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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Sur la route de Palmyre - -Author: Paule Henry-Bordeaux - -Contributor: Paul Bourget - -Release Date: June 13, 2022 [eBook #68307] - -Language: French - -Produced by: Laura Natal Rodrigues (Images generously made available by - Hathi Trust Digital Library.) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK SUR LA ROUTE DE PALMYRE *** - - - -PAULE HENRY-BORDEAUX - - - - -SUR LA ROUTE -DE PALMYRE - - - - -_Lettre-Préface de_ - -PAUL BOURGET - -DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE - - - - -PARIS - -LIBRAIRIE PLON - -_LES PETITS-FILS DE PLON ET NOURRIT_ - -IMPRIMEURS-ÉDITEURS--8, RUE GARANCIÈRE, 6e - -_Tous droits réservés_ - -_6e édition_ - - - - -[Figure 01: LA GRANDE COLONNADE CONDUISANT -AU TEMPLE DU SOLEIL.] - - - - - _À_ - - _MADEMOISELLE PAULE BORDEAUX_ - - - Chantilly, 5 octobre 1923. - -_Chère mademoiselle_, - - -_Je viens de relire vos pages écrites_ Sur la route de Palmyre, _par -une triste soirée d'octobre où le vent chasse la pluie en rafales sur -les massifs de ce beau parc de Chantilly, touché déjà par l'automne. -Cette lecture m'a ramené vers Beyrouth, le Liban, Damas, tout ce bord -d'Orient que vous évoquez dans un coloris si juste. Vous n'étiez pas -née, à l'époque, déjà si lointaine, où je visitais cette lumineuse -et douce Syrie, et je la retrouve dans vos descriptions, telle que je -l'ai quittée. J'ai revu ses villes aux rues étroites, où de longs -coins d'ombre sont brusquement traversés de coulées de lumière, leurs -boutiques où des loques innommables alternent avec des soies -précieuses, des tapis anciens, des cuivres ciselés, et autour de ces -villes, ces campagnes toutes verdoyantes au printemps de frais jardins -ombreux, qu'arrosent des eaux courantes,--puis aussitôt les vastes -solitudes désertiques, et là-bas les cèdres sur les montagnes et la -neige. Il y a pourtant une différence entre mes souvenirs et vos -impressions; ces solitudes, vous les avez traversées en automobile, -tandis que le cheval était, voici trente ans, le seul moyen de -locomotion. Je vous ai envié la rapide machine qui vous a permis de -gagner Palmyre, demeurée pour moi inaccessible. Enviez à vos -prédécesseurs la lenteur des étapes qui les mettait en communion plus -intime avec le paysage. Enviez-leur la joie physique de ces randonnées -dans la fraîche allégresse du matin et ces sommeils sous la tente qui -leur faisaient sentir davantage la séparation d'avec la vie civilisée! -Il est vrai que vous avez connu une extraordinaire impression, dont vos -aînés d'il y a trente ans ne rêvaient même pas, celle de survoler en -avion cette Palmyre dont le nom seul vous faisait battre le cœur de -désir. Que vous avez justement noté aussi cette magique attirance, cet -appel de certaines villes et de certains pays, rien qu'à entendre et à -se répéter les syllabes qui les désignent! Il n'arrive pas toujours, -quoi qu'en dise votre jeunesse, que ces rêves se transforment «en une -réédité plus belle encore». Ce fut le cas pour vous, et vous avez -vraiment vécu une heure incomparable en planant au-dessus de ces -gigantesques colonnades, de ces temples croulants, de ces péristyles -blessés à mort, de ces steppes de décombres, comme vous dites. Toute -l'histoire de Zénobie, l'étonnante reine qui osa défier Rome, -s'animait pour vous, et sa marche sur l'Égypte, et sa défaite, puis -l'immense et tragique abandon de sa capitale, jusqu'à ce qu'au -dix-septième siècle ces ruines fussent enfin retrouvées, et voici que -nos soldats viennent en 1921 de sauver du pillage leurs habitants -rançonnés par les Bédouins! Ce raccourci de siècles, saisi d'un coup -d'œil au ronflement du moteur qui vous emportait à travers l'espace -libre, toujours plus haut, quelle vision à ne jamais l'oublier!_ - -_Laissez-moi vous louer particulièrement--et cette vision d'histoire -m'y amène aussitôt--d'avoir compris cette grande loi de la -littérature de voyage, que la description des sites doit s'achever par -une évocation du drame humain. L'écrivain le plus habile n'est qu'un -peintre de nature morte, si des personnages ne se mêlent pas à ses -paysages. J'ajouterai qu'à mon sens, ces personnages ne doivent pas -seulement appartenir au passé. Quelque effort que nous fassions, et en -dépit d'un mot célèbre de Michelet, nous ne parvenons guère, quand -il s'agit des gens d'autrefois, qu'à ressusciter des fantômes. Certes -ils vont et viennent dans le champ de notre imagination, ils nous -émeuvent, ils nous hantent, mais trop d'éléments demeurent pour nous -impénétrables dans leur intelligence et dans leur sensibilité. Gœthe -disait dans une de ces formules ramassées auxquelles il excellait: «Le -présent a tous les droits.» Il a surtout cette puissance qu'il est -chargé d'avenir. En même temps qu'il émeut notre sensibilité, il -suscite devant notre intelligence des problèmes auxquels nous sommes -mêlés, car la planète aujourd'hui est tellement travaillée par la -civilisation,--ou du moins ce que nous appelons de ce terme--qu'aucun -point sur le globe n'est totalement étranger à notre vie, à plus -forte raison quand le voyageur se trouve dans une de ces contrées, -comme la Syrie, qui sont des frontières d'idées et de mœurs, si l'on -peut dire. Vous avez esquissé, dans ces pages qui pourraient aussi -s'appeler_ Roumana, _une silhouette saisissante d'une jeune femme -musulmane élevée deux ans à Damas, dans une école française. Elle a -appris notre langue à moitié, deviné à moitié nos habitudes, nos -façons de sentir et de penser. Puis on l'a mariée avec un musulman, -riche propriétaire qui la fait vivre dans un village arabe. Comment -cette fine et jolie créature,--elle a dix-neuf ans,--suscite la -jalousie de «l'autre femme de son monsieur» ainsi qu'elle dit dans son -mauvais français, plus âgée qu'elle et plus sauvage,--sa nostalgie -enfantine d'un Paris à la fois réel et imaginaire,--sa grâce -pathétique dans un intérieur paradoxal où une armoire à glace en -imitation d'acajou pose sur un rouge tapis de Tebris semé de fleurs -prodigieuses,--et, pour finir, la haine secrète entre les deux épouses -aboutissant à un meurtre, celui de l'enfant de Roumana, et au suicide -de celle-ci,--c'est toute une tragédie que vous contez, très -simplement, mais avec une délicatesse d'autant plus pénétrante que -vous appuyez moins. Autre loi de la littérature de voyage, quand elle -aboutit à la nouvelle: le narrateur doit nous donner une impression de -mystère, de chose devinée plutôt que connue, s'il veut obtenir la -crédibilité, cette vertu essentielle de tout récit. Étant un -voyageur, il n'a fait que traverser le pays, que coudoyer, que frôler -ses hôtes de quelques jours. Il n'en a qu'une de ces demi-connaissances -qui s'achèvent dans l'imagination et restent quand même incertaines. -De cette poésie de l'énigme exotique, notre admirable Loti a -imprégné toute son œuvre. Que votre Roumana m'ait fait songer à ses -héroïnes, puis-je vous dire mieux combien je l'ai aimée?_ - -_Et je voudrais aussi reprendre le mot que j'employais tout à l'heure -et vous parler des problèmes que soulève cette aventure de la pauvre -fille: est-ce un bienfait d'apporter à ces créatures primitives une -éducation de raffinement lorsqu'on ne peut changer leur sort? Voilà un -de ces problèmes et que vous n'avez pas tenté de résoudre, ce dont il -faut savoir gré à l'artiste littéraire qui évidemment, est innée en -vous. Vous n'avez pas chargé votre libre et touchant journal de route -des dissertations féministes ou anti-féministes qu'une telle question -enveloppe. Notre rôle, à nous conteurs, se trouve là: recueillir des -faits qui incitent à penser, mais les maintenir dans le concret, dans -le vivant. Continuez à écrire de la sorte, et je vous promets un beau -et riche développement du don que vous avez hérité de l'excellent -romancier qu'est votre père. Vous savez combien je l'estime et l'aime. -C'est vous dire la joie que m'a causée la lecture de ce morceau de -début, qui a déjà des touches de maître._ - -_Trouvez ici, chère mademoiselle Paule, tous les vœux de succès et -surtout de bon travail, de votre affectionné_ - - PAUL BOURGET. - - - - -SUR LA ROUTE -DE PALMYRE - - - Damas, 18 avril 1922. - - -Palmyre! Nous partons demain pour Palmyre! Comme ce petit mot contient -de promesses splendides et de beaux rêves prêts à se transformer en -une réalité plus belle encore «! Car il en est des noms comme des -visages «: ils vous «attirent sans que vous puissiez définir -pourquoi. En dehors de tout souvenir littéraire et de toute description -évocatrice, il y a un appel mystérieux quand on parle de certaines -villes et de certains pays: c'est peut-être une consonance étrange qui -étonne, peut-être une harmonie qui charme, peut-être aussi n'est-ce -rien. Palmyre est parmi ces noms-là... - -L'avenir a toujours raison, parce qu'on l'imagine au gré de ses -désirs, et cependant c'est folie de rêvasser ainsi quand le présent -c'est Damas, la Perle du Désert. Pour notre dernière journée, nous -errons dans les souks, au hasard. Cette matinée de printemps est déjà -brûlante. Heureusement il fait presque frais sous la voûte du grand -souk el Taouîlé. La rue est couverte, mais de temps à autre le soleil -pénètre par des trous propices. Et le contraste est saisissant entre -ces longs coins d'ombre, où se devinent des formes immobiles accroupies -parmi les piles d'étoffes sombres ou les monceaux de ternes légumes, -et ces coulées de lumière qui étincellent sur des soies chatoyantes, -diaprant les brocarts persans, pénétrant dans la transparence des -mousselines vaporeuses, glissant sur la lourde épaisseur des toiles -peintes ou bien éclatant sur les ors dégradés des citrons -jaunissants, des pâles cédrats et des rouges oranges. Plus loin, -l'obscurité est percée par les gerbes écarlates de forges -fantastiques, par les feux de rôtisseries en plein vent qui nous -imprègnent d'une odeur grasse et fade. - -Une foule grouillante nous entoure, nous presse, nous coudoie, nous -submerge. C'est une rumeur ahurissante: _Fistik djedid_, clame le -marchand de pistaches. _Salik hamâtak_ (apaise ta belle-mère), hurle -un petit Arabe déguenillé, en offrant aux passants ses bouquets aux -fleurs serrées. Et les cris de tous les vendeurs d'eau de réglisse ou -de _djoullab_, de tous ceux qui vantent la fraîcheur de leurs cressons, -la dureté de leurs pois chiches ou la douceur de leurs gâteaux -informes, se croisent et se mêlent comme des balles lancées par des -milliers de raquettes invisibles. Hurlements de chiens qu'on écrase, -plaintes impérieuses des mendiants, malédictions de tarbouchs heurtant -d'autres tarbouchs, tout cela vous remplit les oreilles. - -Collision entre un ânichon, lancé au triple galop, et un marchand -d'une de ces vagues limonades inquiétantes; bruit de verres cassés; le -liquide épais se mélange sourdement aux immondices de la rue et aux -pieds bruns des enfants accourant de toutes parts... L'œil est vraiment -ravi de pittoresque pendant que les narines se dilatent en passant près -des marchands d'épices: muscade, girofle, cannelle, gingembre, poivre. -Toutes les odeurs se mêlent pour n'en former qu'une seule qui est -l'odeur même de l'Orient et qu'on ne peut plus respirer ensuite sans -revoir cette foule bigarrée, marchant dans un torrent de lumière. - -Nous flânons dans le marché des fripiers, nous glissant entre les -guenilles sordides, les _abayes_ en loques évitant d'effleurer (oh! -combien soigneusement) les haillons plus que douteux et les burnous trop -authentiquement usés, guidés par l'espoir de dénicher une de ces -merveilleuses _koumbaz_ aux soies éteintes ou un de ces _kilats_ -moyenâgeux au satin fourré rebrodé de fils d'or. Nous franchissons le -seuil des obscures boutiques où règnent clandestinement les orfèvres: -c'est un intérieur à la Rembrandt. Sur le fond noir du mur se -détachent une ou deux silhouettes, de longues silhouettes qui n'en -finissent plus et qui ont un aspect vaguement prophétique. Un jour -timide s'attarde à la robe jaune d'œuf, se promène un instant sur le -turban blanc crasseux et parmi les cheveux en touffes grises éparses, -se fixe enfin sur l'œil étincelant, perçant, ramassé sous l'arcade -sourcilière en friche. Une défaillante lueur traîne sur des verreries -d'Irak qui un instant s'irisent de mille feux et se reflète dans les -vasques de cuivre, les aiguières aux damasquinures argentées, les -hanaps au long col. - -Notre promenade sans but nous conduit dans les khans, où d'énormes -ballots éventrés livrent toute la richesse chaude et violente de leurs -tapis persans dont les chimères et les fleurs de lance semblent -palpiter, sous nos pieds, comme si elles étaient réelles. Mais il faut -partir; à l'autre bout de la ville nous avons rendez-vous avec de très -vieilles et très authentiques princesses. - -Ce rendez-vous est au cimetière de Bâb Saghir, champ monotone de -blanches tombes de pisé, toutes pareilles, toutes nues; nous nous -arrêtons devant un monument à double coupole. Là, dans une crypte -souterraine, dorment depuis des siècles deux Arabes au nom charmant: -Sukeinah et Fatimah. Les sarcophages, récemment découverts, sont très -beaux: l'un en bois sombre, fouillé et travaillé comme la trame d'une -dentelle sur laquelle s'évitent et se cherchent des arabesques folles, -des pampres capricieux et des fleurs étranges; l'autre de marbre rose, -d'un rose passé et ancien, où une inscription coufique jette l'ombre -noire de son dessin élégant. - -Mais les heures tombent et il faut nous hâter, si nous voulons donner -à Damas un dernier regard d'adieu. Nous allons vers la colline de -Salayé, tentés de nous arrêter à tous les tournants de ruelles, -repris par le charme intense de cette vie aux portes du désert. Nous -passons devant des maristans aux détails d'architecture curieux, des -terrasses croulantes laissant deviner de beaux jardins ombreux, des -mosquées endormies. Les rues sont si étroites que les moucharabis se -touchent. Nous montons toujours sur les pavés inégaux, et voici que -tout à coup la Ghoûta s'étale à nos pieds, engloutissant Damas dans -ses vergers, ses épais bosquets et ses grands peupliers pâles. La -lumière rayonne sur cette forêt d'arbres, de minarets et de coupoles, -entourant au loin le neigeux Hermon d'un halo d'or, voilant l'Anti-Liban -dépouillé d'une parure de fête. Soudain le cercle ensoleillé se -rétrécit, l'oasis seule est caressée de jour et le velours des -feuilles se fait plus lourd et plus doux autour de la ville, grande -azalée rose penchée sur les eaux murmurantes de la Barada. Les jardins -entrent dans la nuit, Damas a concentré sur elle la beauté du jour qui -meurt, elle semble vraiment, ainsi que le chantent les Arabes, «une -étoile et un diamant brillant sur le front de l'univers». Une minute -plus tard elle s'abîme dans les ténèbres, la mosquée des Ommiades -flamboie encore un instant, élevant, comme des torches, ses minarets -incendiés. Puis une fenêtre au cœur de la ville accroche un dernier -rayon et étincelle comme une escarboucle... Immédiatement, les -collines prennent des tons ensanglantés, le ciel reflète Damas dans -ses nuages roses et les sables du désert deviennent des pierres très -précieuses. Sans transition, c'est la nuit, une nuit lumineuse et -légère. Il fait froid et nous partons, tandis que les premières -étoiles s'allument là-bas, très loin du côté de Palmyre, cette -Palmyre que j'ai un peu oubliée aujourd'hui dans nos courses -vagabondes, et dont je retrouve l'envoûtement des syllabes chantantes. - - - - - En route pour Palmyre, 19 avril. - - -Je suis réveillée par le chant aigu et monotone du muezzin, il fait à -peine jour et l'air qui entre par les fenêtres ouvertes est chargé de -fraîcheur. _Allâhou akbar_, et l'invitation à la prière se fait plus -pressante. Pour nous, c'est un peu l'invitation au voyage, car nous -devons partir de bonne heure, ayant une longue étape à fournir: ce -soir nous coucherons à Palmyre! - -À six heures nous sommes prêts, et par les rues encore désertes nous -gagnons la porte Saint-Thomas. Au sortir de la ville on dirait que nous -traversons un grand parc, un immense parc, sans barrières ni limites, -et où se perdent des maisons blanches, comme des fleurs claires en -l'épaisseur des prairies encore hautes. La route longe la Barada, qui -nous accompagne de sa chanson désaltérante; l'air est vif, presque -froid, ne se croirait-on pas «chez nous»? Chez nous, cependant, il n'y -a pas cette pureté dans l'atmosphère, cette précision des lignes, cet -éblouissement, et surtout il n'y a pas ce ciel! Les brumes du matin ne -l'altèrent point, son bleu est au contraire plus neuf, plus vivant. Les -verts différents des arbres, le tapis frissonnant des maïs pâles, les -taches veloutées des jeunes orges, le rideau ondulant des tamaris, tout -tressaille d'aise dans la lumière. Ici les choses vivent avec joie, -comme lorsque nous aimons avec tendresse. - -Puis les jardins s'estompent, les bourgs s'essaiment. On devine un petit -village à droite, c'est Adra. Mais nous abandonnons bientôt les -cultures et les vergers pour les montagnes pelées et arides du Djebel -Teniyet. Alors la lutte entre la vie et le désert se fait plus âpre. -Les arbres se pressent les uns contre les autres, pour opposer un -rempart plus solide à l'assaut des sables; les ruisseaux meurent, -pompés par l'avidité de la terre gourmande. Quelques champs montrent -encore le brouillard verdoyant de leurs blés nouveaux. De loin en loin, -on aperçoit des puits qui continuent l'oasis de Damas, très loin dans -le bled. Le paysage se stérilise, se durcit, et pendant des kilomètres -nous roulons solitaires. Le chemin devient inquiétant, avec des -obstacles inattendus, des trous perfides, des tournants en épingles à -cheveux. Mais, est-ce l'effet d'une illusion, j'aperçois de nouveau des -arbres, des jardins, ombrageant des maisons. Je demande le nom de ce -reposant village. C'est Djêroûd, me répond-on. Hélas! à deux pas de -cette oasis nous avons la panne, la panne redoutée, et il faut -descendre: nous gagnerons le village à pied. Nous sommes immédiatement -repérés et harcelés par une légion d'enfants à demi nus, qui -émettent tous la prétention de nous servir de guides et, pour cela, -luttent de la voix et du geste afin d'arriver aux premières places. Des -femmes dévoilées, misérables paysannes sans doute, et qui perdent -beaucoup en nous offrant les charmes de leurs visages flétris, -s'occupent activement à pétrir des galettes de crottin de chameau -qu'elles rangent ensuite, avec soin, au pied des murs. C'est, -paraît-il, un combustible de premier ordre, d'ailleurs le seul. - -Je détourne mes yeux de ce spectacle repoussant, et je découvre, à -l'écart, deux femmes étendues, drapées dans des étoffes à larges -raies jaunes et noires, les tresses de cheveux crépus chargées de -perles bleues et de verroteries éclatantes, sortant d'un grand mouchoir -lavande passée; au moins celles-là sont belles. Il y a un air de -majesté sauvage répandu sur leurs visages dorés, qui me change de -l'expression abrutie des ramasseuses de crottin. En voilà une qui -arrive, quelle démarche! quelle allure! Elle a un port royal. Le corps -se redresse, les hanches ondulent, peut-être est-elle un peu trop -grande. Je ne peux m'empêcher de dire à haute voix: «Oh! les jolies -femmes!»