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If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: L'occasion perdue recouverte - -Author: Pierre Corneille - -Editor: Paul Lacroix - -Release Date: September 10, 2020 [EBook #63174] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE *** - - - - -Produced by Laurent Vogel, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - - - - - - - - - - Au lecteur. - - L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été - harmonisée, mais quelques erreurs clairement introduites par le - typographe ou à l'impression ont été corrigées. On trouvera ces - corrections à la fin du texte. - - - - - L’OCCASION PERDUE - RECOUVERTE - - - TIRÉ A 320 EXEMPLAIRES, TOUS NUMÉROTÉS, ET SUR - PAPIER VERGÉ: - - 250 FORMAT PETIT IN-12, ET 70 FORMAT IN-8º. - - - _Nº 28_ - - - PARIS.--IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1. - - - - - L’OCCASION PERDUE - - RECOUVERTE - - PAR PIERRE CORNEILLE - - - NOUVELLE ÉDITION - - ACCOMPAGNÉE DE NOTES ET DE COMMENTAIRES - AVEC LES SOURCES ET LES IMITATIONS QUI ONT ÉTÉ FAITES - DE CE POEME CÉLÈBRE - NON RECUEILLI DANS LES ŒUVRES DE L’AUTEUR. - - - PARIS - - CHEZ JULES GAY, ÉDITEUR - QUAI DES AUGUSTINS, 41 - - 1862 - - - - - L’OCCASION PERDUE - RECOUVERTE - - - - - STANCES[1] - - [1] Ce texte, que nous regardons comme l’original de - Pierre Corneille, est tiré du _Nouveau Cabinet des Muses, - ou l’Eslite des plus belles poésies de ce temps_ (Paris, - veuve Edme Pepingué, 1658, in-12). La pièce se trouve dans - un cahier imprimé à part vers 1660, et placé à la suite du - recueil; ce cahier de 50 pages manque dans la plupart des - exemplaires. - - -I - - Un jour, le malheureux Lisandre, - Poussé d’un amour indiscret, - Attaquoit Cloris en secret, - Qui ne pouvoit plus se défendre. - Tout favorisoit son amour: - L’astre qui nous donne le jour - Alloit porter ses feux dans l’onde, - Et cet ennemy de Cypris - Ne laissoit de lumière au monde - Que dans les beaux yeux de Cloris. - - -II - - Avec un amoureux silence, - Dans un secret appartement, - Elle supporte doucement - Son amour et sa violence; - Ses bras qu’elle veut avancer - Ne servent à le repousser, - Que pour l’attirer davantage; - Elle le souffre à ses genoux, - Et n’a pas presque le courage - De luy dire: «Que faites-vous?» - - -III - - Avec un œil doux et sévère - Elle envisage son amant, - Et luy montre confusément - De l’amour et de la colère. - «Lysandre, dit-elle tout bas, - Je crieray, car ne pensez pas - Que je contente vostre envie; - Cessez d’attaquer mon honneur, - Ou commencez d’avoir ma vie, - Comme vous avez eu mon cœur!» - - -IV - - Mais Lisandre, aussi peu timide - Qu’il estoit beaucoup amoureux, - Imprime l’ardeur de ses feux - Sur les bords de sa bouche humide, - Et glisse sa brûlante main - Sur la neige de son blanc sein, - Dont il prétend fondre la glace, - Et, la tenant entre ses bras, - Il ose élever son audace - Sur un lieu plus saint et plus bas. - - -V - - Là, sans respect et sans relâche, - Il cherche l’objet de ses vœux, - Et trouve ce lieu bien-heureux - Sous le cotillon qui le cache; - De ses doigts tremblans et hardis - Il prend le sombre paradis - Qui donne l’enfer à nos âmes, - Ce throsne vivant de l’amour, - Où, parmy les feux et les flammes, - L’on n’a jamais trouvé le jour. - - -VI - - Attachez bouche contre bouche, - L’un et l’autre estroitement pris, - Il esbranla si bien Cloris, - Qu’il la jetta sur une couche, - Lorsqu’avecque des yeux roulans, - Demy-vifs et demy-mourans. - Elle feignit d’estre pasmée, - Et, dans un si prompt changement, - Ne parut plus estre animée - Que par des soûpirs seulement. - - -VII - - A voir sa gorge toute nuë, - Son corps tout du long estendu, - L’on sçait bien qu’elle avoit perdu - Sa pudeur et sa retenuë; - Que sa constance estoit à bout, - Que son Lisandre pouvoit tout, - Qu’elle se fust laissé tout faire; - Mais, par un accident fascheux, - Que je dis et qui se doit taire, - Il ne se passa rien entr’eux. - - -VIII - - Près de gouster mille délices, - Ce triste et mal-heureux amant - Vid changer son contentement - En de très-rigoureux supplices: - Il estoit couché sur Cloris, - Lorsqu’il demeura tout surpris - D’une infortune sans seconde, - Et, pour comble de son ennuy, - Ce qui donne la vie au monde - Demeura mort et froid en luy. - - -IX - - Ce directeur de la nature, - Ce principe du mouvement, - Immobile et sans sentiment, - Perd sa vigueur et sa figure; - Lisandre a beau se tourmenter, - Il a beau le solliciter - Et luy préparer des amorces, - Ce lasche qu’il excite en vain, - Au lieu de reprendre ses forces, - Pleure mollement sur sa main. - - -X - - Dans cette cruelle adventure, - Triste, désespéré, confus, - Le pauvre amant ne songe plus - Qu’à renoncer à sa nature. - Dans sa furie et ses transports, - Craignant que, malgré ses efforts, - On ne l’accuse d’impuissance, - Appelle d’un air languissant - Des témoins de son innocence - Sur le crime auquel il consent. - - -XI - - Cependant Cloris, revenuë - De ce feint assoupissement, - Porte les deux mains promptement - Dessus sa cuisse toute nuë. - Là, par dessein ou par hazard, - Elle empoigna ce dieu camard, - Second Priape de la Fable; - Mais, le sentant froid et rampant, - Elle pense que c’est un diable - Sous la figure d’un serpent. - - -XII - - Jamais une jeune bergère - Ne retira si promptement - Sa main qui trouve innocemment - Un aspic dessous la fougère. - Que fit Cloris sa belle main - De dessus ce membre trop vain - Qu’elle toucha dessous sa robe, - Lorsqu’avec un juste dépit - Elle se lève et se dérobe - Des bras de Lisandre et du lit. - - -XIII - - Dans la colère qui l’emporte - Elle pousse ce pauvre amant. - Et sans l’écouter seulement, - Se dispose à gagner la porte, - Lorsque Lisandre, à ses genoux, - Luy dit: «Cloris, que faites-vous? - Tout du moins escoutez mes plaintes. - Et regardez dans mon malheur - Toutes les plus vives atteintes - De l’amour et de la douleur. - - -XIV - - «Ma chère Cloris, je vous aime - Plus que les délices des cieux, - Plus que les hommes et les dieux, - Et mille fois plus que moy-mesme; - Je brusle d’une vive ardeur, - Et cette nouvelle froideur - Ne vous doit pas sembler estrange: - Je sçay bien comme il faut aimer; - Mais, pour m’oster des bras d’un ange, - Un diable est venu me charmer. - - -XV - - «Quelque ennemy de la Nature - Trouble mes sens et ma raison, - Et de son funeste poison - Souille une flamme toute pure; - Peut-estre sont-ce aussi les dieux - Qui, se voyans moins glorieux, - M’ont voulu rendre misérable: - Mais, que dis-je? ils sont innocens; - Cloris, elle seule, est coupable. - Elle seule a charmé mes sens. - - -XVI - - «C’est sa beauté qui, dans mon âme, - A joint le respect à l’amour; - C’est son œil plus beau que le jour - Qui fait croistre et mourir ma flamme; - Heureux dans ma captivité, - Je n’osois avec liberté - Jouir d’une grâce imprévuë. - Et de tous mes sens transportez - Je n’ay réservé que la veuë - Pour admirer tant de beautez. - - -XVII - - «Quoy qu’il en soit, mon adorable, - Avant que vous quittiez ces lieux - Souffrez que je perce à vos yeux - Un cœur fidèle et misérable, - Afin que j’expie en mourant - Un crime si noir et si grand, - Qu’il choque la Nature mesme, - Et que, pour venger vos appas, - Ma mort vous tesmoigne que j’aime, - Puisque ma vie ne le fait pas.» - - -XVIII - - Il alloit parler davantage - Pour exprimer son désespoir, - Et peut-estre qu’il eût fait voir - Des sanglans effets de sa rage, - Lorsque, l’arrestant par le bras, - Cloris luy dit: «Ne parlez pas! - J’entends quelqu’un qui se promène, - Et je vois avecque grand bruit - Resplendir la chambre prochaine - De la lumière de la nuit!» - - -XIX - - Soudain une voix entenduë - Redoubla son estonnement, - Et luy fit dire promptement: - «Cher Lisandre, je suis perduë! - Ha! cessez de me retenir; - C’est mon mary qui va venir! - Je l’entends, il est à la porte; - Il faut toujours craindre un jaloux. - Et, vous, dont la vigueur est morte, - Comment luy résisterez-vous?» - - -XX - - Lors cette belle, transportée - D’amour, de crainte et de soucy, - Mena nostre amoureux transi - Près d’une fenestre escartée, - Et, sans beaucoup de compliment, - Il se glissa légèrement - Et descendit dedans la ruë, - Où, pressé d’un mortel ennuy, - Il fit longtemps le pied de gruë, - Et puis se retira chez luy. - - -XXI - - Frappé de la funeste envie - Qui fait la honte et le remords. - Il souffrit mille fois la mort - Du dernier malheur de sa vie. - Quoy qu’alors les jours fussent grands, - Cette nuit luy dura mille ans; - Il ne pust fermer la paupière; - Sur le poinct du jour seulement, - Honteux de revoir la lumière, - Il les ferma pour un moment. - - -XXII - - Le Soleil, qui chasse les ombres - Et l’espouvantement des nuits, - Loin de dissiper ses ennuis, - Les rendit plus noirs et plus sombres; - Quand il vit ce père du jour, - Il crut, par un excez d’amour, - Voir de Cloris la vive image; - Mais il connut dans un moment, - Comme Ixion dans un nuage, - Que son amour n’estoit que vent. - - -XXIII - - Après mille secrettes gesnes, - Cet amant, par un digne effort, - Résolut de chercher la mort - Ou bien le remède à ses peines. - «Ha! je ne crains plus mon malheur! - Je mourray, dit-il, de douleur, - Ou je répareray ma gloire; - Et, quoy qu’il en soit, dans ce jour, - Je remporteray la victoire - De la mort ou bien de l’amour.» - - -XXIV - - Le bouillant désir qui le presse - Fait que d’abord après disner - Il sort et se va promener - Près le logis de sa maistresse; - A peine y fut-il un moment, - Qu’il en vit sortir Dorimant, - Le vieil mary de cette belle. - Et, se glissant dans la maison, - Il alla chercher auprès d’elle - Ou sa mort ou sa guérison. - - -XXV - - Par une secrette avenuë, - Il fut dans son appartement, - Et la trouva nonchalamment - Dormant sur son lit estenduë: - Mais, dieux! que devint-il alors? - En approchant de ce beau corps, - Il eut des mouvemens estranges. - Lorsqu’une cuisse à descouvert - Luy fit voir le bon-heur des Anges - Et le ciel de l’Amour ouvert. - - -XXVI - - Dans cette agréable surprise - Où Cloris n’avoit pas songé, - Elle avoit assez mal rangé - Son cotillon et sa chemise; - Lisandre aussi, trop curieux, - Vid lors les délices des dieux, - La peine et le plaisir des hommes, - Nostre tombe et nostre berceau. - Ce qui nous fait ce que nous sommes - Et ce qui nous brusle dans l’eau. - - -XXVII - - Petit thrésor de la Nature, - Estroite et charmante prison, - Doux tyran de nostre raison, - Fixe et mouvante sépulture, - Autel que l’on sert à genoux. - Dont l’offrande est le sang de tous. - Sangsuë avide et libérale, - Roy de la honte et de l’honneur, - Permettez que ma plume estale - Ce que Lisandre eut de bon-heur. - - -XXVIII - - Beau composé, belle partie, - Je sçay bien que, lorsqu’il vous vit, - Il n’observa dessus ce lit - Ny l’honneur ny la modestie; - Mais d’amour et de charité - Il couvrit vostre nudité, - Pour faire évaporer sa flamme. - Et savoura tous les plaisirs - Que le corps fait sentir à l’âme - Dans le transport de nos désirs. - - -XXIX - - Ce beau dédale qu’il contemple - Avec des yeux estincelans - Fait naistre et couler dans ses sens - Une ardeur qui n’a point d’exemple. - Le feu dont il se sent brusler - Le consomme, et, pour se montrer, - Gagne son cœur et son visage, - Et ce lasche de l’autre jour, - Se roidissant d’un fier courage, - Escume le feu de l’amour. - - -XXX - - Plein d’ardeur, d’audace et de joye - De remporter un si beau prix, - Le galand sauta sur Cloris, - Comme un faucon dessus sa proye, - Quand cette belle, ouvrant les yeux, - Vid Lisandre, victorieux, - Forçant ses défences secrettes, - Et, la tenant par les deux bras, - Entrer, bouffi de ses conquestes, - En un lieu qu’on ne nomme pas. - - -XXXI - - Tandis que Cloris se tourmente - Par de doux et puissans efforts, - Et qu’elle agite tout son corps, - Pour sauver sa vertu mourante; - Son heureux Lisandre aux abois - Roule les yeux et perd la voix; - L’amour fait escouler son âme. - Elle est toute preste à partir; - Il s’estend, il dort, il se pasme, - Et ne sent rien, pour trop sentir. - - -XXXII - - D’abord que son âme ravie - De l’excez d’un plaisir si grand - Eut par un soupir tout brûlant - Donné des signes de sa vie, - Cloris avec sa belle main - Osta la bouche de son sein - Où son amant l’avoit collée, - Et se deschargeant peu à peu, - Honteuse de se voir moüillée, - Essuya l’eau qui vient du feu. - - -XXXIII - - Après une colère feinte, - De tout ce qui s’estoit passé, - Un reste d’honneur offensé - Fit ouvrir la bouche à la plainte: - «Ha! dit-elle, c’est fait de moy; - J’ay faussé l’honneur et la foy; - Vous me perdez, cruel Lisandre! - Faut-il que, malgré mon devoir, - J’aye en un moment laissé prendre - Ce qu’on ne peut jamais r’avoir! - - -XXXIV - - «Mais, si pour une faute extrême - On peut trouver quelque couleur, - Je puis dire dans mon malheur - Que j’ay failly parce que j’aime. - Amour, ce maistre impérieux - Force les hommes et les dieux, - Et brusle les poissons dans l’onde; - Nul ne peut éviter ses coups, - Et, puisque tout aime en ce monde, - Je peux brusler d’amour pour vous. - - -XXXV - - «C’est avec raison que mon âme - Reçoit l’amour d’un favory; - Ces noms de vieux et de mary - Font l’horreur d’une jeune femme; - Les maris, ces lasches tyrans, - Ne se sont faits nos conquérans - Que contre le droit de Nature, - Et c’est en pratiquer la loy - D’aller chercher la nourriture - Que l’on ne trouve pas chez soy. - - -XXXVI - - «Mais ces hommes sont infidèles; - Leur plus beau feu s’esteint en peu, - Et de tout l’amour qu’ils ont eu - Ils n’en réservent que les ailes; - Esclaves de la liberté, - Ils font voir leur légèreté - Dans leur geste ou dans leur langage, - Et, pour un plaisir indiscret, - Ces oiseaux, sortans de la cage, - Vont conter tout ce qu’ils ont fait. - - -XXXVII - - «Trop juste et trop aimé Lisandre, - S’il en estoit ainsi de vous, - Je percerois de mille coups - Ce cœur qui s’est laissé surprendre; - J’ay tout perdu pour vous gagner: - Voudriez-vous, pour me ruiner, - Éventer mes secrettes flammes, - Et tireriez-vous vanité - De la foiblesse d’une femme - Et de vostre légèreté?» - - -XXXVIII - - «Ha! que plustost la mort m’advienne!» - Cria Lisandre à ce discours, - Dont, pour interrompre le cours, - Il mit sa bouche sur la sienne; - L’eslevant de terre il la prit - Et la coucha dessus le lit, - Où je ne sçay pas ce qu’ils firent; - Je crois bien qu’ils firent cela, - Puisque les Amours qui les virent - M’ont dit que le lit en bransla. - - -XXXIX - - Ce fut alors qu’ils se pasmèrent - De l’excez des contentemens; - Que cinq ou six fois ces amans - Moururent et ressuscitèrent; - Que bouche à bouche et corps à corps, - Tantost vivans et tantost morts, - Leurs belles âmes se baisèrent, - Et que, par d’agréables coups, - Entr’eux ils se communiquèrent - Tout ce que l’amour a de doux. - - -XL - - Muse, n’eschauffez plus ma veine; - De grâce, arrestez-vous un peu, - Ou m’inspirez un autre feu - Que celuy de vostre fontaine. - Je ne sçay quoy dedans mon cœur - Se glisse avec tant de douceur, - Que je suis forcé de me rendre: - Ha! Cloris, quand je m’en souviens, - Je m’imagine estre Lisandre, - Et me semble que je vous tiens. - - - - - VARIANTES - D’APRÈS LES - _POÉSIES NOUVELLES ET AUTRES ŒUVRES GALANTES DU SIEUR DE C..._ - (PARIS, THÉODORE GIRARD, 1662, IN-12). - - -Strophe III. - - Je va crier! Ne pensez pas... - -Strophe V. - - Dessous la jupe qui le cache... - Il prend ce sombre paradis... - L’on n’a jamais trouvé de jour. - -Strophe VII. - - Et qu’elle l’eût laissé tout faire. - -Strophe VIII. - - Et que pour le combler d’ennui. - -Strophe IX. - - Pleure mollement dans sa main. - -La strophe X manque. - -Strophe XI. - - Ce chaud Priape de la Fable; - Mais, le trouvant froid et rampant, - Elle crut que c’étoit un diable... - -Strophe XII. - - De sur ce membre lâche et vain - Qu’elle sentit dessous sa robe... - -Strophe XIII. - - Elle repousse son amant. - -Strophe XIV. - - Parmi tant d’amour et d’ardeur, - Cette apparence de froideur... - -Strophe XV. - - Cloris toute seule est coupable. - -Strophe XVII. - - Si ma vie ne le fait pas. - -Strophe XVIII. - - Et quelle vit avec grand bruit - Porter dans la chambre prochaine - Les sombres flambeaux de la nuit. - -Strophe XIX. - - Comment lui résisteriez-vous? - -Strophe XX. - - Il se guinda légèrement - Et se laissa choir dans la rue, - D’où, pressé d’un mortel ennui - Et de la honte qui le tue, - Enfin il s’en alla chez lui. - -Strophe XXI. - - Poussé de la funeste envie - Que fait la honte et le remords, - Il souffrit plus de mille morts... - Il la ferma languissamment. - -Strophe XXII. - - Comme Ixion sur le nuage. - -Strophe XXIII. - - De la mort ou bien de l’amour. - -Strophe XXIV. - - Le brûlant désir qui le presse - Fait qu’après un léger repas - Il sort, il adresse ses pas - Vers le logis de sa maîtresse... - Et se glissant dans sa maison... - -Strophe XXV. - - Qu’en approchant de ce beau corps - Il eut de mouvemens étranges! - -Strophe XXVI. - - Et ses jupes et sa chemise. - -Les deux strophes suivantes ne se trouvent pas dans le texte que nous -avons choisi comme l’original. - - Aimant de la Nature humaine, - Bijou chatouilleux et cuisant, - Précipice affreux et plaisant, - Cruel repos, aimable peine. - Remède et poison de l’amour, - Bûcher ardent, humide four - Où les hommes se doivent cuire, - Jardin d’épines et de fleurs, - Sombre fanal qui fait reluire - Nos fortunes et nos malheurs; - - Nid branlant qui nous sers de mue, - Asile où l’on est en danger, - Raccoursi qui fais allonger - La chose la moins étendue. - Fort qui se donne et qui se prend. - Œil couvert qui ris en pleurant, - Bel or, beau corail, belle ivoire. - Doux canal de vie et de mort - Où, pour acquérir de la gloire. - L’on fait naufrage dans le port. - -Strophe XXVII. - - Vivifiante sépulture. - -Strophe XXVIII. - - Mû d’amour et de charité. - -Strophe XXIX. - - Ce feu qui consume son cœur - Porte partout sa vive ardeur, - Éclate enfin sur son visage. - -Strophe XXX. - - Forcer les défenses secrètes... - Entrer, tout fier de ses conquêtes... - -La strophe XXXII manque tout entière. - -Strophe XXXIII. - - Porta Cloris à cette plainte. - -Strophe XXXIV. - - Brûle jusqu’aux poissons dans l’onde... - Je ne veux rien aimer que vous. - -Strophe XXXVI. - - Mais les hommes sont infidèles, - Ils n’aiment jamais plus d’un jour, - Et souvent de tout leur amour - Ils ne retiennent que les ailes... - -Strophe XXXVIII. - - Mais secrètement l’on m’a dit - Que tous les Amours qui les virent - Sourioient de ce qui s’y fit. - -Strophe XXXIX. - - Et que plusieurs fois ces amants... - Leurs beaux corps se communiquèrent... - - - - - DOCUMENTS ET DISSERTATIONS - SUR - _L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE_ - - - EXTRAIT - - Du _Carpenteriana, ou Recueil des pensées historiques, critiques, - morales, et de bons mots de M. Charpentier, de l’Académie - françoise_ (publié par Boscheron). Paris, J. Fr. Morisset, 1724, - in-8, p. 284. - -M. Corneille l’aîné est auteur de la pièce intitulée: _L’Occasion -perdue et recouvrée_. Cette pièce étant parvenue jusqu’à M. le -chancelier Séguier, il envoya chercher M. Corneille et lui dit que -cette pièce ayant porté scandale dans le public et lui ayant acquis -la réputation d’un homme débauché, il falloit qu’il lui fît connoître -que cela n’étoit pas, en venant à confesse avec lui; il l’avertit du -jour. M. Corneille ne pouvant refuser cette satisfaction au chancelier, -il fut à confesse avec lui, au P. Paulin, petit père de Nazareth, en -faveur duquel M. Séguier s’est rendu fondateur du couvent de Nazareth. -M. Corneille s’étant confessé au révérend père d’avoir fait des vers -lubriques, il lui ordonna, par forme de pénitence, de traduire en vers -le premier livre de l’_Imitation de J. C._; ce qu’il fit. Ce premier -livre fut trouvé si beau, que M. Corneille m’a dit qu’il avoit été -réimprimé jusqu’à trente-deux fois. La reine, après l’avoir lu, pria -M. Corneille de lui traduire le second; et nous devons à une grosse -maladie dont il fut attaqué, la traduction du troisième livre, qu’il -fit après s’en être heureusement tiré. - - - EXTRAIT - - Des _Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts_. - Trévoux, décemb. 1724, p. in-12, p. 2272-76. - -Le _Carpenteriana_, en attaquant la mémoire du grand Corneille, a -réveillé le zèle et l’équité de plusieurs personnes qui ne peuvent, -sans horreur, voir déchirer la réputation des morts, par des faits dont -il n’a été fait nulle mention pendant leur vie. Voici un Mémoire qui -vengera M. Corneille et satisfera les gens équitables; il vient d’un -homme de lettres fort estimé d’un grand prince. - -Dans le _Carpenteriana_, il s’est glissé trois faussetés criantes, à -l’article où il est parlé du grand Corneille: 1º on lui attribue une -pièce infâme, intitulée: _l’Occasion perdue recouverte_; 2º on prétend -que le feu chancelier Séguier, après lui avoir parlé très-fortement -au sujet de cette pièce, sans lui donner le temps de se reconnaître, -l’amena aux Petits-Pères et l’obligea de se confesser à son confesseur -(de lui, chancelier); 3º on veut que ce confesseur lui ait imposé pour -pénitence de traduire l’_Imitation de Jésus-Christ_ en vers. Autant -de mots, autant de faussetés: 1º _L’Occasion perdue recouverte_ ne -fut jamais du grand Corneille: elle est d’un M. de Cantenac, poëte -de cour, dont les œuvres, qui font un petit in-12, furent imprimées -en 1661 et encore en 1665, chez Théodore Girard, marchand libraire à -la grand’salle du Palais; elles sont divisées en trois parties: la -première contient les Poésies nouvelles et galantes; la seconde, les -Poésies morales et chrétiennes; la troisième, les Lettres choisies, -galantes du sieur de Cantenac. Cela faisoit un recueil assez bizarre. -C’est au bout des Poésies nouvelles et galantes que se trouvoit cette -scandaleuse pièce. Dès qu’elle parut, M. le premier président de -Lamoignon, bien averti, envoya quérir Théodore Girard, et lui ordonna -d’ôter cette pièce de tous les exemplaires qui lui restoient, et -par bonheur il lui en restoit la plus grande partie. Il fut obéi. -Théodore Girard aima mieux mécontenter l’auteur et les acheteurs que -de s’exposer au juste ressentiment d’un premier président. Il échappa -pourtant quelques exemplaires de cette pièce, qui ne parurent qu’après -la mort de ce grand magistrat. Et c’est un de ces exemplaires, relié -au bout de la seconde édition, que Théodore Girard me vendit comme -une chose rare et précieuse. Dans cette seconde édition, la pièce -fut entièrement supprimée, sans qu’il restât même aucun vestige de -la suppression ou du retranchement. Au bas de la dernière page de -_l’Occasion perdue et recouverte_, on voit imprimé: _Fin des Poésies -nouvelles et galantes du sieur de Cantenac_. Il est vrai que le nom -n’est pas tout au long et qu’il n’y a que: _Fin des Poës. nouv. et gal. -du Sr. de C._, mais Théodore Girard, qui étoit de mes amis et nullement -menteur, m’a plusieurs fois assuré que ce C. signifioit le sieur de -Cantenac, et il n’est pas possible d’en douter. Il connoissoit bien -l’auteur. Il dit, dans un Avertissement au lecteur, que l’auteur est -son ami. L’auteur lui avoit cédé son privilége, et ainsi il est clair -qu’il le connoissoit, et il n’avoit nul sujet de nommer le sieur de -Cantenac pour un autre. Mais si, outre ce témoignage donné de vive voix -par Théodore Girard, on veut une preuve par écrit, on trouvera dans _le -Livre des libraires_ le privilége pour les Œuvres du sieur de Cantenac, -enregistré le 30 septembre 1661 par Dubray, syndic, et le nom du sieur -de Cantenac s’y trouvera tout au long, J’ai voulu mettre ce fait hors -de doute, et c’est pour cela que j’en ai rapporté jusqu’aux moindres -circonstances. Puisqu’il est donc certain que ce n’est point M. de -Corneille, mais M. de Cantenac qui est l’auteur de _l’Occasion perdue -recouverte_, on voit ce qu’on a à en penser des deux autres points, qui -ne peuvent être vrais, si le premier raconté dans le _Carpenteriana_ -est faux. Outre que ces deux points ont leurs marques de fausseté -propres et indépendantes de celle du premier point, c’est avec plaisir -que je fournis au public des armes contre les faux accusateurs du grand -Corneille. - - - EXTRAIT - - Des _Mélanges historiques et philologiques_, par M. Michaud, - avocat au parlement de Dijon. Paris, N. Tilliard, 1754, 2 vol. - in-12, tome Ier, p. 47-72. - - - LETTRE SUR LE VÉRITABLE AUTEUR DU POËME INTITULÉ _L’OCCASION PERDUE - ET RECOUVRÉE_. - -Vous sçavés, Monsieur, que, dans le _Carpenteriana_[2], on attribuë -à Pierre Corneille une pièce qui a pour titre: _L’Occasion perduë et -recouvrée_. - - [2] Page 284. - -«Cet ouvrage, dit-on, étant parvenu jusqu’à M. le chancelier Séguier, -il envoya chercher M. Corneille, et l’avertit que ces vers ayant porté -scandale dans le public, et lui ayant acquis la réputation d’un homme -débauché, il falloit qu’il lui fit connoître que cela n’étoit pas, -en venant à confesse avec lui: le jour fut indiqué. M. Corneille ne -pouvant refuser cette satisfaction au chancelier, il fut à confesse -avec lui au P. Paulin, petit-père de Nazareth, en faveur duquel M. -Séguier s’est rendu fondateur du couvent de Nazareth. M. Corneille -s’étant confessé au R. P. d’avoir fait des vers lubriques, il lui -ordonna, par forme de pénitence, de traduire en vers le premier livre -de l’_Imitation de Jésus-Christ_, ce qu’il fit. Ce premier livre fut -trouvé si beau, que M. Corneille m’a dit qu’il avoit été réimprimé -jusqu’à trente-deux fois[3]. La reine, après l’avoir lu, pria M. -Corneille de lui traduire le second, et nous devons à une grosse -maladie dont il fut attaqué la traduction du troisième livre, qu’il fit -après s’en être heureusement tiré.» - - [3] Un historien moderne prétend qu’il est aussi difficile - de le croire, que de lire ce livre une seule fois. Voyez - l’_Histoire du Siècle de Louis XIV_, t. II, chap. des - Écrivains, art. _Corneille (Pierre)_. On juge aujourd’hui - des ouvrages, d’une manière épigrammatique. Cette sorte de - critique est singulièrement remarquable dans la Méthode pour - l’histoire, etc. - -Cette anecdote étoit trop injurieuse à la mémoire du grand Corneille; -aussi, vit-on bientôt paroître un petit Mémoire qui tend à détruire -absolument ce qu’on fait dire à Charpentier. L’anonyme qui venge -Corneille[4] de cette fausse imputation nous apprend que l’_Occasion -perduë-recouvrée_ est d’un certain _Cantenac_, poëte de cour, dont les -poësies furent imprimées en 1662 et 1665, chez Théodore Girard[5], -marchand libraire, au Palais. Dès que cette pièce scandaleuse qui -faisoit partie des œuvres de Cantenac vit le jour, «M. le président -de Lamoignon envoya quérir Théodore Girard, et lui ordonna de l’ôter -de tous les exemplaires qui lui restoient; et par bonheur, il lui en -restoit la plus grande partie.» - - [4] Voy. les _Mémoires de Trévoux_, décembre 1724, p. 2272 et - le P. Niceron, t. XV de ses _Mémoires_, p. 379. - - [5] Le privilége est du 19 septembre 1661; il fut enregistré - sur le Livre des libraires le 30 du même mois; l’ouvrage fut - achevé d’imprimer le 16 novembre 1661. Le frontispice porte - cependant 1662. - -Il s’en échappa cependant quelques-uns, qui ne parurent qu’après la -mort de ce magistrat. Quant à la seconde édition, cette pièce y fut -omise entièrement. - -Ce qui peut avoir trompé quelques personnes au sujet de ce poëme, c’est -qu’on lit à la fin ces mots: _Fin des poësies nouvelles et galantes du -sieur de C._, et qu’elles ont cru que cette lettre initiale signifioit -Corneille; mais le nom de Cantenac, mis tout au long dans le privilége, -suffiroit pour montrer qu’elles se trompent, quand on n’auroit pas le -témoignage du libraire, qui a plusieurs fois assuré que l’ouvrage étoit -du sieur de Cantenac. - -Les œuvres de Cantenac parurent d’abord en 1662; elles sont divisées -en trois parties: 1º les Poësies nouvelles et galantes; 2º les Poësies -morales et chrétiennes; 3º les Lettres choisies et galantes[6]. Ce -fut à la fin de la première partie, après la 102 page, qu’on plaça -_l’Occasion perduë-recouvrée_, poëme composé de 40 stances. C’est -un cahier postiche de quatorze pages et dont les chiffres ne se -rapportent point au corps du recueil; ce qui me fait croire que le -libraire n’avoit pas inséré cette pièce dans tous les exemplaires, et -qu’il ne la livroit qu’à ceux auxquels il croyoit pouvoir se fier. Ma -conjecture est appuyée par un trait que rapporte le défenseur anonyme -de Corneille. Il dit que le libraire Théodore Girard lui vendit un -de ces exemplaires détachés, comme une chose rare et précieuse, et -qu’il le fit relier à la fin de l’édition de 1665, où ces stances -ont été entièrement retranchées, quoiqu’il y ait des augmentations -considérables dans cette seconde édition. - - [6] Ce recueil forme un in-12 de 253 pages. - -Théodore Girard avoit bien senti que ce poëme devoit révolter un grand -nombre de lecteurs: aussi, eut-il soin d’avertir[7] qu’on l’avoit -glissé malgré lui dans le recueil qu’il publioit; mais qu’un galant -homme, ami de l’auteur, s’en étant rendu le maître, l’avoit forcé de -le mettre au jour, et que Cantenac, l’ayant autrefois composé pour se -venger d’une dame qui l’avoit désobligé, ne trouveroit pas mauvais -lui-même qu’on rendît sa vengeance publique: Théodore Girard dit enfin -qu’il a jugé à propos de se justifier à cet égard pour se mettre à -couvert du blâme et prévenir les reproches qu’on pourroit lui en faire -un jour. - - [7] Page 12 de son _Avis au lecteur_. - -Voilà, Monsieur, une histoire détaillée dans toutes ses circonstances, -et qui paroît, je vous l’avoue, assés vraisemblable au lecteur. Mais, -après tout, l’apologiste anonyme de Corneille pose un fait que le -lecteur peut encore révoquer en doute. Je veux bien croire que c’est -une personne digne de foi, et même respectable dans la république -des lettres. Cependant n’est-on pas toujours en droit de suspecter -le témoignage d’un historien caché, qui raconte un fait destitué de -preuves et d’autorités? D’ailleurs, on peut objecter que Charpentier -n’est pas le seul qui ait pris Corneille pour l’auteur de _l’Occasion -perduë-recouvrée_[8], et que plusieurs autres sçavans ont eu la même -opinion. Je sçais que M. de la Monnoye, ce fin et judicieux critique, -qui étoit le mieux au fait des petites aventures du pays littéraire, -écrivoit un jour à M. l’abbé Papillon[9] que l’auteur de cette -pièce étoit celui du _Cid_, des _Horaces_, de _Cinna_. «Corneille -eut beau tenir, dit-il, la chose secrette; M. le chancelier Séguier, -protecteur alors de l’Académie, ayant sçû de qui estoient ces stances -peu édifiantes, qui couroient partout, en fit une douce réprimande -au poëte, et lui dit qu’il le vouloit mener à confesse.» Le reste du -conte ressemble parfaitement au passage tiré du _Carpenteriana_. Ainsi, -Monsieur, vous voyés que ce bruit avoit pris un air de vérité parmi les -beaux-esprits et les sçavans. Mais examinons sur quel fondement cette -opinion a pu s’établir. - - [8] Le compilateur des _Anecdotes littéraires_ a copié le - passage du _Carpenteriana_ (tome II, page 2), et donne aussi - à Corneille ce petit poëme. - - [9] Le 6 octobre 1715, neuf ans avant l’impression du - _Carpenteriana_. - -Quelque peu disposé que je sois à donner de grands éloges au poëme -de _l’Occasion perduë-recouvrée_, j’avoue cependant que cette pièce -comporte du génie, du feu et de l’expression, et qu’on y trouve -quelques endroits assez bien tournés: il n’en falloit pas moins pour -que Corneille fût soupçonné d’en être l’auteur. En effet, tout le monde -sçait qu’après avoir été multipliée par les copies manuscrites qu’on en -tira, elle fut réimprimée dans plusieurs recueils, mais toujours dans -ces ramas d’ouvrages proscrits qui sortent furtivement d’une presse -inconnuë, et qui n’ont souvent pour tout mérite que le papier et le -caractère de Pierre Marteau[10]. Ces stances furent si généralement -recherchées, je dirais presque si fort estimées, qu’on en fit -plusieurs traductions en différentes langues. J’en ai vu une latine, et -l’on m’a assuré que le savant Paul Dumay s’était amusé à les tourner -en bourguignon. Ajoutés encore qu’elles furent mises en chanson, et -acquirent par ce moyen une plus grande publicité. - - [10] _L’Occasion perduë-recouvrée_ commence le recueil - intitulé: _L’Élite des poésies héroïques et gaillardes de ce - temps, augmentées de nouveau_, in-12 de 94 pages, sans nom de - ville et d’imprimeur. Cette pièce se trouve aussi à la tête - du _Recueil des pièces du temps, ou Divertissement curieux_. - La Haye, Jean Strik, 1685, in-12. - -Ces stances ont donc été assés fameuses pour être attribuées au grand -Corneille: en effet, pouvoit-on deviner que des vers dont on avoit été -si curieux, qu’on avoit lus et qu’on lisoit encore partout avec tant -de plaisir, fussent d’un certain _Cantenac_, poëte presque absolument -inconnu? On eut bien plus tôt fait de les mettre sur le compte du -meilleur poëte du siècle dans lequel elles avoient été composées, tant -on est porté à faire valoir la poésie libertine! Je m’imagine, mais je -ne sçais si on prendra ceci pour un paradoxe, que le sujet de l’ouvrage -en a fait toute la réputation, et que les seuls traits lascifs de ce -tableau l’ont sauvé de l’oubli, où sont déjà tombés des ouvrages sans -doute beaucoup meilleurs. Quelques beautés, quelques agrémens poëtiques -qu’on suppose dans cette pièce, il seroit ridicule d’avancer que la -fiction et les vers en font tout le mérite. Je suis persuadé qu’il -a paru dans le même temps des petits poëmes aussi bien versifiés et -d’une invention plus riche, dont la mémoire s’est néanmoins totalement -perduë. Allons donc plus loin, et cherchons la véritable raison pour -laquelle _l’Occasion perduë-recouvrée_ fut si fort en vogue. Le -dirai-je, Monsieur, une catastrophe, singulière en son espèce, embellie -par les charmes d’une poésie licentieuse, c’en fut assez pour mettre -ces vers à la mode, pour leur attirer des loüanges et leur mériter une -curieuse attention de la part du public. - -Combien voyons-nous encore aujourd’hui d’ouvrages qui ne réussissent -que par les sujets libres qu’on y traite, les expressions lascives -qu’on y emploie et les termes libertins dont on les remplit! Toutefois, -le mauvais goût et la corruption du siècle ont mis en faveur ces fades -et misérables historiettes où triomphe la plus grossière liberté, et -quelquefois l’irréligion la plus marquée. Ce qui a fait peut-être aussi -présumer que Corneille avoit composé ces stances, c’est l’art ingénieux -et l’élévation de sentiment qu’on trouve dans les intrigues de ses -poëmes dramatiques. La grande idée qu’on s’étoit formée de _l’Occasion -perduë-recouvrée_ a fait illusion et a fixé trop indiscrètement le -soupçon sur le grand Corneille; mais avec quelque noblesse et quelque -art que Corneille ait traité l’amour, je ne vois pas qu’il soit jamais -échapé à sa plume aucun ouvrage où règnent une liberté condamnable et -un esprit de débauche. «Son tempérament, dit M. de Fontenelle[11], -le portoit assés à l’amour, mais jamais au libertinage, et rarement -aux grands attachemens.» D’ailleurs, lorsque ces stances parurent, -Corneille avait cinquante-quatre ans et courait une carrière trop -belle pour s’être oublié jusqu’au point de risquer sa réputation par -des vers infâmes, dignes de l’horreur des honnêtes gens, et qui, selon -moi, n’ont jamais mérité d’être si applaudis. Mais si Corneille est -véritablement auteur de ces stances, pourquoi ne lui en a-t-on jamais -fait de reproches? L’envie et la satyre l’eussent-elles épargné dans -cette occasion? Il est bien étonnant que pendant sa vie on ait tenu un -profond silence sur une production aussi scandaleuse, et qu’on n’ait -fait cette fable qu’après sa mort. Un pareil fait, j’ose le dire, ne -doit être cru que sur des preuves démonstratives; il devient même -suspect et douteux, pour avoir seulement eu place dans ces mémoires -hasardés qui portent le titre d’_Ana_. - - [11] Voyez l’_Histoire de l’Académie françoise_, par M. - l’abbé d’Olivet, t. II, p. 235, édit. in-12. - -Je ne m’arrêterai pas ici à réfuter sérieusement le sentiment de ceux -qui prétendent que Corneille traduisit l’_Imitation de Jésus-Christ_ -pour effacer le scandale qu’il avoit donné par les stances de -l’_Occasion perduë-recouvrée_. C’est un mensonge grossièrement inventé -qui ne mérite pas qu’on emploie à le détruire une longue suite de -raisonnemens. Personne n’ignore que l’_Imitation_ traduite en vers -françois parut plus de dix ans avant _l’Occasion perduë-recouvrée_, -puisque Corneille publia le premier livre de ce bel ouvrage en 1651, -et que les œuvres de Cantenac, avec les stances libertines, ne furent -imprimées pour la première fois qu’en 1662. Il s’ensuivroit donc que la -pénitence auroit précédé le péché, et que Corneille auroit donné des -marques autentiques de son repentir pour une faute qu’il ne devoit -commettre que dix ans après. - -D’ailleurs, un grand poëte de nos jours, le fils du fameux Racine, -m’apprend[12] le véritable motif qui engagea Corneille à traduire -l’_Imitation de Jésus-Christ_: - - Couronné par les mains d’Auguste et d’Émilie, - A côté d’Akempis Corneille s’humilie. - - [12] Voyez sa _Réponse à l’épître de Rousseau contre les - esprits-forts_. - -Rapportons ici la remarque que l’auteur a faite sur ces deux vers. -«Corneille, dit-il, paroît