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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: La grande artère de la Chine: le Yangtseu - -Author: Joseph Dautremer - -Release Date: January 14, 2022 [eBook #67163] - -Language: French - -Produced by: Laurent Vogel, Pierre Lacaze, Gallica and the Online - Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This - file was produced from images generously made available by - The Internet Archive/Canadian Libraries) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA GRANDE ARTÈRE DE LA -CHINE: LE YANGTSEU *** - - - JOSEPH DAUTREMER - _Consul de France_, - _Chargé de Cours à l'École des Langues Orientales_ - - - LA GRANDE ARTÈRE - - DE LA CHINE - - LE YANGTSEU - - LIBRAIRIE ORIENTALE & AMÉRICAINE - - E. GUILMOTO, Éditeur - - 6, Rue de Mézières, PARIS - - - - - LA GRANDE ARTÈRE - - DE LA CHINE - - LE YANGTSEU - - - - -DU MÊME AUTEUR - - - L'Empire Japonais et sa vie économique. Un - volume in-8º broché, avec illustrations et carte hors texte. 6 fr. - -[Illustration: Type de pont chinois.] - - - - - JOSEPH DAUTREMER - _Consul de France_, - _Chargé de Cours à l'École des Langues Orientales_. - - - LA GRANDE ARTÈRE - - DE LA CHINE - - - LE YANGTSEU - - LIBRAIRIE ORIENTALE & AMÉRICAINE - - E. GUILMOTO, Éditeur - - 6, Rue de Mézières, PARIS - -LA GRANDE ARTERE DE LA CHINE - -LE YANGTSEU - - - - -CHAPITRE PREMIER - -I. Le Yang-Tseu-Kiang et ses affluents.--II. La navigation sur le -Yang-Tseu.--III. Essai de navigation à vapeur sur le haut-fleuve.--IV. -Les rives du fleuve et leur aspect; dangers de la navigation sur le -haut-fleuve.--V. Climat.--VI. Les provinces arrosées par le Yang-Tseu -et leurs productions.--VII. Origine des Chinois.--VIII. Caractère du -Chinois. - -I.--Le Yang-Tseu-Kiang, dit aussi Ta-Kiang[1] ou grand fleuve, et plus -généralement connu des riverains sous le nom de Kiang, «le fleuve», le -fleuve par excellence, prend sa source dans les montagnes du Thibet, et -se jette à la mer non loin du grand centre commercial de Changhai. Il -coule de l'ouest à l'est et, soit par lui-même, soit par ses affluents, -arrose les provinces du Yunnan, du Sseu-Tchuen, du Kouei-Tcheou, du -Houpe, du Hounan, du Kiang-Si, du Ngan-Hoei, et du Kiang-Sou. _Il -parcourt donc la Chine dans toute sa largeur, de l'occident à l'orient, -et il a une longueur totale d'environ 4.845 kilomètres._ - -[Note 1: Dans cet ouvrage, j'ai transcrit les noms chinois suivant -l'orthographe française, par la raison bien simple qu'il n'existe pas, -comme pour le japonais, de méthode internationale adoptée par tous les -sinologues des divers pays et servant à transcrire les sons chinois. -Cependant, pour les noms des ports ouverts, j'ai eu soin, à côté de -l'orthographe française, de mettre entre parenthèses l'orthographe -anglaise; car c'est sous cette dernière forme que les ports ouverts de -la Chine sont connus des étrangers. La langue anglaise est le véhicule -nécessaire, indispensable, des affaires en Extrême-Orient, et les -maisons de commerce, à quelque nationalité qu'elles appartiennent, -traitent leurs opérations en anglais. C'est un fait dont il faut tenir -compte dans nos relations avec la Chine, et nos négociants doivent se -persuader que sans l'anglais ils ne pourront rien entreprendre dans les -ports de l'Empire chinois.] - -Sur la rive droite, dans la province du Yunnan, la première qu'il -traverse, il n'a pas d'affluents bien considérables, mais seulement -de petits torrents peu longs et peu larges qui viennent des hautes -montagnes mêler leurs eaux aux siennes. - -Dans le Kouei-Tcheou, prend naissance la rivière Wou qui s'unit au -Yangtseu à quelque distance de Tchong-King, dans la province du -Sseu-Tchuen; un autre affluent, plus petit, le Li-Tchuen, se jette dans -le fleuve un peu en aval du précédent. - -Dans la province du Hounan, la rivière Yuan constitue un affluent -indirect du grand fleuve en ce sens qu'elle tombe dans le lac -Tong-Ting, lequel communique avec le Yangtseu au port de Yao-Tcheou; -il en est de même de la rivière Siang, un peu à l'est de la dernière, -et qui se dirige aussi vers le lac Tong-Ting après avoir arrosé la -capitale de la province Tchang-Cha-Fou. Enfin, le dernier affluent -considérable est le Kan-Kiang qui traverse la province du Kiang-Si et -se jette dans le lac Poyang, lequel communique avec le Yangtseu au -petit port de Hankeou. - -Les affluents de la rive gauche sont plus importants. Nous avons -d'abord le Yalong, descendu lui aussi des montagnes du Thibet et -qui rejoint le Yangtseu à la limite des provinces du Yunnan et du -Sseu-Tchuen; la rivière Min, qui arrose la ville de Kia-Ting et se -mêle au fleuve à Sou-Tcheou; le Kia-Ting, qui a son embouchure à -Tchong-King; la Han, qui prend sa source dans les montagnes du Chen-Si, -sur les confins du Sseu-Tchuen, et vient se jeter dans le fleuve entre -Hankeou et Hanyang. Cette rivière est l'une des plus importantes du -bassin du Yangtseu; les grosses barques peuvent la remonter depuis -Hankeou jusqu'à Siang-Yang-Fou, au nord de la province du Houpe, et le -trafic y est considérable. - -Depuis Hankeou jusqu'à Tchen-Kiang, premier port ouvert à l'embouchure -du fleuve, il n'existe pas d'affluents valant la peine d'être cités. - -II.--Le Yang-Tseu-Kiang est navigable jusqu'à la ville de Tchong-King, -c'est-à-dire sur une longueur de 1.500 kilomètres environ. Dans cette -partie de l'immense empire chinois, le Yangtseu est non seulement -la principale, mais encore la seule voie de communication entre les -régions de l'ouest et la côte; en effet, comme il n'existe pas de -routes, tout transport se fait par eau, soit par le Yangtseu, soit -par ses affluents et les canaux ou arroyos creusés pour les faire -communiquer entre eux. - -Depuis Changhai jusqu'à Hankeou et Itchang les bateaux à vapeur peuvent -remonter le fleuve: grands ferry-boats du type américain jusqu'à -Hankeou, et ferry-boats plus petits, à cause de la moindre profondeur -des eaux, jusqu'à Itchang. - -De nombreux bateaux à vapeur sillonnent le fleuve; ils s'arrêtent à -tous les ports ouverts et ils y embarquent ou débarquent voyageurs et -marchandises. Ils appartiennent à plusieurs compagnies, dont trois sont -les plus anciennes: - -Jardine, Metheson and Cº, propriétaire de trois vapeurs; - -Butterfield and Swire, avec également trois vapeurs; - -China Merchant Steam Ship Cº, compagnie chinoise fondée par -Li-Hong-Tchang, avec aussi trois vapeurs. - -A ces compagnies qui effectuaient un service régulier de passagers -venaient s'ajouter deux autres compagnies; elles ne faisaient que le -service des marchandises et ne s'arrêtaient pas à quai dans les ports -intermédiaires entre Changhai et Hankeou. - -Tels étaient les services de transport entre Changhai et Hankeou -jusqu'en 1898; depuis, la concurrence s'est établie, les Japonais, -les Allemands, et même les Français ont installé des compagnies de -navigation sur le Yangtseu; les Japonais d'abord, avec quatre bateaux, -les Allemands avec trois, et enfin les Français avec deux. - -La navigation sur le Yangtseu est relativement facile dans toute la -partie basse du fleuve, c'est-à-dire de Changhai à Hankeou. A part -quelques mauvais passages, connus d'ailleurs et balisés, rien n'est -plus facile que ce voyage, à tel point que les bateaux marchent même -la nuit. Il arrive bien parfois, aux basses eaux, c'est-à-dire en -hiver, qu'un banc de sable se déplace et arrête un bateau; j'ai même -vu cinq bateaux arrêtés à la suite les uns des autres sur un banc de -sable assez mauvais, juste avant d'arriver à Hankeou, mais c'est là une -surprise assez rare, et la chose, en elle-même, n'offre d'ailleurs -aucun danger. - -Ce qui est plus pénible, c'est la navigation entre Hankeou et Itchang. -Ici, en effet, le petit vapeur, si minime qu'il soit, ne peut -s'aventurer sans un éclaireur, une petite chaloupe dépêchée en avant -pour sonder les passages connus, et constater s'ils n'ont pas changé -par suite du déplacement des sables. On va donc très lentement, même -si on a la chance de ne pas s'échouer; quant à moi, je me suis trouvé -trois jours dans cette situation, le navire complètement à sec, dans -l'attente du flot favorable qui devait chasser le sable. C'est fort -désagréable. Mais il faut se résigner; il n'est pas possible de rendre -le fleuve régulier par suite de la mobilité des sables qui forment la -base de son lit. - -Le fleuve est, heureusement, très amplement aménagé de phares, de -bouées et de balises. Ces différentes lumières des bouées et balises -sont connues des navigateurs du fleuve sous des noms anglais; car tous -les pilotes du Yangtseu sont anglais, ou chinois sachant l'anglais, et -d'ailleurs les cartes sont également toutes en anglais. - -Changhai compte quatorze feux, quatre bateaux-feux, trente-six bouées -et vingt-neuf balises; Tchen-Kiang: onze feux, cinq bateaux-feux, deux -bouées, deux balises; Kieou-Kiang: quinze feux, dix bateaux-feux, trois -balises; Hankeou: dix-sept feux, neuf bateaux-feux, huit balises; -Yo-Tcheou: trois feux, dix-neuf bouées, trois balises; Tchang-Cha: -quatre feux, quatre balises; Itchang: deux bouées, quatre balises. - -Tous les feux sont soit fixes, soit à éclat, soit tournants; les bouées -et balises peintes soit en rouge, soit en blanc ou noir; placés à tous -les endroits dangereux du fleuve depuis Changhai jusqu'aux premières -gorges en amont d'Itchang, ils rendent la navigation aussi sûre que -possible, et jamais on n'entend parler d'accident, si ce n'est aux -hautes eaux quelquefois, lorsqu'un bateau, poussé par le courant, va -s'ensabler dans une rizière, chose rare d'ailleurs, et peu dangereuse. - -Depuis Itchang jusqu'à Tchong-King, la navigation devient purement -chinoise; et bien que les deux villes ne soient pas éloignées l'une de -l'autre de plus de 800 kilomètres, il faut compter un minimum de quatre -semaines pour faire le trajet; les rapides parfois terribles des gorges -du Haut-Yangtseu rendent la marche des jonques pénible et dangereuse, -et les flots jaunes du fleuve recèlent des trésors coulés depuis des -milliers d'années avec les jonques qui les portaient. Si on pouvait -aller au fond du fleuve dans ces endroits si redoutés des mariniers -chinois, nul doute qu'on n'en retirât des sommes considérables en -lingots d'argent. - -III.--Les Européens ont voulu essayer de remonter le fleuve à la vapeur -depuis Itchang jusqu'à Tchong-King; le premier essai[2] a été tenté -par la canonnière à fond plat «Woodcock» de la marine britannique, au -mois d'avril 1899; elle est arrivée à Tchong-King, mais assez abîmée; -en septembre 1901, les Français ont fait un essai à leur tour, et ils -ont dû y laisser leur petit bateau qui ne pouvait plus redescendre. -Les Allemands ont tenté aussi, un peu plus tard, d'y faire remonter un -navire de commerce; mais ce dernier fut mis en pièces sur les rochers. -On en est donc resté aux jonques chinoises, très confortablement -aménagées d'ailleurs, et pour le loyer desquelles on paye de 140 à 150 -taels, soit environ 450 frs[3]. - -[Note 2: Une tentative avait été faite avant celle-ci par M. -Little, résident anglais de Tchong-King, au printemps de 1898, avec un -petit vapeur, le _Leechuen_; mais vu le peu de force de sa machine, il -avait été obligé de recourir au track à la cordelle.] - -[Note 3: Le Père Chevalier, le savant jésuite qui dirige avec le -Père Froc l'observatoire de Zika-Wei, près de Changhai, a fait, en -1897-98 le voyage du Haut-Yangtseu, de Itchang-Fou à Ping-Chan-Hien, et -a décrit et illustré merveilleusement le cours du fleuve dans la région -supérieure. Son récit est complété par des observations astronomiques -d'une grande valeur, des relevés de sondages dans les différentes -parties du fleuve; un atlas fort complet forme le complément de -l'ouvrage.--_Le Haut-Yangtseu, de Itchang-Fou à Ping-Chan-Hien en -1897-98_, par le R. P. CHEVALIER, S.J. Changhai, 1899. (Paris, chez E. -Guilmoto.)] - -IV.--L'aspect du fleuve et de ses rives, dans toute sa longueur jusqu'à -Itchang, est prodigieusement monotone: vastes plaines herbeuses variant -avec les champs de riz, s'étendant à perte de vue; eaux jaunâtres -l'hiver et tournant au rouge l'été, lorsque le fleuve charrie la terre -enlevée, dans ses crues, aux montagnes du Thibet, telle est à peu près -partout la seule vue sur laquelle puissent s'arrêter les regards. -Par delà les plaines, des rangées de montagnes dénudées, roussâtres, -apparaissent de temps en temps; pas un arbre, pas un buisson. A -l'approche du lac Poyang seulement, on découvre, dans le lointain, par -delà la petite ville de Kieou-Kiang, quelques collines boisées formant -la chaîne du Lou-Chan et où l'on distingue plus de brousse que de -hautes futaies. Les Chinois, imprévoyants, ont tout coupé, et la terre -inculte des montagnes est entraînée de plus en plus par les pluies dans -le grand fleuve, qui charrie ces masses pour les accumuler en une barre -de sable et de boue à son embouchure. - -Aussi l'aspect du fleuve est-il triste, et la navigation est d'une -monotonie désespérante pour le voyageur entre Changhai et Hankeou. -Rien ne vient distraire la vue si ce n'est l'arrêt aux différents ports -intermédiaires, et de temps en temps un camp chinois ou une batterie -installée, on ne sait trop pourquoi, sur quelque point plus élevé de -la rive. Avant d'arriver au lac Poyang, une île, le Petit Orphelin, en -chinois Siao-Kou-Chou, attire les regards; elle est originale, en pain -de sucre, couverte de monastères bouddhiques tout blanchis à la chaux; -et elle est la seule distraction de ce voyage. - -Malgré toute la bonne volonté dont le voyageur pourrait être doué, -malgré un entraînement naturel vers l'enthousiasme, il ne saurait être -saisi par la platitude accablante de la vaste plaine et de la non moins -vaste étendue d'eau qui s'étend de Changhai à Itchang. Il chercherait -en vain, dans le parcours pourtant si long du Bas-Yangtseu, quelque -coin où reposer ses yeux et son cerveau fatigués de ce calme, de cette -uniformité. - -Il n'en est pas de même, toutefois, à Itchang. Ici, l'aspect du fleuve -et de ses rives change brusquement. Dès que l'on quitte Itchang, on -pénètre dans les gorges du Yangtseu, où l'eau, tantôt resserrée entre -des falaises à pic, semble un lac d'un calme absolu, tantôt encaissée -entre d'énormes bancs de roches, se précipite furieuse, avec un bruit -de tempête, et forme des rapides. Il y en a ainsi plus d'une centaine -depuis Itchang jusqu'à Tchong-King, et le passage d'un de ces rapides -est toujours émouvant, quelquefois dangereux comme, par exemple, celui -du Sin-Tan, bien connu des navigateurs du haut-fleuve. Malgré l'adresse -des bateliers chinois et leur endurance, il peut arriver que la corde -casse ou que tout autre accident se présente et fasse aller la jonque -à la dérive et la brise sur les rochers. Heureusement ces incidents -ne sont pas très fréquents, encore qu'il s'en produise pourtant tous -les ans; en revanche, la nature offre ici à l'œil du voyageur une -diversité de vues qui font oublier la longueur et la difficulté du -voyage. Défilés entre des montagnes élevées et nues, sans un arbre, -sans une touffe d'herbe; gorges sombres, creusées et recélant quelque -temple rouge ou quelque statue énorme; vallées délicieuses où poussent -l'orange et le pamplemousse, et où de jolies cascades d'eau fraîche, -ombragées de bambous et de saules, invitent à s'arrêter. Tantôt -l'aspect des lieux est sauvage et semble peu hospitalier; tantôt, au -contraire, dans une vallée bien protégée par la montagne et où le -soleil pénètre par en haut, on éprouve une douce sensation de bien-être -devant la nature gracieuse et verdoyante. - -V.--Située entre le 26° et le 33° de latitude septentrionale, la -vallée du Yangtseu offre dans toute son étendue un climat presque -uniforme; les saisons sont à peu de chose près les mêmes que dans -l'Europe occidentale; toutefois, elles sont moins marquées, et l'été -est beaucoup plus chaud. Le printemps n'existe pour ainsi dire pas, -et, dès les premiers jours d'avril, il fait très chaud. Puis cela -va ainsi en augmentant jusqu'en août; il y a alors, tant à Changhai -qu'à Nanking, Hankeou, Itchang ou Tchong-King, entre 40° et 42° -centigrades à l'ombre. Les nuits ne sont guère moins chaudes, et -il est souvent impossible de fermer l'œil. Au mois de septembre, -quelquefois au 15 août, un orage éclate qui abaisse la température et -on peut espérer le début de l'automne. Au moment où la chaleur est -ainsi brusquement en baisse, il faut faire attention aux maladies -d'entrailles, particulièrement à la dysenterie. L'automne dans toute -la vallée du Yangtseu est délicieux. Un temps frais le matin, un ciel -bleu, sans nuages, un soleil radieux et pas trop chaud, telle est -la caractéristique de cette saison qui se prolonge depuis septembre -jusqu'à janvier. Vers les mois de novembre ou décembre, les nuits -deviennent plus fraîches, il gèle; le soleil perd de sa force, mais le -ciel reste toujours bleu. Quant à l'hiver, il dure à peu près trois -mois, janvier, février et mars, et il est parfois rigoureux; à Changhai -et à Hankeou, où les colonies européennes sont nombreuses, on patine et -on se livre à toute espèce de sports d'hiver. Cependant le fleuve n'est -jamais gelé et le thermomètre n'atteint pas les basses températures -remarquées fréquemment même en France. - -En somme le climat de tout le bassin du Yangtseu est assez sain: il est -évidemment quelquefois pénible l'été, pendant les mois de juin, juillet -et août, mais le blanc peut y vivre et bien y vivre; il y est sujet -aux mêmes maladies qu'en Europe, fièvre typhoïde, variole, maladies -des bronches, et de plus il est atteint fréquemment de diarrhée et -de dysenterie. Il est vrai que ces deux dernières maladies ne sont -pas très redoutables, car le malade peut en trois jours être évacué -à Changhai et prendre là la mer qui le remet de suite; à condition -toutefois qu'on n'y ait pas recours trop tard. - -La peste n'avait pas fait de trop gros ravages jusqu'à présent dans -cette partie de la Chine, mais le choléra y est endémique et fait des -victimes tous les ans parmi les indigènes; assez rarement il devient -épidémique. - -Les maxima peuvent aller jusqu'à + 45° l'été et les minima - 15° -l'hiver; mais ce cas est rare: + 40° et - 7° sont plus près de la -moyenne. - -Les pluies ne sont pas particulièrement abondantes et donnent une -moyenne raisonnable; elles tombent le plus généralement au printemps -(février-mars) et un peu aussi l'été (juin-juillet). Parfois cependant, -elles sont assez persistantes au printemps, et souvent février et mars -sont très humides; il n'y a alors pour ainsi dire pas d'hiver, mais une -saison désagréable, toute d'humidité froide. - -VI.--Les différentes provinces qui sont arrosées par le Yangtseu et ses -affluents ont à peu près les mêmes productions; la population y est en -majeure partie agricole et cultive surtout le riz. Les terres y sont -très fertiles et bien arrosées, et la récolte y est rarement mauvaise. -Les immenses plaines du Bas-Yangtseu se prêtent merveilleusement à -cette culture; quant aux provinces du Haut-Yangtseu, où les montagnes -se dressent, quelquefois très élevées, elles sont aménagées pour la -culture du riz avec un art infini: les Chinois détachent les pierres et -en font de petites murailles pour soutenir les terrasses qu'ils élèvent -sur le flanc des montagnes; ils aplanissent ensuite les terrains et y -sèment le grain; l'entreprise est pénible, et montre qu'en Chine on ne -perd pas un pouce de terrain, là où le riz peut pousser. Pour irriguer -ces rizières élevées, les Chinois détournent l'eau des sources et des -cascades, créent des réservoirs où ils reçoivent les eaux de pluie et -font ainsi couler l'eau en descendant de rizière en rizière jusque dans -la vallée. - -En dehors du riz, on aperçoit dans les campagnes le maïs, la patate -douce, l'arachide, diverses espèces de haricots, le melon, la pastèque, -le topinambour, la châtaigne d'eau, le chou, le navet, la carotte et -en général tous nos légumes. - -La vallée du Yangtseu possède le buffle qui ne sert qu'au travail des -champs, le bœuf à bosse, le mouton, le petit poney dur et résistant, -mais capricieux et souvent méchant et irascible. La volaille y vit et -y prospère admirablement; il y a quelques années on payait encore à -Hankeou un poulet huit cents, soit 0,20 centimes, et un canard cinq -cents, soit 0,10 centimes 5; depuis la pénétration de la civilisation -européenne avec le chemin de fer, ces prix se sont modifiés. Quant au -porc, comme partout en Chine, il court les rues. - -Le gibier abonde: lièvres, faisans, chevreuils se trouvent en grande -quantité; mais les environs de Changhai en sont, à vrai dire, un peu -dépourvus depuis que l'augmentation de la colonie européenne de la -ville a renforcé les compagnies de chasseurs; il a même fallu que les -municipalités, d'accord avec les consuls, prissent des mesures de -défense contre la disparition totale du gibier. Quoi qu'il en soit, si -on remonte vers Kieou-Kiang et Hankeou et au delà, on trouve encore des -chasses productives. Le mont Louchan à Kieou-Kiang donne asile à des -troupes de sangliers de petite espèce qu'on s'amuse à chasser et qui -fournissent un aliment fort agréable; les Chinois, bien entendu, n'en -mangent pas, ils ne touchent à aucun gibier. Le porc fait la base de -leur alimentation. - -Le Yangtseu et ses affluents, ainsi que les lacs traversés par ces -affluents, regorgent littéralement de poissons; on en trouve partout, -jusque dans les fossés des rizières. Il est vrai de dire que le Chinois -repeuple ses cours d'eau. Des bateaux, qui font le commerce du frai, -parcourent le pays; j'ai assisté sur les bords du Yangtseu à cette -pisciculture. On élève les petits poissons dans des trous ou fossés, en -les nourrissant de lentilles de marais ou de jaunes d'œufs, et quand -ils sont assez grands on les jette dans le fleuve. Aussi, jamais le -poisson ne manque en Chine, et le Yangtseu, en particulier, est un -réservoir inépuisable. Les Européens qui habitent les ports ouverts -préfèrent le poisson nommé Kouan-yu, ou mandarin, sans arête et d'un -goût très fin. Mais le fleuve en renferme de toutes sortes d'espèces -connues et inconnues à l'Europe. Au printemps, l'esturgeon remonte le -Yangtseu, et l'on en pêche, même à Hankeou et à Kieoukiang, qui sont à -peu près gros comme des veaux. - -L'alose (Sam lai) remonte également au printemps, mais ne va guère -plus loin que Changhai, d'où on la transporte sur tous les points du -Yangtseu où habitent les Européens. - -La carpe est un des poissons les plus communs de la Chine, avec -l'anguille, et les marchés des villes en sont toujours abondamment -pourvus. - -Les provinces les plus riches de cette partie de la Chine sont sans -conteste le Kiang-Nan, c'est-à-dire les trois provinces du Kiang-Sou, -Kiang-Si, Ngan-Hoei, et la magnifique province du Sseu-Tchuen, -considérée comme la meilleure de toute la Chine au point de vue de la -production et de la richesse. Quelques-unes des provinces arrosées par -le Yangtseu sont assez pauvres: tels sont le Houpe et le Hounan, le -Kouei-Tcheou et le Yunnan. Cette deuxième province est particulièrement -déshéritée. - -VII.--Il est généralement admis que les Chinois sont venus des environs -du Tarim, et du plateau central de l'Asie; ils se sont répandus dans -le bassin du Fleuve Jaune, qui forme, depuis la province du Chen-Si -jusqu'à celle du Chan-Toung, le premier habitat chinois. La vallée -du Yangtseu, qui nous occupe plus spécialement, n'a été peuplée -par les Chinois qu'au début de notre ère, lorsque la population -chinoise, augmentant sans cesse, n'a plus trouvé de place suffisante -pour vivre dans les régions où elle s'était d'abord installée. Elle -a donc dû conquérir le pays sur les aborigènes qui, sous le nom -de Miao-Tseu, occupèrent les contrées qui forment aujourd'hui les -provinces du Sseu-Tchuen, du Houpe, du Hounan, du Kouei-Tcheou, du -Kiang-Si. Puissamment organisés, les Chinois n'eurent pas de peine -à triompher de tribus barbares éparses, sans cohésion, et, dès le -commencement de l'ère chrétienne, toutes ces tribus avaient disparu, -fondues dans l'élément conquérant et civilisées et assimilées par lui. -Aujourd'hui il existe encore dans le Hounan, le Kouei-Tcheou et le -Sseu-Tchuen quelques petites tribus indépendantes, toutes réfugiées -sur les montagnes et qui, d'ailleurs, ne donnent plus aucun souci à -l'administration impériale. Dans d'autres provinces, notamment au -Yunnan, les aborigènes sont tellement assimilés qu'on ne les distingue -plus des Chinois. Cependant ils conservent encore quelques usages -propres et parlent une langue distincte, bien que tous aient la -connaissance du chinois. - -VIII.--La vallée du Yangtseu, d'une extrémité à l'autre, n'est -donc chinoise que depuis un temps relativement récent, par rapport -à l'histoire de la Chine qui remonterait à 2.500 ans avant notre -ère. Aujourd'hui, toutefois, elle est le grand centre; elle est la -Chine commerciale et industrielle, la partie la plus prospère et la -plus active de l'Empire du Milieu: c'est donc là qu'il est le plus -intéressant d'étudier le caractère du Chinois et la vie chinoise. - -En général les Chinois sont d'un caractère doux, calme et peu -démonstratif; dans leurs manières il règne beaucoup d'affabilité et -ils ne sont ni violents ni emportés. La modération de leurs allures se -remarque même dans le peuple. Aussi lorsqu'un Européen a à traiter avec -des Chinois, il doit bien se garder de se laisser aller à la fougue de -son tempérament; il lui faut être de grand sang-froid et maître de lui -sous peine de passer pour un homme qui n'a pas d'éducation. Toutefois, -si, dans le commerce ordinaire de la vie, le Chinois est doux et -paisible, lorsqu'on l'a offensé il devient violent et vindicatif à -l'excès, et il ne se venge jamais qu'avec méthode; il dissimulera son -mécontentement; il gardera vis-à-vis de son ennemi tous les dehors de -la bienséance et de la mansuétude; mais que se présente l'occasion de -se venger, il la saisira sur-le-champ, après avoir attendu souvent des -années pour exercer sa vengeance. - -Il est aussi menteur, et la bonne foi, la franchise n'est pas sa vertu -favorite, surtout lorsqu'il doit traiter avec un Européen; cependant il -ne conviendrait pas d'être trop sévère avec lui sur ce chapitre; car il -pourrait peut-être nous retourner souvent à bon droit cette critique. - -Ce que nous pouvons lui reprocher à plus juste titre, c'est d'être -sale; je sais bien qu'en Europe la propreté n'est pas toujours et -partout très en honneur; cependant je ne crois pas que nous poussions -la saleté au point où la pousse le Chinois. Chez nous, même le paysan, -qui ne prend jamais de bain, change au moins de linge une fois par -semaine, c'est une espèce de propreté. Le Chinois, lui, pendant la -saison froide, accumule vêtement sur vêtement au fur et à mesure -que la température baisse, et c'est à peine s'il se lave les mains -et le bout du nez tous les matins. Dès que la saison chaude se fait -sentir, il enlève ses fourrures également au fur et à mesure; aussi -une famille chinoise sent-elle horriblement mauvais. Je crois que les -seuls habitants un peu propres du Céleste Empire sont les coolies qui, -pour leurs efforts musculaires, étant vêtus légèrement, sont obligés -de laver la sueur qui les couvre après leur travail; mais on peut dire -qu'en principe, le Chinois a peur de l'eau, surtout pour ses cheveux; -un pauvre diable même, n'ayant pas de parapluie, mettra sa veste autour -de sa tête pour abriter ses cheveux et se laissera stoïquement mouiller -le corps. - -Quoique en général doux et poli, quand il a ses motifs de se mettre -en colère, le Chinois devient violent et se livre à des outrances de -langage qu'on ne pourrait pas rapporter même en latin. Le fond de sa -nature est plutôt cruel, quoique caché sous des dehors aimables; il -est sans pitié pour le pauvre et le malade, il passera à côté d'eux -sans s'arrêter ni se détourner. Que de fois dans mes voyages ai-je -rencontré, dans les rues d'une ville, ou à la campagne sur les routes, -des cadavres de gens morts sans que personne prenne garde à eux! même -des squelettes laissés sans sépulture! Il va de soi que cette absence -de pitié s'étend aux animaux. - -[Illustration: _Monument élevé à la mémoire d'une veuve fidèle._] - -Plus dépravé que le Japonais, le Chinois, à première vue, paraît -cependant avoir une conduite meilleure; ce n'est là qu'une apparence; -il est essentiellement licencieux mais toujours avec dissimulation. -Quoique vicieux, il admire la vertu et la chasteté; lorsque des veuves, -par exemple, ont vécu seules, pleurant leur mari défunt, il les -honore après leur mort par des arcs de triomphe rappelant le dignité -de leur vie. En fait de nourriture, à part les banquets de noces et de -funérailles où il mange et boit à l'excès, il est généralement sobre et -ne fait usage que du thé ou de l'eau. - -Au point de vue commercial, sauf de très rares exceptions, il est admis -par tous les Européens qui ont eu affaire à lui, que le Chinois est -essentiellement honnête et qu'on peut compter sur sa parole, quoique -l'argent ait sur lui un pouvoir d'attraction énorme. L'intérêt est le -grand faible de la nation tout entière; il est le mobile de toutes les -actions; dès qu'il se présente le moindre profit, rien ne coûte au -Chinois, et il entreprendra les choses les plus pénibles; l'intérêt, -c'est là ce qui met la Chine dans un mouvement perpétuel, ce qui -remplit les rues, les rivières, les grands chemins. Pour l'intérêt le -Chinois fera tout. Entendez deux mandarins, deux commerçants, deux -coolies causer dans la rue; le mot _tsien_, argent, reviendra toujours -dans la conversation. - - - - -CHAPITRE II - - I. Type et nature du Chinois.--II. Les maisons et leur mobilier.--III. - La nourriture chinoise.--IV. La famille chinoise, le mari et la femme, - les enfants.--V. Religion et superstition, le feung chouei.--VI. Les - jeux et divertissements.--VII. Les classes de la société. - - -I.--Le Chinois est, en général, de bonne taille; la teinte de sa peau, -que nous qualifions de jaune, n'est pas précisément de cette couleur; -sur les côtes des provinces méridionales, à la vérité, les grandes -chaleurs donnent aux artisans, bateliers et gens de la campagne, un -teint basané et olivâtre; mais dans les provinces du nord, ils sont à -peu près aussi blancs que les Européens et, sauf leurs yeux bridés, -leur physionomie n'a rien de rebutant; ils sont, en tout état de cause, -bien mieux que les Japonais. - -Chez eux la maigreur est signe de laideur; un beau Chinois doit -être gros et dodu, bien rasé et avoir les joues bien pleines; la -queue tressée qu'ils portent en guise de coiffure leur a été imposée -par les conquérants mandchoux; car autrefois, sous les anciennes -dynasties, ils portaient leurs cheveux longs, relevés en chignon sur -la tête. Leurs vêtements sont de cotonnade pour les travailleurs, -de soie pour les gens de la bourgeoisie. Des pantalons attachés -aux chevilles et une ample robe de fourrure en hiver forment leur -costume habituel. Les femmes sont plus petites que les hommes; elles -portent une ample houppelande de cotonnade ou de soie suivant leurs -moyens; leur chevelure est huilée et abondamment ornée d'épingles et -de fleurs. Autrefois on leur serrait les pieds dès la naissance dans -des bandelettes, afin de les empêcher de grandir; mais cette coutume -est aujourd'hui officiellement abolie par décret impérial. La queue -elle-même commence à tomber en désuétude, et les Chinois qui vivent -en Europe l'ont tous coupée. Les soldats de la nouvelle armée l'ont -également supprimée. Ce qui relève beaucoup la grâce naturelle des -dames chinoises, c'est une extrême modestie dans leur regard, leur -attitude et leurs vêtements. Leurs robes sont fort longues, leurs -mains sont toujours cachées sous des manches très larges et si longues -qu'elles traîneraient presque jusqu'à terre si elles ne prenaient pas -soin de les relever. La couleur de leurs vêtements est rouge, bleue ou -verte, selon leur goût; les dames avancées en âge s'habillent de noir -ou de violet. Les vêtements d'apparat sont magnifiquement brodés de -fils d'or représentant des dragons, des oiseaux et des fleurs. - -Jamais les hommes n'ont la tête découverte ni la queue enroulée autour -de la tête quand ils parlent à quelqu'un: ce serait une impolitesse. - -II.--Les Chinois aiment la propreté dans leurs maisons; mais il ne -faut pas s'attendre à y trouver quoi que ce soit de bien luxueux; leur -architecture n'est pas fort élégante et ils n'ont guère, en fait de -beaux bâtiments, que les palais, les édifices publics, les arcs de -triomphe et les temples. Les maisons des particuliers sont très simples -et l'on n'y cherche que la commodité. Seuls, les riches y ajoutent -quelques ornements de sculpture sur bois et de dorure qui les rendent -plus riantes et plus agréables. - -D'ordinaire, ils commencent par élever les colonnes et placer le toit; -ils ne creusent pas de fondations. Les murailles sont de briques -ou de terre battue; quelques-unes sont tout en bois et elles n'ont -pas d'étages autres qu'un grenier pour mettre les grains ou les -marchandises. La première pièce en entrant est le salon, où se trouvent -les tablettes des ancêtres, les fleurs et les brûle-parfums; puis, -derrière, une cour carrée autour de laquelle sont les différentes -chambres de l'habitation; les appartements des femmes se trouvent tout -au fond, dans l'endroit le plus retiré. Dans les maisons riches les -demeures sont disséminées au milieu de jardins très compliqués: fleurs, -arbres, rochers, petits lacs; sauf dans les pays du nord, la maison -chinoise n'est pas chauffée; dans le nord, chaque maison a un poêle en -briques dont le foyer est sous la maison; deux ouvertures extérieures -permettent d'allumer le feu et de laisser passer la fumée. - -Le mobilier chinois se compose, à peu de chose près, comme celui des -maisons européennes, de lits, tables et chaises; un intérieur chinois -ressemble fort à un intérieur européen et la _vie matérielle en Chine -est pour un Européen bien plus confortable qu'au Japon_. Seulement la -propreté manque parfois, notamment dans les auberges de voyageurs. Une -auberge chinoise est quelque chose d'inénarrable comme saleté et il -faut avoir passé par là pour s'en rendre compte. - -III.--La nourriture du Chinois comporte deux aliments principaux: -le riz et le porc; c'est là la base du repas. Cependant les Chinois -mangent aussi du poisson, de la volaille et des légumes. Quoique leurs -viandes et leurs poissons se servent coupés en morceaux et bouillis, -leurs cuisiniers ont l'art d'assaisonner les mets de telle sorte qu'ils -sont assez agréables au goût. - -Pour faire leurs bouillons, ils emploient de la graisse de porc -(qui sert à tous les usages culinaires); pour apprêter les viandes, -ils les coupent en morceaux dans des vases de porcelaine, puis ils -achèvent de les cuire dans la graisse. En toute saison il croît une -quantité d'herbes et de légumes qu'on ne connaît point en Europe et -qu'on emploie aussi pour les sauces. Les cuisiniers de France seraient -surpris de voir que les Chinois ont porté l'invention en matière -d'assaisonnements encore plus loin qu'eux et à bien moins de frais. -Ainsi, avec de simples fèves qui croissent dans leur pays, et avec -la farine qu'ils tirent du riz ou du blé, ils préparent une infinité -de mets tous différents les uns des autres à la vue et au goût; ils -diversifient leurs ragoûts en y mêlant diverses épices et des herbes -fortes. - -Leurs mets les plus délicieux et le plus souvent servis dans un repas -prié sont les ailerons de requin, les nids d'hirondelle et les nerfs -de cerf. Pour ces derniers, ils les exposent au soleil pendant l'été -et, pour les conserver, les enferment avec du poivre et de la cannelle; -quand ils veulent en régaler leurs amis, ils les amollissent en les -trempant dans l'eau de riz, et les ayant fait cuire dans du jus de -chevreau, ils les assaisonnent de plusieurs sortes d'épices. - -Les nids d'hirondelles sont une espèce de colle de poisson dont -certains oiseaux bâtissent leurs nids sur les côtes d'Annam et surtout -de Java et de Bornéo; c'est bien cher, parce que c'est assez rare et -surtout difficile à se procurer. D'ailleurs ce mets n'a aucun goût et -c'est, comme dit le proverbe, la sauce qui fait passer le poisson. - -Quant aux ailerons de requin, les voyageurs qui ont été en Chine se -rappellent en avoir vu en abondance dans toutes les villes, suspendus -aux plafonds des boutiques, chez les marchands de victuailles, en -compagnie de canards aplatis et fumés. On les mange en sauce dans la -graisse de bœuf; c'est très gluant et plutôt lourd à digérer. - -Un des mets recherchés des Chinois est également l'œuf pourri, -c'est-à-dire cuit sous terre dans une couche de chaux, cela vous a -un fort goût d'acide qui rebute bien des Européens; j'avoue que, -personnellement, j'ai trouvé cela exquis. - -La Chine du Nord et les pays montagneux du centre produisent du blé -et de l'orge, mais néanmoins c'est de riz que se nourrit le plus -généralement le Chinois. Le riz pousse d'ailleurs à une latitude assez -élevée et on peut dire que toute la Chine en fournit. - -Comme boisson, le plus souvent, ils consomment du thé chaud; cependant -ils ne laissent pas de boire de l'alcool et la Chine en fournit en -abondance. Le plus commun est celui de riz fermenté qui se fabrique -et se boit dans tous les pays de civilisation chinoise, depuis le -Japon jusqu'au Siam; et le plus renommé en Chine est l'alcool de Chao -Ching. Vers le nord on en fait avec le Kao Léang ou sorgho; il est -excessivement fort et enivre rapidement. - -Dans les montagnes du Yunnan, du côté de Li Kiang fou, on prépare -un alcool exquis avec du riz gluant; on dirait du Xérès et j'en ai -rapporté moi-même à dos de mulet depuis Tali fou jusqu'à Lao Kay; il se -conserve admirablement. - -IV.--La famille chinoise est la base de la société; la tribu est la -cellule organique du vaste empire des Célestes, et le plus ancien dans -la tribu, l'aïeul ou le bisaïeul, le père, dans la famille, sont les -véritables gouvernants. Car ici, l'État, contrairement à ce qui se -passe dans beaucoup de pays qui se croient plus civilisés que la Chine, -se contente du minimum de contact avec l'individu. Il réclame l'impôt, -les honneurs dus à l'Empereur et le respect aux autorités; quant au -reste il n'en a cure. Les familles, guidées par leurs chefs naturels, -se conduisent comme elles veulent; le mandarin n'intervient pas, à -moins d'en être prié, dans les affaires des particuliers. La justice, -le châtiment le plus terrible, la mort, sont du ressort du père de -famille; il a les mêmes pouvoirs que le paterfamilias romain. En 1893 -j'ai vu, au Kiang Si, un jeune homme de vingt ans condamné à mort par -le conseil de famille présidé par le père. Ce jeune homme était un -paresseux et un débauché; plusieurs fois on lui avait pardonné et on -avait essayé de le remettre dans le droit chemin; comme on n'y pouvait -réussir il fut jugé et condamné. Le malheureux n'eut aucune révolte, -d'ailleurs; il se soumit avec le flegme de tout Chinois devant la mort -et fut jeté dans le lac Poyang une pierre au cou. J'ajouterai, au -reste, que je crois ce fait assez rare, ou plutôt, s'il n'est pas rare, -il se passe avec moins d'apparat et déploiement de cérémonies. - -La famille, base de la société, n'existe pas seulement dans le présent, -elle existe dans le passé et le culte des ancêtres est la forme sous -laquelle on honore les aïeux disparus. Toute famille chinoise est une -chaîne ininterrompue, de mâle en mâle; aussi le Chinois qui n'a pas -d'enfant mâle, adopte-t-il le fils d'un parent, d'un ami; au besoin, -il se rend en cachette à l'orphelinat des enfants trouvés où il en -choisit un qu'il fera passer pour son fils. Une famille sans postérité -masculine est une famille méprisée et malheureuse. - -Le premier principe, la pierre fondamentale de leur état politique est -ce sentiment de piété filiale qu'ils gardent vivace jusqu'après la mort -de leurs pères à qui ils continuent de rendre les mêmes devoirs que -pendant leur vie; il faut y joindre l'autorité absolue que les pères -ont sur leurs enfants. De là vient qu'un père vit malheureux s'il ne -marie pas tous ses enfants; qu'un fils manque au premier devoir de -fils s'il ne laisse une paternité qui perpétue la famille; qu'un frère -aîné, n'eût-il rien hérité de son père, doit élever ses cadets et les -marier, parce que, si la famille venait à s'éteindre par leur faute, -les ancêtres seraient privés des honneurs et des devoirs que leurs -descendants doivent leur rendre; et parce qu'en l'absence du père, le -fils aîné sert de père à ses cadets. - -Si le père, ou, à son défaut, le frère aîné joue le rôle important dans -la famille, il n'en est pas de même de la femme. La femme, en Chine -ne compte pas et la naissance d'une fille dans la famille est presque -considérée comme un malheur. Si on ne les supprime point toutes, -c'est qu'il en faut bien pour avoir des garçons. On peut dire, sans -exagération, que la condition de la femme en Chine est terrible. Quand -il s'agit de la marier, sa famille lui signifie simplement qu'elle -épousera le fils de telle autre famille (jusque-là c'est un peu la -coutume française). Mais quand elle est mariée, elle est la domestique, -l'humble servante de toute la famille de son mari. Aucune intimité, -aucune tendresse entre le mari et la femme. Le mari va à ses affaires -toute la journée et la femme reste à la maison sous l'autorité de sa -belle-mère qui lui rend la vie insupportable, surtout si elle n'a pas -bientôt un fils. Aussi n'est-il pas rare de voir de jeunes femmes se -suicider de désespoir peu de temps après leur mariage. - -Si le Japon est le paradis des enfants[4], on ne peut en dire autant -de la Chine; aussi, dans ce dernier pays, les enfants craignent, -mais n'aiment pas leurs parents. Ceux-ci les élèvent en vue de la -continuité de la famille, non pour eux-mêmes et pour les rendre -heureux. La tendresse n'est pas le fort du Chinois. Au Japon on voit -les enfants gais, souriants, gentils, débrouillards déjà, courir les -rues et les parcs, les tout petits portés avec amour par la maman ou -la grande sœur; en Chine on voit d'affreux petits magots empaquetés -dans plusieurs couches de vêtements, avec des visages graves, presque -mélancoliques; ce n'est pas étonnant, personne ne leur sourit jamais. - -[Note 4: Cf. _L'Empire japonais_, par J. DAUTREMER, ch. V, p. 68 et -suiv.] - -V.--Le Chinois n'est pas religieux; l'ensemble de la nation prend pour -guide le code des livres sacrés, refondus par Confucius et commentés -par plusieurs philosophes. Aucun peuple, soit en Europe, soit en -Amérique, ancien ou d'âge relativement moderne, n'a possédé un plus -beau code de morale que les _King_ ou livres sacrés. - -Aucune idée licencieuse, aucun sacrifice humain, aucune orgie; au -contraire, le respect des parents, l'humilité, l'amour du travail -et la justice: la morale chinoise est parfaitement belle, mais -malheureusement aujourd'hui elle n'est plus pratiquée. Le Bouddhisme, -qui a pénétré en Chine, y a encore de nombreux temples et de nombreux -fidèles, mais il a dégénéré en une religion de superstitions -extraordinaires, propagées, selon toute vraisemblance, par les -disciples de Lao-Tseu, philosophe qui vivait en 600 avant J.-C.; il a -précédé Confucius, qui cependant l'a connu. La superstition existe dans -tous les actes de la vie chinoise: elle fait partie de la nature même -du Chinois, mais si elle a saisi son âme à un tel point, cela vient -des Taoistes ou prêtres du Tao. Le Tao est la voie droite, le chemin à -suivre, expliqué par Lao-Tseu dans son livre le Tao-te-king ou livre -pour arriver à connaître la voie. D'un caractère philosophique et moral -fort élevé, ce livre n'a jamais été bien compris par ceux qui se sont -intitulés les disciples de Lao-Tseu; et aujourd'hui leurs successeurs -ou prêtres du Tao sont de vulgaires charlatans, qui remplissent la -profession de devins. - -La superstition qui tient le plus au cœur des Chinois est le _feung -chouei_, littéralement le vent et l'eau; si l'on construit une maison, -il faut consulter le devin pour savoir si le vent et l'eau sont -favorables; si, par exemple, votre voisin bâtit une maison et qu'elle -ne soit pas tournée comme la vôtre, mais que l'angle qui fait la -couverture prenne la vôtre en flanc, c'en est assez pour croire que -tout est perdu; la seule précaution qui vous reste à prendre, c'est -de faire élever un dragon de terre cuite sur votre toit; le dragon -jette un regard terrible sur l'angle qui vous menace et ouvre une -large gueule pour engloutir le mauvais feung chouei; alors vous êtes -en sûreté; ou bien, devant la porte de votre maison, à deux ou trois -mètres de distance, vous faites construire un mur sur lequel un fin -lettré inscrira en énormes lettres le caractère _fou_ (bonheur). Vous -êtes sauvé. - -On pourrait raconter beaucoup d'autres absurdités semblables sur ce qui -regarde la situation des maisons, l'endroit où il faut mettre la porte, -le jour et la manière dont on doit bâtir le fourneau ou faire cuire le -riz; mais où le feung chouei triomphe, c'est en ce qui concerne les -sépultures; il y a des charlatans qui font profession de connaître les -montagnes et les collines dont le séjour est favorable; ils prennent -leurs mesures, consultent les astres, exécutent une foule de simagrées -et se les font payer très cher; car lorsqu'ils ont déclaré tel endroit -propice, il n'est pas de somme que le Chinois ne sacrifie pour posséder -cet endroit. - -Les Chinois regardent le feung chouei comme quelque chose de plus -précieux que la vie même, persuadés que le bonheur ou le malheur de la -vie dépend de lui uniquement. Si quelqu'un réussit dans ses affaires, -si un jeune homme passe brillamment ses examens, ce n'est ni son -esprit, ni son habileté, ni sa probité, ni son travail qui en est la -cause: c'est parce que la maison est heureusement située, c'est parce -que la sépulture de ses ancêtres est dans un admirable feung chouei. - -D'autres superstitions sont d'un usage journalier; par exemple: une -jonque ne commencera pas un voyage sans faire partir des pétards et -brûler de l'encens; dans le Yunnan la mule qui précède la colonne porte -sur sa tête un petit drapeau rouge avec une invocation pour qu'il -n'arrive pas malheur en route à la caravane. Quand un Chinois meurt, il -faut désenchanter sa chambre, sans quoi elle deviendrait inhabitable -pour un autre. Les Chinois attribuent tous les effets les plus -communs à quelque mauvais génie, et ils tâchent de l'apaiser par des -cérémonies: tantôt ce sera quelque idole ou plutôt le démon qui habite -dans l'idole; tantôt ce sera une haute montagne, ou un gros arbre, ou -un dragon imaginaire qu'ils se figurent dans le ciel ou au fond de la -mer; ou bien, ce qui est encore plus extravagant, ce sera quelque bête -malfaisante qui prend la forme des hommes pour les tromper: un renard, -un singe, une tortue, une grenouille. Aussi, que d'encens et de pétards -faut-il brûler pour se rendre ces génies propices! - -Ces superstitions, qui nous apparaissent naturelles dans l'Inde, par -exemple, avec bien d'autres encore, par suite de la nature tropicale, -féroce et écrasante, et du caractère exalté des habitants, nous -semblent assez bizarres, au contraire, en Chine où la nature est calme -et l'homme très froid. - -VI.--Les divertissements du Chinois sont le théâtre et la musique; -divers jeux tels que le cerf-volant, les échecs, les cartes, les -dominos; mais il a parfaitement horreur des jeux violents tels que -nous les pratiquons en Europe. Le théâtre est ambulant, il n'existe -pas, comme en Europe et comme au Japon, de constructions spéciales -où se donnent les représentations. Les troupes parcourent le pays -et là où elles sont louées par un mandarin, par un négociant riche, -elles s'installent. Des bambous et des planches, et voilà le théâtre -construit. Les femmes ne jouent pas et leur rôle est rempli par de -jeunes garçons. La pièce dure généralement plusieurs jours, et les -représentations commencent le matin pour finir le soir. Les acteurs -sont revêtus de costumes bariolés et dorés; la musique qui les -accompagne est une cacophonie épouvantable à laquelle des oreilles -européennes ne peuvent résister. - -Si les jeux de force et d'adresse sont peu prisés en Chine, par contre -le jeu de hasard y est universel. Dans toutes les maisons de mandarins -ou de bourgeois on joue; les dames au fond de leur appartement fermé -jouent; le coolie dans la rue joue. Des maisons de jeu sont ouvertes -à tout venant dans toutes les villes chinoises, et le passant peut -voir, au coin d'une rue, deux ou quatre ou six porteurs de chaises -attendant la pratique et jouant leur dernière sapèque. Ce goût du jeu a -amené des négociants chinois à spéculer et à se ruiner; ils rattrapent -d'ailleurs parfois leur fortune en quelques mois. Un des amusements -favoris des enfants comme des grandes personnes est le cerf-volant; ils -le font de papier et de soie, et ils imitent parfaitement les oiseaux, -les papillons, les lézards, les poissons, la figure humaine; le jour -principal dans l'année pour enlever les cerfs-volants est le neuvième -jour du neuvième mois. - -Le jeu d'échecs est, paraît-il, très ancien et remonterait à Ou-Wang -qui régnait en l'an 1120 avant J.-C. Il ne diffère pas beaucoup, -d'ailleurs, du nôtre et renferme les mêmes pièces. - -J'ai eu occasion de signaler le dédain qu'a le Chinois pour tout -sport qui exige de la force ou de l'énergie. Il n'en était pas ainsi -autrefois, lorsqu'il avait à combattre et à lutter pour la conquête -intégrale du pays qu'il habite aujourd'hui; il a déployé dans les -débuts et au milieu de sa période historique des qualités de force et -d'adresse, des vertus militaires qui ne le cèdent en rien à celles -d'aucun pays; mais lorsqu'il s'est trouvé seul maître, lorsqu'il -n'a plus eu d'ennemis à vaincre, il s'est efféminé, a délaissé les -exercices physiques qui font les soldats robustes. C'est à cette époque -de paix prolongée qu'il a sans doute trouvé ce proverbe: _On ne prend -pas de bon acier pour en faire un clou; on ne prend pas un honnête -homme pour en faire un soldat._ - -Il verra sous peu que, si on continue à ne pas prendre de l'acier -pour en faire des clous, il faut, de toute nécessité, prendre les -honnêtes gens pour en faire les défenseurs du pays. Les pays d'Europe -qui ne veulent plus de soldats feront bien de méditer sur l'état -de décomposition de la Chine, trop longtemps plongée dans une paix -profonde où elle va se dissolvant. - -VII.--Le Chinois est essentiellement démocratique; un Chinois est -l'égal de n'importe quel autre Chinois; pas de noblesse, pas de titres -héréditaires; la seule suprématie, la seule noblesse est celle des -lettres, et tout fils du Ciel peut y arriver par son travail et son -intelligence. Il est soumis aux ordres impériaux, a le respect du trône -et des mandarins que le trône lui envoie pour l'administrer, mais -encore faut-il pour obtenir de lui ce respect que les mandarins soient -justes et probes. Si un mandarin se conduit mal, par exemple, il sera -saisi par les notables, mis dans une chaise à porteurs, avec tous les -honneurs qui sont dus à son rang et porté en dehors de la ville; puis -une pétition sera adressée au vice-roi de la province pour avoir un -remplaçant plus digne de l'emploi. Si, au contraire, un mandarin a -mérité l'amour et la confiance du peuple, lorsqu'il quitte sa résidence -pour gagner un autre poste, le peuple lui demande respectueusement ses -bottes, et, en signe de respect, les suspend à la porte par laquelle il -quitte la ville, témoignant par là son désir de le voir revenir. - -En général le fonctionnaire chinois ne s'occupe guère de ses -administrés, et le peuple fait à peu près ce qu'il veut pourvu qu'il -paye ce qu'on lui demande, qu'il se tienne tranquille et laisse -le mandarin grossir en paix sa fortune. Cependant, quand un impôt -supplémentaire est décidé par le vice-roi pour un motif quelconque -(chose qui arrive encore assez souvent), le peuple ne se soumet pas -toujours; j'ai vu le cas à Hankeou. Le vice-roi avait décidé que chaque -porc tué payerait une taxe provinciale de tant de sapèques pendant tant -de temps, afin de subvenir à un besoin quelconque de l'administration. -Le jour où on voulut appliquer ce décret à Hankeou, pas un cochon ne -fut tué, et cela dura ainsi plusieurs jours; le peuple se priva, mais -aucun fonctionnaire n'eut de porc. Or, comme cet animal forme, chair et -graisse, la base de la nourriture chinoise, les fonctionnaires et leurs -familles furent cruellement privés; rien n'y fit: il fallut rapporter -l'édit. - - - - -CHAPITRE III - - I. Commerce; premières relations avec l'Europe.--II. Principales - productions.--III. L'opium.--IV. Le thé.--V. Le coton, les peaux, le - musc.--VI. L'industrie; la porcelaine, sa fabrication.--VII. Industrie - de la soie.--VIII. L'industrie des métaux; le pétrole, la laque, le - vernis. - - -I.--De tout temps le Chinois a été essentiellement commerçant; les -richesses particulières de chaque province de l'Empire et la facilité -avec laquelle les marchandises circulent grâce aux nombreux canaux et -rivières qui couvrent tout le territoire de leur réseau mouvant, ont -rendu le commerce très florissant; chaque province, étant, pour ainsi -dire, comme un état indépendant des autres, communique à ses voisines -ses ressources, et c'est cet échange incessant de denrées et de -produits divers qui unit entre eux les habitants et porte l'abondance -dans toutes les villes. - -A cet échange se bornait le commerce d'autrefois, avant la venue des -Européens. A part, en effet, quelques relations commerciales par -les caravanes avec l'Asie antérieure et aussi avec l'Empire romain, -les Chinois ignoraient l'Europe. Les véritables relations avec les -Occidentaux ne commencèrent d'une façon effective qu'à l'avènement de -la dynastie actuelle des Tsing (traité avec la Russie 1689; mission de -lord Macartney 1795; ambassade de lord Amherst 1816). - -Dès 1702, la Compagnie anglaise des Indes avait envoyé à Canton -un agent avec le titre de consul; les Hollandais et les Portugais -faisaient le commerce à Canton et à Formose. Toutefois ce n'est qu'en -1840, après des difficultés qui duraient déjà depuis de nombreuses -années, difficultés suscitées par la mauvaise volonté et l'animosité -des autorités chinoises, que les Anglais se décidèrent à frapper un -grand coup, à la suite duquel l'Empire chinois fut ouvert au commerce -de toutes les nations étrangères, événement que consacra le traité -anglo-chinois signé à Nankin le 29 août 1842 par Sir Henry Pottinger -et les délégués chinois; ce traité stipulait l'ouverture au commerce -étranger des ports de Canton, Amoy, Fou-Tcheou, Ning-Po, Changhai. -La France suivit l'Angleterre, les autres puissances imitèrent ces -dernières, et peu à peu, à la suite de guerres ou de négociations, la -Chine en est arrivée, à l'heure actuelle, à être à peu près entièrement -ouverte au commerce de toutes les nations d'Europe et d'Amérique. - -Le Chinois a toujours passé, et passe encore aux yeux des Européens -pour un commerçant honnête; mais il faut entendre ceci d'une certaine -façon: c'est-à-dire que, lorsque le négociant chinois vous a donné sa -parole, il s'exécute; pas n'est besoin de contrat par écrit; mais, d'un -autre côté, si vous discutez une affaire avec lui, avant d'arriver à -une conclusion, soyez persuadé que le Chinois essayera de vous tromper -le plus possible, et qu'il sera on ne peut plus aise d'y avoir réussi. -Une fois, cependant, le marché conclu, si, contrairement à ce qu'il -avait espéré, les chances tournent contre lui, il s'exécutera quand -même. C'est là sa grande supériorité sur son voisin japonais qui, lui, -n'a aucune probité commerciale. - -II.--Les principales productions qui intéressent le commerce européen -en Chine sont d'abord: la soie dont les marchés, actuellement, -se trouvent à Changhai et à Canton. Quoique plusieurs provinces -fournissent de fort belle soie, cependant celles du Tche-Kiang, -du Chan-Tong et de Canton sont les plus appréciées. Les soies du -Tche-Kiang et de Canton proviennent des cocons de vers à soie du -mûrier; celles du Chan-Tong, au contraire, sont des soies provenant du -ver à soie d'une espèce de chêne, cette soie est brune: c'est le pongée -du Chan-Tong. - -Les Chinois jugent de la bonne soie par sa blancheur, par sa douceur et -sa finesse. Si, en la maniant, elle est rude au toucher, c'est mauvais -signe. Souvent, pour lui donner belle apparence, ils l'apprêtent avec -une certaine eau de riz mêlée de chaux qui la brûle et qui fait que, -lorsqu'elle arrive en Europe, on ne peut dévider les écheveaux sans -les rompre constamment. La soie du Tche-Kiang se travaille dans la -province du Kiang-Nan, principalement à Nankin, et c'est dans cette -province que les bons ouvriers se rendent; cependant, les ouvriers de -Canton ne le leur cèdent en rien, depuis surtout que les étrangers y -font ce commerce. Aujourd'hui plusieurs fabriques de soie montées à -l'européenne existent à Changhai et dans d'autres villes; j'en parlerai -plus loin. - -Les pièces de soie dont les Chinois se servent davantage sont les gazes -unies et à fleurs dont ils se font des vêtements d'été, des damas de -toutes sortes et de toutes les couleurs; des satins rayés; des satins -noirs de Nankin; des taffetas à gros grains; des crêpons; des brocarts, -et différentes espèces de velours. - -Avec la soie du Chan-Tong ils font une étoffe fort serrée, qui ne se -coupe point, dure beaucoup, se lave comme de la toile; quand elle est -tout à fait bien préparée, elle est fort estimée des indigènes et elle -est quelquefois aussi chère que les étoffes de satin et que les étoffes -de soie les mieux fabriquées. - -Les puissances occidentales qui font la plus grande exportation de soie -sont: la France, la Suisse, l'Italie et les États-Unis. Autrefois, -c'était à Londres que s'amoncelaient les balles, c'était Londres qui -était le grand marché des soies; mais aujourd'hui Lyon, d'abord, et -Milan, puis Zurich exportent directement sans passer par le marché -anglais. - -III.--L'opium est une des productions dont la culture était à un -moment donné, devenue intense dans beaucoup de provinces de la Chine. -La drogue est venue de l'Inde et a été introduite par les Anglais -qui l'ont pour ainsi dire imposée, puisque c'est par suite de la -destruction de caisses d'opium importées à Canton par la Compagnie -des Indes qu'a éclaté la guerre de l'Angleterre contre la Chine en -1840. Aujourd'hui la culture du pavot à opium est interdite par ordre -impérial dans toute l'étendue de l'Empire chinois, et par suite d'un -accord avec la Grande-Bretagne, l'importation de l'opium indien diminue -peu à peu de façon à arriver à la suppression totale. Ces ordres -sont exécutés d'une façon rigoureuse par certains vice-rois; et, par -exemple, au Yunnan où j'ai vu partout des champs de pavots, il n'existe -à l'heure actuelle plus un seul terrain livré à cette culture. Il est à -espérer que la funeste habitude de fumer l'opium finira par disparaître -complètement du territoire de l'Empire. - -IV.--Le thé est la boisson habituelle du Chinois, et les Européens -ont, déjà depuis près de trois siècles, pris l'habitude d'en consommer -une certaine quantité. Les Russes, notamment, et les Anglais en -absorbent tellement qu'à un moment donné, des bateaux de ces deux -nations, jaugeant de sept à huit mille tonnes, venaient charger du -thé à Hankeou. Le thé de Chine croît, en effet, sur les collines dans -les provinces du Houpe, du Kiang-Si, du Fou-Kien et du Tche-Kiang; du -moins le bon thé; car il en pousse partout en Chine, mais les Européens -n'apprécient que les thés du Fou-Kien et de la vallée du Yangtseu. -Aujourd'hui les Russes seuls exportent le thé de Chine; car, à la suite -de la maladie des caféiers de Ceylan, les Anglais ont détruit leurs -plantations qu'ils ont remplacées par des plantations de thé; tout bon -Anglais ne boit aujourd'hui que du thé de Ceylan, ou bien encore du -thé de l'Inde ou de l'Assam où les sujets britanniques ont essayé des -plantations qui ont parfaitement réussi. Mais, quoique le thé vienne -fort bien à Ceylan et dans diverses contrées des Indes, il est, dans -ces pays, beaucoup moins fin comme goût que le thé de Chine; il est -plus noir et renferme beaucoup de tannin. Quoi qu'il en soit, comme il -est produit en pays anglais et qu'il est, en outre, beaucoup moins cher -que le thé de Chine, les Anglais le préfèrent à ce dernier. - -V.--Le coton est cultivé dans la vallée du Yangtseu et est consommé -sur place, notamment à Changhai où se trouvent de grandes filatures. -La ramie, ou ortie de Chine, est également cultivée dans la vallée -du Yangtseu mais elle est exportée à Canton où elle est travaillée -et préparée. On avait essayé de l'introduire en Europe, mais malgré -toutes les préparations qu'on lui a fait subir on n'est jamais parvenu -à la rendre assez souple. Parmi les articles principaux que la Chine -exporte en Europe, citons: le jute; les tapis de poils de chèvres et -de moutons; les soies de porc, destinées à la brosserie; les crins -de cheval; les plumes de canard; les peaux de vaches et de buffles; -ce dernier article fait l'objet d'un commerce fort important, et la -préparation de ces peaux en vue de l'exportation n'est pas toujours -sans danger; car la maladie du charbon sévit cruellement sur les bêtes -à cornes dans la vallée du Yangtseu; j'ai vu, notamment à Hankeou, bien -des coolies périr malheureusement de cette terrible maladie contractée -en préparant les peaux. - -Les peaux de chèvres pour gants sont aussi un des principaux articles -d'exportation. - -Le musc arrive principalement du Sseu-Tchuen et des montagnes du -Thibet; ce produit est énormément falsifié et les Chinois sont -tellement habiles dans ce genre de falsifications que les Européens -s'y laissent souvent prendre. Comme c'est là une marchandise de prix, -on peut faire ainsi des pertes énormes. Parmi les autres produits qui -donnent lieu à des échanges avec l'Europe, il faut encore citer l'huile -de bois, sorte de vernis très long à sécher et d'une odeur désagréable, -mais excellent pour préserver le bois de la décomposition; le suif -végétal et animal; les noix de galle; les tresses de paille, exportées -en grande quantité en Europe pour la fabrication des chapeaux; les -nattes, très inférieures à celles du Japon ou du Tonkin; les arachides, -le colza, le ricin, la graine de coton qu'on expédie beaucoup à -Marseille où elle sert à faire de l'huile «d'olive». - -VI.--L'industrie, telle que nous la comprenons, n'existe encore en -Chine qu'à l'état embryonnaire. L'industrie chinoise se borne à la -fabrication des objets de consommation locale, tels que vêtements, -chaussures, meubles et ustensiles divers; seules la fabrication -de la soie et celle de la porcelaine méritent vraiment de retenir -l'attention. On peut y joindre la laque qui sert à divers usages. Dans -quelques ports, on a installé aujourd'hui des fabriques de coton, de -soie, de métaux; il en sera parlé plus loin quand nous étudierons -chacun des ports ouverts. - -Le grand centre de la fabrication de la porcelaine est Kin-Te-Tcheng, -dans la province du Kiang-Si, laquelle est comprise dans le bassin du -Yang-Tseu-Kiang. Kin-Te-Tcheng est une petite bourgade, dépendant de la -préfecture de Yao-Tcheou et peuplée de plus d'un million d'habitants, -tous porcelainiers. La porcelaine était autrefois d'un bleu éclatant ou -d'un bleu de ciel remarquable; des ouvriers de Kin-Te-Tcheng essayèrent -d'émigrer au Fou-Kien et d'y transporter leur art, mais ils échouèrent. - -L'Empereur Kang-Hi, lui-même, manda à Pékin des ouvriers du Kiang-Si, -mais ils ne réussirent aucun objet. Aujourd'hui on fabrique en Chine de -la porcelaine un peu partout, mais c'est encore à Kin-Te-Tcheng que se -fait la plus belle porcelaine. Deux matières principales servent à la -fabrication: le pe toun tseu, dont le grain est très fin et qui n'est -autre chose que des quartiers de rochers qu'on tire des carrières, -et le kaolin qui est une sorte de terre blanche parsemée de petites -parcelles éclatantes. - -Pour préparer le pe toun tseu, on se sert d'une masse de fer destinée -à briser les quartiers de roc; après quoi, on met les morceaux brisés -dans des mortiers et on achève de les réduire en poudre très fine; on -jette cette poudre dans un grand bassin rempli d'eau et on l'agite -fortement; quand on la laisse reposer, il surnage une espèce de crème -qu'on a soin d'enlever et de mettre de côté dans un récipient spécial. -Cette crème se dépose au fond du récipient et forme une pâte qui -dégage peu à peu l'eau qu'elle contient; lorsque cette eau paraît à la -surface complètement claire, on la rejette de façon à n'avoir plus que -la pâte; on la met alors dans des moules propres à la dessiccation. -Cette pâte est le pe toun tseu. Même quand on l'a mise dans les moules -à dessiccation, (lesquels ne sont en somme que de grandes caisses), on -a soin de faire peser à la surface supérieure un fort poids de briques -afin d'exprimer l'eau complètement. - -Le kaolin ne demande pas autant de travail que le pe toun tseu, la -nature le fournit presque tout prêt à être employé. On en trouve -des mines dans les montagnes et ce n'est, en réalité, que du granit -décomposé que l'on découvre par grumeaux; c'est du kaolin que la -porcelaine tire toute sa fermeté; c'est son mélange avec le pe toun -tseu qui donne aux objets fabriqués toute leur force de résistance. - -On fait aussi de la porcelaine avec une autre espèce de matière que -les Chinois nomment hoa che (sorte de marbre); la porcelaine faite -avec le hoa che est rare et beaucoup plus chère que l'autre; elle est -très fine et très légère, mais beaucoup plus fragile que la porcelaine -ordinaire; les ouvriers, d'ailleurs, la réussissent plus difficilement; -car il est malaisé de saisir le véritable moment où la cuisson est -suffisante. - -Avec le hoa che on trace sur la porcelaine des dessins divers qui -ressortent à cause de la différence de leur couleur blanche, lorsque -l'objet dessiné est verni et soumis à la cuisson. On peint aussi des -figures avec le che kao, qui est une espèce de gypse; mais tandis que -le hoa che peut au besoin remplacer le kaolin, le che kao ne peut -servir qu'à exécuter des dessins. - -Généralement on mélange autant de kaolin que de pe toun tseu pour les -porcelaines fines; pour les demi-fines on emploie quatre parts de -kaolin pour six de pe toun tseu, et pour la porcelaine tout à fait -ordinaire on met une partie de kaolin pour trois de pe toun tseu. - -Je ne m'étendrai pas davantage sur la porcelaine et la peinture sur -porcelaine, choses fort connues maintenant en Europe; qu'il me suffise -de dire que les ornementations qui figurent sur les porcelaines -chinoises sont d'une uniformité immuable depuis l'antiquité. -Personnages, animaux, fleurs et arbres divers, on retrouve toujours et -partout les mêmes motifs. - -VII.--La soie a été de bonne heure une des principales industries -chinoises; des vêtements merveilleux, des tentures d'une rare beauté -sont sortis des ateliers bien primitifs cependant des fils de l'Empire -du Milieu. Toute l'Europe a pu admirer ces richesses puisque, soit par -les expositions, soit par les voyageurs et les négociants, quantités -d'étoffes de soie chinoise sont venues échouer sur le marché des -grandes villes. Cependant, si la facture est élégante, si les dessins -sont brodés avec goût, il est juste de dire que, au point de vue de la -solidité, elles ne valent pas nos étoffes de Lyon. - -J'ai déjà eu occasion d'indiquer que la soie est d'un usage général -en Chine. Il faut qu'un Chinois soit complètement dans la misère pour -n'avoir pas au moins une robe de soie dans son armoire. Tous ceux qui -sont tant soit peu à l'aise portent des vêtements de soie et sont vêtus -de satin et de damas. Leurs lits sont ornés de tentures de satin brodé; -et les jours de fête, de mariage ou de décès, la maison est pavoisée de -tentures de soie rouge d'un effet merveilleux. Le rouge est, en Chine, -la couleur qui porte bonheur. - -VIII.--L'industrie des métaux a été connue des Chinois depuis déjà -longtemps; elle s'est surtout bornée aux cloches de temples, statues, -brûle-parfums; des mines de fer, de plomb, de cuivre et de zinc ont -été ouvertes et exploitées suivant des procédés fort primitifs, il est -vrai, mais qui suffisaient grandement aux Chinois; l'or et l'argent -étaient travaillés dès l'antiquité, et la bijouterie avait une finesse -qu'on peut encore admirer dans les objets anciens. L'acier était connu -et utilisé pour faire les charrues et autres instruments de culture; -le cuivre servait à différents usages et était très employé pour -l'ornementation des temples; il l'était également pour la fabrication -des gongs, des cymbales, des trompettes, des lampes à huile, et surtout -pour la frappe de la monnaie de cuivre connue sous le nom de sapèque -et qui, seule, jusqu'à ces derniers temps, avait cours en Chine. -Aujourd'hui encore, toutes ces industries sont très florissantes -et conduites suivant les anciens procédés. Cependant, des usines -métallurgiques ont commencé à s'élever selon la manière d'Europe; des -mines sont exploitées à l'occidentale, et l'industrie se développe peu -à peu d'après les méthodes modernes. - -Le pétrole était connu et exploité au Sseu-Tchuen; il l'est encore -aujourd'hui suivant des procédés très primitifs, et son exploitation -occupe plusieurs villes et villages de la province. - -Le cristal, le quartz sont travaillés et taillés pour faire des -lunettes; le jade, cette fameuse pierre qu'on ne découvre qu'en Chine -et dont une variété, le jade blanc laiteux, est très appréciée des -Chinois, sert à faire des bracelets, des vases, des tuyaux de pipe, des -statuettes. Le jade vert, au contraire, qu'on trouve principalement au -Yunnan, a une bien moindre valeur. - -Quant à l'industrie de la laque, elle remonte assez loin; elle est -faite avec le vernis (tsi en chinois) tiré du Rhus vernicifera; c'est -une sorte de gomme noirâtre qui découle par des incisions qu'on fait -à l'écorce en ayant bien soin de ne pas entamer le bois. Ces arbres, -dont la feuille et l'écorce ressemblent assez à celle du frêne, n'ont -jamais guère plus de cinq mètres de haut; le tour du tronc est de -soixante-quinze centimètres environ; ils poussent principalement dans -les provinces du Kiang-Si et du Sseu-Tchuen; ceux du territoire de -Kan-Tcheou-Fou, la ville la plus méridionale du Kiang-Si, donnent le -vernis le plus estimé. - -Pour tirer le vernis de ces arbres, il faut attendre qu'ils aient de -sept à huit ans: plus tôt ou plus tard, le vernis ne pourrait servir -à faire de bonne laque. La laque chinoise est loin de valoir comme -finesse et comme élégance la laque japonaise[5]; on ne trouve pas un -objet en laque digne d'attention; c'est toujours grossier et sans -goût; le seul genre de laque où le Chinois excelle est la laque rouge -de Pékin qui est vraiment remarquable. On a pu admirer à l'Exposition -de 1900 la superbe et rare collection de M. Vapereau, ancien -«commissioner» des douanes maritimes chinoises. - -[Note 5: Elle est étudiée en détail dans l'_Empire japonais_, ch. -XII, pp. 166 et suiv.] - -La fabrication du cloisonné et de l'émail a toujours été très -florissante en Chine, et en ce genre de travail les Chinois l'emportent -décidément sur les Japonais. Ils commencent par fabriquer un vase en -cuivre sur lequel ils font, au moyen de bandes de cuivre soudées, les -dessins qu'ils veulent représenter en émail. Dans l'intervalle de ces -bandes de cuivre, ils coulent l'émail fondu à une haute température -et polissent ensuite la surface du vase; ils obtiennent ainsi de fort -belles pièces; mais celles qu'ils livrent aujourd'hui à l'amateur sont -loin d'égaler les cloisonnés de l'époque de Kien-Long (1736-1796) ou du -début de la dynastie des Ming (1368). - -En somme, le Chinois est très industrieux, et il possède, à un haut -degré, tout comme le Japonais, l'esprit d'assimilation et d'imitation. -Est-ce donc à dire qu'il manque d'imagination? Non certes: il a trouvé -avant nous la manière d'imprimer, non pas les caractères mobiles, il -est vrai, mais l'imprimerie sur planches gravées, et il s'en servait -alors que nous étions encore en Europe réduits au travail du copiste; -il a inventé la poudre, la boussole, l'organisation du travail, les -arts, les lettres, les sciences: il a tout connu avant d'être en -contact avec nous. Mais ce qui lui a manqué dans ses inventions, -c'est l'encouragement de ses gouvernants, qui, bien loin de pousser -aux perfectionnements et aux découvertes nouvelles, décourageaient au -contraire les initiatives. - -L'éducation même du Chinois le mettait en garde contre de trop grandes -nouveautés, car il était admis que tout ce qu'avaient fait les ancêtres -était parfait et qu'il fallait les imiter, au lieu de chercher à -surpasser ou à améliorer leur œuvre. Dans de telles conditions l'Empire -ne pouvait que se replier sur lui-même sans faire un pas en avant, -et c'est pour ce motif que, au moment de son premier contact avec la -Chine, l'Europe a trouvé cette dernière dans l'état social, commercial -et industriel où elle était il y a mille ans. - - - - -CHAPITRE IV - - I. Administration chinoise.--II. Système monétaire.--III. Différence - du tael dans chaque province.--IV. Piastres locales provinciales.--V. - La sapèque.--VI. Essai de réforme monétaire.--VII. Les poids et - mesures. - - -I.--Au sommet de l'État est l'Empereur; il a pour ainsi dire un pouvoir -illimité; il est le grand dispensateur des grades, des honneurs; il est -le chef de la religion et seul, fils du Ciel, il a le droit d'adorer le -Ciel; il est la loi, le châtiment et la grâce. Aucun criminel condamné -à mort ne peut être exécuté ni gracié, sans sa sanction; rien ne peut -être fait contre sa volonté; aucun privilège ne protège ses sujets -contre un froncement de ses sourcils. Toutes les forces de l'Empire, -tous les revenus lui appartiennent, l'Empire entier est sa propriété. -Cependant il doit écouter les observations, voire les réprimandes de -la cour des censeurs (en chinois Tou tch'a Yuan), qui sont chargés de -veiller à la bonne administration de l'Empire et surtout à la bonne -conduite, à l'honnêteté des fonctionnaires de tous ordres. Certains -de ces censeurs ne craignent pas de faire à l'Empereur lui-même des -remontrances lorsqu'ils jugent que c'est leur devoir, et beaucoup ont -préféré subir la mort plutôt que de se taire; d'autres, au contraire, -ont été récompensés de leur franchise, témoin le censeur Song, bien -connu pour avoir accompagné lord Macartney, lors de son ambassade à -la cour de Pékin. Il adressa, en effet, des observations à l'Empereur -Kia-King sur son goût trop prononcé pour les femmes et le vin de riz; -il lui exposa qu'il se dégradait aux yeux de ses sujets et qu'il -se rendait totalement incapable de remplir ses devoirs d'Empereur. -Kia-King, irrité, le fit venir et lui demanda quelle récompense il -croyait avoir méritée pour une audace aussi grande. «Faites-moi couper -en morceaux si vous voulez», répondit-il. Le monarque lui ayant -signifié de choisir un autre genre de mort: «Eh bien donc, faites-moi -décapiter.--Non, encore autre chose, dit l'Empereur.--Eh bien donc, -qu'on m'étrangle!» Sur ces paroles, Kia-King le congédia et le -lendemain le nomma gouverneur de la province d'Ili. - -Les censeurs de cette allure sont plutôt rares et il est bien évident -que la plupart du temps, sous un gouvernement aussi despotique, la -plupart se taisent ou essayent de louer toutes les actions impériales, -pour obtenir quelques faveurs de la manne céleste. - -Après l'Empereur, souverain maître, le pouvoir appartient au -Kiun-Ki-Tchou ou Conseil d'État, puis au Nai-Ko, ou grande -Chancellerie. Viennent ensuite ce que nous pourrions appeler les -départements ministériels; ils ont été remaniés depuis trois ans et -remplacent les six vieux ministères de l'ancienne administration -chinoise: - -Ming tcheng pou, ou ministère de l'Intérieur et de la Police; - -Li pou, ou ministère des Offices civils, chargé de la présentation et -de la promotion des fonctionnaires; - -Pou tcheng pou, ou ministère des Finances; - -Li pou, ou ministère des Rites, chargé des cérémonies du culte -officiel, et, tout récemment, du service du Protocole; - -Hiue pou, ou ministère de l'Instruction publique; - -Lou kiun pou, ou ministère de la Guerre; - -Fa pou, ou ministère de la Justice; - -Nong tcheng pou ou ministère de l'Agriculture, du Commerce et de -l'Industrie; - -Yeou tchouen pou, ministère des Communications; - -Li fan pou, ministère des colonies, c'est-à-dire du Thibet et de la -Mongolie; - -Ouai ou pou, ministère des Affaires étrangères. Ce département n'existe -que depuis 1901, après l'entrée à Pékin des différentes armées -étrangères. Autrefois les relations extérieures ressortissaient à -une administration spéciale, connue sous le nom de Tsong li ko kouo -che, ou ya meun, ou tribunal pour traiter les affaires des différents -pays; il avait été institué après la conclusion de la paix en 1860, -pour continuer les relations avec les pays européens; c'est par un -décret impérial, en date du 19 janvier 1861, que fut installée cette -nouvelle organisation qui fonctionna jusqu'en 1901; elle était composée -de représentants des différents ministères et aussi de membres de -la famille impériale. Le prince Kong a longtemps fait partie de ce -conseil. Après l'équipée des boxeurs, en 1901, la Chine a compris -qu'elle devait avoir des relations nouvelles et régulières avec les -puissances étrangères, et elle a institué un ministère des Affaires -étrangères sur le modèle des mêmes administrations de l'Occident. A la -tête de ces départements ministériels sont placés un ministre et deux -sous-secrétaires d'État[6]. - -[Note 6: Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons la -création d'un ministère de la marine Hai Kiun pou.] - -La division actuelle de l'Empire en dix-huit provinces date de -l'Empereur Kang-Hi, c'est-à-dire du XVIIe siècle. Autrefois, sous -les Ming, la Chine ne comptait, en effet, que quinze provinces, et -l'Empereur mandchou en divisa trois, le Kiang-Nan, qui forma Kiang-Sou -et Ngan-Hoei; le Kansou, détaché du Chen-Si; le Houkouang qui devint -Houpe et Hounan. - -Les provinces qui sont situées dans le bassin du Yang-Tseu-Kiang sont -au nombre de huit: le Kiang-Sou, le Ngan-Hoei et le Kiang-Si, formant -le gouvernement général du Kiang-Nan, avec Nankin comme capitale; le -Houpe et le Hounan, capitale Wou-Tchang; le Sseu-Tchuen, capitale -Tcheng-Tou; le Yunnan et le Kouei-Tcheou, capitale Yunnan-Fou. - -A la tête d'un gouvernement provincial, lequel gouvernement peut, -ainsi qu'on le voit, se composer d'une, de deux ou de trois provinces, -se trouve un gouvernement général, en chinois Tsong-Tou, que les -Européens ont appelé à tort et continuent d'appeler vice-roi; -en-dessous de lui vient le gouverneur de la province, en chinois Siun -fou (plus communément foutai); chaque province a un foutai, résidant -au chef-lieu; viennent ensuite: le trésorier (pou tcheng che tseu), -le juge provincial (Ngan tcha che tseu), le contrôleur de la gabelle, -l'intendant des greniers. - -Enfin, parmi les autorités supérieures, et en dernier lieu, vient -le Taotai (intendant de cercle); il est chargé de deux ou plusieurs -préfectures, et a la haute inspection des troupes placées dans le -cercle de sa juridiction. Ce sont des Taotai qui ont été installés -dans chaque port pour traiter les affaires européennes avec les -consuls, et ces Taotai sont tous en même temps directeurs chinois des -douanes impériales maritimes. C'est donc à eux qu'on s'adresse en cas -de réclamations, et c'est par leur intermédiaire que se traitent les -différentes affaires, que se règlent les divers litiges. - -Après le Taotai viennent immédiatement: le préfet (tche fou), -administrant une division provinciale bien plus étendue que ce que -nous appelons préfecture chez nous; il y en a à peu près dix par -province, et chaque province est au moins aussi grande et souvent plus -grande que la France; puis le sous-préfet: on compte deux sortes de -sous-préfets: 1º celui qui administre une sous-préfecture indépendante -(Ting) (généralement sur les frontières, dans les pays non encore bien -chinoisés); 2º celui qui administre une sous-préfecture (chien) sous la -direction d'un préfet. - -II.--Cet aperçu, tout succinct qu'il est, de l'administration chinoise, -me paraît suffire au lecteur, qui, certainement, ne tient nullement -à entrer dans le fatras fort compliqué de la hiérarchie mandarinale; -cette organisation, d'ailleurs, va peut-être se transformer lorsque -le Parlement chinois, dont on parle tant, sera réuni et fonctionnera. -Avant donc d'entrer plus avant dans la description des ports ouverts et -du commerce de la vallée du Fleuve Bleu, je crois utile de consacrer -quelques explications aux monnaies, poids et mesures; je m'y étendrai -assez longuement, car ici nous nageons en pleine fantaisie. - -Il n'y a pas de monnaie d'or; quelques auteurs chinois prétendent -qu'elle existait autrefois, concurremment avec la monnaie d'argent, -mais il y a apparemment fort longtemps, et personne ne peut le -démontrer. Actuellement, la seule monnaie courante est la sapèque, -petite monnaie de cuivre percée au milieu, et que l'on enfile dans une -ficelle jusqu'à mille, ce qui fait un _tiao_, que nous appelons en -français une _ligature_. Il faut environ dix sapèques pour faire un de -nos sous, et c'est la monnaie qui a seule cours dans toute l'étendue -de l'Empire. Cependant la monnaie d'argent existe[7], mais d'une façon -fictive; elle existe sous la forme de tael ou _leang_. Un tael n'est -pas une monnaie; c'est à proprement parler une once d'argent, en forme -de sabot plus ou moins grand, pesant 5, 10, 20, 30, 50 taels ou onces. -Quand on voyage dans l'intérieur de la Chine, on emporte une certaine -provision de ces taels et on se munit d'une petite balance portative, -renfermée dans un étui plus ou moins élégant, et ressemblant à la -balance romaine. Lorsqu'on n'a plus de sapèques pour payer l'hôtelier, -les porteurs, le restaurateur, on coupe sur un tael une certaine -quantité d'argent qu'on pèse et on va la porter à une banque chinoise -qui la pèse à son tour et vous donne le change en sapèques. C'est fort -ennuyeux parce qu'il faut toujours avoir avec soi un poids très lourd, -soit en argent, soit en cuivre; mais après tout on s'y fait assez vite; -c'est toujours ainsi que j'ai voyagé en Chine. - -[Note 7: Cf. _l'Empire de l'argent. Étude sur la Chine financière_, -par JOSEPH DUBOIS. (Librairie orientale et américaine, E. Guilmoto, -éditeur).] - -III.--Le tael, l'once d'argent n'est pas le même pour toute la Chine; -autre difficulté et plus grande que la première: chaque province a -son tael: ainsi 100 taels de Canton valent 102 taels, 50 centièmes de -Changhai; 100 taels de Changhai valent 98 taels de Hankeou, etc.; il -s'ensuit des complications d'opérations pour lesquelles il faut avoir -recours à un Chinois versé dans la matière. - -Il existe ensuite le tael Kou-ping, le tael officiel au poids du -trésor; puis le tael Hai-Kwan, le tael de la douane maritime, moins -fort que le Kou-ping, mais plus fort que les taels des diverses -provinces. C'est généralement en taels Hai-Kwan que les Européens -traitent les affaires. Actuellement le Hai-Kwan tael vaut 3 fr. 80 -environ. - -Pour remédier à cette difficulté dans les échanges, on a introduit sur -le marché chinois la piastre mexicaine (valant actuellement 2 fr. 20), -qui sert de monnaie courante dans tous les ports ouverts: la parité -entre le tael et la piastre se fixe tous les jours suivant l'offre et -la demande; par exemple, un jour la bourse, c'est-à-dire les banques -affichent qu'elles prennent les piastres au taux 100 pour 70 taels: le -lendemain au taux de 72 taels ou de 76 taels. - -IV.--Dans quelques provinces, vers 1895, 96, 97, 98, les vice-rois ont -installé des monnaies pour frapper des piastres locales; c'est ainsi -qu'on vit apparaître des piastres de Canton, du Ngan-Hoei, du Houpe, de -Tien-Tsin; mais d'abord elles ne furent acceptées qu'avec répugnance, -et on leur préférait toujours la piastre mexicaine. Des monnaies -divisionnaires de 50, 20, 10 et 5 cents (centièmes de piastres) furent -également frappées; elles sont généralement reçues dans tous les ports -ouverts, mais non dans l'intérieur, où seule la sapèque a cours légal -et commercial. - -On trouve encore, à Tchen-Kiang, des piastres espagnoles, provenant des -Philippines, à l'effigie de Ferdinand II et de Charles IV; mais on ne -les voit pas ailleurs. - -Sur les frontières du Tonkin, au Kouang-Si et au Yunnan, la piastre -française de l'Indo-Chine et les monnaies divisionnaires ont fini par -être acceptées, mais il a fallu bien du temps. - -On voit combien est compliqué le système monétaire chinois, puisque, -par exemple, pour traiter des affaires entre Changhai et Hankeou, il -faut tenir compte de la différence du tael sur les deux marchés, et -toujours calculer que les taels d'une ville (Hankeou) sont plus forts -que ceux de l'autre (Changhai). - -Il s'ensuit aussi, naturellement, que le change des sapèques pour le -tael subira une hausse ou une baisse suivant les provinces; on aura -pour un tael de Hankeou, par exemple, 1.800 sapèques, et pour un tael -de Changhai, 1.500 ou 1.570. - -V.--Bien qu'aujourd'hui les sapèques soient toutes frappées en cuivre, -il fut une époque où la Chine possédait des sapèques d'étain, de -plomb, de fer même. Dans l'antiquité on se servait aussi de petits -coquillages, mais l'usage en a été vite aboli. Outre les sapèques de -figure ronde, il existait sous les anciennes dynasties des sapèques -en forme de lame de sabre, de dos de tortue; il y en avait avec des -figures d'oiseaux, de dragons, et quand il s'en trouve actuellement -dans une famille chinoise, ces vieilles monnaies sont regardées comme -des fétiches porte-bonheur: on les attache avec un ruban au cou ou à -la ceinture des enfants. - -Les faux-monnayeurs existent en nombre considérable: non seulement ils -fabriquent de fausses piastres mexicaines, mais ils lancent aussi dans -la circulation de fausses sapèques, alliage de sable, de zinc et de -cuivre. Aussi, quand on paye un coolie, on voit ce dernier examiner -une à une les sapèques qu'on lui remet et refuser celles qui ne lui -semblent pas suffisamment pures. Cependant, chose étrange, les sapèques -fausses circulent; mais on en exige le double en payement; ainsi, un -coolie achetant une poignée d'arachides payera avec 5 bonnes sapèques -ou 10 fausses. - -Entre Chinois ces petites pratiques n'ont pas d'importance! Ils -n'aiment pas qu'on leur passe une piastre évidée et garnie de plomb; et -cependant la chose n'est pas rare, les faux monnayeurs sont habiles. - -La sapèque étant fort incommode à transporter, les Chinois ont cherché -un moyen fiduciaire qui en tînt place, et ils ont bien avant nous -trouvé le billet de banque. Ces billets, toutefois, ne sont pas émis -par l'État, mais par des banques particulières. Une banque peut être -ouverte par une personne seule ou par une société, pourvu qu'elle se -soumette à certains règlements et à certaines redevances envers l'État. -Une fois en règle, la banque émet des billets pour une valeur de 10, -20, 50, 100 ligatures ou tiao; de cette façon on n'a pas besoin de -s'embarrasser de monnaie de cuivre; les banques se connaissant entre -elles échangent leurs billets; elles donnent même des lettres de -crédit à ceux qui sont appelés pour leurs affaires dans l'intérieur de -l'Empire; et il faut reconnaître qu'on a toutes facilités au point -de vue du payement. Les avantages que possèdent ces banques sont -réellement appréciables; mais il y a un revers, c'est que le taux -de l'intérêt en Chine est très élevé; il va de 20 à 40 pour 100, et -rarement il reste à 3 pour 100 par mois, ce qui est le taux légal. - -VI.--Devant les difficultés qu'entraîne le système monétaire actuel, le -gouvernement chinois a essayé dernièrement plusieurs tentatives pour -réformer le système du tael et de la sapèque et le 24 mai 1910, un -décret impérial a été publié conçu à peu près dans ce sens: - -L'unité de la circulation monétaire nationale sera la piastre d'argent -(Yuen en chinois) et l'étalon sera jusqu'à nouvel ordre l'argent. La -monnaie d'appoint consistera en pièces de 50, 25, et 10 cents, une -pièce de nickel de 5 cents et quatre pièces de cuivre de 2 cents, 1 -cent, 5 sapèques et 1 sapèque. La valeur de la piastre sera établie -d'une façon décimale et définitive. Il ne sera pas permis de les -altérer. Le ministère des Finances donnera des ordres nécessaires pour -que les monnaies frappent les nouvelles pièces conformément au poids -et au titre ainsi qu'aux modèles adoptés et les mettent peu à peu en -circulation. - -Un certain nombre de banquiers chinois se sont réunis dans la capitale -et ont décidé de créer une association avec des branches dans les -provinces pour aider à réaliser cette réforme; le gouvernement de son -côté a déjà pris des mesures pour la frappe des nouvelles pièces, leur -mise en circulation et le rachat de l'ancienne monnaie. Il est bien -évident que si l'usage de la monnaie en question pouvait être étendu -à tout l'Empire, ce serait un immense progrès; mais il y aura de la -résistance de la part des banques, habituées à faire des profits dans -le change de la sapèque par rapport à l'argent; de plus la suppression -du système actuel, tellement entré dans les habitudes chinoises qu'il -les dérange et les gêne fort peu, mettrait fin aux bénéfices des gros -personnages: ceux-ci tiennent à la conservation des vieux errements. -Aussi il est probable que la réforme monétaire n'ira pas sans grande -difficulté et sera sans doute l'une des plus pénibles à accomplir en -Chine. C'est la banque chinoise Ta-Ts'ing-Ying-Hang qui a été chargée -de mener à bonne fin le changement radical du système monétaire de -l'Empire[8]. - -[Note 8: Les nouvelles monnaies d'argent viennent, d'après -de récentes informations venues de Chine, d'être frappées par le -ministère des Finances et comprennent quatre types: une piastre, une -demi-piastre, vingt-cinq cents et dix cents. On en aurait déjà fait -parvenir aux ministères et administrations diverses à Pékin et dans -les provinces. Les pièces portent d'un côté Ta Tsing ying pi (monnaie -d'argent de l'Empire des Tsing) et de l'autre, suivant le cas: Yi yuan -= une piastre; ou kiao = 1/2 piastre ou 50 cents; leang kiao pan = 15 -cents; yi kiao = dix cents. C'est là un premier essai.] - -VII.--Les Chinois se servent pour peser des unités suivantes: - - tan qui vaut: 60 kilogrammes - kin -- un centième de tan - léang -- un seizième de kin - tsien -- un dixième de léang - feun -- un dixième de tsien - li -- un dixième de feun - -Mais les Européens ne font pas usage de ces termes; ils donnent à ces -unités chinoises des noms adoptés autrefois par les premiers Portugais -qui sont venus en Chine: - - Le _tan_ se nomme _picul_ (mot malais) - Le _kin_ -- _catti_ - Le _léang_ -- _tael_ - Le _tsien_ -- _mas_ ou _mace_ - Le _feun_ -- _candarin_ - Le _li_ -- _cash_ - -Tout le commerce étranger en Chine se fait par _picul_ et _catti_. - -L'étranger qui achète des terrains en Chine a besoin de connaître les -mesures de surface. Le _meou_, valant à peu près 600 mètres carrés, -le _king_, valant 100 _meou_ sont les deux principales unités; il est -vrai de dire qu'ils diffèrent selon les provinces, comme du reste les -mesures de longueur dont l'unité principale, le _li_, varie entre 500 -et 650 mètres suivant qu'on se trouve au nord ou au sud de l'Empire. - -Ainsi, même dans les choses les plus précises, telles que monnaies, -poids et mesures, rien de fixe, rien de définitivement réglé en Chine. -Il en est ainsi pour tout; _la Chine est le pays de l'à peu près_ et le -Chinois traduit lui-même sa mentalité dans une phrase qu'il a toujours -à la bouche: «Tch'a pou tô; il s'en faut de peu; c'est à peu près -cela». - - - - -CHAPITRE V - - I. Changhai (Shanghai); situation géographique.--II. Nature et - climat.--III. Les concessions; la ville européenne; services - publics.--IV. Les cités chinoises; la route d'Europe à Changhai.--V. - La population étrangère et la population chinoise; les ponts; - l'observatoire de Zi-Ka-Weï; les égouts.--VI. L'industrie européenne; - les quais; établissements du gouvernement chinois.--VII. Situation - commerciale de Changhai; importation, exportation.--VIII. Organisation - des douanes maritimes.--IX. Population étrangère d'après le - recensement de 1905.--X. Relevé commercial d'une année (1908). - - -I.--Changhai est situé à l'extrême sud-est de la province du -Kiang-Sou; il ne se trouve pas précisément sur le Yang-Tseu-Kiang, -quoique dans une province arrosée par ce fleuve; il est situé sur la -rivière Houang-Pou, à peu près à 20 kilomètres en amont du village -de Wousong, où les eaux jaunâtres du Houang-Pou rejoignent les eaux -non moins jaunâtres de l'estuaire du Yangtseu. La ville chinoise est -une sous-préfecture de peu d'intérêt: Changhai n'est important, en -effet, que parce qu'il est le grand port de commerce où les négociants -d'Europe sont installés et où les marchandises européennes s'échangent -contre les marchandises chinoises; il fut déclaré port ouvert par le -traité anglais de Nankin en 1842, et depuis ce temps jusqu'à nos jours -n'a cessé de prospérer et de se développer; c'est aujourd'hui, sans -conteste, le plus important des marchés de l'Extrême-Orient. - -Changhai est géographiquement situé, par 31° 15 de latitude nord et -environ 119° est, méridien de Paris, dans une vaste plaine d'alluvions, -très riche et où toutes les cultures réussissent; la population, -au reste, y est plus dense que dans n'importe quelle partie de la -Chine. Les principales cultures y sont le riz et le coton; cette -dernière a pris, depuis quelques années, beaucoup d'extension, grâce à -l'installation de filatures à Changhai même. - -En revanche, on n'y fait pas beaucoup de soie. En dehors du riz, le -blé, l'orge, les légumes de toutes sortes, les choux, navets, carottes, -les melons et les pastèques y viennent admirablement. Il y a peu de -fruits; et le seul fruit mangeable qui soit à Changhai est une espèce -de pêche, petite, en forme de tomate, et qui n'est, en effet, pas -mauvaise. En automne on peut se procurer le fade kaki; tous les autres -fruits sont importés. - -II.--Il ne faut pas chercher les beautés de la nature à Changhai. -L'immense plaine se déroule à perte de vue, coupée par des canaux et -des criques qui font communiquer entre elles les différentes villes -de la province: Song-Kiang, Sou-Tcheou, Hang-Tcheou, Tchen-Kiang. -Les Européens qui habitent Changhai n'en sortent que pour aller, en -automne, faire des excursions de chasse; quand on veut un changement -d'air on prend le bateau pour Nagasaki. - -Le climat de Changhai passe pour être relativement sain, mais les étés -y sont affreusement chauds, le thermomètre, pendant les mois de juillet -et d'août, montant facilement jusqu'à 41 et 42 degrés centigrades -à l'ombre. Par contre, il y a des hivers très froids et souvent on -patine. Malgré ces températures extrêmes, les Européens s'y portent -généralement bien; la maladie la plus à craindre est la dysenterie et -sa conséquence, l'abcès au foie. En dehors de cela, on y trouve les -mêmes maladies qu'en Europe; parfois la petite vérole y fait d'affreux -ravages. - -Il y pleut une moyenne de 120 jours par an, ce qui n'est pas excessif, -et l'automne, depuis octobre jusqu'à janvier, y est radieux, comme du -reste dans toute la vallée du Yangtseu. - -III.--La ville européenne comprend trois concessions: une américaine, -une anglaise, une française. Les deux premières, fondues ensemble et -sous la même administration, s'appellent la concession internationale; -la française reste à part. C'est d'ailleurs sur la première que règne -l'activité commerciale, et tous les négociants y sont installés; un -quai superbe, bordé de maisons ressemblant à autant de palais, longe -le fleuve; voitures, tramways, djinrikishas, brouettes, porteurs -encombrent quais et rues adjacentes; du matin au soir c'est une -fièvre, une course au dollar. Dans la concession française, on voit -des rues larges, bien alignées et propres, et les agents de police se -promenant, l'air digne; la concession française est une installation -d'État destinée à abriter des fonctionnaires; l'autre est une -installation d'affaires et de négoce. J'ai toujours, hélas! remarqué -cette différence entre les établissements français et anglais. Allez -à Saïgon; c'est une ville magnifique; ses rues, ses boulevards, ses -monuments, ses jardins en font la plus jolie ville d'Extrême-Orient; -on y traite peu ou point d'affaires; c'est comme une ville morte. -Allez à Rangoon, tout près de là, en territoire anglais: la ville est -vilaine, n'a pas de tournure; mais quelle activité! On y brasse des -millions! - -On trouve dans le Changhai européen de belles églises, de beaux hôtels -d'un luxe et d'un confortable qui n'a rien à envier à l'Europe; -plusieurs banques, notamment la Hong-Kong and Changhai Bank, occupent -de vastes et somptueux édifices; le quai possède quelques monuments et -un jardin où l'on va entendre la musique municipale l'après-midi à 5 -heures, ou le soir à 8 heures. - -Rien ne manque ici à la vie européenne, je devrais dire à la vie -anglaise; car c'est la vie anglaise un peu, mais très peu modifiée, -qu'on vit partout en Asie dans ce qui n'est pas exclusivement colonie -française ou hollandaise. Courses, club, théâtre, tout existe; -restaurants à la mode, dîners fins, bals et soirées pourraient faire -croire qu'on n'est pas en Chine, si on n'avait constamment sous les -yeux les domestiques chinois. - -Les services publics fonctionnent comme en Europe et pour les postes -et les télégraphes, on n'a que l'embarras du choix: poste chinoise, -française, anglaise, allemande, russe, japonaise, etc..., télégraphe -chinois, anglais, danois. - -Enfin, actuellement c'est un coin d'Europe, et combien de vieux -résidents s'en plaignent! Ce n'est plus la bonne vie d'autrefois -où le laisser-aller et la négligence de tenue étaient universels; -aujourd'hui, malgré 40 degrés à l'ombre, on ne saurait aller dîner -autrement qu'en habit; il faut être correct et on n'oserait prendre, -vêtu de blanc, son cocktail au club. - -IV.--Derrière les constructions européennes, de nombreuses boutiques -chinoises sont venues s'installer, lesquelles sont sous la juridiction -de la concession; c'est une ville chinoise propre qui continue la ville -blanche; puis, après cette ville chinoise européanisée, se trouvent le -champ de courses et la campagne qui l'entoure où beaucoup d'Européens -ont construit leur résidence pour être au calme après le travail et les -affaires. - -V.--Pour arriver à Changhai, le voyageur dispose de plusieurs voies: - -D'abord la voie de terre par Moscou et le transsibérien jusqu'à -Tien-Tsin, d'où un bateau mène en deux jours à Wou-Song; puis la voie -d'Amérique soit avec le transcontinental des États-Unis par New-York et -San-Francisco, soit avec le transcanadien entre Montréal et Vancouver; -enfin la vieille route de l'Inde par Marseille, le canal de Suez, -Saïgon et Hongkong. Cette dernière est évidemment la plus longue, mais -elle est aussi la moins chère; aussi est-elle assez suivie, bien que, -cependant, à l'heure actuelle, la voie russe soit très fréquentée. - -VI.--La population étrangère de Changhai a considérablement augmenté -dans ces dernières années; elle peut être évaluée à environ 8.000 -Européens et Américains. Quant à la population chinoise, à qui, -primitivement, il était absolument interdit d'habiter sur les -concessions, elle s'élève bien à 500.000 âmes. Chassée par la révolte -des Taipings à l'abri des établissements européens, la population -des campagnes environnantes y resta et s'y accrut. De plus, les -Européens, propriétaires des terrains, trouvèrent une rémunération -sûre dans le fait de louer aux Chinois terrains et maisons, de sorte -qu'aujourd'hui, en arrière des deux concessions française et anglaise, -existent de véritables villes chinoises. Les rues des concessions -sont toutes reliées entre elles par de nombreux ponts sur les criques -qui forment leurs limites, et de belles routes sont entretenues par -les conseils municipaux; elles permettent de gagner la campagne et -de faire des promenades aux environs de la ville. C'est ainsi que -deux magnifiques routes, dignes des routes de France, conduisent -à Zi-Ka-Wei, chez les Pères Jésuites qui ont là un observatoire -remarquable. Il est en communication avec les différentes stations -météorologiques des mers de Chine et du Japon; par l'annonce qu'il fait -du mauvais temps en mousson du suroit, il évite à bien des navires -d'être perdus dans les typhons. La plus fréquentée des routes qui -conduisent à Zi-Ka-Wei est la route anglaise connue sous le nom de -Bubbling well ou puits qui bout, à cause d'un puits qui se trouve sur -son parcours et où l'eau est constamment en ébullition. - -De grosses sommes ont été dépensées pour construire des égouts, et -il n'a pas été facile d'arriver à une solution bonne et rapide en -cette matière, à cause précisément de la nature du terrain sur lequel -la ville est construite, terrain bas et trop peu élevé au-dessus du -niveau de la mer; cependant, le système de drainage actuel des eaux -est parfait, et la propreté des rues est réelle. Au point de vue de -l'alimentation et des bains, Changhai est magnifiquement pourvu; les -deux concessions possèdent chacune leur château d'eau qui fournit à -tous et à des prix modérés, une eau filtrée et saine. Deux compagnies -de pompiers volontaires rendent d'immenses services en cas d'incendie. - -[Illustration: _Crique de Soutcheou à Changhai._] - -VII.--L'industrie sous sa forme européenne est très prospère à Changhai -et il y a tout lieu de croire que ses progrès ne s'arrêteront pas. Il -existe dans le port quatre docks pour la réparation des navires: l'un, -le dock de Tong-Kadou, a une longueur de 126 mètres sur une profondeur -de 7 mètres; le vieux dock de Hong-Kiou, connu par tout le monde sous -le nom de Old Dock, a environ 135 mètres de long sur 7 mètres de -profondeur. Le nouveau dock de MM. Boyd et Cie à Poutong couvre une -longueur de 150 mètres avec une profondeur de 8 mètres; il est plus -large que les deux autres, et mesure environ 17 mètres de largeur au -fond et 45 mètres à niveau du sol; mais le plus long est encore celui -de la maison Farnham connu sous le nom de Farnham's cosmopolitan dock; -situé également à Poutong, il mesure 187 mètres environ (exactement 560 -pieds anglais) de longueur, et 17 mètres de largeur. - -Un autre dock a été construit: le dock international, qui est encore -plus considérable que les précédents. - -Il n'est pas de port en Extrême-Orient qui possède des quais -comparables à ceux de Changhai; ils s'étendent sur plus d'un kilomètre -dans la concession américaine, à l'entrée du port, et tous les navires -peuvent y accoster à quai. - -La concession anglaise n'a pas de quai de marchandises, mais ici les -bords de la rivière sont revêtus d'un vert gazon, et plantés d'arbres -qui forment une fort jolie promenade depuis le pont du Yang-Kin pang -(concession française) jusqu'au pont du canal de Sou-Tcheou où se -trouvent les jardins publics. - -Entre autres industries florissantes à Changhai on peut compter les -filatures de coton. Cinq sociétés à capitaux européens se sont formées -à cet effet: - -«E wo» dirigée par MM. Jardine Matheson and Cº; - -«The international» sous les auspices de The American trading Cº; - -«Lao Kung mow» à la tête de laquelle se trouvent MM. Ilbert and Cº; - -«Souy chee» dont les directeurs sont MM. Arnhold Karberg and Cº; - -«Yah loong» dirigée par MM. Fearon Daniel and Cº. - -Ces différentes sociétés possèdent chacune de 40.000 à 50.000 broches; -les résultats cependant n'ont pas toujours donné ce qu'on espérait; -ainsi la filature appartenant à la société Fearon Daniel and Cº a dû -être fermée temporairement en 1901; cependant 1906 fut une bonne année -pour toutes les filatures dirigées par les Européens. En dehors de -ces dernières il existe aussi des filatures indigènes, sur le modèle -d'Europe, mais tout à fait entre les mains des Chinois. Le vice-roi -Li-Hong-chang avait fondé en 1893 puis reconstruit en 1895 la «Shanghai -cotton cloth administration», l'une des plus grandes manufactures de -coton de Changhai. Après le coton, la soie; c'est ainsi que Changhai -possède aujourd'hui 25 filatures de soie; mais cinq d'entre elles -seulement sont dans les mains des Européens, toutes les autres étant -dirigées par des Chinois. - -On trouve également comme industrie occidentale à Changhai des -fabriques de papier; des fabriques d'allumettes suédoises; des -meuneries; des ateliers de réparation de navires; des fabriques de -fer-blanc. Le plus considérable des ateliers de réparation et de -construction de navires est le «Shanghai dock and engineering Cº», -fondé par un Anglais nommé Muirhead vers 1855, repris et augmenté par -M. Farnham et connu jusqu'en 1906 sous le vocable «S. Farnham, Boyd and -Cº». - -Tous les navires déchargent à quai, sauf toutefois les grands paquebots -qui sont obligés de rester à l'ancre en dehors de la rivière, en -face de Wou-Song, à cause de la barre élevée par les alluvions à -l'embouchure du Houang-Pou. Les quais de Changhai appartiennent à une -Société qui les loue aux différentes compagnies de navigation. - -Il existe aussi une certaine longueur de quais sur la concession -française et plusieurs navires faisant le service du Yangtseu y ont -leurs appontements. - -Le gouvernement chinois possède à Changhai un dock et un arsenal ainsi -qu'un dock pour la construction des navires, au lieu appelé Kao tchang -miao, un peu en amont du fleuve, au delà de la ville indigène. - -En 1876 une ligne de chemin de fer avait été installée entre les -concessions européennes de Changhai et Wou-Song; mais les autorités -chinoises rachetèrent ligne et matériel dix-huit mois après et firent -tout enlever et vendre à l'encan. Aujourd'hui une ligne nouvelle a été -construite; elle est déjà depuis longtemps en exploitation jusqu'à -Wou-Song, et, depuis 1909 se prolonge jusqu'à Nankin en passant par -Sou-tcheou et Tchen-Kiang. - -Le port de Changhai est le centre du commerce européen en Chine et -il absorbe plus de la moitié du commerce total de la Chine avec les -puissances occidentales. L'ouverture des ports du Yangtseu, loin de -lui faire du tort, a, au contraire, augmenté ses transactions; car bon -gré mal gré il faut que tous les produits de l'intérieur passent par -Changhai; seul le thé que les bateaux russes exportent de Hankow sort -directement du Yangtseu. - -VIII.--La situation de Changhai a toujours été prospère; mais il -est bien évident qu'il ne s'y élève plus aujourd'hui les fortunes -colossales des premiers temps de l'ouverture de la Chine aux étrangers; -les «Princes merchants» n'ont eu qu'un temps, et à l'heure qu'il est -la concurrence internationale y est aussi âpre qu'en aucun lieu du -monde. Après la guerre russo-japonaise, un arrêt s'est produit dans -les transactions et beaucoup de maisons européennes ont souffert; -actuellement encore le marché se ressent d'un malaise général et les -affaires ne sont pas ce qu'elles devraient être. Et, du reste, en -dehors de toute autre cause de fléchissement dans les affaires, la -concurrence de chaque instant que se font ces différentes maisons -rivales suffirait à expliquer le ralentissement. L'exportation est -toujours plus ou moins au même niveau; mais l'importation a subi et -subit encore des à-coups. Après l'Allemand, qui était venu concurrencer -l'Anglais, un autre, le Japonais, est apparu qui a dépassé encore -l'Allemand pour le bon marché de ses produits. - -D'après le résumé décennal récemment publié, les chiffres du commerce -de Changhai pour les dernières années, en taels de douane ou Hai-Kwan -taels, sont les suivants: - - Année 1907 = 392.731.600 taels - -- 1908 = 397.106.850 --[9] - -[Note 9: J'ai pris comme année type de statistique commerciale -l'année 1908, parce qu'elle était la seule dont j'eusse les documents -_complets_ au moment où j'ai écrit ce livre (à la fin de 1910). Elle -peut, d'ailleurs, servir fort bien de critérium général, car les années -ne diffèrent pas extraordinairement, à moins de les prendre de dix en -dix.] - -Ces chiffres sont un peu plus faibles que ceux des trois années -précédentes, lesquelles donnaient, en effet: - - Année 1904 = 405.064.260 taels - -- 1905 = 443.954.262 -- - -- 1906 = 421.256.496 -- - -Les principales marchandises importées de l'étranger ont été les pièces -de coton; le fil de coton; l'opium; les métaux; le pétrole; le sucre; -le charbon; tabacs et cigares; teintures et couleurs; lainages; bois de -construction; machinerie; papier; matériel de chemins de fer; herbes -marines; savon; vins, bières et alcools; farines; allumettes; verrerie; -bougies; pêche de mer; matériel pour l'électricité; soude; ciment; -nids d'hirondelle; rubans; parapluies; meubles; lampes; montres et -pendules; perles; nageoires de requins; bois de Santal; huile; poivre; -lait condensé; aiguilles; soieries et rubans de soie; matériel pour le -service télégraphique; cordes et ficelles; et divers autres produits. - -Parmi les puissances importatrices la Grande-Bretagne figure au premier -rang; le Japon est le grand importateur d'allumettes et de parapluies, -de bêche de mer et d'herbes marines; les ustensiles en fer blanc, -la verrerie, le savon et les parfums à bon marché sont également -importés par le Japon qui prend tous les ans une part de plus en plus -grande à l'importation en Chine. L'Allemagne et les Indes importent -également: la première des objets fabriqués, des machines; la seconde -de l'opium et du coton brut; cependant, par suite de la détermination -du gouvernement chinois de supprimer la fumerie d'opium, l'Inde en -introduit de moins en moins et cet article finira par disparaître -complètement de la liste des produits importés. En Chine même la -culture du pavot est aujourd'hui interdite, et les champs du Yunnan que -j'avais vus, il y a quelques années, tout fleuris de superbes pavots -multicolores, sont actuellement plantés de fèves et de maïs. - -L'exportation fournit: soie; thé; coton; graines; huile; suif végétal; -suif animal; cordes; fourrures; haricots; riz; laines; tabac; peaux; -soies de porcs; médecines; chanvre; jute; ramie; sucre; éventails; -vernis; porcelaines; œufs; poterie; noix de galle; sucre; plumes; -albumine; son; cire; cheveux; graisse; tresses de paille pour chapeaux. - -Les soies sont prises principalement par la France, les États-Unis, -l'Italie et la Suisse. La France exporte aussi des peaux, des soies -de porc pour la brosserie, du suif, de la noix de galle; les maisons -françaises à Changhai ne sont pas nombreuses et le nombre de nos -compatriotes ne dépasse pas 700. Elles font surtout de l'exportation -et principalement de l'exportation des soies. Il nous est en effet -difficile de lutter pour l'importation en Chine d'objets fabriqués, -et cela parce que nous avons des concurrents qui vendent moins cher -que nous. Nous ne pouvons guère les distancer que dans un produit: -le ruban, dont les femmes chinoises se servent pour toute espèce -d'ornements, et que Saint-Étienne est arrivé à fabriquer selon le -goût et la mode des clientes. Quant à nos vins, liqueurs, conserves, -beurres, confitures ils sont achetés uniquement par les Européens et -par conséquent l'importation en est insignifiante; ou bien ils sont -concurrencés par d'autres (comme les beurres par le Danemark) qui -vendent bien meilleur marché et nous ferment la place. - -Quant aux articles de Paris, l'Allemagne et la Suisse se chargent de -les fournir à très bon compte et le Japon les dépassera bientôt dans ce -genre d'objets. Cela évidemment est inférieur à ce que nos fabricants -pourraient livrer; mais c'est bon marché, et tout est là pour le -Chinois. - -IX.--Les importations dans les ports ouverts au commerce européen -sont sujettes, comme dans tous les pays, au payement des droits de -douane. Aux premiers temps des relations commerciales des puissances -européennes avec la Chine, aux temps où les douanes se trouvaient dans -les mains des fonctionnaires chinois, corrompus et corrupteurs, les -négociants étrangers purent, dans tous les ports, faire la contrebande -en soudoyant les agents chinois; cependant quelques négociants -européens, plus scrupuleux que les autres, refusèrent constamment de -se servir de ce moyen facile mais malhonnête; il s'ensuivit pour eux -une infériorité notoire et ils protestèrent. En 1854, les représentants -des puissances résolurent d'aviser et eurent recours à une combinaison -qui permit de sauvegarder le contrôle chinois tout en empêchant -les manœuvres frauduleuses: il fut convenu que la douane indigène, -bien que restant soumise à la direction supérieure des autorités -chinoises, fonctionnerait, dans les ports ouverts aux Européens, sous -la surveillance d'inspecteurs européens choisis par les légations -étrangères et recevant une investiture du gouvernement chinois. -C'est en 1858 que fut consacrée par les traités, l'organisation si -merveilleuse de l'«Imperial maritime Customs», laquelle fournit à la -Chine le plus clair de ses revenus parce que précisément elle est -tout entière dans les mains d'agents européens. Il y a quelque temps -les Chinois émirent la prétention de reprendre la direction de cet -important service; mais comme il constitue précisément la garantie des -emprunts conclus par la Chine, cette prétention fut trouvée exagérée. -D'ailleurs, en l'état actuel d'anarchie où se trouve l'Empire chinois, -le rendement des douanes tomberait rapidement à rien si le service se -trouvait dans les mains des Célestes. - -Les importations payent au taux de 5% _ad valorem_ au prix du marché -local. Le gouvernement chinois a demandé aux puissances le relèvement -de ses droits de douanes, mais aucune négociation n'a abouti à ce sujet. - -D'après le relevé de 1905, la population étrangère de Changhai se -répartissait ainsi: - - Anglais 3.872 - - Allemands 832 - - Français 667 - - Russes 414 - - Austro-Hongrois 163 - - Italiens 162 - - Espagnols 151 - - Danois 126 - - Norvégiens 93 - - Suédois 81 - - Suisses 92 - - Hollandais 63 - - Belges 63 - - Grecs 39 - - Turcs 28 - - Autres européens 31 - - Japonais 2.230 - - Hindous 619 - - Malais 194 - - Autres asiatiques 47 - -Bien que Changhai soit toujours et doive rester le port principal -de Chine, cependant le développement de Hankeou et des ports du -nord, qui augmentent tous les ans leurs relations directes avec les -pays étrangers, affecte la situation de Changhai en tant que port -distributeur et centre commercial. En dehors des causes nombreuses qui -ont eu, ces temps derniers, une influence sur le commerce de ce port, -l'amoindrissement de son ancien monopole comme marché central est un -signe des temps, et qu'il ne faut pas perdre de vue pour l'avenir. -Quoi qu'il en soit le développement des concessions étrangères, qui -s'accroissent journellement, montre que Changhai tiendra encore -longtemps, et vraisemblablement toujours, sa suprématie dans le -commerce des ports de la Chine. La constante vitalité de la ville est -mise en lumière par l'installation de 26 milles dans la ville anglaise -et de 15 kilomètres dans la ville française de tramways électriques, -des deux côtés du Yang-King-Pang[10] qui couvrent la ville et la -campagne. Les premières tentatives pour doter Changhai de tramways -remontent au printemps de 1895. Depuis ce temps, l'augmentation -rapide de la population avait rendu nécessaire, indispensable, la -réalisation de l'idée qui avait pris naissance alors. La «_Shanghai -electric Company_» ouvrit ses lignes au trafic le 4 mars et toute -la voie fonctionnait à la fin de mai; de son côté la «_Compagnie -française des Tramways_» ouvrait un service le 4 mai. Cette innovation -fut bien accueillie des indigènes qui, à l'heure actuelle, apprécient -singulièrement ce mode de transport rapide et peu coûteux, d'autant -plus qu'en somme, cela n'a pas affecté sensiblement le service des -djinrikisha. Les deux compagnies ont le même type de voitures, sans -impériale, l'intérieur divisé en deux parties pouvant loger 12 -passagers de première classe et 20 de seconde. Chaque extrémité de -la voiture est munie d'un chasse-pierre automatique; les lignes ont -la voie d'un mètre; comme ce sont des entreprises différentes, elles -prennent leur énergie à deux différentes stations électriques. La -compagnie française possède 28 voitures, mais seulement 20 sont en -service permanent, et elles transportent une moyenne de 7.450 voyageurs -par jour, tandis que la compagnie anglaise possède 65 voitures et -transporte par jour 60.000 voyageurs. Il est fort probable, et tout -à fait désirable que les deux compagnies se fondent en une seule, ce -qui semble, d'ailleurs, devoir être très rapproché. L'importance de -Changhai s'est encore accrue par l'ouverture de la ligne de chemin -de fer qui va à l'ancienne capitale des Ming: un arrangement avait -déjà été fait en 1898 en vue de cette entreprise, mais par suite des -difficultés rencontrées un peu partout, il n'avait pas été exécuté, -et ce n'est qu'en 1904 que l'emprunt fut réalisé avec une compagnie -anglo-chinoise par Cheng-Siun-Hoai, directeur des chemins de fer -impériaux. L'arrangement prévoit un emprunt de 3.250.000 livres -sterling, avec comme première garantie la ligne elle-même. Tous les -travaux préliminaires furent terminés en 1904, et le coup de pioche -initial fut donné le 25 avril 1905. La première section du chemin -de fer qui va de Changhai à Nan-Siang fut ouverte le 20 novembre -1905; la section Sou-Tcheou--Wou-Si en juillet 1906; puis la voie fut -terminée jusqu'à Tchang-Tcheou (Chang-Chow) le 15 mai 1907, et jusqu'à -Tchen-Kiang (Ching-Kiang) le 15 octobre 1907. La dernière section -jusqu'à Nankin fut conduite le 28 mars 1908, et ce jour-là le premier -train roula depuis Changhai jusqu'à Nankin, couvrant une distance de -193 milles anglais en 5 heures 35 minutes, y compris les arrêts. Le -travail des ingénieurs dans la construction de la ligne a surtout -consisté en terrassements, construction de ponts, et aqueducs. Les -terrassements, comprenant les digues, les percées, les détournements -de criques ont été de 2.657.761 pieds cubes. Entre Changhai et Nankin -il y a 25 grands ponts et 177 petits ponts, plus 405 aqueducs. Les -stations comprennent 25 gares, et 12 haltes et l'unique tunnel de la -ligne est celui de Tchenkiang, seule partie de la ligne où le terrain -soit accidenté; ce tunnel a 1.320 pieds de long. Ce chemin de fer a -coûté par mille anglais (1 mille = 1.609 mètres), achat du terrain, -construction et établissement des voies, 68.367 taels, soit environ -247.000 francs. Le développement des chemins de fer en Chine est une -question tellement vitale au point de vue du bien-être de la nation -qu'il n'est pas sans intérêt de s'arrêter un peu sur ces questions -techniques. La compagnie a fourni les renseignements suivants au sujet -du trafic des voyageurs: en 1908, 3.240.869 passagers représentant -1.384.127 dollars (1 dollar = 2 fr. 20); en 1907, 1.731.658 passagers -représentant 760.607 dollars; mais, bien entendu, aucune comparaison -n'est à établir entre ces deux chiffres, puisque la ligne a été -totalement achevée en mars 1908. Les marchandises transportées -consistent surtout en cocons et déchets de soie venant de Wou-Si. -Pendant l'année 1908, sont arrivés à Changhai 4.344 piculs de cocons et -1.456 piculs de déchets. Par un arrangement intervenu récemment, les -importations étrangères destinées aux ports de Sou-Tcheou, Tchen-Kiang, -Nankin, pourront être transmises à ces ports par la voie ferrée avec -payement de droits de douane à destination. - -[Note 10: Le Yang-King-Pang est la crique qui sépare la concession -française de la concession anglaise.] - -Bientôt Changhai sera rattaché avec l'intérieur de la province par la -ligne Changhai--Hang-Tcheou--Ning-Po. Quand cette ligne fut projetée, -elle devait partir de Sou-Tcheou; mais les négociants et la population -aisée firent une telle opposition qu'on fut obligé d'abandonner le -projet jusqu'à l'apaisement des esprits; grâce aux mesures prises par -le Taotai Liang, tout rentra dans l'ordre. Le 6 mars une convention -fut signée à Péking pour la construction de la ligne, et un emprunt -émis de 1.500.000 livres sterling; le 15 avril, le gouvernement central -donnait aux provinces du Kiang-Sou et du Tche-Kiang contrôle absolu -sur cette ligne et toute direction de l'entreprise. Jusqu'à présent -chacune des deux provinces a souscrit la somme de 5.000.000 de taels -pour la construction de sa part respective, et l'emprunt étranger a -été ainsi réparti: 30% à la compagnie des chemins de fer du Kiang-Sou -et 70% à la compagnie des chemins de fer du Tche-Kiang. La ligne -est maintenant divisée en deux sections: Hang-Tcheou--Ning-Po et -Hang-Tcheou--Changhai. La section Hang-Tcheou--Ning-Po a une longueur -de 310 li (1 li = 500 mètres), les plans ont déjà été levés, et on -pense que vers le mois d'avril prochain les travaux seront commencés. -La section Hang-Tcheou-Changhai est dès maintenant ouverte au trafic -sur une assez grande étendue. - -Changhai attire de plus en plus les étrangers et les Chinois, grâce -aux embellissements continuels de ses avenues, de ses rues, de ses -alentours, grâce à la construction de maisons importantes et de -bâtiments non moins remarquables, grâce aux jardins verdoyants que les -municipalités installent un peu partout. Changhai prend de plus en plus -grand air et devient une véritable ville. Parmi les industries locales -qui se sont créées, il faut citer trois nouvelles filatures de soie: -Tai-Tchang, Ta-King et Yun-Long. - -X.