--«Où ça?», me demande vivement un des officiers qui nous -accompagnent. Je précise et alors je le vois atteint d'un fou rire -inextinguible. Je suis un peu étonnée de mon succès. Enfin, quand il -peut articuler une parole: «Mais ce ne sont pas des femmes, ce sont des -Bédouins.» L'erreur est plutôt flatteuse, et j'en ris à mon tour. Le -drogman, à ce moment, s'approche de moi et me demande si je désire -aller me reposer chez une dame qui parle français. Cette dame qui parle -français m'intrigue, et puis, faut-il l'avouer, je suis très aise de -faire quelque chose que ni mon père, ni aucun des officiers qui sont -avec nous ne pourront faire. Pénétrer dans un harem! Quel prestige -cela va me donner!... - -Par le labyrinthe des étroites ruelles, je suis mon guide; nous faisons -halte devant une porte basse; un Arabe en blanc, couleur toison de -brebis mal lavée, vient parlementer, puis un deuxième Arabe, en -jaunâtre celui-là, puis un troisième, incolore. Nous avons enfin la -permission de franchir le seuil. Un homme de haute taille, large -d'épaules, vêtu d'une abaye brune, les traits fins et le nez droit se -détachant du kaffyé rouge cerclé de l'aghal sombre, me salue en -portant solennellement la main à son cœur et à son front: «_Beïtî, -Beïtak_» (ma maison est ta maison). Il est sûrement le maître. Le -drogman me dit d'ailleurs, très vite, en un français de fantaisie: -«Mansour (suit un nom impossible à articuler), propriétaire de la -maison et de la dame.» - -À l'entrée d'une deuxième cour le drogman s'éclipse, et je reste -avec le grand Arabe. Cette cour est tout à fait inattendue: une -fontaine coule au centre sur laquelle penchent des lilas de Perse, et, -à l'ombre des fleurs mauves, une jeune fille remplit une amphore de -terre poreuse. Elle est jeune et délicatement jolie. Petite, mince -encore bien qu'admirablement faite, ses pieds nus jouent dans des -babouches de cuir rouge travaillé de fils d'argent. Sous la -transparence du voile à fleurs, un peu, terni, qui drape son jeune -corps souple, les bras se devinent d'une forme très pure. Au bruit de -nos pas, elle se relève et tourne vers nous un visage étroit, dévoré -par deux yeux noirs immenses, fendus en amande, agrandis encore par le -khôl. Son teint a la matité chaude des lis qui ont fleuri dans le -recueillement des serres. Sa beauté m'attire. Et quelle n'est pas ma -joyeuse surprise de la voir s'avancer vers moi, me disant en un -français exquis à entendre si loin de France: «Bonjour, madame, sois -la bienvenue dans ma maison.» - -Mansour, la regardant avec douceur, lui tient un long discours que je ne -comprends pas, puis il s'en va. L'enfant, après un coup d'œil confus -à sa robe, sans doute sa robe de tous les jours, me prend la main: «Tu -es fatiguée? Viens reposer.» Et elle m'entraîne vers une grande salle -aux fenêtres closes. - -Quand je suis installée, très bien installée, sur une sorte de divan -bourré de coussins, elle m'apporte de l'eau de la fontaine et un verre -de _khouchaf_, sirop de raisins, d'abricots et d'oranges, puis elle -s'assied à mes côtés en riant. J'entame la conversation: - ---Comment t'appelles-tu? - ---Roumana. - ---C'est un nom aussi joli que toi. - ---Non, c'est toi... - ---Moi, je m'appelle Paule. - -Elle avance drôlement la lèvre et répète docilement. - -Elle fixe sur moi un grand regard interrogateur, mais elle ne parle pas. -Elle attend sans doute que je la questionne. Et moi je suis presque -intimidée: comment faire pour mettre en confiance cette jolie créature -enfantine, comment lui faire comprendre la sympathie qui me porte -soudainement vers elle? - ---Le grand Arabe qui m'a conduite vers toi, est-ce ton père? - ---Non, c'est mon mari. - ---Ton mari, mais tu parais si jeune, quel âge as-tu donc? - ---J'ai dix-neuf années. - ---Ça, c'est amusant, ma petite Roumana, nous sommes du même âge. -Seulement, moi, je ne suis pas mariée. Y a-t-il longtemps que tu as -épousé Mansour? (Là je m'arrête, faute de pouvoir continuer.) - ---Il y a quatre ans et j'ai été bien triste, j'ai tellement pleuré -que de mes yeux coulaient des ruisseaux larges comme la fontaine de la -cour. - ---Il n'est donc pas bon pour toi? - -Ici elle ne répond rien et se met à sourire. J'insiste: - ---Pourquoi avais-tu du chagrin? - ---J'aurais tellement voulu rester à l'école pour finir ma deuxième -classe, et puis le père est mort, et puis mon oncle a voulu me marier -tout de suite, et la mère n'a rien dit. - -Le visage se contracte si douloureusement que je devine un mal secret, -jalousement gardé, et avec douceur j'essaye d'arracher les confidences. -C'est une conversation difficile: Roumana ne comprend pas toujours très -bien; je dois détacher mes syllabes et ralentir mes phrases; ou bien -c'est moi qui ne saisis pas clairement ce qu'elle explique dans son -langage imagé. Tout en écoutant, je contemple curieusement la chambre -où nous sommes: elle a de belles dimensions, les grandes fenêtres -donnent sur la cour aux eaux limpides, mais les persiennes sont à -moitié tirées pour garder un peu de fraîcheur. La plus étrange -confusion règne dans l'ameublement: sur le carrelage, un splendide -tapis de Tebris déploie ses semis de fleurs prodigieuses sur un fond -velouté aux rouges chantants; à côté de cette merveille sans prix, -deux honnêtes descentes de lit Jacquard, échouées là, Dieu sait par -quel hasard, ont piteuse contenance et exhibent le bariolage compliqué -de leurs grosses roses, zinzolines ou violines, encadrées de jaune et -de vert. Partout il y a ce mélange piquant de quelques vieilles choses -perdues parmi des objets civilisés du plus mauvais goût: hélas! il y -a une armoire à glace. Horreur, aux confins du désert, une armoire à -glace, en imitation d'acajou! Dans une jardinière se prélassent des -fleurs artificielles aplaties, molles et déteintes. Sur une table de -bois aux incrustations de nacre trônent d'innombrables photographies -jaunies. Je regarde à gauche et j'aperçois deux lits, style Louis XV, -dorés, chargés de quatre ou cinq matelas chacun et que recouvrent des -couvertures soyeuses, des coussins brodés, des dentelles. Je dois -avouer qu'ils ont l'aspect assez propre. Enfin, à côté du sofa, un -plateau de cuivre damasquiné attend un service à café absent et qui -doit sûrement venir du Bon Marché. - -Petit à petit l'histoire de Roumana commence à se dégager: c'est une -histoire qui ferait banale sans l'accent de la jeune femme, peut-être -celle de toutes les Arabes de ce pays. Mais la voix de Roumana tremble, -elle se souvient et elle souffre; quand elle parle de l'école, je vois -ses yeux lourds de larmes. - -Je commence par la complimenter de son bon accent et de la correction -étonnante de son français. Elle l'a appris à Damas où son père -était «sous-colonel» du temps des Turcs. Elle allait à l'école, pas -chez les Sœurs, mais chez des demoiselles. Elle y est restée deux ans, -et elle aurait tellement voulu apprendre le français très bien! Puis -son père est mort; elle va me chercher sa photographie où il est -représenté assis avec deux bébés en costume européen à ses -côtés; elle me les indique: Roumana, Salma. - -Je m'informe: qui est Salma? - ---La petite sœur, répond-elle. - ---Et ta mère? Elle n'est pas avec vous? - ---Non, il n'y a pas de femme photographe à Damas. - -J'ai complètement oublié que les Musulmanes sont voilées depuis -l'âge de huit ans... - -Pourvu que Roumana ne soit pas blessée de cette question intempestive! - -Mais sans paraître troublée, elle continue: les monotones tristesses -se sont abattues sur l'heureuse famille. L'oncle a pris la tutelle, et -comme la fille aînée atteignait quinze ans, il a jugé qu'un mariage -serait une excellente affaire. En vain a-t-elle supplié qu'on lui -laissât encore un an, trois mois, quelques jours. Il y avait une -occasion unique et la jeune fille a été achetée 200 livres or, «le -prix d'une jument Anézé», dit-elle, fièrement. Mansour avait l'âge -de son père: une quarantaine d'années environ, mais il était un gros -propriétaire de Djêroûd. - -Elle se tait, et un silence morne s'élève entre nous. Je déborde de -pitié et je ne dois pas le montrer à cette enfant qui vit presque -heureuse ainsi. Pour dire quelque chose, je fais l'éloge de Mansour: - ---Ton mari a très grand air, il est beau. (Je mens sensiblement, les -hommes ici sont tous pareils, ils ont l'air de jouer la tragédie et -semblent des répliques, faites à l'infini, d'un de nos acteurs les -plus renommés qui affiche sa superbe en se donnant de grands coups de -poing dans l'estomac, et en déployant une barbe en pointe -irrésistible.) - -Pas de réponse. - ---As-tu des enfants? - ---La petite Marie. - ---Maryam? - ---Non, Marie. C'est français, c'est plus joli. - -Est-elle très sincère en me disant cela? Qui le sait? Mais je remercie -tout de même... Pendant que nous causons la porte s'est ouverte et, -silencieusement, des ombres se glissent à côté de nous: une matrone, -la taille épaisse, les traits noyés dans une boursouflure de graisse; -une jeune fille très forte, la caricature de Roumana, portant un enfant -emmailloté d'oripeaux étincelants; une grande fille sale et -dépenaillée, la chemise fendue sur une gorge opulente; quelques -enfants pas du tout intimidés et qui, un doigt dans le nez, -m'inspectent en mâchant une feuille de laitue... Une nuée de commères -mal ficelées, curieuses et dépeignées font irruption sournoisement... -La chambre est remplie. - -Puis une femme, grande et élancée, entre avec autorité. Tout en me -saluant très bas, trop bas, elle me dévisage froidement et ses yeux -aux reflets d'émeraude se fixent longuement sur moi. Sans savoir -pourquoi, cela m'agace et je me retourne pour demander à Roumana quelle -est cette impudente personne. Mais elle m'a prévenue et, d'une voix -assourdie, se penchant sur moi: - ---C'est aussi l'autre femme de mon monsieur. C'est Abla. - -L'autre femme de son monsieur! Je reste un moment interdite, puis mon -regard va du charmant visage de Roumana à la figure noirâtre de cette -femme. Elle parait âgée. Contrairement à ce qui arrive ici -d'habitude, elle s'est desséchée, et sa maigreur est saisissante à -côté des mottes de chair flasques et tremblotantes qui l'entourent. Le -nez en casse-noisette rejoint le menton aigu, les cheveux sont rares et -le teint cireux, mais évidemment Abla a dû être belle, très belle -même: ses yeux changeants en sont le dernier témoignage vivant. - ---Tu vis avec elle? dis-je à Roumana. - ---Oui, répond-elle avec indifférence. - ---Elle ne comprend pas le français? - ---Oh! non, il n'y a que moi. - -Comme si Abla avait deviné qu'il s'agissait d'elle, elle se rapproche -de nous. Un dialogue s'engage, très animé, où je distingue les mots -de «_khallîni_, _khallîni_» (laisse-moi tranquille), qui reviennent -à plusieurs reprises. - -Interrompant les discours de la vieille, Roumana secoue ses tresses -noires, qui descendent en sillons bleuâtres sur son cou, et elle me -conduit vers les femmes, qui toutes me souhaitent la bienvenue en -s'inclinant trois fois. La jeune fille qui lui ressemble, c'est Salma. - ---Je l'ai mariée au fils d'Abla, m'explique-t-elle avec importance. - -C'est à ne plus s'y reconnaître! Voilà que sa sœur a épousé le -fils de la première femme de son mari! Quelle famille! - -Timidement, Salma me dit bonjour en mauvais français. - ---Vous parlez aussi français? - -Elle se tourne vers Roumana avec anxiété, guettant un secours. -Celle-ci me répond à sa place: - ---Elle parle mal parce qu'elle a été trop petite à l'école. - ---Quel âge a-t-elle donc? - ---Treize ans. - ---Et son mari? - ---Dix-sept ans. - -À ce moment précis Salma éclate en sanglots et, comme à un signal -donné, les vieilles femmes se lèvent en tumulte, s'agitent, parlent -avec volubilité, me racontant quelque chose que, naturellement, je ne -saisis pas. On dirait un chœur de sorcières. De ce concert, dont les -glapissements des enfants bien exercés sont le fond, partent des -gémissements rauques et des cris déchirants: Abla se fait remarquer -par une aptitude particulière dans cet exercice. - ---Il est en prison, me confie Roumana. - ---Qui ça? - ---Tu dois savoir, Negib, le mari de Salma. - ---Pourquoi? - -Suit une explication impossible, entrecoupée par les hoquets convulsifs -de la jeune femme et les sifflements nasaux d'Abla. Je crois comprendre -que le dénommé Negib a eu maille à partir avec les autorités, pour -avoir refusé de payer les impôts, et qu'on me supplie d'intercéder -auprès de M. le Gouverneur. Je promets tout ce qu'on veut et j'ai hâte -de me dérober à la reconnaissance prématurée et humide de la gent -féminine. Heureusement, sur un ordre de Roumana, la fille dépenaillée -apporte le _findjan_, ce café turc si brûlant et si parfumé servi -dans les minuscules tasses de cuivre. Nous le savourons à tour de -rôle. - -Mais les bonnes femmes commencent à bavarder bruyamment et ces paires -d'yeux, à l'affût de mes moindres mouvements, me deviennent -insupportables. Si je tourne la tête d'un autre côté, je surprends le -regard figé d'Abla, à qui mon visage ne revient décidément pas. Je -commence à me sentir mal à l'aise, et, sous le prétexte de voir la -petite Marie, je demande à Roumana de m'emmener. Au moment de sortir de -la pièce un rire strident éclate: je reconnais celui d'Abla sans -l'avoir jamais entendu. Il faut avoir les nerfs solides pour passer son -existence avec une créature aussi antipathique. - -Roumana me laisse dans la cour chaude, et revient avec un enfant sur les -bras. Sa tête est recouverte d'une étroite calotte de velours bleu où -s'alignent des centaines de piécettes en rang de bataille (tout autre -enfant serait mort d'insolation en cette posture: mais l'Orient est la -terre des extravagances, la coiffure nationale n'est-elle pas le -tarbouch, haut cône de feutre rouge, sans bords!...) Avec sa figure -vieillotte et ratatinée, ses yeux, remplis de mouches et de gouttes de -khôl, clignotant sous l'atroce lumière, cette pauvre petite n'est -certes pas jolie. N'importe, je lance les deux seuls mots que je sache -en arabe: «_Ketîr kouaïyis_» (très, très jolie), d'un air -convaincu. Mon compliment n'est pas si faux qu'il en a l'air, -d'ailleurs, car, en m'éloignant un peu, la vision de Roumana sous -l'ombre légère des arbres fleuris, portant dans ses bras ce curieux -marmot, qui essaie ses premiers pas sur un bourrelet de la robe -maternelle, a quelque chose d'une madone barbare et primitive qui me -plaît infiniment. - ---Comme ces arbres sont beaux!--ne puis-je m'empêcher de dire à -Roumana, en montrant les lilas de Perse. - - -[Figure 02: LE RETOUR DES TROUPEAUX À PALMYRE -AU COUCHER DU SOLEIL.] - - -Elle dit quelques mots en arabe... Je ris. - ---Tu sais bien que je ne comprends pas. - ---Celui qui plante un arbre n'a point passé vainement sur la terre... -C'est ce qui est écrit. - -Je regarde l'heure et suis étonnée du temps que j'ai passé ici. Juste -à ce moment, Mansour revient, très agité, il parle vite. Roumana sert -d'interprète. - ---Il dit qu'il faut que tu partes, que tes serviteurs (ce n'est guère -flatteur pour nos compagnons de voyage!) t'attendent. Il dit qu'il -aurait voulu tuer un mouton en ton honneur, et que tu aurais dû passer -chez nous sept fois sept jours. - -Je la prie de remercier son mari de son aimable hospitalité et de lui -dire que j'ai trouvé la maison splendide. - ---C'est ta présence qui la rend belle, me fut-il répondu. - -Je cherche un mot gentil dans mon plus que modeste vocabulaire, pour ne -pas être en reste de politesse, et je crois l'avoir trouvé quand je -répète mon sempiternel _ketîr kouaïyis_! en indiquant Roumana de la -main. - -Mais, derrière le maître, Abla s'est faufilée et elle ouvre sa bouche -édentée comme si elle allait me jeter à la face un torrent de bile, -aussi verdâtre que son teint. Le geste reste inachevé, heureusement... -Mais elle nous coule un mauvais regard tandis que Roumana se rapproche -de moi. - ---Où vas-tu? - ---À Palmyre, Tadmor. - ---Tadmor, oh! c'est loin... - ---Nous y serons au coucher du soleil. - -Mais Roumana réfléchit: - ---Baghdâd, c'est loin? - ---Beaucoup plus loin que Palmyre. Il y a des journées de voyage à -travers le désert. Il faut aller traverser l'Euphrate à Deir-ez-Zôr, -puis descendre le fleuve jusqu'à Baghdâd. - ---Mon frère Adib habite Baghdâd, il est parti, il y aura deux années -au petit beïram. Nous n'avons jamais eu de nouvelles. Tu pourras nous -en apporter. - -J'essaie de lui faire comprendre l'impossibilité de cette tâche, mais, -vaincue par l'assurance de Roumana, j'acquiesce. - ---Tu reviendras? - ---Certainement, je repasserai par Djêroûd après-demain et je te ferai -une longue visite. - ---On te donnera le _mézé_. - -Et Roumana, oubliant la petite Marie, va se mettre à sauter de joie. - -Mais le rire étrange d'Abla arrête son élan et nous fait sursauter -toutes deux. - -Allons, il faut partir. J'arrache mes mains aux baisers de Roumana. Elle -crie au revoir, au revoir. J'ai déjà quitté la cour aux lilas que -l'écho plus lointain de sa voix me poursuit encore: au revoir... - -Mansour, portant religieusement mon manteau et mon kodak, me reconduit -jusqu'à l'auto; Derniers salamalecs et Djêroûd disparaît bientôt. - -De nouveau, c'est le steppe. Au tournant de la route, nous crions au -mirage: une nappe d'argent qui brille à droite, là-bas, au pied d'une -colline sableuse. On dirait un lac... C'est un vrai lac d'ailleurs, et -nous le regrettons, tant les illusions ajoutent de beauté aux choses. - -À midi, nous atteignons Karyetein, dernier village, dernier point d'eau -avant Palmyre, distante de plus de cent kilomètres. Nous sommes -aussitôt harponnés par le Caïmacan et les notables qui, en redingotes -(et quelles redingotes!) et en tarbouchs, malgré l'écrasante chaleur, -viennent nous haranguer avec une facilité terrifiante pour des gens à -jeun, comme nous. En Orient, dès qu'il passe un étranger, les -notabilités du pays accourent, bellement accoutrées, pour vous -raconter des boniments flatteurs et où vous êtes traités d'Excellence -à toutes les phrases. Cette honnête coutume n'est certes pas -négligeable pour des voyageurs français habitués à être molestés -et houspillés quotidiennement chez eux... Ayant pu déjeuner entre deux -discours, nous repartons une heure plus tard. - -Là commence le désert... - -Le ciel et les sables, c'est tout... - -Le ciel est d'un bleu si profond qu'il en est douloureux et les sables -ocrés ont des éclairs de feu. Nous allons dans l'azur et dans l'or. -Pas un arbre, pas une maison, pas un homme, rien...; si, un renard qui a -fui, épouvanté à l'approche d'êtres vivants. Le désert a de longues -ondulations, et des collines abruptes et des chaînes de montagnes -hautaines... Mais tout cela semble taillé dans du porphyre. Le soleil -se joue des couleurs et crée des nuances inédites. Et je sens peu à -peu qu'un charme étrange m'enveloppe et m'étreint. Je suis heureuse, -je voudrais crier ma joie, je voudrais continuer cette course -fantastique à l'infini, toujours plus loin, toujours plus loin, sans -but, à travers cette immensité qui m'attend et qui m'attire. - -Pendant ces heures étouffantes, où l'auto surchauffée volait sur la -piste ardente, pendant que le kramsin nous soufflait au visage son -haleine embrasée et nous recouvrait de sables brûlants, déferlant sur -nous comme les vagues d'une mer démontée, je crois que j'ai vraiment -compris l'appel du désert. Je ne parlais pas, je ne pensais pas, je ne -voyais pas, je me laissais bercer par la voix monotone des sables. Tout -ce que nous avons rencontré, je le vois vaguement, comme en un rêve: -un vieux château ruiné, un khan servant de poste de gendarmerie. Tout -à coup, quelqu'un prononce un nom: «Palmyre!» Alors je sors de ma -torpeur et, avidement, je cherche, je devine, et mon impatience -s'exaspère. Où peut-elle être, la ville étonnante, si jalousement -gardée par le désert? Soudain, devant moi, je distingue une tour. Un -cri s'élève: «Là-bas!»... Voici que d'autres tours surgissent à -nos yeux étonnés, des tombeaux! Il y en a, il y en a.... Un suprême -soubresaut du moteur exténué enlève une dernière côte, nous sommes -au sommet du col, et alors!... - -On nous avait bien dit que Palmyre était une ville de marchands et de -nouveaux riches; un archéologue distingué nous avait même prévenus, -avec une grimace de dégoût, que les ruines étaient de «la basse -époque». Comment donc s'attendre au spectacle insensé que nous -ménageaient les dernières lueurs du jour?... Des champs de colonnades -et d'arceaux s'étendent partout où fouillent les regards. Les marbres -et les granits, amoureusement dorés par des milliers de jours lumineux -et d'audacieux soleils, ont gardé dans leurs veines de pierre le -rayonnement de ces heures mortes et nous restituent ce soir toute la -clarté que les temps ont incrustée en eux. Ils sont nimbés de topaze, -comme les toiles de Raphaël ou du Titien sont couvertes d'une patine -chaude qui ajoute à leur beauté actuelle le charme du passé. De la -basse époque! peut-être... Mais quand le couchant embrase ce squelette -déchiqueté de ville fabuleuse ensevelie dans les sables roses du -désert, quand les flammes du soleil à l'agonie lèchent et dévorent -les ruines comme si un incendie gigantesque s'abattait sur elles, alors -on ne pense plus à l'époque haute ou basse, mais on admire et on se -tait... Puis le rideau tombe brusquement sur la féerie et nous entrons -à Palmyre avec la nuit. - -Nous sommes reçus par un officier français, chef du Contrôle -bédouin, car nous avons des troupes à Palmyre... L'accueil est -vraiment charmant: visiteurs d'un jour, nous sommes les bienvenus comme -des amis longuement attendus. Il y a aussi une Française à Palmyre: la -femme d'un capitaine, qui n'a point redouté l'isolement du désert, et -sa présence se trahit par la disposition des coussins et des tapis, par -l'ordonnance du menu, par les fleurs qui parent la table. Toute la -garnison est réunie ce soir-là: il y a des officiers méharistes et -des aviateurs, une douzaine environ, tous gais, tous pleins d'entrain, -si bien «de chez nous»... - -Après le dîner nous montons sur le toit pour essayer de voir les -ruines, mais la lune ne se lèvera que beaucoup plus tard: seul le -saphir du ciel est pailleté d'étoiles. - -Soudain la nuit s'anime... les aviateurs vont regagner leur escadrille -et les méharistes leur grand quartier... des cris... des appels... des -voix jeunes et claires... des burnous blancs qui flottent et -s'agitent... bruit de moteurs... le silence graduellement retombe. - - - - - Palmyre, 20 avril. - - -Je n'ai pu dormir, l'air était lourd. J'ai pensé à Roumana, et j'ai -comparé nos deux vies avec un frisson d'épouvante. - -Au matin, nous descendons au camp d'aviation, en dehors de la ville. Le -jour a peuplé les ruines et nous croisons des troupes d'enfants et de -femmes. - -Le Bréguet où je vais monter brille comme un bibelot de luxe. Encore -quelques instants et j'aurai reçu le baptême de l'air, au cœur des -sables, en plein désert. Pas l'ombre d'une émotion, sinon une -curiosité que l'attente intensifie jusqu'au paroxysme. Je m'engouffre -dans une vaste combinaison fourrée où je disparais, j'enfonce avec -difficulté ma tête dans un casque de cuir, je m'applique sur les yeux -une paire de solides lunettes. Je suis parée, en avant, et je me hisse -avec peine dans la carlingue où le pilote est déjà installé. Le -moteur, poussé à fond, rugit, formidable, et demandant grâce avec -menace! Les oreilles sont remplies d'un bourdonnement qui -croît.--«Coupé, contact, coupé!»