lui-même avoir voulu s’humilier, puisqu’il -dit au pape dans son Épître dédicatoire: «La traduction que j’ai -choisie, par la simplicité de son style, ferme la porte aux plus beaux -ornemens de la poésie, et bien loin d’augmenter ma réputation, semble -sacrifier à la gloire du souverain auteur tout ce que j’en ai pu -acquérir en ce genre d’écrire.» Corneille, comme vous voyez, Monsieur, -dit expressement qu’il a choisi sa matière, et non pas que ce sujet lui -a été, par un confesseur, imposé pour la rémission d’un péché public: -si ce travail fut difficile et pénible, c’est le poëte lui-même qui -s’y condamna; personne ne l’y avoit forcé: ses propres termes marquent -suffisamment la liberté de son choix. - -Cependant, si l’on prétend que Corneille a voulu, par cette traduction, -réparer les licences d’une muse profane, sans lui supposer un ouvrage -aussi pernicieux qu’est _l’Occasion perduë-recouvrée_, n’étoit-ce -donc pas assés pour lui de réfléchir chrétiennement sur l’état -brillant où il avoit mis le théâtre français, pour s’en faire un -sujet de pénitence et s’imposer à lui-même le travail d’un ouvrage -édifiant? N’a-t-il pu s’occuper des louanges de Dieu, qu’après avoir -souillé sa lyre par des chansons criminelles? Allons par des voies -plus simples, et n’attribuons qu’à la piété seule du grand Corneille -ce qu’on prend pour un effet de son obéissance aux ordres d’un sage -directeur pour l’expiation d’un scandale public. Des Marets, Thomas -Ineslerus, Alexandre Sylvestre, du Quesnay de Bois-Guibert, et tant -d’autres poëtes qui ont traduit l’_Imitation de Jésus-Christ_ en vers -et en différentes langues, étoient-ils des pécheurs scandaleux, et les -a-t-on soupçonnés d’avoir composé les pièces libertines qui, de leur -temps, avoient paru sans nom d’auteur? C’est donc un conte assés mal -inventé, que tout ce qu’on a dit de Corneille par rapport à _l’Occasion -perduë-recouvrée_, et il paroît certain au contraire que Cantenac est -auteur de cette pièce. J’espère que quelques nouvelles réflexions que -je vais faire à ce sujet achèveront de vous convaincre de cette vérité: - -1º Je me crois en état de prouver que Cantenac étoit un poëte qui -ne manquoit pas tout à fait d’imagination, et qui quelquefois même -tournoit assés bien un vers. Il n’est donc pas impossible qu’il soit -l’auteur des stances qui se trouvent dans le recueil de ses poësies. - -2º On reconnoît dans les œuvres de Cantenac un poëte libertin, toujours -échauffé des feux de l’amour: par conséquent, il est plus juste de lui -attribuer le poëme de _l’Occasion perduë-recouvrée_, qu’il a avoué, en -quelque sorte, en permettant qu’on le joignît à ses autres ouvrages, -qu’au grand Corneille, à qui, comme on l’a déjà remarqué, on n’a osé -prêter cette production licentieuse qu’après sa mort, et encore dans un -_Ana_. - -Cantenac florissoit dans un temps où les portraits étoient fort à la -mode[13]. Il eut bientôt le pinceau à la main. Ramassons ici quelques -traits du tableau qu’il a tracé lui-même de ses mœurs, de son esprit, -de son goût, etc. Je pense que vous y reconnoîtrés sans peine l’auteur -de _l’Occasion perduë-recouvrée_; du moins, je m’assure bien que sa -naïveté ne vous déplaira pas. Comme ce poëte est un auteur assez -obscur, j’entrerai aussi dans un détail un peu étendu touchant sa -personne. - - [13] Charles de Sercy et Claude Barbin en imprimèrent un gros - recueil en 2 vol. in-8, _Paris_, 1669. - - «Je suis, dit-il[14], d’une taille fort médiocre, et il est - assés rare de voir des hommes plus petits que moi. J’ai cela de - commun avec les nains, que si l’on ne voyoit que ma tête, l’on me - jugeroit un fort grand homme. J’ai le visage assez plein, mais - un peu ovale; les yeux bruns et assez grands: ils ne manquent - pas de feu et parlent souvent plus que je ne voudrois. Mon nez - n’est ni grand, ni petit; ma bouche est petite, et mes lèvres - sont assés vermeilles. J’ai la voix mauvaise et discordante. Je - ne manque point de disposition pour les exercices du corps. Je - suis d’une constitution si robuste, que je ne me souviens pas - d’avoir été malade, sinon de quelques accidens. Les voyages que - j’ai faits depuis quatorze ou quinze ans, et les fatigues que - j’ai souffertes, ont peut-être contribué à me faire bien porter. - Je m’afflige souvent sans raison, et je suis ingénieux à me - tourmenter moi-même. Je suis impatient, colère et vindicatif, - et je me choque souvent des moindres choses. Je suis un peu - pointilleux; je ne sçais si c’est le vice de ma nation ou le mien - en particulier. Au reste, si j’étois capable d’une lâcheté, je - ne paroîtrois plus dans le monde. L’intérêt de la fortune, qui - est fort puissant en moi, ne le seroit pas assés pour me faire - commettre une bassesse; il est constant que je suis ambitieux - autant qu’on le peut être, mais je ne sacrifierai jamais mon - honneur à mon ambition, parce que j’aime encore plus la gloire - que les grandeurs, et que je ne considère les grandeurs que - comme des moyens de parvenir à la gloire. Je suis si sensible - au mépris, que j’ai une haine mortelle et implacable pour tous - ceux qui semblent me mépriser, sans qu’il me soit possible de - me réconcilier avec eux. Je n’épargne ni mes soins ni ma peine - pour les personnes que j’aime; je les servirois de mon bien et - de ma vie, et il n’est point d’ami plus ardent que moi. Je mens - quelquefois, mais c’est en des choses qui n’intéressent personne: - je le fais surtout en matière de galanterie, où je confirme - volontiers des faussetés par des sermens, sans songer à ce que - je fais, parce que je jure par habitude. Je suis fort soigneux - d’acquérir l’estime du monde. L’on m’a dit que d’abord je - plaisois assés, que je paroissois avoir l’esprit brillant et une - certaine façon de tourner les choses qui ne déplaît pas. Je suis - assés agréable dans la conversation, et j’y fournis facilement; - mais je m’y rends quelquefois incommode, et je soutiens des - choses contre la raison, pour faire paroître un peu d’esprit; - je me sers pour cela d’équivoques et de subterfuges qui sentent - l’école; je parle même trop longtemps; et comme j’ai un peu de - lecture et beaucoup de mémoire, je m’attache trop à faire voir - ce que je sçais: c’est sans doute une faute de mon jugement, - qui n’est pas si solide que mon esprit est vif. Je suis d’un - tempérament mélancolique; mais cette humeur sombre s’est fort - augmentée par quelques malheurs de ma vie. J’aime les lettres; - mais j’aime encore plus les armes. J’écris fort intelligiblement, - et parle assés bien, pour être d’un pays où l’on parle toujours - mal. Je fais passablement des vers, et l’on trouve qu’ils ont - plus d’esprit que ma prose; si cela est, j’en ai l’obligation - au beau sexe, car j’avoue ingénument que si je n’eusse jamais - vû de femmes, je ne fusse jamais devenu poëte; mais l’envie de - leur plaire m’a fait servir d’un langage que je juge le plus - propre à persuader, quoiqu’au fond il m’ait été assés inutile. - Je respecte toutes les femmes en général, et j’ai pour elles une - amitié beaucoup plus tendre que pour les hommes; plût à Dieu que - je n’eusse rien davantage! Je ne me reprocherois pas beaucoup - de désirs illégitimes, où mon tempérament me porta. Au fond, - quoique j’aye l’esprit fort tourné à la galanterie, je n’aime - pas à en dire indifféremment, et il faut qu’une femme ait du - mérite ou de la beauté, lorsque je lui en conte. Je ne me pique - point d’avoir fait des conquêtes, mais je puis me vanter d’avoir - acquis l’estime de quelques personnes bien faites. Ce bonheur - m’est arrivé par beaucoup de soins et de patience, car je suis - de ceux qui en amour souffriroient un an entier, pour goûter le - bien d’un seul jour.» Ajoutons encore à ce portrait l’éloge que - Théodore Girard fait de Cantenac. Voici ses propres termes: «Ce - que l’auteur dit est l’image de ce qu’il est. Comme il brille - dans la conversation, et qu’il la soutient admirablement, on voit - un beau feu répandu dans tous ses écrits, une façon de dire les - choses aisée, galante et tout à fait heureuse, et généralement un - caractère d’esprit qui lui est particulier[15].» - - [14] Page 556 et suiv. Je me servirai toujours ici de la - première édition de ses Œuvres. - - [15] Voyez la page 7 et suiv. de l’_Avis au lecteur_. - -Mais cherchons la vérité de cet éloge dans le détail de quelques -endroits des poésies de Cantenac. Il semble d’abord que l’auteur étoit -ennemi déclaré des nœuds de l’hymen, et qu’il s’étudioit à inspirer ses -sentimens aux autres[16]: - - Le chemin de l’Hymen, où l’on voit quelques roses, - A bien de l’embarras; - L’on s’y lasse bientôt, et l’on y voit des choses - Que l’on n’attendoit pas. - Vous gémirés, Iris, et vos beaux yeux en larmes - Se plaindront du passé; - Vous dirés à vous-même: «Étoient-ce là les charmes - A quoi j’avois pensé?» - Vous étiés respectée, on vous traitoit de reine, - Avant ce nœud fatal, - Et vous serés soumise à la pesante chaîne - De quelque époux brutal. - - [16] Page 14. - -Au reste, les ouvrages de Cantenac n’ont pas été si généralement -inconnus, que les faiseurs de recueils poétiques n’en aient sçu -profiter. Vous trouverés une de ses idylles parmi les élégies -attribuées à madame de la Suze; elle commence ainsi: - - Cruel persécuteur de la terre et des cieux, - Qui parois aux mortels le plus méchant des dieux, - Amour! - -Voulez-vous un échantillon de sa poésie morale et chrétienne? - - C’est un ordre commun qu’a prescrit la Nature, - Et qu’on n’évite pas; - La vie a ses degrés, et pour la sépulture - On ne fait qu’un seul pas. - Des cèdres orgueilleux les feuillages superbes - Se forment lentement; - Mais, pour les voir tomber aussi bas que les herbes, - Il ne faut qu’un moment. - Des plus riches palais les plus rares structures - Coûtent beaucoup de temps; - Mais tel qui les admire en peut voir les masures - Après quelques instants. - -Il a aussi composé une élégie sacrée, où l’on voit d’assés belles -tirades, quoique peut-être trop pompeuses pour ce genre de poëme: - - Ce Dieu, dont la puissance a formé dans le monde - La profondeur des cieux et les gouffres de l’onde, - Éclaire mon esprit et lui fait concevoir - Que tout se doit soumettre à son divin pouvoir. - Par lui l’astre du jour, dans sa vaste carrière, - Donne la vie au monde et porte la lumière; - C’est son bras tout-puissant qui fait mouvoir les cieux, - Qui relient de la mer les torrens furieux; - Qui forme, quand il veut, ses foudres dans la nuë, - Et qui tient sur les airs la foudre suspenduë. - -Je finis par quelques vers qui ne vous déplairont peut-être pas. - - Qui dit homme, Lysis, ne dit qu’un peu de poudre - Qui dure peu de jours, et que le moindre vent - Dissipe et fait tomber dans son premier néant. - Un enfant au berceau peut perdre la lumière; - Peut-être que cette heure est votre heure dernière; - Et vous voulés remettre un bien si précieux, - Par qui vous obtiendrés la conquête des cieux? - Le monde passe vite, et son plaisir funeste - N’est que l’avant-coureur d’un chagrin qui nous reste; - Ce n’est qu’une ombre vaine, et nous perdons souvent - Des trésors infinis pour de l’air et du vent. - Allons, mon cher Lysis, allons nous rendre dignes - De ces biens éternels, de ces faveurs insignes: - Au pied des saints autels soupirant nuit et jour, - Méprisons les mondains, la fortune et l’amour. - -Ne vous semble-t-il pas, Monsieur, que le poëte est plutôt ici -plagiaire qu’imitateur des beaux endroits du _Polyeucte_ de Corneille, -tragédie qui avait été mise au théâtre[17] et imprimée plusieurs années -avant la première édition des œuvres de Cantenac? - - [17] En 1643. - -Vous me dispenserés sans doute, Monsieur, d’extraire des poësies de -Cantenac les passages obscènes qui décident de son libertinage: on en -trouve un très-grand nombre. L’amour l’avoit occupé presque pendant -toute sa vie: il assure dans une de ses lettres[18] qu’il n’a que trop -éprouvé les funestes engagemens de cette passion; qu’il a toujours vécu -dans les chaînes de l’amour, et que s’il a joui de quelque liberté, ç’a -été seulement comme ces mal-heureux qui changent quelquefois de prison. -Il porte la sincérité jusqu’à s’accuser, en quelque manière, de manquer -à ses devoirs de chrétien: «Je ne parle point, dit-il, de ma religion, -parce qu’il est à présumer que tous les hommes en doivent avoir: je -dirai pourtant que je ne suis ni bigot, ni hypocrite, et que si je n’ai -pas toute la dévotion qu’un bon chrétien doit avoir, j’en ai du moins -plus que je n’en fais paroître[19].» - - [18] Voyez page 248. - - [19] Voyez page 243. - -Les vers que j’ai tirés au hasard des œuvres de Cantenac peuvent -donner, si je ne me trompe, une assés juste idée de sa versification, -et l’on doit reconnaître, à ces seuls traits, que _l’Occasion -perduë-recouvrée_ n’a jamais été au-dessus de ses forces et de -son génie: d’ailleurs, je ne nie pas que cet ouvrage ne soit son -chef-d’œuvre. Mais ce qui prouve encore qu’il est véritablement de -Cantenac, c’est que ce poëte, dans presque toutes ses pièces, prend -le nom de Lisandre, qui est précisément celui du héros des stances. -Enfin, toutes ces conjectures réunies forment, à ce qu’il me semble, -des preuves qui suffisent pour justifier le grand Corneille de -l’accusation intentée contre lui et pour détromper tous ceux qui -étoient dans ce faux préjugé. J’ai cru que, pour découvrir le véritable -auteur de cette pièce lubrique, il ne falloit que bien faire connoître -Cantenac: il me reste à apprendre de vous, Monsieur, si j’y ai réussi. - - - LETTRE A M. J. G. - - _Dans laquelle on essaye de prouver que_ l’Occasion perdue - recouverte _est de Pierre Corneille_. - -Puisque vous vous proposez de réimprimer, à la demande de quelques amis -des lettres, un petit poëme célèbre, que peu de personnes connaissent -et qui est pourtant cité souvent dans l’histoire littéraire du grand -Corneille, je vais vous indiquer l’existence du texte original, qui -a paru antérieurement à l’édition des _Poésies nouvelles et autres -œuvres galantes_ du sieur de Cantenac, auquel la pièce est attribuée -généralement, depuis que les Mémoires de Trévoux ont donné à cette -attribution une apparence de probabilité. - -Il suffirait, ce me semble, pour détruire entièrement cette fausse -attribution, de démontrer que le sieur de Cantenac était tout à fait -incapable de composer un ouvrage qui a eu l’honneur d’être attribué, -avec plus de raison, à Pierre Corneille. Déclarons d’abord, malgré -les éloges accordés un peu trop généreusement par Michault, de -Dijon, à ce poëte de second ordre, que, si son recueil renferme des -pièces aussi libres que _l’Occasion perdue recouverte_, il n’en est -pas une qui puisse être comparée, même de loin, à ce poëme vraiment -remarquable, sous le rapport du style et de la forme poétique. Michault -avoue que «cette pièce comporte du génie, du feu et de l’expression,» -c’est-à-dire tout ce qu’on chercherait en vain dans les poésies du -sieur de Cantenac. - -Mais nous n’avons pas à nous étendre ici sur le mérite intrinsèque -d’une pièce, malheureusement licencieuse, qui, par cela seul, ne -figurera jamais dans les œuvres de Pierre Corneille et qui restera -presque cachée entre les mains d’un petit nombre de curieux. Je vais -seulement essayer de prouver que _l’Occasion perdue recouverte_ n’est -pas de Cantenac, et que Pierre Corneille en est très-probablement -l’auteur, suivant le récit du _Carpenteriana_. - -Nous regrettons que M. J. Taschereau, dans son _Histoire de la vie et -des ouvrages de P. Corneille_ (Paris, P. Jaunet, 1855, in-12), n’ait -fait qu’analyser la dissertation de Michault sur _l’Occasion perdue -recouverte_: en étudiant la question lui-même, et en y appliquant -l’esprit de critique qui distingue ses travaux de littérature, il -serait arrivé, nous n’en doutons pas, aux conclusions que nous allons -soumettre à son jugement éclairé et consciencieux. - -Le _Carpenteriana_, publié en 1724 par Boscheron, d’après les -manuscrits de François Charpentier, de l’Académie française, mort -en 1702, a été certainement modifié d’une manière fâcheuse dans le -passage qui concerne _l’Occasion perdue recouverte_; car ce passage -était beaucoup plus explicite et renfermait aussi quelques indications -précieuses que l’éditeur a retranchées par mégarde en donnant la copie -à l’impression. Le savant La Monnoye, qui avait eu sous les yeux les -manuscrits originaux neuf ans au moins avant leur publication, nous en -a conservé un extrait plus exact dans ses notes sur les _Jugements des -Savants_, d’Adrien Baillet, t. IV de l’édition de 1725, p. 306. - -«Corneille, dit-il, ne se porta pas de lui-même à entreprendre la -paraphrase en vers françois des trois livres de l’_Imitation_. Voici -l’occasion qui l’y engagea, telle que je l’ai lue dans un manuscrit qui -a pour titre _Carpenteriana_, dont on m’a dit que les articles avoient -été dressés par feu M. Charpentier, mort doyen de l’Académie françoise. -Il y est rapporté que Corneille, ayant, dans sa première jeunesse, -fait une pièce un peu licencieuse intitulée _l’Occasion perdue -recouvrée_, l’avoit toujours tenue fort secrète, mais qu’en 1650, plus -ou moins, diverses copies en ayant couru, M. le chancelier Séguier, -protecteur alors de l’Académie, surpris d’apprendre que ces stances peu -édifiantes, dont la première commence: - - Un jour le malheureux Lysandre, - -étoient de Corneille, le manda, et, après lui avoir fait une douce -réprimande, lui dit qu’il le vouloit mener à confesse; que, l’ayant -mené de ce pas au P. Paulin, tierçaire du couvent de Nazareth, le -confesseur ordonna, par forme de pénitence, à Corneille de mettre en -vers françois le premier livre de l’_Imitation_. Ce premier livre étant -achevé, la reine Anne d’Autriche, à qui le poëte le présenta, en fut si -contente l’ayant lu, qu’elle lui demanda le second; ensuite de quoi, -dans une dangereuse maladie qu’il eut quelque temps après, il promit le -reste et le donna.» - -Ces détails et ces dates répondent à toutes les objections qu’on -a faites contre l’authenticité de l’anecdote; il résulte donc, du -véritable texte des manuscrits de Charpentier, recueilli et conservé -par La Monnoye, que Corneille avait fait, _dans sa première jeunesse_, -la pièce intitulée: _l’Occasion perdue recouvrée_; qu’il l’avait -toujours tenue _fort secrète_, mais que des copies en avaient couru -en 1650, _plus ou moins_. Ce fut, en effet, vers la fin de 1650, que -Corneille commença la traduction de l’_Imitation_, en sorte que le -premier livre de cette traduction parut en 1651. - -L’abbé Goujet, qui, dans sa _Bibliothèque françoise_ (t. XVIII, p. -147), s’est inscrit en faux contre le récit du _Carpenteriana_, avait -donc bien mal lu la note de La Monnoie, lorsqu’il croit y faire -une objection sérieuse en disant: «Premièrement, ce petit poëme -(_l’Occasion perdue recouverte_) ne fut imprimé pour la première -fois qu’en 1662, et, comme je viens de l’observer, le premier livre -de l’_Imitation_, traduit par Corneille, étoit publié dès 1651. Il -s’ensuivroit donc que la pénitence auroit précédé le péché et que -Corneille se seroit repenti d’une faute qu’il ne devoit commettre -que plus de dix ans après. En second lieu, je prouverai ailleurs que -_l’Occasion perdue et recouvrée_ n’est point de Corneille, mais du -sieur de Cantenac.» L’abbé Goujet n’ayant pas publié le XIXe volume -de sa _Bibliothèque françoise_, qui eût contenu l’article de Cantenac, -nous sommes encore à savoir comment il eût prouvé que _l’Occasion -perdue recouverte_ n’était pas de Corneille. - -On découvrira sans doute une impression de cette pièce, remontant -à l’époque où les copies manuscrites commencèrent à courir, car -_l’Occasion perdue recouverte_ eut trop de succès pour que les -presses clandestines ne l’aient pas reproduite en feuille volante -et peut-être avec les initiales du nom de l’auteur. «Tout le monde -sait, dit Michault, de Dijon, dans ses _Mélanges historiques et -philologiques_ (p. 54 du t. Ier), qu’après avoir été multipliée par les -copies manuscrites qu’on en tira, elle fut réimprimée dans plusieurs -recueils, mais toujours dans ce ramas d’ouvrages proscrits qui sortent -furtivement d’une presse inconnue et qui n’ont souvent pour tout mérite -que le papier et les caractères de Pierre Marteau.» Puis, Michault cite -différents recueils, postérieurs à l’année 1670, dans lesquels la pièce -se trouve imprimée. - -«Ces stances, ajoute Michault, furent si généralement recherchées, je -dirais presque si fort estimées, qu’on en fit plusieurs traductions -en différentes langues; j’en ai vu une latine, et l’on m’a assuré -que le savant Paul Dumay s’était amusé à les tourner en bourguignon. -Ajoutez encore qu’elles furent mises en chanson et acquirent par ce -moyen une plus grande célébrité.» Nous n’avons pas été assez heureux -pour découvrir ces traductions en différentes langues que nous -signalait Michault, de Dijon. Mais nous avons fait d’autres découvertes -plus intéressantes qui peuvent servir à constater que, pendant plus -de dix-sept ans, de 1654 à 1670, tous les poëtes s’inspirèrent de -_l’Occasion perdue recouverte_, pour s’essayer sur un sujet doublement -scabreux (l’_Impuissance_ et la _Jouissance_) que le poëme attribué à -P. Corneille avait mis à la mode. - -Commençons par citer La Fontaine en tête des poëtes contemporains qui -eurent en vue de faire allusion à _l’Occasion perdue recouverte_, sinon -de l’imiter servilement. La Fontaine, qui dans sa jeunesse était à -l’affût de tous les ouvrages de galanterie en prose ou en vers, eut -certainement connaissance de la pièce de Corneille, lorsqu’il n’avait -pas encore quitté la ville de Château-Thierry et que ses premières -amours donnaient naissance à ses premières rimes. Dans une élégie -à l’Amour, il se plaint des mécomptes que ce dieu ne lui avait pas -épargnés; il avoue que ses maîtresses n’eurent pas trop à se louer de -ses préludes amoureux: - - Cloris vint une nuit; je crus qu’elle avoit peur... - Innocent! Ah! pourquoi hâtoit-on mon bonheur? - Cloris se pressa trop... - -Ce n’était pas la Cloris de _l’Occasion perdue_; mais, s’il prit sa -revanche avec cette autre Cloris, il ne nous le dit pas, et il confesse -n’avoir pas été plus heureux avec Phyllis: - - On la nomme Phyllis; elle est un peu légère; - Son cœur est soupçonné d’avoir plus d’un vainqueur. - Mais son visage fait qu’on pardonne à son cœur. - Nous nous trouvâmes seuls; la pudeur et la crainte - De roses et de lis à l’envi l’avoient peinte. - Je triomphai des lis et du cœur dès l’abord; - Le reste ne tenoit qu’à quelque rose encor. - Sur le point que j’allois surmonter cette honte, - On me vint interrompre au plus beau de mon conte: - Iris entre; et depuis je n’ai pu retrouver - L’occasion d’un bien tout près de m’arriver. - -Ces deux derniers vers rappellent, on ne saurait en douter, les stances -attribuées à P. Corneille, et l’élégie d’où ces vers sont tirés est -très-certainement d’une date antérieure à 1654. - -Dans le _Nouveau recueil des plus belles poësies_ (Paris, vefve G. -Loyson, 1654, in-12), on trouve, à la page 119, _l’Occasion perdue, -stances à Cloris_. Ces stances, signées D. M., c’est-à-dire _de -Morangle_, suivant la table des noms d’auteurs, offrent la même -scène que celle qui forme la première partie de _l’Occasion perdue -recouverte_; dans les deux pièces, l’héroïne se nomme _Cloris_, mais -Lisandre n’est nommé que dans la seconde, et le héros de _l’Occasion -perdue_ garde l’anonyme. Il est certain que cette pièce, dans laquelle -il y a de la verve, de l’énergie et du feu, avec beaucoup de mauvais -goût et d’incorrection, a été composée à l’imitation des stances qui -couraient alors sous ce titre: _l’Occasion perdue recouverte_. - -Le poëte D. M. ou de Morangle s’était borné à chanter l’_Occasion -perdue_; un autre poëte anonyme, dont la pièce n’est pas indiquée -dans la table du volume, quoiqu’elle remplisse les pages 399-404, -avait également traité le sujet à la mode, dans une longue élégie, -qu’il intitule _Impuissance_; mais les acteurs, qui ne pouvaient pas -être Cloris et Lisandre, n’y sont pas nommés. En effet, la pièce est -de Mathurin Régnier: elle avait paru, pour la première fois, dans -l’édition de ses œuvres, publiée en 1613, après sa mort; elle avait -reparu, revue et corrigée, dans l’édition de 1642. On doutait pourtant -qu’elle fût réellement de lui. Voilà pourquoi G. Loyson l’avait admise -dans son _Nouveau recueil des plus belles poësies_, comme s’il eût -voulu la rapprocher de _l’Occasion perdue_, qui en est une imitation. -Le Recueil où sont renfermées ces deux pièces est dédié à la comtesse -de La Suze, par l’éditeur G. Loyson, qui met «les ouvrages des plus -beaux esprits de ce temps sous la protection du plus rare génie de -notre siècle.» Le privilége du roi porte la date du 1er décembre 1653. - -Dans les _Poésies choisies de messieurs Corneille, Bensserade, de -Scudery, Boisrobert, etc., et de plusieurs autres célèbres autheurs -de ce temps_ (Paris, Charles de Sercy, 1655, in-8, page 30 de la 1re -partie), Benserade fit insérer des stances, intitulées: _Jouissance_, -dans lesquelles il gourmande l’indiscrétion des poëtes qui révèlent -leurs bonnes fortunes. Il ne se fait pas faute cependant de célébrer sa -victoire, mais il ne nomme personne. - -En 1659, le poëte Duteil, un des rivaux de Pierre Corneille comme -auteur de _la Juste vengeance_, tragédie jouée en 1641, semble vouloir -rivaliser encore avec le chantre de _l’Occasion perdue recouverte_, en -décrivant à sa façon la même scène dans des stances qui portent le -titre de _Jouissance_, et qui ne sont pas une des plus mauvaises pièces -de son _Nouveau recueil de diverses poésies_ (Paris, J. B. Loyson, -1659, in-12). - -En 1661, le sieur de Lamathe, qui avait fait imprimer trois ans -auparavant le _Nouveau cabinet des Muses ou l’eslite des plus belles -pièces poësies de ce temps_ (Paris, veuve Edme Pepingué, 1658, in-12), -eut l’idée de rajeunir ce Recueil en y ajoutant quelques poésies -nouvelles, qui formèrent une seconde partie en un cahier séparé, sign. -_A.-uiiij_ (avec des lacunes très-significatives dans les signatures). -Cette seconde partie, dont le titre courant est _Cabinet des Muses_, -mais qui n’a pas de titre spécial, se trouve placée immédiatement -après le privilége du roi. Elle commence par _l’Occasion perdue -recouverte_, dont nous voyons paraître pour la première fois le texte -original. On est étonné de trouver, à la suite de ce poëme licencieux, -des vers pour le roi, en l’honneur de la paix et de son mariage, des -anagrammes sur le nom de Marie-Thérèse d’Autriche, et d’autres pièces -aussi officielles. Il est clair que l’éditeur a voulu ainsi se faire -pardonner la publication de _l’Occasion perdue recouverte_ qui devait -donner du succès à son Recueil. Les fleurons et surtout celui de la -Sirène, imité des éditions elzéviriennes, nous permettent de croire -que le livre a été imprimé à Rouen. Nous ne devons pas oublier de dire -que, parmi les pièces dont la réunion compose le cahier supplémentaire -du Recueil de 1658, on remarque une plate élégie sur les amours de -Lisandre et de Florice, laquelle a été réintégrée depuis dans les -_Poésies nouvelles et autres œuvres galantes_ du sieur de Cantenac. - -Voilà donc enfin le texte de _l’Occasion perdue recouverte_, et -aussitôt divers recueils s’empressent de s’en emparer en y faisant des -suppressions et des changements plus ou moins considérables. Le premier -qui osa reproduire le texte original publié par de Lamathe, c’est -l’éditeur inconnu d’un volume intitulé: _les Plaisirs de la poésie -galante gaillarde et amoureuse_. Ce recueil nous est arrivé sans date, -sans nom d’imprimeur ou de libraire, et sans privilége du roi, avec un -simple frontispice gravé; mais on peut assurer qu’il a été imprimé à -Rouen et qu’il ne peut être postérieur au mois de septembre 1661, car, -à cette époque. le surintendant des finances venait d’être arrêté, et -le volume renferme des pièces élogieuses, en tête desquelles Fouquet -est nommé avec ses titres et qualités. L’ensemble de ce volume indique -assez qu’il a subi des remaniements d’impression, avant de voir le jour -et de pouvoir circuler sous le manteau. A la page 279, nous retrouvons -_l’Occasion perdue recouverte_ sous ce nouveau titre: _L’Impuissance et -la Jouissance, stances_. - -On imprimait alors à Paris les _Poésies nouvelles et autres œuvres -galantes du sieur de C..._ L’impression fut achevée le samedi 26 -novembre 1661, et l’auteur céda et transporta son privilége à Théodore -Girard, marchand libraire, qui mit en vente le volume avec la date -de 1662. Il faut entrer dans quelques détails sur ce volume de onze -feuillets liminaires, y compris le frontispice gravé par Sphirinx, 253 -pages, et un feuillet pour la fin du privilége. L’Avis au lecteur -présente le livre comme publié à l’insu de l’auteur, par le fait d’un -ami qui avait eu entre les mains le manuscrit. Cet ami nous apprend -que l’auteur, absent pour quelques jours, a désavoué ses vers «comme -des enfants qui faisoient rougir leur père,» en renonçant à Clorice, -à Climène et aux idoles de sa jeunesse libertine, pour se vouer à -Dieu seul. Le recueil se termine par une lettre que l’auteur avait -adressée à son ami pendant l’impression du volume, et cette lettre, -qui ressemble à un sermon ou à une homélie, annonce que le sieur de -C... se prépare à embrasser l’état ecclésiastique. En effet, quarante -ans plus tard, on vit paraître les _Satyres nouvelles de M. Benech -de Cantenac_, chanoine de l’église métropolitaine et paroissiale -de Bordeaux, avec d’autres pièces du même auteur (Amsterdam, veuve -Chayer, sans date, in-8º). L’auteur des Satyres est très-certainement -l’auteur des _Poésies nouvelles et autres œuvres_, car le sieur de -C... était déjà fixé à Bordeaux en 1661, puisqu’il a publié à la page -94 de ce recueil une _Response au remerciement que M. D..., conseiller -au parlement de Bordeaux, fit d’un livre intitulé: Pancirole commenté -par Salmuth, que l’Autheur lui avoit presté_. Le sieur de Cantenac -habitait donc Bordeaux, mais il avait été à Rennes, comme on le voit -par ses curieuses stances sur le Cours de Rennes. Dans les _Poésies -nouvelles et autres œuvres galantes_ du sieur de C..., ou du moins dans -un petit nombre d’exemplaires de l’édition de 1662, _l’Occasion perdue -recouverte_, «revue, corrigée et augmentée par l’autheur» se trouve -entre les pages 102 et 103, en un cahier de 14 pages et un feuillet -blanc, portant pour titre courant: _Poësies nouvelles et galantes_, et -au bas de la page 14: _Fin des Poësies nouvelles et galantes du sieur -de C..._ L’impression de ce cahier est identique à celle du volume, -et les fleurons y sont les mêmes. Ici commencent l’incertitude et la -controverse. - -«J’ay séparé la prose d’avec les vers, dit l’ami dans l’Avis au -lecteur, et comme toutes les pièces qui entrent dans le corps de -l’ouvrage se peuvent réduire, ou aux pièces amoureuses galantes qu’il a -escrites, ou aux pièces morales et chrestiennes qu’il a faites, ou bien -aux lettres qu’il a adressées à quelques personnes particulières, c’est -la raison par laquelle je l’ai divisé en trois parties.» Il y a donc -trois parties seulement dans le recueil, mais l’imprimeur a fait entrer -dans la table des pièces _l’Occasion perdue recouverte_, comme existant -à la page 103, quoique ce soient les poésies morales et chrétiennes qui -commencent à cette page-là. Les signatures Eiij et Eiiij aux pages 101 -et 103 prouvent que l’impression du volume n’a subi d’ailleurs aucun -remaniement. Quant au cahier intercalaire, il est signé d’une étoile. - -Un passage très-important de la préface semble avoir été mal compris -par Michault, qui en tire des inductions bien différentes de celles que -nous croyons y découvrir. «Parmy toutes les pièces qui entrent dans ce -recueil, dit l’ami de l’auteur, dans lequel nous avons de la peine à -voir le libraire Théodore Girard, on y en a fait glisser une en dépit -de moy, qui auroit esté supprimée ou pour le moins qui n’auroit point -veu le grand jour, si j’en avois esté creu; mais ma résistance a esté -inutile, et quelque raison que j’aye eu pour destourner le coup, il a -fallu se rendre et céder à la force. Un galant homme, qui a un empire -absolu sur l’esprit de l’autheur et que l’autheur considère à l’égal -de luy-mesme, l’obligea autrefois de la composer contre une dame, de -qui il s’estoit creu désobligé, afin de satisfaire son ressentiment, et -m’a contraint, pour rendre sa vengeance plus authentique et couronner -son ressentiment, de souffrir qu’elle fust jointe aux autres de ce -livre. Il a creu que l’ascendant qu’il s’estoit acquis sur l’autheur -luy donnoit le droit sur son ouvrage, et qu’estant l’arbitre absolu de -ses pensées, il pouvoit décider souverainement de ses escrits. Je sçay -l’estime particulière que l’autheur a pour le mérite de ce personnage, -qui est, à cela près, le plus honnête homme du monde, et la déférence -aveugle qu’il a pour tous ses sentimens. Pour te dire franchement le -mien, je ne sçaurois louer cette pratique ni en approuver l’usage. -J’ay jugé à propos de m’en justifier, pour me mettre à couvert du -blasme qu’on m’en pourroit donner quelque jour, et, pour prévenir -les reproches qu’on m’en pourroit faire, j’ay creu me devoir cette -satisfaction.» - -Ce passage semble à première vue se rapporter à _l’Occasion perdue -recouverte_, mais il nous paraît plus logiquement faire allusion -à une autre pièce du recueil, car nous ne voyons pas trop comment -_l’Occasion_ pourrait avoir été composée _contre_ une dame. Il s’agit, -en effet, dans ce poëme, d’un amant qui se trouve impuissant à la -première rencontre et qui prend ensuite largement sa revanche. Est-ce -l’amant _Lisandre_, est-ce le mari, _Dorimant_, qui aurait raconté -cette histoire pour _satisfaire son ressentiment_? Je ne pense pas que -_l’Occasion perdue recouverte_ soit la pièce que l’ami de l’auteur -avait voulu retrancher, mais bien une très-vive et très-amère satire -_contre Amaranthe_ (nommée Caliste dans la pièce, page 21), qui s’était -mariée à un riche vieillard en délaissant son jeune amant. Cette -Amaranthe devait être très-connue à Bordeaux, sinon à Rennes, et l’on -conçoit que l’amant abandonné ait voulu se venger avec l’arme de la -satire. - -Disons, en passant, que les scrupules de l’ami ou de l’éditeur ne -sauraient avoir été motivés par la licence de _l’Occasion perdue -recouverte_, car, si cet éditeur avait eu des scrupules de cette -espèce, il n’eût pas manqué de rejeter une autre pièce dont voici le -singulier titre: «Un cavalier faisoit quelques tours d’adresse devant -plusieurs personnes et changeoit des cartes en telle figure qu’on -vouloit. Une dame de la compagnie le crut sorcier et voulut prendre le -jeu de cartes pour voir si elle y découvriroit rien, mais elle se mit -en colère d’y trouver d’abord quelque chose en peinture que la pudeur -et la bienséance deffend de nommer.» - -C’est là une pièce qui peut encore avoir été faite _contre_ une dame -par un sentiment de vengeance. - -La présence de _l’Occasion perdue recouverte_ dans le volume du sieur -de Cantenac s’explique tout naturellement, si on en accuse le libraire -seul, soit que Théodore Girard eût voulu donner plus de vogue à sa -publication en y intercalant une pièce très-recherchée et très-goûtée -alors, soit qu’il ait attribué de bonne foi au sieur de Cantenac -cette pièce qui circulait avec l’initiale de Corneille. Il faut dire, -en outre, que le sieur de Cantenac n’avait pas été le dernier à -s’expliquer sur un sujet que les poëtes se disputaient alors, et qu’il -avait composé aussi une idylle intitulée _la Jouissance_, où l’on -retrouve les principaux traits de _l’Occasion perdue recouverte_. - -Quant au texte de _l’Occasion perdue recouverte_, tel qu’il a été -réimprimé dans les Poësies nouvelles et autres œuvres galantes du sieur -de Cantenac, il faut y constater la suppression de deux strophes et -l’addition de deux strophes nouvelles, avec un assez grand nombre de -variantes qui ne font pas honneur au talent et au goût du plagiaire ou -du contrefacteur. Il faut reconnaître ici que le texte original a été -altéré et interpolé assez maladroitement. - -Huit ans plus tard, la vogue de _l’Occasion perdue recouverte_ n’était -pas encore épuisée, car un auteur de nouvelles galantes et comiques -publiait sous ce titre même, à la fin des _Soirées des Auberges_ -(Paris, Étienne Loyson, 1669, petit in-12), une petite nouvelle, -qui pourrait bien avoir été le point de départ du poëme attribué -à Corneille, et un poëte de premier ordre, qui a gardé l’anonyme, -jetait dans le public un _caprice_ charmant, qu’il avait intitulé: -_La Jouissance imparfaite_. Nous rencontrerons ce Caprice, à côté -de _l’Occasion perdue recouverte_, dans un recueil imprimé à Rouen: -_Maximes et lois d’amour, lettres, billets doux et galants, poësies_ -(Paris, Olivier de Varennes, 1669, in-8). Ce recueil avait été publié -d’abord à Rouen, par le libraire Lucas, en 1667. Le libraire de Paris -n’avait fait que changer le titre et ajouter à la fin du volume un -cahier de 24 pages, imprimé avec les mêmes caractères, cahier dans -lequel _l’Occasion perdue recouverte_ est suivie de _la Jouissance -imparfaite_, qui remet en scène dans un admirable langage la première -partie de cette éternelle _Occasion_. Le sieur de Valdavid, ami -de Pierre Corneille, est incontestablement le principal