un excez d’amour,
- Voir de Cloris la vive image;
- Mais il connut dans un moment,
- Comme Ixion dans un nuage,
- Que son amour n’estoit que vent.
-
-
-XXIII
-
- Après mille secrettes gesnes,
- Cet amant, par un digne effort,
- Résolut de chercher la mort
- Ou bien le remède à ses peines.
- «Ha! je ne crains plus mon malheur!
- Je mourray, dit-il, de douleur,
- Ou je répareray ma gloire;
- Et, quoy qu’il en soit, dans ce jour,
- Je remporteray la victoire
- De la mort ou bien de l’amour.»
-
-
-XXIV
-
- Le bouillant désir qui le presse
- Fait que d’abord après disner
- Il sort et se va promener
- Près le logis de sa maistresse;
- A peine y fut-il un moment,
- Qu’il en vit sortir Dorimant,
- Le vieil mary de cette belle.
- Et, se glissant dans la maison,
- Il alla chercher auprès d’elle
- Ou sa mort ou sa guérison.
-
-
-XXV
-
- Par une secrette avenuë,
- Il fut dans son appartement,
- Et la trouva nonchalamment
- Dormant sur son lit estenduë:
- Mais, dieux! que devint-il alors?
- En approchant de ce beau corps,
- Il eut des mouvemens estranges.
- Lorsqu’une cuisse à descouvert
- Luy fit voir le bon-heur des Anges
- Et le ciel de l’Amour ouvert.
-
-
-XXVI
-
- Dans cette agréable surprise
- Où Cloris n’avoit pas songé,
- Elle avoit assez mal rangé
- Son cotillon et sa chemise;
- Lisandre aussi, trop curieux,
- Vid lors les délices des dieux,
- La peine et le plaisir des hommes,
- Nostre tombe et nostre berceau.
- Ce qui nous fait ce que nous sommes
- Et ce qui nous brusle dans l’eau.
-
-
-XXVII
-
- Petit thrésor de la Nature,
- Estroite et charmante prison,
- Doux tyran de nostre raison,
- Fixe et mouvante sépulture,
- Autel que l’on sert à genoux.
- Dont l’offrande est le sang de tous.
- Sangsuë avide et libérale,
- Roy de la honte et de l’honneur,
- Permettez que ma plume estale
- Ce que Lisandre eut de bon-heur.
-
-
-XXVIII
-
- Beau composé, belle partie,
- Je sçay bien que, lorsqu’il vous vit,
- Il n’observa dessus ce lit
- Ny l’honneur ny la modestie;
- Mais d’amour et de charité
- Il couvrit vostre nudité,
- Pour faire évaporer sa flamme.
- Et savoura tous les plaisirs
- Que le corps fait sentir à l’âme
- Dans le transport de nos désirs.
-
-
-XXIX
-
- Ce beau dédale qu’il contemple
- Avec des yeux estincelans
- Fait naistre et couler dans ses sens
- Une ardeur qui n’a point d’exemple.
- Le feu dont il se sent brusler
- Le consomme, et, pour se montrer,
- Gagne son cœur et son visage,
- Et ce lasche de l’autre jour,
- Se roidissant d’un fier courage,
- Escume le feu de l’amour.
-
-
-XXX
-
- Plein d’ardeur, d’audace et de joye
- De remporter un si beau prix,
- Le galand sauta sur Cloris,
- Comme un faucon dessus sa proye,
- Quand cette belle, ouvrant les yeux,
- Vid Lisandre, victorieux,
- Forçant ses défences secrettes,
- Et, la tenant par les deux bras,
- Entrer, bouffi de ses conquestes,
- En un lieu qu’on ne nomme pas.
-
-
-XXXI
-
- Tandis que Cloris se tourmente
- Par de doux et puissans efforts,
- Et qu’elle agite tout son corps,
- Pour sauver sa vertu mourante;
- Son heureux Lisandre aux abois
- Roule les yeux et perd la voix;
- L’amour fait escouler son âme.
- Elle est toute preste à partir;
- Il s’estend, il dort, il se pasme,
- Et ne sent rien, pour trop sentir.
-
-
-XXXII
-
- D’abord que son âme ravie
- De l’excez d’un plaisir si grand
- Eut par un soupir tout brûlant
- Donné des signes de sa vie,
- Cloris avec sa belle main
- Osta la bouche de son sein
- Où son amant l’avoit collée,
- Et se deschargeant peu à peu,
- Honteuse de se voir moüillée,
- Essuya l’eau qui vient du feu.
-
-
-XXXIII
-
- Après une colère feinte,
- De tout ce qui s’estoit passé,
- Un reste d’honneur offensé
- Fit ouvrir la bouche à la plainte:
- «Ha! dit-elle, c’est fait de moy;
- J’ay faussé l’honneur et la foy;
- Vous me perdez, cruel Lisandre!
- Faut-il que, malgré mon devoir,
- J’aye en un moment laissé prendre
- Ce qu’on ne peut jamais r’avoir!
-
-
-XXXIV
-
- «Mais, si pour une faute extrême
- On peut trouver quelque couleur,
- Je puis dire dans mon malheur
- Que j’ay failly parce que j’aime.
- Amour, ce maistre impérieux
- Force les hommes et les dieux,
- Et brusle les poissons dans l’onde;
- Nul ne peut éviter ses coups,
- Et, puisque tout aime en ce monde,
- Je peux brusler d’amour pour vous.
-
-
-XXXV
-
- «C’est avec raison que mon âme
- Reçoit l’amour d’un favory;
- Ces noms de vieux et de mary
- Font l’horreur d’une jeune femme;
- Les maris, ces lasches tyrans,
- Ne se sont faits nos conquérans
- Que contre le droit de Nature,
- Et c’est en pratiquer la loy
- D’aller chercher la nourriture
- Que l’on ne trouve pas chez soy.
-
-
-XXXVI
-
- «Mais ces hommes sont infidèles;
- Leur plus beau feu s’esteint en peu,
- Et de tout l’amour qu’ils ont eu
- Ils n’en réservent que les ailes;
- Esclaves de la liberté,
- Ils font voir leur légèreté
- Dans leur geste ou dans leur langage,
- Et, pour un plaisir indiscret,
- Ces oiseaux, sortans de la cage,
- Vont conter tout ce qu’ils ont fait.
-
-
-XXXVII
-
- «Trop juste et trop aimé Lisandre,
- S’il en estoit ainsi de vous,
- Je percerois de mille coups
- Ce cœur qui s’est laissé surprendre;
- J’ay tout perdu pour vous gagner:
- Voudriez-vous, pour me ruiner,
- Éventer mes secrettes flammes,
- Et tireriez-vous vanité
- De la foiblesse d’une femme
- Et de vostre légèreté?»
-
-
-XXXVIII
-
- «Ha! que plustost la mort m’advienne!»
- Cria Lisandre à ce discours,
- Dont, pour interrompre le cours,
- Il mit sa bouche sur la sienne;
- L’eslevant de terre il la prit
- Et la coucha dessus le lit,
- Où je ne sçay pas ce qu’ils firent;
- Je crois bien qu’ils firent cela,
- Puisque les Amours qui les virent
- M’ont dit que le lit en bransla.
-
-
-XXXIX
-
- Ce fut alors qu’ils se pasmèrent
- De l’excez des contentemens;
- Que cinq ou six fois ces amans
- Moururent et ressuscitèrent;
- Que bouche à bouche et corps à corps,
- Tantost vivans et tantost morts,
- Leurs belles âmes se baisèrent,
- Et que, par d’agréables coups,
- Entr’eux ils se communiquèrent
- Tout ce que l’amour a de doux.
-
-
-XL
-
- Muse, n’eschauffez plus ma veine;
- De grâce, arrestez-vous un peu,
- Ou m’inspirez un autre feu
- Que celuy de vostre fontaine.
- Je ne sçay quoy dedans mon cœur
- Se glisse avec tant de douceur,
- Que je suis forcé de me rendre:
- Ha! Cloris, quand je m’en souviens,
- Je m’imagine estre Lisandre,
- Et me semble que je vous tiens.
-
-
-
-
- VARIANTES
- D’APRÈS LES
- _POÉSIES NOUVELLES ET AUTRES ŒUVRES GALANTES DU SIEUR DE C..._
- (PARIS, THÉODORE GIRARD, 1662, IN-12).
-
-
-Strophe III.
-
- Je va crier! Ne pensez pas...
-
-Strophe V.
-
- Dessous la jupe qui le cache...
- Il prend ce sombre paradis...
- L’on n’a jamais trouvé de jour.
-
-Strophe VII.
-
- Et qu’elle l’eût laissé tout faire.
-
-Strophe VIII.
-
- Et que pour le combler d’ennui.
-
-Strophe IX.
-
- Pleure mollement dans sa main.
-
-La strophe X manque.
-
-Strophe XI.
-
- Ce chaud Priape de la Fable;
- Mais, le trouvant froid et rampant,
- Elle crut que c’étoit un diable...
-
-Strophe XII.
-
- De sur ce membre lâche et vain
- Qu’elle sentit dessous sa robe...
-
-Strophe XIII.
-
- Elle repousse son amant.
-
-Strophe XIV.
-
- Parmi tant d’amour et d’ardeur,
- Cette apparence de froideur...
-
-Strophe XV.
-
- Cloris toute seule est coupable.
-
-Strophe XVII.
-
- Si ma vie ne le fait pas.
-
-Strophe XVIII.
-
- Et quelle vit avec grand bruit
- Porter dans la chambre prochaine
- Les sombres flambeaux de la nuit.
-
-Strophe XIX.
-
- Comment lui résisteriez-vous?
-
-Strophe XX.
-
- Il se guinda légèrement
- Et se laissa choir dans la rue,
- D’où, pressé d’un mortel ennui
- Et de la honte qui le tue,
- Enfin il s’en alla chez lui.
-
-Strophe XXI.
-
- Poussé de la funeste envie
- Que fait la honte et le remords,
- Il souffrit plus de mille morts...
- Il la ferma languissamment.
-
-Strophe XXII.
-
- Comme Ixion sur le nuage.
-
-Strophe XXIII.
-
- De la mort ou bien de l’amour.
-
-Strophe XXIV.
-
- Le brûlant désir qui le presse
- Fait qu’après un léger repas
- Il sort, il adresse ses pas
- Vers le logis de sa maîtresse...
- Et se glissant dans sa maison...
-
-Strophe XXV.
-
- Qu’en approchant de ce beau corps
- Il eut de mouvemens étranges!
-
-Strophe XXVI.
-
- Et ses jupes et sa chemise.
-
-Les deux strophes suivantes ne se trouvent pas dans le texte que nous
-avons choisi comme l’original.
-
- Aimant de la Nature humaine,
- Bijou chatouilleux et cuisant,
- Précipice affreux et plaisant,
- Cruel repos, aimable peine.
- Remède et poison de l’amour,
- Bûcher ardent, humide four
- Où les hommes se doivent cuire,
- Jardin d’épines et de fleurs,
- Sombre fanal qui fait reluire
- Nos fortunes et nos malheurs;
-
- Nid branlant qui nous sers de mue,
- Asile où l’on est en danger,
- Raccoursi qui fais allonger
- La chose la moins étendue.
- Fort qui se donne et qui se prend.
- Œil couvert qui ris en pleurant,
- Bel or, beau corail, belle ivoire.
- Doux canal de vie et de mort
- Où, pour acquérir de la gloire.
- L’on fait naufrage dans le port.
-
-Strophe XXVII.
-
- Vivifiante sépulture.
-
-Strophe XXVIII.
-
- Mû d’amour et de charité.
-
-Strophe XXIX.
-
- Ce feu qui consume son cœur
- Porte partout sa vive ardeur,
- Éclate enfin sur son visage.
-
-Strophe XXX.
-
- Forcer les défenses secrètes...
- Entrer, tout fier de ses conquêtes...
-
-La strophe XXXII manque tout entière.
-
-Strophe XXXIII.
-
- Porta Cloris à cette plainte.
-
-Strophe XXXIV.
-
- Brûle jusqu’aux poissons dans l’onde...
- Je ne veux rien aimer que vous.
-
-Strophe XXXVI.
-
- Mais les hommes sont infidèles,
- Ils n’aiment jamais plus d’un jour,
- Et souvent de tout leur amour
- Ils ne retiennent que les ailes...
-
-Strophe XXXVIII.
-
- Mais secrètement l’on m’a dit
- Que tous les Amours qui les virent
- Sourioient de ce qui s’y fit.
-
-Strophe XXXIX.
-
- Et que plusieurs fois ces amants...
- Leurs beaux corps se communiquèrent...
-
-
-
-
- DOCUMENTS ET DISSERTATIONS
- SUR
- _L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE_
-
-
- EXTRAIT
-
- Du _Carpenteriana, ou Recueil des pensées historiques, critiques,
- morales, et de bons mots de M. Charpentier, de l’Académie
- françoise_ (publié par Boscheron). Paris, J. Fr. Morisset, 1724,
- in-8, p. 284.
-
-M. Corneille l’aîné est auteur de la pièce intitulée: _L’Occasion
-perdue et recouvrée_. Cette pièce étant parvenue jusqu’à M. le
-chancelier Séguier, il envoya chercher M. Corneille et lui dit que
-cette pièce ayant porté scandale dans le public et lui ayant acquis
-la réputation d’un homme débauché, il falloit qu’il lui fît connoître
-que cela n’étoit pas, en venant à confesse avec lui; il l’avertit du
-jour. M. Corneille ne pouvant refuser cette satisfaction au chancelier,
-il fut à confesse avec lui, au P. Paulin, petit père de Nazareth, en
-faveur duquel M. Séguier s’est rendu fondateur du couvent de Nazareth.
-M. Corneille s’étant confessé au révérend père d’avoir fait des vers
-lubriques, il lui ordonna, par forme de pénitence, de traduire en vers
-le premier livre de l’_Imitation de J. C._; ce qu’il fit. Ce premier
-livre fut trouvé si beau, que M. Corneille m’a dit qu’il avoit été
-réimprimé jusqu’à trente-deux fois. La reine, après l’avoir lu, pria
-M. Corneille de lui traduire le second; et nous devons à une grosse
-maladie dont il fut attaqué, la traduction du troisième livre, qu’il
-fit après s’en être heureusement tiré.
-
-
- EXTRAIT
-
- Des _Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts_.
- Trévoux, décemb. 1724, p. in-12, p. 2272-76.
-
-Le _Carpenteriana_, en attaquant la mémoire du grand Corneille, a
-réveillé le zèle et l’équité de plusieurs personnes qui ne peuvent,
-sans horreur, voir déchirer la réputation des morts, par des faits dont
-il n’a été fait nulle mention pendant leur vie. Voici un Mémoire qui
-vengera M. Corneille et satisfera les gens équitables; il vient d’un
-homme de lettres fort estimé d’un grand prince.
-
-Dans le _Carpenteriana_, il s’est glissé trois faussetés criantes, à
-l’article où il est parlé du grand Corneille: 1º on lui attribue une
-pièce infâme, intitulée: _l’Occasion perdue recouverte_; 2º on prétend
-que le feu chancelier Séguier, après lui avoir parlé très-fortement
-au sujet de cette pièce, sans lui donner le temps de se reconnaître,
-l’amena aux Petits-Pères et l’obligea de se confesser à son confesseur
-(de lui, chancelier); 3º on veut que ce confesseur lui ait imposé pour
-pénitence de traduire l’_Imitation de Jésus-Christ_ en vers. Autant
-de mots, autant de faussetés: 1º _L’Occasion perdue recouverte_ ne
-fut jamais du grand Corneille: elle est d’un M. de Cantenac, poëte
-de cour, dont les œuvres, qui font un petit in-12, furent imprimées
-en 1661 et encore en 1665, chez Théodore Girard, marchand libraire à
-la grand’salle du Palais; elles sont divisées en trois parties: la
-première contient les Poésies nouvelles et galantes; la seconde, les
-Poésies morales et chrétiennes; la troisième, les Lettres choisies,
-galantes du sieur de Cantenac. Cela faisoit un recueil assez bizarre.
-C’est au bout des Poésies nouvelles et galantes que se trouvoit cette
-scandaleuse pièce. Dès qu’elle parut, M. le premier président de
-Lamoignon, bien averti, envoya quérir Théodore Girard, et lui ordonna
-d’ôter cette pièce de tous les exemplaires qui lui restoient, et
-par bonheur il lui en restoit la plus grande partie. Il fut obéi.
-Théodore Girard aima mieux mécontenter l’auteur et les acheteurs que
-de s’exposer au juste ressentiment d’un premier président. Il échappa
-pourtant quelques exemplaires de cette pièce, qui ne parurent qu’après
-la mort de ce grand magistrat. Et c’est un de ces exemplaires, relié
-au bout de la seconde édition, que Théodore Girard me vendit comme
-une chose rare et précieuse. Dans cette seconde édition, la pièce
-fut entièrement supprimée, sans qu’il restât même aucun vestige de
-la suppression ou du retranchement. Au bas de la dernière page de
-_l’Occasion perdue et recouverte_, on voit imprimé: _Fin des Poésies
-nouvelles et galantes du sieur de Cantenac_. Il est vrai que le nom
-n’est pas tout au long et qu’il n’y a que: _Fin des Poës. nouv. et gal.
-du Sr. de C._, mais Théodore Girard, qui étoit de mes amis et nullement
-menteur, m’a plusieurs fois assuré que ce C. signifioit le sieur de
-Cantenac, et il n’est pas possible d’en douter. Il connoissoit bien
-l’auteur. Il dit, dans un Avertissement au lecteur, que l’auteur est
-son ami. L’auteur lui avoit cédé son privilége, et ainsi il est clair
-qu’il le connoissoit, et il n’avoit nul sujet de nommer le sieur de
-Cantenac pour un autre. Mais si, outre ce témoignage donné de vive voix
-par Théodore Girard, on veut une preuve par écrit, on trouvera dans _le
-Livre des libraires_ le privilége pour les Œuvres du sieur de Cantenac,
-enregistré le 30 septembre 1661 par Dubray, syndic, et le nom du sieur
-de Cantenac s’y trouvera tout au long, J’ai voulu mettre ce fait hors
-de doute, et c’est pour cela que j’en ai rapporté jusqu’aux moindres
-circonstances. Puisqu’il est donc certain que ce n’est point M. de
-Corneille, mais M. de Cantenac qui est l’auteur de _l’Occasion perdue
-recouverte_, on voit ce qu’on a à en penser des deux autres points, qui
-ne peuvent être vrais, si le premier raconté dans le _Carpenteriana_
-est faux. Outre que ces deux points ont leurs marques de fausseté
-propres et indépendantes de celle du premier point, c’est avec plaisir
-que je fournis au public des armes contre les faux accusateurs du grand
-Corneille.
-
-
- EXTRAIT
-
- Des _Mélanges historiques et philologiques_, par M. Michaud,
- avocat au parlement de Dijon. Paris, N. Tilliard, 1754, 2 vol.
- in-12, tome Ier, p. 47-72.
-
-
- LETTRE SUR LE VÉRITABLE AUTEUR DU POËME INTITULÉ _L’OCCASION PERDUE
- ET RECOUVRÉE_.
-
-Vous sçavés, Monsieur, que, dans le _Carpenteriana_[2], on attribuë
-à Pierre Corneille une pièce qui a pour titre: _L’Occasion perduë et
-recouvrée_.
-
- [2] Page 284.
-
-«Cet ouvrage, dit-on, étant parvenu jusqu’à M. le chancelier Séguier,
-il envoya chercher M. Corneille, et l’avertit que ces vers ayant porté
-scandale dans le public, et lui ayant acquis la réputation d’un homme
-débauché, il falloit qu’il lui fit connoître que cela n’étoit pas,
-en venant à confesse avec lui: le jour fut indiqué. M. Corneille ne
-pouvant refuser cette satisfaction au chancelier, il fut à confesse
-avec lui au P. Paulin, petit-père de Nazareth, en faveur duquel M.
-Séguier s’est rendu fondateur du couvent de Nazareth. M. Corneille
-s’étant confessé au R. P. d’avoir fait des vers lubriques, il lui
-ordonna, par forme de pénitence, de traduire en vers le premier livre
-de l’_Imitation de Jésus-Christ_, ce qu’il fit. Ce premier livre fut
-trouvé si beau, que M. Corneille m’a dit qu’il avoit été réimprimé
-jusqu’à trente-deux fois[3]. La reine, après l’avoir lu, pria M.
-Corneille de lui traduire le second, et nous devons à une grosse
-maladie dont il fut attaqué la traduction du troisième livre, qu’il fit
-après s’en être heureusement tiré.»
-
- [3] Un historien moderne prétend qu’il est aussi difficile
- de le croire, que de lire ce livre une seule fois. Voyez
- l’_Histoire du Siècle de Louis XIV_, t. II, chap. des
- Écrivains, art. _Corneille (Pierre)_. On juge aujourd’hui
- des ouvrages, d’une manière épigrammatique. Cette sorte de
- critique est singulièrement remarquable dans la Méthode pour
- l’histoire, etc.
-
-Cette anecdote étoit trop injurieuse à la mémoire du grand Corneille;
-aussi, vit-on bientôt paroître un petit Mémoire qui tend à détruire
-absolument ce qu’on fait dire à Charpentier. L’anonyme qui venge
-Corneille[4] de cette fausse imputation nous apprend que l’_Occasion
-perduë-recouvrée_ est d’un certain _Cantenac_, poëte de cour, dont les
-poësies furent imprimées en 1662 et 1665, chez Théodore Girard[5],
-marchand libraire, au Palais. Dès que cette pièce scandaleuse qui
-faisoit partie des œuvres de Cantenac vit le jour, «M. le président
-de Lamoignon envoya quérir Théodore Girard, et lui ordonna de l’ôter
-de tous les exemplaires qui lui restoient; et par bonheur, il lui en
-restoit la plus grande partie.»
-
- [4] Voy. les _Mémoires de Trévoux_, décembre 1724, p. 2272 et
- le P. Niceron, t. XV de ses _Mémoires_, p. 379.
-
- [5] Le privilége est du 19 septembre 1661; il fut enregistré
- sur le Livre des libraires le 30 du même mois; l’ouvrage fut
- achevé d’imprimer le 16 novembre 1661. Le frontispice porte
- cependant 1662.
-
-Il s’en échappa cependant quelques-uns, qui ne parurent qu’après la
-mort de ce magistrat. Quant à la seconde édition, cette pièce y fut
-omise entièrement.
-
-Ce qui peut avoir trompé quelques personnes au sujet de ce poëme, c’est
-qu’on lit à la fin ces mots: _Fin des poësies nouvelles et galantes du
-sieur de C._, et qu’elles ont cru que cette lettre initiale signifioit
-Corneille; mais le nom de Cantenac, mis tout au long dans le privilége,
-suffiroit pour montrer qu’elles se trompent, quand on n’auroit pas le
-témoignage du libraire, qui a plusieurs fois assuré que l’ouvrage étoit
-du sieur de Cantenac.
-
-Les œuvres de Cantenac parurent d’abord en 1662; elles sont divisées
-en trois parties: 1º les Poësies nouvelles et galantes; 2º les Poësies
-morales et chrétiennes; 3º les Lettres choisies et galantes[6]. Ce
-fut à la fin de la première partie, après la 102 page, qu’on plaça
-_l’Occasion perduë-recouvrée_, poëme composé de 40 stances. C’est
-un cahier postiche de quatorze pages et dont les chiffres ne se
-rapportent point au corps du recueil; ce qui me fait croire que le
-libraire n’avoit pas inséré cette pièce dans tous les exemplaires, et
-qu’il ne la livroit qu’à ceux auxquels il croyoit pouvoir se fier. Ma
-conjecture est appuyée par un trait que rapporte le défenseur anonyme
-de Corneille. Il dit que le libraire Théodore Girard lui vendit un
-de ces exemplaires détachés, comme une chose rare et précieuse, et
-qu’il le fit relier à la fin de l’édition de 1665, où ces stances
-ont été entièrement retranchées, quoiqu’il y ait des augmentations
-considérables dans cette seconde édition.
-
- [6] Ce recueil forme un in-12 de 253 pages.
-
-Théodore Girard avoit bien senti que ce poëme devoit révolter un grand
-nombre de lecteurs: aussi, eut-il soin d’avertir[7] qu’on l’avoit
-glissé malgré lui dans le recueil qu’il publioit; mais qu’un galant
-homme, ami de l’auteur, s’en étant rendu le maître, l’avoit forcé de
-le mettre au jour, et que Cantenac, l’ayant autrefois composé pour se
-venger d’une dame qui l’avoit désobligé, ne trouveroit pas mauvais
-lui-même qu’on rendît sa vengeance publique: Théodore Girard dit enfin
-qu’il a jugé à propos de se justifier à cet égard pour se mettre à
-couvert du blâme et prévenir les reproches qu’on pourroit lui en faire
-un jour.
-
- [7] Page 12 de son _Avis au lecteur_.
-
-Voilà, Monsieur, une histoire détaillée dans toutes ses circonstances,
-et qui paroît, je vous l’avoue, assés vraisemblable au lecteur. Mais,
-après tout, l’apologiste anonyme de Corneille pose un fait que le
-lecteur peut encore révoquer en doute. Je veux bien croire que c’est
-une personne digne de foi, et même respectable dans la république
-des lettres. Cependant n’est-on pas toujours en droit de suspecter
-le témoignage d’un historien caché, qui raconte un fait destitué de
-preuves et d’autorités? D’ailleurs, on peut objecter que Charpentier
-n’est pas le seul qui ait pris Corneille pour l’auteur de _l’Occasion
-perduë-recouvrée_[8], et que plusieurs autres sçavans ont eu la même
-opinion. Je sçais que M. de la Monnoye, ce fin et judicieux critique,
-qui étoit le mieux au fait des petites aventures du pays littéraire,
-écrivoit un jour à M. l’abbé Papillon[9] que l’auteur de cette
-pièce étoit celui du _Cid_, des _Horaces_, de _Cinna_. «Corneille
-eut beau tenir, dit-il, la chose secrette; M. le chancelier Séguier,
-protecteur alors de l’Académie, ayant sçû de qui estoient ces stances
-peu édifiantes, qui couroient partout, en fit une douce réprimande
-au poëte, et lui dit qu’il le vouloit mener à confesse.» Le reste du
-conte ressemble parfaitement au passage tiré du _Carpenteriana_. Ainsi,
-Monsieur, vous voyés que ce bruit avoit pris un air de vérité parmi les
-beaux-esprits et les sçavans. Mais examinons sur quel fondement cette
-opinion a pu s’établir.
-
- [8] Le compilateur des _Anecdotes littéraires_ a copié le
- passage du _Carpenteriana_ (tome II, page 2), et donne aussi
- à Corneille ce petit poëme.
-
- [9] Le 6 octobre 1715, neuf ans avant l’impression du
- _Carpenteriana_.
-
-Quelque peu disposé que je sois à donner de grands éloges au poëme
-de _l’Occasion perduë-recouvrée_, j’avoue cependant que cette pièce
-comporte du génie, du feu et de l’expression, et qu’on y trouve
-quelques endroits assez bien tournés: il n’en falloit pas moins pour
-que Corneille fût soupçonné d’en être l’auteur. En effet, tout le monde
-sçait qu’après avoir été multipliée par les copies manuscrites qu’on en
-tira, elle fut réimprimée dans plusieurs recueils, mais toujours dans
-ces ramas d’ouvrages proscrits qui sortent furtivement d’une presse
-inconnuë, et qui n’ont souvent pour tout mérite que le papier et le
-caractère de Pierre Marteau[10]. Ces stances furent si généralement
-recherchées, je dirais presque si fort estimées, qu’on en fit
-plusieurs traductions en différentes langues. J’en ai vu une latine, et
-l’on m’a assuré que le savant Paul Dumay s’était amusé à les tourner
-en bourguignon. Ajoutés encore qu’elles furent mises en chanson, et
-acquirent par ce moyen une plus grande publicité.
-
- [10] _L’Occasion perduë-recouvrée_ commence le recueil
- intitulé: _L’Élite des poésies héroïques et gaillardes de ce
- temps, augmentées de nouveau_, in-12 de 94 pages, sans nom de
- ville et d’imprimeur. Cette pièce se trouve aussi à la tête
- du _Recueil des pièces du temps, ou Divertissement curieux_.
- La Haye, Jean Strik, 1685, in-12.
-
-Ces stances ont donc été assés fameuses pour être attribuées au grand
-Corneille: en effet, pouvoit-on deviner que des vers dont on avoit été
-si curieux, qu’on avoit lus et qu’on lisoit encore partout avec tant
-de plaisir, fussent d’un certain _Cantenac_, poëte presque absolument
-inconnu? On eut bien plus tôt fait de les mettre sur le compte du
-meilleur poëte du siècle dans lequel elles avoient été composées, tant
-on est porté à faire valoir la poésie libertine! Je m’imagine, mais je
-ne sçais si on prendra ceci pour un paradoxe, que le sujet de l’ouvrage
-en a fait toute la réputation, et que les seuls traits lascifs de ce
-tableau l’ont sauvé de l’oubli, où sont déjà tombés des ouvrages sans
-doute beaucoup meilleurs. Quelques beautés, quelques agrémens poëtiques
-qu’on suppose dans cette pièce, il seroit ridicule d’avancer que la
-fiction et les vers en font tout le mérite. Je suis persuadé qu’il
-a paru dans le même temps des petits poëmes aussi bien versifiés et
-d’une invention plus riche, dont la mémoire s’est néanmoins totalement
-perduë. Allons donc plus loin, et cherchons la véritable raison pour
-laquelle _l’Occasion perduë-recouvrée_ fut si fort en vogue. Le
-dirai-je, Monsieur, une catastrophe, singulière en son espèce, embellie
-par les charmes d’une poésie licentieuse, c’en fut assez pour mettre
-ces vers à la mode, pour leur attirer des loüanges et leur mériter une
-curieuse attention de la part du public.
-
-Combien voyons-nous encore aujourd’hui d’ouvrages qui ne réussissent
-que par les sujets libres qu’on y traite, les expressions lascives
-qu’on y emploie et les termes libertins dont on les remplit! Toutefois,
-le mauvais goût et la corruption du siècle ont mis en faveur ces fades
-et misérables historiettes où triomphe la plus grossière liberté, et
-quelquefois l’irréligion la plus marquée. Ce qui a fait peut-être aussi
-présumer que Corneille avoit composé ces stances, c’est l’art ingénieux
-et l’élévation de sentiment qu’on trouve dans les intrigues de ses
-poëmes dramatiques. La grande idée qu’on s’étoit formée de _l’Occasion
-perduë-recouvrée_ a fait illusion et a fixé trop indiscrètement le
-soupçon sur le grand Corneille; mais avec quelque noblesse et quelque
-art que Corneille ait traité l’amour, je ne vois pas qu’il soit jamais
-échapé à sa plume aucun ouvrage où règnent une liberté condamnable et
-un esprit de débauche. «Son tempérament, dit M. de Fontenelle[11],
-le portoit assés à l’amour, mais jamais au libertinage, et rarement
-aux grands attachemens.» D’ailleurs, lorsque ces stances parurent,
-Corneille avait cinquante-quatre ans et courait une carrière trop
-belle pour s’être oublié jusqu’au point de risquer sa réputation par
-des vers infâmes, dignes de l’horreur des honnêtes gens, et qui, selon
-moi, n’ont jamais mérité d’être si applaudis. Mais si Corneille est
-véritablement auteur de ces stances, pourquoi ne lui en a-t-on jamais
-fait de reproches? L’envie et la satyre l’eussent-elles épargné dans
-cette occasion? Il est bien étonnant que pendant sa vie on ait tenu un
-profond silence sur une production aussi scandaleuse, et qu’on n’ait
-fait cette fable qu’après sa mort. Un pareil fait, j’ose le dire, ne
-doit être cru que sur des preuves démonstratives; il devient même
-suspect et douteux, pour avoir seulement eu place dans ces mémoires
-hasardés qui portent le titre d’_Ana_.
-
- [11] Voyez l’_Histoire de l’Académie françoise_, par M.
- l’abbé d’Olivet, t. II, p. 235, édit. in-12.
-
-Je ne m’arrêterai pas ici à réfuter sérieusement le sentiment de ceux
-qui prétendent que Corneille traduisit l’_Imitation de Jésus-Christ_
-pour effacer le scandale qu’il avoit donné par les stances de
-l’_Occasion perduë-recouvrée_. C’est un mensonge grossièrement inventé
-qui ne mérite pas qu’on emploie à le détruire une longue suite de
-raisonnemens. Personne n’ignore que l’_Imitation_ traduite en vers
-françois parut plus de dix ans avant _l’Occasion perduë-recouvrée_,
-puisque Corneille publia le premier livre de ce bel ouvrage en 1651,
-et que les œuvres de Cantenac, avec les stances libertines, ne furent
-imprimées pour la première fois qu’en 1662. Il s’ensuivroit donc que la
-pénitence auroit précédé le péché, et que Corneille auroit donné des
-marques autentiques de son repentir pour une faute qu’il ne devoit
-commettre que dix ans après.
-
-D’ailleurs, un grand poëte de nos jours, le fils du fameux Racine,
-m’apprend[12] le véritable motif qui engagea Corneille à traduire
-l’_Imitation de Jésus-Christ_:
-
- Couronné par les mains d’Auguste et d’Émilie,
- A côté d’Akempis Corneille s’humilie.
-
- [12] Voyez sa _Réponse à l’épître de Rousseau contre les
- esprits-forts_.
-
-Rapportons ici la remarque que l’auteur a faite sur ces deux vers.
-«Corneille, dit-il, paroît lui-même avoir voulu s’humilier, puisqu’il
-dit au pape dans son Épître dédicatoire: «La traduction que j’ai
-choisie, par la simplicité de son style, ferme la porte aux plus beaux
-ornemens de la poésie, et bien loin d’augmenter ma réputation, semble
-sacrifier à la gloire du souverain auteur tout ce que j’en ai pu
-acquérir en ce genre d’écrire.» Corneille, comme vous voyez, Monsieur,
-dit expressement qu’il a choisi sa matière, et non pas que ce sujet lui
-a été, par un confesseur, imposé pour la rémission d’un péché public:
-si ce travail fut difficile et pénible, c’est le poëte lui-même qui
-s’y condamna; personne ne l’y avoit forcé: ses propres termes marquent
-suffisamment la liberté de son choix.
-
-Cependant, si l’on prétend que Corneille a voulu, par cette traduction,
-réparer les licences d’une muse profane, sans lui supposer un ouvrage
-aussi pernicieux qu’est _l’Occasion perduë-recouvrée_, n’étoit-ce
-donc pas assés pour lui de réfléchir chrétiennement sur l’état
-brillant où il avoit mis le théâtre français, pour s’en faire un
-sujet de pénitence et s’imposer à lui-même le travail d’un ouvrage
-édifiant? N’a-t-il pu s’occuper des louanges de Dieu, qu’après avoir
-souillé sa lyre par des chansons criminelles? Allons par des voies
-plus simples, et n’attribuons qu’à la piété seule du grand Corneille
-ce qu’on prend pour un effet de son obéissance aux ordres d’un sage
-directeur pour l’expiation d’un scandale public. Des Marets, Thomas
-Ineslerus, Alexandre Sylvestre, du Quesnay de Bois-Guibert, et tant
-d’autres poëtes qui ont traduit l’_Imitation de Jésus-Christ_ en vers
-et en différentes langues, étoient-ils des pécheurs scandaleux, et les
-a-t-on soupçonnés d’avoir composé les pièces libertines qui, de leur
-temps, avoient paru sans nom d’auteur? C’est donc un conte assés mal
-inventé, que tout ce qu’on a dit de Corneille par rapport à _l’Occasion
-perduë-recouvrée_, et il paroît certain au contraire que Cantenac est
-auteur de cette pièce. J’espère que quelques nouvelles réflexions que
-je vais faire à ce sujet achèveront de vous convaincre de cette vérité:
-
-1º Je me crois en état de prouver que Cantenac étoit un poëte qui
-ne manquoit pas tout à fait d’imagination, et qui quelquefois même
-tournoit assés bien un vers. Il n’est donc pas impossible qu’il soit
-l’auteur des stances qui se trouvent dans le recueil de ses poësies.
-
-2º On reconnoît dans les œuvres de Cantenac un poëte libertin, toujours
-échauffé des feux de l’amour: par conséquent, il est plus juste de lui
-attribuer le poëme de _l’Occasion perduë-recouvrée_, qu’il a avoué, en
-quelque sorte, en permettant qu’on le joignît à ses autres ouvrages,
-qu’au grand Corneille, à qui, comme on l’a déjà remarqué, on n’a osé
-prêter cette production licentieuse qu’après sa mort, et encore dans un
-_Ana_.
-
-Cantenac florissoit dans un temps où les portraits étoient fort à la
-mode[13]. Il eut bientôt le pinceau à la main. Ramassons ici quelques
-traits du tableau qu’il a tracé lui-même de ses mœurs, de son esprit,
-de son goût, etc. Je pense que vous y reconnoîtrés sans peine l’auteur
-de _l’Occasion perduë-recouvrée_; du moins, je m’assure bien que sa
-naïveté ne vous déplaira pas. Comme ce poëte est un auteur assez
-obscur, j’entrerai aussi dans un détail un peu étendu touchant sa
-personne.
-
- [13] Charles de Sercy et Claude Barbin en imprimèrent un gros
- recueil en 2 vol. in-8, _Paris_, 1669.
-
- «Je suis, dit-il[14], d’une taille fort médiocre, et il est
- assés rare de voir des hommes plus petits que moi. J’ai cela de
- commun avec les nains, que si l’on ne voyoit que ma tête, l’on me
- jugeroit un fort grand homme. J’ai le visage assez plein, mais
- un peu ovale; les yeux bruns et assez grands: ils ne manquent
- pas de feu et parlent souvent plus que je ne voudrois. Mon nez
- n’est ni grand, ni petit; ma bouche est petite, et mes lèvres
- sont assés vermeilles. J’ai la voix mauvaise et discordante. Je
- ne manque point de disposition pour les exercices du corps. Je
- suis d’une constitution si robuste, que je ne me souviens pas
- d’avoir été malade, sinon de quelques accidens. Les voyages que
- j’ai faits depuis quatorze ou quinze ans, et les fatigues que
- j’ai souffertes, ont peut-être contribué à me faire bien porter.