--L'avion a bougé, il bouge... Les -mécaniciens retiennent encore les ailes, ils les lâchent. - -Nous décollons. Sur le sable roux nous glissons de plus en plus vite, -les ailes de l'hélice s'enfièvrent, l'air nous pique le visage. Le sol -se dérobe. Nous conquérons le ciel. Nous montons. Le vent de la course -et le vrombissement du moteur ouatent nos sensations et nous retranchent -de la terre. Et voici que Palmyre apparaît dans sa gloire. Nous -survolons le camp d'aviation, les uniformes disparaissent, les tentes et -les hangars s'aplatissent. Un virage nous amène au-dessus des ruines. -Quelle étrange vision que celle de ces deux Palmyre! la nouvelle, la -moderne, née à l'ombre de l'aïeule. C'est l'histoire de deux pays, de -deux races, de deux mondes que cette liaison du passé et de l'avenir. -Aucun des voyageurs qui nous ont précédés n'a eu cette rare -jouissance d'assister à la résurrection d'un peuple mort et de voir -refleurir les ruines. - -Nos trois couleurs flottent sur l'antique Tadmor, le «lieu des palmes» -de la Bible, la Reine du désert visitée par Adrien, la Palmyre -d'Odénath et de Zénobie. - -Le plan de la ville apparaît dans sa simplicité magnifique, nous -volons d'abord au-dessus du Temple du Soleil, gigantesque carré -croulant, ayant encore une façade, mais dont l'intérieur est divisé -en alvéoles. Les Arabes minant sourdement la terre, comme des termites, -y ont entassé leurs rudiments de huttes blanchâtres et, d'en haut, on -dirait une fourmilière à demi éventrée. Nous suivons une grande -colonnade. Les sables s'ouvrent pour laisser passer des arcades, des -portiques fléchissants, des tétrapyles bouleversés, des restes de -remparts, des péristyles blessés à mort, et des pierres!... des -steppes de décombres. Mais surtout il y a les colonnes! Elles sont -légion. Tantôt elles se rassemblent en forêt, serrant leurs troncs de -pierre et élevant leurs têtes découronnées; tantôt, elles se -cherchent et se suivent en files, gravement; tantôt nouant des rondes -capricieuses et aériennes, elles dansent en cercle; tantôt, au -contraire, elles s'écartent, farouches, et semblent pleurer dans -l'isolement leur grandeur perdue. Palmyre secoue peu à peu son linceul -et laisse percer ses ossements mutilés et ses doigts décharnés. Nous -montons toujours. Les ruines deviennent régulières, symétriques et -laides, découpées en puzzle. Nous volons au-dessus du château arabe -qui profile au Nord ses murailles démantelées dont la pourpre et l'or -grincent sur le ciel bleu. Nous allons plus loin... La mince bordure -verte de l'oasis disparaît, rongée par l'insatiable terre rousse, nous -surmontons les montagnes chauves qui défendent Palmyre du côté de la -vallée des Tombeaux et, après un rapide virage, nous fuyons vers le -désert, le vrai désert _via_ Baghdâd! - -Nous rentrons... La terre court à nous. Mais nous allons nous écraser -comme un fruit trop mûr! Arrêtez! c'est fou: une seconde, et nous ne -serons plus que lambeaux de toile et de fer!... Une seconde!... L'avion -effleure le sol, le rase, le flaire, et se pose enfin comme une grande -libellule docile. Nous avons atterri. - -Après un déjeuner très agréable à la section méhariste (les forces -militaires de Palmyre se disputant aimablement le plaisir de nous -héberger), nous partons pour les ruines dès que l'approche du soir -tamise la chaleur. Nous allons d'abord au Temple du Soleil, par ce qui -fut autrefois un escalier monumental et qui n'est plus que poussières. -Dans la grande cour carrée, c'est un enchevêtrement, une confusion de -misérables cases qui se sont emparées de pierres antiques comme d'une -belle proie. Des colonnes sortent des maisons, d'autres servent d'appui. -Au centre du village s'élève le sanctuaire du temple, aujourd'hui -mosquée. Sur le portail de la cella, un grand aigle de marbre déploie -ses ailes frémissantes et ouvre des serres acérées. C'est l'heure de -la prière; sur des nattes minables, une douzaine de pelés et de tondus -récitent leurs souras avec componction. Us se prosternent, se lèvent, -se balancent en cadence. Nous devons attendre qu'ils aient fini leurs -dévotions et leur gymnastique suédoise. Nous montons alors un -simili-escalier qui nous conduit au toit le plus élevé. De là, la vue -embrasse les murailles encore hautes, le temple et le village. Un des -fidèles qui nous a servi de guide nous parle avec volubilité: le nom -de Belkîs revient plusieurs fois, Belkîs! Palmyre! - -Quels temps revivons-nous? - -Nous flânons à l'aventure. - -Certes, aucune des colonnes qui nous entourent ne nous exalte comme les -six colonnes du temple de Jupiter à Baalbeck que les siècles, -respectueux de leur beauté, ont seules épargnées sur des centaines -d'autres. Mais est-ce une raison pour préférer Baalbeck à Palmyre? - -C'est une sotte manie que celle de comparer toujours. Cela suppose un -esprit assez obtus pour n'avoir qu'un seul idéal, assez étroit pour -vouloir tout y ramener, assez aveugle pour refuser d'admirer ailleurs. -Baalbeck, c'est la pureté des lignes, l'harmonie et la divine mesure. -Palmyre, c'est la force, l'étonnement, l'extraordinaire. - -Ce que nous admirons ici, c'est moins l'art grec à sa décadence, -l'abus des statues, la profusion des détails (quels chefs-d'œuvre -cependant dans ces guirlandes, ces pampres, ces bouquets, ces épis qui -dentellent la pierre et semblent frissonner sous la brise!) que -l'excentricité du lieu où Palmyre a surgi. Au sein des mers de sable, -elle est la source désaltérante, la bienheureuse halte des lentes -caravanes venues des bords de l'Euphrate. Loin de l'univers, voici -qu'affluent à ses palais et à ses temples les richesses du monde: les -marbres d'Égypte, les granits d'Hassouan, les bois de santal, les -mosaïques persanes. - -Et bien plus prodigieuse encore que sa naissance est sa vie. Je me -rappelle l'incroyable aventure: une femme soulevant Palmyre contre Rome, -la marche victorieuse en Égypte et en Asie Mineure; les désastres -d'Antioche et d'Emèse et la fuite éperdue vers la capitale, dernier -asile, le retour douloureux des troupes vaincues sous les arcs -triomphaux. Ils rentrent la tête basse, sous les colonnades roses, les -lourds cavaliers palmyréniens bardés de fer, les archers de -l'Osrohène, les guerriers arabes et scythes talonnés par la cavalerie -légère d'Aurélien qui accourt à bride abattue. L'empereur, pour -éviter le siège, propose la reddition, promettant d'épargner la -reine. Et la réponse fameuse de Zénobie me revient à la mémoire: -«Personne avant toi n'avait fait, par écrit, une telle demande. À la -guerre, on n'obtient rien que par le courage...» - -Alors Palmyre disparaît du monde. - -Mais cela est bien vieux! L'histoire actuelle est autrement captivante. -En octobre 1921, les premiers contingents français arrivent à Palmyre. -La ville, délaissée par le gouvernement turc, qui avait d'autres soins -plus pressants, était livrée au bon plaisir des Bédouins. Ceux-ci, en -effet, en toute impunité, razziaient les troupeaux, attaquaient les -caravanes, pillaient les récoltes, imposaient les villages et rendaient -la vie impossible aux malheureux sédentaires. - -L'installation de nos troupes change la situation: la compagnie -méhariste fait la police du désert, poursuivant les rezzous, arrêtant -les pillards, exécutant d'étonnantes randonnées qui stupéfient les -Bédouins. Ces jours-ci, cent cinquante méharistes sont partis dans le -Wadi el Miah, pour surveiller les points d'eau, se dirigeant ensuite -vers Abou Kemal, sur l'Euphrate, à des centaines de kilomètres de -Palmyre! - -Les Bréguet opèrent des raids prodigieux au-dessus des étendues -désolées du Hamad, reconnaissant le terrain, contrôlant les -déplacements des tribus, exerçant un prestige inouï sur l'imagination -bédouine. - -Alors, timidement, chétivement, Palmyre revient à la vie: des écoles -s'ouvrent, un dispensaire se crée, des tournées médicales -s'organisent, à la grande surprise des nomades, qui vénèrent de plus -en plus le _hakim_ (médecin), des caravanes jalonnent de nouveau la -route de l'Euphrate, les villages respirent, les habitants reprennent -goût à cultiver leurs terres dans la sécurité du lendemain et -désensablent les puits... - -Les officiers se donnent à leur tâche pleinement et de toute leur -jeunesse. L'un d'eux me disait: «Nous tendrons toute notre -intelligence, toute notre énergie et tout notre dévouement pour que le -drapeau de la France soit respecté et aimé dans ce pays!» - -Ce soir, à l'escadrille, nous sommes réunis, pour la dernière fois, -à la petite garnison. Nous dînons sous la tente et c'est un tableau -saisissant, presque irréel: les uniformes blancs luisent sous la -lumière électrique et la table est chargée de gâteries exquises: des -flans au caramel, des tartes, des beignets aux ananas. Les aviateurs -nous font les honneurs de leur «home». Ingénieux et artistes, ils ont -transformé leurs tentes avec des tapis persans, des coussins de soie -vive, des divans, des kelims; leur coquetterie a surtout visé -l'éclairage (l'escadrille ayant créé une source d'énergie -électrique) et la fantaisie des abat-jour rivalise avec le pittoresque. -Seulement... seulement quelquefois un coup de kramsin détruit et balaye -les maisons de toile... - -Autour du camp, c'est le silence de la nuit divine qui nous apporte un -parfum indéfinissable, le parfum du désert: il a passé sur les sables -tiédis et sur les buissons gris d'herbes aromatiques achevant de -mourir, il vient de loin, de très loin, d'où nous voulons qu'il -vienne. Et je songe aux paroles si émouvantes dans leur simplicité que -j'ai entendues tout à l'heure en considérant tour à tour les vedettes -du désert, sentinelles avancées de nos troupes de Syrie, et -l'immensité mouvante et traîtresse qui les guette dans ses replis -tortueux et dans ses sables brûlants, sans eau et sans vie... - - - - - Départ de Palmyre, - 20 avril, 3 heures du matin. - - -Nous partons. Un mince croissant de lune strie d'argent la tristesse des -ruines, des lames brillantes frôlent la terre rose. Nous partons. Je -suis lasse au moral et au physique, car, s'il est une heure douloureuse -entre toutes, c'est celle du départ et cependant il faut toujours finir -par là! C'est l'heure où les réalités et les beautés vécues -s'effacent et s'embrument, l'heure où nous ne pouvons même pas -recourir à nos souvenirs, puisque le présent mort n'est pas encore -devenu le passé vivant qui réconforte... Et si le départ est -définitif, éternel? Dire adieu à des lieux aimés où l'on ne devra -plus jamais revenir! Cet irrévocable est pire que tout. - -Palmyre a disparu. - -Alors l'enchantement cesse. Après toutes les choses ardemment -désirées et obtenues, il y a un moment de détente où l'esprit se -libère de sa volontaire obsession. - -Pendant trois jours, je n'ai eu qu'une idée, qu'une pensée, qu'un -bonheur: Palmyre. Maintenant je suis libre et je me donne la permission -de rêver à ma petite Roumana, je me promets d'employer mieux le temps -que je vais passer avec elle. - -Vers onze heures les jardins de Djêroûd sont en vue. Comme le vert est -une belle couleur! Je ne croyais pas tant aimer les arbres. Et de l'eau! -Il y a de l'eau! de la vraie eau qui coule et qui chante et qui bondit -et qui cascatelle et qui se donne un mal inouï pour nous faire plaisir. - -Bien vite je me fais conduire chez Mansour. Voici l'entrée, voici la -cour aux lilas. Personne. Un murmure de voix me guide et je me dirige -seule vers la grande salle où j'ai été reçue l'autre jour, en -appelant Roumana. Une porte s'ouvre et je reste stupéfaite. Est-ce bien -là la jolie enfant sauvage que j'ai quittée avant-hier? Pour me faire -honneur, elle a revêtu une robe de Paris. Elle se croit très belle, -sans doute, et moi j'hésite à la reconnaître... C'est une robe de -forme démodée, datant d'au moins dix ans, et dix ans cela compte -encore plus dans la vie d'une robe que dans celle d'une femme! Sa taille -est contrainte dans un corsage étriqué et court, la jupe trop longue -tire sur les hanches pleines et entrave la marche, les manches,--c'est -ce qu'il y a de plus réussi, les manches!--ballonnées, soufflées, -volumineuses, monstrueuses, elles remontent jusqu'aux oreilles, -torturant les bras ambrés. Et la couleur!... Elle aussi a été à la -mode, elle oscille entre un puce unique et un kaki ahurissant: c'est la -couleur la moins recommandée pour mettre en valeur le teint doré de la -petite Arabe. - -Malgré moi, une autre Roumana, toute de mon imagination, prend la place -de celle-ci. Je l'habille d'un vieux costume de son pays. Je la vois si -bien parée du large pantalon bouffant de soie diaphane, avec la -_koumbaz_ aux ors verts et rouges dont les deux pans de devant se -drapent en ceinture, et dont les manches, fendues depuis le coude, -glissent jusqu'à terre. Je vois si bien sa tête brune entourée d'une -_cherbé_ aux éclats de béryl, et ses petites chevilles et ses -poignets chargés d'anneaux massifs. Je la vois si bien devant un palais -merveilleux, comme celui d'Asad Pacha, à Damas, peut-être; couchée -sur le perron couvert de tapis précieux, et regardant rêveusement les -fleurs de jasmin et d'ibiscus suivre les méandres de la _mastaba_, -grande vasque de marbre blanc qu'étoilent de fins canaux où l'eau -s'égare: on y jette des pétales et ils s'en vont comme des papillons -fragiles... - -Mais Roumana, la vraie, quête des compliments et je dois m'extasier sur -cette ridicule toilette. Ce que ce malheureux «_kêtîr kouaïyis_!» -m'aura rendu de services! presque autant que «_goddam_» à Figaro. - -Roumana paraît enchantée de me revoir. Heureusement elle a oublié son -frère Adib et les nouvelles que j'avais mission de rapporter. Pour -l'instant, elle est tourmentée par l'idée de me faire entrer, le plus -vite possible, dans la maison. Je me laisse faire en riant, mais ne peux -réprimer un mouvement de mauvaise humeur en constatant que le -Tout-Djêroûd élégant y est déjà réuni. Pas moyen d'être -tranquille une seconde dans cet Orient, on est toujours en -représentation avec mille spectateurs tenaces, suspendus à vos -basques, et qui ne les lâchent pas!... - -Du groupe de jeunes et vieilles femmes, Abla se détache et fonce sur -moi en multipliant les salamalecs mielleux. Une table basse est dressée -au milieu de la chambre. Elle porte le mézé, et c'est une nature morte -éblouissante... - -Une agglomération de plats pour poupées garnis de mets qui flattent -les yeux, sinon le goût!... Il y a des régiments de bananes courtes et -trapues tachetées de brun, des abricots de Damas, juteux et engageants, -des citrons doux d'Antioche et des œufs caparaçonnés de rouge... Il y -a des nèfles jaune orangé aux teintes de pastel et des amandes dans -leurs coques fraîches... Il y a de jeunes laitues et des pistaches -salées, du cresson encore vaseux et des concombres laiteux... Les -melons verts de Safed voisinent avec les melons d'eau aux chairs -attendrissantes, fondant sous le regard, et les figues joufflues avec -les noires olives. Un rayon de soleil se baigne dans une jatte de -mélasse blonde. Quelle macédoine de couleurs!... Les roses panachés -des radis, le vert des loukoums à la verveine ou à la menthe, les -bigarrures des nougats, les gemmes des confitures de fleurs, toutes ces -nuances dégradées et chaudes s'unissent sans se nuire. Des pains -arabes, plats comme des serviettes, et flasques, et mous, s'amassent, -par paquets, tandis que des petits morceaux d'agneau, lardés de gras de -queue, empilés aux quatre coins de la table, dégagent une odeur -inquiétante... - -Les pâtisseries arabes se désagrègent à la chaleur et nous livrent -enfin le secret de leur énigmatique et effrayante structure... Des -galettes de _kamreddin_ pleurent dans un coin des larmes vermeilles et -surtout, surtout, entre un plat de truffes du désert embaumant l'oignon -et un ravier d'intestins d'animaux, règne le _méchoui_, le mouton -grillé tout entier, festin royal, sur lequel s'acharnent des mouches -bleues, qui nous ont précédées... hélas! - -Cependant tout le monde goûte et toutes les mains se plongent dans tous -les plats, y ajoutant parfois un soupçon de henneh, ce qui met une note -de couleur locale supplémentaire, et dont on se passerait volontiers. - -Les puits profonds et mystérieux des bouches édentées engloutissent -avec fracas les gâteaux ruisselants... Tandis que les jeunes dents aux -éblouissements perlés (parce que jamais une brosse ne les toucha) -croquent sans discontinuer les pistaches et les amandes: cric... crac... -cric... crac... - -Roumana est distraite; sur son visage enfantin il y a les marques d'une -préoccupation grave. D'ailleurs, sans me pousser à la consommation, -dès que j'ai goûté quelques plats (avec un judicieux discernement), -elle m'entraîne vers un divan... Aujourd'hui c'est elle qui interroge -et les questions se précipitent sur ses lèvres, questions décousues -et étranges qui m'étonnent. Est-ce que par hasard elle aurait -réfléchi et comparé son existence à la mienne, cette petite fille à -laquelle j'attribuais une âme d'oiseau. - ---Tu habites Bârîs (Paris). Oh! Bârîs (et un long soupir l'agite), -comme ce doit être beau!... - ---Sans doute, mais j'aime aussi infiniment tes villes d'Orient: ainsi -Damas, tu connais un peu Damas puisque tu y as passé deux ans, quelle -merveille! - ---C'est beau, Damas: le soir, après le coucher du soleil, j'allais avec -mes amies me promener en _arabiyé_, au bord de l'eau, nous allions -jusqu'au cimetière. Là, nous mangions des choses sucrées, nous -causions. - ---Et de quoi parliez-vous? - ---Nous parlions de la robe de Fatimah qui venait d'arriver de là-bas, -du dernier mézé de Maryam, du mariage de Doua et comment Ali (celui -qui l'avait achetée) avait dû répudier une de ses femmes pour -l'épouser. - ---Est-ce qu'à Djêroûd les hommes ont plusieurs femmes? - ---Tous au moins deux et beaucoup trois ou quatre. - -En France on sourit quand on parle de la polygamie, en assurant que -c'est passé de mode. Dans les hautes classes de la société, -peut-être les mœurs se sont-elles transformées à notre contact -direct. Les grandes familles européanisées de Constantinople, du -Caire, de Beyrouth nous donnent le change. Ainsi avons-nous pu croire à -une évolution féministe en Orient. Il n'en est rien, et voici qu'une -petite musulmane, de condition moyenne, m'apporte un témoignage -diamétralement opposé. Et le village de Djêroûd n'est pas une -exception. Pourquoi celui-là seul aurait-il gardé les traditions de -Mahomet? Non, dans toutes les campagnes et les bourgs de Syrie, la -polygamie continue d'exister, et la femme continue à être traitée en -bête de somme ou en animal de plaisir, suivant le caprice de son -maître. Et qu'on ne hausse pas les épaules en répétant qu'elles sont -habituées à cet état de choses et vivent en bonne intelligence avec -leurs rivales... J'ai vu un éclair de haine dans les yeux d'Abla, quand -Roumana causait avec moi depuis quelques instants. Comme elle devait la -détester, quand Mansour lui murmurait des paroles d'amour et quand la -joie illuminait son jeune et beau visage, puisqu'elle ne pouvait même -pas supporter que moi,--l'hôte d'un jour,--je m'intéresse tant à -elle! Passer sa vie entière à côté d'une créature aigrie par l'âge -et jalouse, jalouse de tous ses instincts sensuels déchaînés... - -Je ne veux pas parler à Roumana de la présence d'Abla, je sens que ma -curiosité lui ouvrirait des horizons nouveaux et qui doivent être à -jamais fermés pour elle. Déjà elle me demande: «--À Bârîs tu -connais tes maris avant de les épouser?»--Est-ce que Roumana croit par -hasard que Paris c'est le contraire de Djêroûd et que les femmes y ont -plusieurs maris! - -Je m'empresse de lui expliquer que les jeunes filles voient en effet des -jeunes gens parmi lesquels elles trouveront un mari plus tard, mais rien -qu'un seul (ce qui est déjà malaisé pour un grand nombre!). - -Nous voilà parties sur le mariage... - -Le système dotal la chiffonne surtout: - ---C'est les femmes qui achètent son mari, alors, parce qu'il est avare -(un temps d'arrêt) ou trop pauvre. Pourquoi si elles apportent l'argent -il n'en a qu'une?... - -Voilà les Français en mauvaise posture et je ne sais trop comment les -tirer de ce pas difficile. Pas moyen de discuter avec un esprit simple -et droit, qui ne retient que l'apparence des choses, et auquel un seul -fait s'impose: les Français sont payés et les Arabes payent... -Heureusement que les questions pullulent et s'emmêlent. - -Je lui raconte d'abord la vie des petites filles à l'école, qui -rappelle la sienne par bien des côtés. L'égalité des hommes et des -femmes dans le travail lui est une révélation: qu'il y ait des jeunes -filles qui se consacrent aux mêmes études que les jeunes gens, suivent -les mêmes cours, choisissent les mêmes carrières, cela dépasse ce -qu'elle avait pu imaginer... Il y a de la terreur dans ses grands yeux -inquiets et je me hâte de changer de conversation. Je lui fais dire, à -mon tour, l'emploi des longues journées soporifiques: les siestes dans -l'ombre des pièces closes, les visites des amies mâchonnant du -_loukoum_ ou du _kêbâb_[1], les prières murmurées quand pleure le -muezzin, les rares événements bénis de la vie stagnante: la saison -des pluies, le passage des caravanes, les premières neiges, et surtout -l'uniformité des heures passées à contempler les volutes bleues des -fumées de cigarettes ou les tuyaux de narghilés. - -Jamais une promenade, jamais un visage nouveau, c'est l'éternel -recommencement des mêmes ennuis légers et des mêmes bonheurs -monotones. - -Roumana cependant est plus cultivée que toutes ses amies ensemble: elle -lit l'arabe et le turc. Je lui promets de lui envoyer des livres -français. - ---Tu me donneras aussi un autographe? - ---Un autographe? - ---Oui, un autographe avec ta figure dessus. - ---Ma photographie? Certainement. Qu'est-ce que tu fais encore? - ---Je brode des coussins. - -Elle va me chercher un carré de soie où des fleurs chimériques -moelleusement s'enchevêtrent. Je m'extasie: - ---Sais-tu que je serais bien incapable d'en faire autant? (ce qui est -vrai!) - -Elle sourit avec mélancolie. - ---Tu fais autre chose. - ---Je suis sûre que tu aimes la poésie. Récite-moi quelque chose, -veux-tu? - -Sans se faire prier (la timidité est un défaut... ou une qualité -inconnue ici), elle commence: - ---Puisqu'Ech Châm (Damas) t'a plu, je te dirai ce que c'est qu'Ech -Châm. - -Et la voix égrène les mots chantants. - -De même que l'écriture arabe a déjà dans le dessin de ses -caractères toute l'harmonie et la délicatesse d'une frise ornementale, -de même la langue arabe est une musique exquise qui charme même ceux -qui l'ignorent, comme l'air accompagnant les chansons dont les paroles -nous sont inconnues. - -Le ton, bas d'abord, s'est graduellement élevé et domine maintenant le -vacarme des piaillements féminins. La salle devient muette. Mais Abla -furibonde,--est-elle jalouse de la poésie cette fois?