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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Les Xipéhuz - -Author: Joseph Henri Honoré Boex - Séraphin Justin François Boex - -Release Date: July 15, 2021 [eBook #65845] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: John Routh, Delphine Lettau and the volunteers at Distributed - Proofreaders Canada. - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES XIPÉHUZ *** - J.-H. ROSNY - - LES XIPÉHUZ - - - - PARIS - SOCIÉTÉ DV MERCVRE DE FRANCE - XV, RUE DE L’ÉCHAUDÉ — SAINT-GERMAIN, XV - - M DCCC XCVI - - Tous droits réservés - - - - - _LIVRE PREMIER_ - - - - - I - - - LES FORMES - -C’était mille ans avant le massement civilisateur d’où surgirent plus -tard Ninive, Babylone, Ecbatane. - -La tribu nomade de Pjehou, avec ses ânes, ses chevaux, son bétail, -traversait la forêt farouche de Kzour, vers le crépuscule du soir, dans -l’océan de la mer oblique. Le chant du déclin s’enflait, planait, -descendait des nichées harmonieuses. - -Tout le monde étant très las, on se taisait, en quête d’une belle -clairière où la tribu pût allumer le feu sacré, faire le repas du soir, -dormir à l’abri des brutes, derrière la double rampe de brasiers rouges. - -Les nues s’opalisèrent, les contrées polychromes vaguèrent aux quatre -horizons, les dieux nocturnes soufflèrent le chant berceur, et la tribu -marchait encore. Un éclaireur reparut au galop, annonçant la clairière -et l’onde, une source pure. - -La tribu poussa trois longs cris; tous allèrent plus vite: des rires -puérils s’épanchèrent; les chevaux et les ânes mêmes, accoutumés à -reconnaître l’approche de la halte d’après le retour des coureurs et les -acclamations des nomades, fièrement dressaient l’encolure. - -La clairière apparut. La source charmante y trouait sa route entre des -mousses et des arbustes. Une fantasmagorie se montra aux nomades. - -C’était d’abord un grand cercle de cônes bleuâtres, translucides, la -pointe en haut, chacun du volume à peu près de la moitié d’un homme. -Quelques raies claires, quelques circonvolutions sombres, parsemaient -leur surface; tous avaient vers la base une étoile éblouissante comme le -soleil à la moitié du jour. Plus loin, aussi excentriques, des strates -se posaient verticalement, assez semblables à de l’écorce de bouleau et -madrés d’ellipses versicolores. Il y avait encore, de ci, de là, des -Formes quasi-cylindriques, variées d’ailleurs, les unes minces et -hautes, les autres basses et trapues, toutes de couleur bronzée, -pointillées de vert, toutes possédant, comme les strates, le -caractéristique point de lumière. - -La tribu regardait, ébahie. Une superstitieuse crainte figeait les plus -braves, grossissante encore quand les Formes se prirent à onduler dans -les ombres grises de la clairière. Et soudain les étoiles tremblant, -vacillant, les cônes s’allongèrent, les cylindres et les strates -bruissèrent comme de l’eau jetée sur une flamme, tous progressant vers -les nomades avec une vitesse accélérée. - -Toute la tribu, dans l’ensorcellement de ce prodige, ne bougeait point, -continuait à regarder. Les Formes abordèrent. Le choc fut épouvantable. -Guerriers, femmes, enfants, par grappes, croulaient sur le sol de la -forêt, mystérieusement frappés comme du glaive de la foudre. Alors, aux -survivants, la ténébreuse terreur rendit la force, les ailes de la fuite -agile. Et les Formes, massées d’abord, ordonnées par rangs, -s’éparpillèrent autour de la tribu, impitoyablement attachées aux -fuyards. L’affreuse attaque, pourtant, n’était pas infaillible, tuait -les uns, étourdissait les autres, jamais ne blessait. Quelques gouttes -rouges jaillissaient des narines, des yeux, des oreilles des agonisants, -mais les autres, intacts, bientôt se relevaient, reprenaient la course -fantastique dans le blémissement crépusculaire. - -Quelle que fût la nature des Formes, elles agissaient à la façon des -êtres, nullement à la façon des éléments, ayant comme des êtres -l’inconstance et la diversité des allures, choisissant évidemment leurs -victimes, ne confondant pas les nomades avec les plantes ni même les -animaux. - -Bientôt les plus véloces fuyards perçurent qu’on ne les poursuivait -plus. Épuisés, déchirés, ils osèrent se retourner enfin vers le prodige. -Au loin, entre les troncs noyés d’ombre, continuait la poursuite -resplendissante. Et les Formes, de préférence, pourchassaient, -massacraient les guerriers, souvent dédaignaient les faibles, la femme, -l’enfant. - -Ainsi, à distance, dans la nuit toute venue, la scène était plus -surnaturelle, plus écrasante aux cerveaux barbares. Les guerriers -allaient recommencer la fuite. Une observation capitale les arrêta: -c’est que, guerriers, femmes ou enfants, les _Formes abandonnaient la -poursuite au-delà d’une limité fixe_. Et, quelque lasse, impotente que -fût la victime, même évanouie, dès que cette frontière idéale était -franchie, tout péril aussitôt cessait. - -Cette très rassurante remarque, bientôt confirmée par cinquante faits, -tranquillisa les nerfs frénétiques des fuyards. Ils osèrent attendre -leurs compagnons, leurs femmes, leurs pauvres petits échappés à la -tuerie. Même, un d’eux, leur héros, abruti d’abord, effaré par le -surhumain de l’aventure, retrouva le souffle de sa grande âme, alluma un -foyer, emboucha la corne de buffle pour guider les fugitifs. - -Alors, un à un, vinrent les misérables. Beaucoup, éclopés, se traînaient -sur les mains. Des femmes-mères, avec l’indomptable force maternelle, -avaient gardé, rassemblé, porté le fruit de leurs entrailles à travers -la mêlée hagarde. Et beaucoup d’ânes, de chevaux, de bétail, revinrent, -moins affolés que les hommes. - -Nuit lugubre, passée dans le silence, sans sommeil, où les guerriers -sentirent continuellement trembler leurs vertèbres. Mais l’aube vint, -s’insinua pâle à travers les gros feuillages, puis la fanfare aurorale, -de couleurs, d’oiseaux retentissants, exhorta à vivre, à rejeter les -terreurs de la Ténèbre. - -Le Héros, le chef naturel, rassemblant la foule par groupes, commença le -dénombrement de la tribu. La moitié des guerriers, deux cents, manquait, -avait probablement succombé. Beaucoup moindre était la perte des femmes -et presque nulle celle des enfants. - -Quand ce dénombrement fut terminé, qu’on eut rassemblé les bêtes de -somme (peu manquaient, par la supériorité de l’instinct sur la raison -pendant les débâcles,) le Héros disposa la tribu suivant l’arrangement -accoutumé, puis, ordonnant de l’attendre, seul, pâle, il se dirigea vers -la clairière. Nul, même de loin, n’osa le suivre. - -Il se dirigea là où les arbres s’espaçaient largement, dépassa -légèrement la limite observée la veille et regarda. - -Au loin, dans la transparence fraîche du matin, coulait la jolie source; -sur les bords, réunie, la troupe fantastique des Formes resplendissait. -Leur couleur avait varié. Les cônes étaient plus compacts, leur teinte -turquoise avant verdi, les Cylindres se nuaient de violet et les Strates -ressemblaient à du cuivre vierge. Mais chez toutes, l’étoile pointait -ses rayons qui, même à la lumière diurne, éblouissaient. - -La métamorphose s’étendant aux contour des fastamagoriques Entités, des -cônes tendaient à s’élargir en cylindres, des cylindres se déployaient, -tandis que des strates se curvaient partiellement. - -Mais, comme la veille, tout à coup les Formes ondulèrent, leurs Étoiles -se prirent à palpiter; le Héros, lentement, repassa la frontière de -Salut. - - - - - II - - - EXPÉDITION HIÉRATIQUE - -La tribu de Pjehou s’arrêta à la porte du grand Tabernacle nomade où les -chefs seuls entrèrent. Dans le fond rempli d’astres, sous l’image mâle -du Soleil, se tenaient les trois grands-prêtres. Plus bas qu’eux, sur -les degrés dorés, les douze sacrificateurs inférieurs. - -Le Héros s’avança, dit au long la terrifique aventure de la forêt de -Kzour, que les prêtres écoutaient, très graves, étonnés, sentant un -amoindrissement de leur puissance devant cette aventure extra-humaine. - -Le suprême grand-prêtre exigea que la tribu offrît douze taureaux, sept -onagres, trois étalons au Soleil. Il reconnut aux Formes les attributs -divins, et, après les sacrifices, résolut une expédition hiératique. -Tous les prêtres, tous les chefs de la nation zahelal, devaient y -assister. - -Et des messagers parcoururent les monts et les plaines à cent lieues -autour de la place où s’éleva plus tard l’Ecbatane des mages. Partout la -ténébreuse histoire faisait se dresser le poil des hommes, partout les -chefs obéirent précipitamment à l’appel sacerdotal. - -Un matin d’automne, le Mâle perça les nues, inonda le Tabernacle, -atteignit l’autel où fumait un cœur saignant de taureau. Les -grands-prêtres, les immolateurs, cinquante chefs de tribu, poussèrent le -cri triomphal. Cent mille nomades, au dehors, foulant la rosée fraîche, -répétèrent la clameur, tournant leurs têtes tannées vers la prodigieuse -forêt de Kzour mollement frissonnante. Le présage était favorable. - -Alors, les prêtres en tête, tout un peuple marcha à travers les bois. -Dans l’après-midi, vers trois heures, le héros de Pjehou arrêta la -multitude. La grande clairière roussie par l’automne, un flot de -feuilles mortes cachant ses mousses, s’étendait avec majesté; sur les -bords de la source, les prêtres aperçurent ce qu’ils venaient adorer et -apaiser, les Formes. Elles étaient douces à l’œil, sous l’ombre des -arbres, avec leurs nuances tremblantes, le feu pur de leurs étoiles, -leur tranquille évolution au bord de la source. - -—Il faut, dit le grand-prêtre suprême, offrir ici le sacrifice: qu’ils -sachent que nous nous soumettons à leur puissance! - -Tous les vieillards s’inclinèrent. Une voix s’éleva, cependant. C’était -Yushik, de la tribu de Nim, jeune compteur d’astres, pâle veilleur -prophétique, de renommée débutante, qui demanda audacieusement -d’approcher plus près des Formes. - -Mais les vieillards, blanchis dans l’art des sages paroles, -triomphèrent: l’autel fut construit, la victime amenée—un éblouissant -étalon, superbe serviteur de l’homme. Alors, dans le silence, la -prosternation d’un peuple, le couteau d’airain trouva le noble cœur de -l’animal. Une grande plainte s’éleva. Et le grand-prêtre: - -—Êtes-vous apaisés, ô dieux? - -Là-bas, parmi les troncs silencieux, les Formes circulaient toujours, se -faisant reluire, préférant les places où le soleil coulait en ondes plus -denses. - -—Oui, oui, cria l’enthousiaste, ils sont apaisés! - -Et saisissant le cœur chaud de l’étalon, sans que le grand-prêtre, -curieux, prononçât une parole, Yushik se lança par la clairière. Des -fanatiques, avec des hurlements, le suivirent. Lentement, les Formes -ondulaient, se massant, rasant le soi, puis, soudain, précipitées sur -les téméraires, un lamentable massacre épouvanta les cinquante tribus. - -Six ou sept fugitifs, à grand effort, poursuivis avec acharnement, -purent atteindre la limite. Le reste avait vécu et Yushik avec eux. - -—Ce sont des dieux inexorables! dit solennellement le suprême -grand-prêtre. - -Puis un conseil s’assembla, le vénérable conseil des prêtres, des -ancêtres, des chefs. - -Ils décidèrent de tracer, au-delà de la limite du Salut, une enceinte de -pieux, et de forcer, pour la détermination de cette enceinte, des -esclaves à s’exposer à l’attaque des Formes sur tout le pourtour -successivement. - -Et cela fut fait. Sous menace de mort, des esclaves entrèrent dans -l’enceinte. Très peu, pourtant, y périrent, par l’excellence des -précautions. La frontière se trouva fermement établie, rendue à tous -visible par son pourtour de pieux. - -Ainsi finit heureusement l’expédition hiératique, et les Zahelals se -crurent abrités contre le subtil ennemi. - - - - - III - - - LES TÉNÈBRES - -Mais le système préventif préconisé par le conseil, bientôt fut démontré -impuissant. Au printemps suivant, les tribus Hertoth et Nazzum passant -près de l’enceinte des pieux, sans défiance, un peu en désordre, furent -cruellement assaillies par les Formes et décimées. - -Les chefs qui échappèrent au massacre racontèrent au grand conseil -Zahelal que les Formes étaient maintenant beaucoup plus nombreuses qu’à -l’automne passé. Toutefois, comme auparavant, elles limitaient leur -poursuite, mais les frontières s’étaient élargies. - -Ces nouvelles consternèrent le peuple: il y eut un grand deuil et de -grands sacrifices. Puis, le conseil résolut de détruire la forêt de -Kzour par le feu. - -Malgré tous les efforts on ne put incendier que la lisière. - -Alors, les prêtres, au désespoir, consacrèrent la forêt, défendirent à -quiconque d’y entrer. Et deux étés s’écoulèrent. - -Une nuit d’octobre, le campement endormi de la tribu Zulf, à deux -portées d’arc de la forêt fatale, fut envahi par les Formes. Trois cents -guerriers perdirent encore la vie. - -De ce jour une histoire sinistre, dissolvante, mystérieuse, alla de -tribu en tribu, murmurée à l’oreille, le soir, aux larges nuits astrales -de la Mésopotamie. _L’homme allait périr._ L’_autre_, toujours élargi, -dans les forêts, sur les plaines, indestructible, jour par jour -dévorerait la race déchue. Et la confidence, craintive et noire, hantait -les pauvres cerveaux, à tous durement ôtait la force de lutte, le -superbe optimisme des jeunes races. L’homme errant, rêvant à cela, -n’osait plus aimer les somptueux pâturages natals, cherchait en haut, de -sa prunelle accablée, l’arrêt des constellations. Ce fut l’an mil des -peuples enfants, le glas de la fin du monde, ou, peut-être, la -résignation de l’homme rouge des savanes indiennes. - -Et dans cette angoisse, les primitifs méditateurs venaient à un culte -amer, un culte de mort que prêchaient de pâles prophètes, le culte des -Ténèbres plus puissantes que les Astres, des Ténèbres qui devaient -engloutir, dévorer la sainte Lumière, le feu resplendissant. Partout, -aux abords des solitudes, on rencontrait immobiles, amaigries, des -silhouettes d’inspirés, des hommes de silence, qui, par périodes, se -répandant parmi les tribus, contaient leurs épouvantables rêves, le -Crépuscule de la grande Nuit approchante, du Soleil agonisant. - - - - - IV - - - BAKHOUN - -Or, à cette époque, vivait un homme extraordinaire, nommé Bakhoûn, issu -de la tribu de Ptuh et frère du premier grand-prêtre des Zahelals. De -bonne heure, il avait quitté la vie nomade, fait choix d’une belle -solitude, entre quatre collines, dans un mince et vivant vallon où -roulait la clarté chanteuse d’une source. Des quartiers de rocs lui -avaient fait la tente fixe, la demeure cyclopéenne. La patience, l’aide -ménagée des bœufs et des chevaux, lui avaient créé l’opulence, des -récoltes réglées. Ses quatre femmes, ses trente enfants, y vivaient de -la vie d’Éden. - -Bakhoûn professait des idées singulières, qui l’eussent fait lapider -sans le respect des Zahelals pour son frère aîné, le grand-prêtre -suprême. - -Premièrement, il croyait que la vie sédentaire, la vie à place fixe, -était préférable à la vie nomade, ménageant les forces de l’homme au -profit de l’esprit; - -Secondement, il pensait que le Soleil, la Lune et les Étoiles n’étaient -pas des dieux, mais des masses lumineuses; - -Troisièmement, il disait que l’homme ne doit réellement croire qu’aux -choses prouvées par la Mesure. - -Les Zahelals lui attribuaient des pouvoirs magiques, et les plus -téméraires, parfois, se risquaient à le consulter. Ils ne s’en -repentaient jamais. On avouait qu’il avait souvent aidé des tribus -malheureuses en leur distribuant des vivres. - -Or, à l’heure noire, quand apparut la mélancolique alternative -d’abandonner des contrées fécondes ou d’être détruites par des divinités -inexorables, les tribus songèrent à Bakhoûn, et les prêtres eux-mêmes, -après des luttes d’orgueil, lui députèrent trois des plus considérables -de leur ordre. - -Bakhoûn prêta la plus anxieuse attention aux récits, les faisant -répéter, posant des questions nombreuses et précises. Il demanda deux -jours de méditations. Ce temps écoulé, il annonça simplement qu’il -allait se consacrer à l’étude des Formes. - -Les tribus furent un peu désappointées, car on avait espéré que Bakhoûn -pourrait délivrer le pays par sorcellerie. Néanmoins, les chefs se -montrèrent heureux de sa décision et en espérèrent de grandes choses. - -Alors, Bakhoûn s’établit aux abords de la forêt de Kzour, se retirant à -l’heure du repos, et, tout le jour, il observait, monté sur le plus -rapide étalon de Chaldée. Bientôt, convaincu de la supériorité du -splendide animal sur les plus agiles des Formes, il put commencer son -étude hardie et minutieuse des ennemis de l’Homme, cette étude à -laquelle nous devons le grand livre anti-cunéiforme de soixante grandes -belles tables, le plus beau livre lapidaire que les âges nomades aient -légué aux races modernes. - -C’est dans ce livre, admirable de patiente observation, de sobriété, que -se trouve constaté un système de vie absolument dissemblable de nos -règnes animal et végétal, système que Bakhoûn avoue humblement n’avoir -pu analyser que dans son apparence la plus grossière, la plus -extérieure. Il est impossible à l’Homme de ne pas frissonner en lisant -cette monographie des êtres que Bakhoûn nomme les Xipéhuz, ces détails -désintéressés, jamais poussés au merveilleux systématique, que l’antique -scribe révèle sur leurs actes, leur mode de progression, de combat, de -génération, et qui démontrent que la race humaine a été au bord, du -Néant, que la Terre a failli être le patrimoine d’un _Règne_ dont nous -avons perdu jusqu’à la conception. - -Il faut lire la merveilleuse traduction de M. Dessault, ses découvertes -inattendues sur la linguistique pré-assyrienne, découvertes plus -admirées malheureusement à l’étranger,—en Angleterre, en -Allemagne,—que dans sa propre patrie. L’illustre savant a daigné mettre -à notre disposition les passages saillants du précieux ouvrage, et ces -passages, que nous offrons ci-après au public, peut-être inspireront -l’envie de parcourir les superbes traductions du Maître[1]. - ------ - -[1] _Les Precurseurs de Ninive_, par B. Dessault, édition in-8°, chez -Calmann-Lévy. Dans l’intérêt du lecteur, j’ai converti l’extrait du -livre de Bakhoûn, ci-après, en langage scientifique moderne. - - - - - V - - - PUISE AU LIVRE DE BAKHOUN - -Les Xipéhuz sont évidemment des Vivants. Toutes leurs allures décèlent -la volonté, le caprice, l’association, l’indépendance partielle qui fait -distinguer l’Être animal de la plante ou de la chose inerte. Quoique -leur mode de progression ne puisse être défini par comparaison,—c’est -un simple glissement sur terre—il est aisé de voir qu’ils le dirigent à -leur gré. On les voit s’arrêter brusquement, se tourner, s’élancer à la -poursuite les uns des autres, se promener par deux, par trois, -manifester des préférences qui leur feront quitter un compagnon pour -aller au loin en rejoindre un autre. Ils n’ont point la faculté -d’escalader les arbres, mais ils réussissent à tuer les oiseaux _en les -attirant_ par des moyens indécouvrables. On les voit souvent cerner des -bêtes sylvestres ou les attendre derrière un buisson; ils ne manquent -jamais de les tuer et de les consumer ensuite. On peut poser comme règle -qu’ils tuent _tous les animaux indistinctement_, s’ils peuvent les -atteindre, et cela sans motif apparent, car ils ne les consomment point, -mais les réduisent simplement en cendres. - -Leur manière de consumer n’exige pas de bûcher: le point incandescent -qu’ils ont à leur base suffit à cette opération. Ils se réunissent à dix -ou à vingt, en cercle, autour des gros animaux tués, et font converger -leurs rayons sur la carcasse. Pour les petits animaux,—les oiseaux, par -exemple,—les rayons d’un seul Xipéhuz suffisent à l’incinération. Il -faut remarquer que la chaleur qu’ils peuvent produire n’est point -instantanément violente. J’ai souvent reçu sur la main le rayonnement -d’un Xipéhuz et la peau ne commençait à s’échauffer qu’après quelque -temps. - -Je ne sais s’il faut dire que les Xipéhuz sont de différentes formes, -car tous peuvent se transformer successivement en cônes, cylindres et -strates, et cela en un seul jour. Leur couleur varie continuellement, ce -que je crois devoir attribuer, en général, aux métamorphoses de la -lumière depuis le matin jusqu’au soir et depuis le soir jusqu’au matin. -Cependant quelques variations de nuances paraissent dues au caprice des -individus et spécialement à leurs _passions_, si je puis dire, et -constituent ainsi de véritables expressions de physionomie, dont j’ai -été parfaitement impuissant, malgré une étude ardente, à déterminer les -plus simples autrement que par hypothèses. Ainsi, jamais je n’ai pu, par -exemple, distinguer une _nuance_ colère d’une _nuance_ douce, ce qui -aurait été assurément la première découverte en ce genre. - -J’ai dit leurs _passions_. Précédemment j’ai déjà remarqué leurs -préférences, ce que je nommerais leurs _amitiés_. Ils ont leurs _haines_ -aussi. Tel Xipéhuz s’éloigne constamment de tel autre et réciproquement. -Leurs colères paraissent violentes. J’en ai vu s’entrechoquer avec des -mouvements identiques à ceux qu’on observe lorsqu’ils attaquent les gros -animaux ou les hommes, et ce sont même ces combats qui m’ont appris -qu’ils n’étaient point immortels, comme je me sentais d’abord disposé à -le croire, car deux ou trois fois j’ai vu des Xipéhuz succomber dans ces -rencontres, c’est-à-dire _tomber, se condenser, se pétrifier_. J’ai -précieusement conservé quelques-uns de ces bizarres cadavres[1], et -peut-être pourront-ils plus tard servir à découvrir la nature des -Xipéhuz. Ce sont des cristaux jaunâtres, disposés irrégulièrement, et -striés de filets bleus. - -De ce que les Xipéhuz n’étaient point immortels, j’ai dû déduire qu’il -devait être possible de les combattre et de les vaincre, et j’ai depuis -lors commencé la série d’expériences combattantes dont il sera parlé -plus loin. - -Comme les Xipéhuz rayonnent toujours suffisamment pour être aperçus à -travers les fourrés et même derrière les gros troncs,—une grande -auréole émane d’eux en tous sens et avertit de leur approche,—j’ai pu -me risquer souvent dans la forêt même, me fiant à la vélocité de mon -étalon à la moindre alerte. Là, j’ai tenté de découvrir s’ils se -construisaient des abris, mais j’avoue avoir échoué en cette recherche. -Ils ne meuvent ni les pierres, ni les plantes, et paraissent étrangers à -toute espèce d’industrie _tangible_ et _visible_, seule industrie -appréciable à l’observation humaine. Ils n’ont conséquemment point -d’armes, selon le sens par nous attribué à ce mot. Il est certain qu’ils -ne peuvent tuer à distance: tout animal qui a pu fuir sans subir le -contact _immédiat_ d’un Xipéhuz a infailliblement échappé, et de cela -j’ai été maintes fois témoin. - -Ainsi que l’avait déjà remarqué la malheureuse tribu de Pjehou, ils ne -peuvent franchir certaines barrières idéales à la poursuite de leurs -victimes. Mais ces limites se sont toujours accrues d’année en année, de -mois en mois. J’ai dû en rechercher la cause. - -Or, cette cause ne semble être autre qu’un phénomène de _croissance -collective_ et, comme la plupart des choses xipéhuzes, elle est -hermétique à l’intelligence de l’homme. Brièvement, voici la loi: les -limites de l’action xipéhuze s’élargissent proportionnellement au nombre -des individus, c’est-à-dire que dès qu’il y a procréation de nouveaux -êtres, il y a aussi extension des frontières; mais tant que le nombre -reste invariable, tout individu est totalement incapable de franchir -l’habitat attribué—par la force des choses(?)