- Je m’afflige souvent sans raison, et je suis ingénieux à me
- tourmenter moi-même. Je suis impatient, colère et vindicatif,
- et je me choque souvent des moindres choses. Je suis un peu
- pointilleux; je ne sçais si c’est le vice de ma nation ou le mien
- en particulier. Au reste, si j’étois capable d’une lâcheté, je
- ne paroîtrois plus dans le monde. L’intérêt de la fortune, qui
- est fort puissant en moi, ne le seroit pas assés pour me faire
- commettre une bassesse; il est constant que je suis ambitieux
- autant qu’on le peut être, mais je ne sacrifierai jamais mon
- honneur à mon ambition, parce que j’aime encore plus la gloire
- que les grandeurs, et que je ne considère les grandeurs que
- comme des moyens de parvenir à la gloire. Je suis si sensible
- au mépris, que j’ai une haine mortelle et implacable pour tous
- ceux qui semblent me mépriser, sans qu’il me soit possible de
- me réconcilier avec eux. Je n’épargne ni mes soins ni ma peine
- pour les personnes que j’aime; je les servirois de mon bien et
- de ma vie, et il n’est point d’ami plus ardent que moi. Je mens
- quelquefois, mais c’est en des choses qui n’intéressent personne:
- je le fais surtout en matière de galanterie, où je confirme
- volontiers des faussetés par des sermens, sans songer à ce que
- je fais, parce que je jure par habitude. Je suis fort soigneux
- d’acquérir l’estime du monde. L’on m’a dit que d’abord je
- plaisois assés, que je paroissois avoir l’esprit brillant et une
- certaine façon de tourner les choses qui ne déplaît pas. Je suis
- assés agréable dans la conversation, et j’y fournis facilement;
- mais je m’y rends quelquefois incommode, et je soutiens des
- choses contre la raison, pour faire paroître un peu d’esprit;
- je me sers pour cela d’équivoques et de subterfuges qui sentent
- l’école; je parle même trop longtemps; et comme j’ai un peu de
- lecture et beaucoup de mémoire, je m’attache trop à faire voir
- ce que je sçais: c’est sans doute une faute de mon jugement,
- qui n’est pas si solide que mon esprit est vif. Je suis d’un
- tempérament mélancolique; mais cette humeur sombre s’est fort
- augmentée par quelques malheurs de ma vie. J’aime les lettres;
- mais j’aime encore plus les armes. J’écris fort intelligiblement,
- et parle assés bien, pour être d’un pays où l’on parle toujours
- mal. Je fais passablement des vers, et l’on trouve qu’ils ont
- plus d’esprit que ma prose; si cela est, j’en ai l’obligation
- au beau sexe, car j’avoue ingénument que si je n’eusse jamais
- vû de femmes, je ne fusse jamais devenu poëte; mais l’envie de
- leur plaire m’a fait servir d’un langage que je juge le plus
- propre à persuader, quoiqu’au fond il m’ait été assés inutile.
- Je respecte toutes les femmes en général, et j’ai pour elles une
- amitié beaucoup plus tendre que pour les hommes; plût à Dieu que
- je n’eusse rien davantage! Je ne me reprocherois pas beaucoup
- de désirs illégitimes, où mon tempérament me porta. Au fond,
- quoique j’aye l’esprit fort tourné à la galanterie, je n’aime
- pas à en dire indifféremment, et il faut qu’une femme ait du
- mérite ou de la beauté, lorsque je lui en conte. Je ne me pique
- point d’avoir fait des conquêtes, mais je puis me vanter d’avoir
- acquis l’estime de quelques personnes bien faites. Ce bonheur
- m’est arrivé par beaucoup de soins et de patience, car je suis
- de ceux qui en amour souffriroient un an entier, pour goûter le
- bien d’un seul jour.» Ajoutons encore à ce portrait l’éloge que
- Théodore Girard fait de Cantenac. Voici ses propres termes: «Ce
- que l’auteur dit est l’image de ce qu’il est. Comme il brille
- dans la conversation, et qu’il la soutient admirablement, on voit
- un beau feu répandu dans tous ses écrits, une façon de dire les
- choses aisée, galante et tout à fait heureuse, et généralement un
- caractère d’esprit qui lui est particulier[15].»
-
- [14] Page 556 et suiv. Je me servirai toujours ici de la
- première édition de ses Œuvres.
-
- [15] Voyez la page 7 et suiv. de l’_Avis au lecteur_.
-
-Mais cherchons la vérité de cet éloge dans le détail de quelques
-endroits des poésies de Cantenac. Il semble d’abord que l’auteur étoit
-ennemi déclaré des nœuds de l’hymen, et qu’il s’étudioit à inspirer ses
-sentimens aux autres[16]:
-
- Le chemin de l’Hymen, où l’on voit quelques roses,
- A bien de l’embarras;
- L’on s’y lasse bientôt, et l’on y voit des choses
- Que l’on n’attendoit pas.
- Vous gémirés, Iris, et vos beaux yeux en larmes
- Se plaindront du passé;
- Vous dirés à vous-même: «Étoient-ce là les charmes
- A quoi j’avois pensé?»
- Vous étiés respectée, on vous traitoit de reine,
- Avant ce nœud fatal,
- Et vous serés soumise à la pesante chaîne
- De quelque époux brutal.
-
- [16] Page 14.
-
-Au reste, les ouvrages de Cantenac n’ont pas été si généralement
-inconnus, que les faiseurs de recueils poétiques n’en aient sçu
-profiter. Vous trouverés une de ses idylles parmi les élégies
-attribuées à madame de la Suze; elle commence ainsi:
-
- Cruel persécuteur de la terre et des cieux,
- Qui parois aux mortels le plus méchant des dieux,
- Amour!
-
-Voulez-vous un échantillon de sa poésie morale et chrétienne?
-
- C’est un ordre commun qu’a prescrit la Nature,
- Et qu’on n’évite pas;
- La vie a ses degrés, et pour la sépulture
- On ne fait qu’un seul pas.
- Des cèdres orgueilleux les feuillages superbes
- Se forment lentement;
- Mais, pour les voir tomber aussi bas que les herbes,
- Il ne faut qu’un moment.
- Des plus riches palais les plus rares structures
- Coûtent beaucoup de temps;
- Mais tel qui les admire en peut voir les masures
- Après quelques instants.
-
-Il a aussi composé une élégie sacrée, où l’on voit d’assés belles
-tirades, quoique peut-être trop pompeuses pour ce genre de poëme:
-
- Ce Dieu, dont la puissance a formé dans le monde
- La profondeur des cieux et les gouffres de l’onde,
- Éclaire mon esprit et lui fait concevoir
- Que tout se doit soumettre à son divin pouvoir.
- Par lui l’astre du jour, dans sa vaste carrière,
- Donne la vie au monde et porte la lumière;
- C’est son bras tout-puissant qui fait mouvoir les cieux,
- Qui relient de la mer les torrens furieux;
- Qui forme, quand il veut, ses foudres dans la nuë,
- Et qui tient sur les airs la foudre suspenduë.
-
-Je finis par quelques vers qui ne vous déplairont peut-être pas.
-
- Qui dit homme, Lysis, ne dit qu’un peu de poudre
- Qui dure peu de jours, et que le moindre vent
- Dissipe et fait tomber dans son premier néant.
- Un enfant au berceau peut perdre la lumière;
- Peut-être que cette heure est votre heure dernière;
- Et vous voulés remettre un bien si précieux,
- Par qui vous obtiendrés la conquête des cieux?
- Le monde passe vite, et son plaisir funeste
- N’est que l’avant-coureur d’un chagrin qui nous reste;
- Ce n’est qu’une ombre vaine, et nous perdons souvent
- Des trésors infinis pour de l’air et du vent.
- Allons, mon cher Lysis, allons nous rendre dignes
- De ces biens éternels, de ces faveurs insignes:
- Au pied des saints autels soupirant nuit et jour,
- Méprisons les mondains, la fortune et l’amour.
-
-Ne vous semble-t-il pas, Monsieur, que le poëte est plutôt ici
-plagiaire qu’imitateur des beaux endroits du _Polyeucte_ de Corneille,
-tragédie qui avait été mise au théâtre[17] et imprimée plusieurs années
-avant la première édition des œuvres de Cantenac?
-
- [17] En 1643.
-
-Vous me dispenserés sans doute, Monsieur, d’extraire des poësies de
-Cantenac les passages obscènes qui décident de son libertinage: on en
-trouve un très-grand nombre. L’amour l’avoit occupé presque pendant
-toute sa vie: il assure dans une de ses lettres[18] qu’il n’a que trop
-éprouvé les funestes engagemens de cette passion; qu’il a toujours vécu
-dans les chaînes de l’amour, et que s’il a joui de quelque liberté, ç’a
-été seulement comme ces mal-heureux qui changent quelquefois de prison.
-Il porte la sincérité jusqu’à s’accuser, en quelque manière, de manquer
-à ses devoirs de chrétien: «Je ne parle point, dit-il, de ma religion,
-parce qu’il est à présumer que tous les hommes en doivent avoir: je
-dirai pourtant que je ne suis ni bigot, ni hypocrite, et que si je n’ai
-pas toute la dévotion qu’un bon chrétien doit avoir, j’en ai du moins
-plus que je n’en fais paroître[19].»
-
- [18] Voyez page 248.
-
- [19] Voyez page 243.
-
-Les vers que j’ai tirés au hasard des œuvres de Cantenac peuvent
-donner, si je ne me trompe, une assés juste idée de sa versification,
-et l’on doit reconnaître, à ces seuls traits, que _l’Occasion
-perduë-recouvrée_ n’a jamais été au-dessus de ses forces et de
-son génie: d’ailleurs, je ne nie pas que cet ouvrage ne soit son
-chef-d’œuvre. Mais ce qui prouve encore qu’il est véritablement de
-Cantenac, c’est que ce poëte, dans presque toutes ses pièces, prend
-le nom de Lisandre, qui est précisément celui du héros des stances.
-Enfin, toutes ces conjectures réunies forment, à ce qu’il me semble,
-des preuves qui suffisent pour justifier le grand Corneille de
-l’accusation intentée contre lui et pour détromper tous ceux qui
-étoient dans ce faux préjugé. J’ai cru que, pour découvrir le véritable
-auteur de cette pièce lubrique, il ne falloit que bien faire connoître
-Cantenac: il me reste à apprendre de vous, Monsieur, si j’y ai réussi.
-
-
- LETTRE A M. J. G.
-
- _Dans laquelle on essaye de prouver que_ l’Occasion perdue
- recouverte _est de Pierre Corneille_.
-
-Puisque vous vous proposez de réimprimer, à la demande de quelques amis
-des lettres, un petit poëme célèbre, que peu de personnes connaissent
-et qui est pourtant cité souvent dans l’histoire littéraire du grand
-Corneille, je vais vous indiquer l’existence du texte original, qui
-a paru antérieurement à l’édition des _Poésies nouvelles et autres
-œuvres galantes_ du sieur de Cantenac, auquel la pièce est attribuée
-généralement, depuis que les Mémoires de Trévoux ont donné à cette
-attribution une apparence de probabilité.
-
-Il suffirait, ce me semble, pour détruire entièrement cette fausse
-attribution, de démontrer que le sieur de Cantenac était tout à fait
-incapable de composer un ouvrage qui a eu l’honneur d’être attribué,
-avec plus de raison, à Pierre Corneille. Déclarons d’abord, malgré
-les éloges accordés un peu trop généreusement par Michault, de
-Dijon, à ce poëte de second ordre, que, si son recueil renferme des
-pièces aussi libres que _l’Occasion perdue recouverte_, il n’en est
-pas une qui puisse être comparée, même de loin, à ce poëme vraiment
-remarquable, sous le rapport du style et de la forme poétique. Michault
-avoue que «cette pièce comporte du génie, du feu et de l’expression,»
-c’est-à-dire tout ce qu’on chercherait en vain dans les poésies du
-sieur de Cantenac.
-
-Mais nous n’avons pas à nous étendre ici sur le mérite intrinsèque
-d’une pièce, malheureusement licencieuse, qui, par cela seul, ne
-figurera jamais dans les œuvres de Pierre Corneille et qui restera
-presque cachée entre les mains d’un petit nombre de curieux. Je vais
-seulement essayer de prouver que _l’Occasion perdue recouverte_ n’est
-pas de Cantenac, et que Pierre Corneille en est très-probablement
-l’auteur, suivant le récit du _Carpenteriana_.
-
-Nous regrettons que M. J. Taschereau, dans son _Histoire de la vie et
-des ouvrages de P. Corneille_ (Paris, P. Jaunet, 1855, in-12), n’ait
-fait qu’analyser la dissertation de Michault sur _l’Occasion perdue
-recouverte_: en étudiant la question lui-même, et en y appliquant
-l’esprit de critique qui distingue ses travaux de littérature, il
-serait arrivé, nous n’en doutons pas, aux conclusions que nous allons
-soumettre à son jugement éclairé et consciencieux.
-
-Le _Carpenteriana_, publié en 1724 par Boscheron, d’après les
-manuscrits de François Charpentier, de l’Académie française, mort
-en 1702, a été certainement modifié d’une manière fâcheuse dans le
-passage qui concerne _l’Occasion perdue recouverte_; car ce passage
-était beaucoup plus explicite et renfermait aussi quelques indications
-précieuses que l’éditeur a retranchées par mégarde en donnant la copie
-à l’impression. Le savant La Monnoye, qui avait eu sous les yeux les
-manuscrits originaux neuf ans au moins avant leur publication, nous en
-a conservé un extrait plus exact dans ses notes sur les _Jugements des
-Savants_, d’Adrien Baillet, t. IV de l’édition de 1725, p. 306.
-
-«Corneille, dit-il, ne se porta pas de lui-même à entreprendre la
-paraphrase en vers françois des trois livres de l’_Imitation_. Voici
-l’occasion qui l’y engagea, telle que je l’ai lue dans un manuscrit qui
-a pour titre _Carpenteriana_, dont on m’a dit que les articles avoient
-été dressés par feu M. Charpentier, mort doyen de l’Académie françoise.
-Il y est rapporté que Corneille, ayant, dans sa première jeunesse,
-fait une pièce un peu licencieuse intitulée _l’Occasion perdue
-recouvrée_, l’avoit toujours tenue fort secrète, mais qu’en 1650, plus
-ou moins, diverses copies en ayant couru, M. le chancelier Séguier,
-protecteur alors de l’Académie, surpris d’apprendre que ces stances peu
-édifiantes, dont la première commence:
-
- Un jour le malheureux Lysandre,
-
-étoient de Corneille, le manda, et, après lui avoir fait une douce
-réprimande, lui dit qu’il le vouloit mener à confesse; que, l’ayant
-mené de ce pas au P. Paulin, tierçaire du couvent de Nazareth, le
-confesseur ordonna, par forme de pénitence, à Corneille de mettre en
-vers françois le premier livre de l’_Imitation_. Ce premier livre étant
-achevé, la reine Anne d’Autriche, à qui le poëte le présenta, en fut si
-contente l’ayant lu, qu’elle lui demanda le second; ensuite de quoi,
-dans une dangereuse maladie qu’il eut quelque temps après, il promit le
-reste et le donna.»
-
-Ces détails et ces dates répondent à toutes les objections qu’on
-a faites contre l’authenticité de l’anecdote; il résulte donc, du
-véritable texte des manuscrits de Charpentier, recueilli et conservé
-par La Monnoye, que Corneille avait fait, _dans sa première jeunesse_,
-la pièce intitulée: _l’Occasion perdue recouvrée_; qu’il l’avait
-toujours tenue _fort secrète_, mais que des copies en avaient couru
-en 1650, _plus ou moins_. Ce fut, en effet, vers la fin de 1650, que
-Corneille commença la traduction de l’_Imitation_, en sorte que le
-premier livre de cette traduction parut en 1651.
-
-L’abbé Goujet, qui, dans sa _Bibliothèque françoise_ (t. XVIII, p.
-147), s’est inscrit en faux contre le récit du _Carpenteriana_, avait
-donc bien mal lu la note de La Monnoie, lorsqu’il croit y faire
-une objection sérieuse en disant: «Premièrement, ce petit poëme
-(_l’Occasion perdue recouverte_) ne fut imprimé pour la première
-fois qu’en 1662, et, comme je viens de l’observer, le premier livre
-de l’_Imitation_, traduit par Corneille, étoit publié dès 1651. Il
-s’ensuivroit donc que la pénitence auroit précédé le péché et que
-Corneille se seroit repenti d’une faute qu’il ne devoit commettre
-que plus de dix ans après. En second lieu, je prouverai ailleurs que
-_l’Occasion perdue et recouvrée_ n’est point de Corneille, mais du
-sieur de Cantenac.» L’abbé Goujet n’ayant pas publié le XIXe volume
-de sa _Bibliothèque françoise_, qui eût contenu l’article de Cantenac,
-nous sommes encore à savoir comment il eût prouvé que _l’Occasion
-perdue recouverte_ n’était pas de Corneille.
-
-On découvrira sans doute une impression de cette pièce, remontant
-à l’époque où les copies manuscrites commencèrent à courir, car
-_l’Occasion perdue recouverte_ eut trop de succès pour que les
-presses clandestines ne l’aient pas reproduite en feuille volante
-et peut-être avec les initiales du nom de l’auteur. «Tout le monde
-sait, dit Michault, de Dijon, dans ses _Mélanges historiques et
-philologiques_ (p. 54 du t. Ier), qu’après avoir été multipliée par les
-copies manuscrites qu’on en tira, elle fut réimprimée dans plusieurs
-recueils, mais toujours dans ce ramas d’ouvrages proscrits qui sortent
-furtivement d’une presse inconnue et qui n’ont souvent pour tout mérite
-que le papier et les caractères de Pierre Marteau.» Puis, Michault cite
-différents recueils, postérieurs à l’année 1670, dans lesquels la pièce
-se trouve imprimée.
-
-«Ces stances, ajoute Michault, furent si généralement recherchées, je
-dirais presque si fort estimées, qu’on en fit plusieurs traductions
-en différentes langues; j’en ai vu une latine, et l’on m’a assuré
-que le savant Paul Dumay s’était amusé à les tourner en bourguignon.
-Ajoutez encore qu’elles furent mises en chanson et acquirent par ce
-moyen une plus grande célébrité.» Nous n’avons pas été assez heureux
-pour découvrir ces traductions en différentes langues que nous
-signalait Michault, de Dijon. Mais nous avons fait d’autres découvertes
-plus intéressantes qui peuvent servir à constater que, pendant plus
-de dix-sept ans, de 1654 à 1670, tous les poëtes s’inspirèrent de
-_l’Occasion perdue recouverte_, pour s’essayer sur un sujet doublement
-scabreux (l’_Impuissance_ et la _Jouissance_) que le poëme attribué à
-P. Corneille avait mis à la mode.
-
-Commençons par citer La Fontaine en tête des poëtes contemporains qui
-eurent en vue de faire allusion à _l’Occasion perdue recouverte_, sinon
-de l’imiter servilement. La Fontaine, qui dans sa jeunesse était à
-l’affût de tous les ouvrages de galanterie en prose ou en vers, eut
-certainement connaissance de la pièce de Corneille, lorsqu’il n’avait
-pas encore quitté la ville de Château-Thierry et que ses premières
-amours donnaient naissance à ses premières rimes. Dans une élégie
-à l’Amour, il se plaint des mécomptes que ce dieu ne lui avait pas
-épargnés; il avoue que ses maîtresses n’eurent pas trop à se louer de
-ses préludes amoureux:
-
- Cloris vint une nuit; je crus qu’elle avoit peur...
- Innocent! Ah! pourquoi hâtoit-on mon bonheur?
- Cloris se pressa trop...
-
-Ce n’était pas la Cloris de _l’Occasion perdue_; mais, s’il prit sa
-revanche avec cette autre Cloris, il ne nous le dit pas, et il confesse
-n’avoir pas été plus heureux avec Phyllis:
-
- On la nomme Phyllis; elle est un peu légère;
- Son cœur est soupçonné d’avoir plus d’un vainqueur.
- Mais son visage fait qu’on pardonne à son cœur.
- Nous nous trouvâmes seuls; la pudeur et la crainte
- De roses et de lis à l’envi l’avoient peinte.
- Je triomphai des lis et du cœur dès l’abord;
- Le reste ne tenoit qu’à quelque rose encor.
- Sur le point que j’allois surmonter cette honte,
- On me vint interrompre au plus beau de mon conte:
- Iris entre; et depuis je n’ai pu retrouver
- L’occasion d’un bien tout près de m’arriver.
-
-Ces deux derniers vers rappellent, on ne saurait en douter, les stances
-attribuées à P. Corneille, et l’élégie d’où ces vers sont tirés est
-très-certainement d’une date antérieure à 1654.
-
-Dans le _Nouveau recueil des plus belles poësies_ (Paris, vefve G.
-Loyson, 1654, in-12), on trouve, à la page 119, _l’Occasion perdue,
-stances à Cloris_. Ces stances, signées D. M., c’est-à-dire _de
-Morangle_, suivant la table des noms d’auteurs, offrent la même
-scène que celle qui forme la première partie de _l’Occasion perdue
-recouverte_; dans les deux pièces, l’héroïne se nomme _Cloris_, mais
-Lisandre n’est nommé que dans la seconde, et le héros de _l’Occasion
-perdue_ garde l’anonyme. Il est certain que cette pièce, dans laquelle
-il y a de la verve, de l’énergie et du feu, avec beaucoup de mauvais
-goût et d’incorrection, a été composée à l’imitation des stances qui
-couraient alors sous ce titre: _l’Occasion perdue recouverte_.
-
-Le poëte D. M. ou de Morangle s’était borné à chanter l’_Occasion
-perdue_; un autre poëte anonyme, dont la pièce n’est pas indiquée
-dans la table du volume, quoiqu’elle remplisse les pages 399-404,
-avait également traité le sujet à la mode, dans une longue élégie,
-qu’il intitule _Impuissance_; mais les acteurs, qui ne pouvaient pas
-être Cloris et Lisandre, n’y sont pas nommés. En effet, la pièce est
-de Mathurin Régnier: elle avait paru, pour la première fois, dans
-l’édition de ses œuvres, publiée en 1613, après sa mort; elle avait
-reparu, revue et corrigée, dans l’édition de 1642. On doutait pourtant
-qu’elle fût réellement de lui. Voilà pourquoi G. Loyson l’avait admise
-dans son _Nouveau recueil des plus belles poësies_, comme s’il eût
-voulu la rapprocher de _l’Occasion perdue_, qui en est une imitation.
-Le Recueil où sont renfermées ces deux pièces est dédié à la comtesse
-de La Suze, par l’éditeur G. Loyson, qui met «les ouvrages des plus
-beaux esprits de ce temps sous la protection du plus rare génie de
-notre siècle.» Le privilége du roi porte la date du 1er décembre 1653.
-
-Dans les _Poésies choisies de messieurs Corneille, Bensserade, de
-Scudery, Boisrobert, etc., et de plusieurs autres célèbres autheurs
-de ce temps_ (Paris, Charles de Sercy, 1655, in-8, page 30 de la 1re
-partie), Benserade fit insérer des stances, intitulées: _Jouissance_,
-dans lesquelles il gourmande l’indiscrétion des poëtes qui révèlent
-leurs bonnes fortunes. Il ne se fait pas faute cependant de célébrer sa
-victoire, mais il ne nomme personne.
-
-En 1659, le poëte Duteil, un des rivaux de Pierre Corneille comme
-auteur de _la Juste vengeance_, tragédie jouée en 1641, semble vouloir
-rivaliser encore avec le chantre de _l’Occasion perdue recouverte_, en
-décrivant à sa façon la même scène dans des stances qui portent le
-titre de _Jouissance_, et qui ne sont pas une des plus mauvaises pièces
-de son _Nouveau recueil de diverses poésies_ (Paris, J. B. Loyson,
-1659, in-12).
-
-En 1661, le sieur de Lamathe, qui avait fait imprimer trois ans
-auparavant le _Nouveau cabinet des Muses ou l’eslite des plus belles
-pièces poësies de ce temps_ (Paris, veuve Edme Pepingué, 1658, in-12),
-eut l’idée de rajeunir ce Recueil en y ajoutant quelques poésies
-nouvelles, qui formèrent une seconde partie en un cahier séparé, sign.
-_A.-uiiij_ (avec des lacunes très-significatives dans les signatures).
-Cette seconde partie, dont le titre courant est _Cabinet des Muses_,
-mais qui n’a pas de titre spécial, se trouve placée immédiatement
-après le privilége du roi. Elle commence par _l’Occasion perdue
-recouverte_, dont nous voyons paraître pour la première fois le texte
-original. On est étonné de trouver, à la suite de ce poëme licencieux,
-des vers pour le roi, en l’honneur de la paix et de son mariage, des
-anagrammes sur le nom de Marie-Thérèse d’Autriche, et d’autres pièces
-aussi officielles. Il est clair que l’éditeur a voulu ainsi se faire
-pardonner la publication de _l’Occasion perdue recouverte_ qui devait
-donner du succès à son Recueil. Les fleurons et surtout celui de la
-Sirène, imité des éditions elzéviriennes, nous permettent de croire
-que le livre a été imprimé à Rouen. Nous ne devons pas oublier de dire
-que, parmi les pièces dont la réunion compose le cahier supplémentaire
-du Recueil de 1658, on remarque une plate élégie sur les amours de
-Lisandre et de Florice, laquelle a été réintégrée depuis dans les
-_Poésies nouvelles et autres œuvres galantes_ du sieur de Cantenac.
-
-Voilà donc enfin le texte de _l’Occasion perdue recouverte_, et
-aussitôt divers recueils s’empressent de s’en emparer en y faisant des
-suppressions et des changements plus ou moins considérables. Le premier
-qui osa reproduire le texte original publié par de Lamathe, c’est
-l’éditeur inconnu d’un volume intitulé: _les Plaisirs de la poésie
-galante gaillarde et amoureuse_. Ce recueil nous est arrivé sans date,
-sans nom d’imprimeur ou de libraire, et sans privilége du roi, avec un
-simple frontispice gravé; mais on peut assurer qu’il a été imprimé à
-Rouen et qu’il ne peut être postérieur au mois de septembre 1661, car,
-à cette époque. le surintendant des finances venait d’être arrêté, et
-le volume renferme des pièces élogieuses, en tête desquelles Fouquet
-est nommé avec ses titres et qualités. L’ensemble de ce volume indique
-assez qu’il a subi des remaniements d’impression, avant de voir le jour
-et de pouvoir circuler sous le manteau. A la page 279, nous retrouvons
-_l’Occasion perdue recouverte_ sous ce nouveau titre: _L’Impuissance et
-la Jouissance, stances_.
-
-On imprimait alors à Paris les _Poésies nouvelles et autres œuvres
-galantes du sieur de C..._ L’impression fut achevée le samedi 26
-novembre 1661, et l’auteur céda et transporta son privilége à Théodore
-Girard, marchand libraire, qui mit en vente le volume avec la date
-de 1662. Il faut entrer dans quelques détails sur ce volume de onze
-feuillets liminaires, y compris le frontispice gravé par Sphirinx, 253
-pages, et un feuillet pour la fin du privilége. L’Avis au lecteur
-présente le livre comme publié à l’insu de l’auteur, par le fait d’un
-ami qui avait eu entre les mains le manuscrit. Cet ami nous apprend
-que l’auteur, absent pour quelques jours, a désavoué ses vers «comme
-des enfants qui faisoient rougir leur père,» en renonçant à Clorice,
-à Climène et aux idoles de sa jeunesse libertine, pour se vouer à
-Dieu seul. Le recueil se termine par une lettre que l’auteur avait
-adressée à son ami pendant l’impression du volume, et cette lettre,
-qui ressemble à un sermon ou à une homélie, annonce que le sieur de
-C... se prépare à embrasser l’état ecclésiastique. En effet, quarante
-ans plus tard, on vit paraître les _Satyres nouvelles de M. Benech
-de Cantenac_, chanoine de l’église métropolitaine et paroissiale
-de Bordeaux, avec d’autres pièces du même auteur (Amsterdam, veuve
-Chayer, sans date, in-8º). L’auteur des Satyres est très-certainement
-l’auteur des _Poésies nouvelles et autres œuvres_, car le sieur de
-C... était déjà fixé à Bordeaux en 1661, puisqu’il a publié à la page
-94 de ce recueil une _Response au remerciement que M. D..., conseiller
-au parlement de Bordeaux, fit d’un livre intitulé: Pancirole commenté
-par Salmuth, que l’Autheur lui avoit presté_. Le sieur de Cantenac
-habitait donc Bordeaux, mais il avait été à Rennes, comme on le voit
-par ses curieuses stances sur le Cours de Rennes. Dans les _Poésies
-nouvelles et autres œuvres galantes_ du sieur de C..., ou du moins dans
-un petit nombre d’exemplaires de l’édition de 1662, _l’Occasion perdue
-recouverte_, «revue, corrigée et augmentée par l’autheur» se trouve
-entre les pages 102 et 103, en un cahier de 14 pages et un feuillet
-blanc, portant pour titre courant: _Poësies nouvelles et galantes_, et
-au bas de la page 14: _Fin des Poësies nouvelles et galantes du sieur
-de C..._ L’impression de ce cahier est identique à celle du volume,
-et les fleurons y sont les mêmes. Ici commencent l’incertitude et la
-controverse.
-
-«J’ay séparé la prose d’avec les vers, dit l’ami dans l’Avis au
-lecteur, et comme toutes les pièces qui entrent dans le corps de
-l’ouvrage se peuvent réduire, ou aux pièces amoureuses galantes qu’il a
-escrites, ou aux pièces morales et chrestiennes qu’il a faites, ou bien
-aux lettres qu’il a adressées à quelques personnes particulières, c’est
-la raison par laquelle je l’ai divisé en trois parties.» Il y a donc
-trois parties seulement dans le recueil, mais l’imprimeur a fait entrer
-dans la table des pièces _l’Occasion perdue recouverte_, comme existant
-à la page 103, quoique ce soient les poésies morales et chrétiennes qui
-commencent à cette page-là. Les signatures Eiij et Eiiij aux pages 101
-et 103 prouvent que l’impression du volume n’a subi d’ailleurs aucun
-remaniement. Quant au cahier intercalaire, il est signé d’une étoile.
-
-Un passage très-important de la préface semble avoir été mal compris
-par Michault, qui en tire des inductions bien différentes de celles que
-nous croyons y découvrir. «Parmy toutes les pièces qui entrent dans ce
-recueil, dit l’ami de l’auteur, dans lequel nous avons de la peine à
-voir le libraire Théodore Girard, on y en a fait glisser une en dépit
-de moy, qui auroit esté supprimée ou pour le moins qui n’auroit point
-veu le grand jour, si j’en avois esté creu; mais ma résistance a esté
-inutile, et quelque raison que j’aye eu pour destourner le coup, il a
-fallu se rendre et céder à la force. Un galant homme, qui a un empire
-absolu sur l’esprit de l’autheur et que l’autheur considère à l’égal
-de luy-mesme, l’obligea autrefois de la composer contre une dame, de
-qui il s’estoit creu désobligé, afin de satisfaire son ressentiment, et
-m’a contraint, pour rendre sa vengeance plus authentique et couronner
-son ressentiment, de souffrir qu’elle fust jointe aux autres de ce
-livre. Il a creu que l’ascendant qu’il s’estoit acquis sur l’autheur
-luy donnoit le droit sur son ouvrage, et qu’estant l’arbitre absolu de
-ses pensées, il pouvoit décider souverainement de ses escrits. Je sçay
-l’estime particulière que l’autheur a pour le mérite de ce personnage,
-qui est, à cela près, le plus honnête homme du monde, et la déférence
-aveugle qu’il a pour tous ses sentimens. Pour te dire franchement le
-mien, je ne sçaurois louer cette pratique ni en approuver l’usage.
-J’ay jugé à propos de m’en justifier, pour me mettre à couvert du
-blasme qu’on m’en pourroit donner quelque jour, et, pour prévenir
-les reproches qu’on m’en pourroit faire, j’ay creu me devoir cette
-satisfaction.»
-
-Ce passage semble à première vue se rapporter à _l’Occasion perdue
-recouverte_, mais il nous paraît plus logiquement faire allusion
-à une autre pièce du recueil, car nous ne voyons pas trop comment
-_l’Occasion_ pourrait avoir été composée _contre_ une dame. Il s’agit,
-en effet, dans ce poëme, d’un amant qui se trouve impuissant à la
-première rencontre et qui prend ensuite largement sa revanche. Est-ce
-l’amant _Lisandre_, est-ce le mari, _Dorimant_, qui aurait raconté
-cette histoire pour _satisfaire son ressentiment_? Je ne pense pas que
-_l’Occasion perdue recouverte_ soit la pièce que l’ami de l’auteur
-avait voulu retrancher, mais bien une très-vive et très-amère satire
-_contre Amaranthe_ (nommée Caliste dans la pièce, page 21), qui s’était
-mariée à un riche vieillard en délaissant son jeune amant. Cette
-Amaranthe devait être très-connue à Bordeaux, sinon à Rennes, et l’on
-conçoit que l’amant abandonné ait voulu se venger avec l’arme de la
-satire.
-
-Disons, en passant, que les scrupules de l’ami ou de l’éditeur ne
-sauraient avoir été motivés par la licence de _l’Occasion perdue
-recouverte_, car, si cet éditeur avait eu des scrupules de cette
-espèce, il n’eût pas manqué de rejeter une autre pièce dont voici le
-singulier titre: «Un cavalier faisoit quelques tours d’adresse devant
-plusieurs personnes et changeoit des cartes en telle figure qu’on
-vouloit. Une dame de la compagnie le crut sorcier et voulut prendre le
-jeu de cartes pour voir si elle y découvriroit rien, mais elle se mit
-en colère d’y trouver d’abord quelque chose en peinture que la pudeur
-et la bienséance deffend de nommer.»
-
-C’est là une pièce qui peut encore avoir été faite _contre_ une dame
-par un sentiment de vengeance.
-
-La présence de _l’Occasion perdue recouverte_ dans le volume du sieur
-de Cantenac s’explique tout naturellement, si on en accuse le libraire
-seul, soit que Théodore Girard eût voulu donner plus de vogue à sa
-publication en y intercalant une pièce très-recherchée et très-goûtée
-alors, soit qu’il ait attribué de bonne foi au sieur de Cantenac
-cette pièce qui circulait avec l’initiale de Corneille. Il faut dire,
-en outre, que le sieur de Cantenac n’avait pas été le dernier à
-s’expliquer sur un sujet que les poëtes se disputaient alors, et qu’il
-avait composé aussi une idylle intitulée _la Jouissance_, où l’on
-retrouve les principaux traits de _l’Occasion perdue recouverte_.
-
-Quant au texte de _l’Occasion perdue recouverte_, tel qu’il a été
-réimprimé dans les Poësies nouvelles et autres œuvres galantes du sieur
-de Cantenac, il faut y constater la suppression de deux strophes et
-l’addition de deux strophes nouvelles, avec un assez grand nombre de
-variantes qui ne font pas honneur au talent et au goût du plagiaire ou
-du contrefacteur. Il faut reconnaître ici que le texte original a été
-altéré et interpolé assez maladroitement.
-
-Huit ans plus tard, la vogue de _l’Occasion perdue recouverte_ n’était
-pas encore épuisée, car un auteur de nouvelles galantes et comiques
-publiait sous ce titre même, à la fin des _Soirées des Auberges_
-(Paris, Étienne Loyson, 1669, petit in-12), une petite nouvelle,
-qui pourrait bien avoir été le point de départ du poëme attribué
-à Corneille, et un poëte de premier ordre, qui a gardé l’anonyme,
-jetait dans le public un _caprice_ charmant, qu’il avait intitulé:
-_La Jouissance imparfaite_. Nous rencontrerons ce Caprice, à côté
-de _l’Occasion perdue recouverte_, dans un recueil imprimé à Rouen:
-_Maximes et lois d’amour, lettres, billets doux et galants, poësies_
-(Paris, Olivier de Varennes, 1669, in-8). Ce recueil avait été publié
-d’abord à Rouen, par le libraire Lucas, en 1667. Le libraire de Paris
-n’avait fait que changer le titre et ajouter à la fin du volume un
-cahier de 24 pages, imprimé avec les mêmes caractères, cahier dans
-lequel _l’Occasion perdue recouverte_ est suivie de _la Jouissance
-imparfaite_, qui remet en scène dans un admirable langage la première
-partie de cette éternelle _Occasion_. Le sieur de Valdavid, ami
-de Pierre Corneille, est incontestablement le principal auteur de
-cette compilation, dédiée au duc de Montausier. _L’Occasion perdue
-recouverte_, que le sieur de Cantenac avait failli transporter à
-Bordeaux, retournait ainsi en Normandie, à Rouen, qui l’avait vue
-naître dans la première jeunesse de Corneille.
-
-Concluons: l’_Occasion perdue recouverte_ est loin d’être indigne du
-grand Corneille, sous le rapport littéraire; quant au point de vue
-moral, nous nous garderons bien de l’excuser, quoique la licence des
-poëtes sous le règne de Louis XIII ait été constamment encouragée par
-la faveur des gens de cour et par la sympathie de la société la plus
-aristocratique. Michault, de Dijon, en voulant défendre Corneille, ne
-s’est pas aperçu qu’il faisait acte d’ignorance. «Je ne crois pas,
-dit-il, qu’il soit jamais échappé à sa plume aucun ouvrage où règnent
-une liberté condamnable et un esprit de débauche.» S’il avait lu les
-_Mélanges poëtiques_, imprimés en 1632 à la suite de la tragi-comédie
-de _Clitandre_, et qui contiennent une épigramme que les éditeurs des
-œuvres de Corneille n’ont pas encore osé reproduire, il aurait pu
-admettre que le poëte obéit involontairement au goût de son époque.
-«Je n’ai pas fait difficulté, dit l’abbé Granet dans la préface des
-_Œuvres diverses de Pierre Corneille_ (Paris, Gissey, 1738, in-12),
-de supprimer des plaisanteries d’un goût peu délicat et divers traits
-d’une galanterie trop libre... En retranchant les morceaux d’une
-galanterie licencieuse, je n’ai fait que me conformer à l’exemple de M.
-Corneille, qui a purgé ses premières comédies de tout ce qui en pouvait
-rappeler l’idée.» L’abbé Granet a pourtant laissé subsister le fameux
-rondeau où l’auteur du _Cid_, dans sa juste indignation contre les
-odieuses manœuvres de Scudéry,
-
- L’envoye au diable et sa muse au bordel.
-
-Il est tout naturel que le chancelier Séguier, qui était d’une piété
-exemplaire, ait conduit Corneille à confesse et que le confesseur ait
-ordonné à son pénitent de traduire l’_Imitation de Jésus-Christ_, pour
-expier son _Occasion perdue recouverte_. Quelques années plus tard, La
-Fontaine, en expiation de ses _Contes et nouvelles_, se faisait aussi,
-à l’instigation d’Arnauld d’Andilly et des jansénistes, le traducteur
-docile de quelques psaumes et de quelques hymnes du bréviaire romain;
-mais, pour se distraire de l’ennui que lui causaient ces traductions,
-il composait encore des contes en cachette, avec l’intention formelle
-de ne pas les faire imprimer. S’il eût été l’auteur de _l’Occasion
-perdue recouverte_, il n’aurait pas souffert qu’un sieur de Cantenac
-lui disputât la paternité de cet enfant de l’amour, et il se serait
-empressé de le reconnaître, au risque d’être excommunié dans ce monde
-et dans l’autre. Corneille, au contraire, ne crut jamais avoir assez
-expié ses péchés de jeunesse, et pendant plus de quarante ans il fit
-pénitence de _l’Occasion perdue recouverte_.
-
- P. L.
-
-
-
-
- SOURCE ET IMITATION
- DE
- _L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE_
-
-
- IMPUISSANCE[20]
-
- [20] Ces vers, imités des _Amours_ d’Ovide (liv. III, élégie
- 7), sont de Mathurin Régnier; ils ont été publiés, après
- sa mort, dans ses œuvres, en 1613 et 1642. On les retrouve
- avec de bonnes corrections, mais aussi avec de nouvelles
- fautes, dans le _Nouveau recueil des plus belles poësies,
- contenant le Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, la
- Belle mandiante, l’Occasion perdue, etc., et autres pièces
- curieuses_ (Paris, vefve G. Loyson, 1654, in-12, p. 399-404).