--Le revenu total de l'année 1908 montre une moins-value de 1.393.727 -taels, soit 12,60% comparé au total de 1907, et cependant moindre que -la moins-value constatée en cette même année 1907. Elle porte surtout -sur les importations: 1.154.281 taels; les droits sur l'opium et le -likin 219.104 taels. Quant aux droits de tonnage et aux droits de -cabotage, ils ne sont pas changés et restent sensiblement les mêmes. -Les droits d'exportation donnent une plus-value de 58.494 taels, et -les droits de transit 11.885 taels. En somme, depuis 1903, c'est la -plus mauvaise année qui soit au point de vue du revenu douanier. Il y -a une chute de 16.000.000 de taels dans le total brut des importations -étrangères. Bien que ce chiffre ne représente que la moitié du déficit -de 1907, il ne faudrait pas en conclure qu'il y a amélioration dans -le trafic. Le marché est encore encombré de l'immense quantité de -marchandises accumulées en 1905, et qui continuent à se solder à -l'encan; de plus, la trop grande variation du change de l'argent a -beaucoup gêné le marché, et la confiance n'a pas précisément régné. -Enfin la dépréciation subie par la sapèque de cuivre a réduit -considérablement les moyens d'achat de la classe ouvrière et paysanne -qui ne possède guère d'autre monnaie; les achats doivent en effet être -majorés de 20 à 25%, ce qui est énorme. - -Les Russes ont essayé d'introduire sur le marché quelques cotonnades -de diverses espèces. Par suite du développement des différentes -industries, les métaux ont donné une plus-value de 1.720.455 taels. -Le fer en barres donne 60.324 piculs de plus qu'en 1907; autres -ferrailles, 37.207 piculs; saumon de plomb, 33.481 piculs; les pétroles -américains continuent leur marche ascendante et donnent un surplus de -1.559.183 gallons (1 gallon = 4 litres) en gros, et 2.190.270 gallons -en caisses. Le pétrole russe a réapparu sur le marché avec 1.391.377 -gallons; quant au pétrole de Bornéo, il décline de 5.125.025 gallons, -et celui de Sumatra de 557.168 gallons. Les bois et le sucre ont subi -une diminution dans l'importation, et la farine a diminué de 1.479.720 -piculs par suite du bon marché du riz. - -La crise financière que l'on avait crainte a été arrêtée par suite -de la baisse continue du change qui a beaucoup encouragé le commerce -d'exportation. De plus, les moissons, heureusement bonnes, ont aidé à -la stabilisation de la situation. Il y a une plus-value de 12.000.000 -de taels au chiffre de l'exportation, qui est due à la demande de -plus en plus forte de la soie et de ses produits. La prompte reprise -des affaires aux États-Unis après la crise financière de 1907 a amené -une demande considérable, et les prix se sont bien maintenus. Mais -néanmoins, beaucoup de plaintes s'élèvent tous les ans sur les défauts -de la soie, par suite des procédés défectueux de l'élevage chinois. Il -faudrait ici un établissement comme celui fondé à Phulongthuong par -les Français, et où les Annamites reçoivent l'instruction nécessaire -pour sélectionner les œufs suivant la méthode de Pasteur. Le district -séricicole de Tai-Hou n'aurait eu qu'à gagner à une telle organisation. - -L'exportation du coton brut donne une diminution de 301.650 piculs sur -les chiffres de l'année dernière. Le moment de la récolte fut contrarié -par le mauvais temps et il y eut un déficit d'environ 20%. - -Les fils locaux ont tendance à remplacer les fils importés. Les -filatures sont très occupées et réalisent de gros bénéfices, mais elles -ont dû s'adresser à l'Inde faute de matière première. La récolte des -thés a été de 20 pour 100 meilleure qu'en 1907 et l'exportation des -thés verts a, dans l'année étudiée, été faite presque tout entière sur -Batoum. Cependant on dit que les producteurs ont perdu beaucoup par -suite de la modicité des prix; on constate une diminution de 28.989 -piculs sur les thés noirs, mais ceci est sans importance puisque le -gros commerce des thés se fait à Hankeou. - -Le transit intérieur donne le chiffre de 319.460 taels et consiste -surtout en pétroles de la province du Tche-Kiang et en charbon japonais -pour les filatures de Tsong-Ming et de Tong-Tcheou. Les communications -rendues faciles par le chemin de fer avec le district séricicole de -Tai-Hou ont amené une plus-value de 450.186 taels sur le transit -intérieur de la soie. Chao-Hing, gros marché cotonnier de la province -du Tche-Kiang, continue à envoyer ses produits à Changhai par jonque. - -Les compagnies de navigation n'ont pas eu une année brillante, et les -frets ont été très bas par suite de la concurrence très forte et aussi -de la stagnation commerciale. - -Quant à l'opium, la réduction de son importation est évidente, et -celle-ci arrivera à être supprimée. Depuis la promulgation du premier -édit contre la culture du pavot et l'habitude de fumer l'opium, -édit qui parut le 20 septembre 1906, il y eut une activité marquée -de la part des mandarins civils et militaires pour faire respecter -les ordres de l'Empereur, en menaçant de châtiments sévères ceux -qui continueraient à fumer la drogue. Les lettrés également, aidés -du nouvel élément «_étudiant_», ont déployé une grande énergie -pour influencer l'opinion, en répandant brochures et discours pour -convaincre les masses que l'opium abîme la race et abrutit l'homme; des -sociétés contre l'opium se sont formées, et des instruments sortis des -fumeries d'opium, pipes et accessoires, ont été brûlés en public. Les -nouveaux édits de 1907 et de 1908 ne font qu'encourager cette campagne -méritoire. A Changhai les fumeries furent fermées à la date du 20 juin -1907 et dans les concessions étrangères, à la date du 1er juillet 1908, -il fut procédé à la fermeture par séries de tous ces établissements. -L'institut de Chas. B. Town pour le traitement des fumeurs d'opium fut -ouvert le 24 octobre dernier, et jusqu'au 31 décembre 100 cas furent -soignés avec succès. Mais toute médaille a son revers, et les fumeurs -invétérés ont maintenant, faute d'opium, recours à la morphine ou à -d'autres dérivés de l'opium. Beaucoup d'opium entre dans les pilules -ou tabloïdes, dites stimulantes, fabriquées par les droguistes locaux -et se vendant en quantités énormes. La codéïne, la cocaïne et d'autres -drogues importées sous prétexte de guérir de l'opium ne sont que des -substituts de l'opium. - -D'ailleurs, si l'importation de l'opium du Bengale et de Bombay a -diminué sur le marché chinois, par contre, l'importation à Changhai de -l'opium indigène n'a cessé d'augmenter, ainsi qu'il est facile de s'en -assurer par le petit tableau ci-après: - - Années Quantité Valeur - - 1904 10.285 piculs 4.678.291 taels - 1905 13.981 -- 5.233.239 -- - 1906 13.068 -- 6.068.355 -- - 1907 10.413 -- 4.396.437 -- - 1908 19.053 -- 9.540.464 -- - -Pendant que tous les ports d'Extrême-Orient avaient été plus ou -moins atteints par la peste[11], Changhai était resté indemne. -Malheureusement, en 1909, la peste est entrée à Changhai, et même y a -été contractée par un chauffeur du vapeur _Leongwo_ en partance pour -Hankeou. L'homme, bien portant, était descendu à terre à Changhai avec -quelques amis pour s'amuser; avant d'arriver à Hankeou il a été pris de -la peste et il est mort le même jour. Comment cette maladie a-t-elle -pénétré à Changhai, il est assez difficile de le dire, mais on suppose -qu'un rat infecté sera parti d'un navire et aura donné l'infection aux -autres rats sur le port, c'est la seule explication. Le premier rat -infecté de la peste fut trouvé à Changhai le 8 décembre 1909. - -[Note 11: La peste, d'après les théories actuelles, vient de la -terre, et ce sont les rats qui sont les premiers atteints. Le rat mort, -les puces qu'il nourrissait le quittent et vont porter la peste aux -humains. - -Cette maladie a deux caractères: elle est bubonique et donne au patient -des bubons aux aines et sous les bras; ou bien pneumonique. Cette -dernière forme est la plus grave. - -Elle se déclare généralement au printemps et a vite atteint une grande -intensité épidémique. En 1902, à Long-Tcheou, j'ai vu mourir des -familles entières de dix personnes en une seule journée; le docteur -du Consulat, Dr Gaymard, a réussi à sauver, avec le sérum Yersin, -quelques malades pris à temps, et l'inoculation préventive faite sur -nos domestiques les a tous préservés. J'ai constaté, en accompagnant -le docteur, sur les morts, d'énormes boules de sang coagulé qui se -formaient sur la tête, et, quand on les perçait, il en sortait un -liquide noirâtre. - -L'hiver n'empêche pas l'éclosion de la maladie; seule la grosse chaleur -en a raison. A l'heure où j'écris ces lignes, il y a une fort violente -épidémie de peste en Mandchourie, et cependant, dans ce pays, le -thermomètre descend jusqu'à - 20° au-dessous de zéro. - -En Chine, la peste a pris naissance au Yunnan dans les années -quatre-vingts (de 1885 à 1889), à Mong-Tseu principalement. De là, elle -a gagné Canton et Hong-Kong, puis les différents ports du Nord. Elle -s'est dirigée ensuite vers Bombay, où elle a été terrible, et a gagné -l'Indo-Chine et la Birmanie. Chose curieuse, depuis qu'elle a atteint -tout l'Extrême-Orient, le Yunnan, d'où elle est sortie, en est à peu -près indemne. - -Rarement les Européens contractent cette maladie; cependant, il y a -quatre ans, j'ai vu un missionnaire français, le P. de Chirac, des -Missions Étrangères, souffrir, à Rangoon, de la peste sous ses deux -formes: bubonique et pneumonique. Il guérit à la profonde stupéfaction -de tous, car ceux qui en reviennent sont bien rares.] - - - - -CHAPITRE VI - - I.--Sou-Tcheou (Soochow); son aspect.--II. Population, commerce et - industrie.--III. Instruction publique; écoles professionnelles.--IV. - Tchen-Kiang (Chin-Kiang); sa situation, son commerce; son - industrie.--V. Nankin; sa situation, sa grandeur et sa décadence.--VI. - Historique de Nankin.--VII. L'ouverture au commerce étranger; - le chemin de fer.--VIII. Établissements publics; commerce et - industrie.--IX. L'Exposition de Nankin. - - -I.--Sou-Tcheou, capitale de la province actuelle du Kiang-Sou, n'était -autrefois que la seconde ville de la grande province du Kiang-Nan -dont Nankin était le chef-lieu. C'est l'une des plus belles et des -plus agréables villes de l'Empire chinois; les premiers Européens qui -l'ont visitée l'ont comparée à Venise, avec cette différence toutefois -que c'est une Venise d'eau douce. On s'y promène aussi bien par eau -que par terre, et la ville est coupée de canaux et de bras de rivière -qui peuvent porter les barques les plus lourdes; de la ville même à -la mer, une barque peut se rendre en deux jours au maximum. Elle est -reliée à Changhai par un beau canal et aussi, depuis peu de temps, par -la ligne du chemin de fer de Changhai à Nankin. La cité, murée comme -toutes les villes chinoises de quelque importance, est un rectangle, -qui couvre une superficie d'environ 18 kilomètres carrés. Tout près -se trouve le grand lac Ta-Hou; et une fois les murailles franchies, -on rencontre également le grand canal, commencé sous les Tang au VIIe -siècle, continué par les Mongols au XIIIe et achevé au XIVe siècle -par les Ming; c'est un canal qui unit le Yang-Tseu-Kiang au Hoang-Ho, -et passe devant Sou-Tcheou, et, dans la province du Tche-Kiang, relie -Hang-Tcheou, à Tchen-Kiang; non loin de cette dernière ville, près -du Kin chan (la montagne d'or, l'île d'or), se trouve précisément la -principale entrée du canal sur le Yangtseu. Autrefois déjà, Sou-Tcheou -faisait un commerce considérable avec toutes les provinces de l'Empire -et même avec le Japon. - -Il n'y a point de pays plus riant; le climat en est délicieux; tout y -pousse, riz, blé, et toutes sortes de fruits; aussi Sou-Tcheou, très -riche et très agréable à habiter, a-t-elle toujours été considérée -comme une ville de plaisir, et le proverbe chinois l'a consacrée -en disant que «en haut il y a le ciel et en bas Sou-Tcheou.» Cette -grande ville n'a que six portes par terre et six portes par eau: c'est -un va-et-vient continuel de marchands qui s'y approvisionnent des -broderies et soieries si renommées dans toute la Chine. - -En 1860, Sou-Tcheou fut pris par les Tai-Ping qui ruinèrent la ville -et massacrèrent les habitants avec d'atroces raffinements de cruauté. -Aussi, aujourd'hui, cette reine des villes chinoises au Kiang-Sou -a-t-elle beaucoup perdu de ses charmes et de ses agréments. - -II.--Sou-Tcheou est en effet un centre manufacturier important et la -population dépasse 500.000 âmes. Malheureusement la rébellion des -Tai-Ping a couvert la ville de ruines, mais cependant, depuis 1863, -époque où elle a été délivrée de leur joug, elle a beaucoup repris, et -ses manufactures de soies et satins sont toujours renommées. - -Jusqu'en 1896, Sou-Tcheou n'était pas ouvert au commerce européen, -et elle ne l'a été qu'à la suite de la guerre entre le Japon et la -Chine, le Japon vainqueur ayant exigé l'ouverture de plusieurs villes -au trafic étranger; c'est donc le 26 septembre 1896 que la déclaration -d'ouverture eut lieu et qu'un quartier européen, une concession, y fut -désignée, près de la muraille Sud, de l'autre côté du grand canal. -Sou-Tcheou est trop près du grand centre de Changhai pour avoir un -commerce considérable avec l'Europe et l'Amérique; en 1908 il se -montait à 3.872.298 taels; en fait d'Européens, il n'y a à Sou-Tcheou -que des missionnaires, des fonctionnaires des douanes et deux ou trois -négociants. Les Japonais y ont un consulat et une école de médecine. - -Il existe à Sou-Tcheou des citernes à pétrole construites par la «_East -asiatic petroleum Cº_». - -En 1908, la récolte des cocons fut moyenne et les prix varièrent, -au printemps et en été, de 110 à 130 taels. La filature SouKing -(Sooching), qui fait marcher 336 bassins, semble avoir fait ses -affaires; et l'ancienne filature Cheou t'ai (Shoutai) a rouvert ses -portes avec 200 bassins sous le nom de Tchong-Hing (Chung-Hsing); -la filature sino-européenne, affermée à un indigène, a chômé toute -l'année. Par suite de pertes, la filature de coton Sou-Louen (Sôo-Lun) -avait été fermée au printemps, mais elle a rouvert après qu'un nouveau -capital de 200.000 taels fut versé. Elle produit à peu près 20 piculs -de fil par jour, et on dit que vu la cherté de la matière première, -provenant de Changhai, Nan-Siang et Tong-Tcheou, il y a peu de -bénéfices. - -Les thés exportés de Sou-Tcheou, et provenant du Tche-Kiang et du -Ngan-Hoei, sont mélangés avec du jasmin, du chloranthe et d'autres -fleurs, et sont réexportés vers les ports du Nord; ces dernières -années, vu le peu de métal monnayé à Nieou-Tchouang (New-Chwang) ce -commerce n'a pas donné de brillants résultats. - -Le riz n'a pas non plus été abondant par suite de la trop grande -abondance de pluie. - -Une usine électrique a été installée sur le grand canal, près de -Tchang-Meun (Chang-Men); la concession avait été accordée il y a six -ans. L'usine fournit la lumière à une partie considérable de la ville, -et aussi à beaucoup de maisons en dehors de la porte de Tchang-Meun. -C'est un ingénieur allemand qui a dirigé les constructions; les dynamos -donnent 2.200 volts capables de fournir la lumière à 6.000 lampes de 16 -bougies. - -Une manufacture de verres et de bouteilles a aussi été élevée en dehors -de Siu-Meun (Hsu men); imprimerie, fabrique de bougies, fabrique de -savons ont également été créées. - -III.--L'instruction publique a pris une extension considérable à -Sou-Tcheou. Il y a 113 écoles de toutes sortes: 31 sont des écoles de -l'État, 53 de la province; il y a 22 écoles tenues par des particuliers -et 7 par des missionnaires; dans le nombre il se trouve 10 écoles de -filles, et il y a tout lieu de croire qu'on va en créer d'autres, car -les Chinois de cette province ont décidé de faire de grands sacrifices -pour l'instruction des filles. Dix professeurs étrangers sont employés -dans les écoles du gouvernement: on compte parmi eux huit Japonais, un -Américain et un Italien. Une école de médecine fonctionne également, -et elle est très fréquentée; beaucoup des jeunes gens qui ont appris à -soigner les maladies ou à traiter une fracture ou une blessure trouvent -des situations dans d'autres provinces. Les autorités ont également -élevé une école industrielle nommée Kong yi Kiu, où l'on enseigne à -des jeunes gens pauvres, au-dessus de seize ans, la menuiserie, la -cordonnerie et autres catégories de métiers. On a construit aussi des -marchés couverts afin de débarrasser la ville de l'encombrement et de -la saleté de tous les petits marchés qui se tenaient au coin des rues. -Ces innovations prouvent que les Chinois commencent à s'intéresser -chaque jour davantage à la civilisation européenne, et que décidément -quelque chose change en Chine. - -IV.--Tchen-Kiang n'est pas une des plus grandes villes de la province; -mais elle a une activité commerciale assez considérable et elle est en -même temps une place de guerre; elle est située sur la rive méridionale -du Yangtseu, à environ 150 milles de son embouchure, et non loin des -entrées sud et nord du Grand Canal. A une faible distance de la rive -se voyait autrefois l'île d'Or, sur le sommet de laquelle s'élevait -une tour à plusieurs étages; elle était également couverte de temples -bouddhistes et de maisons de bonzes; aujourd'hui l'île n'existe plus -par suite du changement du cours du fleuve, elle s'est changée en -montagne; tous les temples ont été détruits lors de la rébellion des -Taiping. - -Tchen-Kiang a été ouvert au commerce étranger par le traité de -Tien-Tsin en 1858; c'est une des jolies villes du bas Yangtseu par -suite de sa situation au milieu de collines peu élevées mais très -fraîches l'été, et les Européens de Changhai viennent souvent s'y -reposer et respirer un air un peu moins étouffant que celui de Changhai -au mois de juillet. - -Au point de vue du commerce extérieur, Tchen-Kiang n'offre rien de -spécial: c'est surtout le commerce local qui y est actif; cependant les -vapeurs qui font le service du fleuve s'y arrêtent tous. En 1908 la -valeur totale des importations a été de 17.512.881 taels. Il n'y a pas -d'industrie locale, mais les compagnies américaines pour l'importation -du pétrole y ont installé des citernes. Il n'existe à Tchen-Kiang -aucun négociant européen, mais seulement les agents des douanes, des -compagnies de navigation et quelques missionnaires, parmi lesquels les -pères Jésuites, qui y possèdent un vaste établissement où les confrères -fatigués par les longs voyages à travers la province viennent refaire -leur santé. - -Parmi les nouveautés à citer à Tchen-Kiang, il faut noter la «_Chin -Kiang electric light Cº_» qui éclaire la ville et la concession -britannique; elle est sous la direction d'un ingénieur anglais; il -est malheureux de penser que malgré cela la société ne se trouve pas -dans de brillantes conditions pécuniaires; car l'administration, -confiée aux Chinois, a, naturellement comme toujours, laissé péricliter -l'entreprise qui aura à faire face à de grandes difficultés. - -Une fabrique de papier a été construite, et on constate un grand -mouvement dans le sens de la création de différentes industries; on -parle beaucoup de chemins de fer dans plusieurs directions, mais -tout cela n'est encore qu'à l'état de projet. Le seul chemin de fer -qui passe à Tchen-Kiang pour le moment est celui qui relie Changhai -à Nankin; mais les marchandises ne s'en servent pas, et préfèrent -toujours les vapeurs du Yangtseu qui sont bien meilleur marché. - -V.--Si l'on en croit les anciens auteurs, Nankin était la plus belle -ville qui fût au monde; quand ils parlent de son étendue, ils disent -que si deux hommes à cheval sortent dès le matin par la même porte et -qu'on leur ordonne d'en faire le tour au galop chacun de son côté, -ils ne se rejoindront que le soir; il est certain qu'elle est la plus -grande de toutes les villes de Chine. Fondée par l'Empereur Hong-Wou, -le premier souverain de la dynastie essentiellement nationale des Ming -(1368-1403), elle a 5 lieues de tour; elle n'est pas exactement sur le -grand fleuve, mais en est éloignée de près de 6 kilomètres, et le petit -port qui la rattache au fleuve se nomme Chia-Kouan; les barques s'y -rendent par plusieurs canaux qui, du fleuve, aboutissent à la ville. -Une route toute nouvelle conduit aussi de Chia-Kouan à la ville. - -Nankin est de figure irrégulière: les montagnes comprises dans ses -limites et la nature du terrain en sont la cause. Elle était sous les -Ming la capitale de l'Empire; mais depuis la conquête tartare elle -a perdu de son importance, et elle est bien déchue de son ancienne -splendeur; elle avait autrefois un palais magnifique dont il ne reste -aucun vestige, un observatoire, des temples, des tombeaux impériaux et -d'autres monuments superbes. Les Tartares ont démoli les temples et -le palais impérial, détruit les tombeaux et ravagé presque tous les -autres monuments. Le tiers de la ville aujourd'hui est entièrement -désert; les rues habitées sont assez belles, bien pavées et bordées de -boutiques propres et richement approvisionnées. - -Nankin aux yeux des Chinois n'est plus la ville aux mille splendeurs; -tout s'est concentré à Pékin, et le nom même de Nankin a officiellement -disparu: la ville se nomme Kiang-Ning-Fou. Cependant, même après la -conquête tartare elle n'avait pas perdu complètement toute importance, -elle cultivait les sciences et les arts; elle fournissait beaucoup -de lettrés, de docteurs en lettres chinoises et de grands mandarins; -les bibliothèques y étaient nombreuses, les boutiques des libraires -bien fournies; l'imprimerie y était superbe et le papier qu'on y -fabriquait était le meilleur de l'Empire; on y travaillait les fleurs -artificielles d'une manière remarquable, et cet art s'est du reste -répandu aujourd'hui dans toute la Chine. - -Malheureusement tout ce que les Tartares avaient épargné fut détruit -par les rebelles Taipings: la fameuse Tour de porcelaine, notamment, -la merveille de la Chine, fut entièrement démolie et l'on n'en voit -plus que les débris épars, parmi lesquels on peut trouver intactes -quelques tuiles vertes et jaunes que les touristes emportent comme -souvenir. Le tombeau de Hong-Wou, le fondateur de la dynastie, avec -son allée flanquée d'animaux gigantesques en granit, est aussi dans un -état pitoyable. Quant au palais impérial lui-même, il n'en reste que de -vagues traces. - -VI.--Nankin, qui était la capitale des empereurs de la dynastie des -Ming depuis 1368 jusqu'à 1403, époque où l'empereur Yong-Lo transporta -à Pékin le siège de l'Empire, avait déjà été la capitale de l'un des -trois royaumes en 211; ensuite elle avait également été capitale depuis -317, sous le règne de Kien-Wou, de la dynastie des Tsin, jusqu'à 582, -sous les dynasties des Song du Nord, des Tsi, des Leang, des Tchen. -Autrefois, les empereurs transportaient leur capitale un peu partout -suivant leur bon plaisir, et dans l'histoire primitive de la Chine, -jamais un empereur ne résidait dans la ville où avait résidé son -prédécesseur; c'est ainsi que tour à tour Kai-Feng, Tai-Fuan, Si-Ngan, -Tchengtou, etc., avaient servi de résidence impériale. - -Aujourd'hui, ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, le nom de Nankin -(capitale du Sud), n'existe plus officiellement, bien que les étrangers -continuent à l'employer et ne connaissent pas d'autre nom. Les -Chinois, dans leurs rapports officiels, ne le désignent que sous le -nom de Kiang-Ning-Fou. Admirablement située sur la rive méridionale du -Yang-Tseu-Kiang, à 194 milles marins de Changhai, accessible de tous -côtés par terre et par eau, la ville était toute désignée pour une -résidence impériale. Quand Hong-Wou en fit sa capitale, il agrandit le -mur qui entourait la ville, et fit une si grande enceinte que jamais -elle ne fut complètement remplie. Cependant elle offrait, sous les -Ming, une apparence de brillante civilisation et il s'y élevait de -nombreux palais. Tout cela fut détruit par les Taiping en 1865, et -depuis ce temps, comme toutes les villes du Yangtseu qui sont tombées -entre les mains des rebelles, elle n'est plus que ruines. - -La partie occupée par les Mandchous est séparée par un mur de la ville -purement chinoise; un canal assez profond conduit du fleuve jusque -sous les murs de l'Ouest, et il était souvent plus commode, avant ce -chemin de fer, de prendre un sampan et de suivre cette voie que d'aller -à pied dans les rues mal entretenues. Nankin possède quatre grandes -avenues très larges, coupées à angle droit par d'autres plus petites; -bien qu'elles ne soient pas mieux entretenues que celles de Pékin, -cependant elles sont peut-être moins sales que ces dernières, mais cela -tient évidemment à ce que Nankin est une ville presque abandonnée. - -Les seuls monuments à voir aujourd'hui, en dehors de quelques colonnes -de marbre, restes de l'ancien palais, dans la ville mandchoue, -consistent en une allée de statues gigantesques en granit, hors des -murs. Ces statues forment une avenue qui mène au tombeau du fondateur -de la dynastie des Ming, l'empereur Hong-Wou. Il fut enterré là en -1398. Ces statues représentent des guerriers, des éléphants, des -chameaux; de loin en loin, entre les différents animaux, s'élèvent des -tablettes de pierres, supportées sur le dos d'une tortue, et couvertes -d'inscriptions. Tout cela n'est plus que ruines, et quand j'ai visité -le tombeau en 1895, plusieurs des statues gisaient à terre. Mais le -vrai, l'unique monument de Nankin était la fameuse Tour de porcelaine, -connue dans le monde entier. Cette tour, appelée, Pao-Ngan-Ta, avait -été élevée par l'empereur Yong-Lo, à la mémoire de l'impératrice, et -sa construction avait duré dix-neuf ans, de 1411 à 1430. Les matériaux -les plus délicats avaient été employés; elle était d'une élégance et -d'un fini qu'on rencontre rarement dans l'architecture chinoise; enfin, -chose encore plus rare en Chine, le gouvernement l'entretenait et la -réparait. En 1801, le tonnerre ayant détruit les étages supérieurs, -ils furent immédiatement reconstruits. En 1850 les Taiping firent -sauter la Tour; les débris encore aujourd'hui jonchent le sol, et c'est -à peine si l'on peut trouver intacte une des tuiles jaunes et vertes -qui recouvraient ses toitures. - -Elle était de forme octogonale, divisée en neuf étages; chaque étage, -en partant du pied de la Tour, diminuait de circonférence. Sa base -reposait sur une fondation en briques, et un large escalier conduisait -à l'entrée de la Tour, au pavillon du rez-de-chaussée. Là se trouvait -un escalier en spirale qui menait le visiteur jusqu'au sommet. La -carcasse du monument était tout entière en briques soutenues par -une forte charpente de poutres énormes. Quant à l'extérieur, les -huit faces étaient revêtues de tuiles vernies de couleurs vertes, -jaunes, blanches, rouges, mélangées avec grâce. Chaque étage avait un -toit avancé, comme on peut le voir dans tous les dessins de pagodes -chinoises, et ces toits étaient recouverts de tuiles jaunes et vertes. -A chaque coin des toits pendaient des cloches: il y en avait, dit-on, -cent cinquante. - -Le voyageur qui visite aujourd'hui Nankin ne voit que des ruines, -et jusqu'à ces dernières années, les Européens passaient à côté de -cette antique capitale sans même s'y arrêter. La ville, déclarée port -ouvert par le traité franco-chinois de 1858, aucune nation, pas même -les Anglais, n'avait profité de cette stipulation pour s'y installer. -Seuls quelques missionnaires catholiques et protestants y avaient une -résidence permanente. - -VII.--Nankin ou Kiang-Ning-Fou a été ouvert au commerce étranger par le -traité français de 1858, mais aucune puissance européenne n'attacha, à -cette époque, d'importance à cette ville déchue, et ce n'est qu'en mai -1899 qu'elle attira l'attention. Dès 1900, l'Angleterre, l'Allemagne -et l'Amérique y installèrent des consulats, et la France y possède -actuellement un vice-consulat. Bien qu'elle se soit un peu relevée -du coup que lui ont porté les rebelles Taiping, cependant, jusqu'à -présent, Nankin n'a reconquis aucune importance commerciale. On croit -généralement néanmoins que les communications par voie ferrée ouvertes -dans la province donneront à la ville et au port un regain d'activité. -Le chemin de fer pourrait en effet y amener les richesses minérales -et autres des provinces du Ngan-Hoei, du Honan et du Chan-Si, et leur -exportation serait facilitée par ce fait que le port de Nankin est -accessible aux grands bateaux toute l'année. C'est pourquoi il existe -un projet de chemin de fer qui aurait sa tête de ligne aux mines du -Chan-Si pour aboutir au village de Pou-Keou en face de Nankin; une -autre ligne partirait des mines de Sin-Yang, au Honan, et viendrait, -en passant par la province du Ngan-Hoei, aboutir également à Pou-Keou. -Mais on se demande si toutes ces espérances seraient effectivement -réalisées; car la ligne actuelle qui fonctionne régulièrement tous -les jours entre Changhai et Nankin n'a pas beaucoup changé l'activité -commerciale de la place. - -VIII.--Nankin possède une école navale, un arsenal et une poudrerie; -l'Église épiscopale méthodiste d'Amérique y a fondé ce qu'elle appelle -une Université. - -Les satins de Nankin, qu'on nomme en chinois Touan tse, soit unis, soit -semés de fleurs, sont les meilleurs et les plus estimés; on y fait -aussi des feutres très renommés. Les transactions commerciales se sont -élevées pour 1908 à environ 10.000.000 de taels (exactement 9.855.892 -taels). Les importations consistent en opium, coton, fils de coton, -flanelle de coton; lainages, draps, cuivre, fer, plomb, étain; bêche de -mer (holothurie comestible), cigares et cigarettes, charbons, couleurs -et teintures, aniline, machines, allumettes japonaises, aiguilles, -pétroles, savons, parapluies, conserves alimentaires. Quant aux -exportations, elles comportent haricots, pois, coton brut, éventails, -papier, fleurs artificielles, chanvre, peaux de bœufs et de buffles, -cuir, médecine, riz, sésame, soie écrue, soie blanche, soie jaune, -cocons, déchets de cocons, rubans brodés de fils d'or et d'argent, -fourrures de chèvres, d'agneaux et de brebis. - -IX.--C'est à Nankin qu'a eu lieu, en 1910, la première manifestation -de la «Nouvelle Chine», de la Chine qui se transforme, qui -s'occidentalise, et cela avec une telle rapidité que la poste ou le -télégraphe nous apporte constamment l'écho de quelque changement. La -vieille capitale des Ming, pour laquelle le vrai Chinois a toujours -tant d'amour et dont il évoque, non sans amertume, la splendeur passée, -devait voir dans ses murs le premier signe de la métamorphose chinoise. - -L'exposition de Nankin me paraît avoir été lancée sous l'influence -japonaise, et l'on retrouve, dans ses règlements, son organisation, -dans le vocabulaire technique des documents chinois qui traitent de -la question, la mentalité et l'inspiration directrice des Japonais. -Il est d'ailleurs hors de doute que le voisin de l'est est partout en -Chine, à l'heure actuelle; c'est lui qui pousse le colosse chinois -toujours en avant, avec l'idée bien arrêtée de le guider où il -voudra et de profiter de lui, à l'exclusion de tous les étrangers -qui voudraient cependant dire leur mot en l'occurrence. La presse -chinoise, qui a éclos subitement et qui a couvert les provinces de -journaux quotidiens de toutes sortes, alors qu'il n'y avait autrefois -que quelques feuilles, soit officielles, soit dirigées par des -missionnaires protestants ou catholiques, est en majeure partie dans -les mains d'agents japonais. Toutes les questions sont traitées dans -ces feuilles: agriculture, commerce, instruction publique, défense -nationale, etc... On y discute les projets d'augmentation de l'armée -navale et de construction de navires de guerre; la création d'une -école supérieure des chemins de fer, l'installation du télégraphe -sans fil entre le Sseu-Tchuen et le Thibet; la plantation de l'indigo -et l'élevage des vers à soie, et une quantité d'autres choses. Les -conseils ne sont pas ménagés au gouvernement et aux différentes -administrations. - -L'ensemble de cette littérature est japonais, et, d'ailleurs, toutes -les provinces de Chine, même les plus reculées, sont inondées de -brochures rédigées en chinois, imprimées au Japon, et traitant de -toutes les questions sociales: politique, administration, finances, -droits de l'homme, etc... Et cela date de loin: je me rappelle que, -me trouvant au Kouang-Si, sur la rivière de l'ouest, dans une petite -sous-préfecture nommée Kouei-Chien, le sous-préfet, homme tout à fait -modernisé, me fit voir sa bibliothèque (dont il était très fier), -et je pus constater que tous les livres qui la composaient étaient -rédigés et imprimés au Japon, à l'usage des Chinois. Il se trouvait -même, parmi ces ouvrages, la traduction de l'_Esprit des lois_ de -Montesquieu, du _Contrat social_ de Jean-Jacques Rousseau, des œuvres -socialistes de Karl Marx--et beaucoup d'autres. Il est bien évident que -ces traductions ne pouvaient avoir été faites que par des Japonais déjà -fort instruits dans les lettres et sciences d'Europe. - -Il est tellement clair et visible, d'ailleurs, que le Japon mène la -Chine! Dans le livre que j'ai publié sur le Japon[12], je disais que -j'avais rencontré des Japonais dans toute la Chine; voici un fait -qui montrera jusqu'à quel point ils savent s'infiltrer chez leurs -voisins, et cela sans être reconnus pour des étrangers; on comprendra -alors comment et pourquoi le Japon est forcément le grand éducateur du -Céleste qui, cependant, n'éprouve en rien pour lui les sentiments d'un -frère. - -[Note 12: _L'Empire japonais et sa vie économique._ (Librairie -Orientale et Américaine, E. Guilmoto, éditeur.)] - -Il y a de cela déjà une douzaine d'années, dans un port du Yangtseu -où je résidais, un navire de guerre japonais vint jeter l'ancre. Le -commandant, homme fort aimable, me fit une visite et voulut bien me -recevoir à sa table à déjeuner. Lorsque j'arrivai, au jour dit, je -vis, dans l'entrepont du navire, une longue table servie et comprenant -une trentaine de couverts. Un nombre à peu près égal de convives -attendaient, parmi lesquels je remarquai une vingtaine de jeunes -Chinois; au premier abord, je n'y prêtai pas grande attention, mais -je vis, quelque temps après, que ces Chinois n'étaient autres que des -Japonais déguisés. Ils venaient de différentes parties des provinces -du Houpe et du Hounan où ils s'instruisaient sur les choses chinoises, -et ils étaient là, à bord de ce bâtiment de guerre, pour faire leur -rapport au commandant. Nul doute que chaque province du vaste empire -chinois ne renfermât ainsi plusieurs «explorateurs»; et, à l'heure -qu'il est, j'en suis convaincu, les Japonais connaissent la Chine mieux -que les Chinois eux-mêmes. C'est pour ce motif que je crois la Chine -actuellement menée par le Japon, et toute poussée d'occidentalisme a -une origine et une direction nippones. - -La grande manifestation connue sous le nom d'Exposition de Nankin est -donc, certainement, d'inspiration japonaise. On n'en a pas beaucoup -parlé en Europe, et, à vrai dire, elle a été plutôt un bazar local -où étaient réunis les produits des provinces avoisinant Nankin et de -la vallée du Yangtseu en général. Elle comprenait quatre sections: -produits du sol, industrie, beaux-arts, instruction publique. Sous la -dénomination de produits du sol, figuraient: l'agriculture divisée en -sept sous-sections: céréales, horticulture, arboriculture, machines -aratoires, engrais, arrosage, animaux utiles et nuisibles; la -sériciculture: cocons, soies, mûriers, ponte, machines, installations; -les pêcheries: poissons et crustacés maritimes et fluviaux; la -pharmacie: remèdes végétaux, animaux, minéraux; la minéralogie: métaux, -houille, pierres, sable, chaux, les différents minerais et produits du -sous-sol; la chasse: peaux d'animaux, dents, cornes, plumes. - -L'industrie était divisée en onze sous-sections: teinturerie, -vêtements, porcelaine, cheveux et poils, verre, matières d'or et -d'argent, travaux en bambou, ivoires, chaussures et cuirs, éventails de -tous genres. - -Les beaux-arts comprenaient les peintures de toutes sortes, les -broderies, les porcelaines fines, les œuvres d'or et d'argent ciselé. - -L'instruction publique exposait tout ce qui est nécessaire aux écoles: -papiers, pinceaux, encre de Chine, livres scientifiques modernes de -chimie, physique, électricité, mécanique, etc... Tout ce qui concerne -ce département de l'instruction publique a été fait, sans aucun doute, -et préparé par des maîtres japonais--à part les papiers, les pinceaux -et l'encre de Chine. Parmi les bâtons de cette encre, indispensable -pour écrire avec des pinceaux, quelques-uns sont de vraies merveilles. -Le grand centre de la bonne et élégante fabrication est Ngan-King, dans -la province de Ngan-Hoei. On recueille, pour fabriquer ces bâtons, la -fumée d'une huile spéciale qu'on fait brûler dans de petites lampes, -et on mélange cette fumée avec une sorte de colle où l'on ajoute du -musc, puis on met cette mixture dans des moules. Nous avons tous vu, en -Europe, des échantillons de ces bâtons de noir de fumée; mais je crois -qu'il faut aller en Chine et surtout à Ngan-King, pour trouver les -meilleurs spécimens du genre. - -L'Exposition était répartie entre douze constructions de forme -européenne, mais d'élégance douteuse, semées au milieu de jardins et de -parterres égayés de nombreuses pièces d'eaux. A l'entrée principale, -on rencontrait les deux pavillons de l'agriculture (à droite) et de -l'industrie (à gauche); c'étaient les deux plus considérables; puis, -au fur et à mesure qu'on avançait sur la grande route centrale, -on apercevait, dispersés au milieu de la verdure: le pavillon des -machines, le pavillon de l'hygiène publique, celui de la préparation -militaire; puis les pêcheries, les beaux-arts, etc... - -Presque tous les exposants étaient chinois, sauf quelques maisons -européennes de Changhai et de deux ou trois autres ports qui avaient -exposé des machines et des produits d'Europe. Ne figuraient sur cette -liste que des maisons anglaises, allemandes ou américaines. - -Changhai et la province du Kiang-Sou, puis Nankin et les villes du bas -Yangtseu avaient exposé des objets manufacturés fort beaux et riches, -surtout comme soieries et broderies; et les coiffures féminines en -plumes d'oiseaux (spécialité de Nankin) étaient, pour la plupart, -vraiment remarquables. - -L'Exposition, ouverte en grande pompe au cinquième mois de la seconde -année de Siuen-Tong (mai 1910), ferma ses portes le neuvième mois de -la même année, c'est-à-dire en octobre 1910. Pendant son existence -éphémère, cette première exhibition nationale n'a pas fait grand -bruit à l'étranger. Les quelques Européens qui l'ont visitée n'ont -pas été particulièrement surpris et n'ont trouvé là qu'un médiocre -intérêt. Dans cette partie nord de la ville de Nankin où avait été -tracé l'emplacement des divers pavillons, le style bizarrement -européo-chinois de ces derniers laissait une fâcheuse impression et -n'était nullement en harmonie avec l'architecture et le paysage chinois -qui les entouraient. - -Mais le triomphe de l'étrange fut la cérémonie de l'inauguration; on -eut la surprise d'y voir, au milieu des vieux mandarins en habits -soyeux aux couleurs vives et aux dessins chatoyants, de jeunes -fonctionnaires vêtus à l'européenne, en frac ou en redingote. L'effet -était désastreux. L'uniforme européen, pour l'armée, était jusqu'ici -le seul admis dans le Céleste Empire, et c'était évidemment, dans ce -cas, une nécessité, mais on n'avait jamais vu, dans une cérémonie -officielle, des habits noirs figurer à côté de l'antique robe -mandchoue. Comme son voisin le Japon, et sous son égide, la Chine -marche, et elle finira, comme lui, par imiter l'Europe en tout, y -compris l'habit, qui fait bien un peu le moine, malgré le proverbe. - -En somme, l'Exposition de Nankin a été assez ignorée du dehors; mais -elle a été pour les Chinois une date. La réunion, dans l'ancienne -capitale des Ming, des produits des différentes provinces, la présence -des exposants venus de tous les points du territoire est, en son genre, -une des nombreuses affirmations du patriotisme chinois qui se dégage et -s'affirme de plus en plus. - - - - -CHAPITRE VII - - I. Wou-Hou (Wuhu); ouverture au commerce étranger; situation - sur le Yang-Tseu-Kiang; les canaux; activité commerciale et - industrielle.--II. Les maisons européennes établies à Wou-Hou.--III. - Exportation et importation.--IV. Kieou-Kiang (Kiu-Kiang); description - de la ville et sa situation; les montagnes du Louchan.--V. La province - du Kiang-Si; la ville de Kin-Te-Tcheng et la porcelaine.--VI. Avenir - de Kieou-Kiang. - - -I.--Wou-Hou, petit port situé dans un pays de marécages et de grandes -herbes, n'a été ouvert au commerce étranger que le 1er avril 1877 -par la convention de Tche-Fou. Il est situé sur le Yangtseu, dans la -province du Ngan-Hoei et il se trouve à peu près à moitié chemin entre -Tchen-Kiang et Kieou-Kiang. Sa situation sur le fleuve et sur un grand -canal qui le relie à la ville de Ning-Kouo-Fou en fait un port de -commerce fort actif. Le canal qui relie Wou-Hou à Ning-Kouo-Fou est -toujours navigable, même en été; c'est ce qui contribue à l'importance -du port, par lequel il se fait une grande exportation de riz vers les -autres provinces; de plus, un autre canal relie Wou-Hou à un district -de thé très renommé, Tai-Ping-Chien, situé à environ 20 kilomètres. -Toutefois ce dernier canal n'est navigable qu'aux grandes eaux, en -été, ce qui diminue considérablement sa valeur. - -Enfin deux autres canaux relient la ville de Wou-Hou à Sou-Ngan et -Tong-Po, et les districts qui produisent la soie ne se trouvent guère -qu'à 100 kilomètres du port. C'est ce qui explique le trafic assez -considérable de ce petit endroit qu'on aperçoit à peine en passant -et qui a l'air d'une misérable ville chinoise de dernier ordre. Il -est fort possible que, dans l'avenir, ce trafic prenne encore plus de -développement; car Wou-Hou est situé dans une province essentiellement -riche. D'ailleurs, les chiffres que nous fournit la douane impériale -chinoise montrent bien que les affaires y sont fréquentes et nombreuses -et l'activité incessante. Le relevé de 1908 donne en effet la somme de -27.429.894 taels. La province de Ngan-Hoei est riche en charbonnages, -et plusieurs sociétés, soit étrangères, soit indigènes, se sont déjà -constituées pour l'exploitation de ces mines. La «China Merchant Steam -Navigation Cº», c'est-à-dire la compagnie chinoise de navigation à -vapeur, possède à elle seule plusieurs districts miniers; il est vrai -que jusqu'ici l'exploitation n'a pas donné tous les résultats que l'on -pouvait espérer, mais il est hors de doute qu'avec l'introduction de la -machinerie européenne et une administration intègre et soigneuse, on -devrait avoir un rendement profitable. Une autre compagnie, dénommée -Tchen-Kang, a obtenu également du gouvernement impérial l'autorisation -de faire des prospections minières et d'installer des exploitations -de différents minerais: mais cette dernière société n'a encore rien -établi de définitif. Plusieurs Européens ont essayé aussi de former des -sociétés pour l'extraction du minerai dans le Ngan-Hoei, et parmi ces -dernières, le Yang-Tse-Land and Investment Cº, et le charbonnage I Li -sont les plus considérables. Elles n'ont toutefois encore rien fait, -et la situation actuelle de la Chine semble trop propre à refroidir -le zèle de ceux qui comptent installer quelque exploitation dans -l'intérieur du pays. - -Le port de Wou-Hou, en dehors de la soie et du thé, fait un commerce -assez considérable de bois en grume. Ce commerce est entièrement dans -les mains des Chinois, comme, du reste, tout le trafic du port. Aucun -Européen ne réside à Wou-Hou, sauf ceux qui font partie du personnel -de la douane, ainsi que les agents des compagnies de navigation et -quelques missionnaires protestants et catholiques. La ville est assez -élégamment bâtie pour une ville chinoise; les rues sont plus larges et -mieux pavées qu'ailleurs; autrefois il n'y avait pas de quai le long du -fleuve, mais le terrain cédé à cet endroit à la compagnie des chemins -de fer du Ngan-Hoei a été, ainsi que les emplacements appartenant -aux diverses compagnies de navigation, transformé complètement -depuis quelques années, et aujourd'hui un quai de 1.500 mètres est -en construction; plus de la moitié est déjà terminée; un emplacement -spécial, sorte de petite ville européenne, a été réservé pour les -quelques étrangers qui résident à Wou-Hou, et le port prend peu à peu -l'air élégant et confortable des autres ports du Yangtseu. - -II.--Comme maisons européennes établies dans cette partie du fleuve, -nous trouvons: - -La compagnie des chemins de fer du Ngan-Hoei; - -La compagnie asiatique des pétroles (Asiatic petroleum Cº); - -La Standard oil Cº de New-York; - -Une compagnie d'électricité y est également représentée et, à l'heure -qu'il est, Wou-Hou renonce peu à peu au pétrole pour s'éclairer à -la lumière électrique. Mais, ainsi que je le disais au début, le -principal article de commerce du port de Wou-Hou, c'est le riz, et on a -généralement remarqué que les importations y étaient en quelque sorte -en fonction de l'exportation du riz; c'est que la partie de la province -du Ngan-Hoei où est situé Wou-Hou est essentiellement productrice de -cette céréale, laquelle est pour le Chinois de première nécessité, -exactement comme est pour nous le blé. Autrefois le Ngan-Hoei faisait -partie de la grande province du Kiang-Nan (Ngan-Hoei et Kiang-Sou) qui -était considérée comme la plus riche de la Chine. Les villes sont très -peuplées et sont les plus célèbres de l'Empire pour le commerce; le -pays est rempli de bois, de rivières, de canaux ou naturels ou creusés -de main d'homme qui communiquent avec le Yangtseu. Dans ces conditions -la culture du riz, qui demande beaucoup d'eau, y est intensive. - -Il faut ajouter que la capitale de l'Empire, Nankin, se trouvant -précisément située dans la province du Kiang-Nan, contribuait -nécessairement à la richesse de cette même province et en même temps -à sa culture intellectuelle; car les habitants en étaient et en sont -encore civils et polis, et recherchés dans leurs manières. - -III.--Les principaux articles d'exportation du port de Wou-Hou sont -donc: le riz, le thé, un peu de soie, des plumes de canard et de -poulet, du chanvre, et aussi une assez grande quantité de haricots. - -On trouve à l'importation: opium, cotonnades et coton de toutes -sortes; fer et métaux divers, allumettes, pétrole, bêche de mer; -verrerie, savon, sucre et parapluies. Dans cette énumération, nous -ne voyons guère que des articles anglais, allemands, japonais et -américains. Les Français n'y figurent pas, sauf peut-être comme -importation de rubans de soie brodée de Saint-Étienne. Bien que n'étant -pas un port ouvert au commerce étranger, il n'est pas sans intérêt de -mentionner ici la ville de Ngan-King, située sur le Yangtseu, en face -de la province du Kiang-Si. Cette ville est très considérable par ses -richesses et son commerce; tout le pays à l'entour est très découvert, -très agréable et très fertile. C'est à Ngan-King que se fabrique -l'encre de Chine la plus renommée. - -IV.--Kieou-Kiang est l'une des villes les plus agréables à habiter -parmi toutes celles qui sont bâties sur les bords du Yangtseu. Quand -le voyageur arrive en bateau en remontant le fleuve, il passe d'abord, -avant d'arriver à Kieou-Kiang, devant la petite île de Siao-Kou-Chan -(le petit orphelin) très élégante et chargée de monastères blanchâtres, -qui la font ressembler à un pain de sucre; puis il arrive à -l'embouchure du lac Po-Yang, où se dresse, adossé à une éminence et -regardant l'entrée du lac, le port de Houkeou; de cette dernière ville, -par-dessus le lac, on aperçoit une chaîne de collines assez élevées -et dont les versants, descendant vers le Po-Yang, sont couverts de -verdure en buissons et de quelques arbres isolés. Cela fait contraste -avec les rives plates que l'on rencontre partout ailleurs; en effet, -depuis l'embouchure du Yangtseu jusqu'aux gorges d'Itchang, on ne voit -aucune verdure; l'indigène imprévoyant a abattu toute la forêt et -ne lui a pas donné le temps de repousser. Par delà les prairies où -coule majestueusement le grand fleuve, depuis des siècles, toute trace -d'arbres a disparu et on ne voit que des collines nues et grisâtres. -Aussi la vue se trouve-t-elle égayée quand on arrive en face de -Kieou-Kiang. La ville en elle-même n'a rien de plus remarquable qu'une -autre ville chinoise, et les Européens qui habitent la concession -sont en très petit nombre; seulement les agents de la douane, les -représentants des compagnies de navigation et quelques missionnaires. -Cependant, grâce aux montagnes dont elle est entourée, elle a un -cachet particulier que n'ont pas les autres villes du Yangtseu, même -les plus grandes. Aussi, les Européens qui résident dans les ports -proches de Kieou-Kiang, notamment ceux de Hankeou, ont-ils construit -sur les hauteurs du Lou-Chan (ainsi se nomme la chaîne de Kieou-Kiang) -une véritable petite ville où ils vont prendre le frais et se reposer -des chaleurs torrides de l'été du Yangtseu. Autrefois seule la douane -de Kieou-Kiang possédait un bungalow dans un coin de montagnes nommé -Ta-Chan-Pei, et les Russes, marchands de thé à Hankeou, une autre -maison à Ma-Ouei-Chouei; mais en 1899 un missionnaire américain -découvrit le sommet de Ku-Ling et s'y installa. L'idée lui vint de -construire des maisons de rapport et il lutta avec les mandarins du -Kiang-Si pour obtenir une certaine quantité de terrain. Ce fut dur, -ce fut long, mais sa patience fut récompensée, et à l'heure qu'il est -Ku-Ling est une véritable ville européenne perchée sur le sommet du -Lou-Chan. De tous les points du Yangtseu on y vient, et les habitants -de Changhai eux-mêmes, qui autrefois allaient se reposer au Japon, ne -dédaignent pas de s'y installer malgré les trois jours de navigation -sur le fleuve. - -V.--Nous sommes ici dans la province du Kiang-Si, bornée au nord par le -Houpe et le Ngan-Hoei; à l'est, par le Tche-Kiang et le Fou-Kien; au -sud, par le Kouang-Tong; à l'ouest, par le Hounan. Les montagnes qui -se trouvent au nord de la province et auxquelles Kiu-Kiang est adossé -sont relativement peu hautes et par suite très abordables; mais celles -qui sont au midi et qui se réunissent aux montagnes des provinces du -Kouang-Tong et du Fou-Kien sont presque inaccessibles, quoique l'on y -découvre de fort belles vallées. - -Les campagnes sont très bien cultivées; cependant la province est si -peuplée que, toute fertile qu'elle est, elle ne fournit pas beaucoup -plus de riz qu'il n'en faut pour nourrir ses habitants; aussi ont-ils -la réputation d'être très économes, voire avares, et leur épargne -sordide leur attire souvent la raillerie de leurs compatriotes. - -Le Kiang-Si est bien arrosé; sa principale rivière est le Kan-Kiang qui -prend sa source près de Sin-Fong, et après avoir passé à Kan-Tcheou, -Kingan et Nan-Tchang, se jette dans le lac Poyang près de Nan-Kang. -Cette rivière ainsi que les petits ruisseaux qui s'y jettent est -remplie de toutes sortes de poissons, notamment truites et saumons; à -une certaine époque de l'année, généralement en avril, les esturgeons -remontent le fleuve et sont pris en grande quantité dans le lac Poyang. -La tortue comestible à carapace molle est également très abondante -au Kiang-Si. Ainsi que je l'ai dit plus haut, les montagnes dont la -province est entourée sont couvertes de bois, ce qui en fait une oasis -au milieu de la nudité des autres provinces. - -Outre que la terre produit ici tout ce qui est nécessaire à la vie et -que rivières et lacs fournissent amplement le poisson, la province du -Kiang-Si est très riche en mines d'or, d'argent, de plomb, de fer et -d'étain. On y exploite une mine de charbon dans le sud, à Ping-Chiang; -on y fabrique également de belles étoffes et on y distille un vin de -riz très renommé. - -Mais l'industrie la plus célèbre du Kiang-Si est celle de la -porcelaine. On la fabrique à Kin-Te-Tcheng, petite ville située sur -la rivière Tchang, dans une plaine entourée de hautes montagnes; la -ville a beaucoup souffert de la rébellion des Tai-Ping, mais elle -reprend peu à peu son activité; elle est peuplée surtout d'ouvriers -porcelainiers et décorateurs, et bien qu'elle ne soit pas ville murée, -mais pour ainsi dire simple village, c'est l'une des plus grandes cités -de la province comme population. C'est à Kin-Te-Tcheng que la Cour de -Pékin commande la porcelaine dont elle a besoin; et il n'y a pas lieu -d'insister pour faire comprendre que le commerce de vases, plats et -bols d'espèces variées est la principale affaire de cette partie du -Kiang-Si; un grand nombre de marchands de toutes les provinces viennent -s'y approvisionner; car la porcelaine qui se fait à Canton et dans -les provinces de Fo-Kien est loin d'être aussi estimée; beaucoup de -marchands indigènes du Kiang-Si chargent aussi de grandes barques et -vont à petites journées vendre leur produit dans les villes le long du -Yangtseu. - -Kieou-Kiang a été ouvert au commerce étranger; c'était en effet -l'un des ports où pouvait aborder le thé dont les Anglais faisaient -autrefois un grand commerce; il avait été question, au lieu d'ouvrir -Kieou-Kiang, de choisir Houkeou, à l'embouchure du Poyang dans le -Yangtseu; mais je crois que ce dernier port n'aurait pas été plus -florissant que Kieou-Kiang, qui a trompé toutes les espérances fondées -sur lui; il n'a jamais été en effet un marché pour les thés dont le -trafic a toujours été concentré à Hankeou. - -Kieou-Kiang a une population de 60.000 habitants; la ville a bien perdu -de son importance d'autrefois, depuis qu'elle a été prise et saccagée -en 1853 par les rebelles Tai-Ping; elle est à peine relevée de ses -ruines, et une grande partie de la ville murée est une véritable forêt -vierge. - -Son commerce pour l'année 1908 s'élevait à 30.093.412 taels. - -VI.--Selon toute probabilité Kieou-Kiang restera toujours un port -secondaire et ne prendra jamais de grandes proportions au point de vue -du trafic. Peut-être, une fois les communications rendues plus faciles -par les voies ferrées, la province du Kiang-Si, dont Kieou-Kiang est le -débouché sur le Yangtseu, arriverait-elle à un plus grand développement -par l'exploitation de ses richesses naturelles; elle possède en effet -quelques produits assez recherchés, tels que le thé, le tabac, les -haricots, la ramie, le coton, voire même le camphre, et ses récoltes -en riz et en blé sont généralement fort abondantes. La population, qui -peut être estimée à 25.000.000, est intelligente et fine; le travail -des ouvriers du Kiang-Si est très apprécié, et ce qui sort de leurs -mains, comme les objets de porcelaine, le papier, les étoffes de ramie, -prouve infiniment de goût et d'habileté. Il y a en outre dans la -province beaucoup de mines de charbon, des mines de cuivre et de fer. -Mais tout cela ne peut être mis en exploitation sérieuse que par des -capitaux considérables, et à condition que les voies de communication -soient faciles et rapides, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. -On a déjà eu bien de la peine à achever la construction du chemin de -fer qui relie Kieou-Kiang à Nan-Tchang-Fou, capitale de la province, et -il est probable qu'après cet effort, les choses vont encore rester pour -de longues années en l'état actuel. - -[Illustration: _Brouette chinoise._] - - - - -CHAPITRE VIII - - I. Hankeou (Hankow), sa situation; la province du Houpe.--II. - Hankeou et Hanyang; ouverture de Hankeou au commerce étranger: - anglais, russes et français.--III. Concessions russe, française, - allemande et japonaise.--IV. L'essor de Hankeou; le vice-roi - Tchang-Tche-Tong et les usines de Hanyang.--V. Établissements - industriels à Wou-Tchang-Fou.--VI. Le chemin de fer Hankeou-Pékin: - les lignes nouvelles projetées.--VII. Les Japonais à Hankeou et dans - le Yang-Tseu-Kiang.--VIII. L'agriculture au Houpe; les forêts, les - mines.--IX. Le commerce; importation et exportation.--X. Le thé, - principal article d'exportation.--XI. Parts afférentes aux diverses - nations dans le commerce de Hankeou; la part de la France.--XII. - Compagnies de vapeurs, maisons françaises; nouveautés industrielles et - commerciales de Hankeou. - - -I.--Hankeou est situé dans la province du Houpe, sur les bords -du Yang-Tseu-Kiang, qui traverse la province de l'ouest à l'est. -Autrefois, Hankeou était un simple marché, dépendant de la -sous-préfecture de Hanyang dont il est séparé par la rivière Han, -affluent du grand fleuve. Hankeou signifie, du reste, en chinois -«embouchure de la Han». Le Jésuite du Halde, en 1735, décrivait ainsi -la province du Houpe, laquelle, à cette époque, formait avec le Hounan -la vaste province du Hou-Kouang: «La plus grande partie de cette -province est un pays plat qui consiste en de rases campagnes arrosées -de toutes parts de ruisseaux, de lacs et de rivières. On y pêche une -infinité de toutes sortes d'excellents poissons, et l'on prend grand -nombre d'oiseaux sauvages sur les lacs. - -«Les campagnes y nourrissent des bestiaux sans nombre; la terre y -produit toutes sortes de grains et de fruits, surtout des oranges et -des citrons de toutes les espèces. Les montagnes sont très abondantes -les unes en cristal, d'autres en simples et en herbes médicinales... On -y trouve des mines de fer, d'étain et de semblables minéraux. - -«Il s'y fait quantité de papier des bambous qui y croissent et l'on -voit dans les campagnes beaucoup de ces petits vers qui produisent de -la cire de même que les abeilles produisent le miel. - -«Enfin, elle est si abondante en toutes sortes de choses qu'on -l'appelle communément le grenier de l'Empire, et c'est un proverbe, -parmi les Chinois, que la province de Kiang-Si peut fournir un déjeuner -à la Chine, mais que celle de Hou-Kouang a seule de quoi la nourrir -tout entière.» - -Il y a là, je crois, quelque exagération, et si la province du Hounan -peut être considérée comme assez riche, par contre, le Houpe est -certainement une des pauvres provinces de Chine. Malgré cela, le marché -de Hankeou était déjà important à l'époque où écrivait le Père du -Halde; car c'était le rendez-vous du commerce de la Chine centrale. -Le Père Huc, au reste, en parle aussi avec enthousiasme lors de son -passage à son retour de Lhassa. C'est que, par la Han d'un côté et par -le Yangtseu de l'autre, toutes les marchandises arrivant du nord et de -l'ouest viennent se réunir à Hankeou. - -II.--Actuellement Hankeou a grandi et a surpassé de beaucoup Hanyang -qui est devenue une ville morte. La population y est estimée de 800.000 -à 1.000.000 d'habitants. Ces chiffres sont forcément approximatifs, car -les recensements du gouvernement chinois sont plus ou moins sujets à -caution; il n'en est pas moins vrai que Hankeou est une des villes les -plus peuplées de la Chine. - -Elle a été ouverte au commerce étranger en 1861, et, de suite, les -Anglais s'y installèrent et y créèrent le «British Settlement» qui -devint rapidement une petite ville fort gracieuse et élégante, munie -d'un quai d'environ un kilomètre de long, tout planté d'arbres, et -qui est la promenade habituelle des résidents. Les Anglais, à cette -époque, prenaient de forts chargements de thé à destination de Londres, -et ils continuèrent ainsi à envoyer jusqu'à Hankeou, aux hautes eaux, -des vapeurs de 7 et 8.000 tonnes. Ils cessèrent vers 1897-1898, alors -que les plantations de Ceylan, de l'Inde et de l'Assam, étant en plein -rapport, purent fournir le Royaume-Uni de tout le thé dont il avait -besoin. - -Les Russes, eux aussi buveurs de thé, ne tardèrent pas à s'installer -à Hankeou; ils construisirent leurs résidences dans la concession -anglaise, la seule existante, et ouverte à tous les Européens; puis -ils y élevèrent des fabriques pour y préparer le thé en briques à -destination de la Sibérie, du Thibet et de la Mongolie. C'est en effet -sous cette forme qu'il est facile d'importer le thé dans ces pays, -en le faisant circuler à dos de chameaux; les briques et briquettes -fabriquées à Hankeou par les Russes sont divisées en carrés par des -lignes creusées dans les comprimés, afin de pouvoir chez les Thibétains -et les Mongols servir d'échange. Aujourd'hui les Anglais ont à peu près -cessé tout commerce de thé, et seuls les Russes en exportent encore du -Houpe. - -C'est trois ans après l'ouverture du port au commerce étranger -qu'Anglais et Russes vinrent s'y installer. A cette époque (1864) il y -avait également une quinzaine de Français, mais ils n'y restèrent pas, -et ce n'est qu'en 1895 qu'ils commencèrent à y reparaître. - -III.--Après la guerre sino-japonaise, la Chine, vaincue et obligée -d'ouvrir de nouveaux ports et d'accorder de nouvelles concessions, -dut, en même temps qu'elle cédait aux prétentions du Japon, agréer -les demandes des autres puissances. C'est ainsi que la Russie et -l'Allemagne exigèrent des concessions à Hankeou, à côté de la -concession britannique. Mais la France avait déjà, précisément à la -suite de la concession britannique, le droit (acquis en 1861) d'établir -une concession. Il s'ensuivit quelques difficultés qui furent, au bout -d'un temps assez long toutefois, réglées d'une façon amicale, et les -concessions furent délimitées en laissant à la Russie les terrains que -ses sujets avaient depuis longtemps acquis, en dehors et à côté de la -concession britannique, pour y construire de nouvelles fabriques de thé -qui étaient, au moment de la discussion, en plein rapport. - -Mais une autre difficulté s'élevait pour la France. Ayant négligé en -1861 de prendre effectivement possession de la concession qui lui était -octroyée, elle n'y avait élevé qu'un consulat, et les Anglais s'étaient -approprié les terrains à l'entour pour en faire un champ de courses. -Le consulat de France était donc au milieu du champ de courses. On -ne saura jamais les tracas, les ennuis, la peine que j'ai eus à faire -revivre la concession française, mais j'ai été récompensé de mes luttes -de trois années, car j'ai réussi[13]. - -[Note 13: «La concession française existait en principe depuis -longtemps, mais n'existait qu'en principe. C'est à l'initiative de -notre consul actuel, M. Dautremer, qu'elle doit d'avoir pu passer à -l'état de réalité. La France doit d'autant plus lui en savoir gré que -cet établissement n'a pu se faire sans rencontrer bien des difficultés, -suscitées soit par des intérêts personnels ou des convoitises plus ou -moins inavouables, soit aussi par des susceptibilités nationales.» (_Le -Haut-Yangtseu, de Itchang-Fou à Ping-Chan-Hien_, par le P. CHEVALIER.) - -«Le travail que vous présente ici la municipalité française, et que -vous nous faites l'honneur d'inaugurer aujourd'hui, est un monument -de longue persévérance. A mon prédécesseur, M. Dautremer, revient le -mérite de l'avoir entrepris il y a trois ans. Il fallait alors avoir -une foi solide en l'avenir. Notre concession n'était guère plus qu'un -terrain vague et rien ne faisait prévoir le spectacle d'activité, de -progrès, de succès qu'elle offre aujourd'hui. Je regrette donc que -M. Dautremer n'ait pu se trouver ici pour assister à l'achèvement de -l'œuvre qu'il avait presque poussée jusqu'au bout et dont il conservera -justement l'honneur. Il avait eu confiance. Il fallait avoir confiance -au moment où la Chine entière se troublait.» (_Discours de M. de -Marcilly_, consul de France, à l'inauguration du quai de la concession -française, 17 mai 1901.)] - -Quant aux Allemands, ils choisirent un emplacement en dehors de la -ville et les Japonais s'établirent à leur suite sur les bords du fleuve. - -Hankeou prenait donc un développement considérable: Anglais, Russes, -mais surtout Allemands et Français venaient y fonder des maisons de -commerce et des industries. Des fabriques d'albumine s'élevèrent -bientôt; des machines pour traiter les minerais d'antimoine, de plomb, -de zinc furent importées. Des filatures de coton et de soie, de chanvre -et de jute, furent construites; une tannerie également. Il existe -aujourd'hui à Hankeou, dans les concessions européennes, plusieurs -centaines d'étrangers de toutes nationalités. - -IV.--L'essor de Hankeou fut, il faut le dire, grandement aidé par -un vice-roi très actif quoique un peu brouillon et sans méthode, -Tchang-Tche-Tong. Mort il y a quelques années à Pékin où il avait -été appelé au conseil privé de l'Empereur, Tchang-Tche-Tong occupa -pendant de longues années le poste de vice-roi du Houpe et du Hounan. -Vieux Chinois, imbu des idées littéraires les plus pures (il était -membre du Han-Lin ou académie chinoise), il comprenait néanmoins que -la Chine avait besoin d'une éducation nouvelle, et il avait résolu de -prendre à l'Europe ce qui faisait sa force, l'instruction militaire -et l'industrie. Des Allemands avaient été chargés de lui créer une -armée, et des Belges furent appelés, en 1891, pour élever à Hanyang des -hauts-fourneaux et des ateliers afin d'y fondre les minerais et d'y -fabriquer des armes et des rails. En effet, à ce moment déjà, était en -germe l'idée du chemin de fer de Hankeou à Pékin. - -L'établissement d'une semblable entreprise devait être long; aussi -ce fut par à-coups qu'elle fut montée, l'argent manquant souvent, et -on put croire à un moment donné que l'opération était au-dessus des -forces du vice-roi. En décembre 1892, des millions avaient déjà été -engloutis dans l'affaire, et les assises sortaient à peine de terre; -pour se procurer des fonds on cherchait à vendre à Changhai le minerai -qu'on extrayait de la montagne de Ouang-Tseu-Kiang, à 60 milles en aval -de Hanyang, minerai qui était destiné aux fonderies. En même temps -il fallait aussi d'autres capitaux pour ouvrir la mine de charbon -du mont Tié-Chan, à Ouang-Tchang-Tseu, près de Ouang-Tseu-Kiang, -charbon destiné à alimenter les hauts-fourneaux. Au Tié-Chan, pour -l'exploitation des mines tant de charbon que de minerai, se trouvaient -six Allemands, tandis que les Belges avaient la direction des ateliers. - -Mais, en 1894, alors qu'on croyait pouvoir faire marcher l'usine, -on eut une autre déception: les charbonnages ne fournissaient qu'un -anthracite sulfureux incapable de produire le coke nécessaire, et -il fallut faire venir du Cardiff en attendant de trouver une autre -mine capable d'alimenter les hauts-fourneaux. Or les fonds manquaient -toujours malgré une aide sérieuse de Li-Han-Tchang, alors vice-roi -de Canton, frère de Li-Hong-Tchang. Tchang-Tche-Tong aux abois -songea alors à former une société privée qui aurait pris en mains la -continuation de l'affaire qu'il sentait bien lourde pour ses épaules. -Des négociants chinois, tous très riches, vinrent exprès de Canton pour -examiner les travaux et finalement refusèrent de s'engager. - -Le vice-roi se trouvait donc dans une situation embarrassante: plus -d'argent et pas de charbon sur place. C'est alors que la Banque -asiatique allemande (Deutsch asiatische bank) offrit ses services, et -elle avança au vice-roi une somme considérable, plusieurs millions -de taels (on parlait à cette époque d'une somme de vingt millions de -francs) avec garantie prise sur la fabrique d'armes. Les Allemands -étaient donc dans la place qu'ils convoitaient depuis longtemps, -et peu à peu tous les Belges furent remerciés. Cependant il arriva -que les administrateurs allemands voulurent se passer des collègues -chinois qui leur étaient adjoints, et se considérèrent un peu trop -comme les maîtres absolus. L'union ne devait pas tarder à être brisée -et le vice-roi, mécontent, après un essai des Allemands pour mettre -entièrement la main sur l'entreprise et en faire une œuvre allemande, -rappela des Belges. Aujourd'hui, après bien des vicissitudes, les -usines fonctionnent et sont toujours dirigées par des Belges, tandis -que les Allemands continuent à administrer les mines de fer et de -charbon du Tié-Chan. Elles fournissent des rails aux chemins de fer -chinois et fondent des canons et des fusils. - -V.--En dehors de cette grosse entreprise, Tchang-Tche-Tong a créé à -Wou-Tchang, la capitale du Houpe, en face de Hanyang et de Hankeou, -sur l'autre rive du Yangtseu, un hôtel des monnaies où l'on frappe les -sapèques de cuivre et la monnaie divisionnaire d'argent, pièces de 10 -cents et de 20 cents. - -Il établit également une fabrique d'aiguilles à coudre, dont la Chine -fait une grande consommation et qu'elle achète ordinairement en -Angleterre et en Allemagne. - -Il créa une filature de coton et de lin, une filature de soie. Il fit -venir des professeurs du Japon pour enseigner à l'école d'agriculture -qu'il avait fondée. Enfin, son activité ne connaissait pas de bornes. -Beaucoup de ces institutions eurent des débuts pénibles, mais -actuellement, reprises par des capitalistes chinois, elles semblent -devoir prospérer. - -VI.--Mais ce qui a contribué à donner à Hankeou l'essor commercial -et industriel, ce qui en a fait définitivement le grand marché du -centre de la Chine, c'est, sans contredit, le chemin de fer qui -relie cette dernière ville à Pékin. Le projet de cette voie ferrée, -destinée à traverser toute la Chine depuis Pékin jusqu'à Canton, en -passant par Hankeou, était en germe dès 1891, mais la difficulté -d'avoir des fonds, puis la guerre avec le Japon avaient éloigné la -réalisation de ce plan. Ce ne fut qu'en 1897, avec des capitaux -français, sous la direction d'ingénieurs belges, que les travaux -furent commencés. Je dirai peut-être quelque jour comment toute cette -affaire fut menée à ses débuts, mais le moment n'est pas encore venu. -Actuellement le chemin de fer est construit de Hankeou à Pékin et -fonctionne régulièrement; des trains de luxe, fournis par la Compagnie -internationale des wagons-lits, y circulent, et le gouvernement -chinois a, l'année dernière, racheté la ligne au moyen d'un emprunt -par l'intermédiaire de la banque française de l'Indo-Chine. Quant à la -ligne Hankeou-Canton elle est toujours à l'état de projet. - -La seule voie ferrée de la province, en dehors de la grande ligne de -Hankeou à Pékin, est une petite ligne industrielle de 25 kilomètres -environ reliant les mines du Tié-Chan au Yangtseu. Elle n'est, du -reste, pas ouverte aux voyageurs ni aux marchandises. - -Les lignes projetées sont donc actuellement: le chemin de fer de -Hankeou à Canton qui, dans la province, suivra la rive droite du fleuve -de Wou-Tchang à Yo-Tcheou; et le chemin de fer du Sseu-Tchuen qui -partira de Hanyang et passera par Cha-Yang, King-Meun et Itchang; à -partir d'Itchang, son itinéraire doit suivre la rive gauche du Yangtseu -et aboutir à Kouei-Fou. Cette ligne aura deux embranchements: l'une de -Cha-Yang à Cha-Che; l'autre de King-Meun à Siang-Yang-Fou. - -Mais la réalisation de ces deux projets est sans doute encore loin -de nous; aucun n'a reçu un commencement d'exécution, les Chinois -prétendant établir avec leurs propres ressources ces deux voies -ferrées dont la construction est difficile et coûteuse. - -VII.--Au milieu de la concurrence que se font entre elles les -puissances européennes en Chine, est apparu depuis longtemps déjà, -mais s'est affirmé surtout après la guerre sino-japonaise et la guerre -russo-japonaise, un adversaire qui devient redoutable sur le marché -chinois, c'est le Japon. Ce nouveau venu désire prendre sa part et il y -montre une énergie et une persévérance rares. - -Le nombre est incalculable des articles importés notamment dans les -ports du Yangtseu. Kieou-Kiang et Hankeou en sont inondés et ces -articles, se vendant à des prix excessivement peu élevés (ce que -recherche avant tout le Chinois), sont choisis de préférence aux objets -similaires d'Europe. L'explication de ceci, au reste, est fort simple: -le Japon est à quelques heures de Changhai; il a à son service une -compagnie de navigation qui dessert directement les ports du Yangtseu -en venant en ligne droite du Japon; par suite ses objets de trafic -payent peu de transport; en outre la main-d'œuvre au Japon est bien -moins élevée qu'en Europe; enfin le fabricant et le commerçant japonais -se contentent d'un bénéfice infiniment moindre que celui que recherche -un Européen qui tient à faire fortune rapidement et dont la moyenne de -dépenses est dix fois supérieure à celle d'un Japonais[14]. - -[Note 14: Voir _L'Empire japonais_, par J. Dautremer, page 190, IX.] - -Voici les différents articles japonais importés avec succès dans -l'Empire du Milieu: - -Cotonnades de toutes sortes et de toutes couleurs; - -Lampes à pétrole; - -Verres de lampes et mèches; - -Allumettes genre suédois; - -Objets les plus divers en fer-blanc, tels que bouilloires, boîtes à -thé, seaux, lanternes, etc.; - -Verres à vitres; - -Verres à boire, carafes, stores en verroterie et tous les objets de -verre en général (fabriqués à Tokio); - -Chapeaux de feutre (fabriqués à Osaka); - -Chapeaux de paille (fabriqués à Osaka); - -Bas et chaussettes de coton et de laine (fabriqués à Osaka et à Tokio.) - -Et une foule d'autres articles, entre autres du papier et du savon -que les Japonais sont parvenus à produire assez bien et à un bon -marché vraiment extraordinaire. Mais ce qui est le principal article -d'importation japonaise en Chine, c'est le parapluie, manufacturé par -millions à Osaka et qui tend à remplacer en Chine le fameux parapluie -de papier huilé. Le parapluie japonais a détrôné le parapluie français -fabriqué à Lyon et dont nous importions autrefois de grandes quantités. - -Évidemment jusqu'à présent la concurrence japonaise ne s'exerce que -sur une échelle encore restreinte, mais il ne faut pas se dissimuler -que, comme le Japonais est adroit et habile, il arrivera à vendre aux -Chinois, à bon prix, les articles que ce dernier avait l'habitude -d'acheter à l'Europe. Aujourd'hui le Japon est relié à la Chine par -de nombreuses lignes de navigation dont l'une dessert précisément les -ports du Yangtseu. - -Ainsi, après les Anglais, les Russes, les Allemands et les Français, -sont venus dans le Yangtseu les Japonais, qui y ont pris une place -considérable. Où sont maintenant les prétentions anglaises sur la -vallée du fleuve bleu? Il y a quelques années, en 1898, après la -guerre sino-japonaise, lorsque les puissances européennes parlaient -de s'adjuger des sphères d'influence en Chine, l'Angleterre avait -immédiatement réclamé pour elle la vallée du Yangtseu; un de ses -résidents au Sseu-Tchuen, M. Archibald Little, le même qui tenta de -remonter des rapides en chaloupe à vapeur, fit alors paraître un livre: -_Through the Yangtse gorges_, sur la couverture duquel une Chine en -noir, marquée de deux lignes rouges au nord et au sud du grand fleuve, -montre au lecteur ce que doit être la sphère d'influence anglaise! Les -intérêts multiples qui se sont développés à Hankeou, et la concurrence -qui s'y livre entre les diverses nationalités ont eu bientôt raison des -prétentions britanniques! - -VIII.--Au point de vue agricole, la province n'est pas comptée comme -une des riches provinces chinoises. Les principaux produits sont le -riz dont on fait, dans certaines parties du Houpe, deux récoltes -annuelles; le blé et le coton cultivés en petite quantité dans le nord -de la province; le chanvre, la ramie, le sésame, le thé qui est la -principale production de la sous-préfecture de Che-Nan-Fou; l'arbre -à vernis (_rhus vernicifera_) et la rhubarbe qui poussent dans les -régions montagneuses de l'ouest de la province; les haricots, l'indigo, -le tabac. - -Le pavot à opium se cultivait autrefois dans tout l'ouest de la -province, vers Itchang et Siang-Yang-Fou, et le Houpe en produisait -environ 10.000 piculs par an; mais, depuis les ordonnances impériales -contre l'opium, la culture du pavot a cessé. - -La pomme de terre, autrefois introduite par les missionnaires italiens -franciscains, est cultivée aux environs de Hankeou; mais elle pousse -surtout dans les régions montagneuses de l'ouest de la province, où -elle fait le fond de la nourriture des paysans en même temps que la -patate douce. Le sorgho, le maïs, le millet sont également cultivés. - -Le climat du Houpe convient admirablement à la sériciculture, et elle -y existe depuis les temps les plus reculés. La légende rapporte qu'au -temps de la conquête de la province, habitée alors par des aborigènes -ou Miao-Tseu, un Empereur aurait épousé la fille d'un prince de -l'une des tribus et que cette princesse serait précisément celle qui -a découvert l'art de tisser la soie. C'est à Ta-Yang, au nord-est -d'Itchang, que se trouvent les centres d'élevage de vers à soie de la -province. - -Il n'y a plus d'arbres au Houpe; comme dans toutes les provinces -que j'ai déjà passées en revue, les forêts ont disparu et c'est du -Hounan et du Kouei-Tcheou que viennent les bois employés à Hankeou et -ailleurs, quand ils n'arrivent pas tout simplement d'Amérique, ce qui -est le cas la plupart du temps. - -Les mines du Houpe ont donné des déceptions; il faut faire exception -pour celle du Tié-Chan, où on trouve un excellent minerai de fer. -On y découvre aussi des mines d'antimoine et de zinc, et une maison -française avait essayé de traiter le minerai à Wou-Tchang; elle avait -bien réussi, mais, faute de fonds, elle fut obligée de céder son -affaire à une maison allemande, Carlowitz, qui continue avec succès. - -Quant aux mines de charbon, elles n'ont procuré que des déboires; j'en -ai vu ouvrir sept en trois ans, dans diverses parties de la province, -et aucune n'a donné de bonne houille. Le charbon consommé à Hankeou -vient du Hounan et surtout du Kiang-Si. - -IX.--En 1892, le commerce de Hankeou ne s'élevait qu'à 48.500.000 -taels; il a, depuis, constamment prospéré jusqu'en 1904, où il atteint -le chiffre de 148.000.000 de taels. Il a ensuite fléchi en 1905 à -122.100.000 de taels, et en 1906 à 109.660.000 de taels, mais ce -n'était là qu'un fléchissement passager dû à une crise monétaire, et -depuis les affaires ont repris: le trafic est remonté à 115.071.383 de -taels en 1907, et à 120.038.293 de taels en 1908. - -La branche la plus importante du commerce d'importation est celle des -tissus de coton. En 1905, Hankeou a reçu pour 6.000.000 de taels de -filés et 7.220.000 taels de cotonnades; en 1905, l'importation des -filés étrangers a augmenté de 50.000 piculs, représentant environ -une plus-value de 1.320.000 taels; la plus grande partie provient du -Japon, les filés de ce pays ayant repris sur le marché l'avantage -sur les filés indiens, qui eux-mêmes avaient détrôné le coton filé -du Lancashire. L'Angleterre ne fournit plus depuis longtemps que les -numéros élevés. - -Quant à l'importation des cotonnades, connues sur le marché sous le -nom marchand anglais de «piece goods», elle a également bénéficié de -l'engorgement des magasins de Changhai après la guerre russo-japonaise. -On a constaté une augmentation de 337.000 pièces sur les cotonnades -écrues et une augmentation de 57.000 pièces sur les étoffes teintes -en noir dites, en langage du commerce, «italians». Cependant, il y a -lieu de noter une baisse de 24.000 pièces pour les cotonnades écrues -américaines et de 17.000 pièces pour les toiles de Perse, connues sous -le nom de «chintzes». - -Presque la totalité des tissus importés sur le marché de Hankeou -sortent des entrepôts fictifs de Changhai. L'importation directe de -ces marchandises n'occupe que quelques rares commerçants allemands et -japonais qui travaillent le plus souvent à la commission. Quelques -petites maisons de commerce se contentent de faire de la consignation. -Les achats sur Changhai s'opèrent par l'entremise des courtiers chinois -qui se tiennent journellement en communication avec les marchands -indigènes de l'intérieur. Changhai étant le grand centre d'importation -des tissus étrangers, les effets d'un encombrement ou d'un déficit de -ces marchandises se répercutent naturellement à Hankeou, un de ses -principaux débouchés. Au 31 décembre 1906, il y avait à Changhai, -d'après les rapports de la Chambre de commerce, plus de 11.000.000 de -pièces de cotonnades de toutes sortes. Ainsi, dès le début de 1907, -Hankeou a largement profité de la situation pour s'approvisionner. -Le spéculateur indigène établi à Changhai a été obligé, à l'approche -du nouvel an, de réaliser coûte que coûte la plus grande partie de -son stock et de traiter avec les acheteurs du Yangtseu, d'autant plus -que le marché du nord lui était fermé et était, du reste, tout aussi -encombré que celui de Changhai. - -La majeure partie de ces étoffes de coton sont de fabrication anglaise -ou américaine; les fabriques des États-Unis ne l'emportent sur celles -du Lancashire que pour les étoffes lourdes, notamment les coutils. -L'importation américaine a fait, durant ces dernières années, -d'énormes progrès en Chine, mais c'est surtout dans le nord qu'elle a -développé ses débouchés; dans la vallée du Yangtseu, la prépondérance -anglaise se maintient, quoique déjà battue en brèche par le Japon et -l'Inde, et aussi par l'Italie qui a réussi, depuis quelques années, à -écouler en Chine une partie de ses cotonnades, qu'elle fabrique près de -Milan. - -En ce qui concerne la France, la vente de cotonnades est nulle. Nous -fabriquons trop bien et trop cher, et pas du tout au goût de la -clientèle chinoise; nous avons des fabriques de spécialités fort belles -et fort élégantes, mais dont les prix sont inaccessibles à la masse de -la clientèle chinoise qui est pauvre. - -Les tissus de laines sont peu achetés, et on n'en importe guère que -pour 5 ou 600.000 taels; à peu près tout vient du Japon, et ce sont -surtout les tissus de flanelle que les Chinois emploient. - -Si nous prenons les tissus de soie, l'importation en Chine en est -naturellement peu élevée, la Chine étant la productrice de la soie par -excellence, et de la soie sous toutes ses formes. Cependant l'industrie -lyonnaise s'est mise depuis quelque temps à importer des tissus de soie -pure et des tissus mélangés de soie et coton qui trouvent preneurs -au marché de Hankeou, étant donnés leurs prix. Tout est là. Si nous -pouvons arriver à fabriquer à bas prix des mélanges soie et coton -répondant comme dessins et couleurs aux goûts du pays, nous réussirons -à augmenter notre importation qui est actuellement à Hankeou d'environ -200.000 taels. Nos seuls concurrents possibles sont les Japonais et les -Allemands, qui peuvent livrer à des prix de famine, et c'est peut-être -encore eux qui en ce genre d'étoffes nous laisseront loin derrière -eux. Les rubans de Saint-Étienne commencent à être assez connus et se -vendent bien sur le marché chinois. Hankeou en importe pour une valeur -d'environ 50.000 taels. C'est une maison belge qui a eu jusqu'ici le -monopole de l'importation de cette marchandise, et c'est d'ailleurs à -l'intelligence commerciale du chef de cette maison que les fabriques de -Saint-Étienne doivent de faire concurrence au «lan kan» de fabrication -chinoise. - -L'importation des métaux est presque nulle à Hankeou, ce qui se -comprend du reste, puisque les usines et fonderies de Hanyang, non -seulement peuvent fournir la place, mais encore toute la région; quant -aux machines, l'importation en augmente de plus en plus; matériel -de chemins de fer, appareils télégraphiques, appareils électriques, -instruments scientifiques, courroies de transmission, machines à -épurer le coton, matériel d'imprimerie, machines à coudre, et une -quantité d'autres machineries en tous genres; on en importe tous les -ans pour une valeur de 2 à 3.000.000 de taels; presque toutes les -machines jetées sur le marché d'Hankeou sont de provenance allemande -ou anglaise, et ce commerce prend tous les jours plus d'importance. Ce -sont l'Angleterre et l'Allemagne, et également un peu les États-Unis -d'Amérique qui sont les principaux fournisseurs de l'industrie -chinoise. Des grandes maisons qui sont établies à Hankeou ont toutes un -bureau technique, dirigé par un ingénieur très compétent, qui s'occupe -de l'installation d'usines et d'ateliers, et se charge de la vente des -machines de toutes sortes, moteurs à pétrole ou à vapeur, dynamos, -pompes, matériel de mines. La Shanghai maritime Cº, sous la direction -de M. Buchleister, et représentant des maisons de Berlin, Magdebourg, -Bonn et Leipsig est l'une de ces maisons allemandes, bien montées et -fortement organisées, qui ont réussi dans le monde entier, et notamment -en Chine, à faire concurrence aux Anglais. - -Les charbons importés à Hankeou viennent soit du Japon, soit de -Kai-Ping. La province du Houpe, ainsi que je l'ai dit plus haut, -ne fournit pas de bon charbon; on a commencé à en faire venir du -Sseu-Tchuen, et il semble pouvoir être utilisé dans l'industrie. - -Le pétrole est l'un des gros articles du commerce de la place. La -consommation ne cesse d'augmenter à mesure que les prix baissent et que -s'étend le rayon de vente. En 1892, Hankeou ne recevait que 4.737.000 -gallons (un gallon égale environ 4 litres), en 1901, l'importation -avait quadruplé; elle a atteint, en 1905, 26.390.000 gallons et a -continué à augmenter tous les ans. Autrefois le pétrole américain -était le maître du marché, mais à dater de 1896, le pétrole russe, -et à partir de 1897, les pétroles de Sumatra et de Bornéo lui ont -fait une grande concurrence. Celui de Birmanie n'est pas encore très -apprécié et on en voit peu. Le pétrole est le plus souvent importé en -bateaux-citernes et déchargé dans les réservoirs des compagnies. La -«Shell transport and trading Cº» possède deux réservoirs, chacun d'une -capacité de 3.500.000 litres. La «Royal Dutch petroleum Cº» a également -deux réservoirs semblables; ils sont situés sur les bords du fleuve, -à quelques kilomètres au-dessous des concessions étrangères. Quant à -la compagnie américaine, Standard oil, elle n'importait que du pétrole -en caisses. Mais elle a construit, elle aussi, un réservoir. Enfin la -«East asiatic petroleum Cº» a établi deux réservoirs sur la ligne du -chemin de fer, l'un à Hou-Yuen, province du Houpe, l'autre à Sin-Yang -(Honan), et elle alimente ces réservoirs au moyen de wagons-citernes. - -Les sucres étrangers proviennent surtout de Hong-Kong, et malgré -les essais des Japonais, les Chinois donnent toujours la préférence -au produit anglais. Les aiguilles sont importées par l'Allemagne, -les allumettes par le Japon; quant aux bois, qui viennent en grande -quantité, ils sont originaires soit des États-Unis d'Amérique, soit de -l'Australie. - -L'importation des produits alimentaires d'origine étrangère est -forcément très limitée. Les Chinois, pas plus que les Japonais, ne sont -friands de nourriture européenne, ils préfèrent leur menu à toutes les -conserves qu'on peut leur offrir. Ils n'apprécient guère que trois -choses: le champagne, les gâteaux secs, et les fruits en conserves. -Les deux derniers produits leur sont fournis par l'Angleterre, la -Californie et l'Autriche; quant au champagne, seuls les riches peuvent -en acheter d'authentique; la majeure partie de ce qu'on vend sous ce -nom est une affreuse drogue fabriquée en Allemagne et vendue à des prix -ridicules de bon marché. Les Japonais ont également essayé de faire la -concurrence aux Allemands en ce genre de marchandises. - -X.--Autrefois, et il n'y a pas bien longtemps encore, le principal -article d'exportation du port de Hankeou était le thé. D'énormes -navires anglais et russes venaient tous les ans, aux mois de mai, juin, -juillet, prendre des chargements directs pour l'Europe, les eaux du -fleuve étant, à cette époque de l'année, toujours assez hautes pour -qu'on puisse faire remonter jusqu'au port de Hankeou des navires calant -jusqu'à 10 mètres. C'était alors le beau temps de Hankeou, une activité -surprenante régnait en ville, malgré la chaleur accablante des mois -d'été. La population européenne, augmentée de tous les marchands de -thé et dégustateurs de thé, venus pour la saison, se trouvait doublée, -et c'était le moment des fêtes et des parties de plaisir après les -affaires, chaque soir. - -Aujourd'hui, tout cela est fini. Les Anglais ont abandonné le thé de -Chine et se contentent des thés de l'Inde et de Ceylan, beaucoup moins -bons, mais beaucoup moins chers. Les Russes cependant sont demeurés -fidèles au thé chinois. Les essais qu'ils ont faits de planter du thé -au Caucase et dans le Turkestan russe n'ont pas encore réussi, et non -seulement ils sont restés les clients du marché de Hankeou, mais ils -font tous les ans des achats plus considérables. La guerre avec le -Japon n'a nullement nui au commerce des thés russes, et l'exportation -augmente régulièrement. La plus grande partie de ce thé est dirigée -sur Odessa et Wladiwostok par les bateaux de la flotte volontaire; une -petite quantité va également sur l'Amérique, bien que ce dernier pays, -et surtout les États-Unis, consomment de préférence le thé japonais. -Le fameux thé de la caravane n'existe plus. La route de terre de -Hankeou par Fan Tcheng et la Mongolie russe est totalement abandonnée; -les Chinois disent que nous ne pouvons pas boire de bon thé en Europe -depuis l'abandon de la route par terre; car, prétendent-ils, le thé, -même livré clos en boîtes d'étain, s'abîme à la mer. - -Depuis l'ouverture de la ligne Hankeou-Pékin, le sésame est devenu -un article sérieux d'exportation; il vient du Honan, et le port de -Hankeou en a toujours fourni, mais les moyens de communication, -autrefois primitifs, empêchaient le trafic de cette oléagineuse de se -développer normalement. On en exporte entre 2 et 3.000.000 de piculs. -Les acheteurs principaux de sésame sont l'Allemagne, le Japon, la -Belgique et la France. Les haricots et les fèves, dont l'exportation se -chiffre par 8 et 9.000.000 de taels, sont un des principaux articles -du commerce de Hankeou; mais, bien entendu, ces produits sont exportés -sur d'autres ports chinois, non sur les ports étrangers. Arachides, -graines de coton, coton, ramie, jute, soie et soieries, sont expédiés à -Changhai et au Japon, et le commerce en est entièrement aux mains des -indigènes. - -Un article donne lieu à un trafic assez considérable entre Hankeou et -l'Europe. Il s'agit des peaux d'animaux: bœufs, buffles et chèvres. -L'Europe continentale et les États-Unis en sont les principaux -acheteurs, et l'exportation s'en est beaucoup développée de 1892 à -1902; en 1892, par exemple, les statistiques n'enregistraient à la -sortie que 50.000 piculs de peaux de vache et de buffle. En 1901, -la quantité exportée passait à plus de 162.000 piculs; en 1892, la -moyenne des prix était de 11 taels par picul pour les peaux de vache, -et de 8 taels pour les peaux de buffle. En 1901, les prix atteignaient -respectivement 20 taels et 12 taels 50, et en 1906 ils ont été de -33 taels pour la vache et de 20 taels pour le buffle. La demande se -trouvant bien supérieure à l'offre, les prix sont toujours allés en -augmentant, bien que l'ouverture de la ligne du chemin de fer ait amené -sur le marché de Hankeou les peaux du Nord (du Honan et du Chen-Si). -Quant aux peaux de chèvre, leur exportation n'a cessé de devenir plus -considérable; elles ont aujourd'hui atteint le chiffre de 4.000.000 de -peaux à l'exportation, et on classe maintenant ces peaux d'après leur -provenance: Houpe, Sseu-Tchuen, Kiang-Si et Honan. En dehors de celles -que je viens de citer, il faut aussi marquer d'autres espèces de peaux -ou fourrures: moutons, agneaux, chiens, chats, chevreaux, renards, -lièvres, belettes, blaireaux, léopards et même tigres. Mais le commerce -des fourrures, qui avait pris un certain développement à Hankeou, ne -peut soutenir la concurrence de Tien-Tsin et des ports du nord. Sous ce -rapport, Hankeou ne sera jamais un grand débouché pour l'exportation, -et son activité se bornera à la manipulation des vaches, buffles et -chèvres. - -Parmi les autres produits destinés à l'exportation, le port de Hankeou -travaille les soies de porc, les plumes et duvets, les poils, les -cornes, les os, les œufs, les suifs végétal et animal; le vernis, le -tabac, la noix de galle, dont il se fait un commerce considérable, bien -qu'elle ait beaucoup diminué de valeur depuis qu'elle est concurrencée -par l'aniline et les extraits chimiques. - -Hankeou exporte encore l'huile de bois, (en chinois tong yeou), -désignée sur le marché sous le nom anglais _wood oil_ et qui n'est -autre que l'huile d'abrazin. On en exporte pour une valeur de 4.000.000 -de taels. L'abrazin ou _elœococca vernicifera_, croît dans l'ouest -du Houpe et au Hounan, mais le pays où il pousse le mieux est le -Kouei-Tcheou. Son fruit donne une huile fluide siccative, vernis -naturel dont les usages sont innombrables. Cette huile sert notamment -à imperméabiliser les étoffes, le papier, à rendre étanches les -paniers, à vernir les boiseries, les jonques. Elle est incomparablement -supérieure à l'huile de lin et peut être substituée quelquefois au -caoutchouc. Les Américains, qui en font un grand usage, l'utilisent -pour la fabrication du linoleum et du lincrusta. Hankeou est le marché -centralisateur de ce produit. Son prix ne cesse d'augmenter; il est -passé de 50 francs à 80 francs les cent kilos, et il est probable qu'il -ira encore en augmentant, car la Chine est le seul pays producteur. -Mais, malheureusement, les intermédiaires chinois, par lesquels passe -l'huile avant d'arriver aux mains des Européens, se sont mis depuis -quelque temps à l'adultérer, en y ajoutant de l'huile de sésame. Aussi, -les Américains ont-ils essayé d'implanter l'elœococca en Floride; -jusqu'à présent ils n'ont pas obtenu de succès, mais il est probable -qu'ils trouveront un terrain favorable à la plante, car l'habitat -chinois où elle croît pour l'instant n'offre pas de conditions -climatériques qu'on ne puisse rencontrer ailleurs. - -Les autres produits d'exportation du port de Hankeou sont: huile de -thé, huile de sésame, huile d'arachides, huile de haricots, albumine -et jaune d'œufs, albumine desséchée, albumine liquide, jaune d'œuf, -riz, minerais de fer, fer et fontes, fer en barres, marmites, -antimoine, arsenic, plomb, minerai de zinc, gypse, filés de coton et -shirtings des manufactures de Woutchang, sucre, suif, saindoux, cire, -rhubarbe, médecines, alun, mercure, cinabre, charbon; mais les maisons -européennes établies sur la place n'opèrent en général que sur le thé, -les peaux, le sésame, la ramie, l'huile de bois, les soies de porc, -le musc. Ces maisons, de toutes nationalités, se font une concurrence -acharnée et, les Chinois, en profitant pour maintenir des prix très -élevés, les bénéfices deviennent très minces. Le commerce de Hankeou -n'a cessé de s'accroître, c'est vrai, mais comme les maisons étrangères -se sont multipliées à l'excès, il en résulte un certain malaise. Si -l'on considère qu'en 1891 il y avait une vingtaine de maisons de -commerce européennes, et qu'aujourd'hui, à la fin de 1910, il y en a -plus de 120, on comprendra facilement qu'il faille brasser des millions -et des millions d'affaires pour arriver à vivre. - -Malgré les quantités de marchandises exportables que j'ai signalées, le -thé reste encore, après l'abandon des Anglais, l'une des principales. -Hankeou est le centre du commerce russe du thé. Nous nous figurons -volontiers en France que, seuls, les Anglais consomment une grande -quantité de thé: c'est une erreur; les Russes, à ce point de vue, les -surpassent encore, je crois, car ils en boivent _toute la journée_, et -le samovar et la théière restent en permanence sur la table de la salle -à manger. N'ayant pas de colonies où puisse pousser abondamment le -précieux arbuste, les Russes sont obligés de le faire venir de Chine, -et c'est à Hankeou qu'ils ont établi leur marché central. - -Le thé, en effet, se trouve dans les provinces du Fo-Kien, du -Tche-Kiang, du Kiang-Si, du Houpe, du Hounan, et on peut dire, un peu -partout en Chine, puisqu'il en existe jusqu'au Yunnan, où le thé du -Pou-Eurl est très estimé. Mais le thé qu'on boit en Europe est celui -qui vient du Kiangsi et des deux provinces du Houpe et du Hounan, et -qui est par suite exporté de Hankeou. Celui du Fo-Kien et du Tche-Kiang -est surtout du thé vert. Le thé porte des feuilles vers le milieu du -printemps; elles sont tendres alors, on les met au bain de vapeur et -on en tire une eau amère, dit un auteur ancien, puis on les fait sécher -et on les réduit en poudre, et on boit le thé ainsi préparé. Mais si -cela se passait ainsi autrefois, il n'en est plus de même aujourd'hui. -On cueille les premières pousses des feuilles au printemps, et elles -forment le meilleur thé, celui dit Pekoe, plus tendre, plus délicat et -infiniment plus estimé que ceux des récoltes qui suivent. La seconde -récolte, et la plus abondante, se fait en mai, alors que les feuilles -sont entièrement épanouies; elle fournit, comme la première récolte, la -plupart des thés destinés à l'exportation. Les autres récoltes ont lieu -au milieu de juillet et à la fin d'août, et c'est avec les feuilles de -ces dernières récoltes que les Russes font les briques de thé qu'ils -exportent en Sibérie, en Mongolie et au Thibet. - -Le thé pousse, en général, à mi-hauteur des collines; on met les jeunes -plants en pépinières jusqu'à ce qu'ils aient à peu près un an et qu'ils -aient atteint de 0.30 à 0.40 centimètres, puis on les repique en lignes -parallèles, séparées par de larges bandes de terrains, où l'on plante -des légumes divers. Cette disposition rappelle celle des vignes dans le -Centre et le Midi de la France. On commence à récolter les feuilles dès -que le pied a atteint sa troisième année révolue, et, à l'âge de quinze -ans, il est usé et épuisé. Le thé croissait autrefois en Chine à l'état -sauvage, et ce n'est guère que depuis mille ans, que les indigènes en -ont fait une boisson. La coutume de payer à l'Empereur, tous les ans, -le tribut du thé, a commencé au temps de la monarchie des Tang (618 ap. -J.-C.). Les espèces de thé dont les auteurs anciens font mention sont -particulièrement celles qui étaient en usage pendant la monarchie des -Tang, elles étaient en nombre presque infini et distinguées chacune par -un nom spécial. Il faut, disent les Chinois, boire le thé chaud et en -petite quantité, surtout il ne faut pas le boire à jeun et quand on a -l'estomac vide. Autrefois, le thé était pour les Chinois une véritable -médecine (comme, du reste, il l'était encore en France il n'y a pas si -longtemps); ainsi, la feuille du thé, disent les auteurs chinois, est -bonne pour les tumeurs qui viennent à la tête, pour les maladies de la -vessie, elle dissipe la chaleur ou les inflammations de poitrine. Elle -apaise la soif, elle diminue l'envie de dormir, elle dilate et réjouit -le cœur, elle dégage les obstructions et aide à la digestion. Elle est -bonne, quand on y ajoute de l'oignon et du gingembre. Elle est utile -contre les échauffements et chaleurs d'entrailles, et elle est l'amie -des intestins; elle purifie le cerveau et éclaircit la vue, elle est -efficace contre les vents qu'on a dans le corps et guérit la léthargie. -Elle guérit aussi les fièvres chaudes; quand on la fait bouillir dans -du vinaigre, et qu'on la donne à boire à un malade qui a la dysenterie, -elle le guérit. Enfin la feuille de thé était autrefois un remède -universel; je ne sais s'il réussissait toujours; dans tous les cas il -était bien facile à prendre. - -La préparation du thé noir, de celui qu'on vend pour l'exportation, -n'est pas aussi simple que l'on pourrait croire. On fait d'abord la -part du déchet, en mettant de côté toutes les feuilles flétries et -jaunies; puis on place les bonnes feuilles sur des claies de bambous -en les étendant avec soin, et on les expose pendant plusieurs jours -au grand air, afin de les faire sécher; on les roule avec la main ou -même avec le pied, après quoi on les met dans de grands bassins en fer -bien chauffés et que l'on secoue en tous sens pour qu'elles grillent -uniformément. Puis, on les roule à nouveau avec les pieds, en pressant -très fortement, et on en extrait ainsi l'huile âcre qu'elles peuvent -alors contenir. On les grille encore une fois après les avoir fait -sécher de nouveau au soleil, et on les met ensuite dans des récipients -chauffés à une température moyenne où elles achèvent de se sécher; -enfin elles sont bonnes à emballer. - -Quant au thé vert, qu'on n'exporte guère qu'en Amérique, on ne le -grille qu'une fois au-dessus de plaques de tôle et après l'avoir fait -baigner dans un liquide mélangé de safran et d'indigo, ce qui lui donne -sa couleur verte. Ce thé, qui n'est grillé qu'une fois, a conservé -toutes les propriétés excitantes de son huile essentielle et il est -très énervant. Il ne peut convenir qu'à des tempéraments lymphatiques. - -Parmi les thés noirs, la généralité porte le nom de _Congou_, ou «bien -travaillé», nom qui a suppléé celui de _Bohea_ dont on se servait pour -le désigner il y a quelque deux cents ans; ou bien _Pekoe orange_, -c'est-à-dire parfum supérieur; Pekoe pur, c'est-à-dire couleur des -cheveux de Lao-Tseu; Sou chong et Pou chong, remarquables par la -petite dimension de leurs feuilles; Hyson, Siao chow, Ta chow, fleur -du printemps, petites perles, grandes perles; puis une infinité de -noms dont le sens est: langue de moineau, griffe de dragon, parfum de -l'oléa, etc... - -Le thé est venu en Europe en 1591, importé par les Hollandais; depuis -on en boit dans le monde entier, et malgré les plantations de l'Inde, -de Ceylan et d'autres pays, le thé de Chine est toujours le thé -supérieur; cela tient sans doute à son habitat et à la culture spéciale -dont l'entourent les Chinois. - -XI.--Il est très difficile de se rendre un compte exact, d'après -les statistiques douanières chinoises, de la valeur respective qui -appartient à chaque nation dans le commerce d'un port chinois, parce -que tout ce qui vient de Hong-Kong est porté au compte du pavillon -britannique ou à peu près. Il s'ensuit qu'on ne peut tabler sur les -«trade reports» avec certitude. Mais il est facile d'indiquer quelles -sont les nations qui font le plus de commerce avec Hankeou. C'est -d'abord le Japon qui importe pour environ 5 à 6 millions de taels, mais -qui exporte pour une quarantaine de millions. - -L'Angleterre est le gros importateur; puis viennent les États-Unis, -l'Allemagne; la Russie n'exporte que son thé et n'importe absolument -rien, la Belgique importe du matériel de chemin de fer et des machines. - -Quant à la France, elle est représentée à Hankeou par quelques maisons -(sept ou huit) qui font surtout de l'exportation de peaux, albumine -et jaunes d'œufs, musc, sésame, noix de Galle, soies de porc, etc... -Elle importe quelques soieries. En somme, nous venons à Hankeou, comme -partout ailleurs, bien après les autres, et nous n'y faisons pas un -trafic appréciable. Le commerce de la Chine semble plein d'avenir pour -le Japon qui fabrique à bon marché et peut vendre à des prix minimes. -Quant aux autres puissances, elles pourront encore pendant quelque -temps y placer des produits de grande industrie, comme chemins de -fer, machines à vapeur, blindages, canons et bateaux de guerre, mais -le Japon les gagnera vite et il est probable qu'avant peu il sera le -fournisseur attitré de son colossal voisin. - -XII.--Les compagnies qui font un service régulier sur le Yangtseu entre -Changhai et Hankeou sont: - -L'Indo-China steam navigation Cº (Jardine Matheson and Cº), 4 vapeurs; - -La China navigation Cº (Butterfield and Swire), 4 vapeurs; - -Geddes and Cº, 4 vapeurs; - -Ces trois compagnies sont anglaises. - -China merchant steam navigation Cº (compagnie chinoise), 5 vapeurs; - -Osaka shô sen kwaisha (japonaise), 5 vapeurs; - -Nippon you sen kwaisha (japonaise), 2 vapeurs; - -Norddeutscher Lloyd (allemande), 3 vapeurs; - -Hamburg Amerika linie (allemande), 2 vapeurs; - -Compagnie asiatique de navigation (française), 2 vapeurs. - -Les compagnies anglaise, chinoise et japonaise ont également des -vapeurs sur Itchang et une compagnie japonaise, la Konan Kiten Kaisha -en a un sur Tchang-Cha-Fou au Hounan. Les trois compagnies japonaises -marchent d'accord et reçoivent une subvention du gouvernement japonais. - -Les maisons françaises établies à Hankeou sont: - -La Banque de l'Indo-Chine; - -E. Bouchard (importations, commissions; affaires industrielles); - -Compagnie française des Indes et de l'Extrême-Orient (importation, -exportation); - -A. Grosjean et Cie (albuminerie, exportation); - -Olivier et Cie (exportation); - -Racine, Ackermann et Cie (exportation); - -Simonin (commission). - -Ces maisons, à part celle de MM. A. Grosjean et Cie, sont des -succursales de maisons françaises établies à Changhai; la maison -Racine, Ackermann et Cie est propriétaire de la ligne de bateaux à -vapeur faisant, sous pavillon français, le service des ports du fleuve -entre Changhai et Hankeou. - -Au point de vue industriel, la nouveauté la plus remarquable à Hankeou -a été, à la fin de 1908, la mise en marche des métallurgies du Yangtseu -(exactement Yangtse engineering works) qui, dès cette époque, purent -exécuter les commandes qu'elles recevaient. Cet établissement se trouve -à quelques kilomètres en aval de Hankeou; il occupe une superficie de -plusieurs hectares et compte s'étendre encore. Toutes les machines -y sont mises en mouvement par l'électricité, et on y construit un -dock où les bateaux à faible tirant d'eau pourront être réparés. -Actuellement on y exécute des travaux de toutes sortes, mais surtout -des ponts métalliques. Un Anglais y est employé comme ingénieur, toute -l'administration restant dans les mains des Chinois, et le directeur -en est M. Li qui est aussi le directeur général des hauts-fourneaux de -Hanyang. Tout semble montrer que cet établissement prendra peu à peu un -développement sérieux. - -Le second fait à noter dans les annales industrielles du port de -Hankeou, c'est l'exportation en 1908 de 26.000 tonnes de saumon de -fonte au Japon et de 3.000 tonnes aux États-Unis. En 1907 déjà, -les Américains avaient exporté un peu de fer tout prêt à subir -la conversion en acier, et ils avaient trouvé que ce fer était -d'excellente qualité; ils l'expédièrent au Canada; les saumons de -fonte exportés en 1908 étaient également destinés au Canada. Malgré -la longueur du voyage et les droits de douane très élevés, les mines -de Hanyang peuvent trouver du bénéfice à ces transactions, et il est -démontré que le fer de Hanyang peut être envoyé sur le marché américain -à un prix qui lui permet de lutter avec les produits du Steel trust. -Évidemment cela tient à ce qu'un bon ouvrier chinois est payé, pour -douze heures de travail, de 15 à 40 piastres mexicaines par mois (de -37 fr. 50 à 100 francs), ce qui serait pour un Américain absolument -inacceptable. Dans ces conditions, et tant qu'elles existeront, comme -le minerai se trouve être excellent et à profusion, ce produit pourrait -prendre une place en vue sur le marché du fer et de l'acier soit -au Canada, soit sur la côte américaine du Pacifique; ce n'est plus -pour les ouvriers de Hanyang qu'une question de capital et de bonne -administration. - -Ainsi l'établissement des usines métallurgiques de Hanyang, après -tant de vicissitudes, se met enfin à fonctionner normalement. Il -y a tout lieu de croire qu'il ne fera que prospérer, surtout s'il -reste longtemps encore sous la direction de l'éminent ingénieur -luxembourgeois, M. Ruppert qui, seul, il y a quelques années, a remis -tout sur pied et a réorganisé complètement cette immense entreprise. - -Mais que de millions de taels perdus depuis le début de l'affaire? -L'argent que Tchang-Tche-Tang a dépensé dans cette tentative ne sera -jamais retrouvé, et on peut dire qu'une grande partie, que probablement -la plus grande partie a été gaspillée. Il ne faudrait pas que la Chine -imitât souvent les procédés du vice-roi Tchang pour s'européaniser, car -le trésor de ses provinces n'y suffirait pas! - - - - -CHAPITRE IX - - I. Chache (Shasi) et Kin-Tcheou (Kin-Chow).--II. Itchang (Ichang), - ouverture au commerce étranger; situation de la ville; montagnes - et forêts; gorges et vallées.--III. La communauté marchande.--IV. - La pêche à la loutre.--V. Promenades aux environs d'Itchang.--VI. - Les jonques; la population; la navigation sur le Haut-Yangtseu; les - rapides. - - -I.--Chache (Shasi) a été ouvert au commerce étranger à la date du 1er -octobre 1896, suivant le traité sino-japonais conclu à Shimonoseki en -1895. Ce port est à environ 85 milles en aval d'Itchang, et se trouve -situé au point d'intersection de deux importantes routes commerciales -du centre de la Chine. La population terrienne et fluviale peut -s'élever à environ 100.000 habitants. On a été déçu dans le rendement -commercial que l'on s'attendait à trouver ici, et il ne s'y fait -qu'environ 200.000 taels d'affaires. Les quelques petits vapeurs qui -exécutent le service entre Hankeou et Itchang jettent l'ancre devant -Chache, mais ne vont pas à quai. Les Anglais, qui y entretenaient -un consul, ont supprimé ce poste consulaire depuis 1899; seuls les -Japonais ont un représentant officiel ainsi qu'une concession, et le -commerce étranger se trouve concentré dans leurs mains. - -Chache est, on peut le dire, le port de Kin-Tcheou (Kin-Chow), ville -murée et autrefois importante. Elle est, d'ailleurs, assez jolie, -et les lacs qui l'environnent contribuent à rendre son territoire -fertile et agréable. Les conquérants tartares l'avaient divisée en deux -parties, et dans l'une d'elles avaient mis une forte garnison, car -Kin-Tcheou était considérée comme la clef de la Chine centrale. - -II.--Itchang (Ichang) est l'un des quatre ports qui furent ouverts -au commerce étranger le 1er avril 1877, suivant les accords stipulés -dans la convention anglo-chinoise de Tche-Fou (Chefoo) en 1876; il -est à environ 1.000 milles de la mer et à 400 milles de Hankeou. Ici -le sol et le climat changent complètement et il est très différent de -celui des plaines basses du Houpe, autour de Hankeou, Wou-Tchang et -Hanyang. La région d'Itchang, située au pied des massifs montagneux de -l'ouest, est, au point de vue agricole, une zone spéciale, mi-tempérée, -mi-tropicale. Sur les hauteurs viennent le blé et l'orge, les pommes -de terre et les patates, et, dans les vallées abritées, poussent le -riz, les oranges, les pamplemousses, les citrons et les mandarines. -Dans les plus hautes régions, on rencontre les essences forestières -que nous avons dans nos montagnes d'Europe, chênes et châtaigniers, -et de nombreux conifères; les arbres se font rares, comme partout -ailleurs, bien que, dans certaines parties des districts de Pa-Tong -et de Li-Tchuen, on trouve encore assez de bois de construction. En -avril 1894, époque où je suis allé pour la première fois à Itchang, il -y avait, comme Européens, le consul d'Angleterre et quelques employés -de la douane chinoise, plus deux ou trois missionnaires franciscains, -belges, et un orphelinat de sœurs franciscaines françaises. Le -séminaire de la mission, pour former les jeunes prêtres indigènes -était, sous la direction d'un franciscain allemand, établi de l'autre -côté de la rivière, en face d'Itchang, dans la gorge de Che-Lieou-Hong, -véritable ermitage rempli d'un charme pénétrant. Toutes les gorges -qui entourent Itchang, d'ailleurs, sont, au printemps, délicieuses à -visiter. La floraison des orangers et des citronniers embaume l'air, et -les arbres à feuilles persistantes égayent la nature parfois sauvage de -ces vallées. C'est un véritable enchantement pour celui qui a résidé -longtemps dans les plaines du Bas-Yangtseu. Mais, par contre, l'été -est très chaud, plus sec, il est vrai, que vers Hankeou ou Changhai, -mais plus brûlant; ainsi, en juin 1894, la température est montée à -111° Fahrenheit, ce qui fait 44° centigrades; tous les thermomètres -éclataient au soleil; l'hiver est comme l'automne, absolument -délicieux; il en est ainsi, du reste, dans toute la vallée du Yangtseu; -seulement à Itchang, l'air est plus sec et plus vif. - -III.--La communauté marchande est représentée actuellement dans le -port ouvert par les agents des trois compagnies de bateaux qui font le -service avec Hankeou, et par trois maisons de commerce: une allemande, -une anglaise et une française. Cette dernière est la Compagnie -française des Indes et de l'Extrême-Orient. Le commerce d'Itchang est, -du reste, plutôt un commerce de transit. La ville est située dans une -contrée montagneuse, très pauvre, et dont la population n'a, par suite, -pas beaucoup d'argent à dépenser pour s'offrir des objets d'Europe. -Le commerce qui se fait ici est un commerce de détail; il n'y a ni -grande banque, ni marchand en gros; Itchang est le point de départ et -d'arrivée de tout ce qui va au Sseu-Tchuen ou en revient; c'est là sa -seule importance. - -IV.--Ce pauvre petit port a, lui aussi, sa spécialité: c'est la -pêche à la loutre. Voici comment les pêcheurs procèdent: de petits -bambous, gros comme des lignes de pêche, sont fixés à la rive et à -leur extrémité, au-dessus de l'eau, est attachée une loutre, au moyen -d'une chaîne de fer fixée en arrière des pattes de devant, tout autour -du corps. Le pêcheur veut-il prendre du poisson? Il descend son filet -(sorte d'épervier) au fond de la rivière et, par une ouverture béante -à la partie supérieure, il lance la loutre qui fait sortir le poisson -de toutes les crevasses et cachettes où il se dissimule; puis, après -quelques instants, filet, loutre et poissons sont remontés, et la -loutre est récompensée d'un poisson frais. - -V.--Les promenades autour d'Itchang offrent toutes un intérêt au -voyageur qui vient de passer de longs jours dans les plaines monotones -et sans verdure qui se déroulent invariables depuis Changhai. En -arrière de la ville, du côté opposé au fleuve, on peut visiter, au -sommet d'une colline, un temple auquel les Chinois attachent une -importance considérable. Cette construction, en effet, qui a subi des -réparations et des additions en 1898, est destinée à contrebalancer -l'influence du feung chouei de la colline en forme de pyramide, qui se -trouve juste en face sur l'autre rive du fleuve. - -Cette rive, également, présente de charmants aspects, et si l'on a -parfois un peu de peine à gravir quelques pentes brusques, on est bien -récompensé par la vue de la nature presque alpestre qui s'offre à tout -instant: rocs et cascades, torrents roulant sur des cailloux fins, -entre des berges bordées de bambous et de pamplemousses; on se croit -transporté dans une autre partie du monde, sauf à être désillusionné -quand on tombe sur un pauvre village chinois sale et délabré, comme le -sont malheureusement tous ceux que l'on rencontre. - -Le Long-Wang-Tong, ou la grotte du roi Dragon, mérite d'être visité; -pour y arriver, une petite excursion est nécessaire. Non loin de là se -trouve le Wen-Fo-Chan, ou montagne du Bouddha de la littérature, au -milieu d'un amas de rocs escarpés qui semblent rendre les abords du -temple complètement inaccessibles. - -Le Yun-Wou-Chan, ou montagne du nuage et du brouillard (ou bien du -brouillard nuageux) présente également de l'intérêt. Il est situé au -fond d'une vallée à l'entrée de la gorge d'Itchang, et pour y arriver, -il faut suivre la vallée, puis faire une ascension assez longue. C'est -l'un des plus beaux endroits des environs d'Itchang. - -VI.--Toutes les barques qui font le commerce avec le haut-fleuve -jusqu'à Tchong-King, s'arrêtent à Itchang, et, pour le plus grand -nombre d'entre elles, c'est le port d'attache. - -Celles qui arrivent du Sseu-Tchuen débarquent ici leurs marchandises, -lesquelles sont chargées sur les vapeurs destinés à les transporter -vers Hankeou; les autres font, en sens contraire, le chargement des -marchandises pour les ports de la haute rivière. Cependant, malgré -les facilités offertes par la vapeur, bon nombre de jonques venant du -Sseu-Tchuen descendent leurs marchandises jusqu'à Hankeou, et même -jusqu'à Changhai; c'est que, pour le Chinois, le temps ne compte pas; -la rapidité n'est qu'un vain mot. - -La population flottante est par suite assez forte à Itchang, et il est -impossible d'en savoir le chiffre, car elle est très variable. Mais la -population stable d'Itchang peut être évaluée à 60.000 habitants. - -Le commerce total, en 1908, était d'environ 8.000.000 de taels. - -C'est à partir d'Itchang que la navigation du Yang-Tseu-Kiang, si elle -devient moins rapide et plus difficile, est toutefois beaucoup plus -intéressante. D'ici à Tchong-King, en effet, il faut aller en barque -chinoise; ces barques, d'ailleurs faites et construites en vue de cette -navigation du haut-fleuve, sont très solides et très confortables. -Tout l'arrière est destiné aux passagers et à leurs bagages; divisées -par des cloisons, les chambres sont évidemment assez exiguës, mais -on peut y installer un matelas et y dormir confortablement au milieu -des tentures de papier rouge collées sur toutes les parois, et des -fleurs et des oiseaux sculptés sur les poutres. La salle à manger et la -cuisine où coucheront les domestiques se trouvent au centre, et l'avant -est réservé au poste d'équipage. Tout à l'arrière, près du gouvernail, -le chef (en même temps pilote) a sa petite chambre dans les flancs -du bateau, et même, la plupart du temps, il loge là avec sa famille. -Ces jonques sont, du reste, longues et larges, mesurant de 15 à 25 -mètres de long sur 4 à 5 de large, et bien assises sur l'eau; elles ne -naviguent que le jour, et, le soir arrivé, vont mouiller à l'abri de -quelque crique où elles peuvent être en sûreté par tous les temps. - -La première station que l'on passe est Ping-Chan-Pa, à l'entrée de la -première gorge; il y a là un ponton où un douanier solitaire compte les -heures tristement. Il est vrai qu'on ne le laisse là que trois mois; -chacun y stationne tour à tour, et ce tour doit encore arriver souvent, -car le personnel de la douane d'Itchang n'est pas nombreux. - -En quittant Ping-Chan-Pa, le fleuve est encaissé entre deux hautes -falaises à pic et coule paisiblement: on ne se douterait pas que -quelques kilomètres plus loin, l'eau, par suite des rapides, bouillonne -avec furie. On franchit ainsi les premiers rapides, Pa-Tong et Yang-Pe, -puis le Sin-Tan (_tan_ veut dire _rapide_ en chinois) et le Yé-Tan, -le plus terrible aux hautes eaux. Que de barques ont sombré corps et -biens, dans ces passages dangereux! Les accidents sont fréquents, et -pour tâcher de venir en aide aux malheureux qui sont ainsi éprouvés, -des barques de sauvetage, peintes en rouge et battant pavillon -impérial, croisent en amont et en aval des rapides. Ces barques de -sauvetage existent, d'ailleurs, partout sur le fleuve, aux endroits -dangereux. Il y en a à Hankeou, à l'embouchure de la Han, dans le grand -fleuve, et les jours de gros vent ou de tempête, elles font le service -de bacs entre Hankeou, Hanyang et Wou-Tchang. - -La région intéresse par son caractère de sauvage grandeur; tantôt le -Yangtseu coule, calme et tranquille, ayant à peine 20 mètres de large, -entre deux hautes montagnes; le soleil ne pénètre jamais dans ces -endroits resserrés, et il y fait sombre et froid; puis, tout à coup, -une vallée fraîche et riante se présente, le fleuve s'élargit, s'étale, -et l'on entend au loin le bruit d'un rapide, semblable au tonnerre. Un -des passages des plus saisissants se trouve aux approches des gorges -de Feung-Chien où la vallée se rétrécit; on aperçoit de grands bancs de -roche et des villages, des hameaux plutôt, perchés sur les hauteurs; -les artistes chinois ont souvent représenté les sites agrestes et -en même temps si attrayants du cours du Haut-Yangtseu, et plus d'un -kakemono nous montre les temples couronnant les sommets des falaises, -tandis qu'au bas le fleuve coule dans le brouillard, et qu'un pêcheur -en barque jette ses filets. - -La partie la plus pénible de la navigation commence à Itchang et finit -à Kouei-Tcheou-Fou, petite préfecture d'environ 30.000 habitants, -à la limite des provinces du Houpe et du Sseu-Tchuen. A partir de -Kouei-Tcheou, la navigation devient plus aisée, et une fois que l'on a -franchi le rapide de Chang-Chou-Long, lequel est encore assez périlleux -et demande parfois une journée de travail à la corde, on peut se -reposer de ses peines, quoique cependant on ne soit pas hors de toute -difficulté. Toutefois, le plus pénible est fait, et c'est sur un fleuve -parfaitement calme qu'on aborde à Tchong-King. - - - - -CHAPITRE X - - I. La province du Hounan; les rivières qui l'arrosent.--II. Caractère - rude de la population.--III. Fertilité du sol.--IV. Les bois du - Hounan.--V. Les richesses minières.--VI. Les industries.--VII. Routes - commerciales.--VIII. Yo-Tcheou (Yochow) ville ouverte au commerce - étranger; ses transactions.--IX. Tchang-Cha-Fou (Chang-Sha-Fu) - capitale du Hounan; son commerce; difficultés rencontrées par les - Européens pour y résider.--X. La fête du dragon.--XI. Les monts - Nan-Ling et les aborigènes. - -I.--La province du Hounan n'est bordée par le Yangtseu que sur une -faible étendue, où il forme une partie de sa limite septentrionale; -mais elle est arrosée par quatre rivières qui se jettent dans le -lac Tong-Ting, lequel communique avec le grand fleuve au port de -Yo-Tcheou. Cette province a une superficie égale à celle de la France, -et la rivière qui l'arrose à l'est, le Siang, est le plus long des -cours d'eau qui alimentent le lac. Le Siang prend sa source sur les -frontières du Kwang-Tong et du Kiang-Si et passe à Heng-Tcheou et -Tchang-Cha avant de se jeter dans le lac; près de sa source il possède -de nombreux affluents navigables qui offrent de grandes facilités au -commerce local des trois provinces du Kiang-Si, Kwang-Tong et du -Kwang-Si. Au centre se trouve le fleuve Sou qui est navigable seulement -pour les petites jonques, lesquelles doivent d'ailleurs être tirées -presque continuellement à la cordelle à cause des nombreux rapides: -le bassin du Sou est très fertile, mais aucun grand centre n'existe -dans ses limites, et les produits de son sol sont exportés soit vers -Tchang-Cha, soit vers Tchang-Te. A l'ouest du Sou, coule la rivière -Yuen, d'une longueur égale à la rivière Siang, mais beaucoup moins -navigable, par suite des nombreux rapides échelonnés le long de son -cours. La quatrième rivière est le Li-Chouei, qui se déverse aussi dans -le lac Tong-Ting; mais son cours inférieur seul est navigable et elle -n'offre guère de commodités au point de vue commercial. - -Située entre le 30e et le 26e degrés de latitude nord, cette province -est très montagneuse au sud, où la chaîne des monts Nan-Ling la sépare -du Kwang-Tong, ainsi qu'à l'ouest, où elle est voisine du Kwei-Tcheou. -Dans sa région moyenne, c'est un pays ouvert, largement ondulé, tandis -que, dans sa partie septentrionale, c'est un pays plat occupé en grande -partie par le lac Tong-Ting qu'environnent des plaines alluvionnaires -à l'embouchure des quatre rivières situées plus haut, interceptées -de canaux. Le lac Tong-Ting apparaît en hiver comme un vaste marais, -entouré de bancs de sable et de boue où grouillent les canards, les -oies et les cygnes sauvages, et à travers lequel les eaux des rivières -tracent leurs cours sinueux; mais aux hautes eaux, c'est-à-dire pendant -la période qui s'étend de mai à octobre, il monte de 10 à 15 mètres et -couvre une superficie de plus de 10.000 kilomètres carrés. - -II.--La population du Hounan a toujours passé pour être violente et -rude, et c'est au Hounan que se recrutaient les meilleurs soldats, -disait-on. Longtemps la province a été le foyer de la propagande -anti-étrangère et les atrocités commises en 1891, 1895 et 1900 sont -encore présentes à la mémoire. Aujourd'hui, cependant, cet esprit -semble se modifier et le peuple du Hounan a l'air de vouloir marcher -dans la voie du progrès. Cette province passe à tort ou à raison pour -une de celles où il y a le plus de lettrés et le plus de gens aisés. -Il est évident qu'au point de vue agricole, le Hounan est l'une des -provinces les mieux partagées de la Chine, et c'est là peut-être une -des raisons de sa supériorité sur les provinces avoisinantes. Elle -pourrait se suffire à elle-même, car elle produit tout ce qui lui est -nécessaire, et en assez grande quantité pour en exporter le surplus. -Seul le sel lui manque et doit lui venir des provinces voisines. - -III.--Son sol est extrêmement fertile. En tête de ses principaux -produits agricoles est le riz, dont on fait, dit-on, trois récoltes -par an, grâce à des conditions climatériques spécialement favorables. -Un proverbe chinois dit qu'une belle récolte au Hounan fournit de -quoi manger à toute la Chine; (cependant les habitants prétendent au -contraire que le sol de leur province est composé de trois parties de -montagnes, six parties d'eau et une seulement de sol cultivable). Le -riz est cultivé surtout dans les plaines qui entourent le lac Tong-Ting -et dans la vallée de la rivière Siang. L'ingénieux système d'irrigation -des Chinois leur a permis de soumettre également à cette culture les -flancs des collines et des montagnes. - -Le coton est cultivé dans tout le nord, notamment dans les préfectures -de Li-Tcheou et de Tchang-Te-Fou; le tabac, de qualité supérieure, -mais très chargé de nicotine, se rencontre principalement dans le -district de Tcheng-Tcheou; la région produit encore l'indigo, le thé, -qui est très estimé. C'est surtout le Hounan qui approvisionne de thé -le marché de Hankeou, et l'exportation annuelle du thé noir du Hounan -se chiffre par une somme de 20 à 25.000.000 de francs; il fournit aussi -du thé vert, et celui qui provient de la petite île de Tcheou-Tchou, -près du port de Yo-Tcheou, est, avec celui de Pou-eurl, réservé à la -consommation du palais impérial. - -Le Hounan produit aussi de la soie, mais très peu: la récolte était -estimée il y a trente ans à 30.000 kilogs; et la culture des vers à -soie était complètement abandonnée; on a essayé de la faire revivre -tout dernièrement, et quelques riches Chinois de Tchang-Cha ont fait de -nouvelles plantations de mûriers, mais on ne sait encore comment cette -entreprise tournera et si elle finira par réussir. - -Je puis encore citer la ramie, le gingembre, l'arbre à vernis, le suif -végétal. - -IV.--Mais ce qui constitue pour le Hounan une source de richesse, ce -sont les bois. Alors en effet que les _Chinois ont tout déboisé dans -l'Empire_, le Hounan est peut-être, avec le Yunnan, la seule province -où il existe encore des forêts exploitables. Ces forêts sont situées -dans le sud et le sud-ouest en des régions encore habitées par les -aborigènes Yao. L'abatage des arbres, leur transport et leur vente -est le monopole d'une sorte de trust formé par trois corporations -de marchands de différentes provinces. Les arbres sont coupés en -automne et en hiver, ébranchés, puis jetés dans les rivières qui -les entraînent jusqu'à un point où, les eaux étant assez hautes, on -fabrique avec les différents bois des radeaux qui descendent jusqu'aux -environs du lac Tong-Ting. Là on réunit plusieurs de ces radeaux -pour en former de plus grands qui puissent se hasarder sur le lac et -sur le Yangtseu dont les tempêtes et les coups de vent sont parfois -terribles. L'exportation annuelle des bois de la province est estimée -à une cinquantaine de millions de francs. La principale essence est le -pin; on exporte aussi du chêne, du cèdre, du camphrier et une espèce -du cyprès. Ces arbres atteignent quelquefois des proportions énormes; -et ce qui maintient la forêt, ce qui l'empêche de s'épuiser, c'est que -les Yao aborigènes replantent au fur et à mesure; cette prévoyance -des naturels est à remarquer quand on voit l'incurie du Chinois pour -les forêts et l'insouciance avec laquelle il laisse dévaster les plus -belles plantations. - -Les bambous sont également exploités; les plantations en sont -nombreuses au sud du lac Tong-Ting, dans le district de Tchang-Cha-Fou; -on les exporte de même dans les autres provinces et on en fait des -radeaux pour faciliter le transport. - -Les rivières du Hounan sont très poissonneuses ainsi que du reste les -eaux du lac Tong-Ting où elles se déversent. De nombreuses pêcheries -existent sur le lac et alimentent un commerce important. - -V.