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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Adolescence - -Author: Claude Anet - -Release Date: June 9, 2021 [eBook #65578] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: Laurent Vogel (This file was produced from images generously - made available by The Internet Archive/Canadian Libraries) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK ADOLESCENCE *** - - - - L’ALPHABET DES LETTRES - - ADOLESCENCE - - PAR - CLAUDE ANET - - A - - PARIS. A LA CITÉ DES LIVRES - - - - -Copyright by Claude Anet, 1925 - - - - -I - - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - -J’ai été un adolescent précoce et timide. A l’heure où je goûtais les -Géorgiques et où Virgile, avant Lucrèce, donnait une forme antique aux -émotions confuses qu’éveillait en moi le spectacle de la nature, je -sentis les premières fièvres d’un sang tumultueux. Je ne courais pas -après une jeune paysanne, mais je poursuivais Galatée sous les saules. -Elle fuyait et me laissait déçu. Plus heureux lorsque je rêvais, je -serrais une nymphe dans mes bras et mêlais mes membres maladroits aux -siens. J’étais élevé à la campagne, sans camarades. Le moindre lycéen -aurait pris en pitié mon inexpérience. Sain et fort jusqu’à l’excès, je -courais, je nageais, je montais à cheval; je me fatiguais sans arriver à -calmer l’ardeur qui me dévorait. - -Ma mère vivait fort retirée dans sa propriété. Elle ne voyait plus guère -que des amies de son âge qui ne faisaient pas grande attention à moi, ni -moi à elles. Parfois arrivait de Paris une femme jeune, élégante, parée. -Que de désirs elle excitait en ce grand garçon qui restait muet sur sa -chaise dans un coin! Elle causait avec ma mère et cependant, à distance, -sans l’écouter, je prenais possession d’elle. Je la dépouillais de ses -vêtements, je l’étendais nue sur un divan, je m’agenouillais près -d’elle, nos vies se confondaient. - -Mais lorsqu’à son départ je l’accompagnais jusqu’à sa voiture, je ne -savais que lui dire. La robe dont elle était vêtue la séparait de moi -comme une armure magique sur laquelle on ne peut porter la main sans -tomber foudroyé. Comment imaginer que je pourrais la lui enlever? -Comment croire que cette personne, amie de ma mère, je la verrais en -chemise et en pantalon, que j’entourerais sa taille de mon bras, que ma -main inexperte s’approcherait d’un sein délicatement fleuri? Elle -m’adressait la parole. Gêné même dans mes regards, je me détournais ne -sachant que répondre. J’avais quatorze ans... - -Je me souviens avec terreur de cette époque où la sève montait en moi -avec tant de violence que j’en étais ébranlé. Je luttais, j’essayais de -me dominer sans y parvenir et ce combat contre nature me laissait -irritable, abattu, dégoûté de tout. - -Ma mère, si attentive aux moindres variations de ma santé, ne se doutait -pas de la crise que je traversais. Elle se faisait mille soucis à mon -sujet. Le moindre coup de froid l’alarmait: au plus léger mal de tête, -elle voulait mander le médecin. Qu’étaient une migraine ou un rhume -auprès de la tempête qui me secouait? - -Il aurait fallu qu’une femme me prît par la main... Aucune d’elles ne -fit attention à ce garçon poussé trop tôt, gauche d’allure, à la voix -changeante. - -Avec les jeunes filles, je ne ressentais pas les mêmes troubles. Auprès -d’elles, j’étais libre, empressé, ardent à plaire. La sensualité qui me -tourmentait dans mes heures de solitude me laissait la paix lorsque -j’étais en leur compagnie. Pourtant nous échangions avec mes amies des -caresses charmantes; c’étaient des serrements de mains, un bras passé -sous un autre, parfois des baisers dérobés, mais surtout mille paroles -tendres, une sympathie entière, un mouvement vif de l’âme à l’âme. Je -garde un souvenir délicieux de ces heures innocentes, fraîcheur d’un -bain pur après de lourdes fièvres. - -Les jeunes filles, je les voyais surtout dans la belle saison, car nous -habitions un pays assez âpre en hiver, mais où l’été amenait des -visiteurs. Les maisons du voisinage s’ouvraient; c’était soudain un -bruit bien inattendu de fête. - -Ma mère qui aimait la solitude avait pourtant gardé ses relations, moins -pour elle que pour moi. Ma mémoire des dates est incertaine, je sais -pourtant que je préparais la première partie de mon baccalauréat lorsque -nous apprîmes que la propriété la plus voisine de la nôtre, inhabitée -depuis longtemps, avait été achetée par des étrangers. Les étrangers, -c’étaient pour nous des gens d’une autre province. Ceux-ci venaient du -Midi et s’appelaient Maure. Je leur rêvais tout aussitôt une ascendance -sarrasine. Grand émoi dans le pays, car on gardait chez nous une -méfiance un peu paysanne envers les inconnus. Qu’étaient ces Maure? Les -verrait-on? On sut bientôt que M. Maure était avocat et qu’il ne -passerait jamais beaucoup de temps aux Ormeaux qu’il avait acquis. L’été -venu, il y installa sa femme et ses enfants et repartit. - -Peu de temps après, madame Maure fit une visite à ma mère. Nous étions -tous deux à causer devant la maison sous les lauriers roses et les -orangers, lorsque madame Maure et sa fille aînée arrivèrent. - -Madame Maure était une femme d’une quarantaine d’années, assez forte, -assez commune, mais bonne et simple. Telle je la jugeais au premier -jour, telle elle fut lorsque je la connus davantage. Comme on voit, elle -ne trompait pas son monde et se livrait tout de suite. C’était une -personne sans arrière-pensée, sans calculs, qui évitait de compliquer -une vie prise tout entière par son mari, par ses enfants, par les soins -du ménage. Derrière elle, sa fille... Par quel miracle apercevons-nous -au premier coup d’œil jeté sur un être dont la vie va se mêler, ne -serait-ce qu’un instant, à la nôtre, tout ce à quoi nous donnons du -prix? Au moment même où mademoiselle Maure apparaissait sur la première -des marches qui descendaient du salon à la terrasse, je savais déjà -qu’elle était dans sa taille moyenne parfaitement proportionnée, que les -membres s’attachaient souples au corps, que les pieds étaient étroits, -les mains allongées, les poignets fins, la tête petite, les dents -éblouissantes et les yeux noirs, riants et les plus doux du monde. - -Henriette Maure avait seize ans--mon âge--jeune fille déjà, alors que je -restais un adolescent mal dégrossi. Elle était aimable et bonne, -pareille en cela à sa mère. En elle, rien que de naturel et de simple, -même sa coquetterie qui paraissait involontaire et qui l’était, en -effet. Il semblerait qu’à vivre dans l’intimité de cette charmante jeune -fille--car nous fûmes intimes dès le premier jour--j’aurais dû -m’éprendre d’elle et que des sentiments si forts et si longtemps sans -objet allaient enfin trouver à qui s’adresser. Mais non, Henriette -n’était pour moi qu’une amie, la plus tendre des amies, et dans mes -rêves passionnés, ce n’est pas elle qui apparaissait. - -La propriété des Maure jouxtait la nôtre; d’une maison à l’autre à peine -dix minutes de chemin. Le sentier qui y conduisait longeait d’abord un -champ, puis traversait un petit bois de chênes où coulait la rivière qui -séparait nos terres. Je franchissais le pont et j’étais chez nos -voisins. La maison était ancienne et sans prétention. Aux heures chaudes -je trouvais madame Maure sous les tilleuls de la cour. Un ouvrage à la -main, elle surveillait les plus jeunes enfants. Elle me gardait un -instant près d’elle, s’informant de la santé de ma mère, des gens du -pays. Puis elle me disait: - ---Je vous ai assez retenu, Philippe, allez vers la jeunesse. Elle est -là-bas. - -Là-bas, c’était un bosquet où les bouleaux au tronc blanc mariaient la -grâce flexible de leurs branches aux masses lourdes des sapins. J’y -retrouvais Henriette, avec quelques cousines ou amies de son âge qui -passaient l’été chez les Maure. Et des jeunes gens étaient là. De quoi -parlions-nous? De ce qui occupe les pensées des adolescents. Nos propos -étaient parfois d’une singulière hardiesse, mais comme pour la pure -Iphigénie «l’innocence habitait dans nos cœurs». C’était une cour -d’amour platonique et sans expérience. Des couples se formaient. Un de -nos voisins, un garçon de dix-neuf ans qui préparait l’Ecole -polytechnique dans un lycée de Paris, au visage pâle et âpre, était -épris d’Henriette qui se moquait de lui. - -Pour moi, je ne la quittais guère. Elle m’avait élu son ami. Et de l’ami -elle faisait un confident, me contraignant à un rôle que, certes, je -n’aurais pas choisi. Mais, par une singulière contradiction, j’entrais -comme de moi-même dans le caractère qu’elle me prêtait et je l’outrais. -J’affectais d’être supérieur aux faiblesses du cœur; je feignais de -croire et je croyais, en effet, que l’amitié est au-dessus de l’amour, -d’essence plus rare; et qu’entre deux êtres tels que nous, seule elle -peut porter d’abondantes moissons. Ainsi je me trompais moi-même. - -Cependant l’admiration que je ressentais pour elle avait quelque peine à -se concilier avec l’amitié, et si j’avais été plus clairvoyant j’aurais -compris que c’était de bien autre chose qu’il s’agissait. Je lui faisais -mille compliments, je lui disais ce que j’aimais en elle, je lui prenais -les mains... Et je n’avais pas envie de la presser sur mon cœur et de -poser mes lèvres sur sa bouche souriante! - -Bien mieux, de son consentement, avec son appui et sa complicité, je -faisais la cour à une de ses cousines, ravissante fille aux cheveux -d’or, au teint plus délicat que la fleur du pêcher. Gertrude était -timide et rêveuse, Henriette vive et décidée. Lorsque nous étions tous -trois ensemble, Henriette parlait pour nous deux, elle taquinait -vivement sa cousine à mon sujet, la menaçant de me dire ce que Gertrude -n’osait m’avouer elle-même. Gertrude rougissait et levait sur Henriette -ses beaux yeux suppliants. - -Une fois, à la fin du jour, nous étions assis sur la mousse au pied d’un -sapin, Henriette m’assura que les cheveux dénoués de sa cousine étaient -admirables. - ---Que ne la voyez-vous, disait-elle, lorsqu’elle s’agenouille pour sa -prière le soir en chemise de nuit? - ---Mais, Henriette... soupirait Gertrude. - ---Ses cheveux tombent alors jusque sur ses jambes. Elle est baignée de -lumière... Il faut que Philippe les voie, ajouta-t-elle vivement et, -d’un geste rapide, elle enleva les deux épingles qui soutenaient la -masse lourde des cheveux. - -Ils s’écroulèrent. Malgré les protestations de Gertrude, Henriette -voulut que je les touchasse. J’y plongeai mes deux mains. Je sentis -leurs mille caresses subtiles à fleur de peau. - -Gertrude maintenant restait immobile, comme engourdie. - ---Mais, Philippe, embrassez-la, dit Henriette, je ne vous regarde pas. - -Je me penchai vers la jeune fille, cherchant sa bouche. Elle détourna la -tête et mes lèvres ne rencontrèrent que sa joue rougissante. - -Telle était l’atmosphère dans laquelle nous vivions. - -L’automne arriva trop vite. Une à une les maisons du voisinage se -fermèrent et les Maure annoncèrent leur départ. Gertrude et sa mère les -devançaient de quelques jours. Henriette, feignant de s’attendrir sur le -malheur de notre séparation, nous ménagea une dernière entrevue. C’était -dans une partie du bois assez écartée où nous aimions à nous réfugier. -J’y trouvai Gertrude seule, hésitante, voulant fuir. Je la retins, je la -rassurai, je lui demandai si elle m’oublierait vite, s’il y avait pour -moi une place dans son cœur, quel souvenir elle garderait des jours que -nous avions vécus ensemble. - -Par un dédoublement curieux, je m’aperçus, en ce moment où d’autres -préoccupations semblaient devoir m’absorber, que ma voix prenait pour -prononcer ces mots une douceur persuasive et touchante que je ne lui -connaissais pas, une qualité musicale qui m’émut moi-même. Et je parlais -autant pour me plaire que pour gagner le cœur de Gertrude. - -Celle-ci ne fut pas insensible à l’accent de la mélodie que je lui -murmurai et je vis bientôt l’effet produit moins par mes paroles que par -le ton sur lequel elles étaient dites. Elle me serra les