-
- Quoy! ne l’avois-je assez en mes vœux désirée?
- N’estoit-elle assez belle ou bien assez parée?
- Estoit-elle à mes yeux sans grâce et sans appas?
- Son sang n’estoit-il pas issu d’un lieu trop bas?
- Sa race, sa maison n’estoit-elle estimée?
- Ne valoit-elle point la peine d’estre aimée?
- Inhabile au plaisir, n’avoit-elle de quoy?
- Estoit-elle trop laide ou trop belle, pour moy?
- Ha! cruel souvenir! Cependant je l’ay euë,
- Impuissant que je suis, en mes bras toute nuë,
- Et n’ay peu, le voulant tous deux esgallement,
- Contenter nos désirs en ce contentement!
- Au surplus, à ma honte, Amour, que te diray-je?
- Elle mit en mon col ses bras plus blancs que neige,
- Et sa langue mon cœur par ma bouche embrasa:
- Bref, tout ce qu’ose Amour, ma Déesse l’osa.
- Me suggérant la manne en sa lèvre amassée,
- Sa cuisse se tenoit en la mienne entassée.
- Les yeux luy petilloient d’un désir langoureux,
- Et son ame exhalloit maint soupir amoureux.
- Sa langue, en bégayant, d’une façon mignarde,
- Me disoit: «Mais, mon cœur, qu’est-ce qui vous retarde?
- N’aurois-je point en moy quelque chose qui peust
- Offenser vos désirs ou bien qui vous depleust?
- Ma grâce, ma façon, ha! Dieu! ne vous plaist-elle!
- Quoy! n’ay-je assez d’amour ou ne suis-je assez belle?»
- Cependant, de la main animant ses discours,
- Je trompois, impuissant, sa flamme et mes amours,
- Et comme un tronc de bois, charge lourde et pesante,
- Je n’avois rien en moy de personne vivante.
- Mes membres languissans, perclus et refroidis,
- Par ses attouchemens n’estoient moins engourdis.
- Mais quoy! que deviendray-je en l’extrême vieillesse,
- Puisque je suis retif au fort de ma jeunesse?
- Et si, las! je ne puis, et jeune et vigoureux,
- Savourer la douceur du plaisir amoureux?
- Ha! j’en rougis de honte, et dépite mon âge,
- Age de peu de force et de peu de courage,
- Qui ne me permet pas, en cest accouplement,
- Donner ce qu’en amour peut donner un amant;
- Car, Dieu! ceste beauté, par mon deffaut trompée,
- Se leva le matin, de ses larmes trempée,
- Que l’amour, de dépit, écouloit de ses yeux,
- Ressemblant à l’Aurore, alors qu’ouvrant les cieux.
- Elle sort de son lict, honteuse et dépitée
- D’avoir, sans un baiser, consommé sa nuictée,
- Quand baignant tendrement la terre de ses pleurs.
- De chagrin et d’amour elle enjette ses fleurs.
- Pour flatter mon deffaut, de quoy me sert la gloire,
- De mon amour passée inutile mémoire!
- Quand, aimant ardamment et ardamment aimé,
- Tant plus je combattois, plus j’estois animé;
- Guerrier infatigable en ce doux exercice,
- Par dix ou douze fois je rentrois dans la lice,
- Où, vaillant et adroit, après avoir brisé,
- Des chevaliers d’amour j’estois le plus prisé...
- Mais de cet accident je fais un mauvais conte,
- Si mon honneur passé maintenant est ma honte,
- Et si le souvenir, trop prompt de m’outrager,
- Par le plaisir receu ne me peut soulager.
-
- O ciel! il falloit bien qu’ensorcelé je fusse,
- Ou, trop ardant d’amour, que je ne m’aperceusse
- Que l’œil d’un envieux nos desseins empeschoit
- Et sur mon corps perclus son venin espanchoit.
- Mais qui pourroit atteindre au poinct de son mérite?
- Veu que toute grandeur pour elle est trop petite,
- Si, par l’égal, ce charme a force contre nous,
- Autre que Jupiter n’en peut estre jaloux:
- Luy seul, comme envieux d’une chose si belle,
- Par l’émulation seroit seul digne d’elle.
- Hé quoy! là haut au ciel mets-tu les armes bas,
- Amoureux Jupiter? Que ne viens-tu çà-bas
- Jouir d’une beauté, sur les autres aimable?
- Assez de tes amours n’a caqueté la Fable:
- C’est ores que tu dois, en amour vif et prompt,
- Te mettre encore un coup les armes sur le front;
- Cacher ta déité dessous un blanc plumage;
- Prendre le feint semblant d’un satyre sauvage,
- D’un serpent, d’un cocu, et te répandre encor,
- Alambiqué d’amour, en grosses gouttes d’or,
- Et puisque sa faveur, à moy seul octroyée,
- Indigne que je suis, fut si mal employée,
- Faveur qui de mortel m’eût fait égal aux dieux,
- Si le Ciel n’eût esté sur mon bien envieux!
-
- Mais, encor tout bouillant de mes flammes premieres,
- De quels vœux redoublez et de quelles prieres,
- Iray-je derechef les Dieux sollicitant,
- Si d’un bienfait nouveau j’en attendois autant;
- Si mes deffauts passez leurs beautez mécontentent
- Et si de leurs bienfaits je croy qu’ils se repentent?
-
- Or, quand je pense, ô Dieux! quel bien m’est advenu!
- Avoir veu dans un lict ses beaux membres à nu,
- La tenir languissante entre mes bras couchée,
- De mesme affection la voir estre touchée,
- Me baiser haletant d’amour et de desir,
- Par ses chatouillemens resveiller le plaisir!
- Ha! Dieux! ce sont des traits si sensibles aux ames,
- Qu’ils pourroient l’Amour mesme eschauffer de leurs flammes
- Si plus froid que la mort ils ne m’eussent trouvé,
- Des mystères d’amour amant trop reprouvé!
- Je l’avois cependant, ivre d’amour extresme;
- Mais si je l’eus ainsi, elle ne m’eust de mesme.
- O malheur! et de moy elle n’eust seulement
- Que des baisers d’un frère et non pas d’un amant!
- En vain, cent et cent fois, je m’efforce à luy plaire.
- Non plus qu’à mon désir je n’y puis satisfaire.
- Et la honte pour lors, qui me saisit le cœur.
- Pour m’achever de peindre, esteignit ma vigueur.
-
- Comme elle reconnut, femme mal satisfaite,
- Qu’elle y perdoit son temps, du lict elle se jette.
- Prend sa juppe, se lace, et puis, en se moquant,
- D’un ris et de ces mots elle m’alla picquant:
- «Non, si j’estois lascive ou d’amour occupée,
- Je me pourrois fascher d’avoir esté trompée.
- Mais puisque mon désir n’est si vif ni si chaud,
- Mon tiede naturel m’oblige à ton deffaut:
- Mon amour satisfaicte aime ton impuissance,
- Et tire de ta faute assez de recompence,
- Qui, tousjours dilayant, m’a fait, par le desir,
- Esbattre plus longtemps à l’ombre du plaisir.»
-
- Mais estant la douceur par l’effort divertie,
- La fureur à la fin rompit sa modestie,
- Et dit en esclatant: «Pourquoy me trompes-tu?
- Ton impudence à tort a vanté ta vertu.
- Si en d’autres amours ta vigueur s’est usée,
- Quel honneur reçois-tu de m’avoir abusée?»
-
- Assez d’autres propos le dépit luy dictoit;
- Le feu de son desdain par sa bouche sortoit.
- Enfin, voulant cacher ma honte et sa colère,
- Elle couvrit son front d’une meilleure chère,
- Se conseille au miroir, ses femmes appela,
- Et, se lavant les mains, le fait dissimula.
-
- Belle dont la beauté si digne d’estre aymée
- Eust rendu des plus morts la froideur enflammée,
- Je confesse ma honte, et, de regret touché,
- Par les pleurs que j’espands j’accuse mon péché:
- Péché d’autant plus grand que grande est ma jeunesse.
- Si homme j’ay failly, pardonnez-moy, déesse.
- J’avouë estre fort grand le crime que j’ay fait;
- Pourtant, jusqu’à la mort, si n’avois-je forfait,
- Si ce n’est à présent, qu’à vos pieds je me jette:
- Que ma confession vous rende satisfaicte!
- Je suis digne des maux que vous me prescrirez.
- J’ay menty, j’ay volé... j’ay des vœux parjurez,
- Trahy les dieux benins. Inventez à ces vices,
- Comme estranges forfaicts, des estranges supplices,
- O beauté, faictes-en tout ainsi qu’il vous plaist;
- Si vous me commandez à mourir, je suis prest!
- La mort me sera douce, et d’autant plus encore,
- Si je meurs de la main de celle que j’adore.
- Avant qu’en venir là, au moins souvenez-vous
- Que mes armes, non moy, causent vostre courroux;
- Que, champion d’amour entré dedans la lice,
- Je n’eus assez d’haleine à si grand exercice;
- Que je ne suis chasseur jadis tant approuvé,
- Ne pouvant redresser un deffaut retrouvé.
- Mais d’où viendroit ceci? Seroit-ce point, maistresse,
- Que mon esprit, du corps précédast la paresse?
- Ou que, par le desir trop prompt et violent,
- J’allasse, avec le temps, le plaisir consommant?
- Pour moy, je n’en sçay rien; en ce fait, tout m’abuse.
- Mais enfin, ô beauté, recevez mon excuse;
- S’il vous plaist derechef que je rentre à l’assaut,
- J’espère avec usure amender mon deffaut.
-
-
- L’OCCASION PERDUE
- A CLORIS
- STANCES[21]
-
- [21] _Nouveau recueil des plus belles poësies, contenant le
- Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, l’Occasion perduë,
- etc., et autres poësies curieuses._ (Paris, chez la vefve
- Loyson, 1654, in-12, p. 119-138.)
-
- Après avoir bien ry des maux que j’ay souffers,
- Que je souffre encore à toute heure,
- Si vous n’adoucissez la rigueur de mes fers,
- Cloris, il faudra que je meure.
- Consultez, avant mon trépas,
- Ce que vont perdre vos appas.
- Un constant comme moy n’est pas si peu de chose;
- Et vous n’y songez pas ou n’y songez pas bien:
- Hylas renâquit-il par sa métempsicose?
- Quand vous m’aurez perdu, vous ne treuverez rien,
- J’entends qui comme moy fasse un doux entretien,
- Et dont l’ame soit moins volage et mensongère,
- Car, pour des amans du commun,
- Vous en aurez tousjours, mais ce n’est pas tout un;
- Encor, comme je crois, n’en retiendrez-vous guère.
-
- Ce n’est pas qu’en effet vous n’ayez cent beautez,
- Que vostre humeur ne soit aimable;
- Je l’advouë entre nous, et mes sens agitez
- Font vostre éloge incomparable,
- Mesme à mesure que j’escris.
- Vous sçavez mesnager vos ris;
- Et ne prononcez pas un seul mot qui ne porte.
- Mais où je n’ay rien fait, personne ne viendra.
- Vous serez dans le monde, et l’on vous croira morte.
- Pour parer ce malheur, c’est à vous qu’il tiendra,
- Et si vous l’attendez, pas un ne vous plaindra.
- On vous dira: «Cloris, vous n’estes pas trop sage;
- La mort de ce pauvre garçon
- Nous fait, en conscience, une belle leçon,
- Qu’on n’apprend pas sous vous un bon apprentissage.»
-
- Raisonnez sans effort si d’un pareil discours
- Vous aurez lieu d’être contente.
- Un esprit inconstant, comme on disoit ces jours,
- Rarement aime une inconstante.
- Nul ne veut estre rejeté.
- Chacun veut dire: J’ai quitté.
- On devient fort jaloux de cette fausse gloire.
- Quand on est aux adieux, on s’en va le premier:
- La retraite est superbe autant que la victoire.
- On est lâche, on est sot, quand on va le dernier.
- On veut voir la maistresse et se plaindre et crier,
- S’il faut que le divorce ait des cris et des larmes;
- Et pour vous parler franchement,
- Les hommes de Paris sont ordinairement,
- En matière d’amour, comme de vrais gendarmes.
-
- Pour moy je ne suis pas composé de ce biais,
- Je n’eus jamais l’ame mauvaise,
- Et comme le visage a l’air docile et niais,
- J’ay l’humeur docile et niaise.
- Depuis que je suis engagé,
- Je n’ay pas seulement songé
- Comment je me prendrois à d’autres amourettes.
- J’enrage loin de vous, je suis presque aux abois;
- Et n’estoit que je pense à vous conter fleurettes,
- Je mourrois tout d’un coup, sans en faire à deux fois.
- Hélas! si les clameurs de ma dolente voix
- Venoient sans y penser vous frapper les oreilles,
- Connoissant combien je suis fou,
- Vous viendriez me voir, et me sautant au cou,
- Sans doute esteindriez mes ardeurs nompareilles.
-
- Aussi, depuis un mois je fais le confondu,
- Je parle à tous de ma souffrance,
- Je dis à tout le monde: «Adieu! je suis perdu!»
- Et puis, par un triste silence,
- Relevé de quelques soupirs,
- Je fais connoistre mes desirs,
- Afin qu’un bon amy vous les aille redire.
- Je vay tard par chez vous, quoyqu’il soit dangereux,
- J’y rode en marmottant quelques mots de martire;
- Tous les pas que j’y fais traînent en malheureux,
- J’y mouche sur un ton qui ressent le pleureux.
- J’y tousse et crache aussi, non pas sans me contraindre,
- Et dans une telle langueur,
- Si j’y conserve encor ma première vigueur,
- C’est pour vous dépescher, si vous venez me plaindre.
-
- En vérité, Cloris, un transport de pitié
- Seroit un transport pardonnable;
- Je vous en supplirois par toute l’amitié
- Dont vous devez estre capable:
- N’estoit qu’en suppliant ainsi,
- Je reconnois bien, Dieu mercy,
- Que l’amitié vous est une chose inconnuë,
- Et qu’on ne vous prend pas par le spirituel.
- Vous n’y fûtes jamais qu’aparâment émeuë.
- Aussi, vous ay-je escrit cartel dessus cartel,
- Et mille fois de bouche appellée en duel,
- Pour tirer ma raison du tort que vous me faites;
- Vous m’avez refusé tout plat;
- Après vous vous vangez par un assassinat:
- Mais mon mal vous prendra, si vous n’y satisfaites.
-
- Oüy, mon mal vous prendra, mais possible trop tard
- Pour y treuver quelque remede;
- Car, s’il m’arrive un jour de faire bande à part,
- Vous aurez beau crier à l’aide;
- Le diable me puisse emporter
- Si je daigne vous escouter,
- Et si je fais un pas pour vous tirer de peine!
- En deussiez-vous avoir, et les pâles couleurs,
- Et mesme la jaunisse ou bien la courte haleine.
- Je noyeray mes maux au torrent de vos pleurs;
- Et vous faisant sentir à mon tour des rigueurs,
- Vous connoistrez par là les tourmens qu’on endure,
- Quand on est seul de son costé,
- Qu’on veut ce que refuse une autre volonté,
- Et quand on fait la nargue à madame Nature.
-
- C’est encor vous aimer que de vous avertir
- De ce malheur qui vous menace.
- Vous pouvez l’éviter, venant me secourir,
- Et changeant en feu vostre glace.
- Donc, Cloris, vivons bons amis,
- Et que nos esprits bien soumis
- Ne se fassent jamais qu’une amoureuse guerre.
- Je fais des vœux pour vous come j’en fais pour moy;
- J’aime aussi bien que vous le sejour de la terre;
- Et tant que j’y seray, j’y seray sous la loy
- Que nous fismes tous deux en nous donnant la foy.
- Touchons-nous dans la main en amour et simplesse,
- Et bannissons loin de nos cœurs
- Riottes et mespris, malices et froideurs,
- Et faisons banqueroute à toute la tristesse.
-
- Vous estes bonne fille, et je suis bon garçon,
- Nous n’en devons rien l’un à l’autre.
- Nous nous sommes donnez mainte et mainte leçon,
- Vous avez du mien, j’ay du vostre.
- Vostre amour au mien s’est montré,
- Mais, las! il n’a que folastré.
- Nous avons fait de tout, hormis la bonne affaire...
- Quand je songe au pourquoy, je deviens interdit;
- Car enfin, si ma flâme eût esté moins sévère,
- Je pouvois aisément vous jetter sur le lit,
- Et si, sur mon honneur, je ne l’eusse pas dit,
- (Je ne m’en souviens mesme icy qu’en parenthèse),
- Vos yeux roulant nonchalamment
- Disoient sans cesse aux miens: «Faisons-le promptement!»
- Mais l’amour s’en alla, sans vous faire bien aise.
-
- Ce fut vostre pudeur et ma timidité,
- Qui firent ce mauvais menage.
- Ma main posoit à plomb sur vostre nudité,
- Et, visage contre visage,
- J’estois comme vous sans soustien;
- Nos sens ne tenoient plus à rien.
- Et nos cœurs déreglez déregloient nos pensées;
- Nous ne sçavions tous deux comment nous enlasser.
- Nos flâmes se pressoient, et se sentoient pressées.
- Nos corps à tous momens vouloient se renverser...
- Il ne s’en falloit plus qu’à ne plus rien penser:
- Mais nous pensâmes trop. Le feu prit deux amorces,
- L’amour gasté frustra nos vœux.
- A faux en mesme temps nous tirâmes tous deux,
- Et la foiblesse ainsi nous redonna nos forces.
-
- Après cela, je vis vos yeux moins languissans,
- Leurs brillans broüillez s’éclypserent.
- Comme d’un grand sommeil vous repristes vos sens
- Et vos mourans baisers cesserent.
- Honteuse d’un tel accident.
- Le rouge vous prit plus ardant,
- Et l’amour parut triste au bord de vos paupières.
- Vostre corps en pleura par sa chaude sueur.
- Vos feux s’entregrondans tournèrent cent carrières.
- Vous pensastes vingt fois m’appeller affronteur:
- Mais un trop grand dépit calma ceste fureur.
- Puis, vostre rage estoit à demy r’allentie.
- Vous estiez pourtant en courroux,
- J’estois un peu confus, mais non pas tant que vous,
- Voyant si mal finir cette belle partie.
-
- Depuis ce doux moment, l’ayant manqué si beau,
- Vous avez pris un air farouche:
- Vos flâmes ont esté pour moy dans le tombeau,
- J’ai tout perdu, jusqu’à la bouche.
- Vos esprits tousjours mutinez
- M’ont fait sans cesse un pied de nez,
- Alors que j’ay voulu remonter sur ma beste.
- Je n’ay pu revenir jamais à mes moutons,
- Je n’ay plus esté saint dont on chomme la feste.
- Il est vray j’ay baisé quelquefois vos tetons.
- Mais tout cela n’est rien, n’allant point à tastons;
- Ou si c’est quelque chose, on en est plus à plaindre:
- Par des eslans impérieux
- On ne fait qu’allumer des braziers furieux
- Que le diable nourrit, et qui veulent s’éteindre.
-
- Mais revenons, Cloris, tous deux d’un mesme accord.
- Mon mal vous donne de la peine;
- Et c’est à vos despens que vous me faites tort;
- Car quand vous m’estes inhumaine,
- Semblable à cet esprit malin
- Qui pour aveugler son prochain
- S’éborgne volontiers d’une des deux prunelles,
- Vous enragez d’abord pour me faire enrager,
- Et faites à vos sens des blessures mortelles.
- C’est assez avoir pris de soins à vous venger.
- Après tant de travaux, il se faut soulager
- Je sçay que plus que moy vous en avez envie,
- Et vous avez beau marchander,
- Vous devez de bon gré dans peu me l’accorder.
- Et dans peu le dépit vous ostera la vie.
-
- Il est vray, j’ay failly, par mon chien de respect...
- Je devois estre un peu moins sage:
- Mais je suis corrigé (grâce à nostre regret)
- Et je suis fait au badinage.
- Si je vous rencontre à l’écart,
- Soit en plein jour ou sur le tard,
- Par ma foy, vous pouvez bien brider vostre juppe,
- Je verray jusqu’au haut comme elle est à l’envers,
- Et puis, vous renversant pour soustenir la duppe,
- Tout d’un coup je mettray vos beaux yeux de travers,
- Comme je l’imagine en escrivant ces vers...
- Hélas! ce doux penser me met hors de moy-mesme.
- Mais tout beau, ma chair et mon sang!
- Laissez finir ma plume, attendez votre rang:
- Vous en aurez assez quand vous serez à mesme.
-
- D. M.
-
-
- LA JOUISSANCE IMPARFAITE
- CAPRICE[22]
-
- [22] Imprimé à la suite de _l’Occasion perduë recouverte_,
- page 18 de ce cahier séparé, qui se trouve à la fin des
- _Maximes et loix d’amour, lettres, billets doux et galants,
- poësies_ (Paris, Olivier de Varennes, 1669, pet. in-8).
-
- Après mille amoureux discours
- Interrompus d’un long silence,
- Elle repousse mes amours
- D’une agréable violence.
-
- Je sçay qu’en cette occasion
- Ce qui cause nostre querelle,
- Ce n’est pas son aversion,
- Mais c’est sa pudeur naturelle.
-
- Pour ses bras en vain resistans,
- Ses yeux semblent me faire excuse,
- Et je trouve qu’en mesme temps
- Elle m’accepte et me refuse.
-
- Pour favoriser mon dessein,
- Et soulager mon mal extresme,
- Le linge qui couvroit son sein
- Est tombé presque de luy-mesme.
-
- Ayant porté ses belles mains
- Dessus ces deux globes d’albâtre,
- Je baise les doigts inhumains
- Qui cachent ce que j’idolâtre.
-
- «Hélas! à quoy, dis-je, vous sert
- D’estre à mon amour si farouche?
- Vos mains ont vostre sein couvert,
- Et m’ont decouvert vostre bouche.
-
- «Vous faites autant de péchez
- Que vous m’ostez de belles choses;
- Mais pour les lys que vous cachez,
- Je m’en vay bien cueillir des roses.
-
- «Dieux! que cette bouche a d’appas!
- Que tout ce visage a de grâces!
- Cent mains ne vous suffiroient pas
- Pour garder tant de belles places.»
-
- Icy la constance est à bout,
- Toute sa force est allentie:
- Elle aime mieux me donner tout,
- Que d’en céder une partie.
-
- Au lieu donc de me repousser,
- Ses bras, sans aucune contrainte,
- Ne servent plus qu’à m’embrasser
- D’une amoureuse et molle estrainte.
-
- Son amour dans ses yeux se lit,
- J’y connois son inquiétude;
- Elle tombe dessus le lit,
- Plus d’amour que de lassitude.
-
- Par l’ardeur de sa passion
- Toute sa personne est émeuë,
- Et son imagination
- Trouble lascivement sa veuë.
-
- Déjà sa gorge s’enfle un peu,
- Et (j’ay de la peine à le croire),
- J’aperçoy l’éclat d’un beau feu
- Entre deux colonnes d’yvoire.
-
- Mais, ô foible contentement,
- Passion qui n’a point d’exemple,
- Mon vain devoir en un moment
- Se rend à la porte du temple.
-
- Incomparable affliction!
- Une ville après cent batailles
- Se rend à ma discretion,
- Et je meurs au pied des murailles...
-
- Nous faisons, mais séparément,
- Ce qu’ensemble nous devions faire,
- Et, sans le vif attouchement,
- S’achève l’amoureux mystère.
-
- Icy nos amours sont punis,
- Par l’excez de leurs propres flames,
- Et nos deux corps seroient unis.
- Si nous n’eussions uni nos ames.
-
- «Hélas! c’est trop tost achever!
- Luy dis-je, la voyant fâchée,
- Et honteuse de se lever,
- Aussi-tost qu’elle fut couchée.
-
- «Si je n’ay duré qu’un moment,
- Accusez-en vostre constance:
- La moitié du chatoüillement
- S’est passée en la résistance.
-
- «D’une si nuisible vertu
- Ne faites jamais tant de gloire;
- Si vous n’eussiez point combattu,
- Vous eussiez gagné la victoire.
-
- «Mon défaut vous est glorieux,
- Ne le prenez pas pour un crime;
- Un feu lancé de vos beaux yeux
- A brulé toute la victime.
-
- «L’ame, par l’admiration
- Et par le désir suspenduë,
- Est cause que sans action
- La volupté s’est répanduë.
-
- «Excusez donc mon chaud desir,
- Et vous consolez, Isabelle,
- Vous eussiez eu plus de plaisir
- Si vous eussiez esté moins belle.»
-
-
- JOUISSANCE
-
- STANCES[23]
-
- [23] _Poësies choisies de MM. Corneille, Benserade, de
- Scudery, Bois-Robert, La Mesnardière, Sarrassin_ (sic),
- _Desmarets, etc., et de plusieurs autres célèbres autheurs de
- ce temps_. 4e édition, revue, corrigée et augmentée (Paris,
- Charles Sercy, 1655), in-8, page 30 de la première partie.
-
- Après tant de faveurs, ne craignez pas, Silvie,
- Que je ne sois secret:
- J’ayme mieux près de vous passer, toute ma vie,
- Pour un méconnoissant, que pour un indiscret.
-
- Vostre compassion a ma peine accourcie,
- Me rendant fortuné;
- Mais il n’est pas besoin que je vous remercie,
- De peur de faire voir que vous m’avez donné.
-
- Pour m’en bien acquiter, tous mes desirs frivoles
- Resteront sans pouvoir;
- Outre que je n’ay pas d’assez dignes paroles,
- C’est que, pour en parler, je n’en veux pas avoir.
-
- C’est assez que propice à mon inquiétude
- Vous flattiez mon ardeur:
- Et jamais de ma part aucune ingratitude
- N’en fasse repentir votre jeune pudeur.
-
- Trop heureux que je suis d’avoir en ma puissance
- De si charmants appas;
- Je sçauray bien me taire, et ma reconnoissance
- Ne sera point du tout ou ne paroistra pas.
-
- Je seray devant vous comme j’estois naguère,
- Quand je soupirois tant:
- Et vous prendrez plaisir vous-mesme à me voir faire,
- Quand vous m’entendrez plaindre et me saurez content.
-
- Je veux que la tristesse encore se revoye
- Sur ma pâle couleur,
- Et cent soûpirs iront à ma secrette joye,
- Qui seront adressez à ma fausse douleur.
-
- Je vous appelleray mon ingrate maistresse,
- Publieray mes langueurs,
- Et malgré vos bontez, tout le monde sans cesse
- Verra dans mes écrits subsister vos rigueurs.
-
- Je ne suis pas de ceux dont la vaine ignorance,
- Ne pouvant bien choisir,
- Plustost que le solide, embrassent l’apparence
- Et font du seul éclat l’essence du plaisir.
-
- Leur maxime n’est pas que la chose se cache,
- Cela les refroidit:
- Toute leur volupté, c’est que chacun le sçache,
- Et que rien ne soit fait, pourveu que tout soit dit.
-
- Moi qui n’ay pas chez eux fait mon apprentissage,
- Je n’en tiens du tout rien;
- Ma muse, quoyque jeune, est une muse sage,
- Qui n’a jamais fait honte à qui m’a fait du bien.
-
- Aussi, rasseurez-vous, adorable Silvie,
- Et ne permettez pas
- Que de nostre amoureuse et bienheureuse vie
- Une goutte d’absinthe aigrisse les appas.
-
- Jeunes, à pleines mains cueillons et lis et roses,
- D’un soin toujours égal;
- J’ay bien fait de languir pour de si belles choses;
- Et vous avez bien fait de soulager mon mal.
-
- Ne laissons échapper un moment inutile
- En l’avril de nos ans,
- Et que nostre pensée en delices fertile,
- S’épuise et se remplisse en faveur de nos sens.
-
- De vos chères faveurs les aimables largesses
- Comblent tout mon souhait,
- Et cependant mon ame au milieu des caresses
- Ne peut venir à bout d’un desir satisfait.
-
- Contente, elle désire, et va criant à l’ayde,
- Au milieu du secours;
- Le doux mal qu’elle plaint dure après son remède,
- Et quoy qu’il en arrive, elle brûle toujours.
-
- C’est trop d’amour, Silvie, et cet excès aimable,
- Ne vous déplaira point;
- Je n’ay jamais rien fait qui n’ait esté blamable,
- Si vostre jugement me condamne en ce poinct.
-
- Que j’aime ce visage en sa naïve grace
- Jadis plein de refus,
- Et maintenant si doux, qu’on n’y voit plus la trace
- De nul de ses dédains qui ne paroissent plus!
-
- Ces beaux yeux, ce beau sein, toutes ces riches marques
- N’appartiennent qu’à moy,
- Et bas comme je suis au-dessous des monarques,
- J’ay pourtant des trésors que n’auroit pas un roy.
-
- Tout beau! quelque douceur si plaisante à décrire
- Qu’ait eu ma passion,
- J’ay beaucoup à penser, mais je n’ay rien à dire
- Et ma gloire dépend de ma discrétion.
-
- BENSERADE.
-
-
- JOUISSANCE[24]
-
- [24] _Nouveau recueil de diverses poësies du sieur Du Teil,
- augmenté de plusieurs poëmes, stances, sonnets, etc._ (Paris,
- J. B. Loyson, 1659, in-12, p. 32-36).
-
- Enfin cette beauté qui me faisoit mourir,
- Dans le soin de me secourir
- Change l’ingratitude à la reconnoissance,
- Et m’a dit aujourd’hui que sa difficulté
- Feroit moins voir sa cruauté
- Que l’excès de ma récompense.
-
- Mais quoy? sans retomber au péril du trépas,
- Pourray-je dire les combats
- Que la honte et l’amour livrèrent à son ame,
- Alors que, se rendant à mon assaut vainqueur,
- L’innocente mouroit de peur,
- Et trembloit au bruit de ma flame!
-
- Amour, qui m’as comblé de gloire et de plaisir,
- Seconde encore mon désir;
- Toy qui brulois mon cœur, échaufe un peu ma veine,
- Afin qu’on puisse lire écrit sur tes autels
- Des caractères immortels
- A la loüange de ma reine.
-
- En la triste saison que Phebus endormy
- Ne luit au monde qu’à demy,
- Mon astre m’éclaira de toute sa lumière.
- Et cette belle aurore, un peu devant le jour,
- A l’assignation d’amour
- Se rendit presque la première.
-
- Au moment que je vis ce merveilleux objet,
- Pour qui j’avois tant de respect,
- Entrer les yeux baissez, et d’un accent timide,
- Me dire: «Cher Tircis, à quoy m’exposes-tu?
- Faut-il que pour toy la vertu
- Cède à la fureur qui me guide?
-
- «Tircis, vivons tousjours dans nos feux innocens;
- Et si j’ay des charmes puissans,
- Comme pour me flater tu le veux faire croire,
- Modère aussi les tiens, et content de ma foy,
- Cesse de prétendre sur moy
- L’honneur d’une lâche victoire.»
-
- Quand je vis tant de grace avec tant de pudeur,
- Peu s’en fallut que mon ardeur
- N’écoutât du respect les simples remonstrances,
- Et que, perdant le fruit de cette occasion,
- Une sotte confusion
- Ne ruinât mes espérances.
-
- Mais reprenant bien-tost mon généreux dessein,
- J’attache ma bouche à son sein,
- Qui d’un poux inégal témoignoit ses alarmes:
- Là nous eusmes un long et périlleux combat.
- Avant qu’elle ne succombât
- Sous l’heureux effort de mes armes.
-
- Nos rideaux recevoient tout autant de clarté
- Qu’il en faut pour une beauté
- Qui des jeux de l’Amour n’a pas l’expérience.
- La pudeur de Philis s’y pouvoit asseurer,
- Et j’y pouvois considérer
- Tous les traits de son innocence.
-
- Je vis comme l’Amour quelquefois luy haussoit
- Ses yeux que la honte abaissoit
- Je vis rougir ses lys, je vis pâlir ses roses;
- Tout estoit merveilleux, et je puis hardiment
- Protester que jamais amant
- Ne toucha de si belles choses.
-
- Alors, n’en pouvant plus: «Cher voleur d’un tresor,
- Que je devois garder encor,
- Après avoir soulé ton amoureuse envie,
- Après t’estre enrichy de ma première fleur,
- Après m’avoir osté l’honneur,
- Oste-moy, dit-elle, la vie!»
-
- «Reyne de mes desirs, maistresse de mon sort,
- Puisque nos destins sont d’accord,
- Goustons les voluptez que le ciel nous envoye;
- Appaise donc, luy dis-je, appaise tes douleurs,
- Et ne fais pas tomber des pleurs
- Dans le fleuve de nostre joye.
-
- «Tu sçais, belle Philis, que ma discrétion
- L’emporte sur ma passion.
- Et qu’à dissimuler j’ay si peu de contrainte,
- Que tous les espions qu’on vient de nous donner
- Jamais ne pourront discerner
- La vérité d’avec la feinte.
-
- «Sçache aussi que d’Amour l’agréable péché,
- Pourveu qu’on le tienne caché
- Loin de ce que tu crains, n’apporte à ses complices
- Qu’un mutuel desir de le faire souvent,
- Et l’honneur, qui n’est que du vent,
- Se garde parmy nos délices.»
-
- Ce miracle d’amour, de grâce et de beauté,
- Après m’avoir bien écouté:
- «Que les propos, dit-il, d’une personne aimée
- Ont un rare pouvoir de toucher nos esprits!
- Que mes sens se trouvent surpris,
- Et ma colère desarmée!
-
- «Dispose de ma vie, aimable suborneur!
- L’Amour, plus puissant que l’honneur,
- Me fait abandonner ma première conduite,
- Et dit à ma raison, qu’un si parfait amant
- Ne peut cueillir injustement
- Les fruits d’une longue poursuite.»
-
-
- JOUISSANCE
-
- IDYLLE[25]
-
- [25] _Poésies nouvelles et autres œuvres galantes du sieur de
- C..._ (Paris, Théodore Girard, 1662, in-12, p. 75-78).
-
- Du bel astre du jour les lumières errantes
- Avoient brillé deux fois sur les fleurs renaissantes,
- Et sous les noirs frimas les aquilons naissans
- Avoient blanchy deux fois la vieillesse des ans;
- Depuis le jour fatal que l’amoureux Lysandre
- Vit la belle Climene et ne peut s’en deffendre,
- Et qu’heureux à ses pieds de voir couler ses jours,
- Il n’estoit point gesné par d’ingrates amours.
- Après beaucoup de temps, de constance et de peine.
- Il sut toucher le cœur de l’aimable Climène,
- Et cette belle enfin, favorable à ses vœux,
- Ressentit les langueurs d’un tourment amoureux.
- Tous deux, fuyant le monde, abandonnoient leurs ames
- Aux plaisirs innocens de leurs discrètes flames,
- Et ces parfaits amans ne peignoient dans leurs yeux
- Que ces chastes amours qui triomphent des dieux.
- Mais qu’on voit rarement, dans le siècle où nous sommes,
- Les amans aimer bien et n’aimer pas en hommes,
- Et qu’il est difficile au cœur bien enflamé
- D’estre longtemps discret, lorsqu’il est fort aimé!
- Lysandre, en qui l’amour estoit jadis si pure,
- Fut touché du désordre où porte la nature:
- Son cœur et sa raison ne pouvant s’accorder,
- Il vouloit des faveurs qu’il n’osoit demander.
- Climène le connut, et son ame affligée
- Desira vainement de se voir dégagée.
- Mais elle aimoit beaucoup, et vit bien qu’en aimant
- L’on s’accoutume enfin aux transports d’un amant.
- Climène chaque jour devenoit moins sévère,
- Répondoit à Lysandre avec moins de colère,
- Et Lysandre, hardy, luy contoit chaque jour
- Les plaisirs indiscrets du criminel amour.
- D’un honneur scrupuleux les loix trop rigoureuses
- Combattirent longtemps leurs flames amoureuses.
- Mais dès lors que l’honneur est pressé par l’amour,
- Si l’amour est bien fort, l’honneur cède à son tour.
- Avec tous les efforts d’une vertu sévère,
- C’est en vain que souvent la Raison delibère,
- Et l’esprit, combattu par des attraits puissans,
- Se trouble et s’abandonne à l’empire des sens.
-
- Sur le bord d’un ruisseau, loin du bruit et du monde
- Climène un jour dormoit au murmure de l’onde,
- A l’ombrage d’un bois et sur le gazon vert:
- Un doux zephir baisoit son beau sein découvert.
- Telle parut jadis, dans les bois de Cythère,
- Des plus tendres Amours la ravissante mère,
- Quand lasse de chercher son aimable Adonis,
- Elle se reposoit dans les bras de son fils.
- Climène, mille fois plus charmante et plus belle,
- Dort parmi les Amours qui veillent autour d’elle,
- Qui toujours attachez à ses divins appas,
- L’aiment comme leur mère et ne la quittent pas.
- Elle dormoit encor, lorsque son cher Lysandre,
- Guidé par l’Amour mesme, en ce bois se vint rendre.
- Surpris d’un nouveau jour qui brilloit à ses yeux,
- Il connut que Climène estoit près de ces lieux.
- Il soupire, il s’avance, et dans cet instant mesme,
- Plein de joie et d’ardeur, il trouve ce qu’il aime,
- Il reconnoît Climène, et voit que son beau corps,
- Négligemment couché, découvroit ses trésors.
- Charmé de contempler tant de beautez nouvelles,
- De mille feux nouveaux il sent les étincelles,
- Et se laisse embraser à ces esprits ardens
- Qui malgré la raison s’écoulent par les sens.
- Sans éveiller Climène, à genoux auprès d’elle,
- Il veut porter sa bouche au sein de cette belle,
- Et sa main criminelle est prête de toucher
- Des trésors que l’honneur ordonne de cacher.
- Mais un léger respect qui combattoit sa flame,
- Calma pour un moment les transports de son ame,
- Et, prest d’exécuter un si hardy dessein,
- Il sentit arrester et sa bouche et sa main.
- Il craignit justement que Climène offensée
- Ne punît par sa haine une ardeur insensée,
- Et que, pleine d’horreur pour sa témérité,
- Il ne peust plus fléchir son esprit irrité.
- «Que feray-je, dit-il, dans l’ardeur qui m’anime?
- Qui péche par amour ne fait pas un grand crime.
- Souvent dans les combats qu’ont des cœurs amoureux,
- Si l’on n’est téméraire on n’est jamais heureux.
- Nul ne peut estre sage auprès de ce qu’il aime:
- Le respect dure peu quand l’amour est extrême,
- Et ces foibles combats sont au cœur d’un amant
- Ce que fait un peu d’eau sur un brasier fumant.»
-
- A ces mots, il s’emporte, et son ame aveuglée
- S’abandonne aux fureurs d’une amour déréglée.
- Il arreste Climène avec ses bras puissans,
- Et l’inhumain est sourd à ses cris innocens.
- Cette belle, en désordre, estonnée et tremblante,
- Tâche en vain d’échapper, se plaint et se tourmente,
- Menace son amant de courir au trépas:
- Enfin elle le prie et ne le fléchit pas.