auteur de -cette compilation, dédiée au duc de Montausier. _L’Occasion perdue -recouverte_, que le sieur de Cantenac avait failli transporter à -Bordeaux, retournait ainsi en Normandie, à Rouen, qui l’avait vue -naître dans la première jeunesse de Corneille. - -Concluons: l’_Occasion perdue recouverte_ est loin d’être indigne du -grand Corneille, sous le rapport littéraire; quant au point de vue -moral, nous nous garderons bien de l’excuser, quoique la licence des -poëtes sous le règne de Louis XIII ait été constamment encouragée par -la faveur des gens de cour et par la sympathie de la société la plus -aristocratique. Michault, de Dijon, en voulant défendre Corneille, ne -s’est pas aperçu qu’il faisait acte d’ignorance. «Je ne crois pas, -dit-il, qu’il soit jamais échappé à sa plume aucun ouvrage où règnent -une liberté condamnable et un esprit de débauche.» S’il avait lu les -_Mélanges poëtiques_, imprimés en 1632 à la suite de la tragi-comédie -de _Clitandre_, et qui contiennent une épigramme que les éditeurs des -œuvres de Corneille n’ont pas encore osé reproduire, il aurait pu -admettre que le poëte obéit involontairement au goût de son époque. -«Je n’ai pas fait difficulté, dit l’abbé Granet dans la préface des -_Œuvres diverses de Pierre Corneille_ (Paris, Gissey, 1738, in-12), -de supprimer des plaisanteries d’un goût peu délicat et divers traits -d’une galanterie trop libre... En retranchant les morceaux d’une -galanterie licencieuse, je n’ai fait que me conformer à l’exemple de M. -Corneille, qui a purgé ses premières comédies de tout ce qui en pouvait -rappeler l’idée.» L’abbé Granet a pourtant laissé subsister le fameux -rondeau où l’auteur du _Cid_, dans sa juste indignation contre les -odieuses manœuvres de Scudéry, - - L’envoye au diable et sa muse au bordel. - -Il est tout naturel que le chancelier Séguier, qui était d’une piété -exemplaire, ait conduit Corneille à confesse et que le confesseur ait -ordonné à son pénitent de traduire l’_Imitation de Jésus-Christ_, pour -expier son _Occasion perdue recouverte_. Quelques années plus tard, La -Fontaine, en expiation de ses _Contes et nouvelles_, se faisait aussi, -à l’instigation d’Arnauld d’Andilly et des jansénistes, le traducteur -docile de quelques psaumes et de quelques hymnes du bréviaire romain; -mais, pour se distraire de l’ennui que lui causaient ces traductions, -il composait encore des contes en cachette, avec l’intention formelle -de ne pas les faire imprimer. S’il eût été l’auteur de _l’Occasion -perdue recouverte_, il n’aurait pas souffert qu’un sieur de Cantenac -lui disputât la paternité de cet enfant de l’amour, et il se serait -empressé de le reconnaître, au risque d’être excommunié dans ce monde -et dans l’autre. Corneille, au contraire, ne crut jamais avoir assez -expié ses péchés de jeunesse, et pendant plus de quarante ans il fit -pénitence de _l’Occasion perdue recouverte_. - - P. L. - - - - - SOURCE ET IMITATION - DE - _L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE_ - - - IMPUISSANCE[20] - - [20] Ces vers, imités des _Amours_ d’Ovide (liv. III, élégie - 7), sont de Mathurin Régnier; ils ont été publiés, après - sa mort, dans ses œuvres, en 1613 et 1642. On les retrouve - avec de bonnes corrections, mais aussi avec de nouvelles - fautes, dans le _Nouveau recueil des plus belles poësies, - contenant le Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, la - Belle mandiante, l’Occasion perdue, etc., et autres pièces - curieuses_ (Paris, vefve G. Loyson, 1654, in-12, p. 399-404). - - Quoy! ne l’avois-je assez en mes vœux désirée? - N’estoit-elle assez belle ou bien assez parée? - Estoit-elle à mes yeux sans grâce et sans appas? - Son sang n’estoit-il pas issu d’un lieu trop bas? - Sa race, sa maison n’estoit-elle estimée? - Ne valoit-elle point la peine d’estre aimée? - Inhabile au plaisir, n’avoit-elle de quoy? - Estoit-elle trop laide ou trop belle, pour moy? - Ha! cruel souvenir! Cependant je l’ay euë, - Impuissant que je suis, en mes bras toute nuë, - Et n’ay peu, le voulant tous deux esgallement, - Contenter nos désirs en ce contentement! - Au surplus, à ma honte, Amour, que te diray-je? - Elle mit en mon col ses bras plus blancs que neige, - Et sa langue mon cœur par ma bouche embrasa: - Bref, tout ce qu’ose Amour, ma Déesse l’osa. - Me suggérant la manne en sa lèvre amassée, - Sa cuisse se tenoit en la mienne entassée. - Les yeux luy petilloient d’un désir langoureux, - Et son ame exhalloit maint soupir amoureux. - Sa langue, en bégayant, d’une façon mignarde, - Me disoit: «Mais, mon cœur, qu’est-ce qui vous retarde? - N’aurois-je point en moy quelque chose qui peust - Offenser vos désirs ou bien qui vous depleust? - Ma grâce, ma façon, ha! Dieu! ne vous plaist-elle! - Quoy! n’ay-je assez d’amour ou ne suis-je assez belle?» - Cependant, de la main animant ses discours, - Je trompois, impuissant, sa flamme et mes amours, - Et comme un tronc de bois, charge lourde et pesante, - Je n’avois rien en moy de personne vivante. - Mes membres languissans, perclus et refroidis, - Par ses attouchemens n’estoient moins engourdis. - Mais quoy! que deviendray-je en l’extrême vieillesse, - Puisque je suis retif au fort de ma jeunesse? - Et si, las! je ne puis, et jeune et vigoureux, - Savourer la douceur du plaisir amoureux? - Ha! j’en rougis de honte, et dépite mon âge, - Age de peu de force et de peu de courage, - Qui ne me permet pas, en cest accouplement, - Donner ce qu’en amour peut donner un amant; - Car, Dieu! ceste beauté, par mon deffaut trompée, - Se leva le matin, de ses larmes trempée, - Que l’amour, de dépit, écouloit de ses yeux, - Ressemblant à l’Aurore, alors qu’ouvrant les cieux. - Elle sort de son lict, honteuse et dépitée - D’avoir, sans un baiser, consommé sa nuictée, - Quand baignant tendrement la terre de ses pleurs. - De chagrin et d’amour elle enjette ses fleurs. - Pour flatter mon deffaut, de quoy me sert la gloire, - De mon amour passée inutile mémoire! - Quand, aimant ardamment et ardamment aimé, - Tant plus je combattois, plus j’estois animé; - Guerrier infatigable en ce doux exercice, - Par dix ou douze fois je rentrois dans la lice, - Où, vaillant et adroit, après avoir brisé, - Des chevaliers d’amour j’estois le plus prisé... - Mais de cet accident je fais un mauvais conte, - Si mon honneur passé maintenant est ma honte, - Et si le souvenir, trop prompt de m’outrager, - Par le plaisir receu ne me peut soulager. - - O ciel! il falloit bien qu’ensorcelé je fusse, - Ou, trop ardant d’amour, que je ne m’aperceusse - Que l’œil d’un envieux nos desseins empeschoit - Et sur mon corps perclus son venin espanchoit. - Mais qui pourroit atteindre au poinct de son mérite? - Veu que toute grandeur pour elle est trop petite, - Si, par l’égal, ce charme a force contre nous, - Autre que Jupiter n’en peut estre jaloux: - Luy seul, comme envieux d’une chose si belle, - Par l’émulation seroit seul digne d’elle. - Hé quoy! là haut au ciel mets-tu les armes bas, - Amoureux Jupiter? Que ne viens-tu çà-bas - Jouir d’une beauté, sur les autres aimable? - Assez de tes amours n’a caqueté la Fable: - C’est ores que tu dois, en amour vif et prompt, - Te mettre encore un coup les armes sur le front; - Cacher ta déité dessous un blanc plumage; - Prendre le feint semblant d’un satyre sauvage, - D’un serpent, d’un cocu, et te répandre encor, - Alambiqué d’amour, en grosses gouttes d’or, - Et puisque sa faveur, à moy seul octroyée, - Indigne que je suis, fut si mal employée, - Faveur qui de mortel m’eût fait égal aux dieux, - Si le Ciel n’eût esté sur mon bien envieux! - - Mais, encor tout bouillant de mes flammes premieres, - De quels vœux redoublez et de quelles prieres, - Iray-je derechef les Dieux sollicitant, - Si d’un bienfait nouveau j’en attendois autant; - Si mes deffauts passez leurs beautez mécontentent - Et si de leurs bienfaits je croy qu’ils se repentent? - - Or, quand je pense, ô Dieux! quel bien m’est advenu! - Avoir veu dans un lict ses beaux membres à nu, - La tenir languissante entre mes bras couchée, - De mesme affection la voir estre touchée, - Me baiser haletant d’amour et de desir, - Par ses chatouillemens resveiller le plaisir! - Ha! Dieux! ce sont des traits si sensibles aux ames, - Qu’ils pourroient l’Amour mesme eschauffer de leurs flammes - Si plus froid que la mort ils ne m’eussent trouvé, - Des mystères d’amour amant trop reprouvé! - Je l’avois cependant, ivre d’amour extresme; - Mais si je l’eus ainsi, elle ne m’eust de mesme. - O malheur! et de moy elle n’eust seulement - Que des baisers d’un frère et non pas d’un amant! - En vain, cent et cent fois, je m’efforce à luy plaire. - Non plus qu’à mon désir je n’y puis satisfaire. - Et la honte pour lors, qui me saisit le cœur. - Pour m’achever de peindre, esteignit ma vigueur. - - Comme elle reconnut, femme mal satisfaite, - Qu’elle y perdoit son temps, du lict elle se jette. - Prend sa juppe, se lace, et puis, en se moquant, - D’un ris et de ces mots elle m’alla picquant: - «Non, si j’estois lascive ou d’amour occupée, - Je me pourrois fascher d’avoir esté trompée. - Mais puisque mon désir n’est si vif ni si chaud, - Mon tiede naturel m’oblige à ton deffaut: - Mon amour satisfaicte aime ton impuissance, - Et tire de ta faute assez de recompence, - Qui, tousjours dilayant, m’a fait, par le desir, - Esbattre plus longtemps à l’ombre du plaisir.» - - Mais estant la douceur par l’effort divertie, - La fureur à la fin rompit sa modestie, - Et dit en esclatant: «Pourquoy me trompes-tu? - Ton impudence à tort a vanté ta vertu. - Si en d’autres amours ta vigueur s’est usée, - Quel honneur reçois-tu de m’avoir abusée?» - - Assez d’autres propos le dépit luy dictoit; - Le feu de son desdain par sa bouche sortoit. - Enfin, voulant cacher ma honte et sa colère, - Elle couvrit son front d’une meilleure chère, - Se conseille au miroir, ses femmes appela, - Et, se lavant les mains, le fait dissimula. - - Belle dont la beauté si digne d’estre aymée - Eust rendu des plus morts la froideur enflammée, - Je confesse ma honte, et, de regret touché, - Par les pleurs que j’espands j’accuse mon péché: - Péché d’autant plus grand que grande est ma jeunesse. - Si homme j’ay failly, pardonnez-moy, déesse. - J’avouë estre fort grand le crime que j’ay fait; - Pourtant, jusqu’à la mort, si n’avois-je forfait, - Si ce n’est à présent, qu’à vos pieds je me jette: - Que ma confession vous rende satisfaicte! - Je suis digne des maux que vous me prescrirez. - J’ay menty, j’ay volé... j’ay des vœux parjurez, - Trahy les dieux benins. Inventez à ces vices, - Comme estranges forfaicts, des estranges supplices, - O beauté, faictes-en tout ainsi qu’il vous plaist; - Si vous me commandez à mourir, je suis prest! - La mort me sera douce, et d’autant plus encore, - Si je meurs de la main de celle que j’adore. - Avant qu’en venir là, au moins souvenez-vous - Que mes armes, non moy, causent vostre courroux; - Que, champion d’amour entré dedans la lice, - Je n’eus assez d’haleine à si grand exercice; - Que je ne suis chasseur jadis tant approuvé, - Ne pouvant redresser un deffaut retrouvé. - Mais d’où viendroit ceci? Seroit-ce point, maistresse, - Que mon esprit, du corps précédast la paresse? - Ou que, par le desir trop prompt et violent, - J’allasse, avec le temps, le plaisir consommant? - Pour moy, je n’en sçay rien; en ce fait, tout m’abuse. - Mais enfin, ô beauté, recevez mon excuse; - S’il vous plaist derechef que je rentre à l’assaut, - J’espère avec usure amender mon deffaut. - - - L’OCCASION PERDUE - A CLORIS - STANCES[21] - - [21] _Nouveau recueil des plus belles poësies, contenant le - Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, l’Occasion perduë, - etc., et autres poësies curieuses._ (Paris, chez la vefve - Loyson, 1654, in-12, p. 119-138.) - - Après avoir bien ry des maux que j’ay souffers, - Que je souffre encore à toute heure, - Si vous n’adoucissez la rigueur de mes fers, - Cloris, il faudra que je meure. - Consultez, avant mon trépas, - Ce que vont perdre vos appas. - Un constant comme moy n’est pas si peu de chose; - Et vous n’y songez pas ou n’y songez pas bien: - Hylas renâquit-il par sa métempsicose? - Quand vous m’aurez perdu, vous ne treuverez rien, - J’entends qui comme moy fasse un doux entretien, - Et dont l’ame soit moins volage et mensongère, - Car, pour des amans du commun, - Vous en aurez tousjours, mais ce n’est pas tout un; - Encor, comme je crois, n’en retiendrez-vous guère. - - Ce n’est pas qu’en effet vous n’ayez cent beautez, - Que vostre humeur ne soit aimable; - Je l’advouë entre nous, et mes sens agitez - Font vostre éloge incomparable, - Mesme à mesure que j’escris. - Vous sçavez mesnager vos ris; - Et ne prononcez pas un seul mot qui ne porte. - Mais où je n’ay rien fait, personne ne viendra. - Vous serez dans le monde, et l’on vous croira morte. - Pour parer ce malheur, c’est à vous qu’il tiendra, - Et si vous l’attendez, pas un ne vous plaindra. - On vous dira: «Cloris, vous n’estes pas trop sage; - La mort de ce pauvre garçon - Nous fait, en conscience, une belle leçon, - Qu’on n’apprend pas sous vous un bon apprentissage.» - - Raisonnez sans effort si d’un pareil discours - Vous aurez lieu d’être contente. - Un esprit inconstant, comme on disoit ces jours, - Rarement aime une inconstante. - Nul ne veut estre rejeté. - Chacun veut dire: J’ai quitté. - On devient fort jaloux de cette fausse gloire. - Quand on est aux adieux, on s’en va le premier: - La retraite est superbe autant que la victoire. - On est lâche, on est sot, quand on va le dernier. - On veut voir la maistresse et se plaindre et crier, - S’il faut que le divorce ait des cris et des larmes; - Et pour vous parler franchement, - Les hommes de Paris sont ordinairement, - En matière d’amour, comme de vrais gendarmes. - - Pour moy je ne suis pas composé de ce biais, - Je n’eus jamais l’ame mauvaise, - Et comme le visage a l’air docile et niais, - J’ay l’humeur docile et niaise. - Depuis que je suis engagé, - Je n’ay pas seulement songé - Comment je me prendrois à d’autres amourettes. - J’enrage loin de vous, je suis presque aux abois; - Et n’estoit que je pense à vous conter fleurettes, - Je mourrois tout d’un coup, sans en faire à deux fois. - Hélas! si les clameurs de ma dolente voix - Venoient sans y penser vous frapper les oreilles, - Connoissant combien je suis fou, - Vous viendriez me voir, et me sautant au cou, - Sans doute esteindriez mes ardeurs nompareilles. - - Aussi, depuis un mois je fais le confondu, - Je parle à tous de ma souffrance, - Je dis à tout le monde: «Adieu! je suis perdu!» - Et puis, par un triste silence, - Relevé de quelques soupirs, - Je fais connoistre mes desirs, - Afin qu’un bon amy vous les aille redire. - Je vay tard par chez vous, quoyqu’il soit dangereux, - J’y rode en marmottant quelques mots de martire; - Tous les pas que j’y fais traînent en malheureux, - J’y mouche sur un ton qui ressent le pleureux. - J’y tousse et crache aussi, non pas sans me contraindre, - Et dans une telle langueur, - Si j’y conserve encor ma première vigueur, - C’est pour vous dépescher, si vous venez me plaindre. - - En vérité, Cloris, un transport de pitié - Seroit un transport pardonnable; - Je vous en supplirois par toute l’amitié - Dont vous devez estre capable: - N’estoit qu’en suppliant ainsi, - Je reconnois bien, Dieu mercy, - Que l’amitié vous est une chose inconnuë, - Et qu’on ne vous prend pas par le spirituel. - Vous n’y fûtes jamais qu’aparâment émeuë. - Aussi, vous ay-je escrit cartel dessus cartel, - Et mille fois de bouche appellée en duel, - Pour tirer ma raison du tort que vous me faites; - Vous m’avez refusé tout plat; - Après vous vous vangez par un assassinat: - Mais mon mal vous prendra, si vous n’y satisfaites. - - Oüy, mon mal vous prendra, mais possible trop tard - Pour y treuver quelque remede; - Car, s’il m’arrive un jour de faire bande à part, - Vous aurez beau crier à l’aide; - Le diable me puisse emporter - Si je daigne vous escouter, - Et si je fais un pas pour vous tirer de peine! - En deussiez-vous avoir, et les pâles couleurs, - Et mesme la jaunisse ou bien la courte haleine. - Je noyeray mes maux au torrent de vos pleurs; - Et vous faisant sentir à mon tour des rigueurs, - Vous connoistrez par là les tourmens qu’on endure, - Quand on est seul de son costé, - Qu’on veut ce que refuse une autre volonté, - Et quand on fait la nargue à madame Nature. - - C’est encor vous aimer que de vous avertir - De ce malheur qui vous menace. - Vous pouvez l’éviter, venant me secourir, - Et changeant en feu vostre glace. - Donc, Cloris, vivons bons amis, - Et que nos esprits bien soumis - Ne se fassent jamais qu’une amoureuse guerre. - Je fais des vœux pour vous come j’en fais pour moy; - J’aime aussi bien que vous le sejour de la terre; - Et tant que j’y seray, j’y seray sous la loy - Que nous fismes tous deux en nous donnant la foy. - Touchons-nous dans la main en amour et simplesse, - Et bannissons loin de nos cœurs - Riottes et mespris, malices et froideurs, - Et faisons banqueroute à toute la tristesse. - - Vous estes bonne fille, et je suis bon garçon, - Nous n’en devons rien l’un à l’autre. - Nous nous sommes donnez mainte et mainte leçon, - Vous avez du mien, j’ay du vostre. - Vostre amour au mien s’est montré, - Mais, las! il n’a que folastré. - Nous avons fait de tout, hormis la bonne affaire... - Quand je songe au pourquoy, je deviens interdit; - Car enfin, si ma flâme eût esté moins sévère, - Je pouvois aisément vous jetter sur le lit, - Et si, sur mon honneur, je ne l’eusse pas dit, - (Je ne m’en souviens mesme icy qu’en parenthèse), - Vos yeux roulant nonchalamment - Disoient sans cesse aux miens: «Faisons-le promptement!» - Mais l’amour s’en alla, sans vous faire bien aise. - - Ce fut vostre pudeur et ma timidité, - Qui firent ce mauvais menage. - Ma main posoit à plomb sur vostre nudité, - Et, visage contre visage, - J’estois comme vous sans soustien; - Nos sens ne tenoient plus à rien. - Et nos cœurs déreglez déregloient nos pensées; - Nous ne sçavions tous deux comment nous enlasser. - Nos flâmes se pressoient, et se sentoient pressées. - Nos corps à tous momens vouloient se renverser... - Il ne s’en falloit plus qu’à ne plus rien penser: - Mais nous pensâmes trop. Le feu prit deux amorces, - L’amour gasté frustra nos vœux. - A faux en mesme temps nous tirâmes tous deux, - Et la foiblesse ainsi nous redonna nos forces. - - Après cela, je vis vos yeux moins languissans, - Leurs brillans broüillez s’éclypserent. - Comme d’un grand sommeil vous repristes vos sens - Et vos mourans baisers cesserent. - Honteuse d’un tel accident. - Le rouge vous prit plus ardant, - Et l’amour parut triste au bord de vos paupières. - Vostre corps en pleura par sa chaude sueur. - Vos feux s’entregrondans tournèrent cent carrières. - Vous pensastes vingt fois m’appeller affronteur: - Mais un trop grand dépit calma ceste fureur. - Puis, vostre rage estoit à demy r’allentie. - Vous estiez pourtant en courroux, - J’estois un peu confus, mais non pas tant que vous, - Voyant si mal finir cette belle partie. - - Depuis ce doux moment, l’ayant manqué si beau, - Vous avez pris un air farouche: - Vos flâmes ont esté pour moy dans le tombeau, - J’ai tout perdu, jusqu’à la bouche. - Vos esprits tousjours mutinez - M’ont fait sans cesse un pied de nez, - Alors que j’ay voulu remonter sur ma beste. - Je n’ay pu revenir jamais à mes moutons, - Je n’ay plus esté saint dont on chomme la feste. - Il est vray j’ay baisé quelquefois vos tetons. - Mais tout cela n’est rien, n’allant point à tastons; - Ou si c’est quelque chose, on en est plus à plaindre: - Par des eslans impérieux - On ne fait qu’allumer des braziers furieux - Que le diable nourrit, et qui veulent s’éteindre. - - Mais revenons, Cloris, tous deux d’un mesme accord. - Mon mal vous donne de la peine; - Et c’est à vos despens que vous me faites tort; - Car quand vous m’estes inhumaine, - Semblable à cet esprit malin - Qui pour aveugler son prochain - S’éborgne volontiers d’une des deux prunelles, - Vous enragez d’abord pour me faire enrager, - Et faites à vos sens des blessures mortelles. - C’est assez avoir pris de soins à vous venger. - Après tant de travaux, il se faut soulager - Je sçay que plus que moy vous en avez envie, - Et vous avez beau marchander, - Vous devez de bon gré dans peu me l’accorder. - Et dans peu le dépit vous ostera la vie. - - Il est vray, j’ay failly, par mon chien de respect... - Je devois estre un peu moins sage: - Mais je suis corrigé (grâce à nostre regret) - Et je suis fait au badinage. - Si je vous rencontre à l’écart, - Soit en plein jour ou sur le tard, - Par ma foy, vous pouvez bien brider vostre juppe, - Je verray jusqu’au haut comme elle est à l’envers, - Et puis, vous renversant pour soustenir la duppe, - Tout d’un coup je mettray vos beaux yeux de travers, - Comme je l’imagine en escrivant ces vers... - Hélas! ce doux penser me met hors de moy-mesme. - Mais tout beau, ma chair et mon sang! - Laissez finir ma plume, attendez votre rang: - Vous en aurez assez quand vous serez à mesme. - - D. M. - - - LA JOUISSANCE IMPARFAITE - CAPRICE[22] - - [22] Imprimé à la suite de _l’Occasion perduë recouverte_, - page 18 de ce cahier séparé, qui se trouve à la fin des - _Maximes et loix d’amour, lettres, billets doux et galants, - poësies_ (Paris, Olivier de Varennes, 1669, pet. in-8). - - Après mille amoureux discours - Interrompus d’un long silence, - Elle repousse mes amours - D’une agréable violence. - - Je sçay qu’en cette occasion - Ce qui cause nostre querelle, - Ce n’est pas son aversion, - Mais c’est sa pudeur naturelle. - - Pour ses bras en vain resistans, - Ses yeux semblent me faire excuse, - Et je trouve qu’en mesme temps - Elle m’accepte et me refuse. - - Pour favoriser mon dessein, - Et soulager mon mal extresme, - Le linge qui couvroit son sein - Est tombé presque de luy-mesme. - - Ayant porté ses belles mains - Dessus ces deux globes d’albâtre, - Je baise les doigts inhumains - Qui cachent ce que j’idolâtre. - - «Hélas! à quoy, dis-je, vous sert - D’estre à mon amour si farouche? - Vos mains ont vostre sein couvert, - Et m’ont decouvert vostre bouche. - - «Vous faites autant de péchez - Que vous m’ostez de belles choses; - Mais pour les lys que vous cachez, - Je m’en vay bien cueillir des roses. - - «Dieux! que cette bouche a d’appas! - Que tout ce visage a de grâces! - Cent mains ne vous suffiroient pas - Pour garder tant de belles places.» - - Icy la constance est à bout, - Toute sa force est allentie: - Elle aime mieux me donner tout, - Que d’en céder une partie. - - Au lieu donc de me repousser, - Ses bras, sans aucune contrainte, - Ne servent plus qu’à m’embrasser - D’une amoureuse et molle estrainte. - - Son amour dans ses yeux se lit, - J’y connois son inquiétude; - Elle tombe dessus le lit, - Plus d’amour que de lassitude. - - Par l’ardeur de sa passion - Toute sa personne est émeuë, - Et son imagination - Trouble lascivement sa veuë. - - Déjà sa gorge s’enfle un peu, - Et (j’ay de la peine à le croire), - J’aperçoy l’éclat d’un beau feu - Entre deux colonnes d’yvoire. - - Mais, ô foible contentement, - Passion qui n’a point d’exemple, - Mon vain devoir en un moment - Se rend à la porte du temple. - - Incomparable affliction! - Une ville après cent batailles - Se rend à ma discretion, - Et je meurs au pied des murailles... - - Nous faisons, mais séparément, - Ce qu’ensemble nous devions faire, - Et, sans le vif attouchement, - S’achève l’amoureux mystère. - - Icy nos amours sont punis, - Par l’excez de leurs propres flames, - Et nos deux corps seroient unis. - Si nous n’eussions uni nos ames. - - «Hélas! c’est trop tost achever! - Luy dis-je, la voyant fâchée, - Et honteuse de se lever, - Aussi-tost qu’elle fut couchée. - - «Si je n’ay duré qu’un moment, - Accusez-en vostre constance: - La moitié du chatoüillement - S’est passée en la résistance. - - «D’une si nuisible vertu - Ne faites jamais tant de gloire; - Si vous n’eussiez point combattu, - Vous eussiez gagné la victoire. - - «Mon défaut vous est glorieux, - Ne le prenez pas pour un crime; - Un feu lancé de vos beaux yeux - A brulé toute la victime. - - «L’ame, par l’admiration - Et par le désir suspenduë, - Est cause que sans action - La volupté s’est répanduë. - - «Excusez donc mon chaud desir, - Et vous consolez, Isabelle, - Vous eussiez eu plus de plaisir - Si vous eussiez esté moins belle.» - - - JOUISSANCE - - STANCES[23] - - [23] _Poësies choisies de MM. Corneille, Benserade, de - Scudery, Bois-Robert, La Mesnardière, Sarrassin_ (sic), - _Desmarets, etc., et de plusieurs autres célèbres autheurs de - ce temps_. 4e édition, revue, corrigée et augmentée (Paris, - Charles Sercy, 1655), in-8, page 30 de la première partie. - - Après tant de faveurs, ne craignez pas, Silvie, - Que je ne sois secret: - J’ayme mieux près de vous passer, toute ma vie, - Pour un méconnoissant, que pour un indiscret. - - Vostre compassion a ma peine accourcie, - Me rendant fortuné; - Mais il n’est pas besoin que je vous remercie, - De peur de faire voir que vous m’avez donné. - - Pour m’en bien acquiter, tous mes desirs frivoles - Resteront sans pouvoir; - Outre que je n’ay pas d’assez dignes paroles, - C’est que, pour en parler, je n’en veux pas avoir. - - C’est assez que propice à mon inquiétude - Vous flattiez mon ardeur: - Et jamais de ma part aucune ingratitude - N’en fasse repentir votre jeune pudeur. - - Trop heureux que je suis d’avoir en ma puissance - De si charmants appas; - Je sçauray bien me taire, et ma reconnoissance - Ne sera point du tout ou ne paroistra pas. - - Je seray devant vous comme j’estois naguère, - Quand je soupirois tant: - Et vous prendrez plaisir vous-mesme à me voir faire, - Quand vous m’entendrez plaindre et me saurez content. - - Je veux que la tristesse encore se revoye - Sur ma pâle couleur, - Et cent soûpirs iront à ma secrette joye, - Qui seront adressez à ma fausse douleur. - - Je vous appelleray mon ingrate maistresse, - Publieray mes langueurs, - Et malgré vos bontez, tout le monde sans cesse - Verra dans mes écrits subsister vos rigueurs. - - Je ne suis pas de ceux dont la vaine ignorance, - Ne pouvant bien choisir, - Plustost que le solide, embrassent l’apparence - Et font du seul éclat l’essence du plaisir. - - Leur maxime n’est pas que la chose se cache, - Cela les refroidit: - Toute leur volupté, c’est que chacun le sçache, - Et que rien ne soit fait, pourveu que tout soit dit. - - Moi qui n’ay pas chez eux fait mon apprentissage, - Je n’en tiens du tout rien; - Ma muse, quoyque jeune, est une muse sage, - Qui n’a jamais fait honte à qui m’a fait du bien. - - Aussi, rasseurez-vous, adorable Silvie, - Et ne permettez pas - Que de nostre amoureuse et bienheureuse vie - Une goutte d’absinthe aigrisse les appas. - - Jeunes, à pleines mains cueillons et lis et roses, - D’un soin toujours égal; - J’ay bien fait de languir pour de si belles choses; - Et vous avez bien fait de soulager mon mal. - - Ne laissons échapper un moment inutile - En l’avril de nos ans, - Et que nostre pensée en delices fertile, - S’épuise et se remplisse en faveur de nos sens. - - De vos chères faveurs les aimables largesses - Comblent tout mon souhait, - Et cependant mon ame au milieu des caresses - Ne peut venir à bout d’un desir satisfait. - - Contente, elle désire, et va criant à l’ayde, - Au milieu du secours; - Le doux mal qu’elle plaint dure après son remède, - Et quoy qu’il en arrive, elle brûle toujours. - - C’est trop d’amour, Silvie, et cet excès aimable, - Ne vous déplaira point; - Je n’ay jamais rien fait qui n’ait esté blamable, - Si vostre jugement me condamne en ce poinct. - - Que j’aime ce visage en sa naïve grace - Jadis plein de refus, - Et maintenant si doux, qu’on n’y voit plus la trace - De nul de ses dédains qui ne paroissent plus! - - Ces beaux yeux, ce beau sein, toutes ces riches marques - N’appartiennent qu’à moy, - Et bas comme je suis au-dessous des monarques, - J’ay pourtant des trésors que n’auroit pas un roy. - - Tout beau! quelque douceur si plaisante à décrire - Qu’ait eu ma passion, - J’ay beaucoup à penser, mais je n’ay rien à dire - Et ma gloire dépend de ma discrétion. - - BENSERADE. - - - JOUISSANCE[24] - - [24] _Nouveau recueil de diverses poësies du sieur Du Teil, - augmenté de plusieurs poëmes, stances, sonnets, etc._ (Paris, - J. B. Loyson, 1659, in-12, p. 32-36). - - Enfin cette beauté qui me faisoit mourir, - Dans le soin de me secourir - Change l’ingratitude à la reconnoissance, - Et m’a dit aujourd’hui que sa difficulté - Feroit moins voir sa cruauté - Que l’excès de ma récompense. - - Mais quoy? sans retomber au péril du trépas, - Pourray-je dire les combats - Que la honte et l’amour livrèrent à son ame, - Alors que, se rendant à mon assaut vainqueur, - L’innocente mouroit de peur, - Et trembloit au bruit de ma flame! - - Amour, qui m’as comblé de gloire et de plaisir, - Seconde encore mon désir; - Toy qui brulois mon cœur, échaufe un peu ma veine, - Afin qu’on puisse lire écrit sur tes autels - Des caractères immortels - A la loüange de ma reine. - - En la triste saison que Phebus endormy - Ne luit au monde qu’à demy, - Mon astre m’éclaira de toute sa lumière. - Et cette belle aurore, un peu devant le jour, - A l’assignation d’amour - Se rendit presque la première. - - Au moment que je vis ce merveilleux objet, - Pour qui j’avois tant de respect, - Entrer les yeux baissez, et d’un accent timide, - Me dire: «Cher Tircis, à quoy m’exposes-tu? - Faut-il que pour toy la vertu - Cède à la fureur qui me guide? - - «Tircis, vivons tousjours dans nos feux innocens; - Et si j’ay des charmes puissans, - Comme pour me flater tu le veux faire croire, - Modère aussi les tiens, et content de ma foy, - Cesse de prétendre sur moy - L’honneur d’une lâche victoire.» - - Quand je vis tant de grace avec tant de pudeur, - Peu s’en fallut que mon ardeur - N’écoutât du respect les simples remonstrances, - Et que, perdant le fruit de cette occasion, - Une sotte confusion - Ne ruinât mes espérances. - - Mais reprenant bien-tost mon généreux dessein, - J’attache ma bouche à son sein, - Qui d’un poux inégal témoignoit ses alarmes: - Là nous eusmes un long et périlleux combat. - Avant qu’elle ne succombât - Sous l’heureux effort de mes armes. - - Nos rideaux recevoient tout autant de clarté - Qu’il en faut pour une beauté - Qui des jeux de l’Amour n’a pas l’expérience. - La pudeur de Philis s’y pouvoit asseurer, - Et j’y pouvois considérer - Tous les traits de son innocence. - - Je vis comme l’Amour quelquefois luy haussoit - Ses yeux que la honte abaissoit - Je vis rougir ses lys, je vis pâlir ses roses; - Tout estoit merveilleux, et je puis hardiment - Protester que jamais amant - Ne toucha de si belles choses. - - Alors, n’en pouvant plus: «Cher voleur d’un tresor, - Que je devois garder encor, - Après avoir soulé ton amoureuse envie, - Après t’estre enrichy de ma première fleur, - Après m’avoir osté l’honneur, - Oste-moy, dit-elle, la vie!» - - «Reyne de mes desirs, maistresse de mon sort, - Puisque nos destins sont d’accord, - Goustons les voluptez que le ciel nous envoye; - Appaise donc, luy dis-je, appaise tes douleurs, - Et ne fais pas tomber des pleurs - Dans le fleuve de nostre joye. - - «Tu sçais, belle Philis, que ma discrétion - L’emporte sur ma passion. - Et qu’à dissimuler j’ay si peu de contrainte, - Que tous les espions qu’on vient de nous donner - Jamais ne pourront discerner - La vérité d’avec la feinte. - - «Sçache aussi que d’Amour l’agréable péché, - Pourveu qu’on le tienne caché - Loin de ce que tu crains, n’apporte à ses complices - Qu’un mutuel desir de le faire souvent, - Et l’honneur, qui n’est que du vent, - Se garde parmy nos délices.» - - Ce miracle d’amour, de grâce et de beauté, - Après m’avoir bien écouté: - «Que les propos, dit-il, d’une personne aimée - Ont un rare pouvoir de toucher nos esprits! - Que mes sens se trouvent surpris, - Et ma colère desarmée! - - «Dispose de ma vie, aimable suborneur! - L’Amour, plus puissant que l’honneur, - Me fait abandonner ma première conduite, - Et dit à ma raison, qu’un si parfait amant - Ne peut cueillir injustement - Les fruits d’une longue poursuite.» - - - JOUISSANCE - - IDYLLE[25] - - [25] _Poésies nouvelles et autres œuvres galantes du sieur de - C..._ (Paris, Théodore Girard, 1662, in-12, p. 75-78). - - Du bel astre du jour les lumières errantes - Avoient brillé deux fois sur les fleurs renaissantes, - Et sous les noirs frimas les aquilons naissans - Avoient blanchy deux fois la vieillesse des ans; - Depuis le jour fatal que l’amoureux Lysandre - Vit la belle Climene et ne peut s’en deffendre, - Et qu’heureux à ses pieds de voir couler ses jours, - Il n’estoit point gesné par d’ingrates amours. - Après beaucoup de temps, de constance et de peine. - Il sut toucher le cœur de l’aimable Climène, - Et cette belle enfin, favorable à ses vœux, - Ressentit les langueurs d’un tourment amoureux. - Tous deux, fuyant le monde, abandonnoient leurs ames - Aux plaisirs innocens de leurs discrètes flames, - Et ces parfaits amans ne peignoient dans leurs yeux - Que ces chastes amours qui triomphent des dieux. - Mais qu’on voit rarement, dans le siècle où nous sommes, - Les amans aimer bien et n’aimer pas en hommes, - Et qu’il est difficile au cœur bien enflamé - D’estre longtemps discret, lorsqu’il est fort aimé! - Lysandre, en qui l’amour estoit jadis si pure, - Fut touché du désordre où porte la nature: - Son cœur et sa raison ne pouvant s’accorder, - Il vouloit des faveurs qu’il n’osoit demander. - Climène le connut, et son ame affligée - Desira vainement de se voir dégagée. - Mais elle aimoit beaucoup, et vit bien qu’en aimant - L’on s’accoutume enfin aux transports d’un amant. - Climène chaque jour devenoit moins sévère, - Répondoit à Lysandre avec moins de colère, - Et Lysandre, hardy, luy contoit chaque jour - Les plaisirs indiscrets du criminel amour. - D’un honneur scrupuleux les loix trop rigoureuses - Combattirent longtemps leurs flames amoureuses. - Mais dès lors que l’honneur est pressé par l’amour, - Si l’amour est bien fort, l’honneur cède à son tour. - Avec tous les efforts d’une vertu sévère, - C’est en vain que souvent la Raison delibère, - Et l’esprit, combattu par des attraits puissans, - Se trouble et s’abandonne à l’empire des sens. - - Sur le bord d’un ruisseau, loin du bruit et du monde - Climène un jour dormoit au murmure de l’onde, - A l’ombrage d’un bois et sur le gazon vert: - Un doux zephir baisoit son beau sein découvert. - Telle parut jadis, dans les bois de Cythère, - Des plus tendres Amours la ravissante mère, - Quand lasse de chercher son aimable Adonis, - Elle se reposoit dans les bras de son fils. - Climène, mille fois plus charmante et plus belle, - Dort parmi les Amours qui veillent autour d’elle, - Qui toujours attachez à ses divins appas, - L’aiment comme leur mère et ne la quittent pas. - Elle dormoit encor, lorsque son cher Lysandre, - Guidé par l’Amour mesme, en ce bois se vint rendre. - Surpris d’un nouveau jour qui brilloit à ses yeux, - Il connut que Climène estoit près de ces lieux. - Il soupire, il s’avance, et dans cet instant mesme, - Plein de joie et d’ardeur, il trouve ce qu’il aime, - Il reconnoît Climène, et voit que son beau corps, - Négligemment couché, découvroit ses trésors. - Charmé de contempler tant de beautez nouvelles, - De mille feux nouveaux il sent les étincelles, - Et se laisse embraser à ces esprits ardens - Qui malgré la raison s’écoulent par les sens. - Sans éveiller Climène, à genoux auprès d’elle, - Il veut porter sa bouche au sein de cette belle, - Et sa main criminelle est prête de toucher - Des trésors que l’honneur ordonne de cacher. - Mais un léger respect qui combattoit sa flame, - Calma pour un moment les transports de son ame, - Et, prest d’exécuter un si hardy dessein, - Il sentit arrester et sa bouche et sa main. - Il craignit justement que Climène offensée - Ne punît par sa haine une ardeur insensée, - Et que, pleine d’horreur pour sa témérité, - Il ne peust plus fléchir son esprit irrité. - «Que feray-je, dit-il, dans l’ardeur qui m’anime? - Qui péche par amour ne fait pas un grand crime. - Souvent dans les combats qu’ont des cœurs amoureux, - Si l’on n’est téméraire on n’est jamais heureux. - Nul ne peut estre sage auprès de ce qu’il aime: - Le respect dure peu quand l’amour est extrême, - Et ces foibles combats sont au cœur d’un amant - Ce que fait un peu d’eau sur un brasier fumant.» - - A ces mots, il s’emporte, et son ame aveuglée - S’abandonne aux fureurs d’une amour déréglée. - Il arreste Climène avec ses bras puissans, - Et l’inhumain est sourd à ses cris innocens. - Cette belle, en désordre, estonnée et tremblante, - Tâche en vain d’échapper, se plaint et se tourmente, - Menace son amant de courir au trépas: - Enfin elle le prie et ne le fléchit pas. - Sa résistance est foible aux efforts de Lysandre. - Contre quelque autre amant elle eust peu se défendre, - Mais contre ce qu’on aime on fait un vain effort: - Quand le cœur nous trahit, le bras n’est guères fort. - Ce n’est plus qu’aux soupirs que sa bouche est ouverte. - Elle ferme les yeux pour ne pas voir sa perte, - Et les bras étendus, sans aucun mouvement, - Laisse tout prendre enfin à cet heureux amant. - Jamais tant de beautez, avecque tant de joye, - Des ardeurs d’un amant ne devinrent la proye, - Et l’on ne vit jamais dans l’empire amoureux - De plus belle conqueste et d’amant plus heureux. - Dans le fond de ce bois les Nymphes en rougirent, - Le Faune tressaillit, et les Amours en rirent; - Tous en furent émus et dirent tour à tour, - Que rien n’est comparable aux douceurs de l’amour. - - - JOUISSANCE - - SONNET[26] - - [26] _Poësies choisies de MM. Corneille, Bois-Robert, de - Marigny, Desmarets, Gombault, de La Lanne, de Cerisy, de - Cerisay, Maucroix, etc., et plusieurs autres._ Cinquiesme - partie (Paris, Charles de Sercy, 1666, in-12. p. 61). Ce - sonnet, publié sans nom d’auteur dans différents recueils, - est de mademoiselle Desjardins, plus tard madame de - Villedieu, qui ne le désavouait pas. - - Aujourd’huy dans tes bras j’ay demeuré pâmée: - Aujourd’huy, cher Tircis, ton amoureuse ardeur - Triomphe impunément de toute ma pudeur, - Et je cède aux transports dont mon ame est charmée. - - Ta flame et ton respect m’ont enfin desarmée: - Dans nos embrassemens je mets tout mon bonheur, - Et je ne connois plus de vertu ni d’honneur, - Puisque j’aime Tircis et que j’en suis aimée. - - O vous, foibles esprits, qui ne connoissez pas - Les plaisirs les plus doux que l’on gouste icy-bas, - Apprenez les transports dont mon ame est ravie. - - Une douce langueur m’oste le sentiment, - Je meurs entre les bras de mon fidelle amant, - Et c’est dans cette mort que je trouve la vie. - - - JOUISSANCE - - (Imité d’Ovide, _Amours_, liv. III, élég. 7.) - - STANCES[27] - - [27] Cette pièce, sans nom d’auteur, se trouve à la p. - 1177 du t. IX du recueil manuscrit de Conrart, in-folio, - Bibliothèque de l’Arsenal. - - Accablé de l’inquiétude - Que cause l’ardeur de l’esté, - Pour dissiper ma lassitude - Sur mon lit je m’estois jeté. - Le soleil, dans ma chambre obscure, - Trouvant quelque foible ouverture, - Lançoit un rayon de ses feux, - Et meslant la lumière à l’ombre, - En faisoit un lieu clair et sombre - Propice aux larcins amoureux. - - Alors à mes yeux se présente - Corinne et n’ose m’approcher: - Sa robe blanche et transparente - La couvroit sans me la cacher. - Elle chancelle, je m’avance; - J’attaque, elle fait résistance - Et tâche de me repousser, - Mais d’une manière si douce, - Que le beau bras qui me repousse, - Est deja prest à m’embrasser. - - Enfin, vainqueur de cette belle, - J’en contemplay tous les appas, - J’admiray ce qu’on voit en elle - Et tout ce que l’on ne voit pas. - Chacun aisément conjecture - Ce qu’on fait en cette aventure - Avec l’objet de ses amours... - Que je serois digne d’envie, - Si dans la suite de ma vie - J’avois souvent de ces beaux jours! - - - L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE[28] - - [28] _Les Soirées des Auberges, l’Apothicaire de qualité, - l’Avanture de l’hostellerie, le Mariage de Belfegore, - l’Occasion perduë recouverte, Nouvelles galantes, comiques et - véritables_ (Paris, Estienne Loyson, 1669, in-12, p. 289-292). - -Une certaine Dame de la campagne avoit un mary fort jaloux, et -neantmoins ne laissoit point de se réjouyr, et de passer son temps -avec un jeune frisé, valet de chambre d’un gentilhomme de ses voisins, -dont elle estoit passionnement amoureuse, qui, quelquefois, la voyoit -de près aux heures qu’elle l’avertissoit que son mary estoit absent. -Cette Dame estoit parfaitement belle, et quoyqu’elle s’abandonnast à -un valet, ne laissoit point d’estre poursuivie par tous les braves -cavaliers du pays, et entre autres, par un certain Marquis, leur -voisin, qui, l’ayant longuement persecutée à force de présens, obtint -d’elle ce qu’il en desiroit, mais elle l’obligeoit bien plus tost par -interest que par amour; car toutes ses inclinations estoient dediées à -ce valet de chambre, à qui elle avoit absolument donné son cœur. - -Un jour, comme son mary estoit allé dehors, qui ne devoit estre de -retour que le lendemain, elle envoye tout à l’heure querir son galand, -comme elle avoit accoutumé de faire en pareille occasion; mais à peine -luy avoit-elle donné le bonjour, que monsieur le Marquis arrive, ayant -laissé ses chevaux dans la cour; (il) montoit desja l’escalier, quand -une des filles de chambre de la Dame la vint avertir que monsieur -le Marquis montoit. Elle, qui pour rien n’eust voulu que le Marquis -eust trouvé ce jeune homme dans sa chambre, le pria de se cacher; ce -qu’il fit tout tremblant de peur, et, ne sçachant où se mettre, il se -cache sous le lict. Le Marquis entre et salue la Dame, qui luy demande -comme il avoit sçeu prévoir que son mary n’estoit point au logis; il -luy dit que son cœur l’en avoit averty, qui n’avoit pas accoutumé de -pronostiquer jamais en vain. - -Comme ils estoient en conversation ensemble, le mary arrive: ce qu’une -fille de chambre vint aussitost dire à sa maistresse, qu’il estoit -desja dans la cour et qu’il avoit veu les chevaux de monsieur le -Marquis. Cette femme demeura bien interdite, ne sçachant ce qu’elle -devoit faire de voir son mary la surprendre, pendant qu’elle estoit -avec le Marquis, et qu’elle avoit un autre galand caché sous le lict. -Mais, comme les femmes sont extrêmement subtiles et prompte plus que -les hommes à remedier aux malheurs présens, avec le peu de temps -qu’elle avoit, elle dit au Marquis: «Monsieur, si vous avés dessein -de me sauver la vie, au nom de Dieu, sans vous informer de la cause -qui m’oblige à cela, car je n’ai pas à présent le loisir de répondre -là-dessus, mettez l’espée à la main, et tesmoignez d’estre en colere; -disant: _Morbleu! je le rattraperai une autre fois!