mains, ses yeux -s’emplirent de larmes, elle pencha la tête sur mon épaule. - -Je couvris de baisers sa figure humide de pleurs. Je trouvai du charme à -ces baisers, mais, faut-il l’avouer? ces caresses échangées m’émurent à -peine. Ma curiosité y était plus intéressée que mes sens. Et mon cœur -restait de glace... - -Deux jours plus tard, j’allai chercher Henriette pour une dernière -promenade. Elle partait le lendemain. Par un besoin de secrète harmonie, -nous choisîmes non pas les bois où souvent avaient retenti les éclats de -rire de notre bande folle, mais une plaine dénudée au pied d’une colline -et qui avait été longtemps un marécage. Aujourd’hui des fossés la -traversant en drainaient les eaux. Elle était nue et triste, quelques -touffes de ronces épineuses seules y poussaient. Le ciel gris, bas, -plein des brumes de l’automne, s’appuyait sur le fin clocher d’une -église au sommet du coteau. Dans les champs on brûlait les feuilles et -les tiges des pommes de terre. Les fumées traînaient et ne s’élevaient -qu’avec peine. Longtemps nous marchâmes sans parler. Enfin Henriette -rompit le silence. - ---Dire que je regretterai même cette pauvre plaine lorsque je serai à la -ville. Je vous envie de rester ici. - -Je ne répondis pas. Je venais de comprendre que rien dans ce pays que -j’aimais tant n’aurait plus de charme pour moi du jour où Henriette -l’aurait quitté. La surprise de ce sentiment nouveau, la pensée de -l’isolement où le départ d’Henriette me laisserait me serrèrent le cœur -au point que je fus obligé de m’arrêter. - -Elle s’arrêta aussi et me regarda. Que lut-elle dans mes yeux? Il me -parut qu’elle pâlissait. Elle se mordit la lèvre, puis, avec un -mouvement d’épaules que je ne sus comment interpréter, elle dit: - ---Il faut rentrer. - -Le lendemain elle partit, me laissant désespéré et fou de joie. -J’aimais! - -L’ivresse d’un premier amour suffit à remplir une âme moins enflammée -que ne l’était la mienne. Le monde transformé s’éclaira à mes yeux d’une -lumière inconnue; je sentis s’agiter en moi la force qui anime la -nature; je fus enfin une parcelle vivante de l’antique et toujours jeune -univers. Mes livres participèrent de cet enchantement. Je les avais lus -avec les yeux de l’esprit; ma sensibilité cette fois-ci s’émut. Les -romans me racontèrent mon histoire; les livres de science eux-mêmes me -parlaient un langage que je comprenais pour la première fois. C’est -alors que mon professeur me mit entre les mains l’_Origine des espèces_ -de Darwin et je n’oublie pas l’émotion que j’en éprouvai. Je crus voir -s’ouvrir devant moi les portes longtemps fermées du temple. Les secrets -m’étaient révélés de la vie qui palpite, identique en tous les êtres. -Et, au même moment, je découvrais que l’amour seul vaut de vivre et -qu’il serait désormais mon maître. Mais sa tyrannie, sous laquelle tant -d’âmes faibles succombent, ne m’effrayait pas. Elle me donnait, au -contraire, un désir plus fort d’agir; je voulais maintenant exceller en -mille choses; j’entendais dominer. Je me jetai dans l’étude, non pas -tant par le désir d’apprendre et de m’enrichir ainsi que pour me prouver -à moi-même ma puissance. Au collège où je venais d’entrer, j’obtins cet -hiver-là de mémorables succès. Mon professeur s’étonnait de mon ardeur -et me prédisait un succès certain au baccalauréat qui, à la fin de -l’année, terminerait mes études secondaires. - -Mais Henriette?... Chose étrange, j’étais exalté à ce point que je ne -souffrais pas de son absence. Ne lui devais-je pas la magique -transformation que j’avais subie? Sans doute, je désirais la revoir; je -lui parlais comme si elle avait été présente; son souvenir ennoblissait -chaque heure de ma vie. Mais je me créais de si merveilleux bonheurs -qu’à la lettre je n’avais pas le temps de pleurer sur notre séparation. -L’image que je me faisais de mon amie était si parfaite que peut-être -l’Henriette réelle, si elle m’était apparue soudain, n’aurait pas rempli -exactement la place et le rôle que je réservais à l’Henriette de mes -rêves. - -Nous nous écrivions. Mais comment traduire mes sentiments dans des -lettres qui pouvaient être lues par d’autres? Comment lui écrire ce que -je ne lui avais pas dit lorsqu’elle était près de moi? Ses lettres -étaient, il faut l’avouer, décevantes, tant ce qu’elles exprimaient -était éloigné du langage que je lui prêtais dans ma solitude. - -Par ailleurs, je ne souffrais plus autant du malaise mystérieux et -redoutable qui m’avait si cruellement accablé depuis deux ans, comme si -la fraîcheur de mon amour avait fait disparaître les fièvres malignes de -la puberté. - -L’hiver, le printemps passèrent; je ne comptais pas les jours qui me -séparaient d’Henriette, je vivais avec elle sous la lampe près du poële, -dans les champs durcis par le froid ou sous les vertes frondaisons. -L’été la ramènerait près de moi... - -Vers le début de juin ma mère tomba malade; elle fut longtemps retenue à -la chambre. Elle y était encore lorsque je partis pour passer mes -examens à l’Université voisine. Lorsque j’en revins, elle sortait de -convalescence et les médecins l’envoyaient aux eaux. Elle était encore -trop faible pour que je pusse songer à l’y laisser aller seule. - -Lorsqu’elle me l’apprit, elle pensait que la nouvelle de ce déplacement -me serait agréable et qu’il me plairait de quitter, presque pour la -première fois, nos campagnes. - -Mais je ne songeais qu’à Henriette. Ses yeux riants ne rencontreraient -pas les miens lorsqu’elle arriverait dans le pays! Je lui envoyai une -lettre désolée, la plus explicite de toutes celles que je lui avais -écrites. J’annonçai mon retour pour le mois d’août, je la suppliai de ne -pas m’en vouloir... - - - - -II - - -Aux eaux la nouveauté du spectacle me fut une distraction. Pourtant je -ne voulais pas me l’avouer. Lorsque j’étais avec ma mère, je ne cessais -de regretter le confort, le calme délicieux de notre demeure, de me -plaindre de l’impossibilité d’être seuls dans le va-et-vient du grand -hôtel où nous habitions. Cependant je trouvais un charme singulier à ce -coudoiement de tant de personnes inconnues, à ces rapides coups d’œil -échangés avec des étrangers, à la vie en commun qui mêlait nos plaisirs -et nos occupations, aux repas au restaurant, à la danse, le soir. -J’avais déclaré vouloir vivre en sauvage. Je n’étais pas à X... depuis -quarante-huit heures que je jouais au lawn-tennis, que j’étais de toutes -les parties, que je dansais chaque nuit. Je faisais tout avec fièvre -comme si j’eusse voulu m’étourdir et oublier. Quoi? - -Je remarquai dès le premier jour une jeune femme qui mangeait à une -table voisine de la nôtre. Ses yeux étaient sombres et elle semblait -désireuse d’en voiler l’éclat en tenant ses paupières à moitié baissées. -Elle me parut avoir une trentaine d’années. Ma mère lui en donnait plus -généreusement quarante. Dans son visage pâle d’un ovale allongé ses -lèvres plus rouges que celles des femmes que nous avions l’habitude de -voir attiraient mes regards. J’eus la curiosité de chercher à connaître -son nom. Elle s’appelait la comtesse de Francheret. J’avais lu ce nom -dans les journaux mondains de Paris. A X... madame de Francheret ne -faisait partie d’aucune des coteries où se groupaient les baigneurs. Ses -manières, sa distinction, la solitude où elle vivait, le prestige aussi -de la classe sociale à laquelle elle appartenait, voilà des motifs -d’intérêt pour un jeune provincial jamais sorti de chez lui. Je me mis -donc à l’observer, peut-être avec un peu trop d’insistance. Voulut-elle -me faire sentir que je manquais aux convenances? Deux ou trois fois, -elle fixa sur moi un regard qui semblait me pénétrer. L’après-midi, elle -venait près du cours de tennis où je jouais. Les spectateurs étaient -nombreux qui suivaient nos parties. Elle se tenait à l’écart. Pourtant -il était rare, lorsque je levais les yeux sur elle que je ne surprisse -pas les siens dirigés vers moi. - -Quelques jours passèrent ainsi. J’aurais voulu me rapprocher d’elle, lui -parler, mais je ne savais comment m’y prendre. Le hasard vint à mon -secours. - -Une fin d’après-midi, comme je descendais du tennis pour aller à la -douche, je dépassai madame de Francheret. Une écharpe avec laquelle elle -jouait glissa sur le chemin. Je la ramassai et la lui tendis. - -Elle me remercia, et simplement, comme si nous nous connaissions depuis -longtemps, nous continuâmes à causer. La nouveauté de la situation eût -pu m’embarrasser. Comme je ne pensais pas à moi et au personnage que -j’avais à jouer, mais à elle, je fus simple et ne ressentis aucun -embarras. Sa voix avait une certaine gravité qui me plut. - -Les jours suivants nous nous rencontrâmes encore. Elle paraissait -écouter sans ennui ce que je racontais de moi-même et de notre vie -provinciale, de mes plans incertains et magnifiques d’avenir. Elle -parlait peu, mais ses paroles, lorsqu’on y réfléchissait, prenaient un -sens plus profond que celui qu’elles présentaient tout d’abord. Elle ne -causait ni de littérature, ni d’art, mais elle semblait connaître les -gens et les choses mieux et plus réellement qu’il n’est accoutumé. Enfin -son regard, dont elle était ménagère, ajoutait du poids à ses paroles. - ---Que vous êtes jeune! disait-elle souvent. - -Nous ne nous voyions jamais que dans les jardins et, le soir, au salon, -où elle s’asseyait près de ma mère. - -Un jour, après déjeuner, je me rendis pour la première fois chez elle. -Elle était un peu souffrante et m’avait fait demander un livre. Elle -occupait, sur la cour d’entrée célèbre par ses arbres centenaires, un -appartement composé d’un salon minuscule et d’une chambre. Je la trouvai -couchée sur une chaise longue, vêtue d’un blanc peignoir de dentelles. -Les ormeaux jetaient leur ombre entre les persiennes à moitié closes; on -entendait le bruit confus des conversations des baigneurs à quelques -pieds au-dessous de nous. - ---Asseyez-vous là, me dit-elle, montrant un fauteuil à côté d’elle. - -Une fois assis, moi qui étais à l’ordinaire si bavard, je ne trouvai -rien à dire. Je n’avais aucune idée, aucune volonté. Le silence ne me -pesait pas. Un parfum de je ne sais quoi flottait dans l’air. Je -regardai madame de Francheret. Elle rêvait, un bras relevé sur le -dossier de la chaise longue. Je voyais les chairs pleines et ambrées par -où le bras s’attache à la poitrine qui se soulevait lentement à chaque -respiration. Sa bouche s’entr’ouvrait comme pour un sourire. Je ne -pensais pas que je me trouvais à côté de la comtesse de Francheret. -C’était une femme qui était là près de moi. Et nous étions seuls. - -Sans plus y réfléchir, je pris sa main et j’eus la hardiesse de la -porter à mes lèvres. Elle me laissa faire. - ---Que vous êtes jeune! dit-elle encore. C’est délicieux! - -Elle m’attira vers elle; je sentis l’odeur tiède de sa gorge, et ses -deux bras se nouèrent autour de mon cou. - -Quand je sortis de sa chambre, une heure plus tard, j’étais un homme. - -La joie que j’aurais pu prendre dans les bras de madame de Francheret -avait été gâtée par la peur de lui paraître novice. Un jeune homme -craint le ridicule. N’eût-il pas été plus simple de lui dire: «Je ne -sais rien, je me remets entre vos mains; soyez vraiment ma maîtresse.» -Mais on ne gagne la simplicité que par des chemins longs et difficiles. -Je pensais: «Elle s’est aperçue, sans doute, de mon inexpérience. En -elle-même, elle se moque de moi; elle ne voudra plus me voir. Et -moi-même, comment la regarderai-je?» - -Mais, en même temps, j’étais gonflé de joie. Je connaissais enfin la -réalité de ce monde féminin dont le mystère m’avait longtemps troublé. -Ma première impression, la plus forte, celle qui ne devait point -s’évanouir, je la traduisis par ces mots de la Bible: «l’œuvre de -chair.» J’avais participé à une œuvre de chair, cela et rien de plus. -Pour un garçon qui avait vécu dans les livres et dans les plus -romanesques enchantements, la nouveauté était grande. Je sentais aussi -que l’incomplète joie de cette première rencontre serait transformée -bientôt en un