—à l’ensemble de la race. -Cette règle fait entrevoir une corrélation plus intime entre la masse et -l’individu que la corrélation similaire remarquée parmi les hommes et -les animaux. On a vu plus tard la réciproque de cette loi, car dès que -les Xipéhuz ont commencé à diminuer, leurs frontières se sont -proportionnellement rétrécies. - -Du phénomène de la procréation même, j’ai peu à dire; mais ce peu est -caractéristique. D’abord, cette procréation se produit quatre fois l’an, -un peu avant les équinoxes et les solstices, et seulement par les nuits -très pures. Les Xipéhuz se réunissent par groupes de trois, et ces -groupes, graduellement, finissent par n’en former qu’un seul étroitement -amalgamé et disposé en ellipse très longue. Ils restent ainsi toute la -nuit, et le matin jusqu’à l’ascension maximum du Soleil. Lorsqu’ils se -séparent, on voit s’élever dans l’air des formes vagues, vaporeuses et -_énormes_. Ces formes se condensent lentement, se rapetissent, se -transforment au bout de dix jours en cônes ambrés, considérablement plus -grands encore que les Xipéhuz adultes. Il faut deux mois et quelques -jours pour qu’elles atteignent leur maximum de développement, -c’est-à-dire de rétrécissement. Au bout de ce temps, elles deviennent -semblables aux autres êtres de leur règne, de couleurs et de formes -variables selon l’heure, le temps et le caprice individuel. Quelques -jours après leur développement ou rétrécissement intégral, les -frontières d’action s’élargissent. C’était, naturellement, un peu avant -ce moment redoutable que je pressais les flancs de mon bon Kouath, afin -d’aller établir mon campement plus loin. - -Si les Xipéhuz ont des sens, c’est ce qu’il n’est pas possible -d’affirmer. Ils possèdent certainement des appareils qui leur en -tiennent lieu. - -La facilité avec laquelle ils perçoivent à de grandes distances la -présence des animaux, mais surtout celle de l’homme, annonce évidemment -que leurs organes d’investigation valent au moins nos yeux. Je ne leur -ai jamais vu confondre un végétal et un animal, même en des -circonstances où j’aurais très bien pu commettre cette erreur, trompé -par la lumière sub-branchiale, la couleur de l’objet, sa position. La -circonstance de s’employer à vingt pour consumer un gros animal, alors -qu’un seul s’occupe de la calcination d’un oiseau, prouve une entente -correcte des proportions, et cette entente paraît plus parfaite si l’on -observe qu’ils se mettent dix, douze, quinze, toujours en raison de la -grosseur relative de la carcasse. Un meilleur argument encore en faveur -soit de l’existence d’organes analogues à nos sens, soit de leur -intelligence, est la façon dont ils agirent en attaquant nos tribus, car -ils s’attachèrent peu ou point aux femmes et aux enfants, tandis qu’ils -pourchassaient impitoyablement les guerriers. - -Maintenant,—question la plus importante,—ont-ils un langage? Je puis -répondre à ceci sans la moindre hésitation: «Oui, ils ont un langage.» -Et ce langage se compose de signes parmi lesquels j’en ai pu même -déchiffrer quelques-uns. - -Supposons, par exemple, qu’un Xipéhuz veuille parler à un autre. Pour -cela, il lui suffit de diriger les rayons de son étoile vers le -compagnon, ce qui est toujours perçu instantanément. L’appelé, s’il -marche, s’arrête, attend. Le parleur, alors, trace rapidement, sur la -surface même de son interlocuteur,—et il n’importe de quel côté—une -série de courts caractères lumineux, par un jeu de rayonnement toujours -émanant de la base, et ces caractères restent un instant fixés, puis -s’effacent. - -L’interlocuteur, après une courte pause, répond. - -Préliminairement à toute action de combat ou d’embuscade, j’ai toujours -vu les Xipéhuz employer les caractères suivants: - -[Illustration] - -Lorsqu’il était question de moi,—et il en était souvent question, car -ils ont tout fait pour nous exterminer, mon brave Kouath et moi,—les -signes - -[Illustration] - -ont été invariablement échangés,—parmi d’autres, comme le mot ou la -phrase - -[Illustration] - -donné ci-dessus. Le signe d’appel ordinaire était - -[Illustration] - -et il faisait accourir l’individu qui le recevait. Lorsque tous les -Xipéhuz étaient invités à une réunion générale, je n’ai jamais failli à -observer un signal de cette forme - -[Illustration] - -représentant la triple apparence de ces êtres. - -Les Xipéhuz ont d’ailleurs des signes plus compliqués, se rapportant non -plus à des actions similaires aux nôtres, mais à un ordre de choses -complètement extra-humain, et dont je n’ai rien pu déchiffrer. On ne -peut entretenir le moindre doute relativement à leur faculté d’échanger -des _idées_ d’un ordre abstrait, probablement équivalentes aux idées -humaines, car ils peuvent rester longtemps immobiles à ne faire rien -autre chose que converser, ce qui annonce de véritables accumulations de -pensées. - -Mon long séjour près d’eux avait fini, malgré les métamorphoses (dont -les lois varient pour chacun, faiblement sans doute, mais avec des -caractéristiques suffisantes pour un épieur opiniâtre), par me faire -connaître plusieurs Xipéhuz d’une façon assez intime, par me révéler des -particularités sur les différences individuelles.... dirais-je sur les -caractères? J’en ai connu de taciturnes, qui, quasi-jamais, ne traçaient -une parole; d’expansifs qui écrivaient de véritables discours; -d’attentifs, de jaseurs qui parlaient ensemble, s’interrompaient les uns -les autres. Il y en avait qui aimaient à se retirer, à vivre solitaires; -d’autres recherchaient évidemment la société; des féroces chassaient -perpétuellement les fauves, les oiseaux, et des miséricordieux souvent -épargnaient les animaux, au contraire, les laissaient vivre en paix. -Tout cela n’ouvre-t-il pas à l’imagination une gigantesque carrière? ne -porte-t-il pas à imaginer des diversités d’aptitudes, d’intelligence, de -forces analogues à celles de la race humaine? - -Ils pratiquent l’éducation. Que de fois j’ai observé un vieux Xipéhuz, -assis au milieu de très jeunes, leur rayonnant des signes que ceux-ci -lui répétaient ensuite l’un après l’autre, et qu’il leur faisait -recommencer quand la répétition en était imparfaite! - -Ces leçons étaient bien merveilleuses à mes yeux, et de tout ce qui -concerne les Xipéhuz, il n’est rien qui m’ait si souvent tenu attentif, -rien qui ait plus préoccupé mes soirs d’insomnie. Il me semblait que -c’était là, dans cette aube de la race, que le voile du mystère pouvait -s’entr’ouvrir, là que quelque idée simple, primitive, jaillirait -peut-être, éclairerait pour moi un recoin de ces profondes ténèbres. -Non, rien ne m’a rebuté; j’ai, des années durant, assisté à cette -éducation, j’ai essayé des interprétations innombrables. Que de fois -j’ai cru y saisir comme une fugitive lueur de la nature essentielle des -Xipéhuz, une lueur extra-sensible, une pure abstraction, et que, hélas! -mes pauvres facultés noyées de chair ne sont jamais parvenues à -poursuivre! - -J’ai dit plus haut que j’avais cru longtemps les Xipéhuz immortels. -Cette croyance ayant été détruite à la vue des morts violentes arrivées -à la suite des rencontres entre Xipéhuz, je fus naturellement amené à -chercher leur point vulnérable et m’appliquai chaque jour, depuis lors, -à trouver des moyens destructifs, car les Xipéhuz croissaient en nombre -tellement, qu’après avoir débordé la forêt de Kzour au sud, au nord, à -l’ouest, ils commençaient à empiéter les plaines du côté du levant. -Hélas! en peu de cycles ils auraient dépossédé l’homme de sa demeure -terrestre. - -Donc, je m’armai d’abord d’une fronde, et, dès qu’un Xipéhuz sortait de -la forêt, à portée, je le visais et lui lançais ma pierre. Je n’obtins -ainsi aucun résultat, quoique j’eusse atteint l’ensemble des individus -visés à toutes les parties de leur surface, même au point lumineux. Ils -paraissaient d’une insensibilité parfaite à mes atteintes et nul d’entre -eux ne s’est jamais détourné pour éviter un de mes projectiles. Après un -mois d’essai il fallut bien m’avouer que la fronde ne pouvait rien -contre eux, et j’abandonnai cette arme. - -Je pris l’arc. Aux premières flèches que je lançai, je découvris chez -les Xipéhuz un sentiment de crainte très vive, car ils se détournèrent, -se tinrent hors de portée, m’évitèrent tant qu’ils purent. Pendant huit -jours, je tentai vainement d’en atteindre un. Le huitième jour, un parti -Xipéhuz, emporté je pense par son ardeur chasseresse, passa assez près -de moi en poursuivant une belle gazelle. Je lançai précipitamment -quelques flèches, _sans aucun effet apparent_, et le parti se dispersa, -moi les pourchassant et dépensant mes munitions. Je n’eus pas sitôt tiré -la dernière flèche que tous revinrent à grande vitesse de différents -côtés, me cernèrent aux trois quarts, et j’aurais perdu là l’existence -sans la prodigieuse vélocité du vaillant Kouath. - -Cette aventure me laissa plein d’incertitudes et d’espérances; je passai -toute la semaine inerte, perdu dans le vague et la profondeur de mes -méditations, dans un problème excessivement passionnant, subtil, propre -à faire fuir le sommeil, et qui, tout à la fois, m’emplissait de -souffrance et de plaisir. Pourquoi les Xipéhuz craignaient-ils mes -flèches? Pourquoi, d’autre part, dans le grand nombre de projectiles -dont j’avais atteint ceux de la chasse, aucun n’avait-il produit -d’effet? Ce que je savais de l’intelligence de mes ennemis ne permettait -pas l’hypothèse d’une terreur sans cause. Tout, au contraire, me forçait -à supposer que la _flèche_, lancée dans des conditions particulières, -devait être contre eux une arme redoutable. Mars quelles étaient ces -conditions? Quel était le point vulnérable des Xipéhuz? Et brusquement -la pensée me vint que c’était l’_étoile_ qu’il fallait atteindre. Une -minute j’en eus la certitude, une certitude passionnée, aveugle. Puis le -doute froid vint. De la fronde, plusieurs fois, n’avais-je pas visé, -touché ce but? Pourquoi la flèche serait-elle plus heureuse que la -pierre?... - -Or, c’était nuit, l’incommensurable abîme, ses lampes merveilleuses -épandues par-dessus la terre. Et moi, la tête dans les mains, je rêvais, -le cœur plus ténébreux que la nuit. - -Un lion se mit à rugir, des chacals passèrent dans la plaine, et de -nouveau la petite lumière d’espérance m’éclaira. Je venais de penser que -le caillou de la fronde était relativement gros et l’étoile des Xipéhuz -si minuscule! Peut-être, pour agir, fallait-il aller profond, percer -d’une pointe aiguë, et alors leur terreur devant la flèche s’expliquait! - -Cependant Wéga tournait lentement sur le pôle, l’aube était proche, et -la lassitude, pour quelques heures, endormit dans mon crâne le monde de -l’esprit. - -Les jours suivants, armé de l’arc, je fus constamment à la poursuite des -Xipéhuz, aussi loin dans leur enceinte que la sagesse le permettait. -Mais tous évitèrent mon attaque, se tenant au loin, hors de portée. Il -ne fallait pas songer à se mettre en embuscade, leur mode de perception -leur permettant de constater ma présence à travers les obstacles. - -Vers la fin du cinquième jour, il se produisit un événement qui, à lui -seul, prouverait que les Xipéhuz sont des êtres faillibles à la fois et -perfectibles comme l’homme. Ce soir-là, au crépuscule, un Xipéhuz -s’approcha délibérément de moi, avec cette, vitesse constamment -accélérée qu’ils affectionnent pour l’attaque. Surpris, le cœur -palpitant, je bandai mon arc. Lui, s’avançait toujours, pareil à une -colonne de turquoise dans le soir naissant, arrivait presque à portée. -Puis, comme je m’apprêtais à lancer ma flèche, je le vis, avec -stupéfaction, se retourner, cacher son étoile, sans cesser de progresser -vers moi. Je n’eus que le temps de mettre Kouath au galop, de me dérober -à l’atteinte de ce redoutable adversaire. - -Or, cette simple manœuvre, à laquelle aucun Xipéhuz n’avait paru songer -auparavant, outre qu’elle démontrait, une fois de plus, l’invention -personnelle, l’individualité chez l’ennemi, suggérait deux idées: la -première, c’est que j’avais chance d’avoir raisonné juste relativement à -la vulnérabilité de l’étoile xipéhuze; la seconde, moins encourageante, -c’est que la même tactique, si elle était adoptée par tous, allait -rendre ma tâche extraordinairement ardue, peut-être impossible. - -Cependant, après avoir tant fait que d’arriver à connaître la vérité, je -sentis grandir mon courage devant l’obstacle et j’osai espérer de mon -esprit la subtilité nécessaire pour le renverser[2]. - ------ - -[1] Le Kensington Muséum, à Londres, et M. Dessault lui-même possèdent -quelques débris minéraux, en tout semblables à ceux décrits pur Bakhoûn, -que l’analyse chimique a été _impuissante_ à _décomposer_ et à -_combiner_ avec d’autres substances, et qui ne peuvent, en conséquence, -entrer dans aucune nomenclature des corps connus. - -[2] Aux chapitres suivants, où le mode est généralement narratif, je -serre de près la traduction littérale de M. Dessault, sans pourtant -m’astreindre à la fatigante division en versets ni aux répétitions -inutiles. - - - - - VI - - - SECONDE PÉRIODE DU LIVRE DE - BAKHOUN - -Je retournai dans ma solitude. Anakhre, troisième fils de ma femme -Tepaï, était un puissant constructeur d’armes. Je lui ordonnai de -tailler un arc de portée extraordinaire. Il prit une branche de l’arbre -Waham, dure comme le fer, et l’arc qu’il en tira était quatre fois plus -puissant que celui du pasteur Zankann, le plus fort archer des mille -tribus. Nul homme vivant n’aurait pu le tendre. Mais j’avais imaginé un -artifice et Anakhre, avant travaillé selon ma pensée, il se trouva que -l’arc immense pouvait être tendu et détendu par une femme débile. - -Or, j’avais toujours été expert à lancer le dard et la flèche, et en -quelques jours j’appris à connaître si parfaitement l’arme construite -par mon fils Anakhre que je ne manquais aucun but, fût-il menu comme la -mouche ou vif comme le faucon. - -Tout cela fait, je retournai vers Kzour, monté sur Kouath aux yeux de -flamme, et je recommençai à roder autour du domaine des ennemis de -l’homme. Pour leur inspirer confiance, je tirai beaucoup de flèches avec -mon arc habituel, à chaque fois qu’un de leurs partis approchait de la -frontière, et mes flèches tombaient beaucoup en deçà d’eux. Ils -apprirent ainsi à connaître la portée exacte de l’arme, et par là à se -croire absolument hors de péril à des distances fixes. Pourtant, une -défiance leur restait, qui les rendait mobiles, capricieux, tant qu’ils -n’étaient pas sous le couvert de la forêt, et leur faisait dérober leurs -étoiles à ma vue. - -A force de patience, je lassai leur inquiétude, et, au sixième matin, -une troupe vint se poster en face de moi, sous un grand arbre à -châtaignes, à trois portées d’arc communes. Ils n’y furent pas sitôt que -j’envoyai une nuée de flèches inutiles. Alors, leur vigilance s’endormit -de plus en plus et leurs allures devinrent aussi libres qu’aux premiers -temps de mon séjour. - -C’était l’heure décisive. Ma poitrine grondait si fort que, d’abord, je -me sentis sans puissance. J’attendis, car d’une seule flèche dépendait -le formidable avenir. Si celle-là faillait d’aller au but marqué, plus -jamais peut-être les Xipéhuz ne se prêteraient à mon expérimentation, et -alors comment savoir s’ils sont accessibles aux coups de l’homme? - -Cependant, minute à minute, l’être de volonté triompha, fit taire la -poitrine, fit souples et forts les membres et tranquille la prunelle. -Alors, lent, je levai l’arc d’Anakhre. Là-bas, au loin, un grand cône -d’émeraude se tenait immobile dans l’ombre de l’arbre; son étoile -éclatante se tournait vers moi. L’arc énorme se tendit; dans l’espace, -sifflante, partit la flèche véloce ... et le Xipéhuz, atteint, _tomba, -se condensa, se pétrifia_. - -Le cri sonore du triomphe jaillit de ma poitrine. Étendant les bras, -dans l’extase, je remerciai l’Unique. - -Ainsi donc ils étaient vulnérables à l’arme humaine, ces épouvantables -Xipéhuz! Ainsi donc on pouvait espérer les détruire! - -Maintenant, sans crainte, je la laissai gronder, ma poitrine, je la -laissai battre, la musique d’allégresse, moi qui avais tant désespéré du -futur de ma race, moi qui, sous la course des constellations, sous le -bleu cristal de l’abîme, avais sombrement calculé qu’en deux siècles le -vaste monde aurait senti craquer toutes ses limites devant l’invasion -xipéhuze. Et pourtant, quand elle revint, la superbe, l’aimée, la -pensive, la Nuit, il tomba une ombre sur ma béatitude, le chagrin que -l’homme et le Xipéhuz ne pussent pas coexister, que la vie de l’un dût -être la farouche condition de l’anéantissement de l’autre. - - - - - _LIVRE DEUXIÈME_ - - - - - VII - - - TROISIÈME PÉRIODE DU LIVRE DE - BAKHOUN - - I - -Les prêtres, les vieillards et les chefs ont, dans l’émerveillement, -écouté mon récit; jusqu’au fond des solitudes les coureurs sont allés -répéter la bonne nouvelle. Le grand Conseil a ordonné aux guerriers de -se réunir à la sixième lune de l’an vingt-deux mille six cent et -quarante-neuf, dans la plaine de Mehour-Asar, et les prophètes ont -prêché la guerre sacrée. Plus de cent mille guerriers Zahelals sont -accourus; un grand nombre de combattants des races étrangères, Dzoums, -Sahrs, Khaldes, attirés par la renommée, sont venus s’offrir à la grande -nation. - -Kzour a été cerné d’un décuple rang d’archers, mais les flèches ont -toutes échoué devant la tactique xipéhuze, et des guerriers imprudents, -en grand nombre, ont péri. - -Alors, pendant plusieurs semaines, une grande terreur a prévalu parmi -les hommes ... - -Le troisième jour de la huitième Lune, armé d’un couteau à pointe fine, -j’ai annoncé aux peuples innombrables que j’allais seul combattre les -Xipéhuz dans l’espérance de détruire la défiance qui commençait à naître -contre la vérité de mon récit. - -Mes fils Loûm, Demja, Anakhre, se sont violemment opposés à mon projet -et ont voulu prendre ma place. Et Louma dit: «Tu ne peux pas y aller, -car, toi mort, tous croiraient les Xipéhuz invulnérables, et la race -humaine périrait.» - -Demja, Anakhre et beaucoup de chefs ayant prononcé les mêmes paroles, -j’ai trouvé ces raisons justes et je me suis retiré. - -Alors, Loûm, s’étant emparé de mon couteau à manche de corne, a passé la -frontière mortelle et les Xipéhuz sont accourus. L’un d’eux, beaucoup -plus rapide que les autres, allait l’atteindre, mais Loûm, plus subtil -que le léopard, s’écarta, tourna le Xipéhuz, puis d’un bond géant, le -rejoignit, darda la pointe aiguë. - -Les peuples immobiles virent _crouler, se condenser, se pétrifier_ -l’adversaire. Cent mille voix montèrent dans le matin bleu, et déjà Loûm -revenait, franchissait la frontière. Son nom glorieux circulait à -travers les armées. - - II - - PREMIÈRE BATAILLE - -L’an du monde 22649, le septième jour de la huitième lune. - -A l’aube, les cors ont sonné; les lourds marteaux ont frappé les cloches -d’airain pour la grande bataille. Cent buffles noirs, deux cents étalons -ont été immolés par les prêtres, et mes cinquante fils ont avec moi prié -l’Unique. - -La planète du soleil s’est engloutie dans l’aurore rouge, les chefs ont -galopé au front des armées, la clameur de l’attaque s’est élargie avec -la course impétueuse de cent mille combattants. - -La tribu de Nazzum a, la première, abordé l’ennemi et le combat a été -formidable. Impuissants d’abord, fauchés par les coups mystérieux, -bientôt les guerriers ont connu l’art de frapper les Xipéhuz et de les -anéantir. Alors, toutes les nations, Zahelals, Dzoums, Sahrs, Khaldes, -Xisoastres, Pjarvanns, grondantes connue les océans, ont envahi la -plaine et la forêt, partout cerné les silencieux adversaires. - -Pendant longtemps toute la bataille a été un chaos; les messagers -continuellement venaient apprendre aux prêtres que les hommes -périssaient par centaines, mais que leur mort était vengée. - -A l’heure brûlante, mon fils Sourdar aux pieds agiles, dépêché par Loûm, -est venu me dire que, pour chaque Xipéhuz anéanti, il périssait douze -des nôtres. J’ai eu l’âme noire et le cœur sans force, puis mes lèvres -ont murmuré: - -—Qu’il en soit comme le veut le seul Père! - -Et m’étant rappelé le dénombrement des guerriers, qui donnait le chiffre -de cent et quarante mille; sachant que les Xipéhuz s’élevaient à quatre -mille environ, je pensai que plus du tiers de la vaste armée périrait, -mais que la terre serait à l’homme. Or, il aurait pu se faire que -l’armée n’y suffît pas: - -—C’est donc une victoire! murmurai-je tristement. - -Mais comme je songeais à ces choses, voilà que la clameur de la bataille -fit trembler plus fort la forêt, puis de tous les côtés les guerriers -reparurent et tous, avec des cris de détresse, s’enfuyaient vers la -frontière de Salut. - -Alors je vis les Xipéhuz déboucher à l’Orée, non plus séparés les uns -des autres, comme au matin, mais unis par vingtaines, circulairement, -leurs feux tournés à l’intérieur des groupes. Dans cette position, -invulnérables, ils avançaient sur nos guerriers impuissants, et les -massacraient épouvantablement. - -C’était la débâcle, et terrible. Les plus hardis combattants ne -songeaient qu’à la fuite. Pourtant, malgré le deuil qui s’élargissait -sur mon âme, j’observai patiemment les péripéties fatales, dans l’espoir -de trouver quelque remède au fond même de l’infortune, car souvent le -venin et l’antidote habitent côte à côte. - -De cette confiance dans la réflexion, le destin me récompensa par deux -découvertes. Je remarquai, premièrement, aux places où nos tribus -étaient en grandes multitudes et les Xipéhuz en petit nombre, que la -tuerie, d’abord incalculable, se _ralentissait_ à mesure, que les coups -de l’ennemi portaient de _moins en moins_, beaucoup de frappés se -relevant après un bref étourdissement, et les plus robustes finissant -même par résister complètement au choc, par continuer la fuite après des -atteintes répétées. Le même phénomène se renouvelant en divers points du -champ de bataille, j’osai hardiment conclure que les Xipéhuz se -fatiguaient, que leur puissance de destruction ne dépassait pas une -certaine limite. - -La seconde remarque, qui complétait merveilleusement la première, me fut -fournie par un groupe de Khaldes. Ces pauvres gens, entourés de tous -côtés par l’ennemi, perdant confiance dans leurs courts couteaux, -arrachèrent des arbustes et s’en firent des massues à l’aide desquelles -ils essayèrent de se frayer un passage. A ma grande surprise, leur -tentative réussit. Je vis des Xipéhuz par douzaines perdre l’équilibre -sous les coups, et environ la moitié des Khaldes s’échapper par la -trouée ainsi faite, mais, chose singulière, ceux qui, au lieu -d’arbustes, se servirent d’instruments d’airain (ainsi qu’il advint à -quelques chefs), ceux-là se tuèrent eux-mêmes en frappant l’ennemi. Il -faut encore remarquer que les coups de massue ne firent pas de mal -sensible aux Xipéhuz, car ceux qui étaient tombés se relevèrent -promptement et reprirent la poursuite. Je n’en considérai pas moins ma -double découverte comme d’une extrême importance pour les luttes -futures. - -Cependant, la débâcle continuait. La terre retentissait de la fuite des -vaincus; avant le soir, il ne restait plus dans les limites xipéhuzes -que nos morts et quelques centaines de combattants montés aux arbres. De -ces derniers, le sort fut terrible, car les Xipéhuz les brûlèrent -vivants en convergeant mille feux dans les branchages qui les -abritaient. Leurs cris effroyables retentirent pendant des heures sous -le grand firmament. - - III - - BAKHOUN ÉLU - -Le lendemain, les peuples firent le dénombrement des survivants. Il se -trouva que la bataille coûtait neuf mille hommes environ; une évaluation -sage porta la perte des Xipéhuz à six cents. De sorte que la mort de -chaque ennemi avait coûté quinze existences humaines. - -Le désespoir se mit dans les cœurs; beaucoup criaient contre les chefs -et parlaient d’abandonner l’épouvantable entreprise. Alors, parmi les -murmures, je m’avançai au milieu du camp et je me mis à reprocher -hautement à tous la pusillanimité de leurs âmes. Je leur demandai s’il -était préférable de laisser périr tous les hommes ou d’en sacrifier une -partie; je leur démontrai qu’en dix ans toute la contrée zahelale serait -envahie par les Formes, et en vingt ans le pays des Khaldes, des Sahrs, -des Pjarvanns et des Xisoastres; puis, ayant ainsi éveillé leur -conscience, je leur fis reconnaître que déjà un sixième du redoutable -territoire était revenu aux hommes, que par trois côtés l’ennemi était -refoulé dans la forêt. Enfin je leur communiquai mes observations, je -leur fis comprendre que les Xipéhuz n’étaient pas infatigables, que des -massues de bois pouvaient les renverser et les forcer de découvrir leur -point vulnérable. - -Un grand silence régnait sur la plaine, l’espoir revenait au cœur des -guerriers innombrables qui m’écoutaient. Alors, pour augmenter la -confiance, je décrivis des appareils de bois que j’avais imaginés, -propres à la fois à l’attaque et à la défense. L’enthousiasme renaquit, -les peuples applaudirent ma parole et les chefs mirent leur commandement -à mes pieds. - - IV - - MÉTAMORPHOSES DE L’ARMEMENT - -Les jours suivants, je fis abattre un grand nombre d’arbres, et je -donnai le modèle de légères barrières portatives dont voici la -description sommaire: un châssis long de six, large de deux coudées, -relié par des barreaux à un châssis intérieur d’une largeur d’une coudée -sur une longueur de cinq. Six hommes (deux porteurs, deux guerriers -armés de grosses lances de bois obtuses, deux autres également armés de -lances de bois, mais à très fines pointes métalliques, et pourvus, en -outre, d’arcs et de flèches) pouvaient y tenir à l’aise, circuler en -forêt, abrités contre le choc immédiat des Xipéhuz. Arrivés à portée de -l’ennemi, les guerriers pourvus de lances obtuses devaient frapper, -renverser, forcer l’ennemi à se découvrir, et les archers-lanciers -devaient viser les étoiles, soit de la lance, soit de l’arc, suivant -l’éventualité. Comme la stature moyenne des Xipéhuz atteignait un peu -au-delà d’une coudée et demie, je disposai les barrières de façon que le -châssis extérieur ne dépassât pas, pendant la marche, une hauteur -au-dessus du sol de plus d’une coudée et un quart, et pour cela il -suffisait d’incliner un peu les supports qui le reliaient au châssis -intérieur porté à main d’homme. Comme d’ailleurs les Xipéhuz ne savent -pas franchir les obstacles abrupts, ni progresser autrement que debout, -la barrière ainsi conçue était suffisante pour abriter contre leurs -attaques immédiates. Assurément, ils feraient effort pour brûler ces -armes nouvelles, et en plus d’un cas ils devaient y parvenir, mais comme -leurs feux ne sont guère efficaces hors de portée de flèche, ils étaient -forcés de se découvrir pour entreprendre cette calcination, qui, n’étant -pas