_ et en disant -cela, sortez promptement de céans, et quoyque mon mary, que vous allez -rencontrer sur la montée, vous en demande la cause et vous veuille -arrester, allez-vous-en en colere, sans luy respondre. C’est l’unique -moyen de me sauver, sans quoy, tenez-moy morte, autant vaut.» - -Le Marquis, qui n’avoit pas le loisir de consulter là-dessus, bien -aise aussi que par ce moyen il pouvoit aussi échapper, met l’espée à -la main, sort de la chambre, et rencontrant le mary sur la montée, -dit, en colère: «Morbleu! je le rattraperay une autre fois!» Le mary -estonné, luy demande ce qu’il a; mais, luy, sans vouloir escouter, -enfonçant son chapeau à sa teste, sort sans luy dire aucune chose. Le -mary trouve sa femme à la porte de sa chambre, à qui il demande à qui -en avoit monsieur le Marquis. «Ah! mon amy, luy dit-elle, jamais je -ne me suis trouvée si estonnée! Tout maintenant il est venu un jeune -homme se refugier icy, me criant, la larme à l’œil, d’avoir pitié de -luy et de le sauver des mains de ce Marquis, qui, l’espée à la main, -couroit après luy pour le tuer. Je l’ai fait entrer dans ma chambre -et me suis tenuë à la porte pour en deffendre l’entrée au Marquis, -qui, tout furieux, venoit pour le tuer; mais, ayant connu que je ne -le trouvois pas bon, s’estant venu refugier dans ma chambre, encore -a-t-il esté assez courtois pour ne l’attaquer pas chez moy.--Ah! dit le -mary, sans doute c’est ce qui l’obligeoit à dire qu’il le rattraperoit -ailleurs. Mais où est-il ce jeune homme?--Je ne sçay, dit-elle, où -il se sera caché. Je m’en vais l’appeler. Sortez, mon amy, dit-elle, -sortez! Ne craignez rien, il est party.» Ce jeune homme, qui avoit tout -ouï, sort tremblant de dessous le lict, car il en avoit bien sujet. Le -mary luy demande pourquoy le marquis luy en vouloit: «Je vous jure, -dit-il, que je n’en sçay rien, monsieur, car je ne le connois point, et -je crois qu’il me prend pour un autre: car, si tôt lorsqu’il m’a veu, -mettant l’espée à la main, il a crié: _Tue, tue!_ et sans Madame, qui -m’a fait la faveur de me retirer céans, je serois mort, sans doute. Je -luy suis obligé de la vie.» Le mary le console le mieux qu’il pût et -le conseille de ne sortir point de chez luy, qu’il ne fust nuict, de -peur que l’autre ne le guetast par la rue. Ainsi eut-il beau recouvrer -le temps qu’il avoit perdu, sans appréhender le mary qui luy servit -d’escorte. - - - FIN. - - - - - TABLE DES MATIÈRES - - - Pages - - L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE, stances de P. Corneille 5 - - VARIANTES, d’après les Poésies nouvelles du S. de Cantenac 19 - - Documents et dissertations sur _l’Occasion perdue - recouverte_ 21 - - Sources et imitations de _l’Occasion perdue recouverte_ 63 - - IMPUISSANCE, par Math. Regnier _Id._ - - L’OCCASION PERDUE A CLORIS, stances, par D. M. 68 - - LA JOUISSANCE IMPARFAITE, caprice 74 - - JOUISSANCE, stances, par Benserade 77 - - JOUISSANCE, stances, par Du Teil 80 - - JOUISSANCE, idylle, par de Cantenac 83 - - JOUISSANCE, sonnet, par madame de Villedieu 86 - - JOUISSANCE, pièce inédite et anonyme, extraite du Recueil - de Conrart 87 - - L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE, anecdote en prose, extraite - des _Soirées des Auberges_ 88 - - - PARIS.--IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1. - - - * * * * * - - - Corrections. - - Page 34: «à à» remplacé par «à» (s’était amusé à les tourner). - Page 43: «u» remplacé par «qu» (Il ne faut qu’un moment). - Page 74: «proptement» remplacé par «promptement» (Disoient sans - cesse aux miens: «Faisons-le promptement!»). - - - - - - - - -End of Project Gutenberg's L'occasion perdue recouverte, by Pierre Corneille - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE *** - -***** This file should be named 63174-0.txt or 63174-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/6/3/1/7/63174/ - -Produced by Laurent Vogel, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - -Title: L'occasion perdue recouverte - -Author: Pierre Corneille - -Editor: Paul Lacroix - -Release Date: September 10, 2020 [EBook #63174] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE *** - - - - -Produced by Laurent Vogel, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - - - - - - -</pre> - - -<hr class="full" /> - -<p class="ssrf nobreak"><a href="#note">Au lecteur</a></p> - -<p class="ssrf"><a href="#toc">Table des matières</a></p> - -<div class="figcenter screenonly" style="margin: 3em auto;"> - <img src="images/couverture.jpg" alt="" title="" width="450" height="600" /> - <p class="cent cs6 ssrf">L’image de couverture a été réalisée pour cette édition - électronique.<br />Elle appartient au domaine public.</p> -</div> - -<div class="chptr"> - -<p id="Page_1" class="cent lh3"><span class="cs20">L’OCCASION PERDUE</span><br /> -<span class="cs15">RECOUVERTE</span></p> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<p class="cent cs8 lh2">TIRÉ A 320 EXEMPLAIRES, TOUS NUMÉROTÉS, ET SUR<br /> -PAPIER VERGÉ:<br /> -250 FORMAT PETIT IN-12, ET 70 FORMAT IN-8<sup>o</sup>.</p> - -<hr style="margin: 3em 45% 0.6em 45%;" /> - -<p class="cent"><i>N<sup>o</sup> 28</i></p> - -<hr style="margin: 0.6em 45% 3em 45%;" /> - -<hr style="margin: 5em 30% 0 30%;" /> - -<p class="cent cs8">PARIS.—IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.</p> - -</div> - -<div class="chptr" style="margin: 6em auto; padding: 2em; border: solid 2px #666; - max-width: 24em;"> - -<h1>L’OCCASION PERDUE<br /> -<span class="cs8">RECOUVERTE</span></h1> - -<p class="cent cs12 esp sepb2">PAR PIERRE CORNEILLE</p> - -<p class="cent cs8"><b>NOUVELLE ÉDITION</b></p> - -<p class="sep1 cent cs8 lh1">ACCOMPAGNÉE DE NOTES ET DE COMMENTAIRES<br /> -AVEC LES SOURCES ET LES IMITATIONS QUI ONT ÉTÉ FAITES<br /> -DE CE POEME CÉLÈBRE<br /> -NON RECUEILLI DANS LES ŒUVRES DE L’AUTEUR.</p> - -<hr style="margin: 3em 30%;" /> - -<p class="cent cs12">PARIS</p> - -<p class="cent">CHEZ JULES GAY, ÉDITEUR<br /> -<span class="cs6">QUAI DES AUGUSTINS, 41</span></p> - -<hr style="margin: 0.8em 48%;" /> - -<p class="cent">1862</p> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<h2><span class="pagenum" id="Page_5">[p. 5]</span> -L’OCCASION PERDUE<br /> -<span class="cs8">RECOUVERTE</span></h2> - -<hr style="margin: 3em auto;" /> - -<h3 id="sub1_1">STANCES<a name="FNanchor_1" id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a></h3> - -<hr class="hr6" /> - -<div class="poem"> -<div class="snr">I</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Un jour, le malheureux Lisandre,</div> - <div class="vers8">Poussé d’un amour indiscret,</div> - <div class="vers8">Attaquoit Cloris en secret,</div> - <div class="vers8">Qui ne pouvoit plus se défendre.</div> - <div class="vers8">Tout favorisoit son amour:</div> - <div class="vers8">L’astre qui nous donne le jour</div> - <div class="vers8">Alloit porter ses feux dans l’onde,</div> - <div class="vers8">Et cet ennemy de Cypris</div> - <div class="vers8">Ne laissoit de lumière au monde</div> - <div class="vers8">Que dans les beaux yeux de Cloris.</div> -</div> - -<div class="snr"><span class="pagenum" id="Page_6">[p. 6]</span> -II</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Avec un amoureux silence,</div> - <div class="vers8">Dans un secret appartement,</div> - <div class="vers8">Elle supporte doucement</div> - <div class="vers8">Son amour et sa violence;</div> - <div class="vers8">Ses bras qu’elle veut avancer</div> - <div class="vers8">Ne servent à le repousser,</div> - <div class="vers8">Que pour l’attirer davantage;</div> - <div class="vers8">Elle le souffre à ses genoux,</div> - <div class="vers8">Et n’a pas presque le courage</div> - <div class="vers8">De luy dire: «Que faites-vous?»</div> -</div> - -<div class="snr">III</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Avec un œil doux et sévère</div> - <div class="vers8">Elle envisage son amant,</div> - <div class="vers8">Et luy montre confusément</div> - <div class="vers8">De l’amour et de la colère.</div> - <div class="vers8">«Lysandre, dit-elle tout bas,</div> - <div class="vers8">Je crieray, car ne pensez pas</div> - <div class="vers8">Que je contente vostre envie;</div> - <div class="vers8">Cessez d’attaquer mon honneur,</div> - <div class="vers8">Ou commencez d’avoir ma vie,</div> - <div class="vers8">Comme vous avez eu mon cœur!»</div> -</div> - -<div class="snr">IV</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Mais Lisandre, aussi peu timide</div> - <div class="vers8">Qu’il estoit beaucoup amoureux,</div> - <div class="vers8">Imprime l’ardeur de ses feux</div> - <div class="vers8">Sur les bords de sa bouche humide,</div> - <div class="vers8">Et glisse sa brûlante main</div> - <div class="vers8">Sur la neige de son blanc sein,</div> - <div class="vers8">Dont il prétend fondre la glace,</div> - <div class="vers8">Et, la tenant entre ses bras,</div> - <div class="vers8">Il ose élever son audace</div> - <div class="vers8">Sur un lieu plus saint et plus bas.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_7">[p. 7]</span> -<div class="snr">V</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Là, sans respect et sans relâche,</div> - <div class="vers8">Il cherche l’objet de ses vœux,</div> - <div class="vers8">Et trouve ce lieu bien-heureux</div> - <div class="vers8">Sous le cotillon qui le cache;</div> - <div class="vers8">De ses doigts tremblans et hardis</div> - <div class="vers8">Il prend le sombre paradis</div> - <div class="vers8">Qui donne l’enfer à nos âmes,</div> - <div class="vers8">Ce throsne vivant de l’amour,</div> - <div class="vers8">Où, parmy les feux et les flammes,</div> - <div class="vers8">L’on n’a jamais trouvé le jour.</div> -</div> - -<div class="snr">VI</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Attachez bouche contre bouche,</div> - <div class="vers8">L’un et l’autre estroitement pris,</div> - <div class="vers8">Il esbranla si bien Cloris,</div> - <div class="vers8">Qu’il la jetta sur une couche,</div> - <div class="vers8">Lorsqu’avecque des yeux roulans,</div> - <div class="vers8">Demy-vifs et demy-mourans.</div> - <div class="vers8">Elle feignit d’estre pasmée,</div> - <div class="vers8">Et, dans un si prompt changement,</div> - <div class="vers8">Ne parut plus estre animée</div> - <div class="vers8">Que par des soûpirs seulement.</div> -</div> - -<div class="snr">VII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">A voir sa gorge toute nuë,</div> - <div class="vers8">Son corps tout du long estendu,</div> - <div class="vers8">L’on sçait bien qu’elle avoit perdu</div> - <div class="vers8">Sa pudeur et sa retenuë;</div> - <div class="vers8">Que sa constance estoit à bout,</div> - <div class="vers8">Que son Lisandre pouvoit tout,</div> - <div class="vers8">Qu’elle se fust laissé tout faire;</div> - <div class="vers8">Mais, par un accident fascheux,</div> - <div class="vers8">Que je dis et qui se doit taire,</div> - <div class="vers8">Il ne se passa rien entr’eux.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_8">[p. 8]</span> -<div class="snr">VIII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Près de gouster mille délices,</div> - <div class="vers8">Ce triste et mal-heureux amant</div> - <div class="vers8">Vid changer son contentement</div> - <div class="vers8">En de très-rigoureux supplices:</div> - <div class="vers8">Il estoit couché sur Cloris,</div> - <div class="vers8">Lorsqu’il demeura tout surpris</div> - <div class="vers8">D’une infortune sans seconde,</div> - <div class="vers8">Et, pour comble de son ennuy,</div> - <div class="vers8">Ce qui donne la vie au monde</div> - <div class="vers8">Demeura mort et froid en luy.</div> -</div> - -<div class="snr">IX</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Ce directeur de la nature,</div> - <div class="vers8">Ce principe du mouvement,</div> - <div class="vers8">Immobile et sans sentiment,</div> - <div class="vers8">Perd sa vigueur et sa figure;</div> - <div class="vers8">Lisandre a beau se tourmenter,</div> - <div class="vers8">Il a beau le solliciter</div> - <div class="vers8">Et luy préparer des amorces,</div> - <div class="vers8">Ce lasche qu’il excite en vain,</div> - <div class="vers8">Au lieu de reprendre ses forces,</div> - <div class="vers8">Pleure mollement sur sa main.</div> -</div> - -<div class="snr">X</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Dans cette cruelle adventure,</div> - <div class="vers8">Triste, désespéré, confus,</div> - <div class="vers8">Le pauvre amant ne songe plus</div> - <div class="vers8">Qu’à renoncer à sa nature.</div> - <div class="vers8">Dans sa furie et ses transports,</div> - <div class="vers8">Craignant que, malgré ses efforts,</div> - <div class="vers8">On ne l’accuse d’impuissance,</div> - <div class="vers8">Appelle d’un air languissant</div> - <div class="vers8">Des témoins de son innocence</div> - <div class="vers8">Sur le crime auquel il consent.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_9">[p. 9]</span> -<div class="snr">XI</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Cependant Cloris, revenuë</div> - <div class="vers8">De ce feint assoupissement,</div> - <div class="vers8">Porte les deux mains promptement</div> - <div class="vers8">Dessus sa cuisse toute nuë.</div> - <div class="vers8">Là, par dessein ou par hazard,</div> - <div class="vers8">Elle empoigna ce dieu camard,</div> - <div class="vers8">Second Priape de la Fable;</div> - <div class="vers8">Mais, le sentant froid et rampant,</div> - <div class="vers8">Elle pense que c’est un diable</div> - <div class="vers8">Sous la figure d’un serpent.</div> -</div> - -<div class="snr">XII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Jamais une jeune bergère</div> - <div class="vers8">Ne retira si promptement</div> - <div class="vers8">Sa main qui trouve innocemment</div> - <div class="vers8">Un aspic dessous la fougère.</div> - <div class="vers8">Que fit Cloris sa belle main</div> - <div class="vers8">De dessus ce membre trop vain</div> - <div class="vers8">Qu’elle toucha dessous sa robe,</div> - <div class="vers8">Lorsqu’avec un juste dépit</div> - <div class="vers8">Elle se lève et se dérobe</div> - <div class="vers8">Des bras de Lisandre et du lit.</div> -</div> - -<div class="snr">XIII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Dans la colère qui l’emporte</div> - <div class="vers8">Elle pousse ce pauvre amant.</div> - <div class="vers8">Et sans l’écouter seulement,</div> - <div class="vers8">Se dispose à gagner la porte,</div> - <div class="vers8">Lorsque Lisandre, à ses genoux,</div> - <div class="vers8">Luy dit: «Cloris, que faites-vous?</div> - <div class="vers8">Tout du moins escoutez mes plaintes.</div> - <div class="vers8">Et regardez dans mon malheur</div> - <div class="vers8">Toutes les plus vives atteintes</div> - <div class="vers8">De l’amour et de la douleur.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_10">[p. 10]</span> -<div class="snr">XIV</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Ma chère Cloris, je vous aime</div> - <div class="vers8">Plus que les délices des cieux,</div> - <div class="vers8">Plus que les hommes et les dieux,</div> - <div class="vers8">Et mille fois plus que moy-mesme;</div> - <div class="vers8">Je brusle d’une vive ardeur,</div> - <div class="vers8">Et cette nouvelle froideur</div> - <div class="vers8">Ne vous doit pas sembler estrange:</div> - <div class="vers8">Je sçay bien comme il faut aimer;</div> - <div class="vers8">Mais, pour m’oster des bras d’un ange,</div> - <div class="vers8">Un diable est venu me charmer.</div> -</div> - -<div class="snr">XV</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Quelque ennemy de la Nature</div> - <div class="vers8">Trouble mes sens et ma raison,</div> - <div class="vers8">Et de son funeste poison</div> - <div class="vers8">Souille une flamme toute pure;</div> - <div class="vers8">Peut-estre sont-ce aussi les dieux</div> - <div class="vers8">Qui, se voyans moins glorieux,</div> - <div class="vers8">M’ont voulu rendre misérable:</div> - <div class="vers8">Mais, que dis-je? ils sont innocens;</div> - <div class="vers8">Cloris, elle seule, est coupable.</div> - <div class="vers8">Elle seule a charmé mes sens.</div> -</div> - -<div class="snr">XVI</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«C’est sa beauté qui, dans mon âme,</div> - <div class="vers8">A joint le respect à l’amour;</div> - <div class="vers8">C’est son œil plus beau que le jour</div> - <div class="vers8">Qui fait croistre et mourir ma flamme;</div> - <div class="vers8">Heureux dans ma captivité,</div> - <div class="vers8">Je n’osois avec liberté</div> - <div class="vers8">Jouir d’une grâce imprévuë.</div> - <div class="vers8">Et de tous mes sens transportez</div> - <div class="vers8">Je n’ay réservé que la veuë</div> - <div class="vers8">Pour admirer tant de beautez.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_11">[p. 11]</span> -<div class="snr">XVII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Quoy qu’il en soit, mon adorable,</div> - <div class="vers8">Avant que vous quittiez ces lieux</div> - <div class="vers8">Souffrez que je perce à vos yeux</div> - <div class="vers8">Un cœur fidèle et misérable,</div> - <div class="vers8">Afin que j’expie en mourant</div> - <div class="vers8">Un crime si noir et si grand,</div> - <div class="vers8">Qu’il choque la Nature mesme,</div> - <div class="vers8">Et que, pour venger vos appas,</div> - <div class="vers8">Ma mort vous tesmoigne que j’aime,</div> - <div class="vers8">Puisque ma vie ne le fait pas.»</div> -</div> - -<div class="snr">XVIII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Il alloit parler davantage</div> - <div class="vers8">Pour exprimer son désespoir,</div> - <div class="vers8">Et peut-estre qu’il eût fait voir</div> - <div class="vers8">Des sanglans effets de sa rage,</div> - <div class="vers8">Lorsque, l’arrestant par le bras,</div> - <div class="vers8">Cloris luy dit: «Ne parlez pas!</div> - <div class="vers8">J’entends quelqu’un qui se promène,</div> - <div class="vers8">Et je vois avecque grand bruit</div> - <div class="vers8">Resplendir la chambre prochaine</div> - <div class="vers8">De la lumière de la nuit!»</div> -</div> - -<div class="snr">XIX</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Soudain une voix entenduë</div> - <div class="vers8">Redoubla son estonnement,</div> - <div class="vers8">Et luy fit dire promptement:</div> - <div class="vers8">«Cher Lisandre, je suis perduë!</div> - <div class="vers8">Ha! cessez de me retenir;</div> - <div class="vers8">C’est mon mary qui va venir!</div> - <div class="vers8">Je l’entends, il est à la porte;</div> - <div class="vers8">Il faut toujours craindre un jaloux.</div> - <div class="vers8">Et, vous, dont la vigueur est morte,</div> - <div class="vers8">Comment luy résisterez-vous?»</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_12">[p. 12]</span> -<div class="snr">XX</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Lors cette belle, transportée</div> - <div class="vers8">D’amour, de crainte et de soucy,</div> - <div class="vers8">Mena nostre amoureux transi</div> - <div class="vers8">Près d’une fenestre escartée,</div> - <div class="vers8">Et, sans beaucoup de compliment,</div> - <div class="vers8">Il se glissa légèrement</div> - <div class="vers8">Et descendit dedans la ruë,</div> - <div class="vers8">Où, pressé d’un mortel ennuy,</div> - <div class="vers8">Il fit longtemps le pied de gruë,</div> - <div class="vers8">Et puis se retira chez luy.</div> -</div> - -<div class="snr">XXI</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Frappé de la funeste envie</div> - <div class="vers8">Qui fait la honte et le remords.</div> - <div class="vers8">Il souffrit mille fois la mort</div> - <div class="vers8">Du dernier malheur de sa vie.</div> - <div class="vers8">Quoy qu’alors les jours fussent grands,</div> - <div class="vers8">Cette nuit luy dura mille ans;</div> - <div class="vers8">Il ne pust fermer la paupière;</div> - <div class="vers8">Sur le poinct du jour seulement,</div> - <div class="vers8">Honteux de revoir la lumière,</div> - <div class="vers8">Il les ferma pour un moment.</div> -</div> - -<div class="snr">XXII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Le Soleil, qui chasse les ombres</div> - <div class="vers8">Et l’espouvantement des nuits,</div> - <div class="vers8">Loin de dissiper ses ennuis,</div> - <div class="vers8">Les rendit plus noirs et plus sombres;</div> - <div class="vers8">Quand il vit ce père du jour,</div> - <div class="vers8">Il crut, par un excez d’amour,</div> - <div class="vers8">Voir de Cloris la vive image;</div> - <div class="vers8">Mais il connut dans un moment,</div> - <div class="vers8">Comme Ixion dans un nuage,</div> - <div class="vers8">Que son amour n’estoit que vent.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_13">[p. 13]</span> -<div class="snr">XXIII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Après mille secrettes gesnes,</div> - <div class="vers8">Cet amant, par un digne effort,</div> - <div class="vers8">Résolut de chercher la mort</div> - <div class="vers8">Ou bien le remède à ses peines.</div> - <div class="vers8">«Ha! je ne crains plus mon malheur!</div> - <div class="vers8">Je mourray, dit-il, de douleur,</div> - <div class="vers8">Ou je répareray ma gloire;</div> - <div class="vers8">Et, quoy qu’il en soit, dans ce jour,</div> - <div class="vers8">Je remporteray la victoire</div> - <div class="vers8">De la mort ou bien de l’amour.»</div> -</div> - -<div class="snr">XXIV</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Le bouillant désir qui le presse</div> - <div class="vers8">Fait que d’abord après disner</div> - <div class="vers8">Il sort et se va promener</div> - <div class="vers8">Près le logis de sa maistresse;</div> - <div class="vers8">A peine y fut-il un moment,</div> - <div class="vers8">Qu’il en vit sortir Dorimant,</div> - <div class="vers8">Le vieil mary de cette belle.</div> - <div class="vers8">Et, se glissant dans la maison,</div> - <div class="vers8">Il alla chercher auprès d’elle</div> - <div class="vers8">Ou sa mort ou sa guérison.</div> -</div> - -<div class="snr">XXV</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Par une secrette avenuë,</div> - <div class="vers8">Il fut dans son appartement,</div> - <div class="vers8">Et la trouva nonchalamment</div> - <div class="vers8">Dormant sur son lit estenduë:</div> - <div class="vers8">Mais, dieux! que devint-il alors?</div> - <div class="vers8">En approchant de ce beau corps,</div> - <div class="vers8">Il eut des mouvemens estranges.</div> - <div class="vers8">Lorsqu’une cuisse à descouvert</div> - <div class="vers8">Luy fit voir le bon-heur des Anges</div> - <div class="vers8">Et le ciel de l’Amour ouvert.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_14">[p. 14]</span> -<div class="snr">XXVI</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Dans cette agréable surprise</div> - <div class="vers8">Où Cloris n’avoit pas songé,</div> - <div class="vers8">Elle avoit assez mal rangé</div> - <div class="vers8">Son cotillon et sa chemise;</div> - <div class="vers8">Lisandre aussi, trop curieux,</div> - <div class="vers8">Vid lors les délices des dieux,</div> - <div class="vers8">La peine et le plaisir des hommes,</div> - <div class="vers8">Nostre tombe et nostre berceau.</div> - <div class="vers8">Ce qui nous fait ce que nous sommes</div> - <div class="vers8">Et ce qui nous brusle dans l’eau.</div> -</div> - -<div class="snr">XXVII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Petit thrésor de la Nature,</div> - <div class="vers8">Estroite et charmante prison,</div> - <div class="vers8">Doux tyran de nostre raison,</div> - <div class="vers8">Fixe et mouvante sépulture,</div> - <div class="vers8">Autel que l’on sert à genoux.</div> - <div class="vers8">Dont l’offrande est le sang de tous.</div> - <div class="vers8">Sangsuë avide et libérale,</div> - <div class="vers8">Roy de la honte et de l’honneur,</div> - <div class="vers8">Permettez que ma plume estale</div> - <div class="vers8">Ce que Lisandre eut de bon-heur.</div> -</div> - -<div class="snr">XXVIII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Beau composé, belle partie,</div> - <div class="vers8">Je sçay bien que, lorsqu’il vous vit,</div> - <div class="vers8">Il n’observa dessus ce lit</div> - <div class="vers8">Ny l’honneur ny la modestie;</div> - <div class="vers8">Mais d’amour et de charité</div> - <div class="vers8">Il couvrit vostre nudité,</div> - <div class="vers8">Pour faire évaporer sa flamme.</div> - <div class="vers8">Et savoura tous les plaisirs</div> - <div class="vers8">Que le corps fait sentir à l’âme</div> - <div class="vers8">Dans le transport de nos désirs.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_15">[p. 15]</span> -<div class="snr">XXIX</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Ce beau dédale qu’il contemple</div> - <div class="vers8">Avec des yeux estincelans</div> - <div class="vers8">Fait naistre et couler dans ses sens</div> - <div class="vers8">Une ardeur qui n’a point d’exemple.</div> - <div class="vers8">Le feu dont il se sent brusler</div> - <div class="vers8">Le consomme, et, pour se montrer,</div> - <div class="vers8">Gagne son cœur et son visage,</div> - <div class="vers8">Et ce lasche de l’autre jour,</div> - <div class="vers8">Se roidissant d’un fier courage,</div> - <div class="vers8">Escume le feu de l’amour.</div> -</div> - -<div class="snr">XXX</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Plein d’ardeur, d’audace et de joye</div> - <div class="vers8">De remporter un si beau prix,</div> - <div class="vers8">Le galand sauta sur Cloris,</div> - <div class="vers8">Comme un faucon dessus sa proye,</div> - <div class="vers8">Quand cette belle, ouvrant les yeux,</div> - <div class="vers8">Vid Lisandre, victorieux,</div> - <div class="vers8">Forçant ses défences secrettes,</div> - <div class="vers8">Et, la tenant par les deux bras,</div> - <div class="vers8">Entrer, bouffi de ses conquestes,</div> - <div class="vers8">En un lieu qu’on ne nomme pas.</div> -</div> - -<div class="snr">XXXI</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Tandis que Cloris se tourmente</div> - <div class="vers8">Par de doux et puissans efforts,</div> - <div class="vers8">Et qu’elle agite tout son corps,</div> - <div class="vers8">Pour sauver sa vertu mourante;</div> - <div class="vers8">Son heureux Lisandre aux abois</div> - <div class="vers8">Roule les yeux et perd la voix;</div> - <div class="vers8">L’amour fait escouler son âme.</div> - <div class="vers8">Elle est toute preste à partir;</div> - <div class="vers8">Il s’estend, il dort, il se pasme,</div> - <div class="vers8">Et ne sent rien, pour trop sentir.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_16">[p. 16]</span> -<div class="snr">XXXII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">D’abord que son âme ravie</div> - <div class="vers8">De l’excez d’un plaisir si grand</div> - <div class="vers8">Eut par un soupir tout brûlant</div> - <div class="vers8">Donné des signes de sa vie,</div> - <div class="vers8">Cloris avec sa belle main</div> - <div class="vers8">Osta la bouche de son sein</div> - <div class="vers8">Où son amant l’avoit collée,</div> - <div class="vers8">Et se deschargeant peu à peu,</div> - <div class="vers8">Honteuse de se voir moüillée,</div> - <div class="vers8">Essuya l’eau qui vient du feu.</div> -</div> - -<div class="snr">XXXIII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Après une colère feinte,</div> - <div class="vers8">De tout ce qui s’estoit passé,</div> - <div class="vers8">Un reste d’honneur offensé</div> - <div class="vers8">Fit ouvrir la bouche à la plainte:</div> - <div class="vers8">«Ha! dit-elle, c’est fait de moy;</div> - <div class="vers8">J’ay faussé l’honneur et la foy;</div> - <div class="vers8">Vous me perdez, cruel Lisandre!</div> - <div class="vers8">Faut-il que, malgré mon devoir,</div> - <div class="vers8">J’aye en un moment laissé prendre</div> - <div class="vers8">Ce qu’on ne peut jamais r’avoir!</div> -</div> - -<div class="snr">XXXIV</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Mais, si pour une faute extrême</div> - <div class="vers8">On peut trouver quelque couleur,</div> - <div class="vers8">Je puis dire dans mon malheur</div> - <div class="vers8">Que j’ay failly parce que j’aime.</div> - <div class="vers8">Amour, ce maistre impérieux</div> - <div class="vers8">Force les hommes et les dieux,</div> - <div class="vers8">Et brusle les poissons dans l’onde;</div> - <div class="vers8">Nul ne peut éviter ses coups,</div> - <div class="vers8">Et, puisque tout aime en ce monde,</div> - <div class="vers8">Je peux brusler d’amour pour vous.</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_17">[p. 17]</span> -<div class="snr">XXXV</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«C’est avec raison que mon âme</div> - <div class="vers8">Reçoit l’amour d’un favory;</div> - <div class="vers8">Ces noms de vieux et de mary</div> - <div class="vers8">Font l’horreur d’une jeune femme;</div> - <div class="vers8">Les maris, ces lasches tyrans,</div> - <div class="vers8">Ne se sont faits nos conquérans</div> - <div class="vers8">Que contre le droit de Nature,</div> - <div class="vers8">Et c’est en pratiquer la loy</div> - <div class="vers8">D’aller chercher la nourriture</div> - <div class="vers8">Que l’on ne trouve pas chez soy.</div> -</div> - -<div class="snr">XXXVI</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Mais ces hommes sont infidèles;</div> - <div class="vers8">Leur plus beau feu s’esteint en peu,</div> - <div class="vers8">Et de tout l’amour qu’ils ont eu</div> - <div class="vers8">Ils n’en réservent que les ailes;</div> - <div class="vers8">Esclaves de la liberté,</div> - <div class="vers8">Ils font voir leur légèreté</div> - <div class="vers8">Dans leur geste ou dans leur langage,</div> - <div class="vers8">Et, pour un plaisir indiscret,</div> - <div class="vers8">Ces oiseaux, sortans de la cage,</div> - <div class="vers8">Vont conter tout ce qu’ils ont fait.</div> -</div> - -<div class="snr">XXXVII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Trop juste et trop aimé Lisandre,</div> - <div class="vers8">S’il en estoit ainsi de vous,</div> - <div class="vers8">Je percerois de mille coups</div> - <div class="vers8">Ce cœur qui s’est laissé surprendre;</div> - <div class="vers8">J’ay tout perdu pour vous gagner:</div> - <div class="vers8">Voudriez-vous, pour me ruiner,</div> - <div class="vers8">Éventer mes secrettes flammes,</div> - <div class="vers8">Et tireriez-vous vanité</div> - <div class="vers8">De la foiblesse d’une femme</div> - <div class="vers8">Et de vostre légèreté?»</div> -</div> - -<span class="pagenum" id="Page_18">[p. 18]</span> -<div class="snr">XXXVIII</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Ha! que plustost la mort m’advienne!»</div> - <div class="vers8">Cria Lisandre à ce discours,</div> - <div class="vers8">Dont, pour interrompre le cours,</div> - <div class="vers8">Il mit sa bouche sur la sienne;</div> - <div class="vers8">L’eslevant de terre il la prit</div> - <div class="vers8">Et la coucha dessus le lit,</div> - <div class="vers8">Où je ne sçay pas ce qu’ils firent;</div> - <div class="vers8">Je crois bien qu’ils firent cela,</div> - <div class="vers8">Puisque les Amours qui les virent</div> - <div class="vers8">M’ont dit que le lit en bransla.</div> -</div> - -<div class="snr">XXXIX</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Ce fut alors qu’ils se pasmèrent</div> - <div class="vers8">De l’excez des contentemens;</div> - <div class="vers8">Que cinq ou six fois ces amans</div> - <div class="vers8">Moururent et ressuscitèrent;</div> - <div class="vers8">Que bouche à bouche et corps à corps,</div> - <div class="vers8">Tantost vivans et tantost morts,</div> - <div class="vers8">Leurs belles âmes se baisèrent,</div> - <div class="vers8">Et que, par d’agréables coups,</div> - <div class="vers8">Entr’eux ils se communiquèrent</div> - <div class="vers8">Tout ce que l’amour a de doux.