--De même qu'il est riche par la fertilité de ses terres, le -Hounan l'est aussi par les produits de son sous-sol. Les habitants, -d'ailleurs, exploitent depuis longtemps différentes mines. Des -gisements considérables de charbon existent dans toute la province, -et ils avaient été signalés par Richtofen, mais ce savant allemand -et ceux qui avaient suivi ses traces, n'avaient pas été autorisés à -voir les houillères de près. Par contre, un ingénieur américain, M. -Parson, le même qui a fait l'étude préliminaire du tracé de la ligne de -Hankeou à Canton, a réussi à se rendre compte de la valeur du bassin -houiller. D'après lui, dans le sud de la province, sur les bords du -Siang, ce bassin a une longueur de 320 kilomètres sur une largeur -de 95 et contient plusieurs couches de diverses sortes de charbons -gras et d'anthracites. D'autre part il assure que de ces charbons -gras, les uns seraient excellents pour la métallurgie, les autres -pour la marine à vapeur et que, de ces anthracites, les uns seraient -propres aux usages domestiques, ayant assez de matières volatiles pour -s'enflammer aisément, et les autres bons pour les hauts-fourneaux et -la fabrication de la fonte Bessemer. Ces riches gisements de charbons, -situés dans un pays où abondent également le fer et d'autres métaux, -assurant au Hounan un avenir des plus brillants au point de vue -métallurgique. Actuellement aucune mine n'est exploitée à l'européenne, -et c'est, d'ailleurs, l'anthracite seul que les Chinois retirent du -sol. Ils n'entament que la surface des gisements proches des rivières -navigables. Quelques houillères sont si près des cours d'eau que les -jonques les accostent; l'équipage n'a qu'à mettre pied à terre, à -manier pelles et pics et à charger; les mines de charbon en effet ne -sont pas concédées et le charbon est à celui qui veut le prendre; -le gouvernement chinois n'intervient pas dans cette exploitation, -contrairement à ce qui se passe pour d'autres mines; le Hounan exporte -déjà une grande quantité d'anthracite, mais il faut dire que jusqu'ici -on n'a trouvé que de l'anthracite sulfureux, brûlant mal et laissant -des résidus gros et durs comme des cailloux. Peut-être l'exploitation -est-elle trop superficielle? Toujours est-il que jusqu'à présent on n'a -découvert qu'une bonne mine de charbon sur la frontière sud du Hounan, -et cette mine est celle de Ping-Siang au Kiang-Si; c'est elle qui avec -la mine de Kai-Ping (près de Pékin) fournit le charbon nécessaire aux -usines de Hanyang. Cette mine de Ping-Siang est, du reste, exploitée -à l'européenne par des Allemands au service du directeur général des -chemins de fer chinois, Cheng-Suien-Hoai. - -Le fer existe dans toute la préfecture de Pao-King; le minerai est -d'excellente qualité et l'acier du Hounan est réputé en Chine; -malheureusement les produits vendus comme fer et acier de cette -province sont souvent frelatés par les marchands. - -L'antimoine est fort commun; on le trouve dans les districts -d'An-Houa, Ki-Yang, Sin-Hou et Chai-Yang, et aussi dans le district de -Tcheu-Tcheou; une partie du minerai est traitée à Hankeou; le reste -est travaillé dans la province même à Tchang-Cha par deux fonderies -appartenant à des maisons de commerce chinoises et qui débarrassent le -minerai de sa gangue. - -Le plomb existe dans tout le sud et il est exploité à Tchang-Ing et -Ki-Yang; le minerai, expédié à Hankeou, est traité par l'usine de -concentration de Wou-Tchang, puis exporté à l'étranger. - -L'argent est extrait soit à l'état de minerai propre d'argent, soit à -l'état de galène ou encore mêlé à l'antimoine et au cuivre; c'est dans -la préfecture de Tchang-Cha que se trouvent les principales mines, mais -l'exploitation en est actuellement prohibée. - -Parmi les mines d'or connues, l'une est située à Ping-Kiang -(Yo-Tcheou-Fou) et l'autre sur la rivière Yuen entre Tcheu-Tcheou -et Tao-Yuen; on a tenté, mais sans succès, d'exploiter la première -suivant une méthode scientifique. D'autre part, les sables de plusieurs -rivières sont aurifères. - -Enfin on rencontre aussi dans la province le cuivre, l'étain, le zinc, -le soufre, le borax, la potasse, l'alun, le salpêtre. - -VI.--La principale industrie est celle du coton, à Tchang-Te-Fou, où -elle est encore très florissante, alors que, dans la partie orientale -de la province, elle est au contraire en décadence par suite de la -concurrence des tissus étrangers. On tisse également la ramie; on -fabrique aussi du papier, des baguettes d'encens, des pétards, de la -porcelaine et de la poterie communes, des cordages de bambous, des -marmites, des pots d'étain, de l'eau-de-vie, des articles en laque -commune. Toutes ces entreprises, bien entendu, sont du type familial, -et la seule industrie européenne est celle où on fond le minerai -d'antimoine; il a été question de créer à Tchang-Cha une rizerie à -vapeur. Mais ce n'est qu'un projet. - -[Illustration: _A la voile dans les gorges (Haut Yangtseu)._] - -VII.--Les trois rivières Siang, Sou et Yuen sont, avec le lac Tong-Ting -et le Yangtseu, les principales voies suivies par le commerce. Nous -retrouvons, dans cette province, la grande route de Pékin à Canton qui -passe déjà au Houpe pour ensuite se diriger vers le Hounan. Fluviale -ici, sur la plus grande partie de son parcours, elle suit le Siang par -Tchang-Cha, Siang-Tan, Heng-Tcheou, puis son affluent le Li-Chouei -jusqu'à Tcheu-Tcheou-Chien, terminus de la navigation. Elle franchit -ensuite les monts Nan-Ling par la passe de Che-Ling et pénètre au -Kouang-Tong pour gagner la capitale de cette province par la rivière du -nord (Pékiang). Cette route avait une importance commerciale de premier -ordre et était suivie par une quantité considérable de marchandises -avant l'ouverture des ports du Yangtseu aux Européens et l'introduction -de la marine à vapeur; elle est aujourd'hui beaucoup moins fréquentée, -le gros du trafic ayant été détourné sur la voie maritime. - -Une autre route très importante est celle de Tchang-Te-Fou au -Kouei-Tcheou; elle suit la rivière Yuan et atteint Tchang-Yuen; un -embranchement passe par Ma-Yang et paraît être encore plus fréquenté. -Ma-Yang est un des plus gros marchés de l'ouest du Hounan. - -La rivière Siang est navigable jusqu'à Tchang-Cha pour les vapeurs dont -le tirant d'eau est de 1 m. 25 à 2 mètres pendant environ huit mois de -l'année; ces mêmes vapeurs peuvent souvent atteindre Siang-Tan, dont -l'accès est un peu plus difficile. Au-dessus de cette ville, la rivière -n'est navigable que pour les jonques, puis pour les sampans seulement. -Près de sa source un canal la relie au Fou-Ho, affluent du Si-Kiang -dans le Kouang-Si. - -La rivière Tse, ainsi que je l'ai déjà dit, n'est qu'une suite de -rapides et ne peut être considérée comme pouvant être ni devenir -une voie commerciale; quant à la Yuen elle serait navigable pour -des vapeurs de faible tonnage jusqu'à Tchang-Te-Fou. La Compagnie -Butterfield and Swire avait tenté d'y envoyer un bateau, mais -l'embouchure de la rivière dans le lac Tong-Ting est obstruée par des -roseaux et des bancs de boue. Pour pénétrer dans cette rivière, les -jonques elles-mêmes font un détour et passent par des canaux qui, -au sud du lac, la relient à la Tse. Au-dessous de Tchang-Te-Fou, -les jonques ne doivent pas caler plus de deux pieds et, à partir de -Hong-Kiang, la rivière n'est accessible qu'aux sampans. - -VIII.--Les deux villes ouvertes au commerce étranger dans la province -du Hounan sont: d'abord le port de Yo-Tcheou (Yochow) qui a une -population d'environ 20.000 habitants et se trouve précisément à -l'embouchure du lac Tong-Ting dans le Yangtseu. Le commerce du Hounan -passe à peu près en entier par cette voie, mais n'ajoute rien à la -prospérité de la ville qui est la porte principale de la province et -rien d'autre. En 1906, les Japonais avaient essayé de faire ouvrir -au commerce la ville de Tchang-Te-Fou qu'ils considèrent comme le -centre commercial de la province, mais les choses en sont restées -là. L'ouverture de Tchang-Cha-Fou a, du reste, contribué beaucoup à -l'effacement de Yo-Tcheou qui ne sera jamais un marché important. Les -transactions commerciales, presque toutes chinoises, figurent au relevé -des douanes pour la somme de 1.500.000 à 2.000.000 de taels; quant -aux importations européennes directes, elles ne sont que de 350.000 à -400.000 taels environ. - -IX.--Tchang-Cha (la longue plaine de sables), ville capitale de la -province du Hounan, est située sur la rivière Siang à 120 milles de -Yo-Tcheou; elle devint ville ouverte en 1903. La douane chinoise y -fut installée en 1904, le 1er juillet. La contrée, aux environs, est -montagneuse, sauf du côté nord où s'étend une longue plaine d'où la -ville tire sans doute son nom. La rivière sur laquelle se trouve la -ville ne peut être remontée en vapeur que l'été; car l'hiver les eaux -sont trop basses pour aller jusqu'à Tchang-Cha. La ville elle-même -contient plusieurs édifices remarquables et les rues sont pavées -suivant le goût chinois; elles offrent cependant plus de confort et de -propreté qu'ailleurs. - -L'ouverture de la ville de Tchang-Cha n'a pas donné ce qu'on -espérait; les Chinois du Hounan font tout leur possible pour écarter -les étrangers, et s'ils sont avides de nouveautés et de sciences -occidentales, c'est à condition de les acquérir par eux-mêmes. L'esprit -hostile du Hounanais est toujours en éveil et par toutes sortes de -tracasseries le port est en quelque sorte un port fermé et non un -port ouvert. L'importation directe et aussi l'exportation directe par -les étrangers est insignifiante, mais le commerce purement chinois -donne de 8 à 9.000.000 de taels de transactions. Pour l'année 1908, -les relevés des douanes indiquent le chiffre de 9.240.292 taels. -Le consul d'Angleterre disait, au reste, dans un de ses derniers -rapports, que l'état d'esprit des habitants, très exclusif, rendait -fort difficile aux étrangers l'ouverture de maisons de commerce dans -la ville; une société très riche et hautaine, ennemie de l'étranger, -s'arrange toujours, chaque fois qu'un de ces derniers veut s'installer -et acquérir un terrain, pour acheter elle-même le terrain désigné et -empêcher ainsi l'Européen de prendre pied à Tchong-Cha. Comme les gens -riches ou aisés sont nombreux, ils arrivent toujours à leurs fins. -Cependant, en dehors de la ville murée, dans le port ouvert, on a -commencé à élever différentes constructions; la douane impériale et -la compagnie de navigation de MM. Butterfield and Swire ont construit -des bâtiments, et un quai déjà suffisamment long a été également -édifié: il a 10 mètres de haut et mesure 200 mètres, mais il sera plus -considérable, et déjà le gouvernement chinois a donné l'autorisation au -service des douanes pour continuer le quai et en faire un de plusieurs -kilomètres. - -Comme résidents à Tchang-Cha, en dehors des Européens attachés au -service des douanes chinoises, il y a quelques Japonais, et une seule -maison européenne, la British American tobacco Cº. Deux maisons -japonaises sont également établies, la Mitsui Bussan Kwaisha et la -Nisshin Kisen Kwaisha. - -X.--C'est à Tchang-Cha-Fou que jadis, prit naissance la fête du Dragon. -Un mandarin, qui administrait la ville, et dont le peuple estimait -la probité et la vertu, s'étant noyé dans la rivière, on institua en -son honneur une fête qu'on célébrait par des jeux, par des festins -et par des combats sur l'eau. Cette fête, qui pendant longtemps fut -particulière au Hounan, a lieu aujourd'hui dans tout l'Empire sous le -nom de fête du Dragon, parce qu'on lance sur le fleuve, le soir du -premier jour du cinquième mois, de petites barques longues et étroites, -toutes dorées, qui portent à l'une de leurs extrémités la figure d'un -dragon; c'est pourquoi on les appelle long tchouan (bateaux-dragons). - -XI.--Les monts Nan-Ling, dont j'ai déjà parlé et qui se trouvent -situés dans le sud de la province, vers la frontière du Kouang-Si et -du Kouang-Tong sont habités, en outre des Yao, par des Miao-Tseu, -que les Chinois appellent Cheng miao tseu ou Sauvages et qui vivent -complètement indépendants. Il n'y a pas longtemps encore qu'ils -créaient des ennuis aux autorités chinoises, mais ces dernières ayant -pris le bon parti de les laisser tranquilles et de ne plus s'occuper -d'eux, ces indigènes restent chez eux sans frayer avec leurs puissants -voisins. Ils seront étudiés plus longuement dans le chapitre suivant. - - - - -CHAPITRE XI - - I. La province du Kouei-Tcheou (Kwei chow); ses ressources; sa - capitale.--II. Les aborigènes Miao-Tseu. - - -I.--La province du Kouei-Tcheou est l'une des plus petites provinces de -la Chine; elle n'est pas arrosée directement par le Yang-Tseu-Kiang, -mais un des grands affluents de ce fleuve, la rivière Ou, la traverse -en partie, ainsi qu'un autre petit affluent, le Tche. Elle est donc, -sinon baignée par le Yangtseu, du moins comprise dans le bassin du -Yangtseu. - -Elle est couverte de montagnes, dont quelques-unes très élevées; aussi -est-ce dans cette province que l'on rencontre encore le plus de ces -peuples indépendants et vivant en dehors des lois de l'Empire, que l'on -nomme Miao-Tseu; il y a dans ces montagnes des mines d'or, d'argent et -de cuivre, et c'est en partie de cette province qu'on tire le cuivre -dont on fabrique la sapèque. La culture n'y est pas très rémunératrice -et les habitants sont très pauvres; on n'y fabrique aucune étoffe de -soie, mais on y cultive beaucoup la ramie, cette espèce d'ortie de -Chine qui sert à tisser d'excellents vêtements d'été. Le Kouei-Tcheou -fait un élevage assez considérable de chevaux et de bœufs. - -Kouei-Yang-Fou, la capitale, est, comme d'ailleurs toutes les autres -villes de la province, une forteresse; quantité de forts et de places -de guerre avaient en effet été élevés par les Empereurs pour tenir -en respect les tribus indépendantes; la capitale est très petite, -construite mi-terre, mi-brique; elle mesure à peine 6 ou 7 kilomètres -de tour. - -La rivière sur laquelle elle est située n'est point navigable, et il -s'y fait fort peu de commerce. - -Cette province n'est pas ouverte au commerce étranger; elle serait -d'ailleurs, en l'absence de toutes routes ou voies ferrées, d'un accès -difficile, et les échanges qu'on pourrait y faire seraient de peu -d'importance, étant donnée la pauvreté des habitants. - -II.--Les Miao-Tseu, qui vivent dans le centre et au midi de la province -du Kouei-Tcheou, sont de deux sortes: les uns obéissent aux magistrats -chinois et font partie du peuple chinois dont ils ne se distinguent que -par leur coiffure; les autres ont leurs mandarins héréditaires qui sont -originairement de petits officiers, lesquels servaient dans l'armée -chinoise de l'empereur Hong-Wou, et qui, comme récompense, reçurent des -titres et furent établis gouverneurs d'un certain nombre de villages. -Ces gouverneurs indigènes furent appuyés par des garnisons chinoises -placées en différents endroits fortifiés. Les Miao-Tseu s'accoutumèrent -peu à peu à ce genre d'administration, et ils considèrent aujourd'hui -leurs mandarins comme s'ils étaient de leur nation. Ces derniers, du -reste, ont pris toutes les manières des villages miao-tseu qu'ils -étaient chargés de gouverner. Cependant ils n'ont pas oublié de quelle -province et de quelle ville ils sont; il y en a parmi eux qui comptent -aujourd'hui vingt générations dans la province du Kouei-Tcheou. Quoique -leur juridiction ne soit pas très étendue, ils ne laissent pas d'être -à leur aise; leurs maisons sont larges, commodes et bien entretenues; -ils jugent en première instance les procès qui leur sont soumis, et ils -ont le droit de châtier leurs sujets, mais non de les condamner à mort. -De leurs tribunaux, on appelle immédiatement au tribunal du tche fou ou -préfet chinois. - -Les indigènes s'enveloppent la tête d'un morceau de toile et ne portent -qu'une veste bleue en cotonnade et des pantalons de même étoffe; mais -les chefs sont vêtus comme des Chinois, surtout quand ils vont à la -ville saluer le tche fou ou quelque autre autorité chinoise. - -Les Miao-Tseu, encore indépendants, nommés par les Chinois -_Cheng-Miao-Tseu_ ou Miao-Tseu _crus_, c'est-à-dire non civilisés, -ont des maisons à peu près comme celles des Laotiens et des Siamois, -élevées sur pilotis. Dans le bas, au-dessous de la demeure familiale on -met le bétail: bœufs, vaches, moutons, cochons; car ce sont les animaux -que l'on voit le plus chez eux, sauf quelques chevaux; les maisons -sont sales et sentent mauvais, toute l'odeur du bétail montant dans -les chambres. Ces Miao-Tseu sont divisés en villages et vivent dans -une grande union, quoiqu'ils ne soient gouvernés que par les anciens -de chaque village. Ils cultivent la terre, ils font de la toile et des -espèces de tapis qui leur servent de couvertures pendant la nuit. Cette -toile n'est pas très solide, mais les tapis sont habilement tissés. -Les uns sont de soie unie, de différentes couleurs, surtout rouges, -jaunes et verts; les autres de fils écrus, d'une espèce de chanvre -qu'ils savent fort bien tisser et qu'ils teignent également; ils n'ont -pour vêtement qu'un pantalon et une veste comme leurs congénères -chinoisés. - -Par l'entremise de ces derniers, les Chinois arrivent à faire un -certain commerce avec les Miao-Tseu indépendants, notamment le commerce -des bois. Les indigènes les coupent et les font flotter jusqu'au bas -des montagnes où les Chinois les reçoivent et en construisent de grands -radeaux. - -Plus près de la frontière du Yunnan, vivent d'autres Miao-Tseu, dont -le vêtement diffère un peu de celui des précédents. La forme de ce -vêtement le fait ressembler à un sac muni de manches très larges, -lesquelles sont fendues jusqu'au coude; par-dessous ils portent une -petite veste de différentes couleurs; les coutures sont ornées de -toutes sortes de petites coquilles que l'on ramasse dans les lacs du -Yunnan. Le couvre-chef ne diffère pas de celui des précédents. La -matière de ces vêtements est une espèce de gros fil de chanvre ou de -jute; c'est probablement la même matière première qu'on emploie pour -faire les tapis dont j'ai parlé plus haut, et qui est tantôt tissée -tout unie et d'une seule nuance, tantôt à petits carrés de diverses -couleurs. - -Parmi les instruments de musique dont ils jouent, on en voit un composé -de plusieurs flûtes insérées dans un plus gros tuyau, muni d'une sorte -d'anche; le son en est plus doux et plus agréable que celui du _kin_ -chinois, c'est comme une espèce de petit orgue à main, qu'il faut -souffler. Ils savent danser en cadence et leur danse exprime fort bien -des sentiments de gaîté, de tristesse... Tantôt ils s'accompagnent -d'une sorte de guitare; d'autres fois d'un instrument composé de -deux petits tambours opposés: ils le renversent ensuite comme s'ils -voulaient le jeter et le mettre en pièces. - -Ces peuples n'ont point parmi eux de bonzes ou prêtres de Bouddha; mais -ils ont une sorte de religion fétichiste comme tous les Thai et les -Shan, les Pou-Lao et autres tribus non chinoises du Yunnan. - -Il y a, en fait, une foule de Miao-Tseu, et si les Chinois leur ont -donné ce nom générique, ils les distinguent cependant entre eux par des -noms spéciaux, généralement des noms méprisants. Ainsi, ceux qui se -trouvent sur la frontière du Kouei-Tcheou et du Kouang-Si sont nommés -Li-Jen ou Yao-Seu, Pa-Tchai, Lou-Tchai, etc... - -Tous ces indigènes vont pieds nus et, à force de courir sur les -montagnes, ils ont la plante des pieds tellement dure qu'ils grimpent -sur les rochers les plus escarpés et sur les terrains les plus -pierreux avec une vitesse incroyable et sans en être le moins du monde -incommodés. - -Si les hommes ont une coiffure très peu significative, la coiffure -des femmes a quelque chose de grotesque et de bizarre, surtout dans -certaines tribus. En général, leur chevelure est toujours arrosée -d'une huile qui fait tenir les cheveux raides et les colle pour ainsi -dire; elles les arrangent en un chignon qu'elles ornent de plaques -d'argent, d'épingles, de cercles d'argent; quelques-unes mettent dans -leurs cheveux une planchette d'un pied de long autour de laquelle -elles les enroulent; puis elles les appliquent bien avec de l'huile -ou de la graisse. Cette coiffure dure plusieurs mois, et les femmes -Miao-Tseu ne la renouvellent guère que quatre à six fois par an. Il -est d'ailleurs bien évident qu'avec ces modes de coiffures, il serait -absolument impossible de se peigner tous les jours. Mais, lorsqu'elles -deviennent âgées, elles se contentent de ramener leurs cheveux en -toupet sur le haut de la tête et de les nouer avec des tresses. J'ai vu -moi-même ces différentes coiffures, et je dois dire qu'elles produisent -un effet étrange, notamment celle qui consiste en une petite planchette -autour de laquelle les cheveux s'enroulent. La langue de tous ces -peuples paraît être la même dans toutes les provinces, sauf quelques -différences insignifiantes. - -Tous les Miao-Tseu sont méprisés des Chinois qui les traitent de -barbares et de voleurs de grand chemin. Cependant, ceux des Européens -qui ont été en contact avec eux, dans quelque province que ce soit, les -ont trouvés, au contraire, très hospitaliers et très respectueux de la -propriété d'autrui. Quand j'ai voyagé au milieu d'eux, j'ai toujours -été bien accueilli, et ils ne craignaient qu'une chose: l'escorte de -soldats chinois qui m'accompagnait et qui les traitait plutôt durement. -Aussi comprend-on que les Miao-Tseu aient leurs raisons de n'être pas -satisfaits des Chinois. Ceux-ci leur ont enlevé tout ce qu'ils avaient -de bonnes terres et continuent à les traiter, à l'heure actuelle, -avec le plus grand sans-gêne quand ils se sentent les plus forts. Par -suite, les Miao-Tseu n'aiment pas plus les Chinois, que les Chinois -n'aiment les Miao-Tseu; ceux-ci regardent leurs conquérants, et non -sans raison, comme des maîtres très durs. Il est toutefois à remarquer -qu'aujourd'hui les Miao-Tseu vivant sur les montagnes sont laissés à -peu près indépendants, et que l'administration chinoise ne se préoccupe -guère de ce qui se passe chez eux. - - - - -CHAPITRE XII - - I. La province du Sseu-Tchuen (Szechuen); description.--II. Les - salines.--III. Les puits à pétrole.--IV. Bronzes; coutellerie; - chapeaux de paille; peaux; musc; vernis et suif.--V. Médecines.--VI. - L'attention des Européens attirée vers le Sseu-Tchuen.--VII. - Commerce du port ouvert de Tchong-King (Chung-King), importation et - exportation.--VIII. Produits du Thibet exportés par Tchong-King.--IX. - Considérations sur le transport des marchandises et les voies - commerciales.--X. La capitale Tcheng-Tou (Cheng Tu) et ses environs; - promenades; le mont Omei. - - -I.--La province du Sseu-Tchuen est l'une des plus belles et des plus -grandes provinces de l'Empire: le Yang-Tseu-Kiang la traverse tout -entière; elle est très riche, non seulement par la quantité de soie -qu'elle produit, mais encore par ses mines d'étain, de plomb, de fer; -par son ambre et ses cannes à sucre, par ses pierres précieuses, et, -dit-on, aussi par ses mines d'or. Elle abonde en musc, surtout dans -sa partie occidentale qui touche au Thibet, pays du musc. On y trouve -quantité d'orangers et de citronniers; des chevaux très recherchés -quoique de petite taille, mais fort vifs et énergiques; des cerfs, des -daims, des perdrix, des perroquets; une variété de poules à plumes -douces comme la laine, petites et basses sur pattes, que dans toutes -les provinces, les habitants s'amusent à élever en cage. C'est de la -province du Sseu-Tchuen qu'on tire la meilleure rhubarbe. - -Considérée par les étrangers aussi bien que par les Chinois comme -une des plus riches sinon la plus riche province de l'Empire, le -Sseu-Tchuen est en outre la plus peuplée, et sa superficie égale à -peu près celle de deux autres provinces. Elle fut le grenier des -Empereurs quand ces derniers avaient leur capitale à Si-Ngan-Fou, dans -le Chen-Si, et sa ville principale, Tchen-Tou, fut au IIIe siècle la -capitale des Han. - -Le Sseu-Tchuen est arrosé par quatre rivières qui, courant du nord -au sud, viennent toutes se jeter dans le Yangtseu en suivant la même -direction, et forment par suite quatre thalwegs tout à fait parallèles; -ces rivières sont le Kialing, le Lo, le Min et le Yaloung, la plus -grande de toutes, qui part du Thibet et qui vient se confondre avec -le Yangtseu sur la frontière du Yunnan et du Sseu-Tchuen. La rivière -Min descend dans la plaine de Tcheng-Tou, où ses eaux se divisent -en une quantité de bras ou canaux qui contribuent à la grande -fertilité de cette partie de la province. Il ne faudrait d'ailleurs -pas considérer le Sseu-Tchuen sous un seul aspect; en effet, si, -depuis Kouei-Tcheou-Fou, ville frontière à l'est, vers le Houpe, -jusque sur les rives de la rivière Min, à Tchen-Tou et Kiating, le -sol est productif et la province bien peuplée; depuis le Min jusqu'à -la limite occidentale il n'en est pas de même. Là les contreforts -du Thibet s'avançant en rangs serrés, offrant des hauteurs de 2.500 -à 3.000 mètres, occupent la majeure partie du terrain, qui est, de -ce fait, impropre à la culture et fort peu habité. C'est, du reste, -de ce côté que vivent éparses sur les hauteurs quelques tribus de -Lolos, aborigènes non encore assimilés et qui ont jusqu'à présent été -absolument réfractaires à la culture chinoise. Quand on parle donc de -la fertilité, de la richesse du Sseu-Tchuen, il faut entendre d'une -partie de la province. - -II.--En fait de richesses naturelles, en dehors de celles que j'ai déjà -citées, on peut noter l'une des plus importantes et qui fait l'objet -d'une industrie locale très active: ce sont les puits d'eau salée. -Les Sseu-Tchuennais font évaporer l'eau pour avoir ensuite le sel -qu'ils expédient un peu partout à dos de bœufs. Ces puits de sel sont -exploités, depuis des générations, d'une façon absolument primitive, -mais qui fait honneur à la patience et à l'ingéniosité des Chinois. -Avec les moyens dont ils disposent, ils mettent généralement trois ans -pour creuser un puits. Quand il s'agit de tirer l'eau, ils descendent -dans le puits un tube en bambou au fond duquel se trouve une espèce de -soupape; lorsque le bambou est au fond du puits, un homme, au moyen -d'une corde, imprime des secousses; chaque secousse fait ouvrir la -soupape et monter l'eau. Quand le tube est plein, un grand cylindre -en forme de dévidoir, de seize mètres de circonférence, sur lequel -roule la corde, est tourné par deux, trois ou quatre buffles ou bœufs, -et le tube monte; l'eau qu'on en recueille donne à l'évaporation un -cinquième, quelquefois un quart de sel. Ce sel est très amer et n'a -pas la force du sel marin. Ces salines, dont les plus connues et les -plus renommées se trouvent à Tseu-Lieou-Tsing, sont exploitées depuis -des générations soit par des compagnies, soit par des familles, et -à l'heure actuelle c'est toujours la vieille méthode qui triomphe; -personne n'admet d'innovation, et celui qui introduirait les procédés -d'extraction à l'européenne serait immédiatement en butte aux -tracasseries, à la haine même de ses compatriotes et obligé de quitter -le pays. Les corporations qui vivent des salines sont si nombreuses -et si puissantes qu'on se demande à quelle époque pourra se faire -l'exploitation normale et rapide par nos moyens mécaniques. - -III.--A côté des puits salants, se trouvent les puits de feu (Ho -tsing). On s'en sert pour éclairer les exploitations la nuit. Un -petit tube en bambou ferme l'embouchure des puits et conduit l'air -inflammable où l'on veut; on l'allume et il brûle sans s'arrêter. -La flamme est bleuâtre et donne une lumière très douce. Ces flammes -proviennent évidemment des nappes de naphte souterraines qu'on a -dernièrement découvertes au Sseu-Tchuen, mais qui n'ont jamais été -mises en exploitation. - -Pour évaporer l'eau et cuire le sel, les Chinois se servent de -grandes marmites en fonte, qu'ils emplissent au fur et à mesure de -l'évaporation, de sorte que le sel, quand l'eau est complètement -évaporée, remplit la cuvette à pleins bords et en prend la forme. Le -bloc de sel est dur comme la pierre; on le casse en trois ou quatre -morceaux pour qu'il soit plus facilement transporté à dos de mulets ou -de bœufs. Pour chauffer les chaudières on emploie soit le charbon, soit -le feu naturel. Les couches de charbon sont quelquefois assez épaisses -et descendent à une grande profondeur, mais on n'exploite qu'à la -surface; on n'ose pas ouvrir de grandes mines, car on ne peut employer -la lumière à cause du grisou, et les ouvriers, la plupart du temps, -vont à tâtons ou s'éclairent avec un mélange de sciure de bois et de -résine qui brûle sans flamme et ne s'éteint pas. - -Pour l'emploi du feu naturel, quand on peut y avoir recours, c'est -infiniment plus simple: à trente centimètres sous terre, sur les quatre -faces du puits, sont plantés quatre gros tubes de bambou qui conduisent -l'air sous les chaudières. Un seul puits fait chauffer plus de trois -cents chaudières. Chaque chaudière a un tube de bambou à l'extrémité -duquel est adapté un tube de terre glaise qui empêche le bambou de -brûler; le système, on le voit, est très simple et, pour éclairer -l'exploitation la nuit, on creuse d'autres trous dans lesquels on -fixe de longs bambous; on a alors des torches permanentes et donnant -toujours la même lumière. Les nappes souterraines, qui fournissent -ainsi un gaz inflammable, sont évidemment des fleuves de pétrole, -et ils sont tellement abondants qu'avec une exploitation européenne -raisonnée, la Chine pourrait s'éclairer sans avoir recours aux pétroles -d'Amérique et du Caucase; mais la grosse difficulté est de convaincre -toute cette population qui vit des puits de sel et des puits de feu. Ce -sera très long et il sera nécessaire d'agir avec beaucoup de prudence. - -IV.--En dehors de cette industrie toute spéciale, le Sseu-Tchuen -fabrique des bronzes renommés, mais je crois cependant que les -beaux bronzes du Sseu-Tchuen ont surtout été fondus autrefois; car -aujourd'hui on n'en trouve guère. La soie y est travaillée et ouvrée. -La coutellerie de Tcheng-Tou est renommée; de même aussi la fabrication -de chapeaux de paille; d'ailleurs les tresses de paille du Sseu-Tchuen -et particulièrement de Tcheng-Tou sont expédiées par gros chargements -sur Changhai, à destination d'Europe, et deux maisons françaises de -Changhai en exportent chaque année de grandes quantités sur Paris. - -Le Sseu-Tchuen est aussi le marché des laines et des peaux de chèvre et -de yack provenant du Thibet; du musc qui devient une marchandise rare -et très frelatée; de la cire animale ou tchang pela, c'est-à-dire cire -blanche des insectes. Ce sont de petits insectes qui la forment. Ils -sucent le suc d'une espèce d'arbre, et à la longue ils le changent en -une sorte de graisse blanche qu'ils fixent aux branches de l'arbre; on -la récolte en râclant les branches en automne, puis on la fait fondre -sur un feu doux, enfin, on la passe pour en chasser les impuretés -et on la verse dans l'eau froide où elle se fige. Elle est polie et -brillante, on la mêle avec de l'huile et on en fait des chandelles. On -trouve cette sorte de cire au Hounan également, ainsi qu'au Yunnan; -mais celle qu'on récolte au Sseu-Tchuen est supérieure. L'arbre -qui porte l'insecte distillant cette cire est un arbre à feuilles -persistantes; il donne des fleurs blanches en grappes au mois de mai -et de petits fruits en forme de baie, ressemblant assez à de petites -noix; les Chinois le nomment tong tsin chou. Les insectes sont blancs -quand ils sont jeunes, et c'est à ce moment qu'ils font la cire. Quand -ils ont rempli leurs fonctions, ils deviennent gris; ils se réunissent -alors en forme de grappes et s'accrochent aux branches de l'arbre; -au printemps ils font leurs œufs et construisent des nids comme les -chenilles; chacun de ces nids contient plusieurs centaines de petits -œufs blancs, lesquels, une fois éclos, livrent passage à une nouvelle -génération d'insectes. Ainsi tous les ans, le même arbre donne une -récolte de cire. Il faut avoir bien soin de surveiller l'arbre et -d'empêcher l'invasion des fourmis qui mangeraient les insectes et -détruiraient la récolte. - -V.--Mais ce que le Sseu-Tchuen produit avec abondance, ce sont les -médecines, et c'est de ce fait que la province a une célébrité spéciale -parmi les Chinois; car le Chinois prend des médecines à tout propos et -hors de propos. Or le Sseu-Tchuen lui en fournit abondamment. Rhubarbe -et herbes médicinales de toutes sortes, cornes de cerf, os de dragon, -et quantité de drogues extraordinaires, de mixtures sans nom, tout cela -vient du Sseu-Tchuen. Les jonques qui partent de Tchong-King en amènent -des chargements considérables à Hankeou et à Changhai, d'où ils sont -dirigés dans toute la Chine. - -VI.--La province qui nous occupe en ce moment a été l'objet de -l'attention générale vers 1895 et les années qui ont suivi. Ce devait -être l'eldorado rêvé. Tous les Européens s'accordaient à reconnaître -au Sseu-Tchuen une valeur commerciale énorme; je crois qu'aujourd'hui -on en est un peu revenu. D'abord l'accès de la province est -particulièrement difficile et restera tel tant qu'une voie ferrée ne -reliera pas Tchong-King et Tcheng-Tou à Hankeou et à Changhai, et puis, -il faut bien le dire aussi, plus la Chine s'ouvrira, moins l'Européen -aura de chances, surtout dans l'intérieur; car l'intelligence du -Chinois s'ouvrira en même temps et le commerce restera dans les mains -chinoises. Il n'y a qu'à voir la situation actuelle des grands centres -comme Changhai et Hankeou; les maisons européennes s'y livrent une -concurrence effrénée et sont de plus en plus battues en brèche par les -maisons chinoises qui commencent à travailler directement; les profits -sont loin d'être ce qu'ils étaient autrefois, et l'Européen en Chine -doit fournir un travail considérable. Que sera-ce dans l'intérieur du -pays? Seuls les Japonais pourront tenir quelque temps, mais le Chinois, -une fois bien outillé et au courant des affaires de l'Occident, finira -par laisser loin derrière lui tous les étrangers. - -VII.--Le commerce total de Tchong-King pour l'année 1908 s'élève à la -somme de 31.180.995 taels, contre environ 28.000.000 de taels en 1907 -et 28.000.000 également en 1906. La ville de Tchong-King, qui est en -même temps le port ouvert aux étrangers, est le centre commercial non -seulement du Sseu-Tchuen, mais de la Chine occidentale et du Thibet -chinois. La ville s'élève sur l'extrémité d'une colline assez haute et -rocheuse, formant presqu'île au confluent de la rivière Kialing avec -le Yangtseu. Elle est entourée, comme toutes les villes chinoises, -d'un mur crénelé, percé de neuf portes. Le climat de Tchong-King, sans -être malsain, est très lourd l'été à cause de la chaleur humide; quant -à l'hiver qui est parfois très frais, il est désagréable à cause des -brouillards épais qui s'élèvent du fleuve tous les matins. Sur la rive -gauche du Kialing, en face de Tchong-King, se trouve la petite ville -de Kiang-Pe-Ting, laquelle, avec Tchong-King, forme une agglomération -d'environ 300.000 âmes. C'est en 1891 qu'a été ouvert le port de -Tchong-King; vers 1893-1894, un Français est allé s'y installer et -a assez bien réussi; aujourd'hui plusieurs maisons étrangères y ont -établi des succursales, mais tout le commerce est entre les mains des -indigènes. La Compagnie française des Indes et de l'Extrême-Orient -y entretient un agent. Le gouvernement français, les missionnaires -catholiques et protestants subventionnent également des hôpitaux -et des écoles à Tchong-King et à Tcheng-Tou; enfin, un Japonais, M. -Ishidzuka, a entrepris la construction d'une manufacture pour la -préparation des cuirs du Sseu-Tchuen à Tcheng-Tou. - -La situation commerciale de la province du Sseu-Tchuen, au cours de -l'année 1908, a été, grâce à un ensemble de conditions favorables, -particulièrement prospère[15]. La totalité du trafic qui a été contrôlé -par l'administration des douanes chinoises de Tchong-King représente -une valeur de 31.180.995 taels (environ 110.000.000 de francs), soit -une augmentation de 15.000.000 de francs sur l'année 1907. Comme on -estime qu'un cinquième seulement du commerce de la province passe par -les douanes maritimes, la majeure partie des marchandises dirigées sur -le Bas-Yangtseu, par les maisons chinoises de la place, acquittent -les droits aux octrois indigènes ou _likin_. La valeur brute du -commerce de Tchong-King peut être évaluée à 500 millions de francs. Ce -chiffre semble d'abord considérable; il n'a cependant rien qui puisse -surprendre si l'on considère que cette ville est le seul port ouvert -d'une province qui compte plus de 40.000.000 d'habitants. Ce chiffre a, -d'ailleurs, dû être de tout temps le chiffre normal des transactions -du Sseu-Tchuen; seulement, comme autrefois nous n'avions aucune -statistique pour nous en rendre compte, nous l'ignorions. Les produits -de toute la Chine occidentale, du Yunnan septentrional, du Kouei-Tcheou -même, ne trouvant leur débouché qu'à Tchong-King, il n'y a pas lieu de -nous étonner. - -[Note 15: D'après les documents du ministère des Affaires -étrangères.] - -Le nombre des jonques affrétées s'est élevé à 2.567, et le prix -moyen du fret par picul à la montée a été de 80 francs d'Itchang -à Tchong-King, et de 25 francs à la descente. La plus forte crue -du Yangtseu n'a été que de 52 pieds, alors qu'au cours des années -précédentes on avait fréquemment enregistré 80 et même 100 pieds. - -L'argent s'est maintenu au taux moyen de 930 taels de Tchong-King pour -1.000 taels de Changhai. Toutefois, en automne, l'envoi de quantités -importantes de numéraire aux grandes salines du Tseu-Lieou-Tsing, -et surtout dans les marchés thibétains, pour payer les dépenses de -l'expédition militaire chinoise, a eu pour résultat une hausse subite -de l'argent. Les banquiers qui échangeaient 930 taels de Tchong-King -contre 1.000 taels de Changhai n'en donnèrent plus que 890. Cette -crise dura près d'un mois et causa quelque malaise sur le marché. -Cependant il n'y eut aucune faillite à signaler. En somme, malgré la -crise monétaire, l'année a été bonne; l'agriculture, au reste, a été -également favorisée, et le prix des denrées est resté peu élevé, à tel -point qu'on a pu exporter du riz et des céréales au Houpe. - -La plus grande partie du commerce d'importation et d'exportation est -entre les mains des maisons chinoises, lesquelles ont des représentants -à Hankeou, Itchang et Changhai. Les articles importés sont des articles -de vente courante, dits articles de bazar; la plus grande partie de ces -articles viennent, comme toujours, du Japon ou de l'Allemagne; ils sont -de fabrication et de qualité inférieure, mais ils ont l'avantage d'être -à la portée de toutes les bourses. L'article allemand, très ordinaire -surtout, se vend beaucoup. - -Les produits français sont très appréciés, mais ils coûtent trop cher. -On les trouve seulement dans les comptoirs de la Compagnie française -des Indes et de l'Extrême-Orient, rarement dans les magasins tenus par -les Chinois. Les articles suivants se vendent bien: verrerie de Bohême -(vases à fleurs), passementerie, parfums et savons, montres, vins de -champagne bon marché, liqueurs douces. Mais toutes ces marchandises, -ce sont les Allemands et les Japonais qui les vendent, parce que -seuls ils peuvent les livrer à un bon marché auquel nous ne saurions -atteindre. Il en est de même de tous les articles de fer-blanc ou -d'émail. Ces objets sont d'un emploi courant chez les habitants de -cette province, mais les Allemands ont le monopole de la vente. Outils, -charnières, clous, vis, pointes, fils de fer, tout cela est allemand, -quoique cependant on voie sur le marché certains articles de provenance -française. Il en est de même pour les machines à coudre; quelques-unes -sont d'origine française, mais la grande majorité vient d'Allemagne. Il -n'y a guère que dans les soieries de Lyon que nous trouvions une vente -rémunératrice; elles commencent à être appréciées des gens riches et -aussi des chefs indigènes lolos ou Miao-Tseu; il s'en est vendu 815 -piculs (1 picul = 60 kgs.) en 1908, contre 478 piculs en 1907. - -Le pétrole donne une importation de 300.000 gallons en 1908, et il est -tout entier livré par la Standard Oil Cº de New-York. - -Le coton est également importé en grande quantité. Les filés de coton -indiens ont subi une diminution de 56.922 piculs; par contre les filés -de coton chinois provenant des manufactures de Wou-Tchang sont passés -de 42.000 piculs en 1907 à 75.000 en 1908; et les filés japonais dont -il n'avait été importé que 210 piculs en 1907 ont atteint cette année -10.000 piculs. Tchong-King est le grand centre de transit pour les -filés de coton envoyés au Yunnan, au Kouei-Tcheou et au Thibet. Les -tissus écrus arrivent à Tchong-King; on teint dans la proportion de 600 -pièces sur 1.000 ceux qui sont destinés au Yunnan et au Kouei-Tcheou; -quant aux tissus dirigés sur le Thibet, ils sont habituellement teints -à Yo-Tcheou. - -Comme exportation le Sseu-Tchuen fournit: - -Les soies de porc qui constituent le principal article d'exportation -des maisons européennes de Tchong-King; les soies noires sont toutes -expédiées en Europe; quant aux soies blanches, le Japon en achète tous -les ans une certaine quantité. - -La quantité de musc expédiée chaque année de Ta-Tsien-Lou peut être -d'environ 1.000 livres chinoises ou _Kin_ (le Kin vaut 600 grammes); -ainsi que je l'ai noté plus haut, le négociant européen fera bien de -vérifier les poches de musc avant d'en prendre livraison; car très -souvent il est fraudé. - -La rhubarbe croît ici en grande quantité, soit cultivée, soit sauvage; -la rhubarbe cultivée provient des montagnes de l'ouest et du sud de la -province; la rhubarbe sauvage se trouve dans les marches thibétaines; -une quantité considérable est exportée tous les ans vers les autres -provinces chinoises. - -La cire animale blanche compte pour environ 300.000 taels chaque année. -La cire jaune, les noix de galle figurent à l'exportation avec les -peaux de bœuf, de buffle, de chèvre et d'agneau; le Sseu-Tchuen écoule -par Tchong-King toutes les peaux de la Chine occidentale; on en fait -des envois considérables en Europe et en Amérique; elles proviennent -en partie du Thibet et en partie du Yunnan. Depuis quelques années la -ville de Tchao-Tong, située au nord de cette dernière province, expédie -au Sseu-Tchuen une grande quantité de peaux de bœuf jaunes et de peaux -de chèvre; ces peaux sont en majorité dirigées sur l'Amérique. - -Le transport des peaux provenant de Tchao-Tong se fait à dos de mulet -pendant sept étapes, puis à dos d'homme de Lao-Wa-Tan à Soui-Fou, d'où -on les envoie par jonques jusqu'à Tchong-King. - -On exporte aussi en Europe des peaux de renard, de daim ou de lapin -blanc, ainsi que la laine des troupeaux du Yunnan qui arrive à Soui-Fou -pour être dirigée sur Tchong-King. - -La soie du Sseu-Tchuen n'est pas à beaucoup près aussi estimée que -celle du Kiang-Sou, du Chantong et de Canton; toutefois, dans ces -dernières années, de grands progrès ont été réalisés dans cette -industrie. A Tong-Tchouan, à quatre étapes au nord-est de Tcheng-Tou, -une filature a été ouverte où la soie est dévidée suivant les procédés -modernes. Le dévidage se fait pour les cocons blancs, de cinq par fil; -pour les cocons jaunes, de six. Cette soie est brillante et souple. Une -école indigène a été établie à Tcheng-Tou en 1906; une autre a été tout -récemment créée à Tchong-King. - -Le bureau d'agriculture provincial vend aux éleveurs de vers à soie -qui en font la demande des graines importées de Hang-Tcheou et de -Sou-Tcheou et aussi du Japon; des distributions gratuites de ces -graines ont été faites dans toutes les écoles où l'on traite des -questions se rattachant à la sériciculture. Les autorités ont promis -une récompense à ceux qui chaque année produisent une qualité de soie -supérieure. - -Le Sseu-Tchuen fournit une autre espèce de soie, la soie sauvage -produite par le bombyx du chêne, qui existe aussi au Japon où il -est connu sous le nom de _Yamamai_. Cette soie a été, paraît-il, -très demandée en Europe et en Amérique; on l'emploie en Amérique -pour en faire une étoffe dénommée _radjah_, et en Europe aussi bien -qu'en Amérique elle entre dans la confection d'un tissu spécial très -résistant utilisé dans l'aérostation. - -Le suif végétal provient des graines du _Kiuen-Tseu-Chou_, ou -_Stillingifera sebifera_, de la famille des euphorbiacées. - -Les plumes d'aigrette sont un article d'exportation; mais elles se font -rares, tellement on détruit de ces malheureux oiseaux; d'ailleurs, les -plumes dites aigrettes ne se trouvent que sur la tête des mâles qui ont -plus de trois ans; s'il y en a encore quelques troupes, c'est qu'au -Yunnan il existe des localités où les oiseaux sont sacrés et où on -risquerait sa vie si on les tuait. - -VIII.--Les produits du Thibet qui sont exportés en Europe par le port -de Tchong-King sont les suivants: - -Le musc, 120 à 160.000 francs; - -La rhubarbe; - -La laine; - -Les peaux d'agneau; - -Les queues de yack, environ 2.000 par an, chacune coûtant environ 1 fr. -25; - -Les poils de yack, lesquels sont utilisés pour le tissage d'une étoffe -imperméable; - -Les crins de chevaux; - -Les soies de porc; - -Les cornes de cerf, qui, réduites en poudre, sont, paraît-il, un -médicament d'une efficacité sans pareille; - -Les peaux tannées: peaux de cerf, de musc, de renard, de yack, -panthère, ours, lynx, loup, fouine, zibeline. - -Ces marchandises sont apportées par les Thibétains à Ta-Tsien-Lou, -qui est le grand marché du Thibet oriental. Avec l'argent qu'ils en -retirent, ils achètent du thé, des cotonnades, des couleurs d'aniline, -du bois de campêche, des fils de soie. De Ta-Tsien-Lou, les produits -du Thibet sont envoyés par voie de terre à Yo-Tcheou; on compte neuf -étapes entre ces deux villes. Ils sont alors chargés sur des radeaux -qui, par la rivière Yaho, les amènent à Kia-Ting-Fou; de là ils -descendent par le Min et le Yangtseu jusqu'à Tchong-King, d'où ils sont -dirigés sur Changhai. - -IX.--En somme, c'est toujours à Changhai qu'il faut en venir, comme au -débouché le plus important pour toute la Chine centrale et occidentale. -Même quand les chemins de fer auront relié Hankeou à Tchong-King et à -Tcheng-Tou, même quand le chemin de fer de Yunnan-Fou ira rejoindre -Tchong-King par Tong-Tchuen et Tchao-Tong, Changhai restera le marché -principal pour tout le bassin du Yang-Tseu-Kiang, parce que la voie -d'eau, n'importe en quel pays, est toujours la moins chère et parce que -jamais, au point de vue du transport des marchandises, le chemin de fer -ne contrebalancera les bateaux à vapeur du fleuve Bleu. Les chemins -de fer pourront développer les échanges, amener plus facilement et -plus rapidement les marchandises aux ports d'embarquement, ou, une -fois débarquées, les distribuer plus facilement aux extrémités des -provinces, mais la navigation gardera toujours la prépondérance, parce -que moins chère et presque aussi rapide. D'ailleurs, même si elle -n'était pas aussi rapide, cela ne gênerait en rien les Chinois pour qui -le temps ne compte pas et qui ont une patience à toute épreuve. - -Actuellement, dans le Sseu-Tchuen, les moyens de communication sont -très difficiles, tant dans l'intérieur de la province qu'entre la -province et les provinces voisines; les moyens de transport à dos -d'homme ou de mulet sont fort coûteux; la navigation des fleuves et -rivières, parsemés de rochers et de rapides, est dangereuse toute -l'année et à peu près impossible pendant l'époque des hautes eaux. Les -accidents sur le Yangtseu entre Itchang et Tchong-King sont extrêmement -fréquents; on estime qu'une jonque sur dix, en moyenne, fait naufrage -ou subit de graves avaries. Il est donc bien évident que, dans cette -région, il importe d'avoir au plus tôt des voies ferrées, et la -construction d'un chemin de fer venant de Hankeou pourra seule établir -un transport normal; mais soyons bien persuadés que le négociant -chinois n'abandonnera pas de si tôt le fleuve; il ne renoncera pas -à ses habitudes, surtout parce que ses habitudes le conduisent au -meilleur marché. On le voit bien par l'exemple du chemin de fer de -Changhai à Nankin; les bateaux transportent toujours les marchandises -et le chemin de fer n'arrive pas à les concurrencer. - -Quant à songer à lancer une ligne régulière de vapeurs entre Itchang et -Tchong-King, c'est là une pure chimère; si, à certaines époques, des -canonnières _à fond plat_ ont pu remonter le fleuve, il me paraît peu -probable que des navires chargés de marchandises et cubant une certaine -profondeur puissent jamais naviguer sur le Haut Yangtseu en l'état où -il est actuellement. - -Il serait cependant à désirer grandement que l'on pût remonter -facilement au Sseu-Tchuen; car c'est incontestablement une des -provinces les plus anciennes et les plus dignes d'être visitées, et les -touristes n'y manqueraient pas. - -X.--La capitale, Tcheng-Tou, est située au nord-ouest de Tchong-King, -sur la rivière Min, qui forme, avec la rivière Tcheng, à l'endroit -même où est située la capitale, un enchevêtrement de lacs et de -canaux tel que la ville est entourée d'eau de tous côtés. Le premier -aspect de Tcheng-Tou est celui de toutes les villes chinoises avec -leur cortège de saletés, d'immondices, de guenilles et de mendiants. -Cependant quelques rues, larges, bien pavées, bordées de boutiques -assez propres et jolies à l'œil, contrastent avec ce que l'on est -habitué à voir en Chine. C'est un reste de l'ancienne splendeur de la -ville qui fut capitale de l'Empire il y a quelques siècles, et l'on -peut y voir encore de nombreux palais et monuments. La révolte des -Taiping a épargné cette province, et c'est une des raisons qui font -que les villes du Sseu-Tchuen, et celle de Tcheng-Tou en particulier, -offrent encore au voyageur un spectacle plus agréable et plus varié que -la plupart des villes du Yangtseu, qui ont toutes plus ou moins été -dévastées par les rebelles. - -Quoique la province soit très fertile, on y rencontre beaucoup de -pauvres, car la population, qui n'a jamais connu le déchet que causent -les guerres civiles et les révoltes, est extrêmement nombreuse et ne -trouve pas toujours de quoi se nourrir. De Tcheng-Tou partent plusieurs -belles routes qui se dirigent sur Soui-Ting, Pao-Ning, Tong-Tchuen, -Ta-Tsien-Lou, et qui sont bien entretenues, chose rare en Chine; non -pas qu'elles ressemblent encore à nos routes de France, mais elles sont -pavées de belles pierres qui rendent la marche moins pénible que les -fondrières si souvent rencontrées dans les provinces de l'Empire. - -Les environs immédiats de Tcheng-Tou produisent une impression de -bien-être; on se trouve dans une autre Chine. Les jardins sont nombreux -et bien cultivés; tout a un air de propreté et de prospérité auquel -on n'est pas habitué ordinairement. Il faut observer d'ailleurs que -la situation de Tcheng-Tou, au milieu de plaines fertiles et bien -arrosées, au pied des derniers contreforts qui descendent du Thibet, -contribue à la beauté de la ville et de ses environs; nulle part en -Chine on ne trouve tant de beautés naturelles alliées à une telle -fertilité. De plus, le réseau de canaux et de rivières qui environne la -ville facilite le commerce par jonques, puisque toujours ces dernières -peuvent remonter jusqu'à Tcheng-Tou; cependant de novembre à mai, -pendant la saison sèche, les petites barques seules peuvent y parvenir. - -La muraille qui entoure la ville a été élevée sous la dynastie des Tsin -il y a quelque vingt siècles, mais elle a été agrandie et refaite sous -l'empereur Kang-Hi, de la dynastie actuelle. On trouve dans l'enceinte -trois villes, comme à Pékin et à Nankin; une ville impériale, dont il -ne reste que des ruines, pavillons délabrés, marbres brisés, palais -effondrés; une ville tartare où quelques Mandchoux tiennent garnison, -et enfin la ville chinoise. - -Hors de la ville le voyageur peut visiter quelques édifices -intéressants, tels que la pagode de Wou-Keou-Tseu, tombeau d'un -empereur; la pagode de Tsin-Yang-Kong ou des deux brebis, placée sous -l'invocation de Lao-Tseu; c'est peut-être une des plus belles pagodes -qui existent en Chine; tour, piliers, dragons et phénix, immenses -brûle-parfums, enfin les deux brebis en bronze, l'ensemble offre un -caractère de grandeur et d'élégance qu'on n'est pas habitué à voir dans -ce pays. De temps à autre, aux époques où l'on fête les différentes -phases de la vie du philosophe, de véritables foires s'installent -autour du temple, avec des jongleurs, des montreurs de bêtes, etc. - -Le monastère de Tsao-Tang mérite également d'être visité. - -C'est là que repose un des poètes les plus connus de la Chine, Tou-Fou, -célèbre non seulement par ses œuvres, mais aussi par la capacité de -son gosier: il mourut à la suite d'un excès de vin de Chao-Hing; -c'était, d'ailleurs, comme tous les beaux buveurs, un homme fort gai. -Le monastère où il est enseveli depuis plus de mille ans est, comme -il convient, entouré de cabarets en plein vent et de buvettes où les -fervents admirateurs du poète viennent débiter ses vers en vidant -quelques coupes de vin chaud. - -A environ 50 kilomètres de Tcheng-Tou on peut faire l'excursion de -Kouan-Chien, où se voit un pont suspendu fort original jeté sur le Min, -en face des montagnes où la petite ville s'étage en amphithéâtre. Ces -ponts ne sont pas rares dans ces parties montagneuses de la Chine et -le Yunnan en possède plusieurs. - -Mais la merveille du Sseu-Tchuen, c'est le monastère d'Omei, la -montagne sainte du Sseu-Tchuen comme le Fuji-Yama est la montagne -sacrée des Japonais. On y rencontre des pèlerins exactement vêtus comme -ceux du Japon: vêtements blancs, sandales de paille, un grand bâton à -la main. - -Pour faire le pèlerinage d'Omei, il faut d'abord se rendre à Kia-Ting -qui se trouve à 200 kilomètres au sud de Tcheng-Tou; le plus simple -et en somme le plus rapide moyen pour s'y rendre est la barque. C'est -là que tous les pèlerins se réunissent, et c'est de là qu'ils partent -pour aller s'agenouiller dans les temples de la montagne sacrée, d'où, -suivant la tradition, le bouddhisme s'est propagé en Chine. La nature -ici est sauvage et grandiose: montagnes élevées, précipices, cascades -se précipitant de rocher en rocher, et au milieu de cette nature, -pagodes, temples et monastères. C'est vraiment un spectacle rare et -qu'on ne peut se lasser d'admirer. Au monastère des Dix mille années, -situé à mi-chemin de la cime du mont, les bonzes bouddhistes donnent -une hospitalité aimable, et on y rencontre d'innombrables malades et -estropiés qui, entassés pêle-mêle, prient avec ferveur pour obtenir un -allègement à leurs souffrances. - -[Illustration: _Halage à la corde._] - -Comme le Fuji-Yama, la montagne d'Omei est souvent couverte de nuages, -et il est rare qu'une fois arrivé sur la cime le pèlerin ait la vue, -qui doit être pourtant merveilleuse, de tout le pays environnant. Le -pèlerin chinois ne s'en soucie pas beaucoup; mais le voyageur européen -qui vraisemblablement ne repassera pas tous les ans au mont Omei, -comme il pourrait le faire au Rigi, est désappointé. Malgré tout on -est payé de ses fatigues par le spectacle de cette nature grandiose, -de ces montagnes derrière lesquelles on devine le Thibet, pays encore -mystérieux et si bien défendu par ses énormes glacis couverts de neiges -éternelles. - - - - -CHAPITRE XIII - - I. La province du Yunnan; description; Yunnan-Sen, capitale.--II. - Histoire; le Yunnan d'autrefois; ses habitants, leurs mœurs, leurs - costumes, leurs usages.--III. L'Islamisme au Yunnan.--IV. La France - et l'Angleterre au Yunnan; le chemin de fer; Sseu-Mao et Pou-Eurl; - le commerce de ces deux villes.--V. Yunnan-Fou et Mong-Tseu; voie - ferrée de Yunnan-Fou au Sseu-Tchuen, de Tali à Bhamo; commerce de - Mong-Tseu.--VI. La ville de Tali et le plateau de Yunnan-Fou; Tonghai; - beauté mais pauvreté du Yunnan. - - -I.--La province du Yunnan se trouve au sud-ouest de l'Empire chinois, -entre le 21° et le 27° de latitude septentrionale et le 95° et le 101° -de longitude orientale. Elle est bornée au nord par le Sseu-Tchuen, -à l'est par le Kouei-Tcheou et le Kouang-Si, au sud par l'Indo-Chine -française, et enfin à l'ouest par la Birmanie britannique. Elle est -arrosée, au nord par le Yang-Tseu-Kiang, au sud par le fleuve Rouge -et la rivière Noire; elle fait donc partie du bassin du Yangtseu au -nord, sur la frontière du Sseu-Tchuen. A l'ouest, d'ailleurs, elle -dépend également du bassin du Mékong. Son éloignement du centre -administratif de l'Empire est cause que cette province a toujours été -un des points faibles de la monarchie chinoise, depuis sa conquête, -faite sous la dynastie des Han (202 av. J.-C. à 281 ap. J.-C); et le -caractère sauvage et batailleur des indigènes a, plus d'une fois, sous -la conduite d'un chef habile, tenu en échec l'autorité du fils du -Ciel. Les empereurs, sous la dynastie des Tang (618-907), parvinrent -cependant à en opérer la conquête effective, et Khoubilai-Khan lui-même -fit en 1253 une expédition au Yunnan et installa son fils comme -lieutenant-gouverneur de toutes les provinces du sud-ouest de l'Empire. -Les travaux et les voyages des Anglais Baber, Anderson et Margary -(lequel périt assassiné non loin du Haut-Mékong), et des Français -Mouhot et Francis Garnier ont beaucoup aidé à la connaissance de cette -province. - -De l'ouest à l'est le Yangtseu touche au Yunnan, un peu à l'ouest de -Tchao-Tong; on remonte son cours dans la direction du sud jusqu'à -Ta-Chien, où il fait un coude, et en se dirigeant vers le nord on -arrive à l'embouchure du Ya-Long-Kiang: puis, après avoir franchi -Li-Kiang-Fou et Atien-Tseu, le fleuve se retrouve au Sseu-Tchuen, -à Batang. En continuant ainsi, on arriverait à sa source, dans les -contreforts du Thibet. - -Du côté du Yunnan, c'est-à-dire sur la rive droite, on ne voit aucun -grand affluent; seuls quelques petits torrents vont se jeter dans le -grand fleuve. - -Le Yunnan est un amas de montagnes dont la hauteur varie entre 2.000 et -2.500 mètres pour s'élever jusqu'à 3.000 mètres du côté de Tali-Fou; -quelques plateaux sont seuls fertiles et habités; les vallées, très -étroites, ne peuvent se prêter en aucune façon à l'installation de -l'homme. Une quantité de torrents donnant naissance à de grands -fleuves ou allant s'y jeter s'insinuent à travers ces vallées étroites -et rendent, à l'époque des pluies, la circulation matériellement -impossible. Le climat est bon: par suite de sa situation sous les -tropiques et de son altitude, il n'est jamais trop chaud ni trop froid. -Cependant, dans le nord, à Yunnan-Sen et à Tali-Fou, la neige est -assez persistante en hiver. Je dois également ajouter que sur beaucoup -de plateaux règne la malaria et que presque toutes les vallées sont -fatales à ceux qui y séjournent: le paludisme les atteint sûrement. Les -Européens résistent mieux au climat que les Chinois. - -Deux lacs se trouvent à l'est, près de la capitale, Yunnan-Sen: l'un le -Sien-Hai, l'autre le Tien-Hai; ces deux lacs sont assez importants et -peuvent avoir de 100 à 120 kilomètres de long sur 20 et 30 de large. -Mais ils ne sont pas, à beaucoup près, aussi considérables que le -Eurl-Hai ou lac de Tali qui a quelque 200 kilomètres de long et 40 de -large. - -Une assez grande quantité d'autres lacs plus ou moins modestes sont -disséminés dans toute la province. - -La capitale de la province, Yunnan-Cheng-Tcheng (ville capitale de -la province du Yunnan), plus communément connue des indigènes sous -le nom de Yunnan-Sen, est située au nord du Tien-Hai. C'est la ville -du Yunnan qui a le plus d'importance politique, et c'est aussi le -centre principal du commerce de la province. Elle est bien bâtie et -elle offre encore quelques monuments intéressants, quoiqu'elle ait -été sérieusement éprouvée par un violent tremblement de terre qui -dura, dit-on, trois jours, en 1834, et que l'incendie y ait causé de -grands ravages lors de la répression de la rébellion musulmane par -Ma-Jou-Long. - -Tombée entre les mains des Chinois sous les Tang, et entièrement -soumise sous les Mongols, Yunnan-Sen était devenue, à la décadence -de la dynastie Ming (1590-1620), la capitale d'un prince chinois qui -s'était rendu indépendant; mais les conquérants mandchoux ne tardèrent -pas à reprendre possession de la province qui, depuis lors, est restée -partie intégrante de l'Empire. - -On y parle le chinois de Pékin et du Sseu-Tchuen, car les soldats -mandchoux s'y étaient installés en grand nombre après la conquête, -et actuellement les habitants du Sseu-Tchuen viennent y fonder -des colonies. On dit que la province est riche en mines; charbon, -étain, cuivre, marbre, argent, l'or même, y seraient en abondance. -Quelques ingénieurs français envoyés par l'Indo-Chine y ont fait des -prospections; mais il semble qu'aucun n'ait donné de renseignements -très sûrs et définitifs. Toutefois un syndicat anglo-français s'est -fondé, qui a envoyé des ingénieurs américains à Yunnan-Sen; les -résultats ont été tenus secrets; mais j'ai entendu dire que les -ingénieurs n'avaient pas été satisfaits; peut-être le chemin de fer -aidera-t-il au développement minier; car il ne suffit pas de trouver -des mines, il faut pouvoir les exploiter. Le jésuite du Halde a laissé -de Yunnan-Sen une peinture qu'on peut encore citer: «Après tout, la -ville d'Yunnan, dans l'état où elle est, a encore plus de réputation -que d'abondance; les boutiques sont assez mal garnies, les marchands -peu riches, les bâtiments médiocres; le concours du monde n'y est même -pas fort grand, si on le compare à celui qu'on voit dans les autres -capitales de la province.» - -II.--La ville a aujourd'hui environ 80.000 habitants. La province -du Yunnan touchant sur toute sa frontière méridionale à l'Indo-Chine -française, et nous intéressant par suite d'une façon particulière, je -m'étendrai assez longuement sur sa situation, ses ressources et son -histoire. - -L'histoire du Yunnan est, en effet, tout autre que l'histoire de la -Chine, et il n'y a pas bien longtemps que cette province vit de la -vie générale de l'Empire. Aussi, comme nos compatriotes du Tonkin -sont de plus en plus appelés, surtout depuis que le chemin de fer du -Yunnan a fait son entrée à la capitale, à être en relations d'affaires -avec les indigènes de cette partie du Céleste Empire, je ne craindrai -pas d'entrer dans quelques détails. L'histoire et l'ethnographie du -Yunnan sont, au reste, bien loin d'être ennuyeuses, et on y trouve, au -contraire, une saveur et un intérêt particuliers. - -Le Yunnan autrefois n'était pas peuplé par les Chinois; bien qu'il -appartienne à l'Empire chinois et qu'il en fasse partie au même titre -que les autres provinces, il diffère de celles-ci cependant, en ce -sens qu'il n'est pas encore complètement assimilé à la Chine, et qu'il -constitue, en quelque sorte, une colonie chinoise. C'est que le Yunnan -est peut-être, de toutes les provinces de Chine, la moins chinoise -comme population. D'autres, comme le Kouei-Tcheou ou le Hou-Kouang, -conservent encore, au milieu de la masse chinoise qui les compose, -des groupes ethniques non fondus, mais qui demeurent insignifiants. -Au Yunnan, à part les villes qui sont à peu près toutes chinoises, -la campagne est restée peuplée par les indigènes de race thai, et -l'impression, pour quiconque a habité la Chine, lorsqu'il pénètre -au Yunnan, c'est qu'il n'est plus en Chine. Et je fus moi-même tout -surpris, dès mon entrée au Yunnan, à Man-Hao, et, en le traversant, -soit à Yuen-Kiang et à Ta-Lang, soit à Sseu-Mao, d'entendre les gens -de la campagne parler la même langue que j'avais, dans ma jeunesse, au -début de ma carrière, entendu parler au Siam. - -C'est que la race thai, en effet, occupait toutes les régions qui -forment le Yunnan actuel, et, bien que nous n'ayons aucune chronique -thai pour nous donner des renseignements précis sur les peuples de -cette race qui habitaient le pays, nous savons par les historiens -chinois que, depuis 629, sous la dynastie chinoise des Tang, il -existait un ou des royaumes thai connus sous le nom de Nan-Tchao -(princes ou principautés du Sud); tchao est la traduction chinoise du -terme thai _Kiao_, signifiant prince, terme encore employé aujourd'hui -au Siam et au Laos, et dans les différentes tribus thai réparties entre -la Birmanie, le Tonkin et le Yunnan. - -Bien que les chroniques chinoises ne nous signalent ces princes du -Nan-Tchao que depuis 629, il est évident que, bien avant, les Thai -occupaient ces régions, puisque nous savons qu'en 566 l'autorité -chinoise était si loin d'être établie que l'empereur Wou-Ti, de la -dynastie des Tchao du Nord, était obligé de protéger le passage du -Yang-Tseu-Kiang contre leurs incursions. Et ces Thai, bien loin de -former un état compact et une nation unie, étaient, fort probablement, -une agglomération de différentes tribus luttant et combattant pour -la suprématie. Ce qui tendrait à le prouver, c'est le terme _Ko shan -pyi_ (les neufs pays Shan), sous lequel les désignaient leurs voisins -les Birmans. Ces derniers d'ailleurs ne possèdent non plus aucune -chronique, aucun document sur ces tribus thai, et nous sommes obligés -de nous livrer à des suppositions en ce qui concerne les Thai du Yunnan -jusqu'en 629, époque où les chroniques commencent le récit du Nan-Tchao -pour le conduire jusqu'en 1252, date où Khoubilai-Khan conquit -définitivement le Yunnan. - -Khoubilai-Khan conféra au dernier Tchao le titre de maharadjah et en -fit un sujet de l'Empire. Cependant, vu l'éloignement de la province -et le peu de surveillance dont les princes thai étaient l'objet, ces -derniers continuèrent à gouverner librement leurs états; ce n'est -qu'en 1382 que les derniers princes thai cessèrent de régner; ils -furent pris et amenés à Nankin où l'empereur Hong-Wou des Ming les fit -décapiter. Ce fut là la fin de la puissance thai au Yunnan. Le général -Wou-San-Kouei essaya bien de reconstituer, trois cents ans plus tard, -vers 1673, un royaume indépendant, mais il fut pris et tué par les -Mandchoux de la dynastie actuelle des Tsing, en 1681. - -Si nous nous bornions à ajouter foi à la chronique chinoise, nous -pourrions croire qu'il a existé un important état thai au Yunnan, -de 629 à 1252; mais si nous contrôlons les chroniques par le peu -d'histoire que nous ont laissé les Birmans et par les différentes -traditions des Thai, il paraît bien plus probable qu'il n'y a jamais -eu de pouvoir thai très centralisé et que, au contraire, ce que les -Chinois appellent Nan-Tchao, et les Birmans Ko-Shan-Pyi, royaume de Mao -ou royaume de Pong, était une réunion de tribus semi-indépendantes les -unes des autres, et obéissant vaguement au chef de la plus puissante -d'entre elles. La nature du pays rendait, du reste, leur indépendance -facile vis-à-vis les unes des autres, et explique bien leur manque de -cohésion. - -Mais quelle était l'origine de ces Thai, et d'où venaient-ils? Ils -étaient au Yunnan bien avant les Chinois, puisque Khoubilai-Khan les -soumit en 1552, et que, dès 90 ans après J.-C., les princes thai -de Tali-Fou avaient des relations avec la Chine. Les annales de la -dynastie des Tang nous apprennent, en effet, que les Chinois avaient -des relations continues avec les Thai ou Ai-Lao de Tali-Fou, dans -le premier siècle de notre ère. Vers 90 ou 97, un nommé Yang-Yu, -roi de Tan, y est-il dit, envoya un tribut en Chine par le gracieux -intermédiaire du prince des Ai-Lao. Quel était ce royaume de Tan? il -est impossible de le dire; peut-être était-ce la Birmanie ou l'Assam. - -A cette époque, les Thai de Tali étaient donc connus sous le nom de -Ai-Lao; ce n'est que plus tard que les Chinois leur donnèrent celui -de Nan-Tchao, et il ne peut y avoir aucun doute sur l'identification -des noms; il s'agit bien des mêmes peuples thai et nous savons que -les Annamites, aujourd'hui encore, désignent les Laotiens et les Thai -du Haut-Siam par le nom de Ai-Lao; nous retrouvons du reste ce nom de -Ai-Lao attaché à une ville du Laos, à l'ouest de Hué. - -Les chroniques chinoises aussi nous disent que le Nan-Tchao était le -prince du sud (Nan) parmi les six princes thai, et elles ajoutent que -tchao est la transcription du mot kiao, lequel est, toujours d'après -elles, un mot barbare qui signifie prince. Les mêmes chroniques nous -rapportent que le Nan-Tchao touchait au Magadha, ce qui expliquerait -pourquoi les princes Kshatrya de l'Inde pouvaient se frayer un passage -jusqu'à la Birmanie. - -Au sud-ouest venaient les Pyu (les Birmans). Pendant le VIIIe siècle, -les Tou-Kin ou Tou-Fou, c'est-à-dire les Thibétains, luttèrent avec la -Chine pour la maîtrise du Nan-Tchao; mais ils furent battus de même que -les Chinois, et le prince du Nan-Tchao, Kolofong, annexa le royaume de -Pyu et l'Assam. - -Avant toutes ces luttes, d'ailleurs, les Chinois avaient pris contact -avec les Thai. Environ cent ans avant l'ère chrétienne, un empereur -de Chine de la dynastie des Han envoya une expédition à Tien; or Tien -est actuellement encore en chinois le nom littéraire du Yunnan. On -peut donc affirmer que le roi de Tien était un thai. La capitale était -Pengai, ville qui, huit cents ans plus tard, demeurait un centre très -important. Ce roi de Tien devint d'ailleurs l'allié des Chinois et les -aida même à anéantir la tribu des Kouen-Ming. - -Kouen-Ming est encore aujourd'hui le nom d'un lac près de Yunnan-Fou; -le pays de Tien devait donc se trouver non loin de Yunnan-Fou et -touchait évidemment la Chine, était en contact avec elle, probablement -par le Yang-Tseu-Kiang. - -Vers l'an 50 après J.-C., le roi Ai-Lao ou thai, Chien-li, pendant -qu'il guerroyait contre une tribu voisine, viola le territoire chinois; -les armées chinoises le repoussèrent, lui et son armée, et il devint -tributaire de la Chine. Puis, non contents de cette soumission, les -Chinois continuèrent leurs exploits et soumirent de nombreuses tribus -voisines pouvant former un total de 500.000 âmes, qu'ils groupèrent -ensemble pour former la préfecture de Yong-Tchang-Fou. Un des premiers -gouverneurs de Yong-Tchang-Fou fit un traité avec les Thai d'après -lequel chaque homme devait payer un tribut consistant en une mesure de -sel, et en deux vêtements ayant un trou au milieu pour y passer la -tête. Mais la paix ne dura pas longtemps et les Thai se révoltèrent -souvent contre les Chinois; de nombreuses guerres de frontières -s'ensuivirent. - -Quand l'Empire chinois, vers 220 après J.-C., fut divisé et tomba -dans l'anarchie et la désorganisation, il ne fut plus question des -Ai-Lao; on les perd de vue pendant plusieurs siècles et les annales -chinoises n'en parlent plus jusqu'à l'époque où la dynastie des Tang -eut réorganisé l'Empire et l'eut rétabli dans sa cohésion. Cependant, -même vers l'époque citée plus haut, un célèbre général, Tchou-Ko-Leang -(il mourut en 232 après J.-C.), malgré la faiblesse de l'Empire, ne -cessa de batailler au Yunnan; on parle encore de lui au Sseu-Tchuen -comme s'il était disparu seulement de la veille, et aujourd'hui même, -non loin de Teng-Yueh (le Moméin des Birmans) on montre les ruines de -la ville de Tchou-Ko-Leang. - -Mais, à part cet épisode, les Ai-Lao, c'est-à-dire les Thai, sont -oubliés. La Chine a à s'occuper chez elle; pendant près de quatre -siècles, nous n'avons aucune donnée sur les tribus thai du Yunnan, et -c'est vers 629, d'autres disent 657, que nous les voyons reparaître -dans les chroniques chinoises, sous le nom de Nan-Tchao. - -Ce Nan-Tchao était fort étendu: il avait touché, ainsi que je l'ai -déjà dit, d'après les Birmans, au Magadha à l'ouest, et bien que -les relations des Birmans et des Thai avec l'Inde soient rapportées -d'une façon plutôt fabuleuse, elles sont néanmoins, en principe, tout -à fait réelles, une fois dépouillées de tout fatras légendaire. Au -nord-ouest, le Nan-Tchao atteignait le Thibet d'où les ethnographes et -philologues font sortir les Birmans: au sud était le royaume gouverné -par une femme ou «état du prince femelle» comme on appelait alors le -Cambodge, dont la reine avait épousé un aventurier venu de l'Inde; ce -nom donné au Cambodge par les Thai n'avait, d'ailleurs, chez eux, rien -de méprisant, car on rencontre chez eux aussi des tribus gouvernées par -des femmes, quoique cependant, une fois mariées, elles cèdent leurs -droits à leur mari. - -Au sud-est du Nan-Tchao étaient les Tonkinois et les Annamites, et -il dut y avoir, entre ces derniers et les Thai, de nombreuses luttes -où les derniers n'ont pas toujours eu le dessus; car on retrouve -jusque vers les sources du fleuve Rouge et de la rivière Noire des -souvenirs annamites; et même sur la route de Tali-Fou à Yunnan-Sen, -j'ai traversé un petit village nommé An-Nan-Kouan, barrière d'Annam. -L'Annam s'étendit vraisemblablement fort au nord, à un moment donné, au -détriment des Thai. - -Au sud-ouest du Nan-Tchao étaient les Pyu ou Birmans; quant au nord -et au nord-est, les annales de la dynastie des Tang ne citent aucune -frontière, évidemment parce que, à cette époque, les royaumes et tribus -thai du Yunnan étaient considérés par les Chinois comme faisant partie -intégrante de la Chine. Les villes capitales du Nan-Tchao étaient -situées sur l'emplacement actuel ou à peu près des villes modernes -de Tali-Fu, de Yong-Tchang-Fou et de Yunnan-Sen. Les villes les plus -importantes étaient Pengai, capitale du roi de Tien; Mong-Cho (le -moderne Muong-Kang) et Tai-Ho (moderne Tali-Fou); une autre ville -aussi, Kouen-Ming, près de l'emplacement de Yunnan-Fou. - -Les Thai connaissaient l'art de tisser le coton et d'élever les vers -à soie. Dans l'ouest du pays il y avait beaucoup de malaria (elle y -sévit encore à l'heure actuelle). Les puits de sel étaient ouverts pour -tout le monde; on trouvait l'or un peu partout, dans le sable et dans -les carrières. Les chevaux de Teng-Yueh étaient renommés, ils le sont -également aujourd'hui. - -Les princes et les princesses avaient, comme signes distinctifs, un -nombre plus ou moins considérable de parasols, comme en ont encore -actuellement les princes thai du Siam ou du Laos; comme marque spéciale -d'honneur les grands dignitaires portaient une peau de tigre; les -cheveux des femmes étaient réunis en deux tresses roulées ensuite en -chignon; leurs oreilles étaient ornées de perles, de jade et d'ambre. -Les jeunes filles étaient libres d'elles-mêmes avant le mariage, mais -obligées à la plus grande fidélité une fois mariées. C'est encore ce -qui se passe de nos jours au Laos. La charrue était connue de tous: -nobles et peuple se livraient à l'agriculture; personne n'était soumis -à une corvée quelconque, mais tout homme payait une taxe équivalente à -deux mesures de riz, tous les ans. - -L'histoire de la dynastie chinoise des Tang donne une liste des -rois thai du Yunnan; cette liste est complète à peu près, depuis le -commencement du VIIe siècle de notre ère. Il apparaît dans cette -nomenclature que chaque successeur prenait, comme première syllabe de -son nom, la dernière syllabe du nom de son père et prédécesseur; ainsi -Ta-Lo; Lo-Cheng-Yen; Yen-Ko. Cela me paraît une fantaisie de l'écrivain -chinois; car chez les Thai le nom du fils se choisit absolument en -dehors de toute espèce d'allusion au nom du père, et nous sommes ici -en présence d'une des nombreuses imaginations chinoises au sujet des -Thai. - -Toujours est-il que, vers le milieu du VIIIe siècle, un certain roi -thai, nommé Ko-Lo-Fong, résidait à Tai-Ho (Tali-Fou); il était, -semble-t-il, vassal de la Chine, qui lui conféra un titre, et il -succéda à son père vers 750. Cependant il entra en lutte avec son -suzerain, en raison de la conduite trop sévère que suivit à son égard -un gouverneur chinois, et le résultat fut que Ko-Lo-Fong se déclara -indépendant et s'allia aux Thibétains. Ces derniers lui donnèrent -un sceau avec le titre de Bsampo-Tchong ou «jeune frère» venant -immédiatement après le roi du Thibet. Ko-Lo-Fong fit, dit-on, graver -sur une stèle les motifs de sa révolte et de son alliance avec les -Thibétains, et M. Rocher, dans son histoire du Yunnan, dit que la stèle -existe encore près de Tali-Fou. Je l'ai cherchée en vain lors de mon -séjour à Tali-Fou; peut-être mon guide n'a-t-il pas su la découvrir. Au -moment où Ko-Lo-Fong régnait sur les tribus thai, la Chine était aux -prises avec les Turcs; aussi, profitant de cette occasion, il annexa -différents pays environnants, notamment celui des Pyu ou Birmans, -et celui des Soun-Tchen qui paraît être une tribu d'Assam, chez -laquelle les gens revêtaient des feuilles d'écorce. On trouve encore -aujourd'hui, au nord de la Birmanie, des tribus sauvages, tout en haut -des montagnes, qui portent le même genre de vêtements. Les Chinois -essayèrent plusieurs fois de soumettre Ko-Lo-Fong, mais essuyèrent -des défaites continuelles. A sa mort, il eut pour successeur son fils -Yimeou-Siun, dont la mère était une sauvage tou-kin, probablement -thibétaine. Mais lui-même, tout jeune, avait été éduqué et instruit -par un lettré chinois, ce qui tendrait à prouver que la civilisation et -les lettres chinoises pénétraient déjà l'aristocratie thai. Il essaya -donc, sur les conseils de son tuteur, de se rapprocher de la Chine, en -trouvant, du reste, les Thibétains d'un voisinage trop turbulent et -trop hautain; il fit des ouvertures à un certain Wei-Kao, gouverneur -chinois de Tcheng-Tou, et lui envoya une lettre pour se plaindre de la -tyrannie des Thibétains; il essaya d'excuser et d'expliquer la conduite -de son père, et proposa à la Chine de faire alliance avec les Turcs -Ouigours contre les Thibétains. - -Cette correspondance se termina par l'élaboration et la conclusion d'un -traité, lequel, dit la chronique, fut scellé au pied de la montagne -Tien-Tsang qui domine la ville moderne de Talifou; quatre copies en -furent faites; une fut envoyée à l'Empereur de Chine, une fut placée -dans le Temple royal, une dans la pagode publique, et la quatrième fut -jetée dans la rivière. - -Yi-Meou-Siun fit prendre et tuer tous les chefs thibétains qui se -trouvaient dans ses états et défit l'armée thibétaine dans une grande -bataille au pont de fer (peut-être le pont de fer sur la Salouen). -L'Empereur de Chine lui envoya alors un sceau d'or comme récompense, -et le reconnut roi de Nan-Tchao. L'envoyé chinois lui apportant ces -bonnes nouvelles fut reçu en grande pompe à Tali-Fou, alors Tai-ho. -Les soldats thai bordaient la route, recouverts de leurs plus belles -armures, et Yi-Meou-Siun portait une cotte de mailles d'or et une peau -de tigre; il était escorté de 12 éléphants, il se prosterna devant -l'envoyé et jura fidélité éternelle à l'Empereur de Chine. - -Libre du côté de la Chine, Yi-Meou-Siun commença une carrière de -conquêtes et entreprit d'abord de réunir toutes les tribus thai en -une seule; puis il annexa nombre de pays avoisinants, sans doute la -Haute-Birmanie et quelques peuplades thibétaines; il envoya ses fils -étudier à Tcheng-Tou la culture chinoise et devint de plus en plus lié -à la Chine. Il défit plusieurs fois les Thibétains et leur fit des -prisonniers parmi lesquels se trouvaient un grand nombre d'Arabes et -de Turcomans de Samarcand. A peu près vers cette époque, du reste, un -général coréen au service de la Chine avait porté les armes chinoises à -Balti et au Cachemire, et les khalifes abassides avaient des relations -régulières avec les Chinois; on peut donc en déduire que l'islamisme -s'était introduit à Tali-Fou avant l'époque de Khoubilai. - -Yi-Meou-Siun mourut vers 808 et eut pour successeurs ses fils et -petits-fils qui, d'ailleurs, périrent tous rapidement. Un de leurs -généraux fit une incursion sur Tcheng-Tou et emmena nombre d'ouvriers -chinois et d'artistes qu'il installa à Tai-Ho comme instructeurs. - -En 859, un nommé Tseu-Long devint chef du Nan-Tchao, déclara la guerre -à la Chine, assiégea Tcheng-Tou et massacra des milliers d'habitants. -Cependant il ne prit pas Tcheng-Tou et fut obligé de se retirer; il -tourna ses armes contre l'Annam et s'empara de Kesho (Hanoi moderne). -Mais ces guerres continuelles poursuivies par lui et ses successeurs -ruinèrent le Nan-Tchao, et, en 936, après que plusieurs dynasties -éphémères eurent régné sur ces débris, un général chinois s'établit roi -de Tali. Il paraît à peu près certain que, à partir de cette époque, -le Nan-Tchao n'existait plus que de nom; tout le pays autour de Tali -était devenu de plus en plus chinois, tandis que la partie ouest -restait plus thai et se divisait en une foule de petits états, unis -de temps à autre, quand se rencontrait un homme énergique à la tête -de l'un d'eux. Khoubilai conquit l'état de Tai-Ho en 1252, donna des -titres et des honneurs aux chefs thai du pays et les laissa gouverner -le pays à condition qu'ils lui fussent soumis. C'est le système que -nous voyons encore en vigueur aujourd'hui dans les districts thai du -Yunnan où n'a pas encore pénétré absolument l'administration chinoise. - -Les Thai furent à la longue tout à fait incapables de tenir contre -les troupes plus nombreuses et mieux disciplinées des Chinois, et ils -cédèrent devant la pression venue du nord. Ils se dispersèrent vers le -sud et l'ouest et allèrent fonder les royaumes du Laos, Luang-Prabang, -Nan et Xieng-Mai et aussi, sans nul doute, le royaume Thai ou Siam. -Les derniers princes thai ont été décapités à Nankin en 1380, et Mgr -Pallegoix place la formation du royaume thai au Siam en 1350. - -Il est donc bien évident, par tout ce qui précède, que le Yunnan est -chinois depuis peu; il est le dernier venu dans l'Empire et n'est pas -encore assimilé complètement. La Chine, cependant, continue petit à -petit son absorption, bien que, par suite de la pauvreté du pays, le -colon chinois ne soit pas trop attiré vers ces régions. Ce sont surtout -les habitants du Sseu-Tchuen qui franchissent le Yang-Tseu-Kiang pour -venir s'installer au sud du fleuve, et les villes de Tchao-Tong, -Tong-Tchouan, Yunnan-Sen, Anning, Tchou-Chiong, Tali, Teng-Yueh, et -Meung-Houa sont des villes absolument chinoises, bien que, par suite -d'un mélange avec les indigènes, le type chinois ne soit plus aussi -pur. La langue chinoise elle-même (le dialecte mandarin), qui s'y -parle, a subi des modifications qui constituent une espèce de patois -local, auquel on s'habitue d'ailleurs assez vite. Le sud de la province -actuelle du Yunnan est plus long à coloniser, et les Chinois ont peur -de s'y rendre à cause des fièvres qui y règnent en permanence; aussi -les villes de Pou-Eurl, Talang, Yuen-Kiang, Sseu-Mao sont misérables, -la campagne tout autour est habitée par des thai, auxquels les Chinois -donnent toutes sortes de noms, mais qu'ils désignent sous le nom global -de _Pai_. - -Les Chinois ont tellement peur de quitter les villes où ils sont -installés pour aller dans la campagne qu'il est difficile de trouver -des coolies si l'on veut faire une excursion. Et de fait les Chinois -prennent facilement la fièvre dès qu'ils sortent; je me rappelle avoir -laissé en route tous mes coolies dans un petit voyage de Sseu-Mao à -Muong-Ou, et ils sont rentrés péniblement, tous malades du paludisme. -Seuls les Thai résistent. - -Le lecteur trouvera peut-être un peu long cet exposé; cependant, c'est -avec intention que je m'étends sur ce sujet: la province du Yunnan -intéresse d'une façon toute particulière nos compatriotes résidant en -Indo-Chine, et les renseignements contenus dans les pages qui précèdent -leur seront, j'en suis certain, de quelque utilité. - -Actuellement tous les Thai qui subsistent sont très divisés; les -uns vivent en territoire chinois, les autres sous la protection -de la France, enfin une troisième partie sous le protectorat de -l'Angleterre. Leur langue même, qui autrefois devait être une, a subi -des modifications comme leur vêtement. Ceux qui habitent en Chine, -dans les états thai du Yunnan, portent le costume chinois, les hommes -du moins. Ils ont la queue qu'ils roulent autour de la tête et qu'ils -recouvrent d'un turban. Le costume des femmes diffère suivant les -régions; près des centres chinois, elles portent à peu près les mêmes -vêtements que les Chinoises, pantalon et veste de cotonnade bleue, mais -si on s'éloigne et qu'on se dirige vers le Mékong, on les trouve vêtues -de jupons multicolores et de petits corsages de couleurs voyantes. Leur -tête est entourée d'un lourd turban. Dans les états Lu du Haut-Laos, -vers Muong-Ou, hommes et femmes portent le costume laotien très peu -modifié; quant aux Thai de la rivière Noire ou du fleuve Rouge, ils -adoptent des vêtements noirs ou blancs, de coupe chinoise. - -Les plus curieux que j'aie rencontrés sont les Thai vivant dans les -montagnes près de Yuen-Kiang; leurs femmes portent de petits cotillons -descendant jusqu'aux genoux, en grosse étoffe brodée de dessins -multicolores et fort seyants. Elles ressemblent tout à fait par leur -costume aux femmes Katchins que j'ai vues au nord de Bhamo, vers -Teng-Yueh;--quant à ceux qui vivent du côté de la Birmanie anglaise, -ils ont pris le costume birman et on ne les distingue que par leur type -et leur langage. - -Ces descendants des Thai n'ont à notre époque aucune écriture propre, -et on se demande si jamais leurs ancêtres en ont possédé une. Il est -fort probable que, s'ils s'étaient servis d'une écriture spéciale, -ils nous auraient laissé des chroniques et des traditions écrites. Or -nous n'avons rien de cela. Nous sommes obligés de nous baser, pour -l'histoire thai, sur les documents chinois. Cependant on a retrouvé -au Yunnan des stèles gravées d'une écriture inconnue; les caractères -ressemblent soit au tamoul, soit au birman, mais tendraient plutôt à se -rapprocher du javanais. - -Sommes-nous là en présence de l'écriture thai, ou bien n'est-ce -pas plutôt quelque mémorial de chef indien, puisque aussi bien les -relations du Yunnan avec l'Inde étaient fréquentes? L'année 1906, -lorsque j'étais en Birmanie, le regretté général de Beylié m'a parlé -d'une inscription en langue inconnue qu'il avait vue à Pagan. Serait-ce -là une inscription thai? Je ne puis me prononcer; mais il n'y aurait -aucune impossibilité à cela, puisque les Thai ont conquis le royaume de -Pyu (Birmans) dont la capitale était Pagan. - -A l'heure actuelle les Thai vivant sous la domination chinoise parlent -chinois et emploient les caractères chinois, bien que conservant -toujours leur langage et le parlant entre eux. Les Laotiens et les Lu -ont un alphabet imité du Siamois; alphabet siamois qui est lui-même -sorti du cambodgien. Quant aux Thai de la Salouen et de l'Irawaddy, -ils ont pris l'alphabet birman qu'ils emploient avec quelques petites -modifications. On peut dire aujourd'hui: autant de tribus thai, autant -de dialectes; mais l'unité de la langue se reconnaît toujours en ce -sens que si on connaît le Siamois, on peut sans difficulté parcourir -tous les pays thai. - -En Chine, les Thai sont administrés par leurs chefs sous le contrôle -d'un mandarin chinois qui ne réside même pas au milieu d'eux; un -chef portant le nom chinois de Tou-Sseu (administrateur indigène), -et quelques-uns d'entre eux, notamment sur les bords du Mékong, dans -l'ouest du Yunnan, district de Tche-Li-Tcheou, donnent encore de -sérieux embarras au général chinois commandant à Pou-Eurl. - -Tous ces pays du Yunnan sont très pauvres, ce qui explique le peu -d'empressement des Chinois pour s'y installer; cette région est formée -d'un amas de montagnes enchevêtrées, elle ne possède comme cours d'eau -que des torrents resserrés dans d'étroites gorges, nul grand fleuve -arrosant des vallées fertiles; les pluies arrêtent toute communication -pendant six mois; il n'est pas étonnant que le Yunnan soit resté un peu -en dehors de l'action chinoise et que son développement ait été si lent. - -III.--J'ai parlé un peu plus haut du Mahométisme au Yunnan; il est -nécessaire d'y revenir. Le Yunnan en effet est la province de Chine qui -compte, avec celle du Kan-Sou, le plus de musulmans, et, s'ils sont -aujourd'hui sujets soumis de l'Empereur, c'est par suite d'un massacre -effroyable, qu'en ont fait pendant une suite de dix années les généraux -envoyés par Pékin; car l'Islam révolté voulait fonder au Yunnan un -royaume indépendant, et la rébellion ne fut complètement réprimée qu'en -1875. - -Vers la fin du Ve siècle, les Turcs apparurent sur les frontières -occidentales de la Chine; il se fit alors entre eux et les Chinois un -commerce d'échange qui augmenta d'année en année. - -C'est par ce même chemin évidemment que s'est introduit l'islamisme, -car c'est précisément dans ces provinces chinoises de la frontière -qu'il s'est développé. Il existe au Yunnan une population musulmane -d'aspect complètement chinois au point de vue extérieur, mais -absolument différente de ses congénères de l'Empire du Milieu au point -de vue moral. Cette population a été pendant longtemps un gros souci -pour l'Empire, mais aujourd'hui elle est entièrement soumise et ne -donne plus à Pékin aucun sujet de crainte. - -A Sseu-Mao seize familles qui, d'ailleurs, sont toutes unies par les -liens de la parenté, vivent dans une enceinte unique, sur un petit -mamelon hors de la porte de l'Est. Comme lieu de réunion servant de -mosquée ou plutôt de lieu de prière, ils ont, dans ladite enceinte, une -vaste chambre à la chinoise, décorée simplement de versets du Coran sur -papier rouge, et, trois fois le jour, ils s'y réunissent pour la prière. - -La maison des musulmans est reconnaissable aux sentences arabes tracées -sur la porte; la plus commune est celle qu'on peut appeler le Credo -des musulmans: _la Allah ilah Allah ou Mohammed ressoul Allah_, qu'ils -inscrivent en lettres arabes dans un petit cercle de papier blanc ou -rouge, sur la porte principale; ou bien, simplement dans un carré de -papier rouge ils inscrivent le nom d'Allah. - -Il est bon de noter le papier rouge; habitude chinoise. Le rouge en -Chine présage le bonheur. - -En Chine les musulmans ne se distinguent des autres Chinois par aucune -coiffure ou costume spécial; ils vivent exactement comme tout le monde, -mais ils suivent, au point de vue moral et matériel, tous les préceptes -du Coran. Ainsi, ils se livrent très exactement à la prière suivant les -usages fixés par la loi. Ils s'abstiennent de porc, et c'est même grâce -à eux que les Européens peuvent se procurer de la viande de bœuf; ils -s'abstiennent également de vin et d'alcool, et en général observent -fidèlement leur religion. - -A Sseu-Mao ils possèdent une petite bibliothèque de vingt volumes -environ, en arabe, contenant l'explication de la doctrine. Et ils ont -un fort bel exemplaire du Coran qu'ils n'ont jamais voulu me laisser -voir autrement qu'à l'extérieur. - -Je les ai fait lire alors dans d'autres livres et j'ai vu qu'ils -lisaient facilement. Comprennent-ils tout? C'est une autre question. - -Quelles sont les idées, quelle est l'attitude des Chinois musulmans -vis-à-vis de leurs compatriotes bouddhistes ou chrétiens? - -Les chrétiens en général sont fort bien considérés par eux, et le -mahométan chinois n'a pas à leur égard l'aversion du musulman turc ou -arabe. Persécuté lui-même dans son propre pays, il incline à considérer -les chrétiens comme les sectateurs d'une religion assez semblable à la -sienne, puisque l'une et l'autre foi, la musulmane et la chrétienne, -ont pour principe l'adoration de Dieu unique créateur et maître du -monde. A ce propos je puis citer un fait très curieux qui s'est passé -à Nankin en 1891: alors que j'étais dans le Yang-Tseu-Kiang, au moment -des émeutes, les églises catholiques de Wou-Hou avaient été brûlées et -des bandes de brigands s'apprêtaient à incendier celle de Nankin. Ayant -appris la chose, les musulmans de Nankin, qui étaient en bons rapports -avec les Pères Jésuites, vinrent à la mission en masse, armés, et la -protégèrent contre les fureurs de la foule. C'est grâce aux musulmans -que la mission catholique de Nankin a été sauvée en 1891. - -En revanche, ils méprisent profondément les bouddhistes; et, contre -les mandarins, on sent chez eux, dans toutes leurs paroles, une haine -sourde. Le fait est qu'ils ont été horriblement décimés il y a une -quarantaine d'années, et qu'aujourd'hui encore ils sont tenus en -défiance, puisqu'il ne leur est pas permis d'habiter l'intérieur des -villes. Ils doivent demeurer hors de l'enceinte murée. - -Dans le district de Tali les musulmans sont plus nombreux. C'était -autrefois un de leurs grands centres et ils y étaient tout puissants. -La répression exercée par le fameux Yang-Yu-Ko, au nom de l'Empereur, -les a réduits comme nombre et leur a enlevé toute espèce d'influence. -Ils n'ont plus le droit d'avoir de maisons de prière communes; leur -plus belle et leur plus grande mosquée, tout près de la porte sud de -Tali, a été transformée en temple confucéiste: ils sont obligés de se -livrer aux exercices de leur culte dans des maisons particulières. -Au reste, actuellement, le petit nombre demeure à Tali; ils habitent -surtout les villages environnants et exercent les professions de -muletiers, bouchers, selliers, c'est-à-dire tout ce qui concerne le -métier des cuirs; ils pratiquent aussi l'élevage des bœufs, des chèvres -et des moutons. - -Beaucoup d'entre eux, à l'exemple de quelques dissidents du Kan-Sou, -se sont enrôlés à Tali dans les troupes de la garnison; et il est fort -probable qu'ils marcheraient contre leurs coreligionnaires, comme l'ont -fait en 1897 les musulmans enrôlés au nombre de six à sept mille dans -l'armée de Tong-Fou-Siang lors de la petite révolte du Kan-Sou. - -A Yunnan-Sen ils sont également nombreux, mais, comme à Tali, bien -diminués par la répression féroce de Ma-Jou-Long qui exterminait à -Yunnan-Sen pendant que Yang-Yu-Ko massacrait à Tali. Le séjour de la -ville, ici comme partout ailleurs, leur est interdit. Ils n'ont le -droit que d'y venir, non celui d'y résider. Aussi c'est dans les -environs, hors des remparts et dans les villages avoisinants, qu'on -les rencontre. Pas de mosquée, pas de lieu de réunion; ils possèdent -quelques imans, quelques mollahs, connaissant fort bien l'arabe: mais -je n'en ai pas vu un seul ayant fait le pèlerinage de la Mecque. - -La plus forte agglomération de musulmans vit dans la cité de Tong-Hai, -au sud de Yunnan-Sen. Tong-Hai est le grand marché de distribution de -marchandises pour tout le Yunnan. C'est de là que partent les caravanes -se dirigeant vers Yuen-Kiang et Sseu-Mao; Yunnan-Sen, Tchou-Chiong et -Tali; Yunnan-Sen, Tchao-Tong, Soui-Fou. C'est de là aussi que s'en vont -les caravanes vers Mong-Tseu et Kai-Hoa. Or, les musulmans exerçant le -métier de muletiers transporteurs se trouvent nécessairement en grand -nombre à ce point central de Tong-Hai. - -Quel est le chiffre de la population musulmane au Yunnan? Je n'ose -me risquer à en donner un même approximatif. Cependant on peut dire -que si la population du Yunnan tout entière est d'environ 5.000.000 -d'habitants, le tiers peut-être est musulman. Et ce ne sont plus les -musulmans d'autrefois, puissants, riches, batailleurs et décidés à se -créer un royaume au Yunnan. Actuellement ils sont sans force aucune: -les autorités chinoises les surveillent très étroitement et il leur -serait impossible, y songeraient-ils d'ailleurs, de se soulever à -nouveau. Les musulmans n'ont plus en Chine aucune puissance. Depuis la -terrible répression, et les menaces dont ils ont été l'objet de 1872 à -1875, ils sont brisés et incapables, à l'heure qu'il est, de retrouver -de nouvelles forces pour une action commune. - -La Chine est la même du nord au sud, en général: cependant on -conviendra que le Yunnan est une province qui diffère essentiellement -des autres et qui a gardé un reste d'originalité. C'est pourquoi je me -suis si longuement étendu sur son histoire. - -IV.--Comme personne ne l'ignore, il a été, pendant ces dix dernières -années, fort question du Yunnan. Les conventions signées entre la -France et la Chine d'un côté, entre la France et l'Angleterre de -l'autre, à propos, soit de questions de frontières, soit de questions -commerciales ou industrielles, ont mis cette province de l'Empire du -Milieu tout à fait à l'ordre du jour. On en a dit beaucoup de bien; on -en a dit beaucoup de mal; quelques enthousiastes, dans l'Indo-Chine -française, ont vu luire de grandes espérances de ce côté; et c'est -facilement compréhensible. Quand de la chaleur lourde et humide du -Tonkin on arrive en quelques heures au sommet d'une montagne, sur le -plateau de Mong-Tseu, on croit être dans le paradis. D'autres, plus -réfléchis, n'y ont vu qu'un avenir médiocre. Peut-être ces derniers -sont-ils plutôt dans le vrai. - -Le Yunnan forme la frontière franco-anglaise avec la Chine au nord du -Tonkin et sur le Mékong. La France et l'Angleterre se trouvent donc, -par suite, en continuelles relations avec la Chine. Peuvent-elles en -tirer grand profit par la province du Yunnan? C'est ce que je vais -examiner. - -Sur le Mékong, du côté de Pou-Eurl et de Sseu-Mao, le Yunnan est très -pauvre, très peu peuplé, et ne produit rien qui puisse faire de la -ville ouverte de Sseu-Mao un centre commercial important. Dans cette -partie du Yunnan, en effet, comprise entre Lin-Ngan, Yuen-Kiang, -Ta-Lang et Sseu-Mao; Pou-Eurl et Wei-Yuen-Tcheou d'une part; Sseu-Mao -et Xieng-Hong d'autre part: il n'y a rien à faire; ce ne sont que -hautes montagnes boisées, enchevêtrées, sans vallées étendues, se -continuant au Laos, par une succession de mamelons dénudés. Aucune -route; seulement quelques sentiers fréquentés par les muletiers qui -circulent pendant la saison sèche. Les villages sont d'ailleurs rares -et habités par de non moins rares autochtones, dont 60 pour 100 sont -goîtreux. Les caravanes que l'on rencontre du mois de novembre au -mois d'avril et qui cessent tout trafic dès le début de la saison -des pluies, viennent en général de Yunnan-Sen et de Tong-Hai ou de -Tali-Fou, et ne font que traverser Pou-Eurl et Sseu-Mao pour se diriger -vers la Birmanie anglaise par Xieng-Long, ville des États Shan anglais, -et Xieng-Mai, grand marché au nord du Siam. Ces caravanes apportent -généralement aux Thai habitant ces régions des objets de toilette -chinois, des chapeaux de paille du Sseu-Tchuen, des marmites à cuire -le riz; et aussi de menus objets, tels que lacets, bâtonnets, bols et -plateaux de laque commune; elles vont ensuite chercher à Mandalay et à -Moulmein des cotonnades et des objets de fabrication européenne. - -Ce commerce est, d'ailleurs, insignifiant; les employés de la douane à -Sseu-Mao ont été unanimes à me dire qu'ils ne voyaient aucun avenir de -ce côté. Toutefois une chose m'a frappé: c'est que le peu de commerce -qui se fait passe par les pays anglais, jamais par les pays français. -Tandis que les Anglais ont créé des centres à Xieng-Tong, à Bhamo, -ont mis en communication soit par eau, soit par voie ferrée, soit -par route, les points extrêmes de la Birmanie avec la mer, et ont su -attirer les clients par la facilité des transports, les Français, -eux, n'ont jusqu'à ce jour, rien fait vers le Laos et la frontière -yunnanaise pour les mettre en communication avec Pnom-Penh et Saïgon. -Que viendraient donc chercher en pays français les caravanes du Yunnan? - -Les seules transactions un peu actives de la région de -Sseu-Mao-Pou-Eurl sont celles qui ont pour objet le thé connu -généralement sous le nom de thé Pou-Eurl. Au reste le pays d'Ivou et -Ibang où pousse le thé, le seul qui se boive au Yunnan, appartient à la -Chine, qui ne s'en est dessaisie ni au profit des Anglais, ni au profit -des Français. - -Mohei, près de Pou-Eurl, fournit le sel gemme; c'est, avec le thé, le -trafic le plus considérable. Aussi tout le long des sentiers, dans la -montagne, rencontre-t-on des bandes de cent et de deux cents mulets -chargés de galettes de thé ou de blocs de sel et marchant à la queue -leu leu. - -V.--Du côté de Yunnan-Fou et de Mong-Tseu il y a peut-être plus à -faire. C'est du reste de ce côté que les Français ont porté tous leurs -efforts et qu'ils ont construit une voie ferrée qui relie l'Indo-Chine -au Yunnan. Si, en effet, le commerce par lui-même n'est pas non plus -très brillant de ce côté, on compte sur les mines de charbon, de cuivre -et d'étain auxquelles le chemin de fer créera un débouché facile, si -toutefois les réalités répondent aux espérances. Il avait été question -de poursuivre la voie ferrée actuelle jusqu'à Soui-Fou par Tong-Tchouan -et Tchao-Tong, et de relier ainsi au Yunnan et à l'Indo-Chine la riche -province du Sseu-Tchuen. Je crois que l'entreprise est faisable, mais -je pense aussi qu'on se leurre sur les résultats à atteindre. En effet, -le trafic du Sseu-Tchuen, malgré une voie ferrée qui le transporterait -vers Haiphong, prendra, selon moi, toujours la voie du Yang-Tseu-Kiang, -bien meilleur marché, et qui le conduit directement au port de -Changhai, le plus admirablement situé des ports de l'Extrême-Orient; et -il ne se détournera pas sur Haiphong qui, en admettant même que nous en -fassions un port de tout premier ordre, aura toujours le désavantage -énorme de sa situation au fond du golfe du Tonkin, loin et en dehors de -la route fréquentée par les navires. - -Si maintenant nous remontons plus au nord vers Tali-Fou, nous -rencontrons plus de mouvement et plus de trafic, surtout entre -Yunnan-Sen, Tchou-Chiong et Tali; mais ce n'est toujours qu'un commerce -purement local d'approvisionnements pour les Chinois qui descendent du -Sseu-Tchuen et viennent coloniser le Yunnan. - -Les Anglais ont fait ouvrir, il y a quelques années, au commerce -étranger la ville de Teng-Yueh, à l'ouest de Tali, sur la frontière -birmane, avec l'espérance de relier un jour Bhamo à Tali par une -voie ferrée qu'ils pousseraient ensuite de Tali au Sseu-Tchuen; mais -les difficultés à surmonter pour l'établissement de la ligne sont -telles qu'on ne voit pas encore à quelle date sera réalisé ce projet -évidemment séduisant de nos voisins. - -On peut se rendre compte par ce que je viens d'exposer que le Yunnan -est un pays très pauvre; et, au point de vue de la fertilité de la -terre, c'est certainement une des provinces les moins favorisées -de l'Empire. Je sais bien que les indigènes disent qu'avant -l'insurrection musulmane le pays était très prospère et les habitants -plus nombreux; mais ce sont là des affirmations qui me paraissent ne -pas devoir être acceptées sans contrôle. Or, si j'ai vu des villes -détruites, des bourgs ruinés, et si j'ai pu constater qu'effectivement -quelques-uns de ces centres devaient être plus brillants et plus -peuplés autrefois qu'aujourd'hui, j'ai également parcouru la campagne -du Yunnan; depuis Mong-Tseu je suis allé jusqu'à Sseu-Mao; de cette -dernière ville j'ai atteint Tali-Fou en passant par Mong-Houa et -King-Tong; j'ai fait la route de Tali à Yunnan-Sen, et de cette -dernière ville je suis allé rejoindre Mong-Tseu. Parlant chinois, il -m'était facile de me renseigner et de questionner. Eh bien, la vérité -est que dans cet amas de montagnes arides qu'est le Yunnan, sans larges -vallées, sans rivières navigables, seuls quelques grands centres -chinois sur les plateaux ont pu être plus prospères avant la révolte -musulmane, mais la campagne partout ailleurs n'a jamais rien produit de -plus que maintenant, pour la bonne raison qu'il n'y peut rien pousser -qu'un peu de riz rouge, de patates, et que le bétail et la volaille y -sont rares parce qu'on ne peut les nourrir. Par suite la population -est forcément très clairsemée. Que de fois, arrivant le soir dans des -villages où je devais passer la nuit, n'ai-je pu trouver un œuf ou un -morceau de porc à mettre dans la poêle! Même à Sseu-Mao, je n'ai pas -toujours eu de quoi varier le menu, qui généralement se composait de -porc et de riz, et parfois, mais rarement, de bœuf, quand un musulman -avait abattu une bête à cornes qui ne pouvait plus faire de service. - -La ville de Mong-Tseu, la plus importante parmi celles où les -étrangers sont admis, a été ouverte au commerce européen en 1886; c'est -une sous-préfecture qui peut avoir de population fixe 15.000 habitants; -actuellement, avec le chemin de fer, il y a une grosse population -flottante. La ville est murée, mal construite, sale et dans bien des -parties à moitié en ruines. Aujourd'hui, à côté de la ville chinoise, -une véritable ville européenne s'est élevée; des hôtels s'y sont -construits et, grâce à la voie ferrée, les Français de l'Indo-Chine -peuvent aller se reposer et respirer l'air tant désiré par eux du -plateau yunnanais. - -Au point de vue de l'agrément, le chemin de fer est donc -incontestablement une grosse affaire pour la colonie française du -Haut-Tonkin; il reste à savoir, et ce n'est que le temps qui peut nous -l'indiquer, si le commerce du Yunnan va de suite prendre un essor -considérable. Il n'est pas douteux que le chemin de fer, atteignant -Yunnan-Sen, ne supprime les caravanes qui portaient le fret à Mong-Tseu -et ne prenne leur place sur toutes les stations de leur parcours entre -Mong-Tseu et la capitale, de même qu'entre Mong-Tseu et Man-Hao, petit -port sur le fleuve Rouge où les caravanes venaient apporter l'étain -et prendre en retour des cotonnades. Mais pour faire un wagon de -marchandises il faut beaucoup de caravanes! On importe à Mong-Tseu des -shirtings anglais, des cotonnades italiennes teintes, des flanelles de -coton, simples, teintes et coloriées de dessins divers; des velours -et veloutines, des couvertures de coton; des torchons, des peignes et -des allumettes de fabrication japonaise; des filés de coton indien, -japonais, tonkinois; il y a quelques années les filés de coton de nos -usines du Tonkin avaient réussi à exclure presque ces filés anglais, -et de gros négociants chinois de Mong-Tseu en avaient fait de fortes -commandes; mais les fabriques du Tonkin ne pouvant fournir la quantité -suffisante, il était à craindre que les filés anglais ne reprissent le -dessus; aujourd'hui ce sont les filés indiens qui tiennent la première -place, le filé tonkinois ne venant à Mong-Tseu que dans la proportion -de 7 p. 100. - -Comme objets de laine on importe à Mong-Tseu des couvertures, un peu de -drap, de la flanelle unie et rayée; enfin un peu de soie, des boutons, -de la porcelaine, des teintures d'aniline, des lampes, des fruits secs, -des glaces et miroirs, des produits pharmaceutiques, des aiguilles, du -pétrole, du papier, du bois de santal, du tabac, des parapluies. - -Comme exportation nous avons: jambons (de Li-Kiang et Ho-Kien), des -peaux, des cornes de buffle et de vache; des médecines, des patates, de -l'alcool de riz, du sucre brun, de la cire, et enfin surtout du thé de -Pou-Eurl et de l'étain de Ko-Tsiou. - -C'est principalement le port de Hong-Kong qui profite des transactions -du Yunnan par Mong-Tseu; et l'étain et le thé, qui sont les deux -principales marchandises d'exportation, vont à Hong-Kong. Si nous -voulons détourner au profit d'un de nos ports indo-chinois le commerce -du Yunnan, ce n'est pas à Haiphong qu'il faut faire aboutir la voie -ferrée de Yunnan-Sen, mais à Saïgon; il faut que le chemin de fer aille -sans arrêt et sans bifurcation de Yunnan-Sen à Saïgon et qu'il y ait à -Saïgon un port moderne. Quoiqu'on fasse, il faudra en arriver là; c'est -Saïgon qui doit être le centre commercial de l'Indo-Chine, tant par sa -situation géographique que par son importance économique. - -Sseu-Mao, est, à l'extrême sud-ouest du Yunnan, la seconde ville -ouverte aux étrangers; elle a été déclarée ouverte en 1895. C'est, -au point de vue administratif, un _ting_, c'est-à-dire une ville ne -rentrant pas dans le système général d'administration chinoise. Les -_ting_ sont des portions de territoires frontières où l'élément chinois -n'est qu'un colonisateur et où l'élément indigène domine; ce sont des -pays non encore complètement chinoisés; aussi les _ting_ sont-ils -nombreux sur les frontières du Yunnan. Les fonctionnaires mis à la tête -d'un ting tiennent le milieu entre les préfets et sous-préfets. - -La ville de Sseu-Mao est située dans une cuvette entourée de hautes -montagnes et n'offrant qu'une superficie relativement petite. La -plaine est arrosée par un ruisseau donnant juste assez d'eau pour les -rizières, lesquelles prennent toute l'étendue de la terre cultivable; -quelques villages entourent Sseu-Mao au bas des montagnes ou au flanc -de coteaux. - -La ville elle-même, limitée par des murailles délabrées, bâtie de -maisons en pisé, n'offre qu'un aspect pitoyable, la partie comprise -dans les murailles est presque déserte; elle renferme les _Ya-Meun_ -du sous-préfet, du général commandant les troupes de la frontière, du -télégraphe; quelques _Houei-Kouan_ ou clubs indigènes; mais la partie -la plus peuplée de la ville se trouve hors des murs, dans le marché. -Toute la journée c'est là que sont le mouvement et l'activité. Le -matin, les indigènes des environs apportent des légumes, du bois à -brûler, du charbon de bois; ce sont eux qui approvisionnent Sseu-Mao, -qui, tout compté, dans les murs et hors des murs, peut avoir 12.000 -habitants. - -La douane chinoise, qui est installée ici comme dans tous les ports -ouverts, ne fait presque rien comme recettes; le seul commerce un peu -important est celui du thé; du reste le trafic en ce pays est suspendu -d'avril à octobre. Personne ne sort en cette saison: les pluies -torrentielles défoncent les pauvres sentiers, des herbes immenses -poussent partout; les rivières, les torrents ont des crues effrayantes -et terribles, et par suite, toutes les communications sont coupées. -Seuls les malheureux courriers continuent leur service, et combien -d'entre eux ont perdu leurs sacs de dépêches quand ce n'était pas leur -vie, au passage d'un torrent. Dans ces conditions et étant donnée la -nature du pays, le commerce ne peut être qu'insignifiant. Il est, du -reste, bien facile de s'en rendre compte en parcourant le marché de -Sseu-Mao: cotonnades chinoises, cotonnades anglaises, fil, aiguilles, -boutons en métal, lacets, petites glaces de toilette, petites boîtes en -fer-blanc, allumettes japonaises. Comme autres marchandises chinoises, -en dehors des cotonnades, on trouve du cuivre venant de King-Tong sur -la haute-rivière Noire, des objets de pacotille venant de Canton et du -Yunnan, et c'est tout. - -Veut-on de la farine? il faut la faire venir de Hanoi ou de Tali-Fou; -du sucre? il faut attendre que des caravanes en apportent de Yunnan-Sen -ou de Tali; des fruits? les oranges viennent d'Ivou et d'Ibang; les -noix, les jujubes, les poires, de Tali et de Yunnan-Sen. A Sseu-Mao il -n'y a rien. - -La construction du chemin de fer de Yunnan-Sen à Soui-Fou -amènerait-elle le développement ultérieur de toutes les parties du -Yunnan que je viens de passer en revue? Évidemment non. Le Yunnan -n'aurait rien à fournir au Sseu-Tchuen; quant aux produits du -Sseu-Tchuen, ils ne viendraient pas non plus au Yunnan puisque personne -ne pourrait les acheter. Le Yunnan est un pays de transit, non un pays -d'achats à l'importation ou de vente à l'exportation; il est pauvre -et restera tel, à moins qu'on y développe une industrie minière très -rémunératrice, avec des capitaux européens et la main-d'œuvre du -Sseu-Tchuen. - -VI.--La ville de Tali, ancienne capitale des musulmans du Yunnan, -et qui avant la terrible répression de Yang-Yu-Ko devait être très -florissante, est un rectangle assez développé situé dans la plaine -qui s'étend de Chia-Kouan, au sud du lac, à Chang-Kouan, au nord du -même lac, un des côtés regardant le Eurl-Hai, l'autre étant adossé aux -contreforts de la haute montagne grise et nue qui, d'une hauteur de -3.000 mètres, domine l'ensemble de la ville. - -L'aspect général en est misérable: les rues sont désertes et de -nombreux champs de fèves, bordés de cactus, remplacent les maisons -détruites. La population musulmane est encore en nombre assez -considérable à Tali, mais elle n'y a plus aucune influence. Bien plus, -les musulmans ne peuvent plus exercer leur culte et n'ont pas le droit -d'avoir de mosquée en ville. Ils ne peuvent se livrer à la prière que -dans des maisons particulières, et leur grande mosquée de Tali a été -transformée en temple dédié à Confucius. - -Une partie des troupes de la garnison est musulmane et il semble -qu'aucune velléité de liberté ou d'indépendance n'existe plus parmi la -communauté islamique. - -Au point de vue commercial, il paraît y avoir très peu d'activité, -sauf peut-être pendant les foires. Mais ces foires, qui se tiennent à -époques fixes et dont il m'a été donné de voir plusieurs, ne comportent -qu'un commerce local d'échange de marchandises chinoises, venues par la -voie de Yunnan-Sen ou du sud du Thibet. Les marchandises européennes -ne sont pas représentées sur le marché, sauf la bimbeloterie que nous -avons déjà rencontrée à Sseu-Mao et à King-Tong. - -Tali, toutefois, est le lieu de centralisation du commerce qui se fait -par Teng-Yueh (Momein) sur Bhamo; mais jusqu'à présent ce commerce est -peu de chose; les routes sont d'ailleurs très difficiles et, comme -dans tout le reste du Yunnan, c'est la mule qui est le seul moyen de -transport. Les deux grands marchés de la région sont Chia-Kouan et -Chang-Kouan. Des deux, c'est Chia-Kouan qui est le plus important, -quoiqu'on n'y trouve, comme dans les autres villes du Yunnan, que des -produits locaux. J'ai vu Chia-Kouan un jour de grand marché: légumes -et fruits, blé, orge, riz, maïs; un peu de coton venu de Birmanie; -des ustensiles venus de Canton par Nanning, Kai-Houa et Yunnan-Sen; -des chapeaux de paille et de grandes marmites du Sseu-Tchuen; du sel -de Mohei, du thé de Pou-Eurl, du sucre de King-Tong. Les marchandises -étrangères y étaient représentées toujours par les petites glaces, -les boîtes en fer-blanc, les peignes, les aiguilles, les allumettes -du Japon et la pauvre petite pacotille des bazars. En somme, tout est -encore à créer ici comme ailleurs, et, étant donnée la configuration -géographique du pays et la hauteur des montagnes qui le séparent des -régions voisines, peut-on espérer y réaliser jamais quelque chose de -brillant? - -Je ne veux pas quitter Tali-Fou sans raconter la légende fort poétique -que rappelle le grand lac Eurl-Hai: - -Aux temps où le Yunnan était divisé en plusieurs royaumes thai, le -roi de Li-Kiang étant venu voir son voisin le roi de Tali, fut ébloui -de la beauté de la fille de ce dernier et la demanda en mariage. Mais -la jeune fille avait fait vœu de virginité et refusa la proposition -du prince. Elle fut, malgré toutes les avances de son royal amoureux, -absolument inflexible. Au moment de retourner dans ses états, le roi de -Li-Kiang exprima le souhait qu'elle consentît du moins à l'accompagner -dans une promenade sur le lac, afin de graver ses traits dans sa -mémoire à jamais. Elle accueillit favorablement ce désir. Mais au -moment où ils arrivaient au milieu du lac, le roi de Li-Kiang voulut se -permettre quelques privautés, et la jeune vierge indignée et ne voulant -pas être surprise se précipita dans les flots; jamais elle ne reparut. - -Yunnan-Sen, la ville capitale, n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a -dû être autrefois; on y entre par des faubourgs désolés et infects; -tout ici est démoli et en ruines. Les remparts sont écroulés en partie, -et personne ne songe à les relever; les temples s'effondrent et dans -la ville même on ne circule, dans certains quartiers, qu'à travers des -décombres. On croirait être au lendemain de cette guerre «inexpiable» -qui dura de 1855 à 1875, et pendant laquelle les musulmans du Yunnan et -les troupes impériales se livrèrent des combats sans merci. La ville -a aujourd'hui une population que l'on évalue généralement à 80.000 -habitants, mais elle devait en avoir au moins le double, peut-être -davantage autrefois. Quelques monuments pourtant, quelque arc de -triomphe, quelque portail de temple sont encore à voir. - -Comme construction européenne, il y existe un arsenal, et c'est même -une sensation bizarre que l'on éprouve, quand, se promenant dans la -vaste plaine nue et jonchée de tombeaux qui s'étale autour de la ville, -on entend le sifflet appelant les ouvriers à l'usine. - -Le plateau où se trouve situé Yunnan-Sen est merveilleux; très fertile, -bien arrosé, entouré de lacs qui rendent l'irrigation facile, il forme -avec les plateaux de Mong-Tseu et de Lin-Ngan, auxquels il se rattache, -la partie la plus florissante et la plus peuplée de la province, et -la mieux cultivée. Ici, hors de la ville dont on n'aperçoit plus les -murs écroulés et les palais délabrés, maintenant que la campagne seule -s'offre à la vue, on sent un pays aisé, riche même relativement, en -comparaison de toutes les contrées désolées qu'on vient de quitter. - -A deux étapes de Yunnan-Sen se trouve Tong-Hai, point de concentration -de toutes les caravanes. Situé entre l'eau et les montagnes, au bord du -grand lac, Tong-Hai offre vraiment l'aspect d'une ville florissante, -chose rare dans ce pays. Tous les produits de la Chine s'y trouvent -réunis et partent de là pour se répandre dans le nord et l'ouest de la -province. - -De Yunnan-Sen, par Tong-Hai, vers les extrémités frontières, les routes -sont: - -Vers le sud, la route de Mong-Tseu, aujourd'hui peu fréquentée, -puisque le chemin de fer existe jusqu'à la capitale; vers le -sud-ouest, la route de Yuen-Kiang, Pou-Eurl, Sseu-Mao; vers l'ouest, -la route, Tchou-Chiong, Tali-Fou, Teng-Yueh; vers le nord, la route -de Tong-Tchuan, Tchao-Tong; une autre route, partant de Yunnan-Fou à -l'est, va rejoindre Kouei-Yang-Fou, capitale du Kouei-Tcheou. - -Ainsi que je l'ai constaté au début de cette étude du Yunnan, on -peut voir que, bien que faisant partie du bassin du Yang-Tseu-Kiang -du côté du nord (Yunnan-Fou n'est, par Wou-Ting, qu'à deux ou trois -étapes du fleuve), cependant, c'est vers le nord-ouest et le sud que -son commerce est le plus actif. D'un côté, en effet, vers Li-Kiang et -Atien-Tseu, les vallées sont plus étroites, les rivières plus maigres, -les populations plus éparses et moins nombreuses; donc, dans cette -contrée désolée, peu de trafic; de l'autre côté, au nord-est, par -Tong-Tchuen et Tchao-Tong, la route est très dure si les populations -sont plus denses; et les productions sont trop peu variées pour être -exportées au Sseu-Tchuen, province riche; on n'y envoie donc de cette -partie du Yunnan que des peaux de buffles ou de bœufs, de chèvres et de -moutons. Quant aux productions du Sseu-Tchuen, il en descend très peu -vers cette région du Yunnan, juste assez pour les colons qui, partis du -Sseu-Tchuen, viennent coloniser les hauts plateaux yunnanais. - -VI.--En tant que pays intéressant, quoique très pénible à parcourir, -le Yunnan est certainement l'un des plus curieux que j'aie visités en -Chine; mais au point de vue fertilité, donc au point de vue commerce, -c'est tout autre chose. Que de fois, dans un village misérable, perché -sur quelque crête, n'ai-je même pu me procurer une poignée de mauvais -riz rouge! Que de fois ai-je fait 40 et 50 kilomètres sans rencontrer -un homme, une hutte! Quelle différence avec le Sseu-Tchuen ou le Houpe, -si actifs, si peuplés! - - - - -CHAPITRE XIV - - I. Le tarif douanier chinois.--II. Octrois, accises ou likin.--III. - Situation du commerce général dans les provinces du bassin du Yangtseu - pendant l'année 1908. - - -I.--Actuellement un nouveau tarif douanier est à l'étude, et déjà un -commissaire britannique, envoyé spécialement à l'effet de traiter -des nouvelles conditions douanières, est arrivé à une entente avec -les commissaires chinois. Mais les négociations ne sont pas encore -terminées avec les autres puissances; et l'ancien tarif, imposé par -le traité de 1858, est toujours en vigueur, c'est à savoir 5 pour 100 -_ad valorem_ sur les marchandises importées. Pour les marchandises -exportées, il existe un autre tarif qui taxe d'un droit de sortie -certains produits exportés de Chine. Il est inutile d'en donner la -liste ici, sauf peut-être pour la soie qui nous intéresse spécialement: -la soie brute paye 10 taels par picul; la soie jaune du Sseu-Tchuen, 7 -taels; la soie sauvage, 2 taels 50; les déchets, 1 tael; les cocons, 3 -taels; la soie floche de Canton, 4 taels 30; la soie floche des autres -provinces, 10 taels; rubans de soie, fils de soie, pièces de soie, -pongés, châles, écharpes, crêpes, satins, gazes, velours et broderies, -10 et 12 taels; soie unie du Sseu-Tchuen et du Chan-Tong, 4 taels 50; -torsades, 10 taels; mélange de soie et coton, 5 taels. - -II.--En dehors des droits de douane, il existe en Chine des droits -d'accise ou d'octroi nommés _likin_. Le payement de ces taxes avait, -en principe, été décidé pour faire face aux dépenses causées par la -révolte des Taiping et devait donc être temporaire; mais les impôts -temporaires, en Chine comme partout, sont ceux qui résistent le plus. -Et aujourd'hui non seulement la taxe du likin (tant pour mille sur les -marchandises en transit) n'est pas supprimée, mais ses bureaux et ses -bannières sont installés dans tout l'Empire; il étend les mailles de -son filet sur les fleuves et les rivières, aux portes des villes, aux -limites des provinces, aux limites de chaque ville et bourg. Chaque -province a ses likin spéciaux; chaque mandarin, pour ainsi dire, est -maître de ses tarifs, et les petits officiers chargés de percevoir le -likin ne se font pas faute d'augmenter le taux pour leur compte; c'est -la plaie du commerce intérieur. Les Européens n'y sont pas soumis et -ils peuvent faire venir en transit des marchandises de l'intérieur -jusqu'à un port ouvert en se faisant délivrer par l'intermédiaire -de leur Consul des «passes de transit» qui les exemptent des tracas -du likin; mais les marchandises européennes, une fois aux mains du -négociant chinois qui en a pris livraison dans un port ouvert, sont -soumises à tous les likin qu'elles rencontreront sur leur route jusqu'à -leur destination. On peut donc s'imaginer à quel prix revient une -marchandise qui, prise à Hankeou, par exemple, doit remonter la Han -jusqu'au Chen-Si! - -A plusieurs reprises quelques hauts fonctionnaires, voyant les -entraves considérables mises au trafic par ces taxes, ont demandé leur -abolissement; mais alors, quel trou dans les trésors provinciaux! c'est -ce qui fait que le likin subsiste et subsistera vraisemblablement -longtemps encore. - -III.