bonheur plus complet, qu’il y avait là un point de -perfection à atteindre et j’étais bien décidé à y arriver au plus vite. - -Pas un instant, je n’eus l’idée que j’avais commis une infidélité envers -Henriette. Henriette vivait sur un plan différent. Elle habitait le -palais que mon imagination lui avait bâti. Madame de Francheret m’avait -invité dans une demeure plus terrestre. Je ne songeais même pas à me -demander si j’aimais mon initiatrice. Aimer, c’était penser tendrement à -une personne, désirer la voir, lui parler, deviner les moindres nuances -de ses sentiments, s’émouvoir à son seul souvenir. Un regard d’elle, -c’était assez pour être heureux; se sentir maître de son âme, y régner -sans partage, la félicité suprême. - -Avec madame de Francheret, présente ou absente, je ne ressentais aucune -de ces émotions. Lorsque je pensais à elle, des images précises se -levaient devant mes yeux, et quelles images! Je sentais avec trouble sa -chair contre ma chair et le désir m’agitait de renouveler ces obscures -et violentes sensations. - -Désormais je passai mes après-midi dans l’appartement de madame de -Francheret. Je ne montais au tennis, un peu las, qu’à la fin de la -journée. J’eus bientôt perdu la gêne des premiers jours. Déjà je me -croyais naïvement un maître... - -La seule ombre à mon bonheur, où la chercher? Dans la trop grande -facilité avec laquelle je l’avais gagné. J’étais assez sot pour ne pas -estimer à son prix une victoire qui ne m’avait rien coûté. «Je suis -l’amant, me disais-je, de cette femme charmante et qui appartient à la -meilleure société, mais sans doute a-t-elle l’habitude de satisfaire ses -moindres caprices. J’étais là; elle m’a pris. Moi absent, un autre l’eût -possédée.» - -La manière d’être de madame de Francheret n’était pas faite pour me -donner une trop haute idée de moi-même. Avec elle, on était toujours -dans des rapports simples. Personne moins qu’elle ne prenait plaisir à -jouer la comédie. Elle n’affecta aucun remords, aucune crainte; elle ne -se crut pas obligée de chercher des excuses à ce que d’autres appellent -leur faute; elle n’essaya pas de me faire croire qu’elle avait cédé à un -sentiment irrésistible. Avec une aisance parfaite (seule, pensais-je, -une grande dame--Balzac!--a cette inimitable liberté), elle m’invita à -des jeux que j’ignorais et m’en apprit la douceur. Je dois avouer à ma -décharge qu’une semaine ne se passa pas sans que je lui avouasse que -j’étais arrivé neuf dans ses bras. - -Elle sourit. - ---Croyez-vous que j’aie pu l’ignorer? dit-elle. - -Elle m’apprit bien d’autres choses encore, et surtout le prix du secret. -Hors de sa chambre, elle fut avec moi comme avec un étranger, et je -m’émerveillais de cette transformation qui paraissait ne lui rien -coûter. Il n’y avait alors entre nous aucune familiarité, pas un mot -équivoque, pas un regard trop appuyé. Je la voyais au restaurant ou au -salon, le soir, causant avec ma mère, à son aise, libre, distante, et je -ne pouvais m’imaginer que cette même femme je l’avais eue quelques -heures auparavant nue entre mes bras et que je connaissais les parties -les plus secrètes de son corps. Et je l’en admirai davantage. - -Nous vécûmes ainsi pendant deux semaines. Puis il fallut nous quitter. -Le dernier jour où je la vis chez elle, je lui dis: - ---Comment pourrai-je me passer de vous? - ---Bien mieux que vous ne le croyez, me répondit-elle. Ce que je vous ai -donné, d’autres vous l’offriront. Elles y mettront plus de façons sans -doute et moins de franchise. J’ai été la première, vous ne m’oublierez -pas. Peut-être nous reverrons-nous à Paris puisque vos études vous y -appellent. Les choses ne seront pas là-bas ce qu’elles ont été ici. Il -est des folies délicieuses qu’il faut savoir se refuser. Vous étiez en -vacances, moi aussi. Maintenant la vie régulière reprend. Au moment de -partir, vous donnerai-je un conseil? La différence de nos âges me le -permet. Défendez-vous en amour des choses vulgaires qui ont vite fait de -gâter les jeunes gens. Vous vous plairez toujours dans la société des -femmes. Ne croyez pas, comme quelques-uns, qu’il faille être sincère -avec elles. Il faut savoir leur mentir, ne serait-ce que pour les -amuser. La plupart demandent à être trompées. Il est bon d’y mettre -quelques manières. Voilà mon conseil. Et en voici un second: Ne croyez -pas à l’irréparable. Il y a, cher ami, fort peu de choses -irréparables... - -Elle ne m’en avait jamais tant dit. Ainsi me fit-elle participer à sa -sagesse humaine au moment où nous nous séparions. Je quittai les eaux -avec un beau sujet de méditation devant moi et les souvenirs tout -proches d’un passé déjà plein de volupté. - - - - -III - - -J’eus le loisir d’y penser plus longuement que je ne l’aurais voulu. Au -lieu de rentrer chez nous, nous allâmes passer quelques semaines au bord -de la mer dans le sud de la Bretagne. Les médecins avaient ordonné ce -repos à ma mère avant le retour au foyer. - -J’en fus moins affligé que je ne l’aurais cru. J’étais encore tout -étonné de mon aventure et, malgré mon désir de revoir celle que j’aimais -toujours, j’éprouvais le besoin de mettre un peu de temps entre le jour -où j’avais quitté madame de Francheret et celui où je retrouverais -Henriette. On se plaît à raconter dans les romans qu’une fois séparé -d’une femme que l’on a aimée charnellement on découvre peu à peu qu’on -lui est attaché par d’autres liens encore. Rien de semblable ne -m’arriva. J’aimais Henriette et madame de Francheret m’avait attaqué là -où Henriette n’avait jamais régné. Je savais un gré infini à madame de -Francheret de m’avoir révélé la nature et l’agrément des rapports entre -l’homme et la femme. Je n’oubliais pas les heures passées près d’elle, -mais, par un phénomène bizarre, elle m’incitait à penser à Henriette et -à voir celle-ci sous un jour nouveau. Grâce à madame de Francheret, mon -amour pour Henriette quitta les sphères éthérées où il se mouvait et -prit une forme sensuelle. C’était Henriette et non madame de Francheret -que je tenais dans mes bras pendant mes rêves. C’était le corps frais et -juvénile de mon amie que je pressais à l’heure où le désir suscitait -devant moi des images voluptueuses. - -Je n’ai gardé de ces semaines aucun autre souvenir. Les gens qui -m’entouraient étaient-ils vivants? Ils allaient et venaient autour de -moi comme des ombres. Je faisais de longues promenades sur la plage à -l’heure où le soleil couchant borde de nacre le sable humide au long de -la mer. Des enfants jouaient, des jeunes femmes passaient vêtues de -robes claires. Je ne les voyais pas, je ne voyais, bercée au jeu des -vagues molles dont les crêtes d’argent s’irisaient dans les vapeurs du -crépuscule, qu’Henriette, et quelle Henriette! non pas la fille que -j’avais connue près de sa mère sous les ombrages de nos campagnes, mais -une Vénus adolescente endormie au bord des flots. - -Nous nous écrivions. Que dire par lettre à une déesse? Je ne savais -trouver le ton. J’étais grandiloquent et confus. En échange, je recevais -quelques cartes postales, assez insignifiantes à la vérité. Henriette -paraissait de triste humeur. Pourtant sa maison était pleine d’amis. Le -cercle joyeux de l’an dernier s’était reformé. Seul, j’y manquais. - -Au début de septembre enfin, nous rentrâmes. A mesure que les heures -s’approchaient où je devais revoir Henriette, je m’inquiétais. Je -brûlais de devancer les jours, de courir à elle, de me jeter à ses -genoux et, au même temps, une douloureuse appréhension me serrait le -cœur. Je craignais de cette rencontre je ne sais quel heurt, quelle -blessure insupportable. J’aurais voulu retarder encore une minute -attendue avec tant de fièvre. - -Nous arrivâmes un matin. A la fin de l’après-midi, je me rendis chez nos -voisins. De loin je vis madame Maure sous les tilleuls près de la -vieille maison. Rien n’avait changé depuis un an. Henriette devait être -à quelques pas de là. L’émotion de la sentir si près de moi me fit -chanceler. Je m’arrêtai un instant, j’étais essoufflé moins par la -rapidité de ma course que par la violence des sentiments qui se -heurtaient en moi. Je compris pour la première fois et d’un seul -coup--ainsi un éclair illumine dans la nuit les prés et les bois, et les -montre au voyageur égaré--que le roman magnifique que j’avais vécu -depuis l’automne passé s’était déroulé dans mon imagination, que je -l’avais créé à moi seul, qu’Henriette en ignorait encore le premier -mot... Un instant, je pensai à retourner sur mes pas, à différer une -entrevue si hasardeuse. Mais j’eus honte à l’idée de reculer, je me -repris et avançai vers madame Maure. - -Elle me fit l’accueil le plus aimable. Après s’être informée longuement -de la santé de ma mère, elle me dit: - ---Comme vous avez grandi, Philippe. Vous voilà un homme, maintenant. Et -cette pointe de moustache! Qu’allez-vous faire? - -Je parlai de mes projets assez incertains. J’irais à Paris pour -continuer mes études, à la Sorbonne sans doute et à l’Ecole de Droit, -mais je ne désirais être ni professeur, ni avocat. D’autre part, nos -terres n’étaient pas assez grandes pour absorber l’activité d’un jeune -homme. En somme, je ne me voyais dans aucun cadre et ne pouvais dire ce -que serait ma carrière. Cependant je pensais à Henriette, -alternativement avec terreur et joie, à Henriette que je n’apercevais -pas. - -La bonne dame d’elle-même me renseigna, - ---Ma fille est avec sa cousine chez des voisins. Elles ne tarderont pas. -Si elles avaient pensé vous voir aujourd’hui, elles seraient déjà là. - -Une demi-heure passa, j’entendis un bruit dans l’allée derrière moi. - -C’était Henriette et Gertrude, accompagnées par le polytechnicien de -l’an dernier. - -Henriette me parut plus grande; elle restait mince, un peu maigre, mais -le corsage de sa robe claire se gonflait légèrement et ses hanches se -dessinaient plus pleines. Son visage n’avait pas changé, son teint hâlé -par l’été faisait paraître les dents plus blanches et je retrouvais dans -les yeux riants et doux le feu que j’aimais. Auprès d’elle, magnifique -contraste, Gertrude était éblouissante de fraîcheur blonde. Elles -étaient toutes deux vêtues de blanc; elles venaient heureuses et -souriantes. Le printemps de ma vie s’avançait au devant de moi. - -Gertrude rougit en me voyant. L’accueil que me fit Henriette ne trahit -aucun embarras. Elle ne me cacha pas le plaisir qu’elle avait à me -revoir et me gronda gentiment de mon retard. Elle me demanda qui j’avais -vu aux eaux et au bord de la mer. Rien de plus amical et de plus naturel -que cette conversation, mais elle était si éloignée de celles que -j’avais tenues avec la même Henriette dans mes promenades solitaires que -j’en restai glacé. Je m’efforçais de découvrir dans ses propos un mot à -double entente à moi seul destiné. Je ne le trouvai pas. Pourtant il me -parut qu’à deux ou trois reprises son regard s’attachait à moi comme si -elle y trouvait quelque chose de nouveau. Sur elle-même elle ne dit -rien. - -Charles-Henri (le polytechnicien) se chargea de faire valoir les -amusements de la saison. Rappelant des incidents que j’ignorais, il fit -rire les filles en les évoquant et s’arrangea de façon que je me -sentisse un étranger parmi eux. Cela me déplut. - -Lorsque je pris congé, Henriette et Gertrude décidèrent de -m’accompagner. Mais Charles-Henri ne les laissa pas seules et, quand -nous nous séparâmes à la lisière du petit bois de chênes, je n’avais pu -échanger un mot avec Henriette sans témoins. - -Je ne fus pas plus heureux les jours suivants. Je vis Henriette, mais -toujours entourée de sa cousine, de Charles-Henri, d’allants et de -venants. Elle était le centre d’un cercle; tout se rapportait à elle. -Charles-Henri ne la quittait pas plus que son ombre. Je ne fus pas -longtemps avant de comprendre qu’il montait la garde auprès d’elle et -qu’il ferait l’impossible pour m’empêcher de la joindre. Gertrude, sans -dessein, j’imagine, le secondait. Elle semblait ne vivre que par -Henriette, toujours à ses côtés, la main dans la main, le bras passé -autour