- Sa résistance est foible aux efforts de Lysandre.
- Contre quelque autre amant elle eust peu se défendre,
- Mais contre ce qu’on aime on fait un vain effort:
- Quand le cœur nous trahit, le bras n’est guères fort.
- Ce n’est plus qu’aux soupirs que sa bouche est ouverte.
- Elle ferme les yeux pour ne pas voir sa perte,
- Et les bras étendus, sans aucun mouvement,
- Laisse tout prendre enfin à cet heureux amant.
- Jamais tant de beautez, avecque tant de joye,
- Des ardeurs d’un amant ne devinrent la proye,
- Et l’on ne vit jamais dans l’empire amoureux
- De plus belle conqueste et d’amant plus heureux.
- Dans le fond de ce bois les Nymphes en rougirent,
- Le Faune tressaillit, et les Amours en rirent;
- Tous en furent émus et dirent tour à tour,
- Que rien n’est comparable aux douceurs de l’amour.
-
-
- JOUISSANCE
-
- SONNET[26]
-
- [26] _Poësies choisies de MM. Corneille, Bois-Robert, de
- Marigny, Desmarets, Gombault, de La Lanne, de Cerisy, de
- Cerisay, Maucroix, etc., et plusieurs autres._ Cinquiesme
- partie (Paris, Charles de Sercy, 1666, in-12. p. 61). Ce
- sonnet, publié sans nom d’auteur dans différents recueils,
- est de mademoiselle Desjardins, plus tard madame de
- Villedieu, qui ne le désavouait pas.
-
- Aujourd’huy dans tes bras j’ay demeuré pâmée:
- Aujourd’huy, cher Tircis, ton amoureuse ardeur
- Triomphe impunément de toute ma pudeur,
- Et je cède aux transports dont mon ame est charmée.
-
- Ta flame et ton respect m’ont enfin desarmée:
- Dans nos embrassemens je mets tout mon bonheur,
- Et je ne connois plus de vertu ni d’honneur,
- Puisque j’aime Tircis et que j’en suis aimée.
-
- O vous, foibles esprits, qui ne connoissez pas
- Les plaisirs les plus doux que l’on gouste icy-bas,
- Apprenez les transports dont mon ame est ravie.
-
- Une douce langueur m’oste le sentiment,
- Je meurs entre les bras de mon fidelle amant,
- Et c’est dans cette mort que je trouve la vie.
-
-
- JOUISSANCE
-
- (Imité d’Ovide, _Amours_, liv. III, élég. 7.)
-
- STANCES[27]
-
- [27] Cette pièce, sans nom d’auteur, se trouve à la p.
- 1177 du t. IX du recueil manuscrit de Conrart, in-folio,
- Bibliothèque de l’Arsenal.
-
- Accablé de l’inquiétude
- Que cause l’ardeur de l’esté,
- Pour dissiper ma lassitude
- Sur mon lit je m’estois jeté.
- Le soleil, dans ma chambre obscure,
- Trouvant quelque foible ouverture,
- Lançoit un rayon de ses feux,
- Et meslant la lumière à l’ombre,
- En faisoit un lieu clair et sombre
- Propice aux larcins amoureux.
-
- Alors à mes yeux se présente
- Corinne et n’ose m’approcher:
- Sa robe blanche et transparente
- La couvroit sans me la cacher.
- Elle chancelle, je m’avance;
- J’attaque, elle fait résistance
- Et tâche de me repousser,
- Mais d’une manière si douce,
- Que le beau bras qui me repousse,
- Est deja prest à m’embrasser.
-
- Enfin, vainqueur de cette belle,
- J’en contemplay tous les appas,
- J’admiray ce qu’on voit en elle
- Et tout ce que l’on ne voit pas.
- Chacun aisément conjecture
- Ce qu’on fait en cette aventure
- Avec l’objet de ses amours...
- Que je serois digne d’envie,
- Si dans la suite de ma vie
- J’avois souvent de ces beaux jours!
-
-
- L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE[28]
-
- [28] _Les Soirées des Auberges, l’Apothicaire de qualité,
- l’Avanture de l’hostellerie, le Mariage de Belfegore,
- l’Occasion perduë recouverte, Nouvelles galantes, comiques et
- véritables_ (Paris, Estienne Loyson, 1669, in-12, p. 289-292).
-
-Une certaine Dame de la campagne avoit un mary fort jaloux, et
-neantmoins ne laissoit point de se réjouyr, et de passer son temps
-avec un jeune frisé, valet de chambre d’un gentilhomme de ses voisins,
-dont elle estoit passionnement amoureuse, qui, quelquefois, la voyoit
-de près aux heures qu’elle l’avertissoit que son mary estoit absent.
-Cette Dame estoit parfaitement belle, et quoyqu’elle s’abandonnast à
-un valet, ne laissoit point d’estre poursuivie par tous les braves
-cavaliers du pays, et entre autres, par un certain Marquis, leur
-voisin, qui, l’ayant longuement persecutée à force de présens, obtint
-d’elle ce qu’il en desiroit, mais elle l’obligeoit bien plus tost par
-interest que par amour; car toutes ses inclinations estoient dediées à
-ce valet de chambre, à qui elle avoit absolument donné son cœur.
-
-Un jour, comme son mary estoit allé dehors, qui ne devoit estre de
-retour que le lendemain, elle envoye tout à l’heure querir son galand,
-comme elle avoit accoutumé de faire en pareille occasion; mais à peine
-luy avoit-elle donné le bonjour, que monsieur le Marquis arrive, ayant
-laissé ses chevaux dans la cour; (il) montoit desja l’escalier, quand
-une des filles de chambre de la Dame la vint avertir que monsieur
-le Marquis montoit. Elle, qui pour rien n’eust voulu que le Marquis
-eust trouvé ce jeune homme dans sa chambre, le pria de se cacher; ce
-qu’il fit tout tremblant de peur, et, ne sçachant où se mettre, il se
-cache sous le lict. Le Marquis entre et salue la Dame, qui luy demande
-comme il avoit sçeu prévoir que son mary n’estoit point au logis; il
-luy dit que son cœur l’en avoit averty, qui n’avoit pas accoutumé de
-pronostiquer jamais en vain.
-
-Comme ils estoient en conversation ensemble, le mary arrive: ce qu’une
-fille de chambre vint aussitost dire à sa maistresse, qu’il estoit
-desja dans la cour et qu’il avoit veu les chevaux de monsieur le
-Marquis. Cette femme demeura bien interdite, ne sçachant ce qu’elle
-devoit faire de voir son mary la surprendre, pendant qu’elle estoit
-avec le Marquis, et qu’elle avoit un autre galand caché sous le lict.
-Mais, comme les femmes sont extrêmement subtiles et prompte plus que
-les hommes à remedier aux malheurs présens, avec le peu de temps
-qu’elle avoit, elle dit au Marquis: «Monsieur, si vous avés dessein
-de me sauver la vie, au nom de Dieu, sans vous informer de la cause
-qui m’oblige à cela, car je n’ai pas à présent le loisir de répondre
-là-dessus, mettez l’espée à la main, et tesmoignez d’estre en colere;
-disant: _Morbleu! je le rattraperai une autre fois!_ et en disant
-cela, sortez promptement de céans, et quoyque mon mary, que vous allez
-rencontrer sur la montée, vous en demande la cause et vous veuille
-arrester, allez-vous-en en colere, sans luy respondre. C’est l’unique
-moyen de me sauver, sans quoy, tenez-moy morte, autant vaut.»
-
-Le Marquis, qui n’avoit pas le loisir de consulter là-dessus, bien
-aise aussi que par ce moyen il pouvoit aussi échapper, met l’espée à
-la main, sort de la chambre, et rencontrant le mary sur la montée,
-dit, en colère: «Morbleu! je le rattraperay une autre fois!» Le mary
-estonné, luy demande ce qu’il a; mais, luy, sans vouloir escouter,
-enfonçant son chapeau à sa teste, sort sans luy dire aucune chose. Le
-mary trouve sa femme à la porte de sa chambre, à qui il demande à qui
-en avoit monsieur le Marquis. «Ah! mon amy, luy dit-elle, jamais je
-ne me suis trouvée si estonnée! Tout maintenant il est venu un jeune
-homme se refugier icy, me criant, la larme à l’œil, d’avoir pitié de
-luy et de le sauver des mains de ce Marquis, qui, l’espée à la main,
-couroit après luy pour le tuer. Je l’ai fait entrer dans ma chambre
-et me suis tenuë à la porte pour en deffendre l’entrée au Marquis,
-qui, tout furieux, venoit pour le tuer; mais, ayant connu que je ne
-le trouvois pas bon, s’estant venu refugier dans ma chambre, encore
-a-t-il esté assez courtois pour ne l’attaquer pas chez moy.--Ah! dit le
-mary, sans doute c’est ce qui l’obligeoit à dire qu’il le rattraperoit
-ailleurs. Mais où est-il ce jeune homme?--Je ne sçay, dit-elle, où
-il se sera caché. Je m’en vais l’appeler. Sortez, mon amy, dit-elle,
-sortez! Ne craignez rien, il est party.» Ce jeune homme, qui avoit tout
-ouï, sort tremblant de dessous le lict, car il en avoit bien sujet. Le
-mary luy demande pourquoy le marquis luy en vouloit: «Je vous jure,
-dit-il, que je n’en sçay rien, monsieur, car je ne le connois point, et
-je crois qu’il me prend pour un autre: car, si tôt lorsqu’il m’a veu,
-mettant l’espée à la main, il a crié: _Tue, tue!_ et sans Madame, qui
-m’a fait la faveur de me retirer céans, je serois mort, sans doute. Je
-luy suis obligé de la vie.» Le mary le console le mieux qu’il pût et
-le conseille de ne sortir point de chez luy, qu’il ne fust nuict, de
-peur que l’autre ne le guetast par la rue. Ainsi eut-il beau recouvrer
-le temps qu’il avoit perdu, sans appréhender le mary qui luy servit
-d’escorte.
-
-
- FIN.
-
-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES
-
-
- Pages
-
- L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE, stances de P. Corneille 5
-
- VARIANTES, d’après les Poésies nouvelles du S. de Cantenac 19
-
- Documents et dissertations sur _l’Occasion perdue
- recouverte_ 21
-
- Sources et imitations de _l’Occasion perdue recouverte_ 63
-
- IMPUISSANCE, par Math. Regnier _Id._
-
- L’OCCASION PERDUE A CLORIS, stances, par D. M. 68
-
- LA JOUISSANCE IMPARFAITE, caprice 74
-
- JOUISSANCE, stances, par Benserade 77
-
- JOUISSANCE, stances, par Du Teil 80
-
- JOUISSANCE, idylle, par de Cantenac 83
-
- JOUISSANCE, sonnet, par madame de Villedieu 86
-
- JOUISSANCE, pièce inédite et anonyme, extraite du Recueil
- de Conrart 87
-
- L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE, anecdote en prose, extraite
- des _Soirées des Auberges_ 88
-
-
- PARIS.--IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.
-
-
- * * * * *
-
-
- Corrections.
-
- Page 34: «à à» remplacé par «à» (s’était amusé à les tourner).
- Page 43: «u» remplacé par «qu» (Il ne faut qu’un moment).
- Page 74: «proptement» remplacé par «promptement» (Disoient sans
- cesse aux miens: «Faisons-le promptement!»).
-
-
-
-
-
-
-
-
-End of Project Gutenberg's L'occasion perdue recouverte, by Pierre Corneille
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE ***
-
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-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
-even without complying with the full terms of this agreement. See
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-Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this
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-electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
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-or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
-additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
-Defect you cause.
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-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of
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-exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
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-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
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-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
-generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
-www.gutenberg.org
-
-
-
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
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-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
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-Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
-U.S. federal laws and your state's laws.
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-The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the
-mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
-volunteers and employees are scattered throughout numerous
-locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
-Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
-date contact information can be found at the Foundation's web site and
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-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
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-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
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-Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
-Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
-freely shared with anyone. For forty years, he produced and
-distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
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-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
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-the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
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- <title>L'occasion perdue recouverte par Pierre Corneille
- by Paul Lacroix (editor)&mdash;A Project Gutenberg eBook</title>
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-
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-<pre>
-
-Project Gutenberg's L'occasion perdue recouverte, by Pierre Corneille
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-Title: L'occasion perdue recouverte
-
-Author: Pierre Corneille
-
-Editor: Paul Lacroix
-
-Release Date: September 10, 2020 [EBook #63174]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE ***
-
-
-
-
-Produced by Laurent Vogel, Hans Pieterse and the Online
-Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/Canadian Libraries)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-<hr class="full" />
-
-<p class="ssrf nobreak"><a href="#note">Au lecteur</a></p>
-
-<p class="ssrf"><a href="#toc">Table des matières</a></p>
-
-<div class="figcenter screenonly" style="margin: 3em auto;">
- <img src="images/couverture.jpg" alt="" title="" width="450" height="600" />
- <p class="cent cs6 ssrf">L’image de couverture a été réalisée pour cette édition
- électronique.<br />Elle appartient au domaine public.</p>
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<p id="Page_1" class="cent lh3"><span class="cs20">L’OCCASION PERDUE</span><br />
-<span class="cs15">RECOUVERTE</span></p>
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<p class="cent cs8 lh2">TIRÉ A 320 EXEMPLAIRES, TOUS NUMÉROTÉS, ET SUR<br />
-PAPIER VERGÉ:<br />
-250 FORMAT PETIT IN-12, ET 70 FORMAT IN-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<hr style="margin: 3em 45% 0.6em 45%;" />
-
-<p class="cent"><i>N<sup>o</sup> 28</i></p>
-
-<hr style="margin: 0.6em 45% 3em 45%;" />
-
-<hr style="margin: 5em 30% 0 30%;" />
-
-<p class="cent cs8">PARIS.—IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.</p>
-
-</div>
-
-<div class="chptr" style="margin: 6em auto; padding: 2em; border: solid 2px #666;
- max-width: 24em;">
-
-<h1>L’OCCASION PERDUE<br />
-<span class="cs8">RECOUVERTE</span></h1>
-
-<p class="cent cs12 esp sepb2">PAR PIERRE CORNEILLE</p>
-
-<p class="cent cs8"><b>NOUVELLE ÉDITION</b></p>
-
-<p class="sep1 cent cs8 lh1">ACCOMPAGNÉE DE NOTES ET DE COMMENTAIRES<br />
-AVEC LES SOURCES ET LES IMITATIONS QUI ONT ÉTÉ FAITES<br />
-DE CE POEME CÉLÈBRE<br />
-NON RECUEILLI DANS LES ŒUVRES DE L’AUTEUR.</p>
-
-<hr style="margin: 3em 30%;" />
-
-<p class="cent cs12">PARIS</p>
-
-<p class="cent">CHEZ JULES GAY, ÉDITEUR<br />
-<span class="cs6">QUAI DES AUGUSTINS, 41</span></p>
-
-<hr style="margin: 0.8em 48%;" />
-
-<p class="cent">1862</p>
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<h2><span class="pagenum" id="Page_5">[p. 5]</span>
-L’OCCASION PERDUE<br />
-<span class="cs8">RECOUVERTE</span></h2>
-
-<hr style="margin: 3em auto;" />
-
-<h3 id="sub1_1">STANCES<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a></h3>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<div class="poem">
-<div class="snr">I</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Un jour, le malheureux Lisandre,</div>
- <div class="vers8">Poussé d’un amour indiscret,</div>
- <div class="vers8">Attaquoit Cloris en secret,</div>
- <div class="vers8">Qui ne pouvoit plus se défendre.</div>
- <div class="vers8">Tout favorisoit son amour:</div>
- <div class="vers8">L’astre qui nous donne le jour</div>
- <div class="vers8">Alloit porter ses feux dans l’onde,</div>
- <div class="vers8">Et cet ennemy de Cypris</div>
- <div class="vers8">Ne laissoit de lumière au monde</div>
- <div class="vers8">Que dans les beaux yeux de Cloris.</div>
-</div>
-
-<div class="snr"><span class="pagenum" id="Page_6">[p. 6]</span>
-II</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Avec un amoureux silence,</div>
- <div class="vers8">Dans un secret appartement,</div>
- <div class="vers8">Elle supporte doucement</div>
- <div class="vers8">Son amour et sa violence;</div>
- <div class="vers8">Ses bras qu’elle veut avancer</div>
- <div class="vers8">Ne servent à le repousser,</div>
- <div class="vers8">Que pour l’attirer davantage;</div>
- <div class="vers8">Elle le souffre à ses genoux,</div>
- <div class="vers8">Et n’a pas presque le courage</div>
- <div class="vers8">De luy dire: «Que faites-vous?»</div>
-</div>
-
-<div class="snr">III</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Avec un œil doux et sévère</div>
- <div class="vers8">Elle envisage son amant,</div>
- <div class="vers8">Et luy montre confusément</div>
- <div class="vers8">De l’amour et de la colère.</div>
- <div class="vers8">«Lysandre, dit-elle tout bas,</div>
- <div class="vers8">Je crieray, car ne pensez pas</div>
- <div class="vers8">Que je contente vostre envie;</div>
- <div class="vers8">Cessez d’attaquer mon honneur,</div>
- <div class="vers8">Ou commencez d’avoir ma vie,</div>
- <div class="vers8">Comme vous avez eu mon cœur!»</div>
-</div>
-
-<div class="snr">IV</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Mais Lisandre, aussi peu timide</div>
- <div class="vers8">Qu’il estoit beaucoup amoureux,</div>
- <div class="vers8">Imprime l’ardeur de ses feux</div>
- <div class="vers8">Sur les bords de sa bouche humide,</div>
- <div class="vers8">Et glisse sa brûlante main</div>
- <div class="vers8">Sur la neige de son blanc sein,</div>
- <div class="vers8">Dont il prétend fondre la glace,</div>
- <div class="vers8">Et, la tenant entre ses bras,</div>
- <div class="vers8">Il ose élever son audace</div>
- <div class="vers8">Sur un lieu plus saint et plus bas.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_7">[p. 7]</span>
-<div class="snr">V</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Là, sans respect et sans relâche,</div>
- <div class="vers8">Il cherche l’objet de ses vœux,</div>
- <div class="vers8">Et trouve ce lieu bien-heureux</div>
- <div class="vers8">Sous le cotillon qui le cache;</div>
- <div class="vers8">De ses doigts tremblans et hardis</div>
- <div class="vers8">Il prend le sombre paradis</div>
- <div class="vers8">Qui donne l’enfer à nos âmes,</div>
- <div class="vers8">Ce throsne vivant de l’amour,</div>
- <div class="vers8">Où, parmy les feux et les flammes,</div>
- <div class="vers8">L’on n’a jamais trouvé le jour.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">VI</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Attachez bouche contre bouche,</div>
- <div class="vers8">L’un et l’autre estroitement pris,</div>
- <div class="vers8">Il esbranla si bien Cloris,</div>
- <div class="vers8">Qu’il la jetta sur une couche,</div>
- <div class="vers8">Lorsqu’avecque des yeux roulans,</div>
- <div class="vers8">Demy-vifs et demy-mourans.</div>
- <div class="vers8">Elle feignit d’estre pasmée,</div>
- <div class="vers8">Et, dans un si prompt changement,</div>
- <div class="vers8">Ne parut plus estre animée</div>
- <div class="vers8">Que par des soûpirs seulement.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">VII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">A voir sa gorge toute nuë,</div>
- <div class="vers8">Son corps tout du long estendu,</div>
- <div class="vers8">L’on sçait bien qu’elle avoit perdu</div>
- <div class="vers8">Sa pudeur et sa retenuë;</div>
- <div class="vers8">Que sa constance estoit à bout,</div>
- <div class="vers8">Que son Lisandre pouvoit tout,</div>
- <div class="vers8">Qu’elle se fust laissé tout faire;</div>
- <div class="vers8">Mais, par un accident fascheux,</div>
- <div class="vers8">Que je dis et qui se doit taire,</div>
- <div class="vers8">Il ne se passa rien entr’eux.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_8">[p. 8]</span>
-<div class="snr">VIII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Près de gouster mille délices,</div>
- <div class="vers8">Ce triste et mal-heureux amant</div>
- <div class="vers8">Vid changer son contentement</div>
- <div class="vers8">En de très-rigoureux supplices:</div>
- <div class="vers8">Il estoit couché sur Cloris,</div>
- <div class="vers8">Lorsqu’il demeura tout surpris</div>
- <div class="vers8">D’une infortune sans seconde,</div>
- <div class="vers8">Et, pour comble de son ennuy,</div>
- <div class="vers8">Ce qui donne la vie au monde</div>
- <div class="vers8">Demeura mort et froid en luy.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">IX</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Ce directeur de la nature,</div>
- <div class="vers8">Ce principe du mouvement,</div>
- <div class="vers8">Immobile et sans sentiment,</div>
- <div class="vers8">Perd sa vigueur et sa figure;</div>
- <div class="vers8">Lisandre a beau se tourmenter,</div>
- <div class="vers8">Il a beau le solliciter</div>
- <div class="vers8">Et luy préparer des amorces,</div>
- <div class="vers8">Ce lasche qu’il excite en vain,</div>
- <div class="vers8">Au lieu de reprendre ses forces,</div>
- <div class="vers8">Pleure mollement sur sa main.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">X</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Dans cette cruelle adventure,</div>
- <div class="vers8">Triste, désespéré, confus,</div>
- <div class="vers8">Le pauvre amant ne songe plus</div>
- <div class="vers8">Qu’à renoncer à sa nature.</div>
- <div class="vers8">Dans sa furie et ses transports,</div>
- <div class="vers8">Craignant que, malgré ses efforts,</div>
- <div class="vers8">On ne l’accuse d’impuissance,</div>
- <div class="vers8">Appelle d’un air languissant</div>
- <div class="vers8">Des témoins de son innocence</div>
- <div class="vers8">Sur le crime auquel il consent.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_9">[p. 9]</span>
-<div class="snr">XI</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Cependant Cloris, revenuë</div>
- <div class="vers8">De ce feint assoupissement,</div>
- <div class="vers8">Porte les deux mains promptement</div>
- <div class="vers8">Dessus sa cuisse toute nuë.</div>
- <div class="vers8">Là, par dessein ou par hazard,</div>
- <div class="vers8">Elle empoigna ce dieu camard,</div>
- <div class="vers8">Second Priape de la Fable;</div>
- <div class="vers8">Mais, le sentant froid et rampant,</div>
- <div class="vers8">Elle pense que c’est un diable</div>
- <div class="vers8">Sous la figure d’un serpent.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Jamais une jeune bergère</div>
- <div class="vers8">Ne retira si promptement</div>
- <div class="vers8">Sa main qui trouve innocemment</div>
- <div class="vers8">Un aspic dessous la fougère.</div>
- <div class="vers8">Que fit Cloris sa belle main</div>
- <div class="vers8">De dessus ce membre trop vain</div>
- <div class="vers8">Qu’elle toucha dessous sa robe,</div>
- <div class="vers8">Lorsqu’avec un juste dépit</div>
- <div class="vers8">Elle se lève et se dérobe</div>
- <div class="vers8">Des bras de Lisandre et du lit.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XIII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Dans la colère qui l’emporte</div>
- <div class="vers8">Elle pousse ce pauvre amant.</div>
- <div class="vers8">Et sans l’écouter seulement,</div>
- <div class="vers8">Se dispose à gagner la porte,</div>
- <div class="vers8">Lorsque Lisandre, à ses genoux,</div>
- <div class="vers8">Luy dit: «Cloris, que faites-vous?</div>
- <div class="vers8">Tout du moins escoutez mes plaintes.</div>
- <div class="vers8">Et regardez dans mon malheur</div>
- <div class="vers8">Toutes les plus vives atteintes</div>
- <div class="vers8">De l’amour et de la douleur.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_10">[p. 10]</span>
-<div class="snr">XIV</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Ma chère Cloris, je vous aime</div>
- <div class="vers8">Plus que les délices des cieux,</div>
- <div class="vers8">Plus que les hommes et les dieux,</div>
- <div class="vers8">Et mille fois plus que moy-mesme;</div>
- <div class="vers8">Je brusle d’une vive ardeur,</div>
- <div class="vers8">Et cette nouvelle froideur</div>
- <div class="vers8">Ne vous doit pas sembler estrange:</div>
- <div class="vers8">Je sçay bien comme il faut aimer;</div>
- <div class="vers8">Mais, pour m’oster des bras d’un ange,</div>
- <div class="vers8">Un diable est venu me charmer.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XV</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Quelque ennemy de la Nature</div>
- <div class="vers8">Trouble mes sens et ma raison,</div>
- <div class="vers8">Et de son funeste poison</div>
- <div class="vers8">Souille une flamme toute pure;</div>
- <div class="vers8">Peut-estre sont-ce aussi les dieux</div>
- <div class="vers8">Qui, se voyans moins glorieux,</div>
- <div class="vers8">M’ont voulu rendre misérable:</div>
- <div class="vers8">Mais, que dis-je? ils sont innocens;</div>
- <div class="vers8">Cloris, elle seule, est coupable.</div>
- <div class="vers8">Elle seule a charmé mes sens.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XVI</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«C’est sa beauté qui, dans mon âme,</div>
- <div class="vers8">A joint le respect à l’amour;</div>
- <div class="vers8">C’est son œil plus beau que le jour</div>
- <div class="vers8">Qui fait croistre et mourir ma flamme;</div>
- <div class="vers8">Heureux dans ma captivité,</div>
- <div class="vers8">Je n’osois avec liberté</div>
- <div class="vers8">Jouir d’une grâce imprévuë.</div>
- <div class="vers8">Et de tous mes sens transportez</div>
- <div class="vers8">Je n’ay réservé que la veuë</div>
- <div class="vers8">Pour admirer tant de beautez.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_11">[p. 11]</span>
-<div class="snr">XVII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Quoy qu’il en soit, mon adorable,</div>
- <div class="vers8">Avant que vous quittiez ces lieux</div>
- <div class="vers8">Souffrez que je perce à vos yeux</div>
- <div class="vers8">Un cœur fidèle et misérable,</div>
- <div class="vers8">Afin que j’expie en mourant</div>
- <div class="vers8">Un crime si noir et si grand,</div>
- <div class="vers8">Qu’il choque la Nature mesme,</div>
- <div class="vers8">Et que, pour venger vos appas,</div>
- <div class="vers8">Ma mort vous tesmoigne que j’aime,</div>
- <div class="vers8">Puisque ma vie ne le fait pas.»</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XVIII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Il alloit parler davantage</div>
- <div class="vers8">Pour exprimer son désespoir,</div>
- <div class="vers8">Et peut-estre qu’il eût fait voir</div>
- <div class="vers8">Des sanglans effets de sa rage,</div>
- <div class="vers8">Lorsque, l’arrestant par le bras,</div>
- <div class="vers8">Cloris luy dit: «Ne parlez pas!</div>
- <div class="vers8">J’entends quelqu’un qui se promène,</div>
- <div class="vers8">Et je vois avecque grand bruit</div>
- <div class="vers8">Resplendir la chambre prochaine</div>
- <div class="vers8">De la lumière de la nuit!»</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XIX</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Soudain une voix entenduë</div>
- <div class="vers8">Redoubla son estonnement,</div>
- <div class="vers8">Et luy fit dire promptement:</div>
- <div class="vers8">«Cher Lisandre, je suis perduë!</div>
- <div class="vers8">Ha! cessez de me retenir;</div>
- <div class="vers8">C’est mon mary qui va venir!</div>
- <div class="vers8">Je l’entends, il est à la porte;</div>
- <div class="vers8">Il faut toujours craindre un jaloux.</div>
- <div class="vers8">Et, vous, dont la vigueur est morte,</div>
- <div class="vers8">Comment luy résisterez-vous?»</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_12">[p. 12]</span>
-<div class="snr">XX</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Lors cette belle, transportée</div>
- <div class="vers8">D’amour, de crainte et de soucy,</div>
- <div class="vers8">Mena nostre amoureux transi</div>
- <div class="vers8">Près d’une fenestre escartée,</div>
- <div class="vers8">Et, sans beaucoup de compliment,</div>
- <div class="vers8">Il se glissa légèrement</div>
- <div class="vers8">Et descendit dedans la ruë,</div>
- <div class="vers8">Où, pressé d’un mortel ennuy,</div>
- <div class="vers8">Il fit longtemps le pied de gruë,</div>
- <div class="vers8">Et puis se retira chez luy.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXI</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Frappé de la funeste envie</div>
- <div class="vers8">Qui fait la honte et le remords.</div>
- <div class="vers8">Il souffrit mille fois la mort</div>
- <div class="vers8">Du dernier malheur de sa vie.</div>
- <div class="vers8">Quoy qu’alors les jours fussent grands,</div>
- <div class="vers8">Cette nuit luy dura mille ans;</div>
- <div class="vers8">Il ne pust fermer la paupière;</div>
- <div class="vers8">Sur le poinct du jour seulement,</div>
- <div class="vers8">Honteux de revoir la lumière,</div>
- <div class="vers8">Il les ferma pour un moment.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Le Soleil, qui chasse les ombres</div>
- <div class="vers8">Et l’espouvantement des nuits,</div>
- <div class="vers8">Loin de dissiper ses ennuis,</div>
- <div class="vers8">Les rendit plus noirs et plus sombres;</div>
- <div class="vers8">Quand il vit ce père du jour,</div>
- <div class="vers8">Il crut, par un excez d’amour,</div>
- <div class="vers8">Voir de Cloris la vive image;</div>
- <div class="vers8">Mais il connut dans un moment,</div>
- <div class="vers8">Comme Ixion dans un nuage,</div>
- <div class="vers8">Que son amour n’estoit que vent.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_13">[p. 13]</span>
-<div class="snr">XXIII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Après mille secrettes gesnes,</div>
- <div class="vers8">Cet amant, par un digne effort,</div>
- <div class="vers8">Résolut de chercher la mort</div>
- <div class="vers8">Ou bien le remède à ses peines.</div>
- <div class="vers8">«Ha! je ne crains plus mon malheur!</div>
- <div class="vers8">Je mourray, dit-il, de douleur,</div>
- <div class="vers8">Ou je répareray ma gloire;</div>
- <div class="vers8">Et, quoy qu’il en soit, dans ce jour,</div>
- <div class="vers8">Je remporteray la victoire</div>
- <div class="vers8">De la mort ou bien de l’amour.»</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXIV</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Le bouillant désir qui le presse</div>
- <div class="vers8">Fait que d’abord après disner</div>
- <div class="vers8">Il sort et se va promener</div>
- <div class="vers8">Près le logis de sa maistresse;</div>
- <div class="vers8">A peine y fut-il un moment,</div>
- <div class="vers8">Qu’il en vit sortir Dorimant,</div>
- <div class="vers8">Le vieil mary de cette belle.</div>
- <div class="vers8">Et, se glissant dans la maison,</div>
- <div class="vers8">Il alla chercher auprès d’elle</div>
- <div class="vers8">Ou sa mort ou sa guérison.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXV</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Par une secrette avenuë,</div>
- <div class="vers8">Il fut dans son appartement,</div>
- <div class="vers8">Et la trouva nonchalamment</div>
- <div class="vers8">Dormant sur son lit estenduë:</div>
- <div class="vers8">Mais, dieux! que devint-il alors?</div>
- <div class="vers8">En approchant de ce beau corps,</div>
- <div class="vers8">Il eut des mouvemens estranges.</div>
- <div class="vers8">Lorsqu’une cuisse à descouvert</div>
- <div class="vers8">Luy fit voir le bon-heur des Anges</div>
- <div class="vers8">Et le ciel de l’Amour ouvert.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_14">[p. 14]</span>
-<div class="snr">XXVI</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Dans cette agréable surprise</div>
- <div class="vers8">Où Cloris n’avoit pas songé,</div>
- <div class="vers8">Elle avoit assez mal rangé</div>
- <div class="vers8">Son cotillon et sa chemise;</div>
- <div class="vers8">Lisandre aussi, trop curieux,</div>
- <div class="vers8">Vid lors les délices des dieux,</div>
- <div class="vers8">La peine et le plaisir des hommes,</div>
- <div class="vers8">Nostre tombe et nostre berceau.</div>
- <div class="vers8">Ce qui nous fait ce que nous sommes</div>
- <div class="vers8">Et ce qui nous brusle dans l’eau.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXVII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Petit thrésor de la Nature,</div>
- <div class="vers8">Estroite et charmante prison,</div>
- <div class="vers8">Doux tyran de nostre raison,</div>
- <div class="vers8">Fixe et mouvante sépulture,</div>
- <div class="vers8">Autel que l’on sert à genoux.</div>
- <div class="vers8">Dont l’offrande est le sang de tous.</div>
- <div class="vers8">Sangsuë avide et libérale,</div>
- <div class="vers8">Roy de la honte et de l’honneur,</div>
- <div class="vers8">Permettez que ma plume estale</div>
- <div class="vers8">Ce que Lisandre eut de bon-heur.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXVIII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Beau composé, belle partie,</div>
- <div class="vers8">Je sçay bien que, lorsqu’il vous vit,</div>
- <div class="vers8">Il n’observa dessus ce lit</div>
- <div class="vers8">Ny l’honneur ny la modestie;</div>
- <div class="vers8">Mais d’amour et de charité</div>
- <div class="vers8">Il couvrit vostre nudité,</div>
- <div class="vers8">Pour faire évaporer sa flamme.</div>
- <div class="vers8">Et savoura tous les plaisirs</div>
- <div class="vers8">Que le corps fait sentir à l’âme</div>
- <div class="vers8">Dans le transport de nos désirs.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_15">[p. 15]</span>
-<div class="snr">XXIX</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Ce beau dédale qu’il contemple</div>
- <div class="vers8">Avec des yeux estincelans</div>
- <div class="vers8">Fait naistre et couler dans ses sens</div>
- <div class="vers8">Une ardeur qui n’a point d’exemple.</div>
- <div class="vers8">Le feu dont il se sent brusler</div>
- <div class="vers8">Le consomme, et, pour se montrer,</div>
- <div class="vers8">Gagne son cœur et son visage,</div>
- <div class="vers8">Et ce lasche de l’autre jour,</div>
- <div class="vers8">Se roidissant d’un fier courage,</div>
- <div class="vers8">Escume le feu de l’amour.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXX</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Plein d’ardeur, d’audace et de joye</div>
- <div class="vers8">De remporter un si beau prix,</div>
- <div class="vers8">Le galand sauta sur Cloris,</div>
- <div class="vers8">Comme un faucon dessus sa proye,</div>
- <div class="vers8">Quand cette belle, ouvrant les yeux,</div>
- <div class="vers8">Vid Lisandre, victorieux,</div>
- <div class="vers8">Forçant ses défences secrettes,</div>
- <div class="vers8">Et, la tenant par les deux bras,</div>
- <div class="vers8">Entrer, bouffi de ses conquestes,</div>
- <div class="vers8">En un lieu qu’on ne nomme pas.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXXI</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Tandis que Cloris se tourmente</div>
- <div class="vers8">Par de doux et puissans efforts,</div>
- <div class="vers8">Et qu’elle agite tout son corps,</div>
- <div class="vers8">Pour sauver sa vertu mourante;</div>
- <div class="vers8">Son heureux Lisandre aux abois</div>
- <div class="vers8">Roule les yeux et perd la voix;</div>
- <div class="vers8">L’amour fait escouler son âme.</div>
- <div class="vers8">Elle est toute preste à partir;</div>
- <div class="vers8">Il s’estend, il dort, il se pasme,</div>
- <div class="vers8">Et ne sent rien, pour trop sentir.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_16">[p. 16]</span>
-<div class="snr">XXXII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">D’abord que son âme ravie</div>
- <div class="vers8">De l’excez d’un plaisir si grand</div>
- <div class="vers8">Eut par un soupir tout brûlant</div>
- <div class="vers8">Donné des signes de sa vie,</div>
- <div class="vers8">Cloris avec sa belle main</div>
- <div class="vers8">Osta la bouche de son sein</div>
- <div class="vers8">Où son amant l’avoit collée,</div>
- <div class="vers8">Et se deschargeant peu à peu,</div>
- <div class="vers8">Honteuse de se voir moüillée,</div>
- <div class="vers8">Essuya l’eau qui vient du feu.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXXIII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Après une colère feinte,</div>
- <div class="vers8">De tout ce qui s’estoit passé,</div>
- <div class="vers8">Un reste d’honneur offensé</div>
- <div class="vers8">Fit ouvrir la bouche à la plainte:</div>
- <div class="vers8">«Ha! dit-elle, c’est fait de moy;</div>
- <div class="vers8">J’ay faussé l’honneur et la foy;</div>
- <div class="vers8">Vous me perdez, cruel Lisandre!</div>
- <div class="vers8">Faut-il que, malgré mon devoir,</div>
- <div class="vers8">J’aye en un moment laissé prendre</div>
- <div class="vers8">Ce qu’on ne peut jamais r’avoir!</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXXIV</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Mais, si pour une faute extrême</div>
- <div class="vers8">On peut trouver quelque couleur,</div>
- <div class="vers8">Je puis dire dans mon malheur</div>
- <div class="vers8">Que j’ay failly parce que j’aime.</div>
- <div class="vers8">Amour, ce maistre impérieux</div>
- <div class="vers8">Force les hommes et les dieux,</div>
- <div class="vers8">Et brusle les poissons dans l’onde;</div>
- <div class="vers8">Nul ne peut éviter ses coups,</div>
- <div class="vers8">Et, puisque tout aime en ce monde,</div>
- <div class="vers8">Je peux brusler d’amour pour vous.</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_17">[p. 17]</span>
-<div class="snr">XXXV</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«C’est avec raison que mon âme</div>
- <div class="vers8">Reçoit l’amour d’un favory;</div>
- <div class="vers8">Ces noms de vieux et de mary</div>
- <div class="vers8">Font l’horreur d’une jeune femme;</div>
- <div class="vers8">Les maris, ces lasches tyrans,</div>
- <div class="vers8">Ne se sont faits nos conquérans</div>
- <div class="vers8">Que contre le droit de Nature,</div>
- <div class="vers8">Et c’est en pratiquer la loy</div>
- <div class="vers8">D’aller chercher la nourriture</div>
- <div class="vers8">Que l’on ne trouve pas chez soy.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXXVI</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Mais ces hommes sont infidèles;</div>
- <div class="vers8">Leur plus beau feu s’esteint en peu,</div>
- <div class="vers8">Et de tout l’amour qu’ils ont eu</div>
- <div class="vers8">Ils n’en réservent que les ailes;</div>
- <div class="vers8">Esclaves de la liberté,</div>
- <div class="vers8">Ils font voir leur légèreté</div>
- <div class="vers8">Dans leur geste ou dans leur langage,</div>
- <div class="vers8">Et, pour un plaisir indiscret,</div>
- <div class="vers8">Ces oiseaux, sortans de la cage,</div>
- <div class="vers8">Vont conter tout ce qu’ils ont fait.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXXVII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Trop juste et trop aimé Lisandre,</div>
- <div class="vers8">S’il en estoit ainsi de vous,</div>
- <div class="vers8">Je percerois de mille coups</div>
- <div class="vers8">Ce cœur qui s’est laissé surprendre;</div>
- <div class="vers8">J’ay tout perdu pour vous gagner:</div>
- <div class="vers8">Voudriez-vous, pour me ruiner,</div>
- <div class="vers8">Éventer mes secrettes flammes,</div>
- <div class="vers8">Et tireriez-vous vanité</div>
- <div class="vers8">De la foiblesse d’une femme</div>
- <div class="vers8">Et de vostre légèreté?»</div>
-</div>
-
-<span class="pagenum" id="Page_18">[p. 18]</span>
-<div class="snr">XXXVIII</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Ha! que plustost la mort m’advienne!»</div>
- <div class="vers8">Cria Lisandre à ce discours,</div>
- <div class="vers8">Dont, pour interrompre le cours,</div>
- <div class="vers8">Il mit sa bouche sur la sienne;</div>
- <div class="vers8">L’eslevant de terre il la prit</div>
- <div class="vers8">Et la coucha dessus le lit,</div>
- <div class="vers8">Où je ne sçay pas ce qu’ils firent;</div>
- <div class="vers8">Je crois bien qu’ils firent cela,</div>
- <div class="vers8">Puisque les Amours qui les virent</div>
- <div class="vers8">M’ont dit que le lit en bransla.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XXXIX</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Ce fut alors qu’ils se pasmèrent</div>
- <div class="vers8">De l’excez des contentemens;</div>
- <div class="vers8">Que cinq ou six fois ces amans</div>
- <div class="vers8">Moururent et ressuscitèrent;</div>
- <div class="vers8">Que bouche à bouche et corps à corps,</div>
- <div class="vers8">Tantost vivans et tantost morts,</div>
- <div class="vers8">Leurs belles âmes se baisèrent,</div>
- <div class="vers8">Et que, par d’agréables coups,</div>
- <div class="vers8">Entr’eux ils se communiquèrent</div>
- <div class="vers8">Tout ce que l’amour a de doux.</div>
-</div>
-
-<div class="snr">XL</div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Muse, n’eschauffez plus ma veine;</div>
- <div class="vers8">De grâce, arrestez-vous un peu,</div>
- <div class="vers8">Ou m’inspirez un autre feu</div>
- <div class="vers8">Que celuy de vostre fontaine.</div>
- <div class="vers8">Je ne sçay quoy dedans mon cœur</div>
- <div class="vers8">Se glisse avec tant de douceur,</div>
- <div class="vers8">Que je suis forcé de me rendre:</div>
- <div class="vers8">Ha! Cloris, quand je m’en souviens,</div>
- <div class="vers8">Je m’imagine estre Lisandre,</div>
- <div class="vers8">Et me semble que je vous tiens.</div>
-</div>
-</div>
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<h2 id="Page_19">VARIANTES<br />
-<span class="cs5">D’APRÈS LES</span><br />
-<span class="cs7"><i>POÉSIES NOUVELLES ET AUTRES ŒUVRES&nbsp;GALANTES
-DU SIEUR&nbsp;DE&nbsp;C...</i></span></h2>
-
-<p class="cent cs8">(PARIS, THÉODORE GIRARD, 1662, IN-12).</p>
-
-<hr class="hr20" />
-
-<p>Strophe <em>III</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Je va crier! Ne pensez pas...</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>V</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Dessous la jupe qui le cache...</div>
- <div class="vers">Il prend ce sombre paradis...</div>
- <div class="vers">L’on n’a jamais trouvé de jour.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>VII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Et qu’elle l’eût laissé tout faire.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>VIII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Et que pour le combler d’ennui.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>IX</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Pleure mollement dans sa main.</div>
-</div>
-
-<p>La strophe <em>X</em> manque.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_20">[p. 20]</span>
-Strophe <em>XI</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Ce chaud Priape de la Fable;</div>
- <div class="vers">Mais, le trouvant froid et rampant,</div>
- <div class="vers">Elle crut que c’étoit un diable...</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">De sur ce membre lâche et vain</div>
- <div class="vers">Qu’elle sentit dessous sa robe...</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XIII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Elle repousse son amant.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XIV</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Parmi tant d’amour et d’ardeur,</div>
- <div class="vers">Cette apparence de froideur...</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XV</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Cloris toute seule est coupable.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XVII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Si ma vie ne le fait pas.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XVIII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Et quelle vit avec grand bruit</div>
- <div class="vers">Porter dans la chambre prochaine</div>
- <div class="vers">Les sombres flambeaux de la nuit.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XIX</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Comment lui résisteriez-vous?</div>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_21">[p. 21]</span>
-Strophe <em>XX</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Il se guinda légèrement</div>
- <div class="vers">Et se laissa choir dans la rue,</div>
- <div class="vers">D’où, pressé d’un mortel ennui</div>
- <div class="vers">Et de la honte qui le tue,</div>
- <div class="vers">Enfin il s’en alla chez lui.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXI</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Poussé de la funeste envie</div>
- <div class="vers">Que fait la honte et le remords,</div>
- <div class="vers">Il souffrit plus de mille morts...</div>
- <div class="vers">Il la ferma languissamment.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Comme Ixion sur le nuage.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXIII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">De la mort ou bien de l’amour.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXIV</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Le brûlant désir qui le presse</div>
- <div class="vers">Fait qu’après un léger repas</div>
- <div class="vers">Il sort, il adresse ses pas</div>
- <div class="vers">Vers le logis de sa maîtresse...</div>
- <div class="vers">Et se glissant dans sa maison...</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXV</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Qu’en approchant de ce beau corps</div>
- <div class="vers">Il eut de mouvemens étranges!</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXVI</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Et ses jupes et sa chemise.</div>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_22">[p. 22]</span>
-Les deux strophes suivantes ne se trouvent pas
-dans le texte que nous avons choisi comme l’original.</p>
-
-<div class="poem">
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Aimant de la Nature humaine,</div>
- <div class="vers">Bijou chatouilleux et cuisant,</div>
- <div class="vers">Précipice affreux et plaisant,</div>
- <div class="vers">Cruel repos, aimable peine.</div>
- <div class="vers">Remède et poison de l’amour,</div>
- <div class="vers">Bûcher ardent, humide four</div>
- <div class="vers">Où les hommes se doivent cuire,</div>
- <div class="vers">Jardin d’épines et de fleurs,</div>
- <div class="vers">Sombre fanal qui fait reluire</div>
- <div class="vers">Nos fortunes et nos malheurs;</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Nid branlant qui nous sers de mue,</div>
- <div class="vers">Asile où l’on est en danger,</div>
- <div class="vers">Raccoursi qui fais allonger</div>
- <div class="vers">La chose la moins étendue.</div>
- <div class="vers">Fort qui se donne et qui se prend.</div>
- <div class="vers">Œil couvert qui ris en pleurant,</div>
- <div class="vers">Bel or, beau corail, belle ivoire.</div>
- <div class="vers">Doux canal de vie et de mort</div>
- <div class="vers">Où, pour acquérir de la gloire.</div>
- <div class="vers">L’on fait naufrage dans le port.</div>
-</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXVII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Vivifiante sépulture.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXVIII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Mû d’amour et de charité.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXIX</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Ce feu qui consume son cœur</div>
- <div class="vers">Porte partout sa vive ardeur,</div>
- <div class="vers">Éclate enfin sur son visage.</div>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_23">[p. 23]</span>
-Strophe <em>XXX</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Forcer les défenses secrètes...</div>
- <div class="vers">Entrer, tout fier de ses conquêtes...</div>
-</div>
-
-<p>La strophe <em>XXXII</em> manque tout entière.</p>
-
-<p>Strophe <em>XXXIII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Porta Cloris à cette plainte.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXXIV</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Brûle jusqu’aux poissons dans l’onde...</div>
- <div class="vers">Je ne veux rien aimer que vous.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXXVI</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Mais les hommes sont infidèles,</div>
- <div class="vers">Ils n’aiment jamais plus d’un jour,</div>
- <div class="vers">Et souvent de tout leur amour</div>
- <div class="vers">Ils ne retiennent que les ailes...</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXXVIII</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Mais secrètement l’on m’a dit</div>
- <div class="vers">Que tous les Amours qui les virent</div>
- <div class="vers">Sourioient de ce qui s’y fit.</div>
-</div>
-
-<p>Strophe <em>XXXIX</em>.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Et que plusieurs fois ces amants...</div>
- <div class="vers">Leurs beaux corps se communiquèrent...</div>
-</div>
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<h2 id="Page_25"><span class="cs8">DOCUMENTS ET DISSERTATIONS</span><br />
-<span class="cs5">SUR</span><br />
-<i>L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE</i></h2>
-
-<hr class="hr30" />
-
-<h3 id="sub2_1">EXTRAIT</h3>
-
-<p class="hang">Du <i>Carpenteriana, ou Recueil des pensées historiques,
-critiques, morales, et de bons mots de M. Charpentier,
-de l’Académie françoise</i> (publié par Boscheron).