--D'après les statistiques de la douane maritime chinoise, la -situation commerciale générale dans les provinces du Yangtseu en 1908 -se présentait ainsi[16]: - -[Note 16: J'ai indiqué plus haut (p. 68) pour quelles raisons je -citais les chiffres de 1908.] - -L'espoir de voir une recrudescence dans les transactions qui semblait -justifiée aux débuts de 1908, ne s'est pas réalisé. La dépression -commerciale s'est fait sentir du commencement à la fin de l'année. La -baisse continuelle de la valeur de l'argent a découragé l'importation -en général et, vu l'état déjà morbide du marché, a joué un grand rôle -dans l'histoire de cette année malheureuse. - -Mais le commerce étranger a toujours eu à compter avec l'incertitude -du change, qui lorsqu'il est défavorable à une branche du commerce -est favorable à l'autre, comme il est prouvé, d'ailleurs, par les -statistiques de 1908; et on doit chercher d'autres causes pour -expliquer l'absence de demande de marchandise étrangère par rapport à -un commerce d'exportation normal, puisque cette absence de demande à -l'importation ne peut pas être due au développement d'industries dans -le pays même. Parmi ces causes il faut d'abord voir la cherté du riz -dont le prix a continué à rester élevé en dépit des bonnes récoltes de -l'année précédente et des incessantes importations de l'Indo-Chine. -Cependant le marché s'est amélioré vers le milieu de l'année. Le prix -de détail du meilleur riz du Kiang-Sou à Changhai, qui était en août -de 5 piastres 80 cents le picul, est tombé à 4 piastres à la fin de -décembre, et même à 3 piastres 40 cents; et il est clair que la baisse -a affecté tous les districts accessibles aux transports par eau. A -Yo-Tcheou, en septembre, le prix par picul était de 2 piastres 20 -cents, et à Tchong-King, le même mois, de 2 piastres 50 cents. Un autre -obstacle, et plus grand encore, aux échanges a été la dépréciation -des sapèques de cuivre due, en certains districts, à la rareté de -l'argent, mais en général causée par la frappe excessive des monnaies -provinciales. La valeur de ces sapèques baissa continuellement et, à -la fin de l'année, une piastre se changeait pour 135 cents de cuivre -dans le Yangtseu (Hankeou), pour 126 sur le Bas-Yangtseu; ceci, qui -touche à la poche de la grande masse du peuple, est l'un des plus -graves problèmes, celui qui réclame une prompte solution. Mais, tout -en tenant compte de cette raison et d'autres encore pour expliquer le -ralentissement du commerce, il n'est que juste de reconnaître dans la -moins-value des imports sur les exports, un effort pour balancer le -taux des recettes et des dépenses. - -En 1905, les contributions de guerre, estimées à 150.000.000 de taels, -ont donné au commerce d'importation une impulsion qui a continué à -se faire sentir après la disparition des conditions spéciales qui -l'avaient créée, il en est résulté que les importations se sont -trouvées très en excès sur les demandes du marché et ont dû être -liquidées difficilement et avec pertes. La situation excellente du -commerce d'exportation et les progrès réalisés dans l'établissement -d'industries manufacturières sont d'un bon augure pour l'avenir. - -Changhai a distribué aux autres ports, en 1908, 350.000 piculs de filés -de coton de manufactures locales, estimés à 8.772.000 taels, soit 88 -pour 100 de plus qu'en 1907; et 753.000 piculs de farine provenant des -moulins locaux, estimés à 2.717.000 taels, soit 38 pour 100 de plus -qu'en 1907. Hankeou montre une grande activité, spécialement en ce -qui concerne la production du fer et de l'acier par les arsenaux de -Hanyang avec le fer de Taye et le charbon de Ping-Siang. Il n'y a pas -de doute que d'ici peu d'années la Chine ne devienne une grande nation -industrielle; elle y est destinée non seulement par ses ressources -naturelles, mais aussi par le caractère de ses habitants, et, du reste, -c'est dans ce sens que son éducation devra être dirigée. Il lui faudra, -nécessairement, modifier un peu sa mentalité, et soigner un peu plus -ses produits, changer ses méthodes, notamment pour la soie et le thé -qui sont concurrencés par l'étranger en quantité formidable, surtout ce -dernier produit. - -Les autorités continuent à pourchasser l'opium en défendant strictement -la culture du pavot, et de ce côté le commerce des Indes anglaises -sera certainement atteint. Que les effets de cette prohibition soient -excellents à la longue, c'est indéniable; mais, même sans tenir compte -de l'opium des Indes, si on ne regarde que l'opium chinois, il est -évident que la défense strictement immédiate de consommer l'opium aura -une répercussion fâcheuse sur les provinces qui l'exportent et qui s'en -font un revenu de 100.000.000 et même 150.000.000 de taels. Cependant, -malgré cela la réforme est populaire, et le délai de dix ans accordé -pour la suppression totale de l'opium a été trouvé trop long par -beaucoup de vice-rois. Aussi, dans treize provinces la culture du -pavot a été interdite immédiatement, avec promesse qu'il n'y en aurait -plus en 1909; et dans les autres cinq provinces, il ne doit plus y en -avoir dans deux ans. La population est complètement d'accord avec le -gouvernement en ce sens, et même en admettant que le délai soit un peu -bref, il est hors de doute que, d'ici peu, l'opium à fumer aura disparu -de la Chine. - -La question des chemins de fer est une des grandes questions -chinoises; mais les progrès faits jusqu'à présent en ce sens n'ont -pas été très sensibles. Il est toutefois tellement bien reconnu par -tout le monde que le développement ultérieur de la nation est lié -à l'établissement des voies ferrées que le désir d'en posséder est -unanime. Malheureusement, ce sont les ressources qui font défaut, et -comme les Chinois sont devenus extrêmement méfiants, il est difficile -aux capitaux étrangers de compter pour le moment sur un appel; mais il -n'en est pas moins certain que la Chine se rendra compte qu'elle ne -peut rien en ce sens sans l'argent étranger, et qu'elle lui demandera -son aide en lui donnant de sérieuses garanties. Le chemin de fer a été -ouvert entre Tchen-Kiang et Nankin, et on peut maintenant, de Changhai, -venir à Nankin en 5 h. 35 minutes. A Nankin même, une petite ligne a -été installée qui relie la ville à la rivière, et l'on parle d'étendre -cette ligne jusqu'à Wou-Hou. Une partie du chemin de fer du Kiang-Sou, -environ trente kilomètres, de Changhai à Song-Kiang a été ouverte au -trafic en avril 1908, et le reste, jusqu'à Feung-King (55 kilomètres) -va être terminé. Le chemin de fer du Tche-Kiang qui doit rejoindre -celui du Kiang-Sou à Feung-King est terminé de Hang-Tcheou à Ka-Ching, -et les deux lignes viennent d'être rejointes en 1910. La ligne qui, -de Canton, doit rejoindre Hankeou, a été ouverte sur 60 kilomètres, à -partir de Canton, et on procède actuellement à de nouveaux levés dans -le Hounan. - -La ligne de Wou-Hou à Kouang-Te-Tcheou n'a pas fait de progrès sérieux. - -La ligne qui doit partir de Hankeou pour aller rejoindre Tcheng-Tou est -toujours en espérance, et les affaires n'ont guère avancé de ce côté. - -Quant au chemin de fer que les Français ont construit de Hanoi à -Yunnan-Sen, il est aujourd'hui en pleine exploitation, et les douanes -de Mong-Tseu enregistrent pour le dernier trimestre 1907 de leur -statistique, l'arrivée des trains en gare de Mong-Tseu. - -Nombre d'autres lignes sont en projet, dont voici les principales: - -Du Yunnan au Sseu-Tchuen, c'est-à-dire de Yunnan-Sen à Soui-Fou, -continuation de la ligne actuelle; - -Du Yunnan au Hounan par le Kouei-Tcheou; - -Du Yunnan en Birmanie, c'est-à-dire de Yunnan-Sen par Tali-Fou et -Teng-Yueh. - -Toutes ces lignes sont situées dans la vallée du Yang-Tseu-Kiang, -et c'est pourquoi je les cite; mais le chemin de fer est à l'ordre -du jour dans toutes les provinces chinoises. Seulement les Chinois -ne trouveront jamais l'argent pour les construire eux-mêmes, les -capitalistes chinois n'ayant aucune confiance dans la gestion de leurs -mandarins. - -Les récoltes du Sseu-Tchuen ont été très abondantes, et les -denrées nécessaires à la nourriture ont été, par suite, bon marché. -Politiquement, la province a été tranquille. Au Houpe, au contraire, -la récolte de coton et la récolte de riz ont été très médiocres et -bien au-dessous de la moyenne; le thé, au contraire, a bien donné. -Au Hounan, mauvaise récolte de coton, mais belle moisson de riz. A -Wou-Hou, le prix de détail du riz, à la fin de l'année, a été de 2 -piastres 60 à 3 piastres 20 le picul, et les expéditions vers les -autres ports ont monté à 5.000.000 de piculs, plus du double des -expéditions de l'année précédente. - -Au Kiang-Sou, la moisson a été ordinaire, les rizières du sud du fleuve -ayant fourni plus que celles du nord. - -Le commerce des ports ouverts du Yang-Tseu-Kiang, depuis Tchong-King -jusqu'à Tchen-Kiang, a marqué une moins forte demande d'importations -étrangères, mais un plus grand mouvement dans les échanges indigènes, -ainsi qu'il ressort du tableau suivant: - - 1906 1907 1908 - - Importations étrangères: 96.714.791 110.239.450 104.644.857. - (en taels) - Importations indigènes: 23.256.838 28.065.027 33.154.129. - Exportations: 108.668.735 115.476.892 134.680.625. - -A Changhai, le total du commerce était à peu près le même qu'en 1907, -mais il y avait une différence marquée dans la proportion étrangère et -indigène qui composent ce total. - -Les importations étrangères ont donné 11.000.000 de taels de moins en -1908. - -Dans le Yunnan, Mong-Tseu a fait 1.000.000 de taels de moins aux -importations étrangères, mais gagné 1.500.000 taels à l'exportation. -Teng-Yueh et Sseu-Mao restent toujours au même point. - -En somme, dans l'année 1908, tous les ports (et les ports du nord et -du sud, comme les ports du Yangtseu) ont montré une moins-value aux -importations étrangères. Les ports du Yangtseu donnent une moins-value -de 5 pour 100 en général, mais par exemple, le port de Hankeou, qui -est le distributeur des produits étrangers pour toutes les provinces -environnantes, présente, à lui seul, une moins-value de 8 pour 100, et -Tchen-Kiang, qui fournit le Kiang-Sou, le Chan-Tong et le Honan, une de -11 pour 100. A Changhai, le déclin des marchandises importées peut être -évalué à 24 pour 100, et au Yunnan à 14 pour 100. On voit donc bien que -la faible demande de marchandises étrangères a été la même dans tout -l'Empire. Les districts qui ont le plus été touchés sont ceux desservis -immédiatement par Changhai. - -Le commerce direct, pendant toute l'année, donne 671.165.881 taels -contre 680.782.066 taels en 1907, décomposés ainsi qu'il suit: - - 1907 1908 - - Imports: 416.401.369 394.505.478. - Exports: 264.380.697 276.660.403. - -La moins-value des importations s'élève à peu près à 22.000.000 de -taels, mais, vu une grosse augmentation de la valeur de l'argent -résultant du bas taux de l'échange, la moins-value réelle des -importations est, en réalité, plus grande que la différence des -chiffres ne l'indique. - -L'opium étranger a diminué beaucoup, et l'on constate une consommation -bien inférieure dans presque tous les ports; ainsi Changhai a pris -2.000 piculs en moins; les ports du Yangtseu, 2.000 piculs; le -Tche-Kiang, 600 piculs, et les autres ports en proportion. Toutefois, -si l'importation de l'opium étranger diminue, il n'en est pas de même -pour l'opium indigène, et la quantité d'opium du Sseu-Tchuen et du -Yunnan qui est passée par Itchang est sensiblement la même que les -années précédentes. - -Les cotonnades donnent une diminution de 8.000.000 de taels, et cette -diminution se fait surtout sentir sur les filés de coton, et les -pièces diverses, teintes, italiennes, turques. Les shirtings importés -représentent 4.887.000 pièces, soit une augmentation de 1.400.000 -pièces sur 1907; la moyenne ici a donc été sensiblement la même; mais -les cotons américains ont toujours souffert de leur chute de 1907, -quoique en 1908 ils aient donné un chiffre de 1.586.000 pièces. En -1906, ces cotons américains avaient été importés par 8.500.000 pièces, -et en 1905 par 12.500.000 pièces, et on ne sait vraiment pourquoi ils -ont subi un tel déclin; peut-être y en avait-il trop en stocks non -écoulés? En tout cas, il n'y a pas de raison pour qu'ils ne revoient -pas des temps meilleurs. - - -TABLEAU COMPARATIF DES IMPORTATIONS DES PIÈCES DE COTON - - 1905 1906 1907 1908 - - Anglaises 13.548.015 10.785.227 8.224.951 8.993.534 - Américaines 12.566.093 8.544.165 578.647 1.586.989 - Japonaises 780.580 733.436 840.401 986.982 - Indiennes 650.636 85.003 67.905 141.312 - -Les filés de coton sont tombés de 450.686 piculs et se trouvent depuis -dix ans en fléchissement continu. Cela tient aux manufactures locales -qui sont actuellement capables de fournir d'aussi bons filés que ceux -de l'étranger. - -Les importations de mélanges laine et coton ont diminué de moitié; les -laines pures aussi. - -Les métaux ont donné une somme de 22.000.000 de taels à l'importation, -contre 20.000.000 en 1907. - -Les lingots et saumons de cuivre ont augmenté dans la proportion de -66.000 piculs et ont été distribués surtout aux différentes monnaies -provinciales. - -Presque toutes les marchandises diverses ont subi une diminution, sauf -le pétrole qui a fourni 186.000.000 de gallons (1 gallon = 4 litres), -soit 15.000.000 de plus que l'année précédente. L'importation d'huile -américaine a augmenté de 26.000.000 de gallons, l'huile russe de -plus de 2.000.000, l'huile de Sumatra de plus de 4.500.000 gallons. -La farine, le riz, ont également diminué. Le sucre, l'horlogerie et -les bibelots ont donné une grosse diminution à l'importation, ce qui -indique évidemment une restriction dans les dépenses de luxe due, ainsi -que je l'ai dit plus haut, à la crise monétaire. - -Toutes les puissances ont souffert de cette diminution dans les -importations, sauf les États-Unis et la Russie. - -Les États-Unis, en effet, ont été peut-être un peu éprouvés dans leur -importation de cotonnades, mais par contre leur pétrole a largement -compensé les déficits constatés dans les farines, les bois et les -autres articles. La Russie a aussi augmenté son chiffre d'importation, -mais par le nord. - -Les importations directes ne passant pas par Changhai comme port -distributeur deviennent tous les ans plus considérables, et Hankeou est -l'un des ports qui en profite le plus. Cependant il y aura forcément -un arrêt dans cette façon d'opérer; car ce sont les bateaux japonais -seuls qui font du Japon l'importation directe à Hankeou; ce sont -des bateaux de petit tonnage, qui n'ont pas à effectuer une longue -traversée maritime; mais les grands paquebots européens ou américains -ne pourraient pas venir directement à Hankeou, sauf pendant deux ou -trois mois d'été, aux hautes eaux. - -Aux exportations, le thé a donné beaucoup: les États-Unis et la Russie -ont absorbé la totalité ou à peu près; car la quantité exportée en -Angleterre diminue tous les ans, et les autres pays d'Europe n'ont -pris que 119.600 piculs tous ensemble. La Grande-Bretagne tire plus de -2.000.000 de piculs de l'Inde, de Ceylan et d'Assam, et 66.000 piculs -seulement de Chine. - -Il est probable, d'ailleurs, que rien n'enrayera le mouvement qui amène -peu à peu l'Angleterre à renoncer au thé de Chine. Les planteurs de -l'Inde et de Ceylan font tous leurs efforts pour garder leur position -acquise et la fortifier encore, et il est probable qu'ils y arriveront; -car les Anglais aujourd'hui préfèrent de beaucoup ce thé «national» au -thé de Chine. Toutefois le thé de Chine peut encore voir de beaux jours -si les Chinois se décident à le traiter convenablement et conformément -aux procédés modernes; car en dehors de la Russie, qui est toujours son -gros débouché, le thé de Chine peut se vendre dans tous les autres pays -où il est de plus en plus à la mode, et où la consommation augmente. - -Dans le premier trimestre, le prix des soies a considérablement -baissé, mais les prix se sont relevés vers la fin de l'année, et les -stocks se sont bien vendus. - -Les haricots et les gâteaux de haricots, qui jusqu'à présent étaient -une spécialité des ports de Mandchourie, commencent à s'exporter de -Hankeou; l'Angleterre en a pris pour 500.000 piculs, destinés à faire -de l'huile. - -Le sésame donne une augmentation sérieuse à l'exportation: 1.792.432 -piculs valant 9.138.129 taels contre 734.712 piculs valant 3.670.810 -taels en 1907. L'immense saut fait par cet article, dont la vente est -concentrée à Hankeou, est attribué au chemin de fer de Hankeou à Pékin -qui draine les districts producteurs de sésame au Honan. - -Quant à l'étain du Yunnan, il passe toujours par Mong-Tseu et le -Tonkin, pour se diriger sur Hong-Kong. En 1908 Mong-Tseu en a exporté -18.335 piculs de plus qu'en 1907. - -La seule remarque à faire au point de vue de la navigation est -l'augmentation, réalisée par le pavillon français, de 360.000 tonnes, -principalement dans les ports du Yangtseu. - - - - -CHAPITRE XV - - I. Le service de la poste en Chine. Les entreprises particulières - ou Sin-Kiu.--II. La poste faite par les douanes maritimes.--III. Le - service postal actuel.--IV. Fonctionnement du service actuel dans le - Haut et le Bas-Yangtseu.--V. Le télégraphe. - - -I.--Le service postal chinois mérite une étude particulière. On y -verra par quelles phases il a passé avant d'arriver à son état actuel. -Bien qu'un système à peu près normal fonctionne aujourd'hui dans les -principaux centres, cependant le vieux système chinois n'a pas dit -son dernier mot; car aujourd'hui la poste impériale coûte au Trésor -et ne lui rapporte rien. Seuls quelques districts où le commerce -est prospère commencent à couvrir leurs frais et à équilibrer leurs -dépenses et leurs recettes; mais il est loin d'en être ainsi partout. -Il faut, naturellement, de nouveaux crédits tous les ans pour améliorer -et étendre le service dans un pays immense où les communications ne -sont pas toujours faciles. Le système postal chinois, pris dans son -ensemble, ne ressemble donc pas encore à un service européen, régulier -et donnant des bénéfices; c'est un service à côté de la douane, et les -commissaires de douanes sont les directeurs principaux des districts -postaux établis dans les ports ouverts et les villes principales des -provinces limitrophes; dans l'intérieur, ce sont des Chinois. - -Autrefois, dans la Chine tout entière, et aujourd'hui encore dans les -provinces et dans les centres éloignés, la poste se faisait par des -entreprises particulières chinoises, soit correspondant entre elles, -soit se faisant concurrence, concurrence d'ailleurs limitée, grâce à -l'existence et au pouvoir des chambres syndicales désignées sous le nom -de «guilde». - -Ces entreprises, désignées sous le nom de Tchang-Houa-Sin-Kiu, ou -simplement Sin-Kiu, existaient dans toutes les villes et endroits -importants de l'intérieur; elles transmettaient leurs dépêches par -tous les moyens possibles, soit par terre, soit par eau; elles se -servaient notamment, sur les canaux, de petites embarcations, longues -et étroites, très légères, peintes en rouge, avec un toit en nattes; -l'équipage se composait de deux hommes qui faisaient la relève à tour -de rôle; appuyé à l'arrière, l'homme avait une petite godille sous le -bras gauche, dont il tenait le corps de la main gauche et la tête de la -main droite qui servait surtout de gouvernail; plus en avant, à droite, -il avait un petit aviron qu'il faisait mouvoir avec le pied; la barque -possédait également un petit mât et une petite voile qui pouvait servir -quand le vent était favorable. - -Suivant les provinces et l'importance des localités, ces services -variaient de journaliers à mensuels. Il fallait payer chaque entreprise -par laquelle la correspondance passait. Il n'y avait naturellement -pas de timbres-poste, mais chaque entreprise avait un cachet en bois -qu'elle appliquait sur les correspondances, ainsi qu'un autre cachet -indiquant la destination. Il existait même une sorte de recommandation -qu'on pouvait obtenir moyennant un payement spécial. - -Afin d'assurer l'arrivée à destination, l'expéditeur avait soin -d'écrire sur l'enveloppe: «pourboire à remettre au porteur», tout -suivant l'importance de la missive. - -Les lettres dont le port était payé étaient marquées d'un cachet -spécial, «payé d'avance»; les autres portaient l'inscription: «à payer -la somme habituelle» (cette somme variait de 5 à 20 cents suivant -l'importance du courrier). - -On pouvait aussi, par l'intermédiaire de ces entreprises, envoyer de -l'argent et des petits colis en les assurant, le bureau expéditeur se -rendant responsable de toute perte causée par sa faute ou celle de -ses employés; mais si la perte était causée par une attaque à main -armée, ou autres actes de violence, on pouvait s'adresser aux autorités -locales qui généralement faisaient rembourser par leur trésor 50 ou 60 -pour 100 de la valeur perdue. - -Pour donner une idée de la somme à payer pour une lettre, une lettre -expédiée de Changhai pour Hankeou, par exemple, coûtait 50 sapèques -(environ 25 centimes) si elle passait par une seule entreprise. - -Bien entendu toutes ces entreprises postales ne servaient qu'aux -particuliers; le service officiel se faisait par courriers spéciaux qui -transmettaient les dépêches des autorités provinciales à Pékin et les -décrets impériaux de Pékin aux gouverneurs et vice-rois. Ces courriers -nommés Yi tchang étaient supposés exister dans toutes les capitales de -provinces et dans les autres villes importantes, et elles devaient -avoir toujours un certain nombre de chevaux prêts à partir. Comme les -autres services chinois du temps présent, cette organisation existait -plutôt sur le papier qu'en réalité. - -Le service postal se faisait donc très régulièrement, sinon rapidement, -et les missionnaires de l'intérieur m'ont déclaré que jamais leurs -lettres ou paquets ne leur manquaient, à moins qu'il n'y ait eu cas de -force majeure, telle que les inondations ou le pillage du courrier. - -Cependant, vers 1866, le service des douanes impériales organisa une -sorte de poste particulière pour transmettre les correspondances de -l'Inspectorat général aux divers ports ouverts et vice versa. Cette -poste avait même fini par admettre (en franchise naturellement, -puisqu'il n'y avait pas de timbres-poste) les correspondances du public -aux agents des douanes et réciproquement; elle se chargeait encore -d'expédier en Europe la correspondance privée de tous les agents des -douanes. Mais le besoin d'un service postal plus régulier se faisait -sentir, et, en 1876, avec l'approbation de Li-Hong-Tchang, alors -vice-roi du Tche-Li, ce service fut installé d'abord dans le nord, avec -des timbres de 1, 3 et 5 candarines (1, 3 et 5 cents). Peu à peu il -gagna les autres ports, et en 1890, il fonctionnait officiellement dans -tous les ports ouverts, mais seulement dans ces ports et nullement dans -l'intérieur du pays. - -C'est alors qu'en 1893, Li-Hong-Tchang, vice-roi du Tche-Li, et -Lieou-Kouen-Yi, vice-roi de Nankin, appelèrent l'attention du -gouvernement impérial sur le développement des bureaux de poste -anglais, français, américains et allemands, qui tous s'étaient -depuis longtemps installés à Changhai et faisaient le service de -courrier avec l'Europe et le monde entier, en collaboration avec -les paquebots-poste de ces différentes nationalités; ils attirèrent -également l'esprit du gouvernement sur la poste locale de Changhai, -instituée par les municipalités étrangères, et qui faisait un -service postal entre les ports ouverts et aussi dans les limites des -concessions étrangères de Changhai. Il s'agissait de faire échec -à toutes ces postes exotiques, d'autant plus que, suivant en cela -l'exemple de Changhai, toutes les municipalités des ports ouverts -avaient créé un service postal local avec des timbres à cet effet. -Ce fut la belle époque des finances municipales; car la quantité de -timbres vendus dans le monde entier fut énorme. - -II.--Malgré les avis de Li-Hong-Tchang, le gouvernement impérial refusa -l'invitation du gouvernement austro-hongrois de se faire représenter -au Congrès de l'Union postale universelle. Toutefois l'administration -des douanes chinoises fit émettre en automne 1894 une série de timbres -de 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 12, 24 cents pour célébrer le soixantième -anniversaire de l'Impératrice douairière. En même temps la municipalité -de Changhai émettait un timbre spécial pour fêter le cinquantenaire de -la colonie. - -Ce n'est qu'après la guerre sino-japonaise que le gouvernement chinois, -pour se procurer les revenus dont il avait un besoin inéluctable, -consentit à mettre à l'étude la question de la Poste. Après bien des -pourparlers et des discussions, un projet de l'Inspecteur général des -douanes fut adopté en 1896; la direction générale des Postes était -rattachée à l'administration des douanes; on devait faire une demande -immédiate de participation à l'Union postale et on avait exigé la -fermeture des bureaux de poste en Chine. - -Le nouveau système devait être primitivement essayé dans tous les ports -ouverts et leur voisinage immédiat; on n'interviendrait pas dans les -affaires des entreprises particulières desservant l'intérieur, dont -les ramifications devaient être employées plus tard pour l'extension -du service postal. Il y avait donc à distinguer les bureaux de l'Union -établis dans les ports ouverts au fur et à mesure, et le service de -l'intérieur du pays. - -Le service fonctionna normalement, mais les bureaux de poste étrangers -continuèrent de fonctionner comme auparavant; seuls les bureaux locaux -ou ports ouverts furent supprimés. Des timbres de toute valeur furent -émis par le nouveau service, et la taxe d'une lettre pour l'étranger -fut fixée à 10 cents (0,25 cent.). Pendant un certain temps, et afin -d'attirer la clientèle, des bureaux postaux chinois se chargèrent de -transporter toutes les correspondances européennes munies de timbres -des puissances faisant partie de l'Union. - -Ce service fut notifié par une circulaire du Tsong-Li-Ya-Menn, le 14 -juin 1896, aux ministres accrédités à Pékin; cette circulaire leur -annonçait l'établissement de Postes impériales chinoises, ainsi que la -demande faite par le gouvernement chinois à Berne pour son admission -dans l'Union postale universelle, et les invitait ainsi que leurs -subordonnés et sujets à ne plus se servir que des services postaux -chinois. - -Il est inutile de dire que les étrangers continuèrent à se servir de -leurs bureaux nationaux, et que les Russes et les Japonais, qui n'en -avaient pas encore, se hâtèrent d'en établir. - -L'ouverture du nouveau service postal était fixée au 1er juillet 1896. -Mais elle a été reculée jusqu'au 1er juillet 1897 et n'a commencé à -fonctionner qu'à cette époque. - -Dans cette organisation, les entreprises particulières chinoises -n'étaient pas oubliées; elles avaient conservé le droit de fixer leur -propre tarif, mais elles devaient en faire la déclaration au bureau -de l'Union le plus proche afin que celui-ci pût le publier. En même -temps elles étaient invitées à se faire enregistrer officiellement au -bureau de l'Union si elles voulaient être reconnues et subsister, ou à -fermer tout simplement. Beaucoup d'entre elles essayèrent de résister, -notamment celles de Changhai, Tchen-Kiang, Wou-Hou et Canton, mais -elles furent contraintes de céder, et finirent par accepter toutes -l'enregistrement. Elles n'étaient évidemment pas de force à lutter et -auraient été impitoyablement brisées. - -Il n'en était pas de même des bureaux de poste étrangers, et malgré -toutes les amendes annoncées et les foudres lancées, la Poste chinoise -n'a aucune action sur eux; elle ne peut même rien sur les postes -locales des concessions, tant qu'elles opèrent dans la limite de ces -concessions, et tant que leurs sacs se trouvent à bord de navires -étrangers. Elle ne peut donc en rien toucher aux bureaux de poste des -différentes puissances qui sont établis dans tous les ports de Chine. -La seule chose qu'elle puisse faire, c'est d'empêcher les vapeurs de la -compagnie chinoise (China merchants) de transporter d'autres sacs de -dépêches que ceux que leur remettent les postes impériales chinoises; -quant à refuser l'expédition de navires étrangers portant des sacs de -dépêches, c'est une plaisanterie à laquelle on ne s'est pas risqué, et -pour cause. - -III.--Aujourd'hui donc, le service chinois fonctionne de pair avec -les services européens en tout ce qui concerne l'étranger, et il -fonctionne en participation avec les entreprises particulières pour -tout ce qui regarde l'intérieur de l'Empire. Les Postes impériales, il -faut bien le dire, gagnent en importance d'année en année; elles sont -maintenant admises partout régulièrement comme le service naturel et -nécessaire pour la transmission de la correspondance; les mandarins -n'emploient plus que ce canal pour toutes leurs commandes. Les agences -indigènes, elles-mêmes, s'en vont peu à peu et cèdent la place au -service impérial; il est bien évident d'ailleurs que les Sin-Kiu ne -continueront à prospérer que dans les endroits très éloignés où il n'a -pas encore été possible à la Poste impériale de pénétrer; et elles -continueront seulement dans les autres à se charger du transport des -sapèques et des taels d'argent, marchandises dont la Poste ne tient -pas à se charger. Toutes ces entreprises particulières reconnaissent -franchement le nouvel ordre de choses, et demandent même l'appui et -l'aide de la Poste impériale pour la transmission de leurs paquets. - -Le trait prédominant de l'année sus-indiquée a été un accroissement -considérable dans toutes les branches de l'administration postale. Le -nombre total des bureaux a été élevé de 2.803 à 3.493; les articles -divers: lettres, cartes postales, journaux, livres et échantillons -qui, en 1907, s'élevaient à un total de 168.000.000, ont atteint le -chiffre de 252.000.000, augmentation frappante et qui fait présager un -avenir plus florissant. Les colis ont passé de 1.920.000 à 2.455.000, -le poids en kilogrammes étant de 7.155.000 contre 5.509.000 l'année -précédente, avec, naturellement, une augmentation correspondante de -valeur; cette progression est à remarquer, surtout étant donné qu'on -exige l'assurance de tout colis ayant une valeur de 30 piastres et -plus. Les lettres chinoises des entreprises privées se sont élevées -de 6 à 8.000.000, avec un poids de 83.000 kilog., contre 74.000 l'an -passé, ce qui montre non pas que les entreprises privées deviennent -de plus en plus prospères, au détriment de la Poste impériale, mais -qu'elles se servent de plus en plus des facilités qui leur sont -accordées par cette Poste. Les mandats d'argent ont également augmenté; -ils représentent, tant en émission qu'en paiements de mandats, un -mouvement de fonds de 5.000.000 de taels, soit un demi-million de plus -que l'année dernière. - -Le revenu postal a beaucoup augmenté, et dans de meilleures -proportions, étant donné que, d'année en année, le développement -du service exige de nouvelles dépenses par suite d'améliorations -introduites dans l'organisation générale, et aussi vu l'augmentation du -traitement du personnel. - -En général, les opérations postales ont été faites partout avec -régularité, quoique certaines difficultés aient été éprouvées sur -quelques points. - -Des arrêts se sont produits sur la ligne Pékin-Hankeou, occasionnés -par l'enlèvement des rails, à la suite de grandes inondations. Des -inondations ont eu lieu également dans le district de Wou-Hou et -ont amené des retards au service des courriers et des chaloupes de -transport. - -Cha-Che (Shasi) n'a pas donné comme d'habitude, par suite d'un -ralentissement dans le commerce et de la rareté de l'argent. Au Yunnan -la brusque suppression de la culture du pavot tend à diminuer. Quant -à présent, avec l'esprit d'entreprise, on espère que, grâce à la -plantation du maïs, le Yunnan va retrouver une ère de prospérité dont -profitera naturellement la Poste, mais il faudra, comme on l'a fait -l'année dernière en Mandchourie, qu'on relâche un peu les restrictions -qui pèsent sur l'exportation des céréales aux frontières du Tonkin. - -Comme on le remarquera plus loin, le progrès a été général, les -lignes de courriers ont été étendues, la transmission accélérée; les -communications par chemin de fer se sont développées dans plusieurs -directions, et dans tous les districts de nouveaux bureaux postaux ont -été ouverts, plus particulièrement dans la vallée du Yangtseu. - -IV.--On pourra mieux se rendre compte de l'œuvre poursuivie en se -référant aux renseignements ci-dessous qui montrent l'œuvre accomplie -par la Poste depuis plusieurs années. - -Le Haut et le Bas-Yangtseu possédaient en 1909 (janvier), 969 bureaux -ou agences, et avaient expédié ou reçu 123.000.000 d'articles divers de -correspondance et 1.017.000 colis postaux. - -Le groupe de la Chine centrale comprend le Sseu-Tchuen, le -Kouei-Tcheou, le Houpe, le Hounan et le Kiang-Si, et dans cette vaste -étendue de territoire le progrès postal a été constant, l'augmentation -se chiffrant par 86 nouveaux bureaux, 8.000.000 de dépêches, 28.000 -colis. - -[Illustration: _Sur le Haut Yangtseu._] - -Au Sseu-Tchuen, la direction principale du district a été transportée -de Tchong-King à Tcheng-Tou et placée sous la haute main d'un -directeur provincial. Cette transformation a été bien accueillie par -tous les fonctionnaires de la province, et il est à croire que le -service va se développer normalement. Quelques pas en avant ont été -déjà faits: les bureaux ont passé de 151 à 178. Le sous-district de -Wouan-Chien, bien que se trouvant dans la province du Sseu-Tchuen, -relève encore du directeur des postes d'Itchang. L'extension du service -a été poursuivie systématiquement dans les districts au nord et au -sud du fleuve, et les bureaux ont passé de 15 à 34, les dépêches de -320.000 à 404.000. Dans la province de Kouei-Tcheou, où un seul employé -européen, résidant à Kouei-Yang, surveille les opérations, les dépêches -ont augmenté de 167.000 à 408.000, et l'extension a été activement -poursuivie, surtout dans la section nord. - -Le Houpe, avec ses trois centres de Itchang, Cha-Che et Hankeou, -montre également une avance continue, mais cependant pas en proportion -des résultats obtenus dans les provinces du nord. Hankeou, avec les -deux villes très peuplées de Hanyang et Wou-Tchang tout à côté, est -considérée comme destinée à un grand avenir; cependant les entreprises -particulières ou Sin-Kiu y tiennent bon; le progrès est continu, mais -lent. La correspondance figure au tableau pour 16.000.000; les colis -pour 113.000; 38 bureaux auxiliaires ont été ouverts dans tout le -district, qui sous peu seront convertis en bureaux. - -Dans la province du Hounan, à l'entour des deux centres de Yo-Tcheou et -Tchang-Cha, le service postal a donné de bons résultats: à Tchang-Cha, -1.000.000 de correspondances; les colis par contre ont diminué -sensiblement. Ceci est dû probablement à ce qu'on expédie maintenant -par le Tonkin les colis destinés au Kouei-Tcheou et au Yunnan. - -Du Kiang-Si dont la direction principale est à Kieou-Kiang, on a eu -également des résultats appréciables: les bureaux ont augmenté de 61 à -84, et le total des recettes fait supposer que d'ici peu ce district -couvrira tous les frais. - -Le Bas-Yangtseu.--Cette division, comprenant les provinces du -Ngan-Houei, du Kiang-Sou et du Tche-Kiang, donne une augmentation de 42 -bureaux, 34 millions d'articles de correspondance et 83.000 colis. Dans -le Ngan-Hoei, les districts de Ta-Tong et Wou-Hou font plus que couvrir -leurs dépenses et vont sans cesse en augmentant. - -Le Kiang-Sou, avec ses quatre centres importants: Nankin, Tchen-Kiang, -Changhai et Sou-Tcheou, continue à faire des progrès énormes. En les -passant en revue, on trouve que Nankin est en voie de devenir un -des bureaux les plus productifs et que, en dépit de la pauvreté si -discutée de sa région, l'avenir postal semble devoir être brillant: -les opérations en une année se sont élevées de 4.000.000 à 7.000.000. -Tchen-Kiang également a été de l'avant, les opérations ayant augmenté -de près de 3.000.000 et les recettes balançant presque les dépenses. -L'ouverture du chemin de fer de Changhai viâ Sou-Tcheou et Tchen-Kiang -à Nankin a bien accéléré les opérations, et il faut rendre ce qui leur -revient aux autorités du chemin de fer, qui ont bien voulu donner -toutes les facilités pour rendre plus rapide et plus efficace le -service postal. Le district de Tchen-Kiang a pris de telles proportions -actuellement, qu'un sous-directeur y a été nommé, qui viendra en aide -au directeur principal (le commissaire de la douane) trop chargé de -travail. - -Le principal marché de la Chine, Changhai, continue à prendre un -développement postal énorme, ce qui est tout naturel puisqu'il est, -grâce aux nouvelles lignes de chemin de fer, de plus en plus en -communication avec les autres provinces. Aussi les matières expédiées, -correspondances et autres, donnent-elles un chiffre de 51.000.000. -Si rapide est l'accroissement dans chaque branche du service postal -(lettres, journaux et colis), qu'on croit que le nouvel hôtel -des postes, construit cependant tout récemment, sera tout à fait -insuffisant pour les besoins du service. Le système des boîtes de -ville a donné de bons résultats. Les journaux ont fourni beaucoup: 108 -journaux sont édités aujourd'hui à Changhai, contre 80 en 1907. - -A Sou-Tcheou les articles postaux sont passés de 3 à 5.000.000, et les -colis de 27.000 à 30.000. Cette direction a acquis de l'importance -parce qu'elle est devenue le bureau d'échange des courriers venant -de Hang-Tcheou, de, et pour Changhai et les ports de la rivière. Les -recettes sont très élevées. Les transactions postales de la province -du Tche-Kiang sont à la charge des bureaux de Hang-Tcheou, Ning-Po -et Wouen-Tcheou (Wenchow). Dans ces trois localités, des progrès -satisfaisants ont été notés, et le premier de ces bureaux, celui de -Hang-Tcheou (Hangchow), depuis déjà quelques années, couvre ses frais -et améliore constamment ses revenus. - -La province du Yunnan a aussi donné d'assez bons résultats, malgré -les circonstances désastreuses qu'elle a traversées, telles que les -révoltes du Tonkin, l'occupation de Ho-Keou (Hokow) par les soi-disant -réformistes et la crue anormale de la rivière Rouge en novembre, qui -a dévasté Man-Hao et Ho-Keou et causé la destruction du chemin de fer -à Yen-Bay et Laokay. Dans le district de Mong-Tseu le chiffre de la -correspondance a passé de 855.000 à 1.242.000, et les colis de 9.000 à -25.000. Les dépêches lourdes ont toutes pris le chemin de Haiphong au -lieu d'être expédiées sur Yo-Tcheou comme autrefois. Quant à Sseu-Mao -et Teng-Yueh, ils ont réalisé tout ce qu'on peut attendre de districts -aussi éloignés et aussi inaccessibles. - -En 1908, 2.455.000 colis sont passés par les mains de la poste, ce -qui représente une augmentation de 535.000 par rapport à l'année -précédente. Cette augmentation est surtout remarquable dans les -localités suivantes: - - Hankeou 85.000 113.000 - Tchen-Kiang 87.000 122.000 - Changhai 302.000 317.000 - Mong-Tseu 9.000 25.000 - -L'administration estime qu'il y avait 2.229.000 colis ordinaires -représentant une valeur de 22.000.000 de piastres, et 216.000 colis -assurés pour 14.435.000 piastres et 10.000 autres colis commerciaux -d'une valeur de 109.000 piastres. La valeur totale des colis assurés -s'est élevée de 3.000.000 de piastres à plus de 14.000.000 de -piastres, ce qui est dû à l'obligation d'assurer les colis d'une -valeur de 30 piastres et plus. Le commerce par colis des soies de -Sou-Tcheou, Nankin, dans toutes les provinces de Chine, continue à -être florissant, mais c'est surtout pour la transmission d'objets de -nécessité journalière entre les ports et la côte, que le colis postal -est employé. Il faut observer une fois de plus que, considérant les -conditions de transport par courriers, sur des routes difficiles, -pour ne pas dire inexistantes, le prix des colis pour l'intérieur -et principalement pour les provinces éloignées du Sseu-Tchuen, du -Yunnan et du Kouei-Tcheou, n'est pas en rapport avec les dépenses -occasionnées. En général, le service des colis postaux est fait par des -chars, des animaux de bât loués dans l'intérieur des districts; mais -sur les routes souvent impraticables et toujours pénibles du Yunnan et -du Kouei-Tcheou ou du Sseu-Tchuen, les conditions sont telles qu'on ne -peut employer que des hommes. Dans beaucoup d'endroits on court des -risques par suite du brigandage, bien qu'en général les pillards ne -s'attaquent pas aux sacs de dépêches, lesquels sont presque toujours -retrouvés. - -Les articles de valeur expédiés, consistant surtout en soie, broderies, -fourrures, perles, jade, livres, médecines, pilules, vêtements, -souliers, conserves alimentaires, objets manufacturés, sont communément -envoyés par colis postal. A Sou-Tcheou et Hang-Tcheou, la majeure -partie des colis expédiés contenaient des pièces de soie et broderies, -se chiffrant respectivement par 21.800 et 38.000. C'est une chose assez -ordinaire à Sou-Tcheou de livrer 300 colis par jour, et le chemin de -fer a dû faire construire des hangars spéciaux pour arriver à loger la -quantité de colis expédiés journellement. Il est à noter que le deuil -national à l'occasion de la mort de l'Empereur et de l'Impératrice -a, pour un temps, tout à fait arrêté l'expédition des colis postaux. -Tous les colis payent un droit, et à Sou-Tcheou il fut perçu une somme -totale de 45.000 piastres, soit 25 pour 100 du revenu total du port, -et cela sur les colis renfermant de la soie. - -A Nankin, la valeur des colis pour l'intérieur est montée de 176.000 -à 348.000 piastres. Parmi les colis internationaux reçus à Changhai, -15.500 provenaient des bureaux de poste étrangers. - -Les articles recommandés ont passé de 15 à 19 millions. - -La poste chinoise possède comme le Japon un service de distribution -rapide moyennant une surtaxe. Actuellement ce service ne peut -fonctionner dans l'intérieur et sept bureaux seulement en font l'essai. -Ce service semble prendre assez bien, puisque de 221.000 lettres -délivrées par lui en 1907, il est passé à une distribution de 317.000 -en 1908. - -Dans le Yangtseu, Changhai et Hankeou sont les deux villes où ce -service fonctionne. - -Les articles d'argent ont continué de progresser, et, en réalité, plus -que ne le désire l'administration impériale des postes qui, avec ses -moyens très restreints, trouve ce service bien compliqué et difficile, -et ne désire nullement prendre la place des banquiers. Ces opérations -sont un sujet d'ennuis constants dus aux risques à courir, en faisant -un transport de fonds dans l'intérieur, et aux difficultés du change -sur les différentes provinces. Malgré toute l'attention et toute la -bonne volonté, toute la vigilance des agents de la poste, il est -très difficile, par exemple, d'arriver à une taxe exacte entre les -différentes provinces. Néanmoins on a expédié 2.578.000 taels au lieu -de 2.221.000 l'année dernière, et la poste a payé 2.570.000 taels au -lieu de 2.204.000 en 1907. - -Dans beaucoup de provinces il y a encore du terrain à gagner par -l'administration postale; ainsi les Sin-Kiu possèdent d'excellents -services au Sseu-Tchuen, et le programme à exécuter par la poste -impériale dans cette province est d'accélérer les services sur les -longues distances, d'établir des courriers de jour et de nuit, comme -ceux que l'on va créer entre Wouan-Chien et Tchong-King et Wouan-Chien -et Tcheng-Tou; il est nécessaire d'en établir rapidement sur d'autres -points importants de la province. Dans le district de Wouan-Chien, -une plus grande extension a été donnée aux lignes de courriers vers -Tong-Lieng (500 li), Kouei-Tcheou-Fou (90 li), Miao-You-Tsao (90 -li), pays qui jusqu'alors n'avaient pas été desservis par la poste -impériale. Dans le district de Cha-Che (Shasi), trois nouveaux services -ont été inaugurés, le plus important étant King-Meun-Tcheou, dans -le nord, lequel promet d'être très fructueux. Yo-Tcheou a été relié -avec le district de Tchong-King par Sieou-Chou, et avec le district -de Canton par Kou-Yi, à l'aide de nouveaux services au nombre de six, -faits par des courriers qui couvrent une distance de 5.600 li. - -Kouei-Yang-Fou, capitale du Kouei-Tcheou, à la tête d'un district vaste -mais fort peu peuplé, a augmenté le service de ses courriers sur 1.400 -li. Kieou-Kiang a de même poussé vigoureusement l'amélioration de son -service et y a ajouté treize nouvelles lignes d'une longueur totale de -2.000 li. Wou-Hou a organisé trois nouveaux services; Nankin, deux; -Tchen-Kiang, sept. - -Dans le district de Mong-Tseu, les courriers couvrent 9.400 li et se -rejoignent tous en un seul réseau; l'attention de l'administration -impériale a été surtout attirée vers l'amélioration des routes -existantes, les plus importantes étant Yuen-Kiang--Sin-Ching qui -est destinée à abréger la route Yunnan-Fou--Sseu-Mao, et la ligne -de Heou-Yen-Tsing à Yuan-Meou qui évite un détour de 500 li par -Yunnan-Fou, à la correspondance qui provient des puits de sel de -Houei-Li. - -De même que les lignes de courriers par terre, le service par eau se -développe également, le total des lignes de navigation intérieure étant -passé de 18.500 à 20.500 li. La flottille de Tchong-King--Wouan-Chien, -composée de sept jonques, marche très bien, malgré les difficultés -et les dangers; l'été dernier l'une d'elles naufragea près de -Tchang-Cheou; toutes les dépêches furent submergées, mais finalement -repêchées. Le temps moyen pour le voyage en remontant le fleuve est de -sept jours; le plus rapide jusqu'à présent a été de cinq jours dix-huit -heures. La communauté de Tchong-King est unanime à rendre hommage -au mérite de ces hommes qui dirigent les jonques postales, humbles -mais loyaux serviteurs qui donnent leur temps, leur force et aussi, -malheureusement, quelquefois leur vie à la tâche difficile de piloter -leurs bateaux dans les gorges dangereuses et rapides du terrible -Yang-Tseu-Kiang. Six d'entre eux furent noyés dans l'été de 1908. - -Wouan-Chien, où un inspecteur des postes réside, à moitié chemin entre -Itchang et Tchong-King, est le point où convergent les deux services -de jonques postales de Tchong-King et d'Itchang; de ces deux services, -les sept bateaux allant de Wouan-Chien à Itchang ont fait 160 voyages -en 1908, couvrant 326.400 li; et ceux qui courent entre Wouan-Chien -et Tchong-King ont fait 180 voyages couvrant 316.000 li. Yo-Tcheou a -des jonques postales faisant le service de Tchang-Cha (360 li), de -Tchang-Te-Fou (580 li) et de Tchang-Te à Tchen-Yuan (1.510 li), en tout -2.540 li. - -Hankeou a ouvert récemment un service entre Tien-Kia-Tchen et Wou-Siue. - -Kieou-Kiang se sert d'une jonque pour faire un service de nuit entre -Yao-Tcheou et Che-Tchen-Kai. - -Tchen-Kiang emploie trente-sept jonques qui font en moyenne 10 li par -heure. - -Sou-Tcheou possède quarante-deux bateaux sur 837 li et Hang-Tcheou, -quarante-quatre sur 2.000 li. - -Les chemins de fer, sur lesquels l'administration des postes compte -tant pour son développement futur, continuent de couvrir peu à peu le -sol chinois, et déjà des lignes d'une certaine étendue relient entre -eux quelques-uns des plus grands centres. La voie ferrée pénètre à -Hankeou, à Nankin, et ces deux villes reçoivent très rapidement les -correspondances d'Europe, grâce à la ligne Hankeou-Pékin. Lorsque -sera achevée celle qui doit courir entre Hankeou et Canton, le bassin -du Yang-Tseu-Kiang sera admirablement desservi par son port central, -Hankeou. - -Au Yunnan, la construction du chemin de fer français, terminée -complètement jusqu'à Yunnan-Fou, rend un service inappréciable à -l'administration des postes. - -Une notable portion de la correspondance confiée à l'administration -impériale des postes est transportée par des vapeurs entre les ports -et dans les endroits qui leur sont accessibles dans l'intérieur; -aucune opportunité n'est négligée pour se servir autant qu'on le -peut de ce moyen utile et rapide pour accélérer la transmission des -correspondances. Sur le Haut-Yangtseu, entre Itchang et Cha-Che -(Shasi), les services des compagnies chinoise, anglaise et japonaise -sont mis à contribution, et la transmission se fait régulièrement; -de courtes interruptions se sont produites cependant en mars et en -novembre, par suite de la baisse des eaux de la rivière. Pendant le -mois d'août les malles furent confiées à des chaloupes chinoises entre -Itchang et Itou; mais cet essai fut malheureux et on dut y renoncer à -cause du peu de régularité des voyages de ces chaloupes. Des chaloupes -transportent également la correspondance entre Yo-Tcheou et Tchang-Cha. -De Hankeou, une vraie flotte de navires de nationalités variées fait -le service: anglais, allemands, français, japonais et chinois; des -arrangements ont été conclus avec tous pour le transport des malles de -l'administration impériale. - -Qu'est donc devenu dans tout ceci le service des entreprises -particulières? Si, comme on l'a déjà vu, les lettres portées par le -service impérial pour le compte de ces agences a dépassé 2.000.000, -la conclusion à en tirer est que ces agences indigènes renoncent à -leurs propres courriers et se servent du service de la poste; elles -limitent leurs opérations à la levée et à la distribution locales. -Chaque lettre paye le tarif; donc il est juste de dire que ces agences -travaillent pour la poste et lui viennent en aide pour la levée et -la distribution de la correspondance. Dans beaucoup de centres, les -populations chinoises sont si nombreuses, qu'il faudra des années -avant de pouvoir installer la poste officielle d'une façon saine et -régulière; les entreprises particulières viennent donc naturellement -suppléer au service de la poste, et cela a été une excellente chose -de les obliger à se faire enregistrer au bureau de poste le plus -proche. Les statistiques prouvent que, en bloc, plus de la moitié des -entreprises privées qui existent actuellement ont été enregistrées; le -reste continue à ses risques et périls et, comme il est difficile de -les rechercher partout et d'avoir recours contre elles à la coercition, -on les laisse faire. Elles mourront toutes seules. Des enquêtes ont été -entreprises sur la condition présente des Sin-Kiu, et elles ont donné -des chiffres intéressants et qui montrent bien la décroissance continue -des entreprises particulières, sauf dans les districts montagneux du -Sseu-Tchuen et du Yunnan, où cependant elles finiront également par -disparaître comme ailleurs. - -Les postes étrangères continuent de fonctionner dans les principaux -ports ouverts, et notamment, dans le bassin du Yangtseu, Changhai et -Hankeou possèdent des bureaux anglais, allemands, français, japonais et -russes. - -Un bureau de poste français existe aussi à Tchong-King, mais comme -ses transactions se bornaient à fort peu de chose, le gouvernement de -l'Indo-Chine, duquel il relevait, a décidé sa suppression. - -V.--Le télégraphe a été installé pour la première fois dans l'Empire -chinois en 1877. Il existait le câble danois à Changhai pour les -relations avec l'Europe et l'Amérique, mais aucune ligne télégraphique -n'avait touché le sol chinois dans l'intérieur. En 1876, lors des -négociations avec la Russie pour l'évacuation de Kouldja, l'Impératrice -douairière fut surprise de voir que les réponses à ses demandes ou -objections arrivaient si rapidement de Saint-Pétersbourg; le ministre -de Russie lui fit comprendre qu'elles venaient par fil jusqu'à la -frontière même de Mandchourie, ce qui simplifiait beaucoup les choses, -et que les négociations seraient encore bien plus rapides si le -télégraphe arrivait jusqu'à Pékin. L'Impératrice se fit expliquer le -fonctionnement du télégraphe et ordonna immédiatement de l'installer -entre Pékin et toutes les capitales de provinces. Aujourd'hui chaque -localité un peu importante possède un bureau télégraphique, et les -lignes chinoises sont reliées par le nord aux lignes russes, par le sud -aux lignes françaises, et par l'ouest aux lignes anglaises. - -Un vocabulaire des principaux caractères usuels a été composé, -comprenant environ dix mille signes idéographiques représentés -chacun par un groupe de quatre chiffres arabes, de sorte qu'on peut -télégraphier en chinois comme en n'importe quelle langue du monde. -Ce service étant infiniment plus simple à organiser que le service -postal a fonctionné tout de suite d'une façon normale; toutefois, un -télégramme de l'intérieur peut quelquefois se faire attendre trois ou -quatre jours; car l'employé, qui n'a généralement pas à transmettre -beaucoup de correspondances, n'est pas toujours à son poste et en prend -à son aise. - - - - -CHAPITRE XVI - - I. Anglais et Français dans le Yang-Tseu-Kiang.--II. Japonais et - Allemands.--III. Ce que les Français pourraient faire, et comment ils - devraient procéder.--IV. Nécessité d'apprendre la langue chinoise. - - -I.--La Chine traverse actuellement une période de crise politique et -financière. Les esprits, mécontents de la défaite subie dans la guerre -avec le Japon, et surexcités à la suite de la guerre russo-japonaise, -se sont révoltés un peu partout dans l'Empire; quelques Chinois plus -ou moins versés dans les langues et les sciences de l'occident se -sont mis à la tête d'un mouvement de réforme, la vieille Chine en -est ébranlée jusque dans sa base; il est question de parlement et, -pour le moment, déjà les assemblées provinciales se réunissent. La -Chine se réveille d'un long sommeil; elle va se remettre à vivre et -le commerce général ne pourra qu'en bénéficier. Les Anglais, eux, ont -déjà pris position et depuis longtemps; quand les premiers ports furent -ouverts deux puissances étaient plus que toutes les autres en état -d'en profiter: l'Angleterre et la France. Mais seule la première sut, -comme partout ailleurs dans le monde, tirer parti de la situation. -Négociants et capitaux affluèrent sur les rives du Houang-Pou et dans -le Yang-tseu, et bientôt l'on ne vit plus que le pavillon britannique -et l'on n'entendit plus que la langue anglaise sur tout le littoral -chinois. Cependant les Français avaient fait quelques timides essais à -Changhai et à Hankeou. Dans le premier de ces ports ils conservèrent -une situation tout à fait subalterne, dans le second ils disparurent. -Si j'en crois de vieux documents, il y avait à Hankeou, en 1864, cent -Anglais et quinze Français; les cent Anglais sont devenus mille; quant -aux Français, ils s'étaient complètement évanouis jusqu'en 1895 où -reparaissent quelques rares représentants de maisons de Changhai. Il -résulte de cette mainmise britannique sur les ports ouverts et sur le -trafic, de cet afflux de capitaux et de bonne volonté, de l'effort de -travailleurs énergiques et persévérants, que pendant cinquante ans -l'Angleterre seule a compté en Chine et que, même maintenant, malgré -les compétitions, malgré les concurrences, elle est encore au premier -rang; sa langue est devenue la langue officielle sur tous les points du -territoire chinois. - -Pourquoi donc n'avons-nous pas conquis notre place sur le marché -chinois, puisque nous en avions toute la latitude? On peut donner -beaucoup de raisons de notre effacement: la vraie est, je crois, -que nous ne sommes pas négociants, nous ne sommes pas commerçants, -nous sommes des terriens et des guerriers, et la preuve en est dans -nos occupations coloniales; nous y restons toujours, comme les -Espagnols, une manière de conquistadores. A cela s'ajoute le manque de -persévérance, de patience, et la peur de risquer. Enfin la plaie de -la France, au point de vue du commerce extérieur et du développement -des affaires avec l'étranger, c'est l'économie avare qui sévit sur -toutes les classes de la population. Cette fureur d'économiser qui nous -rend riches chez nous, brise l'esprit d'entreprise et d'initiative -personnelle. Aussi, tandis que des pays moins riches que le nôtre, -comme l'Allemagne et le Japon, prennent dans les affaires du monde une -place de plus en plus considérable, nous reculons. - -Et puis, ceux qui se décident à essayer du commerce avec la Chine -semblent ne pas s'en former la moindre idée. Le nombre de lettres -fantastiques que reçoivent nos consuls est incroyable. Je citerai deux -exemples. Une maison française propose la combinaison suivante: «Le -consul la mettra en rapport avec une maison chinoise, laquelle lui -enverra ses produits: ces marchandises seront vendues en France, mais -au lieu de l'argent réalisé par la vente, le Français, lui, qui est -marchand de conserves, enverra pour une égale somme de marchandises au -Chinois, qui les vendra et se payera ainsi.» - -Une autre maison écrit au consul d'endosser les commandes faites à elle -par une maison indigène! - -Tout cela est-il raisonnable? - -II.--Pourquoi nos maisons n'ont-elles pas, comme les Allemands et les -Japonais notamment, des représentants sur place? Nous avons institué -des écoles de commerce où se forment théoriquement des jeunes gens -qui sortent munis de diplômes, et les plus forts obtiennent des -bourses pour demeurer deux ans dans un pays étranger. Ces jeunes -gens, au lieu d'aller pendant deux ans perdre plus ou moins leur -temps, ne devraient-ils pas être employés par des maisons de commerce -et expédiés, par exemple, en Chine? Là, au centre même du marché à -exploiter, et ayant intérêt à l'exploiter au profit de la maison qui -les paye, ces jeunes gens s'initieraient à leurs métiers, apprendraient -à connaître les articles, ce qu'ils se vendent, ce qu'ils payent de -droits de douanes, le prix du fret, et enfin tout ce qui concerne -les différentes marchandises. Il leur serait facile de se procurer -sur place tous les échantillons désirables et de les envoyer à leurs -maisons qui sauraient ainsi ce qu'il faut expédier et dans quelles -conditions; quant à l'exportation, ils seraient au premier rang pour -se rendre compte par eux-mêmes de ce qui peut, avec utilité et profit, -s'exporter en France. - -De cette manière le jeune employé serait mis au courant vite et bien, -et pourrait alors créer et installer dans le pays de sa résidence une -succursale de la maison qui l'emploie et développer ses affaires au fur -et à mesure. - -Mais quelle est la maison, même considérable, qui voudrait entretenir, -un ou deux ans, un agent à ses frais sans que cela lui rapporte -immédiatement? En France on ne sait pas risquer[17]. Encore une fois -nos principes d'économie et de prévoyance rapace qui sont notre force -à l'intérieur, sont cause que nous n'osons rien tenter à l'étranger. -Pour faire, en effet, du commerce dans ces pays de Chine, il faut -savoir oser et ne pas craindre d'avoir à perdre une certaine somme -pour un apprentissage qui dans la suite fera rentrer des bénéfices; et -puis, enfin, chacun sait que dans le commerce, comme partout, plus que -partout peut-être, il faut risquer pour récolter. Or le Français n'aime -pas les risques, et je ne suis pas éloigné de croire qu'il voudrait -bien se servir des agents consulaires et des attachés commerciaux comme -d'agents de placement officiels et garantis par le gouvernement. - -[Note 17: Il est bon cependant de savoir risquer quelquefois; -en voici un exemple. Quand j'ai organisé la concession française à -Hankeou, j'ai mis nos compatriotes d'Extrême-Orient au courant de ce -qu'ils pourraient tenter, comme affaires, dans ce port qui prenait -un développement de plus en plus considérable. Notamment j'avais -conseillé la construction d'un hôtel, établissement qui n'existait -pas à Hankeou et qui, cependant, était d'une nécessité urgente, étant -donnés les nombreux Européens qui chaque semaine, chaque jour même, y -débarquaient. Un de nos compatriotes établi au Japon accourut et mit le -projet d'hôtel à exécution. Il réussit si bien que, au bout de trois -ans, il revendit son fonds avec terrain et immeuble. De là il alla -reprendre une affaire qui tombait, à Changhai, et la remit en bonne -voie; survint la guerre russo-japonaise et le blocus de Port-Arthur. -Cet homme entreprenant et énergique quitta Changhai et alla s'installer -à Nagasaki pour être au courant des nouvelles; puis, achetant trois -vapeurs, il risqua sa fortune dans le ravitaillement de Port-Arthur; il -réussit et ses bateaux passèrent malgré l'escadre japonaise. Quand la -guerre fut terminée, ce vaillant monta une compagnie de navigation à -vapeur entre Tien-Tsin et les ports du Sud. - -Que n'avons-nous seulement cinq hommes aussi énergiques dans chaque -port d'Extrême-Orient!] - -III.--Aussi, que les bateaux à vapeur finissent par remonter jusqu'à -Tchong-King, que le chemin de fer du Yunnan aille rejoindre Soui-Fou, -que la Chine soit enfin ouverte totalement au commerce étranger, les -Anglais, les Allemands, les Américains et les Japonais en profiteront, -les Français bien peu, à moins de changer leur manière de procéder. Un -consul résidant à Hankeou en 1865, 66, 67, disait déjà ces choses et -constatait avec peine le peu de succès de ses conseils! - -Aujourd'hui, que la Chine est accessible un peu partout, il serait -possible d'établir, d'accord avec des négociants chinois sérieux et -ayant une certaine surface, des comptoirs mixtes sino-français. C'est -ce que conseille en ces termes un de nos agents[18]. «Pour étendre le -rayon d'action des comptoirs mixtes (fondés avec un personnel chinois) -et faciliter l'écoulement de leurs stocks, des établissements de second -ordre, à la tête desquels seraient placés des parents ou des amis des -associés chinois, pourraient être ouverts dans les principales villes -de l'intérieur, et tout d'abord dans celles situées à peu de distance -des ports où seraient installés les comptoirs.» - -[Note 18: Rapports commerciaux et consulaires, nº 756.] - -En dehors des villes ouvertes, on ne connaît guère en Chine les -expositions périodiques, les offres exceptionnelles, la vente réclame, -l'article réclame. D'un autre côté, si les façades luxueuses ne sont -pas rares dans l'intérieur du pays (la façade a son importance en Chine -comme ailleurs), les étalages y présentent encore moins d'attrait -que sur la côte. Les boutiques y sont mal aménagées, mal tenues, -mal éclairées. Le commerçant français pourrait donc y introduire -par l'intermédiaire de son associé chinois, avec les améliorations -nécessaires, les procédés usités en Europe pour attirer le chaland. - -Quels sont les principaux articles qui entreront dans la composition -des magasins franco-chinois? - -En outre des vins et des liqueurs, des eaux minérales, des conserves, -des confitures, des beurres, des laits condensés et autres produits -alimentaires consommés surtout par les étrangers, avec quelques vins -spéciaux destinés aux indigènes, on devra y trouver un grand choix de -rubans (l'article de Saint-Étienne dont les femmes chinoises font tant -de cas), de soieries avec dessins chinois, des velours et peluches, des -satins imprimés, des reps, des fils d'or et d'argent, des flanelles -de coton, des couvertures de laine, des tulles pour moustiquaires, -un peu de mercerie et de papeterie, des instruments d'optique, -jumelles marines et de théâtre, petits télescopes, des produits -pharmaceutiques, quinine, vins fortifiants, antiseptiques, savons de -toilette et en barre, parfums, pommades, eaux de toilette, bougie, -bijouterie, horloges et montres, fusils de chasse. - -Voici, d'ailleurs, comme indication complémentaire, la traduction -d'une annonce de mise en vente d'articles étrangers que je vois dans -un journal indigène. La maison chinoise qui a fait insérer cette -annonce--il s'agit d'un grand magasin sur un port ouvert--informe le -public qu'elle offre à des prix très raisonnables: des médicaments, -des longues-vues, des lanternes ordinaires, sourdes et de projection, -des lampes-appliques, des suspensions, des pompes à incendie, des -coffres-forts et cassettes métalliques avec serrure de sûreté, des -piles, coupes et sonnettes électriques, des fusils à air, des engins -de pêche, des pièges, des boîtes à musique, des phonographes et des -graphophones, des machines à coudre, des horloges, des pendules -murales, des montres et des porte-montre en ivoire, des diamants de -vitrines, des outils pour menuisiers, serruriers et horlogers, des -bicyclettes, des vélocipèdes pour enfants, des jouets, des lunettes et -conserves avec monture or et simili-or, des vernis de toutes couleurs, -des engrais chimiques. - -J'ajouterai qu'à ma connaissance, les boutiquiers de l'intérieur qui -font le commerce d'articles étrangers tiennent principalement: des -serviettes, des couvertures, manteaux et pèlerines en poils, genre -tissu poil de chameau, de petites malles en peau de porc (imitation -surtout), de la porcelaine, des conserves de poisson, des cigarettes, -des allumettes et des parasols fabriqués au Japon, ainsi qu'une grande -variété de drogues de même origine, avec du tabac anglo-américain, -des lampes à pétrole, des lanternes, des miroirs, des savons et -de la quincaillerie européenne et américaine; cuvettes, théières, -bouillottes, bols, tasses et autres récipients en fer émaillé. Comme on -le voit, dans cette partie de l'Empire ce sont les produits japonais -dont les prix défient toute concurrence qui font prime sur les marchés -de l'intérieur; mais il y a place à côté d'eux pour plusieurs articles -dont notre pays a la spécialité; les Chinois voyagent beaucoup et -s'habituent à la longue au confort européen. - -Je suis persuadé que les comptoirs ou bazars franco-chinois qui seront -organisés sur les bases et d'après la méthode que j'ai indiquées plus -haut feront d'excellentes affaires si les associés sont sérieux, -entreprenants, s'entendent bien et ont à cœur de réussir. Rien -n'empêchera, d'ailleurs, ces associations d'étendre par la suite le -champ de leurs opérations en s'occupant aussi d'exportation, soit pour -leur propre compte, soit simplement pour celui d'autres maisons. - -Les diverses provinces de l'Empire, principalement celles qui forment -le bassin du Yangtseu, et notamment le Sseu-Tchuen, offrent une grande -variété de matières premières et de produits manufacturés fort prisés -à l'étranger, et dont le trafic est par conséquent rémunérateur. On -n'ignore point qu'en dehors des soies et soieries, des tresses de -paille, des thés, des pelleteries et fourrures, des curiosités et des -porcelaines, qui font depuis longtemps l'objet d'un commerce plus -ou moins considérable avec notre pays, nombre d'autres marchandises -chinoises ont trouvé également chez nous, ces dernières années, un -écoulement facile, grâce à d'intelligentes initiatives: l'albumine -et le jaune d'œuf; les poils et les cheveux; les plumes, les fibres -(ramie, chanvre et jute); cornes de buffles, musc, camphre, noix de -galle, rhubarbe, antimoine, le suif animal et végétal, l'huile de bois -(wood oil), le sésame et les arachides, etc. - -Quelques maisons françaises font à Hankeou et à Changhai l'exportation -de ces matières, mais ce trafic peut considérablement augmenter. - -Les Japonais, pour leur importation en Chine, ont, les premiers, -eu recours aux procédés des annonces destinées à faire connaître -leurs produits. Ces dernières années diverses maisons américaines -et anglaises ont suivi leur exemple, et elles n'ont pas eu lieu -de s'en repentir. On peut voir aujourd'hui, collées aux murs par -centaines, dans les rues les plus fréquentées des principaux marchés -de l'intérieur, et même dans les villages, de grandes feuilles ornées -de dessins aux couleurs vives représentant telle ou telle marque -étrangère, et sur laquelle se détachent très nettement quelques -caractères chinois renseignant le public sur la nature et l'origine -des produits mis en vente et en faisant l'éloge. Quelques-unes de ces -affiches sont composées avec goût et attirent tout particulièrement les -regards des passants. Il est évident que c'est là un puissant moyen de -réclame: il permet aux fabricants étrangers de répandre leurs marques -par toute la Chine; celles-ci s'imposent fatalement à l'attention -des consommateurs qui finissent par se laisser tenter. Je ne puis -que conseiller à nos négociants d'adopter à leur tour ce procédé si -pratique. Si les Japonais continuent à dépenser de grosses sommes en -affiches chinoises illustrées, c'est qu'apparemment ils y trouvent leur -profit. - -Quant aux catalogues de marchandises, il faut qu'ils soient en anglais -et en chinois: c'est ce que comprennent fort bien les Allemands et les -Belges qui inondent la Chine et le Japon de catalogues et d'annonces en -anglais et en chinois ou japonais. Les prix-courants de même doivent -être en chinois avec les prix en monnaie ayant cours en Chine. - -Au reste, partout on reconnaît la supériorité commerciale des Belges; -il n'y a qu'à voir leurs sociétés Chine-Belgique, et Japon-Belgique. -Ce ne sont pas des assemblées de voyageurs, d'artistes et de -collectionneurs: ce sont des sociétés commerciales; les renseignements -les plus complets et les annonces y sont en français, en anglais, en -chinois ou japonais, et ce sont des annonces et des renseignements -commerciaux; les bulletins sont imprimés non pas sur papier de luxe, -mais en grand nombre et distribués partout, jusque sur les paquebots -d'Extrême-Orient. - -L'envoi d'échantillons aux maisons chinoises honorablement connues et -qui sont susceptibles de faire des commandes devrait exister sur une -grande échelle, sur une très grande échelle. Et c'est justement à quoi -nos maisons de commerce répugnent; je me rappelle avoir demandé une -fois des échantillons de drap pour une maison chinoise très sérieuse; -on les lui a fait payer! Le résultat ne s'est pas fait attendre. -Stupéfaite du procédé, elle a payé les échantillons, mais s'est -adressée en Angleterre pour avoir ce qu'elle voulait. - -Il ne faut pas, en expédiant des échantillons, se contenter d'envoyer -des boîtes, des flacons minuscules, insignifiants, qui ne permettent -généralement pas au client de se rendre un compte exact de la valeur -de la marchandise. Qu'on fasse les choses plus largement, avec moins -de parcimonie, afin que les indigènes soient mieux à même d'établir -des comparaisons entre les divers produits qui leur sont offerts, et -aussi pour qu'ils aient, de suite, une bonne opinion de la maison qui -cherche à entrer en rapport avec eux. Ce à quoi il faut viser avant -tout, c'est à inspirer confiance et à asseoir une fois pour toutes la -renommée d'un produit. Voilà la suprême habileté commerciale. Qu'on -s'impose donc pour atteindre ce précieux résultat quelques sacrifices -si c'est nécessaire. Qu'on distribue dans les ports ouverts, qu'on -fasse distribuer dans l'intérieur du pays des paquets, des caisses -d'échantillons et que ceux-ci, je le répète, au lieu d'être de -dimensions réduites, représentent exactement la marchandise telle -qu'elle sera livrée à l'acheteur. La dépense sera nécessairement assez -forte, mais elle sera sûrement compensée par de nombreuses commandes. -Tandis que la distribution de modèles insignifiants risquera fort de ne -laisser derrière elle aucune trace; on n'aura fait, au bout du compte, -que gaspiller et son temps et son argent. En somme, il ne faut point -perdre de vue qu'on ne saurait faire trop d'avances aux futurs clients -et ne jamais hésiter à les relancer jusque chez eux, de manière à leur -imposer pour ainsi dire la marchandise. - -IV.--Les jeunes Français qui viennent s'établir en Chine pour y tenter -quelque entreprise commerciale devraient se mettre, dès leur arrivée -dans le pays, à étudier la langue mandarine ordinaire, c'est-à-dire -la langue non littéraire, que l'on parle dans la bonne société et -que, dans toutes les provinces, de Pékin à Canton, de Changhai -à Tchong-King la majeure partie des commerçants comprennent; la -connaissance d'un dialecte local a beaucoup moins d'utilité. Il est -moins difficile qu'on ne le pense d'arriver à posséder suffisamment -cet idiome pour pouvoir conclure soi-même un marché, se passer -d'interprète en voyage, etc... Il suffit généralement pour cela de -deux années de travail assidu. La plupart des jeunes employés de -commerce allemands s'astreignent, dès qu'ils ont mis le pied sur le sol -chinois, à étudier la langue du pays et, après une année de séjour, -ils sont déjà en mesure de soutenir une conversation facile avec un -indigène. Quant aux chefs de maisons allemandes, presque tous parlent -chinois couramment. Aussi réussissent-ils là où d'autres échouent. -C'est à cette connaissance de la langue, qui leur donne une grande -supériorité sur leurs rivaux, qu'ils doivent certainement une part de -leur succès. Sachant s'exprimer en chinois, et étant par conséquent -tout à fait au courant des mœurs, des usages, des rites chinois, ils -peuvent, à l'imitation des Japonais qui sont passés maîtres en cet -art et en retirent le plus grand profit, entrer en rapports suivis -avec le haut commerce chinois, gagner sa confiance et son estime. -Ils sont mieux considérés, on ne les regarde plus, dans ce monde un -peu fermé, comme des étrangers, mais comme des amis, on cause avec -eux des questions locales ou générales susceptibles d'influencer le -marché. Ils connaissent mieux que personne les besoins de la place; -ils sont informés les premiers des occasions favorables qui peuvent -se présenter; ils achètent, par suite, à meilleur compte que leurs -concurrents et obtiennent des commandes plus facilement qu'eux. Et -c'est surtout quand il y a une transaction importante à conclure, une -affaire délicate à régler, qu'ils ont lieu de se féliciter de pouvoir -se passer d'intermédiaires. Nos jeunes négociants feront donc bien de -suivre l'exemple que leur donnent les Japonais et les Allemands, et, -depuis peu, quelques Américains sur les conseils de leurs chambres de -commerce. C'est là une condition du succès. - -Depuis longtemps déjà des conseils de ce genre, et de tout genre, -d'ailleurs, ont été donnés à nos négociants. Trop peu d'entre eux les -ont suivis; la France occupe une situation infime dans le commerce -chinois: elle achète des soies qu'elle exporte, mais n'importe à peu -près rien[19]. - -[Note 19: Il n'y a, d'ailleurs, pour se convaincre de notre -infériorité, qu'à lire les statistiques du commerce extérieur: en -1890 notre commerce extérieur atteignait 8.190 millions; en 1905 -il a atteint 9.438 millions; mais pendant le même temps, celui -de l'Allemagne passait de 9.342 millions à 15.924, et celui de -l'Angleterre de 17 milliards à 22 milliards; pendant la même période -les transactions des États-Unis doublaient. - -J'estime que c'est faire œuvre de bon Français que de dénoncer toujours -et partout notre laisser-aller. Si cela seulement pouvait être utile!] - -En somme, à l'heure actuelle, l'Européen peut trafiquer dans toute la -Chine, et notamment sur le Yang-tseu; depuis son embouchure jusqu'au -Sseu-Tchuen, de nombreux ports ouverts lui permettent soit d'importer -ses marchandises, soit d'exporter les produits du pays; une province, -la dernière ouverte aux étrangers, a surtout attiré les vues des -puissances, et cette province est le Sseu-Tchuen qu'on se figure, à -tort ou à raison, renfermer des trésors et contenir une population -riche capable d'absorber une quantité relativement grande de produits -européens. Mais le Sseu-Tchuen n'est pas pour le moment abordable aux -vapeurs et, le fût-il jamais, il est bien évident que ce ne sera pas -immédiatement, ni du reste dans un avenir très rapproché. Aussi les -puissances les plus proches du Sseu-Tchuen par leurs possessions, -l'Angleterre et la France, ont-elles eu l'idée de détourner le commerce -de Tchong-King et Tchen-Tou par le Yunnan à l'aide de la voie ferrée. -Déjà les Français ont atteint Yunnan-Fou avec le rail, et il suffirait -maintenant pour eux de continuer la ligne vers Souifou sur le Yangtseu; -mais en dehors des difficultés politiques avec la Chine qui entend dès -maintenant construire elle-même les voies ferrées sur son territoire, -il y a la question des difficultés matérielles, et elles sont -considérables. Si nos ingénieurs ont déjà eu de la peine à atteindre -Mong-Tseu, ils auraient encore bien plus de travail à accomplir pour -atteindre, par delà Yunnan-Fou, à Tong-Tchuan, le bassin du Yangtseu. -D'ailleurs, je ne crois pas, ainsi que je l'ai dit plus haut, que, -même achevé et marchant régulièrement, ce chemin de fer détourne -jamais le commerce du Sseu-Tchuen sur Haiphong; il préférera toujours -la voie fluviale, moins chère pour aller à Changhai, port central de -l'Extrême-Orient, à la voie ferrée, beaucoup plus chère, pour gagner -Haiphong, port fort mal situé et n'étant pas, ne devant jamais être, à -cause de sa situation même, un marché très fréquenté. - -De notre côté donc, il y a peu de chose à espérer. - -Du côté anglais, par Bhamo, Teng-Yueh, Yong-Tchang-Fou et Tali, il y -aurait peut-être plus à faire si les immenses chaînes de montagnes -qui bordent les deux rives de la Salouen et du Mékong parvenaient à -être franchies. C'est là, en effet, le point difficile, la pierre -d'achoppement du projet des Anglais. Depuis des années leurs ingénieurs -étudient le passage de Teng-Yueh à Tali. Arrivé à Tali, l'établissement -de la ligne n'offrirait plus de difficultés insurmontables; évidemment -ce ne serait pas sans beaucoup de temps et d'argent, mais enfin la -ligne se ferait, et alors, de Tchong-King par Tali, Teng-Yueh et Bhamo, -le chemin de fer irait rejoindre Rangoon en attendant que par Mandalay -et Chittagong il puisse aller gagner Calcutta. Il est probable que la -réalisation de ce projet est dans les contingences futures, et alors le -commerce du Sseu-Tchuen aurait évidemment tout intérêt à suivre cette -voie qui lui épargnerait un parcours énorme. Mais les montagnes de la -Salouen et du Mékong pourront-elles être bientôt franchies? Tout est là. - -Quoi qu'il en soit, la situation de l'Angleterre, malgré notre chemin -de fer de Yunnan-Fou, est en fin de compte meilleure que la nôtre; -elle pourrait, en effet, voir ses lignes de chemin de fer de l'Inde -rejoindre celles de la Chine et ne faire qu'un grand tronçon direct de -Bombay à Changhai. - - - - -CHAPITRE XVII - -I. Corporations, clubs et sociétés secrètes en Chine.--II. Les Taiping -dans le Yangtseu.--III. Conclusion. - - -I.--Nul pays plus que la Chine, à mon sens, ne pratique le système des -associations, associations de parenté, d'intérêts, de professions, -voire de non-professions, puisque les mendiants eux-mêmes sont -associés. Les associations de parenté sont des réunions des gens -portant le même nom de famille et unis pour défendre leurs intérêts -familiaux et de clan. Les corporations d'ouvriers se réunissent -pour délibérer sur tout ce qui intéresse leur métier; celles de -négociants sur tout ce qui regarde leur commerce: prix courants, taux -des salaires, célébration des fêtes de leurs patrons. Mais les plus -intéressantes sont les associations de gens de la même province vivant -dans une autre province; dans toutes les grandes villes de l'Empire, -souvent même dans des villes de moindre importance mais où il se -fait un certain commerce, les voyageurs et les marchands d'une même -province, qui parlent le même dialecte, observent les mêmes usages -et ont les mêmes intérêts construisent un local plus ou moins vaste, -plus ou moins riche, suivant leurs ressources; ils s'y rassemblent -pour traiter de leurs affaires, prendre une tasse de thé et de temps -en temps donner des fêtes. Si des compatriotes de la même province se -trouvent de passage, sans logement, sans hôtel, ils trouvent là le -gîte et le couvert, et les malheureux sont toujours certains d'y être -secourus. Quelques-unes de ces maisons ou _houei kouan_ (maison de -l'assemblée, club, pourrait-on dire) sont réellement très luxueuses; -dans les grandes villes comme Changhai, Hankeou, ce sont de vastes -bâtiments bien aménagés à l'intérieur, et où les chambres sont ornées -de peintures et de sculptures souvent jolies. A Hankeou notamment, le -houei kouan du Chen-Si-Kansou est peut-être le plus beau monument de la -ville. - -Toutes ces associations sont, bien entendu, absolument pacifiques; -cependant, dans telle circonstance où l'autorité leur semble avoir -dépassé ses droits, elles ne craindront pas de résister, et elles -triompheront souvent du mauvais vouloir des mandarins. Jamais -cependant elles ne susciteront ni révolte ni querelle sans motifs, et -elles feront toujours entendre tranquillement mais fermement leurs -réclamations à l'autorité. - -Il n'en est pas de même des sociétés secrètes qui, à l'abri de rites -impénétrables, et dans un but religieux en apparence, mais politique -en réalité, ont souvent menacé l'existence de l'Empire. La Chine -est le réceptacle des sociétés secrètes: conspirateurs, fanatiques, -mécontents, ambitieux, malfaiteurs, tout ce monde se réunit sous la -bannière de diverses sociétés redoutables, en dépit de leurs noms -inoffensifs. La plus ancienne est celle du «Nénuphar blanc» (Pei lien -kiao) qui aurait, d'après ses adeptes, deux mille ans d'existence. -Chaque postulant est soumis à un serment avant d'y être admis: il jure -de croire et de pratiquer au prix de son sang et de sa vie tout ce -qui lui sera enseigné ou commandé, et il se voue, s'il venait à être -parjure, à la mort et à la malédiction éternelle des frères. Beaucoup -de femmes font partie de cette société; celle-ci a sa hiérarchie, -tout comme la franc-maçonnerie en Europe, à laquelle elle ressemble -d'ailleurs en tant qu'organisation; elle possède des _experts dans les -rites, des sous-préfets, des docteurs de la loi, un président de la -justice_; enfin le chef suprême porte le nom de _Wouang, le roi_. Dans -chaque province elle a des maisons de réunion, et si les femmes y ont -accès, du moins ne sont-elles pas admises aux dignités et aux emplois. - -Le Pei lien kiao, au commencement de ce siècle, alluma l'incendie -et provoqua la révolte dans une partie de l'Empire sous le règne de -Kia-King (1796-1821), et pendant dix ans résista à ses troupes. La -société de la Triade ou des Trois points (San tien houei) est du -même genre. C'est elle qui, au début, prêta son appui à la fameuse -insurrection des Taiping qui prit naissance dans la province du -Kouang-Si vers 1850, sous la direction d'un certain Hong-Sieou-Tsouen, -et qui s'étendit comme une traînée de poudre sur la Chine entière, -principalement dans les provinces bordant le Yang-Tseu-Kiang. Ce -Hong-Sieou-Tsouen fut-il un illuminé ou joua-t-il l'illuminé pour -s'attirer des disciples? Toujours est-il qu'il exerçait sur eux un -charme qui les entraîna loin. Il était lui-même fils d'un fermier et -était né en 1813. En 1833 il essaya de passer un examen à Canton, mais -il fut refusé. Pendant qu'il résidait dans cette dernière ville, il eut -l'occasion d'avoir entre les mains un certain nombre de brochures sur -le christianisme, mais il négligea de les lire. Désespéré de son échec -aux examens, il tomba malade et crut voir dans son délire un homme qui -lui remit un sabre pour combattre et détruire tous les êtres humains -qui s'étaient écartés de la bonne voie. Ce songe devait avoir une -grande influence sur sa vie future. - -Vers 1843 il se présenta de nouveau aux examens; mais il fut une -seconde fois refusé; c'est alors qu'il se décida à lire les brochures -chrétiennes, petits tracts protestants, qu'il avait depuis si longtemps -en sa possession. Il y vit une corrélation avec le songe qu'il avait -eu, et se crut dès lors destiné à être le souverain de la Chine. Il -imagina une sorte de christianisme spécial et se mit à détruire les -idoles; il prêcha et convertit un nommé Yun-Chan. Ce dernier obtint -un brillant succès et en peu de temps fit deux mille convertis. Tous -deux préparaient en silence leurs plans de révolte; mais les choses, -malheureusement pour eux, furent brusquées par les mandarins eux-mêmes, -qui voyaient d'un mauvais œil les réunions provoquées par les deux amis. - -Alors commença la destruction des temples, la lutte contre l'autorité. -Deux commissaires, Sai-Song a et Ta-Hong a furent désignés pour -réprimer la révolte; mais les troupes impériales furent battues -partout; les Taiping s'emparèrent de Nankin en 1853, et en firent leur -capitale. - -[Illustration: _Mandarins en grand costume._] - -II.--Cette rébellion des Taiping est l'une des plus sérieuses et des -plus longues qui aient éclaté en Chine dans les temps modernes, et -les provinces de la vallée du Yangtseu ont eu particulièrement à -en souffrir. Le premier acte de révolte fut, en 1850, la prise de -la petite ville de Lien-Tcheou, dans le Kouang-Si, que les rebelles -fortifièrent; mais ils s'aperçurent bien vite que cette place ne leur -serait d'aucune utilité et ils l'abandonnèrent pour occuper Tai-Tsoun. -L'ordre et la discipline qui au début régnaient parmi les Taiping -attirèrent dans leurs rangs de nombreux adhérents, et notamment les -chefs de la société _Les trois points_. Ces derniers, cependant, ne -restèrent pas longtemps des alliés fidèles; car ils n'avaient pas pour -but, comme les Taiping, de renverser la dynastie régnante. - -C'est à Tai-Tsoun que Hong-Sieou-Tsouen lança ses premières -proclamations comme fils du Ciel; il s'empara ensuite de la ville de -Yan-Ngan et essaya de marcher sur la capitale du Kouang-Si, Kouei-Lin, -d'où il fut repoussé par les troupes impériales et qu'il renonça à -occuper; il détourna ses troupes vers le Hounan et s'empara d'une place -forte qui lui donnait le commandement de toute la région arrosée par -la rivière Siang. Il parvint très rapidement à Tchang-Cha-Fou et de là -envahit le Yang-Tseu-Kiang. Ayant, en effet, essayé en vain pendant -trois mois de prendre la ville murée de Tchang-Cha, il la laissa -derrière lui après avoir ravagé et dévasté le pays aux environs et, -franchissant le lac Tong-Ting, il lança ses bandes sur Wou-Tchang et -Han-Yang qui furent occupées sans grande résistance. Rien alors ne -s'opposa plus aux progrès des Taiping; poursuivant leur chemin le long -du grand fleuve, ruinant tout, détruisant tout sur leur passage, ils -s'emparèrent de Ngan-Kin (province du Ngan-Houei) et de Kieou-Kiang -(province de Kiang-Si) et finalement, le 8 mars 1853, ils entrèrent -dans Nankin dont, ainsi que je l'ai mentionné plus haut, ils firent -leur capitale. - -Les succès des Taiping avaient été extraordinaires; il est vrai de dire -que les troupes impériales, mal conduites et sans organisation aucune, -n'opposaient qu'une bien faible résistance aux insurgés. Hong, en -effet, put envoyer plusieurs milliers d'hommes à la conquête de Pékin, -et cette armée arriva près de Tien-Tsin, après avoir battu toutes les -troupes impériales envoyées contre elle, et avoir en six mois traversé -quatre provinces, pris vingt-six villes, semé la ruine et la famine -partout où elle passait. - -Cependant Pékin ne fut pas pris et les rebelles regagnèrent le Yangtseu -en 1855, après avoir tout saccagé autour de la capitale. La division -s'était mise dans leurs rangs, et ils s'étaient forcément affaiblis; -ils pouvaient se battre et conquérir, non organiser, et ils n'avaient -rien à mettre à la place du système de gouvernement qu'ils prétendaient -renverser. Un an après leur retour dans le Yangtseu, ils ne possédaient -plus que Nankin et Ngan-King, où ils étaient assiégés par les troupes -impériales. Ils firent cependant, le 6 mai 1860, un nouvel effort, -battirent leurs assiégeants, les dispersèrent et allèrent s'emparer -de Sou-Tcheou dont ils massacrèrent la population avec la plus atroce -barbarie. Ils s'avancèrent alors sur Changhai qui, grâce aux Européens, -fut hors de leur atteinte. - -C'est alors que le gouvernement impérial, sentant son impuissance -et sa faiblesse vis-à-vis des rebelles, demanda l'assistance des -Européens pour venir à bout des Taiping. Un américain, nommé Ward, -réunit une petite armée et reprit Song-Kiang, près de Changhai; il fut -tué dans la bataille, mais un compatriote prit sa succession dans le -commandement de la petite armée qui, à cause des prouesses accomplies -par elle fut surnommée: _l'armée toujours victorieuse_. Il fallait en -finir; le colonel anglais Gordon fut chargé de poursuivre les insurgés; -en juillet 1864 il réoccupait Nankin et, dans l'espace d'un an, les -Taiping chassés de partout se débandèrent et n'offrirent plus aucune -résistance. La révolte était réprimée. - -Neuf provinces avaient été ruinées; des millions de vies humaines -avaient été sacrifiées. Les Taiping étaient vaincus mais non les -sociétés secrètes; et on le vit bien, il y a dix ans, lorsqu'en 1900 -la société des Boxeurs (Yi-Kiuen-Houei) voulut recommencer à Pékin ce -que les Taiping avaient fait à Nankin. (Il est vrai qu'ici ils étaient -soutenus, non combattus par le gouvernement, lequel d'ailleurs aurait -été culbuté s'ils avaient réussi.) - -Ces sociétés ont des rites secrets inconnus aux simples mortels, et -les grands chefs font croire aux adeptes une foule de stupidités et -d'insanités très bien acceptées par les âmes naïves. Ainsi les chefs -boxeurs avaient persuadé à leurs troupes qu'elles étaient invulnérables -à la suite de certaines incantations et de certaines cérémonies, et -qu'elles pouvaient se présenter sans crainte aux coups de fusils! Leur -persuasion a dû être de courte durée; mais à l'époque de la révolte, -on citait à Pékin des faits de ce genre: des soldats boxeurs s'étaient -exposés bénévolement au feu de leurs camarades, les uns et les autres -convaincus que les balles s'aplatiraient sur leurs poitrines; et -la mort des uns était expliquée par les autres d'une façon toute -naturelle: ils n'avaient pas procédé aux incantations selon les rites. - -Parmi les autres sociétés politiques on peut citer le Tsai-Li-Houei -(société de l'idéal), moins connu que les deux autres; le Ko-Lao-Houei -(les vieux frères) qui fit tant de mal dans le Yang-tseu en 1890 et -1893-95; les Tchang-Tao-Houei (les longs couteaux). - -Comme confrérie religieuse, on remarque le Yen-Wouang-Houei ou -Confrérie du roi des enfers, qui est en même temps une espèce de -société musicale; on n'accepte, en effet, comme adeptes que ceux qui -ont quelques notions de musique vocale ou instrumentale. Il s'agit en -effet, aux jours de fêtes de jouer de toutes sortes d'instruments afin -d'adoucir à l'égard des morts le caractère féroce de Yen-Wouang, le roi -des enfers. Les principaux instruments sont le tambour et la flûte et -l'ensemble produit une cacophonie des plus remarquables. - -Parmi les sociétés dont le but est utile ou humanitaire, je citerai: -les sociétés de sauvetage (Fou-Che-Houei), les sociétés de pompiers -(Ho-Houei) et la confrérie pour récolter les ossements abandonnés et -leur donner une sépulture (Yen-Ko-Houei). - -L'une des sociétés philanthropiques les plus parfaites qu'ait connues -la Chine, et dont l'origine remonte, dit-on, à Confucius, est celle du -Magnolia ou Yu-Leng-Houei. Elle a perdu son principal caractère qui -était de protéger l'innocence des enfants, de les encourager dans la -pratique des vertus et de leur inculquer le respect de l'autorité, la -piété filiale et l'amour du foyer. Chaque ville, chaque village avait -son petit groupe, et on enseignait aux jeunes associés la musique et -les jeux récréatifs et innocents. La grande fête avait lieu chaque -année le quatrième jour de la septième lune; les enfants revêtus de -leurs habits de fête, accompagnés de leurs parents, donnaient au public -une représentation de jeux et de courses, de prestidigitation et -d'adresse. Actuellement la société n'existe plus, le nom seul reste, -et il couvre une société secrète de gens sans aveu adonnés à tous les -vices. - -J'ai parlé de la société des mendiants; c'est bien l'une des plus -ennuyeuses et des plus répugnantes qui existent en Chine. Quel est -l'Européen ayant vécu dans ce pays qui n'a pas remarqué dans les rues -ces bandes de bancals, de bossus, d'aveugles, d'estropiés, déguenillés, -traînant leurs loques et poursuivant le passant jusqu'à ce qu'il ait -versé son obole, infectant les rues et poussant des cris lamentables. -Jamais spectacle plus navrant n'a frappé mes yeux, surtout quand je -voyais de malheureux enfants, presque nus, traînés par leurs pitoyables -parents ou mendiant au coin d'une rue, dans la boue glacée, sous l'œil -indifférent des passants. Que de fois ai-je dû enjamber un cadavre -absolument nu dans la rue la plus fréquentée de Hankeou, et voir le -cadavre rester là trois ou quatre jours sans que personne s'en occupe -ou y fasse attention! Oh! que la Chine a donc encore de progrès à faire -au point de vue de l'humanité et de la charité! Tous ces beaux noms de -société philanthropique ne couvrent aujourd'hui qu'un égoïsme immense; -en était-il ainsi dans la Chine d'autrefois? Est-ce la décadence de -l'Empire qui est la cause de ces horreurs? - -Les voleurs eux-mêmes ont leur association, et elle est si bien admise -que les paisibles bourgeois s'assurent contre les risques en payant -tribut au chef. Malheur à celui qui ne consent pas à servir de rente -régulière à ces bandits: sa maison est connue et, tôt ou tard, lors -d'une occasion propice elle sera cambriolée. - -III.--C'est sur cette esquisse de la vie sociale que j'arrêterai -cette étude du bassin du Yangtseu. Pour le moment, cette partie de -la Chine n'est guère intéressante que pour le négociant, l'homme -d'affaires. Le voyageur, le touriste y sont rares, et pour cause. -C'est que depuis Changhai jusqu'à Hankeou et Itchang, la nature est -triste et monotone: vastes plaines sans horizon, rivières jaunâtres, -ne sont point faites pour éveiller l'admiration, et c'est seulement -dans la Chine occidentale que l'on pourrait trouver des paysages d'un -caractère vraiment attrayant, tantôt grandioses comme dans les gorges -du Yangtseu et les montagnes du Kouei-Tcheou et du Yunnan, tantôt -gracieux et élégants comme dans les plaines du Sseu-Tchuen. Mais pour -atteindre ces régions les moyens de communication manquent, et les -rares voyageurs qui les ont parcourues étaient pour ainsi dire de -véritables explorateurs. J'ai fait moi-même plus de 2.000 kilomètres à -pied et à cheval dans la Chine occidentale, et je sais par expérience -ce que c'est que de marcher sur des routes défoncées, sur des sentiers -de chèvres et quelquefois dans les lits des torrents pour arriver dans -quelque auberge infecte où souvent on ne trouve pas une poignée de riz -et une botte de paille propre! - -Aussi faudra-t-il attendre encore quelques années, de nombreuses années -peut-être, avant que la Chine ne soit, comme le Japon ou les Indes, un -pays fréquenté par les excursionnistes; il faut attendre les chemins de -fer avant qu'il ne s'élève des hôtels confortables pour recevoir les -voyageurs sur les cimes du mont Omei ou sur les hauteurs de Tali-Fou, -comme il y en a à Nikko ou à Dardjeeling. Ce temps-là arrivera sans nul -doute, mais ce sera la génération suivante qui le verra; nous, vieux -résidents de la Chine ancienne, nous ne faisons que l'entrevoir en -rêve. - - - - -INDEX ALPHABÉTIQUE - -_Signification des principaux mots chinois usités dans le langage -géographique:_ - -_Li_, mesure de distance (500 mètres environ); _Fou_, préfecture; -_Chien_, sous-préfecture dépendant d'un Fou; _Tcheou_, sous-préfecture -dépendant du gouverneur de la province; _Ting_, sous-préfecture -frontière; _Chan_, montagne; _Kiang_, fleuve, rivière; _Ho_, id; _Hou_, -lac; _Hai_, mer. - - - A - - Atien-Tseu, 196, 232. - - Allemands, 117. - - An-Houa, 159. - - Anglais, 34, 117. - - Amherst (lord), 34. - - Amoy, 34. - - - B - - Belges, 118, 120. - - Birmanie, 195. - - Bubbling well, 64. - - - C - - Canton, 34. - - Cha-Che, 145, 146. - - Chai-Yang, 159. - - Chang-Kouan, 229. - - Chang-Chou-Long, 152. - - Changhai, 3, 34, 241. - - Chan-Toung, 14, 35. - - Chao-Hing, 79. - - Chen-Si, 3. - - Cheng-Siuen-Hoai, 74. - - Che-Nan-Fou, 124. - - Che-Lieou-Hong, 147. - - Chia-Kwan, 89, 229. - - Compagnie des Indes, 36. - - Confucius, 26. - - - F - - Fa-Pou, 49. - - Fan-Tcheng, 132. - - Feung-Chien, 152. - - Feung-Chouei, 27. - - Foutai, 50. - - Fou-Tcheou, 34. - - Français, 117, 271, 272. - - - H - - Han, 3, 196. - - Hankeou, 3, 114, 115 et suiv., 241. - - Han-Yang, 3, 114, 115. - - Han-Lin, 118. - - Hang-Tcheou, 76. - - Heng-Tcheou, 153. - - Hiue pou, 49. - - Hoa che, 40, 41. - - Hollandais, 34. - - Ho-Kien, 225. - - Hong-Sieou-Tsouen, 289. - - Hong-Kong, 140. - - Hong-Wou, 89. - - Houang-Pou, 59. - - Hou-Kouang, 113, 114. - - Hounan, 2, 14, 153. - - Houpe, 2, 14, 114. - - - I - - Itchang, 4, 6, 146-148. - - - J - - Japonais, 122, 123. - - - K - - Kaolin, 40. - - Kan-Kiang, 3, 109. - - Kan-Tcheou-Fou, 43. - - Kai-Feung, 90. - - Kai-Ping, 159. - - Ki-Yang, 159. - - Kiang, 2. - - Kiang-Si, 2, 13, 43. - - Kiang-Sou, 2, 13, 241. - - Kia-King, 48. - - Kia-Ting, 3. - - Kieou-Kiang, 7, 12, 107-109. - - Kiang-Nan, 13. - - Kin-Te-Tcheng, 39, 110. - - Kien-Long, 44. - - Kin chan, 84. - - Kiang-Ning-Fou, 90. - - Kien-Wou, 91. - - Kin-Tcheou, 146. - - Kiun-Ki-Tchou, 48. - - King-Tong, 223. - - Kong, 49. - - Kouei-Tcheou, 2, 168, 169. - - Kouei-Tcheou-Fou, 152. - - Kouan-Chien, 191. - - Kouen-Ming, 203, 205. - - - L - - Lao-Tseu, 27. - - Li-Tchuen, 2, 146. - - Li-Hong-Tchang, 4, 250. - - Li-Kiang, 24, 225. - - Li pou, 49. - - Li fan pou, 49. - - Li-Chouei, 158. - - Li-Ngan, 231. - - Lou-Chan, 7, 12, 108. - - Lou kiun pou, 49. - - Long-Wang-Tong, 149. - - - M - - Macartney (lord), 34. - - Mekong, 195. - - Min, 3. - - Ming, 44. - - Ming tcheng pou, 48. - - Miao-Tseu, 169. - - Mong-Tseu, 221, 245. - - Mong-Houa, 223. - - Mo-Hei, 229. - - Mongolie, 137. - - Montréal, 63. - - Moscou, 63. - - - N - - Nai-Ko, 48. - - Nankin, 9, 89-101. - - Nan-Siang, 75. - - Nan-Kang, 109. - - Nan-Tchang-Fou, 112. - - Nan-Tchao, 200, 201. - - New-York, 63. - - Ning-Kouo-Fou, 103. - - Ngan-Hoei, 2, 13. - - Ngan tcha che, 60. - - Nong tcheng pou, 49. - - - O - - Omei, 192. - - - P - - Pa-Tong, 146. - - Pékin, 268, 290, 291. - - Pe toun tseu, 40. - - Ping-Chang-Pa, 150. - - Ping-Chiang, 110, 159. - - Poyang, 3, 107. - - Portugais, 34. - - Pottinger (Sir Henry), 34. - - Pou-Eurl, 219-221. - - Poutong, 65. - - Pou tcheng che, 50. - - - R - - Rangoon, 52. - - Russie, 34. - - Russes, 117. - - - S - - Saïgon, 61. - - San-Francisco, 63. - - Sam lai, 13. - - Siang-Tan, 160. - - Siang-Yang-Fou, 3. - - Siang, 2, 153, 160. - - Siao-Kou-Chan, 8, 107. - - Sin-Kiu, 248. - - Sin-Tan, 8, 151. - - Siun fou, 50. - - Sibérie, 137. - - Sou-Tcheou, 3, 153, 160. - - Sou, 160. - - Soui-Fou, 227. - - Sseu-Mao, 219, 221, 226. - - Sseu-Tchuen, 2, 174, 193. - - Suez, 63. - - - T - - Ta-Tsien-Lou, 187. - - Ta-Kiang, 1. - - Tael, 52. - - Tai-Hou, 79. - - Tai-Ping-Chien, 103. - - Taiping, 288. - - Tao-te-king, 27. - - Taotai, 51. - - Tali-Fou, 197. - - Tang, 137. - - Teng-Yueh, 231. - - Tien-Hai, 197. - - Tie-Chan, 125. - - Tien-Tsin, 63. - - Ting, 51. - - Tong-Hai, 231. - - Tong-Tchuen, 187. - - Tong-Tcheou, 79. - - Tong-Ting, 2, 153, 161. - - Tonkin, 245. - - Tou-Tcha-Yuan, 47. - - Tou tcheng pou, 49. - - Tchang-Cha-Fou, 2, 153, 162, 163. - - Tchang-Tchen-Long, 118-119. - - Tchang-Te-Fou, 156, 162. - - Tchao-Tong, 187. - - Tche-Li-Tcheou, 213. - - Tcheng-Tou, 174, 177, 190. - - Tchen-Kiang, 3, 87-89. - - Tche-Fou, 51. - - Tche-Chien, 51. - - Tche-Tai, 50. - - Tche-Kiang, 35, 241. - - Tchou-Chiong, 231. - - Tchong-King, 2, 6, 180, 185. - - Tse, 161. - - Tseu-Lieou-Tsing, 175. - - Tsin-Yang-Kong, 191. - - Tsao-Tang, 191. - - Tsing, 34. - - Tsong-Tou, 50. - - Tsong li ya menn, 49. - - Tsong-Ming, 79. - - Thibet, 7, 137. - - - V - - Vancouver, 63. - - - W - - Wou, 2. - - Wou-Wang, 30. - - Wou-Song, 59. - - Wou-Si, 76. - - Wou-Hou, 103, 104, 105. - - Wou-Tchang, 120. - - Wou-Keou-Tseu, 191. - - Wou-Tsing, 232. - - Wouai-Ou-Pou, 49. - - - Y - - Yang-Tseu-Kiang, 1. - - Yang-King-Pang, 65. - - Yalong, 3. - - Yo-Tcheou, 2, 153. - - Ye-Tan, 151. - - Yeou tchuen pou, 49. - - Yong-Lo, 92. - - Yong-Tchang-Fou, 203. - - Yuan, 2, 160. - - Yuen-Kiang, 231. - - Yunnan, 2, 196, 232. - - Yunnan-Sen, 197. - - Yun-Wou-Chang, 149. - - - Z - - Zi-Ka-Wei, 64. - - - - -TABLE DES MATIÈRES - - -CHAPITRE PREMIER - -I. Le Yang-Tseu-Kiang et ses affluents.--II. La navigation sur le -Yang-Tseu.--III. Essai de navigation à vapeur sur le haut-fleuve. IV. -Les rives du fleuve et leur aspect; dangers de la navigation sur le -haut-fleuve.--V. Climat.--VI. Les provinces arrosées par le Yang-Tseu -et leurs productions.--VII. Origine des Chinois.--VIII. Caractère du -Chinois 1 - - -CHAPITRE II - -I. Type et nature du Chinois.--II. Les maisons et leur mobilier.--III. -La nourriture chinoise.--IV. La famille chinoise, le mari et la femme, -les enfants.--V. Religion et superstition, le feung chouei.--VI. Les -jeux et divertissements.--VII. Les classes de la société 19 - - -CHAPITRE III - -I. Commerce; premières relations avec l'Europe.--II. Principales -productions.--III. L'opium.--IV. Le thé.--V. Le coton, les peaux, le -musc.--VI. L'industrie; la porcelaine, sa fabrication.--VII. Industrie -de la soie.--VIII. L'industrie des métaux; le pétrole, la laque, le -vernis 33 - - -CHAPITRE IV - -I. Administration chinoise.--II. Système monétaire.--III. Différence du -tael dans chaque province.--IV. Piastres locales provinciales.--V. La -sapèque.--VI. Essai de réforme monétaire.--VII. Les poids et mesures 47 - - -CHAPITRE V - -I. Changhai (Shanghai); situation géographique.--II. Nature et -climat.--III. Les concessions; la ville européenne; services -publics.--IV. Les cités chinoises; la route d'Europe à Changhai.--V. -La population étrangère et la population chinoise; les ponts; -l'observatoire de Zi-Ka-Weï; les égouts.--VI. L'industrie européenne; -les quais; établissements du gouvernement chinois.--VII. Situation -commerciale de Changhai; importation, exportation.--VIII. Organisation -des douanes maritimes.--IX. Population étrangère d'après le recensement -de 1905.--X. Relevé commercial d'une année (1908) 59 - - -CHAPITRE VI - -I. Sou-Tcheou (Soochow); son aspect.--II. Population, commerce et -industrie.--III. Instruction publique; écoles professionnelles.--IV. -Tchen-Kiang (Chin-Kiang); sa situation, son commerce; son -industrie.--V. Nankin; sa situation, sa grandeur et sa décadence.--VI. -Historique de Nankin.--VII. L'ouverture au commerce étranger; le chemin -de fer.--VIII. Établissements publics; commerce et industrie.--IX. -L'Exposition de Nankin 83 - - -CHAPITRE VII - -I. Wou-Hou (Wuhu); ouverture au commerce étranger; situation sur le -Yang-Tseu-Kiang; les canaux; activité commerciale et industrielle.--II. -Les maisons européennes établies à Wou-Hou.--III. Exportation et -importation.--IV. Kieou-Kiang (Kiu-Kiang); description de la ville et -sa situation; les montagnes du Louchan.--V. La province du Kiang-Si; la -ville de Kin-Te-Tcheng et la porcelaine.--VI. Avenir de Kieou-Kiang 103 - - -CHAPITRE VIII - -I. Hankeou (Hankow) sa situation; la province du Houpe.--II. -Hankeou et Hanyang; ouverture de Hankeou au commerce étranger: -anglais, russe et français.--III. Concessions russe, française, -allemande et japonaise.--IV. L'essor de Hankeou; le vice-roi -Tchang-Tche-Tong et les usines de Hanyang.--V. Établissements -industriels à Wou-Tchang-Fou.--VI. Le chemin de fer Hankeou-Pékin: -les lignes nouvelles projetées.--VII. Les Japonais à Hankeou et dans -le Yang-Tseu-Kiang.--VIII. L'agriculture au Houpe, les forêts, les -mines.--IX. Le commerce, importation et exportation.--X. Le thé, -principal article d'exportation.--XI. Parts afférentes aux diverses -nations dans le commerce de Hankeou; la part de la France.--XII. -Compagnies de vapeurs, maisons françaises; nouveautés industrielles et -commerciales de Hankeou 113 - - -CHAPITRE IX - -I. Chache (Shasi) et Kin-Tcheou (Kin-Chow).--II. Itchang (Ichang) -ouverture au commerce étranger; situation de la ville; montagnes et -forêts; gorges et vallées.--III. La communauté marchande.--IV. La pêche -à la loutre.--V. Promenades aux environs d'Itchang.--VI. Les jonques; -la population; la navigation sur le Haut-Yangtseu; les rapides 145 - - -CHAPITRE X - -I. La province du Hounan; les rivières qui l'arrosent.--II. Caractère -rude de la population.--III. Fertilité du sol.--IV. Les bois du -Hounan.--V. Les richesses minières.--VI. Les industries.--VII. Routes -commerciales--VIII. Yo-Tcheou (Yochow) ville ouverte au commerce -étranger; ses transactions.--IX. Tchang-Cha-Fou (Chang-Sha-Fu) capitale -du Hounan; son commerce; difficultés rencontrées par les Européens -pour y résider.--X. La fête du dragon.--XI. Les monts Nan-Ling et les -aborigènes 153 - - -CHAPITRE XI - -I. La province du Kouei-Tcheou (Kwei chow); ses ressources; sa -capitale.--II. Les aborigènes Miao-Tseu 167 - - -CHAPITRE XII - -I. La province du Sseu-Tchuen (Szechuen); description.--II. Les -salines.--III. Les puits à pétrole.--IV. Bronzes; coutellerie; chapeaux -de paille; peaux; musc; vernis et suif.--V. Médecines.--VI. L'attention -des Européens attirée vers le Sseu-Tchuen--VII. Commerce du port -ouvert de Tchong-King (Chung-King), importation et exportation.--VIII. -Produits du Thibet exportés par Tchong-King.--IX. Considérations sur le -transport des marchandises et les voies commerciales.--X. La capitale -Tcheng-Tou (Cheng-Tu) et ses environs; promenades; le mont Omei 173 - - -CHAPITRE XIII - -I. La province du Yunnan; description; Yunnan-Sen, capitale.--II. -Histoire; le Yunnan d'autrefois; ses habitants, leurs mœurs leurs -costumes, leurs usages.--III. L'Islamisme au Yunnan.--IV. La France -et l'Angleterre au Yunnan; le chemin de fer; Sseu-Mao et Pou-Eurl; -le commerce de ces deux villes.--V. Yunnan-Fou et Mong-Tseu; voie -ferrée de Yunnan-Fou au Sseu-Tchuen, de Tali à Bhamo; commerce de -Mong-Tseu.--VI. La ville de Tali et le plateau de Yunnan-Fou; Tonghai; -beauté mais pauvreté du Yunnan 193 - - -CHAPITRE XIV - -I. Le tarif douanier chinois.--II. Octrois, accises ou likin.--III. -Situation du commerce général dans les provinces du bassin du Yangtseu -pendant l'année 1908 233 - - -CHAPITRE XV - -I. Le service de la poste en Chine. Les entreprises particulières -ou Sin-Kiu.--II. La poste faite par les douanes maritimes.--III. Le -service postal actuel.--IV. Fonctionnement du service actuel dans le -Haut et le Bas-Yangtseu.--V. Le télégraphe 247 - - -CHAPITRE XVI - -I. Anglais et Français dans le Yang-Tseu-Kiang.--II. Japonais et -Allemands.--III. Ce que les Français pourraient faire, et comment ils -devraient procéder.--IV. Nécessité d'apprendre la langue chinoise 269 - - -CHAPITRE XVII - -I. Corporations, clubs et sociétés secrètes en Chine.--II. Les Taiping -dans le Yangtseu.--III. Conclusion 285 - - - -E. GREVIN--IMPRIMERIE DE LAGNY - -[Illustration: PROVINCES CHINOISES RIVERAINES DU YANG TSEU] - - - - -LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE - - - LE P. S. COUVREUR - - =Dictionnaire Français-Chinois.= Nouvelle édition. Un - fort volume in-8º, broché 40 » - Même ouvrage, relié 45 » - - LE P. L. WIEGER - - =Bouddhisme Chinois.= Tome I: =Vinaya; Monachisme - et Discipline.= Un volume in-8º, broché 12 » - - ANTOINE CABATON - _Ancien Membre de l'École Française - d'Extrême-Orient, - Chargé de cours à l'École des Langues Orientales._ - - =Les Indes Néerlandaises.= Un volume in-8º broché, avec - carte 8 » - - M. GAUDEFROY-DEMOMBYNES - _Professeur à l'École des Langues Orientales._ - - =Les Cent et Une Nuits.= Traduites de L'Arabe. Un volume - in-8º, broché 8 » - - G. MASPERO - _Membre de l'Institut, - Professeur au Collège de France, - Directeur général du Service des Antiquités du Caire._ - - =Ruines et Paysages d'Égypte.= Un volume in-8º, - broché 6 50 - - MARCEL DUBOIS - _Professeur de Géographie Coloniale à la Sorbonne, - Président de la Société d'Économie politique nationale, - Membre du Comité de la Ligue Maritime française._ - - =La Crise Maritime.= Un fort volume in-8º écu, broché - (_Bibliothèque des Amis de la Marine_) 6 » - - MARCEL A. HÉRUBEL - _Docteur ès sciences, - Professeur à l'Institut maritime._ - - =Pêches Maritimes d'autrefois et d'aujourd'hui.= - Un volume in-8º écu, broché (_Bibliothèque des Amis de la - Marine_) 5 50 - - -2967.--Paris.--Imp. Hemmerlé et Cie.--2-11. - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA GRANDE ARTÈRE DE LA CHINE: -LE YANGTSEU *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for an eBook, except by following -the terms of the trademark license, including paying royalties for use -of the Project Gutenberg trademark. 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Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. 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GUILMOTO, Éditeur</h4> - -<h4>6, Rue de Mézières, PARIS</h4> - - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<h2 class="nobreak" id="DU_MEME_AUTEUR">DU MÊME AUTEUR</h2> -</div> - - -<p> -L'Empire Japonais et sa vie économique. Un -volume in-8º broché, avec illustrations et carte hors texte. 6 fr. -</p> - -<div class="figcenter illowp100" style="max-width: 67.8125em;"> - <img class="w100" src="images/008.jpg" alt="" /> - <div class="caption">Type de pont chinois.</div> -</div> - - - - -<h1> -JOSEPH DAUTREMER</h1> -<h3>Consul de France,</h3> -<h3>Chargé de Cours à l'École des Langues Orientales</h3> - -<h1>LA GRANDE ARTÈRE</h1> - -<h1>DE LA CHINE</h1> - -<h1>LE YANGTSEU</h1> - -<h3>LIBRAIRIE ORIENTALE & AMÉRICAINE</h3> - -<h4>E. GUILMOTO, Éditeur</h4> - -<h4>6, Rue de Mézières, PARIS</h4> - -<hr class="tb" /> - -<p><span class="pagenum" id="Page_1">[Pg 1]</span></p> - -<h2>LA GRANDE ARTERE -DE LA CHINE</h2> - -<h2>LE YANGTSEU</h2> - -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_PREMIER">CHAPITRE PREMIER</h2> -</div> -<div class="blockquot"> -<p>I. Le Yang-Tseu-Kiang et ses affluents.—II. La navigation sur le -Yang-Tseu.—III. Essai de navigation à vapeur sur le haut-fleuve.—IV. -Les rives du fleuve et leur aspect; dangers de la navigation -sur le haut-fleuve.—V. Climat.—VI. Les provinces arrosées par -le Yang-Tseu et leurs productions.—VII. Origine des Chinois.—VIII. -Caractère du Chinois.</p> -</div> - -<p>I.—Le Yang-Tseu-Kiang, dit aussi Ta-Kiang<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">[1]</a> ou -grand fleuve, et plus généralement connu des riverains<span class="pagenum" id="Page_2">[Pg 2]</span> -sous le nom de Kiang, «le fleuve», le fleuve par excellence, -prend sa source dans les montagnes du Thibet, et -se jette à la mer non loin du grand centre commercial de -Changhai. Il coule de l'ouest à l'est et, soit par lui-même, -soit par ses affluents, arrose les provinces du -Yunnan, du Sseu-Tchuen, du Kouei-Tcheou, du Houpe, du -Hounan, du Kiang-Si, du Ngan-Hoei, et du Kiang-Sou. -<i>Il parcourt donc la Chine dans toute sa largeur, de -l'occident à l'orient, et il a une longueur totale d'environ -4.845 kilomètres.</i></p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> Dans cet ouvrage, j'ai transcrit les noms chinois suivant l'orthographe -française, par la raison bien simple qu'il n'existe pas, comme -pour le japonais, de méthode internationale adoptée par tous les sinologues -des divers pays et servant à transcrire les sons chinois. Cependant, -pour les noms des ports ouverts, j'ai eu soin, à côté de l'orthographe -française, de mettre entre parenthèses l'orthographe anglaise; car -c'est sous cette dernière forme que les ports ouverts de la Chine sont -connus des étrangers. La langue anglaise est le véhicule nécessaire, -indispensable, des affaires en Extrême-Orient, et les maisons de commerce, -à quelque nationalité qu'elles appartiennent, traitent leurs opérations en -anglais. C'est un fait dont il faut tenir compte dans nos relations avec -la Chine, et nos négociants doivent se persuader que sans l'anglais ils ne -pourront rien entreprendre dans les ports de l'Empire chinois.</p> - -</div> - -<p>Sur la rive droite, dans la province du Yunnan, la première -qu'il traverse, il n'a pas d'affluents bien considérables, -mais seulement de petits torrents peu longs et -peu larges qui viennent des hautes montagnes mêler leurs -eaux aux siennes.</p> - -<p>Dans le Kouei-Tcheou, prend naissance la rivière Wou -qui s'unit au Yangtseu à quelque distance de Tchong-King, -dans la province du Sseu-Tchuen; un autre -affluent, plus petit, le Li-Tchuen, se jette dans le fleuve un -peu en aval du précédent.</p> - -<p>Dans la province du Hounan, la rivière Yuan constitue -un affluent indirect du grand fleuve en ce sens qu'elle -tombe dans le lac Tong-Ting, lequel communique avec le -Yangtseu au port de Yao-Tcheou; il en est de même de la -rivière Siang, un peu à l'est de la dernière, et qui se dirige -aussi vers le lac Tong-Ting après avoir arrosé la capitale -de la province Tchang-Cha-Fou. Enfin, le dernier affluent<span class="pagenum" id="Page_3">[Pg 3]</span> -considérable est le Kan-Kiang qui traverse la province du -Kiang-Si et se jette dans le lac Poyang, lequel communique -avec le Yangtseu au petit port de Hankeou.</p> - -<p>Les affluents de la rive gauche sont plus importants. -Nous avons d'abord le Yalong, descendu lui aussi des -montagnes du Thibet et qui rejoint le Yangtseu à la limite -des provinces du Yunnan et du Sseu-Tchuen; la rivière -Min, qui arrose la ville de Kia-Ting et se mêle au fleuve -à Sou-Tcheou; le Kia-Ting, qui a son embouchure à -Tchong-King; la Han, qui prend sa source dans les montagnes -du Chen-Si, sur les confins du Sseu-Tchuen, et -vient se jeter dans le fleuve entre Hankeou et Hanyang. -Cette rivière est l'une des plus importantes du bassin -du Yangtseu; les grosses barques peuvent la remonter -depuis Hankeou jusqu'à Siang-Yang-Fou, au nord de la -province du Houpe, et le trafic y est considérable.</p> - -<p>Depuis Hankeou jusqu'à Tchen-Kiang, premier port -ouvert à l'embouchure du fleuve, il n'existe pas d'affluents -valant la peine d'être cités.</p> - -<p>II.—Le Yang-Tseu-Kiang est navigable jusqu'à la -ville de Tchong-King, c'est-à-dire sur une longueur de -1.500 kilomètres environ. Dans cette partie de l'immense -empire chinois, le Yangtseu est non seulement la principale, -mais encore la seule voie de communication entre les -régions de l'ouest et la côte; en effet, comme il n'existe pas -de routes, tout transport se fait par eau, soit par le Yangtseu, -soit par ses affluents et les canaux ou arroyos -creusés pour les faire communiquer entre eux.</p> - -<p>Depuis Changhai jusqu'à Hankeou et Itchang les -bateaux à vapeur peuvent remonter le fleuve: grands ferry-boats -du type américain jusqu'à Hankeou, et ferry-boats<span class="pagenum" id="Page_4">[Pg 4]</span> -plus petits, à cause de la moindre profondeur des eaux, -jusqu'à Itchang.</p> - -<p>De nombreux bateaux à vapeur sillonnent le fleuve; ils -s'arrêtent à tous les ports ouverts et ils y embarquent ou -débarquent voyageurs et marchandises. Ils appartiennent -à plusieurs compagnies, dont trois sont les plus anciennes:</p> - -<p>Jardine, Metheson and Cº, propriétaire de trois vapeurs;</p> - -<p>Butterfield and Swire, avec également trois vapeurs;</p> - -<p>China Merchant Steam Ship Cº, compagnie chinoise -fondée par Li-Hong-Tchang, avec aussi trois vapeurs.</p> - -<p>A ces compagnies qui effectuaient un service régulier -de passagers venaient s'ajouter deux autres compagnies; -elles ne faisaient que le service des marchandises et ne -s'arrêtaient pas à quai dans les ports intermédiaires entre -Changhai et Hankeou.</p> - -<p>Tels étaient les services de transport entre Changhai et -Hankeou jusqu'en 1898; depuis, la concurrence s'est établie, -les Japonais, les Allemands, et même les Français ont -installé des compagnies de navigation sur le Yangtseu; -les Japonais d'abord, avec quatre bateaux, les Allemands -avec trois, et enfin les Français avec deux.</p> - -<p>La navigation sur le Yangtseu est relativement facile -dans toute la partie basse du fleuve, c'est-à-dire de Changhai -à Hankeou. A part quelques mauvais passages, -connus d'ailleurs et balisés, rien n'est plus facile que ce -voyage, à tel point que les bateaux marchent même la -nuit. Il arrive bien parfois, aux basses eaux, c'est-à-dire -en hiver, qu'un banc de sable se déplace et arrête un -bateau; j'ai même vu cinq bateaux arrêtés à la suite les -uns des autres sur un banc de sable assez mauvais, juste -avant d'arriver à Hankeou, mais c'est là une surprise<span class="pagenum" id="Page_5">[Pg 5]</span> -assez rare, et la chose, en elle-même, n'offre d'ailleurs -aucun danger.</p> - -<p>Ce qui est plus pénible, c'est la navigation entre Hankeou -et Itchang. Ici, en effet, le petit vapeur, si minime -qu'il soit, ne peut s'aventurer sans un éclaireur, une petite -chaloupe dépêchée en avant pour sonder les passages -connus, et constater s'ils n'ont pas changé par suite du -déplacement des sables. On va donc très lentement, même -si on a la chance de ne pas s'échouer; quant à moi, je me -suis trouvé trois jours dans cette situation, le navire complètement -à sec, dans l'attente du flot favorable qui devait -chasser le sable. C'est fort désagréable. Mais il faut se -résigner; il n'est pas possible de rendre le fleuve régulier -par suite de la mobilité des sables qui forment la base de -son lit.</p> - -<p>Le fleuve est, heureusement, très amplement aménagé -de phares, de bouées et de balises. Ces différentes -lumières des bouées et balises sont connues des navigateurs -du fleuve sous des noms anglais; car tous les pilotes -du Yangtseu sont anglais, ou chinois sachant l'anglais, et -d'ailleurs les cartes sont également toutes en anglais.</p> - -<p>Changhai compte quatorze feux, quatre bateaux-feux, -trente-six bouées et vingt-neuf balises; Tchen-Kiang: -onze feux, cinq bateaux-feux, deux bouées, deux -balises; Kieou-Kiang: quinze feux, dix bateaux-feux, -trois balises; Hankeou: dix-sept feux, neuf bateaux-feux, -huit balises; Yo-Tcheou: trois feux, dix-neuf bouées, -trois balises; Tchang-Cha: quatre feux, quatre balises; -Itchang: deux bouées, quatre balises.</p> - -<p>Tous les feux sont soit fixes, soit à éclat, soit tournants; -les bouées et balises peintes soit en rouge, soit en blanc<span class="pagenum" id="Page_6">[Pg 6]</span> -ou noir; placés à tous les endroits dangereux du fleuve -depuis Changhai jusqu'aux premières gorges en amont -d'Itchang, ils rendent la navigation aussi sûre que possible, -et jamais on n'entend parler d'accident, si ce n'est aux -hautes eaux quelquefois, lorsqu'un bateau, poussé par le -courant, va s'ensabler dans une rizière, chose rare d'ailleurs, -et peu dangereuse.</p> - -<p>Depuis Itchang jusqu'à Tchong-King, la navigation -devient purement chinoise; et bien que les deux villes ne -soient pas éloignées l'une de l'autre de plus de 800 kilomètres, -il faut compter un minimum de quatre semaines -pour faire le trajet; les rapides parfois terribles des gorges -du Haut-Yangtseu rendent la marche des jonques pénible -et dangereuse, et les flots jaunes du fleuve recèlent des -trésors coulés depuis des milliers d'années avec les -jonques qui les portaient. Si on pouvait aller au fond du -fleuve dans ces endroits si redoutés des mariniers chinois, -nul doute qu'on n'en retirât des sommes considérables -en lingots d'argent.</p> - -<p>III.—Les Européens ont voulu essayer de remonter -le fleuve à la vapeur depuis Itchang jusqu'à Tchong-King; -le premier essai<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">[2]</a> a été tenté par la canonnière à fond -plat «Woodcock» de la marine britannique, au mois -d'avril 1899; elle est arrivée à Tchong-King, mais assez -abîmée; en septembre 1901, les Français ont fait un essai -à leur tour, et ils ont dû y laisser leur petit bateau qui ne -pouvait plus redescendre. Les Allemands ont tenté aussi, -un peu plus tard, d'y faire remonter un navire de commerce;<span class="pagenum" id="Page_7">[Pg 7]</span> -mais ce dernier fut mis en pièces sur les rochers. -On en est donc resté aux jonques chinoises, très confortablement -aménagées d'ailleurs, et pour le loyer desquelles -on paye de 140 à 150 taels, soit environ 450 frs<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">[3]</a>.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> Une tentative avait été faite avant celle-ci par M. Little, résident -anglais de Tchong-King, au printemps de 1898, avec un petit vapeur, le -<i>Leechuen</i>; mais vu le peu de force de sa machine, il avait été obligé de -recourir au track à la cordelle.</p> - -</div> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Le Père Chevalier, le savant jésuite qui dirige avec le Père Froc -l'observatoire de Zika-Wei, près de Changhai, a fait, en 1897-98 le voyage -du Haut-Yangtseu, de Itchang-Fou à Ping-Chan-Hien, et a décrit et -illustré merveilleusement le cours du fleuve dans la région supérieure. -Son récit est complété par des observations astronomiques d'une grande -valeur, des relevés de sondages dans les différentes parties du fleuve; un -atlas fort complet forme le complément de l'ouvrage.—<i>Le Haut-Yangtseu, -de Itchang-Fou à Ping-Chan-Hien en 1897-98</i>, par le <span class="allsmcap">R. P. CHEVALIER</span>, -S.J. Changhai, 1899. (Paris, chez E. Guilmoto.)</p> - -</div> - -<p>IV.—L'aspect du fleuve et de ses rives, dans toute sa -longueur jusqu'à Itchang, est prodigieusement monotone: -vastes plaines herbeuses variant avec les champs de riz, -s'étendant à perte de vue; eaux jaunâtres l'hiver et tournant -au rouge l'été, lorsque le fleuve charrie la terre enlevée, -dans ses crues, aux montagnes du Thibet, telle est à peu -près partout la seule vue sur laquelle puissent s'arrêter -les regards. Par delà les plaines, des rangées de montagnes -dénudées, roussâtres, apparaissent de temps en -temps; pas un arbre, pas un buisson. A l'approche du lac -Poyang seulement, on découvre, dans le lointain, par delà -la petite ville de Kieou-Kiang, quelques collines boisées -formant la chaîne du Lou-Chan et où l'on distingue plus -de brousse que de hautes futaies. Les Chinois, imprévoyants, -ont tout coupé, et la terre inculte des montagnes -est entraînée de plus en plus par les pluies dans le grand -fleuve, qui charrie ces masses pour les accumuler en une -barre de sable et de boue à son embouchure.</p> - -<p>Aussi l'aspect du fleuve est-il triste, et la navigation -est d'une monotonie désespérante pour le voyageur entre<span class="pagenum" id="Page_8">[Pg 8]</span> -Changhai et Hankeou. Rien ne vient distraire la vue si -ce n'est l'arrêt aux différents ports intermédiaires, et de -temps en temps un camp chinois ou une batterie installée, -on ne sait trop pourquoi, sur quelque point plus élevé de -la rive. Avant d'arriver au lac Poyang, une île, le Petit -Orphelin, en chinois Siao-Kou-Chou, attire les regards; -elle est originale, en pain de sucre, couverte de monastères -bouddhiques tout blanchis à la chaux; et elle est la -seule distraction de ce voyage.</p> - -<p>Malgré toute la bonne volonté dont le voyageur pourrait -être doué, malgré un entraînement naturel vers l'enthousiasme, -il ne saurait être saisi par la platitude accablante -de la vaste plaine et de la non moins vaste étendue -d'eau qui s'étend de Changhai à Itchang. Il chercherait -en vain, dans le parcours pourtant si long du Bas-Yangtseu, -quelque coin où reposer ses yeux et son cerveau -fatigués de ce calme, de cette uniformité.</p> - -<p>Il n'en est pas de même, toutefois, à Itchang. Ici, l'aspect -du fleuve et de ses rives change brusquement. Dès -que l'on quitte Itchang, on pénètre dans les gorges du -Yangtseu, où l'eau, tantôt resserrée entre des falaises à -pic, semble un lac d'un calme absolu, tantôt encaissée -entre d'énormes bancs de roches, se précipite furieuse, -avec un bruit de tempête, et forme des rapides. Il y en a -ainsi plus d'une centaine depuis Itchang jusqu'à Tchong-King, -et le passage d'un de ces rapides est toujours -émouvant, quelquefois dangereux comme, par exemple, -celui du Sin-Tan, bien connu des navigateurs du haut-fleuve. -Malgré l'adresse des bateliers chinois et leur -endurance, il peut arriver que la corde casse ou que -tout autre accident se présente et fasse aller la jonque<span class="pagenum" id="Page_9">[Pg 9]</span> -à la dérive et la brise sur les rochers. Heureusement -ces incidents ne sont pas très fréquents, encore qu'il -s'en produise pourtant tous les ans; en revanche, la -nature offre ici à l'œil du voyageur une diversité de -vues qui font oublier la longueur et la difficulté du -voyage. Défilés entre des montagnes élevées et nues, -sans un arbre, sans une touffe d'herbe; gorges sombres, -creusées et recélant quelque temple rouge ou quelque -statue énorme; vallées délicieuses où poussent l'orange -et le pamplemousse, et où de jolies cascades d'eau fraîche, -ombragées de bambous et de saules, invitent à s'arrêter. -Tantôt l'aspect des lieux est sauvage et semble peu hospitalier; -tantôt, au contraire, dans une vallée bien protégée -par la montagne et où le soleil pénètre par en -haut, on éprouve une douce sensation de bien-être devant -la nature gracieuse et verdoyante.</p> - -<p>V.—Située entre le 26° et le 33° de latitude septentrionale, -la vallée du Yangtseu offre dans toute son -étendue un climat presque uniforme; les saisons sont à -peu de chose près les mêmes que dans l'Europe occidentale; -toutefois, elles sont moins marquées, et l'été est -beaucoup plus chaud. Le printemps n'existe pour ainsi -dire pas, et, dès les premiers jours d'avril, il fait très -chaud. Puis cela va ainsi en augmentant jusqu'en août; -il y a alors, tant à Changhai qu'à Nanking, Hankeou, -Itchang ou Tchong-King, entre 40° et 42° centigrades -à l'ombre. Les nuits ne sont guère moins chaudes, et il est -souvent impossible de fermer l'œil. Au mois de septembre, -quelquefois au 15 août, un orage éclate qui abaisse la -température et on peut espérer le début de l'automne. Au -moment où la chaleur est ainsi brusquement en baisse, il<span class="pagenum" id="Page_10">[Pg 10]</span> -faut faire attention aux maladies d'entrailles, particulièrement -à la dysenterie. L'automne dans toute la vallée -du Yangtseu est délicieux. Un temps frais le matin, un -ciel bleu, sans nuages, un soleil radieux et pas trop -chaud, telle est la caractéristique de cette saison qui se -prolonge depuis septembre jusqu'à janvier. Vers les mois -de novembre ou décembre, les nuits deviennent plus -fraîches, il gèle; le soleil perd de sa force, mais le ciel -reste toujours bleu. Quant à l'hiver, il dure à peu près -trois mois, janvier, février et mars, et il est parfois rigoureux; -à Changhai et à Hankeou, où les colonies européennes -sont nombreuses, on patine et on se livre à toute -espèce de sports d'hiver. Cependant le fleuve n'est jamais -gelé et le thermomètre n'atteint pas les basses températures -remarquées fréquemment même en France.</p> - -<p>En somme le climat de tout le bassin du Yangtseu est -assez sain: il est évidemment quelquefois pénible l'été, -pendant les mois de juin, juillet et août, mais le blanc -peut y vivre et bien y vivre; il y est sujet aux mêmes -maladies qu'en Europe, fièvre typhoïde, variole, maladies -des bronches, et de plus il est atteint fréquemment -de diarrhée et de dysenterie. Il est vrai que ces deux -dernières maladies ne sont pas très redoutables, car le -malade peut en trois jours être évacué à Changhai et -prendre là la mer qui le remet de suite; à condition toutefois -qu'on n'y ait pas recours trop tard.</p> - -<p>La peste n'avait pas fait de trop gros ravages jusqu'à -présent dans cette partie de la Chine, mais le choléra y -est endémique et fait des victimes tous les ans parmi les -indigènes; assez rarement il devient épidémique.