--a renversé son -verre de _khouchaf_ et l'écume à la bouche, les yeux torves, elle -vocifère, le souffle étranglé par la colère. Elle est effrayante à -voir. Et ce qu'elle dit doit être encore plus effrayant, car les femmes -ont des mines consternées et un ou deux nez chafouins reniflent dans ma -direction. Quelques-unes, des plus jeunes, l'entourent et essayent de -l'entraîner dehors. Salma gesticule d'une façon expressive et -indignée, un trio de vieilles chenues glapit sans arrêt, sur le ton -d'une plaintive mélopée: «_Ouskout_! _Ouskout_!» (Tais-toi! -tais-toi.) - -Enfin Abla, secouant les femmes agrippées à sa robe, comme les chiens -à la gorge d'un cerf traqué, s'élance hors de la chambre, la -démarche contractée. Pendant tout ce tumulte, Roumana est restée -impassible, sans un mouvement, le teint un peu plus pâle, les yeux un -peu plus grands. - ---Qu'a-t-elle dit? - ---Rien, me répond-elle d'une voix ferme qui m'interdit d'insister. - -Je comprends que la bordée d'injures de l'angélique Abla s'adresse à -moi. Mais pourquoi? - -Pour faire diversion je réclame la traduction des vers sur Damas. - ---Je l'ai apprise à l'école. - -Cette école de Damas est restée pour elle le bonheur perdu! - -J'écoute, guettant aux grains rouges de ses lèvres les visions -paradisiaques que son doux accent étranger rend plus proches. - -«Tourne-toi où tu voudras à Ech Châm, tu trouveras partout une eau -courante et de l'ombre!... - -«Heureux celui dont les jours s'écoulent dans cette contrée où -souffle une brise embaumée... - -«Sa boisson du matin et du soir est toujours bonne, le lever et le -coucher du soleil ne lui apportent aucun chagrin... - -«Ech Châm est le pays des houris, des perles et des paillettes d'or... - -«Je dis aux habitants de la vallée de Chamy: «Que votre sort est -digne d'envie, vous qui habitez des jardins comme ceux de -l'éternité!» - -«Donnez-nous un peu de votre eau, nous avons soif et vous êtes à la -source.» - -Je me laisse prendre au rythme nonchalant des phrases brèves et, -oubliant le costume de Roumana, je ne vois plus que l'éclat exaltant de -son regard... - -Les femmes, repues et gonflées, ont abandonné les restes du mézé aux -enfants et aux chiens. Le soleil baisse. Je cherche ma montre. Mais -Roumana fiévreusement me harcèle: elle m'a montré son pays, il faut -que je lui montre le mien, et impérieusement elle sollicite des vers -«de Bârîs»... - -Des vers de Paris! Je ne m'attendais vraiment pas à ça et anxieusement -je laboure ma mémoire. Du Rostand, du Verlaine, du Musset? Autant -réciter du chinois... Je me rappelle quelques vers d'Albert Samain sur -les arbres. Elle n'y comprendra peut-être pas grand'chose, mais je n'ai -pas le choix: - - - Vastes forêts, forêts magnifiques et fortes, - Quel infaillible instinct nous ramène toujours - Vers vos vieux troncs drapés de mousse de velours - Et vos étroits sentiers feutrés de feuilles mortes? - - Vos chênes orgueilleux sont plus durs que le fer; - Dans vos halliers profonds nul soleil ne rayonne; - L'horreur des lieux sacrés au loin vous environne - Et vous vous lamentez aussi haut que la mer? - - Quand le vent frais de l'aube aux feuillages circule, - Vous frémissez aux cris de mille oiseaux joyeux, - Et rien n'est plus superbe et plus religieux - Que votre grand silence au fond du crépuscule... - - Nobles forêts, forêts d'automne aux feuilles d'or - Avec ce soleil rouge au fond des avenues. - Et ce grand air d'adieu qui flotte aux branches nues - Vers l'étang solitaire où meurt le chant du cor... - - -Les sourcils serrés, les yeux vagues, le cou tendu, Roumana respire -chaque strophe. Je sens l'effort prodigieux pour donner un sens aux mots -biscornus; évidemment ce pauvre Samain n'a pas de succès. Mais aussi -quelle idée extraordinaire de lui présenter _le Chariot d'or_ en -liberté: c'est comme si j'offrais à un sauvage mourant de soif un vin -généreux dans un flacon bouché à l'émeri! Mais Roumana ne l'entend -pas ainsi, et elle exige des commentaires. Suivent alors une -dissertation sur les forêts en général et une description des forêts -de Fontainebleau et de la Grande-Chartreuse en particulier... - ---Et la mer, comment est-ce qu'elle lamente? - -Roumana n'a jamais vu la Méditerranée et j'esquisse un cours sur la -mer, à l'usage des commençants. - ---Et le crépuscule? - ---Ce n'est pas un animal sauvage comme tu le crois, mais une chose -divine que l'Orient ignore. C'est une heure incertaine et diaphane qui -annonce la nuit et regrette le jour... - -Je me laisse aller à parler du charme des feux clairs dans les pièces -tièdes, quand on rentre du jardin gercé par l'automne. - -Je me rends compte que je suis parfaitement ridicule et la sauce -allongée dont j'accommode Samain, à quelques pas du désert, manque de -sel. - -Je rirais volontiers, mais Roumana est sérieuse et enchâsse -précieusement chacune de mes paroles dans son souvenir. - -Mansour surgit comme d'une trappe. - -Je me lève. Roumana comprend. Souple et féline, elle se courbe à demi -sur mon épaule, des larmes tremblent dans sa voix qui murmure: «Tu -reviendras?» - -Je n'ai pas le courage de massacrer son rêve. Et d'ailleurs, qui sait? -_Inch Allah_!... «Oui, Roumana, je reviendrai...» - -Et au même instant je donne mon regard d'adieu à ses grands yeux de -gazelle. À pas lents, pour prolonger le départ, nous traversons la -cour. Sur le seuil Roumana, tournée vers son mari, demande quelque -chose avec ardeur, elle se fait plus petite, plus menue... Elle voudrait -sans doute m'accompagner jusqu'à la rue. Mais les traits de Mansour se -durcissent et, sans un mot, il étend son bras en travers de la porte. - -Alors, arrêtant Roumana, qui veut me baiser les mains, je l'embrasse, -comme une sœur, je l'embrasse et je m'enfuis. Un gémissement triste... -oh! si triste!... Plus rien... - -J'ai au cœur un pressentiment douloureux que ne parvient pas à -dissiper la magie du soir. - -Sur le ciel ourlé de grenats défile une caravane de chameaux -décoratifs, solennels et laids... les cris des conducteurs étonnent -seuls le grand silence navré du jour finissant: Yalla! yalla! (en -avant) et la phrase prodigieusement évocatrice d'un roman anglais, lu -autrefois, chante à mes oreilles «Mutter of camel drivers to their -velvet-footed beasts...» - -* * * * * * * * * * * * - - -[Note 1: Petits morceaux d'agneau grillé.] - - - - - Paris, 16 juin. - - -Une lettre de Roumana m'a souhaité la bienvenue en France. Je lui avais -écrit longuement de Syrie, au mois de mai, et voici que la réponse de -Djêroûd continue mon voyage: - - -«Chère Paule, - -« Tu sai combien j'été heureuse en recevant ta chère lettre et -cependant mes yeux ont pleuré en la lisant, alors ma sœur ma dit: - -«Tu n'est donc pas contente de la lettre de ta chère Paule? Oh! ma -sœur en chantée car elle ne ma pas oublier, elle ma écrie une lettre -pour que je la lise cent fois par our, mais tu ne peux te figurer chère -Paule... - -«La chaleur à Djêroûd est très beaucoup, elle nous donne des -pênes, mais le soleil a froid depuis que tu est parti. - -«Chère Paule, je vais te dire, écris moi une longue, longue lettre -pour que je la lise mille et mille fois pour l'apprendre à la fontaine -et pour savoir le Français comme les gentilles Parisiens. - -«Salue-moi à ton joli pay car notre pay est une petite village et moi -je suis une petite campagnarde. - -«J'ai te prie, chère Paule, corrigé moi toutes mes fauttes et moqué -à mon mal écriture. Toute la famille t'envoie mille amitié. Que ta -vie soit heureuse et béni. - - «ROUMANA.» - - - - - 30 juillet. - - -J'ai reçu ce matin une lettre de Roumana. Comme c'est étonnant de -penser qu'à des milliers de kilomètres il reste un peu de moi dans cet -Orient que j'ai tant aimé. - - -«Merci à chère Paule pour les nouvelles. - -«Il fai chaud et les lilas sont mort parce que chère Paule n'étai pas -là, mon cœur est mort aussi. - -«Heureux toi dont les jours est dans ce pay où les vents frais de -l'aube (comment a-t-elle pu retenir ces mots de Samain?)... et les -petites filles sortent avec leur figure. La petite Marie a été mal aux -yeux et le hakim est venu et grâce à Dieu est guéri. Je dis à la -petite Marie: pense à chère Paule qui reviendra quens les orges seront -nouveau. Tu a promi et j'ai soif de chère Paule qui est la source. Que -tu trouve toujours l'eau et l'arbre sur ton chemin et l'amitié dans le -cœur de Roumana. - - - «ROUMANA.» - - - - - 12 septembre. - - -Les photographies, les livres et les poupées sont enfin arrivés à -Djêroûd et ont fait sensation, si j'en juge par la lettre de Roumana: - - -«La bonté est en chère Paule et la joie en Roumana. Je vai te dire: -j'étai avec Salma quand on a apporté tes cados. Alors j'ai chanté et -j'ai ri et Salma ai chanté et ai ri et les autres ai chanté et ai ri -et Abla, non. Pour le livre c'est bien. - -«Pour la figure j'ai embrassé chère Paule aux yeux du matin. Et la -petite enfant pas vivant est beaucoup joli et ses cheveux est un chapeau -de soleil et sa figure est une fleur de rose. Bârîs est le pay des -belles Mademoiselle. - -«La famille a mangé les raisins et les grenades. J'ai mis pour toi en -garde des raisins et des grenades. Mansour va à Ech Châm pour Monsieur -Gouverneur pour Negib. - -«Que l'amour de Roumana te ramène. Adieu chère Paule trois fois -béni. - - - «ROUMANA.» - - - - - 18 décembre. - - -La chose horrible que j'avais redoutée pendant ces longs mois de -silence, où Djêroûd restait sourd à mes lettres multipliées, est -arrivée. Ces jours de septembre, d'octobre et de novembre où mon cœur -s'évadait pour retourner là-bas et où, tourmentée par le manque -absolu de nouvelles, j'envisageais tous les malheurs, je les regrette -maintenant que je sais... - -Pauvre petite Marie... - -Ce matin un médecin militaire que nous avions connu en Syrie est venu -déjeuner à la maison. Nous avons parlé de notre expédition de -Palmyre; en prononçant le nom de Djêroûd, je vois le visage du major -qui s'étonne: - -«--Djêroûd! oh! attendez donc, c'est bien le dernier village avant -Karyatein? Oui. Eh bien, il m'y est arrivé une aventure extraordinaire. -Je passais en tournée médicale en septembre dernier, quand j'ai été -appelé précipitamment auprès d'une enfant qui était tombée dans une -fontaine. Vous imaginez le pittoresque du cas: un enfant noyé dans un -pays où l'on manque totalement d'eau. J'ai cru d'abord à une erreur, -mais c'était vrai, hélas! car la pauvre petite avait été asphyxiée, -et je suis arrivé trop tard pour la sauver. Un détail m'a frappé: -elle serrait si fort sur son cœur une poupée qu'il m'a été -impossible de la lui arracher. Ce qu'il y a d'étrange dans cet accident -c'est que j'ai vu la fontaine et qu'il m'a paru très difficile qu'une -enfant d'un an et demi ait pu s'y noyer. Si j'avais eu plus de temps, -j'aurais éclairci cette affaire, mais j'étais attendu à Karyatein -dans la journée. J'ai dû partir. Puis j'ai oublié; en Orient, on -oublie vite...» - -La conversation continue, pleine de souvenirs. Je n'écoute pas. Sans -qu'un nom ait été prononcé j'ai la certitude. Je ne veux pas croire, -mais l'évidence s'impose: la maison de Mansour est la seule de -Djêroûd où il y ait une fontaine, m'avait dit le drogman lors de ma -première visite, et surtout! surtout il y a la poupée! La poupée «au -chapeau de soleil» que j'avais envoyée avec tant de joie et qui avait -été reçue avec tant d'amour! - -Pauvre petite Marie!... Mes pressentiments ne m'avaient pas trompée -quand un gémissement de bête mourante avait déchiré nos adieux dans -le silence d'un soir d'avril. - -Mais une idée effrayante s'insinue dans mon esprit. Je la chasse, elle -revient, je la repousse, elle s'installe en triomphatrice: Abla a tué -l'enfant. Je ne suis pas folle, je ne suis pas impressionnable. Mais les -paroles du médecin dansent devant moi en caractères de feu: «Il m'a -paru très difficile qu'une enfant d'un an et demi ait pu s'y noyer.» -Et je vois la scène comme si j'y avais assisté. - -Roumana a laissé la petite Marie à la maison pour aller chez une amie -peut-être. Mansour? Mais Mansour était à Damas... Dans sa dernière -lettre Roumana me disait qu'il allait partir. L'enfant joue -tranquillement sous les lilas de Perse desséchés par un coup de -kramsin. La vieille qui depuis longtemps, dans l'ombre, guettait le mal, -la vieille éloigne, sous un prétexte, les sœurs et les femmes. Marie -se rapproche de la fontaine, elle se penche, une main la bâillonne pour -retenir les cris, une poussée brutale, des convulsions, des spasmes, la -poigne de fer maintient le corps frêle. C'est fini. La petite demeure -immobile, le visage violet. Alors Abla appelle au secours. - -Non, c'est trop affreux; j'entends son rire acide, je revois ses -glauques yeux fourbes. - -Et le désespoir de Roumana! Comme elle a dû hurler à la mort près du -petit cadavre raidi! Elle ne m'a même pas écrit. Pourvu qu'elle ne -soit pas malade... J'essaie de faire passer dans la lettre que je lui -adresse toute ma tendresse, toute ma pitié. - - - - - 22 décembre. - - -Je reste anéantie devant le paquet ouvert sur mes genoux. Mes lettres! -mes livres!... ma photographie!... tout ce que j'avais envoyé à -Roumana! - -Sur le papier brun une adresse est mise maladroitement: ce n'est pas son -écriture. La poupée manque... - -Roumana est morte... - -Comme pour l'autre, je pressens, je devine, je sais... - -Après la mort de sa fille, elle a vécu de lentes heures lourdes -d'angoisse, inerte et l'âme lasse. Son rire enfantin s'est brisé, ses -yeux, enfoncés chaque jour davantage, et son teint chaque jour plus -transparent ont crié sa douleur. Elle a abandonné les broderies de -soie et les livres de «Bârîs». Elle a passé des semaines entières -abîmée dans des rêves sans fin. - -Maintenant que le malheur l'avait dépouillée de son cher trésor, -peut-être pensait-elle à l'existence d'autres femmes, existence -entrevue pendant nos causeries. - -Alors je comprends le danger, mais trop tard, trop tard... - -Roumana s'est nourrie de tout ce que j'avais dit d'étrange: la liberté -de sortir dévoilée, de voyager, de vivre, la liberté d'aimer, oh! -d'aimer surtout. - -J'ai été bien coupable. Mes lettres et mes livres ont parachevé mon -œuvre... - -Son imagination me suivait à distance et colorait mon existence de tous -ses désirs jamais comblés, comme ces petits pauvres, à la porte des -pâtisseries à la mode, qui regardent les riches s'empiffrer de -gâteaux et, à travers les vitres que le brouillard embrume, arrêtent -leur choix, jamais satisfait, sur les babas tremblotants, les choux -pralinés et les tartes rutilantes. - -L'envie s'est mêlée à sa peine, elle n'a plus goûté la joie -puérile des heures monotones et vides à l'ombre des mauves lilas, elle -s'est attendrie sur sa jeunesse étiolée et son amour esclave. Alors -son caractère doux s'est assombri, ses yeux farouches ont dédaigné de -répondre au sourire de Mansour, et ses lèvres glacées à ses baisers. -Elle l'a méprisé et peu à peu il s'est détourné d'elle. La vieille -Abla, à qui la haine donnait un regain de jeunesse et de séduction, a -envenimé les choses. - -Mansour a eu des paroles dures. - -Un soir Roumana s'est endormie du sommeil qui délivre... - -En vérité, les choses ont dû se passer ainsi, je les vois comme j'ai -vu la mort de Marie! - -C'est Abla, sans nul doute, qui m'a fait renvoyer mes cadeaux, pour -effacer le passage de «l'étrangère» et purifier la demeure de ses -dernières traces. - -Je pleure en songeant à mon influence si involontairement néfaste. - -Petite Roumana, tu n'avais pas une âme charmante et frivole, ainsi que -je le croyais; et comme un papillon léger tu es venue brûler tes ailes -à la flamme que j'avais inconsciemment allumée en te parlant de -liberté... Pardonne-moi. - -Nous nous sommes connues autant que pouvaient se connaître deux enfants -séparées par l'abîme des races et des civilisations plus encore que -par les mers et les pays. - -Ton souvenir jettera des larmes sur l'enchantement de Damas et de -Palmyre. - -Et, si jamais je retourne à Djêroûd, ma première visite sera pour -toi, puisque je t'ai promis de revenir. J'irai m'agenouiller sur la -blanche tombe de pisé du petit cimetière dénudé et je t'apporterai -des fleurs de France, des fleurs de «Bârîs», petite Roumana... - - - - -FIN - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK SUR LA ROUTE DE PALMYRE *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. - -START: FULL LICENSE - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg-tm License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project -Gutenberg-tm electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. - -Most people start at our website which has the main PG search -facility: www.gutenberg.org - -This website includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/old/68307-0.zip b/old/68307-0.zip Binary files differdeleted file mode 100644 index 18d8dca..0000000 --- a/old/68307-0.zip +++ /dev/null diff --git a/old/68307-h.zip b/old/68307-h.zip Binary files differdeleted file mode 100644 index fec262a..0000000 --- a/old/68307-h.zip +++ /dev/null diff --git a/old/68307-h/68307-h.htm b/old/68307-h/68307-h.htm deleted file mode 100644 index 3029081..0000000 --- a/old/68307-h/68307-h.htm +++ /dev/null @@ -1,2587 +0,0 @@ -<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" - "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> -<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" xml:lang="fr" lang="fr"> - <head> - <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=utf-8" /> - <meta http-equiv="Content-Style-Type" content="text/css" /> - <title> - The Project Gutenberg eBook of Sur la route de Palmyre, - by Paule Henry-Bordeaux. - </title> - <style type="text/css"> - -body { - margin-left: 10%; - margin-right: 10%; -} - - h1,h2,h3,h4,h5,h6 { - text-align: center; /* all headings centered */ - clear: both; -} - -p { - margin-top: .51em; - text-align: justify; - margin-bottom: .49em; - text-indent:4%; -} - -.p2 {margin-top: 2em;} -.p4 {margin-top: 4em;} -.p6 {margin-top: 6em;} - -.nind {text-indent:0%;} - -hr { - width: 33%; - margin-top: 2em; - margin-bottom: 2em; - margin-left: auto; - margin-right: auto; - clear: both; -} - -hr.tb {width: 45%;} -hr.chap {width: 65%} -hr.full {width: 95%;} - -hr.r5 {width: 5%; margin-top: 1em; margin-bottom: 1em;} -hr.r65 {width: 65%; margin-top: 3em; margin-bottom: 3em;} - -ul.index { list-style-type: none; } -li.ifrst { margin-top: 1em; } -li.indx { margin-top: .5em; } -li.isub1 {text-indent: 1em;} -li.isub2 {text-indent: 2em;} -li.isub3 {text-indent: 3em;} - -/* poetry number */ - -.blockquot { - margin-left: 5%; - margin-right: 10%; -} - -.tb { - text-align: center; - padding-top: .76em; - padding-bottom: .24em; - letter-spacing: 1.5em; - margin-right: -1.5em; -} - -.bb {border-bottom: solid 2px;} - -.bl {border-left: solid 2px;} - -.bt {border-top: solid 2px;} - -.br {border-right: solid 2px;} - -.bbox {border: solid 2px;} - -.center {text-align: center;} - -.right {text-align: right;} - -.smcap {font-variant: small-caps;} - -.u {text-decoration: underline;} - -.caption {font-weight: normal; - font-size: 90%; - text-align: right; - padding-bottom: 1em;} - -/* Images */ -.figcenter { - margin: auto; - text-align: center; -} -/* Notes */ -.footnotes {border: dashed 1px;} - -.footnote {margin-left: 10%; margin-right: 10%; font-size: 0.9em;} - -.footnote .label {position: absolute; right: 84%; text-align: right;} - -.fnanchor { - vertical-align: super; - font-size: .8em; - text-decoration: - none; -} - -/* Poetry */ -.poem { - margin-left:10%; - margin-right:10%; - text-align: left; -} - -.poem br {display: none;} -.poetry-container { text-align: center; } -.poem { display: inline-block; text-align: left; } -.poem .stanza {margin: 1em 0em 1em 0em;} -.poem span.i2 {display: block; margin-left: 1em; padding-left: 3em; text-indent: -3em;} - - </style> - </head> -<body> -<div lang='en' xml:lang='en'> -<p style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of <span lang='fr' xml:lang='fr'>Sur la route de Palmyre</span>, by Paule Henry-Bordeaux</p> -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and -most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions -whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. 