-Paris, J. Fr. Morisset, 1724, in-8, p. 284.</p>
-
-<p class="sep1">M. Corneille l’aîné est auteur de la pièce intitulée:
-<i>L’Occasion perdue et recouvrée</i>. Cette pièce
-étant parvenue jusqu’à M. le chancelier Séguier,
-il envoya chercher M. Corneille et lui dit que
-cette pièce ayant porté scandale dans le public et
-lui ayant acquis la réputation d’un homme débauché,
-il falloit qu’il lui fît connoître que cela
-n’étoit pas, en venant à confesse avec lui; il l’avertit
-du jour. M. Corneille ne pouvant refuser cette
-satisfaction au chancelier, il fut à confesse avec
-lui, au P. Paulin, petit père de Nazareth, en faveur
-duquel M. Séguier s’est rendu fondateur du couvent
-de Nazareth. M. Corneille s’étant confessé au
-<span class="pagenum" id="Page_26">[p. 26]</span>
-révérend père d’avoir fait des vers lubriques, il lui
-ordonna, par forme de pénitence, de traduire en
-vers le premier livre de l’<i>Imitation de J. C.</i>; ce
-qu’il fit. Ce premier livre fut trouvé si beau, que
-M. Corneille m’a dit qu’il avoit été réimprimé jusqu’à
-trente-deux fois. La reine, après l’avoir lu, pria
-M. Corneille de lui traduire le second; et nous devons
-à une grosse maladie dont il fut attaqué, la
-traduction du troisième livre, qu’il fit après s’en
-être heureusement tiré.</p>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub2_2">EXTRAIT</h3>
-
-<p class="hang">Des <i>Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts</i>.
-Trévoux, décemb. 1724, p. in-12, p. 2272-76.</p>
-
-<p class="sep1">Le <i>Carpenteriana</i>, en attaquant la mémoire du
-grand Corneille, a réveillé le zèle et l’équité de
-plusieurs personnes qui ne peuvent, sans horreur,
-voir déchirer la réputation des morts, par des faits
-dont il n’a été fait nulle mention pendant leur vie.
-Voici un Mémoire qui vengera M. Corneille et satisfera
-les gens équitables; il vient d’un homme
-de lettres fort estimé d’un grand prince.</p>
-
-<p>Dans le <i>Carpenteriana</i>, il s’est glissé trois faussetés
-criantes, à l’article où il est parlé du grand
-Corneille: 1<sup>o</sup> on lui attribue une pièce infâme,
-intitulée: <i>l’Occasion perdue recouverte</i>; 2<sup>o</sup> on
-prétend que le feu chancelier Séguier, après lui
-avoir parlé très-fortement au sujet de cette pièce,
-sans lui donner le temps de se reconnaître,
-<span class="pagenum" id="Page_27">[p. 27]</span>
-l’amena aux Petits-Pères et l’obligea de se confesser
-à son confesseur (de lui, chancelier); 3<sup>o</sup> on veut
-que ce confesseur lui ait imposé pour pénitence
-de traduire l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i> en vers.
-Autant de mots, autant de faussetés: 1<sup>o</sup> <i>L’Occasion
-perdue recouverte</i> ne fut jamais du grand
-Corneille: elle est d’un M. de Cantenac, poëte
-de cour, dont les œuvres, qui font un petit in-12,
-furent imprimées en 1661 et encore en 1665, chez
-Théodore Girard, marchand libraire à la grand’salle
-du Palais; elles sont divisées en trois parties:
-la première contient les Poésies nouvelles et galantes;
-la seconde, les Poésies morales et chrétiennes;
-la troisième, les Lettres choisies, galantes
-du sieur de Cantenac. Cela faisoit un recueil assez
-bizarre. C’est au bout des Poésies nouvelles et
-galantes que se trouvoit cette scandaleuse pièce.
-Dès qu’elle parut, M. le premier président de Lamoignon,
-bien averti, envoya quérir Théodore
-Girard, et lui ordonna d’ôter cette pièce de tous
-les exemplaires qui lui restoient, et par bonheur
-il lui en restoit la plus grande partie. Il fut obéi.
-Théodore Girard aima mieux mécontenter l’auteur
-et les acheteurs que de s’exposer au juste ressentiment
-d’un premier président. Il échappa pourtant
-quelques exemplaires de cette pièce, qui ne
-parurent qu’après la mort de ce grand magistrat.
-Et c’est un de ces exemplaires, relié au bout de la
-seconde édition, que Théodore Girard me vendit
-comme une chose rare et précieuse. Dans cette
-seconde édition, la pièce fut entièrement supprimée,
-sans qu’il restât même aucun vestige de la
-suppression ou du retranchement. Au bas de la
-<span class="pagenum" id="Page_28">[p. 28]</span>
-dernière page de <i>l’Occasion perdue et recouverte</i>,
-on voit imprimé: <i>Fin des Poésies nouvelles et galantes
-du sieur de Cantenac</i>. Il est vrai que le
-nom n’est pas tout au long et qu’il n’y a que:
-<i>Fin des Poës. nouv. et gal. du Sr. de C.</i>, mais
-Théodore Girard, qui étoit de mes amis et nullement
-menteur, m’a plusieurs fois assuré que ce
-C. signifioit le sieur de Cantenac, et il n’est pas
-possible d’en douter. Il connoissoit bien l’auteur.
-Il dit, dans un Avertissement au lecteur, que l’auteur
-est son ami. L’auteur lui avoit cédé son privilége,
-et ainsi il est clair qu’il le connoissoit, et
-il n’avoit nul sujet de nommer le sieur de Cantenac
-pour un autre. Mais si, outre ce témoignage donné
-de vive voix par Théodore Girard, on veut une
-preuve par écrit, on trouvera dans <i>le Livre des
-libraires</i> le privilége pour les Œuvres du sieur de
-Cantenac, enregistré le 30 septembre 1661 par
-Dubray, syndic, et le nom du sieur de Cantenac s’y
-trouvera tout au long, J’ai voulu mettre ce fait
-hors de doute, et c’est pour cela que j’en ai rapporté
-jusqu’aux moindres circonstances. Puisqu’il
-est donc certain que ce n’est point M. de Corneille,
-mais M. de Cantenac qui est l’auteur de <i>l’Occasion
-perdue recouverte</i>, on voit ce qu’on a à en
-penser des deux autres points, qui ne peuvent être
-vrais, si le premier raconté dans le <i>Carpenteriana</i>
-est faux. Outre que ces deux points ont leurs
-marques de fausseté propres et indépendantes de
-celle du premier point, c’est avec plaisir que je
-fournis au public des armes contre les faux accusateurs
-du grand Corneille.</p>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub2_3"><span class="pagenum" id="Page_29">[p. 29]</span>
-EXTRAIT</h3>
-
-<p class="hang">Des <i>Mélanges historiques et philologiques</i>, par M. Michaud,
-avocat au parlement de Dijon. Paris, N. Tilliard,
-1754, 2 vol. in-12, tome I<sup>er</sup>, p. 47-72.</p>
-
-<p class="sep1 cent lh1"><span class="cs7">LETTRE SUR LE VÉRITABLE AUTEUR DU POËME INTITULÉ</span><br />
-<span class="cs8"><i>L’OCCASION PERDUE ET RECOUVRÉE</i>.</span></p>
-
-<p>Vous sçavés, Monsieur, que, dans le <i>Carpenteriana</i><a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>,
-on attribuë à Pierre Corneille une pièce
-qui a pour titre: <i>L’Occasion perduë et recouvrée</i>.</p>
-
-<p>«Cet ouvrage, dit-on, étant parvenu jusqu’à M. le
-chancelier Séguier, il envoya chercher M. Corneille,
-et l’avertit que ces vers ayant porté scandale
-dans le public, et lui ayant acquis la réputation
-d’un homme débauché, il falloit qu’il lui fit
-connoître que cela n’étoit pas, en venant à confesse
-avec lui: le jour fut indiqué. M. Corneille ne
-pouvant refuser cette satisfaction au chancelier,
-il fut à confesse avec lui au P. Paulin, petit-père
-de Nazareth, en faveur duquel M. Séguier s’est
-rendu fondateur du couvent de Nazareth. M. Corneille
-s’étant confessé au R. P. d’avoir fait des vers
-lubriques, il lui ordonna, par forme de pénitence,
-de traduire en vers le premier livre de l’<i>Imitation
-de Jésus-Christ</i>, ce qu’il fit. Ce premier livre fut
-trouvé si beau, que M. Corneille m’a dit qu’il avoit
-été réimprimé jusqu’à trente-deux fois<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>. La
-<span class="pagenum" id="Page_30">[p. 30]</span>
-reine, après l’avoir lu, pria M. Corneille de
-lui traduire le second, et nous devons à une
-grosse maladie dont il fut attaqué la traduction
-du troisième livre, qu’il fit après s’en être heureusement
-tiré.»</p>
-
-<p>Cette anecdote étoit trop injurieuse à la mémoire
-du grand Corneille; aussi, vit-on bientôt paroître
-un petit Mémoire qui tend à détruire absolument
-ce qu’on fait dire à Charpentier. L’anonyme qui
-venge Corneille<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a> de cette fausse imputation
-nous apprend que l’<i>Occasion perduë-recouvrée</i>
-est d’un certain <i>Cantenac</i>, poëte de cour, dont
-les poësies furent imprimées en 1662 et 1665,
-chez Théodore Girard<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>, marchand libraire, au
-Palais. Dès que cette pièce scandaleuse qui faisoit
-partie des œuvres de Cantenac vit le jour, «M. le
-président de Lamoignon envoya quérir Théodore
-Girard, et lui ordonna de l’ôter de tous les exemplaires
-qui lui restoient; et par bonheur, il lui en
-restoit la plus grande partie.»</p>
-
-<p>Il s’en échappa cependant quelques-uns, qui ne
-parurent qu’après la mort de ce magistrat. Quant
-à la seconde édition, cette pièce y fut omise entièrement.</p>
-
-<p><span class="pagenum" id="Page_31">[p. 31]</span>
-Ce qui peut avoir trompé quelques personnes
-au sujet de ce poëme, c’est qu’on lit à la fin ces
-mots: <i>Fin des poësies nouvelles et galantes du
-sieur de C.</i>, et qu’elles ont cru que cette lettre initiale
-signifioit Corneille; mais le nom de Cantenac,
-mis tout au long dans le privilége, suffiroit pour
-montrer qu’elles se trompent, quand on n’auroit
-pas le témoignage du libraire, qui a plusieurs fois
-assuré que l’ouvrage étoit du sieur de Cantenac.</p>
-
-<p>Les œuvres de Cantenac parurent d’abord en
-1662; elles sont divisées en trois parties: 1<sup>o</sup> les
-Poësies nouvelles et galantes; 2<sup>o</sup> les Poësies morales
-et chrétiennes; 3<sup>o</sup> les Lettres choisies et galantes<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>.
-Ce fut à la fin de la première partie,
-après la 102<sup>e</sup> page, qu’on plaça <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>,
-poëme composé de 40 stances. C’est
-un cahier postiche de quatorze pages et dont
-les chiffres ne se rapportent point au corps du recueil;
-ce qui me fait croire que le libraire n’avoit
-pas inséré cette pièce dans tous les exemplaires,
-et qu’il ne la livroit qu’à ceux auxquels il croyoit
-pouvoir se fier. Ma conjecture est appuyée par un
-trait que rapporte le défenseur anonyme de Corneille.
-Il dit que le libraire Théodore Girard lui
-vendit un de ces exemplaires détachés, comme
-une chose rare et précieuse, et qu’il le fit relier
-à la fin de l’édition de 1665, où ces stances ont
-été entièrement retranchées, quoiqu’il y ait des
-augmentations considérables dans cette seconde
-édition.</p>
-
-<p>Théodore Girard avoit bien senti que ce poëme
-<span class="pagenum" id="Page_32">[p. 32]</span>
-devoit révolter un grand nombre de lecteurs:
-aussi, eut-il soin d’avertir<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a> qu’on l’avoit
-glissé malgré lui dans le recueil qu’il publioit;
-mais qu’un galant homme, ami de l’auteur, s’en
-étant rendu le maître, l’avoit forcé de le mettre
-au jour, et que Cantenac, l’ayant autrefois composé
-pour se venger d’une dame qui l’avoit désobligé,
-ne trouveroit pas mauvais lui-même qu’on rendît
-sa vengeance publique: Théodore Girard dit enfin
-qu’il a jugé à propos de se justifier à cet égard
-pour se mettre à couvert du blâme et prévenir
-les reproches qu’on pourroit lui en faire un jour.</p>
-
-<p>Voilà, Monsieur, une histoire détaillée dans
-toutes ses circonstances, et qui paroît, je vous
-l’avoue, assés vraisemblable au lecteur. Mais, après
-tout, l’apologiste anonyme de Corneille pose un
-fait que le lecteur peut encore révoquer en doute.
-Je veux bien croire que c’est une personne digne
-de foi, et même respectable dans la république
-des lettres. Cependant n’est-on pas toujours en
-droit de suspecter le témoignage d’un historien
-caché, qui raconte un fait destitué de preuves et
-d’autorités? D’ailleurs, on peut objecter que Charpentier
-n’est pas le seul qui ait pris Corneille pour
-l’auteur de <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i><a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>, et
-que plusieurs autres sçavans ont eu la même opinion.
-Je sçais que M. de la Monnoye, ce fin et judicieux
-critique, qui étoit le mieux au fait des
-petites aventures du pays littéraire, écrivoit un
-<span class="pagenum" id="Page_33">[p. 33]</span>
-jour à M. l’abbé Papillon<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a> que l’auteur de cette
-pièce étoit celui du <i>Cid</i>, des <i>Horaces</i>, de <i>Cinna</i>.
-«Corneille eut beau tenir, dit-il, la chose secrette;
-M. le chancelier Séguier, protecteur alors de l’Académie,
-ayant sçû de qui estoient ces stances peu
-édifiantes, qui couroient partout, en fit une douce
-réprimande au poëte, et lui dit qu’il le vouloit
-mener à confesse.» Le reste du conte ressemble
-parfaitement au passage tiré du <i>Carpenteriana</i>.
-Ainsi, Monsieur, vous voyés que ce bruit avoit pris
-un air de vérité parmi les beaux-esprits et les
-sçavans. Mais examinons sur quel fondement cette
-opinion a pu s’établir.</p>
-
-<p>Quelque peu disposé que je sois à donner de
-grands éloges au poëme de <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>,
-j’avoue cependant que cette pièce comporte
-du génie, du feu et de l’expression, et qu’on
-y trouve quelques endroits assez bien tournés: il
-n’en falloit pas moins pour que Corneille fût soupçonné
-d’en être l’auteur. En effet, tout le monde
-sçait qu’après avoir été multipliée par les copies
-manuscrites qu’on en tira, elle fut réimprimée
-dans plusieurs recueils, mais toujours dans ces
-ramas d’ouvrages proscrits qui sortent furtivement
-d’une presse inconnuë, et qui n’ont souvent
-pour tout mérite que le papier et le caractère de
-Pierre Marteau<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>. Ces stances furent si généralement
-<span class="pagenum" id="Page_34">[p. 34]</span>
-recherchées, je dirais presque si fort estimées,
-qu’on en fit plusieurs traductions en différentes
-langues. J’en ai vu une latine, et l’on m’a
-assuré que le savant Paul Dumay s’était amusé
-<ins id="cor_1" title="à à">à</ins> les tourner en bourguignon. Ajoutés encore
-qu’elles furent mises en chanson, et acquirent par
-ce moyen une plus grande publicité.</p>
-
-<p>Ces stances ont donc été assés fameuses pour
-être attribuées au grand Corneille: en effet, pouvoit-on
-deviner que des vers dont on avoit été si
-curieux, qu’on avoit lus et qu’on lisoit encore partout
-avec tant de plaisir, fussent d’un certain
-<i>Cantenac</i>, poëte presque absolument inconnu? On
-eut bien plus tôt fait de les mettre sur le compte
-du meilleur poëte du siècle dans lequel elles
-avoient été composées, tant on est porté à faire
-valoir la poésie libertine! Je m’imagine, mais je
-ne sçais si on prendra ceci pour un paradoxe, que
-le sujet de l’ouvrage en a fait toute la réputation,
-et que les seuls traits lascifs de ce tableau l’ont
-sauvé de l’oubli, où sont déjà tombés des ouvrages
-sans doute beaucoup meilleurs. Quelques beautés,
-quelques agrémens poëtiques qu’on suppose dans
-cette pièce, il seroit ridicule d’avancer que la
-fiction et les vers en font tout le mérite. Je suis
-persuadé qu’il a paru dans le même temps des
-petits poëmes aussi bien versifiés et d’une invention
-plus riche, dont la mémoire s’est néanmoins
-totalement perduë. Allons donc plus loin, et cherchons
-la véritable raison pour laquelle <i>l’Occasion
-<span class="pagenum" id="Page_35">[p. 35]</span>
-perduë-recouvrée</i> fut si fort en vogue. Le dirai-je,
-Monsieur, une catastrophe, singulière en son
-espèce, embellie par les charmes d’une poésie
-licentieuse, c’en fut assez pour mettre ces vers à
-la mode, pour leur attirer des loüanges et leur
-mériter une curieuse attention de la part du
-public.</p>
-
-<p>Combien voyons-nous encore aujourd’hui d’ouvrages
-qui ne réussissent que par les sujets
-libres qu’on y traite, les expressions lascives qu’on
-y emploie et les termes libertins dont on les
-remplit! Toutefois, le mauvais goût et la corruption
-du siècle ont mis en faveur ces fades et misérables
-historiettes où triomphe la plus grossière
-liberté, et quelquefois l’irréligion la plus marquée.
-Ce qui a fait peut-être aussi présumer que Corneille
-avoit composé ces stances, c’est l’art ingénieux
-et l’élévation de sentiment qu’on trouve
-dans les intrigues de ses poëmes dramatiques. La
-grande idée qu’on s’étoit formée de <i>l’Occasion
-perduë-recouvrée</i> a fait illusion et a fixé trop indiscrètement
-le soupçon sur le grand Corneille;
-mais avec quelque noblesse et quelque art que
-Corneille ait traité l’amour, je ne vois pas qu’il
-soit jamais échapé à sa plume aucun ouvrage où
-règnent une liberté condamnable et un esprit de
-débauche. «Son tempérament, dit M. de Fontenelle<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>,
-le portoit assés à l’amour, mais jamais
-au libertinage, et rarement aux grands attachemens.»
-D’ailleurs, lorsque ces stances parurent,
-<span class="pagenum" id="Page_36">[p. 36]</span>
-Corneille avait cinquante-quatre ans et courait une
-carrière trop belle pour s’être oublié jusqu’au
-point de risquer sa réputation par des vers infâmes,
-dignes de l’horreur des honnêtes gens, et
-qui, selon moi, n’ont jamais mérité d’être si applaudis.
-Mais si Corneille est véritablement auteur
-de ces stances, pourquoi ne lui en a-t-on jamais
-fait de reproches? L’envie et la satyre l’eussent-elles
-épargné dans cette occasion? Il est bien
-étonnant que pendant sa vie on ait tenu un profond
-silence sur une production aussi scandaleuse,
-et qu’on n’ait fait cette fable qu’après sa mort. Un
-pareil fait, j’ose le dire, ne doit être cru que sur
-des preuves démonstratives; il devient même suspect
-et douteux, pour avoir seulement eu place
-dans ces mémoires hasardés qui portent le titre
-d’<i>Ana</i>.</p>
-
-<p>Je ne m’arrêterai pas ici à réfuter sérieusement
-le sentiment de ceux qui prétendent que
-Corneille traduisit l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i>
-pour effacer le scandale qu’il avoit donné par les
-stances de l’<i>Occasion perduë-recouvrée</i>. C’est un
-mensonge grossièrement inventé qui ne mérite
-pas qu’on emploie à le détruire une longue suite
-de raisonnemens. Personne n’ignore que l’<i>Imitation</i>
-traduite en vers françois parut plus de dix
-ans avant <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>, puisque
-Corneille publia le premier livre de ce bel ouvrage
-en 1651, et que les œuvres de Cantenac, avec les
-stances libertines, ne furent imprimées pour la
-première fois qu’en 1662. Il s’ensuivroit donc que
-la pénitence auroit précédé le péché, et que Corneille
-auroit donné des marques autentiques de
-<span class="pagenum" id="Page_37">[p. 37]</span>
-son repentir pour une faute qu’il ne devoit commettre
-que dix ans après.</p>
-
-<p>D’ailleurs, un grand poëte de nos jours, le fils
-du fameux Racine, m’apprend<a name="FNanchor_12" id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a> le véritable
-motif qui engagea Corneille à traduire l’<i>Imitation
-de Jésus-Christ</i>:</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers8">Couronné par les mains d’Auguste et d’Émilie,</div>
- <div class="vers8">A côté d’Akempis Corneille s’humilie.</div>
-</div>
-
-<p>Rapportons ici la remarque que l’auteur a faite
-sur ces deux vers. «Corneille, dit-il, paroît lui-même
-avoir voulu s’humilier, puisqu’il dit au pape
-dans son Épître dédicatoire: «La traduction que
-j’ai choisie, par la simplicité de son style, ferme
-la porte aux plus beaux ornemens de la poésie,
-et bien loin d’augmenter ma réputation, semble
-sacrifier à la gloire du souverain auteur tout ce
-que j’en ai pu acquérir en ce genre d’écrire.»
-Corneille, comme vous voyez, Monsieur, dit expressement
-qu’il a choisi sa matière, et non pas que
-ce sujet lui a été, par un confesseur, imposé pour
-la rémission d’un péché public: si ce travail fut
-difficile et pénible, c’est le poëte lui-même qui
-s’y condamna; personne ne l’y avoit forcé: ses
-propres termes marquent suffisamment la liberté
-de son choix.</p>
-
-<p>Cependant, si l’on prétend que Corneille a voulu,
-par cette traduction, réparer les licences d’une
-muse profane, sans lui supposer un ouvrage aussi
-pernicieux qu’est <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>,
-<span class="pagenum" id="Page_38">[p. 38]</span>
-n’étoit-ce donc pas assés pour lui de réfléchir
-chrétiennement sur l’état brillant où il avoit mis
-le théâtre français, pour s’en faire un sujet de pénitence
-et s’imposer à lui-même le travail d’un
-ouvrage édifiant? N’a-t-il pu s’occuper des louanges
-de Dieu, qu’après avoir souillé sa lyre par des
-chansons criminelles? Allons par des voies plus
-simples, et n’attribuons qu’à la piété seule du
-grand Corneille ce qu’on prend pour un effet de
-son obéissance aux ordres d’un sage directeur
-pour l’expiation d’un scandale public. Des Marets,
-Thomas Ineslerus, Alexandre Sylvestre, du Quesnay
-de Bois-Guibert, et tant d’autres poëtes qui
-ont traduit l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i> en vers et
-en différentes langues, étoient-ils des pécheurs
-scandaleux, et les a-t-on soupçonnés d’avoir composé
-les pièces libertines qui, de leur temps,
-avoient paru sans nom d’auteur? C’est donc un
-conte assés mal inventé, que tout ce qu’on a dit
-de Corneille par rapport à <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>,
-et il paroît certain au contraire que
-Cantenac est auteur de cette pièce. J’espère que
-quelques nouvelles réflexions que je vais faire à
-ce sujet achèveront de vous convaincre de cette
-vérité:</p>
-
-<p>1<sup>o</sup> Je me crois en état de prouver que Cantenac
-étoit un poëte qui ne manquoit pas tout à fait
-d’imagination, et qui quelquefois même tournoit
-assés bien un vers. Il n’est donc pas impossible
-qu’il soit l’auteur des stances qui se trouvent dans
-le recueil de ses poësies.</p>
-
-<p>2<sup>o</sup> On reconnoît dans les œuvres de Cantenac
-un poëte libertin, toujours échauffé des feux de
-<span class="pagenum" id="Page_39">[p. 39]</span>
-l’amour: par conséquent, il est plus juste de lui
-attribuer le poëme de <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>,
-qu’il a avoué, en quelque sorte, en permettant
-qu’on le joignît à ses autres ouvrages, qu’au
-grand Corneille, à qui, comme on l’a déjà remarqué,
-on n’a osé prêter cette production licentieuse
-qu’après sa mort, et encore dans un <i>Ana</i>.</p>
-
-<p>Cantenac florissoit dans un temps où les portraits
-étoient fort à la mode<a name="FNanchor_13" id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>. Il eut bientôt le
-pinceau à la main. Ramassons ici quelques traits
-du tableau qu’il a tracé lui-même de ses mœurs,
-de son esprit, de son goût, etc. Je pense que vous
-y reconnoîtrés sans peine l’auteur de <i>l’Occasion
-perduë-recouvrée</i>; du moins, je m’assure bien
-que sa naïveté ne vous déplaira pas. Comme ce
-poëte est un auteur assez obscur, j’entrerai aussi
-dans un détail un peu étendu touchant sa personne.</p>
-
-<p>«Je suis, dit-il<a name="FNanchor_14" id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a>, d’une taille fort médiocre,
-et il est assés rare de voir des hommes plus petits
-que moi. J’ai cela de commun avec les nains, que
-si l’on ne voyoit que ma tête, l’on me jugeroit un
-fort grand homme. J’ai le visage assez plein, mais
-un peu ovale; les yeux bruns et assez grands: ils
-ne manquent pas de feu et parlent souvent plus
-que je ne voudrois. Mon nez n’est ni grand, ni
-petit; ma bouche est petite, et mes lèvres sont
-assés vermeilles. J’ai la voix mauvaise et discordante.
-Je ne manque point de disposition pour les
-<span class="pagenum" id="Page_40">[p. 40]</span>
-exercices du corps. Je suis d’une constitution si
-robuste, que je ne me souviens pas d’avoir été
-malade, sinon de quelques accidens. Les voyages
-que j’ai faits depuis quatorze ou quinze ans, et les
-fatigues que j’ai souffertes, ont peut-être contribué
-à me faire bien porter. Je m’afflige souvent sans
-raison, et je suis ingénieux à me tourmenter moi-même.
-Je suis impatient, colère et vindicatif, et je
-me choque souvent des moindres choses. Je suis
-un peu pointilleux; je ne sçais si c’est le vice de
-ma nation ou le mien en particulier. Au reste, si
-j’étois capable d’une lâcheté, je ne paroîtrois plus
-dans le monde. L’intérêt de la fortune, qui est
-fort puissant en moi, ne le seroit pas assés pour
-me faire commettre une bassesse; il est constant
-que je suis ambitieux autant qu’on le peut être,
-mais je ne sacrifierai jamais mon honneur à mon
-ambition, parce que j’aime encore plus la gloire
-que les grandeurs, et que je ne considère les grandeurs
-que comme des moyens de parvenir à la
-gloire. Je suis si sensible au mépris, que j’ai une
-haine mortelle et implacable pour tous ceux qui
-semblent me mépriser, sans qu’il me soit possible
-de me réconcilier avec eux. Je n’épargne ni mes
-soins ni ma peine pour les personnes que j’aime;
-je les servirois de mon bien et de ma vie, et il
-n’est point d’ami plus ardent que moi. Je mens
-quelquefois, mais c’est en des choses qui n’intéressent
-personne: je le fais surtout en matière
-de galanterie, où je confirme volontiers des faussetés
-par des sermens, sans songer à ce que je
-fais, parce que je jure par habitude. Je suis fort
-soigneux d’acquérir l’estime du monde. L’on m’a
-<span class="pagenum" id="Page_41">[p. 41]</span>
-dit que d’abord je plaisois assés, que je paroissois
-avoir l’esprit brillant et une certaine façon de
-tourner les choses qui ne déplaît pas. Je suis
-assés agréable dans la conversation, et j’y fournis
-facilement; mais je m’y rends quelquefois incommode,
-et je soutiens des choses contre la raison,
-pour faire paroître un peu d’esprit; je me sers
-pour cela d’équivoques et de subterfuges qui
-sentent l’école; je parle même trop longtemps; et
-comme j’ai un peu de lecture et beaucoup de
-mémoire, je m’attache trop à faire voir ce que je
-sçais: c’est sans doute une faute de mon jugement,
-qui n’est pas si solide que mon esprit est
-vif. Je suis d’un tempérament mélancolique; mais
-cette humeur sombre s’est fort augmentée par
-quelques malheurs de ma vie. J’aime les lettres;
-mais j’aime encore plus les armes. J’écris fort intelligiblement,
-et parle assés bien, pour être d’un
-pays où l’on parle toujours mal. Je fais passablement
-des vers, et l’on trouve qu’ils ont plus d’esprit
-que ma prose; si cela est, j’en ai l’obligation
-au beau sexe, car j’avoue ingénument que si je
-n’eusse jamais vû de femmes, je ne fusse jamais
-devenu poëte; mais l’envie de leur plaire m’a fait
-servir d’un langage que je juge le plus propre à
-persuader, quoiqu’au fond il m’ait été assés inutile.
-Je respecte toutes les femmes en général, et
-j’ai pour elles une amitié beaucoup plus tendre
-que pour les hommes; plût à Dieu que je n’eusse
-rien davantage! Je ne me reprocherois pas beaucoup
-de désirs illégitimes, où mon tempérament
-me porta. Au fond, quoique j’aye l’esprit fort
-tourné à la galanterie, je n’aime pas à en dire
-<span class="pagenum" id="Page_42">[p. 42]</span>
-indifféremment, et il faut qu’une femme ait du
-mérite ou de la beauté, lorsque je lui en conte. Je
-ne me pique point d’avoir fait des conquêtes, mais
-je puis me vanter d’avoir acquis l’estime de quelques
-personnes bien faites. Ce bonheur m’est arrivé
-par beaucoup de soins et de patience, car je
-suis de ceux qui en amour souffriroient un an
-entier, pour goûter le bien d’un seul jour.» Ajoutons
-encore à ce portrait l’éloge que Théodore
-Girard fait de Cantenac. Voici ses propres termes:
-«Ce que l’auteur dit est l’image de ce qu’il est.
-Comme il brille dans la conversation, et qu’il la
-soutient admirablement, on voit un beau feu répandu
-dans tous ses écrits, une façon de dire les
-choses aisée, galante et tout à fait heureuse, et
-généralement un caractère d’esprit qui lui est
-particulier<a name="FNanchor_15" id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">[15]</a>.»</p>
-
-<p>Mais cherchons la vérité de cet éloge dans le
-détail de quelques endroits des poésies de Cantenac.