instantanée, permettait aussi, par des manœuvres de déplacement -rapides, de s’y soustraire en grande partie. - - V - - LA DEUXIÈME BATAILLE - -L’an du monde 22649, le onzième jour de la huitième lune. Ce jour a été -livrée la seconde bataille contre les Xipéhuz, et les chefs m’ont remis -le commandement suprême. Alors, j’ai divisé les peuples en trois armées. -Un peu avant l’aurore, j’ai lancé quarante mille guerriers contre Kzour, -armés selon le système des barrières. Cette attaque a été moins confuse -que celle du septième jour. Les tribus sont entrées lentement dans la -forêt, par petites troupes disposées en bon ordre, et la rencontre a -commencé. Elle a été tout à l’avantage des hommes pendant la première -heure, les Xipéhuz ayant été complètement déroutés par la tactique -nouvelle; plus de cent des Formes ont péri, à peine vengées par la mort -d’une dizaine de guerriers. Mais, la surprise passée, les Xipéhuz ont -commencé de vouloir brûler les barrières. Ils ont pu, en quelques -circonstances, y réussir. Une manœuvre plus dangereuse fut celle adoptée -par eux vers la quatrième heure du jour: profitant de leur vélocité, des -groupes de Xipéhuz, serrés les uns contre les autres, arrivaient sur les -barrières, réussissaient à les renverser. Il périt de celle façon un -très grand nombre d’hommes, si bien que, l’ennemi reprenant l’avantage, -une partie de notre armée se désespéra. - -Vers la cinquième heure, les tribus Zahelales de Khemar, de Djoh et une -partie des Xisoastres et des Sahrs commencèrent la déroute. Voulant -éviter une catastrophe, je dépêchai des courriers protégés par de fortes -barrières pour annoncer du renfort. En même temps, je disposai la -seconde armée pour l’attaque; mais, auparavant, je donnai des -instructions nouvelles: c’est que les barrières devaient se maintenir -par groupes aussi denses que le permettait la circulation en forêt, et -se disposer en carrés compactes des qu’approchait une troupe un peu -imposante de Xipéhuz, sans pour cela abandonner l’offensive. - -Cela dit, je donnai le signal; en peu de temps, j’eus le bonheur de voir -que la victoire revenait aux peuples coalisés. Enfin, vers le milieu du -jour, un dénombrement approximatif, portant le nombre des pertes de -notre armée à deux mille hommes et celles des Xipéhuz à trois cents, fit -voir d’une façon décisive les progrès accomplis, et remplit toutes les -âmes de confiance pour le triomphe définitif. - -Toutefois, la proportion varia légèrement à notre désavantage vers la -quatorzième heure, les Peuples perdant alors quatre mille individus et -les Xipéhuz cinq cents. C’est alors que je lançai le troisième corps: la -bataille atteignit sa plus grande intensité, l’enthousiasme des -guerriers grandissant de minute en minute, jusqu’à l’heure où le soleil -fut prêt à tomber dans l’Occident. Vers ce moment, les Xipéhuz reprirent -l’offensive au nord de Kzour; un recul des Dzoums et des Pjarvanns me -fit concevoir de l’inquiétude. Jugeant, en outre, que la nuit serait -plus favorable à l’ennemi qu’aux nôtres, je fis sonner la fin de la -bataille. Le retour des troupes se fit avec calme, victorieusement; une -grande partie de la nuit se passa à célébrer nos succès. Ils étaient -considérables: huit cents Xipéhuz avaient succombé, leur sphère d’action -était réduite aux deux tiers de Kzour. Il est vrai que nous avions -laissé sept mille des nôtres dans la forêt; mais ces pertes étaient bien -inférieures, proportionnellement au résultat, à celles de la première -bataille. Aussi, rempli d’espoir, osai-je alors concevoir le plan d’une -attaque plus décisive contre les deux mille six cents Xipéhuz encore -existants. - - VI - - L’EXTERMINATION - -L’an du monde 22649, le quinzième jour de la huitième lune. - -Quand l’astre rouge s’est posé sur les collines orientales, les peuples -étaient rangés en bataille devant Kzour. - -L’âme grandie d’espérance, j’ai fini de parler aux chefs, les cors ont -sonné, les lourds marteaux ont retenti sur l’airain, et la première -armée a marché contre la forêt. - -Or, les barrières étaient plus fortes, un peu plus grandes, et -renfermaient douze hommes au lieu de six, sauf un tiers environ qui -étaient construites d’après l’idée ancienne. - -Ainsi, elles devenaient plus difficiles à brûler comme à renverser. - -Les premiers moments du combat ont été heureux; après la troisième -heure, quatre cents Xipéhuz étaient exterminés, et deux mille des nôtres -seulement. Encouragé par ces bonnes nouvelles, je lançai le deuxième -corps. L’acharnement de part et d’autre devint alors épouvantable, nos -combattants s’accoutumant au triomphe, les antagonistes déployant -l’opiniâtreté d’un noble Règne. De la quatrième à la huitième heure, -nous ne sacrifiâmes pas moins de dix mille vies; mais les Xipéhuz les -payèrent de mille des leurs, si bien que mille seulement restaient dans -les profondeurs de Kzour. - -De ce moment, je compris que l’Homme aurait la possession du monde; mes -dernières inquiétudes s’apaisèrent. - -Pourtant, à la neuvième heure, il y eut une grande ombre sur notre -victoire. A ce moment, les Xipéhuz ne se montraient plus que par masses -énormes dans les clairières, dérobant leurs étoiles, et il devenait -presque impossible de les renverser. Animés par la bataille, beaucoup -des nôtres se ruaient sur ces masses. Alors, d’une évolution rapide, un -gros de Xipéhuz se détachait, renversait, massacrait les téméraires. - -Un millier périt ainsi, sans perte sensible pour l’ennemi; ce que -voyant, des Pjarvanns crièrent que tout était fini; une panique prévalut -qui mit plus de dix mille hommes en fuite, un grand nombre ayant même -l’imprudence d’abandonner les barrières pour aller plus rapidement. Il -leur en coûta. Une centaine de Xipéhuz, mis à leur poursuite, abattit -plus de deux mille Pjarvanns et Zahelals, et l’épouvante commença de se -répandre sur toutes nos lignes. - -Quand les coureurs m’apportèrent cette funeste nouvelle, je compris que -la journée serait perdue si je ne réussissais, par quelque rapide -manœuvre, à reprendre les positions perdues. Immédiatement, je fis -porter aux chefs de la troisième armée l’ordre de l’attaque, et -j’annonçai que j’en prendrais le commandement. Puis, je portai -rapidement ces réserves dans la direction d’où venaient les fuyards. -Nous nous trouvâmes bientôt face à face avec les Xipéhuz poursuivants. -Entraînés par l’ardeur de leur tuerie, ceux-ci ne se reformèrent pas -assez vite, et, en peu d’instants, je les eus fait envelopper: très peu -échappèrent, l’acclamation immense de notre victoire alla rendre courage -aux nôtres. - -Dès lors, je n’eus pas de peine à reformer l’attaque; notre manœuvre se -borna constamment à détacher des segments des groupes ennemis, puis à -envelopper ces segments et à les anéantir. - -Bientôt, concevant combien cette tactique leur était défavorable, les -Xipéhuz recommencèrent contre nous la lutte en petits corps, et le -massacre de deux Règnes, dont l’un ne pouvait exister que par -l’anéantissement de l’autre, redoubla effroyablement. Mais tout doute -sur l’issue finale disparaissait des âmes les plus pusillanimes. Vers la -quatorzième heure, c’est à peine s’il restait cinq cents Xipéhuz contre -plus de cent mille hommes, et ce petit nombre d’antagonistes était de -plus en plus enfermé dans des frontières étroites, un sixième environ de -la forêt de Kzour, ce qui facilitait extrêmement nos manœuvres. - -Cependant, le crépuscule ruisselait en rouge lumière à travers les -arbres, et craignant les embûches de l’ombre, je fis interrompre le -combat. - -L’immensité de la victoire dilatait toutes les âmes; les chefs parlèrent -de m’offrir la souveraineté des peuples. Je leur conseillai de ne jamais -confier les destinées de tant d’hommes à une pauvre créature faillible, -mais d’adorer l’Unique, et de prendre pour chef terrestre la _Sagesse_. - - - - - VIII - - - DERNIÈRE PÉRIODE DU LIVRE DE - BAKHOUN - -La Terre appartient aux Hommes. Deux jours de combat ont anéanti les -Xipéhuz; tout le domaine occupé par les deux cents derniers a été rasé, -chaque arbre, chaque plante, chaque brin d’herbe a été abattu. Et j’ai -achevé, pour la connaissance des peuples futurs, aidé par Loûm, Azah et -Simhô, mes fils, d’inscrire leur histoire sur des tables de granit. - -Et me voici seul, au bord de Kzour, dans la nuit pâle. Une demi-lune de -cuivre se tient sur le Couchant. Les lions rugissent aux étoiles. Le -fleuve erre lentement parmi les saules; sa voix éternelle raconte le -temps qui passe, la mélancolie des choses périssables. Et j’ai enterré -mon front dans mes mains, et une plainte est montée de mon cœur. Car, -maintenant que les Xipéhuz ont succombé, mon âme les regrette, et je -demande à l’Unique quelle Fatalité a voulu que la splendeur de la Vie -soit souillée par les ténèbres du Meurtre! - - FIN DES XIPÉHUZ - - - - - LE CATACLYSME - - - - - I - - - SYMPTOMES - -Au plateau Tornadres, depuis quelques semaines, la nature palpitait, -équivoque, angoisseuse, tout son délicat organisme végétal parcouru -d’électricités intermittentes, de signes symboliques d’un grand -évènement matériel. Les bêtes libres, aux cultures, aux châtaigneraies, -se montraient moins rapides à fuir les périls quotidiens. Elles -semblaient vouloir se rapprocher de l’homme, erraient auprès des -cerises. Puis, elles prirent un parti extraordinaire, propre à -épouvanter: elles émigrèrent, elles s’enfoncèrent aux vals de l’Iaraze. - -C’était, au début des nuits, dans les pénombres sylvestres et -buissonnières, un drame de fauves nerveux quittant leurs retraites, à -pas furtifs, avec des pauses, des arrêts, une mélancolie à fuir la terre -natale. La sombre et traînante voix des loups alternait avec le -grognement sourd des sangliers, les sanglots de la bête ruminante. -Partout se glissaient, et généralement vers le Sud-Ouest, des -silhouettes cendreuses sur les labours, sous le ciel libre: grands -crânes boisés, lourds organismes tapiriens à pattes brèves, et des bêtes -plus menues, carnassières ou herbivores: lièvres, taupes, lapins, -renards, écureuils. - -Les batraciens suivirent, les reptiles, les insectes aptères, et il -survint une semaine où la pointe Sud-Ouest fut toute noyée d’organismes -inférieurs, une vermiculaire, effroyable populace, depuis la silhouette -sauteleuse des raines jusqu’aux limaces, aux porte-coquille, aux élytres -merveilleuses du carabe, aux crustacés horribles qui vivent sous la -pierre, dans les ténèbres éternelles, jusqu’au ver, à la sangsue, aux -larves. - -Bientôt, ne demeura que la bête ailée. Encore, l’oiseau, plein de -malaise, comme accroché davantage aux ramures, craintif de planements, -saluait les crépuscules d’un chant plus bas, souvent quittait le terroir -toute une partie du jour. Les corbeaux et les chouettes tenaient de -grandes assemblées, les martinets se concertaient comme pour les départs -d’automne, les pies s’agitaient et criaient tout le jour. - -L’épouvante mystérieuse s’épandait aux esclaves: les ouailles, la vache, -le cheval, le chien même. Résignés, dans leur confiance humble de serfs, -espérant tout salut de l’Homme, ils restaient encore au plateau -Tornadres, hors les chats, enfuis eux, aux premiers jours, retournant à -la liberté sauvage. - -Soir par soir, une confuse tristesse, une asphyxie d’âme grandissait -chez les habitants des Censes et chez les propriétaires du domaine de la -_Corne_, la prescience confuse d’un cataclysme et que pourtant la -topographie du Tornadres démentait. Eloigné des pays volcaniques et de -l’Océan, insubmersible—à peine quelques ruisselets—de texture -compacte, où donc était la menace? On la sentait pourtant, tout -électrique, aux dressements des ramuscules et des brins d’herbes à -telles heures matinales, aux attitudes singulières de la feuille, à des -effluves subtils et suffocants, à des phosphorescences inhabituelles, à -un tourment de la chair, la nuit, qui faisait se lever les paupières, -condamnait l’être aux insomnies, à l’allure extraordinaire de la bête de -labour, souvent roidie, les naseaux ouverts et tremblants, _et qui -tournait sa tête vers le Septentrion_. - - - - - II - - - L’AVERSE ASTRALE - -Un soir, à la _Corne_, Sévère et sa femme achevaient de dîner, devant la -fenêtre mi-close. Un tiers de lune errait près du Zénith, pâle et plein -de grâce, par-dessus les perspectives vastes, et une ascension de -vapeurs décorait la frontière occidentale. Un charme trouble, une ardeur -du système nerveux à tout coup éveillé d’une commotion obscure, les -tenait silencieux, les imbibait d’une esthétique particulière, d’un -émerveillement profond pour les splendeurs nocturnes. Une tremblerie -harmonieuse sourdait des arbres du jardin; par la grille de l’avenue, au -fond, se posait une féerie de choses confuses, les emblaves du -Tornadres, des blémissements de censes, le mystère aimable des lumières -humaines épandues et la vague tourelle ardoiseuse de l’Église rustique. -Les maîtres de la _Corne_ s’émouvaient à cela, troublés par les -vibrations de leurs fibres, mais, les commotions se faisant plus âpres -au long des vertèbres, la femme laissa choir la grappe de raisin qu’elle -égrenait, la lèvre souffrante: - -—Mon Dieu! cela va-t-il s’éterniser? - -Il la contempla, avec le grand désir de lui donner de la bravoure, mais -lui-même l’âme en stupeur et obscurcie devant une force impondérable. - -Sévère Lestang était de ces graves savants qui cherchent lentement le -secret des choses, travaillent sans impatience la nature, et savent se -désintéresser de la gloire. - -Aussi était-il homme, en même temps que savant, les prunelles douces et -courageuses, avec la volonté de _vivre_ _sa vie_ en même temps que de -développer ses facultés. Luce, sa femme, était nerveuse, celte -montagnarde, d’une grâce légère, amoureuse, enveloppante, un peu sombre -pourtant. Sous la protection calme et attentive de son mari, elle était -comme certaines fleurs infiniment frêles qui vivent dans des anses de -grands fleuves, entre de larges feuilles ombreuses. - -Sévère dit: - -—Si tu veux, nous partirons demain. - -—Oui ... s’il te plaît! - -Elle vint auprès de lui, en réfugiée, murmurant: - -—Puis, tu sais ... on dirait qu’on ne tient plus au sol ... que, le -soir surtout, quelque chose tous prend et vous emporte ... tiens! je -n’ose plus marcher vite, tellement les pas m’entraînent ... et on monte -les escaliers sans effort, mais avec la peur continuelle de tomber ... - -—Tu te trompes, Luce, c’est une illusion nerveuse ... - -Il souriait, la pressant à lui, mais, avec terriblement de malaise, lui -aussi ayant perçu cette légèreté inanalysable ... Tantôt encore, avant -le crépuscule, n’avait-il pas voulu marcher plus vite pour rejoindre la -«Corne», et ses pas s’allongeaient, transformés en bonds, le lançaient à -une vitesse effrayante. L’équilibre en était rompu, une difficulté à -garder la verticale, une sensation d’ataxie à la plante des pieds. Et il -s’était remis à pus lents, s’accrochant à la glèbe, solidement, -recherchant les grosses terres collantes. - -—Tu crois que c’est une illusion? fit-elle. - -—J’en suis sûr, Luce. - -Elle le regarda, tandis qu’il lui frôlait la frange des cheveux, et tout -à coup elle le sentit nerveux autant qu’elle, électrisé d’angoisse -profonde, n’étant plus pour elle le refuge, mais une pauvre créature -frêle devant les puissances énigmatiques. - -Alors elle devint plus pâle, les dents bruissantes. - -—Le café te remettra, fit-il. - -—Peut-être. - -Mais ils sentaient le mensonge de leurs paroles, la pauvreté de tout -cordial, de tout remède humain contre l’Inconnaissable approchant, -contre cette vaste métamorphose des phénomènes qui ne participait plus -de la vie terrestre, qui troublait d’avance, depuis des semaines, la -faune et la flore, la bête et la plante. - -Ils sentaient ce mensonge, ils n’osaient se regarder, dans la peur -instinctive de se communiquer leurs pressentiments, de doubler leur -détresse par l’induction nerveuse. - -Et durant de longues minutes, ils écoutèrent en eux, dans leur chair, le -retentissement sourd et confus du Mystère. - -Une domestique apporta le café, peureuse; ils la regardaient partir, -trébuchante, n’osant interroger cet effarement pareil au leur: - -—As-tu vu comme Marthe marchait? demanda Luce. - -Il ne répondit pas, surpris devant la petite cuiller d’argent qu’il -venait d’atteindre. Elle, percevant son regard fixe, à son tour -regardait, s’exclamait: - -—Elle est verte! - -En effet, la petite cuiller était verte, d’une lueur très pale -d’émeraude, et soudain ils remarquèrent la même teinte sur les autres -cuillers, sur tous les ustensiles d’argent. - -—Ah! mon Dieu! cria la jeune femme. - -Le doigt levé, elle se mit à dire d’une voix basse, chuchotante, -pénible: - - «Lors que l’Argent verdoiera, - «La Roge Aigue proche sera, - «Dévorant Étoiles et lune... - -Ces paroles, antique et vague prophétie que les paysans du plateau de -Tornadres se transmettent d’âge en âge, Sévère en tressaillit. A tous -deux c’était une impression de ténèbres et de fatalité, incolore, -insonore, au-delà de tout anthropomorphisme. D’où donc venait, aux -pauvres rustres, cet oracle maintenant si grave? Quelle science, quelles -observations des temps reculés, quels souvenirs de cataclysme, -symbolisait-il? Et Sévère eut l’envie immense d’être loin du Tornadres, -le remords de n’avoir pas obéi au sûr instinct de l’animal, d’avoir osé -suivre la pauvre logique cérébrale devant l’avertissement de la Nature. - -—Veux-tu partir ce soir? demanda-t-il ardemment à Luce. - -—Jamais, avant le retour du matin, je n’oserais quitter la demeure! - -Il songea qu’il pouvait être aussi périlleux de s’aventurer dans la nuit -que de rester à la _Corne_; il se résigna, songeur. Une grande -lamentation interrompit sa pensée, des hennissements fiévreux, le tapage -sourd d’une lutte des chevaux contre la porte de l’écurie. Le chien -hurla, les clameurs s’épandirent au long du plateau de Tornadres, -répercutées par d’autres bêles, des ruminants pleins d’épouvante, des -ânes sanglotants. En même temps, au ciel, une lueur verdâtre, et une -étoile filante passa, très grosse, à traîne resplendissante. - -—Vois! fit Luce. - -D’autres météorites sourdirent, isolés d’abord, puis en petits groupes, -tous à longues écharpes, à noyaux puissants, de beauté miraculeuse. - -—Nous sommes dans la nuit du dix août, dit Sévère, et les averses -d’étoiles vont croître ... il n’y a là rien que de normal ... - -—Et pourquoi, cependant, nos lampes diminuent-elles? - -Les lampes, en effet, baissaient leurs flammes, une densité électrique -supérieure enveloppait les choses, une terreur, non de mort, mais de vie -exaspérée, de dilatation surnaturelle, tellement que Sévère et Luce -s’accrochaient aux meubes pour _peser davantage_, pour percevoir _le -contact de la matière solide_. Une poussée étrange les enlevait, leur -ôtait le sens de l’équilibre. Ils se sentaient dans une atmosphère -nouvelle, où l’éther agissait avec une puissance _vivante_, où je ne -sais quoi d’organique—d’un organique d’outre-terre—troublait chaque -goutte du sang, orientait chaque molécule, induisait jusque dans la -profondeur des os, et roidissait peu à peu tous les cheveux et tous les -poils. - -D’ailleurs, comme Sévère l’avait prédit, l’averse stellaire s’accéléra, -toute la concavité du firmament emplie de bolides. Par degrés, il s’y -mêla un phénomène inconnu, persistant, grandissant: des voix. Des voix -légères, lointaines, musicales, une symphonie de cordelles dans la -profondeur céleste, un chuchottis parfois presque humain, qui faisait -songer à l’harmonie des sphères du vieux Pythagore. - -—Ce sont des âmes! murmura-t-elle. - -—Non, dit-il, non, ce sont des Forces! - -Mais, Ames ou Forces, c’était le même Inconnu, la même menace -hermétique, la pression d’un événement prodigieux, les plus noires des -peurs humaines: l’Informe et l’imprévisible. Et les voix allaient -toujours, au-dessus du murmure des choses, affreusement douces, -essentielles, subtiles, ramenant Luce à l’Humilité d’enfance, au Culte, -à la Prière: - -—Notre Père qui êtes aux Cieux ... - -Il n’en osait pas sourire, les coups du cœur multipliés à lui briser les -artères, et son esprit mâle, pourtant, plus curieux de _cause_ que celui -de la femme, essayant de pénétrer quel magnétisme, quelles polarités -extraterrestres travaillaient ce coin du globe et s’il n’en était pas de -même dans la vallée de l’Iaraze. - -Mais, hors du plateau, depuis le commencement du phénomène—et -aujourd’hui encore Sévère était descendu jusqu’à la rivière—personne -n’avait perçu des symptômes d’inconnu. Les bêtes et les hommes y -vivaient tranquilles. La vie y gardait sa forme normale. Et pourquoi, -cependant? quelles corrélations entre le ciel et le plateau, quel cycle -de phénomènes—car la prophétie des paysans du Tornadres impliquait un -cycle—quel cycle réglait ce grand Drame? - -Une péripétie survint, un assaut triomphant des bêtes contre la vieille -porte de l’écurie. Les trois chevaux de la _Corne_ parurent, -bondissants, la bouche neigeuse d’écume, sous les rayons pâles de la -lune basse. - -—Ici, Clairon! articula Sévère. - -Un des chevaux s’approcha, les autres suivirent. Jamais scène -fantasmagorique comme les trois longues têtes encreuses dans l’ombre et -les rayons, devant la croisée, leurs grands yeux convexes, reniflant -Luce et Sévère, visiblement questionneurs, avec un retour de vague -confiance dans le Maître, une idée trouble de la puissance de celui qui -les nourrissait. Puis, à l’on ne sait quoi, peut-être un redoublement de -météorites, tout à coup l’absolue terreur au fond de leurs larges -prunelles, leurs narines plus caverneuses, la panique folle de leur -race, et, s’arrachant de la fenêtre, hennissants, ils s’élancèrent. - -—Oh! comme ils sautent! fit Luce. - -Ils allaient, en vérité, d’une allure formidable, en bonds énormes; tout -à coup le plus impétueux, au fond du jardin, devant la haute grille de -fer, s’enleva comme une bête ailée, franchit l’obstacle. - -—Tu vois! tu vois! s’écria Luce ... lui aussi ne pèse plus! - -—Ni les deux autres! répliqua-t-il involontairement. - -En effet, les deux autres ombres, noires, s’enlevaient, sans même frôler -les barreaux, passaient à plus de quatre mètres de hauteur. Leurs -silhouettes agiles, emportées vertigineusement par les campagnes, -décroissaient, s’évaporaient, disparaissaient. Au même moment, un -domestique survenait, seul, timide, à peine osant avancer d’une marche -effarée de petit enfant. - -Sévère eut une pitié infinie du pauvre diable, comprit que tous, à la -_Corne_, devaient se tenir claquemurés, en proie à la même croissance de -terreur que les Maîtres. - -—Laisse, Victor! fit-il ... On les retrouvera. - -Victor s’approcha, se tenant aux arbres, puis à la muraille, aux volets. -Il demanda; - -—Est-ce vrai, Monsieur, que la «roge aigue» va venir?... - -Sévère hésita, gardant la pudeur de son intelligence et de son doute au -milieu du lugubre des événements, mais Luce ne put se taire. - -—Oui, Victor! - -Un silence tomba, noir, les trois êtres égaux par la sensation du -surhumain; et pourtant Sévère scrutait encore, se questionnait sur les -rapports du phénomène et des Météorites. Il contemplait la pluie -croissante des Étoiles, le ruissellement de suprême beauté aux -profondeurs de l’Impondérable. Une observation nouvelle l’effarait: que -le triste fragment de Lune au bas de l’horizon ne pouvait donner la -lumière qui persistait sur le paysage. Et contre l’Occident, il regarda -le satellite disparaître, sa convexité prête à crouler, tout contre -l’Occident. Quelques minutes encore, puis il disparut: la lueur -persistait sur le plateau Tornadres, comme émanée du Zénith, à peine de -quelques degrés au septentrion ainsi que l’indiquait son ombre. Était-ce -donc du Zénith que venait le prodige? Il y tourna son visage, lentement. -Là, une lueur d’améthyste, une lueur lenticulaire, s’étalait finement -comme une nue en flèche, avec un maximum d’éclat vers le Nord. Et Sévère -songea que ces choses eussent été douces à regarder sans l’horripilation -de sa chair, la menace sépulcrale, le pressentiment de mort qui tombait -du Ciel sur la Terre ... - - - - - III - - - APPARITION DE L’AIGUE - -—Regardez! fit Luce. - -A son tour, elle apercevait la lueur, plus émue que Lestang, la -désignait du doigt. Victor, accroché dehors, à la fenêtre, tremblait de -fièvre, comme ivre, et revenait à lui avec des soupirs, par intervalles, -des redoublements d’horreur. - -La lueur, en haut, grandissait. À mesure, le chuchottis de voix -firmamentaires s’éteignait, un silence énorme pesait sur le plateau -Tornadres. Puis, délicate d’abord, une lumière d’en bas parut répondre à -l’autre, des franges légères flottant sur la cime des arbres, sur toutes -les plantes. C’était d’une navrance délicate et farouche. Aux trois -personnages si dissemblables, il vint une impression presque identique -de lampes funéraires, de bûcher, d’incendie immense où allait -s’engloutir Tornadres et tous ceux qui l’habitaient. - -Luce râlait, à peine consciente; il lui vint une grande plainte: - -—Oh! j’ai soif! - -Il se tourna vers elle; la tendresse de son cœur, son amour pour la -Celte montagnarde, lui