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Vous n'étiez pas -née, à l'époque, déjà si lointaine, où je visitais cette lumineuse -et douce Syrie, et je la retrouve dans vos descriptions, telle que je -l'ai quittée. J'ai revu ses villes aux rues étroites, où de longs -coins d'ombre sont brusquement traversés de coulées de lumière, leurs -boutiques où des loques innommables alternent avec des soies -précieuses, des tapis anciens, des cuivres ciselés, et autour de ces -villes, ces campagnes toutes verdoyantes au printemps de frais jardins -ombreux, qu'arrosent des eaux courantes,—puis aussitôt les vastes -solitudes désertiques, et là-bas les cèdres sur les montagnes et la -neige. Il y a pourtant une différence entre mes souvenirs et vos -impressions; ces solitudes, vous les avez traversées en automobile, -tandis que le cheval était, voici trente ans, le seul moyen de -locomotion. Je vous ai envié la rapide machine qui vous a permis de -gagner Palmyre, demeurée pour moi inaccessible. Enviez à vos -prédécesseurs la lenteur des étapes qui les mettait en communion plus -intime avec le paysage. Enviez-leur la joie physique de ces randonnées -dans la fraîche allégresse du matin et ces sommeils sous la tente qui -leur faisaient sentir davantage la séparation d'avec la vie civilisée! -Il est vrai que vous avez connu une extraordinaire impression, dont vos -aînés d'il y a trente ans ne rêvaient même pas, celle de survoler en -avion cette Palmyre dont le nom seul vous faisait battre le cœur de -désir. Que vous avez justement noté aussi cette magique attirance, cet -appel de certaines villes et de certains pays, rien qu'à entendre et à -se répéter les syllabes qui les désignent! Il n'arrive pas toujours, -quoi qu'en dise votre jeunesse, que ces rêves se transforment «en une -réédité plus belle encore». Ce fut le cas pour vous, et vous avez -vraiment vécu une heure incomparable en planant au-dessus de ces -gigantesques colonnades, de ces temples croulants, de ces péristyles -blessés à mort, de ces steppes de décombres, comme vous dites. Toute -l'histoire de Zénobie, l'étonnante reine qui osa défier Rome, -s'animait pour vous, et sa marche sur l'Égypte, et sa défaite, puis -l'immense et tragique abandon de sa capitale, jusqu'à ce qu'au -dix-septième siècle ces ruines fussent enfin retrouvées, et voici que -nos soldats viennent en 1921 de sauver du pillage leurs habitants -rançonnés par les Bédouins! Ce raccourci de siècles, saisi d'un coup -d'œil au ronflement du moteur qui vous emportait à travers l'espace -libre, toujours plus haut, quelle vision à ne jamais l'oublier!</i> -</p> -<p> -<i>Laissez-moi vous louer particulièrement—et cette vision -d'histoire m'y amène aussitôt—d'avoir compris cette grande loi -de la littérature de voyage, que la description des sites doit -s'achever par une évocation du drame humain. L'écrivain le plus habile -n'est qu'un peintre de nature morte, si des personnages ne se mêlent -pas à ses paysages. J'ajouterai qu'à mon sens, ces personnages ne -doivent pas seulement appartenir au passé. Quelque effort que nous -fassions, et en dépit d'un mot célèbre de Michelet, nous ne parvenons -guère, quand il s'agit des gens d'autrefois, qu'à ressusciter des -fantômes. Certes ils vont et viennent dans le champ de notre -imagination, ils nous émeuvent, ils nous hantent, mais trop -d'éléments demeurent pour nous impénétrables dans leur intelligence -et dans leur sensibilité. Gœthe disait dans une de ces formules -ramassées auxquelles il excellait: «Le présent a tous les droits.» -Il a surtout cette puissance qu'il est chargé d'avenir. En même temps -qu'il émeut notre sensibilité, il suscite devant notre intelligence -des problèmes auxquels nous sommes mêlés, car la planète aujourd'hui -est tellement travaillée par la civilisation,—ou du moins ce que -nous appelons de ce terme—qu'aucun point sur le globe n'est -totalement étranger à notre vie, à plus forte raison quand le -voyageur se trouve dans une de ces contrées, comme la Syrie, qui sont -des frontières d'idées et de mœurs, si l'on peut dire. Vous avez -esquissé, dans ces pages qui pourraient aussi s'appeler</i> Roumana, -<i>une silhouette saisissante d'une jeune femme musulmane élevée deux -ans à Damas, dans une école française. Elle a appris notre langue à -moitié, deviné à moitié nos habitudes, nos façons de sentir et de -penser. Puis on l'a mariée avec un musulman, riche propriétaire qui la -fait vivre dans un village arabe. Comment cette fine et jolie -créature,—elle a dix-neuf ans,—suscite la jalousie de -«l'autre femme de son monsieur» ainsi qu'elle dit dans son mauvais -français, plus âgée qu'elle et plus sauvage,—sa nostalgie -enfantine d'un Paris à la fois réel et imaginaire,—sa grâce -pathétique dans un intérieur paradoxal où une armoire à glace en -imitation d'acajou pose sur un rouge tapis de Tebris semé de fleurs -prodigieuses,—et, pour finir, la haine secrète entre les deux -épouses aboutissant à un meurtre, celui de l'enfant de Roumana, et au -suicide de celle-ci,—c'est toute une tragédie que vous contez, -très simplement, mais avec une délicatesse d'autant plus pénétrante -que vous appuyez moins. Autre loi de la littérature de voyage, quand -elle aboutit à la nouvelle: le narrateur doit nous donner une -impression de mystère, de chose devinée plutôt que connue, s'il veut -obtenir la crédibilité, cette vertu essentielle de tout récit. Étant -un voyageur, il n'a fait que traverser le pays, que coudoyer, que -frôler ses hôtes de quelques jours. Il n'en a qu'une de ces -demi-connaissances qui s'achèvent dans l'imagination et restent quand -même incertaines. De cette poésie de l'énigme exotique, notre -admirable Loti a imprégné toute son œuvre. Que votre Roumana m'ait -fait songer à ses héroïnes, puis-je vous dire mieux combien je l'ai -aimée?</i> -</p> -<p> -<i>Et je voudrais aussi reprendre le mot que j'employais tout à l'heure -et vous parler des problèmes que soulève cette aventure de la pauvre -fille: est-ce un bienfait d'apporter à ces créatures primitives une -éducation de raffinement lorsqu'on ne peut changer leur sort? Voilà un -de ces problèmes et que vous n'avez pas tenté de résoudre, ce dont il -faut savoir gré à l'artiste littéraire qui évidemment, est innée en -vous. Vous n'avez pas chargé votre libre et touchant journal de route -des dissertations féministes ou anti-féministes qu'une telle question -enveloppe. Notre rôle, à nous conteurs, se trouve là: recueillir des -faits qui incitent à penser, mais les maintenir dans le concret, dans -le vivant. Continuez à écrire de la sorte, et je vous promets un beau -et riche développement du don que vous avez hérité de l'excellent -romancier qu'est votre père. Vous savez combien je l'estime et l'aime. -C'est vous dire la joie que m'a causée la lecture de ce morceau de -début, qui a déjà des touches de maître.</i> -</p> -<p> -<i>Trouvez ici, chère mademoiselle Paule, tous les vœux de succès et -surtout de bon travail, de votre affectionné</i> -</p> - -<p style="margin-left: 60%;">PAUL BOURGET.</p> - - - - -<h4>SUR LA ROUTE<br /> -DE PALMYRE</h4> - - -<p style="margin-left: 50%;">Damas, 18 avril 1922.</p> - -<p> -Palmyre! Nous partons demain pour Palmyre! Comme ce petit mot contient -de promesses splendides et de beaux rêves prêts à se transformer en -une réalité plus belle encore «! Car il en est des noms comme des -visages «: ils vous «attirent sans que vous puissiez définir -pourquoi. En dehors de tout souvenir littéraire et de toute description -évocatrice, il y a un appel mystérieux quand on parle de certaines -villes et de certains pays: c'est peut-être une consonance étrange qui -étonne, peut-être une harmonie qui charme, peut-être aussi n'est-ce -rien. Palmyre est parmi ces noms-là... -</p> -<p> -L'avenir a toujours raison, parce qu'on l'imagine au gré de ses -désirs, et cependant c'est folie de rêvasser ainsi quand le présent -c'est Damas, la Perle du Désert. Pour notre dernière journée, nous -errons dans les souks, au hasard. Cette matinée de printemps est déjà -brûlante. Heureusement il fait presque frais sous la voûte du grand -souk el Taouîlé. La rue est couverte, mais de temps à autre le soleil -pénètre par des trous propices. Et le contraste est saisissant entre -ces longs coins d'ombre, où se devinent des formes immobiles accroupies -parmi les piles d'étoffes sombres ou les monceaux de ternes légumes, -et ces coulées de lumière qui étincellent sur des soies chatoyantes, -diaprant les brocarts persans, pénétrant dans la transparence des -mousselines vaporeuses, glissant sur la lourde épaisseur des toiles -peintes ou bien éclatant sur les ors dégradés des citrons -jaunissants, des pâles cédrats et des rouges oranges. Plus loin, -l'obscurité est percée par les gerbes écarlates de forges -fantastiques, par les feux de rôtisseries en plein vent qui nous -imprègnent d'une odeur grasse et fade. -</p> -<p> -Une foule grouillante nous entoure, nous presse, nous coudoie, nous -submerge. C'est une rumeur ahurissante: <i>Fistik djedid</i>, clame le -marchand de pistaches. <i>Salik hamâtak</i> (apaise ta belle-mère), hurle -un petit Arabe déguenillé, en offrant aux passants ses bouquets aux -fleurs serrées. Et les cris de tous les vendeurs d'eau de réglisse ou de -<i>djoullab</i>, de tous ceux qui vantent la fraîcheur de leurs cressons, -la dureté de leurs pois chiches ou la douceur de leurs gâteaux -informes, se croisent et se mêlent comme des balles lancées par des -milliers de raquettes invisibles. Hurlements de chiens qu'on écrase, -plaintes impérieuses des mendiants, malédictions de tarbouchs heurtant -d'autres tarbouchs, tout cela vous remplit les oreilles. -</p> -<p> -Collision entre un ânichon, lancé au triple galop, et un marchand -d'une de ces vagues limonades inquiétantes; bruit de verres cassés; le -liquide épais se mélange sourdement aux immondices de la rue et aux -pieds bruns des enfants accourant de toutes parts... L'œil est vraiment -ravi de pittoresque pendant que les narines se dilatent en passant près -des marchands d'épices: muscade, girofle, cannelle, gingembre, poivre. -Toutes les odeurs se mêlent pour n'en former qu'une seule qui est -l'odeur même de l'Orient et qu'on ne peut plus respirer ensuite sans -revoir cette foule bigarrée, marchant dans un torrent de lumière. -</p> -<p> -Nous flânons dans le marché des fripiers, nous glissant entre les -guenilles sordides, les <i>abayes</i> en loques évitant d'effleurer (oh! -combien soigneusement) les haillons plus que douteux et les burnous trop -authentiquement usés, guidés par l'espoir de dénicher une de ces -merveilleuses <i>koumbaz</i> aux soies éteintes ou un de ces <i>kilats</i> -moyenâgeux au satin fourré rebrodé de fils d'or. Nous franchissons le -seuil des obscures boutiques où règnent clandestinement les orfèvres: -c'est un intérieur à la Rembrandt. Sur le fond noir du mur se -détachent une ou deux silhouettes, de longues silhouettes qui n'en -finissent plus et qui ont un aspect vaguement prophétique. Un jour -timide s'attarde à la robe jaune d'œuf, se promène un instant sur le -turban blanc crasseux et parmi les cheveux en touffes grises éparses, -se fixe enfin sur l'œil étincelant, perçant, ramassé sous l'arcade -sourcilière en friche. Une défaillante lueur traîne sur des verreries -d'Irak qui un instant s'irisent de mille feux et se reflète dans les -vasques de cuivre, les aiguières aux damasquinures argentées, les -hanaps au long col. -</p> -<p> -Notre promenade sans but nous conduit dans les khans, où d'énormes -ballots éventrés livrent toute la richesse chaude et violente de leurs -tapis persans dont les chimères et les fleurs de lance semblent -palpiter, sous nos pieds, comme si elles étaient réelles. Mais il faut -partir; à l'autre bout de la ville nous avons rendez-vous avec de très -vieilles et très authentiques princesses. -</p> -<p> -Ce rendez-vous est au cimetière de Bâb Saghir, champ monotone de -blanches tombes de pisé, toutes pareilles, toutes nues; nous nous -arrêtons devant un monument à double coupole. Là, dans une crypte -souterraine, dorment depuis des siècles deux Arabes au nom charmant: -Sukeinah et Fatimah. Les sarcophages, récemment découverts, sont très -beaux: l'un en bois sombre, fouillé et travaillé comme la trame d'une -dentelle sur laquelle s'évitent et se cherchent des arabesques folles, -des pampres capricieux et des fleurs étranges; l'autre de marbre rose, -d'un rose passé et ancien, où une inscription coufique jette l'ombre -noire de son dessin élégant. -</p> -<p> -Mais les heures tombent et il faut nous hâter, si nous voulons donner -à Damas un dernier regard d'adieu. Nous allons vers la colline de -Salayé, tentés de nous arrêter à tous les tournants de ruelles, -repris par le charme intense de cette vie aux portes du désert. Nous -passons devant des maristans aux détails d'architecture curieux, des -terrasses croulantes laissant deviner de beaux jardins ombreux, des -mosquées endormies. Les rues sont si étroites que les moucharabis se -touchent. Nous montons toujours sur les pavés inégaux, et voici que -tout à coup la Ghoûta s'étale à nos pieds, engloutissant Damas dans -ses vergers, ses épais bosquets et ses grands peupliers pâles. La -lumière rayonne sur cette forêt d'arbres, de minarets et de coupoles, -entourant au loin le neigeux Hermon d'un halo d'or, voilant l'Anti-Liban -dépouillé d'une parure de fête. Soudain le cercle ensoleillé se -rétrécit, l'oasis seule est caressée de jour et le velours des -feuilles se fait plus lourd et plus doux autour de la ville, grande -azalée rose penchée sur les eaux murmurantes de la Barada. Les jardins -entrent dans la nuit, Damas a concentré sur elle la beauté du jour qui -meurt, elle semble vraiment, ainsi que le chantent les Arabes, «une -étoile et un diamant brillant sur le front de l'univers». Une minute -plus tard elle s'abîme dans les ténèbres, la mosquée des Ommiades -flamboie encore un instant, élevant, comme des torches, ses minarets -incendiés. Puis une fenêtre au cœur de la ville accroche un dernier -rayon et étincelle comme une escarboucle... Immédiatement, les -collines prennent des tons ensanglantés, le ciel reflète Damas dans -ses nuages roses et les sables du désert deviennent des pierres très -précieuses. Sans transition, c'est la nuit, une nuit lumineuse et -légère. Il fait froid et nous partons, tandis que les premières -étoiles s'allument là-bas, très loin du côté de Palmyre, cette -Palmyre que j'ai un peu oubliée aujourd'hui dans nos courses -vagabondes, et dont je retrouve l'envoûtement des syllabes chantantes. -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">En route pour Palmyre, 19 avril.</p> - -<p> -Je suis réveillée par le chant aigu et monotone du muezzin, il fait à -peine jour et l'air qui entre par les fenêtres ouvertes est chargé de -fraîcheur. <i>Allâhou akbar</i>, et l'invitation à la prière se fait plus -pressante. Pour nous, c'est un peu l'invitation au voyage, car nous -devons partir de bonne heure, ayant une longue étape à fournir: ce -soir nous coucherons à Palmyre! -</p> -<p> -À six heures nous sommes prêts, et par les rues encore désertes nous -gagnons la porte Saint-Thomas. Au sortir de la ville on dirait que nous -traversons un grand parc, un immense parc, sans barrières ni limites, -et où se perdent des maisons blanches, comme des fleurs claires en -l'épaisseur des prairies encore hautes. La route longe la Barada, qui -nous accompagne de sa chanson désaltérante; l'air est vif, presque -froid, ne se croirait-on pas «chez nous»? Chez nous, cependant, il n'y -a pas cette pureté dans l'atmosphère, cette précision des lignes, cet -éblouissement, et surtout il n'y a pas ce ciel! Les brumes du matin ne -l'altèrent point, son bleu est au contraire plus neuf, plus vivant. Les -verts différents des arbres, le tapis frissonnant des maïs pâles, les -taches veloutées des jeunes orges, le rideau ondulant des tamaris, tout -tressaille d'aise dans la lumière. Ici les choses vivent avec joie, -comme lorsque nous aimons avec tendresse. -</p> -<p> -Puis les jardins s'estompent, les bourgs s'essaiment. On devine un petit -village à droite, c'est Adra. Mais nous abandonnons bientôt les -cultures et les vergers pour les montagnes pelées et arides du Djebel -Teniyet. Alors la lutte entre la vie et le désert se fait plus âpre. -Les arbres se pressent les uns contre les autres, pour opposer un -rempart plus solide à l'assaut des sables; les ruisseaux meurent, -pompés par l'avidité de la terre gourmande. Quelques champs montrent -encore le brouillard verdoyant de leurs blés nouveaux. De loin en loin, -on aperçoit des puits qui continuent l'oasis de Damas, très loin dans -le bled. Le paysage se stérilise, se durcit, et pendant des kilomètres -nous roulons solitaires. Le chemin devient inquiétant, avec des -obstacles inattendus, des trous perfides, des tournants en épingles à -cheveux. Mais, est-ce l'effet d'une illusion, j'aperçois de nouveau des -arbres, des jardins, ombrageant des maisons. Je demande le nom de ce -reposant village. C'est Djêroûd, me répond-on. Hélas! à deux pas de -cette oasis nous avons la panne, la panne redoutée, et il faut -descendre: nous gagnerons le village à pied. Nous sommes immédiatement -repérés et harcelés par une légion d'enfants à demi nus, qui -émettent tous la prétention de nous servir de guides et, pour cela, -luttent de la voix et du geste afin d'arriver aux premières places. Des -femmes dévoilées, misérables paysannes sans doute, et qui perdent -beaucoup en nous offrant les charmes de leurs visages flétris, -s'occupent activement à pétrir des galettes de crottin de chameau -qu'elles rangent ensuite, avec soin, au pied des murs. C'est, -paraît-il, un combustible de premier ordre, d'ailleurs le seul. -</p> -<p> -Je détourne mes yeux de ce spectacle repoussant, et je découvre, à -l'écart, deux femmes étendues, drapées dans des étoffes à larges -raies jaunes et noires, les tresses de cheveux crépus chargées de -perles bleues et de verroteries éclatantes, sortant d'un grand mouchoir -lavande passée; au moins celles-là sont belles. Il y a un air de -majesté sauvage répandu sur leurs visages dorés, qui me change de -l'expression abrutie des ramasseuses de crottin. En voilà une qui -arrive, quelle démarche! quelle allure! Elle a un port royal. Le corps -se redresse, les hanches ondulent, peut-être est-elle un peu trop -grande. Je ne peux m'empêcher de dire à haute voix: «Oh! les jolies -femmes!»