-Il semble d’abord que l’auteur étoit ennemi
-déclaré des nœuds de l’hymen, et qu’il s’étudioit
-à inspirer ses sentimens aux autres<a name="FNanchor_16" id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">[16]</a>:</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Le chemin de l’Hymen, où l’on voit quelques roses,</div>
- <div class="vers6">A bien de l’embarras;</div>
- <div class="vers">L’on s’y lasse bientôt, et l’on y voit des choses</div>
- <div class="vers6">Que l’on n’attendoit pas.</div>
- <div class="vers">Vous gémirés, Iris, et vos beaux yeux en larmes</div>
- <div class="vers6">Se plaindront du passé;</div>
- <div class="vers">Vous dirés à vous-même: «Étoient-ce là les charmes</div>
- <div class="vers6">A quoi j’avois pensé?»</div>
- <div class="vers">Vous étiés respectée, on vous traitoit de reine,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_43">[p. 43]</span>
- <div class="vers6">Avant ce nœud fatal,</div>
- <div class="vers">Et vous serés soumise à la pesante chaîne</div>
- <div class="vers6">De quelque époux brutal.</div>
-</div>
-
-<p>Au reste, les ouvrages de Cantenac n’ont pas
-été si généralement inconnus, que les faiseurs de
-recueils poétiques n’en aient sçu profiter. Vous
-trouverés une de ses idylles parmi les élégies attribuées
-à madame de la Suze; elle commence
-ainsi:</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Cruel persécuteur de la terre et des cieux,</div>
- <div class="vers">Qui parois aux mortels le plus méchant des dieux,</div>
- <div class="vers">Amour!</div>
-</div>
-
-<p>Voulez-vous un échantillon de sa poésie morale
-et chrétienne?</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">C’est un ordre commun qu’a prescrit la Nature,</div>
- <div class="vers6">Et qu’on n’évite pas;</div>
- <div class="vers">La vie a ses degrés, et pour la sépulture</div>
- <div class="vers6">On ne fait qu’un seul pas.</div>
- <div class="vers">Des cèdres orgueilleux les feuillages superbes</div>
- <div class="vers6">Se forment lentement;</div>
- <div class="vers">Mais, pour les voir tomber aussi bas que les herbes,</div>
- <div class="vers6">Il ne faut <ins id="cor_2" title="u">qu</ins>’un moment.</div>
- <div class="vers">Des plus riches palais les plus rares structures</div>
- <div class="vers6">Coûtent beaucoup de temps;</div>
- <div class="vers">Mais tel qui les admire en peut voir les masures</div>
- <div class="vers6">Après quelques instants.</div>
-</div>
-
-<p>Il a aussi composé une élégie sacrée, où l’on
-voit d’assés belles tirades, quoique peut-être trop
-pompeuses pour ce genre de poëme:</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Ce Dieu, dont la puissance a formé dans le monde</div>
- <div class="vers">La profondeur des cieux et les gouffres de l’onde,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_44">[p. 44]</span>
- <div class="vers">Éclaire mon esprit et lui fait concevoir</div>
- <div class="vers">Que tout se doit soumettre à son divin pouvoir.</div>
- <div class="vers">Par lui l’astre du jour, dans sa vaste carrière,</div>
- <div class="vers">Donne la vie au monde et porte la lumière;</div>
- <div class="vers">C’est son bras tout-puissant qui fait mouvoir les cieux,</div>
- <div class="vers">Qui relient de la mer les torrens furieux;</div>
- <div class="vers">Qui forme, quand il veut, ses foudres dans la nuë,</div>
- <div class="vers">Et qui tient sur les airs la foudre suspenduë.</div>
-</div>
-
-<p>Je finis par quelques vers qui ne vous déplairont
-peut-être pas.</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Qui dit homme, Lysis, ne dit qu’un peu de poudre</div>
- <div class="vers">Qui dure peu de jours, et que le moindre vent</div>
- <div class="vers">Dissipe et fait tomber dans son premier néant.</div>
- <div class="vers">Un enfant au berceau peut perdre la lumière;</div>
- <div class="vers">Peut-être que cette heure est votre heure dernière;</div>
- <div class="vers">Et vous voulés remettre un bien si précieux,</div>
- <div class="vers">Par qui vous obtiendrés la conquête des cieux?</div>
- <div class="vers">Le monde passe vite, et son plaisir funeste</div>
- <div class="vers">N’est que l’avant-coureur d’un chagrin qui nous reste;</div>
- <div class="vers">Ce n’est qu’une ombre vaine, et nous perdons souvent</div>
- <div class="vers">Des trésors infinis pour de l’air et du vent.</div>
- <div class="vers">Allons, mon cher Lysis, allons nous rendre dignes</div>
- <div class="vers">De ces biens éternels, de ces faveurs insignes:</div>
- <div class="vers">Au pied des saints autels soupirant nuit et jour,</div>
- <div class="vers">Méprisons les mondains, la fortune et l’amour.</div>
-</div>
-
-<p>Ne vous semble-t-il pas, Monsieur, que le poëte
-est plutôt ici plagiaire qu’imitateur des beaux
-endroits du <i>Polyeucte</i> de Corneille, tragédie qui
-avait été mise au théâtre<a name="FNanchor_17" id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">[17]</a> et imprimée plusieurs
-années avant la première édition des œuvres de
-Cantenac?</p>
-
-<p>Vous me dispenserés sans doute, Monsieur,
-<span class="pagenum" id="Page_45">[p. 45]</span>
-d’extraire des poësies de Cantenac les passages
-obscènes qui décident de son libertinage: on en
-trouve un très-grand nombre. L’amour l’avoit occupé
-presque pendant toute sa vie: il assure dans
-une de ses lettres<a name="FNanchor_18" id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">[18]</a> qu’il n’a que trop éprouvé
-les funestes engagemens de cette passion; qu’il a
-toujours vécu dans les chaînes de l’amour, et que
-s’il a joui de quelque liberté, ç’a été seulement
-comme ces mal-heureux qui changent quelquefois
-de prison. Il porte la sincérité jusqu’à s’accuser,
-en quelque manière, de manquer à ses devoirs de
-chrétien: «Je ne parle point, dit-il, de ma religion,
-parce qu’il est à présumer que tous les hommes
-en doivent avoir: je dirai pourtant que je ne suis
-ni bigot, ni hypocrite, et que si je n’ai pas toute
-la dévotion qu’un bon chrétien doit avoir, j’en ai
-du moins plus que je n’en fais paroître<a name="FNanchor_19" id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">[19]</a>.»</p>
-
-<p>Les vers que j’ai tirés au hasard des œuvres de
-Cantenac peuvent donner, si je ne me trompe,
-une assés juste idée de sa versification, et l’on
-doit reconnaître, à ces seuls traits, que <i>l’Occasion
-perduë-recouvrée</i> n’a jamais été au-dessus de ses
-forces et de son génie: d’ailleurs, je ne nie pas
-que cet ouvrage ne soit son chef-d’œuvre. Mais ce
-qui prouve encore qu’il est véritablement de Cantenac,
-c’est que ce poëte, dans presque toutes ses
-pièces, prend le nom de Lisandre, qui est précisément
-celui du héros des stances. Enfin, toutes
-ces conjectures réunies forment, à ce qu’il me
-semble, des preuves qui suffisent pour justifier le
-<span class="pagenum" id="Page_46">[p. 46]</span>
-grand Corneille de l’accusation intentée contre lui
-et pour détromper tous ceux qui étoient dans ce
-faux préjugé. J’ai cru que, pour découvrir le véritable
-auteur de cette pièce lubrique, il ne falloit
-que bien faire connoître Cantenac: il me reste à
-apprendre de vous, Monsieur, si j’y ai réussi.</p>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub2_4">LETTRE A M. J. G.</h3>
-
-<p class="sep1 cent"><i>Dans laquelle on essaye de prouver que</i> l’Occasion
-perdue recouverte <i>est de Pierre Corneille</i>.</p>
-
-<p class="sep1">Puisque vous vous proposez de réimprimer, à
-la demande de quelques amis des lettres, un petit
-poëme célèbre, que peu de personnes connaissent
-et qui est pourtant cité souvent dans l’histoire
-littéraire du grand Corneille, je vais vous indiquer
-l’existence du texte original, qui a paru antérieurement
-à l’édition des <i>Poésies nouvelles et autres
-œuvres galantes</i> du sieur de Cantenac, auquel la
-pièce est attribuée généralement, depuis que les
-Mémoires de Trévoux ont donné à cette attribution
-une apparence de probabilité.</p>
-
-<p>Il suffirait, ce me semble, pour détruire entièrement
-cette fausse attribution, de démontrer
-que le sieur de Cantenac était tout à fait incapable
-de composer un ouvrage qui a eu l’honneur
-d’être attribué, avec plus de raison, à Pierre Corneille.
-Déclarons d’abord, malgré les éloges accordés
-un peu trop généreusement par Michault, de
-Dijon, à ce poëte de second ordre, que, si son
-<span class="pagenum" id="Page_47">[p. 47]</span>
-recueil renferme des pièces aussi libres que <i>l’Occasion
-perdue recouverte</i>, il n’en est pas une qui
-puisse être comparée, même de loin, à ce poëme
-vraiment remarquable, sous le rapport du style
-et de la forme poétique. Michault avoue que «cette
-pièce comporte du génie, du feu et de l’expression,»
-c’est-à-dire tout ce qu’on chercherait en
-vain dans les poésies du sieur de Cantenac.</p>
-
-<p>Mais nous n’avons pas à nous étendre ici sur le
-mérite intrinsèque d’une pièce, malheureusement
-licencieuse, qui, par cela seul, ne figurera jamais
-dans les œuvres de Pierre Corneille et qui restera
-presque cachée entre les mains d’un petit nombre
-de curieux. Je vais seulement essayer de prouver
-que <i>l’Occasion perdue recouverte</i> n’est pas de
-Cantenac, et que Pierre Corneille en est très-probablement
-l’auteur, suivant le récit du <i>Carpenteriana</i>.</p>
-
-<p>Nous regrettons que M. J. Taschereau, dans son
-<i>Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille</i>
-(Paris, P. Jaunet, 1855, in-12), n’ait fait
-qu’analyser la dissertation de Michault sur <i>l’Occasion
-perdue recouverte</i>: en étudiant la question
-lui-même, et en y appliquant l’esprit de critique
-qui distingue ses travaux de littérature, il serait
-arrivé, nous n’en doutons pas, aux conclusions que
-nous allons soumettre à son jugement éclairé et
-consciencieux.</p>
-
-<p>Le <i>Carpenteriana</i>, publié en 1724 par Boscheron,
-d’après les manuscrits de François Charpentier,
-de l’Académie française, mort en 1702, a été
-certainement modifié d’une manière fâcheuse
-dans le passage qui concerne <i>l’Occasion perdue
-<span class="pagenum" id="Page_48">[p. 48]</span>
-recouverte</i>; car ce passage était beaucoup plus
-explicite et renfermait aussi quelques indications
-précieuses que l’éditeur a retranchées par mégarde
-en donnant la copie à l’impression. Le savant
-La Monnoye, qui avait eu sous les yeux les
-manuscrits originaux neuf ans au moins avant leur
-publication, nous en a conservé un extrait plus
-exact dans ses notes sur les <i>Jugements des Savants</i>,
-d’Adrien Baillet, t. IV de l’édition de 1725,
-p. 306.</p>
-
-<p>«Corneille, dit-il, ne se porta pas de lui-même à
-entreprendre la paraphrase en vers françois des
-trois livres de l’<i>Imitation</i>. Voici l’occasion qui
-l’y engagea, telle que je l’ai lue dans un manuscrit
-qui a pour titre <i>Carpenteriana</i>, dont on m’a
-dit que les articles avoient été dressés par feu
-M. Charpentier, mort doyen de l’Académie françoise.
-Il y est rapporté que Corneille, ayant, dans
-sa première jeunesse, fait une pièce un peu licencieuse
-intitulée <i>l’Occasion perdue recouvrée</i>, l’avoit
-toujours tenue fort secrète, mais qu’en 1650,
-plus ou moins, diverses copies en ayant couru,
-M. le chancelier Séguier, protecteur alors de l’Académie,
-surpris d’apprendre que ces stances peu
-édifiantes, dont la première commence:</p>
-
-<p class="verseul">Un jour le malheureux Lysandre,</p>
-
-<p class="noind">étoient de Corneille, le manda, et, après lui avoir
-fait une douce réprimande, lui dit qu’il le vouloit
-mener à confesse; que, l’ayant mené de ce pas au
-P. Paulin, tierçaire du couvent de Nazareth, le
-confesseur ordonna, par forme de pénitence, à
-<span class="pagenum" id="Page_49">[p. 49]</span>
-Corneille de mettre en vers françois le premier
-livre de l’<i>Imitation</i>. Ce premier livre étant achevé,
-la reine Anne d’Autriche, à qui le poëte le présenta,
-en fut si contente l’ayant lu, qu’elle lui
-demanda le second; ensuite de quoi, dans une
-dangereuse maladie qu’il eut quelque temps
-après, il promit le reste et le donna.»</p>
-
-<p>Ces détails et ces dates répondent à toutes les
-objections qu’on a faites contre l’authenticité de l’anecdote;
-il résulte donc, du véritable texte des manuscrits
-de Charpentier, recueilli et conservé par
-La Monnoye, que Corneille avait fait, <i>dans sa première
-jeunesse</i>, la pièce intitulée: <i>l’Occasion perdue
-recouvrée</i>; qu’il l’avait toujours tenue <i>fort
-secrète</i>, mais que des copies en avaient couru en
-1650, <i>plus ou moins</i>. Ce fut, en effet, vers la fin
-de 1650, que Corneille commença la traduction
-de l’<i>Imitation</i>, en sorte que le premier livre de
-cette traduction parut en 1651.</p>
-
-<p>L’abbé Goujet, qui, dans sa <i>Bibliothèque françoise</i>
-(t. XVIII, p. 147), s’est inscrit en faux contre
-le récit du <i>Carpenteriana</i>, avait donc bien mal lu
-la note de La Monnoie, lorsqu’il croit y faire une
-objection sérieuse en disant: «Premièrement, ce
-petit poëme (<i>l’Occasion perdue recouverte</i>) ne fut
-imprimé pour la première fois qu’en 1662, et,
-comme je viens de l’observer, le premier livre de
-l’<i>Imitation</i>, traduit par Corneille, étoit publié
-dès 1651. Il s’ensuivroit donc que la pénitence
-auroit précédé le péché et que Corneille se seroit
-repenti d’une faute qu’il ne devoit commettre que
-plus de dix ans après. En second lieu, je prouverai
-ailleurs que <i>l’Occasion perdue et recouvrée</i> n’est
-<span class="pagenum" id="Page_50">[p. 50]</span>
-point de Corneille, mais du sieur de Cantenac.»
-L’abbé Goujet n’ayant pas publié le XIX<sup>e</sup> volume
-de sa <i>Bibliothèque françoise</i>, qui eût contenu
-l’article de Cantenac, nous sommes encore à savoir
-comment il eût prouvé que <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i> n’était pas de Corneille.</p>
-
-<p>On découvrira sans doute une impression de
-cette pièce, remontant à l’époque où les copies
-manuscrites commencèrent à courir, car <i>l’Occasion
-perdue recouverte</i> eut trop de succès pour
-que les presses clandestines ne l’aient pas reproduite
-en feuille volante et peut-être avec les initiales
-du nom de l’auteur. «Tout le monde sait,
-dit Michault, de Dijon, dans ses <i>Mélanges historiques
-et philologiques</i> (p. 54 du t. I<sup>er</sup>), qu’après
-avoir été multipliée par les copies manuscrites
-qu’on en tira, elle fut réimprimée dans plusieurs
-recueils, mais toujours dans ce ramas d’ouvrages
-proscrits qui sortent furtivement d’une presse inconnue
-et qui n’ont souvent pour tout mérite que
-le papier et les caractères de Pierre Marteau.»
-Puis, Michault cite différents recueils, postérieurs
-à l’année 1670, dans lesquels la pièce se trouve
-imprimée.</p>
-
-<p>«Ces stances, ajoute Michault, furent si généralement
-recherchées, je dirais presque si fort
-estimées, qu’on en fit plusieurs traductions en
-différentes langues; j’en ai vu une latine, et l’on
-m’a assuré que le savant Paul Dumay s’était
-amusé à les tourner en bourguignon. Ajoutez
-encore qu’elles furent mises en chanson et acquirent
-par ce moyen une plus grande célébrité.»
-Nous n’avons pas été assez heureux pour découvrir
-<span class="pagenum" id="Page_51">[p. 51]</span>
-ces traductions en différentes langues que nous
-signalait Michault, de Dijon. Mais nous avons fait
-d’autres découvertes plus intéressantes qui peuvent
-servir à constater que, pendant plus de dix-sept
-ans, de 1654 à 1670, tous les poëtes s’inspirèrent
-de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, pour
-s’essayer sur un sujet doublement scabreux (l’<i>Impuissance</i>
-et la <i>Jouissance</i>) que le poëme attribué
-à P. Corneille avait mis à la mode.</p>
-
-<p>Commençons par citer La Fontaine en tête des
-poëtes contemporains qui eurent en vue de faire
-allusion à <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, sinon de
-l’imiter servilement. La Fontaine, qui dans sa jeunesse
-était à l’affût de tous les ouvrages de galanterie
-en prose ou en vers, eut certainement connaissance
-de la pièce de Corneille, lorsqu’il n’avait
-pas encore quitté la ville de Château-Thierry et que
-ses premières amours donnaient naissance à ses
-premières rimes. Dans une élégie à l’Amour, il se
-plaint des mécomptes que ce dieu ne lui avait pas
-épargnés; il avoue que ses maîtresses n’eurent pas
-trop à se louer de ses préludes amoureux:</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">Cloris vint une nuit; je crus qu’elle avoit peur...</div>
- <div class="vers">Innocent! Ah! pourquoi hâtoit-on mon bonheur?</div>
- <div class="vers">Cloris se pressa trop...</div>
-</div>
-
-<p>Ce n’était pas la Cloris de <i>l’Occasion perdue</i>;
-mais, s’il prit sa revanche avec cette autre Cloris,
-il ne nous le dit pas, et il confesse n’avoir pas été
-plus heureux avec Phyllis:</p>
-
-<div class="poem">
- <div class="vers">On la nomme Phyllis; elle est un peu légère;</div>
- <div class="vers">Son cœur est soupçonné d’avoir plus d’un vainqueur.</div>
- <span class="pagenum" id="Page_52">[p. 52]</span>
- <div class="vers">Mais son visage fait qu’on pardonne à son cœur.</div>
- <div class="vers">Nous nous trouvâmes seuls; la pudeur et la crainte</div>
- <div class="vers">De roses et de lis à l’envi l’avoient peinte.</div>
- <div class="vers">Je triomphai des lis et du cœur dès l’abord;</div>
- <div class="vers">Le reste ne tenoit qu’à quelque rose encor.</div>
- <div class="vers">Sur le point que j’allois surmonter cette honte,</div>
- <div class="vers">On me vint interrompre au plus beau de mon conte:</div>
- <div class="vers">Iris entre; et depuis je n’ai pu retrouver</div>
- <div class="vers">L’occasion d’un bien tout près de m’arriver.</div>
-</div>
-
-<p>Ces deux derniers vers rappellent, on ne saurait
-en douter, les stances attribuées à P. Corneille,
-et l’élégie d’où ces vers sont tirés est très-certainement
-d’une date antérieure à 1654.</p>
-
-<p>Dans le <i>Nouveau recueil des plus belles poësies</i>
-(Paris, vefve G. Loyson, 1654, in-12), on trouve, à
-la page 119, <i>l’Occasion perdue, stances à Cloris</i>.
-Ces stances, signées D. M., c’est-à-dire <i>de Morangle</i>,
-suivant la table des noms d’auteurs, offrent la
-même scène que celle qui forme la première partie
-de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>; dans les deux
-pièces, l’héroïne se nomme <i>Cloris</i>, mais Lisandre
-n’est nommé que dans la seconde, et le héros de
-<i>l’Occasion perdue</i> garde l’anonyme. Il est certain
-que cette pièce, dans laquelle il y a de la verve,
-de l’énergie et du feu, avec beaucoup de mauvais
-goût et d’incorrection, a été composée à l’imitation
-des stances qui couraient alors sous ce titre:
-<i>l’Occasion perdue recouverte</i>.</p>
-
-<p>Le poëte D. M. ou de Morangle s’était borné à
-chanter l’<i>Occasion perdue</i>; un autre poëte anonyme,
-dont la pièce n’est pas indiquée dans la
-table du volume, quoiqu’elle remplisse les pages
-399-404, avait également traité le sujet à la mode,
-<span class="pagenum" id="Page_53">[p. 53]</span>
-dans une longue élégie, qu’il intitule <i>Impuissance</i>;
-mais les acteurs, qui ne pouvaient pas être
-Cloris et Lisandre, n’y sont pas nommés. En effet,
-la pièce est de Mathurin Régnier: elle avait paru,
-pour la première fois, dans l’édition de ses œuvres,
-publiée en 1613, après sa mort; elle avait
-reparu, revue et corrigée, dans l’édition de 1642.
-On doutait pourtant qu’elle fût réellement de lui.
-Voilà pourquoi G. Loyson l’avait admise dans son
-<i>Nouveau recueil des plus belles poësies</i>, comme
-s’il eût voulu la rapprocher de <i>l’Occasion perdue</i>,
-qui en est une imitation. Le Recueil où sont renfermées
-ces deux pièces est dédié à la comtesse de
-La Suze, par l’éditeur G. Loyson, qui met «les ouvrages
-des plus beaux esprits de ce temps sous la
-protection du plus rare génie de notre siècle.»
-Le privilége du roi porte la date du 1<sup>er</sup> décembre
-1653.</p>
-
-<p>Dans les <i>Poésies choisies de messieurs Corneille,
-Bensserade, de Scudery, Boisrobert, etc., et de
-plusieurs autres célèbres autheurs de ce temps</i>
-(Paris, Charles de Sercy, 1655, in-8, page 30 de la
-1<sup>re</sup> partie), Benserade fit insérer des stances, intitulées:
-<i>Jouissance</i>, dans lesquelles il gourmande
-l’indiscrétion des poëtes qui révèlent leurs bonnes
-fortunes. Il ne se fait pas faute cependant de
-célébrer sa victoire, mais il ne nomme personne.</p>
-
-<p>En 1659, le poëte Duteil, un des rivaux de
-Pierre Corneille comme auteur de <i>la Juste vengeance</i>,
-tragédie jouée en 1641, semble vouloir
-rivaliser encore avec le chantre de <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i>, en décrivant à sa façon la même
-<span class="pagenum" id="Page_54">[p. 54]</span>
-scène dans des stances qui portent le titre de
-<i>Jouissance</i>, et qui ne sont pas une des plus mauvaises
-pièces de son <i>Nouveau recueil de diverses
-poésies</i> (Paris, J. B. Loyson, 1659, in-12).</p>
-
-<p>En 1661, le sieur de Lamathe, qui avait fait
-imprimer trois ans auparavant le <i>Nouveau cabinet
-des Muses ou l’eslite des plus belles pièces poësies
-de ce temps</i> (Paris, veuve Edme Pepingué, 1658,
-in-12), eut l’idée de rajeunir ce Recueil en y ajoutant
-quelques poésies nouvelles, qui formèrent une
-seconde partie en un cahier séparé, sign. <i>A.-uiiij</i>
-(avec des lacunes très-significatives dans les signatures).
-Cette seconde partie, dont le titre
-courant est <i>Cabinet des Muses</i>, mais qui n’a pas
-de titre spécial, se trouve placée immédiatement
-après le privilége du roi. Elle commence par <i>l’Occasion
-perdue recouverte</i>, dont nous voyons paraître
-pour la première fois le texte original. On
-est étonné de trouver, à la suite de ce poëme licencieux,
-des vers pour le roi, en l’honneur de la
-paix et de son mariage, des anagrammes sur le
-nom de Marie-Thérèse d’Autriche, et d’autres pièces
-aussi officielles. Il est clair que l’éditeur a
-voulu ainsi se faire pardonner la publication de
-<i>l’Occasion perdue recouverte</i> qui devait donner
-du succès à son Recueil. Les fleurons et surtout
-celui de la Sirène, imité des éditions elzéviriennes,
-nous permettent de croire que le livre a été
-imprimé à Rouen. Nous ne devons pas oublier de
-dire que, parmi les pièces dont la réunion compose
-le cahier supplémentaire du Recueil de 1658,
-on remarque une plate élégie sur les amours de
-Lisandre et de Florice, laquelle a été réintégrée
-<span class="pagenum" id="Page_55">[p. 55]</span>
-depuis dans les <i>Poésies nouvelles et autres œuvres
-galantes</i> du sieur de Cantenac.</p>
-
-<p>Voilà donc enfin le texte de <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i>, et aussitôt divers recueils s’empressent
-de s’en emparer en y faisant des suppressions
-et des changements plus ou moins considérables.
-Le premier qui osa reproduire le texte original
-publié par de Lamathe, c’est l’éditeur inconnu d’un
-volume intitulé: <i>les Plaisirs de la poésie galante
-gaillarde et amoureuse</i>. Ce recueil nous est arrivé
-sans date, sans nom d’imprimeur ou de libraire,
-et sans privilége du roi, avec un simple
-frontispice gravé; mais on peut assurer qu’il a été
-imprimé à Rouen et qu’il ne peut être postérieur
-au mois de septembre 1661, car, à cette époque.
-le surintendant des finances venait d’être arrêté,
-et le volume renferme des pièces élogieuses, en
-tête desquelles Fouquet est nommé avec ses titres
-et qualités. L’ensemble de ce volume indique assez
-qu’il a subi des remaniements d’impression, avant
-de voir le jour et de pouvoir circuler sous le manteau.
-A la page 279, nous retrouvons <i>l’Occasion
-perdue recouverte</i> sous ce nouveau titre: <i>L’Impuissance
-et la Jouissance, stances</i>.</p>
-
-<p>On imprimait alors à Paris les <i>Poésies nouvelles
-et autres œuvres galantes du sieur de C...</i>
-L’impression fut achevée le samedi 26 novembre
-1661, et l’auteur céda et transporta son privilége
-à Théodore Girard, marchand libraire, qui mit
-en vente le volume avec la date de 1662. Il faut
-entrer dans quelques détails sur ce volume de
-onze feuillets liminaires, y compris le frontispice
-gravé par Sphirinx, 253 pages, et un feuillet pour
-<span class="pagenum" id="Page_56">[p. 56]</span>
-la fin du privilége. L’Avis au lecteur présente
-le livre comme publié à l’insu de l’auteur, par
-le fait d’un ami qui avait eu entre les mains le
-manuscrit. Cet ami nous apprend que l’auteur,
-absent pour quelques jours, a désavoué ses vers
-«comme des enfants qui faisoient rougir leur
-père,» en renonçant à Clorice, à Climène et aux
-idoles de sa jeunesse libertine, pour se vouer à
-Dieu seul. Le recueil se termine par une lettre
-que l’auteur avait adressée à son ami pendant
-l’impression du volume, et cette lettre, qui ressemble
-à un sermon ou à une homélie, annonce
-que le sieur de C... se prépare à embrasser l’état
-ecclésiastique. En effet, quarante ans plus tard,
-on vit paraître les <i>Satyres nouvelles de M. Benech
-de Cantenac</i>, chanoine de l’église métropolitaine
-et paroissiale de Bordeaux, avec d’autres
-pièces du même auteur (Amsterdam, veuve
-Chayer, sans date, in-8<sup>o</sup>). L’auteur des Satyres est
-très-certainement l’auteur des <i>Poésies nouvelles
-et autres œuvres</i>, car le sieur de C... était déjà
-fixé à Bordeaux en 1661, puisqu’il a publié à la
-page 94 de ce recueil une <i>Response au remerciement
-que M. D..., conseiller au parlement de
-Bordeaux, fit d’un livre intitulé: Pancirole
-commenté par Salmuth, que l’Autheur lui avoit
-presté</i>. Le sieur de Cantenac habitait donc Bordeaux,
-mais il avait été à Rennes, comme on
-le voit par ses curieuses stances sur le Cours de
-Rennes. Dans les <i>Poésies nouvelles et autres œuvres
-galantes</i> du sieur de C..., ou du moins dans un
-petit nombre d’exemplaires de l’édition de 1662,
-<i>l’Occasion perdue recouverte</i>, «revue, corrigée et
-<span class="pagenum" id="Page_57">[p. 57]</span>
-augmentée par l’autheur» se trouve entre les pages
-102 et 103, en un cahier de 14 pages et un
-feuillet blanc, portant pour titre courant: <i>Poësies
-nouvelles et galantes</i>, et au bas de la page 14:
-<i>Fin des Poësies nouvelles et galantes du sieur
-de C...</i> L’impression de ce cahier est identique à
-celle du volume, et les fleurons y sont les mêmes.
-Ici commencent l’incertitude et la controverse.</p>
-
-<p>«J’ay séparé la prose d’avec les vers, dit l’ami
-dans l’Avis au lecteur, et comme toutes les pièces
-qui entrent dans le corps de l’ouvrage se peuvent
-réduire, ou aux pièces amoureuses galantes qu’il a
-escrites, ou aux pièces morales et chrestiennes
-qu’il a faites, ou bien aux lettres qu’il a adressées
-à quelques personnes particulières, c’est la raison
-par laquelle je l’ai divisé en trois parties.» Il y a
-donc trois parties seulement dans le recueil, mais
-l’imprimeur a fait entrer dans la table des pièces
-<i>l’Occasion perdue recouverte</i>, comme existant à
-la page 103, quoique ce soient les poésies morales
-et chrétiennes qui commencent à cette page-là.
-Les signatures Eiij et Eiiij aux pages 101 et 103
-prouvent que l’impression du volume n’a subi
-d’ailleurs aucun remaniement. Quant au cahier
-intercalaire, il est signé d’une étoile.</p>
-
-<p>Un passage très-important de la préface semble
-avoir été mal compris par Michault, qui en tire
-des inductions bien différentes de celles que nous
-croyons y découvrir. «Parmy toutes les pièces
-qui entrent dans ce recueil, dit l’ami de l’auteur,
-dans lequel nous avons de la peine à voir le libraire
-Théodore Girard, on y en a fait glisser une en dépit
-de moy, qui auroit esté supprimée ou pour le
-<span class="pagenum" id="Page_58">[p. 58]</span>
-moins qui n’auroit point veu le grand jour, si j’en
-avois esté creu; mais ma résistance a esté inutile,
-et quelque raison que j’aye eu pour destourner le
-coup, il a fallu se rendre et céder à la force. Un
-galant homme, qui a un empire absolu sur l’esprit
-de l’autheur et que l’autheur considère à l’égal de
-luy-mesme, l’obligea autrefois de la composer
-contre une dame, de qui il s’estoit creu désobligé,
-afin de satisfaire son ressentiment, et m’a contraint,
-pour rendre sa vengeance plus authentique
-et couronner son ressentiment, de souffrir qu’elle
-fust jointe aux autres de ce livre. Il a creu que
-l’ascendant qu’il s’estoit acquis sur l’autheur luy
-donnoit le droit sur son ouvrage, et qu’estant l’arbitre
-absolu de ses pensées, il pouvoit décider souverainement
-de ses escrits. Je sçay l’estime particulière
-que l’autheur a pour le mérite de ce personnage,
-qui est, à cela près, le plus honnête homme
-du monde, et la déférence aveugle qu’il a pour tous
-ses sentimens. Pour te dire franchement le mien,
-je ne sçaurois louer cette pratique ni en approuver
-l’usage. J’ay jugé à propos de m’en justifier,
-pour me mettre à couvert du blasme qu’on m’en
-pourroit donner quelque jour, et, pour prévenir
-les reproches qu’on m’en pourroit faire, j’ay creu
-me devoir cette satisfaction.»</p>
-
-<p>Ce passage semble à première vue se rapporter
-à <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, mais il nous paraît
-plus logiquement faire allusion à une autre pièce
-du recueil, car nous ne voyons pas trop comment
-<i>l’Occasion</i> pourrait avoir été composée <i>contre</i> une
-dame. Il s’agit, en effet, dans ce poëme, d’un amant
-qui se trouve impuissant à la première rencontre
-<span class="pagenum" id="Page_59">[p. 59]</span>
-et qui prend ensuite largement sa revanche. Est-ce
-l’amant <i>Lisandre</i>, est-ce le mari, <i>Dorimant</i>, qui
-aurait raconté cette histoire pour <i>satisfaire son
-ressentiment</i>? Je ne pense pas que <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i> soit la pièce que l’ami de l’auteur
-avait voulu retrancher, mais bien une très-vive
-et très-amère satire <i>contre Amaranthe</i> (nommée
-Caliste dans la pièce, page 21), qui s’était mariée
-à un riche vieillard en délaissant son jeune amant.
-Cette Amaranthe devait être très-connue à Bordeaux,
-sinon à Rennes, et l’on conçoit que l’amant
-abandonné ait voulu se venger avec l’arme de la
-satire.</p>
-
-<p>Disons, en passant, que les scrupules de l’ami
-ou de l’éditeur ne sauraient avoir été motivés par
-la licence de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, car, si
-cet éditeur avait eu des scrupules de cette espèce,
-il n’eût pas manqué de rejeter une autre pièce
-dont voici le singulier titre: «Un cavalier faisoit
-quelques tours d’adresse devant plusieurs personnes
-et changeoit des cartes en telle figure qu’on
-vouloit. Une dame de la compagnie le crut sorcier
-et voulut prendre le jeu de cartes pour voir si elle
-y découvriroit rien, mais elle se mit en colère d’y
-trouver d’abord quelque chose en peinture que la
-pudeur et la bienséance deffend de nommer.»</p>
-
-<p>C’est là une pièce qui peut encore avoir été faite
-<i>contre</i> une dame par un sentiment de vengeance.</p>
-
-<p>La présence de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>
-dans le volume du sieur de Cantenac s’explique tout
-naturellement, si on en accuse le libraire seul,
-soit que Théodore Girard eût voulu donner plus
-de vogue à sa publication en y intercalant une pièce
-<span class="pagenum" id="Page_60">[p. 60]</span>
-très-recherchée et très-goûtée alors, soit qu’il ait
-attribué de bonne foi au sieur de Cantenac cette
-pièce qui circulait avec l’initiale de Corneille. Il faut
-dire, en outre, que le sieur de Cantenac n’avait pas
-été le dernier à s’expliquer sur un sujet que les
-poëtes se disputaient alors, et qu’il avait composé
-aussi une idylle intitulée <i>la Jouissance</i>, où l’on
-retrouve les principaux traits de <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i>.</p>
-
-<p>Quant au texte de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>,
-tel qu’il a été réimprimé dans les Poësies nouvelles
-et autres œuvres galantes du sieur de Cantenac,
-il faut y constater la suppression de deux strophes
-et l’addition de deux strophes nouvelles, avec un
-assez grand nombre de variantes qui ne font pas
-honneur au talent et au goût du plagiaire ou du
-contrefacteur. Il faut reconnaître ici que le texte
-original a été altéré et interpolé assez maladroitement.</p>
-
-<p>Huit ans plus tard, la vogue de <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i> n’était pas encore épuisée, car un
-auteur de nouvelles galantes et comiques publiait
-sous ce titre même, à la fin des <i>Soirées des Auberges</i>
-(Paris, Étienne Loyson, 1669, petit in-12),
-une petite nouvelle, qui pourrait bien avoir été le
-point de départ du poëme attribué à Corneille, et
-un poëte de premier ordre, qui a gardé l’anonyme,
-jetait dans le public un <i>caprice</i> charmant, qu’il
-avait intitulé: <i>La Jouissance imparfaite</i>. Nous
-rencontrerons ce Caprice, à côté de <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i>, dans un recueil imprimé à Rouen:
-<i>Maximes et lois d’amour, lettres, billets doux et
-galants, poësies</i> (Paris, Olivier de Varennes, 1669,
-<span class="pagenum" id="Page_61">[p. 61]</span>
-in-8). Ce recueil avait été publié d’abord à Rouen,
-par le libraire Lucas, en 1667. Le libraire de Paris
-n’avait fait que changer le titre et ajouter à la fin
-du volume un cahier de 24 pages, imprimé avec
-les mêmes caractères, cahier dans lequel <i>l’Occasion
-perdue recouverte</i> est suivie de <i>la Jouissance
-imparfaite</i>, qui remet en scène dans un admirable
-langage la première partie de cette éternelle <i>Occasion</i>.
-Le sieur de Valdavid, ami de Pierre Corneille,
-est incontestablement le principal auteur de cette
-compilation, dédiée au duc de Montausier. <i>L’Occasion
-perdue recouverte</i>, que le sieur de Cantenac
-avait failli transporter à Bordeaux, retournait ainsi
-en Normandie, à Rouen, qui l’avait vue naître
-dans la première jeunesse de Corneille.</p>
-
-<p>Concluons: l’<i>Occasion perdue recouverte</i> est
-loin d’être indigne du grand Corneille, sous le
-rapport littéraire; quant au point de vue moral,
-nous nous garderons bien de l’excuser, quoique la
-licence des poëtes sous le règne de Louis XIII ait été
-constamment encouragée par la faveur des gens de
-cour et par la sympathie de la société la plus aristocratique.
-Michault, de Dijon, en voulant défendre
-Corneille, ne s’est pas aperçu qu’il faisait
-acte d’ignorance. «Je ne crois pas, dit-il, qu’il
-soit jamais échappé à sa plume aucun ouvrage
-où règnent une liberté condamnable et un esprit
-de débauche.» S’il avait lu les <i>Mélanges poëtiques</i>,
-imprimés en 1632 à la suite de la tragi-comédie
-de <i>Clitandre</i>, et qui contiennent une épigramme
-que les éditeurs des œuvres de Corneille n’ont pas
-encore osé reproduire, il aurait pu admettre que
-le poëte obéit involontairement au goût de son
-<span class="pagenum" id="Page_62">[p. 62]</span>
-époque. «Je n’ai pas fait difficulté, dit l’abbé Granet
-dans la préface des <i>Œuvres diverses de Pierre
-Corneille</i> (Paris, Gissey, 1738, in-12), de supprimer
-des plaisanteries d’un goût peu délicat et divers
-traits d’une galanterie trop libre... En retranchant
-les morceaux d’une galanterie licencieuse,
-je n’ai fait que me conformer à l’exemple de
-M. Corneille, qui a purgé ses premières comédies
-de tout ce qui en pouvait rappeler l’idée.» L’abbé
-Granet a pourtant laissé subsister le fameux rondeau
-où l’auteur du <i>Cid</i>, dans sa juste indignation
-contre les odieuses manœuvres de Scudéry,</p>
-
-<p class="verseul">L’envoye au diable et sa muse au bordel.</p>
-
-<p>Il est tout naturel que le chancelier Séguier,
-qui était d’une piété exemplaire, ait conduit Corneille
-à confesse et que le confesseur ait ordonné
-à son pénitent de traduire l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i>,
-pour expier son <i>Occasion perdue recouverte</i>.