de la taille. Si elle était séparée de sa cousine, ses yeux -restaient attachés sur Henriette. Vis-à-vis de moi, elle gardait une -certaine réserve; elle s’effarouchait pour un rien et lorsqu’en -plaisantant je voulus reprendre le thème de l’an passé, elle eut un -mouvement de retraite. - -Malgré Charles-Henri, malgré Gertrude, je pensais arriver tout de même à -Henriette, mais, à ma grande surprise, je fus amené à constater que -c’était chez Henriette elle-même que je trouverais l’obstacle le plus -difficile. Elle évitait tout aparté; elle apportait une attention -toujours égale à ne pas se laisser isoler; et si, profitant d’un -incident heureux, je réussissais à écarter ses deux gardiens, elle -m’empêchait avec une incroyable habileté de choisir le thème de la -conversation et, d’un mot, la ramenait à des banalités. Après une -semaine ou deux de tentatives infructueuses, j’étais exaspéré. - -Tour à tour, j’imaginai ou qu’Henriette avait deviné que j’avais fait -mon école d’homme et m’en voulait, qu’elle soupçonnait un danger à se -lier avec moi et qu’instinctivement elle me fuyait, ou plus simplement, -que je lui étais devenu indifférent. - -Suivant que j’adoptais l’un ou l’autre de ces partis, je décidais ou de -m’imposer à elle ou de la fuir. Je déclarais alors que je ne la -reverrais plus, que j’avais été victime de mon imagination, que je me -trouvais en face d’une fille incapable d’éprouver les grands sentiments -que je lui avais prêtés. Cette farouche résolution ne durait pas -l’espace d’un matin. Il n’y eut pas de jour où je ne décidais de rompre; -il n’y en eut pas un qui ne me vît près d’Henriette. - -Et cependant le temps coulait et bientôt octobre nous séparerait. J’eus -l’idée, empruntée sans doute à mes lectures, d’essayer d’éveiller et de -piquer sa jalousie. Je me mis à faire la cour à Gertrude; j’y déployais -beaucoup d’application et, au bout de quelque temps, Gertrude parut y -être sensible. Mais sa cousine veillait sur elle et, comme un jour, -moitié plaisantant, moitié sérieux, j’adressais à Gertrude quelques -propos tendres et lui baisais la main, Henriette intervint assez -brusquement disant que les jeux permis naguère ne l’étaient plus -aujourd’hui. - -Je fus surpris du ton vif sur lequel elle parla et qui était bien -éloigné de celui que nous employions. Rentré chez moi et en y -réfléchissant, il me parut que cette nouvelle attitude d’Henriette avait -quelque chose de flatteur pour mon amour-propre. - -Le lendemain, je la trouvai de méchante humeur. Je cessai de flirter -avec Gertrude, mais Henriette ne s’apaisa pas. «Peut-elle sérieusement -m’en vouloir, me demandai-je, de ce qui n’est qu’un jeu?» Mais elle ne -me laissa pas lui poser la question. - -Je devins irritable: elle me contredisait pour un rien. - -Nous échangions des propos aigres. Les jours qui fuyaient ajoutaient à -mon énervement. Un jour, sur un mot un peu plus piquant de moi, elle eut -soudain les yeux pleins de larmes. Bouleversé à cette vue, je me -précipitai vers elle. Nous étions seuls, mais, à une douzaine de pas, sa -mère brodait sous les tilleuls. Henriette me repoussa vivement et, sans -me laisser le temps de m’excuser, rentra dans la maison. - -Pendant deux jours je ne la vis point. Lorsque nous nous retrouvâmes, -elle ne paraissait pas se souvenir de cette scène pénible. - -La première semaine d’octobre commença. Les Maure partaient le 10. Le -temps était d’une admirable douceur et la lune dans son second quartier -permettait de prolonger encore les soirées sur la terrasse. Un jour, une -amie de ma mère s’invita à dîner. Ma mère envoya un mot à madame Maure, -pour lui demander de venir avec sa fille et sa nièce. Le soir, je fus -surpris de voir arriver madame Maure et Henriette seules. Gertrude un -peu souffrante s’était couchée. «Enfin, pensais-je, j’aurai -l’explication attendue depuis si longtemps.» Mais après-dîner Henriette -refusa de quitter le salon pour s’asseoir avec moi sur la terrasse. A la -demande de ma mère elle fit de la musique, puis resta près des dames et -je fus obligé de me mettre dans le cercle. - -J’étouffais de fureur. En moi-même j’avais déjà rompu avec Henriette, je -ne reverrais de ma vie cette fille insensible. Qu’elle parte et le plus -tôt possible! Cependant, je m’absorbais dans un silence farouche. - -Vers dix heures, nos visiteurs se levèrent. L’amie de ma mère offrit à -madame Maure et à sa fille de les ramener dans son coupé. Madame Maure, -fatiguée, accepta. Mais le vieux coupé, très étroit, n’avait que deux -places et Henriette, par politesse, se crut obligée de dire: - ---Nous allons vous gêner beaucoup, madame. - -Alors, par une décision subite inexplicable, je m’avançai, pris la main -d’Henriette dans l’ombre et, la lui serrant fortement pour briser toute -résistance, je dis à madame Maure: - ---Je raccompagnerai Henriette par le bois. Nous arriverons presque -aussitôt que vous. - -Henriette, stupéfiée par la pression de ma main, hésita avant de parler. - -Déjà madame Maure de la voiture me jetait: - ---Si cela ne vous ennuie pas, il sera excellent pour elle de marcher un -peu. Elle est si paresseuse. - -La voiture partit nous laissant seuls sur les marches du perron. - -Tout de suite, le long de l’allée qui menait au bois, nous fûmes dans -l’ombre fraîche de la nuit. - -Nous ne parlions pas, nous allions côte à côte sans nous toucher. Le -silence, à se prolonger, pesa sur nous comme une menace. Pour rien au -monde, je ne l’aurais rompu. J’étais plein de colère. Il me semblait -qu’Henriette me devait des excuses pour son inexplicable conduite depuis -ma rentrée. Je marchais la tête droite, les yeux fixés devant moi. - -Henriette fut la première à ne pouvoir supporter l’hostilité silencieuse -qui était entre nous. A un détour du chemin--nous avions déjà franchi la -moitié de la distance qui séparait nos deux maisons--elle se tourna un -peu vers moi pour m’interroger du regard. Je vis à la clarté de la lune -ses yeux inquiets chercher les miens. Bouleversé par la supplication -muette que je lus dans son regard, je glissai mon bras sous le sien. Le -contact de ma main sur sa chair suffit à opérer un prodige. L’irritation -qui nous avait dressés l’un contre l’autre fondit comme neige d’avril au -soleil; des rapports naturels, confiants, heureux s’établissaient entre -nous. Sans que nous eussions échangé une parole, je sentis qu’Henriette, -gagnée, m’appartenait. Nous entrions dans le bois de chênes. Je la -conduisis jusqu’au banc où cent fois nous nous étions assis au cours de -nos promenades. Elle me suivit sans opposer l’ombre de résistance. Je -m’assis près d’elle, je la pris dans mes bras, je me penchai sur son -visage pâle, je vis ses yeux si beaux m’implorer, et sous la pression de -mes lèvres sa bouche s’entrouvrit. - - * * * * * - -Nous eûmes une semaine entière pour épuiser notre bonheur. Henriette, -transformée, montra la bravoure d’une femme. Elle n’essaya pas de cacher -ses sentiments. Nous étions ensemble le jour durant. Je la voyais le -matin, l’après-midi, le soir même. Elle inventait mille ruses pour se -débarrasser de Charles-Henri qui n’était pas de force à lutter avec -elle. Quant à Gertrude, elle en fit sa complice, et cela sans -hésitation, sans se demander si sa cousine en souffrirait, sans se -soucier d’être jugée par elle. Elles sortaient à deux. Dès qu’elles -n’avaient retrouvé, Henriette s’éloignait avec moi, la priant de nous -attendre. Parfois même, elle l’appelait en riant: Brangaine. Un jour -devant Gertrude, elle risqua une caresse hardie. Celle-ci rougit, puis -pâlit, mais se tut. - -Nous vivions ainsi comme en dehors du temps et de nous-mêmes. La date -approchait qui l’emmènerait, elle, à Marseille, moi, à Paris. Nos jours -étaient comptés, nous ne les comptions pas. Nous ne parlions, ni de la -séparation, ni des moyens de nous retrouver. Jamais il n’y eut gens plus -acharnés à se satisfaire du présent. Pas une minute, Henriette ne -souffrit à l’idée qu’elle goûtait d’un fruit défendu. Elle m’aimait. -Cherche-t-on des excuses à l’amour? A ses yeux, il n’était pas besoin de -se justifier. - - * * * * * - -La séparation vint. Je vis Henriette disparaître en voiture au détour du -chemin, n’essayant pas de cacher ses larmes. - -Je restai seul quelques jours encore. Je ne sentais pas mon isolement. -Le prix de mon bonheur était-il diminué parce que je l’avais perdu? -J’étais déjà enclin, sans que je pusse en analyser les motifs avec -précision à considérer toutes choses par rapport au développement de mon -individualité. Plus tard quand mes lectures s’étendirent, je me trouvai -d’illustres frères dans la littérature européenne. A ce moment, ce -sentiment en moi ne devait rien à l’imitation, j’aurai à en fournir une -preuve bien prochaine. Ainsi la séparation me fut adoucie par la joie -orgueilleuse de constater que j’étais capable d’éprouver une grande -passion et aussi de la faire naître chez autrui. Je n’eus, du reste, pas -la plus légère fatuité à voir que j’avais triomphé d’Henriette pas plus -que je n’en avais ressenti à éprouver que madame de Francheret avait du -goût pour moi. Une obscure, mais juste idée de la fatalité qui nous mène -m’empêcha toujours de m’attribuer à mérite ce dont je n’étais redevable -qu’à un sort heureux. - -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - -Six mois après, j’étais alors un jeune étudiant mal débrouillé dans la -vie de Paris, j’appris par une lettre de ma mère qu’Henriette se mariait -avec un riche industriel de Marseille, gaillard à tout le poil, grand -coureur de filles et de cabarets, six pieds de haut, le verbe fort. - -Je ne lus pas cette lettre sans un serrement de cœur. Henriette dans les -bras d’un rustre! La vilaine image! - -Je m’efforçais à l’exemple des stoïciens dont les doctrines alors -m’enchantaient, à raisonner, pour l’amortir, sur le coup reçu. «Je me -suis trompé moi-même, me disais-je. Voilà une expérience salutaire à ton -début dans la vie. Ne mets pas à l’avenir les femmes sur un plan trop -élevé. Elles ne sont jamais qu’à mi-hauteur et plus près de la terre que -du ciel.» - -Mais cette leçon de sagesse avait un arrière-goût d’amertume qui fut -longtemps à s’effacer. - - - - -Ce livre, A de l’alphabet des lettres achevé d’imprimer pour la Cité des -Livres, le 15 octobre 1925, par Ducros et Colas, Maîtres-Imprimeurs à -Paris, a été tiré à 440 exemplaires: 5 sur papier vélin à la cuve -“héliotrope” des papeteries du Marais, numérotés de 1 à 5; 10 -exemplaires sur japon ancien à la forme, numérotés de 6 à 15; 25 -exemplaires sur japon impérial, numérotés de 16 à 40; 50 exemplaires sur -vergé de Hollande, numérotés de 41 à 90; et 350 exemplaires sur vergé à -la forme d’Arches, numérotés de 91 à 440. Il a été tiré en outre: 25 -exemplaires sur madagascar réservés à M. Édouard Champion, marqués -alphabétiquement de A à Z et 30 exemplaires hors commerce sur papiers -divers, numérotés de I à XXX. - - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK ADOLESCENCE *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for an eBook, except by following -the terms of the trademark license, including paying royalties for use -of the Project Gutenberg trademark. 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Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. 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A LA CITÉ DES LIVRES</p> - -<div class="break"></div> - -<p class="c top4em" lang="en" xml:lang="en">Copyright by Claude Anet, 1925</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">I</h2> - - -<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div> -<p>J’ai été un adolescent précoce et timide. -A l’heure où je goûtais les Géorgiques -et où Virgile, avant Lucrèce, donnait -une forme antique aux émotions confuses -qu’éveillait en moi le spectacle de la nature, -je sentis les premières fièvres d’un sang -tumultueux. Je ne courais pas après une -jeune paysanne, mais je poursuivais Galatée -sous les saules. Elle fuyait et me -laissait déçu. Plus heureux lorsque je rêvais, -je serrais une nymphe dans mes bras et -mêlais mes membres maladroits aux siens. -J’étais élevé à la campagne, sans camarades. -Le moindre lycéen aurait pris en pitié mon -inexpérience. Sain et fort jusqu’à l’excès, -je courais, je nageais, je montais à cheval ; -je me fatiguais sans arriver à calmer l’ardeur -qui me dévorait.