—«Où ça?», me demande vivement un des officiers qui nous -accompagnent. Je précise et alors je le vois atteint d'un fou rire -inextinguible. Je suis un peu étonnée de mon succès. Enfin, quand il -peut articuler une parole: «Mais ce ne sont pas des femmes, ce sont des -Bédouins.» L'erreur est plutôt flatteuse, et j'en ris à mon tour. Le -drogman, à ce moment, s'approche de moi et me demande si je désire -aller me reposer chez une dame qui parle français. Cette dame qui parle -français m'intrigue, et puis, faut-il l'avouer, je suis très aise de -faire quelque chose que ni mon père, ni aucun des officiers qui sont -avec nous ne pourront faire. Pénétrer dans un harem! Quel prestige -cela va me donner!... -</p> -<p> -Par le labyrinthe des étroites ruelles, je suis mon guide; nous faisons -halte devant une porte basse; un Arabe en blanc, couleur toison de -brebis mal lavée, vient parlementer, puis un deuxième Arabe, en -jaunâtre celui-là, puis un troisième, incolore. Nous avons enfin la -permission de franchir le seuil. Un homme de haute taille, large -d'épaules, vêtu d'une abaye brune, les traits fins et le nez droit se -détachant du kaffyé rouge cerclé de l'aghal sombre, me salue en -portant solennellement la main à son cœur et à son front: «<i>Beïtî, -Beïtak</i>» (ma maison est ta maison). Il est sûrement le maître. Le -drogman me dit d'ailleurs, très vite, en un français de fantaisie: -«Mansour (suit un nom impossible à articuler), propriétaire de la -maison et de la dame.» -</p> -<p> -À l'entrée d'une deuxième cour le drogman s'éclipse, et je reste -avec le grand Arabe. Cette cour est tout à fait inattendue: une -fontaine coule au centre sur laquelle penchent des lilas de Perse, et, -à l'ombre des fleurs mauves, une jeune fille remplit une amphore de -terre poreuse. Elle est jeune et délicatement jolie. Petite, mince -encore bien qu'admirablement faite, ses pieds nus jouent dans des -babouches de cuir rouge travaillé de fils d'argent. Sous la -transparence du voile à fleurs, un peu, terni, qui drape son jeune -corps souple, les bras se devinent d'une forme très pure. Au bruit de -nos pas, elle se relève et tourne vers nous un visage étroit, dévoré -par deux yeux noirs immenses, fendus en amande, agrandis encore par le -khôl. Son teint a la matité chaude des lis qui ont fleuri dans le -recueillement des serres. Sa beauté m'attire. Et quelle n'est pas ma -joyeuse surprise de la voir s'avancer vers moi, me disant en un -français exquis à entendre si loin de France: «Bonjour, madame, sois -la bienvenue dans ma maison.» -</p> -<p> -Mansour, la regardant avec douceur, lui tient un long discours que je ne -comprends pas, puis il s'en va. L'enfant, après un coup d'œil confus -à sa robe, sans doute sa robe de tous les jours, me prend la main: «Tu -es fatiguée? Viens reposer.» Et elle m'entraîne vers une grande salle -aux fenêtres closes. -</p> -<p> -Quand je suis installée, très bien installée, sur une sorte de divan -bourré de coussins, elle m'apporte de l'eau de la fontaine et un verre -de <i>khouchaf</i>, sirop de raisins, d'abricots et d'oranges, puis elle -s'assied à mes côtés en riant. J'entame la conversation: -</p> -<p> -—Comment t'appelles-tu? -</p> -<p> -—Roumana. -</p> -<p> -—C'est un nom aussi joli que toi. -</p> -<p> -—Non, c'est toi... -</p> -<p> -—Moi, je m'appelle Paule. -</p> -<p> -Elle avance drôlement la lèvre et répète docilement. -</p> -<p> -Elle fixe sur moi un grand regard interrogateur, mais elle ne parle pas. -Elle attend sans doute que je la questionne. Et moi je suis presque -intimidée: comment faire pour mettre en confiance cette jolie créature -enfantine, comment lui faire comprendre la sympathie qui me porte -soudainement vers elle? -</p> -<p> -—Le grand Arabe qui m'a conduite vers toi, est-ce ton père? -</p> -<p> -—Non, c'est mon mari. -</p> -<p> -—Ton mari, mais tu parais si jeune, quel âge as-tu donc? -</p> -<p> -—J'ai dix-neuf années. -</p> -<p> -—Ça, c'est amusant, ma petite Roumana, nous sommes du même âge. -Seulement, moi, je ne suis pas mariée. Y a-t-il longtemps que tu as -épousé Mansour? (Là je m'arrête, faute de pouvoir continuer.) -</p> -<p> -—Il y a quatre ans et j'ai été bien triste, j'ai tellement pleuré -que de mes yeux coulaient des ruisseaux larges comme la fontaine de la -cour. -</p> -<p> -—Il n'est donc pas bon pour toi? -</p> -<p> -Ici elle ne répond rien et se met à sourire. J'insiste: -</p> -<p> -—Pourquoi avais-tu du chagrin? -</p> -<p> -—J'aurais tellement voulu rester à l'école pour finir ma deuxième -classe, et puis le père est mort, et puis mon oncle a voulu me marier -tout de suite, et la mère n'a rien dit. -</p> -<p> -Le visage se contracte si douloureusement que je devine un mal secret, -jalousement gardé, et avec douceur j'essaye d'arracher les confidences. -C'est une conversation difficile: Roumana ne comprend pas toujours très -bien; je dois détacher mes syllabes et ralentir mes phrases; ou bien -c'est moi qui ne saisis pas clairement ce qu'elle explique dans son -langage imagé. Tout en écoutant, je contemple curieusement la chambre -où nous sommes: elle a de belles dimensions, les grandes fenêtres -donnent sur la cour aux eaux limpides, mais les persiennes sont à -moitié tirées pour garder un peu de fraîcheur. La plus étrange -confusion règne dans l'ameublement: sur le carrelage, un splendide -tapis de Tebris déploie ses semis de fleurs prodigieuses sur un fond -velouté aux rouges chantants; à côté de cette merveille sans prix, -deux honnêtes descentes de lit Jacquard, échouées là, Dieu sait par -quel hasard, ont piteuse contenance et exhibent le bariolage compliqué -de leurs grosses roses, zinzolines ou violines, encadrées de jaune et -de vert. Partout il y a ce mélange piquant de quelques vieilles choses -perdues parmi des objets civilisés du plus mauvais goût: hélas! il y -a une armoire à glace. Horreur, aux confins du désert, une armoire à -glace, en imitation d'acajou! Dans une jardinière se prélassent des -fleurs artificielles aplaties, molles et déteintes. Sur une table de -bois aux incrustations de nacre trônent d'innombrables photographies -jaunies. Je regarde à gauche et j'aperçois deux lits, style Louis XV, -dorés, chargés de quatre ou cinq matelas chacun et que recouvrent des -couvertures soyeuses, des coussins brodés, des dentelles. Je dois -avouer qu'ils ont l'aspect assez propre. Enfin, à côté du sofa, un -plateau de cuivre damasquiné attend un service à café absent et qui -doit sûrement venir du Bon Marché. -</p> -<p> -Petit à petit l'histoire de Roumana commence à se dégager: c'est une -histoire qui ferait banale sans l'accent de la jeune femme, peut-être -celle de toutes les Arabes de ce pays. Mais la voix de Roumana tremble, -elle se souvient et elle souffre; quand elle parle de l'école, je vois -ses yeux lourds de larmes. -</p> -<p> -Je commence par la complimenter de son bon accent et de la correction -étonnante de son français. Elle l'a appris à Damas où son père -était «sous-colonel» du temps des Turcs. Elle allait à l'école, pas -chez les Sœurs, mais chez des demoiselles. Elle y est restée deux ans, -et elle aurait tellement voulu apprendre le français très bien! Puis -son père est mort; elle va me chercher sa photographie où il est -représenté assis avec deux bébés en costume européen à ses -côtés; elle me les indique: Roumana, Salma. -</p> -<p> -Je m'informe: qui est Salma? -</p> -<p> -—La petite sœur, répond-elle. -</p> -<p> -—Et ta mère? Elle n'est pas avec vous? -</p> -<p> -—Non, il n'y a pas de femme photographe à Damas. -</p> -<p> -J'ai complètement oublié que les Musulmanes sont voilées depuis -l'âge de huit ans... -</p> -<p> -Pourvu que Roumana ne soit pas blessée de cette question intempestive! -</p> -<p> -Mais sans paraître troublée, elle continue: les monotones tristesses -se sont abattues sur l'heureuse famille. L'oncle a pris la tutelle, et -comme la fille aînée atteignait quinze ans, il a jugé qu'un mariage -serait une excellente affaire. En vain a-t-elle supplié qu'on lui -laissât encore un an, trois mois, quelques jours. Il y avait une -occasion unique et la jeune fille a été achetée 200 livres or, «le -prix d'une jument Anézé», dit-elle, fièrement. Mansour avait l'âge -de son père: une quarantaine d'années environ, mais il était un gros -propriétaire de Djêroûd. -</p> -<p> -Elle se tait, et un silence morne s'élève entre nous. Je déborde de -pitié et je ne dois pas le montrer à cette enfant qui vit presque -heureuse ainsi. Pour dire quelque chose, je fais l'éloge de Mansour: -</p> -<p> -—Ton mari a très grand air, il est beau. (Je mens sensiblement, les -hommes ici sont tous pareils, ils ont l'air de jouer la tragédie et -semblent des répliques, faites à l'infini, d'un de nos acteurs les -plus renommés qui affiche sa superbe en se donnant de grands coups de -poing dans l'estomac, et en déployant une barbe en pointe -irrésistible.) -</p> -<p> -Pas de réponse. -</p> -<p> -—As-tu des enfants? -</p> -<p> -—La petite Marie. -</p> -<p> -—Maryam? -</p> -<p> -—Non, Marie. C'est français, c'est plus joli. -</p> -<p> -Est-elle très sincère en me disant cela? Qui le sait? Mais je remercie -tout de même... Pendant que nous causons la porte s'est ouverte et, -silencieusement, des ombres se glissent à côté de nous: une matrone, -la taille épaisse, les traits noyés dans une boursouflure de graisse; -une jeune fille très forte, la caricature de Roumana, portant un enfant -emmailloté d'oripeaux étincelants; une grande fille sale et -dépenaillée, la chemise fendue sur une gorge opulente; quelques -enfants pas du tout intimidés et qui, un doigt dans le nez, -m'inspectent en mâchant une feuille de laitue... Une nuée de commères -mal ficelées, curieuses et dépeignées font irruption sournoisement... -La chambre est remplie. -</p> -<p> -Puis une femme, grande et élancée, entre avec autorité. Tout en me -saluant très bas, trop bas, elle me dévisage froidement et ses yeux -aux reflets d'émeraude se fixent longuement sur moi. Sans savoir -pourquoi, cela m'agace et je me retourne pour demander à Roumana quelle -est cette impudente personne. Mais elle m'a prévenue et, d'une voix -assourdie, se penchant sur moi: -</p> -<p> -—C'est aussi l'autre femme de mon monsieur. C'est Abla. -</p> -<p> -L'autre femme de son monsieur! Je reste un moment interdite, puis mon -regard va du charmant visage de Roumana à la figure noirâtre de cette -femme. Elle parait âgée. Contrairement à ce qui arrive ici -d'habitude, elle s'est desséchée, et sa maigreur est saisissante à -côté des mottes de chair flasques et tremblotantes qui l'entourent. Le -nez en casse-noisette rejoint le menton aigu, les cheveux sont rares et -le teint cireux, mais évidemment Abla a dû être belle, très belle -même: ses yeux changeants en sont le dernier témoignage vivant. -</p> -<p> -—Tu vis avec elle? dis-je à Roumana. -</p> -<p> -—Oui, répond-elle avec indifférence. -</p> -<p> -—Elle ne comprend pas le français? -</p> -<p> -—Oh! non, il n'y a que moi. -</p> -<p> -Comme si Abla avait deviné qu'il s'agissait d'elle, elle se rapproche -de nous. Un dialogue s'engage, très animé, où je distingue les mots -de «<i>khallîni</i>, <i>khallîni</i>» (laisse-moi tranquille), qui -reviennent à plusieurs reprises. -</p> -<p> -Interrompant les discours de la vieille, Roumana secoue ses tresses -noires, qui descendent en sillons bleuâtres sur son cou, et elle me -conduit vers les femmes, qui toutes me souhaitent la bienvenue en -s'inclinant trois fois. La jeune fille qui lui ressemble, c'est Salma. -</p> -<p> -—Je l'ai mariée au fils d'Abla, m'explique-t-elle avec importance. -</p> -<p> -C'est à ne plus s'y reconnaître! Voilà que sa sœur a épousé le -fils de la première femme de son mari! Quelle famille! -</p> -<p> -Timidement, Salma me dit bonjour en mauvais français. -</p> -<p> -—Vous parlez aussi français? -</p> -<p> -Elle se tourne vers Roumana avec anxiété, guettant un secours. -Celle-ci me répond à sa place: -</p> -<p> -—Elle parle mal parce qu'elle a été trop petite à l'école. -</p> -<p> -—Quel âge a-t-elle donc? -</p> -<p> -—Treize ans. -</p> -<p> -—Et son mari? -</p> -<p> -—Dix-sept ans. -</p> -<p> -À ce moment précis Salma éclate en sanglots et, comme à un signal -donné, les vieilles femmes se lèvent en tumulte, s'agitent, parlent -avec volubilité, me racontant quelque chose que, naturellement, je ne -saisis pas. On dirait un chœur de sorcières. De ce concert, dont les -glapissements des enfants bien exercés sont le fond, partent des -gémissements rauques et des cris déchirants: Abla se fait remarquer -par une aptitude particulière dans cet exercice. -</p> -<p> -—Il est en prison, me confie Roumana. -</p> -<p> -—Qui ça? -</p> -<p> -—Tu dois savoir, Negib, le mari de Salma. -</p> -<p> -—Pourquoi? -</p> -<p> -Suit une explication impossible, entrecoupée par les hoquets convulsifs -de la jeune femme et les sifflements nasaux d'Abla. Je crois comprendre -que le dénommé Negib a eu maille à partir avec les autorités, pour -avoir refusé de payer les impôts, et qu'on me supplie d'intercéder -auprès de M. le Gouverneur. Je promets tout ce qu'on veut et j'ai hâte -de me dérober à la reconnaissance prématurée et humide de la gent -féminine. Heureusement, sur un ordre de Roumana, la fille dépenaillée -apporte le <i>findjan</i>, ce café turc si brûlant et si parfumé servi -dans les minuscules tasses de cuivre. Nous le savourons à tour de -rôle. -</p> -<p> -Mais les bonnes femmes commencent à bavarder bruyamment et ces paires -d'yeux, à l'affût de mes moindres mouvements, me deviennent -insupportables. Si je tourne la tête d'un autre côté, je surprends le -regard figé d'Abla, à qui mon visage ne revient décidément pas. Je -commence à me sentir mal à l'aise, et, sous le prétexte de voir la -petite Marie, je demande à Roumana de m'emmener. Au moment de sortir de -la pièce un rire strident éclate: je reconnais celui d'Abla sans -l'avoir jamais entendu. Il faut avoir les nerfs solides pour passer son -existence avec une créature aussi antipathique. -</p> -<p> -Roumana me laisse dans la cour chaude, et revient avec un enfant sur les -bras. Sa tête est recouverte d'une étroite calotte de velours bleu où -s'alignent des centaines de piécettes en rang de bataille (tout autre -enfant serait mort d'insolation en cette posture: mais l'Orient est la -terre des extravagances, la coiffure nationale n'est-elle pas le -tarbouch, haut cône de feutre rouge, sans bords!...) Avec sa figure -vieillotte et ratatinée, ses yeux, remplis de mouches et de gouttes de -khôl, clignotant sous l'atroce lumière, cette pauvre petite n'est -certes pas jolie. N'importe, je lance les deux seuls mots que je sache -en arabe: «<i>Ketîr kouaïyis</i>» (très, très jolie), d'un air -convaincu. Mon compliment n'est pas si faux qu'il en a l'air, -d'ailleurs, car, en m'éloignant un peu, la vision de Roumana sous -l'ombre légère des arbres fleuris, portant dans ses bras ce curieux -marmot, qui essaie ses premiers pas sur un bourrelet de la robe -maternelle, a quelque chose d'une madone barbare et primitive qui me -plaît infiniment. -</p> -<p> -—Comme ces arbres sont beaux!—ne puis-je m'empêcher de dire à -Roumana, en montrant les lilas de Perse. -</p> - -<p><br /></p> - -<div class="figcenter" style="width: 400px;"> -<a id="figure02"></a> -<img src="images/figure02.jpg" width="400" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="center">LE RETOUR DES TROUPEAUX À PALMYRE<br /> -AU COUCHER DU SOLEIL.</p> -</div></div> - -<p><br /></p> - -<p> -Elle dit quelques mots en arabe... Je ris. -</p> -<p> -—Tu sais bien que je ne comprends pas. -</p> -<p> -—Celui qui plante un arbre n'a point passé vainement sur la terre... -C'est ce qui est écrit. -</p> -<p> -Je regarde l'heure et suis étonnée du temps que j'ai passé ici. Juste -à ce moment, Mansour revient, très agité, il parle vite. Roumana sert -d'interprète. -</p> -<p> -—Il dit qu'il faut que tu partes, que tes serviteurs (ce n'est guère -flatteur pour nos compagnons de voyage!) t'attendent. Il dit qu'il -aurait voulu tuer un mouton en ton honneur, et que tu aurais dû passer -chez nous sept fois sept jours. -</p> -<p> -Je la prie de remercier son mari de son aimable hospitalité et de lui -dire que j'ai trouvé la maison splendide. -</p> -<p> -—C'est ta présence qui la rend belle, me fut-il répondu. -</p> -<p> -Je cherche un mot gentil dans mon plus que modeste vocabulaire, pour ne -pas être en reste de politesse, et je crois l'avoir trouvé quand je -répète mon sempiternel <i>ketîr kouaïyis</i>! en indiquant Roumana de la -main. -</p> -<p> -Mais, derrière le maître, Abla s'est faufilée et elle ouvre sa bouche -édentée comme si elle allait me jeter à la face un torrent de bile, -aussi verdâtre que son teint. Le geste reste inachevé, heureusement... -Mais elle nous coule un mauvais regard tandis que Roumana se rapproche -de moi. -</p> -<p> -—Où vas-tu? -</p> -<p> -—À Palmyre, Tadmor. -</p> -<p> -—Tadmor, oh! c'est loin... -</p> -<p> -—Nous y serons au coucher du soleil. -</p> -<p> -Mais Roumana réfléchit: -</p> -<p> -—Baghdâd, c'est loin? -</p> -<p> -—Beaucoup plus loin que Palmyre. Il y a des journées de voyage à -travers le désert. Il faut aller traverser l'Euphrate à Deir-ez-Zôr, -puis descendre le fleuve jusqu'à Baghdâd. -</p> -<p> -—Mon frère Adib habite Baghdâd, il est parti, il y aura deux années -au petit beïram. Nous n'avons jamais eu de nouvelles. Tu pourras nous -en apporter. -</p> -<p> -J'essaie de lui faire comprendre l'impossibilité de cette tâche, mais, -vaincue par l'assurance de Roumana, j'acquiesce. -</p> -<p> -—Tu reviendras? -</p> -<p> -—Certainement, je repasserai par Djêroûd après-demain et je te ferai -une longue visite. -</p> -<p> -—On te donnera le <i>mézé</i>. -</p> -<p> -Et Roumana, oubliant la petite Marie, va se mettre à sauter de joie. -</p> -<p> -Mais le rire étrange d'Abla arrête son élan et nous fait sursauter -toutes deux. -</p> -<p> -Allons, il faut partir. J'arrache mes mains aux baisers de Roumana. Elle -crie au revoir, au revoir. J'ai déjà quitté la cour aux lilas que -l'écho plus lointain de sa voix me poursuit encore: au revoir... -</p> -<p> -Mansour, portant religieusement mon manteau et mon kodak, me reconduit -jusqu'à l'auto; Derniers salamalecs et Djêroûd disparaît bientôt. -</p> -<p> -De nouveau, c'est le steppe. Au tournant de la route, nous crions au -mirage: une nappe d'argent qui brille à droite, là-bas, au pied d'une -colline sableuse. On dirait un lac... C'est un vrai lac d'ailleurs, et -nous le regrettons, tant les illusions ajoutent de beauté aux choses. -</p> -<p> -À midi, nous atteignons Karyetein, dernier village, dernier point d'eau -avant Palmyre, distante de plus de cent kilomètres. Nous sommes -aussitôt harponnés par le Caïmacan et les notables qui, en redingotes -(et quelles redingotes!) et en tarbouchs, malgré l'écrasante chaleur, -viennent nous haranguer avec une facilité terrifiante pour des gens à -jeun, comme nous. En Orient, dès qu'il passe un étranger, les -notabilités du pays accourent, bellement accoutrées, pour vous -raconter des boniments flatteurs et où vous êtes traités d'Excellence -à toutes les phrases. Cette honnête coutume n'est certes pas -négligeable pour des voyageurs français habitués à être molestés -et houspillés quotidiennement chez eux... Ayant pu déjeuner entre deux -discours, nous repartons une heure plus tard. -</p> -<p> -Là commence le désert... -</p> -<p> -Le ciel et les sables, c'est tout... -</p> -<p> -Le ciel est d'un bleu si profond qu'il en est douloureux et les sables -ocrés ont des éclairs de feu. Nous allons dans l'azur et dans l'or. -Pas un arbre, pas une maison, pas un homme, rien...; si, un renard qui a -fui, épouvanté à l'approche d'êtres vivants. Le désert a de longues -ondulations, et des collines abruptes et des chaînes de montagnes -hautaines... Mais tout cela semble taillé dans du porphyre. Le soleil -se joue des couleurs et crée des nuances inédites. Et je sens peu à -peu qu'un charme étrange m'enveloppe et m'étreint. Je suis heureuse, -je voudrais crier ma joie, je voudrais continuer cette course -fantastique à l'infini, toujours plus loin, toujours plus loin, sans -but, à travers cette immensité qui m'attend et qui m'attire. -</p> -<p> -Pendant ces heures étouffantes, où l'auto surchauffée volait sur la -piste ardente, pendant que le kramsin nous soufflait au visage son -haleine embrasée et nous recouvrait de sables brûlants, déferlant sur -nous comme les vagues d'une mer démontée, je crois que j'ai vraiment -compris l'appel du désert. Je ne parlais pas, je ne pensais pas, je ne -voyais pas, je me laissais bercer par la voix monotone des sables. Tout -ce que nous avons rencontré, je le vois vaguement, comme en un rêve: -un vieux château ruiné, un khan servant de poste de gendarmerie. Tout -à coup, quelqu'un prononce un nom: «Palmyre!» Alors je sors de ma -torpeur et, avidement, je cherche, je devine, et mon impatience -s'exaspère. Où peut-elle être, la ville étonnante, si jalousement -gardée par le désert? Soudain, devant moi, je distingue une tour. Un -cri s'élève: «Là-bas!»... Voici que d'autres tours surgissent à -nos yeux étonnés, des tombeaux! Il y en a, il y en a.... Un suprême -soubresaut du moteur exténué enlève une dernière côte, nous sommes -au sommet du col, et alors!... -</p> -<p> -On nous avait bien dit que Palmyre était une ville de marchands et de -nouveaux riches; un archéologue distingué nous avait même prévenus, -avec une grimace de dégoût, que les ruines étaient de «la basse -époque». Comment donc s'attendre au spectacle insensé que nous -ménageaient les dernières lueurs du jour?... Des champs de colonnades -et d'arceaux s'étendent partout où fouillent les regards. Les marbres -et les granits, amoureusement dorés par des milliers de jours lumineux -et d'audacieux soleils, ont gardé dans leurs veines de pierre le -rayonnement de ces heures mortes et nous restituent ce soir toute la -clarté que les temps ont incrustée en eux. Ils sont nimbés de topaze, -comme les toiles de Raphaël ou du Titien sont couvertes d'une patine -chaude qui ajoute à leur beauté actuelle le charme du passé. De la -basse époque! peut-être... Mais quand le couchant embrase ce squelette -déchiqueté de ville fabuleuse ensevelie dans les sables roses du -désert, quand les flammes du soleil à l'agonie lèchent et dévorent -les ruines comme si un incendie gigantesque s'abattait sur elles, alors -on ne pense plus à l'époque haute ou basse, mais on admire et on se -tait... Puis le rideau tombe brusquement sur la féerie et nous entrons -à Palmyre avec la nuit. -</p> -<p> -Nous sommes reçus par un officier français, chef du Contrôle -bédouin, car nous avons des troupes à Palmyre... L'accueil est -vraiment charmant: visiteurs d'un jour, nous sommes les bienvenus comme -des amis longuement attendus. Il y a aussi une Française à Palmyre: la -femme d'un capitaine, qui n'a point redouté l'isolement du désert, et -sa présence se trahit par la disposition des coussins et des tapis, par -l'ordonnance du menu, par les fleurs qui parent la table. Toute la -garnison est réunie ce soir-là: il y a des officiers méharistes et -des aviateurs, une douzaine environ, tous gais, tous pleins d'entrain, -si bien «de chez nous»... -</p> -<p> -Après le dîner nous montons sur le toit pour essayer de voir les -ruines, mais la lune ne se lèvera que beaucoup plus tard: seul le -saphir du ciel est pailleté d'étoiles. -</p> -<p> -Soudain la nuit s'anime... les aviateurs vont regagner leur escadrille -et les méharistes leur grand quartier... des cris... des appels... des -voix jeunes et claires... des burnous blancs qui flottent et -s'agitent... bruit de moteurs... le silence graduellement retombe. -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">Palmyre, 20 avril.</p> - -<p> -Je n'ai pu dormir, l'air était lourd. J'ai pensé à Roumana, et j'ai -comparé nos deux vies avec un frisson d'épouvante. -</p> -<p> -Au matin, nous descendons au camp d'aviation, en dehors de la ville. Le -jour a peuplé les ruines et nous croisons des troupes d'enfants et de -femmes. -</p> -<p> -Le Bréguet où je vais monter brille comme un bibelot de luxe. Encore -quelques instants et j'aurai reçu le baptême de l'air, au cœur des -sables, en plein désert. Pas l'ombre d'une émotion, sinon une -curiosité que l'attente intensifie jusqu'au paroxysme. Je m'engouffre -dans une vaste combinaison fourrée où je disparais, j'enfonce avec -difficulté ma tête dans un casque de cuir, je m'applique sur les yeux -une paire de solides lunettes. Je suis parée, en avant, et je me hisse -avec peine dans la carlingue où le pilote est déjà installé. Le -moteur, poussé à fond, rugit, formidable, et demandant grâce avec -menace! Les oreilles sont remplies d'un bourdonnement qui -croît.