rendit la force. - -Il lutta contre son désir de ne plus bouger, de finir là son existence, -à la fenêtre, avec l’allège entre ses poings. Ballottant, il alla -prendre un verre d’eau. Et il se questionnait encore, il s’étonnait que -l’atmosphère fut fraîche, presque froide, malgré tout ce subtil incendie -du ciel et de la terre. - -Il rapporta l’eau avec une peine infinie; le verre et sa main étaient si -légers qu’il n’avait pas la sensation de tenir quelque chose, qu’il -serrait de toute sa force le pied de la coupe. - -Il perdit la moitié du liquide en route. - -Luce but une gorgée, la rejeta, dans une nausée: - -—C’est comme de la poudre de fer ... comme de la rouille! - -Il goûta l’eau, dut la rejeter à son tour: elle était métallique, -poussiéreuse; tous deux se regardèrent avec désespoir, longuement. Les -voiles du souvenir se levèrent, tant d’années charmants, l’heure où ils -s’étaient pour la première fois entrevus dans l’Espace, l’appel de leurs -libres de suite amantes, des périodes d’adoration fine et inlassable. -(Oh! que longues, hautes, immenses, tissées de divinité, telles heures -revivant sous le portique nébuleux du passé!) Et leurs regards -s’étreignirent, dans une pitié infinie l’un pour l’autre. Est-ce que -vraiment c’était l’agonie, est-ce qu’il leur faudrait ainsi quitter la -jeune vie aimable, trépasser dans l’étouffement, la soif, cette hideuse -impression d’anti-pesanteur, ce _non contact_ de la matière, ô mon Dieu! - -Lui, Sévère, si plein de force vitale, il ne le voulait pas admettre -malgré tout; la curiosité subsistait en son crâne à travers le glas, le -refaisait attentif à l’extérieur. Le drame merveilleux et lamentable se -poursuivait, se développait, un opéra de feux subtils, de Saint-Elmes -colossaux allumés par les lointains des paysages: aux cîmes des grands -arbres, d’abord, des flammes fines, dardantes, et, montant la gamme -infinie du spectre, elles se multiplièrent, tremblèrent à chaque -ramille, à chaque pointe de feuille, puis aux végétations basses, aux -buissons, aux gramens, aux éteules. - -Toute arête de végétal eut ainsi sa lumière, dressée droite vers le -ciel. - -Par dessus ces lueurs de rêve, ce paysage brasier, des oiseaux erraient -par bandes. Ils se décidaient à fuir enfin. Etres super-électriques, ils -avaient résisté d’abord à ces phénomènes sans doute moins ennemis de -leurs organismes que de ceux des animaux terrestres. Et corbeaux aux -cris sombres, bandes infinies et éparses de moineaux, de chardonnerets, -de fauvettes, de pinsons, hardes intelligentes de pics, martinets, -hirondelles en ordre de voyage, rapaces solitaires ou par couples, tous -s’engouffraient vers le Sud, avec des rumeurs excitées, des cris, -presque des paroles. - -De nouveau Sévère se préoccupa de ce que ces flammes innombrables, tout -à la fois ne se confondaient pas et ne donnaient pas de chaleur -sensible, et aussi, de les voir si droites, s’allongeant en lamelles -fines, bâtissant des tourelles, des monuments gothiques à milliards de -flèches éblouissantes. Un cri rauque l’interrompit, venu de Luce: - -—Lie-moi ... lie-moi ... on m’emporte! - -Il vit sa compagne en délire, livide, cramponnée, sa poitrine soulevée -dans un pitoyable effort de respirer. Son propre cœur défaillit, il lui -vint une désespérance absolue, infinie, tandis que d’un geste machinal -il étreignait encore Luce. Grelottante, elle regardait briller le -plateau, avec des paroles confuses: - -—C’est l’autre monde, Sévère ... c’est le monde immatériel ... la Terre -va mourir ... - -—Non, non, chuchottait-il et sachant pourtant la vanité des mots ... -c’est une Force ... un magnétisme ... une transformation de mouvement -... - -Une parole basse s’éveilla, celle de Victor, hypnotisé là et -s’éveillant: - -—La Roge Aigue! - -Sévère se pencha, et à moins de vingt degrés sur le Nord il vit un grand -rectangle couleur de rouille, à bordure irrégulière, comme troué -d’abîmes de soufre. - -A mesure, il s’éclaircissait, transparent comme une onde, véritable lac -étendu sur le nord, où couraient des rides semblables à des vagues, d’un -rouge plus pâle. - -Et autour du lac rouge, et par tout le ciel, il montait une ténèbre -verte, une ténèbre d’émeraude claire d’abord, et qui allait bleuissant, -noircissant, devenant une profonde ombre de jade sur l’extrémité -méridionale. - -Les étoiles étaient parties. Rien ne demeurait que ce ciel d’eau rouge, -d’eau verte, de gemme verte et de ténèbre de jade! - -Qu’était-ce? D’où cela venait-il? Et pourquoi celle énorme influence sur -le Tornadres, quel pouvoir d’induction spéciale, quelles affinités -rôdaient au firmament? Questions qui étreignaient le cerveau de Sévère, -mais ne le gardaient point de la même stupeur qui soulevait Luce et -Victor devant la prédiction paysanne accomplie. Il ne doutait plus que -la mort arrivât rapide, que le cœur qui lui galopait si terriblement -dans la poitrine n’allât éclater et s’éteindre à tout jamais ... -Cependant, sa face mourante levée vers le ciel, avec une solennité -poignante, Luce se mit à dire: - - «Lors que l’Argent verdoiera, - «La Roge Aigue proche sera, - «Dévorant Étoiles et Lune... - -Et poussant un lourd soupir, résignée, elle s’écroula contre l’allège de -la fenêtre, roide et les paupières closes. - - - - - IV - - - VERS L’IARAZE - -Immobile d’abord, sans force, Sévère attira vers lui sa femme. -Était-elle morte, avait-elle disparu à jamais? Un rire noir, le rire des -destins sans issue, vint à ses lèvres, et le mot «Jamais» circulait en -son cerveau d’une manière ironique, ce «Jamais» que, pour sa propre -existence il n’osait estimer au-delà de l’heure prochaine. Puis, son -étreinte à Luce s’exaspéra, maladive. Il enleva la pauvre femme contre -sa poitrine ... Alors, subit, bizarre, délicieux, un soulagement courut -par toute sa fibre: _la fermeté contre le sol, la pesanteur revenue!_ - -Quoi! le hasard avait dû le lui dire, il n’était pas arrive -théoriquement à l’idée de joindre un poids au sien pour retrouver la -sécurité matérielle!... - -Ranimé, solidifié, malgré l’oppression de sa poitrine, voilà que survint -un flot de courage et d’espérance, qu’augmentait encore la suite de -l’événement, son aisance singulière à tenir Luce entre ses bras, comme -un petit enfant. Puis, un sursaut au cœur, le retour de la mémoire vers -la catastrophe oubliée dans le choc de l’émotion heureuse: Luce -était-elle morte? Il ausculta, il écouta, l’oreille à la poitrine de la -jeune femme: le bruit importun de ses propres artères l’empêchait -d’entendre. Elle n’était pas raide, cependant, mais si pâle, les -paupières ouvertes sur l’œil immobile. - -—Luce! ma chère Luce! - -Un soupir, un mouvement débile de la tête. Il discernait une haleine -toute légère, la vie! Sa volonté s’en fortifia, la résolution de tout -effort pour la sauver. - -Il y rêva quelques minutes, puis haussa les épaules! A quoi bon le -calcul? Il fallait agir comme les brutes, comme le dernier des êtres -organisés, fuir droit devant soi, jusqu’au bord de l’Iaraze. Et sans -plus hésiter, allant au plus court, il monta sur la fenêtre, franchit -l’allège, criant, à Victor: - -—Prends un objet lourd. Lâche le chien et va avertir les camarades. -Vois comme je porte mon fardeau. Que tout le monde se sauve. On aura le -temps! As-tu compris? - -—Oui, monsieur. - -Et Sévère se sauvait, au trot, le pas sûr, mais oppressé, l’haleine -sifflante, troublé par l’électricité du dehors plus vive, plus -énervante. Il sortit de la porte du jardin, se trouva dans la pleine -campagne. En sa majesté prodigieuse, le lac rouge semblait s’élargir -encore aux abîmes stellaires. Sa gloire, aux bordures palpitantes, aux -douceurs de verrières, délicate et resplendissante, terminée en -dentelles, en cendres oranges, en arborisations, envahissait presque le -zénith. On ne voyait toujours aucune étoile. De ci, de là, une fine -ligne serpentine, une ligne de feu, courait de l’extrême nord à -l’extrême sud. Sur terre, sur les surfaces planes du plateau Tornadres, -partout l’incendie persévérait, l’incendie taciturne, l’incendie sans -chaleur et sans consumation. - -Les cierges colossaux des grands arbres, les lumignons, infinis en -nombre des graminées basses, les ascensions de longues écharpes, les -grands arcs polychromes intarissablement dévorés par les neutralisations -de forces, intarissablement recomposés, emplissaient l’Espace d’une vie -d’épouvante et de beauté. Sévère y marchait, y allait, fermant les yeux -par intervalles lorsqu’il fallait franchir des zones trop flamboyantes. -Des cheveux de Luce se dégageait un torrent d’étincelles qui éblouissait -Sévère et l’aveuglait. L’instinct le guidait au Sud-Ouest. Par minutes, -une ferme apparue lui servait de jalon, mais auquel il n’avait pas -grande confiance, tellement la transfiguration géhennique rendait -incertaines les apparences. - -Arriva le moment ou il se crut égaré: devant lui, une mare, des roseaux -levés comme des glaives de vengeance, des saules aux feuilles de pâle -émeraude, des lucioles courant perpétuellement sur l’onde, une senteur -phosphoreuse, ozonée, suffocante. Il sentait la molle terre sous lui, -l’attraction confuse des eaux croupies. En vain tâchait-il -l’orientation, sachant pourtant que c’était la mare des Cilleuses, à -moins de quinze cents mètres de la frontière du plateau. Il la longea, -il marcha dix minutes, il se retrouva au point de départ. Va-t-il rester -là misérablement, son grand effort sera-t-il perdu. - -—Allons, Sévère! - -Il reprit l’élan, cherchant à reconnaître quelque marque-guide, quelque -aspect connu, faiblissant en cette recherche, convaincu qu’une heure -encore sur Tornadres, et ce serait la pâmoison, la mort en pleine -campagne. - -Subitement, il fit une découverte, un petit promontoire, aigu, le seul -de la mare, et dont il put déduire la direction à prendre. Dès lors, il -sembla qu’il eût des ailes, lancé en ligne droite, finissant par trouver -un petit sentier bien connu, qu’il ne quitta plus. Jamais il n’eût pu -évaluer la durée de la route, peut-être une demi-heure, peut-être dix -minutes, cinq minutes. Mais le voilà arrêté, dans un écrasement de -stupeur, devant un gouffre noir parallèle avec le Tornadres incendié, un -abîme de nuit sous ses pieds, dont le sépare un dévalement -phosphorescent, le versant du plateau. - -—La pente! La pente! - -Il répète le mot; plein de force il commence de descendre, au galop, une -sente sinueuse. Déjà, un bien-être physique, l’induction décroissante, -les lumières toujours plus rares, douces comme des feux follets, l’air -moite et tiède, plus respirable! En revanche le poids de Luce est devenu -très dur. Il lui casse les bras, lui ralentit sa course. Il tombe, il -croulerait sur la déclivité sans l’interposition d’un arbrisseau. Puis, -de nouveau la course, l’halètement de sa poitrine, l’indomptable -instinct maîtrisant ses nerfs. Enfin, une joie immense, il entend couler -l’Iaraze, il perçoit par tous les pores l’approche du salut! Encore -quelques pas! Le péril, déjà, ne peut plus guère l’atteindre dans ce -milieu où, l’influence mystérieuse réduite au minimum, c’est déjà -l’ancienne, la bonne nature terrestre, vitale, propice à l’homme. Et il -ne s’arrête pas, en sueur, farouche, plein de puissance. Enfin, le val, -la rivière sanglotant dans les ténèbres. Avec un grand cri, une -allégresse violente et douloureuse, il se laisse tomber. Luce est sur -ses genoux, une minute il tourne la tète en arrière, vers là-haut, -irrésistiblement. Vague, une lueur erre sur le versant, plus vive vers -les bords du plateau; c’est tout ce qu’il perçoit du vaste incendie: à -peine l’éclat des mers nocturnes à l’époque des fécondations. Mais le -firmament surtout l’étonne, l’Aigue disparue du rouge seulement, une -espèce d’aurore boréale, où continue à crouler, merveilleuse et -abondante, l’averse des bolides. - -—Quoi donc? se demande-t-il. Et pourquoi cette dissemblance énorme, -entre Tornadres et l’Iaraze? - -Enfin, il se penche sur Luce, il la voit pâle encore, immobile, mais son -souffle perceptible, un souffle plutôt de sommeil que d’évanouissement. -Il l’appelle très haut: - -—Luce! Luce! - -Elle frémit, elle remue la tête doucement. C’est une joie infinie dans -l’ombre et, avec des sanglots de bonheur, il l’embrasse, il continue à -l’appeler, il murmure des phrases de tendresse. Enfin, les paupières -s’ouvrent, le regard de la jeune femme, plein de Rêve, plein de -Ténèbres, se porte sur Sévère: - -—Ah! s’écrie-t-il ... nous sommes vainqueurs enfin ... le Tornadres n’a -pu te dévorer! - -Debout, les bras en croix, une volonté lui vint, la promesse de remonter -seul là-haut, sur la pointe Sud-Ouest, de faire l’histoire du cataclysme -... - -Cependant des voix s’élevèrent sur la pente, un aboiement. Comprenant -que c’étaient les serviteurs de la _Corne_, Luce et Sévère les -attendirent, tandis qu’ils s’étreignaient, dans une béatitude si grande -que des larmes ruisselaient sur leurs joues. - - - - - _NOTE_ - - -M. Sévère Lestang a publié effectivement (chez Germer-Baillière) -l’histoire du cataclysme du Tornadres. Pendant sept jours l’Aigue a été -visible sur le plateau, pendant sept jours l’incendie sans _chaleur ni -consumation_ a persévéré, c’est ce qu’atteste, outre M. Lestang et les -habitants du plateau, une commission savante survenue le dernier jour du -phénomène. On a eu quelques morts à déplorer, mais relativement rares, -la plupart des indigènes ayant fut dès le début de la nuit du 10 août. -Quant aux conclusions de l’examen scientifique, il faut bien avouer -qu’elles sont toutes négatives: nulle théorie plausible. Le seul fait -intéressant et pouvant, plus tard, conduire à quelque découverte est -celui-ci: _Le plateau Tornadres, repose sur une masse rocheuse de -150.000.000.000 de mètres cubes environ qui est évidemment d’origine -stellaire, c’est un_ =colossal bolide= _tombé près du val de -l’Iaraze, dans les temps préhistoriques_. - - FIN DU CATACLYSME - - - - - _TABLE_ - - - _LES XIPÉHUZ_ - - - LIVRE PREMIER - - - I. — LES FORMES - II. — EXPÉDITION HIÉRATIQUE - III. — LES TÉNÈBRES - IV. — BAKHOUN - V. — PUISÉ AU LIVRE DE BAKHOUN - VI. — SECONDE PÉRIODE DU LIVRE DE BAKHOUN - - - LIVRE DEUXIÈME - - VII. — TROISIÈME PÉRIODE DU LIVRE DE BAKHOUN - VIII. — DERNIÈRE PÉRIODE DU LIVRE DE BAKHOUN - - - _LE CATACLYSME_ - - I. — SYMPTOMES - II. — L’AVERSE ASTRALE - III. — APPARITION DE L’AIGUE - IV. — VERS L’IARAZE - - - - - Remarques du transcripteur - - -Les mots mal orthographiés et les erreurs d’impression ont été corrigés. -En cas d’orthographe multiple, l’usage majoritaire a été utilisé. - -La ponctuation a été conservée, sauf en cas d’erreurs d’impression -évidentes. - - [Fin de _Les Xipéhuz_, par J.-H. Rosny] - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES XIPÉHUZ *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for an eBook, except by following -the terms of the trademark license, including paying royalties for use -of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for -copies of this eBook, complying with the trademark license is very -easy. 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Rosny</title> - <link rel="coverpage" href="images/cover.jpg"/> - <meta name="cover" content="images/cover.jpg" /> - <meta name="DC.Creator" content="Joseph Henri Honoré Boex"/> - <meta name="DC.Title" content="Les Xipéhuz"/> - <meta name="DC.Language" content="fr"/> - <meta name="DC.Created" content="1906"/> - <meta name="DC.date.issued" content="1906"/> - <meta name="DC.Subject" content="Fiction"/> - <meta name="Tags" content="science fiction"/> - <meta name="DC.Publisher" content="Distributed Proofreaders Canada"/> - <meta name="generator" content="fpgen 4.63"/> - <style type="text/css"> - body { margin-left:8%;margin-right:10%; } - .it { font-style:italic; } - .sc { font-variant:small-caps; } - p { text-indent:0; margin-top:0.5em; margin-bottom:0.5em; - text-align: justify; } - div.lgc { } - div.lgc p { text-align:center; text-indent:0; margin-top:0; margin-bottom:0; } - div.lgp { - display:inline-block; - text-align: left; - } - - div.lgp p { - text-align:left; - margin-top:0; - margin-bottom:0; - } - - .poetry-container { - text-align:center; - } - - h1 { - text-align:center; - font-weight:normal; - page-break-before: always; - font-size:1.2em; margin:2em auto 1em auto - } - - h3 { - text-align:center; - font-weight:normal; - font-size:1.0em; - margin:1em auto 0.5em auto; - page-break-after:avoid; - } - - hr.pbk { border:none; border-bottom:1px solid silver; width:100%; margin-top:2em; margin-bottom:2em } - hr.footnotemark { - border:none; - border-bottom:1px solid silver; - width:10%; - margin:1em auto 1em 0; - page-break-after: avoid; - } - .figcenter { - text-align:center; - margin:1em auto; - page-break-inside: avoid; - } - - .footnote td p.pindent:first-child { text-indent: 0; } - .footnote { margin:0 4em 0 0; } - .footnoteid { width: 3em; } - p.line { text-indent:0; margin-top:0; margin-bottom:0; } - div.lgp p.line0 { text-indent:-3em; margin:0 auto 0 3em; } - table { page-break-inside: avoid; } - table.center { margin:0.5em auto; border-collapse: collapse; padding:3px; } - table.flushleft { margin:0.5em 0em; border-collapse: collapse; padding:3px; } - table.left { margin:0.5em 1.2em; border-collapse: collapse; padding:3px; } - .tab1c1 { } - .tab1c2 { } - .tab1c1-col2 { border-right: 0px solid black; } - .tdStyle0 { - padding: 2px 5px; text-align:center; vertical-align:top; - } - .tdStyle1 { - padding: 2px 5px; text-align:right; vertical-align:top; - } - .tdStyle2 { - padding: 2px 5px; text-align:left; vertical-align:top;padding-left:29px; text-indent:-24px; - } - .pindent { margin-top:0; margin-bottom:0; text-indent:1.5em; } - .noindent { margin-top:0; margin-bottom:0; text-indent:0; } - .hang { padding-left:1.5em; text-indent:-1.5em; } - </style> - <style type="text/css"> - .poetry-container { margin-top:.5em; margin-bottom:.5em } - .pindent {margin-top: 0.25em; margin-bottom: 0.5em;} - .literal-container { margin-top:.5em; margin-bottom:.5em } - div.lgc { margin-top:.5em; margin-bottom:.5em } - hr.tbk { border:none; border-bottom:1px solid white; - width:30%; margin-left:35%; margin-right:35%; - margin-top: 1.0em; margin-bottom: 1.0em; } - p { margin-top:0em; margin-bottom:0em; } - .index1 .line0, .index2 .line0 { - text-align: left; - text-indent:-2em; - margin:0 auto 0 2em; - } - </style> - </head> - <body> - -<div style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of Les Xipéhuz, by Joseph Henri Honoré Boex</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and -most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. 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ROSNY</p> -<p class='line'> </p> -<p class='line0' style='font-size:3em;'>LES XIPÉHUZ</p> -<p class='line'> </p> -<p class='line'> </p> -<p class='line0' style='margin-top:7em;margin-bottom:1em;'> </p> -<p class='line0'>PARIS</p> -<p class='line0'>SOCIÉTÉ DV MERCVRE DE FRANCE</p> -<p class='line0'>XV, RUE DE L’ÉCHAUDÉ — SAINT-GERMAIN, XV</p> -<p class='line'> </p> -<p class='line0'>M DCCC XCVI</p> -<p class='line'> </p> -<p class='line0'>Tous droits réservés</p> -</div> <!-- end rend --> - -<hr class='pbk'/> - -<div class='lgc' style='margin-top:3em;margin-bottom:3em;'> <!-- rend=';sb:3;sa:3;' --> -<p class='line0'><span class='it'>LIVRE PREMIER</span></p> -</div> <!-- end rend --> - -<div><h1 id='chap01'>I</h1></div> - -<h3>LES FORMES</h3> - -<p class='pindent'>C’était mille ans avant le massement -civilisateur d’où surgirent plus tard Ninive, -Babylone, Ecbatane.</p> - -<p class='pindent'>La tribu nomade de Pjehou, avec ses -ânes, ses chevaux, son bétail, traversait -la forêt farouche de Kzour, vers le -crépuscule du soir, dans l’océan de la -mer oblique. Le chant du déclin s’enflait, -planait, descendait des nichées -harmonieuses.</p> - -<p class='pindent'>Tout le monde étant très las, on se -taisait, en quête d’une belle clairière où -la tribu pût allumer le feu sacré, faire -le repas du soir, dormir à l’abri des -brutes, derrière la double rampe de brasiers -rouges.</p> - -<p class='pindent'>Les nues s’opalisèrent, les contrées -polychromes vaguèrent aux quatre horizons, -les dieux nocturnes soufflèrent le -chant berceur, et la tribu marchait encore. -Un éclaireur reparut au galop, -annonçant la clairière et l’onde, une -source pure.</p> - -<p class='pindent'>La tribu poussa trois longs cris; -tous allèrent plus vite: des rires puérils -s’épanchèrent; les chevaux et les -ânes mêmes, accoutumés à reconnaître -l’approche de la halte d’après le retour -des coureurs et les acclamations des nomades, -fièrement dressaient l’encolure.</p> - -<p class='pindent'>La clairière apparut. La source charmante -y trouait sa route entre des -mousses et des arbustes. Une fantasmagorie -se montra aux nomades.</p> - -<p class='pindent'>C’était d’abord un grand cercle de -cônes bleuâtres, translucides, la pointe -en haut, chacun du volume à peu près -de la moitié d’un homme. Quelques raies -claires, quelques circonvolutions sombres, -parsemaient leur surface; tous -avaient vers la base une étoile éblouissante -comme le soleil à la moitié du -jour. Plus loin, aussi excentriques, des -strates se posaient verticalement, assez -semblables à de l’écorce de bouleau et -madrés d’ellipses versicolores. Il y -avait encore, de ci, de là, des Formes -quasi-cylindriques, variées d’ailleurs, -les unes minces et hautes, les autres -basses et trapues, toutes de couleur -bronzée, pointillées de vert, toutes -possédant, comme les strates, le caractéristique -point de lumière.</p> - -<p class='pindent'>La tribu regardait, ébahie. Une superstitieuse -crainte figeait les plus -braves, grossissante encore quand les -Formes se prirent à onduler dans les -ombres grises de la clairière. Et soudain -les étoiles tremblant, vacillant, -les cônes s’allongèrent, les cylindres -et les strates bruissèrent comme de -l’eau jetée sur une flamme, tous progressant -vers les nomades avec une vitesse -accélérée.</p> - -<p class='pindent'>Toute la tribu, dans l’ensorcellement -de ce prodige, ne bougeait point, continuait -à regarder. Les Formes abordèrent. -Le choc fut épouvantable. Guerriers, -femmes, enfants, par grappes, -croulaient sur le sol de la forêt, mystérieusement -frappés comme du glaive -de la foudre. Alors, aux survivants, la -ténébreuse terreur rendit la force, les -ailes de la fuite agile. Et les Formes, -massées d’abord, ordonnées par rangs, -s’éparpillèrent autour de la tribu, impitoyablement -attachées aux fuyards. L’affreuse -attaque, pourtant, n’était pas infaillible, -tuait les uns, étourdissait les -autres, jamais ne blessait. Quelques -gouttes rouges jaillissaient des narines, -des yeux, des oreilles des agonisants, -mais les autres, intacts, bientôt se relevaient, -reprenaient la course fantastique -dans le blémissement crépusculaire.</p> - -<p class='pindent'>Quelle que fût la nature des Formes, -elles agissaient à la façon des êtres, -nullement à la façon des éléments, -ayant comme des êtres l’inconstance et -la diversité des allures, choisissant -évidemment leurs victimes, ne confondant -pas les nomades avec les plantes -ni même les animaux.</p> - -<p class='pindent'>Bientôt les plus véloces fuyards perçurent -qu’on ne les poursuivait plus. -Épuisés, déchirés, ils osèrent se retourner -enfin vers le prodige. Au loin, -entre les troncs noyés d’ombre, continuait -la poursuite resplendissante. Et -les Formes, de préférence, pourchassaient, -massacraient les guerriers, souvent -dédaignaient les faibles, la femme, -l’enfant.</p> - -<p class='pindent'>Ainsi, à distance, dans la nuit toute -venue, la scène était plus surnaturelle, -plus écrasante aux cerveaux barbares. -Les guerriers allaient recommencer -la fuite. Une observation capitale les -arrêta: c’est que, guerriers, femmes ou -enfants, les <span class='it'>Formes abandonnaient la -poursuite au-delà d’une limité fixe</span>. Et, -quelque lasse, impotente que fût la victime, -même évanouie, dès que cette -frontière idéale était franchie, tout péril -aussitôt cessait.</p> - -<p class='pindent'>Cette très rassurante remarque, bientôt -confirmée par cinquante faits, tranquillisa -les nerfs frénétiques des fuyards. -Ils osèrent attendre leurs compagnons, -leurs femmes, leurs pauvres petits -échappés à la tuerie. Même, un d’eux, -leur héros, abruti d’abord, effaré par le -surhumain de l’aventure, retrouva le -souffle de sa grande âme, alluma un foyer, -emboucha la corne de buffle pour guider -les fugitifs.</p> - -<p class='pindent'>Alors, un à un, vinrent les misérables. -Beaucoup, éclopés, se traînaient -sur les mains. Des femmes-mères, avec -l’indomptable force maternelle, avaient -gardé, rassemblé, porté le fruit de -leurs entrailles à travers la mêlée hagarde. -Et beaucoup d’ânes, de chevaux, -de bétail, revinrent, moins affolés que -les hommes.</p> - -<p class='pindent'>Nuit lugubre, passée dans le silence, -sans sommeil, où les guerriers -sentirent continuellement trembler leurs -vertèbres. Mais l’aube vint, s’insinua -pâle à travers les gros feuillages, puis -la fanfare aurorale, de couleurs, d’oiseaux -retentissants, exhorta à vivre, à -rejeter les terreurs de la Ténèbre.