</p> - -<p>Les maxima peuvent aller jusqu'à + 45° l'été et les<span class="pagenum" id="Page_11">[Pg 11]</span> -minima - 15° l'hiver; mais ce cas est rare: + 40° et -- 7° sont plus près de la moyenne.</p> - -<p>Les pluies ne sont pas particulièrement abondantes et -donnent une moyenne raisonnable; elles tombent le plus -généralement au printemps (février-mars) et un peu aussi -l'été (juin-juillet). Parfois cependant, elles sont assez -persistantes au printemps, et souvent février et mars sont -très humides; il n'y a alors pour ainsi dire pas d'hiver, -mais une saison désagréable, toute d'humidité froide.</p> - -<p>VI.—Les différentes provinces qui sont arrosées par -le Yangtseu et ses affluents ont à peu près les mêmes productions; -la population y est en majeure partie agricole -et cultive surtout le riz. Les terres y sont très fertiles et -bien arrosées, et la récolte y est rarement mauvaise. Les -immenses plaines du Bas-Yangtseu se prêtent merveilleusement -à cette culture; quant aux provinces du Haut-Yangtseu, -où les montagnes se dressent, quelquefois très -élevées, elles sont aménagées pour la culture du riz avec -un art infini: les Chinois détachent les pierres et en font -de petites murailles pour soutenir les terrasses qu'ils -élèvent sur le flanc des montagnes; ils aplanissent ensuite -les terrains et y sèment le grain; l'entreprise est pénible, -et montre qu'en Chine on ne perd pas un pouce de terrain, -là où le riz peut pousser. Pour irriguer ces rizières -élevées, les Chinois détournent l'eau des sources et des -cascades, créent des réservoirs où ils reçoivent les eaux -de pluie et font ainsi couler l'eau en descendant de rizière -en rizière jusque dans la vallée.</p> - -<p>En dehors du riz, on aperçoit dans les campagnes le -maïs, la patate douce, l'arachide, diverses espèces de -haricots, le melon, la pastèque, le topinambour, la châtaigne<span class="pagenum" id="Page_12">[Pg 12]</span> -d'eau, le chou, le navet, la carotte et en général -tous nos légumes.</p> - -<p>La vallée du Yangtseu possède le buffle qui ne sert -qu'au travail des champs, le bœuf à bosse, le mouton, le -petit poney dur et résistant, mais capricieux et souvent -méchant et irascible. La volaille y vit et y prospère -admirablement; il y a quelques années on payait encore à -Hankeou un poulet huit cents, soit 0,20 centimes, et un -canard cinq cents, soit 0,10 centimes 5; depuis la pénétration -de la civilisation européenne avec le chemin de fer, -ces prix se sont modifiés. Quant au porc, comme partout -en Chine, il court les rues.</p> - -<p>Le gibier abonde: lièvres, faisans, chevreuils se trouvent -en grande quantité; mais les environs de Changhai en -sont, à vrai dire, un peu dépourvus depuis que l'augmentation -de la colonie européenne de la ville a renforcé les -compagnies de chasseurs; il a même fallu que les municipalités, -d'accord avec les consuls, prissent des mesures -de défense contre la disparition totale du gibier. Quoi qu'il -en soit, si on remonte vers Kieou-Kiang et Hankeou et -au delà, on trouve encore des chasses productives. Le -mont Louchan à Kieou-Kiang donne asile à des troupes -de sangliers de petite espèce qu'on s'amuse à chasser -et qui fournissent un aliment fort agréable; les Chinois, -bien entendu, n'en mangent pas, ils ne touchent à aucun -gibier. Le porc fait la base de leur alimentation.</p> - -<p>Le Yangtseu et ses affluents, ainsi que les lacs traversés -par ces affluents, regorgent littéralement de poissons; on -en trouve partout, jusque dans les fossés des rizières. Il -est vrai de dire que le Chinois repeuple ses cours d'eau. -Des bateaux, qui font le commerce du frai, parcourent<span class="pagenum" id="Page_13">[Pg 13]</span> -le pays; j'ai assisté sur les bords du Yangtseu à cette pisciculture. -On élève les petits poissons dans des trous ou -fossés, en les nourrissant de lentilles de marais ou de -jaunes d'œufs, et quand ils sont assez grands on les jette -dans le fleuve. Aussi, jamais le poisson ne manque en Chine, -et le Yangtseu, en particulier, est un réservoir inépuisable. -Les Européens qui habitent les ports ouverts préfèrent le -poisson nommé Kouan-yu, ou mandarin, sans arête et -d'un goût très fin. Mais le fleuve en renferme de toutes -sortes d'espèces connues et inconnues à l'Europe. Au -printemps, l'esturgeon remonte le Yangtseu, et l'on en -pêche, même à Hankeou et à Kieoukiang, qui sont à peu -près gros comme des veaux.</p> - -<p>L'alose (Sam lai) remonte également au printemps, -mais ne va guère plus loin que Changhai, d'où on la transporte -sur tous les points du Yangtseu où habitent les -Européens.</p> - -<p>La carpe est un des poissons les plus communs de la -Chine, avec l'anguille, et les marchés des villes en sont -toujours abondamment pourvus.</p> - -<p>Les provinces les plus riches de cette partie de la Chine -sont sans conteste le Kiang-Nan, c'est-à-dire les trois provinces -du Kiang-Sou, Kiang-Si, Ngan-Hoei, et la magnifique -province du Sseu-Tchuen, considérée comme la meilleure -de toute la Chine au point de vue de la production et -de la richesse. Quelques-unes des provinces arrosées par -le Yangtseu sont assez pauvres: tels sont le Houpe et le -Hounan, le Kouei-Tcheou et le Yunnan. Cette deuxième -province est particulièrement déshéritée.</p> - -<p>VII.—Il est généralement admis que les Chinois sont -venus des environs du Tarim, et du plateau central de l'Asie;<span class="pagenum" id="Page_14">[Pg 14]</span> -ils se sont répandus dans le bassin du Fleuve Jaune, qui -forme, depuis la province du Chen-Si jusqu'à celle du Chan-Toung, -le premier habitat chinois. La vallée du Yangtseu, -qui nous occupe plus spécialement, n'a été peuplée par les -Chinois qu'au début de notre ère, lorsque la population -chinoise, augmentant sans cesse, n'a plus trouvé de place -suffisante pour vivre dans les régions où elle s'était d'abord -installée. Elle a donc dû conquérir le pays sur les aborigènes -qui, sous le nom de Miao-Tseu, occupèrent les contrées -qui forment aujourd'hui les provinces du Sseu-Tchuen, -du Houpe, du Hounan, du Kouei-Tcheou, du Kiang-Si. Puissamment -organisés, les Chinois n'eurent pas de peine à -triompher de tribus barbares éparses, sans cohésion, et, -dès le commencement de l'ère chrétienne, toutes ces tribus -avaient disparu, fondues dans l'élément conquérant et -civilisées et assimilées par lui. Aujourd'hui il existe encore -dans le Hounan, le Kouei-Tcheou et le Sseu-Tchuen quelques -petites tribus indépendantes, toutes réfugiées sur les montagnes -et qui, d'ailleurs, ne donnent plus aucun souci à -l'administration impériale. Dans d'autres provinces, notamment -au Yunnan, les aborigènes sont tellement assimilés -qu'on ne les distingue plus des Chinois. Cependant ils -conservent encore quelques usages propres et parlent une -langue distincte, bien que tous aient la connaissance du -chinois.</p> - -<p>VIII.—La vallée du Yangtseu, d'une extrémité à -l'autre, n'est donc chinoise que depuis un temps relativement -récent, par rapport à l'histoire de la Chine qui -remonterait à 2.500 ans avant notre ère. Aujourd'hui, toutefois, -elle est le grand centre; elle est la Chine commerciale -et industrielle, la partie la plus prospère et la plus active<span class="pagenum" id="Page_15">[Pg 15]</span> -de l'Empire du Milieu: c'est donc là qu'il est le plus intéressant -d'étudier le caractère du Chinois et la vie chinoise.</p> - -<p>En général les Chinois sont d'un caractère doux, calme -et peu démonstratif; dans leurs manières il règne beaucoup -d'affabilité et ils ne sont ni violents ni emportés. La modération -de leurs allures se remarque même dans le peuple. -Aussi lorsqu'un Européen a à traiter avec des Chinois, il -doit bien se garder de se laisser aller à la fougue de son -tempérament; il lui faut être de grand sang-froid et maître -de lui sous peine de passer pour un homme qui n'a pas -d'éducation. Toutefois, si, dans le commerce ordinaire de -la vie, le Chinois est doux et paisible, lorsqu'on l'a offensé -il devient violent et vindicatif à l'excès, et il ne se venge -jamais qu'avec méthode; il dissimulera son mécontentement; -il gardera vis-à-vis de son ennemi tous les dehors -de la bienséance et de la mansuétude; mais que se présente -l'occasion de se venger, il la saisira sur-le-champ, -après avoir attendu souvent des années pour exercer sa -vengeance.</p> - -<p>Il est aussi menteur, et la bonne foi, la franchise n'est -pas sa vertu favorite, surtout lorsqu'il doit traiter avec -un Européen; cependant il ne conviendrait pas d'être trop -sévère avec lui sur ce chapitre; car il pourrait peut-être -nous retourner souvent à bon droit cette critique.</p> - -<p>Ce que nous pouvons lui reprocher à plus juste titre, -c'est d'être sale; je sais bien qu'en Europe la propreté -n'est pas toujours et partout très en honneur; cependant -je ne crois pas que nous poussions la saleté au point où la -pousse le Chinois. Chez nous, même le paysan, qui ne -prend jamais de bain, change au moins de linge une fois -par semaine, c'est une espèce de propreté. Le Chinois, lui,<span class="pagenum" id="Page_16">[Pg 16]</span> -pendant la saison froide, accumule vêtement sur vêtement -au fur et à mesure que la température baisse, et c'est à -peine s'il se lave les mains et le bout du nez tous les matins. -Dès que la saison chaude se fait sentir, il enlève ses fourrures -également au fur et à mesure; aussi une famille -chinoise sent-elle horriblement mauvais. Je crois que les -seuls habitants un peu propres du Céleste Empire sont les -coolies qui, pour leurs efforts musculaires, étant vêtus -légèrement, sont obligés de laver la sueur qui les couvre -après leur travail; mais on peut dire qu'en principe, le -Chinois a peur de l'eau, surtout pour ses cheveux; un -pauvre diable même, n'ayant pas de parapluie, mettra sa -veste autour de sa tête pour abriter ses cheveux et se -laissera stoïquement mouiller le corps.</p> - -<p>Quoique en général doux et poli, quand il a ses motifs -de se mettre en colère, le Chinois devient violent et se -livre à des outrances de langage qu'on ne pourrait pas -rapporter même en latin. Le fond de sa nature est plutôt -cruel, quoique caché sous des dehors aimables; il est sans -pitié pour le pauvre et le malade, il passera à côté d'eux -sans s'arrêter ni se détourner. Que de fois dans mes voyages -ai-je rencontré, dans les rues d'une ville, ou à la campagne -sur les routes, des cadavres de gens morts sans que personne -prenne garde à eux! même des squelettes laissés -sans sépulture! Il va de soi que cette absence de pitié -s'étend aux animaux.</p> - -<div class="figcenter illowp100" style="max-width: 70.0625em;"> - <img class="w100" src="images/027.jpg" alt="" /> - <div class="caption">Monument élevé à la mémoire d'une veuve fidèle.</div> -</div> - -<p>Plus dépravé que le Japonais, le Chinois, à première -vue, paraît cependant avoir une conduite meilleure; ce -n'est là qu'une apparence; il est essentiellement licencieux -mais toujours avec dissimulation. Quoique vicieux, il -admire la vertu et la chasteté; lorsque des veuves, par<span class="pagenum" id="Page_17">[Pg 17]</span> -exemple, ont vécu seules, pleurant leur mari défunt, il les -honore après leur mort par des arcs de triomphe rappelant -le dignité de leur vie. En fait de nourriture, à part les -banquets de noces et de funérailles où il mange et boit à -l'excès, il est généralement sobre et ne fait usage que du -thé ou de l'eau.</p> - -<p>Au point de vue commercial, sauf de très rares exceptions, -il est admis par tous les Européens qui ont eu affaire -à lui, que le Chinois est essentiellement honnête et qu'on -peut compter sur sa parole, quoique l'argent ait sur lui -un pouvoir d'attraction énorme. L'intérêt est le grand -faible de la nation tout entière; il est le mobile de toutes -les actions; dès qu'il se présente le moindre profit, rien ne -coûte au Chinois, et il entreprendra les choses les plus pénibles; -l'intérêt, c'est là ce qui met la Chine dans un mouvement -perpétuel, ce qui remplit les rues, les rivières, les -grands chemins. Pour l'intérêt le Chinois fera tout. -Entendez deux mandarins, deux commerçants, deux coolies -causer dans la rue; le mot <i>tsien</i>, argent, reviendra toujours -dans la conversation.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_19">[Pg 19]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_II">CHAPITRE II</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Type et nature du Chinois.—II. Les maisons et leur mobilier.—III. -La nourriture chinoise.—IV. La famille chinoise, le mari et -la femme, les enfants.—V. Religion et superstition, le feung chouei.—VI. -Les jeux et divertissements.—VII. Les classes de la société.</p> -</div> - - -<p>I.—Le Chinois est, en général, de bonne taille; la -teinte de sa peau, que nous qualifions de jaune, n'est -pas précisément de cette couleur; sur les côtes des provinces -méridionales, à la vérité, les grandes chaleurs -donnent aux artisans, bateliers et gens de la campagne, -un teint basané et olivâtre; mais dans les provinces du -nord, ils sont à peu près aussi blancs que les Européens -et, sauf leurs yeux bridés, leur physionomie n'a rien de -rebutant; ils sont, en tout état de cause, bien mieux que -les Japonais.</p> - -<p>Chez eux la maigreur est signe de laideur; un beau -Chinois doit être gros et dodu, bien rasé et avoir les joues -bien pleines; la queue tressée qu'ils portent en guise de -coiffure leur a été imposée par les conquérants mandchoux; -car autrefois, sous les anciennes dynasties, ils -portaient leurs cheveux longs, relevés en chignon sur la<span class="pagenum" id="Page_20">[Pg 20]</span> -tête. Leurs vêtements sont de cotonnade pour les travailleurs, -de soie pour les gens de la bourgeoisie. Des pantalons -attachés aux chevilles et une ample robe de fourrure -en hiver forment leur costume habituel. Les femmes sont -plus petites que les hommes; elles portent une ample -houppelande de cotonnade ou de soie suivant leurs moyens; -leur chevelure est huilée et abondamment ornée d'épingles -et de fleurs. Autrefois on leur serrait les pieds dès la naissance -dans des bandelettes, afin de les empêcher de -grandir; mais cette coutume est aujourd'hui officiellement -abolie par décret impérial. La queue elle-même commence -à tomber en désuétude, et les Chinois qui vivent en Europe -l'ont tous coupée. Les soldats de la nouvelle armée l'ont -également supprimée. Ce qui relève beaucoup la grâce -naturelle des dames chinoises, c'est une extrême modestie -dans leur regard, leur attitude et leurs vêtements. Leurs -robes sont fort longues, leurs mains sont toujours cachées -sous des manches très larges et si longues qu'elles traîneraient -presque jusqu'à terre si elles ne prenaient pas -soin de les relever. La couleur de leurs vêtements est -rouge, bleue ou verte, selon leur goût; les dames avancées -en âge s'habillent de noir ou de violet. Les vêtements -d'apparat sont magnifiquement brodés de fils d'or représentant -des dragons, des oiseaux et des fleurs.</p> - -<p>Jamais les hommes n'ont la tête découverte ni la queue -enroulée autour de la tête quand ils parlent à quelqu'un: -ce serait une impolitesse.</p> - -<p>II.—Les Chinois aiment la propreté dans leurs maisons; -mais il ne faut pas s'attendre à y trouver quoi que -ce soit de bien luxueux; leur architecture n'est pas fort -élégante et ils n'ont guère, en fait de beaux bâtiments, que<span class="pagenum" id="Page_21">[Pg 21]</span> -les palais, les édifices publics, les arcs de triomphe et les -temples. Les maisons des particuliers sont très simples et -l'on n'y cherche que la commodité. Seuls, les riches y -ajoutent quelques ornements de sculpture sur bois et de -dorure qui les rendent plus riantes et plus agréables.</p> - -<p>D'ordinaire, ils commencent par élever les colonnes et -placer le toit; ils ne creusent pas de fondations. Les -murailles sont de briques ou de terre battue; quelques-unes -sont tout en bois et elles n'ont pas d'étages autres -qu'un grenier pour mettre les grains ou les marchandises. -La première pièce en entrant est le salon, où se trouvent -les tablettes des ancêtres, les fleurs et les brûle-parfums; -puis, derrière, une cour carrée autour de laquelle sont -les différentes chambres de l'habitation; les appartements -des femmes se trouvent tout au fond, dans l'endroit le plus -retiré. Dans les maisons riches les demeures sont disséminées -au milieu de jardins très compliqués: fleurs, -arbres, rochers, petits lacs; sauf dans les pays du nord, -la maison chinoise n'est pas chauffée; dans le nord, -chaque maison a un poêle en briques dont le foyer est -sous la maison; deux ouvertures extérieures permettent -d'allumer le feu et de laisser passer la fumée.</p> - -<p>Le mobilier chinois se compose, à peu de chose près, -comme celui des maisons européennes, de lits, tables et -chaises; un intérieur chinois ressemble fort à un intérieur -européen et la <i>vie matérielle en Chine est pour un -Européen bien plus confortable qu'au Japon</i>. Seulement -la propreté manque parfois, notamment dans les auberges -de voyageurs. Une auberge chinoise est quelque chose -d'inénarrable comme saleté et il faut avoir passé par là -pour s'en rendre compte.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_22">[Pg 22]</span></p> - -<p>III.—La nourriture du Chinois comporte deux aliments -principaux: le riz et le porc; c'est là la base du -repas. Cependant les Chinois mangent aussi du poisson, -de la volaille et des légumes. Quoique leurs viandes et -leurs poissons se servent coupés en morceaux et bouillis, -leurs cuisiniers ont l'art d'assaisonner les mets de telle -sorte qu'ils sont assez agréables au goût.</p> - -<p>Pour faire leurs bouillons, ils emploient de la graisse -de porc (qui sert à tous les usages culinaires); pour -apprêter les viandes, ils les coupent en morceaux dans -des vases de porcelaine, puis ils achèvent de les cuire -dans la graisse. En toute saison il croît une quantité -d'herbes et de légumes qu'on ne connaît point en Europe -et qu'on emploie aussi pour les sauces. Les cuisiniers de -France seraient surpris de voir que les Chinois ont porté -l'invention en matière d'assaisonnements encore plus -loin qu'eux et à bien moins de frais. Ainsi, avec de simples -fèves qui croissent dans leur pays, et avec la farine -qu'ils tirent du riz ou du blé, ils préparent une infinité de -mets tous différents les uns des autres à la vue et au goût; -ils diversifient leurs ragoûts en y mêlant diverses épices -et des herbes fortes.</p> - -<p>Leurs mets les plus délicieux et le plus souvent servis -dans un repas prié sont les ailerons de requin, les nids -d'hirondelle et les nerfs de cerf. Pour ces derniers, ils -les exposent au soleil pendant l'été et, pour les conserver, -les enferment avec du poivre et de la cannelle; quand ils -veulent en régaler leurs amis, ils les amollissent en les -trempant dans l'eau de riz, et les ayant fait cuire dans -du jus de chevreau, ils les assaisonnent de plusieurs -sortes d'épices.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_23">[Pg 23]</span></p> - -<p>Les nids d'hirondelles sont une espèce de colle de -poisson dont certains oiseaux bâtissent leurs nids sur -les côtes d'Annam et surtout de Java et de Bornéo; c'est -bien cher, parce que c'est assez rare et surtout difficile à -se procurer. D'ailleurs ce mets n'a aucun goût et c'est, -comme dit le proverbe, la sauce qui fait passer le poisson.</p> - -<p>Quant aux ailerons de requin, les voyageurs qui ont été -en Chine se rappellent en avoir vu en abondance dans -toutes les villes, suspendus aux plafonds des boutiques, -chez les marchands de victuailles, en compagnie de -canards aplatis et fumés. On les mange en sauce dans la -graisse de bœuf; c'est très gluant et plutôt lourd à digérer.</p> - -<p>Un des mets recherchés des Chinois est également -l'œuf pourri, c'est-à-dire cuit sous terre dans une couche -de chaux, cela vous a un fort goût d'acide qui rebute -bien des Européens; j'avoue que, personnellement, j'ai -trouvé cela exquis.</p> - -<p>La Chine du Nord et les pays montagneux du centre -produisent du blé et de l'orge, mais néanmoins c'est de -riz que se nourrit le plus généralement le Chinois. Le riz -pousse d'ailleurs à une latitude assez élevée et on peut -dire que toute la Chine en fournit.</p> - -<p>Comme boisson, le plus souvent, ils consomment du -thé chaud; cependant ils ne laissent pas de boire de -l'alcool et la Chine en fournit en abondance. Le plus -commun est celui de riz fermenté qui se fabrique et se -boit dans tous les pays de civilisation chinoise, depuis le -Japon jusqu'au Siam; et le plus renommé en Chine est -l'alcool de Chao Ching. Vers le nord on en fait avec le -Kao Léang ou sorgho; il est excessivement fort et enivre -rapidement.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_24">[Pg 24]</span></p> - -<p>Dans les montagnes du Yunnan, du côté de Li Kiang -fou, on prépare un alcool exquis avec du riz gluant; on -dirait du Xérès et j'en ai rapporté moi-même à dos de -mulet depuis Tali fou jusqu'à Lao Kay; il se conserve -admirablement.</p> - -<p>IV.—La famille chinoise est la base de la société; la -tribu est la cellule organique du vaste empire des Célestes, -et le plus ancien dans la tribu, l'aïeul ou le bisaïeul, le -père, dans la famille, sont les véritables gouvernants. -Car ici, l'État, contrairement à ce qui se passe dans -beaucoup de pays qui se croient plus civilisés que la -Chine, se contente du minimum de contact avec l'individu. -Il réclame l'impôt, les honneurs dus à l'Empereur -et le respect aux autorités; quant au reste il n'en a cure. -Les familles, guidées par leurs chefs naturels, se conduisent -comme elles veulent; le mandarin n'intervient pas, à -moins d'en être prié, dans les affaires des particuliers. La -justice, le châtiment le plus terrible, la mort, sont du -ressort du père de famille; il a les mêmes pouvoirs que le -paterfamilias romain. En 1893 j'ai vu, au Kiang Si, un -jeune homme de vingt ans condamné à mort par le conseil -de famille présidé par le père. Ce jeune homme était -un paresseux et un débauché; plusieurs fois on lui avait -pardonné et on avait essayé de le remettre dans le droit -chemin; comme on n'y pouvait réussir il fut jugé et condamné. -Le malheureux n'eut aucune révolte, d'ailleurs; il -se soumit avec le flegme de tout Chinois devant la mort -et fut jeté dans le lac Poyang une pierre au cou. J'ajouterai, -au reste, que je crois ce fait assez rare, ou plutôt, -s'il n'est pas rare, il se passe avec moins d'apparat et -déploiement de cérémonies.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_25">[Pg 25]</span></p> - -<p>La famille, base de la société, n'existe pas seulement -dans le présent, elle existe dans le passé et le culte des -ancêtres est la forme sous laquelle on honore les aïeux -disparus. Toute famille chinoise est une chaîne ininterrompue, -de mâle en mâle; aussi le Chinois qui n'a pas -d'enfant mâle, adopte-t-il le fils d'un parent, d'un ami; -au besoin, il se rend en cachette à l'orphelinat des enfants -trouvés où il en choisit un qu'il fera passer pour son fils. -Une famille sans postérité masculine est une famille -méprisée et malheureuse.</p> - -<p>Le premier principe, la pierre fondamentale de leur -état politique est ce sentiment de piété filiale qu'ils gardent -vivace jusqu'après la mort de leurs pères à qui ils -continuent de rendre les mêmes devoirs que pendant leur -vie; il faut y joindre l'autorité absolue que les pères ont -sur leurs enfants. De là vient qu'un père vit malheureux -s'il ne marie pas tous ses enfants; qu'un fils manque au -premier devoir de fils s'il ne laisse une paternité qui perpétue -la famille; qu'un frère aîné, n'eût-il rien hérité de -son père, doit élever ses cadets et les marier, parce que, -si la famille venait à s'éteindre par leur faute, les ancêtres -seraient privés des honneurs et des devoirs que leurs descendants -doivent leur rendre; et parce qu'en l'absence -du père, le fils aîné sert de père à ses cadets.</p> - -<p>Si le père, ou, à son défaut, le frère aîné joue le rôle -important dans la famille, il n'en est pas de même de la -femme. La femme, en Chine ne compte pas et la naissance -d'une fille dans la famille est presque considérée -comme un malheur. Si on ne les supprime point toutes, -c'est qu'il en faut bien pour avoir des garçons. On peut -dire, sans exagération, que la condition de la femme en<span class="pagenum" id="Page_26">[Pg 26]</span> -Chine est terrible. Quand il s'agit de la marier, sa famille -lui signifie simplement qu'elle épousera le fils de telle -autre famille (jusque-là c'est un peu la coutume française). -Mais quand elle est mariée, elle est la domestique, l'humble -servante de toute la famille de son mari. Aucune -intimité, aucune tendresse entre le mari et la femme. Le -mari va à ses affaires toute la journée et la femme reste à -la maison sous l'autorité de sa belle-mère qui lui rend la -vie insupportable, surtout si elle n'a pas bientôt un fils. -Aussi n'est-il pas rare de voir de jeunes femmes se suicider -de désespoir peu de temps après leur mariage.</p> - -<p>Si le Japon est le paradis des enfants<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">[4]</a>, on ne peut en -dire autant de la Chine; aussi, dans ce dernier pays, les -enfants craignent, mais n'aiment pas leurs parents. Ceux-ci -les élèvent en vue de la continuité de la famille, non -pour eux-mêmes et pour les rendre heureux. La tendresse -n'est pas le fort du Chinois. Au Japon on voit les enfants -gais, souriants, gentils, débrouillards déjà, courir les -rues et les parcs, les tout petits portés avec amour par -la maman ou la grande sœur; en Chine on voit d'affreux -petits magots empaquetés dans plusieurs couches de vêtements, -avec des visages graves, presque mélancoliques; -ce n'est pas étonnant, personne ne leur sourit jamais.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> Cf. <i>L'Empire japonais</i>, par J. <span class="smcap">Dautremer</span>, ch. <span class="allsmcap">V</span>, p. 68 et suiv.</p> - -</div> - -<p>V.—Le Chinois n'est pas religieux; l'ensemble de la -nation prend pour guide le code des livres sacrés, refondus -par Confucius et commentés par plusieurs philosophes. -Aucun peuple, soit en Europe, soit en Amérique, ancien -ou d'âge relativement moderne, n'a possédé un plus beau -code de morale que les <i>King</i> ou livres sacrés.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_27">[Pg 27]</span></p> - -<p>Aucune idée licencieuse, aucun sacrifice humain, aucune -orgie; au contraire, le respect des parents, l'humilité, -l'amour du travail et la justice: la morale chinoise est parfaitement -belle, mais malheureusement aujourd'hui elle n'est -plus pratiquée. Le Bouddhisme, qui a pénétré en Chine, -y a encore de nombreux temples et de nombreux fidèles, -mais il a dégénéré en une religion de superstitions extraordinaires, -propagées, selon toute vraisemblance, par les -disciples de Lao-Tseu, philosophe qui vivait en 600 avant -J.-C.; il a précédé Confucius, qui cependant l'a connu. La -superstition existe dans tous les actes de la vie chinoise: -elle fait partie de la nature même du Chinois, mais si elle -a saisi son âme à un tel point, cela vient des Taoistes ou -prêtres du Tao. Le Tao est la voie droite, le chemin à suivre, -expliqué par Lao-Tseu dans son livre le Tao-te-king ou -livre pour arriver à connaître la voie. D'un caractère philosophique -et moral fort élevé, ce livre n'a jamais été bien -compris par ceux qui se sont intitulés les disciples de Lao-Tseu; -et aujourd'hui leurs successeurs ou prêtres du Tao -sont de vulgaires charlatans, qui remplissent la profession -de devins.</p> - -<p>La superstition qui tient le plus au cœur des Chinois est -le <i>feung chouei</i>, littéralement le vent et l'eau; si l'on -construit une maison, il faut consulter le devin pour savoir -si le vent et l'eau sont favorables; si, par exemple, votre -voisin bâtit une maison et qu'elle ne soit pas tournée -comme la vôtre, mais que l'angle qui fait la couverture -prenne la vôtre en flanc, c'en est assez pour croire que tout -est perdu; la seule précaution qui vous reste à prendre, -c'est de faire élever un dragon de terre cuite sur votre toit; -le dragon jette un regard terrible sur l'angle qui vous<span class="pagenum" id="Page_28">[Pg 28]</span> -menace et ouvre une large gueule pour engloutir le mauvais -feung chouei; alors vous êtes en sûreté; ou bien, -devant la porte de votre maison, à deux ou trois mètres de -distance, vous faites construire un mur sur lequel un fin -lettré inscrira en énormes lettres le caractère <i>fou</i> (bonheur). -Vous êtes sauvé.</p> - -<p>On pourrait raconter beaucoup d'autres absurdités -semblables sur ce qui regarde la situation des maisons, -l'endroit où il faut mettre la porte, le jour et la manière -dont on doit bâtir le fourneau ou faire cuire le riz; mais où -le feung chouei triomphe, c'est en ce qui concerne les -sépultures; il y a des charlatans qui font profession de -connaître les montagnes et les collines dont le séjour est -favorable; ils prennent leurs mesures, consultent les astres, -exécutent une foule de simagrées et se les font payer très -cher; car lorsqu'ils ont déclaré tel endroit propice, il n'est -pas de somme que le Chinois ne sacrifie pour posséder cet -endroit.</p> - -<p>Les Chinois regardent le feung chouei comme quelque -chose de plus précieux que la vie même, persuadés que le -bonheur ou le malheur de la vie dépend de lui uniquement. -Si quelqu'un réussit dans ses affaires, si un jeune homme -passe brillamment ses examens, ce n'est ni son esprit, ni -son habileté, ni sa probité, ni son travail qui en est la -cause: c'est parce que la maison est heureusement située, -c'est parce que la sépulture de ses ancêtres est dans un -admirable feung chouei.</p> - -<p>D'autres superstitions sont d'un usage journalier; par -exemple: une jonque ne commencera pas un voyage sans -faire partir des pétards et brûler de l'encens; dans le -Yunnan la mule qui précède la colonne porte sur sa tête un<span class="pagenum" id="Page_29">[Pg 29]</span> -petit drapeau rouge avec une invocation pour qu'il n'arrive -pas malheur en route à la caravane. Quand un Chinois -meurt, il faut désenchanter sa chambre, sans quoi elle deviendrait -inhabitable pour un autre. Les Chinois attribuent -tous les effets les plus communs à quelque mauvais -génie, et ils tâchent de l'apaiser par des cérémonies: tantôt -ce sera quelque idole ou plutôt le démon qui habite dans -l'idole; tantôt ce sera une haute montagne, ou un gros -arbre, ou un dragon imaginaire qu'ils se figurent dans le -ciel ou au fond de la mer; ou bien, ce qui est encore plus -extravagant, ce sera quelque bête malfaisante qui prend -la forme des hommes pour les tromper: un renard, un -singe, une tortue, une grenouille. Aussi, que d'encens et -de pétards faut-il brûler pour se rendre ces génies propices!</p> - -<p>Ces superstitions, qui nous apparaissent naturelles dans -l'Inde, par exemple, avec bien d'autres encore, par suite -de la nature tropicale, féroce et écrasante, et du caractère -exalté des habitants, nous semblent assez bizarres, au contraire, -en Chine où la nature est calme et l'homme très -froid.</p> - -<p>VI.—Les divertissements du Chinois sont le théâtre et -la musique; divers jeux tels que le cerf-volant, les échecs, -les cartes, les dominos; mais il a parfaitement horreur des -jeux violents tels que nous les pratiquons en Europe. Le -théâtre est ambulant, il n'existe pas, comme en Europe -et comme au Japon, de constructions spéciales où se -donnent les représentations. Les troupes parcourent le -pays et là où elles sont louées par un mandarin, par un -négociant riche, elles s'installent. Des bambous et des -planches, et voilà le théâtre construit. Les femmes ne<span class="pagenum" id="Page_30">[Pg 30]</span> -jouent pas et leur rôle est rempli par de jeunes garçons. -La pièce dure généralement plusieurs jours, et les représentations -commencent le matin pour finir le soir. Les -acteurs sont revêtus de costumes bariolés et dorés; la -musique qui les accompagne est une cacophonie épouvantable -à laquelle des oreilles européennes ne peuvent -résister.</p> - -<p>Si les jeux de force et d'adresse sont peu prisés en -Chine, par contre le jeu de hasard y est universel. Dans -toutes les maisons de mandarins ou de bourgeois on joue; -les dames au fond de leur appartement fermé jouent; le -coolie dans la rue joue. Des maisons de jeu sont ouvertes -à tout venant dans toutes les villes chinoises, et le passant -peut voir, au coin d'une rue, deux ou quatre ou six porteurs -de chaises attendant la pratique et jouant leur dernière -sapèque. Ce goût du jeu a amené des négociants -chinois à spéculer et à se ruiner; ils rattrapent d'ailleurs -parfois leur fortune en quelques mois. Un des amusements -favoris des enfants comme des grandes personnes est le -cerf-volant; ils le font de papier et de soie, et ils imitent -parfaitement les oiseaux, les papillons, les lézards, les -poissons, la figure humaine; le jour principal dans l'année -pour enlever les cerfs-volants est le neuvième jour du -neuvième mois.</p> - -<p>Le jeu d'échecs est, paraît-il, très ancien et remonterait à -Ou-Wang qui régnait en l'an 1120 avant J.-C. Il ne diffère -pas beaucoup, d'ailleurs, du nôtre et renferme les mêmes -pièces.</p> - -<p>J'ai eu occasion de signaler le dédain qu'a le Chinois -pour tout sport qui exige de la force ou de l'énergie. Il n'en -était pas ainsi autrefois, lorsqu'il avait à combattre et à<span class="pagenum" id="Page_31">[Pg 31]</span> -lutter pour la conquête intégrale du pays qu'il habite -aujourd'hui; il a déployé dans les débuts et au milieu de -sa période historique des qualités de force et d'adresse, -des vertus militaires qui ne le cèdent en rien à celles -d'aucun pays; mais lorsqu'il s'est trouvé seul maître, -lorsqu'il n'a plus eu d'ennemis à vaincre, il s'est efféminé, -a délaissé les exercices physiques qui font les soldats -robustes. C'est à cette époque de paix prolongée qu'il a -sans doute trouvé ce proverbe: <i>On ne prend pas de bon -acier pour en faire un clou; on ne prend pas un honnête -homme pour en faire un soldat.</i></p> - -<p>Il verra sous peu que, si on continue à ne pas prendre -de l'acier pour en faire des clous, il faut, de toute nécessité, -prendre les honnêtes gens pour en faire les défenseurs -du pays. Les pays d'Europe qui ne veulent plus de soldats -feront bien de méditer sur l'état de décomposition de la -Chine, trop longtemps plongée dans une paix profonde où -elle va se dissolvant.</p> - -<p>VII.—Le Chinois est essentiellement démocratique; -un Chinois est l'égal de n'importe quel autre Chinois; pas -de noblesse, pas de titres héréditaires; la seule suprématie, -la seule noblesse est celle des lettres, et tout fils -du Ciel peut y arriver par son travail et son intelligence. -Il est soumis aux ordres impériaux, a le respect du trône -et des mandarins que le trône lui envoie pour l'administrer, -mais encore faut-il pour obtenir de lui ce respect que les -mandarins soient justes et probes. Si un mandarin se -conduit mal, par exemple, il sera saisi par les notables, -mis dans une chaise à porteurs, avec tous les honneurs -qui sont dus à son rang et porté en dehors de la ville; -puis une pétition sera adressée au vice-roi de la province<span class="pagenum" id="Page_32">[Pg 32]</span> -pour avoir un remplaçant plus digne de l'emploi. -Si, au contraire, un mandarin a mérité l'amour et la -confiance du peuple, lorsqu'il quitte sa résidence pour -gagner un autre poste, le peuple lui demande respectueusement -ses bottes, et, en signe de respect, les suspend à -la porte par laquelle il quitte la ville, témoignant par là -son désir de le voir revenir.</p> - -<p>En général le fonctionnaire chinois ne s'occupe guère de -ses administrés, et le peuple fait à peu près ce qu'il veut -pourvu qu'il paye ce qu'on lui demande, qu'il se tienne -tranquille et laisse le mandarin grossir en paix sa fortune. -Cependant, quand un impôt supplémentaire est décidé par -le vice-roi pour un motif quelconque (chose qui arrive -encore assez souvent), le peuple ne se soumet pas toujours; -j'ai vu le cas à Hankeou. Le vice-roi avait décidé que -chaque porc tué payerait une taxe provinciale de tant de -sapèques pendant tant de temps, afin de subvenir à un -besoin quelconque de l'administration. Le jour où on -voulut appliquer ce décret à Hankeou, pas un cochon ne -fut tué, et cela dura ainsi plusieurs jours; le peuple se -priva, mais aucun fonctionnaire n'eut de porc. Or, comme -cet animal forme, chair et graisse, la base de la nourriture -chinoise, les fonctionnaires et leurs familles furent cruellement -privés; rien n'y fit: il fallut rapporter l'édit.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_33">[Pg 33]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_III">CHAPITRE III</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Commerce; premières relations avec l'Europe.—II. Principales -productions.—III. L'opium.—IV. Le thé.—V. Le coton, les -peaux, le musc.—VI. L'industrie; la porcelaine, sa fabrication.—VII. -Industrie de la soie.—VIII. L'industrie des métaux; le -pétrole, la laque, le vernis.</p> -</div> - - -<p>I.—De tout temps le Chinois a été essentiellement -commerçant; les richesses particulières de chaque province -de l'Empire et la facilité avec laquelle les marchandises -circulent grâce aux nombreux canaux et rivières qui -couvrent tout le territoire de leur réseau mouvant, ont -rendu le commerce très florissant; chaque province, étant, -pour ainsi dire, comme un état indépendant des autres, -communique à ses voisines ses ressources, et c'est cet -échange incessant de denrées et de produits divers qui -unit entre eux les habitants et porte l'abondance dans -toutes les villes.</p> - -<p>A cet échange se bornait le commerce d'autrefois, avant -la venue des Européens. A part, en effet, quelques -relations commerciales par les caravanes avec l'Asie -antérieure et aussi avec l'Empire romain, les Chinois<span class="pagenum" id="Page_34">[Pg 34]</span> -ignoraient l'Europe. Les véritables relations avec les -Occidentaux ne commencèrent d'une façon effective qu'à -l'avènement de la dynastie actuelle des Tsing (traité avec -la Russie 1689; mission de lord Macartney 1795; ambassade -de lord Amherst 1816).</p> - -<p>Dès 1702, la Compagnie anglaise des Indes avait -envoyé à Canton un agent avec le titre de consul; les -Hollandais et les Portugais faisaient le commerce à -Canton et à Formose. Toutefois ce n'est qu'en 1840, après -des difficultés qui duraient déjà depuis de nombreuses -années, difficultés suscitées par la mauvaise volonté et -l'animosité des autorités chinoises, que les Anglais se -décidèrent à frapper un grand coup, à la suite duquel -l'Empire chinois fut ouvert au commerce de toutes les -nations étrangères, événement que consacra le traité -anglo-chinois signé à Nankin le 29 août 1842 par -Sir Henry Pottinger et les délégués chinois; ce traité -stipulait l'ouverture au commerce étranger des ports de -Canton, Amoy, Fou-Tcheou, Ning-Po, Changhai. La -France suivit l'Angleterre, les autres puissances imitèrent -ces dernières, et peu à peu, à la suite de guerres -ou de négociations, la Chine en est arrivée, à l'heure -actuelle, à être à peu près entièrement ouverte au commerce -de toutes les nations d'Europe et d'Amérique.</p> - -<p>Le Chinois a toujours passé, et passe encore aux -yeux des Européens pour un commerçant honnête; mais -il faut entendre ceci d'une certaine façon: c'est-à-dire que, -lorsque le négociant chinois vous a donné sa parole, il -s'exécute; pas n'est besoin de contrat par écrit; mais, -d'un autre côté, si vous discutez une affaire avec lui, -avant d'arriver à une conclusion, soyez persuadé que le<span class="pagenum" id="Page_35">[Pg 35]</span> -Chinois essayera de vous tromper le plus possible, et qu'il -sera on ne peut plus aise d'y avoir réussi. Une fois, -cependant, le marché conclu, si, contrairement à ce qu'il -avait espéré, les chances tournent contre lui, il s'exécutera -quand même. C'est là sa grande supériorité sur son -voisin japonais qui, lui, n'a aucune probité commerciale.</p> - -<p>II.—Les principales productions qui intéressent le -commerce européen en Chine sont d'abord: la soie dont -les marchés, actuellement, se trouvent à Changhai et à -Canton. Quoique plusieurs provinces fournissent de fort -belle soie, cependant celles du Tche-Kiang, du Chan-Tong -et de Canton sont les plus appréciées. Les soies -du Tche-Kiang et de Canton proviennent des cocons -de vers à soie du mûrier; celles du Chan-Tong, au -contraire, sont des soies provenant du ver à soie d'une -espèce de chêne, cette soie est brune: c'est le pongée du -Chan-Tong.</p> - -<p>Les Chinois jugent de la bonne soie par sa blancheur, -par sa douceur et sa finesse. Si, en la maniant, elle est -rude au toucher, c'est mauvais signe. Souvent, pour lui -donner belle apparence, ils l'apprêtent avec une certaine -eau de riz mêlée de chaux qui la brûle et qui fait que, -lorsqu'elle arrive en Europe, on ne peut dévider les écheveaux -sans les rompre constamment. La soie du Tche-Kiang -se travaille dans la province du Kiang-Nan, principalement -à Nankin, et c'est dans cette province que les -bons ouvriers se rendent; cependant, les ouvriers de Canton -ne le leur cèdent en rien, depuis surtout que les -étrangers y font ce commerce. Aujourd'hui plusieurs -fabriques de soie montées à l'européenne existent à -Changhai et dans d'autres villes; j'en parlerai plus loin.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_36">[Pg 36]</span></p> - -<p>Les pièces de soie dont les Chinois se servent davantage -sont les gazes unies et à fleurs dont ils se font des -vêtements d'été, des damas de toutes sortes et de toutes -les couleurs; des satins rayés; des satins noirs de -Nankin; des taffetas à gros grains; des crêpons; des brocarts, -et différentes espèces de velours.</p> - -<p>Avec la soie du Chan-Tong ils font une étoffe fort -serrée, qui ne se coupe point, dure beaucoup, se lave -comme de la toile; quand elle est tout à fait bien préparée, -elle est fort estimée des indigènes et elle est quelquefois -aussi chère que les étoffes de satin et que les étoffes de -soie les mieux fabriquées.</p> - -<p>Les puissances occidentales qui font la plus grande -exportation de soie sont: la France, la Suisse, l'Italie et -les États-Unis. Autrefois, c'était à Londres que s'amoncelaient -les balles, c'était Londres qui était le grand -marché des soies; mais aujourd'hui Lyon, d'abord, et -Milan, puis Zurich exportent directement sans passer par -le marché anglais.</p> - -<p>III.—L'opium est une des productions dont la culture -était à un moment donné, devenue intense dans beaucoup -de provinces de la Chine. La drogue est venue de l'Inde -et a été introduite par les Anglais qui l'ont pour ainsi dire -imposée, puisque c'est par suite de la destruction de caisses -d'opium importées à Canton par la Compagnie des Indes -qu'a éclaté la guerre de l'Angleterre contre la Chine -en 1840. Aujourd'hui la culture du pavot à opium est -interdite par ordre impérial dans toute l'étendue de -l'Empire chinois, et par suite d'un accord avec la Grande-Bretagne, -l'importation de l'opium indien diminue peu à -peu de façon à arriver à la suppression totale. Ces ordres<span class="pagenum" id="Page_37">[Pg 37]</span> -sont exécutés d'une façon rigoureuse par certains vice-rois; -et, par exemple, au Yunnan où j'ai vu partout des champs -de pavots, il n'existe à l'heure actuelle plus un seul terrain -livré à cette culture. Il est à espérer que la funeste habitude -de fumer l'opium finira par disparaître complètement -du territoire de l'Empire.</p> - -<p>IV.—Le thé est la boisson habituelle du Chinois, et les -Européens ont, déjà depuis près de trois siècles, pris -l'habitude d'en consommer une certaine quantité. Les -Russes, notamment, et les Anglais en absorbent tellement -qu'à un moment donné, des bateaux de ces deux -nations, jaugeant de sept à huit mille tonnes, venaient -charger du thé à Hankeou. Le thé de Chine croît, en -effet, sur les collines dans les provinces du Houpe, du -Kiang-Si, du Fou-Kien et du Tche-Kiang; du moins le bon -thé; car il en pousse partout en Chine, mais les Européens -n'apprécient que les thés du Fou-Kien et de la -vallée du Yangtseu. Aujourd'hui les Russes seuls exportent -le thé de Chine; car, à la suite de la maladie des -caféiers de Ceylan, les Anglais ont détruit leurs plantations -qu'ils ont remplacées par des plantations de thé; -tout bon Anglais ne boit aujourd'hui que du thé de -Ceylan, ou bien encore du thé de l'Inde ou de l'Assam -où les sujets britanniques ont essayé des plantations qui -ont parfaitement réussi. Mais, quoique le thé vienne fort -bien à Ceylan et dans diverses contrées des Indes, il est, -dans ces pays, beaucoup moins fin comme goût que le thé -de Chine; il est plus noir et renferme beaucoup de tannin. -Quoi qu'il en soit, comme il est produit en pays anglais -et qu'il est, en outre, beaucoup moins cher que le thé de -Chine, les Anglais le préfèrent à ce dernier.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_38">[Pg 38]</span></p> - -<p>V.—Le coton est cultivé dans la vallée du Yangtseu -et est consommé sur place, notamment à Changhai où se -trouvent de grandes filatures. La ramie, ou ortie de Chine, -est également cultivée dans la vallée du Yangtseu mais -elle est exportée à Canton où elle est travaillée et préparée. -On avait essayé de l'introduire en Europe, mais -malgré toutes les préparations qu'on lui a fait subir on -n'est jamais parvenu à la rendre assez souple. Parmi les -articles principaux que la Chine exporte en Europe, citons: -le jute; les tapis de poils de chèvres et de moutons; les -soies de porc, destinées à la brosserie; les crins de cheval; -les plumes de canard; les peaux de vaches et de buffles; -ce dernier article fait l'objet d'un commerce fort important, -et la préparation de ces peaux en vue de l'exportation -n'est pas toujours sans danger; car la maladie du -charbon sévit cruellement sur les bêtes à cornes dans la -vallée du Yangtseu; j'ai vu, notamment à Hankeou, bien -des coolies périr malheureusement de cette terrible maladie -contractée en préparant les peaux.</p> - -<p>Les peaux de chèvres pour gants sont aussi un des -principaux articles d'exportation.</p> - -<p>Le musc arrive principalement du Sseu-Tchuen et des -montagnes du Thibet; ce produit est énormément falsifié -et les Chinois sont tellement habiles dans ce genre de -falsifications que les Européens s'y laissent souvent -prendre. Comme c'est là une marchandise de prix, on peut -faire ainsi des pertes énormes. Parmi les autres produits -qui donnent lieu à des échanges avec l'Europe, il faut -encore citer l'huile de bois, sorte de vernis très long à -sécher et d'une odeur désagréable, mais excellent pour -préserver le bois de la décomposition; le suif végétal et<span class="pagenum" id="Page_39">[Pg 39]</span> -animal; les noix de galle; les tresses de paille, exportées -en grande quantité en Europe pour la fabrication des -chapeaux; les nattes, très inférieures à celles du Japon ou -du Tonkin; les arachides, le colza, le ricin, la graine de -coton qu'on expédie beaucoup à Marseille où elle sert à -faire de l'huile «d'olive».</p> - -<p>VI.—L'industrie, telle que nous la comprenons, n'existe -encore en Chine qu'à l'état embryonnaire. L'industrie -chinoise se borne à la fabrication des objets de consommation -locale, tels que vêtements, chaussures, meubles et -ustensiles divers; seules la fabrication de la soie et celle -de la porcelaine méritent vraiment de retenir l'attention. -On peut y joindre la laque qui sert à divers usages. Dans -quelques ports, on a installé aujourd'hui des fabriques de -coton, de soie, de métaux; il en sera parlé plus loin quand -nous étudierons chacun des ports ouverts.</p> - -<p>Le grand centre de la fabrication de la porcelaine est -Kin-Te-Tcheng, dans la province du Kiang-Si, laquelle -est comprise dans le bassin du Yang-Tseu-Kiang. Kin-Te-Tcheng -est une petite bourgade, dépendant de la préfecture -de Yao-Tcheou et peuplée de plus d'un million -d'habitants, tous porcelainiers. La porcelaine était autrefois -d'un bleu éclatant ou d'un bleu de ciel remarquable; -des ouvriers de Kin-Te-Tcheng essayèrent d'émigrer au -Fou-Kien et d'y transporter leur art, mais ils échouèrent.</p> - -<p>L'Empereur Kang-Hi, lui-même, manda à Pékin des -ouvriers du Kiang-Si, mais ils ne réussirent aucun objet. -Aujourd'hui on fabrique en Chine de la porcelaine un peu -partout, mais c'est encore à Kin-Te-Tcheng que se fait la -plus belle porcelaine. Deux matières principales servent à -la fabrication: le pe toun tseu, dont le grain est très fin<span class="pagenum" id="Page_40">[Pg 40]</span> -et qui n'est autre chose que des quartiers de rochers -qu'on tire des carrières, et le kaolin qui est une sorte de -terre blanche parsemée de petites parcelles éclatantes.</p> - -<p>Pour préparer le pe toun tseu, on se sert d'une masse -de fer destinée à briser les quartiers de roc; après quoi, -on met les morceaux brisés dans des mortiers et on -achève de les réduire en poudre très fine; on jette cette -poudre dans un grand bassin rempli d'eau et on l'agite -fortement; quand on la laisse reposer, il surnage une -espèce de crème qu'on a soin d'enlever et de mettre de -côté dans un récipient spécial. Cette crème se dépose au -fond du récipient et forme une pâte qui dégage peu à peu -l'eau qu'elle contient; lorsque cette eau paraît à la surface -complètement claire, on la rejette de façon à n'avoir plus -que la pâte; on la met alors dans des moules propres à la -dessiccation. Cette pâte est le pe toun tseu. Même quand -on l'a mise dans les moules à dessiccation, (lesquels ne -sont en somme que de grandes caisses), on a soin de faire -peser à la surface supérieure un fort poids de briques afin -d'exprimer l'eau complètement.</p> - -<p>Le kaolin ne demande pas autant de travail que le pe -toun tseu, la nature le fournit presque tout prêt à être -employé. On en trouve des mines dans les montagnes et -ce n'est, en réalité, que du granit décomposé que l'on -découvre par grumeaux; c'est du kaolin que la porcelaine -tire toute sa fermeté; c'est son mélange avec le pe -toun tseu qui donne aux objets fabriqués toute leur force -de résistance.</p> - -<p>On fait aussi de la porcelaine avec une autre espèce -de matière que les Chinois nomment hoa che (sorte de -marbre); la porcelaine faite avec le hoa che est rare et<span class="pagenum" id="Page_41">[Pg 41]</span> -beaucoup plus chère que l'autre; elle est très fine et très -légère, mais beaucoup plus fragile que la porcelaine ordinaire; -les ouvriers, d'ailleurs, la réussissent plus difficilement; -car il est malaisé de saisir le véritable moment où -la cuisson est suffisante.</p> - -<p>Avec le hoa che on trace sur la porcelaine des dessins -divers qui ressortent à cause de la différence de leur -couleur blanche, lorsque l'objet dessiné est verni et -soumis à la cuisson. On peint aussi des figures avec le -che kao, qui est une espèce de gypse; mais tandis que -le hoa che peut au besoin remplacer le kaolin, le che -kao ne peut servir qu'à exécuter des dessins.</p> - -<p>Généralement on mélange autant de kaolin que de pe -toun tseu pour les porcelaines fines; pour les demi-fines -on emploie quatre parts de kaolin pour six de pe toun -tseu, et pour la porcelaine tout à fait ordinaire on met -une partie de kaolin pour trois de pe toun tseu.</p> - -<p>Je ne m'étendrai pas davantage sur la porcelaine et la -peinture sur porcelaine, choses fort connues maintenant -en Europe; qu'il me suffise de dire que les ornementations -qui figurent sur les porcelaines chinoises sont -d'une uniformité immuable depuis l'antiquité. Personnages, -animaux, fleurs et arbres divers, on retrouve toujours -et partout les mêmes motifs.</p> - -<p>VII.—La soie a été de bonne heure une des principales -industries chinoises; des vêtements merveilleux, des -tentures d'une rare beauté sont sortis des ateliers bien -primitifs cependant des fils de l'Empire du Milieu. Toute -l'Europe a pu admirer ces richesses puisque, soit par les -expositions, soit par les voyageurs et les négociants, -quantités d'étoffes de soie chinoise sont venues échouer<span class="pagenum" id="Page_42">[Pg 42]</span> -sur le marché des grandes villes. Cependant, si la facture -est élégante, si les dessins sont brodés avec goût, il est -juste de dire que, au point de vue de la solidité, elles ne -valent pas nos étoffes de Lyon.</p> - -<p>J'ai déjà eu occasion d'indiquer que la soie est d'un -usage général en Chine. Il faut qu'un Chinois soit complètement -dans la misère pour n'avoir pas au moins une robe -de soie dans son armoire. Tous ceux qui sont tant soit -peu à l'aise portent des vêtements de soie et sont vêtus -de satin et de damas. Leurs lits sont ornés de tentures de -satin brodé; et les jours de fête, de mariage ou de décès, -la maison est pavoisée de tentures de soie rouge d'un effet -merveilleux. Le rouge est, en Chine, la couleur qui porte -bonheur.</p> - -<p>VIII.—L'industrie des métaux a été connue des Chinois -depuis déjà longtemps; elle s'est surtout bornée aux -cloches de temples, statues, brûle-parfums; des mines de -fer, de plomb, de cuivre et de zinc ont été ouvertes et exploitées -suivant des procédés fort primitifs, il est vrai, mais -qui suffisaient grandement aux Chinois; l'or et l'argent -étaient travaillés dès l'antiquité, et la bijouterie avait une -finesse qu'on peut encore admirer dans les objets anciens. -L'acier était connu et utilisé pour faire les charrues et -autres instruments de culture; le cuivre servait à différents -usages et était très employé pour l'ornementation -des temples; il l'était également pour la fabrication des -gongs, des cymbales, des trompettes, des lampes à -huile, et surtout pour la frappe de la monnaie de cuivre -connue sous le nom de sapèque et qui, seule, jusqu'à ces -derniers temps, avait cours en Chine. Aujourd'hui encore, -toutes ces industries sont très florissantes et conduites<span class="pagenum" id="Page_43">[Pg 43]</span> -suivant les anciens procédés. Cependant, des usines -métallurgiques ont commencé à s'élever selon la manière -d'Europe; des mines sont exploitées à l'occidentale, et -l'industrie se développe peu à peu d'après les méthodes -modernes.</p> - -<p>Le pétrole était connu et exploité au Sseu-Tchuen; il -l'est encore aujourd'hui suivant des procédés très primitifs, -et son exploitation occupe plusieurs villes et villages -de la province.</p> - -<p>Le cristal, le quartz sont travaillés et taillés pour faire -des lunettes; le jade, cette fameuse pierre qu'on ne découvre -qu'en Chine et dont une variété, le jade blanc laiteux, -est très appréciée des Chinois, sert à faire des bracelets, -des vases, des tuyaux de pipe, des statuettes. Le -jade vert, au contraire, qu'on trouve principalement au -Yunnan, a une bien moindre valeur.</p> - -<p>Quant à l'industrie de la laque, elle remonte assez loin; -elle est faite avec le vernis (tsi en chinois) tiré du Rhus -vernicifera; c'est une sorte de gomme noirâtre qui découle -par des incisions qu'on fait à l'écorce en ayant bien soin -de ne pas entamer le bois. Ces arbres, dont la feuille et -l'écorce ressemblent assez à celle du frêne, n'ont jamais -guère plus de cinq mètres de haut; le tour du tronc est -de soixante-quinze centimètres environ; ils poussent -principalement dans les provinces du Kiang-Si et du Sseu-Tchuen; -ceux du territoire de Kan-Tcheou-Fou, la ville -la plus méridionale du Kiang-Si, donnent le vernis le plus -estimé.</p> - -<p>Pour tirer le vernis de ces arbres, il faut attendre qu'ils -aient de sept à huit ans: plus tôt ou plus tard, le vernis -ne pourrait servir à faire de bonne laque. La laque chinoise<span class="pagenum" id="Page_44">[Pg 44]</span> -est loin de valoir comme finesse et comme élégance -la laque japonaise<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">[5]</a>; on ne trouve pas un objet en -laque digne d'attention; c'est toujours grossier et sans -goût; le seul genre de laque où le Chinois excelle est la -laque rouge de Pékin qui est vraiment remarquable. On -a pu admirer à l'Exposition de 1900 la superbe et rare -collection de M. Vapereau, ancien «commissioner» des -douanes maritimes chinoises.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> Elle est étudiée en détail dans l'<i>Empire japonais</i>, ch. <span class="allsmcap">XII</span>, pp. 166 et -suiv.</p> - -</div> - -<p>La fabrication du cloisonné et de l'émail a toujours été -très florissante en Chine, et en ce genre de travail les -Chinois l'emportent décidément sur les Japonais. Ils commencent -par fabriquer un vase en cuivre sur lequel ils -font, au moyen de bandes de cuivre soudées, les dessins -qu'ils veulent représenter en émail. Dans l'intervalle de -ces bandes de cuivre, ils coulent l'émail fondu à une haute -température et polissent ensuite la surface du vase; ils -obtiennent ainsi de fort belles pièces; mais celles qu'ils -livrent aujourd'hui à l'amateur sont loin d'égaler les cloisonnés -de l'époque de Kien-Long (1736-1796) ou du début -de la dynastie des Ming (1368).</p> - -<p>En somme, le Chinois est très industrieux, et il possède, -à un haut degré, tout comme le Japonais, l'esprit d'assimilation -et d'imitation. Est-ce donc à dire qu'il manque -d'imagination? Non certes: il a trouvé avant nous la -manière d'imprimer, non pas les caractères mobiles, il -est vrai, mais l'imprimerie sur planches gravées, et il s'en -servait alors que nous étions encore en Europe réduits -au travail du copiste; il a inventé la poudre, la boussole, -l'organisation du travail, les arts, les lettres, les sciences:<span class="pagenum" id="Page_45">[Pg 45]</span> -il a tout connu avant d'être en contact avec nous. Mais -ce qui lui a manqué dans ses inventions, c'est l'encouragement -de ses gouvernants, qui, bien loin de pousser -aux perfectionnements et aux découvertes nouvelles, -décourageaient au contraire les initiatives.</p> - -<p>L'éducation même du Chinois le mettait en garde contre -de trop grandes nouveautés, car il était admis que tout ce -qu'avaient fait les ancêtres était parfait et qu'il fallait les -imiter, au lieu de chercher à surpasser ou à améliorer leur -œuvre. Dans de telles conditions l'Empire ne pouvait que -se replier sur lui-même sans faire un pas en avant, et -c'est pour ce motif que, au moment de son premier contact -avec la Chine, l'Europe a trouvé cette dernière dans l'état -social, commercial et industriel où elle était il y a mille -ans.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_47">[Pg 47]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_IV">CHAPITRE IV</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Administration chinoise.—II. Système monétaire.—III. Différence -du tael dans chaque province.—IV. Piastres locales provinciales.—V. -La sapèque.—VI. Essai de réforme monétaire.—VII. -Les poids et mesures.</p> -</div> - - -<p>I.—Au sommet de l'État est l'Empereur; il a pour ainsi -dire un pouvoir illimité; il est le grand dispensateur des -grades, des honneurs; il est le chef de la religion et -seul, fils du Ciel, il a le droit d'adorer le Ciel; il est la loi, -le châtiment et la grâce. Aucun criminel condamné à -mort ne peut être exécuté ni gracié, sans sa sanction; -rien ne peut être fait contre sa volonté; aucun privilège -ne protège ses sujets contre un froncement de ses sourcils. -Toutes les forces de l'Empire, tous les revenus lui appartiennent, -l'Empire entier est sa propriété. Cependant il -doit écouter les observations, voire les réprimandes de la -cour des censeurs (en chinois Tou tch'a Yuan), qui sont -chargés de veiller à la bonne administration de l'Empire -et surtout à la bonne conduite, à l'honnêteté des fonctionnaires -de tous ordres. Certains de ces censeurs ne -craignent pas de faire à l'Empereur lui-même des remontrances<span class="pagenum" id="Page_48">[Pg 48]</span> -lorsqu'ils jugent que c'est leur devoir, et beaucoup -ont préféré subir la mort plutôt que de se taire; -d'autres, au contraire, ont été récompensés de leur franchise, -témoin le censeur Song, bien connu pour avoir -accompagné lord Macartney, lors de son ambassade à -la cour de Pékin. Il adressa, en effet, des observations à -l'Empereur Kia-King sur son goût trop prononcé pour les -femmes et le vin de riz; il lui exposa qu'il se dégradait -aux yeux de ses sujets et qu'il se rendait totalement incapable -de remplir ses devoirs d'Empereur. Kia-King, irrité, -le fit venir et lui demanda quelle récompense il croyait -avoir méritée pour une audace aussi grande. «Faites-moi -couper en morceaux si vous voulez», répondit-il. Le -monarque lui ayant signifié de choisir un autre genre de -mort: «Eh bien donc, faites-moi décapiter.—Non, -encore autre chose, dit l'Empereur.—Eh bien donc, qu'on -m'étrangle!» Sur ces paroles, Kia-King le congédia et -le lendemain le nomma gouverneur de la province d'Ili.</p> - -<p>Les censeurs de cette allure sont plutôt rares et il est -bien évident que la plupart du temps, sous un gouvernement -aussi despotique, la plupart se taisent ou essayent de -louer toutes les actions impériales, pour obtenir quelques -faveurs de la manne céleste.</p> - -<p>Après l'Empereur, souverain maître, le pouvoir appartient -au Kiun-Ki-Tchou ou Conseil d'État, puis au Nai-Ko, -ou grande Chancellerie. Viennent ensuite ce que -nous pourrions appeler les départements ministériels; ils -ont été remaniés depuis trois ans et remplacent les six -vieux ministères de l'ancienne administration chinoise:</p> - -<p>Ming tcheng pou, ou ministère de l'Intérieur et de la -Police;</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_49">[Pg 49]</span></p> - -<p>Li pou, ou ministère des Offices civils, chargé de la -présentation et de la promotion des fonctionnaires;</p> - -<p>Pou tcheng pou, ou ministère des Finances;</p> - -<p>Li pou, ou ministère des Rites, chargé des cérémonies -du culte officiel, et, tout récemment, du service du Protocole;</p> - -<p>Hiue pou, ou ministère de l'Instruction publique;</p> - -<p>Lou kiun pou, ou ministère de la Guerre;</p> - -<p>Fa pou, ou ministère de la Justice;</p> - -<p>Nong tcheng pou ou ministère de l'Agriculture, du Commerce -et de l'Industrie;</p> - -<p>Yeou tchouen pou, ministère des Communications;</p> - -<p>Li fan pou, ministère des colonies, c'est-à-dire du Thibet -et de la Mongolie;</p> - -<p>Ouai ou pou, ministère des Affaires étrangères. Ce -département n'existe que depuis 1901, après l'entrée à -Pékin des différentes armées étrangères. Autrefois les -relations extérieures ressortissaient à une administration -spéciale, connue sous le nom de Tsong li ko kouo che, -ou ya meun, ou tribunal pour traiter les affaires des différents -pays; il avait été institué après la conclusion de la -paix en 1860, pour continuer les relations avec les pays -européens; c'est par un décret impérial, en date du -19 janvier 1861, que fut installée cette nouvelle organisation -qui fonctionna jusqu'en 1901; elle était composée de -représentants des différents ministères et aussi de membres -de la famille impériale. Le prince Kong a longtemps -fait partie de ce conseil. Après l'équipée des -boxeurs, en 1901, la Chine a compris qu'elle devait -avoir des relations nouvelles et régulières avec les puissances -étrangères, et elle a institué un ministère des<span class="pagenum" id="Page_50">[Pg 50]</span> -Affaires étrangères sur le modèle des mêmes administrations -de l'Occident. A la tête de ces départements ministériels -sont placés un ministre et deux sous-secrétaires -d'État<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">[6]</a>.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons la création -d'un ministère de la marine Hai Kiun pou.</p> - -</div> - -<p>La division actuelle de l'Empire en dix-huit provinces -date de l'Empereur Kang-Hi, c'est-à-dire du <span class="allsmcap">XVII</span><sup>e</sup> siècle. -Autrefois, sous les Ming, la Chine ne comptait, en effet, -que quinze provinces, et l'Empereur mandchou en divisa -trois, le Kiang-Nan, qui forma Kiang-Sou et Ngan-Hoei; -le Kansou, détaché du Chen-Si; le Houkouang qui devint -Houpe et Hounan.</p> - -<p>Les provinces qui sont situées dans le bassin du -Yang-Tseu-Kiang sont au nombre de huit: le Kiang-Sou, -le Ngan-Hoei et le Kiang-Si, formant le gouvernement -général du Kiang-Nan, avec Nankin comme capitale; le -Houpe et le Hounan, capitale Wou-Tchang; le Sseu-Tchuen, -capitale Tcheng-Tou; le Yunnan et le Kouei-Tcheou, -capitale Yunnan-Fou.</p> - -<p>A la tête d'un gouvernement provincial, lequel gouvernement -peut, ainsi qu'on le voit, se composer d'une, de -deux ou de trois provinces, se trouve un gouvernement -général, en chinois Tsong-Tou, que les Européens ont -appelé à tort et continuent d'appeler vice-roi; en-dessous -de lui vient le gouverneur de la province, en chinois -Siun fou (plus communément foutai); chaque province -a un foutai, résidant au chef-lieu; viennent ensuite: le -trésorier (pou tcheng che tseu), le juge provincial (Ngan -tcha che tseu), le contrôleur de la gabelle, l'intendant des -greniers.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_51">[Pg 51]</span></p> - -<p>Enfin, parmi les autorités supérieures, et en dernier -lieu, vient le Taotai (intendant de cercle); il est chargé -de deux ou plusieurs préfectures, et a la haute inspection -des troupes placées dans le cercle de sa juridiction. Ce -sont des Taotai qui ont été installés dans chaque port -pour traiter les affaires européennes avec les consuls, et -ces Taotai sont tous en même temps directeurs chinois -des douanes impériales maritimes. C'est donc à eux -qu'on s'adresse en cas de réclamations, et c'est par leur -intermédiaire que se traitent les différentes affaires, que -se règlent les divers litiges.</p> - -<p>Après le Taotai viennent immédiatement: le préfet -(tche fou), administrant une division provinciale bien -plus étendue que ce que nous appelons préfecture chez -nous; il y en a à peu près dix par province, et chaque -province est au moins aussi grande et souvent plus -grande que la France; puis le sous-préfet: on compte -deux sortes de sous-préfets: 1º celui qui administre une -sous-préfecture indépendante (Ting) (généralement sur -les frontières, dans les pays non encore bien chinoisés); -2º celui qui administre une sous-préfecture (chien) sous -la direction d'un préfet.</p> - -<p>II.—Cet aperçu, tout succinct qu'il est, de l'administration -chinoise, me paraît suffire au lecteur, qui, certainement, -ne tient nullement à entrer dans le fatras fort compliqué -de la hiérarchie mandarinale; cette organisation, -d'ailleurs, va peut-être se transformer lorsque le Parlement -chinois, dont on parle tant, sera réuni et fonctionnera. -Avant donc d'entrer plus avant dans la description -des ports ouverts et du commerce de la vallée du Fleuve -Bleu, je crois utile de consacrer quelques explications aux<span class="pagenum" id="Page_52">[Pg 52]</span> -monnaies, poids et mesures; je m'y étendrai assez longuement, -car ici nous nageons en pleine fantaisie.</p> - -<p>Il n'y a pas de monnaie d'or; quelques auteurs chinois -prétendent qu'elle existait autrefois, concurremment avec -la monnaie d'argent, mais il y a apparemment fort longtemps, -et personne ne peut le démontrer. Actuellement, la -seule monnaie courante est la sapèque, petite monnaie de -cuivre percée au milieu, et que l'on enfile dans une ficelle -jusqu'à mille, ce qui fait un <i>tiao</i>, que nous appelons en -français une <i>ligature</i>. Il faut environ dix sapèques pour -faire un de nos sous, et c'est la monnaie qui a seule cours -dans toute l'étendue de l'Empire. Cependant la monnaie -d'argent existe<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">[7]</a>, mais d'une façon fictive; elle existe -sous la forme de tael ou <i>leang</i>. Un tael n'est pas une -monnaie; c'est à proprement parler une once d'argent, en -forme de sabot plus ou moins grand, pesant 5, 10, 20, 30, -50 taels ou onces. Quand on voyage dans l'intérieur de -la Chine, on emporte une certaine provision de ces taels -et on se munit d'une petite balance portative, renfermée -dans un étui plus ou moins élégant, et ressemblant à la -balance romaine. Lorsqu'on n'a plus de sapèques pour -payer l'hôtelier, les porteurs, le restaurateur, on coupe -sur un tael une certaine quantité d'argent qu'on pèse et -on va la porter à une banque chinoise qui la pèse à son -tour et vous donne le change en sapèques. C'est fort -ennuyeux parce qu'il faut toujours avoir avec soi un -poids très lourd, soit en argent, soit en cuivre; mais -après tout on s'y fait assez vite; c'est toujours ainsi que -j'ai voyagé en Chine.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> Cf. <i>l'Empire de l'argent. Étude sur la Chine financière</i>, par <span class="smcap">Joseph -Dubois</span>. (Librairie orientale et américaine, E. Guilmoto, éditeur).</p> - -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_53">[Pg 53]</span></p> - -<p>III.—Le tael, l'once d'argent n'est pas le même pour -toute la Chine; autre difficulté et plus grande que la première: -chaque province a son tael: ainsi 100 taels de -Canton valent 102 taels, 50 centièmes de Changhai; -100 taels de Changhai valent 98 taels de Hankeou, etc.; -il s'ensuit des complications d'opérations pour lesquelles -il faut avoir recours à un Chinois versé dans la matière.</p> - -<p>Il existe ensuite le tael Kou-ping, le tael officiel au poids -du trésor; puis le tael Hai-Kwan, le tael de la douane -maritime, moins fort que le Kou-ping, mais plus fort que -les taels des diverses provinces. C'est généralement en -taels Hai-Kwan que les Européens traitent les affaires. -Actuellement le Hai-Kwan tael vaut 3 fr. 80 environ.</p> - -<p>Pour remédier à cette difficulté dans les échanges, on a -introduit sur le marché chinois la piastre mexicaine -(valant actuellement 2 fr. 20), qui sert de monnaie courante -dans tous les ports ouverts: la parité entre le tael -et la piastre se fixe tous les jours suivant l'offre et la -demande; par exemple, un jour la bourse, c'est-à-dire les -banques affichent qu'elles prennent les piastres au taux -100 pour 70 taels: le lendemain au taux de 72 taels ou -de 76 taels.</p> - -<p>IV.—Dans quelques provinces, vers 1895, 96, 97, 98, -les vice-rois ont installé des monnaies pour frapper des -piastres locales; c'est ainsi qu'on vit apparaître des -piastres de Canton, du Ngan-Hoei, du Houpe, de Tien-Tsin; -mais d'abord elles ne furent acceptées qu'avec répugnance, -et on leur préférait toujours la piastre mexicaine. -Des monnaies divisionnaires de 50, 20, 10 et 5 cents -(centièmes de piastres) furent également frappées; elles -sont généralement reçues dans tous les ports ouverts,<span class="pagenum" id="Page_54">[Pg 54]</span> -mais non dans l'intérieur, où seule la sapèque a cours -légal et commercial.</p> - -<p>On trouve encore, à Tchen-Kiang, des piastres espagnoles, -provenant des Philippines, à l'effigie de Ferdinand -II et de Charles IV; mais on ne les voit pas -ailleurs.</p> - -<p>Sur les frontières du Tonkin, au Kouang-Si et au -Yunnan, la piastre française de l'Indo-Chine et les -monnaies divisionnaires ont fini par être acceptées, mais -il a fallu bien du temps.</p> - -<p>On voit combien est compliqué le système monétaire -chinois, puisque, par exemple, pour traiter des affaires -entre Changhai et Hankeou, il faut tenir compte de la différence -du tael sur les deux marchés, et toujours calculer -que les taels d'une ville (Hankeou) sont plus forts que -ceux de l'autre (Changhai).</p> - -<p>Il s'ensuit aussi, naturellement, que le change des -sapèques pour le tael subira une hausse ou une baisse -suivant les provinces; on aura pour un tael de Hankeou, -par exemple, 1.800 sapèques, et pour un tael de Changhai, -1.500 ou 1.570.</p> - -<p>V.—Bien qu'aujourd'hui les sapèques soient toutes -frappées en cuivre, il fut une époque où la Chine possédait -des sapèques d'étain, de plomb, de fer même. Dans -l'antiquité on se servait aussi de petits coquillages, mais -l'usage en a été vite aboli. Outre les sapèques de figure -ronde, il existait sous les anciennes dynasties des sapèques -en forme de lame de sabre, de dos de tortue; il -y en avait avec des figures d'oiseaux, de dragons, et -quand il s'en trouve actuellement dans une famille chinoise, -ces vieilles monnaies sont regardées comme des<span class="pagenum" id="Page_55">[Pg 55]</span> -fétiches porte-bonheur: on les attache avec un ruban au -cou ou à la ceinture des enfants.</p> - -<p>Les faux-monnayeurs existent en nombre considérable: -non seulement ils fabriquent de fausses piastres mexicaines, -mais ils lancent aussi dans la circulation de fausses -sapèques, alliage de sable, de zinc et de cuivre. Aussi, -quand on paye un coolie, on voit ce dernier examiner une -à une les sapèques qu'on lui remet et refuser celles qui ne -lui semblent pas suffisamment pures. Cependant, chose -étrange, les sapèques fausses circulent; mais on en exige -le double en payement; ainsi, un coolie achetant une -poignée d'arachides payera avec 5 bonnes sapèques ou -10 fausses.</p> - -<p>Entre Chinois ces petites pratiques n'ont pas d'importance! -Ils n'aiment pas qu'on leur passe une piastre -évidée et garnie de plomb; et cependant la chose n'est -pas rare, les faux monnayeurs sont habiles.</p> - -<p>La sapèque étant fort incommode à transporter, les -Chinois ont cherché un moyen fiduciaire qui en tînt place, -et ils ont bien avant nous trouvé le billet de banque. Ces -billets, toutefois, ne sont pas émis par l'État, mais par -des banques particulières. Une banque peut être ouverte -par une personne seule ou par une société, pourvu qu'elle -se soumette à certains règlements et à certaines redevances -envers l'État. Une fois en règle, la banque émet -des billets pour une valeur de 10, 20, 50, 100 ligatures -ou tiao; de cette façon on n'a pas besoin de s'embarrasser -de monnaie de cuivre; les banques se connaissant -entre elles échangent leurs billets; elles donnent même -des lettres de crédit à ceux qui sont appelés pour leurs -affaires dans l'intérieur de l'Empire; et il faut reconnaître<span class="pagenum" id="Page_56">[Pg 56]</span> -qu'on a toutes facilités au point de vue du payement. -Les avantages que possèdent ces banques sont -réellement appréciables; mais il y a un revers, c'est que -le taux de l'intérêt en Chine est très élevé; il va de 20 à -40 pour 100, et rarement il reste à 3 pour 100 par mois, ce -qui est le taux légal.</p> - -<p>VI.—Devant les difficultés qu'entraîne le système -monétaire actuel, le gouvernement chinois a essayé dernièrement -plusieurs tentatives pour réformer le système -du tael et de la sapèque et le 24 mai 1910, un décret impérial -a été publié conçu à peu près dans ce sens:</p> - -<p>L'unité de la circulation monétaire nationale sera la -piastre d'argent (Yuen en chinois) et l'étalon sera jusqu'à -nouvel ordre l'argent. La monnaie d'appoint consistera en -pièces de 50, 25, et 10 cents, une pièce de nickel de -5 cents et quatre pièces de cuivre de 2 cents, 1 cent, -5 sapèques et 1 sapèque. La valeur de la piastre sera -établie d'une façon décimale et définitive. Il ne sera pas -permis de les altérer. Le ministère des Finances donnera -des ordres nécessaires pour que les monnaies frappent les -nouvelles pièces conformément au poids et au titre ainsi -qu'aux modèles adoptés et les mettent peu à peu en circulation.</p> - -<p>Un certain nombre de banquiers chinois se sont réunis -dans la capitale et ont décidé de créer une association -avec des branches dans les provinces pour aider à réaliser -cette réforme; le gouvernement de son côté a déjà pris -des mesures pour la frappe des nouvelles pièces, leur -mise en circulation et le rachat de l'ancienne monnaie. Il -est bien évident que si l'usage de la monnaie en question -pouvait être étendu à tout l'Empire, ce serait un immense<span class="pagenum" id="Page_57">[Pg 57]</span> -progrès; mais il y aura de la résistance de la part des -banques, habituées à faire des profits dans le change de -la sapèque par rapport à l'argent; de plus la suppression -du système actuel, tellement entré dans les habitudes -chinoises qu'il les dérange et les gêne fort peu, mettrait -fin aux bénéfices des gros personnages: ceux-ci tiennent à -la conservation des vieux errements. Aussi il est probable -que la réforme monétaire n'ira pas sans grande difficulté -et sera sans doute l'une des plus pénibles à accomplir en -Chine. C'est la banque chinoise Ta-Ts'ing-Ying-Hang qui -a été chargée de mener à bonne fin le changement radical -du système monétaire de l'Empire<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">[8]</a>.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> Les nouvelles monnaies d'argent viennent, d'après de récentes informations -venues de Chine, d'être frappées par le ministère des Finances et -comprennent quatre types: une piastre, une demi-piastre, vingt-cinq -cents et dix cents. On en aurait déjà fait parvenir aux ministères et -administrations diverses à Pékin et dans les provinces. Les pièces -portent d'un côté Ta Tsing ying pi (monnaie d'argent de l'Empire des -Tsing) et de l'autre, suivant le cas: Yi yuan = une piastre; ou kiao = -1/2 piastre ou 50 cents; leang kiao pan = 15 cents; yi kiao = dix cents. -C'est là un premier essai.</p> - -</div> - -<p>VII.—Les Chinois se servent pour peser des unités -suivantes:</p> - -<table summary=""> -<tr><td>tan </td><td>qui vaut: </td><td>60 kilogrammes</td></tr> -<tr><td>kin </td><td> — </td><td> un centième de tan</td></tr> -<tr><td>léang </td><td> — </td><td> un seizième de kin</td></tr> -<tr><td>tsien </td><td> — </td><td> un dixième de léang</td></tr> -<tr><td>feun </td><td> — </td><td> un dixième de tsien</td></tr> -<tr><td>li </td><td> — </td><td> un dixième de feun</td></tr> -</table> -<p>Mais les Européens ne font pas usage de ces termes; -ils donnent à ces unités chinoises des noms adoptés autrefois -par les premiers Portugais qui sont venus en Chine:</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_58">[Pg 58]</span></p> - -<table summary=""> -<tr><td>Le <i>tan</i> </td><td>se nomme </td><td> <i>picul</i> (mot malais)</td></tr> -<tr><td>Le <i>kin</i> </td><td> — </td><td> <i>catti</i></td></tr> -<tr><td>Le <i>léang</i> </td><td> — </td><td> <i>tael</i></td></tr> -<tr><td>Le <i>tsien</i> </td><td> — </td><td> <i>mas</i> ou <i>mace</i></td></tr> -<tr><td>Le <i>feun</i> </td><td> — </td><td> <i>candarin</i></td></tr> -<tr><td>Le <i>li</i> </td><td> — </td><td> <i>cash</i></td></tr> -</table> - - -<p>Tout le commerce étranger en Chine se fait par <i>picul</i> -et <i>catti</i>.</p> - -<p>L'étranger qui achète des terrains en Chine a besoin -de connaître les mesures de surface. Le <i>meou</i>, valant à -peu près 600 mètres carrés, le <i>king</i>, valant 100 <i>meou</i> -sont les deux principales unités; il est vrai de dire qu'ils -diffèrent selon les provinces, comme du reste les mesures -de longueur dont l'unité principale, le <i>li</i>, varie entre 500 -et 650 mètres suivant qu'on se trouve au nord ou au sud -de l'Empire.</p> - -<p>Ainsi, même dans les choses les plus précises, telles que -monnaies, poids et mesures, rien de fixe, rien de définitivement -réglé en Chine. Il en est ainsi pour tout; <i>la Chine -est le pays de l'à peu près</i> et le Chinois traduit lui-même -sa mentalité dans une phrase qu'il a toujours à la bouche: -«Tch'a pou tô; il s'en faut de peu; c'est à peu près cela».</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_59">[Pg 59]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_V">CHAPITRE V</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Changhai (Shanghai); situation géographique.—II. Nature et -climat.—III. Les concessions; la ville européenne; services -publics.—IV. Les cités chinoises; la route d'Europe à Changhai.—V. -La population étrangère et la population chinoise; -les ponts; l'observatoire de Zi-Ka-Weï; les égouts.—VI. L'industrie -européenne; les quais; établissements du gouvernement chinois.—VII. -Situation commerciale de Changhai; importation, exportation.—VIII. -Organisation des douanes maritimes.—IX. Population -étrangère d'après le recensement de 1905.—X. Relevé -commercial d'une année (1908).</p> -</div> - - -<p>I.—Changhai est situé à l'extrême sud-est de la province -du Kiang-Sou; il ne se trouve pas précisément sur -le Yang-Tseu-Kiang, quoique dans une province arrosée -par ce fleuve; il est situé sur la rivière Houang-Pou, à -peu près à 20 kilomètres en amont du village de Wousong, -où les eaux jaunâtres du Houang-Pou rejoignent -les eaux non moins jaunâtres de l'estuaire du Yangtseu. -La ville chinoise est une sous-préfecture de peu d'intérêt: -Changhai n'est important, en effet, que parce qu'il est le -grand port de commerce où les négociants d'Europe sont -installés et où les marchandises européennes s'échangent<span class="pagenum" id="Page_60">[Pg 60]</span> -contre les marchandises chinoises; il fut déclaré port -ouvert par le traité anglais de Nankin en 1842, et depuis -ce temps jusqu'à nos jours n'a cessé de prospérer et de -se développer; c'est aujourd'hui, sans conteste, le plus -important des marchés de l'Extrême-Orient.</p> - -<p>Changhai est géographiquement situé, par 31° 15 de -latitude nord et environ 119° est, méridien de Paris, dans -une vaste plaine d'alluvions, très riche et où toutes les -cultures réussissent; la population, au reste, y est plus -dense que dans n'importe quelle partie de la Chine. Les -principales cultures y sont le riz et le coton; cette dernière -a pris, depuis quelques années, beaucoup d'extension, -grâce à l'installation de filatures à Changhai même.</p> - -<p>En revanche, on n'y fait pas beaucoup de soie. En -dehors du riz, le blé, l'orge, les légumes de toutes sortes, -les choux, navets, carottes, les melons et les pastèques y -viennent admirablement. Il y a peu de fruits; et le seul -fruit mangeable qui soit à Changhai est une espèce de -pêche, petite, en forme de tomate, et qui n'est, en effet, -pas mauvaise. En automne on peut se procurer le fade -kaki; tous les autres fruits sont importés.</p> - -<p>II.—Il ne faut pas chercher les beautés de la nature -à Changhai. L'immense plaine se déroule à perte de vue, -coupée par des canaux et des criques qui font communiquer -entre elles les différentes villes de la province: Song-Kiang, -Sou-Tcheou, Hang-Tcheou, Tchen-Kiang. Les -Européens qui habitent Changhai n'en sortent que pour -aller, en automne, faire des excursions de chasse; quand -on veut un changement d'air on prend le bateau pour -Nagasaki.</p> - -<p>Le climat de Changhai passe pour être relativement<span class="pagenum" id="Page_61">[Pg 61]</span> -sain, mais les étés y sont affreusement chauds, le thermomètre, -pendant les mois de juillet et d'août, montant -facilement jusqu'à 41 et 42 degrés centigrades à l'ombre. -Par contre, il y a des hivers très froids et souvent on patine. -Malgré ces températures extrêmes, les Européens s'y -portent généralement bien; la maladie la plus à craindre -est la dysenterie et sa conséquence, l'abcès au foie. En -dehors de cela, on y trouve les mêmes maladies qu'en -Europe; parfois la petite vérole y fait d'affreux ravages.</p> - -<p>Il y pleut une moyenne de 120 jours par an, ce qui -n'est pas excessif, et l'automne, depuis octobre jusqu'à -janvier, y est radieux, comme du reste dans toute la vallée -du Yangtseu.</p> - -<p>III.—La ville européenne comprend trois concessions: -une américaine, une anglaise, une française. Les deux -premières, fondues ensemble et sous la même administration, -s'appellent la concession internationale; la française -reste à part. C'est d'ailleurs sur la première que -règne l'activité commerciale, et tous les négociants y sont -installés; un quai superbe, bordé de maisons ressemblant -à autant de palais, longe le fleuve; voitures, tramways, -djinrikishas, brouettes, porteurs encombrent quais et rues -adjacentes; du matin au soir c'est une fièvre, une course -au dollar. Dans la concession française, on voit des rues -larges, bien alignées et propres, et les agents de police -se promenant, l'air digne; la concession française est une -installation d'État destinée à abriter des fonctionnaires; -l'autre est une installation d'affaires et de négoce. J'ai -toujours, hélas! remarqué cette différence entre les établissements -français et anglais. Allez à Saïgon; c'est une -ville magnifique; ses rues, ses boulevards, ses monuments,<span class="pagenum" id="Page_62">[Pg 62]</span> -ses jardins en font la plus jolie ville d'Extrême-Orient; -on y traite peu ou point d'affaires; c'est comme -une ville morte. Allez à Rangoon, tout près de là, en -territoire anglais: la ville est vilaine, n'a pas de tournure; -mais quelle activité! On y brasse des millions!</p> - -<p>On trouve dans le Changhai européen de belles églises, -de beaux hôtels d'un luxe et d'un confortable qui n'a rien -à envier à l'Europe; plusieurs banques, notamment la -Hong-Kong and Changhai Bank, occupent de vastes et -somptueux édifices; le quai possède quelques monuments -et un jardin où l'on va entendre la musique municipale -l'après-midi à 5 heures, ou le soir à 8 heures.</p> - -<p>Rien ne manque ici à la vie européenne, je devrais dire -à la vie anglaise; car c'est la vie anglaise un peu, mais -très peu modifiée, qu'on vit partout en Asie dans ce qui -n'est pas exclusivement colonie française ou hollandaise. -Courses, club, théâtre, tout existe; restaurants à la mode, -dîners fins, bals et soirées pourraient faire croire qu'on -n'est pas en Chine, si on n'avait constamment sous les -yeux les domestiques chinois.</p> - -<p>Les services publics fonctionnent comme en Europe et -pour les postes et les télégraphes, on n'a que l'embarras -du choix: poste chinoise, française, anglaise, allemande, -russe, japonaise, etc..., télégraphe chinois, anglais, danois.</p> - -<p>Enfin, actuellement c'est un coin d'Europe, et combien -de vieux résidents s'en plaignent! Ce n'est plus la bonne -vie d'autrefois où le laisser-aller et la négligence de -tenue étaient universels; aujourd'hui, malgré 40 degrés à -l'ombre, on ne saurait aller dîner autrement qu'en habit; -il faut être correct et on n'oserait prendre, vêtu de blanc, -son cocktail au club.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_63">[Pg 63]</span></p> - -<p>IV.—Derrière les constructions européennes, de -nombreuses boutiques chinoises sont venues s'installer, -lesquelles sont sous la juridiction de la concession; c'est -une ville chinoise propre qui continue la ville blanche; -puis, après cette ville chinoise européanisée, se trouvent -le champ de courses et la campagne qui l'entoure où -beaucoup d'Européens ont construit leur résidence pour -être au calme après le travail et les affaires.</p> - -<p>V.—Pour arriver à Changhai, le voyageur dispose de -plusieurs voies:</p> - -<p>D'abord la voie de terre par Moscou et le transsibérien -jusqu'à Tien-Tsin, d'où un bateau mène en deux jours à -Wou-Song; puis la voie d'Amérique soit avec le transcontinental -des États-Unis par New-York et San-Francisco, -soit avec le transcanadien entre Montréal et Vancouver; -enfin la vieille route de l'Inde par Marseille, le canal de -Suez, Saïgon et Hongkong. Cette dernière est évidemment -la plus longue, mais elle est aussi la moins chère; aussi -est-elle assez suivie, bien que, cependant, à l'heure -actuelle, la voie russe soit très fréquentée.</p> - -<p>VI.—La population étrangère de Changhai a considérablement -augmenté dans ces dernières années; elle -peut être évaluée à environ 8.000 Européens et Américains. -Quant à la population chinoise, à qui, primitivement, -il était absolument interdit d'habiter sur les concessions, -elle s'élève bien à 500.000 âmes. Chassée par la révolte -des Taipings à l'abri des établissements européens, -la population des campagnes environnantes y resta et s'y -accrut. De plus, les Européens, propriétaires des terrains, -trouvèrent une rémunération sûre dans le fait de louer -aux Chinois terrains et maisons, de sorte qu'aujourd'hui,<span class="pagenum" id="Page_64">[Pg 64]</span> -en arrière des deux concessions française et anglaise, existent -de véritables villes chinoises. Les rues des concessions -sont toutes reliées entre elles par de nombreux -ponts sur les criques qui forment leurs limites, et de -belles routes sont entretenues par les conseils municipaux; -elles permettent de gagner la campagne et de faire -des promenades aux environs de la ville. C'est ainsi que -deux magnifiques routes, dignes des routes de France, -conduisent à Zi-Ka-Wei, chez les Pères Jésuites qui ont -là un observatoire remarquable. Il est en communication -avec les différentes stations météorologiques des mers de -Chine et du Japon; par l'annonce qu'il fait du mauvais -temps en mousson du suroit, il évite à bien des navires -d'être perdus dans les typhons. La plus fréquentée des -routes qui conduisent à Zi-Ka-Wei est la route anglaise -connue sous le nom de Bubbling well ou puits qui bout, -à cause d'un puits qui se trouve sur son parcours et où -l'eau est constamment en ébullition.</p> - -<p>De grosses sommes ont été dépensées pour construire -des égouts, et il n'a pas été facile d'arriver à une solution -bonne et rapide en cette matière, à cause précisément de -la nature du terrain sur lequel la ville est construite, terrain -bas et trop peu élevé au-dessus du niveau de la mer; -cependant, le système de drainage actuel des eaux est -parfait, et la propreté des rues est réelle. Au point de vue -de l'alimentation et des bains, Changhai est magnifiquement -pourvu; les deux concessions possèdent chacune -leur château d'eau qui fournit à tous et à des prix -modérés, une eau filtrée et saine. Deux compagnies de -pompiers volontaires rendent d'immenses services en cas -d'incendie.</p> - -<div class="figcenter illowp100" style="max-width: 70.875em;"> - <img class="w100" src="images/081.jpg" alt="" /> - <div class="caption">Crique de Soutcheou à Changhai.</div> -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_65">[Pg 65]</span></p> - -<p>VII.—L'industrie sous sa forme européenne est très -prospère à Changhai et il y a tout lieu de croire que ses -progrès ne s'arrêteront pas. Il existe dans le port quatre -docks pour la réparation des navires: l'un, le dock de -Tong-Kadou, a une longueur de 126 mètres sur une profondeur -de 7 mètres; le vieux dock de Hong-Kiou, connu -par tout le monde sous le nom de Old Dock, a environ -135 mètres de long sur 7 mètres de profondeur. Le nouveau -dock de MM. Boyd et C<sup>ie</sup> à Poutong couvre une -longueur de 150 mètres avec une profondeur de 8 mètres; -il est plus large que les deux autres, et mesure environ -17 mètres de largeur au fond et 45 mètres à niveau du -sol; mais le plus long est encore celui de la maison -Farnham connu sous le nom de Farnham's cosmopolitan -dock; situé également à Poutong, il mesure 187 mètres -environ (exactement 560 pieds anglais) de longueur, et -17 mètres de largeur.</p> - -<p>Un autre dock a été construit: le dock international, -qui est encore plus considérable que les précédents.</p> - -<p>Il n'est pas de port en Extrême-Orient qui possède des -quais comparables à ceux de Changhai; ils s'étendent sur -plus d'un kilomètre dans la concession américaine, à -l'entrée du port, et tous les navires peuvent y accoster à -quai.</p> - -<p>La concession anglaise n'a pas de quai de marchandises, -mais ici les bords de la rivière sont revêtus d'un -vert gazon, et plantés d'arbres qui forment une fort jolie -promenade depuis le pont du Yang-Kin pang (concession -française) jusqu'au pont du canal de Sou-Tcheou où se -trouvent les jardins publics.</p> - -<p>Entre autres industries florissantes à Changhai on peut<span class="pagenum" id="Page_66">[Pg 66]</span> -compter les filatures de coton. Cinq sociétés à capitaux -européens se sont formées à cet effet:</p> - -<p>«E wo» dirigée par MM. Jardine Matheson and Cº;</p> - -<p>«The international» sous les auspices de The American -trading Cº;</p> - -<p>«Lao Kung mow» à la tête de laquelle se trouvent -MM. Ilbert and Cº;</p> - -<p>«Souy chee» dont les directeurs sont MM. Arnhold -Karberg and Cº;</p> - -<p>«Yah loong» dirigée par MM. Fearon Daniel and Cº.</p> - -<p>Ces différentes sociétés possèdent chacune de 40.000 à -50.000 broches; les résultats cependant n'ont pas toujours -donné ce qu'on espérait; ainsi la filature appartenant -à la société Fearon Daniel and Cº a dû être fermée -temporairement en 1901; cependant 1906 fut une bonne -année pour toutes les filatures dirigées par les Européens. -En dehors de ces dernières il existe aussi des filatures -indigènes, sur le modèle d'Europe, mais tout à fait entre -les mains des Chinois. Le vice-roi Li-Hong-chang avait -fondé en 1893 puis reconstruit en 1895 la «Shanghai -cotton cloth administration», l'une des plus grandes manufactures -de coton de Changhai. Après le coton, la soie; -c'est ainsi que Changhai possède aujourd'hui 25 filatures -de soie; mais cinq d'entre elles seulement sont dans les -mains des Européens, toutes les autres étant dirigées par -des Chinois.</p> - -<p>On trouve également comme industrie occidentale à -Changhai des fabriques de papier; des fabriques d'allumettes -suédoises; des meuneries; des ateliers de réparation -de navires; des fabriques de fer-blanc. Le plus considérable -des ateliers de réparation et de construction de<span class="pagenum" id="Page_67">[Pg 67]</span> -navires est le «Shanghai dock and engineering Cº», -fondé par un Anglais nommé Muirhead vers 1855, repris -et augmenté par M. Farnham et connu jusqu'en 1906 sous -le vocable «S. Farnham, Boyd and Cº».</p> - -<p>Tous les navires déchargent à quai, sauf toutefois les -grands paquebots qui sont obligés de rester à l'ancre en -dehors de la rivière, en face de Wou-Song, à cause de la -barre élevée par les alluvions à l'embouchure du Houang-Pou. -Les quais de Changhai appartiennent à une Société -qui les loue aux différentes compagnies de navigation.</p> - -<p>Il existe aussi une certaine longueur de quais sur la -concession française et plusieurs navires faisant le service -du Yangtseu y ont leurs appontements.</p> - -<p>Le gouvernement chinois possède à Changhai un dock -et un arsenal ainsi qu'un dock pour la construction des -navires, au lieu appelé Kao tchang miao, un peu en amont -du fleuve, au delà de la ville indigène.</p> - -<p>En 1876 une ligne de chemin de fer avait été installée -entre les concessions européennes de Changhai et Wou-Song; -mais les autorités chinoises rachetèrent ligne et -matériel dix-huit mois après et firent tout enlever et vendre -à l'encan. Aujourd'hui une ligne nouvelle a été construite; -elle est déjà depuis longtemps en exploitation jusqu'à -Wou-Song, et, depuis 1909 se prolonge jusqu'à -Nankin en passant par Sou-tcheou et Tchen-Kiang.</p> - -<p>Le port de Changhai est le centre du commerce européen -en Chine et il absorbe plus de la moitié du commerce -total de la Chine avec les puissances occidentales. L'ouverture -des ports du Yangtseu, loin de lui faire du tort, -a, au contraire, augmenté ses transactions; car bon gré -mal gré il faut que tous les produits de l'intérieur passent<span class="pagenum" id="Page_68">[Pg 68]</span> -par Changhai; seul le thé que les bateaux russes exportent -de Hankow sort directement du Yangtseu.</p> - -<p>VIII.—La situation de Changhai a toujours été prospère; -mais il est bien évident qu'il ne s'y élève plus -aujourd'hui les fortunes colossales des premiers temps de -l'ouverture de la Chine aux étrangers; les «Princes merchants» -n'ont eu qu'un temps, et à l'heure qu'il est la concurrence -internationale y est aussi âpre qu'en aucun lieu -du monde. Après la guerre russo-japonaise, un arrêt s'est -produit dans les transactions et beaucoup de maisons -européennes ont souffert; actuellement encore le marché -se ressent d'un malaise général et les affaires ne sont pas -ce qu'elles devraient être. Et, du reste, en dehors de toute -autre cause de fléchissement dans les affaires, la concurrence -de chaque instant que se font ces différentes maisons -rivales suffirait à expliquer le ralentissement. L'exportation -est toujours plus ou moins au même niveau; mais -l'importation a subi et subit encore des à-coups. Après -l'Allemand, qui était venu concurrencer l'Anglais, un autre, -le Japonais, est apparu qui a dépassé encore l'Allemand -pour le bon marché de ses produits.</p> - -<p>D'après le résumé décennal récemment publié, les chiffres -du commerce de Changhai pour les dernières années, -en taels de douane ou Hai-Kwan taels, sont les suivants:</p> - -<table summary=""> -<tr><td>Année 1907 </td><td>= 392.731.600 taels</td></tr> -<tr><td>— 1908 </td><td> = 397.106.850 —<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">[9]</a></td></tr> -</table> -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> J'ai pris comme année type de statistique commerciale l'année 1908, -parce qu'elle était la seule dont j'eusse les documents <i>complets</i> au moment -où j'ai écrit ce livre (à la fin de 1910). Elle peut, d'ailleurs, servir -fort bien de critérium général, car les années ne diffèrent pas extraordinairement, -à moins de les prendre de dix en dix.</p> - -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_69">[Pg 69]</span></p> - -<p>Ces chiffres sont un peu plus faibles que ceux des trois -années précédentes, lesquelles donnaient, en effet:</p> - -<table summary=""> -<tr><td>Année 1904 </td><td>= 405.064.260 taels</td></tr> -<tr><td>— 1905 </td><td>= 443.954.262 —</td></tr> -<tr><td>— 1906 </td><td>= 421.256.496 —</td></tr> -</table> - -<p>Les principales marchandises importées de l'étranger -ont été les pièces de coton; le fil de coton; l'opium; les -métaux; le pétrole; le sucre; le charbon; tabacs et -cigares; teintures et couleurs; lainages; bois de construction; -machinerie; papier; matériel de chemins de fer; -herbes marines; savon; vins, bières et alcools; farines; -allumettes; verrerie; bougies; pêche de mer; matériel pour -l'électricité; soude; ciment; nids d'hirondelle; rubans; -parapluies; meubles; lampes; montres et pendules; -perles; nageoires de requins; bois de Santal; huile; -poivre; lait condensé; aiguilles; soieries et rubans de -soie; matériel pour le service télégraphique; cordes et -ficelles; et divers autres produits.</p> - -<p>Parmi les puissances importatrices la Grande-Bretagne -figure au premier rang; le Japon est le grand importateur -d'allumettes et de parapluies, de bêche de mer et d'herbes -marines; les ustensiles en fer blanc, la verrerie, le savon -et les parfums à bon marché sont également importés par -le Japon qui prend tous les ans une part de plus en plus -grande à l'importation en Chine. L'Allemagne et les Indes -importent également: la première des objets fabriqués, -des machines; la seconde de l'opium et du coton brut; -cependant, par suite de la détermination du gouvernement -chinois de supprimer la fumerie d'opium, l'Inde en introduit -de moins en moins et cet article finira par disparaître<span class="pagenum" id="Page_70">[Pg 70]</span> -complètement de la liste des produits importés. En Chine -même la culture du pavot est aujourd'hui interdite, et les -champs du Yunnan que j'avais vus, il y a quelques années, -tout fleuris de superbes pavots multicolores, sont actuellement -plantés de fèves et de maïs.</p> - -<p>L'exportation fournit: soie; thé; coton; graines; huile; -suif végétal; suif animal; cordes; fourrures; haricots; -riz; laines; tabac; peaux; soies de porcs; médecines; -chanvre; jute; ramie; sucre; éventails; vernis; porcelaines; -œufs; poterie; noix de galle; sucre; plumes; albumine; -son; cire; cheveux; graisse; tresses de paille pour -chapeaux.</p> - -<p>Les soies sont prises principalement par la France, les -États-Unis, l'Italie et la Suisse. La France exporte aussi -des peaux, des soies de porc pour la brosserie, du suif, de -la noix de galle; les maisons françaises à Changhai ne -sont pas nombreuses et le nombre de nos compatriotes ne -dépasse pas 700. Elles font surtout de l'exportation et -principalement de l'exportation des soies. Il nous est en -effet difficile de lutter pour l'importation en Chine d'objets -fabriqués, et cela parce que nous avons des concurrents -qui vendent moins cher que nous. Nous ne pouvons guère -les distancer que dans un produit: le ruban, dont les -femmes chinoises se servent pour toute espèce d'ornements, -et que Saint-Étienne est arrivé à fabriquer selon -le goût et la mode des clientes. Quant à nos vins, liqueurs, -conserves, beurres, confitures ils sont achetés uniquement -par les Européens et par conséquent l'importation -en est insignifiante; ou bien ils sont concurrencés par -d'autres (comme les beurres par le Danemark) qui vendent -bien meilleur marché et nous ferment la place.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_71">[Pg 71]</span></p> - -<p>Quant aux articles de Paris, l'Allemagne et la Suisse se -chargent de les fournir à très bon compte et le Japon les -dépassera bientôt dans ce genre d'objets. Cela évidemment -est inférieur à ce que nos fabricants pourraient livrer; -mais c'est bon marché, et tout est là pour le Chinois.</p> - -<p>IX.—Les importations dans les ports ouverts au -commerce européen sont sujettes, comme dans tous les -pays, au payement des droits de douane. Aux premiers -temps des relations commerciales des puissances européennes -avec la Chine, aux temps où les douanes se trouvaient -dans les mains des fonctionnaires chinois, corrompus -et corrupteurs, les négociants étrangers purent, -dans tous les ports, faire la contrebande en soudoyant les -agents chinois; cependant quelques négociants européens, -plus scrupuleux que les autres, refusèrent constamment de -se servir de ce moyen facile mais malhonnête; il s'ensuivit -pour eux une infériorité notoire et ils protestèrent. -En 1854, les représentants des puissances résolurent -d'aviser et eurent recours à une combinaison qui permit -de sauvegarder le contrôle chinois tout en empêchant les -manœuvres frauduleuses: il fut convenu que la douane -indigène, bien que restant soumise à la direction supérieure -des autorités chinoises, fonctionnerait, dans les -ports ouverts aux Européens, sous la surveillance d'inspecteurs -européens choisis par les légations étrangères et -recevant une investiture du gouvernement chinois. C'est -en 1858 que fut consacrée par les traités, l'organisation si -merveilleuse de l'«Imperial maritime Customs», laquelle -fournit à la Chine le plus clair de ses revenus parce que -précisément elle est tout entière dans les mains d'agents -européens. Il y a quelque temps les Chinois émirent la<span class="pagenum" id="Page_72">[Pg 72]</span> -prétention de reprendre la direction de cet important -service; mais comme il constitue précisément la garantie -des emprunts conclus par la Chine, cette prétention fut -trouvée exagérée. D'ailleurs, en l'état actuel d'anarchie -où se trouve l'Empire chinois, le rendement des douanes -tomberait rapidement à rien si le service se trouvait dans -les mains des Célestes.</p> - -<p>Les importations payent au taux de 5% <i>ad valorem</i> -au prix du marché local. Le gouvernement chinois a -demandé aux puissances le relèvement de ses droits de -douanes, mais aucune négociation n'a abouti à ce sujet.</p> - -<p>D'après le relevé de 1905, la population étrangère de -Changhai se répartissait ainsi:</p> - -<table summary=""> -<tr><td>Anglais </td><td> 3.872</td></tr> - -<tr><td>Allemands </td><td> 832</td></tr> - -<tr><td>Français </td><td> 667</td></tr> - -<tr><td>Russes </td><td> 414</td></tr> - -<tr><td>Austro-Hongrois </td><td> 163</td></tr> - -<tr><td>Italiens </td><td> 162</td></tr> - -<tr><td>Espagnols </td><td> 151</td></tr> - -<tr><td>Danois </td><td> 126</td></tr> - -<tr><td>Norvégiens </td><td> 93</td></tr> - -<tr><td>Suédois </td><td> 81</td></tr> - -<tr><td>Suisses </td><td> 92</td></tr> - -<tr><td>Hollandais </td><td> 63</td></tr> - -<tr><td>Belges </td><td> 63</td></tr> - -<tr><td>Grecs </td><td> 39</td></tr> - -<tr><td>Turcs </td><td> 28</td></tr> - -<tr><td>Autres européens </td><td> 31</td></tr> - - - -<tr><td>Japonais </td><td> 2.230</td></tr> - -<tr><td>Hindous </td><td> 619</td></tr> - -<tr><td>Malais </td><td> 194</td></tr> - -<tr><td>Autres asiatiques </td><td> 47</td></tr> -</table> - -<p><span class="pagenum" id="Page_73">[Pg 73]</span></p> -<p>Bien que Changhai soit toujours et doive rester le port -principal de Chine, cependant le développement de Hankeou -et des ports du nord, qui augmentent tous les ans leurs -relations directes avec les pays étrangers, affecte la situation -de Changhai en tant que port distributeur et centre -commercial. En dehors des causes nombreuses qui ont eu, -ces temps derniers, une influence sur le commerce de ce -port, l'amoindrissement de son ancien monopole comme -marché central est un signe des temps, et qu'il ne faut -pas perdre de vue pour l'avenir. Quoi qu'il en soit le développement -des concessions étrangères, qui s'accroissent -journellement, montre que Changhai tiendra encore longtemps, -et vraisemblablement toujours, sa suprématie dans -le commerce des ports de la Chine. La constante vitalité -de la ville est mise en lumière par l'installation de 26 milles -dans la ville anglaise et de 15 kilomètres dans la ville -française de tramways électriques, des deux côtés du -Yang-King-Pang<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">[10]</a> qui couvrent la ville et la campagne. -Les premières tentatives pour doter Changhai de tramways -remontent au printemps de 1895. Depuis ce temps, -l'augmentation rapide de la population avait rendu nécessaire, -indispensable, la réalisation de l'idée qui avait pris -naissance alors. La «<i>Shanghai electric Company</i>» -ouvrit ses lignes au trafic le 4 mars et toute la voie fonctionnait -à la fin de mai; de son côté la «<i>Compagnie<span class="pagenum" id="Page_74">[Pg 74]</span> -française des Tramways</i>» ouvrait un service le 4 mai. -Cette innovation fut bien accueillie des indigènes qui, à -l'heure actuelle, apprécient singulièrement ce mode de -transport rapide et peu coûteux, d'autant plus qu'en -somme, cela n'a pas affecté sensiblement le service des -djinrikisha. Les deux compagnies ont le même type de -voitures, sans impériale, l'intérieur divisé en deux parties -pouvant loger 12 passagers de première classe et 20 de -seconde. Chaque extrémité de la voiture est munie d'un -chasse-pierre automatique; les lignes ont la voie d'un -mètre; comme ce sont des entreprises différentes, elles -prennent leur énergie à deux différentes stations électriques. -La compagnie française possède 28 voitures, mais -seulement 20 sont en service permanent, et elles transportent -une moyenne de 7.450 voyageurs par jour, tandis -que la compagnie anglaise possède 65 voitures et transporte -par jour 60.000 voyageurs. Il est fort probable, et -tout à fait désirable que les deux compagnies se fondent -en une seule, ce qui semble, d'ailleurs, devoir être très rapproché. -L'importance de Changhai s'est encore accrue par -l'ouverture de la ligne de chemin de fer qui va à l'ancienne -capitale des Ming: un arrangement avait déjà été fait en -1898 en vue de cette entreprise, mais par suite des difficultés -rencontrées un peu partout, il n'avait pas été exécuté, -et ce n'est qu'en 1904 que l'emprunt fut réalisé avec une -compagnie anglo-chinoise par Cheng-Siun-Hoai, directeur -des chemins de fer impériaux. L'arrangement prévoit un -emprunt de 3.250.000 livres sterling, avec comme première -garantie la ligne elle-même. Tous les travaux préliminaires -furent terminés en 1904, et le coup de pioche -initial fut donné le 25 avril 1905. La première section du<span class="pagenum" id="Page_75">[Pg 75]</span> -chemin de fer qui va de Changhai à Nan-Siang fut ouverte -le 20 novembre 1905; la section Sou-Tcheou—Wou-Si en -juillet 1906; puis la voie fut terminée jusqu'à Tchang-Tcheou -(Chang-Chow) le 15 mai 1907, et jusqu'à Tchen-Kiang -(Ching-Kiang) le 15 octobre 1907. La dernière -section jusqu'à Nankin fut conduite le 28 mars 1908, et -ce jour-là le premier train roula depuis Changhai jusqu'à -Nankin, couvrant une distance de 193 milles anglais en -5 heures 35 minutes, y compris les arrêts. Le travail des -ingénieurs dans la construction de la ligne a surtout consisté -en terrassements, construction de ponts, et aqueducs. -Les terrassements, comprenant les digues, les percées, les -détournements de criques ont été de 2.657.761 pieds cubes. -Entre Changhai et Nankin il y a 25 grands ponts et -177 petits ponts, plus 405 aqueducs. Les stations comprennent -25 gares, et 12 haltes et l'unique tunnel de la -ligne est celui de Tchenkiang, seule partie de la ligne où -le terrain soit accidenté; ce tunnel a 1.320 pieds de long. -Ce chemin de fer a coûté par mille anglais (1 mille = -1.609 mètres), achat du terrain, construction et établissement -des voies, 68.367 taels, soit environ 247.000 francs. -Le développement des chemins de fer en Chine est une -question tellement vitale au point de vue du bien-être de -la nation qu'il n'est pas sans intérêt de s'arrêter un peu -sur ces questions techniques. La compagnie a fourni -les renseignements suivants au sujet du trafic des -voyageurs: en 1908, 3.240.869 passagers représentant -1.384.127 dollars (1 dollar = 2 fr. 20); en 1907, -1.731.658 passagers représentant 760.607 dollars; mais, -bien entendu, aucune comparaison n'est à établir entre ces -deux chiffres, puisque la ligne a été totalement achevée<span class="pagenum" id="Page_76">[Pg 76]</span> -en mars 1908. Les marchandises transportées consistent -surtout en cocons et déchets de soie venant de Wou-Si. -Pendant l'année 1908, sont arrivés à Changhai 4.344 piculs -de cocons et 1.456 piculs de déchets. Par un arrangement -intervenu récemment, les importations étrangères destinées -aux ports de Sou-Tcheou, Tchen-Kiang, Nankin, pourront -être transmises à ces ports par la voie ferrée avec payement -de droits de douane à destination.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> Le Yang-King-Pang est la crique qui sépare la concession française -de la concession anglaise.</p> - -</div> - -<p>Bientôt Changhai sera rattaché avec l'intérieur de la -province par la ligne Changhai—Hang-Tcheou—Ning-Po. -Quand cette ligne fut projetée, elle devait partir de Sou-Tcheou; -mais les négociants et la population aisée firent -une telle opposition qu'on fut obligé d'abandonner le -projet jusqu'à l'apaisement des esprits; grâce aux mesures -prises par le Taotai Liang, tout rentra dans l'ordre. -Le 6 mars une convention fut signée à Péking pour la -construction de la ligne, et un emprunt émis de -1.500.000 livres sterling; le 15 avril, le gouvernement -central donnait aux provinces du Kiang-Sou et du Tche-Kiang -contrôle absolu sur cette ligne et toute direction de -l'entreprise. Jusqu'à présent chacune des deux provinces a -souscrit la somme de 5.000.000 de taels pour la construction -de sa part respective, et l'emprunt étranger a été ainsi -réparti: 30% à la compagnie des chemins de fer du -Kiang-Sou et 70% à la compagnie des chemins de fer du -Tche-Kiang. La ligne est maintenant divisée en deux sections: -Hang-Tcheou—Ning-Po et Hang-Tcheou—Changhai. -La section Hang-Tcheou—Ning-Po a une longueur de -310 li (1 li = 500 mètres), les plans ont déjà été levés, et on -pense que vers le mois d'avril prochain les travaux seront -commencés. La section Hang-Tcheou-Changhai est dès<span class="pagenum" id="Page_77">[Pg 77]</span> -maintenant ouverte au trafic sur une assez grande étendue.</p> - -<p>Changhai attire de plus en plus les étrangers et les -Chinois, grâce aux embellissements continuels de ses -avenues, de ses rues, de ses alentours, grâce à la construction -de maisons importantes et de bâtiments non moins -remarquables, grâce aux jardins verdoyants que les -municipalités installent un peu partout. Changhai prend -de plus en plus grand air et devient une véritable ville. -Parmi les industries locales qui se sont créées, il faut citer -trois nouvelles filatures de soie: Tai-Tchang, Ta-King et -Yun-Long.</p> - -<p>X.—Le revenu total de l'année 1908 montre une moins-value -de 1.393.727 taels, soit 12,60% comparé au total -de 1907, et cependant moindre que la moins-value constatée -en cette même année 1907. Elle porte surtout sur les -importations: 1.154.281 taels; les droits sur l'opium et le -likin 219.104 taels. Quant aux droits de tonnage et aux -droits de cabotage, ils ne sont pas changés et restent sensiblement -les mêmes. Les droits d'exportation donnent -une plus-value de 58.494 taels, et les droits de transit -11.885 taels. En somme, depuis 1903, c'est la plus mauvaise -année qui soit au point de vue du revenu douanier. Il y a -une chute de 16.000.000 de taels dans le total brut des importations -étrangères. Bien que ce chiffre ne représente que -la moitié du déficit de 1907, il ne faudrait pas en conclure -qu'il y a amélioration dans le trafic. Le marché est encore -encombré de l'immense quantité de marchandises accumulées -en 1905, et qui continuent à se solder à l'encan; -de plus, la trop grande variation du change de l'argent a -beaucoup gêné le marché, et la confiance n'a pas précisément -régné. Enfin la dépréciation subie par la sapèque de<span class="pagenum" id="Page_78">[Pg 78]</span> -cuivre a réduit considérablement les moyens d'achat de la -classe ouvrière et paysanne qui ne possède guère d'autre -monnaie; les achats doivent en effet être majorés de 20 à -25%, ce qui est énorme.</p> - -<p>Les Russes ont essayé d'introduire sur le marché -quelques cotonnades de diverses espèces. Par suite du -développement des différentes industries, les métaux ont -donné une plus-value de 1.720.455 taels. Le fer en barres -donne 60.324 piculs de plus qu'en 1907; autres ferrailles, -37.207 piculs; saumon de plomb, 33.481 piculs; les pétroles -américains continuent leur marche ascendante et donnent -un surplus de 1.559.183 gallons (1 gallon = 4 litres) en -gros, et 2.190.270 gallons en caisses. Le pétrole russe a -réapparu sur le marché avec 1.391.377 gallons; quant au -pétrole de Bornéo, il décline de 5.125.025 gallons, et celui -de Sumatra de 557.168 gallons. Les bois et le sucre ont -subi une diminution dans l'importation, et la farine a -diminué de 1.479.720 piculs par suite du bon marché du -riz.</p> - -<p>La crise financière que l'on avait crainte a été arrêtée -par suite de la baisse continue du change qui a beaucoup -encouragé le commerce d'exportation. De plus, les moissons, -heureusement bonnes, ont aidé à la stabilisation -de la situation. Il y a une plus-value de 12.000.000 de -taels au chiffre de l'exportation, qui est due à la demande -de plus en plus forte de la soie et de ses produits. La -prompte reprise des affaires aux États-Unis après la crise -financière de 1907 a amené une demande considérable, et -les prix se sont bien maintenus. Mais néanmoins, beaucoup -de plaintes s'élèvent tous les ans sur les défauts de la soie, -par suite des procédés défectueux de l'élevage chinois. Il<span class="pagenum" id="Page_79">[Pg 79]</span> -faudrait ici un établissement comme celui fondé à Phulongthuong -par les Français, et où les Annamites reçoivent -l'instruction nécessaire pour sélectionner les œufs suivant -la méthode de Pasteur. Le district séricicole de Tai-Hou -n'aurait eu qu'à gagner à une telle organisation.</p> - -<p>L'exportation du coton brut donne une diminution de -301.650 piculs sur les chiffres de l'année dernière. Le moment -de la récolte fut contrarié par le mauvais temps et il -y eut un déficit d'environ 20%.</p> - -<p>Les fils locaux ont tendance à remplacer les fils importés. -Les filatures sont très occupées et réalisent de gros bénéfices, -mais elles ont dû s'adresser à l'Inde faute de -matière première. La récolte des thés a été de 20 pour 100 -meilleure qu'en 1907 et l'exportation des thés verts a, dans -l'année étudiée, été faite presque tout entière sur Batoum. -Cependant on dit que les producteurs ont perdu beaucoup -par suite de la modicité des prix; on constate une diminution -de 28.989 piculs sur les thés noirs, mais ceci est sans -importance puisque le gros commerce des thés se fait à -Hankeou.</p> - -<p>Le transit intérieur donne le chiffre de 319.460 taels et -consiste surtout en pétroles de la province du Tche-Kiang -et en charbon japonais pour les filatures de Tsong-Ming et -de Tong-Tcheou. Les communications rendues faciles par -le chemin de fer avec le district séricicole de Tai-Hou ont -amené une plus-value de 450.186 taels sur le transit intérieur -de la soie. Chao-Hing, gros marché cotonnier de la -province du Tche-Kiang, continue à envoyer ses produits -à Changhai par jonque.</p> - -<p>Les compagnies de navigation n'ont pas eu une année -brillante, et les frets ont été très bas par suite de la concurrence<span class="pagenum" id="Page_80">[Pg 80]</span> -très forte et aussi de la stagnation commerciale.</p> - -<p>Quant à l'opium, la réduction de son importation est -évidente, et celle-ci arrivera à être supprimée. Depuis la -promulgation du premier édit contre la culture du pavot -et l'habitude de fumer l'opium, édit qui parut le 20 septembre -1906, il y eut une activité marquée de la part des -mandarins civils et militaires pour faire respecter les ordres -de l'Empereur, en menaçant de châtiments sévères ceux -qui continueraient à fumer la drogue. Les lettrés également, -aidés du nouvel élément «<i>étudiant</i>», ont déployé -une grande énergie pour influencer l'opinion, en répandant -brochures et discours pour convaincre les masses que -l'opium abîme la race et abrutit l'homme; des sociétés -contre l'opium se sont formées, et des instruments sortis -des fumeries d'opium, pipes et accessoires, ont été brûlés -en public. Les nouveaux édits de 1907 et de 1908 ne font -qu'encourager cette campagne méritoire. A Changhai les -fumeries furent fermées à la date du 20 juin 1907 et dans -les concessions étrangères, à la date du 1<sup>er</sup> juillet 1908, il -fut procédé à la fermeture par séries de tous ces établissements. -L'institut de Chas. B. Town pour le traitement des -fumeurs d'opium fut ouvert le 24 octobre dernier, et jusqu'au -31 décembre 100 cas furent soignés avec succès. Mais -toute médaille a son revers, et les fumeurs invétérés ont -maintenant, faute d'opium, recours à la morphine ou à -d'autres dérivés de l'opium. Beaucoup d'opium entre dans -les pilules ou tabloïdes, dites stimulantes, fabriquées par -les droguistes locaux et se vendant en quantités énormes. -La codéïne, la cocaïne et d'autres drogues importées sous -prétexte de guérir de l'opium ne sont que des substituts -de l'opium.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_81">[Pg 81]</span></p> - -<p>D'ailleurs, si l'importation de l'opium du Bengale et de -Bombay a diminué sur le marché chinois, par contre, l'importation -à Changhai de l'opium indigène n'a cessé d'augmenter, -ainsi qu'il est facile de s'en assurer par le petit -tableau ci-après:</p> - -<table summary=""> -<tr><td>Années </td><td> Quantité </td><td> Valeur</td></tr> - -<tr><td>1904 </td><td> 10.285 piculs</td><td> 4.678.291 taels</td></tr> -<tr><td>1905</td><td> 13.981 —</td><td> 5.233.239 —</td></tr> -<tr><td>1906</td><td> 13.068 —</td><td> 6.068.355 —</td></tr> -<tr><td>1907</td><td> 10.413 —</td><td> 4.396.437 —</td></tr> -<tr><td>1908 </td><td> 19.053 —</td><td> 9.540.464 —</td></tr> -</table> - -<p>Pendant que tous les ports d'Extrême-Orient avaient -été plus ou moins atteints par la peste<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">[11]</a>, Changhai était<span class="pagenum" id="Page_82">[Pg 82]</span> -resté indemne. Malheureusement, en 1909, la peste est -entrée à Changhai, et même y a été contractée par un -chauffeur du vapeur <i>Leongwo</i> en partance pour Hankeou. -L'homme, bien portant, était descendu à terre à Changhai -avec quelques amis pour s'amuser; avant d'arriver -à Hankeou il a été pris de la peste et il est mort le même -jour. Comment cette maladie a-t-elle pénétré à Changhai, -il est assez difficile de le dire, mais on suppose qu'un rat -infecté sera parti d'un navire et aura donné l'infection aux -autres rats sur le port, c'est la seule explication. Le premier -rat infecté de la peste fut trouvé à Changhai le -8 décembre 1909.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> La peste, d'après les théories actuelles, vient de la terre, et ce sont -les rats qui sont les premiers atteints. Le rat mort, les puces qu'il nourrissait -le quittent et vont porter la peste aux humains.</p> - -<p>Cette maladie a deux caractères: elle est bubonique et donne au -patient des bubons aux aines et sous les bras; ou bien pneumonique. -Cette dernière forme est la plus grave.</p> - -<p>Elle se déclare généralement au printemps et a vite atteint une grande -intensité épidémique. En 1902, à Long-Tcheou, j'ai vu mourir des familles -entières de dix personnes en une seule journée; le docteur du Consulat, -D<sup>r</sup> Gaymard, a réussi à sauver, avec le sérum Yersin, quelques malades -pris à temps, et l'inoculation préventive faite sur nos domestiques les a -tous préservés. J'ai constaté, en accompagnant le docteur, sur les morts, -d'énormes boules de sang coagulé qui se formaient sur la tête, et, quand -on les perçait, il en sortait un liquide noirâtre.</p> - -<p>L'hiver n'empêche pas l'éclosion de la maladie; seule la grosse chaleur -en a raison. A l'heure où j'écris ces lignes, il y a une fort violente -épidémie de peste en Mandchourie, et cependant, dans ce pays, le thermomètre -descend jusqu'à - 20° au-dessous de zéro.</p> - -<p>En Chine, la peste a pris naissance au Yunnan dans les années quatre-vingts -(de 1885 à 1889), à Mong-Tseu principalement. De là, elle a gagné -Canton et Hong-Kong, puis les différents ports du Nord. Elle s'est dirigée -ensuite vers Bombay, où elle a été terrible, et a gagné l'Indo-Chine et la -Birmanie. Chose curieuse, depuis qu'elle a atteint tout l'Extrême-Orient, -le Yunnan, d'où elle est sortie, en est à peu près indemne.</p> - -<p>Rarement les Européens contractent cette maladie; cependant, il y a -quatre ans, j'ai vu un missionnaire français, le P. de Chirac, des Missions -Étrangères, souffrir, à Rangoon, de la peste sous ses deux formes: bubonique -et pneumonique. Il guérit à la profonde stupéfaction de tous, car -ceux qui en reviennent sont bien rares.</p> - -</div> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_83">[Pg 83]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_VI">CHAPITRE VI</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I.—Sou-Tcheou (Soochow); son aspect.—II. Population, commerce -et industrie.—III. Instruction publique; écoles professionnelles.—IV. -Tchen-Kiang (Chin-Kiang); sa situation, son commerce; -son industrie.—V. Nankin; sa situation, sa grandeur et -sa décadence.—VI. Historique de Nankin.—VII. L'ouverture au -commerce étranger; le chemin de fer.—VIII. Établissements -publics; commerce et industrie.—IX. L'Exposition de Nankin.</p> -</div> - - -<p>I.—Sou-Tcheou, capitale de la province actuelle du -Kiang-Sou, n'était autrefois que la seconde ville de la -grande province du Kiang-Nan dont Nankin était le chef-lieu. -C'est l'une des plus belles et des plus agréables -villes de l'Empire chinois; les premiers Européens qui -l'ont visitée l'ont comparée à Venise, avec cette différence -toutefois que c'est une Venise d'eau douce. On s'y promène -aussi bien par eau que par terre, et la ville est -coupée de canaux et de bras de rivière qui peuvent porter -les barques les plus lourdes; de la ville même à la mer, -une barque peut se rendre en deux jours au maximum. -Elle est reliée à Changhai par un beau canal et aussi, -depuis peu de temps, par la ligne du chemin de fer de -Changhai à Nankin. La cité, murée comme toutes les<span class="pagenum" id="Page_84">[Pg 84]</span> -villes chinoises de quelque importance, est un rectangle, -qui couvre une superficie d'environ 18 kilomètres carrés. -Tout près se trouve le grand lac Ta-Hou; et une fois les -murailles franchies, on rencontre également le grand canal, -commencé sous les Tang au <span class="allsmcap">VII</span><sup>e</sup> siècle, continué par les -Mongols au <span class="allsmcap">XIII</span><sup>e</sup> et achevé au <span class="allsmcap">XIV</span><sup>e</sup> siècle par les Ming; -c'est un canal qui unit le Yang-Tseu-Kiang au Hoang-Ho, -et passe devant Sou-Tcheou, et, dans la province du Tche-Kiang, -relie Hang-Tcheou, à Tchen-Kiang; non loin de -cette dernière ville, près du Kin chan (la montagne d'or, -l'île d'or), se trouve précisément la principale entrée du -canal sur le Yangtseu. Autrefois déjà, Sou-Tcheou faisait -un commerce considérable avec toutes les provinces -de l'Empire et même avec le Japon.</p> - -<p>Il n'y a point de pays plus riant; le climat en est délicieux; -tout y pousse, riz, blé, et toutes sortes de fruits; -aussi Sou-Tcheou, très riche et très agréable à habiter, -a-t-elle toujours été considérée comme une ville de plaisir, -et le proverbe chinois l'a consacrée en disant que «en haut -il y a le ciel et en bas Sou-Tcheou.» Cette grande ville n'a -que six portes par terre et six portes par eau: c'est un -va-et-vient continuel de marchands qui s'y approvisionnent -des broderies et soieries si renommées dans toute -la Chine.