—«Coupé, contact, coupé!»—L'avion a bougé, il bouge... -Les mécaniciens retiennent encore les ailes, ils les lâchent. -</p> -<p> -Nous décollons. Sur le sable roux nous glissons de plus en plus vite, -les ailes de l'hélice s'enfièvrent, l'air nous pique le visage. Le sol -se dérobe. Nous conquérons le ciel. Nous montons. Le vent de la course -et le vrombissement du moteur ouatent nos sensations et nous retranchent -de la terre. Et voici que Palmyre apparaît dans sa gloire. Nous -survolons le camp d'aviation, les uniformes disparaissent, les tentes et -les hangars s'aplatissent. Un virage nous amène au-dessus des ruines. -Quelle étrange vision que celle de ces deux Palmyre! la nouvelle, la -moderne, née à l'ombre de l'aïeule. C'est l'histoire de deux pays, de -deux races, de deux mondes que cette liaison du passé et de l'avenir. -Aucun des voyageurs qui nous ont précédés n'a eu cette rare -jouissance d'assister à la résurrection d'un peuple mort et de voir -refleurir les ruines. -</p> -<p> -Nos trois couleurs flottent sur l'antique Tadmor, le «lieu des palmes» -de la Bible, la Reine du désert visitée par Adrien, la Palmyre -d'Odénath et de Zénobie. -</p> -<p> -Le plan de la ville apparaît dans sa simplicité magnifique, nous -volons d'abord au-dessus du Temple du Soleil, gigantesque carré -croulant, ayant encore une façade, mais dont l'intérieur est divisé -en alvéoles. Les Arabes minant sourdement la terre, comme des termites, -y ont entassé leurs rudiments de huttes blanchâtres et, d'en haut, on -dirait une fourmilière à demi éventrée. Nous suivons une grande -colonnade. Les sables s'ouvrent pour laisser passer des arcades, des -portiques fléchissants, des tétrapyles bouleversés, des restes de -remparts, des péristyles blessés à mort, et des pierres!... des -steppes de décombres. Mais surtout il y a les colonnes! Elles sont -légion. Tantôt elles se rassemblent en forêt, serrant leurs troncs de -pierre et élevant leurs têtes découronnées; tantôt, elles se -cherchent et se suivent en files, gravement; tantôt nouant des rondes -capricieuses et aériennes, elles dansent en cercle; tantôt, au -contraire, elles s'écartent, farouches, et semblent pleurer dans -l'isolement leur grandeur perdue. Palmyre secoue peu à peu son linceul -et laisse percer ses ossements mutilés et ses doigts décharnés. Nous -montons toujours. Les ruines deviennent régulières, symétriques et -laides, découpées en puzzle. Nous volons au-dessus du château arabe -qui profile au Nord ses murailles démantelées dont la pourpre et l'or -grincent sur le ciel bleu. Nous allons plus loin... La mince bordure -verte de l'oasis disparaît, rongée par l'insatiable terre rousse, nous -surmontons les montagnes chauves qui défendent Palmyre du côté de la -vallée des Tombeaux et, après un rapide virage, nous fuyons vers le -désert, le vrai désert <i>via</i> Baghdâd! -</p> -<p> -Nous rentrons... La terre court à nous. Mais nous allons nous écraser -comme un fruit trop mûr! Arrêtez! c'est fou: une seconde, et nous ne -serons plus que lambeaux de toile et de fer!... Une seconde!... L'avion -effleure le sol, le rase, le flaire, et se pose enfin comme une grande -libellule docile. Nous avons atterri. -</p> -<p> -Après un déjeuner très agréable à la section méhariste (les forces -militaires de Palmyre se disputant aimablement le plaisir de nous -héberger), nous partons pour les ruines dès que l'approche du soir -tamise la chaleur. Nous allons d'abord au Temple du Soleil, par ce qui -fut autrefois un escalier monumental et qui n'est plus que poussières. -Dans la grande cour carrée, c'est un enchevêtrement, une confusion de -misérables cases qui se sont emparées de pierres antiques comme d'une -belle proie. Des colonnes sortent des maisons, d'autres servent d'appui. -Au centre du village s'élève le sanctuaire du temple, aujourd'hui -mosquée. Sur le portail de la cella, un grand aigle de marbre déploie -ses ailes frémissantes et ouvre des serres acérées. C'est l'heure de -la prière; sur des nattes minables, une douzaine de pelés et de tondus -récitent leurs souras avec componction. Us se prosternent, se lèvent, -se balancent en cadence. Nous devons attendre qu'ils aient fini leurs -dévotions et leur gymnastique suédoise. Nous montons alors un -simili-escalier qui nous conduit au toit le plus élevé. De là, la vue -embrasse les murailles encore hautes, le temple et le village. Un des -fidèles qui nous a servi de guide nous parle avec volubilité: le nom -de Belkîs revient plusieurs fois, Belkîs! Palmyre! -</p> -<p> -Quels temps revivons-nous? -</p> -<p> -Nous flânons à l'aventure. -</p> -<p> -Certes, aucune des colonnes qui nous entourent ne nous exalte comme les -six colonnes du temple de Jupiter à Baalbeck que les siècles, -respectueux de leur beauté, ont seules épargnées sur des centaines -d'autres. Mais est-ce une raison pour préférer Baalbeck à Palmyre? -</p> -<p> -C'est une sotte manie que celle de comparer toujours. Cela suppose un -esprit assez obtus pour n'avoir qu'un seul idéal, assez étroit pour -vouloir tout y ramener, assez aveugle pour refuser d'admirer ailleurs. -Baalbeck, c'est la pureté des lignes, l'harmonie et la divine mesure. -Palmyre, c'est la force, l'étonnement, l'extraordinaire. -</p> -<p> -Ce que nous admirons ici, c'est moins l'art grec à sa décadence, -l'abus des statues, la profusion des détails (quels chefs-d'œuvre -cependant dans ces guirlandes, ces pampres, ces bouquets, ces épis qui -dentellent la pierre et semblent frissonner sous la brise!) que -l'excentricité du lieu où Palmyre a surgi. Au sein des mers de sable, -elle est la source désaltérante, la bienheureuse halte des lentes -caravanes venues des bords de l'Euphrate. Loin de l'univers, voici -qu'affluent à ses palais et à ses temples les richesses du monde: les -marbres d'Égypte, les granits d'Hassouan, les bois de santal, les -mosaïques persanes. -</p> -<p> -Et bien plus prodigieuse encore que sa naissance est sa vie. Je me -rappelle l'incroyable aventure: une femme soulevant Palmyre contre Rome, -la marche victorieuse en Égypte et en Asie Mineure; les désastres -d'Antioche et d'Emèse et la fuite éperdue vers la capitale, dernier -asile, le retour douloureux des troupes vaincues sous les arcs -triomphaux. Ils rentrent la tête basse, sous les colonnades roses, les -lourds cavaliers palmyréniens bardés de fer, les archers de -l'Osrohène, les guerriers arabes et scythes talonnés par la cavalerie -légère d'Aurélien qui accourt à bride abattue. L'empereur, pour -éviter le siège, propose la reddition, promettant d'épargner la -reine. Et la réponse fameuse de Zénobie me revient à la mémoire: -«Personne avant toi n'avait fait, par écrit, une telle demande. À la -guerre, on n'obtient rien que par le courage...» -</p> -<p> -Alors Palmyre disparaît du monde. -</p> -<p> -Mais cela est bien vieux! L'histoire actuelle est autrement captivante. -En octobre 1921, les premiers contingents français arrivent à Palmyre. -La ville, délaissée par le gouvernement turc, qui avait d'autres soins -plus pressants, était livrée au bon plaisir des Bédouins. Ceux-ci, en -effet, en toute impunité, razziaient les troupeaux, attaquaient les -caravanes, pillaient les récoltes, imposaient les villages et rendaient -la vie impossible aux malheureux sédentaires. -</p> -<p> -L'installation de nos troupes change la situation: la compagnie -méhariste fait la police du désert, poursuivant les rezzous, arrêtant -les pillards, exécutant d'étonnantes randonnées qui stupéfient les -Bédouins. Ces jours-ci, cent cinquante méharistes sont partis dans le -Wadi el Miah, pour surveiller les points d'eau, se dirigeant ensuite -vers Abou Kemal, sur l'Euphrate, à des centaines de kilomètres de -Palmyre! -</p> -<p> -Les Bréguet opèrent des raids prodigieux au-dessus des étendues -désolées du Hamad, reconnaissant le terrain, contrôlant les -déplacements des tribus, exerçant un prestige inouï sur l'imagination -bédouine. -</p> -<p> -Alors, timidement, chétivement, Palmyre revient à la vie: des écoles -s'ouvrent, un dispensaire se crée, des tournées médicales -s'organisent, à la grande surprise des nomades, qui vénèrent de plus -en plus le <i>hakim</i> (médecin), des caravanes jalonnent de nouveau la -route de l'Euphrate, les villages respirent, les habitants reprennent -goût à cultiver leurs terres dans la sécurité du lendemain et -désensablent les puits... -</p> -<p> -Les officiers se donnent à leur tâche pleinement et de toute leur -jeunesse. L'un d'eux me disait: «Nous tendrons toute notre -intelligence, toute notre énergie et tout notre dévouement pour que le -drapeau de la France soit respecté et aimé dans ce pays!» -</p> -<p> -Ce soir, à l'escadrille, nous sommes réunis, pour la dernière fois, -à la petite garnison. Nous dînons sous la tente et c'est un tableau -saisissant, presque irréel: les uniformes blancs luisent sous la -lumière électrique et la table est chargée de gâteries exquises: des -flans au caramel, des tartes, des beignets aux ananas. Les aviateurs -nous font les honneurs de leur «home». Ingénieux et artistes, ils ont -transformé leurs tentes avec des tapis persans, des coussins de soie -vive, des divans, des kelims; leur coquetterie a surtout visé -l'éclairage (l'escadrille ayant créé une source d'énergie -électrique) et la fantaisie des abat-jour rivalise avec le pittoresque. -Seulement... seulement quelquefois un coup de kramsin détruit et balaye -les maisons de toile... -</p> -<p> -Autour du camp, c'est le silence de la nuit divine qui nous apporte un -parfum indéfinissable, le parfum du désert: il a passé sur les sables -tiédis et sur les buissons gris d'herbes aromatiques achevant de -mourir, il vient de loin, de très loin, d'où nous voulons qu'il -vienne. Et je songe aux paroles si émouvantes dans leur simplicité que -j'ai entendues tout à l'heure en considérant tour à tour les vedettes -du désert, sentinelles avancées de nos troupes de Syrie, et -l'immensité mouvante et traîtresse qui les guette dans ses replis -tortueux et dans ses sables brûlants, sans eau et sans vie... -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">Départ de Palmyre,</p> -<p style="margin-left: 45%;">20 avril, 3 heures du matin.</p> - -<p> -Nous partons. Un mince croissant de lune strie d'argent la tristesse des -ruines, des lames brillantes frôlent la terre rose. Nous partons. Je -suis lasse au moral et au physique, car, s'il est une heure douloureuse -entre toutes, c'est celle du départ et cependant il faut toujours finir -par là! C'est l'heure où les réalités et les beautés vécues -s'effacent et s'embrument, l'heure où nous ne pouvons même pas -recourir à nos souvenirs, puisque le présent mort n'est pas encore -devenu le passé vivant qui réconforte... Et si le départ est -définitif, éternel? Dire adieu à des lieux aimés où l'on ne devra -plus jamais revenir! Cet irrévocable est pire que tout. -</p> -<p> -Palmyre a disparu. -</p> -<p> -Alors l'enchantement cesse. Après toutes les choses ardemment -désirées et obtenues, il y a un moment de détente où l'esprit se -libère de sa volontaire obsession. -</p> -<p> -Pendant trois jours, je n'ai eu qu'une idée, qu'une pensée, qu'un -bonheur: Palmyre. Maintenant je suis libre et je me donne la permission -de rêver à ma petite Roumana, je me promets d'employer mieux le temps -que je vais passer avec elle. -</p> -<p> -Vers onze heures les jardins de Djêroûd sont en vue. Comme le vert est -une belle couleur! Je ne croyais pas tant aimer les arbres. Et de l'eau! -Il y a de l'eau! de la vraie eau qui coule et qui chante et qui bondit -et qui cascatelle et qui se donne un mal inouï pour nous faire plaisir. -</p> -<p> -Bien vite je me fais conduire chez Mansour. Voici l'entrée, voici la -cour aux lilas. Personne. Un murmure de voix me guide et je me dirige -seule vers la grande salle où j'ai été reçue l'autre jour, en -appelant Roumana. Une porte s'ouvre et je reste stupéfaite. Est-ce bien -là la jolie enfant sauvage que j'ai quittée avant-hier? Pour me faire -honneur, elle a revêtu une robe de Paris. Elle se croit très belle, -sans doute, et moi j'hésite à la reconnaître... C'est une robe de -forme démodée, datant d'au moins dix ans, et dix ans cela compte -encore plus dans la vie d'une robe que dans celle d'une femme! Sa taille -est contrainte dans un corsage étriqué et court, la jupe trop longue -tire sur les hanches pleines et entrave la marche, les manches,—c'est -ce qu'il y a de plus réussi, les manches!—ballonnées, soufflées, -volumineuses, monstrueuses, elles remontent jusqu'aux oreilles, -torturant les bras ambrés. Et la couleur!... Elle aussi a été à la -mode, elle oscille entre un puce unique et un kaki ahurissant: c'est la -couleur la moins recommandée pour mettre en valeur le teint doré de la -petite Arabe. -</p> -<p> -Malgré moi, une autre Roumana, toute de mon imagination, prend la place -de celle-ci. Je l'habille d'un vieux costume de son pays. Je la vois si -bien parée du large pantalon bouffant de soie diaphane, avec la -<i>koumbaz</i> aux ors verts et rouges dont les deux pans de devant se -drapent en ceinture, et dont les manches, fendues depuis le coude, -glissent jusqu'à terre. Je vois si bien sa tête brune entourée d'une -<i>cherbé</i> aux éclats de béryl, et ses petites chevilles et ses -poignets chargés d'anneaux massifs. Je la vois si bien devant un palais -merveilleux, comme celui d'Asad Pacha, à Damas, peut-être; couchée -sur le perron couvert de tapis précieux, et regardant rêveusement les -fleurs de jasmin et d'ibiscus suivre les méandres de la <i>mastaba</i>, -grande vasque de marbre blanc qu'étoilent de fins canaux où l'eau -s'égare: on y jette des pétales et ils s'en vont comme des papillons -fragiles... -</p> -<p> -Mais Roumana, la vraie, quête des compliments et je dois m'extasier sur -cette ridicule toilette. Ce que ce malheureux «<i>kêtîr kouaïyis</i>!» -m'aura rendu de services! presque autant que «<i>goddam</i>» à Figaro. -</p> -<p> -Roumana paraît enchantée de me revoir. Heureusement elle a oublié son -frère Adib et les nouvelles que j'avais mission de rapporter. Pour -l'instant, elle est tourmentée par l'idée de me faire entrer, le plus -vite possible, dans la maison. Je me laisse faire en riant, mais ne peux -réprimer un mouvement de mauvaise humeur en constatant que le -Tout-Djêroûd élégant y est déjà réuni. Pas moyen d'être -tranquille une seconde dans cet Orient, on est toujours en -représentation avec mille spectateurs tenaces, suspendus à vos -basques, et qui ne les lâchent pas!... -</p> -<p> -Du groupe de jeunes et vieilles femmes, Abla se détache et fonce sur -moi en multipliant les salamalecs mielleux. Une table basse est dressée -au milieu de la chambre. Elle porte le mézé, et c'est une nature morte -éblouissante... -</p> -<p> -Une agglomération de plats pour poupées garnis de mets qui flattent -les yeux, sinon le goût!... Il y a des régiments de bananes courtes et -trapues tachetées de brun, des abricots de Damas, juteux et engageants, -des citrons doux d'Antioche et des œufs caparaçonnés de rouge... Il y -a des nèfles jaune orangé aux teintes de pastel et des amandes dans -leurs coques fraîches... Il y a de jeunes laitues et des pistaches -salées, du cresson encore vaseux et des concombres laiteux... Les -melons verts de Safed voisinent avec les melons d'eau aux chairs -attendrissantes, fondant sous le regard, et les figues joufflues avec -les noires olives. Un rayon de soleil se baigne dans une jatte de -mélasse blonde. Quelle macédoine de couleurs!... Les roses panachés -des radis, le vert des loukoums à la verveine ou à la menthe, les -bigarrures des nougats, les gemmes des confitures de fleurs, toutes ces -nuances dégradées et chaudes s'unissent sans se nuire. Des pains -arabes, plats comme des serviettes, et flasques, et mous, s'amassent, -par paquets, tandis que des petits morceaux d'agneau, lardés de gras de -queue, empilés aux quatre coins de la table, dégagent une odeur -inquiétante... -</p> -<p> -Les pâtisseries arabes se désagrègent à la chaleur et nous livrent -enfin le secret de leur énigmatique et effrayante structure... Des -galettes de <i>kamreddin</i> pleurent dans un coin des larmes vermeilles et -surtout, surtout, entre un plat de truffes du désert embaumant l'oignon -et un ravier d'intestins d'animaux, règne le <i>méchoui</i>, le mouton -grillé tout entier, festin royal, sur lequel s'acharnent des mouches -bleues, qui nous ont précédées... hélas! -</p> -<p> -Cependant tout le monde goûte et toutes les mains se plongent dans tous -les plats, y ajoutant parfois un soupçon de henneh, ce qui met une note -de couleur locale supplémentaire, et dont on se passerait volontiers. -</p> -<p> -Les puits profonds et mystérieux des bouches édentées engloutissent -avec fracas les gâteaux ruisselants... Tandis que les jeunes dents aux -éblouissements perlés (parce que jamais une brosse ne les toucha) -croquent sans discontinuer les pistaches et les amandes: cric... crac... -cric... crac... -</p> -<p> -Roumana est distraite; sur son visage enfantin il y a les marques d'une -préoccupation grave. D'ailleurs, sans me pousser à la consommation, -dès que j'ai goûté quelques plats (avec un judicieux discernement), -elle m'entraîne vers un divan... Aujourd'hui c'est elle qui interroge -et les questions se précipitent sur ses lèvres, questions décousues -et étranges qui m'étonnent. Est-ce que par hasard elle aurait -réfléchi et comparé son existence à la mienne, cette petite fille à -laquelle j'attribuais une âme d'oiseau. -</p> -<p> -—Tu habites Bârîs (Paris). Oh! Bârîs (et un long soupir l'agite), -comme ce doit être beau!... -</p> -<p> -—Sans doute, mais j'aime aussi infiniment tes villes d'Orient: ainsi -Damas, tu connais un peu Damas puisque tu y as passé deux ans, quelle -merveille! -</p> -<p> -—C'est beau, Damas: le soir, après le coucher du soleil, j'allais -avec mes amies me promener en <i>arabiyé</i>, au bord de l'eau, nous -allions jusqu'au cimetière. Là, nous mangions des choses sucrées, nous -causions. -</p> -<p> -—Et de quoi parliez-vous? -</p> -<p> -—Nous parlions de la robe de Fatimah qui venait d'arriver de là-bas, -du dernier mézé de Maryam, du mariage de Doua et comment Ali (celui -qui l'avait achetée) avait dû répudier une de ses femmes pour -l'épouser. -</p> -<p> -—Est-ce qu'à Djêroûd les hommes ont plusieurs femmes? -</p> -<p> -—Tous au moins deux et beaucoup trois ou quatre. -</p> -<p> -En France on sourit quand on parle de la polygamie, en assurant que -c'est passé de mode. Dans les hautes classes de la société, -peut-être les mœurs se sont-elles transformées à notre contact -direct. Les grandes familles européanisées de Constantinople, du -Caire, de Beyrouth nous donnent le change. Ainsi avons-nous pu croire à -une évolution féministe en Orient. Il n'en est rien, et voici qu'une -petite musulmane, de condition moyenne, m'apporte un témoignage -diamétralement opposé. Et le village de Djêroûd n'est pas une -exception. Pourquoi celui-là seul aurait-il gardé les traditions de -Mahomet? Non, dans toutes les campagnes et les bourgs de Syrie, la -polygamie continue d'exister, et la femme continue à être traitée en -bête de somme ou en animal de plaisir, suivant le caprice de son -maître. Et qu'on ne hausse pas les épaules en répétant qu'elles sont -habituées à cet état de choses et vivent en bonne intelligence avec -leurs rivales... J'ai vu un éclair de haine dans les yeux d'Abla, quand -Roumana causait avec moi depuis quelques instants. Comme elle devait la -détester, quand Mansour lui murmurait des paroles d'amour et quand la -joie illuminait son jeune et beau visage, puisqu'elle ne pouvait même -pas supporter que moi,—l'hôte d'un jour,—je m'intéresse tant à -elle! Passer sa vie entière à côté d'une créature aigrie par l'âge -et jalouse, jalouse de tous ses instincts sensuels déchaînés... -</p> -<p> -Je ne veux pas parler à Roumana de la présence d'Abla, je sens que ma -curiosité lui ouvrirait des horizons nouveaux et qui doivent être à -jamais fermés pour elle. Déjà elle me demande: «—À Bârîs tu -connais tes maris avant de les épouser?»