</p> - -<p>Ma mère vivait fort retirée dans sa propriété. -Elle ne voyait plus guère que des -amies de son âge qui ne faisaient pas grande -attention à moi, ni moi à elles. Parfois arrivait -de Paris une femme jeune, élégante, -parée. Que de désirs elle excitait en ce -grand garçon qui restait muet sur sa chaise -dans un coin ! Elle causait avec ma mère et -cependant, à distance, sans l’écouter, je prenais -possession d’elle. Je la dépouillais de -ses vêtements, je l’étendais nue sur un -divan, je m’agenouillais près d’elle, nos vies -se confondaient.</p> - -<p>Mais lorsqu’à son départ je l’accompagnais -jusqu’à sa voiture, je ne savais que lui -dire. La robe dont elle était vêtue la séparait -de moi comme une armure magique sur -laquelle on ne peut porter la main sans -tomber foudroyé. Comment imaginer que je -pourrais la lui enlever ? Comment croire que -cette personne, amie de ma mère, je la verrais -en chemise et en pantalon, que j’entourerais -sa taille de mon bras, que ma main inexperte -s’approcherait d’un sein délicatement -fleuri ? Elle m’adressait la parole. Gêné même -dans mes regards, je me détournais ne sachant -que répondre. J’avais quatorze ans…</p> - -<p>Je me souviens avec terreur de cette -époque où la sève montait en moi avec tant -de violence que j’en étais ébranlé. Je luttais, -j’essayais de me dominer sans y parvenir et -ce combat contre nature me laissait irritable, -abattu, dégoûté de tout.</p> - -<p>Ma mère, si attentive aux moindres variations -de ma santé, ne se doutait pas de -la crise que je traversais. Elle se faisait -mille soucis à mon sujet. Le moindre coup -de froid l’alarmait : au plus léger mal de -tête, elle voulait mander le médecin. -Qu’étaient une migraine ou un rhume auprès -de la tempête qui me secouait ?</p> - -<p>Il aurait fallu qu’une femme me prît par -la main… Aucune d’elles ne fit attention à -ce garçon poussé trop tôt, gauche d’allure, -à la voix changeante.</p> - -<p>Avec les jeunes filles, je ne ressentais pas -les mêmes troubles. Auprès d’elles, j’étais -libre, empressé, ardent à plaire. La sensualité -qui me tourmentait dans mes heures de -solitude me laissait la paix lorsque j’étais -en leur compagnie. Pourtant nous échangions -avec mes amies des caresses charmantes ; -c’étaient des serrements de mains, -un bras passé sous un autre, parfois des -baisers dérobés, mais surtout mille paroles -tendres, une sympathie entière, un mouvement -vif de l’âme à l’âme. Je garde un souvenir -délicieux de ces heures innocentes, -fraîcheur d’un bain pur après de lourdes -fièvres.</p> - -<p>Les jeunes filles, je les voyais surtout -dans la belle saison, car nous habitions un -pays assez âpre en hiver, mais où l’été -amenait des visiteurs. Les maisons du voisinage -s’ouvraient ; c’était soudain un bruit -bien inattendu de fête.</p> - -<p>Ma mère qui aimait la solitude avait -pourtant gardé ses relations, moins pour -elle que pour moi. Ma mémoire des dates -est incertaine, je sais pourtant que je -préparais la première partie de mon baccalauréat -lorsque nous apprîmes que la propriété -la plus voisine de la nôtre, inhabitée -depuis longtemps, avait été achetée par -des étrangers. Les étrangers, c’étaient pour -nous des gens d’une autre province. Ceux-ci -venaient du Midi et s’appelaient Maure. -Je leur rêvais tout aussitôt une ascendance -sarrasine. Grand émoi dans le pays, car on -gardait chez nous une méfiance un peu -paysanne envers les inconnus. Qu’étaient -ces Maure ? Les verrait-on ? On sut bientôt -que M. Maure était avocat et qu’il ne passerait -jamais beaucoup de temps aux -Ormeaux qu’il avait acquis. L’été venu, il -y installa sa femme et ses enfants et repartit.</p> - -<p>Peu de temps après, madame Maure fit -une visite à ma mère. Nous étions tous -deux à causer devant la maison sous les -lauriers roses et les orangers, lorsque madame -Maure et sa fille aînée arrivèrent.</p> - -<p>Madame Maure était une femme d’une -quarantaine d’années, assez forte, assez -commune, mais bonne et simple. Telle je -la jugeais au premier jour, telle elle fut -lorsque je la connus davantage. Comme on -voit, elle ne trompait pas son monde et se -livrait tout de suite. C’était une personne -sans arrière-pensée, sans calculs, qui évitait -de compliquer une vie prise tout entière -par son mari, par ses enfants, par les soins -du ménage. Derrière elle, sa fille… Par -quel miracle apercevons-nous au premier -coup d’œil jeté sur un être dont la vie va se -mêler, ne serait-ce qu’un instant, à la nôtre, -tout ce à quoi nous donnons du prix ? Au -moment même où mademoiselle Maure -apparaissait sur la première des marches -qui descendaient du salon à la terrasse, -je savais déjà qu’elle était dans sa taille -moyenne parfaitement proportionnée, que -les membres s’attachaient souples au corps, -que les pieds étaient étroits, les mains -allongées, les poignets fins, la tête petite, -les dents éblouissantes et les yeux noirs, -riants et les plus doux du monde.</p> - -<p>Henriette Maure avait seize ans — mon -âge — jeune fille déjà, alors que je restais -un adolescent mal dégrossi. Elle était aimable -et bonne, pareille en cela à sa mère. -En elle, rien que de naturel et de simple, -même sa coquetterie qui paraissait involontaire -et qui l’était, en effet. Il semblerait -qu’à vivre dans l’intimité de cette -charmante jeune fille — car nous fûmes -intimes dès le premier jour — j’aurais dû -m’éprendre d’elle et que des sentiments si -forts et si longtemps sans objet allaient -enfin trouver à qui s’adresser. Mais non, -Henriette n’était pour moi qu’une amie, la -plus tendre des amies, et dans mes rêves -passionnés, ce n’est pas elle qui apparaissait.</p> - -<p>La propriété des Maure jouxtait la -nôtre ; d’une maison à l’autre à peine dix -minutes de chemin. Le sentier qui y conduisait -longeait d’abord un champ, puis -traversait un petit bois de chênes où coulait -la rivière qui séparait nos terres. Je franchissais -le pont et j’étais chez nos voisins. -La maison était ancienne et sans prétention. -Aux heures chaudes je trouvais madame -Maure sous les tilleuls de la cour. -Un ouvrage à la main, elle surveillait les -plus jeunes enfants. Elle me gardait un -instant près d’elle, s’informant de la santé -de ma mère, des gens du pays. Puis elle -me disait :</p> - -<p>— Je vous ai assez retenu, Philippe, -allez vers la jeunesse. Elle est là-bas.</p> - -<p>Là-bas, c’était un bosquet où les bouleaux -au tronc blanc mariaient la grâce -flexible de leurs branches aux masses -lourdes des sapins. J’y retrouvais Henriette, -avec quelques cousines ou amies de son -âge qui passaient l’été chez les Maure. Et -des jeunes gens étaient là. De quoi parlions-nous ? -De ce qui occupe les pensées -des adolescents. Nos propos étaient parfois -d’une singulière hardiesse, mais comme -pour la pure Iphigénie « l’innocence habitait -dans nos cœurs ». C’était une cour -d’amour platonique et sans expérience. Des -couples se formaient. Un de nos voisins, -un garçon de dix-neuf ans qui préparait -l’Ecole polytechnique dans un lycée de -Paris, au visage pâle et âpre, était épris -d’Henriette qui se moquait de lui.</p> - -<p>Pour moi, je ne la quittais guère. Elle -m’avait élu son ami. Et de l’ami elle faisait -un confident, me contraignant à un rôle -que, certes, je n’aurais pas choisi. Mais, -par une singulière contradiction, j’entrais -comme de moi-même dans le caractère -qu’elle me prêtait et je l’outrais. J’affectais -d’être supérieur aux faiblesses du cœur ; je -feignais de croire et je croyais, en effet, -que l’amitié est au-dessus de l’amour, d’essence -plus rare ; et qu’entre deux êtres tels -que nous, seule elle peut porter d’abondantes -moissons. Ainsi je me trompais -moi-même.</p> - -<p>Cependant l’admiration que je ressentais -pour elle avait quelque peine à se concilier -avec l’amitié, et si j’avais été plus clairvoyant -j’aurais compris que c’était de bien -autre chose qu’il s’agissait. Je lui faisais -mille compliments, je lui disais ce que -j’aimais en elle, je lui prenais les mains… -Et je n’avais pas envie de la presser sur -mon cœur et de poser mes lèvres sur sa -bouche souriante !</p> - -<p>Bien mieux, de son consentement, avec -son appui et sa complicité, je faisais la cour -à une de ses cousines, ravissante fille aux -cheveux d’or, au teint plus délicat que la -fleur du pêcher. Gertrude était timide et -rêveuse, Henriette vive et décidée. Lorsque -nous étions tous trois ensemble, Henriette -parlait pour nous deux, elle taquinait vivement -sa cousine à mon sujet, la menaçant -de me dire ce que Gertrude n’osait -m’avouer elle-même. Gertrude rougissait et -levait sur Henriette ses beaux yeux suppliants.</p> - -<p>Une fois, à la fin du jour, nous étions -assis sur la mousse au pied d’un sapin, -Henriette m’assura que les cheveux dénoués -de sa cousine étaient admirables.</p> - -<p>— Que ne la voyez-vous, disait-elle, -lorsqu’elle s’agenouille pour sa prière le -soir en chemise de nuit ?</p> - -<p>— Mais, Henriette… soupirait Gertrude.</p> - -<p>— Ses cheveux tombent alors jusque sur -ses jambes. Elle est baignée de lumière… -Il faut que Philippe les voie, ajouta-t-elle -vivement et, d’un geste rapide, elle enleva -les deux épingles qui soutenaient la masse -lourde des cheveux.</p> - -<p>Ils s’écroulèrent. Malgré les protestations -de Gertrude, Henriette voulut que je -les touchasse. J’y plongeai mes deux mains. -Je sentis leurs mille caresses subtiles à -fleur de peau.</p> - -<p>Gertrude maintenant restait immobile, -comme engourdie.</p> - -<p>— Mais, Philippe, embrassez-la, dit Henriette, -je ne vous regarde pas.</p> - -<p>Je me penchai vers la jeune fille, cherchant -sa bouche. Elle détourna la tête et -mes lèvres ne rencontrèrent que sa joue -rougissante.</p> - -<p>Telle était l’atmosphère dans laquelle -nous vivions.</p> - -<p>L’automne arriva trop vite. Une à une -les maisons du voisinage se fermèrent et -les Maure annoncèrent leur départ. Gertrude -et sa mère les devançaient de quelques -jours. Henriette, feignant de s’attendrir -sur le malheur de notre séparation, nous -ménagea une dernière entrevue. C’était dans -une partie du bois assez écartée où nous -aimions à nous réfugier. J’y trouvai Gertrude -seule, hésitante, voulant fuir. Je la retins, je -la rassurai, je lui demandai si elle m’oublierait -vite, s’il y avait pour moi une place dans -son cœur, quel souvenir elle garderait des -jours que nous avions vécus ensemble.</p> - -<p>Par un dédoublement curieux, je m’aperçus, -en ce moment où d’autres préoccupations -semblaient devoir m’absorber, -que ma voix prenait pour prononcer ces -mots une douceur persuasive et touchante -que je ne lui connaissais pas, une qualité -musicale qui m’émut moi-même. Et je -parlais autant pour me plaire que pour -gagner le cœur de Gertrude.</p> - -<p>Celle-ci ne fut pas insensible à l’accent -de la mélodie que je lui murmurai et je -vis bientôt l’effet produit moins par mes -paroles que par le ton sur lequel elles -étaient dites. Elle me serra les mains, ses -yeux s’emplirent de larmes, elle pencha -la tête sur mon épaule.</p> - -<p>Je couvris de baisers sa figure humide -de pleurs. Je trouvai du charme à ces -baisers, mais, faut-il l’avouer ? ces caresses -échangées m’émurent à peine. Ma curiosité -y était plus intéressée que mes sens. Et -mon cœur restait de glace…</p> - -<p>Deux jours plus tard, j’allai chercher -Henriette pour une dernière promenade. -Elle partait le lendemain. Par un besoin -de secrète harmonie, nous choisîmes non -pas les bois où souvent avaient retenti les -éclats de rire de notre bande folle, mais -une plaine dénudée au pied d’une colline -et qui avait été longtemps un marécage. -Aujourd’hui des fossés la traversant en -drainaient les eaux. Elle était nue et triste, -quelques touffes de ronces épineuses seules -y poussaient. Le ciel gris, bas, plein des -brumes de l’automne, s’appuyait sur le fin -clocher d’une église au sommet du coteau. -Dans les champs on brûlait les feuilles et -les tiges des pommes de terre. Les fumées -traînaient et ne s’élevaient qu’avec peine. -Longtemps nous marchâmes sans parler. -Enfin Henriette rompit le silence.