</p> - -<p class='pindent'>Le Héros, le chef naturel, rassemblant -la foule par groupes, commença -le dénombrement de la tribu. La moitié -des guerriers, deux cents, manquait, -avait probablement succombé. Beaucoup -moindre était la perte des femmes -et presque nulle celle des enfants.</p> - -<p class='pindent'>Quand ce dénombrement fut terminé, -qu’on eut rassemblé les bêtes de somme -(peu manquaient, par la supériorité de -l’instinct sur la raison pendant les débâcles,) -le Héros disposa la tribu suivant -l’arrangement accoutumé, puis, -ordonnant de l’attendre, seul, pâle, il -se dirigea vers la clairière. Nul, même -de loin, n’osa le suivre.</p> - -<p class='pindent'>Il se dirigea là où les arbres s’espaçaient -largement, dépassa légèrement -la limite observée la veille et regarda.</p> - -<p class='pindent'>Au loin, dans la transparence fraîche -du matin, coulait la jolie source; sur -les bords, réunie, la troupe fantastique -des Formes resplendissait. Leur -couleur avait varié. Les cônes étaient -plus compacts, leur teinte turquoise -avant verdi, les Cylindres se nuaient -de violet et les Strates ressemblaient à -du cuivre vierge. Mais chez toutes, l’étoile -pointait ses rayons qui, même à -la lumière diurne, éblouissaient.</p> - -<p class='pindent'>La métamorphose s’étendant aux -contour des fastamagoriques Entités, -des cônes tendaient à s’élargir en cylindres, -des cylindres se déployaient, -tandis que des strates se curvaient -partiellement.</p> - -<p class='pindent'>Mais, comme la veille, tout à coup -les Formes ondulèrent, leurs Étoiles se -prirent à palpiter; le Héros, lentement, -repassa la frontière de Salut.</p> - -<div><h1 id='chap02'>II</h1></div> - -<h3>EXPÉDITION HIÉRATIQUE</h3> - -<p class='pindent'>La tribu de Pjehou s’arrêta à la porte -du grand Tabernacle nomade où les -chefs seuls entrèrent. Dans le fond -rempli d’astres, sous l’image mâle du -Soleil, se tenaient les trois grands-prêtres. -Plus bas qu’eux, sur les degrés -dorés, les douze sacrificateurs -inférieurs.</p> - -<p class='pindent'>Le Héros s’avança, dit au long la -terrifique aventure de la forêt de Kzour, -que les prêtres écoutaient, très graves, -étonnés, sentant un amoindrissement -de leur puissance devant cette aventure -extra-humaine.</p> - -<p class='pindent'>Le suprême grand-prêtre exigea -que la tribu offrît douze taureaux, -sept onagres, trois étalons au Soleil. -Il reconnut aux Formes les attributs -divins, et, après les sacrifices, résolut -une expédition hiératique. Tous les -prêtres, tous les chefs de la nation zahelal, -devaient y assister.</p> - -<p class='pindent'>Et des messagers parcoururent les -monts et les plaines à cent lieues autour -de la place où s’éleva plus tard -l’Ecbatane des mages. Partout la ténébreuse -histoire faisait se dresser le -poil des hommes, partout les chefs -obéirent précipitamment à l’appel sacerdotal.</p> - -<p class='pindent'>Un matin d’automne, le Mâle perça -les nues, inonda le Tabernacle, atteignit -l’autel où fumait un cœur saignant -de taureau. Les grands-prêtres, -les immolateurs, cinquante chefs de -tribu, poussèrent le cri triomphal. -Cent mille nomades, au dehors, foulant -la rosée fraîche, répétèrent la clameur, -tournant leurs têtes tannées vers la -prodigieuse forêt de Kzour mollement -frissonnante. Le présage était favorable.</p> - -<p class='pindent'>Alors, les prêtres en tête, tout un -peuple marcha à travers les bois. Dans -l’après-midi, vers trois heures, le héros -de Pjehou arrêta la multitude. La grande -clairière roussie par l’automne, un flot -de feuilles mortes cachant ses mousses, -s’étendait avec majesté; sur les bords -de la source, les prêtres aperçurent ce -qu’ils venaient adorer et apaiser, les -Formes. Elles étaient douces à l’œil, -sous l’ombre des arbres, avec leurs -nuances tremblantes, le feu pur de leurs -étoiles, leur tranquille évolution au -bord de la source.</p> - -<p class='pindent'>—Il faut, dit le grand-prêtre suprême, -offrir ici le sacrifice: qu’ils -sachent que nous nous soumettons à -leur puissance!</p> - -<p class='pindent'>Tous les vieillards s’inclinèrent. Une -voix s’éleva, cependant. C’était Yushik, -de la tribu de Nim, jeune compteur -d’astres, pâle veilleur prophétique, de -renommée débutante, qui demanda audacieusement -d’approcher plus près -des Formes.</p> - -<p class='pindent'>Mais les vieillards, blanchis dans l’art -des sages paroles, triomphèrent: -l’autel fut construit, la victime amenée—un -éblouissant étalon, superbe serviteur -de l’homme. Alors, dans le silence, -la prosternation d’un peuple, le -couteau d’airain trouva le noble cœur -de l’animal. Une grande plainte s’éleva. -Et le grand-prêtre:</p> - -<p class='pindent'>—Êtes-vous apaisés, ô dieux?</p> - -<p class='pindent'>Là-bas, parmi les troncs silencieux, -les Formes circulaient toujours, se faisant -reluire, préférant les places où le -soleil coulait en ondes plus denses.</p> - -<p class='pindent'>—Oui, oui, cria l’enthousiaste, ils -sont apaisés!</p> - -<p class='pindent'>Et saisissant le cœur chaud de l’étalon, -sans que le grand-prêtre, curieux, -prononçât une parole, Yushik se lança -par la clairière. Des fanatiques, avec -des hurlements, le suivirent. Lentement, -les Formes ondulaient, se massant, -rasant le soi, puis, soudain, précipitées -sur les téméraires, un lamentable -massacre épouvanta les cinquante -tribus.</p> - -<p class='pindent'>Six ou sept fugitifs, à grand effort, -poursuivis avec acharnement, purent -atteindre la limite. Le reste avait vécu -et Yushik avec eux.</p> - -<p class='pindent'>—Ce sont des dieux inexorables! -dit solennellement le suprême grand-prêtre.</p> - -<p class='pindent'>Puis un conseil s’assembla, le vénérable -conseil des prêtres, des ancêtres, -des chefs.</p> - -<p class='pindent'>Ils décidèrent de tracer, au-delà -de la limite du Salut, une enceinte de -pieux, et de forcer, pour la détermination -de cette enceinte, des esclaves à -s’exposer à l’attaque des Formes sur -tout le pourtour successivement.</p> - -<p class='pindent'>Et cela fut fait. Sous menace de -mort, des esclaves entrèrent dans l’enceinte. -Très peu, pourtant, y périrent, -par l’excellence des précautions. La -frontière se trouva fermement établie, -rendue à tous visible par son pourtour -de pieux.</p> - -<p class='pindent'>Ainsi finit heureusement l’expédition -hiératique, et les Zahelals se crurent -abrités contre le subtil ennemi.</p> - -<div><h1 id='chap03'>III</h1></div> - -<h3>LES TÉNÈBRES</h3> - -<p class='pindent'>Mais le système préventif préconisé -par le conseil, bientôt fut démontré impuissant. -Au printemps suivant, les -tribus Hertoth et Nazzum passant près -de l’enceinte des pieux, sans défiance, -un peu en désordre, furent cruellement -assaillies par les Formes et décimées.</p> - -<p class='pindent'>Les chefs qui échappèrent au massacre -racontèrent au grand conseil Zahelal -que les Formes étaient maintenant -beaucoup plus nombreuses qu’à -l’automne passé. Toutefois, comme auparavant, -elles limitaient leur poursuite, -mais les frontières s’étaient élargies.</p> - -<p class='pindent'>Ces nouvelles consternèrent le peuple: -il y eut un grand deuil et de grands -sacrifices. Puis, le conseil résolut de -détruire la forêt de Kzour par le feu.</p> - -<p class='pindent'>Malgré tous les efforts on ne put incendier -que la lisière.</p> - -<p class='pindent'>Alors, les prêtres, au désespoir, consacrèrent -la forêt, défendirent à quiconque -d’y entrer. Et deux étés s’écoulèrent.</p> - -<p class='pindent'>Une nuit d’octobre, le campement -endormi de la tribu Zulf, à deux portées -d’arc de la forêt fatale, fut envahi par -les Formes. Trois cents guerriers perdirent -encore la vie.</p> - -<p class='pindent'>De ce jour une histoire sinistre, dissolvante, -mystérieuse, alla de tribu en -tribu, murmurée à l’oreille, le soir, aux -larges nuits astrales de la Mésopotamie. -<span class='it'>L’homme allait périr.</span> L’<span class='it'>autre</span>, -toujours élargi, dans les forêts, sur les -plaines, indestructible, jour par jour -dévorerait la race déchue. Et la confidence, -craintive et noire, hantait les -pauvres cerveaux, à tous durement -ôtait la force de lutte, le superbe optimisme -des jeunes races. L’homme errant, -rêvant à cela, n’osait plus aimer -les somptueux pâturages natals, cherchait -en haut, de sa prunelle accablée, -l’arrêt des constellations. Ce fut l’an -mil des peuples enfants, le glas de la -fin du monde, ou, peut-être, la résignation -de l’homme rouge des savanes indiennes.</p> - -<p class='pindent'>Et dans cette angoisse, les primitifs -méditateurs venaient à un culte amer, -un culte de mort que prêchaient de -pâles prophètes, le culte des Ténèbres -plus puissantes que les Astres, des Ténèbres -qui devaient engloutir, dévorer -la sainte Lumière, le feu resplendissant. -Partout, aux abords des solitudes, on -rencontrait immobiles, amaigries, des -silhouettes d’inspirés, des hommes de -silence, qui, par périodes, se répandant -parmi les tribus, contaient leurs épouvantables -rêves, le Crépuscule de la -grande Nuit approchante, du Soleil -agonisant.</p> - -<div><h1 id='chap04'>IV</h1></div> - -<h3>BAKHOUN</h3> - -<p class='pindent'>Or, à cette époque, vivait un homme -extraordinaire, nommé Bakhoûn, issu -de la tribu de Ptuh et frère du premier -grand-prêtre des Zahelals. De bonne -heure, il avait quitté la vie nomade, fait -choix d’une belle solitude, entre quatre -collines, dans un mince et vivant vallon -où roulait la clarté chanteuse -d’une source. Des quartiers de rocs lui -avaient fait la tente fixe, la demeure cyclopéenne. -La patience, l’aide ménagée -des bœufs et des chevaux, lui -avaient créé l’opulence, des récoltes -réglées. Ses quatre femmes, ses trente -enfants, y vivaient de la vie d’Éden.</p> - -<p class='pindent'>Bakhoûn professait des idées singulières, -qui l’eussent fait lapider sans le -respect des Zahelals pour son frère -aîné, le grand-prêtre suprême.</p> - -<p class='pindent'>Premièrement, il croyait que la vie -sédentaire, la vie à place fixe, était -préférable à la vie nomade, ménageant -les forces de l’homme au profit de l’esprit;</p> - -<p class='pindent'>Secondement, il pensait que le Soleil, -la Lune et les Étoiles n’étaient pas des -dieux, mais des masses lumineuses;</p> - -<p class='pindent'>Troisièmement, il disait que l’homme -ne doit réellement croire qu’aux choses -prouvées par la Mesure.</p> - -<p class='pindent'>Les Zahelals lui attribuaient des -pouvoirs magiques, et les plus téméraires, -parfois, se risquaient à le consulter. -Ils ne s’en repentaient jamais. -On avouait qu’il avait souvent aidé des -tribus malheureuses en leur distribuant -des vivres.</p> - -<p class='pindent'>Or, à l’heure noire, quand apparut -la mélancolique alternative d’abandonner -des contrées fécondes ou -d’être détruites par des divinités inexorables, -les tribus songèrent à Bakhoûn, -et les prêtres eux-mêmes, après des -luttes d’orgueil, lui députèrent trois des -plus considérables de leur ordre.</p> - -<p class='pindent'>Bakhoûn prêta la plus anxieuse attention -aux récits, les faisant répéter, -posant des questions nombreuses et -précises. Il demanda deux jours de -méditations. Ce temps écoulé, il annonça -simplement qu’il allait se consacrer -à l’étude des Formes.</p> - -<p class='pindent'>Les tribus furent un peu désappointées, -car on avait espéré que Bakhoûn -pourrait délivrer le pays par sorcellerie. -Néanmoins, les chefs se montrèrent -heureux de sa décision et en -espérèrent de grandes choses.</p> - -<p class='pindent'>Alors, Bakhoûn s’établit aux abords -de la forêt de Kzour, se retirant à -l’heure du repos, et, tout le jour, il observait, -monté sur le plus rapide étalon -de Chaldée. Bientôt, convaincu de -la supériorité du splendide animal sur -les plus agiles des Formes, il put commencer -son étude hardie et minutieuse -des ennemis de l’Homme, cette étude -à laquelle nous devons le grand livre -anti-cunéiforme de soixante grandes -belles tables, le plus beau livre lapidaire -que les âges nomades aient légué -aux races modernes.</p> - -<p class='pindent'>C’est dans ce livre, admirable de -patiente observation, de sobriété, que -se trouve constaté un système de vie -absolument dissemblable de nos règnes -animal et végétal, système que Bakhoûn -avoue humblement n’avoir pu analyser -que dans son apparence la plus grossière, -la plus extérieure. Il est impossible -à l’Homme de ne pas frissonner -en lisant cette monographie des êtres -que Bakhoûn nomme les Xipéhuz, ces -détails désintéressés, jamais poussés -au merveilleux systématique, que l’antique -scribe révèle sur leurs actes, leur -mode de progression, de combat, de -génération, et qui démontrent que la -race humaine a été au bord, du Néant, -que la Terre a failli être le patrimoine -d’un <span class='it'>Règne</span> dont nous avons perdu -jusqu’à la conception.</p> - -<p class='pindent'>Il faut lire la merveilleuse traduction -de M. Dessault, ses découvertes inattendues -sur la linguistique pré-assyrienne, -découvertes plus admirées -malheureusement à l’étranger,—en -Angleterre, en Allemagne,—que dans -sa propre patrie. L’illustre savant a -daigné mettre à notre disposition -les passages saillants du précieux -ouvrage, et ces passages, que -nous offrons ci-après au public, peut-être -inspireront l’envie de parcourir -les superbes traductions du -Maître<a id='r1_1'/><a href='#f1_1' style='text-decoration:none'><sup><span style='font-size:0.9em'>[1]</span></sup></a>.</p> - -<hr class='footnotemark'/> - -<div class='footnote'> -<table summary='footnote_1_1'> -<colgroup> -<col span='1' class='footnoteid'/> -<col span='1'/> -</colgroup> -<tr><td style='vertical-align:top;'> -<div class='footnote-id' id='f1_1'><a href='#r1_1'>[1]</a></div> -</td><td> - -<p class='pindent'><span class='it'>Les Precurseurs de Ninive</span>, par B. Dessault, -édition in-8°, chez Calmann-Lévy. Dans -l’intérêt du lecteur, j’ai converti l’extrait du -livre de Bakhoûn, ci-après, en langage scientifique -moderne.</p> - -</td></tr> -</table> -</div> - -<div><h1 id='chap05'>V</h1></div> - -<h3>PUISE AU LIVRE DE BAKHOUN</h3> - -<p class='pindent'>Les Xipéhuz sont évidemment des -Vivants. Toutes leurs allures décèlent la -volonté, le caprice, l’association, l’indépendance -partielle qui fait distinguer -l’Être animal de la plante ou de la -chose inerte. Quoique leur mode de -progression ne puisse être défini par -comparaison,—c’est un simple glissement -sur terre—il est aisé de voir -qu’ils le dirigent à leur gré. On les -voit s’arrêter brusquement, se tourner, -s’élancer à la poursuite les uns des -autres, se promener par deux, par -trois, manifester des préférences qui -leur feront quitter un compagnon pour -aller au loin en rejoindre un autre. Ils -n’ont point la faculté d’escalader les -arbres, mais ils réussissent à tuer les -oiseaux <span class='it'>en les attirant</span> par des moyens -indécouvrables. On les voit souvent -cerner des bêtes sylvestres ou les -attendre derrière un buisson; ils ne -manquent jamais de les tuer et de les -consumer ensuite. On peut poser -comme règle qu’ils tuent <span class='it'>tous les animaux -indistinctement</span>, s’ils peuvent les -atteindre, et cela sans motif apparent, -car ils ne les consomment point, mais -les réduisent simplement en cendres.</p> - -<p class='pindent'>Leur manière de consumer n’exige -pas de bûcher: le point incandescent -qu’ils ont à leur base suffit à cette -opération. Ils se réunissent à dix ou à -vingt, en cercle, autour des gros animaux -tués, et font converger leurs -rayons sur la carcasse. Pour les petits -animaux,—les oiseaux, par exemple,—les -rayons d’un seul Xipéhuz suffisent -à l’incinération. Il faut remarquer -que la chaleur qu’ils peuvent produire -n’est point instantanément violente. J’ai -souvent reçu sur la main le rayonnement -d’un Xipéhuz et la peau ne commençait -à s’échauffer qu’après quelque -temps.</p> - -<p class='pindent'>Je ne sais s’il faut dire que les -Xipéhuz sont de différentes formes, car -tous peuvent se transformer successivement -en cônes, cylindres et strates, -et cela en un seul jour. Leur couleur -varie continuellement, ce que je crois -devoir attribuer, en général, aux -métamorphoses de la lumière depuis le -matin jusqu’au soir et depuis le soir -jusqu’au matin. Cependant quelques -variations de nuances paraissent dues -au caprice des individus et spécialement -à leurs <span class='it'>passions</span>, si je puis dire, -et constituent ainsi de véritables -expressions de physionomie, dont j’ai -été parfaitement impuissant, malgré -une étude ardente, à déterminer les -plus simples autrement que par hypothèses. -Ainsi, jamais je n’ai pu, par -exemple, distinguer une <span class='it'>nuance</span> colère -d’une <span class='it'>nuance</span> douce, ce qui aurait été -assurément la première découverte en -ce genre.</p> - -<p class='pindent'>J’ai dit leurs <span class='it'>passions</span>. Précédemment -j’ai déjà remarqué leurs préférences, -ce que je nommerais leurs <span class='it'>amitiés</span>. Ils -ont leurs <span class='it'>haines</span> aussi. Tel Xipéhuz -s’éloigne constamment de tel autre et -réciproquement. Leurs colères paraissent -violentes. J’en ai vu s’entrechoquer -avec des mouvements identiques à ceux -qu’on observe lorsqu’ils attaquent les -gros animaux ou les hommes, et ce -sont même ces combats qui m’ont -appris qu’ils n’étaient point immortels, -comme je me sentais d’abord disposé à -le croire, car deux ou trois fois j’ai vu -des Xipéhuz succomber dans ces rencontres, -c’est-à-dire <span class='it'>tomber, se condenser, -se pétrifier</span>. J’ai précieusement -conservé quelques-uns de ces bizarres -cadavres<a id='r1_2'/><a href='#f1_2' style='text-decoration:none'><sup><span style='font-size:0.9em'>[1]</span></sup></a>, et peut-être pourront-ils -plus tard servir à découvrir la nature -des Xipéhuz. Ce sont des cristaux -jaunâtres, disposés irrégulièrement, et -striés de filets bleus.</p> - -<p class='pindent'>De ce que les Xipéhuz n’étaient point -immortels, j’ai dû déduire qu’il devait -être possible de les combattre et de les -vaincre, et j’ai depuis lors commencé -la série d’expériences combattantes -dont il sera parlé plus loin.</p> - -<p class='pindent'>Comme les Xipéhuz rayonnent toujours -suffisamment pour être aperçus à -travers les fourrés et même derrière -les gros troncs,—une grande auréole -émane d’eux en tous sens et avertit de -leur approche,—j’ai pu me risquer -souvent dans la forêt même, me fiant à -la vélocité de mon étalon à la moindre -alerte. Là, j’ai tenté de découvrir s’ils -se construisaient des abris, mais j’avoue -avoir échoué en cette recherche. Ils ne -meuvent ni les pierres, ni les plantes, -et paraissent étrangers à toute espèce -d’industrie <span class='it'>tangible</span> et <span class='it'>visible</span>, seule -industrie appréciable à l’observation -humaine. Ils n’ont conséquemment -point d’armes, selon le sens par nous -attribué à ce mot. Il est certain qu’ils -ne peuvent tuer à distance: tout animal -qui a pu fuir sans subir le contact -<span class='it'>immédiat</span> d’un Xipéhuz a infailliblement -échappé, et de cela j’ai été maintes fois -témoin.</p> - -<p class='pindent'>Ainsi que l’avait déjà remarqué la -malheureuse tribu de Pjehou, ils ne -peuvent franchir certaines barrières -idéales à la poursuite de leurs victimes. -Mais ces limites se sont toujours -accrues d’année en année, de mois en -mois. J’ai dû en rechercher la cause.</p> - -<p class='pindent'>Or, cette cause ne semble être autre -qu’un phénomène de <span class='it'>croissance collective</span> -et, comme la plupart des choses -xipéhuzes, elle est hermétique à l’intelligence -de l’homme. Brièvement, voici -la loi: les limites de l’action xipéhuze -s’élargissent proportionnellement au -nombre des individus, c’est-à-dire que -dès qu’il y a procréation de nouveaux -êtres, il y a aussi extension des frontières; -mais tant que le nombre reste -invariable, tout individu est totalement -incapable de franchir l’habitat attribué—par -la force des choses(?)—à l’ensemble -de la race. Cette règle fait -entrevoir une corrélation plus intime -entre la masse et l’individu que la -corrélation similaire remarquée parmi -les hommes et les animaux. On a vu -plus tard la réciproque de cette loi, car -dès que les Xipéhuz ont commencé à -diminuer, leurs frontières se sont -proportionnellement rétrécies.</p> - -<p class='pindent'>Du phénomène de la procréation -même, j’ai peu à dire; mais ce peu est -caractéristique. D’abord, cette procréation -se produit quatre fois l’an, un -peu avant les équinoxes et les solstices, -et seulement par les nuits très pures. -Les Xipéhuz se réunissent par -groupes de trois, et ces groupes, -graduellement, finissent par n’en former -qu’un seul étroitement amalgamé -et disposé en ellipse très longue. Ils -restent ainsi toute la nuit, et le matin -jusqu’à l’ascension maximum du Soleil. -Lorsqu’ils se séparent, on voit s’élever -dans l’air des formes vagues, vaporeuses -et <span class='it'>énormes</span>. Ces formes se -condensent lentement, se rapetissent, -se transforment au bout de dix jours -en cônes ambrés, considérablement -plus grands encore que les Xipéhuz -adultes. Il faut deux mois et quelques -jours pour qu’elles atteignent leur -maximum de développement, c’est-à-dire -de rétrécissement. Au bout de ce -temps, elles deviennent semblables aux -autres êtres de leur règne, de couleurs -et de formes variables selon l’heure, le -temps et le caprice individuel. Quelques -jours après leur développement ou -rétrécissement intégral, les frontières -d’action s’élargissent. C’était, naturellement, -un peu avant ce moment -redoutable que je pressais les flancs de -mon bon Kouath, afin d’aller établir -mon campement plus loin.</p> - -<p class='pindent'>Si les Xipéhuz ont des sens, c’est ce -qu’il n’est pas possible d’affirmer. Ils -possèdent certainement des appareils -qui leur en tiennent lieu.</p> - -<p class='pindent'>La facilité avec laquelle ils perçoivent -à de grandes distances la présence -des animaux, mais surtout celle -de l’homme, annonce évidemment que -leurs organes d’investigation valent -au moins nos yeux. Je ne leur ai jamais -vu confondre un végétal et un animal, -même en des circonstances où j’aurais -très bien pu commettre cette erreur, -trompé par la lumière sub-branchiale, -la couleur de l’objet, sa position. La -circonstance de s’employer à vingt -pour consumer un gros animal, alors -qu’un seul s’occupe de la calcination -d’un oiseau, prouve une entente correcte -des proportions, et cette entente -paraît plus parfaite si l’on observe -qu’ils se mettent dix, douze, quinze, -toujours en raison de la grosseur -relative de la carcasse. Un meilleur -argument encore en faveur soit de -l’existence d’organes analogues à nos -sens, soit de leur intelligence, est la -façon dont ils agirent en attaquant nos -tribus, car ils s’attachèrent peu ou -point aux femmes et aux enfants, tandis -qu’ils pourchassaient impitoyablement -les guerriers.</p> - -<p class='pindent'>Maintenant,—question la plus -importante,—ont-ils un langage? Je -puis répondre à ceci sans la moindre -hésitation: «Oui, ils ont un langage.» -Et ce langage se compose de signes -parmi lesquels j’en ai pu même déchiffrer -quelques-uns.</p> - -<p class='pindent'>Supposons, par exemple, qu’un -Xipéhuz veuille parler à un autre. Pour -cela, il lui suffit de diriger les rayons -de son étoile vers le compagnon, ce -qui est toujours perçu instantanément. -L’appelé, s’il marche, s’arrête, attend. -Le parleur, alors, trace rapidement, -sur la surface même de son interlocuteur,—et -il n’importe de quel côté—une -série de courts caractères lumineux, -par un jeu de rayonnement -toujours émanant de la base, et ces -caractères restent un instant fixés, puis -s’effacent.</p> - -<p class='pindent'>L’interlocuteur, après une courte -pause, répond.</p> - -<p class='pindent'>Préliminairement à toute action de -combat ou d’embuscade, j’ai toujours -vu les Xipéhuz employer les caractères -suivants:</p> - -<div class='figcenter' style='width:100%'> -<img src='images/ill001.jpg' alt='' id='iid-0001' style='width:50%;height:auto;'/> -</div> - -<p class='noindent'>Lorsqu’il était question de moi,—et -il en était souvent question, car ils ont -tout fait pour nous exterminer, mon -brave Kouath et moi,—les signes</p> - -<div class='figcenter' style='width:100%'> -<img src='images/ill002.jpg' alt='' id='iid-0002' style='width:50%;height:auto;'/> -</div> - -<p class='noindent'>ont été invariablement échangés,—parmi -d’autres, comme le mot ou la -phrase</p> - -<div class='figcenter' style='width:100%'> -<img src='images/ill001.jpg' alt='' id='iid-0003' style='width:50%;height:auto;'/> -</div> - -<p class='noindent'>donné ci-dessus. Le signe d’appel ordinaire -était</p> - -<div class='figcenter' style='width:100%'> -<img src='images/ill003.jpg' alt='' id='iid-0004' style='width:50%;height:auto;'/> -</div> - -<p class='noindent'>et il faisait accourir l’individu qui le -recevait. Lorsque tous les Xipéhuz -étaient invités à une réunion générale, -je n’ai jamais failli à observer un signal -de cette forme</p> - -<div class='figcenter' style='width:100%'> -<img src='images/ill004.jpg' alt='' id='iid-0005' style='width:50%;height:auto;'/> -</div> - -<p class='noindent'>représentant la triple apparence de ces -êtres.