</div> -</div> - -<div class="snr">XL</div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Muse, n’eschauffez plus ma veine;</div> - <div class="vers8">De grâce, arrestez-vous un peu,</div> - <div class="vers8">Ou m’inspirez un autre feu</div> - <div class="vers8">Que celuy de vostre fontaine.</div> - <div class="vers8">Je ne sçay quoy dedans mon cœur</div> - <div class="vers8">Se glisse avec tant de douceur,</div> - <div class="vers8">Que je suis forcé de me rendre:</div> - <div class="vers8">Ha! Cloris, quand je m’en souviens,</div> - <div class="vers8">Je m’imagine estre Lisandre,</div> - <div class="vers8">Et me semble que je vous tiens.</div> -</div> -</div> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<h2 id="Page_19">VARIANTES<br /> -<span class="cs5">D’APRÈS LES</span><br /> -<span class="cs7"><i>POÉSIES NOUVELLES ET AUTRES ŒUVRES GALANTES -DU SIEUR DE C...</i></span></h2> - -<p class="cent cs8">(PARIS, THÉODORE GIRARD, 1662, IN-12).</p> - -<hr class="hr20" /> - -<p>Strophe <em>III</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Je va crier! Ne pensez pas...</div> -</div> - -<p>Strophe <em>V</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Dessous la jupe qui le cache...</div> - <div class="vers">Il prend ce sombre paradis...</div> - <div class="vers">L’on n’a jamais trouvé de jour.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>VII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Et qu’elle l’eût laissé tout faire.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>VIII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Et que pour le combler d’ennui.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>IX</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Pleure mollement dans sa main.</div> -</div> - -<p>La strophe <em>X</em> manque.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_20">[p. 20]</span> -Strophe <em>XI</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Ce chaud Priape de la Fable;</div> - <div class="vers">Mais, le trouvant froid et rampant,</div> - <div class="vers">Elle crut que c’étoit un diable...</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">De sur ce membre lâche et vain</div> - <div class="vers">Qu’elle sentit dessous sa robe...</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XIII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Elle repousse son amant.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XIV</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Parmi tant d’amour et d’ardeur,</div> - <div class="vers">Cette apparence de froideur...</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XV</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Cloris toute seule est coupable.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XVII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Si ma vie ne le fait pas.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XVIII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Et quelle vit avec grand bruit</div> - <div class="vers">Porter dans la chambre prochaine</div> - <div class="vers">Les sombres flambeaux de la nuit.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XIX</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Comment lui résisteriez-vous?</div> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_21">[p. 21]</span> -Strophe <em>XX</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Il se guinda légèrement</div> - <div class="vers">Et se laissa choir dans la rue,</div> - <div class="vers">D’où, pressé d’un mortel ennui</div> - <div class="vers">Et de la honte qui le tue,</div> - <div class="vers">Enfin il s’en alla chez lui.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXI</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Poussé de la funeste envie</div> - <div class="vers">Que fait la honte et le remords,</div> - <div class="vers">Il souffrit plus de mille morts...</div> - <div class="vers">Il la ferma languissamment.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Comme Ixion sur le nuage.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXIII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">De la mort ou bien de l’amour.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXIV</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Le brûlant désir qui le presse</div> - <div class="vers">Fait qu’après un léger repas</div> - <div class="vers">Il sort, il adresse ses pas</div> - <div class="vers">Vers le logis de sa maîtresse...</div> - <div class="vers">Et se glissant dans sa maison...</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXV</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Qu’en approchant de ce beau corps</div> - <div class="vers">Il eut de mouvemens étranges!</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXVI</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Et ses jupes et sa chemise.</div> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_22">[p. 22]</span> -Les deux strophes suivantes ne se trouvent pas -dans le texte que nous avons choisi comme l’original.</p> - -<div class="poem"> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Aimant de la Nature humaine,</div> - <div class="vers">Bijou chatouilleux et cuisant,</div> - <div class="vers">Précipice affreux et plaisant,</div> - <div class="vers">Cruel repos, aimable peine.</div> - <div class="vers">Remède et poison de l’amour,</div> - <div class="vers">Bûcher ardent, humide four</div> - <div class="vers">Où les hommes se doivent cuire,</div> - <div class="vers">Jardin d’épines et de fleurs,</div> - <div class="vers">Sombre fanal qui fait reluire</div> - <div class="vers">Nos fortunes et nos malheurs;</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Nid branlant qui nous sers de mue,</div> - <div class="vers">Asile où l’on est en danger,</div> - <div class="vers">Raccoursi qui fais allonger</div> - <div class="vers">La chose la moins étendue.</div> - <div class="vers">Fort qui se donne et qui se prend.</div> - <div class="vers">Œil couvert qui ris en pleurant,</div> - <div class="vers">Bel or, beau corail, belle ivoire.</div> - <div class="vers">Doux canal de vie et de mort</div> - <div class="vers">Où, pour acquérir de la gloire.</div> - <div class="vers">L’on fait naufrage dans le port.</div> -</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXVII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Vivifiante sépulture.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXVIII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Mû d’amour et de charité.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXIX</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Ce feu qui consume son cœur</div> - <div class="vers">Porte partout sa vive ardeur,</div> - <div class="vers">Éclate enfin sur son visage.</div> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_23">[p. 23]</span> -Strophe <em>XXX</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Forcer les défenses secrètes...</div> - <div class="vers">Entrer, tout fier de ses conquêtes...</div> -</div> - -<p>La strophe <em>XXXII</em> manque tout entière.</p> - -<p>Strophe <em>XXXIII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Porta Cloris à cette plainte.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXXIV</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Brûle jusqu’aux poissons dans l’onde...</div> - <div class="vers">Je ne veux rien aimer que vous.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXXVI</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Mais les hommes sont infidèles,</div> - <div class="vers">Ils n’aiment jamais plus d’un jour,</div> - <div class="vers">Et souvent de tout leur amour</div> - <div class="vers">Ils ne retiennent que les ailes...</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXXVIII</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Mais secrètement l’on m’a dit</div> - <div class="vers">Que tous les Amours qui les virent</div> - <div class="vers">Sourioient de ce qui s’y fit.</div> -</div> - -<p>Strophe <em>XXXIX</em>.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Et que plusieurs fois ces amants...</div> - <div class="vers">Leurs beaux corps se communiquèrent...</div> -</div> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<h2 id="Page_25"><span class="cs8">DOCUMENTS ET DISSERTATIONS</span><br /> -<span class="cs5">SUR</span><br /> -<i>L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE</i></h2> - -<hr class="hr30" /> - -<h3 id="sub2_1">EXTRAIT</h3> - -<p class="hang">Du <i>Carpenteriana, ou Recueil des pensées historiques, -critiques, morales, et de bons mots de M. Charpentier, -de l’Académie françoise</i> (publié par Boscheron). -Paris, J. Fr. Morisset, 1724, in-8, p. 284.</p> - -<p class="sep1">M. Corneille l’aîné est auteur de la pièce intitulée: -<i>L’Occasion perdue et recouvrée</i>. Cette pièce -étant parvenue jusqu’à M. le chancelier Séguier, -il envoya chercher M. Corneille et lui dit que -cette pièce ayant porté scandale dans le public et -lui ayant acquis la réputation d’un homme débauché, -il falloit qu’il lui fît connoître que cela -n’étoit pas, en venant à confesse avec lui; il l’avertit -du jour. M. Corneille ne pouvant refuser cette -satisfaction au chancelier, il fut à confesse avec -lui, au P. Paulin, petit père de Nazareth, en faveur -duquel M. Séguier s’est rendu fondateur du couvent -de Nazareth. M. Corneille s’étant confessé au -<span class="pagenum" id="Page_26">[p. 26]</span> -révérend père d’avoir fait des vers lubriques, il lui -ordonna, par forme de pénitence, de traduire en -vers le premier livre de l’<i>Imitation de J. C.</i>; ce -qu’il fit. Ce premier livre fut trouvé si beau, que -M. Corneille m’a dit qu’il avoit été réimprimé jusqu’à -trente-deux fois. La reine, après l’avoir lu, pria -M. Corneille de lui traduire le second; et nous devons -à une grosse maladie dont il fut attaqué, la -traduction du troisième livre, qu’il fit après s’en -être heureusement tiré.</p> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub2_2">EXTRAIT</h3> - -<p class="hang">Des <i>Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts</i>. -Trévoux, décemb. 1724, p. in-12, p. 2272-76.</p> - -<p class="sep1">Le <i>Carpenteriana</i>, en attaquant la mémoire du -grand Corneille, a réveillé le zèle et l’équité de -plusieurs personnes qui ne peuvent, sans horreur, -voir déchirer la réputation des morts, par des faits -dont il n’a été fait nulle mention pendant leur vie. -Voici un Mémoire qui vengera M. Corneille et satisfera -les gens équitables; il vient d’un homme -de lettres fort estimé d’un grand prince.</p> - -<p>Dans le <i>Carpenteriana</i>, il s’est glissé trois faussetés -criantes, à l’article où il est parlé du grand -Corneille: 1<sup>o</sup> on lui attribue une pièce infâme, -intitulée: <i>l’Occasion perdue recouverte</i>; 2<sup>o</sup> on -prétend que le feu chancelier Séguier, après lui -avoir parlé très-fortement au sujet de cette pièce, -sans lui donner le temps de se reconnaître, -<span class="pagenum" id="Page_27">[p. 27]</span> -l’amena aux Petits-Pères et l’obligea de se confesser -à son confesseur (de lui, chancelier); 3<sup>o</sup> on veut -que ce confesseur lui ait imposé pour pénitence -de traduire l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i> en vers. -Autant de mots, autant de faussetés: 1<sup>o</sup> <i>L’Occasion -perdue recouverte</i> ne fut jamais du grand -Corneille: elle est d’un M. de Cantenac, poëte -de cour, dont les œuvres, qui font un petit in-12, -furent imprimées en 1661 et encore en 1665, chez -Théodore Girard, marchand libraire à la grand’salle -du Palais; elles sont divisées en trois parties: -la première contient les Poésies nouvelles et galantes; -la seconde, les Poésies morales et chrétiennes; -la troisième, les Lettres choisies, galantes -du sieur de Cantenac. Cela faisoit un recueil assez -bizarre. C’est au bout des Poésies nouvelles et -galantes que se trouvoit cette scandaleuse pièce. -Dès qu’elle parut, M. le premier président de Lamoignon, -bien averti, envoya quérir Théodore -Girard, et lui ordonna d’ôter cette pièce de tous -les exemplaires qui lui restoient, et par bonheur -il lui en restoit la plus grande partie. Il fut obéi. -Théodore Girard aima mieux mécontenter l’auteur -et les acheteurs que de s’exposer au juste ressentiment -d’un premier président. Il échappa pourtant -quelques exemplaires de cette pièce, qui ne -parurent qu’après la mort de ce grand magistrat. -Et c’est un de ces exemplaires, relié au bout de la -seconde édition, que Théodore Girard me vendit -comme une chose rare et précieuse. Dans cette -seconde édition, la pièce fut entièrement supprimée, -sans qu’il restât même aucun vestige de la -suppression ou du retranchement. Au bas de la -<span class="pagenum" id="Page_28">[p. 28]</span> -dernière page de <i>l’Occasion perdue et recouverte</i>, -on voit imprimé: <i>Fin des Poésies nouvelles et galantes -du sieur de Cantenac</i>. Il est vrai que le -nom n’est pas tout au long et qu’il n’y a que: -<i>Fin des Poës. nouv. et gal. du Sr. de C.</i>, mais -Théodore Girard, qui étoit de mes amis et nullement -menteur, m’a plusieurs fois assuré que ce -C. signifioit le sieur de Cantenac, et il n’est pas -possible d’en douter. Il connoissoit bien l’auteur. -Il dit, dans un Avertissement au lecteur, que l’auteur -est son ami. L’auteur lui avoit cédé son privilége, -et ainsi il est clair qu’il le connoissoit, et -il n’avoit nul sujet de nommer le sieur de Cantenac -pour un autre. Mais si, outre ce témoignage donné -de vive voix par Théodore Girard, on veut une -preuve par écrit, on trouvera dans <i>le Livre des -libraires</i> le privilége pour les Œuvres du sieur de -Cantenac, enregistré le 30 septembre 1661 par -Dubray, syndic, et le nom du sieur de Cantenac s’y -trouvera tout au long, J’ai voulu mettre ce fait -hors de doute, et c’est pour cela que j’en ai rapporté -jusqu’aux moindres circonstances. Puisqu’il -est donc certain que ce n’est point M. de Corneille, -mais M. de Cantenac qui est l’auteur de <i>l’Occasion -perdue recouverte</i>, on voit ce qu’on a à en -penser des deux autres points, qui ne peuvent être -vrais, si le premier raconté dans le <i>Carpenteriana</i> -est faux. Outre que ces deux points ont leurs -marques de fausseté propres et indépendantes de -celle du premier point, c’est avec plaisir que je -fournis au public des armes contre les faux accusateurs -du grand Corneille.</p> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub2_3"><span class="pagenum" id="Page_29">[p. 29]</span> -EXTRAIT</h3> - -<p class="hang">Des <i>Mélanges historiques et philologiques</i>, par M. Michaud, -avocat au parlement de Dijon. Paris, N. Tilliard, -1754, 2 vol. in-12, tome I<sup>er</sup>, p. 47-72.</p> - -<p class="sep1 cent lh1"><span class="cs7">LETTRE SUR LE VÉRITABLE AUTEUR DU POËME INTITULÉ</span><br /> -<span class="cs8"><i>L’OCCASION PERDUE ET RECOUVRÉE</i>.</span></p> - -<p>Vous sçavés, Monsieur, que, dans le <i>Carpenteriana</i><a name="FNanchor_2" id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a>, -on attribuë à Pierre Corneille une pièce -qui a pour titre: <i>L’Occasion perduë et recouvrée</i>.</p> - -<p>«Cet ouvrage, dit-on, étant parvenu jusqu’à M. le -chancelier Séguier, il envoya chercher M. Corneille, -et l’avertit que ces vers ayant porté scandale -dans le public, et lui ayant acquis la réputation -d’un homme débauché, il falloit qu’il lui fit -connoître que cela n’étoit pas, en venant à confesse -avec lui: le jour fut indiqué. M. Corneille ne -pouvant refuser cette satisfaction au chancelier, -il fut à confesse avec lui au P. Paulin, petit-père -de Nazareth, en faveur duquel M. Séguier s’est -rendu fondateur du couvent de Nazareth. M. Corneille -s’étant confessé au R. P. d’avoir fait des vers -lubriques, il lui ordonna, par forme de pénitence, -de traduire en vers le premier livre de l’<i>Imitation -de Jésus-Christ</i>, ce qu’il fit. Ce premier livre fut -trouvé si beau, que M. Corneille m’a dit qu’il avoit -été réimprimé jusqu’à trente-deux fois<a name="FNanchor_3" id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>. La -<span class="pagenum" id="Page_30">[p. 30]</span> -reine, après l’avoir lu, pria M. Corneille de -lui traduire le second, et nous devons à une -grosse maladie dont il fut attaqué la traduction -du troisième livre, qu’il fit après s’en être heureusement -tiré.»</p> - -<p>Cette anecdote étoit trop injurieuse à la mémoire -du grand Corneille; aussi, vit-on bientôt paroître -un petit Mémoire qui tend à détruire absolument -ce qu’on fait dire à Charpentier. L’anonyme qui -venge Corneille<a name="FNanchor_4" id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a> de cette fausse imputation -nous apprend que l’<i>Occasion perduë-recouvrée</i> -est d’un certain <i>Cantenac</i>, poëte de cour, dont -les poësies furent imprimées en 1662 et 1665, -chez Théodore Girard<a name="FNanchor_5" id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>, marchand libraire, au -Palais. Dès que cette pièce scandaleuse qui faisoit -partie des œuvres de Cantenac vit le jour, «M. le -président de Lamoignon envoya quérir Théodore -Girard, et lui ordonna de l’ôter de tous les exemplaires -qui lui restoient; et par bonheur, il lui en -restoit la plus grande partie.»</p> - -<p>Il s’en échappa cependant quelques-uns, qui ne -parurent qu’après la mort de ce magistrat. Quant -à la seconde édition, cette pièce y fut omise entièrement.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_31">[p. 31]</span> -Ce qui peut avoir trompé quelques personnes -au sujet de ce poëme, c’est qu’on lit à la fin ces -mots: <i>Fin des poësies nouvelles et galantes du -sieur de C.</i>, et qu’elles ont cru que cette lettre initiale -signifioit Corneille; mais le nom de Cantenac, -mis tout au long dans le privilége, suffiroit pour -montrer qu’elles se trompent, quand on n’auroit -pas le témoignage du libraire, qui a plusieurs fois -assuré que l’ouvrage étoit du sieur de Cantenac.</p> - -<p>Les œuvres de Cantenac parurent d’abord en -1662; elles sont divisées en trois parties: 1<sup>o</sup> les -Poësies nouvelles et galantes; 2<sup>o</sup> les Poësies morales -et chrétiennes; 3<sup>o</sup> les Lettres choisies et galantes<a name="FNanchor_6" id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>. -Ce fut à la fin de la première partie, -après la 102<sup>e</sup> page, qu’on plaça <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>, -poëme composé de 40 stances. C’est -un cahier postiche de quatorze pages et dont -les chiffres ne se rapportent point au corps du recueil; -ce qui me fait croire que le libraire n’avoit -pas inséré cette pièce dans tous les exemplaires, -et qu’il ne la livroit qu’à ceux auxquels il croyoit -pouvoir se fier. Ma conjecture est appuyée par un -trait que rapporte le défenseur anonyme de Corneille. -Il dit que le libraire Théodore Girard lui -vendit un de ces exemplaires détachés, comme -une chose rare et précieuse, et qu’il le fit relier -à la fin de l’édition de 1665, où ces stances ont -été entièrement retranchées, quoiqu’il y ait des -augmentations considérables dans cette seconde -édition.</p> - -<p>Théodore Girard avoit bien senti que ce poëme -<span class="pagenum" id="Page_32">[p. 32]</span> -devoit révolter un grand nombre de lecteurs: -aussi, eut-il soin d’avertir<a name="FNanchor_7" id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a> qu’on l’avoit -glissé malgré lui dans le recueil qu’il publioit; -mais qu’un galant homme, ami de l’auteur, s’en -étant rendu le maître, l’avoit forcé de le mettre -au jour, et que Cantenac, l’ayant autrefois composé -pour se venger d’une dame qui l’avoit désobligé, -ne trouveroit pas mauvais lui-même qu’on rendît -sa vengeance publique: Théodore Girard dit enfin -qu’il a jugé à propos de se justifier à cet égard -pour se mettre à couvert du blâme et prévenir -les reproches qu’on pourroit lui en faire un jour.</p> - -<p>Voilà, Monsieur, une histoire détaillée dans -toutes ses circonstances, et qui paroît, je vous -l’avoue, assés vraisemblable au lecteur. Mais, après -tout, l’apologiste anonyme de Corneille pose un -fait que le lecteur peut encore révoquer en doute. -Je veux bien croire que c’est une personne digne -de foi, et même respectable dans la république -des lettres. Cependant n’est-on pas toujours en -droit de suspecter le témoignage d’un historien -caché, qui raconte un fait destitué de preuves et -d’autorités? D’ailleurs, on peut objecter que Charpentier -n’est pas le seul qui ait pris Corneille pour -l’auteur de <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i><a name="FNanchor_8" id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>, et -que plusieurs autres sçavans ont eu la même opinion. -Je sçais que M. de la Monnoye, ce fin et judicieux -critique, qui étoit le mieux au fait des -petites aventures du pays littéraire, écrivoit un -<span class="pagenum" id="Page_33">[p. 33]</span> -jour à M. l’abbé Papillon<a name="FNanchor_9" id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a> que l’auteur de cette -pièce étoit celui du <i>Cid</i>, des <i>Horaces</i>, de <i>Cinna</i>. -«Corneille eut beau tenir, dit-il, la chose secrette; -M. le chancelier Séguier, protecteur alors de l’Académie, -ayant sçû de qui estoient ces stances peu -édifiantes, qui couroient partout, en fit une douce -réprimande au poëte, et lui dit qu’il le vouloit -mener à confesse.» Le reste du conte ressemble -parfaitement au passage tiré du <i>Carpenteriana</i>. -Ainsi, Monsieur, vous voyés que ce bruit avoit pris -un air de vérité parmi les beaux-esprits et les -sçavans. Mais examinons sur quel fondement cette -opinion a pu s’établir.</p> - -<p>Quelque peu disposé que je sois à donner de -grands éloges au poëme de <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>, -j’avoue cependant que cette pièce comporte -du génie, du feu et de l’expression, et qu’on -y trouve quelques endroits assez bien tournés: il -n’en falloit pas moins pour que Corneille fût soupçonné -d’en être l’auteur. En effet, tout le monde -sçait qu’après avoir été multipliée par les copies -manuscrites qu’on en tira, elle fut réimprimée -dans plusieurs recueils, mais toujours dans ces -ramas d’ouvrages proscrits qui sortent furtivement -d’une presse inconnuë, et qui n’ont souvent -pour tout mérite que le papier et le caractère de -Pierre Marteau<a name="FNanchor_10" id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a>. Ces stances furent si généralement -<span class="pagenum" id="Page_34">[p. 34]</span> -recherchées, je dirais presque si fort estimées, -qu’on en fit plusieurs traductions en différentes -langues. J’en ai vu une latine, et l’on m’a -assuré que le savant Paul Dumay s’était amusé -<ins id="cor_1" title="à à">à</ins> les tourner en bourguignon. Ajoutés encore -qu’elles furent mises en chanson, et acquirent par -ce moyen une plus grande publicité.</p> - -<p>Ces stances ont donc été assés fameuses pour -être attribuées au grand Corneille: en effet, pouvoit-on -deviner que des vers dont on avoit été si -curieux, qu’on avoit lus et qu’on lisoit encore partout -avec tant de plaisir, fussent d’un certain -<i>Cantenac</i>, poëte presque absolument inconnu? On -eut bien plus tôt fait de les mettre sur le compte -du meilleur poëte du siècle dans lequel elles -avoient été composées, tant on est porté à faire -valoir la poésie libertine! Je m’imagine, mais je -ne sçais si on prendra ceci pour un paradoxe, que -le sujet de l’ouvrage en a fait toute la réputation, -et que les seuls traits lascifs de ce tableau l’ont -sauvé de l’oubli, où sont déjà tombés des ouvrages -sans doute beaucoup meilleurs. Quelques beautés, -quelques agrémens poëtiques qu’on suppose dans -cette pièce, il seroit ridicule d’avancer que la -fiction et les vers en font tout le mérite. Je suis -persuadé qu’il a paru dans le même temps des -petits poëmes aussi bien versifiés et d’une invention -plus riche, dont la mémoire s’est néanmoins -totalement perduë. Allons donc plus loin, et cherchons -la véritable raison pour laquelle <i>l’Occasion -<span class="pagenum" id="Page_35">[p. 35]</span> -perduë-recouvrée</i> fut si fort en vogue. Le dirai-je, -Monsieur, une catastrophe, singulière en son -espèce, embellie par les charmes d’une poésie -licentieuse, c’en fut assez pour mettre ces vers à -la mode, pour leur attirer des loüanges et leur -mériter une curieuse attention de la part du -public.</p> - -<p>Combien voyons-nous encore aujourd’hui d’ouvrages -qui ne réussissent que par les sujets -libres qu’on y traite, les expressions lascives qu’on -y emploie et les termes libertins dont on les -remplit! Toutefois, le mauvais goût et la corruption -du siècle ont mis en faveur ces fades et misérables -historiettes où triomphe la plus grossière -liberté, et quelquefois l’irréligion la plus marquée. -Ce qui a fait peut-être aussi présumer que Corneille -avoit composé ces stances, c’est l’art ingénieux -et l’élévation de sentiment qu’on trouve -dans les intrigues de ses poëmes dramatiques. La -grande idée qu’on s’étoit formée de <i>l’Occasion -perduë-recouvrée</i> a fait illusion et a fixé trop indiscrètement -le soupçon sur le grand Corneille; -mais avec quelque noblesse et quelque art que -Corneille ait traité l’amour, je ne vois pas qu’il -soit jamais échapé à sa plume aucun ouvrage où -règnent une liberté condamnable et un esprit de -débauche. «Son tempérament, dit M. de Fontenelle<a name="FNanchor_11" id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>, -le portoit assés à l’amour, mais jamais -au libertinage, et rarement aux grands attachemens.» -D’ailleurs, lorsque ces stances parurent, -<span class="pagenum" id="Page_36">[p. 36]</span> -Corneille avait cinquante-quatre ans et courait une -carrière trop belle pour s’être oublié jusqu’au -point de risquer sa réputation par des vers infâmes, -dignes de l’horreur des honnêtes gens, et -qui, selon moi, n’ont jamais mérité d’être si applaudis. -Mais si Corneille est véritablement auteur -de ces stances, pourquoi ne lui en a-t-on jamais -fait de reproches? L’envie et la satyre l’eussent-elles -épargné dans cette occasion? Il est bien -étonnant que pendant sa vie on ait tenu un profond -silence sur une production aussi scandaleuse, -et qu’on n’ait fait cette fable qu’après sa mort. Un -pareil fait, j’ose le dire, ne doit être cru que sur -des preuves démonstratives; il devient même suspect -et douteux, pour avoir seulement eu place -dans ces mémoires hasardés qui portent le titre -d’<i>Ana</i>.</p> - -<p>Je ne m’arrêterai pas ici à réfuter sérieusement -le sentiment de ceux qui prétendent que -Corneille traduisit l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i> -pour effacer le scandale qu’il avoit donné par les -stances de l’<i>Occasion perduë-recouvrée</i>. C’est un -mensonge grossièrement inventé qui ne mérite -pas qu’on emploie à le détruire une longue suite -de raisonnemens. Personne n’ignore que l’<i>Imitation</i> -traduite en vers françois parut plus de dix -ans avant <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>, puisque -Corneille publia le premier livre de ce bel ouvrage -en 1651, et que les œuvres de Cantenac, avec les -stances libertines, ne furent imprimées pour la -première fois qu’en 1662. Il s’ensuivroit donc que -la pénitence auroit précédé le péché, et que Corneille -auroit donné des marques autentiques de -<span class="pagenum" id="Page_37">[p. 37]</span> -son repentir pour une faute qu’il ne devoit commettre -que dix ans après.</p> - -<p>D’ailleurs, un grand poëte de nos jours, le fils -du fameux Racine, m’apprend<a name="FNanchor_12" id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a> le véritable -motif qui engagea Corneille à traduire l’<i>Imitation -de Jésus-Christ</i>:</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers8">Couronné par les mains d’Auguste et d’Émilie,</div> - <div class="vers8">A côté d’Akempis Corneille s’humilie.</div> -</div> - -<p>Rapportons ici la remarque que l’auteur a faite -sur ces deux vers. «Corneille, dit-il, paroît lui-même -avoir voulu s’humilier, puisqu’il dit au pape -dans son Épître dédicatoire: «La traduction que -j’ai choisie, par la simplicité de son style, ferme -la porte aux plus beaux ornemens de la poésie, -et bien loin d’augmenter ma réputation, semble -sacrifier à la gloire du souverain auteur tout ce -que j’en ai pu acquérir en ce genre d’écrire.» -Corneille, comme vous voyez, Monsieur, dit expressement -qu’il a choisi sa matière, et non pas que -ce sujet lui a été, par un confesseur, imposé pour -la rémission d’un péché public: si ce travail fut -difficile et pénible, c’est le poëte lui-même qui -s’y condamna; personne ne l’y avoit forcé: ses -propres termes marquent suffisamment la liberté -de son choix.</p> - -<p>Cependant, si l’on prétend que Corneille a voulu, -par cette traduction, réparer les licences d’une -muse profane, sans lui supposer un ouvrage aussi -pernicieux qu’est <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>, -<span class="pagenum" id="Page_38">[p. 38]</span> -n’étoit-ce donc pas assés pour lui de réfléchir -chrétiennement sur l’état brillant où il avoit mis -le théâtre français, pour s’en faire un sujet de pénitence -et s’imposer à lui-même le travail d’un -ouvrage édifiant? N’a-t-il pu s’occuper des louanges -de Dieu, qu’après avoir souillé sa lyre par des -chansons criminelles? Allons par des voies plus -simples, et n’attribuons qu’à la piété seule du -grand Corneille ce qu’on prend pour un effet de -son obéissance aux ordres d’un sage directeur -pour l’expiation d’un scandale public. Des Marets, -Thomas Ineslerus, Alexandre Sylvestre, du Quesnay -de Bois-Guibert, et tant d’autres poëtes qui -ont traduit l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i> en vers et -en différentes langues, étoient-ils des pécheurs -scandaleux, et les a-t-on soupçonnés d’avoir composé -les pièces libertines qui, de leur temps, -avoient paru sans nom d’auteur? C’est donc un -conte assés mal inventé, que tout ce qu’on a dit -de Corneille par rapport à <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>, -et il paroît certain au contraire que -Cantenac est auteur de cette pièce. J’espère que -quelques nouvelles réflexions que je vais faire à -ce sujet achèveront de vous convaincre de cette -vérité:</p> - -<p>1<sup>o</sup> Je me crois en état de prouver que Cantenac -étoit un poëte qui ne manquoit pas tout à fait -d’imagination, et qui quelquefois même tournoit -assés bien un vers. Il n’est donc pas impossible -qu’il soit l’auteur des stances qui se trouvent dans -le recueil de ses poësies.</p> - -<p>2<sup>o</sup> On reconnoît dans les œuvres de Cantenac -un poëte libertin, toujours échauffé des feux de -<span class="pagenum" id="Page_39">[p. 39]</span> -l’amour: par conséquent, il est plus juste de lui -attribuer le poëme de <i>l’Occasion perduë-recouvrée</i>, -qu’il a avoué, en quelque sorte, en permettant -qu’on le joignît à ses autres ouvrages, qu’au -grand Corneille, à qui, comme on l’a déjà remarqué, -on n’a osé prêter cette production licentieuse -qu’après sa mort, et encore dans un <i>Ana</i>.</p> - -<p>Cantenac florissoit dans un temps où les portraits -étoient fort à la mode<a name="FNanchor_13" id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>. Il eut bientôt le -pinceau à la main. Ramassons ici quelques traits -du tableau qu’il a tracé lui-même de ses mœurs, -de son esprit, de son goût, etc. Je pense que vous -y reconnoîtrés sans peine l’auteur de <i>l’Occasion -perduë-recouvrée</i>; du moins, je m’assure bien -que sa naïveté ne vous déplaira pas. Comme ce -poëte est un auteur assez obscur, j’entrerai aussi -dans un détail un peu étendu touchant sa personne.</p> - -<p>«Je suis, dit-il<a name="FNanchor_14" id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a>, d’une taille fort médiocre, -et il est assés rare de voir des hommes plus petits -que moi. J’ai cela de commun avec les nains, que -si l’on ne voyoit que ma tête, l’on me jugeroit un -fort grand homme. J’ai le visage assez plein, mais -un peu ovale; les yeux bruns et assez grands: ils -ne manquent pas de feu et parlent souvent plus -que je ne voudrois. Mon nez n’est ni grand, ni -petit; ma bouche est petite, et mes lèvres sont -assés vermeilles. J’ai la voix mauvaise et discordante. -Je ne manque point de disposition pour les -<span class="pagenum" id="Page_40">[p. 40]</span> -exercices du corps. Je suis d’une constitution si -robuste, que je ne me souviens pas d’avoir été -malade, sinon de quelques accidens. Les voyages -que j’ai faits depuis quatorze ou quinze ans, et les -fatigues que j’ai souffertes, ont peut-être contribué -à me faire bien porter. Je m’afflige souvent sans -raison, et je suis ingénieux à me tourmenter moi-même. -Je suis impatient, colère et vindicatif, et je -me choque souvent des moindres choses. Je suis -un peu pointilleux; je ne sçais si c’est le vice de -ma nation ou le mien en particulier. Au reste, si -j’étois capable d’une lâcheté, je ne paroîtrois plus -dans le monde. L’intérêt de la fortune, qui est -fort puissant en moi, ne le seroit pas assés pour -me faire commettre une bassesse; il est constant -que je suis ambitieux autant qu’on le peut être, -mais je ne sacrifierai jamais mon honneur à mon -ambition, parce que j’aime encore plus la gloire -que les grandeurs, et que je ne considère les grandeurs -que comme des moyens de parvenir à la -gloire. Je suis si sensible au mépris, que j’ai une -haine mortelle et implacable pour tous ceux qui -semblent me mépriser, sans qu’il me soit possible -de me réconcilier avec eux. Je n’épargne ni mes -soins ni ma peine pour les personnes que j’aime; -je les servirois de mon bien et de ma vie, et il -n’est point d’ami plus ardent que moi. Je mens -quelquefois, mais c’est en des choses qui n’intéressent -personne: je le fais surtout en matière -de galanterie, où je confirme volontiers des faussetés -par des sermens, sans songer à ce que je -fais, parce que je jure par habitude. Je suis fort -soigneux d’acquérir l’estime du monde. L’on m’a -<span class="pagenum" id="Page_41">[p. 41]</span> -dit que d’abord je plaisois assés, que je paroissois -avoir l’esprit brillant et une certaine façon de -tourner les choses qui ne déplaît pas. Je suis -assés agréable dans la conversation, et j’y fournis -facilement; mais je m’y rends quelquefois incommode, -et je soutiens des choses contre la raison, -pour faire paroître un peu d’esprit; je me sers -pour cela d’équivoques et de subterfuges qui -sentent l’école; je parle même trop longtemps; et -comme j’ai un peu de lecture et beaucoup de -mémoire, je m’attache trop à faire voir ce que je -sçais: c’est sans doute une faute de mon jugement, -qui n’est pas si solide que mon esprit est -vif. Je suis d’un tempérament mélancolique; mais -cette humeur sombre s’est fort augmentée par -quelques malheurs de ma vie. J’aime les lettres; -mais j’aime encore plus les armes. J’écris fort intelligiblement, -et parle assés bien, pour être d’un -pays où l’on parle toujours mal. Je fais passablement -des vers, et l’on trouve qu’ils ont plus d’esprit -que ma prose; si cela est, j’en ai l’obligation -au beau sexe, car j’avoue ingénument que si je -n’eusse jamais vû de femmes, je ne fusse jamais -devenu poëte; mais l’envie de leur plaire m’a fait -servir d’un langage que je juge le plus propre à -persuader, quoiqu’au fond il m’ait été assés inutile. -Je respecte toutes les femmes en général, et -j’ai pour elles une amitié beaucoup plus tendre -que pour les hommes; plût à Dieu que je n’eusse -rien davantage! Je ne me reprocherois pas beaucoup -de désirs illégitimes, où mon tempérament -me porta. Au fond, quoique j’aye l’esprit fort -tourné à la galanterie, je n’aime pas à en dire -<span class="pagenum" id="Page_42">[p. 42]</span> -indifféremment, et il faut qu’une femme ait du -mérite ou de la beauté, lorsque je lui en conte. Je -ne me pique point d’avoir fait des conquêtes, mais -je puis me vanter d’avoir acquis l’estime de quelques -personnes bien faites. Ce bonheur m’est arrivé -par beaucoup de soins et de patience, car je -suis de ceux qui en amour souffriroient un an -entier, pour goûter le bien d’un seul jour.» Ajoutons -encore à ce portrait l’éloge que Théodore -Girard fait de Cantenac. Voici ses propres termes: -«Ce que l’auteur dit est l’image de ce qu’il est. -Comme il brille dans la conversation, et qu’il la -soutient admirablement, on voit un beau feu répandu -dans tous ses écrits, une façon de dire les -choses aisée, galante et tout à fait heureuse, et -généralement un caractère d’esprit qui lui est -particulier<a name="FNanchor_15" id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">[15]</a>.»</p> - -<p>Mais cherchons la vérité de cet éloge dans le -détail de quelques endroits des poésies de Cantenac. -Il semble d’abord que l’auteur étoit ennemi -déclaré des nœuds de l’hymen, et qu’il s’étudioit -à inspirer ses sentimens aux autres<a name="FNanchor_16" id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">[16]</a>:</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Le chemin de l’Hymen, où l’on voit quelques roses,</div> - <div class="vers6">A bien de l’embarras;</div> - <div class="vers">L’on s’y lasse bientôt, et l’on y voit des choses</div> - <div class="vers6">Que l’on n’attendoit pas.