</p> - -<p>En 1860, Sou-Tcheou fut pris par les Tai-Ping qui ruinèrent -la ville et massacrèrent les habitants avec d'atroces -raffinements de cruauté. Aussi, aujourd'hui, cette reine -des villes chinoises au Kiang-Sou a-t-elle beaucoup perdu -de ses charmes et de ses agréments.</p> - -<p>II.—Sou-Tcheou est en effet un centre manufacturier -important et la population dépasse 500.000 âmes. Malheureusement<span class="pagenum" id="Page_85">[Pg 85]</span> -la rébellion des Tai-Ping a couvert la ville -de ruines, mais cependant, depuis 1863, époque où elle a -été délivrée de leur joug, elle a beaucoup repris, et ses -manufactures de soies et satins sont toujours renommées.</p> - -<p>Jusqu'en 1896, Sou-Tcheou n'était pas ouvert au commerce -européen, et elle ne l'a été qu'à la suite de la guerre -entre le Japon et la Chine, le Japon vainqueur ayant exigé -l'ouverture de plusieurs villes au trafic étranger; c'est -donc le 26 septembre 1896 que la déclaration d'ouverture -eut lieu et qu'un quartier européen, une concession, y fut -désignée, près de la muraille Sud, de l'autre côté du grand -canal. Sou-Tcheou est trop près du grand centre de Changhai -pour avoir un commerce considérable avec l'Europe -et l'Amérique; en 1908 il se montait à 3.872.298 taels; en -fait d'Européens, il n'y a à Sou-Tcheou que des missionnaires, -des fonctionnaires des douanes et deux ou trois -négociants. Les Japonais y ont un consulat et une école de -médecine.</p> - -<p>Il existe à Sou-Tcheou des citernes à pétrole construites -par la «<i>East asiatic petroleum Cº</i>».</p> - -<p>En 1908, la récolte des cocons fut moyenne et les prix -varièrent, au printemps et en été, de 110 à 130 taels. La -filature SouKing (Sooching), qui fait marcher 336 bassins, -semble avoir fait ses affaires; et l'ancienne filature Cheou -t'ai (Shoutai) a rouvert ses portes avec 200 bassins sous le -nom de Tchong-Hing (Chung-Hsing); la filature sino-européenne, -affermée à un indigène, a chômé toute l'année. -Par suite de pertes, la filature de coton Sou-Louen (Sôo-Lun) -avait été fermée au printemps, mais elle a rouvert -après qu'un nouveau capital de 200.000 taels fut versé. -Elle produit à peu près 20 piculs de fil par jour, et on dit<span class="pagenum" id="Page_86">[Pg 86]</span> -que vu la cherté de la matière première, provenant de -Changhai, Nan-Siang et Tong-Tcheou, il y a peu de -bénéfices.</p> - -<p>Les thés exportés de Sou-Tcheou, et provenant du -Tche-Kiang et du Ngan-Hoei, sont mélangés avec du -jasmin, du chloranthe et d'autres fleurs, et sont réexportés -vers les ports du Nord; ces dernières années, vu le peu de -métal monnayé à Nieou-Tchouang (New-Chwang) ce commerce -n'a pas donné de brillants résultats.</p> - -<p>Le riz n'a pas non plus été abondant par suite de la trop -grande abondance de pluie.</p> - -<p>Une usine électrique a été installée sur le grand canal, -près de Tchang-Meun (Chang-Men); la concession avait été -accordée il y a six ans. L'usine fournit la lumière à une -partie considérable de la ville, et aussi à beaucoup de -maisons en dehors de la porte de Tchang-Meun. C'est un -ingénieur allemand qui a dirigé les constructions; les -dynamos donnent 2.200 volts capables de fournir la lumière -à 6.000 lampes de 16 bougies.</p> - -<p>Une manufacture de verres et de bouteilles a aussi été -élevée en dehors de Siu-Meun (Hsu men); imprimerie, -fabrique de bougies, fabrique de savons ont également -été créées.</p> - -<p>III.—L'instruction publique a pris une extension considérable -à Sou-Tcheou. Il y a 113 écoles de toutes sortes: -31 sont des écoles de l'État, 53 de la province; il y a -22 écoles tenues par des particuliers et 7 par des missionnaires; -dans le nombre il se trouve 10 écoles de filles, -et il y a tout lieu de croire qu'on va en créer d'autres, car -les Chinois de cette province ont décidé de faire de grands -sacrifices pour l'instruction des filles. Dix professeurs<span class="pagenum" id="Page_87">[Pg 87]</span> -étrangers sont employés dans les écoles du gouvernement: -on compte parmi eux huit Japonais, un Américain -et un Italien. Une école de médecine fonctionne -également, et elle est très fréquentée; beaucoup des jeunes -gens qui ont appris à soigner les maladies ou à traiter -une fracture ou une blessure trouvent des situations dans -d'autres provinces. Les autorités ont également élevé -une école industrielle nommée Kong yi Kiu, où l'on -enseigne à des jeunes gens pauvres, au-dessus de seize -ans, la menuiserie, la cordonnerie et autres catégories de -métiers. On a construit aussi des marchés couverts afin de -débarrasser la ville de l'encombrement et de la saleté de -tous les petits marchés qui se tenaient au coin des rues. -Ces innovations prouvent que les Chinois commencent à -s'intéresser chaque jour davantage à la civilisation européenne, -et que décidément quelque chose change en -Chine.</p> - -<p>IV.—Tchen-Kiang n'est pas une des plus grandes -villes de la province; mais elle a une activité commerciale -assez considérable et elle est en même temps une -place de guerre; elle est située sur la rive méridionale du -Yangtseu, à environ 150 milles de son embouchure, et non -loin des entrées sud et nord du Grand Canal. A une faible -distance de la rive se voyait autrefois l'île d'Or, sur le -sommet de laquelle s'élevait une tour à plusieurs étages; -elle était également couverte de temples bouddhistes et -de maisons de bonzes; aujourd'hui l'île n'existe plus par -suite du changement du cours du fleuve, elle s'est changée -en montagne; tous les temples ont été détruits lors de la -rébellion des Taiping.</p> - -<p>Tchen-Kiang a été ouvert au commerce étranger par<span class="pagenum" id="Page_88">[Pg 88]</span> -le traité de Tien-Tsin en 1858; c'est une des jolies villes -du bas Yangtseu par suite de sa situation au milieu de -collines peu élevées mais très fraîches l'été, et les Européens -de Changhai viennent souvent s'y reposer et respirer -un air un peu moins étouffant que celui de Changhai -au mois de juillet.</p> - -<p>Au point de vue du commerce extérieur, Tchen-Kiang -n'offre rien de spécial: c'est surtout le commerce local -qui y est actif; cependant les vapeurs qui font le service -du fleuve s'y arrêtent tous. En 1908 la valeur totale des -importations a été de 17.512.881 taels. Il n'y a pas d'industrie -locale, mais les compagnies américaines pour -l'importation du pétrole y ont installé des citernes. Il -n'existe à Tchen-Kiang aucun négociant européen, mais -seulement les agents des douanes, des compagnies de navigation -et quelques missionnaires, parmi lesquels les -pères Jésuites, qui y possèdent un vaste établissement où -les confrères fatigués par les longs voyages à travers la -province viennent refaire leur santé.</p> - -<p>Parmi les nouveautés à citer à Tchen-Kiang, il faut -noter la «<i>Chin Kiang electric light Cº</i>» qui éclaire -la ville et la concession britannique; elle est sous la -direction d'un ingénieur anglais; il est malheureux de -penser que malgré cela la société ne se trouve pas dans -de brillantes conditions pécuniaires; car l'administration, -confiée aux Chinois, a, naturellement comme toujours, -laissé péricliter l'entreprise qui aura à faire face à de -grandes difficultés.</p> - -<p>Une fabrique de papier a été construite, et on constate -un grand mouvement dans le sens de la création de différentes -industries; on parle beaucoup de chemins de fer<span class="pagenum" id="Page_89">[Pg 89]</span> -dans plusieurs directions, mais tout cela n'est encore -qu'à l'état de projet. Le seul chemin de fer qui passe à -Tchen-Kiang pour le moment est celui qui relie Changhai -à Nankin; mais les marchandises ne s'en servent pas, et -préfèrent toujours les vapeurs du Yangtseu qui sont bien -meilleur marché.</p> - -<p>V.—Si l'on en croit les anciens auteurs, Nankin était -la plus belle ville qui fût au monde; quand ils parlent de -son étendue, ils disent que si deux hommes à cheval sortent -dès le matin par la même porte et qu'on leur ordonne -d'en faire le tour au galop chacun de son côté, ils ne se -rejoindront que le soir; il est certain qu'elle est la plus -grande de toutes les villes de Chine. Fondée par l'Empereur -Hong-Wou, le premier souverain de la dynastie -essentiellement nationale des Ming (1368-1403), elle a -5 lieues de tour; elle n'est pas exactement sur le grand -fleuve, mais en est éloignée de près de 6 kilomètres, et le -petit port qui la rattache au fleuve se nomme Chia-Kouan; -les barques s'y rendent par plusieurs canaux qui, du -fleuve, aboutissent à la ville. Une route toute nouvelle -conduit aussi de Chia-Kouan à la ville.</p> - -<p>Nankin est de figure irrégulière: les montagnes comprises -dans ses limites et la nature du terrain en sont la -cause. Elle était sous les Ming la capitale de l'Empire; -mais depuis la conquête tartare elle a perdu de son importance, -et elle est bien déchue de son ancienne splendeur; -elle avait autrefois un palais magnifique dont il ne reste -aucun vestige, un observatoire, des temples, des tombeaux -impériaux et d'autres monuments superbes. Les -Tartares ont démoli les temples et le palais impérial, -détruit les tombeaux et ravagé presque tous les autres<span class="pagenum" id="Page_90">[Pg 90]</span> -monuments. Le tiers de la ville aujourd'hui est entièrement -désert; les rues habitées sont assez belles, bien -pavées et bordées de boutiques propres et richement -approvisionnées.</p> - -<p>Nankin aux yeux des Chinois n'est plus la ville aux -mille splendeurs; tout s'est concentré à Pékin, et le nom -même de Nankin a officiellement disparu: la ville se -nomme Kiang-Ning-Fou. Cependant, même après la conquête -tartare elle n'avait pas perdu complètement toute -importance, elle cultivait les sciences et les arts; elle -fournissait beaucoup de lettrés, de docteurs en lettres -chinoises et de grands mandarins; les bibliothèques y -étaient nombreuses, les boutiques des libraires bien -fournies; l'imprimerie y était superbe et le papier qu'on -y fabriquait était le meilleur de l'Empire; on y travaillait -les fleurs artificielles d'une manière remarquable, et cet -art s'est du reste répandu aujourd'hui dans toute la -Chine.</p> - -<p>Malheureusement tout ce que les Tartares avaient -épargné fut détruit par les rebelles Taipings: la fameuse -Tour de porcelaine, notamment, la merveille de la Chine, -fut entièrement démolie et l'on n'en voit plus que les -débris épars, parmi lesquels on peut trouver intactes quelques -tuiles vertes et jaunes que les touristes emportent -comme souvenir. Le tombeau de Hong-Wou, le fondateur -de la dynastie, avec son allée flanquée d'animaux gigantesques -en granit, est aussi dans un état pitoyable. -Quant au palais impérial lui-même, il n'en reste que de -vagues traces.</p> - -<p>VI.—Nankin, qui était la capitale des empereurs de la -dynastie des Ming depuis 1368 jusqu'à 1403, époque où<span class="pagenum" id="Page_91">[Pg 91]</span> -l'empereur Yong-Lo transporta à Pékin le siège de -l'Empire, avait déjà été la capitale de l'un des trois -royaumes en 211; ensuite elle avait également été capitale -depuis 317, sous le règne de Kien-Wou, de la dynastie -des Tsin, jusqu'à 582, sous les dynasties des Song du -Nord, des Tsi, des Leang, des Tchen. Autrefois, les -empereurs transportaient leur capitale un peu partout -suivant leur bon plaisir, et dans l'histoire primitive de la -Chine, jamais un empereur ne résidait dans la ville où -avait résidé son prédécesseur; c'est ainsi que tour à tour -Kai-Feng, Tai-Fuan, Si-Ngan, Tchengtou, etc., avaient -servi de résidence impériale.</p> - -<p>Aujourd'hui, ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, le nom -de Nankin (capitale du Sud), n'existe plus officiellement, -bien que les étrangers continuent à l'employer et ne connaissent -pas d'autre nom. Les Chinois, dans leurs rapports -officiels, ne le désignent que sous le nom de Kiang-Ning-Fou. -Admirablement située sur la rive méridionale -du Yang-Tseu-Kiang, à 194 milles marins de Changhai, -accessible de tous côtés par terre et par eau, la ville -était toute désignée pour une résidence impériale. Quand -Hong-Wou en fit sa capitale, il agrandit le mur qui -entourait la ville, et fit une si grande enceinte que jamais -elle ne fut complètement remplie. Cependant elle offrait, -sous les Ming, une apparence de brillante civilisation et il -s'y élevait de nombreux palais. Tout cela fut détruit par -les Taiping en 1865, et depuis ce temps, comme toutes les -villes du Yangtseu qui sont tombées entre les mains des -rebelles, elle n'est plus que ruines.</p> - -<p>La partie occupée par les Mandchous est séparée par -un mur de la ville purement chinoise; un canal assez profond<span class="pagenum" id="Page_92">[Pg 92]</span> -conduit du fleuve jusque sous les murs de l'Ouest, -et il était souvent plus commode, avant ce chemin de fer, -de prendre un sampan et de suivre cette voie que d'aller -à pied dans les rues mal entretenues. Nankin possède -quatre grandes avenues très larges, coupées à angle -droit par d'autres plus petites; bien qu'elles ne soient -pas mieux entretenues que celles de Pékin, cependant elles -sont peut-être moins sales que ces dernières, mais cela -tient évidemment à ce que Nankin est une ville presque -abandonnée.</p> - -<p>Les seuls monuments à voir aujourd'hui, en dehors de -quelques colonnes de marbre, restes de l'ancien palais, -dans la ville mandchoue, consistent en une allée de -statues gigantesques en granit, hors des murs. Ces statues -forment une avenue qui mène au tombeau du fondateur -de la dynastie des Ming, l'empereur Hong-Wou. Il fut -enterré là en 1398. Ces statues représentent des guerriers, -des éléphants, des chameaux; de loin en loin, entre les -différents animaux, s'élèvent des tablettes de pierres, supportées -sur le dos d'une tortue, et couvertes d'inscriptions. -Tout cela n'est plus que ruines, et quand j'ai visité -le tombeau en 1895, plusieurs des statues gisaient à -terre. Mais le vrai, l'unique monument de Nankin était la -fameuse Tour de porcelaine, connue dans le monde entier. -Cette tour, appelée, Pao-Ngan-Ta, avait été élevée par -l'empereur Yong-Lo, à la mémoire de l'impératrice, et sa -construction avait duré dix-neuf ans, de 1411 à 1430. Les -matériaux les plus délicats avaient été employés; elle -était d'une élégance et d'un fini qu'on rencontre rarement -dans l'architecture chinoise; enfin, chose encore plus rare -en Chine, le gouvernement l'entretenait et la réparait.<span class="pagenum" id="Page_93">[Pg 93]</span> -En 1801, le tonnerre ayant détruit les étages supérieurs, -ils furent immédiatement reconstruits. En 1850 les Taiping -firent sauter la Tour; les débris encore aujourd'hui -jonchent le sol, et c'est à peine si l'on peut trouver -intacte une des tuiles jaunes et vertes qui recouvraient -ses toitures.</p> - -<p>Elle était de forme octogonale, divisée en neuf étages; -chaque étage, en partant du pied de la Tour, diminuait de -circonférence. Sa base reposait sur une fondation en -briques, et un large escalier conduisait à l'entrée de la -Tour, au pavillon du rez-de-chaussée. Là se trouvait un -escalier en spirale qui menait le visiteur jusqu'au sommet. -La carcasse du monument était tout entière en -briques soutenues par une forte charpente de poutres -énormes. Quant à l'extérieur, les huit faces étaient revêtues -de tuiles vernies de couleurs vertes, jaunes, blanches, -rouges, mélangées avec grâce. Chaque étage avait un -toit avancé, comme on peut le voir dans tous les dessins -de pagodes chinoises, et ces toits étaient recouverts de -tuiles jaunes et vertes. A chaque coin des toits pendaient -des cloches: il y en avait, dit-on, cent cinquante.</p> - -<p>Le voyageur qui visite aujourd'hui Nankin ne voit que -des ruines, et jusqu'à ces dernières années, les Européens -passaient à côté de cette antique capitale sans même s'y -arrêter. La ville, déclarée port ouvert par le traité franco-chinois -de 1858, aucune nation, pas même les Anglais, -n'avait profité de cette stipulation pour s'y installer. -Seuls quelques missionnaires catholiques et protestants -y avaient une résidence permanente.</p> - -<p>VII.—Nankin ou Kiang-Ning-Fou a été ouvert au -commerce étranger par le traité français de 1858, mais<span class="pagenum" id="Page_94">[Pg 94]</span> -aucune puissance européenne n'attacha, à cette époque, -d'importance à cette ville déchue, et ce n'est qu'en mai 1899 -qu'elle attira l'attention. Dès 1900, l'Angleterre, l'Allemagne -et l'Amérique y installèrent des consulats, et la -France y possède actuellement un vice-consulat. Bien -qu'elle se soit un peu relevée du coup que lui ont porté les -rebelles Taiping, cependant, jusqu'à présent, Nankin n'a -reconquis aucune importance commerciale. On croit généralement -néanmoins que les communications par voie ferrée -ouvertes dans la province donneront à la ville et au port -un regain d'activité. Le chemin de fer pourrait en effet y -amener les richesses minérales et autres des provinces du -Ngan-Hoei, du Honan et du Chan-Si, et leur exportation -serait facilitée par ce fait que le port de Nankin est accessible -aux grands bateaux toute l'année. C'est pourquoi il -existe un projet de chemin de fer qui aurait sa tête de -ligne aux mines du Chan-Si pour aboutir au village de -Pou-Keou en face de Nankin; une autre ligne partirait des -mines de Sin-Yang, au Honan, et viendrait, en passant -par la province du Ngan-Hoei, aboutir également à Pou-Keou. -Mais on se demande si toutes ces espérances -seraient effectivement réalisées; car la ligne actuelle qui -fonctionne régulièrement tous les jours entre Changhai et -Nankin n'a pas beaucoup changé l'activité commerciale de -la place.</p> - -<p>VIII.—Nankin possède une école navale, un arsenal -et une poudrerie; l'Église épiscopale méthodiste d'Amérique -y a fondé ce qu'elle appelle une Université.</p> - -<p>Les satins de Nankin, qu'on nomme en chinois Touan -tse, soit unis, soit semés de fleurs, sont les meilleurs et les -plus estimés; on y fait aussi des feutres très renommés.<span class="pagenum" id="Page_95">[Pg 95]</span> -Les transactions commerciales se sont élevées pour 1908 -à environ 10.000.000 de taels (exactement 9.855.892 taels). -Les importations consistent en opium, coton, fils de -coton, flanelle de coton; lainages, draps, cuivre, fer, -plomb, étain; bêche de mer (holothurie comestible), cigares -et cigarettes, charbons, couleurs et teintures, aniline, -machines, allumettes japonaises, aiguilles, pétroles, savons, -parapluies, conserves alimentaires. Quant aux exportations, -elles comportent haricots, pois, coton brut, -éventails, papier, fleurs artificielles, chanvre, peaux de -bœufs et de buffles, cuir, médecine, riz, sésame, soie -écrue, soie blanche, soie jaune, cocons, déchets de cocons, -rubans brodés de fils d'or et d'argent, fourrures de -chèvres, d'agneaux et de brebis.</p> - -<p>IX.—C'est à Nankin qu'a eu lieu, en 1910, la première -manifestation de la «Nouvelle Chine», de la Chine -qui se transforme, qui s'occidentalise, et cela avec une -telle rapidité que la poste ou le télégraphe nous apporte -constamment l'écho de quelque changement. La vieille -capitale des Ming, pour laquelle le vrai Chinois a toujours -tant d'amour et dont il évoque, non sans amertume, la -splendeur passée, devait voir dans ses murs le premier -signe de la métamorphose chinoise.</p> - -<p>L'exposition de Nankin me paraît avoir été lancée sous -l'influence japonaise, et l'on retrouve, dans ses règlements, -son organisation, dans le vocabulaire technique -des documents chinois qui traitent de la question, la mentalité -et l'inspiration directrice des Japonais. Il est d'ailleurs -hors de doute que le voisin de l'est est partout en -Chine, à l'heure actuelle; c'est lui qui pousse le colosse -chinois toujours en avant, avec l'idée bien arrêtée de le<span class="pagenum" id="Page_96">[Pg 96]</span> -guider où il voudra et de profiter de lui, à l'exclusion de -tous les étrangers qui voudraient cependant dire leur mot -en l'occurrence. La presse chinoise, qui a éclos subitement -et qui a couvert les provinces de journaux quotidiens de -toutes sortes, alors qu'il n'y avait autrefois que quelques -feuilles, soit officielles, soit dirigées par des missionnaires -protestants ou catholiques, est en majeure partie dans les -mains d'agents japonais. Toutes les questions sont traitées -dans ces feuilles: agriculture, commerce, instruction -publique, défense nationale, etc... On y discute les projets -d'augmentation de l'armée navale et de construction de -navires de guerre; la création d'une école supérieure des -chemins de fer, l'installation du télégraphe sans fil entre -le Sseu-Tchuen et le Thibet; la plantation de l'indigo et -l'élevage des vers à soie, et une quantité d'autres choses. -Les conseils ne sont pas ménagés au gouvernement et aux -différentes administrations.</p> - -<p>L'ensemble de cette littérature est japonais, et, d'ailleurs, -toutes les provinces de Chine, même les plus reculées, -sont inondées de brochures rédigées en chinois, -imprimées au Japon, et traitant de toutes les questions -sociales: politique, administration, finances, droits de -l'homme, etc... Et cela date de loin: je me rappelle que, -me trouvant au Kouang-Si, sur la rivière de l'ouest, dans -une petite sous-préfecture nommée Kouei-Chien, le sous-préfet, -homme tout à fait modernisé, me fit voir sa bibliothèque -(dont il était très fier), et je pus constater que tous -les livres qui la composaient étaient rédigés et imprimés -au Japon, à l'usage des Chinois. Il se trouvait même, -parmi ces ouvrages, la traduction de l'<i>Esprit des lois</i> de -Montesquieu, du <i>Contrat social</i> de Jean-Jacques Rousseau,<span class="pagenum" id="Page_97">[Pg 97]</span> -des œuvres socialistes de Karl Marx—et beaucoup -d'autres. Il est bien évident que ces traductions ne pouvaient -avoir été faites que par des Japonais déjà fort instruits -dans les lettres et sciences d'Europe.</p> - -<p>Il est tellement clair et visible, d'ailleurs, que le Japon -mène la Chine! Dans le livre que j'ai publié sur le -Japon<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">[12]</a>, je disais que j'avais rencontré des Japonais -dans toute la Chine; voici un fait qui montrera jusqu'à -quel point ils savent s'infiltrer chez leurs voisins, et cela -sans être reconnus pour des étrangers; on comprendra -alors comment et pourquoi le Japon est forcément le grand -éducateur du Céleste qui, cependant, n'éprouve en rien -pour lui les sentiments d'un frère.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> <i>L'Empire japonais et sa vie économique.</i> (Librairie Orientale et -Américaine, E. Guilmoto, éditeur.)</p> - -</div> - -<p>Il y a de cela déjà une douzaine d'années, dans un -port du Yangtseu où je résidais, un navire de guerre -japonais vint jeter l'ancre. Le commandant, homme fort -aimable, me fit une visite et voulut bien me recevoir à sa -table à déjeuner. Lorsque j'arrivai, au jour dit, je vis, -dans l'entrepont du navire, une longue table servie et -comprenant une trentaine de couverts. Un nombre à peu -près égal de convives attendaient, parmi lesquels je -remarquai une vingtaine de jeunes Chinois; au premier -abord, je n'y prêtai pas grande attention, mais je vis, -quelque temps après, que ces Chinois n'étaient autres -que des Japonais déguisés. Ils venaient de différentes -parties des provinces du Houpe et du Hounan où ils s'instruisaient -sur les choses chinoises, et ils étaient là, à -bord de ce bâtiment de guerre, pour faire leur rapport au -commandant. Nul doute que chaque province du vaste<span class="pagenum" id="Page_98">[Pg 98]</span> -empire chinois ne renfermât ainsi plusieurs «explorateurs»; -et, à l'heure qu'il est, j'en suis convaincu, les -Japonais connaissent la Chine mieux que les Chinois -eux-mêmes. C'est pour ce motif que je crois la Chine -actuellement menée par le Japon, et toute poussée d'occidentalisme -a une origine et une direction nippones.</p> - -<p>La grande manifestation connue sous le nom d'Exposition -de Nankin est donc, certainement, d'inspiration japonaise. -On n'en a pas beaucoup parlé en Europe, et, à vrai -dire, elle a été plutôt un bazar local où étaient réunis les -produits des provinces avoisinant Nankin et de la vallée -du Yangtseu en général. Elle comprenait quatre sections: -produits du sol, industrie, beaux-arts, instruction publique. -Sous la dénomination de produits du sol, figuraient: -l'agriculture divisée en sept sous-sections: céréales, horticulture, -arboriculture, machines aratoires, engrais, -arrosage, animaux utiles et nuisibles; la sériciculture: -cocons, soies, mûriers, ponte, machines, installations; -les pêcheries: poissons et crustacés maritimes et fluviaux; -la pharmacie: remèdes végétaux, animaux, minéraux; la -minéralogie: métaux, houille, pierres, sable, chaux, les -différents minerais et produits du sous-sol; la chasse: -peaux d'animaux, dents, cornes, plumes.</p> - -<p>L'industrie était divisée en onze sous-sections: teinturerie, -vêtements, porcelaine, cheveux et poils, verre, -matières d'or et d'argent, travaux en bambou, ivoires, -chaussures et cuirs, éventails de tous genres.</p> - -<p>Les beaux-arts comprenaient les peintures de toutes -sortes, les broderies, les porcelaines fines, les œuvres -d'or et d'argent ciselé.</p> - -<p>L'instruction publique exposait tout ce qui est nécessaire<span class="pagenum" id="Page_99">[Pg 99]</span> -aux écoles: papiers, pinceaux, encre de Chine, livres -scientifiques modernes de chimie, physique, électricité, -mécanique, etc... Tout ce qui concerne ce département de -l'instruction publique a été fait, sans aucun doute, et préparé -par des maîtres japonais—à part les papiers, les -pinceaux et l'encre de Chine. Parmi les bâtons de cette -encre, indispensable pour écrire avec des pinceaux, quelques-uns -sont de vraies merveilles. Le grand centre de la -bonne et élégante fabrication est Ngan-King, dans la province -de Ngan-Hoei. On recueille, pour fabriquer ces -bâtons, la fumée d'une huile spéciale qu'on fait brûler dans -de petites lampes, et on mélange cette fumée avec une -sorte de colle où l'on ajoute du musc, puis on met cette -mixture dans des moules. Nous avons tous vu, en Europe, -des échantillons de ces bâtons de noir de fumée; mais je -crois qu'il faut aller en Chine et surtout à Ngan-King, -pour trouver les meilleurs spécimens du genre.</p> - -<p>L'Exposition était répartie entre douze constructions de -forme européenne, mais d'élégance douteuse, semées au -milieu de jardins et de parterres égayés de nombreuses -pièces d'eaux. A l'entrée principale, on rencontrait les -deux pavillons de l'agriculture (à droite) et de l'industrie -(à gauche); c'étaient les deux plus considérables; puis, -au fur et à mesure qu'on avançait sur la grande route -centrale, on apercevait, dispersés au milieu de la verdure: -le pavillon des machines, le pavillon de l'hygiène -publique, celui de la préparation militaire; puis les pêcheries, -les beaux-arts, etc...</p> - -<p>Presque tous les exposants étaient chinois, sauf quelques -maisons européennes de Changhai et de deux ou -trois autres ports qui avaient exposé des machines et des<span class="pagenum" id="Page_100">[Pg 100]</span> -produits d'Europe. Ne figuraient sur cette liste que des -maisons anglaises, allemandes ou américaines.</p> - -<p>Changhai et la province du Kiang-Sou, puis Nankin et -les villes du bas Yangtseu avaient exposé des objets manufacturés -fort beaux et riches, surtout comme soieries et -broderies; et les coiffures féminines en plumes d'oiseaux -(spécialité de Nankin) étaient, pour la plupart, vraiment -remarquables.</p> - -<p>L'Exposition, ouverte en grande pompe au cinquième -mois de la seconde année de Siuen-Tong (mai 1910), -ferma ses portes le neuvième mois de la même année, -c'est-à-dire en octobre 1910. Pendant son existence éphémère, -cette première exhibition nationale n'a pas fait grand -bruit à l'étranger. Les quelques Européens qui l'ont visitée -n'ont pas été particulièrement surpris et n'ont trouvé -là qu'un médiocre intérêt. Dans cette partie nord de la -ville de Nankin où avait été tracé l'emplacement des -divers pavillons, le style bizarrement européo-chinois de -ces derniers laissait une fâcheuse impression et n'était -nullement en harmonie avec l'architecture et le paysage -chinois qui les entouraient.</p> - -<p>Mais le triomphe de l'étrange fut la cérémonie de -l'inauguration; on eut la surprise d'y voir, au milieu -des vieux mandarins en habits soyeux aux couleurs vives -et aux dessins chatoyants, de jeunes fonctionnaires -vêtus à l'européenne, en frac ou en redingote. L'effet était -désastreux. L'uniforme européen, pour l'armée, était jusqu'ici -le seul admis dans le Céleste Empire, et c'était évidemment, -dans ce cas, une nécessité, mais on n'avait -jamais vu, dans une cérémonie officielle, des habits noirs -figurer à côté de l'antique robe mandchoue. Comme son<span class="pagenum" id="Page_101">[Pg 101]</span> -voisin le Japon, et sous son égide, la Chine marche, et elle -finira, comme lui, par imiter l'Europe en tout, y compris -l'habit, qui fait bien un peu le moine, malgré le proverbe.</p> - -<p>En somme, l'Exposition de Nankin a été assez ignorée -du dehors; mais elle a été pour les Chinois une date. La -réunion, dans l'ancienne capitale des Ming, des produits -des différentes provinces, la présence des exposants venus -de tous les points du territoire est, en son genre, une des -nombreuses affirmations du patriotisme chinois qui se -dégage et s'affirme de plus en plus.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_103">[Pg 103]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_VII">CHAPITRE VII</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Wou-Hou (Wuhu); ouverture au commerce étranger; situation -sur le Yang-Tseu-Kiang; les canaux; activité commerciale et -industrielle.—II. Les maisons européennes établies à Wou-Hou.—III. -Exportation et importation.—IV. Kieou-Kiang (Kiu-Kiang); -description de la ville et sa situation; les montagnes du Louchan.—V. -La province du Kiang-Si; la ville de Kin-Te-Tcheng et la -porcelaine.—VI. Avenir de Kieou-Kiang.</p> -</div> - - -<p>I.—Wou-Hou, petit port situé dans un pays de marécages -et de grandes herbes, n'a été ouvert au commerce -étranger que le 1<sup>er</sup> avril 1877 par la convention de Tche-Fou. -Il est situé sur le Yangtseu, dans la province du -Ngan-Hoei et il se trouve à peu près à moitié chemin entre -Tchen-Kiang et Kieou-Kiang. Sa situation sur le fleuve -et sur un grand canal qui le relie à la ville de Ning-Kouo-Fou -en fait un port de commerce fort actif. Le canal qui -relie Wou-Hou à Ning-Kouo-Fou est toujours navigable, -même en été; c'est ce qui contribue à l'importance du port, -par lequel il se fait une grande exportation de riz vers les -autres provinces; de plus, un autre canal relie Wou-Hou -à un district de thé très renommé, Tai-Ping-Chien, situé à -environ 20 kilomètres. Toutefois ce dernier canal n'est<span class="pagenum" id="Page_104">[Pg 104]</span> -navigable qu'aux grandes eaux, en été, ce qui diminue -considérablement sa valeur.</p> - -<p>Enfin deux autres canaux relient la ville de Wou-Hou à -Sou-Ngan et Tong-Po, et les districts qui produisent la -soie ne se trouvent guère qu'à 100 kilomètres du port. -C'est ce qui explique le trafic assez considérable de ce petit -endroit qu'on aperçoit à peine en passant et qui a l'air -d'une misérable ville chinoise de dernier ordre. Il est fort -possible que, dans l'avenir, ce trafic prenne encore plus -de développement; car Wou-Hou est situé dans une province -essentiellement riche. D'ailleurs, les chiffres que -nous fournit la douane impériale chinoise montrent bien -que les affaires y sont fréquentes et nombreuses et l'activité -incessante. Le relevé de 1908 donne en effet la -somme de 27.429.894 taels. La province de Ngan-Hoei -est riche en charbonnages, et plusieurs sociétés, soit étrangères, -soit indigènes, se sont déjà constituées pour l'exploitation -de ces mines. La «China Merchant Steam Navigation -Cº», c'est-à-dire la compagnie chinoise de navigation -à vapeur, possède à elle seule plusieurs districts -miniers; il est vrai que jusqu'ici l'exploitation n'a pas -donné tous les résultats que l'on pouvait espérer, mais il -est hors de doute qu'avec l'introduction de la machinerie -européenne et une administration intègre et soigneuse, -on devrait avoir un rendement profitable. Une autre compagnie, -dénommée Tchen-Kang, a obtenu également du -gouvernement impérial l'autorisation de faire des prospections -minières et d'installer des exploitations de différents -minerais: mais cette dernière société n'a encore rien -établi de définitif. Plusieurs Européens ont essayé aussi -de former des sociétés pour l'extraction du minerai dans<span class="pagenum" id="Page_105">[Pg 105]</span> -le Ngan-Hoei, et parmi ces dernières, le Yang-Tse-Land -and Investment Cº, et le charbonnage I Li sont les plus -considérables. Elles n'ont toutefois encore rien fait, et -la situation actuelle de la Chine semble trop propre à -refroidir le zèle de ceux qui comptent installer quelque -exploitation dans l'intérieur du pays.</p> - -<p>Le port de Wou-Hou, en dehors de la soie et du thé, -fait un commerce assez considérable de bois en grume. -Ce commerce est entièrement dans les mains des Chinois, -comme, du reste, tout le trafic du port. Aucun Européen -ne réside à Wou-Hou, sauf ceux qui font partie du personnel -de la douane, ainsi que les agents des compagnies -de navigation et quelques missionnaires protestants et -catholiques. La ville est assez élégamment bâtie pour une -ville chinoise; les rues sont plus larges et mieux pavées -qu'ailleurs; autrefois il n'y avait pas de quai le long du -fleuve, mais le terrain cédé à cet endroit à la compagnie -des chemins de fer du Ngan-Hoei a été, ainsi que les -emplacements appartenant aux diverses compagnies de -navigation, transformé complètement depuis quelques -années, et aujourd'hui un quai de 1.500 mètres est en -construction; plus de la moitié est déjà terminée; un -emplacement spécial, sorte de petite ville européenne, a -été réservé pour les quelques étrangers qui résident à -Wou-Hou, et le port prend peu à peu l'air élégant et -confortable des autres ports du Yangtseu.</p> - -<p>II.—Comme maisons européennes établies dans cette -partie du fleuve, nous trouvons:</p> - -<p>La compagnie des chemins de fer du Ngan-Hoei;</p> - -<p>La compagnie asiatique des pétroles (Asiatic petroleum -Cº);</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_106">[Pg 106]</span></p> - -<p>La Standard oil Cº de New-York;</p> - -<p>Une compagnie d'électricité y est également représentée -et, à l'heure qu'il est, Wou-Hou renonce peu à peu -au pétrole pour s'éclairer à la lumière électrique. Mais, -ainsi que je le disais au début, le principal article de commerce -du port de Wou-Hou, c'est le riz, et on a généralement -remarqué que les importations y étaient en quelque -sorte en fonction de l'exportation du riz; c'est que la -partie de la province du Ngan-Hoei où est situé Wou-Hou -est essentiellement productrice de cette céréale, laquelle -est pour le Chinois de première nécessité, exactement -comme est pour nous le blé. Autrefois le Ngan-Hoei faisait -partie de la grande province du Kiang-Nan (Ngan-Hoei -et Kiang-Sou) qui était considérée comme la plus -riche de la Chine. Les villes sont très peuplées et sont les -plus célèbres de l'Empire pour le commerce; le pays est -rempli de bois, de rivières, de canaux ou naturels ou -creusés de main d'homme qui communiquent avec le -Yangtseu. Dans ces conditions la culture du riz, qui -demande beaucoup d'eau, y est intensive.</p> - -<p>Il faut ajouter que la capitale de l'Empire, Nankin, se -trouvant précisément située dans la province du Kiang-Nan, -contribuait nécessairement à la richesse de cette -même province et en même temps à sa culture intellectuelle; -car les habitants en étaient et en sont encore civils -et polis, et recherchés dans leurs manières.</p> - -<p>III.—Les principaux articles d'exportation du port de -Wou-Hou sont donc: le riz, le thé, un peu de soie, des -plumes de canard et de poulet, du chanvre, et aussi une -assez grande quantité de haricots.</p> - -<p>On trouve à l'importation: opium, cotonnades et coton de<span class="pagenum" id="Page_107">[Pg 107]</span> -toutes sortes; fer et métaux divers, allumettes, pétrole, -bêche de mer; verrerie, savon, sucre et parapluies. -Dans cette énumération, nous ne voyons guère que des -articles anglais, allemands, japonais et américains. Les -Français n'y figurent pas, sauf peut-être comme importation -de rubans de soie brodée de Saint-Étienne. Bien que -n'étant pas un port ouvert au commerce étranger, il n'est -pas sans intérêt de mentionner ici la ville de Ngan-King, -située sur le Yangtseu, en face de la province du Kiang-Si. -Cette ville est très considérable par ses richesses et -son commerce; tout le pays à l'entour est très découvert, -très agréable et très fertile. C'est à Ngan-King que se -fabrique l'encre de Chine la plus renommée.</p> - -<p>IV.—Kieou-Kiang est l'une des villes les plus agréables -à habiter parmi toutes celles qui sont bâties sur les -bords du Yangtseu. Quand le voyageur arrive en bateau -en remontant le fleuve, il passe d'abord, avant d'arriver à -Kieou-Kiang, devant la petite île de Siao-Kou-Chan (le -petit orphelin) très élégante et chargée de monastères blanchâtres, -qui la font ressembler à un pain de sucre; puis -il arrive à l'embouchure du lac Po-Yang, où se dresse, -adossé à une éminence et regardant l'entrée du lac, le -port de Houkeou; de cette dernière ville, par-dessus le -lac, on aperçoit une chaîne de collines assez élevées et -dont les versants, descendant vers le Po-Yang, sont couverts -de verdure en buissons et de quelques arbres isolés. -Cela fait contraste avec les rives plates que l'on rencontre -partout ailleurs; en effet, depuis l'embouchure du -Yangtseu jusqu'aux gorges d'Itchang, on ne voit aucune -verdure; l'indigène imprévoyant a abattu toute la forêt -et ne lui a pas donné le temps de repousser. Par delà les<span class="pagenum" id="Page_108">[Pg 108]</span> -prairies où coule majestueusement le grand fleuve, depuis -des siècles, toute trace d'arbres a disparu et on ne voit -que des collines nues et grisâtres. Aussi la vue se trouve-t-elle -égayée quand on arrive en face de Kieou-Kiang. -La ville en elle-même n'a rien de plus remarquable qu'une -autre ville chinoise, et les Européens qui habitent la concession -sont en très petit nombre; seulement les agents -de la douane, les représentants des compagnies de navigation -et quelques missionnaires. Cependant, grâce aux -montagnes dont elle est entourée, elle a un cachet particulier -que n'ont pas les autres villes du Yangtseu, même -les plus grandes. Aussi, les Européens qui résident dans -les ports proches de Kieou-Kiang, notamment ceux de -Hankeou, ont-ils construit sur les hauteurs du Lou-Chan -(ainsi se nomme la chaîne de Kieou-Kiang) une véritable -petite ville où ils vont prendre le frais et se reposer des -chaleurs torrides de l'été du Yangtseu. Autrefois seule la -douane de Kieou-Kiang possédait un bungalow dans un -coin de montagnes nommé Ta-Chan-Pei, et les Russes, -marchands de thé à Hankeou, une autre maison à Ma-Ouei-Chouei; -mais en 1899 un missionnaire américain découvrit -le sommet de Ku-Ling et s'y installa. L'idée lui vint -de construire des maisons de rapport et il lutta avec les -mandarins du Kiang-Si pour obtenir une certaine quantité -de terrain. Ce fut dur, ce fut long, mais sa patience fut -récompensée, et à l'heure qu'il est Ku-Ling est une véritable -ville européenne perchée sur le sommet du Lou-Chan. -De tous les points du Yangtseu on y vient, et les habitants -de Changhai eux-mêmes, qui autrefois allaient se reposer -au Japon, ne dédaignent pas de s'y installer malgré les -trois jours de navigation sur le fleuve.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_109">[Pg 109]</span></p> - -<p>V.—Nous sommes ici dans la province du Kiang-Si, -bornée au nord par le Houpe et le Ngan-Hoei; à l'est, par -le Tche-Kiang et le Fou-Kien; au sud, par le Kouang-Tong; -à l'ouest, par le Hounan. Les montagnes qui se -trouvent au nord de la province et auxquelles Kiu-Kiang -est adossé sont relativement peu hautes et par suite très -abordables; mais celles qui sont au midi et qui se réunissent -aux montagnes des provinces du Kouang-Tong et -du Fou-Kien sont presque inaccessibles, quoique l'on y -découvre de fort belles vallées.</p> - -<p>Les campagnes sont très bien cultivées; cependant la -province est si peuplée que, toute fertile qu'elle est, elle -ne fournit pas beaucoup plus de riz qu'il n'en faut pour -nourrir ses habitants; aussi ont-ils la réputation d'être -très économes, voire avares, et leur épargne sordide leur -attire souvent la raillerie de leurs compatriotes.</p> - -<p>Le Kiang-Si est bien arrosé; sa principale rivière est -le Kan-Kiang qui prend sa source près de Sin-Fong, et -après avoir passé à Kan-Tcheou, Kingan et Nan-Tchang, -se jette dans le lac Poyang près de Nan-Kang. Cette -rivière ainsi que les petits ruisseaux qui s'y jettent est -remplie de toutes sortes de poissons, notamment truites -et saumons; à une certaine époque de l'année, généralement -en avril, les esturgeons remontent le fleuve et sont -pris en grande quantité dans le lac Poyang. La tortue -comestible à carapace molle est également très abondante -au Kiang-Si. Ainsi que je l'ai dit plus haut, les montagnes -dont la province est entourée sont couvertes de -bois, ce qui en fait une oasis au milieu de la nudité des -autres provinces.</p> - -<p>Outre que la terre produit ici tout ce qui est nécessaire<span class="pagenum" id="Page_110">[Pg 110]</span> -à la vie et que rivières et lacs fournissent amplement le -poisson, la province du Kiang-Si est très riche en mines -d'or, d'argent, de plomb, de fer et d'étain. On y exploite -une mine de charbon dans le sud, à Ping-Chiang; on y -fabrique également de belles étoffes et on y distille un vin -de riz très renommé.</p> - -<p>Mais l'industrie la plus célèbre du Kiang-Si est celle -de la porcelaine. On la fabrique à Kin-Te-Tcheng, petite -ville située sur la rivière Tchang, dans une plaine -entourée de hautes montagnes; la ville a beaucoup souffert -de la rébellion des Tai-Ping, mais elle reprend peu -à peu son activité; elle est peuplée surtout d'ouvriers -porcelainiers et décorateurs, et bien qu'elle ne soit pas -ville murée, mais pour ainsi dire simple village, c'est -l'une des plus grandes cités de la province comme population. -C'est à Kin-Te-Tcheng que la Cour de Pékin commande -la porcelaine dont elle a besoin; et il n'y a pas -lieu d'insister pour faire comprendre que le commerce de -vases, plats et bols d'espèces variées est la principale -affaire de cette partie du Kiang-Si; un grand nombre de -marchands de toutes les provinces viennent s'y approvisionner; -car la porcelaine qui se fait à Canton et dans les -provinces de Fo-Kien est loin d'être aussi estimée; beaucoup -de marchands indigènes du Kiang-Si chargent aussi -de grandes barques et vont à petites journées vendre leur -produit dans les villes le long du Yangtseu.</p> - -<p>Kieou-Kiang a été ouvert au commerce étranger; c'était -en effet l'un des ports où pouvait aborder le thé dont les -Anglais faisaient autrefois un grand commerce; il avait -été question, au lieu d'ouvrir Kieou-Kiang, de choisir -Houkeou, à l'embouchure du Poyang dans le Yangtseu;<span class="pagenum" id="Page_111">[Pg 111]</span> -mais je crois que ce dernier port n'aurait pas été plus -florissant que Kieou-Kiang, qui a trompé toutes les espérances -fondées sur lui; il n'a jamais été en effet un marché -pour les thés dont le trafic a toujours été concentré à -Hankeou.</p> - -<p>Kieou-Kiang a une population de 60.000 habitants; la -ville a bien perdu de son importance d'autrefois, depuis -qu'elle a été prise et saccagée en 1853 par les rebelles -Tai-Ping; elle est à peine relevée de ses ruines, et une -grande partie de la ville murée est une véritable forêt -vierge.</p> - -<p>Son commerce pour l'année 1908 s'élevait à 30.093.412 -taels.</p> - -<p>VI.—Selon toute probabilité Kieou-Kiang restera toujours -un port secondaire et ne prendra jamais de grandes -proportions au point de vue du trafic. Peut-être, une fois les -communications rendues plus faciles par les voies ferrées, -la province du Kiang-Si, dont Kieou-Kiang est le débouché -sur le Yangtseu, arriverait-elle à un plus grand développement -par l'exploitation de ses richesses naturelles; -elle possède en effet quelques produits assez recherchés, -tels que le thé, le tabac, les haricots, la ramie, le coton, -voire même le camphre, et ses récoltes en riz et en blé -sont généralement fort abondantes. La population, qui -peut être estimée à 25.000.000, est intelligente et fine; le -travail des ouvriers du Kiang-Si est très apprécié, et ce -qui sort de leurs mains, comme les objets de porcelaine, -le papier, les étoffes de ramie, prouve infiniment de goût -et d'habileté. Il y a en outre dans la province beaucoup -de mines de charbon, des mines de cuivre et de fer. Mais -tout cela ne peut être mis en exploitation sérieuse que<span class="pagenum" id="Page_112">[Pg 112]</span> -par des capitaux considérables, et à condition que les -voies de communication soient faciles et rapides, ce qui -est loin d'être le cas aujourd'hui. On a déjà eu bien de -la peine à achever la construction du chemin de fer qui -relie Kieou-Kiang à Nan-Tchang-Fou, capitale de la province, -et il est probable qu'après cet effort, les choses -vont encore rester pour de longues années en l'état -actuel.</p> - -<div class="figcenter illowp100" style="max-width: 74em;"> - <img class="w100" src="images/135.jpg" alt="" /> - <div class="caption">Brouette chinoise.</div> -</div> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_113">[Pg 113]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_VIII">CHAPITRE VIII</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Hankeou (Hankow), sa situation; la province du Houpe.—II. Hankeou -et Hanyang; ouverture de Hankeou au commerce étranger: -anglais, russes et français.—III. Concessions russe, française, -allemande et japonaise.—IV. L'essor de Hankeou; le vice-roi -Tchang-Tche-Tong et les usines de Hanyang.—V. Établissements -industriels à Wou-Tchang-Fou.—VI. Le chemin de fer Hankeou-Pékin: -les lignes nouvelles projetées.—VII. Les Japonais à -Hankeou et dans le Yang-Tseu-Kiang.—VIII. L'agriculture au -Houpe; les forêts, les mines.—IX. Le commerce; importation -et exportation.—X. Le thé, principal article d'exportation.—XI. -Parts afférentes aux diverses nations dans le commerce de -Hankeou; la part de la France.—XII. Compagnies de vapeurs, -maisons françaises; nouveautés industrielles et commerciales de -Hankeou.</p> -</div> - - -<p>I.—Hankeou est situé dans la province du Houpe, -sur les bords du Yang-Tseu-Kiang, qui traverse la province -de l'ouest à l'est. Autrefois, Hankeou était un simple -marché, dépendant de la sous-préfecture de Hanyang dont -il est séparé par la rivière Han, affluent du grand fleuve. -Hankeou signifie, du reste, en chinois «embouchure de la -Han». Le Jésuite du Halde, en 1735, décrivait ainsi la -province du Houpe, laquelle, à cette époque, formait avec -le Hounan la vaste province du Hou-Kouang: «La plus<span class="pagenum" id="Page_114">[Pg 114]</span> -grande partie de cette province est un pays plat qui consiste -en de rases campagnes arrosées de toutes parts de -ruisseaux, de lacs et de rivières. On y pêche une infinité -de toutes sortes d'excellents poissons, et l'on prend grand -nombre d'oiseaux sauvages sur les lacs.</p> - -<p>«Les campagnes y nourrissent des bestiaux sans -nombre; la terre y produit toutes sortes de grains et de -fruits, surtout des oranges et des citrons de toutes les -espèces. Les montagnes sont très abondantes les unes en -cristal, d'autres en simples et en herbes médicinales... On -y trouve des mines de fer, d'étain et de semblables minéraux.</p> - -<p>«Il s'y fait quantité de papier des bambous qui y -croissent et l'on voit dans les campagnes beaucoup de -ces petits vers qui produisent de la cire de même que les -abeilles produisent le miel.</p> - -<p>«Enfin, elle est si abondante en toutes sortes de choses -qu'on l'appelle communément le grenier de l'Empire, et -c'est un proverbe, parmi les Chinois, que la province de -Kiang-Si peut fournir un déjeuner à la Chine, mais que -celle de Hou-Kouang a seule de quoi la nourrir tout -entière.»</p> - -<p>Il y a là, je crois, quelque exagération, et si la province -du Hounan peut être considérée comme assez riche, par -contre, le Houpe est certainement une des pauvres provinces -de Chine. Malgré cela, le marché de Hankeou était -déjà important à l'époque où écrivait le Père du Halde; -car c'était le rendez-vous du commerce de la Chine centrale. -Le Père Huc, au reste, en parle aussi avec enthousiasme -lors de son passage à son retour de Lhassa. C'est -que, par la Han d'un côté et par le Yangtseu de l'autre,<span class="pagenum" id="Page_115">[Pg 115]</span> -toutes les marchandises arrivant du nord et de l'ouest -viennent se réunir à Hankeou.</p> - -<p>II.—Actuellement Hankeou a grandi et a surpassé de -beaucoup Hanyang qui est devenue une ville morte. La -population y est estimée de 800.000 à 1.000.000 d'habitants. -Ces chiffres sont forcément approximatifs, car les -recensements du gouvernement chinois sont plus ou moins -sujets à caution; il n'en est pas moins vrai que Hankeou -est une des villes les plus peuplées de la Chine.</p> - -<p>Elle a été ouverte au commerce étranger en 1861, et, de -suite, les Anglais s'y installèrent et y créèrent le «British -Settlement» qui devint rapidement une petite ville -fort gracieuse et élégante, munie d'un quai d'environ -un kilomètre de long, tout planté d'arbres, et qui est la -promenade habituelle des résidents. Les Anglais, à cette -époque, prenaient de forts chargements de thé à destination -de Londres, et ils continuèrent ainsi à envoyer jusqu'à -Hankeou, aux hautes eaux, des vapeurs de 7 et -8.000 tonnes. Ils cessèrent vers 1897-1898, alors que les -plantations de Ceylan, de l'Inde et de l'Assam, étant en -plein rapport, purent fournir le Royaume-Uni de tout le -thé dont il avait besoin.</p> - -<p>Les Russes, eux aussi buveurs de thé, ne tardèrent pas -à s'installer à Hankeou; ils construisirent leurs résidences -dans la concession anglaise, la seule existante, et ouverte -à tous les Européens; puis ils y élevèrent des fabriques -pour y préparer le thé en briques à destination de la -Sibérie, du Thibet et de la Mongolie. C'est en effet sous -cette forme qu'il est facile d'importer le thé dans ces pays, -en le faisant circuler à dos de chameaux; les briques et -briquettes fabriquées à Hankeou par les Russes sont divisées<span class="pagenum" id="Page_116">[Pg 116]</span> -en carrés par des lignes creusées dans les comprimés, -afin de pouvoir chez les Thibétains et les Mongols servir -d'échange. Aujourd'hui les Anglais ont à peu près cessé -tout commerce de thé, et seuls les Russes en exportent -encore du Houpe.</p> - -<p>C'est trois ans après l'ouverture du port au commerce -étranger qu'Anglais et Russes vinrent s'y installer. A -cette époque (1864) il y avait également une quinzaine de -Français, mais ils n'y restèrent pas, et ce n'est qu'en 1895 -qu'ils commencèrent à y reparaître.</p> - -<p>III.—Après la guerre sino-japonaise, la Chine, vaincue -et obligée d'ouvrir de nouveaux ports et d'accorder de nouvelles -concessions, dut, en même temps qu'elle cédait aux -prétentions du Japon, agréer les demandes des autres puissances. -C'est ainsi que la Russie et l'Allemagne exigèrent -des concessions à Hankeou, à côté de la concession britannique. -Mais la France avait déjà, précisément à la -suite de la concession britannique, le droit (acquis en 1861) -d'établir une concession. Il s'ensuivit quelques difficultés -qui furent, au bout d'un temps assez long toutefois, -réglées d'une façon amicale, et les concessions furent délimitées -en laissant à la Russie les terrains que ses sujets -avaient depuis longtemps acquis, en dehors et à côté de -la concession britannique, pour y construire de nouvelles -fabriques de thé qui étaient, au moment de la discussion, -en plein rapport.</p> - -<p>Mais une autre difficulté s'élevait pour la France. Ayant -négligé en 1861 de prendre effectivement possession de la -concession qui lui était octroyée, elle n'y avait élevé qu'un -consulat, et les Anglais s'étaient approprié les terrains à -l'entour pour en faire un champ de courses. Le consulat<span class="pagenum" id="Page_117">[Pg 117]</span> -de France était donc au milieu du champ de courses. On -ne saura jamais les tracas, les ennuis, la peine que j'ai -eus à faire revivre la concession française, mais j'ai été -récompensé de mes luttes de trois années, car j'ai réussi<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">[13]</a>.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> «La concession française existait en principe depuis longtemps, -mais n'existait qu'en principe. C'est à l'initiative de notre consul actuel, -M. Dautremer, qu'elle doit d'avoir pu passer à l'état de réalité. La France -doit d'autant plus lui en savoir gré que cet établissement n'a pu se faire -sans rencontrer bien des difficultés, suscitées soit par des intérêts personnels -ou des convoitises plus ou moins inavouables, soit aussi par des -susceptibilités nationales.» (<i>Le Haut-Yangtseu, de Itchang-Fou à Ping-Chan-Hien</i>, -par le <span class="smcap">P. Chevalier</span>.)</p> - -<p>«Le travail que vous présente ici la municipalité française, et que -vous nous faites l'honneur d'inaugurer aujourd'hui, est un monument de -longue persévérance. A mon prédécesseur, M. Dautremer, revient le -mérite de l'avoir entrepris il y a trois ans. Il fallait alors avoir une foi -solide en l'avenir. Notre concession n'était guère plus qu'un terrain -vague et rien ne faisait prévoir le spectacle d'activité, de progrès, de -succès qu'elle offre aujourd'hui. Je regrette donc que M. Dautremer n'ait -pu se trouver ici pour assister à l'achèvement de l'œuvre qu'il avait -presque poussée jusqu'au bout et dont il conservera justement l'honneur. -Il avait eu confiance. Il fallait avoir confiance au moment où la Chine -entière se troublait.» (<i>Discours de M. de Marcilly</i>, consul de France, à -l'inauguration du quai de la concession française, 17 mai 1901.)</p> - -</div> - -<p>Quant aux Allemands, ils choisirent un emplacement en -dehors de la ville et les Japonais s'établirent à leur suite -sur les bords du fleuve.</p> - -<p>Hankeou prenait donc un développement considérable: -Anglais, Russes, mais surtout Allemands et Français -venaient y fonder des maisons de commerce et des industries. -Des fabriques d'albumine s'élevèrent bientôt; des -machines pour traiter les minerais d'antimoine, de plomb, -de zinc furent importées. Des filatures de coton et de soie, -de chanvre et de jute, furent construites; une tannerie -également. Il existe aujourd'hui à Hankeou, dans les concessions -européennes, plusieurs centaines d'étrangers de -toutes nationalités.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_118">[Pg 118]</span></p> - -<p>IV.—L'essor de Hankeou fut, il faut le dire, grandement -aidé par un vice-roi très actif quoique un peu brouillon -et sans méthode, Tchang-Tche-Tong. Mort il y a -quelques années à Pékin où il avait été appelé au conseil -privé de l'Empereur, Tchang-Tche-Tong occupa pendant -de longues années le poste de vice-roi du Houpe et du -Hounan. Vieux Chinois, imbu des idées littéraires les plus -pures (il était membre du Han-Lin ou académie chinoise), -il comprenait néanmoins que la Chine avait besoin d'une -éducation nouvelle, et il avait résolu de prendre à l'Europe -ce qui faisait sa force, l'instruction militaire et l'industrie. -Des Allemands avaient été chargés de lui créer une -armée, et des Belges furent appelés, en 1891, pour élever -à Hanyang des hauts-fourneaux et des ateliers afin d'y -fondre les minerais et d'y fabriquer des armes et des -rails. En effet, à ce moment déjà, était en germe l'idée du -chemin de fer de Hankeou à Pékin.</p> - -<p>L'établissement d'une semblable entreprise devait être -long; aussi ce fut par à-coups qu'elle fut montée, l'argent -manquant souvent, et on put croire à un moment -donné que l'opération était au-dessus des forces du vice-roi. -En décembre 1892, des millions avaient déjà été -engloutis dans l'affaire, et les assises sortaient à peine de -terre; pour se procurer des fonds on cherchait à vendre à -Changhai le minerai qu'on extrayait de la montagne de -Ouang-Tseu-Kiang, à 60 milles en aval de Hanyang, -minerai qui était destiné aux fonderies. En même temps il -fallait aussi d'autres capitaux pour ouvrir la mine de charbon -du mont Tié-Chan, à Ouang-Tchang-Tseu, près de -Ouang-Tseu-Kiang, charbon destiné à alimenter les hauts-fourneaux. -Au Tié-Chan, pour l'exploitation des mines<span class="pagenum" id="Page_119">[Pg 119]</span> -tant de charbon que de minerai, se trouvaient six Allemands, -tandis que les Belges avaient la direction des ateliers.</p> - -<p>Mais, en 1894, alors qu'on croyait pouvoir faire marcher -l'usine, on eut une autre déception: les charbonnages ne -fournissaient qu'un anthracite sulfureux incapable de produire -le coke nécessaire, et il fallut faire venir du Cardiff -en attendant de trouver une autre mine capable d'alimenter -les hauts-fourneaux. Or les fonds manquaient toujours -malgré une aide sérieuse de Li-Han-Tchang, alors vice-roi -de Canton, frère de Li-Hong-Tchang. Tchang-Tche-Tong -aux abois songea alors à former une société privée -qui aurait pris en mains la continuation de l'affaire qu'il -sentait bien lourde pour ses épaules. Des négociants -chinois, tous très riches, vinrent exprès de Canton pour -examiner les travaux et finalement refusèrent de s'engager.</p> - -<p>Le vice-roi se trouvait donc dans une situation embarrassante: -plus d'argent et pas de charbon sur place. C'est -alors que la Banque asiatique allemande (Deutsch asiatische -bank) offrit ses services, et elle avança au vice-roi -une somme considérable, plusieurs millions de taels (on -parlait à cette époque d'une somme de vingt millions -de francs) avec garantie prise sur la fabrique d'armes. -Les Allemands étaient donc dans la place qu'ils convoitaient -depuis longtemps, et peu à peu tous les Belges -furent remerciés. Cependant il arriva que les administrateurs -allemands voulurent se passer des collègues chinois -qui leur étaient adjoints, et se considérèrent un peu trop -comme les maîtres absolus. L'union ne devait pas tarder -à être brisée et le vice-roi, mécontent, après un essai des<span class="pagenum" id="Page_120">[Pg 120]</span> -Allemands pour mettre entièrement la main sur l'entreprise -et en faire une œuvre allemande, rappela des Belges. -Aujourd'hui, après bien des vicissitudes, les usines fonctionnent -et sont toujours dirigées par des Belges, tandis -que les Allemands continuent à administrer les mines de -fer et de charbon du Tié-Chan. Elles fournissent des rails -aux chemins de fer chinois et fondent des canons et des -fusils.</p> - -<p>V.—En dehors de cette grosse entreprise, Tchang-Tche-Tong -a créé à Wou-Tchang, la capitale du Houpe, -en face de Hanyang et de Hankeou, sur l'autre rive du -Yangtseu, un hôtel des monnaies où l'on frappe les sapèques -de cuivre et la monnaie divisionnaire d'argent, -pièces de 10 cents et de 20 cents.</p> - -<p>Il établit également une fabrique d'aiguilles à coudre, -dont la Chine fait une grande consommation et qu'elle -achète ordinairement en Angleterre et en Allemagne.</p> - -<p>Il créa une filature de coton et de lin, une filature de -soie. Il fit venir des professeurs du Japon pour enseigner -à l'école d'agriculture qu'il avait fondée. Enfin, son activité -ne connaissait pas de bornes. Beaucoup de ces institutions -eurent des débuts pénibles, mais actuellement, -reprises par des capitalistes chinois, elles semblent devoir -prospérer.</p> - -<p>VI.—Mais ce qui a contribué à donner à Hankeou -l'essor commercial et industriel, ce qui en a fait définitivement -le grand marché du centre de la Chine, c'est, sans -contredit, le chemin de fer qui relie cette dernière ville à -Pékin. Le projet de cette voie ferrée, destinée à traverser -toute la Chine depuis Pékin jusqu'à Canton, en passant -par Hankeou, était en germe dès 1891, mais la difficulté<span class="pagenum" id="Page_121">[Pg 121]</span> -d'avoir des fonds, puis la guerre avec le Japon avaient -éloigné la réalisation de ce plan. Ce ne fut qu'en 1897, -avec des capitaux français, sous la direction d'ingénieurs -belges, que les travaux furent commencés. Je dirai peut-être -quelque jour comment toute cette affaire fut menée à -ses débuts, mais le moment n'est pas encore venu. Actuellement -le chemin de fer est construit de Hankeou à Pékin -et fonctionne régulièrement; des trains de luxe, fournis -par la Compagnie internationale des wagons-lits, y circulent, -et le gouvernement chinois a, l'année dernière, -racheté la ligne au moyen d'un emprunt par l'intermédiaire -de la banque française de l'Indo-Chine. Quant à -la ligne Hankeou-Canton elle est toujours à l'état de -projet.</p> - -<p>La seule voie ferrée de la province, en dehors de la grande -ligne de Hankeou à Pékin, est une petite ligne industrielle -de 25 kilomètres environ reliant les mines du Tié-Chan au -Yangtseu. Elle n'est, du reste, pas ouverte aux voyageurs -ni aux marchandises.</p> - -<p>Les lignes projetées sont donc actuellement: le chemin -de fer de Hankeou à Canton qui, dans la province, suivra -la rive droite du fleuve de Wou-Tchang à Yo-Tcheou; et -le chemin de fer du Sseu-Tchuen qui partira de Hanyang -et passera par Cha-Yang, King-Meun et Itchang; à partir -d'Itchang, son itinéraire doit suivre la rive gauche du -Yangtseu et aboutir à Kouei-Fou. Cette ligne aura deux -embranchements: l'une de Cha-Yang à Cha-Che; l'autre -de King-Meun à Siang-Yang-Fou.</p> - -<p>Mais la réalisation de ces deux projets est sans doute -encore loin de nous; aucun n'a reçu un commencement -d'exécution, les Chinois prétendant établir avec leurs<span class="pagenum" id="Page_122">[Pg 122]</span> -propres ressources ces deux voies ferrées dont la construction -est difficile et coûteuse.</p> - -<p>VII.—Au milieu de la concurrence que se font entre -elles les puissances européennes en Chine, est apparu -depuis longtemps déjà, mais s'est affirmé surtout après -la guerre sino-japonaise et la guerre russo-japonaise, un -adversaire qui devient redoutable sur le marché chinois, -c'est le Japon. Ce nouveau venu désire prendre sa part et -il y montre une énergie et une persévérance rares.</p> - -<p>Le nombre est incalculable des articles importés notamment -dans les ports du Yangtseu. Kieou-Kiang et -Hankeou en sont inondés et ces articles, se vendant à des -prix excessivement peu élevés (ce que recherche avant -tout le Chinois), sont choisis de préférence aux objets similaires -d'Europe. L'explication de ceci, au reste, est fort -simple: le Japon est à quelques heures de Changhai; il -a à son service une compagnie de navigation qui dessert -directement les ports du Yangtseu en venant en ligne -droite du Japon; par suite ses objets de trafic payent peu -de transport; en outre la main-d'œuvre au Japon est bien -moins élevée qu'en Europe; enfin le fabricant et le commerçant -japonais se contentent d'un bénéfice infiniment -moindre que celui que recherche un Européen qui tient à -faire fortune rapidement et dont la moyenne de dépenses -est dix fois supérieure à celle d'un Japonais<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">[14]</a>.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> Voir <i>L'Empire japonais</i>, par J. Dautremer, page 190, <span class="allsmcap">IX</span>.</p> - -</div> - -<p>Voici les différents articles japonais importés avec succès -dans l'Empire du Milieu:</p> - -<p>Cotonnades de toutes sortes et de toutes couleurs;</p> - -<p>Lampes à pétrole;</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_123">[Pg 123]</span></p> - -<p>Verres de lampes et mèches;</p> - -<p>Allumettes genre suédois;</p> - -<p>Objets les plus divers en fer-blanc, tels que bouilloires, -boîtes à thé, seaux, lanternes, etc.;</p> - -<p>Verres à vitres;</p> - -<p>Verres à boire, carafes, stores en verroterie et tous -les objets de verre en général (fabriqués à Tokio);</p> - -<p>Chapeaux de feutre (fabriqués à Osaka);</p> - -<p>Chapeaux de paille (fabriqués à Osaka);</p> - -<p>Bas et chaussettes de coton et de laine (fabriqués à -Osaka et à Tokio.)</p> - -<p>Et une foule d'autres articles, entre autres du papier -et du savon que les Japonais sont parvenus à produire -assez bien et à un bon marché vraiment extraordinaire. -Mais ce qui est le principal article d'importation japonaise -en Chine, c'est le parapluie, manufacturé par millions à -Osaka et qui tend à remplacer en Chine le fameux parapluie -de papier huilé. Le parapluie japonais a détrôné le -parapluie français fabriqué à Lyon et dont nous importions -autrefois de grandes quantités.</p> - -<p>Évidemment jusqu'à présent la concurrence japonaise -ne s'exerce que sur une échelle encore restreinte, mais il -ne faut pas se dissimuler que, comme le Japonais est adroit -et habile, il arrivera à vendre aux Chinois, à bon prix, les -articles que ce dernier avait l'habitude d'acheter à l'Europe. -Aujourd'hui le Japon est relié à la Chine par de nombreuses -lignes de navigation dont l'une dessert précisément les -ports du Yangtseu.</p> - -<p>Ainsi, après les Anglais, les Russes, les Allemands et -les Français, sont venus dans le Yangtseu les Japonais, -qui y ont pris une place considérable. Où sont maintenant<span class="pagenum" id="Page_124">[Pg 124]</span> -les prétentions anglaises sur la vallée du fleuve bleu? Il y -a quelques années, en 1898, après la guerre sino-japonaise, -lorsque les puissances européennes parlaient de -s'adjuger des sphères d'influence en Chine, l'Angleterre -avait immédiatement réclamé pour elle la vallée -du Yangtseu; un de ses résidents au Sseu-Tchuen, -M. Archibald Little, le même qui tenta de remonter des -rapides en chaloupe à vapeur, fit alors paraître un livre: -<i>Through the Yangtse gorges</i>, sur la couverture duquel -une Chine en noir, marquée de deux lignes rouges au nord -et au sud du grand fleuve, montre au lecteur ce que doit -être la sphère d'influence anglaise! Les intérêts multiples -qui se sont développés à Hankeou, et la concurrence qui -s'y livre entre les diverses nationalités ont eu bientôt raison -des prétentions britanniques!</p> - -<p>VIII.—Au point de vue agricole, la province n'est pas -comptée comme une des riches provinces chinoises. Les -principaux produits sont le riz dont on fait, dans certaines -parties du Houpe, deux récoltes annuelles; le blé et le coton -cultivés en petite quantité dans le nord de la province; -le chanvre, la ramie, le sésame, le thé qui est la principale -production de la sous-préfecture de Che-Nan-Fou; -l'arbre à vernis (<i>rhus vernicifera</i>) et la rhubarbe qui -poussent dans les régions montagneuses de l'ouest de la -province; les haricots, l'indigo, le tabac.</p> - -<p>Le pavot à opium se cultivait autrefois dans tout l'ouest -de la province, vers Itchang et Siang-Yang-Fou, et le -Houpe en produisait environ 10.000 piculs par an; mais, -depuis les ordonnances impériales contre l'opium, la culture -du pavot a cessé.</p> - -<p>La pomme de terre, autrefois introduite par les missionnaires<span class="pagenum" id="Page_125">[Pg 125]</span> -italiens franciscains, est cultivée aux environs -de Hankeou; mais elle pousse surtout dans les régions montagneuses -de l'ouest de la province, où elle fait le fond de -la nourriture des paysans en même temps que la patate -douce. Le sorgho, le maïs, le millet sont également -cultivés.</p> - -<p>Le climat du Houpe convient admirablement à la sériciculture, -et elle y existe depuis les temps les plus reculés. -La légende rapporte qu'au temps de la conquête de la -province, habitée alors par des aborigènes ou Miao-Tseu, -un Empereur aurait épousé la fille d'un prince de l'une -des tribus et que cette princesse serait précisément celle -qui a découvert l'art de tisser la soie. C'est à Ta-Yang, au -nord-est d'Itchang, que se trouvent les centres d'élevage -de vers à soie de la province.</p> - -<p>Il n'y a plus d'arbres au Houpe; comme dans toutes les -provinces que j'ai déjà passées en revue, les forêts ont disparu -et c'est du Hounan et du Kouei-Tcheou que viennent -les bois employés à Hankeou et ailleurs, quand ils n'arrivent -pas tout simplement d'Amérique, ce qui est le cas -la plupart du temps.</p> - -<p>Les mines du Houpe ont donné des déceptions; il faut -faire exception pour celle du Tié-Chan, où on trouve un -excellent minerai de fer. On y découvre aussi des mines -d'antimoine et de zinc, et une maison française avait -essayé de traiter le minerai à Wou-Tchang; elle avait -bien réussi, mais, faute de fonds, elle fut obligée de céder -son affaire à une maison allemande, Carlowitz, qui continue -avec succès.</p> - -<p>Quant aux mines de charbon, elles n'ont procuré que -des déboires; j'en ai vu ouvrir sept en trois ans, dans<span class="pagenum" id="Page_126">[Pg 126]</span> -diverses parties de la province, et aucune n'a donné -de bonne houille. Le charbon consommé à Hankeou vient -du Hounan et surtout du Kiang-Si.</p> - -<p>IX.—En 1892, le commerce de Hankeou ne s'élevait -qu'à 48.500.000 taels; il a, depuis, constamment prospéré -jusqu'en 1904, où il atteint le chiffre de 148.000.000 de taels. -Il a ensuite fléchi en 1905 à 122.100.000 de taels, et en -1906 à 109.660.000 de taels, mais ce n'était là qu'un -fléchissement passager dû à une crise monétaire, et -depuis les affaires ont repris: le trafic est remonté à -115.071.383 de taels en 1907, et à 120.038.293 de taels -en 1908.</p> - -<p>La branche la plus importante du commerce d'importation -est celle des tissus de coton. En 1905, Hankeou a -reçu pour 6.000.000 de taels de filés et 7.220.000 taels -de cotonnades; en 1905, l'importation des filés étrangers -a augmenté de 50.000 piculs, représentant environ une -plus-value de 1.320.000 taels; la plus grande partie provient -du Japon, les filés de ce pays ayant repris sur le -marché l'avantage sur les filés indiens, qui eux-mêmes -avaient détrôné le coton filé du Lancashire. L'Angleterre -ne fournit plus depuis longtemps que les numéros élevés.</p> - -<p>Quant à l'importation des cotonnades, connues sur le -marché sous le nom marchand anglais de «piece goods», -elle a également bénéficié de l'engorgement des magasins -de Changhai après la guerre russo-japonaise. On a constaté -une augmentation de 337.000 pièces sur les cotonnades -écrues et une augmentation de 57.000 pièces sur -les étoffes teintes en noir dites, en langage du commerce, -«italians». Cependant, il y a lieu de noter une -baisse de 24.000 pièces pour les cotonnades écrues américaines<span class="pagenum" id="Page_127">[Pg 127]</span> -et de 17.000 pièces pour les toiles de Perse, connues -sous le nom de «chintzes».</p> - -<p>Presque la totalité des tissus importés sur le -marché de Hankeou sortent des entrepôts fictifs de -Changhai. L'importation directe de ces marchandises -n'occupe que quelques rares commerçants allemands et -japonais qui travaillent le plus souvent à la commission. -Quelques petites maisons de commerce se contentent de -faire de la consignation. Les achats sur Changhai s'opèrent -par l'entremise des courtiers chinois qui se tiennent -journellement en communication avec les marchands indigènes -de l'intérieur. Changhai étant le grand centre d'importation -des tissus étrangers, les effets d'un encombrement -ou d'un déficit de ces marchandises se répercutent -naturellement à Hankeou, un de ses principaux débouchés. -Au 31 décembre 1906, il y avait à Changhai, d'après les -rapports de la Chambre de commerce, plus de 11.000.000 de -pièces de cotonnades de toutes sortes. Ainsi, dès le début -de 1907, Hankeou a largement profité de la situation pour -s'approvisionner. Le spéculateur indigène établi à -Changhai a été obligé, à l'approche du nouvel an, de -réaliser coûte que coûte la plus grande partie de son -stock et de traiter avec les acheteurs du Yangtseu, -d'autant plus que le marché du nord lui était fermé et -était, du reste, tout aussi encombré que celui de Changhai.</p> - -<p>La majeure partie de ces étoffes de coton sont de -fabrication anglaise ou américaine; les fabriques des -États-Unis ne l'emportent sur celles du Lancashire que -pour les étoffes lourdes, notamment les coutils. L'importation -américaine a fait, durant ces dernières années,<span class="pagenum" id="Page_128">[Pg 128]</span> -d'énormes progrès en Chine, mais c'est surtout dans -le nord qu'elle a développé ses débouchés; dans la vallée -du Yangtseu, la prépondérance anglaise se maintient, -quoique déjà battue en brèche par le Japon et l'Inde, et -aussi par l'Italie qui a réussi, depuis quelques années, -à écouler en Chine une partie de ses cotonnades, qu'elle -fabrique près de Milan.</p> - -<p>En ce qui concerne la France, la vente de cotonnades -est nulle. Nous fabriquons trop bien et trop cher, et pas du -tout au goût de la clientèle chinoise; nous avons des -fabriques de spécialités fort belles et fort élégantes, mais -dont les prix sont inaccessibles à la masse de la clientèle -chinoise qui est pauvre.</p> - -<p>Les tissus de laines sont peu achetés, et on n'en -importe guère que pour 5 ou 600.000 taels; à peu près -tout vient du Japon, et ce sont surtout les tissus de flanelle -que les Chinois emploient.</p> - -<p>Si nous prenons les tissus de soie, l'importation en -Chine en est naturellement peu élevée, la Chine étant la -productrice de la soie par excellence, et de la soie sous -toutes ses formes. Cependant l'industrie lyonnaise s'est -mise depuis quelque temps à importer des tissus de soie -pure et des tissus mélangés de soie et coton qui trouvent -preneurs au marché de Hankeou, étant donnés leurs prix. -Tout est là. Si nous pouvons arriver à fabriquer à bas -prix des mélanges soie et coton répondant comme dessins -et couleurs aux goûts du pays, nous réussirons à augmenter -notre importation qui est actuellement à Hankeou -d'environ 200.000 taels. Nos seuls concurrents possibles -sont les Japonais et les Allemands, qui peuvent livrer à -des prix de famine, et c'est peut-être encore eux qui en ce<span class="pagenum" id="Page_129">[Pg 129]</span> -genre d'étoffes nous laisseront loin derrière eux. Les rubans -de Saint-Étienne commencent à être assez connus et se vendent -bien sur le marché chinois. Hankeou en importe -pour une valeur d'environ 50.000 taels. C'est une maison -belge qui a eu jusqu'ici le monopole de l'importation de cette -marchandise, et c'est d'ailleurs à l'intelligence commerciale -du chef de cette maison que les fabriques de Saint-Étienne -doivent de faire concurrence au «lan kan» de fabrication -chinoise.</p> - -<p>L'importation des métaux est presque nulle à Hankeou, -ce qui se comprend du reste, puisque les usines et fonderies -de Hanyang, non seulement peuvent fournir la place, -mais encore toute la région; quant aux machines, l'importation -en augmente de plus en plus; matériel de chemins -de fer, appareils télégraphiques, appareils électriques, -instruments scientifiques, courroies de transmission, -machines à épurer le coton, matériel d'imprimerie, -machines à coudre, et une quantité d'autres machineries -en tous genres; on en importe tous les ans pour une -valeur de 2 à 3.000.000 de taels; presque toutes les -machines jetées sur le marché d'Hankeou sont de provenance -allemande ou anglaise, et ce commerce prend tous -les jours plus d'importance. Ce sont l'Angleterre et l'Allemagne, -et également un peu les États-Unis d'Amérique -qui sont les principaux fournisseurs de l'industrie chinoise. -Des grandes maisons qui sont établies à Hankeou ont -toutes un bureau technique, dirigé par un ingénieur très -compétent, qui s'occupe de l'installation d'usines et d'ateliers, -et se charge de la vente des machines de toutes -sortes, moteurs à pétrole ou à vapeur, dynamos, pompes, -matériel de mines. La Shanghai maritime Cº, sous la<span class="pagenum" id="Page_130">[Pg 130]</span> -direction de M. Buchleister, et représentant des maisons -de Berlin, Magdebourg, Bonn et Leipsig est l'une de ces -maisons allemandes, bien montées et fortement organisées, -qui ont réussi dans le monde entier, et notamment -en Chine, à faire concurrence aux Anglais.</p> - -<p>Les charbons importés à Hankeou viennent soit du -Japon, soit de Kai-Ping. La province du Houpe, ainsi que -je l'ai dit plus haut, ne fournit pas de bon charbon; on a -commencé à en faire venir du Sseu-Tchuen, et il semble -pouvoir être utilisé dans l'industrie.</p> - -<p>Le pétrole est l'un des gros articles du commerce de la -place. La consommation ne cesse d'augmenter à mesure -que les prix baissent et que s'étend le rayon de vente. -En 1892, Hankeou ne recevait que 4.737.000 gallons -(un gallon égale environ 4 litres), en 1901, l'importation -avait quadruplé; elle a atteint, en 1905, 26.390.000 gallons -et a continué à augmenter tous les ans. Autrefois le -pétrole américain était le maître du marché, mais à dater -de 1896, le pétrole russe, et à partir de 1897, les pétroles -de Sumatra et de Bornéo lui ont fait une grande concurrence. -Celui de Birmanie n'est pas encore très apprécié -et on en voit peu. Le pétrole est le plus souvent importé en -bateaux-citernes et déchargé dans les réservoirs des -compagnies. La «Shell transport and trading Cº» possède -deux réservoirs, chacun d'une capacité de -3.500.000 litres. La «Royal Dutch petroleum Cº» a également -deux réservoirs semblables; ils sont situés sur les -bords du fleuve, à quelques kilomètres au-dessous des -concessions étrangères. Quant à la compagnie américaine, -Standard oil, elle n'importait que du pétrole en -caisses. Mais elle a construit, elle aussi, un réservoir.<span class="pagenum" id="Page_131">[Pg 131]</span> -Enfin la «East asiatic petroleum Cº» a établi deux -réservoirs sur la ligne du chemin de fer, l'un à Hou-Yuen, -province du Houpe, l'autre à Sin-Yang (Honan), -et elle alimente ces réservoirs au moyen de wagons-citernes.</p> - -<p>Les sucres étrangers proviennent surtout de Hong-Kong, -et malgré les essais des Japonais, les Chinois donnent -toujours la préférence au produit anglais. Les aiguilles -sont importées par l'Allemagne, les allumettes par le -Japon; quant aux bois, qui viennent en grande quantité, -ils sont originaires soit des États-Unis d'Amérique, soit -de l'Australie.</p> - -<p>L'importation des produits alimentaires d'origine étrangère -est forcément très limitée. Les Chinois, pas plus -que les Japonais, ne sont friands de nourriture européenne, -ils préfèrent leur menu à toutes les conserves qu'on peut -leur offrir. Ils n'apprécient guère que trois choses: le -champagne, les gâteaux secs, et les fruits en conserves. -Les deux derniers produits leur sont fournis par l'Angleterre, -la Californie et l'Autriche; quant au champagne, -seuls les riches peuvent en acheter d'authentique; la -majeure partie de ce qu'on vend sous ce nom est une -affreuse drogue fabriquée en Allemagne et vendue à des -prix ridicules de bon marché. Les Japonais ont également -essayé de faire la concurrence aux Allemands en ce genre -de marchandises.</p> - -<p>X.—Autrefois, et il n'y a pas bien longtemps encore, -le principal article d'exportation du port de Hankeou était -le thé. D'énormes navires anglais et russes venaient -tous les ans, aux mois de mai, juin, juillet, prendre des -chargements directs pour l'Europe, les eaux du fleuve<span class="pagenum" id="Page_132">[Pg 132]</span> -étant, à cette époque de l'année, toujours assez hautes -pour qu'on puisse faire remonter jusqu'au port de Hankeou -des navires calant jusqu'à 10 mètres. C'était alors -le beau temps de Hankeou, une activité surprenante -régnait en ville, malgré la chaleur accablante des mois -d'été. La population européenne, augmentée de tous les -marchands de thé et dégustateurs de thé, venus pour la -saison, se trouvait doublée, et c'était le moment des fêtes -et des parties de plaisir après les affaires, chaque soir.</p> - -<p>Aujourd'hui, tout cela est fini. Les Anglais ont abandonné -le thé de Chine et se contentent des thés de l'Inde -et de Ceylan, beaucoup moins bons, mais beaucoup moins -chers. Les Russes cependant sont demeurés fidèles au thé -chinois. Les essais qu'ils ont faits de planter du thé au -Caucase et dans le Turkestan russe n'ont pas encore -réussi, et non seulement ils sont restés les clients du -marché de Hankeou, mais ils font tous les ans des achats -plus considérables. La guerre avec le Japon n'a nullement -nui au commerce des thés russes, et l'exportation augmente -régulièrement. La plus grande partie de ce thé est -dirigée sur Odessa et Wladiwostok par les bateaux de la -flotte volontaire; une petite quantité va également sur -l'Amérique, bien que ce dernier pays, et surtout les États-Unis, -consomment de préférence le thé japonais. Le fameux -thé de la caravane n'existe plus. La route de terre de Hankeou -par Fan Tcheng et la Mongolie russe est totalement -abandonnée; les Chinois disent que nous ne pouvons pas -boire de bon thé en Europe depuis l'abandon de la route -par terre; car, prétendent-ils, le thé, même livré clos en -boîtes d'étain, s'abîme à la mer.</p> - -<p>Depuis l'ouverture de la ligne Hankeou-Pékin, le<span class="pagenum" id="Page_133">[Pg 133]</span> -sésame est devenu un article sérieux d'exportation; il vient -du Honan, et le port de Hankeou en a toujours fourni, -mais les moyens de communication, autrefois primitifs, -empêchaient le trafic de cette oléagineuse de se développer -normalement. On en exporte entre 2 et 3.000.000 de -piculs. Les acheteurs principaux de sésame sont l'Allemagne, -le Japon, la Belgique et la France. Les haricots -et les fèves, dont l'exportation se chiffre par 8 et -9.000.000 de taels, sont un des principaux articles du commerce -de Hankeou; mais, bien entendu, ces produits sont -exportés sur d'autres ports chinois, non sur les ports -étrangers. Arachides, graines de coton, coton, ramie, jute, -soie et soieries, sont expédiés à Changhai et au Japon, -et le commerce en est entièrement aux mains des indigènes.</p> - -<p>Un article donne lieu à un trafic assez considérable -entre Hankeou et l'Europe. Il s'agit des peaux d'animaux: -bœufs, buffles et chèvres. L'Europe continentale et les -États-Unis en sont les principaux acheteurs, et l'exportation -s'en est beaucoup développée de 1892 à 1902; en -1892, par exemple, les statistiques n'enregistraient à la -sortie que 50.000 piculs de peaux de vache et de buffle. -En 1901, la quantité exportée passait à plus de -162.000 piculs; en 1892, la moyenne des prix était de -11 taels par picul pour les peaux de vache, et de 8 taels -pour les peaux de buffle. En 1901, les prix atteignaient -respectivement 20 taels et 12 taels 50, et en 1906 ils ont -été de 33 taels pour la vache et de 20 taels pour le buffle. -La demande se trouvant bien supérieure à l'offre, les prix -sont toujours allés en augmentant, bien que l'ouverture -de la ligne du chemin de fer ait amené sur le marché de<span class="pagenum" id="Page_134">[Pg 134]</span> -Hankeou les peaux du Nord (du Honan et du Chen-Si). -Quant aux peaux de chèvre, leur exportation n'a cessé de -devenir plus considérable; elles ont aujourd'hui atteint le -chiffre de 4.000.000 de peaux à l'exportation, et on classe -maintenant ces peaux d'après leur provenance: Houpe, -Sseu-Tchuen, Kiang-Si et Honan. En dehors de celles -que je viens de citer, il faut aussi marquer d'autres espèces -de peaux ou fourrures: moutons, agneaux, chiens, chats, -chevreaux, renards, lièvres, belettes, blaireaux, léopards et -même tigres. Mais le commerce des fourrures, qui avait -pris un certain développement à Hankeou, ne peut soutenir -la concurrence de Tien-Tsin et des ports du nord. Sous ce -rapport, Hankeou ne sera jamais un grand débouché pour -l'exportation, et son activité se bornera à la manipulation -des vaches, buffles et chèvres.</p> - -<p>Parmi les autres produits destinés à l'exportation, le -port de Hankeou travaille les soies de porc, les plumes et -duvets, les poils, les cornes, les os, les œufs, les suifs -végétal et animal; le vernis, le tabac, la noix de galle, -dont il se fait un commerce considérable, bien qu'elle ait -beaucoup diminué de valeur depuis qu'elle est concurrencée -par l'aniline et les extraits chimiques.</p> - -<p>Hankeou exporte encore l'huile de bois, (en chinois -tong yeou), désignée sur le marché sous le nom anglais -<i>wood oil</i> et qui n'est autre que l'huile d'abrazin. On en -exporte pour une valeur de 4.000.000 de taels. L'abrazin -ou <i>elœococca vernicifera</i>, croît dans l'ouest du Houpe -et au Hounan, mais le pays où il pousse le mieux est le -Kouei-Tcheou. Son fruit donne une huile fluide siccative, -vernis naturel dont les usages sont innombrables. Cette -huile sert notamment à imperméabiliser les étoffes, le<span class="pagenum" id="Page_135">[Pg 135]</span> -papier, à rendre étanches les paniers, à vernir les boiseries, -les jonques. Elle est incomparablement supérieure à -l'huile de lin et peut être substituée quelquefois au caoutchouc. -Les Américains, qui en font un grand usage, l'utilisent -pour la fabrication du linoleum et du lincrusta. -Hankeou est le marché centralisateur de ce produit. Son -prix ne cesse d'augmenter; il est passé de 50 francs à -80 francs les cent kilos, et il est probable qu'il ira encore -en augmentant, car la Chine est le seul pays producteur. -Mais, malheureusement, les intermédiaires chinois, par -lesquels passe l'huile avant d'arriver aux mains des Européens, -se sont mis depuis quelque temps à l'adultérer, en -y ajoutant de l'huile de sésame. Aussi, les Américains ont-ils -essayé d'implanter l'elœococca en Floride; jusqu'à présent -ils n'ont pas obtenu de succès, mais il est probable -qu'ils trouveront un terrain favorable à la plante, car l'habitat -chinois où elle croît pour l'instant n'offre pas de conditions -climatériques qu'on ne puisse rencontrer ailleurs.</p> - -<p>Les autres produits d'exportation du port de Hankeou -sont: huile de thé, huile de sésame, huile d'arachides, -huile de haricots, albumine et jaune d'œufs, albumine -desséchée, albumine liquide, jaune d'œuf, riz, minerais de -fer, fer et fontes, fer en barres, marmites, antimoine, arsenic, -plomb, minerai de zinc, gypse, filés de coton et shirtings -des manufactures de Woutchang, sucre, suif, saindoux, -cire, rhubarbe, médecines, alun, mercure, cinabre, -charbon; mais les maisons européennes établies sur la -place n'opèrent en général que sur le thé, les peaux, le -sésame, la ramie, l'huile de bois, les soies de porc, le -musc. Ces maisons, de toutes nationalités, se font une concurrence -acharnée et, les Chinois, en profitant pour maintenir<span class="pagenum" id="Page_136">[Pg 136]</span> -des prix très élevés, les bénéfices deviennent très -minces. Le commerce de Hankeou n'a cessé de s'accroître, -c'est vrai, mais comme les maisons étrangères se sont -multipliées à l'excès, il en résulte un certain malaise. Si -l'on considère qu'en 1891 il y avait une vingtaine de maisons -de commerce européennes, et qu'aujourd'hui, à la fin -de 1910, il y en a plus de 120, on comprendra facilement -qu'il faille brasser des millions et des millions d'affaires -pour arriver à vivre.</p> - -<p>Malgré les quantités de marchandises exportables que -j'ai signalées, le thé reste encore, après l'abandon des -Anglais, l'une des principales. Hankeou est le centre du -commerce russe du thé. Nous nous figurons volontiers en -France que, seuls, les Anglais consomment une grande -quantité de thé: c'est une erreur; les Russes, à ce point de -vue, les surpassent encore, je crois, car ils en boivent -<i>toute la journée</i>, et le samovar et la théière restent en permanence -sur la table de la salle à manger. N'ayant pas de -colonies où puisse pousser abondamment le précieux -arbuste, les Russes sont obligés de le faire venir de -Chine, et c'est à Hankeou qu'ils ont établi leur marché -central.</p> - -<p>Le thé, en effet, se trouve dans les provinces du Fo-Kien, -du Tche-Kiang, du Kiang-Si, du Houpe, du Hounan, et -on peut dire, un peu partout en Chine, puisqu'il en existe -jusqu'au Yunnan, où le thé du Pou-Eurl est très estimé. -Mais le thé qu'on boit en Europe est celui qui vient du -Kiangsi et des deux provinces du Houpe et du Hounan, et -qui est par suite exporté de Hankeou. Celui du Fo-Kien et -du Tche-Kiang est surtout du thé vert. Le thé porte des -feuilles vers le milieu du printemps; elles sont tendres<span class="pagenum" id="Page_137">[Pg 137]</span> -alors, on les met au bain de vapeur et on en tire une eau -amère, dit un auteur ancien, puis on les fait sécher et on -les réduit en poudre, et on boit le thé ainsi préparé. Mais si -cela se passait ainsi autrefois, il n'en est plus de même -aujourd'hui. On cueille les premières pousses des feuilles -au printemps, et elles forment le meilleur thé, celui dit -Pekoe, plus tendre, plus délicat et infiniment plus estimé -que ceux des récoltes qui suivent. La seconde récolte, et -la plus abondante, se fait en mai, alors que les feuilles -sont entièrement épanouies; elle fournit, comme la première -récolte, la plupart des thés destinés à l'exportation. -Les autres récoltes ont lieu au milieu de juillet et à la fin -d'août, et c'est avec les feuilles de ces dernières récoltes -que les Russes font les briques de thé qu'ils exportent en -Sibérie, en Mongolie et au Thibet.</p> - -<p>Le thé pousse, en général, à mi-hauteur des collines; -on met les jeunes plants en pépinières jusqu'à ce qu'ils -aient à peu près un an et qu'ils aient atteint de 0.30 à -0.40 centimètres, puis on les repique en lignes parallèles, -séparées par de larges bandes de terrains, où l'on plante -des légumes divers. Cette disposition rappelle celle des -vignes dans le Centre et le Midi de la France. On commence -à récolter les feuilles dès que le pied a atteint sa -troisième année révolue, et, à l'âge de quinze ans, il est -usé et épuisé. Le thé croissait autrefois en Chine à l'état -sauvage, et ce n'est guère que depuis mille ans, que les -indigènes en ont fait une boisson. La coutume de payer à -l'Empereur, tous les ans, le tribut du thé, a commencé au -temps de la monarchie des Tang (618 ap. J.-C.). Les -espèces de thé dont les auteurs anciens font mention sont -particulièrement celles qui étaient en usage pendant la<span class="pagenum" id="Page_138">[Pg 138]</span> -monarchie des Tang, elles étaient en nombre presque -infini et distinguées chacune par un nom spécial. Il faut, -disent les Chinois, boire le thé chaud et en petite quantité, -surtout il ne faut pas le boire à jeun et quand on a -l'estomac vide. Autrefois, le thé était pour les Chinois -une véritable médecine (comme, du reste, il l'était encore -en France il n'y a pas si longtemps); ainsi, la feuille du -thé, disent les auteurs chinois, est bonne pour les tumeurs -qui viennent à la tête, pour les maladies de la vessie, elle -dissipe la chaleur ou les inflammations de poitrine. Elle -apaise la soif, elle diminue l'envie de dormir, elle dilate -et réjouit le cœur, elle dégage les obstructions et aide à la -digestion. Elle est bonne, quand on y ajoute de l'oignon -et du gingembre. Elle est utile contre les échauffements -et chaleurs d'entrailles, et elle est l'amie des intestins; -elle purifie le cerveau et éclaircit la vue, elle est efficace -contre les vents qu'on a dans le corps et guérit la -léthargie. Elle guérit aussi les fièvres chaudes; quand on -la fait bouillir dans du vinaigre, et qu'on la donne à boire -à un malade qui a la dysenterie, elle le guérit. Enfin la -feuille de thé était autrefois un remède universel; je ne -sais s'il réussissait toujours; dans tous les cas il était -bien facile à prendre.</p> - -<p>La préparation du thé noir, de celui qu'on vend pour -l'exportation, n'est pas aussi simple que l'on pourrait -croire. On fait d'abord la part du déchet, en mettant de -côté toutes les feuilles flétries et jaunies; puis on place les -bonnes feuilles sur des claies de bambous en les étendant -avec soin, et on les expose pendant plusieurs jours au -grand air, afin de les faire sécher; on les roule avec la -main ou même avec le pied, après quoi on les met dans<span class="pagenum" id="Page_139">[Pg 139]</span> -de grands bassins en fer bien chauffés et que l'on secoue -en tous sens pour qu'elles grillent uniformément. Puis, on -les roule à nouveau avec les pieds, en pressant très fortement, -et on en extrait ainsi l'huile âcre qu'elles peuvent -alors contenir. On les grille encore une fois après les -avoir fait sécher de nouveau au soleil, et on les met -ensuite dans des récipients chauffés à une température -moyenne où elles achèvent de se sécher; enfin elles sont -bonnes à emballer.</p> - -<p>Quant au thé vert, qu'on n'exporte guère qu'en Amérique, -on ne le grille qu'une fois au-dessus de plaques de -tôle et après l'avoir fait baigner dans un liquide mélangé -de safran et d'indigo, ce qui lui donne sa couleur verte. -Ce thé, qui n'est grillé qu'une fois, a conservé toutes les -propriétés excitantes de son huile essentielle et il est très -énervant. Il ne peut convenir qu'à des tempéraments lymphatiques.</p> - -<p>Parmi les thés noirs, la généralité porte le nom de -<i>Congou</i>, ou «bien travaillé», nom qui a suppléé celui de -<i>Bohea</i> dont on se servait pour le désigner il y a quelque -deux cents ans; ou bien <i>Pekoe orange</i>, c'est-à-dire parfum -supérieur; Pekoe pur, c'est-à-dire couleur des cheveux de Lao-Tseu; -Sou chong et Pou chong, remarquables par la -petite dimension de leurs feuilles; Hyson, Siao chow, -Ta chow, fleur du printemps, petites perles, grandes -perles; puis une infinité de noms dont le sens est: langue -de moineau, griffe de dragon, parfum de l'oléa, etc...</p> - -<p>Le thé est venu en Europe en 1591, importé par les -Hollandais; depuis on en boit dans le monde entier, et -malgré les plantations de l'Inde, de Ceylan et d'autres<span class="pagenum" id="Page_140">[Pg 140]</span> -pays, le thé de Chine est toujours le thé supérieur; cela -tient sans doute à son habitat et à la culture spéciale dont -l'entourent les Chinois.</p> - -<p>XI.—Il est très difficile de se rendre un compte exact, -d'après les statistiques douanières chinoises, de la valeur -respective qui appartient à chaque nation dans le commerce -d'un port chinois, parce que tout ce qui vient de -Hong-Kong est porté au compte du pavillon britannique -ou à peu près. Il s'ensuit qu'on ne peut tabler sur les -«trade reports» avec certitude. Mais il est facile d'indiquer -quelles sont les nations qui font le plus de commerce -avec Hankeou. C'est d'abord le Japon qui importe pour -environ 5 à 6 millions de taels, mais qui exporte pour une -quarantaine de millions.</p> - -<p>L'Angleterre est le gros importateur; puis viennent -les États-Unis, l'Allemagne; la Russie n'exporte que son -thé et n'importe absolument rien, la Belgique importe du -matériel de chemin de fer et des machines.</p> - -<p>Quant à la France, elle est représentée à Hankeou par -quelques maisons (sept ou huit) qui font surtout de -l'exportation de peaux, albumine et jaunes d'œufs, musc, -sésame, noix de Galle, soies de porc, etc... Elle importe -quelques soieries. En somme, nous venons à Hankeou, -comme partout ailleurs, bien après les autres, et nous n'y -faisons pas un trafic appréciable. Le commerce de la -Chine semble plein d'avenir pour le Japon qui fabrique à -bon marché et peut vendre à des prix minimes. Quant aux -autres puissances, elles pourront encore pendant quelque -temps y placer des produits de grande industrie, comme -chemins de fer, machines à vapeur, blindages, canons et -bateaux de guerre, mais le Japon les gagnera vite et il est<span class="pagenum" id="Page_141">[Pg 141]</span> -probable qu'avant peu il sera le fournisseur attitré de son -colossal voisin.</p> - -<p>XII.—Les compagnies qui font un service régulier -sur le Yangtseu entre Changhai et Hankeou sont:</p> - -<p>L'Indo-China steam navigation Cº (Jardine Matheson -and Cº), 4 vapeurs;</p> - -<p>La China navigation Cº (Butterfield and Swire), 4 vapeurs;</p> - -<p>Geddes and Cº, 4 vapeurs;</p> - -<p>Ces trois compagnies sont anglaises.</p> - -<p>China merchant steam navigation Cº (compagnie chinoise), -5 vapeurs;</p> - -<p>Osaka shô sen kwaisha (japonaise), 5 vapeurs;</p> - -<p>Nippon you sen kwaisha (japonaise), 2 vapeurs;</p> - -<p>Norddeutscher Lloyd (allemande), 3 vapeurs;</p> - -<p>Hamburg Amerika linie (allemande), 2 vapeurs;</p> - -<p>Compagnie asiatique de navigation (française), 2 vapeurs.</p> - -<p>Les compagnies anglaise, chinoise et japonaise ont -également des vapeurs sur Itchang et une compagnie -japonaise, la Konan Kiten Kaisha en a un sur Tchang-Cha-Fou -au Hounan. Les trois compagnies japonaises -marchent d'accord et reçoivent une subvention du gouvernement -japonais.</p> - -<p>Les maisons françaises établies à Hankeou sont:</p> - -<p>La Banque de l'Indo-Chine;</p> - -<p>E. Bouchard (importations, commissions; affaires industrielles);</p> - -<p>Compagnie française des Indes et de l'Extrême-Orient -(importation, exportation);</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_142">[Pg 142]</span></p> - -<p>A. Grosjean et C<sup>ie</sup> (albuminerie, exportation);</p> - -<p>Olivier et C<sup>ie</sup> (exportation);</p> - -<p>Racine, Ackermann et C<sup>ie</sup> (exportation);</p> - -<p>Simonin (commission).</p> - -<p>Ces maisons, à part celle de MM. A. Grosjean et C<sup>ie</sup>, -sont des succursales de maisons françaises établies à -Changhai; la maison Racine, Ackermann et C<sup>ie</sup> est propriétaire -de la ligne de bateaux à vapeur faisant, sous -pavillon français, le service des ports du fleuve entre -Changhai et Hankeou.</p> - -<p>Au point de vue industriel, la nouveauté la plus remarquable -à Hankeou a été, à la fin de 1908, la mise en -marche des métallurgies du Yangtseu (exactement -Yangtse engineering works) qui, dès cette époque, purent -exécuter les commandes qu'elles recevaient. Cet établissement -se trouve à quelques kilomètres en aval de Hankeou; -il occupe une superficie de plusieurs hectares et compte -s'étendre encore. Toutes les machines y sont mises en -mouvement par l'électricité, et on y construit un dock où -les bateaux à faible tirant d'eau pourront être réparés. -Actuellement on y exécute des travaux de toutes sortes, -mais surtout des ponts métalliques. Un Anglais y est -employé comme ingénieur, toute l'administration restant -dans les mains des Chinois, et le directeur en est M. Li -qui est aussi le directeur général des hauts-fourneaux de -Hanyang. Tout semble montrer que cet établissement -prendra peu à peu un développement sérieux.</p> - -<p>Le second fait à noter dans les annales industrielles -du port de Hankeou, c'est l'exportation en 1908 de -26.000 tonnes de saumon de fonte au Japon et de -3.000 tonnes aux États-Unis. En 1907 déjà, les Américains -avaient exporté un peu de fer tout prêt à subir la<span class="pagenum" id="Page_143">[Pg 143]</span> -conversion en acier, et ils avaient trouvé que ce fer était -d'excellente qualité; ils l'expédièrent au Canada; les saumons -de fonte exportés en 1908 étaient également destinés -au Canada. Malgré la longueur du voyage et les -droits de douane très élevés, les mines de Hanyang peuvent -trouver du bénéfice à ces transactions, et il est -démontré que le fer de Hanyang peut être envoyé sur -le marché américain à un prix qui lui permet de lutter -avec les produits du Steel trust. Évidemment cela tient à -ce qu'un bon ouvrier chinois est payé, pour douze heures -de travail, de 15 à 40 piastres mexicaines par mois (de -37 fr. 50 à 100 francs), ce qui serait pour un Américain -absolument inacceptable. Dans ces conditions, et tant -qu'elles existeront, comme le minerai se trouve être -excellent et à profusion, ce produit pourrait prendre une -place en vue sur le marché du fer et de l'acier soit au -Canada, soit sur la côte américaine du Pacifique; ce n'est -plus pour les ouvriers de Hanyang qu'une question de -capital et de bonne administration.</p> - -<p>Ainsi l'établissement des usines métallurgiques de -Hanyang, après tant de vicissitudes, se met enfin à fonctionner -normalement. Il y a tout lieu de croire qu'il ne fera -que prospérer, surtout s'il reste longtemps encore sous la -direction de l'éminent ingénieur luxembourgeois, M. Ruppert -qui, seul, il y a quelques années, a remis tout sur -pied et a réorganisé complètement cette immense entreprise.</p> - -<p>Mais que de millions de taels perdus depuis le début de -l'affaire? L'argent que Tchang-Tche-Tang a dépensé dans -cette tentative ne sera jamais retrouvé, et on peut dire -qu'une grande partie, que probablement la plus grande<span class="pagenum" id="Page_144">[Pg 144]</span> -partie a été gaspillée. Il ne faudrait pas que la Chine -imitât souvent les procédés du vice-roi Tchang pour -s'européaniser, car le trésor de ses provinces n'y suffirait -pas!</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_145">[Pg 145]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_IX">CHAPITRE IX</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Chache (Shasi) et Kin-Tcheou (Kin-Chow).—II. Itchang (Ichang), -ouverture au commerce étranger; situation de la ville; montagnes -et forêts; gorges et vallées.—III. La communauté marchande.—IV. -La pêche à la loutre.—V. Promenades aux environs -d'Itchang.—VI. Les jonques; la population; la navigation sur -le Haut-Yangtseu; les rapides.</p> -</div> - - -<p>I.—Chache (Shasi) a été ouvert au commerce étranger -à la date du 1<sup>er</sup> octobre 1896, suivant le traité sino-japonais -conclu à Shimonoseki en 1895. Ce port est à environ -85 milles en aval d'Itchang, et se trouve situé au point -d'intersection de deux importantes routes commerciales du -centre de la Chine. La population terrienne et fluviale -peut s'élever à environ 100.000 habitants. On a été déçu -dans le rendement commercial que l'on s'attendait à trouver -ici, et il ne s'y fait qu'environ 200.000 taels d'affaires. -Les quelques petits vapeurs qui exécutent le service entre -Hankeou et Itchang jettent l'ancre devant Chache, mais -ne vont pas à quai. Les Anglais, qui y entretenaient un -consul, ont supprimé ce poste consulaire depuis 1899; -seuls les Japonais ont un représentant officiel ainsi qu'une<span class="pagenum" id="Page_146">[Pg 146]</span> -concession, et le commerce étranger se trouve concentré -dans leurs mains.</p> - -<p>Chache est, on peut le dire, le port de Kin-Tcheou (Kin-Chow), -ville murée et autrefois importante. Elle est, d'ailleurs, -assez jolie, et les lacs qui l'environnent contribuent -à rendre son territoire fertile et agréable. Les conquérants -tartares l'avaient divisée en deux parties, et dans l'une -d'elles avaient mis une forte garnison, car Kin-Tcheou -était considérée comme la clef de la Chine centrale.</p> - -<p>II.—Itchang (Ichang) est l'un des quatre ports qui -furent ouverts au commerce étranger le 1<sup>er</sup> avril 1877, -suivant les accords stipulés dans la convention anglo-chinoise -de Tche-Fou (Chefoo) en 1876; il est à environ -1.000 milles de la mer et à 400 milles de Hankeou. Ici -le sol et le climat changent complètement et il est très -différent de celui des plaines basses du Houpe, autour de -Hankeou, Wou-Tchang et Hanyang. La région d'Itchang, -située au pied des massifs montagneux de l'ouest, est, au -point de vue agricole, une zone spéciale, mi-tempérée, mi-tropicale. -Sur les hauteurs viennent le blé et l'orge, les -pommes de terre et les patates, et, dans les vallées abritées, -poussent le riz, les oranges, les pamplemousses, les -citrons et les mandarines. Dans les plus hautes régions, -on rencontre les essences forestières que nous avons dans -nos montagnes d'Europe, chênes et châtaigniers, et de -nombreux conifères; les arbres se font rares, comme partout -ailleurs, bien que, dans certaines parties des districts -de Pa-Tong et de Li-Tchuen, on trouve encore assez de -bois de construction. En avril 1894, époque où je suis -allé pour la première fois à Itchang, il y avait, comme -Européens, le consul d'Angleterre et quelques employés<span class="pagenum" id="Page_147">[Pg 147]</span> -de la douane chinoise, plus deux ou trois missionnaires -franciscains, belges, et un orphelinat de sœurs franciscaines -françaises. Le séminaire de la mission, pour former -les jeunes prêtres indigènes était, sous la direction d'un -franciscain allemand, établi de l'autre côté de la rivière, -en face d'Itchang, dans la gorge de Che-Lieou-Hong, -véritable ermitage rempli d'un charme pénétrant. Toutes -les gorges qui entourent Itchang, d'ailleurs, sont, au -printemps, délicieuses à visiter. La floraison des orangers -et des citronniers embaume l'air, et les arbres à feuilles -persistantes égayent la nature parfois sauvage de ces -vallées. C'est un véritable enchantement pour celui qui -a résidé longtemps dans les plaines du Bas-Yangtseu. -Mais, par contre, l'été est très chaud, plus sec, il est -vrai, que vers Hankeou ou Changhai, mais plus brûlant; -ainsi, en juin 1894, la température est montée à 111° -Fahrenheit, ce qui fait 44° centigrades; tous les thermomètres -éclataient au soleil; l'hiver est comme l'automne, -absolument délicieux; il en est ainsi, du reste, dans toute -la vallée du Yangtseu; seulement à Itchang, l'air est plus -sec et plus vif.</p> - -<p>III.—La communauté marchande est représentée -actuellement dans le port ouvert par les agents des trois -compagnies de bateaux qui font le service avec Hankeou, -et par trois maisons de commerce: une allemande, une -anglaise et une française. Cette dernière est la Compagnie -française des Indes et de l'Extrême-Orient. Le commerce -d'Itchang est, du reste, plutôt un commerce de transit. -La ville est située dans une contrée montagneuse, très -pauvre, et dont la population n'a, par suite, pas beaucoup -d'argent à dépenser pour s'offrir des objets d'Europe. Le<span class="pagenum" id="Page_148">[Pg 148]</span> -commerce qui se fait ici est un commerce de détail; il n'y -a ni grande banque, ni marchand en gros; Itchang est le -point de départ et d'arrivée de tout ce qui va au Sseu-Tchuen -ou en revient; c'est là sa seule importance.</p> - -<p>IV.—Ce pauvre petit port a, lui aussi, sa spécialité: -c'est la pêche à la loutre. Voici comment les pêcheurs -procèdent: de petits bambous, gros comme des lignes de -pêche, sont fixés à la rive et à leur extrémité, au-dessus -de l'eau, est attachée une loutre, au moyen d'une chaîne -de fer fixée en arrière des pattes de devant, tout autour -du corps. Le pêcheur veut-il prendre du poisson? Il -descend son filet (sorte d'épervier) au fond de la rivière -et, par une ouverture béante à la partie supérieure, il -lance la loutre qui fait sortir le poisson de toutes les -crevasses et cachettes où il se dissimule; puis, après -quelques instants, filet, loutre et poissons sont remontés, -et la loutre est récompensée d'un poisson frais.</p> - -<p>V.—Les promenades autour d'Itchang offrent toutes -un intérêt au voyageur qui vient de passer de longs -jours dans les plaines monotones et sans verdure qui -se déroulent invariables depuis Changhai. En arrière -de la ville, du côté opposé au fleuve, on peut visiter, au -sommet d'une colline, un temple auquel les Chinois attachent -une importance considérable. Cette construction, en -effet, qui a subi des réparations et des additions en 1898, -est destinée à contrebalancer l'influence du feung chouei -de la colline en forme de pyramide, qui se trouve juste en -face sur l'autre rive du fleuve.</p> - -<p>Cette rive, également, présente de charmants aspects, -et si l'on a parfois un peu de peine à gravir quelques -pentes brusques, on est bien récompensé par la vue de la<span class="pagenum" id="Page_149">[Pg 149]</span> -nature presque alpestre qui s'offre à tout instant: rocs et -cascades, torrents roulant sur des cailloux fins, entre des -berges bordées de bambous et de pamplemousses; on se -croit transporté dans une autre partie du monde, sauf à -être désillusionné quand on tombe sur un pauvre village -chinois sale et délabré, comme le sont malheureusement -tous ceux que l'on rencontre.</p> - -<p>Le Long-Wang-Tong, ou la grotte du roi Dragon, -mérite d'être visité; pour y arriver, une petite excursion -est nécessaire. Non loin de là se trouve le Wen-Fo-Chan, -ou montagne du Bouddha de la littérature, au milieu d'un -amas de rocs escarpés qui semblent rendre les abords du -temple complètement inaccessibles.</p> - -<p>Le Yun-Wou-Chan, ou montagne du nuage et du brouillard -(ou bien du brouillard nuageux) présente également -de l'intérêt. Il est situé au fond d'une vallée à l'entrée de -la gorge d'Itchang, et pour y arriver, il faut suivre la -vallée, puis faire une ascension assez longue. C'est l'un -des plus beaux endroits des environs d'Itchang.</p> - -<p>VI.—Toutes les barques qui font le commerce avec -le haut-fleuve jusqu'à Tchong-King, s'arrêtent à Itchang, -et, pour le plus grand nombre d'entre elles, c'est le port -d'attache.</p> - -<p>Celles qui arrivent du Sseu-Tchuen débarquent ici -leurs marchandises, lesquelles sont chargées sur les -vapeurs destinés à les transporter vers Hankeou; les -autres font, en sens contraire, le chargement des marchandises -pour les ports de la haute rivière. Cependant, -malgré les facilités offertes par la vapeur, bon nombre de -jonques venant du Sseu-Tchuen descendent leurs marchandises -jusqu'à Hankeou, et même jusqu'à Changhai;<span class="pagenum" id="Page_150">[Pg 150]</span> -c'est que, pour le Chinois, le temps ne compte pas; la -rapidité n'est qu'un vain mot.</p> - -<p>La population flottante est par suite assez forte à Itchang, -et il est impossible d'en savoir le chiffre, car elle est très -variable. Mais la population stable d'Itchang peut être -évaluée à 60.000 habitants.</p> - -<p>Le commerce total, en 1908, était d'environ 8.000.000 -de taels.</p> - -<p>C'est à partir d'Itchang que la navigation du Yang-Tseu-Kiang, -si elle devient moins rapide et plus difficile, -est toutefois beaucoup plus intéressante. D'ici à Tchong-King, -en effet, il faut aller en barque chinoise; ces barques, -d'ailleurs faites et construites en vue de cette navigation -du haut-fleuve, sont très solides et très confortables. Tout -l'arrière est destiné aux passagers et à leurs bagages; -divisées par des cloisons, les chambres sont évidemment -assez exiguës, mais on peut y installer un matelas et y -dormir confortablement au milieu des tentures de papier -rouge collées sur toutes les parois, et des fleurs et des -oiseaux sculptés sur les poutres. La salle à manger et la -cuisine où coucheront les domestiques se trouvent au -centre, et l'avant est réservé au poste d'équipage. Tout à -l'arrière, près du gouvernail, le chef (en même temps -pilote) a sa petite chambre dans les flancs du bateau, et -même, la plupart du temps, il loge là avec sa famille. Ces -jonques sont, du reste, longues et larges, mesurant de -15 à 25 mètres de long sur 4 à 5 de large, et bien assises -sur l'eau; elles ne naviguent que le jour, et, le soir arrivé, -vont mouiller à l'abri de quelque crique où elles peuvent -être en sûreté par tous les temps.</p> - -<p>La première station que l'on passe est Ping-Chan-Pa,<span class="pagenum" id="Page_151">[Pg 151]</span> -à l'entrée de la première gorge; il y a là un ponton où -un douanier solitaire compte les heures tristement. Il est -vrai qu'on ne le laisse là que trois mois; chacun y stationne -tour à tour, et ce tour doit encore arriver souvent, -car le personnel de la douane d'Itchang n'est pas nombreux.</p> - -<p>En quittant Ping-Chan-Pa, le fleuve est encaissé entre -deux hautes falaises à pic et coule paisiblement: on ne se -douterait pas que quelques kilomètres plus loin, l'eau, -par suite des rapides, bouillonne avec furie. On franchit -ainsi les premiers rapides, Pa-Tong et Yang-Pe, puis le -Sin-Tan (<i>tan</i> veut dire <i>rapide</i> en chinois) et le Yé-Tan, le -plus terrible aux hautes eaux. Que de barques ont sombré -corps et biens, dans ces passages dangereux! Les accidents -sont fréquents, et pour tâcher de venir en aide aux -malheureux qui sont ainsi éprouvés, des barques de sauvetage, -peintes en rouge et battant pavillon impérial, -croisent en amont et en aval des rapides. Ces barques de -sauvetage existent, d'ailleurs, partout sur le fleuve, aux -endroits dangereux. Il y en a à Hankeou, à l'embouchure -de la Han, dans le grand fleuve, et les jours de gros -vent ou de tempête, elles font le service de bacs entre -Hankeou, Hanyang et Wou-Tchang.</p> - -<p>La région intéresse par son caractère de sauvage -grandeur; tantôt le Yangtseu coule, calme et tranquille, -ayant à peine 20 mètres de large, entre deux hautes -montagnes; le soleil ne pénètre jamais dans ces endroits -resserrés, et il y fait sombre et froid; puis, tout à coup, -une vallée fraîche et riante se présente, le fleuve s'élargit, -s'étale, et l'on entend au loin le bruit d'un rapide, semblable -au tonnerre. Un des passages des plus saisissants<span class="pagenum" id="Page_152">[Pg 152]</span> -se trouve aux approches des gorges de Feung-Chien où -la vallée se rétrécit; on aperçoit de grands bancs de -roche et des villages, des hameaux plutôt, perchés sur les -hauteurs; les artistes chinois ont souvent représenté les -sites agrestes et en même temps si attrayants du cours du -Haut-Yangtseu, et plus d'un kakemono nous montre les -temples couronnant les sommets des falaises, tandis qu'au -bas le fleuve coule dans le brouillard, et qu'un pêcheur en -barque jette ses filets.</p> - -<p>La partie la plus pénible de la navigation commence à -Itchang et finit à Kouei-Tcheou-Fou, petite préfecture -d'environ 30.000 habitants, à la limite des provinces du -Houpe et du Sseu-Tchuen. A partir de Kouei-Tcheou, la -navigation devient plus aisée, et une fois que l'on a franchi -le rapide de Chang-Chou-Long, lequel est encore assez -périlleux et demande parfois une journée de travail à la -corde, on peut se reposer de ses peines, quoique cependant -on ne soit pas hors de toute difficulté. Toutefois, le -plus pénible est fait, et c'est sur un fleuve parfaitement -calme qu'on aborde à Tchong-King.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_153">[Pg 153]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_X">CHAPITRE X</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. La province du Hounan; les rivières qui l'arrosent.—II. Caractère -rude de la population.—III. Fertilité du sol.—IV. Les -bois du Hounan.—V. Les richesses minières.—VI. Les industries.—VII. -Routes commerciales.—VIII. Yo-Tcheou (Yochow) -ville ouverte au commerce étranger; ses transactions.—IX. -Tchang-Cha-Fou (Chang-Sha-Fu) capitale du Hounan; son -commerce; difficultés rencontrées par les Européens pour y -résider.—X. La fête du dragon.—XI. Les monts Nan-Ling et les -aborigènes.</p> -</div> - -<p>I.—La province du Hounan n'est bordée par le Yangtseu -que sur une faible étendue, où il forme une partie de -sa limite septentrionale; mais elle est arrosée par quatre -rivières qui se jettent dans le lac Tong-Ting, lequel communique -avec le grand fleuve au port de Yo-Tcheou. Cette -province a une superficie égale à celle de la France, et la -rivière qui l'arrose à l'est, le Siang, est le plus long des -cours d'eau qui alimentent le lac. Le Siang prend sa -source sur les frontières du Kwang-Tong et du Kiang-Si -et passe à Heng-Tcheou et Tchang-Cha avant de se jeter -dans le lac; près de sa source il possède de nombreux -affluents navigables qui offrent de grandes facilités au -commerce local des trois provinces du Kiang-Si, Kwang-Tong<span class="pagenum" id="Page_154">[Pg 154]</span> -et du Kwang-Si. Au centre se trouve le fleuve Sou -qui est navigable seulement pour les petites jonques, lesquelles -doivent d'ailleurs être tirées presque continuellement -à la cordelle à cause des nombreux rapides: le -bassin du Sou est très fertile, mais aucun grand centre -n'existe dans ses limites, et les produits de son sol sont -exportés soit vers Tchang-Cha, soit vers Tchang-Te. A -l'ouest du Sou, coule la rivière Yuen, d'une longueur -égale à la rivière Siang, mais beaucoup moins navigable, -par suite des nombreux rapides échelonnés le long de son -cours. La quatrième rivière est le Li-Chouei, qui se -déverse aussi dans le lac Tong-Ting; mais son cours -inférieur seul est navigable et elle n'offre guère de commodités -au point de vue commercial.</p> - -<p>Située entre le 30<sup>e</sup> et le 26<sup>e</sup> degrés de latitude nord, cette -province est très montagneuse au sud, où la chaîne des -monts Nan-Ling la sépare du Kwang-Tong, ainsi qu'à -l'ouest, où elle est voisine du Kwei-Tcheou. Dans sa -région moyenne, c'est un pays ouvert, largement ondulé, -tandis que, dans sa partie septentrionale, c'est un pays -plat occupé en grande partie par le lac Tong-Ting qu'environnent -des plaines alluvionnaires à l'embouchure des -quatre rivières situées plus haut, interceptées de canaux. -Le lac Tong-Ting apparaît en hiver comme un vaste -marais, entouré de bancs de sable et de boue où grouillent -les canards, les oies et les cygnes sauvages, et à travers -lequel les eaux des rivières tracent leurs cours -sinueux; mais aux hautes eaux, c'est-à-dire pendant la -période qui s'étend de mai à octobre, il monte de 10 à 15 -mètres et couvre une superficie de plus de 10.000 kilomètres -carrés.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_155">[Pg 155]</span></p> - -<p>II.—La population du Hounan a toujours passé pour -être violente et rude, et c'est au Hounan que se recrutaient -les meilleurs soldats, disait-on. Longtemps la province -a été le foyer de la propagande anti-étrangère et les -atrocités commises en 1891, 1895 et 1900 sont encore présentes -à la mémoire. Aujourd'hui, cependant, cet esprit -semble se modifier et le peuple du Hounan a l'air de vouloir -marcher dans la voie du progrès. Cette province -passe à tort ou à raison pour une de celles où il y a le -plus de lettrés et le plus de gens aisés. Il est évident -qu'au point de vue agricole, le Hounan est l'une des provinces -les mieux partagées de la Chine, et c'est là peut-être -une des raisons de sa supériorité sur les provinces -avoisinantes. Elle pourrait se suffire à elle-même, car elle -produit tout ce qui lui est nécessaire, et en assez grande -quantité pour en exporter le surplus. Seul le sel lui -manque et doit lui venir des provinces voisines.</p> - -<p>III.—Son sol est extrêmement fertile. En tête de ses -principaux produits agricoles est le riz, dont on fait, dit-on, -trois récoltes par an, grâce à des conditions climatériques -spécialement favorables. Un proverbe chinois dit -qu'une belle récolte au Hounan fournit de quoi manger à -toute la Chine; (cependant les habitants prétendent au -contraire que le sol de leur province est composé de trois -parties de montagnes, six parties d'eau et une seulement -de sol cultivable). Le riz est cultivé surtout dans les -plaines qui entourent le lac Tong-Ting et dans la vallée -de la rivière Siang. L'ingénieux système d'irrigation des -Chinois leur a permis de soumettre également à cette culture -les flancs des collines et des montagnes.</p> - -<p>Le coton est cultivé dans tout le nord, notamment dans<span class="pagenum" id="Page_156">[Pg 156]</span> -les préfectures de Li-Tcheou et de Tchang-Te-Fou; le -tabac, de qualité supérieure, mais très chargé de nicotine, -se rencontre principalement dans le district de Tcheng-Tcheou; -la région produit encore l'indigo, le thé, qui est -très estimé. C'est surtout le Hounan qui approvisionne de -thé le marché de Hankeou, et l'exportation annuelle du -thé noir du Hounan se chiffre par une somme de 20 à -25.000.000 de francs; il fournit aussi du thé vert, et celui -qui provient de la petite île de Tcheou-Tchou, près du port -de Yo-Tcheou, est, avec celui de Pou-eurl, réservé à la -consommation du palais impérial.</p> - -<p>Le Hounan produit aussi de la soie, mais très peu: la -récolte était estimée il y a trente ans à 30.000 kilogs; et -la culture des vers à soie était complètement abandonnée; -on a essayé de la faire revivre tout dernièrement, et quelques -riches Chinois de Tchang-Cha ont fait de nouvelles -plantations de mûriers, mais on ne sait encore comment -cette entreprise tournera et si elle finira par réussir.</p> - -<p>Je puis encore citer la ramie, le gingembre, l'arbre à -vernis, le suif végétal.</p> - -<p>IV.—Mais ce qui constitue pour le Hounan une -source de richesse, ce sont les bois. Alors en effet que -les <i>Chinois ont tout déboisé dans l'Empire</i>, le Hounan -est peut-être, avec le Yunnan, la seule province où il -existe encore des forêts exploitables. Ces forêts sont -situées dans le sud et le sud-ouest en des régions encore -habitées par les aborigènes Yao. L'abatage des arbres, -leur transport et leur vente est le monopole d'une sorte de -trust formé par trois corporations de marchands de différentes -provinces. Les arbres sont coupés en automne et -en hiver, ébranchés, puis jetés dans les rivières qui les<span class="pagenum" id="Page_157">[Pg 157]</span> -entraînent jusqu'à un point où, les eaux étant assez hautes, -on fabrique avec les différents bois des radeaux qui descendent -jusqu'aux environs du lac Tong-Ting. Là on réunit -plusieurs de ces radeaux pour en former de plus grands -qui puissent se hasarder sur le lac et sur le Yangtseu dont -les tempêtes et les coups de vent sont parfois terribles. L'exportation -annuelle des bois de la province est estimée à -une cinquantaine de millions de francs. La principale -essence est le pin; on exporte aussi du chêne, du cèdre, -du camphrier et une espèce du cyprès. Ces arbres atteignent -quelquefois des proportions énormes; et ce qui -maintient la forêt, ce qui l'empêche de s'épuiser, c'est que -les Yao aborigènes replantent au fur et à mesure; cette -prévoyance des naturels est à remarquer quand on voit -l'incurie du Chinois pour les forêts et l'insouciance avec -laquelle il laisse dévaster les plus belles plantations.</p> - -<p>Les bambous sont également exploités; les plantations -en sont nombreuses au sud du lac Tong-Ting, dans le district -de Tchang-Cha-Fou; on les exporte de même dans -les autres provinces et on en fait des radeaux pour faciliter -le transport.</p> - -<p>Les rivières du Hounan sont très poissonneuses ainsi -que du reste les eaux du lac Tong-Ting où elles se déversent. -De nombreuses pêcheries existent sur le lac et alimentent -un commerce important.</p> - -<p>V.—De même qu'il est riche par la fertilité de ses -terres, le Hounan l'est aussi par les produits de son sous-sol. -Les habitants, d'ailleurs, exploitent depuis longtemps -différentes mines. Des gisements considérables de charbon -existent dans toute la province, et ils avaient été -signalés par Richtofen, mais ce savant allemand et ceux<span class="pagenum" id="Page_158">[Pg 158]</span> -qui avaient suivi ses traces, n'avaient pas été autorisés à -voir les houillères de près. Par contre, un ingénieur -américain, M. Parson, le même qui a fait l'étude préliminaire -du tracé de la ligne de Hankeou à Canton, a réussi à -se rendre compte de la valeur du bassin houiller. D'après -lui, dans le sud de la province, sur les bords du Siang, ce -bassin a une longueur de 320 kilomètres sur une largeur -de 95 et contient plusieurs couches de diverses sortes de -charbons gras et d'anthracites. D'autre part il assure que -de ces charbons gras, les uns seraient excellents pour la -métallurgie, les autres pour la marine à vapeur et que, -de ces anthracites, les uns seraient propres aux usages -domestiques, ayant assez de matières volatiles pour s'enflammer -aisément, et les autres bons pour les hauts-fourneaux -et la fabrication de la fonte Bessemer. Ces riches -gisements de charbons, situés dans un pays où abondent -également le fer et d'autres métaux, assurant au Hounan -un avenir des plus brillants au point de vue métallurgique. -Actuellement aucune mine n'est exploitée à l'européenne, -et c'est, d'ailleurs, l'anthracite seul que les Chinois -retirent du sol. Ils n'entament que la surface des gisements -proches des rivières navigables. Quelques houillères -sont si près des cours d'eau que les jonques les -accostent; l'équipage n'a qu'à mettre pied à terre, à -manier pelles et pics et à charger; les mines de charbon -en effet ne sont pas concédées et le charbon est à celui -qui veut le prendre; le gouvernement chinois n'intervient -pas dans cette exploitation, contrairement à ce qui se passe -pour d'autres mines; le Hounan exporte déjà une grande -quantité d'anthracite, mais il faut dire que jusqu'ici on -n'a trouvé que de l'anthracite sulfureux, brûlant mal et<span class="pagenum" id="Page_159">[Pg 159]</span> -laissant des résidus gros et durs comme des cailloux. -Peut-être l'exploitation est-elle trop superficielle? Toujours -est-il que jusqu'à présent on n'a découvert qu'une -bonne mine de charbon sur la frontière sud du Hounan, et -cette mine est celle de Ping-Siang au Kiang-Si; c'est elle -qui avec la mine de Kai-Ping (près de Pékin) fournit le -charbon nécessaire aux usines de Hanyang. Cette mine -de Ping-Siang est, du reste, exploitée à l'européenne par -des Allemands au service du directeur général des chemins -de fer chinois, Cheng-Suien-Hoai.