</p> - -<p class='pindent'>Les Xipéhuz ont d’ailleurs des signes -plus compliqués, se rapportant non -plus à des actions similaires aux -nôtres, mais à un ordre de choses -complètement extra-humain, et dont je -n’ai rien pu déchiffrer. On ne peut -entretenir le moindre doute relativement -à leur faculté d’échanger des -<span class='it'>idées</span> d’un ordre abstrait, probablement -équivalentes aux idées humaines, car -ils peuvent rester longtemps immobiles -à ne faire rien autre chose que converser, -ce qui annonce de véritables -accumulations de pensées.</p> - -<p class='pindent'>Mon long séjour près d’eux avait -fini, malgré les métamorphoses (dont -les lois varient pour chacun, faiblement -sans doute, mais avec des caractéristiques -suffisantes pour un épieur opiniâtre), -par me faire connaître plusieurs -Xipéhuz d’une façon assez intime, par -me révéler des particularités sur les -différences individuelles.... dirais-je -sur les caractères? J’en ai connu de -taciturnes, qui, quasi-jamais, ne traçaient -une parole; d’expansifs qui -écrivaient de véritables discours; -d’attentifs, de jaseurs qui parlaient -ensemble, s’interrompaient les uns les -autres. Il y en avait qui aimaient à se -retirer, à vivre solitaires; d’autres -recherchaient évidemment la société; -des féroces chassaient perpétuellement -les fauves, les oiseaux, et des miséricordieux -souvent épargnaient les animaux, -au contraire, les laissaient vivre -en paix. Tout cela n’ouvre-t-il pas à -l’imagination une gigantesque carrière? -ne porte-t-il pas à imaginer des diversités -d’aptitudes, d’intelligence, de -forces analogues à celles de la race -humaine?</p> - -<p class='pindent'>Ils pratiquent l’éducation. Que de -fois j’ai observé un vieux Xipéhuz, -assis au milieu de très jeunes, leur -rayonnant des signes que ceux-ci lui -répétaient ensuite l’un après l’autre, et -qu’il leur faisait recommencer quand la -répétition en était imparfaite!</p> - -<p class='pindent'>Ces leçons étaient bien merveilleuses -à mes yeux, et de tout ce qui concerne -les Xipéhuz, il n’est rien qui m’ait si -souvent tenu attentif, rien qui ait plus -préoccupé mes soirs d’insomnie. Il me -semblait que c’était là, dans cette aube -de la race, que le voile du mystère -pouvait s’entr’ouvrir, là que quelque -idée simple, primitive, jaillirait peut-être, -éclairerait pour moi un recoin de -ces profondes ténèbres. Non, rien ne -m’a rebuté; j’ai, des années durant, -assisté à cette éducation, j’ai essayé -des interprétations innombrables. Que -de fois j’ai cru y saisir comme une -fugitive lueur de la nature essentielle -des Xipéhuz, une lueur extra-sensible, -une pure abstraction, et que, hélas! -mes pauvres facultés noyées de chair -ne sont jamais parvenues à poursuivre!</p> - -<p class='pindent'>J’ai dit plus haut que j’avais cru -longtemps les Xipéhuz immortels. -Cette croyance ayant été détruite à la -vue des morts violentes arrivées à la -suite des rencontres entre Xipéhuz, je -fus naturellement amené à chercher -leur point vulnérable et m’appliquai -chaque jour, depuis lors, à trouver des -moyens destructifs, car les Xipéhuz -croissaient en nombre tellement, -qu’après avoir débordé la forêt de -Kzour au sud, au nord, à l’ouest, ils -commençaient à empiéter les plaines -du côté du levant. Hélas! en peu de -cycles ils auraient dépossédé l’homme -de sa demeure terrestre.</p> - -<p class='pindent'>Donc, je m’armai d’abord d’une -fronde, et, dès qu’un Xipéhuz sortait -de la forêt, à portée, je le visais et lui -lançais ma pierre. Je n’obtins ainsi -aucun résultat, quoique j’eusse atteint -l’ensemble des individus visés à toutes -les parties de leur surface, même au -point lumineux. Ils paraissaient d’une -insensibilité parfaite à mes atteintes et -nul d’entre eux ne s’est jamais détourné -pour éviter un de mes projectiles. -Après un mois d’essai il fallut bien -m’avouer que la fronde ne pouvait rien -contre eux, et j’abandonnai cette arme.</p> - -<p class='pindent'>Je pris l’arc. Aux premières flèches -que je lançai, je découvris chez les -Xipéhuz un sentiment de crainte très -vive, car ils se détournèrent, se tinrent -hors de portée, m’évitèrent tant -qu’ils purent. Pendant huit jours, je -tentai vainement d’en atteindre un. Le -huitième jour, un parti Xipéhuz, emporté -je pense par son ardeur chasseresse, -passa assez près de moi en -poursuivant une belle gazelle. Je lançai -précipitamment quelques flèches, <span class='it'>sans -aucun effet apparent</span>, et le parti se dispersa, -moi les pourchassant et dépensant -mes munitions. Je n’eus pas sitôt -tiré la dernière flèche que tous revinrent -à grande vitesse de différents -côtés, me cernèrent aux trois quarts, -et j’aurais perdu là l’existence sans la -prodigieuse vélocité du vaillant Kouath.</p> - -<p class='pindent'>Cette aventure me laissa plein d’incertitudes -et d’espérances; je passai -toute la semaine inerte, perdu dans le -vague et la profondeur de mes méditations, -dans un problème excessivement -passionnant, subtil, propre à faire fuir -le sommeil, et qui, tout à la fois, -m’emplissait de souffrance et de plaisir. -Pourquoi les Xipéhuz craignaient-ils -mes flèches? Pourquoi, d’autre part, -dans le grand nombre de projectiles -dont j’avais atteint ceux de la chasse, -aucun n’avait-il produit d’effet? Ce que -je savais de l’intelligence de mes ennemis -ne permettait pas l’hypothèse -d’une terreur sans cause. Tout, au -contraire, me forçait à supposer que la -<span class='it'>flèche</span>, lancée dans des conditions particulières, -devait être contre eux une -arme redoutable. Mars quelles étaient -ces conditions? Quel était le point -vulnérable des Xipéhuz? Et brusquement -la pensée me vint que c’était -l’<span class='it'>étoile</span> qu’il fallait atteindre. Une -minute j’en eus la certitude, une certitude -passionnée, aveugle. Puis le -doute froid vint. De la fronde, plusieurs -fois, n’avais-je pas visé, touché ce -but? Pourquoi la flèche serait-elle plus -heureuse que la pierre?...</p> - -<p class='pindent'>Or, c’était nuit, l’incommensurable -abîme, ses lampes merveilleuses épandues -par-dessus la terre. Et moi, la -tête dans les mains, je rêvais, le cœur -plus ténébreux que la nuit.</p> - -<p class='pindent'>Un lion se mit à rugir, des chacals -passèrent dans la plaine, et de nouveau -la petite lumière d’espérance m’éclaira. -Je venais de penser que le caillou de -la fronde était relativement gros et -l’étoile des Xipéhuz si minuscule! -Peut-être, pour agir, fallait-il aller -profond, percer d’une pointe aiguë, et -alors leur terreur devant la flèche -s’expliquait!</p> - -<p class='pindent'>Cependant Wéga tournait lentement -sur le pôle, l’aube était proche, et la -lassitude, pour quelques heures, endormit -dans mon crâne le monde de -l’esprit.</p> - -<p class='pindent'>Les jours suivants, armé de l’arc, je -fus constamment à la poursuite des -Xipéhuz, aussi loin dans leur enceinte -que la sagesse le permettait. Mais tous -évitèrent mon attaque, se tenant au -loin, hors de portée. Il ne fallait pas -songer à se mettre en embuscade, leur -mode de perception leur permettant de -constater ma présence à travers les -obstacles.</p> - -<p class='pindent'>Vers la fin du cinquième jour, il se -produisit un événement qui, à lui seul, -prouverait que les Xipéhuz sont des -êtres faillibles à la fois et perfectibles -comme l’homme. Ce soir-là, au crépuscule, -un Xipéhuz s’approcha délibérément -de moi, avec cette, vitesse constamment -accélérée qu’ils affectionnent -pour l’attaque. Surpris, le cœur palpitant, -je bandai mon arc. Lui, s’avançait -toujours, pareil à une colonne de turquoise -dans le soir naissant, arrivait -presque à portée. Puis, comme je -m’apprêtais à lancer ma flèche, je le vis, -avec stupéfaction, se retourner, cacher -son étoile, sans cesser de progresser -vers moi. Je n’eus que le temps de -mettre Kouath au galop, de me dérober -à l’atteinte de ce redoutable adversaire.</p> - -<p class='pindent'>Or, cette simple manœuvre, à laquelle -aucun Xipéhuz n’avait paru songer auparavant, -outre qu’elle démontrait, une fois -de plus, l’invention personnelle, l’individualité -chez l’ennemi, suggérait -deux idées: la première, c’est que -j’avais chance d’avoir raisonné juste -relativement à la vulnérabilité de -l’étoile xipéhuze; la seconde, moins -encourageante, c’est que la même tactique, -si elle était adoptée par tous, -allait rendre ma tâche extraordinairement -ardue, peut-être impossible.</p> - -<p class='pindent'>Cependant, après avoir tant fait que -d’arriver à connaître la vérité, je sentis -grandir mon courage devant l’obstacle -et j’osai espérer de mon esprit la subtilité -nécessaire pour le renverser<a id='r2_2'/><a href='#f2_2' style='text-decoration:none'><sup><span style='font-size:0.9em'>[2]</span></sup></a>.</p> - -<hr class='footnotemark'/> - -<div class='footnote'> -<table summary='footnote_1_2'> -<colgroup> -<col span='1' class='footnoteid'/> -<col span='1'/> -</colgroup> -<tr><td style='vertical-align:top;'> -<div class='footnote-id' id='f1_2'><a href='#r1_2'>[1]</a></div> -</td><td> - -<p class='pindent'>Le Kensington Muséum, à Londres, et -M. Dessault lui-même possèdent quelques -débris minéraux, en tout semblables à ceux -décrits pur Bakhoûn, que l’analyse chimique -a été <span class='it'>impuissante</span> à <span class='it'>décomposer</span> et à <span class='it'>combiner</span> -avec d’autres substances, et qui ne peuvent, -en conséquence, entrer dans aucune nomenclature -des corps connus.</p> - -</td></tr> -</table> -</div> - -<div class='footnote'> -<table summary='footnote_2_2'> -<colgroup> -<col span='1' class='footnoteid'/> -<col span='1'/> -</colgroup> -<tr><td style='vertical-align:top;'> -<div class='footnote-id' id='f2_2'><a href='#r2_2'>[2]</a></div> -</td><td> - -<p class='pindent'>Aux chapitres suivants, où le mode est -généralement narratif, je serre de près la -traduction littérale de M. Dessault, sans -pourtant m’astreindre à la fatigante division -en versets ni aux répétitions inutiles.</p> - -</td></tr> -</table> -</div> - -<div><h1 id='chap06'>VI</h1></div> - -<h3>SECONDE PÉRIODE DU LIVRE DE<br/> BAKHOUN</h3> - -<p class='pindent'>Je retournai dans ma solitude. Anakhre, -troisième fils de ma femme Tepaï, -était un puissant constructeur -d’armes. Je lui ordonnai de tailler un -arc de portée extraordinaire. Il prit une -branche de l’arbre Waham, dure comme -le fer, et l’arc qu’il en tira était quatre -fois plus puissant que celui du pasteur -Zankann, le plus fort archer des mille -tribus. Nul homme vivant n’aurait pu le -tendre. Mais j’avais imaginé un artifice -et Anakhre, avant travaillé selon ma -pensée, il se trouva que l’arc immense -pouvait être tendu et détendu par une -femme débile.</p> - -<p class='pindent'>Or, j’avais toujours été expert à lancer -le dard et la flèche, et en quelques -jours j’appris à connaître si parfaitement -l’arme construite par mon fils -Anakhre que je ne manquais aucun but, -fût-il menu comme la mouche ou vif -comme le faucon.</p> - -<p class='pindent'>Tout cela fait, je retournai vers Kzour, -monté sur Kouath aux yeux de flamme, -et je recommençai à roder autour du -domaine des ennemis de l’homme. Pour -leur inspirer confiance, je tirai beaucoup -de flèches avec mon arc habituel, -à chaque fois qu’un de leurs partis approchait -de la frontière, et mes flèches -tombaient beaucoup en deçà d’eux. Ils -apprirent ainsi à connaître la portée -exacte de l’arme, et par là à se croire -absolument hors de péril à des distances -fixes. Pourtant, une défiance leur restait, -qui les rendait mobiles, capricieux, -tant qu’ils n’étaient pas sous le couvert -de la forêt, et leur faisait dérober leurs -étoiles à ma vue.</p> - -<p class='pindent'>A force de patience, je lassai leur inquiétude, -et, au sixième matin, une -troupe vint se poster en face de moi, -sous un grand arbre à châtaignes, à -trois portées d’arc communes. Ils n’y -furent pas sitôt que j’envoyai une nuée -de flèches inutiles. Alors, leur vigilance -s’endormit de plus en plus et leurs -allures devinrent aussi libres qu’aux -premiers temps de mon séjour.</p> - -<p class='pindent'>C’était l’heure décisive. Ma poitrine -grondait si fort que, d’abord, je me -sentis sans puissance. J’attendis, car -d’une seule flèche dépendait le formidable -avenir. Si celle-là faillait d’aller -au but marqué, plus jamais peut-être -les Xipéhuz ne se prêteraient à mon -expérimentation, et alors comment savoir -s’ils sont accessibles aux coups de -l’homme?</p> - -<p class='pindent'>Cependant, minute à minute, l’être -de volonté triompha, fit taire la poitrine, -fit souples et forts les membres -et tranquille la prunelle. Alors, lent, je -levai l’arc d’Anakhre. Là-bas, au loin, -un grand cône d’émeraude se tenait -immobile dans l’ombre de l’arbre; -son étoile éclatante se tournait vers -moi. L’arc énorme se tendit; dans -l’espace, sifflante, partit la flèche véloce ... -et le Xipéhuz, atteint, <span class='it'>tomba, se -condensa, se pétrifia</span>.</p> - -<p class='pindent'>Le cri sonore du triomphe jaillit de -ma poitrine. Étendant les bras, dans -l’extase, je remerciai l’Unique.</p> - -<p class='pindent'>Ainsi donc ils étaient vulnérables à -l’arme humaine, ces épouvantables -Xipéhuz! Ainsi donc on pouvait espérer -les détruire!</p> - -<p class='pindent'>Maintenant, sans crainte, je la laissai -gronder, ma poitrine, je la laissai battre, -la musique d’allégresse, moi qui avais -tant désespéré du futur de ma race, moi -qui, sous la course des constellations, -sous le bleu cristal de l’abîme, avais -sombrement calculé qu’en deux siècles -le vaste monde aurait senti craquer -toutes ses limites devant l’invasion -xipéhuze. Et pourtant, quand elle -revint, la superbe, l’aimée, la pensive, -la Nuit, il tomba une ombre sur ma béatitude, -le chagrin que l’homme et le -Xipéhuz ne pussent pas coexister, que -la vie de l’un dût être la farouche condition -de l’anéantissement de l’autre.</p> - -<hr class='pbk'/> - -<div class='lgc' style='margin-top:3em;margin-bottom:3em;'> <!-- rend=';sb:3;sa:3;' --> -<p class='line0'><span class='it'>LIVRE DEUXIÈME</span></p> -</div> <!-- end rend --> - -<hr class='pbk'/> - -<div><h1 id='chap07'>VII</h1></div> - -<h3>TROISIÈME PÉRIODE DU LIVRE DE<br/> BAKHOUN</h3> - -<h3>I</h3> - -<p class='pindent'>Les prêtres, les vieillards et les chefs -ont, dans l’émerveillement, écouté mon -récit; jusqu’au fond des solitudes les -coureurs sont allés répéter la bonne -nouvelle. Le grand Conseil a ordonné -aux guerriers de se réunir à la sixième -lune de l’an vingt-deux mille six cent et -quarante-neuf, dans la plaine de Mehour-Asar, -et les prophètes ont prêché la -guerre sacrée. Plus de cent mille -guerriers Zahelals sont accourus; un -grand nombre de combattants des races -étrangères, Dzoums, Sahrs, Khaldes, -attirés par la renommée, sont venus -s’offrir à la grande nation.</p> - -<p class='pindent'>Kzour a été cerné d’un décuple rang -d’archers, mais les flèches ont toutes -échoué devant la tactique xipéhuze, et -des guerriers imprudents, en grand -nombre, ont péri.</p> - -<p class='pindent'>Alors, pendant plusieurs semaines, -une grande terreur a prévalu parmi les -hommes ...</p> - -<p class='pindent'>Le troisième jour de la huitième Lune, -armé d’un couteau à pointe fine, j’ai -annoncé aux peuples innombrables que -j’allais seul combattre les Xipéhuz dans -l’espérance de détruire la défiance qui -commençait à naître contre la vérité de -mon récit.</p> - -<p class='pindent'>Mes fils Loûm, Demja, Anakhre, se -sont violemment opposés à mon projet -et ont voulu prendre ma place. Et Louma -dit: «Tu ne peux pas y aller, car, toi -mort, tous croiraient les Xipéhuz invulnérables, -et la race humaine périrait.»</p> - -<p class='pindent'>Demja, Anakhre et beaucoup de -chefs ayant prononcé les mêmes paroles, -j’ai trouvé ces raisons justes et -je me suis retiré.</p> - -<p class='pindent'>Alors, Loûm, s’étant emparé de mon -couteau à manche de corne, a passé la -frontière mortelle et les Xipéhuz sont -accourus. L’un d’eux, beaucoup plus -rapide que les autres, allait l’atteindre, -mais Loûm, plus subtil que le léopard, -s’écarta, tourna le Xipéhuz, puis d’un -bond géant, le rejoignit, darda la pointe -aiguë.</p> - -<p class='pindent'>Les peuples immobiles virent <span class='it'>crouler, -se condenser, se pétrifier</span> l’adversaire. -Cent mille voix montèrent dans -le matin bleu, et déjà Loûm revenait, -franchissait la frontière. Son nom -glorieux circulait à travers les armées.</p> - -<h3>II</h3> - -<h3>PREMIÈRE BATAILLE</h3> - -<p class='pindent'>L’an du monde 22649, le septième -jour de la huitième lune.</p> - -<p class='pindent'>A l’aube, les cors ont sonné; les -lourds marteaux ont frappé les cloches -d’airain pour la grande bataille. Cent -buffles noirs, deux cents étalons ont -été immolés par les prêtres, et mes cinquante -fils ont avec moi prié l’Unique.</p> - -<p class='pindent'>La planète du soleil s’est engloutie -dans l’aurore rouge, les chefs ont galopé -au front des armées, la clameur -de l’attaque s’est élargie avec la course -impétueuse de cent mille combattants.</p> - -<p class='pindent'>La tribu de Nazzum a, la première, -abordé l’ennemi et le combat a été formidable. -Impuissants d’abord, fauchés -par les coups mystérieux, bientôt les -guerriers ont connu l’art de frapper les -Xipéhuz et de les anéantir. Alors, toutes -les nations, Zahelals, Dzoums, Sahrs, -Khaldes, Xisoastres, Pjarvanns, grondantes -connue les océans, ont envahi -la plaine et la forêt, partout cerné les -silencieux adversaires.</p> - -<p class='pindent'>Pendant longtemps toute la bataille -a été un chaos; les messagers continuellement -venaient apprendre aux -prêtres que les hommes périssaient par -centaines, mais que leur mort était -vengée.</p> - -<p class='pindent'>A l’heure brûlante, mon fils Sourdar -aux pieds agiles, dépêché par Loûm, -est venu me dire que, pour chaque -Xipéhuz anéanti, il périssait douze des -nôtres. J’ai eu l’âme noire et le cœur -sans force, puis mes lèvres ont murmuré:</p> - -<p class='pindent'>—Qu’il en soit comme le veut le -seul Père!</p> - -<p class='pindent'>Et m’étant rappelé le dénombrement -des guerriers, qui donnait le chiffre de -cent et quarante mille; sachant que -les Xipéhuz s’élevaient à quatre mille -environ, je pensai que plus du tiers de -la vaste armée périrait, mais que la -terre serait à l’homme. Or, il aurait pu -se faire que l’armée n’y suffît pas:</p> - -<p class='pindent'>—C’est donc une victoire! murmurai-je -tristement.</p> - -<p class='pindent'>Mais comme je songeais à ces choses, -voilà que la clameur de la bataille fit -trembler plus fort la forêt, puis de tous -les côtés les guerriers reparurent et -tous, avec des cris de détresse, s’enfuyaient -vers la frontière de Salut.</p> - -<p class='pindent'>Alors je vis les Xipéhuz déboucher -à l’Orée, non plus séparés les uns des -autres, comme au matin, mais unis par -vingtaines, circulairement, leurs feux -tournés à l’intérieur des groupes. -Dans cette position, invulnérables, ils -avançaient sur nos guerriers impuissants, -et les massacraient épouvantablement.</p> - -<p class='pindent'>C’était la débâcle, et terrible. Les -plus hardis combattants ne songeaient -qu’à la fuite. Pourtant, malgré le deuil -qui s’élargissait sur mon âme, j’observai -patiemment les péripéties fatales, -dans l’espoir de trouver quelque -remède au fond même de l’infortune, -car souvent le venin et l’antidote habitent -côte à côte.</p> - -<p class='pindent'>De cette confiance dans la réflexion, -le destin me récompensa par deux -découvertes. Je remarquai, premièrement, -aux places où nos tribus étaient -en grandes multitudes et les Xipéhuz -en petit nombre, que la tuerie, d’abord -incalculable, se <span class='it'>ralentissait</span> à mesure, -que les coups de l’ennemi portaient de -<span class='it'>moins en moins</span>, beaucoup de frappés -se relevant après un bref étourdissement, -et les plus robustes finissant -même par résister complètement au -choc, par continuer la fuite après des -atteintes répétées. Le même phénomène -se renouvelant en divers points -du champ de bataille, j’osai hardiment -conclure que les Xipéhuz se fatiguaient, -que leur puissance de destruction ne -dépassait pas une certaine limite.</p> - -<p class='pindent'>La seconde remarque, qui complétait -merveilleusement la première, me -fut fournie par un groupe de Khaldes. -Ces pauvres gens, entourés de tous -côtés par l’ennemi, perdant confiance -dans leurs courts couteaux, arrachèrent -des arbustes et s’en firent des massues -à l’aide desquelles ils essayèrent de se -frayer un passage. A ma grande surprise, -leur tentative réussit. Je vis des -Xipéhuz par douzaines perdre l’équilibre -sous les coups, et environ la moitié -des Khaldes s’échapper par la trouée -ainsi faite, mais, chose singulière, ceux -qui, au lieu d’arbustes, se servirent -d’instruments d’airain (ainsi qu’il advint -à quelques chefs), ceux-là se tuèrent -eux-mêmes en frappant l’ennemi. Il -faut encore remarquer que les coups -de massue ne firent pas de mal sensible -aux Xipéhuz, car ceux qui étaient -tombés se relevèrent promptement et -reprirent la poursuite. Je n’en considérai -pas moins ma double découverte -comme d’une extrême importance pour -les luttes futures.</p> - -<p class='pindent'>Cependant, la débâcle continuait. La -terre retentissait de la fuite des vaincus; -avant le soir, il ne restait plus dans -les limites xipéhuzes que nos morts et -quelques centaines de combattants -montés aux arbres. De ces derniers, le -sort fut terrible, car les Xipéhuz les -brûlèrent vivants en convergeant mille -feux dans les branchages qui les abritaient. -Leurs cris effroyables retentirent -pendant des heures sous le grand -firmament.</p> - -<h3>III</h3> - -<h3>BAKHOUN ÉLU</h3> - -<p class='pindent'>Le lendemain, les peuples firent le -dénombrement des survivants. Il se -trouva que la bataille coûtait neuf -mille hommes environ; une évaluation -sage porta la perte des Xipéhuz à six -cents. De sorte que la mort de chaque -ennemi avait coûté quinze existences -humaines.</p> - -<p class='pindent'>Le désespoir se mit dans les cœurs; -beaucoup criaient contre les chefs -et parlaient d’abandonner l’épouvantable -entreprise. Alors, parmi les -murmures, je m’avançai au milieu du -camp et je me mis à reprocher hautement -à tous la pusillanimité de leurs -âmes. Je leur demandai s’il était préférable -de laisser périr tous les hommes -ou d’en sacrifier une partie; je leur -démontrai qu’en dix ans toute la contrée -zahelale serait envahie par les Formes, -et en vingt ans le pays des Khaldes, -des Sahrs, des Pjarvanns et des -Xisoastres; puis, ayant ainsi éveillé -leur conscience, je leur fis reconnaître -que déjà un sixième du redoutable territoire -était revenu aux hommes, que -par trois côtés l’ennemi était refoulé -dans la forêt. Enfin je leur communiquai -mes observations, je leur fis comprendre -que les Xipéhuz n’étaient pas -infatigables, que des massues de bois -pouvaient les renverser et les forcer -de découvrir leur point vulnérable.</p> - -<p class='pindent'>Un grand silence régnait sur la -plaine, l’espoir revenait au cœur des -guerriers innombrables qui m’écoutaient. -Alors, pour augmenter la confiance, -je décrivis des appareils de bois -que j’avais imaginés, propres à la fois -à l’attaque et à la défense. L’enthousiasme -renaquit, les peuples applaudirent -ma parole et les chefs mirent -leur commandement à mes pieds.</p> - -<h3>IV</h3> - -<h3>MÉTAMORPHOSES DE L’ARMEMENT</h3> - -<p class='pindent'>Les jours suivants, je fis abattre un -grand nombre d’arbres, et je donnai le -modèle de légères barrières portatives -dont voici la description sommaire: -un châssis long de six, large de deux -coudées, relié par des barreaux à un -châssis intérieur d’une largeur d’une -coudée sur une longueur de cinq. Six -hommes (deux porteurs, deux guerriers -armés de grosses lances de bois -obtuses, deux autres également armés -de lances de bois, mais à très fines -pointes métalliques, et pourvus, en -outre, d’arcs et de flèches) pouvaient y -tenir à l’aise, circuler en forêt, abrités -contre le choc immédiat des Xipéhuz. -Arrivés à portée de l’ennemi, les -guerriers pourvus de lances obtuses -devaient frapper, renverser, forcer -l’ennemi à se découvrir, et les archers-lanciers -devaient viser les étoiles, soit -de la lance, soit de l’arc, suivant l’éventualité. -Comme la stature moyenne des -Xipéhuz atteignait un peu au-delà d’une -coudée et demie, je disposai les barrières -de façon que le châssis extérieur ne dépassât -pas, pendant la marche, une -hauteur au-dessus du sol de plus d’une -coudée et un quart, et pour cela il -suffisait d’incliner un peu les supports -qui le reliaient au châssis intérieur -porté à main d’homme. Comme d’ailleurs -les Xipéhuz ne savent pas franchir -les obstacles abrupts, ni progresser -autrement que debout, la -barrière ainsi conçue était suffisante -pour abriter contre leurs attaques immédiates. -Assurément, ils feraient -effort pour brûler ces armes nouvelles, -et en plus d’un cas ils devaient y parvenir, -mais comme leurs feux ne sont -guère efficaces hors de portée de flèche, -ils étaient forcés de se découvrir pour -entreprendre cette calcination, qui, -n’étant pas instantanée, permettait aussi, -par des manœuvres de déplacement rapides, -de s’y soustraire en grande partie.