</p> - -<p>— Dire que je regretterai même cette -pauvre plaine lorsque je serai à la ville. -Je vous envie de rester ici.</p> - -<p>Je ne répondis pas. Je venais de comprendre -que rien dans ce pays que j’aimais -tant n’aurait plus de charme pour moi du -jour où Henriette l’aurait quitté. La surprise -de ce sentiment nouveau, la pensée de -l’isolement où le départ d’Henriette me -laisserait me serrèrent le cœur au point -que je fus obligé de m’arrêter.</p> - -<p>Elle s’arrêta aussi et me regarda. Que -lut-elle dans mes yeux ? Il me parut qu’elle -pâlissait. Elle se mordit la lèvre, puis, avec -un mouvement d’épaules que je ne sus -comment interpréter, elle dit :</p> - -<p>— Il faut rentrer.</p> - -<p>Le lendemain elle partit, me laissant -désespéré et fou de joie. J’aimais !</p> - -<p>L’ivresse d’un premier amour suffit à -remplir une âme moins enflammée que ne -l’était la mienne. Le monde transformé -s’éclaira à mes yeux d’une lumière inconnue ; -je sentis s’agiter en moi la force qui anime -la nature ; je fus enfin une parcelle vivante -de l’antique et toujours jeune univers. Mes -livres participèrent de cet enchantement. -Je les avais lus avec les yeux de l’esprit ; -ma sensibilité cette fois-ci s’émut. Les -romans me racontèrent mon histoire ; les -livres de science eux-mêmes me parlaient -un langage que je comprenais pour la -première fois. C’est alors que mon professeur -me mit entre les mains l’<i>Origine -des espèces</i> de Darwin et je n’oublie pas -l’émotion que j’en éprouvai. Je crus voir -s’ouvrir devant moi les portes longtemps -fermées du temple. Les secrets m’étaient -révélés de la vie qui palpite, identique en -tous les êtres. Et, au même moment, je -découvrais que l’amour seul vaut de vivre -et qu’il serait désormais mon maître. Mais -sa tyrannie, sous laquelle tant d’âmes -faibles succombent, ne m’effrayait pas. Elle -me donnait, au contraire, un désir plus fort -d’agir ; je voulais maintenant exceller en -mille choses ; j’entendais dominer. Je me -jetai dans l’étude, non pas tant par le -désir d’apprendre et de m’enrichir ainsi -que pour me prouver à moi-même ma puissance. -Au collège où je venais d’entrer, -j’obtins cet hiver-là de mémorables succès. -Mon professeur s’étonnait de mon ardeur -et me prédisait un succès certain au baccalauréat -qui, à la fin de l’année, terminerait -mes études secondaires.</p> - -<p>Mais Henriette ?… Chose étrange, j’étais -exalté à ce point que je ne souffrais pas -de son absence. Ne lui devais-je pas la -magique transformation que j’avais subie ? -Sans doute, je désirais la revoir ; je lui -parlais comme si elle avait été présente ; -son souvenir ennoblissait chaque heure -de ma vie. Mais je me créais de si merveilleux -bonheurs qu’à la lettre je n’avais pas -le temps de pleurer sur notre séparation. -L’image que je me faisais de mon amie -était si parfaite que peut-être l’Henriette -réelle, si elle m’était apparue soudain, n’aurait -pas rempli exactement la place et le -rôle que je réservais à l’Henriette de mes -rêves.</p> - -<p>Nous nous écrivions. Mais comment -traduire mes sentiments dans des lettres -qui pouvaient être lues par d’autres ? Comment -lui écrire ce que je ne lui avais pas -dit lorsqu’elle était près de moi ? Ses lettres -étaient, il faut l’avouer, décevantes, tant ce -qu’elles exprimaient était éloigné du langage -que je lui prêtais dans ma solitude.</p> - -<p>Par ailleurs, je ne souffrais plus autant -du malaise mystérieux et redoutable qui -m’avait si cruellement accablé depuis deux -ans, comme si la fraîcheur de mon amour -avait fait disparaître les fièvres malignes -de la puberté.</p> - -<p>L’hiver, le printemps passèrent ; je ne -comptais pas les jours qui me séparaient -d’Henriette, je vivais avec elle sous la lampe -près du poële, dans les champs durcis par -le froid ou sous les vertes frondaisons. L’été -la ramènerait près de moi…</p> - -<p>Vers le début de juin ma mère tomba -malade ; elle fut longtemps retenue à la -chambre. Elle y était encore lorsque je -partis pour passer mes examens à l’Université -voisine. Lorsque j’en revins, elle -sortait de convalescence et les médecins -l’envoyaient aux eaux. Elle était encore -trop faible pour que je pusse songer à l’y -laisser aller seule.</p> - -<p>Lorsqu’elle me l’apprit, elle pensait que -la nouvelle de ce déplacement me serait -agréable et qu’il me plairait de quitter, -presque pour la première fois, nos campagnes.</p> - -<p>Mais je ne songeais qu’à Henriette. Ses -yeux riants ne rencontreraient pas les miens -lorsqu’elle arriverait dans le pays ! Je lui -envoyai une lettre désolée, la plus explicite -de toutes celles que je lui avais écrites. -J’annonçai mon retour pour le mois d’août, -je la suppliai de ne pas m’en vouloir…</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">II</h2> - - -<p>Aux eaux la nouveauté du spectacle -me fut une distraction. Pourtant je -ne voulais pas me l’avouer. Lorsque -j’étais avec ma mère, je ne cessais de -regretter le confort, le calme délicieux de -notre demeure, de me plaindre de l’impossibilité -d’être seuls dans le va-et-vient du -grand hôtel où nous habitions. Cependant -je trouvais un charme singulier à ce coudoiement -de tant de personnes inconnues, -à ces rapides coups d’œil échangés avec des -étrangers, à la vie en commun qui mêlait -nos plaisirs et nos occupations, aux repas -au restaurant, à la danse, le soir. J’avais -déclaré vouloir vivre en sauvage. Je n’étais -pas à X… depuis quarante-huit heures -que je jouais au <span lang="en" xml:lang="en">lawn-tennis</span>, que j’étais de -toutes les parties, que je dansais chaque -nuit. Je faisais tout avec fièvre comme si -j’eusse voulu m’étourdir et oublier. Quoi ?</p> - -<p>Je remarquai dès le premier jour une -jeune femme qui mangeait à une table -voisine de la nôtre. Ses yeux étaient sombres -et elle semblait désireuse d’en voiler l’éclat -en tenant ses paupières à moitié baissées. -Elle me parut avoir une trentaine d’années. -Ma mère lui en donnait plus généreusement -quarante. Dans son visage pâle d’un ovale -allongé ses lèvres plus rouges que celles -des femmes que nous avions l’habitude de -voir attiraient mes regards. J’eus la curiosité -de chercher à connaître son nom. Elle -s’appelait la comtesse de Francheret. J’avais -lu ce nom dans les journaux mondains de -Paris. A X… madame de Francheret ne -faisait partie d’aucune des coteries où se -groupaient les baigneurs. Ses manières, -sa distinction, la solitude où elle vivait, le -prestige aussi de la classe sociale à laquelle -elle appartenait, voilà des motifs d’intérêt -pour un jeune provincial jamais sorti de -chez lui. Je me mis donc à l’observer, peut-être -avec un peu trop d’insistance. Voulut-elle -me faire sentir que je manquais aux -convenances ? Deux ou trois fois, elle fixa -sur moi un regard qui semblait me pénétrer. -L’après-midi, elle venait près du cours de -tennis où je jouais. Les spectateurs étaient -nombreux qui suivaient nos parties. Elle -se tenait à l’écart. Pourtant il était rare, -lorsque je levais les yeux sur elle que je -ne surprisse pas les siens dirigés vers moi.</p> - -<p>Quelques jours passèrent ainsi. J’aurais -voulu me rapprocher d’elle, lui parler, mais -je ne savais comment m’y prendre. Le -hasard vint à mon secours.</p> - -<p>Une fin d’après-midi, comme je descendais -du tennis pour aller à la douche, je -dépassai madame de Francheret. Une -écharpe avec laquelle elle jouait glissa sur -le chemin. Je la ramassai et la lui tendis.</p> - -<p>Elle me remercia, et simplement, comme -si nous nous connaissions depuis longtemps, -nous continuâmes à causer. La -nouveauté de la situation eût pu m’embarrasser. -Comme je ne pensais pas à moi et -au personnage que j’avais à jouer, mais à -elle, je fus simple et ne ressentis aucun -embarras. Sa voix avait une certaine gravité -qui me plut.</p> - -<p>Les jours suivants nous nous rencontrâmes -encore. Elle paraissait écouter sans -ennui ce que je racontais de moi-même et -de notre vie provinciale, de mes plans -incertains et magnifiques d’avenir. Elle -parlait peu, mais ses paroles, lorsqu’on y -réfléchissait, prenaient un sens plus profond -que celui qu’elles présentaient tout d’abord. -Elle ne causait ni de littérature, ni d’art, -mais elle semblait connaître les gens et les -choses mieux et plus réellement qu’il n’est -accoutumé. Enfin son regard, dont elle -était ménagère, ajoutait du poids à ses -paroles.</p> - -<p>— Que vous êtes jeune ! disait-elle -souvent.</p> - -<p>Nous ne nous voyions jamais que dans -les jardins et, le soir, au salon, où elle -s’asseyait près de ma mère.</p> - -<p>Un jour, après déjeuner, je me rendis -pour la première fois chez elle. Elle était -un peu souffrante et m’avait fait demander -un livre. Elle occupait, sur la cour d’entrée -célèbre par ses arbres centenaires, un appartement -composé d’un salon minuscule -et d’une chambre. Je la trouvai couchée -sur une chaise longue, vêtue d’un blanc -peignoir de dentelles. Les ormeaux jetaient -leur ombre entre les persiennes à moitié -closes ; on entendait le bruit confus des -conversations des baigneurs à quelques -pieds au-dessous de nous.</p> - -<p>— Asseyez-vous là, me dit-elle, montrant -un fauteuil à côté d’elle.</p> - -<p>Une fois assis, moi qui étais à l’ordinaire -si bavard, je ne trouvai rien à dire. -Je n’avais aucune idée, aucune volonté. Le -silence ne me pesait pas. Un parfum de je -ne sais quoi flottait dans l’air. Je regardai -madame de Francheret. Elle rêvait, un bras -relevé sur le dossier de la chaise longue. -Je voyais les chairs pleines et ambrées -par où le bras s’attache à la poitrine qui -se soulevait lentement à chaque respiration. -Sa bouche s’entr’ouvrait comme pour -un sourire. Je ne pensais pas que je me -trouvais à côté de la comtesse de Francheret. -C’était une femme qui était là près -de moi. Et nous étions seuls.</p> - -<p>Sans plus y réfléchir, je pris sa main et -j’eus la hardiesse de la porter à mes lèvres. -Elle me laissa faire.</p> - -<p>— Que vous êtes jeune ! dit-elle encore. -C’est délicieux !</p> - -<p>Elle m’attira vers elle ; je sentis l’odeur -tiède de sa gorge, et ses deux bras se -nouèrent autour de mon cou.</p> - -<p>Quand je sortis de sa chambre, une -heure plus tard, j’étais un homme.</p> - -<p>La joie que j’aurais pu prendre dans -les bras de madame de Francheret avait -été gâtée par la peur de lui paraître novice. -Un jeune homme craint le ridicule. N’eût-il -pas été plus simple de lui dire : « Je ne -sais rien, je me remets entre vos mains ; -soyez vraiment ma maîtresse. » Mais on -ne gagne la simplicité que par des chemins -longs et difficiles. Je pensais : « Elle s’est -aperçue, sans doute, de mon inexpérience. -En elle-même, elle se moque de moi ; elle -ne voudra plus me voir. Et moi-même, -comment la regarderai-je ? »</p> - -<p>Mais, en même temps, j’étais gonflé de -joie. Je connaissais enfin la réalité de ce -monde féminin dont le mystère m’avait -longtemps troublé. Ma première impression, -la plus forte, celle qui ne devait point -s’évanouir, je la traduisis par ces mots de -la Bible : « l’œuvre de chair. » J’avais participé -à une œuvre de chair, cela et rien de -plus. Pour un garçon qui avait vécu dans -les livres et dans les plus romanesques -enchantements, la nouveauté était grande. -Je sentais aussi que l’incomplète joie de -cette première rencontre serait transformée -bientôt en un bonheur plus complet, qu’il -y avait là un point de perfection à atteindre -et j’étais bien décidé à y arriver au plus -vite.