—Est-ce que Roumana croit par -hasard que Paris c'est le contraire de Djêroûd et que les femmes y ont -plusieurs maris! -</p> -<p> -Je m'empresse de lui expliquer que les jeunes filles voient en effet des -jeunes gens parmi lesquels elles trouveront un mari plus tard, mais rien -qu'un seul (ce qui est déjà malaisé pour un grand nombre!). -</p> -<p> -Nous voilà parties sur le mariage... -</p> -<p> -Le système dotal la chiffonne surtout: -</p> -<p> -—C'est les femmes qui achètent son mari, alors, parce qu'il est avare -(un temps d'arrêt) ou trop pauvre. Pourquoi si elles apportent l'argent -il n'en a qu'une?... -</p> -<p> -Voilà les Français en mauvaise posture et je ne sais trop comment les -tirer de ce pas difficile. Pas moyen de discuter avec un esprit simple -et droit, qui ne retient que l'apparence des choses, et auquel un seul -fait s'impose: les Français sont payés et les Arabes payent... -Heureusement que les questions pullulent et s'emmêlent. -</p> -<p> -Je lui raconte d'abord la vie des petites filles à l'école, qui -rappelle la sienne par bien des côtés. L'égalité des hommes et des -femmes dans le travail lui est une révélation: qu'il y ait des jeunes -filles qui se consacrent aux mêmes études que les jeunes gens, suivent -les mêmes cours, choisissent les mêmes carrières, cela dépasse ce -qu'elle avait pu imaginer... Il y a de la terreur dans ses grands yeux -inquiets et je me hâte de changer de conversation. Je lui fais dire, à -mon tour, l'emploi des longues journées soporifiques: les siestes dans -l'ombre des pièces closes, les visites des amies mâchonnant du -<i>loukoum</i> ou du <i>kêbâb</i><a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a>, les prières murmurées quand pleure le -muezzin, les rares événements bénis de la vie stagnante: la saison -des pluies, le passage des caravanes, les premières neiges, et surtout -l'uniformité des heures passées à contempler les volutes bleues des -fumées de cigarettes ou les tuyaux de narghilés. -</p> -<p> -Jamais une promenade, jamais un visage nouveau, c'est l'éternel -recommencement des mêmes ennuis légers et des mêmes bonheurs -monotones. -</p> -<p> -Roumana cependant est plus cultivée que toutes ses amies ensemble: elle -lit l'arabe et le turc. Je lui promets de lui envoyer des livres -français. -</p> -<p> -—Tu me donneras aussi un autographe? -</p> -<p> -—Un autographe? -</p> -<p> -—Oui, un autographe avec ta figure dessus. -</p> -<p> -—Ma photographie? Certainement. Qu'est-ce que tu fais encore? -</p> -<p> -—Je brode des coussins. -</p> -<p> -Elle va me chercher un carré de soie où des fleurs chimériques -moelleusement s'enchevêtrent. Je m'extasie: -</p> -<p> -—Sais-tu que je serais bien incapable d'en faire autant? (ce qui est -vrai!) -</p> -<p> -Elle sourit avec mélancolie. -</p> -<p> -—Tu fais autre chose. -</p> -<p> -—Je suis sûre que tu aimes la poésie. Récite-moi quelque chose, -veux-tu? -</p> -<p> -Sans se faire prier (la timidité est un défaut... ou une qualité -inconnue ici), elle commence: -</p> -<p> -—Puisqu'Ech Châm (Damas) t'a plu, je te dirai ce que c'est qu'Ech -Châm. -</p> -<p> -Et la voix égrène les mots chantants. -</p> -<p> -De même que l'écriture arabe a déjà dans le dessin de ses -caractères toute l'harmonie et la délicatesse d'une frise ornementale, -de même la langue arabe est une musique exquise qui charme même ceux -qui l'ignorent, comme l'air accompagnant les chansons dont les paroles -nous sont inconnues. -</p> -<p> -Le ton, bas d'abord, s'est graduellement élevé et domine maintenant le -vacarme des piaillements féminins. La salle devient muette. Mais Abla -furibonde,—est-elle jalouse de la poésie cette fois?—a -renversé son verre de <i>khouchaf</i> et l'écume à la bouche, les -yeux torves, elle vocifère, le souffle étranglé par la colère. Elle -est effrayante à voir. Et ce qu'elle dit doit être encore plus -effrayant, car les femmes ont des mines consternées et un ou deux nez -chafouins reniflent dans ma direction. Quelques-unes, des plus jeunes, -l'entourent et essayent de l'entraîner dehors. Salma gesticule d'une -façon expressive et indignée, un trio de vieilles chenues glapit sans -arrêt, sur le ton d'une plaintive mélopée: «<i>Ouskout</i>! -<i>Ouskout</i>!» (Tais-toi! tais-toi.) -</p> -<p> -Enfin Abla, secouant les femmes agrippées à sa robe, comme les chiens -à la gorge d'un cerf traqué, s'élance hors de la chambre, la -démarche contractée. Pendant tout ce tumulte, Roumana est restée -impassible, sans un mouvement, le teint un peu plus pâle, les yeux un -peu plus grands. -</p> -<p> -—Qu'a-t-elle dit? -</p> -<p> -—Rien, me répond-elle d'une voix ferme qui m'interdit d'insister. -</p> -<p> -Je comprends que la bordée d'injures de l'angélique Abla s'adresse à -moi. Mais pourquoi? -</p> -<p> -Pour faire diversion je réclame la traduction des vers sur Damas. -</p> -<p> -—Je l'ai apprise à l'école. -</p> -<p> -Cette école de Damas est restée pour elle le bonheur perdu! -</p> -<p> -J'écoute, guettant aux grains rouges de ses lèvres les visions -paradisiaques que son doux accent étranger rend plus proches. -</p> -<p> -«Tourne-toi où tu voudras à Ech Châm, tu trouveras partout une eau -courante et de l'ombre!... -</p> -<p> -«Heureux celui dont les jours s'écoulent dans cette contrée où -souffle une brise embaumée... -</p> -<p> -«Sa boisson du matin et du soir est toujours bonne, le lever et le -coucher du soleil ne lui apportent aucun chagrin... -</p> -<p> -«Ech Châm est le pays des houris, des perles et des paillettes d'or... -</p> -<p> -«Je dis aux habitants de la vallée de Chamy: «Que votre sort est -digne d'envie, vous qui habitez des jardins comme ceux de -l'éternité!» -</p> -<p> -«Donnez-nous un peu de votre eau, nous avons soif et vous êtes à la -source.» -</p> -<p> -Je me laisse prendre au rythme nonchalant des phrases brèves et, -oubliant le costume de Roumana, je ne vois plus que l'éclat exaltant de -son regard... -</p> -<p> -Les femmes, repues et gonflées, ont abandonné les restes du mézé aux -enfants et aux chiens. Le soleil baisse. Je cherche ma montre. Mais -Roumana fiévreusement me harcèle: elle m'a montré son pays, il faut -que je lui montre le mien, et impérieusement elle sollicite des vers -«de Bârîs»... -</p> -<p> -Des vers de Paris! Je ne m'attendais vraiment pas à ça et anxieusement -je laboure ma mémoire. Du Rostand, du Verlaine, du Musset? Autant -réciter du chinois... Je me rappelle quelques vers d'Albert Samain sur -les arbres. Elle n'y comprendra peut-être pas grand'chose, mais je n'ai -pas le choix: -</p> - -<div class="poem"><div class="stanza"> -<span class="i2">Vastes forêts, forêts magnifiques et fortes,</span><br /> -<span class="i2">Quel infaillible instinct nous ramène toujours</span><br /> -<span class="i2">Vers vos vieux troncs drapés de mousse de velours</span><br /> -<span class="i2">Et vos étroits sentiers feutrés de feuilles mortes?</span><br /> -</div><div class="stanza"> -<span class="i2">Vos chênes orgueilleux sont plus durs que le fer;</span><br /> -<span class="i2">Dans vos halliers profonds nul soleil ne rayonne;</span><br /> -<span class="i2">L'horreur des lieux sacrés au loin vous environne</span><br /> -<span class="i2">Et vous vous lamentez aussi haut que la mer?</span><br /> -</div><div class="stanza"> -<span class="i2">Quand le vent frais de l'aube aux feuillages circule,</span><br /> -<span class="i2">Vous frémissez aux cris de mille oiseaux joyeux,</span><br /> -<span class="i2">Et rien n'est plus superbe et plus religieux</span><br /> -<span class="i2">Que votre grand silence au fond du crépuscule...</span><br /> -</div><div class="stanza"> -<span class="i2">Nobles forêts, forêts d'automne aux feuilles d'or</span><br /> -<span class="i2">Avec ce soleil rouge au fond des avenues.</span><br /> -<span class="i2">Et ce grand air d'adieu qui flotte aux branches nues</span><br /> -<span class="i2">Vers l'étang solitaire où meurt le chant du cor...</span> -</div></div> - -<p> -Les sourcils serrés, les yeux vagues, le cou tendu, Roumana respire -chaque strophe. Je sens l'effort prodigieux pour donner un sens aux mots -biscornus; évidemment ce pauvre Samain n'a pas de succès. Mais aussi -quelle idée extraordinaire de lui présenter <i>le Chariot d'or</i> en -liberté: c'est comme si j'offrais à un sauvage mourant de soif un vin -généreux dans un flacon bouché à l'émeri! Mais Roumana ne l'entend -pas ainsi, et elle exige des commentaires. Suivent alors une -dissertation sur les forêts en général et une description des forêts -de Fontainebleau et de la Grande-Chartreuse en particulier... -</p> -<p> -—Et la mer, comment est-ce qu'elle lamente? -</p> -<p> -Roumana n'a jamais vu la Méditerranée et j'esquisse un cours sur la -mer, à l'usage des commençants. -</p> -<p> -—Et le crépuscule? -</p> -<p> -—Ce n'est pas un animal sauvage comme tu le crois, mais une chose -divine que l'Orient ignore. C'est une heure incertaine et diaphane qui -annonce la nuit et regrette le jour... -</p> -<p> -Je me laisse aller à parler du charme des feux clairs dans les pièces -tièdes, quand on rentre du jardin gercé par l'automne. -</p> -<p> -Je me rends compte que je suis parfaitement ridicule et la sauce -allongée dont j'accommode Samain, à quelques pas du désert, manque de -sel. -</p> -<p> -Je rirais volontiers, mais Roumana est sérieuse et enchâsse -précieusement chacune de mes paroles dans son souvenir. -</p> -<p> -Mansour surgit comme d'une trappe. -</p> -<p> -Je me lève. Roumana comprend. Souple et féline, elle se courbe à demi -sur mon épaule, des larmes tremblent dans sa voix qui murmure: «Tu -reviendras?» -</p> -<p> -Je n'ai pas le courage de massacrer son rêve. Et d'ailleurs, qui sait? -<i>Inch Allah</i>!... «Oui, Roumana, je reviendrai...» -</p> -<p> -Et au même instant je donne mon regard d'adieu à ses grands yeux de -gazelle. À pas lents, pour prolonger le départ, nous traversons la -cour. Sur le seuil Roumana, tournée vers son mari, demande quelque -chose avec ardeur, elle se fait plus petite, plus menue... Elle voudrait -sans doute m'accompagner jusqu'à la rue. Mais les traits de Mansour se -durcissent et, sans un mot, il étend son bras en travers de la porte. -</p> -<p> -Alors, arrêtant Roumana, qui veut me baiser les mains, je l'embrasse, -comme une sœur, je l'embrasse et je m'enfuis. Un gémissement triste... -oh! si triste!... Plus rien... -</p> -<p> -J'ai au cœur un pressentiment douloureux que ne parvient pas à -dissiper la magie du soir. -</p> -<p> -Sur le ciel ourlé de grenats défile une caravane de chameaux -décoratifs, solennels et laids... les cris des conducteurs étonnent -seuls le grand silence navré du jour finissant: Yalla! yalla! (en -avant) et la phrase prodigieusement évocatrice d'un roman anglais, lu -autrefois, chante à mes oreilles «Mutter of camel drivers to their -velvet-footed beasts...» -</p> - -<div class="tb">* * * * * * * * * * * *</div> - -<div class="footnote"> - -<p class="nind"><a name="Footnote_1_1" id="Footnote_1_1"></a><a href="#FNanchor_1_1"><span class="label">[1]</span></a>Petits morceaux d'agneau grillé.</p></div> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">Paris, 16 juin.</p> - -<p> -Une lettre de Roumana m'a souhaité la bienvenue en France. Je lui avais -écrit longuement de Syrie, au mois de mai, et voici que la réponse de -Djêroûd continue mon voyage: -</p> - -<blockquote> -<p style="margin-left: 10%;">«Chère Paule,</p> - -<p> -« Tu sai combien j'été heureuse en recevant ta chère lettre et -cependant mes yeux ont pleuré en la lisant, alors ma sœur ma dit: -</p> -<p> -«Tu n'est donc pas contente de la lettre de ta chère Paule? Oh! ma -sœur en chantée car elle ne ma pas oublier, elle ma écrie une lettre -pour que je la lise cent fois par our, mais tu ne peux te figurer chère -Paule... -</p> -<p> -«La chaleur à Djêroûd est très beaucoup, elle nous donne des -pênes, mais le soleil a froid depuis que tu est parti. -</p> -<p> -«Chère Paule, je vais te dire, écris moi une longue, longue lettre -pour que je la lise mille et mille fois pour l'apprendre à la fontaine -et pour savoir le Français comme les gentilles Parisiens. -</p> -<p> -«Salue-moi à ton joli pay car notre pay est une petite village et moi -je suis une petite campagnarde. -</p> -<p> -«J'ai te prie, chère Paule, corrigé moi toutes mes fauttes et moqué -à mon mal écriture. Toute la famille t'envoie mille amitié. Que ta -vie soit heureuse et béni. -</p> - -<p style="margin-left: 60%;">«ROUMANA.»</p></blockquote> - - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">30 juillet.</p> - -<p> -J'ai reçu ce matin une lettre de Roumana. Comme c'est étonnant de -penser qu'à des milliers de kilomètres il reste un peu de moi dans cet -Orient que j'ai tant aimé. -</p> - -<blockquote><p> -«Merci à chère Paule pour les nouvelles. -</p> -<p> -«Il fai chaud et les lilas sont mort parce que chère Paule n'étai pas -là, mon cœur est mort aussi. -</p> -<p> -«Heureux toi dont les jours est dans ce pay où les vents frais de -l'aube (comment a-t-elle pu retenir ces mots de Samain?)... et les -petites filles sortent avec leur figure. La petite Marie a été mal aux -yeux et le hakim est venu et grâce à Dieu est guéri. Je dis à la -petite Marie: pense à chère Paule qui reviendra quens les orges seront -nouveau. Tu a promi et j'ai soif de chère Paule qui est la source. Que -tu trouve toujours l'eau et l'arbre sur ton chemin et l'amitié dans le -cœur de Roumana. -</p> - -<p style="margin-left: 60%;">«ROUMANA.»</p></blockquote> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">12 septembre.</p> - -<p> -Les photographies, les livres et les poupées sont enfin arrivés à -Djêroûd et ont fait sensation, si j'en juge par la lettre de Roumana: -</p> - -<blockquote><p> -«La bonté est en chère Paule et la joie en Roumana. Je vai te dire: -j'étai avec Salma quand on a apporté tes cados. Alors j'ai chanté et -j'ai ri et Salma ai chanté et ai ri et les autres ai chanté et ai ri -et Abla, non. Pour le livre c'est bien. -</p> -<p> -«Pour la figure j'ai embrassé chère Paule aux yeux du matin. Et la -petite enfant pas vivant est beaucoup joli et ses cheveux est un chapeau -de soleil et sa figure est une fleur de rose. Bârîs est le pay des -belles Mademoiselle. -</p> -<p> -«La famille a mangé les raisins et les grenades. J'ai mis pour toi en -garde des raisins et des grenades. Mansour va à Ech Châm pour Monsieur -Gouverneur pour Negib. -</p> -<p> -«Que l'amour de Roumana te ramène. Adieu chère Paule trois fois -béni. -</p> - -<p style="margin-left: 60%;">«ROUMANA.»</p></blockquote> - - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">18 décembre.</p> - -<p> -La chose horrible que j'avais redoutée pendant ces longs mois de -silence, où Djêroûd restait sourd à mes lettres multipliées, est -arrivée. Ces jours de septembre, d'octobre et de novembre où mon cœur -s'évadait pour retourner là-bas et où, tourmentée par le manque -absolu de nouvelles, j'envisageais tous les malheurs, je les regrette -maintenant que je sais... -</p> -<p> -Pauvre petite Marie... -</p> -<p> -Ce matin un médecin militaire que nous avions connu en Syrie est venu -déjeuner à la maison. Nous avons parlé de notre expédition de -Palmyre; en prononçant le nom de Djêroûd, je vois le visage du major -qui s'étonne: -</p> -<p> -«—Djêroûd! oh! attendez donc, c'est bien le dernier village avant -Karyatein? Oui. Eh bien, il m'y est arrivé une aventure extraordinaire. -Je passais en tournée médicale en septembre dernier, quand j'ai été -appelé précipitamment auprès d'une enfant qui était tombée dans une -fontaine. Vous imaginez le pittoresque du cas: un enfant noyé dans un -pays où l'on manque totalement d'eau. J'ai cru d'abord à une erreur, -mais c'était vrai, hélas! car la pauvre petite avait été asphyxiée, -et je suis arrivé trop tard pour la sauver. Un détail m'a frappé: -elle serrait si fort sur son cœur une poupée qu'il m'a été -impossible de la lui arracher. Ce qu'il y a d'étrange dans cet accident -c'est que j'ai vu la fontaine et qu'il m'a paru très difficile qu'une -enfant d'un an et demi ait pu s'y noyer. Si j'avais eu plus de temps, -j'aurais éclairci cette affaire, mais j'étais attendu à Karyatein -dans la journée. J'ai dû partir. Puis j'ai oublié; en Orient, on -oublie vite...» -</p> -<p> -La conversation continue, pleine de souvenirs. Je n'écoute pas. Sans -qu'un nom ait été prononcé j'ai la certitude. Je ne veux pas croire, -mais l'évidence s'impose: la maison de Mansour est la seule de -Djêroûd où il y ait une fontaine, m'avait dit le drogman lors de ma -première visite, et surtout! surtout il y a la poupée! La poupée «au -chapeau de soleil» que j'avais envoyée avec tant de joie et qui avait -été reçue avec tant d'amour! -</p> -<p> -Pauvre petite Marie!... Mes pressentiments ne m'avaient pas trompée -quand un gémissement de bête mourante avait déchiré nos adieux dans -le silence d'un soir d'avril. -</p> -<p> -Mais une idée effrayante s'insinue dans mon esprit. Je la chasse, elle -revient, je la repousse, elle s'installe en triomphatrice: Abla a tué -l'enfant. Je ne suis pas folle, je ne suis pas impressionnable. Mais les -paroles du médecin dansent devant moi en caractères de feu: «Il m'a -paru très difficile qu'une enfant d'un an et demi ait pu s'y noyer.» -Et je vois la scène comme si j'y avais assisté. -</p> -<p> -Roumana a laissé la petite Marie à la maison pour aller chez une amie -peut-être. Mansour? Mais Mansour était à Damas... Dans sa dernière -lettre Roumana me disait qu'il allait partir. L'enfant joue -tranquillement sous les lilas de Perse desséchés par un coup de -kramsin. La vieille qui depuis longtemps, dans l'ombre, guettait le mal, -la vieille éloigne, sous un prétexte, les sœurs et les femmes. Marie -se rapproche de la fontaine, elle se penche, une main la bâillonne pour -retenir les cris, une poussée brutale, des convulsions, des spasmes, la -poigne de fer maintient le corps frêle. C'est fini. La petite demeure -immobile, le visage violet. Alors Abla appelle au secours. -</p> -<p> -Non, c'est trop affreux; j'entends son rire acide, je revois ses -glauques yeux fourbes. -</p> -<p> -Et le désespoir de Roumana! Comme elle a dû hurler à la mort près du -petit cadavre raidi! Elle ne m'a même pas écrit. Pourvu qu'elle ne -soit pas malade... J'essaie de faire passer dans la lettre que je lui -adresse toute ma tendresse, toute ma pitié. -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<p style="margin-left: 50%;">22 décembre.</p> - -<p> -Je reste anéantie devant le paquet ouvert sur mes genoux. Mes lettres! -mes livres!... ma photographie!... tout ce que j'avais envoyé à -Roumana! -</p> -<p> -Sur le papier brun une adresse est mise maladroitement: ce n'est pas son -écriture. La poupée manque... -</p> -<p> -Roumana est morte... -</p> -<p> -Comme pour l'autre, je pressens, je devine, je sais... -</p> -<p> -Après la mort de sa fille, elle a vécu de lentes heures lourdes -d'angoisse, inerte et l'âme lasse. Son rire enfantin s'est brisé, ses -yeux, enfoncés chaque jour davantage, et son teint chaque jour plus -transparent ont crié sa douleur. Elle a abandonné les broderies de -soie et les livres de «Bârîs». Elle a passé des semaines entières -abîmée dans des rêves sans fin. -</p> -<p> -Maintenant que le malheur l'avait dépouillée de son cher trésor, -peut-être pensait-elle à l'existence d'autres femmes, existence -entrevue pendant nos causeries. -</p> -<p> -Alors je comprends le danger, mais trop tard, trop tard... -</p> -<p> -Roumana s'est nourrie de tout ce que j'avais dit d'étrange: la liberté -de sortir dévoilée, de voyager, de vivre, la liberté d'aimer, oh! -d'aimer surtout. -</p> -<p> -J'ai été bien coupable. Mes lettres et mes livres ont parachevé mon -œuvre... -</p> -<p> -Son imagination me suivait à distance et colorait mon existence de tous -ses désirs jamais comblés, comme ces petits pauvres, à la porte des -pâtisseries à la mode, qui regardent les riches s'empiffrer de -gâteaux et, à travers les vitres que le brouillard embrume, arrêtent -leur choix, jamais satisfait, sur les babas tremblotants, les choux -pralinés et les tartes rutilantes. -</p> -<p> -L'envie s'est mêlée à sa peine, elle n'a plus goûté la joie -puérile des heures monotones et vides à l'ombre des mauves lilas, elle -s'est attendrie sur sa jeunesse étiolée et son amour esclave. Alors -son caractère doux s'est assombri, ses yeux farouches ont dédaigné de -répondre au sourire de Mansour, et ses lèvres glacées à ses baisers. -Elle l'a méprisé et peu à peu il s'est détourné d'elle. La vieille -Abla, à qui la haine donnait un regain de jeunesse et de séduction, a -envenimé les choses. -</p> -<p> -Mansour a eu des paroles dures. -</p> -<p> -Un soir Roumana s'est endormie du sommeil qui délivre... -</p> -<p> -En vérité, les choses ont dû se passer ainsi, je les vois comme j'ai -vu la mort de Marie! -</p> -<p> -C'est Abla, sans nul doute, qui m'a fait renvoyer mes cadeaux, pour -effacer le passage de «l'étrangère» et purifier la demeure de ses -dernières traces. -</p> -<p> -Je pleure en songeant à mon influence si involontairement néfaste. -</p> -<p> -Petite Roumana, tu n'avais pas une âme charmante et frivole, ainsi que -je le croyais; et comme un papillon léger tu es venue brûler tes ailes -à la flamme que j'avais inconsciemment allumée en te parlant de -liberté... Pardonne-moi. -</p> -<p> -Nous nous sommes connues autant que pouvaient se connaître deux enfants -séparées par l'abîme des races et des civilisations plus encore que -par les mers et les pays. -</p> -<p> -Ton souvenir jettera des larmes sur l'enchantement de Damas et de -Palmyre. -</p> -<p> -Et, si jamais je retourne à Djêroûd, ma première visite sera pour -toi, puisque je t'ai promis de revenir. J'irai m'agenouiller sur la -blanche tombe de pisé du petit cimetière dénudé et je t'apporterai -des fleurs de France, des fleurs de «Bârîs», petite Roumana... -</p> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<h4>FIN</h4> - -<p><br /><br /><br /></p> - -<div lang='en' xml:lang='en'> -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK <span lang='fr' xml:lang='fr'>SUR LA ROUTE DE PALMYRE</span> ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin-top:1em; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE</div> -<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE</div> -<div style='text-align:center;font-size:0.9em'>PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™ -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all -the terms of this agreement, you must cease using and return or -destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your -possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a -Project Gutenberg™ electronic work and you do not agree to be bound -by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person -or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.B. “Project Gutenberg” is a registered trademark. 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Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. 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