</p> - -<p>Le fer existe dans toute la préfecture de Pao-King; le -minerai est d'excellente qualité et l'acier du Hounan est -réputé en Chine; malheureusement les produits vendus -comme fer et acier de cette province sont souvent frelatés -par les marchands.</p> - -<p>L'antimoine est fort commun; on le trouve dans les -districts d'An-Houa, Ki-Yang, Sin-Hou et Chai-Yang, et -aussi dans le district de Tcheu-Tcheou; une partie du -minerai est traitée à Hankeou; le reste est travaillé dans -la province même à Tchang-Cha par deux fonderies appartenant -à des maisons de commerce chinoises et qui débarrassent -le minerai de sa gangue.</p> - -<p>Le plomb existe dans tout le sud et il est exploité à -Tchang-Ing et Ki-Yang; le minerai, expédié à Hankeou, -est traité par l'usine de concentration de Wou-Tchang, -puis exporté à l'étranger.</p> - -<p>L'argent est extrait soit à l'état de minerai propre d'argent, -soit à l'état de galène ou encore mêlé à l'antimoine -et au cuivre; c'est dans la préfecture de Tchang-Cha que -se trouvent les principales mines, mais l'exploitation en -est actuellement prohibée.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_160">[Pg 160]</span></p> - -<p>Parmi les mines d'or connues, l'une est située à Ping-Kiang -(Yo-Tcheou-Fou) et l'autre sur la rivière Yuen -entre Tcheu-Tcheou et Tao-Yuen; on a tenté, mais sans -succès, d'exploiter la première suivant une méthode scientifique. -D'autre part, les sables de plusieurs rivières sont -aurifères.</p> - -<p>Enfin on rencontre aussi dans la province le cuivre, -l'étain, le zinc, le soufre, le borax, la potasse, l'alun, le -salpêtre.</p> - -<p>VI.—La principale industrie est celle du coton, à -Tchang-Te-Fou, où elle est encore très florissante, alors -que, dans la partie orientale de la province, elle est au -contraire en décadence par suite de la concurrence des -tissus étrangers. On tisse également la ramie; on fabrique -aussi du papier, des baguettes d'encens, des pétards, de -la porcelaine et de la poterie communes, des cordages de -bambous, des marmites, des pots d'étain, de l'eau-de-vie, -des articles en laque commune. Toutes ces entreprises, bien -entendu, sont du type familial, et la seule industrie européenne -est celle où on fond le minerai d'antimoine; il a été -question de créer à Tchang-Cha une rizerie à vapeur. -Mais ce n'est qu'un projet.</p> - -<div class="figcenter illowp51" style="max-width: 35.5625em;"> - <img class="w100" src="images/193.jpg" alt="" /> - <div class="caption">A la voile dans les gorges (Haut Yangtseu).</div> -</div> - -<p>VII.—Les trois rivières Siang, Sou et Yuen sont, -avec le lac Tong-Ting et le Yangtseu, les principales voies -suivies par le commerce. Nous retrouvons, dans cette province, -la grande route de Pékin à Canton qui passe déjà -au Houpe pour ensuite se diriger vers le Hounan. Fluviale -ici, sur la plus grande partie de son parcours, elle suit le -Siang par Tchang-Cha, Siang-Tan, Heng-Tcheou, puis -son affluent le Li-Chouei jusqu'à Tcheu-Tcheou-Chien, -terminus de la navigation. Elle franchit ensuite les monts<span class="pagenum" id="Page_161">[Pg 161]</span> -Nan-Ling par la passe de Che-Ling et pénètre au Kouang-Tong -pour gagner la capitale de cette province par la -rivière du nord (Pékiang). Cette route avait une importance -commerciale de premier ordre et était suivie par une quantité -considérable de marchandises avant l'ouverture des -ports du Yangtseu aux Européens et l'introduction de la -marine à vapeur; elle est aujourd'hui beaucoup moins -fréquentée, le gros du trafic ayant été détourné sur la voie -maritime.</p> - -<p>Une autre route très importante est celle de Tchang-Te-Fou -au Kouei-Tcheou; elle suit la rivière Yuan et -atteint Tchang-Yuen; un embranchement passe par -Ma-Yang et paraît être encore plus fréquenté. Ma-Yang -est un des plus gros marchés de l'ouest du Hounan.</p> - -<p>La rivière Siang est navigable jusqu'à Tchang-Cha -pour les vapeurs dont le tirant d'eau est de 1 m. 25 à -2 mètres pendant environ huit mois de l'année; ces -mêmes vapeurs peuvent souvent atteindre Siang-Tan, -dont l'accès est un peu plus difficile. Au-dessus de cette -ville, la rivière n'est navigable que pour les jonques, -puis pour les sampans seulement. Près de sa source un -canal la relie au Fou-Ho, affluent du Si-Kiang dans le -Kouang-Si.</p> - -<p>La rivière Tse, ainsi que je l'ai déjà dit, n'est qu'une -suite de rapides et ne peut être considérée comme pouvant -être ni devenir une voie commerciale; quant à la Yuen -elle serait navigable pour des vapeurs de faible tonnage -jusqu'à Tchang-Te-Fou. La Compagnie Butterfield and -Swire avait tenté d'y envoyer un bateau, mais l'embouchure -de la rivière dans le lac Tong-Ting est obstruée par -des roseaux et des bancs de boue. Pour pénétrer dans<span class="pagenum" id="Page_162">[Pg 162]</span> -cette rivière, les jonques elles-mêmes font un détour et -passent par des canaux qui, au sud du lac, la relient à la -Tse. Au-dessous de Tchang-Te-Fou, les jonques ne doivent -pas caler plus de deux pieds et, à partir de Hong-Kiang, -la rivière n'est accessible qu'aux sampans.</p> - -<p>VIII.—Les deux villes ouvertes au commerce étranger -dans la province du Hounan sont: d'abord le port de -Yo-Tcheou (Yochow) qui a une population d'environ -20.000 habitants et se trouve précisément à l'embouchure -du lac Tong-Ting dans le Yangtseu. Le commerce du -Hounan passe à peu près en entier par cette voie, mais -n'ajoute rien à la prospérité de la ville qui est la porte -principale de la province et rien d'autre. En 1906, les -Japonais avaient essayé de faire ouvrir au commerce la -ville de Tchang-Te-Fou qu'ils considèrent comme le centre -commercial de la province, mais les choses en sont restées -là. L'ouverture de Tchang-Cha-Fou a, du reste, contribué -beaucoup à l'effacement de Yo-Tcheou qui ne sera jamais -un marché important. Les transactions commerciales, -presque toutes chinoises, figurent au relevé des douanes -pour la somme de 1.500.000 à 2.000.000 de taels; quant -aux importations européennes directes, elles ne sont que -de 350.000 à 400.000 taels environ.</p> - -<p>IX.—Tchang-Cha (la longue plaine de sables), ville -capitale de la province du Hounan, est située sur la rivière -Siang à 120 milles de Yo-Tcheou; elle devint ville ouverte -en 1903. La douane chinoise y fut installée en 1904, le -1<sup>er</sup> juillet. La contrée, aux environs, est montagneuse, -sauf du côté nord où s'étend une longue plaine d'où la ville -tire sans doute son nom. La rivière sur laquelle se trouve -la ville ne peut être remontée en vapeur que l'été; car<span class="pagenum" id="Page_163">[Pg 163]</span> -l'hiver les eaux sont trop basses pour aller jusqu'à Tchang-Cha. -La ville elle-même contient plusieurs édifices remarquables -et les rues sont pavées suivant le goût chinois; -elles offrent cependant plus de confort et de propreté -qu'ailleurs.</p> - -<p>L'ouverture de la ville de Tchang-Cha n'a pas donné ce -qu'on espérait; les Chinois du Hounan font tout leur possible -pour écarter les étrangers, et s'ils sont avides de -nouveautés et de sciences occidentales, c'est à condition -de les acquérir par eux-mêmes. L'esprit hostile du Hounanais -est toujours en éveil et par toutes sortes de tracasseries -le port est en quelque sorte un port fermé et non -un port ouvert. L'importation directe et aussi l'exportation -directe par les étrangers est insignifiante, mais le -commerce purement chinois donne de 8 à 9.000.000 de -taels de transactions. Pour l'année 1908, les relevés des -douanes indiquent le chiffre de 9.240.292 taels. Le consul -d'Angleterre disait, au reste, dans un de ses derniers -rapports, que l'état d'esprit des habitants, très exclusif, -rendait fort difficile aux étrangers l'ouverture de maisons -de commerce dans la ville; une société très riche et hautaine, -ennemie de l'étranger, s'arrange toujours, chaque -fois qu'un de ces derniers veut s'installer et acquérir un -terrain, pour acheter elle-même le terrain désigné et empêcher -ainsi l'Européen de prendre pied à Tchong-Cha. -Comme les gens riches ou aisés sont nombreux, ils arrivent -toujours à leurs fins. Cependant, en dehors de la -ville murée, dans le port ouvert, on a commencé à élever -différentes constructions; la douane impériale et la compagnie -de navigation de MM. Butterfield and Swire ont -construit des bâtiments, et un quai déjà suffisamment<span class="pagenum" id="Page_164">[Pg 164]</span> -long a été également édifié: il a 10 mètres de haut et -mesure 200 mètres, mais il sera plus considérable, et déjà -le gouvernement chinois a donné l'autorisation au service -des douanes pour continuer le quai et en faire un de plusieurs -kilomètres.</p> - -<p>Comme résidents à Tchang-Cha, en dehors des Européens -attachés au service des douanes chinoises, il y a -quelques Japonais, et une seule maison européenne, la -British American tobacco Cº. Deux maisons japonaises -sont également établies, la Mitsui Bussan Kwaisha et la -Nisshin Kisen Kwaisha.</p> - -<p>X.—C'est à Tchang-Cha-Fou que jadis, prit naissance -la fête du Dragon. Un mandarin, qui administrait -la ville, et dont le peuple estimait la probité et la vertu, -s'étant noyé dans la rivière, on institua en son honneur -une fête qu'on célébrait par des jeux, par des festins et par -des combats sur l'eau. Cette fête, qui pendant longtemps -fut particulière au Hounan, a lieu aujourd'hui dans tout -l'Empire sous le nom de fête du Dragon, parce qu'on -lance sur le fleuve, le soir du premier jour du cinquième -mois, de petites barques longues et étroites, toutes dorées, -qui portent à l'une de leurs extrémités la figure d'un dragon; -c'est pourquoi on les appelle long tchouan (bateaux-dragons).</p> - -<p>XI.—Les monts Nan-Ling, dont j'ai déjà parlé et qui -se trouvent situés dans le sud de la province, vers la frontière -du Kouang-Si et du Kouang-Tong sont habités, en -outre des Yao, par des Miao-Tseu, que les Chinois appellent -Cheng miao tseu ou Sauvages et qui vivent complètement -indépendants. Il n'y a pas longtemps encore qu'ils -créaient des ennuis aux autorités chinoises, mais ces dernières<span class="pagenum" id="Page_165">[Pg 165]</span> -ayant pris le bon parti de les laisser tranquilles -et de ne plus s'occuper d'eux, ces indigènes restent chez -eux sans frayer avec leurs puissants voisins. Ils seront -étudiés plus longuement dans le chapitre suivant.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_167">[Pg 167]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_XI">CHAPITRE XI</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. La province du Kouei-Tcheou (Kwei chow); ses ressources; sa -capitale.—II. Les aborigènes Miao-Tseu.</p> -</div> - - -<p>I.—La province du Kouei-Tcheou est l'une des plus -petites provinces de la Chine; elle n'est pas arrosée directement -par le Yang-Tseu-Kiang, mais un des grands -affluents de ce fleuve, la rivière Ou, la traverse en partie, -ainsi qu'un autre petit affluent, le Tche. Elle est donc, -sinon baignée par le Yangtseu, du moins comprise dans le -bassin du Yangtseu.</p> - -<p>Elle est couverte de montagnes, dont quelques-unes très -élevées; aussi est-ce dans cette province que l'on rencontre -encore le plus de ces peuples indépendants et -vivant en dehors des lois de l'Empire, que l'on nomme -Miao-Tseu; il y a dans ces montagnes des mines d'or, -d'argent et de cuivre, et c'est en partie de cette province -qu'on tire le cuivre dont on fabrique la sapèque. La culture -n'y est pas très rémunératrice et les habitants sont -très pauvres; on n'y fabrique aucune étoffe de soie, mais -on y cultive beaucoup la ramie, cette espèce d'ortie de<span class="pagenum" id="Page_168">[Pg 168]</span> -Chine qui sert à tisser d'excellents vêtements d'été. Le -Kouei-Tcheou fait un élevage assez considérable de chevaux -et de bœufs.</p> - -<p>Kouei-Yang-Fou, la capitale, est, comme d'ailleurs -toutes les autres villes de la province, une forteresse; -quantité de forts et de places de guerre avaient en effet -été élevés par les Empereurs pour tenir en respect les -tribus indépendantes; la capitale est très petite, construite -mi-terre, mi-brique; elle mesure à peine 6 ou 7 kilomètres -de tour.</p> - -<p>La rivière sur laquelle elle est située n'est point navigable, -et il s'y fait fort peu de commerce.</p> - -<p>Cette province n'est pas ouverte au commerce étranger; -elle serait d'ailleurs, en l'absence de toutes routes ou voies -ferrées, d'un accès difficile, et les échanges qu'on pourrait -y faire seraient de peu d'importance, étant donnée la pauvreté -des habitants.</p> - -<p>II.—Les Miao-Tseu, qui vivent dans le centre et au -midi de la province du Kouei-Tcheou, sont de deux sortes: -les uns obéissent aux magistrats chinois et font partie du -peuple chinois dont ils ne se distinguent que par leur -coiffure; les autres ont leurs mandarins héréditaires qui -sont originairement de petits officiers, lesquels servaient -dans l'armée chinoise de l'empereur Hong-Wou, et qui, -comme récompense, reçurent des titres et furent établis -gouverneurs d'un certain nombre de villages. Ces gouverneurs -indigènes furent appuyés par des garnisons chinoises -placées en différents endroits fortifiés. Les Miao-Tseu -s'accoutumèrent peu à peu à ce genre d'administration, et -ils considèrent aujourd'hui leurs mandarins comme s'ils -étaient de leur nation. Ces derniers, du reste, ont pris<span class="pagenum" id="Page_169">[Pg 169]</span> -toutes les manières des villages miao-tseu qu'ils étaient -chargés de gouverner. Cependant ils n'ont pas oublié de -quelle province et de quelle ville ils sont; il y en a parmi -eux qui comptent aujourd'hui vingt générations dans la -province du Kouei-Tcheou. Quoique leur juridiction ne -soit pas très étendue, ils ne laissent pas d'être à leur -aise; leurs maisons sont larges, commodes et bien entretenues; -ils jugent en première instance les procès qui -leur sont soumis, et ils ont le droit de châtier leurs sujets, -mais non de les condamner à mort. De leurs tribunaux, -on appelle immédiatement au tribunal du tche fou ou préfet -chinois.</p> - -<p>Les indigènes s'enveloppent la tête d'un morceau de -toile et ne portent qu'une veste bleue en cotonnade et des -pantalons de même étoffe; mais les chefs sont vêtus -comme des Chinois, surtout quand ils vont à la ville saluer -le tche fou ou quelque autre autorité chinoise.</p> - -<p>Les Miao-Tseu, encore indépendants, nommés par les -Chinois <i>Cheng-Miao-Tseu</i> ou Miao-Tseu <i>crus</i>, c'est-à-dire -non civilisés, ont des maisons à peu près comme -celles des Laotiens et des Siamois, élevées sur pilotis. -Dans le bas, au-dessous de la demeure familiale on met -le bétail: bœufs, vaches, moutons, cochons; car ce sont -les animaux que l'on voit le plus chez eux, sauf quelques -chevaux; les maisons sont sales et sentent mauvais, toute -l'odeur du bétail montant dans les chambres. Ces Miao-Tseu -sont divisés en villages et vivent dans une grande -union, quoiqu'ils ne soient gouvernés que par les anciens -de chaque village. Ils cultivent la terre, ils font de la -toile et des espèces de tapis qui leur servent de couvertures -pendant la nuit. Cette toile n'est pas très solide, mais<span class="pagenum" id="Page_170">[Pg 170]</span> -les tapis sont habilement tissés. Les uns sont de soie unie, -de différentes couleurs, surtout rouges, jaunes et verts; les -autres de fils écrus, d'une espèce de chanvre qu'ils savent -fort bien tisser et qu'ils teignent également; ils n'ont -pour vêtement qu'un pantalon et une veste comme leurs -congénères chinoisés.</p> - -<p>Par l'entremise de ces derniers, les Chinois arrivent à -faire un certain commerce avec les Miao-Tseu indépendants, -notamment le commerce des bois. Les indigènes les coupent -et les font flotter jusqu'au bas des montagnes où les -Chinois les reçoivent et en construisent de grands radeaux.</p> - -<p>Plus près de la frontière du Yunnan, vivent d'autres -Miao-Tseu, dont le vêtement diffère un peu de celui -des précédents. La forme de ce vêtement le fait ressembler -à un sac muni de manches très larges, lesquelles -sont fendues jusqu'au coude; par-dessous ils portent une -petite veste de différentes couleurs; les coutures sont -ornées de toutes sortes de petites coquilles que l'on -ramasse dans les lacs du Yunnan. Le couvre-chef ne diffère -pas de celui des précédents. La matière de ces vêtements -est une espèce de gros fil de chanvre ou de jute; -c'est probablement la même matière première qu'on -emploie pour faire les tapis dont j'ai parlé plus haut, et -qui est tantôt tissée tout unie et d'une seule nuance, tantôt -à petits carrés de diverses couleurs.</p> - -<p>Parmi les instruments de musique dont ils jouent, on en -voit un composé de plusieurs flûtes insérées dans un plus -gros tuyau, muni d'une sorte d'anche; le son en est plus -doux et plus agréable que celui du <i>kin</i> chinois, c'est -comme une espèce de petit orgue à main, qu'il faut souffler. -Ils savent danser en cadence et leur danse exprime<span class="pagenum" id="Page_171">[Pg 171]</span> -fort bien des sentiments de gaîté, de tristesse... Tantôt ils -s'accompagnent d'une sorte de guitare; d'autres fois d'un -instrument composé de deux petits tambours opposés: ils -le renversent ensuite comme s'ils voulaient le jeter et le -mettre en pièces.</p> - -<p>Ces peuples n'ont point parmi eux de bonzes ou prêtres -de Bouddha; mais ils ont une sorte de religion fétichiste -comme tous les Thai et les Shan, les Pou-Lao et autres -tribus non chinoises du Yunnan.</p> - -<p>Il y a, en fait, une foule de Miao-Tseu, et si les Chinois leur -ont donné ce nom générique, ils les distinguent cependant -entre eux par des noms spéciaux, généralement des noms -méprisants. Ainsi, ceux qui se trouvent sur la frontière du -Kouei-Tcheou et du Kouang-Si sont nommés Li-Jen ou -Yao-Seu, Pa-Tchai, Lou-Tchai, etc...</p> - -<p>Tous ces indigènes vont pieds nus et, à force de courir -sur les montagnes, ils ont la plante des pieds tellement -dure qu'ils grimpent sur les rochers les plus escarpés et -sur les terrains les plus pierreux avec une vitesse -incroyable et sans en être le moins du monde incommodés.</p> - -<p>Si les hommes ont une coiffure très peu significative, la -coiffure des femmes a quelque chose de grotesque et de -bizarre, surtout dans certaines tribus. En général, leur -chevelure est toujours arrosée d'une huile qui fait tenir -les cheveux raides et les colle pour ainsi dire; elles les -arrangent en un chignon qu'elles ornent de plaques -d'argent, d'épingles, de cercles d'argent; quelques-unes -mettent dans leurs cheveux une planchette d'un pied de -long autour de laquelle elles les enroulent; puis elles les -appliquent bien avec de l'huile ou de la graisse. Cette -coiffure dure plusieurs mois, et les femmes Miao-Tseu ne<span class="pagenum" id="Page_172">[Pg 172]</span> -la renouvellent guère que quatre à six fois par an. Il est -d'ailleurs bien évident qu'avec ces modes de coiffures, il -serait absolument impossible de se peigner tous les jours. -Mais, lorsqu'elles deviennent âgées, elles se contentent -de ramener leurs cheveux en toupet sur le haut de la tête -et de les nouer avec des tresses. J'ai vu moi-même ces -différentes coiffures, et je dois dire qu'elles produisent un -effet étrange, notamment celle qui consiste en une petite -planchette autour de laquelle les cheveux s'enroulent. La -langue de tous ces peuples paraît être la même dans toutes -les provinces, sauf quelques différences insignifiantes.</p> - -<p>Tous les Miao-Tseu sont méprisés des Chinois qui les -traitent de barbares et de voleurs de grand chemin. Cependant, -ceux des Européens qui ont été en contact avec eux, -dans quelque province que ce soit, les ont trouvés, au contraire, -très hospitaliers et très respectueux de la propriété -d'autrui. Quand j'ai voyagé au milieu d'eux, j'ai toujours -été bien accueilli, et ils ne craignaient qu'une chose: -l'escorte de soldats chinois qui m'accompagnait et qui les -traitait plutôt durement. Aussi comprend-on que les -Miao-Tseu aient leurs raisons de n'être pas satisfaits des -Chinois. Ceux-ci leur ont enlevé tout ce qu'ils avaient de -bonnes terres et continuent à les traiter, à l'heure actuelle, -avec le plus grand sans-gêne quand ils se sentent les plus -forts. Par suite, les Miao-Tseu n'aiment pas plus les -Chinois, que les Chinois n'aiment les Miao-Tseu; ceux-ci -regardent leurs conquérants, et non sans raison, comme -des maîtres très durs. Il est toutefois à remarquer qu'aujourd'hui -les Miao-Tseu vivant sur les montagnes sont -laissés à peu près indépendants, et que l'administration -chinoise ne se préoccupe guère de ce qui se passe chez eux.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_173">[Pg 173]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_XII">CHAPITRE XII</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. La province du Sseu-Tchuen (Szechuen); description.—II. Les -salines.—III. Les puits à pétrole.—IV. Bronzes; coutellerie; -chapeaux de paille; peaux; musc; vernis et suif.—V. Médecines.—VI. -L'attention des Européens attirée vers le Sseu-Tchuen.—VII. -Commerce du port ouvert de Tchong-King (Chung-King), -importation et exportation.—VIII. Produits du Thibet -exportés par Tchong-King.—IX. Considérations sur le transport -des marchandises et les voies commerciales.—X. La capitale -Tcheng-Tou (Cheng Tu) et ses environs; promenades; le mont -Omei.</p> -</div> - - -<p>I.—La province du Sseu-Tchuen est l'une des plus -belles et des plus grandes provinces de l'Empire: le Yang-Tseu-Kiang -la traverse tout entière; elle est très riche, -non seulement par la quantité de soie qu'elle produit, mais -encore par ses mines d'étain, de plomb, de fer; par son -ambre et ses cannes à sucre, par ses pierres précieuses, -et, dit-on, aussi par ses mines d'or. Elle abonde en musc, -surtout dans sa partie occidentale qui touche au Thibet, -pays du musc. On y trouve quantité d'orangers et de -citronniers; des chevaux très recherchés quoique de petite -taille, mais fort vifs et énergiques; des cerfs, des daims,<span class="pagenum" id="Page_174">[Pg 174]</span> -des perdrix, des perroquets; une variété de poules à -plumes douces comme la laine, petites et basses sur -pattes, que dans toutes les provinces, les habitants -s'amusent à élever en cage. C'est de la province du Sseu-Tchuen -qu'on tire la meilleure rhubarbe.</p> - -<p>Considérée par les étrangers aussi bien que par les -Chinois comme une des plus riches sinon la plus riche -province de l'Empire, le Sseu-Tchuen est en outre la plus -peuplée, et sa superficie égale à peu près celle de deux -autres provinces. Elle fut le grenier des Empereurs quand -ces derniers avaient leur capitale à Si-Ngan-Fou, dans le -Chen-Si, et sa ville principale, Tchen-Tou, fut au <span class="allsmcap">III</span><sup>e</sup> siècle -la capitale des Han.</p> - -<p>Le Sseu-Tchuen est arrosé par quatre rivières qui, courant -du nord au sud, viennent toutes se jeter dans le -Yangtseu en suivant la même direction, et forment par -suite quatre thalwegs tout à fait parallèles; ces rivières -sont le Kialing, le Lo, le Min et le Yaloung, la plus grande -de toutes, qui part du Thibet et qui vient se confondre -avec le Yangtseu sur la frontière du Yunnan et du Sseu-Tchuen. -La rivière Min descend dans la plaine de Tcheng-Tou, -où ses eaux se divisent en une quantité de bras ou -canaux qui contribuent à la grande fertilité de cette partie -de la province. Il ne faudrait d'ailleurs pas considérer -le Sseu-Tchuen sous un seul aspect; en effet, si, depuis -Kouei-Tcheou-Fou, ville frontière à l'est, vers le Houpe, -jusque sur les rives de la rivière Min, à Tchen-Tou et -Kiating, le sol est productif et la province bien peuplée; -depuis le Min jusqu'à la limite occidentale il n'en est pas -de même. Là les contreforts du Thibet s'avançant en -rangs serrés, offrant des hauteurs de 2.500 à 3.000 mètres,<span class="pagenum" id="Page_175">[Pg 175]</span> -occupent la majeure partie du terrain, qui est, de ce fait, -impropre à la culture et fort peu habité. C'est, du reste, -de ce côté que vivent éparses sur les hauteurs quelques -tribus de Lolos, aborigènes non encore assimilés et qui -ont jusqu'à présent été absolument réfractaires à la culture -chinoise. Quand on parle donc de la fertilité, de la richesse -du Sseu-Tchuen, il faut entendre d'une partie de la province.</p> - -<p>II.—En fait de richesses naturelles, en dehors de celles -que j'ai déjà citées, on peut noter l'une des plus importantes -et qui fait l'objet d'une industrie locale très active: ce sont -les puits d'eau salée. Les Sseu-Tchuennais font évaporer -l'eau pour avoir ensuite le sel qu'ils expédient un peu partout -à dos de bœufs. Ces puits de sel sont exploités, depuis -des générations, d'une façon absolument primitive, mais -qui fait honneur à la patience et à l'ingéniosité des Chinois. -Avec les moyens dont ils disposent, ils mettent généralement -trois ans pour creuser un puits. Quand il s'agit de -tirer l'eau, ils descendent dans le puits un tube en bambou -au fond duquel se trouve une espèce de soupape; lorsque -le bambou est au fond du puits, un homme, au moyen -d'une corde, imprime des secousses; chaque secousse fait -ouvrir la soupape et monter l'eau. Quand le tube est plein, -un grand cylindre en forme de dévidoir, de seize mètres -de circonférence, sur lequel roule la corde, est tourné par -deux, trois ou quatre buffles ou bœufs, et le tube monte; -l'eau qu'on en recueille donne à l'évaporation un cinquième, -quelquefois un quart de sel. Ce sel est très amer et n'a -pas la force du sel marin. Ces salines, dont les plus connues -et les plus renommées se trouvent à Tseu-Lieou-Tsing, -sont exploitées depuis des générations soit par des<span class="pagenum" id="Page_176">[Pg 176]</span> -compagnies, soit par des familles, et à l'heure actuelle -c'est toujours la vieille méthode qui triomphe; personne -n'admet d'innovation, et celui qui introduirait les procédés -d'extraction à l'européenne serait immédiatement en butte -aux tracasseries, à la haine même de ses compatriotes et -obligé de quitter le pays. Les corporations qui vivent -des salines sont si nombreuses et si puissantes qu'on se -demande à quelle époque pourra se faire l'exploitation -normale et rapide par nos moyens mécaniques.</p> - -<p>III.—A côté des puits salants, se trouvent les puits de -feu (Ho tsing). On s'en sert pour éclairer les exploitations la -nuit. Un petit tube en bambou ferme l'embouchure des puits -et conduit l'air inflammable où l'on veut; on l'allume et il -brûle sans s'arrêter. La flamme est bleuâtre et donne une -lumière très douce. Ces flammes proviennent évidemment -des nappes de naphte souterraines qu'on a dernièrement -découvertes au Sseu-Tchuen, mais qui n'ont jamais été -mises en exploitation.</p> - -<p>Pour évaporer l'eau et cuire le sel, les Chinois se servent -de grandes marmites en fonte, qu'ils emplissent au fur et -à mesure de l'évaporation, de sorte que le sel, quand l'eau -est complètement évaporée, remplit la cuvette à pleins bords -et en prend la forme. Le bloc de sel est dur comme la -pierre; on le casse en trois ou quatre morceaux pour qu'il -soit plus facilement transporté à dos de mulets ou de -bœufs. Pour chauffer les chaudières on emploie soit le -charbon, soit le feu naturel. Les couches de charbon sont -quelquefois assez épaisses et descendent à une grande profondeur, -mais on n'exploite qu'à la surface; on n'ose pas -ouvrir de grandes mines, car on ne peut employer la -lumière à cause du grisou, et les ouvriers, la plupart du<span class="pagenum" id="Page_177">[Pg 177]</span> -temps, vont à tâtons ou s'éclairent avec un mélange de -sciure de bois et de résine qui brûle sans flamme et ne -s'éteint pas.</p> - -<p>Pour l'emploi du feu naturel, quand on peut y avoir -recours, c'est infiniment plus simple: à trente centimètres -sous terre, sur les quatre faces du puits, sont plantés -quatre gros tubes de bambou qui conduisent l'air sous les -chaudières. Un seul puits fait chauffer plus de trois cents -chaudières. Chaque chaudière a un tube de bambou à -l'extrémité duquel est adapté un tube de terre glaise qui -empêche le bambou de brûler; le système, on le voit, est -très simple et, pour éclairer l'exploitation la nuit, on creuse -d'autres trous dans lesquels on fixe de longs bambous; on -a alors des torches permanentes et donnant toujours la -même lumière. Les nappes souterraines, qui fournissent -ainsi un gaz inflammable, sont évidemment des fleuves -de pétrole, et ils sont tellement abondants qu'avec une -exploitation européenne raisonnée, la Chine pourrait -s'éclairer sans avoir recours aux pétroles d'Amérique et -du Caucase; mais la grosse difficulté est de convaincre -toute cette population qui vit des puits de sel et des puits -de feu. Ce sera très long et il sera nécessaire d'agir avec -beaucoup de prudence.</p> - -<p>IV.—En dehors de cette industrie toute spéciale, le -Sseu-Tchuen fabrique des bronzes renommés, mais je crois -cependant que les beaux bronzes du Sseu-Tchuen ont surtout -été fondus autrefois; car aujourd'hui on n'en trouve -guère. La soie y est travaillée et ouvrée. La coutellerie -de Tcheng-Tou est renommée; de même aussi la fabrication -de chapeaux de paille; d'ailleurs les tresses de paille -du Sseu-Tchuen et particulièrement de Tcheng-Tou sont<span class="pagenum" id="Page_178">[Pg 178]</span> -expédiées par gros chargements sur Changhai, à destination -d'Europe, et deux maisons françaises de Changhai -en exportent chaque année de grandes quantités sur Paris.</p> - -<p>Le Sseu-Tchuen est aussi le marché des laines et des -peaux de chèvre et de yack provenant du Thibet; du -musc qui devient une marchandise rare et très frelatée; -de la cire animale ou tchang pela, c'est-à-dire cire blanche -des insectes. Ce sont de petits insectes qui la forment. Ils -sucent le suc d'une espèce d'arbre, et à la longue ils le -changent en une sorte de graisse blanche qu'ils fixent aux -branches de l'arbre; on la récolte en râclant les branches -en automne, puis on la fait fondre sur un feu doux, enfin, -on la passe pour en chasser les impuretés et on la verse -dans l'eau froide où elle se fige. Elle est polie et brillante, -on la mêle avec de l'huile et on en fait des chandelles. On -trouve cette sorte de cire au Hounan également, ainsi -qu'au Yunnan; mais celle qu'on récolte au Sseu-Tchuen -est supérieure. L'arbre qui porte l'insecte distillant cette -cire est un arbre à feuilles persistantes; il donne des -fleurs blanches en grappes au mois de mai et de petits -fruits en forme de baie, ressemblant assez à de petites -noix; les Chinois le nomment tong tsin chou. Les insectes -sont blancs quand ils sont jeunes, et c'est à ce moment -qu'ils font la cire. Quand ils ont rempli leurs fonctions, -ils deviennent gris; ils se réunissent alors en forme de -grappes et s'accrochent aux branches de l'arbre; au printemps -ils font leurs œufs et construisent des nids comme -les chenilles; chacun de ces nids contient plusieurs centaines -de petits œufs blancs, lesquels, une fois éclos, -livrent passage à une nouvelle génération d'insectes. -Ainsi tous les ans, le même arbre donne une récolte de<span class="pagenum" id="Page_179">[Pg 179]</span> -cire. Il faut avoir bien soin de surveiller l'arbre et d'empêcher -l'invasion des fourmis qui mangeraient les insectes -et détruiraient la récolte.</p> - -<p>V.—Mais ce que le Sseu-Tchuen produit avec abondance, -ce sont les médecines, et c'est de ce fait que la province -a une célébrité spéciale parmi les Chinois; car le -Chinois prend des médecines à tout propos et hors de -propos. Or le Sseu-Tchuen lui en fournit abondamment. -Rhubarbe et herbes médicinales de toutes sortes, cornes -de cerf, os de dragon, et quantité de drogues extraordinaires, -de mixtures sans nom, tout cela vient du Sseu-Tchuen. -Les jonques qui partent de Tchong-King en -amènent des chargements considérables à Hankeou et à -Changhai, d'où ils sont dirigés dans toute la Chine.</p> - -<p>VI.—La province qui nous occupe en ce moment a été -l'objet de l'attention générale vers 1895 et les années qui -ont suivi. Ce devait être l'eldorado rêvé. Tous les Européens -s'accordaient à reconnaître au Sseu-Tchuen une -valeur commerciale énorme; je crois qu'aujourd'hui on en -est un peu revenu. D'abord l'accès de la province est particulièrement -difficile et restera tel tant qu'une voie ferrée -ne reliera pas Tchong-King et Tcheng-Tou à Hankeou et -à Changhai, et puis, il faut bien le dire aussi, plus la -Chine s'ouvrira, moins l'Européen aura de chances, surtout -dans l'intérieur; car l'intelligence du Chinois s'ouvrira -en même temps et le commerce restera dans les -mains chinoises. Il n'y a qu'à voir la situation actuelle des -grands centres comme Changhai et Hankeou; les maisons -européennes s'y livrent une concurrence effrénée et sont -de plus en plus battues en brèche par les maisons chinoises -qui commencent à travailler directement; les profits<span class="pagenum" id="Page_180">[Pg 180]</span> -sont loin d'être ce qu'ils étaient autrefois, et l'Européen -en Chine doit fournir un travail considérable. Que sera-ce -dans l'intérieur du pays? Seuls les Japonais pourront -tenir quelque temps, mais le Chinois, une fois bien outillé -et au courant des affaires de l'Occident, finira par laisser -loin derrière lui tous les étrangers.</p> - -<p>VII.—Le commerce total de Tchong-King pour l'année -1908 s'élève à la somme de 31.180.995 taels, contre environ -28.000.000 de taels en 1907 et 28.000.000 également -en 1906. La ville de Tchong-King, qui est en même temps -le port ouvert aux étrangers, est le centre commercial -non seulement du Sseu-Tchuen, mais de la Chine occidentale -et du Thibet chinois. La ville s'élève sur l'extrémité -d'une colline assez haute et rocheuse, formant presqu'île au -confluent de la rivière Kialing avec le Yangtseu. Elle est -entourée, comme toutes les villes chinoises, d'un mur crénelé, -percé de neuf portes. Le climat de Tchong-King, -sans être malsain, est très lourd l'été à cause de la chaleur -humide; quant à l'hiver qui est parfois très frais, il -est désagréable à cause des brouillards épais qui s'élèvent -du fleuve tous les matins. Sur la rive gauche du Kialing, -en face de Tchong-King, se trouve la petite ville de -Kiang-Pe-Ting, laquelle, avec Tchong-King, forme une -agglomération d'environ 300.000 âmes. C'est en 1891 qu'a -été ouvert le port de Tchong-King; vers 1893-1894, un -Français est allé s'y installer et a assez bien réussi; -aujourd'hui plusieurs maisons étrangères y ont établi des -succursales, mais tout le commerce est entre les mains -des indigènes. La Compagnie française des Indes et de -l'Extrême-Orient y entretient un agent. Le gouvernement -français, les missionnaires catholiques et protestants<span class="pagenum" id="Page_181">[Pg 181]</span> -subventionnent également des hôpitaux et des écoles à -Tchong-King et à Tcheng-Tou; enfin, un Japonais, -M. Ishidzuka, a entrepris la construction d'une manufacture -pour la préparation des cuirs du Sseu-Tchuen à -Tcheng-Tou.</p> - -<p>La situation commerciale de la province du Sseu-Tchuen, -au cours de l'année 1908, a été, grâce à un ensemble de -conditions favorables, particulièrement prospère<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">[15]</a>. La -totalité du trafic qui a été contrôlé par l'administration des -douanes chinoises de Tchong-King représente une valeur -de 31.180.995 taels (environ 110.000.000 de francs), soit -une augmentation de 15.000.000 de francs sur l'année 1907. -Comme on estime qu'un cinquième seulement du commerce -de la province passe par les douanes maritimes, la majeure -partie des marchandises dirigées sur le Bas-Yangtseu, -par les maisons chinoises de la place, acquittent les -droits aux octrois indigènes ou <i>likin</i>. La valeur brute du -commerce de Tchong-King peut être évaluée à 500 millions -de francs. Ce chiffre semble d'abord considérable; il n'a -cependant rien qui puisse surprendre si l'on considère -que cette ville est le seul port ouvert d'une province qui -compte plus de 40.000.000 d'habitants. Ce chiffre a, d'ailleurs, -dû être de tout temps le chiffre normal des transactions -du Sseu-Tchuen; seulement, comme autrefois nous -n'avions aucune statistique pour nous en rendre compte, -nous l'ignorions. Les produits de toute la Chine occidentale, -du Yunnan septentrional, du Kouei-Tcheou même, ne -trouvant leur débouché qu'à Tchong-King, il n'y a pas -lieu de nous étonner.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> D'après les documents du ministère des Affaires étrangères.</p> - -</div> - -<p><span class="pagenum" id="Page_182">[Pg 182]</span></p> - -<p>Le nombre des jonques affrétées s'est élevé à 2.567, -et le prix moyen du fret par picul à la montée a été -de 80 francs d'Itchang à Tchong-King, et de 25 francs à -la descente. La plus forte crue du Yangtseu n'a été que de -52 pieds, alors qu'au cours des années précédentes on -avait fréquemment enregistré 80 et même 100 pieds.</p> - -<p>L'argent s'est maintenu au taux moyen de 930 taels -de Tchong-King pour 1.000 taels de Changhai. Toutefois, -en automne, l'envoi de quantités importantes de numéraire -aux grandes salines du Tseu-Lieou-Tsing, et surtout dans -les marchés thibétains, pour payer les dépenses de l'expédition -militaire chinoise, a eu pour résultat une hausse -subite de l'argent. Les banquiers qui échangeaient -930 taels de Tchong-King contre 1.000 taels de Changhai -n'en donnèrent plus que 890. Cette crise dura près d'un -mois et causa quelque malaise sur le marché. Cependant -il n'y eut aucune faillite à signaler. En somme, malgré la -crise monétaire, l'année a été bonne; l'agriculture, au -reste, a été également favorisée, et le prix des denrées est -resté peu élevé, à tel point qu'on a pu exporter du riz et -des céréales au Houpe.</p> - -<p>La plus grande partie du commerce d'importation et -d'exportation est entre les mains des maisons chinoises, -lesquelles ont des représentants à Hankeou, Itchang et -Changhai. Les articles importés sont des articles de vente -courante, dits articles de bazar; la plus grande partie de -ces articles viennent, comme toujours, du Japon ou de -l'Allemagne; ils sont de fabrication et de qualité inférieure, -mais ils ont l'avantage d'être à la portée de toutes les -bourses. L'article allemand, très ordinaire surtout, se vend -beaucoup.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_183">[Pg 183]</span></p> - -<p>Les produits français sont très appréciés, mais ils -coûtent trop cher. On les trouve seulement dans les -comptoirs de la Compagnie française des Indes et de -l'Extrême-Orient, rarement dans les magasins tenus par -les Chinois. Les articles suivants se vendent bien: verrerie -de Bohême (vases à fleurs), passementerie, parfums -et savons, montres, vins de champagne bon marché, -liqueurs douces. Mais toutes ces marchandises, ce sont -les Allemands et les Japonais qui les vendent, parce que -seuls ils peuvent les livrer à un bon marché auquel nous -ne saurions atteindre. Il en est de même de tous les articles -de fer-blanc ou d'émail. Ces objets sont d'un emploi courant -chez les habitants de cette province, mais les Allemands -ont le monopole de la vente. Outils, charnières, -clous, vis, pointes, fils de fer, tout cela est allemand, -quoique cependant on voie sur le marché certains articles -de provenance française. Il en est de même pour les -machines à coudre; quelques-unes sont d'origine française, -mais la grande majorité vient d'Allemagne. Il n'y a -guère que dans les soieries de Lyon que nous trouvions -une vente rémunératrice; elles commencent à être appréciées -des gens riches et aussi des chefs indigènes lolos ou -Miao-Tseu; il s'en est vendu 815 piculs (1 picul = 60 kgs.) -en 1908, contre 478 piculs en 1907.</p> - -<p>Le pétrole donne une importation de 300.000 gallons -en 1908, et il est tout entier livré par la Standard Oil -Cº de New-York.</p> - -<p>Le coton est également importé en grande quantité. Les -filés de coton indiens ont subi une diminution de 56.922 -piculs; par contre les filés de coton chinois provenant des -manufactures de Wou-Tchang sont passés de 42.000<span class="pagenum" id="Page_184">[Pg 184]</span> -piculs en 1907 à 75.000 en 1908; et les filés japonais dont -il n'avait été importé que 210 piculs en 1907 ont atteint -cette année 10.000 piculs. Tchong-King est le grand -centre de transit pour les filés de coton envoyés au -Yunnan, au Kouei-Tcheou et au Thibet. Les tissus écrus -arrivent à Tchong-King; on teint dans la proportion de -600 pièces sur 1.000 ceux qui sont destinés au Yunnan -et au Kouei-Tcheou; quant aux tissus dirigés sur le -Thibet, ils sont habituellement teints à Yo-Tcheou.</p> - -<p>Comme exportation le Sseu-Tchuen fournit:</p> - -<p>Les soies de porc qui constituent le principal article -d'exportation des maisons européennes de Tchong-King; -les soies noires sont toutes expédiées en Europe; quant -aux soies blanches, le Japon en achète tous les ans une -certaine quantité.</p> - -<p>La quantité de musc expédiée chaque année de Ta-Tsien-Lou -peut être d'environ 1.000 livres chinoises ou -<i>Kin</i> (le Kin vaut 600 grammes); ainsi que je l'ai noté -plus haut, le négociant européen fera bien de vérifier les -poches de musc avant d'en prendre livraison; car très -souvent il est fraudé.</p> - -<p>La rhubarbe croît ici en grande quantité, soit cultivée, -soit sauvage; la rhubarbe cultivée provient des montagnes -de l'ouest et du sud de la province; la rhubarbe -sauvage se trouve dans les marches thibétaines; une -quantité considérable est exportée tous les ans vers les -autres provinces chinoises.</p> - -<p>La cire animale blanche compte pour environ 300.000 taels -chaque année. La cire jaune, les noix de galle figurent -à l'exportation avec les peaux de bœuf, de buffle, de -chèvre et d'agneau; le Sseu-Tchuen écoule par Tchong-King<span class="pagenum" id="Page_185">[Pg 185]</span> -toutes les peaux de la Chine occidentale; on en fait -des envois considérables en Europe et en Amérique; elles -proviennent en partie du Thibet et en partie du Yunnan. -Depuis quelques années la ville de Tchao-Tong, située au -nord de cette dernière province, expédie au Sseu-Tchuen -une grande quantité de peaux de bœuf jaunes et de peaux -de chèvre; ces peaux sont en majorité dirigées sur l'Amérique.</p> - -<p>Le transport des peaux provenant de Tchao-Tong se -fait à dos de mulet pendant sept étapes, puis à dos -d'homme de Lao-Wa-Tan à Soui-Fou, d'où on les envoie -par jonques jusqu'à Tchong-King.</p> - -<p>On exporte aussi en Europe des peaux de renard, de -daim ou de lapin blanc, ainsi que la laine des troupeaux -du Yunnan qui arrive à Soui-Fou pour être dirigée sur -Tchong-King.</p> - -<p>La soie du Sseu-Tchuen n'est pas à beaucoup près -aussi estimée que celle du Kiang-Sou, du Chantong et -de Canton; toutefois, dans ces dernières années, de -grands progrès ont été réalisés dans cette industrie. A -Tong-Tchouan, à quatre étapes au nord-est de Tcheng-Tou, -une filature a été ouverte où la soie est dévidée suivant -les procédés modernes. Le dévidage se fait pour les -cocons blancs, de cinq par fil; pour les cocons jaunes, de -six. Cette soie est brillante et souple. Une école indigène -a été établie à Tcheng-Tou en 1906; une autre a été tout -récemment créée à Tchong-King.</p> - -<p>Le bureau d'agriculture provincial vend aux éleveurs -de vers à soie qui en font la demande des graines importées -de Hang-Tcheou et de Sou-Tcheou et aussi du Japon; -des distributions gratuites de ces graines ont été faites<span class="pagenum" id="Page_186">[Pg 186]</span> -dans toutes les écoles où l'on traite des questions se rattachant -à la sériciculture. Les autorités ont promis une -récompense à ceux qui chaque année produisent une qualité -de soie supérieure.</p> - -<p>Le Sseu-Tchuen fournit une autre espèce de soie, la -soie sauvage produite par le bombyx du chêne, qui existe -aussi au Japon où il est connu sous le nom de <i>Yamamai</i>. -Cette soie a été, paraît-il, très demandée en Europe et en -Amérique; on l'emploie en Amérique pour en faire une -étoffe dénommée <i>radjah</i>, et en Europe aussi bien qu'en -Amérique elle entre dans la confection d'un tissu spécial -très résistant utilisé dans l'aérostation.</p> - -<p>Le suif végétal provient des graines du <i>Kiuen-Tseu-Chou</i>, -ou <i>Stillingifera sebifera</i>, de la famille des euphorbiacées.</p> - -<p>Les plumes d'aigrette sont un article d'exportation; -mais elles se font rares, tellement on détruit de ces malheureux -oiseaux; d'ailleurs, les plumes dites aigrettes ne se -trouvent que sur la tête des mâles qui ont plus de trois -ans; s'il y en a encore quelques troupes, c'est qu'au -Yunnan il existe des localités où les oiseaux sont sacrés -et où on risquerait sa vie si on les tuait.</p> - -<p>VIII.—Les produits du Thibet qui sont exportés -en Europe par le port de Tchong-King sont les suivants:</p> - -<p>Le musc, 120 à 160.000 francs;</p> - -<p>La rhubarbe;</p> - -<p>La laine;</p> - -<p>Les peaux d'agneau;</p> - -<p>Les queues de yack, environ 2.000 par an, chacune -coûtant environ 1 fr. 25;</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_187">[Pg 187]</span></p> - -<p>Les poils de yack, lesquels sont utilisés pour le tissage -d'une étoffe imperméable;</p> - -<p>Les crins de chevaux;</p> - -<p>Les soies de porc;</p> - -<p>Les cornes de cerf, qui, réduites en poudre, sont, -paraît-il, un médicament d'une efficacité sans pareille;</p> - -<p>Les peaux tannées: peaux de cerf, de musc, de renard, -de yack, panthère, ours, lynx, loup, fouine, zibeline.</p> - -<p>Ces marchandises sont apportées par les Thibétains à -Ta-Tsien-Lou, qui est le grand marché du Thibet oriental. -Avec l'argent qu'ils en retirent, ils achètent du thé, des -cotonnades, des couleurs d'aniline, du bois de campêche, -des fils de soie. De Ta-Tsien-Lou, les produits du Thibet -sont envoyés par voie de terre à Yo-Tcheou; on compte -neuf étapes entre ces deux villes. Ils sont alors chargés -sur des radeaux qui, par la rivière Yaho, les amènent à -Kia-Ting-Fou; de là ils descendent par le Min et le -Yangtseu jusqu'à Tchong-King, d'où ils sont dirigés sur -Changhai.</p> - -<p>IX.—En somme, c'est toujours à Changhai qu'il faut en -venir, comme au débouché le plus important pour toute la -Chine centrale et occidentale. Même quand les chemins -de fer auront relié Hankeou à Tchong-King et à Tcheng-Tou, -même quand le chemin de fer de Yunnan-Fou ira -rejoindre Tchong-King par Tong-Tchuen et Tchao-Tong, -Changhai restera le marché principal pour tout le bassin -du Yang-Tseu-Kiang, parce que la voie d'eau, n'importe -en quel pays, est toujours la moins chère et parce que -jamais, au point de vue du transport des marchandises, -le chemin de fer ne contrebalancera les bateaux à vapeur -du fleuve Bleu. Les chemins de fer pourront développer<span class="pagenum" id="Page_188">[Pg 188]</span> -les échanges, amener plus facilement et plus rapidement -les marchandises aux ports d'embarquement, ou, une fois -débarquées, les distribuer plus facilement aux extrémités -des provinces, mais la navigation gardera toujours la -prépondérance, parce que moins chère et presque aussi -rapide. D'ailleurs, même si elle n'était pas aussi rapide, -cela ne gênerait en rien les Chinois pour qui le temps ne -compte pas et qui ont une patience à toute épreuve.</p> - -<p>Actuellement, dans le Sseu-Tchuen, les moyens de communication -sont très difficiles, tant dans l'intérieur de la -province qu'entre la province et les provinces voisines; -les moyens de transport à dos d'homme ou de mulet -sont fort coûteux; la navigation des fleuves et rivières, -parsemés de rochers et de rapides, est dangereuse toute -l'année et à peu près impossible pendant l'époque des -hautes eaux. Les accidents sur le Yangtseu entre Itchang -et Tchong-King sont extrêmement fréquents; on estime -qu'une jonque sur dix, en moyenne, fait naufrage ou subit -de graves avaries. Il est donc bien évident que, dans -cette région, il importe d'avoir au plus tôt des voies ferrées, -et la construction d'un chemin de fer venant de -Hankeou pourra seule établir un transport normal; mais -soyons bien persuadés que le négociant chinois n'abandonnera -pas de si tôt le fleuve; il ne renoncera pas à ses -habitudes, surtout parce que ses habitudes le conduisent -au meilleur marché. On le voit bien par l'exemple du chemin -de fer de Changhai à Nankin; les bateaux transportent -toujours les marchandises et le chemin de fer n'arrive pas -à les concurrencer.</p> - -<p>Quant à songer à lancer une ligne régulière de vapeurs -entre Itchang et Tchong-King, c'est là une pure chimère;<span class="pagenum" id="Page_189">[Pg 189]</span> -si, à certaines époques, des canonnières <i>à fond plat</i> ont -pu remonter le fleuve, il me paraît peu probable que des -navires chargés de marchandises et cubant une certaine -profondeur puissent jamais naviguer sur le Haut Yangtseu -en l'état où il est actuellement.</p> - -<p>Il serait cependant à désirer grandement que l'on pût -remonter facilement au Sseu-Tchuen; car c'est incontestablement -une des provinces les plus anciennes et les plus -dignes d'être visitées, et les touristes n'y manqueraient -pas.</p> - -<p>X.—La capitale, Tcheng-Tou, est située au nord-ouest -de Tchong-King, sur la rivière Min, qui forme, avec la -rivière Tcheng, à l'endroit même où est située la capitale, -un enchevêtrement de lacs et de canaux tel que la ville -est entourée d'eau de tous côtés. Le premier aspect de -Tcheng-Tou est celui de toutes les villes chinoises avec -leur cortège de saletés, d'immondices, de guenilles et de -mendiants. Cependant quelques rues, larges, bien pavées, -bordées de boutiques assez propres et jolies à l'œil, contrastent -avec ce que l'on est habitué à voir en Chine. -C'est un reste de l'ancienne splendeur de la ville qui fut -capitale de l'Empire il y a quelques siècles, et l'on peut y -voir encore de nombreux palais et monuments. La révolte -des Taiping a épargné cette province, et c'est une des -raisons qui font que les villes du Sseu-Tchuen, et celle de -Tcheng-Tou en particulier, offrent encore au voyageur un -spectacle plus agréable et plus varié que la plupart des -villes du Yangtseu, qui ont toutes plus ou moins été -dévastées par les rebelles.</p> - -<p>Quoique la province soit très fertile, on y rencontre -beaucoup de pauvres, car la population, qui n'a jamais<span class="pagenum" id="Page_190">[Pg 190]</span> -connu le déchet que causent les guerres civiles et les -révoltes, est extrêmement nombreuse et ne trouve pas -toujours de quoi se nourrir. De Tcheng-Tou partent -plusieurs belles routes qui se dirigent sur Soui-Ting, -Pao-Ning, Tong-Tchuen, Ta-Tsien-Lou, et qui sont bien -entretenues, chose rare en Chine; non pas qu'elles ressemblent -encore à nos routes de France, mais elles sont -pavées de belles pierres qui rendent la marche moins -pénible que les fondrières si souvent rencontrées dans les -provinces de l'Empire.</p> - -<p>Les environs immédiats de Tcheng-Tou produisent une -impression de bien-être; on se trouve dans une autre -Chine. Les jardins sont nombreux et bien cultivés; tout a -un air de propreté et de prospérité auquel on n'est pas -habitué ordinairement. Il faut observer d'ailleurs que la -situation de Tcheng-Tou, au milieu de plaines fertiles et -bien arrosées, au pied des derniers contreforts qui descendent -du Thibet, contribue à la beauté de la ville et de -ses environs; nulle part en Chine on ne trouve tant de -beautés naturelles alliées à une telle fertilité. De plus, le -réseau de canaux et de rivières qui environne la ville facilite -le commerce par jonques, puisque toujours ces dernières -peuvent remonter jusqu'à Tcheng-Tou; cependant -de novembre à mai, pendant la saison sèche, les petites -barques seules peuvent y parvenir.</p> - -<p>La muraille qui entoure la ville a été élevée sous la -dynastie des Tsin il y a quelque vingt siècles, mais elle a -été agrandie et refaite sous l'empereur Kang-Hi, de la -dynastie actuelle. On trouve dans l'enceinte trois villes, -comme à Pékin et à Nankin; une ville impériale, dont il -ne reste que des ruines, pavillons délabrés, marbres<span class="pagenum" id="Page_191">[Pg 191]</span> -brisés, palais effondrés; une ville tartare où quelques -Mandchoux tiennent garnison, et enfin la ville chinoise.</p> - -<p>Hors de la ville le voyageur peut visiter quelques -édifices intéressants, tels que la pagode de Wou-Keou-Tseu, -tombeau d'un empereur; la pagode de Tsin-Yang-Kong -ou des deux brebis, placée sous l'invocation de Lao-Tseu; -c'est peut-être une des plus belles pagodes qui -existent en Chine; tour, piliers, dragons et phénix, -immenses brûle-parfums, enfin les deux brebis en bronze, -l'ensemble offre un caractère de grandeur et d'élégance -qu'on n'est pas habitué à voir dans ce pays. De temps à -autre, aux époques où l'on fête les différentes phases de -la vie du philosophe, de véritables foires s'installent -autour du temple, avec des jongleurs, des montreurs de -bêtes, etc.</p> - -<p>Le monastère de Tsao-Tang mérite également d'être -visité.</p> - -<p>C'est là que repose un des poètes les plus connus -de la Chine, Tou-Fou, célèbre non seulement par ses -œuvres, mais aussi par la capacité de son gosier: il mourut -à la suite d'un excès de vin de Chao-Hing; c'était, -d'ailleurs, comme tous les beaux buveurs, un homme -fort gai. Le monastère où il est enseveli depuis plus de -mille ans est, comme il convient, entouré de cabarets en -plein vent et de buvettes où les fervents admirateurs du -poète viennent débiter ses vers en vidant quelques coupes -de vin chaud.</p> - -<p>A environ 50 kilomètres de Tcheng-Tou on peut faire -l'excursion de Kouan-Chien, où se voit un pont suspendu -fort original jeté sur le Min, en face des montagnes où -la petite ville s'étage en amphithéâtre. Ces ponts ne sont<span class="pagenum" id="Page_192">[Pg 192]</span> -pas rares dans ces parties montagneuses de la Chine et -le Yunnan en possède plusieurs.</p> - -<p>Mais la merveille du Sseu-Tchuen, c'est le monastère -d'Omei, la montagne sainte du Sseu-Tchuen comme le -Fuji-Yama est la montagne sacrée des Japonais. On y -rencontre des pèlerins exactement vêtus comme ceux du -Japon: vêtements blancs, sandales de paille, un grand -bâton à la main.</p> - -<p>Pour faire le pèlerinage d'Omei, il faut d'abord se -rendre à Kia-Ting qui se trouve à 200 kilomètres au sud -de Tcheng-Tou; le plus simple et en somme le plus rapide -moyen pour s'y rendre est la barque. C'est là que tous les -pèlerins se réunissent, et c'est de là qu'ils partent pour -aller s'agenouiller dans les temples de la montagne sacrée, -d'où, suivant la tradition, le bouddhisme s'est propagé en -Chine. La nature ici est sauvage et grandiose: montagnes -élevées, précipices, cascades se précipitant de rocher en -rocher, et au milieu de cette nature, pagodes, temples et -monastères. C'est vraiment un spectacle rare et qu'on ne -peut se lasser d'admirer. Au monastère des Dix mille -années, situé à mi-chemin de la cime du mont, les bonzes -bouddhistes donnent une hospitalité aimable, et on y rencontre -d'innombrables malades et estropiés qui, entassés -pêle-mêle, prient avec ferveur pour obtenir un allègement -à leurs souffrances.</p> - -<div class="figcenter illowp100" style="max-width: 67.375em;"> - <img class="w100" src="images/231.jpg" alt="" /> - <div class="caption">Halage à la corde.</div> -</div> - -<p>Comme le Fuji-Yama, la montagne d'Omei est souvent -couverte de nuages, et il est rare qu'une fois arrivé sur la -cime le pèlerin ait la vue, qui doit être pourtant merveilleuse, -de tout le pays environnant. Le pèlerin -chinois ne s'en soucie pas beaucoup; mais le voyageur -européen qui vraisemblablement ne repassera pas tous les<span class="pagenum" id="Page_193">[Pg 193]</span> -ans au mont Omei, comme il pourrait le faire au Rigi, -est désappointé. Malgré tout on est payé de ses fatigues -par le spectacle de cette nature grandiose, de ces montagnes -derrière lesquelles on devine le Thibet, pays -encore mystérieux et si bien défendu par ses énormes -glacis couverts de neiges éternelles.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_195">[Pg 195]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_XIII">CHAPITRE XIII</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. La province du Yunnan; description; Yunnan-Sen, capitale.—II. -Histoire; le Yunnan d'autrefois; ses habitants, leurs mœurs, -leurs costumes, leurs usages.—III. L'Islamisme au Yunnan.—IV. -La France et l'Angleterre au Yunnan; le chemin de fer; Sseu-Mao -et Pou-Eurl; le commerce de ces deux villes.—V. Yunnan-Fou -et Mong-Tseu; voie ferrée de Yunnan-Fou au Sseu-Tchuen, de -Tali à Bhamo; commerce de Mong-Tseu.—VI. La ville de Tali et -le plateau de Yunnan-Fou; Tonghai; beauté mais pauvreté du -Yunnan.</p> -</div> - - -<p>I.—La province du Yunnan se trouve au sud-ouest de -l'Empire chinois, entre le 21° et le 27° de latitude septentrionale -et le 95° et le 101° de longitude orientale. Elle est -bornée au nord par le Sseu-Tchuen, à l'est par le Kouei-Tcheou -et le Kouang-Si, au sud par l'Indo-Chine française, -et enfin à l'ouest par la Birmanie britannique. Elle est -arrosée, au nord par le Yang-Tseu-Kiang, au sud par le -fleuve Rouge et la rivière Noire; elle fait donc partie du -bassin du Yangtseu au nord, sur la frontière du Sseu-Tchuen. -A l'ouest, d'ailleurs, elle dépend également du -bassin du Mékong. Son éloignement du centre administratif -de l'Empire est cause que cette province a toujours<span class="pagenum" id="Page_196">[Pg 196]</span> -été un des points faibles de la monarchie chinoise, depuis -sa conquête, faite sous la dynastie des Han (202 av. J.-C. -à 281 ap. J.-C); et le caractère sauvage et batailleur des -indigènes a, plus d'une fois, sous la conduite d'un chef -habile, tenu en échec l'autorité du fils du Ciel. Les -empereurs, sous la dynastie des Tang (618-907), parvinrent -cependant à en opérer la conquête effective, et Khoubilai-Khan -lui-même fit en 1253 une expédition au Yunnan et -installa son fils comme lieutenant-gouverneur de toutes -les provinces du sud-ouest de l'Empire. Les travaux et les -voyages des Anglais Baber, Anderson et Margary (lequel -périt assassiné non loin du Haut-Mékong), et des Français -Mouhot et Francis Garnier ont beaucoup aidé à la connaissance -de cette province.</p> - -<p>De l'ouest à l'est le Yangtseu touche au Yunnan, un peu -à l'ouest de Tchao-Tong; on remonte son cours dans la -direction du sud jusqu'à Ta-Chien, où il fait un coude, et -en se dirigeant vers le nord on arrive à l'embouchure -du Ya-Long-Kiang: puis, après avoir franchi Li-Kiang-Fou -et Atien-Tseu, le fleuve se retrouve au Sseu-Tchuen, -à Batang. En continuant ainsi, on arriverait à sa source, -dans les contreforts du Thibet.</p> - -<p>Du côté du Yunnan, c'est-à-dire sur la rive droite, on ne -voit aucun grand affluent; seuls quelques petits torrents -vont se jeter dans le grand fleuve.</p> - -<p>Le Yunnan est un amas de montagnes dont la hauteur -varie entre 2.000 et 2.500 mètres pour s'élever jusqu'à -3.000 mètres du côté de Tali-Fou; quelques plateaux sont -seuls fertiles et habités; les vallées, très étroites, ne -peuvent se prêter en aucune façon à l'installation de -l'homme. Une quantité de torrents donnant naissance à de<span class="pagenum" id="Page_197">[Pg 197]</span> -grands fleuves ou allant s'y jeter s'insinuent à travers ces -vallées étroites et rendent, à l'époque des pluies, la circulation -matériellement impossible. Le climat est bon: par -suite de sa situation sous les tropiques et de son altitude, -il n'est jamais trop chaud ni trop froid. Cependant, dans -le nord, à Yunnan-Sen et à Tali-Fou, la neige est assez -persistante en hiver. Je dois également ajouter que sur -beaucoup de plateaux règne la malaria et que presque -toutes les vallées sont fatales à ceux qui y séjournent: le -paludisme les atteint sûrement. Les Européens résistent -mieux au climat que les Chinois.</p> - -<p>Deux lacs se trouvent à l'est, près de la capitale, Yunnan-Sen: -l'un le Sien-Hai, l'autre le Tien-Hai; ces deux lacs -sont assez importants et peuvent avoir de 100 à 120 kilomètres -de long sur 20 et 30 de large. Mais ils ne sont pas, -à beaucoup près, aussi considérables que le Eurl-Hai ou -lac de Tali qui a quelque 200 kilomètres de long et 40 de -large.</p> - -<p>Une assez grande quantité d'autres lacs plus ou moins -modestes sont disséminés dans toute la province.</p> - -<p>La capitale de la province, Yunnan-Cheng-Tcheng -(ville capitale de la province du Yunnan), plus communément -connue des indigènes sous le nom de Yunnan-Sen, -est située au nord du Tien-Hai. C'est la ville du Yunnan -qui a le plus d'importance politique, et c'est aussi le centre -principal du commerce de la province. Elle est bien bâtie -et elle offre encore quelques monuments intéressants, quoiqu'elle -ait été sérieusement éprouvée par un violent tremblement -de terre qui dura, dit-on, trois jours, en 1834, et -que l'incendie y ait causé de grands ravages lors de la -répression de la rébellion musulmane par Ma-Jou-Long.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_198">[Pg 198]</span></p> - -<p>Tombée entre les mains des Chinois sous les Tang, et -entièrement soumise sous les Mongols, Yunnan-Sen -était devenue, à la décadence de la dynastie Ming -(1590-1620), la capitale d'un prince chinois qui s'était -rendu indépendant; mais les conquérants mandchoux ne -tardèrent pas à reprendre possession de la province qui, -depuis lors, est restée partie intégrante de l'Empire.</p> - -<p>On y parle le chinois de Pékin et du Sseu-Tchuen, car -les soldats mandchoux s'y étaient installés en grand -nombre après la conquête, et actuellement les habitants -du Sseu-Tchuen viennent y fonder des colonies. On dit -que la province est riche en mines; charbon, étain, cuivre, -marbre, argent, l'or même, y seraient en abondance. Quelques -ingénieurs français envoyés par l'Indo-Chine y ont -fait des prospections; mais il semble qu'aucun n'ait donné -de renseignements très sûrs et définitifs. Toutefois un -syndicat anglo-français s'est fondé, qui a envoyé des ingénieurs -américains à Yunnan-Sen; les résultats ont été -tenus secrets; mais j'ai entendu dire que les ingénieurs -n'avaient pas été satisfaits; peut-être le chemin de fer -aidera-t-il au développement minier; car il ne suffit pas -de trouver des mines, il faut pouvoir les exploiter. Le -jésuite du Halde a laissé de Yunnan-Sen une peinture -qu'on peut encore citer: «Après tout, la ville d'Yunnan, -dans l'état où elle est, a encore plus de réputation que -d'abondance; les boutiques sont assez mal garnies, les -marchands peu riches, les bâtiments médiocres; le concours -du monde n'y est même pas fort grand, si on le -compare à celui qu'on voit dans les autres capitales de la -province.»</p> - -<p>II.—La ville a aujourd'hui environ 80.000 habitants.<span class="pagenum" id="Page_199">[Pg 199]</span> -La province du Yunnan touchant sur toute sa frontière -méridionale à l'Indo-Chine française, et nous intéressant -par suite d'une façon particulière, je m'étendrai assez -longuement sur sa situation, ses ressources et son histoire.</p> - -<p>L'histoire du Yunnan est, en effet, tout autre que l'histoire -de la Chine, et il n'y a pas bien longtemps que cette -province vit de la vie générale de l'Empire. Aussi, comme -nos compatriotes du Tonkin sont de plus en plus appelés, -surtout depuis que le chemin de fer du Yunnan a fait son -entrée à la capitale, à être en relations d'affaires avec les -indigènes de cette partie du Céleste Empire, je ne craindrai -pas d'entrer dans quelques détails. L'histoire et -l'ethnographie du Yunnan sont, au reste, bien loin d'être -ennuyeuses, et on y trouve, au contraire, une saveur et -un intérêt particuliers.</p> - -<p>Le Yunnan autrefois n'était pas peuplé par les Chinois; -bien qu'il appartienne à l'Empire chinois et qu'il en fasse -partie au même titre que les autres provinces, il diffère -de celles-ci cependant, en ce sens qu'il n'est pas encore -complètement assimilé à la Chine, et qu'il constitue, en -quelque sorte, une colonie chinoise. C'est que le Yunnan -est peut-être, de toutes les provinces de Chine, la moins -chinoise comme population. D'autres, comme le Kouei-Tcheou -ou le Hou-Kouang, conservent encore, au milieu -de la masse chinoise qui les compose, des groupes ethniques -non fondus, mais qui demeurent insignifiants. Au -Yunnan, à part les villes qui sont à peu près toutes chinoises, -la campagne est restée peuplée par les indigènes -de race thai, et l'impression, pour quiconque a habité la -Chine, lorsqu'il pénètre au Yunnan, c'est qu'il n'est plus -en Chine. Et je fus moi-même tout surpris, dès mon<span class="pagenum" id="Page_200">[Pg 200]</span> -entrée au Yunnan, à Man-Hao, et, en le traversant, soit -à Yuen-Kiang et à Ta-Lang, soit à Sseu-Mao, d'entendre -les gens de la campagne parler la même langue que -j'avais, dans ma jeunesse, au début de ma carrière, -entendu parler au Siam.</p> - -<p>C'est que la race thai, en effet, occupait toutes les -régions qui forment le Yunnan actuel, et, bien que nous -n'ayons aucune chronique thai pour nous donner des renseignements -précis sur les peuples de cette race qui habitaient -le pays, nous savons par les historiens chinois que, -depuis 629, sous la dynastie chinoise des Tang, il existait -un ou des royaumes thai connus sous le nom de Nan-Tchao -(princes ou principautés du Sud); tchao est la traduction -chinoise du terme thai <i>Kiao</i>, signifiant prince, -terme encore employé aujourd'hui au Siam et au Laos, et -dans les différentes tribus thai réparties entre la Birmanie, -le Tonkin et le Yunnan.</p> - -<p>Bien que les chroniques chinoises ne nous signalent ces -princes du Nan-Tchao que depuis 629, il est évident que, -bien avant, les Thai occupaient ces régions, puisque nous -savons qu'en 566 l'autorité chinoise était si loin d'être -établie que l'empereur Wou-Ti, de la dynastie des Tchao -du Nord, était obligé de protéger le passage du Yang-Tseu-Kiang -contre leurs incursions. Et ces Thai, bien -loin de former un état compact et une nation unie, étaient, -fort probablement, une agglomération de différentes tribus -luttant et combattant pour la suprématie. Ce qui tendrait -à le prouver, c'est le terme <i>Ko shan pyi</i> (les neufs pays -Shan), sous lequel les désignaient leurs voisins les Birmans. -Ces derniers d'ailleurs ne possèdent non plus -aucune chronique, aucun document sur ces tribus thai,<span class="pagenum" id="Page_201">[Pg 201]</span> -et nous sommes obligés de nous livrer à des suppositions -en ce qui concerne les Thai du Yunnan jusqu'en 629, -époque où les chroniques commencent le récit du Nan-Tchao -pour le conduire jusqu'en 1252, date où Khoubilai-Khan -conquit définitivement le Yunnan.</p> - -<p>Khoubilai-Khan conféra au dernier Tchao le titre de -maharadjah et en fit un sujet de l'Empire. Cependant, vu -l'éloignement de la province et le peu de surveillance dont -les princes thai étaient l'objet, ces derniers continuèrent -à gouverner librement leurs états; ce n'est qu'en 1382 que -les derniers princes thai cessèrent de régner; ils furent -pris et amenés à Nankin où l'empereur Hong-Wou des -Ming les fit décapiter. Ce fut là la fin de la puissance thai -au Yunnan. Le général Wou-San-Kouei essaya bien de -reconstituer, trois cents ans plus tard, vers 1673, un -royaume indépendant, mais il fut pris et tué par les -Mandchoux de la dynastie actuelle des Tsing, en 1681.</p> - -<p>Si nous nous bornions à ajouter foi à la chronique chinoise, -nous pourrions croire qu'il a existé un important -état thai au Yunnan, de 629 à 1252; mais si nous contrôlons -les chroniques par le peu d'histoire que nous ont -laissé les Birmans et par les différentes traditions des -Thai, il paraît bien plus probable qu'il n'y a jamais eu de -pouvoir thai très centralisé et que, au contraire, ce que les -Chinois appellent Nan-Tchao, et les Birmans Ko-Shan-Pyi, -royaume de Mao ou royaume de Pong, était une réunion -de tribus semi-indépendantes les unes des autres, et obéissant -vaguement au chef de la plus puissante d'entre elles. -La nature du pays rendait, du reste, leur indépendance -facile vis-à-vis les unes des autres, et explique bien leur -manque de cohésion.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_202">[Pg 202]</span></p> - -<p>Mais quelle était l'origine de ces Thai, et d'où venaient-ils? -Ils étaient au Yunnan bien avant les Chinois, puisque -Khoubilai-Khan les soumit en 1552, et que, dès 90 ans -après J.-C., les princes thai de Tali-Fou avaient des -relations avec la Chine. Les annales de la dynastie des -Tang nous apprennent, en effet, que les Chinois avaient -des relations continues avec les Thai ou Ai-Lao de Tali-Fou, -dans le premier siècle de notre ère. Vers 90 ou 97, -un nommé Yang-Yu, roi de Tan, y est-il dit, envoya un -tribut en Chine par le gracieux intermédiaire du prince -des Ai-Lao. Quel était ce royaume de Tan? il est impossible -de le dire; peut-être était-ce la Birmanie ou l'Assam.</p> - -<p>A cette époque, les Thai de Tali étaient donc connus -sous le nom de Ai-Lao; ce n'est que plus tard que les Chinois -leur donnèrent celui de Nan-Tchao, et il ne peut y -avoir aucun doute sur l'identification des noms; il s'agit -bien des mêmes peuples thai et nous savons que les Annamites, -aujourd'hui encore, désignent les Laotiens et les -Thai du Haut-Siam par le nom de Ai-Lao; nous retrouvons -du reste ce nom de Ai-Lao attaché à une ville du Laos, -à l'ouest de Hué.</p> - -<p>Les chroniques chinoises aussi nous disent que le Nan-Tchao -était le prince du sud (Nan) parmi les six princes -thai, et elles ajoutent que tchao est la transcription du mot -kiao, lequel est, toujours d'après elles, un mot barbare -qui signifie prince. Les mêmes chroniques nous rapportent -que le Nan-Tchao touchait au Magadha, ce qui expliquerait -pourquoi les princes Kshatrya de l'Inde pouvaient -se frayer un passage jusqu'à la Birmanie.</p> - -<p>Au sud-ouest venaient les Pyu (les Birmans). Pendant -<span class="pagenum" id="Page_203">[Pg 203]</span>le <span class="allsmcap">VIII</span><sup>e</sup> siècle, les Tou-Kin ou Tou-Fou, c'est-à-dire les -Thibétains, luttèrent avec la Chine pour la maîtrise du -Nan-Tchao; mais ils furent battus de même que les Chinois, -et le prince du Nan-Tchao, Kolofong, annexa le -royaume de Pyu et l'Assam.</p> - -<p>Avant toutes ces luttes, d'ailleurs, les Chinois avaient -pris contact avec les Thai. Environ cent ans avant l'ère -chrétienne, un empereur de Chine de la dynastie des Han -envoya une expédition à Tien; or Tien est actuellement -encore en chinois le nom littéraire du Yunnan. On peut -donc affirmer que le roi de Tien était un thai. La capitale -était Pengai, ville qui, huit cents ans plus tard, demeurait -un centre très important. Ce roi de Tien devint d'ailleurs -l'allié des Chinois et les aida même à anéantir la -tribu des Kouen-Ming.</p> - -<p>Kouen-Ming est encore aujourd'hui le nom d'un lac près -de Yunnan-Fou; le pays de Tien devait donc se trouver -non loin de Yunnan-Fou et touchait évidemment la -Chine, était en contact avec elle, probablement par le -Yang-Tseu-Kiang.</p> - -<p>Vers l'an 50 après J.-C., le roi Ai-Lao ou thai, Chien-li, -pendant qu'il guerroyait contre une tribu voisine, viola le -territoire chinois; les armées chinoises le repoussèrent, -lui et son armée, et il devint tributaire de la Chine. Puis, -non contents de cette soumission, les Chinois continuèrent -leurs exploits et soumirent de nombreuses tribus voisines -pouvant former un total de 500.000 âmes, qu'ils -groupèrent ensemble pour former la préfecture de Yong-Tchang-Fou. -Un des premiers gouverneurs de Yong-Tchang-Fou -fit un traité avec les Thai d'après lequel chaque -homme devait payer un tribut consistant en une -mesure de sel, et en deux vêtements ayant un trou au<span class="pagenum" id="Page_204">[Pg 204]</span> -milieu pour y passer la tête. Mais la paix ne dura pas -longtemps et les Thai se révoltèrent souvent contre les -Chinois; de nombreuses guerres de frontières s'ensuivirent.</p> - -<p>Quand l'Empire chinois, vers 220 après J.-C., fut -divisé et tomba dans l'anarchie et la désorganisation, il -ne fut plus question des Ai-Lao; on les perd de vue pendant -plusieurs siècles et les annales chinoises n'en parlent -plus jusqu'à l'époque où la dynastie des Tang eut réorganisé -l'Empire et l'eut rétabli dans sa cohésion. Cependant, -même vers l'époque citée plus haut, un célèbre -général, Tchou-Ko-Leang (il mourut en 232 après J.-C.), -malgré la faiblesse de l'Empire, ne cessa de batailler au -Yunnan; on parle encore de lui au Sseu-Tchuen comme -s'il était disparu seulement de la veille, et aujourd'hui -même, non loin de Teng-Yueh (le Moméin des Birmans) on -montre les ruines de la ville de Tchou-Ko-Leang.</p> - -<p>Mais, à part cet épisode, les Ai-Lao, c'est-à-dire les -Thai, sont oubliés. La Chine a à s'occuper chez elle; pendant -près de quatre siècles, nous n'avons aucune donnée -sur les tribus thai du Yunnan, et c'est vers 629, d'autres -disent 657, que nous les voyons reparaître dans les chroniques -chinoises, sous le nom de Nan-Tchao.</p> - -<p>Ce Nan-Tchao était fort étendu: il avait touché, ainsi -que je l'ai déjà dit, d'après les Birmans, au Magadha à -l'ouest, et bien que les relations des Birmans et des Thai -avec l'Inde soient rapportées d'une façon plutôt fabuleuse, -elles sont néanmoins, en principe, tout à fait réelles, une -fois dépouillées de tout fatras légendaire. Au nord-ouest, -le Nan-Tchao atteignait le Thibet d'où les ethnographes -et philologues font sortir les Birmans: au sud était le<span class="pagenum" id="Page_205">[Pg 205]</span> -royaume gouverné par une femme ou «état du prince -femelle» comme on appelait alors le Cambodge, dont la -reine avait épousé un aventurier venu de l'Inde; ce nom -donné au Cambodge par les Thai n'avait, d'ailleurs, chez -eux, rien de méprisant, car on rencontre chez eux aussi -des tribus gouvernées par des femmes, quoique cependant, -une fois mariées, elles cèdent leurs droits à leur -mari.</p> - -<p>Au sud-est du Nan-Tchao étaient les Tonkinois et les -Annamites, et il dut y avoir, entre ces derniers et les -Thai, de nombreuses luttes où les derniers n'ont pas toujours -eu le dessus; car on retrouve jusque vers les -sources du fleuve Rouge et de la rivière Noire des souvenirs -annamites; et même sur la route de Tali-Fou à -Yunnan-Sen, j'ai traversé un petit village nommé An-Nan-Kouan, -barrière d'Annam. L'Annam s'étendit vraisemblablement -fort au nord, à un moment donné, au détriment -des Thai.</p> - -<p>Au sud-ouest du Nan-Tchao étaient les Pyu ou Birmans; -quant au nord et au nord-est, les annales de la -dynastie des Tang ne citent aucune frontière, évidemment -parce que, à cette époque, les royaumes et tribus thai -du Yunnan étaient considérés par les Chinois comme -faisant partie intégrante de la Chine. Les villes capitales -du Nan-Tchao étaient situées sur l'emplacement actuel -ou à peu près des villes modernes de Tali-Fu, de Yong-Tchang-Fou -et de Yunnan-Sen. Les villes les plus importantes -étaient Pengai, capitale du roi de Tien; Mong-Cho -(le moderne Muong-Kang) et Tai-Ho (moderne Tali-Fou); -une autre ville aussi, Kouen-Ming, près de l'emplacement -de Yunnan-Fou.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_206">[Pg 206]</span></p> - -<p>Les Thai connaissaient l'art de tisser le coton et -d'élever les vers à soie. Dans l'ouest du pays il y avait -beaucoup de malaria (elle y sévit encore à l'heure actuelle). -Les puits de sel étaient ouverts pour tout le monde; on -trouvait l'or un peu partout, dans le sable et dans les carrières. -Les chevaux de Teng-Yueh étaient renommés, ils -le sont également aujourd'hui.</p> - -<p>Les princes et les princesses avaient, comme signes -distinctifs, un nombre plus ou moins considérable de -parasols, comme en ont encore actuellement les princes -thai du Siam ou du Laos; comme marque spéciale -d'honneur les grands dignitaires portaient une peau de -tigre; les cheveux des femmes étaient réunis en deux -tresses roulées ensuite en chignon; leurs oreilles étaient -ornées de perles, de jade et d'ambre. Les jeunes filles -étaient libres d'elles-mêmes avant le mariage, mais obligées -à la plus grande fidélité une fois mariées. C'est -encore ce qui se passe de nos jours au Laos. La -charrue était connue de tous: nobles et peuple se -livraient à l'agriculture; personne n'était soumis à une -corvée quelconque, mais tout homme payait une taxe -équivalente à deux mesures de riz, tous les ans.</p> - -<p>L'histoire de la dynastie chinoise des Tang donne une -liste des rois thai du Yunnan; cette liste est complète à -peu près, depuis le commencement du <span class="allsmcap">VII</span><sup>e</sup> siècle de notre -ère. Il apparaît dans cette nomenclature que chaque -successeur prenait, comme première syllabe de son nom, -la dernière syllabe du nom de son père et prédécesseur; -ainsi Ta-Lo; Lo-Cheng-Yen; Yen-Ko. Cela me paraît -une fantaisie de l'écrivain chinois; car chez les Thai le -nom du fils se choisit absolument en dehors de toute<span class="pagenum" id="Page_207">[Pg 207]</span> -espèce d'allusion au nom du père, et nous sommes ici en -présence d'une des nombreuses imaginations chinoises au -sujet des Thai.</p> - -<p>Toujours est-il que, vers le milieu du <span class="allsmcap">VIII</span><sup>e</sup> siècle, un -certain roi thai, nommé Ko-Lo-Fong, résidait à Tai-Ho -(Tali-Fou); il était, semble-t-il, vassal de la Chine, qui lui -conféra un titre, et il succéda à son père vers 750. Cependant -il entra en lutte avec son suzerain, en raison de la -conduite trop sévère que suivit à son égard un gouverneur -chinois, et le résultat fut que Ko-Lo-Fong se déclara -indépendant et s'allia aux Thibétains. Ces derniers lui -donnèrent un sceau avec le titre de Bsampo-Tchong ou -«jeune frère» venant immédiatement après le roi du -Thibet. Ko-Lo-Fong fit, dit-on, graver sur une stèle les -motifs de sa révolte et de son alliance avec les Thibétains, -et M. Rocher, dans son histoire du Yunnan, dit que la -stèle existe encore près de Tali-Fou. Je l'ai cherchée en -vain lors de mon séjour à Tali-Fou; peut-être mon guide -n'a-t-il pas su la découvrir. Au moment où Ko-Lo-Fong -régnait sur les tribus thai, la Chine était aux prises avec -les Turcs; aussi, profitant de cette occasion, il annexa différents -pays environnants, notamment celui des Pyu ou -Birmans, et celui des Soun-Tchen qui paraît être une tribu -d'Assam, chez laquelle les gens revêtaient des feuilles -d'écorce. On trouve encore aujourd'hui, au nord de la -Birmanie, des tribus sauvages, tout en haut des montagnes, -qui portent le même genre de vêtements. Les Chinois -essayèrent plusieurs fois de soumettre Ko-Lo-Fong, -mais essuyèrent des défaites continuelles. A sa mort, il -eut pour successeur son fils Yimeou-Siun, dont la mère -était une sauvage tou-kin, probablement thibétaine. Mais<span class="pagenum" id="Page_208">[Pg 208]</span> -lui-même, tout jeune, avait été éduqué et instruit par un -lettré chinois, ce qui tendrait à prouver que la civilisation -et les lettres chinoises pénétraient déjà l'aristocratie thai. -Il essaya donc, sur les conseils de son tuteur, de se rapprocher -de la Chine, en trouvant, du reste, les Thibétains -d'un voisinage trop turbulent et trop hautain; il fit des -ouvertures à un certain Wei-Kao, gouverneur chinois de -Tcheng-Tou, et lui envoya une lettre pour se plaindre de -la tyrannie des Thibétains; il essaya d'excuser et d'expliquer -la conduite de son père, et proposa à la Chine de -faire alliance avec les Turcs Ouigours contre les Thibétains.</p> - -<p>Cette correspondance se termina par l'élaboration et la -conclusion d'un traité, lequel, dit la chronique, fut scellé -au pied de la montagne Tien-Tsang qui domine la ville -moderne de Talifou; quatre copies en furent faites; une -fut envoyée à l'Empereur de Chine, une fut placée dans le -Temple royal, une dans la pagode publique, et la quatrième -fut jetée dans la rivière.</p> - -<p>Yi-Meou-Siun fit prendre et tuer tous les chefs thibétains -qui se trouvaient dans ses états et défit l'armée thibétaine -dans une grande bataille au pont de fer (peut-être -le pont de fer sur la Salouen). L'Empereur de Chine lui -envoya alors un sceau d'or comme récompense, et le -reconnut roi de Nan-Tchao. L'envoyé chinois lui apportant -ces bonnes nouvelles fut reçu en grande pompe à -Tali-Fou, alors Tai-ho. Les soldats thai bordaient la -route, recouverts de leurs plus belles armures, et Yi-Meou-Siun -portait une cotte de mailles d'or et une peau de tigre; -il était escorté de 12 éléphants, il se prosterna devant -l'envoyé et jura fidélité éternelle à l'Empereur de Chine.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_209">[Pg 209]</span></p> - -<p>Libre du côté de la Chine, Yi-Meou-Siun commença -une carrière de conquêtes et entreprit d'abord de réunir -toutes les tribus thai en une seule; puis il annexa nombre -de pays avoisinants, sans doute la Haute-Birmanie et -quelques peuplades thibétaines; il envoya ses fils étudier -à Tcheng-Tou la culture chinoise et devint de plus en -plus lié à la Chine. Il défit plusieurs fois les Thibétains -et leur fit des prisonniers parmi lesquels se trouvaient un -grand nombre d'Arabes et de Turcomans de Samarcand. -A peu près vers cette époque, du reste, un général coréen -au service de la Chine avait porté les armes chinoises à -Balti et au Cachemire, et les khalifes abassides avaient -des relations régulières avec les Chinois; on peut donc -en déduire que l'islamisme s'était introduit à Tali-Fou -avant l'époque de Khoubilai.</p> - -<p>Yi-Meou-Siun mourut vers 808 et eut pour successeurs -ses fils et petits-fils qui, d'ailleurs, périrent tous rapidement. -Un de leurs généraux fit une incursion sur Tcheng-Tou -et emmena nombre d'ouvriers chinois et d'artistes -qu'il installa à Tai-Ho comme instructeurs.</p> - -<p>En 859, un nommé Tseu-Long devint chef du Nan-Tchao, -déclara la guerre à la Chine, assiégea Tcheng-Tou -et massacra des milliers d'habitants. Cependant il ne -prit pas Tcheng-Tou et fut obligé de se retirer; il tourna -ses armes contre l'Annam et s'empara de Kesho (Hanoi -moderne). Mais ces guerres continuelles poursuivies par -lui et ses successeurs ruinèrent le Nan-Tchao, et, en 936, -après que plusieurs dynasties éphémères eurent régné sur -ces débris, un général chinois s'établit roi de Tali. Il -paraît à peu près certain que, à partir de cette époque, le -Nan-Tchao n'existait plus que de nom; tout le pays autour<span class="pagenum" id="Page_210">[Pg 210]</span> -de Tali était devenu de plus en plus chinois, tandis que -la partie ouest restait plus thai et se divisait en une foule -de petits états, unis de temps à autre, quand se rencontrait -un homme énergique à la tête de l'un d'eux. Khoubilai -conquit l'état de Tai-Ho en 1252, donna des titres et des -honneurs aux chefs thai du pays et les laissa gouverner -le pays à condition qu'ils lui fussent soumis. C'est le système -que nous voyons encore en vigueur aujourd'hui dans -les districts thai du Yunnan où n'a pas encore pénétré -absolument l'administration chinoise.</p> - -<p>Les Thai furent à la longue tout à fait incapables de -tenir contre les troupes plus nombreuses et mieux disciplinées -des Chinois, et ils cédèrent devant la pression -venue du nord. Ils se dispersèrent vers le sud et l'ouest et -allèrent fonder les royaumes du Laos, Luang-Prabang, -Nan et Xieng-Mai et aussi, sans nul doute, le royaume -Thai ou Siam. Les derniers princes thai ont été décapités -à Nankin en 1380, et Mgr Pallegoix place la formation du -royaume thai au Siam en 1350.</p> - -<p>Il est donc bien évident, par tout ce qui précède, que le -Yunnan est chinois depuis peu; il est le dernier venu dans -l'Empire et n'est pas encore assimilé complètement. La -Chine, cependant, continue petit à petit son absorption, -bien que, par suite de la pauvreté du pays, le colon chinois -ne soit pas trop attiré vers ces régions. Ce sont surtout -les habitants du Sseu-Tchuen qui franchissent le Yang-Tseu-Kiang -pour venir s'installer au sud du fleuve, et -les villes de Tchao-Tong, Tong-Tchouan, Yunnan-Sen, -Anning, Tchou-Chiong, Tali, Teng-Yueh, et Meung-Houa -sont des villes absolument chinoises, bien que, par suite -d'un mélange avec les indigènes, le type chinois ne soit<span class="pagenum" id="Page_211">[Pg 211]</span> -plus aussi pur. La langue chinoise elle-même (le dialecte -mandarin), qui s'y parle, a subi des modifications qui -constituent une espèce de patois local, auquel on s'habitue -d'ailleurs assez vite. Le sud de la province actuelle du -Yunnan est plus long à coloniser, et les Chinois ont peur -de s'y rendre à cause des fièvres qui y règnent en permanence; -aussi les villes de Pou-Eurl, Talang, Yuen-Kiang, -Sseu-Mao sont misérables, la campagne tout autour est -habitée par des thai, auxquels les Chinois donnent toutes -sortes de noms, mais qu'ils désignent sous le nom global -de <i>Pai</i>.</p> - -<p>Les Chinois ont tellement peur de quitter les villes où -ils sont installés pour aller dans la campagne qu'il est -difficile de trouver des coolies si l'on veut faire une excursion. -Et de fait les Chinois prennent facilement la fièvre -dès qu'ils sortent; je me rappelle avoir laissé en route -tous mes coolies dans un petit voyage de Sseu-Mao à -Muong-Ou, et ils sont rentrés péniblement, tous malades -du paludisme. Seuls les Thai résistent.</p> - -<p>Le lecteur trouvera peut-être un peu long cet exposé; -cependant, c'est avec intention que je m'étends sur ce -sujet: la province du Yunnan intéresse d'une façon toute -particulière nos compatriotes résidant en Indo-Chine, et -les renseignements contenus dans les pages qui précèdent -leur seront, j'en suis certain, de quelque utilité.</p> - -<p>Actuellement tous les Thai qui subsistent sont très -divisés; les uns vivent en territoire chinois, les autres sous -la protection de la France, enfin une troisième partie -sous le protectorat de l'Angleterre. Leur langue même, -qui autrefois devait être une, a subi des modifications -comme leur vêtement. Ceux qui habitent en Chine, dans<span class="pagenum" id="Page_212">[Pg 212]</span> -les états thai du Yunnan, portent le costume chinois, les -hommes du moins. Ils ont la queue qu'ils roulent autour -de la tête et qu'ils recouvrent d'un turban. Le costume -des femmes diffère suivant les régions; près des centres -chinois, elles portent à peu près les mêmes vêtements que -les Chinoises, pantalon et veste de cotonnade bleue, mais -si on s'éloigne et qu'on se dirige vers le Mékong, on les -trouve vêtues de jupons multicolores et de petits corsages -de couleurs voyantes. Leur tête est entourée d'un lourd -turban. Dans les états Lu du Haut-Laos, vers Muong-Ou, -hommes et femmes portent le costume laotien très peu -modifié; quant aux Thai de la rivière Noire ou du fleuve -Rouge, ils adoptent des vêtements noirs ou blancs, de -coupe chinoise.</p> - -<p>Les plus curieux que j'aie rencontrés sont les Thai -vivant dans les montagnes près de Yuen-Kiang; leurs -femmes portent de petits cotillons descendant jusqu'aux -genoux, en grosse étoffe brodée de dessins multicolores -et fort seyants. Elles ressemblent tout à fait par leur costume -aux femmes Katchins que j'ai vues au nord de Bhamo, -vers Teng-Yueh;—quant à ceux qui vivent du côté de la -Birmanie anglaise, ils ont pris le costume birman et on -ne les distingue que par leur type et leur langage.</p> - -<p>Ces descendants des Thai n'ont à notre époque aucune -écriture propre, et on se demande si jamais leurs ancêtres -en ont possédé une. Il est fort probable que, s'ils s'étaient -servis d'une écriture spéciale, ils nous auraient laissé des -chroniques et des traditions écrites. Or nous n'avons rien -de cela. Nous sommes obligés de nous baser, pour l'histoire -thai, sur les documents chinois. Cependant on a -retrouvé au Yunnan des stèles gravées d'une écriture<span class="pagenum" id="Page_213">[Pg 213]</span> -inconnue; les caractères ressemblent soit au tamoul, soit -au birman, mais tendraient plutôt à se rapprocher du -javanais.</p> - -<p>Sommes-nous là en présence de l'écriture thai, -ou bien n'est-ce pas plutôt quelque mémorial de chef -indien, puisque aussi bien les relations du Yunnan avec -l'Inde étaient fréquentes? L'année 1906, lorsque j'étais en -Birmanie, le regretté général de Beylié m'a parlé d'une -inscription en langue inconnue qu'il avait vue à Pagan. -Serait-ce là une inscription thai? Je ne puis me prononcer; -mais il n'y aurait aucune impossibilité à cela, puisque les -Thai ont conquis le royaume de Pyu (Birmans) dont la -capitale était Pagan.</p> - -<p>A l'heure actuelle les Thai vivant sous la domination -chinoise parlent chinois et emploient les caractères chinois, -bien que conservant toujours leur langage et le parlant -entre eux. Les Laotiens et les Lu ont un alphabet -imité du Siamois; alphabet siamois qui est lui-même -sorti du cambodgien. Quant aux Thai de la Salouen et de -l'Irawaddy, ils ont pris l'alphabet birman qu'ils emploient -avec quelques petites modifications. On peut dire aujourd'hui: -autant de tribus thai, autant de dialectes; mais -l'unité de la langue se reconnaît toujours en ce sens que -si on connaît le Siamois, on peut sans difficulté parcourir -tous les pays thai.</p> - -<p>En Chine, les Thai sont administrés par leurs chefs -sous le contrôle d'un mandarin chinois qui ne réside -même pas au milieu d'eux; un chef portant le nom chinois -de Tou-Sseu (administrateur indigène), et quelques-uns -d'entre eux, notamment sur les bords du Mékong, dans -l'ouest du Yunnan, district de Tche-Li-Tcheou, donnent<span class="pagenum" id="Page_214">[Pg 214]</span> -encore de sérieux embarras au général chinois commandant -à Pou-Eurl.</p> - -<p>Tous ces pays du Yunnan sont très pauvres, ce qui -explique le peu d'empressement des Chinois pour s'y installer; -cette région est formée d'un amas de montagnes -enchevêtrées, elle ne possède comme cours d'eau que des -torrents resserrés dans d'étroites gorges, nul grand fleuve -arrosant des vallées fertiles; les pluies arrêtent toute -communication pendant six mois; il n'est pas étonnant -que le Yunnan soit resté un peu en dehors de l'action chinoise -et que son développement ait été si lent.</p> - -<p>III.—J'ai parlé un peu plus haut du Mahométisme au -Yunnan; il est nécessaire d'y revenir. Le Yunnan en effet -est la province de Chine qui compte, avec celle du Kan-Sou, -le plus de musulmans, et, s'ils sont aujourd'hui -sujets soumis de l'Empereur, c'est par suite d'un massacre -effroyable, qu'en ont fait pendant une suite de dix -années les généraux envoyés par Pékin; car l'Islam révolté -voulait fonder au Yunnan un royaume indépendant, et la -rébellion ne fut complètement réprimée qu'en 1875.</p> - -<p>Vers la fin du <span class="allsmcap">V</span><sup>e</sup> siècle, les Turcs apparurent sur les -frontières occidentales de la Chine; il se fit alors entre -eux et les Chinois un commerce d'échange qui augmenta -d'année en année.</p> - -<p>C'est par ce même chemin évidemment que s'est introduit -l'islamisme, car c'est précisément dans ces provinces -chinoises de la frontière qu'il s'est développé. Il existe au -Yunnan une population musulmane d'aspect complètement -chinois au point de vue extérieur, mais absolument différente -de ses congénères de l'Empire du Milieu au point de -vue moral. Cette population a été pendant longtemps un<span class="pagenum" id="Page_215">[Pg 215]</span> -gros souci pour l'Empire, mais aujourd'hui elle est entièrement -soumise et ne donne plus à Pékin aucun sujet de -crainte.</p> - -<p>A Sseu-Mao seize familles qui, d'ailleurs, sont toutes -unies par les liens de la parenté, vivent dans une enceinte -unique, sur un petit mamelon hors de la porte de l'Est. -Comme lieu de réunion servant de mosquée ou plutôt de -lieu de prière, ils ont, dans ladite enceinte, une vaste -chambre à la chinoise, décorée simplement de versets du -Coran sur papier rouge, et, trois fois le jour, ils s'y -réunissent pour la prière.</p> - -<p>La maison des musulmans est reconnaissable aux sentences -arabes tracées sur la porte; la plus commune est -celle qu'on peut appeler le Credo des musulmans: <i>la Allah -ilah Allah ou Mohammed ressoul Allah</i>, qu'ils inscrivent -en lettres arabes dans un petit cercle de papier -blanc ou rouge, sur la porte principale; ou bien, simplement -dans un carré de papier rouge ils inscrivent le nom -d'Allah.</p> - -<p>Il est bon de noter le papier rouge; habitude chinoise. Le -rouge en Chine présage le bonheur.</p> - -<p>En Chine les musulmans ne se distinguent des autres -Chinois par aucune coiffure ou costume spécial; ils vivent -exactement comme tout le monde, mais ils suivent, au -point de vue moral et matériel, tous les préceptes du -Coran. Ainsi, ils se livrent très exactement à la prière -suivant les usages fixés par la loi. Ils s'abstiennent de -porc, et c'est même grâce à eux que les Européens peuvent -se procurer de la viande de bœuf; ils s'abstiennent -également de vin et d'alcool, et en général observent fidèlement -leur religion.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_216">[Pg 216]</span></p> - -<p>A Sseu-Mao ils possèdent une petite bibliothèque de -vingt volumes environ, en arabe, contenant l'explication -de la doctrine. Et ils ont un fort bel exemplaire du Coran -qu'ils n'ont jamais voulu me laisser voir autrement qu'à -l'extérieur.</p> - -<p>Je les ai fait lire alors dans d'autres livres et j'ai vu -qu'ils lisaient facilement. Comprennent-ils tout? C'est une -autre question.</p> - -<p>Quelles sont les idées, quelle est l'attitude des Chinois -musulmans vis-à-vis de leurs compatriotes bouddhistes -ou chrétiens?</p> - -<p>Les chrétiens en général sont fort bien considérés par -eux, et le mahométan chinois n'a pas à leur égard l'aversion -du musulman turc ou arabe. Persécuté lui-même dans -son propre pays, il incline à considérer les chrétiens -comme les sectateurs d'une religion assez semblable à la -sienne, puisque l'une et l'autre foi, la musulmane et la -chrétienne, ont pour principe l'adoration de Dieu unique -créateur et maître du monde. A ce propos je puis citer un -fait très curieux qui s'est passé à Nankin en 1891: alors que -j'étais dans le Yang-Tseu-Kiang, au moment des émeutes, -les églises catholiques de Wou-Hou avaient été brûlées -et des bandes de brigands s'apprêtaient à incendier celle -de Nankin. Ayant appris la chose, les musulmans de Nankin, -qui étaient en bons rapports avec les Pères Jésuites, -vinrent à la mission en masse, armés, et la protégèrent -contre les fureurs de la foule. C'est grâce aux musulmans -que la mission catholique de Nankin a été sauvée en 1891.</p> - -<p>En revanche, ils méprisent profondément les bouddhistes; -et, contre les mandarins, on sent chez eux, dans -toutes leurs paroles, une haine sourde. Le fait est qu'ils<span class="pagenum" id="Page_217">[Pg 217]</span> -ont été horriblement décimés il y a une quarantaine d'années, -et qu'aujourd'hui encore ils sont tenus en défiance, -puisqu'il ne leur est pas permis d'habiter l'intérieur des -villes. Ils doivent demeurer hors de l'enceinte murée.</p> - -<p>Dans le district de Tali les musulmans sont plus nombreux. -C'était autrefois un de leurs grands centres et ils y -étaient tout puissants. La répression exercée par le fameux -Yang-Yu-Ko, au nom de l'Empereur, les a réduits comme -nombre et leur a enlevé toute espèce d'influence. Ils -n'ont plus le droit d'avoir de maisons de prière communes; -leur plus belle et leur plus grande mosquée, tout -près de la porte sud de Tali, a été transformée en temple -confucéiste: ils sont obligés de se livrer aux exercices de -leur culte dans des maisons particulières. Au reste, actuellement, -le petit nombre demeure à Tali; ils habitent surtout -les villages environnants et exercent les professions -de muletiers, bouchers, selliers, c'est-à-dire tout ce qui -concerne le métier des cuirs; ils pratiquent aussi l'élevage -des bœufs, des chèvres et des moutons.</p> - -<p>Beaucoup d'entre eux, à l'exemple de quelques dissidents -du Kan-Sou, se sont enrôlés à Tali dans les troupes -de la garnison; et il est fort probable qu'ils marcheraient -contre leurs coreligionnaires, comme l'ont fait en 1897 les -musulmans enrôlés au nombre de six à sept mille dans -l'armée de Tong-Fou-Siang lors de la petite révolte du -Kan-Sou.</p> - -<p>A Yunnan-Sen ils sont également nombreux, mais, -comme à Tali, bien diminués par la répression féroce de -Ma-Jou-Long qui exterminait à Yunnan-Sen pendant que -Yang-Yu-Ko massacrait à Tali. Le séjour de la ville, ici -comme partout ailleurs, leur est interdit. Ils n'ont le droit<span class="pagenum" id="Page_218">[Pg 218]</span> -que d'y venir, non celui d'y résider. Aussi c'est dans les -environs, hors des remparts et dans les villages avoisinants, -qu'on les rencontre. Pas de mosquée, pas de lieu -de réunion; ils possèdent quelques imans, quelques mollahs, -connaissant fort bien l'arabe: mais je n'en ai pas vu -un seul ayant fait le pèlerinage de la Mecque.</p> - -<p>La plus forte agglomération de musulmans vit dans -la cité de Tong-Hai, au sud de Yunnan-Sen. Tong-Hai -est le grand marché de distribution de marchandises pour -tout le Yunnan. C'est de là que partent les caravanes se -dirigeant vers Yuen-Kiang et Sseu-Mao; Yunnan-Sen, -Tchou-Chiong et Tali; Yunnan-Sen, Tchao-Tong, Soui-Fou. -C'est de là aussi que s'en vont les caravanes vers -Mong-Tseu et Kai-Hoa. Or, les musulmans exerçant le -métier de muletiers transporteurs se trouvent nécessairement -en grand nombre à ce point central de Tong-Hai.</p> - -<p>Quel est le chiffre de la population musulmane au Yunnan? -Je n'ose me risquer à en donner un même approximatif. -Cependant on peut dire que si la population du -Yunnan tout entière est d'environ 5.000.000 d'habitants, -le tiers peut-être est musulman. Et ce ne sont plus les -musulmans d'autrefois, puissants, riches, batailleurs et -décidés à se créer un royaume au Yunnan. Actuellement -ils sont sans force aucune: les autorités chinoises les -surveillent très étroitement et il leur serait impossible, y -songeraient-ils d'ailleurs, de se soulever à nouveau. Les -musulmans n'ont plus en Chine aucune puissance. Depuis -la terrible répression, et les menaces dont ils ont été -l'objet de 1872 à 1875, ils sont brisés et incapables, à -l'heure qu'il est, de retrouver de nouvelles forces pour une -action commune.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_219">[Pg 219]</span></p> - -<p>La Chine est la même du nord au sud, en général: -cependant on conviendra que le Yunnan est une province -qui diffère essentiellement des autres et qui a gardé un -reste d'originalité. C'est pourquoi je me suis si longuement -étendu sur son histoire.</p> - -<p>IV.—Comme personne ne l'ignore, il a été, pendant -ces dix dernières années, fort question du Yunnan. Les -conventions signées entre la France et la Chine d'un -côté, entre la France et l'Angleterre de l'autre, à propos, -soit de questions de frontières, soit de questions commerciales -ou industrielles, ont mis cette province de -l'Empire du Milieu tout à fait à l'ordre du jour. On en a -dit beaucoup de bien; on en a dit beaucoup de mal; -quelques enthousiastes, dans l'Indo-Chine française, ont -vu luire de grandes espérances de ce côté; et c'est facilement -compréhensible. Quand de la chaleur lourde et -humide du Tonkin on arrive en quelques heures au -sommet d'une montagne, sur le plateau de Mong-Tseu, -on croit être dans le paradis. D'autres, plus réfléchis, n'y -ont vu qu'un avenir médiocre. Peut-être ces derniers sont-ils -plutôt dans le vrai.</p> - -<p>Le Yunnan forme la frontière franco-anglaise avec la -Chine au nord du Tonkin et sur le Mékong. La France -et l'Angleterre se trouvent donc, par suite, en continuelles -relations avec la Chine. Peuvent-elles en tirer -grand profit par la province du Yunnan? C'est ce que je -vais examiner.</p> - -<p>Sur le Mékong, du côté de Pou-Eurl et de Sseu-Mao, -le Yunnan est très pauvre, très peu peuplé, et ne produit -rien qui puisse faire de la ville ouverte de Sseu-Mao un -centre commercial important. Dans cette partie du Yunnan,<span class="pagenum" id="Page_220">[Pg 220]</span> -en effet, comprise entre Lin-Ngan, Yuen-Kiang, -Ta-Lang et Sseu-Mao; Pou-Eurl et Wei-Yuen-Tcheou -d'une part; Sseu-Mao et Xieng-Hong d'autre part: il n'y -a rien à faire; ce ne sont que hautes montagnes boisées, -enchevêtrées, sans vallées étendues, se continuant au -Laos, par une succession de mamelons dénudés. Aucune -route; seulement quelques sentiers fréquentés par les -muletiers qui circulent pendant la saison sèche. Les villages -sont d'ailleurs rares et habités par de non moins -rares autochtones, dont 60 pour 100 sont goîtreux. Les -caravanes que l'on rencontre du mois de novembre au -mois d'avril et qui cessent tout trafic dès le début de la -saison des pluies, viennent en général de Yunnan-Sen et -de Tong-Hai ou de Tali-Fou, et ne font que traverser -Pou-Eurl et Sseu-Mao pour se diriger vers la Birmanie -anglaise par Xieng-Long, ville des États Shan anglais, -et Xieng-Mai, grand marché au nord du Siam. Ces caravanes -apportent généralement aux Thai habitant ces -régions des objets de toilette chinois, des chapeaux de -paille du Sseu-Tchuen, des marmites à cuire le riz; et -aussi de menus objets, tels que lacets, bâtonnets, bols et -plateaux de laque commune; elles vont ensuite chercher à -Mandalay et à Moulmein des cotonnades et des objets de -fabrication européenne.</p> - -<p>Ce commerce est, d'ailleurs, insignifiant; les employés -de la douane à Sseu-Mao ont été unanimes à me dire -qu'ils ne voyaient aucun avenir de ce côté. Toutefois une -chose m'a frappé: c'est que le peu de commerce qui se -fait passe par les pays anglais, jamais par les pays français. -Tandis que les Anglais ont créé des centres à -Xieng-Tong, à Bhamo, ont mis en communication soit par<span class="pagenum" id="Page_221">[Pg 221]</span> -eau, soit par voie ferrée, soit par route, les points extrêmes -de la Birmanie avec la mer, et ont su attirer les clients -par la facilité des transports, les Français, eux, n'ont -jusqu'à ce jour, rien fait vers le Laos et la frontière yunnanaise -pour les mettre en communication avec Pnom-Penh -et Saïgon. Que viendraient donc chercher en pays -français les caravanes du Yunnan?</p> - -<p>Les seules transactions un peu actives de la région de -Sseu-Mao-Pou-Eurl sont celles qui ont pour objet le thé -connu généralement sous le nom de thé Pou-Eurl. Au -reste le pays d'Ivou et Ibang où pousse le thé, le seul qui -se boive au Yunnan, appartient à la Chine, qui ne s'en est -dessaisie ni au profit des Anglais, ni au profit des Français.</p> - -<p>Mohei, près de Pou-Eurl, fournit le sel gemme; c'est, -avec le thé, le trafic le plus considérable. Aussi tout le -long des sentiers, dans la montagne, rencontre-t-on des -bandes de cent et de deux cents mulets chargés de -galettes de thé ou de blocs de sel et marchant à la queue -leu leu.</p> - -<p>V.—Du côté de Yunnan-Fou et de Mong-Tseu il y a -peut-être plus à faire. C'est du reste de ce côté que les -Français ont porté tous leurs efforts et qu'ils ont construit -une voie ferrée qui relie l'Indo-Chine au Yunnan. Si, en -effet, le commerce par lui-même n'est pas non plus très -brillant de ce côté, on compte sur les mines de charbon, -de cuivre et d'étain auxquelles le chemin de fer créera un -débouché facile, si toutefois les réalités répondent aux -espérances. Il avait été question de poursuivre la voie -ferrée actuelle jusqu'à Soui-Fou par Tong-Tchouan et -Tchao-Tong, et de relier ainsi au Yunnan et à l'Indo-Chine<span class="pagenum" id="Page_222">[Pg 222]</span> -la riche province du Sseu-Tchuen. Je crois que -l'entreprise est faisable, mais je pense aussi qu'on se -leurre sur les résultats à atteindre. En effet, le trafic du -Sseu-Tchuen, malgré une voie ferrée qui le transporterait -vers Haiphong, prendra, selon moi, toujours la voie du -Yang-Tseu-Kiang, bien meilleur marché, et qui le conduit -directement au port de Changhai, le plus admirablement -situé des ports de l'Extrême-Orient; et il ne se détournera -pas sur Haiphong qui, en admettant même que nous -en fassions un port de tout premier ordre, aura toujours -le désavantage énorme de sa situation au fond du golfe -du Tonkin, loin et en dehors de la route fréquentée par -les navires.</p> - -<p>Si maintenant nous remontons plus au nord vers Tali-Fou, -nous rencontrons plus de mouvement et plus de -trafic, surtout entre Yunnan-Sen, Tchou-Chiong et Tali; -mais ce n'est toujours qu'un commerce purement local -d'approvisionnements pour les Chinois qui descendent du -Sseu-Tchuen et viennent coloniser le Yunnan.</p> - -<p>Les Anglais ont fait ouvrir, il y a quelques années, au -commerce étranger la ville de Teng-Yueh, à l'ouest de -Tali, sur la frontière birmane, avec l'espérance de relier -un jour Bhamo à Tali par une voie ferrée qu'ils pousseraient -ensuite de Tali au Sseu-Tchuen; mais les difficultés -à surmonter pour l'établissement de la ligne sont telles -qu'on ne voit pas encore à quelle date sera réalisé ce -projet évidemment séduisant de nos voisins.</p> - -<p>On peut se rendre compte par ce que je viens d'exposer -que le Yunnan est un pays très pauvre; et, au point -de vue de la fertilité de la terre, c'est certainement une -des provinces les moins favorisées de l'Empire. Je sais<span class="pagenum" id="Page_223">[Pg 223]</span> -bien que les indigènes disent qu'avant l'insurrection musulmane -le pays était très prospère et les habitants plus -nombreux; mais ce sont là des affirmations qui me paraissent -ne pas devoir être acceptées sans contrôle. Or, si -j'ai vu des villes détruites, des bourgs ruinés, et si j'ai pu -constater qu'effectivement quelques-uns de ces centres -devaient être plus brillants et plus peuplés autrefois -qu'aujourd'hui, j'ai également parcouru la campagne du -Yunnan; depuis Mong-Tseu je suis allé jusqu'à Sseu-Mao; -de cette dernière ville j'ai atteint Tali-Fou en -passant par Mong-Houa et King-Tong; j'ai fait la route de -Tali à Yunnan-Sen, et de cette dernière ville je suis allé -rejoindre Mong-Tseu. Parlant chinois, il m'était facile de -me renseigner et de questionner. Eh bien, la vérité est que -dans cet amas de montagnes arides qu'est le Yunnan, -sans larges vallées, sans rivières navigables, seuls quelques -grands centres chinois sur les plateaux ont pu être -plus prospères avant la révolte musulmane, mais la campagne -partout ailleurs n'a jamais rien produit de plus -que maintenant, pour la bonne raison qu'il n'y peut rien -pousser qu'un peu de riz rouge, de patates, et que le -bétail et la volaille y sont rares parce qu'on ne peut les -nourrir. Par suite la population est forcément très clairsemée. -Que de fois, arrivant le soir dans des villages où -je devais passer la nuit, n'ai-je pu trouver un œuf ou un -morceau de porc à mettre dans la poêle! Même à Sseu-Mao, -je n'ai pas toujours eu de quoi varier le menu, qui -généralement se composait de porc et de riz, et parfois, -mais rarement, de bœuf, quand un musulman avait abattu -une bête à cornes qui ne pouvait plus faire de service.</p> - -<p>La ville de Mong-Tseu, la plus importante parmi celles<span class="pagenum" id="Page_224">[Pg 224]</span> -où les étrangers sont admis, a été ouverte au commerce -européen en 1886; c'est une sous-préfecture qui peut avoir -de population fixe 15.000 habitants; actuellement, avec le -chemin de fer, il y a une grosse population flottante. La -ville est murée, mal construite, sale et dans bien des parties -à moitié en ruines. Aujourd'hui, à côté de la ville -chinoise, une véritable ville européenne s'est élevée; des -hôtels s'y sont construits et, grâce à la voie ferrée, les -Français de l'Indo-Chine peuvent aller se reposer et respirer -l'air tant désiré par eux du plateau yunnanais.</p> - -<p>Au point de vue de l'agrément, le chemin de fer est donc -incontestablement une grosse affaire pour la colonie française -du Haut-Tonkin; il reste à savoir, et ce n'est que -le temps qui peut nous l'indiquer, si le commerce du -Yunnan va de suite prendre un essor considérable. Il n'est -pas douteux que le chemin de fer, atteignant Yunnan-Sen, -ne supprime les caravanes qui portaient le fret à Mong-Tseu -et ne prenne leur place sur toutes les stations de -leur parcours entre Mong-Tseu et la capitale, de même -qu'entre Mong-Tseu et Man-Hao, petit port sur le fleuve -Rouge où les caravanes venaient apporter l'étain et -prendre en retour des cotonnades. Mais pour faire un -wagon de marchandises il faut beaucoup de caravanes! -On importe à Mong-Tseu des shirtings anglais, des cotonnades -italiennes teintes, des flanelles de coton, simples, -teintes et coloriées de dessins divers; des velours et -veloutines, des couvertures de coton; des torchons, des -peignes et des allumettes de fabrication japonaise; des -filés de coton indien, japonais, tonkinois; il y a quelques -années les filés de coton de nos usines du Tonkin avaient -réussi à exclure presque ces filés anglais, et de gros négociants<span class="pagenum" id="Page_225">[Pg 225]</span> -chinois de Mong-Tseu en avaient fait de fortes -commandes; mais les fabriques du Tonkin ne pouvant -fournir la quantité suffisante, il était à craindre que les filés -anglais ne reprissent le dessus; aujourd'hui ce sont les -filés indiens qui tiennent la première place, le filé tonkinois -ne venant à Mong-Tseu que dans la proportion de 7 p. 100.</p> - -<p>Comme objets de laine on importe à Mong-Tseu des -couvertures, un peu de drap, de la flanelle unie et rayée; -enfin un peu de soie, des boutons, de la porcelaine, des -teintures d'aniline, des lampes, des fruits secs, des glaces -et miroirs, des produits pharmaceutiques, des aiguilles, -du pétrole, du papier, du bois de santal, du tabac, des -parapluies.</p> - -<p>Comme exportation nous avons: jambons (de Li-Kiang -et Ho-Kien), des peaux, des cornes de buffle et de vache; -des médecines, des patates, de l'alcool de riz, du sucre -brun, de la cire, et enfin surtout du thé de Pou-Eurl et de -l'étain de Ko-Tsiou.</p> - -<p>C'est principalement le port de Hong-Kong qui profite -des transactions du Yunnan par Mong-Tseu; et l'étain et -le thé, qui sont les deux principales marchandises d'exportation, -vont à Hong-Kong. Si nous voulons détourner -au profit d'un de nos ports indo-chinois le commerce -du Yunnan, ce n'est pas à Haiphong qu'il faut faire -aboutir la voie ferrée de Yunnan-Sen, mais à Saïgon; il -faut que le chemin de fer aille sans arrêt et sans bifurcation -de Yunnan-Sen à Saïgon et qu'il y ait à Saïgon un -port moderne. Quoiqu'on fasse, il faudra en arriver là; -c'est Saïgon qui doit être le centre commercial de l'Indo-Chine, -tant par sa situation géographique que par son -importance économique.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_226">[Pg 226]</span></p> - -<p>Sseu-Mao, est, à l'extrême sud-ouest du Yunnan, la -seconde ville ouverte aux étrangers; elle a été déclarée -ouverte en 1895. C'est, au point de vue administratif, un -<i>ting</i>, c'est-à-dire une ville ne rentrant pas dans le système -général d'administration chinoise. Les <i>ting</i> sont des -portions de territoires frontières où l'élément chinois n'est -qu'un colonisateur et où l'élément indigène domine; ce -sont des pays non encore complètement chinoisés; aussi -les <i>ting</i> sont-ils nombreux sur les frontières du Yunnan. -Les fonctionnaires mis à la tête d'un ting tiennent le milieu -entre les préfets et sous-préfets.</p> - -<p>La ville de Sseu-Mao est située dans une cuvette -entourée de hautes montagnes et n'offrant qu'une superficie -relativement petite. La plaine est arrosée par un -ruisseau donnant juste assez d'eau pour les rizières, lesquelles -prennent toute l'étendue de la terre cultivable; -quelques villages entourent Sseu-Mao au bas des montagnes -ou au flanc de coteaux.</p> - -<p>La ville elle-même, limitée par des murailles délabrées, -bâtie de maisons en pisé, n'offre qu'un aspect pitoyable, -la partie comprise dans les murailles est presque déserte; -elle renferme les <i>Ya-Meun</i> du sous-préfet, du général -commandant les troupes de la frontière, du télégraphe; -quelques <i>Houei-Kouan</i> ou clubs indigènes; mais la -partie la plus peuplée de la ville se trouve hors des murs, -dans le marché. Toute la journée c'est là que sont le mouvement -et l'activité. Le matin, les indigènes des environs -apportent des légumes, du bois à brûler, du charbon de -bois; ce sont eux qui approvisionnent Sseu-Mao, qui, -tout compté, dans les murs et hors des murs, peut avoir -12.000 habitants.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_227">[Pg 227]</span></p> - -<p>La douane chinoise, qui est installée ici comme dans tous -les ports ouverts, ne fait presque rien comme recettes; le -seul commerce un peu important est celui du thé; du reste -le trafic en ce pays est suspendu d'avril à octobre. Personne -ne sort en cette saison: les pluies torrentielles -défoncent les pauvres sentiers, des herbes immenses poussent -partout; les rivières, les torrents ont des crues -effrayantes et terribles, et par suite, toutes les communications -sont coupées. Seuls les malheureux courriers continuent -leur service, et combien d'entre eux ont perdu -leurs sacs de dépêches quand ce n'était pas leur vie, au -passage d'un torrent. Dans ces conditions et étant donnée -la nature du pays, le commerce ne peut être qu'insignifiant. -Il est, du reste, bien facile de s'en rendre compte en parcourant -le marché de Sseu-Mao: cotonnades chinoises, -cotonnades anglaises, fil, aiguilles, boutons en métal, -lacets, petites glaces de toilette, petites boîtes en fer-blanc, -allumettes japonaises. Comme autres marchandises -chinoises, en dehors des cotonnades, on trouve du -cuivre venant de King-Tong sur la haute-rivière Noire, des -objets de pacotille venant de Canton et du Yunnan, et c'est -tout.</p> - -<p>Veut-on de la farine? il faut la faire venir de Hanoi ou -de Tali-Fou; du sucre? il faut attendre que des caravanes -en apportent de Yunnan-Sen ou de Tali; des fruits? les -oranges viennent d'Ivou et d'Ibang; les noix, les jujubes, -les poires, de Tali et de Yunnan-Sen. A Sseu-Mao il n'y a -rien.</p> - -<p>La construction du chemin de fer de Yunnan-Sen à -Soui-Fou amènerait-elle le développement ultérieur de -toutes les parties du Yunnan que je viens de passer en<span class="pagenum" id="Page_228">[Pg 228]</span> -revue? Évidemment non. Le Yunnan n'aurait rien à fournir -au Sseu-Tchuen; quant aux produits du Sseu-Tchuen, ils ne -viendraient pas non plus au Yunnan puisque personne ne -pourrait les acheter. Le Yunnan est un pays de transit, -non un pays d'achats à l'importation ou de vente à l'exportation; -il est pauvre et restera tel, à moins qu'on y développe -une industrie minière très rémunératrice, avec des -capitaux européens et la main-d'œuvre du Sseu-Tchuen.</p> - -<p>VI.—La ville de Tali, ancienne capitale des musulmans -du Yunnan, et qui avant la terrible répression de -Yang-Yu-Ko devait être très florissante, est un rectangle -assez développé situé dans la plaine qui s'étend de Chia-Kouan, -au sud du lac, à Chang-Kouan, au nord du même -lac, un des côtés regardant le Eurl-Hai, l'autre étant -adossé aux contreforts de la haute montagne grise et nue -qui, d'une hauteur de 3.000 mètres, domine l'ensemble de -la ville.</p> - -<p>L'aspect général en est misérable: les rues sont désertes -et de nombreux champs de fèves, bordés de cactus, remplacent -les maisons détruites. La population musulmane -est encore en nombre assez considérable à Tali, mais elle -n'y a plus aucune influence. Bien plus, les musulmans ne -peuvent plus exercer leur culte et n'ont pas le droit d'avoir -de mosquée en ville. Ils ne peuvent se livrer à la prière -que dans des maisons particulières, et leur grande mosquée -de Tali a été transformée en temple dédié à Confucius.</p> - -<p>Une partie des troupes de la garnison est musulmane -et il semble qu'aucune velléité de liberté ou d'indépendance -n'existe plus parmi la communauté islamique.</p> - -<p>Au point de vue commercial, il paraît y avoir très peu -d'activité, sauf peut-être pendant les foires. Mais ces foires,<span class="pagenum" id="Page_229">[Pg 229]</span> -qui se tiennent à époques fixes et dont il m'a été donné -de voir plusieurs, ne comportent qu'un commerce local -d'échange de marchandises chinoises, venues par la voie -de Yunnan-Sen ou du sud du Thibet. Les marchandises -européennes ne sont pas représentées sur le marché, sauf -la bimbeloterie que nous avons déjà rencontrée à Sseu-Mao -et à King-Tong.</p> - -<p>Tali, toutefois, est le lieu de centralisation du commerce -qui se fait par Teng-Yueh (Momein) sur Bhamo; mais -jusqu'à présent ce commerce est peu de chose; les routes -sont d'ailleurs très difficiles et, comme dans tout le reste -du Yunnan, c'est la mule qui est le seul moyen de transport. -Les deux grands marchés de la région sont Chia-Kouan -et Chang-Kouan. Des deux, c'est Chia-Kouan qui -est le plus important, quoiqu'on n'y trouve, comme dans -les autres villes du Yunnan, que des produits locaux. -J'ai vu Chia-Kouan un jour de grand marché: légumes et -fruits, blé, orge, riz, maïs; un peu de coton venu de -Birmanie; des ustensiles venus de Canton par Nanning, -Kai-Houa et Yunnan-Sen; des chapeaux de paille et de -grandes marmites du Sseu-Tchuen; du sel de Mohei, du -thé de Pou-Eurl, du sucre de King-Tong. Les marchandises -étrangères y étaient représentées toujours par les -petites glaces, les boîtes en fer-blanc, les peignes, les -aiguilles, les allumettes du Japon et la pauvre petite pacotille -des bazars. En somme, tout est encore à créer ici -comme ailleurs, et, étant donnée la configuration géographique -du pays et la hauteur des montagnes qui le -séparent des régions voisines, peut-on espérer y réaliser -jamais quelque chose de brillant?</p> - -<p>Je ne veux pas quitter Tali-Fou sans raconter la<span class="pagenum" id="Page_230">[Pg 230]</span> -légende fort poétique que rappelle le grand lac Eurl-Hai:</p> - -<p>Aux temps où le Yunnan était divisé en plusieurs -royaumes thai, le roi de Li-Kiang étant venu voir son -voisin le roi de Tali, fut ébloui de la beauté de la fille de -ce dernier et la demanda en mariage. Mais la jeune fille -avait fait vœu de virginité et refusa la proposition du -prince. Elle fut, malgré toutes les avances de son royal -amoureux, absolument inflexible. Au moment de retourner -dans ses états, le roi de Li-Kiang exprima le souhait -qu'elle consentît du moins à l'accompagner dans une -promenade sur le lac, afin de graver ses traits dans sa -mémoire à jamais. Elle accueillit favorablement ce désir. -Mais au moment où ils arrivaient au milieu du lac, le roi -de Li-Kiang voulut se permettre quelques privautés, et la -jeune vierge indignée et ne voulant pas être surprise se -précipita dans les flots; jamais elle ne reparut.</p> - -<p>Yunnan-Sen, la ville capitale, n'est plus que l'ombre de -ce qu'elle a dû être autrefois; on y entre par des faubourgs -désolés et infects; tout ici est démoli et en ruines. Les -remparts sont écroulés en partie, et personne ne songe à -les relever; les temples s'effondrent et dans la ville même -on ne circule, dans certains quartiers, qu'à travers des -décombres. On croirait être au lendemain de cette guerre -«inexpiable» qui dura de 1855 à 1875, et pendant laquelle -les musulmans du Yunnan et les troupes impériales se -livrèrent des combats sans merci. La ville a aujourd'hui -une population que l'on évalue généralement à 80.000 habitants, -mais elle devait en avoir au moins le double, peut-être -davantage autrefois. Quelques monuments pourtant, -quelque arc de triomphe, quelque portail de temple sont -encore à voir.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_231">[Pg 231]</span></p> - -<p>Comme construction européenne, il y existe un arsenal, -et c'est même une sensation bizarre que l'on éprouve, -quand, se promenant dans la vaste plaine nue et jonchée -de tombeaux qui s'étale autour de la ville, on entend le -sifflet appelant les ouvriers à l'usine.</p> - -<p>Le plateau où se trouve situé Yunnan-Sen est merveilleux; -très fertile, bien arrosé, entouré de lacs qui rendent -l'irrigation facile, il forme avec les plateaux de Mong-Tseu -et de Lin-Ngan, auxquels il se rattache, la partie la plus -florissante et la plus peuplée de la province, et la mieux -cultivée. Ici, hors de la ville dont on n'aperçoit plus les -murs écroulés et les palais délabrés, maintenant que la -campagne seule s'offre à la vue, on sent un pays aisé, -riche même relativement, en comparaison de toutes les -contrées désolées qu'on vient de quitter.</p> - -<p>A deux étapes de Yunnan-Sen se trouve Tong-Hai, -point de concentration de toutes les caravanes. Situé entre -l'eau et les montagnes, au bord du grand lac, Tong-Hai -offre vraiment l'aspect d'une ville florissante, chose rare -dans ce pays. Tous les produits de la Chine s'y trouvent -réunis et partent de là pour se répandre dans le nord et -l'ouest de la province.</p> - -<p>De Yunnan-Sen, par Tong-Hai, vers les extrémités -frontières, les routes sont:</p> - -<p>Vers le sud, la route de Mong-Tseu, aujourd'hui peu -fréquentée, puisque le chemin de fer existe jusqu'à la capitale; -vers le sud-ouest, la route de Yuen-Kiang, Pou-Eurl, -Sseu-Mao; vers l'ouest, la route, Tchou-Chiong, Tali-Fou, -Teng-Yueh; vers le nord, la route de Tong-Tchuan, Tchao-Tong; -une autre route, partant de Yunnan-Fou à l'est, va -rejoindre Kouei-Yang-Fou, capitale du Kouei-Tcheou.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_232">[Pg 232]</span></p> - -<p>Ainsi que je l'ai constaté au début de cette étude du -Yunnan, on peut voir que, bien que faisant partie du bassin -du Yang-Tseu-Kiang du côté du nord (Yunnan-Fou -n'est, par Wou-Ting, qu'à deux ou trois étapes du fleuve), -cependant, c'est vers le nord-ouest et le sud que son commerce -est le plus actif. D'un côté, en effet, vers Li-Kiang -et Atien-Tseu, les vallées sont plus étroites, les rivières -plus maigres, les populations plus éparses et moins nombreuses; -donc, dans cette contrée désolée, peu de trafic; -de l'autre côté, au nord-est, par Tong-Tchuen et Tchao-Tong, -la route est très dure si les populations sont plus -denses; et les productions sont trop peu variées pour être -exportées au Sseu-Tchuen, province riche; on n'y envoie -donc de cette partie du Yunnan que des peaux de -buffles ou de bœufs, de chèvres et de moutons. Quant aux -productions du Sseu-Tchuen, il en descend très peu vers -cette région du Yunnan, juste assez pour les colons qui, -partis du Sseu-Tchuen, viennent coloniser les hauts plateaux -yunnanais.</p> - -<p>VI.—En tant que pays intéressant, quoique très -pénible à parcourir, le Yunnan est certainement l'un des -plus curieux que j'aie visités en Chine; mais au point de -vue fertilité, donc au point de vue commerce, c'est tout -autre chose. Que de fois, dans un village misérable, perché -sur quelque crête, n'ai-je même pu me procurer une -poignée de mauvais riz rouge! Que de fois ai-je fait 40 -et 50 kilomètres sans rencontrer un homme, une hutte! -Quelle différence avec le Sseu-Tchuen ou le Houpe, si -actifs, si peuplés!</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_233">[Pg 233]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_XIV">CHAPITRE XIV</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Le tarif douanier chinois.—II. Octrois, accises ou likin.—III. -Situation du commerce général dans les provinces du bassin -du Yangtseu pendant l'année 1908.</p> -</div> - - -<p>I.—Actuellement un nouveau tarif douanier est à -l'étude, et déjà un commissaire britannique, envoyé spécialement -à l'effet de traiter des nouvelles conditions -douanières, est arrivé à une entente avec les commissaires -chinois. Mais les négociations ne sont pas encore terminées -avec les autres puissances; et l'ancien tarif, imposé -par le traité de 1858, est toujours en vigueur, c'est à savoir -5 pour 100 <i>ad valorem</i> sur les marchandises importées. -Pour les marchandises exportées, il existe un autre tarif -qui taxe d'un droit de sortie certains produits exportés -de Chine. Il est inutile d'en donner la liste ici, sauf -peut-être pour la soie qui nous intéresse spécialement: -la soie brute paye 10 taels par picul; la soie jaune du -Sseu-Tchuen, 7 taels; la soie sauvage, 2 taels 50; -les déchets, 1 tael; les cocons, 3 taels; la soie floche de -Canton, 4 taels 30; la soie floche des autres provinces, -10 taels; rubans de soie, fils de soie, pièces de soie,<span class="pagenum" id="Page_234">[Pg 234]</span> -pongés, châles, écharpes, crêpes, satins, gazes, velours -et broderies, 10 et 12 taels; soie unie du Sseu-Tchuen et -du Chan-Tong, 4 taels 50; torsades, 10 taels; mélange de -soie et coton, 5 taels.