</p> - -<p>Pas un instant, je n’eus l’idée que j’avais -commis une infidélité envers Henriette. -Henriette vivait sur un plan différent. Elle -habitait le palais que mon imagination lui -avait bâti. Madame de Francheret m’avait -invité dans une demeure plus terrestre. Je -ne songeais même pas à me demander si -j’aimais mon initiatrice. Aimer, c’était penser -tendrement à une personne, désirer la voir, -lui parler, deviner les moindres nuances -de ses sentiments, s’émouvoir à son seul -souvenir. Un regard d’elle, c’était assez -pour être heureux ; se sentir maître de son -âme, y régner sans partage, la félicité -suprême.</p> - -<p>Avec madame de Francheret, présente -ou absente, je ne ressentais aucune de ces -émotions. Lorsque je pensais à elle, des -images précises se levaient devant mes -yeux, et quelles images ! Je sentais avec -trouble sa chair contre ma chair et le désir -m’agitait de renouveler ces obscures et -violentes sensations.</p> - -<p>Désormais je passai mes après-midi -dans l’appartement de madame de Francheret. -Je ne montais au tennis, un peu -las, qu’à la fin de la journée. J’eus bientôt -perdu la gêne des premiers jours. Déjà je -me croyais naïvement un maître…</p> - -<p>La seule ombre à mon bonheur, où la -chercher ? Dans la trop grande facilité avec -laquelle je l’avais gagné. J’étais assez sot -pour ne pas estimer à son prix une victoire -qui ne m’avait rien coûté. « Je suis l’amant, -me disais-je, de cette femme charmante et -qui appartient à la meilleure société, mais -sans doute a-t-elle l’habitude de satisfaire -ses moindres caprices. J’étais là ; elle m’a -pris. Moi absent, un autre l’eût possédée. »</p> - -<p>La manière d’être de madame de Francheret -n’était pas faite pour me donner -une trop haute idée de moi-même. Avec -elle, on était toujours dans des rapports -simples. Personne moins qu’elle ne prenait -plaisir à jouer la comédie. Elle n’affecta -aucun remords, aucune crainte ; elle ne se -crut pas obligée de chercher des excuses -à ce que d’autres appellent leur faute ; elle -n’essaya pas de me faire croire qu’elle -avait cédé à un sentiment irrésistible. Avec -une aisance parfaite (seule, pensais-je, une -grande dame — Balzac ! — a cette inimitable -liberté), elle m’invita à des jeux que -j’ignorais et m’en apprit la douceur. Je dois -avouer à ma décharge qu’une semaine ne -se passa pas sans que je lui avouasse que -j’étais arrivé neuf dans ses bras.</p> - -<p>Elle sourit.</p> - -<p>— Croyez-vous que j’aie pu l’ignorer ? -dit-elle.</p> - -<p>Elle m’apprit bien d’autres choses encore, -et surtout le prix du secret. Hors de -sa chambre, elle fut avec moi comme avec -un étranger, et je m’émerveillais de cette -transformation qui paraissait ne lui rien -coûter. Il n’y avait alors entre nous aucune -familiarité, pas un mot équivoque, pas un -regard trop appuyé. Je la voyais au restaurant -ou au salon, le soir, causant avec ma -mère, à son aise, libre, distante, et je ne -pouvais m’imaginer que cette même femme -je l’avais eue quelques heures auparavant -nue entre mes bras et que je connaissais -les parties les plus secrètes de son corps. -Et je l’en admirai davantage.</p> - -<p>Nous vécûmes ainsi pendant deux semaines. -Puis il fallut nous quitter. Le dernier -jour où je la vis chez elle, je lui dis :</p> - -<p>— Comment pourrai-je me passer de -vous ?</p> - -<p>— Bien mieux que vous ne le croyez, -me répondit-elle. Ce que je vous ai donné, -d’autres vous l’offriront. Elles y mettront -plus de façons sans doute et moins de -franchise. J’ai été la première, vous ne -m’oublierez pas. Peut-être nous reverrons-nous -à Paris puisque vos études vous y -appellent. Les choses ne seront pas là-bas -ce qu’elles ont été ici. Il est des folies -délicieuses qu’il faut savoir se refuser. -Vous étiez en vacances, moi aussi. Maintenant -la vie régulière reprend. Au moment -de partir, vous donnerai-je un conseil ? La -différence de nos âges me le permet. -Défendez-vous en amour des choses vulgaires -qui ont vite fait de gâter les jeunes -gens. Vous vous plairez toujours dans la -société des femmes. Ne croyez pas, comme -quelques-uns, qu’il faille être sincère avec -elles. Il faut savoir leur mentir, ne serait-ce -que pour les amuser. La plupart demandent -à être trompées. Il est bon d’y mettre -quelques manières. Voilà mon conseil. Et -en voici un second : Ne croyez pas à l’irréparable. -Il y a, cher ami, fort peu de -choses irréparables…</p> - -<p>Elle ne m’en avait jamais tant dit. Ainsi -me fit-elle participer à sa sagesse humaine -au moment où nous nous séparions. Je -quittai les eaux avec un beau sujet de méditation -devant moi et les souvenirs tout -proches d’un passé déjà plein de volupté.</p> - -<div class="chapter"></div> - -<h2 class="nobreak">III</h2> - - -<p>J’eus le loisir d’y penser plus longuement -que je ne l’aurais voulu. Au lieu -de rentrer chez nous, nous allâmes -passer quelques semaines au bord de la -mer dans le sud de la Bretagne. Les médecins -avaient ordonné ce repos à ma mère -avant le retour au foyer.</p> - -<p>J’en fus moins affligé que je ne l’aurais -cru. J’étais encore tout étonné de mon -aventure et, malgré mon désir de revoir -celle que j’aimais toujours, j’éprouvais le -besoin de mettre un peu de temps entre -le jour où j’avais quitté madame de Francheret -et celui où je retrouverais Henriette. -On se plaît à raconter dans les romans -qu’une fois séparé d’une femme que l’on -a aimée charnellement on découvre peu à -peu qu’on lui est attaché par d’autres liens -encore. Rien de semblable ne m’arriva. -J’aimais Henriette et madame de Francheret -m’avait attaqué là où Henriette n’avait -jamais régné. Je savais un gré infini à -madame de Francheret de m’avoir révélé -la nature et l’agrément des rapports entre -l’homme et la femme. Je n’oubliais pas les -heures passées près d’elle, mais, par un -phénomène bizarre, elle m’incitait à penser -à Henriette et à voir celle-ci sous un jour -nouveau. Grâce à madame de Francheret, -mon amour pour Henriette quitta les -sphères éthérées où il se mouvait et prit -une forme sensuelle. C’était Henriette et -non madame de Francheret que je tenais -dans mes bras pendant mes rêves. C’était -le corps frais et juvénile de mon amie que -je pressais à l’heure où le désir suscitait -devant moi des images voluptueuses.</p> - -<p>Je n’ai gardé de ces semaines aucun -autre souvenir. Les gens qui m’entouraient -étaient-ils vivants ? Ils allaient et venaient -autour de moi comme des ombres. Je -faisais de longues promenades sur la plage -à l’heure où le soleil couchant borde -de nacre le sable humide au long de -la mer. Des enfants jouaient, des jeunes -femmes passaient vêtues de robes claires. -Je ne les voyais pas, je ne voyais, bercée -au jeu des vagues molles dont les crêtes -d’argent s’irisaient dans les vapeurs du crépuscule, -qu’Henriette, et quelle Henriette ! -non pas la fille que j’avais connue près -de sa mère sous les ombrages de nos -campagnes, mais une Vénus adolescente -endormie au bord des flots.</p> - -<p>Nous nous écrivions. Que dire par lettre -à une déesse ? Je ne savais trouver le ton. -J’étais grandiloquent et confus. En échange, -je recevais quelques cartes postales, assez -insignifiantes à la vérité. Henriette paraissait -de triste humeur. Pourtant sa maison -était pleine d’amis. Le cercle joyeux de -l’an dernier s’était reformé. Seul, j’y manquais.</p> - -<p>Au début de septembre enfin, nous rentrâmes. -A mesure que les heures s’approchaient -où je devais revoir Henriette, je -m’inquiétais. Je brûlais de devancer les -jours, de courir à elle, de me jeter à ses -genoux et, au même temps, une douloureuse -appréhension me serrait le cœur. Je craignais -de cette rencontre je ne sais quel -heurt, quelle blessure insupportable. J’aurais -voulu retarder encore une minute -attendue avec tant de fièvre.</p> - -<p>Nous arrivâmes un matin. A la fin de -l’après-midi, je me rendis chez nos voisins. -De loin je vis madame Maure sous les -tilleuls près de la vieille maison. Rien -n’avait changé depuis un an. Henriette -devait être à quelques pas de là. L’émotion -de la sentir si près de moi me fit chanceler. -Je m’arrêtai un instant, j’étais essoufflé -moins par la rapidité de ma course que -par la violence des sentiments qui se heurtaient -en moi. Je compris pour la première -fois et d’un seul coup — ainsi un -éclair illumine dans la nuit les prés et les -bois, et les montre au voyageur égaré — que -le roman magnifique que j’avais vécu -depuis l’automne passé s’était déroulé dans -mon imagination, que je l’avais créé à moi -seul, qu’Henriette en ignorait encore le -premier mot… Un instant, je pensai à -retourner sur mes pas, à différer une entrevue -si hasardeuse. Mais j’eus honte à l’idée -de reculer, je me repris et avançai vers -madame Maure.</p> - -<p>Elle me fit l’accueil le plus aimable. -Après s’être informée longuement de la -santé de ma mère, elle me dit :</p> - -<p>— Comme vous avez grandi, Philippe. -Vous voilà un homme, maintenant. Et -cette pointe de moustache ! Qu’allez-vous -faire ?</p> - -<p>Je parlai de mes projets assez incertains. -J’irais à Paris pour continuer mes -études, à la Sorbonne sans doute et à -l’Ecole de Droit, mais je ne désirais être -ni professeur, ni avocat. D’autre part, nos -terres n’étaient pas assez grandes pour -absorber l’activité d’un jeune homme. En -somme, je ne me voyais dans aucun cadre -et ne pouvais dire ce que serait ma carrière. -Cependant je pensais à Henriette, -alternativement avec terreur et joie, à -Henriette que je n’apercevais pas.</p> - -<p>La bonne dame d’elle-même me renseigna,</p> - -<p>— Ma fille est avec sa cousine chez des -voisins. Elles ne tarderont pas. Si elles -avaient pensé vous voir aujourd’hui, elles -seraient déjà là.</p> - -<p>Une demi-heure passa, j’entendis un -bruit dans l’allée derrière moi.</p> - -<p>C’était Henriette et Gertrude, accompagnées -par le polytechnicien de l’an dernier.</p> - -<p>Henriette me parut plus grande ; elle -restait mince, un peu maigre, mais le corsage -de sa robe claire se gonflait légèrement -et ses hanches se dessinaient plus pleines. -Son visage n’avait pas changé, son teint -hâlé par l’été faisait paraître les dents -plus blanches et je retrouvais dans les -yeux riants et doux le feu que j’aimais. -Auprès d’elle, magnifique contraste, Gertrude -était éblouissante de fraîcheur blonde. -Elles étaient toutes deux vêtues de blanc ; -elles venaient heureuses et souriantes. Le -printemps de ma vie s’avançait au devant -de moi.</p> - -<p>Gertrude rougit en me voyant. L’accueil -que me fit Henriette ne trahit aucun -embarras. Elle ne me cacha pas le plaisir -qu’elle avait à me revoir et me gronda gentiment -de mon retard. Elle me demanda -qui j’avais vu aux eaux et au bord de la -mer. Rien de plus amical et de plus naturel -que cette conversation, mais elle était si -éloignée de celles que j’avais tenues avec -la même Henriette dans mes promenades -solitaires que j’en restai glacé. Je m’efforçais -de découvrir dans ses propos un mot -à double entente à moi seul destiné. Je -ne le trouvai pas. Pourtant il me parut -qu’à deux ou trois reprises son regard -s’attachait à moi comme si elle y trouvait -quelque chose de nouveau. Sur elle-même -elle ne dit rien.</p> - -<p>Charles-Henri (le polytechnicien) se -chargea de faire valoir les amusements de -la saison. Rappelant des incidents que -j’ignorais, il fit rire les filles en les évoquant -et s’arrangea de façon que je me sentisse -un étranger parmi eux. Cela me déplut.</p> - -<p>Lorsque je pris congé, Henriette et Gertrude -décidèrent de m’accompagner. Mais -Charles-Henri ne les laissa pas seules et, -quand nous nous séparâmes à la lisière du -petit bois de chênes, je n’avais pu échanger -un mot avec Henriette sans témoins.</p> - -<p>Je ne fus pas plus heureux les jours -suivants. Je vis Henriette, mais toujours -entourée de sa cousine, de Charles-Henri, -d’allants et de venants. Elle était le centre -d’un cercle ; tout se rapportait à elle. -Charles-Henri ne la quittait pas plus que -son ombre. Je ne fus pas longtemps avant -de comprendre qu’il montait la garde auprès -d’elle et qu’il ferait l’impossible pour -m’empêcher de la joindre. Gertrude, sans -dessein, j’imagine, le secondait. Elle semblait -ne vivre que par Henriette, toujours -à ses côtés, la main dans la main, le bras -passé autour de la taille. Si elle était -séparée de sa cousine, ses yeux restaient -attachés sur Henriette. Vis-à-vis de moi, -elle gardait une certaine réserve ; elle s’effarouchait -pour un rien et lorsqu’en plaisantant -je voulus reprendre le thème de l’an -passé, elle eut un mouvement de retraite.