-Quelques années plus tard, La Fontaine, en
-expiation de ses <i>Contes et nouvelles</i>, se faisait aussi,
-à l’instigation d’Arnauld d’Andilly et des jansénistes,
-le traducteur docile de quelques psaumes et de
-quelques hymnes du bréviaire romain; mais, pour
-se distraire de l’ennui que lui causaient ces traductions,
-il composait encore des contes en cachette,
-avec l’intention formelle de ne pas les faire
-imprimer. S’il eût été l’auteur de <i>l’Occasion perdue
-recouverte</i>, il n’aurait pas souffert qu’un sieur
-de Cantenac lui disputât la paternité de cet enfant
-de l’amour, et il se serait empressé de le
-<span class="pagenum" id="Page_63">[p. 63]</span>
-reconnaître, au risque d’être excommunié dans ce
-monde et dans l’autre. Corneille, au contraire, ne
-crut jamais avoir assez expié ses péchés de jeunesse,
-et pendant plus de quarante ans il fit pénitence
-de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>.</p>
-
-<p class="tright">P. L.</p>
-
-<hr class="hr40" />
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<h2 id="Page_65"><span class="cs8">SOURCES ET IMITATIONS</span><br />
-<span class="cs5">DE</span><br />
-<i>L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE</i></h2>
-
-<hr class="hr30" />
-
-<h3 id="sub3_1">IMPUISSANCE<a name="FNanchor_20" id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">[20]</a></h3>
-
-<div class="poem">
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Quoy! ne l’avois-je assez en mes vœux désirée?</div>
- <div class="vers">N’estoit-elle assez belle ou bien assez parée?</div>
- <div class="vers">Estoit-elle à mes yeux sans grâce et sans appas?</div>
- <div class="vers">Son sang n’estoit-il pas issu d’un lieu trop bas?</div>
- <div class="vers">Sa race, sa maison n’estoit-elle estimée?</div>
- <div class="vers">Ne valoit-elle point la peine d’estre aimée?</div>
- <div class="vers">Inhabile au plaisir, n’avoit-elle de quoy?</div>
- <div class="vers">Estoit-elle trop laide ou trop belle, pour moy?</div>
- <div class="vers">Ha! cruel souvenir! Cependant je l’ay euë,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_66">[p. 66]</span>
- <div class="vers">Impuissant que je suis, en mes bras toute nuë,</div>
- <div class="vers">Et n’ay peu, le voulant tous deux esgallement,</div>
- <div class="vers">Contenter nos désirs en ce contentement!</div>
- <div class="vers">Au surplus, à ma honte, Amour, que te diray-je?</div>
- <div class="vers">Elle mit en mon col ses bras plus blancs que neige,</div>
- <div class="vers">Et sa langue mon cœur par ma bouche embrasa:</div>
- <div class="vers">Bref, tout ce qu’ose Amour, ma Déesse l’osa.</div>
- <div class="vers">Me suggérant la manne en sa lèvre amassée,</div>
- <div class="vers">Sa cuisse se tenoit en la mienne entassée.</div>
- <div class="vers">Les yeux luy petilloient d’un désir langoureux,</div>
- <div class="vers">Et son ame exhalloit maint soupir amoureux.</div>
- <div class="vers">Sa langue, en bégayant, d’une façon mignarde,</div>
- <div class="vers">Me disoit: «Mais, mon cœur, qu’est-ce qui vous retarde?</div>
- <div class="vers">N’aurois-je point en moy quelque chose qui peust</div>
- <div class="vers">Offenser vos désirs ou bien qui vous depleust?</div>
- <div class="vers">Ma grâce, ma façon, ha! Dieu! ne vous plaist-elle!</div>
- <div class="vers">Quoy! n’ay-je assez d’amour ou ne suis-je assez belle?»</div>
- <div class="vers">Cependant, de la main animant ses discours,</div>
- <div class="vers">Je trompois, impuissant, sa flamme et mes amours,</div>
- <div class="vers">Et comme un tronc de bois, charge lourde et pesante,</div>
- <div class="vers">Je n’avois rien en moy de personne vivante.</div>
- <div class="vers">Mes membres languissans, perclus et refroidis,</div>
- <div class="vers">Par ses attouchemens n’estoient moins engourdis.</div>
- <div class="vers">Mais quoy! que deviendray-je en l’extrême vieillesse,</div>
- <div class="vers">Puisque je suis retif au fort de ma jeunesse?</div>
- <div class="vers">Et si, las! je ne puis, et jeune et vigoureux,</div>
- <div class="vers">Savourer la douceur du plaisir amoureux?</div>
- <div class="vers">Ha! j’en rougis de honte, et dépite mon âge,</div>
- <div class="vers">Age de peu de force et de peu de courage,</div>
- <div class="vers">Qui ne me permet pas, en cest accouplement,</div>
- <div class="vers">Donner ce qu’en amour peut donner un amant;</div>
- <div class="vers">Car, Dieu! ceste beauté, par mon deffaut trompée,</div>
- <div class="vers">Se leva le matin, de ses larmes trempée,</div>
- <div class="vers">Que l’amour, de dépit, écouloit de ses yeux,</div>
- <div class="vers">Ressemblant à l’Aurore, alors qu’ouvrant les cieux.</div>
- <div class="vers">Elle sort de son lict, honteuse et dépitée</div>
- <div class="vers">D’avoir, sans un baiser, consommé sa nuictée,</div>
- <div class="vers">Quand baignant tendrement la terre de ses pleurs.</div>
- <div class="vers">De chagrin et d’amour elle enjette ses fleurs.</div>
- <div class="vers"><span class="pagenum" id="Page_67">[p. 67]</span></div>
- <div class="vers">Pour flatter mon deffaut, de quoy me sert la gloire,</div>
- <div class="vers">De mon amour passée inutile mémoire!</div>
- <div class="vers">Quand, aimant ardamment et ardamment aimé,</div>
- <div class="vers">Tant plus je combattois, plus j’estois animé;</div>
- <div class="vers">Guerrier infatigable en ce doux exercice,</div>
- <div class="vers">Par dix ou douze fois je rentrois dans la lice,</div>
- <div class="vers">Où, vaillant et adroit, après avoir brisé,</div>
- <div class="vers">Des chevaliers d’amour j’estois le plus prisé...</div>
- <div class="vers">Mais de cet accident je fais un mauvais conte,</div>
- <div class="vers">Si mon honneur passé maintenant est ma honte,</div>
- <div class="vers">Et si le souvenir, trop prompt de m’outrager,</div>
- <div class="vers">Par le plaisir receu ne me peut soulager.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">O ciel! il falloit bien qu’ensorcelé je fusse,</div>
- <div class="vers">Ou, trop ardant d’amour, que je ne m’aperceusse</div>
- <div class="vers">Que l’œil d’un envieux nos desseins empeschoit</div>
- <div class="vers">Et sur mon corps perclus son venin espanchoit.</div>
- <div class="vers">Mais qui pourroit atteindre au poinct de son mérite?</div>
- <div class="vers">Veu que toute grandeur pour elle est trop petite,</div>
- <div class="vers">Si, par l’égal, ce charme a force contre nous,</div>
- <div class="vers">Autre que Jupiter n’en peut estre jaloux:</div>
- <div class="vers">Luy seul, comme envieux d’une chose si belle,</div>
- <div class="vers">Par l’émulation seroit seul digne d’elle.</div>
- <div class="vers">Hé quoy! là haut au ciel mets-tu les armes bas,</div>
- <div class="vers">Amoureux Jupiter? Que ne viens-tu çà-bas</div>
- <div class="vers">Jouir d’une beauté, sur les autres aimable?</div>
- <div class="vers">Assez de tes amours n’a caqueté la Fable:</div>
- <div class="vers">C’est ores que tu dois, en amour vif et prompt,</div>
- <div class="vers">Te mettre encore un coup les armes sur le front;</div>
- <div class="vers">Cacher ta déité dessous un blanc plumage;</div>
- <div class="vers">Prendre le feint semblant d’un satyre sauvage,</div>
- <div class="vers">D’un serpent, d’un cocu, et te répandre encor,</div>
- <div class="vers">Alambiqué d’amour, en grosses gouttes d’or,</div>
- <div class="vers">Et puisque sa faveur, à moy seul octroyée,</div>
- <div class="vers">Indigne que je suis, fut si mal employée,</div>
- <div class="vers">Faveur qui de mortel m’eût fait égal aux dieux,</div>
- <div class="vers">Si le Ciel n’eût esté sur mon bien envieux!</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Mais, encor tout bouillant de mes flammes premieres,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_68">[p. 68]</span>
- <div class="vers">De quels vœux redoublez et de quelles prieres,</div>
- <div class="vers">Iray-je derechef les Dieux sollicitant,</div>
- <div class="vers">Si d’un bienfait nouveau j’en attendois autant;</div>
- <div class="vers">Si mes deffauts passez leurs beautez mécontentent</div>
- <div class="vers">Et si de leurs bienfaits je croy qu’ils se repentent?</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Or, quand je pense, ô Dieux! quel bien m’est advenu!</div>
- <div class="vers">Avoir veu dans un lict ses beaux membres à nu,</div>
- <div class="vers">La tenir languissante entre mes bras couchée,</div>
- <div class="vers">De mesme affection la voir estre touchée,</div>
- <div class="vers">Me baiser haletant d’amour et de desir,</div>
- <div class="vers">Par ses chatouillemens resveiller le plaisir!</div>
- <div class="vers">Ha! Dieux! ce sont des traits si sensibles aux ames,</div>
- <div class="vers">Qu’ils pourroient l’Amour mesme eschauffer de leurs flammes</div>
- <div class="vers">Si plus froid que la mort ils ne m’eussent trouvé,</div>
- <div class="vers">Des mystères d’amour amant trop reprouvé!</div>
- <div class="vers">Je l’avois cependant, ivre d’amour extresme;</div>
- <div class="vers">Mais si je l’eus ainsi, elle ne m’eust de mesme.</div>
- <div class="vers">O malheur! et de moy elle n’eust seulement</div>
- <div class="vers">Que des baisers d’un frère et non pas d’un amant!</div>
- <div class="vers">En vain, cent et cent fois, je m’efforce à luy plaire.</div>
- <div class="vers">Non plus qu’à mon désir je n’y puis satisfaire.</div>
- <div class="vers">Et la honte pour lors, qui me saisit le cœur.</div>
- <div class="vers">Pour m’achever de peindre, esteignit ma vigueur.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Comme elle reconnut, femme mal satisfaite,</div>
- <div class="vers">Qu’elle y perdoit son temps, du lict elle se jette.</div>
- <div class="vers">Prend sa juppe, se lace, et puis, en se moquant,</div>
- <div class="vers">D’un ris et de ces mots elle m’alla picquant:</div>
- <div class="vers">«Non, si j’estois lascive ou d’amour occupée,</div>
- <div class="vers">Je me pourrois fascher d’avoir esté trompée.</div>
- <div class="vers">Mais puisque mon désir n’est si vif ni si chaud,</div>
- <div class="vers">Mon tiede naturel m’oblige à ton deffaut:</div>
- <div class="vers">Mon amour satisfaicte aime ton impuissance,</div>
- <div class="vers">Et tire de ta faute assez de recompence,</div>
- <div class="vers">Qui, tousjours dilayant, m’a fait, par le desir,</div>
- <div class="vers">Esbattre plus longtemps à l’ombre du plaisir.»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Mais estant la douceur par l’effort divertie,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_69">[p. 69]</span>
- <div class="vers">La fureur à la fin rompit sa modestie,</div>
- <div class="vers">Et dit en esclatant: «Pourquoy me trompes-tu?</div>
- <div class="vers">Ton impudence à tort a vanté ta vertu.</div>
- <div class="vers">Si en d’autres amours ta vigueur s’est usée,</div>
- <div class="vers">Quel honneur reçois-tu de m’avoir abusée?»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Assez d’autres propos le dépit luy dictoit;</div>
- <div class="vers">Le feu de son desdain par sa bouche sortoit.</div>
- <div class="vers">Enfin, voulant cacher ma honte et sa colère,</div>
- <div class="vers">Elle couvrit son front d’une meilleure chère,</div>
- <div class="vers">Se conseille au miroir, ses femmes appela,</div>
- <div class="vers">Et, se lavant les mains, le fait dissimula.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Belle dont la beauté si digne d’estre aymée</div>
- <div class="vers">Eust rendu des plus morts la froideur enflammée,</div>
- <div class="vers">Je confesse ma honte, et, de regret touché,</div>
- <div class="vers">Par les pleurs que j’espands j’accuse mon péché:</div>
- <div class="vers">Péché d’autant plus grand que grande est ma jeunesse.</div>
- <div class="vers">Si homme j’ay failly, pardonnez-moy, déesse.</div>
- <div class="vers">J’avouë estre fort grand le crime que j’ay fait;</div>
- <div class="vers">Pourtant, jusqu’à la mort, si n’avois-je forfait,</div>
- <div class="vers">Si ce n’est à présent, qu’à vos pieds je me jette:</div>
- <div class="vers">Que ma confession vous rende satisfaicte!</div>
- <div class="vers">Je suis digne des maux que vous me prescrirez.</div>
- <div class="vers">J’ay menty, j’ay volé... j’ay des vœux parjurez,</div>
- <div class="vers">Trahy les dieux benins. Inventez à ces vices,</div>
- <div class="vers">Comme estranges forfaicts, des estranges supplices,</div>
- <div class="vers">O beauté, faictes-en tout ainsi qu’il vous plaist;</div>
- <div class="vers">Si vous me commandez à mourir, je suis prest!</div>
- <div class="vers">La mort me sera douce, et d’autant plus encore,</div>
- <div class="vers">Si je meurs de la main de celle que j’adore.</div>
- <div class="vers">Avant qu’en venir là, au moins souvenez-vous</div>
- <div class="vers">Que mes armes, non moy, causent vostre courroux;</div>
- <div class="vers">Que, champion d’amour entré dedans la lice,</div>
- <div class="vers">Je n’eus assez d’haleine à si grand exercice;</div>
- <div class="vers">Que je ne suis chasseur jadis tant approuvé,</div>
- <div class="vers">Ne pouvant redresser un deffaut retrouvé.</div>
- <div class="vers">Mais d’où viendroit ceci? Seroit-ce point, maistresse,</div>
- <div class="vers">Que mon esprit, du corps précédast la paresse?</div>
- <span class="pagenum" id="Page_70">[p. 70]</span>
- <div class="vers">Ou que, par le desir trop prompt et violent,</div>
- <div class="vers">J’allasse, avec le temps, le plaisir consommant?</div>
- <div class="vers">Pour moy, je n’en sçay rien; en ce fait, tout m’abuse.</div>
- <div class="vers">Mais enfin, ô beauté, recevez mon excuse;</div>
- <div class="vers">S’il vous plaist derechef que je rentre à l’assaut,</div>
- <div class="vers">J’espère avec usure amender mon deffaut.</div>
-</div>
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_2">L’OCCASION PERDUE<br />
-<span class="cs6">A CLORIS</span></h3>
-
-<div class="poem">
-
-<div class="ptit">STANCES<a name="FNanchor_21" id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">[21]</a></div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Après avoir bien ry des maux que j’ay souffers,</div>
- <div class="vers8">Que je souffre encore à toute heure,</div>
- <div class="vers">Si vous n’adoucissez la rigueur de mes fers,</div>
- <div class="vers8">Cloris, il faudra que je meure.</div>
- <div class="vers8">Consultez, avant mon trépas,</div>
- <div class="vers8">Ce que vont perdre vos appas.</div>
- <div class="vers">Un constant comme moy n’est pas si peu de chose;</div>
- <div class="vers">Et vous n’y songez pas ou n’y songez pas bien:</div>
- <div class="vers">Hylas renâquit-il par sa métempsicose?</div>
- <div class="vers">Quand vous m’aurez perdu, vous ne treuverez rien,</div>
- <div class="vers">J’entends qui comme moy fasse un doux entretien,</div>
- <div class="vers">Et dont l’ame soit moins volage et mensongère,</div>
- <div class="vers8">Car, pour des amans du commun,</div>
- <div class="vers">Vous en aurez tousjours, mais ce n’est pas tout un;</div>
- <div class="vers">Encor, comme je crois, n’en retiendrez-vous guère.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Ce n’est pas qu’en effet vous n’ayez cent beautez,</div>
- <div class="vers8">Que vostre humeur ne soit aimable;</div>
- <span class="pagenum" id="Page_71">[p. 71]</span>
- <div class="vers">Je l’advouë entre nous, et mes sens agitez</div>
- <div class="vers8">Font vostre éloge incomparable,</div>
- <div class="vers8">Mesme à mesure que j’escris.</div>
- <div class="vers8">Vous sçavez mesnager vos ris;</div>
- <div class="vers">Et ne prononcez pas un seul mot qui ne porte.</div>
- <div class="vers">Mais où je n’ay rien fait, personne ne viendra.</div>
- <div class="vers">Vous serez dans le monde, et l’on vous croira morte.</div>
- <div class="vers">Pour parer ce malheur, c’est à vous qu’il tiendra,</div>
- <div class="vers">Et si vous l’attendez, pas un ne vous plaindra.</div>
- <div class="vers">On vous dira: «Cloris, vous n’estes pas trop sage;</div>
- <div class="vers8">La mort de ce pauvre garçon</div>
- <div class="vers">Nous fait, en conscience, une belle leçon,</div>
- <div class="vers">Qu’on n’apprend pas sous vous un bon apprentissage.»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Raisonnez sans effort si d’un pareil discours</div>
- <div class="vers8">Vous aurez lieu d’être contente.</div>
- <div class="vers">Un esprit inconstant, comme on disoit ces jours,</div>
- <div class="vers8">Rarement aime une inconstante.</div>
- <div class="vers8">Nul ne veut estre rejeté.</div>
- <div class="vers8">Chacun veut dire: J’ai quitté.</div>
- <div class="vers">On devient fort jaloux de cette fausse gloire.</div>
- <div class="vers">Quand on est aux adieux, on s’en va le premier:</div>
- <div class="vers">La retraite est superbe autant que la victoire.</div>
- <div class="vers">On est lâche, on est sot, quand on va le dernier.</div>
- <div class="vers">On veut voir la maistresse et se plaindre et crier,</div>
- <div class="vers">S’il faut que le divorce ait des cris et des larmes;</div>
- <div class="vers8">Et pour vous parler franchement,</div>
- <div class="vers">Les hommes de Paris sont ordinairement,</div>
- <div class="vers">En matière d’amour, comme de vrais gendarmes.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Pour moy je ne suis pas composé de ce biais,</div>
- <div class="vers8">Je n’eus jamais l’ame mauvaise,</div>
- <div class="vers">Et comme le visage a l’air docile et niais,</div>
- <div class="vers8">J’ay l’humeur docile et niaise.</div>
- <div class="vers8">Depuis que je suis engagé,</div>
- <div class="vers8">Je n’ay pas seulement songé</div>
- <div class="vers">Comment je me prendrois à d’autres amourettes.</div>
- <div class="vers">J’enrage loin de vous, je suis presque aux abois;</div>
- <div class="vers">Et n’estoit que je pense à vous conter fleurettes,</div>
- <div class="vers8"><span class="pagenum" id="Page_72">[p. 72]</span></div>
- <div class="vers">Je mourrois tout d’un coup, sans en faire à deux fois.</div>
- <div class="vers">Hélas! si les clameurs de ma dolente voix</div>
- <div class="vers">Venoient sans y penser vous frapper les oreilles,</div>
- <div class="vers8">Connoissant combien je suis fou,</div>
- <div class="vers">Vous viendriez me voir, et me sautant au cou,</div>
- <div class="vers">Sans doute esteindriez mes ardeurs nompareilles.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Aussi, depuis un mois je fais le confondu,</div>
- <div class="vers8">Je parle à tous de ma souffrance,</div>
- <div class="vers">Je dis à tout le monde: «Adieu! je suis perdu!»</div>
- <div class="vers8">Et puis, par un triste silence,</div>
- <div class="vers8">Relevé de quelques soupirs,</div>
- <div class="vers8">Je fais connoistre mes desirs,</div>
- <div class="vers">Afin qu’un bon amy vous les aille redire.</div>
- <div class="vers">Je vay tard par chez vous, quoyqu’il soit dangereux,</div>
- <div class="vers">J’y rode en marmottant quelques mots de martire;</div>
- <div class="vers">Tous les pas que j’y fais traînent en malheureux,</div>
- <div class="vers">J’y mouche sur un ton qui ressent le pleureux.</div>
- <div class="vers">J’y tousse et crache aussi, non pas sans me contraindre,</div>
- <div class="vers8">Et dans une telle langueur,</div>
- <div class="vers">Si j’y conserve encor ma première vigueur,</div>
- <div class="vers">C’est pour vous dépescher, si vous venez me plaindre.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">En vérité, Cloris, un transport de pitié</div>
- <div class="vers8">Seroit un transport pardonnable;</div>
- <div class="vers">Je vous en supplirois par toute l’amitié</div>
- <div class="vers8">Dont vous devez estre capable:</div>
- <div class="vers8">N’estoit qu’en suppliant ainsi,</div>
- <div class="vers8">Je reconnois bien, Dieu mercy,</div>
- <div class="vers">Que l’amitié vous est une chose inconnuë,</div>
- <div class="vers">Et qu’on ne vous prend pas par le spirituel.</div>
- <div class="vers">Vous n’y fûtes jamais qu’aparâment émeuë.</div>
- <div class="vers">Aussi, vous ay-je escrit cartel dessus cartel,</div>
- <div class="vers">Et mille fois de bouche appellée en duel,</div>
- <div class="vers">Pour tirer ma raison du tort que vous me faites;</div>
- <div class="vers8">Vous m’avez refusé tout plat;</div>
- <div class="vers">Après vous vous vangez par un assassinat:</div>
- <div class="vers">Mais mon mal vous prendra, si vous n’y satisfaites.</div>
- <div class="vers8"><span class="pagenum" id="Page_73">[p. 73]</span></div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Oüy, mon mal vous prendra, mais possible trop tard</div>
- <div class="vers8">Pour y treuver quelque remede;</div>
- <div class="vers">Car, s’il m’arrive un jour de faire bande à part,</div>
- <div class="vers8">Vous aurez beau crier à l’aide;</div>
- <div class="vers8">Le diable me puisse emporter</div>
- <div class="vers8">Si je daigne vous escouter,</div>
- <div class="vers">Et si je fais un pas pour vous tirer de peine!</div>
- <div class="vers">En deussiez-vous avoir, et les pâles couleurs,</div>
- <div class="vers">Et mesme la jaunisse ou bien la courte haleine.</div>
- <div class="vers">Je noyeray mes maux au torrent de vos pleurs;</div>
- <div class="vers">Et vous faisant sentir à mon tour des rigueurs,</div>
- <div class="vers">Vous connoistrez par là les tourmens qu’on endure,</div>
- <div class="vers8">Quand on est seul de son costé,</div>
- <div class="vers">Qu’on veut ce que refuse une autre volonté,</div>
- <div class="vers">Et quand on fait la nargue à madame Nature.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">C’est encor vous aimer que de vous avertir</div>
- <div class="vers8">De ce malheur qui vous menace.</div>
- <div class="vers">Vous pouvez l’éviter, venant me secourir,</div>
- <div class="vers8">Et changeant en feu vostre glace.</div>
- <div class="vers8">Donc, Cloris, vivons bons amis,</div>
- <div class="vers8">Et que nos esprits bien soumis</div>
- <div class="vers">Ne se fassent jamais qu’une amoureuse guerre.</div>
- <div class="vers">Je fais des vœux pour vous come j’en fais pour moy;</div>
- <div class="vers">J’aime aussi bien que vous le sejour de la terre;</div>
- <div class="vers">Et tant que j’y seray, j’y seray sous la loy</div>
- <div class="vers">Que nous fismes tous deux en nous donnant la foy.</div>
- <div class="vers">Touchons-nous dans la main en amour et simplesse,</div>
- <div class="vers8">Et bannissons loin de nos cœurs</div>
- <div class="vers">Riottes et mespris, malices et froideurs,</div>
- <div class="vers">Et faisons banqueroute à toute la tristesse.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Vous estes bonne fille, et je suis bon garçon,</div>
- <div class="vers8">Nous n’en devons rien l’un à l’autre.</div>
- <div class="vers">Nous nous sommes donnez mainte et mainte leçon,</div>
- <div class="vers8">Vous avez du mien, j’ay du vostre.</div>
- <div class="vers8">Vostre amour au mien s’est montré,</div>
- <div class="vers8">Mais, las! il n’a que folastré.</div>
- <div class="vers">Nous avons fait de tout, hormis la bonne affaire...</div>
- <span class="pagenum" id="Page_74">[p. 74]</span>
- <div class="vers">Quand je songe au pourquoy, je deviens interdit;</div>
- <div class="vers">Car enfin, si ma flâme eût esté moins sévère,</div>
- <div class="vers">Je pouvois aisément vous jetter sur le lit,</div>
- <div class="vers">Et si, sur mon honneur, je ne l’eusse pas dit,</div>
- <div class="vers">(Je ne m’en souviens mesme icy qu’en parenthèse),</div>
- <div class="vers8">Vos yeux roulant nonchalamment</div>
- <div class="vers">Disoient sans cesse aux miens: «Faisons-le <ins id="cor_3" title="proptement">promptement</ins>!»</div>
- <div class="vers">Mais l’amour s’en alla, sans vous faire bien aise.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Ce fut vostre pudeur et ma timidité,</div>
- <div class="vers8">Qui firent ce mauvais menage.</div>
- <div class="vers">Ma main posoit à plomb sur vostre nudité,</div>
- <div class="vers8">Et, visage contre visage,</div>
- <div class="vers8">J’estois comme vous sans soustien;</div>
- <div class="vers8">Nos sens ne tenoient plus à rien.</div>
- <div class="vers">Et nos cœurs déreglez déregloient nos pensées;</div>
- <div class="vers">Nous ne sçavions tous deux comment nous enlasser.</div>
- <div class="vers">Nos flâmes se pressoient, et se sentoient pressées.</div>
- <div class="vers">Nos corps à tous momens vouloient se renverser...</div>
- <div class="vers">Il ne s’en falloit plus qu’à ne plus rien penser:</div>
- <div class="vers">Mais nous pensâmes trop. Le feu prit deux amorces,</div>
- <div class="vers8">L’amour gasté frustra nos vœux.</div>
- <div class="vers">A faux en mesme temps nous tirâmes tous deux,</div>
- <div class="vers">Et la foiblesse ainsi nous redonna nos forces.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Après cela, je vis vos yeux moins languissans,</div>
- <div class="vers8">Leurs brillans broüillez s’éclypserent.</div>
- <div class="vers">Comme d’un grand sommeil vous repristes vos sens</div>
- <div class="vers8">Et vos mourans baisers cesserent.</div>
- <div class="vers8">Honteuse d’un tel accident.</div>
- <div class="vers8">Le rouge vous prit plus ardant,</div>
- <div class="vers">Et l’amour parut triste au bord de vos paupières.</div>
- <div class="vers">Vostre corps en pleura par sa chaude sueur.</div>
- <div class="vers">Vos feux s’entregrondans tournèrent cent carrières.</div>
- <div class="vers">Vous pensastes vingt fois m’appeller affronteur:</div>
- <div class="vers">Mais un trop grand dépit calma ceste fureur.</div>
- <div class="vers">Puis, vostre rage estoit à demy r’allentie.</div>
- <div class="vers8">Vous estiez pourtant en courroux,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_75">[p. 75]</span>
- <div class="vers">J’estois un peu confus, mais non pas tant que vous,</div>
- <div class="vers">Voyant si mal finir cette belle partie.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Depuis ce doux moment, l’ayant manqué si beau,</div>
- <div class="vers8">Vous avez pris un air farouche:</div>
- <div class="vers">Vos flâmes ont esté pour moy dans le tombeau,</div>
- <div class="vers8">J’ai tout perdu, jusqu’à la bouche.</div>
- <div class="vers8">Vos esprits tousjours mutinez</div>
- <div class="vers8">M’ont fait sans cesse un pied de nez,</div>
- <div class="vers">Alors que j’ay voulu remonter sur ma beste.</div>
- <div class="vers">Je n’ay pu revenir jamais à mes moutons,</div>
- <div class="vers">Je n’ay plus esté saint dont on chomme la feste.</div>
- <div class="vers">Il est vray j’ay baisé quelquefois vos tetons.</div>
- <div class="vers">Mais tout cela n’est rien, n’allant point à tastons;</div>
- <div class="vers">Ou si c’est quelque chose, on en est plus à plaindre:</div>
- <div class="vers8">Par des eslans impérieux</div>
- <div class="vers">On ne fait qu’allumer des braziers furieux</div>
- <div class="vers">Que le diable nourrit, et qui veulent s’éteindre.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Mais revenons, Cloris, tous deux d’un mesme accord.</div>
- <div class="vers8">Mon mal vous donne de la peine;</div>
- <div class="vers">Et c’est à vos despens que vous me faites tort;</div>
- <div class="vers8">Car quand vous m’estes inhumaine,</div>
- <div class="vers8">Semblable à cet esprit malin</div>
- <div class="vers8">Qui pour aveugler son prochain</div>
- <div class="vers">S’éborgne volontiers d’une des deux prunelles,</div>
- <div class="vers">Vous enragez d’abord pour me faire enrager,</div>
- <div class="vers">Et faites à vos sens des blessures mortelles.</div>
- <div class="vers">C’est assez avoir pris de soins à vous venger.</div>
- <div class="vers">Après tant de travaux, il se faut soulager</div>
- <div class="vers">Je sçay que plus que moy vous en avez envie,</div>
- <div class="vers8">Et vous avez beau marchander,</div>
- <div class="vers">Vous devez de bon gré dans peu me l’accorder.</div>
- <div class="vers">Et dans peu le dépit vous ostera la vie.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Il est vray, j’ay failly, par mon chien de respect...</div>
- <div class="vers8">Je devois estre un peu moins sage:</div>
- <div class="vers">Mais je suis corrigé (grâce à nostre regret)</div>
- <div class="vers8">Et je suis fait au badinage.</div>
- <span class="pagenum" id="Page_76">[p. 76]</span>
- <div class="vers8">Si je vous rencontre à l’écart,</div>
- <div class="vers8">Soit en plein jour ou sur le tard,</div>
- <div class="vers">Par ma foy, vous pouvez bien brider vostre juppe,</div>
- <div class="vers">Je verray jusqu’au haut comme elle est à l’envers,</div>
- <div class="vers">Et puis, vous renversant pour soustenir la duppe,</div>
- <div class="vers">Tout d’un coup je mettray vos beaux yeux de travers,</div>
- <div class="vers">Comme je l’imagine en escrivant ces vers...</div>
- <div class="vers">Hélas! ce doux penser me met hors de moy-mesme.</div>
- <div class="vers8">Mais tout beau, ma chair et mon sang!</div>
- <div class="vers">Laissez finir ma plume, attendez votre rang:</div>
- <div class="vers">Vous en aurez assez quand vous serez à mesme.</div>
-</div>
-
-<div class="attrib">D. M.</div>
-
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_3">LA JOUISSANCE IMPARFAITE</h3>
-
-<div class="poem">
-
-<div class="ptit">CAPRICE<a name="FNanchor_22" id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">[22]</a></div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Après mille amoureux discours</div>
- <div class="vers8">Interrompus d’un long silence,</div>
- <div class="vers8">Elle repousse mes amours</div>
- <div class="vers8">D’une agréable violence.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Je sçay qu’en cette occasion</div>
- <div class="vers8">Ce qui cause nostre querelle,</div>
- <div class="vers8">Ce n’est pas son aversion,</div>
- <div class="vers8">Mais c’est sa pudeur naturelle.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Pour ses bras en vain resistans,</div>
- <div class="vers8">Ses yeux semblent me faire excuse,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_77">[p. 77]</span>
- <div class="vers8">Et je trouve qu’en mesme temps</div>
- <div class="vers8">Elle m’accepte et me refuse.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Pour favoriser mon dessein,</div>
- <div class="vers8">Et soulager mon mal extresme,</div>
- <div class="vers8">Le linge qui couvroit son sein</div>
- <div class="vers8">Est tombé presque de luy-mesme.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Ayant porté ses belles mains</div>
- <div class="vers8">Dessus ces deux globes d’albâtre,</div>
- <div class="vers8">Je baise les doigts inhumains</div>
- <div class="vers8">Qui cachent ce que j’idolâtre.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Hélas! à quoy, dis-je, vous sert</div>
- <div class="vers8">D’estre à mon amour si farouche?</div>
- <div class="vers8">Vos mains ont vostre sein couvert,</div>
- <div class="vers8">Et m’ont decouvert vostre bouche.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Vous faites autant de péchez</div>
- <div class="vers8">Que vous m’ostez de belles choses;</div>
- <div class="vers8">Mais pour les lys que vous cachez,</div>
- <div class="vers8">Je m’en vay bien cueillir des roses.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Dieux! que cette bouche a d’appas!</div>
- <div class="vers8">Que tout ce visage a de grâces!</div>
- <div class="vers8">Cent mains ne vous suffiroient pas</div>
- <div class="vers8">Pour garder tant de belles places.»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Icy la constance est à bout,</div>
- <div class="vers8">Toute sa force est allentie:</div>
- <div class="vers8">Elle aime mieux me donner tout,</div>
- <div class="vers8">Que d’en céder une partie.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Au lieu donc de me repousser,</div>
- <div class="vers8">Ses bras, sans aucune contrainte,</div>
- <div class="vers8">Ne servent plus qu’à m’embrasser</div>
- <div class="vers8">D’une amoureuse et molle estrainte.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Son amour dans ses yeux se lit,</div>
- <div class="vers8">J’y connois son inquiétude;</div>
- <span class="pagenum" id="Page_78">[p. 78]</span>
- <div class="vers8">Elle tombe dessus le lit,</div>
- <div class="vers8">Plus d’amour que de lassitude.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Par l’ardeur de sa passion</div>
- <div class="vers8">Toute sa personne est émeuë,</div>
- <div class="vers8">Et son imagination</div>
- <div class="vers8">Trouble lascivement sa veuë.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Déjà sa gorge s’enfle un peu,</div>
- <div class="vers8">Et (j’ay de la peine à le croire),</div>
- <div class="vers8">J’aperçoy l’éclat d’un beau feu</div>
- <div class="vers8">Entre deux colonnes d’yvoire.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Mais, ô foible contentement,</div>
- <div class="vers8">Passion qui n’a point d’exemple,</div>
- <div class="vers8">Mon vain devoir en un moment</div>
- <div class="vers8">Se rend à la porte du temple.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Incomparable affliction!</div>
- <div class="vers8">Une ville après cent batailles</div>
- <div class="vers8">Se rend à ma discretion,</div>
- <div class="vers8">Et je meurs au pied des murailles...</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Nous faisons, mais séparément,</div>
- <div class="vers8">Ce qu’ensemble nous devions faire,</div>
- <div class="vers8">Et, sans le vif attouchement,</div>
- <div class="vers8">S’achève l’amoureux mystère.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Icy nos amours sont punis,</div>
- <div class="vers8">Par l’excez de leurs propres flames,</div>
- <div class="vers8">Et nos deux corps seroient unis.</div>
- <div class="vers8">Si nous n’eussions uni nos ames.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Hélas! c’est trop tost achever!</div>
- <div class="vers8">Luy dis-je, la voyant fâchée,</div>
- <div class="vers8">Et honteuse de se lever,</div>
- <div class="vers8">Aussi-tost qu’elle fut couchée.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Si je n’ay duré qu’un moment,</div>
- <div class="vers8">Accusez-en vostre constance:</div>
- <span class="pagenum" id="Page_79">[p. 79]</span>
- <div class="vers8">La moitié du chatoüillement</div>
- <div class="vers8">S’est passée en la résistance.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«D’une si nuisible vertu</div>
- <div class="vers8">Ne faites jamais tant de gloire;</div>
- <div class="vers8">Si vous n’eussiez point combattu,</div>
- <div class="vers8">Vous eussiez gagné la victoire.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Mon défaut vous est glorieux,</div>
- <div class="vers8">Ne le prenez pas pour un crime;</div>
- <div class="vers8">Un feu lancé de vos beaux yeux</div>
- <div class="vers8">A brulé toute la victime.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«L’ame, par l’admiration</div>
- <div class="vers8">Et par le désir suspenduë,</div>
- <div class="vers8">Est cause que sans action</div>
- <div class="vers8">La volupté s’est répanduë.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">«Excusez donc mon chaud desir,</div>
- <div class="vers8">Et vous consolez, Isabelle,</div>
- <div class="vers8">Vous eussiez eu plus de plaisir</div>
- <div class="vers8">Si vous eussiez esté moins belle.»</div>
-</div>
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_4">JOUISSANCE</h3>
-
-<div class="poem">
-
-<div class="ptit">STANCES<a name="FNanchor_23" id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">[23]</a></div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Après tant de faveurs, ne craignez pas, Silvie,</div>
- <div class="vers6">Que je ne sois secret:</div>
- <div class="vers">J’ayme mieux près de vous passer, toute ma vie,</div>
- <div class="vers">Pour un méconnoissant, que pour un indiscret.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <span class="pagenum" id="Page_80">[p. 80]</span>
- <div class="vers">Vostre compassion a ma peine accourcie,</div>
- <div class="vers6">Me rendant fortuné;</div>
- <div class="vers">Mais il n’est pas besoin que je vous remercie,</div>
- <div class="vers">De peur de faire voir que vous m’avez donné.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Pour m’en bien acquiter, tous mes desirs frivoles</div>
- <div class="vers6">Resteront sans pouvoir;</div>
- <div class="vers">Outre que je n’ay pas d’assez dignes paroles,</div>
- <div class="vers">C’est que, pour en parler, je n’en veux pas avoir.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">C’est assez que propice à mon inquiétude</div>
- <div class="vers6">Vous flattiez mon ardeur:</div>
- <div class="vers">Et jamais de ma part aucune ingratitude</div>
- <div class="vers">N’en fasse repentir votre jeune pudeur.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Trop heureux que je suis d’avoir en ma puissance</div>
- <div class="vers6">De si charmants appas;</div>
- <div class="vers">Je sçauray bien me taire, et ma reconnoissance</div>
- <div class="vers">Ne sera point du tout ou ne paroistra pas.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Je seray devant vous comme j’estois naguère,</div>
- <div class="vers6">Quand je soupirois tant:</div>
- <div class="vers">Et vous prendrez plaisir vous-mesme à me voir faire,</div>
- <div class="vers">Quand vous m’entendrez plaindre et me saurez content.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Je veux que la tristesse encore se revoye</div>
- <div class="vers6">Sur ma pâle couleur,</div>
- <div class="vers">Et cent soûpirs iront à ma secrette joye,</div>
- <div class="vers">Qui seront adressez à ma fausse douleur.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Je vous appelleray mon ingrate maistresse,</div>
- <div class="vers6">Publieray mes langueurs,</div>
- <div class="vers">Et malgré vos bontez, tout le monde sans cesse</div>
- <div class="vers">Verra dans mes écrits subsister vos rigueurs.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Je ne suis pas de ceux dont la vaine ignorance,</div>
- <div class="vers6">Ne pouvant bien choisir,</div>
- <div class="vers">Plustost que le solide, embrassent l’apparence</div>