</p> - -<p>II.—En dehors des droits de douane, il existe en Chine -des droits d'accise ou d'octroi nommés <i>likin</i>. Le payement -de ces taxes avait, en principe, été décidé pour faire face -aux dépenses causées par la révolte des Taiping et devait -donc être temporaire; mais les impôts temporaires, en -Chine comme partout, sont ceux qui résistent le plus. Et -aujourd'hui non seulement la taxe du likin (tant pour -mille sur les marchandises en transit) n'est pas supprimée, -mais ses bureaux et ses bannières sont installés dans tout -l'Empire; il étend les mailles de son filet sur les fleuves -et les rivières, aux portes des villes, aux limites des provinces, -aux limites de chaque ville et bourg. Chaque province -a ses likin spéciaux; chaque mandarin, pour ainsi -dire, est maître de ses tarifs, et les petits officiers chargés -de percevoir le likin ne se font pas faute d'augmenter le -taux pour leur compte; c'est la plaie du commerce intérieur. -Les Européens n'y sont pas soumis et ils peuvent faire -venir en transit des marchandises de l'intérieur jusqu'à -un port ouvert en se faisant délivrer par l'intermédiaire -de leur Consul des «passes de transit» qui les exemptent -des tracas du likin; mais les marchandises européennes, -une fois aux mains du négociant chinois qui en a pris -livraison dans un port ouvert, sont soumises à tous les -likin qu'elles rencontreront sur leur route jusqu'à leur -destination. On peut donc s'imaginer à quel prix revient -une marchandise qui, prise à Hankeou, par exemple, doit -remonter la Han jusqu'au Chen-Si!</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_235">[Pg 235]</span></p> - -<p>A plusieurs reprises quelques hauts fonctionnaires, -voyant les entraves considérables mises au trafic par ces -taxes, ont demandé leur abolissement; mais alors, quel -trou dans les trésors provinciaux! c'est ce qui fait que le -likin subsiste et subsistera vraisemblablement longtemps -encore.</p> - -<p>III.—D'après les statistiques de la douane maritime -chinoise, la situation commerciale générale dans les provinces -du Yangtseu en 1908 se présentait ainsi<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">[16]</a>:</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> J'ai indiqué plus haut (p. 68) pour quelles raisons je citais les -chiffres de 1908.</p> - -</div> - -<p>L'espoir de voir une recrudescence dans les transactions -qui semblait justifiée aux débuts de 1908, ne s'est pas -réalisé. La dépression commerciale s'est fait sentir du -commencement à la fin de l'année. La baisse continuelle -de la valeur de l'argent a découragé l'importation en -général et, vu l'état déjà morbide du marché, a joué un -grand rôle dans l'histoire de cette année malheureuse.</p> - -<p>Mais le commerce étranger a toujours eu à compter -avec l'incertitude du change, qui lorsqu'il est défavorable -à une branche du commerce est favorable à l'autre, -comme il est prouvé, d'ailleurs, par les statistiques de -1908; et on doit chercher d'autres causes pour expliquer -l'absence de demande de marchandise étrangère par -rapport à un commerce d'exportation normal, puisque -cette absence de demande à l'importation ne peut pas -être due au développement d'industries dans le pays -même. Parmi ces causes il faut d'abord voir la cherté du -riz dont le prix a continué à rester élevé en dépit des -bonnes récoltes de l'année précédente et des incessantes -importations de l'Indo-Chine. Cependant le marché s'est<span class="pagenum" id="Page_236">[Pg 236]</span> -amélioré vers le milieu de l'année. Le prix de détail du -meilleur riz du Kiang-Sou à Changhai, qui était en -août de 5 piastres 80 cents le picul, est tombé à 4 piastres -à la fin de décembre, et même à 3 piastres 40 cents; et -il est clair que la baisse a affecté tous les districts -accessibles aux transports par eau. A Yo-Tcheou, en -septembre, le prix par picul était de 2 piastres 20 cents, -et à Tchong-King, le même mois, de 2 piastres 50 cents. -Un autre obstacle, et plus grand encore, aux échanges a -été la dépréciation des sapèques de cuivre due, en certains -districts, à la rareté de l'argent, mais en général causée -par la frappe excessive des monnaies provinciales. La -valeur de ces sapèques baissa continuellement et, à la fin -de l'année, une piastre se changeait pour 135 cents de -cuivre dans le Yangtseu (Hankeou), pour 126 sur le Bas-Yangtseu; -ceci, qui touche à la poche de la grande masse -du peuple, est l'un des plus graves problèmes, celui qui -réclame une prompte solution. Mais, tout en tenant -compte de cette raison et d'autres encore pour expliquer -le ralentissement du commerce, il n'est que juste de -reconnaître dans la moins-value des imports sur les exports, -un effort pour balancer le taux des recettes et des -dépenses.</p> - -<p>En 1905, les contributions de guerre, estimées à -150.000.000 de taels, ont donné au commerce d'importation -une impulsion qui a continué à se faire sentir après la -disparition des conditions spéciales qui l'avaient créée, il -en est résulté que les importations se sont trouvées très -en excès sur les demandes du marché et ont dû être liquidées -difficilement et avec pertes. La situation excellente -du commerce d'exportation et les progrès réalisés dans<span class="pagenum" id="Page_237">[Pg 237]</span> -l'établissement d'industries manufacturières sont d'un bon -augure pour l'avenir.</p> - -<p>Changhai a distribué aux autres ports, en 1908, -350.000 piculs de filés de coton de manufactures locales, -estimés à 8.772.000 taels, soit 88 pour 100 de plus qu'en -1907; et 753.000 piculs de farine provenant des moulins -locaux, estimés à 2.717.000 taels, soit 38 pour 100 de plus -qu'en 1907. Hankeou montre une grande activité, spécialement -en ce qui concerne la production du fer et de l'acier -par les arsenaux de Hanyang avec le fer de Taye et le -charbon de Ping-Siang. Il n'y a pas de doute que d'ici peu -d'années la Chine ne devienne une grande nation industrielle; -elle y est destinée non seulement par ses ressources -naturelles, mais aussi par le caractère de ses habitants, -et, du reste, c'est dans ce sens que son éducation devra -être dirigée. Il lui faudra, nécessairement, modifier un peu -sa mentalité, et soigner un peu plus ses produits, changer -ses méthodes, notamment pour la soie et le thé qui sont -concurrencés par l'étranger en quantité formidable, surtout -ce dernier produit.</p> - -<p>Les autorités continuent à pourchasser l'opium en -défendant strictement la culture du pavot, et de ce côté le -commerce des Indes anglaises sera certainement atteint. -Que les effets de cette prohibition soient excellents à la -longue, c'est indéniable; mais, même sans tenir compte -de l'opium des Indes, si on ne regarde que l'opium -chinois, il est évident que la défense strictement immédiate -de consommer l'opium aura une répercussion fâcheuse -sur les provinces qui l'exportent et qui s'en font un revenu -de 100.000.000 et même 150.000.000 de taels. Cependant, -malgré cela la réforme est populaire, et le délai de dix<span class="pagenum" id="Page_238">[Pg 238]</span> -ans accordé pour la suppression totale de l'opium a été -trouvé trop long par beaucoup de vice-rois. Aussi, dans -treize provinces la culture du pavot a été interdite immédiatement, -avec promesse qu'il n'y en aurait plus en 1909; -et dans les autres cinq provinces, il ne doit plus y en -avoir dans deux ans. La population est complètement -d'accord avec le gouvernement en ce sens, et même en -admettant que le délai soit un peu bref, il est hors de -doute que, d'ici peu, l'opium à fumer aura disparu de la -Chine.</p> - -<p>La question des chemins de fer est une des grandes -questions chinoises; mais les progrès faits jusqu'à présent -en ce sens n'ont pas été très sensibles. Il est toutefois -tellement bien reconnu par tout le monde que le développement -ultérieur de la nation est lié à l'établissement -des voies ferrées que le désir d'en posséder est unanime. -Malheureusement, ce sont les ressources qui font défaut, -et comme les Chinois sont devenus extrêmement méfiants, -il est difficile aux capitaux étrangers de compter pour le -moment sur un appel; mais il n'en est pas moins certain -que la Chine se rendra compte qu'elle ne peut rien en ce -sens sans l'argent étranger, et qu'elle lui demandera son -aide en lui donnant de sérieuses garanties. Le chemin de fer -a été ouvert entre Tchen-Kiang et Nankin, et on peut maintenant, -de Changhai, venir à Nankin en 5 h. 35 minutes. -A Nankin même, une petite ligne a été installée qui relie -la ville à la rivière, et l'on parle d'étendre cette ligne jusqu'à -Wou-Hou. Une partie du chemin de fer du Kiang-Sou, -environ trente kilomètres, de Changhai à Song-Kiang a été -ouverte au trafic en avril 1908, et le reste, jusqu'à Feung-King -(55 kilomètres) va être terminé. Le chemin de fer<span class="pagenum" id="Page_239">[Pg 239]</span> -du Tche-Kiang qui doit rejoindre celui du Kiang-Sou à -Feung-King est terminé de Hang-Tcheou à Ka-Ching, et -les deux lignes viennent d'être rejointes en 1910. La ligne -qui, de Canton, doit rejoindre Hankeou, a été ouverte sur -60 kilomètres, à partir de Canton, et on procède actuellement -à de nouveaux levés dans le Hounan.</p> - -<p>La ligne de Wou-Hou à Kouang-Te-Tcheou n'a pas -fait de progrès sérieux.</p> - -<p>La ligne qui doit partir de Hankeou pour aller rejoindre -Tcheng-Tou est toujours en espérance, et les affaires n'ont -guère avancé de ce côté.</p> - -<p>Quant au chemin de fer que les Français ont construit -de Hanoi à Yunnan-Sen, il est aujourd'hui en pleine -exploitation, et les douanes de Mong-Tseu enregistrent -pour le dernier trimestre 1907 de leur statistique, l'arrivée -des trains en gare de Mong-Tseu.</p> - -<p>Nombre d'autres lignes sont en projet, dont voici les -principales:</p> - -<p>Du Yunnan au Sseu-Tchuen, c'est-à-dire de Yunnan-Sen -à Soui-Fou, continuation de la ligne actuelle;</p> - -<p>Du Yunnan au Hounan par le Kouei-Tcheou;</p> - -<p>Du Yunnan en Birmanie, c'est-à-dire de Yunnan-Sen -par Tali-Fou et Teng-Yueh.</p> - -<p>Toutes ces lignes sont situées dans la vallée du Yang-Tseu-Kiang, -et c'est pourquoi je les cite; mais le chemin -de fer est à l'ordre du jour dans toutes les provinces chinoises. -Seulement les Chinois ne trouveront jamais l'argent -pour les construire eux-mêmes, les capitalistes chinois -n'ayant aucune confiance dans la gestion de leurs -mandarins.</p> - -<p>Les récoltes du Sseu-Tchuen ont été très abondantes,<span class="pagenum" id="Page_240">[Pg 240]</span> -et les denrées nécessaires à la nourriture ont été, par -suite, bon marché. Politiquement, la province a été tranquille. -Au Houpe, au contraire, la récolte de coton et la -récolte de riz ont été très médiocres et bien au-dessous de -la moyenne; le thé, au contraire, a bien donné. Au Hounan, -mauvaise récolte de coton, mais belle moisson de -riz. A Wou-Hou, le prix de détail du riz, à la fin de l'année, -a été de 2 piastres 60 à 3 piastres 20 le picul, et les -expéditions vers les autres ports ont monté à 5.000.000 de -piculs, plus du double des expéditions de l'année précédente.</p> - -<p>Au Kiang-Sou, la moisson a été ordinaire, les rizières -du sud du fleuve ayant fourni plus que celles du nord.</p> - -<p>Le commerce des ports ouverts du Yang-Tseu-Kiang, -depuis Tchong-King jusqu'à Tchen-Kiang, a marqué une -moins forte demande d'importations étrangères, mais un -plus grand mouvement dans les échanges indigènes, ainsi -qu'il ressort du tableau suivant:</p> - -<table summary=""> -<tr><td></td><td>1906</td><td> 1907</td><td> 1908</td></tr> - -<tr><td>Importations étrangères: </td><td> 96.714.791 </td><td> 110.239.450 </td><td> 104.644.857.</td></tr> -<tr><td>(en taels)</td></tr> -<tr><td>Importations indigènes:</td><td> 23.256.838</td><td> 28.065.027</td><td> 33.154.129.</td></tr> -<tr><td>Exportations:</td><td> 108.668.735</td><td>115.476.892</td><td>134.680.625.</td></tr> -</table> - -<p>A Changhai, le total du commerce était à peu près le -même qu'en 1907, mais il y avait une différence marquée -dans la proportion étrangère et indigène qui composent ce -total.</p> - -<p>Les importations étrangères ont donné 11.000.000 de -taels de moins en 1908.</p> - -<p>Dans le Yunnan, Mong-Tseu a fait 1.000.000 de taels -de moins aux importations étrangères, mais gagné<span class="pagenum" id="Page_241">[Pg 241]</span> -1.500.000 taels à l'exportation. Teng-Yueh et Sseu-Mao -restent toujours au même point.</p> - -<p>En somme, dans l'année 1908, tous les ports (et les -ports du nord et du sud, comme les ports du Yangtseu) -ont montré une moins-value aux importations étrangères. -Les ports du Yangtseu donnent une moins-value -de 5 pour 100 en général, mais par exemple, le port de -Hankeou, qui est le distributeur des produits étrangers -pour toutes les provinces environnantes, présente, à lui -seul, une moins-value de 8 pour 100, et Tchen-Kiang, qui -fournit le Kiang-Sou, le Chan-Tong et le Honan, une -de 11 pour 100. A Changhai, le déclin des marchandises -importées peut être évalué à 24 pour 100, et au Yunnan -à 14 pour 100. On voit donc bien que la faible demande -de marchandises étrangères a été la même dans tout l'Empire. -Les districts qui ont le plus été touchés sont ceux -desservis immédiatement par Changhai.</p> - -<p>Le commerce direct, pendant toute l'année, donne -671.165.881 taels contre 680.782.066 taels en 1907, -décomposés ainsi qu'il suit:</p> - -<table summary=""> -<tr><td></td><td>1907</td><td> 1908 </td></tr> - -<tr><td>Imports:</td><td> 416.401.369 </td><td> 394.505.478.</td></tr> -<tr><td>Exports:</td><td> 264.380.697 </td><td> 276.660.403.</td></tr> -</table> -<p>La moins-value des importations s'élève à peu près à -22.000.000 de taels, mais, vu une grosse augmentation de -la valeur de l'argent résultant du bas taux de l'échange, -la moins-value réelle des importations est, en réalité, plus -grande que la différence des chiffres ne l'indique.</p> - -<p>L'opium étranger a diminué beaucoup, et l'on constate -une consommation bien inférieure dans presque tous les<span class="pagenum" id="Page_242">[Pg 242]</span> -ports; ainsi Changhai a pris 2.000 piculs en moins; les -ports du Yangtseu, 2.000 piculs; le Tche-Kiang, 600 piculs, -et les autres ports en proportion. Toutefois, si l'importation -de l'opium étranger diminue, il n'en est pas -de même pour l'opium indigène, et la quantité d'opium du -Sseu-Tchuen et du Yunnan qui est passée par Itchang est -sensiblement la même que les années précédentes.</p> - -<p>Les cotonnades donnent une diminution de 8.000.000 de -taels, et cette diminution se fait surtout sentir sur les filés de -coton, et les pièces diverses, teintes, italiennes, turques. -Les shirtings importés représentent 4.887.000 pièces, -soit une augmentation de 1.400.000 pièces sur 1907; la -moyenne ici a donc été sensiblement la même; mais les -cotons américains ont toujours souffert de leur chute -de 1907, quoique en 1908 ils aient donné un chiffre de -1.586.000 pièces. En 1906, ces cotons américains avaient -été importés par 8.500.000 pièces, et en 1905 par -12.500.000 pièces, et on ne sait vraiment pourquoi ils ont -subi un tel déclin; peut-être y en avait-il trop en stocks -non écoulés? En tout cas, il n'y a pas de raison pour -qu'ils ne revoient pas des temps meilleurs.</p> - - -<p class="center">TABLEAU COMPARATIF DES IMPORTATIONS -DES PIÈCES DE COTON</p> - -<table summary=""> -<tr><td></td><td> 1905</td><td> 1906</td><td> 1907</td><td> 1908</td></tr> - -<tr><td>Anglaises </td><td> 13.548.015 </td><td> 10.785.227 </td><td> 8.224.951 </td><td> 8.993.534</td></tr> -<tr><td>Américaines</td><td> 12.566.093 </td><td> 8.544.165 </td><td> 578.647 </td><td> 1.586.989</td></tr> -<tr><td>Japonaises </td><td> 780.580 </td><td> 733.436 </td><td> 840.401 </td><td> 986.982</td></tr> -<tr><td>Indiennes </td><td> 650.636 </td><td> 85.003 </td><td> 67.905 </td><td> 141.312</td></tr> -</table> - -<p>Les filés de coton sont tombés de 450.686 piculs et se -trouvent depuis dix ans en fléchissement continu. Cela<span class="pagenum" id="Page_243">[Pg 243]</span> -tient aux manufactures locales qui sont actuellement -capables de fournir d'aussi bons filés que ceux de -l'étranger.</p> - -<p>Les importations de mélanges laine et coton ont -diminué de moitié; les laines pures aussi.</p> - -<p>Les métaux ont donné une somme de 22.000.000 de taels -à l'importation, contre 20.000.000 en 1907.</p> - -<p>Les lingots et saumons de cuivre ont augmenté dans -la proportion de 66.000 piculs et ont été distribués surtout -aux différentes monnaies provinciales.</p> - -<p>Presque toutes les marchandises diverses ont subi une -diminution, sauf le pétrole qui a fourni 186.000.000 de -gallons (1 gallon = 4 litres), soit 15.000.000 de plus que -l'année précédente. L'importation d'huile américaine a -augmenté de 26.000.000 de gallons, l'huile russe de -plus de 2.000.000, l'huile de Sumatra de plus de -4.500.000 gallons. La farine, le riz, ont également -diminué. Le sucre, l'horlogerie et les bibelots ont donné -une grosse diminution à l'importation, ce qui indique évidemment -une restriction dans les dépenses de luxe due, -ainsi que je l'ai dit plus haut, à la crise monétaire.</p> - -<p>Toutes les puissances ont souffert de cette diminution -dans les importations, sauf les États-Unis et la -Russie.</p> - -<p>Les États-Unis, en effet, ont été peut-être un peu -éprouvés dans leur importation de cotonnades, mais par -contre leur pétrole a largement compensé les déficits -constatés dans les farines, les bois et les autres articles. -La Russie a aussi augmenté son chiffre d'importation, -mais par le nord.</p> - -<p>Les importations directes ne passant pas par Changhai<span class="pagenum" id="Page_244">[Pg 244]</span> -comme port distributeur deviennent tous les ans plus -considérables, et Hankeou est l'un des ports qui en profite -le plus. Cependant il y aura forcément un arrêt dans cette -façon d'opérer; car ce sont les bateaux japonais seuls qui -font du Japon l'importation directe à Hankeou; ce sont -des bateaux de petit tonnage, qui n'ont pas à effectuer une -longue traversée maritime; mais les grands paquebots -européens ou américains ne pourraient pas venir directement -à Hankeou, sauf pendant deux ou trois mois d'été, -aux hautes eaux.</p> - -<p>Aux exportations, le thé a donné beaucoup: les États-Unis -et la Russie ont absorbé la totalité ou à peu près; -car la quantité exportée en Angleterre diminue tous les -ans, et les autres pays d'Europe n'ont pris que -119.600 piculs tous ensemble. La Grande-Bretagne tire -plus de 2.000.000 de piculs de l'Inde, de Ceylan et -d'Assam, et 66.000 piculs seulement de Chine.</p> - -<p>Il est probable, d'ailleurs, que rien n'enrayera le mouvement -qui amène peu à peu l'Angleterre à renoncer au -thé de Chine. Les planteurs de l'Inde et de Ceylan font -tous leurs efforts pour garder leur position acquise et la -fortifier encore, et il est probable qu'ils y arriveront; car -les Anglais aujourd'hui préfèrent de beaucoup ce thé -«national» au thé de Chine. Toutefois le thé de Chine -peut encore voir de beaux jours si les Chinois se décident -à le traiter convenablement et conformément aux procédés -modernes; car en dehors de la Russie, qui est toujours -son gros débouché, le thé de Chine peut se vendre dans -tous les autres pays où il est de plus en plus à la mode, -et où la consommation augmente.</p> - -<p>Dans le premier trimestre, le prix des soies a considérablement<span class="pagenum" id="Page_245">[Pg 245]</span> -baissé, mais les prix se sont relevés vers la fin -de l'année, et les stocks se sont bien vendus.</p> - -<p>Les haricots et les gâteaux de haricots, qui jusqu'à -présent étaient une spécialité des ports de Mandchourie, -commencent à s'exporter de Hankeou; l'Angleterre en a -pris pour 500.000 piculs, destinés à faire de l'huile.</p> - -<p>Le sésame donne une augmentation sérieuse à l'exportation: -1.792.432 piculs valant 9.138.129 taels contre -734.712 piculs valant 3.670.810 taels en 1907. L'immense -saut fait par cet article, dont la vente est concentrée à -Hankeou, est attribué au chemin de fer de Hankeou à -Pékin qui draine les districts producteurs de sésame au -Honan.</p> - -<p>Quant à l'étain du Yunnan, il passe toujours par Mong-Tseu -et le Tonkin, pour se diriger sur Hong-Kong. En -1908 Mong-Tseu en a exporté 18.335 piculs de plus -qu'en 1907.</p> - -<p>La seule remarque à faire au point de vue de la navigation -est l'augmentation, réalisée par le pavillon français, -de 360.000 tonnes, principalement dans les ports du -Yangtseu.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_247">[Pg 247]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_XV">CHAPITRE XV</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Le service de la poste en Chine. Les entreprises particulières -ou Sin-Kiu.—II. La poste faite par les douanes maritimes.—III. -Le service postal actuel.—IV. Fonctionnement du service -actuel dans le Haut et le Bas-Yangtseu.—V. Le télégraphe.</p> -</div> - - -<p>I.—Le service postal chinois mérite une étude particulière. -On y verra par quelles phases il a passé avant d'arriver -à son état actuel. Bien qu'un système à peu près normal -fonctionne aujourd'hui dans les principaux centres, cependant -le vieux système chinois n'a pas dit son dernier mot; -car aujourd'hui la poste impériale coûte au Trésor et ne -lui rapporte rien. Seuls quelques districts où le commerce -est prospère commencent à couvrir leurs frais et à équilibrer -leurs dépenses et leurs recettes; mais il est loin d'en -être ainsi partout. Il faut, naturellement, de nouveaux -crédits tous les ans pour améliorer et étendre le service -dans un pays immense où les communications ne sont pas -toujours faciles. Le système postal chinois, pris dans son -ensemble, ne ressemble donc pas encore à un service -européen, régulier et donnant des bénéfices; c'est un service -à côté de la douane, et les commissaires de douanes<span class="pagenum" id="Page_248">[Pg 248]</span> -sont les directeurs principaux des districts postaux établis -dans les ports ouverts et les villes principales des provinces -limitrophes; dans l'intérieur, ce sont des Chinois.</p> - -<p>Autrefois, dans la Chine tout entière, et aujourd'hui -encore dans les provinces et dans les centres éloignés, la -poste se faisait par des entreprises particulières chinoises, -soit correspondant entre elles, soit se faisant concurrence, -concurrence d'ailleurs limitée, grâce à l'existence et au -pouvoir des chambres syndicales désignées sous le nom -de «guilde».</p> - -<p>Ces entreprises, désignées sous le nom de Tchang-Houa-Sin-Kiu, -ou simplement Sin-Kiu, existaient dans -toutes les villes et endroits importants de l'intérieur; elles -transmettaient leurs dépêches par tous les moyens -possibles, soit par terre, soit par eau; elles se servaient -notamment, sur les canaux, de petites embarcations, -longues et étroites, très légères, peintes en rouge, avec -un toit en nattes; l'équipage se composait de deux hommes -qui faisaient la relève à tour de rôle; appuyé à l'arrière, -l'homme avait une petite godille sous le bras gauche, dont -il tenait le corps de la main gauche et la tête de la main -droite qui servait surtout de gouvernail; plus en avant, -à droite, il avait un petit aviron qu'il faisait mouvoir avec -le pied; la barque possédait également un petit mât et une -petite voile qui pouvait servir quand le vent était favorable.</p> - -<p>Suivant les provinces et l'importance des localités, ces -services variaient de journaliers à mensuels. Il fallait -payer chaque entreprise par laquelle la correspondance -passait. Il n'y avait naturellement pas de timbres-poste,<span class="pagenum" id="Page_249">[Pg 249]</span> -mais chaque entreprise avait un cachet en bois qu'elle -appliquait sur les correspondances, ainsi qu'un autre -cachet indiquant la destination. Il existait même une -sorte de recommandation qu'on pouvait obtenir moyennant -un payement spécial.</p> - -<p>Afin d'assurer l'arrivée à destination, l'expéditeur avait -soin d'écrire sur l'enveloppe: «pourboire à remettre au -porteur», tout suivant l'importance de la missive.</p> - -<p>Les lettres dont le port était payé étaient marquées d'un -cachet spécial, «payé d'avance»; les autres portaient -l'inscription: «à payer la somme habituelle» (cette somme -variait de 5 à 20 cents suivant l'importance du courrier).</p> - -<p>On pouvait aussi, par l'intermédiaire de ces entreprises, -envoyer de l'argent et des petits colis en les assurant, le -bureau expéditeur se rendant responsable de toute perte -causée par sa faute ou celle de ses employés; mais si la -perte était causée par une attaque à main armée, ou -autres actes de violence, on pouvait s'adresser aux -autorités locales qui généralement faisaient rembourser -par leur trésor 50 ou 60 pour 100 de la valeur perdue.</p> - -<p>Pour donner une idée de la somme à payer pour une -lettre, une lettre expédiée de Changhai pour Hankeou, par -exemple, coûtait 50 sapèques (environ 25 centimes) si elle -passait par une seule entreprise.</p> - -<p>Bien entendu toutes ces entreprises postales ne servaient -qu'aux particuliers; le service officiel se faisait -par courriers spéciaux qui transmettaient les dépêches -des autorités provinciales à Pékin et les décrets impériaux -de Pékin aux gouverneurs et vice-rois. Ces courriers -nommés Yi tchang étaient supposés exister dans toutes -les capitales de provinces et dans les autres villes importantes,<span class="pagenum" id="Page_250">[Pg 250]</span> -et elles devaient avoir toujours un certain nombre -de chevaux prêts à partir. Comme les autres services chinois -du temps présent, cette organisation existait plutôt -sur le papier qu'en réalité.</p> - -<p>Le service postal se faisait donc très régulièrement, -sinon rapidement, et les missionnaires de l'intérieur m'ont -déclaré que jamais leurs lettres ou paquets ne leur manquaient, -à moins qu'il n'y ait eu cas de force majeure, -telle que les inondations ou le pillage du courrier.</p> - -<p>Cependant, vers 1866, le service des douanes impériales -organisa une sorte de poste particulière pour transmettre -les correspondances de l'Inspectorat général aux -divers ports ouverts et vice versa. Cette poste avait -même fini par admettre (en franchise naturellement, puisqu'il -n'y avait pas de timbres-poste) les correspondances -du public aux agents des douanes et réciproquement; elle -se chargeait encore d'expédier en Europe la correspondance -privée de tous les agents des douanes. Mais le -besoin d'un service postal plus régulier se faisait sentir, -et, en 1876, avec l'approbation de Li-Hong-Tchang, alors -vice-roi du Tche-Li, ce service fut installé d'abord dans le -nord, avec des timbres de 1, 3 et 5 candarines (1, 3 et -5 cents). Peu à peu il gagna les autres ports, et en 1890, -il fonctionnait officiellement dans tous les ports ouverts, -mais seulement dans ces ports et nullement dans l'intérieur -du pays.</p> - -<p>C'est alors qu'en 1893, Li-Hong-Tchang, vice-roi du -Tche-Li, et Lieou-Kouen-Yi, vice-roi de Nankin, appelèrent -l'attention du gouvernement impérial sur le développement -des bureaux de poste anglais, français, américains -et allemands, qui tous s'étaient depuis longtemps installés<span class="pagenum" id="Page_251">[Pg 251]</span> -à Changhai et faisaient le service de courrier avec -l'Europe et le monde entier, en collaboration avec les paquebots-poste -de ces différentes nationalités; ils attirèrent -également l'esprit du gouvernement sur la poste locale de -Changhai, instituée par les municipalités étrangères, et -qui faisait un service postal entre les ports ouverts et -aussi dans les limites des concessions étrangères de -Changhai. Il s'agissait de faire échec à toutes ces postes -exotiques, d'autant plus que, suivant en cela l'exemple de -Changhai, toutes les municipalités des ports ouverts -avaient créé un service postal local avec des timbres à -cet effet. Ce fut la belle époque des finances municipales; -car la quantité de timbres vendus dans le monde entier -fut énorme.</p> - -<p>II.—Malgré les avis de Li-Hong-Tchang, le gouvernement -impérial refusa l'invitation du gouvernement austro-hongrois -de se faire représenter au Congrès de l'Union -postale universelle. Toutefois l'administration des douanes -chinoises fit émettre en automne 1894 une série de timbres -de 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 12, 24 cents pour célébrer le -soixantième anniversaire de l'Impératrice douairière. -En même temps la municipalité de Changhai émettait -un timbre spécial pour fêter le cinquantenaire de la -colonie.</p> - -<p>Ce n'est qu'après la guerre sino-japonaise que le gouvernement -chinois, pour se procurer les revenus dont il -avait un besoin inéluctable, consentit à mettre à l'étude -la question de la Poste. Après bien des pourparlers et des -discussions, un projet de l'Inspecteur général des douanes -fut adopté en 1896; la direction générale des Postes -était rattachée à l'administration des douanes; on devait<span class="pagenum" id="Page_252">[Pg 252]</span> -faire une demande immédiate de participation à l'Union -postale et on avait exigé la fermeture des bureaux de -poste en Chine.</p> - -<p>Le nouveau système devait être primitivement essayé -dans tous les ports ouverts et leur voisinage immédiat; -on n'interviendrait pas dans les affaires des entreprises -particulières desservant l'intérieur, dont les ramifications -devaient être employées plus tard pour l'extension -du service postal. Il y avait donc à distinguer les bureaux -de l'Union établis dans les ports ouverts au fur et à -mesure, et le service de l'intérieur du pays.</p> - -<p>Le service fonctionna normalement, mais les bureaux -de poste étrangers continuèrent de fonctionner comme -auparavant; seuls les bureaux locaux ou ports ouverts -furent supprimés. Des timbres de toute valeur furent -émis par le nouveau service, et la taxe d'une lettre pour -l'étranger fut fixée à 10 cents (0,25 cent.). Pendant un -certain temps, et afin d'attirer la clientèle, des bureaux -postaux chinois se chargèrent de transporter toutes les -correspondances européennes munies de timbres des puissances -faisant partie de l'Union.</p> - -<p>Ce service fut notifié par une circulaire du Tsong-Li-Ya-Menn, -le 14 juin 1896, aux ministres accrédités à -Pékin; cette circulaire leur annonçait l'établissement de -Postes impériales chinoises, ainsi que la demande faite -par le gouvernement chinois à Berne pour son admission -dans l'Union postale universelle, et les invitait ainsi que -leurs subordonnés et sujets à ne plus se servir que des -services postaux chinois.</p> - -<p>Il est inutile de dire que les étrangers continuèrent à -se servir de leurs bureaux nationaux, et que les Russes et<span class="pagenum" id="Page_253">[Pg 253]</span> -les Japonais, qui n'en avaient pas encore, se hâtèrent d'en -établir.</p> - -<p>L'ouverture du nouveau service postal était fixée au -1<sup>er</sup> juillet 1896. Mais elle a été reculée jusqu'au 1<sup>er</sup> juillet -1897 et n'a commencé à fonctionner qu'à cette époque.</p> - -<p>Dans cette organisation, les entreprises particulières -chinoises n'étaient pas oubliées; elles avaient conservé le -droit de fixer leur propre tarif, mais elles devaient en faire la -déclaration au bureau de l'Union le plus proche afin que -celui-ci pût le publier. En même temps elles étaient invitées -à se faire enregistrer officiellement au bureau de -l'Union si elles voulaient être reconnues et subsister, ou à -fermer tout simplement. Beaucoup d'entre elles essayèrent -de résister, notamment celles de Changhai, Tchen-Kiang, -Wou-Hou et Canton, mais elles furent contraintes de -céder, et finirent par accepter toutes l'enregistrement. -Elles n'étaient évidemment pas de force à lutter et auraient -été impitoyablement brisées.</p> - -<p>Il n'en était pas de même des bureaux de poste étrangers, -et malgré toutes les amendes annoncées et les foudres -lancées, la Poste chinoise n'a aucune action sur eux; elle -ne peut même rien sur les postes locales des concessions, -tant qu'elles opèrent dans la limite de ces concessions, et -tant que leurs sacs se trouvent à bord de navires étrangers. -Elle ne peut donc en rien toucher aux bureaux de -poste des différentes puissances qui sont établis dans tous -les ports de Chine. La seule chose qu'elle puisse faire, -c'est d'empêcher les vapeurs de la compagnie chinoise -(China merchants) de transporter d'autres sacs de dépêches -que ceux que leur remettent les postes impériales chinoises; -quant à refuser l'expédition de navires étrangers<span class="pagenum" id="Page_254">[Pg 254]</span> -portant des sacs de dépêches, c'est une plaisanterie à -laquelle on ne s'est pas risqué, et pour cause.</p> - -<p>III.—Aujourd'hui donc, le service chinois fonctionne -de pair avec les services européens en tout ce qui concerne -l'étranger, et il fonctionne en participation avec -les entreprises particulières pour tout ce qui regarde -l'intérieur de l'Empire. Les Postes impériales, il faut bien -le dire, gagnent en importance d'année en année; elles -sont maintenant admises partout régulièrement comme le -service naturel et nécessaire pour la transmission de la -correspondance; les mandarins n'emploient plus que ce -canal pour toutes leurs commandes. Les agences indigènes, -elles-mêmes, s'en vont peu à peu et cèdent la place -au service impérial; il est bien évident d'ailleurs que les -Sin-Kiu ne continueront à prospérer que dans les endroits -très éloignés où il n'a pas encore été possible à la Poste -impériale de pénétrer; et elles continueront seulement -dans les autres à se charger du transport des sapèques et -des taels d'argent, marchandises dont la Poste ne tient -pas à se charger. Toutes ces entreprises particulières -reconnaissent franchement le nouvel ordre de choses, et -demandent même l'appui et l'aide de la Poste impériale -pour la transmission de leurs paquets.</p> - -<p>Le trait prédominant de l'année sus-indiquée a été un -accroissement considérable dans toutes les branches de -l'administration postale. Le nombre total des bureaux a -été élevé de 2.803 à 3.493; les articles divers: lettres, -cartes postales, journaux, livres et échantillons qui, en -1907, s'élevaient à un total de 168.000.000, ont atteint le -chiffre de 252.000.000, augmentation frappante et qui -fait présager un avenir plus florissant. Les colis ont passé<span class="pagenum" id="Page_255">[Pg 255]</span> -de 1.920.000 à 2.455.000, le poids en kilogrammes étant -de 7.155.000 contre 5.509.000 l'année précédente, avec, -naturellement, une augmentation correspondante de -valeur; cette progression est à remarquer, surtout étant -donné qu'on exige l'assurance de tout colis ayant une -valeur de 30 piastres et plus. Les lettres chinoises des -entreprises privées se sont élevées de 6 à 8.000.000, avec -un poids de 83.000 kilog., contre 74.000 l'an passé, ce -qui montre non pas que les entreprises privées deviennent -de plus en plus prospères, au détriment de la -Poste impériale, mais qu'elles se servent de plus en plus -des facilités qui leur sont accordées par cette Poste. Les -mandats d'argent ont également augmenté; ils représentent, -tant en émission qu'en paiements de mandats, un -mouvement de fonds de 5.000.000 de taels, soit un demi-million -de plus que l'année dernière.</p> - -<p>Le revenu postal a beaucoup augmenté, et dans de -meilleures proportions, étant donné que, d'année en -année, le développement du service exige de nouvelles -dépenses par suite d'améliorations introduites dans l'organisation -générale, et aussi vu l'augmentation du traitement -du personnel.</p> - -<p>En général, les opérations postales ont été faites partout -avec régularité, quoique certaines difficultés aient -été éprouvées sur quelques points.</p> - -<p>Des arrêts se sont produits sur la ligne Pékin-Hankeou, -occasionnés par l'enlèvement des rails, à la suite de -grandes inondations. Des inondations ont eu lieu également -dans le district de Wou-Hou et ont amené des -retards au service des courriers et des chaloupes de -transport.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_256">[Pg 256]</span></p> - -<p>Cha-Che (Shasi) n'a pas donné comme d'habitude, par -suite d'un ralentissement dans le commerce et de la rareté -de l'argent. Au Yunnan la brusque suppression de la culture -du pavot tend à diminuer. Quant à présent, avec l'esprit -d'entreprise, on espère que, grâce à la plantation du -maïs, le Yunnan va retrouver une ère de prospérité dont -profitera naturellement la Poste, mais il faudra, comme -on l'a fait l'année dernière en Mandchourie, qu'on relâche -un peu les restrictions qui pèsent sur l'exportation des -céréales aux frontières du Tonkin.</p> - -<p>Comme on le remarquera plus loin, le progrès a été -général, les lignes de courriers ont été étendues, la transmission -accélérée; les communications par chemin de fer -se sont développées dans plusieurs directions, et dans tous -les districts de nouveaux bureaux postaux ont été ouverts, -plus particulièrement dans la vallée du Yangtseu.</p> - -<p>IV.—On pourra mieux se rendre compte de l'œuvre -poursuivie en se référant aux renseignements ci-dessous -qui montrent l'œuvre accomplie par la Poste depuis plusieurs -années.</p> - -<p>Le Haut et le Bas-Yangtseu possédaient en 1909 (janvier), -969 bureaux ou agences, et avaient expédié ou reçu -123.000.000 d'articles divers de correspondance et -1.017.000 colis postaux.</p> - -<p>Le groupe de la Chine centrale comprend le Sseu-Tchuen, -le Kouei-Tcheou, le Houpe, le Hounan et le Kiang-Si, et -dans cette vaste étendue de territoire le progrès postal a -été constant, l'augmentation se chiffrant par 86 nouveaux -bureaux, 8.000.000 de dépêches, 28.000 colis.</p> - -<div class="figcenter illowp100" style="max-width: 70em;"> - <img class="w100" src="images/301.jpg" alt="" /> - <div class="caption">Sur le Haut Yangtseu.</div> -</div> - -<p>Au Sseu-Tchuen, la direction principale du district a -été transportée de Tchong-King à Tcheng-Tou et placée<span class="pagenum" id="Page_257">[Pg 257]</span> -sous la haute main d'un directeur provincial. Cette transformation -a été bien accueillie par tous les fonctionnaires -de la province, et il est à croire que le service va se développer -normalement. Quelques pas en avant ont été déjà -faits: les bureaux ont passé de 151 à 178. Le sous-district -de Wouan-Chien, bien que se trouvant dans la province -du Sseu-Tchuen, relève encore du directeur des postes -d'Itchang. L'extension du service a été poursuivie systématiquement -dans les districts au nord et au sud du -fleuve, et les bureaux ont passé de 15 à 34, les dépêches -de 320.000 à 404.000. Dans la province de Kouei-Tcheou, -où un seul employé européen, résidant à Kouei-Yang, -surveille les opérations, les dépêches ont augmenté de -167.000 à 408.000, et l'extension a été activement poursuivie, -surtout dans la section nord.</p> - -<p>Le Houpe, avec ses trois centres de Itchang, Cha-Che -et Hankeou, montre également une avance continue, mais -cependant pas en proportion des résultats obtenus dans -les provinces du nord. Hankeou, avec les deux villes très -peuplées de Hanyang et Wou-Tchang tout à côté, est considérée -comme destinée à un grand avenir; cependant les -entreprises particulières ou Sin-Kiu y tiennent bon; le -progrès est continu, mais lent. La correspondance figure -au tableau pour 16.000.000; les colis pour 113.000; -38 bureaux auxiliaires ont été ouverts dans tout le district, -qui sous peu seront convertis en bureaux.</p> - -<p>Dans la province du Hounan, à l'entour des deux centres -de Yo-Tcheou et Tchang-Cha, le service postal a donné -de bons résultats: à Tchang-Cha, 1.000.000 de correspondances; -les colis par contre ont diminué sensiblement. -Ceci est dû probablement à ce qu'on expédie maintenant<span class="pagenum" id="Page_258">[Pg 258]</span> -par le Tonkin les colis destinés au Kouei-Tcheou et au -Yunnan.</p> - -<p>Du Kiang-Si dont la direction principale est à Kieou-Kiang, -on a eu également des résultats appréciables: les -bureaux ont augmenté de 61 à 84, et le total des recettes -fait supposer que d'ici peu ce district couvrira tous les -frais.</p> - -<p>Le Bas-Yangtseu.—Cette division, comprenant les -provinces du Ngan-Houei, du Kiang-Sou et du Tche-Kiang, -donne une augmentation de 42 bureaux, 34 millions -d'articles de correspondance et 83.000 colis. Dans le -Ngan-Hoei, les districts de Ta-Tong et Wou-Hou font -plus que couvrir leurs dépenses et vont sans cesse en -augmentant.</p> - -<p>Le Kiang-Sou, avec ses quatre centres importants: -Nankin, Tchen-Kiang, Changhai et Sou-Tcheou, continue -à faire des progrès énormes. En les passant en revue, -on trouve que Nankin est en voie de devenir un des -bureaux les plus productifs et que, en dépit de la pauvreté -si discutée de sa région, l'avenir postal semble devoir être -brillant: les opérations en une année se sont élevées de -4.000.000 à 7.000.000. Tchen-Kiang également a été de -l'avant, les opérations ayant augmenté de près de 3.000.000 -et les recettes balançant presque les dépenses. L'ouverture -du chemin de fer de Changhai viâ Sou-Tcheou et -Tchen-Kiang à Nankin a bien accéléré les opérations, et -il faut rendre ce qui leur revient aux autorités du chemin -de fer, qui ont bien voulu donner toutes les facilités pour -rendre plus rapide et plus efficace le service postal. Le -district de Tchen-Kiang a pris de telles proportions -actuellement, qu'un sous-directeur y a été nommé, qui<span class="pagenum" id="Page_259">[Pg 259]</span> -viendra en aide au directeur principal (le commissaire de -la douane) trop chargé de travail.</p> - -<p>Le principal marché de la Chine, Changhai, continue à -prendre un développement postal énorme, ce qui est tout -naturel puisqu'il est, grâce aux nouvelles lignes de chemin -de fer, de plus en plus en communication avec les -autres provinces. Aussi les matières expédiées, correspondances -et autres, donnent-elles un chiffre de 51.000.000. -Si rapide est l'accroissement dans chaque branche du service -postal (lettres, journaux et colis), qu'on croit que le -nouvel hôtel des postes, construit cependant tout récemment, -sera tout à fait insuffisant pour les besoins du service. -Le système des boîtes de ville a donné de bons résultats. -Les journaux ont fourni beaucoup: 108 journaux sont -édités aujourd'hui à Changhai, contre 80 en 1907.</p> - -<p>A Sou-Tcheou les articles postaux sont passés de 3 à -5.000.000, et les colis de 27.000 à 30.000. Cette direction -a acquis de l'importance parce qu'elle est devenue le bureau -d'échange des courriers venant de Hang-Tcheou, de, et -pour Changhai et les ports de la rivière. Les recettes sont -très élevées. Les transactions postales de la province du -Tche-Kiang sont à la charge des bureaux de Hang-Tcheou, -Ning-Po et Wouen-Tcheou (Wenchow). Dans ces trois -localités, des progrès satisfaisants ont été notés, et le -premier de ces bureaux, celui de Hang-Tcheou (Hangchow), -depuis déjà quelques années, couvre ses frais et -améliore constamment ses revenus.</p> - -<p>La province du Yunnan a aussi donné d'assez bons -résultats, malgré les circonstances désastreuses qu'elle a -traversées, telles que les révoltes du Tonkin, l'occupation -de Ho-Keou (Hokow) par les soi-disant réformistes et la<span class="pagenum" id="Page_260">[Pg 260]</span> -crue anormale de la rivière Rouge en novembre, qui a -dévasté Man-Hao et Ho-Keou et causé la destruction du -chemin de fer à Yen-Bay et Laokay. Dans le district de -Mong-Tseu le chiffre de la correspondance a passé de -855.000 à 1.242.000, et les colis de 9.000 à 25.000. Les -dépêches lourdes ont toutes pris le chemin de Haiphong -au lieu d'être expédiées sur Yo-Tcheou comme autrefois. -Quant à Sseu-Mao et Teng-Yueh, ils ont réalisé tout ce -qu'on peut attendre de districts aussi éloignés et aussi -inaccessibles.</p> - -<p>En 1908, 2.455.000 colis sont passés par les mains de -la poste, ce qui représente une augmentation de 535.000 -par rapport à l'année précédente. Cette augmentation est -surtout remarquable dans les localités suivantes:</p> - -<table summary=""> -<tr><td>Hankeou </td><td> 85.000 </td><td> 113.000</td></tr> -<tr><td>Tchen-Kiang </td><td> 87.000 </td><td>122.000</td></tr> -<tr><td>Changhai </td><td> 302.000 </td><td>317.000</td></tr> -<tr><td>Mong-Tseu </td><td> 9.000 </td><td> 25.000</td></tr> -</table> - -<p>L'administration estime qu'il y avait 2.229.000 colis ordinaires -représentant une valeur de 22.000.000 de piastres, -et 216.000 colis assurés pour 14.435.000 piastres et -10.000 autres colis commerciaux d'une valeur de -109.000 piastres. La valeur totale des colis assurés s'est -élevée de 3.000.000 de piastres à plus de 14.000.000 de -piastres, ce qui est dû à l'obligation d'assurer les colis d'une -valeur de 30 piastres et plus. Le commerce par colis des -soies de Sou-Tcheou, Nankin, dans toutes les provinces de -Chine, continue à être florissant, mais c'est surtout pour la -transmission d'objets de nécessité journalière entre les<span class="pagenum" id="Page_261">[Pg 261]</span> -ports et la côte, que le colis postal est employé. Il faut -observer une fois de plus que, considérant les conditions -de transport par courriers, sur des routes difficiles, pour -ne pas dire inexistantes, le prix des colis pour l'intérieur -et principalement pour les provinces éloignées du Sseu-Tchuen, -du Yunnan et du Kouei-Tcheou, n'est pas en rapport -avec les dépenses occasionnées. En général, le service -des colis postaux est fait par des chars, des animaux -de bât loués dans l'intérieur des districts; mais sur les -routes souvent impraticables et toujours pénibles du Yunnan -et du Kouei-Tcheou ou du Sseu-Tchuen, les conditions -sont telles qu'on ne peut employer que des hommes. -Dans beaucoup d'endroits on court des risques par suite -du brigandage, bien qu'en général les pillards ne s'attaquent -pas aux sacs de dépêches, lesquels sont presque -toujours retrouvés.</p> - -<p>Les articles de valeur expédiés, consistant surtout en -soie, broderies, fourrures, perles, jade, livres, médecines, -pilules, vêtements, souliers, conserves alimentaires, -objets manufacturés, sont communément envoyés par colis -postal. A Sou-Tcheou et Hang-Tcheou, la majeure partie -des colis expédiés contenaient des pièces de soie et broderies, -se chiffrant respectivement par 21.800 et 38.000. C'est -une chose assez ordinaire à Sou-Tcheou de livrer 300 colis -par jour, et le chemin de fer a dû faire construire des hangars -spéciaux pour arriver à loger la quantité de colis -expédiés journellement. Il est à noter que le deuil national -à l'occasion de la mort de l'Empereur et de l'Impératrice -a, pour un temps, tout à fait arrêté l'expédition des colis -postaux. Tous les colis payent un droit, et à Sou-Tcheou -il fut perçu une somme totale de 45.000 piastres, soit<span class="pagenum" id="Page_262">[Pg 262]</span> -25 pour 100 du revenu total du port, et cela sur les colis -renfermant de la soie.</p> - -<p>A Nankin, la valeur des colis pour l'intérieur est montée -de 176.000 à 348.000 piastres. Parmi les colis internationaux -reçus à Changhai, 15.500 provenaient des bureaux -de poste étrangers.</p> - -<p>Les articles recommandés ont passé de 15 à 19 millions.</p> - -<p>La poste chinoise possède comme le Japon un service -de distribution rapide moyennant une surtaxe. Actuellement -ce service ne peut fonctionner dans l'intérieur et -sept bureaux seulement en font l'essai. Ce service semble -prendre assez bien, puisque de 221.000 lettres délivrées -par lui en 1907, il est passé à une distribution de 317.000 -en 1908.</p> - -<p>Dans le Yangtseu, Changhai et Hankeou sont les deux -villes où ce service fonctionne.</p> - -<p>Les articles d'argent ont continué de progresser, et, -en réalité, plus que ne le désire l'administration impériale -des postes qui, avec ses moyens très restreints, trouve ce -service bien compliqué et difficile, et ne désire nullement -prendre la place des banquiers. Ces opérations sont un -sujet d'ennuis constants dus aux risques à courir, en -faisant un transport de fonds dans l'intérieur, et aux difficultés -du change sur les différentes provinces. Malgré -toute l'attention et toute la bonne volonté, toute la vigilance -des agents de la poste, il est très difficile, par -exemple, d'arriver à une taxe exacte entre les différentes -provinces. Néanmoins on a expédié 2.578.000 taels au -lieu de 2.221.000 l'année dernière, et la poste a payé -2.570.000 taels au lieu de 2.204.000 en 1907.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_263">[Pg 263]</span></p> - -<p>Dans beaucoup de provinces il y a encore du terrain à -gagner par l'administration postale; ainsi les Sin-Kiu -possèdent d'excellents services au Sseu-Tchuen, et le programme -à exécuter par la poste impériale dans cette province -est d'accélérer les services sur les longues distances, -d'établir des courriers de jour et de nuit, comme ceux -que l'on va créer entre Wouan-Chien et Tchong-King et -Wouan-Chien et Tcheng-Tou; il est nécessaire d'en établir -rapidement sur d'autres points importants de la province. -Dans le district de Wouan-Chien, une plus grande -extension a été donnée aux lignes de courriers vers Tong-Lieng -(500 li), Kouei-Tcheou-Fou (90 li), Miao-You-Tsao -(90 li), pays qui jusqu'alors n'avaient pas été desservis -par la poste impériale. Dans le district de Cha-Che -(Shasi), trois nouveaux services ont été inaugurés, le plus -important étant King-Meun-Tcheou, dans le nord, lequel -promet d'être très fructueux. Yo-Tcheou a été relié avec -le district de Tchong-King par Sieou-Chou, et avec le district -de Canton par Kou-Yi, à l'aide de nouveaux services -au nombre de six, faits par des courriers qui couvrent une -distance de 5.600 li.</p> - -<p>Kouei-Yang-Fou, capitale du Kouei-Tcheou, à la tête -d'un district vaste mais fort peu peuplé, a augmenté le -service de ses courriers sur 1.400 li. Kieou-Kiang a de -même poussé vigoureusement l'amélioration de son service -et y a ajouté treize nouvelles lignes d'une longueur -totale de 2.000 li. Wou-Hou a organisé trois nouveaux -services; Nankin, deux; Tchen-Kiang, sept.</p> - -<p>Dans le district de Mong-Tseu, les courriers couvrent -9.400 li et se rejoignent tous en un seul réseau; l'attention -de l'administration impériale a été surtout attirée vers<span class="pagenum" id="Page_264">[Pg 264]</span> -l'amélioration des routes existantes, les plus importantes -étant Yuen-Kiang—Sin-Ching qui est destinée à abréger -la route Yunnan-Fou—Sseu-Mao, et la ligne de Heou-Yen-Tsing -à Yuan-Meou qui évite un détour de 500 li par -Yunnan-Fou, à la correspondance qui provient des puits -de sel de Houei-Li.</p> - -<p>De même que les lignes de courriers par terre, le service -par eau se développe également, le total des lignes -de navigation intérieure étant passé de 18.500 à 20.500 li. -La flottille de Tchong-King—Wouan-Chien, composée -de sept jonques, marche très bien, malgré les difficultés -et les dangers; l'été dernier l'une d'elles naufragea près de -Tchang-Cheou; toutes les dépêches furent submergées, -mais finalement repêchées. Le temps moyen pour le voyage -en remontant le fleuve est de sept jours; le plus rapide -jusqu'à présent a été de cinq jours dix-huit heures. La -communauté de Tchong-King est unanime à rendre hommage -au mérite de ces hommes qui dirigent les jonques -postales, humbles mais loyaux serviteurs qui donnent leur -temps, leur force et aussi, malheureusement, quelquefois -leur vie à la tâche difficile de piloter leurs bateaux dans -les gorges dangereuses et rapides du terrible Yang-Tseu-Kiang. -Six d'entre eux furent noyés dans l'été de 1908.</p> - -<p>Wouan-Chien, où un inspecteur des postes réside, à -moitié chemin entre Itchang et Tchong-King, est le point -où convergent les deux services de jonques postales de -Tchong-King et d'Itchang; de ces deux services, les -sept bateaux allant de Wouan-Chien à Itchang ont fait -160 voyages en 1908, couvrant 326.400 li; et ceux qui -courent entre Wouan-Chien et Tchong-King ont fait -180 voyages couvrant 316.000 li. Yo-Tcheou a des jonques<span class="pagenum" id="Page_265">[Pg 265]</span> -postales faisant le service de Tchang-Cha (360 li), de -Tchang-Te-Fou (580 li) et de Tchang-Te à Tchen-Yuan -(1.510 li), en tout 2.540 li.</p> - -<p>Hankeou a ouvert récemment un service entre Tien-Kia-Tchen -et Wou-Siue.</p> - -<p>Kieou-Kiang se sert d'une jonque pour faire un service -de nuit entre Yao-Tcheou et Che-Tchen-Kai.</p> - -<p>Tchen-Kiang emploie trente-sept jonques qui font en -moyenne 10 li par heure.</p> - -<p>Sou-Tcheou possède quarante-deux bateaux sur 837 li -et Hang-Tcheou, quarante-quatre sur 2.000 li.</p> - -<p>Les chemins de fer, sur lesquels l'administration des -postes compte tant pour son développement futur, continuent -de couvrir peu à peu le sol chinois, et déjà des -lignes d'une certaine étendue relient entre eux quelques-uns -des plus grands centres. La voie ferrée pénètre à -Hankeou, à Nankin, et ces deux villes reçoivent très -rapidement les correspondances d'Europe, grâce à la ligne -Hankeou-Pékin. Lorsque sera achevée celle qui doit -courir entre Hankeou et Canton, le bassin du Yang-Tseu-Kiang -sera admirablement desservi par son port central, -Hankeou.</p> - -<p>Au Yunnan, la construction du chemin de fer français, -terminée complètement jusqu'à Yunnan-Fou, rend un -service inappréciable à l'administration des postes.</p> - -<p>Une notable portion de la correspondance confiée à -l'administration impériale des postes est transportée par -des vapeurs entre les ports et dans les endroits qui leur -sont accessibles dans l'intérieur; aucune opportunité n'est -négligée pour se servir autant qu'on le peut de ce moyen -utile et rapide pour accélérer la transmission des correspondances.<span class="pagenum" id="Page_266">[Pg 266]</span> -Sur le Haut-Yangtseu, entre Itchang et Cha-Che -(Shasi), les services des compagnies chinoise, anglaise -et japonaise sont mis à contribution, et la transmission -se fait régulièrement; de courtes interruptions se sont -produites cependant en mars et en novembre, par suite -de la baisse des eaux de la rivière. Pendant le mois d'août -les malles furent confiées à des chaloupes chinoises entre -Itchang et Itou; mais cet essai fut malheureux et on dut -y renoncer à cause du peu de régularité des voyages de -ces chaloupes. Des chaloupes transportent également la -correspondance entre Yo-Tcheou et Tchang-Cha. De Hankeou, -une vraie flotte de navires de nationalités variées -fait le service: anglais, allemands, français, japonais et -chinois; des arrangements ont été conclus avec tous pour -le transport des malles de l'administration impériale.</p> - -<p>Qu'est donc devenu dans tout ceci le service des entreprises -particulières? Si, comme on l'a déjà vu, les lettres -portées par le service impérial pour le compte de ces -agences a dépassé 2.000.000, la conclusion à en tirer est -que ces agences indigènes renoncent à leurs propres courriers -et se servent du service de la poste; elles limitent -leurs opérations à la levée et à la distribution locales. -Chaque lettre paye le tarif; donc il est juste de dire que ces -agences travaillent pour la poste et lui viennent en aide -pour la levée et la distribution de la correspondance. -Dans beaucoup de centres, les populations chinoises sont -si nombreuses, qu'il faudra des années avant de pouvoir -installer la poste officielle d'une façon saine et régulière; -les entreprises particulières viennent donc naturellement -suppléer au service de la poste, et cela a été une excellente -chose de les obliger à se faire enregistrer au bureau<span class="pagenum" id="Page_267">[Pg 267]</span> -de poste le plus proche. Les statistiques prouvent que, -en bloc, plus de la moitié des entreprises privées qui -existent actuellement ont été enregistrées; le reste continue -à ses risques et périls et, comme il est difficile de -les rechercher partout et d'avoir recours contre elles à -la coercition, on les laisse faire. Elles mourront toutes -seules. Des enquêtes ont été entreprises sur la condition -présente des Sin-Kiu, et elles ont donné des chiffres intéressants -et qui montrent bien la décroissance continue -des entreprises particulières, sauf dans les districts -montagneux du Sseu-Tchuen et du Yunnan, où cependant -elles finiront également par disparaître comme ailleurs.</p> - -<p>Les postes étrangères continuent de fonctionner dans -les principaux ports ouverts, et notamment, dans le -bassin du Yangtseu, Changhai et Hankeou possèdent des -bureaux anglais, allemands, français, japonais et russes.</p> - -<p>Un bureau de poste français existe aussi à Tchong-King, -mais comme ses transactions se bornaient à fort -peu de chose, le gouvernement de l'Indo-Chine, duquel -il relevait, a décidé sa suppression.</p> - -<p>V.—Le télégraphe a été installé pour la première -fois dans l'Empire chinois en 1877. Il existait le câble -danois à Changhai pour les relations avec l'Europe et -l'Amérique, mais aucune ligne télégraphique n'avait touché -le sol chinois dans l'intérieur. En 1876, lors des négociations -avec la Russie pour l'évacuation de Kouldja, l'Impératrice -douairière fut surprise de voir que les réponses -à ses demandes ou objections arrivaient si rapidement -de Saint-Pétersbourg; le ministre de Russie lui fit comprendre -qu'elles venaient par fil jusqu'à la frontière même -de Mandchourie, ce qui simplifiait beaucoup les choses,<span class="pagenum" id="Page_268">[Pg 268]</span> -et que les négociations seraient encore bien plus rapides -si le télégraphe arrivait jusqu'à Pékin. L'Impératrice se -fit expliquer le fonctionnement du télégraphe et ordonna -immédiatement de l'installer entre Pékin et toutes les -capitales de provinces. Aujourd'hui chaque localité un peu -importante possède un bureau télégraphique, et les lignes -chinoises sont reliées par le nord aux lignes russes, par -le sud aux lignes françaises, et par l'ouest aux lignes -anglaises.</p> - -<p>Un vocabulaire des principaux caractères usuels a été -composé, comprenant environ dix mille signes idéographiques -représentés chacun par un groupe de quatre -chiffres arabes, de sorte qu'on peut télégraphier en -chinois comme en n'importe quelle langue du monde. Ce -service étant infiniment plus simple à organiser que le -service postal a fonctionné tout de suite d'une façon normale; -toutefois, un télégramme de l'intérieur peut quelquefois -se faire attendre trois ou quatre jours; car l'employé, -qui n'a généralement pas à transmettre beaucoup -de correspondances, n'est pas toujours à son poste et en -prend à son aise.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_269">[Pg 269]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_XVI">CHAPITRE XVI</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> - -<p>I. Anglais et Français dans le Yang-Tseu-Kiang.—II. Japonais et -Allemands.—III. Ce que les Français pourraient faire, et comment -ils devraient procéder.—IV. Nécessité d'apprendre la langue -chinoise.</p> -</div> - - -<p>I.—La Chine traverse actuellement une période de crise -politique et financière. Les esprits, mécontents de la défaite -subie dans la guerre avec le Japon, et surexcités à la suite -de la guerre russo-japonaise, se sont révoltés un peu partout -dans l'Empire; quelques Chinois plus ou moins versés -dans les langues et les sciences de l'occident se sont mis -à la tête d'un mouvement de réforme, la vieille Chine en -est ébranlée jusque dans sa base; il est question de parlement -et, pour le moment, déjà les assemblées provinciales -se réunissent. La Chine se réveille d'un long sommeil; elle -va se remettre à vivre et le commerce général ne pourra -qu'en bénéficier. Les Anglais, eux, ont déjà pris position -et depuis longtemps; quand les premiers ports furent -ouverts deux puissances étaient plus que toutes les autres -en état d'en profiter: l'Angleterre et la France. Mais seule -la première sut, comme partout ailleurs dans le monde,<span class="pagenum" id="Page_270">[Pg 270]</span> -tirer parti de la situation. Négociants et capitaux -affluèrent sur les rives du Houang-Pou et dans le Yang-tseu, -et bientôt l'on ne vit plus que le pavillon britannique -et l'on n'entendit plus que la langue anglaise sur tout le -littoral chinois. Cependant les Français avaient fait -quelques timides essais à Changhai et à Hankeou. Dans -le premier de ces ports ils conservèrent une situation tout -à fait subalterne, dans le second ils disparurent. Si j'en -crois de vieux documents, il y avait à Hankeou, en 1864, -cent Anglais et quinze Français; les cent Anglais sont -devenus mille; quant aux Français, ils s'étaient complètement -évanouis jusqu'en 1895 où reparaissent quelques -rares représentants de maisons de Changhai. Il résulte -de cette mainmise britannique sur les ports ouverts et -sur le trafic, de cet afflux de capitaux et de bonne -volonté, de l'effort de travailleurs énergiques et persévérants, -que pendant cinquante ans l'Angleterre seule a -compté en Chine et que, même maintenant, malgré les -compétitions, malgré les concurrences, elle est encore au -premier rang; sa langue est devenue la langue officielle -sur tous les points du territoire chinois.</p> - -<p>Pourquoi donc n'avons-nous pas conquis notre place sur -le marché chinois, puisque nous en avions toute la latitude? -On peut donner beaucoup de raisons de notre effacement: -la vraie est, je crois, que nous ne sommes pas -négociants, nous ne sommes pas commerçants, nous -sommes des terriens et des guerriers, et la preuve en est -dans nos occupations coloniales; nous y restons toujours, -comme les Espagnols, une manière de conquistadores. A -cela s'ajoute le manque de persévérance, de patience, et -la peur de risquer. Enfin la plaie de la France, au point<span class="pagenum" id="Page_271">[Pg 271]</span> -de vue du commerce extérieur et du développement des -affaires avec l'étranger, c'est l'économie avare qui sévit -sur toutes les classes de la population. Cette fureur d'économiser -qui nous rend riches chez nous, brise l'esprit -d'entreprise et d'initiative personnelle. Aussi, tandis que -des pays moins riches que le nôtre, comme l'Allemagne -et le Japon, prennent dans les affaires du monde une place -de plus en plus considérable, nous reculons.</p> - -<p>Et puis, ceux qui se décident à essayer du commerce -avec la Chine semblent ne pas s'en former la moindre -idée. Le nombre de lettres fantastiques que reçoivent nos -consuls est incroyable. Je citerai deux exemples. Une -maison française propose la combinaison suivante: «Le -consul la mettra en rapport avec une maison chinoise, -laquelle lui enverra ses produits: ces marchandises seront -vendues en France, mais au lieu de l'argent réalisé par -la vente, le Français, lui, qui est marchand de conserves, -enverra pour une égale somme de marchandises au -Chinois, qui les vendra et se payera ainsi.»</p> - -<p>Une autre maison écrit au consul d'endosser les commandes -faites à elle par une maison indigène!</p> - -<p>Tout cela est-il raisonnable?</p> - -<p>II.—Pourquoi nos maisons n'ont-elles pas, comme les -Allemands et les Japonais notamment, des représentants -sur place? Nous avons institué des écoles de commerce où -se forment théoriquement des jeunes gens qui sortent -munis de diplômes, et les plus forts obtiennent des bourses -pour demeurer deux ans dans un pays étranger. Ces jeunes -gens, au lieu d'aller pendant deux ans perdre plus ou -moins leur temps, ne devraient-ils pas être employés par -des maisons de commerce et expédiés, par exemple, en<span class="pagenum" id="Page_272">[Pg 272]</span> -Chine? Là, au centre même du marché à exploiter, et ayant -intérêt à l'exploiter au profit de la maison qui les paye, -ces jeunes gens s'initieraient à leurs métiers, apprendraient -à connaître les articles, ce qu'ils se vendent, ce -qu'ils payent de droits de douanes, le prix du fret, et -enfin tout ce qui concerne les différentes marchandises. -Il leur serait facile de se procurer sur place tous les -échantillons désirables et de les envoyer à leurs maisons -qui sauraient ainsi ce qu'il faut expédier et dans quelles -conditions; quant à l'exportation, ils seraient au premier -rang pour se rendre compte par eux-mêmes de ce qui -peut, avec utilité et profit, s'exporter en France.</p> - -<p>De cette manière le jeune employé serait mis au courant -vite et bien, et pourrait alors créer et installer dans le -pays de sa résidence une succursale de la maison qui -l'emploie et développer ses affaires au fur et à mesure.</p> - -<p>Mais quelle est la maison, même considérable, qui voudrait -entretenir, un ou deux ans, un agent à ses frais sans -que cela lui rapporte immédiatement? En France on ne -sait pas risquer<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">[17]</a>. Encore une fois nos principes d'économie<span class="pagenum" id="Page_273">[Pg 273]</span> -et de prévoyance rapace qui sont notre force à l'intérieur, -sont cause que nous n'osons rien tenter à l'étranger. -Pour faire, en effet, du commerce dans ces pays de Chine, -il faut savoir oser et ne pas craindre d'avoir à perdre une -certaine somme pour un apprentissage qui dans la suite -fera rentrer des bénéfices; et puis, enfin, chacun sait que -dans le commerce, comme partout, plus que partout peut-être, -il faut risquer pour récolter. Or le Français n'aime pas -les risques, et je ne suis pas éloigné de croire qu'il voudrait -bien se servir des agents consulaires et des attachés -commerciaux comme d'agents de placement officiels et -garantis par le gouvernement.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> Il est bon cependant de savoir risquer quelquefois; en voici un -exemple. Quand j'ai organisé la concession française à Hankeou, j'ai mis -nos compatriotes d'Extrême-Orient au courant de ce qu'ils pourraient -tenter, comme affaires, dans ce port qui prenait un développement de -plus en plus considérable. Notamment j'avais conseillé la construction -d'un hôtel, établissement qui n'existait pas à Hankeou et qui, cependant, -était d'une nécessité urgente, étant donnés les nombreux Européens qui -chaque semaine, chaque jour même, y débarquaient. Un de nos compatriotes -établi au Japon accourut et mit le projet d'hôtel à exécution. Il -réussit si bien que, au bout de trois ans, il revendit son fonds avec terrain -et immeuble. De là il alla reprendre une affaire qui tombait, à -Changhai, et la remit en bonne voie; survint la guerre russo-japonaise et -le blocus de Port-Arthur. Cet homme entreprenant et énergique quitta -Changhai et alla s'installer à Nagasaki pour être au courant des nouvelles; -puis, achetant trois vapeurs, il risqua sa fortune dans le ravitaillement -de Port-Arthur; il réussit et ses bateaux passèrent malgré l'escadre -japonaise. Quand la guerre fut terminée, ce vaillant monta une compagnie -de navigation à vapeur entre Tien-Tsin et les ports du Sud.</p> - -<p>Que n'avons-nous seulement cinq hommes aussi énergiques dans chaque -port d'Extrême-Orient!</p> - -</div> - -<p>III.—Aussi, que les bateaux à vapeur finissent par -remonter jusqu'à Tchong-King, que le chemin de fer du -Yunnan aille rejoindre Soui-Fou, que la Chine soit enfin -ouverte totalement au commerce étranger, les Anglais, -les Allemands, les Américains et les Japonais en profiteront, -les Français bien peu, à moins de changer leur -manière de procéder. Un consul résidant à Hankeou -en 1865, 66, 67, disait déjà ces choses et constatait avec -peine le peu de succès de ses conseils!</p> - -<p>Aujourd'hui, que la Chine est accessible un peu partout, -il serait possible d'établir, d'accord avec des négociants -chinois sérieux et ayant une certaine surface, des comptoirs -mixtes sino-français. C'est ce que conseille en ces -termes un de nos agents<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">[18]</a>. «Pour étendre le rayon -d'action des comptoirs mixtes (fondés avec un personnel<span class="pagenum" id="Page_274">[Pg 274]</span> -chinois) et faciliter l'écoulement de leurs stocks, des -établissements de second ordre, à la tête desquels seraient -placés des parents ou des amis des associés chinois, pourraient -être ouverts dans les principales villes de l'intérieur, -et tout d'abord dans celles situées à peu de distance -des ports où seraient installés les comptoirs.»</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Rapports commerciaux et consulaires, nº 756.</p> - -</div> - -<p>En dehors des villes ouvertes, on ne connaît guère en -Chine les expositions périodiques, les offres exceptionnelles, -la vente réclame, l'article réclame. D'un autre côté, -si les façades luxueuses ne sont pas rares dans l'intérieur -du pays (la façade a son importance en Chine comme -ailleurs), les étalages y présentent encore moins d'attrait -que sur la côte. Les boutiques y sont mal aménagées, mal -tenues, mal éclairées. Le commerçant français pourrait -donc y introduire par l'intermédiaire de son associé -chinois, avec les améliorations nécessaires, les procédés -usités en Europe pour attirer le chaland.</p> - -<p>Quels sont les principaux articles qui entreront dans la -composition des magasins franco-chinois?</p> - -<p>En outre des vins et des liqueurs, des eaux minérales, -des conserves, des confitures, des beurres, des laits condensés -et autres produits alimentaires consommés surtout -par les étrangers, avec quelques vins spéciaux destinés -aux indigènes, on devra y trouver un grand choix de -rubans (l'article de Saint-Étienne dont les femmes -chinoises font tant de cas), de soieries avec dessins -chinois, des velours et peluches, des satins imprimés, des -reps, des fils d'or et d'argent, des flanelles de coton, des -couvertures de laine, des tulles pour moustiquaires, un -peu de mercerie et de papeterie, des instruments d'optique, -jumelles marines et de théâtre, petits télescopes, des produits<span class="pagenum" id="Page_275">[Pg 275]</span> -pharmaceutiques, quinine, vins fortifiants, antiseptiques, -savons de toilette et en barre, parfums, pommades, -eaux de toilette, bougie, bijouterie, horloges et montres, -fusils de chasse.</p> - -<p>Voici, d'ailleurs, comme indication complémentaire, la -traduction d'une annonce de mise en vente d'articles -étrangers que je vois dans un journal indigène. La maison -chinoise qui a fait insérer cette annonce—il s'agit -d'un grand magasin sur un port ouvert—informe le public -qu'elle offre à des prix très raisonnables: des médicaments, -des longues-vues, des lanternes ordinaires, sourdes -et de projection, des lampes-appliques, des suspensions, -des pompes à incendie, des coffres-forts et cassettes métalliques -avec serrure de sûreté, des piles, coupes et sonnettes -électriques, des fusils à air, des engins de pêche, -des pièges, des boîtes à musique, des phonographes et -des graphophones, des machines à coudre, des horloges, -des pendules murales, des montres et des porte-montre -en ivoire, des diamants de vitrines, des outils pour menuisiers, -serruriers et horlogers, des bicyclettes, des vélocipèdes -pour enfants, des jouets, des lunettes et conserves -avec monture or et simili-or, des vernis de toutes couleurs, -des engrais chimiques.</p> - -<p>J'ajouterai qu'à ma connaissance, les boutiquiers de -l'intérieur qui font le commerce d'articles étrangers tiennent -principalement: des serviettes, des couvertures, manteaux -et pèlerines en poils, genre tissu poil de chameau, -de petites malles en peau de porc (imitation surtout), de -la porcelaine, des conserves de poisson, des cigarettes, -des allumettes et des parasols fabriqués au Japon, ainsi -qu'une grande variété de drogues de même origine, avec<span class="pagenum" id="Page_276">[Pg 276]</span> -du tabac anglo-américain, des lampes à pétrole, des lanternes, -des miroirs, des savons et de la quincaillerie européenne -et américaine; cuvettes, théières, bouillottes, bols, -tasses et autres récipients en fer émaillé. Comme on le -voit, dans cette partie de l'Empire ce sont les produits -japonais dont les prix défient toute concurrence qui font -prime sur les marchés de l'intérieur; mais il y a place à -côté d'eux pour plusieurs articles dont notre pays a la -spécialité; les Chinois voyagent beaucoup et s'habituent à -la longue au confort européen.</p> - -<p>Je suis persuadé que les comptoirs ou bazars franco-chinois -qui seront organisés sur les bases et d'après la -méthode que j'ai indiquées plus haut feront d'excellentes -affaires si les associés sont sérieux, entreprenants, s'entendent -bien et ont à cœur de réussir. Rien n'empêchera, -d'ailleurs, ces associations d'étendre par la suite le -champ de leurs opérations en s'occupant aussi d'exportation, -soit pour leur propre compte, soit simplement pour -celui d'autres maisons.</p> - -<p>Les diverses provinces de l'Empire, principalement -celles qui forment le bassin du Yangtseu, et notamment le -Sseu-Tchuen, offrent une grande variété de matières premières -et de produits manufacturés fort prisés à l'étranger, -et dont le trafic est par conséquent rémunérateur. -On n'ignore point qu'en dehors des soies et soieries, des -tresses de paille, des thés, des pelleteries et fourrures, des -curiosités et des porcelaines, qui font depuis longtemps -l'objet d'un commerce plus ou moins considérable avec -notre pays, nombre d'autres marchandises chinoises ont -trouvé également chez nous, ces dernières années, un -écoulement facile, grâce à d'intelligentes initiatives:<span class="pagenum" id="Page_277">[Pg 277]</span> -l'albumine et le jaune d'œuf; les poils et les cheveux; les -plumes, les fibres (ramie, chanvre et jute); cornes de -buffles, musc, camphre, noix de galle, rhubarbe, antimoine, -le suif animal et végétal, l'huile de bois (wood oil), -le sésame et les arachides, etc.</p> - -<p>Quelques maisons françaises font à Hankeou et à Changhai -l'exportation de ces matières, mais ce trafic peut considérablement -augmenter.</p> - -<p>Les Japonais, pour leur importation en Chine, ont, les -premiers, eu recours aux procédés des annonces destinées à -faire connaître leurs produits. Ces dernières années diverses -maisons américaines et anglaises ont suivi leur exemple, -et elles n'ont pas eu lieu de s'en repentir. On peut voir -aujourd'hui, collées aux murs par centaines, dans les rues -les plus fréquentées des principaux marchés de l'intérieur, -et même dans les villages, de grandes feuilles ornées de -dessins aux couleurs vives représentant telle ou telle -marque étrangère, et sur laquelle se détachent très nettement -quelques caractères chinois renseignant le public sur -la nature et l'origine des produits mis en vente et en faisant -l'éloge. Quelques-unes de ces affiches sont composées -avec goût et attirent tout particulièrement les regards -des passants. Il est évident que c'est là un puissant -moyen de réclame: il permet aux fabricants étrangers de -répandre leurs marques par toute la Chine; celles-ci s'imposent -fatalement à l'attention des consommateurs qui -finissent par se laisser tenter. Je ne puis que conseiller à -nos négociants d'adopter à leur tour ce procédé si pratique. -Si les Japonais continuent à dépenser de grosses -sommes en affiches chinoises illustrées, c'est qu'apparemment -ils y trouvent leur profit.</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_278">[Pg 278]</span></p> - -<p>Quant aux catalogues de marchandises, il faut qu'ils -soient en anglais et en chinois: c'est ce que comprennent -fort bien les Allemands et les Belges qui inondent la Chine -et le Japon de catalogues et d'annonces en anglais et en -chinois ou japonais. Les prix-courants de même doivent -être en chinois avec les prix en monnaie ayant cours en -Chine.</p> - -<p>Au reste, partout on reconnaît la supériorité commerciale -des Belges; il n'y a qu'à voir leurs sociétés Chine-Belgique, -et Japon-Belgique. Ce ne sont pas des assemblées -de voyageurs, d'artistes et de collectionneurs: ce -sont des sociétés commerciales; les renseignements les -plus complets et les annonces y sont en français, en -anglais, en chinois ou japonais, et ce sont des annonces -et des renseignements commerciaux; les bulletins sont -imprimés non pas sur papier de luxe, mais en grand -nombre et distribués partout, jusque sur les paquebots -d'Extrême-Orient.</p> - -<p>L'envoi d'échantillons aux maisons chinoises honorablement -connues et qui sont susceptibles de faire des commandes -devrait exister sur une grande échelle, sur une -très grande échelle. Et c'est justement à quoi nos maisons -de commerce répugnent; je me rappelle avoir demandé -une fois des échantillons de drap pour une maison chinoise -très sérieuse; on les lui a fait payer! Le résultat ne -s'est pas fait attendre. Stupéfaite du procédé, elle a payé -les échantillons, mais s'est adressée en Angleterre pour -avoir ce qu'elle voulait.</p> - -<p>Il ne faut pas, en expédiant des échantillons, se contenter -d'envoyer des boîtes, des flacons minuscules, insignifiants, -qui ne permettent généralement pas au client<span class="pagenum" id="Page_279">[Pg 279]</span> -de se rendre un compte exact de la valeur de la marchandise. -Qu'on fasse les choses plus largement, avec moins de -parcimonie, afin que les indigènes soient mieux à même -d'établir des comparaisons entre les divers produits qui -leur sont offerts, et aussi pour qu'ils aient, de suite, une -bonne opinion de la maison qui cherche à entrer en rapport -avec eux. Ce à quoi il faut viser avant tout, c'est à -inspirer confiance et à asseoir une fois pour toutes la -renommée d'un produit. Voilà la suprême habileté commerciale. -Qu'on s'impose donc pour atteindre ce précieux -résultat quelques sacrifices si c'est nécessaire. Qu'on distribue -dans les ports ouverts, qu'on fasse distribuer dans -l'intérieur du pays des paquets, des caisses d'échantillons -et que ceux-ci, je le répète, au lieu d'être de dimensions -réduites, représentent exactement la marchandise telle -qu'elle sera livrée à l'acheteur. La dépense sera nécessairement -assez forte, mais elle sera sûrement compensée -par de nombreuses commandes. Tandis que la distribution -de modèles insignifiants risquera fort de ne laisser derrière -elle aucune trace; on n'aura fait, au bout du compte, -que gaspiller et son temps et son argent. En somme, il -ne faut point perdre de vue qu'on ne saurait faire trop -d'avances aux futurs clients et ne jamais hésiter à les -relancer jusque chez eux, de manière à leur imposer pour -ainsi dire la marchandise.</p> - -<p>IV.—Les jeunes Français qui viennent s'établir en -Chine pour y tenter quelque entreprise commerciale devraient -se mettre, dès leur arrivée dans le pays, à étudier -la langue mandarine ordinaire, c'est-à-dire la langue non -littéraire, que l'on parle dans la bonne société et que, -dans toutes les provinces, de Pékin à Canton, de Changhai<span class="pagenum" id="Page_280">[Pg 280]</span> -à Tchong-King la majeure partie des commerçants comprennent; -la connaissance d'un dialecte local a beaucoup -moins d'utilité. Il est moins difficile qu'on ne le pense d'arriver -à posséder suffisamment cet idiome pour pouvoir -conclure soi-même un marché, se passer d'interprète en -voyage, etc... Il suffit généralement pour cela de deux -années de travail assidu. La plupart des jeunes employés -de commerce allemands s'astreignent, dès qu'ils ont mis -le pied sur le sol chinois, à étudier la langue du pays et, -après une année de séjour, ils sont déjà en mesure de -soutenir une conversation facile avec un indigène. Quant -aux chefs de maisons allemandes, presque tous parlent -chinois couramment. Aussi réussissent-ils là où d'autres -échouent. C'est à cette connaissance de la langue, qui leur -donne une grande supériorité sur leurs rivaux, qu'ils doivent -certainement une part de leur succès. Sachant -s'exprimer en chinois, et étant par conséquent tout à -fait au courant des mœurs, des usages, des rites chinois, -ils peuvent, à l'imitation des Japonais qui sont passés -maîtres en cet art et en retirent le plus grand profit, -entrer en rapports suivis avec le haut commerce chinois, -gagner sa confiance et son estime. Ils sont mieux considérés, -on ne les regarde plus, dans ce monde un peu -fermé, comme des étrangers, mais comme des amis, on -cause avec eux des questions locales ou générales susceptibles -d'influencer le marché. Ils connaissent mieux que -personne les besoins de la place; ils sont informés les -premiers des occasions favorables qui peuvent se présenter; -ils achètent, par suite, à meilleur compte que leurs concurrents -et obtiennent des commandes plus facilement qu'eux. -Et c'est surtout quand il y a une transaction importante<span class="pagenum" id="Page_281">[Pg 281]</span> -à conclure, une affaire délicate à régler, qu'ils ont lieu -de se féliciter de pouvoir se passer d'intermédiaires. Nos -jeunes négociants feront donc bien de suivre l'exemple -que leur donnent les Japonais et les Allemands, et, depuis -peu, quelques Américains sur les conseils de leurs -chambres de commerce. C'est là une condition du succès.</p> - -<p>Depuis longtemps déjà des conseils de ce genre, et de -tout genre, d'ailleurs, ont été donnés à nos négociants. -Trop peu d'entre eux les ont suivis; la France occupe une -situation infime dans le commerce chinois: elle achète des -soies qu'elle exporte, mais n'importe à peu près rien<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">[19]</a>.</p> - -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> Il n'y a, d'ailleurs, pour se convaincre de notre infériorité, qu'à lire -les statistiques du commerce extérieur: en 1890 notre commerce extérieur -atteignait 8.190 millions; en 1905 il a atteint 9.438 millions; mais pendant -le même temps, celui de l'Allemagne passait de 9.342 millions à -15.924, et celui de l'Angleterre de 17 milliards à 22 milliards; pendant la -même période les transactions des États-Unis doublaient.</p> - -<p>J'estime que c'est faire œuvre de bon Français que de dénoncer toujours -et partout notre laisser-aller. Si cela seulement pouvait être utile!</p> - -</div> - -<p>En somme, à l'heure actuelle, l'Européen peut trafiquer -dans toute la Chine, et notamment sur le Yang-tseu; -depuis son embouchure jusqu'au Sseu-Tchuen, de nombreux -ports ouverts lui permettent soit d'importer ses -marchandises, soit d'exporter les produits du pays; une -province, la dernière ouverte aux étrangers, a surtout attiré -les vues des puissances, et cette province est le Sseu-Tchuen -qu'on se figure, à tort ou à raison, renfermer des -trésors et contenir une population riche capable d'absorber -une quantité relativement grande de produits européens. -Mais le Sseu-Tchuen n'est pas pour le moment -abordable aux vapeurs et, le fût-il jamais, il est bien évident -que ce ne sera pas immédiatement, ni du reste dans -un avenir très rapproché. Aussi les puissances les plus<span class="pagenum" id="Page_282">[Pg 282]</span> -proches du Sseu-Tchuen par leurs possessions, l'Angleterre -et la France, ont-elles eu l'idée de détourner le commerce -de Tchong-King et Tchen-Tou par le Yunnan à l'aide de la -voie ferrée. Déjà les Français ont atteint Yunnan-Fou avec -le rail, et il suffirait maintenant pour eux de continuer la -ligne vers Souifou sur le Yangtseu; mais en dehors des -difficultés politiques avec la Chine qui entend dès maintenant -construire elle-même les voies ferrées sur son territoire, -il y a la question des difficultés matérielles, et elles -sont considérables. Si nos ingénieurs ont déjà eu de la -peine à atteindre Mong-Tseu, ils auraient encore bien plus -de travail à accomplir pour atteindre, par delà Yunnan-Fou, -à Tong-Tchuan, le bassin du Yangtseu. D'ailleurs, je ne -crois pas, ainsi que je l'ai dit plus haut, que, même achevé -et marchant régulièrement, ce chemin de fer détourne -jamais le commerce du Sseu-Tchuen sur Haiphong; il -préférera toujours la voie fluviale, moins chère pour aller -à Changhai, port central de l'Extrême-Orient, à la voie -ferrée, beaucoup plus chère, pour gagner Haiphong, port -fort mal situé et n'étant pas, ne devant jamais être, à -cause de sa situation même, un marché très fréquenté.</p> - -<p>De notre côté donc, il y a peu de chose à espérer.</p> - -<p>Du côté anglais, par Bhamo, Teng-Yueh, Yong-Tchang-Fou -et Tali, il y aurait peut-être plus à faire si les immenses -chaînes de montagnes qui bordent les deux rives de la -Salouen et du Mékong parvenaient à être franchies. C'est -là, en effet, le point difficile, la pierre d'achoppement du -projet des Anglais. Depuis des années leurs ingénieurs -étudient le passage de Teng-Yueh à Tali. Arrivé à Tali, -l'établissement de la ligne n'offrirait plus de difficultés -insurmontables; évidemment ce ne serait pas sans beaucoup<span class="pagenum" id="Page_283">[Pg 283]</span> -de temps et d'argent, mais enfin la ligne se ferait, et -alors, de Tchong-King par Tali, Teng-Yueh et Bhamo, le -chemin de fer irait rejoindre Rangoon en attendant que par -Mandalay et Chittagong il puisse aller gagner Calcutta. Il -est probable que la réalisation de ce projet est dans les -contingences futures, et alors le commerce du Sseu-Tchuen -aurait évidemment tout intérêt à suivre cette voie qui lui -épargnerait un parcours énorme. Mais les montagnes de -la Salouen et du Mékong pourront-elles être bientôt franchies? -Tout est là.</p> - -<p>Quoi qu'il en soit, la situation de l'Angleterre, malgré -notre chemin de fer de Yunnan-Fou, est en fin de compte -meilleure que la nôtre; elle pourrait, en effet, voir ses -lignes de chemin de fer de l'Inde rejoindre celles de la Chine -et ne faire qu'un grand tronçon direct de Bombay à -Changhai.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_285">[Pg 285]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="CHAPITRE_XVII">CHAPITRE XVII</h2> -</div> - -<div class="blockquot"> -<p>I. Corporations, clubs et sociétés secrètes en Chine.—II. Les Taiping -dans le Yangtseu.—III. Conclusion.</p> -</div> - -<p>I.—Nul pays plus que la Chine, à mon sens, ne pratique -le système des associations, associations de parenté, -d'intérêts, de professions, voire de non-professions, -puisque les mendiants eux-mêmes sont associés. Les -associations de parenté sont des réunions des gens portant -le même nom de famille et unis pour défendre leurs -intérêts familiaux et de clan. Les corporations d'ouvriers -se réunissent pour délibérer sur tout ce qui intéresse -leur métier; celles de négociants sur tout ce qui regarde -leur commerce: prix courants, taux des salaires, célébration -des fêtes de leurs patrons. Mais les plus intéressantes -sont les associations de gens de la même province -vivant dans une autre province; dans toutes les grandes -villes de l'Empire, souvent même dans des villes de -moindre importance mais où il se fait un certain commerce, -les voyageurs et les marchands d'une même province, -qui parlent le même dialecte, observent les mêmes<span class="pagenum" id="Page_286">[Pg 286]</span> -usages et ont les mêmes intérêts construisent un local -plus ou moins vaste, plus ou moins riche, suivant leurs -ressources; ils s'y rassemblent pour traiter de leurs -affaires, prendre une tasse de thé et de temps en temps -donner des fêtes. Si des compatriotes de la même province -se trouvent de passage, sans logement, sans hôtel, -ils trouvent là le gîte et le couvert, et les malheureux -sont toujours certains d'y être secourus. Quelques-unes -de ces maisons ou <i>houei kouan</i> (maison de l'assemblée, -club, pourrait-on dire) sont réellement très luxueuses; -dans les grandes villes comme Changhai, Hankeou, ce -sont de vastes bâtiments bien aménagés à l'intérieur, et où -les chambres sont ornées de peintures et de sculptures -souvent jolies. A Hankeou notamment, le houei kouan du -Chen-Si-Kansou est peut-être le plus beau monument de -la ville.</p> - -<p>Toutes ces associations sont, bien entendu, absolument -pacifiques; cependant, dans telle circonstance où l'autorité -leur semble avoir dépassé ses droits, elles ne craindront -pas de résister, et elles triompheront souvent du -mauvais vouloir des mandarins. Jamais cependant elles -ne susciteront ni révolte ni querelle sans motifs, et elles -feront toujours entendre tranquillement mais fermement -leurs réclamations à l'autorité.</p> - -<p>Il n'en est pas de même des sociétés secrètes qui, à -l'abri de rites impénétrables, et dans un but religieux en -apparence, mais politique en réalité, ont souvent menacé -l'existence de l'Empire. La Chine est le réceptacle des -sociétés secrètes: conspirateurs, fanatiques, mécontents, -ambitieux, malfaiteurs, tout ce monde se réunit sous la -bannière de diverses sociétés redoutables, en dépit de<span class="pagenum" id="Page_287">[Pg 287]</span> -leurs noms inoffensifs. La plus ancienne est celle du -«Nénuphar blanc» (Pei lien kiao) qui aurait, d'après ses -adeptes, deux mille ans d'existence. Chaque postulant est -soumis à un serment avant d'y être admis: il jure de croire -et de pratiquer au prix de son sang et de sa vie tout ce -qui lui sera enseigné ou commandé, et il se voue, s'il -venait à être parjure, à la mort et à la malédiction éternelle -des frères. Beaucoup de femmes font partie de cette -société; celle-ci a sa hiérarchie, tout comme la franc-maçonnerie -en Europe, à laquelle elle ressemble d'ailleurs -en tant qu'organisation; elle possède des <i>experts dans -les rites, des sous-préfets, des docteurs de la loi, un -président de la justice</i>; enfin le chef suprême porte le -nom de <i>Wouang, le roi</i>. Dans chaque province elle a des -maisons de réunion, et si les femmes y ont accès, du moins -ne sont-elles pas admises aux dignités et aux emplois.</p> - -<p>Le Pei lien kiao, au commencement de ce siècle, alluma -l'incendie et provoqua la révolte dans une partie de -l'Empire sous le règne de Kia-King (1796-1821), et pendant -dix ans résista à ses troupes. La société de la Triade -ou des Trois points (San tien houei) est du même genre. -C'est elle qui, au début, prêta son appui à la fameuse -insurrection des Taiping qui prit naissance dans la province -du Kouang-Si vers 1850, sous la direction d'un -certain Hong-Sieou-Tsouen, et qui s'étendit comme une -traînée de poudre sur la Chine entière, principalement -dans les provinces bordant le Yang-Tseu-Kiang. Ce Hong-Sieou-Tsouen -fut-il un illuminé ou joua-t-il l'illuminé pour -s'attirer des disciples? Toujours est-il qu'il exerçait sur -eux un charme qui les entraîna loin. Il était lui-même fils -d'un fermier et était né en 1813. En 1833 il essaya de<span class="pagenum" id="Page_288">[Pg 288]</span> -passer un examen à Canton, mais il fut refusé. Pendant -qu'il résidait dans cette dernière ville, il eut l'occasion -d'avoir entre les mains un certain nombre de brochures -sur le christianisme, mais il négligea de les lire. Désespéré -de son échec aux examens, il tomba malade et crut -voir dans son délire un homme qui lui remit un sabre -pour combattre et détruire tous les êtres humains qui -s'étaient écartés de la bonne voie. Ce songe devait avoir -une grande influence sur sa vie future.</p> - -<p>Vers 1843 il se présenta de nouveau aux examens; -mais il fut une seconde fois refusé; c'est alors qu'il se -décida à lire les brochures chrétiennes, petits tracts protestants, -qu'il avait depuis si longtemps en sa possession. -Il y vit une corrélation avec le songe qu'il avait eu, et se -crut dès lors destiné à être le souverain de la Chine. Il -imagina une sorte de christianisme spécial et se mit à -détruire les idoles; il prêcha et convertit un nommé Yun-Chan. -Ce dernier obtint un brillant succès et en peu de -temps fit deux mille convertis. Tous deux préparaient en -silence leurs plans de révolte; mais les choses, malheureusement -pour eux, furent brusquées par les mandarins -eux-mêmes, qui voyaient d'un mauvais œil les réunions -provoquées par les deux amis.</p> - -<p>Alors commença la destruction des temples, la lutte -contre l'autorité. Deux commissaires, Sai-Song a et Ta-Hong -a furent désignés pour réprimer la révolte; mais les -troupes impériales furent battues partout; les Taiping -s'emparèrent de Nankin en 1853, et en firent leur capitale.</p> - -<div class="figcenter illowp100" style="max-width: 68.5em;"> - <img class="w100" src="images/335.jpg" alt="" /> - <div class="caption">Mandarins en grand costume.</div> -</div> - -<p>II.—Cette rébellion des Taiping est l'une des plus -sérieuses et des plus longues qui aient éclaté en Chine -dans les temps modernes, et les provinces de la vallée du<span class="pagenum" id="Page_289">[Pg 289]</span> -Yangtseu ont eu particulièrement à en souffrir. Le premier -acte de révolte fut, en 1850, la prise de la petite -ville de Lien-Tcheou, dans le Kouang-Si, que les rebelles -fortifièrent; mais ils s'aperçurent bien vite que cette place -ne leur serait d'aucune utilité et ils l'abandonnèrent pour -occuper Tai-Tsoun. L'ordre et la discipline qui au début -régnaient parmi les Taiping attirèrent dans leurs rangs -de nombreux adhérents, et notamment les chefs de la -société <i>Les trois points</i>. Ces derniers, cependant, ne -restèrent pas longtemps des alliés fidèles; car ils n'avaient -pas pour but, comme les Taiping, de renverser la dynastie -régnante.</p> - -<p>C'est à Tai-Tsoun que Hong-Sieou-Tsouen lança ses -premières proclamations comme fils du Ciel; il s'empara -ensuite de la ville de Yan-Ngan et essaya de marcher sur -la capitale du Kouang-Si, Kouei-Lin, d'où il fut repoussé -par les troupes impériales et qu'il renonça à occuper; il -détourna ses troupes vers le Hounan et s'empara d'une -place forte qui lui donnait le commandement de toute la -région arrosée par la rivière Siang. Il parvint très rapidement -à Tchang-Cha-Fou et de là envahit le Yang-Tseu-Kiang. -Ayant, en effet, essayé en vain pendant trois mois -de prendre la ville murée de Tchang-Cha, il la laissa derrière -lui après avoir ravagé et dévasté le pays aux environs -et, franchissant le lac Tong-Ting, il lança ses bandes -sur Wou-Tchang et Han-Yang qui furent occupées sans -grande résistance. Rien alors ne s'opposa plus aux progrès -des Taiping; poursuivant leur chemin le long du -grand fleuve, ruinant tout, détruisant tout sur leur passage, -ils s'emparèrent de Ngan-Kin (province du Ngan-Houei) -et de Kieou-Kiang (province de Kiang-Si) et finalement,<span class="pagenum" id="Page_290">[Pg 290]</span> -le 8 mars 1853, ils entrèrent dans Nankin dont, -ainsi que je l'ai mentionné plus haut, ils firent leur capitale.</p> - -<p>Les succès des Taiping avaient été extraordinaires; il -est vrai de dire que les troupes impériales, mal conduites -et sans organisation aucune, n'opposaient qu'une bien -faible résistance aux insurgés. Hong, en effet, put envoyer -plusieurs milliers d'hommes à la conquête de Pékin, et -cette armée arriva près de Tien-Tsin, après avoir battu -toutes les troupes impériales envoyées contre elle, et avoir -en six mois traversé quatre provinces, pris vingt-six villes, -semé la ruine et la famine partout où elle passait.</p> - -<p>Cependant Pékin ne fut pas pris et les rebelles regagnèrent -le Yangtseu en 1855, après avoir tout saccagé -autour de la capitale. La division s'était mise dans leurs -rangs, et ils s'étaient forcément affaiblis; ils pouvaient se -battre et conquérir, non organiser, et ils n'avaient rien à -mettre à la place du système de gouvernement qu'ils prétendaient -renverser. Un an après leur retour dans le -Yangtseu, ils ne possédaient plus que Nankin et Ngan-King, -où ils étaient assiégés par les troupes impériales. -Ils firent cependant, le 6 mai 1860, un nouvel effort, battirent -leurs assiégeants, les dispersèrent et allèrent s'emparer -de Sou-Tcheou dont ils massacrèrent la population -avec la plus atroce barbarie. Ils s'avancèrent alors sur -Changhai qui, grâce aux Européens, fut hors de leur -atteinte.</p> - -<p>C'est alors que le gouvernement impérial, sentant son -impuissance et sa faiblesse vis-à-vis des rebelles, demanda -l'assistance des Européens pour venir à bout des Taiping. -Un américain, nommé Ward, réunit une petite armée et<span class="pagenum" id="Page_291">[Pg 291]</span> -reprit Song-Kiang, près de Changhai; il fut tué dans la -bataille, mais un compatriote prit sa succession dans le -commandement de la petite armée qui, à cause des -prouesses accomplies par elle fut surnommée: <i>l'armée -toujours victorieuse</i>. Il fallait en finir; le colonel -anglais Gordon fut chargé de poursuivre les insurgés; en -juillet 1864 il réoccupait Nankin et, dans l'espace d'un -an, les Taiping chassés de partout se débandèrent et -n'offrirent plus aucune résistance. La révolte était -réprimée.</p> - -<p>Neuf provinces avaient été ruinées; des millions de vies -humaines avaient été sacrifiées. Les Taiping étaient vaincus -mais non les sociétés secrètes; et on le vit bien, il y a -dix ans, lorsqu'en 1900 la société des Boxeurs (Yi-Kiuen-Houei) -voulut recommencer à Pékin ce que les Taiping -avaient fait à Nankin. (Il est vrai qu'ici ils étaient soutenus, -non combattus par le gouvernement, lequel d'ailleurs aurait -été culbuté s'ils avaient réussi.)</p> - -<p>Ces sociétés ont des rites secrets inconnus aux simples -mortels, et les grands chefs font croire aux adeptes une -foule de stupidités et d'insanités très bien acceptées par -les âmes naïves. Ainsi les chefs boxeurs avaient persuadé -à leurs troupes qu'elles étaient invulnérables à la suite -de certaines incantations et de certaines cérémonies, et -qu'elles pouvaient se présenter sans crainte aux coups de -fusils! Leur persuasion a dû être de courte durée; mais à -l'époque de la révolte, on citait à Pékin des faits de ce -genre: des soldats boxeurs s'étaient exposés bénévolement -au feu de leurs camarades, les uns et les autres -convaincus que les balles s'aplatiraient sur leurs poitrines; -et la mort des uns était expliquée par les autres<span class="pagenum" id="Page_292">[Pg 292]</span> -d'une façon toute naturelle: ils n'avaient pas procédé aux -incantations selon les rites.</p> - -<p>Parmi les autres sociétés politiques on peut citer le -Tsai-Li-Houei (société de l'idéal), moins connu que les -deux autres; le Ko-Lao-Houei (les vieux frères) qui fit -tant de mal dans le Yang-tseu en 1890 et 1893-95; les -Tchang-Tao-Houei (les longs couteaux).</p> - -<p>Comme confrérie religieuse, on remarque le Yen-Wouang-Houei -ou Confrérie du roi des enfers, qui est en -même temps une espèce de société musicale; on n'accepte, -en effet, comme adeptes que ceux qui ont quelques notions -de musique vocale ou instrumentale. Il s'agit en effet, aux -jours de fêtes de jouer de toutes sortes d'instruments afin -d'adoucir à l'égard des morts le caractère féroce de Yen-Wouang, -le roi des enfers. Les principaux instruments -sont le tambour et la flûte et l'ensemble produit une cacophonie -des plus remarquables.</p> - -<p>Parmi les sociétés dont le but est utile ou humanitaire, -je citerai: les sociétés de sauvetage (Fou-Che-Houei), les -sociétés de pompiers (Ho-Houei) et la confrérie pour récolter -les ossements abandonnés et leur donner une sépulture -(Yen-Ko-Houei).</p> - -<p>L'une des sociétés philanthropiques les plus parfaites -qu'ait connues la Chine, et dont l'origine remonte, dit-on, -à Confucius, est celle du Magnolia ou Yu-Leng-Houei. -Elle a perdu son principal caractère qui était de protéger -l'innocence des enfants, de les encourager dans la pratique -des vertus et de leur inculquer le respect de -l'autorité, la piété filiale et l'amour du foyer. Chaque ville, -chaque village avait son petit groupe, et on enseignait -aux jeunes associés la musique et les jeux récréatifs et<span class="pagenum" id="Page_293">[Pg 293]</span> -innocents. La grande fête avait lieu chaque année le quatrième -jour de la septième lune; les enfants revêtus de -leurs habits de fête, accompagnés de leurs parents, donnaient -au public une représentation de jeux et de courses, -de prestidigitation et d'adresse. Actuellement la société -n'existe plus, le nom seul reste, et il couvre une société -secrète de gens sans aveu adonnés à tous les vices.</p> - -<p>J'ai parlé de la société des mendiants; c'est bien l'une -des plus ennuyeuses et des plus répugnantes qui existent -en Chine. Quel est l'Européen ayant vécu dans ce pays -qui n'a pas remarqué dans les rues ces bandes de bancals, -de bossus, d'aveugles, d'estropiés, déguenillés, -traînant leurs loques et poursuivant le passant jusqu'à -ce qu'il ait versé son obole, infectant les rues et poussant -des cris lamentables. Jamais spectacle plus navrant n'a -frappé mes yeux, surtout quand je voyais de malheureux -enfants, presque nus, traînés par leurs pitoyables -parents ou mendiant au coin d'une rue, dans la boue -glacée, sous l'œil indifférent des passants. Que de fois -ai-je dû enjamber un cadavre absolument nu dans la rue -la plus fréquentée de Hankeou, et voir le cadavre rester -là trois ou quatre jours sans que personne s'en occupe ou -y fasse attention! Oh! que la Chine a donc encore de -progrès à faire au point de vue de l'humanité et de la charité! -Tous ces beaux noms de société philanthropique ne -couvrent aujourd'hui qu'un égoïsme immense; en était-il -ainsi dans la Chine d'autrefois? Est-ce la décadence de -l'Empire qui est la cause de ces horreurs?</p> - -<p>Les voleurs eux-mêmes ont leur association, et elle -est si bien admise que les paisibles bourgeois s'assurent -contre les risques en payant tribut au chef. Malheur à celui<span class="pagenum" id="Page_294">[Pg 294]</span> -qui ne consent pas à servir de rente régulière à ces bandits: -sa maison est connue et, tôt ou tard, lors d'une -occasion propice elle sera cambriolée.</p> - -<p>III.—C'est sur cette esquisse de la vie sociale que -j'arrêterai cette étude du bassin du Yangtseu. Pour le -moment, cette partie de la Chine n'est guère intéressante -que pour le négociant, l'homme d'affaires. Le voyageur, -le touriste y sont rares, et pour cause. C'est que depuis -Changhai jusqu'à Hankeou et Itchang, la nature est triste -et monotone: vastes plaines sans horizon, rivières jaunâtres, -ne sont point faites pour éveiller l'admiration, et -c'est seulement dans la Chine occidentale que l'on pourrait -trouver des paysages d'un caractère vraiment attrayant, -tantôt grandioses comme dans les gorges du Yangtseu -et les montagnes du Kouei-Tcheou et du Yunnan, tantôt -gracieux et élégants comme dans les plaines du Sseu-Tchuen. -Mais pour atteindre ces régions les moyens de -communication manquent, et les rares voyageurs qui les -ont parcourues étaient pour ainsi dire de véritables explorateurs. -J'ai fait moi-même plus de 2.000 kilomètres à -pied et à cheval dans la Chine occidentale, et je sais par -expérience ce que c'est que de marcher sur des routes -défoncées, sur des sentiers de chèvres et quelquefois dans -les lits des torrents pour arriver dans quelque auberge -infecte où souvent on ne trouve pas une poignée de riz et -une botte de paille propre!</p> - -<p>Aussi faudra-t-il attendre encore quelques années, de -nombreuses années peut-être, avant que la Chine ne soit, -comme le Japon ou les Indes, un pays fréquenté par les -excursionnistes; il faut attendre les chemins de fer avant -qu'il ne s'élève des hôtels confortables pour recevoir les<span class="pagenum" id="Page_295">[Pg 295]</span> -voyageurs sur les cimes du mont Omei ou sur les hauteurs -de Tali-Fou, comme il y en a à Nikko ou à Dardjeeling. -Ce temps-là arrivera sans nul doute, mais ce sera -la génération suivante qui le verra; nous, vieux résidents -de la Chine ancienne, nous ne faisons que l'entrevoir en -rêve.</p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_297">[Pg 297]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="INDEX_ALPHABETIQUE">INDEX ALPHABÉTIQUE</h2> -</div> - -<p><i>Signification des principaux mots chinois usités -dans le langage géographique:</i></p> - -<p><i>Li</i>, mesure de distance (500 mètres environ); <i>Fou</i>, préfecture; <i>Chien</i>, sous-préfecture -dépendant d'un Fou; <i>Tcheou</i>, sous-préfecture dépendant du gouverneur -de la province; <i>Ting</i>, sous-préfecture frontière; <i>Chan</i>, montagne; <i>Kiang</i>, -fleuve, rivière; <i>Ho</i>, id; <i>Hou</i>, lac; <i>Hai</i>, mer.</p> - - -<p> -A<br /> -<br /> -Atien-Tseu, 196, 232.<br /> -<br /> -Allemands, 117.<br /> -<br /> -An-Houa, 159.<br /> -<br /> -Anglais, 34, 117.<br /> -<br /> -Amherst (lord), 34.<br /> -<br /> -Amoy, 34.<br /> -<br /> -<br /> -B<br /> -<br /> -Belges, 118, 120.<br /> -<br /> -Birmanie, 195.<br /> -<br /> -Bubbling well, 64.<br /> -<br /> -<br /> -C<br /> -<br /> -Canton, 34.<br /> -<br /> -Cha-Che, 145, 146.<br /> -<br /> -Chai-Yang, 159.<br /> -<br /> -Chang-Kouan, 229.<br /> -<br /> -Chang-Chou-Long, 152.<br /> -<br /> -Changhai, 3, 34, 241.<br /> -<br /> -Chan-Toung, 14, 35.<br /> -<br /> -Chao-Hing, 79.<br /> -<br /> -Chen-Si, 3.<br /> -<br /> -Cheng-Siuen-Hoai, 74.<br /> -<br /> -Che-Nan-Fou, 124.<br /> -<br /> -Che-Lieou-Hong, 147.<br /> -<br /> -Chia-Kwan, 89, 229.<br /> -<br /> -Compagnie des Indes, 36.<br /> -<br /> -Confucius, 26.<br /> -<br /> -<br /> -F<br /> -<br /> -Fa-Pou, 49.<br /> -<br /> -Fan-Tcheng, 132.<br /> -<br /> -Feung-Chien, 152.<br /> -<br /> -Feung-Chouei, 27.<br /> -<br /> -Foutai, 50.<br /> -<br /> -Fou-Tcheou, 34.<br /> -<br /> -Français, 117, 271, 272.<br /> -<br /> -<br /> -H<br /> -<br /> -Han, 3, 196.<br /> -<br /> -Hankeou, 3, 114, 115 et suiv., 241.<br /> -<br /> -Han-Yang, 3, 114, 115.<br /> -<br /> -Han-Lin, 118.<br /> -<br /> -Hang-Tcheou, 76.<br /> -<br /> -Heng-Tcheou, 153.<br /> -<br /> -Hiue pou, 49.<br /> -<br /> -Hoa che, 40, 41.<br /> -<br /> -Hollandais, 34.<br /> -<br /> -Ho-Kien, 225.<br /> -<br /> -Hong-Sieou-Tsouen, 289.<br /> -<br /> -Hong-Kong, 140.<br /> -<br /> -Hong-Wou, 89.<br /> -<br /> -Houang-Pou, 59.<br /> -<br /> -Hou-Kouang, 113, 114.<br /> -<br /> -Hounan, 2, 14, 153.<br /> -<br /> -Houpe, 2, 14, 114.<br /> -<br /> -<br /> -I<br /> -<br /> -Itchang, 4, 6, 146-148.<br /> -<br /> -<br /> -J<br /> -<br /> -Japonais, 122, 123.<br /> -<br /> -<br /> -K<br /> -<br /> -Kaolin, 40.<br /> -<br /> -Kan-Kiang, 3, 109.<br /> -<br /> -Kan-Tcheou-Fou, 43.<br /> -<br /> -Kai-Feung, 90.<span class="pagenum" id="Page_298">[Pg 298]</span><br /> -<br /> -Kai-Ping, 159.<br /> -<br /> -Ki-Yang, 159.<br /> -<br /> -Kiang, 2.<br /> -<br /> -Kiang-Si, 2, 13, 43.<br /> -<br /> -Kiang-Sou, 2, 13, 241.<br /> -<br /> -Kia-King, 48.<br /> -<br /> -Kia-Ting, 3.<br /> -<br /> -Kieou-Kiang, 7, 12, 107-109.<br /> -<br /> -Kiang-Nan, 13.<br /> -<br /> -Kin-Te-Tcheng, 39, 110.<br /> -<br /> -Kien-Long, 44.<br /> -<br /> -Kin chan, 84.<br /> -<br /> -Kiang-Ning-Fou, 90.<br /> -<br /> -Kien-Wou, 91.<br /> -<br /> -Kin-Tcheou, 146.<br /> -<br /> -Kiun-Ki-Tchou, 48.<br /> -<br /> -King-Tong, 223.<br /> -<br /> -Kong, 49.<br /> -<br /> -Kouei-Tcheou, 2, 168, 169.<br /> -<br /> -Kouei-Tcheou-Fou, 152.<br /> -<br /> -Kouan-Chien, 191.<br /> -<br /> -Kouen-Ming, 203, 205.<br /> -<br /> -<br /> -L<br /> -<br /> -Lao-Tseu, 27.<br /> -<br /> -Li-Tchuen, 2, 146.<br /> -<br /> -Li-Hong-Tchang, 4, 250.<br /> -<br /> -Li-Kiang, 24, 225.<br /> -<br /> -Li pou, 49.<br /> -<br /> -Li fan pou, 49.<br /> -<br /> -Li-Chouei, 158.<br /> -<br /> -Li-Ngan, 231.<br /> -<br /> -Lou-Chan, 7, 12, 108.<br /> -<br /> -Lou kiun pou, 49.<br /> -<br /> -Long-Wang-Tong, 149.<br /> -<br /> -<br /> -M<br /> -<br /> -Macartney (lord), 34.<br /> -<br /> -Mekong, 195.<br /> -<br /> -Min, 3.<br /> -<br /> -Ming, 44.<br /> -<br /> -Ming tcheng pou, 48.<br /> -<br /> -Miao-Tseu, 169.<br /> -<br /> -Mong-Tseu, 221, 245.<br /> -<br /> -Mong-Houa, 223.<br /> -<br /> -Mo-Hei, 229.<br /> -<br /> -Mongolie, 137.<br /> -<br /> -Montréal, 63.<br /> -<br /> -Moscou, 63.<br /> -<br /> -<br /> -N<br /> -<br /> -Nai-Ko, 48.<br /> -<br /> -Nankin, 9, 89-101.<br /> -<br /> -Nan-Siang, 75.<br /> -<br /> -Nan-Kang, 109.<br /> -<br /> -Nan-Tchang-Fou, 112.<br /> -<br /> -Nan-Tchao, 200, 201.<br /> -<br /> -New-York, 63.<br /> -<br /> -Ning-Kouo-Fou, 103.<br /> -<br /> -Ngan-Hoei, 2, 13.<br /> -<br /> -Ngan tcha che, 60.<br /> -<br /> -Nong tcheng pou, 49.<br /> -<br /> -<br /> -O<br /> -<br /> -Omei, 192.<br /> -<br /> -<br /> -P<br /> -<br /> -Pa-Tong, 146.<br /> -<br /> -Pékin, 268, 290, 291.<br /> -<br /> -Pe toun tseu, 40.<br /> -<br /> -Ping-Chang-Pa, 150.<br /> -<br /> -Ping-Chiang, 110, 159.<br /> -<br /> -Poyang, 3, 107.<br /> -<br /> -Portugais, 34.<br /> -<br /> -Pottinger (Sir Henry), 34.<br /> -<br /> -Pou-Eurl, 219-221.<br /> -<br /> -Poutong, 65.<br /> -<br /> -Pou tcheng che, 50.<br /> -<br /> -<br /> -R<br /> -<br /> -Rangoon, 52.<br /> -<br /> -Russie, 34.<br /> -<br /> -Russes, 117.<br /> -<br /> -<br /> -S<br /> -<br /> -Saïgon, 61.<br /> -<br /> -San-Francisco, 63.<br /> -<br /> -Sam lai, 13.<br /> -<br /> -Siang-Tan, 160.<br /> -<br /> -Siang-Yang-Fou, 3.<br /> -<br /> -Siang, 2, 153, 160.<br /> -<br /> -Siao-Kou-Chan, 8, 107.<br /> -<br /> -Sin-Kiu, 248.<br /> -<br /> -Sin-Tan, 8, 151.<br /> -<br /> -Siun fou, 50.<br /> -<br /> -Sibérie, 137.<br /> -<br /> -Sou-Tcheou, 3, 153, 160.<br /> -<br /> -Sou, 160.<br /> -<br /> -Soui-Fou, 227.<br /> -<br /> -Sseu-Mao, 219, 221, 226.<br /> -<br /> -Sseu-Tchuen, 2, 174, 193.<br /> -<br /> -Suez, 63.<br /> -<br /> -<br /> -T<br /> -<br /> -Ta-Tsien-Lou, 187.<br /> -<br /> -Ta-Kiang, 1.<br /> -<br /> -Tael, 52.<br /> -<br /> -Tai-Hou, 79.<br /> -<br /> -Tai-Ping-Chien, 103.<br /> -<br /> -Taiping, 288.<br /> -<br /> -Tao-te-king, 27.<br /> -<br /> -Taotai, 51.<br /> -<br /> -Tali-Fou, 197.<br /> -<br /> -Tang, 137.<br /> -<br /> -Teng-Yueh, 231.<br /> -<br /> -Tien-Hai, 197.<br /> -<br /> -Tie-Chan, 125.<br /> -<br /> -Tien-Tsin, 63.<br /> -<br /> -Ting, 51.<span class="pagenum" id="Page_299">[Pg 299]</span><br /> -<br /> -Tong-Hai, 231.<br /> -<br /> -Tong-Tchuen, 187.<br /> -<br /> -Tong-Tcheou, 79.<br /> -<br /> -Tong-Ting, 2, 153, 161.<br /> -<br /> -Tonkin, 245.<br /> -<br /> -Tou-Tcha-Yuan, 47.<br /> -<br /> -Tou tcheng pou, 49.<br /> -<br /> -Tchang-Cha-Fou, 2, 153, 162, 163.<br /> -<br /> -Tchang-Tchen-Long, 118-119.<br /> -<br /> -Tchang-Te-Fou, 156, 162.<br /> -<br /> -Tchao-Tong, 187.<br /> -<br /> -Tche-Li-Tcheou, 213.<br /> -<br /> -Tcheng-Tou, 174, 177, 190.<br /> -<br /> -Tchen-Kiang, 3, 87-89.<br /> -<br /> -Tche-Fou, 51.<br /> -<br /> -Tche-Chien, 51.<br /> -<br /> -Tche-Tai, 50.<br /> -<br /> -Tche-Kiang, 35, 241.<br /> -<br /> -Tchou-Chiong, 231.<br /> -<br /> -Tchong-King, 2, 6, 180, 185.<br /> -<br /> -Tse, 161.<br /> -<br /> -Tseu-Lieou-Tsing, 175.<br /> -<br /> -Tsin-Yang-Kong, 191.<br /> -<br /> -Tsao-Tang, 191.<br /> -<br /> -Tsing, 34.<br /> -<br /> -Tsong-Tou, 50.<br /> -<br /> -Tsong li ya menn, 49.<br /> -<br /> -Tsong-Ming, 79.<br /> -<br /> -Thibet, 7, 137.<br /> -<br /> -<br /> -V<br /> -<br /> -Vancouver, 63.<br /> -<br /> -<br /> -W<br /> -<br /> -Wou, 2.<br /> -<br /> -Wou-Wang, 30.<br /> -<br /> -Wou-Song, 59.<br /> -<br /> -Wou-Si, 76.<br /> -<br /> -Wou-Hou, 103, 104, 105.<br /> -<br /> -Wou-Tchang, 120.<br /> -<br /> -Wou-Keou-Tseu, 191.<br /> -<br /> -Wou-Tsing, 232.<br /> -<br /> -Wouai-Ou-Pou, 49.<br /> -<br /> -<br /> -Y<br /> -<br /> -Yang-Tseu-Kiang, 1.<br /> -<br /> -Yang-King-Pang, 65.<br /> -<br /> -Yalong, 3.<br /> -<br /> -Yo-Tcheou, 2, 153.<br /> -<br /> -Ye-Tan, 151.<br /> -<br /> -Yeou tchuen pou, 49.<br /> -<br /> -Yong-Lo, 92.<br /> -<br /> -Yong-Tchang-Fou, 203.<br /> -<br /> -Yuan, 2, 160.<br /> -<br /> -Yuen-Kiang, 231.<br /> -<br /> -Yunnan, 2, 196, 232.<br /> -<br /> -Yunnan-Sen, 197.<br /> -<br /> -Yun-Wou-Chang, 149.<br /> -<br /> -<br /> -Z<br /> -<br /> -Zi-Ka-Wei, 64.<br /> -</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_300">[Pg 300]</span></p> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_301">[Pg 301]</span></p> - - -<h2 class="nobreak" id="TABLE_DES_MATIERES">TABLE DES MATIÈRES</h2> -</div> - - -<table summary="Matières"> -<tr><td><a href="#CHAPITRE_PREMIER">CHAPITRE PREMIER</a></td></tr> -<tr><td> -I. Le Yang-Tseu-Kiang et ses affluents.—II. La navigation sur le -Yang-Tseu.—III. Essai de navigation à vapeur sur le haut-fleuve. -IV. Les rives du fleuve et leur aspect; dangers de la navigation -sur le haut-fleuve.—V. Climat.—VI. Les provinces arrosées par -le Yang-Tseu et leurs productions.—VII. Origine des Chinois.—VIII. -Caractère du Chinois </td><td> 1</td></tr> -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_II">CHAPITRE II</a></td></tr> -<tr><td> -I. Type et nature du Chinois.—II. Les maisons et leur mobilier.—III. -La nourriture chinoise.—IV. La famille chinoise, le mari et -la femme, les enfants.—V. Religion et superstition, le feung -chouei.—VI. Les jeux et divertissements.—VII. Les classes de -la société </td><td> 19</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_III">CHAPITRE III</a></td></tr> -<tr><td> -I. Commerce; premières relations avec l'Europe.—II. Principales -productions.—III. L'opium.—IV. Le thé.—V. Le coton, les -peaux, le musc.—VI. L'industrie; la porcelaine, sa fabrication.—VII. -Industrie de la soie.—VIII. L'industrie des métaux; le -pétrole, la laque, le vernis </td><td> 33</td></tr> -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_IV">CHAPITRE IV</a></td></tr> -<tr><td> -I. Administration chinoise.—II. Système monétaire.—III. Différence -du tael dans chaque province.—IV. Piastres locales provinciales.—V. -La sapèque.—VI. Essai de réforme monétaire.—VII. -Les poids et mesures </td><td> 47</td></tr> -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_V">CHAPITRE V</a></td></tr> -<tr><td> -I. Changhai (Shanghai); situation géographique.—II. Nature et climat.—III. -Les concessions; la ville européenne; services publics.—IV. -Les cités chinoises; la route d'Europe à Changhai.—V. -La population étrangère et la population chinoise; les ponts; -l'observatoire de Zi-Ka-Weï; les égouts.—VI. L'industrie européenne; -les quais; établissements du gouvernement chinois.—VII. -Situation commerciale de Changhai; importation, exportation.—VIII. -Organisation des douanes maritimes.—IX. Population -étrangère d'après le recensement de 1905.—X. Relevé commercial -d'une année (1908) </td><td> 59</td></tr> -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_VI">CHAPITRE VI</a></td></tr> -<tr><td> -I. Sou-Tcheou (Soochow); son aspect.—II. Population, commerce -et industrie.—III. Instruction publique; écoles professionnelles.—IV. -Tchen-Kiang (Chin-Kiang); sa situation, son commerce; -son industrie.—V. Nankin; sa situation, sa grandeur et -sa décadence.—VI. Historique de Nankin.—VII. L'ouverture au -commerce étranger; le chemin de fer.—VIII. Établissements publics; -commerce et industrie.—IX. L'Exposition de Nankin </td><td> 83</td></tr> -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_VII">CHAPITRE VII</a></td></tr> -<tr><td> -I. Wou-Hou (Wuhu); ouverture au commerce étranger; situation -sur le Yang-Tseu-Kiang; les canaux; activité commerciale et industrielle.—II. -Les maisons européennes établies à Wou-Hou.—III. -Exportation et importation.—IV. Kieou-Kiang (Kiu-Kiang); -description de la ville et sa situation; les montagnes du -Louchan.—V. La province du Kiang-Si; la ville de Kin-Te-Tcheng -et la porcelaine.—VI. Avenir de Kieou-Kiang </td><td> 103</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_VIII">CHAPITRE VIII</a></td></tr> -<tr><td> -I. Hankeou (Hankow) sa situation; la province du Houpe.—II. Hankeou -et Hanyang; ouverture de Hankeou au commerce étranger: -anglais, russe et français.—III. Concessions russe, française, -allemande et japonaise.—IV. L'essor de Hankeou; le vice-roi -Tchang-Tche-Tong et les usines de Hanyang.—V. Établissements -industriels à Wou-Tchang-Fou.—VI. Le chemin de fer Hankeou-Pékin: -les lignes nouvelles projetées.—VII. Les Japonais -à Hankeou et dans le Yang-Tseu-Kiang.—VIII. L'agriculture au -Houpe, les forêts, les mines.—IX. Le commerce, importation -et exportation.—X. Le thé, principal article d'exportation.—XI. -Parts afférentes aux diverses nations dans le commerce de -Hankeou; la part de la France.—XII. Compagnies de vapeurs, -maisons françaises; nouveautés industrielles et commerciales de -Hankeou </td><td> 113</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_IX">CHAPITRE IX</a></td></tr> -<tr><td> -I. Chache (Shasi) et Kin-Tcheou (Kin-Chow).—II. Itchang (Ichang) -ouverture au commerce étranger; situation de la ville; montagnes -et forêts; gorges et vallées.—III. La communauté marchande.—IV. -La pêche à la loutre.—V. Promenades aux environs d'Itchang.—VI. -Les jonques; la population; la navigation sur le -Haut-Yangtseu; les rapides </td><td> 145</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_X">CHAPITRE X</a></td></tr> -<tr><td> -I. La province du Hounan; les rivières qui l'arrosent.—II. Caractère -rude de la population.—III. Fertilité du sol.—IV. Les -bois du Hounan.—V. Les richesses minières.—VI. Les industries.—VII. -Routes commerciales—VIII. Yo-Tcheou (Yochow) -ville ouverte au commerce étranger; ses transactions.—IX. -Tchang-Cha-Fou (Chang-Sha-Fu) capitale du Hounan; son commerce; -difficultés rencontrées par les Européens pour y résider.—X. -La fête du dragon.—XI. Les monts Nan-Ling et les aborigènes </td><td> 153</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_XI">CHAPITRE XI</a></td></tr> -<tr><td> -I. La province du Kouei-Tcheou (Kwei chow); ses ressources; sa -capitale.—II. Les aborigènes Miao-Tseu </td><td> 167</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_XII">CHAPITRE XII</a></td></tr> -<tr><td> -I. La province du Sseu-Tchuen (Szechuen); description.—II. Les -salines.—III. Les puits à pétrole.—IV. Bronzes; coutellerie; -chapeaux de paille; peaux; musc; vernis et suif.—V. Médecines.—VI. -L'attention des Européens attirée vers le Sseu-Tchuen—VII. -Commerce du port ouvert de Tchong-King (Chung-King), -importation et exportation.—VIII. Produits du Thibet -exportés par Tchong-King.—IX. Considérations sur le transport -des marchandises et les voies commerciales.—X. La capitale -Tcheng-Tou (Cheng-Tu) et ses environs; promenades; le mont -Omei </td><td> 173</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_XIII">CHAPITRE XIII</a></td></tr> -<tr><td> -I. La province du Yunnan; description; Yunnan-Sen, capitale.—II. -Histoire; le Yunnan d'autrefois; ses habitants, leurs mœurs -leurs costumes, leurs usages.—III. L'Islamisme au Yunnan.—IV. -La France et l'Angleterre au Yunnan; le chemin de fer; Sseu-Mao -et Pou-Eurl; le commerce de ces deux villes.—V. Yunnan-Fou -et Mong-Tseu; voie ferrée de Yunnan-Fou au Sseu-Tchuen, de -Tali à Bhamo; commerce de Mong-Tseu.—VI. La ville de Tali -et le plateau de Yunnan-Fou; Tonghai; beauté mais pauvreté du -Yunnan </td><td> 193</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_XIV">CHAPITRE XIV</a></td></tr> -<tr><td> -I. Le tarif douanier chinois.—II. Octrois, accises ou likin.—III. -Situation du commerce général dans les provinces du bassin -du Yangtseu pendant l'année 1908 </td><td> 233</td></tr> -<tr><td> - -<a href="#CHAPITRE_XV">CHAPITRE XV</a></td></tr> -<tr><td> -I. Le service de la poste en Chine. Les entreprises particulières ou -Sin-Kiu.—II. La poste faite par les douanes maritimes.—III. Le -service postal actuel.—IV. Fonctionnement du service actuel -dans le Haut et le Bas-Yangtseu.—V. Le télégraphe </td><td> 247</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_XVI">CHAPITRE XVI</a></td></tr> -<tr><td> -I. Anglais et Français dans le Yang-Tseu-Kiang.—II. Japonais et -Allemands.—III. Ce que les Français pourraient faire, et comment -ils devraient procéder.—IV. Nécessité d'apprendre la langue -chinoise </td><td> 269</td></tr> - -<tr><td> -<a href="#CHAPITRE_XVII">CHAPITRE XVII</a></td></tr> -<tr><td> -I. Corporations, clubs et sociétés secrètes en Chine.—II. Les Taiping -dans le Yangtseu.—III. Conclusion </td><td> 285</td></tr> -</table> - - -<p>E. GREVIN—IMPRIMERIE DE LAGNY</p> - -<p><span class="pagenum" id="Page_305">[Pg 305]</span></p> - -<div class="figcenter illowp97" id="carte" style="max-width: 64.875em;"> - <img class="w100" src="images/carte.jpg" alt="" /> - <div class="caption">PROVINCES CHINOISES -RIVERAINES DU YANG TSEU</div> -</div> -<hr class="chap x-ebookmaker-drop" /> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum" id="Page_306">[Pg 306]</span></p> - -<h2 class="nobreak" id="LIBRAIRIE_ORIENTALE_ET_AMERICAINE">LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE</h2> -</div> - - -<table summary=""> -<tr><td>LE P. S. COUVREUR</td></tr> - -<tr><td><b>Dictionnaire Français-Chinois.</b> Nouvelle édition. Un -fort volume in-8º, broché </td><td> 40 »</td></tr> -<tr><td>Même ouvrage, relié </td><td> 45 »</td></tr> - -<tr><td> -LE P. L. WIEGER</td></tr> -<tr><td> -<b>Bouddhisme Chinois.</b> Tome I: <b>Vinaya; Monachisme -et Discipline.</b> Un volume in-8º, broché </td><td> 12 »</td></tr> - - -<tr><td> -ANTOINE CABATON -<i>Ancien Membre de l'École Française -d'Extrême-Orient, -Chargé de cours à l'École des Langues Orientales.</i></td></tr> -<tr><td> -<b>Les Indes Néerlandaises.</b> Un volume in-8º broché, avec -carte </td><td> 8 »</td></tr> - - -<tr><td> -M. GAUDEFROY-DEMOMBYNES -<i>Professeur à l'École des Langues Orientales.</i></td></tr> -<tr><td> -<b>Les Cent et Une Nuits.</b> Traduites de L'Arabe. Un volume -in-8º, broché </td><td> 8 »</td></tr> - -<tr><td> -G. MASPERO -<i>Membre de l'Institut, -Professeur au Collège de France, -Directeur général du Service des Antiquités du Caire.</i></td></tr> -<tr><td> -<b>Ruines et Paysages d'Égypte.</b> Un volume in-8º, -broché </td><td> 6 50</td></tr> - -<tr><td> -MARCEL DUBOIS -<i>Professeur de Géographie Coloniale à la Sorbonne, -Président de la Société d'Économie politique nationale, -Membre du Comité de la Ligue Maritime française.</i></td></tr> -<tr><td> -<b>La Crise Maritime.</b> Un fort volume in-8º écu, broché -(<i>Bibliothèque des Amis de la Marine</i>) </td><td> 6 » -</td></tr> - -<tr><td> -MARCEL A. HÉRUBEL -<i>Docteur ès sciences, -Professeur à l'Institut maritime.</i></td></tr> -<tr><td> -<b>Pêches Maritimes d'autrefois et d'aujourd'hui.</b> -Un volume in-8º écu, broché (<i>Bibliothèque des Amis de la -Marine</i>) </td><td> 5 50</td></tr> -</table> - - -<p>2967.—Paris.—Imp. Hemmerlé et C<sup>ie</sup>.—2-11.</p> - -<div lang='en' xml:lang='en'> -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>LA GRANDE ARTÈRE DE LA CHINE: LE YANGTSEU</span> ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ -concept and trademark. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br /> -<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br /> -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span> -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. 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Information about the Mission of Project Gutenberg™ -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s -goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg™ and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. 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Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. 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Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Most people start at our website which has the main PG search -facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This website includes information about Project Gutenberg™, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. -</div> - -</div> -</div> -</body> -</html> diff --git a/old/67163-h/images/008.jpg b/old/67163-h/images/008.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 6adbb32..0000000 --- a/old/67163-h/images/008.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/027.jpg b/old/67163-h/images/027.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 6e29791..0000000 --- a/old/67163-h/images/027.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/081.jpg b/old/67163-h/images/081.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 42f3b7d..0000000 --- a/old/67163-h/images/081.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/135.jpg b/old/67163-h/images/135.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index b0115af..0000000 --- a/old/67163-h/images/135.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/193.jpg b/old/67163-h/images/193.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 241bcd0..0000000 --- a/old/67163-h/images/193.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/231.jpg b/old/67163-h/images/231.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index c7e2b00..0000000 --- a/old/67163-h/images/231.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/301.jpg b/old/67163-h/images/301.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 20e48d1..0000000 --- a/old/67163-h/images/301.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/335.jpg b/old/67163-h/images/335.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 4d1f23b..0000000 --- a/old/67163-h/images/335.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/carte.jpg b/old/67163-h/images/carte.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index e96ae00..0000000 --- a/old/67163-h/images/carte.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/67163-h/images/cover.jpg b/old/67163-h/images/cover.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index cb01b85..0000000 --- a/old/67163-h/images/cover.jpg +++ /dev/null |