</p> - -<h3>V</h3> - -<h3>LA DEUXIÈME BATAILLE</h3> - -<p class='pindent'>L’an du monde 22649, le onzième -jour de la huitième lune. Ce jour a été -livrée la seconde bataille contre les -Xipéhuz, et les chefs m’ont remis le -commandement suprême. Alors, j’ai -divisé les peuples en trois armées. -Un peu avant l’aurore, j’ai lancé quarante -mille guerriers contre Kzour, -armés selon le système des barrières. -Cette attaque a été moins confuse que -celle du septième jour. Les tribus sont -entrées lentement dans la forêt, par -petites troupes disposées en bon ordre, -et la rencontre a commencé. Elle a été -tout à l’avantage des hommes pendant -la première heure, les Xipéhuz ayant -été complètement déroutés par la tactique -nouvelle; plus de cent des Formes -ont péri, à peine vengées par -la mort d’une dizaine de guerriers. -Mais, la surprise passée, les Xipéhuz -ont commencé de vouloir brûler les -barrières. Ils ont pu, en quelques circonstances, -y réussir. Une manœuvre -plus dangereuse fut celle adoptée par -eux vers la quatrième heure du jour: -profitant de leur vélocité, des groupes -de Xipéhuz, serrés les uns contre les -autres, arrivaient sur les barrières, -réussissaient à les renverser. Il périt -de celle façon un très grand nombre -d’hommes, si bien que, l’ennemi reprenant -l’avantage, une partie de notre -armée se désespéra.</p> - -<p class='pindent'>Vers la cinquième heure, les tribus -Zahelales de Khemar, de Djoh et une -partie des Xisoastres et des Sahrs -commencèrent la déroute. Voulant -éviter une catastrophe, je dépêchai -des courriers protégés par de fortes -barrières pour annoncer du renfort. -En même temps, je disposai la seconde -armée pour l’attaque; mais, auparavant, -je donnai des instructions nouvelles: -c’est que les barrières devaient se -maintenir par groupes aussi denses -que le permettait la circulation en -forêt, et se disposer en carrés compactes -des qu’approchait une troupe un -peu imposante de Xipéhuz, sans pour -cela abandonner l’offensive.</p> - -<p class='pindent'>Cela dit, je donnai le signal; en -peu de temps, j’eus le bonheur de voir -que la victoire revenait aux peuples -coalisés. Enfin, vers le milieu du jour, -un dénombrement approximatif, portant -le nombre des pertes de notre -armée à deux mille hommes et celles -des Xipéhuz à trois cents, fit voir -d’une façon décisive les progrès -accomplis, et remplit toutes les âmes -de confiance pour le triomphe définitif.</p> - -<p class='pindent'>Toutefois, la proportion varia légèrement -à notre désavantage vers la quatorzième -heure, les Peuples perdant -alors quatre mille individus et les -Xipéhuz cinq cents. C’est alors que -je lançai le troisième corps: la bataille -atteignit sa plus grande intensité, -l’enthousiasme des guerriers -grandissant de minute en minute, -jusqu’à l’heure où le soleil fut prêt à -tomber dans l’Occident. Vers ce -moment, les Xipéhuz reprirent l’offensive -au nord de Kzour; un recul des -Dzoums et des Pjarvanns me fit concevoir -de l’inquiétude. Jugeant, en -outre, que la nuit serait plus favorable -à l’ennemi qu’aux nôtres, je fis sonner -la fin de la bataille. Le retour des -troupes se fit avec calme, victorieusement; -une grande partie de la nuit -se passa à célébrer nos succès. Ils -étaient considérables: huit cents -Xipéhuz avaient succombé, leur sphère -d’action était réduite aux deux tiers de -Kzour. Il est vrai que nous avions laissé -sept mille des nôtres dans la forêt; mais -ces pertes étaient bien inférieures, -proportionnellement au résultat, à -celles de la première bataille. Aussi, -rempli d’espoir, osai-je alors concevoir -le plan d’une attaque plus décisive -contre les deux mille six cents Xipéhuz -encore existants.</p> - -<h3>VI</h3> - -<h3>L’EXTERMINATION</h3> - -<p class='pindent'>L’an du monde 22649, le quinzième -jour de la huitième lune.</p> - -<p class='pindent'>Quand l’astre rouge s’est posé sur -les collines orientales, les peuples -étaient rangés en bataille devant Kzour.</p> - -<p class='pindent'>L’âme grandie d’espérance, j’ai fini -de parler aux chefs, les cors ont -sonné, les lourds marteaux ont retenti -sur l’airain, et la première armée a -marché contre la forêt.</p> - -<p class='pindent'>Or, les barrières étaient plus fortes, -un peu plus grandes, et renfermaient -douze hommes au lieu de six, sauf un -tiers environ qui étaient construites -d’après l’idée ancienne.</p> - -<p class='pindent'>Ainsi, elles devenaient plus difficiles -à brûler comme à renverser.</p> - -<p class='pindent'>Les premiers moments du combat -ont été heureux; après la troisième -heure, quatre cents Xipéhuz étaient -exterminés, et deux mille des nôtres -seulement. Encouragé par ces bonnes -nouvelles, je lançai le deuxième corps. -L’acharnement de part et d’autre devint -alors épouvantable, nos combattants -s’accoutumant au triomphe, les antagonistes -déployant l’opiniâtreté d’un -noble Règne. De la quatrième à la -huitième heure, nous ne sacrifiâmes -pas moins de dix mille vies; mais les -Xipéhuz les payèrent de mille des leurs, -si bien que mille seulement restaient -dans les profondeurs de Kzour.</p> - -<p class='pindent'>De ce moment, je compris que -l’Homme aurait la possession du monde; -mes dernières inquiétudes s’apaisèrent.</p> - -<p class='pindent'>Pourtant, à la neuvième heure, il y -eut une grande ombre sur notre victoire. -A ce moment, les Xipéhuz ne se -montraient plus que par masses -énormes dans les clairières, dérobant -leurs étoiles, et il devenait presque -impossible de les renverser. Animés -par la bataille, beaucoup des nôtres se -ruaient sur ces masses. Alors, d’une -évolution rapide, un gros de Xipéhuz -se détachait, renversait, massacrait les -téméraires.</p> - -<p class='pindent'>Un millier périt ainsi, sans perte -sensible pour l’ennemi; ce que voyant, -des Pjarvanns crièrent que tout était -fini; une panique prévalut qui mit -plus de dix mille hommes en fuite, un -grand nombre ayant même l’imprudence -d’abandonner les barrières pour aller -plus rapidement. Il leur en coûta. Une -centaine de Xipéhuz, mis à leur poursuite, -abattit plus de deux mille Pjarvanns -et Zahelals, et l’épouvante -commença de se répandre sur toutes -nos lignes.</p> - -<p class='pindent'>Quand les coureurs m’apportèrent -cette funeste nouvelle, je compris que -la journée serait perdue si je ne réussissais, -par quelque rapide manœuvre, -à reprendre les positions perdues. -Immédiatement, je fis porter aux chefs -de la troisième armée l’ordre de l’attaque, -et j’annonçai que j’en prendrais -le commandement. Puis, je portai -rapidement ces réserves dans la direction -d’où venaient les fuyards. Nous -nous trouvâmes bientôt face à face avec -les Xipéhuz poursuivants. Entraînés -par l’ardeur de leur tuerie, ceux-ci ne -se reformèrent pas assez vite, et, en peu -d’instants, je les eus fait envelopper: -très peu échappèrent, l’acclamation -immense de notre victoire alla rendre -courage aux nôtres.</p> - -<p class='pindent'>Dès lors, je n’eus pas de peine à reformer -l’attaque; notre manœuvre se borna -constamment à détacher des segments -des groupes ennemis, puis à envelopper -ces segments et à les anéantir.</p> - -<p class='pindent'>Bientôt, concevant combien cette -tactique leur était défavorable, les -Xipéhuz recommencèrent contre nous -la lutte en petits corps, et le massacre -de deux Règnes, dont l’un ne pouvait -exister que par l’anéantissement de -l’autre, redoubla effroyablement. Mais -tout doute sur l’issue finale disparaissait -des âmes les plus pusillanimes. -Vers la quatorzième heure, c’est à -peine s’il restait cinq cents Xipéhuz -contre plus de cent mille hommes, -et ce petit nombre d’antagonistes -était de plus en plus enfermé dans -des frontières étroites, un sixième -environ de la forêt de Kzour, ce qui -facilitait extrêmement nos manœuvres.</p> - -<p class='pindent'>Cependant, le crépuscule ruisselait -en rouge lumière à travers les -arbres, et craignant les embûches -de l’ombre, je fis interrompre le combat.</p> - -<p class='pindent'>L’immensité de la victoire dilatait -toutes les âmes; les chefs parlèrent -de m’offrir la souveraineté des peuples. -Je leur conseillai de ne jamais confier -les destinées de tant d’hommes à une -pauvre créature faillible, mais d’adorer -l’Unique, et de prendre pour chef -terrestre la <span class='it'>Sagesse</span>.</p> - -<div><h1 id='chap08'>VIII</h1></div> - -<h3>DERNIÈRE PÉRIODE DU LIVRE DE<br/> BAKHOUN</h3> - -<p class='pindent'>La Terre appartient aux Hommes. -Deux jours de combat ont anéanti les -Xipéhuz; tout le domaine occupé par -les deux cents derniers a été rasé, -chaque arbre, chaque plante, chaque -brin d’herbe a été abattu. Et j’ai -achevé, pour la connaissance des -peuples futurs, aidé par Loûm, Azah -et Simhô, mes fils, d’inscrire leur histoire -sur des tables de granit.</p> - -<p class='pindent'>Et me voici seul, au bord de Kzour, -dans la nuit pâle. Une demi-lune de -cuivre se tient sur le Couchant. Les -lions rugissent aux étoiles. Le fleuve -erre lentement parmi les saules; sa -voix éternelle raconte le temps qui -passe, la mélancolie des choses périssables. -Et j’ai enterré mon front dans -mes mains, et une plainte est montée -de mon cœur. Car, maintenant que les -Xipéhuz ont succombé, mon âme les -regrette, et je demande à l’Unique -quelle Fatalité a voulu que la splendeur -de la Vie soit souillée par les ténèbres -du Meurtre!</p> - -<p class='line0' style='text-align:center;margin-top:3em;'>FIN DES XIPÉHUZ</p> - -<hr class='pbk'/> - -<div class='lgc' style='margin-top:3em;margin-bottom:3em;'> <!-- rend=';sb:3;sa:3;' --> -<p class='line0'>LE CATACLYSME</p> -</div> <!-- end rend --> - -<hr class='pbk'/> - -<div><h1 id='chap09'>I</h1></div> - -<h3>SYMPTOMES</h3> - -<p class='pindent'>Au plateau Tornadres, depuis quelques -semaines, la nature palpitait, équivoque, -angoisseuse, tout son délicat -organisme végétal parcouru d’électricités -intermittentes, de signes symboliques -d’un grand évènement matériel. -Les bêtes libres, aux cultures, aux châtaigneraies, -se montraient moins rapides -à fuir les périls quotidiens. Elles semblaient -vouloir se rapprocher de -l’homme, erraient auprès des cerises. -Puis, elles prirent un parti extraordinaire, -propre à épouvanter: elles émigrèrent, -elles s’enfoncèrent aux vals de -l’Iaraze.</p> - -<p class='pindent'>C’était, au début des nuits, dans les -pénombres sylvestres et buissonnières, -un drame de fauves nerveux quittant -leurs retraites, à pas furtifs, avec des -pauses, des arrêts, une mélancolie à -fuir la terre natale. La sombre et traînante -voix des loups alternait avec le -grognement sourd des sangliers, les -sanglots de la bête ruminante. Partout -se glissaient, et généralement vers le -Sud-Ouest, des silhouettes cendreuses -sur les labours, sous le ciel libre: grands -crânes boisés, lourds organismes tapiriens -à pattes brèves, et des bêtes plus -menues, carnassières ou herbivores: -lièvres, taupes, lapins, renards, écureuils.</p> - -<p class='pindent'>Les batraciens suivirent, les reptiles, -les insectes aptères, et il survint une -semaine où la pointe Sud-Ouest fut -toute noyée d’organismes inférieurs, une -vermiculaire, effroyable populace, depuis -la silhouette sauteleuse des raines -jusqu’aux limaces, aux porte-coquille, -aux élytres merveilleuses du carabe, aux -crustacés horribles qui vivent sous la -pierre, dans les ténèbres éternelles, -jusqu’au ver, à la sangsue, aux larves.</p> - -<p class='pindent'>Bientôt, ne demeura que la bête ailée. -Encore, l’oiseau, plein de malaise, -comme accroché davantage aux ramures, -craintif de planements, saluait -les crépuscules d’un chant plus bas, -souvent quittait le terroir toute une -partie du jour. Les corbeaux et les -chouettes tenaient de grandes assemblées, -les martinets se concertaient -comme pour les départs d’automne, les -pies s’agitaient et criaient tout le jour.</p> - -<p class='pindent'>L’épouvante mystérieuse s’épandait -aux esclaves: les ouailles, la vache, le -cheval, le chien même. Résignés, dans -leur confiance humble de serfs, espérant -tout salut de l’Homme, ils restaient -encore au plateau Tornadres, hors les -chats, enfuis eux, aux premiers jours, -retournant à la liberté sauvage.</p> - -<p class='pindent'>Soir par soir, une confuse tristesse, -une asphyxie d’âme grandissait chez -les habitants des Censes et chez les -propriétaires du domaine de la <span class='it'>Corne</span>, -la prescience confuse d’un cataclysme -et que pourtant la topographie du Tornadres -démentait. Eloigné des pays -volcaniques et de l’Océan, insubmersible—à -peine quelques ruisselets—de -texture compacte, où donc était la -menace? On la sentait pourtant, tout -électrique, aux dressements des ramuscules -et des brins d’herbes à telles heures -matinales, aux attitudes singulières de -la feuille, à des effluves subtils et suffocants, -à des phosphorescences inhabituelles, -à un tourment de la chair, la -nuit, qui faisait se lever les paupières, -condamnait l’être aux insomnies, à -l’allure extraordinaire de la bête de -labour, souvent roidie, les naseaux -ouverts et tremblants, <span class='it'>et qui tournait sa -tête vers le Septentrion</span>.</p> - -<div><h1 id='chap10'>II</h1></div> - -<h3>L’AVERSE ASTRALE</h3> - -<p class='pindent'>Un soir, à la <span class='it'>Corne</span>, Sévère et sa -femme achevaient de dîner, devant la -fenêtre mi-close. Un tiers de lune errait -près du Zénith, pâle et plein de grâce, -par-dessus les perspectives vastes, et -une ascension de vapeurs décorait -la frontière occidentale. Un charme -trouble, une ardeur du système nerveux -à tout coup éveillé d’une commotion -obscure, les tenait silencieux, les imbibait -d’une esthétique particulière, d’un -émerveillement profond pour les splendeurs -nocturnes. Une tremblerie harmonieuse -sourdait des arbres du jardin; -par la grille de l’avenue, au fond, se -posait une féerie de choses confuses, -les emblaves du Tornadres, des blémissements -de censes, le mystère aimable -des lumières humaines épandues et la -vague tourelle ardoiseuse de l’Église -rustique. Les maîtres de la <span class='it'>Corne</span> s’émouvaient -à cela, troublés par les -vibrations de leurs fibres, mais, les -commotions se faisant plus âpres au -long des vertèbres, la femme laissa choir -la grappe de raisin qu’elle égrenait, la -lèvre souffrante:</p> - -<p class='pindent'>—Mon Dieu! cela va-t-il s’éterniser?</p> - -<p class='pindent'>Il la contempla, avec le grand désir -de lui donner de la bravoure, mais lui-même -l’âme en stupeur et obscurcie -devant une force impondérable.</p> - -<p class='pindent'>Sévère Lestang était de ces graves -savants qui cherchent lentement le -secret des choses, travaillent sans impatience -la nature, et savent se désintéresser -de la gloire.</p> - -<p class='pindent'>Aussi était-il homme, en même -temps que savant, les prunelles douces -et courageuses, avec la volonté de <span class='it'>vivre</span> -<span class='it'>sa vie</span> en même temps que de développer -ses facultés. Luce, sa femme, était nerveuse, -celte montagnarde, d’une grâce -légère, amoureuse, enveloppante, un -peu sombre pourtant. Sous la protection -calme et attentive de son mari, elle -était comme certaines fleurs infiniment -frêles qui vivent dans des anses de -grands fleuves, entre de larges feuilles -ombreuses.</p> - -<p class='pindent'>Sévère dit:</p> - -<p class='pindent'>—Si tu veux, nous partirons demain.</p> - -<p class='pindent'>—Oui ... s’il te plaît!</p> - -<p class='pindent'>Elle vint auprès de lui, en réfugiée, -murmurant:</p> - -<p class='pindent'>—Puis, tu sais ... on dirait qu’on ne -tient plus au sol ... que, le soir surtout, -quelque chose tous prend et vous emporte ... -tiens! je n’ose plus marcher -vite, tellement les pas m’entraînent ... -et on monte les escaliers sans effort, mais -avec la peur continuelle de tomber ...</p> - -<p class='pindent'>—Tu te trompes, Luce, c’est une -illusion nerveuse ...</p> - -<p class='pindent'>Il souriait, la pressant à lui, mais, -avec terriblement de malaise, lui aussi -ayant perçu cette légèreté inanalysable ... -Tantôt encore, avant le crépuscule, -n’avait-il pas voulu marcher plus -vite pour rejoindre la «Corne», et -ses pas s’allongeaient, transformés en -bonds, le lançaient à une vitesse -effrayante. L’équilibre en était rompu, -une difficulté à garder la verticale, une -sensation d’ataxie à la plante des pieds. -Et il s’était remis à pus lents, s’accrochant -à la glèbe, solidement, recherchant -les grosses terres collantes.</p> - -<p class='pindent'>—Tu crois que c’est une illusion? -fit-elle.</p> - -<p class='pindent'>—J’en suis sûr, Luce.</p> - -<p class='pindent'>Elle le regarda, tandis qu’il lui frôlait -la frange des cheveux, et tout à coup -elle le sentit nerveux autant qu’elle, -électrisé d’angoisse profonde, n’étant -plus pour elle le refuge, mais une -pauvre créature frêle devant les puissances -énigmatiques.</p> - -<p class='pindent'>Alors elle devint plus pâle, les dents -bruissantes.</p> - -<p class='pindent'>—Le café te remettra, fit-il.</p> - -<p class='pindent'>—Peut-être.</p> - -<p class='pindent'>Mais ils sentaient le mensonge de -leurs paroles, la pauvreté de tout cordial, -de tout remède humain contre -l’Inconnaissable approchant, contre -cette vaste métamorphose des phénomènes -qui ne participait plus de la -vie terrestre, qui troublait d’avance, -depuis des semaines, la faune et la flore, -la bête et la plante.</p> - -<p class='pindent'>Ils sentaient ce mensonge, ils -n’osaient se regarder, dans la peur -instinctive de se communiquer leurs -pressentiments, de doubler leur détresse -par l’induction nerveuse.</p> - -<p class='pindent'>Et durant de longues minutes, ils -écoutèrent en eux, dans leur chair, -le retentissement sourd et confus du -Mystère.</p> - -<p class='pindent'>Une domestique apporta le café, peureuse; -ils la regardaient partir, trébuchante, -n’osant interroger cet effarement -pareil au leur:</p> - -<p class='pindent'>—As-tu vu comme Marthe marchait? -demanda Luce.</p> - -<p class='pindent'>Il ne répondit pas, surpris devant la -petite cuiller d’argent qu’il venait d’atteindre. -Elle, percevant son regard -fixe, à son tour regardait, s’exclamait:</p> - -<p class='pindent'>—Elle est verte!</p> - -<p class='pindent'>En effet, la petite cuiller était verte, -d’une lueur très pale d’émeraude, et -soudain ils remarquèrent la même teinte -sur les autres cuillers, sur tous les -ustensiles d’argent.</p> - -<p class='pindent'>—Ah! mon Dieu! cria la jeune -femme.</p> - -<p class='pindent'>Le doigt levé, elle se mit à dire -d’une voix basse, chuchotante, pénible:</p> - - - <div class='poetry-container' style=''> - <div class='lgp'> <!-- rend=';' --> -<div class='stanza-outer'> -<p class='line0'>«Lors que l’Argent verdoiera,</p> -<p class='line0'>«La Roge Aigue proche sera,</p> -<p class='line0'>«Dévorant Étoiles et lune...</p> -</div> -</div></div> <!-- end poetry block --><!-- end rend --> - -<p class='pindent'>Ces paroles, antique et vague prophétie -que les paysans du plateau de -Tornadres se transmettent d’âge en âge, -Sévère en tressaillit. A tous deux c’était -une impression de ténèbres et de fatalité, -incolore, insonore, au-delà de tout -anthropomorphisme. D’où donc venait, -aux pauvres rustres, cet oracle maintenant -si grave? Quelle science, quelles -observations des temps reculés, quels -souvenirs de cataclysme, symbolisait-il? -Et Sévère eut l’envie immense d’être -loin du Tornadres, le remords de -n’avoir pas obéi au sûr instinct de -l’animal, d’avoir osé suivre la pauvre -logique cérébrale devant l’avertissement -de la Nature.</p> - -<p class='pindent'>—Veux-tu partir ce soir? demanda-t-il -ardemment à Luce.</p> - -<p class='pindent'>—Jamais, avant le retour du matin, -je n’oserais quitter la demeure!</p> - -<p class='pindent'>Il songea qu’il pouvait être aussi -périlleux de s’aventurer dans la nuit -que de rester à la <span class='it'>Corne</span>; il se résigna, -songeur. Une grande lamentation interrompit -sa pensée, des hennissements -fiévreux, le tapage sourd d’une lutte des -chevaux contre la porte de l’écurie. Le -chien hurla, les clameurs s’épandirent -au long du plateau de Tornadres, répercutées -par d’autres bêles, des ruminants -pleins d’épouvante, des ânes sanglotants. -En même temps, au ciel, une lueur -verdâtre, et une étoile filante passa, -très grosse, à traîne resplendissante.</p> - -<p class='pindent'>—Vois! fit Luce.</p> - -<p class='pindent'>D’autres météorites sourdirent, isolés -d’abord, puis en petits groupes, tous à -longues écharpes, à noyaux puissants, -de beauté miraculeuse.</p> - -<p class='pindent'>—Nous sommes dans la nuit du -dix août, dit Sévère, et les averses -d’étoiles vont croître ... il n’y a là rien -que de normal ...</p> - -<p class='pindent'>—Et pourquoi, cependant, nos -lampes diminuent-elles?</p> - -<p class='pindent'>Les lampes, en effet, baissaient leurs -flammes, une densité électrique supérieure -enveloppait les choses, une -terreur, non de mort, mais de vie exaspérée, -de dilatation surnaturelle, tellement -que Sévère et Luce s’accrochaient -aux meubes pour <span class='it'>peser davantage</span>, pour -percevoir <span class='it'>le contact de la matière solide</span>. -Une poussée étrange les enlevait, leur -ôtait le sens de l’équilibre. Ils se sentaient -dans une atmosphère nouvelle, où -l’éther agissait avec une puissance -<span class='it'>vivante</span>, où je ne sais quoi d’organique—d’un -organique d’outre-terre—troublait -chaque goutte du sang, orientait -chaque molécule, induisait jusque -dans la profondeur des os, et roidissait -peu à peu tous les cheveux et tous les -poils.</p> - -<p class='pindent'>D’ailleurs, comme Sévère l’avait -prédit, l’averse stellaire s’accéléra, -toute la concavité du firmament emplie -de bolides. Par degrés, il s’y mêla -un phénomène inconnu, persistant, -grandissant: des voix. Des voix légères, -lointaines, musicales, une symphonie -de cordelles dans la profondeur céleste, -un chuchottis parfois presque humain, -qui faisait songer à l’harmonie des -sphères du vieux Pythagore.</p> - -<p class='pindent'>—Ce sont des âmes! murmura-t-elle.</p> - -<p class='pindent'>—Non, dit-il, non, ce sont des Forces!</p> - -<p class='pindent'>Mais, Ames ou Forces, c’était le même -Inconnu, la même menace hermétique, -la pression d’un événement prodigieux, -les plus noires des peurs humaines: -l’Informe et l’imprévisible. Et les voix -allaient toujours, au-dessus du murmure -des choses, affreusement douces, essentielles, -subtiles, ramenant Luce à l’Humilité -d’enfance, au Culte, à la Prière:</p> - -<p class='pindent'>—Notre Père qui êtes aux Cieux ...</p> - -<p class='pindent'>Il n’en osait pas sourire, les coups -du cœur multipliés à lui briser les -artères, et son esprit mâle, pourtant, -plus curieux de <span class='it'>cause</span> que celui de la -femme, essayant de pénétrer quel -magnétisme, quelles polarités extraterrestres -travaillaient ce coin du globe -et s’il n’en était pas de même dans la -vallée de l’Iaraze.</p> - -<p class='pindent'>Mais, hors du plateau, depuis le -commencement du phénomène—et -aujourd’hui encore Sévère était descendu -jusqu’à la rivière—personne -n’avait perçu des symptômes d’inconnu. -Les bêtes et les hommes y vivaient -tranquilles. La vie y gardait sa forme -normale. Et pourquoi, cependant? -quelles corrélations entre le ciel et le -plateau, quel cycle de phénomènes—car -la prophétie des paysans du Tornadres -impliquait un cycle—quel -cycle réglait ce grand Drame?</p> - -<p class='pindent'>Une péripétie survint, un assaut -triomphant des bêtes contre la vieille -porte de l’écurie. Les trois chevaux -de la <span class='it'>Corne</span> parurent, bondissants, -la bouche neigeuse d’écume, sous -les rayons pâles de la lune basse.</p> - -<p class='pindent'>—Ici, Clairon! articula Sévère.</p> - -<p class='pindent'>Un des chevaux s’approcha, les autres -suivirent. Jamais scène fantasmagorique -comme les trois longues têtes -encreuses dans l’ombre et les rayons, -devant la croisée, leurs grands yeux -convexes, reniflant Luce et Sévère, -visiblement questionneurs, avec un -retour de vague confiance dans le -Maître, une idée trouble de la puissance -de celui qui les nourrissait. Puis, -à l’on ne sait quoi, peut-être un redoublement -de météorites, tout à coup l’absolue -terreur au fond de leurs larges -prunelles, leurs narines plus caverneuses, -la panique folle de leur race, -et, s’arrachant de la fenêtre, hennissants, -ils s’élancèrent.</p> - -<p class='pindent'>—Oh! comme ils sautent! fit Luce.</p> - -<p class='pindent'>Ils allaient, en vérité, d’une allure -formidable, en bonds énormes; tout -à coup le plus impétueux, au fond du -jardin, devant la haute grille de fer, -s’enleva comme une bête ailée, franchit -l’obstacle.</p> - -<p class='pindent'>—Tu vois! tu vois! s’écria Luce ... -lui aussi ne pèse plus!</p> - -<p class='pindent'>—Ni les deux autres! répliqua-t-il -involontairement.