</p> - -<p>Malgré Charles-Henri, malgré Gertrude, -je pensais arriver tout de même à Henriette, -mais, à ma grande surprise, je fus amené -à constater que c’était chez Henriette elle-même -que je trouverais l’obstacle le plus -difficile. Elle évitait tout aparté ; elle apportait -une attention toujours égale à ne pas -se laisser isoler ; et si, profitant d’un incident -heureux, je réussissais à écarter ses -deux gardiens, elle m’empêchait avec une -incroyable habileté de choisir le thème de -la conversation et, d’un mot, la ramenait -à des banalités. Après une semaine ou deux -de tentatives infructueuses, j’étais exaspéré.</p> - -<p>Tour à tour, j’imaginai ou qu’Henriette -avait deviné que j’avais fait mon école -d’homme et m’en voulait, qu’elle soupçonnait -un danger à se lier avec moi et -qu’instinctivement elle me fuyait, ou plus -simplement, que je lui étais devenu indifférent.</p> - -<p>Suivant que j’adoptais l’un ou l’autre de -ces partis, je décidais ou de m’imposer à -elle ou de la fuir. Je déclarais alors que je -ne la reverrais plus, que j’avais été victime -de mon imagination, que je me trouvais en -face d’une fille incapable d’éprouver les -grands sentiments que je lui avais prêtés. -Cette farouche résolution ne durait pas -l’espace d’un matin. Il n’y eut pas de jour -où je ne décidais de rompre ; il n’y en eut -pas un qui ne me vît près d’Henriette.</p> - -<p>Et cependant le temps coulait et bientôt -octobre nous séparerait. J’eus l’idée, empruntée -sans doute à mes lectures, d’essayer -d’éveiller et de piquer sa jalousie. Je me -mis à faire la cour à Gertrude ; j’y déployais -beaucoup d’application et, au bout de quelque -temps, Gertrude parut y être sensible. -Mais sa cousine veillait sur elle et, comme -un jour, moitié plaisantant, moitié sérieux, -j’adressais à Gertrude quelques propos -tendres et lui baisais la main, Henriette -intervint assez brusquement disant que les -jeux permis naguère ne l’étaient plus aujourd’hui.</p> - -<p>Je fus surpris du ton vif sur lequel elle -parla et qui était bien éloigné de celui que -nous employions. Rentré chez moi et en -y réfléchissant, il me parut que cette nouvelle -attitude d’Henriette avait quelque -chose de flatteur pour mon amour-propre.</p> - -<p>Le lendemain, je la trouvai de méchante -humeur. Je cessai de flirter avec Gertrude, -mais Henriette ne s’apaisa pas. « Peut-elle -sérieusement m’en vouloir, me demandai-je, -de ce qui n’est qu’un jeu ? » Mais elle ne -me laissa pas lui poser la question.</p> - -<p>Je devins irritable : elle me contredisait -pour un rien.</p> - -<p>Nous échangions des propos aigres. Les -jours qui fuyaient ajoutaient à mon énervement. -Un jour, sur un mot un peu plus -piquant de moi, elle eut soudain les yeux -pleins de larmes. Bouleversé à cette vue, je -me précipitai vers elle. Nous étions seuls, -mais, à une douzaine de pas, sa mère -brodait sous les tilleuls. Henriette me -repoussa vivement et, sans me laisser le -temps de m’excuser, rentra dans la maison.</p> - -<p>Pendant deux jours je ne la vis point. -Lorsque nous nous retrouvâmes, elle ne -paraissait pas se souvenir de cette scène -pénible.</p> - -<p>La première semaine d’octobre commença. -Les Maure partaient le 10. Le -temps était d’une admirable douceur et la -lune dans son second quartier permettait -de prolonger encore les soirées sur la -terrasse. Un jour, une amie de ma mère -s’invita à dîner. Ma mère envoya un mot -à madame Maure, pour lui demander de -venir avec sa fille et sa nièce. Le soir, je -fus surpris de voir arriver madame Maure -et Henriette seules. Gertrude un peu souffrante -s’était couchée. « Enfin, pensais-je, -j’aurai l’explication attendue depuis si longtemps. » -Mais après-dîner Henriette refusa -de quitter le salon pour s’asseoir avec moi -sur la terrasse. A la demande de ma mère -elle fit de la musique, puis resta près des -dames et je fus obligé de me mettre dans -le cercle.</p> - -<p>J’étouffais de fureur. En moi-même j’avais -déjà rompu avec Henriette, je ne reverrais -de ma vie cette fille insensible. Qu’elle parte -et le plus tôt possible ! Cependant, je -m’absorbais dans un silence farouche.</p> - -<p>Vers dix heures, nos visiteurs se levèrent. -L’amie de ma mère offrit à madame Maure -et à sa fille de les ramener dans son coupé. -Madame Maure, fatiguée, accepta. Mais le -vieux coupé, très étroit, n’avait que deux -places et Henriette, par politesse, se crut -obligée de dire :</p> - -<p>— Nous allons vous gêner beaucoup, -madame.</p> - -<p>Alors, par une décision subite inexplicable, -je m’avançai, pris la main d’Henriette -dans l’ombre et, la lui serrant fortement -pour briser toute résistance, je dis à madame -Maure :</p> - -<p>— Je raccompagnerai Henriette par le -bois. Nous arriverons presque aussitôt que -vous.</p> - -<p>Henriette, stupéfiée par la pression de -ma main, hésita avant de parler.</p> - -<p>Déjà madame Maure de la voiture me -jetait :</p> - -<p>— Si cela ne vous ennuie pas, il sera -excellent pour elle de marcher un peu. -Elle est si paresseuse.</p> - -<p>La voiture partit nous laissant seuls sur -les marches du perron.</p> - -<p>Tout de suite, le long de l’allée qui -menait au bois, nous fûmes dans l’ombre -fraîche de la nuit.</p> - -<p>Nous ne parlions pas, nous allions côte -à côte sans nous toucher. Le silence, à se -prolonger, pesa sur nous comme une -menace. Pour rien au monde, je ne l’aurais -rompu. J’étais plein de colère. Il me semblait -qu’Henriette me devait des excuses -pour son inexplicable conduite depuis ma -rentrée. Je marchais la tête droite, les yeux -fixés devant moi.</p> - -<p>Henriette fut la première à ne pouvoir -supporter l’hostilité silencieuse qui était -entre nous. A un détour du chemin — nous -avions déjà franchi la moitié de la distance -qui séparait nos deux maisons — elle se -tourna un peu vers moi pour m’interroger -du regard. Je vis à la clarté de la lune -ses yeux inquiets chercher les miens. Bouleversé -par la supplication muette que je -lus dans son regard, je glissai mon bras -sous le sien. Le contact de ma main sur -sa chair suffit à opérer un prodige. L’irritation -qui nous avait dressés l’un contre -l’autre fondit comme neige d’avril au soleil ; -des rapports naturels, confiants, heureux -s’établissaient entre nous. Sans que nous -eussions échangé une parole, je sentis -qu’Henriette, gagnée, m’appartenait. Nous -entrions dans le bois de chênes. Je la -conduisis jusqu’au banc où cent fois nous -nous étions assis au cours de nos promenades. -Elle me suivit sans opposer l’ombre -de résistance. Je m’assis près d’elle, je la -pris dans mes bras, je me penchai sur -son visage pâle, je vis ses yeux si beaux -m’implorer, et sous la pression de mes -lèvres sa bouche s’entrouvrit.</p> - -<hr /> - - -<p>Nous eûmes une semaine entière pour -épuiser notre bonheur. Henriette, transformée, -montra la bravoure d’une femme. -Elle n’essaya pas de cacher ses sentiments. -Nous étions ensemble le jour durant. Je -la voyais le matin, l’après-midi, le soir -même. Elle inventait mille ruses pour se -débarrasser de Charles-Henri qui n’était -pas de force à lutter avec elle. Quant à -Gertrude, elle en fit sa complice, et cela -sans hésitation, sans se demander si sa -cousine en souffrirait, sans se soucier d’être -jugée par elle. Elles sortaient à deux. Dès -qu’elles n’avaient retrouvé, Henriette s’éloignait -avec moi, la priant de nous attendre. -Parfois même, elle l’appelait en riant : -Brangaine. Un jour devant Gertrude, elle -risqua une caresse hardie. Celle-ci rougit, -puis pâlit, mais se tut.</p> - -<p>Nous vivions ainsi comme en dehors -du temps et de nous-mêmes. La date approchait -qui l’emmènerait, elle, à Marseille, -moi, à Paris. Nos jours étaient comptés, -nous ne les comptions pas. Nous ne parlions, -ni de la séparation, ni des moyens -de nous retrouver. Jamais il n’y eut gens -plus acharnés à se satisfaire du présent. -Pas une minute, Henriette ne souffrit à -l’idée qu’elle goûtait d’un fruit défendu. -Elle m’aimait. Cherche-t-on des excuses -à l’amour ? A ses yeux, il n’était pas besoin -de se justifier.</p> - -<hr /> - - -<p>La séparation vint. Je vis Henriette -disparaître en voiture au détour du chemin, -n’essayant pas de cacher ses larmes.</p> - -<p>Je restai seul quelques jours encore. Je -ne sentais pas mon isolement. Le prix de -mon bonheur était-il diminué parce que je -l’avais perdu ? J’étais déjà enclin, sans que -je pusse en analyser les motifs avec précision -à considérer toutes choses par rapport -au développement de mon individualité. -Plus tard quand mes lectures s’étendirent, -je me trouvai d’illustres frères dans la littérature -européenne. A ce moment, ce sentiment -en moi ne devait rien à l’imitation, -j’aurai à en fournir une preuve bien prochaine. -Ainsi la séparation me fut adoucie -par la joie orgueilleuse de constater que -j’étais capable d’éprouver une grande passion -et aussi de la faire naître chez autrui. -Je n’eus, du reste, pas la plus légère fatuité -à voir que j’avais triomphé d’Henriette pas -plus que je n’en avais ressenti à éprouver -que madame de Francheret avait du goût -pour moi. Une obscure, mais juste idée de -la fatalité qui nous mène m’empêcha toujours -de m’attribuer à mérite ce dont je -n’étais redevable qu’à un sort heureux.</p> - -<div class="dots"><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b><b>. -</b><b>.</b><b>.</b><b>.</b></div> -<p>Six mois après, j’étais alors un jeune -étudiant mal débrouillé dans la vie de -Paris, j’appris par une lettre de ma mère -qu’Henriette se mariait avec un riche industriel -de Marseille, gaillard à tout le poil, -grand coureur de filles et de cabarets, six -pieds de haut, le verbe fort.</p> - -<p>Je ne lus pas cette lettre sans un serrement -de cœur. Henriette dans les bras d’un -rustre ! La vilaine image !</p> - -<p>Je m’efforçais à l’exemple des stoïciens -dont les doctrines alors m’enchantaient, à -raisonner, pour l’amortir, sur le coup reçu. -« Je me suis trompé moi-même, me disais-je. -Voilà une expérience salutaire à ton -début dans la vie. Ne mets pas à l’avenir -les femmes sur un plan trop élevé. Elles -ne sont jamais qu’à mi-hauteur et plus près -de la terre que du ciel. »</p> - -<p>Mais cette leçon de sagesse avait un -arrière-goût d’amertume qui fut longtemps -à s’effacer.</p> - -<div class="break"></div> - -<p class="noindent narrow scfirst top6em">Ce livre, A de l’alphabet des lettres -achevé d’imprimer pour la Cité des Livres, le 15 -octobre 1925, par Ducros et Colas, Maîtres-Imprimeurs -à Paris, a été tiré à 440 exemplaires : 5 sur -papier vélin à la cuve “héliotrope” des papeteries -du Marais, numérotés de 1 à 5 ; 10 exemplaires sur -japon ancien à la forme, numérotés de 6 à 15 ; 25 -exemplaires sur japon impérial, numérotés de -16 à 40 ; 50 exemplaires sur vergé de Hollande, -numérotés de 41 à 90 ; et 350 exemplaires sur vergé -à la forme d’Arches, numérotés de 91 à 440. Il a été -tiré en outre : 25 exemplaires sur madagascar réservés -à M. Édouard Champion, marqués alphabétiquement -de <small>A</small> à <small>Z</small> et 30 exemplaires hors commerce -sur papiers divers, numérotés de <small>I</small> à <small>XXX</small>.</p> - - -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK ADOLESCENCE ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ -concept and trademark. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br /> -<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br /> -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span> -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. 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Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. 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