</div> - <div class="vers">Vous gémirés, Iris, et vos beaux yeux en larmes</div> - <div class="vers6">Se plaindront du passé;</div> - <div class="vers">Vous dirés à vous-même: «Étoient-ce là les charmes</div> - <div class="vers6">A quoi j’avois pensé?»</div> - <div class="vers">Vous étiés respectée, on vous traitoit de reine,</div> - <span class="pagenum" id="Page_43">[p. 43]</span> - <div class="vers6">Avant ce nœud fatal,</div> - <div class="vers">Et vous serés soumise à la pesante chaîne</div> - <div class="vers6">De quelque époux brutal.</div> -</div> - -<p>Au reste, les ouvrages de Cantenac n’ont pas -été si généralement inconnus, que les faiseurs de -recueils poétiques n’en aient sçu profiter. Vous -trouverés une de ses idylles parmi les élégies attribuées -à madame de la Suze; elle commence -ainsi:</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Cruel persécuteur de la terre et des cieux,</div> - <div class="vers">Qui parois aux mortels le plus méchant des dieux,</div> - <div class="vers">Amour!</div> -</div> - -<p>Voulez-vous un échantillon de sa poésie morale -et chrétienne?</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">C’est un ordre commun qu’a prescrit la Nature,</div> - <div class="vers6">Et qu’on n’évite pas;</div> - <div class="vers">La vie a ses degrés, et pour la sépulture</div> - <div class="vers6">On ne fait qu’un seul pas.</div> - <div class="vers">Des cèdres orgueilleux les feuillages superbes</div> - <div class="vers6">Se forment lentement;</div> - <div class="vers">Mais, pour les voir tomber aussi bas que les herbes,</div> - <div class="vers6">Il ne faut <ins id="cor_2" title="u">qu</ins>’un moment.</div> - <div class="vers">Des plus riches palais les plus rares structures</div> - <div class="vers6">Coûtent beaucoup de temps;</div> - <div class="vers">Mais tel qui les admire en peut voir les masures</div> - <div class="vers6">Après quelques instants.</div> -</div> - -<p>Il a aussi composé une élégie sacrée, où l’on -voit d’assés belles tirades, quoique peut-être trop -pompeuses pour ce genre de poëme:</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Ce Dieu, dont la puissance a formé dans le monde</div> - <div class="vers">La profondeur des cieux et les gouffres de l’onde,</div> - <span class="pagenum" id="Page_44">[p. 44]</span> - <div class="vers">Éclaire mon esprit et lui fait concevoir</div> - <div class="vers">Que tout se doit soumettre à son divin pouvoir.</div> - <div class="vers">Par lui l’astre du jour, dans sa vaste carrière,</div> - <div class="vers">Donne la vie au monde et porte la lumière;</div> - <div class="vers">C’est son bras tout-puissant qui fait mouvoir les cieux,</div> - <div class="vers">Qui relient de la mer les torrens furieux;</div> - <div class="vers">Qui forme, quand il veut, ses foudres dans la nuë,</div> - <div class="vers">Et qui tient sur les airs la foudre suspenduë.</div> -</div> - -<p>Je finis par quelques vers qui ne vous déplairont -peut-être pas.</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Qui dit homme, Lysis, ne dit qu’un peu de poudre</div> - <div class="vers">Qui dure peu de jours, et que le moindre vent</div> - <div class="vers">Dissipe et fait tomber dans son premier néant.</div> - <div class="vers">Un enfant au berceau peut perdre la lumière;</div> - <div class="vers">Peut-être que cette heure est votre heure dernière;</div> - <div class="vers">Et vous voulés remettre un bien si précieux,</div> - <div class="vers">Par qui vous obtiendrés la conquête des cieux?</div> - <div class="vers">Le monde passe vite, et son plaisir funeste</div> - <div class="vers">N’est que l’avant-coureur d’un chagrin qui nous reste;</div> - <div class="vers">Ce n’est qu’une ombre vaine, et nous perdons souvent</div> - <div class="vers">Des trésors infinis pour de l’air et du vent.</div> - <div class="vers">Allons, mon cher Lysis, allons nous rendre dignes</div> - <div class="vers">De ces biens éternels, de ces faveurs insignes:</div> - <div class="vers">Au pied des saints autels soupirant nuit et jour,</div> - <div class="vers">Méprisons les mondains, la fortune et l’amour.</div> -</div> - -<p>Ne vous semble-t-il pas, Monsieur, que le poëte -est plutôt ici plagiaire qu’imitateur des beaux -endroits du <i>Polyeucte</i> de Corneille, tragédie qui -avait été mise au théâtre<a name="FNanchor_17" id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">[17]</a> et imprimée plusieurs -années avant la première édition des œuvres de -Cantenac?</p> - -<p>Vous me dispenserés sans doute, Monsieur, -<span class="pagenum" id="Page_45">[p. 45]</span> -d’extraire des poësies de Cantenac les passages -obscènes qui décident de son libertinage: on en -trouve un très-grand nombre. L’amour l’avoit occupé -presque pendant toute sa vie: il assure dans -une de ses lettres<a name="FNanchor_18" id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">[18]</a> qu’il n’a que trop éprouvé -les funestes engagemens de cette passion; qu’il a -toujours vécu dans les chaînes de l’amour, et que -s’il a joui de quelque liberté, ç’a été seulement -comme ces mal-heureux qui changent quelquefois -de prison. Il porte la sincérité jusqu’à s’accuser, -en quelque manière, de manquer à ses devoirs de -chrétien: «Je ne parle point, dit-il, de ma religion, -parce qu’il est à présumer que tous les hommes -en doivent avoir: je dirai pourtant que je ne suis -ni bigot, ni hypocrite, et que si je n’ai pas toute -la dévotion qu’un bon chrétien doit avoir, j’en ai -du moins plus que je n’en fais paroître<a name="FNanchor_19" id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">[19]</a>.»</p> - -<p>Les vers que j’ai tirés au hasard des œuvres de -Cantenac peuvent donner, si je ne me trompe, -une assés juste idée de sa versification, et l’on -doit reconnaître, à ces seuls traits, que <i>l’Occasion -perduë-recouvrée</i> n’a jamais été au-dessus de ses -forces et de son génie: d’ailleurs, je ne nie pas -que cet ouvrage ne soit son chef-d’œuvre. Mais ce -qui prouve encore qu’il est véritablement de Cantenac, -c’est que ce poëte, dans presque toutes ses -pièces, prend le nom de Lisandre, qui est précisément -celui du héros des stances. Enfin, toutes -ces conjectures réunies forment, à ce qu’il me -semble, des preuves qui suffisent pour justifier le -<span class="pagenum" id="Page_46">[p. 46]</span> -grand Corneille de l’accusation intentée contre lui -et pour détromper tous ceux qui étoient dans ce -faux préjugé. J’ai cru que, pour découvrir le véritable -auteur de cette pièce lubrique, il ne falloit -que bien faire connoître Cantenac: il me reste à -apprendre de vous, Monsieur, si j’y ai réussi.</p> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub2_4">LETTRE A M. J. G.</h3> - -<p class="sep1 cent"><i>Dans laquelle on essaye de prouver que</i> l’Occasion -perdue recouverte <i>est de Pierre Corneille</i>.</p> - -<p class="sep1">Puisque vous vous proposez de réimprimer, à -la demande de quelques amis des lettres, un petit -poëme célèbre, que peu de personnes connaissent -et qui est pourtant cité souvent dans l’histoire -littéraire du grand Corneille, je vais vous indiquer -l’existence du texte original, qui a paru antérieurement -à l’édition des <i>Poésies nouvelles et autres -œuvres galantes</i> du sieur de Cantenac, auquel la -pièce est attribuée généralement, depuis que les -Mémoires de Trévoux ont donné à cette attribution -une apparence de probabilité.</p> - -<p>Il suffirait, ce me semble, pour détruire entièrement -cette fausse attribution, de démontrer -que le sieur de Cantenac était tout à fait incapable -de composer un ouvrage qui a eu l’honneur -d’être attribué, avec plus de raison, à Pierre Corneille. -Déclarons d’abord, malgré les éloges accordés -un peu trop généreusement par Michault, de -Dijon, à ce poëte de second ordre, que, si son -<span class="pagenum" id="Page_47">[p. 47]</span> -recueil renferme des pièces aussi libres que <i>l’Occasion -perdue recouverte</i>, il n’en est pas une qui -puisse être comparée, même de loin, à ce poëme -vraiment remarquable, sous le rapport du style -et de la forme poétique. Michault avoue que «cette -pièce comporte du génie, du feu et de l’expression,» -c’est-à-dire tout ce qu’on chercherait en -vain dans les poésies du sieur de Cantenac.</p> - -<p>Mais nous n’avons pas à nous étendre ici sur le -mérite intrinsèque d’une pièce, malheureusement -licencieuse, qui, par cela seul, ne figurera jamais -dans les œuvres de Pierre Corneille et qui restera -presque cachée entre les mains d’un petit nombre -de curieux. Je vais seulement essayer de prouver -que <i>l’Occasion perdue recouverte</i> n’est pas de -Cantenac, et que Pierre Corneille en est très-probablement -l’auteur, suivant le récit du <i>Carpenteriana</i>.</p> - -<p>Nous regrettons que M. J. Taschereau, dans son -<i>Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille</i> -(Paris, P. Jaunet, 1855, in-12), n’ait fait -qu’analyser la dissertation de Michault sur <i>l’Occasion -perdue recouverte</i>: en étudiant la question -lui-même, et en y appliquant l’esprit de critique -qui distingue ses travaux de littérature, il serait -arrivé, nous n’en doutons pas, aux conclusions que -nous allons soumettre à son jugement éclairé et -consciencieux.</p> - -<p>Le <i>Carpenteriana</i>, publié en 1724 par Boscheron, -d’après les manuscrits de François Charpentier, -de l’Académie française, mort en 1702, a été -certainement modifié d’une manière fâcheuse -dans le passage qui concerne <i>l’Occasion perdue -<span class="pagenum" id="Page_48">[p. 48]</span> -recouverte</i>; car ce passage était beaucoup plus -explicite et renfermait aussi quelques indications -précieuses que l’éditeur a retranchées par mégarde -en donnant la copie à l’impression. Le savant -La Monnoye, qui avait eu sous les yeux les -manuscrits originaux neuf ans au moins avant leur -publication, nous en a conservé un extrait plus -exact dans ses notes sur les <i>Jugements des Savants</i>, -d’Adrien Baillet, t. IV de l’édition de 1725, -p. 306.</p> - -<p>«Corneille, dit-il, ne se porta pas de lui-même à -entreprendre la paraphrase en vers françois des -trois livres de l’<i>Imitation</i>. Voici l’occasion qui -l’y engagea, telle que je l’ai lue dans un manuscrit -qui a pour titre <i>Carpenteriana</i>, dont on m’a -dit que les articles avoient été dressés par feu -M. Charpentier, mort doyen de l’Académie françoise. -Il y est rapporté que Corneille, ayant, dans -sa première jeunesse, fait une pièce un peu licencieuse -intitulée <i>l’Occasion perdue recouvrée</i>, l’avoit -toujours tenue fort secrète, mais qu’en 1650, -plus ou moins, diverses copies en ayant couru, -M. le chancelier Séguier, protecteur alors de l’Académie, -surpris d’apprendre que ces stances peu -édifiantes, dont la première commence:</p> - -<p class="verseul">Un jour le malheureux Lysandre,</p> - -<p class="noind">étoient de Corneille, le manda, et, après lui avoir -fait une douce réprimande, lui dit qu’il le vouloit -mener à confesse; que, l’ayant mené de ce pas au -P. Paulin, tierçaire du couvent de Nazareth, le -confesseur ordonna, par forme de pénitence, à -<span class="pagenum" id="Page_49">[p. 49]</span> -Corneille de mettre en vers françois le premier -livre de l’<i>Imitation</i>. Ce premier livre étant achevé, -la reine Anne d’Autriche, à qui le poëte le présenta, -en fut si contente l’ayant lu, qu’elle lui -demanda le second; ensuite de quoi, dans une -dangereuse maladie qu’il eut quelque temps -après, il promit le reste et le donna.»</p> - -<p>Ces détails et ces dates répondent à toutes les -objections qu’on a faites contre l’authenticité de l’anecdote; -il résulte donc, du véritable texte des manuscrits -de Charpentier, recueilli et conservé par -La Monnoye, que Corneille avait fait, <i>dans sa première -jeunesse</i>, la pièce intitulée: <i>l’Occasion perdue -recouvrée</i>; qu’il l’avait toujours tenue <i>fort -secrète</i>, mais que des copies en avaient couru en -1650, <i>plus ou moins</i>. Ce fut, en effet, vers la fin -de 1650, que Corneille commença la traduction -de l’<i>Imitation</i>, en sorte que le premier livre de -cette traduction parut en 1651.</p> - -<p>L’abbé Goujet, qui, dans sa <i>Bibliothèque françoise</i> -(t. XVIII, p. 147), s’est inscrit en faux contre -le récit du <i>Carpenteriana</i>, avait donc bien mal lu -la note de La Monnoie, lorsqu’il croit y faire une -objection sérieuse en disant: «Premièrement, ce -petit poëme (<i>l’Occasion perdue recouverte</i>) ne fut -imprimé pour la première fois qu’en 1662, et, -comme je viens de l’observer, le premier livre de -l’<i>Imitation</i>, traduit par Corneille, étoit publié -dès 1651. Il s’ensuivroit donc que la pénitence -auroit précédé le péché et que Corneille se seroit -repenti d’une faute qu’il ne devoit commettre que -plus de dix ans après. En second lieu, je prouverai -ailleurs que <i>l’Occasion perdue et recouvrée</i> n’est -<span class="pagenum" id="Page_50">[p. 50]</span> -point de Corneille, mais du sieur de Cantenac.» -L’abbé Goujet n’ayant pas publié le XIX<sup>e</sup> volume -de sa <i>Bibliothèque françoise</i>, qui eût contenu -l’article de Cantenac, nous sommes encore à savoir -comment il eût prouvé que <i>l’Occasion perdue -recouverte</i> n’était pas de Corneille.</p> - -<p>On découvrira sans doute une impression de -cette pièce, remontant à l’époque où les copies -manuscrites commencèrent à courir, car <i>l’Occasion -perdue recouverte</i> eut trop de succès pour -que les presses clandestines ne l’aient pas reproduite -en feuille volante et peut-être avec les initiales -du nom de l’auteur. «Tout le monde sait, -dit Michault, de Dijon, dans ses <i>Mélanges historiques -et philologiques</i> (p. 54 du t. I<sup>er</sup>), qu’après -avoir été multipliée par les copies manuscrites -qu’on en tira, elle fut réimprimée dans plusieurs -recueils, mais toujours dans ce ramas d’ouvrages -proscrits qui sortent furtivement d’une presse inconnue -et qui n’ont souvent pour tout mérite que -le papier et les caractères de Pierre Marteau.» -Puis, Michault cite différents recueils, postérieurs -à l’année 1670, dans lesquels la pièce se trouve -imprimée.</p> - -<p>«Ces stances, ajoute Michault, furent si généralement -recherchées, je dirais presque si fort -estimées, qu’on en fit plusieurs traductions en -différentes langues; j’en ai vu une latine, et l’on -m’a assuré que le savant Paul Dumay s’était -amusé à les tourner en bourguignon. Ajoutez -encore qu’elles furent mises en chanson et acquirent -par ce moyen une plus grande célébrité.» -Nous n’avons pas été assez heureux pour découvrir -<span class="pagenum" id="Page_51">[p. 51]</span> -ces traductions en différentes langues que nous -signalait Michault, de Dijon. Mais nous avons fait -d’autres découvertes plus intéressantes qui peuvent -servir à constater que, pendant plus de dix-sept -ans, de 1654 à 1670, tous les poëtes s’inspirèrent -de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, pour -s’essayer sur un sujet doublement scabreux (l’<i>Impuissance</i> -et la <i>Jouissance</i>) que le poëme attribué -à P. Corneille avait mis à la mode.</p> - -<p>Commençons par citer La Fontaine en tête des -poëtes contemporains qui eurent en vue de faire -allusion à <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, sinon de -l’imiter servilement. La Fontaine, qui dans sa jeunesse -était à l’affût de tous les ouvrages de galanterie -en prose ou en vers, eut certainement connaissance -de la pièce de Corneille, lorsqu’il n’avait -pas encore quitté la ville de Château-Thierry et que -ses premières amours donnaient naissance à ses -premières rimes. Dans une élégie à l’Amour, il se -plaint des mécomptes que ce dieu ne lui avait pas -épargnés; il avoue que ses maîtresses n’eurent pas -trop à se louer de ses préludes amoureux:</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">Cloris vint une nuit; je crus qu’elle avoit peur...</div> - <div class="vers">Innocent! Ah! pourquoi hâtoit-on mon bonheur?</div> - <div class="vers">Cloris se pressa trop...</div> -</div> - -<p>Ce n’était pas la Cloris de <i>l’Occasion perdue</i>; -mais, s’il prit sa revanche avec cette autre Cloris, -il ne nous le dit pas, et il confesse n’avoir pas été -plus heureux avec Phyllis:</p> - -<div class="poem"> - <div class="vers">On la nomme Phyllis; elle est un peu légère;</div> - <div class="vers">Son cœur est soupçonné d’avoir plus d’un vainqueur.</div> - <span class="pagenum" id="Page_52">[p. 52]</span> - <div class="vers">Mais son visage fait qu’on pardonne à son cœur.</div> - <div class="vers">Nous nous trouvâmes seuls; la pudeur et la crainte</div> - <div class="vers">De roses et de lis à l’envi l’avoient peinte.</div> - <div class="vers">Je triomphai des lis et du cœur dès l’abord;</div> - <div class="vers">Le reste ne tenoit qu’à quelque rose encor.</div> - <div class="vers">Sur le point que j’allois surmonter cette honte,</div> - <div class="vers">On me vint interrompre au plus beau de mon conte:</div> - <div class="vers">Iris entre; et depuis je n’ai pu retrouver</div> - <div class="vers">L’occasion d’un bien tout près de m’arriver.</div> -</div> - -<p>Ces deux derniers vers rappellent, on ne saurait -en douter, les stances attribuées à P. Corneille, -et l’élégie d’où ces vers sont tirés est très-certainement -d’une date antérieure à 1654.</p> - -<p>Dans le <i>Nouveau recueil des plus belles poësies</i> -(Paris, vefve G. Loyson, 1654, in-12), on trouve, à -la page 119, <i>l’Occasion perdue, stances à Cloris</i>. -Ces stances, signées D. M., c’est-à-dire <i>de Morangle</i>, -suivant la table des noms d’auteurs, offrent la -même scène que celle qui forme la première partie -de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>; dans les deux -pièces, l’héroïne se nomme <i>Cloris</i>, mais Lisandre -n’est nommé que dans la seconde, et le héros de -<i>l’Occasion perdue</i> garde l’anonyme. Il est certain -que cette pièce, dans laquelle il y a de la verve, -de l’énergie et du feu, avec beaucoup de mauvais -goût et d’incorrection, a été composée à l’imitation -des stances qui couraient alors sous ce titre: -<i>l’Occasion perdue recouverte</i>.</p> - -<p>Le poëte D. M. ou de Morangle s’était borné à -chanter l’<i>Occasion perdue</i>; un autre poëte anonyme, -dont la pièce n’est pas indiquée dans la -table du volume, quoiqu’elle remplisse les pages -399-404, avait également traité le sujet à la mode, -<span class="pagenum" id="Page_53">[p. 53]</span> -dans une longue élégie, qu’il intitule <i>Impuissance</i>; -mais les acteurs, qui ne pouvaient pas être -Cloris et Lisandre, n’y sont pas nommés. En effet, -la pièce est de Mathurin Régnier: elle avait paru, -pour la première fois, dans l’édition de ses œuvres, -publiée en 1613, après sa mort; elle avait -reparu, revue et corrigée, dans l’édition de 1642. -On doutait pourtant qu’elle fût réellement de lui. -Voilà pourquoi G. Loyson l’avait admise dans son -<i>Nouveau recueil des plus belles poësies</i>, comme -s’il eût voulu la rapprocher de <i>l’Occasion perdue</i>, -qui en est une imitation. Le Recueil où sont renfermées -ces deux pièces est dédié à la comtesse de -La Suze, par l’éditeur G. Loyson, qui met «les ouvrages -des plus beaux esprits de ce temps sous la -protection du plus rare génie de notre siècle.» -Le privilége du roi porte la date du 1<sup>er</sup> décembre -1653.</p> - -<p>Dans les <i>Poésies choisies de messieurs Corneille, -Bensserade, de Scudery, Boisrobert, etc., et de -plusieurs autres célèbres autheurs de ce temps</i> -(Paris, Charles de Sercy, 1655, in-8, page 30 de la -1<sup>re</sup> partie), Benserade fit insérer des stances, intitulées: -<i>Jouissance</i>, dans lesquelles il gourmande -l’indiscrétion des poëtes qui révèlent leurs bonnes -fortunes. Il ne se fait pas faute cependant de -célébrer sa victoire, mais il ne nomme personne.</p> - -<p>En 1659, le poëte Duteil, un des rivaux de -Pierre Corneille comme auteur de <i>la Juste vengeance</i>, -tragédie jouée en 1641, semble vouloir -rivaliser encore avec le chantre de <i>l’Occasion perdue -recouverte</i>, en décrivant à sa façon la même -<span class="pagenum" id="Page_54">[p. 54]</span> -scène dans des stances qui portent le titre de -<i>Jouissance</i>, et qui ne sont pas une des plus mauvaises -pièces de son <i>Nouveau recueil de diverses -poésies</i> (Paris, J. B. Loyson, 1659, in-12).</p> - -<p>En 1661, le sieur de Lamathe, qui avait fait -imprimer trois ans auparavant le <i>Nouveau cabinet -des Muses ou l’eslite des plus belles pièces poësies -de ce temps</i> (Paris, veuve Edme Pepingué, 1658, -in-12), eut l’idée de rajeunir ce Recueil en y ajoutant -quelques poésies nouvelles, qui formèrent une -seconde partie en un cahier séparé, sign. <i>A.-uiiij</i> -(avec des lacunes très-significatives dans les signatures). -Cette seconde partie, dont le titre -courant est <i>Cabinet des Muses</i>, mais qui n’a pas -de titre spécial, se trouve placée immédiatement -après le privilége du roi. Elle commence par <i>l’Occasion -perdue recouverte</i>, dont nous voyons paraître -pour la première fois le texte original. On -est étonné de trouver, à la suite de ce poëme licencieux, -des vers pour le roi, en l’honneur de la -paix et de son mariage, des anagrammes sur le -nom de Marie-Thérèse d’Autriche, et d’autres pièces -aussi officielles. Il est clair que l’éditeur a -voulu ainsi se faire pardonner la publication de -<i>l’Occasion perdue recouverte</i> qui devait donner -du succès à son Recueil. Les fleurons et surtout -celui de la Sirène, imité des éditions elzéviriennes, -nous permettent de croire que le livre a été -imprimé à Rouen. Nous ne devons pas oublier de -dire que, parmi les pièces dont la réunion compose -le cahier supplémentaire du Recueil de 1658, -on remarque une plate élégie sur les amours de -Lisandre et de Florice, laquelle a été réintégrée -<span class="pagenum" id="Page_55">[p. 55]</span> -depuis dans les <i>Poésies nouvelles et autres œuvres -galantes</i> du sieur de Cantenac.</p> - -<p>Voilà donc enfin le texte de <i>l’Occasion perdue -recouverte</i>, et aussitôt divers recueils s’empressent -de s’en emparer en y faisant des suppressions -et des changements plus ou moins considérables. -Le premier qui osa reproduire le texte original -publié par de Lamathe, c’est l’éditeur inconnu d’un -volume intitulé: <i>les Plaisirs de la poésie galante -gaillarde et amoureuse</i>. Ce recueil nous est arrivé -sans date, sans nom d’imprimeur ou de libraire, -et sans privilége du roi, avec un simple -frontispice gravé; mais on peut assurer qu’il a été -imprimé à Rouen et qu’il ne peut être postérieur -au mois de septembre 1661, car, à cette époque. -le surintendant des finances venait d’être arrêté, -et le volume renferme des pièces élogieuses, en -tête desquelles Fouquet est nommé avec ses titres -et qualités. L’ensemble de ce volume indique assez -qu’il a subi des remaniements d’impression, avant -de voir le jour et de pouvoir circuler sous le manteau. -A la page 279, nous retrouvons <i>l’Occasion -perdue recouverte</i> sous ce nouveau titre: <i>L’Impuissance -et la Jouissance, stances</i>.</p> - -<p>On imprimait alors à Paris les <i>Poésies nouvelles -et autres œuvres galantes du sieur de C...</i> -L’impression fut achevée le samedi 26 novembre -1661, et l’auteur céda et transporta son privilége -à Théodore Girard, marchand libraire, qui mit -en vente le volume avec la date de 1662. Il faut -entrer dans quelques détails sur ce volume de -onze feuillets liminaires, y compris le frontispice -gravé par Sphirinx, 253 pages, et un feuillet pour -<span class="pagenum" id="Page_56">[p. 56]</span> -la fin du privilége. L’Avis au lecteur présente -le livre comme publié à l’insu de l’auteur, par -le fait d’un ami qui avait eu entre les mains le -manuscrit. Cet ami nous apprend que l’auteur, -absent pour quelques jours, a désavoué ses vers -«comme des enfants qui faisoient rougir leur -père,» en renonçant à Clorice, à Climène et aux -idoles de sa jeunesse libertine, pour se vouer à -Dieu seul. Le recueil se termine par une lettre -que l’auteur avait adressée à son ami pendant -l’impression du volume, et cette lettre, qui ressemble -à un sermon ou à une homélie, annonce -que le sieur de C... se prépare à embrasser l’état -ecclésiastique. En effet, quarante ans plus tard, -on vit paraître les <i>Satyres nouvelles de M. Benech -de Cantenac</i>, chanoine de l’église métropolitaine -et paroissiale de Bordeaux, avec d’autres -pièces du même auteur (Amsterdam, veuve -Chayer, sans date, in-8<sup>o</sup>). L’auteur des Satyres est -très-certainement l’auteur des <i>Poésies nouvelles -et autres œuvres</i>, car le sieur de C... était déjà -fixé à Bordeaux en 1661, puisqu’il a publié à la -page 94 de ce recueil une <i>Response au remerciement -que M. D..., conseiller au parlement de -Bordeaux, fit d’un livre intitulé: Pancirole -commenté par Salmuth, que l’Autheur lui avoit -presté</i>. Le sieur de Cantenac habitait donc Bordeaux, -mais il avait été à Rennes, comme on -le voit par ses curieuses stances sur le Cours de -Rennes. Dans les <i>Poésies nouvelles et autres œuvres -galantes</i> du sieur de C..., ou du moins dans un -petit nombre d’exemplaires de l’édition de 1662, -<i>l’Occasion perdue recouverte</i>, «revue, corrigée et -<span class="pagenum" id="Page_57">[p. 57]</span> -augmentée par l’autheur» se trouve entre les pages -102 et 103, en un cahier de 14 pages et un -feuillet blanc, portant pour titre courant: <i>Poësies -nouvelles et galantes</i>, et au bas de la page 14: -<i>Fin des Poësies nouvelles et galantes du sieur -de C...</i> L’impression de ce cahier est identique à -celle du volume, et les fleurons y sont les mêmes. -Ici commencent l’incertitude et la controverse.</p> - -<p>«J’ay séparé la prose d’avec les vers, dit l’ami -dans l’Avis au lecteur, et comme toutes les pièces -qui entrent dans le corps de l’ouvrage se peuvent -réduire, ou aux pièces amoureuses galantes qu’il a -escrites, ou aux pièces morales et chrestiennes -qu’il a faites, ou bien aux lettres qu’il a adressées -à quelques personnes particulières, c’est la raison -par laquelle je l’ai divisé en trois parties.» Il y a -donc trois parties seulement dans le recueil, mais -l’imprimeur a fait entrer dans la table des pièces -<i>l’Occasion perdue recouverte</i>, comme existant à -la page 103, quoique ce soient les poésies morales -et chrétiennes qui commencent à cette page-là. -Les signatures Eiij et Eiiij aux pages 101 et 103 -prouvent que l’impression du volume n’a subi -d’ailleurs aucun remaniement. Quant au cahier -intercalaire, il est signé d’une étoile.</p> - -<p>Un passage très-important de la préface semble -avoir été mal compris par Michault, qui en tire -des inductions bien différentes de celles que nous -croyons y découvrir. «Parmy toutes les pièces -qui entrent dans ce recueil, dit l’ami de l’auteur, -dans lequel nous avons de la peine à voir le libraire -Théodore Girard, on y en a fait glisser une en dépit -de moy, qui auroit esté supprimée ou pour le -<span class="pagenum" id="Page_58">[p. 58]</span> -moins qui n’auroit point veu le grand jour, si j’en -avois esté creu; mais ma résistance a esté inutile, -et quelque raison que j’aye eu pour destourner le -coup, il a fallu se rendre et céder à la force. Un -galant homme, qui a un empire absolu sur l’esprit -de l’autheur et que l’autheur considère à l’égal de -luy-mesme, l’obligea autrefois de la composer -contre une dame, de qui il s’estoit creu désobligé, -afin de satisfaire son ressentiment, et m’a contraint, -pour rendre sa vengeance plus authentique -et couronner son ressentiment, de souffrir qu’elle -fust jointe aux autres de ce livre. Il a creu que -l’ascendant qu’il s’estoit acquis sur l’autheur luy -donnoit le droit sur son ouvrage, et qu’estant l’arbitre -absolu de ses pensées, il pouvoit décider souverainement -de ses escrits. Je sçay l’estime particulière -que l’autheur a pour le mérite de ce personnage, -qui est, à cela près, le plus honnête homme -du monde, et la déférence aveugle qu’il a pour tous -ses sentimens. Pour te dire franchement le mien, -je ne sçaurois louer cette pratique ni en approuver -l’usage. J’ay jugé à propos de m’en justifier, -pour me mettre à couvert du blasme qu’on m’en -pourroit donner quelque jour, et, pour prévenir -les reproches qu’on m’en pourroit faire, j’ay creu -me devoir cette satisfaction.»</p> - -<p>Ce passage semble à première vue se rapporter -à <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, mais il nous paraît -plus logiquement faire allusion à une autre pièce -du recueil, car nous ne voyons pas trop comment -<i>l’Occasion</i> pourrait avoir été composée <i>contre</i> une -dame. Il s’agit, en effet, dans ce poëme, d’un amant -qui se trouve impuissant à la première rencontre -<span class="pagenum" id="Page_59">[p. 59]</span> -et qui prend ensuite largement sa revanche. Est-ce -l’amant <i>Lisandre</i>, est-ce le mari, <i>Dorimant</i>, qui -aurait raconté cette histoire pour <i>satisfaire son -ressentiment</i>? Je ne pense pas que <i>l’Occasion perdue -recouverte</i> soit la pièce que l’ami de l’auteur -avait voulu retrancher, mais bien une très-vive -et très-amère satire <i>contre Amaranthe</i> (nommée -Caliste dans la pièce, page 21), qui s’était mariée -à un riche vieillard en délaissant son jeune amant. -Cette Amaranthe devait être très-connue à Bordeaux, -sinon à Rennes, et l’on conçoit que l’amant -abandonné ait voulu se venger avec l’arme de la -satire.</p> - -<p>Disons, en passant, que les scrupules de l’ami -ou de l’éditeur ne sauraient avoir été motivés par -la licence de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, car, si -cet éditeur avait eu des scrupules de cette espèce, -il n’eût pas manqué de rejeter une autre pièce -dont voici le singulier titre: «Un cavalier faisoit -quelques tours d’adresse devant plusieurs personnes -et changeoit des cartes en telle figure qu’on -vouloit. Une dame de la compagnie le crut sorcier -et voulut prendre le jeu de cartes pour voir si elle -y découvriroit rien, mais elle se mit en colère d’y -trouver d’abord quelque chose en peinture que la -pudeur et la bienséance deffend de nommer.»</p> - -<p>C’est là une pièce qui peut encore avoir été faite -<i>contre</i> une dame par un sentiment de vengeance.</p> - -<p>La présence de <i>l’Occasion perdue recouverte</i> -dans le volume du sieur de Cantenac s’explique tout -naturellement, si on en accuse le libraire seul, -soit que Théodore Girard eût voulu donner plus -de vogue à sa publication en y intercalant une pièce -<span class="pagenum" id="Page_60">[p. 60]</span> -très-recherchée et très-goûtée alors, soit qu’il ait -attribué de bonne foi au sieur de Cantenac cette -pièce qui circulait avec l’initiale de Corneille. Il faut -dire, en outre, que le sieur de Cantenac n’avait pas -été le dernier à s’expliquer sur un sujet que les -poëtes se disputaient alors, et qu’il avait composé -aussi une idylle intitulée <i>la Jouissance</i>, où l’on -retrouve les principaux traits de <i>l’Occasion perdue -recouverte</i>.</p> - -<p>Quant au texte de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>, -tel qu’il a été réimprimé dans les Poësies nouvelles -et autres œuvres galantes du sieur de Cantenac, -il faut y constater la suppression de deux strophes -et l’addition de deux strophes nouvelles, avec un -assez grand nombre de variantes qui ne font pas -honneur au talent et au goût du plagiaire ou du -contrefacteur. Il faut reconnaître ici que le texte -original a été altéré et interpolé assez maladroitement.</p> - -<p>Huit ans plus tard, la vogue de <i>l’Occasion perdue -recouverte</i> n’était pas encore épuisée, car un -auteur de nouvelles galantes et comiques publiait -sous ce titre même, à la fin des <i>Soirées des Auberges</i> -(Paris, Étienne Loyson, 1669, petit in-12), -une petite nouvelle, qui pourrait bien avoir été le -point de départ du poëme attribué à Corneille, et -un poëte de premier ordre, qui a gardé l’anonyme, -jetait dans le public un <i>caprice</i> charmant, qu’il -avait intitulé: <i>La Jouissance imparfaite</i>. Nous -rencontrerons ce Caprice, à côté de <i>l’Occasion perdue -recouverte</i>, dans un recueil imprimé à Rouen: -<i>Maximes et lois d’amour, lettres, billets doux et -galants, poësies</i> (Paris, Olivier de Varennes, 1669, -<span class="pagenum" id="Page_61">[p. 61]</span> -in-8). Ce recueil avait été publié d’abord à Rouen, -par le libraire Lucas, en 1667. Le libraire de Paris -n’avait fait que changer le titre et ajouter à la fin -du volume un cahier de 24 pages, imprimé avec -les mêmes caractères, cahier dans lequel <i>l’Occasion -perdue recouverte</i> est suivie de <i>la Jouissance -imparfaite</i>, qui remet en scène dans un admirable -langage la première partie de cette éternelle <i>Occasion</i>. -Le sieur de Valdavid, ami de Pierre Corneille, -est incontestablement le principal auteur de cette -compilation, dédiée au duc de Montausier. <i>L’Occasion -perdue recouverte</i>, que le sieur de Cantenac -avait failli transporter à Bordeaux, retournait ainsi -en Normandie, à Rouen, qui l’avait vue naître -dans la première jeunesse de Corneille.</p> - -<p>Concluons: l’<i>Occasion perdue recouverte</i> est -loin d’être indigne du grand Corneille, sous le -rapport littéraire; quant au point de vue moral, -nous nous garderons bien de l’excuser, quoique la -licence des poëtes sous le règne de Louis XIII ait été -constamment encouragée par la faveur des gens de -cour et par la sympathie de la société la plus aristocratique. -Michault, de Dijon, en voulant défendre -Corneille, ne s’est pas aperçu qu’il faisait -acte d’ignorance. «Je ne crois pas, dit-il, qu’il -soit jamais échappé à sa plume aucun ouvrage -où règnent une liberté condamnable et un esprit -de débauche.» S’il avait lu les <i>Mélanges poëtiques</i>, -imprimés en 1632 à la suite de la tragi-comédie -de <i>Clitandre</i>, et qui contiennent une épigramme -que les éditeurs des œuvres de Corneille n’ont pas -encore osé reproduire, il aurait pu admettre que -le poëte obéit involontairement au goût de son -<span class="pagenum" id="Page_62">[p. 62]</span> -époque. «Je n’ai pas fait difficulté, dit l’abbé Granet -dans la préface des <i>Œuvres diverses de Pierre -Corneille</i> (Paris, Gissey, 1738, in-12), de supprimer -des plaisanteries d’un goût peu délicat et divers -traits d’une galanterie trop libre... En retranchant -les morceaux d’une galanterie licencieuse, -je n’ai fait que me conformer à l’exemple de -M. Corneille, qui a purgé ses premières comédies -de tout ce qui en pouvait rappeler l’idée.» L’abbé -Granet a pourtant laissé subsister le fameux rondeau -où l’auteur du <i>Cid</i>, dans sa juste indignation -contre les odieuses manœuvres de Scudéry,</p> - -<p class="verseul">L’envoye au diable et sa muse au bordel.</p> - -<p>Il est tout naturel que le chancelier Séguier, -qui était d’une piété exemplaire, ait conduit Corneille -à confesse et que le confesseur ait ordonné -à son pénitent de traduire l’<i>Imitation de Jésus-Christ</i>, -pour expier son <i>Occasion perdue recouverte</i>. -Quelques années plus tard, La Fontaine, en -expiation de ses <i>Contes et nouvelles</i>, se faisait aussi, -à l’instigation d’Arnauld d’Andilly et des jansénistes, -le traducteur docile de quelques psaumes et de -quelques hymnes du bréviaire romain; mais, pour -se distraire de l’ennui que lui causaient ces traductions, -il composait encore des contes en cachette, -avec l’intention formelle de ne pas les faire -imprimer. S’il eût été l’auteur de <i>l’Occasion perdue -recouverte</i>, il n’aurait pas souffert qu’un sieur -de Cantenac lui disputât la paternité de cet enfant -de l’amour, et il se serait empressé de le -<span class="pagenum" id="Page_63">[p. 63]</span> -reconnaître, au risque d’être excommunié dans ce -monde et dans l’autre. Corneille, au contraire, ne -crut jamais avoir assez expié ses péchés de jeunesse, -et pendant plus de quarante ans il fit pénitence -de <i>l’Occasion perdue recouverte</i>.</p> - -<p class="tright">P. L.</p> - -<hr class="hr40" /> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<h2 id="Page_65"><span class="cs8">SOURCES ET IMITATIONS</span><br /> -<span class="cs5">DE</span><br /> -<i>L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE</i></h2> - -<hr class="hr30" /> - -<h3 id="sub3_1">IMPUISSANCE<a name="FNanchor_20" id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">[20]</a></h3> - -<div class="poem"> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Quoy! ne l’avois-je assez en mes vœux désirée?</div> - <div class="vers">N’estoit-elle assez belle ou bien assez parée?</div> - <div class="vers">Estoit-elle à mes yeux sans grâce et sans appas?</div> - <div class="vers">Son sang n’estoit-il pas issu d’un lieu trop bas?</div> - <div class="vers">Sa race, sa maison n’estoit-elle estimée?</div> - <div class="vers">Ne valoit-elle point la peine d’estre aimée?</div> - <div class="vers">Inhabile au plaisir, n’avoit-elle de quoy?</div> - <div class="vers">Estoit-elle trop laide ou trop belle, pour moy?</div> - <div class="vers">Ha! cruel souvenir! Cependant je l’ay euë,</div> - <span class="pagenum" id="Page_66">[p. 66]</span> - <div class="vers">Impuissant que je suis, en mes bras toute nuë,</div> - <div class="vers">Et n’ay peu, le voulant tous deux esgallement,</div> - <div class="vers">Contenter nos désirs en ce contentement!</div> - <div class="vers">Au surplus, à ma honte, Amour, que te diray-je?