</p> - -<p class='pindent'>En effet, les deux autres ombres, -noires, s’enlevaient, sans même frôler -les barreaux, passaient à plus de quatre -mètres de hauteur. Leurs silhouettes -agiles, emportées vertigineusement par -les campagnes, décroissaient, s’évaporaient, -disparaissaient. Au même -moment, un domestique survenait, -seul, timide, à peine osant avancer -d’une marche effarée de petit enfant.</p> - -<p class='pindent'>Sévère eut une pitié infinie du pauvre -diable, comprit que tous, à la -<span class='it'>Corne</span>, devaient se tenir claquemurés, -en proie à la même croissance de terreur -que les Maîtres.</p> - -<p class='pindent'>—Laisse, Victor! fit-il ... On les -retrouvera.</p> - -<p class='pindent'>Victor s’approcha, se tenant aux -arbres, puis à la muraille, aux volets. -Il demanda;</p> - -<p class='pindent'>—Est-ce vrai, Monsieur, que la -«roge aigue» va venir?...</p> - -<p class='pindent'>Sévère hésita, gardant la pudeur de -son intelligence et de son doute au -milieu du lugubre des événements, -mais Luce ne put se taire.</p> - -<p class='pindent'>—Oui, Victor!</p> - -<p class='pindent'>Un silence tomba, noir, les trois -êtres égaux par la sensation du surhumain; -et pourtant Sévère scrutait -encore, se questionnait sur les rapports -du phénomène et des Météorites. -Il contemplait la pluie croissante des -Étoiles, le ruissellement de suprême -beauté aux profondeurs de l’Impondérable. -Une observation nouvelle l’effarait: -que le triste fragment de Lune -au bas de l’horizon ne pouvait donner -la lumière qui persistait sur le paysage. -Et contre l’Occident, il regarda le -satellite disparaître, sa convexité prête -à crouler, tout contre l’Occident. Quelques -minutes encore, puis il disparut: -la lueur persistait sur le plateau -Tornadres, comme émanée du Zénith, -à peine de quelques degrés au septentrion -ainsi que l’indiquait son ombre. -Était-ce donc du Zénith que venait le -prodige? Il y tourna son visage, lentement. -Là, une lueur d’améthyste, une -lueur lenticulaire, s’étalait finement -comme une nue en flèche, avec un -maximum d’éclat vers le Nord. Et -Sévère songea que ces choses eussent -été douces à regarder sans l’horripilation -de sa chair, la menace sépulcrale, -le pressentiment de mort qui tombait -du Ciel sur la Terre ...</p> - -<div><h1 id='chap11'>III</h1></div> - -<h3>APPARITION DE L’AIGUE</h3> - -<p class='pindent'>—Regardez! fit Luce.</p> - -<p class='pindent'>A son tour, elle apercevait la lueur, -plus émue que Lestang, la désignait du -doigt. Victor, accroché dehors, à la -fenêtre, tremblait de fièvre, comme -ivre, et revenait à lui avec des soupirs, -par intervalles, des redoublements -d’horreur.</p> - -<p class='pindent'>La lueur, en haut, grandissait. À -mesure, le chuchottis de voix firmamentaires -s’éteignait, un silence énorme -pesait sur le plateau Tornadres. Puis, -délicate d’abord, une lumière d’en bas -parut répondre à l’autre, des franges -légères flottant sur la cime des arbres, -sur toutes les plantes. C’était d’une -navrance délicate et farouche. Aux -trois personnages si dissemblables, il -vint une impression presque identique -de lampes funéraires, de bûcher, d’incendie -immense où allait s’engloutir -Tornadres et tous ceux qui l’habitaient.</p> - -<p class='pindent'>Luce râlait, à peine consciente; il -lui vint une grande plainte:</p> - -<p class='pindent'>—Oh! j’ai soif!</p> - -<p class='pindent'>Il se tourna vers elle; la tendresse -de son cœur, son amour pour la Celte -montagnarde, lui rendit la force.</p> - -<p class='pindent'>Il lutta contre son désir de ne plus -bouger, de finir là son existence, à la -fenêtre, avec l’allège entre ses poings. -Ballottant, il alla prendre un verre -d’eau. Et il se questionnait encore, il -s’étonnait que l’atmosphère fut fraîche, -presque froide, malgré tout ce subtil -incendie du ciel et de la terre.</p> - -<p class='pindent'>Il rapporta l’eau avec une peine -infinie; le verre et sa main étaient si -légers qu’il n’avait pas la sensation de -tenir quelque chose, qu’il serrait de -toute sa force le pied de la coupe.</p> - -<p class='pindent'>Il perdit la moitié du liquide en -route.</p> - -<p class='pindent'>Luce but une gorgée, la rejeta, dans -une nausée:</p> - -<p class='pindent'>—C’est comme de la poudre de fer ... -comme de la rouille!</p> - -<p class='pindent'>Il goûta l’eau, dut la rejeter à son -tour: elle était métallique, poussiéreuse; -tous deux se regardèrent avec -désespoir, longuement. Les voiles du -souvenir se levèrent, tant d’années -charmants, l’heure où ils s’étaient pour -la première fois entrevus dans l’Espace, -l’appel de leurs libres de suite amantes, -des périodes d’adoration fine et inlassable. -(Oh! que longues, hautes, immenses, -tissées de divinité, telles -heures revivant sous le portique nébuleux -du passé!) Et leurs regards -s’étreignirent, dans une pitié infinie -l’un pour l’autre. Est-ce que vraiment -c’était l’agonie, est-ce qu’il leur faudrait -ainsi quitter la jeune vie aimable, -trépasser dans l’étouffement, la soif, -cette hideuse impression d’anti-pesanteur, -ce <span class='it'>non contact</span> de la matière, ô -mon Dieu!</p> - -<p class='pindent'>Lui, Sévère, si plein de force vitale, -il ne le voulait pas admettre malgré -tout; la curiosité subsistait en son -crâne à travers le glas, le refaisait -attentif à l’extérieur. Le drame merveilleux -et lamentable se poursuivait, -se développait, un opéra de feux subtils, -de Saint-Elmes colossaux allumés -par les lointains des paysages: aux -cîmes des grands arbres, d’abord, des -flammes fines, dardantes, et, montant -la gamme infinie du spectre, elles se -multiplièrent, tremblèrent à chaque -ramille, à chaque pointe de feuille, -puis aux végétations basses, aux buissons, -aux gramens, aux éteules.</p> - -<p class='pindent'>Toute arête de végétal eut ainsi sa -lumière, dressée droite vers le ciel.</p> - -<p class='pindent'>Par dessus ces lueurs de rêve, ce -paysage brasier, des oiseaux erraient -par bandes. Ils se décidaient à fuir -enfin. Etres super-électriques, ils -avaient résisté d’abord à ces phénomènes -sans doute moins ennemis de -leurs organismes que de ceux des -animaux terrestres. Et corbeaux aux -cris sombres, bandes infinies et éparses -de moineaux, de chardonnerets, de -fauvettes, de pinsons, hardes intelligentes -de pics, martinets, hirondelles -en ordre de voyage, rapaces solitaires -ou par couples, tous s’engouffraient -vers le Sud, avec des rumeurs excitées, -des cris, presque des paroles.</p> - -<p class='pindent'>De nouveau Sévère se préoccupa -de ce que ces flammes innombrables, -tout à la fois ne se confondaient pas et -ne donnaient pas de chaleur sensible, -et aussi, de les voir si droites, s’allongeant -en lamelles fines, bâtissant des -tourelles, des monuments gothiques à -milliards de flèches éblouissantes. Un -cri rauque l’interrompit, venu de Luce:</p> - -<p class='pindent'>—Lie-moi ... lie-moi ... on m’emporte!</p> - -<p class='pindent'>Il vit sa compagne en délire, livide, -cramponnée, sa poitrine soulevée dans -un pitoyable effort de respirer. Son -propre cœur défaillit, il lui vint une -désespérance absolue, infinie, tandis -que d’un geste machinal il étreignait -encore Luce. Grelottante, elle regardait -briller le plateau, avec des paroles -confuses:</p> - -<p class='pindent'>—C’est l’autre monde, Sévère ... -c’est le monde immatériel ... la Terre -va mourir ...</p> - -<p class='pindent'>—Non, non, chuchottait-il et -sachant pourtant la vanité des -mots ... c’est une Force ... un magnétisme ... -une transformation de mouvement ...</p> - -<p class='pindent'>Une parole basse s’éveilla, celle -de Victor, hypnotisé là et s’éveillant:</p> - -<p class='pindent'>—La Roge Aigue!</p> - -<p class='pindent'>Sévère se pencha, et à moins de -vingt degrés sur le Nord il vit un -grand rectangle couleur de rouille, à -bordure irrégulière, comme troué -d’abîmes de soufre.</p> - -<p class='pindent'>A mesure, il s’éclaircissait, transparent -comme une onde, véritable lac -étendu sur le nord, où couraient des -rides semblables à des vagues, d’un -rouge plus pâle.</p> - -<p class='pindent'>Et autour du lac rouge, et par tout le -ciel, il montait une ténèbre verte, une -ténèbre d’émeraude claire d’abord, et -qui allait bleuissant, noircissant, devenant -une profonde ombre de jade sur -l’extrémité méridionale.</p> - -<p class='pindent'>Les étoiles étaient parties. Rien ne -demeurait que ce ciel d’eau rouge, -d’eau verte, de gemme verte et de -ténèbre de jade!</p> - -<p class='pindent'>Qu’était-ce? D’où cela venait-il? Et -pourquoi celle énorme influence sur le -Tornadres, quel pouvoir d’induction -spéciale, quelles affinités rôdaient au -firmament? Questions qui étreignaient -le cerveau de Sévère, mais ne le gardaient -point de la même stupeur qui -soulevait Luce et Victor devant la prédiction -paysanne accomplie. Il ne -doutait plus que la mort arrivât rapide, -que le cœur qui lui galopait si terriblement -dans la poitrine n’allât éclater -et s’éteindre à tout jamais ... Cependant, -sa face mourante levée vers le -ciel, avec une solennité poignante, -Luce se mit à dire:</p> - - - <div class='poetry-container' style=''> - <div class='lgp'> <!-- rend=';' --> -<div class='stanza-outer'> -<p class='line0'>«Lors que l’Argent verdoiera,</p> -<p class='line0'>«La Roge Aigue proche sera,</p> -<p class='line0'>«Dévorant Étoiles et Lune...</p> -</div> -</div></div> <!-- end poetry block --><!-- end rend --> - -<p class='pindent'>Et poussant un lourd soupir, résignée, -elle s’écroula contre l’allège de -la fenêtre, roide et les paupières closes.</p> - -<div><h1 id='chap12'>IV</h1></div> - -<h3>VERS L’IARAZE</h3> - -<p class='pindent'>Immobile d’abord, sans force, Sévère -attira vers lui sa femme. Était-elle -morte, avait-elle disparu à jamais? Un -rire noir, le rire des destins sans issue, -vint à ses lèvres, et le mot «Jamais» -circulait en son cerveau d’une manière -ironique, ce «Jamais» que, pour sa -propre existence il n’osait estimer au-delà -de l’heure prochaine. Puis, son -étreinte à Luce s’exaspéra, maladive. -Il enleva la pauvre femme contre sa -poitrine ... Alors, subit, bizarre, délicieux, -un soulagement courut par toute -sa fibre: <span class='it'>la fermeté contre le sol, la -pesanteur revenue!</span></p> - -<p class='pindent'>Quoi! le hasard avait dû le lui dire, -il n’était pas arrive théoriquement à -l’idée de joindre un poids au sien pour -retrouver la sécurité matérielle!...</p> - -<p class='pindent'>Ranimé, solidifié, malgré l’oppression -de sa poitrine, voilà que survint -un flot de courage et d’espérance, -qu’augmentait encore la suite de l’événement, -son aisance singulière à tenir -Luce entre ses bras, comme un petit -enfant. Puis, un sursaut au cœur, le -retour de la mémoire vers la catastrophe -oubliée dans le choc de l’émotion -heureuse: Luce était-elle morte? -Il ausculta, il écouta, l’oreille à la poitrine -de la jeune femme: le bruit importun -de ses propres artères l’empêchait -d’entendre. Elle n’était pas raide, -cependant, mais si pâle, les paupières -ouvertes sur l’œil immobile.</p> - -<p class='pindent'>—Luce! ma chère Luce!</p> - -<p class='pindent'>Un soupir, un mouvement débile de -la tête. Il discernait une haleine toute -légère, la vie! Sa volonté s’en fortifia, -la résolution de tout effort pour la sauver.</p> - -<p class='pindent'>Il y rêva quelques minutes, puis -haussa les épaules! A quoi bon le -calcul? Il fallait agir comme les -brutes, comme le dernier des êtres organisés, -fuir droit devant soi, jusqu’au -bord de l’Iaraze. Et sans plus hésiter, -allant au plus court, il monta sur la fenêtre, -franchit l’allège, criant, à Victor:</p> - -<p class='pindent'>—Prends un objet lourd. Lâche le -chien et va avertir les camarades. Vois -comme je porte mon fardeau. Que tout -le monde se sauve. On aura le temps! -As-tu compris?</p> - -<p class='pindent'>—Oui, monsieur.</p> - -<p class='pindent'>Et Sévère se sauvait, au trot, le pas -sûr, mais oppressé, l’haleine sifflante, -troublé par l’électricité du dehors plus -vive, plus énervante. Il sortit de la -porte du jardin, se trouva dans la pleine -campagne. En sa majesté prodigieuse, -le lac rouge semblait s’élargir encore -aux abîmes stellaires. Sa gloire, aux -bordures palpitantes, aux douceurs de -verrières, délicate et resplendissante, -terminée en dentelles, en cendres -oranges, en arborisations, envahissait -presque le zénith. On ne voyait toujours -aucune étoile. De ci, de là, une fine ligne -serpentine, une ligne de feu, courait de -l’extrême nord à l’extrême sud. Sur -terre, sur les surfaces planes du plateau -Tornadres, partout l’incendie persévérait, -l’incendie taciturne, l’incendie -sans chaleur et sans consumation.</p> - -<p class='pindent'>Les cierges colossaux des grands -arbres, les lumignons, infinis en nombre -des graminées basses, les ascensions -de longues écharpes, les grands arcs -polychromes intarissablement dévorés -par les neutralisations de forces, intarissablement -recomposés, emplissaient -l’Espace d’une vie d’épouvante et de -beauté. Sévère y marchait, y allait, fermant -les yeux par intervalles lorsqu’il -fallait franchir des zones trop flamboyantes. -Des cheveux de Luce se dégageait -un torrent d’étincelles qui -éblouissait Sévère et l’aveuglait. L’instinct -le guidait au Sud-Ouest. Par minutes, -une ferme apparue lui servait de -jalon, mais auquel il n’avait pas grande -confiance, tellement la transfiguration -géhennique rendait incertaines les apparences.</p> - -<p class='pindent'>Arriva le moment ou il se crut égaré: -devant lui, une mare, des roseaux levés -comme des glaives de vengeance, des -saules aux feuilles de pâle émeraude, -des lucioles courant perpétuellement -sur l’onde, une senteur phosphoreuse, -ozonée, suffocante. Il sentait la molle -terre sous lui, l’attraction confuse des -eaux croupies. En vain tâchait-il l’orientation, -sachant pourtant que c’était la -mare des Cilleuses, à moins de quinze -cents mètres de la frontière du plateau. -Il la longea, il marcha dix minutes, il -se retrouva au point de départ. Va-t-il -rester là misérablement, son grand -effort sera-t-il perdu.</p> - -<p class='pindent'>—Allons, Sévère!</p> - -<p class='pindent'>Il reprit l’élan, cherchant à reconnaître -quelque marque-guide, quelque -aspect connu, faiblissant en cette recherche, -convaincu qu’une heure encore -sur Tornadres, et ce serait la pâmoison, -la mort en pleine campagne.</p> - -<p class='pindent'>Subitement, il fit une découverte, un -petit promontoire, aigu, le seul de la -mare, et dont il put déduire la direction -à prendre. Dès lors, il sembla qu’il eût -des ailes, lancé en ligne droite, finissant -par trouver un petit sentier bien -connu, qu’il ne quitta plus. Jamais il -n’eût pu évaluer la durée de la route, -peut-être une demi-heure, peut-être dix -minutes, cinq minutes. Mais le voilà -arrêté, dans un écrasement de stupeur, -devant un gouffre noir parallèle avec le -Tornadres incendié, un abîme de nuit -sous ses pieds, dont le sépare un -dévalement phosphorescent, le versant -du plateau.</p> - -<p class='pindent'>—La pente! La pente!</p> - -<p class='pindent'>Il répète le mot; plein de force il commence -de descendre, au galop, une sente -sinueuse. Déjà, un bien-être physique, -l’induction décroissante, les lumières -toujours plus rares, douces comme des -feux follets, l’air moite et tiède, plus -respirable! En revanche le poids de -Luce est devenu très dur. Il lui casse -les bras, lui ralentit sa course. Il tombe, -il croulerait sur la déclivité sans l’interposition -d’un arbrisseau. Puis, de -nouveau la course, l’halètement de sa -poitrine, l’indomptable instinct maîtrisant -ses nerfs. Enfin, une joie immense, -il entend couler l’Iaraze, il perçoit par -tous les pores l’approche du salut! Encore -quelques pas! Le péril, déjà, ne -peut plus guère l’atteindre dans ce -milieu où, l’influence mystérieuse réduite -au minimum, c’est déjà l’ancienne, -la bonne nature terrestre, vitale, propice -à l’homme. Et il ne s’arrête pas, -en sueur, farouche, plein de puissance. -Enfin, le val, la rivière sanglotant dans -les ténèbres. Avec un grand cri, une -allégresse violente et douloureuse, il se -laisse tomber. Luce est sur ses genoux, -une minute il tourne la tète en arrière, -vers là-haut, irrésistiblement. Vague, -une lueur erre sur le versant, plus vive -vers les bords du plateau; c’est tout -ce qu’il perçoit du vaste incendie: à -peine l’éclat des mers nocturnes à l’époque -des fécondations. Mais le firmament -surtout l’étonne, l’Aigue disparue -du rouge seulement, une espèce d’aurore -boréale, où continue à crouler, -merveilleuse et abondante, l’averse des -bolides.</p> - -<p class='pindent'>—Quoi donc? se demande-t-il. Et -pourquoi cette dissemblance énorme, -entre Tornadres et l’Iaraze?</p> - -<p class='pindent'>Enfin, il se penche sur Luce, il la -voit pâle encore, immobile, mais son -souffle perceptible, un souffle plutôt de -sommeil que d’évanouissement. Il l’appelle -très haut:</p> - -<p class='pindent'>—Luce! Luce!</p> - -<p class='pindent'>Elle frémit, elle remue la tête doucement. -C’est une joie infinie dans l’ombre -et, avec des sanglots de bonheur, il -l’embrasse, il continue à l’appeler, il -murmure des phrases de tendresse. -Enfin, les paupières s’ouvrent, le regard -de la jeune femme, plein de Rêve, -plein de Ténèbres, se porte sur Sévère:</p> - -<p class='pindent'>—Ah! s’écrie-t-il ... nous sommes -vainqueurs enfin ... le Tornadres n’a pu -te dévorer!</p> - -<p class='pindent'>Debout, les bras en croix, une volonté -lui vint, la promesse de remonter -seul là-haut, sur la pointe Sud-Ouest, -de faire l’histoire du cataclysme ...</p> - -<p class='pindent'>Cependant des voix s’élevèrent sur la -pente, un aboiement. Comprenant que -c’étaient les serviteurs de la <span class='it'>Corne</span>, Luce -et Sévère les attendirent, tandis qu’ils -s’étreignaient, dans une béatitude si -grande que des larmes ruisselaient sur -leurs joues.</p> - -<div><h1><span class='it'>NOTE</span></h1></div> - -<p class='pindent'>M. Sévère Lestang a publié effectivement -(chez Germer-Baillière) l’histoire du cataclysme -du Tornadres. Pendant sept jours l’Aigue a été -visible sur le plateau, pendant sept jours l’incendie -sans <span class='it'>chaleur ni consumation</span> a persévéré, -c’est ce qu’atteste, outre M. Lestang -et les habitants du plateau, une commission -savante survenue le dernier jour du phénomène. -On a eu quelques morts à déplorer, -mais relativement rares, la plupart des indigènes -ayant fut dès le début de la nuit du 10 -août. Quant aux conclusions de l’examen scientifique, -il faut bien avouer qu’elles sont toutes -négatives: nulle théorie plausible. Le seul -fait intéressant et pouvant, plus tard, conduire -à quelque découverte est celui-ci: <span class='it'>Le plateau -Tornadres, repose sur une masse rocheuse de -150.000.000.000 de mètres cubes environ qui est -évidemment d’origine stellaire, c’est un</span> <span class='sc'>colossal -bolide</span> <span class='it'>tombé près du val de l’Iaraze, -dans les temps préhistoriques</span>.</p> - -<p class='line' style='text-align:center;margin-top:3em;'>FIN DU CATACLYSME</p> - -<div><h1><span class='it'>TABLE</span></h1></div> - -<table id='tab1' summary='' class='center'> -<colgroup> -<col span='1' style='width: 4.5em;'/> -<col span='1' style='width: 22.5em;'/> -</colgroup> -<tr><td class='tab1c1 tab1c1-col2 tdStyle0' colspan='2'><span class='it'>LES XIPÉHUZ</span></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tab1c1-col2 tdStyle0' colspan='2'>LIVRE PREMIER</td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>I. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap01'><span class='sc'>les formes</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>II. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap02'><span class='sc'>expédition hiératique</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>III. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap03'><span class='sc'>les ténèbres</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>IV. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap04'><span class='sc'>bakhoun</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>V. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap05'><span class='sc'>puisé au livre de bakhoun</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>VI. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap06'><span class='sc'>seconde période du livre de bakhoun</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tab1c1-col2 tdStyle0' colspan='2'>LIVRE DEUXIÈME</td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>VII. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap07'><span class='sc'>troisième période du livre de bakhoun</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>VIII. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap08'><span class='sc'>dernière période du livre de bakhoun</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tab1c1-col2 tdStyle0' colspan='2'><span class='it'>LE CATACLYSME</span></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'></td><td class='tab1c2 tdStyle2'> </td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>I. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap09'><span class='sc'>symptomes</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>II. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap10'><span class='sc'>l’averse astrale</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>III. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap11'><span class='sc'>apparition de l’aigue</span></a></td></tr> -<tr><td class='tab1c1 tdStyle1'>IV. —</td><td class='tab1c2 tdStyle2'><a href='#chap12'><span class='sc'>vers l’iaraze</span></a></td></tr> -</table> - -<div><h1>Remarques du transcripteur</h1></div> - -<p class='pindent'>Les mots mal orthographiés et les erreurs d’impression ont été corrigés. En cas d’orthographe multiple, l’usage majoritaire a été utilisé.</p> - -<p class='pindent'>La ponctuation a été conservée, sauf en cas d’erreurs d’impression évidentes.</p> - -<p class='line' style='text-align:center;'>[Fin de <span class='it'>Les Xipéhuz</span>, par J.-H. Rosny]</p> - -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES XIPÉHUZ ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br /> -<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br /> -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span> -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. 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INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the -trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone -providing copies of Project Gutenberg™ electronic works in -accordance with this agreement, and any volunteers associated with the -production, promotion and distribution of Project Gutenberg™ -electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, -including legal fees, that arise directly or indirectly from any of -the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this -or any Project Gutenberg™ work, (b) alteration, modification, or -additions or deletions to any Project Gutenberg™ work, and (c) any -Defect you cause. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™ -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s -goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg™ and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state’s laws. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, -Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up -to date contact information can be found at the Foundation’s website -and official page at www.gutenberg.org/contact -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state -visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Please check the Project Gutenberg web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of -volunteer support. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Most people start at our website which has the main PG search -facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This website includes information about Project Gutenberg™, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. -</div> - -</div> - -</body> -</html> diff --git a/old/65845-h/images/cover.jpg b/old/65845-h/images/cover.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index b8525e9..0000000 --- a/old/65845-h/images/cover.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/65845-h/images/ill001.jpg b/old/65845-h/images/ill001.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index e376d36..0000000 --- a/old/65845-h/images/ill001.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/65845-h/images/ill002.jpg b/old/65845-h/images/ill002.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index a7ec505..0000000 --- a/old/65845-h/images/ill002.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/65845-h/images/ill003.jpg b/old/65845-h/images/ill003.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 2d05b7d..0000000 --- a/old/65845-h/images/ill003.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/65845-h/images/ill004.jpg b/old/65845-h/images/ill004.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index a17c28f..0000000 --- a/old/65845-h/images/ill004.jpg +++ /dev/null |