- <div class="vers">Et font du seul éclat l’essence du plaisir.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<span class="pagenum" id="Page_81">[p. 81]</span>
- <div class="vers">Leur maxime n’est pas que la chose se cache,</div>
- <div class="vers6">Cela les refroidit:</div>
- <div class="vers">Toute leur volupté, c’est que chacun le sçache,</div>
- <div class="vers">Et que rien ne soit fait, pourveu que tout soit dit.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Moi qui n’ay pas chez eux fait mon apprentissage,</div>
- <div class="vers6">Je n’en tiens du tout rien;</div>
- <div class="vers">Ma muse, quoyque jeune, est une muse sage,</div>
- <div class="vers">Qui n’a jamais fait honte à qui m’a fait du bien.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Aussi, rasseurez-vous, adorable Silvie,</div>
- <div class="vers6">Et ne permettez pas</div>
- <div class="vers">Que de nostre amoureuse et bienheureuse vie</div>
- <div class="vers">Une goutte d’absinthe aigrisse les appas.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Jeunes, à pleines mains cueillons et lis et roses,</div>
- <div class="vers6">D’un soin toujours égal;</div>
- <div class="vers">J’ay bien fait de languir pour de si belles choses;</div>
- <div class="vers">Et vous avez bien fait de soulager mon mal.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Ne laissons échapper un moment inutile</div>
- <div class="vers6">En l’avril de nos ans,</div>
- <div class="vers">Et que nostre pensée en delices fertile,</div>
- <div class="vers">S’épuise et se remplisse en faveur de nos sens.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">De vos chères faveurs les aimables largesses</div>
- <div class="vers6">Comblent tout mon souhait,</div>
- <div class="vers">Et cependant mon ame au milieu des caresses</div>
- <div class="vers">Ne peut venir à bout d’un desir satisfait.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Contente, elle désire, et va criant à l’ayde,</div>
- <div class="vers6">Au milieu du secours;</div>
- <div class="vers">Le doux mal qu’elle plaint dure après son remède,</div>
- <div class="vers">Et quoy qu’il en arrive, elle brûle toujours.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">C’est trop d’amour, Silvie, et cet excès aimable,</div>
- <div class="vers6">Ne vous déplaira point;</div>
- <div class="vers">Je n’ay jamais rien fait qui n’ait esté blamable,</div>
- <div class="vers">Si vostre jugement me condamne en ce poinct.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
-<span class="pagenum" id="Page_82">[p. 82]</span>
- <div class="vers">Que j’aime ce visage en sa naïve grace</div>
- <div class="vers6">Jadis plein de refus,</div>
- <div class="vers">Et maintenant si doux, qu’on n’y voit plus la trace</div>
- <div class="vers">De nul de ses dédains qui ne paroissent plus!</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Ces beaux yeux, ce beau sein, toutes ces riches marques</div>
- <div class="vers6">N’appartiennent qu’à moy,</div>
- <div class="vers">Et bas comme je suis au-dessous des monarques,</div>
- <div class="vers">J’ay pourtant des trésors que n’auroit pas un roy.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Tout beau! quelque douceur si plaisante à décrire</div>
- <div class="vers6">Qu’ait eu ma passion,</div>
- <div class="vers">J’ay beaucoup à penser, mais je n’ay rien à dire</div>
- <div class="vers">Et ma gloire dépend de ma discrétion.</div>
-</div>
-
-<div class="attrib"><span class="smcap">Benserade.</span></div>
-
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_5">JOUISSANCE<a name="FNanchor_24" id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">[24]</a></h3>
-
-<div class="poem">
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Enfin cette beauté qui me faisoit mourir,</div>
- <div class="vers8">Dans le soin de me secourir</div>
- <div class="vers">Change l’ingratitude à la reconnoissance,</div>
- <div class="vers">Et m’a dit aujourd’hui que sa difficulté</div>
- <div class="vers8">Feroit moins voir sa cruauté</div>
- <div class="vers8">Que l’excès de ma récompense.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Mais quoy? sans retomber au péril du trépas,</div>
- <div class="vers8">Pourray-je dire les combats</div>
- <div class="vers">Que la honte et l’amour livrèrent à son ame,</div>
- <div class="vers">Alors que, se rendant à mon assaut vainqueur,</div>
- <div class="vers8">L’innocente mouroit de peur,</div>
- <div class="vers8">Et trembloit au bruit de ma flame!</div>
-<span class="pagenum" id="Page_83">[p. 83]</span>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Amour, qui m’as comblé de gloire et de plaisir,</div>
- <div class="vers8">Seconde encore mon désir;</div>
- <div class="vers">Toy qui brulois mon cœur, échaufe un peu ma veine,</div>
- <div class="vers">Afin qu’on puisse lire écrit sur tes autels</div>
- <div class="vers8">Des caractères immortels</div>
- <div class="vers8">A la loüange de ma reine.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">En la triste saison que Phebus endormy</div>
- <div class="vers8">Ne luit au monde qu’à demy,</div>
- <div class="vers">Mon astre m’éclaira de toute sa lumière.</div>
- <div class="vers">Et cette belle aurore, un peu devant le jour,</div>
- <div class="vers8">A l’assignation d’amour</div>
- <div class="vers8">Se rendit presque la première.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Au moment que je vis ce merveilleux objet,</div>
- <div class="vers8">Pour qui j’avois tant de respect,</div>
- <div class="vers">Entrer les yeux baissez, et d’un accent timide,</div>
- <div class="vers">Me dire: «Cher Tircis, à quoy m’exposes-tu?</div>
- <div class="vers8">Faut-il que pour toy la vertu</div>
- <div class="vers8">Cède à la fureur qui me guide?</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">«Tircis, vivons tousjours dans nos feux innocens;</div>
- <div class="vers8">Et si j’ay des charmes puissans,</div>
- <div class="vers">Comme pour me flater tu le veux faire croire,</div>
- <div class="vers">Modère aussi les tiens, et content de ma foy,</div>
- <div class="vers8">Cesse de prétendre sur moy</div>
- <div class="vers8">L’honneur d’une lâche victoire.»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Quand je vis tant de grace avec tant de pudeur,</div>
- <div class="vers8">Peu s’en fallut que mon ardeur</div>
- <div class="vers">N’écoutât du respect les simples remonstrances,</div>
- <div class="vers">Et que, perdant le fruit de cette occasion,</div>
- <div class="vers8">Une sotte confusion</div>
- <div class="vers8">Ne ruinât mes espérances.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Mais reprenant bien-tost mon généreux dessein,</div>
- <div class="vers8">J’attache ma bouche à son sein,</div>
- <div class="vers">Qui d’un poux inégal témoignoit ses alarmes:</div>
- <div class="vers">Là nous eusmes un long et périlleux combat.</div>
- <span class="pagenum" id="Page_84">[p. 84]</span>
- <div class="vers8">Avant qu’elle ne succombât</div>
- <div class="vers8">Sous l’heureux effort de mes armes.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Nos rideaux recevoient tout autant de clarté</div>
- <div class="vers8">Qu’il en faut pour une beauté</div>
- <div class="vers">Qui des jeux de l’Amour n’a pas l’expérience.</div>
- <div class="vers">La pudeur de Philis s’y pouvoit asseurer,</div>
- <div class="vers8">Et j’y pouvois considérer</div>
- <div class="vers8">Tous les traits de son innocence.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Je vis comme l’Amour quelquefois luy haussoit</div>
- <div class="vers8">Ses yeux que la honte abaissoit</div>
- <div class="vers">Je vis rougir ses lys, je vis pâlir ses roses;</div>
- <div class="vers">Tout estoit merveilleux, et je puis hardiment</div>
- <div class="vers8">Protester que jamais amant</div>
- <div class="vers8">Ne toucha de si belles choses.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Alors, n’en pouvant plus: «Cher voleur d’un tresor,</div>
- <div class="vers8">Que je devois garder encor,</div>
- <div class="vers">Après avoir soulé ton amoureuse envie,</div>
- <div class="vers">Après t’estre enrichy de ma première fleur,</div>
- <div class="vers8">Après m’avoir osté l’honneur,</div>
- <div class="vers8">Oste-moy, dit-elle, la vie!»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">«Reyne de mes desirs, maistresse de mon sort,</div>
- <div class="vers8">Puisque nos destins sont d’accord,</div>
- <div class="vers">Goustons les voluptez que le ciel nous envoye;</div>
- <div class="vers">Appaise donc, luy dis-je, appaise tes douleurs,</div>
- <div class="vers8">Et ne fais pas tomber des pleurs</div>
- <div class="vers8">Dans le fleuve de nostre joye.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">«Tu sçais, belle Philis, que ma discrétion</div>
- <div class="vers8">L’emporte sur ma passion.</div>
- <div class="vers">Et qu’à dissimuler j’ay si peu de contrainte,</div>
- <div class="vers">Que tous les espions qu’on vient de nous donner</div>
- <div class="vers8">Jamais ne pourront discerner</div>
- <div class="vers8">La vérité d’avec la feinte.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">«Sçache aussi que d’Amour l’agréable péché,</div>
- <div class="vers8">Pourveu qu’on le tienne caché</div>
-<span class="pagenum" id="Page_85">[p. 85]</span>
- <div class="vers">Loin de ce que tu crains, n’apporte à ses complices</div>
- <div class="vers">Qu’un mutuel desir de le faire souvent,</div>
- <div class="vers8">Et l’honneur, qui n’est que du vent,</div>
- <div class="vers8">Se garde parmy nos délices.»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Ce miracle d’amour, de grâce et de beauté,</div>
- <div class="vers8">Après m’avoir bien écouté:</div>
- <div class="vers">«Que les propos, dit-il, d’une personne aimée</div>
- <div class="vers">Ont un rare pouvoir de toucher nos esprits!</div>
- <div class="vers8">Que mes sens se trouvent surpris,</div>
- <div class="vers8">Et ma colère desarmée!</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">«Dispose de ma vie, aimable suborneur!</div>
- <div class="vers8">L’Amour, plus puissant que l’honneur,</div>
- <div class="vers">Me fait abandonner ma première conduite,</div>
- <div class="vers">Et dit à ma raison, qu’un si parfait amant</div>
- <div class="vers8">Ne peut cueillir injustement</div>
- <div class="vers8">Les fruits d’une longue poursuite.»</div>
-</div>
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_6">JOUISSANCE</h3>
-
-<div class="poem">
-
-<div class="ptit">IDYLLE<a name="FNanchor_25" id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">[25]</a></div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Du bel astre du jour les lumières errantes</div>
- <div class="vers">Avoient brillé deux fois sur les fleurs renaissantes,</div>
- <div class="vers">Et sous les noirs frimas les aquilons naissans</div>
- <div class="vers">Avoient blanchy deux fois la vieillesse des ans;</div>
- <div class="vers">Depuis le jour fatal que l’amoureux Lysandre</div>
- <div class="vers">Vit la belle Climene et ne peut s’en deffendre,</div>
- <div class="vers">Et qu’heureux à ses pieds de voir couler ses jours,</div>
- <div class="vers">Il n’estoit point gesné par d’ingrates amours.</div>
- <div class="vers">Après beaucoup de temps, de constance et de peine.</div>
- <span class="pagenum" id="Page_86">[p. 86]</span>
- <div class="vers">Il sut toucher le cœur de l’aimable Climène,</div>
- <div class="vers">Et cette belle enfin, favorable à ses vœux,</div>
- <div class="vers">Ressentit les langueurs d’un tourment amoureux.</div>
- <div class="vers">Tous deux, fuyant le monde, abandonnoient leurs ames</div>
- <div class="vers">Aux plaisirs innocens de leurs discrètes flames,</div>
- <div class="vers">Et ces parfaits amans ne peignoient dans leurs yeux</div>
- <div class="vers">Que ces chastes amours qui triomphent des dieux.</div>
- <div class="vers">Mais qu’on voit rarement, dans le siècle où nous sommes,</div>
- <div class="vers">Les amans aimer bien et n’aimer pas en hommes,</div>
- <div class="vers">Et qu’il est difficile au cœur bien enflamé</div>
- <div class="vers">D’estre longtemps discret, lorsqu’il est fort aimé!</div>
- <div class="vers">Lysandre, en qui l’amour estoit jadis si pure,</div>
- <div class="vers">Fut touché du désordre où porte la nature:</div>
- <div class="vers">Son cœur et sa raison ne pouvant s’accorder,</div>
- <div class="vers">Il vouloit des faveurs qu’il n’osoit demander.</div>
- <div class="vers">Climène le connut, et son ame affligée</div>
- <div class="vers">Desira vainement de se voir dégagée.</div>
- <div class="vers">Mais elle aimoit beaucoup, et vit bien qu’en aimant</div>
- <div class="vers">L’on s’accoutume enfin aux transports d’un amant.</div>
- <div class="vers">Climène chaque jour devenoit moins sévère,</div>
- <div class="vers">Répondoit à Lysandre avec moins de colère,</div>
- <div class="vers">Et Lysandre, hardy, luy contoit chaque jour</div>
- <div class="vers">Les plaisirs indiscrets du criminel amour.</div>
- <div class="vers">D’un honneur scrupuleux les loix trop rigoureuses</div>
- <div class="vers">Combattirent longtemps leurs flames amoureuses.</div>
- <div class="vers">Mais dès lors que l’honneur est pressé par l’amour,</div>
- <div class="vers">Si l’amour est bien fort, l’honneur cède à son tour.</div>
- <div class="vers">Avec tous les efforts d’une vertu sévère,</div>
- <div class="vers">C’est en vain que souvent la Raison delibère,</div>
- <div class="vers">Et l’esprit, combattu par des attraits puissans,</div>
- <div class="vers">Se trouble et s’abandonne à l’empire des sens.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Sur le bord d’un ruisseau, loin du bruit et du monde</div>
- <div class="vers">Climène un jour dormoit au murmure de l’onde,</div>
- <div class="vers">A l’ombrage d’un bois et sur le gazon vert:</div>
- <div class="vers">Un doux zephir baisoit son beau sein découvert.</div>
- <div class="vers">Telle parut jadis, dans les bois de Cythère,</div>
- <div class="vers">Des plus tendres Amours la ravissante mère,</div>
- <div class="vers">Quand lasse de chercher son aimable Adonis,</div>
- <span class="pagenum" id="Page_87">[p. 87]</span>
- <div class="vers">Elle se reposoit dans les bras de son fils.</div>
- <div class="vers">Climène, mille fois plus charmante et plus belle,</div>
- <div class="vers">Dort parmi les Amours qui veillent autour d’elle,</div>
- <div class="vers">Qui toujours attachez à ses divins appas,</div>
- <div class="vers">L’aiment comme leur mère et ne la quittent pas.</div>
- <div class="vers">Elle dormoit encor, lorsque son cher Lysandre,</div>
- <div class="vers">Guidé par l’Amour mesme, en ce bois se vint rendre.</div>
- <div class="vers">Surpris d’un nouveau jour qui brilloit à ses yeux,</div>
- <div class="vers">Il connut que Climène estoit près de ces lieux.</div>
- <div class="vers">Il soupire, il s’avance, et dans cet instant mesme,</div>
- <div class="vers">Plein de joie et d’ardeur, il trouve ce qu’il aime,</div>
- <div class="vers">Il reconnoît Climène, et voit que son beau corps,</div>
- <div class="vers">Négligemment couché, découvroit ses trésors.</div>
- <div class="vers">Charmé de contempler tant de beautez nouvelles,</div>
- <div class="vers">De mille feux nouveaux il sent les étincelles,</div>
- <div class="vers">Et se laisse embraser à ces esprits ardens</div>
- <div class="vers">Qui malgré la raison s’écoulent par les sens.</div>
- <div class="vers">Sans éveiller Climène, à genoux auprès d’elle,</div>
- <div class="vers">Il veut porter sa bouche au sein de cette belle,</div>
- <div class="vers">Et sa main criminelle est prête de toucher</div>
- <div class="vers">Des trésors que l’honneur ordonne de cacher.</div>
- <div class="vers">Mais un léger respect qui combattoit sa flame,</div>
- <div class="vers">Calma pour un moment les transports de son ame,</div>
- <div class="vers">Et, prest d’exécuter un si hardy dessein,</div>
- <div class="vers">Il sentit arrester et sa bouche et sa main.</div>
- <div class="vers">Il craignit justement que Climène offensée</div>
- <div class="vers">Ne punît par sa haine une ardeur insensée,</div>
- <div class="vers">Et que, pleine d’horreur pour sa témérité,</div>
- <div class="vers">Il ne peust plus fléchir son esprit irrité.</div>
- <div class="vers">«Que feray-je, dit-il, dans l’ardeur qui m’anime?</div>
- <div class="vers">Qui péche par amour ne fait pas un grand crime.</div>
- <div class="vers">Souvent dans les combats qu’ont des cœurs amoureux,</div>
- <div class="vers">Si l’on n’est téméraire on n’est jamais heureux.</div>
- <div class="vers">Nul ne peut estre sage auprès de ce qu’il aime:</div>
- <div class="vers">Le respect dure peu quand l’amour est extrême,</div>
- <div class="vers">Et ces foibles combats sont au cœur d’un amant</div>
- <div class="vers">Ce que fait un peu d’eau sur un brasier fumant.»</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">A ces mots, il s’emporte, et son ame aveuglée</div>
- <span class="pagenum" id="Page_88">[p. 88]</span>
- <div class="vers">S’abandonne aux fureurs d’une amour déréglée.</div>
- <div class="vers">Il arreste Climène avec ses bras puissans,</div>
- <div class="vers">Et l’inhumain est sourd à ses cris innocens.</div>
- <div class="vers">Cette belle, en désordre, estonnée et tremblante,</div>
- <div class="vers">Tâche en vain d’échapper, se plaint et se tourmente,</div>
- <div class="vers">Menace son amant de courir au trépas:</div>
- <div class="vers">Enfin elle le prie et ne le fléchit pas.</div>
- <div class="vers">Sa résistance est foible aux efforts de Lysandre.</div>
- <div class="vers">Contre quelque autre amant elle eust peu se défendre,</div>
- <div class="vers">Mais contre ce qu’on aime on fait un vain effort:</div>
- <div class="vers">Quand le cœur nous trahit, le bras n’est guères fort.</div>
- <div class="vers">Ce n’est plus qu’aux soupirs que sa bouche est ouverte.</div>
- <div class="vers">Elle ferme les yeux pour ne pas voir sa perte,</div>
- <div class="vers">Et les bras étendus, sans aucun mouvement,</div>
- <div class="vers">Laisse tout prendre enfin à cet heureux amant.</div>
- <div class="vers">Jamais tant de beautez, avecque tant de joye,</div>
- <div class="vers">Des ardeurs d’un amant ne devinrent la proye,</div>
- <div class="vers">Et l’on ne vit jamais dans l’empire amoureux</div>
- <div class="vers">De plus belle conqueste et d’amant plus heureux.</div>
- <div class="vers">Dans le fond de ce bois les Nymphes en rougirent,</div>
- <div class="vers">Le Faune tressaillit, et les Amours en rirent;</div>
- <div class="vers">Tous en furent émus et dirent tour à tour,</div>
- <div class="vers">Que rien n’est comparable aux douceurs de l’amour.</div>
-</div>
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_7">JOUISSANCE</h3>
-
-<div class="poem">
-
-<div class="ptit">SONNET<a name="FNanchor_26" id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">[26]</a></div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Aujourd’huy dans tes bras j’ay demeuré pâmée:</div>
- <div class="vers">Aujourd’huy, cher Tircis, ton amoureuse ardeur</div>
- <div class="vers">Triomphe impunément de toute ma pudeur,</div>
- <div class="vers">Et je cède aux transports dont mon ame est charmée.</div>
-<span class="pagenum" id="Page_89">[p. 89]</span>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Ta flame et ton respect m’ont enfin desarmée:</div>
- <div class="vers">Dans nos embrassemens je mets tout mon bonheur,</div>
- <div class="vers">Et je ne connois plus de vertu ni d’honneur,</div>
- <div class="vers">Puisque j’aime Tircis et que j’en suis aimée.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">O vous, foibles esprits, qui ne connoissez pas</div>
- <div class="vers">Les plaisirs les plus doux que l’on gouste icy-bas,</div>
- <div class="vers">Apprenez les transports dont mon ame est ravie.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers">Une douce langueur m’oste le sentiment,</div>
- <div class="vers">Je meurs entre les bras de mon fidelle amant,</div>
- <div class="vers">Et c’est dans cette mort que je trouve la vie.</div>
-</div>
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_8">JOUISSANCE</h3>
-
-<p class="cent cs8">(Imité d’Ovide, <i>Amours</i>, liv. III, élég. 7.)</p>
-
-<div class="poem">
-
-<div class="ptit">STANCES<a name="FNanchor_27" id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">[27]</a></div>
-
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Accablé de l’inquiétude</div>
- <div class="vers8">Que cause l’ardeur de l’esté,</div>
- <div class="vers8">Pour dissiper ma lassitude</div>
- <div class="vers8">Sur mon lit je m’estois jeté.</div>
- <div class="vers8">Le soleil, dans ma chambre obscure,</div>
- <div class="vers8">Trouvant quelque foible ouverture,</div>
- <div class="vers8">Lançoit un rayon de ses feux,</div>
- <div class="vers8">Et meslant la lumière à l’ombre,</div>
- <div class="vers8">En faisoit un lieu clair et sombre</div>
- <div class="vers8">Propice aux larcins amoureux.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <span class="pagenum" id="Page_90">[p. 90]</span>
- <div class="vers8">Alors à mes yeux se présente</div>
- <div class="vers8">Corinne et n’ose m’approcher:</div>
- <div class="vers8">Sa robe blanche et transparente</div>
- <div class="vers8">La couvroit sans me la cacher.</div>
- <div class="vers8">Elle chancelle, je m’avance;</div>
- <div class="vers8">J’attaque, elle fait résistance</div>
- <div class="vers8">Et tâche de me repousser,</div>
- <div class="vers8">Mais d’une manière si douce,</div>
- <div class="vers8">Que le beau bras qui me repousse,</div>
- <div class="vers8">Est deja prest à m’embrasser.</div>
-</div>
-<div class="stanza">
- <div class="vers8">Enfin, vainqueur de cette belle,</div>
- <div class="vers8">J’en contemplay tous les appas,</div>
- <div class="vers8">J’admiray ce qu’on voit en elle</div>
- <div class="vers8">Et tout ce que l’on ne voit pas.</div>
- <div class="vers8">Chacun aisément conjecture</div>
- <div class="vers8">Ce qu’on fait en cette aventure</div>
- <div class="vers8">Avec l’objet de ses amours...</div>
- <div class="vers8">Que je serois digne d’envie,</div>
- <div class="vers8">Si dans la suite de ma vie</div>
- <div class="vers8">J’avois souvent de ces beaux jours!</div>
-</div>
-</div>
-
-<hr class="hr6" />
-
-<h3 id="sub3_9">L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE<a name="FNanchor_28" id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">[28]</a></h3>
-
-<p>Une certaine Dame de la campagne avoit un
-mary fort jaloux, et neantmoins ne laissoit point
-de se réjouyr, et de passer son temps avec un
-jeune frisé, valet de chambre d’un gentilhomme
-de ses voisins, dont elle estoit passionnement
-<span class="pagenum" id="Page_91">[p. 91]</span>
-amoureuse, qui, quelquefois, la voyoit de près aux
-heures qu’elle l’avertissoit que son mary estoit
-absent. Cette Dame estoit parfaitement belle, et
-quoyqu’elle s’abandonnast à un valet, ne laissoit
-point d’estre poursuivie par tous les braves cavaliers
-du pays, et entre autres, par un certain Marquis,
-leur voisin, qui, l’ayant longuement persecutée
-à force de présens, obtint d’elle ce qu’il en
-desiroit, mais elle l’obligeoit bien plus tost par interest
-que par amour; car toutes ses inclinations
-estoient dediées à ce valet de chambre, à qui elle
-avoit absolument donné son cœur.</p>
-
-<p>Un jour, comme son mary estoit allé dehors,
-qui ne devoit estre de retour que le lendemain, elle
-envoye tout à l’heure querir son galand, comme
-elle avoit accoutumé de faire en pareille occasion;
-mais à peine luy avoit-elle donné le bonjour, que
-monsieur le Marquis arrive, ayant laissé ses chevaux
-dans la cour; (il) montoit desja l’escalier,
-quand une des filles de chambre de la Dame la vint
-avertir que monsieur le Marquis montoit. Elle, qui
-pour rien n’eust voulu que le Marquis eust trouvé
-ce jeune homme dans sa chambre, le pria de se
-cacher; ce qu’il fit tout tremblant de peur, et, ne
-sçachant où se mettre, il se cache sous le lict.
-Le Marquis entre et salue la Dame, qui luy demande
-comme il avoit sçeu prévoir que son mary
-n’estoit point au logis; il luy dit que son cœur l’en
-avoit averty, qui n’avoit pas accoutumé de pronostiquer
-jamais en vain.</p>
-
-<p>Comme ils estoient en conversation ensemble,
-le mary arrive: ce qu’une fille de chambre vint
-aussitost dire à sa maistresse, qu’il estoit desja
-<span class="pagenum" id="Page_92">[p. 92]</span>
-dans la cour et qu’il avoit veu les chevaux de monsieur
-le Marquis. Cette femme demeura bien interdite,
-ne sçachant ce qu’elle devoit faire de voir
-son mary la surprendre, pendant qu’elle estoit
-avec le Marquis, et qu’elle avoit un autre galand
-caché sous le lict. Mais, comme les femmes sont
-extrêmement subtiles et prompte plus que les
-hommes à remedier aux malheurs présens, avec
-le peu de temps qu’elle avoit, elle dit au Marquis:
-«Monsieur, si vous avés dessein de me sauver la
-vie, au nom de Dieu, sans vous informer de la
-cause qui m’oblige à cela, car je n’ai pas à présent
-le loisir de répondre là-dessus, mettez l’espée à
-la main, et tesmoignez d’estre en colere; disant:
-<i>Morbleu! je le rattraperai une autre fois!</i> et en
-disant cela, sortez promptement de céans, et quoyque
-mon mary, que vous allez rencontrer sur la
-montée, vous en demande la cause et vous veuille
-arrester, allez-vous-en en colere, sans luy respondre.
-C’est l’unique moyen de me sauver, sans
-quoy, tenez-moy morte, autant vaut.»</p>
-
-<p>Le Marquis, qui n’avoit pas le loisir de consulter
-là-dessus, bien aise aussi que par ce moyen il
-pouvoit aussi échapper, met l’espée à la main,
-sort de la chambre, et rencontrant le mary sur
-la montée, dit, en colère: «Morbleu! je le rattraperay
-une autre fois!» Le mary estonné, luy
-demande ce qu’il a; mais, luy, sans vouloir escouter,
-enfonçant son chapeau à sa teste, sort sans
-luy dire aucune chose. Le mary trouve sa femme
-à la porte de sa chambre, à qui il demande à qui
-en avoit monsieur le Marquis. «Ah! mon amy,
-luy dit-elle, jamais je ne me suis trouvée si
-<span class="pagenum" id="Page_93">[p. 93]</span>
-estonnée! Tout maintenant il est venu un jeune
-homme se refugier icy, me criant, la larme à l’œil,
-d’avoir pitié de luy et de le sauver des mains de
-ce Marquis, qui, l’espée à la main, couroit après
-luy pour le tuer. Je l’ai fait entrer dans ma chambre
-et me suis tenuë à la porte pour en deffendre
-l’entrée au Marquis, qui, tout furieux, venoit pour
-le tuer; mais, ayant connu que je ne le trouvois
-pas bon, s’estant venu refugier dans ma chambre,
-encore a-t-il esté assez courtois pour ne l’attaquer
-pas chez moy.—Ah! dit le mary, sans doute
-c’est ce qui l’obligeoit à dire qu’il le rattraperoit
-ailleurs. Mais où est-il ce jeune homme?—Je ne
-sçay, dit-elle, où il se sera caché. Je m’en vais
-l’appeler. Sortez, mon amy, dit-elle, sortez! Ne
-craignez rien, il est party.» Ce jeune homme,
-qui avoit tout ouï, sort tremblant de dessous le
-lict, car il en avoit bien sujet. Le mary luy demande
-pourquoy le marquis luy en vouloit: «Je
-vous jure, dit-il, que je n’en sçay rien, monsieur,
-car je ne le connois point, et je crois qu’il me
-prend pour un autre: car, si tôt lorsqu’il m’a veu,
-mettant l’espée à la main, il a crié: <i>Tue, tue!</i> et
-sans Madame, qui m’a fait la faveur de me retirer
-céans, je serois mort, sans doute. Je luy suis obligé
-de la vie.» Le mary le console le mieux qu’il pût
-et le conseille de ne sortir point de chez luy, qu’il
-ne fust nuict, de peur que l’autre ne le guetast
-par la rue. Ainsi eut-il beau recouvrer le temps
-qu’il avoit perdu, sans appréhender le mary qui
-luy servit d’escorte.</p>
-
-<p class="sep3 cent cs8">FIN.</p>
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<div class="footnotes">
-<p class="noind" style="padding: .5em 0;">NOTES.</p>
-
-<p class="sep2"><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a>
-Ce texte, que nous regardons comme l’original de Pierre
-Corneille, est tiré du <i>Nouveau Cabinet des Muses, ou l’Eslite
-des plus belles poésies de ce temps</i> (Paris, veuve Edme Pepingué,
-1658, in-12). La pièce se trouve dans un cahier
-imprimé à part vers 1660, et placé à la suite du recueil; ce
-cahier de 50 pages manque dans la plupart des exemplaires.</p>
-
-<p><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a>
-Page 284.</p>
-
-<p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a>
-Un historien moderne prétend qu’il est aussi difficile
-de le croire, que de lire ce livre une seule fois. Voyez l’<i>Histoire
-du Siècle de Louis XIV</i>, t. II, chap. des Écrivains,
-art. <i>Corneille (Pierre)</i>. On juge aujourd’hui des ouvrages,
-d’une manière épigrammatique. Cette sorte de critique est
-singulièrement remarquable dans la Méthode pour l’histoire,
-etc.</p>
-
-<p><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a>
-Voy. les <i>Mémoires de Trévoux</i>, décembre 1724, p. 2272
-et le P. Niceron, t. XV de ses <i>Mémoires</i>, p. 379.</p>
-
-<p><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a>
-Le privilége est du 19 septembre 1661; il fut enregistré
-sur le Livre des libraires le 30 du même mois; l’ouvrage
-fut achevé d’imprimer le 16 novembre 1661. Le frontispice
-porte cependant 1662.</p>
-
-<p><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a>
-Ce recueil forme un in-12 de 253 pages.</p>
-
-<p><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a>
-Page 12 de son <i>Avis au lecteur</i>.</p>
-
-<p><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a>
-Le compilateur des <i>Anecdotes littéraires</i> a copié le
-passage du <i>Carpenteriana</i> (tome II, page 2), et donne aussi
-à Corneille ce petit poëme.</p>
-
-<p><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a>
-Le 6 octobre 1715, neuf ans avant l’impression du
-<i>Carpenteriana</i>.</p>
-
-<p><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a>
-<i>L’Occasion perduë-recouvrée</i> commence le recueil intitulé:
-<i>L’Élite des poésies héroïques et gaillardes de ce temps,
-augmentées de nouveau</i>, in-12 de 94 pages, sans nom de ville
-et d’imprimeur. Cette pièce se trouve aussi à la tête du
-<i>Recueil des pièces du temps, ou Divertissement curieux</i>. La
-Haye, Jean Strik, 1685, in-12.</p>
-
-<p><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a>
-Voyez l’<i>Histoire de l’Académie françoise</i>, par M. l’abbé
-d’Olivet, t. II, p. 235, édit. in-12.</p>
-
-<p><a name="Footnote_12" id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a>
-Voyez sa <i>Réponse à l’épître de Rousseau contre les esprits-forts</i>.</p>
-
-<p><a name="Footnote_13" id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a>
-Charles de Sercy et Claude Barbin en imprimèrent un
-gros recueil en 2 vol. in-8, <i>Paris</i>, 1669.</p>
-
-<p><a name="Footnote_14" id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a>
-Page 556 et suiv. Je me servirai toujours ici de la
-première édition de ses Œuvres.</p>
-
-<p><a name="Footnote_15" id="Footnote_15" href="#FNanchor_15"><span class="label">[15]</span></a>
-Voyez la page 7 et suiv. de l’<i>Avis au lecteur</i>.</p>
-
-<p><a name="Footnote_16" id="Footnote_16" href="#FNanchor_16"><span class="label">[16]</span></a>
-Page 14.</p>
-
-<p><a name="Footnote_17" id="Footnote_17" href="#FNanchor_17"><span class="label">[17]</span></a>
-En 1643.</p>
-
-<p><a name="Footnote_18" id="Footnote_18" href="#FNanchor_18"><span class="label">[18]</span></a>
-Voyez page 248.</p>
-
-<p><a name="Footnote_19" id="Footnote_19" href="#FNanchor_19"><span class="label">[19]</span></a>
-Voyez page 243.</p>
-
-<p><a name="Footnote_20" id="Footnote_20" href="#FNanchor_20"><span class="label">[20]</span></a>
-Ces vers, imités des <i>Amours</i> d’Ovide (liv. III, élégie 7),
-sont de Mathurin Régnier; ils ont été publiés, après sa mort,
-dans ses œuvres, en 1613 et 1642. On les retrouve avec de
-bonnes corrections, mais aussi avec de nouvelles fautes,
-dans le <i>Nouveau recueil des plus belles poësies, contenant le
-Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, la Belle mandiante,
-l’Occasion perdue, etc., et autres pièces curieuses</i> (Paris,
-vefve G. Loyson, 1654, in-12, p. 399-404).</p>
-
-<p><a name="Footnote_21" id="Footnote_21" href="#FNanchor_21"><span class="label">[21]</span></a>
-<i>Nouveau recueil des plus belles poësies, contenant le
-Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, l’Occasion perduë, etc.,
-et autres poësies curieuses.</i> (Paris, chez la vefve Loyson,
-1654, in-12, p. 119-138.)</p>
-
-<p><a name="Footnote_22" id="Footnote_22" href="#FNanchor_22"><span class="label">[22]</span></a>
-Imprimé à la suite de <i>l’Occasion perduë recouverte</i>,
-page 18 de ce cahier séparé, qui se trouve à la fin des
-<i>Maximes et loix d’amour, lettres, billets doux et galants,
-poësies</i> (Paris, Olivier de Varennes, 1669, pet. in-8).</p>
-
-<p><a name="Footnote_23" id="Footnote_23" href="#FNanchor_23"><span class="label">[23]</span></a>
-<i>Poësies choisies de MM. Corneille, Benserade, de Scudery,
-Bois-Robert, La Mesnardière, Sarrassin</i> (sic), <i>Desmarets,
-etc., et de plusieurs autres célèbres autheurs de ce temps</i>.
-4<sup>e</sup> édition, revue, corrigée et augmentée (Paris, Charles Sercy,
-1655), in-8, page 30 de la première partie).</p>
-
-<p><a name="Footnote_24" id="Footnote_24" href="#FNanchor_24"><span class="label">[24]</span></a>
-<i>Nouveau recueil de diverses poësies du sieur Du Teil,
-augmenté de plusieurs poëmes, stances, sonnets, etc.</i> (Paris,
-J. B. Loyson, 1659, in-12, p. 32-36).</p>
-
-<p><a name="Footnote_25" id="Footnote_25" href="#FNanchor_25"><span class="label">[25]</span></a>
-<i>Poésies nouvelles et autres œuvres galantes du sieur
-de C...</i> (Paris, Théodore Girard, 1662, in-12, p. 75-78).</p>
-
-<p><a name="Footnote_26" id="Footnote_26" href="#FNanchor_26"><span class="label">[26]</span></a>
-<i>Poësies choisies de MM. Corneille, Bois-Robert, de
-Marigny, Desmarets, Gombault, de La Lanne, de Cerisy, de
-Cerisay, Maucroix, etc., et plusieurs autres.</i> Cinquiesme
-partie (Paris, Charles de Sercy, 1666, in-12. p. 61). Ce sonnet,
-publié sans nom d’auteur dans différents recueils, est
-de mademoiselle Desjardins, plus tard madame de Villedieu,
-qui ne le désavouait pas.</p>
-
-<p><a name="Footnote_27" id="Footnote_27" href="#FNanchor_27"><span class="label">[27]</span></a>
-Cette pièce, sans nom d’auteur, se trouve à la p. 1177
-du t. IX du recueil manuscrit de Conrart, in-folio, Bibliothèque
-de l’Arsenal.</p>
-
-<p><a name="Footnote_28" id="Footnote_28" href="#FNanchor_28"><span class="label">[28]</span></a>
-<i>Les Soirées des Auberges, l’Apothicaire de qualité,
-l’Avanture de l’hostellerie, le Mariage de Belfegore, l’Occasion
-perduë recouverte, Nouvelles galantes, comiques et véritables</i>
-(Paris, Estienne Loyson, 1669, in-12, p. 289-292).</p>
-</div>
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<h2 id="toc">
-TABLE DES MATIÈRES</h2>
-
-<hr class="hr30" />
-
-<table summary="Table des matières">
-<tr>
- <td>&nbsp;</td>
- <td class="tdr" colspan="2">Pages.</td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">L’Occasion perdue recouverte</span>, stances de P. Corneille</td>
- <td class="tds"><a href="#Page_5">5</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">Variantes</span>, d’après les Poésies nouvelles du S. de Cantenac</td>
- <td class="tds"><a href="#Page_19">19</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl">Documents et dissertations sur <i>l’Occasion perdue recouverte</i></td>
- <td class="tds"><a href="#Page_25">25</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl">Sources et imitations de <i>l’Occasion perdue recouverte</i></td>
- <td class="tds"><a href="#Page_63">63</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">Impuissance</span>, par Math. Regnier</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_1"><i>Id.</i></a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">L’Occasion perdue a Cloris</span>, stances, par D. M.</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_2">70</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">La Jouissance imparfaite</span>, caprice</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_3">76</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, stances, par Benserade</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_4">79</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, stances, par Du Teil</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_5">82</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="pagenum" id="Page_96">[p. 96]</span>
-<span class="smcap">Jouissance</span>, idylle, par de Cantenac</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_6">85</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, sonnet, par madame de Villedieu</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_7">88</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, pièce inédite et anonyme, extraite du Recueil
-de Conrart</td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_8">89</a></td>
-</tr>
-<tr>
- <td class="tdl"><span class="smcap">L’Occasion perdue recouverte</span>, anecdote en prose, extraite
-des <i>Soirées des Auberges</i></td>
- <td class="tds"><a href="#sub3_9">90</a></td>
-</tr>
-</table>
-
-<hr style="margin: 3em 30% 0 30%;" />
-
-<p class="cent cs8">PARIS.—IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.</p>
-
-</div>
-
-<div class="chptr">
-
-<div class="box">
-
-<p class="ssrf cent" id="note">Au lecteur.</p>
-
-<p>L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée,
-mais quelques erreurs clairement introduites par le typographe ou à
-l'impression ont été corrigées. Ces corrections sont soulignées <ins
-title="comme ceci">en pointillés</ins> dans le texte. Placez le curseur
-sur le mot pour voir l'orthographe originale.</p>
-
-<p>Également, à quelques endroits la ponctuation a été corrigée.</p>
-
-</div>
-
-<hr class="full" />
-
-</div>
-
-
-
-
-
-
-
-
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of Project Gutenberg's L'occasion perdue recouverte, by Pierre Corneille
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE ***
-
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-
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