</div> - <div class="vers">Elle mit en mon col ses bras plus blancs que neige,</div> - <div class="vers">Et sa langue mon cœur par ma bouche embrasa:</div> - <div class="vers">Bref, tout ce qu’ose Amour, ma Déesse l’osa.</div> - <div class="vers">Me suggérant la manne en sa lèvre amassée,</div> - <div class="vers">Sa cuisse se tenoit en la mienne entassée.</div> - <div class="vers">Les yeux luy petilloient d’un désir langoureux,</div> - <div class="vers">Et son ame exhalloit maint soupir amoureux.</div> - <div class="vers">Sa langue, en bégayant, d’une façon mignarde,</div> - <div class="vers">Me disoit: «Mais, mon cœur, qu’est-ce qui vous retarde?</div> - <div class="vers">N’aurois-je point en moy quelque chose qui peust</div> - <div class="vers">Offenser vos désirs ou bien qui vous depleust?</div> - <div class="vers">Ma grâce, ma façon, ha! Dieu! ne vous plaist-elle!</div> - <div class="vers">Quoy! n’ay-je assez d’amour ou ne suis-je assez belle?»</div> - <div class="vers">Cependant, de la main animant ses discours,</div> - <div class="vers">Je trompois, impuissant, sa flamme et mes amours,</div> - <div class="vers">Et comme un tronc de bois, charge lourde et pesante,</div> - <div class="vers">Je n’avois rien en moy de personne vivante.</div> - <div class="vers">Mes membres languissans, perclus et refroidis,</div> - <div class="vers">Par ses attouchemens n’estoient moins engourdis.</div> - <div class="vers">Mais quoy! que deviendray-je en l’extrême vieillesse,</div> - <div class="vers">Puisque je suis retif au fort de ma jeunesse?</div> - <div class="vers">Et si, las! je ne puis, et jeune et vigoureux,</div> - <div class="vers">Savourer la douceur du plaisir amoureux?</div> - <div class="vers">Ha! j’en rougis de honte, et dépite mon âge,</div> - <div class="vers">Age de peu de force et de peu de courage,</div> - <div class="vers">Qui ne me permet pas, en cest accouplement,</div> - <div class="vers">Donner ce qu’en amour peut donner un amant;</div> - <div class="vers">Car, Dieu! ceste beauté, par mon deffaut trompée,</div> - <div class="vers">Se leva le matin, de ses larmes trempée,</div> - <div class="vers">Que l’amour, de dépit, écouloit de ses yeux,</div> - <div class="vers">Ressemblant à l’Aurore, alors qu’ouvrant les cieux.</div> - <div class="vers">Elle sort de son lict, honteuse et dépitée</div> - <div class="vers">D’avoir, sans un baiser, consommé sa nuictée,</div> - <div class="vers">Quand baignant tendrement la terre de ses pleurs.</div> - <div class="vers">De chagrin et d’amour elle enjette ses fleurs.</div> - <div class="vers"><span class="pagenum" id="Page_67">[p. 67]</span></div> - <div class="vers">Pour flatter mon deffaut, de quoy me sert la gloire,</div> - <div class="vers">De mon amour passée inutile mémoire!</div> - <div class="vers">Quand, aimant ardamment et ardamment aimé,</div> - <div class="vers">Tant plus je combattois, plus j’estois animé;</div> - <div class="vers">Guerrier infatigable en ce doux exercice,</div> - <div class="vers">Par dix ou douze fois je rentrois dans la lice,</div> - <div class="vers">Où, vaillant et adroit, après avoir brisé,</div> - <div class="vers">Des chevaliers d’amour j’estois le plus prisé...</div> - <div class="vers">Mais de cet accident je fais un mauvais conte,</div> - <div class="vers">Si mon honneur passé maintenant est ma honte,</div> - <div class="vers">Et si le souvenir, trop prompt de m’outrager,</div> - <div class="vers">Par le plaisir receu ne me peut soulager.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">O ciel! il falloit bien qu’ensorcelé je fusse,</div> - <div class="vers">Ou, trop ardant d’amour, que je ne m’aperceusse</div> - <div class="vers">Que l’œil d’un envieux nos desseins empeschoit</div> - <div class="vers">Et sur mon corps perclus son venin espanchoit.</div> - <div class="vers">Mais qui pourroit atteindre au poinct de son mérite?</div> - <div class="vers">Veu que toute grandeur pour elle est trop petite,</div> - <div class="vers">Si, par l’égal, ce charme a force contre nous,</div> - <div class="vers">Autre que Jupiter n’en peut estre jaloux:</div> - <div class="vers">Luy seul, comme envieux d’une chose si belle,</div> - <div class="vers">Par l’émulation seroit seul digne d’elle.</div> - <div class="vers">Hé quoy! là haut au ciel mets-tu les armes bas,</div> - <div class="vers">Amoureux Jupiter? Que ne viens-tu çà-bas</div> - <div class="vers">Jouir d’une beauté, sur les autres aimable?</div> - <div class="vers">Assez de tes amours n’a caqueté la Fable:</div> - <div class="vers">C’est ores que tu dois, en amour vif et prompt,</div> - <div class="vers">Te mettre encore un coup les armes sur le front;</div> - <div class="vers">Cacher ta déité dessous un blanc plumage;</div> - <div class="vers">Prendre le feint semblant d’un satyre sauvage,</div> - <div class="vers">D’un serpent, d’un cocu, et te répandre encor,</div> - <div class="vers">Alambiqué d’amour, en grosses gouttes d’or,</div> - <div class="vers">Et puisque sa faveur, à moy seul octroyée,</div> - <div class="vers">Indigne que je suis, fut si mal employée,</div> - <div class="vers">Faveur qui de mortel m’eût fait égal aux dieux,</div> - <div class="vers">Si le Ciel n’eût esté sur mon bien envieux!</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Mais, encor tout bouillant de mes flammes premieres,</div> - <span class="pagenum" id="Page_68">[p. 68]</span> - <div class="vers">De quels vœux redoublez et de quelles prieres,</div> - <div class="vers">Iray-je derechef les Dieux sollicitant,</div> - <div class="vers">Si d’un bienfait nouveau j’en attendois autant;</div> - <div class="vers">Si mes deffauts passez leurs beautez mécontentent</div> - <div class="vers">Et si de leurs bienfaits je croy qu’ils se repentent?</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Or, quand je pense, ô Dieux! quel bien m’est advenu!</div> - <div class="vers">Avoir veu dans un lict ses beaux membres à nu,</div> - <div class="vers">La tenir languissante entre mes bras couchée,</div> - <div class="vers">De mesme affection la voir estre touchée,</div> - <div class="vers">Me baiser haletant d’amour et de desir,</div> - <div class="vers">Par ses chatouillemens resveiller le plaisir!</div> - <div class="vers">Ha! Dieux! ce sont des traits si sensibles aux ames,</div> - <div class="vers">Qu’ils pourroient l’Amour mesme eschauffer de leurs flammes</div> - <div class="vers">Si plus froid que la mort ils ne m’eussent trouvé,</div> - <div class="vers">Des mystères d’amour amant trop reprouvé!</div> - <div class="vers">Je l’avois cependant, ivre d’amour extresme;</div> - <div class="vers">Mais si je l’eus ainsi, elle ne m’eust de mesme.</div> - <div class="vers">O malheur! et de moy elle n’eust seulement</div> - <div class="vers">Que des baisers d’un frère et non pas d’un amant!</div> - <div class="vers">En vain, cent et cent fois, je m’efforce à luy plaire.</div> - <div class="vers">Non plus qu’à mon désir je n’y puis satisfaire.</div> - <div class="vers">Et la honte pour lors, qui me saisit le cœur.</div> - <div class="vers">Pour m’achever de peindre, esteignit ma vigueur.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Comme elle reconnut, femme mal satisfaite,</div> - <div class="vers">Qu’elle y perdoit son temps, du lict elle se jette.</div> - <div class="vers">Prend sa juppe, se lace, et puis, en se moquant,</div> - <div class="vers">D’un ris et de ces mots elle m’alla picquant:</div> - <div class="vers">«Non, si j’estois lascive ou d’amour occupée,</div> - <div class="vers">Je me pourrois fascher d’avoir esté trompée.</div> - <div class="vers">Mais puisque mon désir n’est si vif ni si chaud,</div> - <div class="vers">Mon tiede naturel m’oblige à ton deffaut:</div> - <div class="vers">Mon amour satisfaicte aime ton impuissance,</div> - <div class="vers">Et tire de ta faute assez de recompence,</div> - <div class="vers">Qui, tousjours dilayant, m’a fait, par le desir,</div> - <div class="vers">Esbattre plus longtemps à l’ombre du plaisir.»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Mais estant la douceur par l’effort divertie,</div> - <span class="pagenum" id="Page_69">[p. 69]</span> - <div class="vers">La fureur à la fin rompit sa modestie,</div> - <div class="vers">Et dit en esclatant: «Pourquoy me trompes-tu?</div> - <div class="vers">Ton impudence à tort a vanté ta vertu.</div> - <div class="vers">Si en d’autres amours ta vigueur s’est usée,</div> - <div class="vers">Quel honneur reçois-tu de m’avoir abusée?»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Assez d’autres propos le dépit luy dictoit;</div> - <div class="vers">Le feu de son desdain par sa bouche sortoit.</div> - <div class="vers">Enfin, voulant cacher ma honte et sa colère,</div> - <div class="vers">Elle couvrit son front d’une meilleure chère,</div> - <div class="vers">Se conseille au miroir, ses femmes appela,</div> - <div class="vers">Et, se lavant les mains, le fait dissimula.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Belle dont la beauté si digne d’estre aymée</div> - <div class="vers">Eust rendu des plus morts la froideur enflammée,</div> - <div class="vers">Je confesse ma honte, et, de regret touché,</div> - <div class="vers">Par les pleurs que j’espands j’accuse mon péché:</div> - <div class="vers">Péché d’autant plus grand que grande est ma jeunesse.</div> - <div class="vers">Si homme j’ay failly, pardonnez-moy, déesse.</div> - <div class="vers">J’avouë estre fort grand le crime que j’ay fait;</div> - <div class="vers">Pourtant, jusqu’à la mort, si n’avois-je forfait,</div> - <div class="vers">Si ce n’est à présent, qu’à vos pieds je me jette:</div> - <div class="vers">Que ma confession vous rende satisfaicte!</div> - <div class="vers">Je suis digne des maux que vous me prescrirez.</div> - <div class="vers">J’ay menty, j’ay volé... j’ay des vœux parjurez,</div> - <div class="vers">Trahy les dieux benins. Inventez à ces vices,</div> - <div class="vers">Comme estranges forfaicts, des estranges supplices,</div> - <div class="vers">O beauté, faictes-en tout ainsi qu’il vous plaist;</div> - <div class="vers">Si vous me commandez à mourir, je suis prest!</div> - <div class="vers">La mort me sera douce, et d’autant plus encore,</div> - <div class="vers">Si je meurs de la main de celle que j’adore.</div> - <div class="vers">Avant qu’en venir là, au moins souvenez-vous</div> - <div class="vers">Que mes armes, non moy, causent vostre courroux;</div> - <div class="vers">Que, champion d’amour entré dedans la lice,</div> - <div class="vers">Je n’eus assez d’haleine à si grand exercice;</div> - <div class="vers">Que je ne suis chasseur jadis tant approuvé,</div> - <div class="vers">Ne pouvant redresser un deffaut retrouvé.</div> - <div class="vers">Mais d’où viendroit ceci? Seroit-ce point, maistresse,</div> - <div class="vers">Que mon esprit, du corps précédast la paresse?</div> - <span class="pagenum" id="Page_70">[p. 70]</span> - <div class="vers">Ou que, par le desir trop prompt et violent,</div> - <div class="vers">J’allasse, avec le temps, le plaisir consommant?</div> - <div class="vers">Pour moy, je n’en sçay rien; en ce fait, tout m’abuse.</div> - <div class="vers">Mais enfin, ô beauté, recevez mon excuse;</div> - <div class="vers">S’il vous plaist derechef que je rentre à l’assaut,</div> - <div class="vers">J’espère avec usure amender mon deffaut.</div> -</div> -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_2">L’OCCASION PERDUE<br /> -<span class="cs6">A CLORIS</span></h3> - -<div class="poem"> - -<div class="ptit">STANCES<a name="FNanchor_21" id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">[21]</a></div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers">Après avoir bien ry des maux que j’ay souffers,</div> - <div class="vers8">Que je souffre encore à toute heure,</div> - <div class="vers">Si vous n’adoucissez la rigueur de mes fers,</div> - <div class="vers8">Cloris, il faudra que je meure.</div> - <div class="vers8">Consultez, avant mon trépas,</div> - <div class="vers8">Ce que vont perdre vos appas.</div> - <div class="vers">Un constant comme moy n’est pas si peu de chose;</div> - <div class="vers">Et vous n’y songez pas ou n’y songez pas bien:</div> - <div class="vers">Hylas renâquit-il par sa métempsicose?</div> - <div class="vers">Quand vous m’aurez perdu, vous ne treuverez rien,</div> - <div class="vers">J’entends qui comme moy fasse un doux entretien,</div> - <div class="vers">Et dont l’ame soit moins volage et mensongère,</div> - <div class="vers8">Car, pour des amans du commun,</div> - <div class="vers">Vous en aurez tousjours, mais ce n’est pas tout un;</div> - <div class="vers">Encor, comme je crois, n’en retiendrez-vous guère.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Ce n’est pas qu’en effet vous n’ayez cent beautez,</div> - <div class="vers8">Que vostre humeur ne soit aimable;</div> - <span class="pagenum" id="Page_71">[p. 71]</span> - <div class="vers">Je l’advouë entre nous, et mes sens agitez</div> - <div class="vers8">Font vostre éloge incomparable,</div> - <div class="vers8">Mesme à mesure que j’escris.</div> - <div class="vers8">Vous sçavez mesnager vos ris;</div> - <div class="vers">Et ne prononcez pas un seul mot qui ne porte.</div> - <div class="vers">Mais où je n’ay rien fait, personne ne viendra.</div> - <div class="vers">Vous serez dans le monde, et l’on vous croira morte.</div> - <div class="vers">Pour parer ce malheur, c’est à vous qu’il tiendra,</div> - <div class="vers">Et si vous l’attendez, pas un ne vous plaindra.</div> - <div class="vers">On vous dira: «Cloris, vous n’estes pas trop sage;</div> - <div class="vers8">La mort de ce pauvre garçon</div> - <div class="vers">Nous fait, en conscience, une belle leçon,</div> - <div class="vers">Qu’on n’apprend pas sous vous un bon apprentissage.»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Raisonnez sans effort si d’un pareil discours</div> - <div class="vers8">Vous aurez lieu d’être contente.</div> - <div class="vers">Un esprit inconstant, comme on disoit ces jours,</div> - <div class="vers8">Rarement aime une inconstante.</div> - <div class="vers8">Nul ne veut estre rejeté.</div> - <div class="vers8">Chacun veut dire: J’ai quitté.</div> - <div class="vers">On devient fort jaloux de cette fausse gloire.</div> - <div class="vers">Quand on est aux adieux, on s’en va le premier:</div> - <div class="vers">La retraite est superbe autant que la victoire.</div> - <div class="vers">On est lâche, on est sot, quand on va le dernier.</div> - <div class="vers">On veut voir la maistresse et se plaindre et crier,</div> - <div class="vers">S’il faut que le divorce ait des cris et des larmes;</div> - <div class="vers8">Et pour vous parler franchement,</div> - <div class="vers">Les hommes de Paris sont ordinairement,</div> - <div class="vers">En matière d’amour, comme de vrais gendarmes.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Pour moy je ne suis pas composé de ce biais,</div> - <div class="vers8">Je n’eus jamais l’ame mauvaise,</div> - <div class="vers">Et comme le visage a l’air docile et niais,</div> - <div class="vers8">J’ay l’humeur docile et niaise.</div> - <div class="vers8">Depuis que je suis engagé,</div> - <div class="vers8">Je n’ay pas seulement songé</div> - <div class="vers">Comment je me prendrois à d’autres amourettes.</div> - <div class="vers">J’enrage loin de vous, je suis presque aux abois;</div> - <div class="vers">Et n’estoit que je pense à vous conter fleurettes,</div> - <div class="vers8"><span class="pagenum" id="Page_72">[p. 72]</span></div> - <div class="vers">Je mourrois tout d’un coup, sans en faire à deux fois.</div> - <div class="vers">Hélas! si les clameurs de ma dolente voix</div> - <div class="vers">Venoient sans y penser vous frapper les oreilles,</div> - <div class="vers8">Connoissant combien je suis fou,</div> - <div class="vers">Vous viendriez me voir, et me sautant au cou,</div> - <div class="vers">Sans doute esteindriez mes ardeurs nompareilles.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Aussi, depuis un mois je fais le confondu,</div> - <div class="vers8">Je parle à tous de ma souffrance,</div> - <div class="vers">Je dis à tout le monde: «Adieu! je suis perdu!»</div> - <div class="vers8">Et puis, par un triste silence,</div> - <div class="vers8">Relevé de quelques soupirs,</div> - <div class="vers8">Je fais connoistre mes desirs,</div> - <div class="vers">Afin qu’un bon amy vous les aille redire.</div> - <div class="vers">Je vay tard par chez vous, quoyqu’il soit dangereux,</div> - <div class="vers">J’y rode en marmottant quelques mots de martire;</div> - <div class="vers">Tous les pas que j’y fais traînent en malheureux,</div> - <div class="vers">J’y mouche sur un ton qui ressent le pleureux.</div> - <div class="vers">J’y tousse et crache aussi, non pas sans me contraindre,</div> - <div class="vers8">Et dans une telle langueur,</div> - <div class="vers">Si j’y conserve encor ma première vigueur,</div> - <div class="vers">C’est pour vous dépescher, si vous venez me plaindre.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">En vérité, Cloris, un transport de pitié</div> - <div class="vers8">Seroit un transport pardonnable;</div> - <div class="vers">Je vous en supplirois par toute l’amitié</div> - <div class="vers8">Dont vous devez estre capable:</div> - <div class="vers8">N’estoit qu’en suppliant ainsi,</div> - <div class="vers8">Je reconnois bien, Dieu mercy,</div> - <div class="vers">Que l’amitié vous est une chose inconnuë,</div> - <div class="vers">Et qu’on ne vous prend pas par le spirituel.</div> - <div class="vers">Vous n’y fûtes jamais qu’aparâment émeuë.</div> - <div class="vers">Aussi, vous ay-je escrit cartel dessus cartel,</div> - <div class="vers">Et mille fois de bouche appellée en duel,</div> - <div class="vers">Pour tirer ma raison du tort que vous me faites;</div> - <div class="vers8">Vous m’avez refusé tout plat;</div> - <div class="vers">Après vous vous vangez par un assassinat:</div> - <div class="vers">Mais mon mal vous prendra, si vous n’y satisfaites.</div> - <div class="vers8"><span class="pagenum" id="Page_73">[p. 73]</span></div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Oüy, mon mal vous prendra, mais possible trop tard</div> - <div class="vers8">Pour y treuver quelque remede;</div> - <div class="vers">Car, s’il m’arrive un jour de faire bande à part,</div> - <div class="vers8">Vous aurez beau crier à l’aide;</div> - <div class="vers8">Le diable me puisse emporter</div> - <div class="vers8">Si je daigne vous escouter,</div> - <div class="vers">Et si je fais un pas pour vous tirer de peine!</div> - <div class="vers">En deussiez-vous avoir, et les pâles couleurs,</div> - <div class="vers">Et mesme la jaunisse ou bien la courte haleine.</div> - <div class="vers">Je noyeray mes maux au torrent de vos pleurs;</div> - <div class="vers">Et vous faisant sentir à mon tour des rigueurs,</div> - <div class="vers">Vous connoistrez par là les tourmens qu’on endure,</div> - <div class="vers8">Quand on est seul de son costé,</div> - <div class="vers">Qu’on veut ce que refuse une autre volonté,</div> - <div class="vers">Et quand on fait la nargue à madame Nature.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">C’est encor vous aimer que de vous avertir</div> - <div class="vers8">De ce malheur qui vous menace.</div> - <div class="vers">Vous pouvez l’éviter, venant me secourir,</div> - <div class="vers8">Et changeant en feu vostre glace.</div> - <div class="vers8">Donc, Cloris, vivons bons amis,</div> - <div class="vers8">Et que nos esprits bien soumis</div> - <div class="vers">Ne se fassent jamais qu’une amoureuse guerre.</div> - <div class="vers">Je fais des vœux pour vous come j’en fais pour moy;</div> - <div class="vers">J’aime aussi bien que vous le sejour de la terre;</div> - <div class="vers">Et tant que j’y seray, j’y seray sous la loy</div> - <div class="vers">Que nous fismes tous deux en nous donnant la foy.</div> - <div class="vers">Touchons-nous dans la main en amour et simplesse,</div> - <div class="vers8">Et bannissons loin de nos cœurs</div> - <div class="vers">Riottes et mespris, malices et froideurs,</div> - <div class="vers">Et faisons banqueroute à toute la tristesse.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Vous estes bonne fille, et je suis bon garçon,</div> - <div class="vers8">Nous n’en devons rien l’un à l’autre.</div> - <div class="vers">Nous nous sommes donnez mainte et mainte leçon,</div> - <div class="vers8">Vous avez du mien, j’ay du vostre.</div> - <div class="vers8">Vostre amour au mien s’est montré,</div> - <div class="vers8">Mais, las! il n’a que folastré.</div> - <div class="vers">Nous avons fait de tout, hormis la bonne affaire...</div> - <span class="pagenum" id="Page_74">[p. 74]</span> - <div class="vers">Quand je songe au pourquoy, je deviens interdit;</div> - <div class="vers">Car enfin, si ma flâme eût esté moins sévère,</div> - <div class="vers">Je pouvois aisément vous jetter sur le lit,</div> - <div class="vers">Et si, sur mon honneur, je ne l’eusse pas dit,</div> - <div class="vers">(Je ne m’en souviens mesme icy qu’en parenthèse),</div> - <div class="vers8">Vos yeux roulant nonchalamment</div> - <div class="vers">Disoient sans cesse aux miens: «Faisons-le <ins id="cor_3" title="proptement">promptement</ins>!»</div> - <div class="vers">Mais l’amour s’en alla, sans vous faire bien aise.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Ce fut vostre pudeur et ma timidité,</div> - <div class="vers8">Qui firent ce mauvais menage.</div> - <div class="vers">Ma main posoit à plomb sur vostre nudité,</div> - <div class="vers8">Et, visage contre visage,</div> - <div class="vers8">J’estois comme vous sans soustien;</div> - <div class="vers8">Nos sens ne tenoient plus à rien.</div> - <div class="vers">Et nos cœurs déreglez déregloient nos pensées;</div> - <div class="vers">Nous ne sçavions tous deux comment nous enlasser.</div> - <div class="vers">Nos flâmes se pressoient, et se sentoient pressées.</div> - <div class="vers">Nos corps à tous momens vouloient se renverser...</div> - <div class="vers">Il ne s’en falloit plus qu’à ne plus rien penser:</div> - <div class="vers">Mais nous pensâmes trop. Le feu prit deux amorces,</div> - <div class="vers8">L’amour gasté frustra nos vœux.</div> - <div class="vers">A faux en mesme temps nous tirâmes tous deux,</div> - <div class="vers">Et la foiblesse ainsi nous redonna nos forces.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Après cela, je vis vos yeux moins languissans,</div> - <div class="vers8">Leurs brillans broüillez s’éclypserent.</div> - <div class="vers">Comme d’un grand sommeil vous repristes vos sens</div> - <div class="vers8">Et vos mourans baisers cesserent.</div> - <div class="vers8">Honteuse d’un tel accident.</div> - <div class="vers8">Le rouge vous prit plus ardant,</div> - <div class="vers">Et l’amour parut triste au bord de vos paupières.</div> - <div class="vers">Vostre corps en pleura par sa chaude sueur.</div> - <div class="vers">Vos feux s’entregrondans tournèrent cent carrières.</div> - <div class="vers">Vous pensastes vingt fois m’appeller affronteur:</div> - <div class="vers">Mais un trop grand dépit calma ceste fureur.</div> - <div class="vers">Puis, vostre rage estoit à demy r’allentie.</div> - <div class="vers8">Vous estiez pourtant en courroux,</div> - <span class="pagenum" id="Page_75">[p. 75]</span> - <div class="vers">J’estois un peu confus, mais non pas tant que vous,</div> - <div class="vers">Voyant si mal finir cette belle partie.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Depuis ce doux moment, l’ayant manqué si beau,</div> - <div class="vers8">Vous avez pris un air farouche:</div> - <div class="vers">Vos flâmes ont esté pour moy dans le tombeau,</div> - <div class="vers8">J’ai tout perdu, jusqu’à la bouche.</div> - <div class="vers8">Vos esprits tousjours mutinez</div> - <div class="vers8">M’ont fait sans cesse un pied de nez,</div> - <div class="vers">Alors que j’ay voulu remonter sur ma beste.</div> - <div class="vers">Je n’ay pu revenir jamais à mes moutons,</div> - <div class="vers">Je n’ay plus esté saint dont on chomme la feste.</div> - <div class="vers">Il est vray j’ay baisé quelquefois vos tetons.</div> - <div class="vers">Mais tout cela n’est rien, n’allant point à tastons;</div> - <div class="vers">Ou si c’est quelque chose, on en est plus à plaindre:</div> - <div class="vers8">Par des eslans impérieux</div> - <div class="vers">On ne fait qu’allumer des braziers furieux</div> - <div class="vers">Que le diable nourrit, et qui veulent s’éteindre.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Mais revenons, Cloris, tous deux d’un mesme accord.</div> - <div class="vers8">Mon mal vous donne de la peine;</div> - <div class="vers">Et c’est à vos despens que vous me faites tort;</div> - <div class="vers8">Car quand vous m’estes inhumaine,</div> - <div class="vers8">Semblable à cet esprit malin</div> - <div class="vers8">Qui pour aveugler son prochain</div> - <div class="vers">S’éborgne volontiers d’une des deux prunelles,</div> - <div class="vers">Vous enragez d’abord pour me faire enrager,</div> - <div class="vers">Et faites à vos sens des blessures mortelles.</div> - <div class="vers">C’est assez avoir pris de soins à vous venger.</div> - <div class="vers">Après tant de travaux, il se faut soulager</div> - <div class="vers">Je sçay que plus que moy vous en avez envie,</div> - <div class="vers8">Et vous avez beau marchander,</div> - <div class="vers">Vous devez de bon gré dans peu me l’accorder.</div> - <div class="vers">Et dans peu le dépit vous ostera la vie.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Il est vray, j’ay failly, par mon chien de respect...</div> - <div class="vers8">Je devois estre un peu moins sage:</div> - <div class="vers">Mais je suis corrigé (grâce à nostre regret)</div> - <div class="vers8">Et je suis fait au badinage.</div> - <span class="pagenum" id="Page_76">[p. 76]</span> - <div class="vers8">Si je vous rencontre à l’écart,</div> - <div class="vers8">Soit en plein jour ou sur le tard,</div> - <div class="vers">Par ma foy, vous pouvez bien brider vostre juppe,</div> - <div class="vers">Je verray jusqu’au haut comme elle est à l’envers,</div> - <div class="vers">Et puis, vous renversant pour soustenir la duppe,</div> - <div class="vers">Tout d’un coup je mettray vos beaux yeux de travers,</div> - <div class="vers">Comme je l’imagine en escrivant ces vers...</div> - <div class="vers">Hélas! ce doux penser me met hors de moy-mesme.</div> - <div class="vers8">Mais tout beau, ma chair et mon sang!</div> - <div class="vers">Laissez finir ma plume, attendez votre rang:</div> - <div class="vers">Vous en aurez assez quand vous serez à mesme.</div> -</div> - -<div class="attrib">D. M.</div> - -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_3">LA JOUISSANCE IMPARFAITE</h3> - -<div class="poem"> - -<div class="ptit">CAPRICE<a name="FNanchor_22" id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">[22]</a></div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Après mille amoureux discours</div> - <div class="vers8">Interrompus d’un long silence,</div> - <div class="vers8">Elle repousse mes amours</div> - <div class="vers8">D’une agréable violence.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Je sçay qu’en cette occasion</div> - <div class="vers8">Ce qui cause nostre querelle,</div> - <div class="vers8">Ce n’est pas son aversion,</div> - <div class="vers8">Mais c’est sa pudeur naturelle.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Pour ses bras en vain resistans,</div> - <div class="vers8">Ses yeux semblent me faire excuse,</div> - <span class="pagenum" id="Page_77">[p. 77]</span> - <div class="vers8">Et je trouve qu’en mesme temps</div> - <div class="vers8">Elle m’accepte et me refuse.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Pour favoriser mon dessein,</div> - <div class="vers8">Et soulager mon mal extresme,</div> - <div class="vers8">Le linge qui couvroit son sein</div> - <div class="vers8">Est tombé presque de luy-mesme.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Ayant porté ses belles mains</div> - <div class="vers8">Dessus ces deux globes d’albâtre,</div> - <div class="vers8">Je baise les doigts inhumains</div> - <div class="vers8">Qui cachent ce que j’idolâtre.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Hélas! à quoy, dis-je, vous sert</div> - <div class="vers8">D’estre à mon amour si farouche?</div> - <div class="vers8">Vos mains ont vostre sein couvert,</div> - <div class="vers8">Et m’ont decouvert vostre bouche.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Vous faites autant de péchez</div> - <div class="vers8">Que vous m’ostez de belles choses;</div> - <div class="vers8">Mais pour les lys que vous cachez,</div> - <div class="vers8">Je m’en vay bien cueillir des roses.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Dieux! que cette bouche a d’appas!</div> - <div class="vers8">Que tout ce visage a de grâces!</div> - <div class="vers8">Cent mains ne vous suffiroient pas</div> - <div class="vers8">Pour garder tant de belles places.»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Icy la constance est à bout,</div> - <div class="vers8">Toute sa force est allentie:</div> - <div class="vers8">Elle aime mieux me donner tout,</div> - <div class="vers8">Que d’en céder une partie.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Au lieu donc de me repousser,</div> - <div class="vers8">Ses bras, sans aucune contrainte,</div> - <div class="vers8">Ne servent plus qu’à m’embrasser</div> - <div class="vers8">D’une amoureuse et molle estrainte.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Son amour dans ses yeux se lit,</div> - <div class="vers8">J’y connois son inquiétude;</div> - <span class="pagenum" id="Page_78">[p. 78]</span> - <div class="vers8">Elle tombe dessus le lit,</div> - <div class="vers8">Plus d’amour que de lassitude.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Par l’ardeur de sa passion</div> - <div class="vers8">Toute sa personne est émeuë,</div> - <div class="vers8">Et son imagination</div> - <div class="vers8">Trouble lascivement sa veuë.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Déjà sa gorge s’enfle un peu,</div> - <div class="vers8">Et (j’ay de la peine à le croire),</div> - <div class="vers8">J’aperçoy l’éclat d’un beau feu</div> - <div class="vers8">Entre deux colonnes d’yvoire.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Mais, ô foible contentement,</div> - <div class="vers8">Passion qui n’a point d’exemple,</div> - <div class="vers8">Mon vain devoir en un moment</div> - <div class="vers8">Se rend à la porte du temple.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Incomparable affliction!</div> - <div class="vers8">Une ville après cent batailles</div> - <div class="vers8">Se rend à ma discretion,</div> - <div class="vers8">Et je meurs au pied des murailles...</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Nous faisons, mais séparément,</div> - <div class="vers8">Ce qu’ensemble nous devions faire,</div> - <div class="vers8">Et, sans le vif attouchement,</div> - <div class="vers8">S’achève l’amoureux mystère.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Icy nos amours sont punis,</div> - <div class="vers8">Par l’excez de leurs propres flames,</div> - <div class="vers8">Et nos deux corps seroient unis.</div> - <div class="vers8">Si nous n’eussions uni nos ames.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Hélas! c’est trop tost achever!</div> - <div class="vers8">Luy dis-je, la voyant fâchée,</div> - <div class="vers8">Et honteuse de se lever,</div> - <div class="vers8">Aussi-tost qu’elle fut couchée.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Si je n’ay duré qu’un moment,</div> - <div class="vers8">Accusez-en vostre constance:</div> - <span class="pagenum" id="Page_79">[p. 79]</span> - <div class="vers8">La moitié du chatoüillement</div> - <div class="vers8">S’est passée en la résistance.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«D’une si nuisible vertu</div> - <div class="vers8">Ne faites jamais tant de gloire;</div> - <div class="vers8">Si vous n’eussiez point combattu,</div> - <div class="vers8">Vous eussiez gagné la victoire.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Mon défaut vous est glorieux,</div> - <div class="vers8">Ne le prenez pas pour un crime;</div> - <div class="vers8">Un feu lancé de vos beaux yeux</div> - <div class="vers8">A brulé toute la victime.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«L’ame, par l’admiration</div> - <div class="vers8">Et par le désir suspenduë,</div> - <div class="vers8">Est cause que sans action</div> - <div class="vers8">La volupté s’est répanduë.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">«Excusez donc mon chaud desir,</div> - <div class="vers8">Et vous consolez, Isabelle,</div> - <div class="vers8">Vous eussiez eu plus de plaisir</div> - <div class="vers8">Si vous eussiez esté moins belle.»</div> -</div> -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_4">JOUISSANCE</h3> - -<div class="poem"> - -<div class="ptit">STANCES<a name="FNanchor_23" id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">[23]</a></div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers">Après tant de faveurs, ne craignez pas, Silvie,</div> - <div class="vers6">Que je ne sois secret:</div> - <div class="vers">J’ayme mieux près de vous passer, toute ma vie,</div> - <div class="vers">Pour un méconnoissant, que pour un indiscret.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <span class="pagenum" id="Page_80">[p. 80]</span> - <div class="vers">Vostre compassion a ma peine accourcie,</div> - <div class="vers6">Me rendant fortuné;</div> - <div class="vers">Mais il n’est pas besoin que je vous remercie,</div> - <div class="vers">De peur de faire voir que vous m’avez donné.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Pour m’en bien acquiter, tous mes desirs frivoles</div> - <div class="vers6">Resteront sans pouvoir;</div> - <div class="vers">Outre que je n’ay pas d’assez dignes paroles,</div> - <div class="vers">C’est que, pour en parler, je n’en veux pas avoir.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">C’est assez que propice à mon inquiétude</div> - <div class="vers6">Vous flattiez mon ardeur:</div> - <div class="vers">Et jamais de ma part aucune ingratitude</div> - <div class="vers">N’en fasse repentir votre jeune pudeur.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Trop heureux que je suis d’avoir en ma puissance</div> - <div class="vers6">De si charmants appas;</div> - <div class="vers">Je sçauray bien me taire, et ma reconnoissance</div> - <div class="vers">Ne sera point du tout ou ne paroistra pas.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Je seray devant vous comme j’estois naguère,</div> - <div class="vers6">Quand je soupirois tant:</div> - <div class="vers">Et vous prendrez plaisir vous-mesme à me voir faire,</div> - <div class="vers">Quand vous m’entendrez plaindre et me saurez content.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Je veux que la tristesse encore se revoye</div> - <div class="vers6">Sur ma pâle couleur,</div> - <div class="vers">Et cent soûpirs iront à ma secrette joye,</div> - <div class="vers">Qui seront adressez à ma fausse douleur.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Je vous appelleray mon ingrate maistresse,</div> - <div class="vers6">Publieray mes langueurs,</div> - <div class="vers">Et malgré vos bontez, tout le monde sans cesse</div> - <div class="vers">Verra dans mes écrits subsister vos rigueurs.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Je ne suis pas de ceux dont la vaine ignorance,</div> - <div class="vers6">Ne pouvant bien choisir,</div> - <div class="vers">Plustost que le solide, embrassent l’apparence</div> - <div class="vers">Et font du seul éclat l’essence du plaisir.</div> -</div> -<div class="stanza"> -<span class="pagenum" id="Page_81">[p. 81]</span> - <div class="vers">Leur maxime n’est pas que la chose se cache,</div> - <div class="vers6">Cela les refroidit:</div> - <div class="vers">Toute leur volupté, c’est que chacun le sçache,</div> - <div class="vers">Et que rien ne soit fait, pourveu que tout soit dit.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Moi qui n’ay pas chez eux fait mon apprentissage,</div> - <div class="vers6">Je n’en tiens du tout rien;</div> - <div class="vers">Ma muse, quoyque jeune, est une muse sage,</div> - <div class="vers">Qui n’a jamais fait honte à qui m’a fait du bien.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Aussi, rasseurez-vous, adorable Silvie,</div> - <div class="vers6">Et ne permettez pas</div> - <div class="vers">Que de nostre amoureuse et bienheureuse vie</div> - <div class="vers">Une goutte d’absinthe aigrisse les appas.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Jeunes, à pleines mains cueillons et lis et roses,</div> - <div class="vers6">D’un soin toujours égal;</div> - <div class="vers">J’ay bien fait de languir pour de si belles choses;</div> - <div class="vers">Et vous avez bien fait de soulager mon mal.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Ne laissons échapper un moment inutile</div> - <div class="vers6">En l’avril de nos ans,</div> - <div class="vers">Et que nostre pensée en delices fertile,</div> - <div class="vers">S’épuise et se remplisse en faveur de nos sens.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">De vos chères faveurs les aimables largesses</div> - <div class="vers6">Comblent tout mon souhait,</div> - <div class="vers">Et cependant mon ame au milieu des caresses</div> - <div class="vers">Ne peut venir à bout d’un desir satisfait.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Contente, elle désire, et va criant à l’ayde,</div> - <div class="vers6">Au milieu du secours;</div> - <div class="vers">Le doux mal qu’elle plaint dure après son remède,</div> - <div class="vers">Et quoy qu’il en arrive, elle brûle toujours.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">C’est trop d’amour, Silvie, et cet excès aimable,</div> - <div class="vers6">Ne vous déplaira point;</div> - <div class="vers">Je n’ay jamais rien fait qui n’ait esté blamable,</div> - <div class="vers">Si vostre jugement me condamne en ce poinct.</div> -</div> -<div class="stanza"> -<span class="pagenum" id="Page_82">[p. 82]</span> - <div class="vers">Que j’aime ce visage en sa naïve grace</div> - <div class="vers6">Jadis plein de refus,</div> - <div class="vers">Et maintenant si doux, qu’on n’y voit plus la trace</div> - <div class="vers">De nul de ses dédains qui ne paroissent plus!</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Ces beaux yeux, ce beau sein, toutes ces riches marques</div> - <div class="vers6">N’appartiennent qu’à moy,</div> - <div class="vers">Et bas comme je suis au-dessous des monarques,</div> - <div class="vers">J’ay pourtant des trésors que n’auroit pas un roy.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Tout beau! quelque douceur si plaisante à décrire</div> - <div class="vers6">Qu’ait eu ma passion,</div> - <div class="vers">J’ay beaucoup à penser, mais je n’ay rien à dire</div> - <div class="vers">Et ma gloire dépend de ma discrétion.</div> -</div> - -<div class="attrib"><span class="smcap">Benserade.</span></div> - -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_5">JOUISSANCE<a name="FNanchor_24" id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">[24]</a></h3> - -<div class="poem"> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Enfin cette beauté qui me faisoit mourir,</div> - <div class="vers8">Dans le soin de me secourir</div> - <div class="vers">Change l’ingratitude à la reconnoissance,</div> - <div class="vers">Et m’a dit aujourd’hui que sa difficulté</div> - <div class="vers8">Feroit moins voir sa cruauté</div> - <div class="vers8">Que l’excès de ma récompense.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Mais quoy? sans retomber au péril du trépas,</div> - <div class="vers8">Pourray-je dire les combats</div> - <div class="vers">Que la honte et l’amour livrèrent à son ame,</div> - <div class="vers">Alors que, se rendant à mon assaut vainqueur,</div> - <div class="vers8">L’innocente mouroit de peur,</div> - <div class="vers8">Et trembloit au bruit de ma flame!</div> -<span class="pagenum" id="Page_83">[p. 83]</span> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Amour, qui m’as comblé de gloire et de plaisir,</div> - <div class="vers8">Seconde encore mon désir;</div> - <div class="vers">Toy qui brulois mon cœur, échaufe un peu ma veine,</div> - <div class="vers">Afin qu’on puisse lire écrit sur tes autels</div> - <div class="vers8">Des caractères immortels</div> - <div class="vers8">A la loüange de ma reine.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">En la triste saison que Phebus endormy</div> - <div class="vers8">Ne luit au monde qu’à demy,</div> - <div class="vers">Mon astre m’éclaira de toute sa lumière.</div> - <div class="vers">Et cette belle aurore, un peu devant le jour,</div> - <div class="vers8">A l’assignation d’amour</div> - <div class="vers8">Se rendit presque la première.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Au moment que je vis ce merveilleux objet,</div> - <div class="vers8">Pour qui j’avois tant de respect,</div> - <div class="vers">Entrer les yeux baissez, et d’un accent timide,</div> - <div class="vers">Me dire: «Cher Tircis, à quoy m’exposes-tu?</div> - <div class="vers8">Faut-il que pour toy la vertu</div> - <div class="vers8">Cède à la fureur qui me guide?</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">«Tircis, vivons tousjours dans nos feux innocens;</div> - <div class="vers8">Et si j’ay des charmes puissans,</div> - <div class="vers">Comme pour me flater tu le veux faire croire,</div> - <div class="vers">Modère aussi les tiens, et content de ma foy,</div> - <div class="vers8">Cesse de prétendre sur moy</div> - <div class="vers8">L’honneur d’une lâche victoire.»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Quand je vis tant de grace avec tant de pudeur,</div> - <div class="vers8">Peu s’en fallut que mon ardeur</div> - <div class="vers">N’écoutât du respect les simples remonstrances,</div> - <div class="vers">Et que, perdant le fruit de cette occasion,</div> - <div class="vers8">Une sotte confusion</div> - <div class="vers8">Ne ruinât mes espérances.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Mais reprenant bien-tost mon généreux dessein,</div> - <div class="vers8">J’attache ma bouche à son sein,</div> - <div class="vers">Qui d’un poux inégal témoignoit ses alarmes:</div> - <div class="vers">Là nous eusmes un long et périlleux combat.</div> - <span class="pagenum" id="Page_84">[p. 84]</span> - <div class="vers8">Avant qu’elle ne succombât</div> - <div class="vers8">Sous l’heureux effort de mes armes.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Nos rideaux recevoient tout autant de clarté</div> - <div class="vers8">Qu’il en faut pour une beauté</div> - <div class="vers">Qui des jeux de l’Amour n’a pas l’expérience.</div> - <div class="vers">La pudeur de Philis s’y pouvoit asseurer,</div> - <div class="vers8">Et j’y pouvois considérer</div> - <div class="vers8">Tous les traits de son innocence.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Je vis comme l’Amour quelquefois luy haussoit</div> - <div class="vers8">Ses yeux que la honte abaissoit</div> - <div class="vers">Je vis rougir ses lys, je vis pâlir ses roses;</div> - <div class="vers">Tout estoit merveilleux, et je puis hardiment</div> - <div class="vers8">Protester que jamais amant</div> - <div class="vers8">Ne toucha de si belles choses.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Alors, n’en pouvant plus: «Cher voleur d’un tresor,</div> - <div class="vers8">Que je devois garder encor,</div> - <div class="vers">Après avoir soulé ton amoureuse envie,</div> - <div class="vers">Après t’estre enrichy de ma première fleur,</div> - <div class="vers8">Après m’avoir osté l’honneur,</div> - <div class="vers8">Oste-moy, dit-elle, la vie!»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">«Reyne de mes desirs, maistresse de mon sort,</div> - <div class="vers8">Puisque nos destins sont d’accord,</div> - <div class="vers">Goustons les voluptez que le ciel nous envoye;</div> - <div class="vers">Appaise donc, luy dis-je, appaise tes douleurs,</div> - <div class="vers8">Et ne fais pas tomber des pleurs</div> - <div class="vers8">Dans le fleuve de nostre joye.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">«Tu sçais, belle Philis, que ma discrétion</div> - <div class="vers8">L’emporte sur ma passion.</div> - <div class="vers">Et qu’à dissimuler j’ay si peu de contrainte,</div> - <div class="vers">Que tous les espions qu’on vient de nous donner</div> - <div class="vers8">Jamais ne pourront discerner</div> - <div class="vers8">La vérité d’avec la feinte.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">«Sçache aussi que d’Amour l’agréable péché,</div> - <div class="vers8">Pourveu qu’on le tienne caché</div> -<span class="pagenum" id="Page_85">[p. 85]</span> - <div class="vers">Loin de ce que tu crains, n’apporte à ses complices</div> - <div class="vers">Qu’un mutuel desir de le faire souvent,</div> - <div class="vers8">Et l’honneur, qui n’est que du vent,</div> - <div class="vers8">Se garde parmy nos délices.»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Ce miracle d’amour, de grâce et de beauté,</div> - <div class="vers8">Après m’avoir bien écouté:</div> - <div class="vers">«Que les propos, dit-il, d’une personne aimée</div> - <div class="vers">Ont un rare pouvoir de toucher nos esprits!</div> - <div class="vers8">Que mes sens se trouvent surpris,</div> - <div class="vers8">Et ma colère desarmée!</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">«Dispose de ma vie, aimable suborneur!</div> - <div class="vers8">L’Amour, plus puissant que l’honneur,</div> - <div class="vers">Me fait abandonner ma première conduite,</div> - <div class="vers">Et dit à ma raison, qu’un si parfait amant</div> - <div class="vers8">Ne peut cueillir injustement</div> - <div class="vers8">Les fruits d’une longue poursuite.»</div> -</div> -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_6">JOUISSANCE</h3> - -<div class="poem"> - -<div class="ptit">IDYLLE<a name="FNanchor_25" id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">[25]</a></div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers">Du bel astre du jour les lumières errantes</div> - <div class="vers">Avoient brillé deux fois sur les fleurs renaissantes,</div> - <div class="vers">Et sous les noirs frimas les aquilons naissans</div> - <div class="vers">Avoient blanchy deux fois la vieillesse des ans;</div> - <div class="vers">Depuis le jour fatal que l’amoureux Lysandre</div> - <div class="vers">Vit la belle Climene et ne peut s’en deffendre,</div> - <div class="vers">Et qu’heureux à ses pieds de voir couler ses jours,</div> - <div class="vers">Il n’estoit point gesné par d’ingrates amours.</div> - <div class="vers">Après beaucoup de temps, de constance et de peine.</div> - <span class="pagenum" id="Page_86">[p. 86]</span> - <div class="vers">Il sut toucher le cœur de l’aimable Climène,</div> - <div class="vers">Et cette belle enfin, favorable à ses vœux,</div> - <div class="vers">Ressentit les langueurs d’un tourment amoureux.</div> - <div class="vers">Tous deux, fuyant le monde, abandonnoient leurs ames</div> - <div class="vers">Aux plaisirs innocens de leurs discrètes flames,</div> - <div class="vers">Et ces parfaits amans ne peignoient dans leurs yeux</div> - <div class="vers">Que ces chastes amours qui triomphent des dieux.</div> - <div class="vers">Mais qu’on voit rarement, dans le siècle où nous sommes,</div> - <div class="vers">Les amans aimer bien et n’aimer pas en hommes,</div> - <div class="vers">Et qu’il est difficile au cœur bien enflamé</div> - <div class="vers">D’estre longtemps discret, lorsqu’il est fort aimé!</div> - <div class="vers">Lysandre, en qui l’amour estoit jadis si pure,</div> - <div class="vers">Fut touché du désordre où porte la nature:</div> - <div class="vers">Son cœur et sa raison ne pouvant s’accorder,</div> - <div class="vers">Il vouloit des faveurs qu’il n’osoit demander.</div> - <div class="vers">Climène le connut, et son ame affligée</div> - <div class="vers">Desira vainement de se voir dégagée.</div> - <div class="vers">Mais elle aimoit beaucoup, et vit bien qu’en aimant</div> - <div class="vers">L’on s’accoutume enfin aux transports d’un amant.</div> - <div class="vers">Climène chaque jour devenoit moins sévère,</div> - <div class="vers">Répondoit à Lysandre avec moins de colère,</div> - <div class="vers">Et Lysandre, hardy, luy contoit chaque jour</div> - <div class="vers">Les plaisirs indiscrets du criminel amour.</div> - <div class="vers">D’un honneur scrupuleux les loix trop rigoureuses</div> - <div class="vers">Combattirent longtemps leurs flames amoureuses.</div> - <div class="vers">Mais dès lors que l’honneur est pressé par l’amour,</div> - <div class="vers">Si l’amour est bien fort, l’honneur cède à son tour.</div> - <div class="vers">Avec tous les efforts d’une vertu sévère,</div> - <div class="vers">C’est en vain que souvent la Raison delibère,</div> - <div class="vers">Et l’esprit, combattu par des attraits puissans,</div> - <div class="vers">Se trouble et s’abandonne à l’empire des sens.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Sur le bord d’un ruisseau, loin du bruit et du monde</div> - <div class="vers">Climène un jour dormoit au murmure de l’onde,</div> - <div class="vers">A l’ombrage d’un bois et sur le gazon vert:</div> - <div class="vers">Un doux zephir baisoit son beau sein découvert.</div> - <div class="vers">Telle parut jadis, dans les bois de Cythère,</div> - <div class="vers">Des plus tendres Amours la ravissante mère,</div> - <div class="vers">Quand lasse de chercher son aimable Adonis,</div> - <span class="pagenum" id="Page_87">[p. 87]</span> - <div class="vers">Elle se reposoit dans les bras de son fils.</div> - <div class="vers">Climène, mille fois plus charmante et plus belle,</div> - <div class="vers">Dort parmi les Amours qui veillent autour d’elle,</div> - <div class="vers">Qui toujours attachez à ses divins appas,</div> - <div class="vers">L’aiment comme leur mère et ne la quittent pas.</div> - <div class="vers">Elle dormoit encor, lorsque son cher Lysandre,</div> - <div class="vers">Guidé par l’Amour mesme, en ce bois se vint rendre.</div> - <div class="vers">Surpris d’un nouveau jour qui brilloit à ses yeux,</div> - <div class="vers">Il connut que Climène estoit près de ces lieux.</div> - <div class="vers">Il soupire, il s’avance, et dans cet instant mesme,</div> - <div class="vers">Plein de joie et d’ardeur, il trouve ce qu’il aime,</div> - <div class="vers">Il reconnoît Climène, et voit que son beau corps,</div> - <div class="vers">Négligemment couché, découvroit ses trésors.</div> - <div class="vers">Charmé de contempler tant de beautez nouvelles,</div> - <div class="vers">De mille feux nouveaux il sent les étincelles,</div> - <div class="vers">Et se laisse embraser à ces esprits ardens</div> - <div class="vers">Qui malgré la raison s’écoulent par les sens.</div> - <div class="vers">Sans éveiller Climène, à genoux auprès d’elle,</div> - <div class="vers">Il veut porter sa bouche au sein de cette belle,</div> - <div class="vers">Et sa main criminelle est prête de toucher</div> - <div class="vers">Des trésors que l’honneur ordonne de cacher.</div> - <div class="vers">Mais un léger respect qui combattoit sa flame,</div> - <div class="vers">Calma pour un moment les transports de son ame,</div> - <div class="vers">Et, prest d’exécuter un si hardy dessein,</div> - <div class="vers">Il sentit arrester et sa bouche et sa main.</div> - <div class="vers">Il craignit justement que Climène offensée</div> - <div class="vers">Ne punît par sa haine une ardeur insensée,</div> - <div class="vers">Et que, pleine d’horreur pour sa témérité,</div> - <div class="vers">Il ne peust plus fléchir son esprit irrité.</div> - <div class="vers">«Que feray-je, dit-il, dans l’ardeur qui m’anime?</div> - <div class="vers">Qui péche par amour ne fait pas un grand crime.</div> - <div class="vers">Souvent dans les combats qu’ont des cœurs amoureux,</div> - <div class="vers">Si l’on n’est téméraire on n’est jamais heureux.</div> - <div class="vers">Nul ne peut estre sage auprès de ce qu’il aime:</div> - <div class="vers">Le respect dure peu quand l’amour est extrême,</div> - <div class="vers">Et ces foibles combats sont au cœur d’un amant</div> - <div class="vers">Ce que fait un peu d’eau sur un brasier fumant.»</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">A ces mots, il s’emporte, et son ame aveuglée</div> - <span class="pagenum" id="Page_88">[p. 88]</span> - <div class="vers">S’abandonne aux fureurs d’une amour déréglée.</div> - <div class="vers">Il arreste Climène avec ses bras puissans,</div> - <div class="vers">Et l’inhumain est sourd à ses cris innocens.</div> - <div class="vers">Cette belle, en désordre, estonnée et tremblante,</div> - <div class="vers">Tâche en vain d’échapper, se plaint et se tourmente,</div> - <div class="vers">Menace son amant de courir au trépas:</div> - <div class="vers">Enfin elle le prie et ne le fléchit pas.</div> - <div class="vers">Sa résistance est foible aux efforts de Lysandre.</div> - <div class="vers">Contre quelque autre amant elle eust peu se défendre,</div> - <div class="vers">Mais contre ce qu’on aime on fait un vain effort:</div> - <div class="vers">Quand le cœur nous trahit, le bras n’est guères fort.</div> - <div class="vers">Ce n’est plus qu’aux soupirs que sa bouche est ouverte.</div> - <div class="vers">Elle ferme les yeux pour ne pas voir sa perte,</div> - <div class="vers">Et les bras étendus, sans aucun mouvement,</div> - <div class="vers">Laisse tout prendre enfin à cet heureux amant.</div> - <div class="vers">Jamais tant de beautez, avecque tant de joye,</div> - <div class="vers">Des ardeurs d’un amant ne devinrent la proye,</div> - <div class="vers">Et l’on ne vit jamais dans l’empire amoureux</div> - <div class="vers">De plus belle conqueste et d’amant plus heureux.</div> - <div class="vers">Dans le fond de ce bois les Nymphes en rougirent,</div> - <div class="vers">Le Faune tressaillit, et les Amours en rirent;</div> - <div class="vers">Tous en furent émus et dirent tour à tour,</div> - <div class="vers">Que rien n’est comparable aux douceurs de l’amour.</div> -</div> -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_7">JOUISSANCE</h3> - -<div class="poem"> - -<div class="ptit">SONNET<a name="FNanchor_26" id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">[26]</a></div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers">Aujourd’huy dans tes bras j’ay demeuré pâmée:</div> - <div class="vers">Aujourd’huy, cher Tircis, ton amoureuse ardeur</div> - <div class="vers">Triomphe impunément de toute ma pudeur,</div> - <div class="vers">Et je cède aux transports dont mon ame est charmée.</div> -<span class="pagenum" id="Page_89">[p. 89]</span> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Ta flame et ton respect m’ont enfin desarmée:</div> - <div class="vers">Dans nos embrassemens je mets tout mon bonheur,</div> - <div class="vers">Et je ne connois plus de vertu ni d’honneur,</div> - <div class="vers">Puisque j’aime Tircis et que j’en suis aimée.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">O vous, foibles esprits, qui ne connoissez pas</div> - <div class="vers">Les plaisirs les plus doux que l’on gouste icy-bas,</div> - <div class="vers">Apprenez les transports dont mon ame est ravie.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers">Une douce langueur m’oste le sentiment,</div> - <div class="vers">Je meurs entre les bras de mon fidelle amant,</div> - <div class="vers">Et c’est dans cette mort que je trouve la vie.</div> -</div> -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_8">JOUISSANCE</h3> - -<p class="cent cs8">(Imité d’Ovide, <i>Amours</i>, liv. III, élég. 7.)</p> - -<div class="poem"> - -<div class="ptit">STANCES<a name="FNanchor_27" id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">[27]</a></div> - -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Accablé de l’inquiétude</div> - <div class="vers8">Que cause l’ardeur de l’esté,</div> - <div class="vers8">Pour dissiper ma lassitude</div> - <div class="vers8">Sur mon lit je m’estois jeté.</div> - <div class="vers8">Le soleil, dans ma chambre obscure,</div> - <div class="vers8">Trouvant quelque foible ouverture,</div> - <div class="vers8">Lançoit un rayon de ses feux,</div> - <div class="vers8">Et meslant la lumière à l’ombre,</div> - <div class="vers8">En faisoit un lieu clair et sombre</div> - <div class="vers8">Propice aux larcins amoureux.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <span class="pagenum" id="Page_90">[p. 90]</span> - <div class="vers8">Alors à mes yeux se présente</div> - <div class="vers8">Corinne et n’ose m’approcher:</div> - <div class="vers8">Sa robe blanche et transparente</div> - <div class="vers8">La couvroit sans me la cacher.</div> - <div class="vers8">Elle chancelle, je m’avance;</div> - <div class="vers8">J’attaque, elle fait résistance</div> - <div class="vers8">Et tâche de me repousser,</div> - <div class="vers8">Mais d’une manière si douce,</div> - <div class="vers8">Que le beau bras qui me repousse,</div> - <div class="vers8">Est deja prest à m’embrasser.</div> -</div> -<div class="stanza"> - <div class="vers8">Enfin, vainqueur de cette belle,</div> - <div class="vers8">J’en contemplay tous les appas,</div> - <div class="vers8">J’admiray ce qu’on voit en elle</div> - <div class="vers8">Et tout ce que l’on ne voit pas.</div> - <div class="vers8">Chacun aisément conjecture</div> - <div class="vers8">Ce qu’on fait en cette aventure</div> - <div class="vers8">Avec l’objet de ses amours...</div> - <div class="vers8">Que je serois digne d’envie,</div> - <div class="vers8">Si dans la suite de ma vie</div> - <div class="vers8">J’avois souvent de ces beaux jours!</div> -</div> -</div> - -<hr class="hr6" /> - -<h3 id="sub3_9">L’OCCASION PERDUE RECOUVERTE<a name="FNanchor_28" id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">[28]</a></h3> - -<p>Une certaine Dame de la campagne avoit un -mary fort jaloux, et neantmoins ne laissoit point -de se réjouyr, et de passer son temps avec un -jeune frisé, valet de chambre d’un gentilhomme -de ses voisins, dont elle estoit passionnement -<span class="pagenum" id="Page_91">[p. 91]</span> -amoureuse, qui, quelquefois, la voyoit de près aux -heures qu’elle l’avertissoit que son mary estoit -absent. Cette Dame estoit parfaitement belle, et -quoyqu’elle s’abandonnast à un valet, ne laissoit -point d’estre poursuivie par tous les braves cavaliers -du pays, et entre autres, par un certain Marquis, -leur voisin, qui, l’ayant longuement persecutée -à force de présens, obtint d’elle ce qu’il en -desiroit, mais elle l’obligeoit bien plus tost par interest -que par amour; car toutes ses inclinations -estoient dediées à ce valet de chambre, à qui elle -avoit absolument donné son cœur.</p> - -<p>Un jour, comme son mary estoit allé dehors, -qui ne devoit estre de retour que le lendemain, elle -envoye tout à l’heure querir son galand, comme -elle avoit accoutumé de faire en pareille occasion; -mais à peine luy avoit-elle donné le bonjour, que -monsieur le Marquis arrive, ayant laissé ses chevaux -dans la cour; (il) montoit desja l’escalier, -quand une des filles de chambre de la Dame la vint -avertir que monsieur le Marquis montoit. Elle, qui -pour rien n’eust voulu que le Marquis eust trouvé -ce jeune homme dans sa chambre, le pria de se -cacher; ce qu’il fit tout tremblant de peur, et, ne -sçachant où se mettre, il se cache sous le lict. -Le Marquis entre et salue la Dame, qui luy demande -comme il avoit sçeu prévoir que son mary -n’estoit point au logis; il luy dit que son cœur l’en -avoit averty, qui n’avoit pas accoutumé de pronostiquer -jamais en vain.</p> - -<p>Comme ils estoient en conversation ensemble, -le mary arrive: ce qu’une fille de chambre vint -aussitost dire à sa maistresse, qu’il estoit desja -<span class="pagenum" id="Page_92">[p. 92]</span> -dans la cour et qu’il avoit veu les chevaux de monsieur -le Marquis. Cette femme demeura bien interdite, -ne sçachant ce qu’elle devoit faire de voir -son mary la surprendre, pendant qu’elle estoit -avec le Marquis, et qu’elle avoit un autre galand -caché sous le lict. Mais, comme les femmes sont -extrêmement subtiles et prompte plus que les -hommes à remedier aux malheurs présens, avec -le peu de temps qu’elle avoit, elle dit au Marquis: -«Monsieur, si vous avés dessein de me sauver la -vie, au nom de Dieu, sans vous informer de la -cause qui m’oblige à cela, car je n’ai pas à présent -le loisir de répondre là-dessus, mettez l’espée à -la main, et tesmoignez d’estre en colere; disant: -<i>Morbleu! je le rattraperai une autre fois!</i> et en -disant cela, sortez promptement de céans, et quoyque -mon mary, que vous allez rencontrer sur la -montée, vous en demande la cause et vous veuille -arrester, allez-vous-en en colere, sans luy respondre. -C’est l’unique moyen de me sauver, sans -quoy, tenez-moy morte, autant vaut.»</p> - -<p>Le Marquis, qui n’avoit pas le loisir de consulter -là-dessus, bien aise aussi que par ce moyen il -pouvoit aussi échapper, met l’espée à la main, -sort de la chambre, et rencontrant le mary sur -la montée, dit, en colère: «Morbleu! je le rattraperay -une autre fois!» Le mary estonné, luy -demande ce qu’il a; mais, luy, sans vouloir escouter, -enfonçant son chapeau à sa teste, sort sans -luy dire aucune chose. Le mary trouve sa femme -à la porte de sa chambre, à qui il demande à qui -en avoit monsieur le Marquis. «Ah! mon amy, -luy dit-elle, jamais je ne me suis trouvée si -<span class="pagenum" id="Page_93">[p. 93]</span> -estonnée! Tout maintenant il est venu un jeune -homme se refugier icy, me criant, la larme à l’œil, -d’avoir pitié de luy et de le sauver des mains de -ce Marquis, qui, l’espée à la main, couroit après -luy pour le tuer. Je l’ai fait entrer dans ma chambre -et me suis tenuë à la porte pour en deffendre -l’entrée au Marquis, qui, tout furieux, venoit pour -le tuer; mais, ayant connu que je ne le trouvois -pas bon, s’estant venu refugier dans ma chambre, -encore a-t-il esté assez courtois pour ne l’attaquer -pas chez moy.—Ah! dit le mary, sans doute -c’est ce qui l’obligeoit à dire qu’il le rattraperoit -ailleurs. Mais où est-il ce jeune homme?—Je ne -sçay, dit-elle, où il se sera caché. Je m’en vais -l’appeler. Sortez, mon amy, dit-elle, sortez! Ne -craignez rien, il est party.» Ce jeune homme, -qui avoit tout ouï, sort tremblant de dessous le -lict, car il en avoit bien sujet. Le mary luy demande -pourquoy le marquis luy en vouloit: «Je -vous jure, dit-il, que je n’en sçay rien, monsieur, -car je ne le connois point, et je crois qu’il me -prend pour un autre: car, si tôt lorsqu’il m’a veu, -mettant l’espée à la main, il a crié: <i>Tue, tue!</i> et -sans Madame, qui m’a fait la faveur de me retirer -céans, je serois mort, sans doute. Je luy suis obligé -de la vie.» Le mary le console le mieux qu’il pût -et le conseille de ne sortir point de chez luy, qu’il -ne fust nuict, de peur que l’autre ne le guetast -par la rue. Ainsi eut-il beau recouvrer le temps -qu’il avoit perdu, sans appréhender le mary qui -luy servit d’escorte.</p> - -<p class="sep3 cent cs8">FIN.</p> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<div class="footnotes"> -<p class="noind" style="padding: .5em 0;">NOTES.</p> - -<p class="sep2"><a name="Footnote_1" id="Footnote_1" href="#FNanchor_1"><span class="label">[1]</span></a> -Ce texte, que nous regardons comme l’original de Pierre -Corneille, est tiré du <i>Nouveau Cabinet des Muses, ou l’Eslite -des plus belles poésies de ce temps</i> (Paris, veuve Edme Pepingué, -1658, in-12). La pièce se trouve dans un cahier -imprimé à part vers 1660, et placé à la suite du recueil; ce -cahier de 50 pages manque dans la plupart des exemplaires.</p> - -<p><a name="Footnote_2" id="Footnote_2" href="#FNanchor_2"><span class="label">[2]</span></a> -Page 284.</p> - -<p><a name="Footnote_3" id="Footnote_3" href="#FNanchor_3"><span class="label">[3]</span></a> -Un historien moderne prétend qu’il est aussi difficile -de le croire, que de lire ce livre une seule fois. Voyez l’<i>Histoire -du Siècle de Louis XIV</i>, t. II, chap. des Écrivains, -art. <i>Corneille (Pierre)</i>. On juge aujourd’hui des ouvrages, -d’une manière épigrammatique. Cette sorte de critique est -singulièrement remarquable dans la Méthode pour l’histoire, -etc.</p> - -<p><a name="Footnote_4" id="Footnote_4" href="#FNanchor_4"><span class="label">[4]</span></a> -Voy. les <i>Mémoires de Trévoux</i>, décembre 1724, p. 2272 -et le P. Niceron, t. XV de ses <i>Mémoires</i>, p. 379.</p> - -<p><a name="Footnote_5" id="Footnote_5" href="#FNanchor_5"><span class="label">[5]</span></a> -Le privilége est du 19 septembre 1661; il fut enregistré -sur le Livre des libraires le 30 du même mois; l’ouvrage -fut achevé d’imprimer le 16 novembre 1661. Le frontispice -porte cependant 1662.</p> - -<p><a name="Footnote_6" id="Footnote_6" href="#FNanchor_6"><span class="label">[6]</span></a> -Ce recueil forme un in-12 de 253 pages.</p> - -<p><a name="Footnote_7" id="Footnote_7" href="#FNanchor_7"><span class="label">[7]</span></a> -Page 12 de son <i>Avis au lecteur</i>.</p> - -<p><a name="Footnote_8" id="Footnote_8" href="#FNanchor_8"><span class="label">[8]</span></a> -Le compilateur des <i>Anecdotes littéraires</i> a copié le -passage du <i>Carpenteriana</i> (tome II, page 2), et donne aussi -à Corneille ce petit poëme.</p> - -<p><a name="Footnote_9" id="Footnote_9" href="#FNanchor_9"><span class="label">[9]</span></a> -Le 6 octobre 1715, neuf ans avant l’impression du -<i>Carpenteriana</i>.</p> - -<p><a name="Footnote_10" id="Footnote_10" href="#FNanchor_10"><span class="label">[10]</span></a> -<i>L’Occasion perduë-recouvrée</i> commence le recueil intitulé: -<i>L’Élite des poésies héroïques et gaillardes de ce temps, -augmentées de nouveau</i>, in-12 de 94 pages, sans nom de ville -et d’imprimeur. Cette pièce se trouve aussi à la tête du -<i>Recueil des pièces du temps, ou Divertissement curieux</i>. La -Haye, Jean Strik, 1685, in-12.</p> - -<p><a name="Footnote_11" id="Footnote_11" href="#FNanchor_11"><span class="label">[11]</span></a> -Voyez l’<i>Histoire de l’Académie françoise</i>, par M. l’abbé -d’Olivet, t. II, p. 235, édit. in-12.</p> - -<p><a name="Footnote_12" id="Footnote_12" href="#FNanchor_12"><span class="label">[12]</span></a> -Voyez sa <i>Réponse à l’épître de Rousseau contre les esprits-forts</i>.</p> - -<p><a name="Footnote_13" id="Footnote_13" href="#FNanchor_13"><span class="label">[13]</span></a> -Charles de Sercy et Claude Barbin en imprimèrent un -gros recueil en 2 vol. in-8, <i>Paris</i>, 1669.</p> - -<p><a name="Footnote_14" id="Footnote_14" href="#FNanchor_14"><span class="label">[14]</span></a> -Page 556 et suiv. Je me servirai toujours ici de la -première édition de ses Œuvres.</p> - -<p><a name="Footnote_15" id="Footnote_15" href="#FNanchor_15"><span class="label">[15]</span></a> -Voyez la page 7 et suiv. de l’<i>Avis au lecteur</i>.</p> - -<p><a name="Footnote_16" id="Footnote_16" href="#FNanchor_16"><span class="label">[16]</span></a> -Page 14.</p> - -<p><a name="Footnote_17" id="Footnote_17" href="#FNanchor_17"><span class="label">[17]</span></a> -En 1643.</p> - -<p><a name="Footnote_18" id="Footnote_18" href="#FNanchor_18"><span class="label">[18]</span></a> -Voyez page 248.</p> - -<p><a name="Footnote_19" id="Footnote_19" href="#FNanchor_19"><span class="label">[19]</span></a> -Voyez page 243.</p> - -<p><a name="Footnote_20" id="Footnote_20" href="#FNanchor_20"><span class="label">[20]</span></a> -Ces vers, imités des <i>Amours</i> d’Ovide (liv. III, élégie 7), -sont de Mathurin Régnier; ils ont été publiés, après sa mort, -dans ses œuvres, en 1613 et 1642. On les retrouve avec de -bonnes corrections, mais aussi avec de nouvelles fautes, -dans le <i>Nouveau recueil des plus belles poësies, contenant le -Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, la Belle mandiante, -l’Occasion perdue, etc., et autres pièces curieuses</i> (Paris, -vefve G. Loyson, 1654, in-12, p. 399-404).</p> - -<p><a name="Footnote_21" id="Footnote_21" href="#FNanchor_21"><span class="label">[21]</span></a> -<i>Nouveau recueil des plus belles poësies, contenant le -Triomphe d’Aminte, la Belle invincible, l’Occasion perduë, etc., -et autres poësies curieuses.</i> (Paris, chez la vefve Loyson, -1654, in-12, p. 119-138.)</p> - -<p><a name="Footnote_22" id="Footnote_22" href="#FNanchor_22"><span class="label">[22]</span></a> -Imprimé à la suite de <i>l’Occasion perduë recouverte</i>, -page 18 de ce cahier séparé, qui se trouve à la fin des -<i>Maximes et loix d’amour, lettres, billets doux et galants, -poësies</i> (Paris, Olivier de Varennes, 1669, pet. in-8).</p> - -<p><a name="Footnote_23" id="Footnote_23" href="#FNanchor_23"><span class="label">[23]</span></a> -<i>Poësies choisies de MM. Corneille, Benserade, de Scudery, -Bois-Robert, La Mesnardière, Sarrassin</i> (sic), <i>Desmarets, -etc., et de plusieurs autres célèbres autheurs de ce temps</i>. -4<sup>e</sup> édition, revue, corrigée et augmentée (Paris, Charles Sercy, -1655), in-8, page 30 de la première partie).</p> - -<p><a name="Footnote_24" id="Footnote_24" href="#FNanchor_24"><span class="label">[24]</span></a> -<i>Nouveau recueil de diverses poësies du sieur Du Teil, -augmenté de plusieurs poëmes, stances, sonnets, etc.</i> (Paris, -J. B. Loyson, 1659, in-12, p. 32-36).</p> - -<p><a name="Footnote_25" id="Footnote_25" href="#FNanchor_25"><span class="label">[25]</span></a> -<i>Poésies nouvelles et autres œuvres galantes du sieur -de C...</i> (Paris, Théodore Girard, 1662, in-12, p. 75-78).</p> - -<p><a name="Footnote_26" id="Footnote_26" href="#FNanchor_26"><span class="label">[26]</span></a> -<i>Poësies choisies de MM. Corneille, Bois-Robert, de -Marigny, Desmarets, Gombault, de La Lanne, de Cerisy, de -Cerisay, Maucroix, etc., et plusieurs autres.</i> Cinquiesme -partie (Paris, Charles de Sercy, 1666, in-12. p. 61). Ce sonnet, -publié sans nom d’auteur dans différents recueils, est -de mademoiselle Desjardins, plus tard madame de Villedieu, -qui ne le désavouait pas.</p> - -<p><a name="Footnote_27" id="Footnote_27" href="#FNanchor_27"><span class="label">[27]</span></a> -Cette pièce, sans nom d’auteur, se trouve à la p. 1177 -du t. IX du recueil manuscrit de Conrart, in-folio, Bibliothèque -de l’Arsenal.</p> - -<p><a name="Footnote_28" id="Footnote_28" href="#FNanchor_28"><span class="label">[28]</span></a> -<i>Les Soirées des Auberges, l’Apothicaire de qualité, -l’Avanture de l’hostellerie, le Mariage de Belfegore, l’Occasion -perduë recouverte, Nouvelles galantes, comiques et véritables</i> -(Paris, Estienne Loyson, 1669, in-12, p. 289-292).</p> -</div> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<h2 id="toc"> -TABLE DES MATIÈRES</h2> - -<hr class="hr30" /> - -<table summary="Table des matières"> -<tr> - <td> </td> - <td class="tdr" colspan="2">Pages.</td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">L’Occasion perdue recouverte</span>, stances de P. Corneille</td> - <td class="tds"><a href="#Page_5">5</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">Variantes</span>, d’après les Poésies nouvelles du S. de Cantenac</td> - <td class="tds"><a href="#Page_19">19</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl">Documents et dissertations sur <i>l’Occasion perdue recouverte</i></td> - <td class="tds"><a href="#Page_25">25</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl">Sources et imitations de <i>l’Occasion perdue recouverte</i></td> - <td class="tds"><a href="#Page_63">63</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">Impuissance</span>, par Math. Regnier</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_1"><i>Id.</i></a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">L’Occasion perdue a Cloris</span>, stances, par D. M.</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_2">70</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">La Jouissance imparfaite</span>, caprice</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_3">76</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, stances, par Benserade</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_4">79</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, stances, par Du Teil</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_5">82</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="pagenum" id="Page_96">[p. 96]</span> -<span class="smcap">Jouissance</span>, idylle, par de Cantenac</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_6">85</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, sonnet, par madame de Villedieu</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_7">88</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">Jouissance</span>, pièce inédite et anonyme, extraite du Recueil -de Conrart</td> - <td class="tds"><a href="#sub3_8">89</a></td> -</tr> -<tr> - <td class="tdl"><span class="smcap">L’Occasion perdue recouverte</span>, anecdote en prose, extraite -des <i>Soirées des Auberges</i></td> - <td class="tds"><a href="#sub3_9">90</a></td> -</tr> -</table> - -<hr style="margin: 3em 30% 0 30%;" /> - -<p class="cent cs8">PARIS.—IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D’ERFURTH, 1.</p> - -</div> - -<div class="chptr"> - -<div class="box"> - -<p class="ssrf cent" id="note">Au lecteur.</p> - -<p>L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée, -mais quelques erreurs clairement introduites par le typographe ou à -l'impression ont été corrigées. Ces corrections sont soulignées <ins -title="comme ceci">en pointillés</ins> dans le texte. Placez le curseur -sur le mot pour voir l'orthographe originale.</p> - -<p>Également, à quelques endroits la ponctuation a été corrigée.</p> - -</div> - -<hr class="full" /> - -</div> - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of Project Gutenberg's L'occasion perdue recouverte, by Pierre Corneille - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'OCCASION PERDUE RECOUVERTE *** - -***** This file should be named 63174-h.htm or 63174-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/6/3/1/7/63174/ - -Produced by Laurent Vogel, Hans Pieterse and the Online -Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/Canadian Libraries) - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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